Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
mardi 22 septembre 2020
-
Vol. 45 N° 62
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d’assurance parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail
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10 h (version non révisée)
(Dix heures cinq minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du
travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer
la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la
conciliation travail-famille.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente : Mme Richard (Duplessis) est remplacée par Mme Hivon
(Joliette).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Mme la secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente : M. Bélanger (Orford) dispose d'un droit de vote par
procuration au nom de Mme Jeannotte (Labelle), ainsi que M. Derraji (Nelligan),
qui dispose également d'un droit de vote par procuration au nom de M. Leitão
(Robert-Baldwin).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, ce matin, nous entendrons les groupes suivants par
visioconférence : la Centrale des syndicats du Québec ainsi que le conseil
d'intervention pour l'accès des familles au travail, conjointement avec la
Coalition pour la conciliation famille-travail-études.
Nous souhaitons maintenant la bienvenue
effectivement à la Centrale des syndicats du Québec, avec Mme Éthier et Mme
Michaud. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, mais avant de commencer, je vous inviterais à vous...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...pour la conciliation famille-travail-études. Nous souhaitons maintenant la
bienvenue, effectivement, à la Centrale des syndicats du Québec, avec Mme
Éthier et Mme Michaud. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé. Mais, avant de commencer, je vous inviterais à vous présenter.
Alors, à vous la parole.
Mme Éthier (Sonia) :
Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre et tous les membres de la
commission. Bien, c'est un plaisir enfin pour nous de présenter notre mémoire
concernant les modifications apportées au Régime québécois d'assurance
parentale. Et aujourd'hui, je suis accompagnée de Mme Mélanie Michaud,
conseillère à la sécurité sociale à la CSQ, et les spécialistes de la question
du RQAP et des droits parentaux à la centrale, et puis on va répondre ensemble
aux questions, et, comme vous le savez, je suis Sonia Éthier, la présidente de
la Centrale des syndicats du Québec. Un petit rappel : on représente 200 000
membres dont 75 % sont des femmes et 30 % des jeunes de moins de 35
ans, donc un intérêt marqué pour toute la question du RQAP, et depuis toujours
on accompagne nos membres pour faire valoir leurs droits en matière de droits
parentaux et on connaît de façon assez pointue leurs besoins. Et on pense que
le projet de loi n° 51...
Vous le savez que le RQAP, ça a été mis en
place après une longue lutte menée par les organisations syndicales, les
groupes de femmes et les partenaires sociaux, et on se rappelle, vous l'avez
dit, Mme la Présidente, le but du RQAP, c'est vraiment de soutenir
financièrement les nouveaux parents et de concentrer le plus de temps dans les
premiers mois de la naissance des enfants. Donc, 15 ans après l'entrée en vigueur
du régime, je pense que ça a été un bon mouvement du gouvernement de faire le
bilan et de prendre les bonnes décisions pour améliorer le régime. Mais il faut
quand même reconnaître que ce régime actuel a quand même rempli ses
promesses : pas de délai de carence; un taux de remplacement du revenu
quand même appréciable; et un revenu annuel de 2 000 $ suffit pour
obtenir des prestations. C'est quand même important et c'est de beaucoup
supérieur au régime d'assurance-emploi, même avec ses améliorations. Et on le
sait, on l'a vu dans le mémoire présenté au Conseil des ministres par le
ministre du Travail, le taux de participation en 2014 a atteint 87 %,
puis, si on s'attarde à la proportion des prestataires qui ont utilisé
l'ensemble des prestations, c'est quand même de 81 %, et ça démontre
l'importance et la nécessité des congés parentaux au Québec, puis on va se le
dire, le Québec a fait beaucoup de chemin depuis quelques années en quelques
années, mais il en reste beaucoup à faire pour...
Mme Éthier (Sonia) :
…qui ont utilisé l'ensemble des prestations, c'est quand même de 81 %, et
ça démontre l'importance et la nécessité des congés parentaux au Québec. Puis
on va se le dire, le Québec a fait beaucoup de chemin depuis quelques années,
en quelques années, mais il en reste beaucoup à faire pour déconstruire les
mythes, changer la culture puis favoriser la présence des parents auprès de
leur enfant.
• (10 h 10) •
Mais on le sait qu'il y a quand même
certains groupes qui ont utilisé le prétexte de la pandémie pour freiner les
améliorations au régime, et c'est un discours qu'on entend quand même depuis un
bout, mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas sensibles à la situation
économique de certaines entreprises. Mais on invite quand même le ministre du
Travail à aller de l'avant maintenant pour remplir les objectifs du projet de
loi, c'est d'améliorer la flexibilité du régime et la conciliation
famille-travail. Donc, la CSQ salue vraiment l'arrivée du projet de loi, et on
constate qu'on a mis de l'avant des bonifications pour les prestations
parentales d'adoption en fonction des situations particulières vécues par les
familles.
Mais, comme vous le savez, on aura des
remarques et des bonifications à apporter sur certains aspects et on a produit
un mémoire. Puis, à cet effet, j'ai une information quand même importante à
vous indiquer. Notre mémoire a été élaboré en fonction du projet de loi qui
avait été déposé en novembre 2019, puis c'est pourquoi, bien, on était inquiets
de la création des sous-catégories de prestataires. Mais les amendements qui
ont été apportés en mars ont réglé cette question-là.
Donc, si on va sur le fond, vous avez pris
connaissance du mémoire, on est vraiment d'accord avec l'adoption des articles
5 et 15 du projet de loi qui est d'ajouter cinq semaines supplémentaires lors
de la naissance et de l'adoption multiples à l'image de plusieurs autres pays.
Et ça, ça répond à un besoin. Ensuite, concernant l'article 6 qui prévoit, dans
le projet de loi n° 51 amendé, là, les cinq semaines pour chacun des
parents, 32 semaines partageables et 13 semaines pour l'accueil et le soutien,
bien, on salue cette modification parce que, là, vraiment ça porte le congé à
55 semaines par rapport au projet de loi initial, ce qui est très bien. Et ça
confirme l'importance d'ajouter du temps aux nouveaux parents et d'assurer une
présence constante auprès de l'enfant adopté. Donc, la reconnaissance, là, de
la nécessité de semaines réservées pour chacun des parents, c'est essentiel.
Mais, pour nous, il y a une modification
qui nous apparaît importante à la... que vous retrouvez à la recommandation 2
de notre mémoire, qui est à l'effet d'octroyer 10 semaines de prestations
exclusives à chacun des parents adoptifs. Donc, en ce qui concerne l'incitatif
au partage des prestations, nous avons des réserves là-dessus, parce qu'on va
se le dire, là, cette contrainte...
Mme Éthier (Sonia) :
…d'octroyer 10 semaines de prestations exclusives à chacun des parents
adoptifs.
Donc, en ce qui concerne l'incitatif au
partage des prestations, nous avons des réserves là-dessus parce qu'on va se le
dire, là, cette contrainte oblige la mère à renoncer à 10 semaines de
prestations pour que le couple obtienne quatre semaines supplémentaires puis,
on va se le dire, quatre semaines à 55 %.
Et, vous le savez, il y a plusieurs
éléments qui influencent la répartition des semaines de prestations parentales
comme, par exemple, le salaire, l'allaitement, et je pense qu'on va un peu trop
loin, là, dans la décision du couple sur ce sujet-là. Et, bien, comme on le
prétend, c'est que c'est plus important d'ajouter cinq semaines de paternité.
Parce qu'on sait, présentement, on l'a vu dans les données du ministère, que
les congés de paternité sont utilisés à 80 %, alors que les prestations
partageables le sont à 35 %.
Donc, pour nous, si on bonifie à
10 semaines le congé de paternité, ça répond davantage à l'objectif qu'on
veut se donner, initial, là, du RQAP, qui est la présence auprès de l'enfant.
Donc, notre recommandation 3 va dans ce sens-là. Puis je pense que vous
avez pu constater que ça porte à 60 semaines. Le projet de loi prévoit 59,
on n'est quand même pas très loin.
Ensuite, pour la prolongation de la
période de prestations, actuellement, vous le savez, là, les prestations de
maternité doivent être prises dans les 18 semaines de l'accouchement.
Donc, les propositions 3 et 26 portent à 20 semaines. Mais, pour la
CSQ, il faudrait étirer ça jusqu'à 25 semaines, comme le projet de loi
n° 174 l'avait prévu.
Donc, ça arrive qu'il y a des personnes
salariées qui reçoivent un montant, par exemple pour leurs vacances, ou
d'autres avantages monétaires, et les prestations peuvent être suspendues. Mais
l'espace n'est pas suffisant, et ça entraîne des pertes monétaires, puis ce
n'est pas ça qu'on veut avec le régime. Donc, c'est l'objet de notre recommandation 4.
En ce qui concerne l'allongement de la
période de prestations, là, de 52 à 78 semaines, bien, on est d'accord
avec le fait que ça amène plus de flexibilité, mais on a une petite crainte, par
contre, que la prestataire subisse une certaine pression, là, pour revenir au
travail, notamment dans les périodes de pointe. Alors, pour nous, il faut se
concentrer, il faut garder le focus sur les besoins des parents. Et, en ce
sens-là, on bifferait, dans l'article 29, «si l'employeur y consent»,
parce que, comme je le disais, il faut que cet article-là soit vraiment au
bénéfice des parents.
Pour l'adoption hors Québec, le fait de
pouvoir débuter les prestations cinq semaines avant, bien, je pense que c'est
un bon mouvement, et c'est ce que vous retrouvez à la recommandation...
Mme Éthier (Sonia) :
...dans l'article 29, si l'employeur y consent, parce que, comme je le disais,
il faut que cet article-là soit vraiment au bénéfice des parents.
Pour l'adoption hors Québec, le fait de
pouvoir débuter les prestations cinq semaines avant, bien, je pense que c'est
un bon mouvement, et c'est ce que vous retrouvez à la recommandation 6. Pour l'augmentation
des exemptions, bien, ça, c'est vraiment une bonne chose, parce que ça pourra
garantir le même niveau de revenu, et les gens vont pouvoir faire un retour
progressif. Puis je pourrais vous donner un exemple : Il reste 10 semaines
à 55 %, et à ce moment-là, je pourrais revenir au travail deux jours
semaines et avoir... ne pas être pénalisée. Donc, c'est important, puis on le
sait, ça pourrait répondre aux besoins de l'employeur et ça permet un retour
tout en douceur. Donc, on a aussi...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Mme Éthier.
Mme Éthier (Sonia) :
Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne vous reste que 20 secondes. En conclusion.
Mme Éthier (Sonia) :D'accord. Bien, écoutez, je pense que vous avez vu, on a
d'autres recommandations, mais on s'est concentrées sur l'essentiel, et, bien,
on est prêtes à écouter vos questions puis échanger avec vous. Et je vous
remercie beaucoup pour votre écoute.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, Mme Éthier. Alors, nous allons maintenant commencer la période
d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Alors, de nouveau,
bonjour, Sonia, puis Mme Michaud, content de vous avoir entendues. Félicitations,
Sonia, pour la qualité de la présentation ainsi que du mémoire, avec ses recommandations.
Et on se connaît, et encore une fois je réalise votre profonde sensibilité pour
ce régime-là. Il est effectivement apprécié et il joue un rôle fondamental dans
le soutien financer des parents qui accueillent un nouvel enfant, et les
preuves sont faites.
Puis je pense que ça fait aussi partie de
notre fierté, parce que ce régime-là fait partie de notre filet social, au Québec.
Aussi heureux de constater, Sonia, tenant compte de la représentativité de la
CSQ, notamment auprès des femmes et des jeunes, et ce qui inclut aussi les
jeunes papas, que vous appuyez bien sûr les objectifs et ce qui est visé par
les bonifications de la Loi sur l'assurance parentale, malgré le contexte
pandémique, qui, par ailleurs, exacerbe, hein, des problématiques. Puis ça
répond à des besoins qui sont parfois beaucoup plus importants, tenant compte
de la situation pandémique actuelle.
Quelques questions, Sonia, puis c'est
juste dans une perspective d'éclairer certaines de vos recommandations. Puis
peut-être que parfois je n'ai pas bien compris, puis, Sonia, tu ou vous pourrez
préciser. Mais, bon, on comprend bien que les amendements, en ce qui concerne
les parents adoptants, il y a création de 5.5, donc des prestations exclusives
aux parents a et b, il y a le...
M. Boulet : ...vos
recommandations. Puis peut-être que parfois je n'ai pas bien compris, puis,
Sonia, tu ou vous pourrez préciser. Mais, bon, on comprend bien que les
amendements, en ce qui concerne les parents adoptants, il y a création de 5.5,
donc des prestations exclusives aux parents a et b, il y a le 32 semaines
partageable et il y a le 13 semaines de prestation d'accueil et de
soutien, ce qui nous mène à 55, ce qui fait l'égalité parfaite, là, qu'on soit
au régime de base ou au régime particulier. Mais j'ai entendu après ça que vous
mentionniez qu'il pourrait y avoir 10 semaines de prestation exclusive
pour les parents adoptants. Est-ce que j'ai bien compris 10 semaines à
chacun des parents adoptants? Sonia, ce bout-là, je ne suis pas certain de bien
l'avoir compris.
Mme Michaud (Mélanie) : Oui.
En fait, c'est pour ça qu'on a laissé dans notre mémoire notre section sur les
congés d'adoption. Parce que, pour nous, ce qui est important, c'est que les
nouveaux parents, peu importe qu'ils soient adoptants ou un parent biologique,
aient accès à 10 semaines exclusives, donc, 10 semaines où lui seul
peut prendre... lui ou elle-même peuvent prendre, là, des prestations. Donc,
c'est pour ça qu'on lui a laissé, parce que ça va en lien avec notre demande au
niveau du congé de paternité. Lui aussi, on veut qu'il soit augmenté à
10 semaines pour que chaque parent au Québec, peu importe le type de
parent, ait accès à 10 semaines exclusives. Il n'est pas obligé de les
prendre au complet, mais il a quand même accès à ces 10 semaines là.
• (10 h 20) •
M. Boulet : O.K. Mais
ce qui est important... c'est qu'il y ait l'égalité entre les parents adoptants
puis les parents biologiques, ce qu'on atteint avec les amendements qui ont été
inclus dans le projet de loi n° 51.
Mme Éthier (Sonia) :Tout à fait. C'est un... Comme je le disais, c'est vraiment
très bien, là, l'amendement qui a été apporté qui fait en sorte qu'on se
retrouve avec le même nombre de semaines, que ce soit pour les parents
adoptants ou biologiques.
M. Boulet : Deuxième
questionnement que j'ai, Sonia, c'est sur le quatre semaines additionnel que
les parents pourraient obtenir dans la mesure où ils partagent chacun au moins
10 semaines de prestations partageables. On comprend que l'objectif, c'est
d'inciter les pères à s'investir un peu plus dans la sphère familiale. Souvent
les pères... puis vous avez fait état des statistiques qui étaient dans le
mémoire que j'ai présenté au Conseil des ministres, les pères, ils prennent
leurs cinq semaines maintenant, mais ils partagent peu. Ça augmente, mais c'est
encore un pourcentage qui est trop bas. Et on me dit souvent que, quand ils
partagent, ils le font seuls... ils le font avec la conjointe, pas nécessairement
seuls. Donc, les membres du conseil, quand ils ont...
M. Boulet : …mais c'est encore
un pourcentage qui est trop bas. Et on me dit souvent que, quand ils partagent,
ils le font seul… ils le font avec la conjointe, pas nécessairement seul. Donc,
les membres du conseil, quand ils ont analysé, puis c'est des personnes qui représentent
plusieurs segments de la société québécoise, les jeunes entrepreneurs, les
travailleurs autonomes, les travailleuses aussi, ont dit : Il faut trouver
une façon d'encourager les pères, et c'est par la voie de la discussion qu'on
va le faire, par la voie du dialogue.
J'entends puis je lis dans votre mémoire
que… puis je t'entendais, Sonia, tu disais : C'est comme si la mère
renonçait à 10 semaines pour en obtenir quatre. Moi, j'ai l'impression que
ça… c'est un type de raisonnement... puis Sonia, je respecte, là, cet
énoncé-là, mais ça peut contribuer à cristalliser davantage la perception que
les prestations parentales partageables appartiennent prioritairement à la
mère. Puis les études le démontrent que les pères qui sont désireux, qui
souhaitent utiliser des prestations parentales partageables ont généralement
l'impression qu'ils en privent la mère. Donc, ils ne veulent pas y aller, puis
ça, c'est... Bien, en tout cas, les études que j'ai consultées puis la
littérature que j'ai eu le privilège de lire aboutissent toutes à cette
conclusion-là. Il y a beaucoup de jeunes pères qui se disent : Si j'en
prends, elle va en perdre.
Mais ce n'est pas ça qu'on veut, c'est
qu'ils s'investissent tous les deux. Puis, excusez-moi, Sonia, de redire encore
que, quand je suis allé la présentation sommaire du p.l. n° 51 à Trois-Rivières,
dans un CPE, il n'y pas une ou deux mères mais probablement quatre ou cinq
jeunes mères, puis il y en a qui étaient avec des enfants, qui étaient
tellement heureuses de cet incitatif-là, me témoignant toutes de l'importance
que les jeunes pères, les jeunes papas soient là, présents, et qu'ils passent
du temps de qualité puis du temps seul aussi avec l'enfant. Ça fait qu'elles
voyaient ça comme une avancée considérable, là, dans notre RQAP.
Ça fait que peut-être que je n'ai pas bien
compris, mais je ne veux certainement pas que ce soit perçu comme étant :
On enlève à la mère. Non. Au contraire, les deux dialoguent, les deux
conviennent. Si on en prend chacun minimalement 10, on a un incitatif, on en a
un quatre semaines qui peut bénéficier à la mère comme au père ou aux deux,
dépendamment de la décision qui sera prise par les parents a et b. Ça fait que
ça, c'était un commentaire. Mais j'aimerais, Sonia ou Mélanie, là, vous entendre
là-dessus, sur cet élément-là.
Mme Éthier
(Sonia) : Bien, c'est tout l'aspect du conditionnel…
M. Boulet :
...dépendamment de la décision qui sera prise par les parents a et b.
Ça fait que ça, c'était un commentaire.
Mais j'aimerais, Sonia ou Mélanie, là, vous entendre là-dessus, sur cet
élément-là.
Mme Éthier
(Sonia) : Bien, c'est tout l'aspect du conditionnel. Je
comprends l'objectif, là, l'objectif étant de faire en sorte que le père, le
deuxième parent, là, soit présent auprès de l'enfant. On le comprend.
Maintenant, tout le caractère conditionnel
de prendre chacun 10 semaines, peut-être que, si on exigeait, puis je
pense qu'il y a d'autres intervenants qui vous l'ont soumis à la réflexion, que
ça pourrait être un nombre de semaines qui serait moindre pour obtenir le
quatre semaines supplémentaire, ça serait peut-être quelque chose
d'envisageable.
Puis, pour nous, il y a d'autres... Tu
sais, quand on disait qu'on rencontre... Vous avez rencontré des intervenantes,
M. le ministre, puis je vous crois, quand elles ont dit que c'était pour elles
très important, puis que ça va faire en sorte que le père va être plus présent,
puis ça va permettre à la mère de retourner travailler. Ça, ce n'est pas... On
ne le conteste pas.
Mais c'est vraiment... Il y a des
considérations dans les familles, par exemple, le salaire, puis on ne se le
cachera pas, souvent, c'est le père, hein, qui a un revenu qui est plus élevé,
ça arrive dans beaucoup de familles. Ça, ça peut être une considération où...
ils ne partageront pas 10 semaines parce que monétairement ils ne pourront
pas y arriver ou ça va être plus difficile. Puis il y a toute la question aussi
de l'allaitement, qui peut être un facteur qui empêche le père de prendre
10 semaines puis la mère... tu sais, qu'ils partagent les
10 semaines.
Ça fait que c'est... Pour nous, là, c'est
un... Je dirais, c'est une réserve qu'on met sur cette question-là. On comprend
très bien, là, l'objectif que vous apportez en disant : Si vous partagez
10 semaines chacun, il y aura quatre semaines supplémentaires. Mais on a
des réserves. D'abord, sur le nombre de semaines, qui est quand même très
important, puis deuxièmement sur les considérations dans chacune des familles.
Tu sais, on en discutait puis on trouvait que ça... Autrement dit, on entre
dans la maisonnée, là. On va un petit peu faire de la pression sur les parents,
le couple pour... Donc, c'était ça, notre réserve, là.
M. Boulet : Je comprends,
Sonia. On s'entend véritablement bien sur l'objectif. Quant aux moyens, il y a
différents scénarios, bien sûr, qu'on a analysés, hein? Il y en a qui peuvent
argumenter que ça aurait pu être plus que 10 semaines et plus de semaines
nouvelles partageables. D'autres disent moins, comme tu le soulignes, Sonia. On
va faire, bien sûr, avec les partis d'opposition, un examen...
M. Boulet : ...moyens, il y a
différents scénarios, bien sûr, qu'on a analysés, hein? Il y en a qui peuvent
argumenter que ça aurait pu être plus que 10 semaines et plus de semaines
nouvelles partageables, d'autres disent moins. Comme tu le soulignes, Sonia, on
va faire, bien sûr, avec les partis d'opposition un examen article par article
du projet de loi. Moi, je n'ai pas de fermeture à ça, mais je pense que cet article-là
nous permet de faire une avancée extraordinaire pour inciter les pères à
s'investir un peu plus. Et il y a un volet aussi pédagogique là-dedans, parce
que ça permet aussi de dire aux jeunes pères ou aux papas : Si tu
t'investis un peu plus dans le partageable, bien, tu vas profiter... tu vas
bénéficier d'un incitatif.
Puis c'est dans le même état d'esprit,
Sonia, quand vous dites : Bien là, tu mentionnes... ça peut être un peu
moins que 10-10 pour accéder au quatre. De donner un autre cinq semaines de
paternité, moi, je pense que ça cristallise encore la perception, comme je
mentionnais un peu plus tôt, que les pères, ils vont tout le prendre si tu
montais le congé de paternité à six, sept. Ils vont prendre leur congé, mais ça
n'aura pas nécessairement la même valeur incitative de partager avec la maman.
Ça fait que moi, je le perçois de la même
manière puis je sais qu'un parti d'opposition... Puis il y en a qui vont
argumenter : Augmentons le congé de paternité, mais il faut juste être
prudent. À quelque part, il faut trouver un équilibre puis il faut tracer la
voie.
Et j'aimerais ça maintenant, Sonia, que tu
me parles un peu plus... Bon, on augmente les périodes d'étalement de 18 à
20 semaines pour le congé de maternité, de 52 à 78 semaines évidemment,
dans le projet de loi n° 51, pour les prestations
parentales d'adoption.
D'abord, le 20, vous recommandez que ça
passe à 25 semaines. Est-ce qu'il y a un exemple qui... Parce que de 18 à
25 semaines, en termes de pourcentage, en termes de temps, c'est quand
même un pas que je considère extrêmement important. Ça serait quoi, l'exemple
classique que tu pourrais utiliser pour me démontrer que 18 à 20, ce n'est pas
suffisant?
Mme Éthier (Sonia) :
C'est bon. Mélanie va avoir un exemple à vous donner.
Mme Michaud (Mélanie) :
Parfait. Donc, juste pour revenir à la base, en fait, le RQAP offre des
prestations. M'entendez-vous bien? Parce que j'ai vraiment un retour.
M. Boulet : ...
Mme Éthier (Sonia) :
Ils t'entendent bien.
• (10 h 30) •
Mme Michaud (Mélanie) : O.K.
Donc, les... de prestations... du RQAP, qui fait en sorte vous avez droit à
18 semaines quand vous prenez le régime de base. Ça, c'est des indemnités.
Il y a toute la... du congé qui est le... dans lequel on va mettre les
prestations. Ce qu'on sait qui n'est pas très publicisé, c'est... suspendre des
prestations de...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Michaud (Mélanie) :
...les tarifs de prestation auprès du RQAP, je ne pense pas que vous avez droit
à 18 semaines quand vous prenez le régime de base. Ça, c'est des
indemnités. Il y a toute la conception du congé, qui est le contenant dans
lequel on va mettre les prestations. Ce qui sait qui n'est pas utilisé, c'est
qu'en fait on peut suspendre les prestations de maternité pour recevoir un
revenu. Et les demandes qu'on a souvent, c'est des personnes qui ont des
montants qui sont payés, entre autres nos employés qui ont des congés de
maladie qui sont payés le 30 juin ou des personnes qui doivent recevoir
une paye de vacances à un moment fixe au moment de l'année puis qu'on ne veut
pas qu'elle soit pénalisée pour qu'elle subisse d'exemption qui est d'un dollar
pour un dollar. Donc, en prolongeant cette période-là, ça permet à une mère de
suspendre ses prestations de maternité, de recevoir ce revenu-là qui peut être
étalé sur deux, trois, quatre semaines et ne pas perdre ses prestations de RQAP
par la suite, comme c'est le cas actuellement.
Donc, actuellement, avec le
17 semaines, bien, si on débute le congé à la naissance de l'enfant, on va
déborder si on doit suspendre des prestations. Donc, en l'amenant à 25, ce
n'est pas tout le monde qui va utiliser cette fenêtre d'opportunité là, mais on
s'assure que, si une personne a un versement de quatre semaines de vacance, par
exemple, elle pourra suspendre ses prestations et les reporter dans le temps.
Donc, c'est vraiment pour nous donner une marge de manoeuvre pour certaines des
femmes qui ont des prestations de maternité.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Je vais souligner qu'il reste une minute à
l'échange.
M. Boulet : Une minute.
Deux commentaires. 52 à 78 semaines... C'est Mélanie, hein? Pas Léonie,
hein? Mais Sonia, si l'employeur y consent, bien sûr, il faut qu'il y ait une
forme de consentement. Il faut éviter les espèces de fragmentations uniquement
en tenant compte de la, bien sûr, la volonté, mais il faut qu'il y ait une
forme de contrôle. Puis je ne veux pas que ce soit vu comme une pression pour
revenir travailler dans les périodes de pointe, comme tu mentionnais, Sonia.
C'est plus pour permettre à la personne un bénéfice additionnel. Au lieu d'être
encarcané dans une, entre guillemets, dans une période de 52 semaines,
elle peut bénéficier d'un étalement qui est supérieur, qui peut aller jusqu'à
78 semaines pour répondre à des besoins de son travail aussi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre.
M. Boulet : Merci pour les commentaires
sur l'augmentation de l'exemption. Merci beaucoup, Sonia, Mélanie. Et bonne
chance à la CSQ.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, nous continuons
l'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour. Merci pour votre rapport, merci pour la présentation.
C'est très riche en informations. Donc, je vous salue pour la qualité de votre mémoire.
Ma première question, ça va être vraiment une série de questions plus, c'est par
rapport à assurer l'implication des pères au sein de la cellule familiale. J'ai
vu votre recommandation que... J'ai entendu votre réponse à M. le ministre tout
à l'heure, que, pour vous, renoncer à 10 semaines pour avoir un quatre
semaines de...
M. Derraji : ... ça va être
vraiment une série de questions de plus. C'est par rapport à assurer
l'implication des pères au sein de la cellule familiale. J'ai vu votre recommandation
que... et j'ai entendu votre réponse à M. le ministre tout à l'heure... que,
pour vous, renoncer à 10 semaines pour avoir un quatre semaines de bonus, ce
n'est pas la solution idéale. Avant de me répondre par rapport à cette question,
j'aimerais bien vous poser une question directe : Comment vous, de votre
côté, vous voyez l'implication des pères au sein de la cellule familiale?
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, écoutez... Bien, je pense que l'implication des pères... puis c'est...
pour moi-même avoir... être une mère, qui a eu des enfants, et dont... ma fille
a des enfants, je sais très bien que l'implication du père... puis on le sait,
là, la recherche... puis on n'a même pas besoin de la recherche, là, au fond,
pour savoir que c'est primordial, l'implication des pères auprès des enfants,
et ça... tout à fait pour le... Et on dit «le père», mais on devrait dire «les
deux parents». Et c'est très, très important pour le développement de l'enfant.
Ça, on s'entend là-dessus, là.
Et je pense que le RQAP, dans sa forme
actuelle... Mais dans le désir et le fondement du projet de loi actuel, c'est
de faire en sorte que le deuxième parent s'implique davantage, pour le bien de
la famille et de l'enfant. Alors, pour nous, là, ça, c'est... Tu sais, on est
dans le monde de l'éducation. On sait jusqu'à quel point... Moi-même, qui a été
une enseignante puis qui a vu parfois des enfants souffrir, entre guillemets,
là, de l'absence d'un des deux parents, je pense que c'est la base, hein?
Mais maintenant, c'est des réserves qu'on
met par rapport à la... cette contrainte, qui est quand même exigeante, là, de
partager 10 semaines chacun pour obtenir quatre semaines supplémentaires, parce
que, comme je l'expliquais tout à l'heure, il y a des choses qui se... On veut
favoriser la discussion dans la maisonnée, ce qui se fait déjà, mais il y a des
considérations, par exemple, du conjoint, qui, si son salaire est plus élevé,
bien, c'est certain qu'il va avoir tendance à retourner au travail plus
rapidement, donc. Et c'est sûr qu'on a une petite sensibilité pour que le fait
que le... cette obligation de partager, c'est-à-dire de prendre 10 semaines
chacun, que la mère en perde 10, là, tu sais, c'est... je ne vous le cache pas,
là, c'est un peu... ça nous titille un peu, là.
Mais, comme je le disais à M. le
ministre...
Mme Éthier (Sonia) :
...cette obligation de partager, c'est-à-dire de prendre 10 semaines
chacun, que la mère en perde 10, là, tu sais, c'est... je ne vous le cache pas,
là, c'est un peu... ça nous titille un peu, là. Mais, comme je le disais à M.
le ministre, ça pourrait être moins... une exigence moindre que 10 semaines,
et puis, que les familles puissent bénéficier d'un quatre semaines
supplémentaires, peut-être que ça atteindra l'objectif. Nous autres, on se dit
que les congés de paternité, actuellement, sont utilisés davantage, on l'a vu
dans le mémoire que M. le ministre a présenté, donc on pense que cette voie-là
serait plus gagnante.
M. Derraji : Au fait, vous
avez répondu à ma question. Donc, on s'entend sur le principe de l'implication.
Vous êtes convaincue sur ce principe-là. Maintenant, on va parler des moyens
parce que ça m'intéresse vraiment d'aller au fond de votre pensée parce qu'il
me semble que vous avez, si j'ose dire, un début de réponse pour nous sortir de
cette impasse que vous voyez qu'il y a 10 semaines partageables et qu'il y
a quelqu'un qui va perdre pour avoir quatre semaines.
Bon, ma prochaine question, c'est que,
pour vous, le moyen ou les moyens... le moyen qu'on a sur la table aujourd'hui,
il n'y a pas, si j'ose dire, une équité. Vous voulez éviter qu'il n'y ait pas
d'équité et qu'au bout de la ligne, la personne qui a le plus gros salaire,
elle sera plus tentée à revenir au travail. Vous avez émis une hypothèse que
probablement, c'est la mère qui va perdre pour... qui va renoncer à une partie
de son congé partageable pour, au bout de la ligne, gagner quatre semaines. La
question : Vous, c'est les 10 semaines qui vous empêchent de
dire : Je suis d'accord avec cette décision, si ce n'est pas
10 semaines, c'est quoi votre proposition?
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, je pense qu'il y a peut-être deux réponses, deux voies.
M. Derraji : Allez-y avec les
deux. Si vous avez une troisième, ajoutez-là.
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, je pense que la... il y a une chose que je disais à M. le ministre tout à
l'heure : Si c'était moins que 10 semaines chacun et qu'on puisse
avoir le quatre semaines supplémentaires, il me semble que ça permettrait
probablement aux familles d'utiliser le quatre semaines supplémentaires pour
les considérations qu'on disait tout à l'heure, puis vous venez de le mentionner,
la question du salaire, qui gagne le plus, là, et la question aussi,
l'allaitement et, bon, et toutes sortes de considérations qui appartiennent à
la famille et au couple. Donc, ça pourrait être ça, moins de 10 semaines.
Puis, nous autres, on pense, puis peut-être
qu'on se trompe, là, on met cette piste-là au jeu parce les statistiques le
confirment que les pères utilisent à 80 % le congé de paternité et
utilisent à 35 %...
Mme Éthier
(Sonia) : ...couple. Donc, ça pourrait être ça, moins de 10 semaines.
Puis nous autres, on pense... Puis peut-être qu'on se trompe, là. On met cette
piste-là au jeu parce que les statistiques le confirment que les pères
utilisent à 80 % de congé de paternité et utilisent à 35 % les
prestations partageables. Alors, ça, pour nous, statistiquement parlant,
présentement, c'est moins parlant, des prestations partageables. Et, pour
favoriser la présence du deuxième parent, du père, plus... et puis probablement
qu'après ça on verrait tout ça entrer dans la culture, hein, des familles.
Mais... Oui.
M. Derraji : Donc, si j'ai
bien compris entre les lignes, et je vous laisse parler avec... nous partager
la deuxième proposition, c'est que vous voulez que nous, on aille un peu
graduellement avant d'aller dire : Écoutez, on renonce à 10 et on vous
donne quatre semaines de bonus. Vous voulez que cette culture s'installe dans
le temps et avoir un objectif de partager 10 semaines pour gagner quatre au
lieu d'aller dès maintenant. Donc, est-ce qu'on ramène ça graduellement, voir
un peu les effets sur les familles? Et est-ce que statistiquement ça va être
quelque chose qui sera utilisé idéalement par les pères, et on va voir
réellement l'investissement des pères au sein de la cellule familiale? Est-ce
que j'ai bien résumé votre proposition?
• (10 h 40) •
Mme Éthier (Sonia) :
Je pense que ça serait une voie qui serait porteuse.
M. Derraji : Donc, si, pour
vous, ça serait une voie porteuse, est-ce qu'on peut dire que — je
réfléchis avec vous à haute voix — au lieu de partager... d'avoir
quatre semaines de bonus, deux semaines de bonus, mais on ne touche pas au
partageable? Est-ce que ça serait, pour vous, une bonne solution ou un début de
compromis, par exemple? Je m'aventure avec vous. Parce que je veux aller
vraiment chercher le fond de votre pensée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...à l'échange.
Mme Michaud (Mélanie) : En
fait, ce qu'il faut comprendre...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
J'en profite, là... Oui
Mme Michaud (Mélanie) :
...cinq semaines de plus pour le père. Ça, c'est notre... c'est là-dessus... on
considère... Ce n'est pas bon, hein? La télé comme ça, est-ce que vous
m'entendez?
Des voix
: ...
M. Derraji : ...Non, non, pas
ici, c'est chez eux, je pense, chez eux. Il y a deux micros ouverts.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, oui. C'est ça, c'est là-bas.
Mme Michaud (Mélanie) :
M'entendez-vous comme ça?
M. Derraji : Et je n'entends
pas. Même la première fois, je n'ai rien entendu. Oui.
Une voix
: On a un
problème de son.
M. Derraji : Il faut fermer un
des deux micros, parce qu'il me semble que vous êtes dans la même salle. Il me
semble, hein?
Mme Michaud (Mélanie) : O.K.
Là, est-ce que vous m'entendez?
M. Derraji : Ah! oui, ça,
c'est bon.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Bon merci.
M. Derraji : Oui, c'est bon.
Parfait. Bon...
Mme Michaud (Mélanie) : Je
suis vraiment désolée, je vais essayer de me rattraper. Donc, en fait, ce qu'il
faut comprendre, c'est que nous, la voie qu'on privilégie, c'est le cinq
semaines de paternité de plus pour différentes raisons. Comme Mme Éthier
l'a dit, oui, il y a l'allaitement, il y a le salaire. Il y a également aussi
la culture au niveau des entreprises, où les entreprises vont dire : O.K.,
on a cinq semaines pour le père, après ça, il revient travailler. Ça, c'est dur
aussi, de combattre ce tabou-là parce qu'il n'y a pas beaucoup d'entreprises...
Il y a certaines entreprises qui vont dire : Ah bien, prends ton cinq
semaines, reviens. Alors que nous, ce qu'on veut privilégier, c'est la place du
père...
Mme Michaud (Mélanie) :
...il y a l'allaitement, il y a le salaire. Il y a également aussi la culture au
niveau des entreprises, où les entreprises vont dire : O.K., on a cinq
semaines pour le père, après ça, il revient travailler. Ça, c'est dur aussi, de
combattre ce tabou-là parce qu'il n'y a pas beaucoup d'entreprises... Il y a
certaines entreprises qui vont dire : Ah bien, prends ton cinq semaines,
reviens. Alors que nous, ce qu'on veut privilégier, c'est la place du père
auprès de l'enfant. Actuellement, la Loi sur les normes du travail permet au
père aussi de prendre 52 semaines de congé sans solde après son cinq semaines,
mais très peu vont l'utiliser, entre autres à cause de cette pression-là. Et la
voie qu'on privilégie, c'est de dire, bien, augmentons le congé de paternité à
10 semaines pour permettre au deuxième parent, à l'autre parent, à tous les
parents d'avoir au moins un certain nombre de semaines. Donc, il faut tenir
compte de ça aussi.
Là, vous nous dites : Si on
enlève le conditionnel de 10 semaines avez-vous une ouverture? C'est sûr que
tout cet élément-là, on veut le regarder aussi, on trouve que c'est une belle
piste de solution. Ce n'est pas celle qu'on privilégie. Mais on trouve que le
10 semaines, la condition du 10 semaines est très, très, très restrictive, et c'est
ça qui vient un peu nous irriter dans le projet de loi. Si on mettait moins de
semaines... Je sais qu'il y a d'autres groupes qui ont déjà proposé, dès qu'il
y a partage, on ajoute quatre semaines automatiquement... pourrait être une
solution envisageable. Je n'irais pas le quantifier, mais actuellement le 10
semaines on trouve que c'est très restrictif.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. 10 secondes.
M. Derraji : Même avec le...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, je vous les ajoute.
M. Derraji : J'aurais aimé
vous entendre sur les projets pilotes, si vous avez une idée, le projet de loi
l'ajoute. Donc, je ne sais pas si vous avez, brièvement, une idée de projet
pilote. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Ih! Mais c'est tout le temps qu'on dispose. Bonne question, mais tout le
temps... on n'a plus le temps. Alors, merci, M. le député de Nelligan. Nous
allons maintenant avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous avez 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, tout le monde. Merci pour la présentation. Très apprécié.
Je suis content d'entendre vos arguments par rapport au congé partageable,
c'est un des dossiers, là, un des aspects du projet de loi que je voulais qu'on
approfondisse. Je connais M. le ministre, c'est un homme... un négociateur, un
homme de compromis. Je suis certain qu'il a déjà une idée ou deux qu'il va nous
soumettre à l'étude détaillée.
Cela dit, vu qu'on est dans le coeur du
sujet, on a... Vous avez abordé une des raisons, là, qui pourraient expliquer
que les femmes utilisent plus le congé parental, le partageable. Il y a
l'allaitement, mais il y a la question de l'écart de salaire. Ça fait que, là,
tu sais... la question de la culture, que ce n'est pas tous les hommes qui sont
à l'aise de le prendre ou qui osent aller demander un long congé à leurs
patrons. Ça, c'est quelque chose qui se change, mais il y a objectivement un
problème aussi de différence de salaire dans la société québécoise, là, je
pense que c'est encore quelque chose comme 87 % de moins... pas de moins,
mais les femmes gagnent 0,87 $ par rapport au 1 $ gagné par l'homme.
Est-ce que ça aussi, ce n'est pas une donnée objective qui pourrait expliquer
en partie, en tout cas, que les femmes prennent plus le congé partageable?
Mme Éthier (Sonia) :
Veux-tu y aller? Je peux y aller. Bien, sans le quantifier exactement comme
vous le faites, bien, ça fait partie des arguments que nous mettons de l'avant,
une espèce de mise en garde pour dire que...
Mme Éthier (Sonia) :
…veux-tu y aller? Non, je peux y aller — Bien, c'est… sans le
quantifier exactement comme vous le faites, mais ça fait partie des arguments
que nous mettons de l'avant, une espèce de mise en garde pour dire que c'est
possible que la condition ne fonctionne pas parce qu'on le sait que,
majoritairement, les hommes ont un salaire plus élevé, et quand on a des
enfants, bien, on est souvent… on vient de s'acheter une maison, on a… et ça
compte pour beaucoup.
Même si le régime… et on le disait tout à
l'heure, c'est appréciable, là, c'est un bon régime, il y a des bonnes
bonifications que le ministre met de l'avant, mais c'est vraiment une réserve
qu'on met. Puis, on craint que cette mesure-là qui veut forcer, qui veut
inciter les pères à être plus présents, ne fonctionne pas, puis qu'un projet de
loi, bien, on… quand on va adopter le projet de loi, ce n'est pas demain qu'on
va le revoir. Donc, il faut être bien sûrs que la mesure, elle soit bonne.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Il reste 20 semaines.
M. Leduc : Merci. J'aurais… je
suis content que vous souligniez ces arguments-là, je les partage entièrement.
Puis, j'aurais aimé ça vous entendre sur la question de l'employeur y consent…
vous êtes une des organisations qui le soulève. Peut-être on en parlera une autre
fois. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le troisième groupe d'opposition, avec la
députée de Joliette. Vous disposez également de 2 min 40 s.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je sais que vous ne chômez pas
par les temps qui courent, donc on apprécie que vous puissiez être parmi nous
aussi aujourd'hui.
Écoutez, moi, je voulais vous entendre sur
votre proposition pour les congés pour les parents adoptants, de mettre 10-10.
Donc, vous… je comprends que vous arrivez avec cette idée de cohérence pour le
congé de paternité. Donc, vous dites : Il faudrait faire passer ça de cinq
à 10, même chose pour la mère qui devrait minimalement en avoir 10. Mais ces
semaines-là, est-ce que vous les ajoutez à celles qui sont déjà prévues dans le
projet de loi, quand vous mettez, en gros, plus cinq, plus cinq de prestations
exclusives, ou vous les retirez du congé partageable?
Une voix
: …
Mme Michaud (Mélanie) : Bien,
en fait, c'est que nous, on a laissé notre proposition avant les amendements du
12 mars, donc, à l'effet, on mettait 10 semaines par parent, comme
c'était le cas dans le projet de loi pour les parents adoptants à
l'international. Donc, on trouvait que l'idée était bonne, on voulait qu'il y
ait 10 semaines pour chacun des parents. À l'époque, bien, les semaines
d'accueil et de soutien n'étaient pas encore dans l'air du temps, donc on n'en
a pas tenu compte. Donc, on avait 10 semaines pour chaque parent, pour un
total de 20 semaines. À cela, on ajoutait 32 semaines pour arriver à
un total de 52. C'est ce qu'on présente dans le mémoire.
Il faut savoir qu'actuellement c'est
37 semaines que les parents adoptants ont, donc on trouvait que c'était
vraiment une bonification importante, mais c'était vraiment mettre
10 semaines chacun puis ensuite des semaines partageables.
Mme
Hivon
: O.K.
Parfait…
Mme Michaud (Mélanie) : ...à
cela, on ajoutait 32 semaines pour arriver à un total de 52. C'est ce qu'on
présente dans le mémoire. Il faut savoir qu'actuellement, c'est 37 semaines que
les parents adoptants ont. Donc, on trouvait que c'était une bonification
importante, mais c'était vraiment mettre 10 semaines chacun, puis ensuite des
semaines partageables.
Mme
Hivon
: O.K.,
parfait. Puis un tout autre sujet que vous n'avez pas abordé, mais je me
souviens que dans des échanges, c'est une question qu'on avait déjà entendu soulevée
par votre centrale, c'est la question d'avoir de la flexibilité dans les
premières années d'un enfant, et donc une suggestion que certains ont déjà
faite, c'était l'idée d'avoir des jours, que le congé ne soit pas juste en
semaines, mais que, par exemple, il puisse y avoir 20 jours qui puissent, au
choix des parents, aucune obligation, mais être utilisables, dans, par exemple,
dans les quatre premières années de l'enfant ou les cinq premières, tant qu'il
ne rentre pas à l'école.
Est-ce que c'est quelque chose que vous
envisagez?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste ... secondes.
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, nous, ce qu'on se dit, c'est que dans la loi des normes, il y a la question
des 10 jours d'obligation familiale, mais il y en a seulement que deux jours
rémunérés, payés. Alors, pour la question des jours, on pourrait passer par
cette vois-là. Pour le reste, je pense, c'est préférable d'y aller en semaines.
Vous savez, là, dans les centres éducatifs à la petite enfance, que ça soit en
CPE ou en milieu familial, ce n'est pas simple de garder sa place et... Vous
comprenez ce que je veux dire, là? On ne peut pas faire des «in and out» comme
ça, là, et nous, on...
Et puis, pour le régime, pour l'application,
c'est plus simple d'y aller en termes de semaines, mais utiliser la loi des
normes pour les jours.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, merci. Merci, Mme Éthier. Mme Michaud, on s'excuse, vous a...
on a perdu le visuel, mais on vous a très bien entendu.
Alors, écoutez, je vous remercie, Mmes
Éthier et Michaud. Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de
donner la chance au deuxième groupe le temps de s'installer. Merci encore.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 10 h 56)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, nous accueillons maintenant le Conseil d'intervention pour
l'accès des femmes au travail, avec Mme Brown, ainsi que la Coalition pour la
conciliation famille-travail-études, avec Mme Rose. Avant de commencer votre
exposé de 20 minutes, je vais vous demander, à chacune, de bien vous
présenter, et ensuite vous pourrez commencer votre exposé. Alors, nous allons y
aller avec Mme Rose en premier. Nous n'entendons pas Mme Rose. Est-ce que vous
avez bien allumé votre micro?
Mme Rose (Ruth) : Bonjour. Je
suis professeure associée des sciences économiques à l'Université du Québec à
Montréal, et c'est moi qui ai rédigé le mémoire. Je travaille depuis très
longtemps avec...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...en premier.
Nous n'entendons pas, Mme Rose. Est-ce
que vous avez bien allumé votre micro?
Mme Rose (Ruth) : Bonjour. Je
suis professeure associée des sciences économiques à l'Université du Québec à
Montréal, et c'est moi qui ai rédigé le mémoire. Je travaille depuis très
longtemps avec des groupes de femmes et le CIAFT en particulier et j'ai siégé
pendant 10 ans sur le Conseil de gestion de l'assurance parentale.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous allons maintenant demander à Mme Brown de se présenter,
et ensuite vous commencerez votre exposé. Je ne sais pas si vous avez pris une
entente entre les deux, là. Mais allez-y, Mme Brown.
Mme Brown (Kimmyanne) :
Bonjour. Je me présente, Kimmyanne Brown. Je suis coordonnatrice en droit du
travail et au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le
CIAFT. Et le CIAFT, en fait, est une organisation nationale dont les actions
sont réalisées dans le but d'améliorer les conditions socioéconomiques des
femmes et également d'assurer la prise en compte des réalités et des besoins
des femmes en matière d'emploi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, vous pouvez commencer l'exposé.
Mme Brown (Kimmyanne) :
Excellent, merci.
Mme Rose (Ruth) : Juste comme
introduction, je voulais dire que nous sommes très heureuses du Régime
québécois d'assurance parentale et nous sommes très contentes aussi qu'il y a
maintenant une opportunité de commenter des améliorations, parce que c'est la
première fois depuis que le régime a démarré en 2005. Et nous approuvons le
plus gros du projet de loi, mais nous avons des commentaires sur plusieurs
éléments. Je laisse la parole à...
Mme Brown (Kimmyanne) :
Bonjour, Mme la Présidente, cher ministre, chers députés. Aujourd'hui, on vous
présente un mémoire qui a été marrainé par la Coalition pour la conciliation
famille-travail-études et qui a été également cosigné par 26 groupes dont le CIAFT.
Donc, ça, c'est pour la précision. Également, pour ce qui est de la Coalition
pour la conciliation famille-travail-études, c'est une coalition qui est
composée d'organisations et de groupes qui portent un projet commun pour que
les Québécoises et les Québécois fassent des gains significatifs en matière de
conciliation famille-travail-études. Donc, je vais commencer, de mon côté, à
présenter les premières recommandations de notre mémoire, et ensuite
Mme Ruth Rose va prendre la parole.
Donc, premièrement, c'est sûr que nous
accueillons avec enthousiasme l'ajout de 18 semaines de prestations à 70 %
du revenu hebdomadaire moyen pour les parents adoptants. Comme nous le disons
dans notre recommandation 6, nous pensons que les enfants adoptés ont besoin
d'un ce temps d'accueil pour bien s'adapter à leur nouvelle famille et leur nouvelle
vie.
• (11 heures) •
Enfin, notre recommandation 1 concerne la
période de paiement des prestations de maternité. Nous considérons que la
bonification à 20 semaines qui est suggérée dans le projet de loi est une
amélioration mais que ce n'est pas suffisant. Par exemple, il y a des femmes
qui accouchent prématurément durant des vacances qu'elles ont prises et elles
vont perdre des prestations en conséquence. Les femmes qui, elles, prennent
leurs vacances à la fin de leur congé parental ont droit à l'ensemble de leurs
semaines de prestations. Donc, notre recommandation pour que la période se
termine au plus tard 25 semaines après la semaine de l'accouchement permettrait
finalement d'établir l'équité entre toutes...
11 h (version non révisée)
Mme Brown (Kimmyanne) : ...des
vacances qu'elles ont prises et elles vont perdre des prestations en
conséquence. Les femmes qui, elles, prennent des vacances à la fin de leur
congé parental ont droit à l'ensemble de leurs semaines de prestation. Donc,
notre recommandation pour que la période se termine au plus tard
25 semaines après la semaine de l'accouchement permettrait finalement
d'établir l'équité entre toutes les femmes.
Ensuite, notre recommandation 2
accueille positivement la prolongation à 78 semaines de la période à l'intérieur
de laquelle les prestations de paternité, parentale ou d'adoption peuvent être
payées. Toutefois, à notre avis, une période de 104 semaines donnerait davantage
de flexibilité aux parents, mais aussi aux employeurs. Nous demandons aussi une
modification réglementaire qui donnerait davantage de droits aux parents pour
fractionner leurs congés parentaux, même sans le consentement de l'employeur si
nécessaire.
Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation 3,
on demande que les 10 jours de congé pour obligation familiale prévus à la
Loi sur les normes du travail soient rémunérés. Le projet de loi a pour objectif
la flexibilité et la conciliation famille-travail, et cette mesure est
fondamentale et nécessaire pour répondre à ces deux objectifs.
Ensuite, notre recommandation 7. Dans
cette recommandation, nous demandons aussi de permettre aux futurs parents
adoptants de pouvoir bénéficier de ces 10 jours prévus à la loi sur les
normes pour qu'ils puissent effectuer des démarches en vue de l'adoption d'un
enfant.
Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation 4,
elle concerne l'ajout de cinq semaines de prestations exclusives pour chacun
des parents dans les cas d'une grossesse multiple ou de l'adoption de plus d'un
enfant au même moment. Nous sommes tout à fait favorables à cette mesure et
trouvons que c'est une belle façon positive d'encourager l'implication des
pères, et des autres parents aussi, auprès de leurs enfants.
Notre recommandation 5, quant à elle,
concerne l'ajout de semaines additionnelles de prestations qui sont prévues aux
articles 5 et 30 du projet de loi. Nous constatons en fait que cette
mesure se fait au détriment des droits des femmes. Pour obtenir ces quatre
semaines de prestations supplémentaires, là, qui sont suggérées, chacun des
parents doit avoir reçu au moins 10 semaines de prestations parentales
partageables. Pour le deuxième parent, ça implique en fait d'avoir pris au
moins 15 semaines de prestation. En somme, la mère doit nécessairement
renoncer à 10 semaines de prestations parentales pour obtenir ces quatre
semaines. On est tout à fait favorables à l'implication des pères pour
permettre une meilleure conciliation famille-travail-études. Toutefois, la
suggestion actuelle du gouvernement met des contraintes, là, sur le droit des
parents de partager les semaines existantes et porte tout à fait atteinte au
droit des femmes. L'ajout de semaines de prestations de paternité ou des
semaines partagées à parts égales permettrait d'éviter cette atteinte au droit
des femmes.
Finalement, notre recommandation 8
concerne une revendication qui est portée depuis 2000 par plusieurs groupes de
femmes et des organismes. L'article 17 de la Loi sur l'assurance parentale
prévoit que, si un des parents décède, les semaines de prestations de maternité
ou de paternité — pardon — du parent décédé qui sont non
utilisées peuvent être prises par l'autre parent. Le projet de loi suggère
aussi, là, actuellement...
Mme Brown (Kimmyanne) : ...plusieurs
groupes de femmes et des organismes.
L'article 17 de la Loi sur l'assurance
parentale prévoit que, si un des parents décède, les semaines de prestations de
maternité ou de paternité du parent décédé qui sont non utilisées peuvent être
prises par l'autre parent. Le projet de loi suggère aussi, là, actuellement,
que le parent survivant puisse aussi prendre les semaines de prestations
parentales ou d'adoption exclusives qui ne sont pas utilisées. Nous
recommandons que les semaines de prestations exclusives puissent être utilisées
par un parent seul ou qu'elles soient attribuées à une autre personne
admissible au régime qui doit s'occuper régulièrement de l'enfant.
Le fait que des mères divorcées, séparées
ou célibataires n'aient pas les mêmes droits que les mères veuves constitue une
réelle discrimination. Ce sont les mères monoparentales qui ont le plus de
besoin du soutien de la société durant la période périnatale. Cette mesure doit
nettement améliorer le sort des enfants qui grandissent dans une famille avec
un seul parent et qui sont le plus souvent exposés à la pauvreté.
Je vais céder la parole à madame... ma
collègue Mme Ruth Rose pour la suite de la présentation.
Mme Rose (Ruth) : Alors,
bonjour. On constate aussi que le projet de loi prévoit que la période de
prestations serait étendue de deux semaines, prolongée de deux semaines dans le
cas du décès de l'enfant. Alors, nous avons compris toutefois que, si un des
parents n'est pas en cours de prestations, à ce moment-là, il n'aurait pas
droit à ces deux semaines de prestations. Alors, nous demandons que tous les
parents, en autant qu'il y a encore des semaines dans leur banque de
prestations, puissent donc bénéficier de deux semaines de prestations dans le
cas de décès d'un enfant. C'est vraiment... (panne de son) ...décès pendant la
première année de l'enfant. Ils ont besoin de cette période de deuil.
Ensuite, on parle de la majoration de
revenus pour les parents à faibles revenus. Alors, effectivement, c'est un
règlement qui est basé sur celui de l'assurance-emploi, puis les paramètres
sont vieux de 25 ans, alors nous sommes très contentes que le gouvernement
prévoie le réviser. Il y a plusieurs problèmes pour nous. Le problème le plus
sérieux, c'est le fait qu'on regarde le revenu il y a un an en arrière, ou un
an et demi en arrière et... alors que le problème, c'est... ou bien le revenu
juste avant la naissance, ou bien le revenu du fait qu'avec le congé parental,
le revenu de la famille est baissé. Alors, nous espérons que, quand vous allez
faire ce règlement-là, que vous allez trouver une façon de regarder le revenu
courant .Vous avez déjà, avec le relevé d'emploi, le revenu de l'année
précédente, et qu'aussi... que vous révisiez le taux de récupération lorsqu'il
y a d'autres revenus dans...
Mme Rose (Ruth) : ...que vous
allez trouver une façon de regarder le revenu courant. Vous avez déjà, avec le
relevé d'emploi, le revenu de l'année précédente, et qu'aussi... que vous
révisiez le taux de récupération lorsqu'il y a d'autres revenus dans la
famille. Alors... Et aussi le montant de la majoration et les seuils ont besoin
d'être révisés après 25 ans.
Nous demandons aussi que le revenu
hebdomadaire moyen sur lequel la prestation est basée soit basé sur les
16 semaines... les 16 meilleures semaines de gains au cours de la
période de référence. Ça, c'est notre recommandation 11. Alors, on
constate déjà que l'assurance emploi utilise une formule des meilleures
semaines, et le problème avec utiliser les 16 semaines continues, c'est
qu'en particulier les étudiants, mais beaucoup d'autre monde aussi, les gens
qui travaillent, par exemple, dans la session de Noël, ont des revenus
irréguliers pendant la semaine... pendant l'année et que si on ne prend pas les
meilleures semaines, on écoperait beaucoup d'iniquités selon la façon que la
personne a travaillé pendant l'année. Alors, nous visons de l'équité aussi dans
cette recommandation.
Dans notre recommandation 12 aussi,
nous trouvons très intéressant que le gouvernement va de l'avant, et même avec
des règles meilleures que l'assurance emploi, pour ne plus réduire les
prestations parentales d'adoption et de paternité lorsqu'il y a des gains
concurrents. Mais on ne comprend pas du tout pourquoi la même règle ne
s'applique pas aux prestations de maternité. C'est une discrimination nette à
l'égard des femmes parce que c'est elles qui portent les enfants, c'est déjà
elles qui supportent le plus gros fardeau financier, et psychologique, et
émotif pour avoir donné naissance à une enfant, et on ne comprend pas pourquoi
on n'applique pas cette règle-là pour les prestations de la maternité.
Dans notre mémoire, nous avons énuméré
cinq raisons pour lesquelles on devrait ne plus réduire les revenus concurrents
des prestations de maternité. Nous ajouterons que, lorsque vous ajoutez... vous
donnez parité aux parents adoptifs, vous les mettez dans une situation où il
n'y a pas de déduction de revenus concurrents du tout pour les
55 semaines, alors que vous les maintenez pendant les 18 semaines de
maternité. Alors, vous travaillez une nouvelle iniquité à cet égard.
Notre recommandation 13... On est
très contents que vous alliez expérimenter des projets pilotes, donc nous
approuvons cet amendement-là. Finalement, nous...
Mme Rose (Ruth) : ...à cet
égard-là.
• (11 h 10) •
Notre recommandation 13... On est très
contents que vous allez expérimenter des projets pilotes, donc nous approuvons
cet amendement-là. Finalement, nous arrivons à d'autres questions pour des
études futures. En particulier, nous demandons depuis très longtemps qu'on
examine la possibilité de créer... utiliser le mot «universelles», c'est plutôt
des prestations de base, c'est-à-dire un plancher pour tous les parents. On
constate que la plateforme libérale des dernières élections au niveau fédéral a
promis un tel régime, alors nous pensons que c'est le temps que le Conseil de
gestion se penche sur la question puis fasse des études systématiques sur qu'est-ce
qui se passe dans d'autres pays qui ont de tels régimes, comment ils sont
financés, parce qu'il y a plusieurs modes pour le financer, et que vous alliez
de l'avant un projet de recherche, des consultations et une étude systématique
de cette question-là. C'est une demande que nous faisons depuis 20 ans, et
on est très déçus qu'il n'y ait même pas eu une étude sérieuse de la question.
Notre recommandation 15 vise surtout les
étudiants étrangers, mais aussi toutes les personnes qui sont au Québec qui
n'ont pas encore un statut de résident reçu. Ça toucherait, par exemple, toutes
les personnes qui sont en demande d'asile, actuellement, dont on sait que
plusieurs ont travaillé dans le système de santé pendant la pandémie, donc sont
dévouées à la nouvelle société, qui cherchent vraiment à intégrer à la société.
Et parce qu'ils travaillent, ils cotisent un régime d'assurance parentale, nous
pensons qu'ils devraient être admissibles au régime s'ils travaillent et s'ils
cotisent.
Notre recommandation 6, elle, c'est à des
fins que... Actuellement, on a le programme de maternité sans danger, qui est
le seul qui existe avec rémunération au Canada, mais il y a des situations où
une femme doit cesser de travailler parce qu'elle a eu un accident, parce
qu'elle est malade, mais aussi parce qu'elle a une grossesse difficile. Et nous
aimerions beaucoup que le gouvernement mette en place un régime d'indemnités de
revenus pendant cette période-là. En d'autres mots, élargir les prestations de
maternité dans ce cas-là. Actuellement, les mères peuvent être admissibles aux
prestations d'assurance emploi, de maladie, et c'est peut-être un rapatriement
de ces prestations-là qui pourrait aider à financer un tel régime.
Notre recommandation 16, c'est... traite
de la façon dont on...
Mme Rose (Ruth) : ...dans ce
cas-là. Actuellement, les mères peuvent être admissibles aux prestations d'assurance-emploi
de maladie, et c'est peut-être un rapatriement de ces prestations-là qui
pourrait aider à financer un tel régime.
Notre recommandation 16, c'est... traite
de la façon dont on calcule une réduction de revenu pour la personne qui a à la
fois des gains d'entreprise et un salaire, et c'est une question technique que
nous avons déjà discutée au CGAP, puis il y a plusieurs ajustements
administratifs. Alors, nous étions un peu surprises que ce ne soit pas abordé
dans le projet de loi, c'est technique et relativement simple à corriger.
Et, finalement, nous suggérons que le gouvernement
du Québec étudie sérieusement la possibilité de rapatrier l'ensemble des
prestations spéciales de l'assurance-emploi, en particulier les prestations
pour le soin d'un enfant gravement malade ou un adulte gravement malade. Malgré
la décision de la Cour suprême, nous considérons que ce sont des domaines de
compétence provinciale et qu'il devrait y avoir des moyens d'accommoder un
rapatriement dans le contexte de l'assurance-emploi.
Finalement, comme conclusion, nous
aimerions remercier le ministre Boulet pour ses déclarations à l'effet que le
régime... le Fonds d'assurance parentale est en très bonne santé. Il est encore
en train de faire des surplus à toutes les années malgré les baisses de
cotisations en 2019 et 2020, alors que vous avez déjà calculé qu'il serait
capable d'absorber vos propositions sans difficulté. J'aimerais souligner que
la... des recommandations que nous faisons visent l'équité. Elles visent l'équité
entre les femmes et les hommes; elles visent l'équité entre les mères
monoparentales et les mères qui ont des conjoints; elles visent l'équité entre
les personnes qui sont... résident temporairement ou qui n'ont pas de résidence
au Québec et les personnes qui sont des citoyens ou des résidents permanents du
Québec. Donc, nous pensons aussi... ce n'est pas des propositions très
coûteuses et nous pensons aussi que le Fonds d'assurance parentale est tout à
fait capable d'absorber ces coûts-là. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Est-ce que c'est tout? Est-ce que Mme Brown a quelque chose à ajouter,
ou c'est terminé aussi?
Mme Brown (Kimmyanne) : Ça va,
merci. On a présenté l'entièreté de notre mémoire.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, je vous remercie, Mme Rose ainsi que Mme Brown, merci pour
votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec M. le
ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Rose et merci, Mme Brown, vos présentations étaient
claires, très fouillées, très bien argumentées...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange
avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Rose, merci, Mme Brown. Vos présentations étaient
claires, très fouillées, très bien argumentées aussi. Les mémoires aussi dont
nous avons pris connaissance étaient de très belle qualité. Il y a beaucoup de
questions, hein, j'aurais aimé m'entretenir avec vous deux pendant plus
longtemps. Je vais essayer d'y aller avec un certain nombre de commentaires.
Bien entendu, sur le 20 à
25 semaines, vous n'êtes pas les premières à nous le proposer, et j'aime
particulièrement l'exemple, là, de l'accouchement prématuré, là, et… Tu sais,
souvent, puis vous avez fini avec ce type de commentaire là, Mme Rose, on a
l'égalité dans la loi, mais en tenant compte des situations parfois sociales ou
économiques, il peut y avoir des iniquités, même si, dans la loi, on recherche
la meilleure équité.
Le 78 semaines à 104 semaines,
vous disiez, je pense que c'est Mme Brown, que ça pourrait conférer plus de
flexibilité aux employeurs et qu'en plus ce soit… ça devrait être sans leur
consentement. En quoi allonger ça de 78 à 104 semaines, Mme Brown, et de
ne pas requérir le consentement de l'employeur lui conférerait plus de
flexibilité?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui, bien,
en fait, je vais céder la parole à Mme Rose pour la réponse à cette question.
M. Boulet : D'accord.
Mme Rose (Ruth) : Ça peut
sembler une contradiction, mais le… Moi, j'ai vécu en tant qu'employeur
plusieurs situations où ça faisait l'affaire de l'employeur et de la salariée
de pouvoir revenir au travail pendant quelques semaines. J'imagine, avec les
hommes, pendant la haute saison, c'est encore plus important. Alors, nous
pensons qu'une période plus longue pourrait être… donner de la flexibilité aux
deux partis.
Maintenant, le problème, c'est que la loi
exige le consentement de l'employeur si un salarié veut fractionner son congé,
et il y a plusieurs circonstances, par exemple, la femme est malade puis
l'homme veut pouvoir s'occuper des enfants et de sa femme, et que l'employeur
dit : Non, non, non. On comprend qu'on ne veut pas qu'il y ait un constant
revient… aller et retour, mais on pense, par exemple, là, qu'on pourrait dire
que les parents ont le droit de fractionner leurs congés une fois pendant cette
période et que, dans les autres cas, il faut qu'il y ait une entente. Alors,
c'est à explorer. L'idée, c'est d'augmenter la flexibilité…
Mme Rose (Ruth) : …mais on
pense, par exemple, qu'on pourrait dire que les parents ont le droit de
fractionner leurs congés une fois pendant cette période et que, dans les autres
cas, il faut qu'il y ait une entente. Alors, c'est à explorer. L'idée, c'est
d'augmenter la flexibilité.
M. Boulet : O.K. Oui, je pense
que l'objectif est le même pour tout le monde, la flexibilité, la façon de
donner la flexibilité maximale tant à la personne qu'à l'entreprise; ça, on
pourra en discuter longtemps bien sûr. Il y a des entreprises qui militent en
faveur du maintien à 52 semaines, il y a des groupes qui sont extrêmement
heureux qu'il y ait une augmentation à 78, il y en a qui vont plaider en faveur
d'un 104 semaines. Mais j'ai compris votre point, Mme Rose. Merci.
• (11 h 20) •
J'ai compris aussi, Mme Brown, la revendication
que le 10 jours de l'article 79.6 de la Loi sur les normes du travail soit
rémunéré, alors que, vous vous souvenez, le 12 juin 2018 avant notre arrivée au
pouvoir, il y avait eu une vaste réforme de la Loi sur les normes du travail, et
cette réforme-là était quand même issue d'un consensus social qui découlait
d'un équilibre, de discussions entre les partenaires du marché du travail. Et
c'était quand même un gain qui avait été considéré comme étant substantiel, là,
qu'il y ait au moins deux jours découlant de la garde, de la santé ou
l'éducation d'un enfant qui soit rémunérée, mais il y a quand même la banque de
10 jours, et c'est sans négliger le fait qu'il y a beaucoup de travailleurs
qui, en vertu de contrats individuels ou de conventions collectives de travail,
qui ont, bien sûr, au-delà de ce que la Loi sur les normes du travail comprend,
qui est une loi de normes minimales du travail. C'est vraiment la base de nos
lois du travail au Québec. J'ai bien compris, cependant, le… parce que notre
objectif, ce n'est pas d'amender la Loi sur les normes du travail, mais vous,
cependant, demandez qu'il y ait un certain nombre de jours qui soient prévus
pour compenser les démarches en vue de l'adoption, ça, je l'ai bien compris.
Je ne peux pas ne pas refaire la
discussion sur l'incitatif, le quatre jours, le quatre semaines partageables
additionnel. Je veux réitérer l'objectif que nous avons en tête, c'est
d'inciter, d'encourager les pères à s'investir dans la sphère familiale. Ils
prennent les congés de paternité, ils ne partagent pas ou peu. Il y a quand
même une augmentation qu'on peut constater année après année, et donc c'est de
venir dire au papa et à la maman : Entendez-vous; s'il y a un 10 jours
minimal, là vous avez accès à un quatre jours additionnel. Ça fait que…
C'est parce que vous disiez, Mme
Brown : C'est une contrainte ou une obligation pour la mère. Non, ce n'est
pas une…
M. Boulet : ...de venir dire au
papa et à la maman : Entendez-vous, s'il y a un 10 jours minimal, là, vous
avez accès à un quatre jours additionnels. Ça fait que... C'est parce que vous
disiez, Mme Brown : C'est une contrainte ou une obligation pour la
mère. Non, ce n'est pas une contrainte, non, ce n'est pas une obligation, c'est
une volonté qui est exprimée dans la loi. Discutez-vous, entendez-vous d'abord
et avant tout et, si vous vous entendez sur un partage d'un 10 semaines minimal
de chaque côté, parent a et parent b, vous avez accès à un autre quatre
semaines additionnel qui est partageable. Mais je ne veux pas que jamais...
puis ça... Ce n'est pas les témoignages que j'ai eus sur le terrain, les jeunes
parents m'ont tous dit : C'est magnifique, c'est une avancée
extraordinaire dans notre régime qui est déjà généreux. Mais d'avoir accès à ce
quatre semaines additionnel là, toutes et tous le voyaient comme un bénéfice
additionnel. Je ne veux que jamais ça puisse être interprété comme une atteinte
à des droits des mères, là, comme vous le mentionnez, Mme Brown.
Ça, j'aimerais ça aussi vous entendre un
peu là-dessus. Vous disiez : Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir, ou s'il
y a même une recommandation, la possibilité d'un transfert de semaines de
prestations à un autre parent qui aide ou qui s'occupe de l'enfant? Juste vous
rappeler que, même en cas de séparation, l'obligation parentale demeure. C'est
sûr qu'en termes de gestion administrative, je ne sais pas comment ça pourrait
se faire, là, mais que... puis peut-être que vous allez me donner des
précisions additionnelles. Est-ce que le parent a pourrait revendiquer le
transfert de semaines de prestations à une autre personne qui s'occupe de
l'enfant? Et ça, c'est Mme Brown, là, c'est dans vos derniers commentaires.
J'aimerais vous entendre peut-être rapidement là-dessus.
Mme Brown (Kimmyanne) : Bien,
effectivement, pour répondre rapidement, c'est que le parent seul puisse
attribuer les semaines à une personne de son choix tant et aussi longtemps que
cette personne-là reste admissible au régime. On comprend tout à fait que le
deuxième parent demeure responsable de l'enfant et a des obligations
parentales, mais, en 2020, il y a une transformation des familles, il y a des
mères qui décident d'avoir des enfants seuls, il y a des personnes non binaires
également. Bref, on considère que la mère ou le parent seul pourrait choisir
une personne de son choix pour transférer ces prestations-là plutôt qu'elles
soient... qu'elles demeurent non utilisées.
M. Boulet : O.K., je
comprends. Je ne sais pas combien il me reste de temps mais je veux faire deux
précisions. En cas de décès, Mme Rose, la mère continue bien sûr de
recevoir ses prestations de maternité, et l'autre parent, même s'il n'est
pas... s'il n'en recevait pas, il a droit aux deux semaines. Donc, même s'il
n'est pas en cours de...
M. Boulet : ...il me reste de
temps, mais je vais faire deux précisions. En cas de décès, Mme Rose, la mère
continue bien sûr de recevoir ses prestations de maternité, et l'autre parent,
même s'il n'est pas... s'il n'en recevait pas, il a droit aux deux semaines.
Donc, même s'il n'est pas en cours de prestation — je pense que c'est
le langage que vous utilisiez — oui, c'est possible pour l'autre
parent qui ne reçoit pas, au moment du décès, de prestation... il a accès aux
deux semaines. Donc, c'est comme si on mettait en place une présomption qui
faisait en sorte que le décès est reporté de deux semaines.
L'autre élément qui est important pour
moi, là, puis c'est... je pense que c'est une philosophie qui me préoccupe
aussi, là, les revenus concurrents. Vous parliez d'iniquité pour la mère parce
qu'elle n'a pas accès à l'exemption, la mère, pendant le congé de maternité. Il
ne faut pas voir ça comme une iniquité, au contraire. Les prestations de
maternité, elles ont une finalité qui est différente des autres prestations du
RQAP. Elles sont versées pour permettre à la mère, puis ça, vous le
mentionniez, de se remettre des effets physiologiques de la grossesse et de
l'accouchement. Donc, elles ont des conditions qui leur sont propres, et on
respecte les orientations de l'Organisation internationale du travail, en
raisonnant de cette manière-là. Elles sont versées, ces prestations de
maternité, sans que la présence de l'enfant soit requise, contrairement aux
autres types de prestations. Elles peuvent même débuter jusqu'à 16 semaines
avant la date prévue de l'accouchement. Donc c'est... En permettant à la mère
de bénéficier des exemptions pour revenus de travail, la littérature puis l'Organisation
internationale du travail nous l'enseignent de cette manière-là, puis j'adhère
à ça, ça pourrait être à risque de mettre une pression sur la mère pour
maintenir une prestation de travail durant la période de maternité, ce qui
serait, selon ce que la littérature nous enseigne, préjudiciable à la santé de
la mère et de l'enfant. Ça fait que je veux juste un peu combattre... puis je
respecte votre opinion, que ça peut engendrer une iniquité de ne pas permettre
à la mère, durant le congé de maternité, de pouvoir bénéficier de l'exemption
pour le revenu de travail que nous montons, hein? Vous savez, Mme Rose, c'était
25 % du montant de la prestation. Maintenant, ça peut être l'équivalent de
la différence entre le revenu hebdomadaire et le montant de la prestation. Mais
c'est normal, et c'est... Au contraire, si on donnait ce même accès-là à la
mère pendant son congé de maternité, c'est vu comme pouvant potentiellement lui
mettre une pression, alors qu'elle n'en a certainement pas besoin. Donc, c'était
important pour moi de faire cette précision-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste quatre minutes.
M. Boulet : Oui. Tout à fait. Maintenant,
donc, j'aimerais vous entendre un peu, Mme Brown, sur les... bon, le
programme de maternité sans danger. Vous disiez : Bon...
M.
Boulet : ...besoin. Donc, c'était important pour moi de faire
cette précision-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste quatre minutes.
M.
Boulet : Oui, tout à fait.
M. Boulet :
Maintenant, donc, j'aimerais vous entendre un peu, Mme Brown, sur... bon,
le programme de maternité sans danger. Vous disiez : Bon, pas de
prestation... Parce que c'est sûr qu'il peut y avoir un retrait préventif. Là,
c'est des indemnités de remplacement de revenus versées par la CNESST. Ça peut
être une grossesse compliquée ou un accident ou une maladie. Là, c'est les
prestations de maladie du régime fédéral de l'assurance-emploi. Ça... Est-ce
que c'est ça que vous demandez qu'éventuellement, ce soit rapatrié à Québec?
J'aimerais ça avoir des précisions de votre part sur ce point-là.
Mme Rose (Ruth) : Si je peux
répondre...
M.
Boulet : Oui.
Mme Rose (Ruth) : L'idée,
c'est que, oui, ça pourrait être ça. Je ne sais pas si c'est compliqué de dire
seulement ceux qui sont... les prestations qui sont liées à une difficulté
pendant la période de congé... de grossesse, mais on demande que toutes les
prestations spéciales soient rapatriées aussi au Québec. Alors, ça, c'est un
projet pour l'avenir.
J'aimerais juste revenir sur la question
de la discrimination parce qu'il y a beaucoup de cas où la mère reçoit des
revenus qui ne demandent même pas qu'elle fasse un travail. C'est le cas de beaucoup
de travailleuses autonomes. C'est le cas des conseillères municipaux qui ont
une rémunération qui n'arrête pas pendant la période de congé. Et je trouve
aussi bizarre que vous avez hésité longtemps à créer des prestations additionnelles
d'adoption parce qu'il pouvait y avoir un effet discriminatoire du fait que les
femmes reçoivent les prestations de maternité en raison de leurs relevailles,
puis vous avez éliminé cette discrimination-là, vous en avez créé une autre
parce que les mères adoptives ne subissent une réduction de leurs revenus en
raison de leurs revenus concurrentiels. Alors, si vous relisez notre mémoire,
on a éliminé six raisons et je pense qu'il pourrait y avoir une contestation
constitutionnelle si vous maintenez cet élément-là.
M.
Boulet : C'est intéressant. Donc, ce que vous dites c'est que
la mère adoptante, elle, ne subit pas de réduction du montant de sa prestation
si elle a des revenus concurrents, comme par exemple une travailleuse autonome,
vous le mentionnez, ou une conseillère municipale, alors que la mère n'a pas
accès à ce même type d'exemption là. C'est ce que vous me dites?
• (11 h 30) •
Mme Rose (Ruth) : Voilà. C'est
une des raisons. Et puis aussi, étant donné que les mères peuvent justement
commencer leurs prestations de maternité jusqu'à 16 semaines avant la date
prévue, ça, c'est une période où une... tu sais, travailler un jour ou deux, un
peu à temps partiel, ne serait vraiment pas nuisible à sa santé, alors il y a
des raisons que, tu sais, c'est vraiment une discrimination parce que les
femmes... c'est la femme qui porte l'enfant...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Rose (Ruth) :
...prestations de maternité jusqu'à 16 semaines avant la date prévue. Ça, c'est
une période où, si vous travaillez un jour ou deux, qui est un peu à temps
partiel, ce ne serait vraiment pas nuisible à sa santé. Alors, il y a des
raisons, et c'est vraiment une discrimination parce que les femmes... c'est la
femme qui porte l'enfant.
M. Boulet : Je vous avoue, Mme
Brown, que ça mérite considération. Je vous ai bien comprise. Maintenant, votre
projet d'avenir, pour l'avenir, rapatriement, moi, je suis toujours un partisan
des rapatriements, surtout tout ce qui touche les champs de compétence du
Québec. Donc, ça aussi, ça mérite considération.
Merci beaucoup pour vos réflexions, Mme
Brown, Mme Rose. C'était bien fouillé, et vous avez fait les bonnes réflexions,
puis je pense que ça va contribuer à notre commission parlementaire de façon
intéressante. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Nous poursuivons l'échange maintenant avec l'opposition
officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de
10 min 40 s.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Et je vois l'ambition du ministre d'aller dans un autre
rapatriement. Écoute, j'aimerais bien le voir en action. Merci, Mme Brown, pour
les bonnes suggestions. Vous donnez de très bonnes idées à M. le ministre. Il a
l'énergie pour aller rapatrier autre chose, donc bonne chance, M. le ministre.
Merci à vous deux, excellente présentation.
Sérieusement, j'ai deux pages de notes. Beau travail. Vous avez beaucoup
synthétisé... pas mal d'enjeux. Moi, j'aimerais bien vous entendre par rapport
à deux points qui m'ont frappé. Mais vous n'êtes pas le premier groupe qui nous
sensibilise par rapport au sentiment de l'inéquité, et je pense que,
personnellement, ma motivation, et la motivation, je pense, de l'ensemble des
collègues, c'est de ne pas tomber dans ce sentiment d'inéquité. Donc, ma
question est très simple. Vous avez soulevé des enjeux d'inéquité et même de
discrimination. Selon vous... vous avez émis pas mal, je dirais, d'hypothèses
et même des propositions... comment on peut s'assurer de ne pas tomber dans
l'inéquité et la discrimination avec ce projet de loi?
Mme Rose (Ruth) : D'abord,
j'aimerais revenir sur cette question des mères monoparentales, qui est un des
éléments d'inéquité, parce que nous demandons que, lorsque le père n'est pas
présent... et là ce n'est pas une question où il y a une garde partagée, où il
y a une séparation ou un divorce, puis le père est toujours présent. Parce que
là où on veut... garde les mêmes règles. C'est lorsqu'il n'y a pas de père
présent que nous demandons que les mères monoparentales puissent bénéficier des
prestations qui seraient allées au père. C'est surtout les prestations de
paternité, mais les autres cas aussi où il y a des prestations exclusives. Et
c'est dans ce cas-là seulement que nous demandons que la mère puisse attribuer
ces prestations de paternité à une autre personne, par exemple, à sa propre
mère...
Mme Rose (Ruth) : ...aux pères,
c'est surtout les prestations de paternité, mais les autres cas aussi où il y a
des prestations exclusives. Et c'est dans ce cas-là seulement que nous
demandons que la mère puisse attribuer ses prestations de paternité à une autre
personne, par exemple à sa propre mère, parce qu'elle pourrait avoir besoin de
soutien, surtout si elle a déjà un autre enfant à la maison. Alors, ça,
c'est... on trouve que ne pas faire ça, c'est une iniquité par rapport aux
mères célibataires, divorcées, c'est pareil, où il n'y a pas de père, par
rapport aux mères veuves qui, elles, ont le droit aux prestations exclusives
réservées aux pères.
M. Derraji : Désolé. Donc,
pour vous, dans ce cas bien précis, pour éviter l'iniquité, vous suggérez le
transfert de droits ou le transfert de prestations.
Mme Rose (Ruth) : Vers la
mère.
M. Derraji : Vers la mère,
oui, oui, j'ai bien compris. Oui, O.K.
Mme Rose (Ruth) : Mais la mère
pourrait aussi les attribuer à quelqu'un pour la soutenir.
M. Derraji : Oui, dans son
entourage pour l'accompagner, pour l'aider justement dans cette situation.
Mme Rose (Ruth) : Oui. Et
l'autre élément d'iniquité le plus important, c'est celui des revenus
concurrents dans les prestations de maternité. Parce qu'actuellement, avec le projet
de loi, toutes les autres prestations pourraient bénéficier... les prestataires
de toutes les autres prestations pourraient garder leurs revenus concurrents.
M. Derraji : O.K.
Mme Rose (Ruth) : Ça, c'est
les deux éléments les plus importants.
M. Derraji : O.K., excellent.
J'aimerais bien aussi vous entendre par rapport à accroître le nombre total de
semaines de prestations. J'ai bien lu que vous n'appuyez pas la proposition
qu'une mère doive renoncer à 10 semaines de prestations parentales afin
que le couple garde quatre semaines de plus. Et vous mentionnez qu'il y a beaucoup
de situations où le deuxième parent ne veut pas. On ne peut pas tout simplement
prendre 15 semaines de prestations, alors que les mères pourraient
utiliser des semaines additionnelles pour le mieux-être de l'enfant. Donc, les
femmes, selon vous, continuent d'assumer la plus grande part des responsabilités
domestiques et de soins aux enfants. Ce sont toujours elles qui portent les
enfants, qui accouchent et qui allaitent. Ça, c'est des faits et c'est la
réalité que vous mentionnez. Vous êtes, je dirais, quand même dans une
catégorie de... que plusieurs groupes nous ont levé ce drapeau, que renoncer à
10 semaines partageables pour en prendre quatre, ça n'aide pas... je ne
veux pas dire «injuste», mais ça n'aide pas l'implication des parents.
Ma question. Vous comprenez le sens même
de cette proposition que le ministre ramène sur la table. Première
question : Comment atteindre l'objectif d'avoir plus d'implication des
pères? Deux, connaissant cet objectif, comment on peut l'atteindre si, selon
vous, 10 semaines partageables, renoncer pour avoir quatre, ce n'est pas
la meilleure solution? Qu'est-ce que vous proposez aujourd'hui?
Mme Rose (Ruth) : Bien,
d'abord, nous aimerions souligner que l'introduction de congé de paternité, au
Québec, a créé une révolution dans les familles du Québec. Tu sais...
M. Derraji : ...partageables,
renoncer pour avoir quatre, ce n'est pas la meilleure solution, qu'est-ce que
vous proposez aujourd'hui?
Mme Rose (Ruth) : Bien, d'abord,
nous aimerions souligner que l'introduction des congés de paternité, au Québec,
a créé une révolution dans les familles du Québec. Tu sais, moi, mon fils, tous
ses amis, les jeunes pères, ils prennent soin de leurs enfants. On voit de plus
en plus de pères qui promènent leurs enfants sur la rue, dans le carrosse,
aussi sur eux. Donc, il y a déjà eu un énorme progrès.
Deuxièmement, souligner aussi qu'au Québec,
même si on juge que les pères ne prennent pas assez les semaines partageables,
ils les prennent encore beaucoup plus que les pères du restant du Canada.
Alors... Et le conseil de gestion aussi a fait des enquêtes auprès des
employeurs, et il y a de plus en plus d'acceptation des congés pour les pères
dans les entreprises du Québec. Donc, nous avons déjà fait beaucoup de progrès.
Alors, le problème, c'est que, dans
certains cas, notamment si la mère a plusieurs enfants ou si le père, pour des
raisons professionnelles, ne peut pas quitter son emploi, on veut plus de
flexibilité pour les parents. Alors, notre solution à ça serait que, si vous
ajoutez des semaines, ou bien qu'ils soient réservés au père ou bien qu'ils
soient... c'est une condition de partage. Alors, on pense qu'il faut aller plus
lentement et qu'on devrait mettre les incitatifs plutôt que de dire :
Bien, si la femme renonce, le couple peut avoir davantage, parce qu'il y a une raison
pour laquelle... Si on veut le plus de flexibilité aux parents, c'est eux qui
devraient décider comment partager les semaines. Déjà, réduire à cinq semaines
partageables... ça serait une avancée.
M. Derraji : Oui. Donc, j'ai
bien compris. Donc, pour vous, la proposition qui est sur la table, de partager
les 10... les semaines partageables, et que, si la mère renonce, bien, les
quatre semaines, ce n'est pas la meilleure solution, ce que vous dites, c'est
que... diminuer le nombre de semaines partageables de 10 à cinq et d'aller
graduellement, probablement pas d'emblée quatre semaines. Est-ce que c'est bien
ça, ce que vous voulez dire?
Mme Rose (Ruth) : Oui.
M. Derraji : J'ai entendu
Mme Brown, c'est ça?
Mme Rose (Ruth) : Bien, non,
c'est Mme Rose. Oui.
M. Derraji : Ah! O.K.
Mme Rose. O.K. Excellent. Bien, j'ai une question pour Mme Brown.
Vous avez parlé de la flexibilité pour le fractionnement des congés. Est-ce que
vous pouvez juste élaborer un peu plus?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui.
Pour le fractionnement des congés, je vais laisser Mme Rose répondre aussi
à cette question.
M. Derraji : O.K. J'ai cru
comprendre...
Mme Rose (Ruth) : Je n'ai pas
compris la...
M. Derraji : La flexibilité
pour le fractionnement des congés. J'ai comme...
Mme Brown (Kimmyanne) : …oui,
pour le fractionnement des congés, je vais laisser Mme Rose répondre aussi à
cette question.
M. Derraji : O.K. J'ai cru
comprendre… c'est vous…
Mme Rose (Ruth) : Je n'ai pas
compris la…
• (11 h 40) •
M. Derraji : La flexibilité
pour le fractionnement des congés, j'ai comme eu l'impression que vous avez
parlé de ça lors de votre exposé. Je voulais juste savoir davantage qu'est-ce
que vous voulez dire par rapport à la flexibilité pour le fractionnement des
congés.
Mme Rose (Ruth) : C'est qu'on
pense qu'il y aurait un moyen de dire que les parents auraient droit à
fractionner une fois, c'est-à-dire séparer une fois leur congé, même si
l'employeur ne donne pas son consentement, et… Parce que, si l'objectif est la
flexibilité, on pense que les parents devraient avoir certains droits à cet
égard-là. Et on rappelle que les employeurs aussi aiment souvent que… de
rappeler la personne au travail pendant sa période de congé, et donc on
voudrait qu'il y ait un équilibre entre les trois.
M. Derraji : Excellent. Un
dernier point, c'est par rapport au projet pilote, et j'ai vu toute une
proposition par rapport au projet pilote, et vous parlez de pas mal de cas. Est-ce
que vous étiez interpellés par des groupes ou vous avez constaté cela sur le
terrain ou bien si vous avez des études à nous partager dans ce sens?
Mme Rose (Ruth) : Bien,
c'est-à-dire, en particulier, notre recommandation 15 où on parle de
l'admissibilité des personnes domiciliées au Québec, parce que dans la
coalition… conciliation famille-travail-études, il y a des groupes d'étudiants,
dont des étudiants étrangers, et puis, en général, ils n'ont aucun droit… cette
période-là. Sur la question des statuts de réfugié, c'est plutôt ce qu'on voit
dans les journaux et le fait que les personnes ici, qui sont en demandent
d'asile, qui peuvent être là pendant des années avant qu'on passe… on regarde
leur cas, et qu'il est déjà question du travail qu'ils ont fait pendant… dans
les institutions de santé pendant la pandémie.
M. Derraji : J'ai bien
compris. Donc, votre suggestion, c'est inclure les demandeurs d'asile, les
réfugiés, les étudiants étrangers, qui cotisent bien entendu au régime, aux
prestations.
Mme Rose (Ruth) : Voilà.
M. Derraji : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est parfait, c'est tout ce qu'on avait. Merci, député de Nelligan. Nous
allons maintenant avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Toujours impressionné par
votre érudition, Mme Rose. C'est un mémoire vraiment très bien, très bien
détaillé, très impressionnant. Je remarque d'ailleurs qu'il y a plusieurs
organismes signataires, là, on approche, je pense, une vingtaine d'organismes
qui approuvent…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Toujours impressionné par
votre érudition, Mme Rose. C'est un mémoire vraiment très bien, très bien
détaillé, très impressionnant. Je remarque d'ailleurs qu'il y a plusieurs organismes
signataires, là, on approche, je pense, une vingtaine d'organismes qui
approuvent le contenu et les recommandations de votre mémoire, c'est
impressionnant. Ça démontre tout ce travail de préparation que vous avez fait.
Je suis content de constater aussi que
vous êtes critiques de l'approche du ministre par rapport au partage forcé des
semaines. Je suis avec vous sur ce sujet-là. Je pense qu'il y a d'autres
avenues. Je pense qu'on partage l'objectif, une meilleure présence du père, mais
que ce n'est pas nécessairement le bon chemin. Je suis sûr qu'en étude
détaillée on trouvera des compromis.
J'aimerais vous entendre sur les congés,
la recommandation n° 3, que les congés payés pour
obligations familiales de la LNT, des normes du travail, soient payés parce que
ce n'est pas le cas actuellement, il y en a seulement deux, je pense, sur 10.
Et nous, on propose, surtout en temps de pandémie, que ce soit le cas, qu'il y
en ait 10 d'accessibles pour tout le monde. Vous, j'imagine que, quand vous
avez rédigé le mémoire, vous n'aviez pas nécessairement en tête le contexte
d'une pandémie, mais plutôt un contexte régulier. Mais voulez-vous m'en parler
davantage?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui,
bien, effectivement, c'est sûr que cette mesure-là, en temps de pandémie, elle
est absolument nécessaire. Je pense que c'est une recommandation minimale, là,
sachant que des parents vont devoir prendre nécessairement des congés, que ce
soit pour toutes sortes de choses, des rendez-vous médicaux ou l'isolement.
Donc, cette mesure-là est tout à fait nécessaire en temps de pandémie. C'est
sûr que, lors de la rédaction du mémoire au mois de mars, on n'était pas du
tout dans ce contexte-là, effectivement.
Mais on considère que... le ministre
Boulet, tout à l'heure, parlait de normes minimales et qu'il y avait des
conventions collectives de toute façon qui prévoyaient davantage. Mais il faut
savoir que les femmes sont majoritaires dans le travail atypique et il y a
énormément de femmes pour qui la Loi sur les normes du travail, bien, c'est
leur contrat de travail, c'est leur norme, et que deux jours rémunérés, ce
n'est pas du tout suffisant. Bien qu'il y ait une banque, là, qui soit non
rémunérée, bien, ça désavantage les femmes parce qu'on sait... on le mentionne
dans notre mémoire à plusieurs reprises que ce sont les femmes qui sont
principalement en charge de tout ce qui est rendez-vous médicaux, tout ça,
toute la charge domestique, le fardeau du ménage. Donc, elles ont besoin de ces
10 jours là et elles ont besoin que ce soit rémunéré. Et cette mesure-là était
tout à fait essentielle, c'est une revendication de longue date. Et, comme vous
avez mentionné, c'est 26 groupes qui ont signé le mémoire, c'est unanime que
ces 10 journées là doivent être rémunérées. Et cette mesure-là est tout à fait
nécessaire aussi en temps de pandémie. Donc, voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste quelques secondes.
M. Leduc : Quelques secondes.
Peut-être, Mme Rose, un aspect du mémoire que vous voudriez approfondir
qu'on n'a pas eu le temps de traiter aujourd'hui?
Mme Rose (Ruth) : J'aimerais
aussi insister sur le fait de la possibilité pour les mères monoparentales, le
père n'est pas présent, d'avoir le même nombre de semaines que les autres
familles. C'est une demande d'ailleurs que nous avons mise de l'avant dans les
années 90, au moment où on regardait la première loi. Alors...
Mme Rose (Ruth) : ...le fait
de... possibilité pour les mères monoparentales, où le père n'est pas présent,
d'avoir le même nombre de semaines que les autres familles. C'est une demande d'ailleurs
que nous avons mise de l'avant dans les années 90, au moment où on regardait la
première loi. Alors, ce serait un bon projet pilote.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous poursuivons avec le
troisième groupe, avec la députée de Joliette. Vous disposez de
2 min 40 s.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Merci infiniment pour la qualité de vos
présentations, qui sont très éclairantes. Je voulais poursuivre, là, sur la
question du transfert des semaines pour les femmes qui sont les seuls parents
de l'enfant. Donc, juste pour être claire, ce que vous dites, c'est que ça
devrait être transféré à la mère, qui peut les utiliser elle-même, ou elle peut
demander à une autre personne de s'en prévaloir. Je veux juste être certain que
c'est les deux options, ou si vous dites : Elle peut les transférer à une
personne mais pas pour elle.
Mme Rose (Ruth) : Une mère ou
l'autre, effectivement, elle peut les garder pour elle ou les transférer. Il
faut dire que ce serait une règle qui s'appliquerait aussi au parent adoptant
où il y a un seul parent. Donc, ça pourrait être un père, si son conjoint
meurt, ou... Si son conjoint meurt, en principe, il a déjà le droit, mais s'il
y a une séparation puis... en tout cas, dans les cas où il y a un seul parent,
que ce soit adoptant ou biologique.
Mme
Hivon
:
Parfait. Puis je voulais bien comprendre qu'est-ce qui serait votre
recommandation centrale pour la question des revenus concurrents, d'une part,
et l'autre, pour les parents étudiants. Est-ce qu'il y a quelque chose, malgré
le fait qu'ils ne contribuent pas formellement, qu'on pourrait faire rapidement
pour améliorer la situation?
Mme Rose (Ruth) : Pour les
étudiants... on demande un régime universel, un régime de base pour tous les
parents, ce qui inclurait les étudiantes et étudiants. Mais on pense qu'on
n'est pas encore prêts à aller de l'avant, et je pense que ça prend des études
et des examens, parce qu'il y a différentes façons de financer ça. En Suède, par
exemple, on considère, c'est une assurance, mais sur tous les étudiants. Tu
sais, ils n'ont pas travaillé dans l'année précédant la naissance, mais ils
vont travailler toute la vie, ils vont faire leur contribution comme il faut au
régime, mais ils n'ont pas pu bénéficier parce qu'ils ont eu leurs enfants trop
tôt. Alors, ça... donc, en Suède, les assurances... c'est les assurances qui
assument le coût. Dans d'autres pays, notamment les pays comme l'Autriche ou
l'Allemagne, ce sont des assurances du père ou du conjoint qui peuvent couvrir
la femme. On trouve que ça, c'est une question très... une dépendance qui n'est
pas nécessaire, et dans d'autres cas aussi, et surtout quand on parle d'un
montant forfaitaire...
Mme Rose (Ruth) : ...Allemagne,
ce sont des assurances du père ou du conjoint qui peuvent couvrir la femme. On
trouve que ça, c'est une question très indépendance qui n'est pas nécessaire et
dans d'autres cas aussi, et surtout quand on parle d'un montant forfaitaire à
la naissance, c'est le gouvernement qui finance.
Alors, il y a plusieurs éléments et ça
demande des études, mais ça fait longtemps aussi que les groupes de femmes
demandent un régime qui a des prestations de base pour tout le monde et nous...
on ne sait pas qu'est-ce qui est arrivé au fédéral, parce que c'était une des
promesses électorales de Justin Trudeau. Il y a d'autres choses à occuper depuis
ce temps-là, mais je pense que c'est le temps de mettre cette question-là sur
la table.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, Mme Brown, Mme Rose, pour vos interventions, votre contribution à
la commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi après
les affaires courantes vers 15 h 30.
Merci. Merci encore, Mme Brown et Mme
Rose.
Une voix
: Merci.
Une voix
: Merci à
vous.
(Suspension de la séance à 11 h 49)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil
électronique. Je souligne que cette séance se déroule à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau
où nous sommes et dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Le mandat de
la commission est réuni afin de poursuivre, justement, les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi
visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance
parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.
Cet après-midi, nous entendrons les
organismes suivants : la Fédération des parents adoptants du Québec, le Réseau
pour un Québec Famille et le Regroupement pour la valorisation de la paternité.
Nous souhaitons, dans un premier temps, la bienvenue à la Fédération des
parents adoptants du Québec avec Mme Tardif et M. Munger.
Mme Tardif et M. Munger, vous nous entendez bien?
Mme Tardif (Marielle) : Oui.
M. Munger (Yannick) : Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Puisqu'ils se retrouvent dans l'autre salle. Alors, nous... Avant de commencer,
hein, vous savez que vous avez un exposé de 10 minutes, et avant de
commencer, je vous inviterais à bien vous présenter.
M. Munger (Yannick) : Donc,
bonjour. Mon nom est Yannick Munger. Je suis le trésorier et co-porte-parole de
la Fédération des parents adoptants du Québec.
Mme Tardif (Marielle) :
Marielle Tardif. Je suis membre du conseil d'administration, à titre de
secrétaire, de la Fédération des parents adoptants du Québec.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...poursuivre, on vous entend très bien.
Mme Tardif (Marielle) :
Bonjour, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission. La FPAQ est
heureuse de participer à la commission d'étude sur le projet de loi n° 51
aujourd'hui. La réalité des familles adoptives, directement concernées par ce
projet de loi, est au coeur d'une lutte que nous menons depuis trop longtemps
déjà. Je souligne l'absence, mais la présence dans nos coeurs, de notre
présidente, Mme Anne-Marie Morel, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui
parce qu'elle est partie... elle part aujourd'hui ou demain pour les
Philippines pour réaliser, justement, un projet d'adoption.
En effet, dès mars 2005, la FPAQ dénonce
l'iniquité entre les congés d'adoption et les autres congés parentaux dans le
RQAP. S'en suivent pendant près de 15 ans de nombreuses représentations
auprès des différents gouvernements élus, des mémoires, des pétitions sont
déposées à l'Assemblée nationale à diverses reprises, différentes publications
sont diffusées en vain. Les gouvernements et les ministres se succèdent et la
FPAQ martèle son message. Les enfants adoptés sont les seuls enfants à ne pas
avoir le privilège de pouvoir passer un an avec leurs parents lors de leur
arrivée dans leur famille. Dans les faits, c'est toujours le cas à ce jour, et
ce, pour la simple raison qu'ils sont adoptés...
Mme Tardif (Marielle) : ...et
les ministres se succèdent et la FPAQ martèle son message. Les enfants adoptés
sont les seuls enfants à ne pas avoir le privilège de pouvoir passer un an avec
leurs parents lors de leur arrivée dans leur famille. Dans les faits, c'est toujours
le cas à ce jour, et ce, pour la simple raison qu'ils sont adoptés.
Le 28 novembre 2019, une première version
du projet de loi n° 51 ne permettant pas d'atteindre
l'égalité a été déposée. Le 3 décembre 2019, l'Assemblée nationale a voté
unanimement une motion déposée par la députée Véronique Hivon reconnaissant
l'inéquité du Régime québécois d'assurance parentale envers les familles
adoptantes. C'est un immense moment d'émotion pour nous et une reconnaissance
de l'injustice et de la blessure subie par les familles adoptantes depuis le
début du régime. Le ministre Jean Boulet dépose ensuite une nouvelle mouture de
son projet de loi le 12 mars 2020. Les amendements au projet de loi donnent la
pleine égalité des congés parentaux aux familles adoptives versus les familles
biologiques. De plus, la création de prestations d'accueil et de soutien relatives
à une adoption dénote la compréhension du choc et des difficultés que vivent
les enfants adoptés avant et après leur adoption et des défis des adoptants
tout en préservant le caractère important et unique de la grossesse, de
l'accouchement et de la parentalité biologique.
Nous voulons également aujourd'hui dire
une fois de plus que les besoins des familles adoptantes sont différents, mais
tout aussi importants que ceux des familles biologiques. L'enjeu de
l'attachement entre l'enfant et ses parents est le plus important de tous ces
besoins. Alors que la mère biologique commence l'attachement pendant la vie
intra-utérine en communiquant physiquement avec son foetus, il faut plus de
temps aux parents adoptants pour développer ce lien avec leur enfant adopté.
S'ajoute à cela un vécu préadoption de l'enfant souvent peuplé de retards de
développement, d'abus, de problèmes de santé, etc. L'accueil de cet enfant
exige une disponibilité particulière des parents adoptants et surtout du temps.
Les enfants adoptés ont d'abord connu une rupture avec leurs parents
biologiques. Ils ont ensuite vécu une ou plusieurs transitions dans différents
milieux, familles d'accueil ou orphelinats. Ainsi, même si l'adoption est un
acte d'amour de la part des parents, elle s'accompagne pour l'enfant de deuils
et de pertes. La fréquentation hâtive d'un milieu de garde peut ébranler
fortement l'enfant et sa famille, voire même être catastrophique dans la mesure
où l'enfant peut interpréter cela comme un nouvel abandon. Actuellement, plusieurs
adoptants sont contraints d'assurer trop tôt cette délicate transition lorsque
leur congé d'adoption prend fin, avec les conséquences subséquentes, ou alors
ils prolongent à leurs frais leur congé pour éviter ce nouveau trauma à leur
enfant, subissant ainsi un contrecoup financier important.
Des démarches d'adoption de plus en plus
longues et complexes, autant ici qu'à l'étranger, des propositions d'enfants de
plus en plus âgés en moyenne et avec des besoins de plus en plus grands sont
autant de défis pour les parents adoptants, pour lesquels le temps d'un congé
plus long est la meilleure arme. Avec l'allongement de la durée des prestations
proposé dans le projet de loi n° 51, la FPAQ est
aussi favorable à...
Mme Tardif (Marielle) : ...des
propositions d'enfants de plus en plus âgés en moyenne et avec des besoins de
plus en plus grands sont autant de défis pour les parents adoptants, pour
lesquels le temps d'un congé plus long est la meilleure arme.
Avec l'allongement de la durée des prestations
proposé dans le projet de loi n° 51, la FPAQ est
aussi favorable à l'octroi de cinq semaines de prestations exclusives destinées
à chacun des parents adoptants, qui reproduit le modèle proposé aux familles
biologiques et encourage la coparentalité. Actuellement, la durée insuffisante
du congé d'adoption à partager entre les parents oblige les couples adoptants à
réduire le temps de présence simultanée des deux parents pour éviter de
raccourcir le temps de congé total et de précipiter une entrée trop précoce en service
de garde. Il est aussi vrai de dire qu'un RQAP inéquitable envers les adoptants
lèse les droits des enfants adoptés. Les enfants adoptés constituent un groupe
de personnes vulnérables ayant des besoins particuliers dont le RQAP n'a jamais
tenu compte jusqu'à maintenant. Le RQAP a la flexibilité suffisante pour
octroyer des semaines supplémentaires aux adoptants. Un essai juridique
intitulé Le Régime québécois d'assurance parentale : un système
discriminatoire à l'endroit des enfants adoptés, publié par Mes Carmen
Lavallée, Daniel Proulx et Éric Poirier, le démontre d'ailleurs.
M. Munger (Yannick) : Au
niveau financier, donner la pleine égalité des prestations aux adoptants versus
les parents biologiques aurait engendré des coûts supplémentaires
d'approximativement 5 millions de dollars en 2019 sur des prestations
totales du RQAP d'environ 2 milliards. Ce qui aurait représenté une
augmentation de seulement 0,25 % des coûts totaux des prestations. Donc,
accorder aux parents adoptants des prestations équivalentes à celles des
parents biologiques aurait eu une incidence minime sur le financement du régime.
Qui plus est, le fait d'offrir aux
adoptants des prestations parentales équivalentes à celles des familles
biologiques jouit d'un fort appui populaire, renforcé au fil des ans par la
sensibilisation aux enjeux de l'adoption dans les médias, par les organismes et
spécialistes en adoption. L'adhésion aux différentes démarches de
représentation, des campagnes de lettres, des pétitions, etc., en témoignent
d'ailleurs. Le front commun des organismes d'adoption, le 1er décembre 2019,
est d'ailleurs un indice de l'importance du consentement à ce sujet. Désormais,
les personnes en désaccord avec une telle mesure sont très rares.
Dans le projet de loi actuel, les
nouvelles modalités de la loi n° 51 doivent entrer en
vigueur le 1er janvier 2021. À cet égard, la FPAQ invite le gouvernement à
devancer autant que possible cette date, particulièrement pour les adoptants.
D'une part, puisque le présent régime a été reconnu inéquitable envers les
adoptants et envers les enfants adoptés par l'ensemble des députés de l'Assemblée
nationale le 3 décembre dernier, il est intolérable de laisser perdurer cette
iniquité davantage. D'autre part, le gouvernement dispose de flexibilité dans
la détermination de l'entrée en vigueur des différentes modalités de ce projet
de loi. Pensons, par exemple, au projet de loi n° 40,
entré en vigueur dès le vote en Chambre. De plus, en ces temps de pandémie,
plusieurs, familles ayant reçu des jumelages, autant ici qu'à l'étranger,
voient des délais pour la réunion avec leurs familles s'allonger. Des enfants
sont même conscients...
M. Munger (Yannick) : ...de
loi n° 40 entré en vigueur dès le vote en Chambre.
De plus, en ces temps de pandémie, plusieurs
familles ayant reçu un déjumelage, autant ici qu'à l'étranger, voient des
délais pour la réunion avec leurs familles s'allonger. Des enfants sont même
conscients parce qu'étant plus vieux que de nouveaux parents que doivent venir
les chercher ne viennent donc pas. Imaginez une seconde les conséquences d'une
telle attente chez un enfant de quatre ans, par exemple, ou même de six ans.
Imaginez le temps que cela prendra aux parents adoptants pour panser ces
blessures à l'arrivée de l'enfant avec eux.
• (15 h 40) •
Agir tôt, le plus tôt possible, en fait,
une devise qui devrait ici guider le gouvernement dans ses choix.
Parmi les amendements déposés, le
gouvernement propose que le ministre produise, au plus tard le 1er
janvier 2026, un rapport sur la mise en oeuvre des dispositions accordant les
prestations d'accueil et de soutien relatives à une adoption. La FPAQ remet en
question le fait qu'une telle attention ne soit portée que sur la mise en
oeuvre des dispositions concernant les familles adoptives puisqu'il y a
plusieurs autres nouvelles modalités dans le projet de loi n° 51. Un examen
de l'ensemble des nouvelles dispositions apparaît d'autant plus sage.
La FPAQ invite également à la prudence
dans l'interprétation des données issues de la parentalité adoptive. Par
exemple, certains adoptants à l'international optent pour le régime particulier
plus court, mais offrant un revenu plus élevé pour accélérer le remboursement
de leurs frais de déplacement de voyage, etc. puis, dans les mois qui suivent,
profitent de leur retour d'impôt pour adoption afin de soutenir financièrement
le reste de leur congé parental sans solde.
Au besoin, la FPAQ sera heureuse de
soutenir l'analyse du Conseil de gestion de l'assurance parentale ou du
ministre ou de se rendre disponible aux parlementaires lors de l'examen de la
commission.
En conclusion, la FPAQ soutient le projet
de loi n° 51 amendé puisqu'il offre globalement aux adoptants des
parentaux de même durée que ceux octroyés aux familles biologiques
reconnaissant ainsi le caractère unique et la valeur de chaque famille
québécoise, qu'il devient équitable envers les adoptants, mais aussi envers les
enfants adoptés leur reconnaissant de cette manière la même valeur que les
enfants biologiques, qu'il favorise aussi la coparentalité chez les adoptants,
une avancée majeure pour les familles adoptantes et pour la société québécoise.
Cependant, la FPAQ demande que l'entrée en
vigueur des prestations exclusives aux adoptants et des prestations d'accueil
et de soutien se fasse aussi tôt que possible afin que le RQAP soit enfin
équitable envers les adoptants et que cesse la discrimination de tout nouvel
enfant adopté.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci. C'est tout le temps que nous disposons pour votre exposé.
Nous allons maintenant commencer la période d'échanges. Alors, nous commençons
avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Mme Tardif, Marielle, M. Munger, merci, Yannick, de la qualité de
votre présentation. On avait eu l'opportunité de se rencontrer à quelques
reprises, quelques mois, même, avant le dépôt initial du projet de loi n° 51. Je vous prierais de saluer Anne-Marie, elle m'avait
mentionné qu'elle ne pourrait pas être ici, là, elle est en…
M. Boulet : ...merci, Yannick,
de la qualité de votre présentation. On avait eu l'opportunité de se rencontrer
à quelques reprises, quelques mois même avant le dépôt initial du projet de loi
n° 51. Je vous prierais de saluer Anne-Marie, elle
m'avait mentionné qu'elle ne pourrait pas être ici, là, elle est en démarche
d'adoption aux Philippines, la remercier aussi de sa contribution. Et je ne
peux pas passer sous silence, évidemment, l'implication et l'engagement de ma
collègue de Joliette dans ce dossier qui est crucial pour le milieu parental
québécois, cette égalité tant recherchée, tant voulue par la société
québécoise.
On a réalisé dès le départ à quel point il
y avait un consensus social. Tu sais, il y avait des appréhensions de
contestations judiciaires qui apparaissaient légitimes selon un certain courant
de jurisprudence, mais j'ai réalisé rapidement qu'on était passé à une autre
étape au Québec et qu'il y avait... du moins, la compréhension que j'ai
développée, c'est qu'il y avait une unanimité sociale pour aller dans cette
direction-là. Et donc je veux vous remercier, je veux vous dire à quel point
foncièrement je suis heureux de cette issue. J'avais l'impression qu'on
faisait... puis on faisait, dans les faits, un grand pas dans la direction de
réduire l'écart qui existait entre les familles biologiques et les familles
adoptantes. Maintenant, on ne parle plus d'écart, mais on parle d'égalité
parfaite que nous référions au régime de base ou au régime particulier.
Je vais quand même, avant de vous poser
quelques questions, faire certains commentaires. Vous redonnez... Marielle,
vous en avez fait part, Yannick, vous pouvez le faire, du point de vue du père,
quelle est la réalité adoptante au Québec? Quelle est l'importance du facteur
temps aussi crucial pour les familles adoptantes? J'aimerais ça... Bien,
Yannick, je vous pose la question.
M. Munger (Yannick) : Le
temps, M. Boulet, c'est la clé dans l'adoption, tu sais, c'est... il faut
donner de l'amour, il faut donner de l'attention, mais le temps pour créer de
l'attachement, c'est crucial. Le temps également de coparentalité, c'est hyper
important. Dans le cas de ma première adoption, je n'ai pas eu la chance de
passer beaucoup de temps avec mon garçon parce que c'était ma conjointe qui
avait pris la majeure partie du congé. J'avais passé quelques semaines au
début, cinq semaines, avec lui, mais il était très... il était comme une bouée
de sauvetage sur ma conjointe. Je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup de
temps avec lui, et le congé fondait rapidement, rapidement. Donc, on a dû le
placer en service de garde très, très tôt.
Dans le cas de notre deuxième adoption,
j'ai passé... c'est moi qui a pris le congé parental. J'ai passé six mois avec
ma fille, et, je le vois, l'implication du père...
M. Munger (Yannick) :
...conjointe. Je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup de temps avec lui, et
le congé fondait rapidement, rapidement. Donc, on a dû le placer en service de
garde très, très tôt.
Dans le cas de notre deuxième adoption,
j'ai passé... c'est moi qui a pris le congé parental. J'ai passé six mois avec
ma fille, et, je le vois, l'implication du père, l'implication de la mère également,
mais la coparentalité, c'est excessivement important pour les parents, pour se
permettre de s'attacher également, mais pour l'enfant. Il en a de besoin de
s'attacher à cette nouvelle famille là. Donc, en ayant 18 semaines de
plus, en ayant la parfaite égalité, ça va vraiment encourager les pères à en
prendre plus.
Et, votre option de donner davantage de
temps, un quatre semaines additionnelles, je trouve ça génial en tant que père.
Si le père en prend 10, semaines, bien, au couple, je vais en redonner quatre,
c'est le fun parce que ça va encourager les pères à s'impliquer davantage.
Puis, dans mon cas personnel, je m'implique beaucoup, beaucoup de pères le
font, mais je trouve que cette disposition-là à votre projet de loi va
permettre une avancée majeure encore plus pour que les pères puissent
s'impliquer dans leurs familles, tant au niveau adoptif que les familles
biologiques.
M. Boulet : Merci beaucoup,
Yannick, aussi du commentaire qui nous laisse comprendre que vous avez bien
assimilé l'importance de l'incitatif, pour les pères, pour qu'il y ait un
meilleur investissement, là, dans la sphère parentale. Est-ce qu'à cet
égard-là, parce que je sais que vous êtes particulièrement bien documentés,
est-ce que les pères adoptants, selon vous, prennent plus de temps en parental
actuellement que les pères biologiques ou c'est à peu près la même réalité?
Parce que, souvent, ce qu'on constatait,
les statistiques que j'avais du conseil de gestion, c'est que les pères
prennent massivement, à peu près 70 %, alors que c'est nettement plus
élevé que dans le reste du Canada, où ça s'articule autour de 10 %, et peu
dans le parental. Est-ce que vous avez une information ou une statistique qui
nous permet de comprendre la réalité adoptante, Yannick ou Marielle?
M. Munger (Yannick) : Outre
les statistiques du Conseil de gestion de l'assurance parentale... Je ne les ai
pas. On pourrait peut-être les trouver. Je ne pourrais pas me commettre, là,
sur cette statistique-là, malheureusement, mais mon feeling, c'est que les
pères adoptants s'impliquent énormément. Mais, dès qu'on pogne le cinq
semaines, souvent, malheureusement, puis c'est vrai dans le cas des familles
biologiques, la mère prend la grosse portion du congé parental qui devrait être
davantage partagé en deux.
M. Boulet : ...totalement.
J'aimerais vous entendre sur... Vous savez que, dans le projet de loi n° 51, nous augmentons de deux à cinq semaines pour les
prestations qui peuvent être utilisées avant l'arrivée de l'enfant lors d'une
adoption hors Québec. Est-ce que vous avez un commentaire sur cette
bonification qui est dans le...
M. Boulet : ...vous savez que
dans le projet de loi n° 51, nous augmentons de deux à cinq semaines pour
les prestations qui peuvent être utilisées avant l'arrivée de l'enfant lors
d'une adoption hors Québec. Est-ce que vous avez un commentaire sur cette
bonification qui est dans le projet de loi n° 51? Marielle?
Mme Tardif (Marielle) : Oui,
effectivement, c'est une bonification fort intéressante. Ça permet de préparer
le voyage, qui n'est évidemment pas un voyage de vacances, hein? C'est un
voyage qui demande beaucoup de démarches au préalable, parfois se rendre à une
ambassade ou un consulat, organiser différentes paperasses avant le départ.
Donc, ça nous demande du temps, ça nous demande des démarches. L'état d'esprit
aussi puis le fait de partir pour le voyage d'adoption, c'est, comme je l'ai
dit, c'est différent d'un voyage de vacances.
Donc, ce temps-là est précieux et permet
aussi de commencer la RQAP au moment du voyage, avant le retour à la maison.
Donc, au niveau des congés sans solde et tout ça, ça évite de prendre des
congés sans solde.
M. Boulet : D'accord. Vous
faites référence aussi au rapport de mise en oeuvre des dispositions. Bon, on
instaure, pour la première fois au Québec, la prestation d'accueil et de
soutien de 13 semaines pour s'assurer que les parents adoptants bénéficient du
temps qui est requis, qui est nécessaire et ça nous permet, bien sûr,
d'atteindre l'égalité entre les parents adoptants et les parents biologiques.
• (15 h 50) •
Bon, c'est un peu ce qui nous guidait dans
la rédaction du projet de loi. Comme c'est une nouvelle prestation, cinq ans
près l'entrée en vigueur, qu'on ait un rapport de mise en oeuvre pour
comprendre comment ça s'est passé, comment la société a assimilé cette nouvelle
réalité et comment ça a été aussi utilisé, notamment par les parents adoptants.
Vous nous invitez à la prudence dans l'interprétation
des données issues de la parentalité adoptive et vous offrez votre soutien au
conseil de gestion ou aux parles lors de l'examen de la commission. Moi, je
trouve ça intéressant.
Est-ce que... Je pense qu'il y a deux
volets, là. Si je vous ai bien compris, vous aimeriez que ce rapport-là de mise
en oeuvre ne concerne pas que la nouvelle prestation d'accueil et de soutien,
d'une part, et, d'autre part, que vous puissiez accompagner notamment les parlementaires
et le conseil de gestion dans la rédaction et la substance du rapport de mise
en oeuvre. Est-ce que c'est bien ça?
M. Munger (Yannick) : Pour
la... votre...
Mme Tardif (Marielle) : Oui,
vas-y.
M. Munger (Yannick) : Pour
votre première portion, oui, vous avez bien compris. On aimerait que le rapport
de mise en oeuvre...
M. Boulet : ...puissiez
accompagner notamment les parlementaires et le conseil de gestion dans la
rédaction et la substance du rapport de mise en oeuvre. Est-ce que c'est bien
ça?
M. Munger (Yannick) : Pour
la... votre...
Mme Tardif (Marielle) : Oui,
vas-y.
M. Munger (Yannick) : Pour
votre première portion, oui, vous avez bien compris. On aimerait que le rapport
de mise en oeuvre ne focusse pas nécessairement juste sur les modalités de l'adoption
de votre projet de loi, parce que votre projet de loi est beaucoup plus large.
Donc, peut-être une mise en oeuvre sur votre projet de loi au complet, donc, on
voit ça d'un très bon oeil.
On voulait juste apporter un bémol sur...
Des fois, on voit des statistiques, ah! les parents adoptants, bien, ils
prennent le programme particulier. Donc, ça veut dire qu'ils prennent le plus
court possible, puis après ça, on pourrait... les chiffres pourraient laisser croire
que les parents ne s'impliquent pas. Actuellement, ce n'est pas ça. C'est qu'il
y a... on a des frais énormes à soutenir lorsqu'on fait une adoption, puis on
les assume, puis pas de problème, sauf que la charge financière, quand on prend
le programme court, on a des prestations plus élevées, ce qui nous permet de
rembourser plus rapidement nos frais de voyage, nos frais d'adoption, etc.,
donc. Et après ça, beaucoup de familles, actuellement, prennent des congés sans
solde, à leurs frais, puis ça, ça n'apparaît nulle part dans les chiffres.
Donc, quand on regarde les tableaux de...
ah! les parents adoptants ne s'impliquent pas beaucoup, ils ne prennent pas le
congé long, ils prennent le congé court, donc ils n'en ont pas de besoin.
C'était dans cette optique-là, de faire attention dans l'analyse des données.
Puis peut-être, oui, effectivement, on pourrait... pas nécessairement
participer, ce n'est pas une obligation, mais consultez-nous, peut-être avoir
un oeil externe, parce que nous, on est en contact avec les familles adoptives,
on connaît leur réalité, on est capables d'avoir le pouls directement et on
pourrait... avoir un oeil externe, à vous aider à comprendre certaines
réalités, au besoin.
M. Boulet : Merci de le
mentionner, hein? Puis moi, je vais vous donner mon opinion. Oui, absolument,
quand on fait des projets de loi qui concernent le filet social québécois, qui
concernent l'assurance parentale, le soutien financier, et autres, à des
parents, dans un contexte tellement important de la vie humaine, il faut
s'assurer de consulter, il faut s'assurer de refléter le... On parlait tout à
l'heure de consensus social, et pour avoir un consensus, il faut d'abord et
avant tout consulter, écouter et tenir compte. Et il faut, je pense, avant que
ce rapport de mise en oeuvre là soit écrit, élaboré, que vous fassiez partie
des parties qui sont consultées.
Je tiens... J'ai deux autres questions. On
a... Vous avez vu, dans le projet de loi, la possibilité de mettre en place des
projets pilotes. Évidemment, ça devra se faire selon les paramètres des
articles habilitants, là, parce que ce n'est pas des projets pilotes que le
conseil de gestion pourra purement, à sa discrétion, décider de mettre en
place. Mais, si vous aviez une idée de projet pilote? Des projets pilotes, moi,
je vois ça aussi comme...
M. Boulet : …selon les
paramètres des articles habilitant, là, parce que ce n'est pas des projets
pilotes que le conseil de gestion pourra purement, à sa discrétion, décider de mettre
en place. Mais, si vous aviez une idée de projet pilote… Les projets pilotes,
moi, je vois ça aussi comme une façon de faire progresser la société, de
démontrer, pas qu'au Canada, mais partout à l'échelle internationale, on est
capables de se distinguer au plan social. Auriez-vous une suggestion ou une recommandation
à faire d'un projet pilote? Puis n'hésitez pas à soumettre quelque idée que ce
soit, là. On est… Je vous pose la question, là, avec beaucoup de transparence.
M. Munger (Yannick) : Comme
ça, là, à brûle-pourpoint, peut-être un observatoire des enfants adoptés. Actuellement,
il n'y a pas beaucoup de recherches, il n'y a pas beaucoup de données tangibles
sur l'adoption. Suivre une cohorte d'enfants adoptés dans le temps, qui ont été
adoptés, que ça soit à la naissance au Québec ou que ça soit un enfant adopté
qui a sept, huit ans, qui vient d'un autre pays étranger, il y a autant
d'adoptés qu'il y a de… la situation est différente pour chaque enfant. De
suivre des cohortes dans le temps pour voir l'impact de la présence des
parents, l'impact d'une présence prolongée au niveau… sur l'anxiété, les
troubles de performance, les troubles de langage, ça serait intéressant d'avoir
beaucoup plus de recherches. Actuellement, les recherches manquent énormément
de données. Quand tu n'as pas de données, c'est difficile d'établir des plans.
Et ça serait une idée, puis on pourrait bonifier, là.
Mme Tardif (Marielle) : Je
voudrais ajouter qu'à ma connaissance il y a une étude semblable qui a été réalisée
en Suède, qui est un pays où il y a de l'adoption internationale depuis
longtemps, puis ils sont arrivés à des conclusions surprenantes sur le fait que
les enfants adoptés, une fois adultes, sont plus vulnérables aux mentalités
mentales ou à divers problèmes de fonctionnement ou, en tout cas, doivent faire
face à différentes problématiques. Donc, ça serait intéressant, puis de voir
aussi, étant donné qu'on veut réévaluer le projet dans quelques années, de
réévaluer, effectivement, l'impact que la prestation aura eu dans un sens
positif contre ces effets-là.
M. Boulet : Absolument.
Excellent point.
M. Munger (Yannick) :
Peut-être juste une… Il y a quelque chose qui vient de sortir, le trouble de
l'attachement, c'est difficile. Le trouble de l'attachement, les enfants
adoptés, il y en a qui n'ont aucune séquelle, il y en a qui vont s'attacher
très, très bien à leur nouvelle famille. Il y en a d'autres que c'est très,
très difficile. Puis ce n'est pas juste quand ils sont jeunes, c'est un trouble
qui persiste dans le temps. Ça devient difficile de s'attacher à des personnes
significatives. Avec ton conjoint, aussitôt que tu deviens émotif, tu vas
peut-être briser les relations dans ta vie adulte beaucoup plus facilement
parce que ça va être un mécanisme de protection. Donc, peut-être inclure cet
effet-là qui serait intéressant à analyser.
M. Boulet : Oui, puis l'idée
d'observatoire…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes, M. le ministre.
M. Boulet : Oui, O.K. …
M. Munger (Yannick) : ...avec
ton conjoint aussitôt que tu deviens émotif, tu vas peut-être briser les
relations dans ta vie adulte beaucoup plus facilement parce que ça va être un
mécanisme de protection. Donc, peut-être inclure cet effet-là qui serait intéressant
à analyser.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...30 secondes, M. le ministre.
M. Boulet : L'idée
d'observatoire... Oui, O.K. Maintenant, j'ai pris note de votre volonté qu'on
puisse favoriser l'entrée en vigueur des dispositions de notre projet de loi le
plus rapidement possible, particulièrement pour les parents adoptants. Je vous
aurais fait parler sur est-ce que c'est justifié. Oui, certainement, c'est ma
volonté qu'on aille de façon diligente. Mais est-ce qu'il y aurait eu une
opportunité sociale ou une pertinence sociale de le faire plus rapidement pour
les parents adoptants?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Boulet : Voilà, j'ai...
Merci beaucoup à vous deux, puis au plaisir de vous revoir bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons la période d'échange avec
l'opposition officielle avec le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre présence. Excellent rapport, pas mal
d'informations très détaillées. Et, écoutez, je l'ai lu avec grand intérêt. Et
il y a un point que j'aimerais bien avoir votre point de vue, c'est la page 8
où vous parlez de syndrome de dépression postadoption. Et, en fait, ça m'a
interpellé parce que c'est quelque chose que, je vous avoue, je ne l'ai pas vu
avant, je l'ai su grâce à vous. Et, en parlant tout à l'heure des projets
pilotes, pouvez-vous juste élaborer plus sur ce phénomène? Est-ce qu'au sein de
votre regroupement des membres vous ont interpellés? Si c'est oui, est-ce qu'il
y avait des mesures ou des stratégies que vous avez mises en place ou des
choses que avez essayé de commencer pour venir en aide à ces parents? Et aussi
l'impact, parce que j'en suis sûr, qu'il y a un impact social par rapport à ça.
Donc, si vous pouvez élaborer davantage sur ce point?
• (16 heures) •
Mme Tardif (Marielle) : Bien,
le syndrome, je dirais, de dépression postadoption ou en tout cas les
difficultés d'adaptation que vivent les parents adoptants, c'est vrai, sont peu
documentées. Mais il y a quand même des chercheurs qui ont travaillé sur la
question puis il y a des points forts qui ressortent de ces recherches-là,
entre autres, voilà, des difficultés d'adaptation parce qu'on a un enfant avec
qui on n'a pas eu... ce n'est pas comme dans une grossesse où on a déjà un lien
d'attachement durant la grossesse qui se construit. Ça reste un étranger qui
arrive. Nous, nous sommes des étrangers pour nos enfants aussi à la base. Donc,
cette adaptation-là, ce contact-là n'est pas toujours facile. Il y a des deuils
à faire, il y a des réalités qui sont difficiles à intégrer. Les enfants ont
différents problèmes de sommeil, d'alimentation, c'est parfois très difficile à
gérer. Les enfants arrivent plus vieux, avec des problèmes qu'on n'a pas avec
un bébé naissant. Et il y a souvent des sentiments de culpabilité...
16 h (version non révisée)
Mme Tardif (Marielle) : …sont
difficiles à intégrer. Les enfants ont différents problèmes de sommeil,
d'alimentation, c'est parfois très difficile à gérer. Les enfants arrivent plus
vieux avec des problèmes qu'on n'a pas avec un bébé naissant. Et il y a souvent
des sentiments de culpabilité aussi qui sont vécus par les parents parce que
les parents adoptants… il faut comprendre que le processus est très long avant,
puis des parents ont été évalués et même surévalués. On leur a dit qu'ils
étaient compétents, on leur a dit qu'ils avaient le droit d'avoir un enfant,
qu'ils allaient être des bons parents, et là, des fois, on se retrouve devant
une situation avec un enfant puis on se sent démunis, on se sent non
compétents, puis souvent on ressent de la culpabilité, puis on ne va pas aller
demander de l'aider parce qu'on est sensés être capables de se débrouiller. On
se sent un peu comme des parents thérapeutes, des fois, plus thérapeutes que
parents, selon les situations. Ça fait que ça fait tout partie de ces
difficultés-là d'adaptation.
Nous, à la FPAQ, on a une ligne d'écoute,
là, on écoute les parents puis on essaie de les diriger vers les meilleures
ressources qu'on connaît, psychologues, et travailleurs sociaux, et tous les
services qui existent. On trouve que les services post-adoption sont peu
suffisants et pas uniformes selon où on se trouve dans les différentes régions
de la province. Souvent, ça dépend du centre de services jeunesse, ça dépend
des ressources, ce n'est pas uniforme. Des fois, les parents qui sont région
éloignée doivent venir à Québec ou à Montréal pour recevoir certains services.
Donc, ça, ça serait quelque chose qu'on voudrait améliorer dans le futur.
M. Derraji : Merci. Excellente
réponse. Et vous avez vu le projet de loi, j'en suis sûr et certain, vous avez
travaillé avec… vous avez vu les amendements, vous avez vu le changement que le
projet de loi amène. Là, il y a toujours des angles morts, et aujourd'hui, vous
avez devant vous un ministre qui est aussi à l'écoute avec la notion des
projets pilotes.
Je ne veux pas revenir sur ce que vous
avez déjà proposé, mais, dans la documentation que j'ai devant moi, je vois
l'angle de syndrome de dépression post-adoption, comme probablement un des
angles que j'ai vu sur la table, pensez-vous que c'est quelque chose qu'on
devrait suivre? Je ne veux pas commencer à faire la comparaison avec les
parents biologiques, mais j'ai senti dans votre argumentaire que c'est un vrai
problème, ça existe, vous l'avez documenté. Pensez-vous que, si on innove au
niveau du régime, d'avoir un projet pilote qui va venir en soutien à ces
parents… et je vais vous dire pourquoi, et corrigez-moi les collègues, c'est la
prof de l'Université de Sherbrooke qui nous a parlé de huit ans.
Une voix
: …
M. Derraji : Oui, c'est Mme Lavallée
qui nous a parlé de huit ans de liens qui se développent avec... C'est Mme
Lavallée, hein? Huit ans d'un lien qui se développe avec l'adoption. Donc, si
on prend le cycle de…
M. Derraji : ...de Sherbrooke
qui nous a parlé de huit ans. Oui, c'est Mme Lavallée qui nous a parlé de huit
ans de liens qui se développent avec... c'est Mme Lavallée, hein, huit ans d'un
lien qui se développe, avec l'adoption. Donc, si on prend le cycle de vie, les
premières années, ce n'est pas la même chose qu'avec une famille biologique.
Donc, les besoins, c'est au-delà d'avoir une implication de la cellule
familiale, du parent adoptant a et b. Les besoins seront toujours là, parce que
le défi, il est énorme. Est-ce que j'ai bien cerné la problématique?
Mme Tardif (Marielle) : Oui.
L'attachement est quelque chose qui se construit de jour en jour puis c'est
l'affaire d'une vie à faire. C'est vrai dans le cas des familles biologiques
aussi. Les familles biologiques doivent construire un lien d'attachement aussi
avec leurs enfants, mais les défis sont nettement différents avec les enfants
adoptés. Et puis... J'ai perdu mon idée. Je voulais dire que...
M. Munger (Yannick) : C'est
un défi d'une vie. Les enfants, à huit ans, c'est un certain niveau de défi.
Quand tu réalises... Quand tu arrives à travers l'adolescence...Les enfants
biologiques... sait déjà que l'adolescence est difficile, mais quand tu es
adopté aussi, tu réalises le fait que tu as été abandonné, que ta mère
biologique n'a pas voulu de toi, elle a rejeté sa chair. C'est très difficile à
vivre. Les enfants... beaucoup de tourments. Nous aussi, on se sent coupable,
là-dedans, est-ce qu'on a fait les bonnes choses, est-ce que... ce n'est pas
évident de...
Mme Tardif (Marielle) : Je
voudrais ajouter, là, c'est vrai qu'au niveau... à l'adolescence, c'est
difficile, je suis moi-même enseignante avec des adolescents au secondaire,
puis je n'ai pas fait une étude statistique, mais j'ai eu l'occasion des
croiser des adolescents qui ont été adoptés. Puis, oui, la crise identitaire
est double, dans leur cas, c'est plus difficile, ça devient ardu à gérer, puis
les ressources pour les adolescents sont encore moindres que les ressources
pour les plus jeunes enfants.
Puis je voulais dire aussi qu'une... Je
voulais revenir à votre idée, là, du syndrome de dépression. Une des choses
qu'on observe chez les parents, c'est... Puis ça, on le vit. Moi, je l'ai vécu,
en tout cas, personnellement. Au moment où on a nos enfants, on réalise
concrètement qu'on a perdu, qu'on n'aura jamais une partie de leur vie. Moi, ma
fille, je n'aurai jamais ses premiers pas, je n'aurai jamais ses premiers mots.
Ça, c'est... pour moi, en tout cas, puis, je pense, pour d'autres parents
aussi, on a recueilli certains témoignages, c'est un choc, quand on se rend
compte de ça. Puis on voit les neveux, les nièces, puis là on sait que nos
enfants nous attendent. Le temps passe, puis quand on les a, on est tellement
content de les avoir, mais, en même temps, on réalise qu'on a manqué des
choses. Puis ça, ça reste, c'est... Ça laisse des traces, puis c'est important,
puis ça a un impact sur nous, puis ça a un impact sur eux aussi.
M. Derraji : ...
M. Munger (Yannick) : Dans
mon cas...
M. Derraji : Allez-y. Allez-y.
M. Munger (Yannick) : Dans
mon cas, j'ai... pas que j'ai fait un syndrome post-partum, mais pas loin, tu
sais, il y a eu des épisodes... On a un projet, c'est tout rose, tu sais, on va
adopter un enfant, ça va bien aller. Dans mon cas, c'était plus moi qui étais
l'instigateur du projet, puis j'avais dit à ma conjointe : Tu vas voir, ça
va bien aller, je suis fait fort, tu sais, je vais être là, je vais t'épauler.
Ça ne s'est pas passé comme ça. Mon gars...
M. Munger (Yannick) : ...post-partum,
mais pas loin. Tu sais, il y a eu des épisodes... On a un projet, c'est tout
rose, tu sais, on va adopter un enfant, ça va bien aller. Dans mon cas, c'était
plus moi qui étais l'instigateur du projet puis j'avais dit à ma
conjointe : Tu vas voir, ça va bien aller, je suis fait fort, tu sais, je
vais être là, je vais t'épauler. Ça ne s'est pas passé comme ça. Mon gars, il
ne voulait rien savoir de moi, tu sais. J'étais souvent en train de pleurer
dans la douche en petite boule en disant : Pourquoi il ne m'aime pas? Tu
sais, je fais tout pour lui, tu sais, j'essaie, mais il ne voulait rien savoir.
Tu sais, il était accroché à ma femme. Puis je voulais, puis, tu sais, plus tu
veux, plus tu essaies, puis à moment donné, des fois, tu essaies trop. Ce n'est
pas évident.
Ça fait que, des fois, le projet tout
rose, il n'est pas tout rose puis c'est là que tu te sens un peu démuni. Puis,
encore aujourd'hui, ce n'est pas facile, là. Puis, tu sais, mon enfant, là, il
me dit souvent, là, qu'il me préférerait mort puis qu'il veut se suicider
puis... Ce n'est pas facile. C'est des choses... Puis, il a neuf ans, ce n'est
pas normal qu'un enfant dise ça. Ça fait que, tu sais, il y a des affaires
que... puis, tu as beau en parlé, mais, tu sais, il n'y a pas de ressource, ça
fait que ce n'est pas toujours facile.
M. Benjamin : Je vous entends.
Merci, et je tiens à vous dire que vous êtes le meilleur porte-parole pour la
cause que vous êtes en train de défendre. Merci de nous sensibiliser par
rapport à votre réalité. Et je réitère ce que le ministre a dit à la fin,
prenez le temps de penser, on a encore le temps d'étudier le projet de loi article
par article, on a encore le temps devant nous, mais pensez à tout ce que vous
avez mis dans votre excellent rapport et, si vous voyez des pistes, que ça soit
via des projets pilotes ou des idées qui peuvent nous inspirer, n'hésitez pas à
nous contacter. Vous avez nos coordonnées. Mais je tiens à vous remercier
encore une fois pour votre présence et la qualité de votre mémoire. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition, avec
le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 40 s.
M. Leduc : Mme la Présidente,
considérant la grande connaissance sur le sujet de notre collègue de Joliette,
j'aimerais lui céder mon temps de parole.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
La députée de Joliette accepte.
Mme
Hivon
: Oui,
la députée de Joliette accepte, mais la députée de Joliette est très émue après
le témoignage, donc elle va se ressaisir. Bien, écoutez, c'est très gentil,
merci au collègue de sa générosité. Moi, d'abord, je veux vous remercier.
J'aimerais ça pouvoir vous avoir à côté de moi, mais bon, vous êtes dans la
salle à côté. Je veux vous remercier parce que, vous savez, dans la vie, ce
n'est pas tout le monde qui a la chance de changer les choses, pas juste pour
eux, mais pour beaucoup de gens. Et, par votre mobilisation, par votre combat
que vous menez depuis maintenant plus de 15 ans, par l'énergie que vous
avez déployée malgré les difficultés et les souffrances, et votre réalité quotidienne
qui est loin d'être simple avec les défis que vous nous avez esquissés, j'espère
que vous réalisez à quel point vous avez été essentiels dans l'évolution de la
pensée du ministre. Je pense qu'il vous l'a dit, mais il me l'a dit aussi. Et
je pense que c'est rapide, on a rapidement vu...
Mme
Hivon
: ...et
votre réalité quotidienne qui est loin d'être simple avec les défis que vous
nous avez esquissés. J'espère que vous réalisez à quel point vous avez été
essentiels dans l'évolution de la pensée du ministre. Je pense qu'il vous l'a dit,
mais il me l'a dit aussi. Et je pense que c'est rapide, on a rapidement vu à
quel point, quand le ministre parle de la réalisation d'un consensus social,
c'est parce que, comme mon collègue vient de le dire, vous êtes les meilleurs
porte-parole. Et rapidement, quand vous avez pris la parole à la suite de la
présentation du projet de loi en expliquant c'est quoi la réalité de
l'adoption, c'est quoi la réalité d'un enfant adopté qui arrive parachuté avec
des gens qu'il n'a jamais vus, qu'il n'a jamais entendus, qui souvent ne parle
pas la même langue que lui, autant pour les parents que les enfants, je pense
que votre cri du coeur puis votre description des choses étaient tellement
humains, tellement vrais que ça a touché le coeur de tous les Québécois. Et
c'est ce qui fait que le gouvernement et le ministre ont eu une très belle
écoute et ont évolué, je crois. Donc, je veux vous le dire parce que ce n'est
pas tout le monde qui a cette chance-là puis je le sais que ça fait tellement longtemps
que la fédération se bat. Donc, j'espère que vous savourez tout le chemin que
vous permettez au Québec en général, et aux parents adoptants, et aux enfants adoptés
en particulier de réaliser aujourd'hui.
• (16 h 10) •
Puis aujourd'hui je suis contente de vous
entendre, je vais avoir des questions plus précises sur le régime, vraiment,
là, d'adoption. Mais je pense que c'est vraiment précieux de vous entendre.
Vous auriez pu dire : Bien là, on a gagné l'essentiel de ce qu'on a
demandé, est-ce qu'on va y aller? Moi, je trouve que c'est très important qu'on
vous entende parce que... J'en parlais, on a eu une présentation de la CSN la
semaine dernière où ils nous faisaient référence à certaines notions d'équité.
Et puis je disais que peut-être que, si on entendait plus parler d'adoption, on
serait plus au fait de la nécessité de cette équité-là, de cette égalité de
traitement là, parce qu'avec plus de 80 000 naissances par année puis
quelques centaines d'adoptions, c'est sûr que les gens ont une bien meilleure
connaissance de ce qu'est la réalité d'une naissance et d'une arrivée
biologique versus celle d'une adoption. Puis aujourd'hui vous permettez encore
une fois de démystifier ça, donc je veux vous en remercier.
Deux éléments. La question de l'entrée en
vigueur, le ministre a terminé là-dessus. Vous n'avez pas eu le temps de
répondre, c'est un classique dans notre univers. Des fois, on pose des questions,
on n'a pas le temps d'entendre les réponses. Je suis sûre que les témoins
trouvent ça complètement fou, mais c'est comme ça que ça marche. Alors, je
voudrais vous entendre là-dessus, quand vous avez parlé, là, rapidement, de
l'importance de l'entrée en vigueur, je veux saisir ce que vous vouliez dire.
Et l'autre élément, c'est la question des
semaines partageables. Ce matin, on a eu une proposition qui est venue dire
qu'on devrait augmenter le nombre dédié de semaines, mettons 10 à la mère, 10
au père, au lieu du 5-5 exclusif aujourd'hui, donc 10-10. Je voulais voir
comment vous réagissiez par rapport à ça.
Mme Tardif (Marielle) :
...répondre sur le premier point. Est-ce que tu veux répondre sur le deuxième?
Ça va? Alors, concernant l'entrée en vigueur, je pense que...
Mme
Hivon
: ...au
lieu du 5-5 exclusif aujourd'hui. Donc, 10-10. Je voulais voir comment vous
réagissiez par rapport à ça.
Mme Tardif (Marielle) :
...répondre sur le premier point. Est-ce que tu veux répondre sur le deuxième? Ça
va? Alors, concernant l'entrée en vigueur, je pense que ce serait important que
ça soit fait le plus tôt possible pour deux raisons. Premièrement, parce qu'il
est reconnu maintenant officiellement que le régime fait preuve d'inéquité
envers les familles adoptantes puis spécifiquement les enfants adoptés. Donc,
je pense qu'il est urgent de corriger cette injustice-là.
Puis la deuxième raison, c'est que ça
presse. Ça presse. Les familles ont besoin de temps maintenant. Les projets en
cours puis les projets à venir ont besoin de beaucoup de temps. On l'a dit dans
notre présentation, encore plus en temps de pandémie, ici comme ailleurs, les
projets d'adoption deviennent vraiment plus compliqués. C'est vraiment plus
long, les délais, et les enfants vieillissent pendant ce temps-là. Les besoins
augmentent. Donc, quand ils vont arriver dans leur famille, ça va être encore
plus important d'avoir le temps pour bien les accueillir.
M. Munger (Yannick) : J'ai
une image. Il y a environ 400 adoptions par année, on va dire, un enfant
par jour se fait adopter. On a... l'Assemblée nationale a déclaré, a voté à
l'unanimité, le 3 décembre dernier, ça fait presque... ça fait
10 mois, plus que 10 mois : C'est inéquitable, c'est injuste
envers les enfants adoptés.
Depuis ce temps-là, il y a eu des projets,
des amendements, etc. Malheureusement, la pandémie a fait reculer les choses.
On ne peut rien y faire. Mais, pendant ce temps-là, le toit coule. Le toit
coule, puis on a dit qu'on allait le réparer le 1er janvier. Le toit
coule. Il mouille dehors. On peut-u faire une exception puis mettre la patch immédiatement
pour permettre à ces enfants-là... Il y a un enfant par jour, d'ici Noël, là,
qui va se faire adopter. Il y a une centaine d'enfants. Si on se tient au
1er janvier, il y a une centaine d'enfants encore qui n'auront pas le
droit de bénéficier de ce 18 semaines de... C'est quatre mois de plus.
Pourquoi ces 100 enfants là n'auraient pas le droit?
Donc, on demande au gouvernement de faire
preuve de flexibilité. On l'a vu, avec la pandémie, là, la machine gouvernementale
s'est mise en télétravail comme ça. Personne n'aurait jamais cru être capable. Tout
le monde l'a fait. Le marché du travail, le privé, le gouvernement l'a réussi.
Mettre en branle un projet sur une disposition précise, on espère que le gouvernement
va être sensible à notre proposition...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Munger (Yannick) : ...et
on l'a vu dans le passé, avec certains projets de loi, que c'était possible.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avions. Alors, merci,
Mme Tardif et M. Munger, pour votre excellente contribution à la
commission.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants, le temps de donner la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 29)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons... Ah! alors, nous poursuivons. Maintenant, nous
recevons le groupe Réseau pour un Québec Famille, mais moi, je ne vois pas
que... Alors, bonjour. Nous continuons. Nous recevons le groupe Réseau pour un
Québec Famille avec Mme Rhéaume et Mme Landry. Alors,
Mme Rhéaume, Mme Landry vous êtes bien là, parce qu'elles sont dans
l'autre salle, vous êtes là?
Mme Landry (Amélie) : Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, avant, vous savez que vous avez un exposé de 10 minutes. Vous devez
respecter le temps. Avant de commencer votre exposé, je vous demanderais de
bien vous présenter chacune. Merci.
Mme Rhéaume (Marie) : Marie
Rhéaume, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille. Alors, quelques
mots sur le réseau qui est un regroupement du secteur famille qui réunit 20 des
principales organisations nationales, soucieuses de la situation des familles
québécoises et qui proviennent...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…merci.
Mme Rhéaume (Marie) : Marie
Rhéaume, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille. Alors, quelques
mots sur le réseau qui est un regroupement du secteur famille qui réunit 20 des
principales organisations nationales soucieuses de la situation des familles
québécoises et qui proviennent du milieu communautaire, municipal, éducation,
santé et services sociaux, syndicats. Nos membres représentent plus de
4 000 organisations présentes dans toutes les régions du Québec. Et
aujourd'hui je suis accompagnée d'Amélie Landry qui est du Réseau des centres de
ressources périnatales du Québec. Le réseau se veut un lieu privilégié
d'échange et de concertation, et on tente de rehausser la cohésion de
l'écosystème famille et resserrer les mailles du filet de protection que les
organismes membres tissent autour des familles québécoises.
Pour nous, le Régime québécois d'assurance
parentale, avec les services de garde éducatifs à l'enfance, c'est une des
pierres d'assise de la politique familiale québécoise. Depuis son introduction
en 2006, ce dispositif-là a eu un impact majeur sur la vie des familles
québécoises. Il va avoir favorisé une certaine progression de l'équité quant au
développement de la carrière des deux parents en permettant à des milliers de
femmes de participer au marché du travail tout en fondant une famille et à des
milliers d'hommes de s'engager davantage auprès de leur nouveau-né pour assurer
un engagement pérenne de leur part. On sait que ça, c'était un des principaux
objectifs, aussi un des objectifs importants, là, du régime. Aujourd'hui, on
pense que le régime peut consolider cet avancement-là en favorisant un meilleur
partage des responsabilités familiales, notez bien que je vais parler de
responsabilités familiales et non pas de tâches. Pour moi, c'est deux choses
bien différentes. De façon générale, les modifications proposées dans le
projet de loi constituent des propositions bien orientées, sans toutefois
répondre précisément aux préoccupations des familles pour faire face aux défis
actuels. Il est désormais souhaitable que cette réforme-là rendre maintenant
possible une nouvelle avancée et vise l'avènement d'une coparentalité où la
responsabilité est véritablement partagée entre les deux parents.
On pense aussi que c'est le bon moment de
le faire parce que la pandémie a fait ressortir les difficultés, entre autres,
et l'inégalité qui persiste entre les hommes et les femmes, a démontré que ça
avait des conséquences plus lourdes pour certaines personnes, en particulier
les femmes. Il s'agit là d'une illustration concrète qui témoigne de
l'importance d'agir sur les conditions qui influencent le partage des
responsabilités familiales entre les hommes et les femmes. Ainsi, le contexte
doit plutôt être vu comme un moment charnière où réfléchir aux effets tangibles
des politiques publiques, comme le Régime québécois d'assurance parentale, sur
un ensemble de normes sociales concernant notamment le travail, l'organisation
de la vie familiale et l'égalité entre les hommes et les femmes.
• (16 h 30) •
Au niveau du changement des normes
sociales, on sait que les normes sociales, ça tient à... la force des normes
sociales tient à leur intégration…
16 h 30 (version non révisée)
Mme Rhéaume (Marie) : ...québécois
d'assurance parentale sur un ensemble de normes sociales concernant notamment
le travail, l'organisation de la vie familiale et l'égalité entre les hommes et
les femmes.
Au niveau du changement des normes
sociales, on sait que les normes sociales, ça tient à... la force des normes
sociales tient à leur intégration dans un ensemble socioculturel et repose
notamment sur des valeurs. Plus ces valeurs ont une importance dans la société,
plus les normes qui en découlent ont de bonnes chances de s'imposer. Ainsi, les
changements aux normes surviennent généralement lorsque ces valeurs évoluent ou
se renouvellent.
Dans le cas du partage des responsabilités
familiales ou de la charge mentale, la principale valeur en cause est celle de
l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'angle des rapports intimes
qu'ils établissent entre eux au sein d'une même unité familiale. Or, à
l'échelle des comportements individuels, changer une norme nécessite surtout
qu'on s'intéresse aux freins qui rendent le changement plus difficile.
Ainsi, en reconnaissant que l'un des objectifs
principaux que doit sous-tendre la réforme du Régime québécois d'assurance
parentale est de permettre un partage plus égalitaire des responsabilités
familiales, il faut comprendre les dynamiques qui créent un débalancement en
défaveur des mères, identifier les facteurs qui empêchent un partage plus
équitable, s'assurer que les mesures mises en place dans le régime puissent
avoir un effet réel sur ces dynamiques et ces facteurs.
La période du congé parental, particulièrement
le premier, a un aspect déterminant sur la façon dont vont s'installer les
habitudes qui conditionneront le partage des responsabilités entre les pères et
les mères tout au long de leur parcours. On sait qu'actuellement, les mères
prennent la plus grande partie du congé. Les pères, eux, vont prendre en
moyenne cinq semaines. On sait quand même qu'il y a 80 % des pères
admissibles qui prennent les cinq semaines de congé. Puis il y a une beaucoup
plus faible proportion, soit moins de 30 %, qui partagent les semaines de
congé parental avec la mère.
Le scénario typique, c'est toujours le
même, les mères et les pères vont passer les... c'est souvent le même, les
mères, les pères vont passer les cinq premières semaines qui suivent
l'accouchement à prendre soin du nouveau-né. Ils s'adaptent à leur nouveau rôle
de parent. Après, le père va retourner sur le marché du travail. C'est là que
la vraie vide famille débute, ce qui cause aussi un choc.
La dynamique devient alors tout autre. La
mère passe la plupart de son temps avec l'enfant, et par le fait même, va se
retrouver souvent en charge de la maisonnée. Elle va développer intensivement
ses habiletés parentales, son lien avec le bébé. Le père qui est absent pendant
de longues heures risque de se sentir moins habile, moins compétent. L'écart
entre la mère et le père se creuse rapidement. Puis, ce dernier va finir pas
considérer sa conjointe comme le parent spécialiste, et lui, comme le parent
secondaire. Comme, en plus, l'arrivée d'un premier enfant se situe généralement
en début de carrière, l'écart entre les deux va se creuser, puis ça peut avoir
un impact, là, sur l'écart salarial.
Pour arriver à un partage plus équitable,
il nous apparaît important de pouvoir agir sur les facteurs qui limitent ce
partage, à savoir...
Mme Rhéaume (Marie) : ...d'un
premier enfant se situe généralement en début de carrière, l'écart entre les
deux va se creuser, et puis ça peut avoir un impact, là, sur l'écart salarial.
Pour arriver à un partage plus équitable, il nous apparaît important de pouvoir
agir sur les facteurs qui limitent ce partage, à savoir, l'ouverture des milieux
de travail, les impératifs économiques des ménages puis les besoins des
parents.
En ce qui concerne dans... au niveau de l'ouverture
des milieux de travail, on sait que les milieux ont des réserves au fait que
les pères prennent plus que leurs cinq semaines. On sait que ça fait partie des
difficultés qu'il y a à surmonter. Souvent, on va s'attendre à ce que ce soit
la mère qui prenne la plus grande part du congé. S'il faut se féliciter de
l'intention derrière la proposition d'ajout de quatre semaines de congé,
advenant que le père prenne au moins 10 semaines des 32, il faut reconnaître
que cette mesure risque peu d'influencer la norme en vigueur. À notre avis,
seul l'allongement du congé réservé au père est susceptible d'avoir un effet
tangible et rapide sur cette norme.
Nous, on a lancé des travaux avec le
sceau... un sceau de reconnaissance pour les meilleures pratiques pour tenter
de faire avancer les choses puis on sait que ça demande encore beaucoup de
travail. Les impératifs économiques des ménages, bien, l'impact économique du
congé parental est aussi déterminant dans le choix. On sait que le calcul se
fait souvent rapidement, en favorisant que la mère prenne la plus longue partie
du congé parce qu'il y a une moins grande perte de revenus au niveau du... de
l'ensemble de la famille. Donc, on estime que ça, ça devrait être corrigé, puis
ça pourrait être évité si les prestations du RQAP étaient basées sur le revenu
familial, plutôt que le revenu personnel du travailleur. Ça représente
certainement un défi comptable, mais l'idée, selon nous, mérite d'être
examinée.
Je passerais la parole à Amélie,
maintenant, pour terminer.
Mme Landry (Amélie) : Nous
allons explorer maintenant les besoins des parents. Pour mieux répondre aux
besoins des parents, le régime doit leur permettre de bénéficier d'un congé au
moment où les besoins sont les plus importants. Si les semaines autour de la
naissance sont un moment crucial et de grande vulnérabilité qu'il y a de
devenir parents, il convient de s'interroger sur les moyens qui pourraient être
mis en oeuvre pour inciter les couples à étirer ce partage au-delà des
premières semaines. Sachant que 10 % à 20 % des femmes vivent de la
dépression postnatale suivant les mois après la naissance, et que 10 % des
pères vivent aussi une dépression postnatale, les nouveaux parents ne vivent
pas toutes les mêmes expériences, et au même moment.
Il y a également la période qui entoure le
retour au travail de la mère, vers, souvent, à un an, qui est une période
critique, où la famille vivra aussi une autre adaptation importante. Enfin, il
y a la première année de fréquentation à la garderie, au cours de laquelle
l'enfant construit son système immunitaire, qui forcera néanmoins ses parents à
s'absenter du travail régulièrement. Selon les données de l'Institut de la
statistique du Québec, pendant la première année de fréquentation de garderie
d'un enfant, les mères s'absenteront du travail, en moyenne, 16 jours, et les
pères, 11 jours. À supposer qu'ils prennent ces congés en alternance, cela ne
représente pas moins de 27 jours...
Mme Landry (Amélie) : ...qui
forceront néanmoins ces parents à s'absenter du travail régulièrement. Selon
les données de l'Institut de la statistique du Québec, pendant la première
année de fréquentation de garderie d'un enfant, les mères s'absenteront du
travail en moyenne 16 jours et les pères, 11 jours. À supposer qu'ils prennent
ces congés en alternance, cela ne représente pas moins de 27 jours d'absence
liés aux maladies de l'enfant pendant une seule année. Nous saluons donc la proposition
de permettre d'étaler la prise du congé parental sur 18 mois plutôt que sur 12
mois. À notre avis, il aurait été plus avantageux pour les familles de pouvoir
bénéficier d'une banque de congés applicables à la deuxième année de vie de
l'enfant sans amputer le congé de base.
Enfin, outre le congé, la première année
de vie de l'enfant est une période pendant laquelle les parents apprennent leur
rôle parental, développent leur habileté et leur confiance et solidifient leur
lien d'attachement avec leur enfant. Il est largement démontré que les parents
qui bénéficient d'accompagnement et de services pendant cette période vivent
des transitions plus harmonieuses et expérimentent une plus grande satisfaction
parentale. On parle ici, par exemple, de services de relevailles, d'atelier
pour développer leur habileté, de l'accompagnement, du soutien pour favoriser
leur lien d'attachement envers leur enfant, ce qui est un facteur fort
important dans le développement de nos enfants, et ce, pour les parents
biologiques ou non. Afin de bien répondre aux besoins des parents et
d'atteindre les objectifs sociaux qu'il sous-tend, il serait intéressant
d'ajouter au RQAP des mécanismes pour faciliter l'accès à de tels services.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. C'est donc tout pour votre exposé. Merci beaucoup. Alors, nous
commençons la période d'échange. Nous commençons avec le ministre, vous
disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci au Réseau pour un Québec Famille, Marie, Amélie, belle
présentation, des recommandations bien formulées, des aspects sociétaux qui
sont intéressants, notamment quand on parle de l'évolution des valeurs et
l'adaptation du cadre normatif. Moi, j'ai l'impression qu'on vit quand même un
moment important du casse-tête de la politique familiale au Québec. Je pense
qu'il y a des normes qui peuvent contribuer à l'évolution de certaines valeurs
sociales. Pour être plus clair, avoir un incitatif pour le père, pour
l'encourager à s'investir un peu plus dans la sphère familiale, devrait
normalement contribuer à la coparentalité et du moins avoir un effet positif,
même si à un moment donné j'ai entendu une de vous deux dire qu'on n'était pas
certains de l'impact que ça pouvait avoir. Mais la réalité actuelle n'est
peut-être pas la plus souhaitable au plan social, parce que les pères prennent
le congé de paternité, mais ils ne prennent pas le congé parental. Puis, quand
vous référez à une espèce de dichotomie, un parent qui devient spécialiste,
généralement la mère, puis l'autre qui devient secondaire, généralement le
père, on le vit souvent...
M. Boulet : ...parce que les pères
prennent le congé de paternité, mais ils ne prennent pas le congé parental.
Puis quand vous référez à une espèce de dichotomie, un parent qui devient
spécialiste, généralement la mère, puis l'autre qui devient secondaire, généralement
le père, on le vit souvent. Puis il y a beaucoup de jeunes mères qui m'ont
témoigné de cette réalité-là, là, où le père n'est pas là, ou, quand il est là,
il le fait quand la mère est là, il ne veut pas s'occuper des tâches plus
fondamentalement familiales.
• (16 h 40) •
Cependant, j'entends, puis vous n'êtes pas
les seuls à le dire, vous doutez un peu de l'impact de cet incitatif-là, pour
demander que le congé de paternité soit augmenté. Et ce que je disais, ce
matin, c'est qu'aller dans cette direction-là, je pense que ça pourrait
contribuer à cristalliser davantage la perception que les prestations
parentales partageables appartiennent prioritairement aux mères puis que lui a
son congé de paternité qu'il prend de façon un peu parallèle. Parce qu'il y a
beaucoup d'études qui démontrent que les pères désireux d'utiliser les
prestations partageables, les partageables parentales, ont l'impression qu'ils
en privent la mère, que ça se fait au détriment de la mère. Puis ce que je sens
le besoin de réexprimer, c'est que l'approche qu'on a adoptée vise à susciter
d'abord des discussions, un dialogue entre le parent a puis le parent b pour
partager les prestations parentales et changer la perception à l'effet qu'elles
appartiennent prioritairement à la mère. Puis je pense sincèrement qu'une
incitation comme celle-là va légitimer davantage la prise de congé partageable
par les pères.
Notamment ceux, puis vous en faisiez
référence, qui sont dans des secteurs d'activité économique où il y a moins
d'ouverture. Parce qu'un des facteurs que vous identifiez comme limitant le
partage, c'est le milieu de travail. Puis je sais qu'il y a des secteurs
d'activité économique qui sont plus réfractaires. On le sent. Il y a des pères
qui m'ont dit : Moi, Jean, je ne sens pas d'ouverture. Et il y a encore
des milieux, au Québec, où même le congé de paternité... Il y a des jeunes
pères qui prennent des vacances au lieu de prendre le congé de paternité, puis
il y en a... Maintenant, vous allez me dire, c'est beaucoup plus accepté dans
les milieux de travail, le congé de paternité, mais là on monte une autre
marche de l'escalier quand il faut faire l'effort de dire : Je vais
partager. Je vais prendre le congé partageable. Ça, on a encore du travail à
faire au Québec. Ça fait que je pense que la mesure qui est dans le projet de
loi n° 51 va nous aider à...
M. Boulet : ...là, on monte une
autre marche de l'escalier quand il faut faire l'effort de dire : Je vais
partager, je vais prendre le congé partageable. Ça, on a encore du travail à
faire au Québec. Ça fait que je pense que la mesure qui est dans le projet de
loi n° 51 va nous aider à légitimer ou à donner un argument additionnel aux
jeunes pères qui sont dans des secteurs plus réfractaires à la prise des congés
partageables, et je pense que ça va avoir un effet — dernier point,
puis après ça je vais vous laisser me commenter — mais un effet
positif aussi pour les mères, parce qu'il y a des mères qui veulent revenir au
travail, il y a des mères qui sont dans leur congé, puis ça, beaucoup — puis
j'aimerais, ça aussi, vous entendre — qui souhaitent retourner au
travail et, implicitement ou explicitement, souhaitent l'investissement du père
dans la sphère familiale, là, ce que je répète souvent, et donc l'incitatif va
avoir cet effet secondaire là de dire aux mères : Vous pouvez plus
facilement... Après avoir dialogué, après avoir convenu d'un partage minimal de
10 semaines chacun, on va bénéficier d'un encouragement additionnel,
c'est-à-dire le quatre semaines partageable. Donc, les mères vont être beaucoup
plus à l'aise de revenir au travail. Donc, je parle longtemps, mais j'aimerais
vous entendre, là, sur mes commentaires.
Mme Rhéaume (Marie) : Je pense
que l'idée de susciter les discussions est intéressante, parce qu'actuellement
on sait que ce n'est pas tout à fait ça qui se passe. Les couples, tu sais,
c'est comme si ça allait de soi, comme si c'était le congé de la mère, que ça
allait de soi, puis que d'amputer des semaines, c'est vraiment nuire à la
relation entre les deux. Toutefois, je pense que c'est quand même un gros
changement à opérer. Quand on a mis les cinq semaines pour les pères seulement,
on a vu que les pères ont commencé à prendre le congé, c'est même à 80 %,
ce qui est une grande réussite. On sait que dans le restant du Canada, ils sont
à 20 % à peu près de pères qui prennent le congé. Donc, il y a vraiment
une différence importante. Selon nous, un des pas qu'il reste à franchir, c'est
toute la question du partage de la responsabilité familiale. Quand je dis ça,
ce n'est pas juste les tâches, ce n'est pas juste... c'est que chacun soit
capable de faire sa partie du travail. Si on a comme un parent qui est le
parent spécialiste, là, parce qu'il a pu développer ça, c'est probablement
facile après ça de... Tu sais, ça va de soi de se reposer sur la personne, puis
là on a beaucoup entendu parler de la charge mentale, et...
Mme Rhéaume (Marie) : ...du
travail. Si on a, comme, un parent qui est le parent spécialiste, là, parce
qu'il a pu développer ça, c'est probablement facile après ça de... tu sais,
c'est à votre soi de se reposer sur la personne. Puis là on a beaucoup entendu
parler de la charge mentale et ça se comprend parce qu'on sait que le Québec
est aussi l'endroit au monde où on a le plus haut taux d'activité des mères de
jeunes enfants. Donc, c'est un peu normal qu'il y ait de l'attention de ce
côté-là, sauf que les habitudes qu'on prend au début, au premier congé
parental, ces habitudes-là, c'est des habitudes qui vont être là pour la vie
puis ça va être difficile à faire changer. Puis souvent, là, qu'est-ce qui
faire que ça change, c'est parce qu'il y a une séparation. Donc, à partir du
moment où les gens sont en garde partagée, là, tout d'un coup... Tu sais, on a
entendu beaucoup de femmes dire : Ouf, j'ai une semaine où je peux
travailler à fond, où je peux faire toutes mes choses, puis c'est l'autre
parent qui s'en occupe. Mais ces parents-là sont séparés, là. Donc, on ne pense
pas que ce soit quelque chose d'avisé.
J'ai fait un test avec deux de mes
employés qui ont des jeunes enfants puis qui se sont retrouvés en télétravail
pendant... qui se sont retrouvés en télétravail pendant le confinement avec
enfants à la maison. Et je leur ai demandé : Est-ce que ça a changé
quelque chose dans le fonctionnement de votre famille? Ils m'ont regardé avec
un petit sourire en coin en disant : Bien, oui, un petit peu. C'est sûr
qu'ils sont très actifs, mais il faut toujours que je dise quoi faire. Tu sais,
j'ai une réunion qui se prolonge, je termine à 12 h 30, il n'y a rien
sur la table, il n'y a rien qui a été amorcé. C'est des réflexes de cet
ordre-là qu'il faut comme entraîner, puis ça, ça devrait pouvoir se faire. Si
les hommes avaient... si les pères avaient une partie du temps qui était passé
de manière seule avec les enfants au lieu que les parents s'arrangent pour
passer ce temps-là ensemble parce que c'est vu comme du temps de vacances, on
comprend, les parents sont souvent essoufflés pour faire face à leur nouveau
rôle, donc on peut comprendre que... Donc, c'est à ça, je pense, qu'il faut
s'attaquer. On pense que la mesure est intéressante, mais là, pour le moment,
ça touche seulement qu'une petite partie des parents puis c'est les plus
progressistes.
Donc, est-ce que la mesure est... c'est ça
qu'on se demande, est-ce que la mesure est suffisante? Est-ce que la mesure est
suffisante pour faire un peu le changement de normes, comme ça a été le cas
quand on a mis en place le congé réservé aux pères?
M. Boulet : C'est une bonne
réponse, mais ça rejoint ce que je disais au départ. Il faut que le cadre
normatif contribue à l'avancement, à augmenter le nombre de ce que vous
appelez, Marie, de familles progressistes. Il y en a ici, dans la salle et on
en connaît tous...
M. Boulet : ...rejoint ce que
je disais au départ. Il faut que le cadre normatif contribue à l'avancement, à
augmenter le nombre de ce que vous appelez, Marie, de familles progressistes.
Il y en a ici, dans la salle, on en connaît tous, il faut qu'il y en ait de plus
en plus au Québec.
Je ne peux pas m'empêcher de parler du
télétravail. Je ne sais pas s'il y a des statistiques, Marie ou Amélie, tu
sais, moi, on me dit : Il y a beaucoup de mères qui ont fait du
télétravail à la maison puis il y a beaucoup de pères qui ont fait du
télétravail à l'extérieur, ce qui a contribué au maintien de comportements qui
sont un peu plus conservateurs.
Mais je lisais une étude aussi qui disait
que les mères qui font du télétravail sont celles qui ont fait le plus de temps
supplémentaire non rémunéré, parce qu'elles s'occupent des tâches domestiques
en plus des enfants, des tâches familiales, et elles bénéficient d'un horaire
de travail flexible, mais elles étirent, elles étirent, ça fait qu'elles se...
Puis l'horaire de travail est le même, qu'on soit en milieu syndiqué ou non,
c'est l'horaire de travail usuel, mais elles débordent pour tout finir, ça fait
qu'elles font du temps supplémentaire qui est non rémunéré. Aviez-vous un commentaire,
Marie, Amélie, je vous voyais hocher de la tête.
• (16 h 50) •
Mme Rhéaume (Marie) : En tout
cas, ce qu'on entend, là, dans nos environnements... On est le 26 septembre,
puis les gens se sentent comme si on était juste avant Noël. Donc, on peut
penser qu'on va avoir un automne... on va avoir un automne difficile, puis
c'est beaucoup les femmes qui expriment ça, qui ont eu la double tâche. On
entend les mères dire : Ah! Ça ne me tente pas de voir mes enfants revenir
à la maison pendant qu'il faut que je continue de livrer. C'est extrêmement
exigeant. J'ai même vu, dans des familles où... le père était dans le sous-sol
pendant que la mère était en haut avec les enfants. Ce n'était pas partagé, là,
tu sais, c'est ça quand on dit de... ce n'est pas juste le partage des tâches,
c'est le partage de la responsabilité, ce n'est pas... on ne parle pas de la
même chose. Donc, pour entraîner ce changement de paradigmes pour amener les
hommes sur la voie de l'autonomie parentale, bien je pense qu'il y a comme un
petit effort supplémentaire à faire. Mais... C'est ça. Je ne sais pas, Amélie.
M. Boulet : Oui...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste trois minutes à l'échange.
M. Boulet : Qu'est-ce que vous
pensez de... Tu sais, je voyais que dans certains pays, on dit : Les
parents ne peuvent pas prendre un certain nombre de semaines en même temps, justement
pour une meilleure responsabilisation puis pour une meilleure assumation des
charges familiales. Est-ce qu'on est rendus à ce stade-là, au Québec, selon
vous?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui. Ça
va être court. Je veux dire...
M. Boulet : ...justement pour
une meilleure responsabilisation puis pour une meilleure assumation des charges
familiales. Est-ce qu'on est rendus à ce stade-là, au Québec, selon vous?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui. Ça
va être court. Je veux dire, c'est comme... C'est les femmes qui font les frais
actuellement de la conciliation famille-travail. Elles font les frais puis
elles font les frais de ça toute leur vie, parce que, comme on a dit, quand ce
n'est pas partagé, quand l'autre n'est pas conscient... Les deux filles,
qu'est-ce qu'ils m'ont dit, c'est : Ils sont un peu plus conscients de
tout ce que ça représente de gérer une maisonnée. Ça, ça a été appris pendant
la pandémie, mais pas au point de développer les réflexes, là, qui font que tu
es en retard pour dîner, bien, les enfants sont capables de dîner quand même,
là. Donc, oui, il faut qu'on passe à l'étape supérieure pour ne pas que ça soit
juste les femmes.
M. Boulet : Mais, Marie, je ne
vous demande pas de me donner une réponse en fonction de ce que vous souhaitez,
mais est-ce qu'au Québec… est-ce qu'il y aurait une forme de consensus social
sur ce sujet-là, donc qu'un certain nombre de semaines doivent être prises par
le père, par exemple?
Mme Rhéaume (Marie) : Veux-tu
y aller?
Mme Landry (Amélie) : Je
ferais du pouce, oui, sur votre question, en fait, bien, je travaille en
périnatalité, je dirais que ça commence très tôt, au-delà de partager des
semaines, c'est d'engager le père dès la grossesse et dès la naissance de
l'enfant. Quand on pense, les mères vont être les premières à allez au
rendez-vous médical, parce qu'elles sont en congé de maternité, papa est
retourné au travail, c'est elles qui vont faire les premiers vaccins, qui vont
faire les premiers rendez-vous. Donc, ça devient un peu une routine où est-ce
que c'est normal, maman va le faire.
Donc, je pense qu'il y a un partage de
tâches obligatoires, ça permettrait peut-être aux pères de s'impliquer davantage.
Mais, je vous dirais, ça commence le processus, dès le début, et c'est ça que,
des fois, on tente d'oublier, puis on l'entend beaucoup, moi, dans mon milieu,
où est-ce que, même dans les rendez-vous, cours prénataux, rendez-vous
médicaux, ils s'adressent à la femme, à la femme, à la maman, les documents à
la maman. Mais le papa, il devient un papa, ça fait qu'il faut y laisser sa
place, il faut lui laisser prendre sa place, mais il faut changer plein de
mesures incitatives dès le départ.
Ça fait que, oui, on pourrait augmenter
des semaines, oui, on pourrait changer la modification de la loi pour favoriser
plus de temps, mais c'est dès le départ, moi… il reste que c'est vraiment dès
le départ, dès que le papa devient un parent et pas lorsque ça fait quelques
semaines ou quelques mois.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'intervention. Alors, merci, M. le ministre. C'est tout ce que nous
avions comme temps.
M. Boulet : …merci à Amélie.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous allons avec le porte-parole de l'opposition officielle, avec le
député de Nelligan. Vous disposez de 10 min 40 s.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Je vais aller dans le même sens où le ministre s'est arrêté, parce
que je trouve que vous avez commencé… il a commencé un bon débat, et vous avez
dit… j'ai noté, le changement de norme, donc on parle de norme, moi, ça
m'interpelle, tout ce qui est norme, d'une norme sociétale. Le ministre vous a
posé la question : Est-ce que nous sommes rendus là où probablement on
doit imposer — je mets, entre guillemets, imposer — que le
papa prend des grands gestes…
M. Derraji : ...j'ai noté
changement de norme, donc on parle de norme. Moi, ça m'interpelle, tout ce qui
est norme et norme sociétale. Le ministre vous a posé la question : Est-ce
que nous sommes rendus là où, probablement, on doit imposer, je mets entre
guillemets «imposer», que le papa prend des congés séparés, le père de la mère?
Est-ce que, selon vous, c'est une bonne mesure pour avoir une implication du
père? Je vous ai entendu parler qu'on doit l'impliquer même avant. Je ne sais
pas si ma femme est en train de voir la commission, pas sûr, elle est en
télétravail, mais on a eu ces genres de discussions d'aller dans ces rendez-vous.
Mais parfois, ce n'est pas parce que je ne veux pas aller à ces rendez-vous, ça
n'adonne pas que le temps m'aide. Mais j'aimerais bien vous entendre par
rapport à cette question de normes parce que cette réponse va nous aider dans
la suite des choses.
Mme Rhéaume (Marie) : Je pense
qu'il y a 20 ans, là, ou au-dessus de 20 ans, quand le Régime québécois
d'assurance parentale a été passé, la question des cinq semaines réservées au
père, c'était comme... c'était tout un débat : Est-ce que les gens sont
prêts? Mais finalement, les gens ont répondu... les gens ont répondu tout de
suite, parce qu'ils ont vu les avantages. C'était... en tout cas, je pense que
tout le monde a été un peu surpris de voir à quel point c'est venu rapidement.
Mais si... tu sais, je pense que dans
l'état actuel de la situation par rapport au télétravail... dans l'état actuel
par rapport au télétravail, peut-être qu'ils ne le savent pas que c'est un
élément de réponse, parce que s'ils le savaient, peut-être que... Les nouveaux
parents peut-être ne savent pas que c'est un élément de réponse dans le
meilleur fonctionnement pour la suite des choses. Mais nous, tu sais, on sait
que finalement, plus les deux parents... mieux les deux parents sont engagés ensemble
pour la famille, mieux ça fonctionne, mieux ça va puis c'est mieux pour le
télétravail aussi.
M. Derraji : Justement là où
je cherche une réponse de votre part, parce que probablement que les cinq
semaines ont déjà contribué à avoir des impacts positifs. Mais nous sommes
ailleurs. Nous sommes en 2020 et nous sommes en train de préparer une loi qui
va nous guider pour les prochaines années.
La question qu'on a sur la table
présentement : Comment avoir plus d'implication du père? Vous avez votre
point de vue de l'impliquer même avant, mais est-ce que l'idée de séparer les
congés, selon vous, est une bonne option, que le père prend un congé séparé de
la mère? Est-ce que ça va l'impliquer davantage? Si oui, selon vous, c'est
quoi, le nombre idéal de semaines où ce père doit passer du temps avec son fils
ou sa fille pour pouvoir changer la norme et s'habituer à ce travail aussi?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, au
moins trois semaines, là. Idéalement, peut-être cinq semaines...
M. Derraji : ...selon vous,
c'est quoi, le nombre idéal de semaines où ce père doit passer du temps avec
son fils ou sa fille pour pouvoir changer la norme et s'habituer à ce travail
aussi?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, au
moins trois semaines, là; idéalement, peut-être cinq semaines.
M. Derraji : O.K. J'entends
trois, quatre... entre trois et cinq semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : Que pensez-vous
du partageable, donc les 10 semaines partagées, et que la femme renonce à ces
10 semaines pour avoir quatre semaines de plus?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, je
pense que, quand le parent est dans la situation, peut-être qu'il ne voit pas
les avantages qu'il y a à tirer du fait que l'autre parent soit à la maison
avec l'enfant, là. Tu sais, on peut dire : Ah oui! j'ai une perte. Mais
cette perte-là, elle va être contrebalancée par un gain dans les années qui
vont suivre à cause de l'implication accrue de l'autre parent, qui va mieux
comprendre tout ce qu'il y a à faire pour soutenir le développement de la
famille, là.
M. Derraji : Vous, vous voyez
d'un bon oeil le fait que la maman renonce à ces 10 semaines partageables pour
avoir quatre semaines d'implication du papa?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : O.K. Je vous ai
entendue parler de la banque de congés pour la deuxième année. Est-ce que j'ai
bien entendu?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : C'est ça? O.K.
Bon. Pouvez-vous élaborer davantage, s'il vous plaît?
• (17 heures) •
Mme Rhéaume (Marie) : Actuellement,
avec les statistiques de l'ISQ, ce qu'on comprend, c'est que, bon, quand les
tout-petits entrent en service de garde — je suis certaine que je
vais dire ça, puis tout le monde va comprendre — qu'on soit parent,
qu'on soit grand-parent, on comprend que, quand les tout-petits font leur
première année en service de garde, c'est le festival de la petite maladie. Ça
veut dire : otite, gastro, rhume, tout ce qui peut survenir. Mais ce n'est
pas des maladies graves, mais c'est des maladies qui font que tu ne peux pas
laisser l'enfant au service de garde. En moyenne, les pères vont s'absenter 11
jours pendant la première année puis les mères, 16 jours, encore une fois parce
que les femmes ont souvent un salaire moindre que le père. Bien, si on calcule
bien, ça fait 27 jours. 27 jours, ça correspond à plus que cinq semaines
répandues dans le temps. Mais je ne connais personne, moi, qui a 27 jours de
congé pour maladie. Donc, les gens épuisent leur banque de vacances, sont
épuisés, parce qu'on sait que les enfants en début de vie, ce n'est souvent pas
des gros dormeurs. Donc, il y a de la fatigue qui s'accumule, puis on pense que
ça pourrait être intéressant que le parent puisse avoir une espèce de banque,
là, pour ces journées-là. En plus, ils sont souvent en début de carrière, ils
n'ont pas des gros avantages sociaux, ils sont souvent serrés dans le budget
parce qu'ils sortent du congé...
17 h (version non révisée)
Mme Rhéaume (Marie) : ...il y a
de la fatigue qui s'accumule, puis on pense que ça pourrait être intéressant
que le parent puisse avoir une espèce de banque, là, pour ces journées-là. En
plus, ils sont souvent en début de carrière. Ils n'ont pas des gros avantages
sociaux, ils sont souvent serrés dans le budget parce qu'ils sortent du congé
parental. Donc, toutes les conditions pour blêmir devant ton patron pour...
quand tu annonces que tu es rendu à ta 14e journée parce que, la semaine
passée, c'était une gastro, puis cette semaine, il a le nez qui coule. Donc,
c'est un stress important pour les familles.
M. Derraji : Je trouve ça très
intéressant parce que vous soulevez une autre problématique que... jusqu'à
maintenant, on ne l'a pas vue. Aucun groupe ne nous a parlé de cela. Et donc si
j'ai bien compris, vous demandez d'avoir une banque partageable, j'imagine...
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : ...pour la deuxième
année, si j'ai bien compris. Selon vos statistiques, 16 jours pour les femmes,
11 jours pour les hommes, ça, c'est votre constat. Bon, maintenant, dans un
monde idéal, le ministre, il est hypergénéreux, il vous donne 27 jours
partageables aujourd'hui, il ouvre la porte avec les projets pilotes. Moi, je
vais imaginer que, déjà, il va accepter votre amendement. Est-ce que vous
n'avez pas une crainte que c'est seulement les femmes qui vont prendre ces
congés?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, on
a juste à les séparer à deux banques, deux banques, que chaque parent a, je ne
sais pas, 12 jours, puis... ou 10 jours. Chaque parent a 10 jours à l'occasion
de la deuxième année, que ce ne soit pas la femme qui a... la mère qui a 20
jours, mais que les deux parents... Bien, de toute façon, c'est ça qu'ils sont
obligés de faire. Ils sont déjà... C'est impossible... Je veux dire, une mère
qui va prendre 27 jours de congé, ce n'est pas facile pour un employeur non
plus, là.
M. Derraji : Oui. Je vais
résumer très rapidement. Banque partageable entre la famille, donc le mari et
la conjointe ou le conjoint, conjointe, et que ce soit spécifique en termes de
jours. Comme ça, en cas de besoin, cette banque sera utilisée. C'est bien ça?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : O.K.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste deux minutes à l'échange.
M. Derraji : Plusieurs groupes
ont parlé de bonifier les semaines des pères, donc que ce soit... On parle
toujours, bon, au niveau de la première année. Selon vous, à part les cinq
semaines, c'est quoi, le nombre de semaines idéal pour voir que le père joue
son rôle au niveau de la cellule familiale?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, un
autre trois à cinq semaines. On va dire quatre semaines.
M. Derraji : Donc, quatre
semaines de plus que les cinq semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : O.K. Est-ce que
vous êtes d'accord que ces quatre semaines... c'est des quatre semaines de
plus, donc on ne tient pas compte que c'est les 10 semaines partageables, donc,
que la mère met à la disposition pour avoir les quatre semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Je ne
peux pas vous répondre.
M. Derraji : O.K. Dans le
projet de loi, il y a des projets pilotes. On en parle beaucoup depuis le début.
Est-ce que vous avez vu une piste pour des projets pilotes que le projet de loi
ne répond pas présentement, à ces projets pilotes, et que vous avez...
M. Derraji : ...les quatre
semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Je ne
peux pas vous répondre.
M. Derraji : O.K. Dans le
projet de loi, il y a des projets pilotes. On en parle beaucoup depuis le
début. Est-ce que vous avez vu une piste pour des projets pilotes que le projet
de loi ne répond pas présentement, à ces projets pilotes, et que vous avez une
idée d'un projet pilote?
Mme Rhéaume (Marie) : Toi,
Amélie?
M. Derraji : Bien, je vous
donne un exemple, changement de normes. Parce que le défi que j'ai présentement,
c'est que même si on met tout ça, même malgré la bonne volonté de l'ensemble
des parlementaires, mais qu'on va tous être confrontés à une réalité. La
réalité, c'est que ça va prendre du temps, et il y a d'autres groupes qui l'ont
dit, ça va prendre du temps pour changer la mentalité qu'on a présentement.
Pensez-vous c'est quelque chose qu'on peut aller graduellement avec des
semaines réservées uniquement pour le père pour l'impliquer davantage ou avec
des incitatifs? Je ne sais pas.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
30 secondes.
Mme Rhéaume (Marie) : Mais je
pense que c'est certain que, quand on veut faire des changements de normes
aussi importants, ça prend des incitatifs en contrepartie. Donc, je crois
que... Mais, en même temps, c'est nécessaire, c'est nécessaire pour que les
employeurs comprennent puis que pour les parents... que les parents
comprennent. Ce n'est pas seulement que l'affaire des mères, c'est l'affaire
des deux parents.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Merci pour votre
présence et pour vos recommandations. Bonne journée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons avec le porte-parole du deuxième
groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. Bienvenue à l'Assemblée nationale. J'ai deux questions.
Première question de clarification sur votre position par rapport à la
proposition, là, de rajouter quatre semaines parentales advenant une division
d'au moins 10 semaines chaque. J'avais cru comprendre en ouverture que vous
étiez plutôt défavorables. Vous avez dit que ça risquait peu d'influencer la
norme en vigueur. Dans les discussions, par la suite, vous avez semblé ouvert
une porte. Je pensais que vous étiez en faveur davantage de rajouter des
semaines de congé parental... paternel, pardon, ce qui, je pense aussi, est une
meilleure façon de procéder. Comme les ressources sont limitées, bien sûr, le
ministre ne peut pas faire les deux. Je pense qu'il y aurait davantage eu d'avantages
aussi à mettre donc les semaines en paternité plutôt que l'autre formule.
Voulez-vous clarifier votre position par rapport à ça?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, si
on n'a pas le choix puis qu'on doit se tourner seulement vers les 10 semaines
partagées qui donnent droit à quatre semaines, bien, je pense que c'est mieux
que rien, mais ce serait préférable qu'on insiste, là, sur des semaines
réservées au père puis qu'il puisse passer aussi ces semaines-là seul avec
l'enfant, là, et non pas de la même manière que les semaines actuelles, là, qui
sont souvent passées. Tu sais, on a vu des gens dire : Bien, on a eu cinq
semaines, mais là on s'est promenés... bien là, ça se promène un peu moins,
mais on s'est promenés, on a vu la belle...
Mme Rhéaume (Marie) : ...seul
avec l'enfant, là, et non pas de la même manière que les semaines actuelles,
là, qui sont souvent passées. Tu sais, on a vu des gens dire : Bien, on a
eu cinq semaines, mais là on s'est promenés... bien là, ça se promène un peu
moins, mais on s'est promenés, on a vu la belle-famille, on a fait un petit
voyage. Ce n'est pas la vraie vie en famille, là, qui commence souvent quand un
des deux se retrouve tout seul à la maison à faire face, là, à l'ensemble de
ces éléments-là.
Donc...
M. Leduc : Parfait, c'est très
clair.
Mme Rhéaume (Marie) : ...je
pense que c'est une amélioration, mais on pense qu'il faudrait aller plus loin.
M. Leduc :
O.K. Merci. Puis je pense que vous vous inscrivez dans le consensus qui
se construit de plus en plus sur ce sujet-là.
Dernière question rapide. Vous parliez
d'une banque de congé familial dans la deuxième année. Il y a un groupe qui est
passé plus tôt aujourd'hui qui faisait référence à une idée similaire, mais qui
proposait plutôt de passer par les normes du travail, de faire en sorte que les
10 congés familiaux, à la place d'en avoir seulement deux qui soient rémunérés,
que ce soit les 10 qui soient rémunérés. Est-ce que c'est une avenue aussi qui
vous semblerait adéquate?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien,
les 10 rémunérés, ce serait bon pour les autres années qui suivent. Parce que,
quand, par exemple, il y a un deuxième enfant qui s'ajoute, c'est qu'on repart
aussi, là... Tu sais, je veux dire, le premier, il va avoir la gastro la
première semaine, le deuxième va avoir... Tu sais, moi, je résume ça pour...
Les parents, là, pendant la petite enfance, sont toujours à une gastro du
chaos, là, tu sais. Puis ils nous l'ont dit dans des «focus groups», ils vont
épuiser leurs vacances puis, finalement, ils se retrouvent à ne même pas passer
de temps en famille parce que le temps est épuisé dans tous ces petits
événements là qui font que personne n'est vraiment en forme, là. Ça fait que,
tu sais...
M. Leduc : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est tout ce que nous avons. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Nous poursuivons avec la députée de Joliette, avec 2 min 40 s.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, merci beaucoup pour un regard qui est toujours éclairant et très ancré
dans la vraie vie. Donc, j'ai exactement les deux mêmes sujets que mon collègue
qui vient de parler, d'Hochelaga-Maisonneuve. Un, les semaines réservées au
père, donc, vous dites : Il faudrait augmenter, donc, bonifier le nombre
de semaines réservées au père. Mais en même temps, vous nous dites : Il ne
faudrait pas que ce soit de la coparentalité, en quelque sorte. Donc, comment
on fait? Parce que la proposition du ministre, lui, c'est de créer un incitatif
pour qu'il y ait des semaines prises en propre dans le partage du congé
parental. Vous, vous semblez plus à l'aise avec l'idée d'augmenter le congé de
paternité. Mais comment on fait justement pour que ce soit consécutif, et non
pas conjoint, en même temps?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, on
donne les semaines si le parent prend les semaines seul, si... Puis, s'il ne
les prend pas seul, bien, j'imagine que... Tu sais, c'est vraiment de... comme
un autre bonus, là. Tu as un bonus, mais il faut que tu sois seul avec l'enfant
pendant le temps... pendant ce moment-là.
Mme
Hivon
:
L'autre élément...
Mme Rhéaume (Marie) : ...puis
s'il ne les prend pas seul, bien... J'imagine que, tu sais, c'est vraiment
comme un autre bonus, là. Tu as un autre bonus, mais il faut que tu sois seul
avec l'enfant pendant le temps... pendant ce moment-là.
Mme
Hivon
:
L'autre élément, bien je suis contente que vous en parliez, moi, c'est une idée
à laquelle je crois puis dont j'ai entendu parler sur le terrain beaucoup, puis
vos «focus groups» le ressortent, c'est cette idée d'avoir une banque de congés
familiaux mobiles, en quelque sorte, qui se détaillent en journées et non pas
juste en semaines, parce qu'une fois le congé pris, ce n'est pas... la vie
n'est pas rose tous les jours. Et donc, il y a beaucoup, beaucoup d'enjeux.
• (17 h 10) •
Là, je comprends que vous, vous voulez le
réserver pour la deuxième année. Certains, dont moi, pensaient que peut-être
qu'on pourrait donner une plus grande flexibilité dans les premières années de
vie puis vous, en fait, ce que vous demandez, c'est d'ajouter ces journées-là
ou vous demandez qu'il y ait une flexibilité pour qu'à partir des semaines, il
puisse y avoir, par exemple, quatre semaines qui soient prises pour ça. Juste
bien comprendre le détail de votre idée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 30 secondes.
Mme Rhéaume (Marie) : Bien,
c'est comme, avoir un bébé, ça te donne une banque de congés que tu peux
utiliser à partir du moment où tu retournes au travail, là. C'est...
Mme
Hivon
:
...via le RQAP, là, la formule et...
Mme Rhéaume (Marie) : Ah! je
pense que, peu importe la formule, je pense que les parents seraient infiniment
reconnaissants.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, Mme Rhéaume, merci, Mme Landry, pour votre contribution
à l'avancement des travaux.
Nous suspendons la commission quelques
instants pour donner la chance au troisième groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise à 17 h 17)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Nous souhaitons la bienvenue à M. Villeneuve du Regroupement pour la
valorisation de la paternité. Alors, M. Villeneuve, vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé et, avant de commencer, je vous inviterais à bien vous
présenter.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bonjour. Merci beaucoup. Merci de votre invitation. Donc, mon nom est Raymond
Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la valorisation de la
paternité, un regroupement de 250 organisations, individus qui viennent de
toutes les régions du Québec, autant d'hommes que de femmes. On est reconnus
par le ministre de la Famille. On est financés par Centraide du Grand Montréal,
le Secrétariat à la condition féminine, le ministère de la Santé et des
Services sociaux, la Fondation Chagnon. Et, dans le fond, tout le monde nous
soutient, parce que, un, il pense que c'est important l'engagement paternel,
c'est important pour le développement des enfants, mais il croit…
M. Villeneuve (Raymond) : ...que
femme. On est reconnus par le ministère de la Famille, on est financés par
Centraide du Grand Montréal, le Secrétariat à la condition féminine, le ministère
de la Santé et des Services sociaux, la fondation Chagnon. Et, dans le fond, tout
le monde nous soutient parce qu'un ils pensent que c'est important,
l'engagement, c'est important pour le développement des enfants, mais ils
croient aussi qu'une parentalité plus égalitaire, dans le fond, c'est bon pour tout
le monde.
Alors donc, je commence. Donc, le projet
de loi n° 51 nous semble, au Regroupement pour la valorisation de la
paternité, donc intéressant et pertinent à plus d'un égard. En bonifiant, le Régime
québécois d'assurance parentale, une des pièces maîtresses de la politique
familiale québécoise, le projet de loi facilite la vie des jeunes familles et
participe à la poursuite de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le RVP tient à saluer tout particulièrement
les mesures suivantes : l'ajout de cinq semaines de congé de maternité et
de paternité dans le cas de grossesse multiple, la mesure visant à accroître la
flexibilité du RQAP en permettant la prise de congé sur une période de 78
semaines plutôt que 52 ainsi que la proposition dont le but est de rendre le
congé pour les parents adoptants équivalent à celui des parents biologiques.
L'effet conjugué de ces trois mesures sera certainement bénéfique pour les
familles québécoises puisque celles-ci constituent des réponses adaptées aux
besoins des familles d'aujourd'hui.
• (17 h 20) •
L'article 10.2 du projet de loi qui offre
quatre semaines additionnelles de prestations partageables aux couples dont les
deux parents prennent au moins 10 semaines de prestations parentales ou
d'adoption est aussi une mesure intéressante. Cette mesure ferait en sorte que
plusieurs pères seraient présents plus longtemps auprès de leurs jeunes enfants
favorisant ainsi un plus grand engagement de leur part ainsi qu'un meilleur
partage des responsabilités parentales. L'article 10.2 propose en quelque sorte
un bonus aux couples qui partagent le congé parental. Cela incitera selon toute
vraisemblance plusieurs couples à discuter davantage du partage de ce congé, à
mieux répartir les responsabilités familiales en accroissant le nombre de
semaines disponibles pour le couple, tout cela en évitant de donner
l'impression que les semaines additionnelles sont enlevées à l'un ou à l'autre
des parents. Pour toutes ces raisons, le RVP considère que la mesure proposée
est valable, progressiste et bénéfique pour les pères, les mères et les
enfants.
L'effet de cette mesure risque cependant
d'être limité pour les raisons que je vais maintenant vous présenter. Premièrement,
seulement 26 % de l'ensemble des couples partagent le congé parental.
Comme le bonus offre quatre semaines additionnelles lorsque les deux prennent
au moins 10 semaines de congé parental, il serait fort étonnant qu'un nombre
important de parents qui ne partagent pas le congé parental se prévalent de
cette mesure. Déjà, cela exclut près du trois quarts des couples québécois.
Deuxièmement, parmi le 26 % des
couples qui partagent le congé parental, il est raisonnable d'imaginer que ce
ne sera pas 100 % de ces couples qui se prévaudront de cette mesure. Par
exemple, lorsque le père prend seulement quelques semaines du congé parental,
l'écart de semaines à combler pour atteindre l'objectif de 10 semaines pourrait
être trop important pour que l'utilisation de la mesure...
M. Villeneuve (Raymond) :
...des couples qui partagent le congé parental, il est raisonnable d'imaginer
que ce ne sera pas 100 % de ces couples qui se prévaudront de cette
mesure. Par exemple, lorsque le père prend seulement quelques semaines du congé
parental, l'écart de semaines à combler pour atteindre l'objectif de 10
semaines pourrait être trop important pour que l'utilisation de la mesure soit
envisagée. On sait aussi que les pères ont encore souvent des revenus plus
élevés que les mères et que cela peut limiter le partage du congé parental
entre les mères et les pères. On sait aussi que les milieux de travail, particulièrement
les milieux à prédominance masculine, sont parfois moins ouverts à la prise du
congé parental par les pères.
Mais soyons optimistes, je le suis toujours,
et imaginons que 80 % des couples qui partagent le congé parental, soit
26 % des couples, se prévalent de cette mesure. Dans ce cas, ce seraient seulement
20,8 % de l'ensemble des couples qui pourraient bénéficier de la proposition
gouvernementale. Quelles que soient les hypothèses envisagées, il nous semble
assez évident que la mesure proposée ne rejoindra qu'une minorité de couples et
de pères. Et de plus, la mesure risque fort de rejoindre les couples et les
pères qui partagent déjà le congé parental et qui ont les pratiques les plus
égalitaires. Les couples qui ont des comportements plus traditionnels ne seront
donc pas ou peu, selon toute vraisemblance, rejoints par cette mesure. Voilà
donc sa plus grande limite. Pourtant, au Québec, le désir d'une parentalité
égalitaire, d'une coparentalité engagée de part et d'autre, est de plus en plus
présent. Des jeunes couples de la génération Y souhaitent vivre ensemble, de
plus en plus, leur expérience de parents. Cela ressort nettement des sondages
que nous avons menés au cours des dernières années. Les jeunes pères sont aussi
de plus en plus impliqués dans le quotidien de leurs enfants et ils sont
d'ailleurs, selon Mme Valérie Harvey, professeure en sociologie, les champions
canadiens des soins aux enfants, presqu'à égalité avec les mères. Il reste bien
sûr beaucoup de travail à faire, et ce, tout particulièrement pour mieux
partager la charge mentale et les responsabilités familiales.
Les mesures proposées par le ministère du
Travail sont donc de la plus haute importance, puisque toujours selon Mme
Harvey, le rôle des parents se fige souvent pendant les congés parentaux. Afin
d'éviter une division traditionnelle des rôles, il est donc essentiel
d'intervenir rapidement pour réduire l'écart entre le nombre de semaines de
congé prises par les mères et les pères. En 2017, globalement, les pères
prestataires du RQAP prenaient en moyenne neuf semaines de congé, et les mères
prestataires 45 semaines. Cet écart est énorme. Le RVP reconnaît que les
mesures proposées par le ministère du Travail dans son projet de loi n° 51 vont dans la bonne direction, sans nul doute, mais,
selon nous, il faudrait être encore plus ambitieux pour mobiliser davantage la
majorité des pères et rejoindre ainsi la majorité des couples.
Il existe une mesure universelle qui
rejoint plus de 80 % des pères prestataires du RQAP et plus de 70 %
de l'ensemble des pères, c'est le congé de paternité...
M. Villeneuve (Raymond) : …il
faudrait être encore plus ambitieux pour mobiliser davantage la majorité des
pères et rejoindre ainsi la majorité des couples. Il existe une mesure
universelle qui rejoint plus de 80 % des pères prestataires du RQAP et
plus de 70 % de l'ensemble des pères, c'est le congé de paternité. Le
congé de paternité fait maintenant partie de la norme sociale au Québec et ses
effets sont indéniables pour rejoindre la majorité des pères et pour diminuer
l'écart entre les semaines prises par l'ensemble des mères et des pères.
Le RVP recommande donc d'accroître de
trois semaines le congé de paternité existant pour le porter à huit semaines.
Cette mesure enverrait, de plus, un message très fort à la société québécoise
et au milieu de travail à l'effet que les pères sont des parents à part
entière. Le RVP est conscient que le coût d'une telle mesure est important,
possiblement plus de 30 millions par semaine de congé de paternité ajouté,
et le coût de cette mesure est plus important que celui de la disposition
proposée à l'article 10.2 du projet de loi n° 51. Rappelons-nous cependant
qu'en 2006 le gouvernement du Québec a été visionnaire et n'a pas hésité à
mettre en place un congé de paternité de cinq semaines dont on ne pourrait plus
se passer maintenant.
Nous croyons que le temps est maintenant
venu de faire un pas de plus. Le ministère du Travail propose un petit pas de
plus pour les pères et les couples, c'est bien. Le RVP, lui, propose un grand
pas de plus pour favoriser l'engagement accru des pères québécois. L'enjeu est
de taille, assurer une présence plus grande des pères auprès de leurs jeunes
enfants et réduire, de manière significative, l'écart entre l'ensemble des
mères et des pères quant à la prise du congé parental.
En Espagne, il est prévu que le congé de
paternité passe de cinq à huit semaines en 2021, en Finlande, il y a un projet
encore plus ambitieux. Pourquoi le Québec ne pourrait-il pas se classer parmi
les meilleurs au monde à cet égard? Les pères québécois sont les champions
canadiens des soins aux enfants. Ne serait-il pas encore préférable qu'ils se
classent parmi les champions mondiaux à cet égard? Ce serait vraiment génial.
Le ministère du Travail propose quatre semaines de plus de congé parental. Le
RVP propose trois semaines de plus de congé de paternité.
Dans le cas où le contexte financier ne
permettrait pas de répondre immédiatement à notre demande, ne pourrait-on pas
être créatif et imaginer quelque chose d'autre? Peut-être une formule hybride
du genre deux semaines plus de congé parental, deux semaines de plus de congé
de paternité. Deux plus deux égaleront toujours quatre, c'est bien connu. Cette
stratégie aurait le grand avantage de rejoindre la majorité des pères et
enverrait également un message sociétal fort. Elle éviterait aussi de limiter
les effets de la mesure à certains profils de couple. On pourrait aussi
imaginer d'autres formules composites si ça semble intéressant, mais l'idée,
dans le fond, c'est qu'il faut s'assurer de rejoindre la majorité des pères et
des familles, et le congé de paternité est vraiment la mesure universelle…
M. Villeneuve (Raymond) :
...les effets de la mesure à certains profils de couple. On pourrait aussi
imaginer d'autres formules composites, si ça semble intéressant, mais l'idée,
dans le fond, c'est qu'il faut s'assurer de rejoindre la majorité des pères et des
familles, et le congé de paternité est vraiment la mesure universelle.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Villeneuve (Raymond) : En
conclusion, il est important pour moi de rajouter que la mesure du RQAP est extrêmement
importante pour favoriser l'engagement paternel, mais il y a plein d'autres
mesures, avant et après le congé parental, qui sont importantes aussi et qui
peuvent mobiliser le ministère de la Famille, le ministère de la Santé et des
Services sociaux. Donc, de revoir nos politiques publiques et nos services à la
famille et d'y intégrer les pères, c'est important également pour atteindre nos
objectifs. Voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. Villeneuve, pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange
avec le ministre. Vous disposez toujours de 16 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Villeneuve. Vous parlez avec passion. Vous présentez
bien vos arguments. Merci d'être là.
Peut-être certains commentaires. Bon,
évidemment, l'incitatif, vous trouvez que c'est un pas dans la bonne direction.
Vous avez cependant des doutes sur les retombées concrètes, mais les doutes que
vous avez sur les retombées concrètes, vous les appuyez sur des statistiques
qui démontrent que les pères sont peu engagés. Ça fait qu'on n'est pas
actuellement dans un environnement de parentalité ou de coparentalité
égalitaire au Québec, on s'entend là-dessus. Je pense que les statistiques sont
toutes à l'effet que les pères prennent le congé de paternité et poussent un
peu, pour certains, mais ne partagent pas.
C'est cette espèce de philosophie là, que
ce qui est partageable appartient à la mère et ce qui est exclusif appartient
au père, que moi, je pense, nous devons combattre pour contribuer à un avancement
du paradigme social. Parce que les statistiques actuelles ne doivent pas nous
convaincre de ne pas aller nécessairement dans cette direction-là. Ceci dit,
vous reconnaissez quand même que c'est un pas dans la bonne direction, puis
l'Organisation internationale du travail le mentionne, d'ailleurs.
• (17 h 30) •
Et je veux revenir, là, puis je veux vous
donner encore l'opportunité de vous réexprimer là-dessus, c'est d'abord et
avant tout un dialogue qu'on souhaite entre le père et la mère, parce que je
pense qu'il y en a peu, de dialogue sur le partage des responsabilités
familiales. Donc, d'inciter, ça encourage le dialogue concernant le partage de
ce qui est partageable fondamentalement, puis changer la perception à l'effet
que ça appartient à la mère, parce qu'il y en a beaucoup, de pères qui ont
encore cette perception...
17 h 30 (version non révisée)
M. Boulet : …familiales, donc
d'inciter, ça encourage le dialogue concernant le partage de ce qui est
partageable fondamentalement, puis changer la perception à l'effet que ça
appartient à la mère parce qu'il y en a beaucoup de pères qui ont encore cette
perception-là, il faut combattre cette perception-là. La véritable égalité
parentale, elle réside dans cette évolution-là des mentalités, selon moi. Puis
ça contribue à donner une certaine légitimité au fait que le congé… la prise
d'un congé parental par les pères, c'est bénéfique. Puis il y en a qui ont
beaucoup plus de misère, un des facteurs qui nuit à cette égalité-là, c'est
notamment, un, les milieux de travail. Dans certains secteurs, il y a de la
résistance, vous le savez. Puis on en parlait un peu tout à l'heure avec le
groupe précédent, vous nous avez entendus, les jeunes pères hésitent, les
employeurs sont réfractaires, ça fait que de contribuer à l'évolution des
mentalités aussi chez les employeurs pour leur permettre de réaliser qu'il n'y
a pas que l'exclusif mais il y a le partageable aussi qui appartient aux deux,
je pense que ça peut aussi, ultimement, avoir un effet positif sur le retour au
travail des mères qui, elles… puis ça, c'est de l'égalité, puis je comprends la
mission de votre regroupement pour la valorisation de la paternité, mais vous
le plaidez en référant constamment à la parentalité égalitaire, et ça implique
aussi la possibilité pour la mère de pouvoir retourner au travail. Puis vous… Alors,
je sais que vous êtes d'accord avec moi. Parce qu'il y en a beaucoup de mères
qui le souhaitent, pas que partager mais faire en sorte que ce soit réel, que
ce soit concret et que le père puisse participer pleinement au partage des
responsabilités familiales. Ça fait que moi, j'ai… ma grande appréhension,
M. Villeneuve, c'est qu'emprunter l'avenue d'accroître le nombre de
semaines de paternité, au-delà de l'incidence financière, là, parce qu'il faut
certainement en mesurer l'impact puis s'assurer qu'on ne brise pas l'équilibre,
la situation financière nous permet de continuer dans la direction des
bonifications qui sont dans le p.l. n° 51, mais la pandémie nous a quand
même… a quand même forcé le conseil de gestion à négocier une marge de crédit
auprès de Financement-Québec, évidemment qui n'a pas été utilisée, mais il y a
quand même une fragilité additionnelle, là, du fonds.
Mais mon appréhension, c'est que l'avenue
de l'augmentation du nombre de semaines de congé de paternité contribue à
cristalliser davantage la perception que les prestations partageables
appartiennent prioritairement aux mères…
M. Boulet : ...du fonds. Mais
mon appréhension, c'est que l'avenue de l'augmentation du nombre de semaines de
congé de paternité contribue à cristalliser davantage la perception que les
prestations partageables appartiennent prioritairement aux mères. Puis les
études démontrent — encore une fois, je réfère aux
études — que les pères désireux d'utiliser des prestations parentales
partageables, ils ont encore l'impression, c'est une impression qui est réelle,
selon les études que j'ai regardées, qu'ils privent la mère, donc que ça se
fait au détriment de la mère. Et c'est ça qu'il faut combattre, je pense, pour
accéder à une parentalité qui est, au-delà des termes, mais qui est pleinement
égalitaire.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui.
Notre position est fondée sur le fait que ce qui change vraiment les choses,
c'est le congé dédié aux parents, parce que c'est un message clair sociétal qui
rejoint... c'est une mesure universelle qui rejoint la majorité des parents.
Ce qui semble aussi, c'est que les parents
qui partagent le congé parental, souvent ils ont certaines conditions
sociodémographiques particulières. Ils vont souvent avoir des situations
d'emploi comparables. Ils vont souvent avoir une scolarité plus élevée. Ils
vont souvent être plus jeunes. Donc, ils ont certaines caractéristiques
sociodémographiques. Ce qui fait qu'en partant on échappe une grande partie des
pères si on va seulement dans cette direction-là.
Et on regarde... je voyais récemment, en
Suède, ils ont 15 semaines de congé de paternité, O.K.? Et je pense que s'il y
a un pays qui est égalitaire, qui est progressiste, c'est bien la Suède. Donc,
s'ils font ça, c'est parce qu'ils pensent qu'il faut vraiment, pour changer les
mentalités, dédier les congés spécifiquement au père.
Sur le congé parental, moi, j'ai beaucoup
lu aussi les études du Conseil de gestion de l'assurance parentale, et ce qu'on
voit, c'est que de plus en plus les couples échangent, les couples discutent,
mais que le déterminant principal, la décision du partage du congé parental,
c'est la décision de la mère. Donc, oui, ils peuvent échanger, mais ultimement,
à cause de notre société, de nos conceptions qu'on porte tous, des conceptions
des milieux de travail, ça demeure la décision de la mère. Donc, il arrive
souvent qu'au niveau du congé parental, dans le fond, le père va le prendre
dans la mesure où il y a un consensus, où la situation financière le prévoit,
et tout ça. Et je ne connais pas beaucoup de pères qui vont dire : Je
prends le congé parental, c'est à moi, puis tu n'as rien à dire ou on sépare à
tout prix 50-50, puis c'est comme ça. Ça fait qu'on est dans une situation où
si on veut vraiment qu'il y ait un changement, et les pays les plus
progressistes le font, c'est qu'il y ait plus de congés de paternité pour
envoyer un message fort au début.
Et l'autre élément aussi qu'il ne faut pas
oublier, c'est que ce sont deux outils complémentaires. C'est pour ça qu'en
blague je vous ai dit : On pourrait en mettre un des deux. C'est que,
d'une part, la période de transition dans une famille où un enfant arrive,
c'est aussi important de le vivre ensemble. Au Québec, on a des statistiques
assez terribles de séparation dans les deux ans qui suivent la naissance d'un
premier enfant. C'est un des plus gros chocs sur la famille, l'arrivée d'un
enfant. Donc, il faut aussi que le couple devienne...
M. Villeneuve (Raymond) :
...plus tard, la période de transition dans une famille où un enfant arrive,
c'est aussi important de le vivre ensemble. Au Québec, on a des statistiques
assez terribles de séparation dans les deux ans qui suivent la naissance d'un
premier enfant. C'est un des plus gros chocs sur la famille, l'arrivée d'un
enfant. Donc, il faut aussi que le couple devienne une famille et qu'il
traverse ensemble cette période-là. Ça fait que, oui, il y a tous les autres
aspects que vous avez mentionnés, mais il y a cette dimension-là.
Et après ça, vous en parliez dans la
présentation précédente, le fait que le père se retrouve seul avec l'enfant,
c'est sûr qu'au Regroupement pour la valorisation de la paternité, on est pour
ça, que le père soit là, qu'il apprenne la relation avec son enfant, qu'il
apprenne à s'en occuper et tout ça. Mais, si on laisse ça, on pense, dans la
mécanique habituelle, l'effet va nécessairement être limité à un certain profil
sociodémographique de parents et on ne pourra pas changer vraiment ce qu'on
veut changer. C'est notre conviction.
M. Boulet : Tout à fait. C'est
intéressant comme discussion puis j'ai beaucoup de respect pour votre point de
vue. C'est vrai que les familles qui partagent plus, probablement, elles ont
des caractéristiques sociodémographiques particulières ou, bon, des fois, on
dit : C'est des familles ou des jeunes parents qui sont plus
progressistes. Mais c'est vers cette pensée-là, de ces jeunes parents
progressistes là, que nous devons tendre, mais en le faisant graduellement.
Puis il y a des pays extrêmement
progressistes, comme l'Allemagne, qui a la même approche que nous, exactement
la même approche que nous. Donc, il faut inciter les parents à développer
l'esprit de partage, parce que, de segmenter, de cristalliser les congés
exclusifs, ça contribue, selon la littérature puis selon l'OIT, à séparer aussi
les parents puis les mettre dans chacun leur canal puis faire en sorte que,
même là, il y en a un qui va prendre plus, il y a un principal puis un parent
secondaire.
Et l'autre élément, moi, je pense qu'il
faut y aller de façon progressive aussi, pas progressiste, mais aussi
progressive parce que je pense aux employeurs du Québec à qui... qui ont eu
aussi à s'adapter graduellement au concept de congé de paternité. Puis c'était
cinq semaines, mais il a été une période de temps où c'était deux semaines puis
trois semaines. Là, de plus en plus, les jeunes pères prennent le cinq
semaines. Mais il y a ça aussi, cette capacité, il faut tenir compte de la
capacité d'adaptation sociale. Puis, quand je réfère à l'adaptation sociale, je
tiens compte autant des employeurs que des travailleurs et des travailleuses,
que des parents, que les parents a et b, que les familles aussi. Ça fait que je
pense que l'approche incitative... Moi, j'apprécie beaucoup quand vous
dites : On fait un pas dans la bonne direction. Puis je pense qu'au-delà
de l'aspect progressiste, il faut penser à l'aspect de...
M. Boulet : ...parent a et b
que les familles aussi. Ça fait que je pense que l'approche incitative... Moi,
j'apprécie beaucoup quand vous dites : On fait un pas dans la bonne
direction. Puis je pense qu'au-delà de l'aspect progressiste, il faut penser à
l'aspect de progressivité puis à l'intégration graduelle de cette nouvelle
culture familiale là ou cette nouvelle culture de parentalité égalitaire. Je
pense qu'il faut y aller étape par étape.
Si vous aviez... M. Villeneuve, vous
avez vu que, dans notre projet de loi, bon, je sais qu'évidemment les cinq
semaines exclusives dans le cas des adoptions multiples ou des naissances
multiples, vous êtes confortable, l'étalement à 78 semaines, l'égalité
pour les parents adoptants. On pense aussi, dans ce projet de loi là, à ce que
le conseil de gestion puisse mettre en place des projets pilotes, évidemment toujours
dans le respect de ce que le projet de loi devrait prévoir, là, comme tenants
et aboutissants du projet pilote. Puis les projets pilotes sont souvent des
opportunités de nous faire progresser aussi socialement. Si vous aviez une idée
d'un projet pilote, est-ce que vous pourriez la partager avec nous?
• (17 h 40) •
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, il y a une cible qui est souvent identifiée dans à peu près
toutes les études, tous les rapports, mais que les gens... on voit rarement des
projets s'adresser à cette cible-là, c'est justement les milieux
majoritairement masculins. On sait que, souvent, c'est des milieux qui sont
plus réfractaires aux mesures de conciliation famille-travail. Alors, ce serait
vraiment intéressant de creuser ces milieux-là, de réfléchir sur la culture de
ces milieux-là et d'aller les mobiliser. Mais on voit déjà que la société
change, la société évolue. On se souvient tout le monde de la grève de la
construction d'il y a deux ans, qui est un milieu très clairement
majoritairement masculin, et les revendications portaient en grande partie sur
les mesures de conciliation famille-travail. Si un père en garde partagée, bien
là, il peut y avoir des très gros enjeux dans des milieux qui ne sont pas
adaptés. Alors, ce serait vraiment intéressant de dire que ces milieux-là,
qu'on ait des actions spécifiques en tenant compte des mentalités particulières
de ces milieux-là pour les mobiliser et je pense que ce serait vraiment
intéressant. Et particulièrement la jeune génération, je pense que les gens
seraient prêts à avoir un dialogue à condition qu'on crée une espèce de «safe
space» où on pourrait parler de ces enjeux-là. Parce qu'effectivement, dans
certains milieux, ce n'est pas facile de parler de ça, et vous l'avez mentionné
un peu plus tôt, il y a des cultures organisationnelles qui empêchent ce
dialogue-là. Si on avait des milieux qui pourraient explorer ces questions-là,
je pense que ça serait extrêmement intéressant et que les gens, ils réalisent
finalement que c'est bon pour tout le monde. Si leurs employés sont plus
productifs, sont plus efficaces, bien, ça va être bon pour les employeurs
aussi. Mais il y a vraiment... les milieux à majorité ou à prédominance
masculine, je pense, c'est une cible vraiment sur laquelle on peut travailler
de façon très intéressante.
M. Boulet : Je vais terminer
avec... Vous recommandiez... Bon, vous savez que le Conseil de gestion de
l'assurance parentale participe également à la stratégie gouvernementale, là...
M. Villeneuve (Raymond) : ...les
milieux à majorité ou prédominance masculine, je pense que c'est une cible
vraiment sur laquelle on peut travailler de façon très intéressante.
M. Boulet : Je vais terminer
avec... Vous recommandiez... Bon, vous savez que le Conseil de gestion de
l'assurance parentale participe également à la stratégie gouvernementale, là,
sur l'égalité homme-femme. Vous souhaitiez qu'il réalise une capsule
vidéo — il s'était engagé d'ailleurs à le faire — sur le partage
des congés parentaux entre les conjoints. Je voulais vous confirmer que
normalement elle sera disponible, cette capsule vidéo là, donc ce sera une
façon de sensibiliser les familles du Québec ou les parents du Québec à
l'importance du partage des congés parentaux. Puis ça va se faire à l'occasion
du 15e anniversaire du RQAP, donc, vous savez, qui remonte à 2006, en 2021, on
va souligner le 15e anniversaire du RQAP, et la capsule vidéo ou la campagne de
sensibilisation va s'amorcer de façon contemporaine à ce 15e anniversaire.
Alors, c'était une information que je voulais vous donner parce que je l'avais
lu dans votre rapport.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, c'est sûr que toute la sensibilisation, c'est quelque chose qui est
important également, là.
M. Boulet : Absolument.
Sensibilisation et pédagogie aussi en même temps.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Boulet : Merci beaucoup,
M. Villeneuve, d'être présent, d'avoir partagé vos recommandations avec
nous, et la qualité aussi de votre argumentation. Merci beaucoup, puis au
plaisir de vous revoir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Nous poursuivons avec le groupe de l'opposition
officielle avec le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Villeneuve.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bonjour.
M. Derraji : Excellent
rapport.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci.
M. Derraji : Merci beaucoup.
C'est très clair. Vous ramenez d'autres aspects. Le premier aspect qui m'a
interpellé, vous avez dit... et, je pense, c'est la motivation de nous tous
autour de la table, c'est atteindre l'objectif des mesures qu'on espère mettre
en place. Et le chiffre qui m'a le plus interpellé, le 26 %. Je ne sais
pas si ça vous dit quelque chose, vous avez dit que les trois quarts des
couples, bien, sont exclus parce qu'ils n'utilisent pas le congé. Et, pour moi,
aujourd'hui, là, c'est comme : Est-ce qu'aujourd'hui, avec le projet de
loi, la mesure d'augmenter et d'avoir le bonus, des semaines bonus, on va
atteindre l'objectif escompté? J'en suis sûr et certain que le ministre est
aussi quelqu'un de résultats. Pensez-vous qu'on prend le bon moyen pour atteindre
des résultats?
M. Villeneuve (Raymond) : Moi,
ce que je pense, c'est que ça va.... ceux qui partagent déjà vont partager
plus, mais ceux qui ne partagent pas ne partageront pas davantage. Donc, c'est
vraiment ça, dans le sens, c'est qu'on va renforcer le comportement de ceux qui
sont les plus progressistes.
M. Derraji : C'est tellement
bien dit, là, on dirait c'est de la musique à mes oreilles. Parce que, juste
avant vous, il y a un groupe qui nous a sensibilisés par rapport aux normes, et
moi, c'est tout un débat philosophique sur les normes, on peut les prendre de
n'importe quel angle philosophique, le débat sur les normes, les normes
sociétales, c'est très profond...
M. Derraji : ...c'est tellement
bien dit, là, on dirait... C'est de la musique à mes oreilles parce que juste
avant vous, il y a un groupe qui nous a sensibilisés par rapport aux normes, et
moi, c'est tout un débat philosophique sur les normes... On peut les prendre de
n'importe quel angle, le débat sur les normes, les normes sociétales, c'est
très profond et ancré.
Sans aller trop dans la philosophie, vous,
vous venez avec des faits. Ceux qui partagent vont partager, vont bénéficier
des quatre semaines bonus, ceux qui ne partagent pas ne vont pas embarquer dans
le partage. Et, de facto, ce que nous sommes en train de proposer aujourd'hui...
est-ce qu'il sera valable ou pas? À mon avis, si je suis ce que vous êtes en
train de nous dire, on ne va pas atteindre le résultat escompté.
M. Villeneuve (Raymond) : On
va l'atteindre pour une partie des couples, mais pour la majorité, on ne
l'atteindra pas.
M. Derraji : Oui. Les couples
qui sont déjà capables... ou bien, à l'intérieur de la cellule familiale, il y
a déjà ce genre de discussions. O.K.
Bon, là, maintenant, ma deuxième question :
Bien, comment on peut pallier à ça?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, on revient...
M. Derraji : Vous, vous
ramenez l'idée de, je dirais, des semaines, mais j'ai aimé un mot que le ministre
a utilisé, mais d'autres groupes, ils disent : Écoutez, est-ce qu'on peut
aller graduellement? Le ministre a utilisé, tout à l'heure, «progressivement»,
est-ce qu'on peut... Parce que le but, on doit l'atteindre, on veut
l'atteindre, on veut augmenter... de ces groupes, je dirais, à lecture
progressiste, que le père s'engage davantage. On a tous cette volonté. Et le
moyen, probablement, c'est là où on va... où j'aimerais bien avoir votre
opinion.
M. Villeneuve (Raymond) :
C'est que ce qui est important, puis, écoutez, ça fait 10 ans que je... 15 ans
que je suis au regroupement, c'est qu'il faut nommer l'objectif, il faut faire
des mesures pour soutenir l'objectif, et là c'est clair pour moi que le... Ce
qui est disponible pour nous, c'est vraiment le congé dédié au père. Est-ce
qu'on doit le faire quand il est à la mère? Est-ce qu'on peut le faire quand le
père est seul? Je pense que les deux options sont envisageables, mais il faut
vraiment qu'il y ait une cible très claire, que ce soient les pères.
Et comme je dis, si on veut vraiment
atteindre notre objectif de société, on doit aussi se poser la question de tous
les messages contradictoires qu'on envoie sur la parentalité. Je vais vous dire
quelque chose qui est tout à fait connu. Saviez-vous que jusqu'au 22 août 2017,
au ministère de la Santé et des Services sociaux, il y avait des mères et des
parents, les mères étant des mères, et les parents étant la plupart du temps
des mères, également. Il n'y avait aucune mesure spécifique pour soutenir l'engagement
des pères. Depuis le Plan d'action ministériel en santé et bien-être des hommes
de 2017, il y a maintenant des mesures spécifiques. Il y a un programme de
soutien aux parents vulnérables, dans lequel le programme SIPPE, dans lequel,
encore maintenant, un père ne peut pas inscrire son nom dans le formulaire.
Alors là, la cohérence de toutes ces actions-là, tous ces messages qu'on
envoie... On dit : On veut l'égalité, on veut l'égalité, mais souvent le
père s'en va dans les institutions, et on lui dit vraiment qu'il y a un parent
principal qui est la mère, et lui est le parent secondaire. La révolution, le
changement qu'on souhaite vraiment va se faire quand l'ensemble de nos messages
vont être concordants, et on a un levier extrêmement important dans...
M. Villeneuve (Raymond) : ...là
qu'on envoie, on dit : On veut l'égalité, on veut l'égalité, mais,
souvent, le père s'en va dans les institutions, et on lui dit vraiment qu'il y
a un parent principal qui est la mère, et lui est le parent secondaire. La
révolution, le changement qu'on souhaite vraiment va se faire quand l'ensemble
de nos messages vont être concordants, et on a un levier extrêmement dans
l'assurance parentale, mais ce n'est pas le seul. Alors, je nous incite vraiment
à élargir notre regard et regarder tous les autres leviers parce que sinon, ce
qu'on fait d'une main, on peut le défaire de l'autre et, très souvent, on n'est
pas cohérents à ce niveau-là. Alors, ça, c'est vraiment important. Ce qui est
avant, après, autour du congé parental est aussi important que le congé
parental lui-même.
M. Derraji : Mais vous l'avez
très bien dit, et, sérieusement, moi, le pourcentage m'interpelle d'emblée.
Moi, là, si je veux atteindre un résultat, un, je définis ma cible. Ma cible,
ce n'est pas les 26. Les 26, moi, je pense, dès demain, ils vont applaudir le
projet de loi n° 51.
Ma problématique, c'est les trois quarts
des couples qui n'utilisent pas ça. C'est eux qui devraient être notre cible
aujourd'hui, et c'est pour cela que je vous interpelle. Bien, comment nous, en
tant que parlementaires, on peut cibler ces gens? Et vous me dites :
Écoute, député de Nelligan, là, si vous avez cet amendement, probablement, ces trois
quarts qu'on ne cible pas, en date d'aujourd'hui, seraient beaucoup plus
intéressés à utiliser, à embarquer dans la cellule familiale et jouer leur rôle
en tant que pères.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui.
Bien, écoutez, c'est exactement la logique qu'on a. Il faut viser
spécifiquement les pères. C'est ça, c'est clair, et le moyen existe, il est là,
c'est une mesure universelle qui fonctionne.
Écoutez, ce midi, j'étais en conversation
avec des gens du restant du Canada et je leur parlais de notre congé de paternité
qui est pris par 80 % des pères. Eux autres, ils me disaient : Dans
le restant du Canada, c'est 20 %. Donc, vous voyez, l'impact de la mesure,
il est clair, il est net, il est précis. Ils disaient : Mon Dieu! Vous
êtes chanceux, au Québec, vous avez cette mesure-là.
L'idée, c'est le pas de plus. Ça prend une
mesure dédiée aux pères. Je pense qu'elle est là. Il existe. Le véhicule est là
et il fonctionne.
• (17 h 50) •
M. Derraji : Je vous entends.
Donc, la mesure dédiée, au lieu de cinq, huit. C'est ce que vous proposez,
recommandation n° 1. Dans le projet de loi, ce que
nous avons, c'est des semaines partageables. La mère met à la disposition ses
semaines partageables, et ils ont un quatre semaines de bonus. Pour vous, c'est
clair — je vais le dire doucement, je parle trop
vite — c'est clair que cette mesure n'est pas dédiée et ne va pas
encourager l'implication des pères.
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, c'est-à-dire qu'elle va encourager l'implication de certains pères, ceux
qui sont déjà... Dans le fond, ceux qui partagent déjà vont partager plus.
Donc...
M. Derraji : Oui, les
26 %.
M. Villeneuve (Raymond) :
C'est ça. Tout à fait. On revient toujours au chiffre que vous avez dit.
M. Derraji : Oui, mais, moi,
dès le début, là, sérieux, vous m'avez convaincu de l'histoire du 26 %,
parce que je l'avais dans ma tête, vous avez juste confirmé. Mon inquiétude,
c'est qu'avec tout l'effort qu'on va faire on ne va pas parler au bon public.
Parce que celui qui est déjà vendu à l'idée, bien, il va la faire, elle va la
suivre. Ma crainte... On va faire un travail exceptionnel, mais, au bout de la
ligne, au bout d'un an, de deux ans, de trois ans, on va se revoir, on va avoir
les résultats du fonds... du comité, et ça ne va pas être les résultats
escomptés qu'on va se donner aujourd'hui.
Donc, moi, je suis avec...
M. Derraji : ...bien, il va la
faire, elle va la suivre. Ma crainte, on va faire un travail exceptionnel, mais
au bout de la ligne, au bout d'un an, de deux ans ou de trois ans, on va se
revoir, on va voir les résultats du fonds... du comité, et ça ne va pas être
les résultats escomptés, qu'on va se donner aujourd'hui. Donc, moi, je suis
avec vous dans cette lecture, mais pour atteindre les trois quarts, ce que vous
nous dites aujourd'hui, c'est uniquement les huit semaines.
M. Villeneuve (Raymond) :
L'outil est là, il fonctionne, il est éprouvé. Il fonctionne dans d'autres pays
du monde aussi. Je pense qu'on n'a pas nécessairement besoin de se compliquer
la vie à cet égard-là.
M. Derraji : Oui. Une de vos
propositions, numéro 4 : «Poursuivre la réflexion quant aux
meilleures mesures susceptibles d'inciter les pères à prendre un congé plus
long». J'utilise souvent ça avec plusieurs groupes, les projets pilotes, c'est
une porte ouverte que je saisis à chaque fois. Avez-vous une idée à comment on
peut plus impliquer les pères dans la cellule familiale?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, il y a plein de stratégies. Nous, au RVP, on a mis sur pied un
programme qui s'appelle le PAPPa, Programme d'adaptation des pratiques aux
réalités paternelles, et ce qu'on fait, c'est de l'accompagnement des
organisations qui travaillent avec les familles. Et on travaille avec plein de
secteurs d'activités, les OCF, les haltes-garderies, les CPE, les municipalités
et tout ça, parce que, trop souvent, dans le fond, les services à la famille
sont beaucoup des services mères-enfants où on est content de recevoir les
pères. Mais là, si on veut vraiment faire de la place à tout le monde, il faut
réfléchir sur les pratiques. Et tous ces groupes-là que vous connaissez, donc,
vraiment ont des projets pilotes pour réfléchir sur leurs pratiques pour
comment faire de la place au père.
Et faire de la place au père, d'une part,
c'est de faire de la place à un parent masculin, mais d'autre part aussi, c'est
plus compliqué que ça, ce de réfléchir aussi en termes de coparentalité. Parce
que souvent, on a une logique d'intervention, de soutien, la mère, l'enfant,
mais, si on pense en termes de coparentalité où il y a deux parents, c'est une
nouvelle façon d'approcher ces enjeux-là et je pense qu'il y a beaucoup de
chemin à faire à ce niveau-là.
M. Derraji : L'autre recommandation
qui me parle beaucoup, là, c'est : «Mesurer l'apport de la bonification du
congé parental sur la durée du congé pris par les pères ainsi que le nombre de
pères rejoints». Moi, je pense, je ne sais pas c'est quoi la piste
d'atterrissage du ministre avec son projet de loi, mais, si jamais, je ne
présume rien, mais, si jamais on va avec ce que je sens depuis le début, ce que
vous dites, c'est que ça nous prend, au moins pour la meilleure année, voir
l'impact de cette bonification, donc les quatre semaines que... le bonus pour
le père. Est-ce que c'est...
M. Villeneuve (Raymond) : En
lien avec les caractéristiques sociodémographiques des pères et des mères pour
vraiment avoir qui ça affecte de quelle façon. Et là probablement, avec
quelques graphiques, on verrait l'impact réel, et qui sont touchés et qui est
mobilisé.
M. Derraji : Mais là, est-ce
que vous parlez de la mesure dans le projet de loi, ou bien, dans la mesure où
vous, vous dites : Écoutez, moi, c'est d'allonger huit semaines, là.
M. Villeneuve (Raymond) : Ah!
bien, toutes les mesures doivent être monitorées, mais particulièrement celles
du bonus pour vraiment voir qui elle mobilise.
M. Derraji : Oui, et est-ce que,
vraiment, a atteint le résultat. Donc, on ne dit pas qu'on a un bonus de quatre
semaines, on le lance, mais, au bout de la ligne, personne ne l'utilise ou bien
on reste toujours dans le même groupe que vous avez identifié à 26 %.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui,
c'est notre crainte.
M. Derraji : O.K....
M. Villeneuve (Raymond) :
…toutes les mesures doivent être monitorées, mais particulièrement celles du
bonus pour vraiment voir qui elles mobilisent.
M. Derraji : Oui, et est-ce
vraiment a atteint le résultat. Donc, on ne dit pas qu'on a un bonus de quatre
semaines, on le lance, mais au bout de la ligne, personne ne l'utilise ou bien
on reste toujours dans le même groupe que vous avez identifié à 26 %.
M. Villeneuve (Raymond) :
C'est notre crainte.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Merci. Merci
beaucoup. Merci pour votre présence, ça a été très clair. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons avec le porte-parole du deuxième
groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez
2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour et bienvenue. C'est vrai que la création du congé paternel
a créé, je pense, une petite révolution au Québec. C'est drôle parce que,
samedi matin, j'étais au parc avec ma petite, on est chanceux d'avoir plusieurs
beaux parcs pour enfants dans d'Hochelaga-Maisonneuve, puis, à un moment donné,
j'ai réalisé que la douzaine de parents qui étaient présents, on était presque
jusque des pères, il y avait une mère qui était présente. Puis j'ai dit :
Ah! on dirait que ça n'arrive pas souvent que je réalise que, tout d'un coup,
dans un endroit dédié aux enfants, il y a une majorité de pères. Je ne peux pas
m'empêcher de croire que le RQAP, précédant le congé paternel, n'y ait pas pour
quelque chose.
Tout ce que vous avez dit et tout ce que
vous avez écrit est de la musique à mes oreilles. J'ai tenté de convaincre M.
le ministre, depuis le début du projet de loi, de tout ça, vous le mettez dans
un beau mémoire avec des beaux graphiques, j'espère que ça pourra nous aider,
dans l'étude détaillée, à continuer à créer le consensus, parce que,
visiblement, depuis le début des audiences, peu de mémoires ont soutenu la proposition
du ministre. La plupart des mémoires ont plutôt soutenu une proposition avec
des variantes, alentour de dire : Non, non, on bonifie le congé paternel
plutôt.
Vous avez déjà donc bien évoqué tout ce
volet-là. Je vais donc poser une question sur l'aspect des congés. Vous avez
été quelques organisations à soutenir l'idée qu'il fallait créer une banque de
congés à partir donc du RQAP, d'autres disent, à partir des normes du travail,
vous, vous semblez plutôt vous situer à partir du RQAP, est-ce que vous avez
évalué aussi l'option d'y aller par les normes du travail? Est-ce que c'était
un choix l'un versus ou l'autre ou, dans le fond, tant qu'on réussisse à en
mettre plus sur la table?
M. Villeneuve (Raymond) : …un
expert de cette question-là, mais il nous semblait que le besoin de congé
allait bien au-delà de la période du RQAP. Ça fait qu'on se disait, ce serait intéressant
de penser à une solution comme ça, mais, techniquement, je n'ai pas les
compétences, là, pour comparer les deux avenues. Désolé.
M. Leduc : Donc, restons sur
votre proposition, à partir du RQAP, c'était à 10 jours, je pense, si je ne me
trompe pas…
M. Villeneuve (Raymond) : 10
jours de plus, c'est ça.
M. Leduc : …vous arrivez à ce
chiffre-là par une expérience, un sondage ou…
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, on regarde… en tout cas, ça nous semblerait vraiment un plancher, un
minimum, là, quand on regarde les journées de maladie, et tout ça, là. Ça fait
qu'on partait avec un plancher comme ça, là.
M. Leduc : O.K. Est-ce qu'il
me reste un peu de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
40 secondes.
M. Leduc : 40 secondes. Peut-être
en terminant, plusieurs groupes, en début d'audiences, ont proposé de reporter l'application
de ce projet de loi à cause de la pandémie, à cause des difficultés
économiques, qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, les familles ont été très éprouvées, hein, pendant le COVID, et
tout ça. On a fait un sondage sur la coparentalité qui était superintéressant,
d'une part, il y avait 40 % des familles qui nous disaient qu'ils avaient
amélioré leurs pratiques de coparentalité et qui pensaient vraiment que leurs
pratiques seraient changées durablement, mais il y avait aussi 25 % des
familles qui se disaient en détresse psychologique. Ce qui fait qu'on a les
deux en même temps, mais il y a une fenêtre d'opportunité pour faire bouger les
choses.
Et il y aura toujours une raison pour ne
pas faire des réformes sociales. Je pense qu'il y a vraiment une belle opportunité
de faire des belles choses, puis le Québec est vraiment…
M. Villeneuve (Raymond) : …mais
il y avait aussi 25 % des familles qui… se disant en détresse
psychologique, ce qui fait qu'on a les deux en même temps, mais il y a une
fenêtre d'opportunité pour faire bouger les choses et il y aura toujours une
raison pour ne pas faire des réformes sociales. Je pense qu'il y a vraiment une
belle opportunité de faire faire des belles choses, puis le Québec est vraiment
un terreau fertile. Quand on sort du Québec, les gens sont envieux de ce qu'on
fait ici. Alors, c'est chouette de continuer à être des modèles pour les gens
qui nous entourent.
M. Leduc : Merci beaucoup.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Merci beaucoup pour votre présentation toujours très pertinente et énergique.
Comment on arrive… Donc, je comprends bien votre proposition qui est de se
concentrer sur les semaines en exclusivité aux pères. Comment on arrive… parce
que vous… à l'équilibre entre créer le cocon familial, donc créer cette
synergie-là entre les deux parents et les enfants, mais aussi faire en sorte
que le père s'implique seul?
Le groupe précédent favorisait l'idée de
dire des semaines du congé de paternité seraient utilisables si le père
les utilise seul et non pas conjointement avec sa conjointe. Qu'est-ce que vous
pensez de ça? Est-ce que… quel équilibre… Comment on trouve l'équilibre pour
faire en sorte que le père reste à la maison aussi avec les enfants, pas juste
en second violon?
M. Villeneuve (Raymond) :
Écoutez, ce n'est pas une question simple parce que pour une… Moi, ce que je
vous dirais, là, la réponse la plus honnête, c'est que, pour une partie des
pères, ça marcherait vraiment et, pour une autre partie des pères, il y a des
pères qui ne le prendraient pas parce qu'ils ne sont pas prêts. Les pères ne
sont pas uniformes, les pères n'ont pas les mêmes pratiques. Il y a une partie
des pères, on leur met un bébé dans les bras, ils sont super à l'aise, il n'y a
pas de problème. Il y a une autre partie qu'entre zéro, deux ans, ils ont
beaucoup de difficultés. Ça, c'est documenté par la littérature. Souvent, les
pères, ils ont de la difficulté avant que l'enfant parle et joue, et tout ça.
Ça fait que d'avoir une solution universelle, ce n'est pas simple. Mais c'est
sûr que d'offrir la possibilité aux pères de passer trois semaines de plus seul
avec son enfant, c'est intéressant. Mais moi, là, je pourrais mettre… je
pourrais… je suis pas mal certain que ça ne serait pas tous les pères qui s'en
prévaudraient. Ça fait qu'encore là on atteindrait seulement qu'une partie de
l'objectif, donc auprès des pères les plus progressistes, encore là.
Mme
Hivon
: Vous
voulez dire, si on mettait trois semaines mais qui peuvent être utilisées
seulement si le père les prend seul.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui.
Oui, il y a une partie des pères qui ne sont pas rendus là.
Mme
Hivon
: Oui.
M. Villeneuve (Raymond) : Moi,
c'est vraiment… puis je suis quand même souvent sur le terrain, là, il y a une
partie des pères qui ne serait pas là, il y a une partie des pères, peut-être
la moitié qui le prendrait, l'autre partie qui dirait : Ah! non, non, moi,
je ne touche pas à ça, je ne suis pas encore là. Parce que tu ne sais pas… tout
le monde n'est pas encore à la même place sur le…
Mme
Hivon
: Puis
comment on fait pour… vous avez, de manière très pertinente, commencé en
parlant un peu des normes sociales, et tout ça. Comment on fait, donc, pour les
faire changer, évoluer, ces normes sociales là? Je comprends que c'est un peu
l'idée du ministre avec son espèce de quatre semaines de plus si on partage.
Vous, vous dites : Allons vers autre chose. Si c'était ça, notre objectif,
comment on y arriverait?
• (18 heures) •
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, là, si j'allais... la réponse la plus simple, là, si je vais
direct au point, le RVP, on a trois cibles : les politiques publiques, les
services, les pères. Si…
18 h (version non révisée)
Mme
Hivon
:
...avec son espèce de quatre semaines de plus si on partage. Vous, vous
dites : Allons vers autre chose. Si c'était ça, notre objectif, comment on
y arriverait?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, écoutez, là, si j'allais... la réponse la plus simple, là, si je vais
direct au point, le RVP, on a trois cibles : les politiques publiques, les
services, les pères. Si on veut vraiment avoir le changement social qu'on
souhaite, il faut agir sur les trois ..., donc regarder les politiques
publiques qui entourent la famille, regarder les services, puis après ça aller
dans l'espace public. C'est comme ça que ça peut vraiment bouger. Il n'y a pas
juste un seul levier qui peut tout régler. La société, c'est plus compliqué que
ça.
Mme
Hivon
: Oui,
un petit peu. Puis vous arrivez, vous, avec une proposition de jours aussi,
donc on voit que c'est aussi présent dans les groupes qui défendent la famille,
donc de jours un peu qui peuvent être pris. Et votre proposition, si je la
comprends bien, c'est d'ajouter un 10 jours qui peut être utilisable. Et, dans
la séquence-temps, ça serait dans quelle période de temps que ça puisse être
utilisable?
M. Villeneuve (Raymond) :
Bien, c'est sûr qu'on pensait certainement dans l'année ou dans les deux années
qui suivent, là, la prise du congé parental.
Mme
Hivon
: Qui
suivent la naissance, la fin du congé...
M. Villeneuve (Raymond) : Parce
que le besoin est là de façon évidente.
Mme
Hivon
:
C'est clair. Donc, parfait.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, c'est tout le temps que nous disposons.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. Villeneuve, pour votre contribution aux travaux de la commission.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, à 19 h 30,
et nous nous retrouvons dans les mêmes salles. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
19 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 19 h 32)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Ça ne sert à rien d'arriver 10 minutes d'avance à d'autres commissions
pour compenser le retard, là, hein?
M. Derraji : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Attention! On va commencer. Alors, bonsoir, tout le monde. À l'ordre, s'il vous
plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques. Je souligne que cette séance se
déroulera à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau, où je me trouve et où
nous sommes, et dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, où se trouve notre
organisme que nous recevons ce soir.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le
projet de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité
du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation
travail-famille.
Ce soir, nous entendons
Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine et professeur
agrégé au département de...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi
visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance
parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail.
Ce soir, nous entendons
Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine et professeur
agrégé Département de pédiatrie de l'Université de Montréal, conjointement avec
Mme Johanne Lemieux, travailleuse sociale, psychothérapeute, conférencière
et auteure.
Alors, nous avons avec nous à distance ou
enfin dans l'autre salle M. Chicoine et Mme Lemieux. Je vous invite à
commencer votre exposé de 10 minutes après vous avoir... après que vous
vous soyez... vous ayez pris le temps de bien vous présenter. Alors, la parole
est à vous.
Mme Lemieux (Johanne) :
Alors, Johanne Lemieux, comme vous l'avez dit, travailleuse sociale et
psychothérapeute au Bureau de consultation en adoption de Québec, auteure,
conférencière, formatrice et collègue en adoption, complice en adoption depuis
20 ans avec mon collègue Jean-François Chicoine. Mais à nous deux, on a 60 ans
d'expérience auprès des enfants adoptés et de leur famille. On dit toujours,
Jean-François et moi, qu'on n'est pas des spécialistes de l'adoption, on est
des spécialistes de l'enfant adopté et de sa famille puis des personnes
adoptées quand ils grandissent, bien entendu. Je laisse la parole à mon
collègue.
M. Chicoine (Jean-François) :
Le plus beau pont Montréal-Québec, bien, sans prétention, c'est Johanne et moi.
Ça fait 20 ans qu'on collabore ensemble au niveau scientifique, au niveau des
publications avec les parents en formation ici et en Europe. Je suis
professeur, Jean-François Chicoine, à l'Université de Montréal et puis pédiatre
à la clinique d'adoption et de santé internationale du CHU Sainte-Justice qui
est ouverte depuis 1989, qui accueillait beaucoup dans les années 90, jusqu'à
800, 900 enfants adoptés à l'international par année, et qui, depuis 10, 20
ans, accueillent de plus en plus d'enfants de l'adoption nationale.
Mme Lemieux (Johanne) :
Voilà. Alors, je vais commencer la première partie de notre... hein, de notre
présentation à deux. Alors, nous avons choisi de ne pas déposer un rapport, ou
une lettre, ou quoi que ce soit, dans un premier temps, parce qu'on voulait
vous expliquer ça live, hein, en personne et parce qu'on est tout à fait
d'accord avec l'ensemble du projet de loi et surtout avec les amendements,
hein, qui ont été, bon, vous le savez, comme négociés, bon, les quelques mois
avant la COVID. Et on est d'accord avec les dispositions parce qu'on va vous
expliquer que ça correspond très bien à nos connaissances scientifiques et
empiriques que l'on a sur la normalité adoptive, c'est-à-dire qu'est-ce qui
constitue ce qui est normal lorsqu'on est un enfant adopté, lorsqu'on est une
famille adoptive et quand cette famille-là accueille un enfant.
Alors, pendant longtemps... Je me suis
fait un petit dessin de rien mais, bon, peut-être que vous ne le verrez pas
mais, bon. Pendant longtemps, on m'a demandé, on demandait à
Jean-François : Mais qu'est-ce qu'ils ont de si spécial, les enfants par
adoption? C'est des êtres humains, bon, ils ont été abandonnés, mais, une fois
qu'on les place dans une famille avec de l'amour et des bons soins, tout
devrait bien aller. Alors, je vais citer le Dr Michel Lemay, hein, un collègue
de Jean-François au CHU Sainte-Justine, le grand pédopsychiatre...
Mme Lemieux (Johanne) : ...on
m'a demandé, on a demandé à Jean-François : Mais qu'est-ce qu'ils ont de
si spécial, les enfants par adoption? C'est des êtres humains, bon, ils ont été
abandonnés, mais une fois qu'on les place dans une famille avec de l'amour et
des bons soins, tout devrait bien aller. Alors, je vais citer le Dr Michel
Lemay, hein, un collègue de Jean-François au CHU de Sainte-Justine, le grand
pédopsychiatre disait : «De pensez que de soigner un enfant abandonné qui
a des problèmes d'attachement, qui a des traumatismes avec de l'amour et des
bons soins, c'est un peu comme essayer de soigner une crise du foie en gavant
la personne avec du gâteau au chocolat. Il faut d'abord soigner la personne et
un jour elle sera capable d'apprécier le gâteau au chocolat.»
Alors, pendant longtemps, on s'est
dit : Un enfant qui est placé par adoption, comme par miracle, par charité
parce que, mon Dieu, il n'avait rien, donc il doit être tellement reconnaissant
d'avoir tout maintenant, une famille, bien, on se disait : Il devrait tout
de suite devenir exactement comme un enfant biologique, peu importe son âge,
peu importe son vécu. Alors, on mettait une pression énorme aux parents
adoptants et aux enfants adoptés, peu importe leur âge, de devenir exactement
comme un enfant par adoption, tant au niveau de sa santé mentale, physique,
développementale, sociale.
Alors, il y en a qui ont essayé vraiment
de se conformer à ça, au grand prix de ne pas être
eux-mêmes — souvent, c'est plus tard que ça ressort — ou,
n'étant pas capable d'entrer dans ce moule-là, bien, il y a plusieurs années,
il y a une trentaine d'années, avant qu'on ait de meilleures connaissances en
neuroscience, en développement en traumatismes précoces et en comment le
cerveau d'un enfant doit... quels sont les facteurs de protection qu'un enfant
doit avoir, bien, on s'était dit : Cet enfant-là doit être pathologique,
il doit être étrange, ça doit être génétique ou autre explication pas très
scientifique.
Alors, ce que nous, Jean-François Chicoine
et moi, des chercheurs de partout dans le monde et beaucoup de professionnels,
on a compris, c'est que si ni un ni l'autre, c'est-à-dire qu'on ne demande
pas... on ne devrait pas demander à un enfant d'être exactement comme un enfant
biologique dans ses réactions, dans ses capacités ou de le mettre dans une
catégorie plus pathologique, il y a une normalité adoptive. Et cette normalité
adoptive là, eh bien on a été capable de beaucoup mieux pointer quels sont les
facteurs de risque que l'enfant a vécus en préadoption, et c'est mon collègue
Jean-François Chicoine tout à l'heure qui vous en parlera plus en détail, et
quels sont les facteurs de protection. Parce que l'adoption, c'est un geste de
protection de la jeunesse, hein? L'adoption, ce n'est pas de trouver un enfant
pour une famille, c'est de trouver une famille pour un enfant, un enfant
blessé, un enfant à haut risque de ne pas avoir reçu tout ce qu'il avait besoin
pour se développer normalement. Donc, on doit donner les facteurs de
protection, c'est-à-dire on doit donner tout ce... on doit donner toutes les
occasions à une famille d'être présente, disponible, sensible pour accueillir
cet enfant-là.
Mais ce qu'on aime beaucoup dans le projet
de loi et les amendements, c'est que la nomenclature congé d'accueil et de
soutien correspond exactement à ce qu'on connaît du processus d'apprivoisement,
d'adaptation, d'attachement qu'un enfant doit faire quand il est déraciné d'un
premier milieu. Donc, ce... Parce que...
Mme Lemieux (Johanne) : ...et
de soutien correspond exactement à ce qu'on connaît du processus
d'apprivoisement, d'adaptation, d'attachement qu'un enfant doit faire quand il
est déraciné d'un premier milieu.
• (19 h 40) •
Donc, ce... Parce que pendant cette
période d'accueil là, le parent n'est pas encore parent. Un parent biologique,
il prend soin de son bébé. Une maman qui vient d'accoucher est un peu en
convalescence, hein, de son accouchement, et prend soin de son bébé, et est
tuteur du développement de son bébé. Le bébé, sauf s'il a été malade, ou qu'il
a des problèmes, ou qu'il a été prématuré, n'a pas de besoins spéciaux, donc
tout de suite, un parent va commencer à créer un lien d'attachement, va
commencer à prendre soin du bébé. Bien, les parents qui adoptent un enfant, qui
accueillent un enfant par adoption, ils ne peuvent pas prendre soin du bébé,
ils doivent le soigner avant qu'ils puissent en prendre soin. Un parent
adoptant, une famille adoptive est, d'abord et avant tout, un tuteur de
résilience de l'enfant. Ce sont des enfants qui ont passé au travers de beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'épreuves, ils sont résilients, mais à quel prix? Ça laisse
des traces. Il faut que le parent, que la famille qui les accueille puisse offrir
une grande disponibilité. Et au départ... je m'amuse souvent à dire qu'au
départ... quand je donne de la formation en Europe ou au Québec et avec mon collègue
Jean-François Chicoine, au départ, les parents adoptants ne sont pas des
parents. Ce sont des infirmiers, des nutritionnistes, des techniciens en éducation
spécialisée, et, dans certain cas, et je le dis avec beaucoup de bienveillance
et de tendresse, de gardiens de zoo des enfants qui n'ont jamais vécu dans une
famille, des enfants qui n'ont vécu que dans un orphelinat.
Donc, nous sommes très d'accord avec cette
nomenclature-là qui permet, pendant plusieurs mois, hein, quelques mois, plusieurs
semaines qui donnent quelques mois, d'accueillir cet enfant-là, autant pour
l'enfant que pour le parent, s'apprivoiser, s'adapter et surmonter une première
partie des chocs post-traumatiques, des problèmes de santé et développementaux
de l'enfant.
Et dans un deuxième temps, là, on a un
congé d'adoption, un congé parental où, on l'espère, l'enfant s'est un peu
apprivoisé, un peu adapté, et sera disponible à créer un lien d'attachement.
Parce que ce n'est pas automatique, un lien d'attachement. Et le lien
d'attachement, je vais terminer là-dessus, on le sait, maintenant, dans les
études en neuropsychologie... et créer un lien d'attachement sécurisé avec son
donneur de soins, son parent, et vice-versa, qu'un donneur de soin et qu'un
parent crée un lien d'attachement sécurisé avec un enfant, c'est... ça donne...
ce sont des facteurs de protection pour tout le reste de la vie, la santé
mentale, physique, émotive, sociale d'un être humain. Je te passe la parole
pour parler des facteurs de risque.
M. Chicoine (Jean-François) :
Merci, Johanne. Brièvement, je pourrai répondre à vos questions après, je vais
vous dresser un peu un portrait des enfants qu'on reçoit par adoption à
Sainte-Justine. Je vais vous parler avec raison, comme toujours, j'espère, mais
aussi avec passion. C'est un privilège, comme pédiatre, de pouvoir à la fois
agir d'une manière pragmatique pour les enfants et leurs familles, mais aussi,
à chaque instant de ce travail-là, de pouvoir rétablir un droit à l'enfant, le
droit d'être apaisé...
M. Chicoine (Jean-François) :
...un portrait des enfants qu'on reçoit par adoption à Sainte-Justine. Je vais
vous parler avec raison comme toujours, j'espère, mais aussi avec passion.
C'est un privilège, comme pédiatre, de pouvoir à la fois agir d'une manière
pragmatique pour les enfants et leur famille, mais aussi, à chaque instant de
ce travail-là, de pouvoir rétablir un droit à l'enfant, le droit d'être apaisé
par des adultes et le droit d'avoir une famille.
Les enfants de l'adoption ont une forme de
marginalité, puisqu'ils viennent d'une grossesse tout à fait particulière.
Donc, les mamans abandonnantes ou qui vont devoir se séparer de l'enfant sont
plus stressées, elles ont fumé, elles ont pris de la drogue, ou elles ont bu.
Alors, le syndrome d'alcoolisation foetale, soit au Québec ou à
l'international, est une notion qu'il faut toujours retenir en adoption. Les
premiers temps de l'enfant se font dans la négligence, souvent, parfois dans la
maltraitance passive, active, selon la provenance des enfants, selon leur
histoire de vie. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que l'enfant adopté, il a
une trajectoire particulière qui est forgée à partir de liens d'attachement qui
n'ont pas pu se faire, donc de liens d'apaisement. C'est donc un enfant stressé
qui a excité son cortisol cérébral d'une manière tout à fait particulière et
qui surtout est rompu aux ruptures. C'est un enfant qui a fait plusieurs
familles d'accueil au Québec ou c'est un enfant qui a rencontré, par exemple
lorsqu'il vient de l'international, à peu près 20, 30, 40, 50 nourrices qui se
sont occupées de lui avant d'arriver dans sa famille d'accueil. C'est des
enfants aussi qui ont vécu et qui ont des infections chroniques plus que
d'autres, l'hépatite B et notamment le VIH, maintenant, où on reçoit beaucoup
d'enfants de l'international, de plus en plus d'enfants de l'international avec
le VIH, des enfants qui ont passé à travers la malnutrition, le kwashiorkor,
donc dont la croissance va devoir être accompagnée sur plusieurs mois. Au
niveau développemental, et on les connaît bien à Sainte-Justine, on les a
suivis aussi...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Chicoine.
M. Chicoine (Jean-François) :
...en recherche avec l'Université du Québec à Sainte-Justine, c'est des enfants
qui vont avoir des défis au niveau sensoriel, au niveau moteur, au niveau
cognitif, au niveau langagier et beaucoup au niveau socioaffectif. Il faut se
donner facilement, pour des enfants adoptés avant l'âge de 18 mois, au moins
deux ans pour qu'ils arrivent à une normalité d'enfants pour tous ces stades du
développement. Les traumatismes, ils peuvent être simples, ils peuvent être
complexes. Beaucoup d'enfants vont donc avoir des résurgences de leur vie
antérieure, et pour les parents c'est énormément de travail pour la mise en
famille, pour l'adaptation puis pour l'adaptation scolaire. C'est des
rencontres, c'est des rendez-vous, c'est de l'ergothérapie, de la
physiothérapie, des chirurgies lorsqu'il y a une fente labio-palatine, deux à
quatre chirurgies. Donc, c'est aussi pour moi et pour notre infirmière et notre
équipe, notre travailleuse sociale des requêtes d'enfant... de subventions pour
enfant avec handicap, que ce soit au fédéral ou au provincial.
Il ne faut pas retenir de ça que tous les
enfants adoptés sont des handicapés et sont des enfants hypothéqués pour toute
leur vie, non. La majorité d'entre eux vont bien s'en sortir, mais il faut
toujours consolider leurs parents et les aider à différents niveaux.
Les parents adoptants aussi, ils ont une
différence. Ce sont des parents...
M. Chicoine (Jean-François) : ...il
ne faut pas retenir de ça que tous les enfants adoptés sont des handicapés et
sont des enfants hypothéqués pour toute leur vie. Non. La majorité d'entre eux
vont bien s'en sortir, mais il faut toujours consolider leurs parents et les
aider à différents niveaux.
Les parents adoptants aussi, ils ont une
différence. Ce sont des parents, en général, par rapport à une moyenne de
parents qui ont été évalués par des travailleurs sociaux ou des psychologues
dans leur compétence... donc, ils ont une compétence, mais ils n'ont pas
l'expérience parentale. Ils ont des trajectoires d'infertilité, des deuils
antérieurs...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, il vous reste 20 secondes. En conclusion.
M. Chicoine (Jean-François) :
Et c'est donc des parents qu'il faut savoir reconnaître pour pouvoir les
arrimer à la situation exceptionnelle de leur enfant, sur des mois, parfois des
années.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, on vous remercie, Dr Chicoine. Nous allons commencer la période
d'échange. M. le ministre, vous avez 14 minutes.
M. Boulet : Merci. D'abord,
vous resaluer de nouveau, Dr Chicoine, Mme Lemieux. Vous êtes
manifestement des personnes qui êtes spécialisées depuis tant d'années. Vous
avez des connaissances qui sont particulièrement opportunes et pertinentes pour
une commission parlementaire comme la nôtre, et je vous félicite pour la
qualité et la clarté de votre présentation.
Je vais peut-être y aller sous forme un
peu de discussion avec vous. Un, je veux vous remercier quand vous dites que le
projet de loi correspond à nos connaissances scientifiques et est le reflet, je
pense, on l'a réalisé, là, suite au dépôt initial du projet de loi n° 51... le consensus social était très clair. Je pense que
la société a parlé dans son ensemble, et on a écouté, on a agi. Évidemment,
vous savez que c'est le genre de projet de loi qu'il faut travailler de manière
transversale. Véronique Hivon a joué un rôle d'ambassadrice hors pair pour la
Fédération des parents adoptants, que j'avais déjà rencontrée.
Dans le projet initial, on réduisait
l'écart de façon significative entre les parents adoptants puis les parents biologiques,
mais maintenant c'est débat du passé. Puis la jurisprudence sur laquelle on
s'appuyait n'est plus compatible, du moins avec la réalité sociale québécoise
et avec la sophistication, si je peux dire, de notre politique familiale dans
son ensemble, dont le RQAP fait partie, régime, d'ailleurs, dont on est extrêmement
fiers au Québec. Et on se compare souvent à des pays progressistes, comme la
Suède et l'Allemagne, et on se fie beaucoup aux opinions de l'Organisation
internationale du travail et d'auteurs réputés comme Mme Lemieux et vous, bien
sûr, Dr Chicoine.
J'aimerais que vous me guidiez un peu plus
dans les critères qui me permettraient de bien comprendre ce qu'est la
normalité parce que j'ai tellement l'impression... Évidemment, c'est une courte
discussion, là. On ne pourra pas aller dans tous les...
M. Boulet : ...Mme Lemieux et
vous, bien sûr, Dr Chicoine. J'aimerais que vous me guidiez un peu plus dans
les critères qui me permettraient de bien comprendre ce qu'est la normalité. Parce
que j'ai tellement l'impression... Évidemment, c'est une courte discussion, là,
on ne pourra pas aller dans tous les détails. Mais, tu sais, je vous entends,
puis l'enfant adopté, il est forcément hypothéqué, handicapé, puis pour moi, la
notion de handicap, comme juriste, c'est ce qui n'est pas conforme à la norme.
C'est comme ça qu'on l'interprète, tant le concept qui est dans la Charte des
droits et libertés de la personne que dans les lois sociales et du travail du Québec.
Et l'enfant biologique est forcément... Tu
sais, j'avais l'impression, à un moment donné, que l'enfant biologique est la
norme, puis l'enfant adopté est le handicap ou l'anormalité. Puis je sais que
c'est beaucoup plus nuancé que ça, mais je veux surtout, par ma question, vous
donner l'opportunité de compléter un peu plus.
Mme Lemieux (Johanne) : Merci
de votre question. Je vais me permettre de répondre. En fait, c'était un peu
pour justement vous souligner un mythe qu'il y a eu trop longtemps dans
l'esprit des gens qui... on ne peut pas tout connaître dans la vie... qu'un
enfant biologique était la norme, et que, si un enfant par adoption ne rentrait
pas dans cette norme-là, eh bien, il était nécessairement hors-norme, justement.
Alors, c'est pour décrier ça. Les enfants biologiques ne sont pas tous
parfaits, puis d'ailleurs, un enfant parfait, ce ne serait pas une très bonne
chose, comme un parent parfait non plus.
Mais, si on est un... si le... Alors, la
normalité adoptive... en fait, j'ai écrit un livre là-dessus, c'est mon dada...
ça veut dire que ce sont des enfants qui ont les mêmes besoins, les mêmes
talents que n'importe quel enfant, les mêmes phases développementales, mais que
leur vie de préadoption leur ont donné des options supplémentaires, les options
supplémentaires d'avoir été trahis, volontairement ou involontairement, par des
adultes, qui font qu'ils ont de la difficulté à faire confiance aux adultes, à
se réattacher à quelqu'un. Ce sont des enfants qui, comme mon collègue Jean-François
Chicoine l'a souligné, ont des enjeux de santé mentale et physique, qu'on doit
reconstruire quand ils arrivent. Donc, c'est une option supplémentaire.
• (19 h 50) •
Ils ont l'option supplémentaire
formidable, aussi, d'avoir survécu à des épreuves que peut-être ni vous, ni
moi, ni Jean-François, ni les gens dans la salle n'auraient pu surmonter. Mais
survivre, être résilients, comme l'a dit mon collègue de la commission des
1 000 jours, en France, bon, une commission sur les 1 000 premiers
jours de l'enfant, où j'ai eu le grand honneur de siéger, avec Boris Cyrulnik,
ce n'est pas parce qu'on est résilient qu'on n'a pas des traces.
Alors, les options supplémentaires, ça
fait que c'est des enfants qui ont un entretien un petit peu plus sophistiqué. Ils
ne sont pas tous handicapés, mais ils ont une forme de sophistication qu'on
doit connaître et qu'on doit comprendre, que ce soit nous-mêmes, comme
personnes adoptées, quand les enfants grandissent, les parents qui les
accueillent, et, bien entendu, la société qui les accueille, et les
professionnels qui les accueillent. Ces options supplémentaires là forment
cette normalité-là, qui n'est pas quelque chose en moins, qui est quelque chose
en plus, et qu'on doit célébrer, connaître, normaliser, au lieu de les mettre
dans la honte de ne pas être...
Mme Lemieux (Johanne) : ...les
parents qui les accueillent et, bien entendu, la société qui les accueille et
les professionnels qui les accueillent. Ces options supplémentaires là forment
cette normalité-là, qui n'est pas quelque chose en moins, qui est quelque chose
en plus et qu'on doit célébrer, connaître, normaliser au lieu de les mettre
dans la honte de ne pas être exactement comme un bébé biologique voulu, désiré,
allaité, chouchouté, apaisé, complètement protégé de toutes les épreuves de la
vie.
M. Chicoine (Jean-François) : C'est
des enfants qui ont beaucoup de troubles de sommeil. C'est des enfants qui, au
lieu de faire pipi au lit jusqu'à l'âge de quatre, six ans vont faire pipi au
lit jusqu'à huit, neuf ans. C'est des enfants qui, au lieu de marcher entre 12
et 16 mois, vont marcher entre 12 et 24 mois, normalement. C'est des enfants,
si je prends ma montre et si je la cache comme ça, bien, normalement, vers
l'âge de neuf mois, si l'enfant a vu, bien il va retirer mon masque pour
regarder ma montre.
Mais, en adoption, c'est à peu près vers
l'âge de 12, 13 mois. Donc, ils ont tous une forte fin de comète, ce qui nous
permet, comme pédiatres puis comme soignants, de voir lesquels se détachent vraiment
de cette normalité-là, lesquels vont avoir, en plus d'un retard développemental
ou d'un manque d'amour et de confiance et de trop de stress, lesquels vont
avoir aussi une pathologie médicale, en plus.
Donc, il y a des enfants qui ont... qui
sont en retard dans la normalité adoptive, ce qui nous permet d'identifier les
besoins spéciaux des enfants et éventuellement aussi d'avoir des services pour
eux, parce qu'il est très clairement, que ce soit un syndrome d'alcoolisation
foetale, ou une négligence par malnutrition, ou par manque de soins adultes, si
on intervient rapidement par des parents, par des ergothérapeutes, par des
travailleurs sociaux, des psychologues, des psychoéducateurs, on va changer le
destin de ces enfants-là.
Et c'est extraordinaire, comme pédiatre,
d'avoir le soignant qui est le parent dans son bureau. Alors, vous n'avez pas à
attendre les services, ils sont là, débordants d'amour.
M. Boulet : Tout à fait.
Mme Lemieux (Johanne) : Puis
j'ajouterai que le facteur de protection le plus grand, ce sont des parents
bien évalués, bien supportés mais qui ont du temps : le temps de ne pas
exiger que l'enfant s'attache tout de suite à eux et vice versa, le temps
d'être, comme je le disais, des tuteurs de résilience; le temps de les
apprivoiser, parce qu'au début, un enfant ne prendra pas... il est en choc
d'être déraciné. Même si on le déracine d'un endroit qui est moins adéquat pour
lui, il est quand même en choc.
Alors, on ne peut pas exiger d'un enfant
qui est en choc, qu'il nous aime tout de suite, qu'il s'attache à nous, qu'il
nous fasse confiance tout de suite. Alors, ce temps-là, ce congé d'accueil et
de soutien, moi, ça me touche beaucoup parce que c'est un mot qui correspond
tout à fait à la fois légalement, socialement, mais au niveau biopsychosocial
et offre vraiment aux parents l'occasion que l'enfant se pose, se dépose.
Ces enfants-là, c'est des petits matelots
qui ont vécu beaucoup, beaucoup, beaucoup de naufrages et qui ont... qui
doivent éventuellement arriver sur un bateau où est-ce qu'ils vont reprendre
confiance au capitaine. Mais, au départ, ils n'ont pas tellement confiance au
capitaine, là. Ils vont essayer de ne pas avoir besoin des capitaines. Alors,
vraiment, la nomenclature, comment la loi a été... le projet de loi.
Mme Lemieux (Johanne) : ...qui
ont vécu beaucoup, beaucoup, beaucoup de naufrages et qui ont... qui doivent
éventuellement arriver sur un bateau où est-ce qu'ils vont reprendre confiance
au capitaine. Mais, au départ, ils n'ont pas tellement confiance au capitaine,
là. Ils vont essayer de ne pas avoir besoin des capitaines. Alors, vraiment, la
nomenclature, comment la loi a été... le projet de loi a été... arrangé ou
programmé, je ne sais pas comment... moi, je ne suis pas juriste, là, ça
correspond vraiment à ces deux étapes-là.
M. Boulet : Oui.
M. Chicoine (Jean-François) :
Et on peut être un peu lyrique, dans l'idée du soutien... Pardonnez-moi, M. le
ministre.
M. Boulet : Bien non, allez,
allez.
M. Chicoine (Jean-François) :
Je vous mentirais si je vous disais que c'est la première fois que ça m'arrive.
Mais dans l'idée du soutien, il y a l'idée du portage, il y a l'idée de la
disponibilité physique. Et l'attachement d'un enfant, il se fait par la
disponibilité physique de ses parents, parce qu'on le regarde dans les yeux,
parce qu'on le porte, parce qu'on le transporte, parce qu'on le prend en peau à
peau. Et cette disponibilité-là, elle est essentielle pour que le parent
s'accroche à l'enfant, ce qu'on appelle le lien, et pour que l'enfant
s'accroche à son parent, ce qu'on appelle l'attachement.
M. Boulet : Merci à vous deux.
En fait, c'était l'opportunité que je voulais vous offrir, de compléter vos
propos parce que vous étiez limités dans le temps. Vous vous exprimez avec
tellement d'humanité, tellement d'empathie et ça suscite chez moi énormément
d'intérêt.
Il y a des questions parfois un peu
plus... Mais avant d'aller à une question qui est eu peu plus pratique, vous
parliez de trajectoire variable pour les parents. J'ai bien compris, là, pour
la normalité des enfants, là, c'est à tous égards, là, au plan verbal, au plan
moteur, au plan neurologique, là, tu sais, l'enfant adopté va généralement
marcher plus tard, il va attacher ses souliers plus tard, il va tout faire...
La trajectoire, même si elle n'est pas linéaire, il y a un écart dans la
rapidité d'évolution de l'enfant adopté quand on le compare à ce qui est normal
pour un enfant biologique.
Mais vous avez parlé de trajectoire
variable pour les parents adoptants. Pouvez-vous... Je vous donne une autre
occasion d'élaborer un petit peu là-dessus.
Mme Lemieux (Johanne) :
Pouvez-vous élaborer votre question parce que je...
M. Boulet : Tu sais, vous
parliez, vous faisiez référence à une trajectoire qui pouvait être variable
chez les parents adoptants.
Mme Lemieux (Johanne) : Oui.
Oui. En fait, c'est un peu pour reprendre ce que Jean-François a dit, il faut
aussi... on a parlé beaucoup des besoins, des facteurs de risque que l'enfant a
vécu, mais il faut aussi donner du temps aux parents de devenir parent. Et de
devenir parent, même si tu as été évalué, même si tu as bien de l'amour à
donner, ça prend du temps. C'est une valse qui est extrêmement complexe. Dans
mon bureau, depuis 25 ans que j'ai le Bureau de consultation en adoption de
Québec, j'ai reçu des parents qui avaient honte de ne pas avoir... de ne pas
être tombés tout de suite en amour avec leur enfant et de se sentir coupables
de ne pas avoir créé ce lien-là immédiatement. Alors, quand on parle de
trajectoire du parent, il faut aussi normaliser le fait que c'est...
Mme Lemieux (Johanne) : …ans
que j'ai le Bureau de consultation en adoption de Québec, j'ai reçu des parents
qui avaient honte de ne pas être tombés tout de suite en amour avec leur enfant
et de se sentir coupable de ne pas avoir créé ce lien-là immédiatement. Alors,
quand on parle de trajectoire du parent, il faut aussi normaliser le fait que
c'est normal, madame.
Moi, j'avais déjà dit, lors d'un
rapport-progrès, quand on va à la maison pour voir comment l'enfant va,
s'adapte, j'ai dit : Vous savez, ça a l'air de très bien aller, mais
imaginez comment ça va aller beaucoup mieux quand vous allez aimer votre
enfant. La maman, elle me regarde, elle dit : Comment savez-vous que je ne
l'aime pas encore? Bien, j'ai dit, c'est normal que vous ne l'aimiez pas
encore. Ça va venir.
M. Boulet : Et j'ai vraiment
bien compris, puis je pense que tant chez l'enfant adopté que le parent
adoptant, le remède, c'est le temps, la disponibilité.
Mme Lemieux (Johanne) : La
proximité physique, la sensibilité, l'espèce de vase d'apprivoisement de
l'espace qu'on doit coloniser doucement, voilà.
M. Boulet : Il faut que je vous
arrête parce que je veux absolument vous poser… Puis moi aussi, je suis limité
dans le temps. Est-ce que, pour vous… Puis j'ai apprécié beaucoup vos
commentaires sur la prestation d'accueil et de soutien. Est-ce qu'il faut
distinguer la prestation d'accueil et de soutien de la prestation parentale? Et
comment il faut les analyser de façon distincte?
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
moi, j'aime bien comment c'est fait comme… j'aime beaucoup comment c'est déjà
fait. Voyez-vous, il y a plusieurs années, j'avais eu… un ministre
luxembourgeois m'avait demandé mon avis sur une loi qui allait justement être,
bon, votée, j'imagine, au Luxembourg, et il se posait cette question-là,
justement. Quand on parle d'adoption, étant donné qu'au début… Lui, il était
exactement, au Luxembourg, il était exactement dans les mêmes
questionnements : Ce n'est pas un congé de maternité, mais c'est un congé
d'accueil. Puis pourquoi ce congé d'accueil là serait un congé d'accueil? Et
pourquoi le congé d'adoption serait après? Alors, contrairement à ce que Mme
Carmen Lavallée a soumis, puis vraiment c'est… excellente présentation, moi, je
pense que le congé de soutien et d'accueil devrait rester congé de soutien et
d'accueil, puis le congé d'adoption parentale par la suite parce que c'est
vraiment après plusieurs semaines que le vrai sens de l'adoption commence.
M. Boulet : …ce qu'on dit,
oui.
Mme Lemieux (Johanne) :
L'enfant va être plus disponible à se faire adopter émotivement et
physiquement, et vice versa.
Donc, ces deux nomenclatures là
correspondent vraiment à tout ce que nos recherches empiriques, scientifiques
prouvent.
M. Boulet : Aïe, mon Dieu!
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Boulet : Aïe, merci
beaucoup, beaucoup, Mme Lemieux, Dr Chicoine. Éminemment apprécié. Puis ça
démontre l'incroyable pertinence de la création de ce congé-là. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons avec le porte-parole de
l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de
10 min 40 s.
• (20 heures) •
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Écoutez, je tiens juste à vous dire, malheureusement, on est dans
deux salles séparées, mais je tiens à vous dire que je sentais, à certains
moments, le ministre très engagé. Et je me suis dit : Est-ce qu'il va
traverser de l'autre côté? Il était tellement enchanté de vous entendre et saluer
vos propos. Mais je…
20 h (version non révisée)
M. Derraji : …séparées, mais je
tiens à vous dire que je sentais, à certains moments, le ministre très engagé,
et je me suis dit : Est-ce qu'il va traverser de l'autre côté? Il était
tellement enchanté de vous entendre et saluer vos propos, mais je tiens à dire
la même chose, vous étiez vraiment… vous avez vraiment préparé une bonne
présentation, donc vous avez de très bons arguments. J'ai noté pas mal de
points. Mais, donc, par rapport au congé d'accueil et de soutien, les congés
d'adoption, donc, pour vous, les deux, c'est important dans le processus de
normalité adoptive. Est-ce que j'ai bien résumé?
Mme Lemieux (Johanne) : Tout
à fait. Oui. Tout à fait. Absolument.
M. Derraji : O.K. Excellent.
Corrigez-moi, vous êtes les experts. Un autre point qui m'a le plus interpellé,
donner du temps aux parents de devenir parents. Bon. Et c'est là… moi, c'est
cette question de temps qui m'interpelle, et du moment que j'ai devant moi deux
experts dans ce domaine, si je vous demande d'évaluer ce temps, il sera de
combien?
Mme Lemieux (Johanne) : Ah!
Évaluer ce temps est de combien…
M. Derraji : Parce que vous…
en fait, si j'ai bien compris, pour vous, le congé d'accueil, c'est bon, c'est
très bon, même, le nombre de semaines, ça vous arrange.
Mme Lemieux (Johanne) : Tout
à fait.
M. Derraji : Et de soutien,
donc, pour… sur ce point, bien, écoutez, vous secondez un peu les propos qu'on
trouve dans le projet de loi. Le congé d'adoption, donc vous êtes pour, avec la
nomenclature et éventuellement avec le nombre de semaines.
Mais vous avez soulevé beaucoup de choses
par rapport à la normalité adoptive. Un groupe avant vous, il a parlé de la
question de normes. Des groupes, la semaine dernière… on parle d'un processus.
Et du moment que vous êtes deux experts, donc vous faites beaucoup de recherche
empirique, chose qui est très bonne pour nous, parlementaires, voir ce que…
vous nous facilitez la tâche. Il y a des groupes qui disent : Bien,
écoute, pour que le père puisse jouer son rôle, ce n'est pas cinq semaines,
c'est huit semaines parce qu'on veut l'impliquer davantage. M. le ministre
ramène les semaines partageables et avoir un quatre semaines de plus pour pour
pouvoir engager le père.
Bon, selon vous, nous avons ce débat sur
la table, est-ce que vous pouvez nous orienter, même avec un intervalle de
confiance, avec une marge d'erreur très élevée? Allez-y.
M. Chicoine (Jean-François) :
La plupart des familles, adoptives ou non, se plaignent de manque de temps, et
plusieurs d'ailleurs ont retrouvé du temps avec le confinement de la COVID en
mars, avril, et ils ont souligné les aspects positifs de cette horrible
pandémie. Quand on parle de temps, en adoption, on parle de disponibilité
physique et éventuellement de disponibilité cognitive quand les enfants sont un
peu plus grands puis sont capables de se souvenir de leurs parents. On parle,
en moyenne, donc, de cette cette première année après l'adoption, mais pour
certains enfants avec des déficits et qui ont accumulé des traumatismes, et
tout, ça pourrait être 18 mois, et puis, pour certains, ça pourrait être
deux ans, trois ans, quatre ans. Si on regarde du côté de l'enfant, par
exemple, on sait que, même s'il évolue bien à différents niveaux de son
développement, s'il n'a pas de maladie chronique importante, on sait que son…
M. Chicoine (Jean-François) :
...cette première année après l'adoption, mais pour certains enfants avec des
déficits et qui ont accumulé des traumatismes, et tout, ça pourrait être 18
mois, et puis pour certains ça peut être deux ans, trois ans, quatre ans.
Si on regarde du côté de l'enfant, par
exemple, on sait que même s'il évolue bien à différents niveaux de son développement,
s'il n'a pas de maladie chronique importante, on sait que son immaturité
psychique va faire qu'il va falloir retarder, par exemple, sa scolarité. Donc,
moi, je suis toujours en train de faire commencer les enfants à l'âge de sept
ans, comme autrefois, en Suède, leur première année, parce qu'ils vont avoir
une difficulté à s'adapter à des milieux qu'ils pensent nouveaux et ils vont
avoir parfois de la difficulté à être suffisamment permanents et à suffisamment
retenir leurs parents antérieurs et leurs parents qu'ils ont quittés.
En adoption, la difficulté aussi, et c'est
là que le rôle de l'agent séparateur, qui est l'autre parent, que ce soit une
femme, un homme, un père, une mère, ou une autre mère, ou un autre père, et
c'est ce qui est le plus difficile aussi lorsque les parents adoptent en
célibataire, c'est que ça prend aussi, pour consolider l'attachement, une forme
de séparation, une forme de détachement. Et ce détachement-là, ça prend
quelques semaines, quelques mois, chez certains enfants. Et c'est sûr que
l'autre parent, il est bien placé pour assumer cette fonction-là. Et ça peut
prendre quatre semaines, comme ça peut prendre des semaines et des mois.
Donc, je ne peux pas vous chiffrer ça, il
y a trop d'enfants, il y a trop de trajectoires, il y a trop de provenances,
mais il faut arriver avec quelque chose... Une moyenne d'enfants au bâton, si
je puis dire, pourrait se débrouiller avec ce qu'on souligne. Mais...
Mme Lemieux (Johanne) :
Notre... Excuse-moi, Jean-François, je peux, oui? Notre expérience, c'est
qu'une année et quelques semaines, en général, une moyenne, hein, il y aura toujours
des exceptions d'enfants qui vont s'apprivoiser, s'adapter et s'attacher plus rapidement
et leurs parents aussi, pour toutes sortes de raisons, et il y en a... mais
cette première année là... Et j'étais... j'ai échangé avec des collègues
européens récemment, bon, des collègues scandinaves aussi qui, eux, sont rendus
à 18 semaines. Quand on se compare, on se console. Vous dites : Est-ce que
c'est assez? Est-ce que c'est trop? Combien de temps ça prend à un parent de
devenir parent, d'accoucher de lui-même d'un parent? Vous savez, c'est la même
chose pour une maman qui accouche, hein? Je veux dire, l'instinct maternel,
maintenant, on sait que c'est en partie hormonal, bien entendu, et d'avoir
porté un enfant, mais on s'est aperçu que les papas qui prenaient soin très
rapidement et seuls, sans que la maman soit nécessairement là, d'un nourrisson,
leur cerveau changeait. Il y a une partie de leur cerveau qui devenait plus
sensible aux microsignes de détresse, ou de besoin, ou de satisfaction d'un
bébé.
Donc, est-ce qu'on devrait imposer... je
ne sais pas trop si je comprends bien votre question, là, que les papas aient
tant de congés? Bien moi, j'en suis pour toute forme de parentalité, hein, que
les papas prennent soin tout seul de leur enfant, ce n'est jamais comme... ou
le deuxième conjoint, ce n'est jamais comme de prendre soin d'un enfant à deux.
Et il y a quelque chose dans la dyade, c'est-à-dire au niveau du regard, au
niveau de... en anglais, on dit «atonement», accordage entre un parent et un
enfant...
Mme Lemieux (Johanne) :
...parentalité, hein, que les papas prennent soin tous seuls de leur enfant, ce
n'est jamais comme... ou le deuxième conjoint, ce n'est jamais comme de prendre
soin d'un enfant à deux. Et il y a quelque chose dans la dyade, c'est-à-dire au
niveau du regard, au niveau de... en anglais, on dit «atonement», accordage
entre un parent et un enfant qui se passe dans une dyade, qui ne se passe pas
dans une triade. Donc, il faut du temps, il faut que chacun prenne du temps
seul avec son enfant.
Mais je vous dirais que la moyenne... Déjà,
quand on va en Europe francophone, Jean-François et moi, on fait l'envie, le Québec...
Vous savez, ici, on parle souvent des pays scandinaves comme, hein... bon,
comme très en avance, avant-gardistes dans tous ces programmes-là. Mais je vous
dirais qu'en Europe francophone c'est le Québec qui est l'étalon de mesure, et
les gens nous envient beaucoup. Je vais être encore plus fière de retourner en
Europe, parce que quand je leur parlais du congé parental, qui était, hein, le
nombre de semaines qu'on connaît, mais que les parents adoptants en avaient un
peu moins, bien, maintenant, avec la loi n° 51... je
vais pouvoir avoir la fierté de leur dire que c'est équitable, maintenant, et
que les enfants sont en convalescence par adoption comme une maman est en
convalescence après son accouchement.
M. Derraji : On veut toujours
être les meilleurs, et c'est pour cela qu'heureusement notre démocratie nous
permet de s'améliorer. Et justement, avoir ce cadre d'échange nous permet tous
de contribuer à améliorer le projet de loi. Désolé si j'ai des questions
techniques, parce que je pense que vous étiez, lors de votre présentation...
même aux réponses à M. le ministre, c'était très clair, mais moi, j'ai besoin
de vous pour pouvoir bonifier, si je peux, le projet de loi, mais aussi ramener
des éléments qu'on n'a pas vus, probablement. Et moi, la question d'aider les
parents, donner du temps aux parents pour devenir parents, moi, je pense que
c'est l'objectif de tout le monde pour que le père puisse jouer son rôle.
Et je reviens toujours à la question du
temps, pourquoi? Pour deux éléments. Je reviens à la question par rapport aux
parents adoptifs, parfois, ça prend huit ans, ça a été dit par une universitaire
de l'Université de Sherbrooke, si je ne me trompe pas, encore une fois. Et une
notion que vous avez dite tout à l'heure, bon, un 12, 18 mois... Un autre
groupe, tout à l'heure, parlait d'une banque partageable la deuxième année pour
le père et pour la mère. Donc, est-ce que, selon vous, c'est quelque chose
que... Bon, disons, la première année, c'est réglé, le père avec la mère, mais est-ce
qu'une deuxième année un congé partageable, pas au même moment, père, mère,
peut contribuer à avoir ce temps de qualité avec les enfants?
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
ce serait formidable si on pouvait ajouter cette possibilité-là de consolider
l'attachement à la famille. Ça, c'est sûr, que ce serait formidable. On
serait...
M. Derraji : Ce que j'aime
avec vous... écoutez...
Mme Lemieux (Johanne) : On
serait comme la Norvège, qui sont à 18 mois, là.
M. Chicoine (Jean-François) :
La plupart des familles pourraient bénéficier d'un congé, en général, jusqu'à
l'âge de 18 mois. C'est un. Deuxièmement, pour se séparer d'un enfant,
pour coopérer avec lui en dehors de nous, il faut que le parent aussi soit
conforté dans les structures de garde auxquelles il va avoir droit. Donc, si le
parent confie son enfant à un CPE, à une éducatrice qui est stable, qui est
bien rémunérée — je pense que ce n'est pas...
M. Chicoine (Jean-François) :
...deuxièmement, pour se séparer d'un enfant, pour coopérer avec lui en dehors
de nous, il faut que le parent aussi soit conforté dans les structures de garde
auxquelles il va avoir droit. Donc, si le parent confie son enfant à un CPE, à
une éducatrice qui est stable, qui bien rémunérée — je pense que ce
n'est pas le jour pour parler de ça — c'est sécurisant pour le
parent, et c'est cette espèce de capacité de l'enfant à habiter en dehors de
son parent qui va être bon. Mais l'enfant va retenir son parent dans sa tête
vers l'âge de 16, 18 mois.
• (18 h 10) •
Par ailleurs, il y a une troisième
considération. Si l'enfant a un retard développemental important ou d'autres
besoins en termes de psychoéducation, là, le CPE, d'une manière régulière, va
pouvoir aussi être utile à l'enfant. Alors, moi, il m'arrive de recommander de
mettre l'enfant, par exemple, dans un service de garde vers l'âge de 9, 12 mois
ou parfois, quand les parents peuvent se le permettre, d'attendre à l'âge de 18
mois pour consolider certaines choses. Donc, il n'y a pas de trajectoire unique
pour les enfants.
M. Derraji : Dr Chicoine,
Mme Lemieux, merci beaucoup. Je vais suivre avec grand intérêt vos
recherches mais aussi vos conférences. Et continuez à promouvoir le Québec
parce que c'est vrai, nous avons un beau modèle, on va le bonifier davantage
avec le projet de loi n° 51. Mais soyez fiers et des bons ambassadeurs de
notre programme. Merci beaucoup.
Mme Lemieux (Johanne) : Des
très bons ambassadeurs. Je vous le dis vraiment : Quand on se compare, on
se console, puis c'est...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Chicoine (Jean-François) :
Ce qui nous a beaucoup aidé au départ, c'est à la délégation du Québec à Paris
qu'on a sorti l'essentiel de nos travaux en 2003, ce qui nous a permis de
rayonner dans l'Europe francophone.
M. Derraji : Bravo. Et
continuez à le faire. Merci.
M. Chicoine (Jean-François) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons. Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons
avec le deuxième groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonsoir, monsieur, madame. Merci pour votre présentation. C'est un
privilège, hein, comme parlementaire de pouvoir rencontrer des experts puis de
constater cette belle érudition, cette belle communication là. D'ailleurs, je
n'ai pas tellement de question à vous poser, j'ai juste envie de continuer à
vous entendre, ça fait que je vais vous poser une question ouverte. Qu'est-ce
qu'on pourrait faire d'autre, à part cette réforme du RQAP, pour faciliter la
vie des parents adoptants au Québec?
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
c'est déjà beaucoup, hein, l'équité, c'est déjà beaucoup. Et je crois que déjà
de parler d'équité et d'expliquer... Vous savez, tout... en fait, il n'y a
jamais... il n'y a rien qui arrive pour rien, hein, des fois il y a des
merveilleux malheurs. Tout ce qui s'est passé avec les amendements, hein, bon,
on a eu, hein, un petit peu de lobbying à faire. Bon, lobbying... en tout cas,
bon. Et le fait que ça ait sorti dans les journaux, qu'on est... moi, d'autres,
la Fédération des parents adoptants, toute sorte de gens ont commencé à
expliquer les besoins particuliers des enfants adoptés et qu'on ne voulait pas
rien enlever aux mamans qui accouchaient, mais que, dans le cas de l'adoption,
c'était les enfants qui avaient besoin d'une convalescence, alors que c'est les
mamans qui ont besoin d'une convalescence quand elles accouchent, ça, déjà, ça
a remué les gens, ça a transmis des informations...
Mme Lemieux (Johanne) : …à
expliquer les besoins particuliers des enfants adoptés et qu'on ne voulait pas
rien enlever aux mamans qui accouchaient, mais que dans le cas de l'adoption,
c'était les enfants qui avaient besoin d'une convalescence, alors que c'est les
mamans qui ont besoin d'une convalescence quand elles accouchent. Ça, déjà, ça
a remué les gens, ça a transmis des informations, ça a défait des mythes, ça a
remis les pendules à l'heure. Et, déjà, ce projet de loi là, je trouve qu'il a déjà
fait beaucoup de travail de fond, des choses qu'on essayait de diffuser, bon, à
la majorité de la population depuis des années, et ça nous a donné l'occasion
de le faire. Jean-François.
M. Chicoine (Jean-François) :
Je vais être un peu Séraphin, la disponibilité des services, l'ergothérapie — oui,
c'est comme Séraphin, je vais aller court — l'ergothérapie,
l'orthophonie, la psychoéducation pour le développement et surtout
l'accompagnement scolaire, c'est des enfants qui ont deux fois plus de TDAH que
d'autres, plus de TSA, plus de troubles d'attachement, plus besoin de TES,
d'orthopédagogues. Donc, l'accompagnement scolaire, je vous dirais, c'est pour
répondre très clairement à votre question, c'est ce dont on aurait le plus
besoin.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme Lemieux (Johanne) : Et
aussi peut-être de mieux subventionner… subventionner ou rendre — bon,
ça s'en vient — rendre obligatoires, c'est fortement encouragé, la
formation préadoption et le suivi postadoption qui n'est pas disponible partout
sur le territoire. Il y a un CLSC, là, un CIUSSS, bon, je ne sais plus trop comment
les appeler, à Montréal, sur l'île de Montréal, qui offrent de la pré et de la
postadoption, mais si on est en région, eh bien, il y a peu de services
spécialisés.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous poursuivons avec le
troisième groupe d'opposition, avec la députée de Joliette. Vous disposez de
2 min 40 s.
Mme
Hivon
:
Bonjour à vous deux. Alors, j'ai un gros 2 min 40 s. Moi aussi,
je veux vous remercier, c'est vraiment un bonheur de pouvoir vous entendre ce
soir. J'aurais vraiment beaucoup de choses, donc je vais vous soumettre
quelques éléments, puis vous choisirez ce que vous trouvez le plus important à
aborder.
Mon collègue l'a abordé tout à l'heure,
mais paternité versus maternité, est-ce qu'on doit avoir une recherche
différente d'équilibre pour les familles adoptantes dans la mesure où, vous me
corrigerez, mais certains enfants peuvent être plus spontanément portés à
s'attacher à la mère et rejeter le père, pour d'autres, c'est l'inverse, ils
ont eu des nounous qui étaient des femmes, le lien d'attachement a été brisé,
brisé avec la mère biologique, brisé avec les nounous, ils vont aller vers le
père. Est-ce qu'il y a une recherche d'équilibre plus grande qui devrait être
présente pour l'adoption?
L'autre élément, c'est, quelqu'un a dit
que… bien, en fait, il y a eu présentation, là, d'un groupe qui remettait en
cause, qui disait que, pour les parents biologiques, il pourrait y avoir un
certain sentiment d'inéquité, notamment chez le père, parce qu'ici autant le
congé parental où on trouve le pendant, là, le congé d'accueil et de soutien
pouvait être partagé entre pères et mères, ce qui n'est pas le cas pour un père
biologique. J'aimerais ça que vous réagissiez à ça, et l'autre…
Mme
Hivon
: ...sentiment
d'iniquité, notamment chez le père, parce qu'ici autant le congé parental, où
on trouve le pendant, là, le congé d'accueil et de soutien, pouvait être
partagé entre père et mère, ce qui n'est pas le cas pour un père biologique.
J'aimerais ça que vous réagissiez à ça.
Et l'autre élément, c'était de dire que,
des fois, les mères biologiques doivent se retirer à l'avance, retrait
préventif, et donc elles perdent du temps avec leur enfant parce qu'il n'est
pas né encore, et de dire : Bien là, les mères adoptantes, eux autres, elles
l'ont dès le premier jour. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette idée-là de
potentielle iniquité.
Mme Lemieux (Johanne) : Bien,
écoutez, on va...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne reste... Attention, par exemple, il ne reste qu'une minute.
Mme Lemieux (Johanne) :
Alors, on va essayer de se centrer sur l'intérêt supérieur de l'enfant, hein, c'est-à-dire
que... qu'est-ce que... Alors, quand j'entends que des gens pensent encore que
c'est inéquitable, on pense aux adultes, une maman, bon, à comparer à la mère
biologique. Mais pensons aux besoins de l'enfant, que ce soit un bébé naissant
ou que ça soit un enfant par adoption. Mais j'argumenterais que les enfants par
adoption, à comparer à un enfant naissant, en bonne santé, bien entendu, ont
plus de besoins et que ça s'argumenterait scientifiquement si jamais il y a des
gens qui soulignaient cette injustice-là.
Pour ce qui est des pères, bien, moi, je
crois qu'il faut encourager à la... Je ne pense pas qu'il y ait une
spécificité, je pense que le fait d'avoir sensibilisé les parents adoptants aux
enjeux que vous avez très, très bien résumés, Mme Hivon, fait que les parents
vont s'impliquer plus naturellement... les papas vont s'impliquer plus naturellement,
de par ces connaissances-là que parfois les pères biologiques n'ont pas sur les
enjeux d'attachement, parce qu'on n'a pas nécessairement des cours sur
l'attachement avant d'être père et d'être mère.
M. Chicoine (Jean-François) :
Ce qui est peut-être de moins en moins vrai avec les jeunes papas.
Mme Lemieux (Johanne) : Oui.
De moins en moins vrai avec les jeunes papas. Alors, je ne pense pas qu'il
faudrait enchâsser d'obliger plus le papa ou plus la maman à prendre ce
congé-là. Je pense qu'il faut encourager les papas à le prendre, comme
n'importe quel enfant, et naturellement ce qu'on voit, dans notre pratique, les
papas sont beaucoup plus... sont souvent plus impliqués parce qu'ils se...
comment je vous dirais ça, donc, ce sont des enfants voulus, désirés, et qu'il
y a une certaine, entre parenthèses, égalité. Le père ne se sent pas moins
compétent parce qu'il n'a pas accouché ou moins compétent parce qu'il ne peut
pas allaiter l'enfant. Alors, on voit souvent une belle solidarité dans les
parents adoptants, qui naturellement vont s'impliquer. Donc, il faut leur
laisser le choix, je pense. Je ne serais pas de l'avis d'imposer quoi que ce
soit.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, on vous remercie. On vous remercie, sincèrement, hein, pour votre contribution
à l'avancement des travaux.
Alors, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à mercredi 23 septembre après les affaires courantes, vers
11 h 15, et nous pourrons poursuivre notre mandat. Merci à tous.
Alors, on vous souhaite une bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 20 h 18)