L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des finances

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des finances

Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 10 juin 1980 - Vol. 21 N° 299

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Finances


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère des Finances

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire des finances reprend ses travaux ce matin.

Les membres de la commission pour la séance de ce matin sont M. Desbiens (Dubuc), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Michaud (Laprairie), M. Parizeau (L'Assomption), M. Perron (Duplessis), M. Raynauld (Outremont) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Scowen: Je pense que vous devez enlever le nom de M. Raynauld.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, si vous voulez. Est-ce qu'il y a d'autres substitutions, de votre côté? Non.

M. Scowen: Je pense que Claude peut...

Le Président (M. Bordeleau): M. Forget (Saint-Laurent) à la place de M. Raynauld (Outremont)?

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

Au niveau des intervenants: M. Baril (Arthabaska), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Fallu (Terrebonne), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Martel (Richelieu), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Y a-t-il d'autres substitutions à faire, des remplacements? Cela va.

Au moment où nous avons ajourné nos travaux, hier soir, les membres s'étaient entendus pour qu'on reprenne ce matin en débutant par l'étude des crédits du ministère des Finances. A partir du programme 1?

M. Parizeau: A partir du programme 1, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. J'appelle donc le programme 1 des Finances.

Etudes des politiques économiques et fiscales

M. Parizeau: M. le Président, j'ai peu de remarques préliminaires. Dans la mesure où le débat sur le discours du budget s'est terminé la semaine dernière et que passablement des éléments qui en découlent ont été discutés en plus, bien sûr, des questions constitutionnelles, je ne voudrais pas reprendre, à titre d'introduction, tout ce qui a pu se dire à l'occasion de ce débat et, dans ces conditions, je suggérerais qu'on passe tout de suite au programme 1.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va. Vous avez des questions, messieurs les députés de l'Opposition, sur le programme 1?

M. Scowen: Pas beaucoup. J'en ai une dans le domaine de la recherche économique.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Ecart entre les prévisions et tes résultats de l'impôt sur le revenu des particuliers

M. Scowen: Je pense comprendre ce qui est fait dans le domaine des politiques fiscales, mais, dans la recherche économique, c'est clair que vous prévoyez une augmentation légère des effectifs. Vous pourriez très vite nous dire un peu la nature de ces recherches qui sont faites et surtout si ce sont des choses qui touchent essentiellement le ministre comme tel ou les autres ministères et si ce sont des documents qui peuvent être rendus publics, s'il y a une liste qui est faite chaque année et qui est disponible pour les membres de l'Assemblée nationale.

J'ai une question en particulier à laquelle vous pouvez répondre. Il y a une question qui m'a toujours fasciné, c'est la question de l'impôt sur le revenu des particuliers, qui est la plus grande source de revenu du gouvernement. Depuis deux ou trois ans, le montant perçu est toujours inférieur à celui prévu par le ministre. Chaque année, c'est régulier, il ne réalise jamais ses prévisions dans ce domaine. Normalement, on dit: C'est parce que l'augmentation des salaires n'est pas réalisée comme prévu. Il y en a d'autres qui prétendent que c'est parce qu'on perd des contribuables. Il y a des personnes qui, pour toutes sortes de raisons, peut-être en partie à cause des impôts qui sont plus élevés ici qu'ailleurs, partent. Il me semble que c'est une question qui peut être enlevée du domaine de la rhétorique politique et établie sur une base factuelle.

Je me demande si le ministre peut nous dire s'il a fait des études ou s'il peut faire des études pour vérifier ce qu'on prétend, soit que ce n'est pas une perte, un écart de ces prévisions quant au nombre de personnes qui contribuent, mais une perte causée par les augmentations moins fortes que prévu. Est-ce que cette affirmation du ministre est quelque chose qui est fondé sur une étude? Est-ce que cette étude peut être rendue publique ou est-ce que c'est plutôt du domaine de la spéculation quand il fait cette affirmation? En gros, M. le ministre, seulement quelques mots sur les activités du groupe de recherche comme tel et, deuxièmement, une réponse à cette question en particulier.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Parizeau: Les études économiques faites au ministère des Finances relèvent d'un sous-ministre adjoint et comportent quatre directions. II-y a une direction de la conjoncture économique qui existe depuis assez longtemps, qui est traditionnelle au ministère des Finances comme dans tous les ministères des Finances. Il n'y a rien là de particulièrement original, si l'on veut, en ce sens qu'on a besoin, à la fois pour la préparation du budget et pour le suivi de la situation économique toute l'année, d'un groupe qui va s'occuper de conjoncture économique et qui ne fait que ça. (10 h 15)

II y a une deuxième direction, dite de politique économique, qui suit les effets des politiques engagées par le gouvernement de Québec et, bien sûr, les effets des politiques économiques prises ailleurs et qui sont susceptibles d'avoir une influence ici au Québec, les politiques fédérales, par exemple. Cette direction a pris une orientation depuis quelques années de plus en plus concrète et a été particulièrement utile dans la détermination du genre d'accélération qu'il fallait donner à certains programmes ou à certaines politiques du gouvernement.

Il y a une direction de la politique financière qui commence à s'étoffer et qui, elle, est en contact assez direct avec les services qui s'occupent de la dette publique. Et, finalement, il y a une direction, elle, tout à fait nouvelle, en ce sens qu'elle n'a pas deux ans d'âge, qui est la direction des sociétés d'Etat. Nous avons installé cette direction essentiellement pour la raison suivante: le ministre des Finances étant actionnaire de la plupart des sociétés d'Etat, il est normal qu'au moment où une société d'Etat a besoin soit de mises de capital supplémentaire, soit d'emprunts, soit de garanties bancaires, ces sociétés d'Etat aboutissent aux Finances, c'est-à-dire chez l'actionnaire, qui se trouve, en un certain sens, à jouer à ce moment-là, à la fois le rôle de banquier. Un des problèmes importants, maintenant que les sociétés d'Etat se sont multipliées depuis une dizaine d'années, un des problèmes majeurs que nous avions, c'est que le ministère des Finances était appelé à servir de banquier, un peu au coup sur coup et en faisant des études littéralement souvent à la dernière minute sur la situation immédiate d'une société d'Etat qui avait des besoins de fonds.

Pour se sortir de ce coup, nous avons donc monté une direction des sociétés d'Etat qui, très systématiquement, examine leur situation, les suit et donc, est capable, d'une part, de nous avertir un peu à l'avance des demandes de fonds qui vont se manifester, et, d'autre part, de nous permettre d'un peu mieux comprendre ce qui se passe quand, tout à coup, quelqu'un arrive avec une demande, encore une fois, soit de capital supplémentaire ou d'emprunt bancaire ou de garantie bancaire. On est capable, d'une part, de voir venir et d'autre part, d'interpréter plus correctement la demande qui nous est faite et, sur cette base-là, d'accepter ou de refuser. Voilà à peu près les quatre directions qui composent ce service ou, tout au moins, cette section d'analyse économique, si on peut dire, et financière au ministère des Finances.

M. Scowen: Juste un point sur les sociétés d'Etat. Il y en a plusieurs qui relèvent du ministère de l'Industrie et du Commerce, aujourd'hui, la SGF, SIDBEC, par exemple, et la SDI. Est-ce que cette analyse que vous faites est faite aussi à l'intérieur du ministère de l'Industrie et du Commerce ou est-ce que c'est entendu avec le ministre de l'Industrie et du Commerce que cette responsabilité de surveiller l'état financier et les besoins financiers de ces sociétés relève du ministère des Finances?

M. Parizeau: De toute façon, le ministère des Finances fait le travail. En outre, les ministères de tutelle font leurs propres études pour les sociétés qui relèvent de ces ministères. Et ce n'est pas mauvais parce qu'il est assez fréquent que la société d'Etat qui aurait des besoins financiers nouveaux s'appuie sur le ministère de tutelle pour demander de l'argent aux Finances. Donc, ce n'est pas du tout une duplication de voir le ministère de l'Industrie et du Commerce examiner et suivre ces sociétés d'Etat et en analyser la performance et le fonctionnement, et, d'autre part, de voir le ministère des Finances faire la même chose, parce que, très souvent, le ministère va être demandeur au même titre que la société, c'est-à-dire que les deux vont se présenter ensemble.

M. Scowen: Est-ce que c'est clair, quant à vous, que la reponsabilité pour ces sociétés, le président de chacune, et le conseil d'administration relève, dans les cas que j'ai mentionnés, du ministère de l'Industrie et du Commerce ou est-ce qu'elles ont des liens directs avec le ministère des Finances en ce qui concerne leur financement à court et à long terme? Est-ce que ce sont des sociétés, maintenant, qui relèvent de votre ministère en ce qui concerne le financement ou est-ce que ça passe par la voie du ministère de tutelle?

M. Parizeau: Pour le financement, comme il s'agit toujours d'appels au fonds consolidé, soil par le budgétaire, si c'est une subvention, soit par l'extra-budgétaire, si c'est une avance ou une prise de participation, le ministère des Finances est appelé à intervenir dans le dossier, de toute façon, en tout état de cause et pour tout le monde.

M. Scowen: Mais si le président d'une société d'Etat se retrouve avec un problème ou une question qui relève des Finances pour le financement de sa propre société, c'est entendu que c'est à vous qu'il doit parler.

M. Parizeau: Avec son ministre de tutelle.

M. Scowen: II doit parler avec le ministre de tutelle.

M. Parizeau: Oui, parce que je n'imaginerais pas...

M. Scowen: Pas avec vous.

M. Parizeau: Habituellement, ils vont venir me voir tous les deux. Ce que je veux dire, c'est que le cheminement normal, c'est que le président d'une société d'Etat qui aurait besoin de fonds supplémentaires va voir son ministre de tutelle, obtient du ministre de tutelle l'appui à une démarche comme celle-là et alors — ça dépend un peu des ministères — ils vont ou bien m'appeler tous les deux ou bien m'appeler séparément. Les formules varient au jour le jour, mais il est évident que le ministre de tutelle doit donner son aval à une démarche comme celle-là, justement parce qu'il est ministre de tutelle. C'est la raison pour laquelle il n'est pas mauvais qu'il y ait des services de recherche à la fois chez le ministre de tutelle et aux Finances, puisque le ministère de tutelle, très souvent, va se trouver dans la situation de demandeur au même titre que le président de la société d'Etat et que le ministère des Finances doit procéder à son examen critique habituel.

M. Scowen: Ce n'est pas clair et cela n'a jamais été clair.

M. Parizeau: J'entends, M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce dire que ce n'est pas clair. Alors, reclarifions. Qu'est-ce qu'il ne trouve pas clair?

M. Scowen: Je voulais simplement dire, M. le ministre, que les liens entre les sociétés d'Etat et le gouvernement, le ministère de tutelle, le Conseil exécutif et le ministère des Finances, dans mon expérience passée, n'étaient jamais très clairs. Ce n'est pas un reproche du tout; c'est simplement pour dire que je trouve qu'encore aujourd'hui ces liens ne sont pas clairs. Je le répète, ce n'est pas un reproche du tout; c'est simplement une réflexion sur la réalité de la complexité des relations entre ces organismes.

M. Parizeau: Je voudrais, quand même, souligner, M. le Président, qu'encore une fois, du point de vue du ministère des Finances, puisque c'est du ministère des Finances que nous parlons ce matin, la direction des sociétés d'Etat les examine, examine le fonctionnement de toutes ces sociétés, puisque toutes sont appelées, à un moment donné, à demander de l'argent, des garanties bancaires ou je ne sais quoi.

Alors, la deuxième question qui a été posée avait trait aux projections de l'impôt sur le revenu. Le fait est qu'après avoir connu des phases d'augmentations de salaires très considérables au milieu des années soixante-dix au Québec pour des raisons qui ne sont pas, je pense, encore tout à fait claires et qui ne le seront peut-être jamais dans la mesure où il est très difficile de comprendre la dynamique des conventions collectives et des signatures de conventions collectives — en tout cas, ça peut donner lieu à des interprétations très différentes — les augmentations de salaire au Québec, depuis deux ou trois ans, globalement, pour l'ensemble de l'économie, ont été un peu moins fortes que je ne l'aurais imaginé.

Evidemment, l'Etat est en partie responsable de ça. Il est évident que la dernière convention collective que nous avons signée par rapport au taux de la précédente convention collective donne des résultats assez nettement plus bas. J'ai évalué dans le discours du budget la différence à $806 000 000 sur trois ans, pour les nouveaux taux négociés par opposition aux taux de la convention antérieure.

Il ne faut pas oublier que les négociations collectives dans le secteur public portent sur à peu près le tiers de tous les syndiqués au Québec. Il serait étonnant qu'il n'y ait pas un certain effet. Même sur le plan de certaines négociations qu'on aurait pu considérer comme ardues cette année — — je pense ici à celles, avec l'ensemble des médecins — on est arrivé à un règlement pour 18 mois, temporaire, ne remettant pas en cause toute la structure de la cédule des taux de rémunération des médecins, mais des taux de progression qui sont finalement très raisonnables.

Dans le secteur privé, il y a nettement une accélération depuis quelques mois, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Il est tout à fait possible que je ne dise pas du tout la même chose dans six mois, parce que, on le voit à l'heure actuelle, les conventions collectives signées depuis quelques mois le sont à des taux de plus en plus élevés. Mais il est vrai que, depuis un an et demi dans le secteur privé, les conventions collectives ont été signées à des taux qui étaient un peu plus bas que ceux qu'on prévoyait.

Cela me paraît être la raison fondamentale de ce que nos projections de revenus — après tout, il y a au-delà de 85% de salariés dans l'économie — sont un peu inférieures à ce que nous avions cru.

Le phénomène des migrations, auquel faisait allusion le député de Notre-Dame-de-Grâce, ne peut pas être nié comme facteur. La seule chose, c'est qu'il porte sur des nombres tellement faibles par rapport aux grosses masses de salariés dont je viens de parler que l'impact ne peut être que tout à fait marginal. C'est une chose de dire qu'il y a quelques milliers de personnes qui ont quitté le Québec de plus que ce qui sort habituellement, parce que chaque année il en sort; chaque année il en rentre, mais chaque année il en sort aussi. Il y a eu des mouvements statistiquement observables de hausses à certains moments, mais quand on regarde cela par rapport à la masse des 2 700 000 travailleurs au Québec, l'impact est tout à fait marginal, alors que, au contraire, une erreur de projection de 1% seulement dans les salaires de 2 700 000 personnes représente, sur le plan de l'impôt sur le revenu, des changements assez importants. Je ne nie pas le phénomène que signale le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je dis simplement que, par rapport aux projections de salaires pour 2 700 000, ce n'est pas du même ordre du tout.

M. Scowen: Merci, M. le ministre. Ce n'est pas une question de le nier ou de l'affirmer. La question que je posais était de savoir s'il existe, à l'intérieur de votre ministère — et c'est dans le contexte du groupe de recherche dont je parle — une analyse qui puisse quantifier votre affirmation. Comme vous le savez, le gouvernement a tendance à affirmer que la cause de cet écart, c'est l'augmentation des salaires. J'accepte que c'est une argumentation très raisonnable. L'Opposition a tendance à dire que c'est causé surtout par un climat d'hostilité envers le secteur privé; vous connaissez autant que moi toutes les argumentations.

Tout ce que je voulais savoir, c'est s'il existe aujourd'hui quelque chose, une prévision de votre part, basée sur un modèle, peut-être dans un ordinateur — je ne sais pas comment vous le faites — qui indique qu'on a prévu tant pour tant de personnes, que l'écart est causé, jusqu'à 10%, par le nombre de personnes et jusqu'à 90% par l'augmentation de salaires, voici la réalité. Ou sommes-nous condamnés, nous deux, à continuer à présenter les arguments sur la base de nos propres théories politiques? Je veux simplement savoir s'il existe quelque chose que vous pouvez déposer provenant de l'équipe de M. Bédard qui peut nous informer d'une façon plus précise et quantitative, quant à cet écart. (10 h 30)

M. Parizeau: Non, il n'y a pas d'étude formelle remontant à plusieurs années en arrière. Les meilleures sources, si on veut faire de l'histoire, ce sont évidemment les recherches fiscales qui sont publiées chaque année, mais dont le dernier numéro est celui de 1978, c'est-à-dire qu'on ne peut pas l'appliquer aux deux dernières années.

Néanmoins, ce que je pourrais faire — je pense que cela ne poserait pas de difficulté, parce que nous examinons cela périodiquement — ce serait, dans la mesure où le député trouve intéressant de l'avoir, de faire faire une sorte de consolidation des études périodiques, ou de l'analyse périodique de ce que nous avions prévu sur le plan de l'impôt sur le revenu et des causes qui semblent expliquer les écarts. On peut faire cela. C'est-à-dire le résultat d'une sorte de consolidation des rapports qu'on fait périodiquement à ce sujet.

M. Scowen: Oui.

M. Parizeau: Evidemment, il faudrait quand même se donner quelques semaines pour faire cette consolidation, mais je ne pense pas que cela représente de difficultés particulières.

Je pense néanmoins — je vous avertis tout de suite — qu'à partir du moment où on ne dispose pas, pour une période récente, des statistiques fiscales elles-mêmes, puisque, encore une fois, le dernier numéro, est celui de 1978, il y aura une série de petits effets qui devront être regroupés dans le genre "divers" — miscellaneous — parce qu'on ne peut pas quantifier au-dessous d'un certain seuil. Ce que l'on donne nécessairement, ce sont des coups d'épée dans l'eau, tant que les sta- tistiques fiscales ne sont pas publiées. Il faudra simplement s'attendre que, quand on entre dans les explications les moins importantes, on les regroupe ensemble en disant: II y a toutes espèces de choses là-dedans.

M. Scowen: Oui. En terminant, M. le ministre, je veux simplement soulever une question importante. Vous avez suggéré que les départs, l'émigration est, au total, un facteur négligeable; mais on a constaté une sortie nette de 30 000 à 40 000 personnes par année au cours des dernières années. Si vous calculez cela sur la base de $4000 ou $5000 d'impôt par personne, vous arrivez très vite à $100 000 000, $150 000 000 en pertes d'impôt. C'est quelque chose qui peut être très important au total. Il serait très intéressant d'avoir une explication quant à cet écart.

M. Parizeau: Oui, mais je rappelle, M. le Président, que ce n'est pas le nombre absolu des gens qui quittent, ce sont les variations dans ce nombre. Il en est toujours beaucoup sorti et on ne peut pas...

M. Scowen: Oui, mais les variations montent.

M. Parizeau: Ce que je veux dire, c'est qu'un Québécois qui va finir ses jours en Floride, il y en a eu chaque année. Ce sont les variations qui sont importantes. Or, le problème de l'étude des variations, c'est de déterminer justement les niveaux de revenus de ces gens-là; mais, encore une fois, il ne s'agit pas de nier le fait qu'il y a des variations dans le nombre des gens qui quittent et, statistiquement, on le voit bien.

Il faut, encore une fois, examiner l'effet des variations dans le nombre absolu, mais pas le nombre absolu lui-même. Le nombre absolu lui-même, on n'a pas à en tenir compte. Si le nombre absolu était toujours le même chaque année, il aurait toujours le même effet sur les résultats.

M. Scowen: C'est simple. Ce sont plutôt les variations entre vos prévisions et les réalisations, plutôt que les variations d'année en année, parce que je parle maintenant des écarts entre vos prévisions et les réalisations. Ce serait intéressant de comprendre, de savoir ce qu'étaient vos prévisions sur la population et sur ce qui a été réalisé. Je veux simplement soulever le point que les départs pendant ces dernières années ont augmenté d'une façon substantielle. Quand vous commencez à multiplier les pertes d'impôt possibles par le nombre de personnes qui sont parties, l'augmentation du nombre des personnes qui sont parties, les chiffres sont considérables.

M. Parizeau: Oui, dans la mesure aussi où il s'agit de gens qui occupent des postes relativement élevés, dans la mesure où il faut aussi tenir compte de l'effet des promotions à l'intérieur des rangs. Dans n'importe quelle organisation, si vous avez un bonhomme qui part et qui provoque un "bumping" de 15 personnes derrière lui qui res-

tent, vous pouvez avoir un effet à court terme — je ne parle pas du long terme, car ce serait différent — d'augmentation des paiements d'impôt, seulement par l'effet de "bumping" tout le long de la ligne, mais apprécier cela n'est pas facile.

M. Scowen: Oui, mais s'il part avec son poste, c'est tout à fait différent.

M. Parizeau: Oui. Vous voyez le relevé statistiquement! Est-il parti avec son poste ou n'est-il pas parti avec son poste?

M. Scowen: Exactement.

M. Parizeau: Un par un, ce n'est pas faisable.

M. Scowen: Non, ce n'est pas faisable.

M. Parizeau: II faut seulement reconnaître que là, si on veut être de bon compte, il faudrait littéralement avoir une frontière et interroger chaque personne qui part en disant: Partez-vous avec votre poste ou partez-vous sans votre poste? On n'en est pas encore là et je ne pense pas qu'on y soit jamais.

M. Scowen: En effet, même après vos études, chacun aura le droit à ses propres opinions là-dessus et rien ne sera prouvé. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Au début de l'étude du programme 1, on serait tenté, bien sûr, de reprendre tout le débat sur le discours du budget. On pourrait, encore une fois, dénoncer les $2 000 000 000 ou $2 500 000 000 de déficit. On pourrait également parler au début de ce programme 1 du manque de dépenses en capital qui sont en diminution par rappport à l'an passé. On pourrait même parler, encore une fois, du fardeau non apparent du déficit budgétaire. On est ici pour étudier les crédits du ministère des Finances. J'irai donc dans le sens des commentaires et peut-être même, bien humblement, de suggestions à l'endroit du ministre des Finances. Compte tenu que "ce programme, comme on le dit si bien, vise à conseiller le gouvernement en matière de politique financière, économique et fiscale," je m'en tiendrai, premièrement, à deux sujets bien précis, soit la taxe sur les repas au niveau de cette orientation de politique, également au niveau de la réforme de la fiscalité municipale.

Pour le premier sujet, la taxe sur les repas, j'aimerais savoir du ministre des Finances si, au sein de son ministère, actuellement, on est en train de repenser la taxe de vente sur les repas. Il faut admettre que le seuil d'exemption de $3.25 pourrait être une annonce prochaine dans le discours du budget, mais je pense que, si on veut faire des suggestions, c'est l'endroit approprié. Il faut admettre que le seuil d'exemption de $3.25 devient de plus en plus dérisoire, surtout en cette période inflationniste.

Je crois qu'il serait opportun que le ministre des Finances apporte des modifications à ce sujet, soit en augmentant le seuil d'exemption au même niveau, par exemple, que celui de l'Ontario — sauf erreur, je pense qu'en Ontario c'est à partir de $6 ou $7 — ou en diminuant la taxe à 5% ou 6% au lieu de la laisser à 10%, ou encore en combinant les deux, je ne le sais pas. De nos jours, M. le Président, un repas de $3.50, ce n'est pas un luxe. Je pense qu'on pourrait dire qu'un repas de $3.50 taxé à 10%, ça ne devrait pas se voir en 1980, surtout au niveau du tourisme, quand on sait que dans d'autres provinces du Canada il n'y a plus de taxe sur les repas.

Je fais cette suggestion au ministre, je l'ai dit, bien humblement, pour faire en sorte que dans le prochain discours du budget, si le ministre a l'occasion de faire un autre discours du budget, chose qui n'est pas certaine parce que plus ça va, plus une élection générale nous pend au-dessus de la tête... Mais je me permets quand même de faire cette suggestion au ministre concernant la taxe sur les repas, parce que nous en entendons parler souvent, par les gens qui sont dans le milieu touristique, dans la restauration et, bien sûr, par nos commettants qui doivent à coeur de jour, manger et prendre leurs repas au restaurant.

L'autre sujet, c'est au niveau de la réforme de la fiscalité municipale. On sait que l'Union des municipalités du Québec a tenu un congrès, sauf erreur, à la fin d'avril ou au début de mai. Elle avait alors présenté une étude préliminaire de réforme en se basant sur tout près de 150 municipalités, étude qui tendait à démontrer que les municipalités seront fort probablement dans l'obligation d'augmenter le fardeau fiscal de leurs contribuables l'an prochain. Même si, du côté du gouvernement, on ne semblait pas afficher d'inquiétude pour au moins les années à venir, peut-être même jusqu'en 1981-1982, le ministre des Finances a confié que le gouvernement s'était gardé des réserves au cas où les besoins des municipalités seraient clairement démontrés.

A ce sujet, le ministre s'est déjà engagé à porter progressivement, d'ici à cinq ans, les en-lieu de taxes sur les immeubles publics à 100% de leur valeur. Cette année, si le chiffre est exact, ce sera près de $200 000 000 qui seront versés aux municipalités seulement à ce chapitre sur les $400 000 000 prévus en transferts.

J'aimerais savoir du ministre quels sont les montants additionnels que cela pourrait impliquer pour le trésor public, d'abord, si on avait des en-lieu de taxes à 100%. De plus, est-ce que ce sont les seules réserves que le gouvernement s'est gardées ou y en a-t-il d'autres, par exemple, le retour d'une partie de la taxe de vente aux municipalités ou d'autres mesures semblables? Est-ce que ce sont les seules réserves ou y a-t-il autre chose qu'on pourra voir apparaître au cours de l'année ou au cours des autres exercices financiers?

La taxe sur les repas

M. Parizeau: M. le Président, effectivement, chaque année, nous révisons toute cette question de la taxe sur les repas. Je pense que le problème actuellement se présente de la façon suivante. Nous avons été, forcément, très impressionnés par le fait qu'à un moment donné, il y a deux ans, la situation des coûts dans les hôtels au Québec était telle que cela semblait gêner considérablement le tourisme. On nous signalait le phénomène, on nous montrait la gravité de la chose. On pouvait fonctionner de deux façons: ou bien en dégrevant de taxe de vente les chambres d'hôtel ou bien en diminuant la taxe sur les repas, en augmentant le plancher ou le plafond, comme on voudra, ou en réduisant le taux.

Après avoir examiné la chose assez longuement, on a commencé par enlever la taxe sur les chambres d'hôtel. Et je pense qu'effectivement l'effet a été très bénéfique sur l'industrie touristique. Cela, cependant, s'accompagnait du maintien de la taxe de 10% pour les repas de plus de $3.25. Là, un certain nombre de représentations nous ont été faites quant à modifier cette taxe sur les repas et nous avons encore, à l'occasion du dernier budget, examiné la chose.

Une des proposition qui nous avaient été faites par beaucoup de restaurateurs, c'était de procéder comme dans certains Etats américains et de taxer tous les repas, quel qu'en soit le prix, à un taux réduit, sans nécessairement de perte pour le trésor public, mais simplement à un taux réduit à partir de zéro, à partir d'un cent ou dix cents, si on veut, comme cela se fait dans certains Etats américains, encore une fois.

Etudes faites, il faudrait taxer à 7,5% tous les repas, quel que soit leur prix, si on voulait ramasser la même somme. Nous avons pensé que ce serait très régressif comme taxation de descendre de 10%, avec un plancher de $3.25, à 7,5% sur tous les repas, quel que soit leur prix, et tous les achats de nourriture au restaurant, quel que soit leur prix. Cela a donc été abandonné. Si cela avait été de 3% ou 4%, l'équivalent, cela aurait été autre chose. Mais, à 7,5% c'était vraiment trop élevé.

Nous sommes donc de retour à la formule originale, c'est-à-dire un plancher à relever de temps à autre. En 1977, la dernière fois où nous avons touché à cela, le plancher était à $2 et le taux à 8%. On l'a remonté à $3.25 et on a remonté le taux à 10%. Là, il s'agit de savoir si on peut, par exemple, prendre une attitude voisine de celle de l'Ontario, remonter de $3.25 à $6 ou à $5 dépendant des sommes dont on dispose. Cela coûte entre $30 000 000 et $40 000 000 de passer de $3.25 à $6. (10 h 45)

Alors, cela s'inscrit, au fond, dans un contexte où le gouvernement a une politique très nette, depuis deux ans, de couper les taxes de vente sur des biens qu'on peut considérer comme des biens de base ou des biens essentiels. En effet, on a enlevé la taxe sur le textile, sur les vêtements, sur les chaussures, sur les meubles. Il s'agit de savoir si on poursuit cette élimination de la taxe sur les repas de prix moyen dans les restaurants. Cela ne m'étonne pas outre mesure que des gens poussent dans cette direction, parce qu'au fond, quand un gouvernement a pris l'habitude de ne pas toucher à la taxe de vente, il n'y a pas beaucoup de pressions. Mais le moindrement qu'on commence à enlever des taxes de vente sur certains secteurs, c'est fou ce que ça donne comme idées à toutes espèces de gens. C'est tout à fait normal et c'est tout à fait raisonnable. Cela devient une question, au fond, de savoir quels objectifs on poursuit.

Il est évident qu'il y a de plus en plus de gens qui mangent dans les restaurants, qui sont forcés de manger dans les restaurants. Ce n'est pas un préavis que je donne au député de Bellechasse, mais la taxe sur les repas est un candidat parmi les plus sérieux pour des éliminations de taxe de vente sous réserve d'un certain plafond, advenant que le gouvernement poursuive sa politique d'enlever les taxes de vente sur des biens considérés comme essentiels. C'est un des candidats sérieux. Je ne peux pas en dire plus que cela, d'une part, pour les raisons que disait le député de Bellechasse, encore que j'aie tout à fait l'espoir de faire un cinquième budget, quelles que soient les circonstances, mais aussi parce qu'on ne donne pas de préavis des modifications d'impôt qui se feraient. Il reste, néanmoins, que je dois dire que, parmi tous les secteurs où on pourrait continuer cette politique d'élimination de la taxe de vente, c'est un des candidats sérieux. Je peux difficilement aller plus loin que cela.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Au niveau de l'industrie touristique, surtout lorsque nos voisins américains viennent nous visiter, on sait qu'il y a déjà, de ce temps-ci, environ 17% comme taux de change. Sans aller, dans l'immédiat, de $3.25 à $6, comme l'Ontario — c'est un chiffre que j'avais mentionné — on pourrait peut-être y aller graduellement à $4, $3.99 ou quelque chose comme cela. Non? Vous aimez mieux ne pas toucher à cela. C'est un gros montant ou vous n'y touchez pas du tout.

M. Parizeau: C'est un gros montant ou on n'y touche pas parce que...

M. Goulet: Mais pour $1... Je m'excuse, M. le Président, je ne veux pas couper la parole au ministre des Finances, mais le ministre des Finances a dit: Si on partait de $3.25 pour aller à $5 ou $6, cela coûterait $40 000 000, mais, si on allait, par exemple, à $4.25 qu'est-ce que ce serait, $10 000 000?

M. Parizeau: L'important ici, c'est de retenir une chose, c'est qu'on ne peut pas y aller par petites étapes, parce que tout ce que ça provoque, c'est une augmentation du prix des repas, c'est-à-dire que, si on augmente, par exemple, de $0.50 de repas qui aujourd'hui se vend $3.24 — et Dieu sait

s'il y en a à $3.24 — ce repas augmente de $0.50. Il faut que le bond soit suffisamment important pour éviter cette espèce d'effet de tire sur le prix des repas. C'est une vieille sagesse chez tous les gouvernements qui ont des taxes de ce genre-là: vous ne touchez pas à cela pendant un certain temps, mais, quand vous y touchez, vous y touchez solidement. Il faut que l'écart soit important. Alors, encore une fois, à moins de commencer à préparer avec le député de Bellechasse le prochain budget, je ne peux pas aller plus loin que cela, mais je reconnais avec lui que c'est, disons, un candidat sérieux.

M. Goulet: Non, je n'ai pas cette prétention-là.

Réforme de la fiscalité municipale

M. Parizeau: Pour ce qui a trait à la fiscalité municipale, je n'ai pas d'autres réserves, à l'heure actuelle, que les "en-lieu" de taxes sur les immeubles publics. Je rappelle que le gouvernement paie 100% sur les édifices gouvernementaux en taxes foncières, 80% sur les réseaux et 40% sur les écoles. Donc, CEGEP, universités, hôpitaux, etc., c'est 80%; écoles primaires et secondaires, c'est 40%. A supposer que nous allions à 100% dans les trois cas, au taux d'imposition foncière actuel, cela représente $150 000 000 environ.

Je ne vois pas l'utilité d'avoir de réserves supplémentaires pour la raison suivante: c'est que la réforme de la fiscalité municipale a, de toute façon, transféré aux municipalités $360 000 000 de ressources additionnelles. La réforme fiscale municipale s'inscrit, à l'heure actuelle, dans un contexte où tout le monde la tient pour acquise et tient pour acquis que, comme c'est fait, c'est empoché. Cela représente quand même un transfert, le plus gros transfert que les municipalités aient jamais eu. Dans l'histoire contemporaine au Québec, jamais il n'y a eu un transfert de cette ampleur.

Alors, dans ces conditions, la réserve que je garde me paraît largement suffisante pour les années qui viennent, largement suffisante. Il y a cependant deux risques à éviter dans la situation actuelle: d'une part, il faut essayer d'éviter que les municipalités, devant ces ressources additionnelles que nous leur passons, ne fassent une flambée de dépenses et s'habituent tellement à une flambée de dépenses que, l'année suivante, elles viennent dire: Ecoutez, on a épuisé les $360 000 000, ajoutez-en d'autres. Il faut donc aller avec une certaine prudence dans la réserve. Je pense que c'est simplement indiqué par un intérêt public élémentaire.

Deuxième danger, il faut faire attention que le gouvernement fédéral paye sa part. Le ministre des Affaires municipales a protesté violemment et en public récemment contre cette loi qui a été adoptée par le Parlement canadien qui limite les en-lieu de taxes du gouvernement fédéral pour tout le Canada à un montant qui est à peu près du même ordre que celui que le gouvernement de Québec paye sur les immeubles publics au Qué- bec. Le gouvernement fédéral n'établit pas ça en fonction de la fiscalité au Québec, il fixe ces montants de façon arbitraire et il est évident que le gouvernement fédéral ne paye pas sa part "d'en-lieu".

Alors, il faudrait faire attention que, sous prétexte que le fédéral ne veut pas payer sa part "d'en-lieu", il ne nous renvoie pas les municipalités qui disent: Puisque le fédéral ne veut pas payer sa part "d'en-lieu", voulez-vous, Québec, servir les réserves dont vous disposez encore plus rapidement? C'est une autre opération de pelletage de neige fédérale dans notre cour qui consiste à limiter ses dépenses et à nous envoyer la facture.

Je ne vais pas utiliser ma réserve plus rapidement que je veux l'utiliser sous prétexte que le fédéral ne veut pas rayer ses "en-lieu", ou enfin paye des "en-lieu" qui sont relativement faibles par rapport à ce qu'il devrait payer. Il faut éviter ces deux dangers: d'une part, en envoyant trop de ressources trop rapidement dans les municipalités, les habituer à un niveau de dépense exagéré et, d'autre part, faire en sorte que le fédéral paye des montants "d'en-lieu" relativement faibles en disant: Ce n'est pas grave, le gouvernement du Québec a encore de la réserve, qu'il utilise sa réserve. C'est pour ça que je n'ai pas voulu, tout en reconnaissant que la réserve devrait être utilisée sur une période, par exemple, de cinq ans, m'engager formellement à l'utilisation de la réserve sur un échéancier précis; d'une part, pour ne pas habituer les municipalités à faire exploser leurs dépenses et, d'autre part, pour ne pas habituer le fédéral à considérer qu'il peut payer n'importe quoi, ça n'a pas d'importance, le gouvernement du Québec a de la réserve et il est capable de payer en deux ans. Cela, non.

M. Goulet: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: ... très rapidement. Le ministre parle du plus gros transfert jamais consenti aux municipalités. Est-ce qu'en tenant de tels propos il met en doute la conclusion du rapport que l'union a publié, à la fin d'avril ou au début de mai, qui tendait à démontrer que les municipalités seront probablement dans l'obligation d'augmenter le fardeau fiscal de leurs contribuables d'ici un an? Est-ce que, par ces propos, le ministre met en doute la conclusion de ce rapport formulé par les municipalités?

M. Parizeau: Non, je l'interprète, je pense, dans un contexte un peu différent. Vous voyez, il y a beaucoup de municipalités qui, à l'occasion du transfert, ont fait beaucoup d'immobilisations à même leurs revenus courants, que, normalement, elles finançaient par emprunts. C'est comme ça qu'on voit certaines municipalités augmenter leurs dépenses de 30% ou 40%. 30% ou 40%, ce n'est pas une augmentation annuelle raisonnable dans le budget d'une municipalité, pour les dépenses courantes.

M. Goulet: Si elles paient "cash".

M. Parizeau: Evidemment, si elles paient comptant un certain nombre d'immobilisations, c'est leur choix. Je n'ai pas à discuter de cela. Mais je n'ai pas à me laisser impressionner par le fait qu'elles disent: La réforme fiscale municipale ne nous permettra jamais de poursuivre une expansion de nos dépenses de 20%, 30% ou 40% par année. Bien sûr, il n'y a pas une réforme fiscale qui permettrait cela. Je comprends leurs chiffres. Je les interprète avec un certain sourire. Je comprends ce que les municipalités veulent dire. Il est clair que les municipalités ne pourraient pas poursuivre pendant des années des expansions de dépenses à 20% ou 30% par an. Il n'y a pas un gouvernement qui peut faire cela sans augmenter son niveau de taxation.

M. Goulet: Elles copient le gouvernement provincial, ne pensez-vous pas?

M. Parizeau: Le gouvernement est à 13,7% d'augmentation, si on enlève la question des fonds de retraite cette année, et, depuis les trois dernières années, il était autour de 10% ou de 11% par an.

M. Goulet: Augmentation de 50% du déficit prévu, par rapport à l'an passé.

M. Parizeau: On parle de l'expansion des dépenses.

M. Goulet: Des dépenses, bien oui.

M. Parizeau: On parle de l'augmentation des dépenses. A l'heure actuelle, le gouvernement fédéral est attaqué de partout parce qu'il prévoit une augmentation de dépenses de 14,5% cette année. On trouve cela délirant dans certains milieux. A 13,7%, on trouve que j'y vais un peu fort. A 10% ou à 11%, on trouvait que j'étais à peu près correct. Il y a des municipalités qui sont à 35% cette année. Il est évident qu'elles ne pourront jamais maintenir un rythme pareil. Il n'y a pas de gouvernements qui ont des expansions de dépenses de 35% par an. Si les municipalités viennent nous dire: La réforme fiscale municipale ne nous permet pas de poursuivre un rythme d'expansion de dépenses de cet ordre, évidemment, cela va de soi.

Encore une fois, il faut prendre cela avec un certain sourire. Quand il s'agit d'augmentation de 35%, il y a beaucoup d'immobilisations financières à même les revenus courants. C'est leur choix, je n'en disconviens pas. Mais il ne faut pas s'imaginer que cela les met dans une situation tragique. Si cela leur évite des emprunts pour plus tard, tant mieux pour elles, pour cette année. Mais il va falloir qu'elles adoptent un rythme de progression des dépenses plus raisonnable, bien sûr.

M. Goulet: Les municipalités ont décidé de payer comptant.

M. le Président, lorsque le ministre a dit que les seules réserves qu'il avait gardées, c'était justement pour les "en-lieu" de taxes, est-ce que c'est bien ce que vous avez dit?

M. Parizeau: C'est cela.

M. Goulet: Vous aviez dit que, si les besoins étaient démontrés clairement, le gouvernement s'était gardé des réserves. C'était seulement pour les "en-lieu" de taxes?

M. Parizeau: C'est cela.

M. Goulet: On ne verra pas autre chose?

M. Parizeau: Non.

M. Goulet: D'autres mesures annoncées, comme une remise d'une partie de la taxe de vente ou ces choses-là?

M. Parizeau: Non. M. le Président. Je pourrais peut-être ajouter une explication à cela. La position du gouvernement et des municipalités est bien connue sur la question de la taxe de vente; mais il y a un élément qu'on ne fait pas suffisamment ressortir et qui est important. Tant que l'assiette de la taxe de vente ne changeait pas beaucoup ou à peine, partager la taxe de vente à 1/4 aux municipalités et 3/4 au gouvernement permettait aux municipalités de savoir assez précisément ce qu'elles pouvaient attendre de la taxe de vente. A partir du moment où, au contraire, on modifie l'assiette de la taxe de vente comme on l'a fait tellement depuis deux ans, ce n'est pas très bon pour les municipalités d'avoir encore du produit de la taxe de vente. Si on l'enlève sur les vêtements, sur les meubles et sur les chaussures, cela réduit leurs entrées de fonds, à elles.

Dans ce sens, j'ai l'impression que, au fur et à mesure que le gouvernement va modifier les assiettes de la taxe de vente, on va avoir de moins en moins d'intérêt pour la taxe de vente dans les municipalités. Ce n'est pas très payant pour elles, un gouvernement qui enlève des assiettes entières de l'application de la taxe de vente d'un budget à l'autre.

M. Goulet: M. le Président, au niveau des petites municipalités — et, lorsqu'on parle de petites municipalités, il faudrait s'expliquer; ce sont, par exemple, celles qu'on retrouve dans un comté comme celui que je représente, c'est-à-dire de 800 à 1200 ou 1500 habitants; ce sont ce que j'appelle de petites municipalités — est-ce que le ministre est d'accord avec moi que la plupart de ces petites municipalités devront augmenter leur budget, vu le manque à gagner que la réforme de la fiscalité municipale leur apporte? Ceci ne sera pas dû à des dépenses exagérées en capitalisation, mais aux dépenses courantes de l'exercice financier de ces municipalités, de ces très petites municipalités. (11 heures)

Justement, nous sommes ici un peu pour représenter nos comtés, surtout et avant tout. Je pense que ces petites municipalités, après avoir discuté avec l'ensemble des conseils municipaux, devront, et ce très prochainement, augmenter tout simplement leur fardeau fiscal, le fardeau fiscal de leurs contribuables. Cette réforme est avantageuse d'abord et avant tout pour les grandes municipalités, telles les villes de Québec et de Montréal, et les grandes agglomérations, mais les très petites municipalités seront perdantes, et ce non pas dans cinq ans, mais peut-être dès l'année qui vient.

M. Parizeau: Non, M. le Président, on ne peut pas conclure cela, parce qu'il n'y en a pas deux pareilles. Dans ce qu'on appelle les petites municipalités vous en avez...

M. Goulet: J'entends celles qui ont de 1000 à 1200, 1500 contribuables.

M. Parizeau: Non, on s'entend bien; j'entends de moins de 1500 contribuables, si on veut.

M. Goulet: D'accord.

M. Parizeau: II n'y en a pas deux pareilles. Vous en avez qui ont une bonne grosse assiette taxable en dépit de leur petite taille, par exemple, un gros centre commercial. Cela existe. Pour elles, il n'y a pas de problème. Aller chercher le dollar normalisé sur un beau gros centre commercial juteux, il n'y a rien là, n'est-ce pas? Cela ne représente pas de difficultés sur le plan financier.

A côté de cela, vous avez d'autres petites municipalités qui n'avaient pas de services et où il n'y avait pas de taxe. Pour elles, c'est toujours difficile à interpréter. L'année dernière, il y avait encore quatre ou cinq municipalités qui ne payaient pas de taxe foncière au Québec. Il y en avait d'autres à $0.10, à $0.15. C'est toujours très difficile de monter une politique pour elles, parce qu'il suffit simplement qu'un groupe de citoyens dans une petite municipalité dise: On veut avoir des services de loisir et cela fait monter les $0.10 de taxe à $0.30. On dit: C'est terrible, cela a triplé la taxe. Oui, cela a triplé la taxe, mais à $0.30, de toute façon, cela reste minuscule.

Vous avez, au contraire, à l'autre bout, de petites municipalités qui ont un indice de richesse très faible et un indice fiscal très considérable, par exemple, à cause de travaux d'aqueduc qu'elles auraient dû faire parce que l'eau n'était pas bonne.

Tout ce que je veux dire ici, c'est qu'il ne faut surtout pas généraliser quand on parle des petites municipalités; il n'y en a pas deux pareilles. C'est la raison pour laquelle on a établi, dans la réforme fiscale municipale, un plancher. La réforme fiscale municipale doit rapporter $10 par habitant, quoi qu'il arrive. Aucune municipalité ne peut perdre à l'exercice; elles ne peuvent que gagner l'équivalent de $10 per capita.

D'autre part, c'est la raison pour laquelle, au niveau des toutes petites municipalités, on a gardé ouverts un certain nombre de programmes de subventions, parce que, si ces petites municipalités perdaient ces subventions, elles perdraient plus que les $10 per capita peuvent leur apporter. Exemple: une petite municipalité de 600 habitants voit sa source d'eau condamnée par l'Environnement. L'eau n'est plus potable ou bien les points sont empoisonnés par les fosses septiques. Enfin, pour une raison ou pour une autre, elle doit construire un aqueduc. Il y a toutes les chances du monde que ses 600 habitants ne puissent pas se le permettre autrement que par une taxation absolument délirante. On garde donc PAIRA ouvert pour des cas comme cela.

Deuxièmement, une série de petites municipalités recevaient de l'aide à la voirie municipale qui représente davantage que ce que la réforme fiscale municipale leur a rapporté. Si, donc, on supprimait complètement le programme de voirie municipale, on leur enlèverait plus que ce qu'elles ont reçu par la réforme de la fiscalité municipale, surtout si elles sont collées sur les $10. Il y a donc un programme dont les modalités seront arrêtées vraisemblablement cette semaine pour faire en sorte que les petites municipalités puissent continuer à recevoir de l'aide à la voirie municipale, comme c'était le cas jusqu'à maintenant.

Donc, on reconnaît qu'au niveau des petites municipalités il faut garder certains programmes de subventions ouverts parce que, indépendamment du plancher d'aide que leur apporte la réforme de la fiscalité municipale, si ces programmes étaient supprimés, elles perdraient plus qu'elles ne gagnent. On est très conscient de ce problème, mais, encore une fois, il faut, dans l'administration de ces programmes de subventions, y aller avec une certaine sélectivité, parce qu'on ne peut pas dire: La réforme fiscale municipale a un seul effet sur les petites municipalités. Elle a toutes sortes d'effets. Cela dépend. De l'une à l'autre, cela varie énormément.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Une dernière précision, si vous me le permettez. Je vais revenir aux "en-lieu" de taxes. Est-ce que le ministre a bien dit tout à l'heure qu'il ne s'était pas engagé à augmenter progressivement les "en-lieu" de taxes à 100% d'ici cinq ans ou s'il a dit qu'effectivement, il s'y était engagé?

M. Parizeau: Je m'y suis engagé.

M. Goulet: Vous vous y êtes engagé.

M. Parizeau: Je me suis engagé à ce que ce soit fait au cours des cinq prochaines années. Ce à quoi je ne me suis pas engagé, c'est à un programme.

M. Goulet: D'ici cinq ans, à 100%.

M. Parizeau: Oui, en cinq ans, ce sera fait, mais je n'ai pas dit 20% par année, je n'ai pas dit 40% la première année. Je ne me suis pas engagé à un programme.

M. Goulet: D'ici cinq ans, cela marche. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va pour le programme 1? Programme 1, adopté.

Avant d'entreprendre l'étude du programme 2, j'aimerais souligner aux membres de la commission que, selon une entente entre les leaders des partis, le temps qu'on nous avait alloué à la commission des finances était de 9 h 30, ce qui nous amènerait normalement, théoriquement, vers 12 h 30 ou 12 h 45 ou 13 heures. Cela veut dire qu'à 13 heures je devrai ajourner les travaux. Je ne suis pas sûr — cela dépendra du leader parlementaire du gouvernement — que la commission sera rappelée. Je veux simplement vous souligner ce fait. S'il y a des questions plus importantes que vous désirez poser, vous pouvez peut-être y aller par priorités.

Gestion de la caisse et de la dette publique

On entreprend l'étude du programme 2. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Parizeau: Est-ce qu'on a adopté le programme 1?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, le programme 1 est adopté.

M. Scowen: On peut peut-être parler d'abord des obligations d'épargne du Québec. Le ministre a dit hier que, semble-t-il, ce programme aura pour effet de rapporter une vente totale brute d'à peu près $750 000 000. Est-ce qu'il peut nous donner un peu plus de détails? Premièrement, quel était le montant net? Est-ce qu'il a ces chiffres?

M. Parizeau: Voici à peu près comment cela se présente. Je vais remonter un peu loin en arrière pour bien faire comprendre à la fois les objectifs de ce mouvement et les résultats. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait à peu près $800 000 000.

M. Scowen: C'est clair qu'il ne reste pas beaucoup de temps et j'ai quelques questions à poser. Je me demande s'il serait possible que le ministre réponde plutôt spécifiquement aux questions, parce que...

M. Parizeau: Je pense qu'on va gagner du temps. Donnez-moi trois minutes et je pense qu'on va gagner du temps.

M. Scowen: Vous anticipez les questions qui vont suivre. Tout ce que j'ai demandé, c'est le montant net qui a été reçu. C'est un chiffre que je cherche. Vous avez le droit de dire n'importe quoi, M. le ministre, mais simplement nous n'avons que 9 h 30. Il ne reste pas beaucoup de temps. J'ai posé une question précise. Il a le droit de remonter en arrière s'il veut.

M. Parizeau: M. le Président, je veux simplement vous indiquer quelque chose. Hier, nous avons passé six heures sur la Caisse de dépôt, en deux séances, à répéter les mêmes choses indéfiniment, parce qu'un lanceur de relève est arrivé en plein milieu de la réunion. Cela ne présentait aucune espèce d'inconvénient. Je me suis plié à cela, j'ai répété les mêmes explications quatre fois. Maintenant, qu'on vienne me dire aujourd'hui qu'il reste relativement peu de temps, je n'y suis pour rien. Ce n'est pas moi qui organise l'agencement des questions. Si on me permet, cependant, je vais organiser l'agencement des réponses.

M. Scowen: Oui, vous avez certainement le droit.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

Les obligations d'épargne du Québec

M. Parizeau: Je disais donc que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait à peu près $800 000 000 de ces obligations. On en a perdu $50 000 000 ou $60 000 000 d'encaissées dans les semaines qui ont suivi et, depuis ce temps, j'ai cherché à avoir des émissions chaque année qui nous tiendraient à peu près à ce niveau de $800 000 000. Il n'en reste pas moins, cependant, qu'avec l'augmentation sensationnelle des taux d'intérêt que nous avons connue il y a eu des encaissements assez prononcés, si bien qu'au 30 mai 1980 il restait en cours $540 000 000 d'obligations d'épargne. En juin de cette année, une émission venait à échéance, dont il restait $121 000 000, qui devait être remboursée. Donc, les échéances de cette année étaient de $121 000 000.

Cela veut donc dire que l'encours net, après le remboursement de ces vieilles obligations d'épargne, aurait été autour de $420 000 000, au moment où on se parle, si on n'avait pas fait une nouvelle émission. Donc, la nouvelle émission, dans la mesure où on voulait toujours se maintenir à peu près autour de $800 000 000, devait donner n'importe quoi entre $350 000 000 et $400 000 000, ce qui aurait été du genre raisonnable. Or, on n'a pas eu $350 000 000 ou $400 000 000; on a eu $755 000 000. C'est-à-dire que l'encours est, à l'heure actuelle, d'environ $1 175 000 000. C'est, à mon sens, beaucoup. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, je n'aime pas particulièrement qu'un gouvernement provincial qui n'a pas accès à une banque centrale ait trop de ce genre de titres.

Le fait qu'au lieu de retourner à un encours de $800 000 000 on retourne à un encours de $1 175 000 000 est dû, bien sûr, au taux d'intérêt de 14% pour deux ans, parce qu'on sait que ces

obligations ont été vendues à 14% pour deux ans et 10,5% pour les années subséquentes. On m'a demandé à plusieurs reprises pourquoi je n'avais pas réduit ce taux. Après tout, il arrive que d'autres gouvernements augmentent leur taux dans des circonstances contraires; quand ça marche mal, ils augmentent leur taux en plein milieu de la campagne. La raison est la suivante: c'est qu'il fallait avertir assez tôt au début de mai les détenteurs d'obligations du Québec de ce que serait le taux de la nouvelle émission. Il fallait les avertir parce qu'à ce moment-là les détenteurs d'obligations du gouvernement du Québec pouvaient obtenir des taux du genre de 14% dans les banques, dans les compagnies de fiducie ou ailleurs. Et, forcément, il fallait leur dire: La prochaine émission aura un taux de... Si bien que, le 2 mai, il y a eu un communiqué d'émis disant: L'émission qui aura lieu fin mai, début juin portera un taux d'intérêt de 14%. Il y a donc passablement de détenteurs d'obligations d'épargne du Québec qui ont dit: Dans ces conditions, on ne va pas les vendre pour aller prendre des certificats de dépôt dans les banques ou des certificats de dépôt dans les compagnies de fiducie; les obligations d'épargne vont rapporter 14%, attendons.

Si on avait, dans ces conditions, au moment de la grande dégringolade des taux d'intérêt, réduit le taux; annoncé, disons, dans la troisième semaine de mai, que le taux de 14% ne serait pas 14%, que ce serait 12% ou 13%, on aurait littéralement eu une rupture de bonne foi avec nos détenteurs. Cela, c'est évidemment quelque chose qu'un gouvernement ne peut pas faire, tromper les détenteurs de ses obligations. Tout au moins, il peut le faire une fois, mais il le paie cher longtemps. Dans ces conditions, nous sommes entrés dans cette campagne avec un taux de 14%, sachant qu'il était plus haut que ce que vraiment le marché aurait exigé au début de juin et, puis, on s'est contenté plutôt de raccourcir la campagne, c'est-à-dire d'ouvrir les émissions pendant quelques jours seulement et d'arrêter ça mardi dernier.

Je me console simplement en me comparant à d'autres emprunteurs qui, au cours des quelques dernières semaines, se sont engagés pour des périodes de six ans ou de quinze ans ou de trente ans à des taux comparables et qui, eux, sont pris pendant une bien plus longue période. Après tout, moi, je n'en ai que pour deux ans avec des taux de ce genre. Voilà à peu près ce que je voulais dire sur cette question, M. le Président.

M. Scowen: Et le montant net?

M. Parizeau: J'ai donné les montants nets.

M. Scowen: Je ne pense pas.

M. Parizeau: Mais oui! $755 000 000...

M. Scowen: Oui.

M. Parizeau: ... moins $120 000 000.

M. Scowen: Moins $120 000 000? M. Parizeau: Mais oui, $121 000 000.

M. Scowen: Vous avez dit qu'il y en avait $120 000 000 qui venaient à échéance.

M. Parizeau: A échéance.

M. Scowen: Mais, question d'échéance, comme vous savez, toutes ces obligations peuvent être remises n'importe quand.

M. Parizeau: Non, mais c'est ce qui restait des vieilles émissions, quoi, de dix ans, de quinze ans. Cinq ans. L'émission qui vient à échéance, il y en avait $347 000 000 quand elle a été émise en 1975 et il en restait $121 000 000.

M. Scowen: En effet, le total est monté maintenant à $1 175 000 000.

M. Parizeau: L'encours total.

M. Scowen: Les arguments du ministre m'avaient frappé. Pour moi, il y a de grandes contradictions là-dedans. Vous avez parlé de rupture de bonne foi. Vous avez dit que vous ne pouviez pas réduire le taux d'intérêt parce que ce serait une rupture de bonne foi. (11 h 15)

M. Parizeau: Après le communiqué du 2 mai.

M. Scowen: Mais ce que vous avez fait, c'est une rupture de bonne foi; vous avez simplement raccourci d'une autre façon la période pendant laquelle elles étaient disponibles.

M. Parizeau: Non.

M. Scowen: II n'y a pas une grande différence entre les deux.

M. Parizeau: Non, M. le Président. Il y a une différence fondamentale entre les deux parce que c'est spécifiquement une condition des émissions qui apparaît non seulement dans les titres légaux, mais dans les communiqués que nous sortons: "Le ministre pourra cependant en arrêter la vente en tout temps, sans avis préalable." Tout le monde est averti.

M. Scowen: Mais vous avez aussi le droit de baisser le taux d'intérêt sur le plan légal.

M. Parizeau: Je ne parle pas sur le plan légal; j'ai le droit de baisser, de faire ce que je veux.

M. Scowen: L'un ou l'autre.

M. Parizeau: Non. Vous ne le trouverez nulle part. Dans le communiqué du 2 mai, je dis que le taux sera de 14%. Je dis aussi dans le même communiqué du 2 mai que je peux arrêter n'im-

porte quand sans avis préalable; dans le même communiqué. Alors, les règles du jeu sont établies dans ce communiqué. Le 2 mai, je dis: Ce sera 14% et je pourrai arrêter n'importe quand.

M. Scowen: Mais vous avez...

M. Parizeau: Pas dans deux communiqués successifs, au même moment.

M. Scowen: Mais vous avez le droit également de baisser le taux d'intérêt quand vous voulez.

M. Parizeau: Ah bien, oui! Je comprends bien que j'ai le droit théorique de le faire.

M. Scowen: Oui.

M. Parizeau: Mais à partir du moment où j'ai annoncé que ce serait 14%... Vous me direz que j'ai le droit légal, on a le droit légal de faire perdre de l'argent aux gens quand c'est cela que la loi prévoit, mais, encore une fois, ce sont des coûts que le gouvernement paie longtemps sur la valeur de son crédit, cela.

M. Scowen: Le montant maximal qu'une personne a le droit d'acheter, c'est $15 000 n'est-ce pas?

M. Parizeau: $15 000.

M. Scowen: Est-ce que vous avez une idée du pourcentage total que cela représente chez les personnes qui ont acheté le maximum?

M. Parizeau: Non, cela, on ne pourra pas le savoir avant quelques semaines. Actuellement, nous estimons nos projections en fonction de ce qui entre des caisses populaires et des banques. Avant qu'on ait la décomposition par taille de souscription, il y en a pour quelques semaines, sûrement.

M. Scowen: Je répète ce que j'ai dit hier soir; il est clair que nous sommes devant une contradiction flagrante. Pour les besoins du gouvernement du Québec, cette année, vous allez payer un taux d'intérêt de 14% aux personnes qui avaient du capital disponible à ce moment, les capitalistes, si vous voulez, et vous allez payer un taux d'intérêt inférieur au taux du marché, pour vos besoins, aux personnes qui versent des petites sommes chaque semaine et chaque mois à la Régie des rentes. Cela sera très difficile, quant à moi, d'expliquer cela à la population: 14% à ceux qui ont de l'argent, du fric, qui ont le choix, et environ 10%, moins que le taux du marché, aux personnes qui n'ont pas le choix, qui sont prisonnières de votre système de Régie des rentes. Cela sera très difficile à expliquer à la population.

M. Parizeau: D'abord, M. le Président, je ne sais pas où le député de Notre-Dame-de-Grâce s'imagine qu'à l'heure actuelle on peut emprunter de l'argent à 10% au Canada. Je ne sais pas où on trouve cela. Je ne sais pas sur quelle base. Cela n'existe pas. De toute façon, ses chiffres ne sont pas exacts.

Deuxièmement, nous payons au fonds de la Caisse de dépôt, comme je l'ai expliqué longuement hier, non pas en deçà du taux du marché, mais au taux du marché qui est en train de s'établir, d'abord, par le "Heritage Fund" et ensuite par nous, c'est-à-dire au niveau de l'emprunteur provincial qui emprunte le moins cher au Canada à l'heure actuelle. C'est un taux du marché. C'est simplement qu'on ne le définit pas de la même façon.

Maintenant, quant à cette histoire qu'on paie 14% aux capitalistes, le député de Notre-Dame-de-Grâce me permettra de sourire un peu. En fait, beaucoup de gens ont échangé les obligations d'épargne du Canada qu'ils avaient pour acheter des obligations du gouvernement du Québec. Les obligations du Canada ne rapportaient pas 14%. Elles rapportaient 12%. Il y a des gens qui sont arrivés dans les banques avec leurs obligations d'épargne du Canada et qui ont dit: Changez-moi cela, passez-moi des obligations du Québec.

Deuxièmement, ilyadesgensquiavaient, néanmoins, la garantie d'avoir 14% sur leurs anciennes obligations d'épargne du Québec. Ils n'ont pas compris et malgré tout ils ont déposé leurs obligations d'épargne du Québec sur la table et ont dit: Passez-en des nouvelles. Ce n'était pas nécessaire qu'ils fassent cela, mais ils tenaient à le faire.

Troisièmement, il va y avoir un montant, qu'on va connaître d'ici quelques semaines ou quelques jours, quant aux souscriptions par retenues à la source. Je rappelle au député de Notre-Dame-de-Grâce que, bien que les obligations d'épargne du Québec aient été lancées en 1965, ce n'est que sous le présent gouvernement que les souscriptions d'obligations d'épargne par retenues à la source ont été établies. C'est tout récent et c'est partiel en ce sens qu'on commence par les plus gros employeurs et on étend cela graduellement.

Quatrièmement, je rappellerai au député de Notre-Dame-de-Grâce que sous les gouvernements précédents ce n'était pas $15 000 la limite; c'était $50 000. Si les obligations d'épargne rejoignaient des gens qui avaient beaucoup d'argent, c'était peut-être bien davantage sous les anciens gouvernements que sous le nôtre, parce que nous sommes descendus de $50 000 à $10 000 pendant deux ans, et on les a augmentées à $15 000 cette année, mais on est loin des $50 000 d'autrefois.

Je vous rappelle, d'autre part, que les anciens gouvernements avaient aussi la curieuse habitude de permettre à des institutions d'acheter des obligations d'épargne. Le présent gouvernement a aboli cela. Qu'on ne vienne pas nous parler de l'intérêt qu'on porte, par les obligations d'épargne, aux capitalistes. En fait, s'il y a un gouvernement qui a essayé de limiter les obligations d'épargne aux petits épargnants, c'est bien nous. Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire.

M. Scowen: J'ai bien entendu toutes ces explica-tions, mais il reste quand même, M. le Président, que cette année, les personnes qui avaient le choix et le

capital vont recevoir 14% pour leur contribution au déficit du Québec. Ceux qui sont prisonniers d'un système de Régie des rentes et qui n'ont pas le choix vont recevoir un taux qui est inférieur au taux du marché normal et qui sera certainement trois ou quatre points de pourcentage en bas de celui-là.

M. Parizeau: Non, pas trois ou quatre points de pourcentage en bas de celui-là.

M. Scowen: Qu'est-ce que vous prévoyez, dans ce cas?

M. Parizeau: M. le Président, je vous rappelle ici un certain nombre de taux.

M. Scowen: Qu'est-ce que vous prévoyez, M. le ministre, comme taux d'intérêt moyen, pour cette année, pour les obligations qui sont achetées par la Caisse de dépôt du gouvernement du Québec?

M. Parizeau: Si j'étais capable de prévoir jusqu'où la baisse des taux d'intérêt va aller, je ferais mieux de démissionner comme ministre et d'aller me placer comme consultant. Je ferais une fortune, parce qu'à l'heure actuelle, en Amérique du Nord, révolution des taux d'intérêt pour les six prochains mois est un objet de curiosité considérable. A peu près personne n'avait prévu une chute pareille des taux d'intérêt parmi toutes les institutions financières. Moi j'ai prévu, pour les emprunts du secteur public pour l'année, un taux moyen de 12%, mais c'est aux fins de préparer nos crédits, parce que m'imaginer que je peux savoir où vont en être les taux d'intérêt au mois de décembre, encore une fois, si je savais cela, je pourrais faire une fortune en Amérique du Nord, à l'heure actuelle.

Mais regardons un peu ce qui s'est passé parmi les emprunteurs et les taux qu'ils ont payés. C'est ainsi, par exemple, que chez les emprunteurs dont je vais parler, le rendement sur leurs obligations est établi sur une base semi-annuelle. Sur une base semi-annuelle, les obligations d'épargne du Québec coteraient 13,5%. C'est 14% au nominal payés une fois par année, mais sur une base semi-annuelle, cela correspond à 13,5%. On se comprend bien, 13,5%. L'Hydro-Ontarioen mars et en mai le demier en date du 14 mai, a emprunté à cinq ans à 13,25% à 30 ans à 13,41 %, à 30 ans encore à 13,32%. Le gouvernement canadien, en mars, a emprunté à cinq ans plus cinq, un extensible, à trois ans et à 20 ans aux taux de 13,75%, 13,96% et 13,86%. La Nouvellle-Ecosse a emprunté, au début de mai, à 13,82% pour une échéance de cinq plus cinq. New Brunswick Poweraemprunté, le 15 mai, toujours avec une échéance de cinq ans plus cinq ans, à 13,89%. L'Hydro-Québec — et on parle de titres achetables par la Caisse de dépôt—a emprunté le 15 avril à 14% pour 5 ans plus 5 ans; le 6 mai, pour 6 ans plus 6 ans, à 14,06% et, encore une fois, les obligations d'épargne, sur une base semi-annuelle, rapportent 13,5% pour deux ans. Les écarts de trois ou quatre points pour cette période dont nous parlons, tels que vus par le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'ils existent — je ne sais pas s'ils existent — sont dans l'autre sens.

La croissance économique

M. Scowen: M. le Président, une autre question qui touche la croissance économique. Dans son budget, le ministre a prévu une croissance du PNB réelle de 1,5%. Est-ce qu'après l'expérience des trois premiers mois il tient encore à ce taux de croissance pour l'année, ou à quelque chose de supérieur ou d'inférieur?

M. Parizeau: Je prends encore le risque, M. le Président, que cela puisse être 1,5%. Je comprends que, depuis la rédaction du discours du budget, la récession aux Etats-Unis est plus forte qu'on pensait. D'un autre côté, je reconnais que les grandes entreprises au Québec ont profité probablement au maximum de la dévaluation, c'est-à-dire que l'effet qu'on pouvait attendre de la dévaluation du dollar sur ces grandes entreprises a été obtenu. Je pense aux entreprises de papier, d'aluminium, etc. Ce qu'elles pouvaient tirer de la dévaluation a été tiré et, donc, elles vont commencer à être frappées par cette récession américaine plus forte que prévu.

Il est loin d'être évident, cependant, que les entreprises de plus petite taille ont tiré tout ce qu'elles pouvaient tirer de la dévaluation. Il se passe un phénomène qui est difficile à apprécier. J'admets ici, comment dire, que sur le plan conjoncturel je me fie peut-être seulement au sens qu'on a dans les doigts et au nez qu'à autre chose, mais il reste que mon impression, c'est que beaucoup de petites et de moyennes entreprises au Québec n'ont pas tiré de la dévaluation tout ce qu'elles pouvaient encore en tirer. ll y en a qui ont commencé l'annéedemièreou il y a deux ans à exporter un peu aux Etats-Unis. Pour la première fois, elles se sont rendu compte que ça marchait. L'appétit est venu en mangeant. Après avoir vendu un peu à New York, tout à coup, on se dit: Tiens, si on allaita Baltimore. Des scieurs de bois, qui auraient normalement dû être frappés par la baisse de la construction domiciliaire depuis au moins un an et demi, ne l'ont pas été simplement parce qu'ils ont étendu leur aire de vente, grâce à la dévaluation du dollar, jusqu'au Texas. Alors, le marché américain se refermait, mais leurs ventes allaient de plus en plus loin.

L'impression que j'ai, c'est qu'au fond il reste encore, si vous me passez l'expression, du jusàtirer de lad évaluation dans un secteur assez important de l'économie québécoise et que, dans ces conditions, on va peut-être un peu mieux résister à la récession aux Etats-Unis qu'on le croit. Maintenant, j'admets ici que, comme pourrait le dire le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est un punch plus qu'autre chose. Pour avoir fait de la conjoncture pendant 25 ans, je sais très bien qu'une fois qu'on a aligné tous les chiffres, qu'on a fait toutes les études, le nez et le sens dans les doigts restent très importants, avec les possibilités, bien sûr, de se tromper.

D'abord, on n'a jamais mis suffisamment l'accent au Québec sur cette capacité d'exportation des petites et des moyennes entreprises et on n'a pas, à mon sens, suffisamment noté, depuis deux ans, à quel point elles s'étendent à l'étranger, encore une

fois, pour un bon nombre d'entre elles, pour la première fois dans leurexistence; elles commencent à se rendre compte qu'elles peuvent vendre. Je prends ici des exemples assez étonnants; je pense à la confection à Montréal, à la reprise des ventes de meubles à l'étranger qui était tombée très bas. Ils avaient l'habitude d'exporter; c'était tombé à presque rien quand le dollar était à $1.03, mais cela a repris.

Mais je pense aussi à toute une série de petites entreprises de produits fabriqués non traditionnels. Ces gens commencent à vendre à l'étranger sur une échelle croissante à cause de la dévaluation. Je ne me fais pas d'illusions. Si jamais le dollar canadien revenait à parité avec le dollar américain, tout ça pourrait disparaître; enfin, tout ça, une partie de ça pourrait disparaître. Mais, actuellement, beaucoup d'industriels commencent à se rendre compte de ce que ça veut dire un dollar à $0.85. Dans ce sens, je garde encore ma projection à 1,5%, reconnaissant que j'aurai peut-être à la réviser. Il est évident que, si la récession aux Etats-Unis devient de plus en plus sérieuse, il va falloir réviser cela. Cela, c'est clair. (11 h30)

M. Scowen: Vous gardez pour l'instant votre prévision à 2,5%?

M. Parizeau: A 1,5%, pas à 2,5%.

M. Scowen: Oui, 1,5%. C'est ce que vous avez dans le budget.

M. Parizeau: C'est cela.

M. Scowen: En dépit de toutes les prévisions de tous les autres analystes du Québec et du Canada que ce sera à peu près zéro.

M. Parizeau: L'an dernier, à peu près tous les analystes suggéraient 2%.

M. Scowen: Pas au mois de mai.

M. Parizeau: Oui. Et je me souviens suffisamment de la discussion. Sur le nez, et vraiment sur le nez, j'ai mis 3,5% dans le budget. Nous sommes sortis à 3,2%. Et cela était vraiment sur le nez; sur quoi? Sur deux choses, que le niveau des inventaires était probablement beaucoup trop bas et allait peut-être se corriger et, d'autre part, qu'il restait beaucoup d'impact de l'évaluation à tirer et, troisièmement, que l'effet des commandes de machines par les entreprises avait probablement plus d'importance qu'on ne le pensait.

Qu'est-ce que vous voulez? Je comprends que c'est ma responsabilité d'avoir à faire un choix comme celui-là. Il n'y a pas de raison que je sois plus infaillible que n'importe qui d'autre. Mais il reste néanmoins que j'ai une décision à prendre là-dessus, et que "for better or for worst " je la prends.

A l'heure actuelle, à 1,5%, je pense que c'est encore peut-être atteignable, selon ce qui va se passer dans les trois prochains mois aux Etats-Unis. Dans trois mois, on révisera. Pour le moment, je n'ai pas encore révisé.

M. Scowen: Si je comprends bien, un écart d'un point dans le PIB vaut à peu près $75 000 000 de pertes d'impôt. En effet, si les autres ont raison et que la croissance soit zéro, il faut prévoir un déficit additionnel d'à peu près $110 000 000 pour l'année en cours.

M. Parizeau: Oui, normalement, si on révisait à zéro, par exemple, ce serait quelque chose de cet ordre. Calculez $75 000 000 du point.

M. Scowen: La dette actuelle, à la fin de l'année 1979-1980, était de $9 250 000 000. Si je comprends bien, l'augmentation de la dette prévue pour l'année en cours est de 2,2%.

M. Parizeau: Non. M. Scowen: Non?

M. Parizeau: Non. La dette nette est de $1 770 000 000. Il y a des remboursements.

M. Scowen: C'est la question que je voulais poser. Les 2,2% que vous avez mentionnés dans le budget, ce n'est pas l'augmentation nette?

M. Parizeau: Ce sont les besoins financiers nets. Les besoins financiers nets, c'est $1 770 000 000. Vous avez cela à la page 41 du discours sur le budget. Il y a $450 000 000 qui sont des remboursements d'emprunt et, donc, du refinancement. Cela ne fait pas augmenter la dette en cours.

M. Scowen: Sur la base de vos prévisions sur le PIB, cela veut dire que la dette du secteur public, comparée avec le PIB, sera de quel ordre à la fin de cette année?

M. Parizeau: Je m'excuse, je n'ai pas compris la question, M. le Président.

M. Scowen: Je vais répéter. Si vous regardez la dette totale du gouvernement, la dette à long terme par rapport au produit intérieur brut, qui monte depuis 1975 de façon régulière et qui est maintenant pas loin de 15%, d'après moi, cela doit monter jusqu'à 16% ou 17% à la fin de cette année. Etes-vous plus ou moins d'accord avec ces chiffres?

M. Parizeau: Un instant que je retrouve... On va calculer cela. On peut peut-être passer à une autre question et on y reviendra dans dix minutes.

Le Président (M. Bordeleau): Oui. On peut passer à une autre question. Vous avez d'autres questions, M. le député?

M. Scowen: J'aimerais que le ministre nous donne, si nous ne l'avons pas déjà, une ventilation des sommes à emprunter cette année.

M. Parizeau: Excusez-moi, M. le Président, je peux donner la réponse tout de suite, c'est 17,46%.

M. Scowen: 17,46%?

M. Parizeau: C'est cela, ce sont des projections.

M. Scowen: C'est basé sur une croissance de 1,5%?

M. Parizeau: Oui. M. Scowen: 17,46%!

M. Parizeau: C'est basé sur cela et, d'autre part, sur une hypothèse d'inflation, etc.

M. Scowen: De 10%?

M. Parizeau: C'est cela. On met la combinaison des deux à 11%, donc 9,5%.

M. Scowen: C'est très intéressant. Merci.

M. Parizeau: II faut bien se comprendre, n'est-ce pas? Si le taux d'inflation est plus rapide... Il y a bien des choses qui peuvent faire changer l'augmentation du PIB en valeur. Cela peut être que la croissance réelle est moins forte que prévu; cela peut être que l'inflation est plus forte ou moins forte que prévu; cela peut être aussi que le taux de change fait varier le taux de croissance des prix, indépendamment des pressions inflationnistes de base. Il ne faut pas oublier qu'un changement de 1% dans le taux de change entraîne un changement d'à peu près un tiers de 1% dans l'indice du coût de la vie. Il y a tous ces éléments qui peuvent jouer.

On peut fort bien avoir raison sur les 11% au total de progression du PIB en valeur pour toutes les mauvaises raisons, c'est-à-dire que la croissance réelle est plus faible, le taux d'inflation est plus fort, mais, de toute façon, cela donne 11% au bout.

Le fardeau de la dette

M. Scowen: Quand vous êtes arrivé au pouvoir dans votre premier discours du budget, vous avez parlé longuement du fardeau de la dette du gouvernement du Québec. Cela se situait, à ce moment-là, à peu près à 12,5% en le comparant au produit intérieur brut. Dans le cours de quatre années, ce même fardeau, basé sur les mêmes principes, les mêmes critères, a augmenté de 17,5%. En effet, le fardeau de la dette des Québécois aura augmenté, si je fais moi-même le calcul très vite, de 40%. C'est fait avec les déficits accrus; c'est fait avec des besoins d'emprunts accrus et avec une croissance économique très faible. Je veux simplement souligner ce fait à M. le ministre, parce que je veux que vous compreniez les raisons qui nous incitent continuellement à dire, en Chambre et à l'extérieur de la Chambre, que la situation économique du Québec depuis 1976 est loin d'être saine et que nous sommes dans une situation sérieuse quant au déficit du gouvernement.

Je me demande si le ministre peut nous donner, sur la base des $2 200 000 000, les sources prévues pour cette année. Il a dit qu'il prévoit emprunter $1 000 000 000 de la caisse. On prévoit $100 000 000, si je me rappelle bien, de bons du trésor. Il y aurait une réalisation nette d'à peu près $600 000 000 des obligations du Québec. Comment peut-on arriver au total de $2 200 000 000?

M. Parizeau: M. le Président, on va prendre les deux facettes de cette intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce. D'abord, la question de l'endettement. J'ai soulevé à plusieurs reprises, en réponse à des questions qui sont posées à ce sujet, que l'important, quand on veut se rendre compte du poids de l'endettement public sur l'économie, c'est de regarder l'ensemble du secteur public québécois.

Il est déjà arrivé, dans d'autres provinces, que des gouvernements se claquent les bretelles en disant: Nous n'empruntons presque pas. Bien sûr, ils faisaient emprunter les commissions scolaires et les municipalités à leur place, quand ce n'était pas un office des autoroutes ou un bureau de financement des hôpitaux. Ce serait la chose la plus facile au monde pour moi de réduire brutalement les emprunts du secteur public en disant: Dorénavant, je vais donner aux commissions scolaires beaucoup moins d'argent, elles vont emprunter plus; aux municipalités, beaucoup moins d'argent, elles vont emprunter plus; de faire en sorte que l'Office des autoroutes, qui n'emprunte plus, emprunte de l'argent à nouveau à la place du ministère des Transports. C'est la chose la plus simple au monde à faire.

Donc, ce qu'il faut regarder, ce sont les emprunts du secteur public québécois ensemble. C'est la seule façon juste de comparer comment on se situe sur le plan du fardeau financier de l'emprunt par rapport à l'économie. Or, sur ce plan — j'utilise des années civiles, c'est-à-dire du 1er janvier au 31 décembre — en 1975, les emprunts du secteur public québécois représentaient 8,5% du produit intérieur brut; en 1976, 11,8%; en 1977, 7,7%; en 1978, 7,3%; en 1979, 6,9%. Qu'on ne vienne pas me dire que sur ce plan, la situation n'a pas été assainie. Le poids des emprunts du secteur public québécois par rapport au produit intérieur brut baisse depuis que nous avons pris en main les finances; il est nettement inférieur en 1977, 1978, 1979, à 1975 et 1976.

Dans ce sens — je reviens à ce que j'ai dit à plusieurs reprises — nous avons réussi à faire en sorte que les emprunts représentent annuellement, par rapport au produit intérieur brut, quelque chose de plus raisonnable que la situation dont nous avions hérité. Encore une fois, dans ce jeu de vases communicants, qu'on ne vienne pas sortir un morceau; ce morceau, on pourrait fort bien le réduire simplement en passant les emprunts à une autre instance. Si, par exemple, le gouvernement avait décidé de financer lui-même, avec son propre crédit, les Jeux olympiques, plutôt que de créer la RIO, cela aurait donné, pour l'année 1976, quelque chose de stupéfiant à la fois comme déficit du gouvernement de Québec et

comme emprunt. Evidemment, on a été pudique, on a organisé une RIO. On a dit à la RIO: Avec la garantie du gouvernement, allez donc emprunter, cela se verra moins. Cela ne se verra pas moins. C'est le secteur public québécois au complet dans ses emprunts qu'il faut regarder. Autrement, c'est trop facile seulement de déplacer de l'argent d'un compte à l'autre.

M. Scowen: M. le ministre, vous avez dit que c'est la seule façon de le comparer. Par contre, à la page 11 de l'annexe II de votre discours sur le budget, vous avez fait précisément la comparaison que je viens de faire. Vous ne pouvez pas me dire que ce n'est pas une façon valable d'analyser et de comparer les performances du gouvernement, quand vous avez vous-même très bien développé et inséré dans votre discours sur le budget ce même tableau. Cela ne tient pas debout. Ce n'est pas la seule façon. La façon que j'ai décrite, c'est une façon très légitime; la vôtre en est une autre. Les deux ont certaines faiblesses, on peut les énumérer, mais c'est une exagération grossière de dire que celle-ci n'est pas justifiable parce que vous l'avez fait vous-même, à la page 11, annexe II.

M. Parizeau: Les annexes du discours sur le budget fournissent toute une série de chiffres. Les annexes du discours sur le budget n'ont pas à interpréter ces chiffres; elles n'ont qu'à les présenter. (11 h 45)

II serait tout à fait aberrant que, par exemple, l'endettement du gouvernement de Québec, en tant que tel, par opposition aux autres morceaux du secteur public, n'apparaisse pas dans les annexes. A ce moment-là, on me dirait que je trompe le public, parce que je ne présente pas toutes les facettes de la question. Bon!

M. Scowen: Mais c'est une façon...

M. Parizeau: Mais il reste, néanmoins, que quand je dis: La seule façon valable de considérer le poids des emprunts publics sur l'économie, c'est de prendre l'ensemble du secteur public québécois, je répète qu'en raison du jeu des vases communicants, les vases étant communicants, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas photographier chaque vase. Cela veut simplement dire qu'il faut se rendre compte qu'ils sont en communication les uns avec les autres. Il est évident que, dans les annexes, je vais photographier les vases. Je ne peux pas éviter de dire, d'autre part, qu'ils communiquent et que, quand on veut interpréter le poids des emprunts sur le produit intérieur brut, il faut prendre tout le secteur public, justement parce que les vases communiquent.

Ce sont des décisions qu'on prend littéralement tous les jours, de décider si, dans le cas de telle municipalité, on va payer une subvention, auquel cas c'est budgétaire, d'assumer une partie du service de la dette sur des emprunts de dix ans de la municipalité, auquel cas elle va emprunter plus. On fait ça tous les jours. Les vases sont tous les jours communicants et, dans ces conditions, quand je dis: Veut-on avoir une idée du poids de la dette sur l'économie du Québec produite par le secteur public, alors, prenons le secteur public dans son ensemble, le secteur public dans son ensemble, ça donne les chiffres dont j'ai parlé tout à l'heure.

M. Scowen: II y a des vases communicants. Il y a ceux qui ne sont pas communicants. Par exemple, la dette d'Hydro-Québec, c'est pour la construction des barrages. Si vous décidez un jour de construire une usine de minerai de fer à Port-Cartier, pour moi, ce n'est pas un vase communicant, c'est une autre affaire complètement. C'est bien sûr, les municipalités, les commissions scolaires, il y a quelque chose là. Mais, de dire qu'il faut prendre la seule façon de comparer l'endettement du gouvernement en comparant d'année en année l'endettement total du secteur public, en ne tenant pas compte du fait que souvent ce sont des sociétés d'Etat qui sont en concurrence avec le secteur privé, qui font des investissements productifs, qui vont apporter des revenus à ces sociétés, c'est une exagération de dire que c'est un vase communicant dans le même sens qu'une municipalité. Les deux façons sont valables, et la vôtre est une façon un peu plus facile de cacher le fait que les déficits ajoutés de ce gouvernement ont pour effet d'augmenter la dette publique d'une façon importante.

M. Parizeau: M. le Président, quand on dit qu'il n'y a pas de vases communicants, par exemple, à Hydro-Québec, comment il n'y a pas de vases communicants? La façon la plus simple de réduire les emprunts d'Hydro-Québec, c'est simplement de décréter des hausses de tarifs. Les hausses de tarifs sont décrétées par le gouvernement, non pas par Hydro-Québec. Le gouvernement peut fort bien, pour réduire le fardeau de l'endettement public dans l'économie du Québec, augmenter considérablement les tarifs et, du coup, les besoins d'emprunts d'Hydro tombent et le poids de la dette publique, du secteur public dans l'économie tombe aussi. La plupart des gens ne se rendent pas compte de ça, mais que voulez-vous, il y a deux façons et essentiellement deux façons pour Hydro-Québec de financer ses barrages, c'est ou bien d'emprunter ou bien de financer ça avec ses profits. Et ses profits sont déterminés par quoi? Ils sont déterminés par les hausses de tarifs que le gouvernement décrète.

Dans ce sens-là, il faut bien comprendre que le poids de l'endettement du secteur public, si on veut voir ça par rapport à l'économie, il faut prendre le secteur public dans son ensemble. Il est évident que ça ne veut pas dire que les déficits du gouvernement n'ont pas de signification. Evidemment, ils ont une signification. Cela veut dire, encore une fois, que si on veut examiner ça par rapport à l'ensemble de l'économie comme poids de la dette, c'est le secteur public qu'il faut prendre.

II y avait une deuxième question qu'avait posée le...

M. Scowen: Oui, une ventilation totale des emprunts.

M. Parizeau: Ce que nous avions envisagé comme programme d'emprunts pour cette année? Vous voyez, de la même façon que la Caisse de dépôt fait une répartition de fonds une fois par année pour avoir une idée où elle va, chacun des organismes emprunteurs fait la même chose. C'est corrigé ou c'est modifié en cours d'année, mais on fait toujours la même chose au début et je dois dire, M. le Président, que là, je ne me suis pas absenté au milieu de l'après-midi quand on a préparé ce genre de chose, si bien que je n'ai pas de lettre à écrire par la suite, n'est-ce pas, pour dire que je suis parti trop tôt. C'est très important pour moi ce programme. Je reste là jusqu'au bout.

Lorsque, au 31 mai, nous avons fait l'exercice, nous avions $275 000 000 de réalisés sur un programme d'emprunt total de $2 220 000 000. Et, alors, des $1 945 000 000 restants, on envisageait d'aller à la Caisse de dépôt pour environ $900 000 000. On envisageait, d'autre part, d'aller sur le marché public canadien ou privé canadien pour environ $400 000 000 et, d'autre part, d'aller sur le marché de l'eurodollar américain pour peut-être quelque chose comme $175 000 000, le reste se partageant entre bons du trésor et obligations d'épargne. D'autre part, nous gardions en réserve les crédits rotatifs que nous avons négociés depuis quelques années et auxquels on n'envisageait pas de toucher.

Je dois revoir, maintenant, ce programme à la lumière de deux choses. D'une part, que les obligations d'épargne ont rapporté beaucoup plus qu'on ne le pensait et, d'autre part, je dois examiner la possibilité d'avoir recours à certains des crédits rotatifs en eurodollars basés sur le LIBOR parce que le prix du LIBOR a tellement baissé depuis quelques mois que cela commence à devenir intéressant. Dans ces conditions, il est tout à fait possible qu'on ait moins recours ou peu recours au marché de l'eurodollars à taux fixe, mais qu'on aille chercher une partie de ces crédits rotatifs basés sur le LIBOR. C'est une chose qui est plus que probable. Le LIBOR à l'heure actuelle est à 9,5% — enfin, hier — c'est un taux qu'on n'avait pas vu depuis longtemps quand on pense que le LIBOR était presque à 20% il y a un mois et demi. Cela m'amène à modifier mes perspectives passablement. Il sera entendu que la prochaine fois que j'examinerai cela avec les fonctionnaires, je ne partirai pas non plus au milieu de l'après-midi.

M. Scowen: Si je comprends bien, les $265 000 000 que vous avez déjà...

M. Parizeau: Que j'avais en date du 31 mai.

M. Scowen: Oui. Cela venait d'où? Il y a $100 000 000 présumément de la caisse?

M. Parizeau: Caisse de dépôt et bons du trésor.

M. Scowen: $100 000 000 de la caisse et $160 000 000?

M. Parizeau: $200 000 000 de la caisse et $75 000 000 de bons du trésor.

M. Scowen: $200 000 000 de la caisse? M. Parizeau: Oui.

M. Scowen: Ah bon! Et vous prévoyez encore $900 000 000?

M. Parizeau: Oui, pour les $1100 000 000 dont on parlait hier, c'est-à-dire $1 000 000 000 en obligations et une réserve de $100 000 000 en bons du trésor, le cas échéant. On en a parlé longuement hier.

M. Scowen: On en a parlé longtemps hier. Hier, c'était $1 000 000 000 de la caisse.

M. Parizeau: Plus une réserve de $100 000 000 de la caise pour les bons du trésor éventuellement.

M. Scowen: II reste, en effet, à peu près $450 000 000 qui seront fournis par les obligations d'épargne ou...

M. Parizeau: Les obligations, encore une fois, ce portrait-là change considérablement puisqu'au lieu...

M. Scowen: Le net des obligations d'épargne, si je comprends bien, c'est à peu près $600 000 000.

M. Parizeau: C'est cela, $600 000 000. M. Scowen: C'est cela.

M. Parizeau: Alors, cela change complètement le portrait.

M. Scowen: En effet, vous n'avez même pas besoin de cela. Les fonds que vous avez l'intention d'aller chercher sur le plan canadien ou européen, si je comprends, ce sont toutes des obligations d'Hydro-Québec.

M. Parizeau: Non, je ne parle que du gouvernement du Québec.

M. Scowen: Oui, c'est le gouvernement. D'accord, excusez-moi.

M. Parizeau: Je ne parlais pas d'Hydro-Qué-bec du tout. Il y a un programme d'emprunt d'Hydro-Québec que celle-ci prépare en collaboration avec le ministère des Finances une fois par année que, là encore, on ajuste au fur et à mesure que les marchés changent.

M. Scowen: Pour résumer, nous avons déjà en caisse $265 000 000 et nous avons l'intention d'aller chercher $900 000 000 de la caisse.

M. Parizeau: Pas nécessairement.

M. Scowen: Nous avons déjà en main plus de $600 000 000 net qui viennent des obligations et nous avons l'intention d'aller chercher à peu près $600 000 000 soit au Canada, soit en Europe. Est-ce que c'est à peu près...

M. Parizeau: Non, attention, nous travaillons au brut. Le programme d'emprunts est de $2 200 000 000, y compris les renouvellements. Alors, introduisez les obligations d'épargne, non pas au net, introduisez-les au brut dans ce cas-là. Alors, c'est $750 000 000.

M. Scowen: En effet, on monte à $750 000 000.

M. Parizeau: Ce que cela veut dire, c'est que je n'ai pas besoin de beaucoup d'argent d'ici à la fin de l'année.

M. Scowen: C'est ce que je voulais savoir. C'est un peu difficile.

M. Parizeau: Ecoutez, si j'ai $275 000 000 le 31 mai et que j'ajoute $750 000 000 aux obligations d'épargne et que j'ajoute encore $100 000 000, $150 000 000 pour les bons du trésor, avec ce que j'avais annoncé que je tirais de la Caisse de dépôt, je n'ai besoin de rien. Alors, qu'est-ce qui va se produire? Il va peut-être se produire que j'irai moins chercher à la Caisse de dépôt que j'avais prévu.

M. Scowen: Et les $750 000 000 que vous avez, la manne qui est passée, le coût au contribuable sera à peu près de 2% plus élevé. Comment est-ce possible de calculer la pénalité que nous sommes obligés de payer à cause de cette demande imprévisible?

M. Parizeau: Ce n'est pas une pénalité dans la mesure où, encore une fois, c'est réservé aux individus québécois. Ce serait quand même un peu abusif de parler de pénalité.

M. Scowen: Oui, c'est une pénalité pour les contribuables.

M. Parizeau: II est évident que, si le taux avait été établi le premier juin, si le 31 mai on avait fixé le taux pour le 1er juin, vraisemblablement, on aurait pu payer 1 1/2% de moins.

M. Scowen: 1 1/2%, en effet.

M. Parizeau: Moins, si vous voulez, l'effet sur le contribuable, moins cependant la partie du 1 1/2% qui revient en impôt, parce que cela aussi il faut en tenir compte. Si vous êtes persuadé que ce sont des capitalistes qui ont acheté cela, ils doivent payer beaucoup d'impôt. Moi, j'en suis moins persuadé.

M. Scowen: Les capitalistes, les personnes qui ont du capital.

M. Parizeau: Oui, à ce moment-là, toute personne qui a des obligations d'épargne du Canada qu'elle a achetées sur plusieurs années devient capitaliste.

M. Scowen: N'importe qui. Ce n'est pas tout le monde qui a des fonds à sa disposition. Vous le savez autant que moi, M. le ministre.

M. Parizeau: J'admets aussi qu'il y a beaucoup d'obligations d'épargne du Canada en circulation. Autrement, le fédéral ne financerait pas sa dette à raison de 30% ave ce genre de véhicule.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le député?

M. Scowen: Cela va.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Brièvement, au niveau du programme 2, élément 2 surtout, gestion de la dette publique, essentiellement, les intérêts à verser sur les emprunts de l'Etat en 1977-1978 représentaient $600 000 000; en 1979-1980, cela a monté à tout près de $900 000 000 et en 1980-1981 cela va augmenter encore de tout près de 25%, soit $1 118 000 000. Cela veut dire que cela va avoir doublé à peu près en trois ans, seulement à ce chapitre. Le service de la dette représentait 5% du budget total en 1977-1978; en 1980-1981, cela va être 6,5% ou 7%, du budget total, alors que les investissements vont être relativement comprimés de peut-être 3% à 4%. (12 heures)

Je dis que le déficit budgétaire a ainsi permis au gouvernement de pratiquer une politique illusoire, en ce sens que le coût réel de ces politiques n'aura pas été dévoilé. L'augmentation de la dette publique grève l'avenir d'un fardeau fiscal de plus en plus lourd dont le public est encore inconscient. C'est ce qu'on tentait de démontrer lors de la réplique au discours du budget et c'est pour ça que je dis que c'est un fardeau non apparent des déficits budgétaires. J'aimerais savoir ce que le ministre a à nous dire là-dessus, parce que, lors de la réplique au discours du budget, je pense que cela a été assez silencieux.

M. Parizeau: Essentiellement ceci, M. le Président. Il y a deux raisons pour lesquelles le service de la dette s'accroît: d'une part, le fait que le montant absolu des déficits est affecté par l'inflation et, deuxièmement, parce que les taux d'intérêt, au cours de la période mentionnée par le député, ont considérablement augmenté. La projection de 1980-1981 est faite sur la base d'intérêts

à payer de 12%. Je vous rappelle qu'il y a un an à peine, tout le monde se disait: Le jour où on traversera la ligne de 12%, il se produira quelque chose de révolutionnaire en Amérique du Nord. C'est évident que les taux d'intérêt, sur la période envisagée, se sont considérablement accrus. Je vais voir, d'ailleurs, si quelqu'un pourrait nous sortir une idée de l'évolution des taux d'intérêt sur des obligations au cours des quatre dernières années. On va voir que c'est assez spectaculaire. J'y reviendrai tout à l'heure quand on m'aura sorti les chiffres en question.

Quant à savoir si c'est illusoire, bien non, ce n'est pas illusoire. On me montre ça, pensez que les taux d'intérêt en 1977, par exemple, du gouvernement canadien, étaient d'à peu près 8 3/4%; deux ans plus tard, ils traversaient à 11%. A court terme, en 1977, les taux de court terme, pour les bons du Trésor fédéral, étaient à peine supérieurs à 7%; à la fin de 1979, ils étaient montés à plus de 13%. Forcément, cela a un impact sur l'ensemble de la structure des taux.

On dit illusoire, non, il n'y a rien d'illusoire à ça. On peut imaginer qu'un gouvernement veuille équilibrer son budget et se donne ça comme objectif. Equilibrer le budget, au Québec, à l'heure actuelle, ça voudrait dire essentiellement ceci, ou cela aurait voulu dire ceci, au cours de trois dernières années: d'une part, des coupures féroces au niveau soit des immobilisations, soit de certains programmes sociaux importants. Et cela aurait voulu dire, d'autre part, non pas des réductions d'impôt comme nous l'avons fait, mais des hausses d'impôt.

Examinons ça d'un peu plus près. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, on s'est rendu compte qu'au cours des trois années qui avaient précédé la majeure partie, plus de la moitié, presque les deux tiers de l'augmentation du revenu réel des Québécois ont été mangés par les taxes provinciales et locales, au cours des trois années précédentes et, d'autre part, que le contribuable québécois était le plus taxé de tous les contribuables canadiens.

Augmenter les impôts, dans ces circonstances, pour équilibrer le budget, c'était faire en sorte que, littéralement, la totalité de l'accroissement du revenu réel des Québécois serait allée en impôt et que, d'autre part, l'écart moyen de leur taxation, par rapport aux autres provinces canadiennes, se serait accru davantage, ce qui est, évidemment, très récessionniste.

On ne peut pas imaginer mieux pour faire en sorte qu'une économie qui a déjà un taux de chômage assez élevé en ait un plus grand encore. Des coupures sauvages dans les programmes d'immobilisations auraient eu exactement le même effet: augmenter le chômage. Troisièmement, couper des programmes sociaux importants, alors même qu'on augmente les impôts, aurait été encore plus dépressif et, franchement, très récessif sur le plan de la structure à la fois des dépenses et des revenus.

Le gouvernement a décidé qu'il n'en était pas question. On n'allait pas augmenter le chômage et augmenter le fardeau fiscal des petits — parce que, quand on augmente les impôts et qu'on supprime des programmes sociaux, c'est cela que cela veut dire, cela augmente le fardeau fiscal des petits — donc, on n'allait pas, d'une part, accroître le chômage et, d'autre part, rendre les plus pauvres encore plus pauvres aux fins d'équilibrer le budget.

Il n'a jamais été question chez nous — cela existe chez d'autres gouvernements — de chercher à équilibrer le budget. Ce que nous cherchons depuis le début — non un an après le début, parce que, la première année, on a remis les choses en ordre — ce que nous cherchons depuis trois ans, c'est à baisser les impôts graduellement, à maintenir un niveau élevé et, si possible, croissant de travaux publics par le truchement en particulier des mesures que j'ai annoncées dans le budget — je pense ici à des choses comme le programme d'épuration des eaux qui va prendre une expansion assez considérable — et, d'autre part, à maintenir ces programmes sociaux en les améliorant quand c'est possible, mais pas par des mesures très coûteuses. En effet, une mesure sociale comme celle que nous avons prise sur le plan du supplément de revenu au travail n'est pas quelque chose de très coûteux, mais cela a servi à combler un besoin spécifique, à aider ceux qui travaillent plutôt que faire ce qu'on avait fait jusqu'à maintenant, uniquement aider ceux qui ne travaillaient pas. L'allocation de logement pour les personnes âgées, qui est annoncée pour l'automne, c'est un programme qui ne va pas, non plus, être très coûteux, mais qui va combler un besoin réel dans la population.

Nous avons cherché à maintenir les programmes existants et à les améliorer par des moyens qui ne sont pas coûteux et qui correspondent à ce que nous pensons être des besoins réels.

Illusoire? Non. Il n'y a rien d'illusoire là-dedans. C'est une politique très arrêtée, d'une part, de contribuer autant que faire se peut à l'expansion de l'économie, deuxièmement, de baisser les impôts tant qu'on peut et, d'autre part, d'améliorer les programmes sociaux. Il n'y a rien là qui est illusoire. C'est une politique qui est trop claire de la part du gouvernement pour qu'on puisse dire que, dans le fait de poursuivre un programme d'emprunt qui nous paraît raisonnable, on mettrait un écran de fumée quelque part.

M. Goulet: M. le Président, le ministre dit que, pour équilibrer le budget, il aurait pu y avoir certaines mesures comme la coupure féroce dans les immobilisations; c'est le terme qu'il a employé. Il y en a eu une coupure. En 1977-1978, le service de la dette était de 5% et les immobilisations étaient à peu près à 5%. Aujourd'hui, le service de la dette, en 1980-1981, va être à 6,5% et les immobilisations vont être de 3% à 4% au maximum. Il y a une coupure dans les immobilisations.

M. Parizeau: Je m'excuse, M. le Président. J'ai ici les chiffres. C'est effectivement 5% pour 1977-1978 et 6% pour 1980-1981: $1035 000 000 sur $17 150 000 000.

M. Goulet: Et l'autre résultat aurait été l'augmentation du taux de chômage parce que vous avez coupé les dépenses en capital. Si on prend les quatre ou cinq dernières années, la moyenne du taux de chômage des autres gouvernements était de 7% ou 8% au Québec. Depuis trois ans, on a coupé les dépenses en capital; de 5%, on s'en vient vers 3% ou 4% au maximum. Cela augmente notre taux de chômage.

M. Parizeau: Je ne comprends pas.

M. Goulet: Les dépenses en immobilisation étaient d'environ 5% en 1977-1978.

M. Parizeau: Non, attention! Je ne comprends pas. Est-ce que je peux interrompre le député parce qu'il y a juste une question de fait ici?

Il ne faut pas prendre les dépenses en capital des ministères comme seul indice des immobilisations qu'on fait. Il est évident qu'il y a des subventions pour faire des immobilisations dont il faut tenir compte. D'autre part, il y a le service de la dette pour les emprunts d'organismes autres que le gouvernement — les fameux vases communicants dont je parlais tout à l'heure — ce qui fait que, par exemple, pour ne prendre qu'un cas bien connu maintenant, nous payons maintenant 100% de tout le service de la dette pour les immobilisations du transport en commun à Montréal.

Vous ne voyez pas "lignes de métro" dans nos immobilisations, mais le service de la dette pour les lignes de métro apparaît ici. Si vous prenez "immobilisations" seulement dans le budget, vous n'avez pas une idée complète de ce que le gouvernement provoque comme immobilisations dans le secteur public.

M. Goulet: C'est néanmoins un facteur important. Ce n'est pas le seul, mais c'est un facteur...

M. Parizeau: C'est un morceau. M. Goulet: Un gros morceau!

M. Parizeau: Ah! de moins en moins gros, c'est-à-dire qu'au fur et à mesure qu'on fait des immobilisations importantes dans le transport en commun et dans l'épuration des eaux, vous n'avez à peu près rien d'autre qui transparaît ici que le service de la dette et cela représente des morceaux qui sont considérables. Pensez simplement à ceci: un gros programme d'immobilisations dans les écoles. On ne peut même pas parler des écoles, parce que, là encore, c'est le service de la dette qui apparaît ici. Un bon programme d'immobilisations du côté de la voirie, c'est $450 000 000 ou 500 000 000. La seule usine d'épuration des eaux de Montréal dont nous allons payer 90% du service de la dette, c'est $300 000 000, plus les pompes, $370 000 000. Encore une fois, quand on parle de l'effet sur les immobilisations, il faut faire très attention. Tout ce qui est épuration des eaux et transport en commun monte très vite et apparaît à peine là-dedans. Cela apparaît simplement sous la forme du service de la dette.

Je m'excuse, je comprends ce que veut dire le député de Bellechasse, mais je tiens sincèrement à rectifier le portrait. Il faut faire très attention. Il faut prendre tout cela pour se rendre compte des immobilisations que le gouvernement fait.

Réduction des dépenses en immobilisations et augmentation du chômage

M. Goulet: Mais, sur le taux de chômage, parce que c'est le ministre qui a touché à ce point-là tout à l'heure, le ministre admettra-t-il que le taux moyen de chômage des quatre dernières années a été plus élevé que celui des quatre années antérieures? Le ministre admet cela, selon les statistiques, peut-être pas seulement...

M. Parizeau: C'est partout en Amérique du Nord, bien sûr.

M. Goulet: Non, mais quand même! Est-ce que...

M. Parizeau: Non pas quand même.

M. Goulet: Je l'ai dit, ce n'est pas seulement au Québec, mais on discute du Québec actuellement. On n'est pas obligé d'être toujours comme les autres.

M. Parizeau: C'est cela.

M. Goulet: Vous le dites souvent, on est supposé être à part. On devrait être à part non seulement quand cela fait l'affaire. On se compare. Le taux de chômage moyen a augmenté. Je dis qu'une des raisons de cela, c'est que, justement, les dépenses en immobilisations qui étaient d'environ 5%, ont baissé à 3% ou vont baisser en moyenne à 3%, à 4%. Je dis que c'est un des facteurs importants qui ont fait augmenter le taux de chômage.

M. Parizeau: Ouf!

M. Goulet: Ouf! Je ne dis pas que c'est le seul, mais c'est un des facteurs importants.

M. Parizeau: M. le Président, si on veut rentrer dans des considérations un peu politiques, parce que c'est cela qu'on commence à faire depuis quelques minutes...

M. Goulet: Non, M. le Président, je m'excuse, je n'admets pas cela. Le ministre sait ma façon de travailler. Je n'ai jamais tenté de faire de la politique, ici à cette commission. J'ai commencé en disant que le service de la dette, en 1977-1978, était de 5%. Le ministre dit: C'est vrai. Il m'a corrigé lorsque j'ai dit qu'en 1980-1981 il sera peut-être de 6,5%. Il a dit qu'il sera de 6%. J'accepte cela. Au moment où le service de la dette était à 5%, les dépenses en immobilisations étaient environ la même chose. En 1980-1981, le service de la dette va augmenter à 6%; les dépenses en investissements vont diminuer de 3% à 4% au maximum.

Je dis qu'il y a un effet majeur de cela. D'abord, cela sera un fardeau non apparent des déficits budgétaires et, deuxièmement, justement, cette augmentation du taux de chômage — je ne parlerai pas pour la Colombie-Britannique; on va parler pour le Québec — c'est une des raisons importantes. Si le ministre n'aime pas le mot "majeures", je vais dire: "une des raisons importantes". J'ai dit tout simplement cela. Ce n'est pas faire de la politique; c'est tout simplement la constatation des chiffres qui sont devant nous. Les chiffres ne mentent pas.

M. Parizeau: Si les chiffres ne mentent pas, on ne fera pas d'autres comparaisons; on va seulement regarder les chiffres au Québec, dans un cadre tout à fait québécois où on ne sort pas du Québec du tout. On est très conscient, comme gouvernement, que le chômage a augmenté depuis quelques années et on a essayé de prendre un certain nombre de mesures. Une des mesures qu'on pouvait prendre, c'était d'accélérer les investissements publics. On a réussi, dans les investissements publics, dans les immobilisations publiques dont le député parle, en un an, à accélérer cela de 30%. On avait des projets. On s'est dit: On va les faire plus vite, justement parce qu'il y a davantage de chômeurs. L'année où on a accéléré nos investissements de 30%, le fédéral a réduit les siens de 17%. Ce sont les chiffres applicables au Québec seulement. Ce n'est pas facile de fonctionner avec ce système. (12 h 15)

Deuxième exemple plus récent, que veut le député: il y a un chômage terrible aux Iles-de-la-Madeleine. On a décidé de financer la mine de sel sur la base des ententes qu'on a habituellement avec le fédéral. Les mines de sel, ce sont des emplois aux Iles-de-la-Madeleine, où il y a beaucoup de chômage, mais c'est aussi la possibilité d'établir une usine de carbonate en Gaspésie à Port-Daniel et, possiblement, une cimenterie à côté de l'usine de carbonate dans une région où il y a beaucoup de chômage aussi. Ce qu'on demande au gouvernement fédéral, c'est: Voudriez-vous, comme vous le faites dans tellement d'autres projets, participer avec nous à cet exercice? C'est important pour les Iles et c'est important pour la Gaspésie. Il y a une possibilité de création d'emplois et d'emplois industriels bien payés dans ce que nous vous offrons. Le gouvernement fédéral dit: Oui, mais il y a des mines de sel à l'extérieur du Québec — je m'excuse de sortir du Québec pour un instant, mais ce n'est pas moi qui utilise l'argument, c'est le fédéral — et les autres provinces n'aimeront pas cela. Donc, nous vous refusons notre contribution à cela.

Ceci veut donc dire que les $10 000 000 que le fédéral refuse de payer aux Iles-de-la-Madeleine, je ne les ai pas pour autre chose. Cela peut vouloir dire, à moins qu'on accepte d'augmenter le déficit, que, pour le prochain projet, qui me coûterait $10 000 000, je dirai: Je n'ai pas les $10 000 000, j'ai été obligé de les investir à la place du gouvernement fédéral dans les Iles. De toute façon, le projet des Iles passera, mais il va coûter au trésor public québécois $10 000 000 de plus que prévu. Ce n'est pas facile de fonctionner à ces deux niveaux.

M. Goulet: Si le ministre me permet de l'interrompre, le ministre de l'Expansion économique — je ne suis pas ici pour le défendre, mais j'ai pris connaissance des propos qu'il a tenus — vous a répondu là-dessus — vous n'avez donné qu'une raison tantôt, mais il y avait deux raisons — sur cette façon d'annoncer des projets au Québec sans avoir consulté et sans avoir fait d'études. Une fois qu'ils sont annoncés, vous essayez d'en retirer des bénéfices et, quand les projets ne fonctionnent pas, vous mettez cela sur le dos du fédéral. M. de Bané vous a répondu et je vous invite à lire l'article dans l'Argus d'hier. M. de Bané est capable de se défendre tout seul, je n'ai pas à le défendre ici, mais ce que vous dites là, M. de Bané s'est défendu, il a rétorqué à votre collègue, M. le député de Matane, le ministre des Richesses naturelles. Vous le savez, je ne suis pas ici pour défendre qui que ce soit du fédéral. Vous avez vu mon attitude aux dernières élections fédérales. Je pense que le ministre la connaît. Là-dessus, dans ce que le ministre fédéral a dit hier, il avait raison et personne ne lui a rétorqué parce que vous n'êtes pas capables de réfuter ces arguments.

M. Parizeau: Ce n'est peut-être pas cela. Vous me donnez une occasion de lui rétorquer aujourd'hui. C'est sorti hier. Vous admettrez qu'on va vite, mais pas à ce point, d'autant plus qu'on a été en commission parlementaire sept heures de suite. Je n'ai pas l'habitude de sortir des commissions parlementaires pour tenir des conférences de presse. Profitons de l'occasion. Qu'est-ce qu'il dit, le ministre en question? Il dit: Je ne vais pas financer cela, parce qu'à toutes fins pratiques, c'est un marché captif. Ce sel va servir uniquement aux routes. Le gouvernement de Québec va cesser d'ouvrir des soumissions pour les autres mines. Il est hors de question que le gouvernement fédéral finance ainsi une opération de marché captif déterminée par un gouvernement. C'est bien cela qu'il a dit?

M. Goulet: C'est une raison, oui. C'en est une, mais continuez.

M. Parizeau: Quelle est l'autre?

M. Goulet: II a dit qu'il avait délégué des fonctionnaires qui avaient rencontré une vingtaine d'organismes représentatifs des Iles-de-la-Madeleine et qu'il avait un projet de développement, qu'il investirait $16 000 000, mais ailleurs que dans le projet du sel, parce que vous autres, vous voulez vous faire du capital politique avec ce projet.

M. Parizeau: Je parlais du sel. Sur le sel, c'est ce qu'il a dit.

M. Scowen: II a dit autre chose. Il a dit premièrement que, sur la base de l'investissement, cela pourrait peut-être n'être jamais rentable et que, deuxièmement, l'industrie du sel au Canada fonctionne à 67% de sa capacité et qu'il n'était pas prêt non plus à subventionner avec les impôts des Québécois le développement d'une industrie du textile ou de vêtement à Toronto ou à Calgary pour voler de la main-d'oeuvre, du travail, de l'emploi des Québécois des Cantons de l'Est ou de Montréal. Je comprends très bien le sens de son argument. Je pense que vous le comprenez aussi, parce qu'à l'intérieur du Québec, si vous commencez à créer de l'emploi dans une région pour voler de l'emploi d'une autre région, vous ferez face au même problème.

M. Goulet: Voyons donc!

M. Parizeau: Oui, alors, écoutez...

M. Oesbiens: ... en Ontario.

M. Parizeau: Après, comme dit le député de Frontenac, ce qui est arrivé avec le F-18, laissez-moi rire!

M. Scowen: On ne le sait pas encore.

M. Parizeau: On ne sait pas encore, sauf qu'il y a eu une nuit particulièrement fructueuse, à un moment donné, où des retombées pour le Québec sont apparues, de façon nocturne, admirables, tellement admirables que le vice-président de la compagnie McDonnell Douglas disait, le lendemain matin, que ce n'était pas "strictly for the birds" ces chiffres ou quelque chose de cet ordre. Là, ça ne portait pas sur $10 000 000. Mais, enfin, revenons à l'argument soulevé par le ministre fédéral à l'égard du sel — je ne parle pas du reste; le reste, on verra — quand il promet de réparer les quais dans son programme de développement. Moi, j'ai toujours pensé que les quais, c'était fédéral. Je trouve ça extraordinaire qu'un gouvernement annonce un programme qui consiste à tenir ses quais en ordre. Cela, je trouve ça inouï. Il dit qu'il va réparer l'aéroport. J'ai toujours pensé, moi, que les réparations d'aéroport, ça dépendait d'eux. On ne fait pas un programme de développement pour dire: On va réparer les aéroports. Non? Enfin, quoi qu'il en soit, il n'en reste pas moins que, sur le sel, son argumentation, c'était ça. C'était: On ne va pas financer un marché fermé contrôlé par le gouvernement de Québec. D'autre part, on ne veut pas faire de tort aux autres mines de sel ailleurs au Canada.

Je viens de soulever spécifiquement cette question de l'usine de carbonate. Il y a des tas d'aspects à la question de la mine de sel. L'un, c'est de mettre du sel sur les routes. Bon! Parfait! Pour assurer la rentabilité, ça permet d'avoir une rentabilité de départ. Mais, par exemple, l'implantation d'industries à Port-Daniel dépend essentiellement du fait que le sel est disponible et ça, ça n'a rien à voir avec les marchés fermés. Cela n'a rien à voir avec une question de soumissions. Cela n'a rien à voir avec des commandes réservées par le ministère des Transports pour l'épandage du sel. C'est un problème essentiellement de développement industriel en Gaspésie. Là-dessus, je n'ai pas vu un mot. Je ne sais pas s'il en a parlé, je n'ai pas vu un mot.

J'ai entendu parler de: On a envoyé des experts regarder ça. Ils nous ont donné seulement quelques jours. Là encore, laissez-moi rire! L'étude de rentabilité sur la mine de sel, quant à moi, je l'ai vu il y a huit mois. Elle est faite depuis fort longtemps. Si le ministre fédéral décide d'envoyer des gens à la dernière minute regarder ça, c'est son problème, non pas le mien. Les études à SOQUEM sont prêtes depuis fort longtemps.

M. Goulet: Ce n'est pas là-dessus...

M. Parizeau: Ce qu'on a mis en cause et ce que le fédéral met en cause, c'est le développement industriel dans une des régions du Québec où le taux de chômage est le plus élevé. Je reviens donc à mon propos à cet égard. Oui, bien sûr, par toutes espèces de moyens, on essaie de faire en sorte que le chômage au Québec soit le plus bas possible. Ce qu'on a fait sur le plan de l'industrie du textile, sur le plan de l'industrie de la chaussure, sur le plan de l'industrie du meuble, pour faire en sorte qu'on rattrape une partie des emplois qu'on a perdus, c'est nous qui l'avons fait. L'accélération des travaux publics, c'est nous qui l'avons faite. La baisse des impôts, c'est nous qui l'avons faite. On a en face de ça un ralentissement des investissement fédéraux au Québec, des augmentations de taxes du gouvernement fédéral qui peuvent aller passablement plus loin surtout s'il supprime l'indexation. S'il supprime l'indexation, nous ne faisons aucune espèce d'illusion, ce sont $285 000 000 de plus d'impôts à payer par les Québécois et $125 000 000 de moins pour le trésor public québécois. C'est ça que ça veut dire, l'abolition de l'indexation par Ottawa s'il se dirige dans cette voie.

Alors, donc, ils ralentissent leurs investissements. Ils ont déjà augmenté leurs impôts. Ils annoncent qu'ils vont les augmenter encore. Nous faisons tout le contraire et on vient nous dire que c'est nous qui sommes responsables de l'augmentation du chômage. Bien, tout de même!

M. Goulet: D'ailleurs, M. le Président, vous me permettrez de relever...

M. Grégoire: Si vous me le permettez...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, si vous voulez laisser terminer le député de Bellechasse, M. le député de Frontenac.

M. Goulet: ... une remarque du ministre des Finances. J'en avais, d'ailleurs, touché un mot lors de ma réplique au discours sur le budget. Le ministre dit: Au niveau des textiles, chaussures, le meuble, c'est nous qui avons... Je dirai au ministre

que c'est vrai, certaines mesures que le gouvernement actuel a prises, dont le ministre est le responsable, ont eu des effets bénéfiques sur les industries du textile, de la chaussure et du meuble. Mais le ministre devrait admettre également que les contingentements, les barrières tarifaires que le gouvernement fédéral a mises ont aidé de beaucoup l'industrie du textile et, deuxièmement, n'eût été la dévaluation du dollar canadien, on n'aurait pas eu cet impact.

Il y a les contingentements du fédéral, les barrières tarifaires, la dévaluation du dollar canadien et, bien sûr, en bonne partie, les mesures que vous avez prises. Mais lorsque vous dites: C'est nous, vous laissez voir que ça dépend essentiellement de ça. Je dis: Non, ce n'est pas tout à fait ça.

M. Parizeau: Je n'ai pas... M. Goulet: Une partie.

M. Parizeau: Le député de Bellechasse a raison. D'ailleurs, ce n'est pas comme ça que j'avais présenté ma phrase. Je pense qu'il a parfaitement raison de le soulever. J'ai eu l'occasion de le dire moi-même plusieurs fois en public. Il est évident que les contingentements temporaires de trois ans ont aidé, mais, encore une fois, ce que je cherchais à noter — et je reconnais tout à fait que le député de Bellechasse a raison là-dessus — c'est que sur le plan des politiques économiques et financières générales, les deux gouvernements, au Québec, sont à contre-courant depuis maintenant deux ans. L'un a une politique qui est clairement expansionniste, l'autre a une politique qui est clairement restrictive. Alors, j'utilisais, dans le discours du budget, cette image de deux rameurs dans la même chaloupe qui rament dans des directions opposées. Quand la chaloupe se déplace, on peut dire que c'est grâce au courant. Effectivement, le courant, c'est un peu ce que dit le député de Bellechasse. Il est clair que la dévaluation du dollar a bougrement aidé.

M. Goulet: L'attitude dénoncée par le ministre de l'Expansion économique régionale — et là-dessus, j'appuie ses propos — c'est l'attitude du gouvernement et de certaines personnes à l'intérieur du gouvernement qui lancent n'importe quel projet en l'air — c'est bien beau — sans aucune étude d'impact économique, sans aucune étude de rentabilité. Et, si le fédéral veut embarquer, il est obligé de faire lui-même ses études. Si cela fonctionne, le gouvernement provincial va dire: C'est nous autres qui en avons parlé les premiers. Je comprends, vous parlez de n'importe quoi, n'importe quand. Et, si cela ne fonctionne pas, comme l'affaire des Iles-de-la-Madeleine, tout de suite vous mettez cela sur le dos du fédéral. Parlons donc des autres projets qui ont fonctionné.

M. Parizeau: M. le Président, je ne peux pas accepter une thèse comme celle-là; elle n'est pas exacte, elle n'est simplement pas exacte. Je vais essayer de vous en donner un certain nombre d'exemples. Le cas des Iles-de-la-Madeleine est étudié depuis des années par le gouvernement du Québec. Il a même été étudié, si vous me passez l'expression, de façon exaspérante. Les études ont été suspendues pendant presque un an parce qu'on avait trouvé dans le port de Leslie un homard, un. Et, pendant un an, à peu près, tous les écologistes possibles et imaginaires ont plongé dans la baie de Leslie pour voir s'il n'y aurait pas des larves de homard. Le coup des larves a retardé le projet d'un an, jusqu'à ce que finalement on trouve un moyen de ne pas construire un port et d'utiliser plutôt des barges.

Le dossier du sel des Iles, comme tout ce qu'on fait d'ailleurs — parce qu'on a un sacré petit péché mignon qui consiste à tout étudier trois fois — a été étudié, léché, de toutes les façons possibles et imaginables.

Deuxième exemple. Normick-Perron, l'usine de pâtes et papiers en Abitibi. Les études ont été faites à la Société générale de financement et au gouvernement du Québec pendant des mois. Il a fallu attendre tout à fait à la dernière minute pour savoir si le gouvernement fédéral rentrerait là-dedans ou non. Pas parce que nos études n'étaient pas faites; parce que le fédéral ne les avait pas lues.

Troisièmement, le programme général d'aide à l'industrie de la pâte et du papier. Effectivement, cela a l'air de marcher. Le seul qui s'imagine que ça n'est pas étudié, c'est le gouvernement fédéral, parce que toutes les compagnies l'ont étudié. Il y a 48 usines sur 54 où on a indiqué des changements dans la machinerie, dans l'accélération des machines. C'est quand même très curieux que la totalité de l'industrie soit parfaitement au courant et que le fédéral dise: Mais, il n'y a pas de dossier à Québec sur cette question. Ils ont l'air d'être les seuls à ne pas savoir que les dossiers existent.

L'industrie du textile, le programme de modernisation. Des études ont été faites à Québec. Elles ont été acceptées par le Conseil du trésor et examinées par le Conseil du trésor, examinées par le Conseil des ministres, acceptées par le Conseil des ministres. Les études sont là, elles sont disponibles et on est prêt à marcher. On demande au fédéral: Est-ce que vous embarquez ou non? Réponse: Heu!

Qu'on ne vienne pas nous dire qu'on ne fait pas des études. Nos études sont faites, mais on passe notre temps à attendre des réponses. A cet égard, je ne peux absolument pas accepter la thèse du député de Bellechasse; je pense que fondamentalement, elle n'est pas exacte.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais en arriver à plusieurs exemples où le ministère de l'Expansion économique régionale, justement, a refusé son appui au Québec dans le développement de l'industrie. Je voudrais poser des questions à ce sujet-là au ministre des Finances.

Dans le cas de LUPEL-Amiante qui, justement, marche très bien aujourd'hui, qui augmente sa production, qui a des demandes supérieures à sa

production actuelle et qui se développe continuellement, à la suite des études et de nombreux dossiers qui ont été montés dans ce cas-là, est-ce que le gouvernement fédéral par son ministère de l'Expansion économique régionale, a accepté de collaborer dans le développement de cette industrie de papier d'amiante? Et je voudrais aussi demander: Est-ce qu'il y avait des industries de papier d'amiante ailleurs, au Canada? Je ne le crois pas. Est-ce parce que cela aurait pu nuire à une industrie semblable dans les Maritimes ou en Ontario, alors qu'il n'y en a pas là? J'aimerais avoir à ce sujet-là les réponses du ministre des Finances.

M. Parizeau: II faudrait que je le demande. Je ne pense pas qu'il y ait eu de subventions. On va vérifier.

M. Grégoire: Pas une subvention. Une réponse a été rendue, la lettre a été publiée par le ministre de l'Energie et des Ressources disant que le ministère de l'Expansion économique régionale ne voulait pas aider LUPEL-Amiante. (12 h 30)

M. Parizeau: M. le Président, je viens d'avoir la réponse. Elle est extraordinaire. Effectivement, il n'y a pas eu de subvention parce que le ministère de l'Expansion économique régionale considérait le projet comme rentable. Si je comprends bien, on ne voudrait pas mettre d'argent dans les Iles parce que ce n'est pas rentable et on ne veut pas en mettre dans LUPEL parce que c'est rentable. Parfait.

M. Grégoire: Je suis un peu estomaqué, mais il y a un autre cas où on pourrait peut-être avoir une raison pour laquelle le ministère de l'Expansion économique régionale n'a pas voulu, non plus, s'intéresser, c'est celui de la société Distex de Montréal qui fabrique des freins d'amiante, des freins de deuxième monte et des freins pour les petites voitures européennes. Cette industrie est rentable également puisque le nombre d'employés a augmenté, que la production s'est développée et que les exportations se font très bien maintenant vers les Etats-Unis et en Amérique du Nord. J'aimerais savoir du ministre des Finances quelle a été la raison qu'a invoquée le ministère de l'Expansion économique régionale dans le cas de la société Distex pour ne pas s'y impliquer.

M. Parizeau: Effectivement, ils n'ont pas mis un sou et l'argumentation principale était basée sur ceci: De toute façon le gouvernement de Québec le ferait.

M. Grégoire: Alors, cela veut dire qu'on considère le Québec comme une entité politique capable de se développer par soi-même.

M. Parizeau: Quand cela fait l'affaire.

M. Grégoire: Maintenant, M. le Président, je voudrais rappeler une autre chose quand on parle des mines de sel des Iles-de-la-Madeleine qui viendraient en compétition avec les mines des Maritimes et qu'il n'y avait pas lieu d'aller leur nuire. Je voudrais ajouter un mot ici. Je me rappelle très bien m'être fait répondre déjà par le ministre des Transports à Ottawa que le gouvernement fédéral n'avait pas l'intention de faire quoi que ce soit pour maintenir ouvert le fleuve Saint-Laurent en hiver, parce que cela nuirait aux ports des Maritimes, ce qui fait qu'aujourd'hui la majorité de notre amiante du Québec est exportée par les ports des Maritimes et non par les ports du Québec. Je pense qu'on a là des exemples classiques de la collaboration du fédéral lorsqu'il s'agit de diminuer le chômage au Québec, où c'est plus élevé qu'ailleurs.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. Parizeau: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Nous sommes sortis un peu des crédits, mais...

M. Grégoire: Je suis dans la ligne.

M. Scowen: ... parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, je suis tenté de poursuivre simplement la conversation que je viens d'entendre. Ce que vous avez dit, M. le député et M. le ministre, me rappelle un peu les gens du St. James Club à Montréal, que je connais, qui sont assis dans leurs chaises en cuir et qui font les batailles des années passées comme si le monde n'avait pas évolué. C'est bien beau, mais ce n'est pas pertinent. Vous avez eu l'occasion de présenter votre thèse qu'avec le fédéral rien ne marche, que le fédéral est responsable de tous les péchés et de toutes les faiblesses économiques du Québec. Vous avez eu l'occasion de le faire pendant trois ans et d'une façon très intensive pendant trois ou quatre mois. 70 députés se sont levés l'un après l'autre et ont expliqué à la population, sans cesse, une liste sans limite de toutes sortes de péchés qui ont été commis depuis cent ans et qui sont commis encore par le fédéral. Après le débat de l'Assemblée nationale, vous êtes allés dans le champ et vous avez répété sans cesse la liste, l'un après l'autre, des faiblesses du MEER, des faiblesses du ministère de l'Industrie et du Commerce, la discrimination, vous avez ouvert tout le paquet et le monde vous a entendus. Poliment ils vous ont écoutés et poliment ils ont dit: Je ne suis pas d'accord.

Le verdict a été rendu. Maintenant, vous vous trouvez devant une situation difficile parce que, comme le ministre l'a dit lui-même dans son discours, il tient encore à son idée de principe, mais c'est une idée, il le réalise aujourd'hui, dont la population ne veut pas. Quoi faire? Je suis porté à croire que cet exemple de la mine de sel peut servir d'exemple. Le ministre a dit: Nous sommes

prêts à faire ceci. Nous sommes prêts à faire cela, mais le fédéral n'est pas prêt. Il nous faut attendre. C'est comme si on avait deux ennemis qui étaient obligés de travailler ensemble, selon la fameuse expression de M. Lévesque, les deux scorpions dans la bouteille. Je persiste à croire que vous seriez beaucoup plus fidèles à la volonté de la population du Québec aujourd'hui si, au moins pour une génération, vous vous décidiez d'arrêter cette espèce de bataille, de luttes qui sont déjà réglées pour commencer à examiner pourquoi vous vous trouvez devant le problème du manque d'accords dans ces domaines et si vous essayiez de les régler.

Est-ce que c'est possible d'envisager une collaboration plus étroite dès le début dans la coordination des projets économiques du Québec? Est-ce qu'il arrive, de temps en temps, que le fédéral développe un projet ici au Québec qui ignore complètement le gouvernement du Québec? Est-ce que c'est possible que le gouvernement du Québec soit en train de développer des plans ici pour des choses qui vont demander l'appui du gouvernement fédéral, mais dont le gouvernement fédéral va prendre connaissance seulement à la dernière minute?

Est-ce qu'il y a possibilité, suivant la volonté de la population, d'essayer de trouver le moyen de mieux organiser le travail qu'il faut faire en commun? J'ai passé deux ans au fédéral et j'ai décidé qu'un mois de plus serait trop. Ce n'est pas du tout un système à mon goût et je suis revenu ici. Par contre, on est loin d'être parfait ici, nous avons nos propres faiblesses et, vus d'Ottawa, je vous dis franchement que nous sommes aussi curieux qu'on l'est vus d'ici.

Je persiste à croire, quand même, qu'il y a beaucoup de force, beaucoup de connaissances, beaucoup de personnes et de ressources à Ottawa qui peuvent bien servir les Québécois. Le problème de ces luttes infernales causées jusqu'ici je le comprends très bien, par une différence fondamentale de philosophies entre deux partis politiques, a finalement été réglé, je l'espère, par la population. Je pense que maintenant, si on décide de faire marcher cette affaire et que vous ne vous amusez plus avec des exemples comme je viens d'en entendre simplement pour prouver que ça ne peut pas marcher, on peut certainement trouver des façons de prouver que les mines de sel, si elles sont rentables, s'il y a un marché pour le sel, si ça doit résoudre un problème de chômage, si toutes les contestations du ministre sont correctes, ça peut être réalisé.

Ce n'est pas justifié de dire simplement que, parce qu'il y a un taux de chômage dans une région et qu'il y a un gisement de sel, on peut régler le problème du chômage avec le gisement de sel. C'est plus compliqué que ça. Il y a une question de marchés, il y a une question d'investissements. Je vous donne, à titre d'exemple, la question du minerai de fer. Le gouvernement du Québec, il y a quelques années, a créé SIDBEC-Normines, parce qu'on avait du minerai de fer et c'était nous, on voulait créer de l'emploi. Aujour- d'hui, nous vendons, dans une condition primaire, nos richesses naturelles non renouvelables aux étrangers par la voie d'une société d'Etat à une perte annuelle d'à peu près $40 000 000.

Aujourd'hui, cette année, nous allons vendre notre minerai de fer en boulettes aux étrangers et nous allons les subventionner, par la voie d'une société d'Etat, pour une somme de $40 000 000. C'est un exemple bizarre, mais c'est un fait. Je le cite parce qu'on ne peut pas dire que, simplement parce qu'il y a une richesse et de l'emploi, c'est tout ce qui est nécessaire pour régler le problème économique d'une région. C'est beaucoup plus compliqué que ça.

M. Parizeau: M. le Président...

M. Scowen: Je n'ai pas terminé, mais c'est une conversation.

M. Parizeau: Non, il n'y a pas de problème, qu'il termine. Je m'excuse, je croyais que vous aviez terminé.

M. Scowen: J'avais l'intention de parler du déficit et de la conversation que le ministre a eue avec mon collègue de Bellechasse, mais je vais arrêter ici parce que c'est un autre sujet.

M. Parizeau: Ce que nous venons d'entendre, pour moi, est l'expression du plus grand danger que le Québec peut courir justement après le référendum, c'est-à-dire de se trouver devant des gens qui interprètent le résultat du référendum comme étant à peu près le suivant, surtout devant le fédéral, que le gouvernement du Québec et les Québécois ne réagissent pas trop fort et acceptent. Acceptent quoi? A peu près n'importe quoi.

Quel qu'ait été le résultat du référendum, il y a une chose qui est très claire dans mon esprit. Je ne vais pas demander moins, en défense des contribuables québécois, que nos prédécesseurs. M. Lesage ou M. Johnson, quand ils avaient l'impression que le fédéral devait financer quelque chose et ne le faisait pas, ils sortaient de leurs gonds. On ne va quand même pas en arriver à une situation où, parce que le résultat du référendum a été ce qu'il a été, on va s'assoupir en disant: C'est vrai, le fédéral nous doit cela, mais on va être de bons garçons, on ne va pas le demander. On va être au moins aussi exigeants que les gouvernements fédéralistes qui nous ont précédés l'étaient. Et j'ai un certain nombre de points de repère assez précis sur ce point. J'ai quand même travaillé avec trois de ces premiers ministres d'assez près et je sais très bien que, s'ils pensaient que $10 000 000 leur étaient dus par Ottawa, ils partaient après. On va au moins faire cela. Au moins.

Deuxièmement, la question de la coordination des politiques économiques, financières et budgétaires entre les deux paliers de gouvernement, je n'ai pas découvert cela après le référendum. Si je n'ai pas fait 50 conférences publiques entre 1968 et récemment à ce sujet, je n'en ai pas fait une.

J'ai écrit là-dessus des pages extraordinairement techniques, et en anglais, et à Toronto à part cela. C'est sérieux. Depuis longtemps, jusqu'à il y a dix ans.

M. Scowen: S'il vous plaît!

M. Parizeau: En remontant jusqu'à il y a dix ans.

M. Scowen: Ce n'est pas sérieux.

M. Parizeau: Quand je commence à mettre l'accent sur le fait que "it is a hell of a way to run a railroad" d'avoir un gouvernement fédéral, avec le niveau de chômage qu'on connaît au Québec, qui a une politique restrictive...

M. Scowen: C'est cynique. Ce n'est pas nécessaire de commencer à faire des batailles ethniques ici, aujourd'hui. Franchement. J'en ai assez de cela.

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Michaud: On vous a écouté tout à l'heure, cela a été suffisant.

M. Parizeau: M. le Président, c'est quand même assez extraordinaire qu'on me reproche de parler de mes propres écrits. Cela ne m'arrive pas souvent. Je ne parle pas de ceux des autres, je parle des miens.

Le Président (M. Bordeleau): Continuez, M. le ministre.

Une Voix: C'est dégueulasse.

M. Grégoire: Le référendum, ce n'était pas un non à la politesse. Cela existe tout le temps, cette politesse.

M. Scowen: On a parlé pendant deux jours sans soulever la question des anglophones et des francophones; je pense que ce n'est pas le moment de commencer.

M. Parizeau: Je ne parle pas des anglophones, je parle de moi. J'ai tout de même le droit de parler de moi.

M. Scowen: Vous parlez de vos opinions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous pouvez continuer.

M. Scowen: Oui et sérieusement. C'est une déclaration très cynique.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, à l'ordre!

M. Grégoire: La politesse, s'il vous plaît!

M. Scowen: Oui, c'est cela que je veux exiger.

M. Parizeau: Si le député de Notre-Dame-de-Grâce veut me permettre de continuer, M. le Président, je vais continuer.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le ministre.

M. Parizeau: Cela n'a aucun sens d'avoir deux paliers de gouvernement qui, dans un cadre de haut chômage, mènent des politiques budgétaires opposées. Cela ne tient pas debout. Une des raisons pour lesquelles le Canada a un niveau de vie relativement de moins en moins élevé par rapport aux autres pays industrialisés, depuis vingt ans, est due spécifiquement à cela. Il est vrai que le Canada, il y a vingt ans, avait, parmi les pays industriels, le deuxième niveau de vie. Il est vrai qu'il a glissé au huitième ou au neuvième rang, parce que le "management" de cette économie est invraisemblable.

Et ce que nous avons constaté au Québec depuis deux ans, on peut le constater à travers le Canada depuis des années: la coordination des politiques budgétaires des deux paliers de gouvernement ne s'est jamais faite correctement. Comme le dit le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il y a moyen d'améliorer les choses, on ne peut pas être contre. Ce serait aberrant de ne pas faire tous les efforts nécessaires, en dépit de tout ce qui s'est passé autrefois, pour essayer de faire en sorte que ces politiques budgétaires soient un peu mieux coordonnées. Mais je tiens à souligner et à souligner pesamment que, sur la base, par exemple, de la performance des deux politiques budgétaires l'an dernier, il n'y a aucune espèce de progrès par rapport à ce qu'on a pu voir pendant vingt ans. Il reste absolument indiscutable que, l'an dernier, le gouvernement du Québec a joué dans le sens de l'expansion de l'économie et que les politiques budgétaires et financières du gouvernement fédéral, au Québec, ont joué dans le sens opposé. Cela ne tient pas debout. (12 h 45)

Qu'on nous dise: On peut essayer à nouveau de faire un autre effort pour essayer d'améliorer cela, sans doute, mais qu'on ne vienne pas nous dire que, dans ces conditions, enfin jusqu'à ce que cela puisse se produire, il faut accepter n'importe quoi. Je continuerai de dénoncer, comme je le fais depuis des années, le fait que des politiques budgétaires marchent à contre-courant. Je continuerai de dénoncer le gouvernement fédéral chaque fois qu'il ne paie pas ses comptes ou ses factures ou chaque fois qu'il pellette de la neige dans notre cour, c'est-à-dire qu'il décide de cesser de dépenser dans des champs où il dépensait au Québec et refile simplement le travail au gouvernement du Québec en disant: Vous n'avez pas un déficit de $14 000 000 000. En dépit de ce que dit l'Opposition officielle chez vous, on sait très bien que vos finances sont saines. Alors, nous du fédéral, nous allons couper certaines des dépenses qu'on fait au Québec et on va vous refiler l'addi-

tion. Je continuerai de dénoncer cela et je le ferai au nom essentiellement des intérêts des contribuables québécois. Voilà à peu près, M. le Président, ce que je voulais dire là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Vous voyez, M. le Président, comment le ministre a déformé mes paroles. J'ai suggéré qu'on doit chercher davantage à trouver des façons de coordoner et de coopérer pour rendre plus efficace pour tout le monde au Québec le système fédéral dans lequel nous vivons et le ministre a fait une réplique en disant qu'il refusait d'être moins exigeant et d'accepter n'importe quoi. Je n'ai jamais suggéré, M. le Président, qu'on doit accepter n'importe quoi. Ce n'était pas du tout mes paroles ou derrière mes paroles. On n'a jamais suggéré qu'on ne doit pas être exigeant pour le Québec. J'ai dit et je répète qu'après que le verdict a été donné que la population a l'intention de rester dans un cadre fédéral, c'est un peu malheureux, c'est un peu déplorable d'être obligé d'écouter les vieilles chansons d'il y a deux ou trois mois qui se répètent sans nouvelles idées, sans nouvelles initiatives. J'ai l'impression que vous avez décidé de commencer à refaire le référendum. Je pense que c'est une question qui est réglée, au moins pour quelques années. Je le répète: Je pense que, dans le cas de cette mine de sel, il y a moyen de trouver un exemple qui puisse nous inciter à travailler davantage. Si un ministre comme M. Morin a eu son voyage avec ses efforts, à cause de l'expérience vécue depuis 1900 quelque chose, qu'il laisse le champ libre pour les autres, mais la population a décidé qu'elle voulait que nous continuions de le faire.

M. Parizeau: Je ne vois pas, M. le Président, en quoi la population a décidé que le gisement de sel des Iles-de-la-Madeleine, après toutes les études qui sont entrées là-dedans et les indications très nettes de rentabilité qu'il y a dans le projet ne devait pas être développé. Je ne vois pas en quoi elle a voté contre l'usine de carbonate. Je ne vois pas en quoi elle a voté contre à la fois les activités de transport et les prolongements industriels qu'il y aurait là-dedans. Il ne s'agit pas de répéter des choses anciennes. Il s'agit simplement de se dire, dossier par dossier: Nous sommes les défenseurs de cette population qui a toujours eu un niveau de chômage trop élevé. Il est hors de question, sous prétexte que le résultat du référendum a été ce qu'il a été, que l'on se mette à plier. Au fond, peut-être que la meilleure assurance que les Québécois ont qu'on ne va pas plier à l'occasion de dossiers comme ceux-là — pas des vieux dossiers, des dossiers actuels — c'est que, justement, nous sommes bien décidés à les défendre avec toute l'énergie que l'on doit avoir.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on va adopter le programme 2? Sur le programme 2 encore?

M. Scowen: Une question à l'élément 1. Je voudrais simplement que le ministre nous explique — j'imagine que c'est d'ordre technique — la grande augmentation à l'élément 1.

M. Parizeau: Sur la gestion de la caisse?

M.Scowen: Oui.L'augmentationde$23 000 000 à $88 000 000.

M. Parizeau: Je m'excuse. Ce sont les emprunts et les taux d'intérêt à court terme, essentiellement les emprunts sur emprunts bancaires. Il ne faut pas oublier — cela ne se produira pas — qu'au moment où nous avons établi cela le "prime rate" était rendu à 18% ou 19% et, comme nous avons constamment des emprunts bancaires pour quelques jours qui sont remboursés, cela fait une certaine somme d'intérêts à payer dans le courant de l'année. On avait supposé un "prime" très élevé, mais cela ne se produira pas.

M. Scowen: En effet, la gestion de la caisse, la définition, ce sont des emprunts à court terme du gouvernement...

M. Parizeau: Les opérations auprès des banques, c'est cela.

M. Scowen:... et c'est l'intérêt payé. C'est une prévision basée sur le "prime rate".

M. Parizeau: Des "prime rate" qui n'existent plus maintenant, qui sont retombés. Donc, pour les $83 000 000, de toute façon, il y a une chose qui est claire, c'est que c'est faux depuis que les "prime" ont dégringolé.

M. Scowen: Cet élément 1 du programme 2, c'est à 100% les taux d'intérêt à court terme. Il n'y a rien à part cela là-dedans?

M. Parizeau: Oui, il y a les salaires, enfin les choses habituelles. Vous avez la différence... L'effet des emprunts à court terme, vous l'avez à (1) Loi sur l'administration financière, élément 1 en dessous, $83 980 000. Les $83 980 000 se soustraient des $88 604 000.

M. Scowen: Oui, d'accord. $18 700 000 comparé à $83 980 000.

M. Parizeau: C'est cela.

M. Scowen: C'est l'élément de l'intérêt.

M. Parizeau: C'est l'intérêt.

M. Scowen: Basé sur les emprunts à court terme...

M. Parizeau: Auprès des banques.

M. Scowen: ... et les prévisions sur le "prime rate".

M. Parizeau: Des previsions? En adoptant le "prime rate" de cette époque.

M. Goulet: Sur quelle moyenne l'aviez-vous calculé? 17% ou 18%, pas pour l'année? Quelle moyenne avez-vous prise?

M. Parizeau: On se protège toujours là-dessus. On ne peut pas courir de risque avec cela. Tant mieux pour nous, cela coûtera moins cher parce que le "prime rate" a dégringolé, mais on ne court pas de risque. On prend toujours le maximum.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va pour le programme 2?

M. Scowen: Sur division.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 2 adopté sur division. Programme 3?

M. Parizeau: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 3, adopté. Programme 4?

Fonds de suppléance

M. Scowen: Si je comprends bien, les crédits périmés sont ajoutés à l'élément 1 du programme 4?

M. Parizeau: Non. M. Scowen: Non?

M. Parizeau: Non, l'élément 1 sert aux dépassements de certains ministères entre les crédits et les crédits supplémentaires de l'automne. S'ils ont davantage besoin d'argent, ils reçoivent une avance du fonds de suppléance, dans les conditions qui sont indiquées ici. Lorsque le budget supplémentaire est présenté à l'automne, les ministères remboursent le fonds de suppléance qui refait sa caisse et continue jusqu'au 31 mars à satisfaire des dépassements entre le budget supplémentaire, en somme, et le 31 mars.

M. Scowen: Mais c'est plus que ça, parce que vous avez, en effet, un coût annuel de $25 000 000.

M. Parizeau: Forcément, quand on arrive... On se donne une provision au départ. Cela, c'est ce que j'ai. Les crédits vont être adoptés avant le 20 juin, c'est ça? Nous avons voté trois mois de crédits temporaires et, du 20 juin jusqu'à la reprise de la session, je dois avoir une petite caisse, et ce montant de la petite caisse me permet de satisfaire les urgences dans les ministères jusqu'à ce que le budget supplémentaire soit présenté.

M. Scowen: Oui, mais vous m'avez dit que c'est remboursé? Est-ce que c'est remboursé ou pas?

M. Parizeau: C'est remboursé lorsque... Disons qu'en octobre ou en novembre, on aurait un budget supplémentaire. Un ministère avait reçu, disons, $1 000 000 du fonds de suppléance. On va voir apparaître: ministère un tel dans le budget supplémentaire, $1000 000. Ce montant de $1 000 000 réapparaît dans le fonds de suppléance qui, habituellement, en octobre ou novembre, est vide. Je refais ma caisse du fonds de suppléance de cette façon.

Une fois que la caisse a été ainsi refaite en octobre, novembre ou décembre, après ça, il n'y a normalement pas de crédits supplémentaires avant le 31 mars. La caisse que j'ai ainsi refaite sert à nouveau à satisfaire les besoins des ministères.

M. Goulet: Ce qui arrive...

M. Scowen: Oui, mais je ne comprends pas, si c'est une caisse qui est, si vous voulez, vidée dans le courant de l'année, mais qui est remplie de nouveau par les crédits qui sont insérés dans chaque ministère...

M. Parizeau: Normalement, quand j'arrive au...

M. Scowen:... on ne doit pas avoir une dépense.

M. Parizeau: ... 31 mars, cette caisse est vide.

M. Scowen: Cette année, vous prévoyez d'avance $25 000 000 de plus que les montants qui sont remboursés.

M. Parizeau: Non, je me donne une caisse de $25 272 000. J'ai l'impression qu'au fond, selon les choses habituelles, au cours de l'année, en octobre, il ne restera plus rien dedans. Ensuite, en octobre, novembre, il y aura des crédits supplémentaires. On me redonnera $25 000 000 et je continuerai de satisfaire les besoins les plus urgents des ministères jusqu'au 31 mars. Au 31 mars, l'année prochaine, il ne restera plus rien dedans. Il y en a toujours un peu de périmé; j'imagine que, cette année, on a dû périmer $3 000 000 ou $4 000 000. Quand on est arrivé au 31 mars 1980, il devait peut-être y avoir $3 000 000 ou $4 000 000 du fonds de suppléance qui n'étaient pas utilisés.

Je me garde toujours une petite marge, comme cela, de quelques millions, parce qu'il peut toujours arriver un accident, par exemple, je ne sais pas, le premier mars. Je veux dire un accident comme ceci. Tenez, l'histoire de Saint-Eustache, il y a quelque temps, où le gouvernement a été obligé d'encourir des frais considérables pour chercher les fameuses émanations de gazoline ou une catastrophe naturelle, je ne sais pas, des inondations terribles, n'importe quoi. Il faut se garder dans le fonds de suppléance, jusqu'au 31 mars, un peu d'argent au cas où il arriverait quelque chose comme cela.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: C'est un dépannage, cela, M. le Président. Qu'est-ce qui arrive si le dernier exercice financier... Vous dites au 31 mars ou juste avant le 31 mars. Si vous ne voulez pas retourner le montant aux crédits périmés, le ministère qui tire le plus fort a droit... Et vous faites quoi en dernier?

M. Parizeau: En dernier, je périme. J'arrive au 31 mars, je me suis gardé une petite réserve dans ces $25 000 000 pour des raisons que j'expliquais tout à l'heure, je périme.

M. Goulet: Vous n'êtes pas obligé. A un moment donné, je ne sais pas, s'il arrivait une élection, par exemple, avant le 31 mars, une élection générale, est-ce qu'on peut conclure qu'il n'y aurait pas de crédits périmés et qu'on s'en servirait pour...?

M. Parizeau: Ce ne serait pas prudent. M. Goulet: Non, non, remarquez bien là.

M. Parizeau: II peut toujours arriver une inondation, je ne sais pas, le 15 mars, et vous êtes obligés de faire entrer la défense civile, d'encourir des dépenses immédiates pour payer du personnel pour évacuer des gens ou des choses comme celles-là. Si vous n'avez absolument... N'oubliez pas que c'est la seule réserve du gouvernement, le fonds de suppléance. Alors, on ne peut pas arriver au 31 mars avec zéro dans la caisse. Cela serait d'une imprudence folle. Maintenant, ce qu'on garde, ce n'est habituellement pas considérable. Encore une fois, cela peut être de l'ordre de $3 000 000 à $4 000 000.

M. Goulet: M. le Président, seulement une question à l'élément 2. On dit: "Provision pour augmenter, avec l'approbation du Conseil du trésor, tout crédit applicable aux traitements, salaires, et ainsi de suite. L'an passé, justement, les conventions n'étaient pas signées. Je regarde le montant qu'on avait réservé. Et, cette année, elles sont signées et on a quasiment triplé le montant. Comment expliquer cela? Il me semble que cela aurait dû être le contraire.

M. Parizeau: C'est la provision pour l'indexation.

M. Goulet: Elle n'est pas calculée dans... M. Parizeau: On l'a calculée à un certain taux.

M. Goulet: Oui, mais on la connaît cette provision. On l'a calculée, on sait ce que cela doit être.

M. Parizeau: On ne sait pas ce que va être l'inflation. On se garde une réserve.

M. Goulet: Mais pourquoi...

M. Parizeau: Si je ne gardais pas des réserves pour les clauses d'indexation, c'est la même chose, je serais obligé d'avoir un mandat spécial ou une espèce de crédit supplémentaire en cours d'année en catastrophe. J'aime autant avoir des réserves ici là-dessus.

M. Goulet: Le taux de l'inflation de cette année et celui de l'année passée, il n'y aura pas énormément de différence. Il peut y avoir quoi? Vous allez y aller avec 1%. Mais vous partez de $13 000 000 et vous sautez à $47 000 000. Vous avez plus de trois fois.

M. Parizeau: C'est $60 000 000 du point du pourcentage. Quand je me mets une provision ici pour 1/2 point au cas où, je n'ai pas l'impression d'être d'une imprudence...

M. Goulet: Mais dans les $13 000 000 de l'an passé, vous avez eu besoin de combien? Vous avez tout pris.

M. Parizeau: On a pris à peu près tout. M. Goulet: A peu près, cela veut dire...

M. Parizeau: C'est que cela ne se posait pas dans les mêmes circonstances. La nouvelle convention n'était pas signée. Mais là on a une nouvelle convention qui fonctionne sur un système d'indexation tout à fait différent du précédent et je garde une réserve ici pour des variations dans le taux d'inflation. Encore une fois, je ne peux pas l'utiliser à d'autres fins. Alors, à supposer que je me trompe et que l'inflation est moins forte que prévu, cela périme, je ne peux pas déplacer 4.2 à 4.1. Je ne peux pas utiliser de l'argent comme cela. Ce ne sont pas des vases communicants, ces choses-là.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Alors, je vous souligne qu'il est maintenant 13 heures et, à moins qu'on n'ait le consentement pour d'autres questions, très rapidement, on devra suspendre.

M. Goulet: Une petite. Est-ce que votre personnel a diminué comparativement à l'an passé?

M. Parizeau: Oui.

M. Goulet: De beaucoup? Pourquoi? (13 heures)

M. Parizeau: Le personnel du ministère des Finances est tombé de 1366 employés à 1315. L'année précédente il était encore supérieur à 1366. C'était 1378 ou 1380. C'est-à-dire que ce sont deux années successives de réduction dans le personnel.

M. Goulet: Les $500 000 de moins, c'est seulement à ce chapitre-là?

M. Parizeau: Cela fait 50 employés. Avec les bénéfices marginaux, cela doit faire combien? $25 000 ou $28 000, je ne sais pas. Alors, cela fait trois quarts de... Vous parlez du programme 5?

M. Goulet: Selon l'invitation...

M. Parizeau: Non, c'est autre chose. C'est la commission Malouf, la réduction que vous voyez ici à Gestion interne et soutien. C'est le fait qu'il n'y a plus de commission Malouf; c'est de là que vient la réduction.

Le Président (M. Bordeleau): La commission doit ajourner ses travaux sine die.

M. Parizeau: M. le Président, il y a les crédits du Conseil du trésor. Est-ce qu'on considère qu'ils sont adoptés aussi?

Le Président (M. Bordeleau): Pas nécessairement. Je réponds strictement à la commande de l'Assemblée pour cette commission et, si on ajourne sine die, ça permettra quand même au leader du gouvernement de rappeler cette commission éventuellement, je ne sais pas quand.

M. Parizeau: Alors, qu'est-ce qu'on a adopté exactement?

Le Président (M. Bordeleau): On a adopté les programmes 2 et 3; on était au programme 4. On peut tout de même adopter, en commission, les autres programmes, si vous le désirez.

M. Scowen: Je pense que, si le leader peut trouver le temps de continuer, on va continuer; sinon, on va simplement laisser ça comme ça, parce qu'il y a des questions...

Le Président (M. Bordeleau): Mais on n'a pas obligatoirement, M. le ministre, à approuver, en commission, tous les programmes.

M. Parizeau: Je comprends, mais avec le Conseil du trésor, on se trouve devant quelque chose d'un peu spécifique. Le Conseil du trésor est habituellement adopté à la même commission que les Finances, à la même occasion.

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Scowen: Alors, je serais prêt à retourner au travail à 15 heures, si vous voulez. C'est un peu la décision du leader.

M. Parizeau: Je comprenais que la décision, c'était qu'il y a 10 heures par commission.

Le Président (M. Bordeleau): On avait alloué un temps de 9 heures et demie.

M. Scowen: Neuf heures et demie.

M. Parizeau: Et, là, on a pris dix heures? Il me semblait que c'était un règlement, qu'une fois que les dix heures sont faites les crédits sont adoptés automatiquement.

M. Scowen: Je pense que ce n'est pas possible d'obliger qu'ils soient adoptés.

M. Parizeau: Je cherche le règlement. Le règlement, c'est quoi? On a un règlement là-dessus?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais c'était une entente qui avait été prise entre les leaders.

M. Scowen: Sine die.

Le Président (M. Bordeleau): C'est déjà ajourné, en fait.

Fin de la séance à 13 h 04

Document(s) associé(s) à la séance