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(Dix heures onze minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission permanente des finances et des comptes publics se
réunit ce matin, le vendredi 28 novembre, pour discuter la question avec
débat de M. le député de Gouin au ministre des Finances
sur le sujet suivant: l'état des finances publiques et l'usage que le
gouvernement fait des sommes versées aux fonds de retraite publics et
parapublics.
Juste avant que nous commencions, j'aimerais rappeler que M. le
député de Gouin disposera des 20 premières minutes, que M.
le ministre des Finances pourra lui répondre et disposera aussi de 20
minutes. Ensuite, le débat pourra se poursuivre avec un droit de parole
de 20 minutes chaque fois. Les dernières minutes avant l'ajournement
seront dévolues de la façon suivante: 10 minutes à M. le
député de Gouin, lequel avait déjà commencé,
pour conclure et les 10 dernières minutes à M. le ministre des
Finances.
M. le député de Gouin.
Exposé du sujet M. Rodrigue Tremblay
M. Tremblay: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous
remercie beaucoup de votre amabilité. Je remercie aussi mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce et le ministre des Finances, de
même que le député de Laprairie, que je salue ce matin, qui
ont bien voulu venir discuter d'un sujet qui m'apparaît très
important et qui paraît à beaucoup de monde comme étant
important, le sujet des finances publiques.
Ces jours-ci, Mme la Présidente, la population, les contribuables
québécois en particulier ont peut-être l'impression que les
députés à l'Assemblée nationale ne discutent que
d'une chose, c'est-à-dire de la constitution et c'est en partie vrai.
Nous en avons discuté pendant deux mois le printemps dernier; puis,
après le référendum, le gouvernement a attendu cinq mois
avant de reconvoquer l'Assemblée nationale et, lorsque nous sommes
revenus le 5 novembre, nous nous sommes encore replongés dans la
constitution. Jusqu'à un certain point, la population pourrait
même croire qu'il y a la peut-être une mesure de diversion, que
c'est plus facile de parler de constitution parce que n'importe qui peut dire
n'importe quoi sur cela et qu'on a moins de temps pour regarder à fond
les questions économiques, les questions de finances publiques de
déficit, de taxes et de fardeau fiscal.
On a peut-être ici, à l'Assemblée nationale, les
meilleurs débats constitutionnels du Canada, mais on a peut-être
aussi les pires finances du Canada et peut-être qu'on a très peu
évolué au
Québec en 50 ans. Quand je lis les journaux, je m'arrête
à penser qu'il y a 50 ans c'était peut-être les mêmes
manchettes qu'on avait sur la constitution et les problèmes politiques.
Les problèmes financiers et économiques, c'était à
la dernière page, quand il y en était fait mention.
Ces jours-ci, c'est un peu la même chose, parce que même si
l'apparence est que nous ne discutons que de constitution, dans les faits, nous
avons commencé, même si c'était seulement à la
période des questions, à soulever les voiles, les nombreux voiles
qui cachent l'état véritable des finances publiques au
Québec.
Évidemment, ce débat, Mme la Présidente,
m'amène aujourd'hui, aussi à faire un certain parallèle
nécessairement avec un débat à peu près semblable
que j'avais eu il y a quatre ans, pratiquement jour pour jour, avec le ministre
des Finances d'alors, M. Raymond Garneau, devant l'Association des
économistes du Québec. C'était le 2 novembre. J'avais dit
au ministre des Finances d'alors: Votre déficit de $630,000,000
prévu dans votre budget, ce ne sera pas $630,000,000; ce sera
$1,000,000,000. M. Garneau m'avait dit: Oui, vous avez raison; j'ai mal
calculé; j'ai calculé trop serré. Notre honneur
était en jeu, nous, du Québec. Les Jeux olympiques étaient
en retard. On m'a dit: Dépense et ne contrôle pas trop. Les
conventions collectives qu'on nous avait imposées étaient
très coûteuses, de sorte que je me suis retrouvé
effectivement avec $1,000,000,000 de déficit budgétaire.
Les journaux d'alors - c'est bon de se le rappeler - n'avaient pas la
même retenue qu'ils semblent avoir présentement concernant le
déficit actuel. Le Devoir titrait le 23 octobre: "Un déficit de
plus de $1,000,000,000". C'était une vraie manchette. Évidemment,
ça m'avait amené, lors de ce débat avec M. Garneau,
à lui dire: Étant donné que $400,000;000 de ce
$1,000,000,000 servent à financer les dépenses courantes, des
salaires, des loyers et que vous vous endettez à long terme, c'est un
"no, no". Vous ne pouvez pas faire cela. J'avais dit: II est évident
que, les coffres étant vides, le prochain gouvernement va devoir
être très frugal. Il va devoir remettre à plus tard les
dépenses, parce que, si on les fait, il va falloir s'endetter encore
davantage. Ce n'était pas après les élections;
c'était en pleine campagne électorale où on disait dans un
journal - on rapportait mes propos: Le Québec est si mal en point au
plan financier qu'il faut économiser et reporter des
réformes.
Ce matin, Mme la Présidente, nous nous retrouvons en ce 28
novembre 1980, quatre ans plus tard, avec des coffres financiers pour
l'État qui sont encore plus vides qu'ils ne l'étaient, il y a
quatre ans. Je pense qu'il est d'intérêt public que nous fassions
la lumière et que nous mettions les choses au clair concernant
l'état réel des finances du Québec.
J'aimerais commencer par demander au ministre des Finances, lorsqu'il me
répondra tout à l'heure, de confirmer ou d'infirmer l'impression
qui est de plus en plus répandue, dans la fonction publique, bien
sûr, parce que nous avons ici - les députés s'en rendent
compte à chaque midi -parce qu'il y a toujours un groupe de
fonctionnaires qui vient faire une démonstration contre les coupures et
les restrictions budgétaires; j'aimerais que le ministre infirme ou
confirme cette impression selon laquelle les coffres du gouvernement sont
tellement vides qu'après avoir eu un party fiscal pendant quatre ans,
après avoir eu un party au champagne pendant quatre ans, on en est
maintenant à couper sur l'essentiel un peu partout dans les budgets.
Au niveau des hôpitaux, maintenant, on coupe au niveau de
l'urgence, on a des gros salaires, mais on n'a pas de lit pour soigner les
malades. On m'a même dit - et cela m'est venu de plusieurs sources - que
les entrepreneurs du gouvernement reçoivent le mot ces jours-ci: Vous
pouvez commencer les projets, mais ne vous attendez pas à avoir des
acomptes avant le premier avril. Allez à la banque pour emprunter.
Au niveau des écoles, c'est un peu la même chose. On serre
les budgets; évidemment, bien souvent, de 70% à 80% des budgets
sont pour les salaires et on dit: Coupez beaucoup parce qu'il ne nous reste
plus d'argent. On peut donc se retrouver dans la situation aberrante où
on aura les employés de l'État les mieux payés du Canada,
mais on n'aura pas de craie pour écrire sur les tableaux dans les
écoles et pas de lit pour soigner les malades.
J'aimerais qu'il confirme ou infirme cette image de panique
financière et de mouvement de catastrophe qui est en train de
s'implanter dans la gestion financière du gouvernement.
Maintenant, le but de notre rencontre de ce matin, c'est de faire le
bilan financier du gouvernement. Nous avons trois heures pour le faire, nous
allons y aller avec le plus de méthode possible, de façon la plus
cohérente possible. Il est évident que, lors de mes
premières vingt minutes, je n'aurai pas le temps de faire le tour de
toute la question, mais, plutôt que de me hâter et d'essayer de
tout traiter en même temps, je vais y aller de façon
systématique.
À mon avis, Mme la Présidente, ce bilan financier est
extraordinairement négatif. Il est négatif surtout lorsqu'on
considère quatre constatations que n'importe qui peut faire, d'ailleurs,
s'il lit les états financiers et regarde la situation financière.
Premièrement, c'est un bilan financier caractérisé, au
niveau de l'administration financière, par une sorte de fouillis
financier et administratif qui est difficilement pardonnable. (10 h 20)
Deuxièmement, par les plus gros déficits
budgétaires pour un gouvernement provincial; évidemment, si on se
compare à des gouvernements nationaux, c'est une autre chose, mais pour
un gouvernement provincial, c'est le plus gros au Canada, et de beaucoup, au
niveau de la gestion financière.
Troisièmement, au niveau de l'endettement, de la dette à
long terme pour payer les dépenses courantes. Je pense que nous avons
présentement une situation qui ne s'est jamais vue dans l'histoire du
Québec. Jamais n'a-t-on emprunté à long terme pour payer
des dépenses courantes sur une échelle comme celle que nous
retrouvons présentement. Il y a quelques années, la ville de
New-York avait pris le même chemin et on sait jusqu'où cela l'a
conduite.
Quatrièmement, ce bilan financier se caractérise par un
financement de la dette qui, premièrement, est énormément
coûteux. Je démontrerai tout à l'heure qu'il est, sous bien
des égards, irresponsable à l'endroit des institutions
financières, coopératives et privées, qui prêtent,
elles, à l'économie sous forme d'hypothèque et aux
entreprises. De plus, c'est un financement qui siphonne des fonds de pension,
des sommes d'argent qui pourraient être utilisées à bon
escient pour développer l'économie et créer des emplois et
qui font paraître l'État comme une sorte d'ogre financier qui
mange le capital collectif et il le mange pour faire des extravagances,
aujourd'hui, aux dépens des générations futures.
Évidemment, ce bilan peu reluisant, que je vais décrire,
s'accompagne en plus d'impôts et de fardeaux fiscaux qui sont encore de
beaucoup les plus élevés au Canada. Il s'accompagne aussi, comme
par accident, d'une sortie ou d'une saignée de population comme jamais
nous n'en avons connue depuis au moins un demi-siècle. La
dernière fois que nous avons eu des sorties de population comme celles
que nous avons depuis quelques années, c'était au tournant du
dernier siècle, à cause d'une dépression économique
qui était généralisée. Donc, c'est le bilan global
qu'il s'agit maintenant de qualifier et d'analyser sans se perdre dans une
soupe aux chiffres, dans une soupe aux pourcentages où, finalement,
personne ne s'y retrouve.
J'aimerais donc commencer par cette question de l'administration
financière. Je voudrais commencer par les trous financiers qu'on
découvre par-ci par-là, soit à l'occasion d'un budget,
soit à l'occasion d'une réévaluation des chiffres
déjà connus. Le ministre des Finances actuel gère les
finances un peu à la manière d'un dramaturge, il dramatise les
choses comme si c'étaient des drames qui apparaissaient soudain à
la surface. Prenons le trou des $500,000,000 d'arrérages au
ministère de l'Éducation. Nous savions qu'en 1976 il y avait des
arrérages d'environ $400,000,000. Le ministre des Finances dans son
dernier budget nous dit: Presto, je viens de découvrir un trou de
$500,000,000 sous mes pieds, que je n'avais pas vu. Mais, grand Dieu, ce
système était en marche depuis quatre ans, il était connu
en 1976. On savait que la population scolaire allait vers le bas et que
l'ancien système qui permettait au gouvernement de faire supporter aux
commissions scolaires ces arrérages de paiements ne pouvait plus
fonctionner du moment où la population scolaire allait en diminuant.
Donc, guatre ans après, on feint l'ignorance et on dit:
Mystère, je viens de découvrir $500,000,000. Je ne sais vraiment
pas comment on a pu dépenser un demi-milliard sans que je m'en
aperçoive. C'est de la dramatisation, à mon avis, inexcusable.
Après cela, on découvre un autre trou aux Affaires sociales. On
découvre que, dans ce ministère qui est une sorte de tour de
Babel, finalement, où il y a de cinq à six milliards de dollars
de dépensés sans trop de contrôles, il y a $40,000,000
payés en trop en
prestations et cela va par-ci par-là. Après cela, on veut
faire supporter ces erreurs administratives aux assistés en leur
demandant de rogner sur le pain, sur le beurre et sur le lait pour payer les
défauts de l'ordinateur, etc.
Donc, ce fouillis administratif dont on ne voit que la pointe de
l'iceberg est très préoccupant. Et lorsque le Vérificateur
général des finances vient nous dire qu'il a regardé les
livres de douze commissions scolaires, les livres du ministère de
l'Éducation et qu'il a découvert que les livres étaient
mal tenus, que les états financiers étaient des faux, bien
là, il faut se poser une question. En effet, si un ministère a
des livres qui sont mal tenus, c'est dire que le Conseil du trésor qui
autorise les dépenses et le ministère des Finances qui fait les
chèques étaient, eux aussi, mal administrés et ne
suivaient pas l'évolution des dépenses. Ces trous, ils ont
été créés, mais il y a des responsables. C'est
arrivé parce qu'on n'a pas bien administré. Le
Vérificateur général, qui est le juge le plus impartial
que nous ayons dans le gouvernement, nous dit: C'est un laisser-aller
administratif, je n'ai même pas pu terminer mon mandat de
vérification, les livres étaient mal tenus. Il n'est pas
surprenant, donc, qu'on se retrouve avec des trous d'un demi-milliard de
dollars.
Quels sont les autres trous? On découvre qu'on a accordé
dans les conventions collectives 1600 nouveaux postes permanents dans
l'éducation, alors que la population scolaire va en baissant. Cela va
coûter au gouvernement, au bas mot, $40,000,000 par année. Des
erreurs de $40,000,000, on fait cela en quelques heures, et cela dure, cela
entre dans les budgets que l'on finance par emprunts à long terme.
Après cela, on regarde d'autres trous. On nous dit: Notre réforme
fiscale municipale, on avait prévu que cela nous coûterait
$325,000,000, mais cela va nous coûter vraiment $405,000,000. Donc, une
autre erreur de $80,000,000 d'estimation, ce n'est pas grave, cela entre dans
le déficit, on va à la Caisse de dépôt et on finance
cela presto; ce n'est pas gravel
Si on regarde un autre trou; on émet des obligations
d'épargne; les comptes d'épargne véritables, qui sont
aussi liquides que les obligations d'épargne du Québec,
rapportent 12% au maximum, c'est entre 10,5% et .12%, mais nous, on les
émet à 14%. La journée où on les a émis, les
taux étaient effectivement élevés. On se rend compte que
les taux ont tombé lorsque vient le temps de les vendre, ces obligations
d'épargne. Qu'est-ce que l'on fait? Plutôt que d'épargner
$40,000,000 en deux ans - $40,000,000, c'est très peu pour un
gouvernement - on décide de jouer au Père Noël, ah, ah, ah,
la manne passe, ramassez l'argent à la pelle, nous, on emprunte de toute
façon, ce n'est pas grave! Cela va nous coûter $40,000,000 de
plus, mais le gouvernement est bon père de famille, il vous redonne de
l'argent qu'il imprime quelque part en arrière. Ne vous faites pas trop
de mauvais sang. Donc, $973,000,000 entrent dans les poches du gouvernement
à un taux que les caisses populaires n'osaient payer.
Après cela, on signe les conventions collectives avec les
syndicats. Évidemment, il ne faut pas être trop dur, parce que le
référendum s'en vient, et ce sont quand même des
alliés assez intéressants. On leur indexe les salaires. Au
Québec, 87% des conventions de travail dans les secteurs public
et parapublic sont indexées. Dans le reste du Canada, c'est 15%. Nous,
les Québécois, sommes des gens très riches. La preuve,
c'est que les députés au Québec sont les mieux
payés au Canada. Nous avons toujours "the best". On ne rogne sur rien.
On ne se prive de rien. On ne produit pas une goutte de pétrole, on
importe le tout, mais l'argent, quand il n'y en aura plus, il y en aura encore.
Donc, on indexe à 8,5%, mais on sait que l'inflation est plus rapide;
ça va être 10,5% cette année. Donc, à la fin de
l'année, il va falloir faire d'autres réajustements et le
déficit, bien sûr, va être plus élevé. Dans
les hôpitaux, il faut rogner maintenant parce qu'il n'y a plus d'argent
dans la caisse. On prévoit un autre trou de $35,000,000 à
$65,000,000 qui va apparaître soit cette année, soit l'an
prochain. C'est évident que, lorsqu'il y a des malades qui arrivent
à la porte des hôpitaux, il est plus facile pour le ministre des
Finances de leur dire: Ne dépensez pas que pour les responsables de ces
hôpitaux, renvoyez les malades à la maison.
Donc, on se retrouve avec une série de trous dramatisés
comme si c'était le hasard. Le hasard nous a envoyé des trous.
Avez-vous déjà vu, dans d'autres administrations
financières -prenons les États-Unis ou ailleurs - des trous comme
ça, au hasard? Cela nous tombe comme ça, comme des
météores; $500,000,000 par-çi, $80,000,000 ou $50,000,000
par-là.
Je vous dis, Mme la Présidente, qu'il n'y a qu'une conclusion,
c'est qu'au niveau de l'administration financière - je n'ai pas encore
parlé de la gestion financière - c'est une administration qui est
pleine de trous. Il s'agit de le dire. C'est une administration qui est pleine
de trous et, lorsqu'on est responsable, on a le courage de prendre ses
responsabilités et non pas d'essayer de faire porter le problème
ou la responsabilité sur d'autres. Lorsgu'on dit qu'une administration
doit rendre des comptes, il faut rendre des comptes sur ces trous. (10 h
30)
Maintenant, Mme la Présidente, j'en viens au déficit, le
résultat de tous ces trous ou de ce fouillis dans l'administration
financière.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous disposez encore de deux minutes. Peut-être pourriez-vous retenir
votre question?
M. Tremblay: Non, je préférerais, avant que le
ministre réponde, soulever la question. D'ailleurs, je présume
que lui-même préférerait peut-être que j'aborde
rapidement la question des déficits budgétaires pour que cela lui
permette de répéter les arguments qu'il a donnés à
la Chambre mardi.
Non, j'en viens à ces déficits budgétaires qui,
grosso modo, cette année, d'après les renseignements que nous
possédons, d'après les déclarations du ministre des
Finances et d'après le budget supplémentaire qui s'en vient, vont
atteindre au moins $3,000,000,000. Sur quatre ans, ce sera certainement
$7,000,000,000. Donc, a eu un grand party au Québec. Les bouteilles de
Champagne sont vides et il s'agit de les jeter à la poubelle, mais il
faut quand même commencer à regarder les pots cassés et
voir comment ces déficits, qui sont finalement des taxes futures...
parce que des déficits, ce n'est pas de la magie.
Ce sont simplement des taxes futures, c'est-à-dire qu'on ne taxe
pas maintenant, mais il va falloir taxer plus tard soit pour payer les
intérêts, ou encore pour payer le capital.
Donc, on se retrouve avec ces gros déficits. Le déficit
était de $1,000,000,000 en 1976. C'était le plus gros
déficit que nous n'ayons jamais eu, en 1976, et on était pris
avec les Jeux olympiques. Maintenant, on a $3,000,000,000. Le ministre des
Finances nous dit: J'ai été prudent comme un serpent. Je dis: II
a été prudent comme un serpent aveugle, s'il a laissé des
déficits s'accumuler comme cela sans avoir trop de choses à
montrer. Au moins, pour les Olympiques, il y a un stade. Au moins, on le voit
et on va le voir dans 20 ans; on va le voir dans 25 ans. Mais quand vous vous
êtes servis d'emprunts à long terme pour payer des salaires
d'aujourd'hui, vous ne verrez pas ces salaires dans 20 ans, mais vous allez
payer des taxes sur les intérêts des emprunts pour payer les
salaires d'aujourd'hui. C'est ça, manger le capital.
On se retrouve donc avec des déficits. Il faut comparer les
déficits à quelque chose. On peut les comparer à ce que
c'était dans le passé au Québec. Il faut se comparer
à soi-même avant de se comparer aux autres et se comparer à
d'autres gouvernements provinciaux. Parce qu'il ne faut pas confondre un
gouvernement municipal, un gouvernement provincial et un gouvernement national.
Il ne faut pas se prendre pour d'autres. Le Québec n'a pas de banque
centrale. Le Québec ne peut pas imprimer sa monnaie. Il ne peut pas
créer l'inflation et il n'a pas une monnaie qui flotte sur les
changes.
Donc, avant de passer la parole au ministre, j'aimerais quand
même, pour votre édification, Mme la Présidente, qu'on
regarde un peu les milliards, parce que les milliards, cela veut dire souvent
des chiffres incompréhensibles. En 1976-1977, le déficit que
j'avais reproché au ministre Garneau s'est soldé finalement
à $996,000,000. Je me suis trompé de $4,000,000. Lui, disait que
c'était $630,000,000. Je lui avais dit que cela allait être
$1,000,000,000. Cela a été effectivement $996,000,000. Le 30
septembre, le ministre des Finances nous dit: Notre déficit est
déjà de $2,680,000,000, donc déjà deux fois et
demi, ce qu'était l'énorme déficit de M. Garneau en 1976.
Donc, vous voyez; on a grossi le trou, le trou noir est devenu plus gros.
Dans les autres provinces, par contre -parce qu'on vit au même
temps; on a les mêmes problèmes économiques que les autres
provinces: les prix, l'inflation et tout cela - il y a cinq provinces qui ont
des déficits, cette année. Quatre ont des surplus. Je les laisse
de côté. Le ministre dit: C'est parce qu'ils ont du
pétrole. D'accord, mais nous, on a de l'aluminium et on a
l'électricité. Comment ça se fait qu'eux, avec du
pétrole, administrent bien, et nous, avec de
l'électricité, on administre mal? C'est une autre question.
Mais ces cinq provinces déficitaires ont un déficit commun
d'à peu près $1,000,000,000 de moins que le nôtre.
Évidemment, il va y avoir des réajustements. L'Ontario a
réajusté son déficit à $1,500,000,000
récemment. C'est vraiment l'Ontario qui est déficitaire. Les
autres sont relativement peu déficitaires, globalement. Mais il y a
quatre ans, il y avait un déficit de six provinces qui était de
$2,250,000,000. Alors, les autres provinces ont diminué leur
déficit; nous, on l'a gonflé. Donc, nous allons dans une
direction au niveau des déficits. On les gonfle et les taux
d'intérêt sont les plus élevés qu'on ait jamais eus,
alors que les autres provinces diminuent leur déficit!
Donc, le Québec, en Amérique du Nord, est la seule
administration qui ait le pas. C'est la seule qui se lance dans l'endettement,
dans les gros déficits. Le ministre peut nous expliquer pourquoi il y a
eu des déficits, mais nier qu'il y a des déficits, c'est autre
chose.
Mme la Présidente, pour le bon entendement du débat, il me
fera plaisir de céder présentement la parole au ministre des
Finances et je reprendrai, après ses interventions, ma
démonstration de l'état des finances du Québec.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des
Finances.
Réponse du ministre M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Mme la Présidente, ce que nous venons
d'entendre est effectivement une sorte de dramatisation qui, à certains
moments, prend l'allure d'une caricature. La réalité fondamentale
que décrit ou que cherche à décrire le
député de Gouin, ce n'est pas celle-là. Elle ne correspond
pas à la réalité. Ce n'est pas par la multiplication des
adjectifs du genre "panique", "fouillis", et tous les synonymes qu'on peut en
sortir, ce n'est pas en affirmant ça que l'on démontre quoi que
ce soit.
Le député de Gouin disait: II ne faut pas tomber dans la
soupe aux chiffres. Au contraire, justement, ce n'est que par les chiffres
qu'on peut démontrer quelque chose, quand on parle des finances
publiques. Ce n'est pas par la multiplication des épithètes ou
des adjectifs. Je voudrais à cet égard en donner un exemple qui
me paraît tout à fait probant. Le député de Gouin
parle d'un party au champagne - enfin, il utilise des expressions de cet ordre
- pour indiquer ou pour chercher à indiquer qu'au cours des
dernières années, comment dire, le gouvernement aurait
jeté l'argent par les fenêtres alors que la réalité
est tout autre. Elle est exactement l'opposé de cela.
Dans les trois années qui ont précédé
l'arrivée au pouvoir du présent gouvernement, les dépenses
publiques au Québec augmentaient de 21% en moyenne. Au cours des trois
années qui ont suivi l'arrivée au pouvoir du présent
gouvernement, sur une base comptable comparable, l'augmentation des
dépenses publigues au Québec a été réduite
de moitié. En 1977-1978, gui est la première année du
nouveau gouvernement, comme j'ai eu l'occasion de le dire
précédemment dans cette Chambre, est-ce que les dépenses
ont augmenté de 21%? Pas du tout. Elles ont augmenté de 12,4%,
l'année suivante, de 10,8%. L'année suivante, de 10,1%. Un party,
une exubérance dans les dépenses? Mais pas du tout! Exactement
l'inverse! Des dépenses qui augmentent la moitié moins vite qu'au
rythme du précédent gouvernement.
Qu'est-ce qu'on veut? Les réduire encore davantage? Non, bien
sûr. Il est évident qu'à une expansion de l'ordre de 10% ou
11% les dépenses
sur une base comptable comparable n'augmentaient pas plus vite au
Québec à peu près que le taux d'inflation ou à
peine plus vite que le taux d'inflation, ce qui est déjà un
succès considérable par rapport au passé. Bien sûr,
en 1980-1981, on a augmenté le rythme d'expansion des dépenses.
Cette année, ce sera de l'ordre de 15%, un peu supérieur à
15%. On est encore loin, cependant, des 21% qu'on connaissait avant. Donc, on a
gardé la main serrée sur le robinet pendant plusieurs
années. Venir maintenant décrire cela comme un foullis, comme un
party, c'est le contraire de la vérité. C'est le contraire de la
vérité!
Le député de Gouin me demandait - c'était une de
ses premières questions - Est-ce qu'il est exact qu'à l'heure
actuelle le gouvernement est en train de procéder à un certain
nombre de coupures singulièrement au niveau de l'administration
publique? Oui, c'est exact. Je trouve, en effet, que, même compte tenu de
la récession actuelle, s'il est important de maintenir le niveau des
immobilisations, les dépenses qui font travailler des gens, il ne faut
pas, néanmoins, que les dépenses exubèrent et, dans ces
conditions, on garde depuis quelque temps et on va garder jusqu'à la fin
de l'année financière en cours un certain nombre de restrictions
assez précises. Cela frappe des dépenses qui ne sont pas
considérées comme prioritaires et cela me paraît normal
que, tout en laissant augmenter un peu les dépenses cette année,
on évite, justement, trop de laxisme et d'ouvrir le robinet trop grand.
(10 h 40)
Pour des raisons, d'ailleurs, que le député de Gouin
soulignait; c'est qu'un gouvernement de province n'a pas de banque centrale. Il
peut, à certains moments, quand l'économie en a besoin, ouvrir un
peu le robinet, mais il faut faire attention pour ne pas l'ouvrir trop grand et
sûrement pas aussi grand que la précédente administration
du Québec l'avait ouvert.
Qu'en est-il maintenant des déficits auxquels le
député de Gouin non seulement accorde beaucoup d'importance, mais
décrit - comment dire? - avec des chiffres qui ne correspondent pas,
là encore, à la réalité? Je l'écoutais
attentivement tout à l'heure quand il disait: Mais enfin, le
déficit en 1976, la dernière année des libéraux, a
été de l'ordre de $1,000,000,000; disons $990,000,000. Est-ce
qu'il le croit vraiment? C'était le déficit budgétaire,
ça; ce n'étaient pas les besoins nets d'emprunt. Il est
extrêmement difficile, semble-t-il, depuis quelques jours de faire
comprendre au député de Gouin que, ce qui se traduit par des
augmentations d'emprunt, par des paiements d'intérêts, ce n'est
pas le déficit budgétaire, ce sont les besoins financiers nets
d'un gouvernement, c'est-à-dire aussi bien ses transactions sur le plan
budgétaire que ses transactions sur le plan extrabudgétaire. Cela
laisse un solde à emprunter et c'est ce qui augmente la dette, c'est ce
qui amène une augmentation des taux d'intérêt. Ce n'est pas
le déficit budgétaire. Le déficit budgétaire n'est
qu'une composante.
Veut-on avoir une idée, sur une base comptable comparable, de ce
qu'était le déficit réel de l'ensemble des transactions de
la dernière année du gouvernement Bourassa? C'était
$1,340,000,000, compte non tenu des Jeux olympiques. Les emprunts
nécessaires pour les Jeux olympiques ajoutaient $800,000,000;
c'est-à-dire que le déficit total de la dernière
année du gouvernement Bourassa était de $2,140,000,000, y compris
les emprunts à faire pour financer les Jeux olympiques. Et cela,
c'était à une époque où les dépenses totales
du Québec étaient de l'ordre de $10,000,000,000.
Qu'est-ce qui se passe dans les années suivantes, toujours en
tenant compte des besoins financiers nets du gouvernement? L'année
suivante, la première année où nous sommes là, on
voit un besoin financier net de $1,200,000,000; en fait, $1,175,000,000; moins
que la dernière année du régime Bourassa. L'année
suivante: $1,264,000,000, moins, encore, que la dernière année du
régime Bourassa, compte non tenu des Jeux olympiques. Évidemment,
si on ajoute le financement des Jeux olympiques, on arrive, comme je le disais
tout à l'heure, pour la dernière année de l'époque
Bourassa, à un montant bien plus élevé. Pourtant, nos
recettes montent chaque année, pourtant, l'inflation joue; nous sommes
rendus à 1978-1979 et on n'emprunte toujours pas plus, en dollars, que
la dernière année du régime Bourassa, bien que nos revenus
augmentent, que nos dépenses augmentent et que l'inflation, comme on le
sait, est très rapide.
Pour 1979-1980, toujours sur la même base comparable et toujours
les besoins financiers nets du gouvernement, $1,372,000,000, à peu
près le même montant que la dernière année du
régime Bourassa, alors que nous avons des dépenses de
$15,000,000,000 au lieu de $10,000,000,000. Le même montant de besoins
financiers nets et des dépenses augmentées de 50%, des revenus
augmentés aussi de 50%. Et on vient nous dire que c'est une situation
catastrophique ou dramatique, pour reprendre les expressions du
député de Gouin? Non, sûrement pas! En 1980-1981, le
déficit effectivement est en hausse, mais où le
député de Gouin va-t-il chercher qu'il est de $3,000,000,000?
C'est un chiffre qu'il fait apparaître lui-même. Il n'y a rien
à l'heure actuelle qui indique, dans quelque chiffre qu'il ait pu voir,
un montant de $3,000,000,000. Il en fait une image, mais cela n'est qu'une
image qui ne correspond pas aux données. Les besoins financiers nets, la
dernière évaluation des besoins financiers nets que nous ayons
pour 1980-1981 est inférieure d'un tiers au montant qu'il mentionne, un
tiers. Et, ce n'est pas de la tarte, $1,000,000,000 de différence dans
les chiffres qu'on lance en public! Mais enfin, qui gère
sérieusement et qui affirme n'importe quoi, au bout du compte?
Je voudrais dire maintenant quelques mots sur ce que le
député de Gouin appelait les trous de l'administration.
Là, je l'ai vu creuser toute une série de trous en changeant,
à certains moments, des monticules en trous, d'ailleurs, quand cela
faisait son affaire. Est-ce que signer les conventions collectives aux
conditions où nous les avons signées peut être
considéré, de guelque façon que ce soit, comme de la
mauvaise administration? Mais là encore, comparons à ce qui se
passait avant. Nous ne sommes pas le premier gouvernement qui signe des
conventions collectives. Il s'en est signé avant. Qu'est-ce qui se
serait produit si nous avions pris les conditions de la convention collective
telle que signée en 1976, juste avant d'arriver au pouvoir, et qu'on a
été forcé de payer jusqu'en 1979? Qu'est-ce qui
serait arrivé si on avait prolongé les mêmes taux,
les mêmes conditions dans les conventions que nous avons signées
au gouvernement?
Pour les trois années de la convention que nous avons
signée, on aurait dépensé $806,000,000 de plus que ce que
nous allons dépenser. Par rapport, donc, au gouvernement qui nous a
précédés, sur une convention de trois ans, nous avons, par
rapport aux conditions antérieures, épargné $800,000,000.
Mauvaise administration? Trous? En tout cas, les $800,000,000, on les a.
La réforme, les enseignants. Nous avons, à l'occasion de
ces négociations, injecté 1600 enseignants dans le
système. J'ai eu l'occasion de dire que, si vraiment on avait
été précisément au fait de la situation quant au
nombre des enseignants dans les commissions scolaires, on n'aurait probablement
pas injecté un nombre d'enseignants comme celui-là. Mais combien,
dans la précédente convention collective, avait-on injecté
d'enseignants en plus? 1600? Non. 2000? Oh non, beaucoup plus que cela. 3000?
Plus que cela. 5000, Mme la Présidente. Dans la convention de 1976 qui a
précédé les élections, le précédent
gouvernement avait injecté 5000 enseignants de plus. Nous, cela a
été 1600. Bon, je veux bien. C'est probablement un peu
élevé par rapport à ce qu'on a su par la suite. Mais,
encore une fois, c'est le tiers de ce qui avait été
injecté dans la convention précédente. Mauvaise
administration? Non, resserrement.
Les hôpitaux. On parle beaucoup, à l'heure actuelle, de
contraintes financières sérieuses dans les hôpitaux, et
c'est vrai. Un certain nombre d'hôpitaux, pas tous d'ailleurs, mais un
petit nombre de grands hôpitaux au Québec ont, depuis quelques
années, des déficits qui sont pour une bonne part dus au fait
qu'ils ont relativement trop de personnel par rapport aux normes
généralement acceptées. Cela n'est pas vrai de tous les
hôpitaux, ce n'est pas vrai d'un bon nombre d'hôpitaux de taille
moyenne, mais c'est vrai de certains grands hôpitaux, surtout de
Montréal et de Québec. Nous avons donc effectué avec ces
hôpitaux, pas tous, ces hôpitaux, des plans de redressement
budgétaire qui sont évidemment très très
serrés. Il faut qu'ils le soient. Il n'y a pas de raison qu'un certain
nombre d'hôpitaux au Québec soient financièrement dans des
situations, comment dire, qui, à tous égards et sur le plan de
toutes les normes, dépassent celles qui sont généralement
acceptées et généralement administrées ailleurs.
(10 h 50)
Que les normes qu'on impose, que les serrages de vis qu'on impose
régulièrement, a certains moments, provoquent le genre de
réactions qu'on a vues depuis quelques jours, bien sûr, je serais
étonné du contraire. S'il n'y avait pas des réactions
comme celles-là, cela veut dire que vraiment la vis ne serait pas assez
serrée. Je ne m'imagine pas, quand on serre la vis, que tout le monde
est nécessairement content. Il faut, année après
année, régulièrement, faire en sorte que cette
espèce d'exubérance des dépenses publiques que nous avons
connue au milieu des années soixante-dix se ralentisse. Il n'y a pas 25
façons de ralentir cela. Il y a de ramener les gens dans des normes
à peu près acceptables, même si, à certains moments,
c'est serré.
Si bien que cela nous ramène à un accident -j'ai eu
l'occasion d'en parler - qui est ce qu'on appelle communément l'histoire
des $500,000,000 des commissions scolaires. Oui, c'est exact que le
vérificateur a trouvé, aussi bien sur le plan du nombre des
enseignants, de leurs caractéristiques, du nombre des
élèves, qu'il y a, dans certaines commissions scolaires, pas dans
toutes d'ailleurs, des livres qui ne sont pas correctement tenus. Lorsque nous
sommes arrivés au pouvoir, il est exact, étant donné ce
vieux système de financement des commissions scolaires, que des
arrérages qui avaient augmenté, et financés par les
banques, qui représentaient à peu près $500,000,000, ont
été remboursés aux banques par le gouvernement, et qu'au
moment même où on remboursait tout cela, une nouvelle accumulation
de $500,000,000 se faisait. C'est un vieux système qui a joué des
tours au gouvernement précédent, qui a joué des tours au
gouvernement présent, mais attention, le gouvernement présent a
quand même fait une chose. En changeant complètement, cette
année, le système de financement des commissions scolaires et en
fermant leur budget, il s'assure que cela ne recommencera plus jamais.
Qu'on s'excuse d'avoir été attrappé par un vieux
système comme le gouvernement précédent, bien sûr,
mais au moins, on nous donnera ceci: Cela ne se reproduira pas une
troisième fois. On a changé le système de financement des
commissions scolaires pour que jamais plus cela ne soit possible.
Tout ce dont je viens de discuter, on peut le prendre comme une sorte
d'image de drame. On crie, dans certains hôpitaux, parce qu'on garde la
vis serrée. On crie, dans certains coins de l'administration publique,
parce qu'on garde la vis serrée. On crie chaque fois qu'on serre la vis.
Pourquoi le gouvernement actuel considérerait-il que cette surveillance
très précise des finances publiques est quelque chose de mauvais?
Pourquoi considérerait-on cela comme la preuve d'un fouillis? Au
contraire! Qu'est-ce qui arriverait si c'était vraiment un fouillis?
Qu'est-ce qui arriverait si vraiment on ne surveillait pas les dépenses
publiques au Québec? Il se produirait quelque chose de très
simple. Personne ne crierait. Quand il y a beaucoup d'argent pour tout le monde
et quand cela monte énormément, c'est curieux, les gens ne se
plaignent pas. La meilleure preuve que le gouvernement actuel garde un
contrôle sur les dépenses, c'est justement de voir qu'il n'est pas
nécessairement toujours populaire avec tout le monde. C'est une question
de responsabilité et c'est une question de prudence. Encore une fois, si
tout le monde gazouillait dans notre société, si toutes les
administrations locales trouvaient la vie belle, ce serait là justement
la preuve du fouillis, la preuve du gâchis et la preuve du party.
Il me reste deux minutes, Mme la Présidente, pour en arriver, en
terminant, à ces comparaisons que le député de Gouin
faisait avec d'autres provinces canadiennes. Bien sûr, le Québec a
un déficit qui, par rapport à chaque province maritime,
paraît très gros, mais quand on a 6,000,000 de population, on va
avoir, parmi les provinces qui font un déficit, un déficit
passablement plus gros qu'une province qui a 500,000 habitants. Il faut donc,
quand on veut se comparer aux autres provinces, avoir d'abord une base
comptable qui est la même. Je rappellerai au député de
Gouin, à cet égard, que la
comparaison, sur une même base, des déficits d'une province
à l'autre est un exercice compliqué au Canada, parce que les
comptabilités d'une province à l'autre varient beaucoup. On se
sert donc d'une méthode qui a été mise au point par le
gouvernement fédéral, qui est tirée d'une brochure qui
s'appelle "Financial Management Analysis" et qui permet de refaire les comptes
de chaque province pour être certain que cela est fait sur la même
base. Une fois qu'on a fait cela, on établit, si vous voulez, un
déficit per capita. Puisque l'Île-du-Prince-Édouard a
quelque 100,000 habitants et que le Québec en a 6,000,000 à
6,250,000, on établit un déficit per capita. Ce n'est pas
très difficile. Cela ne demande que la règle de trois. Qu'est-ce
que cela donne de procéder comme cela pour l'année 1980-1981? Sur
cette base, le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard, en 1980-1981,
avant les budgets supplémentaires -parce qu'on ne les connaît pas
pour toutes les provinces encore - ont un déficit par tête de 30%
supérieur à celui du Québec. La Nouvelle-Écosse, de
10% supérieur; le Nouveau-Brunswick au même niveau et l'Ontario,
à peu près 25% plus bas. Voilà! Cela ne veut pas dire que
le Québec est en bas tout à fait de la colonne. Bien sûr,
l'Ontario a un déficit moins élevé, mais ça veut
dire qu'il y a d'autres provinces au Canada qui ont un déficit plus
élevé. Sur cette base, là encore, où est le drame?
Pourquoi faire des drames avec des choses pareilles? C'est dans ce sens, Mme la
Présidente - et je conclus là-dessus - qu'il me paraît que
le député de Gouin est parti depuis quelque temps à une
sorte de chasse aux moulins à vent. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gouin.
Discussion générale
M. Tremblay: Merci, Mme la Présidente. J'avais dit que je
me doutais que le ministre des Finances allait répéter les propos
qu'il a tenus dans cette Assemblée mardi. Effectivement, c'est ce qu'il
vient de faire sans aucun ajout. Je trouve un peu curieux, quand même,
qu'après une semaine les milliers de fonctionnaires au ministère
des Finances n'aient pas réussi à trouver de meilleurs arguments.
J'avais dit aussi que le ministre des Finances administrait un peu les finances
comme un dramaturge, à coups de drames et de trous financiers. J'aurais
pu dire aussi qu'il les administre comme un chanteur d'opéra. Il entonne
le grand refrain: Madame la marquise, tout va bien, tout va bien. Retournez
à votre sommeil, citoyens. Nos déficits ne sont pas des
déficits. La magie, la prestidigitation fiscale est en marche. Un don du
ciel, quoil Le ministre des Finances dit: Le député de Gouin nous
dit que les déficits budgétaires augmentent la dette. Il dit:
Non, ce sont uniquement les besoins d'encaisse qui augmentent la dette. Tous
ceux qui connaissent un peu de comptabilité vont éclater de rire
et je suis certain qu'ils éclatent de rire présentement parce que
n'importe quel gérant d'entreprise ou d'institution peut toujours
diminuer ses besoins d'encaisse en ne payant pas ses comptes, en ne payant pas
ses dettes. Le ministre des Finances dit: II faut aller voir nos besoins
financiers, nos besoins d'encaisse parce que notre déficit
budgétaire, ce n'est pas vraiment de la dette.
J'ai des nouvelles pour le ministre des Finances. J'ai ici les
états financiers du Québec. C'est un peu différent du
discours du budget qui est un peu un exercice d'Halloween fiscale qu'on nous
sert une fois par année. Les états financiers sont
contresignés par le contrôleur des finances, par le sous-ministre
des Finances et revus par le Vérificateur général. Donc,
on est sur un terrain solide. À la page 13 des états financiers-
les derniers que nous avons - du 31 mars 1979, on donne la définition de
la dette du Québec:"La dette nette représente, dit-on, la
différence entre les passifs et les actifs inscrits aux livres et
-écoutez bien - elle est constituée principalement du
déficit accumulé des opérations budgétaires depuis
1867." Donc, lorsqu'on parle de la dette du Québec qui était de
$5,000,000,000 en 1977 et qui va atteindre $12,000,000,000 à la fin de
la présente année fiscale, nous parlons d'une augmentation de
$7,000,000,000 d'endettement, ce qui est identique aux $7,000,000,000 de
déficit que nous avons eu depuis quatre ans. Ce ne sont pas les besoins
d'encaisse, pas les besoins financiers qu'on peut tripoter en
transférant un compte dans un autre, mais les déficits
d'opérations budgétaires, $7,000,000,000 en quatorze ans dont
$3,000,000,000 cette année.
Le ministre des Finances me dit: $3,000,000,000, où le
député de Gouin prend-il ce chiffre? Évidemment, nous
sommes rendus au 30 septembre à $2,680,000,000. Il y a une petite erreur
de 16,5% depuis le 25 mars, ce qui est dans la ligne des erreurs du ministre
des Finances. Dans son premier budget, il avait fait une erreur de 38,1% dans
l'évaluation du déficit par rapport à ce que cela a
été véritablement dans les états financiers par
après.
L'année suivante, un petit 42,5% d'erreur et ça passe
rapidement; quelques milliards par ci, par là, cela se fait bien.
Après ça, l'année suivante, en 1978-1979, c'était
25,2%, une légère amélioration dans les prévisions.
Cette année, on s'en va vers une erreur de 32%. (11 heures)
Je rappellerais au ministre des Finances que, lors de la période
des questions, il a lui-même indiqué qu'il s'attendait à
perdre environ $120,000,000 en provenance d'Ottawa. Cela nous monte tout de
suite à $2,800,000,000 de déficit. Après ça, il
nous dit qu'on aura un budget supplémentaire qu'il va essayer de
financer à partir des crédits périmés. Je le sais
bien, mais il ne nous passera pas ça entre les dents! Il va y avoir une
augmentation de déficit avec le budget supplémentaire. Mais il
n'a pas répondu à ma question tout à l'heure, quand je lui
ai parlé de tous ces salaires importants et gros, car même si la
fonction publique ne s'accroît pas, les salaires, eux, se sont accrus.
Avec l'indexation à 8,5%, est-ce qu'il croit vraiment que l'inflation va
être à 8,5%? Elle va être de 10,5%. J'aimerais bien qu'il
nous dise combien cela va coûter de plus, à moins qu'il veuille
reporter ces frais sur l'autre budget, après le 1er avril 1981. Mais
s'il est prêt à gager une bouteille de vin avec moi ou une
bouteille de bière que le déficit au 31 mars va être de
$3,000,000,000, je suis bien prêt à prendre la gageure.
Évidemment, nous n'allons connaître le vrai déficit qu'au
mois d'août 1981. Heureusement, il y aura eu des élections
entretemps.
Après, le ministre des Finances nous joue le jeu de la noyade du
poisson. Il commence son jeu des si. Qu'est-ce qui serait arrivé si? si?
si on avait fait comme l'autre gouvernement? Il serait arrivé telle
chose. Si je n'avais pas fait telle chose, il serait arrivé telle chose.
Évidemment, là, il perd tout le monde. Avec des si, on va
à Paris. Je ne suis pas venu ici pour discuter de toutes les
hypothèses imaginables qui seraient arrivées si le ministre avait
administré comme il faut. S'il avait fait quelque chose. Si on n'avait
pas eu des déficits de $7,000,000,000, c'est évident que la dette
ne se serait pas accrue de $7,000,000,000. Mais, moi, je regarde les faits. Je
regarde la réalité sous mes yeux, comme le Vérificateur
général va devoir la regarder quand il va publier son rapport
dans quelques mois. On a cet endettement et on paie des intérêts.
Je vais parler des intérêts tout à l'heure, parce qu'on
paie des intérêts. On en paie, des intérêts!
Donc, les si, on peut jouer à cela, mais je laisse le ministre
des Finances à ce jeu. Je n'ai pas de temps à perdre à
faire des calculs pour savoir ce qui serait arrivé. Quoique, une fois
n'est peut-être pas péché, puisqu'il a
répété encore ce qu'il avait dit mardi. Mardi, il avait
dit - il vient de le répéter: Si je prends les emprunts; les
déficits, je n'aime pas trop ça. N'en parlons pas. Cela ce
comprend, dans le discours du budget du 25 mars, il fallait aller voir dans un
tableau statistique quel était le vrai déficit. Il ne le
mentionnait même pas dans le discours sur le budget, lui-même. Les
journalistes ont fait des manchettes qui étaient toutes fausses le
lendemain matin. Je ne leur en veux pas. Mais j'en veux au ministre des
Finances, par contre, d'essayer de camoufler l'affaire. Les déficits, on
les met dans les budgets. On n'est pas pour cacher cela dans les tableaux
statistiques à la fin. Ce sont les chiffres les plus importants, "the
bottom line". C'est ça qui est le plus important. Quand un
économiste ou un comptable regarde un bilan, i! regarde le "bottom
line". On ne va pas le chercher dans les annexes!
Le ministre des Finances, lui, dit: Ce n'est pas important. Ce sont
seulement les emprunts qu'il considère. Si j'avais emprunté comme
M. Garneau en 1976, ça aurait été terrible. Il dit: Le
gouvernement a emprunté $1,340,000,000, mais dans les états
financiers, en 1976, les emprunts étaient de $1,354,600,000. Il dit: Si
j'ajoute en plus toute la dette olympiquel Wo! la dette olympique, en 1976,
à moins qu'il y ait des Olympiques à chaque année, il ne
faut pas commencer à jouer ce petit jeu là. Comparons donc des
choses comparables. Il n'y a pas eu de Jeux olympiques en 1980. Il y a eu
peut-être le référendum, mais il n'y a pas eu de Jeux
olympiques. Si on prend, comme il dit, les emprunts de $1,354,000,000 sur des
revenus de 1976-1977, c'était $9,340,000,000, cela nous donne un
pourcentage de 14,5%. N'importe qui peut faire ce calcul. En 1980,
lui-même nous disait, il y a quelques jours, dans sa synthèse, au
30 septembre, que ses emprunts, cette année, vont être de
$2,105,000,000. Les revenus sont de $14,820,000,000. Cela donne un rapport de
]7,6%. Qu'il ne vienne pas nous dire que, s'il faisait ce qu'avait fait M.
Garneau en 1976, il emprunterait $1,400,000,000 de plus. C'est M. Garneau qui
aurait pu emprunter $300,000,000 de plus. Mais, de toute façon se perdre
dans ces si et ces hypothèses pour noyer le poisson, je pense qu'on a
autre chose à faire que cela.
Je reviens donc à la situation réelle. Comme je l'ai dit
tout à l'heure, en citant les états financiers, la dette, c'est
la somme des déficits budgétaires. Son premier déficit
comme ministre des Finances - je vais déposer un tableau pour
éclairer notre débat - a été de $884,000,000.
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Gouin, il n'y a pas de dépôt de tableau, vous pouvez le faire
circuler aux gens.
M. Tremblay: C'est cela! Je le fais circuler. C'est justement ce
que je voulais dire.
Le Président (M. Michaud): D'accord!
M. Tremblay: II n'est pas nécessaire de le déposer
formellement, mais je voudrais le faire circuler.
Le Président (M. Michaud): Parfait!
M. Tremblay: Son premier déficit, en 1977-1978, a
été de $884,000,000. Après cela, il fait un bond de 66% et
il passe à $1,474,000,000. L'année suivante, en 1979-1980, un
bond de 23,2% à $1,816,000,000. Cette année, à la
mi-année, il y a déjà un bond de 47,6%, soit
$2,680,000,000 -et, comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis prêt
à gager que ce sera $3,000,000,000. Donc un bond de 47% dans les
déficits budgétaires et cela donne une moyenne pour l'ensemble de
31,7% pendant quatre ans, d'augmentation dans les déficits. On ne pourra
pas dire que c'est à cause de l'inflation; à ma connaissance, il
n'y a pas eu d'inflation de 30% au Québec dans les dernières
années. Elle s'est située à environ 10%.
Mais là où je veux en venir, M. le Président, c'est
que je n'en ai pas contre les déficits comme tels pour un gouvernement
provincial. Lorsqu'il faut investir du capital dans les immobilisations, il est
normal qu'on s'endette et que les générations futures qui vont
profiter de ces investissements puissent participer au fardeau et aux
coûts que ceci implique. On construit des autoroutes, on construit
même des équipements sportifs, ce n'est pas pour une année
courante. Mais je demande au ministre des Finances ce qu'il a à montrer
pour ses $7,000,000,000? Qu'est-ce que les générations futures
vont avoir pour ces $7,000,000,000? Parce qu'il va falloir qu'elles les paient,
ces $7,000,000,000. On s'entend tous sur cela. Il n'y a pas de magie. Qu'on
cesse de jouer au fou en quelque sorte et qu'on nous dise: Les déficits,
ça n'existe pas. La dette s'accroît, mais personne ne va la payer,
ne vous faites pas de mauvais sang! Il va falloir payer cette dette. Qu'est-ce
qu'il a à montrer pour les $7,000,000,000? Il ne pourra pas dire qu'il y
a un stade parce que l'argent pour le stade est déjà
emprunté, même s'il renouvelle les emprunts
présentement.
Le problème, c'est que - et c'est cela le drame - entre les deux
tiers et les trois quarts de ces damnés déficits ont servi
à financer des dépenses courantes. Cela peut être de
très bonnes dépenses, comme la personne qui revient d'une
tournée de marchandage en ville, qui a acheté dans toutes les
ventes qu'il y avait dans tous les magasins et qui dit à son mari: Nous
sommes en
faillite, mon cher, mais j'ai de belles robes, j'ai une nouvelle
automobile et ce sont de bonnes dépenses. Il y a toujours de bonnes
dépenses pour quelqu'un qui s'en va en faillite. Le contraire serait
difficilement compréhensible, ce serait du vol. Je présume que le
ministre des Finances a dépensé ces $7,000,000,000. Cela n'a pas
été un détournement de fonds. Le fait qu'il nous dise
qu'il y a de bonnes dépenses dans cela, j'espère qu'il y en a.
J'espère, car le scandale serait double si, en plus, l'argent avait tout
été dilapidé! Je dépose un autre tableau pour
montrer que les dépenses courantes du gouvernement sont de plus en plus
financées à même les emprunts à long terme. C'est un
peu comme une personne -il n'y a pas de différence entre une personne et
un gouvernement dans cela, il ne faut pas se leurrer...
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Gouin, je m'excuse de vous interrompre. Il n'y a pas de dépôt de
tableaux en commission parlementaire comme celle de ce matin, mais vous pouvez
les faire circuler.
M. Tremblay: D'accord! Je m'excuse, M. le Président, je ne
veux pas le déposer, si cela vous fait peur, je veux le faire
circuler.
Le Président (M. Michaud): D'accord!
M. Tremblay: Faisons donc circuler la vérité et
l'éclairage. Il ne faut quand même pas avoir peur des chiffres, M.
le Président. On va reprendre plus tard, dans le temps de Noël,
notre débat sur la constitution, mais ce matin, on discute des chiffres,
on discute des finances.
On emprunte donc à long terme pour financer des salaires et des
paiements de loyer. Aussi, on emprunte pour payer les avantages sociaux des
salaires des employés. Ah! oui. Le ministre des Finances dit: Mais moi,
j'emprunte pour financer aussi l'argent que, comme employeur, je dois payer
à mes employés dans leur fonds de pension. Mais j'espère
bien! C'est bien beau de promettre aux employés des avantages sociaux
qui représentent, dans le cas des enseignants, presque 20% des salaires
, mais ce n'est pas aux contribuables, dans vingt ans, à payer ces
augmentations de salaire maintenant. Ayons donc le courage de payer ces
augmentations de salaire maintenant. (11 h 10)
Après cela, le ministre des Finances va me dire - là, je
réponds un peu à l'avance à ce qu'il va me dire tout
à l'heure - que l'autre ministre n'était pas aussi rigoureux que
lui. Il en mettait, pour certains fonds de pension, dans ses dépenses
budgétaires; c'est en partie vrai, mais il faut tout dire, lorsqu'on
ouvre ce dossier. Le 1er juillet 1973, à la suite d'une recommandation
du Vérificateur général des finances, l'ancien ministre
des Finances a créé un fonds de retraite spécial pour les
nouveaux employés du gouvernement; c'est quand même beaucoup de
monde. Il versait dans un fonds spécial les contributions des
employés, lesquelles étaient envoyées à la Caisse
de dépôt et de placement et il indiquait, sous forme
d'écriture comptable, une contribution théorique du
gouvernement.
En 1978, l'actuel ministre des Finances a continué cette
réforme en l'appliquant aux anciens régimes qui comprenaient les
députés, entre autres, les juges, etc., et a commencé
à inscrire - parce qu'il ne met vraiment aucun cent dans ces fonds, ce
sont des écritures comptables - dans un fonds extrabudgétaire
certaines sommes pour les intérêts et les contributions
d'employeur, du gouvernement, et a commencé à amortir les
déficits actuariels. Tout à l'heure, nous allons discuter des
déficits actuariels. Quand le ministre dit qu'ils vont en
décroissant, il va falloir qu'il me le prouve parce que j'ai les
chiffres, et ils vont en croissant.
Donc, face à ces déficits, c'est déjà grave
d'avoir des déficits, mais lorsqu'ils sont financés à
même l'emprunt à long terme, c'est, au plan de la gestion
financière, irresponsable. La première fois que cela s'est fait
dans notre histoire, cela a commencé en 1975. C'était un petit
montant, $99,000,000 financés à même l'emprunt à
long terme. En 1976, M. Garneau en a eu $400,000,000 et il s'était fait
prendre, m'a-t-il dit, parce qu'il avait calculé trop serré. Dans
le cas de la présente administration, c'est devenu la règle: on
s'endette à long terme pour avoir le party maintenant; on ne veut rien
couper parce qu'un gouvernement, ça ne peut pas se contrôler!
L'embonpoint, on le laisse aller! Après avoir vidé les coffres -
parce qu'il n'y a plus d'argent dans les coffres, il faut en emprunter à
Londres et, tout à l'heure, on va en parler, des emprunts à
Londres - et après avoir mis la main dans les fonds de pension, c'est
évident qu'on commence à arriver au fond des tiroirs.
Le ministre me dit: J'essaie maintenant de couper un peu, je serre la
vis aux hôpitaux, je serre la vis aux écoles. Là, ça
hurle un peu, qu'il dit, et c'est normal. Il dit: La preuve que je suis un
très bon administrateur, c'est que ça hurle. Bon, mais je dis:
Pas si vite; ça hurle pourquoi? Parce qu'après avoir eu quatre
ans de laisser-aller et de dépenses incontrôlées, de
gaspillage au Champagne, comme je le disais tout à l'heure, le lendemain
matin, il faut aller gratter le fond des tiroirs pour payer le laitier parce
qu'on a tout dépensé pour le style et pour un gros train de vie.
On accorde de l'aide en Afrique. Pendant le référendum, la
Commission des droits de la personne avait envoyé cinq personnes au
Zimbabwe parce qu'il fallait voir si les élections étaient bien
tenues au Zimbabwe. Évidemment, ici, il y avait des groupes qui disaient
que la loi du référendum les empêchait de se prononcer lors
du référendum, mais on ne dépensait pas un cent pour cela.
Aussitôt qu'il y a un cataclysme à travers le monde, nous, on est
les premiers à envoyer de l'argent! Québec est un des pays les
plus riches au monde! De l'argent, on en a, ce n'est pas grave!
Par contre, on va à Londres, par en arrière, et on
emprunte à des taux élevés et en dollars
américains, mais on vit bien. On a une bonne prestance au plan
international et tout va bien. La raison pour laquelle ça hurle, M. le
ministre des Finances, c'est que vous coupez maintenant sur l'essentiel
après avoir dépensé sur des extravagances. C'est
ça, le scandale. Après avoir donné des augmentations de
salaire énormes... Je parlais, hier, à un collègue
économiste, qui est directeur financier d'un hôpital, et il me
disait: Maintenant, la situation est intenable. Là, on nous dit: Payez
les salaires et payez aussi les congés parentaux parce que, dans la
convention
collective, ça coûte cher. Si quelqu'un a un enfant, ce
n'est pas seulement la mère qui est en congé, c'est le
père aussi. L'hôpital paie cela, évidemment. On nous dit
maintenant: Coupez sur les 20% des autres dépenses. Sur les salaires,
vous ne pouvez pas, on vous l'a imposé; c'est le gouvernement qui a mis
en tutelle les hôpitaux, les commissions scolaires et bientôt les
municipalités. J'espère que tout à l'heure on va discuter
de la fameuse réforme fiscale municipale qui est une de ces grosses
ballounes qu'il est temps de péter. Donc, on coupe sur l'essentiel. On
racle les fonds de tiroirs et c'est cela, à mon avis, M. le
Président, qui est très scandaleux. Maintenant, on est pris avec
une situation où on a le championnat des déficits
nords-américains. On a le championnat de l'endettement. Vous croiriez,
M. le Président, qu'étant tellement endetté le
gouvernement doit ne pas taxer. Il doit y avoir une raison pour laquelle nous,
nous sommes très taxés au Québec. C'est probablement parce
que le gouvernement a des impôts qui sont plus bas qu'ailleurs - je vais
finir cet argument sur les fardeaux fiscaux et je passerai la parole au
ministre - or, erreur, M. le Président. Non seulement on a le
championnat des déficits, mais on a le championnat des impôts. Le
fardeau fiscal au Québec est encore, et de loin, pour le contribuable
québécois le plus élevé au Canada.
Évidemment, le ministre des Finances a l'habitude de noyer le poisson en
prenant un cas. Il va vous sortir un chiffre d'une personne qui a les yeux
bleus, qui demeure à Saint-Coin-Coin et qui, elle, paie tant de
pourcentage d'impôt de moins qu'à Toronto. Oui, mais on parle ici
de l'ensemble des citoyens. Cessons de jouer aux petits "diguediguedis"!
Lorsqu'on regarde une situation financière, on regarde la situation
globale. Quel est ce fardeau fiscal? J'ai fait des calculs. J'ai demandé
au ministre hier de déposer ses calculs en Chambre, il n'a pas voulu.
J'espère qu'aujourd'hui il a changé d'idée et qu'il va les
déposer. Moi, je vais déposer les miens.
Commençons par l'impôt sur le revenu. Je vais vous parler
simplement de trois indices du fardeau fiscal. C'est quand même
important, M. le Président.
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Gouin, je ne doute pas...
M. Tremblay: Je pense que le ministre des Finances serait
d'accord pour que je finisse cet argument. Sans cela, on va couper l'argument
au milieu.
Le Président (M. Michaud): D'accord, mais vos 20 minutes
sont écoulées même déjà depuis une
minute.
M. Tremblay: Avec la permission du ministre, je vais finir cet
argument sur les impôts et je lui passe la parole pour qu'il puisse
répondre.
Le Président (M. Michaud): D'accord.
M. Tremblay: Parce que si je lui donne seulement la moitié
de l'argument, ce n'est pas juste pour lui. Je préfère lui
donner...
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président (M. Michaud): Oui, M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: ...je veux bien que le député de Gouin
soit juste pour moi, mais à la condition qu'il me rende la pareille si,
à un moment donné, j'arrivais, moi aussi à mes 20
minutes.
M. Tremblay: Volontiers. Comme nous avons commencé
peut-être quinze minutes en retard, si on peut continuer jusqu'à
13 h 15 et vu qu'il y a une tempête qui s'annonce, on ne pourra pas tous
les deux retourner à Montréal, je suis prêt à
discuter jusqu'à 17 heures ce soir de la question. Ce serait
intéressant parce qu'après avoir, pendant des mois et des mois,
discuté de constitution, ce serait le temps de lever les voiles, parce
qu'il y en a des voiles sur les finances publiques.
Je reviens à la question des impôts. Au Québec, non
seulement on a le championnat des déficits, mais le championnat des
impôts. Une des raisons fondamentales, c'est que, dans les autres
provinces et au gouvernement fédéral, ils ont indexé, en
1974, mon seulement les tables, les paliers d'impôt, mais aussi les
exemptions de base à un taux réel d'inflation. Au Québec,
on est six ans en retard. Le ministre, à chaque discours sur le budget,
enlevait 3% par-ci, 3% par-là et il disait: J'abaisse les impôts.
Oui, mais l'inflation faisait augmenter les impôts par en arrière.
Il jouait sur les mots. Lorsqu'on regarde les chiffres, ces chiffres nous
montrent que, du fait qu'on n'ait pas indexé les impôts - au
Québec, on était la seule province où on n'indexait pas
les impôts - l'inflation jouait seulement en faveur du gouvernement. Les
contribuables, eux, devaient payer. Il l'a fait, d'ailleurs, pour l'essence au
mois de mars. Il a remplacé une taxe spécifique de $0.19 le
gallon par une taxe de 20%. Chaque fois donc que les Arabes nous serrent la
vis, le ministre des Finances prend sa pinte de sanq. Cela paraît dans
les chiffres. Donc, à Ottawa parce qu'ils avaient indexé les
impôts, leur accroissement dans l'impôt sur le revenu des
particuliers au cours des dernières années, par rapport à
la population active, a été de 3% par année.
On va me dire qu'ils ont un déficit à Ottawa et c'est
vrai. Si j'étais à Ottawa, le ministre des Finances aurait ma
façon de penser aussi, quoiqu'il y a des explications, le prix du
pétrole, etc., qui peuvent le motiver. Or, au Québec, la
progression des impôts sur le revenu des particuliers a augmenté
à un taux composé de 10,7%. C'est plus haut que l'inflation.
Qu'on ne vienne pas nous dire que cela a baissél
Maintenant, on peut en prendre des cas spécifiques et je demande
peut-être à tous ceux qui sont dans cette Assemblée et
à vous-même, M. le Président, de comparer votre bordereau
de paie en 1976 avec votre bordereau de paie le plus récent possible
pour voir si vous payez plus d'impôt à Ottawa qu'à
Québec présentement. Il y a eu des ajustements administratifs au
cours de ces quatre ans, mais cela vous donne quand même une idée
globale. Cela, vous pouvez le faire vous-mêmes sans vous fier à
toutes sortes de démonstrations que le ministre des Finances peut faire,
(11 h 20)
J'ai demandé à quelqu'un qui gagnait en
1976 à peu près $14,000, et cette personne payait un petit
peu plus de son impôt à Ottawa en 1976, moins de 1% de plus
à Ottawa. Je lui ai dit: Montre-moi ton dernier chèque. Elle m'a
présenté son dernier chèque de novembre 1980 et elle
payait 29,2% plus d'impôt au gouvernement du Québec plutôt
qu'à Ottawa. Ce n'est pas quelqu'un qui gagnait $125,000 par
année, c'est quelqu'un qui gagnait $14,000 en 1976 et qui en gagne
maintenant $19,000. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un cas
particulier, cela ne donne pas toute l'image. La seule façon - je l'ai
demandé au ministre des Finances hier lors de la période des
questions - de comparer l'ensemble du fardeau fiscal pour toutes les provinces
que je connaisse, comme économiste, c'est la formule des paiements de
péréquation à Ottawa qui, elle, prend les assiettes
fiscales pour 29 taxes et impôts pour chacune des provinces. Alors, on
mesure le fardeau fiscal des contribuables de chacune des provinces. Le
ministre des Finances, en 1977, voulant montrer que l'ancien gouvernement
taxait beaucoup plus qu'ailleurs, avait reproduit ces indices qui nous
parvenaient d'Ottawa, à la page 16 de son budget de 1977-1978. Or,
depuis quelques jours, à la Chambre de commerce de Montréal et
ici en Chambre, il parle du fardeau fiscal et laisse entendre qu'il aurait
diminué.
La Présidente (Mme Cuenrier): M. le député
de Gouin, je regrette...
M. Tremblay: Oui, je demanderais au ministre de finir cet
argument. Je vais lui donner...
La Présidente (Mme Cuerrîer): Je n'aime pas beaucoup
vous interrompre au milieu d'une phrase, mais vous avez déjà
débordé vos vingt minutes de cinq minutes, et vous l'aviez
déjà fait de trois minutes précédemment. Alors, je
vous demanderais, s'il vous plaît, de conclure pour maintenant et de
laisser le ministre des Finances vous donner la réplique.
M. Tremblay: Mme la Présidente, vous me voyez tout confus.
J'ai tellement de choses à dire que les paroles ne sortent pas
suffisamment vite de ma bouche. Je vais conclure rapidement sur cette question
des impôts. Je demande encore au ministre des Finances de déposer
les indices du fardeau fiscal. Il les a les indices, je les ai moi aussi, les
indices. Je préférerais que ce soit lui qui les dépose
plutôt que moi. La population a le droit de savoir. J'aimerais que ce
soit lui qui les dépose. S'il ne les dépose pas, il me fera
plaisir de les déposer. La vérité, c'est que, pour les 29
impôts et taxes à travers le Canada, le Québec est aussi
supérieurement taxé qu'il ne l'était il y a trois ans. On
a changé la formule en 1977, de sorte que ce n'est pas tout à
fait comparable. On est encore plus taxé que la moyenne canadienne, et
avec des déficits plus importants. Et si on incluait dans la formule du
fardeau fiscal ces taxes futures que sont nos déficits, parce qu'on a
des déficits beaucoup plus grands qu'ailleurs, le fardeau serait encore
plus grand. Le ministre va me dire: Oui, mais on n'inclut pas les taxes
municipales. Là aussi, c'est un fouillis d'une province à
l'autre, c'est la seule taxe qui n'est pas incluse dans les formules de
péréquation. Mais on pourra y revenir sur la question des
finances municipales, parce que j'ai des choses à dire au ministre.
Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gouin, je me dois de vous interrompre maintenant pour donner la parole
à M. le ministre des Finances.
M. le ministre.
M. Parizeau: Mme la Présidente, je vais essayer de
répondre au député de Gouin. Il a lancé une telle
avalanche de choses sur la table qu'il va falloir que je coupe le melon en
tranches pour qu'on s'y retrouve un peu. Je reviens sur les idées qu'il
semble avoir sur le sens d'un déficit budgétaire. Je regrette
d'avoir à lui dire que je crois qu'il ne comprend pas comment cela
fonctionne. Il citait tout à l'heure le Vérificateur
général, indiquant que le principal élément des
besoins financiers nets d'un gouvernement, c'est le déficit
budgétaire. Oui, bien sûr, je n'en disconviens pas, c'est
l'élément majeur, mais ce n'est pas le seul. Il faut entrer un
peu dans le détail, mais puisque, manifestement, il n'a pas l'air de
saisir comment cela fonctionne, je vais être obligé pendant
quelques minutes d'essayer d'expliquer cela. On introduit dans le
déficit ou le surplus budgétaire deux choses: les revenus d'un
gouvernement et ce qu'on appelle ses dépenses budgétaires,
c'est-à-dire ses dépenses courantes et ses dépenses
d'immobilisations. Mais il y a, en plus de cela, ce qu'on appelle des
opérations non budgétaires et qui, néanmoins,
représentent des besoins ou des sources de fonds. Par exemple, quand on
prête de l'argent à une société d'État, ou
bien pour faire du crédit forestier, ou qu'on prend des participations
dans des entreprises, ce sont des opérations extrabudgétaires. Je
suis désolé, mais c'est de l'argent aussi. Cela n'entre pas dans
le déficit, mais ça existe néanmoins. Lorsqu'il y a un
changement, dans le fonds de roulement du gouvernement, dans les comptes
à payer par opposition aux comptes à recevoir, ça
apparaît aussi dans ce qu'on appelle "autres comptes", mais n'importe
quel homme d'affaires sait bien que, quand on veut avoir une
comptabilité complète, il faut tenir compte de ça.
D'autre part, nous comptabilisons toujours dans les
extrabudgétaires nos contributions aux régimes de retaite. Cela
doit apparaître aussi dans le portrait et c'est le cumulatif de tout
ça, c'est l'addition des plus et des moins, à la fois du
déficit budgétaire et des opérations
extrabudgétaires, qui indique chaque année ce qu'on appelle les
besoins financiers nets des gouvernements, en anglais "cash requirements".
C'est ce que le gouvernement aura à ajouter à sa dette. Il va
falloir qu'il aille emprunter ça. Évidemment, il empruntera aussi
pour le renouvellement d'obligations qui viennent à
échéance, mais, ce qu'il va emprunter, ce sont ses besoins
financiers nets.
Mme la Présidente, il y a, dans l'ensemble de ces
opérations, des opérations qui n'impliquent pas de sorties de
fonds et d'autres qui en impliquent, et c'est vraiment par les besoins
financiers nets qu'on voit où en est le gouvernement quant aux appels
qu'il va avoir besoin de faire à des sommes à emprunter. Cela
fait de grosses différences. Voyez, par exemple, pour 1979-1980 - je
prends le petit tableau que m'a
envoyé le député de Gouin; quant aux
déficits budgétaires, je prends une année, une des
années qu'il présente, 1979-1980 - il dit que le déficit
budgétaire est de $1,816,000,000. Je n'en disconviens pas, mais les
besoins financiers nets sont de $1,372,000,000. Désolé, mais les
appels qu'on a eu à faire en 1979-1980 au marché des emprunts
étaient de $1,372,000,000. Ce n'était pas $1,816,000,000 parce
que, cette année-là, il y avait un solde positif aux
opérations non budgétaires qui devait être soustrait du
déficit.
En un certain sens, rendu là, j'ai l'impression d'avoir à
donner une sorte de cours de comptabilité élémentaire et
je m'en excuse, mais enfin! on ne peut pas regarder un bilan ou un état
des pertes et profits en prenant simplement la moitié supérieure
de la page. On est bien forcé de prendre l'ensemble des écritures
qu'il y a dans la page et de regarder le solde en bas. Remarquez qu'il y a
certaines années où c'était le contraire. Les besoins
financiers nets du gouvernement étaient supérieurs au
déficit. La dernière année du régime
libéral, le déficit était de $990,000,000 à peu
près. Les besoins financiers nets étaient de $1,336,000,000.
Cette année-là, les extrabudgétaires représentaient
un appel de fonds supplémentaires. Encore une fois, on ne peut pas
prendre dans les états financiers simplement la partie supérieure
de la page. Il faut tout prendre et regarder le solde en bas.
Dans ce sens, le petit tableau que le député de Gouin a
fait circuler est tout à fait exact quant au déficit
budgétaire, mais, quant à l'interprétation qu'on peut en
tirer sur l'augmentation de la dette au Québec, il est inutile parce
qu'il n'est pas complet. Il manque une colonne, le solde des
extrabudgétaires, et une autre colonne, les besoins financiers nets, et
le solde. (11 h 30)
Cela étant dit, le député de Gouin disait que
j'essayais d'interpréter la réalité avec des "si", en
comparant en particulier la performance financière du gouvernement
actuel avec celle des gouvernements précédents. Ce ne sont pas
des "si", Mme la Présidente. L'arrêt de la croissance des
effectifs dans la fonction publique, que l'on souhaite un peu partout en
Amérique du Nord, parce qu'on trouve que les gouvernements sont trop
gros, qui est-ce qui a réalisé ça? Nous. Les effectifs de
fonctionnaires au Québec croissent de zéro depuis deux ans.
Depuis que nous sommes au pouvoir, les effectifs autorisés n'ont pas
augmenté de 1%. C'est nous qui avons fait ça. Ce n'est pas un
"si", ça. Le fait que, pendant plusieurs années, les
dépenses, sur une base comparable à ce qui se faisait avant 1976,
les dépenses ont augmenté de 10% ou 11%, ce n'est pas un "si".
C'est une remarquable performance du gouvernement dont on est très
fier.
Le député de Gouin avait l'air d'indiquer qu'une des
raisons pour lesquelles on arriverait à présenter une image ou
des réalisations comme celles-là, ce serait accompagné du
fait qu'on renvoie le paiement de comptes à plus tard. Là encore,
s'il voulait examiner l'ensemble des états financiers du gouvernement,
il saurait très bien qu'on ne peut pas faire ça. Cela
apparaîtrait dans les chiffres. Enfin, les comptes à payer,
ça se comptabilise. Je prends un exemple qu'il a présenté
tout à l'heure: des entrepreneurs à qui on dirait: Faites les
travaux, mais vous ne serez pas payés. Il ne s'imagine tout de
même pas que je peux cacher ça sous le tapis. Si c'était
vrai, des choses comme celles-là, ça apparaîtrait dans les
comptes à payer, voyons, comme pour n'importe quelle épicerie. On
ne peut pas jongler avec des choses comme celles-là. La
comptabilité a ses exigences, à condition, cependant, qu'on
comprenne comment ça fonctionne.
Le député de Gouin, d'autre part, soulignait que nous
finançons à même les emprunts des dépenses
courantes. Cela va être vrai cette année, pour une part, mais
ça ne l'a pas été dans les années
précédentes. En fait, si l'on veut comparer les besoins
financiers nets du gouvernement avec ce que le gouvernement apporte comme
contribution aux immobilisations ou aux dépenses en capital, il faut
tenir compte de plusieurs éléments: les dépenses de
capital faites par le gouvernement lui-même, par exemple la construction
d'immeubles par les Travaux publics.
Deuxièmement, on doit tenir compte des subventions que le
gouvernement donne pour faire faire par d'autres des immobilisations.
Troisièmement, il faut tenir compte d'une chose dont on n'a pas beaucoup
tenu compte dans les discussions depuis quelques semaines là-dessus,
c'est-à-dire des contributions du gouvernement à des
sociétés d'État, des prêts, des avances, des prises
de participation dans le secteur productif qui entrent dans les
extrabudgétaires.
Je comprends qu'on peut me répondre: Mais s'il y a
énormément de déficits dans les sociétés
d'État, c'est un peu masquer la réalité, parce
qu'après tout, combler un déficit, ce n'est pas investir. C'est
exact, mais il faut reconnaître et, là, encore, le gouvernement,
dans sa gestion financière en est particulièrement fier, qu'il y
a quatre ans, un grand nombre de sociétés d'État faisaient
des déficits, alors que cette année, il y a Sidbec qui va en
faire. Nos sociétés d'État font de l'argent maintenant.
Quand nous ajoutons une contribution gouvernementale aux investissements dans
telle ou telle société d'État, à l'heure actuelle,
ça va directement en investissements. II n'y a vraiment que pour Sidbec
où l'argent que l'on place est véritablement pour boucher un
déficit. C'est le dernier déficit le moindrement peu
appréciable qui reste parmi toutes les sociétés
d'État. Les autres font de l'argent maintenant. Ce n'est pas un "si".
C'est quelque chose que le présent gouvernement a fait et dont,
d'ailleurs, il est assez fier.
Effectivement, cette année, nous allons avoir, entre les besoins
financiers nets et l'ensemble des dépenses capitales du gouvernement ou
qui servent à des fins capitales, un écart. Mais là
encore, il faut quand même essayer d'être un peu intelligent par
rapport à la situation économique. Dans la mesure où,
effectivement, il y a une récession, il n'est pas anormal que l'on fasse
ça. Ce serait probablement anormal de le faire systématiquement
et indéfinement, oui. Encore que là, il y a des illusions. Dans
la mesure où, Mme la Présidente, au lieu de construire
nous-mêmes, disons, le métro de Montréal, on fait emprunter
des sommes à cette fin et nous assurons seulement le service de la
dette, les remboursements des intérêts et du capital chaque
année, ça apparaît dans nos comptes comme un montant
relativement petit par rapport aux dépenses pour faire le métro.
Là, on peut toujours dire: Bien sûr, une partie du
déficit sert à faire des dépenses courantes;
seulement, il y a une espèce d'illusion d'optique. Lorsqu'on fait
construire un immeuble par les Travaux publics, on paie tout. Beaucoup des
dépenses de capital qui se font dans notre société se font
par des gouvernements locaux qui empruntent et le gouvernement, lui, assure le
service de la dette. Dépenses courantes, dépenses capitales?
Là, cela devient assez ténu à interpréter.
J'aimerais, cependant, qu'on ne se ferme pas les yeux là-dessus. Tout le
monde sait très bien qu'au Québec, quand une université
veut construire un immeuble, c'est l'université qui emprunte et c'est le
gouvernement qui, chaque année, inscrit dans ses dépenses les
intérêts à payer là-dessus.
Cela étant dit, passons maintenant à la question des fonds
de retraite. Le député de Gouin a soutenu à deux ou trois
reprises que le gouvernement siphonne - II a utilisé cette expression -
les fonds de retraite pour se financer. J'aimerais lui poser la question
suivante: La Régie des rentes du Canada prête ses fonds à
qui? Je la connais, la réponse. J'espère qu'il la connaît
aussi. La Régie des rentes du Canada, dans les neuf autres provinces,
envoie la totalité de ses entrées nettes de fonds aux provinces,
aux gouvernements provinciaux et les prête à un quart pour cent de
plus que la dette fédérale à long terme. Qu'est-ce que
nous faisons nous, au Québec? L'argent de notre Régie des rentes
qui va à la Caisse de dépôt ne sert pas seulement à
financer le gouvernement de Québec, comme c'est le cas alors que tous
les autres gouvernements des provinces au Canada sont financés par la
Régie des rentes. S'il y a siphonnage, c'est ailleurs au Canada, ce
n'est pas chez nous. Chez nous, la Régie des rentes remet les sommes
à la Caisse de dépôt qui, elle, finance toute une
série d'emprunteurs dont le gouvernement.
Est-ce qu'il y a quelque chose de changé ou d'anormal dans la
répartition actuelle des fonds de retraite tels qu'administrés
par la Caisse de dépôt? En 1979, le portefeuille d'obligations du
gouvernement du Québec détenu par la Caisse de dépôt
représentait 33% de ses placements totaux: un tiers. C'était quoi
- reculons de dix ans - en 1970? C'était 35,8%. Virage majeur,
siphonnage spectaculaire légèrement hystérique, comme on
en a entendu des échos depuis quelque temps? Allons donc!
Hydro-Québec prend à peu près 16% des placements de la
Caisse de dépôt. Qu'est-ce que c'était en 1970? 16%.
Siphonnage? Il n'y a pas de siphonnagel Évidemment, il y a des
fluctuations d'année en année. Bien sûr!
Pour ce qui a trait aux corporations et aux compagnies, nous avons
toujours dit qu'au Québec une partie de nos fonds de retraite servirait
à financer de l'activité économique et, en particulier,
des sociétés, des compagnies. Actuellement, en 1979, c'est 22%,
des fonds de la Caisse de dépôt qui servent à des
placements dans des entreprises, actions et obligations: 22%. Qu'est-ce que
c'était en 1970? 24%. D'autre part, il faut dire que, du
côté des hypothèques et des immeubles, là, au
contraire, la Caisse de dépôt a augmenté assez sensiblement
son portefeuille, puisque cela augmente en 10 ans d'un peu moins de 6% à
plus de 9%. C'est quoi, cette rumeur, cette image de siphonnage qu'on cherche
à faire apparaître? D'où vient-elle autrement que de choses
qu'on affirme, qu'on répète comme si c'était vrai?
Je termine en discutant brièvement de la question du fardeau
fiscal. Je trouve un peu fort que le député de Gouin
considère que, quand le gouvernement établit des comparaisons de
fardeau fiscal, il va aller chercher des cas particuliers. Mme la
Présidente, notre objectif en arrivant au pouvoir - j'ai eu l'occasion
de le dire à plusieurs reprises et de l'écrire, d'ailleurs, dans
un discours sur le budget - notre cible c'était quoi? Qui devait
être dégrevé d'impôt le plus vite possible et le plus
possible compte tenu de nos moyens? C'était l'individu qui travaille
à peu près au salaire industriel moyen dans notre
société - le salaire actuel, c'est quelque chose entre $15,000 et
$17,000 - qui est marié, dont la femme ne travaille pas à
l'extérieur et qui a une couple d'enfants. Il y en a du monde, ce ne
sont pas des "giddy-giddy", c'est le salaire industriel moyen pour des gens
dont la femme ne travaille pas à l'extérieur et qui ont deux
enfants. Il y a beaucoup de monde dans cette catégorie, c'est même
un objectif social important dans une société. Ce ne sont pas des
gens aux yeux bleus. (11 h 40)
Qu'est-ce qu'on a fait? À l'heure actuelle, comme j'ai eu
l'occasion de le dire en Chambre, maintenant, après la réforme
fiscale que nous avons entreprise, jusqu'à $17,000 ou $18,000, un homme
taxé comme marié avec deux enfants a davantage d'argent dans sa
poche au bout du compte que l'Ontarien qui fait le même genre de salaire.
D'autre part, on a enlevé, justement pour ce genre d'individu, les taxes
sur les vêtements, sur les chaussures, sur les meubles et on viendra nous
dire que notre objectif n'a pas été atteint? Sûrement pas
autant que je l'aurais voulu, bien sûr; on ne peut pas commencer, comme
on l'était en 1976, avec le plus haut fardeau fiscal au Canada et
s'imaginer qu'on va revirer ça en trois ou quatre ans. On s'est
donné une cible et je pense qu'on l'a atteinte.
Bien sûr, quand nous avons commencé, le fardeau fiscal
moyen des Québécois était à peu près de 20%
- un peu plus - plus élevé que le fardeau fiscal de l'Ontarien
moyen si on tient compte de tout, c'est-à-dire les impôts
provinciaux, scolaires et municipaux. Nous avons, à l'heure actuelle,
fait à peu près le tiers du chemin pour réduire cela et
cela va prendre plusieurs années. On ne peut pas s'imaginer que
l'héritage que nous a laissé le gouvernement antérieur va
se dissiper comme ça. En n'indexant pas les tables d'impôt pendant
plusieurs années, le gouvernement antérieur a provoqué une
situation où le fardeau fiscal du Québécois était
devenu écrasant. Bon, on a pris le virage, mais il y a une chose qu'il
faut dire, c'est qu'au moins nous sommes dans la bonne direction.
Il est tout à fait remarquable qu'au fur et à mesure
où on avance dans les années soixante-dix, le fardeau fiscal du
Québécois augmente; les impôts payés par les
particuliers, par $100 de revenu personnel, augmentent et ils vont augmenter
jusqu'à la réforme fiscale du gouvernement actuel qui se produit
en 1978. Ce n'est que depuis cette réforme fiscale de 1978 et les gestes
que nous avons posés, en particulier, à l'égard de la taxe
de vente, qu'enfin, pour la première fois depuis longtemps, non
seulement le fardeau fiscal par $100 de revenu personnel a cessé de
monter, mais il a baissé. Je ne peux pas
considérer que c'est un objectif médiocre; ce ne sont pas
des "si", cela, comme le disait le député de Gouin. J'ai eu
l'occasion de déposer en cette Chambre le tableau qui confirme cela.
Oui, on est assez fier d'avoi, comme gouvernement, réussi à
stopper la progression des impôts payés par les particuliers en
pourcentage de leur revenu personnel. On a réussi cela, oui. Ce ne sont
pas les autres qui l'ont réussi avant nous, c'est nous qui l'avons fait.
Et non seulement on a stoppé la progression, mais on a réussi
à baisser cela un peu.
Finalement, je reviens à ces questions de dettes qui ont l'air
d'obnubiler le député de Gouin. Je voudrais dire quelques mots du
fardeau des intérêts au Québec. Une chose est très
claire: Les dépenses d'intérêt, dans notre budget, en
pourcentage de nos dépenses budgétaires, représentent - je
n'ai pas les chiffres sous les yeux, je vais les citer de mémoire - je
crois, 8,3% au Québec, plus de 9% en Ontario. Si on me donne 30
secondes, je vais vous donner les chiffres exacts: 8,3% pour le Québec,
9,7% pour l'Ontario, 11,2% pour les provinces maritimes consolidées et
17,5% pour le fédéral. Grand Dieu! Est-ce que vraiment la
situation est dramatique, comme voudrait le faire croire le
député de Gouin, ou si on peut simplement accepter cette
idée? Je pense que pas mal de gens acceptent que le gouvernement actuel,
sur le plan de sa gestion financière, a fait faire au Québec un
certain nombre d'améliorations non seulement valables, mais importantes.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gouin.
M. Tremblay: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le
ministre des Finances m'a posé des questions en plus de répondre
à certaines des miennes. Donc, vous me permettrez peut-être de
commencer par commenter certaines de ses réponses avant de
répondre plus spécifiquement à la question qu'il m'a
posée sur les fonds de retraite. Je dois dire d'abord que je suis un peu
déçu du ministre des Finances par la faiblesse de ses arguments.
Ce qu'il nous sert, et je vais lui retourner son dire, ce ne sont pas des cours
d'introduction en comptabilité, je pense que ce sont simplement quelques
clichés qu'il répète depuis quelques années, mais
auxquels personne ne croit. Je voudrais quand même le féliciter
pour les aveux et les confessions qu'on commence à lui arracher une
à la fois. Je le félicite d'avoir dit: Oui, il y a un gros
déficit budgétaire. C'est quand même une bonne progression,
Mme la Présidente, parce que, dans son budget du 25 mars, il ne parlait
même pas du déficit budgétaire.
Là, devant les caméras, il nous a dit: Oui, c'est vrai. Je
dois avouer que c'est un gros déficit budgétaire. Après
cela, il nous dit: Oui, j'avoue aussi que, cette année, on va emprunter
à long terme pour payer des dépenses courantes. C'est la
première fois que j'entendais le ministre des Finances avouer que l'on
s'endettait à long terme pour payer les dépenses courantes, les
salaires, les loyers.
M. Scowen: Mme la Présidente. Je m'excuse de vous
interrompre, M. le député. Je voudrais simplement savoir, Mme la
Présidente, si vous avez accepté un certain partage du temps. Je
n'insiste pas du tout maintenant. C'est quoi le programme pour le temps qui
reste?
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que les deux
intervenants qui ont un droit de parole privilégié sont
déjà intervenus plusieurs fois. Vous ne m'avez pas encore
demandé la parole. Je le ferai immédiatement après la
réponse du ministre des Finances à M. le député de
Gouin, si vous me le demandez. J'espère que nous aurons suffisamment de
temps. Je demanderais aux intervenants de tenir compte du fait que vous voulez
intervenir, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Mme la Présidente, excusez-moi. Je pensais au
moins que vous seriez en mesure de tenir pour acquis que le but de notre
présence ici ce matin était de faire partie du débat.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, il est bien clair que je ne puis pas vous donner
la parole si vous ne me la demandez pas. Je demande au député de
Gouin de tenir compte du fait que vous voulez intervenir et que, quand un
député intervient, il faut que je laisse la parole au ministre
des Finances pour qu'il réponde. Vous aurez la parole aussitôt que
nous pourrons le faire. M. le député.
M. Tremblay: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je
sympathise avec le député de Notre-Dame-de-Grâcec et c'est
la raison pour laquelle, tout à l'heure, je suggérais au ministre
que nous puissions dépasser l'heure prévue dans notre
règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le règlement nous dit
qu'il faut ajourner la séance à 13 heures.
M. Tremblay: Peut-être qu'on se reprendra un autre
vendredi.
Trêve de commentaires, je continue quand même ma
réponse au ministre, surtout lorsqu'il veut nous faire la leçon
de comptabilité. Nous allons voir ce que nous allons voir. Le ministre
des Finances nous dit: La vraie dette du gouvernement, ce n'est pas la dette
qui vient de l'accumulation des déficits budgétaires, c'est la
dette qui comprend à la fois le budgétaire et
l'extrabudgétaire. Mme la Présidente, c'est une erreur
grossière en comptabilité que de confondre la dette globale, la
dette totale et la dette nette. Dans l'extra-budgétaire, normalement,
vous avez un accroissement des actifs du gouvernement et un accroissement du
passif, de sorte que la dette nette n'est pas augmentée. C'est pour
cela, que dans les états financiers, je l'ai dit tout à l'heure,
je l'ai cité, la dette nette vient de l'accumulation des déficits
budgétaires. On ne tient pas compte de l'extrabudgétaire, donc,
c'est une certaine erreur grossière. (11 h 50)
Par la suite, le ministre des Finances nous dit: Oui, mais j'emprunte
beaucoup moins que mes déficits budgétaires. Je comprends. Dans
les comptes de retraite, ses contributions d'employeur, il ne les paie pas. Il
reporte à plus tard ses paiements et se les prête à
lui-même. C'est évident que, se prêtant à
lui-même ce qu'il aurait dû payer, il a besoin d'emprunter un
peu
moins sur les marchés financiers, mais c'est l'enfance de l'art,
c'est le vieux truc. On essaie de mettre dans un compte spécial des
écritures comptables, et après, on nous dit: Mes besoins
financiers sont moindres que mes déficits budgétaires! Ce sont
les générations futures qui vont payer ce que le ministre des
Finances ne veut pas payer maintenant. Ces avantages sociaux sur les salaires,
il ne veut pas les payer. Après cela, il vient se vanter qu'il emprunte
un peu moins. Il faut être sérieux.
Par la suite, il nous dit: Les déficits des
sociétés d'État, cela fait partie de
l'extrabudgétaire, ce sont des trous financiers, mais le gouvernement
doit les payer, doit les remplir ces trous, sans cela, les entreprises feraient
faillite, parce qu'elles ne peuvent pas emprunter sur le marché
financier, ces entreprises, sans la garantie du gouvernement, parce qu'elles
sont en faillite de facto. Si c'étaient des entreprises privées,
elles seraient en faillite. Or, il me dit: II faut tenir compte de ces trous
que je remplis. Ici, on confond une dépense avec un investissement. On
confond un trou financier avec un stade, une autoroute ou un actif. Comment
pourrait-on faire croire à quelqu'un que remplir le trou du
déficit de SIDBEC, c'est un enrichissement collectif? Cela n'a aucun
sens, en termes de comptabilité, et c'est de la comptabilité
très élémentaire.
Maintenant, il me pose des questions. Il me dit: Mais regardez donc le
Régime de pensions du Canada. Regardons le Régime de pensions du
Canada.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
est-ce que je pourrais vous demander de réduire autant que possible
votre intervention? Je sais que vous aimeriez bien...
M. Tremblay: Je comprends votre frustration, Mme la
Présidente, et moi aussi...
La Présidente (Mme Cuerrier): ... sauf que pour que nous
puissions partager équitablement le temps, il faudrait que vous me le
donniez aussi pour le député de Notre-Dame-de-Grâce, et
vous avez déjà un avantage d'une dizaine de minutes, parce que
vous avez débordé. S'il vous plaît, le mieux possible et le
plus rapidement possible, M. le député.
M. Tremblay: Ce n'est pas ma faute si le ministre des Finances me
pose des questions. Mme la Présidente, je comprends votre frustration,
je suis moi-même frustré. Le ministre des Finances me pose une
question sur le Régime de pensions. Je vais lui expliquer comment cela
fonctionne, le Régime de pensions du Canada. Il nous dit: Ils font comme
nous. Je regrette, le Régime de pensions du Canada ne fait pas comme
vous, M. le ministre des Finances. C'est vrai que, comme nous avons la
Régie des rentes qui perçoit la totalité des contributions
des fonds de retraite, les autres provinces ont obtenu, en 1966, le même
droit d'aller chercher à Ottawa l'excédent des contributions sur
les pensions versées. Cela va dans chaque province. Ces gouvernements
provinciaux ne se servent pas de ces fonds de retraite pour financer les
dépenses courantes dans leur déficit. Il y a quatre provinces qui
ont des excédents. Qu'est-ce qu'elles font? Elles prêtent cela
à leurs sociétés d'État, comme en
Colombie-Britannique, elles prêtent cela pour des investissements dans
Hydro-Ontario. Cette année, l'Ontario reçoit moins de
$1,000,000,000 du Régime de pensions du Canada. M. Frank Miller a dit:
Je vais me servir de $500,000,000 pour mon déficit, et de $500,000,000
pour Hydro-Ontario. L'Ontario, c'est la pire des provinces. Elle fait un peu ce
que le Québec fait. Je pourrais aller très loin dans cela, mais
c'est évident que quand le ministre des Finances dit que les autres
provinces font ce que fait le Québec, ce n'est pas vrai.
Maintenant, il nous dit encore: Ah! les intérêts, ce n'est
rien, ce que nous payons, $1,034,000,000! Les intérêts, ce n'est
qu'un Olympique par année. Ce n'est rien. Il dit: Si je me compare
à l'Ontario, c'est moins élevé. Il oublie de dire qu'en
Ontario, l'économie est de 40% plus importante que la nôtre, et
que si on tient compte de cette production beaucoup plus riche que la
nôtre, son fardeau revient à une proportion qui est beaucoup plus
basse. Mais il faut dire que l'Ontario, il y a trois ou quatre ans,
s'était lancé aussi dans les déficits.
J'en viens à la population du Québec qui, face à
ces déficits, ces taxes très élevées, quitte le
Québec, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, à
un rythme qui est très important. Depuis quatre ans, nous avons perdu,
comme population nette, l'équivalent de la population de Sherbrooke,
75,000 habitants, et la population de Chicoutimi, 60,000 habitants. C'est tout
comme si on avait demandé aux populations de Chicoutimi et de Sherbrooke
de quitter le Québec. Je vais vous le montrer avec des chiffres
relativement simples. En quatre ans, il est entré au Québec, de
toutes sources, 189,000 personnes environ, venant de l'étranger comme
des autres provinces, mais il en est sorti 326,000, de sorte qu'on est rendu
avec une perte de 137,000 personnes en quatre ans, et souvent, c'étaient
des gens qui avaient des revenus intéressants et qui payaient des
impôts ici au Québec.
Donc, Mme la Présidente, sur cette question de l'administration
financière, la situation du fardeau fiscal, nos déficits, etc.,
les gens votent avec leurs pieds. C'est le verdict le plus dévastateur
que des citoyens peuvent porter à l'endroit d'une administration: Foutre
le camp, voter avec leurs pieds. Évidemment, il reste des
Québécois. Il va falloir que l'administration actuelle rende des
comptes à ceux qui restent et surtout aux générations
futures qui vont payer les pots cassés et les frais de cette
extravagance d'endettement et de déficit.
Donc, Mme la Présidente, c'est là toute la question de
l'administration et de la gestion financière. Il y a la question du
financement de ces déficits qui est aussi scandaleuse et, avant de
passer la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce,
j'aimerais seulement soulever un cas qui, à mon avis, est scandaleux et
devrait donner lieu à une enquête publique de la part du
ministère des Institutions financières. Qu'un gouvernement
s'endette et le fasse de façon efficace dans son financement, c'est un
moindre mal, mais lorsqu'il s'endette et va chercher des milliards de dollars
d'épargne qu'on dépose dans les institutions financières,
dans les caisses populaires, dans les caisses d'entraide économique et
provoque une quasi-crise financière, comme ça s'est fait au
printemps dernier, je dis: Halte là! Il ne faut pas
que cela se répète et il faut faire la lumière sur
cela.
Mme la Présidente, le président de notre principale banque
d'affaires québécoise, le président de la
Fédération des caisses d'entraide économique,
déclarait lors du congrès annuel de la fédération
ce qui suit, et je cite: "Nous avons traversé une grosse tempête
l'hiver dernier. Les 14% d'intérêt des obligations
d'épargne du ministre québécois des Finances Jacques
Parizeau a ralenti la croissance de tout le monde dans un contexte
économique difficile."
Mme la Présidente, pendant quelques mois et quelques semaines -
ça s'est fait dans quelques semaines - le ministre des Finances est
allé chercher $1,000,000,000 d'épargnes liquides au Québec
en offrant des taux supérieurs à ce que les institutions
financières, dans leur compte d'épargne véritable,
payaient. L'argent sortait des institutions financières à coups
de $100,000,000 par semaine! Cet argent avait été
prêté à long terme sur des hypothèques pour
développer des entreprises et pour construire des maisons, pour que les
qens qui veulent se partir des ménages puissent emprunter pour s'acheter
des maisons. Lorsque le président d'une institution financière,
un banquier - et les banquiers sont d'une prudence lorsqu'ils parlent, ils
mettent des pantoufles et des gants à double épaisseur - nous
dit: On a failli être plongés dans une crise de liquidité,
Mme la Présidente, ceci est très sérieux.
Comme député et comme citoyen, je n'ai pas le droit de
faire de motion ici en commission, mais j'aimerais au moins faire une
suggestion. Je la fais au ministre des Finances. Etant donné que les
finances publiques, ce n'est pas une affaire personnelle du ministre - c'est
une affaire publique, cela appartient à l'ensemble de la population - je
propose ce qui suit et je lui en donne une copie. Je n'ai pas le droit de faire
de dépôt comme on m'a dit tout à l'heure, mais j'aimerais
proposer ce qui suit.
La Présidente (Mme Cuerrier): Rapidement, M. le
député.
M. Tremblay: Compte tenu qu'il y a eu ces déclarations,
compte tenu que mes informations sont que ce fut très sérieux
effectivement dans certains cas, je suggère au ministre des Finances,
mais surtout au ministre des Institutions financières dont c'est la
responsabilité, premièrement, d'établir quelles furent les
sommes sorties des institutions financières à la suite de
l'emprunt du gouvernement à 14% le printemps dernier. Le gouvernement a
emprunté $973,000,000, mais certaines institutions ont été
plus touchées que d'autres. Deuxièmement, je suqgère
surtout d'évaluer les conséquences de cette hémorragie sur
la situation financière des institutions financières
québécoises, sur les taux d'intérêt - parce qu'il a
fallu qu'elles haussent leurs taux d'intérêt rapidement - et sur
l'industrie de la construction en général au Québec gui,
comme on le sait, est complètement à terre. C'est une
première suggestion que je veux faire. J'en ai deux autres dans d'autres
domaines...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je vais maintenant...
M. Tremblay: ...et je vous...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous aurez...
M. Tremblay: ...redonne la parole, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Boni J'allais vous dire que
si vous voulez disposer d'un peu de temps pour votre conclusion, il faut
absolument que nous ménagions du temps pour les autres intervenants.
M. le ministre des Finances. (12 heures)
M. Parizeau: Mme la Présidente, j'ai l'impression qu'on
entre en plein cinéma. Je vous avouerai que là je suis un peu
interloqué par toute une série d'affirmations du
député de Gouin qui, le moins qu'on puisse dire, ne sont pas
très exactes.
Il est revenu, au début de son intervention sur une chose qu'il
avait déjà mentionnée deux ou trois fois,
c'est-à-dire que, dans mon dernier discours sur le budget, je n'aurais
pas parlé des déficits. Je ne sais pas où il va chercher
ça. La page 41 du discours sur budget de cette année commence par
la phrase suivante: "Dans ces perspectives, voici comment se présentent
les équilibres budgétaires pour l'année 1980-1981".
Là, il y a le tableau, y compris le déficit. En dessous, on lit:
"L'augmentation du déficit budgétaire est considérable par
rapport à l'année précédente, soit environ
$700,000,000". Le député de Gouin dit: II avoue ça
aujourd'hui. Comment, j'avoue ça aujourd'hui! J'ai
présenté ça dans le discours sur le budget, il y a
déjà six mois. On peut continuer. II y a trois paragraphes gui
décrivent, effectivement, le déficit budgétaire, les
besoins financiers nets. "La somme des postes budgétaires et des postes
non budgétaires, correspond aux besoins financiers nets
c'est-à-dire au déficit véritable du gouvernement. Il se
situera à $1,770,000,000, soit $500,000,000 de plus qu'il y a un an".
Mais qu'est-ce que le député de Gouin demande comme
précisions additionnelles? Cela a été prononcé
quand, ça? Le 25 mars. Il y a quand même un certain temps.
Revenons sur ses affirmations quant aux comptes de régimes de
retraite qu'il y a, à l'heure actuelle, dans les comptes
extrabudgétaires du gouvernement. Cela a l'air de le frapper beaucoup.
Je vais essayer d'expliquer ce qu'on a fait. Jusqu'à ce que nous
arrivions au pouvoir, tous les gouvernements antérieurs passaient comme
dépenses les pensions à payer - je résume un peu; je
simplifie un peu, mais ça revient à ça - et comme revenus
les cotisations payées par les employés. M. Garneau, mon
prédécesseur, avait, comme l'a dit le député de
Gouin, au moins créé ce qu'on appelle le RREGOP, un nouveau fonds
pour les nouveaux employés qui entraient et qui était
établi sur une base un peu plus solide, parce que ce que je viens de
décrire comme phénomène, n'a littéralement aucun
bon sens. On a l'illusion, pendant un certain nombre d'années,
d'être capable de balancer à peu près l'argent qui entre et
l'argent gui sort, mais on accumule, quant à l'avenir, un déficit
potentiel considérable qui était, à la fin de 1975, de
$5,000,000,000 seulement pour les fonds de retraite du gouvernement.
Ce que j'ai commencé à faire graduellement au cours des
trois dernières années, ça a été,
d'une part, de payer des intérêts qui, jusqu'alors,
n'étaient pas comptabilisés sur certains de ces déficits
et, d'autre part, de commencer à comptabiliser des sommes, de
façon à faire en sorte que graduellement le déficit
actuariel des fonds de retraite cesse de monter. Comme j'y suis allé en
trois ans, il est bien clair que le déficit actuariel des fonds de
retraite a continué de monter. Je n'avais pas les moyens, je n'avais pas
ce qu'il fallait pour être capable de faire ça instanter. Mais les
mesures que j'ai introduites, c'est la première fois qu'on les introduit
et c'est la première fois qu'on ne masque pas au public ce
déficit énorme des fonds de retraite accumulés par les
gouvernements antérieurs. Au moins, c'est la première fois qu'on
ne le cache pas.
Comment est-ce qu'on traite ça dans la comptabilité du
gouvernement? Les sommes que j'ai introduites dans la mécanique sont
d'abord placées dans nos dépenses. C'est ça qui a beaucoup
augmenté. C'est une des raisons importantes de l'augmentation du
déficit budgétaire. Deuxièmement, je mets ces sommes dans
les extrabudgétaires. Le député de Gouin me dit: Alors,
vous vous trouvez à financer votre déficit avec ça. Bien
oui, forcément. J'ai comptabilisé ces sommes dans les
dépenses. Ensuite, je les comptabilise dans les sources de fonds, si
l'on veut. Je n'irai tout de même pas aller des obligations de l'Ontario
avec. Qu'est-ce qu'il me demande, le député de Gouin? Qu'on mette
de l'argent de côté pour le déficit actuariel des fonds de
retraite des enseignants et des fonctionnaires, qu'ensuite on parte avec cette
caisse et gu'on aille acheter des obligations de l'Ontario. Je veux bien, selon
l'expression classique, être capoté, mais pas à ce
point-là!
Je continue dans le sens des commentaires du député de
Gouin sur le Canada Pension Plan, sur la Régie des rentes, dans les
autres provinces. Il m'a dit: "Le ministre des Finances soutient que le Canada
Pension Plan, la Régie des rentes du Canada, fait comme nous." J'ai dit
exactement le contraire. Enfin, je n'ai pas la berlue! Dans la réponse
que je lui faisais tout à l'heure, je lui dis justement qu'il y a une
différence fondamentale entre le Canada Pension Plan et la Régie
des rentes du Québec.
La Régie des rentes du Québec est unique dans ce
sens-là. Le Canada Pension Plan transfère aux gouvernements des
provinces la totalité des sommes recueillies par le Canada Pension Plan,
la totalité. Au Québec, la Régie des rentes
transfère à la Caisse de dépôt et placement du
Québec la totalité des fonds. Et qu'est-ce que fait la Caisse de
dépôt et placement du Québec avec ces fonds? Elle en
prête au gouvernement du Québec, elle en prête à
Hydro-Québec, elle en prête aux municipalités, elle en
prête aux entreprises, elle achète des actions, elle prend des
hypothèques et elle achète des immeubles.
Il n'y a rien au Canada qui ressemble à cela. S'il y a du
siphonnage, c'est ailleurs au Canada qu'il se fait. Nous n'avons jamais
siphonné à partir de la Caisse de dépôt et placement
du Québec. Il était évident, au départ, qu'une
partie des fonds de la Caisse de dépôt et placement du
Québec allait pour le financement du gouvernement du Québec et
cela continue. Il y en avait une partie prévue pour Hydro et ça
continue. Il y en avait une partie gui devait aller au financement
d'entreprises et savez-vous que, dans cette optique, Mme la Présidente,
la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui appartient
en somme à tous les résidents du Québec, est le plus gros
portefeuille d'actions ordinaires de compagnies, pas au Québec, mais au
Canada? Je crois que nos objectifs dans ce domaine ont été
atteints. Qu'est-ce que c'est que cette panique qu'on essaie de monter autour
de ces choses?
Le député de Gouin - toujours dans ses commentaires, tout
à l'heure - disait que le ministre des Finances disait que les
intérêts qu'on paie au Québec, ce n'est rien. Je n'ai pas
dit que c'était rien. Je n'imagine pas un instant que $1,000,000,000 ce
n'est rien. Je disais simplement que, dans d'autres provinces, le poids relatif
des intérêts dans les dépenses est plus
élevé; le poids relatif! Cela ne veut pas dire que je
considère que $1,000,000,000 d'intérêts, ce n'est pas de la
tarte. Cela veut simplement dire qu'il est important, avant de peser sur tous
les boutons d'alarme et avant de paniquer dans toutes les directions, de
regarder les chiffres et de se comparer.
J'en arrive à dire guelgues mots sur la question de la
population, des gens qui votent avec leurs pieds selon l'image d'ailleurs assez
charmante qu'utilise le député de Gouin à cet
égard. Je dirais au député de Gouin que s'il trouve
vraiment que le fardeau fiscal est trop lourd au Québec, il a bien
raison. Je n'ai pas attendu la réunion d'aujourd'hui pour le dire; cela
fait quatre ans que je le répète. Seulement - je m'excuse - ce
fardeau fiscal très élevé au Québec, ce n'est pas
nous qui l'avons établi. Nous, comme je le disais
précédemment, on l'a corrigé.
Le fardeau fiscal du Québec, on a réussi à le
rendre moins lourd. On a hérité d'une situation; elle est ce
qu'elle est. Il est évident qu'il y a beaucoup de gens au Québec
qui trouvent qu'on paie trop d'impôts au Québec. Il est
évident qu'il y a un certain nombre de gens qui partent à cause
de cela. Je ne le nie pas. Sauf que je dis, aussi clairement qu'il est
possible: Le gouvernement qui a renversé la situation à cet
égard et qui a commencé depuis trois ans à réduire
les impôts au Québec, c'est le nôtre.
Vous me direz que ça va prendre encore quelques années
avant que la situation soit redevenue normale. Bien oui! Cela va prendre
plusieurs années à garder un contrôle serré sur les
dépenses. Cela va prendre plusieurs années à essayer de
baisser les impôts graduellement. Ce n'est pas une situation qui va se
corriger du jour au lendemain et, surtout, n'imaginons pas que, parce qu'il y a
des gens qui sont partis du Québec parce qu'ils étaient
insatisfaits du fardeau fiscal, c'est une chose que le gouvernement actuel
aurait causée. Ce n'est pas vrai! Le gouvernement actuel a
commencé à la corriger.
Finalement, j'entre dans la dernière scène du spectacle
cinématographique auquel on a assisté tout à l'heure: une
crise financière dans les institutions financières.
La Vice-Présidente: Je vous demanderais de tâcher de
résumer le plus possible. La remarque que je vais vous faire, c'est que
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce a demandé la
parole. Il pourrait avoir le droit de parole pendant vingt minutes et vous
auriez le droit de lui répondre
pendant vingt minutes encore. Mais il faut préserver les droits
de conclusion des deux intervenants privilégiés aujourd'hui dans
une question avec débat.
M. Parizeau: Je m'excuse d'avoir été un peu long,
Mme la Présidente. Je vais parler une minute.
La Vice-Présidente: Vous ne dépassez pas les vingt
minutes, remarquez, M. le ministre. (12 h 10)
M. Parizeau: Ah bon! II me semblait, aussi. Excusez.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... absolument pas. C'est
simplement que nous essayons de répartir le temps, maintenant.
M. Parizeau: Je vais parler une minute ou deux sur cette question
et vous passerez la parole au député de
Notre-Dame-de-Grâce.
La question d'une crise financière dans les institutions
financières à l'occasion de la dernière campagne des
obligations d'épargne. Il faudrait tout de même être
sérieux. Quand l'argent des obligations d'épargne est
entré en quelques jours, on se souviendra de l'espèce d'avalanche
qui s'est produite. Qu'est-ce qu'on s'imagine que le gouvernement a fait avec
cet argent? Pensez-vous qu'on l'a mis dans les voûtes du parlement ou
dans le fonds consolidé du revenu? Il y a des gens qui s'imaginent que
le fonds consolidé du revenu, c'est une pièce avec des billets de
$20 usagés le long des murs. Ce n'est pas cela! Qu'est-ce qu'on a fait?
On l'a remis dans des institutions financières, évidemment. Comme
on n'en avait pas besoin la semaine suivante, ça se place, cet
argent-là.
Qu'est-ce que le ministère des Finances a fait, justement? Il
s'est renseigné sur le genre de besoins de liquidités qu'il
pouvait y avoir; c'est parfaitement normal comme démarche. Il y a
même certaines institutions financières qui ont reçu des
dépôts du gouvernement d'une taille telle, à cette
occasion, qu'elles n'avaient jamais vu cela avant. Dans le milieu des
coopératives d'épargne et de crédit, justement, il y a eu
de très gros dépôts qui ont été faits dans
les jours qui ont suivi. En fait, les ajustements de liquidités, pour
l'essentiel des institutions financières, se sont faits dans une
semaine. Je pense comprendre l'intervention du président des caisses
d'entraide. Je ne dis pas que, de son côté, il n'a pas
éprouvé certains petits problèmes de liquidité; il
est possible - là, je pèse mes mots parce que je ne veux ni aller
trop loin ni pas assez loin -qu'il y ait eu un peu plus ou même pas mal
plus que simplement la campagne des obligations d'épargne dans cette -
comment dire? - intervention du président des caisses.
Je n'ai pas entendu beaucoup d'autres manifestations d'opinions de la
part des institutions financières dans le courant des semaines qui ont
suivi les obligations d'épargne et, encore une fois, le diagnostic que
nous avons, par des contacts très réguliers que nous avons avec
les institutions financières, c'est qu'il y a eu des ajustements pendant
une semaine et c'est à peu près tout. Dans ce sens, accepter la
proposition du député de Gouin, c'est vraiment gonfler une chose
hors de toute proportion avec les conséquences que cela a eu. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Tremblay: Juste avant, Mme la Présidente, pour
être bien certain, le temps court très vite et comme on ne peut
pas dépasser une heure, vous accordez la parole au député
de Notre-Dame-de-Grâce, j'en conviens...
La Présidente (Mme Cuerrier): II a droit à vingt
minutes en vertu du règlement.
M. Tremblay: Oui, mais aussi, en vertu du règlement qui
donne le droit prioritaire aux deux intervenants, j'aimerais que vous
m'assuriez qu'immédiatement après le député de
Notre-Dame-de-Grâce je pourrai répondre à ce que vient de
dire le ministre parce qu'il m'a mis en cause, évidemment.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
je regrette, vous avez un droit de parole privilégié en vertu de
l'article 162a de notre règlement, comme le ministre a un droit de
parole privilégié, mais vous retiendrez que la tradition aussi
fait que dans une assemblée délibérante nous faisons
l'alternance entre les deux côtés. Si vous le voulez, je ferai le
calcul du temps que vous avez utilisé et celui que le ministre a
utilisé après; nous verrons que vous n'êtes pas perdant, M.
le député.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Tremblay: Mme la Présidente, sur cette question de
règlement, s'il vous plaît. Avec tout le respect que je vous dois,
il y a aussi la tradition de l'alternance.
La Présidente (Mme Cuerrier): Certainement, M. le
député.
M. Tremblay: Comme le ministre des Finances vient de faire une
intervention qui amènerait de ma part des commentaires et des
réponses, il me paraîtrait juste et équitable que je puisse
répondre.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pourrez le faire au
cours de votre conclusion, M. le député.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Intervention de M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Je reconnais les
limites cruelles imposées par notre règlement aux
démonstrations du député de Gouin et à la
réplique du ministre; j'apprécie beaucoup votre permission de
faire partie de ce débat aujourd'hui.
Ma première réflexion est un regret profond que mon ancien
collègue, André Raynauld, ne soit pas ici aujourd'hui parce qu'il
aurait pu voir comment les idées peuvent faire boule de neige si ce sont
de bonnes idées et si les autres personnes, comme le
député de Gouin, bien sûr, sont prêtes à
prendre la relève.
Je suis allé en arrière un peu, Mme la Présidente.
Le 27 mars 1979, M. Raynauld, en
réplique au discours sur le budget, soulevait pour la
première fois, je pense, la question des dépenses courantes et
des déficits. Il a même donné une explication qui a
été presque reprise mot à mot par le député
de Gouin dans son discours inaugural. M. Raynauld disait: "II faut
éviter à tout prix d'hypothéquer la maison pour faire
l'épicerie de la semaine." C'est cela, bien sûr, que nous faisons.
À ce moment, il a estimé, pour l'année 1979-1980, à
$365,000,000 l'excédent des dépenses courantes sur les recettes
courantes. Alors, il a commencé et les autres membres du Parti
libéral ont pris la relève lors du discours sur le budget de
cette année. M. Raynauld, dans son discours - il n'était pas
clair que le problème était beaucoup plus sérieux - a fait
une démonstration très élaborée du problème.
Depuis, même si les journalistes n'ont pas tout de suite commencé
à prendre connaissance de ce problème, les autres
députés en ont parlé. À la toute fin de la
dernière session, M. le député de Saint-Laurent a fait un
discours d'une heure en Chambre avec beaucoup de vigueur, en touchant
directement ce sujet.
Pendant l'été, nous avons préparé un dossier
nous-mêmes, le Parti libéral, au sujet des faiblesses
économiques du régime péquiste, document auquel le
ministre a fait beaucoup de publicité récemment. On le remercie
beaucoup. Et le député de Gouin, nouvellement arrivé des
bancs du gouvernement, a même commencé à soulever cette
question. Dans son discours inaugural, il a ajouté quelques
éléments qui ont été repris par les autres. C'est
devenu un problème qui est même accepté maintenant par les
gens de l'extérieur, les personnes indépendantes, les
économistes, les journalistes; c'est une boule de neige qui en est
finalement arrivée au point que je pense qu'on peut accepter que tout le
monde reconnaît le problème, même le ministre des Finances.
Il ne lui est pas permis de l'accepter, il faut qu'il continue à dire
que c'est un problème qui n'existe pas, mais c'est un peu comme le
problème de Montréal qu'on a soulevé il y a deux ou trois
ans; finalement, le gouvernement a été obligé d'accepter
que le problème est là et il faut le régler.
Je suis persuadé que nous en sommes arrivés à ce
point maintenant. Aujourd'hui, le député de Gouin, s'inspirant de
tous les autres qui ont déjà parlé et peut-être
aussi, j'imagine, de l'excellent discours qui a été fait hier
soir par le député de Verdun, ici dans cette Chambre, a
ajouté d'autres éléments et je suis persuadé que
les manchettes aujourd'hui sont à lui. Il a fait la preuve de nouveau
qu'il y a quelque chose qui marche très mal dans nos finances
publiques.
Mme la Présidente, je n'ai pas l'intention de continuer
moi-même d'ajouter d'autres éléments aux paroles du
député de Gouin. Je préfère plutôt prendre un
autre chemin pendant les quelques minutes qui me restent. Je veux poser
quelques questions au ministre. Je veux qu'il admette, seulement pendant vingt
minutes maintenant, qu'il y a un problème et qu'il nous parle un peu des
causes et des possibilités de résoudre le problème.
Parce qu'il faut maintenant aller, commencer, faire une autre
étape. Je veux en effet aborder un nouveau sujet et j'espère
qu'il va aussi faire boule de neige dans les prochaines semaines. Mon
idée, M. le ministre, c'est que notre problème est surtout
lié aux problèmes de croissance économique au
Québec. Ma thèse, c'est que le plus grand problème que
nous avons ici, aujourd'hui, dans les finances publiques, c'est une certaine
stagnation de la croissance économique au Québec. La solution du
problème, c'est peut-être de faire attention davantage aux
possibilités de créer une croissance économique plus
grande. (12 h 20)
Si j'explique les choses de la façon la plus simple possible,
c'est peut-être à cause de ma déformation professionnelle,
comme homme d'affaires. Mais il y a quatre façons, je pense, de
résoudre votre problème de déficit. Du côté
des dépenses, vous pouvez réduire les services ou vous pouvez
réduire le coût des services. Comme vous le savez, c'est
très difficile de couper les services une fois que le gouvernement a
accepté de les donner. Ce que vous faites aujourd'hui, vous essayez de
serrez la vis, comme vous dites, vous essayez de réduire et
d'éviter le gaspillage en maintenant les mêmes niveaux de
services, dans la mesure du possible. C'est le bon jeu. C'est quelque chose qui
est normalement fait par un gouvernement.
Je veux simplement vous rappeler que vous êtes un peu sur un
terrain glissant. M. Ryan a dit pendant l'été, que le moment
était arrivé de se serrer la ceinture. Le premier ministre a
répliqué à M. Ryan, qu'il ne voulait pas que les citoyens
du Québec soient obligés de se serrer la ceinture. Vous avez
décidé de serrer la vis. Je ne suis pas certain que les
conséquences seront moins lourdes pour les personnes qui en sont les
victimes. En effet, je suis d'acccord avec vous. Je pense que c'est quelque
chose qu'un gouvernement doit faire sur une base régulière et
continuelle, de gérer les finances publiques avec efficacité.
Je préfère, pendant les minutes qui me restent, vous
parler de l'autre côté, des recettes, des revenus du gouvernement.
Il y a également deux façons d'augmenter les revenus du
gouvernement: Premièrement, vous avez besoin de $1000 de plus, vous
pouvez imposer une personne davantage avec ces $1000 ou vous pouvez
peut-être inciter une autre personne à venir partager le fardeau.
Si vous pouvez en persuader trois à venir, vous pouvez peut-être
même baisser l'impôt par personne. C'est ce qu'on appelle la
croissance économique. Quand je regarde tout ce qui est arrivé
ces dernières années, je vois qu'il y a certainement un
problème. La mesure qui est utilisée le plus souvent, c'est le
produit intérieur brut, la croissance du produit intérieur brut.
Je ne veux pas faire une bataille de chiffres avec vous, M. le ministre, ce
matin. Je vais en citer trois ou quatre, simplement à titre d'exemples.
Le PIB a augmenté d'une façon beaucoup moins importante, depuis
que vous êtes arrivé au pouvoir, qu'il n'avait augmenté
dans les trois années précédentes, 15% les trois
années précédentes, 10% en moyenne depuis 1977. J'admets
très vite que c'était un peu en rapport avec la croissance
canadienne, mais le fait reste que cette croissance n'a pas eu lieu.
Je suis persuadé que vous êtes déçu par les
revenus du gouvernement. Quand je regarde les deux éléments qui
sont, si vous voulez, deux des plus importants et les deux qui sont les plus
vite affectés par la conjoncture économique, l'impôt sur le
revenu des particuliers et l'impôt sur les sociétés, je
vois qu'à chaque année, depuis que vous êtes ministre, vous
êtes déçu par les
réalisations. Elles ont toujours été en bas de ce
que vous aviez prévu. En effet, pendant trois ans, les trois
premières années de votre régime, vous avez
réalisé pas moins de $900,000,000 que vous aviez prévus en
impôt sur le revenu des particuliers et en impôt sur les
sociétés: $350,000,000 la première année; presque
$400,000,000 la deuxième année et $170,000,000 la
troisième année. Ou les personnes n'étaient pas là,
ou les revenus n'étaient pas aussi élevés que vous l'aviez
prévu, ou les profits des compagnies n'étaient pas aussi grands
que prévu ou les compagnies que vous avez prévues
n'étaient pas là, mais, globalement, la croissance
économique n'était pas forte et vous étiez obligés
de vivre avec les conséquences.
Il y a d'autres petits exemples que je peux soulever. On sait que depuis
trois ans - et le député de Gouin l'a soulevé de nouveau
ce matin - 100,000 personnes ont quitté le Québec, une perte
nette de 100,000 personnes. Quand quelqu'un quitte le Québec, on sait
qu'il ne paie plus de taxes ici. Si je comprends bien, chaque personne ici au
Québec paie pour chaque dollar de revenu, 13% en impôt total.
C'est le chiffre que vous avez déposé en Chambre cette semaine.
Si je fais un calcul rapide, sur 100,000 personnes, dont probablement 40,000 ou
50,000 travaillent à un salaire moyen de $20,000 par année, je
multiplie par 13% et j'arrive assez facilement à pas loin de
$150,000,000 par année de perdus en impôt à cause du
départ de ces personnes. Je ne veux pas insister sur le chiffre. Je veux
simplement insister sur le fait qu'il y a quelque chose là qui a
touché tout le monde.
Il y a la question de la construction. J'ai
téléphoné il y a quelques mois à la place
Ville-Marie et j'ai demandé: Combien payez-vous en impôt foncier
par année? Ils m'ont dit: $10,000,000 par année. Il y a des trous
à Montréal entre les gros édifices qui sont les parcs de
stationnement et qui ne paient pas beaucoup en impôt foncier. Si les
100,000 personnes étaient encore au Québec, j'imagine qu'on
aurait bâti beaucoup plus de places Ville-Marie. L'infrastructure est
là. Le métro est là. Les chemins sont là. Les
lumières sont là. Le parc est là. Les policiers sont
là.
Ce sont des exemples que je donne. Le dernier concerne les parcs
industriels du Québec. Je me rappelle - je n'ai pas les chiffres avec
moi - qu'il y a à peu près un an j'ai fait un petit tour
d'horizon de tous les parcs industriels du Québec. Ce sont des parcs
où nous avons installé une infrastructure assez imposante.
Combien de nouvelles industries sont installées à Rimouski,
à Shawinigan Falls, à Trois-Rivières, à Sherbrooke
et à Hull? L'une après l'autre, elles disaient: II n'y a aucun
nouvel investissement depuis deux ou trois ans. Le parc est là.
L'infrastructure est là et ainsi de suite.
Je sais que je dois terminer en trois minutes, Mme la Présidente.
Je veux terminer en demandant au ministre de me faire bénéficier
de ses impressions au sujet de la croissance économique du
Québec. Je veux lui poser deux ou trois questions très
précises et ce que je propose, c'est d'écouter attentivement sa
réponse, d'en discuter avec les hommes d'affaires et les
économistes et après Noël, peut-être pourrait-on
revenir ici et soulever une autre question avec débat au sujet de la
croissance économique, les finances publiques et le lien entre les deux.
J'aimerais qu'il évite de parler, dans la mesure du possible, des
problèmes fédéraux. J'accepterais bien qu'une partie de la
croissance économique, une grande partie, soit la responsabilité
du gouvernement fédéral, surtout à cause de sa
responsabilité quant à l'argent et aux taux
d'intérêt, mais je pense qu'il peut accepter facilement qu'il
existe quand même quelques possibilités en vue d'encourager la
croissance économique ici, au Québec, par l'action ou l'inaction
du gouvernement québécois. Sinon, il n'y a pas grand-chose dans
les paroles de tous les autres ministres responsables de l'économie qui
se vantent de tout ce qu'ils ont fait pour améliorer la situation
économique au Québec. (12 h 30)
Simplement pour donner plus de précision aux réponses, je
veux lui poser deux ou trois questions, mais l'idée globale, c'est
d'avoir ses impressions sur la possibilité de créer une
croissance économique ici, au Québec, par les budgets et les
finances publiques.
La Présidente fMme Cuerrier): II faudrait faire vite, M.
le député.
M. Scowen: Je termine dans une minute, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Rapidement.
M. Scowen: Je vais simplement poser les questions. La
première question, c'est: Croyez-vous vraiment que votre budget de cette
année est un budget stimulateur? Vous l'avez dit, pas dans le budget
même, mais après. Si oui, dans quel sens ce budget est-il
stimulateur? Quels sont les chiffres que vous avez utilisés
premièrement pour baisser les coûts, les revenus, et quels sont
les bénéfices que vous prévoyez recevoir? Expliquez
comment votre budget est stimulateur cette année?
La deuxième question que je veux poser est toute cette question
des 100,000 personnes. Quelle importance accordez-vous à cette perte?
Est-ce que vous pensez que ce chiffre de 13% du revenu est probablement une
bonne mesure ou est-ce qu'il y a d'autres mesures qu'il faut utiliser pour
évaluer la perte des personnes du Québec?
Finalement, est-ce qu'il y a une façon par laquelle vous pouvez
évaluer pour nous le coût et les bénéfices de votre
décision, dans le budget de 1977-1978, d'augmenter l'impôt des
cadres à un niveau encore plus élevé qu'il l'était
avant? C'est un problème qui est souvent soulevé.
Je termine, Mme la Présidente, en disant que j'ai un document ici
qui indiquait, à cette époque, que vous avez évalué
les bénéfices de cette décision entre $50,000,000 et
$60,000,000. Il y a des gens qui disent: Oui, mais vous avez perdu beaucoup
plus, parce que vous avez perdu des individus qui sont partis. J'aimerais que
vous abordiez, dans le contexte global que j'ai mentionné, ces trois
questions et je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
juste pour clarifier la situation, il est bien sûr que, maintenant, nous
ne disposons plus de beaucoup de temps avant l'ajournement. M. le ministre, je
me devrai de vous arrêter à 12 h 40 très exactement pour
permettre au député de
Gouin de terminer à 12 h 50 et je vous donnerai dix minutes aussi
pour la conclusion, ce qui fera que je devrai vous arrêter les uns et les
autres au milieu d'une phrase, si nécessaire, pour que nous puissions
nous en tenir à cette convention. Juste pour l'information de M. le
député de Gouin, vous avez déjà parlé quinze
minutes de plus que M. le ministre. Je n'ai pas compté là-dedans
l'intervention d'un autre député de l'Opposition qui a
utilisé vingt minutes. M. le ministre.
M. Tremblay: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous prenez du temps sur celui du ministre qui n'en a pas disposé
d'autant que vous jusqu'à maintenant. Je vous demanderais de ne pas
intervenir sur des questions de rèqlement maintenant. Il est clair que
la personne interpellée en cette Chambre est le ministre des Finances et
nous devons lui donner le temps de répondre aux interventions.
M. Tremblay: Mme la Présidente, sauf erreur...
La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous avez des
commentaires, je vous demanderais de les conserver pour les dix minutes de
votre conclusion, M. le député de Gouin.
M. le ministre des Finances.
Réponse du ministre
M. Parizeau: Je remercie le député de
Notre-Dame-de-Grâce de son intervention, parce que j'avais l'impression
qu'on s'enlisait un peu dans le débat. On revenait constamment sur des
choses et de moins en moins sérieusement. Cela va nous permettre de
l'ouvrir un peu dans d'autres directions, parce que effectivement les questions
qu'il pose et les observations qu'il a faites présentent de
l'intérêt et une base de discussion, même si je ne suis pas
nécessairement d'accord avec tout ce qu'il a dit.
C'est vrai qu'il y a au Québec un problème de croissance
économique qui est multiforme. Il n'est pas simple. On est au courant du
problème de vieillissement des installations depuis déjà
un bon nombre d'années et, donc, des efforts de modernisation
nécessaires à faire. On est au courant du fait qu'il y a beaucoup
d'industries vieillies, les secteurs mous, par exemple, dont on a parlé
à un moment donné. Cela ne date pas d'hier, mais c'est un
problème de croissance important.
Il y a, d'autre part, l'apparition au Québec de beaucoup de
petites et de moyennes entreprises depuis un certain temps, qui
représentent l'essentiel ou la majeure partie de la création
d'emplois et qu'il faut renchausser et aider de façon à
accélérer le rythme de croissance.
Il y a d'autre part, indiscutablement, un problème
peut-être temporaire, je pense, de la croissance de Montréal
alors, qu'en province, au contraire, on semble assister à une sorte
d'effervescence beaucoup plus grande. Il y a effectivement et constamment, dans
n'importe quel pays, des problèmes de croissance économique; je
pense qu'au Québec, on les voit assez clairement et le diagnostic est
assez généralisé là-dessus. Quand on arrive au
niveau de ce qu'on fait, évidemment, les discussions peuvent commencer,
mais, sur le plan du diagnostic, on s'entend assez bien.
Il est vrai que nos dépenses doivent continuer d'être
serrées. Par exemple, il est tout à fait clair que l'enseignement
par élève, ou l'enseignement per capita au Québec,
coûte plus cher qu'en Ontario et qu'il faut graduellement serrer cela.
Dans la mesure où la majeure partie du budget est en salaires, cela ne
se serre pas du jour au lendemain; mais il n'y a pas de doute, sur le plan de
certains types de dépenses publiques que nous avons au Québec,
largement à cause de l'effervescence qui a duré pendant plusieurs
années, avec des taux, dont je parlais tout à l'heure de 20%
d'augmentation par année, gu'on est rendu trop haut sur certains points
et que donc il faut serrer. Pas serrer sur trois mois; c'est une
préoccupation constante au fur et à mesure que les années
vont.
Sur le plan des revenus - je n'en parlerai pas tout de suite parce qu'en
répondant à chacune des trois questions tout à l'heure, je
reviendrai sur ce qui était, je pense, le fond de la
démonstration du député de Notre-Dame-de-Grâce -
j'aimerais essentiellement dire ceci: C'est qu'il ne faut pas, cependant, une
fois qu'on a dit tout ce qu'on vient de dire, conclure, par exemple, que
l'économie du Québec va mal par rapport à
l'économie canadienne depuis deux ou trois ans, ce n'est pas exact.
C'est vrai que la croissance économique réelle est plus faible au
cours de ces années-ci qu'à d'autres époques, mais il est
vrai aussi, par exemple, qu'en termes réels, la croissance
économique en 1977, 1978 et 1979, a été un peu plus rapide
au Québec que dans l'ensemble du Canada.
Je m'appuie ici sur les chiffres du Conference Board. On ne peut pas en
soi considérer que le Québec a connu une mauvaise passe ou un
plus mauvaise passe qu'une bonne partie de l'Amérique du Nord.
Évidemment, ce n'est pas brillant comme l'Alberta; on le sait bien. Il
n'en reste pas moins que nous devons prendre un certain nombre de gestes
à l'intérieur du budget dont nous disposons au Québec pour
essayer d'accélérer cela. L'accélération, assez
curieusement, ne présente pas autant de problèmes à
l'heure actuelle, sur les investissements privés; ce ne sont pas
tellement les investissements privés qui créent un
problème actuellement, ce sont les investissements publics; nous
assistons à la fin d'une phase d'investissements publics traditionnels,
dans les hôpitaux, les écoles, etc.
Hydro-Québec représente quelque chose d'énorme dans
les investissements du Québec et, à cause de la fin des travaux
de la Baie James, ça commence forcément à glisser. Il faut
donc trouver d'autres investissements publics pour assurer la relance des
investissements publics du côté de l'épuration des eaux, en
particulier, et du point de vue des transports. Cela, je vous le rappelle,
c'est financé par le service de la dette placé annuellement dans
nos budgets. C'est la, évidemment, que le problème d'avoir un
déficit plus élevé que les immobilisations directes du
gouvernement, va, comment dire? être une discuss=ion qui aura de moins en
moins d'objet puisque, dans les années à venir, les gros
investissements publics vont être du côté de
l'épuration des eaux et des transports en commun qui,
budgétairement, ne sont pas traités comme, par exemple, la
construction d'immeubles par le gouvernement lui-même.
Ceci étant dit, j'aborde brièvement les trois questions
que me posait le député: Budget stimulateur de 1980-1981? Oui, je
pense, par le truchement des réductions d'impôt sur le revenu, la
fin des opérations qu'on avait envisagée sur la taxe de vente et,
d'autre part, par certains virages importants, par exemple dans le domaine de
l'épuration des eaux où, cette année, il y a des
investissements publics de caractère un peu nouveau qui démarrent
ou tout au moins qui vont prendre une ampleur bien plus grande que ce qu'on
avait vu l'année précédente. Il y a dans le budget, aussi
bien sur le plan des dépenses que sur le plan des revenus, oui, certains
éléments stimulateurs. Pas énormes, bien sûr! Je
veux dire qu'à l'intérieur du budget du Québec, on n'a pas
tellement de marge de manoeuvre, mais je pense que le gouvernement a fait sa
part là-dedans et pas mal. (12 h 40)
Deuxièmement, l'importance accordée au mouvement de
population? Duxième question. C'est très difficile à
traiter parce qu'on sait qu'il y a effectivement un certain nombre de Canadiens
anglais qui, en 1977-1978, ont quitté le Québec. Ce
n'étaient pas exactement les moins bien payés, on le sait fort
bien; c'est un mouvement qui se dessinait depuis quelques années,
d'ailleurs, et qui s'inscrit dans une sorte de mouvement qui a plus ou moins
d'ampleur. Mais ils sont remplacés par qui? Dans quelle proportion
est-ce que cela a permis, dans un certain nombre d'entreprises, de prendre des
gens au niveau moins élevé et de donner des promotions? Dans
quelle mesure, en somme, y a-t-il des déplacements à
l'intérieur de la structure et de la hiérarchie des emplois? Ce
n'est à peu près pas déterminable, ce qui n'empêche
pas de reconnaître, cependant...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je regrette,
M. le ministre, de vous interrompre au milieu d'une phrase, mais nous
avions convenu de dix minutes pour chacun et je le fais très
strictement.
M. Parizeau: Bien, madame.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gouin.
Sujets divers
M. Tremblay: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Vous vous
rendez compte vous-même, Mme la Présidente, j'en suis certain,
que...
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est difficile.
M. Tremblay: ... les finances publiques, c'est compliqué
et cela exigerait beaucoup plus de temps. Je ne peux que réitérer
mon offre au ministre des Finances de poursuivre ce débat avec lui
n'importe où, n'importe quand. Il est évident qu'on n'a pas pu
soulever tous les voiles sur les finances publiques; nous avons peut-être
soulevé la moitié des voiles. Il y a bien d'autres choses que
j'aurais aimé discuter, mais que nous pourrons reprendre à
l'Assemblée nationale ou à l'intérieur de cette commission
des finances publiques ou sur toute autre scène publique.
Je voudrais quand même revenir à la partie de ma question
avec débat qui portait sur les fonds de retraite et sur les
déficits actuariels de ces fonds de retraite. Je trouve
intéressant que le ministre des Finances ait fait un troisième
aveu. C'est peut-être la productivité de ce débat
aujourd'hui: Nous avons eu au moins trois aveux de la part du ministre des
Finances. Il a avoué pour la première fois que les
déficits actuariels ne baissaient pas mais s'accroissaient. Il laissait
entendre, en termes voilés, à droite et à gauche que les
déficits actuariels se contractaient. Or, avec l'indexation des
pensions, avec l'explosion des salaires, même avec la baisse de
l'âge de la retraite facultatif, présentement, les déficits
actuariels pour les fonds de retraite administrés par le gouvernement -
je ne parle pas de la Régie des rentes - s'accroissent d'environ
$1,000,000,000 par année. Les rapports et les études actuarielles
de la Commission administrative du régime de retraite établissent
ce fait et l'amortissement actuariel que fait présentement le ministre
des Finances, cela ne couvre même pas les intérêts du
déficit. Donc, je le remercie pour cette troisième confession;
ceci va nous permettre, dans l'avenir peut-être, de revenir discuter de
cette bombe à retardement que sont les fonds de retraite au
Québec.
Quand on a des déficits qui atteignent présentement tout
près de $9,000,000,000 uniquement pour les 350,000 employés des
secteurs public et parapublic et qu'on sait, d'autre part, qu'au niveau de la
Régie des rentes, en l'an 2005, nous aurons un trou de $14,000,000,000,
il est évident que de gros ajustements vont devoir se faire dans les
mois et dans les années qui viennent. Les fonds de retraite, je le
répète, sont présentement une bombe à retardement
au plan financier et le plus tôt on commencera à s'en occuper, le
mieux ce sera pour les générations futures, pour les futurs
contribuables du Québec. Je vous fais remarquer que les recommandations
faites il y a trois ans par le comité COFIRENTES ont été
laissées lettre morte au niveau du gouvernement.
Maintenant, je reviens à ce financement des dépenses
courantes, des déficits budgétaires du gouvernement à
partir des fonds de retraite. Le ministre des Finances a voulu laisser croire
que c'était très peu, très minime. Qu'en est-il, Mme la
Présidente? Cette année, il prend $845,000,000 dans les fonds de
retraite des employés du gouvernement et des organismes publics et
aussi, des autres employés du gouvernement. Évidemment, c'est une
opération comptable puisque ce sont ces contributions qu'il se
prête à lui-même. Donc, je laisse ces $845,000,000 de
côté. Mais, face à la Caisse de dépôt et de
placement... J'aimerais parler un peu plus longuement de la Caisse de
dépôt qui n'est pas une entreprise secrète, une institution
secrète; c'est une institution publique, mais on connaît moins son
fonctionnement que celui de la Banque nationale ou de quelque autre institution
financière, à mon avis. Cette année, la Régie des
rentes, qui commence maintenant à payer des pensions qui deviennent de
plus en plus grosses
par rapport aux contributions qui entrent, verse à la caisse, au
31 décembre 1979, $180,000,000. Ce sont de petits montants et, dans
quelques années, elle va retirer de l'argent de la caisse et ne lui
versera plus l'excédent des contributions supérieures aux
pensions payées.
L'autre partie des revenus de la Régie des rentes vient des
intérêts de la réserve présente. Cela fait, au 31
décembre, $719,000,000 que la Régie des rentes laisse à la
Caisse de dépôt. Il y a le fonds de retraite des nouveaux
employés du gouvernement et des organismes publics qui a fait une
contribution nette de $113,000,000 au 31 décembre 1979 et dont les
intérêts sur les sommes déposées équivalent
à $222,000,000, ce qui donne $335,000,000. Donc, c'est environ, grosso
modo, $1,000,000,000 en comptant les intérêts que ces deux gros
fonds de retraite déposent à la Caisse de dépôt. Or,
le ministre des Finances nous a déjà dit, dans le discours sur le
budget qu'il allait chercher $1,100,000,000 pour ses propres fins à la
Caisse de dépôt et de placement. Il a envoyé une lettre
à la Caisse de dépôt. Il a obtenu une réponse
favorable et Hydro-Québec irait chercher un autre montant de
$400,000,000, ce qui fait environ $1,500,000,000. Donc, Mme la
Présidente, il est évident que la Caisse de dépôt
devra prendre de l'argent qu'elle a dans ses autres comptes, l'assurance
automobile, entre autres, et d'autres comptes, les fonds de retraite des
employés de la construction, entre autres, pour prêter au
gouvernement.
C'est ce que je veux dire, Mme la Présidente, quand je dis que
des sommes qui pourraient être investies dans l'économie pour
créer de l'emploi servent présentement à financer les
dépenses courantes du gouvernement et c'est ce qui représente un
frein à la croissance économique du Québec. Ceci pourrait
être documenté. À cause de l'importance de ces
déficits actuariels, à cause de l'importance pour la croissance
économique de l'investissement judicieux et productif de ces
épargnes, il me semble qu'il nous faut étudier le problème
de façon plus attentive que lors d'un simple débat de quelques
minutes, de quelques heures.
Je suggère au ministre de mettre sur pied, et au gouvernement,
une commission publique d'enquête sur la viabilité
financière des fonds de retraite publics et parapublics qui, comme je le
dis, représentent une bombe à retardement présentement;
deuxièmement, qu'on puisse connaître l'assurance qu'ont les
retraités futurs de toucher leur pension; troisièmement, que l'on
mesure les conséquences économiques et financières du
financement des déficits budgétaires courants du gouvernement
à partir des épargnes des fonds de retraite et,
quatrièmement, afin de proposer des moyens de concilier les objectifs de
la viabilité financière des régimes de retraite publics et
parapublics et ceux de la croissance économique du Québec. Je
fais circuler cette suggestion.
Maintenant, j'en viens à la Caisse de dépôt et
placement. Lorsqu'on a des dizaines de milliards de dollars de fonds publics
qui appartiennent à la population et que l'on constate que, depuis
quelques mois, les apparences, du moins - c'est pour cela que je demande une
enquête - a des apparences laissent croire que la Caisse de
dépôt a été de facto mise en tutelle par le
ministère des Finances, je crois que la population est en droit de
savoir ce qui se passe en fait. Le président de la Caisse de
dépôt et placement, trois ans avant son terme, malgré
l'article 8 de la loi qui dit que seule l'Assemblée nationale peut
destituer un président, a été placé sur une
tablette avec un salaire indexé pour cinq ans. On constate que la haute
direction, maintenant, est congédiée; tous les directeurs de
placements semblent être congédiés depuis quelques mois...
On constate, de plus, que le conseil d'administration de la caisse est
formé de gens qui ont des liens indirects ou directs avec le
gouvernement. Et quand l'économiste Eric Kierans a
démissionné, le printemps dernier, en disant qu'il
démissionnait du conseil pour protester justement contre le fait que le
ministère des Finances mettait la Caisse de dépôt et
placement en tutelle, ceci s'est passé comme si ce n'était
absolument rien. Pour tout cela, si on vit en démocratie et si la Caisse
de dépôt et placement n'est pas une société
secrète, je suggère, et j'en fais circuler la suggestion, que
nous ayons au plus tôt une enquête sur ce qui se passe à la
Caisse de dépôt et placement du Québec.
Je conclus finalement ce débat très rapidement...
La Présidente (Mme Cuerrier): Rapidement, M. le
député.
M. Tremblay: ... par des conclusions rapides, malheureusement,
comme vous le dites...
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous n'aurez pas beaucoup de
conclusions, M. le député, une demi-minute au maximum. (12 h
50)
M. Tremblay: Très bien, madame. Premièrement, au
niveau de la gestion financière et de la situation financière,
l'administration financière du gouvernement est remplie de trous;
deuxièmement, les déficits budgétaires sont les plus gros
que nous ayons jamais eus; troisièmement, l'endettement à long
terme se fait pour payer en grande partie les dépenses courantes;
quatrièmement, la charge fiscale des Québécois est
toujours aussi importante et le ministre n'a pas répondu à mon
défi de déposer ses indices de fardeau fiscal;
cinquièmement, les gens quittent le Québec selon une moyenne de
33,700 par année, et ce ne sont pas seulement des
Québécois anglophones; qu'il aille à Toronto et il verra
combien il y a de nombreux francophones qui y sont rendus; sixièmement,
le gouvernement emprunte à des taux d'intérêt qui nuisent
à l'économie...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous allez devoir...
M. Tremblay: Septièmement, la dernière conclusion,
Mme la Présidente, le gouvernement, face aux fonds de retraite, est en
train littéralement de manger le capital, manger les réserves des
fonds de retraite pour financer les dépenses courantes, ce qui ajoute
à cette image tellement préoccupante des finances publiques. Il
est donc temps...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Tremblay: ... de sortir du rêve et de revenir à
la réalité. On peut discuter de constitution, mais il faudrait
qu'on commence à discuter de la réalité économique
et de la réalité financière du gouvernement. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Mme la Présidente, je suis ravi de voir que
le député de Gouin vient de trouver que depuis pas mal
d'années, la situation des fonds de retraite du gouvernement
était préoccupante. Il appelle cela une bombe à
retardement et dit qu'aujourd'hui j'aurais fait l'aveu que les déficits
actuariels continuaient d'augmenter. Drôle d'aveu, Mme la
Présidente, et drôle de constatation aujourd'hui. J'aimerais vous
lire ceci: "Des engagements totaux de $4,700,000,000 au titre de ces
régimes de retraite - ceux du gouvernement - cela n'a rien de
particulièrement réjouissant. Les projections pour les
années à venir du montant total des engagements sont franchement
effrayantes. II est donc plus que temps de s'attaquer à contrôler
cette sorte d'explosion de l'endettement à venir de l'État. Sans
doute ne doit-on pas se faire d'illusions. On n'effacera pas en quelques
années les engagements accumulés au cours de plusieurs
décennies et on ne capitalisera pas complètement les
régimes de retraite, mais on peut chercher à stabiliser
graduellement le montant total des engagements." Et là, il y a une
série de mesures qui sont proposées. D'où est-ce que
ça sort, Mme la Présidente? Cela sort du discours sur le budget
de 1977, tel que présenté par le présent gouvernement.
Alors, vous pensez, s'il fallait attendre le député de Gouin
aujourd'hui pour apprendre que, effectivement, il y avait un gros
déficit dans les fonds de retraite du gouvernement. I! y avait des
mesures à prendre et on les a prises.
Deuxièmement, pour ce qui a trait à ses observations sur
l'état de la Régie des rentes et de la Caisse de
dépôt, c'est en effet une surprise considérable d'apprendre
que la Régie des rentes du Canada comme la Régie des rentes du
Québec, si les cotisations ne sont pas augmentées
éventuellement, seront un bon jour à vide. C'est une constatation
tout à fait nouvelle. Elle sort du rapport Castonguay de 1965 et ne
s'est à peu près pas démentie. À cause des
variations dans les taux d'intérêt, le moment où les sommes
quittent la Caisse de dépôt et le Canada Pension Plan a un peu
varié, mais c'est bien connu, et connu depuis guinze ans. On sait - et
j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises - que tôt ou
tard le Canada et le Québec vont avoir à augmenter les taux de
cotisation. On le sait aussi depuis longtemps.
Pour ce qui a trait à l'administration de la Caisse de
dépôt, j'aimerais être un peu plus long dans les minutes qui
me restent, mais un peu plus précis parce que, là encore, le
député de Gouin est en train de nous monter une séance de
cinéma. II voudrait une commission d'enquête sur la Caisse de
dépôt parce que, paraît-il, ce serait quelque chose de
secret. Je voudrais lui rappeler que chaque année, à l'occasion
de l'examen des crédits du ministère des Finances, les
représentants de la Caisse de dépôt viennent à la
commission. Les députés de l'Opposition peuvent m'interroger et
les interroger. La discussion autour de la Caisse de dépôt au
printemps dernier ou au début de l'été, à
l'occasion de l'examen annuel des crédits par la commission des
Finances, a duré cinq ou six heures. Je le demande au
député de Notre-Dame-de-Grâce qui était là et
qui, justement, a joué un rôle très important et
très actif dans cette discussion sur la Caisse de dépôt.
Cela a duré, au bas mot, cinq ou six heures.
M. Scowen: Six heures.
M. Parizeau: Quand est-ce que ça va revenir? Quand est-ce
que le député de Gouin va avoir l'occasion à nouveau de se
plonger dans l'administration de la Caisse de dépôt? Dès
que les crédits seront présentés au début du
printemps. Tout de suite après, on passera en commission parlementaire
et, comme chaque année, il pourra poser toutes les questions qu'il veut,
rencontrer les gens qu'il veut rencontrer et passer des heures
là-dessus, si ça l'intéresse. Alors, maintenant, nous
parler d'une commission d'enquête, mais pourquoi grand Dieu, sauf pour
vouloir dramatiser des crises qui, au fond, n'existent pas?
Ceci m'amène à conclure brièvement sur, je pense,
le sens du débat d'aujourd'hui. Pendant quatre ans, le présent
gouvernement a cherché à remettre une machine en bon état
et à la remettre dans une direction qui nous apparaissait correcte, avec
un certain nombre de priorités. Une de ces priorités,
manifestement, c'était de limiter l'expansion des dépenses. Une
deuxième priorité, c'était d'amorcer pour la
première fois une réduction aussi systématique que
possible des impôts.
Une troisième priorité consistait à essayer de
développer la croissance économique au Québec en mettant
surtout l'accent, cependant, moins sur ce type de très grands
investissements qui ont fait rêver dans le passé que sur une aide
très systématique à ces petites et moyennes entreprises au
Québec qui, à l'heure actuelle, prolifèrent, qui sont
très bien lancées. Ce n'est pas nécessairement très
coûteux, mais je le mentionne comme priorité parce que Bâtir
le Québec représente dans son esprit une priorité majeure,
une orientation fondamentale du gouvernement.
Quatrième priorité, nous avons cherché à
améliorer ce qui restait à améliorer dans le domaine des
services sociaux, non pas par certains programmes très coûteux
comme on en a connu dans le passé, parce que effectivement les
programmes très coûteux sont déjà faits:
l'assurance-hospitalisation et l'assurance-santé, mais de rendre ces
services sociaux un petit peu plus humains et, d'autre part, de faire en sorte
que de nouveaux services apparaissent qui ne sont peut-être pas
spectaculaires, mais règlent certains problèmes sérieux.
Je pense ici à la gratuité des médicaments chez les
personnes âgées, par exemple, le problème de l'aide
à domicile, la construction de centres d'accueil, parce qu'on manquait
terriblement de centres d'accueil dans le centre de Montréal. Donc, des
priorités relativement claires, mais qui toutes devaient
s'insérer dans une gestion aussi prudente que possible des finances.
Plusieurs de ces objectifs, je pense, ont été pas trop mal
atteints. Pour ce qui a trait à la réduction de l'expansion, de
la durée des dépenses, je pense, que le travail a
été fait et correctement fait. Sur le plan de la baisse des
impôts, oui. Évidemment, on préférerait toujours en
faire davantage, mais c'est une question de ressources.
Troisièmement, sur le plan de nos priorités
économiques, et, en. particulier, de l'entreprise
québécoise, oui, un certain nombre de résultats ont
été atteints et, sur le plan social, il y a effectivement pas mal
d'améliorations qui ont été apportées. On dira que
le gouvernement pourrait faire plus, bien sûr, mais, à ce
moment-là, qu'on ne se plaigne pas que le déficit prenne des
proportions qu'on trouverait alarmantes.
L'expression du déficit ou des besoins financiers du
gouvernement, c'est l'équilibre entre les objectifs comme ceux que je
viens de mentionner, qui doivent être atteints et d'autre part, une
certaine prudence financière. Le député de Gouin semble
croire - comment dire? - qu'il y a des crises et des trous partout. Une chose
est évidente, c'est que, dans les milieux financiers, en tout cas, ce
n'est pas exactement le verdict, le diagnostic qu'on pose. Je fais état
à cet égard du renouvellement, la semaine dernière, des
crédits bancaires du gouvernement qui ont été faits
à des conditions d'intérêt inférieures à
celles que nous avions avant et qui sont, à toutes fins pratiques,
celles auxquelles, à l'heure actuelle, certains pays souverains
d'Europe, parmi les plus connus, empruntent.
Il y a manifestement - comment dire? - une sorte de confiance dans ces
milieux dans l'administration des finances québécoises que le
député de Gouin n'a pas.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Je remercie les membres de cette commission
de leur bonne collaboration.
Cette commission permanente des finances et des comptes publics ajourne
ses travaux sine die.
Fin de la séance à 13 heures