Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des finances et des comptes publics est réunie pour
débattre la question du député de Brome-Missisquoi:
l'utilisation des fonds publics en période de compressions
budgétaires.
Permettez-moi de rappeler certaines directives concernant la question
avec débat du vendredi. D'abord, il faut rappeler l'article 162a, qui
dit: "Lorsqu'une commission élue est saisie d'une question avec
débat, elle est soumise aux règles spéciales suivantes:
"a) le député qui a donné l'avis de question avec
débat a droit d'être entendu le premier, et le ministre
questionné peut lui répondre immédiatement après;
chacune de ces interventions doit être limitée à vingt
minutes; "b) un député peut prendre la parole aussi souvent qu'il
lui plaît, à condition de ne parler plus de 20 minutes en tout;
cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné
l'avis de question avec débat ni au ministre questionné, lesquels
ont un droit de parole privilégié; "c) le ministre peut se faire
accompagner des fonctionnaires de son choix et les autoriser à prendre
la parole et ils parlent alors en leur nom; "d) la commission ne désigne
pas de rapporteur et il n'y a pas de rapport à l'Assemblée; "e)
le quorum est présumé exister et l'absence de quorum ne peut
être invoqué; "f) il ne peut y avoir ni motion ni vote; "g)
à treize heures, ou lorsqu'il n'y a plus d'opinant, le président
met fin aux travaux de la commission."
Les 20 dernières minutes doivent être
réservées à celui qui a posé la question et au
ministre, pour un droit de réplique.
M. Bérubé: Question de règlement. Au tout
début, M. le Président, j'aimerais avoir la parole.
Le Président (M. Boucher): Juste quelques autres remarques
avant, M. le ministre. Il est bien entendu qu'au salon bleu, il est
défendu de fumer. Et, deuxièmement, on va commencer la discussion
d'aujourd'hui après la question de règlement du ministre. M. le
ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je crains
malheureusement que cette commission ne siège de façon contraire
aux règlements. En effet, il s'agit d'une commission qui porte sur une
question avec débat. Or, l'Opposition n'a pas posé de question,
elle a simplement donné le sujet, c'est-à-dire l'utilisation des
fonds publics en période de compressions. Il n'y a pas la de question,
il y a simplement un sujet sur lequel nous allons discuter. Par
conséquent, comme il n'y a aucune question et que le budget du
Québec est de 20 000 000 000 $, il était physiquement impossible
de savoir sur quel sujet porterait le débat. S'agit-il des
crédits? S'agit-il de questions spécifiques sur des engagements
financiers? On sait que notre commission doit examiner un à un les
engagements financiers, mais dans un ordre accepté par le
règlement. Or, le règlement de l'Assemblée nationale est
très clair: "Une question ne doit contenir que les mots
nécessaires pour obtenir les renseignements demandés." Or,
l'utilisation des fonds publics n'est pas une question, c'est un sujet. Par
conséquent, cette commission ne devrait normalement pas siéger
puisqu'il n'y a aucune indication sur la question, tel que le prescrit le
règlement. Merci, M. le Président.
M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je comprends l'inquiétude, la nervosité
et l'anxiété du président du Conseil du trésor. Je
rappellerai plus strictement, au président de la commission la
jurisprudence établie depuis que je siège à cette
commission du vendredi. Si je me souviens, la semaine passée,
c'était la commission des transports qui siégeait, avec, comme
sujet à débattre le ministère des Transports et
l'utilisation des fonds publics dans Quebecair. La semaine d'avant,
c'était la commission du loisir, de la chasse et de la pêche qui
siégeait et le sujet était l'utilisation des fonds publics dans
les fêtes nationales du Québec. L'utilisation des fonds publics,
aujourd'hui, en période de
compressions budgétaires est une question que l'on adresse au
président du Conseil du trésor. Il nous avait expliqué ses
craintes et ses motifs hier. Je pense que le leader du gouvernement a
posé une question au leader de l'Opposition en Chambre, hier. À
la suite des inquiétudes mentionnées par le président du
Conseil du trésor qui a demandé quelques précisions, les
quelques précisions ont été apportées d'un leader
à l'autre. Les leaders se sont déclarés satisfaits. Le
président du Conseil du trésor s'est déclaré
satisfait. On est retourné par la suite en commission parlementaire des
engagements financiers -et ce n'est pas un secret, je pense que cela a
été enregistré, je peux vous le mentionner, M. le
Président - le président du Conseil du trésor nous a alors
demandé de ne pas faire porter les questions additionnelles et
spécifiques sur des points précis sur lesquels il ne pourrait pas
répondre parce que le sujet est trop vaste. Il m'a demandé de
l'aviser si tel devait être le cas hier soir dans la soirée; je ne
l'ai pas avisé parce que les questions spécifiques qu'on va
toucher, si on en touche, vont être strictement des questions sur des
dossiers qu'on a déjà débattus pendant cinq, six, sept ou
huit heures en commission des engagements financiers. Le ministre a pour
l'accompagner ce matin le même fonctionnaire qui à la commission
des engagements financiers, lui souffle de magnifiques réponses pour
l'Opposition. À ce moment-là, on vous soumet respectueusement
qu'on ne chatouillera pas trop le ministre sur des questions précises
sur lesquelles il ne s'y connaît pas. (10 h 15)
Notre question ce matin c'est l'utilisation des fonds publics en
période de compressions budgétaires, M. le ministre. Si vous me
laissez mes 20 minutes, M. le Président, je vais être d'autant
plus interrogatif et d'autant plus précis.
Le Président (M. Boucher): Vous comprendrez que ma
position de président, concernant la question de règlement
soulevée par le ministre, m'amène à dire que je suis
devant une question inscrite au feuilleton qui est une: Question avec
débat. Elle aurait peut-être dû faire l'objet d'un
débat au préalable pour décider s'il s'agissait d'une
question avec débat ou autre chose, mais je dois m'en tenir à ce
qui est mentionné au feuilleton, soit une question avec débat en
vertu de l'article 174a du règlement et qui s'intitule: L'utilisation
des fonds publics en période de compressions budgétaires.
D'autre part, si je m'en réfère à l'article 174a:
Un député peut inscrire au feuilleton un avis de question avec
débat signifiant qu'il désire interroger un ministre qu'il
désigne sur une affaire d'intérêt général qui
relève de sa compétence administrative.
Alors, je n'ai pas à me prononcer sur le fond de la question qui
est devant nous; en conséquence, je dois l'accepter comme telle. Il
reste qu'en vertu de notre règlement un ministre ou un
député peut refuser de répondre à certaines
questions - c'est l'article 171, paragraphe 2 - sans nécessairement
donner de raisons sur le refus de répondre et il ne peut y avoir de
débat sur le refus ou les raisons que donne le ministre dans les
circonstances.
M. Bérubé: Toujours sur cette question de
règlement. L'Assemblée nationale n'a pas à débattre
des questions avec débat puisqu'elles sont déposées
directement par l'Opposition. Le leader en est avisé. Il n'y a pas de
débat. Le leader du gouvernement ne fait qu'annoncer la tenue de la
commission, et par conséquent, à quelque moment que ce soit notre
Assemblée nationale n'est amenée à discuter comme telle de
la question, puisque cette présentation du sujet se situe en une
période où l'Assemblée nationale ne peut accepter de
débat. Donc, le problème se pose. C'est un problème plus
général que celui qui se passe ce matin. En effet, il est bien
selon l'article 174a...
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Question de règlement,
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: J'invoque le règlement.
M. Bérubé: Je suis déjà sur une
question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Brome-Missisquoi, il y a déjà une question de règlement.
Est-ce que vous voulez ajouter une autre question de règlement?
M. Paradis: Non. On fait appel à votre décision
présentement pour tenter d'utiliser du temps pour ne pas avoir à
répondre de l'utilisation des fonds publics de la part du gouvernement
à cette commission. Tout ce que le ministre fait, il fait appel à
votre décision. C'est contre le règlement. Vous devriez
l'interrompre, qu'on commence la commission et qu'on me donne mon droit de
parole.
Le Président (M. Boucher): Sur cette question de
règlement du député de Brome-Missisquoi, j'étais
pour intervenir. Est-ce que le ministre est en train de contester la
décision de maintenir cette question?
M. Bérubé: Non, je pose au président
essentiellement une question de directive. Un député peut
inscrire un avis de question. Je voudrais, M. le Président, que vous me
disiez
quelle question m'a été posée.
Le Président (M. Boucher): Encore une fois, M. le
ministre, je dois m'en tenir à ce qui a été formulé
dans le feuilleton sous la rubrique Question avec débat: "L'utilisation
des fonds publics en période de compressions budgétaires". C'est
un sujet d'ordre général, d'intérêt
général. À partir de ce moment, les questions que le
député de Brome-Missisquoi pourra préciser dans ses
remarques préliminaires permettront peut-être d'éclairer le
sujet.
M. Bérubé: M. le Président, je comprends
bien qu'effectivement, il n'y a pas de question. Il y a un sujet
déposé par l'Opposition, mais il n'y a aucune question.
Maintenant, l'Opposition va nous expliquer quelle question elle avait a
l'esprit lorsqu'elle a établi ce sujet. Vous comprendrez, M. le
Président, que dans ces conditions, toute question qui portera sur
quelque chose de précis, de détaillé m'obligera
nécessairement à demander l'information. Par conséquent,
cela va nuire énormément à la poursuite de nos discussions
si effectivement on s'avise à poser des questions spécifiques
sans que j'aie pu savoir à l'avance sur quel sujet on allait les faire
porter. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Je comprends, M. le ministre,
que notre règlement sur ce genre de question avec débat est
récent et qu'il n'y a pas beaucoup de jurisprudence pour étayer
les arguments que vous apportez. Par conséquent, je dois m'en tenir pour
aujourd'hui à cette question qui est devant nous et je dois donner la
parole au député de Brome-Missisquoi.
Exposé du sujet M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait
plaisir de saluer ce matin, après nos échanges
préliminaires, la présence du député de Sainte-Anne
qui, à la commission des engagements financiers - le président du
Conseil du trésor en est plus que conscient - s'attarde
spécialement aux programmes de création d'emplois, aux programmes
du ministère de l'Industrie et du Commerce et aux programmes du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Je salue également la présence du député de
Pontiac, qui a la même base de formation que le président du
Conseil du trésor, quant à la première partie de son
titra, étant lui aussi ingénieur mais dans un autre domaine, et
qui s'occupe spécialement, chaque fois qu'on a l'occasion de se
rencontrer, d'examiner une à une les dépenses gouvernementales.
Le député de
Pontiac s'attarde plus spécialement au ministère des
Transports et au ministère des Travaux publics.
Il me fait également plaisir de souligner la présence du
député de Terrebonne qui est plutôt versé dans les
choses culturelles et il nous en apprend beaucoup chaque fois sur cet ensemble
de dépenses.
Il me fait plaisir de vous saluer, M. le ministre, et de vous dire qu'il
n'y a pas de stress à y avoir; on va tenter de conserver nos
interrogations sur un domaine d'ensemble que vous connaissez bien.
Le président du Conseil du trésor va être
rassuré ce matin, parce que nous lui disons que nous n'avons pas
l'intention de revenir uniquement sur les nombreux cas de gaspillage de fonds
publics soulevés lors des périodes des questions ici en Chambre
ou à la commission des engagements financiers. La pointe de l'iceberg
que représentent les cas dénoncés à
l'Assemblée a démontré aux contribuables du Québec
que l'assainissement des finances publiques, annoncé à chaque
discours de M. Parizeau ainsi que lors des discours inauguraux du premier
ministre, ne s'est révélé finalement que vide de sens et
seulement des slogans électoraux.
L'incohérence des slogans est d'abord et avant tout due aux
mauvais choix budgétaires qui se sont traduits par des augmentations de
taxes indirectes de plus de 86% depuis 1976, soit depuis l'élection du
PQ. Nous ne sommes pas réunis ici aujourd'hui pour faire l'autopsie des
erreurs budgétaires du ministre des Finances du Parti
québécois. Toutefois, les travaux de la commission des
engagements financiers permettent de voir concrètement l'approche des
finances publiques du présent gouvernement. Or, nous sommes
forcés de constater que le public qui nous regarde aujourd'hui est
celui-là même qui, à chaque litre d'essence, à
chaque facture d'Hydro-Québec, chaque semaine en recevant son
chèque de paie, pour ceux qui ont encore le bonheur d'avoir "une job",
éprouve une rage certaine à devoir combler les déficits et
les erreurs comptables de ce gouvernement qui, hier encore, s'évertuait
à rejeter le blâme sur l'ancienne administration provinciale.
Depuis quelque temps - il s'agit d'écouter l'ensemble des
discours des ministériels - le gouvernement péquiste s'est rendu
compte que cette façon de rejeter les raisons de son incompétence
sur l'ancienne administration ne poignait plus; on était en
deuxième mandat. Pour y remédier, on a trouvé un autre
bouc émissaire. On s'est tourné vers le gouvernement
fédéral. J'ai une question précise dont je demanderais au
président du Conseil du trésor de prendre note et d'y
répondre à la fin de mes 20 minutes. Lorsque ça ne
poignera plus de mettre le blâme sur le gouvernement
d'Ottawa, sur qui allez-vous jeter le blâme? Allez-vous attaquer
le président des États-Unis ou la Communauté
économique européenne? Sauf, peut-être, avec la
réserve suivante: Bernard Landry vous refusera sans doute d'attaquer M.
Mitterrand. À quand la faute aux politiques folichonnes du PQ, M. le
président du Conseil du trésor?
Voilà le ridicule de la situation. Le PQ passe plus de temps
à chercher un bouc émissaire à sa faillite administrative
qu'à chercher des solutions aux problèmes qu'il a lui-même
provoqués et développés au gré des budgets
présentés. Ce n'est jamais la responsabilité du
gouvernement. Nous devons donc en conclure que nous sommes en face d'un
gouvernement irresponsable.
D'ailleurs, les Québécois ont bien senti, en novembre
dernier lors du budget supplémentaire de M. Parizeau, avec la taxe sur
l'essence, la taxe sur la boisson et le dégrèvement de 2%
d'impôt, qu'ils avaient été bernés par ce
gouvernement. Après avoir tenté de convaincre les
Québécois du miracle québécois sur le plan
économique en 1980 et 1981 jusqu'à l'élan du 13 avril
dernier, on s'est soudainement retourné pour nous avouer candidement que
le dernier budget avait été préparé en catastrophe.
Pour une fois, le premier ministre est passé aux aveux.
Par la suite, avant même la fin des présents accords
fiscaux, une campagne de sensibilisation est entreprise auprès de tous
les Québécois, campagne de sensibilisation ou de propagande, pour
nous apprendre que le travail entrepris par les dirigeants de notre
société québécoise, durant les années
soixante, qui a débuté en 1960, ça pesait trop lourd sur
les épaules de ce gouvernement. On remet alors en question tout le
progrès accompli par nos prédécesseurs pour
désormais mettre le Québec sur la voie de
l'austérité, des coupures de services et des hausses de taxes.
Non satisfaits d'avoir dit aux Québécois qu'ils ne devaient plus
s'attendre à une amélioration de leur qualité de vie, on
leur annonce des années noires, des années de sacrifice et des
années d'austérité.
Pendant que le ministre des Finances nous dit, d'une façon
très imagée, qu'il a réussi à abaisser les
impôts directs des plus bas salariés, on se rend compte - et le
plus bas salarié s'en rend compte aussi - que le même ministre des
Finances a augmenté leur fardeau fiscal d'une façon beaucoup plus
importante en leur imposant toutes sortes de taxes indirectes qui frappent tout
le monde, les plus riches comme les plus démunis. Le prix de l'essence,
c'est la même chose pour le plus riche comme pour le plus démuni;
la bière, c'est le même prix mais les plus riches prennent moins
de bière, eux, on n'a qu'à se promener dans le salon
parlementaire.
Après avoir établi le climat d'austérité
budgétaire, j'en viens maintenant au coeur du sujet qui nous
préoccupe aujourd'hui, le gaspillage de fonds publics. L'argent qu'on
tire des poches des contribuables, ce que vous faites avec c'est de votre faute
à vous autres. Lorsque vous le gaspillez, ce n'est pas l'ancienne
administration qui le gaspille, ce n'est pas le gouvernement
fédéral qui le gaspille, ce n'est pas Reagan ni la
Communauté économique européenne qui le gaspillent, c'est
vous le premier responsable, celui qui a le contrôle, le président
du Conseil du trésor.
Le premier ministre, dans son dernier discours inaugural,
établissait les paramètres de la gestion financière de son
gouvernement, et je cite, à la page 31 du message inaugural du 9
novembre dernier, le premier ministre: "II nous faut pourchasser avec la plus
grande vigueur toutes ces tentations de facilité, de laxisme, dont on
connaît les résultats, et qui surgissent infailliblement lorsque
le séjour au pouvoir se prolonge."
J'espère que le président du Conseil du trésor
comprend bien le sens des mots utilisés par son premier ministre.
J'insiste également, M. le président du Conseil du trésor,
sur les termes "tentations de facilité" parce que dans un instant, vous
vous rendrez compte que le gouvernement a succombé allègrement
aux tentations au cours de l'année 1981 en ce qui a trait aux
dépenses en octroi de contrats.
Je vous rappellerai, M. le Président, qu'à l'occasion de
la commission des engagements financiers, l'Opposition a toujours fait une
étude très sévère des dépenses du
gouvernement; le président du Conseil du trésor, à
quelques occasions, nous a reproché cette attitude. Or, aujourd'hui,
nous avons l'intention de vous démontrer que le Parti libéral
avait raison d'entamer une autopsie sur les dépenses du gouvernement et
surtout sur les modalités de contrats d'un montant supérieur
à 25 000 $. (10 h 30)
Je vois le député de Terrebonne qui me regarde, qui se
dit: Le député de Brome-Missisquoi va encore nous parler des
fameux contrats négociés! Oui, je vais vous en parler.
Ces derniers jours, les députés de l'Opposition ont
procédé à une compilation des dépenses que l'on
retrouve dans les cahiers des engagements financiers, les cahiers que vous nous
remettez, M. le président du Conseil du trésor, tous les mois,
qui, dans chacun des ministères, analysent vos dépenses,
révèlent vos dépenses. Cette compilation, M. le
président du Conseil du trésor, a été
effectuée ministère par ministère, mois par mois, et selon
les modalités d'octroi pour l'année 1981. Les résultats
peuvent vous sembler surprenants. Vous comprendrez aussi l'acharnement de
l'Opposition, au cours des derniers mois, à interroger et
à analyser la nature des contrats, peu importe leurs montants, de
même que la façon dont ils ont été octroyés,
la façon dont ils ont été donnés. À chaque
séance des engagements financiers, on a signalé le nombre trop
élevé de contrats négociés en 1981. Ces contrats
négociés en 1981, M. le président du Conseil du
trésor, ont atteint le nombre de 745, c'est-à-dire que les sommes
ont été autorisées par le Conseil du trésor, par
dérogation et la plupart du temps en ne faisant pas appel à cette
charmante Rosalie en conformité avec la Loi sur l'administration
financière.
Par contre, M. le président du Conseil du trésor, si vous
regardez le nombre de contrats que vous avez accordés par les deux
processus suivants, soumissions publiques et utilisation du répertoire,
vous avez un nombre de 750 pour l'année 1980. Donc, contrats
négociés avec des individus, avec des compagnies: 745. Des
contrats par soumissions publiques et par le système Rosalie: 750. C'est
intéressant au niveau du nombre. On me fera l'indulgence des
décimales, c'est 50-50. Mais si on a 50-50 quant aux contrats, qu'en
est-il des montants que vous allouez en termes de dollars? En contrats
négociés en 1981: 191 522 559 $. En contrats par soumissions
publiques, en contrats Rosalie: 194 394 608 $. Encore une fois, 50-50. La
moitié des fonds publics est dépensée par
dérogation. Lorsque l'ex-ministre, Jocelyne Ouellette, a lancé le
système Rosalie, elle nous a parlé du coeur à l'ouvrage.
Elle nous a dit que le travailleur autonome et chaque entreprise, petite,
moyenne ou grande, dans toutes les régions du Québec, a une
chance égale d'obtenir un contrat du gouvernement s'il s'inscrit au
fichier central des fournisseurs. C'est le 20 octobre 1978 qu'elle nous
déclarait cela. Il y a une chance égale sur 50% des contrats du
gouvernement. Il n'a peut-être pas la même chance sur l'autre 50%.
Je vais peut-être lui dire publiquement, en analysant ministère
par ministère, s'il va avoir une chance privilégiée sur
l'autre 50%.
Il peut s'adresser au ministre des Affaires culturelles qui, en 1981, a
donné 23 contrats négociés contre 3 par soumissions
publiques et 7 contrats sur invitation. S'il veut avoir une chance
privilégiée, il peut également aller au ministère
des Affaires intergouvernementales, c'est encore plus joli, qui, en 1981, a
donné 17 contrats négociés, pas un par appel d'offres et
pas une fois Rosalie à l'ouvrage. Ce sera peut-être
agréable de connaître le ministre des Affaires
intergouvernementales. Le ministre des Affaires sociales a donné 13
contrats négociés, 1 contrat par soumissions publiques et 5
contrats sur invitation. Le ministre des Communications, le ministre de la
propagande, a donné 11 contrats négociés, 4 par appel
d'offres et 2 sur invitation. Le Conseil exécutif - c'est le premier
ministre qui disait qu'il fallait faire attention au laxisme, c'est lui qui est
responsable de cela - a donné 14 contrats négociés, 2 sur
appel d'offres et pas une fois Rosalie. Ils n'ont peut-être pas
reçu la lettre de Jocelyne Ouellette encore. Le ministère de
l'Environnement, le maître d'oeuvre des campagnes électorales du
Parti québécois, l'honorable Marcel Léger, Marcel
Léger Airlines, a donné 18 contrats négociés, 1 sur
appel d'offres et 9 sur invitation. Et le ministère des Travaux publics,
qui est chargé de l'administration de Rosalie, finalement, celui qui a
la tutelle de Rosalie, qui a la garde de cette chère enfant, le
ministère des Travaux publics, en 1981, a donné 194 contrats
négociés, 88 par appel d'offres et 65 par Rosalie. 60% de
contrats négociés au ministère des Travaux publics.
M. le président du Conseil du trésor, l'Opposition
officielle ne s'élèvera pas contre le fait d'avoir mis sur pied
le fichier des fournisseurs, bien au contraire. Depuis les derniers mois, on a
demandé au président du Conseil du trésor pourquoi on n'y
faisait pas appel plus souvent. En second lieu, l'Opposition accepte, dans
certains cas, que le gouvernement doive déroger aux règles, en
cas d'urgence, et procéder par voie de négociation. Les travaux
d'urgence, l'absence de fournisseurs dans un secteur donné et
très spécialisé peuvent contraindre n'importe quel
gouvernement à éviter de faire des appel d'offres ou de recourir
à Rosalie. Cependant, au pis aller, comme contribuable et comme
représentant de contribuables en cette Chambre, j'aurais cru que le
pourcentage de dérogation à la Loi sur l'administration
financière aurait pu représenter grosso modo 10% des cas et des
montants, peut-être 15%, peut-être 20% dans les pires
années. Mais on a dépassé le seuil des pires
années; on est dans les années "piquistes", on est rendu à
50%. Est-ce qu'on peut se vanter de tranparence, M. le président du
Conseil du trésor, lorsque l'on procède ainsi? Ces seuls
résultats démontrent clairement que la rigueur, la transparence
du gouvernement "piquiste" ne sont plus qu'illusion. Le plus beau mythe que
tous les Québécois sont en droit de connaître, c'est que ce
seuil de facilité a été dépassé dans au
moins 40% des cas en ce qui a trait aux contrats supérieurs à 25
000 $. Voilà le sens de cette première intervention que nous
faisons ici ce matin. Je ne veux absolument pas, M. le président du
Conseil du trésor, lancer dans le public que tous les contrats
négociés constituent du gaspillage de fonds publics, mais nous
sommes dans l'obligation de dénoncer les abus commis par votre
administration en matière d'octroi de contrats.
Si le président du Conseil du trésor désire qu'on
regarde les sommes autorisées
mois par mois, montant par montant, en ne faisant pas appel au fichier
des fournisseurs, je suis disposé à le faire, mais je demanderais
au président du Conseil du trésor de nous dire pourquoi la
moitié des contrats ont été négociés.
J'aimerais savoir du président du Conseil du trésor quelles sont
les mesures qu'il entend lui-même proposer pour remédier à
cette situation ou s'il a l'intention de poursuivre dans cette voie de la
facilité et du laxisme qui caractérise l'administration
"piquiste" qui fouille dans les poches des contribuables à tous les
jours.
M. Blais: Question de règlement.
Le Président (M. Boucher): Question de règlement,
M. le député de Terrebonne.
M. Blais: Cela fait trois fois que j'entends de la bouche du
député de Brome-Missisquoi gouvernement "piquiste". Est-ce que
c'est volontaire ou si cela lui échappe? C'est péquiste et non
"piquiste".
M. Paradis: Je peux rassurer le député de
Terrebonne, je n'ai aucun problème avec mes prothèses
dentaires.
M. Blais: Donc, c'est volontaire.
Le Président (M. Boucher): Vous avez terminé, M. le
député de Brome-Missisquoi? M. le ministre.
Réponse du ministre M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Si je comprends bien, le
député de Brome-Missisquoi a terminé. Il a terminé
avec une question cette fois. Je vous soulignerais, M. le Président,
qu'effectivement nous devrons réviser le règlement. En effet,
c'est évident que je ne pouvais pas ce matin me faire entourer de
spécialistes de toutes catégories pour répondre à
tel type d'engagement financier. Il faut comprendre que le gouvernement
dépense 20 000 000 000 $ par année et qu'aux engagements
financiers sont soumises toutes les dépenses de 25 000 $ et plus. Vous
savez combien il y a de dépenses de 25 000 $ et plus dans 20 000 000 000
$? C'est au-delà du million, en termes de combien de fois 25 000 $ on
peut retrouver dans 20 000 000 000 $. C'est comme si on disait à
quelqu'un qui gagne 20 000 $ et qui nous regarde à la
télévision: Je vais te poser des questions sur toutes les
dépenses de plus d'un cent que tu as faites pendant une année. Il
faudra que tu répondes à n'importe quelle question. Pourquoi
as-tu payé le tube de dentifrice 2,71 $ plutôt que 2,73 $?
Où l'as-tu acheté? Quand? Combien de tubes de dentifrice as-tu
achetés durant l'année? C'est cela, finalement, qu'on pose comme
questions.
En d'autres termes, analyser les dépenses de 25 000 $ et plus au
gouvernement c'est analyser les dépenses de 0,01 $ et plus d'un citoyen
qui gagne 20 000 $ et ce en ne lui disant pas à l'avance quelle question
on va lui poser, en ne lui disant pas à l'avance quels seront
véritablement les sujets qui intéresseront celui qui pose les
questions. Et après cela on s'étonnera que le ministre
responsable dise: Les 0,03 $ que j'ai dépensés il y a quinze
jours, attendez un peu, je pense que j'en ai échappé un sur la
rue, je pense qu'avec ce sou j'ai acheté une gomme balloune, mais
finalement c'est complètement ridicule. C'est donc physiquement
impossible de dire que nous allons discuter de toutes les dépenses
publiques sans annoncer à l'avance quel sera le sujet sur lequel portera
la discussion. Je pense que notre règlement doit certainement être
amendé de telle sorte qu'en français le mot "question" veuille
dire question et non pas sujet. Donc, c'est clair dans mon esprit.
Je commencerai d'abord par traiter des remarques préliminaires du
député de Brome-Missisquoi. D'abord il a dit: Mauvais
contrôle des dépenses. M. le Président, les chiffres sont
publics. Les comptes publics nous révèlent que de 1970 à
aujourd'hui on peut voir de combien les dépenses gouvernementales
augmentent année après année. Je prends la période
de 1971 à 1976; on constate que les dépenses publiques, de 1971
à 1976, ont augmenté de 17,2% par année; l'inflation
n'était que de 8%, c'est donc beaucoup plus rapide que l'inflation. De
1976 à 1980, sous le gouvernement du Parti québécois, la
croissance des dépenses fut de 13,8% - non pas 17% - d'augmentation par
année, mais 13,8% d'augmentation, c'est beaucoup moins. L'Opposition
libérale peut bien dire aujourd'hui que ça augmente encore trop
vite, mais ce qu'il faut dire aussi c'est que c'est beaucoup moins rapidement
que sous une administration libérale. Regardez simplement la croissance
des dépenses à Ottawa, ce serait intéressant.
Donc, vous savez, on n'est jamais bon dans l'absolu, on peut être
meilleur que... Personne ne prétend que comme gouvernement nous sommes
parfait, que nous ne faisons pas d'erreurs, loin de là, nous en faisons;
la seule chose que je dis c'est que nous sommes meilleur que vous, ça
c'est déjà quelque chose. Au moins lorsque l'électorat a
à choisir il a à choisir entre quelqu'un qui laissait les
dépenses augmenter de 17,2% par année, alors que celui qui est au
pouvoir les a réduites à 13,8% par année.
Si effectivement on trouve que les dépenses augmentent trop vite,
on est donc mieux avec le gouvernement du Parti québécois qu'avec
un gouvernement libéral;
ça c'est clair dans l'esprit de tout le monde. Je ne
prétends pas que c'est parfait, mais je dis que c'est quand même
à retenir. (10 h 45)
Deuxième élément: les taxes. Lorsque nous sommes
arrivés au gouvernement, l'effort fiscal au Québec était
de l'ordre de 14,9%, en 1976-1977, de plus qu'en Ontario. Qu'est-ce que
l'effort fiscal? Nous prenons toutes les taxes que les citoyens paient au
gouvernement du Québec, taxe de vente, taxe sur l'essence, impôt
sur le revenu. Nous prenons aussi les taxes que les citoyens paient aux
municipalités. C'est important, parce que si un gouvernement donne
beaucoup de subventions aux municipalités, les taxes provinciales seront
élevées, mais les taxes municipales seront faibles. C'est normal,
puisque la municipalité reçoit une bonne partie de son budget du
gouvernement provincial, plutôt que d'avoir à aller le chercher
dans les poches des citoyens. L'avantage d'une telle procédure, par
exemple, c'est qu'une municipalité moins bien nantie
bénéficiera du fait qu'il y a relativement peu de taxes
payées par les contribuables de la municipalité, mais c'est dans
toute la province que l'on paiera, que l'on consentira un effort fiscal qui
servira à donner des services dans la municipalité. C'est une
approche.
Il en va de même pour les commissions scolaires. En Ontario, par
exemple, les commissions scolaires prélèvent des taxes
importantes, alors que chez nous 95% du budget des commissions scolaires est
défrayé directement par le gouvernement du Québec. Donc,
les commissions scolaires ne vont pas chercher des taxes aussi importantes
qu'en Ontario. Pourquoi? Parce que le gouvernement du Québec va chercher
des impôts et il finance les commissions scolaires. Si on veut être
honnête, il faut prendre l'ensemble du fardeau des taxes, puisqu'il y a
des transferts de l'un à l'autre. Lorsque nous prenons l'ensemble des
fardeaux fiscaux, l'ensemble de l'effort, et qu'on le compare avec celui de
l'Ontario, on s'aperçoit que lorsque nous prenons le pouvoir en 1977,
nous payons 15% de plus d'impôt qu'en Ontario. Je ne blâme pas le
gouvernement libéral de l'époque. Il avait hérité
d'une administration qui lui venait de l'Union Nationale. Sous l'Union
Nationale, sans doute, si on faisait la même vérification, on
constaterait qu'au Québec, l'effort fiscal demandé aux citoyens
était également supérieur à celui de l'Ontario. Je
n'ai malheureusement pas ces chiffres. Je donne le bénéfice du
doute à l'administration libérale de l'époque et je
présume qu'elle n'a pas augmenté le fardeau des impôts des
citoyens québécois lors de son règne, mais que, dans le
fond, elle l'a à peu près maintenu constant et qu'on paie plus
d'impôt au Québec qu'en Ontario. Pourquoi?
D'abord, parce que nous voulons appartenir au Canada. C'est la
principale raison en partie. En effet, du fait que nous voulons vivre en
français, forcément, cela nous oblige à nous donner des
institutions. Par exemple, les centres de main-d'oeuvre sont
gérés par M. Axworthy présentement et toute la haute
administration des centres de main-d'oeuvre du Canada est évidemment
anglophone. Pour un jeune Québécois qui a été
formé en français, qui est allé à l'école
primaire, secondaire, au cégep et à l'université en
français, qui a un peu de difficulté à travailler en
anglais, évidemment, il va chercher instinctivement à faire
carrière dans sa langue, puisqu'il s'est préparé toute sa
vie à travailler en français. Il découvre très
rapidement que tout ce qui se passe en haut se fait en anglais. À
l'époque - je ne sais pas, il faudrait peut-être vérifier
quel est le gouvernement, si c'est l'Union Nationale ou le Parti libéral
-je crois que c'est l'Union Nationale qui a créé un
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre au Québec avec des
centres de main-d'oeuvre québécois à côté des
centres de main-d'oeuvre canadiens, qui font en sorte qu'on puisse
élaborer des politiques de main-d'oeuvre adaptées à nos
besoins et non pas dictées, comme c'est le cas de la politique que M.
Axworthy vient d'annoncer et que j'expliquais aux citoyens de Price dans mon
comté, qui sont aux prises avec une usine qui ferme qui faisait vivre
entièrement le village. Je leur ai expliqué que les politiques
nationales, canadiennes reposaient sur le principe de la mobilité. Il y
a des emplois disponibles en Alberta; il faut prendre le village de Price et le
déménager en Alberta.
Or, il y a des de gens de 50 ans, 55 ans, 60 ans qui ont leur maison
à Price, qui aimeraient que leurs enfants continuent de travailler
à Price. Eux, la politique de mobilité du gouvernement
fédéral, vous savez où ils l'ont; on ne le dira pas, parce
que ce ne serait pas gentil. Mais cela ne les intéresse pas, la
politique de mobilité fédérale. Qu'est-ce qu'ils font? Ils
disent au gouvernement du Québec: On voudrait de l'emploi chez nous;
élaborez une politique de main-d'oeuvre pour le Québec. Ah! j'ai
dit: Parfait. Il faut donc élaborer une politique de main-d'oeuvre pour
le Québec et il faut une politique de main-d'oeuvre pour le Canada.
Comme celle du Canada ne fait pas notre affaire, on en a deux, on paie deux
fois. On paie pour une à Ottawa, une à Québec. Être
pris à payer deux fois veut dire qu'il faut prélever des
impôts supérieurs, au Québec 10% ou 12%, sans doute, de
plus; c'est difficile de dire ce qu'il en coûte de plus, mais nous avons
une sûreté qui est différente.
Tout récemment, je rencontrais un de nos industriels qui
réussissent très bien dans le sciage, à l'heure actuelle,
alors que, vous
le savez, la conjoncture est mauvaise, à cause de la
construction, à cause des taux d'intérêt
élevés qui, à nouveau, soit dit en passant, ne
relèvent pas du gouvernement du Québec. Au cas où vous ne
le sauriez pas, c'est effectivement de juridiction fédérale.
Donc, l'industrie de la construction est à terre; la moitié des
scieries au Québec sont fermées. Voici que cet industriel
québécois -je ne mentionnerai pas son nom pour ne pas l'intimider
- a décidé de développer les marchés
étrangers. Depuis trois ans, il parcourt le Maroc, la Tunisie, l'Egypte
pour inciter les constructeurs de ces pays à utiliser le bois
québécois ou son bois, évidemment. Je lui ai dit: II n'y a
vraiment pas de bois canadien qui entre dans ces pays? Il a dit: II y en a
beaucoup. Le bois qui entre dans ces pays, c'est le bois russe,
soviétique - on n'est jamais très sûr de la
fiabilité des livraisons - et le bois canadien et américain, mais
le bois canadien, c'est le bois de la Colombie britannique, parce que les
ambassades du Canada dans ces pays ont des circulaires, des prospectus qui
expliquent l'industrie de la construction canadienne avec le bois de la
Colombie britannique. Vous savez que la Colombie britannique a des arbres
beaucoup plus gros que les nôtres. On a évidemment des poutres de
six pouces sur douze pouces, alors que trouver du bois de cette taille au
Québec, c'est rare. On a donc des techniques de construction
basées sur des deux sur quatre, chez nous.
Mais vous comprenez que, si on adopte des méthodes de
construction basées sur le bois de la Colombie britannique, c'est
difficile pour nous de vendre le bois québécois. Effectivement,
c'est lui qui joue le rôle d'ambassadeur du bois québécois.
Il se promène dans ces pays pour vendre le bois et il commence a
pénétrer le marché. C'est même l'un des rares
industriels au Québec qui, présentement, a des scieries qui
fonctionnent.
Cela veut dire, M. le Président, qu'il faut des
délégations du Québec dans les pays étrangers,
forcément. Des délégations du Québec dans les pays
étrangers, cela veut dire, à côté des ambassades du
Canada, des délégations qu'on paie. D'ailleurs, je sais que le
Parti libéral est parfaitement au courant, puisqu'il a ouvert
lui-même un grand nombre de délégations partout pour
défendre les intérêts du Québec, parce qu'il
constatait, quand il était au pouvoir, que les ambassades du Canada ne
faisaient pas leur travail pour défendre nos intérêts. Les
libéraux l'ont compris; l'Union Nationale l'a comprise avant. Mais il
faut comprendre aussi qu'à cause de cela, forcément, puisqu'il
faut payer deux fois, on paie plus cher. C'est le coût de notre
attachement au fédéralisme. C'est cela qu'on essaie d'expliquer
à la population, que payer deux fois coûte cher et que,
forcément, il faut payer plus de taxes au Québec simplement parce
que nous voulons être différents mais Canadiens. Le fait
d'être Québécois et Canadiens nous coûte plus cher
que si on était Québécois, indéniablement, mais
c'est le coût du système et c'est cela que nous essayons de
changer.
Donc, pourquoi, au Québec, a-t-on toujours payé plus de
taxes? La raison est claire, du moins une raison. Il y a d'autres raisons que
je pourrais souligner également. J'ai eu l'occasion à de
nombreuses reprises d'expliquer cela à la population. Nous arrivons au
gouvernement. L'effort fiscal, qui était de 15% supérieur
à celui de l'Ontario, en 1977, pour l'ensemble des particuliers, des
entreprises, des sociétés d'État, passe 14,9% et baisse en
1978 à 12,1%. Pour la première fois dans l'histoire du
Québec, sans doute, un gouvernement commence à baisser l'effort
fiscal. Comment? Mais, suppression de la taxe de vente sur les biens de
consommation essentiels. Quand vous achetez des chaussures maintenant, vous ne
payez plus de taxe; quand vous achetez du linge, vous ne payez plus de taxe;
sur les appareils ménagers essentiels, vous ne payez plus de taxe. Il ne
faut pas l'oublier, ça. Les impôts ont baissé. En 1979,
l'effort fiscal baisse à 8,8% par rapport à celui de l'Ontario.
Il était de 15% plus élevé que celui de l'Ontario, il
baisse à 12%, il baisse à 8,8% en 1979, à 8,7% en
1980.
Tout l'effort de ce gouvernement a été de baisser le
fardeau des impôts, des taxes, que les Québécois doivent
supporter. Il ne faut pas oublier, par exemple, que les taxes imposées
par les commissions scolaires ont baissé considérablement. Cela
ne paraît pas, mais c'est de l'argent qui reste dans les poches des
citoyens. Donc, l'Opposition nous dit: Vous taxez trop. Je dis: Mais, c'est
nettement mieux que quand les libéraux étaient là. Il faut
au moins dire ça. Je ne prétends pas que nous sommes parfaits,
mais nous sommes meilleurs qu'eux. C'est déjà pas si mal.
Continuons. En 1981, l'effort fiscal remonte à 12,6%. Ce n'est
pas compliqué de savoir pourquoi; la taxe sur l'essence. 12,6%, c'est en
bas de 14,9%. Cela veut dire que, par rapport à l'Ontario, même
avec la taxe sur l'essence, l'effort fiscal qu'on exige est quand même
moins élevé que ce qu'on exigeait en 1977. Mais on a raison de
dire qu'on ne devrait pas relever cette taxe-là, qu'on devrait tout
mettre en oeuvre pour tenter de comprimer nos dépenses et tenter de
faire en sorte qu'effectivement nous puissions, graduellement, continuer
à réduire le fardeau fiscal imposé aux
Québécois. Il sera toujours supérieur à celui de
l'Ontario. Cela, c'est notre attachement au fédéralisme. Tant et
aussi longtemps que nous serons attachés au système actuel, que
nous paierons deux fois, forcément, on paiera
plus cher. Mais est-on obligé de payer 15% plus cher comme
à l'époque des libéraux ou doit-on, au contraire, viser
12% ou 13%? Voilà la question et voilà ce que nous essayons de
faire depuis que nous sommes là.
Deuxième remarque: ouf, nous blâmons toujours Ottawa. Oui,
peut-être que nous le faisons trop. C'est vrai. Vous savez, on lisait
tout récemment un éditorial intéressant dans le Devoir
où Jean-Louis Roy parlait de la politique de main-d'oeuvre, parlait de
la nouvelle tentative du gouvernement fédéral de
dédoubler, de s'immiscer dans la gestion de l'enseignement
post-secondaire de nos universités. Faut-il rappeler que M. Trudeau
vient de dire que c'est fini, le fédéralisme coopératif,
qu'essayer de s'asseoir avec les provinces pour éviter le
dédoublement, essayer de s'asseoir avec les provinces pour harmoniser
nos politiques, c'était fini. Il ne s'en occupe plus de ça. Pas
seulement avec le Québec, avec tout le Canada. C'est fini. C'est un
libéral, M. Trudeau. C'est votre gang, votre petit ami. C'est lui qui
écrase le Québec avec votre appui.
Oh oui, de temps en temps, vous faites bien les vierges
offensées. De temps en temps, vous avez l'air de dire que non, vous
n'êtes pas entièrement d'accord avec M. Trudeau. Mais dès
que M. Trudeau élève la voix, vous rampez. Ah! C'est vous autres,
ça. Et de temps en temps, lorsque, par exemple, on demande à
Ottawa, qui a eu des politiques pour aider Massey-Ferguson, Chrysler, Ford,
Computer, quand ça va mal, de venir en aide à nos petites et
moyennes entreprises, de s'associer à nous dans un programme pour les
empêcher de faire faillite et qu'il nous laisse tomber, c'est vrai que
ça nous choque, c'est vrai qu'on critique trop. Mais, vous savez, quand
je me retrouve à Price avec une usine fermée et qu'il faut que je
parle à des gens qui sont en chômage depuis neuf mois, ça
me choque que le gouvernement fédéral ne veuille pas s'asseoir
avec le Québec pour essayer de régler nos problèmes de
développement économique, ça me choque, ça me
choque profondément! (11 heures)
C'est peut-être parce que je me laisse trop influencer par
beaucoup de nos compatriotes en chômage, par l'état catastrophique
de l'économie québécoise, par les milliers de nos petites
et moyennes entreprises qui n'ont pas les reins de Chrysler, qui n'ont pas le
gouvernement fédéral pour leur venir en aide et qui, aujourd'hui,
se retrouvent en faillite à cause des taux d'intérêt, c'est
peut-être justement parce que ça m'inquiète que j'ai
tendance à critiquer, peut-être un peu trop, les politiques
fédérales qui en sont responsables. Si je ne le faisais pas,
est-ce que mes électeurs ne me reprocheraient pas de ne pas prendre mes
responsabilités? Cela m'apparaît absolument fondamental. C'est
tellement fondamental que je me réserve encore pour répondre aux
questions spécifiques que l'Opposition voudra bien continuer à me
sortir, je vais répondre à leurs questions. Dans la mesure
où ce sont des questions d'ordre général, je vais me faire
un plaisir de leur répondre mais j'ai au moins pris la peine de
commencer par poser clairement les réponses que j'avais à
apporter à tous les énoncés qu'ils ont faits tantôt
dans leur préambule et qui étaient complètement
erronés. Ils ont affirmé que, sous l'administration
péquiste, la croissance des dépenses est supérieure
à ce qu'ils ont imposé au Québec quand ils étaient
là; or, c'est faux, c'est exactement le contraire.
Deuxièmement, quant à l'effort fiscal, nous avons fait un
effort considérable pour le réduire alors qu'eux faisaient le
contraire et, par conséquent, M. le Président, je ne laisserai
pas le Parti libéral essayer de nous donner des leçons. Ils ont
déjà été au pouvoir, ils ont montré aux
Québécois ce dont ils étaient capables et les
Québécois ont jugé. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Sainte-Anne.
Argumentation M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. Je viens de relire les
paroles du discours inaugural de M. René Lévesque quand il
disait: "II nous faut pourchasser avec la plus grande vigueur toutes ces
tentations de facilité, de laxisme." M. le Président, je veux
faire la connexion entre ces tentations de facilité et de laxisme avec
la création d'emplois. Vous savez, M. le Président, le ministre
est bien au courant, on ne le prend pas par surprise parce qu'on parle sur une
base générale; il connaît très bien les exemples. Je
ne poserai pas de question sur des exemples de laxisme et de tentations de
facilité mais à la fin de mon petit discours -comme simple
député, j'ai seulement 20 minutes; donc, j'espère que,
comme je n'ai pas interrompu le ministre, il va me donner mes 20 minutes
complètes - j'arriverai avec ma question.
M. le Président, chaque mois on voit des milliers et des milliers
de dollars qui ont été accordés à
différentes compagnies sous forme de subvention. On pose une question
là-dessus: Quels sont les facteurs déterminants pour accorder ces
subventions?
Qu'a-t-on constaté? Graduellement, on commence à obtenir
les réponses. On constate que, pour ces sommes que le gouvernement
accorde en subventions, il n'exige pas que les critères maintien
d'emplois ou création d'emplois soient déterminants dans l'octroi
des subventions.
On a bien établi ça et ça nous a été
dit. On a posé la question hier, on ne prend pas le ministre par
surprise. M. le ministre, n'est-il pas temps de réviser ces programmes
et d'exiger qu'à partir de maintenant - c'est au président du
Conseil du trésor qu'on s'adresse ce matin - de nouvelles directives
soient données à la Société de développement
industriel du Québec, par exemple, la SDI, pour qu'on change ces
règles pour dire: Les subventions dans le cadre de ces programmes seront
accordées à la condition que le facteur création ou
rétention d'emplois soit le facteur déterminant? Peut-être
pas le seul facteur mais le facteur le plus important.
M. le Président, je fais du bureau de comté le lundi matin
et je vois des gens qui viennent me voir et qui demandent un emploi, qui sont
prêts à faire n'importe quoi pour avoir un emploi; ils me
demandent: Maximilien, parlez-moi donc un peu du système de subvention.
Donnez-moi des exemples de ce qui arrive avec cet argent qui a
été versé par la population. Ces millions de dollars,
à la fin de l'année, qu'arrive-t-il exactement avec ça au
point de la création d'emplois? Je me cherche "une job". Qu'est-ce que
le ministre nous a répondu hier, quand on a discuté de ça,
à la question qui a été posée par le
député de Brome-Missisquoi? Le député lui a
demandé s'il n'était pas temps qu'on pense aux travailleurs et
que ce soit ça qui soit prioritaire présentement, création
d'emplois, rétention d'emplois quand vous accordez une subvention.
Réponse du ministre qui est ici devant nous ce matin: Non. Là, le
député de Brome-Missisquoi était surpris, il a dit non. M.
Bérubé: Non, M. le Président, pour une raison facile
à comprendre. Je cite le ministre: "Les ressources du Québec sont
très limitées. Il faut donc choisir des cibles qui vont
contribuer à aider l'économie québécoise souvent
à moyen terme, mais parfois à court terme. L'aide à
l'innovation technologique, par exemple, est fondamentale." Fin de la citation.
En effet, c'est lui qui a dit ça, le président du Conseil du
trésor: Remplacer quinze employés par le robot n'est pas
créer de l'emploi; mais si le Japon est aussi riche et est devenu le
premier constructeur d'automobiles au monde, c'est qu'il a choisi cette
avenue.
Lorsque j'ai entendu dire ça, je me suis dit: Ce n'est pas
possible. Essayer d'expliquer ça aux chômeurs, aux gens de mon
comté. Je vais leur dire que le ministre dit: On va remplacer quinze
employés par le robot, mais qu'est-ce qu'on peut faire? Cette
méthode est choisie au Japon, et ça va très bien, le Japon
est un pays riche.
M. le Président, j'ai pris deux exemples pour démontrer ce
qu'il arrive avec ces subventions qui ont été accordées.
Une étrange chose, dans ces subventions, on dit carrément: Le
nombre d'emplois créés. Je cite les documents du gouvernement, ce
n'est pas nous qui avons inventé ça. Je vais donner des exemples
au fur et à mesure du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme et de la Société de développement industriel. Une
subvention a été accordée, au mois de février 1981,
pour l'achat de mobilier d'un motel et d'un "gas bar" à
Saint-Pacôme - je n'ai pas besoin de fournir tous les noms et tous les
détails - une somme de 71 000 $. Il est écrit sur le document:
nombre d'emplois créés: 30. On était bien surpris, on a
posé des questions. Cela ne tient pas debout, vous accordez 71 000 $, 30
emplois créés, pour fins d'achat de mobilier d'un petit motel
avec "gas bar".
Deuxième exemple. Il y a une subvention au mois de mars, pour
l'achat de machinerie, de 121 000 $, nature de l'entreprise: aquarium et cages
d'oiseaux. Nombre d'emplois créés: 23. Il s'agit de ce qu'on
appelle en anglais un " pet shop" qui a reçu 121 000 $, nombre d'emplois
créés: 23. On était tellement surpris, qu'on a posé
des questions; le ministre a même répondu: Mais peut-être
qu'il s'agit de cages, je ne sais pas combien de capes ou peut-être
d'oiseaux. Il était même surpris qu'il y ait 23 emplois
créés avec cette subvention.
Autre exemple. On a donné, à Rimouski, une somme de 45 000
$ - toujours en provenance des documents officiels gouvernementaux - pour
l'achat d'équipements, encore une fois, pour un restaurant; nombre
d'emplois créés: 32. Pour 45 000 $, ce n'est pas mal. Mais on se
pose des questions. Est-ce que c'est vrai? Ce n'est pas vrai.
Autre exemple. Nous sommes maintenant au mois de juin 1981, une
subvention est accordée de 160 000 $. C'est de l'argent qui vient de la
bourse publique, qui vient de la population, ce sont des subventions
accordées et qui sont supposément là pour aussi
créer de l'emploi. 160 000 $. Qu'est-ce qu'on a fait avec cette somme?
Cette somme a été donnée à un groupe de personnes
qui ont acheté les actions d'un autre groupe pour une boulangerie.
À un moment donné, la boulangerie ne fonctionnait pas bien, dans
le district de Québec, et peut-être qu'elle faisait face à
une faillite imminente, donc un nouveau groupe est venu et il a dit: On va
prendre le contrôle de votre commerce. Et il a eu une subvention de 168
000 $. Il n'y a rien de mauvais là, sauf que nous remarquons le nombre
d'emplois créés: 50.
Je sais qu'à la fin de l'année, l'autre ministre Landry ou
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme va dire en lisant tous
ses grands volumes: On a créé, chers Québécois,
Québécoises, travailleurs et travailleuses, 20 000 emplois. Mais
avec des exemples comme ceux que je vous énumère,
on s'interroge sérieusement quant à la
véracité de ces chiffres.
Pour revenir à ma boulangerie; nombre d'emplois
créés: 50. J'ai posé la question au ministre: Comment
est-ce possible de créer 50 emplois? Alors, il a répondu: Ce
n'est peut-être pas "créer", c'est "retenir", parce que le mot
"créer", quand on parle d'emploi, peut vouloir dire "retenir" l'emploi.
Dans ce cas, M. le ministre, dites donc: emplois conservés. Nous sommes
tous en faveur de ça que cinquante employés retiennent leur
emploi à la boulangerie; mais ne commencez pas à induire la
population en erreur en disant: Nombre d'emplois créés: 50.
Autre exemple. On a donné au mois d'août 1981 une somme de
30 000 $ pour l'achat de machinerie à un fabricant de verre plat
scellé; le nombre d'emplois créés est de 35 pour une somme
de 30 000 $. On était surpris, on se posait des questions.
Autre exemple. On a donné, dans le mois de mars encore, à
un hôtel-motel, une somme de 33 000 $ pour l'achat d'équipement,
deux chambres de motel. Remarquez le nombre d'emplois créés: 52
permanents et 66 occasionnels, pour 33 000 $, et il s'agit de quoi? De
rénover des chambres de ce motel-hôtel. Alors on se pose des
questions.
M. le Président, je vais donner juste deux autres exemples, pour
arriver à ma question de la fin. On donne, au mois d'août, je
parle toujours du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
de la Société de développement industriel du
Québec, 174 000 $ à une compagnie de tissu, à
Montréal encore, pour l'achat d'équipement. Le nombre d'emplois
créés est de 91. Cela va très bien, c'est fantastique.
Quand on additionne les chiffres que je vous donne, on arrive à 500
emplois créés.
Encore un autre exemple ici. On donne, au mois d'août, une
subvention de 122 000 $ à une compagnie qui s'occupe de machines et
équipement en métal, des remorques. Le nombre d'emplois
créés est de 45.
J'ai encore de ces exemples-là, M. le Président, mais je
n'ai pas beaucoup de temps. Vous-même vous êtes membre de cette
commission. On reçoit, chaque mois, des documents très
épais, où on trouve au moins entre 75 et 100 de ces subventions.
On pose des questions. Le ministre dit: Encore le député de
Sainte-Anne avec ses questions, ses créations d'emplois, qu'il
arrête donc. Il doit comprendre que le facteur de création
d'emplois n'a aucune importance, ce n'est pas la ligne qui dirige la nature de
ces subventions. Ce n'est pas le facteur déterminant, arrêtez donc
de poser des questions. Hier il a dit: Pour vous satisfaire, savez-vous ce
qu'on va faire, M. le député? À l'avenir, on ne dira plus
combien d'emplois sont créés; cela va régler le
problème. Mais, j'ai dit: M. le ministre, c'est encore pire. Imaginez
cela, je verrai, à l'avenir, qu'on a donné au gas-bar 50 000 $,
et je ne sais même pas combien d'emplois cela a créé. Cela
devient une subvention tout aussi arbitraire. Où est-ce qu'on va avec
cela? C'est la raison de ce débat-là, hier, et c'est pourquoi,
depuis six ou sept mois, je suis à cette commission-là pour
savoir ce qui se passe.
Maintenant, je voudrais savoir autre chose sur le plan pratique.
J'étais, vendredi, il y a deux semaines, à Sorel pour rencontrer
le chef syndical. On a toujours dit: Les libéraux, c'est le parti des
exploiteurs, les employeurs ne comprennent plus la petite population du tout.
Mais, on a fait le contact et j'ai été bien reçu par eux.
Ils m'ont dit: Maximilien, si tu parles à l'Assemblée nationale,
tu as le droit d'évoquer nos noms. Tu es venu à Sorel pour
rencontrer le chef syndical de la CSN. Savez-vous ce qu'ils m'ont dit? Ils
m'ont donné l'exemple de deux usines qui ont reçu des
subventions, pas de 30 000 $ ou de 60 000 $, de 200 000 $ à 250 000 $.
Ils m'ont dit qu'il n'y avait aucun emploi créé, que
c'était fait dans le cadre d'un autre programme pour créer de
l'emploi et qu'il n'y a pas d'emploi de créé du tout. Nous, on le
sait, nous sommes des travailleurs et nous recevrons notre congé
à la fin de la semaine. On dit: Encore 100 dehors et il n'y a pas
d'emploi créé. On le sait, parce qu'on vit
l'expérience.
Je vais vous donner un autre exemple. À Montréal,
où je pratique comme avocat, de temps en temps, encore, j'ai
rencontré des manufacturiers que je connais qui m'ont dit: Tu n'as pas
le droit de mentionner nos noms, mais voici ce qui se passe avec ce
système de subventions. Il y a des intermédiaires, des agents qui
vont voir quelqu'un et disent: As-tu besoin d'une subvention du gouvernement?
J'ai de l'expérience là-dedans, je sais comment préparer
ton projet, comment faire la demande, parce que c'est difficile, on
reçoit un document de 20 pages de statistiques, etc. Donc, le
manufacturier en question dit que cela l'intéresse. Le gars dit: Si vous
ne recevez pas de subvention, on ne vous demande rien, mais si vous avez votre
subvention, vous payez soit en pourcentage, soit en montant fixe. Le
manufacturier dit: C'est correct, allez-y. Il prépare donc les
documents, ensuite, il fait la demande. Je ne dis pas que toutes les
subventions sont accordées à cause de l'intervention de ces
intermédiaires, mais à chaque jour cela existe. Le ministre
était au courant, il l'a même confirmé, il y a un mois ou
deux, quand je posais des questions là-dessus. (11 h 15)
Ces employés que j'ai vus, ces chefs syndicaux ont dit: C'est de
l'argent qui provient de la bourse publique; il faut que
cet argent soit accordé à une compagnie créant des
emplois ou qui va réussir à conserver un emploi qui, autrement,
se perdrait. C'est ce qu'ils ont dit. Ils ont même dit: Nous, à
Sorel, on est prêt à oublier notre subvention de 250 000 $, qui
n'a rien fait pour la création d'emplois, pour que cette somme aille
ailleurs, dans un autre secteur, dans la province de Québec, où
on créera de l'emploi. Le plus drôle de l'affaire, c'est qu'on n'a
jamais de sous pour rien, pour aucun programme. Donc, quand on a de l'argent
disponible pour telle subvention, s'il vous plaît, prenez donc des
mesures immédiates pour dire: À partir de maintenant, que ces
fonds seront accordés aux compagnies qui vont créer de l'emploi
ou contribuer à conserver de l'emploi. Depuis presque un an qu'on
connaît cette commission, chaque mois on retrouve de ces exemples. Je
suis presque gêné de poser une question là-dessus parce que
le ministre dit: Encore lui, avec sa question. Cela ne tient pas debout; vous
devriez connaître le système. Est-ce que vous avez finalement
compris? M. le ministre, j'ai bien compris que ces subventions ne sont pas
accordées pour créer de l'emploi, pour aider les travailleurs et
les travailleuses, les Québécois et les Québécoises
et que les gens se posent des questions sérieuses sur ce plan.
Il s'agit d'un problème d'ordre social. C'est pour cela que ce
matin, j'ai commencé avec les mots de M. René Lévesque:
"II faut pourchasser avec la plus grande rigueur toutes les tentations de
facilité et de laxisme." Les exemples que je vous ai donnés, ce
sont des exemples de facilité ou de laxisme. J'en ai pris seulement
neuf. Voulez-vous avoir un débat avec moi, M. le ministre? Je peux
prendre toute une journée avec des exemples où je pourrai parler
de gaspillage des fonds publics, des toilettes, de délégations
des autres pays, de la fierté nationale, etc. C'est un tout autre
domaine; aujourd'hui, je me restreins au facteur création ou
conservation d'emplois.
J'ai seulement ce sujet-là. Le ministre connaît très
bien le sujet. On ne l'a pas pris par surprise parce que le sujet de ce matin
était: l'utilisation des fonds publics en période de compressions
budgétaires. Sachant qu'il s'agit de milliers et de milliers de dollars
chaque mois, de millions de dollars à la fin de l'année, dans le
cadre des programmes du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, avec tous les exemples qu'il connaît... Il a même ri
quand on lui a posé la question sur les cages d'oiseaux; il
connaît tout cela très bien.
M. le ministre, vous avez dit hier que quinze employés seront
remplacés par un robot, comme ils le font au Japon, que c'est cela qui a
rendu le Japon riche et prospère, l'un des premiers pays au monde, que
c'est là le chemin qu'il faut prendre. M. le ministre, êtes-vous
prêt à retirer vos paroles, à dire: Merci beaucoup, M. le
député de Saint-Anne parce que, finalement, vous m'avez
convaincu? Je comprends l'argument de ceux qui sont en chômage, qui
cherchent des emplois et qui sont au désespoir; certainement, ils ne
veulent pas que les quinze employés soient remplacés par un
robot.
Ils m'ont demandé de poser la question suivante: Comme
président du Conseil du trésor, comme l'homme qui contrôle
le bourse publique avec le ministre des Finances - c'est, d'ailleurs, votre
argument que j'ai invoqué lorsqu'on a parlé du toit du stade
olympique: il faut penser aux sous de la population - êtes-vous
prêt à revenir sur la parole que vous avez donnée, sur ce
que vous avez expliqué hier, pour dire, dans le cadre des programmes de
la SDI: À partir de maintenant, voici ce qu'on va faire: ces fonds, ces
subventions seront accordés à la condition qu'un des facteurs, le
plus important, le plus déterminant de tous, soit ou la création
d'emplois ou la conservation d'emplois? Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci M. le
député de Sainte-Anne. M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, c'est avec
énormément de tristesse que j'ai écouté le
député de Sainte-Anne parce que, effectivement, j'ai entendu son
refrain à de nombreuses reprises. Deuxièmement, je ne sais pas
s'il s'en rend compte, mais il dessert ses électeurs, ses compatriotes,
d'abord parce qu'il les induits en erreur purement et simplement. Il leur fait
croire à des solutions qui ne sont pas ces solutions faciles, mais qui
peuvent être attirantes un peu comme ces insectes qui se parent de vives
couleurs pour attirer la proie qu'ils dévorent le plus rapidement
possible dès qu'ils mettent la patte dessus. Le député de
Sainte-Anne vient de se parer de toutes ses couleurs; la seule chose, c'est
qu'il faut espérer que l'électorat qu'il l'a écouté
se tienne loin de lui. Il devrait passer plus de temps à son bureau
d'avocat, je ne sais pas exactement sa profession, et certainement être
plus utile dans cette activité que dans ce qu'il fait
présentement pour ses compatriotes. Je vais être dur pour lui; je
vais être dur, mais franc.
Il rigole, M. le Président, c'est absolument insensé;
alors que j'engueule le député de Sainte-Anne, il réagit
avec l'inconscience la plus totale, le grand sourire, mais il faut dire qu'on
s'entend bien à notre commission.
Je vais reprendre la problématique de la création
d'emplois pour lui expliquer un certain nombre de principes fondamentaux
qui, si nous refusons de les respecter, vont nous entraîner
à notre perte. J'ai vécu en 1977 la fermeture d'une usine de
pâtes et papiers, la Wayagamack, où j'ai dû aller renconter
des centaines de travailleurs furieux, malheureux, des pères de famille,
des gens qui avaient passé leur vie dans cette usine-là, une
usine qui était là lorsqu'ils sont venus au monde; ils avaient
toujours vécu dans l'environnement de cette usine, la Wayagamack, de
Trois-Rivières, et en 1977 elle fermait. Qu'est-ce que les travailleurs
reprochaient à la Consolidated-Bathurst? C'était d'avoir sorti
tous les profits, de ne jamais avoir réinvesti dans l'usine, d'avoir
laissé cette usine devenir de plus en plus vétusté,
désuète. À un moment donné, lorsqu'on regarde
l'usine, oui, il y a un grand nombre d'emplois crées dans l'usine, oui,
mais, pour payer des salaires décents à ces
travailleurs-là, il faut vendre le papier trop cher. Là, l'usine
fermait et il n'y en avait plus d'emploi. Parce que l'entreprise avait
refusé de relever le défi, le défi de la modernisation, de
la nécessité d'être concurrentiel, l'usine fermait.
Demandez aux travailleurs s'ils étaient d'accord avec la
politique de l'entreprise de ne pas réinvestir, de ne pas moderniser, de
ne pas innover. Je suis convaincu que, si le député de
Sainte-Anne avait été à cette assemblée houleuse,
les travailleurs l'auraient étripé après l'avoir
écouté. Ce qu'il vient de nous expliquer c'est que ça n'a
pas d'importance que les usines soient modernes, concurrentielles, pourvu qu'il
y ait beaucoup de monde dans les usines à travailler, mais on va vendre
à qui ces produits-là? Quel genre de salaire on va payer à
ce monde? Des salaires de famine, 0,50 $ l'heure, il va y avoir beaucoup de
monde qui va travailler à 0,50 $ l'heure.
Le défi que nous avons à relever c'est celui de pouvoir
vendre nos produits sur les marchés internationaux. Nous achetons des
oranges et nous ne pouvons pas les produire au Québec; nous achetons des
produits comme des automobiles et nous ne les produisons pas au Québec
par suite des politiques fédérales; nous achetons des produits
qui viennent de tous les pays du monde, et nous avons le choix quand il s'agit
d'acheter de ces produits, et nous pouvons choisir celui qui, à
qualité égale, est meilleur marché. Nous-mêmes,
lorsqu'il y a des ventes, nous allons acheter le produit qui est meilleur
marché. C'est cela la concurrence. Nos produits à nous, lorsque
nous essayons de les vendre, nous ne pouvons pas interdire aux
Américains, aux Français, aux Japonais de faire la comparaison,
et si nous vendons trop cher nous ne pouvons pas empêcher qu'ils refusent
de les acheter. Il faut donc avoir des politiques, des programmes de
développement industriel qui mettent l'accent sur une industrie
québécoise moderne, qui fabrique des produits nouveaux, avec les
technologies les plus poussées, les plus sophistiquées. C'est
à cette seule condition que l'économie québécoise
va prospérer, que l'économie québécoise va se
développer. Avoir une vision à courte vue du genre de celle du
député de Sainte-Anne, en vertu de laquelle...
M. Polak: ...
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Sainte-Anne m'interrompt. S'il veut avoir la parole, il
avait vingt minutes, il les a utilisées, je n'ai absolument aucune
objection à ce que le député de Sainte-Anne intervienne.
Vraiment, je préfère attendre qu'il fasse son intervention. S'il
pense que je dois intervenir, je lui saurais gré de me laisser
compléter mon intervention; subséquemment, un autre
député de l'Opposition pourra prendre la parole. Merci, M. le
Président. M. le député de Sainte-Anne, j'ai la parole.
Merci.
Donc, le véritable défi que nous avons à relever,
c'est celui de notre capacité concurrentielle. Qu'est-ce qui fait que
l'industrie automobile américaine est en pleine crise? C'est qu'il y a,
au Japon, une industrie qui s'est modernisée de façon
spectaculaire et qui fait en sorte que ce pays produit souvent des voitures
meilleures et à meilleur marché. Le Québécois qui
doit choisir entre une voiture meilleure et à meilleur marché et
une voiture plus chère et moins bonne est tenté de prendre la
voiture meilleure et à meilleur marché. Va-t-on le lui reprocher?
Les 2000 $ qu'il économise sur son automobile, il va peut-être les
utiliser pour manger, s'habiller, se loger. Il a besoin de cet argent. C'est
normal. Il ne faut pas le lui reprocher. Qu'à qualité comparable,
il achète québécois, c'est également normal, mais
cela suppose que les industries restent concurrentielles. Voilà le
défi que les Japonais ont relevé.
Le député de Sainte-Anne a la démagogie facile. On
remplace 15 travailleurs par un robot. Scandale! Évidemment, le
travailleur qui nous écoute, qui est en chômage et qui a le temps
d'écouter la télévision ce matin, se dit: C'est
épouvantable que le président du Conseil du trésor ait
été d'accord pour qu'on me remplace par un robotl C'est cela la
démogagie facile du député de Sainte-Anne qui cache la
réalité beaucoup plus profonde. Si ce travailleur qui nous
écoute est en chômage, qu'il ne travaille pas, c'est parce que
nous n'avons pas su développer des entreprises viables,
concurrentielles, dynamiques, modernes, donc nécessairement qui feront
appel à des technologies de pointe, à du contrôle
automatique, à des robots, à toutes sortes de technologies, qui
ne diminuent pas l'homme, mais le valorisent.
Allez visiter une usine de papier journal moderne, allez discuter avec
les travailleurs qui sont devant un appareil sensorex, entièrement
électronique, écran de télévision qui permet de
voir tout ce qui se passe sur le papier journal qui se fabrique, de donner
l'épaisseur, l'humidité, la densité, toutes ces
propriétés, sa résistance. Dès qu'il y a quelque
chose qui se détraque le moindrement, les travailleurs peuvent
immédiatement agir. Pour la première fois, ces travailleurs
savent ce qui se passe dans l'usine, pourquoi cela va mal et ce qu'ils peuvent
faire. C'est très valorisant.
Je visitais en Finlande une petite usine de traitement des minerais,
entièrement automatisée. J'avais discuté avec un groupe de
psychologues, puisque c'était une expérience qui se faisait
à l'époque, qui étudiaient avec les travailleurs l'impact
de l'automatisation sur le comportement des travailleurs, l'agrément
qu'ils prenaient à travailler dans l'usine. Or, effectivement, c'est
beaucoup plus passionnant de travailler dans une telle usine. Au lieu de faire
du travail un peu bête, répétitif, comme devant une
chaîne de montage où vous posez toujours la même vis pendant
des heures, des heures et des heures, et des semaines et des années, au
point que vous en ruinez votre santé, est-ce que ce n'est pas une
tâche, poser cette vis, qui peut très bien être faite par
une machine? Mais c'est celui qui ajuste la machine, c'est celui qui travaille
avec la machine qui a un travail intéressant. (11 h 30)
Voilà le genre de défi que nous avons à relever, et
voilà le genre de défi que le député de Sainte-Anne
n'a jamais compris. Il ne comprend pas, et c'est la raison pour laquelle il
faut laisser le député de Sainte-Anne dans l'Opposition. Comment
voulez-vous imaginer que l'on puisse orienter le développement
économique au Québec avec un député qui s'en vient
nous dire que son seul et unique critère, ce sera des emplois, les
emplois créés, qu'il n'y a pas d'autre critère? Là,
je regrette, je dis non.
Il y a des programmes, au gouvernement, qui favorisent l'innovation
technologique; il y a des programmes qui visent les transformations
technologiques. Dans le textile, par exemple, notre industrie du textile
vieillit. Vous le savez; il y a des fermetures. Le gouvernement
fédéral ne la protège pas comme il devrait la
protéger. D'ailleurs, cela a été dénoncé
lors du sommet qui a porté justement sur ce qu'on appelle les secteurs
mous. On est intervenu en disant: II faut que le gouvernement
fédéral applique des politiques qui protègent notre
secteur industriel, et le gouvernement fédéral a refusé.
Vous voyez, aujourd'hui, la moitié de l'industrie de la chaussure
ferme.
Eh bien! idéniablement, il faut, puisque nous n'avons pas le
choix, moderniser nos usines de textile. Si nous ne les modernisons pas, nous
allons perdre ces emplois. Donner une subvention pour permettre la
modernisation d'une usine ne créera peut-être pas d'emplois dans
cette usine, mais elle va augmenter la capacité de production de
l'usine; elle va faire en sorte qu'avec le même nombre d'employés,
on va produire, deux fois plus, trois fois plus, un produit de meilleure
qualité et on va être capable de le vendre. Ces emplois seront
donc protégés. Voilà le genre de programme mis sur pied
par le ministre de l'Industrie et du Commerce, mais le député de
Sainte-Anne ne comprend pas, il ne comprendra jamais rien. C'est un des
problèmes que l'on a en commission parlementaire, il ne comprend pas
cela.
C'est vrai que nous avons d'autres programmes. Je pense au programme mis
sur pied par le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, le programme PECEC, grâce auquel un
nombre incroyable de petites entreprises ont pu naître au Québec,
avec des gens qui n'avaient pas d'expérience dans le domaine des
affaires, qui avaient des idées, mais n'avaient pas de capital. On les a
financés et, grâce à cela, on a créé des
emplois dans tout le Québec. Par exemple, dans un petit village, chez
nous, Cap-Chat, les travailleurs ont voulu reprendre leur scierie. Ils ont
voulu reprendre en main leur instrument de production. Cela avait toujours
été contrôlé de l'extérieur, d'Angleterre.
Ils ont dit: Non, nous sommes capables. Aujourd'hui, c'est leur usine; ils la
font marcher grâce à ce programme de création d'emplois. Le
programme PRET, où on a pris des bénéficiaires de l'aide
sociale pour leur donner une chance d'entrer sur le marché du travail.
Voilà un des programmes également valables. Le programme PUE,
où on donne des subventions pour permettre à quelqu'un d'entrer
dans une entreprise. On a constaté qu'une fois que la subvention arrive
à échéance au gouvernement, au bout de vingt semaines,
dans 60% des cas l'entreprise qui avait formé ce travailleur a
décidé de le garder. C'est remarquable comme programme.
Une voix: Programme fédéral.
M. Bérubé: Oui, nous avons des programmes de
création d'emplois aussi, mais je vous dis que nous ne pouvons pas faire
de nos programmes tous des programmes dont le seul but est la création
d'emplois. Il doit y avoir des programmes comme le programme de M. Biron, tout
récemment, qui va aider les entreprises à maintenir leur fonds de
roulement à travers la crise, en subventionnant les taux
d'intérêt si élevés qui nous sont imposés par
Ottawa, de telle sorte qu'on va les empêcher de fermer. Oui,
c'est fondamental, un gouvernement doit avoir toutes sortes de
programmes pour répondre à tous les besoins. Ce que le
député de Sainte-Anne n'a pas compris, c'est que les besoins sont
variés et il faut savoir y répondre.
Le crédit touristique. Il nous reproche d'avoir, sur des circuits
touristiques, donné des subventions qui, dans certains cas, ne
créent pas d'emploi. Je vais lui expliquer le principe du crédit
touristique, il n'a pas l'air de le savoir ou, plutôt, je pense qu'il le
sait, parce qu'il a dû lire la documentation, mais, sciemment, il fait un
effort pour induire ses électeurs en erreur, de telle sorte que ceux-ci
ne puissent pas véritablement bénéficier de ces
programmes. On va rectifier les faits.
Le député de Sainte-Anne condamne un certain nombre
d'investissements au crédit touristique. Voici le sens de ce
crédit touristique: il y a des investissements dans l'hôtellerie,
par exemple, qui peuvent être rentables en soi, auquel cas, nous ne les
subventionnons pas. Mais nous constatons qu'un touriste qui traverse Matane
à toute allure sans s'arrêter, ce n'est pas payant. Il faut donc
doter nos circuits touristiques d'infrastructures. Il arrive parfois qu'un
hôtel, par exemple, se dise: J'essayerais d'aménager un golf
à côté ou une piscine. Ce n'est pas payant une piscine,
vous ne pouvez pas la rentabiliser en faisant payer les gens à
l'hôtel; il faut que ce soit gratuit. Le golf peut peut-être
s'autofinancer, mais c'est un investissement considérable. Ce n'est pas,
non plus, très rentable. Ce n'est pas ça le but du golf et de la
piscine. C'est de faire en sorte que le touriste s'attarde à un endroit
au lieu d'y passer une demi-heure. Les enfants ont du plaisir à la
piscine, les parents vont jouer au golf et voilà des touristes
américains qui restent plus longtemps au Québec. Ces
infrastructures ont donc comme but d'ancrer le touriste, d'inciter le touriste
à rester sur place, à y séjourner plus de temps. Cela a,
évidemment, des conséquences pour tous les commerces
environnants, cela a des conséquences pour toutes les activités
à caractère touristique que l'on peut vendre,
éventuellement, à ce touriste.
Donc, ce programme est en place. Je pose l'hypothèse qu'un
hôtelier vienne nous voir pour avoir une subvention pour implanter un
golf, parce que le golf, ce n'est pas très rentable. Simplement pour
lui, ça ne se justifierait pas sur le plan économique. Mais quand
on pense à toutes les retombées dans la municipalité
autour, là, on s'aperçoit que oui, un golf pourrait être
très intéressant. Il est admis au crédit touristique. Il
obtient une subvention. Oufl Mettons qu'il y a trois emplois de
créés au golf, un jardinier, deux jardiniers et un
préposé à l'accueil. Alors, le député de
Sainte-Anne nous dit: Trois emplois seulement avec une subvention de 100 000 $,
mais c'est scandaleuxl Parce que le député de Sainte-Anne n'a pas
compris. Ce n'est pas ces trois emplois-là qu'on subventionne. Ce qu'on
subventionne, c'est le golf qui va faire en sorte que tous les commerces autour
vont fonctionner, Là, ce n'est pas trois emplois qu'on va
peut-être créer, mais c'est peut-être 100, 200, 500, 1000
emplois. C'est ça que le député de Sainte-Anne n'a pas
compris. Mais il ne comprendra jamais, M. le Président. Cela fait dix
fois que je lui explique, il ne veut pas comprendre. Ce n'est pas qu'il n'est
pas intelligent. D'ailleurs, le député de Sainte-Anne est un
homme absolument charmant. Je lui ai dit à de nombreuses reprises qu'il
avait bien fait pour le Québec de quitter la Hollande, qu'effectivement
je pense que c'est un enrichissement d'avoir le député de
Sainte-Anne. Mais il devrait ne pas faire autant de politique partisane.
D'ailleurs, je dois dire, M. le Président, que de temps en temps le
député de Sainte-Anne oublie la politique partisane, ce qui,
évidemment, gêne ses collègues qui le trouvent à ce
moment-là un peu trop candide, un peu trop franc, un peu trop
honnête, un peu trop sincère, mais j'apprécie beaucoup le
député de Sainte-Anne dans ces moments de candeur, de franchise
et de sincérité. Mais là vraiment, ce matin, j'ai
trouvé qu'il avait exagéré et j'ai senti le besoin de le
remettre à l'ordre.
Je tiens à souligner au député de Brome-Missisquoi,
qui attend la réponse à la question qu'il m'a posée
concernant les contrats, que je vais lui répondre. Je vais lui
répondre. Cependant, j'ai pensé que je pourrais peut-être
attendre vers la fin pour répondre. La question que vous avez
posée, en fait, j'y reviendrai tantôt avec une bonne
réponse, bien étayée et vous allez voir que vous allez
regretter amèrement d'avoir posé cette question. Enfin, ça
vous apprendra.
Donc, M. le Président, les programmes d'aide à
l'entreprise, d'abord, mettons-les dans leur juste perspective. L'aide
gouvernementale totale en 1981-1982 était d'à peu près 300
000 000 $ à 350 000 000 $ sur un budget de 20 000 000 000 $ dont la
moitié allait aux agriculteurs. Ce n'est pas une aide
considérable parce que l'essentiel de nos budgets - il faut que nos
électeurs le comprennent - va à l'éducation des enfants,
va aux soins hospitaliers, va aux CLSC, aux soins sociaux, va à
l'entretien de nos routes pour payer les taxes municipales, va dans des
programmes d'aide aux citoyens les plus démunis, les plus mal pris; je
pense à l'aide sociale, à l'aide juridique, c'est là que
va notre argent. L'argent du Québec va essentiellement pour venir en
aide à nos concitoyens qui sont les plus en difficulté, pour nous
assurer les services les plus adéquats. Quand je regarde l'action
gouvernementale pour redistribuer la richesse
au sein du Québec, je me rends compte de l'importance de
l'intervention gouvernementale. On voudrait parfois avoir plus de ressources
pour travailler dans le secteur économique, indéniablement.
Cependant, il faut reconnaître qu'à Québec nous
n'avons que la moitié des impôts payés par les citoyens
québécois, nous avons des mandats très clairs dans le
domaine de l'éducation, dans le domaine des affaires sociales, dans le
domaine de l'aide sociale et ces mandats font que, lorsqu'on a - en essayant de
resserrer nos dépenses au maximum - rempli nos responsabilités,
il ne reste vraiment que trop peu d'argent. Mais ce peu d'argent - et c'est
ça que j'ai expliqué au député de Sainte-Anne - que
nous avons à notre disposition, nous ne pouvons pas le mettre uniquement
dans un type de programme; il nous faut penser aux problèmes de notre
industrie des pâtes et papiers qui sont particuliers...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Bérubé: Je termine, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Je regrette, votre temps est
épuisé.
M. Bérubé: Oui, M. le Président, je termine.
L'industrie du textile, il nous faut penser à l'industrie touristique,
il nous faut penser à un ensemble de besoins. Le critère de
création d'emplois est un critère important qui prévaut
dans plusieurs de nos programmes mais ça ne peut pas être l'unique
critère. Le problème du député de Sainte-Anne c'est
malheureusement qu'il est incapable d'élargir ses horizons et de
comprendre que les problèmes sont un peu plus complexes qu'il voudrait.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Pontiac.
M. Robert Middlemiss
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je suis très
heureux de voir ce matin que c'est mon collègue de Sainte-Anne qui est
la cible du président du Conseil du trésor. Hier, c'était
moi; à la fin de ma présentation, je deviendrai peut-être
une cible moi aussi.
Le débat porte sur l'utilisation des fonds publics en
période de compressions budgétaires. M. le Président,
c'est peut-être simple la façon dont je vais aborder cette
question mais je dirai la façon dont j'ai été
élevé dans ma famille et comment j'ai continué
moi-même. C'est que, dans les moments difficiles des budgets familiaux,
on s'occupe des choses principales, de l'essentiel, de ce dont on a besoin pour
notre subsistance; ce sont des questions de pain et de beurre. Je crois que
cette attitude pourrait certainement être adoptée par un
gouvernement. Je suis d'accord qu'un budget gouvernemental c'est plus grand,
c'est plus gros qu'un budget familial et que c'est plus compliqué. Mais
si, à la base, on commence à dépenser de l'argent
où c'est absolument nécessaire et qu'après ça il
reste des sommes d'argent, on peut faire des investissements ou on peut
dépenser sur des choses plus luxueuses.
Heureusement, j'ai pu continuer cette formation qu'on m'a donnée
à la maison. Je l'ai également appliquée dans le domaine
des affaires pendant 20 ans. Dans les moments difficiles, même si on
voyait certains investissements, les investissements ne rapportaient pas
immédiatement. Il fallait attendre, même si on croyait que
c'était une occasion propice. On se disait: Malheureusement, on ne peut
pas se le permettre parce qu'on a des restrictions, on va attendre et
peut-être que plus tard, ça se représentera. Comme exemple,
je me servirai de ce qui est sorti du débat du ministère des
Transports la semaine dernière.
Le gouvernement du Québec aura investi 21 000 000 $ dans
Quebecair, et je ne critique pas; je crois que c'est certainement un
investissement. Mais je retourne à ce que j'ai dit au tout début;
on investit lorsqu'on a des surplus ou bien on investit dans des moments
où on se serre la ceinture à la condition qu'on obtienne des
résultats et des retours immédiats. En investissant ces 21 000
000 $ dans Quebecair, où a-t-on coupé? Dans quels domaines de
besoins journaliers des Québécois? (11 h 45)
Prenons par exemple le système routier, et on va retourner au
budget de 1981-1982. À ce moment, on parlait de compressions
budgétaires. On a coupé en totalité 26 000 000 $ dans la
construction de routes: c'est la partie de construction d'autoroutes, de routes
principales, de routes régionales et d'autres. Si on regarde ces
montants, on remarque une coupure de 26 000 000 $; si on ajoute à cela
l'augmentation des coûts résultant de l'inflation, on
s'aperçoit qu'en réalité, si on compare ça aux
années précédentes, c'est une coupure encore plus grande.
Quant à la construction d'autres routes, pour les crédits de
l'année 1981-1982, c'était de l'ordre de 3 000 000 $. Et à
qui servent ces autres routes? Elles servent de façon journalière
au transport des écoliers, les autobus scolaires dans les secteurs
ruraux, aux transporteurs de lait, et aussi aux individus eux-mêmes.
Puis, c'est le temps de l'année où on constate des
difficultés occasionnées par un système routier qui n'est
peut-être pas entretenu; je ne parle pas de routes chromées, je
parle
simplement de l'essentiel. C'est à ce temps-ci de l'année,
durant la période de dégel, qu'on remarque des problèmes
et des difficultés que rencontrent nos gens, des
Québécois, qui de façon journalière sont
obligés d'utiliser ces routes.
Donc, je me pose la question à savoir: Comment peut-on justifier
des investissements de l'ordre de 21 000 000 $, lesquels ne résultent
pas immédiatement en profits qui vont tenter d'augmenter ou de renflouer
les coffres du gouvernement? C'est difficile de justifier ces choses.
J'espère qu'à la fin de tout cela, le ministre pourra nous
éclairer. Cela était pour l'année 1981-1982.
Maintenant si on regarde les crédits pour l'année en
cours, on a encore une coupure totale de l'ordre de 14 000 000 $. Cette fois-ci
dans la construction d'autres routes, il s'agit de nos routes rurales, celles
dont mes commettants dans le comté de Pontiac, se plaignent. Aussi, il
n'y a pas seulement la construction de routes. Si on regarde les coupures,
c'est un montant de 35 000 000 $ dans le domaine de construction
routière. Cela, c'est sans toucher, M. le président du Conseil du
trésor, les coupures dans le domaine de l'entretien. C'est
inacceptable.
Je suis totalement d'accord avec ces gens qui viennent le lundi et le
vendredi durant la session au bureau de comté, pour se plaindre de la
condition pitoyable des routes alors qu'ils voient venir malheureusement la
période touristique. J'entendais tout à l'heure le
président du Conseil du trésor qui justifiait des investissements
dans les infrastructures de motels, d'hôtellerie. Je suis parfaitement
d'accord avec lui, mais est-ce que ces mêmes investissements dans les
infrastructures du système routier ne sont pas aussi importants pour
assurer que la route sera une route très carrossable et sera invitante
pour le touriste? En parlant du tourisme, d'un côté, on a investi
dans l'hôtellerie pour donner une plus grande diversité et attirer
le tourisme. Mais, de l'autre côté, on met des taxes, comme sur
l'essence, ce qui ne rend certainement pas notre province très
attrayante, économiquement parlant, pour inviter le tourisme.
Les priorités. Le ministre des Transports a fait état que
les 300 000 $ qu'on a payés à M. Alfred Hamel étaient
justifiables parce que le gouvernement canadien avait passé une loi
inique et injuste. J'aimerais comparer cela à quelque chose qui est
survenu, c'est peut-être plutôt une chose régionale. Dans la
région de l'Outaouais, de janvier 1981 à juin 1981,
malheureusement, il y a eu une grève des autobus scolaires. Durant toute
cette période, plusieurs parents ont dû s'occuper du transport,
c'est-à-dire qu'ils ont défrayé le coût du
transport, en plus des inconvénients que cela a pu leur créer.
Toutefois, après des demandes au ministre des Transports de la part des
parents ainsi que de la commission scolaire, on a répondu que
c'était malheureux, qu'on sympathisait avec cette commission scolaire,
mais, qu'il y avait une loi qui empêchait le ministère des
Transports de verser à la commission scolaire des fonds pour
défrayer le transport. Toutefois, on admet que cette loi crée des
préjudices et on a vu à la changer. Dorénavant, dans la
loi 31, des cas semblables ne pourront pas se produire.
Donc, on admet que la loi est injuste, on ne veut pas payer les gens et
on la corrige pour l'avenir. Comment peut-on justifier qu'on paie 300 000 $
pour une loi qu'on considère injuste et qu'on veuille contourner cette
loi? On ne peut pas rembourser ces parents et cette commission scolaire, qui a
demandé au ministre de rembourser les parents qui ont fait le transport
scolaire durant cette période de grève. On a admis que
c'était injuste puisqu'on a changé la loi. Donc, est-ce que ce
n'est pas justifiable de payer ces Québécois qui ont fait le
transport?
Donc, ce sont des choix qu'on fait dans les budgets, mais est-ce que ces
choix sont réellement pour rémunérer et rembourser les
gens qui ont fait des dépenses? C'est certain que le citoyen ordinaire
du Québec qui a été obligé de défrayer,
l'année dernière, le transport scolaire en plus des
inconvénients, cela lui a certainement causé des dépenses
additionnelles. Toutefois, il a payé les mêmes taxes et les
mêmes impôts. J'aimerais demander au président du Conseil du
trésor, si lui, dans ce contexte, il peut justifier cela, et je lui
demanderais d'intervenir aussi au nom de ces gens, s'il peut justifier une
dépense de 300 000 $ dans un investissement de Quebecair ou contourner
une loi qui est injuste.
Dans un autre domaine, si on croit que cette loi est injuste, ne peut-on
pas aussi trouver un moyen de rembourser ces citoyens du Québec qui ont
dépensé leur argent, mais qui n'ont pas eu d'abaissement
d'impôt ou de taxe?
Donc, je conclus que le gouvernement et le président du Conseil
du trésor, qui est responsable de cette chose, ont fait de mauvais
choix. Je conclus sur cela, M. le Président.
Le Président (M. Boucher); Merci, M. le
député de Pontiac. M. le député de Terrebonne.
M. Blais: M. le Président, selon le règlement, on a
droit comme simple député à 20 minutes, je crois? Est-ce
qu'on est obligé de prendre 20 minutes d'affilée ou si on peut
les diviser?
Le Président (M. Boucher): Pas nécessairement.
M. Blais: 20 minutes en tout.
Le Président (M. Boucher): Pas nécessairement, mais
il faudra réserver les 20 dernières minutes pour les
conclusions.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci. Je trouve un peu curieux que l'Opposition nous
ait convoqués ce matin pour étudier les dépenses publiques
en période de compressions budgétaires. Depuis le début
des conversations, je vois que la presse nous a quittés parce que
l'Opposition était on ne peut plus endormante. J'interviens juste pour
mettre un peu de sérieux dans la discussion parce que l'Opposition nous
a tenus à des niveaux un peu trop bas ce matin. Il est extrêmement
malheureux qu'on convoque pendant trois heures, et
télévisé s'il vous plaît, le gouvernement pour
répondre aux dépenses publiques en période de compressions
budgétaires et qu'on n'en parle pas du tout. On ne parle pas du tout de
compressions budgétaires depuis le tout début. Donc, c'est encore
une frime qu'on nous lance de l'autre côté pour faire semblant,
peut-être pour se faire voir à la télé un peu plus
qu'à l'ordinaire. C'est très malheureux.
Tout d'abord, je pense que le député de Sainte-Anne nous
parlait de subventions dans les boulangeries. Je crois que vous avez
amené, par cet exemple, les conversations loin d'un levain intellectuel
relevé. Vous êtes en train de mettre votre parti dans le
pétrin le plus bas avec ces exemples mal choisis et qui ne conviennent
pas du tout à la conversation que nous devrions avoir ce matin. Nous
sommes censés parler de compressions budgétaires et de
dépenses publiques en période de crise. Remarquez bien que,
depuis le tout début, pas un seul mot du sujet. Je ne parle pas de la
question parce qu'il n'y en avait pas, de question ce matin, vous n'en avez pas
posée, mais du sujet apporté. Vous n'avez pas dit un seul mot sur
les compressions budgétaires et sur la période de crise que nous
traversons. Cela fait déjà deux heures que nous discutons du
supposé sujet, mais pas un traître mot, encore, n'est
arrivé. Encore une fois, vous n'avez pas écouté le
député de Saint-Laurent, démissionnaire, vous n'avez fait
que critiquer certaines dépenses, certaines subventions, sans amener de
solutions valables, réfléchies et honnêtes pour
répondre à la crise économique actuelle. Je vous
blâme sévèrement là-dessus. Je suis persuadé
que ceux qui vous regardent pensent que vous n'êtes venus ici, ce matin,
que pour qu'on voie votre image à la télévision, un point
c'est tout.
Si vous nous demandiez d'être un peu réalistes - ce serait
bon pour l'Opposition de demander au parti gouvernemental d'être un peu
plus réaliste, malgré que nous sommes persuadés de
l'être, réalistes, dans nos dépenses - ce serait bon. Vous
demandez, cependant, grosso modo, que le gouvernement se transforme en
fée avec une baguette magique pour que le Québec ne fasse plus
partie du monde occidental et qu'il ne soit plus dans la crise dans laquelle
nous vivons. Que vous demandiez de façon intelligente et rationnelle que
le gouvernement devienne une fée réaliste, j'en conviendrais
parce que, depuis que nous sommes là, nous travaillons tellement fort
que nos efforts peuvent ressembler parfois à des solutions posées
par des fées, mais vous ne nous demandez pas à nous d'être
des fées réalistes, vous nous demandez de tomber dans le
piège de la "fée Déraliste", et celle-là je vous
jure que nous ne tomberons pas dans ses bras parce qu'elle a beaucoup plus de
charme satanique que la fée Carabosse, et elle n'a rien d'une fée
réaliste, une fée acceptable, et si nous tombions dans ses bras
nous devrions évoquer la fée Néante, par exemple, ou
quelque chose d'aussi paresseusement libéral.
J'aimerais pendant l'heure qui reste -je ne parlerai pas longtemps pour
vous donner la chance de justifier que nous soyons ici ce matin - que vous
parliez de dépenses publiques en période de crise, de
compressions budgétaires; vous n'en avez pas encore dit un traître
mot. C'est malheureux parce que la population s'attendait ce matin que de part
et d'autre il y ait des échanges, des explications sur les compressions
budgétaires, pas un mot. Aussi, comme d'habitude, les petites allusions
au début un peu malveillantes du député de
Brome-Missisquoi; il a eu des lapsus excessivement décevants. Je crois
que ce sont des lapsus qui se disent en coulisse, mais qui ne se disent pas en
public, et j'ai détesté comme la plupart des gens qui vous ont
regardé, ce lapsus volontaire, intelligible mais inintelligent.
M. le député de Sainte-Anne, comme disait le
président du Conseil du trésor, la Hollande a perdu un noble
citoyen. D'abord, j'ai un peu de sympathie pour vous moi aussi à cause
de votre chevelure. Nous sommes deux députés à être
un peu échelevés, extérieurement, et j'aime beaucoup que
le naturel paraisse tel qu'il est et puis vous n'avez pas de barbe, on voit
tous vos traits, il n'y a aucune hypocrisie dans vous, cela me fait plaisir. Il
y a quelques pinceaux qui se glissent, il y a certaines personnes qui se
cachent beaucoup parce qu'on ne se croit pas en paradis en les regardant!
Il y a des critiques dans le monde culturel que vous apportez
continuellement. J'aimerais bien pour une bonne fois que le
député de Sainte-Anne, durant des
compressions budgétaires, comprenne que le monde culturel peut
lui aussi subir des compressions. Cependant, de l'autre côté on
saute sur tout ce qui est ennoblissement de la francophonie, on saute sur tout
cela et, par ricochet, sur le monde culturel. On critique les maisons du
Québec à l'extérieur; on critique notre aide aux
francophones hors Québec; on critique le 1% que l'on donne aux artistes
dans les constructions pour la chose artistique; on ne fait que critiquer ces
choses-là. On dit: Dans le monde culturel, dans le monde
intergouvernemental, il y a eu 17 engagements financiers sans soumissions
négociées. C'est une vraie marotte. M. Paradis, excusez-moi, M.
le député de Brome-Missisquoi s'indigne et vocifère comme
si Satan venait de sortir de son enfer. Il regarde cela et dès qu'il
voit les mots "affaires intergouvernementales", "maison du Québec"...
Écoutez, on ne peut tout de même pas engager quelqu'un pour aller
à la maison du Québec à Toyko... Il s'appelle Pomerleau.
On en a un qu'on a engagé hier, M. Pomerleau.
Rosalie n'a pas les noms de tout le monde qui parle grec, allemand,
japonais, chinois, etc., ce sont des contrats normalement
négociés, et c'est normal; il ne faut tout de même pas
rêver éveillé. M. Pomerleau, sa grande qualité, il
parle japonais. Si vous avez de nobles libéraux qui ont condescendu dans
leur vie à apprendre le japonais, faudrait-il encore qu'ils soient
compétents, bien que je ne connaisse pas les allégeances
politiques de M. Pomerleau, mais il faut d'abord un minimum vital. Ce n'est pas
Rosalie qui nous donne cela. C'est en négociant avec des gens qui
sortent des écoles de langue. Partout dans le monde, c'est ainsi qu'on
se doit de procéder pour faire les engagements.
Vous sautez, M. le député de Sainte-Anne, avec votre
esprit un peu libertin, sur tout ce qui est francophone. Vous m'avez gravement
insulté, il n'y a pas tellement longtemps, en disant que venant d'un
pays très noble, d'une culture de haut niveau, je n'avais rien à
vous apprendre ici au Québec. Je vous rappelle que cette phrase, elle
est tombée sur moi comme la foudre sur un roseau. Je trouve cela
vraiment bas et irrespectueux pour la majorité francophone
québécoise qui vous a reçu ici les bras ouverts et qui est
fière de vous avoir accueilli, à un point tel qu'on a même
voté pour vous dans votre comté pour que vous veniez à
l'Assemblée nationale représenter la nation
québécoise.
Je ne voudrais pas que votre cobra sorte trop souvent de votre cruche,
même si la musique libérale porte ce serpent de temps à
autre à venir nicher du haut de ses deux anses. Je ne voudrais pas que
trop souvent vous écoutiez cette musique libérale.
M. le Président, j'ai tout simplement fait cette petite
intervention en me gardant peut-être un peu de temps pour plus tard pour
demander enfin aux gens de l'Opposition de se mettre les pieds par terre, de
relire pourquoi nous avons été convoqués ici, le sujet,
parce qu'il n'y a pas de questions et qu'ils reviennent à la pertinence
du sujet et qu'ils arrêtent de parler de n'importe quoi, sauf des
compressions budgétaires en période de crise dans laquelle le
fédéral, par son taux d'intérêt et sa politique
monétariste, nous a tous plongés. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Terrebonne.
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Le député de Terrebonne ayant
terminé, on peut peut-être en revenir à des choses plus
sérieuses.
Le président du Conseil du trésor m'a indiqué
tantôt que d'ici à la fin de ce débat, il devait apporter
des réponses à la première question que je lui soumettais
au sujet du nombre de contrats négociés par rapport au nombre de
contrats octroyés soit par le biais des soumissions publiques ou par
l'utilisation de Rosalie. Je vais strictement lui spécifier pour que ces
chiffres concordent bien - je l'avais mentionné, mais j'insiste - que
j'ai fait mon calcul sur douze mois, M. le président du Conseil du
trésor, de janvier 1981 à décembre 1981. Si vous passez
mois par mois, vous allez trouver un total de 745 contrats
négociés plus de 191 000 000 $ et pour les contrats par
soumissions publiques et soumissions sur invitation, vous en avez 750, pour une
somme de 194 394 000 $. À ce moment, vous voyez que la procédure
gouvernementale a court-circuité finalement dans 50% des cas le
système des soumissions publiques et le système de l'utilisation
du fichier central du gouvernement. M. le président du Conseil du
trésor, vous aurez le temps de répondre tantôt. Je veux
juste vous dire que les notes proviennent des documents que vous nous avez
vous-même remis ou par l'entremise du secrétaire de la commission
des engagements financiers.
Maintenant, on va revenir, si vous le voulez bien, très
brièvement, parce qu'il aurait aimé le faire lui-même, son
droit de parole étant expiré, sur les propos que vous a tenus le
député de Sainte-Anne qui vous ont quand même permis de
répondre pendant vingt minutes. Ce que l'Opposition vous demande
finalement, M. le président du Conseil du trésor, c'est que les
programmes de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui sont maintenant en
place et qui ont été mis sur pied par le Parti libéral au
début des années soixante-dix, dans une période de
croissance économique, - parce que lorsque les libéraux sont au
pouvoir, c'est la
croissance économique - soient ajustés à la
politique économique du PQ, soit à la décroissance
économique. Nous n'avons pas les mêmes priorités en
période de croissance économique que nous devrions avoir en
période de décroissance économique. Le
député de Sainte-Anne vous a souligné à juste titre
qu'en période de décroissance économique, lorsqu'on a plus
de 350 000 chômeurs au Québec, lorsqu'on a un nombre incroyable
d'assistés sociaux, lorsqu'on a des jeunes qui sortent des
universités qui ne se trouvent ni job d'été, ni de job
à longueur d'année dans le domaine où ils ont
étudié, on vous demande, lorsque vous donnez des subventions, de
retenir comme principal critère ou comme un des principaux
critères - si vous ne voulez pas aller aussi loin que l'Opposition vous
le demande - le maintien des emplois ou création d'emplois.
Vous, M. le président du Conseil du trésor - je lui parle
par votre entremise, M. le Président - vous dites: II faut nous axer sur
l'innovation technologique. Je lui demande, dans les cas que lui a cités
le député de Sainte-Anne, quelle innovation technologique y
a-t-il dans la subvention d'un motel, dans la subvention de fabrication de
cages d'oiseaux ou d'aquariums? Il y a peut-être entre les deux, entre la
solution que vous propose ce matin, d'une façon très
constructive, celui qui prend la défense des travailleurs de son
comté et de l'ensemble des travailleurs du Québec, le
député de Sainte-Anne, et vous, qui prenez la défense de
la haute technologie, un terrain d'entente quelque part. Mais on ne s'entendra
pas sur les cages d'oiseaux, on ne s'entendra pas, M. le président du
Conseil du trésor, sur les motel et les stations-service.
Présentement, ce qui compte pour nos chômeurs, c'est le maintien
d'emplois, mais vous n'avez pas de politique de création d'emplois. Ce
que vous avez, c'est une politique de mises à pied. Elle a
été discutée dans cette Chambre, cette politique de mises
à pied. On peut en parler un peu.
Vous vous souvenez de la question que posait le député de
Maskinongé au premier ministre du Québec concernant un
dénommé Pierre Duguay, qui travaillait au CRSSS de La Mauricie et
qui a quitté son emploi, à qui, à l'intérieur de
votre politique de cessation d'emploi, vous avez remis 125 000 $ pour qu'il
aille se reposer chez lui. Est-ce cela, votre politique de mises à pied?
Est-ce la même politique qu'on a retrouvée dans le cas de
Jean-Marie Couture, ex-président de la Société
d'habitation du Québec, dont l'administration avait été
sévèrement blâmée par le Vérificateur
général du Québec? Les blâmes ont été
repris par son successeur, le nouveau président de la
Société d'habitation du Québec. Vous savez ce qu'on fait
de quelqu'un qui est blâmé pour une administration pour le moins
négligente? -là, on se rend compte qu'il y a même pire que
cela; des accusations ont été portées contre un
dénommé Luc Cyr, à la Cour des sessions de la paix - vous
savez ce qu'on fait? On lui donne un contrat, dans la politique de mises
à pied du gouvernement. Il l'a mis à pied et il l'a gardé.
Il l'a gardé comme quoi, cet administrateur? Il l'a gardé par un
contrat négocié. Je vous cite l'engagement financier no 800 du
Conseil exécutif de septembre 1981. "Contrat de services pour agir
à titre de conseiller au ministère du Conseil exécutif -
c'est le bureau du premier ministre - notamment en matières
économiques, financières et administratives, pour une
période débutant le 1er septembre 1981 et se terminant le 15 juin
1987. Montant de l'engagement: montant que cela coûte à nos
contribuables qu'on représente ici dans cette Chambre -471 418 $."
Divisez cela sur la période; vous allez arriver, avec des fractions de
cents, à 82 000 $ par année. Est-ce la politique de mises
à pied, parce qu'on n'a pas de politique de création d'emplois,
au gouvernement du Parti québécois?
On pourrait parler également - on en a parlé hier en cette
Chambre - d'une autre mise à pied. Le gars voulait s'en aller; il
voulait faire de la politique active avec l'Union Nationale. Il s'appelle
Jean-Marc Béliveau. C'est un gars qui occupait une position importante
dans le gouvernement. Parce qu'il voulait démissionner et parce que vous
avez une politique de mise à pied, vous lui avec donné 52 350 $,
suivant les aveux même du premier ministre du Québec.
On pourrait parler également de vos espèces de
pseudo-politiques de mises à pied. La semaine dernière, on avait
un débat sur Quebecair. On a appris que le ministère des
Transports... Vous avez approuvé un CT, à Quebecair; vous l'avez
approuvé, mais là, on ne vous a peut-être pas tout dit.
Vous avez approuvé, en juillet 1981, M. le président du Conseil
du trésor, un CT qui porte le no 802 et qui dit que vous achetez en mon
nom, au nom du député, à votre nom, M. le
Président, 6 666 666 actions privilégiées, série B,
de INTAIR, nouvelle compagnie à être formée à la
suite de la restructuration de Quebecair. Mais savez-vous où ils sont
allés, ces 15 000 000 $, M. le président du Conseil du
trésor? Est-ce qu'on vous l'a dit quand on vous les a demandés?
On en a mis à peu près 10 000 000 $ dans le fonds de roulement de
Quebecair qui était déficitaire; on en a remis 4 500 000 $ aux
gros actionnaires, pas une "cenne" aux 125 petits actionnaires. Et on a
donné un petit boni, pour que tout aille bien, à M. Alfred Hamel,
300 000 $, à partir de mon argent. Ce sont des fonds publics, ça;
ce ne sont pas des choses privées, M. le président du Conseil du
trésor. Est-ce que c'est ça votre politique de
mises à pied, à défaut d'avoir une politique de
création d'emplois au Québec?
En parallèle avec votre politique de mises à pied, vous
avez une politique de gaspillage. M. le député de Pontiac vous
mentionnait tantôt que lui, il a été élevé
dans une famille terrienne au Québec et en période de crise. Ne
nous dites pas qu'on n'est pas en période de crise. Vous avez
vous-même déclaré, M. le président du Conseil du
trésor, et je vous cite à partir du Soleil du 11 septembre 1981:
"II y aura d'autres années difficiles. Bérubé
prévient les Québécois." C'est sûr que, tant que le
PQ va être là, il va y en avoir d'autres années difficiles.
Pourquoi aura-t-on des années difficiles? Parce que vous n'avez pas de
priorités dans les dépenses publiques, parce que vous effectuez
du gaspillage dans les dépenses publiques.
On vous en a cité, des cas de gaspillage dans les dépenses
publiques, M. le président du Conseil du trésor. Toute la
population québécoise sait que c'est important d'acheter des
tableaux pour Yves Michaud à la Maison du Québec à Paris
au coût de 20 000 $ à partir de notre argent. C'est un fait
répandu. C'est un fait connu. On sait que ça fait partie de vos
priorités. Tout le monde a entendu parler des fameuses toilettes
à l'Assemblée nationale, M. le président du Conseil du
trésor. On ne vous blâme pas personnellement, on vous demande
juste d'avoir un peu moins de laxisme pour les années qui s'en viennent
dans les dépenses publiques. Vous ne l'avez peut-être pas vu parce
que cela a passé dans une enveloppe qui est venue sur votre bureau qui
disait 2 700 000 $ pour des travaux de rénovation à
l'Assemblée nationale. Il y avait des ascenseurs, il y avait des
"sprinklers", mais il y avait aussi des toilettes. Lorsque je vous ai
posé la question, vous m'avez répondu que c'était à
peu près 400 000 $ qui s'en allaient dans les toilettes. Vous avez
justifié ça par le fait qu'il fallait rénover,
déplacer des ascenseurs. Vous m'avez dit: Écoutez, lorsqu'on
déplace des ascenseurs, on répare les toilettes. Vous m'avez
aussi dit qu'il fallait mettre 400 000 $ dans les toilettes parce qu'on a un
bel édifice ici, à l'Assemblée nationale, qu'il faut
conserver et ça plaisait au député de Terrebonne. Oui,
ça plaisait au député de Terrebonne. Vous avez dit
également, qu'il fallait conserver le style architectural de notre
édifice ici et ça plaisait, aux deux frisés - oui, vous le
dites - aux deux députés qui se parlent d'affaires
culturelles.
On est allé voir, M. le président du Conseil du
trésor. Je vous invite à aller voir l'édifice C. Vous
n'avez même pas besoin de mettre votre manteau. Vous descendez à
l'édifice C, il y a des toilettes qui ont été
réparées, du marbre d'un demi-pouce d'épais. Regardez ici,
allez-y aux toilettes, il n'y a pas de marbre d'un demi-pouce d'épais.
Mais il y a des portes en chêne plein, c'est le gros luxe dans ces
toilettes-là. Cela défait le style architectural. Ne cherchez pas
un ascenseur 50 pieds autour de là, il n'y en a pas, M. le
président du Conseil du trésor. Il y a quelqu'un qui vous a
induit en erreur dans l'appareil. On vous demanderait de dire merci, au moins,
à l'Opposition, de dire que vous allez être un peu plus
sévère à l'avenir et que vous allez vous assurer que
l'argent de nos contribuables, qu'on taxe... Vous nous disiez tantôt: II
n'y en a pas de taxes au Québec; tout va bien au Québec, les
taxes ne sont pas trop hautes. 86% de taxes indirectes depuis cinq ans au
Québec, c'est de vos taxes, à vous autres. Ces taxes-là,
on ne vous les donne pas pour que vous les mettiez dans la toilette de
l'édifice C à côté. C'est ça qu'on vous dit
et c'est ça, notre message. Ce gelure de gaspillage-là, ça
ne peut plus durer dans la province de Québec.
C'est peut-être le député de Terrebonne qui m'a
ouvert une porte là-dessus, on va reparler des délégations
du Québec à l'extérieur. On va parler plus
spécifiquement d'une délégation que nous, le Parti
libéral, on a ouverte à Paris, parce que c'est le Parti
libéral qui l'a ouverte. On en avait une et on pensait que pour le
gouvernement du Québec, avoir une délégation à
l'extérieur, c'était important. On l'a fait. Mais qu'est-ce que
le PQ fait quand il arrive au pouvoir? Il dit: Une à Paris, ce n'est pas
assez, on en ouvre deux. Dans notre Maison du Québec à Paris, on
a une espèce d'attaché commercial qui s'occupe des choses
économiques. On a des choses culturelles, on a des choses linguistiques,
mais on a un côté important qui sont les choses
économiques. On a déjà quelqu'un qui s'en occupe
là-bas. On dit: On va en créer une autre parce que lui, il fait
de la micro-économie; il n'y a pas personne à Paris qui fait de
la macro-économie pour nous autres. Là, on engage. Contrat
négocié. Tout à fait par hasard, encore une fois, on
négocie avec un dénommé Jean-Pierre Bordua, et de quelle
façon on le rémunère? Avec nos taxes, avec l'argent de
ceux qui n'ont pas d'ouvrage, ceux qui ont de la misère à payer
leur hypothèque, qui ont de la misère à arriver. Combien
le rémunère-ton? 229 000 $ pour deux ans. On n'a pas encore
acheté la maison à Paris là. On ne lui a pas engagé
une secrétaire, ce gars-là, pour aller faire de la
macro-économie à Paris. Mais on le paie à partir des fonds
publics, et vous l'avez approuvé, M. le président du Conseil du
trésor. C'est le Conseil du trésor qui approuve ces
dépenses-là et c'est pour ça qu'on vous a convoqué
ici ce matin; pour vous dire que ça ne se peut plus, qu'il faut
arrêter ça.
M. le président du Conseil du trésor, je vous parle comme
ça mais je sais que, dans
le fond, ce n'est pas vous le "gaspilleux". Des fois, on vous passe de
grosses enveloppes, et on l'a vu hier que ce n'est pas vous le "gaspilleux". En
Chambre hier, M. le président du Conseil du trésor, lorsque le
député de Mont-Royal s'est adressé au premier ministre
pour demander combien avaient coûté les travaux de
rénovation du bureau du ministre de l'Habitation à
Montréal, le premier ministre nous a expliqué que c'était
45 000 $ mais que c'était toute la suite ministérielle et tout
ça. 45 000 $ de rénovations, le prix d'une maison.
Aux engagements financiers hier, j'étais à l'aise de vous
demander - vous n'avez sans doute pas vu passer ces 45 000 $ pour l'autre
ministre, c'est pour ça qu'on vous a invité ici ce matin parce
qu'on pense que, si vous vous y mettez, vous pouvez peut-être faire
quelque chose - combien cela a coûté de rénover votre
bureau à vous. Vous nous avez fourni une série d'explications
très claires, vous nous avez expliqué que vous aviez eu quelques
dépenses supplémentaires parce que vous aviez, dans votre
comté, une agréable personne - et vous nous l'avez décrite
d'une façon fantastique - qui est votre secrétaire de
comté mais qui est handicapée - ce n'est pas sa faute - et vous
avez dû faire aménager des rampes d'accès,
déménager au premier étage parce que votre bureau
était situé en haut d'une brasserie avant. On a compris tout
ça. Mais ce qu'on a surtout apprécié, M. le
président du Conseil du trésor, c'est que, dans votre cas, cela a
coûté 10 000 $, comme vous nous l'avez dit. Ça,
l'Opposition trouve ça raisonnable. Mais l'affaire à Tardif, le
ministre de l'Habitation, à Montréal, le prix d'une maison pour
aménager une suite ministérielle quand il a déjà
des bureaux à Québec, on ne trouve pas ça normal en
période de crise économique. Si vous étiez capable
d'expliquer ça à vos autres collègues du Conseil des
ministres, je pense que la population apprécierait.
M. le président du Conseil du trésor, on est dans le salon
bleu ici. Si on sort, à quelques pas on arrive dans le salon rouge.
Savez-vous combien cela a coûté de rénover ce salon rouge?
Cela a commencé grosso modo autour de 750 000 $ ou 800 000 $ et il y a
toujours des petits suppléments qui arrivent en cours de route; eh bien,
on est rendu... Et là je vous lis un CT du mois de février 1982,
no 621, du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement:
"Supplément pour porter - écoutez bien le chiffre - à 1
002 200 $ le coût des travaux de rénovation du salon rouge de
l'édifice A, colline parlementaire, Québec." C'est un
supplément de 35 000 $. M. le président du Conseil du
trésor, au moment où votre gouvernement fait des coupures
aveugles et brutales dans les programmes sociaux, dans les programmes de
l'éducation, dans les circuits routiers de la province de Québec
et qu'on garroche l'argent en l'air dans Quebecair, ne trouvez-vous pas qu'il y
a un manque de priorité là-dedans? Moi, j'ai siégé
dans ce salon rouge avant qu'il soit réparé pour 1 000 000 $ et
je peux vous dire qu'on y était très à l'aise, qu'on
pouvait y faire notre travail de parlementaire d'une façon très
satisfaisante et je ne sais pas quel député s'est plaint. S'il y
a des députés qui se sont plaints ce n'est certainement pas des
députés libéraux. Je ne sais pas quel député
ministériel s'est plaint pour qu'on réaménage ça et
que ça nous coûte 1 000 000 $. De l'argent de nos contribuables
dans une période où ces gens ont de la misère à
faire leur épicerie et à payer leur hypothèque.
M. le président du Conseil du trésor, vous avez - et je
l'avais pressenti au début -tenté de blâmer encore une fois
Ottawa pour nos problèmes économiques, à cause de sa
politique monétaire et plus spécifiquement les taux
d'intérêt. C'est quoi la politique du Parti
québécois en matière de taux d'intérêt, M. le
président du Conseil du trésor? Est-ce que c'est la politique que
j'ai entendue de la bouche du député de Frontenac, la politique
monétaire créditiste? Est-ce que c'est la théorie des taux
d'intérêt qui devraient être meilleur marché que j'ai
entendue du super-ministre au marasme économique qui dit qu'il faudrait
diminuer les taux d'intérêt? Ou est-ce la politique du premier
ministre de la province de Québec qui, à Ottawa, déclarait
récemment qu'il faudrait que ce soit 1% supérieur à celui
des Etats-Unis? Est-ce que ça va prendre un "renérendum" dans le
Parti québécois pour avoir une politique monétaire claire
avec un taux d'intérêt fixe? Si le premier ministre nous dit
ça - il a l'air d'assez bien mener sa barque, en tout cas, il vous a
sous contrôle - bien, à ce moment, on dit que c'est un 1% de plus
avec le PQ. C'est beau ça. Est-ce que c'est le genre de politique qu'on
veut? Pendant que vous faites cela, je suis obligé, M. le
Président, d'attirer l'attention du président du Conseil du
trésor qui m'a dit tantôt, en terminant, qu'il avait de la
priorité dans ses dépenses, puis qu'il s'occupait des petits,
dans les systèmes sociaux et tout cela...
M. le président du Conseil du trésor, je vais vous
demander de parler à votre ministre des Affaires sociales au sujet d'un
programme. Il s'agit ici d'un cas de bureau de comté. Une dame
reçoit une lettre de la Direction générale de l'aide
sociale du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre, et de la
Sécurité du revenu. Écoutez bien la lettre et je vous
demande d'intervenir personnellement. Il s'agit du programme d'aide aux
bénéficiaires stomisés. Ce programme est modifié de
la façon suivante. On parle de ceux qui ont dû malheureusement se
faire opérer pour les intestins et qui sont obligés de porter
aujourd'hui des sacs, et c'est pénible. À partir du 1er
janvier 1982, le supplément mensuel, sur son aide sociale de 100 $, qui
lui était attribué, sera remplacé par le programme de la
Régie de l'assurance-maladie décrit ci-après... J'y vais
brièvement avec le consentement du président du Conseil du
trésor, parce que c'est le cas d'une victime qui en représente
tellement d'autres.
Le Président (M. Boucher): M. le
député...
M. Bérubé: Vous avez été d'une
rigidité à mon égard M. le Président.
M. Paradis: Je reviendrai, je reviendrai.
M. Bérubé: C'est ça M. le Président,
parfait, il reviendra.
M. Paradis: Je vous comprends, vous appliquez le règlement
avec toute la rigueur qu'on connaît.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, je devrai vous
interrompre à 12 h 40, comme on l'a dit, pour que la période des
conclusions de chacun puisse se faire avec le député de
Brome-Missisquoi et vous-même. Alors, M. le ministre.
M. Bérubé: Je traiterai très
brièvement de la dernière intervention du député de
Brome-Missisquoi. Mais si je comprends bien, vous allez après mon
intervention redonner la parole à l'Opposition et j'aimerais savoir si
nous avons un droit de réplique.
Le Président (M. Boucher): C'est ça. Vous aurez les
dix dernières minutes.
M. Bérubé: Parfait, M. le Président je
voulais juste m'assurer qu'effectivement j'ajustais bien mon temps.
Le Président (M. Boucher): Les dernières vingt
minutes étant partagées en deux.
M. Bérubé: Je vais d'ailleurs le minuter pour
être certain que je ne dépasse pas et que je le respecte. Vous me
donnez donc dix minutes.
Le Président (M. Boucher): Je vous arrête à
12 h 40 et je donne la parole au député de Brome-Missisquoi pour
dix minutes.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Tout d'abord, traitons rapidement de
l'intervention du député de Brome-Missisquoi qui nous a
cité un certain nombre de dépenses. Je ne prétends pas M.
le Président que sur les 20 000 000 000 $ en 1981-1982 toutes les
dépenses gouvernementales ont été judicieuses. Il y a 350
000 employés de l'État qui dépensent les deniers publics
et ce serait forcément impossible et non désirable que le
président du Conseil du trésor soit derrière chaque
employé de l'État pour surveiller sa dépense.
De toute façon, non seulement ça ne serait pas
désirable, mais je ne suis pas du tout certain que ce serait même
préférable et que cela nous amènerait à
améliorer le fonctionnement de l'État. Parce que nos concitoyens
qui ont choisi de consacrer leur vie à notre service en travaillant pour
l'État, soit au ministère de l'Éducation, au
ministère des Affaires sociales, ou au ministère de la Fonction
pubique, ce sont des gens qui ont choisi ce type de vie parce justement ils
avaient une préoccupation sociale. On ne choisit pas de s'engager dans
la fonction publique si, en partant, on n'a pas le sentiment de l'importance de
l'État dans la vie quotidienne. Comment est-ce qu'un président du
Conseil du trésor pourrait rêver remplacer 350 000 000 de nos
concitoyens qui eux aussi ont ce sens élevé de l'État, et
qui font leur possible dans la dépense courante des deniers publics. Il
y a donc des dépenses qui ne sont pas raisonnables, ça arrive des
erreurs, il faut leur donner un poids relatif.
Tantôt, le député de Brome-Missisquoi a dit: 1 000
000 $ pour l'aménagement du salon rouge. Écoutez, M. le
Président, ce sont des décisions qui viennent des années
antérieures où effectivement, vous le savez d'ailleurs, à
un moment donné, le plafond de cette salle s'était
affaissé de près de six pouces; pourquoi? parce que c'est un
vieil édifice. Évidemment, la structure a faibli et il y a des
travaux majeurs de reconstruction. Vous savez qu'un ascenseur à
l'Assemblée nationale s'est effondré; bien, il reste qu'un public
régulièrement fréquente nos édifices et il faut
quand même leur assurer un minimum de protection. Donc, il y a des
dépenses à faire. Est-ce que 1 000 000 $ c'est dramatique pour
aménager le salon rouge? M. le Président, je suis incapable de
vous le dire. Je sais que cela coûte très cher dans un immeuble
comme ici, de rouvrir les murs, de faire des transformations, tout le monde le
sait, quotidiennement. Enfin, quand on veut faire des transformations dans sa
maison, aujourd'hui, cela coûte très cher. (12 h 30)
Alors, on peut s'exciter sur le 1 000 000 $, on peut toujours sortir des
chiffres. On a dit: 45 000 $ pour la suite du ministre. On a dit: Par contre,
le président du Conseil du trésor n'a dépensé que
10 000 $ pour aménager ses bureaux. Mais, si le député de
Brome-Missisquoi avait voulu être complet, il aurait dit ce que le
ministre responsable des Travaux publics a répondu en Chambre: II y a eu
5000 $ pour aménager
les bureaux du ministre, et le reste, c'est-à-dire 40 000 $, a
servi à aménager les bureaux du sous-ministre et de tout le
personnel du ministère. C'est un nouveau ministère. Trouvez-moi
un ministère qui s'aménage pour 40 000 $? Évidemment, vous
allez me dire que c'est un petit ministère. Mais, il reste quand
même qu'il faut qu'il se regroupe à un endroit et il faut qu'il
s'occupe des bureaux. C'étaient des bureaux du gouvernement,
antérieurement, qu'il a fallu transformer pour recevoir le personnel. 40
000 $, M. le Président, quand il s'agit de faire travailler un
ministère, soit de 10 à 15 personnes, c'est relativement modeste,
c'est 4000 $ par personne, ce n'est pas considérable. Ce sont donc des
coûts inévitables.
Ce million, brandi pour essayer d'ameuter absolument tout le monde, je
vais essayer de vous le ramener à une échelle raisonnable. Un
million sur un budget de 20 000 000 000 $, c'est une piastre sur un salaire de
20 000 $. Qui, recevant un salaire de 20 000 $, à un moment ou l'autre,
ne prend pas 1 $ pour un certain luxe, pour l'investir dans sa maison? Un
dollar sur 20 000 $. Il gagne 20 000 $ par année et il décide de
prendre 1 $ pour sa maison. L'Assemblée nationale, qui gère un
budget de 20 000 000 000 $, prend 1 000 000 $, donc prend 1 $ sur un budget de
20 000 $ pour faire la réfection d'un édifice historique, qui est
le dollar dans l'amélioration du salon.
Ceci pour dire, M. le Président, que parce que les budgets sont
considérables, on peut toujours sortir des gros chiffres, mais cela ne
convaincra personne. Je veux commencer à répondre à la
question du député de Brome-Missisquoi concernant Rosalie. Il a
dit tantôt: Nous avons fait une analyse et constaté que
près de la moitié des contrats étaient
négociés, laissant entendre à tous ceux qui nous
écoutent qu'un contrat négocié, c'est un contrat où
on n'a suivi aucune règle. Je vais vous expliquer ce qu'est un contrat
négocié, M. le Président.
Par exemple, je sais qu'un médecin reçoit un certain
montant pour des examens, pour une opération. Posons l'hypothèse
que j'ai une douleur, alors il faut que j'aille voir le médecin. Le
député de Brome-Missisquoi dit: Vous devez faire cela par
soumissions publiques. Il faut que les médecins - cinq, six ou dix -
soumissionnent un prix pour vous guérir. Voilà, monsieur, vous
venez me voir, et pour vous guérir, cela va vous coûter 250 $.
Alors, on va tout de suite lui poser la question. Savez-vous ce que j'ai? Non,
je ne le sais pas, mais vous m'avez demandé une soumission. Alors il
faut qu'il soumissionne. C'est tellement innocent l'intervention du
député de Brome-Missisquoi, c'est ce que cela veut dire.
Cela veut dire, M. le Président, que s'il faut construire une
route, il faut faire des plans et devis. Pour faire faire les plans et devis,
il faut engager des ingénieurs. Ils ont des taux fixes. Combien cela
va-t-il coûter? Cela dépend des calculs qui vont devoir être
faits. Est-ce que c'est une fondation solide? Est-ce qu'on passe dans des
marécages? Est-ce qu'on passe sur un lac? Faut-il des ponts? Qu'est-ce
qu'il faut? On ne le sait pas. On dit: II faut que tu soumissionnes. Mais, il
va dire: Je ne peux pas soumissionner si je ne sais pas exactement ce que je
vais faire. Alors, qu'est-ce que l'on fait? On s'assoit avec
l'ingénieur, on examine avec lui où passera la route, le
degré de remplissage, et on essaie d'évaluer avec lui combien il
va lui falloir d'heures pour faire les plans et devis. Il faut donc le
négocier. Ce que le député de Brome-Missisquoi vient de
nous expliquer, c'est bien simple, c'est que chaque fois que vous aurez besoin
de professionnels... Évidemment, vous n'avez pas la réponse en
partant puisque vous engagez le professionnel pour obtenir la réponse.
Quand vous allez voir un médecin, c'est parce que vous ne savez pas ce
que vous avez. Si vous le saviez, vous iriez sans doute voir un
spécialiste pour subir immédiatement l'opération ou encore
un traitement chimique quelconque. Mais non, vous ne savez pas ce que vous
avez; donc, vous allez voir votre médecin et vous lui dites: Je suis
malade. Alors, il vous ausculte. Si cela ne va pas, il vous amène
à l'hôpital, il fait toutes sortes d'examens. Ensuite, la
Régie de l'assurance-maladie reçoit, si votre maladie
était compliquée, un compte de 1000 $ et, si elle était
simple, de 25 $. Donc, la facture dépendait de l'importance des travaux.
Vous ne pouvez pas demander des soumissions publiques parce que vous êtes
malade. Cela n'a pas de bon sens.
Ce que le député de Brome-Missisquoi a tenté de
vous faire croire, c'est que, parce que des contrats étaient
négociés, donc, on n'avait pas respecté les normes. C'est
tout à fait le contraire, M. le Président. Lorsqu'on sait
exactement, par suite des plans d'architectes, par suite des plans
d'ingénieurs, quelle est la nature des travaux, qu'on a un plan et un
devis, on peut présenter ce plan et ce devis et demander à des
ingénieurs, à des compagnies de construction de nous soumettre
des prix pour effectuer ces travaux. Là, c'est clair, les travaux ont
été déterminés. Chaque fois que le travail
demandé est un travail pour lequel il n'y a pas de plan et devis, un
travail de nature professionnelle, par exemple, forcément, il faut
s'asseoir avec la firme et négocier pour savoir l'importance que prendra
le contrat, l'importance du travail à effectuer. C'est tout à
fait normal.
Dans mon intervention que je vais maintenant faire pendant quelques
minutes... Oh! J'ai l'impression qu'il ne me reste que trois minutes.
Le Président (M. Boucher): Oui.
M. Bérubé: Je vais aller très rapidement, M.
le Président. Nous avons une procédure - je pourrai l'expliquer
dans ma réplique tantôt - en vertu de laquelle il y a trois
façons de faire des travaux au gouvernement. La première
façon, c'est pour des travaux clairs, bien délimités, bien
concis et nous pouvons demander des soumissions publiques. On peut aller soit
en soumissions publiques, soit en soumissions sur répertoire pour ne pas
avoir 3695 demandes, car là on perdrait énormément de
temps à les analyser. À ce moment-là, on réduit et
on ne permet qu'un nombre limité de soumissionnaires, mais pas n'importe
qui. Il y a une procédure pour éliminer les soumissionnaires pour
ne pas en avoir trop. Il faut respecter cette procédure pour que ce soit
équitable. Donc, premièrement, soumissions publiques ou sur
invitation.
Deuxième méthode pour l'engagement de professionnels ou
encore pour ne pas être obligés d'aller en soumissions publiques
et d'avoir dix, quinze personnes qui soumissionnent avec des problèmes
d'analyse pour s'assurer qu'on a le plus bas soumissionnaire et le plus court
délai, on a ce que nous appelons le fichier central. C'est un ordinateur
où on a la liste de tous ceux qui veulent offrir des services au
gouvernement. Mais attention! On n'a pas la liste de tout le monde. On a, par
exemple, les firmes reliées à la construction; les conseillers en
administration sont représentés sur ce fichier, ceux qui offrent
leurs services en audio-visuel (arts graphiques), la sécurité, la
publicité, pour le nolisement des avions, pour le déneigement des
routes. Donc, on a la liste de tous ceux qui veulent offrir leurs services et,
chaque fois que le gouvernement ne veut pas aller en soumissions publiques,
c'est l'ordinateur qui choisit au hasard le nom de celui qui pourra faire le
travail pour éviter le patronage. On aura la chance de revenir
là-dessus. Donc, le fichier central, le répertoire nous permet
d'éviter l'influence politique, l'arbitraire politique, le patronage
qu'on connaissait dans le passé et de faire en sorte que les gens soient
choisis de façon correcte. Cela ne veut pas dire, une fois qu'ils ont
été choisis, que, si on ne peut pas définir le contrat, il
ne faudra pas négocier avec eux pour savoir le temps...
J'ai terminé, M. le Président. La troisième
façon c'est la dérogation où, là, il faut
préparer un document spécial qui doit être analysé
par le secrétariat du Conseil du trésor, qui doit être
approuvé par cinq ministres, et ça c'est pour les cas où
un ministre veut passer en dehors du mécanisme des soumissions ou encore
en dehors du fichier central. Il y en a très peu, sur quatre mois - on
les a vérifiés - il y a eu deux cas de dérogation en
dehors du fichier ou en dehors des régimes de soumissions publiques et
dans ces cas de dérogation - c'est cela qu'il est important de
réaliser - il y a eu un contrôle par le secrétariat du
Conseil du trésor et une approbation par cinq ministres. On a des
procédures extrêmement serrées pour mettre fin au
patronage.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
M. le député de Brome-Missisquoi.
Conclusion M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Merci, M. le Président. Le président du
Conseil du trésor m'autorisera certainement à revenir sur mon cas
des Affaires sociales, parce qu'on parlait de dépenses gouvernementales
en période de compressions budgétaires.
Je vais revenir à mon cas au tout début pour être
certain d'avoir le temps de vous le présenter, M. le président du
Conseil du trésor. Il s'agit du cas d'un bénéficiare de
l'aide sociale qui souffre d'un terrible handicap. Il recevait donc au
début de l'année du gouvernement du Québec,
ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, Direction générale de l'aide
sociale, la lettre suivante. Toutes les victimes de ce même handicap
l'ont reçue, ceux qui sont bénéficiaires de l'aide
sociale. Je reprends le texte de la lettre: "Le programme d'aide aux
bénéficiaires stomisés est modifié de la
façon suivante: À partir du 1er janvier 1982, le
supplément mensuel de 100 $ qui vous était attribué sera
remplacé par le programme de la Régie de l'assurance-maladie
décrit ci-après - donc, sur le chèque normal de l'aide
sociale on ajoutait 100 $ pour tenir compte des dépenses obligatoires
occasionnées par ce handicap - désormais - avec un gouvernement
péquiste - à titre de bénéficiaire stomisé
permanent vous aurez droit à une allocation annuelle de 300 $ par stomie
- vous permettant de couvrir ainsi les frais d'achat et de remplacement des
appareils et des accessoires requis - et on sait que cela coûte au moins
100 $ par mois ces appareils-la, mais on offre 300 $.
M. Bérubé: Vous faites erreur.
M. Paradis: "Si le coût réel des fournitures
utilisées dépasse - et le gouvernement le sait que le coût
réel dépasse, il l'a dit - le montant initialement versé
de 300 $, un supplément - on est habitué à cela aux
engagements financiers -vous sera accordé sur présentation de
toutes les factures d'achat - donc, on va le payer quand même - ces
dernières devront être envoyées à la Régie de
l'assurance-maladie
une fois par année - mais pas n'importe quand - à la fin
de la période - ils s'assurent que la victime finance concernant
l'allocation annuelle citée plus haut, le versement prévu
à cet effet pour l'année 1982 vous sera versé
automatiquement par la Régie de l'assurance-maladie. Vous n'avez aucune
autre demande à faire à ce sujet puisque l'aide sociale aura
déjà transmis à la régie tous les renseignements
pertinents. Toutefois, pour recevoir les versements de l'année 1983,
vous devrez vous-même reformuler une demande à cet effet
auprès de la Régie de l'assurance-maladie et ce, en
conformité avec les renseignements inclus dans la circulaire
ci-jointe."
En période de compression budgétaire, quand on s'attaque
aux plus démunis de la société, qu'on leur demande de
financer le gouvernement du Québec...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Terrebonne, question de règlement.
M. Blais: M. le député de Brome-Missisquoi a induit
cette Chambre en erreur. Les dépenses dans ces cas ont été
étudiées par des spécialistes. Ils paient sur facture.
Cela ne coûte pas plus de 300 $ par année.
Le Président (M. Boucher): Je regrette, M. le
député de Terrebonne. Vous pourrez contester les faits une fois
que le député de Brome-Missisquoi aura terminé son
intervention.
M. Paradis: Je sais que le député de Terrebonne est
le lanceur de relève du président du Conseil du trésor. Il
n'aura qu'à souffler sa réponse au président du Conseil du
trésor qui jouit d'un droit de réplique.
Maintenant, je reviens au programme de maintien et de création
d'emplois pour résumer ce débat, qu'on vous demande d'instaurer
au Québec. Ce n'est pas le "flash" de 200 000 000 $ du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui règle le problème,
parce que lorsqu'il a été recalculé - le président
du Conseil du trésor va être assez honnête pour l'avouer,
c'est le député de Vaudreuil-Soulanges qui l'avait calculé
pour lui - cela coûte 12 500 000 $ par année et, sur deux ans, 25
000 000 $. Ce n'est pas 200 000 000 $, comme la propagande du Parti
québécois a laissé entendre à la population. C'est
25 000 000 $ qu'on met dans ce fonds. Qu'on se serve donc des programmes en
place pour, comme le dit le président du Conseil du trésor,
continuer à investir dans la technologie innovatrice s'il le veut, mais
qu'il garde une petite place pour penser à la création et au
maintien de l'emploi. Je ne sais pas si c'est trop lui demander. En tout cas,
je peux lui dire que le député de Sainte-Anne m'a dit que s'il
était pour garder cette petite place dans son coeur pour les
travailleurs, il enverrait personnellement une lettre de remerciements. C'est
ce que vous m'avez dit, M. le député de Sainte-Anne? (12 h
45)
M. Polak: Certainement.
M. Paradis: On le lui demande bien spécifiquement. Que le
président du Conseil du trésor réévalue donc les
priorités gouvernementales avant d'autoriser le ministre des Transports
à tirer 21 000 000 $ de nos taxes en l'air, dans Quebecair pour s'amuser
un peu. L'utilisation de l'expression "tirer en l'air", je la tiens du ministre
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Il a dit que se "tirer en l'air"
une fois par année aux fêtes nationales, même si on
gaspillait un peu, cela n'était pas trop grave. Je demande au
président du Conseil du trésor...
M. Blais: Question de règlement.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche n'a jamais dit qu'on avait le droit de se "tirer en l'air" et
dépenser pour rien aux fêtes nationales.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Terrebonne pourra s'adresser au député de Missisquoi lors de son
intervention.
M. Paradis: Vous relirez le journal des Débats.
Je reviens aux propos du député de Pontiac. Qu'est-ce
qu'il nous dit? Il nous dit: II y a des Québécois qui vivent les
deux pieds sur la terre, non pas la tête dans les nuages, qui ont des
routes présentement, au moment du dégel, qui ne sont absolument
pas carrossables. Qu'est-ce que le ministre des Transports nous présente
cette année comme crédits? L'année passée, il avait
coupé 25 000 000 $ pour le maintien, la construction et l'entretien de
ces routes. C'était déjà une belle coupure pour garrocher
cela dans les airs. Cette année, il nous revient 35 000 000 $ dans nos
campagnes. C'est fini. On garroche cela dans les airs. Vive Quebecair!
M. le président du Conseil du trésor, on vous demande,
pour faire plaisir au député de Pontiac, de revenir les deux
pieds sur la terre, de vous attarder à cette priorité.
D'ailleurs, cela m'aide à gagner mes élections. Souvent dans mon
comté de Brome-Missisquoi, si vous voulez que je vous amène dans
ces chemins où vous avez coupé cette année, je ne suis pas
inquiet, vous allez vous y prendre et la population va vous parler.
Le président du Conseil du trésor nous
a dit: Le député de Brome-Missisquoi exagère. Ce
n'est pas parce que nous avons 50% de contrats négociés sur ce
qu'on dépense, ce n'est pas parce que dans 50% des cas, on ne va pas aux
soumissions publiques et qu'on ne passe pas par Rosalie que ce n'est pas
correct.
M. le président du Conseil du trésor, votre exemple du
médecin... Je vais vous en nommer des médecins avec qui le
ministère des Affaires intergouvernementales a négocié.
Engagement financier 101, septembre 1981. "Contrat de services pour agir
à titre de coopérant dans le cadre du projet de Formation
hôtelière en Côte-d'Ivoire, pour une période de douze
mois. Fournisseur: Jean Brassard, Abidjan, Côte-d'Ivoire. Montant de
l'engagement: 63 470 $." Pour un an. L'argent des contribuables, vous l'avez
négocié directement.
L'engagement 102, le suivant, encore le docteur: "Contrat de services
pour agir à titre de secrétaire auprès du coordonnateur et
du chargé du programme dans le cadre du projet de Formation
hôtelière en Côte-d'Ivoire. Fournisseur: - on l'a vu hier -
Linda Bresse, Québec. Montant de l'engagement: 25 300 $." Contrat
négocié encore, dans le même livre. Je l'ai pris au hasard,
j'ai la pile. Contrat négocié. "Contrat de services pour agir
à titre de conseiller en planification et en développement
organisationnel auprès de la Fédération des jeunes
Canadiens français Inc., Ottawa, Ontario, dans le cadre du programme
d'aide technique à la Fédération des francophones hors
Québec, pour une période de deux ans à compter du 14
septembre 1981. Fournisseur: M. Guildard Lévesque, Sillery. Pour deux
ans: 126 950 $."
Une voix: Petite maladie.
M. Paradis: Un autre, immédiatement après,
même mois, même ministère: "Renouvellement du contrat de
services pour agir à titre de conseiller en information dans la
région d'Ottawa-Hull, pour une période d'un an. - Conseiller en
information payé par le gouvernement du Québec. - Fournisseur: La
Maison Québécom Ottawa Inc. Montant de l'engagement: 41 000
î." Où est le docteur? Y a-t-il un docteur? Il n'y a pas de
docteur. Si je reprenais à mon compte les arguments que vous expose
chaque semaine le député de Pontiac sur les professionnels que
vous engagez et sur les plans et devis... On vous demande de justifier chacun
des suppléments. Vous nous dites que, pour ne pas occasionner de
supplément, pour savoir où vous vous en allez, il faut que vous
négociiez un contrat avec un professionnel qui prépare les plans
et devis. Des suppléments, on en a tous les mois, à
l'étude des engagements financiers, dans tous les ministères, M.
le président du Conseil du trésor. Lorsque vous jouez avec votre
petite calculatrice, vous n'êtes pas si malhabile que cela. Lorsque vous
oubliez la politique, vous n'êtes pas si malhabile que cela; je pense que
ce serait plus exact, si on vous laissait faire l'ouvrage. Mais lorsque vous
faites de la politique, votre petite calculatrice, on dirait qu'elle
déboussole et elle occasionne des dépenses qui vont faire que,
dans un mois, le ministre des Finances va encore aller puiser plus à
fond dans les poches de nos contribuables du Québec, et nos poches sont
vides, M. le président du Conseil du trésor.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Brome-Missisquoi, je dois vous interrompre malheureusement, M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Le
député de Terrebonne vient d'expliquer le cas des
stomisés, qui est quand même un cas sur lequel, je pense, on ne
devrait pas faire de démagogie facile, qui est le cas suivant:
Effectivement, nous avons constaté qu'il y avait, à l'aide
sociale, un versement de 100 $ par mois, c'est-à-dire à peu
près 1200 $ par année, aux stomisés, mais sans qu'on
contrôle les dépenses effectives. Il y en avait qui pouvaient se
retrouver avec des dépenses beaucoup plus élevées, qui
n'avaient pas assez d'argent, et d'autres qui avaient effectivement des
dépenses moindres. À ce moment-là, on leur versait de
l'argent pour des dépenses qu'ils n'encouraient pas.
Or, une analyse nous a montré qu'en moyenne, ce qu'il en
coûtait à un stomisé pour ses appareils et autres,
c'était à peu près 300 $ par année, ce qui veut
dire qu'en moyenne, on donnait 1200 $ alors que cela coûtait 300 $. On a
dit: À la place, on va payer ce que cela vous coûte, les factures.
Si cela vous coûte 1500 $, on paiera; si cela vous coûte 100 $, on
paiera 100 $. C'est cela que le député de Brome-Missisquoi vient
de dénoncer avec une démagogie facile, mais, M. le
Président, cela vous permet de dire que tous les autres exemples qu'il
vient de citer étaient pareils. Il y a une réponse à
chacun et des réponses tout à fait fondées, sauf
qu'évidemment il sait très bien que ce n'est pas cela qu'il
voulait obtenir comme effet. Ce n'est pas la réponse, qu'il voulait,
c'était de jeter une mauvaise impression.
J'ai parlé tantôt rapidement du fichier. Je vous ai dit
comment on choissisait, maintenant, au gouvernement, ceux qui voulaient
travailler pour le gouvernement: soit par des soumissions publiques, en prenant
la plus basse ou encore celui qui a fait la meilleure soumission, soit par le
fichier. En quatre mois qu'on vient de recenser pendant le débat que
nous venons d'avoir, il y a eu deux cas où on ne s'est pas soumis
à cette règle-là. Là, il faut une
dérogation. Ce sont
deux cas spéciaux, c'est-à-dire qu'on ne va ni au fichier,
ni en soumissions. Là, il faut que ce soit le Conseil du trésor
lui-même qui l'approuve, avec des lenteurs, avec de la surveillance et du
contrôle. Pourquoi? Pour éviter, justement, des abus. Donc, pour
choisir ceux qui travaillent pour le gouvernement, nous avons essayé de
mettre en place la méthode la plus équitable possible. Pour
décider combien on va leur payer, quand c'est une soumission publique
c'est facile, parce qu'ils soumettent un prix, mais lorsqu'il s'agit de
contrats professionnels, à ce moment-là, évidemment, on ne
peut pas nécessairement déterminer le prix.
Les cas, maintenant, où on vient en dérogation, où
on doit aller devant le Conseil du trésor, quels sont-ils? D'abord, il y
a des spécialités qui sont souvent peu importantes, qu'on n'a pas
au fichier. Quand un ministre a besoin de tel type de spécialiste, il
faut qu'il vienne le faire approuver par le Conseil du trésor et le
trésor le surveille, cas par cas. Ou encore, si on veut engager une
université pour faire des travaux de recherche, à
l'université on n'a pas de gens inscrits au fichier. Alors, il y a une
décision qui doit être prise: est-ce qu'on confie ce
travail-là à l'université ou si on va dans le secteur
privé, en général? Également, des gens qui ne font
pas partie de compagnies, des spécialistes en allemand, des
spécialistes dans des domaines bien précis. Je ne pense pas
à la géotechnique parce que ça, il y en a tellement - je
pense au député de Pontiac -ou encore à la
métallurgie, car il y en a dans mon secteur. Mais ça pourrait
être, par exemple, un fiscaliste en comptabilité. On a beaucoup de
comptables au Québec, mais des fiscalistes, il n'y en a pas beaucoup. On
n'a pas une spécialité pour les fiscalistes. Alors,
forcément, si le gouvernement a besoin d'un fiscaliste, on est
obligé de ne pas passer par le fichier; on est obligé de venir en
dérogation. Donc, voici les cas qui viennent en dérogation: deux
cas en quatre mois. C'est très peu. Moi, ça m'apparaît, en
tout cas, raisonnable. Pourquoi a-t-on établi le fichier? Là, je
vais vous expliquer comment cela marchait à l'époque des
libéraux.
M. Paradis: C'est la faute des libéraux. C'est la faute du
fédéral.
M. Bérubé: À l'époque des
libéraux, voici comment fonctionnait l'octroi de contrats du
gouvernement.
M. Paradis: Et comme ça fonctionne.
M. Bérubé: Vous obteniez un contrat du gouvernement
et, en échange, vous fournissiez à la caisse du Parti
libéral. Par exemple, quand le juge Malouf a étudié le
problème des jeux olympiques et des coûts explosifs, il a
constaté...
M. Paradis: II a dit que ce n'était pas nous autres.
M. Bérubé: ... qu'il y avait, effectivement, des
firmes d'ingénieurs comme la firme Trudeau, qui avaient versé des
ristournes à la caisse du Parti libéral. C'est comme ça
que le Parti libéral se finançait. Qu'avons-nous fait comme
gouvernement pour empêcher ça? Nous avons adopté une loi
pour interdire aux compagnies de financer les partis politiques. De plus, nous
avons introduit un fichier central, par ordinateur, où toutes les
entreprises seraient inscrites, de sorte que ce serait l'ordinateur qui
choisirait plutôt qu'un fonctionnaire ou un cabinet de ministre. Puisque
tout le monde est placé sur un pied d'égalité, il n'a pas
d'intérêt à donner une ristourne au parti politique,
ça ne lui donne rien. Vous pouvez donner toutes les ristournes que vous
voulez à n'importe qui, c'est illégal avec la nouvelle loi et,
deuxièmement, ça ne vous donne aucune chance pour avoir le
contrat suivant. C'est ça qui a fait en sorte qu'on a assaini les
finances publiques.
Pourquoi, d'après vous, le Parti libéral a-t-il de la
difficulté à l'heure actuelle dans sa campagne de financement?
Parce que ça ne rapporte rien. Il n'y a personne qui est
intéressé à financer le Parti libéral parce que ces
gens ne retireront aucun bénéfice. C'est pour ça que
ça ne marche plus sa patente. Le fichier a été mis en
place pour enlever l'intervention politique dans la sélection de ceux
qui font affaires avec le gouvernement, pour faire en sorte que tout le monde
puisse avoir une chance égale pour obtenir un contrat. Nous passons
toujours par le fichier. Le député de Brome-Missisquoi a dit: Les
contrats négociés ne passent pas par le fichier. C'est faux, il
oublie de lire en bas des contrats négociés...
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Brome-Missisquoi, question de règlement.
M. Bérubé: ... il oublie de lire
"répertoire". Et lorsqu'il y a un répertoire ça veut dire
qu'on passe effectivement par le fichier. Par conséquent, M. le
Président...
M. Paradis: Question de règlement.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre. M. le
député de Brome-Missisquoi, question de règlement.
M. Paradis: Dans les chiffres que j'ai cités au ministre,
il n'y a rien de ce que le ministre vient de dire, tout ce qui était
passé par le fichier a été exclu, ce sont
strictement des contrats négociés sans passer par le fichier
à 50%.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Bérubé: Non, M. le Président. C'est
erroné, ce que dit le député de Brome-Missisquoi est faux.
Il y a très peu de dérogations qui viennent au Conseil du
trésor. Les dérogations qui viennent, quand on peut aller au
fichier... Si vous avez une spécialité qui est prévue, par
exemple si vous avez une spécialité "génie civil", il y a
très peu de dérogations qui viennent au Conseil du trésor.
Évidemment, quand il s'agit d'engager quelqu'un qui n'est pas inscrit au
fichier, par exemple l'Université de Montréal n'est pas inscrite
au ficher. C'est différent. Je l'ai expliqué ça;
forcément, à ce moment-là, on ne peut passer par le
fichier. Le fichier s'adresse aux compagnies qui veulent offrir des services.
Mais, si vous êtes un professeur d'allemand au Québec et
qu'à un moment donné, on a besoin d'un spécialiste en
allemand, il n'y a pas un fichier de tous les citoyens du Québec dans
lequel on saurait quels sont ceux qui parlent l'allemand. On n'a pas cela.
D'ailleurs, je pense que ce serait attaqué violemment par ceux qui se
portent à la défense des libertés des citoyens, de faire
en sorte qu'on ait une espèce de fichier où tous les citoyens du
Québec seraient répertoriés. Cela n'a pas de bon sens.
Donc, il y a encore beaucoup de services auxquels fait appel le
gouvernement; on ne peut pas avoir un fichier de tous ceux qui pourraient
offrir leurs services. Ce n'est pas possible. Forcément, quand nous
faisons appel à ce genre de service, il faut nécessairement
passer outre au fichier. Pour un spécialiste en hôtellerie pour
s'occuper, par exemple, de la Côte d'Ivoire et d'un programme conjoint
avec le gouvernement fédéral - là je ferais remarquer au
député que le choix du candidat se fait conjointement entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec - il n'y
a pas de fichier comme tel. Cela n'existe pas des spécialistes en
hôtellerie dans un fichier.
Donc, ce que je dis à l'Opposition, c'est que dans tous les cas
où un service est offert au gouvernement où il y a des firmes
qu'on peut identifier, elles sont inscrites au répertoire, et dans ces
cas tout le monde passe par le fichier, c'est très rare qu'on va en
dérogation, premièrement. (13 heures)
Deuxièmement, des spécialités ne sont pas inscrites
au fichier, parce qu'il n'y a pas assez de personnes qui les offrent ou encore
parce que ça impliquerait qu'il faut connaître absolument tout ce
que les Québécois peuvent offrir au gouvernement et ce n'est pas
possible. Alors, il y a évidemment une quantité importante; dans
ces cas, on doit faire appel soit à des comités de
sélection, soit à des offres publiques, il y a toutes sortes de
méthodes pour essayer de se renseigner afin d'obtenir les services de
ces citoyens, mais à ce moment, on ne peut pas passer par le fichier. Ce
que nous avons fait comme gouvernement a été d'introduire,
partout où c'était possible, des modes de sélection des
entrepreneurs pouvant travailler pour le gouvernement qui soient
indépendants de l'interférence politique. C'est ça que
nous avons à changer en profondeur dans le domaine de la moralité
politique et publique, en faisant en sorte que toutes les firmes qui veulent
faire affaires avec le gouvernement, et quand elles sont évidemment dans
un secteur assez important ou qu'il y en ait plusieurs, parce qu'il ne faut pas
qu'elle soit seule, parce que si elle est seule on n'est pas pour la mettre
dans le fichier, c'est bien évident qu'on va faire affaires avec elle.
À un moment donné, on nous demandait pourquoi on engageait
l'institut Armand Frappier dans le cas d'une étude sur les virus. C'est
parce qu'il y a seulement un endroit au Québec où on
étudie les virus, tout le monde le sait. Par conséquent, on ne
fait pas appel au fichier, on va directement à la firme qui travaille
là-dedans. L'Opposition le comprend très bien, mais elle va
essayer de monter un plat à l'intention des journalistes, de
manière, évidemment, qu'on dise: Le gouvernement contourne le
fichier. C'est nous qui l'avons mis en place, M. le Président, le
fichier, ce n'est pas le Parti libéral. On l'a fait pour assainir les
moeurs publiques au Québec et nous en sommes extrêmement
fiers.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
Il est 13 heures, et avant d'ajourner les travaux de la commission, je
vous invite à assister à la sanction du projet de loi no 57 qui
aura lieu dans quelques minutes à la salle 103.
Je vous remercie messieurs. La commission ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 13 h 02)