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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 5 mai 1977 - Vol. 19 N° 55

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Finances et du Conseil du trésor


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère des Finances et du Conseil du trésor

(Vingt heures douze minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

La commission des finances, des comptes publics et du revenu est réunie ce soir pour étudier les crédits du ministère des Finances pour l'année financière se terminant le 31 mars 1978. Les membres de la commission ce soir sont: M. Fallu (Terrebonne) remplace M. Alfred (Papineau), M. Baril (Arthabaska), M. Biron (Lotbinière), M. Garneau (Jean-Talon), M. Garon (Lévis), M. Goulet (Bellechasse), M. Gravel (Limoilou), M. Grégoire (Frontenac), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Fabre), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin), M. Parizeau (L'Assomption), M. Raynauld (Outremont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Tardif (Crémazie).

Je suggérerais que le député de Laviolette soit nommé comme rapporteur. Adopté?

Le ministère des Finances comporte des crédits qui touchent à la Curatelle publique, à la SAQ, à Loto-Québec, à la Caisse de dépôt, en plus, au Conseil du trésor. Est-ce que les membres ont un ordre de priorité pour procéder à ce niveau?

M. Garneau: Puis-je faire une suggestion? Si ma mémoire m'est fidèle, à moins qu'il y ait eu des changements, la curatelle habite encore Montréal. Je ne sais pas si les gens aimeraient mieux passer ce soir. Quant à moi ce ne sera pas long cette partie. On pourrait commencer par cela si c'est accepté pour les libérer et leur dire qu'ils pourraient être à leurs bureaux demain non pas à huit heures, mais peut-être à dix heures.

M. Parizeau: Est-ce qu'on poursuivrait dans le même sens pour la SAQ et Loto-Québec dont les gens viennent aussi de Montréal? Je ne sais pas dans quelle mesure on peut les libérer avant le dernier avion.

M. Garneau: On peut certainement tenter une chance avec la Curatelle publique. Je ne sais pas à quelle heure est le dernier avion s'ils sont venus en avion. En auto, alors, ils peuvent partir plus tard s'ils ne prennent pas un verre.

Le Président (M. Boucher): On peut débuter par la Curatelle et par la suite on s'entendra. Je laisse la parole au ministre des Finances pour un exposé d'ordre général.

M. Garneau: Sur la Curatelle?

Exposé général du ministre M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Non, je vais faire un exposé général et, ensuite, on pourra passer cela, en prenant la curatelle, au programme 7, qu'on placera au début.

M. le Président, avant de commencer cette discussion sur les crédits du ministère des Finances, je souhaiterais vous présenter les fonctionnaires du ministère et des sociétés d'Etat qui m'accompagnent.

Du ministère des Finances, à ma droite, M. Pierre Goyette, le sous-ministre; d'autre part, M. Michel Audet, sous-ministre adjoint à la Direction des études économiques et fiscales, M. Guerci, sous-ministre adjoint au financement, M. Marcel Lefaivre, contrôleur des finances, M. Michel Gri-gnon, directeur des études fiscales et M. Fernand Breton, contrôleur adjoint; M. Jean Trudel, à la gestion de la caisse et, d'autre part, M. Montminy, directeur général de l'administration, et M. Marcel Pagé, directeur du budget. On me signale aussi M. Jean-Guy Turcotte, de la direction des études économiques et fiscales.

De la curatelle, M. Rémi Lussier, le curateur, M. Lionel Forgues et M. Yvon Desjardins. En outre, de Loto-Québec, M. Denis Vandry, commissaire, et M. Paul Goudreault, ledirecteurde l'administration; de la Société des alcools du Québec, M. Fernand Pépin, vice-président exécutif, M. Charles Turmel, secrétaire, et M. Michel Rhéaume, vice-président des finances. Finalement, mais pas les moindres, du Conseil du Trésor, M. Jean-Claude Lebel, secrétaire général, M. Tessier, secrétaire adjoint aux politiques administratives, M. Ouellet, directeur de l'administration.

En deuxième lieu, je souhaiterais faire une revue rapide, pour les besoins des membres ici présents, de certaines activités du ministère des Finances et, enfin, dire quelques mots sur les sociétés d'Etat qui sont sous la responsabilité du ministre des Finances.

La Direction générale des études économiques et fiscales complète actuellement sa nouvelle structure administrative, ce qui devrait lui permettre de mieux remplir son mandat.

Le programme d'activité est partagé entre la Direction des études économiques et financières et la Direction des études fiscales.

A la Direction des études économiques et financières, on s'intéresse essentiellement à trois secteurs d'étude et d'analyse. En premier lieu, les analyses des indicateurs économiques et de la situation courante de l'économie du Québec. En deuxième lieu, les études financières comme soutien technique des émissions d'obligations et comme appui aux organismes gouvernementaux

pour ce qui a trait à l'élaboration du processus triennal de l'allocation des ressources financières. Et en troisième lieu, ces études de différents dossiers qui ont un impact à moyen ou à long terme sur l'allocation des ressources.

La Direction des études fiscales, pour ce qui a trait à ses travaux les plus importants, touche, d'une part, les politiques de taxation, je dois dire ici, en collaboration avec le ministère du Revenu, et, d'autre part, les prévisions de revenu du gouvernement et les arrangements fiscaux et financiers entre les divers paliers du gouvernement. C'est ainsi que les travaux d'analyse et de recherche de cette direction visent les domaines de la fiscalité et parafiscalité tels que l'analyse de la structure de taxation existante au point de vue de l'incidence, de l'équité, de la neutralité intrasecto-rielle et intraprovinciale. De plus, des études sur l'entreprise pour évaluer les implications budgétaires et économiques des modifications fiscales ainsi que des analyses des modifications à la structure de taxation en vue de certains objectifs économiques et sociaux.

En plus de ces dossiers courants, j'ai demandé aux fonctionnaires d'apporter plus qu'une certaine attention, de passer une bonne partie de l'année qui, maintenant, va s'écouler à l'étude d'un certain nombre de lois fiscales, de façon à voir dans quelle mesure on peut envisager, dans un avenir relativement proche, une réforme de plusieurs aspects de la fiscalité au Québec. Il s'agit, en particulier, de la tarification, par le gouvernement, des biens et des services qu'il rend au public. Deuxièmement, les mesures fiscales qui sont reliées directement à l'utilisation du sol et au zonage agricole. Troisièmement, de cette réforme de la fiscalité municipale à laquelle le gouvernement actuel s'est commis.

Quatrièmement, de la réforme de l'impôt sur le revenu. Cinquièmement, de la politique à suivre quant aux droits successoraux. Sixièmement, de la réforme de la taxe de vente. Septièmement, des modifications à apporter, avec la collaboration possible des autres provinces au Canada, au Régime de rentes. Et, finalement, de la taxation des sociétés d'Etat.

C'est un programme, M. le Président, qui est très ambitieux, qui va exiger passablement de ressources dans l'année qui vient, mais qui me semble être un des éléments majeurs de la définition de la politique économique et sociale du gouvernement pour les quelques années à venir. Voilà pour ce qui a trait aux directions chargées des études.

Un autre secteur névralgique du ministère des Finances est celui du financement du gouvernement. Les opérations de ce secteur dit de financement se réalisent par le truchement de deux directions. D'une part, la direction de la gestion de la caisse et, d'autre part, la direction de la gestion de la dette. Notre direction de la gestion de la caisse administre les disponibilités bancaires du gouvernement. Elle contrôle les comptes de banques, émet les chèques pour tous les ministères et voit à combler les déficits temporaires du fonds consolidé du revenu dans des emprunts à court terme. Cette direction a aussi la responsabilité de placer à court terme les excédents de fonds et de contrôler les prêts et avances faits aux différents organismes gouvernementaux. La direction de la caisse a également la responsabilité de recevoir et de garder en fidéicommis les dépôts reçus en vertu de la Loi des dépôts et consignations.

Certains dossiers mis de l'avant par cette direction méritent d'être soulignés. Par exemple: Le transfert automatique des sommes encaissées par le réseau bancaire a été agrandi pour inclure le réseau des Caisses Populaires, ce qui n'était pas le cas jusqu'à récemment. Le dépôt directement au compte des bénéficiaires, pour des montants payés par la province à travers tout le réseau bancaire, incluant les Caisses Populaires, a été implanté pour les bénéficiaires des pensions de l'Etat. Je tiens à souligner à cet effet que le système que nous avons à coeur et qui a été élaboré est tout à fait inédit au Canada.

Le second volet du financement est la responsabilité de la Direction de la gestion de la dette. Le mandat de la direction de la dette est d'effectuer et d'administrer tous les emprunts du Québec, sauf les emprunts bancaires à court terme dont nous venons de parler. Cette direction doit donc suivre l'évolution des marchés financiers, suggérer les moyens de combler les besoins financiers du gouvernement au moyen d'emprunts, lui recommander les conditions d'emprunts, préparer les prospectus et la documentation nécessaire, administrer les fonds d'amortissement et, enfin, pourvoir à l'administration et au contrôle des engagements contractés au nom de l'Etat.

La direction de la dette surveille également les conditions dans lesquelles la province de Québec accorde sa garantie aux emprunts de certains organismes de l'Etat tels que l'Hydro-Québec.

Enfin, avec la collaboration des ministères de l'Education et des Affaires sociales, la Direction de la gestion de la dette effectue aussi les emprunts par obligations des CEGEP, des universités et des hôpitaux.

Après avoir examiné les études ou la recherche, d'une part, les emprunts et la gestion de la caisse, d'autre part, nous passerons en troisième lieu à la question du contrôleur des finances. La Loi de l'administration financière a placé Ie contrôleur des finances sous la responsabilité du ministre des Finances et lui a défini son mandat. Aussi, pour le bénéfice des membres de cette commission, j'aimerais, dans un premier temps, tracer le mandat et, en second lieu, établir rapidement quelles sont les activités importantes qui ont été réalisées et, d'autre part, celles qui sont en cours.

Le contrôleur des finances est le comptable en chef du gouvernement. Il dirige les services de la comptabilité des ministères. A cette fin, le contrôleur des finances délègue des représentants dans chacun des ministères et dans certains organismes publics. Il doit enregistrer les engagements budgétaires et voir à ce que les paiements qui en découlent n'excèdent pas les crédits. C'est

une sorte de chien de garde, si je peux m'exprimer ainsi et si M. Lefaivre ne m'en veut pas trop. Il appartient également au bureau du contrôleur des finances de préparer les états financiers et les comptes publics et de pourvoir aux traitements des données comptables et financières du gouvernement. Enfin, le contrôleur est appelé à précéder aux vérifications et aux enquêtes qui s'imposent à l'occasion.

J'aimerais ici dire quelques mots quant aux objectifs prioritaires du bureau du contrôleur des finances, à l'heure actuelle. Il va de soi que le système de gestion budgétaire et comptable est au centre des préoccupations du ministère.

Connu sous le nom de SYGBEC, il a subi un rodage de plus en plus raffiné qui en fait aujourd'hui un système comptable reflétant, je pense, très fidèlement les opérations gouvernementales. Il constitue, d'autre part, un outil utile pour les gestionnaires des ministères. L'effort entrepris a permis de maintenir les effectifs réguliers au même niveau et de restreindre au strict minimum les effectifs d'employés engagés à titre d'occasionnels dont un bon nombre, entre autres, l'avaient été en vue de l'implantation de ce système.

D'autre part, on s'est concentré sur l'intégration de la comptabilité du ministère des Transports au système précité. Il s'agissait d'un objectif majeur ou que celle-ci était la seule qui ne fût pas encore intégrée et principalement à cause du volume important de transactions de ce ministère. L'opération s'est effectuée fort bien et les premiers résultats qui nous parviennent sont encourageants.

Un troisième objectif atteint a consisté en l'implantation du télétraitement dans plusieurs ministères. D'autre part, un autre objectif consistait à améliorer encore la performance accomplie l'année précédente en regard des délais des paiements des factures. C'était là, en effet, un des soucis constants et majeurs et il va de soi qu'il en soit ainsi. Nous avons pu ainsi ramener les délais, dans les directions de la comptabilité, de 20 jours qu'ils étaient au 1er avril 1976 à une moyenne de 12 jours au mois de mars 1977. Cela donne, pour l'ensemble du gouvernement, une moyenne actuelle de 36 jours comparativement à 47 jours au mois d'avril 1976.

Je pense que n'importe qui qui est le moindrement un peu familier avec cette procédure ex-traordinairement compliquée du paiement des factures, dans un organisme comme le gouvernement, peut noter ce que cela représente, une réduction de 11 jours d'avril 1976 jusqu'à maintenant, soit en l'espace d'un an. A cet égard, je dois rendre hommage à mon prédécesseur, puisque, en définitive, ce n'est pas moi qui ai fait cela, mais c'est lui qui en est responsable.

M. Garneau: Ce n'est pas moi non plus. C'est M. Lefaivre et sa "gang".

M. Parizeau: Si cela avait été très mal, M. le député de Jean-Talon, c'est vous qui en auriez été responsable.

M. Garneau: J'en suis convaincu.

M. Parizeau: Alors, puisque cela a été très bien...

M. Garneau: D'ailleurs, je dois dire que, lorsqu'ils étaient plus élevés, j'en étais responsable.

M. Parizeau: Deux changements notables ont eu lieu au bureau du contrôleur des finances, soit le détachement de la Direction générale des systèmes et du traitement de l'information qui est désormais placée sous la juridiction du ministère des Communications.

Il s'agit, je pense, d'un geste majeur qui a amené la création du bureau central d'informatique du gouvernement au ministère des Communications et à partir duquel on espère, enfin pour le moment ce n'est qu'un voeu, il faudra voir cela se développer dans les mois qui viennent, on espère être en mesure d'apporter un peu plus d'ordre dans le système général d'informatique à travers le gouvernement.

Il est évident que le seul détachement de ces services d'informatique du ministère des Finances au ministère des Communications ne crée pas nécessairement de résultat, mais c'est une première étape dans une espèce de coordination générale des services d'informatique qui avait été souhaitée depuis passablement d'années et qui, maintenant, aboutit.

Quant au service central de paie qui s'occupe de la préparation de la paie variable, il est désormais rattaché au ministère de la Fonction publique. Enfin, tel que je l'ai annoncé dans le discours du budget, le ministère préparera, tous les trois mois, un rapport synthétisant les opérations financières du gouvernement, l'état de réalisation du budget, ce qui permettra donc d'être en mesure d'évaluer la performance financière du gouvernement par rapport à son budget autrement qu'une fois par an.

Passons maintenant, M. le Président, si vous me le permettez, à la Curatelle publique. Elle relève du ministère des Finances et elle régie par une loi spéciale, alors que les autres programmes du ministère le sont par la Loi de l'administration financière. La Curatelle publique a un triple mandat: premièrement de protéger les biens des malades mentaux, deuxièmement, de surveiller l'administration des biens qui sont confiés au curateur privé ou au tuteur et enfin de réaliser les biens sans maître et ceux de successions vacantes.

Et enfin, je voudrais souligner que trois entreprises gouvernementales relèvent — et cela, nous aurons peut-être l'occasion d'en discuter dans les heures qui viennent — non pas du ministère des Finances, mais du ministre des Finances, c'est-à-dire, d'une part, la Caisse de dépôt et placement, d'autre part la Société des alcools, troisièmement, la Société d'exploitation des loteries et des courses du Québec. Ces trois sociétés soumettent des rapports annuels à l'Assemblée nationale, répondent à l'Assemblée nationale par le truchement du ministre des Finances mais ne sont pas sous le contrôle administratif du ministère.

C'est un de mes sujets, disons, de préoccupation, pour les mois qui viennent, de voir dans quelle mesure cette structure administrative devrait être changée, dans quelle mesure on devrait faire en sorte que des sociétés de cet ordre soient reliées plus directement au ministère qu'au ministre.

Il y a là, il me semble, une espèce d'assurance de continuité qui n'existe pas dans la mesure où ces sociétés relèvent du ministre, mais ne sont pas vraiment sous la direction administrative du sous-ministre. Je reconnais que, dans certains cas, il y a des obstacles à ce qu'elles soient sous la direction administrative du sous-ministre, par exemple, la Caisse de dépôt et placement, qui a un statut juridique assez spécial.

Il me semble, au fur et à mesure où j'avance dans ces dossiers, de plus en plus étonnant que des sociétés puissent relever du ministre et que le ministère lui-même n'ait finalement que très peu de contacts avec les sociétés en question. Enfin, tout cela sera examiné durant les mois qui viendront avec un peu plus de soin et donnera lieu à un certain nombre de modifications de caractère juridique ou administratif, selon le cas. Voilà l'essentiel de ma présentation, M. le Président. A partir de là je suis prêt à suivre l'ordre du jour que cette commission décidera.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Je n'ai pas demandé la parole.

Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas de commentaires?

M. Garneau: Non, pas à ce stade-ci, étant donné que les propos du ministre étaient descriptifs. Si nous entreprenions la discussion générale sur l'ensemble du ministère à ce moment-ci, je crois bien que nos gens de la curatelle seraient ici à 11 heures. Je n'aurais pas d'objection à faire cette discussion après coup, parce que je pense qu'il faudrait passer toute l'analyse de la situation économique.

M. Parizeau: J'aurais une question de privilège M. le Président. Le député de Jean-Talon prend cela comme étant un exposé descriptif, mais j'ai quand même fait un jugement de valeur!

M. Garneau: C'était aussi descriptif. A ce stade-ci je préférerais, pour les raisons mentionnées tout à l'heure, c'est peut-être une habitude aussi, reporter cela lorsqu'on entreprendra véritablement les crédits, pour ne pas reprendre les débats deux fois, comme par exemple au programme 1 où l'on parle de la section de la recherche économique et fiscale. En définitive, on aborde tout le problème de la politique fiscale, la philosophie fiscale du gouvernement, question de l'analyse économique, des prévisions de taxation, le rendement de différentes sources de taxation. Cela nous amènerait un débat. Comme on avait suggéré de commencer par la Curatelle publique, je serais prêt à y aller maintenant pour cela. Je ne sais pas si les autres sont de mon avis.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que le député de Lotbinière... Alors, j'appelle donc le programme 7, élément 1.

Curatelle publique

M. Garneau: Sur le programme 7, M. le Président, est-ce que le ministre a des choses spéciales à dire quant à l'avenir de la Curatelle en termes législatifs ou s'il n'y a pas de modifications d'envisagées à la loi au cours de la présente année?

M. Parizeau: Je pense, oui, qu'il y a un certain nombre de modifications à examiner quant au statut de la Curatelle et un certain nombre d'amendements à la loi de la Curatelle. Je dois dire que je ne comprends pas en vertu de quel principe autrement qu'historique on a pu rendre le curateur public responsable, sur ses biens propres, des opérations de la curatelle. Je ne connais pas de fonctionnaire au gouvernement du Québec qui soit placé dans une situation pareille. Cela me paraît devoir être l'objet d'un examen urgent pour déterminer dans quelle mesure une situation comme celle-là doit continuer.

M. Raynauld: Ils devraient tous être comme cela, peut-être.

M. Parizeau: En tout cas, il ne faudrait pas faire de discrimination. A ma connaissance, je peux me tromper, mais c'est le seul qui soit vraiment placé dans cette situation.

Il y a donc, je pense, quand même ce ne serait que là-dessus, un certain nombre d'amendements d'ordre législatif à établir. D'autre part, il est clair que le rôle du curateur me paraît ambigu en ce sens que, représentant des intérêts strictement privés, il est important de déterminer le degré d'autonomie qu'il doit avoir par rapport à l'administration publique parce qu'il faut bien comprendre ici que le curateur ne représente le gouvernement qu'au nom de l'intérêt public. En fait, il représente une foule d'intérêts privés et dans ces conditions son statut, je pense, doit peut-être refléter mieux ce représentant d'intérêts privés que cela n'a été le cas jusqu'à maintenant.

Et le statut juridique du curateur dans ces conditions me paraît devoir être l'objet d'une révision dans les mois qui viennent. Faire du curateur une sorte de directeur de direction générale d'un ministère alors qu'en fait il représente une foule, il est le garant en somme d'une foule d'intérêts privés, il me semble là y avoir une espèce de coche mal taillée qu'il faut éclaircir.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Est-ce que le curateur, à cause de ses fonctions, ne devrait pas plutôt relever du mi-

nistère de la Justice que du ministère des Finances?

M. Parizeau: En soi, pas nécessairement. L'un ou l'autre serait possible. Si on le mettait à la Justice, on mettrait l'accent sur les caractéristiques de son métier; en le mettant aux Finances, on met l'accent davantage sur la nature des placements qu'il peut faire, sur le caractère financier des opérations qu'il conduit. Mais j'admettrai que l'un ou l'autre pourrait être aussi logique. Ce n'est pas tellement à. cela que j'en ai, c'est aux distances que le curateur doit avoir ou doit peut-être avoir par rapport au gouvernement lui-même.

Par exemple, j'ai été amené à examiner la question de la vérification des livres du curateur. Il me paraît anormal que le Vérificateur général du Québec ne puisse pas examiner les livres du curateur, ce qui est le cas à l'heure actuelle. Il me paraîtrait tout aussi anormal que les livres du curateur ne soient pas examinés par un vérificateur extérieur qui, au fond, est une sorte de surveillant des intérêts privés dont je parlais tout à l'heure. Il est possible que dans ce cas une double vérification soit utile, celle qui est au fond un peu du vérificateur des intérêts privés et celle du gouvernement lui-même. Même sur le plan simplement de la vérification, le rôle du curateur jusqu'à maintenant a été relativement ambigu. Il représente des intérêts privés, il administre des fonds privés sur lesquels d'aucune façon le gouvernement ne peut avoir une sorte de lien. Ces fonds n'appartiennent pas au gouvernement ils appartiennent à des personnes et pourtant on en a fait un service gouvernementale, c'est profondément ambigu comme statut.

M. Biron: C'est justement la raison de ma question, si on administre des fonds privés qui ne sont pas des fonds de la province. C'est pour cela que je me demande pourquoi cela relève du ministère des Finances, si ce n'est qu'une raison historique.

M. Parizeau: Je pense que cela relève du ministère des Finances parce que, pendant finalement très longtemps jusqu'à aujourd'hui, ceux qui, dans les secteurs public ou parapublic, administrent des fonds avaient ou bien un statut de très grande indépendance — je pense, par exemple, à la commission des accidents du travail qui, jusqu'à il y a quelques années, administrait ses fonds comme elle le désirait — ou, alors, administraient ces fonds dans le cadre du ministère des Finances. C'était l'un ou l'autre, une très grande autonomie ou le ministère des Finances. Mais j'admets, cependant, avec le député de Lotbinière, qu'on pourrait fort bien imaginer que cela relève de la Justice; en soi, cela ne me paraît pas illogique comme situation.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Quelle est l'importance des biens à administrer?

M. Parizeau: Je n'ai aucune espèce d'idée. Au dernier bilan, c'était $52 millions.

M. Garneau: $52 millions. M. le Président, tout à l'heure, le ministre des Finances a indiqué que la vérification à laquelle était soumise la Curatelle ne relevait pas du Vérificateur général. J'imagine qu'il faisait une distinction entre les crédits votés au budget pour ses fins administratives et ce qu'il administre.

M. Parizeau: Les biens administrés par...

M. Garneau: Les $1 860 000 et les $2 011 000 sont vérifiés par le Vérificateur général dans le terme de la gestion interne, c'est cela?

M. Parizeau: Parce que ce sont des crédits d'Etat.

M. Garneau: C'est parce que, tout à l'heure, j'avais cru comprendre que le ministre avait indiqué que les deux n'étaient pas vérifiés. En ce qui concerne les biens sous gestion, vous dites qu'il y en a $52 millions?

M. Parizeau: $52 millions.

M. Garneau: Combien là-dessus est en liquide et combien est en biens matériels, immeubles?

M. Parizeau: Au 31 décembre 1976, $42 millions. A ce moment, l'actif total du fonds collectif — je parle ici du fonds collectif de la Curatelle publique — était de $43 millions et, là-dessus, presque $42 millions, $41 979 000 étaient en obligations. Le fonds sous administration nominative comportait un actif de $6 692 000. Alors, puisque c'est un fonds nominatif, c'est-à-dire un fonds très spécifiquement affecté à une personne ou venant d'une personne dont on administre les biens, il comportait des obligations pour $1,8 million, des immeubles pour $3,2 millions en soustrayant les emprunts hypothécaires là-dessus. Le reste se ré-partissait en certificats de dépôt, actions, etc.

M. Garneau: Voici le sens de ma question, M. le Président.

Sur les $42 millions en obligations, j'imagine que le curateur, lorsqu'il a à prendre une succession de quelqu'un pour différentes causes, soit de folie ou autre, il reçoit un avoir sous gestion, qui est composé de titres, d'obligations, qui est composé d'argent liquide, et qui peut être composé d'immeubles, de biens meubles. Quand je posais la question: en argent, en liquide, c'était pour en arriver à déterminer quelle est la politique de placement habituellement suivie par le curateur. Evidemment, s'il reçoit en administration, en gestion quelconque, des fonds qui sont déjà sous obligations, des titres, par exemple, qui ont été achetés antérieurement à sa gestion, j'imagine qu'il les conserve, ces titres. Mais lorsque arrivent les questions liquides, si un compte de banque de $5000 tombe sous la gestion du curateur, c'est cette distinction que je voulais faire pour savoir

quelle était la politique de placement que la Curatelle publique entendait suivre ou suit.

M. Parizeau: Nous avons eu l'occasion de discuter avec les curateurs de cette politique de placement lorsque — si je comprends bien le député de Jean-Talon — des fonds deviennent disponibles pour investissement. C'est bien cela le sens de la question, lorsque des fonds deviennent disponibles? D'abord, la totalité de ces fonds est placée en obligations localisées au Québec. D'autre part, l'essentiel des fonds est placé dans des obligations locales, municipales, scolaires, etc., et réparti régionalement à travers le Québec de façon qu'il n'y ait pas une concentration exclusive de ces placements, disons dans la ville de Montréal, ou autour de la ville de Montréal, ou dans la ville de Québec. Il se fait une espèce de répartition régionale dans l'ensemble des régions et qui porte essentiellement sur des titres locaux, qui sont ceux, bien sûr, qui ont le rendement le plus élevé, ce qui est utile pour les intérêts que représente la curatelle et, d'autre part, permettent de répartir les fonds sur l'ensemble du territoire.

C'est ainsi, par exemple, que, toujours en fonction du fonds collectif, sur les $36 millions... Alors là, je recule d'un an, j'ai les états au 31 décembre 1975. Au lieu de $42 millions d'obligations, dont je parlais tout à l'heure pour le 31 décembre 1976, au 31 décembre 1975, c'était $36 millions. Sur ces $36 millions, il y avait $4 millions d'obligations du gouvernement du Québec et de l'Hydro-Québec; $14 millions dans les municipalités; $7 millions dans les titres de commissions scolaires; $2,5 millions dans les titres d'hôpitaux; près de $3 millions dans des titres d'universités, et $6 600 000 dans des titres de CEGEP. On voit que le curateur n'a pas, à l'égard des CEGEP, les préventions que d'autres peuvent avoir.

Cela se répartissait, sur le plan des titres locaux, entre les régions, de la façon suivante, toujours au 31 décembre 1975: Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, $3/4 million. Saguenay-Lac-Saint-Jean, $1 300 000. Québec, $6 millions. Trois-Rivières, $1,5 million. J'arrondie toujours un peu les chiffres. Estrie, $1 200 000. Montréal, $19 millions. Ou-taouais, $1 400 000. Nord-Ouest, $1 million. Côte-Nord, $500 000.

M. Garneau: Est-ce qu'il s'agit là de fonds qui ont été investis par le curateur ou s'il s'agit de titres qu'il a reçus comme tels en gestion?

M. Parizeau: Je pense que la majeure partie de l'argent doit venir essentiellement de fonds qu'il investit, plutôt que de titres, si je peux m'exprimer ainsi, dont il aurait hérité. Normalement, les titres dont il aurait hérité seraient dans le fonds nominatif dont je faisais état tout à l'heure, c'est-à-dire $6 600 000 de fonds nominatifs.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Biron: Le coût des services me semble d'environ 4% des sommes d'argent investies par le curateur.

Est-ce qu'il y a 4% de service chargés aux administrés ou si on ne charge aucun service aux administrés?

M. Parizeau: On me dit qu'il y a un tarif qui est établi de façon à être inférieur à celui des compagnies de fiducie; donc il y en a un mais qui n'est pas vraiment un tarif commercial.

M. Biron: Cela veut donc dire que cela coûte 4% plus cher au gouvernement pour administrer, ou environ, qu'à une compagnie de fiducie.

M. Parizeau: Probablement. Maintenant, est-ce que c'est 4% ou un peu inférieur à 4%? C'est évident qu'il y a une charge ici en raison même de la nature des opérations qui sont faites.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: Oui, M. le Président, pour environ les $50 millions que vous avez en banque.

M. Parizeau: Non, non. M. Michaud: Excusez.

M. Parizeau: Si c'était placé en banque, je m'opposerais violemment.

M. Michaud: D'accord. Sous votre responsabilité, cela représente environ combien de clients, c'est-à-dire d'individus ou de successions?

M. Parizeau: Douze mille environ.

M. Michaud: Douze mille, d'accord. C'est une question un peu comme celle que le député de Lotbinière a posée. Dans votre philosophie, M. le ministre, vous voulez faire une réforme de la fiscalité au Québec en ce qui concerne les services ou les biens vendus aux citoyens. Est-ce que la Curatelle publique pourrait s'autofinancer?

M. Parizeau: Moi, je vous avouerai que c'est un des derniers services auxquels je demanderais de fonctionner sur une base commerciale. J'y penserais, en tout cas, sérieusement, et à deux fois. Autant pour la majorité des services gouvernementaux rendus à la population, il me semble qu'il est normal que ces services s'autofinancent. Nous sommes — nous aurons l'occasion d'en discuter au moment de la discussion du ministère des Finances — en train de procéder à une série de réformes sur ce plan à l'égard d'une collection de services rendus ou vendus à la population par le gouvernement. Autant sur le plan de la Curatelle publique, cela me paraîtrait, en un certain sens — je pense que le terme n'est pas trop fort — odieux.

M. Michaud: D'accord.

M. Parizeau: Au fond, ceux qui sont amenés à faire administrer leurs biens par la Curatelle publique sont placés dans une situation où ils ne peuvent pas comparer ce qu'un service privé leur demanderait et ce qu'un service public leur demande. Enfin, ils n'ont pas la possibilité de choix.

M. Michaud: Exactement. D'ailleurs c'est pour cela qu'il porte le nom de curateur public, c'est un service à l'ensemble de la population.

Le Président (M. Boucher): Question supplémentaire.

M. Michaud: C'est une question, pas tellement dans le même ordre d'idées, mais quand même. La Curatelle publique est complètement autonome sur le plan de l'embauche du personnel ou si cela fait partie de la fonction publique?

M. Parizeau: Cela fait partie de la fonction publique.

M. Michaud: Cela fait partie aussi de la fonction publique, d'accord, merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Parizeau: Je voudrais simplement revenir sur la question des 4% que le député de Lotbinière invoquait tout à l'heure. En fait, ce n'est pas 4%, le service est déficitaire si l'on veut, mais il faut tenir compte du fait que, sur le plan de ses dépenses, effectivement, en 1976/77, il a coûté à peu près $1 900 000 de frais d'administration de toutes sortes. Mais, en raison des tarifs dont nous parlions tout à l'heure, il a fourni des revenus qui sont de l'ordre — malheureusement, je n'ai pas le chiffre pour la même année — de $1 200 000. Donc, il y a un déficit qui est probablement davantage de l'ordre d'un demi-million de dollars ou de $600 000, pour $2 millions. Il reste déficitaire.

M. Biron: Où est-ce qu'on voit les revenus à même vos chiffres?

M. Parizeau: Dans le rapport annuel. Vous les retrouvez dans les revenus du gouvernement.

M. Biron: Dans les revenus du gouvernement.

M. Parizeau: Remarquez bien que je donne cette indication simplement pour être en accord avec les faits, mais pas pour indiquer que ce déficit me scandalise.

Ce n'est pas exactement le type d'opérations gouvernementales qui me paraît devoir être bénéficiaire pour les raisons que j'indiquais tout à l'heure.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. L'adminis- tration des biens engendre des bénéfices, vient de dire le ministre, d'environ $1,2 million.

M. Parizeau: Pas des bénéfices, des revenus.

M. Goulet: Des revenus au ministère, au curateur, si vous voulez. Les bénéfices totaux de cela sont de quel ordre? Ceux qu'on redistribue. L'administration de ces biens engendre quels bénéfices, au total? Avez-vous des chiffres?

M. Parizeau: Vous parlez du rendement sur le portefeuille?

M. Goulet: C'est cela.

M. Parizeau: Ah bon! Le rendement sur le portefeuille, au 31 décembre 1975, a été de $4 691 000 alors que le portefeuille, sous administration collective, était de $40 millions et, sous administration nominative, de $6 millions, à peu près. C'est un rendement qui est élevé. Le rendement, en fait, sur le portefeuille, au 31 décembre 1975 — je me sers du dernier rapport annuel — était de 9,2%.

M. Biron: Est-ce qu'on ne devrait pas faire administrer les biens de la province par le curateur public?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier, question supplémentaire.

M. Parizeau: II faudrait lui en parler.

M. Garneau: C'est pour cela qu'il achète beaucoup de CEGEP.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Pourquoi, avec la différence de tout près de $3,5 millions, ne prévoit-on pas l'autofinancement de ce service? Il resterait encore $2 millions et quelques centaines de milliers de dollars qu'on pourrait distribuer. Non? Ce n'est pas possible?

M. Parizeau: Non, non, attention! Entendons-nous.

M. Goulet: II y a $4,6 millions.

M. Parizeau: Les revenus du portefeuille de placement appartient à ceux dont les biens sont gérés par le curateur, c'est leur propriété. On n'a pas le droit de mettre la main là-dessus.

M. Goulet: Cela va, d'accord. On ne pourrait pas leur demander...

M. Parizeau: Cela ne nous appartient pas. On peut dire, comme le dit le Curateur: Avec un rendement de 9,2% dans l'année 1975, j'ai fait du bon travail. Mais il n'a pas fait du bon travail pour le gouvernement, il a fait du bon travail pour ceux dont il gère les biens. On revient à l'ambiguïté dont je parlais tout à l'heure.

M. Goulet: On a dit que cela pouvait leur coûter environ 4%. Ce sont les chiffres qu'on a.

M. Parizeau: Non, non. Entendons-nous bien. Sur le plan de l'administration de la Curatelle, il y a des dépenses d'environ $1,9 million et des revenus — mais attention, pas des revenus de placement — d'honoraires d'environ $1,2 million. C'est-à-dire que ce service du curateur est déficitaire — le service administratif — d'à peu près $700 000. Cela lui permet d'administrer une cinquantaine de millions, ce déficit qu'il encourt de $700 000; non seulement d'administrer les biens des personnes, mais d'administrer un portefeuille de $50 millions sur lequel il a un rendement excellent pour ceux qui pour qui il administre les fonds.

Votre question indique bien le caractère ambigu dont je parlais tout à l'heure: Pour qui travaille le curateur? Est-ce pour le gouvernement ou si c'est pour les gens qu'il représente? C'est là où son statut, sur le plan juridique, à mon sens, doit être redéfini. Il faut commencer à faire disparaître ces ambiguïtés. Je ne vois aucune objection, pour résumer ce que je disais, à ce que le gouvernement ait un déficit pour ce type d'opérations, mais je crois qu'il est important que dans le statut du curateur il soit clairement établi qu'il travaille pour des intérêts privés, qu'il représente des intérêts privés.

M. Goulet: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier.

M. Mercier: Est-ce que le gouvernement se porte garant de la gestion de ces fonds? Je constate que les titres qui sont là sont des titres très sûrs, mais advenant certains inconvénients, advenant des pertes, est-ce que le gouvernement serait obligé de compenser le manque à gagner? Est-ce qu'il a une réserve accumulée?

M. Parizeau: II y a une réserve, bien sûr, mais la seule garantie juridique qui existe dans le système est la garantie du curateur sur ses biens personnels, ce qui est, comme je le disais au début... J'ai eu un certain nombre d'objets d'émerveillement en revenant aux affaires et cela a été un d'entre eux. Un fonctionnaire qui... C'est la seule garantie. Le gouvernement ne donne pas de garantie formelle. Il est évident, cependant, que le curateur ne peut pas investir dans n'importe quoi.

Je veux dire que, si le curateur tout à coup, pris du démon de midi ou autrement, décidait d'investir dans des actions de mine, il ne pourrait pas le faire, parce qu'il est lié par les dispositions de l'article 980 o) du Code civil qui détermine les titres dans lesquels un curateur peut placer les biens d'autrui. Donc, il y a un certain nombre de dispositions juridiques qui ne lui permettent pas d'acheter n'importe quoi, mais, ceci étant dit, le gouvernement ne donne aucune garantie particulière de caractère légal. La seule garantie formelle qu'il y a, c'est la garantie du curateur public sur ses biens propres, ce qui est aberrant.

Le Président (M. Boucher): Le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, pour moi, c'est un champ qui est pas mal nouveau. Alors, il y a peut-être des questions un peu naïves que je vais poser. On dit que le curateur travaille pour des gens dont il gère les biens. C'est un fiduciaire. Qui a donné au curateur les politiques, par exemple, de placement? Est-ce qu'il y a des politiques bien définies? Est-ce que ces politiques sont déterminées par une loi spéciale, en plus de la référence que le ministre vient de faire au Code civil? Qui détermine que les placements doivent être répartis à travers la province de Québec, par opposition à une règle qui dirait: Vous devez placer les fonds de façon que les rendements soient les plus élevés possible, pour les clients du curateur? Est-ce qu'il peut y avoir des contradictions dans ces politiques de placement qui sont données au curateur, dans la mesure où il y en a qui lui ont été données?

M. Parizeau: Non. Là, je ne voudrais pas parler pour le passé, en remontant très loin en arrière, parce que je n'ai pas fait des vérifications historiques. Mais il n'y a pas normalement de politiques de placement qui soient données au curateur public. Il place en fonction de l'article 980 o) du Code civil et, donc, selon l'expression classique, place en bon père de famille. L'important pour lui, c'est d'obtenir, puisqu'il travaille dans l'intérêt de ses clients, le plus haut taux de rendement possible à partir de placements qui sont considérés comme sûrs. Sa décision de répartir ces placements à travers le Québec, est une décision qu'il prend. A cet égard, il y a un curieux parallèle à établir, même si c'est à des niveaux de placement très différents, entre le président-directeur général de la Caisse de dépôt, qui, lui aussi, avec le conseil d'administration, est libre d'établir ses politiques de placement comme il l'entend et qui, justement parce qu'il a cette latitude, est protégé par une loi contre toute ingérence de caractère politique, alors que le curateur qui, en pratique, agit de la même façon est une sorte de direction générale du ministère des Finances et n'a, quant au choix de ses placements, aucune protection autre que la coutume, l'habitude.

Il serait possible, tout à fait possible et de la façon la plus légale du monde, pour le ministre des Finances, d'ordonner au curateur public de placer dans telle direction plutôt que dans telle autre. Cela ne se fait pas, mais ce serait possible théoriquement, alors que ce ne serait jamais possible à l'égard de la Caisse de dépôt qui est protégée par une loi. C'est dans ce sens que je vous disais tout à l'heure que le statut juridique du curateur doit être refait, parce que c'est paradoxal.

En pratique, c'est lui qui détermine, au meilleur des intérêts de ses clients, en fonction de politiques de placement qu'il détermine lui-même. Mais il est vrai que, si comme ministre je voulais lui ordonner de cesser de placer dans des CEGEP et de ne plus placer... — j'essaie de trouver quelque chose qui soit à la fois farfelu dans le 980 o) — je pourrais le faire légalement.

M. Garneau: Les obligations de la province? M. Parizeau: Laquelle?

M. Garneau: D'ailleurs, ce sera une des questions...

M. Raynauld: Alors, ce changement de statut auquel vous pouvez penser à l'heure actuelle irait plutôt dans le sens d'une plus grande autonomie.

M. Parizeau: Cela me paraît une conclusion raisonnable. Non seulement une autonomie mais une plus grande protection quant à lui-même et quant aux responsabilités qu'il a.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Quel est le montant des biens sans maître que le curateur administre, et que fait-il de ces biens sans maître qui s'accumulent?

M. Parizeau: Cela apparaît au rapport financier de la Curatelle sous deux postes: successions vacantes et divers pour $3,3 millions, et comptes réglés, c'est-à-dire où on a constaté que c'était vacant, $5,9 millions.

M. Biron: Qu'est-ce qu'on fait avec cela lorsqu'on a constaté que c'était véritablement vacant et qu'il n'y a pas de maître?

M. Parizeau: On les place.

M. Biron: Ces fonds restent quand même dans les mains du curateur ou s'ils sont transférés au ministère des Finances?

M. Parizeau: Non.

M. Biron: Indéfiniment, ils vont s'accumuler dans les mains du curateur.

M. Parizeau: Indéfiniment. ! M. Biron: Jusqu'à la nouvelle loi.

M. Parizeau: Jusqu'à ce qu'on décide ce que l'on en fera. A l'heure actuelle, cela s'accumule et cela sert, jusqu'à un certain point, de réserve à la curatelle.

M. Biron: Cela fait combien d'années que cela s'accumule comme cela? La Curatelle publique existe depuis combien d'années, vingt ans, vingt-cinq ans?

M. Parizeau: La Curatelle existe depuis 32 ans, mais cette pratique existe depuis cinq ans.

M. Biron: Que faisait-on avant avec les biens sans maître?

M. Garneau: Des comptes secrets en Suisse?

M. Parizeau: Quand on remonte cinq ans en arrière, suivez mon regard, il n'y en a qu'un seul qui peut répondre.

M. Garneau: Malheureusement, il n'est pas ici. Durant les quelques années où j'ai été ministre des Finances, il y avait un ministre d'Etat qui avait un arrêté en conseil et qui devait s'occuper administrativement de la Curatelle publique. Je ne pense pas avoir passé beaucoup plus que les moments à la commission parlementaire des crédits avec le curateur. Je n'en sais pas beaucoup plus long là-dessus.

M. Parizeau: Le sous-ministre qui, normalement, assure la continuité vient de me dire que très originalement cela retournait au fonds consolidé.

M. Garneau: C'est comme le surplus de la Régie de l'assurance-maladie.

M. Parizeau: Comme beaucoup de choses.

M. Garneau: Je voulais savoir si, dans la liberté qui est laissée au curateur public, il est mis à profit, à l'occasion, pour soutenir les titres des CEGEP, des hôpitaux ou des universités sur le marché secondaire?

M. Parizeau: Le marché secondaire, de toute façon, pour ces obligations, n'est pas très épais. Il y a une chose de claire, en tout cas, c'est qu'aucune instruction ne lui est donnée en ce sens. S'il décide d'oeuvrer sur le marché secondaire de titres comme ceux-là, cela dépend de lui.

M. Garneau: Peut-être que la question pourrait s'adresser davantage à ceux qui gèrent quotidiennement les titres. Je ne sais pas si cela se fait ou non. Je pose la question sans savoir la réponse.

M. Parizeau: Non. Encore une fois je reviens à ce que je disais tout à l'heure. Si cela marchait mal, c'est moi qui serais responsable. Si cela va bien, c'est moi qui le suis aussi. C'est à moi que la question s'adresse.

En pratique, l'essentiel des obligations est acheté au moment de l'émission. Mais si le curateur décidait que, sur le marché secondaire, une bonne occasion se présentait, ce serait à lui de décider, et il n'aurait pas de rapport à me faire.

M. Garneau: Non, cela je le comprends. Dans ces milieux, il est important, pour maintenir le marché, qu'il n'y ait pas de titres flottants à un moment donné. Même avec les gens de là gestion de la caisse, il n'y a pas de tels contacts. C'est ce que je comprends de la réponse du ministre.

M. Parizeau: Non. Il n'y a pas de contact entre le gestion de la caisse et le curateur.

M. Garneau: Pas la gestion de la caisse, la gestion de la dette, plutôt.

M. Parizeau: La gestion de la dette, c'est le curateur. Il n'y a pas de raison d'avoir de contacts.

M. Garneau: D'accord. C'est comme cela que j'ai compris le sens de la réponse.

M. Parizeau: Le curateur, à cet égard, fait ce qu'il veut sur le plan de ses placements. S'il trouve une bonne occasion sur le marché secondaire, grand bien lui fasse.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: Depuis 1945, donc depuis 32 ans, y a-t-il eu des poursuites contre le curateur public?

M. Parizeau: Rien, aucune. M. Michaud: Aucune.

M. Michaud: II y a des malades mentaux et ces malades mentaux ont des parents, je crois, et peut-être des successions ou des enfants, et cela aurait pu arriver.

Deuxièmement, une question...

M. Parizeau: De deux choses l'une: ou bien ils étaient impressionnés par la stature ou bien ils étaient impressionnés par la performance. Les deux.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, je voudrais savoir quand la curatelle prend charge des dossiers et à partir de quel montant. Quelqu'un peut léguer des biens pour un montant de $200; je pense que c'est $2000, j'ignore le montant, mais à partir de quel montant? Et quand prenez-vous en charge un dossier, à la suite d'une plainte ou seulement sur rapport d'un psychiatre?

M. Parizeau: Au moment de la prise en charge, c'est finalement lorsqu'un individu est reconnu comme étant incapable, au sens de la loi, que ses biens sont pris en charge, c'est-à-dire que, si le médecin constate et détermine qu'un individu est incapable, ses biens sont pris en charge, quel qu'en soit le montant. Il n'y a pas de minimum.

M. Goulet: II n'y a pas de minimum.

M. Parizeau: II n'y a pas de minimum. Il n'y a aucun rapport entre la décision du médecin, le constat du médecin, si vous voulez, et le montant en cause.

M. Goulet: Mais on ne voulait pas à un moment donné fixer un minimum parce qu'on disait que cela coûtait — j'ai certainement lu cela dans les journaux — plus cher à administrer les biens qu'on administrait et on voulait fixer un minimum.

J'ai vu cela au cours de février, je pense, il n'en a pas été question?

M. Parizeau: Non. Ecoutez, il faut s'entendre sur une chose, c'est que $500, dans certaines circonstances, c'est plus important que $5000. Même si on considérait que l'administration de $500 est quelque chose de coûteux, il faut que cela s'administre. C'est quand même une responsabilité élémentaire que le gouvernement a à voir à ce que ces biens soient administrés.

M. Goulet: Si vous permettez, j'ai le journal des Débats, à pareille date, l'an passé. Il y avait une question et M. Berthiaume disait exactement ceci: II faut dire encore une fois qu'il y a le jeu des mineurs qui deviennent majeurs, les incapables, les interdits qui auraient pris leur liberté. Maintenant, nous avons fermé beaucoup de dossiers. Evidemment, les $2000 et tout cela... Cela veut dire quoi, fermer beaucoup de dossiers?

M. Parizeau: Cela veut dire la surveillance que le curateur public exerce sur les curateurs privés. Comme il y a une foule de curateurs et tuteurs privés à travers le Québec, il y en a 30 000 en tout, il est évident que la surveillance que le curateur public doit exercer sur les 30 000 curateurs privés, là il faut mettre un minimum. Mais cela, c'est tout à fait différent des fonds que le curateur public administre lui-même. Alors les $2000 ne s'appliquent pas au curateur public dans l'exercice de ses fonctions comme curateur public mais dans l'exercice de ses fonctions comme surveillant des tuteurs et curateurs privés.

M. Goulet: Ah! c'est cela. M. Parizeau: C'est cela.

M. Goulet: Une dernière question, si vous me permettez, M. le Président? Est-ce qu'une famille ou des héritiers légaux, même si la personne n'est pas décédée, peuvent se substituer à la curatelle ou si c'est automatique, c'est pour tout le monde? Si quelqu'un n'est pas jugé apte à administrer des biens, est-ce que quelqu'un le peut par exemple, un frère ou un père? Ou est-ce automatique?

M. Parizeau: Non, si un conseil de famille décide de nommer un curateur privé ou un tuteur...

M. Goulet: Un tuteur.

M. Parizeau: ...bien sûr, en tout temps il peut le faire. Et c'est comme cela que 30 000 curateurs et tuteurs privés apparaissent.

M. Goulet: II devient automatiquement sous la tutelle...

M. Parizeau: Non, sous la surveillance de. M. Goulet: Sous la surveillance de. D'accord. M. Parizeau: C'est cela.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier.

M. Mercier: Est-ce que la curatelle hérite de biens qui nécessitent une administration quotidienne? Par exemple, est-ce qu'une entreprise peut essayer de liquider les biens pour les convertir en obligations ou si, à ce moment, on nommerait un curateur privé?

M. Parizeau: Le problème de la Curatelle publique, c'est qu'elle doit normalement remettre les biens dans l'état où elle les a trouvés. C'est une exigence essentielle du système. J'allais dire même quand ce n'est pas dans l'intérêt de celui dont les biens sont gérés. Lorsque, par exemple, quelqu'un est considéré comme aliéné mental pendant une certaine période de temps, et sur décision médicale cesse de l'être, il doit retrouver ses biens comme il les avait laissés. Cela pose des problèmes majeurs. C'est évident que, dans certains cas, on voit très bien qu'une situation puisse apparaître où il serait bien mieux de ne pas laisser les biens à l'Etat et de les convertir en autre chose. Mais, normalement, il faut lui remettre ses biens comme il les avait laissés. Il est évident qu'en période d'inflation, cela donne des résultats aberrants ou cela peut donner des résultats aberrants où, après dix ans d'inflation, le bonhomme se retrouve exactement avec le montant d'argent qu'il avait au départ. Dans l'intervalle, évidemment, les prix ont augmenté de 60%.

M. Biron: Est-ce que cela peut vouloir dire que les biens immeubles, le curateur peut les vendre et administrer le résidu liquide ou s'il faut qu'il administre les biens meubles et immeubles aussi tels quels?

M. Parizeau: On me dit que le seul cas où on peut vendre des biens c'est avec l'autorisation judiciaire. Il faut une autorisation de la cour. Autrement, même si la propriété se déprécie, il faut la lui rendre lorsque l'intéressé changera de statut du point de vue de la loi. Il n'y a que l'autorité judiciaire qui peut donner l'autorisation. Cela ne peut pas être une décision du curateur public.

M. Garneau: Le curateur public, dans cette fonction s'il gère une maison et que le toit est percé, je pense que c'est sa responsabilité de faire réparer cette chose. Cela m'amène à la question première de la discussion au cours de laquelle le ministre donnait son opinion sur le rôle du curateur et les modifications à la loi et au statut du curateur. J'avais cru comprendre, au départ, qu'il visait à lui enlever cette responsabilité de garantir sa gestion par ses biens privés. Est-ce que le ministre a considéré la possibilité de confier la curatelle à un curateur et à un conseil d'administration, ou si c'est davantage de l'intégrer dans le processus administratif du gouvernement?

M. Parizeau: Je ne sais pas encore si le curateur devrait normalement dépendre d'un conseil d'administration ou non, mais une chose, en tout cas, qui me paraît claire depuis quelques mois, c'est qu'il faut que le curateur ait, par rapport au gouvernement, une certaine indépendance, c'est-à-dire qu'il ne soit pas placé dans une situation qui, selon les aléas de la politique, peut lui garantir une paix royale pendant quelques années mais un contrôle très direct pendant d'autres années. Les régimes changent, les hommes changent. Il me paraît inconcevable qu'un fiduciaire — parce que c'est essentiellement un fiduciaire dont on parle — soit placé dans une situation pareille. Il faut qu'il puisse prendre certaines distances quant au gouvernement.

Est-ce que cela implique un conseil d'administration?

M. Parizeau: C'est une étape que je n'ai pas encore franchie. Ce sera à voir. L'orientation d'une certaine distance par rapport au gouvernement me semble claire. Les modalités viendront dans les jours qui viennent.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Comment se fait la surveillance des curateurs privés, des tuteurs privés? Vous avez dit tout à l'heure qu'il y a 30 000 tuteurs privés qui sont surveillés par le curateur public.

M. Parizeau: Chacun des curateurs ou des tuteurs doit présenter une fois par an un rapport de gestion. C'est sur la base de ce rapport annuel que la surveillance se fait.

M. Biron: Est-ce qu'on a assez de personnel pour faire une bonne surveillance dans ce domaine particulier? Je vois que l'augmentation du personnel est nulle à la Curatelle publique.

M. Parizeau: Ce qui est assez remarquable, d'autre part, c'est que non seulement elle est nulle, mais qu'il semble fonctionner très correctement en fonction du personnel existant.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres questions à l'élément 1 du programme 7? L'élément 1 est adopté?

M. Garneau: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Elément 2?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Programme 7 adopté. Pour le programme suivant, est-ce qu'on peut passer...

M. Garneau: Ce que le ministre suggérait tout à l'heure...

Le Président (M. Boucher): ... à la SAQ? M. Garneau: C'est cela que je voulais savoir.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'on peut passer au programme de la SAQ?

M. Parizeau: Qu'est-ce que vous préférez, qu'on passe les sociétés d'Etat avant le ministère des Finances? Je suis à la disposition de la commission.

M. Garneau: Cela ne me fait rien. On peut passer aux sociétés d'Etat, comme vous voulez. Faites votre choix.

M. Parizeau: Nous terminons à 11 heures, M. le Président? Si on passait les sociétés d'Etat, cela leur permettrait de retourner à Montréal plus rapidement. Si nous commençons par les sociétés d'Etat, on a le choix entre Loto-Québec, la SAQ ou la Caisse de dépôt.

M. Biron: On serait mieux de garder la SAQ pour la fin de la soirée.

M. Garneau: Cela nous permettrait de prendre un verre, s'ils ont apporté quelque chose.

M. Michaud: On a des échantillons.

M. Parizeau: A votre choix, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Le programme? M. Garneau: II n'y en a pas de programme.

M. Parizeau: II n'y a pas de programme, n'est-ce pas. Il faut bien s'entendre! SAQ, Loto-Québec, sauf par SODIC et Caisse de dépôt n'émargent pas, n'apparaissent pas dans les crédits. Il est évident que, puisque cela relève du ministre des Finances, la commission peut poser toute question qu'elle juge utile.

Loto-Québec

Le Président (M. Boucher): Alors, disons qu'on passe à Loto-Québec. M. le ministre des Finances, est-ce que vous avez des commentaires ou si vous préférez attendre les questions?

M. Parizeau: Je vais faire une courte introduction sur la question de la Loto-Québec. Tel qu'elle fonctionne à l'heure actuelle, la Loto-Québec comporte une série de paliers de distribution au gros et au détail de billets correspondant à divers types de loteries. Nous avons, depuis déjà quelque temps, annoncé une réforme de cette structure, qui porte essentiellement sur les concessionnaires, non pas qu'on ne puisse pas améliorer le système de distribution à d'autres paliers et que, sur le plan, par exemple, de l'implantation de kiosques dans les lieux publics ou bien de kiosques temporaires, à l'occasion de manifestations publiques, on ne puisse pas développer des choses qui se font déjà, mais il est évident que le problème auquel nous nous sommes adressés, d'abord et avant tout, est celui essentiellement des concessions.

Il y a diverses possibilités. L'une de ces possibilités a trait à remplacer les concessionnaires actuels par d'autres concessionnaires choisis à peu près en vertu des mêmes critères que les précédents, même si ce ne sont pas les mêmes individus, ou bien à les remplacer par des associations d'intérêt public, clubs de l'âge d'or, associations de handicapés, etc. Il faut dire, d'ailleurs, que ce travail de concessionnaire n'est pas exactement un travail forçant. Une troisième possibilité existe qui consiste à remplacer tout le système des concessionnaires par quelques employés permanents de Loto-Québec, qui seraient beaucoup moins nombreux d'ailleurs, justement parce que le travail de concessionnaire n'est pas très forçant. De ces trois formules, l'une est particulièrement sympathique, si je peux m'exprimer ainsi. Elle consiste à utiliser ces associations à intérêts publics dont je parlais tout à l'heure. Il n'est pas, cependant, inévitable d'utiliser ces associations au niveau des concessionnaires. On pourrait fort bien leur consacrer l'expansion du système des kiosques en lieux publics ou des kiosques temporaires.

Parce que là aussi, il y a une possibilité de faire de l'argent. En pratique, il me reste à choisir essentiellement entre deux options: ou bien avoir ces associations comme concessionnaires, ou remplacer tout le système de concessionnaires par des employés permanents. C'est une possibilité. Ou bien d'embarquer les associations dont je viens de parler au niveau des kiosques. La décision doit venir, normalement, dans les semaines qui viennent.

Deuxième problème, les rapports de Loto-Québec avec Loto-Canada, d'une part, et les autres loteries provinciales, d'autre part. Il y a eu, dans le cours de 1976, une série de tractations entre Loto-Québec et le gouvernement de Québec, d'autre part, et puis les autres provinces, qui n'ont pas abouti. Et en un certain sens, je ne peux pas éviter de trouver cela dommage.

Les autres provinces étaient disposées à reconnaître que si une entente interprovinciale se produisait pour établir un système de loterie contrôlé par les provinces, les provinces s'entendraient pour que, dans un premier temps, on assure au gouvernement de Québec une partie du financement des Jeux olympiques avec un montant. Le gouvernement fédéral qui voulait, lui, établir Loto-Canada et entrer dans ce secteur, a donné au gouvernement de Québec les assurances, non pas les assurances, une persuasion morale que Loto-Canada pourrait fournir un montant défini de financement pour les Jeux olympiques.

Le gouvernement de Québec a décidé de jouer avec le gouvernement fédéral, plutôt que de s'entendre avec les autres provinces. Le résultat c'est qu'en 1977 on est placé dans la situation suivante: les autres provinces ont lancé leur loterie; elles n'ont aucune espèce d'engagement quant au déficit des Jeux olympiques, bien sûr. Le gouvernement fédéral a lancé Loto-Canada dont on voit, à la suite des premiers tirages, que cela ne rapportera ni $350 millions, ni $300 millions tel que

prévu, mais qu'on va avoir de la chance si cela rapporte $150 millions.

Dans ces conditions, j'ai repris, depuis quinze jours, à la suite de démarches faites auprès de moi par deux provinces, les négociations avec les autres provinces du Canada, pour voir dans quelle mesure on ne peut pas s'entendre sur une base interprovinciale, exactement comme il avait été prévu il y a au-delà d'un an.

Il est évident que ce marché qui a été fait entre Québec et le gouvernement fédéral sur Loto-Canada a été un marché de dupes. Le premier tirage a rapporté $14 millions, le second a rapporté $7 millions. On est très loin des $300 millions ou $350 millions qui avaient été prévus pour l'ensemble des tirages.

Voilà à peu près les éléments liés à la situation de Loto-Québec que je voulais présenter ce soir, M. le Président.

M. Garneau: Je ne sais pas au juste qui a informé le ministre des Finances de la dernière partie de son exposé, mais il y a des bouts où il n'a pas eu la même version que j'ai eue, dans le temps. Mais je reviendrai là-dessus, tout à l'heure. Je voudrais commencer par le début et savoir quelle est la philosophie que le gouvernement entend appliquer concernant les jeux de hasard?

En d'autres mots, est-ce que c'est dans la politique du gouvernement du Québec actuel de favoriser l'expansion des loteries au Québec, ou si, dans son idée, c'est de maintenir le statu quo sur le développement des loteries?

L'approche de financer une partie des activités publiques par le jeu de hasard est-elle une chose acceptée par le gouvernement actuel non seulement en termes de statu quo pour le nombre de loteries, mais est-ce l'intention du gouvernement d'accroître le nombre et la forme de ces loteries auprès des citoyens du Québec?

M. Parizeau: A cet égard, je préfère, sur toute espèce de plans, que le gouvernement se finance par des loteries plutôt que par des augmentations d'impôts. Cela me paraît plus sain et, en tout cas, plus juste dans la mesure où l'impôt s'applique a tout le monde alors que la loterie s'adresse exactement à ceux qui veulent s'en servir, moyennant quoi il est évident qu'il faut examiner l'expansion des genres de loteries. Il y a des loteries qui sont une telle incitation au jeu que cela passe les bornes de l'acceptable. Toute loterie n'est pas nécessairement, sur ce plan, acceptable sur la base d'une moralité élémentaire. Je comprends la nécessité d'être sélectif; d'un autre côté, je ne vois pas pourquoi on se limiterait au statu quo et, si tant est que d'autres bonnes idées de loterie apparaissent, je ne vois pas pourquoi on ne les examinerait pas au mérite.

Donc, réponses: Le statu quo? Non, pas nécessairement. N'importe quel genre de loteries? Non, non plus.

M. Garneau: Quand le ministre parle de certaines loteries, il n'indique pas le genre qu'il aurait à l'esprit dans le sens négatif du terme. Je pour-rais lui suggérer deux types. Par exemple, est-ce que le gouvernement serait favorable à l'installation d'une loterie instantanée? Comme on le trouvait d'une façon illégale autrefois, des gens arrivent dans une tabagie, dans un restaurant et poinçonnent, percent un trou dans une carte quelconque pour avoir $10 ou $25, par exemple. Voici un exemple de loterie sur lequel j'aimerais avoir l'opinion du ministre. Encore, l'établissement de casinos, par exemple, qui est une forme de jeux de hasard, une forme de loterie, également.

M. Parizeau: La loto instantanée a donné lieu à beaucoup d'hésitations du précédent gouvernement, et je le comprends parfaitement. A cet égard, moi non plus, je ne suis pas branché sur la loto instantanée. Entre la loto instantanée et les machines à sous, je ne vois pas de différence majeure. Dans ce sens, bien que je ne sois pas branché, je dois ici faire état de mes hésitations qui, je dois le dire d'ailleurs, enragent pas mal de gens autour de moi qui aimeraient bien que je me branche depuis déjà un certain temps. Dans le genre: Oui ou non, mais dites quelque chose. Je suis indécis.

Il est évident que c'est à la limite, vraiment, de l'incitation à des types de dépenses où possiblement, des tas de gens, sans nécessairement trop réfléchir, peuvent s'embarquer. C'est toujours le problème, d'ailleurs, de beaucoup de formules de publicité où, à un moment donné, on se demande: A partir de quel moment pratique-t-on le viol des foules? C'est la même chose et j'hésite.

Quant aux casinos, il n'y a pas de projet, à l'heure actuelle, à ma connaissance en tout cas; il n'y a pas de projet préparé de casinos, mais j'adorerais qu'il y ait des casinos au Québec. Je trouverais cela absolument étonnant. C'est très bien, les casinos, cela a une atmosphère tout à fait spéciale. Je réagis tout à fait personnellement, je n'engage, d'aucune espèce de façon, le gouvernement. Moi, j'adore les casinos! Dans les pays où il y en a, je les fréquente avec rage, pas tellement pour y jouer, d'ailleurs, parce que c'est lassant, mais à cause de l'atmosphère, pour regarder le monde. C'est très bien. C'est tout à fait autre chose et cela s'adresse d'ailleurs, dans la mesure où on définit un casino, en fonction d'une certaine clientèle. On peut fort bien définir le casino en fonction d'une clientèle qui, si je peux m'exprimer ainsi, a les moyens.

M. Garneau: Dans le domaine de la loterie instantanée, je dois dire que c'est là une question sur laquelle — il n'y en a peut-être pas beaucoup, mais celle-là, oui — je suis d'accord avec le ministre dans son hésitation.

La limite entre l'incitation directe offerte à tout le monde, d'une façon aussi facile et aussi rapide, est certainement un problème qui mérite réflexion, mais pour revenir au casino, le ministre se dit d'accord avec le principe de l'établissement des casinos. Est-ce l'intention du ministre des Finances ou du gouvernement d'envisager l'établisse-

ment de tels casinos à plus ou moins brève échéance ou si le ministre va continuer à aller à l'extérieur pour voir l'atmosphère des casinos pour quelque temps encore, si je comprends bien?

M. Parizeau: II n'y a aucun projet quant au casino, aucun projet en cours à ma connaissance en tout cas, mais puisqu'on me posait une question à savoir si j'aime cela ou pas, je disais: Oui, j'aime cela. Pour revenir à la loterie instantanée, on va faire une expérience de loterie instantanée à l'occasion des fêtes de la Saint-Jean, histoire de voir. Cela ne veut pas dire qu'on va être branché définitivement en fonction de cela, mais on va voir. Et peut-être justement une des façons de sortir de l'hésitation c'est d'essayer, mais sur une base dont on sait qu'elle n'est pas permanente, rien que pour voir ce que cela donne.

M. Garneau: M. le Président, rien qu'une petite question.

Le Président (M. Boucher): Le député de Lotbinière.

M. Biron: M. le ministre, vous ne croyez pas, considérant les revenus que Loto-Québec a apportés au gouvernement, qu'on a atteint un point de saturation quant aux loteries au Québec? Il semble que les revenus sont un peu plus bas que l'inflation. Donc, j'ai comme l'impression qu'on a atteint un point de saturation.

M. Parizeau: M. le député de Lotbinière a l'inflation large. Si vous tenez compte du fait qu'en 1972 c'était rodé, que cela ramassait $31 millions et qu'en 1977, sur la base des premiers mois, on établit à peu près cela à $70 millions, cela monte très gentiment. Non, c'est très bien, c'est une bonne source de revenu, mais je pense que ce qu'il y a de plus intéressant ici c'est de comparer ce que cela rapporte au Québec par rapport à ce que cela rapporte dans un certain nombre de pays d'Europe qui ont rodé des systèmes depuis très longtemps. On se rend compte qu'ils vont chercher davantage, toutes proportions gardées, que ce qu'on va chercher.

Maintenant il faut rentrer cela dans les moeurs, d'une part, et puis, d'autre part, il faut avoir un bon système de distribution. Or, le système de distribution de Loto-Québec est déjà pas mal, mais il y a beaucoup de progrès à faire sur le plan de la localisation des kiosques dans' tous les milieux publics, etc. Il y a encore pas mal de travail à faire de ce côté pour vraiment l'implanter partout.

Encore une fois, il faut bien comprendre. Est-ce qu'on va aller chercher les dollars par le jeu ou si on va aller les chercher par l'impôt? A un moment donné, le choix est toujours comme cela. Moi, entre aller chercher $70 millions par un impôt additionnel et $70 millions additionnels par le jeu, j'aime mieux aller les chercher par le jeu. Au moins, ceux qui ne veulent pas jouer ne payent pas.

M. Biron: Quelle est la classe de clients, comme on peut appeler cela, de Loto-Québec? Est-ce que c'est surtout au-dessus de la moyenne ou des gens qui gagnent un revenu dans la moyenne ou en bas de la moyenne? Est-ce que cela a déjà été...

M. Parizeau: Je me souviens d'avoir vu des chiffres qui semblaient établir une espèce d'équité sociale extraordinaire sur ce plan. J'ai l'impression que tout le monde jouait à tous les niveaux, mais qu'il y avait encore une loterie à monter pour les très riches. Il est clair que sur le plan des très riches on n'a pas encore trouvé l'instrument pour aller leur siphonner vraiment ce qu'il faut aller siphonner. C'est pour cela que je ne voulais pas me barrer les jambes tout à l'heure à l'égard de la question du député de Jean-Talon.

On m'a montré là des possibilités du côté du très riche qui n'ont vraiment pas encore été tout à fait suffisamment explorées. Cela semble être réparti dans toutes les classes de la société. Là, encore, il y a des expériences qui ont été faites à l'étranger, et on se rend compte qu'il y a des moyens d'aller toucher la corde sensible du joueur riche qu'on n'a pas encore tout à fait. On a mis l'accent peut-être davantage, enfin peut-être un peu trop sur le phénomène du jeu populaire et de masse et pas suffisamment sur le jeu sélectif de celui qui adore cela jouer pas mal d'argent à la fois.

On trouve ses "thrills" où on peut.

M. Biron: Est-ce que vous croyez qu'en changeant nos concessionnaires on pourra rejoindre cette qualité de gens riches qui ne jouent pas assez, d'après vous? Quelles seront les ventes potentielles en changeant les concessionnaires?

M. Parizeau: J'ai l'impression qu'à l'heure actuelle, qu'on change les concessionnaires dans un sens ou dans l'autre, de toute façon cela ne changera rien du tout. Il y a $5 millions qui sont distribués au niveau des concessionnaires, qui n'ajoutent rien et n'enlèvent pas grand-chose. Mon problème, c'est de savoir si on distribue ces $5 millions à toute espèce d'association sociale qui pourrait trouver cela utile d'avoir de l'argent, comme cela, plutôt que de quêter constamment ou bien si simplement on remplace cela par un système d'employés de la Loto-Québec. L'économie en cause est d'environ $5,5 millions.

Si l'on remplaçait par un système de distribution à l'aide d'employés, on gagnerait $5,5 millions. La commission aux concessionnaires totale est de $11 millions. Une bonne partie de ce travail est du non-travail.

M. Biron: $11 millions. J'ai escomptes et commissions aux vendeurs, $21 millions, et frais de distribution et ventes, $10 millions.

M. Parizeau: Non. Je parle des commissions aux concessionnaires seulement, c'est $11 millions.

M. Biron: Plus les frais de distribution et ventes?

M. Parizeau: Les frais de distribution et ventes vont au-delà de $11 millions. $11 millions, c'est ce qui va aux concessionnaires. Maintenant, attention, les concessionnaires louent des services, enfin, embauchent du monde, des camionneurs, des distributeurs, etc. Si on supprime les concessionnaires, il va falloir aussi qu'on ait le même réseau de distribution. Si on supprimait les concessionnaires demain matin et qu'on avait un réseau de distribution à la place, on épargnerait $5,5 millions.

Mon problème, c'est de dire ceci: Est-ce qu'on supprime tous les concessionnaires, on remplace cela par un réseau de distribution normal et on empoche comme gouvernement $5,5 millions? Ou bien est-ce qu'on nomme comme concessionnaires toute une série d'associations sociales dont je parlais tout à l'heure et qu'on leur distribue les $5,5 millions en question? Au lieu d'avoir toutes sortes d'associations, de clubs de l'âge d'or, de fédérations de handicapés, qui viennent constamment au gouvernement la main tendue, en disant: Vous ne pourriez pas nous donner un peu d'argent, on leur dirait: Voilà, vous avez les concessions de Loto-Québec, débrouillez-vous avez cela.

M. Biron: A l'heure actuelle, M. le ministre, on est assuré d'un revenu que l'on connaît. On sait qu'il augmente chaque année et on connaît nos coûts. Est-ce qu'on est assuré qu'en changeant la méthode d'agir, avec les concessionnaires, on va véritablement garder nos ventes avec la même augmentation prévisible et est-ce qu'on va véritablement pouvoir économiser nos $5,5 millions? Autrement, si on change juste les concessionnaires pour le plaisir de les changer, je ne vois pas d'avantages possibles pour le gouvernement de jouer là-dedans.

M. Parizeau: II est évident que, encore une fois, remplacer les 75 concessionnaires actuels par 75 concessionnaires qui auraient cette seule caractéristique d'être un peu plus près du gouvernement actuel que les autres, on ne gagne rien, cela ne donne rien. De toute façon, c'est du non-travail.

Remarquez que les concessionnaires, au début, ont probablement joué un rôle important pour l'implantation de la loto, mais, depuis quelques années, c'est absolument sans objet.

M. Biron: Vous voulez dire que chaque concessionnaire fait en moyenne $150 000 de revenus, si je considère les chiffres que vous m'avez donnés tout à l'heure?

M. Parizeau: II y en a quelques-uns qui font pas mal plus que cela.

M. Biron: Vous avez dit $11 millions pour 75 concessionnaires; rapidement, cela fait $150 000 par concessionnaire.

M. Parizeau: Attention, brut, parce que n'oubliez pas que, sur les $11 millions qu'ils reçoivent, ils embauchent des chauffeurs, des camions, etc. Si vous voulez avoir une idée plutôt nette du phénomène, prenez la moitié de la somme ou quelque chose comme cela. Cela fait encore quelque chose de très agréable.

M. Garneau: Dans le cas des concessionnaires, M. le Président, lorsque...

Une Voix: Ils sont les mieux payés.

M. Parizeau: Non, c'est tout de suite après les médecins spécialistes et avant les ministres, alors que le médecin spécialiste travaille pas mal et que le ministre, on l'espère, travaille beaucoup, celui-là, c'est plus douteux.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jean-Talon, je m'excuse. Est-ce que le député de Lotbinière avait terminé? Il y avait M. le député de Laprairie. Est-ce une question complémentaire sur le même sujet? D'accord.

M. Garneau: C'est sur le même sujet. Tout à l'heure, on avait commencé par les jeux. J'essayais de suivre le même processus que le ministre avait indiqué dans ses remarques d'ouverture. Concernant les concessionnaires, j'ai été responsable de Loto-Québec jusqu'à vers la fin, je pense, quand j'ai été nommé ministre de l'Education en 1975.

Quelque temps avant, à la suite d'une rencontre que j'avais eue avec le conseil d'administration, on avait demandé, et d'ailleurs je l'avais fait par écrit, je crois, au conseil d'administration de la loterie, parce qu'il faut bien comprendre que, là aussi... Le ministre, tout à l'heure, faisait allusion à la distance qu'il y avait entre le curateur public et certains organismes étatiques. Loto-Québec est justement une société qui, dans le cadre juridique actuel, a une autonomie d'action qui est très grande.

M. Parizeau: Plutôt totale que très grande.

M. Garneau: Qui est totale, dans le fond. Il pourrait envoyer paître le ministre n'importe quand. D'ailleurs, c'est ce qu'on a fait. Sur le plan juridique, oui.

M. Parizeau: Sur le plan juridique. M. Garneau: Parfaitement.

M. Parizeau: Sauf qu'elle dépend du ministre seulement, pas du ministère.

M. Garneau: Oui, c'est cela. J'avais demandé à la société d'entreprendre une étude de redistribution des districts, parce qu'après deux ans ou trois ans d'existence, on sortait des chiffres de revenus aux concessionnaires qui étaient réellement mirobolants. Vous parliez tout à l'heure de $150 000. Si ma mémoire est fidèle, il y en a qui faisaient plus que cela.

M. Parizeau: C'est la moyenne. Par définition, il y en a qui gagnent pas mal plus.

M. Garneau: Des choses assez inacceptables. Pour les mêmes raisons qu'indique le ministre, j'avais discuté avec le conseil d'administration, dans le temps, de voir comment il était possible de donner ces agences à des groupes sociaux. Exemple: il y avait eu des pressions faites par des groupes d'assistés sociaux. Une expérience avait été faite depuis le début avec la traversée du lac Saint-Jean qui avait la vente des billets pour financer une partie des activités de la traversée. Cela avait débouché sur une étude assez complexe qui avait été faite des territoires pour tenter de ramener, dans le cadre de l'utilisation du secteur privé, la délimitation des territoires à des nombres qui n'auraient pas produit des chiffres de revenu totalement inacceptables.

Je ne sais pas au juste comment a évolué cette chose. Est-ce une orientation qui a été mise de côté pour favoriser maintenant une autre approche qui serait celle du fonctionnarisme des agences, c'est-à-dire que Loto-Québec le ferait elle-même, et quelle est la réaction actuellement du conseil d'administration? Dans le temps, il y avait une réticence assez forte face à la possibilité de donner de telles agences à des groupes sociaux de la part du conseil. On prétendait que donner cela à des groupes qui ne seraient pas motivés par le désir de faire du profit, en fait un vendeur, cela risquait d'amoindrir les revenus de Loto-Québec. Et même on disait que le résultat assez fantastique de réussite de Loto-Québec en si peu de temps, comparé à d'autres organisations semblables, c'était probablement dû au système de distribution.

L'étude a été entreprise, je ne sais pas au juste où cela en est rendu. Est-ce que cela a produit des résultats ou pas du tout? Ou n'y a-t-il pas possibilité de faire de tels redécoupages de territoire, de façon que le revenu d'un homme qui travaille là-dessus soit rémunéré justement mais pas d'une façon indue?

M. Parizeau: Je dois dire que, de toute façon, comme ces discussions ont eu lieu au tout début de 1975, s'il y avait eu des raisons pour que cela aboutisse, j'imagine que cela aurait abouti dans l'année et demie qui a suivi. Quand même, ce n'est pas la lune de savoir ce que 75 concessionnaires font ou ne font pas. Un an et demi, cela me paraît long pour se brancher là-dessus.

Deuxièmement, le fait que Loto-Québec ne relève exclusivement que du ministre fait que le ministère n'a à peu près aucun renseignement. Sauf les entrées d'argent, à tous les mois, le ministère n'a aucune espèce de renseignement sur la façon dont cela fonctionne. C'est le ministre qui le sait et très normalement. D'aucune espèce de façon je ne voudrais imputer quelque arrière-pensée que ce soit ici. Très normalement, quand le ministre s'en va, les papiers partent avec lui. J'aurais le droit de faire cela moi aussi. La loi me reconnaît ce droit. Le résultat, c'est que lorsqu'un nouveau ministre se présente, il n'y a pas une once de papier, il n'y a rien. On commence à zéro avec des études qui ont été faites sans doute, il y a un an, un an et demi, mais sans archives. Il y en a à Loto-Québec, bien sûr.

C'est complètement aberrant d'imaginer que des sociétés d'Etat de cette façon ne relèvent que d'une personne et ne relèvent jamais du ministère lui-même. On peut me dire et bien sûr qu'on me dit: Des études ont été faites il y a trois ans, il y a quatre ans. Je dis ceci: Quand je suis entré, il n'y avait pas un papier, ce qui était parfaitement légal, mais il n'y avait pas un papier. Pour commencer, il faut faire tabula rasa et dire: Maintenant comment penser faire fonctionner cela correctement? Dans ce sens, c'est ce que j'ai fait. On a repris l'étude du fonctionnement de Loto-Québec comme si on n'avait rien devant nous, ce qui était d'ailleurs, soit dit en passant, rigoureusement exact.

De ces études des quelques derniers mois, je dégage l'impression majeure mais fondamentale pour moi qu'un concessionnaire, depuis déjà quelques années — je ne parle pas de 1971 et de 1972 au moment de l'implantation, c'était autre chose mais, depuis quelques années — ne sert pas à grand-chose. C'est un travail à la limite très simple qui peut être assumé par à peu près n'importe qui et c'est d'ailleurs pour cela qu'on distribue des concessions comme celles-là. On peut les donner à n'importe qui puisque, de toute façon, n'importe qui peut faire cela.

Alors, je reviens à ce que je disais tout à l'heure. Ou bien c'est n'importe qui ou bien on abolit le travail, on abolit les postes. Si c'est n'importe qui, je veux que ce soient des associations qui en ont besoin, ou bien on abolit les postes. C'est l'un ou c'est l'autre. Je me promets au moins une chose, je ne quitterai pas le ministère des Finances avant que ces sociétés d'Etat relèvent du ministère et non pas du ministre. Je ne veux pas que mon successeur soit placé dans la même situation de se trouver devant des classeurs vides, parce que les classeurs étaient partis avec les papiers et ils sont revenus vides quelques jours plus tard. Cela n'a pas de bon sens. Comme on dit en swahili: It is a hell of a waiter on a railroad!

M. Biron: Cela veut dire qu'il y aura des changements au cours des prochains mois.

M. Parizeau: Oh oui!

M. Garneau: M. le Président...

M. Parizeau: J'insiste, il n'y a rien d'incorrect, d'illogique ni d'illégal là-dedans. C'est dans la logique propre du système. Cela a toujours fonctionné comme cela et d'aucune espèce de façon je ne mets en cause le député de Jean-Talon. Cela fait longtemps que cela existe dans notre système, cela n'a pas été créé par le gouvernement précédent, cela a été créé par une succession de gouvernements mais cela n'a pas d'allure.

M. Garneau: M. le Président, je voudrais dire là-dessus que, si le ministre avait communiqué avec moi, j'aurais pu lui donner des photocopies

de toutes les lettres que j'avais, mais ce n'est pas l'objet de mes remarques parce que les dossiers importants, dans de tels cas — pour ce qui est de la Caisse de dépôt en particulier, on reviendra là-dessus, les communications sont relativement simples — sont chez le sous-ministre.

Pour ce qui est de Loto-Québec, le ministre dit qu'il n'y avait rien dans son bureau comme tel. Quand j'ai quitté, je ne savais pas qui serait ministre des Finances. J'avais laissé une note sur le bureau d'une façon anonyme parce que le Conseil des ministres n'avait pas été assermenté à ce moment, disant que j'étais à la disposition de mon successeur pour de tels renseignements. Mais il reste un fait. Toutes ces études et tous ces documents étaient entre les mains du fonctionnarisme, qui relève du ministre et qui était Loto-Québec, comme c'est le cas avec la Société des alcools ou d'autres sociétés. Le ministre n'a pas répondu à ma question directement pour savoir si ces études étaient concluantes quant à lui. Dans le cas où les études qui avaient été faites ne lui plaisaient pas — études que je n'ai pas vues parce qu'à ce moment je n'étais plus responsable de Loto-Québec — est-ce qu'il peut m'indiquer si son intention c'est de s'en aller vers la fonctionnarisation de cette fonction de distribution? Dans le cas des agences, je pense qu'il est bon de faire une distinction entre le vendeur qui est en contact avec le client et le grossiste qui distribue aux multiples points de vente qu'il y a. Si je comprends bien le ministre, son orientation semble être vers la fonctionnarisation de cette fonction où la société Loto-Québec, pour employer l'expression qu'il a utilisée tout à l'heure, achèterait elle-même ses camions, engagerait du personnel et ferait la distribution dans tout le Québec à partir de fonctionnaires qui relèveraient de la société. Est-ce l'orientation que veut prendre le ministre dans ses discussions avec la société, pour autant que la société veuille les accepter dans le contexte juridique actuel?

M. Parizeau: Comme je vous le dis, il y a deux possibilités et je n'en vois que deux. Ou bien, effectivement, le remplacement des concessionnaires par des employés de Loto-Québec, en beaucoup moins grand nombre, d'ailleurs. Il est évident que l'on a fait l'étude de façon assez systématique à cet égard, et les 75 concessionnaires, on pourrait les remplacer par six bureaux régionaux avec quatre employés dans chaque bureau. L'étude a été faite, l'implantation, tout cela est prêt. Ou bien, passer les concessions à des associations. L'un ou l'autre. La différence entre les deux formules, c'est $5,5 millions, je vous dis cela. C'est une décision qu'il y a à prendre, mais, pour moi on n'a le choix qu'entre l'une ou l'autre formule.

Quant aux études qui consisteraient à dire: M. Untel fait $240 000 dans sa concession, cela nous paraît beaucoup, on va réduire cela à $172 000, je n'y crois pas un seul instant. Si vraiment la fonction est une non-fonction, pour moi, gaspiller $170 000, c'est la même chose que gaspiller $240 000. Ce n'est pas parce qu'on réduit le gaspillage de quelques milliers de dollars et qu'on ra- mène le revenu d'un concessionnaire plus près de celui d'un premier ministre que l'opération est meilleure.

M. Garneau: Est-ce que dans cette analyse dont le ministre semble avoir une copie qui lui aurait été fournie, on fait mention sur de l'exploitation de ces loteries ailleurs dans le monde? Est-ce qu'il y a plusieurs endroits où c'est fonctionnarisé, ou s'il n'y en a pas du tout?

M. Parizeau: Dans les quelques cas que j'ai vus de financement, il y a tout ce qu'on veut comme formules. Il y a rigoureusement tout ce qu'on veut. Si vous trouvez trois pays qui se ressemblent sur ce plan, chacun trouve sa formule.

M. Garneau: D'une façon générale, la seule que j'ai vue c'est en France, c'était le tiercé et c'était fait par l'entreprise privée dans le sens de concessions. Je ne sais pas comment ils fonctionnaient, je ne sais pas si le bon patronage existait là-bas ou pas, mais il y avait des choix qui devaient se faire de quelque façon. J'ai assisté une fois au comptage des billets du tiercé en France. C'étaient des individus qui le faisaient un peu sur la même base que les agences, mais pour d'autres pays comme l'Angleterre, par exemple, l'Allemagne où c'est très développé, la Suède aussi, je crois, est-ce que le ministre a des indications ou s'il n'en a pas?

M. Parizeau: Sur la façon dont la Suède ou l'Allemagne fonctionnent, je n'ai pas la moindre indication. Mais quant à la façon, comment dire, quant à utiliser l'exemple français pour avoir été ce que j'imagine peu de gens ont été ici, c'est-à-dire fonctionnaire du gouvernement français dans les années cinquante, c'est un exemple que je laisserais de côté.

M. Garneau: Ce n'est pas... Evidemment...

M. Raynauld: A ce moment, cela ne devient qu'une option. Il ne reste plus qu'une seule option.

M. Parizeau: J'aurais beaucoup à dire comme ancien fonctionnaire de l'Etat français, mais en fait, c'est autre chose. Encore une fois, j'en reste à ce que je disais tout à l'heure: A mon sens, il y a un choix entre deux options.

M. Garneau: A quel moment le changement se ferait-il pour l'une ou l'autre des options?

M. Parizeau: II faudrait être branché d'ici un mois, un mois et demi.

M. Garneau: Actuellement, comment fonctionnent les contrats avec les distributeurs? Est-ce qu'ils sont renouvelés au jour le jour, au mois, tous les six mois ou tous les deux mois? Comment?

M. Parizeau: Les concessionnaires, par les distributeurs?

M. Garneau: Les concessionnaires.

M. Parizeau: Les concessionnaires ont été renouvelés au 31 décembre, tous avec un préavis de 30 jours.

M. Garneau: De telle sorte qu'à un mois d'avis, tout le nouveau système pourrait être mis...

M. Parizeau: A un mois d'avis, on implante un nouveau système.

M. Garneau: Le ministre est convaincu qu'avec un système au niveau de ce qu'on pourrait appeler les fonctionnaires, c'est-à-dire des gens de la Fonction publique qui feraient ce genre de travail, la motivation au travail et à la vente, la promotion de la vente pourrait être aussi efficace qu'avec celui qui est là. Les études sont de nature à l'orienter dans ce sens.

M. Parizeau: Compte tenu du peu de motivation qui reste au niveau des concessionnaires, M. le Président, pour moi, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. D'autre part — et je vais ajouter que c'est une dimension croustillante, mais importante — il faut quand même tenir compte du fait que dans ce système de distribution qui a été monté, il y a, à l'heure actuelle, des enquêtes de police assez nombreuses qui ont abouti, dans deux cas, à des poursuites judiciaires.

Elles démontrent bien, je pense, le danger des formules qui ont été utilisées jusqu'à maintenant. En particulier, pour ce qui est public — nous attendons que ce qui n'est pas public le devienne — j'ai devant moi, par exemple, des poursuites intentées contre un monsieur en vertu de 22 chefs d'accusation, qui a exigé, accepté ou convenu d'accepter d'un autre monsieur, secrétaire-trésorier d'une compagnie au profit de lui-même, ou, dit le chef d'accusation, du Parti libérai du Québec une somme d'environ $15 000. Quand vous en arrivez à des choses comme celle-là, vous vous dites qu'il est temps de changer de système. Moi, quand on me dit qu'on pourrait peut-être arranger cela de façon que celui qui gagne $240 000 en gagne $160 000, bien je dis oui!

M. Garneau: Ce que le ministre met en cause, c'est l'honnêteté d'individus, mais la même chose pourrait exister avec n'importe quelle formule. Cela ne veut pas dire qu'un bonhomme qui serait engagé sur une autre base ne pourrait pas également commettre des gestes répréhensibles. S'il y a des gens qui ont commis de tels gestes, en fait, ils en répondront devant les tribunaux. Mais ce qui me préoccupe, actuellement, c'est de vouloir... Evidemment, c'est une approche avec laquelle je suis prêt à souscrire. Dans le temps, l'administration de Loto-Québec nous mettait en garde contre la baisse des ventes si de telles choses se produisaient. En termes de motivation à la vente, est-ce que le ministre est convaincu, aujourd'hui, et a reçu de la part des administrateurs de Loto-Québec — ils ont changé, d'après ce que j'ai compris; le président-directeur a changé vers le milieu de 1976 — des rapports et des études qui lui indiquent que la promotion des ventes sera aussi bonne et que les revenus escomptés de $85 millions pourront être maintenus? Est-il satisfait de ce genre d'études? Sur le reste, évidemment, on pourra peut-être entrer dans toutes les discussions des causes qui sont pendantes devant les tribunaux ou d'autres qui pourraient l'être. Pour autant qu'on nous fournisse les renseignements, je suis bien prêt à en discuter. Mais je parle du strict plan de la rentabilité, parce que le ministre tout à l'heure disait: C'est une forme excellente d'aller chercher des revenus pour la province. C'est là-dessus que je me pose la question, à savoir si la rentabilité en termes de promotion des ventes va être aussi grande et s'il a des études à cet effet qui le confirment. Si tel est le cas, je n'ai absolument pas d'objection à souscrire à cette approche.

M. Parizeau: A un point tel qu'à l'heure actuelle la promotion des ventes est de plus en plus faite par Loto-Québec elle-même, par le truchement de ses propres services. De l'intérieur même de cette boîte, il y a une tendance très accentuée de prendre en charge la promotion, parce que cela leur paraît être effectivement le meilleur moyen de faire en sorte que cela aboutisse à des résultats intéressants. Pour moi, il n'y a pas l'ombre d'un doute à cet égard.

M. Garneau: Mais c'est quand même une attitude nouvelle de l'intérieur de la boîte?

M. Parizeau: C'est tout à fait possible; les années passent, les concepts changent et puis il y a des leçons à part cela.

M. Garneau: Sur le plan, maintenant, de l'administration de Loto-Québec, est-ce que le ministre — parce qu'il s'agit, j'imagine, de modifications à la loi dont il nous parle — a l'intention de soumettre la gérance de Loto-Québec à la surveillance du contrôleur des finances, c'est-à-dire de l'imbriquer dans la gestion quotidienne des fonds publics? On sait que les contrats que signe Loto-Québec avec des fournisseurs X,Y,Z n'étaient pas actuellement soumis au contrôleur, sauf s'ils dépassaient un montant assez important où cela prenait un arrêté en conseil et il y en avait quand même très peu. Est-ce que ce serait l'intention du ministre, en la ramenant sous l'autorité du ministère, de soumettre l'administration quotidienne de Loto-Québec, par exemple, à la surveillance du Conseil du trésor, dans le cas des achats, dans le cas des contrats ou si c'est l'intention de continuer avec les règlements de régie interne que peut actuellement adopter la société d'une façon autonome ou encore approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil?

M. Parizeau: Ce que vient de soulever le député de Jean-Talon est une des merveilles qui existent dans notre gouvernement. Le président-directeur général de Loto-Québec est, je crois, le seul individu dans notre système qui porte les

deux chapeaux suivants: II est, dit la loi, d'une part, sous-chef. Là, c'est le ministre des Finances qui est chef; donc, il prend ses instructions du ministre des Finances, mais il est aussi directeur général astreint à un conseil d'administration. Donc, puisqu'il y a un conseil d'administration, il est astreint aux ordres du conseil d'administration. Je n'ai jamais, depuis quatre ou cinq mois, réussi à concilier ces deux statuts dans ma tête.

Comment cet homme peut-il, d'une part, dépendre des décisions d'un conseil d'administration et, d'autre part, être sous-chef dans un ministère? Celui qui m'expliquera cela... C'est vraiment une des bizarreries étonnantes que nous a laissées l'ancien régime! C'est vraiment le pâté de cheval et d'alouettes!

M. Garneau: M. le Président...

M. Parizeau: Ce sont deux statuts absolument contradictoires dans le même homme. Je n'ai jamais réussi à déterminer qui était le vrai patron de ce bonhomme-là. Il a tout ce qu'on veut!

M. Garneau: Le ministre a dit: Que nous a laissé l'ancien régime. Je suis bien prêt à prendre une bonne partie du blâme sur les méandres d'une administration — j'imagine, quand on retournera au pouvoir, qu'on pourra dire la même chose — mais il reste que la Loi de Loto-Québec...

M. Parizeau: ...pas changé.

M. Garneau: ...a été adoptée par un gouvernement qui n'était pas celui dont je faisais partie. Si ma mémoire m'est fidèle, il y a plusieurs cas; si vous prenez la Caisse de dépôts, c'est la même affaire. Pour ce qui est des relations entre le président-directeur général d'une telle entreprise et son titre de sous-chef vis-à-vis des lois qui gèrent, par exemple, le personnel, il a le titre de sous-chef face à la Fonction publique, par exemple, et c'est dans ce cadre de concordance avec les lois qu'il fonctionne de cette façon. Je pense que le ministre, en vérifiant ces aspects juridiques, va voir pourquoi les légistes l'ont fait. J'imagine bien qu'ils ne l'ont pas fait pour rien. Comment se fait la relation entre sa fonction de direction et ses autres fonctions qui sont reliées, par exemple, à la Commission de la fonction publique où il a besoin du titre de sous-chef pour être en concordance avec les autres lois.

M. Parizeau: Ah!

M. Garneau: C'est une façon d'agir. Mais si je comprends l'intention du ministre, c'est de mettre, en quelque sorte, en tutelle les sociétés d'Etat à caractère commercial et industriel. On pourrait dire la même chose, par exemple, de SIDBEC où il y a le président-directeur général. Dans le cas de SIDBEC, il y a des actionnaires, et le rôle du ministre se joue via la détention des actions. Là où il n'y a pas de tel capital-actions, vous allez le retrouver dans toutes les lois qui remontent à notre processus législatif depuis plusieurs années.

Vous pouvez bien le changer, en termes juridiques, mais les fonctions, il va bien falloir que quelqu'un les exerce en vertu des autres lois qui ont été adoptées par ce Parlement. On va peut-être l'enlever, mais cela va revenir au même.

M. Parizeau: M. le Président...

M. Raynauld: Je pourrais ajouter, parce que c'est sur le même sujet, avant que le ministre réponde, que peut-être le ministre n'a pas fini de s'émerveiller parce que le statut que j'avais, comme président du Conseil économique du Canada, était exactement le même. C'est une question de statut, d'être appelé sous-chef. Au fédéral, ce n'est pas comme cela. Il n'y a pas de chef, là-bas, il y a des ministres. C'est un sous-ministre. C'est un statut qui est donné; il est soumis au conseil d'administration, mais il lui faut un statut dans la fonction publique, et ce statut lui est donné par un nom comme cela, sous-ministre ou n'importe quoi. Je ne vois pas tellement pourquoi ce serait si extraordinaire.

M. Parizeau: Je commence à comprendre pourquoi la loi n'a pas été changée pendant toutes les années du précédent gouvernement. Commençons par la dernière intervention. Il y a une différence entre un sous-ministre et un sous-chef; ce n'est pas la même chose du tout. Le sous-chef, c'est une fonction. Le sous-ministre, c'est un titre. Le sous-chef a un sens juridique bien précis. On peut être sous-chef sans être sous-ministre. Il y a pas mal de sous-chefs, dans le système, qui ne sont pas sous-ministres.

Deuxièmement, revenons à l'intervention du député de Jean-Talon. La Caisse de dépôt détermine un statut de sous-chef pour le président-directeur général de la caisse aux fins de certains gestes, mais spécifiquement, dans l'article 44, indique que le seul droit dans les opérations de la Caisse de dépôt, du ministre des Finances, est celui de demander des renseignements. C'est spécifié. On limite la juridiction de l'homme en question, en disant: Le ministre n'a de pouvoir, à l'égard du président de la caisse, que pour lui demander des renseignements. Il ne peut intervenir d'aucune espèce de façon, par exemple — on aura l'occasion d'en discuter quand on parlera de la Caisse de dépôt — quant aux placements.

Prenons le cas qui a fait discuter et jaser passablement de gens il y a quelque temps, quant à la vente des actions par la Caisse de dépôt qu'elle détenait dans la Banque d'épargne. La caractéristique du ministre là-dedans c'est que la loi est très spécifique. Il ne peut pas chercher, et n'a pas le droit de chercher à influencer la décision. Ce qu'il peut faire c'est de demander des renseignements: Avez-vous, oui ou non, vendu des actions? Pourquoi les avez-vous vendues? C'est tout. C'est clair.

Ne confondons pas le statut de Loto-Québec et le statut de la Caisse de dépôt. Les lois établissent une distinction très nette...

M. Garneau: En termes de la fonction du directeur général, M. le Président, et dans ses rap-

ports avec la Commission de la fonction publique et de son régime de retraite, le titre de sous-chef du président-directeur de Loto-Québec n'a rien à voir du tout avec les propos que tient le ministre en termes de relations qui existent entre le ministère des Finances, le ministre des Finances et l'administration. Ce que je saisis mal, c'est que le ministre dans ses propos indique qu'il veut mettre la main sur l'administration de Loto-Québec. Cela...

M. Parizeau: J'y arrive...

M. Garneau: ... c'est une philosophie qui est fort différente et qui n'est pas reliée, du moins directement, au vocabulaire qu'utilise le ministre dans la description de ses relations. Il serait plus juste de dire cela et c'est pourquoi tout à l'heure je demandais au ministre son intention sur Loto-Québec, qui est une société à caractère commercial. On aura la même chose non seulement avec le ministère des Finances, avec toutes les autres sociétés, REXFOR, SOQUIP, SOQUEM, où vous allez retrouver toujours cette caractéristique de sous-chef qui n'a rien à voir avec les relations qui peuvent exister entre le ministère des Finances et une société comme cela, mais la question fondamentale c'est de savoir si le ministre a l'intention de se doter des pouvoirs de contrôler l'administration, ce qu'il n'a pas actuellement.

Le ministre des Finances ne peut pas donner une directive, même écrite. Elle pourrait être une pression morale, mais il ne peut pas actuellement, à l'exception de recommander au Conseil des ministres d'approuver ou non des règlements de régie interne, poser de gestes sur l'administration de Loto-Québec.

M. Parizeau: Si vous permettez, parce que j'ai été interrompu par le député de Jean-Talon, entendons-nous. Selon la répartition des pouvoirs en chef et sous-chef en vertu des lois qui nous régissent, d'une part le ministre peut donner tous ordres qu'il juge utiles au président de la Loto-Québec. D'autre part, le président, j'admets l'ambiguïté de la chose, l'aberration de la chose, comme président-directeur général astreint à un conseil d'administration, c'est du conseil d'administration qu'il va prendre ses ordres. C'est complètement fou-fou...

M. Garneau: Ce n'est pas complètement fou, au contraire.

M. Parizeau: Est-ce que je pourrais simplement continuer?

M. Garneau: Excusez, continuez.

M. Parizeau: C'est remarquable à cet égard que le président de la Société des alcools, dont nous parlerons tout à l'heure, n'a pas le statut de sous-chef.

M. Garneau: Société à capital-actions.

M. Parizeau: II relève d'un conseil d'administration et se rapporte à l'Assemblée nationale par le truchement du ministre des Finances. Cela est une situation qui sur le plan juridique est claire. Ce que je dis depuis le début, c'est que le statut du président de Loto-Québec à cet égard est une aberration dans notre système. C'est l'un ou l'autre. On relève d'un conseil d'administration ou bien on est sous-chef. On ne peut pas être les deux, parce que là on ne sait plus d'où viennent les ordres et on ne sait plus de qui on relève. Il ne faut pas s'étonner qu'on ait assisté à certaines des choses auxquelles on a assisté, à partir du moment où le statut juridique est à ce point confus.

Je reviens à ce que je disais tout à l'heure, je ne connais pas d'autres régimes de cet ordre dans notre système. Alors il faut corriger cela. On le corrige comment? C'est là où j'en viens, à la réponse que disait le député de Jean-Talon. On peut faire deux choses, ou bien on fait relever Loto-Québec, on transforme Loto-Québec en une espèce de service gouvernemental.

Aucun rapport avec SIDBEC, avec REXFOR, avec ces trucs. SIDBEC, REXFOR cela fait de l'acier ou bien cela scie du bois. Loto-Québec a une fonction, elle ramasse de l'argent et, ramassant de l'argent, ce n'est pas très différent d'un service du ministère du Revenu. Cela est une possibilité. L'autre, c'est de garder un statut de société à conseil d'administration, mais de faire en sorte — je reviens à ce que je disais il y a pas mal de temps — que cette société à conseil d'administration relève non pas du ministre personnellement, mais du ministère. Cette idée de faire en sorte que chaque ministre recommence à zéro me paraît complètement aberrante.

Ce n'est pas parce qu'une société aurait un conseil d'administration qu'elle doit échapper complètement au contrôle, même si ce n'était que de vérification, à la responsabilité administrative sur le plan, j'allais dire des bonnes moeurs et de l'ordre public du ministère. Pour le moment, je tends davantage dans le sens d'une société plutôt que d'un service gouvernemental, mais il me paraît évident que le statut du directeur général doit être clarifié. Si c'est une société véritable qu'on crée, il doit y avoir un conseil d'administration qui administre au jour le jour, et le ministère doit avoir: un certain nombre de droits de regard bien défini par la loi. Je vais donner un exemple.

Il me paraît inconcevable que l'administration du ministère des Finances — je ne parle pas du ministre — constate un bon jour que Loto-Québec est en train de faire des placements — elle n'est pas faite pour cela, elle est faite pour fournir de l'argent au gouvernement — et que cette constatation ne puisse pas donner lieu à une rectification autrement que par la personne du ministre. Cela est un problème majeur. Je suis à cet égard parfaitement décidé à faire en sorte qu'on n'ait plus jamais de société comme cela qui relève d'un ministre qui part avec ses dossiers quand il quitte son fauteuil. Cela me paraît urgent et important à changer.

M. Garneau: M. le Président, dans le même ordre d'idées, je ne vois pas comment, administrativement et juridiquement... j'ai hâte de voir le texte de loi que nous soumettra le ministre, ayant eu pendant quelque temps à répondre à l'Assemblée nationale de sociétés d'Etat. Certaines étaient à capital-actions, d'autres étaient structurées comme Loto-Québec, la même chose pour l'Hydro-Québec, en fait, parce que la société de Loto-Québec est un peu comme l'Hydro-Québec où l'on retrouve au conseil d'administration des gens qui sont fonctionnaires, ce qui me paraît également complètement, pour employer les termes du ministre, aberrant.

Je trouve cela inconcevable. Je l'ai mentionné et d'ailleurs c'est pour cela que nous avions entrepris la réforme de la structure juridique des sociétés d'Etat au fur et à mesure que nous avancions. REXFOR a été modifiée, la Société des alcools a été la première. Voir que le président-directeur général d'une société d'Etat se réunit avec son conseil d'administration, prend des décisions, que chacun retourne dans son bureau et que les gens qui sont égaux autour de la table du conseil d'administration deviennent des subordonnés du directeur général, qu'ils sont égaux au président en termes de prisé de décisions et qu'ils reviennent des subordonnés du directeur général qui, par hasard, est la même personne, je trouve cela complètement anormal. Je crois que dans les sociétés d'Etat le conseil d'administration, d'une façon au moins majoritaire, ne devrait pas être formé de fonctionnaires de cette même société. Là où je ne suis pas d'accord avec l'attitude du ministre, c'est quand il s'agit de penser — et c'est pour cela que j'ai hâte de voir le texte de loi — comment un conseil d'administration d'une société d'Etat pourrait avoir une autonomie administrative de telle sorte qu'il n'y ait pas d'intervention directe, qu'elle soit politique ou autre dans l'administration quotidienne, qu'elle soit branchée sur le ministre, le sous-ministre ou le ministère, sauf le fait d'avoir des classeurs où ils peuvent laisser des documents qui seraient en double de toute façon, et à la société et au ministère...

Ce que je suggérerais au ministre, c'est d'envisager la possibilité de deux choses: ou de créer une société à capital-actions, et à ce moment le ministre détiendra véritablement des pouvoirs d'actionnaire qui seraient assez forts pour lui permettre d'intervenir dans les orientations des politiques, ou encore que la loi soit modifiée avec le pouvoir de directives.

Dans le cas de Loto-Québec, j'aurais aimé avoir ce pouvoir de directive. Et nous avions décidé de laisser la société Loto-Québec faire au moins une expérience de cinq ans avec la structure juridique qu'elle avait. Mais c'est certainement une façon que le ministre pourrait donner d'avoir ce pouvoir d'intervention directe par une directive déposée sur la table, par exemple, de l'Assemblée nationale, de telle sorte que tout le monde saurait à quel moment le ministre utilise ce pouvoir de directive.

Mais si ce n'est pas fait de cette façon, je me demande comment, juridiquement, la société d'Etat pourrait conserver son autonomie de gestion et, en même temps, devoir répondre pour le président-directeur général et en même temps à un conseil d'administration et en même temps à des fonctionnaires de ministères. Le problème serait de même nature que ceux qui sont actuellement entre le directeur général, que le ministre qualifie de sous-chef, et lui-même, qui est ministre. Ce serait la même situation. Il s'agit de savoir, et c'est cela le sens de ma question au début, si l'orientation que veut prendre le ministre... Là, cela adonne qu'on parle de la société Loto-Québec, mais le débat est plus général parce qu'il touche à un grand nombre de sociétés d'Etat. C'est le cas de l'Hydro-Québec où c'est à peu près le même type de situation, en termes de relations entre le gouvernement et l'administration. Est-ce l'intention du ministre de modifier les structures juridiques pour qu'il puisse, en d'autres mots, enlever l'autonomie administrative aux sociétés d'Etat? C'est cela qui est le sens de la question parce que, d'après moi, c'est comme cela que se pose le problème.

M. Parizeau: Le problème ne se pose pas du tout de cette façon. Le problème se pose...

M. Garneau: En tout cas, on attendra la loi que le ministre nous apportera et on verra à ce moment-là.

M. Parizeau: ...essentiellement de la façon suivante: la loi peut-elle être libellée de telle façon qu'à l'intérieur de contraintes légales définies, un conseil d'administration puisse avoir toute latitude de gestion au jour le jour. Mais à l'intérieur de contraintes légales définies, c'est-à-dire que le conseil d'administration a le droit de faire telle ou telle opération mais n'a pas le droit de faire telle ou telle autre opération. Et si tant est qu'à l'intérieur de ces contraintes des gens considèrent qu'ils ne peuvent pas être membres de conseils d'administration, il n'y a rien de coercitif, dans notre société, qui force quelqu'un à accepter d'être un membre d'un conseil d'administration. Il n'y a qu'à lire la loi. Mais il faut que la loi établisse un cadre de ce qui est autorisé et de ce qui n'est pas autorisé.

Cela me paraît inconcevable à cet égard que, par exemple, on ait pu prêter, à travers la filiale de Loto-Québec, $600 000 à une piste de course à Jonquière sans arrêté en conseil, sans aucun moyen de vérifier l'utilité, la pertinence d'une dépense comme celle-là. Quand on pense au genre de clauses extrêmement précises qui existent dans d'autres lois, on conviendra que, dans ce cas-là, un statut ambigu de la direction, comme je le disais tout à l'heure, une latitude incroyable sur le plan du cadre juridique et, d'autre part, pas de mode de vérification ou de suivi des décisions par le ministère laisse une latitude qui me paraît absolument inconcevable. Donc il ne faut pas s'étonner que cela ait donné lieu à une situation qui, au niveau des concessionnaires, à l'heure actuelle, est devenue une espèce de scandale public qu'on a

regardé, pendant des années, passer, un peu comme une vache regarde passer un train.

M. Garneau: M. le Président, je ne peux absolument pas accepter les propos du ministre et c'est même assez surprenant qu'il les utilise dans ces termes-là pour employer l'exemple des prêts aux pistes de course. Le conseil des ministres a le pouvoir d'adopter, d'accepter les règlements qui servent de base à la gestion de l'aide. Comme exemple, le ministre des Finances n'accepte pas chacun des prêts qui sont faits par l'Office du crédit agricole. Alors là il s'agit d'un fonds qui est administré par une société dont les pouvoirs de réglementation sont édictés par arrêté en conseil. Si le ministre croit que les règlements doivent être changés, il peut les changer. A ce moment-là, le conseil d'administration ne sera pas autorisé à prêter plus que $25 000 ou $5000 à une piste de course. En fait, c'est par la réglementation. Il y a une différence entre un pouvoir de réglementation qui détermine le cadre général d'action et l'intervention politique à chaque geste administratif que pose une société. Je pense à la Société de développement industriel où l'on fait des prêts, à d'autres sociétés où on peut modifier les règlements, mais à l'intérieur d'une réglementation; le conseil d'administration garde son autonomie.

J'espère que le ministre des Finances n'a pas l'intention de soumettre à un tel contrôle l'ensemble des sociétés d'Etat, que, pour chacun des gestes administratifs faits à l'intérieur d'une loi et de règlements édictés en vertu de cette loi, le ministre devra reprendre ou faire reprendre par ses fonctionnaires chacune des analyses techniques faites par un groupe quelconque qui a la fonction de gérer tel aspect d'une activité économique. Je donnais l'exemple de L'Office du crédit agricole. On pourrait en donner bien d'autres exemples où, à l'intérieur d'une réglementation, ils peuvent agir. J'espère qu'on ne centralisera pas à ce point les décisions où des offices qui ont des responsabilités, soit en vertu d'une loi, soit en vertu de règlements édictés en vertu de cette loi, seraient en plus obligés d'aller chercher la bénédiction du ministre pour chacun de leurs gestes administratifs.

M. Parizeau: Je pense qu'il n'y a absolument rien de ce que j'ai dit jusqu'à maintenant qui portait là-dessus. J'ai dit qu'il faut établir un cadre juridique précis à l'intérieur duquel le conseil d'administration a un corridor dans lequel il peut fonctionner. Maintenant, quant à la vérification des opérations, il y a, puisqu'on veut étendre le débat à l'ensemble des sociétés d'Etat, un bon nombre de choses à changer et je pense qu'il faut les changer. On veut donner des exemples qui sortent de ce qu'on examine, c'est-à-dire de Loto-Québec. Est-ce qu'on peut m'expliquer comment il se fait que le Vérificateur général du Québec peut vérifier les livres d'un certain nombre de sociétés d'Etat, mais pas de leurs filiales? Qu'on m'explique cela. Comment se fait-il qu'il peut vérifier SOQUEM, mais pas les filiales de SOQUEM?

M. Raynauld: M. le Président, pour rester sur le sujet.

M. Parizeau: Un instant! On hérite d'une situation où la confusion des pouvoirs a entraîné un désordre remarquable. Il est évident, puisque le député de Jean-Talon veut absolument sortir du cadre de Loto-Québec, que sur le plan du désordre dans le cadre administratif des sociétés, il y a pas mal de choses à faire. Encore une fois, qu'on m'explique, quand on sait, entre une société mère et sa filiale détenue à 100%, le genre de déplacement de fonds qu'il peut y avoir, pourquoi le Vérificateur général a le droit de vérifier la société mère qui appartient au gouvernement, mais pas les filiales. Qu'on me donne une justification rationnelle de cela et je pourrai accepter bien d'autres choses.

M. Raynauld: Je ne voudrais pas répondre à cette question, mais je voudrais bien répondre à la question précédente. La réponse qu'on donne à la question que vous posez, M. le ministre, est très simple. Les pouvoirs ne sont pas déterminés dans la loi; ils sont déterminés par des règlements adoptés par arrêté en conseil. Si vous ne les aimez pas, ces règlements, changez-les!

M. Parizeau: C'est exactement ce qu'on est en train de faire, en attendant de changer la loi.

M. Raynauld: A ce moment-là, l'opposition n'est pas entre une autonomie complète en regardant seulement la loi. Le conflit n'est pas là. Le problème est de savoir si c'est mieux de mettre cela dans une loi ou de mettre cela dans des règlements par arrêté en conseil. A ce moment, le gouvernement a autant de contrôles. Il en a peut-être plus puis il a plus de flexibilité. C'est ce qui a été adopté avant, si je comprends bien la situation. Vous répondez en disant: La société a des pouvoirs excessifs. Les pouvoirs qu'elle a sont des pouvoirs de réglementation, qui sont donnés par des arrêtés en conseil. Vous pouvez les changer quand vous voulez; vous n'avez même pas besoin de changer la loi.

M. Parizeau: A une petite nuance...

M. Raynauld: Je ne déteste pas l'idée que ce soit de la réglementation.

M. Parizeau: A une petite nuance près, c'est que...

M. Raynauld: C'est plus flexible.

M. Parizeau: ... de toute façon, à bon nombre de lois il y a toujours une réglementation qui est attachée, mais plus on laisse de pouvoirs dans les règlements et moins on en met dans la loi, plus l'arbitraire se met là-dedans justement, pour des raisons de flexibilité que vous invoquez. On a eu tellement d'exemples dans le passé de règlements modifiés par arrêté en conseil, n'importe comment, élargis, qu'on finit par se méfier de cette formule justement à cause de ce que vous présentiez comme étant des avantages. Il n'y a rien comme une loi claire qui établit des corridors,

si bien que, quand on veut changer ces pouvoirs, on doit retourner devant l'Assemblée nationale et faire au moins un débat public en disant: On avait défini les pouvoirs de telle façon; on trouve que c'est insuffisant ou que c'est trop pour telle raison et on est obligé de s'expliquer. Cette idée d'une loi vague et de règlements précis, mais qui changent tous les trois mois est une des origines du genre de désordre que je décrivais tout à l'heure.

M. Biron: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): II y a encore le député de Laprairie.

M. Garneau: Le débat n'est pas terminé. Peut-être que vous voulez le conclure ici, mais le thème qui est en discussion est loin d'être terminé. Je suis très heureux, d'un certain côté, d'avoir entendu les dernières remarques du ministre; c'est consigné au journal des Débats et je suis très content de cela.

Je trouve que c'est une approche valable. Je ne veux pas sous-estimer cette approche, au contraire. Je suis très content que le ministre prenne cette approche en termes législatifs et je crois qu'il devrait en être ainsi dans la plupart des lois qui vont être présentées. Nous aurons l'occasion, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, d'analyser des projets de loi et je suis très content de la position que le ministre vient de prendre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Jean-Talon. M. le député de Laprairie.

M. Michaud: Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris M. le ministre tout à l'heure, les 75 concessionnaires pourraient être remplacés par à peu près 20 fonctionnaires ou employés permanents.

M. Parizeau: C'est-à-dire qu'en fait, en utilisant le personnel déjà en place, il y aurait six bureaux régionaux comportant quatre personnes chacun. En utilisant le personnel déjà disponible, cela représenterait une embauche, à un poste près, de huit employés de plus, c'est tout.

M. Michaud: Oui, d'accord. Cela fait qu'on pourrait nommer huit sous-ministres à temps triple, et encore...

M. Parizeau: Pardon?

M. Michaud: On pourrait nommer huit sous-ministres à temps triple, et encore on rentrerait dans notre argent. C'est tout simplement une boutade. Est-ce qu'on pourrait avoir un éventail?

M. Parizeau: Plus qu'à temps triple.

M. Michaud: Plus qu'à temps triple, même si...

M. Parizeau: $5,5 millions, c'est de l'argent, vous savez.

M. Michaud: Est-ce qu'on pourrait avoir un éventail en pourcentage des sommes qui sont ramassées par Loto-Québec, c'est-à-dire qui vont à l'administration, à la distribution, qui retournent au client et qui vont dans le fonds du ministre des Finances?

M. Parizeau: Prenons cela pour 1976/77. Les ventes nettes ont été de $150 millions. Ajoutez, cependant, à cela les $11 millions aux concessionnaires qui sont soustraits et qui n'apparaissent pas dans le tableau. En fait, c'est $161 millions. Quand on parle des ventes nettes, c'est un euphémisme pour dire les ventes après les $11 millions des concessionnaires. Donc, $161 millions, moins $11 millions, cela fait $150 millions de ventes. Les prix accordés...

M. Biron: Excusez, M. le ministre. J'ai un rapport de la régie, ici, qui me donne un exercice au 31 mars 1976. Est-ce que vous avez jusqu'au 31 mars 1977?

M. Parizeau: 1977. Les prix accordés, $75 millions. Les dépenses de distribution et de ventes, sans tenir compte des concessionnaires — les concessionnaires je les ai enlevés tout à l'heure — $9 millions. Les dépenses d'administration, $2,3 millions, ce qui laisse un profit net de $64 millions.

M. Michaud: Merci, monsieur.

M. Biron: Le chiffre de ventes total?

M. Parizeau: $161 millions, brut.

M. Biron: Et combien d'escomptes et commissions aux vendeurs?

M. Parizeau: Non. Les concessionnaires, $11 millions. Vous avez des dépenses de distribution et de vente à $9 millions, dont j'ai tenu compte un peu plus bas dans la colonne. 9 plus 11 =20.

M. Biron: Vous aviez, en 1976, $21 millions — escomptes et commissions aux vendeurs — et cela a diminué à $11 millions en 1977?

M. Parizeau: Ces points de ventes n'étaient pas inclus là-dedans? Je recommence, M. le Président. Je m'excuse. Les points de ventes n'étaient pas inclus dans les chiffres que j'ai donnés. Mes excuses et je recommence. Ventes brutes, $183 millions. Escomptes et commissions aux vendeurs, $25 millions dont $11 millions aux concessionnaires, ce qui donne un produit net des ventes de $158 millions. Les prix, $78 millions. Il y a frais de distribution et de ventes, $6 millions.

Les frais d'administration, $2,9 millions; les frais d'impression des billets, $4 millions, ce qui laisse un revenu net d'exploitation de $65 millions.

M. Garneau: C'est au 31 mars... M. Parizeau: 1977.

M. Biron: Comment expliquez-vous l'augmentation considérable en 1976/77 comparée à 1975/76?

M. Parizeau: L'augmentation considérable de...

M. Biron: Beaucoup plus considérable. M. Parizeau: De quoi?

M. Biron: De vente. C'est $36 millions, 20% alors qu'on avait 14%.

M. Parizeau: Tenez compte d'une augmentation considérable de la Loto-Perfecta, de $32 millions à $50 millions.

M. Biron: $50 millions.

M. Parizeau: II y a $18 millions d'augmentation qui viennent de Loto-Perfecta seulement.

M. Biron: D'accord.

M. Parizeau: Le reste c'est davantage normal.

M. Biron: A cause de l'écurie en Floride.

M. Parizeau: Ce serait beaucoup dire. Personnellement, j'en doute.

M. Raynauld: C'est dû à l'implantation du 6/36 je crois.

M. Parizeau: Oui.

M. Raynauld: Qui donne une possibilité de prix plus grande.

M. Michaud: M. le Président, est-ce que je pourrais continuer? Parce que j'avais commencé, avec votre permission, monsieur.

M. Raynauld: Excusez-moi.

M. Michaud: Ici vous avez la vente, la distribution puis vous avez les escomptes aux vendeurs. Combien y a-t-il de vendeurs environ au Québec?

M. Parizeau: A peu près 14 000.

M. Michaud: A peu près 14 000, d'accord.

Ma dernière question est un peu un commentaire aussi. Il y a eu énormément de publicité puis souvent, d'après mon jugement, c'était peut-être un peu une publicité à outrance pour certains programmes de Loto. C'est bien faire la promotion des ventes, c'est bien avoir la rentabilité, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui va être fait pour surveiller peut-être cet abus de publicité?

M. Parizeau: Déjà on la taxe à 2%. M. Michaud: Le problème ici...

M. Parizeau: Cela, c'est vraiment la taxe sur la taxe.

En pratique, c'est vrai qu'il y a un effort considérable de publicité dont il s'agit de déterminer à partir de quel moment elle devient trop importante ou abusive. Je dois dire que bien qu'on ait commencé à examiner la question, ce n'est pas encore du tout clair dans mon esprit si vraiment les $4 millions ou presque, les $3,8 millions qui sont dépensés en publicité c'est trop, compte tenu du volume de billets vendus. Si on descendait en bas de $3 millions est-ce qu'on en vendrait autant? Puis si on montait à $1 million de plus est-ce que vraiment on vendrait $20 millions de plus? Il y a là une espèce d'étude de marketing qui, dans mon esprit, est loin d'être déterminée, et une analyse de la situation qui est loin d'être concluante. Là-dessus, je ne peux vraiment pas répondre, je n'en suis pas rendu au point où je suis convaincu que les $3,8 millions par année de publicité c'est trop ou pas assez, qu'il faudrait en mettre plus ou moins.

D'une façon générale, en Amérique du Nord, les dépenses de publicité représentent entre 2.5% et 3% des recettes brutes et Loto-Québec est un peu en dessous de cette moyenne.

M. Michaud: En dessus?

M. Parizeau: En dessous.

M. Michaud: En dessous, d'accord.

M. Parizeau: Oui, puisqu'on vend $180 millions. On a des ventes brutes de $180 millions et on a $3.8 millions de publicité. Cela fait un peu en dessous de cette moyenne de 2.5% à 3%. C'est davantage de l'ordre de 2%.

M. Michaud: Mon dernier commentaire serait que je constate qu'il y a environ 14 000 vendeurs qui se partagent $14 millions, puis 75 concessionnaires qui se partagent $5,5 millions.

M. Parizeau: C'est la beauté du système.

M. Michaud: Merci.

M. Garneau: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse a demandé la parole.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Je reviens à l'émission des permis. Est-ce que, depuis les six derniers mois, il y a eu des permis aux concessionnaires qui ont été annulés?

M. Parizeau: Pas que je sache. Il n'y en a pas eu. Ils ont été renouvelés, au 31 décembre, à trente jours, jusqu'à ce qu'on soit prêt à fonctionner.

M. Goulet: Les accusations dont vous avez fait mention antérieurement, en étiez-vous au courant

avant le 31 décembre? Vous n'avez pas mentionné de noms, mais vous sembliez être certain.

M. Parizeau: Est-ce avant ou après le 31? Je ne me souviens plus des dates où les causes ont été présentées devant les tribunaux. Je m'excuse. Je pourrai peut-être, quand on continuera les crédits dans les jours qui viennent, vous répondre.

M. Goulet: Si cela avait été avant le 31 décembre, si vous êtes le seul autorisé, auriez-vous émis quand même les permis?

M. Parizeau: La difficulté, c'est que — là, je ne peux pas donner la date — même si des accusations étaient portées contre quelqu'un, disons aujourd'hui, on vit quand même encore dans une société où un homme est coupable quand il est reconnu coupable par une cour de justice. Indépendamment de ce que je peux penser là-dessus, il faut quand même que le bonhomme aille à son procès avant qu'on conclue.

M. Goulet: Vous dites que vous répondrez prochainement. S'il y a eu des permis d'annulés, vous n'êtes pas sûr?

M. Parizeau: Non, non. On me dit qu'il n'y en a aucun.

M. Goulet: Bon. Quand ce sera le temps de redistribuer ces permis, on va s'y prendre de quelle manière? Va-t-il y avoir des critères?

M. Parizeau: Ou on va les annuler. Encore une fois, ce que je veux dire par là, c'est qu'on n'a pas le choix: ou bien ce sont des associations sans but lucratif, dont je parlais tout à l'heure, ou bien l'annulation de tout cela et le remplacement par une structure de distribution qui appartient à Loto-Québec. Il y a une chose qui est claire dans mon esprit: on ne va pas prendre 75 individus, leur retirer leur permis et les remplacer par 75 individus qui auraient, j'allais dire, le mérite d'être méritants, politiquement ou autrement.

M. Goulet: Non, mais pour les associations — oublions les militants et les particulier — avez-vous un processus en tête?

M. Parizeau: Si on adopte cette voie, ce qui n'est pas du tout...

M. Goulet: Si le ministre me le permet, on peut également favoriser et faire du patronage avec des associations comme avec des individus. Vous savez ce que je veux dire? C'est pour cela que je pose la question.

M. Parizeau: Oui, mais il y a beaucoup moins de risques. Il y a une chose qui, en tout cas, dans mon esprit, est claire: il est hors de question de passer par des associations locales. Si on passe par des associations locales, à peu près dans n'importe quoi, on va en avoir des milliers. Comme le député le dit, là, cela va devenir du patronage.

M. Goulet: Non, mais je vous donne un exemple: la Société Saint-Jean-Baptiste. Vous parliez des fêtes de la Saint-Jean. Je ne sais pas, mais, d'après moi, ce serait un genre...

M. Parizeau: Non, non. M. Goulet: Non?

M. Parizeau: II faut bien s'entendre. Les seules associations dont j'ai parlé sont des associations de caractère ou bien de type club de l'âge d'or ou bien association de handicapés ou quelque chose comme cela. D'autre part, je ne pense pas qu'il faille fonctionner avec des associations locales, parce que, comme vous le dites, il y en a trop et que, forcément, on va être obligé de choisir. Là, on va retomber dans une autre forme de patronage, peut-être un peu plus respectable que l'autre, mais enfin du patronage malgré tout.

Si on adopte cette voie, il faut passer par des fédérations, des fédérations régionales ou des fédérations nationales, et qu'on ait des règles assez précises et égales pour tout le monde. Là, je n'en donne que des exemples; vous comprenez que je ne me commets pas. On pourrait, par exemple, dire: Les fédérations d'associations sportives? Non. Il y a un Haut-commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports qui s'occupe de cela. Les associations de loisirs? Non. Là aussi, il y a le Haut-commissariat pour cela.

Alors choisissons les fédérations d'un type qui, sur le plan gouvernemental, n'ont pas jusqu'à maintenant trouvé des subventions statutaires ou des choses comme cela. Et, si tant est qu'on s'orientait dans cette voie, ce serait à partir de critères comme ceux-là, pas nécessairement ceux que j'ai indiqués, mais comme ceux-là qu'il faudrait utiliser. Mais certainement pas des associations locales, pour cela vous avez parfaitement raison. Dans chaque région, on se trouverait devant 50 clubs locaux qui veulent tous avoir la main dans le gâteau. D'autre part, il faut bien considérer que beaucoup de ces associations locales n'ayant pas de pérennité, n'ayant pas de durée nécessairement, pourraient se révéler incapables de faire même le travail élémentaire que cela représente.

M. Garneau: On pourrait peut-être donner cela aux églises pour enlever les bingos.

M. Parizeau: Ah non! moi j'ai une régie des bingos adorable, n'est-ce pas, qu'on m'a laissée; il ne faut pas toucher à cela.

M. Garneau: Aux évêques.

M. Parizeau: Ecoutez, on dépense actuellement $800 000 pour contrôler les bingos, il ne faut pas toucher à nos belles institutions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Si vous permettez, M. le Président, une dernière question. Il n'y a pas eu de permis

d'annulés, est-ce qu'il y a eu des nouveaux permis d'émis depuis les six derniers mois? Aucun?

M. Parizeau: Aucun. M. Goulet: Merci.

M. Parizeau: Nous n'avons pas voulu toucher à la mécanique jusqu'à ce qu'on soit prêt à la changer.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: J'avais une question, depuis le début, qui m'a été inspirée par les propos d'ouverture du ministre. Il arrive que je ne partage pas son optimisme quant à l'équité des loteries. Je pense, au contraire, à moins qu'on me donne des chiffres qui soient bien différents pour Québec, et qu'on ne se comporterait pas comme ailleurs dans le monde, que les loteries étaient souscrites par des gens à plus faible revenu et que c'était un impôt excessivement régressif. Je pense que M. le ministre a confirmé cette impression quand il a dit qu'il avait encore vu, il avait entrevu une possibilité de fonds qui pourraient provenir de gens plus riches. Alors c'est bien la preuve, en fait, que les loteries, comme elles sont à l'heure actuelle, sont payées par des plus pauvres.

Moi, cela me pose un problème. Je ne suis pas du tout d'accord que c'est un procédé qui est beaucoup plus avantageux que l'impôt sous prétexte que ceux qui souscrivent à des loteries, qui achètent des billets les achètent volontairement. Il me semble que ce n'est pas l'intention qui compte, ce sont les résultats, et après coup, on s'aperçoit que ce sont les gens pauvres qui achètent des billets. Je pense qu'on est obligé de conclure que c'est une taxe régressive. Et moi, je me poserais des questions sur l'extension indéfinie de ce genre de moyens de percevoir des fonds publics.

M. Parizeau: Comme d'habitude, on tombe dans le manichéisme: ou bien quelqu'un est très riche ou bien il est très pauvre, il n'y a personne dans le milieu. A ce sujet, j'ai vu passer un certain nombre d'études, qui sont assez intéressantes, qui démontrent justement qu'en fait on joue dans toutes les classes de la société. On pourra demain, la prochaine fois qu'on siégera, je ne sais pas si c'est demain, regarder un certain nombre de chiffres à ce sujet.

Ce que je disais au sujet des riches, ce n'est pas qu'ils ne jouent pas, ce n'est pas qu'ils ne jouent pas comme les autres, c'est qu'il y aurait peut-être moyen de trouver des trucs et de les faire jouer davantage encore. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Raynauld: Ceux-là ne me préoccupent pas, ce sont ceux qui sont à l'autre bout qui me préoccupent. Ce sont ceux qui payent vraiment ces impôt, ce sont ceux-là.

M. Parizeau: Mais moi, cela me préoccupe. Il reste que, tout ceci étant dit, dans la mesure — et on pourra fournir des chiffres là-dessus et regarder cela ensemble — où on se lance dans le type de formule de jeu, que l'individu soit pauvre, qu'il soit simplement dans les classes moyennes, qu'il soit à l'aise ou riche, cela dépend de lui. L'impôt c'est quand même autre chose. L'impôt il faut bien que tout le monde le paye.

M. Raynauld: C'est pour cela que c'est plus juste.

M. Parizeau: Pourquoi? Parce que décider de soi-même la nature de sa contribution au trésor public, compte tenu du niveau des impôts au Québec, ce serait moins juste? Non. Dans une société où il n'y aurait pas d'impôts du tout on pourrait toujours discuter de cela, mais dans une société où les impôts ont atteint un niveau pareil on peut comprendre que, pour ce qui a trait au revenu au-delà de cela, on dise aux gens: Déterminez cela vous-mêmes, choisissez. Pourquoi pas?

S'il n'y avait pas d'impôts, si on partait d'une société sans impôts et on disait: Est-ce qu'on met des impôts ou une loterie, je comprendrais, mais on ne part pas de zéro sur le plan des impôts. On part avec le fardeau fiscal qu'il y a.

M. Raynauld: Je comprends encore moins, M. le ministre, parce que les impôts sont progressifs à l'heure actuelle.

M. Parizeau: La taxe foncière, la taxe de vente? Pardon? Oh non!

M. Raynauld: Ils sont progressifs dans l'ensemble ou proportionnels, mais ils ne sont pas régressifs à ma connaissance. Si vous introduisez une taxe supplémentaire que vous pouvez bien appeler volontaire, mais qui elle est régressive, vous rendez le système dans son ensemble plus injuste ou moins équitable qu'il était avant.

M. Parizeau: Non, la régressivité d'un achat volontaire, franchement je ne sais pas ce que cela veut dire sur le plan des concepts, la régressivité ne s'applique qu'à l'impôt. Acheter des billets, c ne peut pas parler de régressivité ou de progressivité, on laisse le choix libre. Quant à la structure des impôts, considérer que la structure des impôts est nécessairement progressive, j'en ai des doutes sérieux. La progressivité de la taxe foncière, comme je disais, de la taxe de vente, de tout ce qu'on a greffé à l'impôt sur le revenu, avec des plafonds, notre 1,8% sur la feuille de paye pour le régime des rentes bloqué avec un plafond, cela s'appelle comment, progressif ou régressif? Les 0,8% sur la Régie de l'assurance-maladie bloqués avec un plafond, c'est progressif ou régressif?

M. Raynauld: La Commission des accidents du travail.

M. Parizeau: Notre système est bondé d'impôts régressifs. On peut les appeler comme cela parce qu'on a une certaine pudeur. On n'aime pas cela, dans une société, dire qu'on a une structure d'impôt relativement régressive. Quand on commence à les prendre un par un, cela regarde curieusement. Je vous rappelle à ce sujet que, sur l'impôt sur le revenu des particuliers proprement dit, on le considère comme progressif à juste titre. Il représente $3,7 milliards sur $11 milliards de ressources du gouvernement. Il représente $3,7 milliards sur $8,3 milliards de ressources propres du gouvernement. Progressif, notre système fiscal? Je n'en suis pas si sûr que cela.

M. Raynauld: M. le ministre, si c'est cela, cela renforce le point de vue que je voulais exprimer. Mon point de vue n'est pas de démontrer que le système est progressif, mais de dire que l'introduction de loteries accentuait le caractère régressif du système. S'il est déjà régressif, raison de plus pour ne pas le rendre encore plus régressif. C'est simplement cela que je voulais dire.

M. Parizeau: Je vous assure que je ne propose pas ce soir l'établissement de Loto-Québec. Elle existe depuis déjà un certain temps. Elle est là depuis un certain nombre d'années, je veux dire.

Deuxièmement, encore une fois cela est tenir pour acquis qu'une majorité de ceux qui jouent à Loto-Québec sont vraiment des gens qui n'ont pas du tout de moyens, parce que l'on oppose les pauvres et les riches. Je pense que l'on peut, à partir de chiffres, démontrer que ce goût du jeu existe partout dans notre société.

D'autre part, encore une fois j'aimerais bien que l'on me définisse ce que cela veut dire la ré-gressivité d'une structure d'achat volontaire. A tous égards, sur le plan de la théorie économique, c'est un concept nouveau pour moi.

M. Raynauld: Ah oui! votre impôt sur le vêtement, c'est nouveau pour vous? Ce sont des achats volontaires, et ce n'est pas régressif? Ce sont des achats volontaires.

M. Parizeau: II y a très peu d'enfants qui se promènent tout nus.

M. Raynauld: Quand même.

M. Parizeau: Pas quand même. Je vous assure qu'avec notre climat il y a peu d'enfants qui se promènent tout nus. Donc, c'est une farce.

M. Raynauld: Alors, ne dites pas une régressi-vité des achats, dites que c'est la régressivité d'achats indispensables ou quelque chose comme cela, mais pas des achats par opposiion aux impôts.

M. Parizeau: Ne parlons simplement que d'un choix. On peut acheter un billet de Loto-Québec ou ne pas en acheter. On ne peut pas ne pas acheter de nourriture, de vêtements, ne pas avoir d'endroit où se loger. Il fait trop froid, on ne peut pas cou- cher sous les ponts. Mais on peut ne pas acheter de billets.

M. Garneau: Pourrais-je suggérer que le député d'Outremont et l'actuel député de Sauvé se mettent ensemble pour se faire expliquer cela par le ministre des Finances parce que quand j'étais de l'autre côté de la table, l'actuel ministre de l'Education me posait à peu près le même type de questions que le député d'Outremont. On pourrait peut-être les convaincre en même temps. Là-dessus, j'avais exactement les mêmes questions.

M. Parizeau: Organisons un sous-comité.

Le Président (M. Boucher): II ne reste que peu de temps et il y a encore le député de Lotbinière et le député de Berthier.

M. Garneau: Moi aussi, je voudrais revenir sur les chiffres.

M. Biron: Je voudrais revenir sur les critères d'attribution aux groupes sociaux. Bien sûr, il n'y aura peut-être pas de patronage politique qui va rapporter de l'argent à certains individus, mais il y aura un patronage politique au point de vue du vote qui m'effraie. Je veux savoir exactement quels sont les critères, comment on va faire pour admettre des groupes sociaux. Est-ce que ce seront des concours ouverts? Je veux qu'on songe très sérieusement à ce point-là. Il peut y avoir 10 000, 15 000, 25 000 ou 50 000 personnes de l'âge d'or qui soient soumises à un chantage politique à l'occasion d'élections.

M. Parizeau: Pas dans la mesure où on utilise, comme je le disais tout à l'heure, des fédérations, parce qu'il n'y a pas 25 fédérations dans ces machins; c'est toujours fédéré avec quelque chose en haut. D'autre part, avant de se lancer dans l'élaboration des critères, il faudrait d'abord s'assurer qu'on s'engage dans cette voie. Comme je le disais tout à l'heure, il reste à choisir entre cette voie et l'autre qui consiste à avoir seulement un système de distribution.

M. Biron: J'aimerais mieux voir distribuer des sommes d'argent supplémentaires, à même des budgets d'autres ministères, plutôt que de laisser nos personnes de l'âge d'or ou nos dames de Sainte-Anne ou de n'importe quelle association soumises à un chantage politique lorsqu'on décidera de ces critères. C'est ce qui va arriver même si on passe par des associations au niveau de chacun des comtés du Québec. Les associations, qui seront finalement reliées directement avec la fédération, seront soumises à un chantage politique lorsque le temps des élections va arriver.

Une Voix: Elles vont recevoir des directives.

M. Biron: Elles vont recevoir des directives et je ne voudrais pas que cela arrive, dans ce domaine en particulier? Si on a de l'argent et qu'on pense qu'on va économiser $5,5 millions, qu'on

leur donne plutôt les $5,5 millions par d'autres ministères, mais qu'au point de vue de la régie de Loto-Québec on s'organise pour l'administrer efficacement.

M. Parizeau: Non, C'est un point de vue, je pense, qui peut se discuter, non pas que je crois que vraiment ce danger existe. Je ne vois pas très bien la fédération des aveugles donnant des instructions à tous les aveugles du Québec de voter dans une certaine direction. Cela me paraît un peu "out of this world". Franchement, plus on s'élève dans ce genre de machin, plus on sait très bien que... Je veux dire que je pense que cela se discute.

M. Goulet: II faut se baser sur les précédents.

M. Biron: Vous avez déjà fait de la politique au niveau des comtés.

M. Parizeau: Si vous parlez au niveau des comtés, c'est une chose, mais, encore une fois, si vous parlez de fédérations nationales ou de trucs comme cela, vous pensez vraiment, qu'une fédération nationale enverrait des lettres à ses 35 000 membres, en disant: Etant donné qu'on nous a concédé telle chose, auriez-vous l'obligeance, s'il vous plaît, chacun d'entre vous, de voter pour tel parti. Cela nous sortirait sur la tête le lendemain matin.

M. Biron: M. le ministre, il ne faudrait pas être ridicule et dire que la fédération va écrire des lettres. Vous savez aussi bien que moi qu'au niveau des comtés les organisateurs du parti au pouvoir vont faire des pressions très fortes sur ces associations. Vous avez assez fait de politique pour le savoir. Alors, c'est ce que nous voulons éviter.

M. Parizeau: Mais, si les associations de comtés n'ont pas de concessions. Qu'est-ce qui vous fait croire qu'il s'agirait d'associations de comté qui auraient des concessions? Je ne sais pas très bien ce qu'on ferait. Vous ne vous rendez pas compte que, de toute façon, il y a 75 concessions, 110 comtés et je ne sais pas combien d'associations de comté de toutes espèces. Si on commence à faire cela au niveau des comtés, on n'en sortira jamais. Je vais être obligé d'avoir la Sûreté du Québec à la porte de mon bureau tous les matins.

M. Biron: Comment croyez-vous que la fédération des clubs d'âge d'or va vendre ses billets à travers ses clubs au niveau local, au niveau des comtés?

M. Parizeau: On peut fort bien imaginer que, par exemple, la Fédération canadienne des aveugles a une concession, quelque part dans Montréal. Pas des concessions à travers tout le Québec. Une concession à Montréal. Elle fonctionne bien, avec des bénévoles, elle se débrouille pour réduire ses frais, elle a d'autant plus d'argent. Elle n'oeuvre pas à travers tout le Québec, elle a une concession à Montréal. Telle autre fédération de handicapés a une autre concession dans la ville de Québec, pour l'ensemble de ses activités à travers tout le Québec. Il est hors de question de les faire fonctionner dans chaque comté, ce serait complètement inefficace. Non seulement il faut y penser sérieusement, mais, d'autre part, la voie n'est même pas encore choisie. Ce que je veux dire par là c'est que ce que vous disiez, tout à l'heure, ce que disait tout à l'heure le député de Lotbinière a un certain mérite. On peut se dire: Si on récupère par un système de distribution organisé par Loto-Québec, $5,5 millions, on pourrait peut-être en profiter pour prendre ces $5,5 millions et les distribuer, sous forme de subventions, par les ministères appropriés, aux associations dont je viens de parler, ou à d'autres. J'allais dire que c'est discutable dans le sens étymologique du terme. Cela veut dire que cela peut se discuter, effectivement.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, il est 11 heures. On est a l'heure de l'ajournement. Est-ce que, pour ce qui est de Loto-Québec, on continue avec...

M. Garneau: J'aurais encore des questions à poser. On peut soit continuer ce soir, ou demain matin. Ce serait peut-être aussi bien demain matin, j'imagine, étant donnée l'heure.

M. Parizeau: Est-ce qu'on sait le nombre de commissions qui siègent demain matin?

Le Président (M. Boucher): Demain matin, il n'y a pas de commissions.

M. Parizeau: C'est prévu demain matin. M. Garneau: On ne siège pas ici, demain?

M. Parizeau: On me dit que c'est prévu, effectivement, que la commission des finances pourrait siéger demain matin.

M. Garneau: On pourra continuer, demain, sur ce même sujet.

Le Président (M. Boucher): Nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 23 heures)

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