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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 16 avril 1997 - Vol. 35 N° 3

Étude des crédits du ministère des Finances


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Table des matières

Journal des débats


(Quinze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre. Mmes et MM. les membres de la commission, la commission des finances publiques est réunie afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère des Finances, programmes 1 à 8, pour l'année financière 1997-1998. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements qui vous ont été suggérés?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie. Je vais rappeler l'enveloppe du temps alloué à l'étude des crédits. Une période de cinq heures pour l'étude du programme relevant du ministère des Finances répartie de la façon suivante: de 15 heures, supposément, cet après-midi, mais là on part avec un peu de retard, à 18 heures; mais, suite à une entente, nous allons ajourner nos travaux à 17 heures et nous reprendrons cette heure de 9 heures à 12 heures, mardi prochain.

Avant de passer à l'étude des crédits, j'aimerais que les membres me précisent le mode de fonctionnement. Est-ce que vous préférez faire l'étude programme par programme, selon le livre des crédits, ou encore procéder à une discussion sur l'ensemble des programmes et voter ces programmes-là à la fin de nos travaux? J'aimerais vous entendre. On va voter en ensemble, oui, et vous allez discuter globalement de tous les programmes, un peu pêle-mêle, comme bon vous semble?

Bon. Je dois vous dire que, quelle que soit l'évolution de nos travaux, cinq minutes avant la fin de la séance on procédera à la mise aux voix, bien entendu, des programmes du ministère des Finances. Je vais permettre au ministre, s'il a des remarques préliminaires à nous faire... Au départ, la coutume veut qu'on accorde 20 minutes au ministre et 20 minutes à l'opposition et à d'autres membres de la commission également. Donc, M. le ministre.

(15 h 40)


Remarques préliminaires


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Bon. M. le Président, comme l'opposition a eu le civisme de convenir de me libérer pour 17 heures, pour que je puisse aller rencontrer les représentants de l'Union des producteurs agricoles, je vais limiter de façon très rigoureuse mes remarques préliminaires à quelques minutes plutôt que les 20 auxquelles j'aurais droit.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour analyser et discuter les crédits budgétaires du ministère des Finances pour l'exercice financier 1997-1998. Les crédits des Finances regroupent avec eux, vous le savez, ceux de la Commission des valeurs mobilières du Québec, de l'Inspecteur général des institutions financières et, enfin, ceux du ministère des Finances proprement dit. Comme le veut une tradition bien établie, à l'occasion de l'étude des crédits du ministère des Finances, les dirigeants de la Caisse de dépôt et placement se sont rendus disponibles afin de participer à nos travaux. Je tiens à les en remercier et je profite de l'occasion pour les saluer. Tous les dirigeants supérieurs, pratiquement, de la Caisse de dépôt sont avec nous, dont, évidemment, son président-directeur général qui est à ma droite et qui nous présentera – je pense que ce sera intéressant – ses collaborateurs et collaboratrices, par la suite.

Compte tenu que nous venons de terminer une commission parlementaire de 10 heures sur le budget avec les représentants du ministère des Finances, commission au cours de laquelle vous avez été à même de discuter des grandes orientations de la politique fiscale et budgétaire du gouvernement, je proposerais de discuter, dans cette étude, au début, dans un premier temps, du sort de la Caisse de dépôt et placement, ensuite de la Commission des valeurs mobilières, de l'Inspecteur général des institutions financières et, pour terminer, des crédits du ministère proprement dit, si cela vous convient, M. le Président. Et ça terminerait mes remarques préliminaires que je veux brèves à cause du fait que notre commission est écourtée mais aussi parce qu'on a parlé 10 heures de ces questions-là tout récemment avec nos interlocuteurs d'en face. Non pas que je sois las de les voir ni de les entendre, bien au contraire, mais il faudrait passer à d'autre chose aussi et aller de façon plus approfondie dans les crédits du ministère.

Alors, je suggère, M. le Président, que vous donniez la parole au président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qu'il nous présente ses collaborateurs et collaboratrices, si ça convient à l'opposition. Et ensuite, il sera à la disposition des parlementaires.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le ministre. Je vais demander si ça convient au représentant officiel de l'opposition ou s'il a une réplique à faire tout de suite. Avez-vous des commentaires?

M. Bourbeau: Oui, il n'y a pas de problème. C'est toujours intéressant de pouvoir discuter avec les dirigeants de la Caisse de dépôt. Quant aux remarques préliminaires, M. le Président, ça fait 10 heures qu'on discute avec le ministre des Finances depuis la semaine dernière. Alors, je pense qu'on ne se perdra pas en discussions préliminaires. Je pense qu'il est plus intéressant de pouvoir échanger sur certains sujets qui nous intéressent.

M. Landry (Verchères): ...un peu d'entendre le président de la Caisse.

M. Bourbeau: Pardon?

M. Landry (Verchères): Ça va vous reposer un peu d'entendre le président de la Caisse plutôt que de m'entendre, moi.

M. Bourbeau: Oui, oui. Mais je ne suis pas certain. On verra à la fin de son allocution si c'est plus reposant ou moins reposant. On ne présumera pas d'avance.


Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. M. Scraire, Jean-Claude Scraire, le président de la Caisse de dépôt et placement.

M. Scraire (Jean-Claude): M. le Président, permettez-moi d'abord de présenter les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui. D'abord, le premier vice-président Grands marchés et directeur général adjoint, M. Michel Nadeau.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'il y a moyen de monter le son? Moi, je n'entends pas très bien.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, le son, on a de la difficulté.

M. Landry (Verchères): Oui, on dirait que le son n'est pas ce qu'il a coutume d'être ici.

M. Bourbeau: Je ne sais pas si le président a une extinction de voix ou si c'est le microphone.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, c'est la même chose, moi aussi, j'avais de la difficulté à comprendre.

M. Bourbeau: Oui, bon.

M. Scraire (Jean-Claude): Est-ce que ça va mieux actuellement?

M. Bourbeau: Je comprends la déprime qui afflige le président mais il faudrait quand même...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...un peu le micro peut-être. Baissez comme ça, jouez avec, M. Bourbeau. Pas moi, vous. On va essayer pour voir. Essayez. On ne vous demandera pas de chanter mais...

M. Scraire (Jean-Claude): Est-ce que le son est mieux maintenant?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Un peu.


Exposé du président


M. Jean-Claude Scraire

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, je vous présente M. Michel Nadeau, premier vice-président responsable des Grands marchés et directeur général adjoint. Je suis également accompagné de M. Serge Rémillard, qui est premier vice-président Administration et Finances, de M. Alain Tessier, qui est vice-président Administration, ainsi que de M. Philippe Gabelier, qui est vice-président Affaires publiques et Relations avec les entreprises.

En fait, si vous le permettez, je pourrais peut-être faire quelques mots d'introduction avant de procéder...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Certainement, vous pouvez y aller.

M. Scraire (Jean-Claude): ...aux commentaires des membres de la commission. Alors, globalement, le bilan de la Caisse, pour l'année 1996, c'est des revenus qui atteignent tout près de 8 000 000 000 $, précisément c'est 7 900 000 000 $, un rendement de 15,6 %. Sur une période de deux ans, les deux dernières années, ça nous fait donc un rendement moyen de 16,9 %, pour des gains totaux de l'ordre de 16 500 000 000 $, donc une croissance de l'actif net de la Caisse qui est passé de 44 000 000 000 $ à la fin de 1994, à 51 000 000 000 $ à la fin de 1995, pour atteindre 57 200 000 000 $ à la fin de 1996. Tout en tenant compte des retraites, il y a 1 600 000 000 $ qui ont été faits par les déposants au cours de ces deux années-là. Ces résultats de la Caisse s'inscrivent résolument dans notre répartition d'actifs à long terme qui, comme vous le savez, consiste dans une pondération importante des titres à revenus fixes et dans une portefeuille d'actions qui est un peu moins important que la majorité des fonds de pension au Canada.

Les faits saillants de 1996, c'est que, dans six de nos sept catégories d'actifs, nos gestionnaires, nos différents gestionnaires, on a plusieurs équipes de gestionnaires, ont surpassé les indices de référence. Il y a seulement le secteur du marché boursier canadien où, au 31 décembre, nos gens n'avaient pas surpassé l'indice, mais, sur une période de deux ans, globalement... L'an passé, ils l'avaient surpassé de façon importante, de sorte que sur une période de deux ans l'indice est dépassé. Donc, en fait, tous les indices, sur une période de deux ans, sont égalés ou surpassés.

Autre fait saillant de l'année 1996, vous pouvez avoir constaté que c'est le retournement du portefeuille immobilier. La Caisse, comme l'ensemble des investisseurs dans le secteur immobilier, a eu des années difficiles et longues. On parlait de longues traversées du désert dans le cas du secteur immobilier; depuis 1990-1991, à peu près, que ce secteur-là ne rapportait pas les dividendes attendus. C'est en 1996 un retournement important, avec un rendement de 12 %. C'est une forte reprise du portefeuille immobilier. L'autre élément qui est important à l'égard de ce portefeuille-là, c'est la composition de ce rendement-là. C'est du rendement qui est assez constant. Ce sont des revenus et non pas de l'appréciation, vraiment. C'est à peu près 10 % de rendement courant, donc vraiment de l'argent qui entre en portefeuille, de sorte que ça devait nous assurer, il ne faut pas anticiper trop loin d'avance, mais quand même ça devrait nous assurer, au cours des deux ou trois prochaines années, des rendements assez constants.

En fait, autre fait saillant, le portefeuille des titres de petite capitalisation québécoise, c'est un portefeuille auquel on a donné plus d'importance au cours de 1996. Il a doublé, triplé, et c'est le portefeuille qui a produit le meilleur rendement en 1996, avec un rendement de 36 % sur le portefeuille de petite capitalisation québécoise. Évidemment, dans ce secteur-là aussi, nos gestionnaires ont dépassé les indices auxquels on les compare, ce qui nous aide à évaluer leur travail. On est donc généralement satisfait du travail de 1996, non seulement en termes de rendement, mais aussi en termes de contribution à l'activité économique du Québec, et je vais y revenir un peu.

Mais j'aimerais souligner que l'une de nos préoccupation au cours de l'année 1996, ça a été d'augmenter notre niveau de prudence sur l'ensemble des portefeuilles parce qu'on estime, particulièrement sur les marchés nord-américains, qu'ils viennent de connaître plusieurs années de croissance. Le marché boursier canadien vient de connaître lui aussi une année absolument exceptionnelle. Les marchés sont assez élevés. Le marché américain, ça fait quatre ou cinq ans qu'on a des croissances assez importantes, de sorte qu'on pense qu'un peu plus de prudence s'impose de la part des investisseurs et, pour notre part, on a accentué notre diversification.

Vous pourrez constater en étudiant nos rapports qu'on a encaissé beaucoup, beaucoup des gains qu'on avait sur le marchés, de sorte que le rendement dont on parle aujourd'hui, dans une portion plus importante que d'habitude, c'est du rendement encaissé, de sorte que ça nous a permis d'encaisser sur certains marchés des plus-values qu'on avait obtenues, et de les réinvestir dans une plus grande diversification pour faire face à des corrections éventuelles de marché.

(15 h 50)

Le portefeuille obligataire – juste un mot sur chacun des portefeuilles – nous a rapporté 12,7 %. Il compte pour 45,8 % de l'ensemble des placements de la Caisse. Notre volume d'opérations sur les titres du Québec et d'Hydro-Québec a été de 1 300 000 000 $ sur le marché primaire, donc, des acquisitions, et de 13 900 000 000 $ sur le marché secondaire. Dans le cas des actions québécoises et canadiennes, elles représentaient 26,3 % de l'ensemble des placements de la Caisse à la fin de l'année; les actions étrangères, quant à elles, représentaient 17,8 % de nos titres. Les titres québécois et canadiens ont affiché un rendement de 27,1 %, alors que nos titres américains ont procuré un rendement, eux, de 21,6 %. Sur les marchés français et allemand, on a à peu près 20 %. Le rendement moyen des titres étrangers est de 13,2 % au cours de l'année 1996, avec des variations assez importantes, alors que la bourse de Hongkong nous donnait un rendement de 33 %, alors que les titres japonais nous donnaient un rendement négatif de moins 4 %.

J'aimerais revenir peut-être un peu plus sur des activités qui sont un peu plus significatives que les placements de grand marché du point de vue de l'économie québécoise, et je veux parler surtout des placements négociés. On a un ensemble de filiales qui ont été mises sur pied en 1995 et dont la mission est de faire des transactions privées, donc négociées, avec les entreprises, dans le cadre de partenariats à long terme. Et, globalement, ces cinq filiales, au cours de l'année 1996, ont réalisé des investissements... ont investi 1 040 000 000 $ tout en dégageant un rendement, même sur les nouveaux investissements, un rendement global de 31,5 %, donc, un rendement fort appréciable et qui, lui, dépasse l'indice du TSE 300. Ces placements négociés sont dans tous les secteurs de l'activité. On a mis l'accent, évidemment, dans les nouveaux secteurs de technologie: le secteur pharmaceutique, qui se développe énormément, connaît une très forte croissance à Montréal, et le domaine des communications, des télécommunications.

Mais, aussi, on a une filiale qui est spécialisée dans les petits investissements de moins de 1 000 000 $. La raison, à ce moment-là, c'est essentiellement d'avoir des gestionnaires qui ont une approche adaptée aux montants qui sont discutés, aux entrepreneurs avec qui ils travaillent, aux entreprises, puis qui choisissent des modes d'opération qui sont un peu plus légers que... quand on parle avec quelqu'un ou Bombardier pour une transaction de 500 000 $, il faut avoir une approche un peu différente.

Cette société, Capital CDPQ, a mis sur pied, en plus, au cours de l'année 1996, a lancé un réseau régional de la Caisse qui vise à être présent dans toutes les régions du Québec. En fait, on en a quatre qui sont sur pied actuellement. On devrait en mettre quatre autres sur pied au cours de l'année 1997, de sorte que les trois autres qui seront appelées à être mises sur pied au fur et à mesure où les sociétés régionales d'investissement qui avaient été formées il y a quelques années avec le Fonds de solidarité, le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale, au fur et à mesure où ces sociétés régionales d'investissement termineront leur mandat... Donc, ça c'est une activité de présence dans toutes les régions qui vise à être beaucoup plus près des clientèles et, en même temps, à travailler sur des plus petits dossiers. Je souligne au passage aussi la création au cours de 1996 d'une coentreprise qui s'appelle la «Sodémex», qui est avec la Société québécoise d'exploration minière.

Alors, ce type de placement négocié exige une expertise particulière. Ça exige plus de ressources, effectivement, plus de personnel, que les placements en Bourse. On calcule qu'un gestionnaire peut faire à peu près quatre ou cinq nouveaux dossiers par année en matière de placements privés en plus de son fardeau de suivre les dossiers qu'il a en portefeuille, de sorte que c'est beaucoup plus demandant en termes de ressources humaines. Par ailleurs, l'impact sur l'économie, pour l'économie du Québec particulièrement parce que ça s'adresse notamment aux entreprises québécoises, l'impact est plus important et d'autre part, en plus, le rendement année après année, l'expérience qu'on a à la Caisse, c'est de réussir à obtenir par ce type d'activité là des rendements qui sont au moins comparables au marché boursier et qui sont généralement supérieurs au marché boursier. Sur une période de cinq ou 10 ans... un an, deux ans, cinq ou 10 ans, quelles que soient les périodes qu'on prenne dans ce cas-ci, pour l'instant on constate, en tout cas, qu'on réussit à dégager un rendement supérieur par ce type d'activité là. Et comme c'est toujours un de nos objectifs de dégager des rendements supérieurs, bien c'est un type d'activité qu'on va continuer à accroître, notamment et essentiellement par le biais de nos sociétés filiales qui sont spécialisées dans ce domaine-là.

Je souligne, en terminant, qu'au cours de 1996 la Caisse a inauguré son site Internet. Je le souligne pour dire que, pour nous, c'est un instrument de communication important. Vous aurez peut-être noté même que la façon de présenter notre rapport annuel cette année a été largement influencée, puisque le principal moyen de diffusion de notre rapport annuel, maintenant, c'est via Internet. Alors, quelqu'un qui veut avoir l'ensemble de toute la documentation sur la Caisse, aujourd'hui, peut l'avoir via le site Internet, et c'est la meilleure façon de l'avoir, la plus rapide et la moins coûteuse. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie, M. le président de la Caisse de dépôt et placement. La parole est au député de Laporte.


Discussion générale


Rendement des portefeuilles boursiers

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. C'est toujours impressionnant d'entendre dire qu'on a fait un rendement de 15,6 % au cours de la dernière année. Pour ceux qui ne sont pas très familiers avec ce genre de choses là, ça a l'air pas mal plus intéressant qu'une obligation du Canada ou du Québec à 5 % ou à 6 %, ou un dépôt à terme à 4,5 %, ou à des choses du genre, ou les intérêts payés par un compte en banque de 3 %. Mais, quand on regarde le rendement des fonds qui sont présentement disponibles sur le marché, on doit reconnaître que la performance de la Caisse n'est pas très étincelante. En fait, je dois dire que, quand on compare le rendement de la Caisse avec celui des autres fonds de pension, il n'y a pas de quoi pavoiser. C'est même dans la catégorie inférieure de ceux qui font ce genre d'activité. On prend, par exemple, le rendement des actions. La Caisse a des actions et des obligations; le gros du portefeuille de la Caisse, c'est des actions et des obligations. Je suis content de voir que la Caisse, tranquillement, diminue le pourcentage d'obligations et augmente le nombre d'actions ou d'équités.

Avant de passer à des questions, j'ai une observation. Dans la répartition des placements, dans votre rapport annuel, vous mentionnez que les actions québécoises et canadiennes constituent 26,3 % du portefeuille et les actions étrangères, 17,8 %. Ça, ça fait un peu au-delà de 44 %. Est-ce que vous n'êtes pas limités à 40 %, d'après la loi?

M. Scraire (Jean-Claude): 40 %, oui, en actions ordinaires. Alors, il peut y avoir des privilégiées, il peut y avoir des débentures convertibles, il peut y avoir... Et, l'autre notion, je pense, c'est que c'est 40 % au coût, alors que, là, vous avez une répartition de l'actif à la valeur marchande.

M. Bourbeau: Quand on regarde la répartition que vous avez dans votre rapport, là, 44,1 %, ça équivaut à quel pourcentage par rapport à la loi? Êtes-vous à 40 %, ou à moins?

M. Scraire (Jean-Claude): Un peu moins.

M. Bourbeau: Un peu moins?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Bourbeau: Ce n'est pas moi qui vais...

M. Scraire (Jean-Claude): Pas beaucoup moins, mais un peu moins.

M. Bourbeau: ...vous faire des reproches pour avoir modifié un peu votre philosophie parce que, quand on regarde l'évolution des rendements des marchés au cours des dernières années, on se rend bien compte que, depuis au moins les 10 dernières années, même en dépit des nombreuses corrections, y compris la correction de 1987 et celle qu'on vient de voir, le rendement du marché a toujours été intéressant quand même, le rendement des actions a toujours battu le rendement des obligations. Et je pense bien que, quand l'économie va progresser, on devrait continuer de voir des résultats semblables.

Mais revenons aux actions canadiennes. Alors, vous avez fait un rendement de 27,1 % de vos actions canadiennes, l'an dernier. Heureusement qu'il y avait les actions parce que, sans ça, on n'aurait pas eu ce rendement global de 15,6 %. Mais l'indice de la Bourse de Toronto, le TSE, lui, a fait 28,3 %. C'est donc dire qu'un investisseur ne connaissant strictement rien, mais rien, rien, rien, à tout ça, et qui aurait acheté l'indice canadien, TSE, aurait fait 28,3 %, alors que la Caisse, avec tous ses spécialistes, n'a réussi à faire avec les actions canadiennes que 27,1 %. Donc, vous vous seriez fait battre, en fait, par quelqu'un qui ne connaîtrait pas ça, qui aurait acheté l'indice canadien sans connaître rien là-dedans. Il vous aurait battus.

(16 heures)

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, lu au 31 décembre, là, à la date même du 31 décembre, c'est exact. Cependant, je pense bien que tout le monde sait qu'on doit considérer les rendements sur des périodes un peu plus longues parce que, vous savez, on lit là le rendement au 31 décembre. Je vous dirais: Si vous l'aviez pris deux mois avant ou si vous le preniez deux mois après, ça pourrait être l'inverse qui se produit. Alors, c'est vraiment des... ce n'est pas une performance... Par exemple, il est un fait que, si on prenait le rendement au 28 février, au niveau de l'indice, c'est pareil. Alors, ce sont des choses qui bougent assez rapidement, quand même, et de sorte qu'il y a toujours un risque à prendre le portrait à une date précise. Alors, ça, c'est exact, votre constatation. Sur un an, là, ça fait 1 % de différence.

Par ailleurs, ne faisons qu'allonger légèrement la période. Prenons deux ans. L'an passé, on avait fait... Et la vérité est la même: c'est un portrait au 31 décembre, mais c'est dans le sens inverse. L'an passé, au niveau des actions canadiennes, on avait fait 17,2 %, contre un indice de 14,5 %. Donc, on dépassait de près de 3 %, l'an passé, ce qui vous donne une moyenne, là, si on prend les deux ans, donc si on allonge la période, ça nous donne un rendement moyen de l'ordre de 22 % contre un indice à 21 %. On dépasserait, sur cette période-là, l'indice de 100 points, ce qui est un objectif très élevé pour des gestionnaires de fonds.

Regardez, je dirais, pour commenter sur ce sujet-là, j'ajouterais même: On pourrait prendre une période de cinq ans. Une période de cinq ans donnerait aussi un résultat négatif, cette fois-ci, parce qu'on a eu une année – je pense que c'est l'année 1993 – où, si ma mémoire est bonne, c'était un mouvement de spéculation assez important dans l'or, comme on en connaît de temps à autre. Comme nos gestionnaires sont plutôt conservateurs et fondamentalistes, ils n'avaient pas suivi le mouvement, de sorte qu'ils avaient encaissé, à ce moment-là, cette année-là, 1993, une différence sur l'indice assez importante, qu'on vit et dont on répond encore.

Par ailleurs, allongeons encore la période. Et, si on va sur sept ans, bien, là, à ce moment-là, les choses se rétablissent à nouveau, et l'ensemble des unités de gestion toutes confondues dépasse les indices à nouveau. Sept ans, 10 ans, pas sur cinq ans. Oui, on dépasse sur deux ans. Alors, un portrait comme ça, c'est toujours... enfin, ce sont des indicateurs. Mais je peux dire que, quand je considère le travail de nos équipes de gestion en actions canadiennes et québécoises, moi, personnellement, je peux dire que je suis satisfait, actuellement, de ce qui s'est fait au cours de l'année 1996, puis on peut fort bien répondre à tous nos déposants que, effectivement, jugé de façon professionnelle sur les périodes adéquates, le rendement est bon dans ce secteur-là. C'est sûr qu'on aime toujours faire mieux, mais il faut juger sur une période un peu plus longue.

Je pourrais juste vous mentionner, par exemple, que les choses peuvent, parfois, être trompeuses, mais une des raisons pour lesquelles on avait une performance inférieure en 1996 dans les actions canadiennes, c'est que, dans un titre comme Bre-X par exemple, on est sous-pondéré par rapport à l'indice, de sorte que le gestionnaire, le client dont vous parliez tantôt, qui serait à l'indice, qui l'aurait été au 31 décembre, nous aurait battu au 31 décembre, mais il nous battrait encore dans les difficultés actuelles qu'on a dans le dossier Bre-X. Alors, on total, peut-être qu'on gagne d'avoir des gens qui connaissent ça et qui suivent ça.

M. Bourbeau: M. le Président, on reviendra à Bre-X un peu plus tard. On ne mêlera pas les dossiers, là. Mais revenons à la performance de la Caisse. Moi, je trouve ça un petit peu étonnant, là. Vous me dites: Ah, pour l'année 1996, c'est vrai. On n'a pas très bien fait, mais si on avait rajouté un mois ou deux... Moi, là, vous me permettrez de croire qu'un mois ou deux, ça ne changera pas grand chose. La Bourse a continué à monter après le 1er janvier, puis elle a commencé à descendre après le 17 mars. Bien, je présume que vous avez suivi le courant comme tout le monde, puis que vous n'avez pas fait mieux en 1997 qu'en 1996. De toute façon, quand on regarde pour l'année 1996, sur les 54 caisses de retraite qui sont mentionnées dans les documents, le rapport de Sobeco, Ernst & Young, là, vous arrivez au 31e rang, par rapport à 54. Alors, ce n'est pas nécessairement une performance étincelante.

Maintenant, si on regarde sur cinq ans – si un an, ça ne fait pas, on peut regarder sur cinq ans – bien, ce n'est pas mieux, hein? Comment vous vous classez, par rapport aux 45 caisses qui sont évaluées par Sobeco, Ernst & Young? Vous arrivez au 32e rang, sur cinq ans. Alors, là, ça commence à être une période pas mal plus grande. Quand on parle de cinq ans, là, on ne parle pas d'un an et deux mois ou un peu moins, bon. Alors, vous me dites: Sept ans, cinq ans. Mais moi, je prends des études qui sont faites par des sociétés sérieuses. On étudie un an. On a étudié cinq ans. C'est toujours la même chose, vous performez mal, bon. Alors, c'est étonnant.

Maintenant, ça, c'est les actions canadiennes, regardons les actions étrangères. Alors, là, vous affichez un rendement de 21,6 % au chapitre des actions américaines. On sait comment la Bourse américaine a bien fait au cours des deux dernières années. Alors, par rapport à l'indice de référence, le Standard & Poor's 500, par rapport aux 38 caisses de retraite canadiennes, vous arrivez au 22e rang. Vingt-deux sur 38, vous passeriez à peine l'examen, là, si jamais il y avait un examen qui devait être tenu. Maintenant, si on compare ce rendement avec la performance des actions américaines des 32 caisses de retraite – 32 caisses de retraite – alors, là, vous arrivez à la dernière place, 32e sur 32, parmi les caisses de retraite, hein? Et, si on compare le rendement du portefeuille d'actions étrangères de la Caisse avec la performance des 23 caisses qui géraient un portefeuille d'actions internationales, là, vous arrivez encore dernier.

Moi, je me dis: Je veux bien considérer toutes les explications, puis les excuses. Mais il y a un problème, là. Il y a un problème chez vous. Comment se fait-il que vous ne réussissez pas à performer mieux que ça dans ce domaine important? C'est 40 % de votre portefeuille, les actions de compagnies. Quand les actions canadiennes performaient mal, les actions américaines, c'était encore pire. Alors, moi, je me dis: Il y a un problème chez vous. Il y a certainement un problème de compétence, parmi les gens qui sont responsables de faire les investissements dans ce genre de placements.

Au chapitre des obligations, ça, vous performez mieux. Bon, c'est sûr, vous êtes surpondérés en actions québécoises. On sait que les actions québécoises, leur rendement est plus important que les actions autres, comme les actions canadiennes par exemple. Le gouvernement du Québec paye des taux d'intérêt plus élevés, des rendements plus élevés. Vous en avez beaucoup, puis, comme il y a une fluctuation énorme sur les actions québécoises selon qu'il y a un référendum qui s'en vient ou qu'il n'y a pas de référendum qui s'en vient...

M. Blais: ...

M. Bourbeau: Non, non, M. le Président, je regrette, j'ai la parole, là! Le député de Masson ne connaît strictement rien là-dedans, de toute façon.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Non, non, je ne mêle rien du tout, M. le Président, ce n'est pas un reproche, non plus, que je fais au ministre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Landry (Verchères): Laissez-moi donc dire ce que j'ai à dire.

M. Bourbeau: Je regrette, M. le Président, j'ai la parole et je la garde.

M. Landry (Verchères): M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Un instant. Je «peux-tu» la prendre, moi aussi?

M. Bourbeau: Oui, vous pouvez la prendre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, monsieur, attendez...

M. Landry (Verchères): Ça fait 20 fois de suite...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre, attendez un peu. Je vais attendre que chacun se calme, je vais en revenir, justement, puis je vais vous accorder la chance de répliquer. Il y a eu différentes personnes qui se sont, je dirais, adressé mutuellement... et je voulais demander au député de Laporte, justement, de respecter les autres députés parce qu'on est à une commission, je pense, sérieuse et le député de Laporte a levé la voix un peu, suite aux paroles que le député de Masson avait adressées. Je pense qu'elles n'étaient insultantes envers personne, mais les paroles du député de Laporte ont sans doute dépassé sa pensée. Donc, je voulais intervenir pour, justement, demander au député de Laporte de surveiller un peu son langage et, peut-être, revenir, aussi... ne pas faire de partisanerie politique à cette commission-là. J'ai toujours essayé de maintenir un niveau apolitique; je sais que ce n'est pas toujours facile, mais nous avons quand même réussi assez bien. Sur ce, M. le ministre, oui, je vais vous donner quelques minutes.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est moi qui ai la parole, j'ai le choix de continuer à parler, mais même le ministre n'a pas d'affaire à venir m'interrompre. Je regrette, là-dessus...

M. Landry (Verchères): Le président vient de me donner la parole.

M. Bourbeau: Je regrette, M. le Président, c'est moi qui ai la parole, vous n'avez pas le droit de m'enlever la parole parce qu'un autre député demande la parole. Je regrette, là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, vous n'avez pas à vous lever debout, ici, en commission – oui, M. le ministre, je vous vois – vous pouvez rester assis, je vais vous apercevoir aussi bien assis que debout, mais je dois vous dire que la coutume veut que le président soit maître de l'assemblée et, en autant...

(16 h 10)

M. Bourbeau: Moi, si je n'ai pas la parole, je regrette, je m'en vais. C'est moi qui ai la parole.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je ne vous ai pas dit que je vous enlevais la parole, M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président, j'étais en train de dire...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Attendez un peu, je n'ai pas fini...

M. Landry (Verchères): ...à se buter comme ça, là...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...bien oui, mais c'est ça que je vous dis, M. le ministre.

M. Bourbeau: Là, c'est moi qui ai la parole, M. le Président, et je n'accepterai pas que le ministre vienne me couper...

M. Landry (Verchères): ...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non. Si ni l'un ni l'autre ne se calme et moi-même, en particulier, je vais suspendre pour quelques minutes pour que la vapeur baisse un peu. Habituellement, c'est une pratique qui est utile et je vais suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. On va essayer de reprendre nos travaux calmement, et, juste très brièvement, je veux souligner que, lors de l'étude des crédits, chaque membre de la commission a droit de parler sur un élément durant 20 minutes, une période de 20 minutes; le ministre a 20 minutes pour répondre à chacune des questions qui lui est posée; le député peut prendre 20 minutes toutes de suite ou bien les prendre par étapes.

Sur ça, je reconnais que le député de Laporte a le droit de parole. Je ne voulais absolument pas l'interrompre mais, si je suis intervenu dans le débat, c'est parce qu'il y avait deux, trois membres de la commission qui parlaient en même temps, et vous comprendrez que, pour la transcription de nos débats, c'est difficile, sans doute, à percevoir qui parle et qui dit quoi en même temps.

Donc, sur ça, je vais redonner la parole au député de Laporte et je vous informe, M. le ministre, comme je l'ai dit tout à l'heure, que vous aurez tout le temps pour répondre à chaque question que le député vous posera ou que les députés vous poseront. Vous avez 20 minutes pour répondre pour chaque question. Vous avez un avantage, même, sur les membres de la commission, parce que vous pouvez prendre 20 minutes pour chaque réponse. Je ne le souhaite pas, mais vous pouvez prendre aussi 20 minutes de suite.

Donc, M. le député de Laporte, je vous réaffirme que je ne voulais nullement vous interrompre, parce que je pense que, s'il y a quelqu'un qui essaie d'être équitable envers les deux partis, c'est bien ma part, mais j'aime ça être capable de contrôler les travaux qui se déroulent en toute conformité et civisme.

M. Bourbeau: M. le Président, je reconnais que vous êtes très équitable et en aucune façon je n'ai voulu mettre en doute votre impartialité. Je tiens également à présenter au député de Masson mes excuses; mes paroles ont excédé de loin ma pensée à son sujet, M. le Président.

Pour ce qui est du propos que je tenais... Alors, on avait parlé des actions de compagnies canadiennes, on avait parlé des actions de compagnies américaines, et j'étais en train de dire, M. le Président, que, quant aux obligations du Québec que détient le gouvernement du Québec... j'ai dit qu'il y avait des obligations du Québec, il y avait des obligations du Canada dans le portefeuille, mais que, en ce qui concerne les obligations du Québec, c'est sûr que le fait qu'il y ait eu des activités politiques dérangeantes pour les marchés – pour ne pas blesser les susceptibilités – comme des élections, comme des référendums, ça a pour effet de faire varier énormément le cours des choses et de faire augmenter la demande ou diminuer la demande pour des obligations du Québec en particulier, qui ont été très volatiles au cours de cette période-là, et ça a été l'occasion pour la Caisse de dépôt de faire des profits – c'est ce que j'allais dire si le ministre ne m'avait pas interrompu – et je reconnais que ça a été rentable pour la Caisse de dépôt d'avoir et d'acheter des obligations du Québec à des moments où leur valeur fluctuait en fonction de l'incertitude qui entourait les événements dont j'ai parlé.

Alors, j'étais en train de dire que la Caisse avait fait, contrairement au domaine des actions, un bon rendement avec ses obligations, particulièrement avec les titres québécois qui, à cause de ces fluctuations-là, lui ont permis d'obtenir des rendements supérieurs à ceux qui n'ont pas osé, disons, plonger dans ce genre d'activités-là, parce que c'était plus volatile.

Alors, revenons aux propos du début. Alors, j'ai posé quelques questions, j'ai affirmé certaines choses, et je demande au président de la Caisse: comment peut-il justifier que, par rapport justement aux autres caisses de retraite – hein, les autres caisses de retraite et le rapport Sobeco dont je parle – la Caisse arrive à la dernière place quand on regarde la performance de la Caisse au chapitre, par exemple, des actions américaines? La Caisse en a quand même un bon pourcentage, d'actions américaines. Je crois que c'est 10 000 000 $; peut-être que le président pourra préciser, là. Et pourquoi est-ce que la Caisse ne réussit pas à avoir une meilleure performance avec son rendement des les actions étrangères par exemple? Sur les 23 caisses qui géraient un portefeuille d'actions internationales, la Caisse arrive la dernière – je l'ai dit tantôt – et si on compare le rendement de la Caisse avec la performance des actions américaines des 32 caisses de retraite, elle arrive encore la dernière. Alors, ça, il doit y avoir une raison, peut-être que le président pourrait nous éclairer.

M. Scraire (Jean-Claude): Il y a certainement différents points de vue qui peuvent être élaborés là-dessus. L'un d'entre eux, c'est que l'indice dont on parle n'est peut-être pas l'indice adéquat pour considérer la Caisse de dépôt. D'abord, nos gestionnaires ont pour mission non pas de se comparer à d'autres, parce que leur style de gestion et leurs objectifs ne sont pas les mêmes, ils gèrent des montants importants, ils doivent avoir des niveaux de prudence adéquats... Ce n'est pas la même chose que des gestionnaires, je dirais privés, qui n'ont pas le même mandat. L'indice Sobeco n'est pas comparable aux gestionnaires, disons, de 1 000 000 000 $ et plus, seulement. Alors, il faut au moins prendre des échantillons de comparaison qui, disons, seraient d'au moins 1 000 000 000 $, ce qui n'est pas le cas de Sobeco. Alors, ce n'est pas vraiment un bon indice de comparaison.

(16 h 20)

Je reviens là-dessus, sur le marché boursier canadien: sur toutes les périodes, par rapport aux indices, nos gestionnaires accomplissent les objectifs qui leur sont donnés, c'est-à-dire de faire mieux que le TSE, de faire mieux que les marchés tout simplement; donc, sur le long terme, c'est ça qu'ils font. Sur la période de deux ans, on le fait, sur la période de sept ans, on le fait, sur les 10 ans, on le fait. L'autre élément, sur les marchés boursiers canadiens, que je pourrais peut-être mettre en relief: je pense que, dans le cas de la Caisse, il faut toujours se rappeler qu'étant donné les responsabilités de ses gestionnaires il y a deux éléments qui caractérisent sa gestion: c'est une approche fondamentaliste et c'est une approche prudente. Ce que ça fait, quand on arrive dans le marché boursier canadien – et, parfois à la Caisse, c'est ce qu'on appelle le biorythme de la performance de nos marchés boursiers – c'est que, quand les marchés performent très fortement, donc quand le niveau de spéculation dans les marchés est plus élevé, comme nos gestionnaires sont plus fondamentalistes et prudents, ils vont avoir tendance à moins battre le marché; et ça nous convient comme objectif. Faire 27 % de rendement réel avec un niveau de risque plus bas nous apparaît être plus important que de risquer de faire mieux que le marché à 29 %, mais avec un niveau de risque qui ne serait pas acceptable, parce que le rendement est fonction du risque qu'on prend. Et qu'est-ce que ça traduit, ça?

Si on regarde sur un horizon, 1970-1996, juste un historique qui traduit bien le style de gestion à la Caisse... Si la Caisse a tort d'être prudente, c'est une autre question, mais le style de gestion est celui de la prudence et ça fait que, quand les marchés sont en hausse par exemple de plus de 20 %, on a plus de difficultés à battre les indices. Puis la statistique très précise c'est que, sur neuf fois où c'est arrivé, depuis 1970, on a battu l'indice quatre fois. Donc, l'indice a battu nos gestionnaires cinq fois.

Quand le rendement de la bourse est entre zéro et 20, donc un rendement plus normal, à ce moment-là nos gestionnaires battent la bourse d'indice TSE huit fois sur 12, parce que le rendement est plus normal, il y a moins de spéculation dans le marché. Et, dans le cas d'un rendement boursier négatif, nos gestionnaires perdent toujours moins; six fois sur six ils perdent moins. Ça traduit le niveau, l'approche fondamentaliste des gestionnaires et l'approche prudente des gestionnaires. Alors, c'est un peu normal, quant à nous – ce n'est peut-être pas souhaitable – puis si on peut malgré tout faire mieux que les indices, même quand les indices performent très bien, si on peut faire mieux, c'est ça qui est l'objectif. Par ailleurs, le niveau de risque est une contrainte importante qu'on donne à nos gestionnaires. On demande de maintenir un niveau de risque acceptable, compte tenu de l'ampleur des sommes que nous gérons.

Sur les actions américaines, ce que je dirais là-dessus: donc, actions canadiennes sur deux ans, nos statistiques sont bonnes; les actions américaines sur deux ans, le rendement qu'on a généré, c'est 38 % en 1995 et 21 % en 1996, pour un rendement moyen de 30 %, les deux années. Je ne sais pas d'où viennent les statistiques contraires, mais le type de statistiques qu'on a là-dessus, c'est que très peu de gestionnaires battent l'indice américain.

Sur les actions étrangères: depuis deux ans, nos gestionnaires font l'indice, à un dixième de 1 % près pour cette année, puis l'an passé c'était à peu près l'équivalent, c'était 38,4 % à 38,9 %, mais dans un marché hautement spéculatif en technologie. Le marché américain de 1995 a été marqué par la spéculation, notamment dans le domaine de la technologie. De sorte que nos gestionnaires, encore une fois, avec une approche plus prudente, c'est certain qu'ils ne font pas l'indice à ce moment-là. Mais quand les marchés vont se corriger, à ce moment-là, ils vont récolter le fruit de leur approche prudente.

Alors c'est un peu les différents éléments sur le marché américain et sur le marché canadien. Sur les autres actions étrangères, la Caisse a fait deux choix en 1990: un, elle a choisi une diversification plus forte que la majorité de ses pairs et elle est plus présente sur le marché japonais. Elle a fait un deuxième choix, à ce moment-là, c'est de ne pas prendre le risque de change, de sorte qu'on a une couverture de change, encore aujourd'hui, à 100 %. Politique que l'on remet en cause aujourd'hui, mais c'est une politique qui, de 1990 à 1994 à peu près... On a payé, donc, pour éliminer le risque du change et ça a pénalisé nos rendements. Mais, encore là, c'est une approche prudente.

Comme on ne pouvait pas prétendre à l'expertise pour la couverture dans le domaine des devises et du change, on a fait une approche qui était plus prudente, on a payé pour la couverture, on a donc protégé mais, pour cette période-là, ça n'a pas été positif. Depuis deux ans, la même politique, elle, maintenant, est positive. Ça ne nous empêche pas de réfléchir, puis de faire travailler nos gens sur la politique qui devrait être la plus appropriée. Mais on a quatre ans de négatif, donc, sur cette politique-là, et maintenant on a deux ans de positif. Alors ça, c'est le phénomène pour les actions étrangères. Une chose que ça traduit, tout ça, c'est que...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le président, pourriez-vous être plus court dans vos réponses, parce que ça gruge le temps, puis j'ai plein de députés, plein de membres qui veulent vous poser des questions?

M. Scraire (Jean-Claude): Volontiers, M. le Président. Je vais faire un effort, là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je sais que ce n'est pas facile, là, mais...

M. Bourbeau: En fait, je comprends que le président se porte sur des périodes autres que celles du rapport Sobeco, mais disons qu'en gros on peut convenir que la Caisse a une grande expertise en matière d'obligations, surtout parce qu'elle a une surpondération en obligations du Québec qui, pour les raisons que j'invoquais tantôt, lui rapportent parfois plus, mais qu'en termes d'actions de compagnies, là, la Caisse n'est pas très forte, ni les actions de compagnies canadiennes, ni les actions de compagnies étrangères nord-américaines.

Là-dessus, là, d'une façon générale, la Caisse ne performe pas bien. C'est ce qu'on peut voir d'après le rapport, et le président nous donne des excuses du genre: Bon, écoutez, les autres fonds ne sont pas aussi gros que les nôtres, peut-être que s'ils étaient aussi gros, bon, etc. Mais je vous donne comme exemple le Teachers' Pension Plan Board, qui est un gigantesque fonds de retraite, puis qui a obtenu l'an dernier un rendement de 31,5 % sur ses actions canadiennes alors que vous avez fait 27 %. Alors, ça se compare. C'est vraiment un fonds qui est important. Alors, ça infirme un peu ce que vous dites. Mais pour ne pas tout passer le temps, M. le Président, sur la performance de la Caisse, je pense que le ministre devrait peut-être regarder, éventuellement, s'il n'y a pas des changements à apporter à ce niveau-là pour s'assurer que la Caisse a les expertises nécessaires pour performer non seulement dans les obligations mais aussi dans les actions de compagnies.


Placement dans Bre-X

Parlant de ça, il y a aussi votre placement dans Bre-X. Alors là, le placement dans Bre-X, ça n'a pas été évidemment un grand succès. On me dit que la Caisse a perdu pas mal d'argent. Peut-être que vous pouvez nous en parler un peu. Mais ce qui étonne les commentateurs, quand on regarde un peu ce qui s'est écrit, un, c'est que la Caisse a mis beaucoup d'argent dans Bre-X, enfin, une somme importante par rapport à ce qu'elle investit dans les aurifères québécoises. En Indonésie, ce n'est quand même pas à la porte, là. Deuxièmement, on se demande: avant d'investir dans un gisement comme ça, en Indonésie, est-ce que la Caisse a fait des enquêtes pour connaître la crédibilité, puis aussi l'expertise et la fiabilité des promoteurs du projet?

On a vu des gens très sérieux, à Montréal, qui connaissent un peu ce milieu-là et qui ont dit: Nous, on connaissait très bien le promoteur de Bre-X, qui est montréalais d'origine, dont le passé n'est pas très, très, très reluisant. On a fait état, là, pratiquement, de faillite personnelle ou enfin de dettes énormes non payées dans le passé. Enfin, sa crédibilité n'était pas très forte, tout l'édifice reposait sur la crédibilité d'un homme comme ça, et la Caisse ne semble pas avoir fait des enquêtes très, très longues là-dessus.

(16 h 30)

D'autre part, il me semble que, quand on investit des millions et des dizaines de millions de dollars dans un placement comme ça dans des pays assez éloignés, assez étrangers, est-ce que la Caisse a des experts qui sont capables de vérifier non seulement ce qu'on dit dans les journaux mais, sur place, le sérieux du gisement? Est-ce que vous vous êtes fiés au rapport qui a été émis par la compagnie? Ou si vous avez vos propres experts qui sont capables d'aller au-delà de ça, puis de fouiller un peu pour voir si... Quand on parle d'un placement risqué... là, on parle d'un placement risqué, quand on parle d'investir dans les aurifères dans des pays étrangers. Moi, là, investir dans des actions américaines à la Bourse de New York, des actions de compagnies qu'on appelle des «blue chips», je ne considère pas ça comme des placements risqués. Mais des compagnies minières en Indonésie, je vous assure, M. le Président, que Bre-X ou non, ça va prendre du temps avant que j'investisse de l'argent là-dedans. Pourtant la Caisse, elle, n'a pas hésité et, aujourd'hui, il y a bien des gens qui la blâment d'avoir perdu, enfin, fait des pertes énormes. On parle de 70 000 000 $ qui ont fondu du jour au lendemain. Le président peut peut-être nous dire que d'autres aussi ont perdu, mais d'autres ne sont pas responsables de gérer le fonds de pension des Québécois. Ça peut être leur argent à eux, ou enfin, ça peut être autre chose. Alors, je vais donner la chance au président de se faire entendre là-dessus.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le président.

M. Scraire (Jean-Claude): Je vais essayer d'être bref, M. le Président. La première chose que je veux dire là-dessus, d'abord, c'est que Bre-X est une compagnie canadienne bien que ses opérations aient été, dans ce cas-là, en Indonésie, et, comme la plupart des compagnies canadiennes d'ailleurs qui ont de l'exploration à l'étranger... alors, à moins d'exclure les placements dans le domaine de l'or et des minéraux, il faut accepter que les compagnies dans lesquelles on investit font du travail à l'étranger.

C'est la même chose pour les compagnies d'exploration, même québécoises, dont une partie importante des activités sont faites à l'étranger. Alors, la première considération dans ce cas-ci que je veux rappeler, c'est celle-là, c'est que c'est une compagnie canadienne.

La seconde, c'est que les résultats sont inconnus.

M. Bourbeau: Pardon?

M. Scraire (Jean-Claude): La seconde considération, c'est que les résultats sont inconnus aujourd'hui.

M. Bourbeau: Sont quoi?

Une voix: Inconnus.

M. Scraire (Jean-Claude): Et qu'il est donc à mon sens tout à fait inapproprié de parler de perte aujourd'hui. L'ensemble du marché qui a suivi ce dossier-là et l'ensemble des gestionnaires qui ont été impliqués là-dedans sont toujours d'avis que probablement, à moins d'une fraude monumentale et à peu près inconcevable, les résultats d'or qui ont été éprouvés là-dedans vont s'avérer à un moment donné.

On attend, comme le marché d'ailleurs... C'est vrai qu'il y a beaucoup d'incertitude et la valeur est inconnue aujourd'hui, mais on attend les résultats de plusieurs études qui sont en train de se faire par des organismes ou des firmes indépendants. Les résultats devraient être connus vers la fin du mois, début de mai, mais dès la fin du mois, on devrait commencer à avoir des résultats. Il y a trois études indépendantes qui sont en cours. Évidemment qu'on espère que ces études-là vont confirmer la présence de gisements importants comme la compagnie l'a représenté et comme tous les spécialistes qui ont travaillé ce dossier-là l'ont constaté et ont émis des avis.

Si on me permet deux, trois minutes de plus, j'aimerais demander au premier vice-président, Grands marchés, qui est plus immédiatement en charge des opérations, juste d'énumérer par exemple le type d'information qui était disponible pour nos gestionnaires pour prendre ces décisions-là, uniquement pour dire que le travail a été fait de façon professionnelle. Que des gens se soient fait tromper, on le verra si c'est le cas. On l'ignore aujourd'hui. Pour l'instant, on présume toujours que les représentations qui ont été faites, les études qui ont été faites, étaient sérieuses et qu'il n'y a pas de fraude jusqu'à preuve du contraire.

L'autre élément – juste avant de laisser la parole à M. Nadeau – que je voudrais souligner, c'est que ce type de décision là, chez nous, n'appartient pas uniquement à une personne. On a plusieurs centres de gestion de sorte que différentes personnes sont appelées à prendre des décisions là-dedans de sorte que ce n'est pas uniquement... et on ne pourrait même pas dire que c'est un gestionnaire ou c'est deux gestionnaires, c'est plusieurs centres de décisions. Il y a plusieurs études qui sont faites. Il y a beaucoup d'échanges entre les gestionnaires mais ils sont libres de décisions différentes, de sorte que ça nous rappelle constamment à l'obligation d'une très grande expertise chez nos gens. Mais, j'aimerais laisser, si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, en autant qu'il s'identifie et est bref le plus possible, le plus court, si possible.

M. Scraire (Jean-Claude): M. Nadeau, le premier vice-président, Grands marchés.

M. Nadeau (Michel): Brièvement...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Linteau.

M. Scraire (Jean-Claude): Nadeau, Michel Nadeau.

M. Nadeau (Michel): Michel Nadeau.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Michel Nadeau, excusez.

M. Nadeau (Michel): Oui. Alors, Bre-X était la troisième compagnie aurifère en importance au Canada l'an dernier, avec une capitalisation dépassant 3 000 000 000 $. Cette entreprise a annoncé, à différents moments, l'existence de réserves très importantes en Asie du sud-est. Nous avons à l'emploi de la Caisse un ingénieur minier qui s'est rendu dans la région et qui a pris connaissance de l'ensemble des réserves dans la région du sud-est asiatique. Également, nous travaillons avec les 10 plus importantes maisons de courtage, et j'ai les rapports ici des 10 plus importants analystes miniers, et les 10 recommandaient à ce moment-là l'accumulation du titre de Bre-X. Or, la plupart de ces entreprises-là étaient allées voir. Nous avons rencontré également la firme Kilborn, une filiale de SNC-Lavalin, qui a fait l'expertise des carottes qui ont été extraites du gisement de Busang. Les explications qui nous ont été données par les gens de SNC-Lavalin étaient conformes à ce qu'avançait la compagnie. Nous avons fait toutes les vérifications auprès d'experts indépendants pour voir si l'emplacement des carottes, la teneur du gîte et les réserves étaient aussi importantes, et nos conclusions ont été positives.

Nous sommes demeurés prudents en ce sens que nous n'avons pas mis autant de titres de Bre-X qu'il y avait dans l'indice. Voilà pourquoi nous avons un petit peu sous-performé en bas, en 1996, mais dans l'ensemble nous avons fait toutes les démarches qui étaient nécessaires à une analyse rigoureuse de ce titre aurifère.

M. Gendron: ...acceptez-vous, là?

M. Bourbeau: Oui, oui.

M. Gendron: C'est parce que je sais qu'il vous reste quelque temps, mais, compte tenu de la...

M. Bourbeau: Non, non, c'est correct.

M. Gendron: ...circonstance d'aujourd'hui, qu'on a dit qu'on terminerait à 17 heures, je ne voulais pas que tout le questionnement de la Caisse soit fait...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Merci. Alors, vous comprendrez, M. le Président...

M. Landry (Verchères): Je n'ai pas pris tout mon temps, je n'ai pas l'intention de le prendre, alors mes collègues peuvent en avoir plus.

M. Gendron: Merci, M. le ministre des Finances. Bon, très rapidement, moi aussi, je veux poursuivre un peu sur le titre de Bre-X, parce que je crois, d'abord... Je suis content que M. Scraire avec ses collaborateurs de la Caisse de dépôt soient présents. Vous connaissez de quelle région j'origine. Vous connaissez quelles conséquences ça a eu sur les marchés financiers, plus particulièrement pour ce qui est des titres de juniors. Je crois qu'on ne serait pas très responsables de ne pas profiter de la présence de la Caisse de dépôt et placement pour essayer de fouiller davantage cette question-là et des questions connexes.

Vous venez de nous dire, M. Scraire, que, d'après vous, la Caisse de dépôt a été très vigilante, dans le sens qu'elle a pris toutes les précautions, elle a fait des vérifications d'usage et, tout comme vous, je crois qu'il est un peu prématuré pour tout de suite de raturer – si vous me permettez – la perte dans les livres de la Caisse de dépôt. On va attendre un peu. Mais, dans l'imagerie populaire, c'est ça qui est plutôt grave.


Investissements dans les titres de compagnies minières québécoises

Moi, les deux ou trois questions que je voudrais poser liées à ça, c'est que tout le monde sait que la Caisse de dépôt n'avait pas une grande tendance d'aller dans les aurifères, du moins québécoises. Moi, ce dont je me rappelle comme ex-ministre des Ressources, c'est qu'on a fait passablement de démarches auprès de la Caisse de dépôt pour l'intéresser à ce qu'elle soit plus active dans le soutien du développement de l'activité minière et dans des participations à des juniors.

Deuxième exemple, je pense que l'effondrement des titres de Bre-X, indépendamment des bonnes explications qu'on peut donner, a des conséquences aujourd'hui majeures sur l'ensemble de l'industrie minérale du Québec et en particulier dans une région comme l'Abitibi-Témiscamingue où on a déplacé toute l'exploration minière et le développement accéléré. Il faut absolument éclaircir davantage. Alors, mes deux questions, moi, c'est... La première est très précise, liée à ça: comment se fait-il que la Caisse de dépôt n'avait pas plus de tendance à aller dans des titres québécois ou canadiens dans le domaine des mines? Je donne deux exemples où il y avait deux excellents titres, le titre de Dia Met, qui est un titre diamantaire, de même que la grosse découverte de cuivre et de nickel où tout le monde est parti en peur, tellement qu'on a demandé au législateur de modifier le «claim» qu'il avait – si vous me permettez de m'exprimer comme ça – créé pour soustraire au jalonnement dans la région de Sept-Îles.

Alors, mes deux premières questions: au-delà de recevoir des avis de toute sorte de monde qui vous couvrait, comment se fait-il que la Caisse de dépôt n'a pas tendance à soutenir le développement de titres miniers où la même logique s'impose? À partir du moment où elle est hautement recommandée et que des spécialistes vous conseillent de prendre des participations, qu'est-ce qui vous retient? Comment il se fait que, dans ces cas-là, vous avez l'air d'être sur vos réserves comme ce n'est pas possible?

M. Scraire (Jean-Claude): Je ne peux pas expliquer tout l'historique, sauf peut-être en disant qu'on ne devait sans doute pas avoir l'expertise pour le faire. Cependant, au cours de 1995-1996...

(16 h 40)

M. Bourbeau: ...demander au président de parler plus fort. Moi, j'ai de la difficulté à l'entendre. Alors, qu'il rapproche le microphone de sa bouche ou qu'on demande aux gens qui sont derrière d'augmenter un peu le son. Si on ne peut pas entendre ses réponses facilement, ça devient compliqué.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous avez raison, M. le député de Laporte, vous avez raison.

M. Bourbeau: M. le Président, qu'il se fasse remplacer par son vice-président, on l'entendait bien, lui tantôt. Mais, le président, on ne l'entend pas.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Scraire peut peut-être faire un effort pour parler un peu plus fort, non hausser le ton, mais parler un peu plus fort.

M. Bourbeau: Je ne sais pas quoi, mais il y a un problème, c'est certain.

M. Gendron: On a un problème de son, pas de jugement.

M. Bourbeau: Bien non, mais on n'entend pas.

M. Gendron: C'est un problème de son, ce n'est pas un problème de jugement.

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, je reprends pour voir. Est-ce que ça va mieux?

Des voix: Oui.

M. Scraire (Jean-Claude): Je supposerais qu'on n'avait pas l'expertise et je ne peux pas élaborer longtemps sur les raisons pour lesquelles on n'est pas allé plus rapidement dans les compagnies minières québécoises. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en 1995-1996 on a commencé notre travail là-dedans. Aujourd'hui, je peux vous parler, je pourrais vous donner toute une liste d'entreprises minières québécoises dans lesquelles on est présent, y compris Diabex, on est présent dans Cambiex, on est présent dans Cambior, dans Lithos corporation, dans Mazarin, on est présent dans Richmont Mines. Vous savez qu'on a investi avec Sodémex. Le portefeuille de Sodémex... et l'une des raisons pour laquelle on a fait la transaction pour la création de Sodémex, c'est justement pour avoir de l'expertise. Il y avait, dans la société SOQUEM, une belle expertise dans ce secteur-là, et une des personnes qui était chez SOQUEM est le gestionnaire, maintenant, du fonds de Sodémex, et le fonds de Sodémex, c'est un ensemble de compagnies québécoises – j'ai toute la liste, je ne prendrai pas le temps de la lire, mais on a au moins...

M. Gendron: Pourriez-vous la déposer, M. Scraire? Prendre l'engagement de déposer la liste? J'aimerais ça.

M. Scraire (Jean-Claude): Je pourrais vous donner la liste des noms en éliminant les valeurs marchandes.

M. Gendron: Oui, ça, je comprends ça, c'est ce que j'aimerais.

M. Scraire (Jean-Claude): Les noms, oui.

M. Gendron: O.K. Je poursuis. Moi, j'ai deux ou trois questions liées au même sujet, là. Je veux revenir quelques secondes sur Bre-X. Au moment où des firmes spécialisées – parce que c'est ce que vous avez affirmé, avec raison, je crois – faisaient la recommandation du titre, comment la décision s'est-elle prise, à la Caisse de dépôt? Est-ce qu'elle a été prise par un responsable qui a une décision à prendre: Oui, je mets tant d'argent des Québécois dans ce titre-là. Ou s'il y a une réunion plus collective, plus large, une décision plus partagée par des administrateurs, parce que... En tout cas, j'attends la réponse, j'ai une sous-question.

M. Scraire (Jean-Claude): La façon de gérer, au niveau du marché boursier canadien, c'est qu'il y a d'abord plusieurs styles de gestion, et il y a des gestionnaires qui sont en charge de chacun de ces styles de gestion là. Il y a des gestionnaires généralistes qui ont tout l'univers de la Bourse dans lequel ils peuvent investir. Ils sont responsables d'un portefeuille, mettons un portefeuille moyen de l'ordre de 400 000 000 $ à 500 000 000 $; un gestionnaire a cette responsabilité, à peu près 400 000 000 à 500 000 000 $. D'autre part, il y a des analystes, des gestionnaires sectoriels. Alors, il y a des gens qui sont spécialisés, par exemple, dans le domaine de l'aurifère, des mines. Ça, c'est une autre approche, de sorte qu'on a différents styles de gestion, et chacun de ces gestionnaires-là a évidemment des supérieurs et tout ça, mais il est responsable de son portefeuille. Il a un mandat. Il doit battre l'indice dans son secteur – habituellement c'est ça le mandat – il doit faire mieux que l'indice et il est responsable, de sorte que ça nous ramène constamment à la même question, ou l'importance de l'expertise à la Caisse de dépôt d'avoir des ressources de première qualité et d'avoir des politiques adéquates pour assurer la continuité dans le développement de cette expertise-là.

M. Gendron: Qu'est-ce qui a fait que vous n'avez pas pensé que ça serait utile, compte tenu de ce que vous représentez... La Caisse de dépôt est quand même une institution qui a marqué le développement économique du Québec – bon je ne ferai pas l'historique – mais c'est une institution qui a beaucoup de degrés de confiance dans l'opinion publique, et tant mieux. Alors, qu'est-ce qui a fait que vous n'avez pas pensé qu'il y aurait eu lieu de mieux expliquer combien la Caisse de dépôt, d'après elle, elle avait fait ce qu'il fallait, les analyses, elle avait les recommandations, avant de se porter acquéreur du titre de Bre-X pour, éventuellement, redonner un peu plus de stimulus, de confiance à plusieurs investisseurs qui ont l'impression qu'ils se sont fait véritablement échauder? En plus de se faire échauder individuellement avec leur avoir propre, il y en a plusieurs qui ont la conviction que la Caisse de dépôt a pris des chances, des risques avec leur argent.

Je vous l'ai dit tantôt, chez nous et dans l'ensemble du Québec, ça a une conséquence assez dramatique sur l'industrie minérale. Est-ce que ça ne vous tente pas, soit pas nécessairement dans une conférence de presse mais à tout le moins un communiqué très précis, où vous raconteriez un peu ce que vous nous avez dit tantôt... Moi, en tout cas, j'ai l'intention de le faire, mais je ne suis pas sûr que ça aurait la même crédibilité. Ça serait davantage plus fort si la Caisse disait: Bien, compte tenu des conséquences, compte tenu des sommes impliquées là-dedans, voilà les grands courtiers qui recommandaient le titre – un peu ce que vous avez dit tantôt – voilà comment on a procédé et nous, on est pertinemment convaincu qu'au moment où on a pris cette décision-là ce n'était pas pour flouer les données des Québécois. Même si je répète qu'il est un peu de bonne heure pour tirer la ligne – je ne veux pas tirer la ligne tout de suite – mais il est déjà un peu tard; pourquoi ne pas exprimer très clairement à l'ensemble du Québec qu'est-ce qui s'est passé pour enfin redonner confiance? Est-ce que vous avez l'intention de mener une petite opération autour de ça, compte tenu du flop que ça a créé dans l'industrie minérale?

M. Scraire (Jean-Claude): Je vais réfléchir à cette suggestion.

M. Gendron: J'aimerais que vous regardiez ça.

M. Scraire (Jean-Claude): Effectivement, ça ne nous est pas passé à l'esprit d'émettre un long communiqué pour expliquer que nos gens avaient bien fait leur travail, mais il y a des circonstances où, parfois, c'est mieux de le faire. C'est pour ça aussi que je suis heureux de la circonstance d'aujourd'hui qui nous permet de préciser publiquement les choses, que la démarche professionnelle a été suivie et que tout s'est fait selon les règles de l'art puis les normes.

Là où j'ai un peu plus de difficultés puis où j'avoue que toutes les suggestions seraient utiles, c'est comment redonner confiance à l'industrie. Ce n'est pas souhaitable que tant de compagnies, de petites minières soient affectées par l'incertitude actuelle ou, s'il devait s'avérer qu'il y avait une fraude, par une fraude. Il y a toujours des moyens qui peuvent être inventés pour réaliser une fraude. Il n'y a pas de système totalement étanche qui empêche ça. Mais on n'en est pas là. Mais si on pouvait voir quelques moyens pour redonner confiance... Parce que le système actuel, dans l'ensemble, donne d'excellents résultats. Alors, ce n'est pas avéré qu'il y a un problème mais ce n'est pas parce qu'il y en aurait un qu'il faudrait tout renverser puis perdre confiance dans l'exploration minière. On a beaucoup d'entreprises – c'est vrai – d'Abitibi et d'autres régions qui sont impliquées là-dedans. Et nous-mêmes, dans notre portefeuille, ça nous touche de façon importante, cette incertitude sur le domaine minier.


Obligations du Québec

M. Gendron: Je voudrais juste une dernière question, parce que c'est pour des raisons de temps. Qu'est-ce que vous voulez! Vous avez un pourcentage de votre portefeuille qui est assez important dans les obligations plutôt que dans les actions ou autres choses dans le secteur public québécois, que ce soit gouvernement, Hydro ou autres. Ce que j'aimerais savoir, c'est: est-ce que, cette année, la Caisse de dépôt et placement du Québec a investi davantage dans ce qu'on appellerait des obligations du Québec par rapport aux autres années? Est-ce qu'il y a plus d'investissements de la Caisse de dépôt dans toutes sortes de choses liées aux obligations du Québec – gouvernement, Hydro, municipalités, cégeps, hôpitaux – que les autres années, ou si vous êtes dans les mêmes proportions?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est dans les mêmes proportions. Globalement, on a diminué légèrement le portefeuille obligations au cours de l'année 1996 par rapport au portefeuille actions qui a été augmenté légèrement en 1996.

Un point, peut-être, sur lequel j'aimerais revenir. M. Nadeau me souligne avec justesse que l'un des effets dans le marché du dossier Bre-X, quoi qu'il en soit par ailleurs du résultat final, ça va être d'exiger plus de rigueur dans l'analyse des réserves. Et ça, ça va favoriser finalement l'industrie minière canadienne et québécoise parce qu'on a plus de rigueur ici, normalement, que beaucoup d'autres marchés dans le monde. De sorte que, à la longue, ça va favoriser. Une fois que les gens vont avoir absorbé le choc, le fait qu'il y ait plus de rigueur ici, quoi qu'il en paraisse de Bre-X, puis que les règles vont être un peu plus sévères peut-être dans d'autres pays, ça va favoriser l'industrie, pensons-nous.

M. Gendron: Je vous remercie. Je laisse à ma collègue une question.

Mme Léger: Est-ce que le député de Laporte me consent une petite question?

(16 h 50)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez une chance. Je reviens.


Développement des PME

Mme Léger: Merci. Les deux mandats prioritaires de la Caisse de dépôt sont ceux de la rentabilité et sûrement du développement économique. Je dis «sûrement» parce que la préoccupation de plusieurs entreprises québécoises... Elles disent souvent qu'elles se sentent égorgées. Lorsque nous évaluons une entreprise d'une méthode comptable, en général on regarde les projections de ventes, tout ça, pour une période de trois ans. Il semblerait que la Caisse le fait plutôt pour une période d'un an et que, ensuite, en la vendant à un taux plus bas, cela devient rentable pour la Caisse de dépôt, bien sûr – de là les félicitations pour la rentabilité – mais, pour les entreprises québécoises qui ne se sentent pas aidées, se sentent égorgées, ne se sentent pas appuyées pour se développer économiquement... Alors, de là ma question est: comment la Caisse de dépôt s'assure d'aider les PME à s'accroître, à se développer économiquement? Qu'on pense aux marchés dans les domaines pharmacologiques, technologies de l'information, aéronautique, etc. Alors, voulez-vous m'assurer, aujourd'hui, de votre préoccupation à aider les PME à se développer au Québec?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que oui, je peux vous l'assurer, de notre préoccupation. L'ensemble des réponses sur tout ce qu'on met en oeuvre pour aller dans la direction dont vous parlez est important. Quand je faisais allusion tantôt au développement des placements privés par le biais de nos cinq filiales et le réseau en région et tout ça, bien, en fait, le placement privé qui est fait par ces entreprises-là... ce sont des partenariats et ce sont des partenariats à long terme. On ne parle pas d'un an. On ne parle pas de trois ans. Les horizons sont plus longs que ça dans ce secteur-là. Alors, c'est vraiment des partenariats, des alliances qui sont faites entre des investisseurs et des entrepreneurs pour accompagner l'entreprise pendant une période un peu plus longue.

Et ce volet-là, au cours de l'année 1996, on a réussi à faire 1 000 000 000 $ d'investissements de plus, on est rendu à peu près à 3 500 000 000 $, 3 800 000 000 $ de ce type d'investissements là, à la Caisse. Alors, ça devient de plus en plus significatif et on continue à le favoriser, ce type d'investissements là, parce qu'il nous permet en même temps d'aider les entreprises, comme tout le monde le souhaite, et en même temps, on a un bon rendement. C'est important qu'on continue à avoir des bons rendements. On ne peut pas faire des actions à la Caisse qui ne procurent pas les bons rendements pour les fonds de pension, les réserves publiques de fonds que nous gérons. Mais on est capable, par ce biais-là, grâce à une bonne expertise... Encore là on revient sur l'expertise des gens, c'est toujours au coeurs de nos préoccupations.

Mme Léger: Je pourrais compléter, mais j'ai dit au député de Laporte que je ne prenais qu'une question. Alors, je suis une femme de parole, allez-y.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je ne veux pas avoir l'air d'un tortionnaire mais, moi, j'avais un droit de parole et j'ai accepté de céder mon droit de parole au député d'Abitibi-Ouest, à la députée de Pointe-aux-Trembles. Là on est à 16 h 55, je pense qu'on va devoir revoir la Caisse de dépôt mardi prochain, parce qu'on n'a manifestement pas fini et on n'aura pas fait nos deux heures.

Je voudrais simplement faire une remarque, pour terminer dans le sens de ce que disait le député d'Abitibi-Ouest, parce que j'allais moi-même poser les mêmes questions dans le même sens. C'est assez surprenant que, quand on regarde la Caisse, la Caisse investit dans une mine junior de Calgary 104 000 000 $, Bre-X. Ce n'est pas tout, il y en avait d'autres, d'autres juniors, des mines en Indonésie, Scorpion Minerals, 1 100 000 $: la valeur de ce placement-là a tombé de moitié. Minorca, 2 700 000 $, une autre junior d'Indonésie: ça, c'est tombé du trois quarts. Après ça, Bre-X Minerals, 500 000 $, Bresea Resources, 500 000 $. Toutes des mines juniors d'Indonésie, qui sont toutes tombées. Ces valeurs-là, maintenant, sont complètement anéanties ou à peu près.

Pendant ce temps-là, au Québec, alors qu'il y a au-dessus de 100 000 000 $ d'investis dans un trou en Indonésie, tout ce que la Caisse de dépôt a pu faire, c'est d'investir 72 000 000 $ au Québec; 72 000 000 $ dans les mines au Québec et, dans un seul pays, en Indonésie, au-delà de 100 000 000 $, dont 90 % s'est envolé en fumée. Moi, je ne sais pas. Je pense qu'il y a des priorités. Si le gouvernement veut vraiment qu'on fasse la promotion au Québec de l'industrie des mines, si on veut développer la croissance économique, créer des emplois au Québec... il me semble que si on a de l'argent à gaspiller – parce que dans le cas de Bre-X, ça l'air de ça – on pourrait peut-être l'investir au Québec plutôt que dans des pays étrangers. C'est sûr que ça fait moins intéressant de faire un voyage en Gaspésie ou en Abitibi que d'aller faire un beau voyage en Indonésie, je présume, ça doit être pour ça? Mais ça serait peut-être plus rentable pour le Québec de se concentrer chez nous plutôt que d'aller faire des placements risqués – risqués, je dis bien – parce que c'est des placements risqués dans des pays, même s'ils sont un peu exotiques.


Investissement dans Cimbec

M. le Président, je voudrais passer à un autre sujet. C'est le placement que la Caisse de dépôt est en train de faire dans une cimenterie, Cimbec... je ne sais pas si le président m'écoute, là? Non. Bon. Alors, la Caisse de dépôt s'intéresse beaucoup à un placement dans une cimenterie à Port-Daniel, un placement qui fait en sorte que la Caisse a injecté 2 500 000 $ dans Cimbec et pris une option dans le financement du projet. Et ce qui dérange un peu là-dedans c'est que, du côté cimenterie, il semble y avoir un excédent, au Québec, de production de matériel de ciment, de sorte qu'on risque, en faisant ce placement-là, de mettre en danger la survie d'autres cimenteries au Québec. Et on l'a vu, il n'y a pas longtemps, par la fermeture d'une cimenterie – avec les pertes d'emploi au Québec – que justement il semble y avoir un surplus.

Alors, comment peut-on expliquer que la Caisse de dépôt décide d'investir cette somme d'argent là? On parle d'une garantie de prêt du gouvernement du Québec, je ne sais pas si c'est exact. On pourrait peut-être nous dire si oui ou non la demande de garantie de prêt de 80 000 000 $ a été accordée ou sera accordée. Mais, est-ce que ce n'est pas vraiment ce qu'on appelle se tirer dans le pied que d'aller investir des millions de dollars dans une cimenterie à Port-Daniel, alors qu'on sait qu'il y a un excédent au Québec puis qu'il faut chercher à exporter la moitié de notre production, parce que justement on en a trop, et que ça a donné lieu, récemment, à la fermeture d'une cimenterie dans la région de Québec, si je me souviens bien, là – à Beauport je crois, oui – pour les raisons que je viens d'invoquer? Alors, est-ce que le président a des bonnes excuses encore?

M. Scraire (Jean-Claude): Je m'excuse, M. le député, ce ne sont pas des excuses, ça va être des explications. Je pense que c'est un dossier qu'on connaît bien. D'abord, juste une mise au point: quand on parle de la cimenterie qui a fermé dans la région de Beauport, il y a deux choses: un, c'est parce que leur équipement n'était pas performant; et deux, j'ai moi-même rencontré en Europe, au mois de février, les dirigeants du holding de cette société-là qui m'expliquaient qu'ils fermaient, et ils ne savaient absolument pas qu'on allait ouvrir quelque chose à Port-Daniel. Il n'y a aucun lien entre les deux dossiers. Ce qui est exact, par ailleurs, c'est que...

M. Bourbeau: Mais pourquoi fermaient-ils?

M. Scraire (Jean-Claude): L'équipement inadéquat.

M. Bourbeau: Ce n'était pas rentable, quoi?

M. Scraire (Jean-Claude): Du trop vieil équipement, pas performant aujourd'hui, selon les normes.

M. Landry (Verchères): Ils avaient un problème de transport aussi. J'ai travaillé beaucoup dans ce dossier-là avec le maire de Beauport puis avec les propriétaires de l'actuelle cimenterie. Leur localisation par rapport au port leur rendait l'exportation pénible. Ils étaient plus mal placés, même, que Joliette qui sortait son ciment par le port de Trois-Rivières.

M. Scraire (Jean-Claude): Le lien qu'on peut faire, à ce moment-là, entre les deux dossiers, c'est que, justement, pour diverses raisons, cette société-là entre autres était mal équipée pour l'exportation, alors que le dossier de Port-Daniel se présente très bien au point de vue exportation. Les gens vont être très bien situés pour exporter, en Nouvelle Angleterre notamment, et c'est l'objectif de la société, c'est l'exportation sur le marché américain. Ils vont être très concurrentiels, et leur objectif n'est pas le marché québécois en particulier.

M. Bourbeau: Mais est-ce que le Québec n'exporte pas déjà la moitié de sa production?

M. Scraire (Jean-Claude): Je l'ignore. Ce que je peux dire là-dessus, c'est que la société de Port-Daniel va être plus efficace, elle va être mieux placée pour exporter et elle va être nouvelle, l'équipement va être nouveau, l'impact va donc être très bon. Ce sont les règles du jeu: si on n'est pas les plus concurrentiels, bien, tranquillement, ou à un moment donné, si ce n'est pas à Port-Daniel que ça se fait, ça va se faire ailleurs, il va y avoir une autre entreprise qui va s'installer ailleurs, qui va occuper le marché et qui va être plus concurrentielle que les autres qu'on a au Québec. Mais, essentiellement, les cimenteries du Québec qui se plaignent de ça... Et on est au courant, on les a rencontrées, on connaît leur argumentation. Mais leur marché essentiel, c'est celui du Québec, et ce n'est pas le marché qui est visé par la cimenterie de Port-Daniel.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Maintenant, j'avise le député de Laporte que, de toute façon, son 20 minutes est largement dépassé. Et selon l'entente qui avait été convenue entre les parties de terminer nos travaux à 17 heures, j'informe les membres de la commission que je vais...

(17 heures)

M. Bourbeau: Est-ce que je peux demander... Étant donné qu'on n'a pas terminé avec la Caisse de dépôt, je présume qu'on va les réinviter mardi prochain pour terminer?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, c'est le 22 avril, «c'est-u» mardi, ça? Le 22 avril.

M. Bourbeau: Il nous restait du temps, mardi prochain?

M. Landry (Verchères): Nous pouvons peut-être en conférer un peu, là. On a plusieurs heures quand même pour faire les crédits. Parce que le président de la Caisse, c'est le président d'une très grande institution, il a un agenda chargé. Ce n'est pas qu'il ne veut pas être à notre disposition, il m'a dit qu'il est prêt à annuler même les voyages qu'il avait en tête, mais, si on peut l'accommoder, peut-être qu'on pourrait en rediscuter en dehors de la commission et essayer de le faire venir au moment le plus propice, sans bouleverser ses agendas. Mais je tiens à dire qu'il m'a dit qu'il est prêt à les bouleverser n'importe quand.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je tiens à rappeler aussi aux membres de la commission que cette commission-ci s'est donné un mandat de surveillance d'organismes et qu'au mois de septembre nous aurons tout le temps – vous allez dire c'est tard, peut-être, le mois de septembre – mais nous aurons tout le temps voulu pour questionner, de long en large, les représentants de la Caisse de dépôt et de placement.

M. Bourbeau: M. le Président, septembre c'est vrai que c'est un peu loin, mais les 120 emplois permanents de l'usine de Saint-Constant qui sont en péril, là, par l'investissement qu'on est en train de faire à Port-Daniel, ça ne peut peut-être pas attendre non plus. Moi j'aimerais autant qu'on puisse en reparler le plus tôt possible. Maintenant, je suis près à discuter; si le président a un voyage important à faire mardi prochain, ou s'il part en vacances, on peut peut-être remettre ça à un autre moment, mais je voudrais que, dans le cadre de l'étude des crédits, on ait l'occasion de terminer les discussions avec la Caisse de dépôt.

M. Landry (Verchères): On va essayer d'arranger ça en dehors du temps de la commission. Il faut faire attention par ailleurs, là. La Caisse investit dans le cours normal de ses affaires; mais, si c'était une subvention gouvernementale, ou un appui gouvernemental qui perturbait un marché déjà restreint du ciment, à l'intérieur comme à l'exportation, je verrais les choses d'une autre façon. Moi aussi, j'ai vu les cimenteries, évidemment, puis il y a plusieurs de nos collègues qui en ont dans leur comté. Mais si, dans le cours normal de ses affaires, une institution financière, la Caisse de dépôt ou une autre, fait un investissement, personne ne peut plus se plaindre, là. Parce que ça voudrait dire que, quand il y a quatre joueurs dans le marché, il n'en n'aura plus d'autres. Il n'y en n'aura plus d'autres, parce que le marché est serré, et parce que si, et parce que ça.

S'il y a en une qui est portuaire, qui est à la mer, qui est beaucoup plus à l'est, c'est entendu qu'elle va être mieux placée pour desservir le marché, disons, de la côte est des États-Unis en particulier. Mais ça, c'est ça une économie capitaliste de marché. Si c'était une subvention gouvernementale, le député de Laporte aurait totalement raison, il n'y aurait pas de subvention gouvernementale, dans cette affaire-là.

M. Bourbeau: Il n'y aura pas de garantie de prêt?

M. Landry (Verchères): Il n'y aura pas de garantie de prêt, il n'y aura rien que les autres n'ont pas.

M. Bourbeau: Mais, donc, il y a quelque chose.

M. Landry (Verchères): On veut que le terrain de jeu soit complètement juste.

M. Bourbeau: Mais il n'y a rien du tout? Le gouvernement ne garantit rien, ni directement, ni indirectement?

M. Landry (Verchères): Non. Je l'ai déjà dit aux promoteurs. Mais si le projet se tient debout sur ses pieds, qu'il émet du capital- actions et que la Caisse en achète, bien là, il n'y a plus personne qui peut s'opposer.

M. Bourbeau: Non, je ne suis pas d'accord, on peut quand même trouver que les fonds publics ne devraient peut-être pas venir compétitionner les emplois...

M. Landry (Verchères): Non, là, M. le député de Laporte... Les fonds publics ne sont pas gérés autour de cette table, ils sont gérés par le conseil d'administration de la Caisse, et puis l'Assemblée nationale a un pouvoir de surveillance et de contrôle, mais ce n'est pas nous qui allons gérer la Caisse de dépôt et de placement, ça c'est sûr, malgré le député de Laporte et ses expériences passées.

M. Bourbeau: Non, mais vous faites les nominations quand même.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur ça, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 4)


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