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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 19 novembre 1997 - Vol. 35 N° 24

Audition de la sous-ministre du Revenu concernant les mesures prises pour assurer la confidentialité des données du ministère du Revenu


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Table des matières

Discussion générale

Conclusions


Autres intervenants
M. Jacques Baril, président
M. Henri-François Gautrin
M. Russell Williams
M. François Gendron
M. Yvan Bordeleau
M. Joseph Facal
Mme Nicole Léger
M. Yves Blais
*M. André Brochu, ministère du Revenu
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): La commission des finances publiques, en séance de travail, va entendre la sous-ministre – je répète le mandat – du Revenu sur les mesures prises pour assurer la confidentialité des données du ministère du Revenu. Je souhaite la bienvenue, bien entendu, d'abord à nos invités, Mme la sous-ministre et ses adjoints.

M. Gautrin: M. le Président, je comprends que, une fois qu'on est en séance publique, nos débats vont être enregistrés.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Parfait. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je répète. Je souhaite la bienvenue à Mme la sous-ministre, ses adjoints, qu'elle nous présentera. Je souhaite également la bienvenue au public, aux journalistes et aux membres de la commission. Sur ça, Mme la sous-ministre, avez-vous une entrée en la matière, un exposé à nous faire?

Exposé de la sous-ministre du Revenu

Mme Nicole Malo

Mme Malo (Nicole): Je vous remercie, M. le Président. Avant de faire mon introduction, je me permettrais de présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Me André Brochu, qui est sous-ministre adjoint, directeur général de la législation et des enquêtes; à ma droite, M. Michel Bordeleau, qui est sous-ministre adjoint et directeur général de notre Direction de la planification des programmes et du budget, responsable aussi de la gestion de la centrale de données; et j'ai aussi, à ma gauche, M. Claude Gauthier, qui est le directeur de notre Direction de la vérification interne et des enquêtes internes, au ministère.

Alors, M. le Président, d'abord vous remercier pour cette séance de travail. Nous avions convenu, il y a maintenant presque un an que nous nous sommes vus, nous avions effectivement convenu, au ministère, d'éventuellement faire rapport, et cette occasion que vous nous offrez de venir faire rapport devant vous est pour nous importante. Elle nous permettra de vous faire valoir l'ensemble des mesures que nous avons prises, qui existent déjà et depuis une éternité, au ministère, et celles que nous avons prises depuis l'automne dernier pour renforcer et raffermir, si on veut, les mesures à la fois de sécurité et les mesures de sensibilisation et de protection des renseignements personnels.

(10 h 20)

Je voudrais d'entrée de jeu que ce soit bien compris – je sais que l'ensemble des membres de cette commission le partagent avec moi – que la question de l'information, au ministère du Revenu, est une question sacrée, que c'est une préoccupation constante de l'administration, des employés, de la majorité des quelque 8 000 – il faut se rappeler qu'en périodes de pointe ils sont presque 10 000 – employés de protéger le secret fiscal. Parce que, pour nous, la protection de la vie privée passe par la protection du secret fiscal, et c'est une garantie à l'ensemble des contribuables qu'on peut assurer, au ministère, même si, tel que les informations sont disponibles, même s'il y a des cas d'exception pour lesquels on doit intervenir et pour lesquels le ministère doit mettre en place effectivement des mesures de contrôle et des équipes qui font la surveillance de l'ensemble des employés.

Je rappellerai que le ministère a 8 000 employés et est l'équivalent d'une municipalité moyenne au Québec, ou à peu près. Donc, il y a beaucoup de personnes et, nonobstant l'ensemble des mesures qu'on pourrait mettre en place, on ne peut pas nécessairement avoir une étanchéité totale. Mais je peux garantir à cette commission ici et je compte, pendant les deux heures que nous aurons pour travailler, démontrer que l'ensemble des mesures que nous avons mises en place fait en sorte de garantir la plus grande étanchéité de l'information qu'il soit possible dans une entreprise comme la nôtre.

Il faut dire que depuis que la séance de travail a été convoquée, j'ai préparé un document qui est un document de référence qui fait état de l'ensemble des mesures de base et des mesures additionnelles qu'on a mises en place, que je pourrais déposer aux membres de cette commission, peut-être, à partir duquel nous pourrions travailler.

Pendant que cela se fait, peut-être me permettrez-vous de clarifier les choses par rapport aux déclarations qui ont pu être faites hier et qui sont dans les journaux aujourd'hui. Le départ de l'information a été énoncé en fonction de l'enquête qui a découlé des allégations de M. White, de la Commission d'accès à l'information. Et il a été dit par Mme la ministre et par moi, et c'était le coeur, aussi, des entrevues qui ont été données dans la journée, que dans le cadre de cette enquête, suite aux allégations de la Commission d'accès à l'information, en collaboration, bien sûr, avec la Sûreté, nous avons pu identifier une personne du ministère qui effectivement avait transigé de l'information des contribuables ou mandataires contre rémunération, dans ce dossier-là. Donc, il n'y a, et je le répète, qu'une seule personne et il n'y a donc pas, pour nous à l'interne du ministère, un réseau d'information interne qui a été impliqué dans le dossier d'allégations de la Commission d'accès à l'information. Et je pense que c'est important de faire cette précision-là à ce moment-ci.

Dans le cas de cette personne, notre enquête à nous a pu être terminée quelque part en septembre, fin septembre. On a soumis les données de notre enquête à la personne. Nous avons confronté la personne, qui a reconnu les faits énoncés. Et, dès le moment où elle a reconnu – ce qui est une pratique normale dans nos opérations d'enquête: nous faisons enquête; nous déterminons l'ensemble des faits; nous soumettons les faits à la personne concernée... Elle a reconnu les faits, et donc nous avons procédé au congédiement. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une mesure administrative et, bien évidemment, c'est suite au dépôt du rapport de la Sûreté du Québec et de l'analyse qu'en fera le Procureur général qu'il y aura lieu de décider – et ce n'est pas au ministère d'en décider – s'il y aura des poursuites au criminel. Je pense qu'il faut, là-dessus, bien clarifier les rôles de chacun dans la gestion de ce dossier-là.

Maintenant, nous avons fait savoir hier qu'il y avait au total huit dossiers de congédiement, c'est-à-dire huit personnes qui, depuis le début de 1997, avaient été congédiées, au ministère, pour des comportements qui sont des comportements sévères de conflits d'intérêts avec usage d'information, et j'aimerais bien, ici, être claire. Ce n'est pas huit personnes qui ont fait du commerce d'information, donc qui ont vendu de l'information contre rémunération. Dans ces cas-là, il y a des personnes qui se sont mises en conflit d'intérêts soit parce qu'elles ont travaillé sur des dossiers de contribuables à des fins personnes en utilisant les données du ministère, mais les sept cas – parce que, dans les huit, il y a, bien sûr, ce dossier d'enquête suite aux allégations de la Commission d'accès la l'information – dans les sept autres cas, il n'y a aucun lien entre ces dossiers-là. Ce sont des personnes isolées, au ministère, qui ne sont pas en réseau les unes avec les autres. Il y en avait à Québec, à Montréal, et il n'y a donc pas de structure organisée. C'était vraiment des situations particulières à chacune qui ont leurs caractéristiques propres. Vous comprendrez qu'on ne sera pas en mesure de décrire l'ensemble de ces caractéristiques de ces cas individuels.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie, Mme la sous-ministre.

Mme Malo (Nicole): Est-ce que...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui? Attendez juste un instant. Mme la sous-ministre, oui.

Mme Malo (Nicole): Bien, en fait, je ne sais pas comment vous voulez procéder, mais on pourrait aussi, éventuellement, procéder par le rappel des mesures de base et...

M. Gautrin: ...présenter votre document ou est-ce qu'il faut...

Mme Malo (Nicole): Oui. Ça va?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous pouvez présenter le document, oui.

Mme Malo (Nicole): Alors, le document que vous avez devant vous est un document synthèse qui présente à la fois... qui rappelle le cadre réglementaire et normatif, en deux volets, le cadre de base, qui existe depuis très longtemps au ministère, dans la structure même, et l'évolution du cadre, que nous avons depuis 1996; et quand je dis «l'évolution du cadre», ça touche les interventions qu'on a pu faire, au ministère, à la fois pour clarifier les choses au niveau des interprétations; j'y reviendrai.

Ça présente aussi les mesures de sensibilisation, de surveillance et de contrôle que nous avons faites, au ministère, quelles sont les mesures de base qui existaient, qui existent toujours, et quelle est l'évolution des mesures que nous avons introduites depuis 1996. Quand je dis «depuis 1996», c'est beaucoup; depuis le début de l'automne 1996, au moment où, dans le rapport du Vérificateur général... Et nous avions eu connaissance du rapport du Vérificateur général plus tôt que son dépôt officiel, puisque nous devons valider les informations du rapport du Vérificateur général, et dès ce moment-là nous avions reconnu qu'il fallait renforcer nos mesures de contrôle, d'intervention et de sensibilisation et déjà enclencher un processus de révision, dont je vous parlerai.

Et, bien sûr, il y avait dans le document – je pense qu'il était inscrit 2°, mais c'est 3° – le troisième point, qui était à ce moment-là Les allégations de vente de renseignements fiscaux , issu des allégations, mais puisque l'information... Je n'y reviendrai pas dans ma présentation, l'ayant fait plus tôt.

Si on prend le cadre réglementaire et normatif au ministère, ce cadre enchâsse le caractère particulier des opérations du ministère. D'abord, bien sûr, l'article de base, qui est l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, lequel précise: «Sont confidentiels tous renseignements obtenus dans l'application d'une loi fiscale. Il est interdit à tout fonctionnaire de faire usage d'un tel renseignement à une fin non prévue par la loi, de communiquer ou de permettre que soit communiqué à une personne qui n'y a pas légalement droit un tel renseignement ou de permettre à une telle personne de prendre connaissance d'un document contenant un tel renseignement et d'y avoir accès.»

Il y a aussi une directive gouvernementale qui touche l'ensemble des ministères et organismes, et donc le ministère du Revenu, dont les objectifs sont de protéger la confidentialité de l'information lorsque requise et l'accessibilité à l'information et aux actifs informationnels limitée aux seules personnes autorisées, protéger l'intégrité de l'information des actifs informationnels tant aux fins de l'administration des services qu'aux fins de l'héritage culturel et protéger la continuité des services gouvernementaux.

Il y a aussi une politique interne, au ministère, sur la sécurité informatique, qui date de 1989, dont l'objectif est de définir, relativement à l'article 69, les responsabilités de confidentialité des employés vis-à-vis des informations utilisées dans le cadre de leurs fonctions à travers les systèmes informatiques.

On a aussi, depuis novembre 1991, un code de conduite de la sécurité informatique dont l'objectif est de définir les règles qui assurent l'application des mesures de sécurité en vigueur au ministère. Depuis 1996, on a établi un guide de gestion de la sécurité informatique dans un contexte de client-serveur dont les principaux objectifs sont de décrire la sécurité informatique dans un tel contexte et d'instruire aussi l'ensemble des intervenants de leurs responsabilités en matière de sécurité.

(10 h 30)

Pour votre information, le contexte client-serveur correspond à tout le développement qui a été fait, d'assez grande envergure, par mon prédécesseur au ministère, d'établissement des courriers électroniques, d'établissement de beaucoup d'applications informatiques sur des micro-ordinateurs ou sur des mini-ordinateurs. Nous avions, avant, des règles très strictes et très bien connues au niveau de l'usage de l'ordinateur central. Maintenant que nous fonctionnons à travers – beaucoup – des réseaux client-serveur, il nous fallait préciser les règles pour l'usage, la confidentialité de l'utilisation de ces nouvelles technologies.

Un code d'éthique au travail, en novembre 1996, dont le dévoilement a été aussi appuyé par une campagne de sensibilisation qui s'adressait à l'ensemble des employés et dont l'objectif était de promouvoir la confidentialité, l'équité, l'intégrité. Les attentes de gestion, en 1997-1998, ont été fixées aux membres du comité de direction du ministère avec mandat de les redescendre au niveau de chacun des gestionnaires du ministère pour assurer l'adhésion et le respect des valeurs de l'organisation, et notamment en matière d'éthique et de sécurité de l'information.

Une politique ministérielle que nous venons de terminer mais qui n'est pas en soi nouvelle, mais, pour s'assurer de reprendre ce qui existait dans plusieurs documentations au ministère, nous avons convenu de rassembler sous un même document les orientations du ministère en matière de confidentialité et de demandes de renseignements et les orientations relatives à la communication des renseignements à d'autres organismes publics. Et une politique ministérielle qui régit l'utilisation et l'accès au réseau Internet est aussi en développement, puisqu'on se dirige vers ces nouvelles technologies de communication électronique et qu'il faudra se donner un code d'éthique très sérieux et très précis sur la transmission et la transition ou le transport de l'information via le réseau Internet. Ce sont les défis des prochaines années.

Ça, c'est le cadre et les interventions qu'on a faits en matière de cadre réglementaire et normatif, donc, à l'interne, nos directives. Aussi, on s'est aussi donné des mesures de sensibilisation, de surveillance et de contrôle. D'abord, à chaque année, le sous-ministre du Revenu a fait un avis annuel de confidentialité, et c'est transmis à chaque employé. Cette année, cet avis a pris une couleur plus particulière dans la mesure où nous avons refait une opération plus ciblée, de faire resigner la déclaration de discrétion, et c'est au moment de cette opération générale, à peu près en même temps, que nous avons refait le rappel, puisque nous avons revu nos formulaires de déclaration de discrétion. Je rappelle... Et c'est possiblement une caractéristique sinon exclusive tout au moins réduite, dans l'administration publique, que de faire signer à chaque année la déclaration de discrétion aux employés, ce qui était fait au ministère au moment de l'évaluation, et, cette année, on a fait une opération spéciale, avec la révision de l'ensemble des formulaires. Déclaration, donc, signée par chacun, dans laquelle les employés prennent connaissance – et on s'assure qu'ils ont pris connaissance – de l'ensemble des règles et dans laquelle ils s'engagent effectivement à respecter ces règles-là.

Depuis 1996, en plus du développement de procédures et de mécanismes de contrôle... Et je fais un petit arrêt là-dessus pour dire que, au ministère, nous avons une équipe de cinq enquêteurs internes qui font des enquêtes sur le personnel, sur toutes sortes d'éléments, pas seulement sur des questions liées à la confidentialité ou à l'éthique, mais sur d'autres types de comportement qui peuvent être liés davantage à des questions d'administration. Mais il y a donc cinq personnes qui font des enquêtes sur le personnel, et c'est une opération qui est régulière, qui se fait sous différentes formes; on pourra y revenir au cours de la séance de travail, si vous le souhaitez.

Donc, en plus de ça et de tout ce qui a été développé, de ce dont M. Bordeleau pourrait vous entretenir, sur tout ce qui entoure la mise en place de la centrale de données et l'application ou l'implantation de la loi 32, le ministère a intensifié plusieurs mesures de surveillance et de contrôle. Et il y a beaucoup de politiques et pratiques, dont certaines sont revues et d'autres sont en train d'être revues, que ce soit au niveau de l'accès physique aux locaux... Pour ceux qui passeraient à Marly, vous aurez noté ou vous noterez que nous avons maintenant un système d'accès électronique. Donc, tous les employés, tous les mouvements d'employés sont codifiés sur une carte magnétique qui permet d'enregistrer les entrées et les sorties. Nous avons aussi, à l'interne, formé un groupe de travail pour réviser l'ensemble des accès aux données de l'informatique, fiscales et nominatives, et nous pourrons vous faire état de l'état d'avancement des travaux. C'est un chantier qui est énorme puisqu'on s'est donné comme objectif de revoir vraiment l'ensemble des pratiques, l'ensemble des codes d'accès, de revoir, dans le fond, la liste de l'ensemble des employés qui ont accès au système et de bien s'assurer que seulement les personnes qui doivent avoir accès au système y ont accès de façon encore plus étanche.

Et, à travers ces travaux-là, nous avons aussi amorcé une démarche de développement d'outils de lecture de données sur la journalisation. Donc, on utilise cette capacité que nous avons, puisque toute communication avec nos systèmes est faite à partir de NIP ou de LOG, pour parler dans le jargon. Donc, chaque fois qu'un individu questionne les systèmes, il y a une trace de ce questionnement-là. Comme il se fait au moins pratiquement 1 000 000 de consultations par jour et qu'en période de pointe ça monte jusqu'à 2 000 000, bien sûr, on ne peut pas nous faire une vérification de chacun des gestes de consultation, mais nous avons des outils et nous allons raffiner nos outils pour pouvoir se donner des programmes de vérification et de contrôle sur les types d'utilisation qui pourraient être plus à risque. Nous avons révisé... Donc, ça, je l'ai dit, au niveau des données fiscales et nominatives situées dans un environnement client-serveur, et l'ensemble des mécanismes de surveillance d'accès.

Voilà, pour l'état d'avancement et l'état d'investissement que nous avons fait depuis 1996. Je rappelle que nous avons intensifié mais nous n'avons pas inventé et que la règle d'or du fait fiscal est la pratique, la conviction, l'engagement de l'ensemble des personnes du ministère et que ce ne sont que des cas d'exception qu'il nous faut, comme organisation et administration, qu'il nous faut, bien sûr, pouvoir dépister et se donner les plus grandes chances possibles de dépister pour pouvoir intervenir. Merci, M. le Président.


Discussion générale

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci de cet exposé de la situation, Mme la sous-ministre. Et je laisserai la parole au député de Nelligan.


Circonstances entourant le congédiement d'un fonctionnaire

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Nous avons eu une chance... J'ai demandé de faire cette séance de travail il y a quelques semaines parce que, en mars passé, quand la Commission d'accès à l'information a sorti les allégations, le gouvernement a essayé de minimiser. Mais nous avons eu une rencontre ici, à la commission du budget et de l'administration, avec la sous-ministre, et elle a répondu à mes questions. D'ailleurs, cette journée, elle a été la seule, selon moi, qui a pris les allégations au sérieux. Je me souviens qu'il y a quelques députés, que je ne nommerai pas, de l'autre côté, qui ont essayé de minimiser la sortie de la...

Une voix: Nommez-les, nommez-les.

M. Williams: ...de la Commission d'accès à l'information. Et nous avons convoqué la Commission d'accès à l'information pour nous rencontrer. Et aujourd'hui, hier, nous avons appris que la Commission d'accès à l'information avait raison. Cela existe, le marché noir de l'information. En mars passé, personne. Tout le monde a dit: On n'a pas de preuve. Où est la preuve? Déposez la preuve. Mais, voyons donc, là! Si nous n'avons pas de preuve, là... Si le fisc ou la Sûreté a eu la preuve à ce moment-là, nous allons avoir les allégations. Avec ça, maintenant, nous avons les preuves. En mars passé, le printemps passé, personne. Hier, période de questions, une personne. Hier soir, huit personnes. Je m'excuse, j'ai de la misère à croire qu'il n'y a aucune connexion dans tout ça et, je m'excuse, j'ai de la misère à croire qu'il n'y en a pas d'autres.

Je suis convaincu qu'on ne parle pas de centaines de personnes. La grande, grande, grande majorité de tous les fonctionnaires qui travaillent du ministère du Revenu font un travail honnête, efficace et... je ne mets pas ça en doute. Mais est-ce que vous voulez qu'on croie aujourd'hui, après les réponses de la ministre déléguée hier, après aussi que le congédiement de cette madame ait été caché, non, je ne crois pas aujourd'hui... je n'ai pas de confiance, je n'ai pas confiance à ce qui se passe au ministère du Revenu aujourd'hui. Et je pense que la plupart de la population québécoise non plus, parce que...

(10 h 40)

Regardez le comportement de la ministre déléguée au Revenu. Chaque semaine, on sort les communiqués, un communiqué après l'autre. On nomme les personnes qui n'ont pas payé leurs taxes, une société de Québec ou de Montréal. Vous pouvez retrouver tous les communiqués comme ça sur le «web site». Une fois qu'ils ont trouvé quelqu'un chez eux qui a fait le marché noir de l'information, une fraude, un acte criminel, ils l'ont congédié, ils ont caché ça. Ils n'ont rien dit. C'est juste à cause de l'opposition, hier, que cette information est sortie. Avec ça, peut-être que vous en avez trouvé, au moment où on parle, juste un, mais j'ai perdu confiance. J'ai perdu confiance. Et aussi, nous avons entendu dire que vous allez valider les déclarations du Vérificateur général. Vous avez questionné la Commission d'accès à l'information. La ministre déléguée au Revenu n'a pas le monopole sur la vérité. Nous sommes en train de nous assurer que la vie confidentielle, la vie privée, est bel et bien protégée.

Vous avez parlé de l'article 69 de la loi sur l'accès à l'information; ça a été abrogé 14 fois pendant les années, étape par étape, par étape. Vous avez parlé de centrale de données; la Commission d'accès à l'information – vous souvenez-vous de ça? – s'était jointe. Pas assez! Ils ont émis un avis où ils questionnaient... Ils s'interrogent «toutefois sur la possibilité pour le ministère du Revenu du Québec de maintenir un filtrage rigoureux lorsque le nombre d'utilisateurs aura augmenté». Ils questionnent ce qui se passe.

C'est pourquoi, M. le Président, j'ai voulu savoir ce qui se passe au ministère du Revenu. Je ne suis pas convaincu que nous avons trouvé tout le problème. Je ne suis pas convaincu que nous avons mis toutes les exigences pour protéger la vie privée. Je suis convaincu que nous avons besoin d'une vérification indépendante. On veut savoir ce qui se passe. On veut donner la confiance à la population, parce que peut-être que dans le cas... Je respecte votre parole, Mme la sous-ministre, 100 %, peut-être que, au moment où on parle, nous avons trouvé juste une personne, mais la perquisition parlait «des fonctionnaires», des fonctionnaires, plus qu'un.

Il me semble que nous avons besoin de faire tout notre possible pour trouver ce qui se passe, pour, un: protéger les contribuables, et, deux: protéger la crédibilité de tous les autres fonctionnaires qui travaillent de bonne foi au ministère du Revenu. Je pense que c'est assez important qu'on retrouve la confiance en notre système, particulièrement quand la Commission d'accès à l'information est en train de questionner ce mégafichier, cette centrale de données, ce couplage de dossiers. Je sais que la députée ne veut pas que je parle de ça, mais c'est assez important qu'on discute de ça ici.

Ma première question, Mme la sous-ministre: Pourquoi le congédiement de cette madame était caché?

Mme Malo (Nicole): M. le Président, pour répondre à la question, le fait d'avoir congédié cette personne-là n'a pas été caché, il n'a juste pas été divulgué. Ce n'est pas de le cacher. À l'interne, on n'a pas fait d'opération publique d'annonce de ce geste administratif de congédiement. À la question qui a été posée, nous avons répondu. Et il y avait, je vous le rappelle, un processus d'enquête avec la Sûreté, et notre préoccupation était de dire: Nous, dès que nous avons l'information, reconnue par la personne, nous allons appliquer les mesures disciplinaires qui doivent être appliquées parce que c'est notre responsabilité de gestionnaires. Et nous n'avons pas jugé opportun de faire une déclaration publique puisque l'ensemble du dossier, d'une part, de la Commission d'accès, était sous enquête, et c'était à la Sûreté de déposer son rapport et au procureur d'aviser sur l'ensemble du dossier.

Alors, nous avons agi comme administrateurs. Nous avons fait notre boulot comme administrateurs et nous n'avions pas, à ce moment-là, l'intention de cacher quoi que ce soit, mais nous n'avons pas pris l'initiative d'informer à ce moment-là sur le dossier en question. Et ce n'est pas que nous voulions cacher l'information, je le répète. Nous avons toujours eu une pratique de transparence. Il est évident pour nous que c'est important d'avoir cette politique de transparence. Mais, pour moi, «transparence» ne veut pas dire qu'à chaque geste posé nous devons faire un communiqué pour annoncer à l'ensemble de la population que nous avons posé un geste disciplinaire ou autre à l'égard de nos employés. Alors, nous savions que nous aurions des tribunes pour pouvoir présenter l'état de nos interventions, et c'est à ce moment-là que nous sommes intervenus.

J'aimerais peut-être, si vous me permettez, M. le Président, revenir aux déclarations de M. le député de Nelligan et trouver, d'une part, bien sûr, dommage que le député ait perdu totale confiance au ministère du Revenu; lui dire que je vais m'engager durant ces deux heures et possiblement plus tard à le remettre dans la voie de la confiance; mais aussi, peut-être un élément d'information qui a été dit au moment où vous n'étiez pas encore avec nous: De ces huit dossiers, il n'y a qu'un seul dossier qui est relié aux allégations de la Commission. Dans les sept autres dossiers, il s'agit d'enquêtes indépendantes sur des dossiers très différents, au ministère, dans des directions différentes, pour lesquels il n'y avait aucun lien les uns avec les autres. Et ça fait partie de notre démarche d'enquête normale que nous avons, au ministère, depuis des années et que nous avons renforcée cette année.

M. Williams: Juste trois choses, vite: La police, quand ils ont saisi les documents, ils ont trouvé des informations confidentielles du Revenu, d'Hydro, de la SAAQ, du CRPQ. Avec ça, il me semble que ce n'est pas un fonctionnaire qui travaille partout, là. Alors, il me semble que c'est beaucoup plus profond qu'on pense.

Deuxième chose...

Mme Malo (Nicole): Et vous comprendrez, M. le député, que le ministère du Revenu n'avait à s'attarder qu'à la situation à l'intérieur du ministère du Revenu...

M. Williams: Oui, oui.

Mme Malo (Nicole): ...et qu'il n'est pas de notre juridiction ou de notre responsabilité de couvrir à l'extérieur.

M. Williams: Je comprends. Mais il me semble que c'est assez important que, si nous en avons trouvé une maintenant, on doit... N'oubliez pas que, en mars passé, tout le monde a essayé de minimiser. Vous en avez trouvé un; pas moi, là, c'était la Sûreté du Québec. Après ça, je présume que la Sûreté a contacté le ministère, et vous avez agi.

Mme Malo (Nicole): Nous avons travaillé en collaboration.

M. Williams: Oui. Avec ça, au moins, nous en avons trouvé un. Selon notre information, ce n'était pas juste un.

Mme Malo (Nicole): À l'intérieur du ministère?

M. Williams: Oui.

Mme Malo (Nicole): Dans ce même réseau?

M. Williams: Oui. Avec ça, on doit continuer d'assurer que nous avons toute l'information pour rétablir la confiance. Mais, sur les gestes, est-ce que vous avez besoin de publier? Ou est-ce que la ministre, parce que c'est une décision ministérielle – je ne veux pas, là... – va publier chaque geste? Ce n'est pas ça que je demande.

Là, nous avons une allégation de la Commission d'accès à l'information qui dit qu'il y a une liste de prix et un marché noir d'informations. Nous avons trouvé effectivement peut-être un exemple, mais nous avons trouvé un exemple assez grave pour que vous ayez congédié cette personne. Il me semble que la ministre déléguée doit être aussi responsable d'informer la population qu'effectivement, malgré toutes les intentions du gouvernement, ça existe, ce problème. Avec ça, je retrouve ça...

Et je voudrais demander une question: Quand avez-vous informé la ministre de ce problème? Et est-ce qu'elle a décidé de ne pas – vous n'aimez pas le mot «cacher» – rendre cette information publique? Quand est-ce que vous avez informé la ministre déléguée de ça?

Mme Malo (Nicole): Il y a de ça quelques semaines, au moment où on procédait... ou à peu près, parce que c'est le 7 octobre et nous sommes maintenant le 18, 19 novembre. Donc, ça fait à peine un mois que nous sommes intervenus. Donc, nous l'avons informée très rapidement de cette situation-là, de la personne congédiée dans ce cadre-là.

J'aimerais vous dire ici, faire tout de suite la parenthèse que, dans les autres cas des sept congédiements, la ministre n'a pas été informée nommément de chacun des gestes posés dans ces cas-là. Parce que, pour nous, c'était une matière administrative, comme ça fait partie de notre responsabilité administrative, et que, dans les autres cas, la ministre n'a donc pas été informée dans chacun des dossiers. Ce n'est pas la ministre qui a pris la décision de ne pas dévoiler publiquement; c'était notre recommandation, et, comme je vous le dis, dans le respect de l'enquête de la Sûreté du Québec qui couvre une situation qui déborde le cadre du ministère du Revenu. Nous présumions alors et nous avions la lecture qu'il valait mieux informer la population avec la totalité de l'information et donc laisser cette information à la population à la suite du dossier de la Sûreté et aux personnes mandatées pour le faire.

M. Williams: La ministre ne s'intéresse pas aux dossiers des fonctionnaires avec un conflit d'intérêts?

(10 h 50)

Mme Malo (Nicole): Excusez-moi, M. le député, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que je n'avais pas informé la ministre de chacun des dossiers d'intervention en matière de congédiement. Ce n'est pas que la ministre ne s'intéresse pas, loin de là. Mais la ministre a aussi un rôle à jouer, elle le joue très bien, et il y a des rôles qui sont attribués à l'administration, à la sous-ministre et à ses gestionnaires, et, dans le cours régulier de nos interventions, bien évidemment, nous ne parlons pas de l'ensemble des dossiers administratifs.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, M. le Président. Madame, chers membres, collègues parlementaires, moi, en tout cas, ça fait deux fois que j'entends la même accusation, que, de côté-ci, on aurait tout essayé de minimiser. Je me considère comme une personne encore membre de cette commission et, en ce qui me concerne, comme député d'Abitibi-Ouest, ça ne m'intéresse pas du tout de minimiser ça. Et je n'ai pas senti que vous et le gouvernement auquel j'appartiens n'ayez quelque intention que ce soit de minimiser l'événement, qui est sérieux, majeur.

Mais, justement parce qu'il est sérieux, majeur, j'ai l'intention de le traiter comme tel. Donc, je ne le réduirai pas, ne le minimiserai pas, mais je ne ferai pas ce que je viens d'entendre, un petit coup de politique là-dessus, quelques petites bassesses et, s'il y avait moyen de beurrer large, on va en profiter pour beurrer large. Alors là, on n'est pas vraiment dans une commission d'enquête, mais j'ai l'impression qu'une séance de travail se prête pour faire du travail correct. Alors, je vais essayer de faire du travail correct. Et, pour faire du travail correct, ma première question, ça serait... Parce que j'ai beau lire et relire l'information des journaux de ce matin, il ne me semble pas que ce que je lis correspond à ce que vous nous dites et aux faits, alors, on va essayer de le vérifier.


Nombre de personnes impliquées dans la vente de renseignements

Première question, Mme la sous-ministre, j'aimerais savoir, quand on affirme qu'il y a une personne qui a été mise à pied au sein du ministère pour avoir vendu des renseignements personnels et confidentiels – ça, ça s'appelle faire du trafic d'informations ou commercialiser des informations qu'on détient – est-ce que vous affirmez toujours que, selon les informations dont vous disposez, il n'y a qu'une seule personne au ministère du Revenu qui aurait commercialisé de l'information, qui aurait fait du trafic de renseignements?

Mme Malo (Nicole): Alors, ce que j'ai dit et ce qui a été dit hier, c'est que, dans le cadre de l'enquête de la Commission d'accès, il n'y a qu'une seule personne. Dans les sept autres personnes congédiées, il y a eu usage d'informations qui ont donné des bénéfices, quelquefois peut-être sous forme de commerce, quelquefois sous d'autres formes de bénéfices.

Alors, moi, à ça, je dis qu'il y a à l'intérieur du ministère des personnes qui ont pu avoir des tentations et qui ont pu faire de la consultation – et je pourrais être en mesure, j'imagine, d'ici la fin de la présente session de travail, d'avoir plus clairement la liste, les gens sont en train de me préparer un dossier là-dessus, des personnes qui ont fait usage de l'information au ministère – qui en ont fait usage pour leurs fins propres, soit pour des bénéfices personnels ou par des contacts avec des tiers mais contre rémunération, donc un trafic contre rémunération. Il y a eu le congédiement en question et, dans les sept autres, je ne suis pas en mesure de vous dire la nature réelle de chacun, mais il y avait à la fois usage d'informations et à la fois comportement grave contre l'éthique parce que cette information pouvait être utilisée à différentes fins, mais pas nécessairement dans une vente aussi officielle que de dire: Bon, je te vends ça tel prix et tu me le redonnes.

M. Gendron: Bien là, c'est parce que j'aimerais, Mme la sous-ministre, que vous appréciiez davantage. J'ai bien entendu ce que vous venez de dire. Il avait tiré profit d'informations privilégiées, si je regarde encore les journaux, il y avait intérêt à communiquer des renseignements de nature personnelle à d'autres personnes, mais il n'y avait pas, et là je vous cite, «il n'y avait pas nécessairement commerce de l'information ou trafic, qu'on appelle, de renseignements confidentiels pour fins de rémunération». Vous avez dit ça.

Dans les sept autres cas, est-ce que vous avez des informations à l'effet qu'il n'y en avait pas du tout, de trafic d'informations rémunéré, ou s'il y en avait pour trois, pour quatre, pour essayer de départager le cas, qui me semble être très clair, pour lequel il y a une enquête policière qui possiblement donnera suite à des poursuites – et ça, je pense que c'est correct, dépendamment de «l'étoffage», si vous me permettez l'expression, du dossier – mais, pour les sept autres, est-ce que, oui ou non, il y avait quand même des informations que vous détenez qui vous permettent de conclure que, peut-être à une échelle différente, il y avait quand même du trafic d'informations pour fins d'aller chercher un revenu ou une compensation financière additionnelle, dans les sept autre cas?

Mme Malo (Nicole): Alors, tout ce que je peux vous dire – je n'ai pas la description de chacun des autres cas – c'est qu'il s'agit de manquements qui ont été nombreux et qui se situent à plusieurs niveaux: consultations, communications, conflits d'intérêts, falsifications de données, dans certains cas, et vente de renseignements.

M. Gendron: Merci, c'est clair.

Mme Malo (Nicole): Oui, c'est grave.

M. Gendron: C'est très grave.

Mme Malo (Nicole): C'est grave, parce qu'il s'agit de dossiers de congédiement.

M. Gendron: Attendez un peu, là. Deuxième élément que je voudrais faire ressortir: On dit, dans les journaux de ce matin: Bon, on répond en période de questions qu'il y avait une seule personne qui avait été mise à pied au sein de son ministère et, dans un autre paragraphe, on dit: Bon, bien, coup de théâtre! L'ampleur... On s'aperçoit, là, qu'on avait sous-estimé l'ampleur du phénomène de trafic de renseignements, et, moi, je voudrais que vous appréciiez ce jugement-là, parce que vous n'avez pas sous-estimé l'ampleur. C'est qu'il y a un cas qui était très bien identifié et, dans les sept autres cas, il s'agit de toutes sortes de choses, y incluant peut-être les mêmes éléments que dans le premier cas. Est-ce exact?

Mme Malo (Nicole): Ce qu'on me dit ici, c'est que, dans les sept autres cas, il y a usage de l'information, mais on n'a pas pu démontrer de commerce, d'échange contre rémunération. Si nous sommes intervenus, c'est qu'il y avait usage de l'information et d'autres manquements sévères.

M. Gendron: Dans le premier cas où il y a congédiement, c'était très clair qu'il y avait commerce d'information?

Mme Malo (Nicole): Dans ce cas-ci, oui. C'était le cas d'enquête...

M. Gendron: Je le sais...

Mme Malo (Nicole): Oui.

M. Gendron: Je le sais. Je voudrais juste que vous répondiez à la question: Dans le premier cas, c'était très clair qu'il y avait commerce d'information? Dans le cas de congédiement, c'était très clair qu'il y avait commerce d'information?

Mme Malo (Nicole): Dans celui-là?

M. Gendron: Oui.

Mme Malo (Nicole): Oui, dans celui de la Commission d'accès, c'était clair. Dans les autres cas, il y avait une série de facteurs qui ont généré des congédiements, dans lesquels il y avait de l'usage de l'information, mais pas du commerce comme tel.

M. Gendron: Parfait. J'aimerais avoir votre commentaire aussi, lorsque je prétends... On dit: «Par ailleurs, il a été possible d'apprendre que l'employée en question, une syndiquée, avait déposé un grief pour contester son congédiement. Pourtant, hier, la sous-ministre du Revenu, Nicole Malo, signalait que le fonctionnaire avait bel et bien reconnu qu'il avait vendu des informations.»

Moi, je trouve qu'il n'y a aucune contradiction. Mais, quand on le présente comme ça, quand on veut mal informer la population, on fait ce qu'il y a dans l'article.

Question: Est-ce que vous croyez que quelqu'un...

Une voix: ...

M. Gendron: Oui, oui, quelqu'un qui très clairement reconnaît qu'il a vendu des informations, est-ce que, en même temps, il peut prétendre que son congédiement est trop gros par rapport au geste qu'il a commis? Est-ce que c'est de ça dont il s'agit dans le cas de la personne? Autrement dit, en termes clairs: Est-ce que la personne ne vous a pas dit qu'elle était d'accord qu'elle avait fait ça, mais que ça n'avait pas de bon sens qu'on la congédie pour quelque chose de pas si grave que ça? Est-ce que c'est ça qu'elle vous a dit?

Mme Malo (Nicole): C'est essentiellement le geste de contestation par grief. Parce que les griefs sont posés à l'encontre des mesures disciplinaires. Ils peuvent être posés parce que l'employé conteste le fond, le motif pour le congédiement. Dans ces cas-là, la personne ayant reconnu avoir participé et effectué les interventions dont on avait les faits, elle conteste la sévérité de la mesure, et c'est son strict droit syndical.

M. Gendron: Je le sais, parce que je connais ce que c'est qu'un grief. Mais, en termes très clairs, j'ai...

(11 heures)

Mme Malo (Nicole): Et donc, il n'y a pas, effectivement, comme vous le dites, contradiction entre le fait qu'elle se soit reconnue responsable de ces gestes-là et le fait qu'elle conteste le congédiement.

On a eu, et je dois le dire ici, puis je pense que nous y avions fait référence quand nous nous sommes vus, en mars dernier, nous avons eu des situations, au gouvernement, puis au ministère du Revenu, la même chose, mais je me souviens d'un cas en Sécurité du revenu où, pour une situation très problématique, nous avions congédié quelqu'un qui a contesté son congédiement et pour lequel, 18 mois plus tard, nous avons été tenus de réintégrer à l'intérieur du ministère, puisque l'arbitre qui a entendu le grief a jugé que 18 mois de pénalité sans solde, parce que c'était un congédiement sans solde, c'était suffisant. Il demandait, à l'époque, de réintégrer la personne dans ses fonctions, ce qui la mettait, pour nous, très vulnérable parce qu'il s'agissait de transactions avec de l'information. Nous avons, à l'encontre, à l'époque de la décision arbitrale, réintégré l'employé, mais, à l'encontre de la décision, mis cet employé-là dans un poste ou une occupation qui ne le mettait pas en situation d'utiliser l'information.

Et vous pourriez faire le tour de certains ministères pour vous rendre compte que, effectivement, par moments, des employés ont gagné des griefs sur la base de congédiements parce que l'arbitre a pu reconnaître que nous avions été trop sévères.

M. Gendron: Ça va, ça va. Mais, dans ce cas-là, la personne a reconnu la faute devant vous, à vous personnellement.

Mme Malo (Nicole): Pas à moi, aux enquêteurs du ministère.

M. Gendron: Aux enquêteurs du ministère. Mais, vous, vous pouvez affirmer que cette faute a été reconnue, et c'est consigné dans le rapport de l'enquête du ministère.

Mme Malo (Nicole): Effectivement. Il est de pratique au ministère, comme je le disais au début, que, lorsque nous faisons une enquête, nous accumulons les faits, nous déposons les faits devant la personne et nous allons chercher son avis sur ces faits-là. S'il y a reconnaissance ou non-reconnaissance, bien évidemment, notre intervention est différente, il faut poursuivre l'enquête ou non. Dans ce cas-là, elle a reconnu les faits.

M. Gendron: Est-ce que vous avez un commentaire à apporter sur l'information qu'on véhicule également à l'effet qu'on pouvait obtenir, pour une somme variant de 40 $ à 100 $, la déclaration d'impôts, le dossier du conducteur ou le dossier médical de n'importe quel citoyen québécois, comme a fait savoir M. White? Ça, je me rappelle qu'il avait affirmé ça dans sa comparution. Et est-ce que, dans les sept cas de congédiement antérieurs au cas pour lequel il semblerait qu'il y avait une preuve formelle, en termes d'enquête administrative, est-ce que vous pouvez nous informer si vous disposiez de telles informations à l'effet que ces gens-là, également, auraient joué avec le fait de vendre l'information ou de la faire savoir à d'autres pour avantages personnels dans des proportions ou des sommes comme M. White indiquait?

Mme Malo (Nicole): Si j'ai bien compris votre question...

M. Gendron: Dans les sept autres cas.

Mme Malo (Nicole): Dans les sept autres cas?

M. Gendron: Est-ce que votre information, à date, sur le plan administratif, vous permet de confirmer qu'il y avait là également, aussi, des jeux d'argent comptabilisables pour tel type...

Mme Malo (Nicole): Il y a eu certains jeux d'argent, il y a des questions de collusion, par exemple, mais c'était dans des dossiers... sur un petit nombre de dossiers. Mais ce n'était pas une question, comme je le rappelais, de commerce officiel à tant de l'acte.

M. Gendron: Est-ce que, Mme la sous-ministre, vous êtes en mesure de nous indiquer s'il y a eu d'autres congédiements que la seule personne, dans l'histoire du ministère du Revenu, pour des infractions de même nature?

Mme Malo (Nicole): Ce que je vous ai dit, c'est qu'il y avait eu ces huit congédiements reliés plus ou moins. Il y a cette seule-là, à notre avis, qui est aussi directement liée à ce qu'on peut appeler un commerce. Pour les autres, il y avait d'autres dimensions.

Il est évident que le ministère a pu procéder en cours d'année à quelques congédiements et fins d'emploi pour des raisons autres que celles reliées à l'utilisation de l'information.

M. Gendron: Mais, pour ce qu'on discute à matin, dans le passé, est-ce qu'il y a eu des congédiements antérieurs?

Mme Malo (Nicole): Antérieurs à 1996, à notre intervention? La réponse qu'on donne, c'est que non, il n'y en a pas eu pour ce motif-là.

M. Gendron: O.K. Et, de 1996 à aujourd'hui, le seul cas qu'on connaît, c'est la réponse de la ministre à la période de questions hier?

Mme Malo (Nicole): C'est ça.

M. Gendron: Il n'y en a eu qu'une seule?

Mme Malo (Nicole): Oui.

M. Gendron: Pour le moment, moi, ça me va, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: D'abord, j'aimerais peut-être faire quelques commentaires sur des points qui ont déjà été mentionnés. On a parlé tout à l'heure du fait que le congédiement comme tel n'a pas été annoncé. Je vous avoue que je suis un peu surpris de la réponse que vous donnez, dans le sens où vous dites: C'est un geste administratif. On a posé un geste administratif, on a congédié la personne.

Il me semble qu'il y a une autre dimension qui est aussi importante et qui relève de la responsabilité du ministère, c'est toute la question de la confiance de la population, et je pense que le ministère a, évidemment, la responsabilité de poser des gestes administratifs, mais a aussi la responsabilité de faire en sorte que la population ait confiance dans le fonctionnement de l'institution qu'est le ministère du Revenu, en l'occurrence. Alors, d'avoir tout simplement pris une décision administrative, assumé vos responsabilités administratives, congédié la personne, il me semble que le ministère aurait dû rendre public de lui-même, prendre l'initiative de rendre public que des gestes avaient été posés à l'endroit de cette personne-là et informer la population.

Actuellement, le problème qu'on a, c'est la non-confiance ou la méfiance, maintenant, que les citoyens ont à la suite de toute cette histoire qui court depuis mars 1997, et il me semble que c'était la responsabilité du ministère de prendre les devants, aussi, et d'assumer un rôle important de ce côté-là, d'être beaucoup plus proactif pour créer auprès de la population un sentiment de confiance et voir qu'on a réellement pris les moyens pour corriger la situation. Il me semble que la priorité, ce n'est pas d'abord de poser un geste administratif pour poser un geste administratif, le ministère est là pour servir les citoyens et, dans la mesure où les citoyens auront confiance ou non, c'est la clé de tout le système. Et il me semble que cette dimension-là – en tout cas, c'est mon commentaire – je pense qu'il aurait dû y avoir une réaction beaucoup plus proactive de la part du ministère et de faire en sorte que cette décision-là soit rendue, parce que, d'abord et avant tout, c'est une question de crédibilité et de confiance de la population qui est en cause et non pas tout simplement une question administrative, interne.

L'autre point sur lequel j'aimerais revenir, c'est que, en réponse au député d'Abitibi-Ouest, vous aviez fait référence à plusieurs cas. Il me semble que vous faites une distinction – en tout cas, je le perçois comme ça – entre le cas qui est divulgué actuellement, où il y aurait eu du trafic d'informations contre rémunération, vous semblez distinguer ce cas-là des autres cas où on a utilisé des informations à des fins personnelles ou à l'avantage de tiers. Et quand je parle d'informations, ça peut être des informations concernant des personnes, mais ça peut être aussi des informations concernant le fonctionnement du ministère à l'égard des vérifications qui se font. Alors, il y a des gens qui sont à l'interne, qui ont connaissance de toutes ces choses-là, qui ont pu utiliser de l'information à leur avantage personnel, encore une fois, ou à l'avantage de tiers, sans rémunération; et ça me semble aussi important. Ce n'est pas une question d'argent qui est en cause, c'est une question de principe, une question de comportement et de déontologie, et ce n'est pas parce qu'on est payé que c'est plus grave de passer à côté des comportements qui sont prescrits que dans le cas où on n'est pas payé.

Alors, ce sur quoi j'attache un peu d'importance, c'est le fait que vous avez mentionné que vous avez informé la ministre du cas de congédiement, mais vous ne l'avez pas informée des autres cas. Et ça me paraît tout aussi important. Je ne comprends pas pourquoi vous traitez différemment ces deux cas-là. Dans un cas, parce qu'il y a rémunération, on informe la ministre; dans l'autre cas, on fait de l'échange d'informations à des fins personnelles ou pour des tiers et vous n'avez pas jugé utile que la ministre soit informée des décisions, et ça me semble tout aussi important. Alors, c'est un deuxième sur lequel j'aimerais avoir votre point de vue.

Juste un dernier point et, ensuite, je vais vous laisser répondre à ces points-là. Vous mentionnez qu'il y a une seule personne actuellement qui a été trouvée coupable de trafic contre rémunération. Moi, comme citoyen, la question – puis j'ai l'impression qu'il y en a beaucoup qui se la posent aussi – c'est: Êtes-vous bien certaine qu'il y en a juste un? Et là c'est toute la question: Comment l'enquête a été faite? Comment vous en arrivez à conclure d'une façon certaine que c'est arrivé seulement une fois? Vous dites qu'il y a eu un cas de congédiement – si j'ai bien compris tout à l'heure la réponse – après 1996 pour cette raison-là, et il n'y en a pas eu avant. Est-ce que c'est ça que j'ai compris tout à l'heure?

Mme Malo (Nicole): C'est l'information qu'on m'a donnée. Je n'étais pas là avant 1996.

(11 h 10)

M. Bordeleau: Alors, ça m'inquiète aussi un peu, cette réponse-là. Qu'il y ait eu seulement un cas puis qu'on le découvre après 1996 et qu'on n'ait pas eu aucun congédiement à faire avant, alors que dans La Gazette de ce matin on nous mentionne un article faisant référence à Investigations criminelles provinciale s , où on dit que «did between January 1st, 1990 and June 5th, 1997 incite or counsel one or more civil servants to be later identified to commit a breach of trust, purchase, sale and exchange of personal and confidential information originating from government files». Il semblerait, d'après ce qu'on nous dit là, que c'est une pratique qui existe depuis 1990. Et vous nous dites aujourd'hui: Bien, là, on l'a prise, la personne, il y en avait une puis on vient de la découvrir, c'est après 1996, je vous avoue que ça ne me convient pas; comme citoyen, j'ai de la misère à être rassuré que tout a été réglé, que maintenant... J'ai l'impression que si une compagnie, comme celle à laquelle on fait référence, agissait comme ça auprès de différents ministères – je n'ai pas dit auprès du ministère du Revenu, là, ça peut être différents ministères, parce qu'on fait référence évidemment à tous les dossiers dont on a parlé dans le passé – si une compagnie comme ça procédait de la façon dont elle semble l'avoir fait depuis 1990, personnellement, je ne suis pas convaincu, vous ne me rassurez pas nécessairement en me disant qu'ils en ont trouvé un, puis c'était juste un, puis que tout est réglé.

Alors, j'ai l'impression que, si ça existait depuis 1990 à 1997, il y en a peut-être d'autres dans le décor qui sont quelque part et qui n'ont pas été retracés à date. Je ne mets pas en cause la bonne volonté, vous avez fait votre possible, mais je suis loin d'être certain qu'on a cerné le problème, on a cerné toutes les personnes qui pouvaient être impliquées à ce niveau-là. Parce que ça me semble difficile qu'une organisation comme celle dont on a parlé fonctionne depuis 1990 de cette façon-là et qu'on ait une personne impliquée seulement, puis ça se clôt là-dessus. En tout cas, j'aimerais avoir vos commentaires sur les points que j'ai soulevés.

Mme Malo (Nicole): Merci, M. le Président. La première question que vous avez posée et les commentaires que vous avez faits, c'est à l'effet de ne pas comprendre nos motifs à l'effet de ne pas rendre public dès octobre, au moment du congédiement, le fait que nous ayons congédié dans le cadre de l'enquête suivant les allégations de la Commission d'accès à l'information. Je rappelle ici que l'enquête était sous l'égide de la Sûreté du Québec, qu'elle couvrait plusieurs ministères ou organismes du gouvernement, donc beaucoup plus large que le ministère du Revenu, et elle n'était pas terminée au moment où nous avons agi, et que nous n'avons pas, à ce moment-là, voulu par une intervention publique dévoiler ce congédiement. Parce que nous jugions qu'il fallait que l'information globale sorte sur le dossier, qu'il n'appartenait pas au ministère du Revenu de dévoiler son bout d'information, alors que nous ne savions aucunement les informations sur les autres aspects de l'enquête et que l'ensemble de ce dossier-là préoccupait la population, bien évidemment.

Donc, il n'appartenait pas au ministère du Revenu de faire le dévoilement d'un élément de l'enquête au moment où ce qui intéresse, c'est l'ensemble de l'enquête. Et, en plus, il faut vous dire que, à l'époque, quand une enquête de cette nature-là n'est pas terminée, il est évident qu'une intervention publique en cours d'enquête peut aussi influencer l'enquête et menacer l'enquête ou, tout au moins, avoir des effets négatifs sur cette enquête-là. C'était notre souci aussi de ne pas entraver la démarche de l'enquête et d'attendre le rapport définitif de la Commission.

Ce que je vous ai dit, c'est que, compte tenu de l'enquête interne que nous avons faite et que nous avions l'information, nous, comme gestionnaires, nous ne pouvions pas attendre que l'enquête soit terminée pour prendre le geste du congédiement. Dès que nous avons pu confronter la personne avec les faits, nous l'avons fait. Parce que ce qui était important pour nous, dans toute la sécurité qu'on doit assurer à la population, du secret, c'est que ladite personne ne soit plus en contact avec les dossiers, ne soit plus au ministère du Revenu dès que le processus d'enquête était terminé. Et c'est pour ça que nous avons agi en octobre et c'est pour ça aussi que nous n'avons pas diffusé l'information en octobre, compte tenu que l'enquête débordait largement le cadre et qu'il était important pour nous que l'ensemble de l'information sorte dans le cadre de cette enquête-là. Nous ne pensions pas, comme ministère, comme administrateurs publics, devoir attendre pour agir; c'était urgent d'agir, nous l'avons fait; mais nous ne croyions pas qu'il était urgent d'informer la population sur notre situation dans un dossier d'envergure comme celui-là. C'est la position que nous avons prise à l'époque,

Deuxième question. Vous dites: C'est important aussi, la consultation d'informations sans rémunération. Et je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le Président, que c'est tout à fait et tout aussi important que nous, à l'intérieur du ministère, nous fassions non seulement des enquêtes sur des trafics externes ou des cas sévères de fraude, mais que nous fassions enquête sur l'ensemble des comportements. Et, effectivement, nous avons identifié des cas – et là je pars de suite à ce que le Vérificateur général avait découvert dans sa vérification de 1996 – nous avons, et je le répète, intensifié nos mesures de contrôle depuis cette époque-là, ce qui, en partie, peut expliquer que les pénalités avant 1996 aient été moins sévères; c'est que nous avons revu l'ensemble des processus et des règles de pénalité attachés à ça.

Mais nous avons effectivement identifié des dossiers de consultation, mais de façon très sporadique, alors que le Vérificateur avait identifié un dossier qui avait été consulté par 100 et quelques personnes. Dans les vérifications qu'on a faites après avec des mesures et des programmes beaucoup plus serrés, beaucoup plus ciblés, ça n'a été que quelques dossiers – ce genre d'informations là pourra vous être rendu disponible, les documents sont en préparation – alors, dans ces cas-là, nous n'avons pas congédié, puisque dans un processus de gestion des employés et des relations de travail, il y a des mesures qui doivent être applicables selon une gradation dans les fautes commises. Alors nous avons, selon la nature des fautes commises, procédé soit par avertissement, soit par suspension de quelques jours à quelques dizaines de jours selon les gravités des consultations. Mais, par rapport à ce qui a pu être observé par le Vérificateur général, moi, je peux vous dire que le nombre de dossiers de consultation s'est réduit très significativement, même si on en a dépistés quelques-uns. Et je rappelle que nous sommes 8 000 personnes et que, malgré toutes les mesures de sécurité les plus sophistiquées que nous mettrions, il y aura toujours des personnes qui tenteront de passer à travers le système d'une façon ou d'une autre, ce qui ne devrait pas entacher l'ensemble de la confiance de la population à l'égard du ministère du Revenu.

En ce qui concerne l'information à la ministre quant à l'ensemble des dossiers de congédiement, je veux bien faire amende honorable à la commission. Je répète ce que j'ai dit tantôt – et vous connaissez aussi bien les agendas des ministres et les agendas des sous-ministres, peut-être un peu moins, mais je peux vous assurer qu'ils sont aussi chargés – que dans ces dossiers-là, comme c'étaient des dossiers de nature administrative, nous n'avons pas dans chacun des cas souligné à la ministre qu'il y avait eu congédiement. Bon, vous pouvez me reprocher de l'avoir fait, je peux prendre le reproche, mais voici ce qui a été fait. C'est tout ce que je peux dire là-dessus. Mais, dans tous les cas, nous avons pris notre responsabilité d'administrateurs publics. Nous avons agi, parce que l'urgence pour nous, c'est justement de rendre le système sécuritaire, et dès qu'on identifie un cas en difficulté, nous intervenons. Ça, c'est prioritaire à toute la gestion de l'information qui tourne autour de ça.

Quand vous dites «êtes-vous sûre qu'il n'y en a juste une?», je vous dis que dans le dossier d'enquête de la Sûreté, en ce qui concerne le ministère du Revenu, il n'y a qu'une seule personne qui a été identifiée. Je vous ai dit que dans les autres dossiers d'interventions majeures de congédiement il y avait eu de l'usage de l'information mais qu'on ne pouvait pas identifier qu'il s'agissait de trafic d'informations au sens de la vente d'informations. De nos enquêtes, effectivement, on a dit que c'est le seul dossier qui a été vraiment typiquement tel que décrit par le dossier de la Commission.

Vous référez ensuite au fait que depuis 1990 il existe des questions, des difficultés en termes d'éthique. Moi, je vous dirais que probablement, dans toutes les organisations publiques et privées, depuis des lunes, depuis l'éternité, il y a des problèmes d'individus qui ont des comportements déviants par rapport à l'ensemble des normes d'éthique des organisations. C'est la même chose dans le privé. C'est la même chose dans le public. Notre responsabilité d'administrateurs publics, c'est de nous assurer le plus d'étanchéité. Comment le faisons-nous, au ministère? Nous faisons d'abord une première sélection à l'entrée, et vous savez qu'au ministère du Revenu il y a une enquête sur chacun des employés avant d'être embauché, ce qui est exceptionnel par rapport à l'ensemble des autres ministères, et qu'une personne qui aurait un dossier criminel ou un dossier frauduleux par rapport à l'impôt ne serait pas embauchée au ministère du Revenu, donc elle ne serait même pas à l'entrée.

Ça, c'est la première mesure d'enquête et de sécurité que nous avons. Et, ensuite, nous avons des mesures de contrôle et de vérification qui nous permettent de dépister des cas de déviance et aussi de soutenir nos personnels pour qu'ils maintiennent leur comportement. Parce que nous avons une responsabilité dans l'administration publique et comme gestionnaires de protéger nos employés contre des manifestations externes ou des tentations externes dont vous pouvez vous imaginer qu'elles sont assez nombreuses. Et je tiens à souligner ici le très haut niveau d'intégrité du personnel du ministère du Revenu.

(11 h 20)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, madame la... Bien, il faudrait que ce soit bref parce que...


Mesures à l'égard d'ex-employés du ministère

M. Bordeleau: Oui, juste une question peut-être complémentaire à ce qu'on discute. Quand on parle de l'utilisation de données confidentielles, juste une question qui me vient à l'esprit: Les gens qui ont travaillé au ministère et qui quittent le ministère à un moment donné, est-ce qu'il y a des contraintes ou des engagements qu'ils doivent respecter au niveau de... est-ce que ces gens-là ne peuvent pas se retrouver... Parce qu'on l'a vu, malheureusement, dans d'autres institutions du gouvernement, où des gens qui ont de l'information privilégiée se retrouvent effectivement, le lendemain, dans un endroit où on utilise cette information-là à des fins personnelles.

Est-ce qu'il y a quelque chose de précis qui empêche ou qui peut, en tout cas, donner confiance aux citoyens à l'effet que les fonctionnaires ne seront dans une situation, le lendemain, pour utiliser des données dont ils aurait eu connaissance au moment où ils étaient à l'emploi du ministère?

Mme Malo (Nicole): Je vais demander, si vous voulez bien, M. le Président, à Me Brochu de répondre à la question.

M. Brochu (André): Oui, André Brochu. Effectivement, oui, les personnes qui ont travaillé au ministère continuent à être régies par le secret fiscal, puisque la définition, à l'article 69, qui constitue notre code de confidentialité, comme vous le savez, inclut le terme «ancien fonctionnaire». Donc, ils sont soumis aux mêmes obligations.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il y a eu des poursuites qui ont déjà été prises dans le passé sur des cas où des gens auraient...

M. Brochu (André): À ma connaissance, en ce qui concerne d'anciens fonctionnaires, non.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il y a des mesures que le gouvernement peut prendre, ou prend actuellement, pour s'assurer qu'on ne se retrouve pas dans ce genre de situation là, ou tout simplement on se dit: Bien, ils ont pris l'engagement puis ils quittent et, après ça, ils savent à quoi s'en tenir? On n'a pas aucune mesure de vérification pour voir si ces gens-là ne se retrouvent pas dans des fonctions où ils seraient susceptibles d'utiliser des informations à leurs fins personnelles à ce moment-là?

M. Brochu (André): À ma connaissance, je ne peux pas vous citer de mesures précises qui auraient été prises pour vérifier si d'anciens fonctionnaires respectent leur obligation de confidentialité. Par contre, à la même connaissance, je ne peux pas vous dire qu'on a eu des révélations à l'effet que d'anciens fonctionnaires avaient failli à cette obligation-là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de l'Acadie. Je vais faire respecter le temps de parole, tout en respectant l'alternance; j'accorderais la parole au député de Fabre.


Communication de résultats d'enquête à la ministre

M. Facal: Merci, M. le Président. Je vais être extrêmement bref, parce que ma question porte sur un aspect à propos duquel Mme Malo dit faire amende honorable. Donc, je ne m'appesantirai pas, et je voudrais simplement mieux comprendre les modes de fonctionnement habituels d'un ministère, auxquels, je dois dire, je ne m'étais jamais vraiment intéressé jusqu'à hier, ce qui expliquera peut-être le caractère un peu naïf de ma question, veuillez m'en excuser.

Vous dites que dans un des huit cas il y avait vente de renseignements, alors que dans les sept autres cas il y avait une panoplie de motifs divers: utilisation de renseignements pour son profit personnel, falsification de données, etc. Vous affirmez que dans ces sept autres cas vous avez jugé bon de ne pas aviser la ministre parce que ces cas étaient, disiez-vous, de nature administrative. Je ne suis pas sûr de bien comprendre – et, encore là, c'est probablement davantage mon ignorance de vos mécanismes de fonctionnement qu'un reproche – ce qui explique ou ce qui justifie le fait d'en avoir avisé l'autorité politique dans un cas et pas dans les sept autres. En d'autres termes, je ne suis pas sûr de voir le sens que vous donnez à cette notion de «nature administrative» qui aurait justifié de ne pas communiquer le renseignement à la ministre, ou à tout le moins, je ne suis pas sûr de voir où vous faites passer cette ligne entre ce qui vaut la peine qu'on en avise la ministre et ce qui ne vaut pas la peine qu'on l'avise.

Parce que, moi, je dois vous dire que, si j'étais ministre, je n'apprécierais pas, au nom de la nature administrative, d'apprendre dans les journaux ou à la période des questions que des employés du ministère dont je suis responsable ont été congédiés pour falsification de données.

Mme Malo (Nicole): Alors, dans le dossier de la Commission d'accès à l'information, c'était un dossier qui effectivement était public et qui devait avoir un suivi public. C'était naturel que l'information circule. Dans les autres dossiers, comme je l'ai dit, peut-être aurais-je dû. Ce n'est pas que je n'ai pas voulu le dire à la ministre, c'est tout simplement que ce n'est pas venu dans les discussions avec la ministre et dans les agendas et que ça n'a pas été donné comme information systématique à la ministre. Ça aurait pu l'être, mais ça n'a pas été une volonté de dire: Je cache ça à la ministre, je ne le dis pas. Je ne l'ai tout simplement pas dit. Point, à la ligne.

Sans doute avez-vous raison, que, effectivement, la pratique devrait être plus étanche là-dessus et que dès que ça se passe on devrait en aviser. Maintenant, pour votre information, dans les règles de délégation, il n'appartient pas, effectivement, à la ministre de décider des congédiements. Même au ministère du Revenu, puisque nous sommes une très grande organisation, nous nous sommes donné des règles de pratique et des règles de délégation. Le congédiement n'est pas signé par la sous-ministre, il est signé par les directeurs généraux, suite aux données d'enquêtes. Donc, la sous-ministre est informée, mais elle n'est pas elle-même signataire des dossiers de congédiement. Il faut comprendre qu'il y a 8 000 personnes et que c'est par délégation. Et c'est conforme à l'article de loi qui dit que je peux déléguer des pouvoirs dans l'administration.

M. Facal: Fort bien. Mais qui prend ultimement la décision? Le signataire de l'avis de congédiement?

Mme Malo (Nicole): Dans le processus, il y a un processus d'enquête. Le rapport d'enquête est soumis au gestionnaire. Le gestionnaire, à ce moment-là, est mis au fait des faits et des conclusions. Lui doit décider quel type de mesures disciplinaires il applique. Pour le conseiller dans ces mesures disciplinaires, il y a la Direction des ressources humaines, avec son service des relations de travail, qui sont des spécialistes en matière de relations de travail qui lui conseillent telle mesure plutôt que telle autre. Suite à la gravité – et c'est fonction d'une certaine grille de gravité d'intervention – et, à partir de ça, c'est lui-même qui applique le congédiement.

Il est clair que nous avons pris, comme je le disais tantôt, depuis le début de l'automne 1996, des dispositions pour être beaucoup plus sévères en matière de pénalités ou d'interventions disciplinaires et être aussi plus serrés dans nos interventions. De sorte que nous nous sommes donné un peu une base d'intervention. À partir de cette base, il y a donc décision du gestionnaire. Si, par ailleurs, la décision du gestionnaire était à l'effet de donner une pénalité, mettons, pas très élevée pour un acte qu'on pourrait anticiper grave, la Direction des enquêtes va me le signaler, et là je pourrais intervenir. Mais je dois dire que nous avons une assez grande cohésion à l'intérieur de notre comité de direction pour faire en sorte que les gestes sont aussi posés en fonction d'une équité. Il faut se dire aussi que l'ensemble des employés, nos partenaires syndicaux, au ministère, sont soucieux que nous appliquions des mesures en équité. Qu'une direction générale ne soit pas plus sévère pour un geste qui serait posé, par rapport à une autre direction générale. Et nous avons des discussions avec nos partenaires syndicaux aussi sur la façon d'intervenir au niveau des natures de pénalité.

M. Facal: Mais, le congédiement étant la pénalité suprême, vous conviendrez que le nombre de congédiements reste minime et exceptionnel.

Mme Malo (Nicole): Mais c'est important, vous savez, un congédiement.

M. Facal: J'imagine bien.

Mme Malo (Nicole): C'est une perte de salaire pour longtemps, là.

M. Facal: J'imagine bien. Et comme c'est une mesure exceptionnelle, puis-je suggérer peut-être qu'à l'avenir l'autorité politique en soit systématiquement avisée?

Mme Malo (Nicole): Certainement que vous le pouvez. Je prends très ouvertement cette demande.

M. Facal: Merci, madame.

(11 h 30)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Fabre. Et, maintenant, j'accorderai la parole au député de Verdun.


Contrôle des activités des employés

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, vous avez un mécanisme interne d'enquête qui vous a amené à congédier huit personnes. C'est bien ce que je comprends? Sur ces huit congédiements, combien ont été en arbitrage?

Mme Malo (Nicole): On pourra vous trouver l'information. Là, je ne peux pas vous le dire aujourd'hui. Je n'ai pas vérifié dans les huit cas.

M. Gautrin: Vous n'avez pas vérifié. Bon. Là, je comprends qu'il y en a un qui est pour vente d'information, donc qui est suite à une enquête policière de la Sûreté du Québec?

Mme Malo (Nicole): Oui.

M. Gautrin: Les sept autres sont suite à une enquête interne.

Mme Malo (Nicole): C'est ça.

M. Gautrin: Alors, moi, j'ai un peu de questionnement et je poursuis le même questionnement que j'avais avec vous quand on vous a rencontrée, il y a à peu près un certain nombre de mois. C'est comment, quel genre de protection on a, nous comme citoyens, que vous n'avez pas seulement relevé que la petite pointe de l'iceberg et qu'il n'y en a pas beaucoup plus que ce que vous avez relevé. Autrement dit, est-ce que vous avez seulement les cas qui étaient des cas flagrants ou vous avez un mécanisme, actuellement, interne pour réviser ce qui se passe à l'intérieur de votre ministère pour nous assurer deux choses: un, qu'il n'y a pas de vente d'information – ça, c'est évidemment le cas le plus grave – et, d'autre part, qu'il n'y a pas communication d'information sans nécessairement qu'il y ait d'argent qui soit transité.

Parce que l'information que nous avions eue lorsque nous avions rencontré les gens de la Commission d'accès à l'information, c'était, bien sûr, qu'il y avait peut-être un réseau de vente – ça, c'était le cas le plus grave – il pouvait y avoir aussi de l'information qui était donnée à des proches de la personne. Bon, l'exemple qui nous avait été donné à l'époque, c'était, dans un cas de divorce, par exemple, si le beau-frère de l'employé ou la famille de l'employé... de transmettre à sa soeur des informations sur un éventuel ex-conjoint de manière qu'elle puisse mieux préparer une réclamation de pension alimentaire, ou des éléments comme ça, où il n'y a pas, à ce moment-là, réellement échange monétaire mais où il y a quand même échange d'information. Qu'est-ce qu'il y a comme mécanisme à l'intérieur de votre ministère pour nous protéger comme citoyens?

Mme Malo (Nicole): Bon. Alors, je dois d'abord peut-être commencer en expliquant que quand on est au ministère du Revenu, bon, je l'ai dit, il y a à peu près 8 000 personnes. C'est bien évident que ce ne sont pas les 8 000 personnes qui ont accès aux données des contribuables ou des mandataires et accès au système d'information. Il y a les unités qui sont responsables de travailler sur les dossiers, soit aux renseignements ou dans le traitement des dossiers, qui ont des accès, et il y a, à ce qu'on me dit, à peu près 1 500 panoramas d'accès, c'est-à-dire qu'un employé, par exemple, à la vérification, lui, a droit d'accès dans un tel contexte, à tels types de données, pour telles fins. Si on est au centre de renseignements, à nos services de renseignements, les employés de renseignement ont droit d'accès à telle nature d'information, à telle nature de dossier, de telle façon. Et ces profils de consultation autorisée sont inscrits dans le système. Et chaque employé du ministère a ce que nous appelons un numéro d'accès, un «log», dans le jargon, qui lui permet de rentrer dans le réseau. Et ce «log-là» permet d'identifier s'il est rentré et sorti et qui a consulté, ce «log-là» est associé à son profil d'accès,...

M. Gautrin: Je sais ça.

Mme Malo (Nicole): ...c'est-à-dire qu'en entrant cette information-là, s'il n'a pas le droit d'accès à un type de dossier, il ne pourra pas avoir accès à ce type de dossier

là. Donc, à la base dans notre gestion, nous avons un processus d'attribution des codes et des numéros d'accès qui sont, de notre point de vue, très étanches et pour lesquels nous sommes aussi en train de réviser pour s'assurer de voir, soit avec les nouvelles technologies ou autrement, est-ce qu'on est capables d'être encore plus sécuritaires. Ce sont les gestionnaires de chacune des unités administratives qui sont responsables d'autoriser les personnes, donc d'autoriser l'accès. Il y a un formulaire qui est prévu dans lequel on décrit le type de consultation, de profil ou les motifs, dans lequel, aussi, où on rappelle à l'employé son obligation de confidentialité qui est signé par l'employé lui-même, le supérieur, etc. Ça, c'est notre service de base...

M. Gautrin: Ça, je sais tout ça.

Mme Malo (Nicole): Oui.

M. Gautrin: Mais ce que je voudrais savoir, moi, les sept personnes que vous avez trouvées, vous les avez trouvées comment? C'est-à-dire, qu'est-ce qui se passe à l'heure actuelle? Il y a sept personnes qui ont été déviantes, suffisamment déviantes pour qu'elles soient congédiées. Comment, qu'est-ce qui est à l'intérieur comme éléments pour être en mesure de déterminer, ou de filtrer des éléments déviants, par rapport à ce que vous avez mis sur place? Ce que vous avez mis sur place, je le connais. Je connais aussi les rappels quand quelqu'un consulte trop un dossier, etc., je connais tout ça. Mais, les sept cas que vous avez, comment les avez-vous trouvés?

Mme Malo (Nicole): Alors, dans ces sept cas-là, il y a eu soit de l'information de l'extérieur – quand je dis «de l'extérieur», de la personne elle-même, mais peut-être de l'interne au ministère, mais aussi de l'extérieur – où il y a eu un questionnement sur le dossier, sur l'accès à l'information ou sur la transaction. On a eu soit, donc, des plaintes externes, des délations qui nous ont permis de faire une piste. Jusqu'avant le printemps 1996, effectivement, nos mécanismes de révision par échantillonnage, par exemple, ou de lecture de la journalisation n'étaient pas systématiques et n'étaient pas élaborés. Ce que nous sommes en train de mettre en place, c'est effectivement de se donner des programmes de suivi et d'échantillonnage de dossiers.

Par exemple, nous sommes en train de bâtir des instruments pour vérifier s'il y a de la consultation de personnes qui sont dans les mêmes codes postaux ou dans les mêmes régions que la personne habite, ce qui nous permettrait au moins d'aller interroger, ce qui peut être tout à fait correct comme consultation, mais qui pourrait nous permettre d'interroger s'il y a eu des consultations pour des fins autres que le travail. Nous avons différents dossiers en marche qui vont nous permettre de faire de ces interventions préventives. Dans certains cas, c'est le gestionnaire qui, avec ses vérifications, lui-même a soulevé la question ou la préoccupation sur... Alors, c'est les pistes qui ont été utilisées pour identifier ces personnes-là.

M. Gautrin: Alors, moi, je voudrais quand même arriver sur une piste de solution positive pour le futur. Mais je crois que c'est faisable, compte tenu de mes connaissances, mais je voudrais vérifier avec vous. Est-ce qu'il serait concevable que l'employé du ministère travaille sur des dossiers qui ne comportent pas de renseignements nominatifs, c'est-à-dire que l'on distingue réellement, au ministère du Revenu, tout ce qui est à caractère nominatif... Autrement dit, on va prendre mon cas, parce que c'est toujours facile de prendre un individu. On va parler de quelqu'un, on va parler de moi.

Alors, qu'il y ait un élément où soit inscrit «Henri-François Gautrin», ce que je fais, où j'habite, etc., ça, ça seraient les caractères nominatifs. De ce dossier nominatif, on sortirait un numéro, et ça deviendrait le numéro XXM2270, au fond, n'importe quoi, et le fonctionnaire qui analyserait ma déclaration du revenu ne saurait seulement qu'il travaille sur XXM2270, et il vérifierait la coordination entre les deux. Et une autre personne, à ce moment-là, si jamais, par exemple, vous devez me faire soit un remboursement, soit une cotisation supplémentaire, serait amenée à dire, après le travail du fonctionnaire sur un document non nominatif: Voici... Et évidemment, il faut bien écrire qu'on n'écrit pas à XXM2270, on dirait... À ce moment-là, il y aurait à recoller ceci, avec le dossier qui serait géré complètement différemment, et qui associerait ce numéro avec le dossier nominatif. Ça me semblerait beaucoup plus sécuritaire, à ce moment-là, en termes de protection des citoyens.

Je vous explique pourquoi, parce que... faites attention...

M. Malo (Nicole): Pouvez-vous me refaire votre explication?

(11 h 40)

M. Gautrin: Alors, je vous explique, madame. Dans un dossier du ministère du Revenu, il y a une partie qui est... Dans une déclaration d'impôts, par exemple, que vous traitez, il y a la première partie qui est les renseignements nominatifs: quel est le nom de la personne, quel est son statut marital, évidemment, quel est l'endroit où elle habite, quel est l'endroit où elle travaille, quelle est... à peu près toute la manière de savoir qui est la personne. Ça, c'est la première partie des renseignements.

La deuxième partie va toucher les éléments salariaux, les déductions, les revenus venant d'autres sources, les raisons de déduire, toutes sortes d'autres éléments, et, à la fin, vous arrivez en disant: La cotisation fiscale de M. Henri-François Gautrin est de tant; on lui a retenu tant et on doit lui rembourser ou pas lui rembourser.

Ceci étant dit, si vous distinguiez les dossiers, c'est-à-dire avoir une partie, ou la partie nominative, une fois qu'on apprend des informations nominatives, se terminerait en disant: Ça, c'est... on lui donnerait un numéro de code... que vous pourrez établir et voir comment on protégerait les numéros de code. Mais, une fois que vous auriez le numéro de code, le fonctionnaire qui travaillerait sur les informations à caractère numérique, fiscal, à ce moment-là, ne saurait simplement que le code XXM-230 a gagné tant, qu'il a eu tant de revenus de placements, qu'il a tant de revenus de ceci, qu'il doit payer tant de pension alimentaire, enfin tout ce qu'on doit faire dans la vie. Et, à ce moment-là, le fonctionnaire, qui travaillerait sur la vraie réalité, ne travaillerait que sur le dossier qui serait identifié par un numéro, un code. Et, ensuite, il y aurait appariement, à la fin du procédé, par une autre personne du code avec les renseignements nominatifs.

Je pense qu'il y aurait là-dedans une piste, si vous me permettez, qui garantirait beaucoup plus la sécurité de tout le monde. La crainte que nous avons de ce côté-ci – et je crois qu'elle est partagée par certains collègues du côté ministériel – c'est qu'avec l'appariement des dossiers actuellement, les échanges de banques, on en train de créer énormément de dangers sur la divulgation de la vie privée. Alors, moi, je pense qu'il y aurait là-dedans une piste qu'on pourrait essayer d'explorer et qui protégerait éventuellement plus nos concitoyens.

Mme Malo (Nicole): C'est une piste sans doute intéressante. Et ce qu'on me dit, c'est que, d'une certaine façon, on est en train de se diriger vers quelque chose qui ressemblerait à ça, dans la mesure où nous sommes en train de revoir ce que j'appelais nos profils de consultation, nos modalités d'accès à l'information et de cibler encore davantage qui a droit à quelle information et quand, de quelle nature. Nous l'avons déjà, mais nous devons le raffermir ou le spécialiser.

Nous utilisons déjà beaucoup de données encodées. Mais, effectivement, l'approche que vous soumettez, je vais certainement la soumettre à mes responsables technologues pour voir comment ils peuvent la développer davantage.

M. Gautrin: O.K. Parce que vous comprenez l'inquiétude qu'il y a aujourd'hui. Il y a 8 000 fonctionnaires au ministère du Revenu. Il y a une énorme majorité de ces gens-là qui sont des gens honnêtes, qui respectent le code de procédures et qui protègent l'intégralité des renseignements nominatifs. Alors, croyez-moi bien que je ne suis pas ici en train de dire que je ne crois à l'intégrité et à l'honnêteté des fonctionnaires du ministère du Revenu, mais il y a un certain nombre de cas. Et c'est comme dans n'importe minot de pommes, il suffirait qu'il y en ait qu'une de pourrie, et vous n'achèterez pas ce minot de pommes, si vous allez acheter des pommes.

Là, à l'heure actuelle, tout votre ministère – je m'excuse de vous redire ça – aujourd'hui, dans l'ensemble des ministères, l'ensemble de vos fonctionnaires sont entachés, parce qu'il suffit qu'il y en ait eu quelques-uns pour que le citoyen – et je vais vous dire, je me fais ici le porte-parole de l'individu de la rue – pense: Ah, c'est bien clair et c'est bien connu, au ministère du Revenu, dans le fond, ils doivent tous faire ça. Et je dois dire que je ne partage pas du tout cette question-là, et je suis d'accord avec vous, la totale, la très grande majorité de vos fonctionnaires sont des gens dont l'honnêteté ne peut pas être remise en question. Mais, comprenez bien qu'il va falloir mettre actuellement des mécanismes sur place pour éviter même que cette infime partie puisse exister, parce que ça entache toute la crédibilité de votre ministère actuellement.

M. Malo (Nicole): Vous avez raison, M. le député. Et c'est évident, c'est ça que nous avons énoncé dans le document que nous avons fait circuler. Mais, ce que nous faisons au ministère, c'est de tenter de renforcer l'ensemble de nos mesures d'étanchéité et de sécurité. Je dois dire que le discours que vous tenez, nous le tenons à l'interne régulièrement avec notre personnel, et que le personnel, quand il arrive une situation difficile, est le premier à ne pas accepter facilement qu'un collègue ait eu un écart de conduite par rapport au code d'éthique. Et ils sont bien conscients que chaque employé du ministère porte un peu le poids de cette image.

Par ailleurs, j'espère que vous avez tort quant à l'opinion de la population, même si dans les prochains jours on va circuler davantage une image négative. Moi, j'ai peut-être plus confiance que l'ensemble de la population du Québec sait bien que la majorité des employés du ministère du Revenu et de la fonction publique en général, comme l'ensemble des employés dans n'importe quelle entreprise, sont foncièrement honnêtes et ont une éthique très élevée. Et, bien évidemment, je vais travailler, et nous allons travailler pour s'assurer que l'image qui a été affectée par ces quelques comportements ne traîne pas et ne dure pas à l'intérieur du ministère, parce que j'ai la pleine confiance des gens.

Je peux peut-être rappeler au député aussi que notre système de gestion, qui est un système de gestion en chaîne de traitement où la saisie est faite en un endroit, la partie traitement de base est faite en un autre endroit, la partie recotisation ou vérification est faite à un endroit, nous permet aussi d'isoler plus facilement des profils d'accès et donc de limiter l'accès à des parties de dossiers pour beaucoup de nos employés.

M. Gautrin: Je n'en disconviens pas. Mais je reste quand même... Et, si vous ne faites pas autre chose que ce que vous faites aujourd'hui... Moi, je conclus de cette commission – et je ne conteste pas votre bonne foi – que ce par de l'information externe, de la délation, de l'information qui vous est venue que des cas ont pu être portés à votre attention. Donc, j'en conclus qu'il n'y a pas de mécanisme, réellement, à l'intérieur pour dépister ces cas déviants. Autrement dit, si vous n'aviez pas eu soit l'enquête de la Sûreté du Québec, soit de l'information qui est venue par délation, vous n'auriez pas pu trouver ces huit personnes que vous avez congédiées. Et je suis convaincu avec vous qu'il y en a très peu.

On se comprend bien? Je n'essaie pas du tout de jeter le blâme – il faut bien le redire encore une fois – sur les fonctionnaires du ministère du Revenu. Mais, moi, je suis inquiet sur la manière dont les choses fonctionnent, parce que ça n'inclut pas la mécanique interne pour trouver in se, par l'intérieur les déviants, si déviants il y a. Vous avez eu besoin du mécanisme de délation. C'est ça qui m'inquiète dans la situation au ministère du Revenu. Je comprends que vous avez fractionné. Ce qu'on a discuté avant, je fractionne encore plus, parce que à ce moment-là je fractionne complètement le nom du reste... Mais, personnellement, je reste inquiet et je pense que vous devriez l'être. Je n'ai pas le mécanisme idoine pour vous permettre de trouver... On ne peut pas mettre un policier derrière chaque fonctionnaire. Mais il doit y avoir un mécanisme pour permettre de déterminer, peut-être d'une manière informatique, les gens qui abusent, ou repenser la question. Vous comprenez le problème?

Mme Malo (Nicole): Alors, oui, vous...

M. Gautrin: C'est parce que, si vous n'aviez pas eu des dénonciations, vous ne les auriez pas trouvés.

Mme Malo (Nicole): Pour certains d'entre eux, effectivement, de l'externe. Pour d'autres, ça a été identifié à l'interne. Mais je vous rappelle que effectivement, avant, si on veut, la vérification du Vérificateur général, et ce que nous a permis, comme diagnostic, de faire cette vérification... c'est que nous faisions, bien sûr, nous avions des mesures de contrôle, nous avions des politiques sur la sécurité et l'éthique. Peut-être avions-nous manqué d'un peu de vigilance. Et, de ce constat-là, nous avons donc commencé à introduire, mais ce sont des systèmes qui se développent et qui sont complexes et qu'on ne peut pas implanter de façon instantanée, mais nous avons déjà pris les mesures, dès septembre 1996, sur toutes les facettes de la gestion de l'éthique et de la sécurité de l'information, pour mettre en place progressivement des mesures de contrôle beaucoup plus serrées.

Comme je vous parlais tantôt, nous sommes à mettre en place des mesures internes de détection par la lecture de la journalisation, ce qui va nous permettre de dépister des comportements de lecture de l'information ou de cueillette d'informations qui sont des comportements questionnables, disons, qui sont des comportements hors courbe, anormaux, par rapport au profil que la personne doit détenir ou que les personnes dans telle unité vont détenir; que ce soit au niveau de référer, par exemple, aux usages des codes postaux, pour nous donner une idée des consultations qui sont faites dans les lieux d'habitation et qui n'ont pas de raison de se faire, et toutes sortes... une grille de critères de vérification de nos journaux, de notre journalisation qui va nous permettre effectivement de le faire à l'interne et de le dépister plus vite que sur recommandation.

Alors, je peux vous assurer que nous sommes en train de mettre en place l'ensemble des mesures de sécurité qui sont requises pour rendre le système encore plus étanche qu'il aurait pu l'être.

(11 h 50)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie, Mme la sous-ministre. Merci, M. le député de Verdun qui, par vos interventions, apportez toujours un travail constructif à notre commission. Nous sommes toujours heureux de vous recevoir.

Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous auriez le mot de la fin, en moins de 10 minutes.

Mme Léger: Deux minutes? Je veux poursuivre, parce que c'est... Vous dites que le premier cas survenu est celui-ci, celui où il y a eu commerce d'information.

Si vos mesures de sécurité ont été renforcées au cours des années, y avait-il déjà de l'inquiétude, quand même, à ce trafic d'information là? Est-ce qu'il y avait des doutes raisonnables à développer des procédures plus strictes? Ou est-ce que la venue, d'ailleurs, de l'informatique vous oblige à modifier et à être plus vigilants encore?

Ce cas-ci existe. On parle de cas d'exception. Est-ce vraiment un cas d'exception? J'aimerais revenir sur ça. Vos mesures sont-elles suffisantes ou il va falloir y repenser davantage? Est-ce que ce cas va vous amener peut-être à sévir encore plus? Y a-t-il des besoins d'augmenter la sécurité et la protection dans l'ensemble de vos procédures aujourd'hui et maintenant, suite à tout ça? Ou pouvons-nous dire aujourd'hui que vos procédures sont satisfaisantes et excellentes et que vous avez agi selon les sanctions usuelles ou exceptionnelles, dépendant, et rassurer la population à cet effet? Ou bien doit-on vraiment s'inquiéter davantage, angoisser, «paranoïer» puis voir des parasites possibles et incontrôlables dans le ministère du Revenu? Y aura-t-il des changements, ou vos mesures actuelles sont extrêmement satisfaisantes? Je pense que c'est ce qu'on veut entendre maintenant.

Mme Malo (Nicole): Alors, je pense pouvoir ici rassurer la population sur la qualité de notre protection de l'accès à l'information et lui dire aussi que, bien sûr, un système de contrôle de qualité peut avoir ses limites et que nous sommes, comme je le disais durant cette période de travail, à mettre en place, à raffermir et à raffiner nos outils de contrôle et d'étanchéité de l'information de sorte que nous serons, au fur et à mesure des mois à venir, capables de démontrer encore plus clairement, et avec des mesures nouvelles, des nouvelles technologies, comment nous avons réussi à faire une opération de surveillance plus assidue.

La qualité actuelle du respect du secret fiscal est très élevée. Notre perception, notre compréhension et notre conviction, c'est que ce ne sont que des cas d'exception et que, malgré tous les plus beaux systèmes que nous aurons, il y aura toujours de ces personnes qui trouveront peut-être une faille ou une façon de procéder. Il nous appartient, comme gestionnaires, de nous donner les moyens pour tenter d'abord d'éviter que ces situations-là se produisent, donc de soutenir nos employés dans la démarche de sensibilisation et d'encadrement qui fait qu'on leur enlève, disons, les tentations que peuvent leur donner certaines pressions externes, et des mesures également pour, par surveillance, dépister les cas qui n'auront pas été convaincus des opérations qu'on a pu faire en prévention.

Ça, là-dessus, je peux prendre un engagement; il est pris à l'interne depuis longtemps. Les employés, tout le personnel du ministère, savent combien nous attachons une très grande préoccupation à cette question de l'éthique. Je peux prendre un engagement que, au fur et à mesure des mois, il y aura des mesures plus serrées encore et que les travaux qui sont en cours, que ce soit en informatique ou autrement, vont effectivement trouver des solutions, étape par étape, selon un calendrier que nous nous sommes donné.


Conclusions

Mme Léger: Merci d'avoir accepté cette séance de travail publique, parce qu'on sait très bien que votre mandat n'est pas nécessairement médiatique, mais il est nécessaire pour que le public, on puisse le rassurer. Mon collègue voudrait terminer, sûrement par une boutade.

M. Blais: Pas nécessairement par une boutade. Moi, je voudrais vous remercier profondément. Je trouve que vous répondez continuellement aux questions de façon très pertinente. C'est enrichissant de vous entendre. Des deux côtés de la table, ceux qui sont actuellement assis ici, c'est une équipe, des deux côtés, ceux qui sont assis actuellement, équipe de la douceur, de la rationalité et du réalisme; ça change un peu du début de la commission où, de l'autre côté, il y avait l'équipe du fracas, de l'éclat, du sensationnalisme, et j'espère que vous excuserez s'il y a eu des choses qui ont été dites, ce n'est pas de notre côté que ça a été fait. Merci beaucoup de votre collaboration.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Masson. Quelques mots, M. le député de l'Acadie?

M. Bordeleau: Oui, M. le Président. Non, c'est tout simplement pour remercier la sous-ministre et toutes les personnes qui l'accompagnent. Contrairement au député de Masson, je dirais que tous les membres de cette commission-là apprécient le travail, des deux côtés de la table, et même ceux qui sont absents actuellement pour d'autres raisons ont apprécié le fait de pouvoir vous rencontrer ce matin. Et, comme on l'a mentionné, c'est un sujet extrêmement important pour l'ensemble de la population. Il y va de la confiance fondamentale des citoyens envers les institutions comme celle qu'est le ministère du Revenu, et je pense que tous les parlementaires, de quelque parti qu'ils soient, souhaitent que le fonctionnement du gouvernement soit amélioré, qu'on puisse, au fil des ans, utiliser peut-être les mauvaises expériences qu'on a pu avoir pour améliorer le fonctionnement et surtout pour rassurer la population concernant le fonctionnement du ministère.

Bon, je pense qu'il reste encore certaines interrogations. On a posé des questions. Je pense qu'on peut avoir certaines interrogations, mais on ne peut pas ne pas vous remercier d'avoir collaboré avec la commission en nous fournissant au meilleur de votre connaissance toutes les informations nécessaires et d'avoir répondu à toutes les questions. Alors, je vous remercie beaucoup aussi au nom de mon collègue le député de Nelligan qui, malheureusement, est en Chambre actuellement et qui ne pouvait pas être ici pour la clôture de nos travaux. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de l'Acadie.

Mme la sous-ministre, avez-vous... Une minute...

Mme Malo (Nicole): Je tiens à vous remercier de cette occasion qui m'a été faite de vous préciser l'engagement qu'on a, au ministère, de bien assurer l'ensemble de la population de la confidentialité des dossiers, réitérer notre conviction que la majorité de notre personnel est porteuse, est convaincue de cette importance de l'éthique et de la confidentialité et rassurer la population sur le fait que nos systèmes protègent bien les informations fiscales, même s'il y a des écarts de conduite que nous nous appliquons à dépister et pour lesquels nous avons même intensifié nos mesures de dépistage et de contrôle. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci. Puisqu'il y a eu un remerciement collectif et que la commission a rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 58)


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