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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 23 mars 2000 - Vol. 36 N° 54

Poursuite du débat sur le discours sur le budget


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Table des matières

Discussion générale (suite)


Intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. Normand Duguay, président suppléant
M. Bernard Landry
M. François Gendron
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Diane Leblanc
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Claude Lachance
M. Michel Côté
M. André Tranchemontagne
M. Serge Geoffrion
*M. Gilles Godbout, ministère des Finances
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes obligés d'être extrêmement disciplinés, puisque l'ordre de la Chambre pour nos 10 heures est extrêmement précis. Alors, nous allons tout de suite reprendre nos travaux.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements à annoncer ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Tranchemontagne (Mont-Royal) va remplacer M. Williams (Nelligan).


Discussion générale (suite)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Alors, nous en étions hier à... nous avions débuté nos échanges. Nous avions terminé le premier échange entre la porte-parole de l'opposition officielle et le ministre des Finances. Nous en étions maintenant au député d'Abitibi-Ouest qui veut faire une intervention sur le budget.


Réactions au discours sur le budget

M. Gendron: Oui, M. le Président, merci. Alors, aux collègues membres de cette commission, pas besoin de vous dire que je suis très heureux de prendre quelques minutes pour parler du dernier budget, parce que son accueil a été très élevé en termes positifs. Le ministre des Finances a dit qu'il s'agissait d'un budget de l'espoir, d'un budget qui mettait fin, d'une certaine façon, au misérabilisme.

Moi, je voudrais insister sur quelques considérations qui sont de même nature mais qui m'apparaissent importantes à ce moment-ci. Moi, je crois qu'il s'agit également d'un budget qui donne suite à la parole donnée. Et, pour moi, en tout cas, en politique, c'est important que de temps en temps des décisions ressemblent aux engagements qui ont été pris et correspondent, dans d'autres cas, à des consultations qui ont eu lieu.

Je ne veux pas faire de critique pour l'instant, là, on aura l'occasion dans les 12 heures d'en faire, mais mon premier commentaire, c'est pour dire que j'étais, moi aussi, membre comme d'autres de cette commission lorsqu'on a eu des audiences. Et c'est normal de faire ça parce que le ministre des Finances, année après année, prend toujours du temps pour entendre les divers groupes de pression, toutes sortes d'organismes qui parfois ont une pensée économique, parfois une pensée sociale, parfois c'est le monde de l'éducation, c'est le monde de la santé, peu importe, qui veulent tenter d'infléchir les orientations du gouvernement par le biais du discours du budget. Et il n'y a rien de plus sain dans une démocratie, il n'y a rien de plus normal. Je crois qu'il faut le faire. Ça serait décevant si on n'avait pas un forum qui permet également, parfois, à des parlementaires de tenter la même chose.

Alors, lorsqu'on a eu la commission parlementaire sur les finances publiques et un document support qui avait été produit par le ministre des Finances lors du dernier budget, c'est-à-dire l'avant-dernier budget, pas le récent d'il y a quelques semaines, là – même pas quelques semaines, il y a une semaine exactement, mardi dernier, pour être plus précis – le ministre des Finances avait dit: On voudrait que cette consultation-là nous donne des indications sur ce qu'on sentait de tout le monde, une baisse d'impôts importante pour les particuliers.

Ces nombreuses recommandations des différents secteurs les plus vitaux de notre société, que ça soit la santé, l'éducation, les jeunes, qui sont tous venus nous dire: On souhaite qu'il y ait des réinvestissements majeurs, significatifs à cet égard-là. Et je crois que le budget témoigne de l'écoute que le gouvernement a eue de ces gens-là, puis c'est pour ça que je tenais à faire ces premières considérations-là, je pense que c'est important. Quand un budget donne suite à la parole donnée et à des engagements pris, c'est un coup de chapeau pour la crédibilité, et moi, j'y crois.

Deuxième point que je veux soulever: il y a toutes sortes de façons de s'exprimer. Le Mouvement Desjardins parle parfois de ristourner les surplus que les caisses peuvent faire. Alors, nous, il fallait ristourner auprès du contribuable un certain nombre de considérations pragmatiques liées au grand secteur d'économie parce que, oui, le contribuable québécois a eu effectivement à faire énormément de sacrifices au cours des dernières années pour essayer d'assainir les finances publiques et, d'une certaine façon, relancer l'économie.


Maintien de la cote de crédit

L'autre point important, je n'ai pas vu ça souvent, faire un débat en commission suite à un discours du budget, j'ai plutôt vu l'inverse, où on pouvait regarder que le Québec maintient sa cote de crédit. Il n'y en a pas beaucoup, de l'autre bord, qui ont parlé de ça, et on n'en entendra probablement pas parler. Eux autres, ils ont eu la chance d'avoir six décotes dans leur mandat de neuf ans. Alors, ils ne pouvaient pas commencer une critique sur le discours du budget en disant: Bien, les autres qui nous regardent – et ça, ça m'apparaît toujours plus crédible – ils ont posé un geste très officiel du maintien de la cote.

Je voudrais juste citer très succinctement ce que disait Standard & Poor's, qui explique que le maintien de cette cote reflète une amélioration substantielle de la flexibilité des revenus du Québec, grâce notamment à la solide performance de l'économie québécoise. Cette performance permettra au Québec d'enregistrer un troisième budget équilibré en 2001, en dépit de réductions d'impôts plus importantes qu'anticipées et des augmentations significatives des dépenses en matière de santé et d'éducation. La firme souligne que le gouvernement québécois est déterminé à produire des budgets équilibrés à moyen terme. Et le ministre des Finances, dans ses remarques préliminaires, lui, il le cite en anglais, moi, je le fais en français, Standard & Poor's disait que «la brillante performance économique du Québec en 1999 était le résultat d'une demande domestique en croissance». J'arrête là.

Pourquoi je tenais à le faire? Lorsque j'ai fait ma réplique au discours du budget, à un autre niveau de forum qu'est l'Assemblée nationale, j'avais le député de Nelligan devant moi, puis il y avait le député d'Orford qui a parlé immédiatement après moi. Le député de Nelligan commence en disant: «Ces gens-là essaient de nous faire accroire qu'il y a une espèce de croissance économique.» C'est du jamais vu, puis je pourrais le citer au texte, là. Pendant trois minutes, il essaie de faire accroire que c'est gonflé, puis on essaie de convaincre les gens qu'on est en croissance économique.

Immédiatement après mon discours, c'est le député d'Orford qui parle puis il prend cinq minutes, lui, pour dire: Je comprends que le budget a un peu d'allure parce que, écoutez, jamais le niveau de croissance a été aussi élevé depuis plusieurs années, ainsi de suite. Alors, des gros problèmes avec la cohérence, là, et ça, on pourra y revenir un peu plus tard. D'ailleurs, c'était un de mes propos aussi lors de la critique du discours du budget. Ce n'est pas pour rien que ces gens-là peuvent être dans le trouble parfois, ils sont durs à suivre en termes de lignes directrices.

Mais aujourd'hui, dans les quelque dix minutes que j'ai, je voulais quand même insister sur le maintien de la cote et sur la réception que le budget a eue. Lorsque la plupart des chroniqueurs chevronnés de ces questions-là sont obligés de dire: Champagne pour tout le monde, puis là ils parlaient du budget, j'en cite juste un pour ne pas en citer plusieurs. Ça, c'était une chronique de Michel David où il disait: La très grande majorité des Québécois ont aimé le budget, selon un sondage éclair réalisé... Bon.

On va nous faire accroire que plus on le scrute, plus il y a une espèce de désaffection de certains groupes sectorialisés. Je suis prêt à donner raison à ça, c'est normal, parce qu'un budget, c'est des politiques globales, c'est des politiques de l'État québécois, c'est la politique budgétaire d'un gouvernement. Et, dans une politique budgétaire d'un gouvernement, par définition, on doit arbitrer, par définition, on doit faire des choix. Puis surtout que nous...


Écarts économique et fiscal avec l'Ontario

Rappelez-vous, M. le Président, de l'équation dont j'ai parlé dans mon discours. Comme ancien professeur de mathématiques, je suis obligé d'expliquer qu'une équation, là, il faut que ça marche, puis il y a des équations qui ne marchent pas, surtout celles de l'autre bord, là. Ces gens-là nous questionnent: Mettez-en plus en santé, mettez-en plus en éducation, mettez-en plus aux jeunes, mettez-en sur le service de la dette puis baissez le niveau d'impôts d'une façon plus significative.

(9 h 40)

À un moment donné, ça ne marche pas, ça ne balance plus, surtout quand on est le Québec et non l'Ontario. Puis, moi, en passant, je suis fier d'être au Québec et non en Ontario. Ces gens-là sont malades de l'Ontario, ils viennent fous avec l'Ontario, puis on expliquera pourquoi. Et, nous, on ne sera jamais l'Ontario, c'est impossible, on ne sera jamais l'Ontario...

Une voix: Puis on ne veut pas être l'Ontario.

M. Gendron: ...puis on ne veut pas être l'Ontario. Puis on n'aura jamais le Pacte de l'automobile, puis on n'aura jamais un budget de recherche des féds en Ontario, puis on n'aura jamais tout le dossier historique de revendications traditionnelles qui fait que l'indice de richesse du Québec ou le produit intérieur brut par rapport à l'Ontario, ce n'est jamais pareil. J'étais étudiant à l'École normale, puis il n'y avait pas de PQ, puis il n'y avait pas de politique, puis c'était ça. Alors, pensez-vous que ça va changer dans les prochaines semaines? La réponse, c'est: Non.


Développement économique des régions

Alors, le budget a été bien accueilli. Moi – parce que je vois que mon 10 minutes file – j'aimerais ça, M. le ministre des Finances, qu'on ait l'occasion, dans les quelques minutes, de regarder un petit peu plus tout ce qui s'appelle – puis qui m'intéresse tout le temps – la problématique des régions. Est-ce qu'il y a lieu d'insister là-dessus? Moi, je crois que oui, parce qu'il est toujours très important – même si le gouvernement a, permettez-moi l'expression, retroussé pas à peu près l'économie montréalaise, on l'a vraiment retroussée pas à peu près quand on sait dans quel état on l'a prise – au niveau des investissements dans les régions, d'être sensible à cette réalité-là et de s'assurer qu'il y a des mesures spécifiques pour la plupart des régions du Québec.

Là, ce que je voudrais que le ministre des Finances apprécie, c'est que je pense qu'il a eu une bonne idée de retenir un 50 millions pour le soutien à la diversification économique des régions. Et, pour tout de suite, je ne voudrais pas qu'il me parle spécifiquement des mesures et de la Gaspésie et de l'Abitibi – je vais y revenir dans les 12 heures qu'on aura – mais, d'une façon un peu plus large, là, expliquez-nous les raisons et qu'est-ce qui vous a motivé à retenir ce nécessaire 50 millions pour améliorer la performance des régions sur le plan économique, avec un programme que vous avez titré Diversification économique.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre des Finances.


Transferts fédéraux

M. Landry: M. le Président, je voudrais revenir sur les excellentes questions posées par notre collègue et peut-être aussi reparler de certaines objections venues d'en face.

D'abord, au centre de tous les budgets du gouvernement du Québec, depuis, je dirais, 25 ans, avec accélération au cours des dernières années, il y a le désengagement du gouvernement fédéral qui laisse des traces de 5 milliards de dollars par année, des traces négatives; on a 5 milliards de moins par année. Souvent, ma collègue de Marguerite-Bourgeoys parle de 5 milliards. Mais 5 milliards, c'est ça que les fédéraux nous prennent par année.

Mme Jérôme-Forget: C'est vrai.

M. Landry: Et elle dit: C'est vrai. Ça, c'est bon à entendre, parce que j'allais servir un argument massue qui n'est presque plus nécessaire, mais il est tellement intéressant que je vais le faire quand même. Je cite le budget d'un de mes prédécesseurs, qui était un homme très poli et très affable, Gérard D. Levesque, qui a travaillé longtemps dans notre Assemblée et au Conseil des ministres. J'ai eu d'ailleurs l'honneur de préconiser que son nom soit donné à l'édifice du ministère des Finances, ce que nous fîmes en présence de sa famille et de ses amis.

Or, Gérard D., qu'est-ce qu'il a dit dans son budget de 1986-1987? Ouvrez les guillemets, et il y a une petite surprise là-dedans, c'est un tiroir, alors je vous prie d'écouter: «"La seule façon dont le gouvernement fédéral réduit les dépenses, c'est en transférant aux gouvernements provinciaux le fardeau du financement des programmes établis. Les provinces se trouvent maintenant acculées aux déficits et donc encore moins capables d'assumer ces dépenses transférées du fédéral. Ce n'est pas du fédéralisme coopératif, c'est du fédéralisme prédateur, et cela ne peut pas fonctionner et ne fonctionnera pas au Canada."»

J'avais annoncé que c'est Gérard D. Levesque qui a dit ça dans son budget, c'est vrai. Je vous avais annoncé qu'il y avait des guillemets. Alors, s'il y a des guillemets dans le budget, c'est parce qu'il cite quelqu'un. Qui cite-t-il? Est-ce qu'il cite son opposant du Parti québécois ou est-ce qu'il cite Parizeau ou René Lévesque? Non.

Une voix: Robert Bourassa?

M. Landry: Ou Robert Bourassa? Dans les trois cas, ç'aurait été plausible. Non, il cite Michael Wilson, Michael Wilson qui était critique du Parti conservateur dans l'opposition avant qu'il ne devienne ministre des Finances.

Alors, la charge des provinces, unanime, contre le gouvernement central quant aux réductions des transferts de santé, d'éducation, de services sociaux est une lutte fondamentale. Les pressions à la hausse sur le système de santé n'arrêteront pas: vieillissement de la population, progrès technologiques et autres facteurs imprévus font que la pression va continuer et il va nous manquer 5 milliards par année, mais un 5 milliards de plus en plus critique et de plus en plus fatidique pour le maintien de nos dépenses étatiques, parce que la santé est capable de manger tout le reste.

À ce rythme-là, la santé est capable de manger tout le reste, c'est-à-dire que toutes les provinces du Canada se voient acculées à diminuer leur importance comme administration décentralisée, ce qui dans certains cas n'est pas si grave que ça, mais, pour le Québec, c'est notre gouvernement national qui se fait manger par une manoeuvre de plus en plus grossière du gouvernement central. S'il faut revenir là-dessus, on reviendra.


Écarts économique et fiscal avec l'Ontario (suite)

Je reviens maintenant aux remarques de notre collègue. La fameuse comparaison Québec-Ontario, plusieurs journalistes l'ont faite, M. Dutrisac l'a faite, M. Vastel l'a faite, deux journalistes chevronnés, et beaucoup d'autres. Ils l'on faite d'une façon systématique. Décrire l'Ontario comme un paradis puis le Québec comme l'enfer, même en termes fiscaux, n'est pas exact, parce que, comme chacun sait, les plus démunis sont beaucoup mieux traités au Québec qu'en Ontario, et ça doit être et c'est une fierté pour nous.

On ne veut pas d'une société dure, individualiste, individuelle qui conduit à ce qu'on retrouve dans certains coins des États-Unis d'Amérique. Pas partout; il y a des États progressistes aux États-Unis, il y a des gens qui n'ont pas l'air de savoir ça. Mais la philosophie américaine brutale appliquée dans certaines régions des États-Unis donne des résultats qu'aucun d'entre nous ne voudrait vivre. Et malheureusement l'Ontario, qui dérive sur le plan culturel dans le giron américain, a tendance à dériver sur le plan politique dans le giron de ce qu'il y a de moins progressiste aux États-Unis.

Aux États-Unis, c'est vrai qu'il y a eu Ronald Reagan, mais il y a eu aussi Franklin Roosevelt et il y a eu des régimes progressistes. L'Ontario n'est... Pardon?

Une voix: Ils ont eu Bob Rae.

M. Landry: Ils ont eu Bob Rae, mais Bob Rae, malheureusement... Et c'est intéressant de faire la comparaison entre Bob Rae et le Parti québécois et ses gouvernements. Bob Rae, c'est un progressiste, sans aucun doute, puis la plupart des gens au Canada disent que c'est un gentilhomme. Sauf qu'il a déshonoré le progressisme, c'est ça, le problème. Il a discrédité la social-démocratie au Canada pour combien de temps? Et ça va prendre combien de temps au Nouveau Parti démocratique pour se relever de la période Bob Rae? Parce qu'ils ont confondu social-démocratie et irresponsabilité administrative.

Nous, au Québec, dans notre formation politique, on a réussi à concilier saine gestion des finances publiques et progressisme, et c'est ça, la grande tendance d'aujourd'hui. C'est ce qu'essaient de faire, à des échelles qui sont beaucoup plus grosses, donc beaucoup plus compliquées, Lionel Jospin, Tony Blair, Gerhard Schroder et autres. Évidemment, 90 millions d'Allemands, c'est plus difficile à gérer que 7,5 millions de Québécois. Mais ces gens-là tiennent à rester progressistes, ils ne veulent pas d'une société dure et implacable: si t'es pauvre, reste pauvre; ils veulent une société fraternelle puis en même temps ils essaient de gérer convenablement. C'est ce que nous essayons de faire et cette philosophie ressort dans le budget.

Donc, quand on compare le Québec à l'Ontario, attention. J'ai dit à plusieurs reprises que je voulais que notre fardeau fiscal ressemble plus à l'Ontario qu'il ne lui ressemble aujourd'hui, qu'il y a effectivement un écart de 5 milliards, mais que personne, à moins, comme durant la campagne électorale... Le Parti libéral dit: On veut faire comme en Ontario. Mais ça leur a coûté cher en diable aussi. Ceux qui veulent faire comme en Ontario intégralement, bien, qu'ils le disent, pas de Société générale de financement et ainsi de suite. Nous, ce n'est pas ça qu'on veut faire. On ne veut pas faire comme l'Ontario, on veut diminuer le fardeau fiscal de nos compatriotes en gardant une société progressiste.


Développement économique de Montréal

Pour les régions maintenant. Bon. Une petite parenthèse sur la métropole. C'est vrai que la métropole est dans un état de santé économique extraordinaire. J'ai rencontré un de mes vieux amis libéraux – je ne le nommerai pas, mais ça me tenterait en maudit, par exemple, ça ferait mal de l'autre bord – qui m'a dit...

(9 h 50)

Une voix: ...

M. Landry: J'ai dit X...

Une voix: ...

M. Landry: Ça vous ferait peut-être plus mal à vous qu'à d'autres encore parce qu'il y a des affinités régionales. Je lui ai dit: Je pense, X, que l'économie de Montréal est plus en forme qu'à l'Expo 67 parce qu'à l'Expo 67 on prenait des camions de terre pour faire des îles, on creusait des trous pour le métro. Souvent, c'était la même terre d'ailleurs. C'était bon pour l'économie, mais ce n'était pas une base économique qui se...

Il m'a dit: Tu te trompes. Parce qu'il a 12 ou 15 ans de plus vieux que moi. Il dit: Je n'ai jamais vu l'économie de Montréal aussi en forme depuis 1947. Il dit qu'on commence simplement à remonter la déstructuration que nous avait créée l'effet combiné de la ligne Borden qui a tué la pétrochimie dans l'est de Montréal et de la canalisation du Saint-Laurent. Quand on fait des gros changements aux structures économiques, il faut s'attendre à vivre longtemps avec.

Alors, deux déstructurations nous ont pris des années à remonter la côte. Là, on restructure. Alors, ce que j'ai dit dans un sens est vrai dans l'autre aussi. Les effets de la Cité du multimédia, ça va durer et durer, parce que c'est en train de restructurer complètement le Vieux-Montréal. J'ai déjà entendu ma collègue qui disait qu'elle s'ennuyait des grues. Moi, j'ai toujours prétendu que, dans toutes les grandes villes du monde, même dans le tiers-monde, il y a des grues en masse. C'est bien connu, c'est vieux comme le monde.

Une voix: C'est le plus vieux métier. Ha, ha, ha!

M. Landry: Qu'est-ce que vous connaissez aux grues, vous? Moi, je vous dis qu'il y a des grues dans toutes les villes du monde, même les plus pauvres. Puis aussi loin qu'on peut remonter dans l'histoire de l'humanité, il y avait des grues.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: J'espère qu'on parle des mêmes grues.

Une voix: Je ne suis pas sûr.

M. Landry: Ah! Voilà la question.

Une voix: Bon. Précisez votre pensée, M. le ministre.

M. Landry: Moi, je pensais aux grues d'Ibicus, les oiseaux qui volent et qu'on appelle des grues. Alors... Mais je vous concède qu'il y a au moins deux ou trois autres sortes de grues.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ma collègue ne parlait pas des mêmes grues que vous.

M. Landry: Bien, elle a le choix. C'est dommage qu'elle soit partie. On aborde la question des grues, elle s'en va.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Ce que je voulais dire, là, c'est que les amateurs de grues, ils ont juste à venir à Montréal l'été prochain. Ils auront rarement vu autant de grues.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. Je pense que vous étiez sur un terrain un peu glissant avec les projets de décriminalisation de la ville de Montréal. Mme la députée de Beauce-Sud, à vous la parole.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, je salue M. le ministre et je l'assure que ma collègue la critique en matière de finances sera sûrement en mesure de lui répondre et de préciser sa pensée sur les grues. Je suis certaine que je comprends très bien que les grues dont elle voulait parler, c'est celles qui font de la construction. Et d'ailleurs c'est remarquable de voir que, chez nos voisins du sud, ce n'est pas le nombre de grues qui manquent, au contraire, on en voit, c'est phénoménal, l'économie roule bien. Je souhaite qu'un jour Montréal sera capable d'avoir per capita autant d'investissements que ceux qui se font en Floride, par exemple.


Réduction des impôts

Je voudrais revenir peut-être un petit peu en faisant quelques commentaires brefs sur le budget. En campagne électorale, le premier ministre avait annoncé en 1998 que 50 % de la marge de manoeuvre serait à la disposition du gouvernement – parce que, vous savez, vous aviez annoncé que ce seraient les vertes vallées verdoyantes, qu'on nagerait dans les surplus – et que 50 % de ces montants-là seraient affectés à la réduction des impôts. Alors, moi, j'ai fait un calcul qui est pourtant très simple et je me suis rendu compte que ce n'est pas le cas. Il y a 85 % de la marge de manoeuvre qui est accordée en dépenses et 15 % seulement en réduction des impôts. Alors, c'est sûr que, si la baisse des impôts, en soi, constitue une bonne nouvelle, si on compare aux promesses, aux engagements qui avaient été faits par le premier ministre, ce serait plutôt mince.


Réactions au discours sur le budget (suite)

J'entendais mon collègue de l'Abitibi qui disait tantôt que le budget était bien accueilli. C'est sûr que, si on se fie au premier sondage qui a été fait dans les heures qui ont suivi le budget, probablement que les gens n'avaient pas eu le temps encore de tout examiner, de repérer ce qui en était, c'est sûr qu'il y avait, à ce moment-là, au-dessus de 80 % des gens qui se disaient satisfaits. Et pourtant le lendemain, quelques heures plus tard, au moment où les gens ont eu le temps de prendre un peu de recul vis-à-vis l'annonce en grande pompe, par le ministre des Finances, de son budget, eh bien là, la presse...

C'est sûr que c'est un sondage qui est non scientifique, mais il est quand même très révélateur, c'est-à-dire que 75 % des gens disaient qu'ils n'étaient pas satisfaits du budget. Et, si on regarde des titres de journaux qui ont sorti après, je ne vous les nommerai pas tous parce que ça serait vraiment trop long, on voit que certains titres disent: 0 % pour les pauvres , Exode des cerveaux: la Chambre de commerce du Québec métropolitain craint que ça se poursuive , Les municipalités devront attendre , Pas assez pour la famille . Alors, finalement, il y a beaucoup de déception chez toutes sortes de classes de la population, chez toutes sortes de groupes, aussi, qui représentent des intérêts particuliers.


Réduction des impôts (suite)

Le président de la commission des finances publiques qui est ici, après la consultation qui s'est tenue l'automne dernier sur la réduction de l'impôt des particuliers, avait, en conclusion de cette consultation qui a duré un peu plus d'un mois, dit qu'il faudrait s'attendre à des réductions d'environ 3,4 milliards de dollars sur quatre ans. Alors, ce qu'on voit aujourd'hui, ce n'est pas vraiment exact. En tout cas, moi, je considère que c'est toujours un 2 milliards de dollars qu'on a de réductions d'impôts au bout de trois ans. Alors, je ne sais pas si le président voudra préciser sa réponse, ce qu'il avait dit à ce moment-là, mais, moi, je n'entends pas les chiffres de la même façon que lui les entend.

Une autre déception, et qui me touche de plus près parce que je suis critique en matière de revenu, je me rends compte que, dans son budget, le ministre n'a rien annoncé de précis pour régler le fameux problème des taux implicites d'impôts. Alors, ce qui fait en sorte que, au fur et à mesure que votre revenu augmente, il y a une diminution des transferts sociaux.

Il y a la fameuse question du revenu familial net de 26 000 $ qui a été dénoncée à tour de bras par tout le monde au printemps dernier et qui a fait en sorte de faire perdre de nombreux crédits d'impôt aux personnes âgées, qui ont été particulièrement touchées, mais aux familles aussi. Alors, je sais, par exemple, qu'en 1998 la méthode de calcul du revenu familial, pour déterminer les allégements fiscaux, c'est-à-dire le montant, par exemple, accordé en raison de l'âge et le montant pour revenu de retraite, a été modifiée.

Alors, cette méthode, actuellement, favorise les célibataires et les veufs, mais elle pénalise, d'un autre côté, les gens qui vivent en couple parce que c'est le même revenu de 26 000 $ qui s'applique. Alors, c'est dommage, parce que, si vous êtes deux personnes à vivre sous le même toit, vous avez quand même plus de dépenses que si vous êtes seul. Alors, si on l'applique au niveau des crédits d'impôt pour les frais médicaux, encore là on voit qu'il y a des aberrations parce que, si vous êtes deux, vous allez consommer, vous savez, probablement plus de médicaments que si vous êtes seul. Or, c'est le fameux 26 000 $ de revenu net familial qui, encore là, intervient.

(10 heures)

Alors, il y a une différence, par exemple, avec le fédéral. Je vois que le gouvernement du Québec a coutume d'harmoniser ses lois avec celles du fédéral. Au fédéral, si on parle seulement du crédit d'impôt pour frais médicaux, alors on se base sur 3 % du revenu net, et ce crédit-là, par exemple, qui est non remboursable, peut être demandé par celui des conjoints qui a le revenu le moins élevé. Alors, ça peut être très avantageux.

Au Québec, au provincial, chez nous, on prend toujours 3 % du revenu familial. Toutefois, ce montant est compris dans le montant forfaitaire de 2 430 $. Il y a le fameux 26 000 $ de revenu net qui fait en sorte de faire diminuer les crédits d'impôt à plusieurs citoyens. Alors, ça fait en sorte qu'il y a plusieurs personnes âgées, entre autres, qui ont été pénalisées par le système.

Combien de millions de dollars le gouvernement a récupérés sur le dos des personnes âgées de cette façon-là? Parce qu'elles ont perdu une partie ou la totalité de leurs crédits d'impôt en raison de l'âge ou pour revenu de retraite. Alors, est-ce que le gouvernement n'aurait pas pu intervenir immédiatement dans son budget pour faire en sorte de corriger cette situation-là? En tout cas, moi, je ne l'ai pas vu, on est dans le... je vois les fonctionnaires qui fouillent dans le document qui s'appelle La réduction de l'impôt des particuliers. En tout cas, si vous pouvez nous apporter des précisions là-dessus, ça serait souhaitable.

(Consultation)

M. Landry: En d'autres termes, on a commencé à... c'est un problème sérieux, on l'a abordé en commission parlementaire à plusieurs reprises, et une des seules façons de s'y attaquer, c'est de baisser l'impôt évidemment, c'est de changer les tables. Et puis on a, ici, là, un tableau très éclairant...

Une voix: Voulez-vous me dire à quelle page...

M. Landry: Page 43 du document qui s'appelle Réduction de l'impôt des particuliers, et des bénéfices pour les contribuables. Le tableau 20, il parle précisément de la question que vous soulevez: les taux marginaux implicites de taxation pour une famille monoparentale ayant un enfant de moins de six ans et des frais de garde de 5 000 $ par année. Alors, vous avez, dans la colonne de gauche, le revenu du ménage, n'est-ce pas, ça s'étale de 27 000 $ à 80 000 $. Et on se suit? Le taux avant budget, taux marginal dont on parle, avant budget, alors, vous voyez que, à 27 000 $, il est 63. C'est ça, le damné problème, on le voit bien là. Puis à 80 000 $, il est de 26.

Regardez le taux en 2002. Donc, déplacez-vous totalement à l'autre bout du tableau vers la droite puis vous allez voir que le taux en 2002 est passé de 63 à 39. C'est ça qu'on appelle attaquer de front le problème des taux marginaux implicites. Et le crédit d'impôt pour les frais de garde, il est dans la troisième colonne à partir de la gauche: Crédit d'impôt pour frais de garde. Alors, vous le voyez se déplacer, là, à hauteur de 27 000 $ moins 20, jusqu'à 31 000 $ où il est moins 15, 33 000 $ moins 10 puis 5,5. Alors, réductions d'impôts supplémentaires aux familles, on les voit bien, on voit bien l'impact sur les mesures.

Bon. Si vous voulez aller maintenant d'une façon plus visuelle voir ça: à la page 44. Vous voyez encore le problème. Avant le budget, taux marginal, voyez par la courbe. Il y avait un problème grave qui a été dénoncé par des fiscalistes, ici, M. Laferrière et son collègue de l'UQAM. Alors, on a enfin attaqué sérieusement la question. Est-ce que tout est réglé? Bien, tout n'est pas réglé, mais...

(Consultation)

M. Landry: Oui, c'est ça. Dans la portion la plus haute, ils commencent à payer des impôts puis les services sociaux se réduisent en conséquence.

Mme Leblanc: Je vois bien, M. le ministre, que, pour des revenus entre 25 000 $ et environ 35 000 $, vous avez réussi à corriger la situation, mais, pour des revenus supérieurs à 35 000 $, pour notre famille monoparentale ayant un enfant de moins de six ans, la situation reste la même, c'est-à-dire que le taux implicite d'impôts est plus important sur le 35 millième dollar gagné que sur le 100 millième, si ça se continue comme ça.

M. Landry: Ce dont sont venus nous parler les fiscalistes, ici, c'est le problème de l'interface et du manque de stimulation à aller au travail, mais, au niveau où vous parlez, le problème est beaucoup moindre. En fait, il n'y en a plus.

Mme Leblanc: Bien, c'est-à-dire que, à 35 000 $ de revenu familial pour un couple ayant deux enfants, vous avouerez, M. le ministre, que ce n'est pas les gros chars, là. Donc, c'est encore la classe moyenne qui écope.

M. Landry: Le salaire moyen dans votre comté de Beauce, là, le salaire industriel moyen?

Mme Leblanc: D'environ 28 000 $, là, mais...

M. Landry: Oui, mais 35 000 $...

Mme Leblanc: Bien, 35 000 $ avec deux enfants... Oui, mais on parle par individu. On n'a pas parlé de salaire pour une famille, là.

M. Landry: Oui, mais il doit y avoir des Beauceronnes aussi qui travaillent.

Mme Leblanc: Là, on parle de revenu familial pour un couple, deux enfants. À partir de 35 000 $ et plus, on n'a toujours pas réglé la situation des taux implicites d'impôts. C'est encore la classe moyenne qui écope là-dedans. Et qu'est-ce qu'il en est des personnes âgées? Bien, j'aimerais ça aussi qu'on me fasse le portrait pour la personne âgée, qu'est-ce qu'elle gagne là-dedans.

M. Landry: Je vais vous donner un autre tableau, là, qui va vous impressionner encore plus que les autres puis qui va régler votre problème. Allez à la page 45 de la même publication. C'est dommage que la députée de Marguerite-Bourgeoys ait manqué l'épisode des grues, hein!

Mme Leblanc: Mais je prendrai la peine de lui parler des grues.

M. Landry: Ah! mais vous allez lui expliquer toutes les catégories de grues, et tout. O.K. Bon. Alors, page 45. Impôts nets après budget, colonne de droite, là: jusqu'à 35 000 $, ils ne paient pas d'impôts. Gain pour une famille monoparentale et un enfant de moins de six ans: des frais de garde admissibles de 5 000 $ par année. Jusqu'à 35 000 $, ils ne paient pas d'impôts. Impôts nets après budget: négatif. Ils reçoivent un chèque, ils reçoivent des chèques.

Mme Leblanc: C'est toujours à partir de 35 000 $, notre problème, là. Le problème demeure.

M. Landry: Bien, oui, mais écoutez, là, comment est-ce qu'on va payer votre salaire si le monde ne paie plus d'impôts à partir de 45 000 $? Il faut que ça commence quelque part, l'impôt, là. Autrement, on n'en paiera plus personne. On a déjà 2 250 000 contribuables qui ne paient pas d'impôts...

Mme Leblanc: Je ne dis pas qu'il ne faut pas payer d'impôts...

M. Landry: Payer votre salaire puis le mien.

Mme Leblanc: ...je dis que c'est encore la classe moyenne qui écope dans le scénario qu'on voit, le 35 000 $.

M. Landry: C'est la classe moyenne qui est la grande bénéficiaire du budget. Ça, s'il y a une chose qui est évidente, c'est bien celle-là. Mais que la classe moyenne paie de l'impôt, certainement. Comme ils sont les plus nombreux, c'est même eux qui en paient le plus.

Mme Leblanc: Pouvez-vous nous expliquer, M. le ministre, concernant les personnes âgées, qu'est-ce qui arrive avec eux autres? Est-ce que vous avez réussi à corriger le tir pour les nombreux crédits que, en raison de l'âge, ils perdent au fur et à mesure des revenus?

M. Landry: Je pense qu'ils sont plutôt bien traités. Bon. D'abord, on vous a déjà dit – puis on l'a dit en commission parlementaire, je ne sais pas si vous étiez là – que les personnes âgées de 65 ans et plus, ce sont 15,9 % des contribuables. Ils ont 13,4 % du revenu total puis ils paient 10,6 % d'impôts. Alors, c'est pour ça que je leur ai dit en tout respect, quand ils sont venus nous voir, que leurs griefs, tout intéressants qu'ils soient, ne peuvent pas les conduire à crier à l'injustice envers les personnes plus âgées.

D'ailleurs, c'est à ce moment-là que je leur ai demandé de m'envoyer ma carte de l'âge d'or, ce qu'ils ont fait. Ils ont envoyé ça à ma résidence de Verchères. Je suis très content. Je ne fais pas encore partie du groupe des 65 ans et plus...

Mme Leblanc: Payez-vous une cotisation, M. le ministre?

M. Landry: Je pense qu'il y a une facture annexée. Et, s'il y a une facture, je le ferai volontiers. Mais ça se peut qu'ils m'aient aussi créer membre honoraire.

Mme Leblanc: Ah bon!

M. Landry: Pas assez vieux pour avoir droit à autre chose que les honneurs.

Continuons le raisonnement. Dans le budget, les personnes âgées, dont je viens de dire qu'elles paient 10,6 % de l'impôt, profitent de 13 % de la baisse. Alors, leur statut qui était déjà intéressant avant le devient encore plus. En argent, ça fait 220 millions de dollars et, par ménage, ça fait 666 $, ce qui est pas mal d'argent.

Mme Leblanc: Si on revient au problème d'équité – je reconnais que les tables d'impôts ont diminué puis que, à ce moment-là, les personnes âgées bénéficient au même titre que tout le monde d'une réduction d'impôts – si on revient à notre principe d'équité qui fait en sorte que le fameux revenu familial net de 26 000 $ pénalise les couples, je ne vois rien, moi, là, qui fait en sorte qu'on ait pu corriger la situation.

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est terminé, Mme la députée de Beauce-Sud. On va écouter la réponse du ministre.

(10 h 10)

M. Landry: Je vais vous répondre, là. Parce qu'il y a des tableaux extrêmement éclairants, là. Je vous ai donné des tableaux chiffrés. Je vais vous donner un graphique, page 48: avant budget, après budget, graphique 9. Vous allez voir que... Vraiment si vous vous plaignez encore, ça va commencer à être dangereux parce qu'il n'y a plus personne qui va payer d'impôts.

Mme Leblanc: Mais là je vous parle des personnes âgées. Vous me référez au tableau 49...

M. Landry: Le revenu d'intersection là...

Mme Leblanc: ...qui parle des familles.

M. Landry: ...vous nous parlez souvent de l'Ontario, là, toutes catégories: âgés, pas âgés, le revenu d'intersection, c'est 54 643 $ pour un couple ayant deux enfants et deux revenus de travail, 54 000 $. Et, en bas, c'est le bonheur, au Québec, en termes fiscaux – c'est le bonheur au Québec à bien d'autres égards – mais, quand on dit Ontario, l'Ontario, là, c'est en haut de 54 000 $ que ça commence. Ça veut dire que, pour vous, pour moi, oui, mais, pour le revenu moyen en Beauce, non.

Mme Leblanc: Alors, pour les personnes âgées, je conclus qu'ils ont encore le même fameux problème du fameux revenu familial net de 26 000 $ qui va faire en sorte d'affecter leurs crédits par les années qui vont suivre le budget.

M. Landry: Écoutez, vous ne pouvez pas – je crois honnêtement – décrire la situation de ces personnes comme dramatique en termes fiscaux puis en termes de solidarité sociale. N'importe où ailleurs en Amérique du Nord, à ce niveau de revenus, leur situation serait plus misérable, sans compter les autres facteurs. On commence à payer beaucoup plus tard au Québec qu'au fédéral et donc qu'en Ontario. Vous ne pouvez pas nous accuser d'avoir le plus haut fardeau fiscal, ce qui est vrai, puis en même temps de ne pas être social. Parce que nous sommes très sociaux et très lourdement taxés. Mais on ne peut pas avoir tous les maux. Comme votre chef a dit à l'Assemblée là: Quand ça va bien au Québec, c'est à cause du fédéral puis, quand ça va mal, c'est à cause du Québec.

Mme Leblanc: Il n'a pas dit ça.

M. Landry: Bien oui, il a dit ça. Tous les succès québécois... L'aéronautique, il a attribué ça au fédéral. La pharmacie, il a attribué ça au fédéral. Qu'est-ce que c'est que ça, cette histoire-là? Une tradition de 75 ans de recherche clinique à Montréal, mariage entre l'Hôtel-Dieu et les transnationales, etc., c'est-u le fédéral, ça? Le fédéral, on s'est battu contre lui pendant 25 ans. Ça a commencé avec mon collègue Rodrigue Biron, que je secondais...

Une voix: Ce n'est pas une réponse à la question, M. le ministre.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, question de pertinence.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je m'excuse. Le ministre a 10 minutes de réplique. Il répond à la question qu'il veut, de la façon qu'il veut. Il a 10 minutes de temps à sa disposition. Et nous sommes condamnés ou heureux de l'entendre – dans mon cas heureux, vous, condamnés – c'est la réalité. Et, que vous aimiez ça ou pas, nous allons l'entendre, l'écouter.

M. Landry: Ça, M. le Président, c'est ce qu'on pourrait appeler une réplique cavalière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je vous appelle à la pertinence des propos. On est très intéressé à écouter le ministre des Finances répondre aux questions qui lui sont posées. On est très intéressé à l'écouter. Mais, quand le ministre des Finances sort de la pertinence de la question qui est posée, bien là c'est autre chose. Alors, je voudrais juste faire un rappel amical à la pertinence.

M. Landry: ...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, je m'excuse, c'est la présidence qui va parler sur la pertinence. Est-ce que d'autres personnes veulent s'exprimer? M. le député de Bellechasse, sur la pertinence, nous allons vider la question.

M. Lachance: Tout à fait, M. le Président. J'ai été – grâce à la collaboration de mes collègues – en 1984, le premier président de la commission du budget de l'administration, ce qui était le prédécesseur de la commission des finances publiques. J'ai même eu le plaisir de faire de la jurisprudence. Et, sur la question de la pertinence, Mme la députée, lorsqu'on discute du budget, c'est très large. On peut parler d'à peu près tout ce qu'on veut à l'intérieur des limites de notre règlement en ce qui concerne les propos qu'on peut tenir. Alors, la pertinence, ce n'est pas un élément qu'on peut invoquer lorsqu'on discute de toute la question de la problématique budgétaire. Alors, M. le Président, il n'y a pas de problème. M. le ministre des Finances était tout à fait dans son droit d'utiliser ou de faire valoir certains arguments comme bon lui semble.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de La Pinière, avez-vous d'autres remarques après cette sagesse jurisprudentielle?

Mme Houda-Pepin: Bien, M. le Président, je souhaiterais encore une fois, et j'invite le ministre des Finances à répondre aux questions qui lui sont posées au lieu d'aller dans les généralités. Et il a d'autres forums pour répliquer au chef de l'opposition – en période de questions – si jamais il le souhaite.

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est ici l'un des forums privilégiés des parlementaires pour s'exprimer. La commission parlementaire est une extension de l'Assemblée nationale. Et je pense que, si nous parlions de pertinence ou d'impertinence à ce moment-ci, vos propos seraient plutôt de la deuxième catégorie. M. le ministre, vous avez encore sept minutes.

M. Landry: Mon impression, d'ailleurs, c'est qu'ils trouvent impertinent ce qu'ils n'aiment pas entendre. Et ce n'est pas pour leur déplaire que je le fais. Moi, je trouve ça extrêmement pertinent de souligner lourdement que le chef de l'opposition, au grand dam de ses troupes probablement, parce qu'il y a des gens parmi vous, hommes et femmes, qui aiment l'économie du Québec autant que moi... de se faire rebattre que les succès économiques du Québec sont dus aux fédéraux.

En aérospatiale, en particulier – j'en ai parlé hier – en pharmacie, je peux en parler: Qui a fait la bataille aux côtés de l'industrie pharmaceutique du Québec? Allez parler à leurs associations. Ça a commencé, ça, dans le gouvernement Lévesque. C'est nous qui avons battu la voie, et mon collègue Rodrigue Biron en particulier, qui était lui-même un homme très intéressé à l'économie et très vigoureux et très dynamique, et moi-même avons livré une bataille de tous les instants contre le gouvernement fédéral du Canada pour que notre industrie originale, c'est-à-dire de la recherche pharmaceutique, puisse se déployer convenablement, avoir les brevets dont elle a eu besoin. Et on a gagné à plusieurs reprises, mais ça a toujours été de haute lutte. Alors, se faire dire que c'est un cadeau qu'on a eu, ce n'est pas vrai.

Puis, en même temps, l'industrie du générique s'est développée, comme vous savez, beaucoup plus en Ontario qu'au Québec. Alors, je vais revenir un peu là-dessus.

(Consultation)

M. Landry: Bon. Alors, on va parler là des couples de personnes âgées de 65 ans ou plus. À la page 19, si vous voulez aller au tableau de la page 19: baisse d'impôts en 2002. On prend un exemple, là. Revenu total: 30 000 $. Un couple à la retraite – j'espère que vous en avez dans votre comté comme j'en ai dans le mien – on s'entend bien, là, revenu de 30 000 $, un couple à la retraite.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Est-ce que vous acceptez qu'il y ait une prolongation de quelques secondes pour terminer l'explication du tableau, parce que son temps est terminé?

M. Landry: Vous avez les tableaux sous les yeux?

Une voix: Oui.

M. Landry: Ça va aller plus vite. Impôts avant budget, 1 025 $, baisse d'impôts, 467 $, impôts après budget, 558 $. Baisse d'impôts de 46 %. Alors, ça, c'est vraiment vouloir exciter les populations contre une bonne nouvelle que de dire ce que vous avez dit tout à l'heure. Regardez les baisses dramatiques d'impôts pour des personnes de cet âge, couple de personnes âgées, 65 ans ou plus.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, merci, M. le ministre. Nous passons maintenant aux questions du côté ministériel, et c'est le député de Bellechasse qui va poser la prochaine question.


Réactions au discours sur le budget (suite)

M. Lachance: Merci, M. le Président. Mardi, le 14 mars dernier, lorsque le ministre des Finances et vice-premier ministre a présenté son budget, c'était le 19e budget en 20 ans où j'avais l'occasion d'être présent à la présentation du budget. Même s'il y a eu une interruption involontaire de ma part de neuf années, de 1985 à 1994, j'assistais quand même à la présentation du budget à l'époque principalement du regretté Gérard D. Levesque, qui a été ici, comme vous le savez, pendant 37 ans et quelques mois. Il a le record de longévité politique et ce n'est pas pour rien. J'ai eu l'occasion de côtoyer M. Levesque non pas comme ministre des Finances, mais comme, surtout, le chef parlementaire du Parti libéral à l'époque où les libéraux se cherchaient un nouveau chef et au moment aussi où il était, à l'époque de M. Ryan comme chef, leader de l'opposition.

Et je peux témoigner, l'occasion m'est donnée, même si Mme la députée de La Pinière peut penser que c'est non pertinent, c'est une belle occasion pour moi de dire que cet homme remarquable, lorsqu'il était leader et lorsqu'il donnait sa parole, c'était quelque chose de sacré. Hélas! parfois on ne retrouve pas la même attitude actuellement vis-à-vis du leader de l'opposition. Gérard D. Levesque, c'était un homme fiable, un gentleman, et je conserve un excellent souvenir de cet homme qui était cependant capable d'attaquer durement le gouvernement, mais jamais en bas de la ceinture.

(10 h 20)

J'ai eu donc l'occasion d'entendre les discours de budget de Jacques Parizeau, de Yves Duhaime, un budget de Yves Duhaime en 1985, Gérard D. Levesque, André Bourbeau, qui a le triste record du déficit le plus spectaculaire que le Parlement de Québec ait connu depuis son existence, 5,8 milliards de dollars, Jean Campeau et, finalement, Bernard Landry, qui lui a le beau record d'avoir atteint le déficit zéro et de nous donner deux budgets consécutifs avec le déficit zéro et un budget, cette année, avec un surplus intéressant.

Je voudrais rapidement reprendre les propos de ma collègue de Beauce-Sud qui parlait tantôt du sondage de La Presse . Sans doute que ma collègue va reconnaître que, lorsqu'elle a satisfait un électeur qui est allé la voir à son bureau de comté, elle va admettre comme nous tous que c'est plutôt rare que les gens vont revenir nous voir ou qu'ils vont nous appeler pour nous remercier parce que le dossier a été bien traité et puis que ça a donné des résultats. Cependant, quand les gens sont moins heureux de la tournure des événements, ils nous le font savoir.

Alors, je pense que, dans ce budget remarquable que nous avons eu, la plupart des gens sont demeurés, je pense, silencieux parce qu'ils étaient contents. Mais ceux qui avaient des espoirs plus considérables se sont empressés de le manifester. Et une ligne, je dirais presque une ligne ouverte parce que le sondage quotidien de La Presse , c'est ça... N'importe qui peut appeler et on sait que ça peut être paqueté facilement par rapport à un sondage scientifique du genre Léger & Léger ou autre. Moi, je ne mets pas ça sur le même plan au niveau de l'équilibre.


Taxe sur les carburants

Je voudrais cibler mon intervention principalement au niveau d'un sujet très d'actualité, et ce sujet, c'est la hausse des prix du carburant. La hausse des prix du carburant, sous l'angle de ce qu'on entend depuis quelques semaines, même quelques mois... Ce qu'on entend répéter – et nos amis de l'opposition y voient une bonne poignée pour s'accrocher puis véhiculer ce message-là – c'est que le gouvernement s'en met actuellement plein les poches avec le prix du carburant qui augmente et avec les taxes qui sont rattachées au prix du carburant.

Je voyais, dans le budget d'il y a un an, 1999-2000, qu'une somme de 1 618 000 000 $ était prévue en ce qui concerne les revenus provenant de la taxe sur les carburants. Je répète, 1 618 000 000 $ il y a un an. Or, j'ai été étonné de voir que, dans les prévisions du ministre des Finances pour l'année 2000-2001, ce qu'on anticipe comme revenus concernant la taxe sur les carburants est inférieur de quelques millions. On arrondit ça à 1,6 milliard précisément.

Alors, s'il était vrai que le gouvernement s'en met plein les poches puis fait de l'argent avec ça, je pense qu'il y a un problème en quelque part, là. Et il y a aussi évidemment la taxe de vente du Québec, où, un peu comme la TPS, il y a des revenus qui proviennent de toutes sortes de choses, mais en particulier de la vente sur les carburants. Et, juste une petite parenthèse au niveau de la TVQ, je suis toujours étonné de constater que la TVQ, le total de ce que ça rapporte dans une année est inférieur de plusieurs centaines de millions de dollars ou en tout cas de quelques centaines de millions de dollars à ce que ça coûte pour payer les intérêts sur la dette, qui nous coûtent environ 7,5 milliards de dollars par année. Et je rappellerai, pour le bénéfice de nos amis, que, sur la dette de 100 milliards, il y a un petit 43 milliards qui a été généré de 1985 à 1994. Ce n'est pas rien.

Alors, moi, j'aimerais savoir, de la part du ministre des Finances, qu'est-ce qu'il en est exactement de ce qu'on entend sur les lignes ouvertes, puis de ce qu'on entend dans la population, puis de ce qu'on entend chez nos amis libéraux, à l'effet que le gouvernement s'en met plein les poches avec l'augmentation du coût du carburant et que c'est très payant pour le gouvernement du Québec, alors que j'ai entendu, par exemple, le ministre des Ressources naturelles nous indiquer qu'il n'en était rien. J'aimerais ça avoir des précisions là-dessus.

M. Landry: Plusieurs de nos compatriotes en effet... Plusieurs, il faudrait voir parce qu'il y a beaucoup de gens aussi qui sont informés, ils pensent que le gouvernement fait beaucoup d'argent avec ça, et notamment j'ai entendu le chef de l'Action démocratique, qui pourtant devrait être documenté là-dessus, parler de la taxe ascenseur, première chose. Premier mythe: il n'y a plus de taxe ascenseur. Une taxe sur le carburant proportionnelle au prix de ce carburant a déjà existé; elle n'existe plus. C'est maintenant une taxe dont le montant est fixe au litre d'essence ou de diesel.

Alors, je vais rappeler les chiffres: 0,152 $le litre pour l'essence, quel que soit le prix de l'essence; 0,162 $ le litre sur le diesel, quel que soit le prix du diesel. Cette façon de faire remonte au 1er mai 1986. Donc, ceux et celles qui, dans les lignes ouvertes aujourd'hui, répéteront, de bonne foi sans doute, qu'il y a une taxe ascenseur sont dans l'erreur.

C'est long des fois... Bien, dans le cas du 871 millions caché, ça n'a pas été si long que ça, parce que le mensonge était tellement grossier que tous les experts se sont ligués, puis, au bout de deux, trois jours, c'est le chef de l'opposition qu'on cherchait à Toronto et non pas les millions cachés. Mais, dans ce cas-là, ça peut être plus long, parce qu'il y a déjà eu une taxe ascenseur, au moins il y a déjà eu une base de vérité. Il n'y en a plus, mais il y en a eu. Alors, fini taxe ascenseur.

Est-ce qu'il y a, par ailleurs, une taxe sur l'essence qui est proportionnelle au prix de l'essence? Oui, mais elle n'est pas sur l'essence. Elle frappe l'essence comme elle frappe tous les autres biens, sauf ceux qui sont exemptés comme la nourriture, et c'est la taxe de vente du Québec, 7,5 %. Alors, c'est ça qui bouge avec le prix de l'essence.

Cependant, malgré ça, le gouvernement non seulement ne fait pas d'argent avec la hausse des prix du pétrole, mais en perd et potentiellement pourrait en perdre beaucoup. Pourquoi est-ce qu'il en perd? Il en perd d'abord parce que n'importe qui sait que, quand le prix d'un bien augmente, la consommation a tendance à diminuer, à moins qu'on n'ait absolument aucun choix de compression. Ça s'appelle l'«élasticité de la demande par rapport au prix», c'est le mot technique pour dire que, quand ça coûte trop cher, le monde se tanne puis en achète moins.

Alors, ça, ça arrive à telle enseigne qu'en 1999-2000 on a récolté avec cette taxe 64 millions de dollars de moins que nous avions prévu, puis l'économie tourne à plein, puis les routes sont pleines de gros camions puis, apparemment, de véhicules automobiles de promenade. Non, les gens ont moins voyagé. Pour les gros camions, je dois dire tout de suite que la TVQ est remboursée, parce que la TVQ est une taxe à la valeur ajoutée, comme on sait, et sa vertu, c'est qu'elle ne s'additionne pas dans les prix de vente des biens, on la soustrait à travers un remboursement. C'est pour ça que vous n'avez pas entendu de cris des milieux du transport, qui sont de très, très gros consommateurs de diesel surtout. Donc, pour une première raison, qui est le fait que les gens achètent moins, nos revenus baissent.

Les prix élevés affectent les revenus à la hausse de 4 millions de dollars par mois, soit 48 millions de dollars annuellement si la situation persiste mois après mois, ce qui est improbable. Et on a vu qu'on avait perdu 64 millions. Alors, on n'est pas gagnant net, on est perdant net, que chacun au Québec, pour ne pas être frustré plus qu'il ne faut, s'imprègne de cette situation. Mais ce n'est pas tout.

M. Lachance: Ça serait donc 64 moins 48, là; en réalité, il y a un négatif de 64 puis il y a un positif de 48, et donc le solde est négatif?

M. Landry: Oui. Mais ça, là, je l'ai donné sur une année véritable, le reste, je l'anticipe; je l'ai donné sur 1999-2000. Alors, qu'est-ce que ça sera en 2000-2001, là? Je n'en sais rien, mais ces mécaniques-là seront toujours les mêmes.

Continuons notre raisonnement sur l'impact de la hausse du prix du carburant sur le gouvernement. Qui, pensez-vous, est le plus gros consommateur de carburant du Québec? Le gouvernement du Québec, directement ou indirectement. Le transport scolaire, on a été obligé de réajuster les contrats, certains transports de vrac que nous faisons faire nous-mêmes par des entrepreneurs privés ont été réajustés, mais tous les véhicules marqués «Gouvernement du Québec», tous les véhicules marqués «Sûreté du Québec», quand ils vont à la pompe, ils paient le prix majoré. Alors, j'espère que tout le monde aura compris que c'est une légende de penser que le gouvernement fait de l'argent avec la hausse du prix du pétrole.

C'est la raison pour laquelle aucun gouvernement de ceux qui nous entourent n'a bougé ses taxes, tout le monde est dans la même situation. Et, si on les bougeait, ça équivaudrait à quoi, si on baissait les taxes?

M. Lachance: ...

(10 h 30)

M. Landry: Bon. Je vois que le député de Bellechasse, qui est un homme d'expérience puis un homme de région sait très bien à quoi je veux en venir. Si on bouge, c'est les compagnies qui vont mettre ça dans leurs poches. Vous savez comment ça marche. Vous savez comment la concurrence, des fois, opère de façon parfaite mais, des fois, de façon très imparfaite pour les coûts du carburant.

Alors, pourquoi est-ce que le gouvernement du Québec, donc la collectivité québécoise – puis, comme on n'imprime par d'argent, si on ne le prend pas à une place on va le prendre à l'autre – diminuerait ses revenus pour augmenter le prix des revenus des multinationales du pétrole ou des pays producteurs de pétrole? Il est légitime pour les pays producteurs de vouloir avoir de leurs ressources naturelles – on le sait, on est producteur de ressources naturelles nous autres mêmes – le meilleur prix. Mais, s'ils exagèrent, il ne faut pas les encourager.

Vous avez vu que, pendant près de 15 ans, le pétrole était à 10 $ le baril, départ Moyen-Orient. Ça, ça veut dire que c'était moins cher que quand j'étais jeune, où il était à 2 $ le baril, départ Moyen-Orient, dollars du temps. Alors, qu'ils aient réagi à la hausse, qu'ils essaient plus ou moins de se cartelliser au sein de l'organisation des pays producteurs et de non-membres qui embarquent dans le mouvement, ce n'est pas surprenant. Mais on n'est pas obligé d'encourager des prix déraisonnables. C'est pour ça qu'aucun des pays occidentaux n'a bougé. Puis le Québec n'a pas l'intention de bouger.

M. Lachance: Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il vous reste trois minutes, M. le député.

M. Lachance: Pour accréditer ce que vous venez de dire, M. le ministre des Finances, ce matin sur – puis d'ailleurs, tout le monde a un peu l'occasion de voir le canal LCN – le canal nouvelles continues, dans le bas de l'image, on voyait les prix de l'essence à quelques endroits au Québec et à Ottawa. Je voyais, par exemple, un écart pour une fois qui est bénéfique en faveur du Québec: ici, à Québec, on pouvait avoir de l'essence ce matin à 0,725 $ le litre, et, à Ottawa, c'était 0,7997 $ ou 0,799 $. C'est plutôt rare, mais c'est la situation aujourd'hui, et donc il y a un écart qui, j'imagine, est absorbé par les pétrolières, qui fait en sorte qu'il y a un avantage pour les consommateurs de la région de Québec.

Un autre élément. Moi, je m'explique mal... Parce que certainement que l'augmentation du coût du carburant fait en sorte que ça devient plus intéressant de développer d'autres ressources moins polluantes alternatives. J'aimerais savoir si vous avez une opinion là-dessus, M. le ministre. Comment se fait-il, M. le Président, que les gens qui devraient jusqu'à un certain point se réjouir que le prix de cette matière polluante augmente soient silencieux aujourd'hui?

Je pense aux écolos. Comment se fait-il que les écolos ne parlent pas, pas un mot? Comment se fait-il aussi que les gens qui pensent qu'on est toujours les pires sur la planète Terre ne parlent pas du fait qu'en France, en Angleterre, en Italie puis dans la plupart des pays d'Europe – j'ai une des mes filles qui actuellement est en Grande-Bretagne – le prix de l'essence est de 2 $ du litre. C'est assez étrange de voir qu'on essaie toujours de trouver ce qui va moins bien, puis ce qui va bien, ça, on n'en parle pas.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Y a-t-il un commentaire, M. le ministre?

M. Landry: Ah! ce sont des remarques très judicieuses et puis je pense que c'est notre nord-américanité qui refait surface. L'Europe de l'Ouest, depuis très longtemps, pratique des prix de carburant élevés, c'est vrai. Votre fille est en Grande-Bretagne comme étudiante ou pour le travail? Bon. Moi, j'étais étudiant en France durant les années soixante, et le taux, à cette époque-là, était déjà plus élevé qu'il ne l'est ici aujourd'hui. Alors, ça a créé, en Europe de l'Ouest, une inquiétude chez les fabricants d'automobiles par rapport à la carburation. Alors, des plus petites cylindrées, des moteurs plus efficaces tournaient plus vite, faisaient un peu plus de bruit mais ne mangeaient pas du carburant comme ce qu'on voyait en Amérique du Nord.

Quand la crise du pétrole est arrivée, quand le premier choc pétrolier est arrivé, on en a déjà eu en Amérique du Nord un premier signal et un deuxième, et c'est là que les petites cylindrées sont devenues des vedettes sur notre propre marché nord-américain. La Honda Accord a été le véhicule le plus vendu en Amérique pendant sept, huit ans d'affilée à cause de la hausse soudaine des prix du carburant.

Qu'est-ce qui est arrivé quand le brut est repassé à 10 $ après avoir été à 40 $? Il est arrivé que ce qu'on appelle les «gas-guzzler», les machines à brûler l'essence puis à cochonner la planète, se sont remises à fleurir un peu partout. Alors, des quatre-par-quatre de plus en plus puissantes, de plus en plus fortes, de plus en plus polluantes se sont mises à circuler sur toutes les routes, ces fameuses minivans qui, sur le plan familial – je n'en disconviens pas – sont vraiment des choses extraordinaires, la plupart des jeunes ménages en ont, mais elles bouffent du carburant comme ce n'est pas possible.

Alors, ce choc va encore être l'occasion de réfléchir d'autant plus que la grande réflexion finale, elle est à venir. Les gaz à effet de serre qui continuent à produire les désastres que l'on sait, l'épuisement des réserves de pétrole même vont poser aux économies et aux civilisations des problèmes de plus en plus graves. Imaginez-vous, M. le Président, si les Chinois avaient une minivan par famille, la vie s'arrêterait sur terre 15 jours après. Ça serait inimaginable. Alors, comment est-ce qu'on va expliquer que nos familles peuvent avoir des minivans puis les Chinois ne peuvent pas avoir de minivans? Ou ils en ont puis on est fait, ou ils n'en ont pas puis on est obligé de réviser toutes nos considérations par rapport à la carburation des hydrocarbures fossiles.

Le président des États-Unis était à Davos, comme vous savez. Et, moi, je vais à Davos surtout pour les investissements, alors je ne vais pas à beaucoup de conférences, mais celle-là j'y suis allé. Et un de ses sujets de prédilection, c'était précisément ça. Et, lui, son espoir – et ça, c'est très américain, ils pensent toujours que la technologie va les tirer d'affaire, puis des fois ça arrive – c'est qu'on va faire beaucoup plus de kilométrage avec le même volume de carburant. Mais ça, si on fait ça, ça m'étonnerait qu'on fasse ça avec des grosses quatre-par-quatre et puis des minivans, à moins de faire subir une transformation radicale aux quatre-par-quatre et aux minivans.

Moi aussi, je suis surpris qu'on n'ait pas à pleine page M. Louis-Gilles Francoeur sur ces questions-là dans Le Devoir et les autres qui font un bon travail. Il est d'une vigilance extrême, Francoeur; notre collègue des terres et forêts dirait qu'il l'est trop même. Mais là il faut qu'on en parle, de ça, il faut qu'on en parle. Est-ce qu'on va laisser galoper les prix puis continuer à fabriquer des véhicules comme avant? C'est une question vitale.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. J'invite la députée de La Pinière à poser la prochaine question.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, vous me permettrez d'abord de revenir sur les propos qui ont été tenus par le vice-premier ministre et ministre des Finances à l'égard du chef de l'opposition. Je pense que le ministre des Finances s'est permis d'interpréter les propos du chef de façon sélective et incorrecte, parce que, s'il y a un politicien au Québec qui mérite d'être salué pour le travail qu'il a fait pour défendre les intérêts du Québec, c'est bien Jean Charest, et il l'a fait en toutes circonstances quand il était à Ottawa et depuis qu'il est au Québec. Alors, cela ferme la parenthèse sur les propos, M. le Président, étant donné qu'on est à court de temps.


Développement du commerce électronique et de la nouvelle économie

Je voudrais inviter le ministre peut-être à regarder avec moi et répondre à quelques questions que j'ai par rapport au volet qui touche le commerce électronique. Dans le document qui a été publié... et aussi tous les experts s'entendent, depuis déjà trois, quatre ans, pour dire que le Québec est en retard dans le domaine du commerce électronique, que ce retard est dramatique, parce qu'on est dans un domaine qui évolue très rapidement, et les autres avancent pendant que, nous, en fait, on ne fait pas beaucoup dans ce domaine.

Non seulement le Québec est en retard par rapport au Canada, mais les régions du Québec sont en retard par rapport aux centres urbains, et, également, que ça soit Statistique Canada, les enquêtes de Statistique Canada, de Statistique Québec, l'enquête de ScienceTech commandée par le gouvernement du Québec, toutes indiquaient depuis déjà quelque temps que ce retard est considérable pour le Québec, et plus particulièrement pour les régions et également pour les francophones. Les francophones sont moins branchés et moins, je dirais, informatisés dans les foyers.

D'ailleurs, aujourd'hui même, ce matin, il y avait un article de publié dans La Presse du 23 mars 2000 sous la signature de Charles Côté, Le commerce en ligne: pointe de l'iceberg ou quantité négligeable? , et je me permets de citer quelques passages pour vous indiquer un peu le niveau de retard qu'accuse le Québec, suite à une enquête qui a été menée par Léger & Léger en collaboration avec le CEFRIO, qui porte sur 2 428 internautes au Québec: «Sur près de 2 millions d'internautes québécois, seulement 88 000 ont fait des achats en ligne en moyenne, soit 4,5 % des internautes, dans la semaine qui a précédé. De plus, les deux tiers de ces derniers ont fait leurs emplettes à l'extérieur du Québec.»

Également, dans le même article, on peut lire: «À la question: Vous, personnellement, depuis les sept derniers jours, avez-vous utilisé Internet au moins une fois? 34,4 % ont répondu oui, en moyenne, au cours des mois de novembre à février derniers. Cependant, seulement 32,5 % des francophones ont répondu oui contre 42,6 % d'anglophones.» Et il y a également un autre sondage qui est fait par Angus Reid pour l'ensemble du Canada qui démontre que, au Canada, c'est 56 % de taux d'utilisation d'Internet.

(10 h 40)

Ces chiffres sont là à titre d'indication, mais la réalité est beaucoup plus profonde et beaucoup plus importante parce que, au-delà des chiffres et des sondages, ce retard-là est très handicapant pour le Québec. J'ai regardé avec grand intérêt les mesures qui ont été proposées dans le budget. Et ce que je constate, au-delà du fait que c'est un peu trop peu, trop tard, quand même, je salue le fait qu'on ait inclus le commerce électronique dans le budget puis qu'on ait mis de l'avant des mesures.

Cependant, le premier constat que je fais, c'est que, dans le budget et dans la documentation inhérente, on continue encore de regarder le commerce électronique comme un secteur d'activité. C'est encore la vision silo. On manque de vision pour voir le commerce électronique non pas comme un secteur en soi, indépendant, mais comme un phénomène qui est en train de révolutionner notre façon de faire, notre façon de gérer nos entreprises, notre façon de moderniser l'État.

D'ailleurs, à ce titre, je constate qu'il y a une absence majeure de tout ce qui est transactions électroniques au gouvernement. Et je pense que, pour donner l'exemple, c'est important dans ce domaine. Et on peut regarder aussi ce qui s'est fait aux États-Unis, ce qui s'est fait en Grande-Bretagne, ce qui s'est fait en Irlande, parce qu'on parle aussi de l'exemple de l'Irlande, le gouvernement a un rôle majeur à jouer en tant qu'utilisateur des technologies de l'information. Et je me serais attendue, compte tenu du retard du Québec, à ce que le gouvernement du Québec donne l'exemple et sorte de cette image de l'État-silo pour devenir l'État-réseau qui transige avec les citoyens – il y a un certain nombre de formulaires, d'opérations qui peuvent se faire électroniquement – et les encouragent aussi à le faire.

Alors, pour revenir aux mesures comme telles, il y a la mesure sur le branchement des familles à faibles revenus qui reçoivent des allocations familiales versées par la Régie des rentes du Québec. On vise 200 000 familles, selon les informations qui nous sont données, et il s'agit ici de deux formules qui sont proposées dans le budget: un contrat de services pour l'acquisition d'un miniordinateur incluant un branchement à Internet jusqu'à concurrence de 450 $ – c'est un programme sur deux ans – et la deuxième formule, c'est un forfait pour le branchement à Internet du 1er mai 2000 au 31 mars 2001.

Alors, les familles, évidemment, ont le choix entre l'une ou l'autre formule, mais il y a un certain nombre de questions qui se posent, par exemple: Qu'est-ce qu'on fait avec les familles sans enfant mais qui sont aussi à faibles revenus? J'aimerais bien qu'on puisse me répondre là-dessus. Qu'est-ce qu'on fait, aussi, des jeunes et des jeunes familles? Les jeunes, théoriquement, ils ont plus de temps, ils sont plus intéressés pour aller sur Internet, mais eux-mêmes n'ont pas d'enfant. Mais, malgré qu'ils vivent dans la précarité sur le plan financier, ils n'ont pas été considérés et touchés par ces mesures-là.

L'autre question, c'est en ce qui a trait aux familles reconstituées. On sait qu'on n'a plus de modèle de famille avec les deux parents, etc. Qu'est-ce qu'il va arriver pour les familles reconstituées? Est-ce qu'il faut que les ordinateurs soient chez les deux parents? Est-ce qu'on a pensé à ça? Parce qu'elles sont nombreuses, les familles dans cette situation-là.

Également, ce qui me préoccupe... Parce que les forfaits auxquels on fait référence, ce sont des fournisseurs qui vont les donner, alors qui sont ces fournisseurs? Est-ce qu'on les a déjà identifiés? Sinon, comment seront-ils choisis, les fournisseurs? Selon quel critère et à quel moment est-ce qu'on peut commencer? Là, on dit que c'est à partir du 1er mai que le programme serait prêt. Est-ce qu'il est prêt à partir du 1er mai, si on reçoit des demandes dans nos bureaux de comté, est-ce que tout est en place pour que finalement on puisse inviter les gens à en bénéficier?

L'autre mesure aussi qui est dans le budget, c'est la mesure de la fibre optique en région. En fait, il s'agit d'encourager les infrastructures en région, parce qu'elles sont inexistantes, par le biais d'un avantage fiscal. Là, ce que j'aimerais savoir du ministre... D'abord, je trouve que c'est une mesure qui est extrêmement pertinente et elle répond à un besoin parce que le Québec est extrêmement en retard au niveau de l'infrastructure de télécommunications de base dans nos régions. On m'a signalé que, dans certaines régions encore, il y a trois personnes sur la même ligne téléphonique. Alors, on n'est même pas rendu à l'électronique, mais, sur le plan du téléphone, on est encore en retard.

Donc, cette mesure, c'est une démarche qui pourrait être intéressante dans la mesure où elle couvre l'ensemble du territoire du Québec. Est-ce que cela est le cas en région? Parce qu'on parle ici de 15 millions de dollars, la mesure fiscale en tant que telle. Donc, le territoire, est-ce qu'il est couvert dans son ensemble par la fibre optique, pour savoir quel est le taux de pénétration réellement qu'on va avoir en région?

Aussi, en marge de ça...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Votre temps est écoulé, madame. Voulez-vous terminer rapidement, s'il vous plaît?

Mme Houda-Pepin: Mon temps est écoulé. D'accord. Alors, j'aimerais aussi conclure sur les écoles, parce que c'est bien beau de brancher les familles à faibles revenus, mais, dans les écoles, il y a des écoles qui sont branchées, mais on me dit que les enseignants ne sont pas formés pour permettre aux jeunes d'utiliser ces technologies-là. Qu'est-ce que le ministre peut nous dire là-dessus, s'il y a d'autres mesures à venir?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous reviendrez. Merci beaucoup, Mme la députée de La Pinière. J'invite le ministre maintenant à répondre à vos questions.

M. Landry: L'intervention de la députée est largement un hommage au gouvernement, premièrement, parce qu'on a vite décelé un besoin puis on l'a comblé. On l'a comblé par des moyens adéquats, intelligents, habiles et qui sont à la mesure de nos moyens évidemment.

Commençons par les causes fondamentales. Le Québec accuse un retard perceptible par rapport au reste de l'Amérique du Nord. C'est vrai, un retard perceptible par rapport aux États-Unis, parce que nous sommes branchés à 15,6 % et les États-Unis le sont à près de 10 % de plus, 26 %. Ça fait que ça fait un écart considérable. Puis, par rapport au Canada, l'écart est quand même – la moyenne canadienne, c'est 22 % puis le Québec est à 15 % – déjà un peu plus resserré. On voit que le Canada fait partie de l'univers culturel nord-américain, le Canada hors Québec qui peut-être forme une nation. C'est le corollaire que le Québec en forme une autre. Là, on le voit bien. On voit bien c'est quoi, des caractéristiques... On voit bien c'est quoi, une nation, là. C'est des caractéristiques culturelles, linguistiques, familiales.

Une voix: Linguistiques, dans ce cas-là.

(10 h 50)

M. Landry: Et, dans ce cas-là, c'est linguistico-culturel. Je suis allé au Sommet des ministres des Finances de la francophonie, il y a un peu plus d'un an, à Monte-Carlo. Nous nous sommes rendu compte... Tous les pays francophones étaient là. Les très grands, donc la France, 60 millions d'habitants, les moyens, le Maroc, un pays qui est cher au coeur de la députée, et les très petits, les très petits africains ou le Luxembourg. Tout ça réuni ensemble n'était pas branché comme le Québec. Vous rendez-vous compte? Il y a un an et demi. Il y avait plus d'internautes au Québec que partout ailleurs en francophonie.

Ce qui illustre que nous sommes des Nord-Américains, et, tout en étant des Nord-Américains, comme les Mexicains sont des Nord-Américains, nous ne sommes pas dans le courant linguistique et culturel majeur de ce continent. Ça a des avantages et des inconvénients. Toronto est dans le courant culturel linguistique majeur. Oui, mais les quatre stations de télévision les plus écoutées à Toronto ne sont pas canadiennes. Il y a un prix à payer à ça. CBC, donc Radio-Canada, qui est le navire amiral de la culture canadienne, ça arrive cinquième, ça, à Toronto, tandis qu'à Montréal ça arrive premier ou deuxième. Alors, ils participent de tous les bienfaits de la culture américaine, vrai; ils participent de tous les inconvénients, vrai aussi, dont la perte de leur identité culturelle.

Ce n'est pas vrai au Québec. Nous, nous avons notre identité culturelle, ça fait qu'on est moins branché à Internet, mais on sait qui est Gilles Vigneault, on sait qui est Anne Hébert et Gaston Miron. On sait que Mes jeunes années ou Douce France sont dans les plus belles chansons qui ont jamais été composées en Occident. On sait que Quand les hommes vivront d'amour , c'est une des plus chansons contemporaines à avoir été composées en langue française. C'est ça, faire partie d'un univers culturel. Et ça fait qu'on n'est moins branché à l'Internet. On essaie, au Québec, nous autres, de jouer sur tous les tableaux. On essaie de jouer à fond notre différence culturelle et, en même temps, de cultiver notre nord-américanité. Puis c'est ça que le budget veut faire.

Alors, on s'est rendu compte que – comme la députée l'a dit – les Québécois étaient moins branchés, un, puis on s'est rendu compte aussi – et ça, c'est le facteur culturel – qu'il y a un facteur économique, qu'il y avait un facteur de moyens. Alors là je vais donner le taux de branchement des ménages par rapport à leurs revenus et vous allez bien voir que c'est là qu'il fallait frapper.

Les familles bourgeoises, tout ça, elles n'en ont rien à cirer. Si elles ne sont pas branchées, bien, je leur dirais qu'elles se réveillent. Elles ont les moyens de le faire. Mais moins de 50 000 $, il y a moins de 10 % des gens qui sont branchés. Entre 50 000 $ et 60 000 $, moins de 30 %; plus de 60 000 $, 35 %, total: 25.

Alors, c'est pour ça qu'on a frappé au revenu des ménages et on a donné la priorité, comme c'est écrit dans tout le budget, aux enfants. Vous allez dire... On ne peut pas mettre les priorités partout. Vous m'avez parlé des personnes seules. Les personnes seules...

Mme Houda-Pepin: Les jeunes.

M. Landry: Les jeunes généralement, ce sont des enfants. La biologie humaine le veut ainsi. Et, en plus, vous nous avez parlé des ménages reconstruits, j'imagine que le crédit d'impôt va s'appliquer où les enfants se retrouvent le plus souvent. Alors, c'est vrai qu'il y a des enfants qui, aux deux semaines, vont passer avec un parent. Bon. L'allocation familiale, c'est l'un des deux parents qui l'a puis ça va à celui qui a des enfants ou qui les a le plus. Alors, je ne vois pas trop de problèmes là. Il peut y avoir des petites discordances ici et là qu'on pourrait regarder, mais globalement je me fie à l'instinct des parents pour que la machine soit où les enfants se trouvent. Puis, comme les allocations familiales se trouvent où l'enfant se trouve, bien ça va aller dans le même sens.

Vous avez posé une question. On pense qu'on pourrait aller jusqu'à 200 000 branchements. Si on va à 200 000 branchements, ça va nous remettre dans la moyenne canadienne puis ça va nous remettre dans la moyenne nord-américaine, pratiquement. Et ça, ça va créer une habitude. Pourquoi est-ce qu'on vise les enfants? Bien, d'abord, les enfants préparent l'avenir. Ma mère, moi, elle est très peu internaute, elle ne l'est pas du tout d'ailleurs. Elle a entendu parler de ça par ses enfants mais surtout par ses petits-enfants, et puis elle n'a l'air à en souffrir aucunement, remarquez-vous, hein. Elle s'en fiche et puis je trouve ça admirable. Mais, pour nos enfants, ce n'est pas la même chose, et nos enfants et nos petits-enfants utilisent ce contact avec le monde comme un formidable outil de développement culturel qui va marquer leur avenir et qui va marquer leur mode de vie. Alors, c'est pour ça qu'on a visé les enfants.

Pour répondre à vos questions pointues sur le quand, le comment, les branchements, je demanderai aux fonctionnaires de le faire. Mais, pour deux autres points que vous avez mentionnés, qui sont majeurs, l'adaptation des PME au commerce électronique, bien là on n'y va pas avec le dos de la cuillère et puis c'est probablement pour les mêmes raisons, c'est pour des raisons culturelles, des raisons linguistiques que – tous ces contenus étaient en langue anglaise, etc., procédaient d'une mentalité nord-américaine et souvent anglo-saxonne – ils sont moins branchés. Là, on leur donne une injection d'adrénaline pour se brancher puis rejoindre rapidement le commerce électronique.

Plus encore, il y a un paragraphe dans le budget que je vais vous lire, qui est un peu énigmatique. Vous savez que le gouvernement n'est pas à l'oeuvre uniquement à la saison du budget.

Mme Houda-Pepin: À quelle page?

M. Landry: À la page 25: «Pour le commerce électronique en général, d'autres projets sont à l'étude et seront annoncés de manière stratégique au moment jugé opportun.» Alors là on fait déjà un gros effort pour les familles, on fait un gros effort pour brancher les PME, on fait un gros effort aussi pour rendre la fibre optique dans les régions où elle n'est pas, ce qui n'est pas le cas de la vôtre. Vous avez laissé entendre que le Québec était en retard en matière de télécom. Non. En matière de branchement Internet, oui, en matière de télécom, non. Le Québec est une puissance dominante. On est dans les mieux branchés, les mieux câblés du monde. Vous m'avez vous-même fait valoir que vous vouliez un CDTI dans votre région ou un CNE.

Mme Houda-Pepin: Non, en matière d'infrastructures.

M. Landry: Votre région, en matière d'infrastructures, est privilégiée.

Mme Houda-Pepin: Non, non, je ne parle pas de ma région.

M. Landry: Vous parlez de quoi?

Mme Houda-Pepin: Je parle des territoires du Québec. Quand vous avez introduit cette mesure de 15 millions de dollars pour la fibre optique pour les régions, c'est parce que vous avez identifié un besoin, c'est parce que vous avez identifié des régions qui n'étaient pas dotées d'infrastructures.

M. Landry: Oui, d'accord, mais ça ne vous permet pas de conclure que le Québec est en retard pour les infrastructures.

Mme Houda-Pepin: Non, je voudrais avoir une réponse à la question: C'est quoi, le territoire sur lequel vous vous basez, que vous voulez couvrir par l'infrastructure?

M. Landry: C'est en dehors des régions administratives de Montréal, Laval et Communauté urbaine de Québec. En d'autres termes, les régions distales.

Mme Houda-Pepin: Toutes les régions du Québec?

M. Landry: Celles qui ne l'ont pas déjà.

Mme Houda-Pepin: Le 15 millions, c'est pour toutes les régions.

M. Landry: Québec est la capitale mondiale de l'optique. Alors, à Québec, il y a beaucoup, beaucoup de choses de faites, dans la ville de Québec. Mais on veut que la Gaspésie soit au pair et on veut que l'Abitibi ou les régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean le soient. Et ça, on pense qu'on va rattraper notre retard très rapidement. Et encore, c'est un retard localisé, malheureux mais rattrapable. Alors, il n'y a pas de tragédie là.

Mme Houda-Pepin: Mais est-ce que vous pouvez me donner les détails sur les régions sur lesquelles vous travaillez dans le projet par lequel vous voulez implanter la fibre optique? Ça va aller où, dans quelles régions?

M. Landry: Il y a certaines entreprises qui sont déjà câblées fibre optique. Comme c'est vrai dans la plupart des centres urbains, on ne touche pas à ça. Mais c'est les entreprises elles-mêmes, ça marche par crédit d'impôt. Amortissement accéléré plutôt. Alors, les taux d'amortissement actuels des diverses composantes visées sont: 12 % pour la fibre optique, 5 % pour le coaxial, 20 % pour les équipements optoélectroniques. L'objectif visé, c'est: amortissement accéléré, 125 %, tous les réseaux évolués en région, et d'inciter les entreprises. C'est donc les entreprises. Il y a des entreprises qui sont déjà totalement desservies et réglées, il n'y a pas de problème, et d'autres qui ne le sont pas.

Mme Houda-Pepin: Mais j'imagine que, si vous avez calculé que ça va prendre 15 millions de dollars pour cette mesure, c'est parce que vous savez sur quel territoire elle va se déployer. Ce que je voudrais savoir: C'est quoi, le taux de pénétration de cette mesure en région?

M. Landry: C'est parce que la plupart des entreprises sont concentrées dans un certain nombre de régions qui sont exclues. Alors, c'est pour ça...

Mme Houda-Pepin: Lesquelles? C'est ça, ma question. C'est quoi, les...

M. Landry: Bien, il y a 50 000 entreprises au Québec, minimum, de cette catégorie qui peuvent l'utiliser.

Mme Houda-Pepin: Les régions? C'est quoi, les régions que vous avez identifiées?

M. Landry: Il y a des régions dont les entreprises ont déjà réglé le problème. Alors, ce n'est pas par région, c'est par entreprise. Mais on pense que dans certaines régions le problème est déjà réglé. Alors, c'est pour ça qu'on fait porter l'effort sur des régions moins avancées.

Mme Houda-Pepin: Mais vous n'êtes pas en mesure de me dire quelles sont les régions les moins avancées auxquelles se destine cette mesure-là.

M. Landry: On sait que les régions sont moins avancées généralement. On présume que la Gaspésie est moins avancée que l'île de Montréal ou l'île de Laval, ou l'Abitibi ou le Saguenay–Lac-Saint-Jean.

M. Gendron: Vous pouvez présumer la nôtre, M. le ministre.

M. Landry: Je peux présumer l'Abitibi, comme dit le député.

M. Gendron: Ce n'est pas parce que j'aime ça, mais ça correspond à la réalité.

Mme Houda-Pepin: Mais vous n'avez pas dans votre documentation la liste des régions qui sont visées comme potentiellement...

M. Landry: J'ai la liste de celles qui ne sont pas visées. Je vais vous le dire, là. Les régions admissibles: l'ensemble des régions administratives du Québec sont admissibles à l'exception des régions administratives de Montréal et Laval de même que la Communauté urbaine de Québec. Toutes les autres sont visées. Il est plus facile de faire la liste des exclues que de faire la liste des visées quand la liste des visées est beaucoup plus longue que la liste des exclues.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Et il y a des réalités intrarégionales également.

Mme Houda-Pepin: Tout à fait. C'est ça.

Le Président (M. Simard, Richelieu): En Montérégie, il y a un excellent réseau, Sorel a besoin d'être reliée.

M. Landry: Tandis que Brossard l'est.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Le temps est écoulé. Nous allons maintenant passer à la question...

Mme Houda-Pepin: M. le Président...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Votre temps...

Mme Houda-Pepin: Je sais, je sais, mais je voulais juste vous dire qu'il y a un certain nombre de questions qui n'ont pas encore été répondues.

M. Landry: C'est vrai. Si vous nous donnez le temps, on va le faire.

Mme Houda-Pepin: Si vous permettez, tantôt on l'a fait avec le ministre des Finances, alors je voudrais avoir les réponses.

M. Landry: Si vous voulez le faire, on va le faire. Les fonctionnaires sont là pour vous donner le détail sur les branchements, les dates, etc.

Mme Houda-Pepin: Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Est-ce qu'on a d'autres réponses, M. Godbout?

M. Landry: Oui, le sous-ministre des Finances, Gilles Godbout.

M. Godbout (Gilles): Oui. Gilles Godbout, ministère des Finances.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, si vous permettez, on va entendre la réponse du sous-ministre.

Mme Houda-Pepin: Merci.

(11 heures)

M. Godbout (Gilles): Question technique, c'est le ministère de l'Industrie et du Commerce qui va être en charge de mettre en place le mécanisme et de gérer le programme. D'ici le 1er mai, tous les bénéficiaires d'allocations familiales vont être informés des démarches requises pour se prévaloir du programme. Le ministère de l'Industrie et du Commerce va prévoir aussi un dépliant qui va faire état des caractéristiques du programme, des conditions pour être admissibles, des forfaits offerts, et on va aussi prévoir un numéro de téléphone où on va pouvoir obtenir d'autres informations sur la mesure. Évidemment, à ce moment-là, les familles qui vont être admissibles au programme pourront sélectionner le fournisseur, les forfaits.

Évidemment, elles vont choisir elles-mêmes le type de forfait – comme vous l'avez mentionné, il y a deux types de choix – et contacter le fournisseur. On va avoir une liste de fournisseurs qui vont être identifiés d'ici là. Évidemment, elles vont devoir faire la preuve au fournisseur qu'elles sont admissibles au programme. Donc, d'ici le 1er mai, tout va être en place pour...

Mme Houda-Pepin: Et comment vont être choisis les fournisseurs?

M. Godbout (Gilles): Par appel d'offres.

Mme Houda-Pepin: Par appel d'offres.

M. Godbout (Gilles): Oui.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci de cette précision, parce que – je ne sais pas si tous les députés sont dans le même cas que moi – c'est la mesure du budget qui a suscité le plus d'appels, parce que les familles, évidemment, sont intéressées. Donc, il y aura de la publicité très bientôt, c'est ce que vous nous dites, précisant les modalités. Merci.

Alors, j'invite maintenant...

M. Landry: Toutes les familles admissibles vont recevoir un dépliant du MIC.

Le Président (M. Simard, Richelieu): J'invite maintenant le député de La Peltrie à bien vouloir poser sa question.


Niveau des investissements privés

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, le budget qui nous a été présenté le 14 mars dernier par M. le ministre des Finances, c'est un budget dont on peut dire qu'il est exceptionnel, parce que jamais, par le passé, on n'aura annoncé de telles réductions d'impôts dans la présentation d'un budget. Puis ces réductions, en plus, ce qui est encore plus important, c'est qu'elles sont immédiates et même rétroactives. Alors, les mesures sont rétroactives. Donc, c'est du jamais vu, ça, parce que, d'habitude, c'est le contraire, ce sont plus les taxes puis les hausses d'impôts qui sont rétroactives, et non les réductions. Alors, je pense que c'est un fait marquant, ça, également.

Alors, ça, ça donne suite aussi... Je pense que le budget répond très bien aux attentes des contribuables puis de la population. L'automne dernier, nous avons eu une commission parlementaire où nous avons entendu 48 mémoires. Alors, différents groupes sont venus s'exprimer devant cette commission, que ce soit au niveau patronal, que ce soit au niveau syndical, communautaire ou autres, et ça revenait toujours: diminution d'impôts, réinvestissement dans la santé, l'éducation et développement économique, c'est-à-dire création d'emplois. Je pense que le ministre des Finances a été très à l'écoute et il a répondu aux attentes qui ont été exprimées devant la commission.

Ce qui est intéressant aussi dans ce budget, avec toutes les mesures qui ont été annoncées, c'est que c'est un budget qui est équilibré, c'est-à-dire qui est sans déficit. Alors, on a peut-être eu déjà dans le passé certains budgets, quand même, peut-être, avec certaines mesures intéressantes, mais on donnait d'un côté et on présentait un déficit de l'autre. Donc, ce n'était pas très, très structurant.

Ce qui me frappe aussi, M. le Président, c'est que le budget est résolument tourné vers la personne, avec toutes les réductions d'impôts qu'on a, mais, aussi, il y a de nombreuses mesures qui visent l'aide aux entreprises. Puis c'est sur cet aspect de la proposition budgétaire que je voudrais peut-être m'attarder, parce que, depuis 1994, je pense qu'on est en mesure de constater qu'il y a des progrès immenses qui ont été faits sur le plan économique. On connaît le taux de croissance qui a...

Lorsque nous sommes arrivés, en 1994, là, c'était un gouvernement souverainiste, puis c'est à partir de là qu'on a commencé à réaliser des progrès immenses sur le plan économique, parce que, avant 1994, de 1990 à 1994, on avait 0,7 % en matière de croissance économique au Québec, et puis ça a été par la suite, suite à 1994, de 2,3 % entre 1995 et 1998, en termes de croissance, pour atteindre un taux exceptionnel de 3,7 % en 1999, alors que, durant la même période, le taux de chômage, également, diminuait constamment.

Lorsqu'on pense qu'en 1992 le taux de chômage était à 14,3 %, c'était vraiment décevant, alors qu'il était de 8,1 % en décembre dernier, en décembre 1999. C'est le niveau le plus bas depuis 1976 alors qu'on était en pleine effervescence des Jeux olympiques.

Alors, les investissements... Puis souvent, de la part de l'opposition, on nous dit que les investissements du secteur privé sont beaucoup moindres que ceux de l'Ontario ou du reste du Canada. Bien, je pense qu'il faudrait lire les même choses à un moment donné. Les investissements du secteur privé ont augmenté de façon considérable depuis les dernières années, même qu'ils sont supérieurs à notre province voisine, l'Ontario, et à la moyenne canadienne. Notre croissance a été de 60 % pendant cette période, alors qu'elle était de 50 % pour l'Ontario et le Canada. De 60 % pour le Québec. Donc, aujourd'hui, on n'a plus à se comparer avec le reste du Canada à cet égard, mais plutôt avec notre voisin du Sud, les États-Unis, qui est le pays le plus industrialisé au monde.

Alors, dans les principales mesures pour continuer à encourager l'investissement puis le favoriser, il y a le congé fiscal d'une durée de 10 ans qui touche l'impôt sur le revenu, la taxe sur le capital ainsi que la cotisation au Fonds des services de santé. Alors, nous savons que ce programme doit générer une augmentation de la masse salariale d'au moins 4 millions de dollars pour être admissible puis impliquer un investissement d'au moins 300 millions, ou encore, s'il n'y a pas d'investissement de 300 millions, ça prend au moins une masse salariale de 15 millions. Alors, ce programme ou cette mesure devrait entraîner des investissements de 5 milliards sur cinq ans et créer jusqu'à 16 000 emplois.

Moi, ma question sur cette mesure particulièrement, M. le ministre, c'est: Est-ce que cette mesure-là est équitable envers les autres entreprises? Parce que des investissements de 300 millions, je pense que c'est surtout dans les grosses entreprises. Alors, il y a des petites entreprises qui n'investissent peut-être pas autant mais qui créent des emplois également. Est-ce que, cette mesure-là, vous y voyez quand même une certaine équité? Et j'aimerais avoir un peu plus de détails concernant la justification de cette mesure-là.


Incidence des différentes options politiques sur l'économie

M. Landry: O.K. D'abord, sur la performance économique, il faut le dire et le redire, et, des fois, c'est pénible à entendre pour nos vis-à-vis d'en face, mais c'est bon pour l'économie. Et j'aimerais d'ailleurs que nos vis-à-vis se rallient au diagnostic. On a beau être libéral, c'est un fait que l'économie du Québec n'a jamais été aussi en santé qu'aujourd'hui. C'est un fait brutal. Alors, le Parti libéral peut dire: Il faudrait que ça soit mieux, il faudrait ceci, cela, on est tous d'accord avec ça – comme j'ai dit souvent «nous sommes contents mais non satisfaits» – mais ne pas nier l'évidence.

Une des raisons pour lesquelles le Parti libéral et beaucoup d'autres ont nié l'évidence au cours des dernières années, c'est la question nationale du Québec. Une idée perverse a été profondément implantée dans l'esprit de plusieurs de nos compatriotes – ce qui n'a pas empêché 60 % des francophones de voter oui – que les souverainistes nuisaient à l'économie. Tout le monde l'a, hélas, entendu et, en général, c'était assorti d'une autre fausseté que je me suis fait assener des milliers de fois quand j'étais ministre du Développement économique dans le gouvernement Lévesque par les porte-parole libéraux du temps, que les sièges sociaux fuyaient Montréal.

Pour les sièges sociaux, Montréal est la capitale canadienne des sièges sociaux en nombre, en importance stratégique et de toutes les manières, et Toronto, métropole du Canada, a beaucoup plus perdu de sièges sociaux au cours des 25 dernières années que Montréal n'en a perdu, et elle a perdu aux mains soit de Calgary, soit de Vancouver, ou soit de villes nord-américaines des États-Unis. Alors, premier mythe qui a été martelé jusqu'à plus soif, d'une manière irresponsable, par les ténors fédéralistes: la souveraineté et son projet font fuir les sièges sociaux.

(11 h 10)

Deuxième fausseté: les souverainistes au pouvoir font fuir les investissements, ralentissent l'économie, nuisent à l'économie du Québec. Bien là la preuve, elle est là, les chiffres sont sur la table. Que les fédéralistes, qui veulent empêcher notre nation d'être libre et d'être égale aux autres nations, trouvent d'autres arguments que les arguments misérabilistes et cessent de faire un lien entre le désir de liberté, que Robert Bourassa lui-même cultivait, d'ailleurs... On va-tu être obligés de vous la rappeler à tous les jours, la phrase de Robert Bourassa, que le Québec est libre de choisir son destin, il est capable et libre de choisir son destin. Que l'on arrête, M. le Président, de vouloir limiter nos choix politiques par des cultes misérabilistes et de type colonial ou néocolonial.

Les souverainistes sont au pouvoir. J'ai l'honneur d'être le ministre de l'Économie et des Finances du Québec. Il y a peu de gens au Québec qui ont autant milité pour la souveraineté que moi, à l'intérieur comme à l'extérieur, et dont les pensées sont aussi connues. Quel est le résultat? Le résultat, c'est que notre croissance économique a été de 3,7 % alors que je parle de souveraineté dans toutes les chambres de commerce, à toutes les radios, à toutes les télévisions, dans les universités et les écoles, à peu près à chaque fois que je prends la parole, comme je l'ai fait au discours du budget. Chacun a pu le voir et le remarquer. Le premier ministre du Québec fait la même chose.

Une croissance économique de 3,7 %, plus qu'en 1998, où on était aussi au pouvoir et où j'avais aussi l'honneur et les lourdes responsabilités d'être le ministre de l'Économie et des Finances, où on avait eu 2,6 %, plus que la moyenne du G 7 qui est de 2,7 %, G 7 composé, redisons-le, de pays souverains, bien entendu. Le Canada étant le septième pays du G 7.

L'emploi maintenant. Qu'est-ce que j'entends des jeunes aujourd'hui? J'entends la chanson que nous chantions, nous, quand on était au coeur des 30 glorieuses qui ont suivi l'après-guerre. C'est quoi, cette chanson? On l'a entendue encore hier: J'ai à choisir entre trois ou quatre employeurs. On a connu ça, nous autres, dans notre génération, parce que l'économie occidentale avait été portée pendant longtemps par des vagues de prospérité successives qui faisaient une belle place aux jeunes.

Bien là les jeunes, maintenant. Quand on a créé 75 900 emplois, ce qui est la meilleure performance depuis 1987, après celle de 1998, où on en avait créé 86 400... on retrouve 89 700 emplois à plein temps; en 1998, c'était 77 500; 37 % des nouveaux emplois étaient occupés par des jeunes de 15 à 24 ans, soit 28 % des emplois. Le taux de chômage était à 9 %, en moyenne, en 1999. Il est descendu à 8,1 % en décembre. C'est le plus bas taux depuis les olympiques en 1976 et en baisse de quatre points de pourcentage par rapport à 1993.


Niveau des investissements privés (suite)

Il me semble que ces chiffres-là sont parlants. Mais un de ceux qui parlent le plus, c'est l'investissement non résidentiel privé, parce que là ça fait appel à des réalités économiques brutales. On investit quand on se sent bien dans un endroit pour investir, on investit quand on pense que la croissance va être au rendez-vous, puis on investit quand on pense qu'on va pouvoir amortir les machines qu'on vient d'installer et l'immeuble qu'on vient de construire et faire des profits. Et c'est ça qui est le plus porteur et le plus intéressant de tout ce que j'ai dit, parce que l'emploi que j'ai évoqué, c'est une résultante de l'investissement.

Alors, les investissements non résidentiels privés – ça ne compte pas les maisons puis ça ne compte pas le public, c'est ça que ça veut dire – 5,4 %, plus qu'en Ontario qui a baissé. Nous autres, on a monté et l'Ontario a baissé de moins 1,5 % et le Canada a monté de plus 0,9 %. L'Ontario baisse, le Canada monte de moins 1 %, le Québec monte de 5,4 % pour une quatrième année d'affilée. Alors, ce n'est pas un accident de parcours. Pour une quatrième année d'affilée, la performance du Québec en matière d'investissements privés non résidentiels surpasse celle de l'Ontario. C'est quoi, ces histoires de raconter au monde que le projet souverainiste crée l'incertitude et déstabilise?

Je rappelle qu'il n'y a pas de personnes qui ont mes fonctions au Canada, c'est-à-dire ministre des Finances et de l'Économie, qui soient plus clairement identifiées au mouvement souverainiste et qui en aient fait le combat de leur vie. C'est sur mes épaules qu'a retombé le redoutable honneur de diriger les finances et l'économie du Québec depuis quatre ans. Depuis quatre ans d'affilée, la performance du Québec dépasse celle de l'Ontario.

Combien de fois faudra-t-il répéter ça pour enlever de l'esprit des gens – qui ne sont pas toujours responsables, ils se sont fait marteler ça – les miasmes de l'incapacité des Québécois d'assumer leur destin économique, quel que soit leur dessein politique? Depuis 1994, les investissements non résidentiels privés ont augmenté de 60,4 % au Québec, de 51,4 % au Canada, de 47,6 % en Ontario. Comme le disait le député de La Peltrie, ce n'est pas l'Ontario qui est notre modèle, ce sont les États-Unis d'Amérique, une des économies évidemment les plus dynamiques du monde.

Pour le soutien maintenant aux projets industriels – problème qui a été soulevé par le député – d'abord une mesure qui est une lourde pièce d'artillerie. Vous savez qu'Investissement-Québec et plusieurs de nos agents... Le premier ministre s'en va en Amérique latine bientôt. Le premier ministre s'en va en Europe de l'Ouest bientôt, en France nommément. Nos missions – les miennes aussi, parce que je voyage beaucoup pour des raisons économiques – sont largement dirigées vers la prospection d'investissements. Et ce qu'on fait valoir de l'économie du Québec est intéressant – vous vous souvenez de l'étude KPMG: un des endroits en Occident où les coûts d'implantation et d'opération sont les plus bas et non pas d'une manière déshonorante. Ce n'est pas les coûts de main-d'oeuvre, ce n'est pas parce que c'est «cheap labor», c'est d'autres facteurs. Alors, c'est déjà très bon.

Mais, comme on veut... je ne veux pas... on joue pour tuer, on veut battre l'adversaire fraternel. L'Irlande, bon petit pays qui a eu la sagesse de choisir l'indépendance d'ailleurs il y a longtemps et qui a fourni d'ailleurs au Québec un fort contingent d'indépendantistes... Dans les fondateurs du Mouvement souverainiste du Québec, il y avait les deux frères O'Leary, par exemple, Walter et Dostaler. Il y avait Robert Burns évidemment qui a siégé dans cette Chambre. Il y avait Robert Macquay. Il y avait les O'Neil. Il y en avait toute une série...

Une voix: ...

M. Landry: Pardon?

Une voix: Il y en avait d'autres.

M. Landry: Et il y en avait d'autres.

Le Président (M. Duguay): Alors, M. le ministre, c'est le temps qu'on avait. Vous allez pouvoir vous reprendre tout à l'heure.

M. Landry: Ah! bien, ça me prendrait des heures à nommer tous les Irlandais au Québec qui ont travaillé pour la souveraineté du Québec.

Le Président (M. Duguay): Alors, merci, M. le ministre. Merci, monsieur...

M. Landry: Mais l'Irlande a réussi à le faire puis ça leur permet de faire plus que nous parce qu'ils contrôlent tous leurs impôts et taxes. Mais, juste en deçà de la possibilité d'un État souverain, bien là on a un programme fabuleux qu'on ajoute à un arsenal. C'est ça que je voulais vous dire. Pour répondre au député, on a déjà tout un éventail de mesures de soutien aux entreprises et celle-là s'ajoute.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de La Peltrie, il vous restait quelques minutes.

M. Côté (La Peltrie): Ah! je pensais que c'était terminé, moi, M. le Président. Mais, par contre, M. le ministre, est-ce que les petites et moyennes entreprises vont bénéficier aussi de...

Le Président (M. Duguay): Un instant, M. le député de La Peltrie. Oui?

Mme Leblanc: Si le ministre a écoulé son temps, il ne reste finalement plus de question à poser, puisque le ministre ne pourra pas répondre.

Le Président (M. Duguay): Non. M. le ministre avait effectivement son 10 minutes et il restait deux minutes au député de La Peltrie.

Mme Leblanc: Mais ça veut dire que le ministre ne pourra pas répondre.

Le Président (M. Duguay): Il pourra se reprendre éventuellement.

Une voix: Il y a 10 minutes à la fin.

Le Président (M. Duguay): Il y a 10 minutes.


Aide aux petites et moyennes entreprises

M. Côté (La Peltrie): Alors, merci, M. le Président. Donc, moi, j'aimerais savoir aussi: Est-ce que les petites et moyennes entreprises vont pouvoir aussi bénéficier d'autant de support que ces grandes entreprises là? Parce que je sais que vous avez bonifié, par exemple, encore le programme FAIRE, M. le ministre, qui a remporté beaucoup de succès. Alors, lorsqu'on voit le programme FAIRE qui a été rebonifié à nouveau, parce que, avec tout le succès qu'il a remporté après à peine 21 mois... il était prévu qu'on crée 28 000 emplois dans cinq ans puis, après 21 mois, il y en a 27 000 de créés. J'espère que ça aussi, ça va aider à continuer à les supporter dans leur développement puis à continuer à progresser en termes de développement économique.

(11 h 20)

Cependant, lorsque l'économie est très florissante, comme elle est là présentement, est-ce qu'on doit continuer quand même à supporter les investissements au niveau des entreprises?

M. Landry: La réponse est oui, parce qu'on est en plein rattrapage. Quatre ans sans une seule création d'emplois net, ça fait mal, ça, des années et des années avec des taux d'investissement plus faibles que ceux de l'Ontario, ça fait que, malgré notre rattrapage spectaculaire et notre taux de croissance qui est égal à celui des États-Unis, on est encore plus bas que l'Ontario en termes d'investissements par rapport au PIB. Ça fait que la bataille n'est pas finie, la bataille s'intensifie.

Puis est-ce qu'il faut continuer, même en période de croissance économique vive, à soutenir les entreprises? Ma réponse est oui, pour plusieurs raisons. D'abord, un taux de chômage de 8 %, qui est vraiment très consolant par rapport au 14 % dont vous avez parlé, c'est encore trop haut. À Atlanta, Georgia, le chômage, il est virtuellement nul, hein. J'ai entendu le maire me dire, moi: Des centres d'appels, je n'en veux plus, parce que ça gruge sur la main-d'oeuvre alors qu'il veut l'avoir pour des choses qui sont plus...

M. Côté (La Peltrie): Alors, il ne faut pas placer entièrement notre confiance sur uniquement l'économie, la santé de l'économie, il faut aussi continuer à supporter...

M. Landry: C'est ça. Ma prétention, moi, c'est que l'économie du Québec, là, qui a des performances remarquables, n'est pas à son potentiel encore. On peut faire beaucoup mieux. Et notre devoir, là, face à nos enfants, puis à nos neveux, puis à nos nièces, c'est de ne jamais arrêter tant qu'on n'est pas allé au potentiel. Bon. Alors, ça, c'est une première raison.

Deuxièmement, on a une dette accumulée de 100 milliards de dollars. Il faut que l'économie tourne si on veut pouvoir la relativiser par rapport au PIB, et ça, pour les agences de crédit, ça nous a beaucoup, beaucoup aidé, hein. Elles se rendent bien compte que notre dette, qui est toujours de 100 milliards de dollars et qui n'augmente plus parce qu'on n'emprunte pas, elle est moins lourde par rapport au PIB. Alors, il faut des croissances très fortes pour relativiser constamment notre dette.

Il faut également, par rapport au reste du Canada, améliorer un certain nombre d'indices dont la fiscalité: Comment est-ce que je peux faire pour baisser les impôts? Croissance économique. C'est la création de la richesse qui nous permet de ramener notre taux de fiscalité dans des mesures plus comparables. J'ai dit: Notre idéal n'est pas l'Ontario, notre idéal n'est pas les États-Unis d'Amérique, mais cette année on a franchi 30 km des 100 qui nous séparent de la moyenne canadienne. Alors, on a à peu près le tiers du chemin de fait, mais, si on veut continuer à faire, disons, un autre tiers ou un autre 40 % ou 50 %, bien, il est impérieux de rentrer de l'argent, puis rentrer de l'argent, c'est par la prospérité. Alors, il faut continuer l'effort.

Il nous manquait un chaînon. J'ai la prétention, moi – je dis «j'ai», mais c'est notre économie puis c'est notre gouvernement – qu'on a le meilleur dispositif d'intervention en faveur des entreprises de toutes les nations non souveraines du monde. Bien, l'Irlande peut faire mieux parce que l'Irlande contrôle 100 % des impôts. Mais, dans les non-souverains, on est les plus avancés. Il nous manquait encore une chose, et, autant que je me souvienne, la suggestion nous a été faite par un ancien technocrate fédéral, je pense. Notre programme de petites PME, là, le chaînon manquant, je n'ai pas rêvé ça, non, qu'on a eu des conversations...

(Consultation)

M. Landry: O.K. Bon. Alors, c'est un Québécois, évidemment, qui est bien rompu à toutes les réalités économiques québécoises, il est à la retraite aujourd'hui, et, en parlant avec lui, on a consolidé cette pensée qu'il y avait un chaînon manquant, c'est-à-dire l'entreprise de moins de 1 million de chiffre d'affaires, l'entreprise naissante qui a des problèmes à se financer, des problèmes de fonds de roulement et à laquelle, pour une raison ou pour une autre, les banques ne veulent pas faire confiance. Et ça, souvent, ça arrive en région. Alors là on l'a. On a bloqué le trou et on a ce moyen d'intervention. Ça ressemble au plan Paillé, mais plus ciblé. Je vais vous en donner des détails plus précis, là.

Vous vous souvenez du plan Paillé? Bon. Je voyais The Gazette , là, qui parlait du plan Paillé comme un «scandal-plagued program». Il faut le faire, hein! Il faut avoir vraiment une imagination à rebours de la réalité pour écrire une affaire de même. Le plan Paillé, d'abord, n'a été l'objet d'aucun scandale, aucun; deuxièmement, a un succès et un taux de survie supérieurs à la moyenne que l'on retrouve dans la nature. Parce que l'économie est darwinienne, évidemment, quand il naît des entreprises, il en meurt. Mais, dans le plan Paillé, il y en a moins qui sont mortes que... Bon.

Mais le plan Paillé était le coup de poing sur la table à donner, parce que, dans ce temps-là, on était à 12 % de chômeurs, sinon 14 %, c'était un coup de poing. Donc, un coup de poing, c'est moins subtil qu'une caresse. Ça, c'est bien connu de la plupart de ceux qui ont eu des caresses et des coups de poing. Et là on y va de façon plus subtile.

Alors, comment ça va se faire? Clientèle admissible: entreprises nouvelles ou en opération depuis moins de trois ans. Donc, on ne néglige personne parce qu'il y en a des méritants, là, dont la tige vient de commencer à sortir du sol, mais depuis deux ans. On les ramasse, on fait du retour en arrière. Chiffre d'affaires inférieur à 1 million. C'est donc des petites entreprises.

Garantie de prêt limitée à 80 % des pertes assurées par un prêteur. Donc, c'est le secteur privé, comme d'habitude, c'est les banques, les caisses populaires, les prêteurs. On garantit 40 %, donc on réconforte le prêteur qui, devant une entreprise de ce type, ne se sent pas à l'aise par rapport aux épargnes déposées chez lui, parce que c'est sûr qu'une banque, c'est une banque, puis une caisse populaire, c'est une caisse populaire.

Garantie maximale de 100 %. On couvre les dépenses en capitalisation et les besoins de fonds de roulement durant une année. Parce que souvent ces problèmes de fonds de roulement... Puis ça, c'est plus frustrant, les problèmes de fonds de roulement, que n'importe quelle autre chose parce que les commandes arrivent, le carnet de commandes est plein, puis tu vas à la banque en disant: Il faut que j'emploie du monde, que j'achète des matières premières, mais la banque ne le fait pas. Donc, fonds de roulement.

Durée maximale de la garantie, sept ans. Mise de fonds minimale des promoteurs, 20 % du projet. Jusqu'à 50 % de l'équité doit provenir de fonds locaux régionaux d'investissement ou autres, parce qu'on en a en masse, hein. Moratoire possible de deux ans sur le remboursement du capital, au cas où les choses soient plus serrées que prévues, mais que l'espoir demeure.

Exclusion de certains secteurs d'activité. Ça, c'était une faiblesse du plan Paillé. Je résumais ça, quand j'en discutais avec les fonctionnaires: Je ne veux pas de pizzeria en face de la pizzeria. Alors là c'est l'exclusion de certains secteurs d'activité. Sont exclus: services aux entreprises, commerce de gros et de détail, restaurants, incluant les pizzerias, et autres entreprises admissibles au commerce de détail ou de services aux particuliers. Alors, on veut vraiment cibler vers la valeur ajoutée industrielle ou intellectuelle.

Création ou maintien – autre condition – de deux ou trois emplois, selon le montant du prêt, en sus du promoteur et de ses proches, en vertu de la Loi sur l'impôt. Puis intérêts maximaux au taux préférentiel du prêteur plus 1,75 %, parce qu'on ne veut pas que les institutions financières abusent.

Alors, je pense que voici un excellent petit programme. Ça a l'air de rien, ça. Ça a l'air du papier, ça a l'air des chiffres, sauf que, dans cinq ans, qu'est-ce que tu apprends? Bien, tu apprends que ce jeune homme ou cette jeune femme de Saint-Gédéon, bien, il est en affaire puis il est rendu à 50, 60 employés, comme c'est arrivé dans le plan Paillé. Il n'y a rien de plus consolant – puis ça m'arrive régulièrement – quand je vais parler à une chambre de commerce, que, disons, à la fin du repas, un jeune homme ou une jeune femme vient me voir puis me dit: Monsieur, le plan Paillé, moi, 50 employés. J'ai fait ma job à moi et j'en ai créé 49 autres. Alors, c'est ça, là, qui va arriver avec ça.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Je pense que je vais maintenant laisser la parole au député de Mont-Royal.


Incidences des différentes options politiques sur l'économie (suite)

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Je suis très heureux de voir qu'on parle d'économie et de progression économique pour le Québec pour l'année 1999, ce qui a permis au gouvernement de dégager passablement de marge de manoeuvre et ce qui a permis aussi au gouvernement de dire qu'il baisserait les impôts des contribuables québécois.

(11 h 30)

Il y a quelque chose, par contre, que je voudrais vous dire, M. le Président. Ce que le ministre des Finances ne nous dit pas, c'est qu'en Amérique du Nord ça fait au-delà de 100 mois – 109 mois, exactement – qu'il y a une progression économique importante et marquée à travers l'Amérique du Nord et, particulièrement, aux États-Unis.

Aux États-Unis, ils ont progressé d'une façon jamais vue auparavant. En fait, la progression américaine, au cours des années qu'on vit présentement, dépasse en durée maintenant la période de croissance qu'on avait connue dans les années soixante. Et donc il est normal et il était peut-être temps, je dirais, que le Québec commence aussi à progresser de la même façon que ses voisins ontariens ou canadiens et ses voisins américains. Et, moi, je pense que, si on a tant tardé à progresser au Québec, c'est justement à cause de cette espèce d'épée de Damoclès de la séparation potentielle de notre province du reste du Canada.

M. Landry: Province...

M. Tranchemontagne: Oui, monsieur.

M. Landry: Un mot dont vous êtes fier? Ce sont des provinciaux.

M. Tranchemontagne: M. le Président, est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre, on va laisser poursuivre le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Alors, je répète encore une fois que, si ça a pris huit ans de retard au Québec pour progresser autant que le reste de l'Amérique du Nord, c'est principalement à cause de l'option du Parti québécois, l'option qui vise à diviser notre pays, le Canada.


Réduction des impôts (suite)

J'aimerais vous faire part aussi, M. le Président, du fait que la baisse d'impôts dont le ministre des Finances nous a parlé... Il nous a parlé d'une baisse de 4,5 milliards et je voudrais m'objecter à son chiffre de 4,5 milliards, puisque, en réalité, ce n'est qu'une baisse de 2 milliards de dollars. Au bout de trois ans, les contribuables québécois paieront 2 milliards de dollars de moins qu'ils paient actuellement en impôt provincial, ce n'est pas 4,5 milliards. Ça donne 4,5 milliards si vous comptez le milliard de la première année trois fois, c'est-à-dire la deuxième et la troisième année, de même que les augmentations additionnelles de 500 millions l'année 2 et l'année 3. Alors donc, je m'inscris en faux sur le 4,5 milliards parce que ça n'est qu'une baisse de 2 milliards. Les Québécois paieront 2 milliards de dollars de moins dans trois ans.

La chose à laquelle je m'objecte aussi, M. le Président, au niveau du budget, c'est qu'il n'y a à peu près rien dans ce budget-là qui nous permet de récupérer notre retard par rapport aux autres provinces canadiennes. L'exemple frappant est celui de l'Ontario. Comme vous le savez, présentement l'écart entre le Québec et l'Ontario est de 5,8 milliards à la défaveur du Québec, c'est-à-dire que les Québécois paient, sur une base équivalente... Autrement dit, si on payait l'impôt ontarien, on paierait 5,8 milliards de moins que nous en payons présentement. Si on regarde le budget du ministre des Finances, dans trois ans, cet écart-là sera de 5,3 milliards. Et ça, je ne suis pas le seul à le dire, l'Association des manufacturiers, M. Ponton, en particulier, en parle aussi. M. Taillon et M. Cléroux supportent cette affirmation.

Si on se compare au Canada maintenant – mettons qu'on va oublier l'Ontario – notre écart présentement est de 3,1 milliards de dollars et, dans trois ans, il sera de 2,2 milliards de dollars, donc une légère amélioration mais quand même rien pour se péter les bretelles, comme le ministre des Finances l'a fait lors du discours. À mon point de vue, M. le Président, je pense que c'est une honte, les baisses d'impôts qu'on nous présente, puis je vais essayer de vous expliquer pourquoi c'est une honte.

Prenons la première année. Le ministre des Finances nous a annoncé une baisse d'impôts de 1 milliard de dollars, et, si on regarde ce qu'il est venu chercher dans nos poches, nous, les Québécois, au cours des dernières années, particulièrement les deux dernières années m'intéressent, vous allez voir, si vous prenez le document du plan budgétaire à la page 34, au tableau 2.15, que les revenus autonomes, c'est-à-dire ce que les gens ont payé en impôts au Québec, a augmenté de 846 millions de dollars, l'année 1998-1999, et a augmenté de 686 millions de dollars l'année suivante. Donc, ça veut dire qu'en impôt au cours des deux dernières années, les Québécois ont payé 1,5 milliard de dollars – j'arrondis le chiffre – de plus qu'ils n'en payaient il y a deux ans.

Au niveau de la taxe de vente maintenant, si on regarde la taxe de vente, les Québécois ont payé, en 1998-1999, 938 millions de dollars de plus que l'année d'avant. Cette année, en l'année 1999-2000, ils ont payé 442 millions de dollars de plus. Si vous additionnez ces deux montants-là, ça veut dire une augmentation de la facture aux Québécois et aux Québécoises de 1,6 milliard de dollars.

Donc, en tout, en impôts et en taxes, on a versé 3,2 milliards de dollars de plus au trésor québécois. Et maintenant on essaie de nous faire accroire qu'une baisse d'impôts de 1 milliard la première année est une baisse extraordinaire. C'était de l'argent qui nous appartenait, M. le Président, c'était de l'argent qui appartenait aux Québécois et aux Québécoises. Je pense qu'il aurait été normal et juste que le retour aux Québécois et aux Québécoises soit beaucoup plus grand et beaucoup plus rapide que ce que le ministre des Finances nous a proposé.

Vous savez, M. le Président, le ministre des Finances tantôt nous a parlé de l'Ontario et nous a dit qu'il n'était pas prêt à suivre l'Ontario. Moi non plus, je ne suis pas prêt à suivre l'Ontario dans tous les domaines. Il reste quand même une chose, c'est qu'au niveau des baisses d'impôts les Ontariens ont réussi un succès que nous n'avons pas encore atteint. L'Ontario, au cours du premier mandat de M. Harris, a réussi à baisser de 30 % les impôts. Tout en baissant les impôts de 30 %, ils ont augmenté les revenus de l'État, les revenus autonomes de l'État – c'est-à-dire donc provenant des impôts – de 9 %.

Pourquoi? Parce que, durant cette période-là, ils ont tellement créé d'emplois que, évidemment, les revenus de l'État ont crû. Et l'Ontario donc a réussi ce qu'on appelle la quadrature du cercle, c'est-à-dire que moins 30 % a égalé, dans les poches du gouvernement, plus 9 %. Je ne vous dirai pas, en plus de ça, M. le Président, qu'ils ont réussi à aller investir plus d'argent en santé et en éducation avec ces augmentations de revenus là.

Alors donc, je veux vous dire que l'Ontario, au niveau des baisses d'impôts, est un exemple à suivre, puisqu'ils ont réussi à créer de l'emploi d'une façon substantielle et supérieure à ce que nous avons réussi au Québec. Ce qui fait que, aujourd'hui, on se retrouve, au Québec, avec un taux de chômage de 8,3 %, par rapport à l'Ontario à 5,7 % ou même par rapport à l'ensemble canadien, 6,8 %. Si on avait maintenu un taux de chômage similaire à l'ensemble canadien, on aurait réussi à créer 75 000 emplois de plus, M. le Président. Et on sait que, quand on crée des emplois de plus, c'est ça qui crée de la croissance économique.


Niveau des investissements privés (suite)

Tantôt, le ministre des Finances parlait des investissements privés. Ce qu'il ne nous dit pas, c'est que, dans le moment, ce qu'on est en train de faire, c'est seulement de la récupération des investissements privés. Alors, j'aimerais donc qu'il m'explique pourquoi, si ça va si bien, on a réussi à attirer chez nous, au cours des dernières années, seulement 18 % de tous les investissements privés canadiens.

Alors, M. le Président, voilà pour mes premières questions au ministre des Finances.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, M. le député. Donc, ce n'est pas vos premières questions, c'est les dernières, puisque votre temps est maintenant écoulé, hein? Vos 10 minutes sont écoulées. M. le ministre des Finances.

M. Landry: Bon. C'est intéressant d'avoir des questions, mais l'analyse était, je le dis comme je le pense, lamentable, sauf certains moments de vérité qui semblent s'être frayé un chemin à l'encontre de la volonté du questionneur.

Quand il dit qu'on est en récupération, il a raison, pour les investissements. Ça, c'est le cri du coeur: il a raison. Mais récupération de quoi? Récupération de la période 1994-1989. Il n'était pas député libéral, mais il devait être militant libéral. Puis il a juste à en parler, il y a encore des députés du temps auprès de vous autres, là. Mon collègue le député de Laporte, il est encore là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Pas souvent.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 40)

M. Landry: Il est vrai, mais il y est assez souvent pour être un bon témoin. C'est vraiment le monde à l'envers. On vient nous reprocher que le Québec est entré tardivement dans la prospérité nord-américaine, ce qui est vrai, mais il est entré dans la vague à partir de 1994. Entre 1889, période d'un gouvernement très libéral, très fédéraliste, très provincialiste... les investissements ont diminué de 23 %. La prospérité était déjà là. Atlanta, Georgia, avait déjà 5 % de chômage dans le temps et non pas 3 % ou moins, comme aujourd'hui.

Comment expliquez-vous que ce fédéralisme de soumission, triomphant, avec tous les r voulus pour le mot «provincial» nous amène à 23 % de moins, de décroissance des investissements? Où est votre raisonnement, là? Le projet souverainiste déstabilise le Québec. Des fédéralistes à outrance... Le dernier premier ministre s'appelait Daniel Johnson, un homme estimable d'ailleurs, lui avait étudié à Harvard pour vrai. Il n'y était pas allé juste 15 jours, l'été.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Il était très fédéraliste, il avait dit: «I'm Canadian first and foremost.» Moins 23 % de croissance des investissements, donc décroissance. 1994 arrive. Québec, 60 % de croissance entre 1994 et 1999, 60 % de croissance des investissements non résidentiels du secteur privé; 1994 à 2000, plus 59,5 %, comparé à moins 23 %. Comment un député peut-il soutenir que la présence d'un gouvernement souverainiste nuit à l'économie du Québec, alors que c'était la catastrophe des investissements avant qu'on arrive puis que c'est le triomphe depuis qu'on est là?

Pourquoi je dis «le triomphe»? Parce que, dans le même temps, l'Ontario, 1994-1995, avait 46 %, l'Ontario dont vous nous parlez, là, et pour lequel il faut rattraper votre retard, le retard du Parti libéral. Le Canada avait 51 %, les États-Unis, 55,8 %, le Québec, 60 %. On est axé sur les États-Unis. Donc, on dépasse le Canada et on dépasse l'Ontario. C'est pour ça que j'ai de la difficulté à comprendre ça, que le député aurait expliqué à son fils ou à son petit-fils, ou sa fille ou sa petite-fille qui a 14 ans qui dirait: Comment ça se fait, grand-papa, que l'Irlande, un petit pays, est libre? Puis comment ça se fait que l'Équateur est membre des Nations unies puis... Puis, lui, il dirait: Parce qu'on est une province puis, quand les péquistes sont au pouvoir, l'investissement diminue. C'est absurde. Il faut qu'on se réveille à un moment donné puis qu'on regarde les choses en face.

Les Québécois et les Québécoises forment une nation. Même le journal La Presse à pleine page le dit. Est-ce que le député de Mont-Royal aura le courage de faire une assemblée dimanche prochain, à ville Mont-Royal, dans le sous-sol de l'église Saint-Joseph, puis dire à ses contribuables: Dear friends, mes chers amis, nous formons une nation, nous, les Québécois et les Québécoises, indépendamment de l'origine ethnique, ou de l'origine géographique, ou du lieu de naissance? Est-ce que le député aurait enfin le courage de faire ça, comme Alain Dubuc, éditorialiste de La Presse , a eu le courage de le faire dans un journal qui appartient pourtant à Power Corporation? Il faut que cette discussion absurde cesse. Il faut que ces instincts provincialistes, et réducteurs, et minimalistes soient balayés comme le seront les derniers blocs de glace qui dérivent sur le Saint-Laurent quand le printemps arrive.

Je vais le redire encore pas mal souvent, M. le Président, sans doute, mais, à chaque fois qu'il va nous provincialiser, à chaque fois qu'il va essayer de nous diminuer, à chaque fois qu'il va essayer de dire, contrairement à ce que disait Robert Bourassa, que nous ne sommes pas libres de choisir notre destin, il aura la même réponse.


Réduction des impôts (suite)

Quant aux impôts... Les revenus autonomes, c'est une autre affaire, ça. Engagez-vous un comptable. M. le Président, que le Parti libéral... Vous avez... On vous paie des recherchistes. Vous avez le droit d'engager des comptables là-dedans. Vous avez le droit d'engager des étudiants, étudiantes des Hautes Études commerciales, l'UQAM, excellente faculté dont je suis professeur agrégé encore aujourd'hui. Je vais vous suggérer des noms dans mes anciens étudiants, étudiantes, si vous voulez, pour vous expliquer une chose simple.

Quand les revenus autonomes du gouvernement du Québec augmentent, nul ne peut conclure que c'est parce que les impôts augmentent. Les revenus autonomes du gouvernement du Québec augmentent parce que la croissance économique fait augmenter les revenus et qu'il y a des facteurs qui font baisser les revenus autonomes du gouvernement du Québec dont nous sommes fiers. Et, au premier rang de ces facteurs, il y a la baisse d'impôts.

Les revenus augmentent par la croissance économique. Nous décidons de baisser les impôts; ça veut dire que nous-mêmes provoquons la baisse des revenus autonomes. Il y a d'autres facteurs qui peuvent faire baisser les revenus autonomes. Il y en a dans le budget de 2000-2001 pour 133 millions d'autres facteurs, il y a la réforme de l'impôt sur les sociétés qui nous fait aussi baisser nos revenus. Mais, si les revenus autonomes augmentent, je ne sais pas comment je pourrais le démontrer d'une façon plus claire, c'est tout simplement parce que l'économie est au rendez-vous et que la croissance économique a versé, dans nos coffres, de l'argent qui est le bienvenu et que nous n'avions pas prévu.

Il y a aussi d'autres impacts extrêmement négatifs sur le budget du gouvernement du Québec. Vous vous souvenez, l'an dernier, le budget fédéral 1999-2000 sur les transferts versés au Québec. Quand on a modifié le transfert social canadien, on a donné au Québec, pour la période 1999-2004, 950 millions de dollars. L'Ontario, dont le député a beaucoup parlé, a reçu 5 424 000 000 $ pour la même période. La population de l'Ontario, c'est autour de 10 millions puis celle du Québec, c'est autour de 7,5 millions. Le Québec reçoit 950 millions, c'est-à-dire cinq fois moins pour 1999-2000 à 2004.

Si on avait eu ce montant-là, on aurait baissé les impôts beaucoup plus vite. On les baisse, les impôts, le plus vite qu'on peut. On fait un excellent effort qui est approuvé par nos populations. Mais, quand il nous arrive des nouvelles comme celles qui sont arrivées dans le budget de l'an dernier, de recevoir à peu près 1 milliard alors que l'Ontario reçoit 5 milliards et que, avec ce 5 milliards, il va être en mesure probablement de baisser ses impôts davantage, bien là on ressort ce que disait Gérard D. Levesque en citant Wilson. Mais le député n'était pas là au début de la séance, mais je l'ai bien dit. Gérard D. Levesque citait Wilson. Wilson disait que ce n'était pas du fédéralisme, c'était du fédéralisme prédateur et dominateur.

Nos baisses d'impôts maintenant.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il vous reste une minute, M. le ministre.

M. Landry: Bon. Bien, nos baisses d'impôts, tout le monde sait qu'elles sont beaucoup plus élevées que celles d'Ottawa. On baisse plus de 71 % en 2000-2001, de 58 % en 2001-2002 puis de 66 % en 2002-2003. Même le député, qui fait le salaire des députés, il va... Bien, il a d'autres revenus, je ne veux pas entrer dans sa vie privée. Mais, s'il n'avait que son salaire de député, il mettrait 4 000 $ de plus dans sa poche net, net d'impôts en trois ans. Puis, s'il ne le veut pas, qu'il me le renvoie, je le mets dans la santé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de Mont-Royal, vérification faite, il vous restait 40 secondes. Avez-vous le temps de poser une seule question? Alors, sinon nous allons passer au député de La Prairie, qui nous a demandé la parole.

M. Geoffrion: Ça va?

Une voix: ...

M. Geoffrion: Ça va, M. le député?

(11 h 50)

M. Tranchemontagne: ...


Rôle de l'État dans la lutte contre la pauvreté

M. Geoffrion: Ça va. Merci, M. le Président. M. le ministre, tout à l'heure on a dit que les plus démunis sont mieux traités au Québec qu'en Ontario et évidemment probablement qu'aux États-Unis. J'aimerais parler justement des mesures de votre budget pour lutter contre la pauvreté.

On a fait une petite liste ici, il y en a pour plus de 530 millions au cours des trois prochaines années. Parmi ces mesures-là, parmi les gestes les plus significatifs, il y a l'indexation des prestataires à la sécurité du revenu. L'ajustement des prestations des assistés sociaux aptes au travail, donc, est un geste, je le rappelle, significatif. C'est 77 millions sur trois ans directement destinés à ces prestataires. Je vous donne quelques détails. Ainsi, les personnes qu'on nomme «sans contrainte sévère à l'emploi» recevront, dès le 1er juin prochain, des sommes supplémentaires par mois dépendant de leur situation familiale, soit un montant annuel de 96 $ à 180 $ par ménage. Ce montant vise à aider les prestataires à faire face à la hausse des prix notamment, estimée à 1,6 % au cours de la dernière année.

Parmi ces mesures, il y a également le partage du logement, l'abolition du partage du logement, une correction d'une décision prise en 1989. Donc, cette abolition de la réduction du 100 $ imposé en 1989 aux personnes, finalement, qui faisaient preuve de débrouillardise en partageant un logement. Donc, cette mesure-là est maintenant corrigée.

Il y a également un 160 millions qui a été reconduit par la reconduction du Fonds de lutte contre la pauvreté. Donc, 160 millions pour les trois prochaines années. Il y a également le crédit pour frais de garde d'enfants lors de la recherche d'un emploi, une mesure évaluée à 87 millions de dollars, toujours pour les trois prochaines années.

Donc, à ça s'ajoute – et ça, c'est nouveau – 84 millions de dollars pour les deux prochaines années, pour le programme qu'on appelle Solidarité jeunesse, un programme du ministre de la Solidarité sociale. Un programme extrêmement intéressant pour sortir les jeunes de 18 à 21 ans de l'aide sociale. Donc, ces jeunes qui, maintenant, sur une base volontaire, vont recevoir un parcours personnalisé par le biais de notre réseau des carrefours jeunesse-emploi. Donc, cette mesure vise plus de 10 500 jeunes au cours des deux prochaines années. Et on cible, évidemment, des jeunes qui sont issus de familles qui reçoivent également des prestations d'aide sociale. Donc, on veut briser, là, un cercle infernal. Ça, c'est pour les mesures aux personnes démunies.

Il y a également... Cette lutte à la pauvreté passe évidemment par ces mesures mais passe aussi par la création d'emplois. Il y en a eu plus de 80 000, emplois, qui ont été créés au cours de la dernière année, en 1999. Et, de ce nombre, il y a 41 000 personnes qui étaient des prestataires de la sécurité du revenu. Donc, c'est un résultat plus qu'intéressant.

J'aimerais vous parler, M. le ministre... Le député d'Outremont en a parlé dans son discours sur le budget il y a quelques jours, d'une façon, d'ailleurs, assez dure. Lui ne croit pas que la croissance économique, la création d'emplois aient un impact direct sur la lutte à la pauvreté. Et d'ailleurs il a déposé une motion de censure qui veut... finalement qui exprime sa désapprobation à l'égard du comportement – bon, il parle d'incurie – «dont témoigne le budget de notre État national en regard du mal social que constitue la pauvreté». Vous apprécierez, malgré cette motion de censure assez dure, que M. le député d'Outremont parle d'État national. Je pense que c'est un plus, hein, n'est-ce pas?

M. Landry: ...

M. Geoffrion: Donc...

M. Landry: J'espère que le député de Mont-Royal va dire la même chose à l'assemblée qu'il va faire à l'église Saint-Joseph du Vieux-Montréal dimanche prochain. Convoquer la population...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il n'y a pas eu question, donc, on va laisser le député poursuivre.

M. Geoffrion: Donc, malgré ce bon mot du député d'Outremont, il reste assez dur, là, sur les mesures que nous n'aurions pas prises pour lutter contre la pauvreté, et, je vous le répète, il souligne que la croissance économique, la création d'emplois n'ont pas d'impact réel sur la lutte à la pauvreté. Donc, M. le ministre, j'aimerais, sans partir de débat avec le député d'Outremont, vous entendre sur cette théorie qui m'apparaît fausse, mais enfin, c'est vous l'expert, là. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Landry: Bon. Mes commentaires, d'abord, sont d'un certain étonnement et très positifs pour une partie de ce qu'a dit le député de Mont-Royal. Vous l'avez cité au Journal des débats ...

Une voix: Outremont.

M. Landry: D'Outremont. Vous l'avez cité au Journal des débats .

Une voix: Tout à fait.

M. Landry: Par ailleurs, cet homme sympathique, député d'Outremont, vient de se mettre en rupture profonde avec le Parti libéral sur deux points. Le premier point, c'est qu'il reconnaît que le Québec est l'État national des Québécois et des Québécoises. J'aimerais savoir combien de députés libéraux sont prêts à faire la même déclaration. C'est clair, M. le Président?

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...

M. Landry: Alors, les députés, ceux qui sont ici, il y en a déjà quatre ici, dans vos commentaires, là, on a de longues heures à travailler ensemble, voudriez-vous nous dire juste une petite phrase, un obiter, comme disent les juges, que le Québec est l'État national des Québécois, comme l'a dit le député d'Outremont. J'aimerais entendre ça de la bouche de la député de la Beauce, qui est une formidable région de notre territoire national. J'aimerais entendre ça du député de Mont-Royal et j'aimerais qu'il aille le dire à ses électeurs et électrices.

Outremont, c'est immédiatement au sud de Mont-Royal. C'est séparé par un chemin de fer et relié par un viaduc. Ce qui est vrai au sud du chemin de fer, c'est-à-dire que le Québec forme un État national, est-il vrai au nord du chemin de fer? Je pense que c'est une bonne chose et que le député d'Outremont a rendu service à beaucoup de monde. D'ailleurs, toutes les études démontrent que les francophones d'Outremont votent massivement en faveur de la souveraineté du Québec et que les frères O'Leary dont je parlais en particulier venaient d'Outremont et beaucoup d'autres des gloires du mouvement souverainiste québécois venaient d'Outremont. Donc, première partie de l'intervention du député Étienne Laporte et député d'Outremont: intéressant.

Deuxième, qui va le mettre en rupture avec le Parti libéral aussi, il dit que la croissance n'est pas suffisante pour lutter convenablement contre la pauvreté. Il a raison, mais il vient de se démarquer du Parti libéral par ailleurs. Parce que c'est quoi, le libéralisme? Le libéralisme, c'est de dire: La croissance va régler les problèmes. Et, pour nous, qui sommes plus sociaux-démocrates, qui sommes plus à gauche... Si ces mots ont encore un sens par ailleurs parce que ça s'est beaucoup relativisé, là, la gauche, ce n'est plus ce que c'était, disons. La gauche, c'est Tony Blair, puis c'est Lionel Jospin, puis c'est Schröder, puis c'est Jordi Pujol...

Des voix: ...

M. Landry: ...oui. La gauche maintenant a intégré... Une autre chose que la Gazette a essayé de disséquer avec des acrobaties intellectuelles fabuleuses, c'est quand j'ai dit qu'on croyait à la main invisible. Alors, on a dit: Non. Si tu crois à la main invisible, tu ne peux pas croire en même temps à la main visible. La Gazette ne s'est pas ajustée au progressisme contemporain. Et pourtant Tony Blair, c'est ça qu'il fait. Il croit à la main invisible même si c'est un économiste écossais qui l'a décrite, parce que les Anglais reconnaissent que l'Écosse forme une nation, puis il croit en même temps que ceux qu'on a appelé les socialistes, ou les progressistes, ou les sociaux-démocrates doivent répartir la richesse.

Alors, de ce point de vue là, moi, je suis d'accord avec ce qu'a dit le député d'Outremont. Il faut, au-delà de la croissance, si on veut vraiment secourir les détresses, si on veut faire un peu d'égalité dans notre société quant aux chances de réussir, si on veut garder l'égalité devant la maladie, devant la vieillesse, dans toute la mesure où on peut le faire – la croissance économique ne suffira jamais – il faut un impôt sur le revenu répartiteur. Il faut des programmes sociaux. Il faut, comme on vient de le faire, ajuster les prestations sociales des plus démunis. Il faut régler la question du partage du logement, comme on le fait dans le présent budget. Il faut reconduire le Fonds de lutte contre la pauvreté, comme on l'a fait.

Cela dit, la réinsertion, quand on ne veut pas se réinsérer nulle part est une vaine incantation. À 14 % de chômage, tu as beau dire: On va réinsérer, réinsérer dans quoi? Réintégrer dans quoi? Là, on est à 8 %. Là, il y a de l'espoir. On peut dire à une personne assistée sociale qui a envie de travailler: Oui, venez vers le parcours individualisé à l'emploi puis vos chances sont bonnes, d'ici quelques semaines ou mois, d'avoir un emploi puis de retrouver la dignité du travail, puis de vous épanouir par le travail. À 14 %, ça restait un discours très déprimant, très difficile à soutenir avec crédibilité. Là, on peut le faire puis on va continuer à le faire.

Alors, le député de La Prairie me stimule à avoir une bonne conversation avec le député d'Outremont maintenant parce qu'il y a des convergences fondamentales entre lui et nous, et j'espère que ces convergences vont se poursuivre. C'est vrai que, à l'intérieur de la formation politique qui est en face de nous, il y a eu des divergences profondes même sur la présence physique du chef à tel ou tel lieu, à un moment donné, et qu'il y a d'autres divergences sur l'appui qu'on donne à Paul Martin ou qu'on ne donne pas à Paul Martin. Bon. Mais là ce que le député d'Outremont met en lumière, c'est des divergences beaucoup plus fondamentales, d'abord sur l'existence nationale du Québec, et le Parti libéral du Québec va devoir un jour prendre ses responsabilités, et les hommes et les femmes qui siègent en face de nous compris.

(12 heures)

Qui est le vrai fondateur du Parti libéral? Comment s'appelait-il? Je suis sûr qu'il y en a plusieurs dans le Parti libéral, dans leur députation, qui ne le savent pas. Je vais vous l'apprendre: il s'appelait Honoré Mercier. Comment s'appelait le Parti libéral au début? Il s'appelait le Parti national. Alors, Pierre Laporte faisait simplement renouer avec la grande tradition du fondateur du Parti libéral, Honoré Mercier, et ceux et celles qui n'en sont pas là, par rapport à leur fondateur, régressent, régressent. Normalement, il faut progresser.

Il y a une commission parlementaire que je n'ai pas suivie où un gars de l'Ouest est venu nous dire, un gars du Reform Party, en toute bonne foi, paraît-il d'ailleurs qu'il était plutôt sympathique – M. le Président, vous n'étiez pas à cette commission-là vous non plus – qu'il ne pouvait pas accepter que dans nos lois on parle de l'État du Québec. C'est bien ça qu'il a dit. Ah oui! Bien, ça, ça dénote bien où en sont les confusions de nos compatriotes du reste du Canada. Si les députés libéraux du Québec ne proclament pas haut et fort que le Québec est notre État national, bien on ne peut pas se surprendre qu'un brave parlementaire de l'Ouest, qui vient ici pour nous aider, soit dans la confusion.

Alors, le budget, de ce point de vue là, autant sur le plan économique que sur le plan politique et social, veut dissiper les confusions. Nous ne sommes pas des provincialistes, nous sommes en faveur de l'État national du Québec et nous voulons qu'il accède au concert des nations, et nous ne sommes pas des libéraux, nous sommes en faveur de l'intervention de l'État au-delà de la croissance pour répartir la richesse de façon plus équitable pour créer l'égalité des chances.

J'ai traduit dans le budget une phrase de Tony Blair qui, à mon avis, est une des grandes phrases pour les progressistes d'aujourd'hui – je ne parle pas du temps d'Émile Zola ou de Jean Jaurès, je parle d'aujourd'hui – Tony Blair, il a dit: Les socialistes se sont trompés en voulant égaliser le succès, mais les socialistes ne se sont pas trompés en voulant égaliser les chances de succès.

Alors, moi, je souscris à cette phrase et notre gouvernement souscrit à cette phrase. L'entreprise privée, le travail, les choix de vie, il y a des gens qui choisissent d'être milliardaires et qui y arrivent. Bravo! Puis il y a d'autres gens qui n'en ont rien à cirer parce qu'ils sont moins attachés aux biens matériels, ou qui aiment mieux le violoncelle, ou qui aiment mieux être champions de ski. Bravo aussi! Mais que chacun dans une société ait les chances de départ les plus égales possibles.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il reste quatre minutes au député de La Prairie.

M. Landry: Oui. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps, M. le Président, pour dire que ce que je viens de dire, ce n'est pas juste des vains mots?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Trente secondes.

M. Landry: Dans le taux de pauvreté, par exemple, le Québec se situe au troisième rang plus bas pour le taux de pauvreté au Canada, réalité dont nous pouvons être fiers. Qui se situe ailleurs? Bien, l'Ontario est au septième rang et puis Terre-Neuve est au dixième. C'est l'Alberta qui est au premier. Bah! ça, ce n'est pas surprenant. En Alberta, c'est la terre des déceptions. Tu creuses un trou pour avoir du pétrole, il sort du gaz. C'est épouvantable, ça. Alors, eux autres, ils sont au premier, mais, nous autres, on est au troisième. C'est ça une société qui répartit la richesse.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Terre de déceptions! M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Je voudrais juste rajouter effectivement que, en plus de se distinguer en parlant d'État national, le député d'Outremont, je pense bien, se préoccupe très sincèrement de la question de la pauvreté, que ce soit dans son comté comme sur l'île de Montréal, et, à ce titre-là, je voulais le souligner.

Mais je veux juste répéter une petite statistique que j'ai dite tout à l'heure. Quand on parle des 80 000 nouveaux emplois créés en 1999, il y a 41 000 – donc la moitié – de ces personnes-là qui étaient des prestataires de l'aide sociale, donc des personnes démunies, pas très riches, et l'autre partie, j'imagine, était ce qu'on appelle des nouveaux chômeurs de fraîche date, des gens qui ont perdu leur emploi au cours des dernières années. Donc, c'est un résultat, je pense, qui est à souligner. Donc, c'était juste pour repréciser, je pense que ce n'est pas une statistique mais un fait extrêmement intéressant et important dans ce débat-là. Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Alors, c'est à la députée de Marguerite-Bourgeoys et porte-parole de l'opposition officielle à poser la prochaine question.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, moi, j'ai entendu plusieurs questions, plusieurs réponses. Il est clair que, vis-à-vis de ce budget ou vis-à-vis de ce qui s'est passé au Québec, on doit se réjouir de ce qui est bon, et on s'en est réjoui d'ailleurs l'an dernier. Quand on a atteint le déficit zéro, tout le monde était content. Et d'ailleurs je n'ai pas hésité une seconde, à ce moment-là, à reconnaître les mérites qu'avait entrepris le ministre des Finances.

Par ailleurs, quand on se regarde dans le miroir, il ne faut pas simplement essayer d'éviter de regarder l'ensemble du portrait. Il ne faut pas voir seulement les défauts, mais, également, il faut essayer de voir non pas les faiblesses, mais les défis à relever et peut-être une façon de faire que nous faisons qui reflète une façon que je dirais que nous avons soutenue dans les années passées et qui, peut-être, ne reflète plus les défis que nous devons relever à l'avenir.

Le ministre des Finances citait mon collègue le député d'Outremont vis-à-vis de la pauvreté. Il n'y a personne dans cette Chambre qui croit que seule la croissance économique peut régler le problème de la pauvreté. Manifestement, dans la société, il y a des facteurs qui font qu'il y a des individus qui tombent à l'extérieur des périmètres normaux de fonctionnement, si bien que le système économique dans lequel on vit laisse parfois des gens dans des situations absolument inacceptables.

Par conséquent, de dire que seule la croissance économique peut régler le problème de la pauvreté, manifestement, ce n'est pas exact. M. le Président, par ailleurs, il est clair que la croissance économique peut beaucoup influencer le taux de pauvreté au Québec ou partout dans le monde, d'ailleurs, et c'est là un facteur qu'on ne peut pas sous-estimer.

D'ailleurs, ce que je trouvais intéressant du ministre des Finances, c'est que là, finalement, on a su qui était le grand conseiller pour lui dire comment arriver à donner une autre subvention à des groupes d'entreprises: c'était un ancien fonctionnaire qui avait été au fédéral. Ayant été une ancienne fonctionnaire qui a oeuvré au fédéral, je peux présumer que c'était quelqu'un de raisonnablement intelligent, sauf que c'était un ancien fonctionnaire. D'accord?

Ayant étudié en Angleterre durant les années soixante, moi, je me rappelle du temps d'Harold Wilson, quelqu'un, justement, qui croyait que, lui, à titre de premier ministre du gouvernement, il pouvait aller décider quelle entreprise, quel secteur de l'économie, quelle subvention donner, qui supporter, qui choisir. Et d'ailleurs j'étais très intéressée de voir dans le discours du budget le ministre des Finances qui mentionnait Adam Smith, la main invisible, cette main qui est censée choisir, n'est-ce pas, faire les choix automatiquement par intérêt.

Parce que, finalement, dans ce budget, il y a une montagne de mains visibles, et ce ne sont pas des mains visibles qui vont aux pauvres, ce sont des mains visibles qui vont à des entreprises, qui vont à des corporations, et il y en a beaucoup, il y a beaucoup de choix. Il y a le choix, M. le Président, au niveau de la zone de Mirabel, la Cité du multimédia. Le ministre des Finances avait déjà fait quelque chose à la Cité du multimédia. Bien, il renchérit, il en met encore. Donc, il y en a des dizaines, de propositions où on va cibler dans telle entreprise, dans tel périmètre, dans tel secteur et on va essayer de définir quels vont être les paramètres gagnants. Ça, ça ressemble également à ce que j'appelle du Harold Wilson.

(12 h 10)

D'ailleurs, le ministre des Finances nous dit que la souveraineté n'a pas d'impact. Je vais lui conseiller de lire le travail du professeur Suret qui parle de l'incertitude. Il ne fait que du travail sur l'incertitude, et je ne voudrais pas exagérer, mais il le fait toujours pour débattre justement de toutes les situations qui créent une incertitude politique et quels sont les coûts. Et je puis vous assurer que c'est là un travail intéressant et, je pense, enrichissant à lire.

D'ailleurs, M. le Président, je voudrais également réitérer les propos qui ont été tenus par ma collègue la députée de La Pinière au niveau du chef de l'opposition. Je pense que, quand le ministre des Finances sort du contexte les propos tenus par le chef de l'opposition, c'est là un geste disgracieux. Franchement, je trouve que ça manque de goût, puisque ce qu'a dit M. Charest, le chef de l'opposition, c'était qu'il y avait eu des bénéfices qui avaient été reçus par ces grandes entreprises qui venaient notamment du gouvernement fédéral.

Alors, de dire que ces entreprises ont été sauvées par le gouvernement fédéral et de faire un plat de tout ça... Je pense que le chef de l'opposition, mon chef, je puis vous assurer qu'il a défendu les intérêts du Québec bien avant aujourd'hui. Il a défendu les intérêts du Québec à travers toute sa carrière, et je puis vous dire que je trouve les propos du ministre des Finances pour le moins surprenants.


Réduction des impôts (suite)

Par ailleurs, je voudrais revenir sur des commentaires qu'il a tenus à l'endroit de mon collègue de Mont-Royal au niveau des recettes fiscales et des revenus autonomes, qui sont passés effectivement, de 1994 à 1999, de 29 milliards à 39 milliards de dollars. Et là le ministre des Finances a invoqué qu'on avait oublié la croissance économique. Il sait pertinemment que nous n'avons pas oublié la croissance économique, il sait pertinemment que je fais toujours très attention dans les calculs pour m'assurer de l'intégrité des chiffres que j'avance.

Et, quand j'ai avancé ce qui vient en appui à ce que mon collègue a dit, les revenus autonomes qui ont augmenté de façon importante suite à des hausses d'impôts importantes et répétées par ce gouvernement, j'ai bien fait attention d'enlever la croissance économique. Et, après avoir enlevé la croissance économique, il restait quand même un 9 milliards de dollars de plus qui était entré dans les coffres de l'État. Et, d'ailleurs, durant seulement la dernière année, c'est plusieurs milliards de dollars et donc j'ai estimé à peu près à 1 000 $ par payeur de taxes ce que les Québécois ont dû payer.

Mais également, M. le Président, j'ai reconnu que, ayant un déficit, il fallait faire quelque chose. On avait deux choix. Il fallait augmenter les recettes, couper les dépenses, il fallait faire ce choix-là. Mais il ne faudra pas dire que les chiffres que nous avançons et qu'a avancés mon collègue le député de Mont-Royal étaient erronés. Les chiffres sont les bons et je puis vous dire que je pense que le ministre des Finances devrait également sortir son crayon et sa calculatrice. Ça l'aiderait parce que, des fois, faire un effort nous-même avec une feuille de papier, ça ne nuit pas. C'est l'avantage d'être dans l'opposition, imaginez-vous donc qu'on fait ça périodiquement parce qu'on n'est pas équipé d'une kyrielle de spécialistes. On est obligés de sortir puis de faire nos propres calculs. Alors, je lui conseille fortement de faire ça.


Intervention de l'État dans l'économie

Ce que j'ai vu, moi, également dans ce budget qui n'était pas la main invisible mais la main visible, ce n'était pas à l'endroit des pauvres. Je pense que nous serions ici très heureux de venir en appui et de venir soulager la pauvreté. Ce dont on parle, c'est de l'accumulation de subventions de cette main qui va faire des choix, par opposition à des choix que les gens pourraient faire, pour distribuer des bénéfices, distribuer des façons pour des entreprises d'éviter de payer les impôts. On en avait l'an dernier, on en a enrichi là, y compris des entreprises qui vont avoir des investissements de 300 millions de dollars.

Alors, à titre de conclusion, M. le Président, puisque vous me rappelez à l'ordre, je voudrais lui dire, puisqu'il est allé en Irlande, je pense, il a donc visité l'Irlande, il a regardé l'Irlande. Le poids de l'État en Irlande est passé de 39 % du PIB à 29 %. Et l'Irlande a fait plusieurs choix. Il y a eu d'autres facteurs, l'appartenance à l'Union européenne, il y a eu également une jeunesse, des jeunes qui étaient très bien formés, qui avaient été à l'école et, par conséquent, ça a contribué à la richesse de l'Irlande. Mais, quand on voit au Québec que le poids de l'État est de plus de 50 %, je pense, M. le Président, que ça, ça représente un problème important.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre des Finances, vous avez 10 minutes en réplique.

M. Landry: Je vais vous faire un aveu stupéfiant: je n'ai jamais vu l'Irlande, alors qu'il y a une belle chanson de Gilles Vigneault Raconte-moi que tu as vu l'Irlande , et j'espère pouvoir le faire bientôt. Et la raison, c'est bien simple, c'est que mes nombreux déplacements, comme ministre d'État du développement économique ou comme dans mes présentes fonctions, m'ont amené vers des pays où on pouvait récolter de l'investissement ou du financement, ou être utile à leur développement dans le cas des pays du tiers-monde. Et, pour l'Irlande, bien, malheureusement et heureusement, ce n'est pas un pays du tiers-monde et ce n'était pas jusqu'à naguère un pays dont on pouvait attendre des investissements.

Par ailleurs, l'Irlande a beaucoup inspiré ma vie comme la vie de tous les gens qui, en République tchèque ou en Slovénie ou en Lettonie ou en Lituanie, croient que les peuples doivent être indépendants. Et l'Irlande d'ailleurs a dû faire l'indépendance dans le sang, ce qui est une chose absolument horrible, mais ils l'ont faite. Ils ont affronté la grande puissance impérialiste du temps, la Grande-Bretagne, dans toute sa gloire et ses colonies et sa «Royal Navy», et ils ont fait triompher qu'un peuple est un peuple et un peuple digne de ce nom doit être libre. Et, de ce point de vue là, l'Irlande a beaucoup influencé ma vie.

Maintenant qu'elle redevient très intéressante sur le plan économique, puisqu'elle est en souveraineté-partenariat – c'est ça, l'Europe, l'Irlande est en souveraineté-partenariat, l'Irlande est membre des Nations unies, l'Irlande est membre de l'UNESCO, l'Irlande est présente au concert des nations, il n'y a pas un Irlandais qui va décrire l'Irlande comme une province – bien, ça vaudrait peut-être la peine, si mes fonctionnaires m'avisent que j'ai un rôle réel à jouer pour l'économie du Québec, d'aller en Irlande. Et je promets que j'irai dès que ce sera dans l'intérêt public. Ce n'est pas encore un centre financier assez important, non. Oui, ça commence? Ah! peut-être qu'on pourrait aller à Dublin pour des raisons financières. Bien, à la suggestion du député de Mont-Royal, on met ça à l'agenda.

Le Président (M. Simard, Richelieu): De la députée de Marguerite-Bourgeoys.

M. Landry: De la députée de Marguerite-Bourgeoys, on met ça à l'agenda. Puisqu'elle me demande de parler de l'Irlande aussi – j'en ai parlé déjà antérieurement dans cette commission – il y a beaucoup de nos compatriotes qui sont d'origine irlandaise et qui ont joué au Québec un rôle déterminant et je dirais plus peut-être dans notre parti qu'au Parti libéral.

Une fois, il y a un journaliste de Toronto, vers 1973, qui a appelé à la permanence du Parti québécois, avenue du Parc, à Montréal, et il a dit: Je voudrais avoir tel renseignement. Alors, celle qui répondait à Montréal, c'était Mme Gracia O'Leary. Elle dit: Je ne peux pas vous donner le renseignement, il faut que vous appeliez à Québec, M. Robert Macquay, à notre permanence de Québec. Macquay, il dit: Je ne sais pas, il faut parler à Michael McAndrew. Et McAndrew a dit: Moi, je ne dirai rien tant que mon boss Robert Burns ne m'aura pas donné l'autorisation. Le gars à Toronto pensait qu'on se foutait de lui, et pourtant c'était vrai.

C'était un chapelet de Québécois et de Québécoises ayant des origines irlandaises qui étaient profondément implantés dans l'appareil politique du Parti québécois, ce qui n'est pas surprenant parce que c'est des gens épris, comme Québécois et comme Québécoises, d'indépendance.

Et j'espère que nos compatriotes d'origine écossaise vont... Et ça arrive de plus en plus, les Québécois et Québécoises d'origine écossaise n'étaient pas réputés pour comprendre particulièrement bien le désir de souveraineté du Québec, mais, avec la montée du nationalisme écossais, avec la montée du Scottish National Party, les Écossais vivant au Québec, maintenant, souvent me font signe – ce qui n'était jamais presque arrivé, sauf des exceptions rarissimes – qu'ils comprennent beaucoup mieux la question québécoise.

(12 h 20)

Alors, pour revenir à des questions plus financières et économiques, les États modernes doivent intervenir, qu'ils soient souverains ou ne le soient pas. Les États-Unis d'Amérique, patrie du libéralisme, laissent leurs États – et j'ai peur qu'ils s'en réjouissent secrètement – intervenir beaucoup dans le développement économique. Souvent, un investisseur potentiel à Montréal me dit: Le Wisconsin m'offre plus ou le Colorado m'offre plus. Je ne veux pas dire que j'ai nommé les plus interventionnistes, mais il y a des États américains extrêmement portés sur le soutien aux investissements, et on est en concurrence contre eux.

Personnellement, je crois que les pouvoirs publics transnationaux, comme l'Organisation mondiale du commerce et d'autres, devront de plus en plus réguler cette surenchère de subventions – ça, je suis d'accord – mais, tant que ce n'est pas fait, il faut jouer à fond le jeu de cette concurrence. C'est pour ça, la mesure du budget, en particulier pour les projets majeurs d'investissement, d'exemption fiscale de 10 ans. On se fait faire ça par des États américains, on se fait faire ça par d'autres États occidentaux, et c'est contre eux qu'on est en concurrence.

Souvent, quand on fait une conférence de presse pour annoncer un projet au Québec, à Montréal ou ailleurs, un journaliste ou une journaliste dit: Bien, pourquoi vous êtes venus ici? Et, des fois, c'est même dit sur le ton agressif. Un journaliste anglophone dit: Pourquoi vous êtes venus ici, ils veulent se séparer, instabilité politique, etc.? Et la réponse généralement, c'est de dire... Ils sont habiles maintenant, les investisseurs, ils vont dire: Bon, nous autres, on est dans l'aluminium, on n'est pas dans la politique, premièrement; deuxièmement, ajouter un pays à la liste des pays où nous faisons affaires, ça nous convient parfaitement; mais, troisièmement ou quatrièmement, après avoir nommé l'excellence de la main-d'oeuvre québécoise, ils vont dire: Le programme du gouvernement du Québec X a emporté le morceau. C'est parce qu'Investissement-Québec nous a fait une offre globale qu'aucun autre pays du monde ne nous faisait.

On va continuer à faire ça tant que ça sera permis par les ententes internationales, parce qu'on les respecte aussi. On ne fait jamais d'interventions qui pourraient nous valoir une plainte à l'Organisation mondiale du commerce, nous faire traîner dans des panels. C'est pour ça que, dans la Cité du multimédia par exemple, on intervient fortement. Cela est vrai. C'est un succès extraordinaire: il y a 7 000 emplois en 15 mois, alors que le programme est de 10 000 en 10 ans. Mais nous ne faisons rien là, malgré notre intervention lourde, qui soit en contravention avec les traités internationaux parce qu'on est dans le tertiaire puis on est dans le service. Alors, tant qu'on est dans le tertiaire puis qu'on est dans le service, que ça peut s'assimiler à la formation de la main-d'oeuvre, ça passe.

Si on fabriquait des carburateurs en aluminium dans la Cité du multimédia, ça serait une autre affaire, parce qu'une telle incitation ne serait pas admise par les pays où on voudrait exporter des produits finis. Dans l'aluminium, on a une intervention dans le budget, là, la vallée de l'aluminium, mais nous avons calculé cette intervention pour qu'elle soit de minimis, c'est-à-dire qu'elle soit compatible avec la législation internationale. Donner un crédit d'impôt de 40 % pour la formation durant la première année d'embauche, ça s'assimile au devoir d'un État de former sa main-d'oeuvre, mais, si on le faisait d'une façon durable comme dans la Cité du multimédia, ça s'assimilerait à des subventions déloyales, et l'exportation du produit pourrait en être compromise, M. le Président. J'ai fini.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Est-ce que vous... Oui, vous aviez épuisé votre temps, je m'en excuse. J'invite donc le député de Duplessis à prendre la parole.

Une voix: Il reste 5 minutes, M. le Président. Est-ce que vous êtes sûr que...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ah oui! L'ordre de la Chambre étant très précis, nous allons poursuivre. M. le député de Duplessis, à vous.


Mesures touchant la région de la Côte-Nord

M. Duguay: Alors, merci, M. le Président. Bon. On sait que, dans le budget, ça répond quand même aux souhaits de la population québécoise. Permettez-moi peut-être d'en relater quelques-uns. La baisse des impôts est de l'ordre de 4,5 milliards, pleine indexation, l'investissement de 2,7 milliards dans le domaine de la santé et des services sociaux, assurer l'éducation et favoriser l'initiative chez les jeunes, faire du Québec une société branchée, favoriser la création et l'essor des PME québécoises, susciter 5 milliards de dollars d'investissements pour la création de 16 000 emplois, 310 millions de dollars pour le développement des régions et le soutien accru au développement culturel, puis, finalement, mettons un 430 millions de dollars pour les municipalités.

Alors, M. le ministre, il y a une peut-être une petite particularité que j'aimerais citer à ce moment-ci, compte tenu de ma provenance de la grande région de la Côte-Nord. Vous savez qu'on est quand même une région productrice et on est une région où il existe, je dirais, toutes les particularités à travers le Québec. Quand on parle de la région Côte-Nord, plus souvent qu'autrement, on associe ça aux grandes municipalités de Baie-Comeau et Sept-Îles. Cependant, c'est une très petite partie de la région Côte-Nord. On a des secteurs qui se situent sur la Basse-Côte-Nord, on a aussi le Grand Nord du Québec, tout le secteur de Caniapiscau.

Alors, dans le domaine bien sûr des industries qui sont implantées chez nous, nous avons le domaine forestier, le domaine minier, le domaine de l'hydroélectricité, le domaine des pêches, et aussi vous avez parlé tout à l'heure un peu de la vallée de l'aluminium. Et on sait que, par le budget, comme je l'ai cité tout à l'heure, l'ensemble des citoyens du Québec, on en retrouve des avantages.

Cependant, pour la région que je représente, il y avait une particularité sur laquelle bien sûr j'ai été interpellé, et vous avez aussi indiqué que, pour le secteur de la Côte-Nord, on pouvait aussi profiter de certains avantages, notamment le 50 millions pour favoriser la diversification de l'économie, et aussi le nouveau programme qui est de l'ordre de 80 % pour le démarrage des entreprises, et aussi possiblement 18,7 millions pour la formation dans le domaine de forestier.

Cependant, on sait qu'il y avait des bons projets qui étaient sur la table. Et j'aimerais peut-être, M. le ministre, à ce stade-ci, vous demander: Est-ce que c'est possible, durant le prochain exercice, d'avoir une attention particulière pour cette belle grande région qui souffre d'infrastructures... notamment dans le domaine routier? Parce qu'on sait que, sur un territoire de 380 km à peu près, il n'y a aucun réseau routier. Puis je ne parle pas des îles, là, je parle du réseau nord-côtier où, à partir de Natashquan à Blanc-Sablon, les communautés qui sont là sont sur des territoires complètement isolés.

Alors, c'est un peu pour sécuriser la population que je représente. Et je sais que le gouvernement a toujours démontré une attention très particulière aussi pour ce beau coin de pays. Cependant, comme on sait que le budget a été quand même très révélateur aussi pour beaucoup de régions qui ont été identifiées, alors, pour ma région, c'est bien sûr qu'on aimerait avoir une attention particulière aussi de votre part.

M. Landry: Il me reste un peu de temps, oui?

Une voix: Deux minutes.

M. Landry: Ce n'est pas beaucoup pour traiter d'une question aussi sérieuse. On y reviendra durant la commission. Mais j'ai de bonnes réponses pour le député de Duplessis et je veux lui dire aussi que le dossier n'est pas clos. Les gens du Saguenay–Lac-Saint-Jean, depuis plusieurs années, avaient mûri ce projet, et on l'a appuyé. Je sais que la Gaspésie actuellement mûrit un projet pour deuxième et troisième transformations des produits de la mer. Si on le fait, on le fera pour tout le territoire maritime, y inclus la Côte-Nord, bien entendu. Et la Côte-Nord pourrait nous présenter des projets spécifiques, spécialisés et qui auraient un appui du même genre. Alors, on est ouvert à de la discussion. Et, entre-temps, bien, toutes les mesures s'appliquant aux régions, dont le député a fait état, s'appliquent à la Côte-Nord, bien entendu.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous avez encore 30 secondes, M. le ministre.

(12 h 30)

M. Landry: Bon. Bien, disons un grand projet créant 300 emplois, qui serait dans le domaine du fer ou qui serait dans un autre domaine, qui a besoin d'un port où des 250 000 tonnes peuvent se mouvoir allègrement, comme c'est le cas de la baie de Sept-Îles, bien il profiterait de ça. Dix ans d'abolition de toute fiscalité québécoise, c'est énorme, c'est plus que ce que vont avoir les petits projets de l'aluminium au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Eh bien, ceci met fin à nos travaux pour ce matin. Nous retrouverons après les travaux réguliers cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Simard, Richelieu): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons, conformément à l'ordre de la Chambre émis à 15 h 16, à reprendre nos travaux maintenant que nous avons quorum. Et j'invite maintenant – maintenant qu'il est et vingt et une – le député de Duplessis à poursuivre. Il lui restait six minutes à poursuivre ses travaux.


Aide aux secteurs des pâtes et papiers et de la pêche

M. Duguay: Alors, merci, M. le Président. Bon. Comme on a pu voir ce matin, on a fait un tour d'horizon assez rapide sur les bienfaits du budget. Et j'avais signifié également certaines contraintes que j'avais par rapport à la région.

Il y a un élément aussi qui est important, et j'aimerais peut-être entendre le ministre sur ce volet-là. Quand on parle de l'aide à l'industrie de la forêt, on précise qu'il y a 100 millions d'octroyés à INNO-PAP pour soutenir le développement de l'industrie des pâtes et papiers. Alors, comme on sait qu'on a un secteur, nous aussi, qui est touché par les contraintes – on a une usine de pâtes et papiers – j'aimerais m'assurer que, dans ce 100 millions là, on puisse également être accessible.

Il y aurait peut-être une dernière question. Quand on regarde également tout ce qui est prévu dans le secteur des pêches, on parle de bonifier la politique maritime du Québec. Alors, comme on le sait, il y a une particularité. Il y a ce qu'on appelle la flotte de bateaux, qui est excessivement vieille en Basse-Côte-Nord. Et, de par ce fait-là, les pêcheurs ont une contrainte de rencontrer toute la problématique au niveau des pêches. Parce qu'on sait que ce milieu-là, il y a des gros vents, il y a des grosses vagues et leur flotte de bateaux est excessivement vieille. Donc, ils ne peuvent pas faire la pêche qu'ils sont capables de faire. Donc, c'est ce qu'on appelle des pauvres petits pêcheurs de la Basse-Côte. Parce qu'on a quand même deux milieux qui sont différents. Alors, il y avait cette question-là qui serait à clarifier.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Bon. Je sais que vous avez d'autres questions, mais, M. le ministre, pouvez-vous répondre maintenant?

M. Landry: Oui. Alors, pour pâtes et papiers, on a une cinquantaine d'usines au Québec. On pense qu'il y en a une demi-douzaine qui peuvent avoir des problèmes de procédé, de technologie, qui peuvent être en péril et qui peuvent être importantes pour une ville ou une région. C'est surtout pour ça qu'on a fait ce programme-là. On pense qu'avec 100 millions on peut induire 800 millions d'investissement. Il y a des cas clairs. Disons Chandler, c'est clair. Il y en a quelques autres. Et il y en a un dans votre région qui attire l'attention. C'est bien connu. On n'a pas eu de demande. Mais c'est sûr que ça sera disponible pour le cas que vous avez en tête si les analyses démontrent que c'est ça qu'il faut faire.

Pour la pêche, bien, justement on a une politique maritime qui est bien appréciée par l'industrie. Ça fait trois budgets ou quatre qu'on l'a mise en vigueur. Puis là on lui donne une extension en ce sens qu'on diminue la taille des navires admissibles, pensant précisément aux embarcations de pêche. Et il y a des chantiers en Gaspésie. Il y a des chantiers dans votre région aussi. Il y a des chantiers qui pourront construire à l'aide de la politique maritime, donc donner un meilleur service à la clientèle éventuelle, les pêcheurs.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Duguay: Merci, ça complète, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Alors, je me tourne du côté de l'opposition et de sa porte-parole, ou est-ce qu'il y a un autre député qui veut intervenir? Mme la députée de Beauce-Sud, nous vous écoutons.


Développement économique des régions (suite)

Mme Leblanc: Merci. Alors, M. le Président, j'aurais probablement, peut-être, quelques petites informations supplémentaires à obtenir du ministre dans le domaine du développement régional. Alors, on voit que, dans son budget, le ministre annonce 310 millions de dollars pour le développement des régions. Et il y en a un petit peu partout. Il y en a particulièrement à Saint-Hyacinthe, Nicolet, l'Abitibi-Témiscamingue, Sorel, Tracy, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Aylmer. Alors, on voit que certaines régions sont mieux traitées que d'autres. Je pense que la question du chef de l'opposition officielle aujourd'hui faisait référence justement à ce qu'il y a certaines régions qui sont favorisées par rapport à d'autres qui, pourtant, auraient besoin aussi d'un coup de main.

Je fais référence aussi aux 50 millions de dollars que l'on retrouve au niveau de la diversification du développement des régions. Et, à ce moment-là, le ministre a ciblé 12 régions – si je peux le retrouver là. Là-dedans, c'est sûr qu'il y avait la région Chaudière-Appalaches. Et je me demandais à ce moment-là, sur le 50 millions pour les 12 régions, comment il entendait répartir cette somme-là. Est-ce que le ministre va prendre 50 millions? Est-ce qu'il va le diviser par 12 et va à ce moment-là attribuer 4 millions par région? Est-ce qu'il se base sur un indice comme ça par région ou il va plutôt utiliser per capita? Comment il va s'y prendre?

Parce que, de la façon dont je peux comprendre ce document, il semblerait que les 12 régions en question, ça serait des régions mieux nanties que les autres. Je peux les nommer: il y a le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay–Lac-Saint-Jean qui font aussi partie du 50 millions, la Mauricie, l'Estrie, l'Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord, le Nord-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Lanaudière, Laurentides, Montérégie, Centre-du-Québec. Alors, eux ont 50 millions à se partager, et certaines régions à l'intérieur de ça, comme l'Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, eux, vont avoir des crédits supplémentaires dans toutes sortes d'autres programmes pour les aider. Alors, sur quelle base – ça, c'est ma question n° 1 – il va s'y prendre pour diviser le 50 millions?

On se rend compte aussi que Québec et Montréal, eux, vont avoir des budgets distincts, ne sont pas compris dans les 12 régions en question. La métropole et la capitale auront 12 millions et 15 millions chacune, mais répartis sur trois ans, c'est-à-dire 5 millions par année pour Québec et 3 millions par année pour Montréal. Pourquoi trois ans dans leur cas? Pourquoi un an seulement pour les autres régions du Québec?

(15 h 30)

On a dit tantôt, il me semble, en avant-midi... Ça, c'est ma deuxième question: Pourquoi trois ans pour ces régions-là, capitale et métropole, et pourquoi un an seulement dans le programme de diversification économique des autres régions? Pourquoi aussi ce matin on a pris la peine de mentionner que la région de Montréal connaissait un boom économique épouvantable qu'on n'avait pas vu depuis 1947, un taux de création d'emplois extraordinaire à Montréal? Alors, c'est beau, c'est réjouissant, c'est des nouvelles intéressantes.

Sauf que je me questionne, à ce moment-là, à savoir: Pourquoi le ministre à ce moment-là accorde des crédits de 1,1 million aux neuf CLD de la région de Montréal et Laval, qu'il considère comme moins favorisés. C'est quoi, être «moins favorisés», quand on connaît un boom économique qu'on n'a pas vu au cours des 50 dernières années? Qu'est-ce que le ministre veut dire par là? Pourquoi on est favorisé d'une façon puis on est défavorisé d'une autre? Sur quel critère il se base pour attribuer les crédits différemment, dépendamment si vous...

De quoi il parle? On parle toujours de développement économique, sauf qu'on parle de CLD, cette fois-là, moins favorisés. Pourquoi ils étaient moins favorisés? Est-ce que c'est parce qu'ils avaient moins d'argent que les autres? Comment il peut justifier que ces gens sont moins favorisés par rapport, par exemple, à la région de Chaudière-Appalaches? C'est dommage que le député de Bellechasse ne soit pas ici, mais je suis certaine que, dans la région de Bellechasse, qui est aussi dans la région Chaudière-Appalaches, dans la même que la mienne, il y a des problèmes, là aussi.

J'entendais le premier ministre tout à l'heure, à la période de questions, répondre au chef de l'opposition officielle à l'effet que toutes les régions du Québec avaient le droit de se développer et que le gouvernement mettait des sommes à leur disposition.

Alors, sur la base de quelle équité, vous faites, M. le ministre, des... j'appelle ça un peu de saupoudrage ici et là, dépendamment des problèmes un petit peu pointus ici et là et que d'autres régions, elles, c'est absolument rien? Chaudière-Appalaches fait partie de ces régions-là. Donc, c'est absolument rien. C'est 50 millions, divisé par 12, je ne sais pas. C'est les questions que je me pose et j'attends maintenant des réponses.

M. Landry: D'abord, la philosophie générale, là: on n'ira nulle part si on veut baser notre politique de développement économique et nos politiques d'intervention sur la jalousie interrégionale. Ça, c'est trop facile. Comment ça se fait que t'as donné à celui-là, je ne l'ai pas eu? Ça, c'est une façon destructrice d'entrevoir le développement économique.

Le gouvernement est chargé de s'occuper de toutes les régions avec les bons moyens et suivant les situations appropriées. Actuellement, il y a une région qui est en détresse beaucoup plus que toutes les autres, c'est la Gaspésie. Alors, on fait des efforts très particuliers pour la Gaspésie. Il y a des fonds spéciaux. Il y a une cinquantaine de millions au cours des 12 derniers mois et la mobilisation d'un très grand nombre d'autres programmes gouvernementaux en faveur de la Gaspésie: c'est une urgence nationale.

Au cours des dernières années, en termes de haute technologie, nous avions favorisé les pôles les plus prometteurs, les plus importants, c'est-à-dire Québec, capitale nationale, Montréal, bien entendu, Gatineau, Hull et Sherbrooke. C'était normal, c'était la logique. C'est là qu'il y avait déjà les plus grosses concentrations de haute technologie, et on allait dans le sens de la plus grande pente.

Mais, comme on a pensé que ce serait injuste pour les régions de ne pas faire, même en haute technologie, des efforts comparables, on a imaginé un système, qui s'appelle le carrefour de la nouvelle économie, qui est l'équivalent, en région, de ce qu'il y a dans la Cité du multimédia à Montréal. D'ailleurs, il y en a un en Beauce qui fonctionne tellement bien qu'il est plein. J'y suis allé il y a quelques mois seulement pour l'annoncer. Il est plein, on nous demande une extension. Je suis tout à fait porté à la donner aussi. Il ne faut pas donner une extension dans tout le Québec, je vais donner une extension là parce qu'elle est méritée, parce qu'il y a une demande, parce que c'est ultradynamique.

En d'autres termes, on essaie de ne pas faire de politiques mur à mur puis on essaie d'ajuster nos interventions. En Abitibi, il y avait des problèmes particuliers concernant l'exploration minière, on fait trois programmes spécifiques pour l'Abitibi. Il y a eu une tendance au mur-à-mur pendant longtemps, et certaines politiques doivent être mur à mur. Mais cibler un lieu, un endroit, lui donner une vocation particulière pour en attendre des synergies, des gains de productivité à cause de la proximité des services centraux que les entreprises peuvent utiliser – par exemple, c'est la philosophie de la Cité du multimédia et aussi de la vallée de l'aluminium, et aussi, dans un contexte beaucoup plus capitaliste et concurrentiel, Silicon Valley – concentrer en un lieu des activités qui se ressemblent pour en sortir des synergies, c'est une stratégie qui a fait ses preuves et qui a bien marché. Alors, on a l'intention de la continuer, mais, en même temps, on a le devoir de maintenir notre présence et nos efforts dans toutes les régions.

Alors, pour les fonds spécifiques, là, les régions admissibles sont celles qui ne disposent pas actuellement de fonds spécifiques de diversification – c'est ça, l'explication – les autres les ont déjà. Comment ça va être réparti? Bien, ça se fait en fonction de divers critères, j'imagine: importance-population, importance-région et implication du milieu, parce que ces fonds-là, c'est le milieu qui s'en sert et, autant que je sache, ils les avancent et ils reviennent. Alors, il se développe une permanence dans ces fonds parce qu'il y a même une rentabilité d'attachée à ces fonds.

Alors là je le dis sous toutes réserves, il faudrait que je demande une note à mon collègue le ministre des Régions pour voir quelle est la directive spécifique qu'il va émettre sur la répartition des fonds. Mais, grossièrement expliqué, là, et sous réserve d'avoir plus de détails, c'est ce que je vous réponds pour l'instant.

Quant aux autres mesures du budget pour les régions, il y en a des masses, il y en a pour tout le monde. Il n'y a aucune région et aucun projet qui ne peuvent pas trouver, dans ce qu'on a annoncé et dans ce qui était déjà en place... Je l'ai dit: On étale la limite de l'appareil d'intervention gouvernemental pour une société comme la nôtre; plus, ça serait trop. Il y avait un chaînon manquant pour les petites entreprises de moins de 1 million.

Pour le reste, juste dans le budget de cette année, là, les programmes pour l'Abitibi, je les ai dit, pour les mines. Congé fiscal de 10 ans accordé pour tous les projets majeurs d'investissement, bien, ça, ça touche toutes les régions, et généralement les grands projets, 300 millions et plus, ça ne se fait pas au centre-ville de Montréal, en termes d'investissements manufacturiers. On peut avoir des immeubles à bureaux, mais ça, ce n'est pas ouvert évidemment à ce genre de programme. Garantie de prêts pour les PME, je l'ai dit. Modernisation de pâtes et papiers, bien, on en a parlé il y a une seconde, là, il y a une demi-douzaine d'usines dans autant de régions à peu près qui vont être touchées.

Ressources naturelles va continuer ses efforts de formation de la main-d'oeuvre et de création d'emplois en forêt, ça va être forcément en région. Les SEPAQ, c'est forcément en région. Le câble et la fibre optique pour les régions qui ne sont pas encore équipées, c'est forcément en région. La prolongation de l'amortissement accéléré à 125 % pour les projets industriels, c'est également en région. Infrastructures, bien, ça va être réparti sur l'ensemble du territoire: 290 millions, 175 millions pour les équipements municipaux seulement – ça, c'est le programme spécifique d'Infrastructures-Québec, sans compter le programme tripartite.

Alors, en d'autres termes, nous avons une bonne couverture de base, et puis nous développons des spécialités régionales, parce que nos expériences jusqu'à maintenant ont bien fonctionné et on entend continuer dans cette veine.

Disons, pour l'aluminium, là, la vallée de l'aluminium, c'est vrai qu'il y a plusieurs régions qui produisent de l'aluminium, mais il n'y en a aucune qui combine autant d'éléments structurants que le Saguenay– Lac-Saint-Jean: d'abord en tonnage, mais ça, c'est l'aspect industriel des choses, mais l'aspect recherche et développement, l'aspect dynamisme du milieu. Je n'ai rien à dire contre la Côte-Nord, mais je sais très bien de quelles assiduités nous avons été l'objet de la part de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, depuis deux ans en particulier, pour favoriser la transformation.

Est-ce que ça veut dire qu'un bon projet à Sept-Îles va être exclu? Au contraire. S'il y avait un projet majeur de développement, disons, d'Alouette à Sept-Îles, d'abord il pourrait tout de suite s'inscrire dans les projets de développement de 300 millions et plus, ce qui est peu probable au Saguenay–Lac-Saint-Jean, on vient d'en avoir un de plus de 300 millions, 1,2 milliard. Mais, si Alouette dit: On met 500 millions, ils sont exemptés d'impôts de toutes sortes et de taxes, y compris les contributions au fonds social, pour 10 ans. Alcan n'a pas eu ça, là, Alcan n'est exemptée de rien du tout. Alors là je parle pour le député qui va parler à sa région. Mais il faut faire bien attention de voir quelles sont les armes que vous avez en main, qui parfois sont plus puissantes que celles que le Saguenay peut avoir dans le cas de votre problématique particulière, qui est l'expansion de la capacité primaire.

Si, à l'occasion d'un programme d'expansion de la capacité primaire, disons Alouette, les négociations nous amènent à forcer pour l'adjonction d'un projet secondaire, bien là vous allez profiter du programme d'exemption de taxes, qui va déterminer l'investissement primaire et le secondaire. C'est une question de stratégie. Alors, nous aurons des approches différenciées les plus intelligentes possible. Jusqu'à maintenant, ça a très bien été à Montréal puis très bien été partout en région.

Mme Leblanc: M. le ministre, je prends note que, pour ce qui est du premier volet de ma question sur la redistribution du 50 millions de dollars, vous allez nous fournir une note probablement demain, je suppose.

M. Landry: Ce que je vous réponds de façon certaine, c'est que les régions qui l'ont, là, c'est parce qu'elles ne l'avaient pas avant; donc les autres l'avaient déjà. Et, pour la répartition, on devrait pouvoir agir plus vite que ça, hein? Jean est là? Jean Bissonnette? On va essayer d'aller plus vite que demain, hein?

(15 h 40)

Mme Leblanc: O.K. Alors, je prends note que la réponse va venir...

M. Landry: Ça doit se répondre dans deux phrases, ça.

Une voix: Est-ce que quelqu'un pourrait téléphoner aux Régions?

Une voix: ...

Mme Leblanc: ...au moment de l'étude du budget. Par contre, ma deuxième question...

M. Landry: Quelqu'un téléphone aux Régions?

Mme Leblanc: ...le deuxième volet de ma question, c'était: Pourquoi Québec, Montréal, trois ans, puis pourquoi l'autre volet du programme de diversification, c'est un an?

M. Landry: Bien, à mon avis, c'est parce qu'il sera constitué. Il n'y a rien. Puis c'est une grosse somme d'argent. C'est 50 millions.

Une voix: Puis qu'ils peuvent dépenser...

Mme Leblanc: Oui, oui, mais sur 12 régions, là. On ne parle pas de Québec, Montréal.

M. Landry: Oui, mais ils ne vont pas dépenser ça la première semaine, là. C'est sur des projets de diversification. Alors, ça peut s'étendre sur plus qu'un exercice. On va voir.

Mme Leblanc: Alors, le 50 millions que vous avez annoncé pour les 12 régions, ça peut s'étendre sur plus qu'un an?

M. Landry: On va voir.

Mme Leblanc: Ça ne veut pas dire que le 50 millions va être remis, mais il pourrait être réparti sur plusieurs années s'il n'est pas utilisé. C'est ça que vous nous dites?

M. Landry: Bien, si une région ne l'a pas dépensé...

Mme Leblanc: O.K. Maintenant, Montréal, Laval, ce n'est pas la question de créer de la jalousie entre les régions...

M. Landry: Ah! je suis content de vous...

Mme Leblanc: ...c'est la question d'avoir des réponses. Pourquoi, à un moment donné, on dit qu'ils sont favorisés puis, à d'autres moments donnés, ils sont moins favorisés. Est-ce que ces CLD là avaient, au départ, eu moins d'argent que les autres au moment où on les a créés?

M. Landry: Le problème, c'est qu'il y a des régions... à l'intérieur de régions relativement favorisées, il y a des sous-régions qui restent défavorisées. Alors, l'est de Montréal, là, ce n'est pas tout à fait la même chose que ville Saint-Laurent, et le centre-sud et la Petite-Bourgogne, ce n'est pas tout à fait la même chose que le parc industriel de Laval. Alors, il y a des CLD qui étaient plus en difficulté à l'intérieur de régions qui, par ailleurs, elles, ne vont pas si mal.

Mme Leblanc: Ça répond à ma question. Il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, oui, oui. Je vais vérifier, là, mais... Il vous reste trois minutes, Mme la députée.


Mesures relatives à la formation de la main-d'oeuvre

Mme Leblanc: On va essayer de faire ça vite. Je veux revenir au niveau des fameux crédits d'impôt qui s'en vont dans la nouvelle économie du savoir, principalement à la Cité du multimédia, CNE, CNNTQ, CDTI, etc.

M. Landry: Je vois que vous avez bien appris vos programmes. C'était très édifiant.

Mme Leblanc: Ça représente une somme de 349 millions de dollars par année pour le fisc québécois. Et, si on regarde, si on fait un parallèle, par exemple, avec Emploi-Québec, on sait que la main-d'oeuvre qui travaille dans la nouvelle économie du savoir, c'est une main-d'oeuvre qui est compétente, c'est une main-d'oeuvre qui est bien formée et qui trouve facilement à se placer, alors qu'il y a plusieurs Québécois et Québécoises, Beaucerons ou Beauceronnes, qui attendent toujours après Emploi-Québec pour obtenir la formation dont ils auraient besoin pour réintégrer le marché du travail.

Or, dans votre budget, on remarque qu'il y a 349 millions, là, qui étaient déjà accordés. Il y a d'autres crédits qui viennent de s'ajouter, dont le fameux congé fiscal pour 10 ans pour les investissements majeurs de 300 millions. Alors, ça, ça vient rajouter par dessus le 349 millions. Dans le projet de loi n° 3, qu'on a adopté au mois de décembre dernier, moi, j'en ai compté pour 215 millions de dollars. Ils ne sont pas tous sur un an, là, mais pour 215 millions de cadeaux, là, qu'on fait aux corporations.

Alors, quand on fait le parallèle avec Emploi-Québec, on ne retrouve rien, dans le budget, pour cette clientèle-là qui ne demande qu'à se réintégrer sur le marché du travail mais qui a pourtant besoin de la formation. Pourquoi avoir choisi d'oublier Emploi-Québec dans votre budget?

M. Landry: D'abord, parce qu'ils ne manquent pas d'argent. Si j'ai bien compris, ils ont géré ça de façon serrée, ils ont rétabli des mesures administratives de rodage. Ça n'a pas pris tellement de temps, hein. Au bout d'un an, tout le monde avait fait ce qu'il avait à faire et c'est rentré dans l'ordre. J'ai même lu dans les journaux des nouvelles de crédits périmés. Alors, quand le chômage baisse, bien, la détresse devient moins grande et les besoins sont en moindre croissance, surtout que, dans tous ces grands projets industriels là, on peut rajouter des projets de formation, Emploi-Québec ou autres.

Notre philosophie pour le multimédia, dont vous avez parlé, c'est la formation au travail. Ce n'est pas Emploi-Québec qui fait la formation parce que la formation, dans le multimédia, ça se fait en travaillant. Généralement, ils viennent de toutes sortes d'horizons. Il y a des étudiants des beaux-arts, il y en a de Polytechnique, il y en a de toutes les sortes. Et la seule façon d'apprendre, c'est d'être embauché par Ubi Soft, par exemple, par n'importe quelle entreprise du multimédia, et d'y débuter activement sa carrière. C'est là que les grands spécialistes se forment.

Alors, même si on avait des programmes de formation à l'extérieur, ça ne pourrait pas, du moins au stade final, donner le résultat que les entreprises attendent. Alors, ce qu'on fait dans le multimédia, vous pouvez considérer ça largement comme faisant partie de la formation.

Mme Leblanc: Parce que, vous savez, vous dites que, lorsque le taux de chômage est plus bas, il y a moins de détresse. Mais ça, c'est très relatif parce que, au contraire, pour le peu de gens qui ne réussissent pas à réintégrer, la détresse devient souvent plus grande parce qu'ils se posent la question: Pourquoi, moi, je reste sur les bancs, alors que mon voisin, lui, a été capable d'accéder au marché du travail? C'est souvent par une formation par Emploi-Québec, puis on a vu tous les déboires cette année, le nombre de gens qui n'ont pas pu, finalement, obtenir la formation pour réintégrer le marché du travail, alors que la croissance économique est là. Il y a des gens qu'on a privés de ces ressources-là.

Chez nous, à un moment donné, on a dû faire – comme partout ailleurs au Québec – une épuration du nombre de demandes. On n'a accepté, finalement, que les personnes qui recevaient des prestations d'assurance emploi et qui étaient en début de prestation, pour être capables de finir la formation payée sur la portion du budget qui nous arrive d'Ottawa. Mais il reste qu'on a empêché, quand même... pas qu'on a empêché, mais, en tout cas, on n'a pas permis à certaines personnes qui auraient eu besoin de cette formation-là d'accéder...

Le Président (M. Duguay): Je vous remercie, Mme la députée, c'est tout le temps que vous aviez.

Mme Leblanc: Vous me laissez compléter. Le ministre pourra sûrement avoir une réponse à m'indiquer. Pourquoi avoir choisi, finalement, d'ignorer complètement Emploi-Québec? Est-ce que c'est parce qu'on va être capable, dans l'année qui va suivre, de donner la formation à tous ceux qui en auront besoin, à tous ceux qui se présenteront chez Emploi-Québec, ils pourront obtenir la formation?

M. Landry: C'est ce que je comprends. Il y a beaucoup moins de décrochage scolaire qu'avant. Il y a beaucoup moins besoin de formation spécifique en dehors du milieu du travail parce que les employeurs embauchent. Il y a même un problème qui se pose dans votre région, m'a-t-on dit – ça fait deux, trois observateurs qui m'en parlent, je n'irai pas vérifier scientifiquement – mais il y a des employeurs qui poussent tellement fort qu'ils sortent les étudiants, étudiantes des écoles un peu vite. Alors, c'est le problème à rebours, ça, et ça commence à se poser dans un certain nombre de régions du Québec. Alors, la pression est moins forte sur des interventions gouvernementales, le privé est tellement agressif qu'il les sort des écoles avant qu'ils aient fini leur diplôme. Ce qui, à mon avis, n'est pas une bonne chose.

Mme Leblanc: On est tout à fait d'accord avec vous, M. le ministre, mais il reste que le problème n'est pas là, je veux dire, le problème est chez les personnes qui ne sont ni à l'école ni en formation qui en ont besoin, de cette formation-là.

M. Landry: Je vous suis sur cette question, sauf qu'Emploi-Québec semble avoir les moyens qu'il lui faut pour s'acquitter de sa tâche. Alors, moi, mon rôle de ministre des Finances, ce n'est pas de dire aux divers ministères: Comment? Vous n'avez pas dépensé plus? Je les enjoins de dépenser judicieusement. Il y a assez de la Santé qui augmente automatiquement, on n'est pas pour pousser les autres dans la même voie quand l'économie s'améliore.

Le Président (M. Duguay): Merci.

Mme Leblanc: Merci. Je n'ai plus de temps.

Le Président (M. Duguay): Est-ce qu'on doit comprendre... Oui, M. le député de La Peltrie.


Concentration géographique de certaines activités

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. M. le ministre, l'an passé, dans votre budget 1999-2000, vous aviez aussi annoncé des mesures favorables particulièrement à l'innovation technologique et à l'économie du savoir et la création du Centre national des nouvelles technologies de Québec. Alors, vous apportiez aussi des mesures pour aider les entreprises qui s'installeraient dans ces centres-là. Ici à Québec, vous aviez déterminé un périmètre où devraient s'installer ces nouvelles entreprises qui pouvaient aider à revitaliser le centre-ville de Québec, puis je crois que ça apporte des résultats.

Bon. Cette année, même si le budget est beaucoup axé sur les personnes, vous avez encore de nombreuses mesures d'aide aux entreprises, que ce soit avec l'exemption fiscale de 10 ans pour les grandes entreprises, bonification de l'enveloppe du programme FAIRE, vous avez l'amélioration du programme Garantie-PME, et, si je comprends bien, ça s'applique dans n'importe quel secteur d'activité et aussi partout au Québec, pas nécessairement d'endroit déterminé. Bien, c'est sûr que, là où le taux de chômage est plus élevé puis que ça demande plus de développement puis d'aide, bien, je pense que c'est tout à fait normal que ça ne soit pas égal partout, ça. Ça, je comprends ça.

Est-ce que, dans les nouvelles mesures de cette année, dans certains secteurs, les entreprises vont être encore tenues de venir s'installer dans les centres déterminés, comme on l'avait fait pour les CNNTQ ici, à Québec?

(15 h 50)

M. Landry: La seule exception, c'est vallée de l'aluminium cette année. Toutes nos autres politiques qui visaient à créer des synergies, Cité du multimédia, CDTI, CNE, sont en vigueur depuis déjà depuis quelques budgets, et, dans le budget de cette année, la dimension géographique et synergique ne s'applique qu'à la vallée de l'aluminium. Alors, pour les autres, toutes les mesures s'appliquent partout. Ah! sauf qu'il y a deux exceptions: la vallée de l'aluminium puis il y a Angus. À Angus à Montréal, où, là, on est dans un quartier d'une ville prospère mais qui est un quartier convalescent, un quartier en difficulté, qui est le quartier de Rosemont, qui est en train de se rebâtir après avoir eu des heures de gloire à l'époque des grandes industries lourdes du chemin de fer. Angus s'est refait d'une façon admirable, ils ont besoin d'un coup de pouce, alors on l'a fait pour Angus.

Mais ça me permet de revenir un peu sur ces choix que nous avons faits de provoquer des synergies géographiques, et en particulier sur ce qui se passe dans le quartier Saint-Roch. C'est proprement stupéfiant. Les hasards de la vie, il y a quelques mois, m'ont mis en contact avec des gens que j'ai rencontrés à l'extérieur du Québec, mais des gens de Québec, qui m'ont dit être ravis de nos politiques, qui trouvaient qu'on travaillait bien.

Pourquoi? Bien, nous sommes, m'ont dit ces personnes, installées dans le quartier Saint-Roch comme commerçants, puis on voit ce qui se passe, on voit la transformation d'un quartier qui incarnait la misère. C'est dur à dire, là, mais c'était comme ça. C'était presque le monument physique du misérabilisme, et là c'est de plus en plus la nouvelle technologie. Le CDTI, ça a commencé dans l'ancien édifice du Soleil , on l'a rempli, il est en train d'être doublé: toutes sortes d'autres entreprises de haute technologie, à cause des mesures du budget de l'an dernier, qui s'installent là.

Alors, on voit que le volontarisme politique intelligent, la volonté politique d'agir peut changer et transformer les choses et on peut le voir visuellement. Alors, j'invite les députés qui sont à Québec toute la semaine, même s'ils ne sont pas de Québec, ils ont le temps d'aller faire une petite balade dans le quartier Saint-Roch. Les gens qui sont d'ici, bien, j'imagine que c'est déjà fait et que ça s'impose. Moi, j'y vais régulièrement. Je suis ébloui par ce qui se passe là, autant j'étais attristé de voir le délabrement des lieux il y a pas plus tard que deux ans.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Depuis à peine quelques années.

M. Landry: Une fois, j'avais été – je ne sais plus – faire quelque emplette insignifiante, il me manquait quelque chose, au mail Saint-Roch, mais j'avais l'impression d'être dans les catacombes et puis ça sentait la misère, alors que c'est un lieu de commerces et de boutiques. Bien là ce n'est plus ça. De toute façon, on a même fait sauter cette espèce de toit artificiel qui créait l'impression de catacombes. Donc, je me dis que, quand c'est indiqué, l'action géographique synergique compte, puis le développement fera le reste.

M. Côté (La Peltrie): J'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous en prie, M. le député, vous avez le temps.


Aide aux secteurs des pâtes et papiers et de la pêche (suite)

M. Côté (La Peltrie): J'ai un autre élément. Bon. Dans le présent budget, on annonce 310 millions de développement des régions, là encore, selon les besoins bien entendu. Mais, moi, je sais particulièrement qu'une subvention de 100 millions sera accordée à Innovation-Papier, un organisme qui a pour but de favoriser la modernisation de l'industrie des pâtes et papiers. Après ça, bien, c'est sûr que ça, ça va préserver les emplois bien entendu.

Moi, j'aimerais qu'on fournisse un peu plus d'arguments à l'effet que les compagnies de papier, en tout cas, moi, c'est... je ne me souviens pas d'avoir vu qu'ils ont des déficits. On voit toujours des bénéfices puis des surplus assez impressionnants, même s'il y en a qui parfois vont vers la fermeture comme on voit la Gaspésia, bon, et je pense qu'il y a bien des raisons qui font que – je n'entre pas dans le dossier, je ne le connais pas assez – il y a bien d'autres raisons que les profits, je pense, qui font que cette usine-là est fermée. Je pense qu'il y a d'autres raisons.

Alors, comment ça se fait que ces entreprises-là qui font de gros bénéfices, on soit obligés, après un certain temps, parce qu'il y a eu peut-être une certaine négligence pour renouveler leur équipement ou l'améliorer, l'équipement, ou le moderniser, si vous voulez, avec les nouvelles technologies qu'on connaît aujourd'hui, qu'on soit obligés de les aider encore davantage avec des aides qui sont quand même assez importantes. Et puis, lorsqu'on arrive avec la modernisation de l'équipement dans des industries de cette nature, règle générale, on se ramasse toujours avec moins d'emplois après, par rapport aux nouvelles technologies présentement. Puis là on dit que c'est pour préserver des emplois dans plusieurs régions du Québec. J'aimerais avoir un peu plus de détails, M. le ministre, sur l'objet de ce budget.

M. Landry: Nous nous sommes posé toutes ces questions et c'est vraiment les questions qu'il faut se poser avant d'entreprendre un programme comme celui-là. Et, si ce n'était de la protection de l'emploi en région, il n'y aurait pas de tels programmes. Mais voici comment ça se passe. D'abord, je l'ai dit, on a une cinquantaine d'usines au Québec. Il y en a à peu près 45 qui ont été modernisées, où ce qui avait à être fait a été fait, et qui tournent et qui font des profits et qui sont capables de réinvestir, et qui réinvestissent d'ailleurs. L'Institut des pâtes et papiers a investi des milliards et des milliards au cours des dernières années.

Parenthèse pour répondre à la question de la démission d'emplois. Souvent, c'est vrai. Un gain de productivité et de modernisation fait baisser les emplois, mais le choix qu'on a c'est: un peu moins d'emplois ou pas d'emploi du tout. Parce que le non-modernisé, il s'effondre totalement. Alors, on perd tout. Alors, pourquoi est-ce qu'on est obligé d'intervenir dans une demi-douzaine de cas?

Parce que le patron capitaliste, rentable, qui fait de l'argent: Moi, je suis obligé de faire face à la concurrence, de garder mes unités les plus rentables ouvertes et celles avec lesquelles je fais de l'argent, et celles-là, je fais un X dessus, fini, terminé. Puis, en stricte logique économique, il a raison. Si je le force, sans aide, à sortir de la logique économique, je peux le menacer dans sa rentabilité partout puis aller le frapper dans un endroit où il avait bien investi, parce que c'est un bilan consolidé puis des états consolidés.

Alors, au nom et uniquement au nom des régions et au nom des villes concernées – le député de Duplessis me comprend, puis les députés de Gaspésie me comprennent, le député de Trois-Rivières me comprend puis un certain nombre – on fait une politique qui n'est pas à sa face même strictement économique, mais c'est ça ou on perd tout. Si on perd tout, ça va coûter plus cher parce que là on va tomber dans l'aide sociale puis on va tomber dans la fracture sociale puis tous les problèmes qui vont avec. Gaspésia, par exemple, c'est un incident, c'est plus qu'un incident, c'est une tragédie si on ne réussit pas à régler, mais je pense qu'on va réussir à régler, notamment à cause de ce programme. On a trois bons prospects, mais, quand on a des bons prospects, quand l'usine est délabrée et qu'il faut la refaire, même si tu as des bons prospects, tu es mieux d'avoir des bons programmes pour aider les bons prospects. Alors, c'est ça, la logique, tout simplement.

M. Côté (La Peltrie): Est-ce que c'est un programme semblable à ce qui avait déjà été mis de l'avant, là, peut-être début des années quatre-vingt, avec M. Bérubé, dans le temps que M. Bérubé était ministre...

M. Landry: C'est ça, mais sur une beaucoup moindre échelle et puis c'est plus pour sauver des régions. L'autre fois, c'était pour sauver l'industrie. C'était le Programme d'accélération de la vitesse des machines. C'est parce que les machines, à l'époque où elles avaient été conçues, les ingénieurs disposaient de procédés de mesures un peu moins précis qu'aujourd'hui, alors ils disaient: Trop fort ne casse pas. Puis ils surdimensionnaient les machines. On s'est aperçu que ces machines surdimensionnées et très fortes auraient pu accueillir des moteurs qui les font tourner beaucoup plus vite sans les menacer. Alors, on s'est servi de cette espèce de réserve mécanique pour faire le Programme d'accélération des machines. Et ça avait joué pas juste dans les régions défavorisées, ça avait joué un peu partout, parce que notre industrie était menacée à l'échelle continentale.

(16 heures)

Ça, c'est réglé, la plupart des branches de notre industrie sont très efficaces, très prospères. Sans faire de jaloux, Donohue, qui vient de passer à l'empire Consol, c'est une perle, un joyau. On peut largement dire la même chose de Tembec. Mais il peut y avoir un accident, à celui-là, puis on ne veut pas qu'il se produise pour des questions de déploiement de l'activité économique sur l'ensemble du territoire.

M. Côté (La Peltrie): Est-ce que ce genre de support ou d'aide à ces entreprises-là – je n'aime pas tellement comparer avec ailleurs, là, mais, des fois, on aime bien savoir ce qui se passe ailleurs aussi – existe également soit ailleurs au Canada ou aux États-Unis dans les entreprises de cette nature? S'il y a de l'aide qui se fait pour la modernisation, est-ce que les gouvernements apportent de l'aide aussi à la modernisation de leurs entreprises?

M. Landry: Sous une forme ou sous une autre.

M. Côté (La Peltrie): Oui, ça dépend comment c'est...

M. Landry: Ce n'est pas toujours des programmes comme ça. Mais, je vous l'ai dit, la plupart des États aujourd'hui, même dans les régions les plus libérales du monde ou des États-Unis, trouvent le moyen de venir en aide, quand il faut venir en aide, pour éviter des tragédies sociales ou régionales.

M. Côté (La Peltrie): O.K. Merci.

M. Landry: Et tout ça doit se confiner à un certain niveau d'intervention, parce que, si on intervient trop brutalement, on va se faire traîner devant les panels de l'Organisation mondiale du commerce pour concurrence déloyale et subvention de produits exportés. Les pâtes et papiers, inutile de dire que c'est exporté à hauteur de 95 %. C'est pour ça que nos interventions doivent être calibrées de façon telle à être ce qu'on appelle de minimis, c'est-à-dire que, sur le nombre de tonnes produites pendant 15 ans, ça ne paraîtra plus. On avait ce petit coup de pouce initial.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Mont-Royal, vous avez une question, je crois.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Une ou des questions.


Incidence des différentes options politiques sur l'économie (suite)

M. Tranchemontagne: Oui, c'est ça. Ce matin, on parlait d'investissements privés, puis j'aimerais y revenir. Au niveau des investissements privés, je vous disais ce matin que le Québec a attiré seulement 18 % des investissements privés du Canada depuis que vous êtes au pouvoir. Et vous m'avez répondu à votre façon et, moi, je vais vous redire ce que je pense. C'est que, si on regarde la période précédente, la période où c'étaient les libéraux qui étaient au pouvoir, nous avions à ce moment-là attiré – et ce n'était pas assez, je vais l'admettre tout de suite – 21 % de tous les investissements privés au Canada. Sous le règne péquiste, avant le règne des libéraux, ça avait été de 17,7 %, et le règne libéral avant ça – là, on est rendu dans les années soixante, soixante-dix – ça avait été également de 21 %.

Alors, ce que je veux vous dire, M. le ministre, c'est que je crois sincèrement que, quand les péquistes sont au pouvoir, on attire beaucoup moins d'investissements privés que quand c'est les libéraux qui sont au pouvoir. Et ce n'est pas à cause de rien, c'est à cause de l'option que vous désirez prendre et de séparer ce pays en deux.

On a parlé de chômage aussi, ce matin, et j'aimerais revenir au Sommet économique qui avait eu lieu il y a quelques années, il y a trois ans, exactement. Et, au moment du Sommet, le rapport entre le chômage au Québec et le chômage canadien était de 1,21. Autrement dit, au Québec, il était 21 % plus élevé qu'il ne l'était au Canada. Et le but du Sommet économique, vous vous souviendrez, c'était de créer de l'emploi et au moins d'atteindre le même niveau de création d'emplois que dans le reste du Canada. Eh bien, voilà que, si vous regardez les taux de chômage présentement, notre 8 % passé et le 6,8 % canadien, vous vous rendez compte que le rapport qui était autrefois de 1,21 au moment du Sommet socioéconomique est maintenant monté à 1,22 points, donc le rapport du chômage au Québec sur le chômage canadien, digne performance économique, M. le ministre.

Je voulais vous parler aussi de l'emploi sous les libéraux. Vous avez dit qu'on n'avait créé aucun emploi sous les libéraux, et c'est vrai, et je l'admets. Mais, par contre, ce que vous avez omis de dire, c'est que, pendant que le Québec ne créait pas d'emplois sous le règne libéral, l'Ontario perdait 81 000 emplois, alors que, depuis que vous êtes au pouvoir, vous avez créé 5,4 % de croissance d'emplois, alors que l'Ontario, contrairement au règne libéral, a crû beaucoup plus rapidement que nous, c'est-à-dire de 8,8 %.


Réduction des impôts (suite)

Finalement, M. le ministre, je vais arrêter de regarder l'histoire puis je vais regarder vers l'avenir puis je vais vous parler de la non-indexation. Selon moi, c'est malheureux et c'est même une honte que vous n'ayez pas accepté de faire comme toutes les autres provinces, de faire comme les États-Unis et de faire comme le Canada maintenant, c'est-à-dire d'indexer les tables d'impôts. Ça, ça veut dire, M. le ministre, que vous avez pu vous gonfler de 250 millions par année, au moins, d'accroissement qui est dû à la non-indexation.

Si je le cumulais comme vous avez cumulé votre 4,5 milliards de réductions d'impôts, ça veut dire 1,5 milliard sur le 4,5 ou, si on le fait sur ma base à moi, ça veut dire 750 millions de dollars – qui nous étaient dus de toute façon à cause de la non-indexation – sur le 2 milliards de baisses d'impôts. D'ailleurs, je rappelle au ministre que je ne suis pas le seul à penser comme ça, puisque son ami M. Claude Picher, qu'il respecte et que je respecte également, a même dit qu'il aurait été beaucoup plus respectueux pour la population du Québec si le ministre avait peut-être accepté de nous démontrer des baisses d'impôts moins grandes, mais, à ce moment-là, accepté de réinstaurer l'indexation.

Finalement, M. le ministre, j'aimerais vous rappeler que vous aviez promis – en Chambre, je crois – de baisser les impôts de 50 % de l'activité économique qui serait créée, et vous n'avez atteint que 15 % de l'activité économique ou de l'accroissement économique qui a été dirigé vers les baisses d'impôts, et, à mon point de vue, c'est inacceptable et c'est un non-respect des engagements que vous aviez pris.


Augmentation des emprunts

Dans un autre ordre d'idées – vous en voulez, des questions, vous allez en avoir – je voudrais vous parler d'emprunts, je voudrais vous parler de la création de Financement-Québec. J'aimerais savoir pourquoi vous avez décidé de créer Financement-Québec, alors qu'autrefois les organismes de santé ou différents organismes empruntaient auprès du Fonds de financement. J'aimerais savoir c'est quoi, le raisonnement en arrière de ça, pour essayer de comprendre et de vous suivre.

Deuxième question au niveau des emprunts. Quand on regarde votre cahier du plan budgétaire, on se rend compte que vous avez – si je trouve la page, je vais vous le dire – emprunté 13 700 000 000 $ au cours de l'année 1999 et vous avez effectué des remboursements de 9 626 000 000 $. Donc, ça veut dire que les emprunts ont augmenté et la dette a donc augmenté de 4,1 milliards, en chiffres ronds. Ça, évidemment, j'admets que ça inclut le FARR, c'est-à-dire le Fonds d'amortissement du Régime des rentes. Mais, si on l'exclut, à ce moment-là, on demeure quand même avec un accroissement des emprunts au cours de l'année 1999, et qui dit accroissement des emprunts dit accroissement de la dette. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi on accroît la dette, alors qu'on devrait normalement au moins, sans baisser la dette, faire tous les efforts pour ne pas emprunter plus.


Taux de rendement de la Caisse de dépôt et placement

Finalement, au niveau du FARR lui-même, du Fonds d'amortissement du Régime des rentes, j'aimerais vous poser une question, puisque, au début de l'année, on avait dans le fonds accumulé 2 209 000 000 $, et, dans votre rapport toujours, votre plan budgétaire, vous faites rapport de revenus de placements de 214 millions. 214 millions, ça représente un retour de 9,7 % sur l'investissement. Comme on sait que c'est la Caisse qui administre le FARR, j'ai de la difficulté à comprendre comment on accepte 9,7 %, alors que, ce matin, on regardait les résultats exceptionnels que la Caisse nous a donnés au cours de la dernière année. Alors, j'aimerais donc que vous répondiez à cette question-là. On va arrêter là pour le moment.

M. Landry: Commençons tout de suite par les taux de rendement, là. Ce n'est pas le vrai taux de rendement que vous voyez là, c'est un taux de rendement obtenu par évaluation actuarielle – mais, si le taux de rendement réel est plus élevé, il va être réajusté plus tard – parce que personne ne pouvait prévoir, parmi les actuaires, les brillants taux de rendement de la Caisse de dépôt ou, simplement, le brio de l'économie nord-américaine au cours des dernières années, qui a rapporté des montants aux investisseurs beaucoup plus élevés que les actuaires ne le pensaient. Alors, en pratique, ça ne change rien.

(16 h 10)

M. Tranchemontagne: Alors, vous dites que c'est un taux projeté, ni plus ni moins. C'est ça? Estimé?

M. Landry: C'est un taux projeté par les actuaires.

M. Tranchemontagne: O.K. Ça serait intéressant, par contre, que le livre le dise que c'est un taux estimé, projeté.

M. Landry: Il va le dire l'an prochain.

M. Tranchemontagne: Mais c'est parce qu'on est toujours un an en retard, à ce moment-là.

M. Landry: Bien...

M. Tranchemontagne: Quand je regarde le 214 millions, moi, je ne sais pas ce que vous dites, là.

M. Landry: C'est parce qu'on ne peut pas prévoir l'avenir avec un tel degré de précision. Surtout ce que vous m'avez dit, là, du rendement brillant de la Caisse de dépôt, je vous remercie de me donner l'occasion d'en parler. J'en aurais sans doute parlé de toute façon à un moment ou l'autre à l'Assemblée nationale; 16,5 %, c'est vraiment extraordinaire. Ils se sont comportés comme des vedettes dans leur catégorie professionnelle. Ils sont dans les meilleurs de notre continent et, s'ils peuvent le faire, je vous ferai remarquer, M. le Président, que c'est parce qu'on a changé la loi. On a changé la loi pour leur permettre d'accéder, comme leurs confrères, aux actions. Et là, bon, on récolte. On récolte les fruits de nos efforts.


Incidence des différentes options politiques sur l'économie (suite)

Revenons maintenant au rapport – je vais essayer d'en parler le plus calmement possible – entre la souveraineté, notre option... D'abord, vous avez parlé de séparer. Je sais que c'est un mot que vous aimez. Dans votre publicité, au dernier référendum, vous parliez de «sépanoration», vous aviez inventé un nouveau mot. Je vous ferai remarquer que ceux qui parlent de séparer, à Ottawa, Jean Chrétien par exemple, il était contre le libre-échange, lui. C'est des protectionnistes, nationalistes, traditionnels. Il voulait déchirer le traité, il avait promis ça avant l'élection, alors que, nous, nous sommes des militants de la libre circulation des biens et des services, des personnes et des capitaux.

Vous pourrez appeler ça «séparatistes» un million de fois, vous ne changerez pas mes convictions profondes que les rapports entre les peuples modernes, aujourd'hui, ceux qui sont assez fiers pour admettre qu'ils en sont et qui proclament qu'ils le sont, ça se fait à travers la libre circulation des biens, des services, des personnes, des capitaux, ce que nous préconisons depuis le grand René Lévesque. Son ouvrage de base s'appelait Souveraineté-association .

Alors, «séparation», c'est un mot commode inventé par des esprits souvent obtus et qui ont des calendriers partisans, mais ça ne correspond pas à la réalité de l'option politique et de la philosophie socioéconomique que je défends depuis que je m'occupe de politique. J'ai toujours été un libre-échangiste, même avant les autres: c'est moi qui ai écrit le livre. Quand j'en ai parlé pour la première fois, même Robert Bourassa, qui s'est vite mis d'accord, était contre. Il m'a dit que j'avais tort puis il a essayé de me convaincre que j'avais tort. Mais, avec le temps, les événements et quelques efforts de ma part ont convaincu Bourassa qu'il fallait faire ça. Convaincre Jean Chrétien d'une chose aussi évidente, ça s'est avéré impossible. Il est devenu libre-échangiste quand ça a été fait puis il a essayé de s'en attribuer les mérites.

Alors, parlez de séparation tant que vous voudrez, ce n'est pas ça, puis les gens ont très bien compris. Au dernier référendum, on a eu 60 % des voix francophones malgré vos épouvantails de «sépanoration». Même Paul Martin, un homme que j'estime, avait dit qu'on perdrait 1 million d'emplois. Vous vous souvenez, M. le Président? Il l'a regretté d'ailleurs puis il se l'est fait reprocher, et tout ça. Une erreur est vite arrivée.

Alors, il n'y a rien dans les statistiques qui soutient votre prétention que, quand les souverainistes sont au pouvoir, l'économie va moins bien. Au contraire, et je vais essayer de vous le démontrer pour la énième fois et avec de très longues séries de statistiques. Je ne prendrai pas juste les derniers mois, mais je vais prendre les dernières années d'abord. Je vais remonter beaucoup plus loin que ça, je vais remonter aux années cinquante.

Mais on va commencer par 1989-1994, pour la croissance des investissements non résidentiels du secteur privé. C'est bien de ceux-là qu'on veut parler. Qui était au pouvoir de 1989 à 1994? Et est-ce qu'il s'agissait de souverainistes ou de fédéralistes? Est-ce que M. Daniel Johnson était ministre de l'Industrie et du Commerce ou ne l'était pas? Est-ce que M. Gérald Tremblay le fut ou ne le fut pas? Et est-ce que Robert Bourassa était premier ministre ou non?

De 1989 à 1994, les investissements ont baissé au Québec. Ça a été une croissance négative. De 1989 à 1994, il y a eu moins 23 %. En 1994, qui devient premier ministre du Québec? Jacques Parizeau, souverainiste connu, avoué, et qui le proclamait et qui a d'ailleurs failli gagner un référendum, on a eu pratiquement 50 % des voix. Peut-être qu'on les a eues, si on tient compte des magouilles et des gestes douteux qui ont été posés par le gouvernement central dans les dernières semaines qui ont précédé le référendum. 60,4 %! Moins 23 % sous les libéraux.

Entre 1994 et 1999, 60,4 % de progression. L'Ontario est à 46 %, le Canada est à 51 %. Est-ce qu'il y avait des souverainistes au gouvernement de l'Ontario? Est-ce qu'il y en avait au Canada? On est au taux des États-Unis. Cinq ans d'affilée, de 1994 à 1999, c'est une bonne période. Comme de 1989 à 1994, c'est une bonne période pour se faire une idée. Dans la première, ça baisse de 23 %, puis, dans la deuxième, ça monte de 60 %. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

M. Tranchemontagne: M. le ministre, vous parlez judicieusement de progression, mais de la progression, c'est du rattrapage.

M. Landry: Oui.

M. Tranchemontagne: Moi, ce dont je vous parle, c'est de pourcentages absolus du Québec sur l'ensemble canadien.

M. Landry: Je vais vous en parler moi aussi.

M. Tranchemontagne: Et je vous parle de la période complète du règne libéral, c'est-à-dire de 1986 à 1994...

M. Landry: Je vais aller plus loin que ça.

M. Tranchemontagne: ...et de votre règne complet, c'est-à-dire de 1995 à 2000. C'est de ça que je vous parle.

M. Landry: Je vais aller plus loin que ça. Laissez-moi aller, je vais aller jusqu'aux années cinquante. Bon. Alors là on vient de parler de progression annuelle. On va parler maintenant des variations, donc de l'écart de la progression comparative. L'évolution du taux d'investissement, cette fois-ci, en pourcentage du PIB. C'est de ça que vous avez parlé, de l'investissement en pourcentage du PIB. Alors, en 1994, le Québec était à 6,6 %. En 1999, il est à 8,9 %. Il y a une variation positive de 2,3 %. L'Ontario, 7,9 % en 1994, 9 % en 1999, une variation positive de 1,1 %. C'est ça qui est du rattrapage, l'un qui monte de 1,1 % et l'autre qui est en arrière, vrai, admis, qui monte de 2,3 %. C'est ça qui s'appelle du rattrapage, c'est ça qui s'appelle combler l'écart.

Même chose pour le Canada, bien que ça soit un peu moins spectaculaire. Le Canada, en 1994, était à 9,1 %, en 1999, il était à 11,2 %, il a crû de 2,1 %, donc il a crû moins que le Québec qui a crû de 2,3 %. Donc, le monde entier sait qu'il y a un écart Québec-Ontario et qu'il y a un écart Québec-Canada, mais ce que le monde entier commence à savoir, c'est que cet écart est en train de se refermer.

Je vais vous le donner maintenant en taux de chômage qui est aussi très, très sensible, mais les investissements finissent par refléter le taux de chômage. Dans les années cinquante, les écarts relatifs entre Québec, Ontario et Canada donnent: Québec-Ontario, 176 % en taux de chômage, 176 % dans les années cinquante. Est-ce qu'il y a des souverainistes dans les années cinquante? Est-ce que Maurice Duplessis est un souverainiste affiché? Lui qui disait, comme vous d'ailleurs, avec autant d'enthousiasme, les mots «province de Québec», est-ce qu'il était souverainiste, Maurice Duplessis? Les écarts étaient de 176 %.

Dans les années soixante, Jean Lesage, un libéral, avec dans sa députation par ailleurs un homme comme René Lévesque qui allait fonder le Mouvement souveraineté- association, on passe à 175 %. Dans les années soixante-dix, où le Parti québécois revient au pouvoir, on revient au pouvoir en 1976, on passe à 147 %. Dans les années quatre-vingt, où ça se partage entre le Parti libéral et le Parti québécois, on passe à 152 %. Puis, dans les années quatre-vingt-dix, où ça se partage aussi entre le Parti libéral et le Parti québécois, on passe à 133 %.

Alors, souverainiste, pas souverainiste, l'économie du Québec s'est modernisée, le taux d'éducation a augmenté, la structure industrielle s'est modifiée profondément et l'écart se resserre. Ça démolit totalement, à long terme, votre thèse que, parce que le Québec veut se comporter comme une nation ordinaire et dans la dignité, cela menace son économie. C'est faux, de même que l'affaire des sièges sociaux à Montréal. Il y a plus de sièges sociaux à Montréal aujourd'hui qu'il n'y en avait quand les libéraux criaient au meurtre et que les sièges sociaux quittaient Montréal. Toronto en a perdu plus que Montréal. Est-ce que c'est parce qu'il y a des souverainistes à Toronto?

(16 h 20)

Alors, je vous relance le défi, en supposant que vous n'acceptiez pas la souveraineté, O.K., c'est votre choix, puis je le respecte. Mais, pour soutenir votre choix, donnez-nous donc des arguments positifs en faveur de l'appartenance au pays de Jean Chrétien et de Sheila Copps. Donnez-nous donc des arguments positifs en faveur du bill C-20. Donnez-nous donc des arguments positifs en faveur du rapatriement unilatéral de la Constitution quand MM. Ryan et Lévesque ont dit: Ne faites pas ça, puis qu'ils l'ont fait quand même. Donnez-nous des arguments positifs en faveur de l'union sociale qu'ils viennent de nous imposer il n'y a encore pas si longtemps. Donnez-nous des arguments positifs en faveur du rejet de l'accord du lac Meech, qui a brisé le coeur de Robert Bourassa lui-même, qui l'avait défendu. Puis c'est Jean Chrétien, premier ministre du Canada, qui a été le principal artisan du sabotage et du sabordage de cette accord de Meech, puis il s'en est vanté avec Clyde Wells en disant: «Well done, Clyde.» Vous vous souvenez de ça?

Là, on est dans le plus fondamental. N'essayez pas d'utiliser des arguments économiques faux et fallacieux pour faire peur à vos neveux, vos nièces, vos enfants et petits-enfants quant au destin de leur patrie et de leur peuple. Une chose bien plus utile que vous pourriez faire, je vous l'ai suggérée ce matin: faites une réunion à ville Mont-Royal, je vais y aller avec vous si vous voulez. Une belle réunion bipartisane où je ne ferai pas la promotion de la souveraineté, vous, vous ne ferez pas la promotion du fédéralisme. On va simplement s'entendre, nous deux, pour dire à la population de ville Mont-Royal que le Québec forme une nation.

Comme le député d'Outremont l'a dit dans sa motion, notre État est un État national. Ça attirerait d'ailleurs une foule nombreuse et des télévisions nombreuses également... où le député de Mont-Royal et le député de Verchères, l'un du côté du fleuve et rural, l'autre d'un autre côté du fleuve et urbain, disent franchement à la population de la circonscription de Mont-Royal: Mesdames et messieurs, ladies and gentlemen, le Québec forme une nation.

Là, vous feriez oeuvre politique utile, vous seriez au service de la vérité, alors que, quand vous essayez de faire peur au peuple québécois sur sa capacité d'être aussi indépendant que l'est l'Irlande, en disant que son succès économique sera compromis, là, vous ne faites pas oeuvre utile, vous faites oeuvre destructrice des succès économiques du Québec et de sa volonté d'aller plus loin.

Et, encore une fois, là, on n'a pas besoin d'être fédéraliste ou pas fédéraliste pour dire ça. Je ne vous reproche pas d'être fédéraliste, c'est votre droit. J'aimerais mieux que vous fassiez la promotion du fédéralisme canadien plutôt que de torpiller l'économie du Québec, mais, selon moi, rien dans vos arguments ne permet de faire un lien entre notre désir de souveraineté et les écarts de développement entre le Québec et l'Ontario, et le Québec et le Canada.

Autrement, il n'y aurait pas eu ces écarts du temps de Maurice Duplessis, il n'y aurait pas eu ces écarts du temps de Jean Lesage. Or, non seulement ils y étaient, mais ils étaient plus grands encore. Il me semble qu'il y a là une démonstration logique qui devrait finir non pas à emporter votre adhésion à la souveraineté – ça, c'est votre affaire – mais au moins à emporter votre adhésion à la réalité économique.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Je veux savoir combien de temps il me reste.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous avez terminé?

M. Tranchemontagne: Non. Combien de temps...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Voulez-vous savoir combien il vous reste de temps? Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. Tranchemontagne: Alors, je vais revenir.

M. Landry: Vous avez le temps de dire: Québec, État-nation.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard, Richelieu): Comme c'est écrit dans la motion, d'ailleurs, du député d'Outremont.

M. Tranchemontagne: Vous n'avez pas à vous inquiéter.

M. Landry: Ah! je suis content d'entendre ça.

M. Tranchemontagne: M. le ministre, je vais vous ramener encore les faits. Et, moi, je ne parle pas des années cinquante, je ne parle pas des années soixante, je parle de ce que vous nous avez attaqué. Vous, vous parlez de notre période, moi, je vais vous parler de votre période. Pendant que, nous autres, on a créé zéro emploi, je l'admets, l'Ontario, notre voisin, qui, comme vous dites si souvent, a le bénéfice d'avoir l'industrie automobile qui travaille pour lui, etc., a perdu, dans cette période-là, 81 000 emplois. Je trouve que les libéraux se sont pas mal débrouillés entre 1986 et 1994, c'est-à-dire la période où nous étions au pouvoir.

Depuis que, vous, vous êtes là, vous personnellement et votre confrère M. Bouchard, et, pendant un bout de temps, M. Parizeau, vous avez eu un accroissement de l'emploi de 5,4 %. Pendant ce temps-là, l'Ontario, ça a été de 8,8 %. Vous ne pouvez pas nier ces chiffres-là, c'est la réalité, c'est les faits. L'investissement privé, les chiffres, je vais vous les répéter: sous votre règne, c'est 17,8 %, pour être très précis, alors que, sous notre règne, c'est 21 % de l'ensemble canadien qu'on attire comme investissements. Alors, quelqu'un a le choix entre investir en Ontario puis au Québec, bien, tant qu'à prendre des risques au Québec, il s'en va en Ontario ou il s'en va ailleurs. Alors, c'est ça que je veux vous dire, puis c'est ça que votre option fait, que ça éloigne les entreprises au lieu de les attirer et ça contribue à la progression du taux de chômage.

M. Landry: On n'a jamais eu autant d'investissements privés qu'on en a aujourd'hui, puis il dit que ça éloigne les entreprises. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. On resserre l'écart entre le Québec et l'Ontario, puis il dit que, sous notre règne, ça éloigne les entreprises. Comment pouvez-vous dire une telle chose? L'Alcan est en train d'investir 1,5 milliard au Saguenay– Lac-Saint-Jean, ça les éloigne en maudit, hein. Ça les éloigne. Il va y avoir, à Montréal, 20 chantiers majeurs qui vont commencer au cours de l'été, sans compter ceux qui sont déjà commencés. Ça les éloigne à mort. Motorola est en train de créer 500 emplois d'ingénieurs dans la Cité du multimédia. Ça les éloigne au maximum. J'ai été avec le premier ministre la semaine passée inaugurer un mandat mondial pour Rolls- Royce, avec un banc d'essai à... Ça les éloigne en maudit.

Qu'est-ce que c'est que ça, cette histoire-là? Qu'est-ce que vous avez à tirer dans le dos de l'économie du Québec puis à dire qu'on éloigne les investissements, alors qu'on n'en a jamais eu autant? On n'en a jamais eu autant. Premièrement, vous niez la réalité. Puis deuxièmement, vous liez la réalité économique au fait que le peuple québécois a le droit de choisir son destin. Et, quand il décide de s'en rapprocher, son économie va encore mieux. Quel est cet instinct destructeur d'essayer de prétendre, contre les chiffres, que la présence des souverainistes éloigne les investissements? Il y a toujours une limite.

M. Tranchemontagne: M. le ministre, ce n'est pas le choix des Québécois qui éloigne. Parce que les Québécois, en 1995, ils l'ont fait, le choix. C'est vous et votre politique qui les éloignez.

M. Landry: Ils ont fait le choix? À 50-50, ils ont fait le choix?

M. Tranchemontagne: Ils l'ont-u fait ou ils ne l'ont pas fait?

M. Landry: Ils ne l'ont pas fait. C'est pour ça qu'on continue encore puis que la question québécoise et canadienne n'est pas réglée.

M. Tranchemontagne: Bien, je comprends, vous n'arrêterez jamais.

M. Landry: Puis 60 % des francophones, ceux qui parlent la langue que nous utilisons maintenant...

M. Tranchemontagne: Vous n'arrêterez jamais, jusqu'à temps que vous gagniez. C'est facile.

M. Landry: Exactement. Dites-moi pas que vous venez de comprendre ça. Un peuple est un peuple. Un peuple est une nation. Il ne se repose jamais tant qu'il n'est pas libre. L'Ukraine, ça a pris 500 ou 600 ans. Les trois baltes, ça a pris 75 ans. Les Tchèques et les Slovaques, ils ont été ensemble – quoi? – 50, 60 ans. Ça prend le temps que ça prend. L'Écosse n'avait même pas de Parlement pendant les 400 dernières années. Pensez-vous que l'Écosse était pour arrêter de demander un Parlement? Elle l'a demandé et elle l'a eu. Il est en construction actuellement puis il existe juridiquement.

C'est ça qu'il faut vous mettre dans la tête profondément. Un peuple est un peuple. Une nation est une nation. Et même les gens de chez vous commencent à l'admettre. Le député d'Outremont l'a dit dans sa motion au nom de votre parti. Quand cette chose est sur la table, vous n'y échapperez pas par des solutions provincialistes, réductrices et misérabilistes. Nous allons continuer à faire ce qu'on fait. Notre option, elle est partie à zéro, il y a 30 ans, quand la vôtre était à 100. Vous êtes passés de 100 à 50. On est passés de zéro à 50. C'est ça qui s'appelle une tendance. Vous devriez regarder les choses comme elles sont.

M. Tranchemontagne: M. le ministre, regardez les chiffres vous-même. On a créé, depuis votre règne, en emplois... Vous êtes huitième sur dix...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je m'excuse, M. le député, vous aviez déjà dépassé votre temps. Alors, vous devrez patienter.

M. Tranchemontagne: Bien, si je l'ai dépassé, le ministre doit l'avoir dépassé aussi.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ah, non, non, non! Le ministre a droit à 10 minutes à chaque fois. Et je peux vous assurer que nous le gérons, ce temps. Mais, si vous voulez terminer votre phrase, je ne vous empêcherai pas de le faire.

M. Landry: Je vais lui donner de mon temps pour qu'il termine sa phrase.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je voulais juste vous signifier que vous aviez déjà dépassé votre temps. Ça va comme ça? Merci beaucoup. Alors, je me tourne maintenant du côté de la majorité ministérielle pour reconnaître le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Merci. Ah! vous quittez quelques minutes? D'accord.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Le ministre va se laver les mains.


Mesures relatives à la culture

M. Geoffrion: Oui. D'accord. Alors, bien, je voudrais rappeler une de ses citations. Je vais parler de culture un petit peu. Ça aussi, c'est un secteur d'activité qui – on ne le dit pas assez souvent – crée beaucoup d'emplois et qui crée beaucoup de retombées économiques sur Montréal et sur le Québec dans son ensemble.

Une voix: ...

(16 h 30)

M. Geoffrion: Non, bien, je m'apprêtais à citer le ministre quand il disait: «Même aux heures les plus ingrates de lutte contre le déficit, les moyens pour favoriser le développement et le rayonnement de la culture québécoise ont été préservés et se sont accrus.» Donc, je voulais repasser avec le ministre, un petit peu, les mesures qui ont été annoncées le 14 mars dernier concernant cet appui et cet accroissement de ressources pour notre culture.

Il y a déjà un certain nombre de choses qu'on connaît, par exemple, au niveau du crédit d'impôt pour l'édition, également toute une série de mesures sur les musées, les équipements culturels, 30 millions, pour le soutien aux équipements et à la restauration de biens culturels, il y a évidemment le support qu'on apporte à la télévision TV5, le patrimoine architectural, le patrimoine religieux – un programme qui, au cours des dernières années, a connu un succès très intéressant et tel qu'on remet un 20 millions supplémentaire dans ce programme-là.

Je voulais, dans un deuxième temps, qu'on nous parle un petit peu de la Société des événements majeurs internationaux. On dit qu'on va mettre 30 millions de dollars. Je voulais savoir un petit peu quel était le rôle de cette Société-là. Est-ce que, par exemple, tous les grands événements qu'on connaît, Festival international de jazz de Montréal, Festival d'été de Québec, les Francofolies, le Grand Prix de Trois-Rivières, le mondial des cultures – et on pourrait en nommer – le Festival international de Lanaudière et tout ça, qui, apprend-on en annexe du budget, créent bon an, mal an, plus de 9 000 emplois...

Donc, c'est un apport extrêmement intéressant. Donc, c'était un petit peu pour situer le rôle de la Société des événements artistiques internationaux. La concurrence internationale dans ce secteur-là est très, très, très forte. Donc, j'aimerais ça savoir comment est-ce qu'on oriente cette Société-là pour accentuer les retombées économiques de tels événements.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Un jour, cela touchera-t-il le Festival de la gibelotte de Sorel?

M. Landry: Alors, vous abordez, M. le Président, le sujet important de la culture et, je l'ai bien dit dans le budget, beau temps, mauvais temps, notre gouvernement a continué à donner au ministère de la Culture les ressources voulues, et les accroît. Pour certains gouvernements, quand ça va mal, on coupe d'abord dans la culture. Pour certains autres, dont le nôtre, quand on est en période difficile, on considère les choses à leur valeur profonde. Et la culture, pour tous les peuples – et peut-être surtout pour le nôtre qui est une enclave culturelle dans son continent – c'est un élément déterminant de sa vie nationale et de la qualité de vie des hommes et des femmes. C'est ce qu'on ne réalise pas toujours quand on parle de culture. C'est un élément majeur de qualité de vie.

Il y a des gens qui ont des existences difficiles, misérables, et qui trouvent le réconfort dans la chanson, dans les séries télévisées qu'ils regardent, dans la musique, même western parce qu'il y a de la musique western qui est extrêmement poétique et c'est la seule poésie qui rejoint certains de nos gens. Je suis allé au Festival western, l'été dernier, parce qu'on avait aidé beaucoup – on va reparler des grands événements tout à l'heure – pour construire de nouvelles estrades. Et c'est un événement culturel, pas uniquement culturel, mais culturel majeur, que toute cette culture qu'on appelle country et de cow-boys et de tout ce que tu veux, de lassos et de chapeaux et de bottes. D'ailleurs...

Le Président (M. Simard, Richelieu): On veut tous une photo du ministre dans cet attirail. À cheval.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Il me semble que ça fait colonisé ça. Ha, ha, ha!

M. Landry: Pas du tout. Vous dites que ça fait colonisé? Au contraire! C'est la preuve que nous avons colonisé l'Amérique parce que, pour me préparer à aller au Festival western, j'avais un discours à faire, puis, comme je n'étais pas franchement très documenté sur la question, j'ai décidé de lire un livre très savant de 1 000 pages sur l'histoire du Far West. Et je me suis rendu compte que tous ces cow-boys là, il y en a avait un bon tiers qui s'appelaient Tremblay et Gagnon. Ça, c'est la surprise de ma vie. C'est des gens de Québec, puis de Trois-Rivières, puis de Montréal, puis peut-être certains de la Beauce qui ont découvert le continent et qui ont participé à la grande aventure vers l'Ouest.

Alors, tout ça pour dire que la culture, même dans ses formes les moins classiques – parce qu'il y a des gens qui ont un certain mépris pour la culture western, ce n'est pas mon cas d'aucune espèce de façon, d'ailleurs je me méfie de ceux qui disent qu'ils aiment le peuple et qui n'aiment rien de ce que le peuple aime – la culture dans toutes ses dimensions a toujours eu le soutien du gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir. Et, cette année, on a remis 29 millions au développement artistique du Québec dans les Grands Ballets de Montréal et l'Orchestre symphonique de Québec en particulier. Là, on est loin du Festival western, ça, je vous le garantis, mais c'est une forme de culture. Je vous souligne d'ailleurs que nous parlons maintenant des Grands Ballets de Montréal.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Et non plus des Grands Ballets canadiens?

M. Landry: Pardon?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Et non plus des Grands Ballets canadiens?

M. Landry: Non, parce que les Grands Ballets canadiens, ça ne rendait pas vraiment justice à ce que c'était. Entre les Grands Ballets canadiens puis le Royal Ballet de Winnipeg puis je ne sais pas quelle autre chose à Vancouver, il n'y avait pas grand rapport. Alors, les Grands Ballets de Montréal et l'Orchestre symphonique de notre capitale nationale... Parce qu'on avait fait des efforts considérables pour l'Orchestre symphonique de Montréal, qui est d'un autre calibre, il faut le reconnaître, mais l'Orchestre symphonique de Québec est en voie de réorganisation.

On a mis également 12 millions au Conseil des arts et des lettres du Québec, qui en voulait plus. Tout le monde en veut plus, mais, en tout cas, je pense que c'est un bon effort. On a mis 30 millions pour l'intervention en matière d'équipements culturels. Alors, là-dedans, il y a des biens patrimoniaux, il y a la diffusion de la lecture, les arts de la scène, la muséologie. Et 30 millions pour le soutien des événements majeurs, c'est ce dont on a parlé. Ces événement majeurs, il y en a une douzaine.

Il y a le Festival western de Saint-Tite, mais il y a aussi le Festival d'été de Québec, les Francofolies, le Festival d'été international de Québec – je l'ai dit – le Carnaval de Québec, enfin il y en a une douzaine, qui nous rapportent au fond pas mal plus que ce qu'on y met parce que c'est des événements économiques en plus. Le Québec a connu des années touristiques extraordinaires et record au cours des dernières années largement à cause du Festival international de jazz par exemple, qui fait venir chez nous de nombreux Américains. Montréal devient une des capitales mondiales du jazz avec quelques villes du sud des États-Unis et Paris.

Le soutien aux chaînes de télévision sera augmenté, mais ça, TV5, c'est formidable, TV5, parce que ça fait rentrer le monde francophone de tous les continents dans nos foyers à bon compte. Et on s'est engagé, au Sommet de Moncton, à mettre de l'argent et on en met.

Pour le patrimoine architectural, vous savez que – et, moi, je les rencontre chaque année, ils sont ravis – en général, c'est les représentants des Églises et de toutes les Églises, surtout des catholiques. Il y avait un anglican, la dernière fois, qui m'a dit: L'argent va en majorité aux catholiques. Il ne le disait pas de façon négative. J'ai dit: Oui, mais, si on était en Angleterre, ça serait le contraire. Mais il y a des beaux monuments de l'art religieux anglican comme presbytérien, il y a des synagogues. Mais il y a surtout des églises et ça fait partie de notre patrimoine, et on met de l'argent chaque année.

Il y aura 43 millions pour redonner vie à l'un des plus beaux monuments du patrimoine éducatif bâti, québécois, le Collège de Nicolet. D'abord, ce n'est pas 43 millions par année et sur un an seulement, c'est un investissement. Il y a quelqu'un qui m'a dit: Comment ça se fait que tu mets juste 10 millions dans le programme des mines puis tu mets 43 millions dans le Collège de Nicolet? Mais les mines, c'est un an, et Nicolet, c'est un investissement sur 25 ans, c'est un amortissement sur 25 ans et plus. Et, surtout, on l'a fait après mûre réflexion.

Imaginez-vous que, depuis 1973, dans une charmante ville du Québec, se trouve une ruine calcinée qui, avant, était un des plus beaux monuments du patrimoine. Imaginez-vous dans le secteur où vous vivez – j'essaie de voir chez moi, essayez de voir chez vous – puis, pendant 25 ans, vous avez une ruine calcinée devant votre porte. Ça n'a l'air de rien, mais ce n'est pas endurable. Alors, simplement la qualité de la vie à Nicolet.

Aussi, quand on est une puissance touristique comme le Québec l'est de plus en plus, il faut se comporter comme telle. Est-ce que la France aurait laissé un de ses monuments dévasté pendant 75 ans? Non. Vous avez vu ce qui est arrivé à la dernière tempête. Il y a eu 10 000 arbres d'abattus à Versailles. Ça n'a pas été long que tout le monde s'est mis à ramasser ce chablis puis à essayer de redonner la splendeur au monument. Alors, celui-là, je l'explique un peu plus parce qu'il y en a qui m'ont fait des remarques. Je suis content qu'on ait fait ça, puis en plus ça va abriter une chose qui doit être abritée et qui s'appelle l'École nationale de police du Québec.

Je reviens sur les événements majeurs. On a fait faire une étude par KPMG sur le financement et les retombées économiques des festivals et événements internationaux, les événements majeurs comme j'ai dit. C'est un apport économique très important, globalement 344 millions de dollars, 9 000 emplois. Ils contribuent annuellement pour 48 millions de dollars aux revenus du gouvernement. Alors, vous voyez qu'il y a un élastique après ce qu'on met. Annuellement, annuellement. Alors, je pense que c'est un bon placement.

La liste là, je l'ai à peu près toute donnée. Il y a L'International des feux d'artifice Benson & Hedges, Juste pour Rire, Festival de jazz de Montréal, Festival western de Saint-Tite, Omnium du Maurier, Festival d'été de Québec, Francofolies, Grand Prix Player's de Trois-Rivières, Mondial des cultures, Festival international de Lanaudière, Carnaval de Québec.

(16 h 40)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Gibelotte de Sorel? Non?

M. Landry: Pas encore. Le président parle du Festival de la gibelotte de Sorel. Je l'espère, c'est un endroit extraordinaire, c'est au Chenail-du-Moine. Il y a le souvenir de Mme Guevremont, du Survenant, de Jacob Salvail. Mais ce n'est pas encore dans la liste.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Donc, je ne désespère pas. Je vois que vous connaissez vos classiques.

M. Landry: Ah! par coeur.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, M. le député de La Prairie, vous aviez d'autres questions?


Mesures relatives au tourisme

M. Geoffrion: Oui, bien, juste pour faire un... Évidemment, on est parti de la culture pour aller aux événements majeurs et internationaux. Donc, là, on tombe nécessairement dans le grand secteur du tourisme. Je voulais voir comment cet arrimage-là entre culture versus ou via plutôt les grands événements internationaux par rapport à notre stratégie touristique, est-ce qu'on a un lien entre ces deux secteurs-là bien précis? Il y en a un sûrement.

M. Landry: L'offre du produit touristique au Québec s'améliore de plus en plus. Commençons par le joyau, la ville de Québec. La ville de Québec est devenue la vingtième destination touristique du monde. Alors, numéro un, c'est Paris. J'imagine deuxième, ça doit être Prague, ou quelque chose comme ça, puis vingtième, Québec. Ce qui est déjà fantastique. D'ailleurs, on le voit dans nos rues, l'été comme l'hiver, parce qu'il y a une tendance à l'aplanissement des courbes et on doit pour cela rendre hommage au maire de Québec, aussi au gouvernement du Québec et à la Commission de la capitale nationale qui ont déployé des efforts remarquables pour faire que cet esprit qu'on pourrait appeler «esprit Jean-Paul L'Allier», qui est de cultiver l'élégance à Québec, ne plus faire d'erreurs quant au patrimoine bâti, rattraper les erreurs du passé...

Le député n'est pas avec nous depuis assez longtemps pour se souvenir du mur de la honte, mais le boulevard, ce qui s'appelait Saint-Cyrille autrefois qui s'appelle René-Lévesque, c'était vraiment une honte. Et il y a quelques autres hontes, mais qui sont trop volumineuses pour qu'on les détruise, ça coûterait trop cher. Mais celle-là, elle fut détruite et il n'y a plus d'erreurs à Québec, et la Commission de la capitale nationale a bien fait son travail.

De même, l'offre touristique s'est améliorée dans plusieurs régions d'une façon spectaculaire. Au Mont-Tremblant se dresse maintenant la première station d'hiver de l'est du continent nord-américain. Et c'est aussi une station d'été. Alors, les courbes sont presque plates, là aussi.

Le Manoir Richelieu a été l'objet de travaux majeurs et est devenu lui aussi un outil et tout ce qui gravite autour. Alors, à Tremblant on disait: Il va manger les petits. Ce n'est pas ça qu'il a fait. Tremblant a grossi de façon spectaculaire et a fait naître tout autour une activité économique supplémentaire pour les petits qui ont été obligés d'agrandir. En plus, on a donné des moyens nouveaux – puis c'est notre gouvernement qui l'a fait – aux ATR par les nuitées, pour faire leur publicité. On a remis de l'argent annuellement parce que le ministre du Tourisme nous a démontré mathématiquement qu'un investissement publicitaire à New York et à Boston était remboursé très rapidement. On a aussi travaillé beaucoup dans nos parcs. On a travaillé beaucoup aussi les sentiers pédestres, les pistes cyclables, les sentiers et relais de motoneiges.

Alors, on s'en vient avec une offre tellement intéressante qu'on a des résultats auxquels on n'aurait pas cru il y a 20 ans. Il y a un demi-million de Français par année qui viennent ici. C'est beaucoup, beaucoup de monde. Je l'ai appris à mes dépens d'ailleurs une fois parce que je suis allé place Royale un après-midi de septembre, il y a quelques années, avec Philippe Séguin, qui était président de l'Assemblée nationale française. Tout le monde l'applaudissait puis personne ne m'a reconnu. Il y avait rien que des Français. Si une telle chose était arrivée à Verchères, évidemment j'aurais protesté vigoureusement.

Mais c'est pour dire qu'il s'est passé des choses dans le domaine de l'industrie touristique, et j'espère que ce n'est pas fini. Mais ça, ça demande des investissements et puis ça demande de tourner le dos au misérabilisme et à la quétainerie. C'est vrai que ça prend de l'argent pour restaurer un monument dans son état initial, c'est vrai que ça demande du soin pour préserver une belle ville, mais c'est extrêmement payant.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. Vous avez complété, M. le député de La Prairie? Donc, je vais demander à la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Marguerite-Bourgeoys, maintenant, de poser la prochaine question.


Incidence des différentes options politiques sur l'économie (suite)

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Je vais faire quelques commentaires avant de poser une question plus spécifique. Le ministre faisait référence plus tôt à une approche misérabiliste à l'effet qu'on ne voyait que les côtés négatifs de la chose. Il a fait appel, d'ailleurs, aux fédéralistes pour dire: Bien, peut-être que vous devriez trouver des façons d'exprimer votre adhésion au fédéralisme, et de le faire de façon constructive.

Bien, moi, je vais lui faire le témoignage suivant à l'effet qu'il a lui-même mentionné – et ça fait plusieurs fois qu'il le fait – l'écart qui se rétrécit entre le Québec et, par exemple, le reste du Canada, au niveau de certains indicateurs. Et ce que je lui dirai, M. le Président, c'est que tout ça, ça se fait à l'intérieur du fédéralisme précisément. Et le Québec est effectivement tout à fait capable de connaître des taux de croissance très élevés, de se développer au plan culturel, d'avoir une jeunesse bien éduquée qui se fait remarquer même sur le plan international, à l'intérieur du Canada. Et je vais lui citer quelques personnes qui en sont venues à cette conclusion-là, à l'effet que, finalement, la situation est telle, au niveau du Québec, qu'il vaut mieux travailler à l'intérieur de ce périmètre, à l'intérieur du Canada, puisqu'il y a des possibilités, tout à fait des possibilités, de devenir des chefs de file.

Je suis tout à fait d'accord avec le ministre que le Québec est tout à fait capable d'être au premier rang. Il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'on est tout à fait capable. Nous avons des universités, nous avons des gens qui sont de plus en plus formés, nous avons une main-d'oeuvre qualifiée, et par conséquent c'est quelque chose qui existe. D'ailleurs, je vais juste lui rappeler un ami de son parti, Jean-François Lisée, qui, dans son livre Sortie de secours parle effectivement de cette possibilité de travailler et d'essayer de reprendre un rôle et de jouer un rôle actif...

M. Landry: ...souverainiste.

Mme Jérôme-Forget: ...à l'intérieur du Canada.

Je lui mentionnerai également les propos et les écrits surtout d'Alain Dubuc récemment. Bien sûr qu'Alain Dubuc est un éditorialiste chevronné, connu, et on connaît ses allégeances politiques, mais il a bien articulé sa façon de penser, un cheminement qu'il a fait et, à travers ses écrits, il a fait la démonstration qu'il était temps de tourner la page et de travailler à l'intérieur du Canada, principalement, M. le Président, parce que le Québec, quand il l'a fait, il a été un acteur très important à l'intérieur du Canada.

Je pense en particulier au rôle qu'a joué toute la haute fonction publique québécoise qui allait, par exemple, à différentes conférences fédérales-provinciales et qui était toujours d'une qualité remarquable. Et, ayant été, moi, à ce moment-là, au niveau du gouvernement fédéral à titre de sous-ministre, je peux vous assurer que j'étais toujours très impressionnée du rôle des fonctionnaires qui arrivaient et qui démontraient manifestement un calibre remarquable et tout à fait capables d'influencer au niveau des décisions.

(16 h 50)

Alors, je pense que, quand le ministre des Finances fait appel encore à l'idée qu'on ne peut pas se développer, qu'il y a un carcan, que ce n'est pas possible pour le Québec de se développer à l'intérieur du cadre fédératif, je pense que le fédéralisme est une formule moderne, c'est une formule qui peut absolument permettre au Québec de se développer et de devenir un chef de file au niveau de l'Amérique du Nord et à travers le monde. Et je pense, M. le Président, que de simplement y voir que des côtés négatifs, c'est probablement ça, le côté misérabiliste. C'est probablement ça qui fait qu'on est toujours en train de voir le verre à moitié vide au lieu de voir le verre à moitié plein.

Je reviendrai également, M. le Président, sur un sujet qui va faire chaud au coeur du ministre des Finances: la notion de peuple et de nation. Il y a plusieurs députés qui ont débattu à ce sujet-là. C'est un débat fondamental et aussi académique. Vous avez eu le député d'Outremont qui y a fait référence, vous avez eu les écrits d'André Burelle, qui en a parlé, vous avez eu Claude Ryan qui en a parlé également, l'idée de peuple. Et vous avez eu Alain Dubuc récemment qui, je pense, n'est pas identifié à l'option souverainiste et qui a parlé de l'idée de peuple ou de nation.

Une voix: Et de nation.

Mme Jérôme-Forget: Et de nation. Bon. Alors, tout ça pour dire que ce sont là des mots, mais ce qui est important derrière ces mots, c'est de nous assurer que le Québec se développe et que chaque Québécoise et Québécois est capable d'envisager un avenir heureux, un avenir riche d'expériences enrichissantes à l'intérieur du Québec et, ainsi, je pense que le développement économique, c'est un des volets pour arriver à ça.


Intervention de l'État dans l'économie (suite)

Le ministre des Finances était étonné que des régions qui reçoivent de l'aide gouvernementale ou plutôt qui ne reçoivent pas d'aide gouvernementale se sentent délaissées. Et il voyait d'un mauvais oeil le côté jaloux de certaines régions qui se sentiraient délaissées parce qu'une autre région a été choisie, préférée et que ça ait impliqué une sélection quant à un appui financier du gouvernement ou à un congé fiscal quelconque.

Or, c'est là le danger d'une société qui décide de faire ces choix-là par opposition à laisser l'économie jouer et de nous assurer qu'on laisse de la place aux décideurs qui sont proches des situations. Ça a été l'approche qu'a utilisée le ministre des Finances. On pense à des périmètres particuliers qui ont été déterminés pour la Cité du multimédia. On a des villes qui sont choisies par opposition à d'autres. On a une région qui est choisie par opposition à une autre. On a un secteur, un côté de rivière puis l'autre côté de rivière qui n'est pas choisi. Et donc ça met le ministre des Finances dans une position incroyable de devoir choisir constamment, prendre des décisions qui ont un impact sur un secteur, un périmètre, une région.

Avant aujourd'hui, j'ai exprimé des réserves à l'endroit de cette approche. Je comprends, M. le Président, qu'il faille, à l'occasion... Le gouvernement est là pour, à l'occasion, intervenir parce qu'il y a des cas qui sont désastreux, il y a des façons pour régler des périodes de réadaptation. Il a dit qu'il était pour le libre-échange, et, par conséquent, le libre-échange aussi a forcé les entreprises à s'adapter au libre-échange. Le libre-échange a forcé les entreprises à se moderniser.

Je donnerai, à titre d'exemple, l'industrie du meuble, qui n'était absolument pas compétitive et ils avaient extrêmement peur de ne pas être capables d'être compétitifs en Amérique du Nord. Or, l'industrie du meuble a été capable de se moderniser, est devenue une des plus compétitives, et les meubles québécois, vous n'avez qu'à aller à une espèce de foire commerciale aux États-Unis et vous allez vous rendre compte que l'industrie du meuble est florissante, et les gens du meuble exportent aujourd'hui.

Donc, ils ont réussi à s'adapter. Ils ont réussi à s'adapter, à se moderniser, et là finalement ils n'ont plus peur de personne. Ils sont capables d'oeuvrer sur le marché nord-américain, et non seulement ils sont capables de le faire, ils le font avec succès. Ils le font avec tant de succès, parfois il y a tellement de croissance dans ce secteur qu'ils ont de la misère à avoir de la main-d'oeuvre, me dit-on.

Alors, toute cette main divine là qui va choisir à la place des autres, il y a des effets pervers. Par exemple, on me mentionnait... Dans le Vieux-Montréal, la Cité du multimédia où on a invoqué qu'il fallait créer une espèce de regroupement pour qu'il y ait des échanges, qu'il y a une communication entre ces gens qui se spécialisent dans le multimédia. Bien, moi, ce que j'ai appris, par ailleurs, c'est qu'il y a d'autres rues tout autour du périmètre, où vous avez des édifices de grande qualité, des édifices historiques, eh bien, là, imaginez-vous que ces édifices-là se vident ou ne sont pas restaurés ou ne sont pas rénovés.

Alors, vous avez un autre effet pervers de ça, c'est que les loyers dans la Cité du multimédia... Je comprends qu'on donne des subventions, mais alors là imaginez-vous les loyers dans la Cité du multimédia! Parce que, là, vous avez un incitatif à aller vous situer à l'intérieur de ce périmètre déterminé, et, par conséquent, évidemment, on va demander des loyers plus élevés si vous êtes obligés de vous situer à l'intérieur de ce périmètre.

Alors, je pense, M. le Président, je reviens un peu à mon idée, je me rappelle quand j'étais étudiante à Londres, je me rappelle, c'était Harold Wilson qui était là. Et c'était remarquable parce que c'était un homme, un politicien qui a été très interventionniste et qui a essayé de choisir les gagnants comme ça. Il l'a fait. Et ça a été perçu comme étant un échec.

Alors, je pense, M. le Président, qu'il y a des vertus à la simplicité. Et ce que je veux dire par là, c'est de ne pas essayer de se substituer et de choisir. Parce que, en bout de ligne, on risque d'avoir de grands échecs parce qu'on supporte des secteurs qui devraient s'ajuster et s'adapter.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous aviez terminé depuis quelques minutes, mais il y a parfois des vertus à dépasser les limites de quelques minutes afin que...

Mme Jérôme-Forget: Je m'excuse d'avoir dépassé mon temps...

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...une pensée puisse se terminer. Mais j'espère que vous comprendrez dans d'autres occasions qu'il faut aussi le faire. M. le ministre.


Incidence des différentes options politiques sur l'économie (suite)

M. Landry: Quand une pensée commence à prendre son envol, il ne faut pas lui couper les ailes, qu'on soit d'accord avec cette pensée ou pas. Bon. Je vais essayer de répondre brièvement d'abord aux choses les plus simples. Lisée, son ouvrage, c'est un des documents les plus convaincants – je vous suggère de le dire d'ailleurs – sur la nécessité impérieuse de la souveraineté du Québec. Et c'est un très bon ouvrage, je le recommande à tout le monde. Même les fédéralistes les plus obstinés seront ébranlés par une argumentation aussi solide sur la nécessité pour le Québec d'accéder au concert des nations.

Dans les dernières pages du volume, il suggère des avenues que nous ne partageons pas. On pense qu'on a déjà joué dans ce film-là et Robert Bourassa aussi d'ailleurs. Quelles étaient les conclusions de la commission Bélanger-Campeau convoquée par Robert Bourassa? S'il n'y a pas un changement en profondeur du fédéralisme canadien, il faut faire un référendum sur la souveraineté du Québec, conclusion de la commission Bélanger-Campeau, dont tous les membres étaient nommés par Robert Bourassa.

Alors, on ne veut pas continuer à perdre de temps. Lisée non plus d'ailleurs, ce n'est pas pour perdre du temps. Lui, il pense que c'est parce qu'il n'y a pas d'autre chose à faire pour l'instant; nous autres, on pense le contraire, mais on s'entend parfaitement avec lui sur le fond des choses. Mais vous ne vous entendez pas sur le fond des choses avec Lisée.

(17 heures)

Cependant, avec Dubuc – là, je vous remercie de l'occasion – c'est presque une supplique que je vous adresse. Dubuc, il n'est pas souverainiste, mais il dit qu'on doit faire un consensus – et je l'ai dit dans la dernière page du discours du budget – sur le fait que le Québec forme une nation. Là, si vous voulez rendre service au Québec, tous les députés du Parti libéral, hommes et femmes, urbains ou ruraux, souscrivez à ce consensus, parlez-en dans les assemblées. J'ai hâte d'être là pour voir le député de Mont-Royal aller faire cette apologie à ses commettants et à ses électeurs et à ses électrices, de même que dans Marguerite-Bourgeoys. Là, c'est l'intérêt national qui est en cause, et c'est devenu tellement clair qu'on ne peut pas différer, c'est une façon de dénouer l'impasse. Dire les efforts de Robert Bourassa, de Jean Lesage, qui parlait de l'État du Québec, je me souviens...

Il est venu un gars de l'Ouest la semaine passée, ici même, pour dire que «État», ça faisait comme si on voulait se séparer. Jean Lesage a dit ça en 1960 avec éclat, tu sais. Tourner en rond plus que ça, tu meurs, et, à long terme, on sera tous morts. Alors, il est temps, là, que les libéraux prennent leur courage à deux mains et fassent faire au Québec ce pas important de reconnaître le Québec pour ce qu'il est. Pour la suite, on verra. Il n'y a pas d'unanimité pour la suite, on décidera. Mais, si on pouvait au moins s'entendre sur ça, ce serait déjà un grand pas de fait, et j'espère que c'est ce qui arrivera.

Je me souviens que, quand Jean Charest, aujourd'hui député de Sherbrooke et chef de l'opposition officielle, a décidé de venir au Québec, il a dit clairement que la nation, pour lui, c'était le Canada. A-t-il changé? Je l'espère. S'il n'a pas changé, j'espère qu'il va changer rapidement. Et, si la députée de Marguerite-Bourgeoys, elle, est convaincue, qu'elle convainque donc son chef, ça va rendre un grand service à l'ensemble du Québec.

C'est vrai que le Québec s'est développé et que le Québec d'aujourd'hui n'est pas celui de 1930, comme la France s'est développée puis comme le Manitoba s'est développé. Là n'est pas la question. Même si on fait de la dimension économique une dimension majeure du destin des peuples, ce qui n'est pas sûr...

Je ne veux scandaliser personne, mais allez donc dire aux Français: Votre niveau de vie va remonter de 3 % si vous devenez une province de l'Allemagne, pour voir ce que ça va faire. Ils n'appellent pas ça des «provinces» là-bas, ils appellent ça des «Land», au pluriel «Länder», en allemand. Poser la question, c'est y répondre. On dit au peuple français: Votre niveau de vie va monter de 3 % ou 4 % si la France devient un des Länder allemands. Entendez-vous la réponse d'ici? Les hurlements vont s'entendre outre-Atlantique.

Faites le même test avec le Luxembourg. Le Luxembourg, ça, ça n'a pas la population de ville de Laval puis à peine son territoire, dans les Ardennes. Allez dire aux Luxembourgeois: Vous allez devenir un Länd allemand. Ils sont moins nombreux, mais ils vont crier aussi fort. Si on avait dit à David Ben Gourion, fondateur de l'État d'Israël, ou à un de ses successeurs aujourd'hui, Ehud Barak: Vous allez devenir une province d'une grande fédération judéo-arabe du Moyen-Orient, quelle serait la réponse? La même que celle que les Tchèques et les Slovaques se sont donnée mutuellement puis les trois baltes, indépendamment de l'économie.

Je n'ai pas dit que le Québec ne s'était pas développé depuis 1930 ou depuis 1967. Oui, il s'est développé, par ses vertus, par son travail, par certaines politiques fédérales, et je dis que notre appartenance au Canada a freiné notre développement, nous a coûté très cher, nous coûte encore très cher. Notre appartenance au Canada a failli, d'abord, nous coûter la vie comme peuple à plusieurs reprises. Tous ceux et celles qui vivent...

Mme Jérôme-Forget: Ha, ha, ha!

M. Landry: La vie comme peuple, je ne veux pas dire la vie biologique. J'avais bien dit «la vie comme peuple», je n'ai pas dit «la vie biologique». Tous ceux et celles qui ont choisi l'aventure périlleuse de vouloir être francophones à l'extérieur du Québec ont la déception, aujourd'hui, dans tous les cas, de voir un processus d'assimilation inexorable et diminuent à hauteur de 50 % par génération, dans certains cas, et, même pour les braves et vigoureux Acadiens et Acadiennes, à hauteur de 8 %, 9 % par an.

Comment pouvez-vous glorifier ce pays et en parler de façon positive quand le seul hôpital francophone qu'il restait en Ontario a été fermé sous vos yeux, quand ce que vous appelez la capitale nationale... Et qui n'est pas la capitale nationale, parce que la capitale nationale, c'est Québec. Tout ce qu'il pourrait y avoir à Ottawa, c'est une capitale confédérale ou une capitale fédérale, mais elle ne sera même pas bilingue. Vraiment, vous êtes patients. C'est le mot le plus modéré qui me vienne. Vous vous en faites faire, des affaires, puis vous continuez à prendre fait et cause pour ce système.

Moi, je crois, après des années d'observation, que notre appartenance au Canada nous a coûté très cher. Quand je dis que ça a failli nous coûter la vie comme peuple, c'est que, quand ils ont commencé à être protectionnistes, avec la «national policy», à la fin du siècle dernier, qu'ils ont mis fin au statut de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, ils ont déterminé, un peu comme c'était arrivé en Irlande, l'exode de 1 million et plus des nôtres qui sont partis rejoindre la prospérité où elle était. On ne pouvait plus faire l'usine à Sherbrooke puis exporter aux États-Unis, la frontière était bloquée par la «national policy» de John A. Macdonald. Alors, ils sont allés rejoindre l'usine où elle était, c'est-à-dire à Woonsocket puis à Fall River et puis en Nouvelle-Angleterre. C'est des histoires du passé.

La ligne Borden, la même chose, ça nous a coûté des centaines de milliers d'emplois cumulatifs, l'est de Montréal n'est pas encore relevé de ça; la canalisation du Saint-Laurent, la même chose. C'est des vieilles de la vieille, ça, c'est des vieilles histoires qui nous ont fait très, très mal et dont les effets ne sont pas encore liquidés. Mais on pourrait dire: On va oublier ça, les vieilles de la vieille, puis on va oublier le passé, si le présent était plus drôle. Mais le présent n'est pas plus drôle.

Vous me parlez de la Cité du multimédia, à Montréal, qu'on a fait naître il y a quelque 15, 18 mois, qui a 7 000 emplois, et on avait calculé 10 000 en 10 ans. C'est un succès remarquable. Mais ce n'est rien à côté de Kanata. Avez-vous entendu parler de Kanata? Le gouvernement fédéral, que vous encensez, a fait naître de façon artificielle, dans une bourgade au nord d'Ottawa, un formidable centre technologique, dont les trois quarts, si la nature des choses avait joué, se seraient faits à Montréal. Il y a 43 laboratoires fédéraux dans l'Outaouais. C'est bien ça, c'est 43? Je ne veux pas donner le mauvais chiffre. Quarante-deux laboratoires fédéraux dans l'Outaouais, vous m'entendez bien? Il y en a un du côté est de la rivière.

Si vous ne croyez pas à la concentration géographique, allons-y gaiement dans la dénonciation. Est-ce que le Parti libéral dénonce de temps en temps des faits aussi injustes? Montréal est encore et toujours la capitale technologique du Canada. Mais il fallait être fait fort en maudit! Le gouvernement principal, le septième pays du G 7, met toutes ses forces pour faire naître un centre artificiel au nord d'Ottawa qui nous coûte extrêmement cher. C'est par dizaines et dizaines de milliers d'emplois que nous avons vu la prospérité s'en aller à l'ouest par l'action du gouvernement fédéral.

Les dépenses d'investissement du gouvernement fédéral, c'est 18 % cette année, on est près de 25 % de la population. L'an passé, c'était combien? C'était 18 %. L'année d'avant, c'était 18 %. Ça varie: 17 %, 18 %. Qu'est-ce que vous attendez pour dénoncer des choses comme ça? Le Canada nous coûte très cher, le Canada nous produit une hémorragie perpétuelle. Subventions aux entreprises – ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'entreprises au Québec, la députée de la Beauce, capitale de l'entrepreneurship: on a 16 % des subventions fédérales au Québec, on est 25 % de la population. Recherche et développement, une de nos forces: on a dépassé l'Ontario, on a dépassé la moyenne de l'OCDE par nos propres moyens et par nos propres pouvoirs malgré le fait que 19 % des dépenses totales de recherche et développement du gouvernement du Canada se font au Québec, et, quand il s'agit des dépenses dans les laboratoires fédéraux, c'est 13,8 %.

La voyez-vous, la prospérité, filer entre nos doigts par l'action d'un gouvernement dont vous vous faites les thuriféraires contre toute logique? Surtout au cours de la semaine que votre parti a passé, en plus, pour une succursale du parti au pouvoir à Ottawa! Mais ça, c'est épisodique, là, ce n'est pas ça qui a fait que la recherche et développement était à 18 %, ça fait 50 ans que c'est comme ça. Mais ce n'est pas avec des attitudes comme les vôtres que ça va se corriger.

Dans l'Outaouais québécois... Le président habite l'Outaouais québécois. Il est professeur agrégé de l'Université d'Ottawa, il connaît cette région-là comme le fond de sa poche. 43 % des dépenses de R & D dans la région de l'Outaouais se font en Ontario et puis 0,5 % dans l'Outaouais québécois. C'est injurieux!

(17 h 10)

Traitement inéquitable à l'égard du Québec dans d'autres domaines sociaux: 18 % du logement social construit par le gouvernement fédéral est au Québec, 29 % des ménages qui en ont besoin étant ici, 18 % versus 29 %; stratégie emploi jeunesse, 16 % des fonds fédéraux au Québec. Est-ce que c'est parce que notre jeunesse...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Votre temps est épuisé, mais finissez votre pensée rapidement.

M. Landry: ...a moins de besoins? Est-ce que nos jeunes, est-ce que mes enfants, moi, sont «children of a lesser God»? Pourquoi est-ce que le fédéral met 16 % des fonds alors qu'on est 25 % de la population?

Mme Jérôme-Forget: Vous devriez lire ce livre-là, c'est bon.

M. Landry: Children of a lesser God ? Ah! j'ai vu le film puis j'ai lu le livre, imaginez-vous! J'ai trouvé ça extraordinaire. C'est pour ça que je prends l'exemple de temps en temps.

Alors, mon temps est fini, mais, si mon temps était infini, je pourrais parler pendant des heures, avec des chances aléatoires de convaincre les libéraux, mais au moins de convaincre une majorité de Québécois et de Québécoises de prendre conscience de toutes ces réalités profondes et de faire dans les meilleurs délais le geste politique qui s'impose.


Restructuration de l'économie de la MRC du Bas-Richelieu

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. Je vais m'octroyer la parole pour la période suivante, incité en cela par quelques commentaires de la porte-parole de l'opposition officielle concernant les investissements annoncés au budget dans certaines régions du Québec ou dans certains lieux du Québec.

Cette année et les autres années, parfois même dans des secteurs très précis, je me souviens d'avoir adopté avec vous ici, en commission, des lois de finance qui s'arrêtaient à tel numéro civique de tel cadastre, de telle rue. C'est donc dire que les mesures, effectivement, sont parfois extrêmement pointues.

Je prends la parole à ce moment-ci sur cette question-là parce que, justement, je suis mêlé depuis cinq ans à la promotion d'une région, à son développement et à une opération de relance économique qui occupe l'essentiel de mon énergie. C'est celle de la relance économique de Sorel-Tracy, qui est l'objet, vous le savez, d'une mesure spécifique au budget. Je veux, par le fait même, illustrer pourquoi il est important parfois pour l'État, de façon chirurgicale, je dirais, avec précision, de tenter d'apporter des éléments qui font la différence entre une situation impossible, une situation économique désastreuse et une relance économique qui permet aux gens de retrouver l'espoir.

Je dirais à la députée que je suis d'accord sur le principe général qu'elle a elle-même énoncé. Ce n'est pas à l'État, par des mesures générales inconsidérées, de tenter de créer artificiellement de la prospérité régionale. Les aventures, au cours des dizaines d'années où des formules semblables ont été déployées, notamment par le gouvernement fédéral – on pense au BAEQ et à bien d'autres – n'ont donné que des résultats assez désastreux. Une fois la pluie passée, la terre, ayant bu toute cette manne, s'est trouvée à nouveau asséchée.

Ce que, par contre, font le ministère des Finances et le ministre des Finances depuis 1994, notamment, c'est de tenter de percevoir et d'identifier des lieux physiques ou des types de développement d'industries, d'entreprises où les gens se sont pris en main, où les plans de redressement ou les plans de développement se sont formulés, où les consensus se sont développés et où tout le monde est prêt à développer à condition qu'un petit coup de pouce de l'État vienne faire la différence entre l'inertie et l'action. Encore là, on est très loin d'Harold Wilson, mais on est encore infiniment plus loin de Margaret Thatcher.

On n'accepte pas – ce qui s'est d'ailleurs passé en Angleterre – que des régions complètes comme celles de Sheffield, de Birmingham et d'autres se retrouvent – en pleine prospérité, dans une Angleterre riche – en pleine déshérence, complètement abandonnées par l'État central. Il ne faut pas oublier que, ici – et les libéraux ont participé à ça autant que le Parti québécois – nous sommes un État de grande solidarité sociale, nous acceptons que nos impôts servent à ceux qui sont moins nantis. Bien, il faut aussi accepter, lorsque nous sommes en période de prospérité économique, de faire en sorte que des régions qui se sont donné les moyens – et non pas des régions qui attendent béatement que l'État les aide, les sauve malgré elles – reçoivent aussi des preuves de la solidarité sociale.

Dans le cas de Sorel-Tracy, qui, je le rappelle, a connu la fin de l'industrie navale – ce n'est pas la seule ville à travers le monde qui a connu ce problème, mais, dans tous les cas, ça a été des catastrophes humaines et sociales – 5 500 emplois, uniquement dans ce secteur, ont été perdus, dans une population de 40 000 personnes. Restructuration des industries traditionnelles, sidérurgie: on produit maintenant deux fois plus avec deux fois moins de personnes.

Alors, la région de Sorel-Tracy, qui était, je le rappelle, il y a moins de 15 ans, la plus prospère du Québec – c'est celle où habitait tous les week-ends le premier ministre, c'est celle qui était d'ailleurs associée à la famille qui avait donné naissance à cette grande prospérité industrielle – avec celle de Sept-Îles, que représente aujourd'hui le député de Duplessis... Sorel et Tracy étaient des lieux de prospérité absolue, et je dois avouer que, pendant 15 ans, 20 ans, ça a été très difficile.

Rappelons-nous qu'à cette époque la formation professionnelle était plus une formule qu'une réalité. Les jeunes entraient à l'usine, aux chantiers maritimes à 16 ans, ayant terminé un secondaire III fort, et ne se préoccupaient jamais de l'avenir. Vous imaginez dans quelle situation cette population s'est trouvée. Et, petit à petit, cette population s'est redonné des outils, notamment, au cours des dernières années, un plan de reconversion économique, a fait des consensus, s'est dotée d'outils, je pense notamment à un remarquable centre de recherche en environnement qui est co-organisé par l'Université du Québec à Montréal, l'UQAM, et le cégep Sorel-Tracy en environnement. Je souligne que l'environnement est l'axe central du plan de relance du Bas-Richelieu, c'est-à-dire les industries environnementales, qui ont beaucoup d'avenir, on le sait, puisque c'est un des secteurs qui sont le plus en expansion actuellement.

La volonté de la région de se tourner vers l'avenir s'est aussi manifestée de façon éclatante cette année. Il y a huit jours paraissait au journal officiel l'avis de la fusion, c'est-à-dire la création d'une nouvelle ville. Sorel et Tracy, après s'être crêpé le chignon pendant 40 ans, depuis la formation de la ville de Tracy en 1949... La population a décidé que c'en était fini des querelles de clocher et s'est mise à travailler ensemble et à fusionner ces deux grandes villes, une ville qui aura près de 40 000 de population.

Les gens d'affaires, qui avaient laissé aller les choses, qui, sans doute, se tournaient vers leur propre salut individuel, ont décidé également de s'allier avec leur député et de tenter de trouver tous les moyens pour sauver cette région. Aujourd'hui, nous avons plusieurs projets sur la table qui sont très avancés, nous avons un plan de relance qui a reçu les éloges de tous ceux qui s'y connaissent et qui ont été approchés pour l'évaluer, il y a une volonté régionale d'aller de l'avant. Tout ce qu'il nous manquait, c'était des moyens pour amorcer une série de mesures. Je vais en donner quelques-unes.

Nous n'avons pas, malgré les apparences, de parc industriel. Comment relancer une région sans parc industriel? Eh bien, puisqu'on a fermé une usine récemment, Tioxide, qui occupait un très grand territoire, avec une centaine d'employés, maintenant, ce territoire pourra devenir un parc industriel grâce à une somme largement fournie par le gouvernement du Québec, mais pas uniquement, autant par la région, par la nouvelle ville et, souhaitons-le enfin, par le gouvernement fédéral, qui s'est jusqu'à maintenant trouvé très loin de notre développement.

Vous avez la même chose pour ce qui est du plan de relance économique, nous avons maintenant les moyens d'aller chercher les meilleures personnes pour le mettre en marche. N'oublions pas que le cercle vicieux de la pauvreté, c'est que les régions pauvres ont les moyens les plus faibles pour faire face au développement, alors que ce sont elles qui auraient besoin des plus grands moyens. Nous allons aller chercher, au cours des prochains mois, les meilleurs experts pour diriger notre plan de relance et de reconversion.

(17 h 20)

Je ne voudrais pas entrer dans mille détails de ce plan, dans la nécessité, par exemple, de sauver le port de Sorel, qui est actuellement ensablé et que le gouvernement fédéral a laissé, depuis 17 ans, sans dragage, qu'il est prêt à abandonner, dans son infâme politique de cession des ports du Saint-Laurent, sans aucune amélioration et dans un état désastreux.

Alors, le gouvernement du Québec s'est engagé, à l'intérieur de l'enveloppe qui, justement, était mise à la disposition de la région, à faire en sorte que ce port puisse se maintenir. J'en parle sans doute avec beaucoup de passion, M. le ministre, parce que j'ai dû plaider avec toute la région, devant vous – vous m'avez entendu à plusieurs reprises – auprès du premier ministre. Mais je pense qu'il s'agit là – et j'ai trouvé qu'il était important d'en parler – d'un bel exemple. Lorsque la région est prête, lorsque la région a un plan, lorsque la région – je termine là-dessus, M. le secrétaire – a un plan de relance, qu'il y a une volonté où tous les intervenants d'une région sont prêts à bouger, qu'il y a des projets, qu'il y a une ébullition, c'est à ce moment qu'il faut intervenir, et je pense que le gouvernement le fait de façon intelligente.

M. Landry: Oui, c'est un bel exemple, et ça s'est passé exactement comme le président l'explique: un enchaînement de tragédies industrielles qui font qu'une région habituée à la prospérité – ça fait encore plus mal que ceux qui ne l'ont jamais eue – se retrouve en détresse, et puis une détresse... Alors, quand on dit que le port au confluent du Saint-Laurent et du Richelieu, qui a fait la prospérité de cette ville, qui a fait son nom, qui a fait son industrie, qui a fait même son implantation est en train de s'ensabler, il est temps de faire quelque chose.

Alors, on a beau dire: On va faire des politiques mur à mur, puis ça va s'appliquer partout pareil, non, ça ne s'applique pas partout pareil. Il y a un problème extraordinairement grave en Gaspésie, on a une politique gaspésienne; un problème extraordinairement grave à Sorel-Tracy, politique Sorel-Tracy.


Intervention de l'État dans l'économie (suite)

Une petite anecdote. Le ministre responsable de la Gaspésie, le député des Îles-de-la-Madeleine, me disait il y a quelque temps: La Gaspésie est dans un état lamentable de tel et tel points de vue. Et tout ça, tout ce qu'il me disait était rigoureusement vrai puis vérifié par des chiffres, etc. Je lui ai dit: Ce que tu me décris là, c'est Montréal il y a cinq ans. C'est ce qu'on entendait à Montréal il y a cinq ans: des propos défaitistes, la rue Sainte-Catherine abandonnée, placardée, barricadée. C'est la seule artère commerciale encore vivante au Canada, les projets d'investissements à toutes les portes, le renouveau. Il y a même des gens qui ont eu l'imprudence, ayant écouté les chansons misérabilistes, de vendre de magnifiques propriétés, sur la rue Sainte-Catherine, pour des bouchées de pain, qui aujourd'hui se revendent à millions.

Il fallait une détermination pour créer la bougie d'allumage de relance de Montréal, et cette bougie d'allumage, ça a été la Cité du multimédia. Ce n'est pas la Cité du multimédia qui crée l'ensemble de la prospérité qui va se déployer sur le territoire, mais tous les observateurs – à commencer par le maire de Montréal lui-même, le maire Bourque, récemment réélu – vous diront que, pour le Vieux-Montréal, c'est clair et que le Vieux-Montréal a répandu la nouvelle mentalité sur tous ses pourtours, et ça a permis à d'autres projets de débloquer.

Au début, j'ai entendu des couplets comme ceux qu'a répétés la députée de Marguerite-Bourgeoys. Quel était ce couplet? C'était de dire: Oui, c'est beau, votre Cité du multimédia, mais, moi, j'ai un édifice à côté. Alors, vous allez me ruiner, il n'y aura plus personne qui va venir chez moi. J'ai dit: Un instant! Je vais vous expliquer brièvement ce que veulent dire les externalités dans une économie ouverte et de marché.

Les externalités, on les illustrait autrefois en disant: Le cultivateur qui vend sa terre pour faire passer l'autoroute peut dire: Oui, mais ça va ruiner ma terre puis je vais avoir des problèmes puis je vais perdre ma chemise, donc je demande plus. Mais, avec les externalités, ce n'est pas ça qui est arrivé. L'autoroute est passée, puis ça a donné une plus-value fantastique à sa terre. Après ça est venu le zonage agricole, puis des problèmes se sont posés dans un autre ordre.

Mais les externalités de la Cité du multimédia, en un mot, ont fait que ceux et celles qui étaient venus pleurnicher sur mon épaule que leur maison se viderait, aujourd'hui ont des sourires fendus jusqu'aux oreilles, et, suivant l'expression anglo-saxonne, «are laughing all the way to the bank», parce que la Cité du multimédia a entraîné une renaissance du quartier, littéralement.

Actuellement, il y a 300 unités de logement qui se construisent dans le Vieux-Montréal. Ce n'est pas arrivé depuis que le Vieux-Montréal est le Vieux-Montréal, sauf si on remonte à Jeanne Mance. Pourquoi? Parce que ces jeunes gens et ces jeunes filles qui travaillent dans la Cité du multimédia veulent avoir une existence urbaine agréable et habiter dans un beau vieux quartier, où on a commencé par épuiser le stock existant, parce qu'il y avait un stock existant, il y avait de l'inoccupation, et, quand l'inoccupation a tendu vers zéro, la construction a commencé. Ça, c'est pour les projets d'habitation. Il y a 10, 12 projets de restauration d'immeubles à fins d'hôtellerie, parce qu'il y a l'hôtellerie touristique, mais il y a l'hôtellerie d'affaires aussi, tous ces clients qui viennent visiter des gens dans la Cité du multimédia, qui viennent visiter des entreprises.

Alors, je pense que j'admets bien la critique qu'on peut en faire si elle est juste, mais la critique que la députée de Marguerite-Bourgeoys en a faite est périmée. Ce que vous dites, je l'ai entendu de mes oreilles dans les premiers mois; je ne l'entends plus, j'entends le contraire. Tout le quartier est en renaissance sans exception. Il y a des gens qui ne connaissaient rien au multimédia puis qui avaient juste un petit restaurant minable pas loin. Puis là le petit restaurant minable, vous devriez voir comment les prix montent, et il s'est transformé complètement. Je ne donne pas le nom, là, je ne veux insulter personne, mais allez manger là le soir, vous allez voir ce que ça donne: plus la lumière baisse, plus les prix montent, on dirait.

C'est devenu des endroits chics. Fréquentés par qui? Par les gens du multimédia, leurs amis. On entend toutes les langues de la terre, on entend discuter affaires comme technologies. C'est ça, une formule de concentration géographique d'une activité.J'ai donné le même exemple ce matin au député de Limoilou et j'invite les députés de l'opposition officielle à aller se balader dans ce quartier. Alors...

Mme Jérôme-Forget: ...

M. Landry: Mais, vous, vous n'étiez pas là du temps de la misère, vous venez d'être élue.

Mme Jérôme-Forget: J'y vais souvent, j'étais là.

M. Landry: Moi, j'y suis allé du temps de la misère. J'ai eu à aller faire un achat insignifiant il y a deux ans au mail Saint-Roch, je suis revenu de là pénétré de l'horreur d'un désastre urbanistique. Et là j'y vais régulièrement, depuis quelques semaines, et je vois un quartier qui renaît.

Donc, on peut, par des opérations ciblées, produire des effets. Il faut en avoir la volonté, il faut être capable d'assumer les critiques initiales. Si, dès qu'on a eu des critiques de deux propriétaires d'immeubles dans la Cité du multimédia, on avait arrêté ça, d'abord il n'y en aurait pas eu, puis, deuxièmement, les propriétaires qui aujourd'hui sont devenus riches à cause de ça, seraient encore misérables comme ils l'étaient autrefois.

Alors, moi, j'ai beaucoup de respect pour l'économie de marché, je l'ai dit à plusieurs reprises. J'ai, par exemple – c'est un sujet d'actualité – proposé les lois pour que la Caisse de dépôt achète des actions, pour qu'elle se comporte comme ses confrères du secteur privé, les fonds de pensions. Ça donne des rendements de 16 % aujourd'hui. Je veux bien tout ça, mais je crois encore que les États modernes doivent intervenir, y compris dans l'économie, en s'inspirant des règles de l'économie de marché et en respectant les règles de l'économie de marché.

Ce qu'on fait avec la SGF, par exemple, c'est une intervention, bien sûr, mais c'est une intervention qui est toujours minoritaire. Il y a toujours un capitaliste qui accompagne la SGF, et le capitaliste est toujours majoritaire. Comme le capitaliste ne va jamais là pour nos beaux yeux et qu'il va là pour faire de l'argent, si 51 % des parts font de l'argent, 49 % en feront. C'est ça, utiliser les rouages de l'État pour stimuler une économie de marché qui, par ailleurs, pourra peut-être un jour être assez performante pour qu'on puisse se passer de tout ça, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Le député de Mont-Royal l'a dit, on a un rattrapage considérable à faire par rapport au reste du Canada.


Incidence des différentes options politiques sur l'économie (suite)

Les écarts se referment, vrai. J'ai commencé aux années cinquante puis j'ai bien montré que les écarts se referment, mais il y a encore du chemin à faire pour toutes sortes de raisons. Je ne veux pas revenir dans ma charge à fond de train contre le gouvernement du Canada, mais le gouvernement du Canada nous a coûté, par inéquité et par injustice, des dizaines et des dizaines de milliers d'emplois.

(17 h 30)

Et ce n'est pas parce que le premier ministre du Canada est un Québécois puis que le ministre des Finances du Canada est un député du Québec et qu'on a eu le président du Conseil du trésor, pendant longtemps, qui était aussi un député du Québec, que les écarts se sont refermés. Les chiffres que j'ai donnés tout à l'heure, ils sont perpétuellement vrais, alors que, pour employer un anglicisme, c'est «built in», la machine est conçue comme ça. La machine n'est pas capable de faire justice au Québec. Quelles que soient les hypothèses d'explication qu'on veuille bien avancer, mêmes les plus polies – parce qu'il y en a des moins polies – nous démontrent que cette grande machine, dite fédérale et qui est de plus en plus unitaire, n'est pas capable de nous rendre justice.

Regardez la politique de l'énergie au Canada. Écoutez bien ça, M. le Président. L'énergie, est-ce qu'il y a quelque chose de plus extraordinairement important et stratégique pour une économie moderne? Alors, que fait le gouvernement du Canada en matière d'énergie? Il a fait un programme énergétique dit national – il aurait dû dire central ou fédéral: 8,5 milliards essentiellement dans les pétroles lourds et bitumineux de l'Ouest, le gaz de l'île de Sable. Vous avez bien entendu, 8,5 milliards. Petro-Canada: 1,3 milliard de perdu lors de la vente des actions, avec notre argent, pour le quart. Hibernia: 2 milliards d'investissements fédéraux. Devco: des centaines de millions de dollars perdus dans des mines de charbon, avec notre argent. Le nucléaire: environ 12 milliards de dollars d'aujourd'hui versés à Énergie atomique du Canada depuis 1952.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre, nous étions sous le charme, mais votre temps est écoulé. Alors...

M. Landry: Tout ça pour dire qu'en énergie, au Québec, le gouvernement du Canada a mis quoi? Zéro! Sauf une malheureuse usine d'eau lourde qui a terminé en catastrophe et qui n'a jamais vu le jour à Gentilly et une centrale nucléaire de 800 MW, Gentilly II, qui ronronne en face de Trois-Rivières. Des montagnes de fric à l'est, à l'ouest et partout. Au Québec: rien. Et, pour applaudir, le Parti libéral du Québec.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Là-dessus, Mme la députée de Beauce-Sud va poser la prochaine question.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, je me rends compte, depuis qu'on est ici cet après-midi, que le ministre des Finances ne répond pas, les trois quarts du temps, à nos questions, qu'il utilise la plupart de son temps à faire un plaidoyer en faveur de la souveraineté. Pourtant, il méprise beaucoup les libéraux sur l'option qu'on a, la façon qu'on... Je veux dire qu'on ne partage pas la même idéologie, il le sait très bien, et il a décidé d'utiliser le temps qu'on étudie le budget pour mépriser justement les députés du Parti libéral, qui ne partagent pas son opinion.

C'est dommage parce que, voyez-vous, les sondages nous disent que la moitié de la population et plus ne partage pas non plus son idéologie et qu'elle ne veut rien savoir de cette souveraineté. Je comprends qu'il se sent un peu coincé de ce temps-ci parce que son option est à la baisse et puis qu'il a décidé d'utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour promouvoir son option et, encore une fois, pour descendre tout ce que fait le gouvernement fédéral. Pourtant, Dieu sait bien que le gouvernement fédéral a souvent aidé énormément le Québec! Le Québec d'aujourd'hui doit une large part de sa croissance à ce que le fédéral a fait.

Il a parlé tantôt des laboratoires du gouvernement fédéral qui sont 42 sur 43 en Ontario, un seul au Québec. Je vous ferai remarquer que le ministre des Finances ou le gouvernement du Québec, lorsqu'il décide d'instaurer un ministère, il ne va pas le mettre à Lévis non plus, il le laisse dans sa capitale qui est Québec. Alors, on peut dire que c'est à peu près le même raisonnement que le fédéral a pris, même si je ne suis pas là pour défendre le fédéral. Ce que je retiens surtout, c'est qu'on a eu droit aujourd'hui à une attitude méprisante du ministre des Finances à l'endroit des libéraux, et ça, ça veut dire une attitude méprisante du ministre des Finances envers la moitié de la population du Québec.

Mais je comprends que c'est un homme qui est en politique et puis il est ici pour promouvoir son opinion politique. Là où j'ai une plus grande réserve, parce que je trouve que c'est injurieux, cette façon de faire là, c'est lorsque je regarde le sous-ministre des Finances, qui, lui, fait des sourires les trois quarts du temps. Tu sais, un petit sourire qui veut tout dire. Alors, moi, je ne peux pas concevoir qu'on ait droit, depuis le début de l'après-midi, à cette attitude-là de la part d'un haut fonctionnaire qui est au service de l'État. Alors là je me dis: C'est très dangereux, cette histoire-là, parce que, finalement, les fonctionnaires sont au service de tous les contribuables du Québec, toute la population du Québec et devraient faire preuve d'une plus grande prudence.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de Beauce-Sud, je vais être obligé de vous interrompre là-dessus parce que nous avons, de tradition, dans cette commission comme dans toutes les commissions parlementaires, lors du budget mais lors de toutes autres études, la participation des hauts fonctionnaires ou de fonctionnaires spécialisés du gouvernement du Québec. Et je pense qu'on doit évaluer leur contribution à la qualité de ce qu'ils nous apportent en argumentation, en réponse. Et en aucun moment, je pense, aucun des fonctionnaires de cette salle...

Mme Leblanc: Ça serait bien intéressant, M. le Président, si justement on pouvait avoir des réponses.

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...n'a refusé de répondre à vos questions. Quant à faire l'interprétation, moi, je n'ai pas M. le sous-ministre dans mon angle de vision, mais j'ai devant moi une vingtaine de fonctionnaires qui sont ici pour nous aider, et je peux vous dire que je ne fais pas d'interprétation des visages, voir si des mines s'allongent ou si des sourires apparaissent. Nous sommes ici entre parlementaires et l'opération que vous menez...

Mme Leblanc: Je suis très bien capable, M. le Président, de faire ce jugement-là par moi-même, là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, vous allez arrêter, s'il vous plaît, pour respect pour ces fonctionnaires, de faire de l'interprétation des physionomies, sinon je pense que ça va mettre en péril la collaboration des fonctionnaires aux commissions parlementaires, ce qui, j'en suis certain, n'est pas votre but.

Mme Leblanc: Ah! au contraire, j'aurais bien souhaité que les fonctionnaires qui sont ici présents aujourd'hui puissent nous apporter peut-être plus de réponses. Mais, comme je vous ai dit, ils n'ont pas eu l'occasion parce que le ministre a plutôt utilisé son temps à nous faire un plaidoyer en faveur de la souveraineté. Tout ça pour vous dire que, moi, je n'ai pas l'intention de m'étendre très longuement sur le sujet. Je ne veux pas faire ce que je reproche justement au ministre des Finances, c'est-à-dire de nous parler d'autres choses.


Modernisation des infrastructures

Alors, je vais vous ramener sur le plancher des vaches et je vais vous parler... Je vais questionner le ministre – et d'ailleurs j'espère que je vais avoir des réponses – sur son programme des infrastructures municipales. Le ministre a parlé de 290 millions de dollars, dont 25 millions de dollars seront affectés aux interventions à caractère environnemental et 90 millions qui vont être voués à la réalisation de projets stratégiques en transport. On a quand même parlé de 175 millions qui seront réservés pour les projets municipaux.

C'est à ce titre-là que je veux lui demander: Comment il va répartir ce 175 millions de dollars là? Parce que, vous savez, je pense que c'est à la grandeur du Québec que les infrastructures routières et municipales laissent à désirer. C'est sûr qu'on a un climat au Québec qui ne nous aide pas à avoir des routes qui soient parfaites. Alors, ça demande énormément d'investissements. Malheureusement, c'est une partie attribuable au climat que nous avons au Québec. Par contre, il y a aussi beaucoup de retard qu'on accuse, au Québec, en matière de réseaux d'aqueduc et d'égout. Dans certaines localités, dont en Beauce, je sais qu'il y a des municipalités où ça fait vraiment pitié de voir qu'on n'a pas de services municipaux plus adéquats.

Alors, 175 millions de dollars qui vont être répartis à la grandeur du Québec. Je sais qu'habituellement on voit beaucoup... on tient compte beaucoup des critères prioritaires à accorder aux projets pour les demandes de subventions. Alors, on y va par priorité de projets. Maintenant, j'aimerais savoir, parce qu'il y a des demandes à la grandeur du Québec, parce que c'est criant: Est-ce que vous avez établi d'autres critères? Est-ce que, par exemple, on va tenir compte... Comment vous allez répartir ce 175 millions là parmi les régions au Québec?

(17 h 40)

M. Landry: Je ne peux pas vous le dire. Mais, avant de vous dire pourquoi je ne peux pas vous le dire, je ne laisserai pas passer ce que vous avez fait pour les fonctionnaires. Parce que, d'après moi, ce n'est pas correct. Les fonctionnaires du ministère des Finances, comme tous ceux de la plupart des ministères, sont des gens d'une extrême compétence. Ils sont au service des parlementaires. Ils se comportent dans leur vie professionnelle d'une façon neutre politiquement. Mais savez-vous que tous ces chiffres qu'ils me préparent sur le gouvernement fédéral, c'est une mise à jour. Des chiffres qu'ils préparaient pour qui, où il y avait le même sourire? Robert Bourassa, Gérard D. Levesque et tous mes prédécesseurs.

Ce que vous ne comprenez pas, c'est que, quand le Québec se fait voler comme au coin d'un bois, comme l'affaire de la compensation de la taxe de vente, Gilles Godbout, sous-ministre des Finances en titre, il ne se demande pas s'il travaille pour Landry ou s'il travaille pour Lévesque ou pour Bourassa, il travaille pour le Québec. Et c'est ça que la députée de Beauce semble ne pas avoir compris, et ça m'indigne profondément. Je comprends que c'est une députée qui n'est pas parmi nous depuis très longtemps, mais elle va finir par apprendre qu'il y a une continuité dans la fonction publique du Québec. Et on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche.

Quand la députée de Marguerite-Bourgeoys dit qu'on se présente aux conférences fédérales-provinciales avec la meilleure équipe au Canada, sa voisine de gauche n'a pas le droit, trois quarts d'heure plus tard, de venir dire le contraire puis d'essayer de mettre en cause leur professionnalisme. Je ne le prends pas. Ce n'est pas correct, ce que vous avez fait. Moi, je suis un ancien de la fonction publique. J'ai été dans le Parti libéral, puis j'ai été membre du cabinet de René Lévesque, puis j'ai porté les valises de Jean Lesage comme fonctionnaire aux conférences fédérales-provinciales, puis je faisais du mieux que je pouvais.

Puis, quand il me demandait des chiffres, je lui donnais, puis, quand il disait quelque chose de brillant à Lester Pearson, je souriais, puis jamais personne ne m'en a fait le reproche. Puis, maintenant que je suis en politique, je me souviens très bien de cette période puis j'ai le plus grand respect pour les hommes et les femmes qui travaillent avec nous. Et, s'ils sont contents de leurs chiffres puis que ça leur donne le sourire, tant mieux, puis ils ont toutes les raisons d'être fiers.

Deuxièmement, je n'admets pas non plus ce que la députée de Beauce a dit du mépris. J'ai dit à plusieurs reprises que vous aviez droit d'être fédéralistes ou de ne pas l'être, c'est une évidence. Nous, nous sommes souverainistes. On respecte votre option. On vous demande simplement de vous rallier au consensus qui se prépare dans la société québécoise. Pourquoi est-ce que j'ai parlé de souveraineté? C'est votre collègue elle-même qui a cité Alain Dubuc, qui a cité Jean-François Lisée. J'imagine que c'est parce qu'elle voulait que je réponde. Alors, j'ai répondu.

Si elle demande ça pour que je réponde et que la députée de Beauce me blâme d'avoir répondu, je pense qu'il manque un peu de cohérence, là, dans les banquettes de l'opposition officielle. Il n'y a aucun mépris. Au contraire, notre société est divisée 50-50 sur cette question. La société francophone l'est un peu moins, puisqu'elle a voté à 60-40 en faveur de l'option du Oui au dernier référendum. C'est une tâche difficile que de régler cette question Québec-Canada. Nous avons notre solution, nous attendons la vôtre. Mais vous avez le droit de prendre votre temps, vous prenez votre temps. Vos manifestes s'en viennent, je ne sais pas quoi.

Ce que je veux vous induire à faire, parce que je pense qu'il y a une chance de consensus – ça, c'est le contraire du mépris, ça – on pense que les hommes et les femmes qui sont assis en face de nous peuvent faire un consensus avec nous sur une chose – et je pense que, dans l'esprit de la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est fait, puis la députée de Beauce devrait y penser: c'est que les Québécois et Québécoises forment une nation, comme l'a dit Le Devoir , comme l'a dit La Presse , comme l'ont dit je ne sais plus combien d'intellectuels dans des colloques, comme le dit un intellectuel de Vancouver aujourd'hui même dans un colloque à l'Université McGill, je crois, qui est invité. Ce n'est pas du mépris, ça, c'est un appel à respecter le Québec pour ce qu'il est.

Alors, si c'est méprisant, ça, si c'est méprisant, de tendre la main pour un consensus, je ne sais pas où sont les valeurs de la députée de Beauce, là. Elle juge les hommes politiques comme les fonctionnaires, je suppose, c'est-à-dire elle ne comprend rien à leur comportement ni à leur attitude et elle leur prête des intentions. À eux la partisanerie et à moi le mépris. Alors, qui c'est qu'il reste qui a raison dans cette salle? la députée de Beauce? Ce n'est pas du mépris de lui dire qu'elle devrait peut-être consacrer quelques heures à la réflexion pour voir si elle a raison d'être fière de ses attitudes de cet après-midi.

Mme Leblanc: Je pense que le ministre aussi devrait peut-être revoir son attitude vis-à-vis des membres de l'opposition. Parce que je...

M. Landry: Mon attitude envers vous, elle est motivée par des choses extrêmement précises que vous avez faites cet après-midi même.

Mme Leblanc: Moi, je pense qu'on a passé une bonne partie de l'avant-midi à vous entendre parler du projet souveraineté...

M. Landry: Moi, je n'ai pas passer mon temps à vous interrompre. M. le Président, voulez-vous la rappeler à l'ordre, s'il vous plaît.

Mme Leblanc: Moi, je ne suis pas venue pour ça, je suis venue ici pour étudier le budget.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de Beauce-Sud, ici – et ça a toujours été la pratique, vous le savez très bien et je le fais sans aucun jugement de ma part, simplement vous le rappeler – c'est une personne à la fois. Actuellement, le ministre a la réponse. Et il vous restera quatre minutes dans votre droit de réplique et vous pourrez dire tout ce que vous jugerez pertinent de dire. M. le ministre, veuillez poursuivre.

M. Landry: Comme la députée de Beauce peut dire tout ce qu'elle juge pertinent de dire, j'ai les mêmes droits, j'imagine. Les deux côtés de l'Assemblée ont les mêmes droits. Alors, je ne m'empêcherai pas de dire ce que j'ai à dire. Et, que ce soit sur les chiffres pointus du budget ou que ce soit sur le destin du Québec, je pense que c'est mon devoir et mon droit de parler au nom des électeurs, de ceux et celles qui m'ont élu, et de parler suivant mes convictions profondes, ceci dit sans mépriser personne, ce que je n'ai pas fait et ce que, par ailleurs, la députée de Beauce a semblé faire par rapport aux représentants de la fonction publique ici présents. Tout ça est au Journal des débats et tout ça est inscrit dans les mémoires et dans les imaginations.


Incidence des différentes options politiques sur l'économie (suite)

Alors, j'avais parlé du programme énergétique du gouvernement du Canada. Comment est-ce qu'on peut accepter une telle chose? Comment peut-on accepter que les taxes du Québec, qui se battait avec un taux de chômage plus élevé que celui de l'Ontario, qui se battait avec un taux de croissance moindre et avec des incidences moindres, surtout au cours des années cinquante, soixante, a pu être privé de ces énormes moyens? On parle de 12 milliards en dollars d'aujourd'hui versés à Énergie atomique du Canada pour faire des centrales nucléaires dans la province la plus riche et la plus puissante du Canada.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ce n'est pas de la péréquation.

M. Landry: Ce n'est pas de la péréquation, c'est de l'investissement direct. Où sont-elles, les centrales? Elles sont sur les bords du lac Ontario. Elles sont à Pickering, puis elles sont à Bruce, puis elles sont à...

Mme Jérôme-Forget: Une chance qu'on ne les a pas eues, M. le ministre.

M. Landry: Oui, vous avez raison, une chance qu'on ne les a pas eues, mais, si on avait eu 12 milliards, on aurait fait des choses beaucoup plus importantes avec, et là ça aurait été une sacrée chance, d'avoir les 12 milliards.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Pour financer nos barrages.

M. Landry: Quand le gouvernement fédéral a basculé tout cet argent vers l'Ontario, ce n'était pas pour nuire à l'Ontario, c'était pour aider à l'Ontario. Alors, il aurait pu en basculer le quart ici pour aider au Québec. Il ne l'a pas fait. Nous autres, on s'est débrouillé avec Hydro-Québec, avec nos barrages, avec nos ressources naturelles. On aurait pu être compensé sur d'autres choses. On ne l'a pas été. On aurait pu être... S'il voulait faire le nucléaire en Ontario, d'accord, mais qu'il fasse toute la recherche et le développement au Québec. On l'a bien vu, c'est le contraire qu'il a fait. Il a fait aussi toute la recherche et le développement de l'autre côté de la rivière des Outaouais.

Alors, ça, c'est des injustices que personne ne m'empêchera de dénoncer dans notre Assemblée nationale ou dans une de ses commissions. Et, si l'opposition n'aime pas me l'entendre faire, bien, elle va être obligée de prendre son mal en patience parce que je n'ai pas l'intention de changer mes convictions parce qu'un ou une députée de l'opposition n'aimerait pas entendre ce que je crois être la vérité et que je n'impose à personne mais que je soumets à notre Assemblée.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Je crois que, du côté ministériel... Vous avez quatre minutes, excusez-moi, madame, je...

Mme Leblanc: Merci. Alors, M. le ministre m'avait dit, tantôt...

M. Landry: M. le Président.

Mme Leblanc: M. le Président, le ministre m'a dit tantôt, que, concernant le 175 millions de dollars pour les infrastructures, il ne pouvait pas me répondre mais qu'il me dirait pourquoi il ne pouvait pas me répondre. Alors, je n'ai toujours pas eu la réponse à ma question.

M. Landry: Parce que c'est la ministre des Affaires municipales, de concert avec les municipalités, qui va faire la répartition. Quant elle l'aura faite, elle me le dira et je vous le dirai.


Programme d'aide aux propriétaires de résidences endommagées par la pyrite

Mme Leblanc: Alors, M. le Président, peut-être que le ministre, à ce moment-ci, pourrait nous apporter un petit peu d'éclairage sur le fameux programme sur la pyrite. C'est un programme qui est dirigé vers les ménages les moins fortunés et qui va permettre de prendre à la charge du gouvernement 75 % des dépenses de réparation, jusqu'à concurrence de 30 000 $.

Dans la situation qui se vit actuellement, on voit que certaines personnes ont acheté une propriété qui est affectée par la pyrite d'une autre personne. Cette personne-là, qui vient de l'acheter et qui se rend compte du problème, peut ne pas avoir accès, actuellement, au programme d'aide parce qu'elle a plus de... admettons, ne fait pas partie des moins fortunés.

Donc, à partir de ce moment-là, il y a des recours judiciaires. Le nouveau propriétaire prend recours judiciaire contre l'ancien propriétaire qui peut, à son tour, prendre une action en justice contre... Finalement, là, on joue au domino, c'est l'effet domino, et on peut se ramasser avec des frais à payer pour des personnes qui ne sont pas actuellement propriétaires mais qui seraient quand même poursuivies et qui auraient quand même, même en étant moins fortunées, à avoir à payer l'ensemble des frais pour lesquels elles seront jugées.

Alors, je comprends bien que le programme actuel du gouvernement vise à éviter, justement, ces recours judiciaires là de un à l'autre, je suppose. En tout cas, ce n'est pas clairement indiqué dans le livre, mais je suppose qu'on veut éviter cette façon de faire, alors que, dans les faits, je ne sais pas quel mécanisme on a prévu pour que les actions en dominos, l'aide puisse être aussi accessible aux derniers de la ligne, par exemple. Je ne sais pas si le ministre a bien compris ma question, M. le Président.

(17 h 50)

M. Landry: Je l'ai parfaitement comprise, votre question. Pourquoi? Vous la croyez si obscure que, même avec beaucoup d'attention, on ne peut pas la comprendre? C'est ça, le mépris. Ou de moi, ou de vous. Nous, on compense les propriétaires actuels...

Mme Leblanc: Je vais vous répondre tout de suite, c'est tout simplement parce que vous jasiez pendant que je posais la question.

M. Landry: Je jasais de pyrite.

Mme Leblanc: J'espère, oui.

M. Landry: Puis je me faisais donner de droite et de gauche des feuilles que j'ai...

Mme Leblanc: Alors, il ne faut pas interpréter, hein.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il est d'usage...

Mme Leblanc: Faites bien attention à l'interprétation.

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...Mme la députée, que le ministre prenne des informations, qu'il y ait des conversations avec ses conseillers pour ces questions-là.

M. Landry: Exactement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Et je ne supporterai pas qu'on mette en doute l'attention du ministre pendant qu'il cherche à préciser certaines informations. C'est la pratique, ça a toujours été la pratique et je vous dirai que ce sera toujours la pratique.

Mme Leblanc: Ce n'est pas nécessaire, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, s'il vous plaît, aujourd'hui...

M. Landry: Et ça demande en plus une certaine adresse, d'écouter la députée puis d'écouter les conseillers en même temps, mais, avec un peu d'entraînement, ça peut se faire.

Bon. Alors, c'est vrai qu'il va y avoir des recours juridiques. Nous, on indemnise le propriétaire actuel. Alors, si le propriétaire actuel prend des recours, le juge ne va pas lui donner des dommages et intérêts qu'il n'a pas subis. Les tribunaux vont décider si, devant les dommages réels du propriétaire, le ou les gouvernements – parce qu'il se peut que les gouvernements municipaux embarquent là-dedans, aussi, je le souhaite vivement, que le gouvernement fédéral embarque là-dedans – effacent tous les dommages par leur intervention, bien, les juges vont en tenir compte. Alors, la cascade va s'arrêter droit là.

On ne peut pas, en droit, obtenir la compensation d'un non-dommage. On ne peut pas répéter l'indu. On ne peut pas être compensé pour les dommages qu'on n'a pas subis.

Mme Leblanc: Il faut absolument qu'il y ait eu des recours judiciaires et un jugement de rendu.

M. Landry: Non, non. Nous, on compense le propriétaire qui a eu des recours qui ne tenaient pas. Si le propriétaire fait des recours après avoir été compensé, il va être obligé d'expliquer au juge pourquoi on l'a compensé.

Mme Leblanc: Sauf que, si la personne qui, actuellement, est propriétaire n'est pas admissible à l'aide financière, mais qu'il y a quand même un jeu de dominos, des recours judiciaires vis-à-vis l'autre...

M. Landry: Les tribunaux feront les ajustements nécessaires. Nous, on compense les gens qui, selon nous, doivent l'être à cause de leur condition de fortune et de famille. Si quelqu'un a une maison de 500 000 $, bien là il fera ses recours puis il s'arrangera avec ses troubles.

Mme Leblanc: Vous indemnisez seulement les propriétaires actuels.

M. Landry: C'est ça... Ce n'est pas ça que ça veut dire.

Mme Leblanc: Bien...

M. Landry: Non. Mais non. Nous, nous indemnisons de façon directe les propriétaires actuels. Mais, si le propriétaire actuel a une action en dommage contre le propriétaire antérieur, il va être obligé de déclarer au juge qu'il a été compensé. Et le juge va en tenir compte, ce qui équivaut à compenser partiellement le propriétaire antérieur.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. J'invite maintenant le député de Duplessis à poser la prochaine question.


Différences entre le Parti québécois et le Parti libéral en matière de gestion des finances publiques

M. Duguay: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, M. le ministre, vous avez fait la démonstration d'une façon assez éloquente qu'un gouvernement du Parti québécois n'avait pas fait fuir les investisseurs quand on pense à la Cité multimédia de Montréal. Et, bien au contraire, on s'aperçoit que le Québec a bénéficié, aussi, des grands investisseurs même sous un Parti québécois. Alors, j'aurais aimé que le ministre nous explique un peu de quelle façon la gestion des finances publiques d'un gouvernement formé par le Parti québécois diffère de celle des libéraux. Alors, c'est une question qui est intéressante...

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...pas étayer davantage.

Mme Leblanc: ...Ha, ha, ha!

M. Duguay: Ha, ha, ha! Ce que je peux faire, c'est bien sûr... Quand on constate, du point de vue des états financiers et tout ça, on n'a qu'à penser que, lorsque le Parti québécois a formé le gouvernement à l'automne 1994, les finances publiques étaient dans un état lamentable, dans un état déplorable, et il y avait quand même eu des déficits de l'ordre de 4 milliards et plus, déficit le plus élevé de l'histoire du Québec depuis ces années-là, donc, 5,8 milliards. La dette avait doublé et également on avait fait la démonstration que les libéraux étaient spécialistes des erreurs par rapport aux prévisions du déficit.

Alors, tout ça pour dire que, même si le gouvernement du Parti québécois a été vigilant, ça n'empêche pas que le gouvernement du Parti libéral se sert de ça encore une fois pour démontrer que le Parti québécois est un parti de mauvaise gérance. Je me souviens, dans mon secteur, lorsque nous étions en campagne aux dernières élections, le ministre responsable dans le domaine énergétique et le porte-parole de l'opposition officielle étaient venus dans ma région pour démontrer que, si le gouvernement du Parti libéral prenait le pouvoir, il serait capable de relancer l'économie de la Côte-Nord, notamment dans le domaine des alumineries, et que, là, il était capable de laisser aller l'électricité au coût que l'on connaissait.

Donc, c'est un peu ce qui avait bloqué le projet, et on sait que les coûts énergétiques, au Québec, depuis que nous sommes au pouvoir, ça a permis d'avoir des coûts unifiés pour l'ensemble des Québécois, et on a aussi ce qu'on appelle le «tarif des industries», qui permet l'implantation dans nos milieux. Alors, c'est un peu la bonne gestion du gouvernement du Parti québécois qui a fait en sorte que le développement s'est quand même intensifié dans nos régions. Nous sommes capables d'avoir de l'électricité, peu importe le territoire où on se trouve, à des coûts uniformes.

J'ai une anecdote très intéressante à souligner. Dans les petits villages de la côte, juste pour brancher une maison, ça coûtait au-delà de 5 000 $, et le fait que le gouvernement du Parti québécois a étatisé l'électricité, présentement, l'électricité, dans ces milieux-là, coûte le même prix à l'ensemble du Québec. Alors, c'est quand même une très bonne gestion, ce qui a permis à tous nos concitoyens, peu importe où ils se trouvent sur le territoire, de pouvoir bénéficier également des avantages dans le domaine de l'hydroélectricité.

Alors, M. le ministre, ma question, c'était pour vous amener à nous expliquer un peu la gestion d'un gouvernement du Parti québécois, en quoi elle diffère de celle des libéraux.

M. Landry: D'abord, en termes de gestion, il y a eu vraiment une rupture historique depuis le retour au pouvoir du Parti québécois, ce qui ne veut pas dire que tout ce qui avait été fait avant en termes de gestion avait été mal fait. Les libéraux et nous, nous nous sommes partagé à peu près également le gouvernement depuis 1970. Je pense que, là, on a été là un peu plus longtemps qu'eux, je crois. Mais il y a eu, de 1970... Bien, vous pouvez le calculer, là.

Une voix: De 1970 à 1973...

M. Landry: Bien, ma collègue le calcule pendant que je continue mon exposé. Alors, on s'est partagé le gouvernement, grosso modo – je pense qu'on en a un peu plus qu'eux pour l'instant – et il y a eu des périodes...

Une voix: Continuez à parler.

M. Landry: Oui, oui, oui. Je continue à parler, elle calcule. Il y a eu des périodes où les gouvernements, de quelque parti que ce soit, sont tombés dans le piège de l'endettement, et assez joyeusement, je veux dire, pris de l'image de la pensée de Lord Keynes, qui disait: Il faut relancer l'économie en augmentant les dépenses publiques par l'endettement et la dépense, les libéraux comme nous ont sacrifié à cet autel. Alors, les ministres des Finances du Parti libéral...

Mais on m'a raconté une anecdote au sujet de Raymond Garneau qui avait été... Garneau a été ministre des Finances de Robert Bourassa, et c'est sous Garneau que l'endettement pour les dépenses courantes a commencé, et paraît-il qu'il en a été catastrophé. Ça a été pour lui un cauchemar de passer la ligne, franchir le Rubicon. Avant ça, quand le gouvernement du Québec empruntait, il empruntait, c'était pour ses investissements, c'était comme l'hypothèque pour payer la maison. Le jour où il s'est mis à emprunter pour payer l'épicerie, ça a semé, au moins dans l'esprit de Raymond Garneau, le trouble le plus profond.

Est-ce que le Parti québécois a fait la même chose après? Oui, hélas, sous les mandats de René Lévesque et de Jacques Parizeau, il est arrivé que l'endettement a été encouru pour payer l'épicerie et non pas pour payer des investissements. Cependant, quelle est la différence...

(18 heures)

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre, je suis obligé, à ce moment-ci, de demander le consensus pour poursuivre jusqu'à la fin de votre réponse.

M. Landry: On leur a donné à quelques reprises au cours de cette séance et des autres le temps de finir leur pensée.

Le Président (M. Simard, Richelieu): En effet, et je vais plaider également qu'à cause de l'enchaînement de nos travaux parlementaires, si nous ne franchissons pas cette ligne, vous le savez, pour quelques minutes seulement, nous devrons probablement passer et nous déplacer une journée de plus à Québec, ce qui serait coûteux pour tout le monde et certainement inutile pour cette commission. Je suis sûr que votre temps est très précieux, donc vous ne voudrez pas le perdre lundi et vous allez consentir à être avec nous encore quelques minutes le temps que le ministre finisse au moins sa pensée.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je suis navrée, je ne peux pas accorder mon accord.

M. Landry: Si on l'avait su avant, on ne vous aurait pas permis de prolonger vos interventions quand on vous a laissé faire.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nos travaux sont ajournés.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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