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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 27 octobre 1999 - Vol. 36 N° 31

Consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. Bernard Landry
Mme Monique Jérôme-Forget
M. Russell Copeman
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Normand Duguay
*M. Jean Nolet, CAPMO
*M. Claude Goulet, idem
*Mme Vivian Labrie, idem
*Mme Monique Toutant, idem
*Mme Rachel Lacasse, idem
*Mme Lucie Gignac, idem
*M. Gérald A. Ponton, AMEQ
*M. Guy Lachapelle, idem
*M. Raymond Bourque, idem
*M. Claude Demers, ADRIQ
*M. Albert De Luca, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mmes et MM. les membres de la commission, nous allons commencer nos travaux. Nous sommes réunis afin d'entendre en audition générale différents groupes sur la réforme de la fiscalité, sur la baisse des impôts des particuliers.

J'invite le secrétaire à nous dire s'il y a des remplacements ce matin.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe les membres de la commission que M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) va remplacer M. Williams (Nelligan).


Auditions

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. D'abord, je vais souhaiter la bienvenue au premier groupe que nous rencontrons, le Carrefour de pastorale en monde ouvrier. Nous nous sommes parlé quelques minutes, vous connaissez nos règles. Vous avez donc 20 minutes pour nous exposer l'essentiel de votre mémoire. Nous l'avons déjà lu attentivement, nous allons vous écouter et ensuite dialoguer avec vous, chaque groupe parlementaire disposant d'une vingtaine de minutes. Alors, nous vous écoutons.


Carrefour de pastorale en monde ouvrier (CAPMO)

M. Nolet (Jean): Alors, bonjour. Mon nom est Jean Nolet, je suis président du CAPMO, du Carrefour de pastorale en monde ouvrier, et aujourd'hui ça me fait plaisir de vous présenter les membres du Carrefour de savoirs sur les finances publiques qui vont faire la présentation. Alors, ça va commencer avec Claude Goulet, on va poursuivre ensuite avec Vivian Labrie et Lucie Gignac et, ensuite, avec Monique Toutant et puis Rachel Lacasse ici présentes. Je veux souligner aussi que le mémoire du Carrefour a reçu l'appui du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, et je passerais maintenant la parole à M. Goulet.

M. Goulet (Claude): Bonjour. Le Carrefour de pastorale sur les finances publiques est un petit groupe composé de personnes vivant la pauvreté, le manque d'emploi et l'exclusion. Il a été constitué par le Carrefour de pastorale en monde ouvrier à l'hiver 1998, pour donner suite au défi relevé par le ministre des Finances du Québec lors de sa visite au Parlement de la rue, en décembre 1997, à savoir que lui et ses fonctionnaires entrent en dialogue avec des personnes qui vivent la pauvreté.

Ce dialogue entre les cennes noires et les milliards avait et a toujours trois objectifs: Premièrement, que le ministre et son ministère comprennent mieux ce que c'est que de vivre dans la pauvreté. Nous voulons qu'ils sachent que ce matin, plusieurs des membres du Carrefour n'avaient pas – on est un 27 du mois – l'argent pour le billet d'autobus nécessaire pour se rendre à cette commission.

Le deuxième objectif était que le ministère trouve comment expliquer ce qu'il fait d'une façon qui se comprenne bien par des non-spécialistes. À ce sujet, nous aimerions bien voir une copie des produits dérivés mentionnés par les fonctionnaires du ministère lors de leur présentation du 12 octobre dernier, soit le dépliant, l'aide-mémoire, le jeu-questionnaire et le document sur les taux implicites d'imposition dont Luc Meunier a fait mention.

Le troisième objectif convenu était et est toujours que le ministre et son ministère cherchent avec les membres du Carrefour des voies pour réduire la pauvreté, les écarts et l'exclusion. Nos travaux et les comptes rendus des rencontres avec le ministre et les fonctionnaires ont été publiés régulièrement, et vous en avez une liste à la fin de notre mémoire. Ces travaux démontrent que, malgré les efforts investis de part et d'autre dans ce dialogue qui se poursuit toujours, le troisième objectif est loin d'être en voie de se réaliser, même si les membres du Carrefour ont eu l'occasion de vivre un cycle budgétaire complet avec les gens du ministère. Je passe maintenant la parole à Vivian Labrie qui va présenter les faits saillants de notre mémoire.

Mme Labrie (Vivian): Bonjour. Vous avez notre mémoire et puis on va en parler tantôt. Pour gagner du temps, je vais commencer par une mise au point – puis je vais m'adresser directement au ministre des Finances, dont on commence à connaître les interventions – pour dire que ce matin on ne remet pas en question la différence québécoise, qui est visible dans les documents de consultation, face au reste de l'Amérique du Nord sur le plan de la fiscalité puis de la redistribution de la richesse. On admet aussi que le fédéral ne fait pas sa part puis on constate la pression exercée sur le Québec par le reste de l'Amérique du Nord.

Selon nous, la question qui se pose, c'en est une de priorité dans ce que le Québec peut et veut faire. Sur le plan de la justice, qui est une première responsabilité du gouvernement, qu'est-ce qui presse le plus? La réduction des écarts entre les Québécois riches et les Ontariens riches – et là on ne va pas parler des Ontariens pauvres – ou la réduction des inégalités entre les Québécois riches et Québécoises riches et les Québécois et les Québécoises pauvres? Malgré l'orientation globale prise par cette commission puis la place qu'a prise la comparaison avec l'extérieur, on ne peut pas écarter la question des priorités. C'est justement ça le sens d'un exercice politique. Ce n'est pas parce qu'on a quelques longueurs d'avance sur le plan de la progressivité qu'il faut les supprimer. Si l'argument qui prime, c'est qu'il faut devenir pareils aux autres, inutile alors d'avoir un projet politique distinct. Aussi bien redonner à Ottawa la fonction de prélever nos impôts pour nous ou encore devenir le 51e État des États-Unis.

Alors, ceci étant dit, maintenant, si on veut agir ici en fonction d'un projet qui pourrait nous réunir et nous mobiliser, à quoi il faut penser et de quoi il faut tenir compte? Le premier point qu'on veut apporter, c'est que réduire les impôts, c'est faire exprès pour augmenter les inégalités dans la société québécoise. C'est augmenter de façon nette et mathématique les écarts de revenus entre les uns et les autres. Selon nous, c'est faire fausse route sur le plan de la logique, de la justice, de la solidarité. C'est saboter les bases mêmes de ce qui distingue le Québec du reste de l'Amérique du Nord. Puis en y souscrivant, cette commission, ici, va contribuer consciemment aux inégalités dans la société québécoise. On l'a assez entendu ici: Les effets d'une réduction des impôts sur l'économie ne sont pas prouvés. Les raisonnements utilisés jusqu'à maintenant devant cette commission ont beaucoup invoqué la psychologie ou l'effet d'ambiance. Ça confirme un peu la thèse que vous trouvez dans notre mémoire, comme quoi la réduction d'impôts constitue plutôt une stratégie de marketing pour fidéliser une clientèle que le geste d'un gouvernement qui cherche la justice. Quoiqu'il y a une recherche de justice qui est mentionnée dans ce document.

Plusieurs principes importants ont été présentés dans le document de consultation, mais ce qui n'est pas dit est aussi important que ce qui est dit. Alors, je vais prendre une comparaison. L'an passé, quand on les a invités à venir constater par eux-mêmes la pauvreté ambiante dans notre quartier et puis les efforts que font les gens pour s'en sortir, les gens du ministère, qui en partie sont ici aujourd'hui, nous ont dit à la fin de leur journée: C'est drôle, quand on passe en auto, on ne se rend pas compte. On prétend que le débat, tel qu'on le présente, passe en auto sur au moins quatre principes qui manquent à une analyse correcte de la situation. Leur absence introduit des aberrations dans les solutions envisagées. Voici les principes:

1° l'accès de tous et toutes aux dollars vitaux. Ceux qui permettent aux personnes d'assurer leurs besoins essentiels devraient être la première priorité d'une population et de son gouvernement parce que c'est la survie des personnes et de toute la société qui est en jeu dans ça. Et ces dollars manquent en ce moment, et beaucoup de personnes au Québec n'ont pas un dollar en poche une semaine avant la fin du mois;

2° l'égalité de droit entre les personnes oblige la population et son gouvernement à combattre les inégalités et à se soucier de réduire le mieux possible les écarts parmi la population. Or – et là, je pense que c'est un point important – dans l'accès au revenu privé, les écarts se sont accrus considérablement au cours des 10 dernières années entre le 5e le plus riche de la population et le 5e le plus pauvre. Vous avez ça dans le tableau 1 de notre mémoire. Et si la fiscalité, pour le moment, a au moins neutralisé l'accroissement, pas la réduction de l'écart, les cinq scénarios qui sont présentés vont désormais augmenter aussi les écarts au niveau du revenu disponible;

3° tout le monde doit pouvoir avoir accès aux moyens nécessaires pour pouvoir fonctionner à part entière dans sa société, ce que Rachel appelle pouvoir suivre la parade. Puis on doit pouvoir se préoccuper de rendre ça possible aux gens, de suivre. Or, l'écart créé par le passage à l'économie du savoir, ça devient infranchissable pour les plus pauvres dans le contexte d'une crise comme celle d'Emploi-Québec où les services de formation, de soutien à l'emploi empirent au lieu de s'améliorer. Ça coûte au moins 3 $, 4 $ faire une demande d'emploi, en passant;

4° la population doit pouvoir choisir le pacte social et fiscal dans lequel elle s'engage et, pour bien le faire, elle doit être informée sur l'ensemble des enjeux. Or, la population ne se démêle pas dans les milliards en jeu, puis il y a encore beaucoup à faire au Québec pour qu'on n'en soit pas dans un débat d'élites.

Alors, ces quatre principes peuvent être respectés à la fois en agissant sur le revenu des personnes et sur le service commun. Ça suppose une approche intégrée des finances publiques où on équilibre en même temps l'acquisition des revenus dans le panier puis l'utilisation de ces revenus ensuite pour se donner des bons services ou pour redistribuer la richesse. En positionnant le débat strictement sur la réduction des impôts, le gouvernement prive la population de son droit d'influencer l'ensemble du système auquel elle participe. Ce qu'on aurait voulu, c'est un débat sur l'utilisation des surplus, mais précédé d'une période d'information complète, populaire et d'une réflexion importante sur la solidarité dans la société québécoise, et ce que ça veut dire dans les finances publiques.

Maintenant, j'en viens aux scénarios présentés. À supposer que, devant des surplus, on décide d'améliorer le revenu disponible des gens, comment on fait? Les cinq scénarios qui sont proposés ne tiennent pas compte de l'utilité marginale décroissante du dollar dans le revenu. On a appris cette notion-là dans nos travaux. Si le Québec a des surplus et s'il veut les redistribuer, est-ce qu'il n'est pas logique de faire servir ces surplus là où ils seront le plus utiles? Et alors, posez-vous la question: Lequel est le plus utile, le dollar qui vient s'ajouter sur un revenu de 100 000 $ et qui ne changera rien à la qualité de vie de son détenteur ou le dollar qui fait la différence dans la capacité, qu'on connaît très bien, de payer un billet d'autobus ou un litre de lait?

(9 h 50)

Dans nos travaux, on a établi qu'il y a trois types de dollars pour composer le revenu d'une personne ou d'une famille: d'abord les dollars vitaux, qui permettent d'assurer les besoins essentiels et sans lesquels on met la vie en déficit; deuxièmement, les dollars fonctionnels, qui permettent de vivre et de bien vivre; puis ensuite, troisièmement, les dollars excédentaires, dont on n'a pas besoin pour vivre, mais qu'on peut économiser ou investir pour avoir d'autres dollars.

En ne faisant pas la distinction entre ces trois types de dollars et le niveau d'urgence qui existe par rapport aux dollars vitaux, on biaise la réflexion. Les cinq scénarios vont ajouter des dollars aux revenus de personnes et de familles qui, dans bien des cas, n'en verront pas la différence. Ce qui est étonnant, d'ailleurs, c'est que ce sont les personnes les plus à l'aise qui réclament le plus pour leur paroisse à cette commission. Ces cinq scénarios ne contribueront pas à donner un accès aux dollars vitaux manquants, puisque justement les personnes et les familles qui ont de tels besoins sont trop pauvres pour payer de l'impôt, et donc pour se faire réduire cet impôt.

Par ailleurs, investir au niveau des dollars vitaux, ça serait sûrement intéressant au plan du développement économique, parce que le dollar vital, c'est un dollar local, alors que le dollar superflu est très souvent un dollar fuyant. On n'a qu'à penser aux études de l'Action nationale. Alors, si vous habitez à Amqui, votre 6 000e dollar, vous le dépensez probablement à Amqui; votre 100 000e dollar a beaucoup plus de probabilités de prendre l'avion pour s'en aller en vacances ou de prendre l'Internet pour s'en aller dans un fonds mutuel investissant à l'étranger.

Pourtant, si le gouvernement avait voulu, il aurait pu présenter un scénario où il aurait amélioré en même temps le revenu disponible, en tenant compte de l'utilité marginale décroissante du dollar et de la réduction des écarts. Le gouvernement a des instruments fiscaux de redistribution pour le faire, le remboursement de la TVQ le prouve, mais ça supposerait d'en finir avec l'apartheid fiscal et de passer à un concept d'équité général où toute la population est prise en compte quand on décide d'améliorer le revenu disponible. En ce moment, le concept d'équité qui est en discussion, il est restreint aux seules personnes dont le revenu se situe en dessous du seuil d'imposition nulle. Les autres sont reléguées dans le «nowhere» fiscal, il en a été amplement question déjà. Et plus on va augmenter le seuil d'imposition nulle sans se préoccuper de ce qui se passe en dessous, plus on va élargir ce «nowhere», une espèce de régime séparé qui échappe à l'équité.

On a fait quelques tentatives de scénarios manquants, vous allez les retrouver au tableau 2 de notre mémoire. C'est des scénarios rudimentaires. Et reprendre votre expression: c'est établi selon une règle de pouce, mais ça démontre néanmoins que si on avait voulu, on aurait pu s'occuper de tout le monde en améliorant en premier les revenus du quintile le plus en souffrance dans la population sans pour autant dérégler le marché du travail, puisque la mesure aurait touché autant des travailleurs que des non-travailleurs. On pourra en reparler tantôt. Puis là on vous jure que quelques-uns de ces scénarios auraient eu un impact immédiat et significatif sur la qualité de vie des personnes touchées.

Je poursuis. Une approche intégrée fondée sur un principe d'équité générale aurait par ailleurs l'avantage d'éliminer les aberrations qui existent en ce moment parce que l'impôt et les transferts sont traités de façon disjointe et discontinue. Les fonctionnaires du ministère nous ont appris des nouvelles au début de la commission en indiquant un coût, 3 000 000 000 $. Ce coût-là a été immédiatement écarté comme étant extrême, pourtant les associations puis les experts qui se succèdent devant vous depuis le début de la commission pour réclamer des avantages en demandent encore bien plus pour les contribuables les plus riches. On a eu dans les débats qu'il est question parfois de 3 000 000 000 $, de 5 000 000 000 $, de 7 000 000 000 $, quand ça fait l'affaire des gens.

Alors, où doivent aller les priorités? On pense qu'elles doivent aller à protéger l'égalité avant qu'il soit trop tard. On vous rappelle qu'on est en pleine décennie des Nations unies pour l'élimination de la pauvreté. À suivre les débats dans cette commission, on dirait qu'il y a bien des experts qui n'ont pas entendu parler de ça. Alors, nous autres, on vous le dit: La pauvreté, c'est inacceptable dans la société riche qu'est le Québec, pas seulement parce qu'elle exclut une partie de la population de la richesse, mais parce qu'elle met toute la société en déficit humain.

On fait plusieurs recommandations dans notre mémoire. On insiste premièrement sur l'importance d'améliorer de toute urgence et de façon prioritaire, par l'emploi puis des garanties de revenus, le revenu disponible des plus pauvres jusqu'à la couverture des besoins essentiels. Pour le reste, ça nous paraît qu'il faut passer de l'équité restreinte à l'équité générale – on a eu déjà des discussions là-dessus – et développer un modèle fiscal en conséquence.

Il faut continuer d'investir dans des services publics universels et de qualité, et en particulier dans la qualification professionnelle des jeunes de milieux défavorisés puis des adultes sans emploi ou à faibles revenus. Il faut épauler ces personnes en leur donnant les conditions qui permettent la réussite, il faut leur permettre de prendre les virages avec tout le monde sans hypothéquer leur avenir par des dettes qui ne sont pas remboursables.

Il faut faire ce qu'il faut pour qu'Emploi-Québec puisse jouer correctement son rôle. Et ça, ça veut dire se sentir bien traité, respecté, écouté, aidé. Il faut mieux informer la population, lui proposer le défi d'une solidarité sociale qui transcende les corporatismes. Et pourquoi pas développer avec les Québécois et les Québécoises des principes de solidarité clarifiés, avec un argumentaire et des objectifs par quintile, en ce qui concerne les relations de ce quintile et des finances publiques. Il faut agir pour rééquilibrer le poids des influences.

On parle beaucoup, beaucoup de fardeau fiscal, mais on devrait aussi parler du fardeau civique qui est imposé par une certaine élite qui dicte ses conditions à toute une société. Vous devez résister à l'impuissance devant la tendance nord-américaine à réduire le rôle de l'État et une solidarité organisée. Utiliser toutes les marges de manoeuvre possibles pour honorer l'aspiration historique des Québécois et Québécoises à une société qui est plus solidaire, qui est plus interdépendante, même si ça se démarque sur le continent.

On vous demande de chercher avec les autres États du monde – et peut-être que vous aurez des alliés en Europe, qui sait? – des alliances pour faire le droit à des outils collectifs de solidarité sociale. On voudrait que vous affirmiez avec ces alliés l'intérêt pour la planète et les générations futures de fiscalités nationales qui sont responsables et garantes des valeurs humaines de base inscrites dans les grandes chartes internationales.

On vous met au défi d'oser imaginer un Québec sans pauvreté et les cadres fiscaux qui pourraient y contribuer. On n'est pas dupe ce matin de la distance qu'il y a entre notre propos et la détermination du gouvernement à baisser coûte que coûte les impôts. Hein? On vous a entendu, M. Landry, dire aux médias que le gouvernement n'est pas à convaincre du fait qu'il faut baisser les impôts, mais de combien.

On aimerait que vous vous posiez une question, tout le monde, ici, dans la commission. Dans le secret de leur conscience, à quel genre de politicien et de politicienne est-ce que les Québécois et Québécoises aspirent? À des hommes et des femmes qui plient devant des pressions qui conduisent à des injustices ou à des hommes et des femmes capables de mobiliser leur société dans le sens de ce qui la fait avancer en humanité? Vous connaissez l'expression qui parle de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Dans les propos qui ont été tenus à cette commission, il est beaucoup question de laisser Pierre et Pierrette tout nus et de surhabiller Paul de peur qu'il s'en aille en Ontario. Allez-vous vous laisser avoir par ces propos? Tout à l'heure, je vais déposer deux billets d'autobus pour que, quand vous allez discuter de milliards dans vos travaux, à la fin, vous pensiez que, pour beaucoup de gens, c'est de cet ordre de fardeau là qu'il est question dans la vie quotidienne.

Je vous rappelle que, la semaine dernière, le porte-parole de la Fédération des médecins spécialistes du Québec a dit textuellement devant vous – et c'est dangereux – que l'égalitaire tel qu'il était à une époque donnée au Québec, en 1965, au sortir de la Révolution tranquille, ce n'est plus la situation, compte tenu de la globalisation des marchés. Sa Fédération préfère peut-être faire augmenter les coûts du système de santé qui sont causés par les inégalités et la pauvreté, qui est un déterminant majeur reconnu dans la politique québécoise à propos de la mauvaise santé. Sa Fédération préfère peut-être s'assurer ainsi de garder sa clientèle et faire du chantage sur toute la population avec son savoir de guérisseur. Mais elle oublie une chose: c'est que les États du monde ont signé, en 1948, une Déclaration universelle des droits de l'homme qui dit textuellement, dans son premier article, que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit, qu'ils sont doués de conscience et qu'ils doivent agir les uns et les autres dans un esprit de fraternité. On pense que l'avenir du Québec va dans ce sens-là, de cet article premier. Au nom du bien commun, on vous invite à agir en conséquence, à protéger l'égalité par la solidarité avant que les inégalités et les corporatismes ne fracturent irrémédiablement cette société, et on a vu où ça conduit dans l'histoire.

Je passe maintenant la parole à mes collègues, qui vont conclure.

M. Goulet (Claude): Même si le courant dominant, c'est nettement la baisse d'impôts, nous connaissons une réalité que ce courant dominant ne semble pas apercevoir.

Mme Toutant (Monique): On le sait, nous, on a dû payer un taxi à Pierre pour qu'il puisse assister à une des rencontres préparatoires à ce mémoire parce que Pierre n'avait pas en main l'argent nécessaire pour payer son billet d'autobus du transport en commun.

Mme Lacasse (Rachel): On le sait, nous, que Lucie, valide en santé, chef de famille monoparentale, s'est vu refuser de prendre part à des cours parce que le budget d'Emploi-Québec est épuisé.

Mme Gignac (Lucie): On le sait, que Monique s'est fait demander un c.v. par son agente d'employabilité et que Monique, elle n'est pas équipée pour en produire un et que personne ne lui a jamais montré comment faire.

On sait que, si Lyne ne fréquente pas son groupe d'alphabétisation, c'est l'isolement et la perte des liens sociaux qui l'attendent.

Mme Toutant (Monique): On le sait, quel bon professeur ferait Christian, si une commission scolaire se décidait à l'embaucher, ou quel bon réparateur de machines à coudre il ferait, si quelqu'un l'aidait à se démarrer.

Mme Gignac (Lucie): On le sait, à quel point Rachel rêve de fruits et de légumes, mais surtout de citoyenneté.

(10 heures)

Depuis bientôt deux ans qu'ils travaillent ensemble, les membres du Carrefour ont eu le temps de voir s'aggraver leurs conditions de vie et celles des gens qui les entourent. Il est important que vous vous rendiez compte que, pour une partie de vos concitoyens et concitoyennes, les grandes décisions économiques qui doivent être prises ne sont pas de l'ordre de comment affecter 1 300 000 000 $ de surplus, qui ne manquent à aucun contribuable tant que la règle n'est pas changée, elles nagent dans les eaux de ce qui, pour bien du monde, est de l'ordre de la petite monnaie, de l'ordre de 1 $, 2 $ ou 3 $, de l'ordre de la décision d'expliquer ou non à un groupe pourquoi on ne pourra pas aller à une réunion, de l'ordre du choix entre acheter un panier de pêches ou un sac de lait ou payer la gardienne pour se rendre à cette réunion. Pour une partie de la population, ce sont ces dollars-là qui manquent, des dollars vitaux.

Alors, quand on entend des médecins menacer de s'en aller parce qu'ils ne sont pas assez payés, quand on entend dire que la classe moyenne a besoin de respirer ou qu'il faut baisser les impôts parce que tout le monde veut qu'on les baisse, ça fait sourire. On se dit: Coudon, ces gens-là vivent-ils sur la même planète que nous? On se dit: On va leur dire qu'on existe. Alors, on décide de ne pas se taire. On vient à une commission comme celle-ci. On décide d'investir malgré tout dans la démocratie parce que c'est un devoir de dire la vérité et d'apporter à sa société l'éclairage dont on est l'expert. On s'organise pour le billet d'autobus et la gardienne puis on fait un travail rigoureux.

Mme Lacasse (Rachel): Baissez les impôts si vous voulez, mais c'est injuste. Et vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous l'a pas dit. C'est tout.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Vous avez fait allusion, au début, à un kit de renseignements préparé par le ministère des Finances. Est-ce que vous avez demandé à obtenir ces éléments-là?

Une voix: ...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je n'ai pas très bien compris la phrase.

Mme Labrie (Vivian): On aimerait bien.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous lez avez?

Mme Labrie (Vivian): On ne les a pas.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ah bon!

Mme Labrie (Vivian): On s'en est rendu compte en lisant les débats de la commission. Alors, si c'est possible, ça nous intéresse.

Le Président (M. Simard, Richelieu): En tout cas, c'est à votre disposition, et nous allons faire en sorte que vous ayez tous ces renseignements-là. Est-il besoin de vous dire que les experts du ministère des Finances sont à votre service, comme ils sont au service de toute la population. Et la commission est là pour vous donner ces informations.

Alors, merci de votre présentation. Merci d'avoir respecté aussi nos règles du jeu. Sans plus attendre, je demande au ministre des Finances de faire la première intervention.

M. Landry: C'est paradoxal que vous n'ayez pas eu le jeu de documents, et ça me rend perplexe, parce que vous êtes peut-être le groupe au Québec avec lequel le ministère des Finances parle le plus. Vous nous faites l'honneur de nous visiter régulièrement dans notre salle de conférence. Même que les fonctionnaires sont allés dans les quartiers où vous aviez dit d'aller, avec vous, pour se rendre compte. Alors, je suis désolé que vous n'ayez pas eu les documents. Je suppose qu'on a présumé que vous viendriez nous voir puis qu'on vous les remettrait en même temps. Alors, vous allez les avoir.

Je veux vous féliciter pour trois choses, d'abord, pour votre combat, qui est absolument admirable dans une société qui est menacée de dériver vers la pensée unique et le matérialisme et l'affairisme. Je suis ministre des Finances et de l'Économie, moi, je crois aux entreprises, je crois à l'économie de marché, je crois à la globalisation des marchés. Mais ça ne peut pas être la seule croyance d'une société équilibrée. Il faut croire aussi à la solidarité. Puis il faut être réaliste aussi. Il y a 1 % des Québécois qui gagnent plus de 100 000 $ par année. Il n'y en a pas beaucoup qui suivent au jour le jour les cours boursiers, pour la simple raison qu'ils n'ont pas d'actions et puis qu'ils n'ont pas le rêve d'en avoir non plus.

Alors, votre combat est un combat qui contribue beaucoup à l'équilibre et qui est courageux aussi parce que vous venez essayer de nous convaincre de ne pas baisser les impôts alors qu'on a décidé de le faire et puis que l'opposition officielle veut qu'on le fasse plus encore. Alors, ça prend du courage et puis ça nous incite à vous écouter avec attention.

Je vous félicite aussi pour le dialogue que vous avez entretenu. Et là j'y ai participé personnellement et je serai toujours disponible ainsi que les fonctionnaires des Finances pour continuer à travailler avec vous.

Je vous félicite aussi pour faire ce que vous avez fait au début, reconnaître certains faits, comme reconnaître que la fiscalité québécoise est la plus généreuse pour les personnes démunies d'Amérique du Nord, que les programmes sociaux sont dans le même cas. Pourquoi c'est important de le reconnaître? Ça ne console pas les détresses des gens que vous représentez puis ça ne leur met pas plus d'argent dans les poches, mais ils peuvent songer qu'ils ne vivent pas sur une terre où il n'y a pas de solidarité. Je pense à vos membres, là. Et puis je pense aussi au travailleur ou à la travailleuse du complexe pétrochimique de Varennes, qui paie des impôts très lourds qui lui sont retirés avant même que son chèque ne lui parvienne et qui aime entendre dire que ses impôts servent à une solidarité. Et, si on ne leur dit pas ça, comme ils sont déjà assez essoufflés puis assez écoeurés de payer des impôts, ils vont dire: En plus, on est solidaires, puis ce n'est pas reconnu. Ça va engendrer dans la société amertume et frustration. Alors, je vous remercie de reconnaître ça.

Comme il m'arrive souvent, quand je ne partage pas votre point de vue, je vous le dis avec franchise. Alors, je vais vous le dire sur un point. Vos chiffres de pauvreté, là, vous devriez les réviser. Personne ne dit qu'il n'y a pas de pauvreté, mais il ne faut pas aggraver les choses par des chiffres faux. Et vous n'êtes pas à blâmer parce que plusieurs instances respectables utilisent ces chiffres faux à je ne sais pas quelles fins. Mais je veux vous rappeler que les fameux seuils proposés par Statistique Canada, Statistique Canada, à chaque fois, dit qu'il ne faut pas s'en servir pour mesurer le taux de pauvreté. Et puis l'explication est simple, je vous la refais. Ces seuils ne tiennent pas compte de la fiscalité ni du coût de la vie. En d'autres termes, ces seuils ne tiennent pas compte de la générosité québécoise et des programmes sociaux québécois.

Alors, si on prend ces données brutes avant d'introduire la solidarité québécoise, le taux de pauvreté au Québec est le plus élevé du Canada. Une fois qu'on a introduit la solidarité québécoise, le Québec a la troisième meilleure performance du reste du Canada, avant même l'Ontario. Alors, je vous supplie. Quand vous viendrez au ministère, la prochaine fois, on pourra remettre tout ça sur des tableaux, projeter ça au mur, si vous le voulez. Si on veut faire un combat contre la pauvreté efficace, il faut connaître la mesure de l'ennemi. Et l'ennemi, c'est la pauvreté, puis il faut prendre sa mesure puis, après ça, l'attaquer plus efficacement.

Je vous donne un exemple de solidarité québécoise, qui nous est reprochée par les milieux ultracapitalistes. Vous savez qu'on a une régie du logement. C'est à cause de la Régie du logement que les loyers sont bas, au Québec. Bien, ça, il faut le reconnaître. Bon.

Enfin, une chose sur laquelle on est totalement d'accord – quelques petites choses, qui sont des grandes choses, en fait – on ne vise pas le modèle américain, on ne vise pas à ramener les impôts québécois au niveau des impôts américains parce qu'on ne veut pas avoir le genre de société que les Américains, eux, ont choisi de se donner. C'est leur affaire. Mais, nous, on a un système de santé universel, il va rester universel et gratuit, et ainsi de suite.

Pour le reste, je vous pose souvent la question – puis je sais que ce n'est pas votre spécialité, mais on est tous confrontés à ce problème: Comment créer la richesse? Comment améliorer l'employabilité? Comment faire que des gens reprennent confiance à la vie par la dignité du travail tout en préservant les solidarités? Parce que là ce que vous me demandez, au fond, c'est de ne pas baisser les impôts et de virer plus d'argent dans les programmes sociaux, où on nous reproche déjà d'être trop généreux. C'est un lourd fardeau que vous nous mettez sur les épaules, là.

Mme Labrie (Vivian): Est-ce que je peux répondre, là?

M. Landry: Bien sûr.

Le Président (M. Simard, Richelieu): On en est là.

Mme Labrie (Vivian): Alors, pour la question des chiffres, M. Landry, je pense qu'il faudrait que vous regardiez notre mémoire correctement, parce qu'on connaît vos résistances aux seuils de Statistique Canada, et ce n'est pas ces chiffres-là qu'on a utilisés. Ce qu'on a utilisé, c'est des chiffres qui tiennent compte effectivement du revenu disponible après impôts et transferts, de sorte qu'on a regardé les coefficients Gini. Et c'est des chiffres qui sont de l'Institut de la statistique du Québec, donc de votre propre ministère.

M. Landry: Mais Gini, ce n'est pas assez, là. Il faut aller au panier de provisions, en plus, pour tenir compte de ce que j'ai dit des loyers, voyez-vous. C'est parce que la même personne à Toronto, si elle paie 1 200 $ de loyer, puis une autre à Saint-Sauveur, à Québec, en paie 350 $, ce n'est pas pareil.

Mme Labrie (Vivian): O.K. Regardez, on va prendre les chiffres absolus, si vous voulez, dans le tableau 1 et le tableau 3 de notre mémoire. Dans le tableau 1, il y a un chiffre qui est très important dans une décision comme celle que vous allez devoir prendre. Et là je n'en ferai pas l'explication complète parce que, moi-même, il faut qu'on me le réexplique une fois de temps en temps. Mais le coefficient Gini se trouve ni plus ni moins à mesurer l'évolution des écarts entre le cinquième le plus riche et le cinquième le plus pauvre de la population.

(10 h 10)

Ce qu'on voit, avec ça, c'est que, pour les personnes seules et les familles, quand on prend le revenu privé, la chance pour des personnes seules d'accroître leurs revenus, quand elles sont pauvres, par des revenus privés et des revenus d'emploi est en décroissance fulgurante. En fait, il y a un accroissement, si vous voulez, de l'écart entre les plus riches et les plus pauvres au Québec au niveau du revenu privé. Si vous regardez, après ça, ce qui arrive avec le niveau du revenu disponible, ce qu'on voit, c'est que la fiscalité québécoise le corrige. Elle ne réduit pas les écarts, mais elle a empêché jusqu'à maintenant l'accroissement de ces écarts. Sauf que, là, ce que vous allez faire finalement, c'est qu'en diminuant les impôts vous donnez tout de suite le point de départ à l'accroissement des écarts également dans le revenu disponible. Et là c'est de la fiscalité québécoise dont il est question.

Ensuite, je vous reporte au tableau 3 de notre mémoire, où là il est question plutôt du revenu moyen des unités familiales. Encore une fois, c'est Statistique Canada. Alors, si on regarde ça, entre vous et moi, le cinquième le plus pauvre de la population a comme revenus disponibles – le cinquième le plus pauvre au niveau des personnes seules – 6 273 $. On ne fera pas une bataille avec 6 000 $, au Québec. Un cinquième des personnes qui vivent seules gagnent 6 273 $ après impôts et transferts. C'est de la pauvreté, M. Landry, ce n'est pas très compliqué. Et c'est un cinquième des personnes seules.

Quand on regarde les familles, on est à 15 000 $, et vous avez vous-même établi votre seuil d'imposition nulle à 30 000 $ pour les familles de deux adultes, deux enfants. Alors, quelque part, je pense que, quand on veut faire un débat sur la pauvreté, vous avez raison, il faut avoir des chiffres, il faut s'entendre sur des méthodes de travail. Mais là on ne vous amène pas les chiffres des seuils de faibles revenus.

Deuxièmement, quand vous parlez de comment on peut créer la richesse, la principale richesse d'une population, c'est ses personnes, alors la meilleure manière d'aider les personnes à être une richesse dans la société, c'est de leur donner les moyens d'être dans la parade, d'être avec tout le monde. L'exclusion, c'est la pire chose qu'on peut faire à une société. Et, quand vous empêchez des gens de suivre la parade parce qu'ils n'ont pas...

On a amené le billet d'autobus, ce matin, on n'a pas amené une pinte de lait. C'est parce que ça nous frappe, depuis quelques mois. Dans le groupe ici, on se réunit souvent. Puis notre principal problème, en ce moment, c'est que les gens ne viennent pas aux réunions des fois parce qu'ils n'ont pas le billet d'autobus. Quand on a préparé ce mémoire-là, moi, ça m'a fendu le coeur, parce que, quand on vous dit qu'on a dû payer le taxi à Pierre, ça, c'est créer de la pauvreté en absence de revenus. Pierre n'avait pas le billet d'autobus. Alors, comment on pouvait le faire venir? On a payé un taxi. Ça coûte quand même plus cher, un taxi, qu'un billet d'autobus. C'était la seule façon de le faire venir.

Voyez-vous, le revenu de base des personnes les plus pauvres au Québec qui est alloué par la sécurité du revenu, en ce moment, c'est un revenu qui ne permet pas aux personnes de créer de la richesse parce qu'elles sont même incapables de répondre à leurs besoins essentiels, avec ce revenu-là. Alors, en plus, on leur ajoute des frais et on leur ajoute des poids. Quand on vous dit que Lucie veut s'en sortir... Elle aimerait bien contribuer au produit intérieur brut. Pour le moment, ce à quoi elle contribue, c'est au produit intérieur doux en participant à ce comité-ci. Mais, par exemple, pour participer au produit intérieur brut, il faudrait qu'elle puisse suivre une formation, il faudrait qu'elle ne s'endette pas, avec ça, puis il faudrait qu'il y ait un emploi au bout de ça. Puis Lucie serait parfaitement capable de le faire, elle a tous les moyens qu'il faut, mais, quelque part, la société ne l'accueille pas. Notre société échoue à accueillir la partie de sa population qui est la plus pauvre.

Et, quand les gens veulent s'en sortir... On le voit les efforts que les gens font pour s'en sortir. Faire une demande d'emploi. Ça ne veut rien dire, quand on fait 50 000 $ par année, de mettre un timbre sur une enveloppe. Mais, quand vous êtes dans la deuxième quinzaine du mois, un timbre sur une grande enveloppe, c'est 1 $, puis les photocopies pour mettre le c.v. dedans, c'est tant, puis il faut avoir accès à un ordinateur.

Les gens ne demandent pas mieux que de faire partie de la parade. Mais, quelque part, il faut leur donner les moyens. Et les principaux moyens, c'est le revenu puis l'accès à l'emploi. L'accès à l'emploi, c'est foutu, en ce moment, pour les personnes les plus pauvres. Ce dans quoi vous misez, c'est l'économie du savoir, c'est la haute technologie. Il faut avoir fait de l'université pour y aller. On n'a rien contre ça. Mais, quelque part, des initiatives comme le Fonds de lutte à la pauvreté ou des initiatives qui permettent de créer de l'emploi dans le bas de l'échelle, ça, ça aide à faire participer – pardon, je vais prendre de l'eau un peu, je pense que je m'emporte – une partie de la population qui est mise à l'écart. C'est très grave, mettre des gens à l'écart d'une société alors qu'ils voudraient fonctionner dedans.

Puis, plus, c'est que ces gens-là, après ça, le soir, ils vont regarder peut-être la télévision. Qu'est-ce qu'ils voient? Ils voient des annonces pour des biens et des services, des services financiers, des automobiles, qu'est-ce que vous voulez, qu'ils ne sont jamais capables de se payer. Ils ont l'impression qu'ils ne font pas partie de la même société. Ça, c'est tous les jours, tous les jours, tous les jours. C'est une urgence, au Québec, M. Landry, de s'occuper de cette question-là.

M. Landry: Je suis d'accord avec vous. Puis je suis d'accord avec votre façon de vous emporter, parce qu'il n'y a plus beaucoup de gens qui s'emportent vraiment sur ces questions-là. Et nous sommes dans une situation presque insoluble, pour l'instant. Il faut pousser la réflexion. Parce que ce que vous demandez, c'est plus de moyens pour les gens au nom desquels vous parlez. Et vous les demandez à des gens qui sont les plus taxés en Amérique du Nord. Vous les demandez à des gens dont le déficit, au niveau québécois seulement, est de 100 000 000 000 $ et, au niveau fédéral, de 600 000 000 000 $. Et vous les demandez à une Assemblée nationale qui a voté les impôts les plus sociodémocrates de notre continent et des programmes sociaux les plus généreux. Vous voyez dans quel genre d'impasse on se trouve? Si nous voulons, comme société, accéder à vos demandes, il faut mettre plus de ressources, puis on est déjà au maximum de nos ressources de distribution sociale. C'est pour ça que j'ai cette obsession, que vous partagez aussi, de la création de la richesse.

Et regardez ce qui s'est passé depuis cinq ans. Le taux de chômage, la première tragédie, qui est peut-être la mère de tout ce que vous dites là, c'est le chômage, il est passé de 14 % à 9 %. Ça veut dire qu'on doit être dans la bonne direction. Le chômage qui conduit à l'aide sociale, tragédie consécutive, l'aide sociale a diminué en nombre pour 80 000 personnes. Il y a eu 80 000 assistés sociaux de moins au cours des dernières années. On doit être sur la bonne voie.

Je sais qu'en attendant c'est tragique de subir les méfaits de la pauvreté et que c'est plus facile d'en parler à partir de ce fauteuil que d'aller en parler dans les quartiers où vous vivez, chaque jour. Mais vous voyez bien qu'il n'y a pas de solution facile. Il y a peu de sociétés occidentales, même les plus avancées, qui ont réduit l'exclusion à zéro et la pauvreté à zéro.

Mme Labrie (Vivian): M. Landry, on a les solutions de nos moyens. Vous avez amené ici l'idée qu'on avait des surplus. Le Québec est en croissance économique, en ce moment, puis les gens qui viennent vous voir ici vous disent: Vos prévisions sont tellement prudentes qu'en fait vous allez faire bien plus de surplus que ce que vous annoncez. Nous, on ne se prononcera pas là-dessus. Mais vous dégagez, en ce moment, l'idée qu'on pourrait disposer de 1 300 000 000 $. Alors, la question qui se pose, c'est: À quoi les appliquer principalement, ces 1 300 000 000 $? Ces milliards-là, vous les avez, vous les annoncez. Et, vous, vous voulez réduire le fardeau fiscal de gens qui ne vont pas s'en rendre compte, alors que vous pourriez appliquer ces montants-là à des gens pour qui l'utilité marginale va être beaucoup plus importante.

Et là je veux vous citer, dans notre mémoire, une personne qu'on a rencontré comme ça, qui fait partie des gens que vous voulez soulager. Et voici ce qu'il dit, Gilles, conseiller en imprimerie, famille de deux adultes, deux enfants, il doit être à peu près dans les revenus moyens-élevés qui font partie d'une partie de vos scénarios, d'après moi, autour de 50 000 $, d'après son évaluation à lui. On lui a montré les scénarios. «On est habitués. Ça va nous donner quoi de plus? Nous, on a endetté la province quand on était jeunes. Moi, je dis que les impôts, on est habitués, on les paie, et qu'on les paie et qu'on règle d'autres problèmes à la place. Moi, c'est vrai que j'en paie, de l'impôt, mais ce n'est pas plus grave que ça. Je suis un père de famille. Moi, ça me donnerait à peu près 1 000 $ – alors, vous voyez à peu près où est-ce qu'il se situe. Qu'est-ce que je ferais avec ça? Avoir quelques dollars de plus par semaine, on achèterait des choses inutiles avec ça. Ce 1 000 $ là, je ne le veux pas. Puis je ne suis pas tout seul qui parle de même. Dans mon milieu, on en paie de l'impôt, et tout le monde dit ça. Qu'est-ce que ça donnerait d'avoir un 1 000 $ ou 1 500 $ de plus? On le pense, on le dit entre nous, mais on ne le dit pas fort parce qu'on ne voudrait pas que le gouvernement vienne nous prendre 1 000 $ ou 2 000 $ de plus.»

C'est vrai qu'on est plusieurs qui pensent ça, mais on ne le dit pas. Si on ne demande jamais à la population de faire l'effort qui va avec sa solidarité, elle va toujours vous dire dans vos sondages qu'elle veut payer moins d'impôts. Si vous lui donnez un choix intelligent, brillant, dont elle pourrait être fière, peut-être qu'elle peut prendre d'autres décisions. Et, nous, on commence à penser qu'il y a pas mal de gens dans la population qui se disent que ça n'a pas de bon sens. On ne discutera pas sur les taux d'aide sociale puis les taux de chômage, d'autant plus qu'il y a des trous entre le chômage et l'aide sociale et que l'aide sociale est devenue plus exigeante dans sa manière d'accueillir les gens, à l'inscription. Alors, on ne parlera pas de ça ici. Mais ce qu'on va vous dire, c'est que, nous, ce qu'on constate dans notre milieu, c'est que les choses ne s'améliorent pas.

M. Landry: Si tout le monde payait l'impôt aussi joyeusement que la personne que vous venez de nous citer et même voulait en payer plus, la tâche du ministre des Finances serait beaucoup plus facile qu'elle ne l'est présentement. Parce que les jours de discours du budget...

Mme Labrie (Vivian): La tâche...

M. Landry: Je ne crois pas que, massivement, la population soit insensible à l'impôt qu'elle paie. Vous avez dit que plusieurs disent qu'ils ne s'en apercevront même pas. Les interlocuteurs que j'ai, moi, s'aperçoivent qu'ils payent de l'impôt, puis ils trouvent qu'ils en payent trop. Et puis là je ne parle pas, encore une fois, des gens du 1 % qu'il y a dans le 100 000 $ et plus. Eux-autres, c'est sûr, ils sont venus ici, vous avez cité les médecins spécialistes, et tout ça... D'ailleurs, il faut respecter tout le monde, là. Moi, je respecte l'opinion de tout ceux qui passent à cette table. Mais, pour l'ensemble de la population, les gens des classes moyennes en particulier, ceux qu'on appelle les classes moyennes, il y a un essoufflement fiscal qui m'apparaît être une évidence. Et c'est pour ça qu'on a décidé de baisser les impôts.

(10 h 20)

Vous me dites: Si j'ai une marge de manoeuvre plus grande – disons que j'ai été trop prudent – bien, qu'est-ce que je vais faire avec la marge de manoeuvre plus grande? Je vais aller aux priorités de la société québécoise, qui nous apparaissent être la baisse d'impôts, l'éducation et la santé. Ça ne veut pas dire que tout va aller à la baisse d'impôts.

Mme Labrie (Vivian): C'est intéressant d'ailleurs parce qu'on entend tout le temps «baisse d'impôts, éducation, santé» puis qu'on ne parle jamais de support pour l'intégration vers l'emploi des personnes les plus pauvres, et pourtant c'est important.

M. Landry: Bien, dans l'éducation, il y a beaucoup de ça, madame, hein.

Mme Labrie (Vivian): Tout à fait, je suis d'accord avec vous. Maintenant, écoutez, la classe moyenne, si vous lui faites la proposition suivante: Préférez-vous investir collectivement – on a une éducation coopérative, au Québec – votre argent dans des services communs qui ont beaucoup de bon sens puis qui permettent à tout le monde de mieux s'en sortir plutôt que de l'investir personnellement dans des services privés que vous devrez payer plus cher? qu'est-ce que les gens vont répondre, vous pensez? Peut-être que, dans le fond, le fardeau fiscal, c'est une mauvaise psychologie.

Par exemple, les Danois, semble-t-il, dernièrement, il y a eu un sondage, on leur a demandé s'ils voulaient payer moins d'impôts, ils ont dit: Non, on veut continuer à payer de l'impôt. Dans le fond, ils comprennent à quoi ça sert. Une population qui ne comprend pas à quoi ça sert, l'argent qu'elle met dans un panier, c'est bien certain qu'elle va vouloir s'en dégager. Mais, si elle se rend compte que l'argent qu'elle met là lui revient en services, en qualité de vie, elle va être contente de le faire.

Alors, dans le fond, l'autre question, c'est: Est-ce qu'on fait suffisamment l'éducation des Québécois et des Québécoises au rôle des finances publiques? Et cette question-là, si on ne se la pose pas, bien, à ce moment-là, on arrive avec la réponse que vous avez dans les sondages. Bien sûr, si on n'a pas ce travail-là collectif d'éducation, les gens vont vouloir chacun tirer... Je veux dire, les êtres humains sont tous faits pareils, s'ils ne comprennent pas à quoi sert la mise en commun, ils vont se retirer vers une approche personnelle où on va dire: Chacun sauve sa peau. Mais on gagne à sauver sa peau ensemble, M. Landry.

M. Landry: Mme Lavoie, je vous fais...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je suis obligé, M. le ministre, de vous refréner dans votre désir de dialogue.

M. Landry: Oui. Une dernière suggestion. Vous m'avez ouvert une porte dans votre introduction. Vous êtes venus me rencontrer au ministère des Finances. Moi, personnellement, en tout cas, je pense qu'on s'est vu quatre fois, dans des discussions, au Parlement de la rue ou dans la salle de conférence du ministère des Finances.

Mme Labrie (Vivian): On voudrait voir des résultats, maintenant.

M. Landry: Bon. Et j'espère que vous reviendrez encore et qu'on va avancer à quelque chose et qu'on progresse. Je vais vous faire une petite suggestion. Il y a un monsieur, à Ottawa, qui est ministre des Finances du septième pays du G7, puis qui va au Fonds monétaire international puis à l'OMC, puis qui annonce des subventions dans les bourses du millénaire. Et ce monsieur, qui s'appelle Paul Martin, qui est un gentilhomme par ailleurs, il nous coupe 5 000 000 000 $ par année, hein. Si le fédéral n'avait pas agi à la manière d'un prédateur – et là ce n'est pas un souverainiste qui parle, c'est Gérard D. Levesque, mon prédécesseur, qui les a traités de prédateurs – j'aurais 5 000 000 000 $ de plus par année. Ce serait beaucoup plus facile, quand vous venez me voir aux Finances, de faire des arbitrages socioéconomiques.

Mme Labrie (Vivian): Oui, mais, M. Landry...

M. Landry: Alors, Mme Lavoie, ce que je vous demanderais: Vous êtes venus me voir cinq fois, pourriez-vous entrelarder les rencontres d'une avec Paul Martin pour aller lui dire son fait, de temps en temps, à lui, de l'autre bord de la rivière des Outaouais?

Mme Labrie (Vivian): Eh bien, M. Landry, écoutez, là-dessus, je pense qu'en plus on l'a fait.

M. Landry: Vous l'avez fait?

Mme Labrie (Vivian): C'est-à-dire que, l'hiver dernier, je me suis présentée au comité sénatorial... Si vous voulez organiser une rencontre entre nous et M. Martin, on va y aller avec grand plaisir.

M. Landry: Bien, je vais vous aider avec joie, je vais l'appeler.

Mme Labrie (Vivian): Attendez. On peut le faire, O.K., aucun problème avec ça. Sauf que, à ce moment-là, n'allez pas discuter avec lui de baisser les impôts puis allez parler avec lui de récupérer les transferts, par exemple.

M. Landry: Ce que je vous promets, Mme Lavoie, c'est que je vais téléphoner à M. Paul Martin et que je vais lui dire que vous et votre groupe êtes des interlocuteurs et interlocutrices passionnants et qu'il a intérêt à vous voir au plus vite. Ça marche-tu, ça?

Mme Labrie (Vivian): Pas de problème!

Une voix: Ça fonctionne!

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Nous allons passer maintenant à l'opposition officielle. J'invite la députée de Marguerite-Bourgeoys à prendre la parole.

Mme Jérôme-Forget: Bonjour, mesdames et messieurs. Alors, moi aussi, j'ai trouvé très intéressant votre plaidoyer. Et non seulement j'ai trouvé votre plaidoyer intéressant, mais j'ai été également impressionnée par le ton passionné avec lequel vous avez défendu votre point.

Je voudrais apporter quelques corrections, je pense, au niveau de la perception que les gens ont souvent. D'abord, je déteste me comparer à l'Ontario, mais parfois je trouve ça un peu dommage quand les gens ont une mauvaise connaissance de la situation. Pour les assistés sociaux, rappelons-nous une chose. Bien sûr que l'Ontario est plus riche, mais laissez-moi vous dire que l'appui aux assistés sociaux en Ontario est plus élevé qu'au Québec. D'accord? Ça, c'est un point bien important.

Deuxièmement, quand j'étais dans un autre emploi, dans ma vie antérieure, présidente d'un institut de recherche, on avait examiné effectivement l'appui, au Québec, aux familles et on l'avait comparé avec les 48 États américains et les 10 provinces du Canada, et le Québec n'était pas en tête d'affiche. Encore là, on a une perception qu'aux États-Unis tous les États sont tous des mauvais citoyens. Il y a des États qui traitent très bien leurs pauvres. Évidemment, il y a beaucoup de variété, d'un État à l'autre. Alors, on ne peut pas mettre dans le même panier tous les Américains. Les Américains, ils ont un gros défaut, c'est d'abord parce qu'ils sont très matérialistes et très orientés vers l'argent. Et, sur le plan santé, il y a toute une population, 40 000 000 citoyens, qu'ils ne couvrent pas. Ça, c'est un drame. Ça, tout le monde le reconnaît.

Maintenant, vous dites: Il n'y a pas de démonstration à l'effet qu'il y a un lien entre la croissance économique, l'emploi et le niveau d'impôts. Je vais vous inviter à consulter une étude en particulier du professeur Claude Montmarquette, qui est à l'Université de Montréal et qui a fait précisément ce travail-là. Et, lui, il semble indiquer que, quand un État devient trop lourd, tout à coup, il arrive des pertes en termes de rendement. Et, donc, c'est là que, tout à coup, vous avez des accrochages au niveau de la croissance économique.

Parce que ce n'est pas d'aujourd'hui que les gens se penchent sur la pauvreté. Moi, j'étais, à l'époque, sous-ministre à Ottawa, en 1980, et un des points, le point de base à Santé et Bien-être, où j'étais, c'était: Comment éliminer la pauvreté? Quelles sont les façons d'amener les gens à éliminer, donc, les suppléments de revenu garanti – les suppléments de revenu pour personnes âgées sont arrivés durant ce temps-là – essentiellement pour essayer de trouver des solutions? Parce qu'on y croit. Si les gens vont dans des gouvernements, c'est précisément parce que le rôle principal d'un gouvernement, c'est d'offrir des services et de redistribuer la richesse. C'est pour ça qu'on taxe des gens puis on le donne à d'autres personnes.

Ce que vous indiquez: On n'en donne pas assez à certaines personnes et on ne taxe probablement pas assez certaines personnes. Rappelons-nous qu'il y a 30 % des Québécois qui paient de l'impôt, donc ça veut dire qu'il y a à peu près plus de 60 % des gens qui n'en paient pas. Alors, c'est difficile de dire à ces gens-là: Vous allez payer encore plus d'impôts ou on a une ouverture dans le moment pour baisser les impôts, parce que, durant les derniers quatre ans, au niveau de l'impôt des particuliers auprès de ces citoyens, ces 30 %, on est allé chercher 2 200 000 000 $ au niveau de l'impôt des particuliers, dans leurs poches. Ça veut dire que chaque personne a dû dépenser 800 $ de plus par année en impôts. Alors, ce n'est pas négligeable, il y a eu un gros effort fait par ces gens-là.

Maintenant, ce sont les solutions. Je ne suis pas d'accord avec le ministre quand il dit que la pauvreté, c'est un panier à remplir avec quelques médicaments. Je suis d'accord que le seuil de pauvreté développé par Statistique Canada n'est pas un seuil de pauvreté. Mais la pauvreté, c'est quelque chose qui est relatif. Effectivement, tout le monde au Canada est très riche, si on se compare à certains pays de l'Asie, de l'Inde, ou ces pays-là. Ça, c'est évident. Alors, la pauvreté c'est relatif. Quand on vit dans une société, bien, s'il y a des gens qui ne sont pas capables de vivre de façon semblable à nous, on peut estimer qu'ils tombent dans un cadre pauvre.

(10 h 30)

J'aimerais ça par ailleurs que vous me disiez... Vous semblez dire qu'une baisse d'impôts, ça n'est pas une solution; au contraire, il faudrait donner plus d'argent aux citoyens. Qu'est-ce que vous pouvez nous assurer que c'est là une solution à envisager à long terme? Est-ce qu'il n'y a pas... De plus en plus, les experts... ce ne sont que des experts, ce ne sont que des gens qui ont des visions, effectivement. Vous avez mentionné des chiffres. Les chiffres sont qu'il y aurait un surplus d'ici quatre ans aux environs de 4 000 000 000 $, il y en a qui ont parlé, dans huit ans, de 8 000 000 000 $, donc ce n'est pas négligeable. Alors, c'est la raison pour laquelle je me dis: Est-ce qu'il n'y a pas une occasion de faire autre chose et de faire quelque chose de nouveau pour nous assurer que la première sécurité d'emploi, c'est un emploi? C'est un emploi. Vous êtes d'accord avec ça, c'est de trouver un emploi. Et, peut-être qu'en baissant les impôts, on pourrait espérer se rapprocher de création d'emplois, comme ça s'est fait, par exemple, chez nos voisins, qui ont un taux de chômage beaucoup plus bas que le nôtre, ou aux Pays-Bas qui ont un taux de chômage beaucoup plus bas que le nôtre. Je lisais un article sur la Suède, bien, quand on va fouiller à fond ce qu'ils ont fait en Suède puis qu'on examine toutes les démarches qu'ils ont faites, ils ont baissé les impôts. Ils en paient encore beaucoup, mais beaucoup moins que ce qu'ils payaient avant. Alors, j'aimerais ça savoir de vous – parce que vous avez une connaissance très approfondie du milieu que vous voulez défendre avec brio – j'aimerais ça que vous nous disiez justement quelle pourrait être une solution à long terme, pas encore replastrer quelque chose puis faire quelque chose de façon temporaire.

Mme Labrie (Vivian): La solution à long terme, madame: une loi-cadre sur l'élimination de la pauvreté.

Mme Jérôme-Forget: Alors, ça serait quoi, ça, une loi-cadre?

Mme Labrie (Vivian): Une loi-cadre sur l'élimination de la pauvreté, ça veut dire que le Québec se donne comme priorité, pendant un certain nombre d'années, de faire de la lutte à la pauvreté, vraiment, son cheval de bataille qui prend tous les moyens, qui met toute la société ensemble puis qui fait les discussions nécessaires. On en reparlera un autre jour, de ça, parce qu'on n'est pas venu pour parler de ça aujourd'hui, mais voici une solution.

Quant à ce que vous dites, en quoi est-ce que c'est que le maximum de réduction d'impôts qui est prévu... Ici, là, c'est environ de 3 000 $ à 4 000 $ pour quelqu'un qui a un revenu de 100 000 $, on ne crée pas un emploi avec 3 000 $ ou 4 000 $, madame. Alors, dans le fond, ce qui va arriver, c'est que ces argents-là vont être investis. On veut bien voir où ils vont être investis, mais les entreprises québécoises, en ce moment, ont plutôt tendance à rationaliser leur personnel qu'à créer de l'emploi. Alors, quand elles vont recevoir des revenus comme ceux-là, à quoi ça va servir, vous pensez? Nous, on ne croit pas qu'une réduction des impôts va conduire à de la création d'emplois.

On pense par contre que, si on donne des chances aux Québécois et Québécoises qui sont des chômeurs et chômeuses de longue durée d'avoir accès à un support qui a du bon sens au niveau de la formation puis de l'accès à l'emploi, si on s'organise pour créer les emplois là où on en a besoin – et le Québec n'a pas seulement besoin d'emplois dans la haute technologie, de la présence dans les écoles, c'est important, du support dans les familles, c'est important, de l'aide dans la santé, c'est important – si, quelque part, on s'organisait pour faire en sorte que toute personne au Québec sache qu'il y a une fonction pour elle, peut-être que là on pourrait se rapprocher de ce dont vous parlez en termes de création d'emplois.

Quant à l'Ontario et aux États-Unis, on ne doit pas lire les mêmes journaux, parce que, moi, ce que je vois beaucoup par rapport à l'Ontario, c'est l'attitude très humiliante du premier ministre de l'Ontario par rapport aux personnes assistées sociales. Énormément de ses déclarations vont dans le sens du préjugé, et c'est extrêmement nocif pour la psychologie des personnes, pour la psychologie d'une société. Alors, si c'est de ça qu'on parle, en tout cas, on ne parle pas de la même chose. Quant aux États-Unis, c'est bien certain qu'avec 50 États il y a moyen d'avoir plusieurs tentatives et plusieurs essais, sauf que ce qu'on voit aussi, c'est que les États-Unis sont en train de mettre fin carrément à un système d'aide sociale en ayant des approches avec des temps limités. Donc, on n'ira certainement pas prendre exemple là même si on doit bien admettre qu'il doit y avoir toutes sortes d'expériences, dont certaines qui sont intéressantes. Maintenant...

Mme Jérôme-Forget: Ce que je vous disais, au lieu de...

Mme Labrie (Vivian): Excusez-moi, madame, j'aimerais ça vous répondre.

Mme Jérôme-Forget: Ce que je vous disais, madame... Comme vous me répondez à côté, je voudrais vous dire ce que j'ai dit: Je vous ai parlé des chiffres de l'Ontario. D'accord?

Mme Labrie (Vivian): D'accord.

Mme Jérôme-Forget: Je vous ai essentiellement indiqué que, quand vous répétez que les assistés sociaux sont moins bien traités en Ontario... Je voulais vous dire que, si vous allez voir les chiffres, vous allez vous rendre compte que ce n'est pas le cas. C'était le seul point que je voulais faire.

Mme Labrie (Vivian): Madame, les personnes assistées sociales...

Mme Jérôme-Forget: Vous pouvez ne pas aimer le discours de M. Harris – il y a bien des gens qui n'aiment pas le discours de M. Harris – mais je pense qu'il y a lieu de ne pas faire une distorsion des propos que je tenais.

Mme Labrie (Vivian): Madame, les personnes assistées sociales sont moins bien traitées en Ontario. Elles ne sont pas traitées comme des êtres humains dans bien des cas. Quand on a des règles qui s'en viennent où il faut mettre son pouce comme système d'identité, quelque part, ça devient infrahumain.

Par ailleurs, vous avez parlé du fardeau fiscal des personnes de la classe moyenne et de l'effort qu'elles ont fait, moi, je vais vous raconter un fait: À peu près au moment où il y a eu le Sommet de Québec, on avait au Québec un régime d'aide sociale où les personnes qui étaient impliquées dans un programme d'employabilité avaient un supplément de revenu de 150 $. Le gouvernement a décidé, cette fois-là, de couper ce supplément de 30 $ dans le cadre des mesures qui ont conduit à la rationalisation pour le déficit zéro. De 30 $.

Alors, 30 $ par mois, pour un revenu qui était autour de 650 $, calculez le pourcentage de coupe de revenu qu'on a faite à des gens qui, là, étaient actifs, en plus, O.K., multipliez ça maintenant, prenez ce pourcentage-là et enlevez-le du revenu de tous les Québécois et Québécoises au pourcentage, et vous allez voir qu'on n'aura pas de problème pour lutter contre la pauvreté avec le chiffre que vous allez obtenir, c'est dans les milliards. Alors, quelque part, on a beaucoup de misère à pleurer sur le fardeau de la société en général quand on voit le fardeau qui est imposé d'arriver à vivre dans des conditions impossibles à une partie des citoyens et des citoyennes, et ça, ce n'est pas acceptable, madame.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Si on voulait, en tout cas, on pourrait en passer longuement sur la réforme de l'aide sociale, les impacts sur les personnes assistées sociales, mais ce n'est pas le but d'aujourd'hui, je pense. Mais je vais peut-être poser une question sur le traitement fiscal d'une autre façon. Le ministre des Finances a dit presque textuellement: Nous sommes déjà à notre maximum de distribution de ressources. Je l'ignore si c'est le cas pour les baisses d'impôts, je ne suis pas fiscaliste, et c'est excessivement difficile de valider ce type de déclaration du ministre des Finances, mais je veux parler d'une autre mesure fiscale et je vais vous demander votre opinion sur le traitement que fait le Québec. C'est un domaine que je connais mieux maintenant que je ne le connaissais quand j'étais porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu, c'est un volet de la politique familiale, le traitement de la Prestation fiscale canadienne pour enfants.

Il y a une parfaite harmonie entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral en ce qui concerne le traitement de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, c'est-à-dire pour presque chaque dollar que la Prestation fiscale canadienne pour enfants augmente pour les familles à bas revenus, pour les familles qui gagnent en bas de 22 000 $ – et là on situe évidemment la totalité des familles sur l'aide sociale là-dedans, un peu moins de 400 000 ménages, toujours – pour presque chaque dollar que le fédéral augmente la Prestation fiscale canadienne pour enfants, le Québec enlève 1 $.

Une voix: ...

M. Copeman: C'est normal. Le ministre dit que c'est normal, moi, respectueusement, je dis: C'est anormal, parce que, si on veut vraiment lutter contre la pauvreté, il me semble qu'il faut donner un peu plus d'aide financière aux familles les plus pauvres.

M. Landry: ...

M. Copeman: Est-ce que... Là, je pensais que je parlais avec Mme Labrie, ça a l'air que je parle avec le ministre des Finances. Là, on a un autre forum, nous – lui et moi – pour en discuter de ces choses-là. Qu'est-ce que vous en pensez de ce traitement de la Prestation fiscale canadienne pour enfants?

Mme Labrie (Vivian): M. Copeman, je ne suis pas une spécialiste de la question que vous posez, on peut simplement présenter des paramètres en ce moment. Ce dont il faut se préoccuper, c'est que les transferts soient établis en tenant compte des besoins essentiels réels. Ce qu'il ne faut pas, c'est que, dans le fond, les garanties de revenu dont disposent les Québécois et Québécoises, bon, ce soient des garanties de revenu qui soient en dessous du seuil des besoins essentiels. Alors, le vrai débat est au niveau du calcul d'un seuil de besoins essentiels pour les adultes et pour les enfants qui soit correct et que, après ça, à partir des paramètres qui ont été calculés, on fasse le travail. Donc, je n'entrerai pas dans des détails de chiffres ici, on sait que ça n'a pas été avantageux pour plusieurs familles, la transformation de la fiscalité en ce qui concerne les enfants. Il faudrait donc faire le travail à ce niveau-là. Je n'irai pas plus loin.

Par ailleurs, je croyais voir Rachel qui voulait intervenir, je me demande si vous le lui permettriez. Je crois qu'elle voulait répondre à madame. Est-ce que ce serait correct qu'elle... Ah, O.K.

Mme Lacasse (Rachel): Moi, je vous dirais que, pour une personne assistée sociale qui vit la pauvreté à tous les jours, 365 jours par année... Je vous lance au défi de voir si la pauvreté est relative. Est-ce que vous pouvez me répondre à ça, madame?

Mme Jérôme-Forget: Madame, le commentaire que je faisais, c'est que le ministre des Finances a dit que votre définition de la pauvreté n'était pas la bonne parce que vous utilisiez la pauvreté définie par Statistique Canada. D'accord?

Mme Lacasse (Rachel): Vous ne l'avez pas mentionné, ça.

Mme Labrie (Vivian): On a répondu à ça tout à l'heure.

(10 h 40)

Mme Jérôme-Forget: Vous avez dit qu'il ne fallait pas se servir de ça. Et ce que j'ai dit, madame, c'est exactement le contraire du ministre des Finances, j'ai dit que, effectivement, la pauvreté, c'est relatif. C'est relatif en ce sens que, quand on vit au Canada, il y en a des pauvres et il va toujours y en avoir des pauvres parce qu'il y a des gens qui ne vivent pas comme l'ensemble de la société. Alors, vous n'avez pas besoin de m'attaquer, là, je suis d'accord avec ce que vous dites. Alors...

Mme Lacasse (Rachel): Je m'interroge.

Mme Jérôme-Forget: Non, non. Vous pouvez vous interroger, mais je disais que, effectivement, le seuil de pauvreté va toujours monter avec la richesse. C'est ça parce qu'il va toujours y avoir des gens qui vont être en dessous de la moyenne. D'accord? C'est ça. Mais, en tout cas, je ne veux pas rentrer trop dans les détails, là, c'est très technique.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il reste quelques minutes, je vais demander au député de Notre-Dame-de-Grâce de peut-être poser une dernière question et pour donner la chance au groupe de répondre.

M. Copeman: Mme Labrie, je comprends votre réponse, mais, en tout cas, moi, je vous incite à regarder ça de plus près. Vous avez exposé une certaine expertise dans les matières fiscales du Québec. L'expertise est là. Je suis convaincu qu'elle est là. Là, je vous invite à vous pencher également sur la question des politiques familiales, parce que, en effet, ça a une incidence importante sur le revenu disponible des familles, et, peut-être, à un moment ultérieur on pourrait avoir une discussion plus étoffée sur le sujet.

Mme Labrie (Vivian): Je pense qu'il y a des personnes au Québec qui ont fait d'excellents travaux sur cette question-là. Je pense, par exemple, à Mme Ruth Rose et je crois que vous aurez l'occasion, si vous ne l'avez pas eue, d'être informé correctement sur d'autres positions là-dessus qui sont bien calculées et correctement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, la période de temps qui était à notre disposition est terminée. Je voudrais remercier les gens non seulement d'avoir présenté un mémoire passionnant, mais de l'avoir fait à plusieurs et de nous avoir donné des expériences vécues. Je pense que, pour la commission, ça a été très bon.

Alors, je suspends pour trois minutes nos travaux.

(Suspension de la séance à 10 h 42)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, messieurs, bienvenue. Tout le monde s'en doute – et je ferai là un constat qui ne se veut pas ironique – nous nous attendons tous à un mémoire très différent dans son contenu de celui que nous venons d'entendre.

Une voix: ...se déshabiller.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ha, ha, ha! C'est ça, on ramasse les chemises avec plaisir, parce qu'on nous fait don de chemises depuis quelques jours. Si vous voulez laisser les vôtres, il n'y a pas de problème.

Non, blague à part, je pense que vous êtes familiers, M. Ponton et les gens qui sont avec vous, avec notre façon de travailler en commission. Vous participez régulièrement à des débats importants pour notre société, et nous sommes toujours extrêmement heureux de votre contribution qui est toujours une contribution extrêmement professionnelle et extrêmement sérieuse et qui permet d'avancer le débat.

M. Ponton, vous allez nous faire le plaisir de nous présenter ceux qui vous accompagnent, et nous allons vous écouter.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Ponton (Gérald A.): Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de l'opposition, MM. les parlementaires, mesdames. D'abord à mon extrême droite, M. Raymond Bourque, qui est le directeur principal, service de fiscalité, Société Alcan, qui est en même temps le directeur du comité de fiscalité de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec; à ma droite, M. Manuel Dussault, qui est le directeur de l'analyse des politiques publiques au bureau de l'Alliance; à ma gauche, M. Michel Émond, qui est président du conseil de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, dans ses heures de loisirs, président en chef de la direction d'une entreprise de la Montérégie, l'entreprise Pyradia, qui a 80 employés, et également dans ses heures de loisirs, en plus d'être père de jumeaux dont c'est l'anniversaire aujourd'hui, il est membre du comité Lemaire sur l'allégement réglementaire.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Que faites-vous ici? Ha, ha, ha!

M. Ponton (Gérald A.): Également, Guy Lachapelle, professeur au doctorat, de l'Université Concordia, qui est en même temps vice-recteur aux relations institutionnelles, qui va répondre aux questions concernant le sondage que nous rendons public ce matin; et Mme Stéphanie Boulanger, qui est économiste de profession et qui fait partie du service de recherche de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec.

Alors, M. le Président, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, comme vous vous en doutez peut-être, a pour mission de défendre les intérêts de l'industrie auprès du gouvernement dans le but d'améliorer la compétitivité des entreprises et de stimuler la création de la richesse au Québec. Les manufacturiers et les exportateurs sont, en effet, les créateurs de richesse de notre économie. Ils oeuvrent cependant dans un marché de plus en plus concurrentiel. Le secteur manufacturier représente 21 % de l'économie, une valeur ajoutée de 31 500 000 000 $ et 19 % des emplois au Québec, soit 641 000. Le taux de chômage dans ce secteur est bas et les emplois sont bien rémunérés. Les exportations, quant à elles, sont une source indispensable de dynamisme au Québec, ayant crû de 6,7 % en 1997 et de 8,9 % en 1999, pour atteindre un nouveau record de 57 000 000 000 $ au Québec. Plus de 50 % de la production manufacturière est exportée.

L'Alliance fait partie des principaux partenaires socioéconomiques du Québec et elle a participé aux travaux des sommets qui se sont déroulés en 1996. Elle est une des parties au consensus qui vise à équilibrer le budget du gouvernement du Québec en l'an 2000, à alléger la réglementation et à faire en sorte que le Québec rattrape le taux de création d'emplois du Canada. Ce dernier objectif n'a pas encore été atteint, et, malgré la récente amélioration, on peut se demander si le Québec pourra réaliser un tel objectif compte tenu du boom économique qui se poursuit dans l'Ontario et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord.

Dans le cadre de la consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers, l'Alliance souhaite susciter un questionnement et formuler des recommandations propres à faire progresser le Québec dans l'esprit d'une plus grande prospérité collective et d'une meilleure cohésion sociale. Il n'est d'ailleurs plus à démontrer qu'une saine gestion des finances publiques va de pair avec la croissance économique, et les dernières années sont là pour l'établir. Le contraire est tout aussi vrai. Nous avons donc produit pour cette occasion un mémoire où sont présentées nos recommandations, ainsi qu'un sondage réalisé auprès de 1 011 Québécois et Québécoises sur la gestion des finances publiques.

(10 h 50)

Débutons par les recommandations. Mentionnons premièrement qu'une baisse des impôts et des taxes est de première nécessité au Québec. L'écart avec le reste du Canada et encore davantage avec les États-Unis est devenu, selon nous, intolérable. Si on compare les taux marginaux d'imposition maximum du Québec à ceux des autres provinces et de certains États américains, on voit bien qu'il existe un écart non négligeable. Non seulement le taux marginal québécois d'imposition, évalué en l'an 2000 à 51,7 %, enregistre un écart de plus de 2 % avec le Nouveau-Brunswick, de presque 3 % avec l'Ontario et de plus de 8 % avec le Massachusetts, mais le revenu à partir duquel le taux commence à s'appliquer est nettement plus bas ici qu'ailleurs. L'Ontario et le Québec sont comparables à ce niveau, puisqu'ils enregistrent tous les deux un niveau de 63 519 $, mais avec le Nouveau-Brunswick qui, lui, se situe à 101 375 $ ou les États-Unis avec 425 000 $US...

Cependant, la lourdeur du fardeau fiscal ne s'explique pas seulement par les préférences passées des Québécois pour l'administration publique, mais aussi par leur insuffisance de richesse. Le ministre des Finances du Québec, d'ailleurs, expliquait dans son dernier budget le fardeau fiscal relativement plus élevé au Québec par la faiblesse des revenus des particuliers. Selon le recensement de 1996, le revenu moyen au Canada était de 25 196 $ comparativement à 23 198 $ au Québec en dollars constants de 1995. Il convient donc de mettre aussi l'accent sur l'augmentation du revenu personnel par habitant, puisqu'elle seule permettra d'alléger durablement le fardeau fiscal des Québécois.

Un diagnostic complet de la situation de l'emploi et de l'économie est nécessaire, et les façons de faire, selon l'Alliance, de la société québécoise doivent être réexaminées afin d'améliorer la performance de l'économie. L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec a proposé à plusieurs reprises la création d'une commission nationale sur l'économie et l'emploi et continue à soutenir que la réduction du fardeau fiscal des entreprises est une des voies les plus prometteuses pour améliorer la performance québécoise.

Deuxièmement, nous voulons souligner l'importance du cadre futur de la politique budgétaire et la nécessité d'un plan cohérent. Au chapitre de l'analyse des finances publiques, les consultations actuelles sur la fiscalité québécoise laissent aussi beaucoup à désirer quant à l'information disponible et la teneur des sujets soumis à la discussion. Il est impossible de discuter de politique fiscale pour les prochaines années, M. le Président, sans se pencher sur les questions de prospérité, de compétitivité, de capacité de payer et d'utilité et d'efficience des dépenses publiques.

Il aurait certes été souhaitable que plus de renseignements et de scénarios de référence aient été mis à la disposition des intervenants sur les perspectives financières du gouvernement du Québec et sur les coûts anticipés des services publics. Une promesse de réduction d'impôt de 1 300 000 000 $ au cours du mandat du présent gouvernement ne constitue pas, selon nous, une proposition de cadre de politique budgétaire complète pour les années à venir. Il faudrait d'ailleurs une réduction beaucoup plus importante du fardeau fiscal des particuliers pour rendre le Québec concurrentiel à ce chapitre.

L'OCDE soulignait récemment l'importance de développer au niveau fédéral une politique budgétaire générale. À Ottawa comme à Québec, les mêmes enjeux sont fondamentaux à l'aube d'un assainissement des finances publiques. Et je cite un extrait: «...la nécessité pour les autorités d'établir un plan d'action cohérent pour les réformes des dépenses et des recettes publiques afin d'ancrer les anticipations et la nécessité d'affecter des ressources relativement limitées aux initiatives susceptibles de favoriser la croissance et non pas simplement aux programmes les plus populaires.»

De plus, M. le Président, la question de l'utilisation des surplus budgétaires doit être traitée, selon nous, avec circonspection. La mise en garde de William Asher, citée dans notre mémoire, est valide aujourd'hui comme hier. Et je ne vous reprendrai pas la citation de notre texte, mais M. Asher est très critique sur les prévisions de revenus futurs et souhaite au contraire une approche beaucoup plus prudente, comme celle pour laquelle a opté jusqu'à maintenant le gouvernement du Québec.

Il faut, à tout prix, éviter de créer une politique budgétaire sur la seule base de projection de revenus escomptés provenant d'une croissance économique hypothétique. Compte tenu de l'ampleur de la dette publique – 100 000 000 000 $ ou 52,4 % de notre PIB au Québec – et de la variabilité de l'environnement socioéconomique, le gouvernement du Québec doit gérer prudemment, se réserver une marge de manoeuvre financière et rendre sa gestion plus flexible. Les manufacturiers exportateurs, face à un environnement incertain, misent de plus en plus sur la flexibilité, la qualité et le juste à temps. Le gouvernement gagnerait à s'inspirer de ces préceptes dans le domaine des finances publiques.

La théorie économique, M. le Président, ne fournit pas de régime fiscal idéal sur mesure et sans controverse. De plus, qu'elle soit normative ou positive, la science économique ne remplace pas la nécessité d'aborder la question du régime fiscal des particuliers dans une perspective économique et politique de même qu'éthique et réaliste. La fiscalité ne peut pas remplacer la conscience sociale individuelle ou le devoir qu'ont les entreprises d'être de bons citoyens corporatifs. Au contraire, elle doit encourager et compléter ces valeurs de façon subsidiaire.

Si nous considérons les perspectives de la science économique sur différents régimes fiscaux, les conclusions sont parfois contradictoires et imprécises. En effet, quelle que soit la théorie, l'approche normative classique ou néoclassique prônant que l'État intervienne le moins possible, l'économie du bien-être, l'économie des choix publics ou l'économie pratique, elle n'apporte toujours que des solutions partielles qui ne s'appliquent pas toujours aux enjeux auxquels chaque pays fait face. Ceci démontre l'importance des considérations politiques, économiques de même qu'éthiques.

Pour cette raison, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec recommande de manière générale que les réductions prévues à l'impôt des particuliers de 1 300 000 000 $ soient proportionnelles tout en permettant des allégements fiscaux pour les personnes qualifiées, productives et en demande et qui contribuent à la création d'emplois. Le scénario 3 amélioré.

Ainsi l'ensemble des Québécois et des Québécoises ont contribué à l'élimination du déficit, ce qui constitue un des fondements du processus d'assainissement des finances publiques, soulignons cependant que le remboursement des intrants aux grandes entreprises est encore soumis à des délais inacceptables. Tous les Québécois devraient donc aujourd'hui pouvoir bénéficier des premières baisses d'impôts. Ce faisant, on maintiendra relativement intacte la progressivité du régime fiscal québécois en attendant une révision du modèle québécois et une politique budgétaire complète.

De plus, les travailleurs qualifiés, dans la mesure où ils constituent une locomotive pour l'économie, génèrent une prospérité pour l'ensemble de la collectivité. Il devient donc essentiel de créer les meilleures conditions possible pour ces personnes afin qu'elles puissent contribuer à accélérer le rythme de création d'emplois au Québec en améliorant la compétitivité des entreprises. Il faut se rappeler que le régime fiscal des particuliers du Québec est le plus progressif en Amérique du Nord. En outre, les valeurs de solidarité doivent de plus en plus s'harmoniser avec les valeurs d'excellence et de réussite de la société québécoise. Il est donc, selon nous, impérieux de remédier à cette situation, d'autant plus que les personnes les plus qualifiées sont aussi les plus mobiles.

Ces allégements ne devraient cependant se faire que dans la mesure où une réduction de la fiscalité demeure possible et cohérente avec la nouvelle politique budgétaire à long terme que doit se donner le gouvernement du Québec.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec fait depuis plusieurs années de la révision de la fiscalité des entreprises une priorité pour stimuler la croissance au Québec. Le ministre des Finances du Québec, comme il se doit, accorde aussi une grande importance à ce type de fiscalité. Il déclarait dans le budget 1999-2000, et je cite: «J'ajoute que l'opportunité d'accorder d'autres réductions d'impôts et taxes aux entreprises fera l'objet d'évaluations périodiques dans l'avenir afin de toujours préserver la capacité compétitive des entreprises du Québec.»

La réduction de l'impôt des particuliers ne doit cependant pas faire oublier que l'allégement du fardeau fiscal des entreprises peut être le meilleur moyen de stimuler la croissance. Je cite un extrait de Jack Mintz qui rejoint plusieurs préoccupations que Pierre Fortin a déjà soulevées. Et M. Mintz, dans son article, nous donne l'exemple de l'Irlande qui, en 1990, a appliqué des changements importants à la fiscalité des entreprises, et on connaît tous aujourd'hui que l'Irlande a la croissance per capita la plus importante des pays de l'OCDE.

L'Alliance souhaite donc que la réduction de l'impôt des particuliers soit suivie de près par une réduction des charges imposées aux entreprises. La fiscalité des entreprises est la clé d'une meilleure performance de l'économie québécoise, la création d'une plus grande richesse. En aucun cas, la promesse de réduction de la fiscalité des particuliers ne devrait être financée par une hausse des taxes ou de l'impôt des entreprises. Le congé de taxe sur le capital pour les nouveaux investissements et la déduction accélérée sont d'ailleurs des mesures qui ont stimulé l'activité économique et la création d'emplois et qui devraient, selon nous, être reconduites à l'avenir, surtout lorsqu'on regarde le montant des investissements qui ont été générés dans le secteur manufacturier au cours des trois dernières années.

En ce concerne les travailleurs qualifiés et productifs, les experts du ministère des Finances sont à même de développer des mesures fiscales permettant de cibler les travailleurs les plus qualifiés, les plus en demande et les plus productifs. À titre d'hypothèse de travail, l'Alliance soumet les propositions suivantes: premièrement, accorder un congé de taxe sur la masse salariale de quatre ans pour les récents diplômés en informatique et en techniques reliées au secteur manufacturier et à la nouvelle économie; permettre aux propriétaires de PME du secteur manufacturier et de la nouvelle économie d'investir leur REER dans leur propre entreprise; soustraire les investissements dans les équipements de recherche et de développement de recherche scientifique à la taxe sur le capital; permettre aux dirigeants d'entreprises rémunérés en options et en actions d'être taxés à un taux moindre sur cette forme de rémunération; créer un programme d'excellence pour les scientifiques, chercheurs et gestionnaires administré par un conseil composé de représentants des entreprises et des universités afin d'offrir des conditions de travail similaires à celles en vigueur au États-Unis en termes d'environnement fiscal et scientifique.

(11 heures)

Passons maintenant aux résultats du sondage. Une copie de ces résultats du sondage vous a d'ailleurs été distribuée et est disponible pour ceux qui seraient intéressés. On constate premièrement que 94 % de la population sondée est en faveur d'une baisse des impôts et que 85 % est contre la diminution des services offerts. Je dois préciser que c'est un sondage effectué auprès de 1 011 répondants en entrevue, et il y a aussi eu des entrevues téléphoniques auprès d'un nombre plus grand. Et, M. Lachapelle est ici, pour ceux qui seraient intéressés par l'aspect méthodologique, ce sondage a été réalisé avec la maison Sondagem.

Par ailleurs, pour 72 % des répondants, l'augmentation de la productivité dans le secteur public est certainement une voie prometteuse pour atteindre les objectifs de la société québécoise.

Lorsque nous avons demandé, M. le Président, à qui le gouvernement devrait accorder en premier les baisses d'impôts, la population sondée a répondu à 34 % les faibles revenus, à 29 % la classe moyenne et à 33 % l'ensemble des Québécois. Les Québécois sont donc tout de même divisés quant à savoir qui devrait bénéficier en premier de la baisse d'impôts des particuliers. Peu de répondants pensent que les personnes à revenus élevés devraient profiter des réductions, quoique les Québécois démontrent une grande sensibilité au problème du départ des travailleurs qualifiés vers les États-Unis. Ainsi, 74 % des Québécois estiment qu'une baisse des impôts des particuliers serait un bon moyen pour empêcher le départ des professionnels à l'étranger.

Quant à la gestion des finances publiques, les Québécois sont clairs. En moyenne, pour chaque tranche de 100 $ économisés par le gouvernement, ils souhaitent que 32 $ aillent à la réduction des impôts, 30 $ au remboursement de la dette et 38 $ à l'amélioration des services publics. Un partage en trois parts égales d'un tiers est l'option retenue le plus fréquemment par les répondants. Il s'agit certes d'une approche prudente qui est recommandable sur un cycle de quatre ans, par exemple. Il faut aussi encourager la croissance économique pour permettre de dégager ces surplus et, à très court terme, alléger le plus possible la fiscalité québécoise qui est beaucoup trop pénalisante. De nouveaux investissements dans les services à la population et aux entreprises ne devraient surtout pas servir à alourdir la bureaucratie mais plutôt être ciblée et avoir un effet de levier grâce à des partenariats avec les entreprises, le secteur associatif ou le secteur communautaire et de l'économie sociale.

En conclusion, M. le Président, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec est d'avis qu'une réduction proportionnelle de la fiscalité des particuliers et certains allégements ciblés pour les travailleurs qualifiés, compétents et en demande s'inscrivent dans une approche réaliste, efficace et cohérente avec les valeurs de la société québécoise. Il est cependant impérieux que le gouvernement du Québec se donne une vision à long terme en matière de politique budgétaire et de croissance économique, car la présente consultation reste incomplète, compte tenu de l'importance des questions qui restent à débattre.

Finalement, la création de richesse demeure un élément clé de l'allégement de la fiscalité québécoise et il est indéniable que la proportion des revenus que les particuliers auront à consacrer aux dépenses publiques diminuera à mesure que la productivité et la prospérité augmenteront. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup, M. Ponton, messieurs. J'invite maintenant tout de suite le ministre des Finances à lancer le débat.

M. Landry: Le Québec est une terre de larges écarts de température, des fois, d'une journée à l'autre. Il peut arriver, au mois de février, qu'on passe de moins 30 °C à plus 10 °C. C'est un peu ce qui vient d'arriver dans cette salle en matière économique et sociale. Et la vérité socioéconomique comme climatique doit se situer un peu quelque part entre les deux. Mais ce n'est un secret pour personne que notre gouvernement a l'habitude d'être en phase avec l'Association des manufacturiers et exportateurs. Nous n'avons pas de querelle sur beaucoup de sujets et nous n'avons pas, en particulier, sur la nécessité de réduire la pression fiscale. Il peut y avoir parfois des petites divergences – pendant que vous êtes ici, on va en profiter pour voir si on ne peut pas en éclaircir quelques-unes – mais, globalement, nous ne sommes pas à convaincre, comme vous le savez.

Votre président-directeur général a ouvert une voie à une question conjoncturelle dès le début de son intervention en parlant du taux de chômage qui ne s'est pas resserré comme on l'aurait souhaité entre le Québec et l'Ontario. Effectivement, vous m'avez souvent entendu dire que delta égale k, c'est-à-dire que la différence sous Maurice Le Noblet Duplessis comme sous Lucien Bouchard est sensiblement la même. Peut-être avec légère amélioration. Il y a là un problème structurel grave mais il y a un espoir de resserrement de cet écart comme j'en ai rarement vu dans ma vie, et ça fait 35 ans que j'observe l'économie du Québec de façon professionnelle et attentive.

Et où est-il, cet espoir? Il est dans l'investissement. Les emplois sont les enfants de l'investissement. Et là il y a peut-être un petit décalage dans le temps, que vous faites bien de souligner, et qui inquiète l'Association des manufacturiers exportateurs, mais je pense que l'espoir est dans les chiffres. Je ne croyais pas voir ça dans ma vie, mais je le vois, là, je les ai sous les yeux. Durant les quatre ans qui ont précédé 1994, les investissements se sont effondré lamentablement au Québec et l'emploi s'en est suivi. Il y a zéro emploi net créé en quatre ans.

Qu'est-ce qui se passe depuis 1996 en matière d'investissement au Québec comparé au reste du Canada? En 1996, on a eu une croissance de 8,6 %, ils ont eu une croissance de 5,7 %. En 1997, on a eu une croissance de 10,4 – je parle des investissements privés manufacturiers évidemment en achat d'équipement – ils ont eu une croissance de 4,4 %. En 1999 – écoutez bien ça – on a 15,2 % et ils ont 4 %. Mathématiquement, l'emploi va finir par suivre. On était à 14 % de chômage naguère, on est à 9 %.

J'avais dit à la blague: J'ai, dans ma cave, une malheureuse bouteille de champagne millésimée. C'est la seule qui est millésimée, puis j'avais dit que je la boirais quand on crèverait le plancher de 10 %. Et je n'ai pas osé. Parce que je pense qu'on va crever le 9 %. Et on est parti pour ça, on est à 9 %. Je vais être au Moyen-0rient quand les chiffres vont sortir pour le prochain mois – ce n'est pas une place pour sabrer le champagne – mais, si jamais on crève le 9 %, avec mes fonctionnaires, je pense que je vais le faire. Tout ça pour vous dire qu'il est écrit dans la prévision qu'on va peut-être gagner aussi le pari de l'emploi. Et, comme c'est vos membres qui créent des emplois et comme c'est vos décideurs qui ont transformé profondément l'économie du Québec, je voudrais savoir ce que vous en pensez.

Deuxième chose, faire ressortir le paradoxe. Là, on a une petite divergence. Vous me demandez de réduire aussi le fardeau fiscal des entreprises. Là, je vous trouve un peu «far-fetched», comme on dit, parce que vous êtes déjà bien placés. Vous avez entendu ceux qui sont venus avant, qui nous disent qu'il ne faut même pas réduire celui des particuliers. C'est parce que vous êtes bien traités, vous, les entrepreneurs au Québec. Vous avez lu l'étude KPMG? Vos coûts de production d'implantation sont dans les plus bas de l'Occident. Vos coûts d'impôts, fardeau fiscal Québec-Ontario pour les entreprises, vous avez un fardeau fiscal global inférieur à 900 000 000 $. Global. Fiscal global. Donc, ça comprend tout.

Le taux d'imposition général applicable aux bénéfices est de 8,9 % au Québec, parmi les plus faibles au Canada. En Ontario, il est à 15,5 %. Les nouvelles sociétés ont congé de taxe sur le capital, d'impôts sur le revenu et de taxe sur la masse salariale. Est-ce que vous ne pourriez pas mettre ces demandes en veilleuse pour un certain nombre d'années puis nous laisser le champ libre totalement pour baisser l'impôt sur les particuliers?

Et enfin, troisième question qui est une divergence aussi un peu. J'attribue une partie des bons résultats de l'économie québécoise – pas au complet, puisque je vous ai parlé de l'action de vos membres – à la saine gestion des finances publiques qui ont redonné confiance et espoir à la communauté québécoise et à la communauté internationale. Cette saine gestion, qui nous a fait rompre avec 40 ans de tradition de déficit en ligne, est basée sur la prudence. C'est pourquoi j'ai dit 2,1 % de croissance alors que ça sera peut-être 3 %. J'aime mieux me tromper dans le bon sens. J'espère que vous ne m'incitez pas à me départir de cette prudence puis à dépenser de l'argent que je n'ai pas. Parce que, si j'annonce des baisses d'impôts pour lesquelles je n'ai pas l'argent, la fatalité c'est que, il faut que j'aille chercher à Boston puis a New York la différence. Et ça, je suis sûr que vous n'êtes pas partisans de ça.

Alors, je réitère notre harmonie considérable sur l'ensemble des problématiques socioéconomiques québécoises avec votre Association, mais je veux souligner quand même un certain nombre de divergences.

(11 h 10)

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Ponton.

M. Ponton (Gérald A.): Bon. M. le ministre, vous avez fait plusieurs remarques, j'ai pris quelques notes. D'abord, au niveau de la fiscalité des entreprises, c'est une question d'étape. Il n'est pas dans notre propos aujourd'hui de proposer une réduction de la fiscalité des entreprises. Ce qu'on veut porter à votre attention à l'occasion du débat sur la réduction de la fiscalité des particuliers, qu'on appuie, c'est de ne pas oublier la réforme de la fiscalité des entreprises. Suivant l'étude que vous avez citée – je vais, surtout en matière de fiscalité, vous référer à Price Waterhouse qui date de quelques années – même le ministère des Finances convient qu'il y a deux façons d'examiner le portrait de la fiscalité au Québec: il y a celle que Price Waterhouse a favorisée avec les programme fiscaux disponibles à l'entreprise qui investit, qui fait de la recherche, qui peut compter sur des crédits à l'investissement, et il y a l'autre méthode, qui est un portrait des taux absolus et non des taux relatifs. Donc, on sait qu'au niveau des taux absolus, nous avons une fiscalité très avantageuse au niveau de l'impôt sur les profits, les revenus, mais qu'en période de basse conjoncture les taxes sur le capital, qui sont beaucoup plus élevées que nos voisins de l'Ontario – 342 %, pour être très exact, parce que la base de calcul est également différente de celle que le gouvernement du Québec utilise – de même que les taxes sur la masse salariale sont des charges fixes de beaucoup supérieures à ce qu'on a dans la concurrence nord-américaine immédiate.

Alors, ça ne veut pas dire que notre fiscalité n'est pas compétitive, elle l'est pour les entreprises qui font de la recherche, qui investissent et qui n'ont pas une masse salariale trop lourde, à moins d'être dans le secteur des nouvelles technologies, où elles peuvent compter sur des allégements fiscaux importants, ou d'être installées à Mirabel, où elles ont un programme de réduction d'impôts sur 10 ans très significatif et substantiel. Alors, c'est dans ce contexte qu'il faut aussi apprécier les propos de l'Alliance aujourd'hui, il s'agit de la fiscalité des entreprises suivant deux cadres qui sont reconnus comme étant des méthodes valides au Québec. Et Price Waterhouse – c'est le rôle, je pense, du gouvernement du Québec de faire la promotion de ses programmes – a opté pour celui relatif qui tient compte des programmes d'allégement fiscaux.

Nous, on aurait souhaité que cette étude-là soit supervisée par un comité aviseur externe pour s'assurer de l'impartialité et du caractère totalement désintéressé des recommandations, parce que lorsqu'un ministère, le gouvernement paie une étude, je ne sais pas, moi, 300 000 $ ou 400 000 $, il est tout à fait normal et humain de mettre l'accent sur les programmes les plus avantageux pour les entreprises. Mais, nous, on reste convaincus, M. le ministre, qu'il va falloir prochainement s'adresser à notre fiscalité au niveau des taux et de la structure même de notre fiscalité des entreprises.

En ce qui concerne les investissements, je voudrais simplement dire au ministre que le secteur de la fabrication, en 1997-1998-1999... Je n'ai pas les taux au Québec d'une année à l'autre, mais j'ai les taux par rapport au Canada. Et je peux vous dire qu'en 1997, on est passé de 21,9 %, par rapport à l'ensemble des investissements privés au Canada; en 1998, on était à 23,7 %; en 1999, on est à 27,6 %.

M. Landry: C'est formidable.

M. Ponton (Gérald A.): Alors, c'est formidable, et je le prends...

M. Landry: ...de la population.

M. Ponton (Gérald A.): On a 27 % de la population puis on investit plus que notre portion. Maintenant, au niveau de la création d'emplois, j'ai les chiffres au 30 septembre. Le secteur manufacturier, depuis janvier, est en avance de 4,1 % sur la création d'emplois au Québec alors que la moyenne est de 2,1 %. Et, au niveau ontarien, le taux de création du secteur manufacturier est de 4,7 %, alors que leur taux global, en Ontario, est de 3,2 %. Dans l'ensemble canadien, le secteur manufacturier a créé à date, au 30 septembre, 4,4 % des nouveaux emplois alors que la moyenne canadienne de l'ensemble des secteurs est de 2,7 %. Alors, on voit que les manufacturiers sont des locomotives.

M. Landry: Mais il faut se rappeler que l'emploi est l'enfant de l'investissement.

M. Ponton (Gérald A.): Oui.

M. Landry: Il faut se rappeler que, pendant les quatre ans qui ont précédé notre arrivée au pouvoir, l'investissement au Québec a plongé dans des abîmes. Vous avez souvent vu mon tableau. Les fonctionnaires, de façon facétieuse, avaient mis la couleur rouge en bas de la ligne. Parce que, quand on est en bas de la ligne, on est dans le rouge. Alors, ce n'était injurieux pour personne.

M. Ponton (Gérald A.): Bon, moi, je vous dirais...

M. Landry: Mais, quand tu désinvestis pendant quatre ans, tu ne peux pas penser que tu vas avoir des emplois tout de suite après. Mais, quand tu te mets à réinvestir, les emplois viennent.

M. Ponton (Gérald A.): La stratégie de l'exemption de la taxe sur le capital qui est en place au Québec, la stratégie également d'amortissement accéléré pour les équipements, machinerie, outillage, toutes ces mesures définitivement contribuent à améliorer l'investissement dans le secteur manufacturier. Ça, j'en conviens avec vous. Également, la lutte au déficit, je pense, donne les résultats auxquels on assiste aujourd'hui parce que effectivement le taux de chômage, au Québec, est à 9 % puis il y a des bonnes chances qu'il puisse continuer à baisser, ce qu'on souhaite.

Mais, ayant dit cela, il faut aussi dire qu'on est en arrière de la moyenne canadienne, M. le ministre. Et je comprends les problèmes que vous évoquez, mais les problèmes sont les mêmes aussi pour le Nouveau-Brunswick, pour l'Alberta, qui ont des taux de croissance, au niveau emploi, supérieurs à ce qu'on expérimente chez nous. Et, moi, je me dis: C'est vraiment dans nos façons de faire qu'il faudrait s'interroger pour essayer de trouver les meilleures façons d'améliorer encore mieux notre performance.

Concernant la saine prudence, bien, c'est très clair pour nous qu'on ne recommande pas au ministre des Finances de baisser les impôts au-delà de sa capacité de les baisser, mais, en même temps, donc d'être prudent. Puis c'est ce que notre sondage nous dit. On voit qu'il y a un consensus assez large, 33 %, où les Québécois disent: Il faut réduire les impôts pour l'ensemble des concitoyens du Québec et il faut aussi, en même temps, s'adresser à la dette – ce n'est pas rien, 32 $, la dette, ou 30 $, la réduction de la dette – et investir dans les services publics.

Alors, je pense que le sondage va contribuer, j'espère, à éclairer les membres de la commission sur les meilleurs enlignements pour le prochain budget parce que les Québécois sont très sensibles à l'importance de la dette au Québec, qui est supérieure à 50 % de notre produit intérieur brut, et il ne faudrait pas que... Je sais que, peut-être politiquement, ce n'est pas populaire, mais qui paie ses dettes s'enrichit, me disait souvent ma défunte mère, et je continue à appliquer ce principe-là aujourd'hui dans mon quotidien. Alors, il ne faudrait pas perdre la dette de vue.

Donc, ce qu'il faut, je pense, de la part du ministre des Finances, c'est un équilibre entre les réductions d'impôts, le remboursement de la dette et l'investissement dans des secteurs publics ciblés, encore une fois, des investissements dans des domaines qui vont donner des résultats, des effets de levier, au lieu de dépenser uniquement dans des programmes qu'on pourrait appeler «populaires». Alors, je pense que ça fait le tour de la question.

M. Landry: Très bien.

Le Président (M. Simard, Richelieu): J'aimerais peut-être préciser – je pense que ça a été distribué aux membres de la commission – que vous nous avez remis les résultats d'un sondage, j'imagine, assez récent.

M. Ponton (Gérald A.): Oui. Ça a été fait...

M. Lachapelle (Guy): Du 25 au 29 septembre, fin septembre.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Bon.

M. Ponton (Gérald A.): Du 25-29 septembre.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, mes questions vont peut-être – en tout cas sur un aspect – partir de ce sondage très récent. Ironiquement, je peux bien vous dire: Vous avez dit tout à l'heure que vous auriez aimé avoir un comité conseil sur la méthodologie de KPMG, je peux vous dire qu'on aurait pu aussi vous faire quelques remarques sur les questions que vous avez posées. 94 % souhaitent des réductions d'impôts. Je peux vous dire: 100 % ne veulent pas d'augmentations. On aurait pu... Quand on va à ce point dans des questions générales et vertueuses, on obtient des résultats assez généraux.

Mais, dans nos dossiers, ici, on nous a remis, en début de travaux, des articles provenant de divers instituts de recherche sur ce qu'on appelle la «fuite des cerveaux», l'exode de gens, de travailleurs stratégiques. Et, là-dessus, je dois vous dire que les opinions sont extrêmement diverses: il y a d'excellentes études qui démontrent que c'est un phénomène qui a été créé, qui est artificiel, d'autres qui montrent que c'est un phénomène assez tragique. On va s'entendre pour dire qu'il y a un point d'interrogation là, et ce n'est pas uniquement un problème d'exode, c'est notre capacité d'attirer aussi qui est en cause. Donc, vous avez raison de vous en soucier.

Mais prendre pour acquis, comme vous le faites dans votre question 4: «D'après vous, une baisse d'impôts des particuliers serait-elle un bon moyen pour empêcher le départ de nos professionnels?» M. Lachapelle, que je connais très bien par ailleurs et que je respecte – vous le savez – plus que tout dans le domaine des sondages, vous voyez bien que vous avez présumé de l'unanimité autour d'une interprétation, et c'est vrai que là vous allez au niveau des moyens pour empêcher un phénomène que vous créez dans la question. Alors, c'est toujours un peu délicat de faire ça.

Ma question est la suivante. On sait que notre politique, en termes de traitement fiscal des entreprises, notamment dans la recherche et le développement – et ça, le ministre des Finances revient régulièrement là-dessus, il a augmenté considérablement, d'ailleurs, dans le domaine des nouvelles technologies, cette tendance – est extrêmement généreuse. On ne peut pas à la fois, il me semble – et je voudrais avoir votre réaction là-dessus – suivre votre recommandation pour en plus traiter spécifiquement, au plan fiscal, ceux qui oeuvrent dans ces domaines-là en leur donnant des avantages qui seraient difficiles à justifier par rapport aux autres contribuables et, en même temps, traiter ces entreprises-là de façon extrêmement favorable. On est peut-être une des sociétés, un des gouvernements, un des États qui favorisent le plus la recherche et le développement de l'OCDE. En tout cas du G 7. J'aimerais avoir votre réaction à... Il me semble que là, vous demandez beaucoup: le beurre, l'argent du beurre, l'assiette puis le couteau puis la fourchette.

(11 h 20)

M. Ponton (Gérald A.): Bien, M. le Président, je vous dirais qu'il ne faut pas confondre la fiscalité des entreprises avec celle des particuliers. Quand un individu est demandé pour travailler dans le secteur, par exemple, de la recherche et du développement et qu'il est confronté à des taux marginaux d'impôts des plus élevés, indubitablement, la question qu'on se pose: Est-ce qu'il y a des impacts pour cet individu-là à continuer à travailler dans le secteur? Vous savez qu'il y a des pénuries de main-d'oeuvre au niveau des emplois technologiques et il ne faut pas confondre les deux enjeux.

Je pense qu'au niveau de l'approche sur la fiscalité des particuliers, il semble assez clair qu'il faut qu'on réduise le taux marginal au Québec, qu'on réduise les impôts. Quant aux crédits qui sont consentis à la recherche et au développement, ça devrait faire l'objet d'une réflexion beaucoup plus globale au niveau d'une politique budgétaire et fiscale que le gouvernement du Québec pourrait se donner sur une longue période. En d'autres termes, est-ce que pratiquer les programmes d'allégements fiscaux qu'on a actuellement et dont on ne se plaint pas, soit dit en passant, est plus structurant et plus porteur de croissance que de réduire les dépenses, de réduire les impôts pour l'ensemble des entreprises, à titre d'exemple?

Alors, ce genre de réflexion n'a pas été réalisé dans le cadre d'une réflexion sur une politique budgétaire plus globale impliquant entre autres la productivité et l'innovation qui sont complètement absents du débat qu'on a aujourd'hui et qui sont des éléments fondamentaux dans le développement de la croissance économique. Parce que là, on est convaincu que pour remplacer les revenus résultant des baisses d'impôts, il faut améliorer la croissance, créer plus de richesse. La question, c'est: Comment on fait ça, chez nous, au Québec? Et, malheureusement, on n'a pas eu d'occasions d'adresser l'ensemble de cette problématique.

Alors, moi, ce que je vous dis: Aujourd'hui, on parle de l'impôt des particuliers, il faut réduire les impôts des particuliers, mais, en même temps, il ne faut pas oublier que, si on fait abstraction de nos programmes de recherche et développement, notre fiscalité absolue, au niveau de sa structure, elle n'est pas compétitive avec ce qu'on retrouve dans d'autres juridictions et on pense qu'on devrait avoir un exercice aussi en profondeur sur la fiscalité des entreprises à ce niveau-là.

Maintenant, je demanderais à M. Lachapelle de commenter les questions de M. Simard sur le sondage.

M. Lachapelle (Guy): M. le Président, je vous dirais simplement que dans tout bon sondage il y a des questions de connaissances, il y a des questions de perception, il y a des questions d'opinions. Et, bien sûr, je suis d'accord avec vous, les questions étaient d'abord des questions de perception globale et c'est à ce niveau-là qu'il faut les interpréter, il ne faut pas aller plus loin en termes d'analyse.

Par ailleurs, il y a d'autres questions dans le sondage qui me semblent plus importantes, certainement celle sur la question... On a essayé de chiffrer, là: Si vous aviez 100 $ à économiser, qu'est-ce que vous feriez avec le 100 $? Où est-ce que vous iriez le dépenser? Et là, c'est un peu les chiffres que M. Ponton a mentionnés, il y a vraiment... Au sein de la population, on cherche un équilibre. Et d'abord, dans l'ensemble de la population, on voit très bien qu'il y a 38 % des gens qui veulent une amélioration des services de façon générale, deuxièmement, une réduction des impôts et, troisièmement, un remboursement de la dette.

Et on peut chiffrer aussi. On peut regarder, d'un point de vue sociologique, en termes de classes sociales et autres, et les intervenants précédents se retrouvent très bien dans l'enquête. Ils ne se retrouvent pas au niveau du remboursement de la dette, ils se retrouvent davantage au niveau d'une réduction des impôts et d'une qualité des services qu'ils demandent.

Donc, dans l'ensemble, je pense que le tableau reflète assez bien ce qu'on a vu il y a un an. Il y a un an, il y avait d'autres chiffres qui étaient sortis. Nous avions, pour le remboursement de la dette, 17 %; on tombe à 29 %. Il y a quand même une augmentation, un 10 % de ce côté-là, alors que l'amélioration des services est importante. Et la réduction des impôts, on attendait. Il faut se rappeler qu'il y a un an, l'opinion publique n'était pas certaine, en termes d'équilibre budgétaire, où est-ce qu'on se situait. Donc, il y a eu un événement important, bien sûr: l'équilibre budgétaire qui a été atteint.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je suis parfaitement d'accord avec vous, c'est la question la plus importante et dont les résultats sont plutôt étonnants. Je pense que vous avez eu l'honnêteté de nous les présenter. Même s'ils ne reflètent pas parfaitement ce qu'ont été vos priorités au cours des dernières années, je pense que nous, on doit en tenir compte. Il y a une évolution de l'opinion de la population, notamment par rapport au remboursement de la dette, qui existe; par rapport à l'amélioration des services également, on voit bien qu'il y a une très grande sensibilité dans l'opinion à la qualité des services.

Mais, au total, on voit un certain équilibre, finalement. La population est relativement bien partagée, sensible au fait que voilà des domaines où il faut agir, et la sensibilité est à peu près égale dans un cas comme dans l'autre. Ça devient extrêmement intéressant, ça augmente le problème peut-être pour le ministre des Finances mais, intellectuellement, en tout cas, c'est intéressant comme nouvelle situation. M. Ponton.

M. Ponton (Gérald A.): J'ajouterais, pour le bénéfice du président, que l'Alliance partage les conclusions du sondage. C'est notre position qu'on vous présente aujourd'hui. Ce n'est peut-être pas la position optimum, qu'on souhaiterait, mais c'est la position qu'on pense qui a des chances de passer. Ça ne sert à rien de recommander une avenue qui n'est pas supportée dans la population.

Alors, nous, on est convaincus que pour vendre l'agenda – éventuellement, on va le faire aussi de la réduction d'impôts des entreprises – il faut convaincre la population de la pertinence et des avantages qu'elle peut en retirer. Si on ne fait pas ça, ça va être très difficile de vous convaincre, vous, messieurs, dames, qui avez à vivre constamment avec la nécessité de l'encadrement politique.

J'aimerais peut-être demander à M. Bourque d'intervenir et de compléter sur la réponse de M. Simard.

M. Bourque (Raymond): Bonjour. J'aimerais juste revenir à votre point sur la R-D. Deux commentaires. Effectivement, le Québec est champion de la R-D. Je me rappelle, il y a quelques années, vous aviez présenté, comme État, de vous rencontrer dans le cadre des soumissions prébudgétaires. On s'était rencontré à l'École des hautes études commerciales, à Montréal. Il y avait d'un côté les associations patronales, il y avait les associations syndicales, puis je me rappelle très bien que, quand on avait abordé la question R-D, tout le monde, unanimement, avait dit que le programme québécois était champion, et je pense que c'est encore le cas.

Le deuxième point serait de vous dire de garder l'oeil sur ce qui se passe en Ontario du côté R-D. Avant la réélection de M. Harris, il avait présenté un budget et, dans son budget, il avait annoncé une mesure qui s'appliquerait aux entreprises qui oeuvrent dans l'économie du savoir et c'était une politique qui permettait l'exemption du premier 1 000 000 $ de gains en capital qui serait gagné par les gens qui oeuvrent dans ce secteur-là. Je ne sais pas si c'était ouvert à tout le monde, c'était une mesure très générale, mais le premier 1 000 000 $ gagné sur l'exercice d'option achat dans ce secteur-là serait exempté d'impôts.

Qu'est-ce qui va en venir? Je ne le sais pas, mais il ne faudrait pas perdre ça de l'oeil parce que, si effectivement on mise fort du côté R-D et que notre voisin nous en passe une vite comme ça, il y a plusieurs personnes qui voudront peut-être aller travailler dans un centre de recherche à Ottawa plutôt que de travailler à Montréal, sachant que son revenu net va être amélioré de beaucoup.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous soulevez une question extrêmement intéressante sur les achats d'options. Je pense que tous les ministres des Finances jonglent avec ça actuellement à travers le monde.

J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances et députée de Marguerite-Bourgeoys à vous poser des questions et à nous faire ses commentaires.

Mme Jérôme-Forget: Bonjour, messieurs et madame. D'abord, je voulais apporter une information que vous savez probablement, à l'effet que les revenus du gouvernement vont être de beaucoup supérieurs à ce que le ministre des Finances nous a proposé dans les documents. C'est le problème que j'ai vu, moi, dans ces documents-là, puisqu'il limitait le débat, il le limitait dans un carcan, avec 1 300 000 000 $, avec cinq scénarios. Et je suis navrée de voir qu'on rate une occasion, qui arrive rarement dans la société québécoise, de regarder l'ensemble du tableau. Alors, ça, c'est le premier point que je veux faire.

Le deuxième point que je veux faire, c'est qu'une baisse des impôts de 5 000 000 000 $, ça voudrait dire 1 600 $ de plus dans les poches, si on fait en moyenne, ceux qui paient de l'impôt, 1 600 $ de plus dans leurs poches, ce qui veut dire l'équivalent d'une hausse de revenus de 3 000 $. On ne parle pas là de donner ça à des gens qui gagnent seulement 75 000 $, non, non, c'est partagé dans l'ensemble de ceux qui paient de l'impôt. Alors, c'est quand même énorme comme somme d'argent.

Je suis toujours étonnée quand le ministre des Finances fait des choses... parce qu'il me semble qu'il devrait le savoir, il devrait être au courant. Il nous parle de 1980-1994, je n'étais pas là, et donc je n'ai rien à défendre. Comprenez-vous? Je n'étais pas là. Mais quand on nous annonce qu'il n'y a pas eu de création d'emplois en 1990-1994, il me semble que, quand on a suivi un cours d'économie, on devrait se rappeler à quoi ça ressemble une récession.

M. Landry: Ce n'est pas une récession.

Mme Jérôme-Forget: Puis quand on a eu la même chose en 1981-1982, ça s'appelle une récession?

M. Landry: Oui, d'après les évaluateurs.

Mme Jérôme-Forget: D'accord, c'est ça. Et en 1991-1992, c'était également une récession au Québec. Alors là, M. le ministre des Finances...

M. Landry: ...

Une voix: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Non. On n'aura pas de débats internes, là, à la commission.

(11 h 30)

Mme Jérôme-Forget: Non seulement il ne connaît pas la situation, il ne connaît pas son économie ou il prétend qu'il ne la connaît pas, mais, c'est clair, non seulement ça, pendant le temps que, nous, on ne créait pas d'emplois, l'Ontario, mon cher M. ministre des Finances, en perdait – d'accord? – perdait des emplois. Alors, simplement un petit correctif, parce que je vous respecte, je présume que vous avez étudié l'économie.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, si vous ne souhaitez pas des répliques du ministre des Finances...

Mme Jérôme-Forget: Bien, c'est parce que...

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...ne vous adressez pas directement au ministre des Finances.

Mme Jérôme-Forget: ...s'il veut piquer, mon cher homme, vous allez voir qu'il va trouver une personne qui va pouvoir lui répliquer. Alors, essentiellement, vous parlez de quelque chose de bien intéressant. Vous avez mentionné notamment, vous avez donné comme exemple l'Irlande, et c'est très intéressant, l'Irlande. L'Irlande qui, contrairement à tous les pays de l'Europe qui font une croissance de 2 %, 3 %, a un...

M. Landry: ...Irlande.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous en prie, M. le ministre.

Mme Jérôme-Forget: Il ne peut pas s'empêcher de vouloir prendre la tribune.

M. Landry: Il y en a deux Irlandes. Parliez-vous de la République libre d'Irlande, celle qui est devenue indépendante en 1917?

Mme Houda-Pepin: M. le Président. Question d'ordre, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): S'il vous plaît. Oui, oui, je vais au devant de votre question d'ordre et je demande au ministre...

Mme Jérôme-Forget: Il ne peut pas s'empêcher.

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...de laisser – ha, ha, ha! – se poursuivre la question.

Mme Jérôme-Forget: L'Irlande, que nous connaissons, n'est-ce pas, ce dont nous parlons – parce que j'ai lu le document, n'est-ce pas, qui est proposé, et ces gens-là vont parfaitement me comprendre – ils ont effectivement un taux de croissance de 8 % et 9 % par année, qui dépasse tellement tout le monde. Et justement je rencontrais des gens qui avaient été impliqués dans toute l'économie de l'Irlande, et un des points très important, c'est que l'âge moyen est d'à peu près 28 ans en Irlande, ils ont eu beaucoup d'enfants, puis ils les ont tous éduqués, à part ça. D'accord? Ils sont tous éduqués, ces jeunes-là. Et un des thèmes dont on était très fier, c'était précisément la taxe sur le capital et la taxe sur le gain de capital. Et c'est là qu'ils ont réussi à aller chercher des entreprises un peu partout en Europe, notamment en Allemagne, y compris de la Suède, des entreprises qui sont allées s'installer en Irlande.

Nous, on ne parle pas de ça. On ne parle même de baisser la taxe sur les gains en capitaux ou même de regarder la taxe sur le capital, qui est une taxe extrêmement régressive puisqu'il y a des entreprises qui ne font aucun profit et qui se voient taxées malgré tout. J'aimerais savoir votre opinion à cet égard-là, au niveau de la taxe sur les gains de capitaux. Vous en avez parlé, je pense. Vous avez parlé également de l'Ontario, qui avait proposé quelque chose comme ça. Pouvez-vous élaborer sur ça? Parce que, moi, j'ai une impression qu'il y aurait énormément d'avantages à ce qu'on se penche sur ça également. Je comprends que le ministre ait limité le débat pour les baisses d'impôts aux particuliers, mais, moi, j'aimerais connaître votre opinion pour justement la taxe sur les gains en capitaux et... Vous l'avez limitée, à un certain moment, avec la recherche et le développement. Mais j'aimerais connaître vos opinions là-dessus.

M. Ponton (Gérald A.): Sur la question irlandaise, je pense que le témoignage de Jack Mintz est assez éloquent sur les résultats, et ici je vais me permettre de citer la traduction en anglais parce que je n'ai pas le texte français. On y lit ce qui suit, on dit: «Ireland found this out in 1990.» Puis, ici, on dit: «However, if Canada wants to improve its standard of living, it is the business tax system that has the greatest leverage. Ireland found this out in the 1990s. It has had the fastest growth in per capita incomes among OECD countries in the past decade. It achieved this high rate of growth through two important policies, investment in education and reform of business taxation. Concern is often raised about the brain drain, but what about the job drain?» Alors, je pense qu'effectivement on aurait intérêt à regarder de plus près ce qui s'est passé dans cette juridiction-là. Et, concernant la taxe en capital, je vais demander à M. Bourque de répondre à vos questions à ce niveau-là. M. Bourque.

M. Bourque (Raymond): Je pense que vous avez parlé du gain en capital. C'est certain que, si le gain de capital n'était pas imposé à 75 % et était imposé à 50 % ou 25 %, sûrement que quelqu'un qui fait un calcul d'impôts verrait que c'est avantageux d'avoir un gain capital au Canada par rapport au Québec, par rapport à une juridiction où on n'aurait pas un avantage semblable à ça. Je pense que c'est à peu près tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

J'aimerais peut-être, par exemple, vous parler un peu de l'Irlande. Alcan y était. Alcan a installé une grosse usine semblable à celle qui existe dans le Saguenay, dans l'estuaire de la rivière Shannon, une petite ville qui s'appelle Aguanish. Ça a été vendu en janvier de cette année. Alcan a construit ça au début des années soixante-dix. Et le package fiscal que nous avions du gouvernement était un congé de tout impôt pendant 20 ans et, les années qui venaient après, l'impôt était de 10 %. Et si on cumulait des pertes pendant le premier 20 ans, les pertes ne se perdaient pas, les pertes pouvaient s'appliquer contre les revenus générés dans la période où on allait faire des impôts à 10 %.

M. Landry: M. Bourque, est-ce que l'Angleterre collecte la moitié des impôts en Irlande?

Mme Houda-Pepin: M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Dans le partage du temps, je dois me permettre de ramener le ministre à l'ordre et d'inviter la députée de Marguerite-Bourgeoys à poser ses questions. Mais je pense qu'il a quand même réussi à passer son message.

Mme Jérôme-Forget: Il ne faut pas l'ignorer, il ne peut pas se retenir. Il est temps qu'il parte en vacances, déjà, il vient juste de commencer à l'Assemblée nationale. Alors, je m'excuse, monsieur, continuez donc. Est-ce que vous aviez terminé?

M. Bourque (Raymond): Oui.

Mme Jérôme-Forget: Vous aviez terminé. Est-ce que vous avez des questions, mes collègues?

M. Ponton (Gérald A.): Si vous permettez, si on avait une réflexion plus globale sur notre système de taxation, comme dans notre document, pour les travailleurs stratégiques, en fait, c'est l'option 3 améliorée qu'on recommande, ça serait de voir comment la fiscalité, par exemple, au niveau des options, ne pourrait pas jouer un rôle important pour justement retenir au Québec... contribuer à améliorer la fiscalité des entrepreneurs chez nous ou des cadres supérieurs qui ont des options dans les entreprises et qui, lorsqu'ils les exercent, sont taxés... même s'ils ne les encaissent pas, mais, dès qu'elles sont exercées, ils doivent payer de l'impôt sur la valeur d'exercice entre le prix d'attribution puis le prix d'exercice de l'option. Alors, s'il y a 10 $ l'action de gains, elles sont immédiatement taxées, même si les actions n'ont pas été encaissées.

Alors, on pense qu'il pourrait y avoir des mesures d'allégement importantes justement pour les travailleurs stratégiques et qualifiés dans les domaines où on en a besoin, les domaines scientifique, technologique, informatique, y avoir des ensembles, des mesures pour favoriser l'embauche de ces travailleurs très spécialisés.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vais maintenant donner la parole à la députée de La Pinière, qui me l'a demandée.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie, messieurs et madame, pour le mémoire, qui est toujours très intéressant. J'ai regardé un peu le sondage qu'on nous a remis, qui a été fait entre le 25 et le 29 septembre dernier. C'est intéressant de remarquer que, finalement, les trois paramètres, c'est-à-dire la dette, les services publics – surtout la santé et l'éducation – et la réduction des impôts demeurent dans une proportion quand même assez relative comparativement au partage qu'on pourrait faire. La population est assez favorable aux trois. Dans la question qui est posée par rapport à ça, c'est clair que, lorsqu'on dit: Sur 100 $ économisés par le gouvernement, combien devraient aller à la réduction des impôts? la moyenne, c'est 31,85 $; au remboursement de la dette, 29,97 $; et à l'amélioration des services à la population, 37,66 $.

Évidemment, sur ce débat-là lui-même, il y a un débat. Il y a des gens qui disent: Réduction des impôts, point, on oublie le reste. Il y a des groupes, surtout les jeunes, qui sont venus nous dire: Il n'est pas question de balayer en avant et de nous transférer le fardeau de la dette, donc il faut s'en occuper maintenant. Il y en a qui sont venus nous dire aussi que, effectivement, ça prendrait un équilibre entre ces trois paramètres là. Alors, ça, je pense que votre sondage nous éclaire de ce point de vue.

Ma question, c'est en rapport avec l'exode des cerveaux. Vous y avez touché dans votre mémoire. Vous parlez des travailleurs qualifiés. Est-ce que vous avez défini ce que vous entendez par travailleurs qualifiés pour qu'on puisse parler de la même chose?

Et, deuxièmement, par rapport, donc, à l'exode des cerveaux, votre sondage indique qu'il y a une relation de cause à effet entre le niveau de la fiscalité et l'exode des cerveaux. Tantôt, le président a commenté là-dessus, mais j'aimerais bien que vous élaboriez, à partir des données que vous avez dans le sondage, sur ce point-là.

M. Ponton (Gérald A.): Alors, Mme la députée, avant de répondre plus spécifiquement aux éléments du sondage, d'abord, nous, ce qu'on recommande, c'est que l'équilibre 33-33-33 soit sur quatre ans. Ce n'est pas de commencer demain matin, donc c'est vraiment sur un horizon de quatre ans qu'on devrait appliquer ces mesures de réduction d'impôts et de réinvestissement dans les services publics de même que dans le remboursement de la dette.

(11 h 40)

Concernant l'exode des cerveaux, notre préoccupation est également d'attirer les travailleurs au Québec et de combler des pénuries chez les travailleurs en demande. On sait qu'on a besoin de travailleurs dans le domaine de l'informatique, dans le domaine des technologies, des communications. On en a besoin également dans le secteur de la recherche scientifique, et c'est vraiment ce secteur-là que, nous, on a ciblé comme étant un secteur qui pourrait gagner de mesures d'allégement fiscal. À défaut de baisser de façon trop importante le taux marginal, on pense que des mesures ciblées pourraient aider à attirer au Québec les travailleurs dont on a besoin pour que nos entreprises continuent à profiter des généreux crédits de recherche et développement puis qu'on ne perde pas nos avantages compétitifs. Parce que, au-delà d'avoir des programmes, il faut aussi la main-d'oeuvre pour générer l'activité économique et industrielle au Québec. Pour ce qui est du sondage, je vais demander à M. Lachapelle de répondre à votre question, Mme Pepin.

M. Lachapelle (Guy): Vous aviez deux questions. Première question, oui, les jeunes, en général, vous le voyez dans le sondage, veulent un remboursement de la dette. Les groupes de jeunes qui sont venus, en général, nous disaient et vous ont dit simplement: Ce n'est pas à nous d'avoir ce fardeau-là, c'est votre faute, c'est vous qui l'avez créé, donc ce n'est pas à une génération plus jeune... Mais le sondage l'indique fort bien, plus les gens sont âgés, moins ils sont favorables à un remboursement de la dette.

Par ailleurs, sur la cause-effet, je ne pense pas que ça soit une cause-effet, essentiellement. On a demandé... c'est une perception, essentiellement, dans le sondage, étant donné qu'au niveau de la connaissance on peut s'interroger sur la compétence de l'opinion publique, à savoir vraiment si l'opinion publique peut juger d'un sujet comme celui-là actuellement, surtout dans l'état des débats sur la nature de l'exode des cerveaux. Mais je vous dirais qu'essentiellement il y a une perception, une opinion de gens qui voient une causalité. Est-ce que cette causalité-là est démontrable empiriquement avec des études macroéconomiques? C'est un autre enjeu. Mais il y a une perception, à tout le moins, que la fiscalité, de façon générale – et on l'a vu dans d'autres questions – peut être un frein et peut être un élément qui pourrait amener un exode de façon générale.

«Qualifiés» signifie simplement... On a pris un terme général. C'est un type de partie de la clientèle, des gens qui sont qualifiés, en général. C'est un terme qu'on utilise de façon générale. Même les études de l'OCDE utilisent «qualifiés». On a pris celui-là, qui nous semblait le plus facile à comprendre pour l'opinion publique. Mais le point essentiel – je termine là-dessus – c'est essentiellement la perception que les gens ont, ce n'est pas une question de connaissance, ici, dans ce sondage.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Pour revenir à votre recommandation n° 1 où vous dites que le gouvernement doit procéder à un «diagnostic complet de la situation [...] de l'économie et à une révision des "façons de faire" de la société québécoise afin d'améliorer la performance de l'économie, puisque c'est la seule façon d'alléger durablement le fardeau fiscal des Québécois», je voudrais savoir si c'est pour vous un préalable. Est-ce que ce diagnostic doit être préalable à l'analyse ou à la pertinence du débat qu'on mène sur la réduction de l'impôt des particuliers ou est-ce que c'est quelque chose qui pourrait suivre la baisse des impôts des particuliers?

M. Ponton (Gérald A.): Je vous dirais là-dessus que, depuis un an, on sait qu'on ne réussira pas, au Québec, en novembre 1999, à atteindre, à dépasser le niveau moyen, selon toute vraisemblance, de création d'emplois au Canada, comme on s'était engagé à le faire en novembre 1996, au Sommet de Montréal. C'était un des consensus du Sommet de Montréal. Je reconnais qu'on s'est drôlement amélioré cependant, il faut le dire, à cet égard-là. Mais il n'en reste pas moins qu'on n'a pas atteint ou même dépassé le niveau moyen de création d'emplois.

Et, nous, l'interrogation que nous avons, c'est qu'il faut faire plus que de baisser les impôts, au Québec, il faut regarder la façon dont on fait les choses, par exemple, le poids de l'État dans notre économie dans le contexte nord-américain, à titre d'exemple, le niveau d'encadrement des services publics par rapport à d'autres juridictions avec lesquelles nous sommes en concurrence. On sait, par exemple, que, par rapport à l'Ontario, on a peut-être moins de fonctionnaires, moins d'employés de la fonction publique dans la santé, dans l'éducation, peut-être plus dans d'autres domaines. On sait, par exemple, aussi qu'au Québec on a une réglementation qui est, à certains égards, beaucoup plus lourde et excessive que ce qu'on a dans d'autres juridictions. La présence des sociétés d'État est également un facteur non négligeable dans le développement économique au Québec.

Alors, on croit qu'il est nécessaire, un peu à l'instar de certaines grandes réflexions qu'on a eues, au Québec, entre autres, la commission Parent... À titre d'exemple, au niveau canadien la commission McDonald, qui a réfléchi sur des enjeux de positionnement de développement économique, a donné des résultats assez intéressants: la réforme Parent, pour un, au Québec, dans l'éducation, qui a permis tout un changement dans notre société, depuis les années soixante; la commission McDonald qui a amené au libre-échange, au début des années quatre-vingt-dix, avec les résultats qu'on connaît aujourd'hui.

Alors, ce type de réflexion globale pourrait justement amener des pistes en mettant à contribution dans un cadre non partisan les intellectuels de notre société, d'anciens ministres ou d'anciens premiers ministres qui pourraient faire part de leur expérience dans un cadre non partisan de recherche, de réflexion sur les pistes que le gouvernement pourrait adopter pour justement augmenter la croissance, créer plus de richesse.

Parce que le ministre des Finances a raison quand il dit: Ce n'est pas tout de baisser les impôts, il faut créer plus de richesse au Québec pour en avoir plus à remettre à nos concitoyens. Mais, pour ça, il y a des changements structurels qu'il nous faut faire. Est-ce que c'est le modèle irlandais? Est-ce que c'est ce que l'Angleterre a connu depuis plusieurs années, suite au passage de Mme Thatcher?

Moi, je n'ai pas les réponses, mais il y a une chose que je peux vous dire. Je ne suis pas du tout satisfait de la performance économique que l'on a au Québec actuellement, même si elle s'est améliorée. Et je souhaiterais, comme Québécois, qu'on ait des pistes d'action qui se dégagent d'un groupe de réflexion sur les enlignements à prendre pour améliorer notre performance économique. Et ça, malheureusement, dans le cadre de la discussion qu'on a aujourd'hui, c'est complètement exclu, d'où notre idée, avec laquelle on revient à la charge, d'une réflexion beaucoup plus globale de la façon dont on fait les choses, au Québec.

On dépense, je vous rappelle, bon an, mal an, 36 000 000 000 $ dans des programmes, à part les dépenses d'intérêts, ça monte à 42 000 000 000 $. Est-ce qu'on dépense cet argent-là de la bonne manière? Est-ce qu'il n'y aurait pas des façons plus efficientes de le dépenser dans le fonctionnement du gouvernement? Et ça, cette réflexion-là n'a pas été faite. On souhaiterait beaucoup qu'elle le soit.

(11 h 50)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Alors, je remercie évidemment le président du conseil, le directeur général et les membres qui étaient ici aujourd'hui du conseil d'administration et notre démographe de leur témoignage. Et j'invite tout de suite les représentants de l'Association de la recherche industrielle du Québec à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nous reprenons nos travaux et nous recevons... Je vais demander au ministre et au porte-parole de l'opposition de reporter à plus tard leurs débats internes. Je vais donc inviter le groupe invité maintenant, l'Association de la recherche industrielle du Québec, à nous faire sa présentation.

Vous connaissez nos règles du jeu, 20 minutes de présentation et suivies d'une période d'échanges avec les parlementaires membres de cette commission. Bienvenue parmi nous. Nous avons évidemment lu avec attention votre mémoire. Vous savez qu'il s'agit là d'un élément clé de l'économie et du développement du Québec. Donc, nous vous écouterons avec beaucoup d'attention.


Association de la recherche industrielle du Québec (ADRIQ)

M. Demers (Claude): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, je voudrais d'abord présenter mes collègues: ici, Albert De Luca, qui est associé chez Samson, Bélair, Deloitte & Touche, et Perry Niro, qui est directeur de la recherche chez nous, à l'ADRIQ. Mon nom est Claude Demers, je suis le président-directeur général de cette organisation déjà depuis un certain nombre d'années.

Je voudrais d'abord exprimer l'appréciation que nous avons d'être reçus par la commission. Nous représentons un segment important de l'économie des affaires. Les entreprises que nous regroupons, au-delà de 600, sont des entreprises innovantes au Québec, des entreprises qui sont à la fine pointe dans tous les secteurs industriels. Et ce sont, d'un côté, des grandes entreprises, des donneurs d'ordre et, pour la moitié, des petites entreprises de haute technologie. Ces entreprises-là, toutes ensemble, contribuent pour 80 % de l'effort de recherche au Québec et, tous secteurs confondus, représentent plus de 50 % de la création de l'emploi dans les 10 dernières années au Québec. Alors, les entreprises innovantes sont les entreprises qui créent de l'emploi au Québec, comme vous le savez. Donc, c'est au nom de ces entreprises-là que nous vous présentons nos recommandations aujourd'hui.

Nous sommes conscients que l'équilibre budgétaire, l'équilibre financier... enfin, pour les entreprises, ce qui est important, c'est la fiscalité de l'entreprise. Mais de plus en plus, dans l'économie du savoir, le facteur clé ou l'ingrédient magique des entreprises de haut savoir, ce sont les compétences et l'expertise de leurs employés. Donc, l'employé devient une ressource mais surtout un facteur de croissance et de succès absolument essentiel pour l'entreprise. Alors, la fiscalité des particuliers rejoint d'autant mieux les entreprises de haut savoir que les employés, lorsqu'ils sont de plus en plus qualifiés, sont de plus en plus mobiles.

Alors, dans notre secteur, dans les entreprises de haut savoir, ce qui est important, c'est de pouvoir attirer en nombre suffisant des jeunes, donc la relève, d'attirer des spécialistes dans ces secteurs d'emploi et par la suite de les retenir dans ces emplois-là, de les motiver, d'obtenir pour la société, pour l'entreprise, et tout ça, une performance adéquate de ces employés-là. Et donc, ici, la fiscalité vient jouer. Alors, nous souscrivons entièrement aux objectifs de la commission, qui sont de revoir la fiscalité des particuliers puis, je devine, éventuellement la fiscalité des entreprises pour la rendre compétitive ou concurrentielle avec celle de nos principaux voisins. C'est là que c'est important.

Alors, on a une série de recommandations. Je vais demander à mon collègue Albert De Luca de vous présenter de façon spécifique les recommandations. Elles visent d'abord à attirer, retenir, encourager ou être incitatives aux employés du haut savoir qui assurent la croissance, le succès, la performance des entreprises et, en bout de ligne, la création de l'emploi et la bonne santé de notre économie au Québec.

M. De Luca (Albert): Merci, Claude. Bonjour, mesdames, messieurs. Je peux peut-être commencer par vous parler d'une anecdote, sans nommer le nom de l'entreprise, entreprise multinationale qui est en train, au moment où on se parle, d'embaucher entre 25 et 50 personnes, de les importer, devrais-je dire, de l'Europe vers Montréal afin de pouvoir continuer l'expansion qu'elle entreprend dans son marché particulier. Et je reçois un appel du directeur des ressources humaines, qui me dit: Écoute, c'est absolument impossible que le résultat suivant se produise, c'est que je constate que, pour placer ces individus-là au même point qu'ils étaient avant leur arrivée au Québec, je vais devoir augmenter leur salaire – et j'oublie le pourcentage exact, mais un pourcentage important. Et jusque-là, ça ne me dérange pas trop, je n'ai pas trop de difficultés avec le fait de les rendre indifférents au point de vue financier, mais évidemment on a environ 400 employés, 400 autres employés, et l'impact de ça risque de se répercuter sur l'ensemble de nos opérations. Et je n'ai pas besoin de vous expliquer la suite de ce genre d'histoire-là.

Donc, il y a toutes sortes de phénomènes qui se produisent à cause de la fiscalité et qui touchent les taux d'imposition évidemment. Mais ce dont on veut parler aujourd'hui, c'est une partie seulement de la fiscalité des individus, et il en a déjà été fait mention précédemment, c'est-à-dire toute la question du gain en capital, des options pour acheter des actions de l'entreprise et les bénéfices que ça comporte.

Si on prend, par exemple, d'autres exemples, cette année, il y a deux entreprises qui se sont inscrites en Bourse récemment, de petites entreprises – je peux les mentionner, c'est public – c'est AD OPT et Virtual Prototypes, VPI, qui sont deux entreprises dans le secteur des technologies de l'information. Ces entreprises-là évidemment, pour retenir certains de leurs employés, pour créer une fidélité, ainsi de suite, octroient des options à leurs employés afin que ceux-ci puissent se sentir comme propriétaires, et tout ce qui suit. On a déjà mentionné, et vous le savez, que ces employés-là, avant qu'ils ne puissent toucher à ces actions-là... – que dis-je, avant – pour pouvoir toucher aux fonds, vont devoir disposer des actions afin de pouvoir payer les impôts qui résultent de l'exercice ou de la levée de l'option, et, par conséquent, ça crée toutes sortes de conséquences, des conséquences qui affectent l'entreprise.

Certains diront: Écoutez, le fait que l'employé soit obligé de vendre les actions qu'il vient d'acquérir sur le marché afin de pouvoir payer ses impôts, ça n'a aucun impact sur l'entreprise. Eh bien, c'est faux. Il peut y avoir deux impacts très importants, deux impacts significatifs sur l'entreprise.

Pour commencer, si on pense à ces deux entreprises-là, qui sont des entreprises publiques mais de petite taille, donc de petite capitalisation, le fait que l'employé doive disposer des actions sur le marché risque d'exercer une pression à la baisse de l'action ou de la valeur de l'action de ces entreprises-là, étant donné la faible capitalisation ou valeur en Bourse, si on veut – parce qu'elles sont de petite taille – et puis évidemment ça a un effet néfaste si ces entreprises-là désirent entreprendre d'autres émissions d'actions dans le marché à cause de la volatilité qui est ainsi créée. Ça, c'est le premier élément ou le premier impact.

(12 heures)

Le deuxième impact, c'est que plusieurs de ces entreprises-là justement, pour tenter de remédier à ce genre de situation-là, offrent la possibilité à leurs employés qu'elles rachètent les options ou les actions plutôt que de les vendre en Bourse. En d'autres mots, si l'option prévoit qu'on peut acheter, par exemple, l'action à 6 $ et que l'action se transige au moment où il désire exercer l'option à 10 $, le 4 $ de bénéfice ou d'avantage va être octroyé à l'employé plutôt que de lui permettre d'exercer, d'acquérir et ensuite de disposer de l'action. Donc, encore là, on peut voir l'effet que ça peut avoir sur l'entité, sur la société, puisque, plutôt que de pouvoir disposer de l'action sur le marché secondaire, c'est la société qui doit prévoir des fonds pour être en mesure de racheter les options, ou les actions, afin que ça n'ait pas d'impact sur la valeur boursière de l'action, première chose. Donc, ça, c'est en ce qui concerne les options.

Un deuxième élément en ce qui concerne les options, les options devraient être considérées comme des biens dont la disposition génère du gain en capital au même titre qu'une action. Et l'impact fiscal de ça donc, c'est qu'on est imposé aux trois quarts, 75 %, et donc on a déduction d'un quart. Il y a des situations où ce n'est pas le cas. Il y a des situations où, par exemple, si l'employé se voit donner un escompte à la levée de l'option, le simple fait qu'un escompte soit accordé à l'employé fait en sorte qu'il n'a pas droit à sa déduction de 25 %, c'est-à-dire qu'il va être imposé sur ces options-là au même titre que s'il avait reçu un salaire, un boni, et ainsi de suite.

Évidemment, ça augmente son fardeau fiscal, voire même que ça désintéresse en rapport avec ce genre de véhicule de rétention. Et, par conséquent, on considère, nonobstant l'escompte qui est octroyé à l'employé à la levée de l'option, qu'il soit quand même possible pour lui ou elle de considérer le gain qui en résulte comme un gain en capital plutôt que comme un salaire qui est entièrement imposé.

Après tout, souvent l'escompte est donné pour prévoir la volatilité de l'action et pour prévoir le risque en rapport avec l'action. On ne se cachera pas que c'est pour inciter les employés, on ne se cachera pas que c'est pour retenir les employés, que quelque part c'est de la rémunération. Ce n'est pas du tout ce qu'on dit. On ne dit pas que ça ne doit pas être considéré comme une rémunération. Ce qu'on dit cependant, c'est que, à cause des risques économiques qui sont pris par les employés qui acceptent de recevoir une partie de leur rémunération sous forme d'un instrument financier qui comporte des risques, on doit le traiter ainsi, et donc accorder à ces employés-là cette déduction-là de 25 % au même titre que s'il n'y avait pas d'escompte qui leur avait été accordé.

Si je continue, ce qu'on mentionne ici, c'est que ce serait intéressant de modifier les règles relatives à l'exonération de 500 000 $, qui sont présentement disponibles pour les petites sociétés commerciales ou, si on veut, les sociétés commerciales qui ne sont pas publiques, et le prévoir également pour les entités commerciales qui sont publiques – à la limite, que ce soit d'une certaine taille – si on désire prévoir ce genre d'exemptions pour des petites sociétés, mais ne pas l'empêcher simplement parce que l'entité est une entité publique.

Je vais vous donner un exemple. Les sociétés – j'en ai nommé deux tout à l'heure: Ad Opt et Virtual Prototypes – ce sont des sociétés où certains employés avaient des options et où, puisque l'employé n'exercera jamais l'option tant qu'il n'est pas prêt à en disposer, à cause du fardeau fiscal que je décrivais tout à l'heure, la conséquence de ça, c'est qu'il ne détiendra pas l'action pendant la période de deux ans qui est requise afin de pouvoir bénéficier de l'exemption de 500 000 $. Donc, c'est comme si on lui donnait un fardeau double. D'une part, on lui dit: Écoute, n'exerce pas puisque, si tu exerces, tu vas te voir imposé, donc tu vas devoir disposer de l'action. Et, d'un autre côté, on dit: Bien, malheureusement, puisque tu ne détiens pas l'action pendant plus de deux ans, tu vas devoir payer l'impôt, contrairement à une petite société commerciale qui, elle, si la détention est de deux ans, l'employé se voit octroyer l'exemption de 500 000 $.

Donc, ce qu'on dit, c'est: On devrait modifier les règles afin de tenir compte de la réalité de ces entreprises-là et du fait que, encore une fois, ces options-là ou ces actions-là, dans certains cas, sont détenues avec les risques que ça comporte et donc doivent être traitées au même titre que si c'était des actions de petites sociétés commerciales privées. Et l'exemption du gain en capital devrait leur être donnée.

À la limite, il a même été mentionné par certains qu'on peut demander ou exiger de l'employé qu'il travaille pendant une certaine période de temps avec la société – on parle de sociétés qui ne sont pas admissibles selon les règles actuelles, donc de sociétés publiques – pendant au moins trois ans. On pourrait même exiger qu'il y ait une certaine détention pendant une période de temps – détention des actions, dans ce cas-ci – afin de retenir, encore une fois, l'employé. Mais dans ces cas-là ou avec ces conditions-là, permettre à cet employé, même s'il s'agit d'une société publique, de bénéficier de l'exemption de 500 000 $ qui est prévue présentement seulement pour les petites sociétés commerciales privées.

Finalement, le dernier commentaire, la dernière recommandation, ça concerne les régimes enregistrés d'épargne-retraite dont les règles devraient être assouplies afin de prévoir la possibilité d'utiliser davantage les fonds qui s'y trouvent pour faire des investissements privés dans les entreprises privées. Aujourd'hui, c'est possible. Cependant, les règles prévoient qu'on doit avoir une distance entre le bénéficiaire et la société, ce qui fait en sorte, en peu de mots, que les employés, qui donc ne détiennent pas un pourcentage important d'une entreprise, puissent participer à travers leur REER dans l'actionnariat. Mais le fondateur ou les fondateurs de l'entreprise ne peuvent pas, eux, le faire.

Souvenez-vous que les règles actuelles des régimes enregistrés d'épargne-retraite prévoient la possibilité d'acquérir une hypothèque – notamment une hypothèque sur notre maison – et qu'on puisse utiliser ces fonds-là pour les investir. S'il y a des fonds qui deviennent disponibles, par le fait même, que ces fonds soient utilisés pour investir dans des entreprises. Certains diront que c'est déjà prévu. Bien justement, si c'est déjà prévu indirectement, aussi bien le prévoir directement. Je peux évidemment comprendre qu'il y a une partie des fonds qui est payée par l'État, mais l'autre partie ne l'est pas, elle. Et donc, je crois que ça peut être allégé afin de prévoir cette possibilité-là.

Je vais demander à Claude de passer à l'autre.

M. Demers (Claude): Notre dernière recommandation concerne les jeunes, concerne les crédits d'impôt sur les dettes scolaires, les dettes d'études. Nos entreprises sont préoccupées par un problème de relève, surtout du côté scientifique et technologique, préoccupées au point qu'on a engagé une opération majeure de sensibilisation des jeunes pour essayer de rejoindre, attirer et intéresser les jeunes aux carrières scientifiques et technologiques. On mène des actions précises dans ce domaine-là.

Donc, la préoccupation est grande et il y a un problème d'intéressement des jeunes ou de plafonnement de l'intérêt. Les nombres plafonnent. Alors que les besoins sont croissants, le nombre de jeunes engagés dans les études menant aux carrières scientifiques et technologiques plafonne. On pense que des incitatifs seraient bienvenus. Il y a beaucoup d'incitatifs auxquels on peut penser. Il y a certainement le régime des bourses qui pourrait être bonifié. Mais puisqu'on parle de fiscalité ici, on pense que les prêts consentis et les dettes encourues par les jeunes pourraient se voir l'objet d'un crédit d'impôt qui pourrait être exercé sur un certain nombre d'années, de sorte que les jeunes diplômés... Alors, c'est des crédits au diplôme seulement. On insiste sur l'obtention d'un diplôme donc l'obtention de compétences monnayables, si on peut dire, transférables.

Donc, pour des raisons de rétention puis de contribution à l'économie québécoise, on pourrait dire: Bien, ce crédit-là, il est remboursable sur un certain nombre d'années si, bien sûr, le jeune travaille au Québec, est à l'emploi au Québec. Donc, on voit là un incitatif additionnel. Nous, on le privilégie et on le propose dans des secteurs ciblés qui sont en accord avec les secteurs en croissance de l'économie et les secteurs générateurs d'emplois et de richesse. Ça pourrait être étendu, mais on part, au départ, avec les sciences et l'ingénierie. On peut penser peut-être à l'administration, où il y a des besoins importants dans la gestion des projets, dans la gestion de la recherche et du développement et de l'innovation. Alors, pour tous ces secteurs-là, qui sont des secteurs porteurs, nous proposons un crédit d'impôt aux jeunes sur les dettes d'études.

(12 h 10)

Alors, je pense que ça résume l'ensemble de nos recommandations. Vous verrez. Je veux bien signaler que nous ne sommes pas des fiscalistes. Nous ne sommes pas des habitués de toutes ces questions-là, nous les avons développées en pensant au principe directeur que j'ai énoncé tout à l'heure là. À travers cette fiscalité-là, nous sommes conscients de pouvoir faciliter ou être incitatifs à la capitalisation des entreprises, et à la croissance des entreprises, et à la croissance donc de la création d'emplois.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie beaucoup. Je vais demander à mes collègues de la commission des deux côtés de limiter leurs interventions puisqu'il nous reste à peine 18 minutes. J'invite tout de suite le ministre des Finances a lancé la première question.

M. Landry: M. le Président, cet exposé de l'ADRIQ nous réjouit et nous inquiète en même temps. Réjouit parce que ça va dans le droit fil de la principale stratégie économique du gouvernement du Québec. Le Québec contemporain, il reflète le virage technologique que le gouvernement de René Lévesque avait convié notre économie à faire au cours des années quatre-vingt. Il reflète le fait que nos successeurs, dont Gérald Tremblay, partageaient les mêmes vues – même s'il faisait partie d'un gouvernement dont la gestion était misérable – et nous avons repris la bonne gestion et la progression depuis que nous sommes là, ce qui fait que vous n'avez pas à nous convaincre de la nécessité de la recherche dans la construction d'une économie moderne.

D'ailleurs, uniquement dans le dernier budget – puis vous pourriez peut-être commenter ce que vous pensez des mesures qui ont été prises – super déduction pour les dépenses de R & D, 54 000 000 $; aide fiscale bonifiée pour R & D, 24 000 000 $; amélioration du congé fiscal pour experts étrangers, 4 000 000 $; crédits d'impôt pour services d'adaptation aux technologies, 5 000 000 $; amortissement accéléré de 15 mois, 39 000 000 $; Carrefour de la nouvelle économie, 30 000 000 $; Centre national des nouvelles technologies, 12 000 000 $; congé fiscal pour les formateurs étrangers dans les CDTI. Puis, au budget d'avant, bien, ça avait été Cité du multimédia; CDTI Montréal, Québec, Hull, Laval; et puis là, ça va être Carrefour de la nouvelle économie dans toutes les régions du Québec. Bref, on met le paquet et avec beaucoup de succès.

Si le ratio haute technologie et emploi total est à Montréal le plus élevé de notre continent, c'est à cause de ça. Si Ericsson, le Suédois, a pratiquement, dans les domaines cruciaux, autant de chercheurs à Montréal sinon plus qu'à Stockholm, c'est aussi à cause de ça.

Par ailleurs – et c'est là mon inquiétude – votre exposé ressemble beaucoup à toujours plus. Nous sommes la société la plus endettée de toutes les provinces du Canada – 100 000 000 000 $; la plus taxée de toutes les provinces du Canada, et vous nous demandez d'y aller encore plus en termes de stimulation fiscale. Je trouve qu'on y va à fond. Et la priorité est peut-être plus, comme on le croit, la réduction de l'impôt sur les particuliers, et ceux de la classe moyenne en particulier.

Il y a une étude KPMG qui vient de démontrer hors de tout doute que de toutes les villes occidentales, du monde développé donc, ce sont quatre villes québécoises qui sont les meilleurs lieux pour investir en termes d'implantation et de frais d'exploitation, et un des facteurs majeurs, c'est notre stimulation puissante à la recherche et au développement. Vous me dites toujours plus. Peut-être, mais je vais vous faire une suggestion. Vous savez que, malgré ces succès de la recherche québécoise, le Québec est vraiment un marathonien, on court le marathon, puis on devance les autres. Mais on court le marathon avec une hémorragie interne qui est la suivante: Quand j'étais étudiant au collège de Joliette, en même temps qu'un certain Jean Chrétien, il y a plusieurs décennies, le Québec avait à peu près 15 % des dépenses de recherche et développement du gouvernement du Canada sur son territoire. Toutes les années jusqu'à nos jours, ce pourcentage n'a pas varié. Ça nous a fait perdre des centaines de milliers d'emplois cumulatifs, j'en suis sûr, sinon des millions et des milliards de dollars.

Est-ce que vous avez une idée là-dessus? Est-ce que c'est décent qu'un gouvernement central, qui voit un talent formidable dans une de ses villes, la métropole du Québec, divertisse l'argent à hauteur de 50 % en Ontario et 15 % au Québec? Est-ce que ce n'est pas, aux yeux de gens qui se préoccupent de recherche industrielle, un scandale permanent? Est-ce que la République libre d'Irlande tolérerait une telle chose? Vous m'avez parlé de l'Irlande. Nous ne sommes pas l'Irlande, nous sommes une p-r-o-v-i-n-c-e du Canada, et nos amis d'en face aiment ça; nous, nous n'aimons pas ça.

Si nous avions le pouvoir du Conseil des ministres de la République d'Irlande, le 15 % qui est le nôtre, on aurait eu 25 % depuis 1960. Alors, la situation ne serait pas la même. Vous voyez nos préoccupations et nos inquiétudes. Nous sommes contents mais non satisfaits.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Réaction.

M. Demers (Claude): M. le ministre, je voudrais dire d'abord qu'on est venu ici sur l'impôt des particuliers, là, on n'est pas venu ici pour parler des autres questions, elles n'étaient pas à l'ordre du jour. Mais on est conscient, et on est content, et on est satisfait des politiques du gouvernement du Québec en appui aux entreprises innovantes, aux entreprises qui font de la recherche-développement. Les programmes sont bons. On pourrait discuter sur des détails mais, dans l'ensemble, nous sommes satisfaits de la politique.

Nous avons, et d'autres parmi nos membres ont dénoncé le peu d'investissement du fédéral en recherche-développement sur le territoire québécois. Nous sommes sensibles, nous sommes conscients de ça, puis nous ne sommes pas satisfaits de cette situation-là. Alors, voici pour un et pour deux.

Troisième élément, on en demande un peu plus. Eh bien, le gouvernement en propose un peu plus en disant qu'il est prêt à considérer des baisses de l'impôt des particuliers. Je vais corroborer ce que... Enfin, j'espère que j'ai bien entendu ce que disait Gérald Ponton tout à l'heure, je pense qu'il ne faut pas engendrer de la dette pour en donner un petit peu plus de ce côté-là. On est conscient que le fardeau de la dette doit être réduit.

Mais si, au-delà de tout ça, il reste un peu de sous à mettre dans des réductions d'impôts, nous disons: Ciblez les réductions de sorte qu'elles aient un impact ou un effet de levier sur l'économie. Je pense que d'autres l'ont dit, nous disons la même chose. Ciblons pour rejoindre... Vous avez parlé de la classe moyenne, nous ne demandons pas des réductions d'impôts considérables pour la classe moyenne, nous demandons juste...

Je pense que, comme scénario, notre préférence irait vers le scénario 3, qui est une réduction pour un peu tout le monde, mais qui favorise également les travailleurs du savoir, c'est-à-dire les travailleurs qui vont se retrouver à peu près dans la fourchette du 35 000 $ à 75 000 $ de revenus. C'est eux, les travailleurs du savoir. Il faut trouver une façon quand même de les privilégier et d'encourager les jeunes – nos jeunes – à acquérir du savoir et à contribuer à l'économie, à acquérir des compétences pour contribuer à l'économie.

Alors, si acquérir des compétences fait qu'il n'y a pas d'incitatif nulle part, je ne dirais pas qu'on est pénalisé mais qu'on n'est pas incité. En tout cas, c'est notre propos, y aller avec des incitatifs. Mais nous sommes conscients puis on a les mêmes inquiétudes, M. le ministre.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de Duplessis voulait poser une question?

M. Duguay: Merci, M. le Président. Bien sûr qu'on est heureux d'entendre qu'au niveau du gouvernement du Québec il y a un bel effort qui a été fait au niveau de la recherche et du développement, et que le Canada ne s'est pas forcé beaucoup.

Dans votre mémoire, vous faites également référence à certaines contraintes que rencontrent les grandes entreprises face à la main-d'oeuvre spécialisée où, selon une étude du Conference Board, il est fait mention la ville de Montréal est désavantagée. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de certains mémoires qui ont été déposés durant cette présente commission où la CSN a aussi fait référence à cette même étude, mais là où les travailleurs moyens étaient avantagés de vivre à Montréal.

(12 h 20)

Par rapport au travail qu'on avait à faire tout à l'heure, la question serait peut-être la suivante: Est-ce qu'au Québec les entreprises ne sont pas avantagées, notamment quand on regarde l'écart du fardeau fiscal entre le Québec et l'Ontario, où les entreprises québécoises ont un fardeau fiscal inférieur de l'ordre de 900 000 000 $ par rapport à l'Ontario, où également les taux d'imposition généraux sont inférieurs de l'ordre de 8 %? Donc, c'est beaucoup plus faible que l'Ontario. Également, les nouvelles sociétés, on leur donne un congé de taxes sur le capital pouvant aller jusqu'à cinq ans. Alors, qu'est-ce que vous pensez un peu de ces mesures-là au Québec?

M. Demers (Claude): Je vais laisser M. De Luca vous répondre.

M. De Luca (Albert): C'est évident – et je crois que ça a déjà été mentionné – que les mesures fiscales qui existent actuellement pour les entreprises, pour les sociétés, sont très favorables et se comparent favorablement avec plusieurs provinces, voire même plusieurs pays. Et donc on ne nie pas ça, loin de là. Et vous savez, les facteurs de réussite d'une société, pour lui permettre de croître dans les secteurs industriels dont on parle, ces facteurs-là ne sont pas toujours faciles à déterminer. Après tout, le coût de la vie en Californie est très élevé, les tremblements de terre sont plus fréquents là-bas qu'ici, et, malgré ça, l'exode vers la Californie continue quand même. Donc, il y a des éléments, de toute évidence, qui réussissent pour eux, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que pour nous.

Mais ce dont on parle ici, c'est de la capitalisation de l'entreprise. Ce dont on parle, c'est de la fidélité des employés. Ce dont on parle, c'est de faire en sorte que les employés soient entrepreneurs et propriétaires de ces entreprises-là. Les mesures qui existent actuellement ne facilitent pas ces facteurs-là, ne les facilitent pas. J'expliquais tout à l'heure que l'employé se voit octroyé des options et il ne voit jamais la couleur des actions. Pour développer le propriétariat, ce n'est pas la meilleure méthode, vous en conviendrez.

Ce qu'on dit, nous, c'est: Permettez aux employés d'acheter les actions, de les acquérir sur le marché, d'exercer donc leurs options, et ne les imposez pas tout de suite, imposez-les quand ils auront l'argent dans leurs poches. Ce n'est pas complexe, ce qu'on dit. Et ce que ça permet de faire, c'est de faciliter la capitalisation des entreprises et de ne pas faire en sorte que les entreprises doivent débourser pour compenser ces employés-là, si elles veulent absolument les retenir. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on fait ces commentaires-là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie, et je passe la parole tout de suite à la porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Jérôme-Forget: Bonjour, messieurs. D'abord, j'ai beaucoup apprécié votre mémoire, c'étaient des idées intéressantes, et je vais y revenir de façon plus spécifique.

J'aimerais, par ailleurs... Tiens, le ministre revient. Je suis bien contente, peut-être qu'il va s'arrêter en chemin. Mais en tout cas, il va peut-être comprendre. Il mentionnait l'étude de KPMG. Et depuis l'étude de KPMG, il parle d'un paradoxe. Il y a un paradoxe parce que ça coûte moins cher à Montréal et les entreprises ne viennent pas. Mais ce pourquoi ça coûte moins cher à Montréal, ce n'est pas le paradoxe: ça vous coûte moins cher à Montréal, c'est parce que les entreprises ne viennent pas. Le jour où les entreprises viendront toutes s'installer à Montréal, les prix des maisons monteront et les locaux se rempliront.

Alors, je voulais lui donner comme conseil que, s'il veut savoir vraiment pourquoi les entreprises ne viennent pas, il devrait même dépenser 500 000 $, cette fois-là, aller rencontrer des entreprises qui sont à l'extérieur et leur demander pourquoi elles ne viennent pas. Parce que, là, ça nous donnerait peut-être une meilleure connaissance pourquoi les gens sont hésitants. Parce que, effectivement, l'environnement pourrait être intéressant et stimulant à Montréal. Mais parfois, les gens ont des perceptions qui ne sont pas les bonnes, les gens voient la chose avec une distorsion, des messages qui leur sont donnés qui ne sont pas les bons. Mais je pense que ça pourrait être utile, à titre même de relations publiques, d'aller rencontrer autant d'entreprises qu'il a examiné des villes.

Le ministre disait comme on avait perdu, on n'avait que 15 % de la recherche au niveau du gouvernement fédéral. Bien, là encore – c'est dommage, il n'est pas là – quand on a tous les organismes de recherche fédéraux situés à Ottawa, il est clair que ça ramasse un gros paquet de recherche et développement qui est là. Ça, ça ne prend pas un doctorat en sciences pour comprendre ça, il s'agit juste de se rendre à Ottawa et de voir que c'est là que ça se passe.

Par ailleurs, il mentionnait que peut-être il y avait des choses qui étaient tout à fait inacceptables. Mais il y a eu une politique qui a été extrêmement favorable pour le Québec: les brevets pharmaceutiques. Les brevets pharmaceutiques vont à l'encontre, en Ontario, des produits dérivés. Et moi, je me rappelle un temps où j'étais sous-ministre à Ottawa; je peux vous dire que le lobby de l'Ontario était très fort pour ne pas qu'on extensionne les brevets pharmaceutiques et effectivement pour favoriser l'Ontario. Alors, voilà une politique qui a été extrêmement positive pour Montréal, et d'ailleurs on le voit, on voit qu'il y a toute une vie autour de ce facteur-là.

Maintenant, qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qu'il faut faire pour que, tout à coup, il y ait un virage? Bon. On nous dit: Est-ce que baisser les impôts finalement, ça va être suffisant pour attirer des entreprises, des investissements? Est-ce que donner des crédits d'impôt, c'est ça qui va faire... Est-ce que, si on offre 360 000 000 $ à General Motors, ça va faire une grosse différence alors qu'elle a fait des profits de quelque 800 000 000 $? C'est difficile à cerner. Mais une chose est certaine, quand ça s'est passé, quand il y a eu des virages – et il y en a eu, des virages – il y a eu un climat, un environnement de virages. Il y avait un message qui était lancé, il y avait un message où on s'en allait dans cette direction-là. Et, moi, l'hémorragie dont parle le ministre Landry, je dirais beaucoup plus que périodiquement, à tous les 10 ans, on s'interroge encore ici, au Québec, à savoir si on va faire partie du Canada ou si on n'en fera pas partie. D'accord? Ça revient, qu'est-ce que vous voulez, à tous les 10 ans. C'est en 1980, en 1995, et tout à coup, là, ça va peut-être être l'an prochain, peut-être dans cinq ans. Je comprends bien que mes collègues d'en face, ils n'aiment pas ça, quand je dis ça, mais c'est un phénomène qui fait qu'on s'interroge encore sur notre existence et je pense que, ça, ça dilue le message qu'on veut passer. Si on veut passer un message de croissance et de création d'emplois, ce doit être notre message.

Maintenant, je vais revenir à votre mémoire qui est un excellent mémoire. Il y a une question que je ne comprends pas. Votre première recommandation: «Modifier le régime fiscal des options d'achat d'actions des employés afin qu'aucun impôt sur les gains ne soit exigible tant que les actions de l'entreprise n'ont pas été vendues par l'employé.» Est-ce que vous êtes en train de me dire que vous partez une entreprise puis, à titre de salaire ou de complément de salaire, vous donnez des options à quelqu'un et que cette personne-là décide justement de conserver ses options, ne les vend pas, et à un moment donné cette personne-là est taxée malgré tout?

M. De Luca (Albert): En fait, ce qu'on a comme recommandation ne vise pas les petites sociétés privées, mais plutôt notre issue à nous qui est les petites sociétés publiques. C'est-à-dire que plusieurs sociétés dans le domaine technologique, comme vous le savez, ont besoin d'avoir accès au marché des capitaux et, par le fait même, deviennent des sociétés ouvertes, des sociétés publiques. À partir de ce moment-là, les options qui sont octroyées aux employés, lorsque exercées, deviennent...

Mme Jérôme-Forget: Parce qu'elles deviennent publiques.

M. De Luca (Albert): ...deviennent imposables. Exactement. Ce sont seulement les sociétés privées, et selon certaines conditions, où l'employé peut attendre, lors de la disposition ou de la vente de l'action, avant de payer son impôt. Et pourtant, on parle de la même entreprise. Les deux sont des petites sociétés, je vous en ai nommé deux tout à l'heure.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Techniquement, là, pour bien comprendre, vous permettez? Quelle différence vous faites entre exercer son option et vendre? Pour moi, ça a toujours été l'équivalent.

Mme Jérôme-Forget: Je pense que je comprends...

M. De Luca (Albert): Mais, vous voyez, ça démontre à quel point justement ça fait partie maintenant des choses normales. C'est que, lorsqu'on exerce une option, ce qu'on fait, c'est qu'on acquiert une action. On peut choisir de la conserver ou d'en disposer. Ici, à cause du fardeau fiscal, on doit en disposer, à moins qu'on utilise nos fonds propres afin de payer les impôts qui en résultent. Donc, oui, c'est vrai que la plupart des gens, justement, vont exercer l'option pour acquérir des actions et vont disposer des actions. Donc, c'est la même chose que de dire que je dispose de mes options.

Mme Jérôme-Forget: Non, mais c'est ça. Ça, je comprends ça. Mais là, vous, vous avez...

M. De Luca (Albert): Non. Nous, ce qu'on...

Mme Jérôme-Forget: Écoutez, vous partez une entreprise puis elle n'est pas publique encore.

M. De Luca (Albert): Oui.

Mme Jérôme-Forget: C'est de ça que vous parlez.

M. De Luca (Albert): Non.

Mme Jérôme-Forget: Elle est publique?

M. De Luca (Albert): On parle d'une entreprise qui est publique. Parlons de l'entreprise qui est rendue à son stade de développement...

Mme Jérôme-Forget: À la Bourse.

M. De Luca (Albert): ...où elle est à la bourse, effectivement.

Mme Jérôme-Forget: Donc, au lieu de vous donner seulement un salaire...

M. De Luca (Albert): Au lieu de nous donner un salaire...

Mme Jérôme-Forget: ...on donne des options.

M. De Luca (Albert): Exactement.

(12 h 30)

Mme Jérôme-Forget: C'est très fréquent, effectivement. Donc, vous serez taxé sur cette partie de votre revenu seulement, en termes de gains, quand vous allez...

M. De Luca (Albert): Exercer l'option.

Mme Jérôme-Forget: ...exercer vos options.

M. De Luca (Albert): Exactement.

Mme Jérôme-Forget: Alors, qu'est-ce que vous souhaitez?

M. De Luca (Albert): Ce qu'on souhaite, nous, c'est que ce ne soit pas au moment où j'exerce l'option parce que, lorsque j'exerce l'option, le seul geste que je pose, c'est que je débourse une somme d'argent pour acquérir des actions. Exercer une option...

Mme Jérôme-Forget: Et, présumément, vous faites un gain.

M. De Luca (Albert): Le gain n'est pas matérialisé. Je n'ai pas encaissé de somme d'argent tant que je n'ai pas disposé de l'action que je viens d'acquérir.

Mme Jérôme-Forget: D'accord.

M. De Luca (Albert): D'accord? Donc, pour les sociétés privées, le fonctionnement est à l'effet que, lorsque tu disposeras éventuellement de l'action que tu viens d'acquérir en exerçant l'option, tu t'imposeras selon un taux quelconque. Ce n'est pas le cas pour les autres sociétés. Et, en réalité, les sociétés sont les mêmes. Je vous ai nommé deux sociétés qui, à toutes fins pratiques, pourraient bien être privées, sauf le fait qu'elles ont décidé d'aller sur les marchés publics pour obtenir des fonds.

M. Demers (Claude): Le ministère du Revenu estime qu'au moment de l'acquisition, au moment d'exercer l'option, vous avez réalisé le gain de capital, même si vous n'avez pas encore vendu. Alors, si vous avez les liquidités pour payer l'impôt, ça va, si vous n'avez pas les liquidités, bien vous allez revendre les actions que vous venez d'acquérir pour pouvoir satisfaire la gourmandise du Trésor.

M. De Luca (Albert): Ce qui va à l'encontre de la capitalisation de l'entreprise.

M. Demers (Claude): Alors, on n'aide pas la capitalisation de l'entreprise quand on impose au moment de l'exercice de l'option. Ce que je comprends bien, ça vaut pour les entreprises publiques et les entreprises privées ont un régime différent. Alors, ce qu'on dit, c'est d'étendre aux entreprises publiques, les petites en tout cas, le même régime qu'aux entreprises privées.

M. De Luca (Albert): Plusieurs entreprises, si vous le permettez, auparavant privées qui sont devenues publiques, pour avoir accès au marché des capitaux, se rendent compte seulement quelque temps plus tard quel est le fardeau qu'elles doivent absorber pour être capables d'avoir accès à ces capitaux-là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Là, je dois vous interrompre. Je vais autoriser, mais une question très rapide, à laquelle j'attends une réponse encore plus rapide. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Dans votre mémoire, vous avez soulevé une question très pertinente concernant les technologies de l'information et le décalage qu'il y a entre la croissance de l'emploi dans ce secteur, à hauteur de 20 %, et le taux de diplomation qui est de 3 %. Vous avez donné l'exemple des États-Unis qui assouplissent les règles d'immigration pour faciliter l'arrivée des nouveaux cerveaux. Est-ce que vous pensez que ça serait une formule qui s'appliquerait au Canada et au Québec?

M. Demers (Claude): On est dans un marché très concurrentiel à ce niveau-là. Il y a une surchauffe nord-américaine, la demande est en surchauffe au niveau de ces compétences, de ces personnels-là, mais on pourrait effectivement avoir des règles très incitatives ici, si on voulait... Les Américains ont des règles incitatives, ils ont des taux de salaire très incitatifs et ils ont des secteurs ou des régions tout à fait effervescentes à ce niveau-là. Alors ça, on ne peut pas compétitionner ça, là, de façon immédiate, mais il est très difficile d'attirer des travailleurs, en tout cas venant des États-Unis, là, ou venant du Canada anglais. On peut peut-être attirer des travailleurs, par exemple, européens, ou asiatiques, ou africains, ou du Moyen-Orient, qui auraient ces compétences-là, oui, mais difficilement attirer des Américains à venir travailler à Montréal. Là, madame, les taux de change sont tellement différents, les salaires... Je pense que nos entreprises n'y pensent pas.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vais être obligé de considérer que c'est votre mot de la fin. Je veux vous remercier beaucoup et ajourner nos travaux au mardi 9 novembre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 12 h 35)


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