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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 16 novembre 1999 - Vol. 36 N° 33

Consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Sylvain Simard, président
M. Bernard Landry
M. Normand Duguay
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Diane Leblanc
M. Michel Côté
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Claude Lachance
M. Roch Cholette
M. Réal Gauvin
M. François Beaulne
M. André Chenail
*M. Daniel Germain, ACEF
*M. Richard Dagenais, idem
*M. François Legault, FADOQ
*Mme Nicole T. Moir, idem
*Mme Françoise David, Le mouvement des femmes du Québec
*Mme Sylvie Lévesque, idem
*Mme Nicole Lachaîne-Gingras, idem
*Mme Ruth Rose, idem
*M. Mario Laframboise, UMQ
*M. Renaud Lachance, idem
*M. Marc Croteau, idem
*M. Renaud Lanthier, Impact Jeunesse Montérégie
*M. Bernard Ouellet, idem
*M. Laurent Pellerin, UPA
*M. Gilbert Lavoie, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous allons reprendre nos travaux. La commission des finances publiques est réunie ce matin pour poursuivre ses auditions sur la réduction des impôts des particuliers, et j'invite le secrétaire à nous faire part des remplacements de la journée.

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Aucun remplacement. Merci, M. le secrétaire. Nous allons donc entendre aujourd'hui un certain nombre de groupes: l'Association coopérative d'économie familiale, la Fédération de l'âge d'or du Québec, Le mouvement des femmes du Québec, l'Union des municipalités du Québec, Impact Jeunesse Montérégie, Union des producteurs agricoles. Je ne me trompe pas, c'est bien là le programme de la journée?


Auditions

Alors, j'invite dans un premier temps les représentants de l'ACEF, l'Association coopérative d'économie familiale de Québec, à se présenter et à nous présenter leur mémoire. Vous connaissez sans doute les règles du jeu, vous êtes déjà venus. Vous avez donc une vingtaine de minutes pour nous faire la présentation, à la suite de quoi, dans un premier temps, la partie ministérielle et ensuite l'opposition entretiendront avec vous un dialogue.


Association coopérative d'économie familiale de Québec (ACEF)

M. Germain (Daniel): Alors, je vous remercie. Bonjour, M. Landry, bonjour, mesdames, messieurs. Alors, pour vous situer brièvement l'ACEF de Québec, nous existons depuis 1966 et nous offrons un service direct à la population, qui est un service de consultation budgétaire. Et nous intervenons aussi dans de nombreux dossiers politiques, en fait, tout ce qui peut avoir un impact sur les conditions de vie des ménages québécois. Alors, on s'intéresse à ces questions; donc, nous jugions opportun d'être ici ce matin et de présenter notre avis à l'Assemblée.

Le mémoire, dans le fond, la présentation, on va la faire la plus courte possible étant donné, je pense, qu'il y a déjà passablement de gens qui sont passés avant nous et que déjà les positions ont été bien exposées de part et d'autre. Donc, on va éviter autant que possible les discussions de principe.

Alors, la présentation va se diviser de la façon suivante: d'abord, d'emblée, on y va avec notre position, ensuite avec quelques commentaires sur les scénarios proposés ainsi qu'un certain nombre de commentaires, notamment sur la loi antidéficit. Alors, je vous remercie de votre attention.

Concernant notre position, l'ACEF de Québec estime que le projet de réduire l'impôt des particuliers est, à notre avis, prématuré. Nous pensons que le gouvernement doit utiliser les surplus afin d'atteindre les trois objectifs suivants, par ordre de priorité. D'abord investir dans les services publics et les transferts aux ménages: la santé, l'éducation et les mesures actives de réinsertion à l'emploi et la sécurité du revenu seraient les cibles prioritaires de l'utilisation des surplus, selon nous.

Par ailleurs, on demande aussi d'ajuster l'exemption de base personnelle en fonction de l'indice des prix à la consommation. Je rappelle que l'exemption personnelle de base est passée de 4 050 $ à 5 900 $ entre 1980 et 1998, soit une augmentation d'un peu plus de 45 %, alors que l'indice des prix à la consommation, lui, a environ augmenté de 107 % au cours de la même période, ce qui fait que, selon nos calculs estimatifs, le montant de l'exemption de base personnelle devrait se situer aujourd'hui autour de 8 300 $. Alors, on pense que ce serait opportun de majorer cet aspect-là.

De plus, ce qui reste des surplus une fois redistribués dans les programmes et aussi au niveau d'exemptions de base personnelles, nous pensons qu'il serait opportun aussi d'en mettre un peu au service de la dette. Alors, c'est globalement notre façon de voir, là, la distribution des surplus.

Pourquoi ne pas baisser les impôts au Québec maintenant? Bon, premièrement, suite à une analyse des différentes études, et tout ça, je pense qu'on a un coût de la vie qui est concurrentiel au Québec. Si on tient compte de la charge fiscale et de la consommation courante des ménages, et si on compare, notamment, bon, l'étude qui est produite, là, sur une base régulière pour le ministère des Finances, il semble que le Québec a quand même une position enviable, notamment surtout pour les ménages à faibles revenus et la classe moyenne. Il est évident que, pour certaines catégories de revenus, il est clair qu'il y a des différences. Donc, c'est, grosso modo, la position qu'on défend. Et, dans le fond, ce qu'on demande, c'est les points que nous venons de mentionner.

Par ailleurs, au niveau des scénarios, je pense que ça valait la peine qu'on s'attarde à cette question-là, puisque, quand même, il y a cinq scénarios qui ont été présentés, et on les a étudiés au meilleur de nos connaissances. Et, dans le fond, c'est que l'ACEF de Québec ne veut pas de hausse de taxes à la consommation. Nous, on pense que c'est régressif, et tout, et que, même assorti... Dans le fond, il y a un boni, il y a un crédit remboursable. On pense que ce n'est peut-être pas nécessairement la chose la plus souhaitable. Et, selon nous, ceci ne fait que déplacer le palier du revenu moyen à partir duquel la régressivité de la taxe de consommation commence à jouer. Alors, d'emblée, nous, les scénarios 3 et 5, on serait plutôt portés à les mettre de côté.

De même, l'ACEF de Québec tient à maintenir l'intégrité du système fiscal québécois dont la progressivité a été réduite avec la hausse des taxes à la consommation depuis 1991 et la réduction du nombre de taux marginaux et la baisse du taux marginal d'imposition supérieur depuis le début des années quatre-vingt. Donc, le scénario 4, qui conserve deux taux marginaux, et le scénario 5 qui ne conserve qu'un seul taux marginal ne nous apparaissent pas acceptables compte tenu des critères de redistribution qu'on demande.

Enfin, le choix de baisser le fardeau fiscal en réduisant les taux marginaux d'impôt sur le revenu des particuliers ou en enrichissant les crédits d'impôt non remboursables profite, selon nous, aux ménages qui paient déjà de l'impôt. On comprend, là. Par ailleurs, on exclut dans les démarches les ménages à très faibles revenus qui ne paient pas d'impôts mais qui devraient bénéficier, selon nous, de crédits d'impôt remboursables ou encore de transferts aux personnes supplémentaires à ce qu'ils reçoivent actuellement. C'est pour ça qu'on demande, dans le fond, de mettre sur la glace maintenant le projet de baisse d'impôts des particuliers.

S'il y avait à choisir, malgré tout, obligatoirement un scénario de réduction d'impôts, nous opterions pour un scénario qui maintient véritablement la progressivité de l'impôt et qui n'implique pas de hausse des taxes à la consommation. L'ACEF de Québec considère qu'il n'est pas opportun de baisser les impôts des particuliers, car elle juge qu'il faut prioritairement réinvestir dans les services publics et enrichir les transferts aux personnes et familles. La baisse de 1 300 000 000 $ d'impôt sur le revenu des particuliers affecte la capacité de l'État québécois à soutenir le niveau et la qualité des services publics, nommément les services de santé et d'éducation. Quant à nous, il n'y a pas de miracle à attendre dans la mesure où il y a des besoins à couvrir. Si l'État n'indexe pas sa contribution selon la hausse du coût de la vie et n'augmente pas certaines dépenses, il faudra tôt ou tard recourir à la tarification, ou encore à la privatisation des services, qui impliquent des coûts aux usagers sans considération de leur capacité de payer. Alors, nous, dans le fond, en clair, ce qu'on dit, je pense, c'est que c'est mieux de se procurer les services en payant à même les impôts; à ce moment-là, on a, selon nous, une redistribution plus équitable que si on se voit forcé, dans un avenir à moyen terme ou à plus long terme, d'acheter ces services, un peu comme on voit chez nos voisins américains. Voilà, à notre sens, une problématique qui est peut-être évacuée dans la proposition actuelle et qui nous laisse penser que les ménages à faibles revenus et la classe moyenne ne sortiront pas gagnants de cet allégement fiscal dans la mesure où il s'ensuivra, comme on l'a dit tout à l'heure, une tarification accrue.

Ce qu'on demande aussi, peut-être, c'est de modifier la structure d'imposition pour la rendre plus progressive. Et, à ce moment-là, bien, on envisagerait peut-être aussi un scénario 1 modifié – bon, à la page 12 du mémoire. Il y aurait lieu, selon nous, de penser à un scénario 1 modifié qui serait neutre du point de vue des entrées fiscales. Il s'agirait de baisser le premier taux marginal d'impôt à 16 % ou 18 %, par exemple, en haussant le troisième taux marginal de un ou deux points, puis d'indexer les montants d'exemption de base pour conjoint et pour enfants à charge qui n'ont pas été pleinement indexés, comme on l'a dit tout à l'heure. Déjà, le fédéral a fait un mouvement dans ce sens-là. Comme plusieurs, déjà, l'ont sûrement dit dans cette commission, le fait de ne pas avoir indexé l'exemption de base, bien, ça conduit, dans le fond, à payer plus d'impôts en bout de ligne. Puis aussi, il faut rappeler que, pour la catégorie des hauts revenus, il y a toutefois eu, depuis 1988, une baisse des taux marginaux d'impôt qui, à notre avis, leur a été profitable.

De la sorte, en accomplissant, dans le fond, ce qu'on demande, nous protégerons ainsi le pouvoir d'achat des ménages et améliorerons la progressivité de l'impôt des particuliers, qui pour nous est une composante essentielle pour redistribuer plus équitablement les revenus. Car, pour nous, l'équité est insuffisante dans les économies de l'Ontario et des États-Unis, et on ne souhaite pas tellement suivre ces économies-là compte tenu aussi, comme nous l'avons dit tout à l'heure, qu'au niveau du coût de la vie et global on s'en tire bien au Québec. Je cède la parole à M. Dagenais.

(9 h 50)

M. Dagenais (Richard): Alors, bonjour à tous et à toutes. J'aimerais souligner que j'ai remis un addendum et que je vais y revenir un petit peu tantôt.

Donc, l'organisme pour lequel je travaille, finalement, est préoccupé par le niveau d'endettement de la province de Québec, mais est surtout présentement préoccupé par l'état des services publics et aussi par le niveau des transferts aux personnes. Avec les pressions du libre-échange, l'ACEF est convaincue que les tendances au nivellement vers le bas des services publics et des transferts aux personnes va se poursuivre. Les modifications apportées à l'assurance-emploi, les restrictions imposées aux prestataires de la sécurité du revenu en font foi pour nous. Il faut se demander si ces restrictions et coupures amélioreront vraiment notre compétitivité et le bien-être de la population. Nous en doutons pleinement.

Une récente étude de Statistique Canada conclut que les gains de productivité ont évolué, de 1961 à 1996, de façon tout à fait similaire à la performance américaine, malgré, indique-t-on, la mise en place dans la société canadienne d'un filet de sécurité plus solide. Alors, je pense que ça vient contredire un petit peu les arguments à l'effet qu'un filet de sécurité plus solide comme on a au Canada, finalement, vient nuire à la croissance économique. Il reste un problème relatif, au Canada, d'emploi, mais au niveau de la croissance des gains de productivité, finalement, ça ne paraît pas du tout avoir nui au Canada.

J'aimerais faire, peut-être, une couple de mises au point. Effectivement, il y a un certain nombre de personnes, de couples et de familles au Québec qui sont exemptés d'impôt sur le revenu du Québec. Par contre, ces personnes, ces ménages paient aussi, normalement, des impôts locaux, impôts municipaux, taxes scolaires, soit sur leur propriété soit intégrés dans leur loyer. De même, ces personnes paient des taxes à la consommation et, possiblement, de l'impôt fédéral, et aussi – il faut le considérer aussi de façon indirecte – des impôts sur les profits et une partie des impôts sur les profits et les revenus des travailleurs qui sont intégrés dans les prix des biens et services. Alors, je pense que, si on fait une étude globale, finalement, du fardeau fiscal, certaines études économiques démontrent que le fardeau fiscal peut être de nature régressive globalement, dépendamment des études, des hypothèses sur la redistribution du fardeau fiscal des employés et des entreprises.

Un autre aspect. Pour nous, la TVQ, la taxe du Québec sur les biens de consommation et les services, est une taxe intrinsèquement régressive. C'est l'utilisation du crédit pour TVQ qui la rend moins régressive, mais le crédit est une mesure de fiscalité, et non pas associé directement à la taxe à la consommation.

J'aimerais aussi indiquer que, effectivement, le pouvoir d'intervention de l'État a été fortement remis en cause ces dernières années, mais, pour nous, il y a place à adapter le pouvoir d'intervention de l'État. On propose, nous, d'abolir – il y a possibilité de l'amender aussi – la loi antidéficit pour permettre d'équilibrer le budget, mais sur une base cyclique. Pour certains, une caisse de stabilisation est une solution intéressante, mais je pense qu'il faut quand même y aller de façon très prudente face à cette initiative-là. On a l'exemple, par exemple, de la caisse, au niveau fédéral, de l'assurance-emploi, qui, pour nous, a gonflé et puis dont la population n'a pas nécessairement directement le contrôle. Donc, il faudrait le faire, si on joue à ce niveau-là, en toute transparence, avec des règles du jeu qui sont bien claires et avec un suivi continu, et aussi sans que ça abaisse les services publics à la population.

Il reste que, pour nous, l'État doit, en période de récession, préserver le filet de sécurité sociale, donc ne pas imposer des restrictions au niveau des transferts aux personnes à ce moment-là et, au contraire, devrait investir dans les dépenses en éducation, en développement de l'emploi. À ce moment-là, c'est la période où le taux de chômage est augmenté, donc il faudrait réinvestir. Pour nous, c'est des investissements sociaux qui sont significatifs.

L'autre possibilité aussi, pour nous, qui devrait être envisagée, c'est d'avoir une banque d'investissements collectifs qui sont reconnus socialement et économiquement rentables et sur lesquels on pourrait jouer de façon cyclique pour résorber une partie de la récession économique.

Je vais discuter rapidement des deux tableaux qui sont présents dans le document. Vous avez un tableau 1 en page 5 sur la croissance des dépenses de programmes et le manque à gagner par secteur. Alors, il est clair que, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, il y a eu coupure au niveau des dépenses et il n'y a pas eu indexation au coût de la vie. On pourrait utiliser, finalement, d'autres indices de prix, mais, pour nous, l'indice du coût de la vie est important et peut-être plus significatif. Et les coupures ont été plus fortes dans le domaine de l'éducation, suivi d'emploi et solidarité qui a bénéficié en partie de la baisse du nombre de prestataires. Il faut, selon nous, réévaluer l'état des besoins et des ressources nécessaires pour couvrir les besoins adéquatement, principalement en santé et services sociaux, éducation et emploi et solidarité.

Vous avez en page 10, au tableau 2, l'impact des scénarios sur la répartition du fardeau fiscal. On peut dire, finalement, qu'il n'est pas simple d'évaluer l'impact sur la progressivité des scénarios qui sont proposés dans le document de consultation, d'une part parce qu'on abaisse à la fois les différents taux marginaux, à la fois les taux de base et les taux plus élevés, et on joue aussi sur les exemptions, de sorte qu'il est difficile de porter un jugement définitif sur l'impact sur la progressivité des différents scénarios. C'est pour ça qu'on a évalué, finalement, la modification dans la répartition du fardeau fiscal à partir des données qui étaient disponibles dans le document de consultation pour les trois catégories de revenus dont on dispose.

À partir de ces données-là, finalement, on observe que, pour le scénario 5, la progressivité de l'impôt des particuliers serait réduite. Et aussi, en considérant l'impact de la hausse de la TVQ, cette conclusion-là demeurait pour nous. Alors donc, c'est relatif à certaines hypothèses sur l'impact de la hausse de la TVQ et du crédit TVQ. À notre sens, elles sont raisonnables. Et vous avez dans l'addendum, en dernière page, les résultats de ces mesures-là.

Le scénario 3 ne semble pas réduire la progressivité de l'impôt, mais il faut savoir que nous n'avons pas évalué la hausse des recettes de la TVQ suite à l'augmentation du revenu disponible ni l'impact sur les prix des biens et services pour la part de la TVQ qui est assumée par les entreprises et les travailleurs autonomes. De plus, l'impact des hausses de tarification et de privatisation accrue devrait aussi avoir affecté le pouvoir d'achat des ménages, et cet aspect-là devrait être pris en compte.

À l'addendum, on vous présente, d'une part, un graphique sur l'évolution du fardeau fiscal, le fardeau relatif d'impôt sur le revenu. Alors, ça remplace, entre autres, le dernier graphique qui avait été soumis dans le document. Alors, il y avait eu une erreur à ce point de vue là, donc on le remplace. Ce qu'on observe, finalement, c'est que, en termes de pouvoir d'achat, donc en termes de revenu réel exprimé en dollars 1980, le fardeau des faibles et moyens revenus s'est accru entre 1980 et 1995, alors que le fardeau des revenus plus élevés a été réduit de façon plus importante.

La page qui suit explique, donne certaines explications à cette modification de la structure fiscale. Alors, vous avez eu, entre autres: hausse du taux marginal inférieur, baisse du taux marginal supérieur, les exemptions n'ont pas été pleinement indexées, à l'exception des exemptions pour les enfants qui ont été rajustées, finalement, de façon plus importante. Mais ça signifie que, pour les personnes seules, les couples sans enfant, il y a eu perte de pouvoir d'achat pour les faibles et moyens revenus. Dans le cas des familles, il faut voir aussi que l'exemption de base n'ayant pas été indexée peut jouer aussi sur le fardeau fiscal. Il est clair qu'avec les modifications apportées en 1998 à l'impôt sur le revenu il faudra réévaluer ce patron-là. Mais, pour nous, il n'y aura pas de modification significative par rapport à l'évolution des débuts des années quatre-vingt-dix, si on veut. Alors, ça complète, finalement, ma présentation, et on est prêts pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup, messieurs. J'inviterais d'abord le ministre des Finances à poser les premières questions.

M. Landry: Oui. D'abord un bref commentaire pour féliciter l'ACEF de son travail, les ACEF à travers le Québec qui ont conservé au cours des années une conscience sociale et une conscience communautaire qui aurait pu être mise à l'épreuve par la montée de la pensée unique et du désir du libéralisme et de l'ultralibéralisme universel que certains préconisent. Ce qui me fait songer, d'ailleurs, à mon ami, camarade et ancien collègue Pierre Marois, qui était un des fondateurs et des premiers animateurs de votre mouvement, et qui a toujours été un homme exemplaire en matière d'idées sociales progressistes.

Donc, sur le fond des choses et sur le fond de doctrine des choses, le gouvernement ne diverge pas sensiblement de la plupart des principes que vous avancez. Nous croyons à l'universalité des systèmes de solidarité sociale. Nous sommes fiers de constater que notre impôt est le plus progressiste et le plus progressif et le plus social-démocrate de notre continent, et nous serions très réticents à tourner le dos à ce qui est une vertu de la société québécoise plutôt qu'un défaut.

(10 heures)

Mais c'est à cause de ce facteur et d'un autre que nous pensons, contrairement à vous, que certains de nos concitoyens doivent payer moins d'impôts et de taxes. Et je voudrais vous soumettre le paradoxe. D'abord, vous admettez que notre table d'impôts est la plus progressiste que l'on puisse imaginer dans le contexte qui est le nôtre. Les individus et les ménages sensiblement à faibles revenus sont dans les plus épargnés par la fiscalité qu'on puisse mener: il y a 2 000 000 de contribuables qui ne paient pas d'impôts.

Les transferts, maintenant, sociaux auxquels vous tenez beaucoup et pour lesquels vous prétendez qu'on devrait mettre plus d'argent sont aussi les plus hauts si on... Il y a deux provinces industrialisées au Canada, l'Ontario et le Québec. L'économie ontarienne est d'environ 20 % plus puissante que celle du Québec. Et pourtant, nos transferts sociaux ajustés des deux contextes sont plus généreux que les leurs. Alors, déjà, effort de fiscalité généreuse, transferts sociaux généreux.

Là, j'en arrive au troisième point. Un travailleur de Contrecoeur ou de Varennes – la sidérurgie, la pétrochimie – il gagne à peu près 50 000 $ par année, et lui, je vous garantis qu'il commence à trouver ça paradoxal d'être le plus taxé de sa catégorie dans notre continent. Le même travailleur à Sarnia n'est pas taxé comme ça, ou le même au Delaware, où se retrouve aussi la pétrochimie, n'est pas taxé comme ça. Et il a de la difficulté à comprendre. Qu'est-ce que vous répondez à ça? On lui dit: Non, continue à payer puis prends ton mal en patience. C'est difficile. Alors, j'aimerais que vous essayiez de réconcilier ces divers aspects de la justice sociale.

Et je veux vous réitérer que tout ce qui se trouve dans votre mémoire est soigneusement analysé, et il y a beaucoup de choses qui n'ont rien à voir avec les fiscalités, comme toutes ces questions d'investissement social, etc. On va regarder ça avec attention. Il y a un budget par année, alors... C'est ce que j'avais à vous dire. Mais je voudrais quelques réponses, quand même, sur mes...

M. Germain (Daniel): Dans le fond, M. Landry, ce qu'on se dit, ce qu'on craint actuellement dans le mouvement actuel, c'est qu'il y ait une régression par rapport à la situation actuelle, d'une part. Et, d'autre part, en discutant aussi avec nos concitoyens de tout ça, justement des gens de la classe moyenne – on fait partie de la classe moyenne aussi – il est clair que, lorsqu'on parle... Et la réduction d'impôts, elle est alléchante en soi parce qu'il est vrai que les gens sentent un poids sur leurs épaules. Par ailleurs, lorsqu'on pousse un petit peu plus loin la discussion – du moins, ce n'est pas sur une base scientifique que je l'avance mais bien avec des échanges avec des concitoyens et concitoyennes – ce qui ressort des discussions lorsqu'on pose la question aux gens: Vos impôts servent à quoi? Et là, en discutant, et pour les gens qui ne sont pas devenus cyniques, la majorité répondent: Bien, ça sert pour financer la santé, l'éducation, etc.

Et, lorsqu'on leur pose ensuite la deuxième question: Si on baisse vos impôts, et dans la mesure où cette baisse d'impôts là a un impact sur le financement des programmes et qu'il en résulte un sous-financement... alors, à ce moment-là, nécessairement, les gens devront aller chercher les services ailleurs, du moins pour certains de ces services qu'on ne peut pas ne pas consommer. Et là, à ce moment-là, on pose la question: Mais, à ce moment-là, il va falloir payer?

Alors, que les gens paient, dans le fond, je crois aussi que c'est une question de valeur, au bout du compte: soit qu'on assume collectivement certaines dépenses ou qu'on les renvoie à la sphère privée progressivement. Je dis bien «progressivement». Il y a des degrés à ça. Il est clair qu'au Québec on n'est pas aux États-Unis, mais on a un peu le sentiment qu'on tend à se rapprocher de situations qu'on retrouve dans d'autres pays, et on veut garder, justement, cet aspect de progressivité. Et c'est le choix aussi, collectif, d'assumer ensemble certaines dépenses plutôt que de les renvoyer à la sphère privée. Et nous, on a l'impression qu'en baissant les impôts, à terme, c'est moins d'argent pour financer les programmes. Donc, tantôt on l'a mentionné, il va falloir payer les services d'une façon ou d'une autre.

Hier soir, moi, j'ai trouvé ça très inquiétant, la nouvelle que j'ai entendue: 300 000 000 $ dans le système de santé, qu'il faut aller chercher. Et puis on entendait les dirigeants d'hôpitaux dire qu'il faudrait commencer... Bon, peut-être que ce n'est plus utile de mettre un pacemaker à une personne qui a 90 ans. Alors, moi, quand j'entends des choses comme ça, ça m'attriste énormément. Qu'on en soit rendu à poser ce genre de questions là, c'est assez apeurant. J'en conviens qu'il faut faire des choix aussi, il y a des priorités. On n'a pas à investir dans le luxe non plus.

M. Landry: Je vais vous amener un peu plus loin. Moi aussi, hier, j'ai entendu des choses qui m'ont bouleversé. Vous savez ce que j'ai fait hier? Je suis allé à Toronto rencontrer les ministres des Finances des provinces, comme ils disent, et des territoires. Et ce n'est pas beau de voir qu'il va y avoir 100 000 000 000 $ d'accumulés à Ottawa. Ça choque l'esprit. Ça choque le bon sens, premièrement, puisque les moyens sont où les besoins ne sont pas. Les besoins d'Ottawa, c'est la Défense nationale, c'est le transfert aux personnes âgées, c'est le transfert aux provinces – il les coupe à tour de bras – et deux, trois autres missions de ce genre. Nous, c'est l'éducation, la santé.

C'est dur de voir une grève d'infirmières où, dans les rues du Québec, on scande: «Bouchard, Léonard, Landry, Marois». Jamais les mots «Jean Chrétien» ou «Paul Martin», qui nous coupent 5 000 000 000 $ par année. Si on l'avait eu, le 5 000 000 000 $, pensez-vous qu'on aurait eu droit aux mêmes chansons dans les rues? On aurait agi différemment parce qu'on sait que les infirmières sont méritantes. Voyez-vous le paradoxe dans lequel on se trouve? Alors, c'est choquant. Ce n'est pas rien que le péquiste qui parle; mon prédécesseur, Gérard D. Levesque, il criait, dans la mesure de ses moyens, aussi fort que moi. Il les appelait des «prédateurs», il n'y avait pas de noms, il ne leur disait pas. Puis ils ne comprennent pas, puis ils continuent, puis les hôpitaux souffrent, et puis les plus démunis souffrent.

M. Dagenais (Richard): Je dirais qu'on reconnaît avec vous qu'il y a un problème de transfert fédéral et, lorsqu'on peut intervenir sur la scène fédérale, finalement, on le dit, à ce moment-là. C'est clair. Et je pense que ça affecte effectivement la capacité de payer de l'État québécois et de maintenir, finalement, les transferts et les services sociaux dans leur état qu'il serait souhaitable d'avoir.

Juste pour répondre à votre question de tantôt, finalement, je pense que le travailleur qui paie de l'impôt, il doit savoir ou s'être informé sur ce à quoi servent ses impôts et sur les avantages, justement, d'être au Québec en termes de coût de la vie. Vous faites faire une étude régulièrement au ministère des Finances, et il est clair, d'après nous, que, pour la classe moyenne et les ménages à faibles revenus aussi, il est avantageux de vivre au Québec. Il est clair que la charge fiscale pour les revenus plus élevés est plus importante parce que l'on a un effet de transfert, finalement, que joue l'impôt. Et, pour nous, c'est souhaitable d'avoir ça. Ce n'est pas un défaut, c'est souhaitable parce qu'on croit à une social-démocratie. Il y a un partage des ressources dans l'économie.

Alors, je pense que, ce qu'il faut dire, finalement, à la classe moyenne et aux gens qui sont à revenus plus élevés comme aux gens à revenus faibles: Si on baisse les impôts, ça peut avoir des impacts à la fois sur la tarification des services, sur la disponibilité des services, leur accessibilité, et aussi sur la privatisation des services, à un moment donné, lorsque l'État ne pourra plus subvenir aux besoins de la population.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de Duplessis, vous avez des questions à poser.

M. Duguay: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. M. Germain, bonjour, M. Dagenais. Bien sûr que, quand on prend connaissance un peu de votre mémoire, on se rend compte que vous avez des orientations très intéressantes. Et vous êtes sûrement conscients aussi que, de tous les groupes que nous avons rencontrés à ce jour, il y en a beaucoup qui demandent au gouvernement d'envisager une baisse d'impôts. Or, quand on regarde un peu les orientations que vous développez, bien sûr, il y a des pistes intéressantes.

Et moi, j'aimerais peut-être, dans le contexte, avoir un petit peu plus vos orientations quand, à la page 14, vous parlez de hausser les transferts aux personnes et aux familles dans le besoin, nommément accroître les prestations de sécurité du revenu des personnes aptes au travail qui se déclarent disponibles pour étudier et pour travailler. Quand on analyse un peu cette orientation-là, vous êtes sûrement conscients aussi que, depuis 1994, lors du discours du ministre des Finances, il avait été annoncé, lors du budget précisément, une réduction de 841 000 000 $. Il y avait aussi dans cette réforme des dispositions à l'effet de protéger les ménages à faibles revenus, dits de 50 000 $ et moins. Donc, ils ont profité d'une baisse d'impôts de 15 %, et aussi, pour ceux de 50 000 $ et plus, d'une baisse d'impôts de 3 %.

Or, selon vous, est-ce que ce n'était pas déjà un geste qui était quand même encourageant pour les personnes à faibles revenus? Quand on regarde un peu votre orientation, c'est donc dire que cette mesure-là n'était pas suffisante?

(10 h 10)

M. Germain (Daniel): Disons que c'est peut-être le type de mesure proposée pour lequel on divergeait dans le sens suivant, c'est que nous, on maintient que ce n'est pas nécessairement en baissant les impôts qu'on va régler ce type de problème là. C'est pour ça que, nous, on croit à la force collective, jusque dans une certaine mesure. Et, à notre avis, il est profitable, dans le fond, d'y aller sur des programmes de transferts et... Bon, quand on parlait notamment de la question des mesures d'intégration à l'emploi, il y a des efforts qui sont faits actuellement du côté du gouvernement, c'est clair, mais à notre avis il faut aller encore plus dans ce sens-là. Et je pense c'est un investissement social, là, ce n'est pas une dépense, une dépense en pure perte, puisque, à terme, ces gens-là vont pouvoir se requalifier, retourner au marché du travail.

Donc, tout le secteur de l'éducation aussi. Et là je rattache, dans le fond, à l'idée que, si on baisse les impôts, donc, à terme, on baisse les revenus du gouvernement. On suppose, du moins. Et, à ce moment-là, bien, on va avoir un problème pour financer notre éducation, et c'est avec l'éducation qu'on sort les gens de la pauvreté, entre autres. Et si, pour ces gens-là, on doit tarifer, des choses comme ça... Et, comme il n'y a pas actuellement de scénario de présenté sur les conséquences des baisses d'impôts et comment on va se rattraper autrement pour, justement, garantir à tous ces gens-là, malgré tout, d'avoir accès à des services... Il est clair que, si on baisse les impôts, à l'autre bout, il y a une augmentation des tarifs, mettons, ne serait-ce, par exemple, que de 5 % – bien, les frais de scolarité, un exemple – l'impact n'est pas le même pour un ménage à faibles revenus que pour un ménage de la classe moyenne supérieure, c'est clair. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on... Ce n'est pas pour ça, nécessairement... La baisse d'impôts, nous, on n'a jamais, à ce jour, argumenté en faveur de ça, et même la décision du budget. Et j'en conviens que la population l'a bien reçu mais, comme je le disais tout à l'heure, lorsqu'on prend la peine d'expliquer aux gens qu'avec ça, les impôts, bien, on finance nos services, les gens qui veulent écouter, à ce moment-là, comprennent. Ils comprennent que, s'ils doivent se payer une assurance pour se faire soigner, c'est...

Puis on le voit aussi, la tendance à la privatisation beaucoup au niveau des fonds de pension, ça se voit, la tendance avec les REER. Là, maintenant, on n'est pas dans le même régime, mais on parle du fédéral, le Régime épargne-études, c'est des choses comme ça: plutôt que de garder ça dans la collectivité, de façon publique, on renvoie tout à la sphère privée, et on donne des avantages aux gens qui peuvent se les payer, et tout ça. Alors, nous, on pense que c'est ça: baisser l'impôt, ce n'est pas une avenue, disons, à court terme, envisageable. On ne pense pas qu'il ne faudra jamais baisser l'impôt, mais je pense que, dans l'ordre des priorités, il y en a de différentes, là.

Et puis, quand même, je regardais, évidemment, sur la question du coût de la vie, quand on compare Toronto à Québec, une fois tous les calculs faits dans l'étude, ce qu'on constate pour une personne seule avec un revenu de 100 000 $, le différentiel est de 7 000 $ entre Toronto et Montréal. Et on sait qu'il n'y a pas juste des facteurs économiques qui vont amener les gens à prendre une décision, il y a la possibilité d'un emploi aussi. Si un travailleur – comme on l'appelle, la main-d'oeuvre stratégique – quelqu'un qui a un emploi dans la main-d'oeuvre stratégique, le secteur stratégique, il n'y a pas d'offre à Montréal, il va aller ailleurs, mais pas nécessairement de gaieté de coeur. Évidemment, les gens sont attachés à leur pays aussi.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, peut-être une dernière question. Tout étant... Pardon, excusez-moi...

M. Duguay: Juste une petite...

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...M. le député de Duplessis, j'avais mal compris votre signe. À vous la parole.

M. Duguay: Merci, M. le Président. Vous avez aussi, d'entrée de jeu, tout à l'heure, parlé de la formule d'exemption à l'effet de peut-être l'augmenter à 8 300 $, là. Puis vous êtes aussi conscient qu'ici, au Québec, on a peut-être un régime des plus progressifs, parce que vous êtes sûrement au courant qu'il y a 2 000 000 de contribuables qui ne paient pas d'impôts du tout, donc 40 %. Et aussi, pour les personnes ayant un revenu de 0 $ à 20 000 $, ça représente quand même 54,3 % des contribuables qui paient à peu près 5,4 %. Et que les contribuables à hauts revenus, donc 100 000 $ et plus, ça représente à peu près 1,3 % des contribuables qui paient à peu près 15,4 % d'impôts. Alors, à partir de ces données-là, ne croyez-vous pas que le régime d'imposition du Québec est suffisamment progressif?

M. Dagenais (Richard): Bien. L'OCDE, même, recommande au Canada, finalement, d'indexer les exemptions pour assurer une transparence au niveau de l'imposition des particuliers. Et, à mon sens, ça devrait être comme ça pour ne pas augmenter l'impôt, finalement, uniquement par le jeu de l'inflation. Pour nous, garantir la satisfaction des besoins de base, c'est un prérequis qui devrait être respecté dans l'ensemble des programmes sociaux et de la fiscalité. Alors, c'est notre position de base, de principe.

Et la question: Pourquoi on n'a pas indexé pleinement les exemptions depuis 1980? Je pense qu'il y a eu, à la fin des années quatre-vingt, des modifications fiscales importantes apportées à l'impôt des particuliers, entre autres la baisse des taux marginaux supérieurs, et donc, à ce moment-là, il a fallu récupérer à quelque part, de sorte que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont suivi, finalement, et n'ont pas pleinement indexé les exemptions. C'était dû à un problème de financement aussi, mais il y a eu, à travers ça, une modification de la fiscalité aussi, qui est venue jouer à travers ces facteurs-là.

Alors, pour nous, on préfère garantir que l'exemption de base soit pleinement indexée puis qu'elle garantisse que les gens ne paient pas d'impôts sur le seuil de satisfaction des besoins essentiels. C'est notre principe, ici, qu'on défend.

M. Duguay: Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): En pratique, c'est une baisse d'impôts. Une indexation des tables de base, c'est une baisse d'impôts.

M. Dagenais (Richard): C'est-à-dire qu'en termes réels ce n'est pas une baisse d'impôts, c'est le maintien d'un fardeau réel d'impôts constant, si on indexe les exemptions.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mais, l'inflation, évidemment, existant pour tout le monde, en pratique, c'est une baisse relative des impôts.

M. Dagenais (Richard): Pas nécessairement. Les revenus augmentant, les revenus de l'État vont augmenter dans la mesure où l'ensemble des revenus va augmenter, tout dépendant de l'évolution des revenus par rapport au taux d'inflation. Mais, comme, habituellement, les revenus augmentent plus vite que le taux d'inflation, en moyenne, bien, il est clair que les entrées fiscales vont augmenter aussi.

M. Germain (Daniel): Ça devient une baisse d'impôts dans la mesure où on n'a pas indexé depuis un certain nombre d'années. Mais, si on avait indexé à chaque année, à ce moment-là, bien, la chose aurait progressé, on ne la présenterait pas comme une baisse d'impôts. C'est pour ça aussi qu'on ne veut pas l'appeler ainsi. Sans vouloir jouer sur les termes, c'est sûr qu'à l'autre bout c'est moins d'impôts à payer pour les gens.

Le Président (M. Simard, Richelieu): En tout cas, j'y ai vu un peu une faille dans votre système. Je passe la parole à Mme la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. M. Germain et M. Dagenais, d'abord, je veux profiter de l'occasion également pour vous féliciter pour le travail que vous faites. Je dois vous dire qu'à titre de députée je fais appel à vos services souvent, et vous rendez des services extraordinaires à des citoyens, justement, comment s'organiser et comment gérer leurs finances personnelles, et je dois dire que j'apprécie beaucoup le travail que vous faites.

Je vais faire quelques commentaires avant de vous poser des questions, parce que j'ai lu attentivement votre mémoire. D'abord, le ministre des Finances mentionnait tantôt le surplus qu'aura le gouvernement fédéral, de possiblement 100 000 000 000 $ – là, ça monte tous les jours – et il a raison d'examiner de près ce surplus que va avoir le gouvernement fédéral d'ici les quatre ou cinq prochaines années. Mais il faudrait se rappeler que nous, dans notre propre province, dans notre propre endroit, si on prend les mêmes simulations qu'a prises le ministre Martin pour nous dévoiler ces surplus, au Québec, il y aura un surplus de 15 000 000 000 $. Le total d'ici les prochains quatre ans, ce sera un surplus de 15 000 000 000 $. Par année, ce sera 5 000 000 000 $, mais cumulatif. Puis, si on veut comparer des pommes avec des pommes, ça fait 15 000 000 000 $ quand on additionne. Parce que, quand on additionne à Ottawa, quand on parle de 100 000 000 000 $, ça s'avère être une addition, dans mon langage à moi.

Alors, je pense qu'à titre de transparence le ministre des Finances, s'il avait fait l'exercice qu'a fait Paul Martin, c'est-à-dire de s'asseoir et de nous dire quelles seront les projections qu'il va avoir d'ici les prochains quatre ans, au lieu de demander aux gens de défiler avec des coupures 1 300 000 000 $, il aurait peut-être pu envisager autre chose.

(10 h 20)

Vous parlez de comparaison. Je pense que vous allez être d'accord que la meilleure sécurité sociale, le meilleur régime de sécurité sociale, c'est celui qui donne des emplois aux gens. Or, vous semblez avoir des réserves quand on se compare avec l'Ontario et les États-Unis. Je veux bien. Mais, si on se compare avec la Nouvelle-Écosse, j'imagine que là vous allez être d'accord que, si on a un taux de chômage de 8,3 % à Montréal et de six point quelque chose pour cent en Nouvelle-Écosse, peut-être qu'il y a lieu de s'inquiéter. Si on se compare avec Winnipeg, qui est un endroit où il y avait un taux de chômage incroyable, il doit se passer quelque chose, il doit arriver quelque chose dans ces endroits-là. Alors, Montréal, à part, je pense, Saint-Jean, Terre-Neuve, c'est l'endroit où il y a le taux de chômage le plus élevé, à 8,4 %. Alors, c'est clair, là, que... Je pense qu'à titre de comparaison il faut faire bien attention.

Maintenant, j'aimerais soulever avec vous d'autres hypothèses, parce que je pense que vous avez absolument raison de vous inquiéter des pauvres. Vous avez des gens qui ont des bas revenus, il faut absolument s'inquiéter, et l'écart entre les riches et les pauvres s'est agrandi avec les années dans tous les pays industrialisés, puis il faut essayer de réduire cet écart-là parce que cet écart-là est d'abord inhumain, inacceptable, et, effectivement, peut générer des problèmes sociaux, c'est clair. Alors, qu'est-ce que vous penseriez, plutôt que de dire: On ne va pas baisser les impôts, mais d'offrir à ces gens-là... de nous assurer qu'on a un supplément de revenus aux travailleurs qui n'ont pas des revenus adéquats de par leur travail, et d'assurer un supplément? Je veux dire, il y a beaucoup de gens qui commencent à parler d'offrir ce supplément de revenus. Pas un revenu minimum garanti pour tout le monde, parce que là, effectivement, ça fait 30 ans qu'on parle de ça, si ce n'est pas 40 ans – moi, je me rappelle que je parlais de ça il y a 30 ans, sûrement – mais de plus en plus il y a des études qui démontrent qu'on peut donner un supplément de revenus aux gens qui ont des revenus de par leur travail qui est plus... on supplémente, et 1 $ de plus de gagné ne s'accompagne pas nécessairement d'une perte de ce supplément de 1 $. Autrement dit, il n'y a pas une taxation à 100 %, comme on a dans nos programmes actuels où il y a certains citoyens qui sont taxés à plus de 100 %. Alors, moi, je me dis que qu'au lieu de regarder seulement l'impôt qu'on a actuellement, l'impôt des particuliers, peut-être qu'il faudrait arriver avec des idées plus innovatrices pour réduire cet écart entre les riches et les pauvres, pour nous assurer que les gens ont un revenu. Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire. J'ai d'autres questions que je vais vous poser, mais j'aimerais ça que vous réagissiez à ça, si c'était possible.

M. Germain (Daniel): Bon. Dans un premier temps, votre idée est intéressante en soi, et je pense que, déjà, c'est bien présent au Québec. Il y a un programme de supplément au revenu qui s'appelle APPORT, et ça existe. Et il y a d'autres types de programmes qui existent, bon, qu'on pense aux allocations familiales, et tout ça, qui ont quand même... Il y a eu certaines améliorations dans ces secteurs-là. Votre...

Mme Jérôme-Forget: Oui, mais le point que je soulevais, monsieur, c'est que... Vous avez lu l'étude de Laferrière et Chartrand?

M. Germain (Daniel): Non.

Mme Jérôme-Forget: Bon. Alors, il est venu, M. Laferrière, ici. Ces gens-là, à certains moments donnés, quand ils passent de 29 000 $, je pense, à 31 000 $, ils sont taxés parfois à plus de 100 %. Autrement dit, ils perdent leur bénéfice à plus de 100 %. C'est pour ça que je soulève le point de développer un programme différent: au lieu d'avoir une foule de programmes, d'avoir un supplément de revenus qui s'applique aux gens qui travaillent, plutôt que d'avoir ici et là des compensations qui, finalement... il y a des gens qui reçoivent 1 $ de plus et qui sont taxés à plus de 100 %, qui le perdent en totalité, et ça leur coûte de l'argent. Alors, ils perdent tout leur incitatif à travailler.

M. Germain (Daniel): Mais, ça, j'en conviens – je vais laisser mon collègue, après ça, répondre – cependant, la cause première du chômage, c'est qu'on postule ici que les gens, parce qu'ils n'ont pas de gains assez significatifs, c'est un désincitatif au travail, alors que la majorité des gens qui n'ont pas d'emploi actuellement, c'est tout simplement parce qu'ils n'en trouvent pas. Alors, ça s'applique de façon marginale, votre raisonnement. À un moment donné, c'est quand on a le choix. Exemple: pour quelqu'un qui a de bons revenus, hein. Je pense à mon médecin de famille qui, à un moment donné, se dit: Bien, je vais prendre des vacances un petit peu plus souvent plutôt que d'en donner à l'impôt. C'est des choix qui se font pour une certaine catégorie de travailleurs ou de salariés. Mais, quand on en est à des revenus de 25 000 $ ou 30 000 $, je ne pense pas que ce soit un désincitatif au travail. Ça peut peut-être être perçu comme décourageant à l'autre bout. Donc, je me pose un problème.

M. Dagenais (Richard): Personnellement, je déplore qu'on ait diminué, finalement, les montants versés avec la réforme des allocations familiales. Et, pour moi, l'effet net sur l'incitation au travail n'est pas certain, puis je pense que ça peut avoir un effet désincitatif. Je déplore aussi le fait qu'APPORT ne soit pas accessible pour les personnes seules ou les couples sans enfants. Et je pense, effectivement, qu'il faudra augmenter les montants versés par ces programmes-là et, idéalement, peut-être aussi modifier la façon dont ce programme-là est offert aux personnes, c'est-à-dire peut-être penser à une formule directement via l'impôt sur le revenu, par exemple, où tout le monde pourrait le demander, plutôt que d'avoir des exigences qui rebutent un certain nombre de personnes, parce qu'on dit qu'il y a à peu près 50 % qui seraient admissibles, finalement, qui demandent APPORT. Alors, il y a un problème là, au niveau de l'accessibilité de ce programme-là, je pense.

Et il est clair qu'au niveau de l'étude que vous citiez... On a fait un programme de simulation, nous, des revenus des personnes, en intégrant l'ensemble des programmes et de la fiscalité. Il y a un certain nombre de ménages, finalement, qui y ont perdu depuis 1996 avec les modifications apportées, d'autres ont gagné, mais, entre autres, au niveau des ménages à revenus moyens et élevés, avec les allocations familiales, bon, dans un certain nombre de cas, les gens n'y ont plus droit. Il y a eu des choix de faits, ce n'étaient pas nécessairement nos choix à nous. Mais il est clair qu'il faudrait diminuer le taux d'imposition implicite, finalement, sur les revenus des ménages dans la gamme du 15 000 $ à 30 000 $, par exemple, où il peut y avoir des effets désincitatifs pour les ménages à faibles revenus, monoparentaux ou biparentaux, par exemple. Il y aurait lieu de repenser de façon intégrée, finalement, l'ensemble des programmes.

Mme Jérôme-Forget: Bon. C'est ce que je voulais savoir, parce qu'il y en a quand même beaucoup, de ménages. Il y en a entre 350 000 et 500 000 ménages qui sont affectés par ça. Alors, ce n'est pas négligeable, là, c'est beaucoup. À mon avis, dans mon livre à moi, c'est beaucoup de familles.

Je voudrais revenir à un point qu'a soulevé le président: l'indexation des tables d'impôts. Vous mentionnez ça comme recommandation. Je reviens parce que je n'ai pas suivi comment est-ce qu'on pourrait... que ce n'est pas une baisse d'impôts, mais, à mon avis, d'indexer les tables d'impôts, ce sont des baisses d'impôts.

M. Dagenais (Richard): En terme économique, ce ne sont pas des baisses d'impôts. Si on regarde le fardeau fiscal réel, c'est-à-dire en rapport avec son revenu, finalement, dans la mesure où le revenu augmente, vous allez payer plus d'impôts de façon normale. Mais, si vous n'indexez pas les exemptions, vous en payez plus que, normalement, la hausse de vos revenus. C'est ça, le problème qui s'est passé depuis le milieu des années quatre-vingt, finalement, en n'indexant pas pleinement les exemptions de base, principalement aussi, de façon plus importante, pour les personnes seules et les couples, parce que les familles, effectivement, ont bénéficié de certains avantages. Et ça, je pense que c'est souhaitable, mais il y a un problème, à mon sens, au niveau de la non-indexation des exemptions de base. Je ne sais pas si vous comprenez bien mon raisonnement. En terme économique...

Mme Jérôme-Forget: Mais je voudrais revenir également aux exemptions de base. Est-ce que les exemptions de base à 8 300 $, ça n'avantage pas davantage les riches qui profitent également de l'exemption de base? Parce que, ce pour quoi les gouvernements se sont retirés des exemptions, c'est parce que ça favorisait tout le monde également.

M. Germain (Daniel): Mais, nous, on pense que l'universalité... Il y a quand même un principe, c'est qu'on reconnaît socialement qu'il y a une part de revenus qui est utilisée pour couvrir les besoins essentiels. Et je pense que, si on souscrit à un principe d'universalité, il y a quand même une base à laquelle tous les citoyens ont droit. Et, dans le fond, aussi, quand on prend l'exemption de base personnelle, elle est utilisée dans le calcul des programmes. Curieusement, si on regarde le revenu d'aide sociale de base, il correspond à peu près au revenu d'exemption de base personnelle. Dans le fond, c'est que le gouvernement reconnaît qu'au Québec, bien, ça prend, pour couvrir ces besoins essentiels, autour de 6 000 $, hein, mais le coût de la vie a augmenté. Alors, il y a toutes sortes d'incidences à ça. Je ne vous cacherai pas le fait de le majorer. À ce moment-là, en toute équité, on reconnaît qu'il y a eu une évolution de la situation. Bon. Si vous voulez l'appeler baisse d'impôts, il n'y a pas de problème. Moi, je n'en ferai pas une technicalité. Pour nous, ça demeure que ce n'est pas une baisse d'impôts. Et, si on veut l'appeler ainsi, en autant qu'on l'ait à l'autre bout, on ne s'en fera pas d'histoires avec ça. Mais je pense qu'il y a un côté équitable à ça dans le sens qu'on reconnaît que les besoins essentiels ont évolué. Au niveau fiscal, on le reconnaît tout simplement, et à terme aussi dans les différents programmes, parce que ça affecte les calculs dans toutes sortes de programmes.

(10 h 30)

M. Dagenais (Richard): Je dirais l'inverse: que ne pas indexer les exemptions, c'est des hausses d'impôts. Et, nous, ce qu'on préconise dans le fond, c'est qu'au lieu de baisser les taux marginaux c'est plutôt d'indexer les exemptions pour s'assurer que le seuil de base, finalement, d'exemption soit indexé au coût de la vie. Et, pour nous, ça nous apparaît plus juste, plus équitable.

Mme Jérôme-Forget: Les deux sont vrais. De les indexer, c'est une baisse d'impôts, mais de ne pas les indexer, effectivement, c'est une hausse d'impôts.

M. Dagenais (Richard): Il est clair qu'en termes de revenus fiscaux ça va équivaloir à une baisse d'entrées de revenus fiscaux parce qu'on va indexer. L'autre aspect, je veux dire, je préfère la façon dont, au Québec, on traite fiscalement les enfants, par exemple, alors qu'au fédéral on a comme évacué du fardeau fiscal les enfants. Et pour moi, c'est injuste, parce qu'un couple avec enfants et sans enfant au même niveau de revenus sont traités de la même façon. Et, pour moi, c'est inéquitable.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci. Bonjour M. Germain, M. Dagenais, et merci d'avoir accepté de participer à cette consultation générale sur la réduction des impôts. Je veux d'abord, d'entrée de jeu, vous dire que les courbes Laferrière et Chartrand, vous pouvez les retrouver sur le site Internet. Alors, si vous voulez l'adresse, ça me fera plaisir de vous la donner tantôt.

D'abord, un constat: au Québec, il y a de plus en plus de gens qui ne paient pas d'impôts. Alors qu'en 1982 il y avait 27,9 % de gens qui étaient non imposables, on sait qu'en 1996 c'est tout près de 40 %. On sait aussi qu'il y a 50 % des coûts du système qui reposent sur les épaules actuellement de 10 % de la population, ce qui est énorme. Et, malgré le fait qu'il y a moins de personnes qui paient d'impôt, donc des familles à faibles revenus principalement, il y a de plus en plus de pauvreté au Québec. Alors, c'est criant, ça se constate à chaque jour. De plus en plus d'enfants de familles à faibles revenus et même de familles à revenus moyens arrivent à l'école le ventre creux. D'un autre côté, l'État se retire de plus en plus des programmes sociaux, notre système d'éducation étouffe, notre système de santé est en déroute. Bref, on ne peut pas dire que ça va très bien au Québec.

Le gouvernement avait demandé il y a quelques années aux citoyens de se serrer la ceinture afin de pouvoir justement garder, conserver la même qualité de programmes, de services sociaux, si vous voulez. Or, hier, vous savez, l'Association des hôpitaux du Québec est venue nous apprendre que, malgré tout ça, malgré l'atteinte du déficit zéro, il n'est pas vrai qu'on va pouvoir garder le même niveau de services. Et ils nous invitent à un débat de société qui m'attriste moi aussi. Alors, j'aimerais savoir, selon l'ACEF, à quoi vous autres vous attribuez principalement cette baisse de la qualité de vie des Québécois depuis quelques années.

M. Dagenais (Richard): J'aimerais juste apporter un correctif. Lorsque vous dites que le fardeau fiscal est supporté à 50 % par 10 % des contribuables, là on parle de l'impôt sur le revenu des particuliers. Mais ça, c'est une portion finalement du fardeau fiscal. L'ensemble des ménages paient des impôts locaux. Ils vont payer aussi des taxes à la consommation. Ils vont payer aussi les différentes taxes d'accise, etc. Alors, il faut faire attention au niveau de la répartition du fardeau fiscal, parce que globalement il y a des taxes qui sont de nature régressive, entre autres les impôts locaux, par exemple, et qui font que l'ensemble des ménages vont les payer, et les gens à faibles revenus vont être plus fortement affectés par ce type d'impôt là.

Mme Leblanc: Je vous l'accorde.

M. Dagenais (Richard): Bien, il est clair... Il y a eu des changements de structures économiques depuis les années quatre-vingt au Québec. Et il y a eu aussi évolution des revenus qui ont été plus faibles pour une certaine catégorie de revenus. Il y a eu modification aussi dans la structure familiale, de sorte qu'il y a un taux plus important de familles monoparentales maintenant qui sont traitées de façon... qui peuvent être, finalement, avantagées sur certains aspects par la fiscalité parce qu'on reconnaît qu'elles ont des coûts de vie qui sont supérieurs, certains coûts qui sont supérieurs, etc. Alors, je pense que l'ensemble de ces aspects-là jouent finalement.

Et puis on sait que le revenu disponible a augmenté moins vite, entre autres parce que le fardeau fiscal a augmenté de façon plus importante que la hausse des revenus dans nos économies. Ça, c'est un facteur aussi qui joue, qui est à prendre en compte. Et une partie de l'explication, c'est la non-indexation des exemptions de base, entre autres, qui explique ça pour nous, là, mais aussi la modification des tables d'imposition, etc. Alors, il est clair qu'il y a eu des changements au niveau économique, il y a eu des changements au niveau social puis il y a eu des changements au niveau fiscal aussi qui expliquent cette réalité-là.

M. Germain (Daniel): Moi aussi, je pense que... Très sincèrement, la population aussi je pense qu'elle devrait être conséquente avec elle-même, parce que d'un côté, moi, j'entends les gens des fois qui se plaignent de la charge fiscale trop lourde et, de l'autre côté de la bouche, ils vont dire: Bien, on est moins bien soignés dans les hôpitaux, notre système d'éducation s'en va chez le diable, excusez l'expression, toutes sortes de commentaires. Alors, je pense non plus qu'il ne faut pas agir comme des enfants gâtés; il y a des choix de société à faire et il faut être conséquent avec ces choix-là.

Et, moi, je pense que, si on fait la démonstration aux gens, il faudrait peut-être se la poser socialement, cette question-là. J'y reviens ... lors de mon intervention, dans le fond, si on prend l'approche bêtement comptable, uniquement comptable, est-ce que ça me coûte plus cher d'aller me chercher les services dans le privé ou en les finançant à même mes impôts? Et jusqu'à quelle catégorie de revenus c'est économiquement rentable pour le budget d'une famille de payer des impôts pour obtenir ces services-là? On n'a pas vraiment de réponse là-dessus, mais ce dont on se doute, c'est que, pour aller jusqu'à... Pour la majorité des contribuables au Québec, il est clair que le système de financement à même les impôts, c'est ce qui leur revient le moins cher et leur assure une qualité et une récurrence de service. Alors, je pense que là-dessus les gens vont devoir être conséquents aussi.

Mais peut-être qu'il y a un manque d'information aussi. Nous, on s'efforce avec nos petits moyens de faire comprendre aux gens qu'il y a un prix à payer pour les services. Et vous avez le choix de le payer collectivement ou de renvoyer ça à la sphère privée et de dire: Bon, bien, moi... de me donner l'impression d'avoir la liberté de choisir et me dire: Bon, bien, ça ne me tente pas... je ne vais pas chez le médecin, je ne paierai pas pour ou je n'irai pas dans tel type d'institution scolaire parce que je n'ai pas envie de dépenser... d'avoir cette attitude essentiellement consommatrice. Alors, je pense qu'il y a quelque chose là-dessus à réfléchir. Oui, Richard.

M. Dagenais (Richard): Certains avancent aussi les facteurs démographiques. Par exemple, on a eu le baby-boom qui a fait accélérer l'économie, l'évolution des revenus. Puis, à la suite de ça, finalement, il y a eu comme une baisse au niveau de la croissance économique, etc.

Il y a aussi le fait finalement qu'il y a des gens qui sont de plus en plus difficilement intégrables dans l'économie avec l'évolution des technologies, l'exigence des connaissances, etc., et qui sont l'évolution... Si à un moment donné les technologies évoluent plus vite que les capacités des gens finalement à se réintégrer dans des nouveaux emplois, il est clair qu'il y a un problème aussi d'employabilité dans l'économie. Il faut y faire face aussi.

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est malheureusement tout le temps dont nous disposons. Je vous remercie de nous avoir présenté ce rapport qui était de très haute qualité. Je pense que nous avons pu échanger de façon utile.

M. Dagenais (Richard): Merci.

M. Germain (Daniel): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nous allons maintenant appeler devant nous les représentants de la Fédération de l'âge d'or du Québec, M. François Legault, président, et Mme Nicole Moir, directrice. M. Legault, Mme Moir, bienvenue parmi nous, merci d'être venus. Vous connaissez nos règles; nous allons donc écouter votre présentation qui ne devra pas dépasser 20 minutes.


Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ)

M. Legault (François): Merci beaucoup. D'abord, je dois saluer M. Landry ainsi que les autres dont malheureusement je ne connais pas le nom. Alors, je ne sais si on pourrait avoir une identification, en fait pour savoir qui est là pour nous écouter. Est-ce que c'est possible?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, si je donne la parole, je me fais toujours un plaisir de les identifier pas par leur nom mais par le nom... Ici, la pratique parlementaire, c'est de les identifier par le nom de leur comté. Par exemple, moi, je représente le plus beau comté du Québec, alors vous devez donc me présenter par le nom de mon comté. Mais tous nous représentons le plus beau comté du Québec. Alors, nous avons décidé de nous y identifier malgré tout.

M. Legault (François): Oui, d'accord.

(10 h 40)

Le Président (M. Simard, Richelieu): À vous la parole.

M. Legault (François): Merci. La Fédération de l'âge d'or du Québec s'est penchée avec attention sur la question de la réduction de la fiscalité. Il est clair pour nous que les Québécois et les Québécoises sont beaucoup trop taxés et qu'il y a lieu d'y remédier. Nous croyons également que le régime fiscal actuel est très complexe et peut mettre certains contribuables dans l'embarras. Rappelons le cafouillage de l'année fiscale 1998 dû à l'utilisation du formulaire simplifié, avec pour conséquence une taxation trop élevée chez un grand nombre d'aînés et de contribuables.

Dans ce contexte général, nous nous sommes questionnés quant à la pertinence de réduire l'impôt des plus démunis ou celle de réduire le fardeau des plus favorisés. Dans cette foulée nous est apparu évident que le sort de la classe moyenne devrait être amélioré. Cette dernière tient le régime à bout de bras et commence à être sérieusement essoufflée. De plus, le fait que 39 % des contribuables ne paient pas d'impôts parce qu'ils n'ont pas un revenu suffisant nous préoccupe, d'autant plus que nous retrouvons dans ce groupe les 42 % de femmes vivant sous le seuil de faibles revenus.

Le statut d'aîné maintenant. Désirons-nous reconnaître le statut des aînés comme nous le faisons pour les enfants? Désirons-nous permettre aux gens démunis d'être un peu plus à l'aise? Bien, il est clair pour nous que les aînés font partie intégrante de tous les types de catégorie sociale et d'imposition fiscale au même titre que les autres citoyens. Par contre, nous devons reconnaître que la situation des aînés est différente de celle des travailleurs, ne serait-ce que parce que leurs revenus diminuent d'environ 40 % pour la plupart d'entre eux au moment de la retraite. Ils s'appauvrissent ainsi de façon importante.

Le régime de l'impôt des particuliers n'a pas été très généreux envers les aînés ces dernières années. Nous pensons ici à certaines déductions, telles les 1 000 $ pour revenus de retraite ou celle de 2 200 $ pour montants accordés en raison de l'âge, qui n'existent pratiquement plus ou qui sont récupérées à partir d'un revenu familial net de 26 000 $, alors qu'il était équivalent à 52 000 $ en 1997.

Les nombreux services autrefois gratuits et pour lesquels les contribuables doivent maintenant payer ainsi que l'augmentation de près de 2 % du taux d'inflation pour la dernière année ajoutent au fardeau fiscal général des contribuables. Les aînés, de même que tous les contribuables à faibles revenus, s'appauvrissent hors de tout doute.

Des faits maintenant. Les aînés ne demandent pas la charité ni d'être exemptés d'impôts. Nous reconnaissons que, dans l'ensemble, le revenu des aînés s'est amélioré depuis quelques années. Cependant, certains ont perdu beaucoup et vivent maintenant dans une situation précaire. Les tables d'impôts n'ont pas été indexées depuis un bon moment. L'assurance-médicaments quant à elle oblige certains aînés à payer des frais qu'ils n'avaient pas à débourser auparavant pour leurs médicaments.

Il ne faut pas perdre de vue que les aînés ne représentent pas un groupe homogène et que la grande majorité de ceux qui ont peu de revenus vivent dans une situation vraiment problématique. Que l'on soit un homme ou une femme change beaucoup les choses. De plus, de façon générale plus on vieillit plus on s'appauvrit. Le revenu annuel moyen des personnes âgées au Québec était de 16 946 $ en 1996. À la source, c'est l'Institut de la statistique du Québec qui nous dit ça. Et par ailleurs 64 % des personnes seules de plus de 65 ans vivent sous le seuil de faibles revenus fixé à 17 409 $ pour une personne seule vivant en région urbaine de plus de 500 000 habitants et à 12 030 $ en région rurale, alors que ce pourcentage se situe à 13,9 % pour les familles dont le chef a plus de 65 ans. Il ne fait pas bon vivre seul après 65 ans.

Illustrons notre propos pas l'exemple d'un aîné démuni. Il aura un revenu annuel de 10 864 $, revenu provenant de la sécurité de la vieillesse et du maximum du supplément de revenu garanti. Il assumera des frais de 8 400 $ par année pour une chambre et pension, 100 $ pour la franchise de ses médicaments, 312 $ pour la carte d'autobus. Il lui restera 2 052 $ par année pour se vêtir, payer les petites nécessités et s'offrir des loisirs. Avouez que c'est peu. Et la pilule est difficile à avaler surtout si l'on a été contraint à vivre dans une chambre parce que l'on n'avait plus les moyens de se payer un petit logement.

Et les solutions maintenant. C'est que le gouvernement provincial devrait peut-être tenter d'établir des ententes avec le gouvernement fédéral dans certains cas. Par exemple, il y aurait lieu de revoir certains plafonds ou certains règlements qui causent des aberrations. Vous seriez surpris du nombre de gens qui nous téléphonent parce que leur supplément de revenu garanti vient d'être coupé. La situation est la suivante: dès qu'ils gagnent quelques dollars, ils ne reçoivent plus le montant maximal de supplément de revenu garanti et la conséquence, les montants qu'ils doivent débourser à l'assurance-médicaments ne sont plus du tout les mêmes. Ainsi, quelqu'un qui aurait travaillé une journée pour les élections, qui aurait gagné, disons, un 50 $, devra dorénavant débourser 41,66 $ par mois pour ses médicaments plutôt que 16,66 $. N'y aurait-il pas lieu de hausser ces crédits en raison de l'âge ou d'octroyer divers crédits d'impôt aux plus défavorisés? N'oublions pas que les aînés démunis n'ont que peu ou pas de moyens d'augmenter leurs revenus.

Nous croyons, à la FADOQ, qu'il devient urgent de bonifier les programmes de soutien et les crédits d'impôt afin de permettre aux personnes âgées de vivre avec un revenu adéquat. Il est malheureux de rencontrer encore des aînés aux prises avec cette horrible décision mois après mois: l'épicerie ou les médicaments, faute d'un revenu suffisant pour rencontrer les dépenses mensuelles de base.

La FADOQ s'est penchée sur les différentes possibilités permettant d'emplir les coffres du gouvernement et par ricochet de réduire le fardeau fiscal des contribuables devant la trop lourde charge qui les accable. En effet, nous croyons qu'une série de mesures pourraient être prises en ce sens afin d'alléger l'appareil gouvernemental et du fait même soulager les contribuables: premièrement, récupérer les impôts non payés; deuxièmement, contrer le travail au noir; troisièmement, financer la création de PME; quatrièmement, prendre les mesures nécessaires afin que les entreprises ne puissent s'exempter de payer des impôts; cinquièmement, pallier aux trop nombreuses évasions dans les paradis fiscaux; sixièmement, cesser d'augmenter les taxes à la consommation afin de favoriser la consommation; et, septièmement, favoriser la création d'emplois.

De plus, nous croyons que des allégements fiscaux pourraient avoir un effet stimulant sur le bénévolat. En effet, les gens sans le sou ne peuvent se permettre d'aider les autres. Et que serait notre société sans le bénévolat?

Scénario retenu, maintenant. Les scénarios de réduction de l'impôt des particuliers présentés par le gouvernement nous ont portés à réfléchir sur l'orientation générale que devrait prendre le ministre du Revenu face aux différentes couches de la société. Alors, les scénarios soumis par le gouvernement comportent des critères de base communs: premièrement, permettre de conserver un degré relativement élevé de progressivité et maintenir ou améliorer l'aide aux familles et aux ménages à faibles revenus; deuxièmement, permettre d'améliorer la compétitivité du régime fiscal, notamment en réduisant les impôts des ménages à revenus moyens et élevés; troisièmement, aucune hausse du fardeau fiscal pour les ménages; quatrièmement, aucun changement à la structure de base et au fonctionnement de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Nous sommes en parfait accord avec ces critères de base. Cependant, leur impact diffère selon les ménages à revenus faibles, moyens ou élevés. Ainsi, les changements toucheraient, entre autres, la table d'imposition, les crédits d'impôt non remboursables, la réduction d'impôts à l'égard de la famille. Nous devons tenir compte de chacun de ces éléments dans une prise de décision.

Compte tenu de tout ce qui précède, la FADOQ a préféré soutenir le scénario 3 présenté dans le document de consultation intitulé Réduction de l'impôt des particuliers parce qu'il donne une chance à tout le monde, et en particulier aux familles. Rappelons que ce scénario offre une réduction plus importante et proportionnelle que les autres scénarios présentés par le gouvernement. L'ensemble des contribuables y gagneraient, et les familles de la classe moyenne obtiendraient un support particulier. N'oublions pas que ce sont elles qui sont appelées à donner un support à leurs aînés.

Et, en conclusion, nous espérons que, malgré la mince marge de manoeuvre que semble s'être donnée le gouvernement, ce dernier saura équilibrer les besoins et pallier aux injustices fiscales régnant actuellement au Québec. Des choix difficiles doivent être effectués, mais les contribuables ont déjà fait plus que leur part. La machine gouvernementale, quant à elle, a-t-elle bien suivi son régime minceur? Il est évident que la dispendieuse bureaucratie mériterait aussi d'être révisée en profondeur.

Une nouvelle vision, une nouvelle philosophie de gestion et de services nous apparaît d'une grande nécessité. En effet, est-il bien nécessaire que le gouvernement s'enlise dans des services multiples qui, toute réflexion faite, ne devraient pas être offerts par ce dernier? Pensons aux multiples offices, sociétés, conseils, régies, commissions, secrétariats, centres de recherche, centres de référence et ministères, sans compter les comités. Est-il certain qu'il n'y a aucun dédoublement de services?

(10 h 50)

Il est extrêmement important à nos yeux que les aînés démunis soient protégés dans cette réforme pour leur offrir un minimum de décence de vie et, de surcroît, éviter qu'ils ne deviennent un fardeau encore plus lourd. Nous connaissons tous le cercle vicieux dans lequel est prisonnière la personne qui ne prend pas ses médicaments faute d'argent et qui, par la suite, doit être hospitalisée. Le coût de cette dégradation n'a pas de commune mesure avec la prévention. Il en va de même avec la malnutrition, par exemple.

Les disparités sociales énormes qui existent, en ce qui a trait à la fiscalité, font l'objet de bien des récriminations de la part des contribuables. On aura beau dire que le gouvernement tend vers l'équité, comment expliquer qu'un salarié moyen doive laisser environ 30 % de son salaire au gouvernement alors que des personnes gagnant des salaires faramineux reçoivent des bonus allant du simple au double de leur salaire ainsi que des avantages non imposables camouflés en comptes de dépenses? L'actualité nous a relaté tout récemment le cas d'un millionnaire qui n'avait pas payé d'impôts depuis sept années. Est-ce normal?

Il ne faudrait pas que des baisses d'impôts entraînent par ailleurs des hausses de frais dans les secteurs tels que celui de la santé. Par ailleurs, il nous apparaît important, avant de s'engager dans ce processus de réforme de la fiscalité, que le gouvernement s'assure qu'il ne mette pas en danger les services et soutiens publics de base: éducation, santé, transport, logement. Et, si une récession venait encore à frapper, le nouveau régime fiscal tiendrait-il le coup? Merci de m'avoir entendu.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant le ministre des Finances à réagir à vos propos.

M. Landry: D'abord, votre mémoire a été analysé très attentivement, et il y a beaucoup de choses, surtout celles qui ont un caractère humanitaire et ne coûtent pas tellement cher – il y en a quelques unes que vous avez mentionnées – qui sont susceptibles de retenir notre attention. Il est évident que le groupe de gens que vous représentez a accumulé une expérience, a connu des périodes où il n'y avait pas de système de santé. Vous avez de vos membres qui ont connu des périodes où des familles étaient mises en faillite par des comptes médicaux. Parce que, moi, qui serai éligible à une de vos cartes de membre dans quelques années, j'ai connu ça, à mon âge. Cependant, j'ai des enfants qui ont la moitié de mon âge, puis on a des discussions passionnantes, et je suis tenté de l'amorcer un peu avec vous, cette discussion-là.

Les jeunes, ils prétendent que ce n'est pas les plus vieux, les plus démunis puis les plus défavorisés, ils prétendent que c'est eux. Et il y a certains de leurs arguments qui sont difficiles à contrer. Bon. Ils disent, par exemple: Vous nous laissez 600 000 000 000 $ de dettes sur le dos à Ottawa puis 100 000 000 000 $ à Québec. Qu'est-ce que vous avez fait? Vous n'avez pas payé assez d'impôts ou vous avez surconsommé. Il y a un point, là. Nous qui allons quitter la vie active tôt ou tard, on va laisser à ces jeunes actifs des dettes énormes. C'est pour ça que j'étais tellement heureux d'être le premier ministre des Finances depuis 40 ans à pouvoir dire: Au moins, je ne vous en mettrai pas plus sur le dos, parce que le déficit est zéro deux ans de suite, et pour l'avenir, j'espère. Mais la voyez-vous un peu, cette possibilité de critique par les plus jeunes?

Une autre chose aussi que les plus jeunes remarquent, c'est que les 65 ans et plus, ils sont 15 % des contribuables, ils ont 13 % du revenu total puis ils paient 10 % des impôts alors que dans tous les autres groupes, c'est le contraire: ils paient plus que leur proportion et les plus vieux paient moins. Et, si on regarde les deux derniers budgets, les personnes âgées ont beaucoup bénéficié des deux derniers budgets. Les personnes âgées de 65 ans ou plus bénéficient d'une réduction d'impôts totale de 161 000 000 $, soit une baisse moyenne de 258 $ par ménage. Environ 19 % de la baisse d'impôts totale leur revient alors qu'ils ne paient, comme je l'ai dit, que 10,7 %. Quand on y va par situations personnelles, c'est encore plus frappant. Entre 1994 et 1998, bon, donc au cours des derniers budgets, les couples de personnes âgées de 65 ans ou plus, avec un revenu privé, ont eu des gains nets de 117 $, de 1 202 $, 960 $, de 567 $ et de 195 $, même dans les plus hauts revenus. Ceux qui ont profité le plus évidemment, c'est 1 202 $, c'était 25 000 $ de revenu privé.

En d'autres termes, je ne vous dis pas ça de façon négative, parce que chaque groupe de la société, dans une société de lobby comme la nôtre, vient demander pour soi-même. Mais nous notre devoir, c'est de gouverner pour tout le monde et de rappeler à ceux qui, en toute bonne foi, nous disent: Toujours plus, que, nous autres, on est obligés de concilier toutes ces demandes avec le fait que les actifs, ceux qui travaillent, le travailleur et classe moyenne – Contre-Coeur, Varenne, pétrochimie, sidérurgie – sont les plus taxés de notre continent.

Les plus démunis sont les moins taxés de notre continent parce que notre fiscalité est très généreuse pour ceux qui gagnent moins. On a 2 000 000 de contribuables qui ne paient pas du tout d'impôts, dont plusieurs de vos membres, j'imagine. Parce que ce que vous avez dit est vrai également, qu'à la retraite évidemment il y a une baisse des revenus, généralement une baisse des responsabilités – fin de l'amortissement de l'hypothèque – mais baisse des revenus indéniable. Alors, j'aimerais sur le plan un peu plus vaste, que vos demandes spécifiques, qui sont toutes analysées avec grand soin, vous vous prononciez un peu sur la philosophie de la vie en société où chaque groupe demande pour soi. Mais il faut bien que quelqu'un à un moment donné pense à l'intérêt général.

M. Legault (François): Maintenant, il y a plusieurs volets que vous avez soulevés, c'est sûr. Je vais d'abord parler des jeunes. Vous savez, j'ai été jeune moi aussi et j'ai dû faire face à des situations à ce moment-là que la situation économique de la province ne me permettait pas d'avoir tout ce que je désirais. Alors, j'ai dû travailler d'arrache-pied pour réussir ce que je suis devenu. Je crois que les jeunes aujourd'hui, c'est beaucoup plus une question d'éducation que nous devons leur transmettre à l'effet que ces jeunes devront prendre leurs responsabilités avec les moyens qu'ils ont.

En ce qui regarde les finances, vous savez que, si on retourne en arrière quelques années, et j'en étais à ce moment-là, il y a eu les guerres qui ont coûté énormément cher à nos gouvernements, et c'est sûr que c'est une dette qui n'est pas encore remboursée. Alors, disons pour ça. Lorsque nous faisons – pour un autre volet – des demandes comme nous faisons ce matin, c'est que c'est sûr que l'on prend intérêt des aînés, mais c'est beaucoup plus pour prendre les intérêts des démunis, des gens qui ont vraiment besoin. Et ça, c'est à partir naturellement des nôtres, qui sont des aînés, mais aussi, lorsqu'on fait des revendications puis qui sont d'ordre général au niveau de la fiscalité, tout le monde en bénéficie. Et je pense qu'il est grandement temps, au niveau de toute la société, de prendre... en fait que notre rôle à nous, les aînés, n'est pas seulement pour travailler en vase clos, mais que voulons travailler avec toute la société et toutes ses composantes, que ce soit les jeunes, les moins jeunes, les travaillants et les aînés.

(11 heures)

En fait, je pense que tantôt on va être obligé de décompartimenter les aînés. Nous en sommes rendus, avec le prolongement de la vie, que nous allons avoir une catégorie de personnes de 80 ans et plus, d'autres de 60 ans et plus, puis il y en a de 50 ans et plus, parce qu'il y en a à 50 ans qui sont rendus retraités. Alors voyez-vous, on ne travaille pas seulement pour une génération, on travaille pour toutes les générations.

C'est sûr qu'on en a, des bien nantis, chez nous, les aînés, et puis ils sont capables de faire leur part eux aussi pour la société puis de payer, en fait, les impôts qu'il faut, les taxes qu'il faut là-dessus, mais, encore là, ce sont les gens à revenus moyens et les gens démunis qui ont vraiment besoin que l'on élève la voix pour eux puis qu'on essaie d'avoir une petite part. Voilà.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, M. Legault, Mme Moir, bienvenue à cette commission. Merci d'être venus présenter votre opinion, votre point de vue sur la réduction de l'impôt des particuliers qui devrait s'amorcer prochainement. D'ailleurs, elle est déjà amorcée pour une certaine partie. Il y a déjà d'annoncé, pour le 1er juillet prochain, un 400 000 000 $.

Moi, ce sur quoi j'aimerais revenir, c'est lorsque vous dites que vous vous êtes penchés sur les différentes possibilités qui permettent d'emplir les coffres de l'État ou les coffres du gouvernement. À la page 3, vous avez une série de recommandations à l'effet de récupérer les impôts non payés, contrer le travail au noir. Particulièrement pour ces deux points, je ne sais pas qu'est-ce que vous proposez de plus, parce que, au cours des trois dernières années, c'est-à-dire de 1995-1996 à 1997-1998, on a travaillé très fort, on a pris des mesures pour faire de la récupération fiscale. Alors, on a récupéré, au cours de ces trois dernières années là, 2 700 000 000 $. Donc, il y a eu des efforts qui ont été très, très considérables pour récupérer des argents à ce moment-là.

Alors, quand vous revenez avec cette proposition-là, c'est quoi qu'on pourrait faire de plus dans ce domaine? Puis là on continue à le faire, parce que, en 1995-1996, nous avons récupéré 486 000 000 $; 891 000 000 $ en 1996-1997; et 1 317 000 000 $ en 1997-1998. Alors, la suggestion que vous nous faites pour soulager les contribuables, vous dites d'aller en chercher encore de ce côté-là. J'imagine que vous appuyez déjà cette démarche qu'on a entreprise, mais qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus, là?

M. Legault (François): Bien, en fait, on est bien heureux que notre gouvernement fasse tout ce qui est en son possible pour pouvoir récupérer le plus. Mais il y a d'autres moyens que de récupérer les impôts. J'ai donné quelques exemples tantôt au niveau des impôts. C'est qu'il y a certaines personnes qui ont la facilité de trouver des échappatoires, avec des revenus très élevés, qui devraient payer une part d'impôts comparativement aux autres citoyens et puis qui ne le font pas. Je ne le sais pas. Est-ce que le gouvernement serait en mesure de pouvoir faire des vérifications à ces niveaux-là? Ça, c'est un point. Naturellement, ce n'est pas moi qui pourrai aller déclarer qu'un tel fait tel salaire et puis: Surveillez-le. Ce n'est pas ma job, ça.

Mais il reste quand même qu'il y a d'autres points aussi, quand on regarde le numéro 3: financer la création de PME. Si vous voulez que le gouvernement augmente ses revenus de fiscalité et d'impôts, eh bien, s'il créait des PME, alors il y aurait moins de chômage, il y a plus de personnes qui paieraient des impôts, puis, à ce moment-là, ça pourrait aider tout l'ensemble des payeurs.

M. Côté (La Peltrie): Déjà, le gouvernement puis le ministre des Finances sont en mesure d'élaborer plusieurs mesures qui ont été mises de l'avant pour encourager les PME. Je crois que les actions de notre gouvernement ont quand même contribué, au cours des dernières années... On avait un taux de chômage au-dessus de 13 % en 1993-1994 alors qu'aujourd'hui il est à 9 % et même ici, dans la région de Québec, on est à 8,5 %. Donc, il y a des emplois quand même qui se créent puis il se fait beaucoup d'efforts aussi de ce côté-là.

Mais je reviens, moi aussi, à votre... Lorsque vous dites, à 4, «prendre les mesures nécessaires afin que les entreprises ne puissent s'exempter de payer des impôts», vous ne croyez pas que déjà la structure fiscale du Québec, qui est axée sur une taxe sur la masse salariale... Donc, les entreprises indirectement, elles contribuent déjà de par un impôt quelconque, lorsqu'elles paient des cotisations, par exemple, au Fonds des services de santé, des cotisations à la CSST, à la Régie des rentes, le 1 % à la formation professionnelle, formation de la main-d'oeuvre. Donc, elles apportent déjà une certaine contribution. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus encore auprès des entreprises?

M. Legault (François): Bien, en fait, tout ce que je pense, moi... C'est sûr que nous ne sommes pas équipés, à la Fédération de l'âge d'or, pour faire des études approfondies à ce sujet-là, mais il reste quand même qu'on attire tout simplement l'attention à savoir s'il n'y aurait pas un pas de plus à faire de la part de nos gouvernements pour qu'ils puissent voir vraiment où est-ce qu'ils en sont rendus avec ça puis s'il n'y aurait pas un petit effort de plus qui pourrait être fait.

Mais ça s'applique à n'importe qui. Vous parlez des compagnies, des sociétés, mais il y a aussi des individus qui, aussi, ont une facilité de s'exempter de payer les impôts qu'ils devraient payer. Eux aussi, il faudrait qu'ils soient surveillés un peu plus, faire un pas aussi en avant là-dedans, dans la possibilité d'aller récupérer. En fait, c'est un peu ça, là, que... C'est une idée, en fait, que l'on a, nous. C'est sûr que, si vous nous dites: Bien, on a tout fait ce qu'il faut, alors, à ce moment-là, moi, je retire ce que j'ai dit.

M. Côté (La Peltrie): Je ne prétends pas que c'est parfait, là, mais...

M. Legault (François): Non, non, non. D'accord. D'accord.

M. Côté (La Peltrie): Peut-être une autre question, M. le Président.

M. Landry: Les sociétés doivent tendre à la perfection. Et ce que j'ai dit à des groupes qui demandent tous les uns pour les autres, ça pousse à l'amélioration des systèmes. Une des sociétés qui ont bien réussi à cet égard, ce sont les États-Unis d'Amérique. On peut avoir des critiques virulentes sur certains aspects de leur système, mais les lobbys sont un peu le coeur de cette société. Et ce qu'ils prétendent, c'est que tout le monde va demander pour soi et, quand on va faire la somme, on finira par retrouver le bien commun. Aux États-Unis, pour les plus démunis, ça n'a pas joué très fort, cette affaire-là par ailleurs. C'est là qu'est la réserve. Parce que les plus forts, bien organisés... Disons, le lobby le plus fort, c'est celui des armes à feu – vous vous rendez compte? – plus fort que celui des malades ou des assistés sociaux.

Alors, dans notre société, c'est un peu plus équilibré. C'est pour ça qu'on ne vous reproche aucunement de demander et de demander. Demandez. Nous autres, notre rôle, c'est de conjuguer tout ça puis de donner suivant les moyens sociétaux.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, madame.

Mme T. Moir (Nicole): Je voudrais apporter un élément supplémentaire. Vous avez parlé du travail au noir, vous parliez des deux premiers points. Je pense que vous faites déjà une bonne job dans les médias pour essayer de contrer le travail au noir, mais peut-être qu'il faudrait se poser la question: Pourquoi il y a tant de travail au noir? Le travail au noir se fait – du moins ce qu'on entend autour de nous – surtout dans la question des services, les rénovations de maisons, et tout ça. Peut-être que, si les taxes étaient un peu moins élevées au niveau des services...

Ça, là, on n'est pas des experts là-dedans, mais c'est peut-être de regarder aussi qu'est-ce qui cause le travail au noir. Oui, on en parle beaucoup, oui, les gens disent: C'est affreux, mais les gens continuent à utiliser le travail au noir, puis bien souvent sans même s'en apercevoir. Quand on engage une femme de ménage pour venir faire notre ménage chez nous, on ne se préoccupe pas trop: Est-ce qu'elle va en payer, des taxes, ou pas? Et puis ça devient du travail au noir. Alors, peut-être qu'il faudrait se poser la question: Qu'est-ce qui cause le travail au noir, finalement? Je ne dis pas que vous ne vous la posez pas, là, hein.

M. Landry: Permettez-moi une remarque. Je l'entends souvent, celle-là aussi, puis elle me surprend chaque fois parce que les femmes de ménage, elles sont à mon avis toutes dans les 2 000 000 de contribuables qui ne paient pas d'impôts...

Mme T. Moir (Nicole): Possiblement. Moi, je ne le sais pas.

M. Landry: ...même si leur revenu est déclaré à 100 %. Ça gagne combien par année, une femme de ménage?

Mme T. Moir (Nicole): Je ne suis absolument pas capable de vous répondre.

M. Landry: Surtout que la plupart d'entre elles sont épisodiques.

Mme T. Moir (Nicole): Je ne veux pas me faire avoir par les chiffres. Je faisais juste donner ça... C'est peut-être un plombier qui fait du travail au noir. Je vais prendre... Le plombier est supposé être très bien payé.

M. Landry: Plombier, on tombe dans une autre catégorie.

Mme T. Moir (Nicole): Voilà. O.K. Je vais prendre le plombier.

M. Landry: V'là le plombier. Ça, c'est une autre affaire.

M. Legault (François): Justement, on tombe dans une autre catégorie, puis je pense bien que c'est à souligner, parce qu'il y a des travaux qui se font en résidence par des entrepreneurs et puis qui nous disent: Bien, si tu ne veux pas de reçu, paie-moi cash. Alors, naturellement... Puis ça, c'est courant. Je ne sais pas qu'est-ce que c'est que le gouvernement pourrait faire avec ça. Il y a certainement un moyen qui pourrait...

(11 h 10)

M. Landry: Là, il y a un aspect convention collective, vous le savez, hein? Il y a un aspect convention collective. Les travailleurs de la construction, en particulier plombiers, électriciens, toutes les spécialités, ils se négocient des conditions très élevées. Là, des fois, le payeur moyen dit: Moi, je ne suis pas capable de payer ce tarif-là. Et c'est là que le petit dialogue dont vous parlez intervient. Il y a un problème sérieux là.

Mme T. Moir (Nicole): Bien, en tout cas, c'est plus de dire: Oui, il y a quelque chose à faire concernant le travail au noir. On n'a pas l'expertise pour dire quoi, puis vous pouvez facilement nous perdre dans les chiffres, là, je l'avoue.

M. Landry: Je comprends ça. On a des experts assis derrière ici pour les chiffres, là.

Mme T. Moir (Nicole): Voilà! C'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Ils vont tout vérifier ça.

M. Legault (François): Merveilleux!

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Legault, Mme Moir. Bienvenue. Merci d'être venus, de vous être déplacés pour présenter votre mémoire.

Moi, j'ai quelques préoccupations que j'ai exprimées à d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer, et c'est la tendance actuelle à favoriser les retraites anticipées à 55 ans. Il y a de plus en plus de gens qui prennent des retraites plus tôt que prévu. Il y a eu des campagnes de publicité incitant les gens à planifier supposément leur retraite à 55 ans. Et ça, ça veut dire que, si on prend sa retraite à 55 ans, on doit planifier pour au moins 25 ans, dans un avenir, ses revenus. Et ça, c'est très difficile à planifier. Et ce pour quoi je le soulève, c'est qu'en 1976 il y avait 72 % qui travaillaient entre l'âge de 55 ans et 65 ans; aujourd'hui, c'est rendu à 49 %. Alors, c'est donc qu'il y a eu un changement culturel important. Et j'ai l'impression qu'on se réserve des années difficiles.

Qu'est-ce que fait votre groupe finalement pour essayer de voir: Est-ce qu'il n'y a pas lieu d'inciter les travailleurs à travailler plus longtemps qu'à 55 ans ou trouver d'autres façons d'obtenir des revenus? Parce qu'ils se réservent... Planifier son avenir à partir d'un budget d'aujourd'hui sur les prochains 25 ans, quand on ne sait pas comment l'économie va se comporter pour les prochains 25 ans, est-ce qu'il n'y a pas un risque énorme?

M. Legault (François): Bien, voici, vous touchez à quelque chose qui est très important et puis dont je suis très, très conscient. D'abord, si on regarde l'évolution de la société actuelle, on se rend compte que vous avez un vieillissement qui est vraiment sérieux et auquel on doit faire face. Et, en plus, par contre, nous avons une dégringolade des naissances. Ce qui va arriver, c'est que, dans quelques années, nous aurons peut-être un manque sur le marché du travail provenant des personnes qui avancent en âge et puis qui vont prendre le marché du travail.

Alors, moi, j'ose prédire – je l'ai déjà dit d'ailleurs – que, éventuellement, les baby-boomers qui s'en viennent à la retraite, eux, vont être, je crois, qualifiés pour pouvoir continuer à travailler le plus longtemps possible pour pouvoir justement pallier à ce manque de personnes au niveau des travailleurs. Ça m'inquiète peut-être pour une certaine période de temps, qui pourrait être entre 10 et 15 ans, si vous le voulez. Mais définitivement qu'on ne pensera plus à vouloir réduire l'âge de la retraite dans 10 ou 15 ans d'ici, car les personnes qui seront rendues à 55, 60 et 65 ans, le marché du travail va en avoir besoin.

Et puis, comme la population vieillit et puis qu'elle demeure en forme puis je dirais que... D'abord, si on prend les statistiques fournies en 1996, c'est qu'il y a 70 % des aînés actuellement de 65 ans et plus qui ne prennent pas de remèdes ou très peu de remèdes, ce qui veut dire qu'ils sont en bonne forme. Alors, ces gens-là vont continuer à vieillir. Alors, qui vous dit que... Justement, l'âge de la retraite, il n'y en aura plus, parce que la personne va pouvoir travailler tant et aussi longtemps qu'elle le voudra. C'est pour ça que ce qui m'inquiète, c'est dans les 10, 15 années à venir, où est-ce que c'est vrai que la société actuelle oblige les gens, je dirais, en grande partie, à prendre... On l'a vu dans la santé, on l'a vu dans l'enseignement, où est-ce qu'ils ont offert sur un plateau d'argent une retraite.

C'est sûr qu'il y a des réveils brutaux là-dedans, mais reste quand même que nous avons actuellement, au niveau de la FADOQ, des personnes qui ont rencontré des retraités, des nouveaux retraités, et puis qui leur ont fait part justement de ce qu'on pourrait faire pour eux. Puis c'est ce que la FADOQ actuellement pense. Parce qu'on commence à les prendre à l'âge de 50 ans maintenant à cause de cela. Puis, deuxièmement, il va falloir avoir des programmes pour les intéresser à savoir qu'est-ce que qu'ils peuvent faire.

Il y a aussi le travailleur autonome. Il va falloir que les gens s'habituent à travailler de façon autonome. Alors, à ce moment-là, ça va pallier au chômage, ça aussi, puis ça va pallier à l'effet de prendre des retraites trop tôt. Alors, c'est comme ça que je vois les choses. C'est peut-être projeter dans l'avenir, mais reste quand même que c'est mon point de vue, dans le moment.

Mme T. Moir (Nicole): Est-ce que je pourrais rajouter quelque chose là-dessus? Je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui.

Mme T. Moir (Nicole): On a déposé un avis, il n'y a pas longtemps, sur les travailleurs âgés. On déplore les retraites anticipées presque forcées par les systèmes. Et que ça soit ce qui s'est passé au gouvernement ou que ça soit dans les compagnies au nom de la réingénierie, de toute façon, les compagnies y perdent, là-dedans, parce que c'est les travailleurs les plus âgés qui partent, perdent la culture des entreprises. On le voit. De toute façon, dans les hôpitaux, ils ont été obligés de faire revenir les infirmières qui avaient pris leur retraite parce que, dans les salles d'opération, il y avait un manque de connaissances. Aussi, on fait de la réingénierie, on laisse aller les travailleurs qui sont les plus payés, les plus âgés, et on veut, au nom de donner des emplois aux plus jeunes... Et ce qu'on donne aux plus jeunes, ce sont des emplois, finalement, précaires, avec les clauses orphelin. Si on rajoute ça en plus, ce n'est pas ça qui va faire une force de travail intéressante, et c'est toujours cette force de travail qui va supporter tous les systèmes au bout de leurs bras.

Ce qu'on fait aussi, à la Fédération, on essaie d'aider à planifier. On fait partie de certains cours de planification à la retraite. Aussi, on s'est battus depuis des années, et on a gagné, contre la retraite obligatoire. La retraite obligatoire à 65 ans, c'était pour permettre à ceux-là qui voulaient travailler plus âgés, puis là on s'aperçoit que les retraites se prennent plus jeune. Puis ce qu'on essaie de véhiculer aussi, c'est de dire: Oui, la première année, vous jouez au golf, c'est bien le fun, la deuxième année commence à être un peu moins le fun, puis la troisième année, oups! qu'est-ce que je vais faire pour les 30 prochaines années? Parce que vous disiez tantôt: Au moins 25 ans, mais ça va plus loin que ça, hein. L'espérance de vie pour les femmes a dépassé 80 ans.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Legault, Mme Moir, à mon tour, je voudrais vous remercier pour le mémoire bien documenté que vous avez défendu avec force et conviction.

Vous nous avez dit que le fardeau fiscal reposait beaucoup sur les épaules de la classe moyenne, et c'est très vrai, je le constate moi-même particulièrement dans mon comté où j'ai quand même une classe moyenne assez importante qui s'appauvrit d'année en année. C'est une réalité. C'est aussi cette même classe moyenne qui supporte le fardeau du désengagement de l'État vis-à-vis les services sociaux, les services d'éducation. Alors, elle est aussi sur la première ligne.

Vous avez également parlé de l'abolition de certaines déductions qui appauvrissent les aînés, qui touchent de façon plus spécifique, qui ciblent les aînés, notamment le 2 200 $, le montant accordé en raison de l'âge.

Vous avez également parlé de la non-indexation des tables d'impôts, qui a un impact au niveau fiscal pour la catégorie de citoyens que vous représentez, et soulevé aussi la question de l'assurance-médicaments. Ça, c'est un vrai problème. Ça débouche sur des cas de comté qu'on voit dans nos propres bureaux, comme députés, et c'est souvent des situations extrêmement pénibles où des personnes, des personnes aînées ont à choisir entre manger ou prendre leurs médicaments. Et je suis très, très sensible à cette réalité que je connais bien parce que je connais des gens qui la vivent.

L'appauvrissement des aînés, c'est une réalité que vous avez démontrée avec des chiffres, la diminution de 40 % des revenus des aînés dès le moment où ils prennent leur retraite. Leur baisse du revenu annuel aussi, c'est une réalité que vous avez bien démontrée. Et j'ajouterais à tous les éléments que vous avez soulevés dans votre mémoire le fait qu'il y a une solidarité intergénérationnelle qui fait que les aînés se retrouvent dans une situation où ils jouent aux parents, jouent le rôle des parents, parce que les parents se sont appauvris et ils se sentent une sorte d'obligation morale vis-à-vis leurs petits-enfants. Ça aussi, c'est une réalité qui est vécue dans le concret.

(11 h 20)

Et vous plaidez, vous choisissiez le scénario 3 que vous estimez plus équitable et plus convenable pour les aînés. Or, ce scénario-là prévoit une hausse de 600 000 000 $ de la TVQ. Comment est-ce que d'un côté vous optez pour le scénario 3, vous demandez, en même temps, parallèlement à ça, la diminution des taxes, vous demandez un redressement de l'équilibre fiscal en faveur des aînés et vous optez pour un scénario qui prévoit une hausse de 600 000 000 $ de TVQ?

M. Legault (François): Bien, d'abord, je l'apprends parce que vous me le dites. Le scénario 3, qui était aucune hausse du fardeau fiscal pour les ménages – c'est bien à ça que vous faites allusion – alors, nous, en fait, lorsque l'on a demandé ça, c'est que, justement, même si nous sommes des aînés, nous nous penchons sur les revenus des ménages, c'est-à-dire de la famille. Alors, je n'avais pas vu, par exemple, ce que vous venez de mentionner. Il faudrait qu'on le réétudie pour voir vraiment son impact et puis d'être plus éclairés sur les autres critères que le gouvernement a mis de l'avant. Parce que, définitivement... Je ne sais pas si tu pourrais rajouter quelque chose là-dessus, là, mais...

Mme T. Moir (Nicole): Parce que, de tous les scénarios, ça nous a semblé le scénario le plus équitable. Puis je l'ai dit tantôt, on n'est pas des experts en chiffres, des experts qui sont capables d'analyser tous les impacts de tous les chiffres à tous les niveaux, mais, pour nous, ça nous a semblé être le scénario le plus équitable.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Bien, c'est pour ça que je vous ai posé la question, parce que je voulais comprendre si vous aviez tenu compte de l'ensemble des éléments qui sont inhérents à ce scénario-là où est-ce que vous avez peut-être fait une analyse sélective sans avoir l'ensemble des données. Ça serait intéressant, effectivement, que le ministère des Finances vous fournisse les données sur les implications de chacun de ces scénarios-là pour que vous puissiez en mesurer la portée générale.

Vous proposez aussi d'octroyer des crédits d'impôt aux plus démunis. Or, on sait que, dans la catégorie des plus démunis, et il y en a qui sont plus démunis que d'autres, il y a un nombre significatif de citoyens qui ne paient pas d'impôts. Alors, comment est-ce que vous conciliez la recommandation d'octroyer des crédits d'impôt à une catégorie de citoyens qui risquent de ne pas payer d'impôts? Quel est l'impact réel que cette mesure peut avoir sur notamment les aînés, parce que certains sont dans cette catégorie?

M. Legault (François): Bien, lorsque l'on parle de crédits d'impôt, c'est sûr que l'on s'adresse aux personnes qui en paient, des impôts. Ceux qui n'en paient pas, d'impôts, on ne peut pas naturellement demander un dégrèvement là-dessus. Mais, lorsque l'on parle des plus démunis, c'est sûr que ceux qui le sont le plus sont en dessous du seuil de la pauvreté puis ne paient pas d'impôts, mais il y en a d'autres qui sont juste en marge de payer des impôts et puis, souvent, en payant des impôts, c'est ce qui leur manque pour pouvoir avoir une vie qui est, en fait, décente, pour pallier au coût de la vie actuelle. C'est comme ça qu'on le voit.

On a fait aussi des recommandations pour ceux qui sont vraiment démunis puis qui ne paient pas d'impôts. Il s'agirait tout simplement d'augmenter, si vous voulez, les montants que vous accordez à ces personnes-là en tant que revenus de base que le gouvernement donne, là, les suppléments de revenu garanti ou bien donc ces choses-là. Alors, on va faire des recommandations aussi pour que ça soit augmenté. Alors, il y a un effort à faire de la part des gouvernements pour vraiment ceux qui ne paient pas d'impôts, qu'ils puissent vivre décemment. Ce à quoi on faisait allusion ici, c'était...

Mais où je veux rajouter à une autre remarque que vous avez faite, quand vous avez parlé d'intergénération, c'est vrai. D'après une étude faite par le Conseil des aînés, il y a 20 % de tous les 65 ans et plus qui oeuvrent dans le bénévolat ici, dans la province. Alors, ces gens-là, il y en a beaucoup qui travaillent au niveau de leur propre famille, qui gardent les enfants des conjoints qui travaillent. Vous savez que c'est un problème qu'on n'avait pas, nous, quand on était plus jeunes, parce qu'il n'y en avait qu'un qui pourvoyait à tout, c'était normalement le chef de famille. Mais aujourd'hui ce sont les deux qui travaillent. Et puis on en voit beaucoup, et on les connaît, nous, dans nos clubs, des personnes qui se dévouent journalièrement à garder les enfants, leurs petits-enfants, pour que les autres puissent aller travailler. Mais ceux-là, c'est drôle, ça passe inaperçu.

Mme Houda-Pepin: ...référence à la solidarité intergénérationnelle, je parlais d'au-delà du bénévolat. Il y a aussi des dépenses réelles qui sont assumées par les grands-parents pour venir en aide à leurs petits-enfants qui vont à l'école. On sait que la gratuité, ce n'est plus vraiment vrai parce que les parents doivent payer pour un certain nombre de services. Et on a entendu les jeunes qui sont venus la semaine dernière nous dire que ça coûte 750 $ pour les étudiants au niveau collégial, de frais de toutes sortes, par session. C'est quand même assez important. Et les parents n'ont pas ces ressources. Alors, on se retourne vers les grands-parents qui, eux, ont fait quelques économies, puis ils sortent ces économies-là pour soutenir leur famille. Ça aussi, c'est un phénomène réel mais nouveau, et qui ajoute à l'appauvrissement des aînés, donc au-delà du bénévolat qui est un phénomène mieux connu, parce qu'on sait que les retraités, préretraités s'engagent davantage dans le bénévolat, ils travaillent plus d'heures, quasiment, que lorsqu'ils étaient dans un emploi réel.

Je voudrais revenir sur la question des choix. Vous avez dit qu'il faudrait évidemment réduire les impôts. Vous avez fait des propositions concrètes. Mais le réinvestissement dans les services de santé, services sociaux, dans l'éducation, ça vous préoccupe aussi, n'est-ce pas, comme aînés? Est-ce que vous voyez, vous, une possibilité, même si on ne connaît pas le montant du surplus, est-ce que vous trouvez qu'on peut faire les trois en même temps, c'est-à-dire réduire les impôts des particuliers, réinvestir dans la santé et dans l'éducation?

M. Legault (François): Veux-tu répondre?

Mme T. Moir (Nicole): Oui. On ne peut pas laisser, en ce moment, toute la question des soins de santé – je vais choisir mes termes – ...

M. Legault (François): ...

Mme T. Moir (Nicole): ...en tout cas où est-ce que c'est en ce moment. Ça n'a pas d'allure. La population, elle est vieillissante. Ce que j'ai entendu aux nouvelles hier, il faut qu'il y en ait un, débat de société. Quand les gens se posent des questions à savoir est-ce qu'on va remplacer la hanche de quelqu'un qui a 88 ans puis est-ce qu'on va mettre quelqu'un qui a 90 ans sous dialyse, bien ce n'est pas des questions qu'on devrait se poser. Il faudrait se poser la question: Qu'est-ce qu'on est capable, comme société, de se donner? Puis effectivement on ne peut pas laisser de côté les soins de santé puis on ne peut pas laisser de côté l'éducation, c'est les aînés de demain, c'est la société, c'est les jeunes qui poussent.

Puis, quand vous parliez des aînés qui aident à défrayer certains coûts, je connais beaucoup d'aînés qui aident à défrayer les coûts d'université des jeunes. Alors, ce n'est pas des jeunes, jeunes, mais c'est des jeunes adultes qui sont au début de leur vie, finalement, d'adulte.

Mme Houda-Pepin: Tout à fait.

Mme T. Moir (Nicole): Mais on ne peut pas laisser, je pense que... Puis c'est la même revendication qu'on va aller faire au Comité permanent des finances à Ottawa, donc de réduire les impôts et d'améliorer les coûts de transfert aux provinces. Il faut qu'on se préoccupe des soins de santé et de l'éducation et, aussi, il faut qu'on ait un débat de société. Ça fait des années qu'on le dit partout, mais on n'en a jamais. On en a par petits bouts, puis on voit ce que ça donne, des petits bouts ici et des petits bouts là.

Mme Houda-Pepin: Si vous permettez, il reste quelques...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Très courte question, il ne reste qu'une minute, madame.

(11 h 30)

Mme Houda-Pepin: Oui. En fait, c'était un commentaire sur le débat de société. Moi, je suis très préoccupée par les questions de l'éthique. Lorsque j'entends des médecins dire: Est-ce qu'on doit poser une prothèse ou est-ce qu'on doit mettre quelqu'un de 80 ans sur la dialyse, moi, ça me préoccupe énormément. C'est une question qu'on ne devrait même pas poser, parce qu'on est dans une société qui a considéré les soins de santé comme étant des soins universels. Donc, si on commence à discriminer les soins en fonction de l'âge, on n'est pas sorti du trou. Et je pense que le débat de société, oui, il faut le faire, mais il faut poser les bonnes questions en partant, pour le faire, ce débat-là, mais on n'est pas parti de la bonne façon. De la façon dont les questions ont été posées hier, moi, j'ai eu froid au dos quand j'ai entendu des choses comme ça, parce que, là, on va commencer à devenir sélectif. Et, comme les aînés sont considérés comme non productifs pour la société, ça peut nous amener bien loin, ça. Alors, je suis très préoccupée.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous allons mettre fin à ce dialogue maintenant. Monsieur et madame, merci beaucoup de votre mémoire, et au plaisir de vous retrouver.

Alors, nous allons poursuivre nos travaux en appelant maintenant à venir présenter leur mémoire les représentantes du Mouvement des femmes du Québec, la représentante étant Mme Françoise David, que j'ai vue il y a quelques minutes. Elle ne doit pas être très loin. Peut-être qu'on pourrait aller la chercher si elle n'est pas dans la salle. Je sais que les médias sont très importants dans sa vie, qu'elle les attire comme un aimant, mais nous avons maintenant à poursuivre nos travaux. Alors, est-ce que vous voulez prendre place, s'il vous plaît? Ça m'étonnerait que Mme David emploie la politique de la chaise vide. Ce n'est pas son genre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): La voilà. Madame, nous sommes très heureux de vous voir enfin, et je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous connaissez évidemment les règles, pour venir souvent en commission parlementaire: donc, une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire.


Le mouvement des femmes du Québec

Mme David (Françoise): Oui. Bonjour. J'aimerais présenter, à ma gauche, Mme Sylvie Lévesque, directrice de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec – les groupes de femmes ont toujours des noms très courts; Mme Nicole Lachaîne-Gingras, qui est responsable pour Québec de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale; à ma droite, Mme Ruth Rose, qui est économiste, professeure en sciences économiques à l'UQAM, consultante pour les groupes de femmes et rédactrice du mémoire que vous avez entre les mains.

Donc, je voudrais simplement faire une petite introduction et vous expliquer ce que sera le coeur de notre présentation. En fait, je le dirais en une phrase pour commencer: À quoi bon parler de réduction des impôts de l'ensemble des contribuables si, en fait, on abandonne les plus pauvres à leur sort, les plus pauvres étant des personnes qui ne peuvent même pas payer d'impôt parce qu'ils n'ont pas les moyens d'en payer?

Nous voulons donc élargir la question de la réduction des impôts à celle de l'amélioration du revenu et du bien-être de tous les ménages, et particulièrement de ceux qui vivent dans le dénuement en ce moment. Nous questionnons – c'est le moins qu'on puisse dire – le modèle américain, berceau de toutes les inégalités, et choisissons de vivre une véritable social-démocratie où l'égalité des chances et la justice sociale gouvernent nos choix de société, autrement dit, une société fondée sur la redistribution de la richesse, sur la solidarité sociale, sur un véritable soutien aux familles, sur l'universalité des services sociaux, d'éducation et de santé.

Or, la situation actuelle, malgré – on le reconnaît tout à fait – certaines politiques intéressantes, comme les garderies à 5 $ par jour, c'est qu'il y a trop de pauvreté au Québec. La situation, c'est aussi que la classe moyenne est trop imposée et a le sentiment de recevoir de moins en moins de services pour ce qu'elle paie, à moins de payer. La situation, c'est aussi que les forces du marché favorisent de plus en plus les riches et que l'État doit absolument intervenir pour rétablir un peu d'égalité.

Conséquemment à cette introduction, notre mémoire s'appuie sur sept principes. Les réformes que nous voulons soumettre doivent contribuer à maintenir et renforcer la progressivité du régime d'impôts et de transferts. Nous reconnaissons donc qu'il y a une certaine progressivité au Québec.

Le régime fiscal doit assurer un revenu minimum à tout le monde, basé sur des estimations réalistes des besoins essentiels des personnes qui en ont besoin, et ce revenu minimum doit être pleinement indexé au coût de la vie.

Troisièmement, dans un esprit de solidarité sociale, les services et revenus jugés comme essentiels à la santé et à la pleine participation dans une société démocratique doivent être accessibles à tout le monde de façon universelle.

Quatrièmement, le gouvernement doit continuer d'accroître sa contribution aux besoins essentiels des enfants.

Cinquièmement, le régime fiscal et de transferts doit mieux reconnaître le travail auprès des enfants, et cela, en accordant un soutien financier directement aux personnes qui l'effectuent – la plupart du temps, des femmes – au lieu de donner un avantage fiscal à leur conjoint.

Sixièmement, le régime fiscal et de transferts doit être structuré de façon à encourager le travail ou le retour aux études et favoriser l'indépendance financière. Toutefois, le fait d'améliorer le sort des personnes travaillant dans un emploi à faible salaire ne devrait pas s'accompagner d'une réduction du revenu minimum offert aux bénéficiaires du programme de dernier recours.

Et finalement – et ce n'est pas ce qui se passe vraiment à Emploi-Québec – toute personne qui le requiert doit avoir accès à des services de bonne qualité afin de l'aider à bien intégrer le marché du travail.

Ce sont donc les sept principes qui ont servi de base à l'ensemble de nos recommandations.

Je voudrais donc immédiatement aborder la question de la sécurité du revenu, mes compagnes continueront ensuite sur la politique familiale et sur d'autres mesures. On ne reprendra pas tous les points de notre mémoire – vous l'avez lu – mais les points qui, à nos yeux, sont peut-être les plus importants.

D'abord, il est important de dire, et nous l'affirmons chiffres à l'appui, que, si les contribuables à revenus moyens ont subi une perte de revenus depuis 1980 suite à une imposition excessive, ce sont les personnes assistées sociales qui ont perdu le plus depuis 1993, et nous le démontrons dans des tableaux que vous trouverez à la fin de notre mémoire, les tableaux 2 et 3. La raison en est assez simple. Premièrement, lorsque vous n'indexez pas les maigres prestations de personnes assistées sociales – et elles n'ont pas été indexées depuis 1993 – en dollars de 1999, ce que vous êtes en train de faire, c'est de diminuer les revenus disponibles de ces personnes-là en rapport avec leur pouvoir d'achat. Ça, c'est la première chose. La deuxième, c'est qu'on sait évidemment que depuis 1996 il y a eu de nombreuses coupures à l'aide sociale – je ne vous en ferai pas la liste – ça a contribué à continuer de diminuer les revenus des plus pauvres. Évidemment, on pourrait rajouter à ça les pertes au plan de l'allocation-logement, les pertes au plan des médicaments, etc. Autrement dit, le vrai scandale dans la perte de revenus de citoyennes et citoyens québécois, ce n'est pas chez les plus riches qu'on le trouve, certainement pas, c'est chez les plus pauvres.

(11 h 40)

Vous comprendrez donc évidemment que nous recommandons que le programme de sécurité du revenu offre à tous les ménages un revenu minimum qui couvre l'ensemble de leurs besoins essentiels. Il s'agit de s'assurer qu'au Québec personne – homme, femme ou enfant – ne souffre du froid ou de la faim parce qu'il est pauvre. Et vous savez qu'en ce moment on assiste à une prolifération des banques alimentaires et des prêteurs sur gages, qui devrait nous faire réfléchir sur la justice redistributive au Québec. Une fois rétablis, les barèmes de la sécurité du revenu doivent être indexés annuellement et ne doivent faire l'objet d'aucune coupure. Les médicaments doivent redevenir gratuits pour l'ensemble des bénéficiaires à l'aide sociale. Parce qu'on l'a vu, premièrement, avec l'introduction d'une franchise pour paiement de médicaments, on est venu inciter un certain nombre de personnes assistées sociales à devoir choisir entre se nourrir ou payer des médicaments; deuxièmement, il y a des personnes qui ne prennent que sporadiquement leurs médicaments et à qui ça cause des problèmes de santé importants.

Donc, ce que nous croyons, en ce qui concerne les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, et je dirais particulièrement les personnes à l'aide sociale, le débat sur la réduction des impôts, en fait, est un débat qui n'existe même pas pour elles qui ne paient pas d'impôt, mais ce qui devrait exister, c'est que, si on est capable de réduire un tant soit peu les impôts de la classe moyenne, donc d'assurer un meilleur revenu aux personnes de la classe moyenne, en toute justice, on doit assurer un meilleur revenu aux gens les plus pauvres.

Et je donne la parole à Sylvie Lévesque pour la politique familiale.

Mme Lévesque (Sylvie): Dans un monde où des milliards de dollars se transigent d'une simple pression du doigt, où les profits astronomiques des mégabanques font régulièrement la manchette des journaux et où la loi du marché semble avoir préséance sur celle du gros bon sens, on peut se demander s'il reste un peu de place pour les préoccupations des gens ordinaires: les fins de mois qui viennent trop vite, les factures à payer, le plus vieux qui veut des espadrilles à 100 $, la petite dernière qui doit aller chez le dentiste, le déménagement qui s'en vient. Tout ça semble bien anodin à côté des grands enjeux et politiques qui caractérisent le monde moderne. Pourtant, la vraie vie des milliers de familles au Québec, c'est d'avoir à composer avec une pauvreté de plus en plus sévère pendant que l'État se décharge de ses responsabilités sur le dos des plus démunis.

Parmi les plus durement touchés par les divers moyens que le gouvernement a choisis pour atteindre son déficit zéro, on retrouve les familles monoparentales. On comprend mal la logique de nos dirigeants et dirigeantes lorsque, d'un côté, ils mettent sur pied des lois censées améliorer la condition de vie de ces familles – perception automatique des pensions alimentaires, politique familiale, abolition de la coupure pour le partage du logement – et de l'autre, il s'empresse de récupérer ces privilèges à leur avantage. Sur quoi au juste se base le gouvernement du Québec lorsqu'il élabore de nouvelles lois et de nouvelles politiques? Certainement pas sur une volonté réelle d'enrayer la pauvreté et l'exclusion.

En 1997, le gouvernement instaurait une nouvelle politique familiale qui, lorsqu'elle sera complétée, permettra l'accès à des places en garderie à 5 $ par jour pour un grand nombre d'enfants d'âge scolaire ou préscolaire et de soustraire les enfants de l'aide sociale, en ce sens que leurs besoins essentiels sont désormais assurés par une combinaison de la nouvelle allocation familiale de la prestation fiscale pour enfants. Bien qu'on reconnaisse les effets bénéfiques de cette nouvelle politique familiale, il n'en demeure pas moins que pour la financer le gouvernement a aboli des allocations de jeune enfant et les allocations de naissance, éliminé les allocations familiales de base pour les familles disposant d'un revenu supérieur à 50 000 $, mettant ainsi fin à l'universalité. En effet, l'abandon et le recul progressif par rapport au principe de l'universalité en faveur des mesures sélectives renforcent les iniquités entre les familles. Pour nous, une allocation universelle serait une réaffirmation de l'engagement du Québec en faveur des enfants.

Comme je dispose de peu de temps pour présenter en détail les cinq raisons qui font qu'on demande l'universalité des mesures, je vous invite à lire notre mémoire, pages 15 et 16. On pourra revenir tantôt.

Nous estimons que les besoins essentiels des enfants qui servent à déterminer l'allocation familiale du Québec accordée aux familles les plus pauvres et à fixer le montant du crédit non remboursable pour enfants à charge ne sont pas suffisamment considérés actuellement. Ils sont nettement insuffisants et n'ont pas été indexés depuis 1993. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement du Québec reconnaisse les montants suivants pour les besoins essentiels des enfants: pour un premier enfant d'une famille biparentale, à 4 300 $, qui est actuellement à 2 600 $; pour le premier enfant d'une famille monoparentale, à 6 700 $, qui est actuellement 3 900 $; et pour chaque autre enfant à 3 350 $, qui est actuellement 2 400 $. Nous demandons que ces montants soient indexés au coût de la vie et que l'on rétablisse un crédit remboursable de taxe de vente pour les enfants ou que l'on inclue un montant additionnel dans ces estimations des besoins essentiels.

J'aimerais, en terminant, citer M. Yves Séguin, qui est un avocat et un ex-ministre du Revenu au gouvernement du Québec, lors du forum sur la fiscalité en 1999, qui disait: «Si les hommes donnaient naissance aux enfants, depuis longtemps, les politiques familiales ne dérangeraient plus le gouvernement.» Je souhaite que cette réflexion de M. Séguin alimente celle de nos dirigeants et dirigeantes, dont la responsabilité est de tenir compte des besoins des familles dans l'élaboration des politiques.

Mme Lachaîne-Gingras (Nicole): Alors, abordant la troisième partie de cette présentation, on veut attirer votre attention sur quelques moyens simples et réalistes qui permettraient de mieux répartir la richesse collective et de favoriser l'autonomie des femmes – puisqu'on est un groupe de femmes, on pense aux femmes et à la société – et ce, dans un contexte de solidarité sociale.

Alors, cette partie s'articule autour des ménages à faibles et moyens revenus. Et une balise qu'on voudrait mettre de l'avant, c'est que, si un avantage fiscal est accordé pour une personne, que cette personne devrait pouvoir le toucher elle-même au lieu d'être obligée de le transférer à une autre personne, un parent ou un conjoint. Alors, nous voulons récupérer une partie de la valeur perdue à cause de l'inflation en établissant le montant personnel de base à 6 500 $ et le montant forfaitaire à 2 000 $, en reconnaissant naturellement les besoins essentiels reconnus pour les fins de l'aide sociale et, en plus, l'indexation. Ne pas confondre le montant forfaitaire simplifié avec l'exonération de l'impôt pour tenir compte des coûts reliés à l'emploi.

Et une partie bien importante que l'AFEAS porte depuis de très nombreuses années et dont vous avez eu une pétition à un moment donné de 52 000 noms, qui demandait que le crédit d'impôt non remboursable soit un crédit d'impôt remboursable payé à la personne qui fait don un peu de son revenu personnel, qui sacrifie un revenu personnel pour accomplir un rôle social, celui du soin aux enfants. Et je voudrais spécifier que le taux de chômage est encore à 9 %, que des femmes remettent, et les jeunes, souvent en question la double tâche et la conciliation difficile entre le travail et la famille. Et des femmes choisissent, et aussi des hommes, de demeurer à la maison pour prendre soin des enfants. C'est un rôle social important. Quand on veut augmenter la natalité, je pense qu'il faut aussi reconnaître le travail invisible des femmes. Et ça, c'est très important pour nous.

On veut aussi, pour la personne vivant seule, indexer le montant des crédits d'impôt non remboursables indépendamment de son niveau de revenu.

Pour aider la classe moyenne, pour la famille, baisser le taux de récupération de 3 %, changer la table d'impôt en fixant à 19 % le taux d'imposition de zéro à 38 000 $ et à 22 % pour les revenus de 38 000 $ à 60 000 $, et transformer le taux de récupération des crédits d'impôt non remboursables à 22 %. Vous avez à cette fin des tableaux qui vous démontrent la réalité, le réalisme de ces propositions.

Réaffirmer son soutien aux personnes travaillant à faible salaire en simplifiant au profit des familles les avantages, comme le programme APPORT, la subvention de 3 $ pour frais de garde. Revoir les abris fiscaux des particuliers, des corporations, réinvestir dans les services de santé et d'éducation et d'autres programmes sociaux afin d'améliorer le bien-être – on ne parle même pas de mieux-être mais de bien-être de la population – réinvestir pour créer des emplois et accroître les revenus des travailleurs et travailleuses du Québec. C'est pour ça qu'on croit que diminuer les impôts pour la classe moyenne permettrait de réinvestir de l'argent au Québec. C'est important que ces personnes puissent avoir des revenus suffisants pour pouvoir dépenser et faire croître l'économie. Et ça pourrait en même temps accroître des emplois.

En dernier lieu, nous nous opposons à toute augmentation de la TVQ. Nous croyons qu'il faudrait la baisser, car elle est une taxe régressive qui incite à l'évasion fiscale.

En conclusion, nous espérons que toutes ces demandes, dans un contexte de surplus budgétaire... Alors, vous allez nous demander où on va prendre l'argent pour tout ça. Alors, c'est l'annonce d'un surplus budgétaire qui nous dit que ça serait important de rétablir la justice sociale, que le gouvernement ne sera pas aveuglé par tous ceux qui veulent augmenter leur propre richesse au détriment d'un segment de la population qui, depuis deux décennies, fait les frais des coupures et du désengagement de l'État. C'est avec un élan du coeur que nous insistons pour réparer le tort fait aux plus démunis de notre société, redistribuer la richesse collective issue des impôts et corriger la mauvaise répartition du revenu qui découle d'une économie de marché, afin d'améliorer le bien-être des ménages au Québec, réunir les conditions gagnantes pour qu'il fasse bon vivre dans un Québec qui considère et traite ses enfants et ses familles comme une richesse, reconnaître les bâtisseurs du Québec n'est pas seulement une question économique, c'est aussi une reconnaissance sociale.

(11 h 50)

Merci de l'attention que vous portez, et nous attendons avec impatience depuis deux décennies que la justice sociale soit éclatante au Québec. Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup d'avoir réussi l'exploit de nous présenter un mémoire aussi dense, avec autant de chiffres et de tableaux, en si peu de temps et de manière compréhensible. Alors, c'est presque un exploit. J'invite tout de suite le ministre des Finances à être le premier à réagir.

M. Landry: M. le Président, sans porter atteinte au travail de quiconque, je pense que le mémoire qu'on a devant nous est probablement un des plus fouillés qui nous aient été présentés et qui ont donné le plus d'ouvrage à nos analystes du ministère des Finances, qui ont reconnu facilement, comme je l'ai fait moi-même, la marque de ma collègue de l'UQAM, qui est une des meilleures spécialistes du Québec sur ces questions et qui nous avait d'ailleurs fait l'honneur de participer à la commission D'Amours sur la fiscalité, où ces problématiques avaient été aussi évoquées.

Donc, ce mémoire, il est impressionnant. Nous l'avons regardé dans ses moindres détails. On a même mis un coût sur les mesures que vous préconisez, et je vais le déposer. Mais vous en avez mis pour 5 000 000 000 $, 5 700 000 000 $, presque 6 000 000 000 $. Nous sommes à votre disposition évidemment – je parle des techniciens des Finances – pour discuter de chacun des items, si vous voulez bien le faire dans les jours qui viennent. Mais ça fait beaucoup d'argent, ce qui m'amène à vous demander un commentaire général sur ceci.

Nous sommes tous des députés, nous, ici, alors, on représente des populations. Dans mon cas, j'ai un vaste complexe pétrochimique, dans ma circonscription, à Varennes. Prenons le cas d'une jeune ingénieure cadre dans ce complexe pétrochimique, qui sait parfaitement qu'elle paie beaucoup plus d'impôt que sa collègue de Sarnia, qui fait à peu près le même travail, et beaucoup plus encore que sa collègue de Wilmington, au Delaware, qui fait la même chose. J'enlève Wilmington, parce que je suis d'accord avec vous que notre idéal, notre barème, n'est pas la société des États-Unis d'Amérique. Et pour ça, je vous fais le compliment d'élever votre voix, et puissamment, contre la pensée unique qui a tendance à dominer le monde – le monde occidental, en tout cas – depuis l'effondrement du mur de Berlin et qui fait qu'on n'entend plus de critiques très fondamentales des divers systèmes économiques et du système économique dominant. Vous le faites, vous le faites de façon articulée, vous le faites inlassablement. Mais, une fois qu'on a entendu cette critique et qu'on essaie de faire tout ce qu'on peut pour en tenir compte, on revient à cette jeune ingénieure qui dit: Moi, je suis taxée plus que ma collègue ontarienne, alors que, en plus, ma société est exemplaire et non parfaite. Et je m'explique.

La société québécoise est exemplaire et non parfaite en matière sociale, parce que, sur le plan de la fiscalité, notre fiscalité, hors de tout doute, est la plus progressiste. Il y a 2 000 000 de contribuables qui ne paient pas d'impôt, et c'est au Québec que les plus démunis, dans notre continent nord-américain, sont les mieux traités par la fiscalité, et peut-être dans le monde, parce que la fiscalité européenne est surtout basée sur la taxe à la valeur ajoutée, qui est une taxe extrêmement régressive. Nous, on en a une taxe de vente, puis on la compense, puis on la surcompense pour tous les démunis qui reçoivent deux chèques par année. Alors, premier point: fiscalité extrêmement sociale-démocrate.

Deuxième point: répartition sociale plus généreuse que le reste du Canada. Les programmes sociaux du Québec, contextualisés dans les coûts essentiels pour les ménages au Québec, sont plus généreux qu'en Ontario, même si l'Ontario est 20 % plus riche que nous. Puis au cours des dernières années, c'est devenu flagrant. Je vous donne quelques chiffres qui sont à votre disposition aussi, que vous avez peut-être déjà. L'évolution des revenus d'assistance sociale, de 1989 à 1996, en dollars constants – parce que je sais que vous utilisez la méthode des dollars constants, ce qui est aussi ce qu'il faut faire, il faut tenir compte de l'inflation – pour les familles monoparentales ayant un enfant, le Québec a augmenté de 14 %, l'Ontario a baissé de 11 %. Pour les couples ayant deux enfants, le Québec a augmenté de 2 %, l'Ontario a baissé de 9 %. Pour les personnes seules, inaptes au travail, le Québec a augmenté de 10 %, l'Ontario a augmenté aussi, mais de 6 %. Et pour les personnes seules, aptes au travail, le Québec a augmenté de 44 % et l'Ontario a baissé de 12 %.

Je reviens à cette jeune ingénieure de Varennes. Elle a l'impression que sa Société est une société généreuse et elle se trouve accablée par le fardeau fiscal. Donc, globalement, comment est-ce qu'on va réconcilier ça? Vous demandez pour 5 000 000 000 $ de plus. Ça veut dire non seulement que la jeune ingénieure n'aura pas de baisse d'impôts, mais on va monter ses impôts parce que, 5 000 000 000 $ de marge de manoeuvre, on n'a pas ça.

Si vous me parliez de ce qui se passe à Ottawa... Et hier j'étais avec les ministres des Finances de ce qu'ils appellent «les provinces et les territoires», à Toronto. Bien, Ottawa avoue une marge de 100 000 000 000 $ sur cinq ans. Le drame, c'est que c'est Mme Marois qui a des problèmes avec les urgences, puis l'oncologie, et les cliniques, et c'est M. Legault qui doit discuter avec les enseignants et les enseignantes. Les besoins sont ici, les surplus sont là-bas. C'est extrêmement frustrant. J'espère que ça l'est pour vous comme pour nous. Les dépenses fédérales montent beaucoup moins vite que les nôtres. Les dépenses fédérales, c'est la défense, fort heureusement. C'est l'aide aux personnes âgées qui a tendance à être assez stable, c'est les transferts aux provinces qui ont coupé de façon dramatique. On a 5 000 000 000 $ de moins cette année seulement à cause de leurs coupures. Il y a un certain nombre d'autres dépenses moins cruciales que la santé. Alors, qu'est-ce qu'on fait vis-à-vis de ça? C'est ma première problématique générale.

Entre la première et ma deuxième, un petit détail. Vous avez dit, Mme David – et généralement, je l'ai dit, votre mémoire est d'une extrême précision – qu'on n'indexe pas l'aide sociale. Il y a une petite erreur là-dedans à cause des – vous avez compris tout de suite – inaptes. Les inaptes, qui forment 28 % du contingent, sont indexés à 100 % de l'inflation. On est d'accord? O.K. C'était un oubli, disons.

Et enfin, la deuxième partie de ma problématique, c'est aussi une question d'espérance ou de désespérance. Vous nous dites que les comptoirs alimentaires augmentent, que les gens sont de plus en plus pauvres, et je ne le nie pas. Mais je vous demande de m'expliquer – puis je l'ai demandé à certains collègues puis à certains fonctionnaires qui sont très savants, puis ils ne m'ont jamais donné encore une réponse satisfaisante: Comment se fait-il que le chômage, qui est la plus grande plaie sociale, était naguère à 14 % puis qu'il est tombé à 9 %? On n'est pas satisfait, mais on est content. Il y a 5 % de moins de chômage. Comment se fait-il que le nombre d'assistés sociaux qui étaient en ménage à 483 000 en 1996 est tombé à 410 000? Donc, les deux indicateurs les plus cruciaux de la détresse sociale, chômage et présence à l'aide sociale, descendent de façon notable, et vous me dites que la pauvreté augmente. Je ne dis pas que c'est impossible, mais ça demande démonstration. Parce que, si le chômage baisse, puis le nombre d'assistés sociaux diminue, puis la pauvreté augmente, bien, ça devient désespérant pour les gens comme vous qui font une lutte à la pauvreté. Parce que même les indicateurs positifs font que plus ça bien, plus ça va mal. Vous comprenez ce que je veux dire?

Mme David (Françoise): Oui. Vous avez pas mal de questions, là, vous faites un trois dans un.

M. Landry: Oui, je m'excuse. Mais votre mémoire est touffu et dense, comprenez-vous?

Mme David (Françoise): C'est vrai, il faudra en parler plus longtemps qu'une heure. Ruth voudra dire des choses sur votre estimation des coûts.

(12 heures)

Moi, j'aimerais d'abord, avant de parler des personnes très pauvres, qu'on parle de votre jeune ingénieure. Nous ne nions pas – et vous le savez très bien, puisque vous avez étudié attentivement notre mémoire – qu'effectivement les personnes de la classe moyenne paient trop d'impôt. C'est pour ça qu'on propose, vous l'avez vu, une diminution des impôts. Donc, ça pourrait faire plaisir à votre jeune ingénieure. J'aimerais lui dire aussi que, si elle compte avoir des enfants, il vaut quand même mieux vivre au Québec, où les coûts de garderie et de services de garde s'élèvent à 5 $ par jour. J'ai des amis de la classe moyenne qui vivent en Ontario, qui paient 250 $ par semaine pour faire garder un enfant, 250 $. Ce n'est pas des gens qui gagnent 100 000 $ et plus. Alors, ça va quand même lui sauver pas mal d'argent. Il y a des chances que le coût de son loyer ou de sa maison soit moins élevé aussi. Et on propose aussi, dans notre mémoire, que cette personne de la classe moyenne vive un retour à l'allocation universelle, alors qu'en ce moment, si son revenu familial est de 50 000 $ et plus, elle n'a plus d'allocations familiales.

Donc, l'un dans l'autre, moi, je lui dis: Ne quittez pas le Québec, madame. Je ne dis pas que c'est facile pour tout le monde, au contraire. L'Ontario a peut-être ses vertus pour des gens qui ont pas mal d'argent, mais je pense quand même qu'avec un salaire d'ingénieur au Québec, franchement, là, on est capable de vivre. Je suis absolument convaincue de ça.

Deuxièmement, nous disons que nous avons des choix politiques à faire. À un moment donné, on peut débattre de chiffres à n'en plus finir, mais, à la fin, la question qui se posera aux politiciens et aux politiciennes du Québec, c'est: Quel choix allons-nous faire entre prendre les surplus que nous avons, qui sont de l'ordre de 1 300 000 000 $ – ça, c'est le surplus avoué, mais beaucoup ont l'air de dire que c'est plus que ça – qu'est-ce qu'on fait avec cet argent-là? Est-ce qu'on a tellement peur de l'exode des cerveaux qu'on dit: Il faut que, dans nos scénarios de réduction d'impôts, nous allions d'abord réduire les impôts des gens les plus riches, ou si nous faisons le choix conscient, lucide et éclairé de privilégier les gens qui en ont moins et de prendre d'autres moyens que la réduction des impôts pour inciter nos spécialistes, les gens qui ont fait de longues études, financées, d'ailleurs, par les contribuables québécois – on ne le leur dira jamais assez, à ces gens-là – à rester au Québec et à travailler au Québec? Ce n'est pas tellement une question de taxation comme une question de fournir des laboratoires, des instruments de recherche, des salles d'opération, bon, etc., fournir des emplois, tout simplement.

L'autre question. Bon, Ottawa, on s'entend, ça, c'est clair, il y a un problème là. C'est évident qu'il y a un manque à gagner au Québec, comme dans les autres provinces, et qu'il faudrait qu'il y ait un front commun des provinces – est-ce atteignable? – pour aller chercher plus d'argent à Ottawa qui, finalement, se promène avec des surplus incroyables qu'il est allé chercher dans la poche des gens, particulièrement des chômeuses et chômeurs.

Troisièmement, la pauvreté. Vous dites: Il y a moins de chômage au Québec et il y a moins de ménages à l'aide sociale. Je ne conteste pas vos chiffres, et pourtant, nous, nous vous disons: Il y a une pauvreté assez affolante au Québec. L'hypothèse que je serais portée à faire, c'est que, premièrement, même pour les gens qui travaillent, il y a de plus en plus de gens, de jeunes en particulier, qui travaillent dans une précarité telle que ce n'est même pas évident de dire qu'aujourd'hui au Québec on travaille et on n'est pas pauvre. Le salaire minimum, vous l'avez gelé cette année. En tout cas, il n'a pas encore augmenté au 1er octobre. Le marché du travail est fondé vraiment sur la précarité des employés, hommes et femmes. Les femmes sont plus pauvres parce qu'elles travaillent davantage à temps partiel, parce qu'il n'y a pas d'équité salariale, parce qu'elles sont souvent au salaire minimum. On peut travailler et être pauvre au Québec. On peut être chômeur et être pauvre au Québec. Et, si on est une personne à l'aide sociale, on est résolument pauvre au Québec parce...

M. Landry: ...Mme David, tout en m'excusant. Si, au salaire minimum, au Québec, on est pauvre, et, comme vous l'avez bien dit, c'est cette catégorie de la population qui est la plus favorisée par rapport à l'Ontario, qu'est-ce que ça doit être en Ontario, province la plus riche du Canada, alors que le salaire minimum en Ontario est plus bas qu'ici?

Mme David (Françoise): Exact. Alors, faisons mieux et continuons de faire mieux. Si on dit: Le Québec veut vivre dans une société avec un modèle différent, avec une façon de voir différente, ne nous arrêtons pas en chemin. Continuons d'augmenter notre salaire minimum, continuons d'investir dans nos programmes sociaux. Non seulement indexons, mais rehaussons de façon sérieuse les barèmes de l'ensemble des personnes à l'aide sociale, et non seulement des personnes qui sont au soutien financier. Ces personnes-là vont pouvoir vivre plus décemment, premièrement; c'est une question bête de justice sociale. Deuxièmement, en ayant des revenus un petit peu plus décents pour vivre, ce sont des personnes qui vont contribuer aussi davantage à l'économie. Hausser les salaires, hausser les prestations, ce n'est pas des pertes pour l'État. L'État vient aussi tirer des revenus, des impôts, des taxes que les personnes paient.

Alors, moi, je ne me chicanerai pas sur les chiffres, mais je pense qu'il faut admettre l'existence d'une couche de la population qui vit dans une pauvreté sévère au Québec. Je vous ai parlé de banques alimentaires. On peut parler de prêteurs sur gages qui étaient à peu près éliminés dans les années quatre-vingt et qui prolifèrent dans nos quartiers pauvres des grandes villes maintenant, des villes moyennes et des petites villes. Il y a des signes au Québec qui ne trompent pas sur l'augmentation de la pauvreté. Et là je passe la parole à Ruth sur l'estimation des coûts de ce que nous demandons.

Mme Rose (Ruth): Bon. Je suis bien contente d'avoir des estimations, parce que je n'étais effectivement pas capable de les faire. Je voulais juste faire des remarques sur deux points en particulier. Le premier, c'est la conversion des crédits non remboursables en crédits remboursables. Alors, en principe – et c'est ce qu'on m'a enseigné en économie; la commission Carter, c'est un des grands éléments qu'ils ont fait ressortir – donner un même montant par une réduction d'impôts que par un crédit, un transfert – un crédit remboursable est une forme de transfert – ça coûte la même chose.

Une voix: ...

Mme Rose (Ruth): Attendez, je n'ai pas fini. Alors, la plupart des gens qui sont des contribuables bénéficient déjà de la valeur du crédit remboursable, ils en bénéficient pour eux et pour leur conjoint. Les personnes qui ne bénéficient pas actuellement du crédit non remboursable, ce sont les gens qui ont des faibles revenus, mais qui, pour la plupart, sont des assistés sociaux, des étudiants – d'ailleurs, dont les parents peuvent bénéficier de l'équivalent de ce crédit-là – et certaines autres personnes qui en bénéficient de façon indirecte. Alors, on s'attend donc effectivement – c'était dans une note de notre mémoire – à ce que, si on transfère ces crédits non remboursables en crédits remboursables, on ajuste les programmes de prêts et bourses et les programmes d'aide sociale pour en tenir compte.

M. Landry: Qu'on baisse l'aide sociale et les prêts et bourses en conséquence.

Mme Rose (Ruth): Oui.

M. Landry: Parce que, si on ne fait pas ça, à première vue, c'est un des gros items du 5 700 000 000 $, c'est 1 200 000 000 $ pour cette mesure seule. Mais on va tenir compte de votre dernière remarque puis on va rechiffrer, à moins qu'on l'ait déjà fait.

Une voix: L'aide sociale, ça a été baissé.

M. Landry: Hélas! On l'avait déjà fait.

Mme Rose (Ruth): Puis, en plus, on...

M. Landry: Ça veut dire que c'est 1 200 000 000 $ net. On pourra en discuter...

Mme Rose (Ruth): Ce chiffre-là... Parce que la plupart des gens en bénéficient... Ça implique aussi d'abolir le crédit pour les enfants en haut de 18 ans qui sont aux études. En tout cas, comme adultes, ils vont le recevoir eux-mêmes.

M. Landry: Nos fonctionnaires seront ravis de repasser une heure avec vous uniquement sur ces questions, à votre convenance, quand vous voudrez.

Mme Rose (Ruth): D'accord. Parce que...

M. Landry: Mais, à première vue, c'est ça que ça donne, même en tenant compte de la réduction.

Mme Rose (Ruth): Ce chiffre-là m'étonne énormément. L'autre point... Je ne sais pas si c'est une estimation qui est mise dans l'allocation universelle pour enfant, parce qu'on ne parle pas aussi d'augmenter les besoins essentiels pour les enfants à revenus faibles, mais on s'attend à ce que le gouvernement fédéral fasse une partie importante du montant de base pour les enfants qui reçoivent le maximum des allocations universelles actuellement.

M. Landry: Là, on vous a mis un crédit de 774 000 000 $. On l'a mis en moins de la facture globale. On a été cohérent avec...

Mme Rose (Ruth): Oui, ça, c'est l'élimination du crédit non remboursable pour les enfants. Ça, je comprends.

M. Landry: Non. Élimination des montants des besoins essentiels à l'égard des enfants à charge, on a mis moins 774 000 000 $.

Mme Rose (Ruth): Oui. Mais, moi, je ne parle pas de ça. Dans les besoins essentiels des enfants, actuellement, c'est les familles monoparentales qui ont moins de 15 332 $ puis les familles biparentales qui ont moins de 21 000 $. On vous demande d'augmenter les besoins essentiels des enfants. Actuellement, par exemple, pour le premier enfant d'une famille, c'est 2 600 $, puis on vous demande d'augmenter ça à 4 300 $, je pense, mais on s'attend à ce que le fédéral paye au moins la moitié de cette augmentation-là.

(12 h 10)

M. Landry: Bon, c'est vrai, et voici quelle est notre attitude là-dessus. Quand ils avancent, on recule. Bon. En soi, là, s'il n'y avait pas de question constitutionnelle, s'il n'y avait pas de discussions sur la Constitution de 1867 puis celle de 1982, puis s'il n'y avait pas les droits sacrés du Québec en matière sociale qui sont défendus par les gens d'en face comme par nous, il n'y aurait pas de problème. Mais là, ce qu'ils sont en train de faire, c'est de nous évacuer du champ. Est-ce que le peuple québécois et la nation québécoise sont prêts à ne plus s'intéresser, au niveau étatique de leur solidarité, à ce champ d'activité? C'est une question sérieuse. Si on se place au-dessus des peuples et des nations et des juridictions, si on est tous citoyens du monde, bien, là, on n'en a rien à cirer que l'argent vienne d'une place ou de l'autre, mais il y a un contexte québécois très lourd, là. Depuis la commission Castonguay au cours des années soixante, il y a une constante que la population québécoise, à travers ses élus, ne veut pas que le fédéral envahisse ses champs de juridiction, et en particulier en matière sociale et d'éducation.

Mme Rose (Ruth): Je comprends très bien ça, sauf que la réalité, c'est que le fédéral est en train d'investir dans les enfants. La dernière réforme de la politique familiale, le Québec s'est ajusté aux augmentations du fédéral...

M. Landry: C'est vrai.

Mme Rose (Ruth): ...et la revendication demeure toujours que, si le fédéral investit dans les enfants, effectivement, on veut le rapatrier. Mais ça va sans dire qu'il y a quand même des recettes qui viennent combler nos augmentations des bénéfices pour les enfants. Alors, moi, je ne fais pas du tout...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je m'excu7se de devoir interrompre ce dialogue. Moi-même, j'avais des questions que je trouvais passionnantes et je devrai m'en priver. Je vais passer la parole à l'opposition. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. D'abord, je veux en particulier dire à Mme David qu'à titre d'ancienne vice-présidente de la Fédération des femmes du Québec – il y a de ça quelques lunes, je ne dirai pas combien, mais ça fait déjà un certain temps – j'ai beaucoup apprécié votre mémoire, j'ai trouvé ça intéressant. Et je voulais simplement soulever quelques points, par ailleurs. Mme Ruth Ryan, je vois que...

Une voix: Rose.

Mme Jérôme-Forget: Rose. Bon. Parce qu'on voyait dans notre... Ruth Rose, c'est ça. Je pensais qu'il y avait un nouveau nom qui apparaissait.

Mme Rose (Ruth): Je ne suis pas rendue la fille de M. Ryan.

Mme Jérôme-Forget: C'est pour ça, je la connaissais, Ruth. Alors, vous êtes consciente... Même si on ne prend pas comme exemple... Et on ne veut pas prendre l'exemple des États-Unis. Imaginons qu'on ne veuille pas prendre l'exemple de l'Ontario, mais prenons l'exemple des Pays-Bas, prenons l'exemple de la Suède, prenons l'exemple de l'Irlande. Est-ce que vous convenez que de baisser les impôts, puisque ça s'est beaucoup fait dans ces endroits-là, ça s'est traduit par une amélioration de l'environnement économique? Je pense notamment aux Pays-Bas où le taux de chômage était de 16 %, et il est aujourd'hui à environ 4 %, tellement qu'ils ont un problème de main-d'oeuvre aux Pays-Bas. Et on ne peut pas dire que les Pays-Bas, c'est un pays à orientation très capitaliste. C'est un pays qui a un régime social très développé, et même plus développé que le nôtre. Au niveau des services de santé, il y a une couverture beaucoup plus étendue que la nôtre. Alors, ils ont opté pour ce choix-là. Voilà des exemples, je vous en ai donné trois, et ça s'est traduit par une augmentation de l'emploi de façon importante.

Deuxième point, vous mentionnez qu'en Ontario l'aide sociale... Le ministre mentionnait qu'on avait baissé l'aide sociale en Ontario. Il a raison, mais c'est encore plus élevé qu'au Québec, les prestations. Et ce pourquoi ils les ont baissées, c'est parce que, effectivement, il y a eu nombre de cas qui ont été indiqués où, effectivement, les gens avaient de tels revenus... Je me rappelle d'un témoignage qui avait été fait à la télévision, où la personne avait avoué très candidement que, pour elle, il n'y avait pas d'incitatif à aller travailler. Alors, c'est pour ça qu'ils ont fait un ajustement. Je ne veux pas défendre l'Ontario, n'est-ce pas, ici. Moi, je suis au Québec, et c'est ce qui m'intéresse, mais je voudrais que, quand même, on reconnaisse peut-être ce qui se passe chez nos voisins.

Vous mentionnez, pour une question plus spécifique – peut-être que vous pourrez réagir à ces points – les garderies à 5 $. Moi, j'ai des nouvelles à vous apprendre. Je ne sais pas, vous me dites que c'est un régime universel. Je rencontre depuis quelque temps des groupes de femmes qui ont fait toutes les démarches pour obtenir des garderies dans le centre de Montréal, qui sont même incapables de se mettre sur des listes d'attente qui sont de deux ans, et qui travaillent, et par conséquent, leur seule possibilité, c'est de se prendre quelqu'un à domicile. Elles ne peuvent pas trouver de garderie. D'accord? Ni privée, ni à 5 $. Alors, quand on me parle d'un régime universel de garderie, moi, je rencontre presque toutes les semaines, dans le moment, des groupes de femmes qui me disent qu'elles n'ont pas de place en garderie tout court, qu'elles paient ou qu'elles paient seulement 5 $. Alors, je pense qu'il faudrait arrêter de dire qu'on a un régime universel de garderie à 5 $, ce n'est pas le cas.

Par ailleurs, vous mentionnez que vous voulez rétablir les allocations familiales pour avoir un régime d'équité horizontale, c'est-à-dire faire une distinction entre les familles qui ont des enfants versus les familles qui n'ont pas d'enfants. Je pense que c'est là un objectif tout à fait légitime. Est-ce que vous êtes d'accord pour faire ça en plus des garderies à 5 $, ou si vous convenez qu'il faudrait repenser toutes les allocations qu'on a aujourd'hui à l'endroit des familles pour rétablir l'allocation familiale de façon universelle?

Mme David (Françoise): Une couple de choses. Je ne pense pas avoir prononcé le mot «universelles» en ce qui avait trait aux garderies, j'ai simplement dit qu'il y a un pas social important qui a été franchi au Québec avec l'instauration d'un système où la garderie coûterait désormais 5 $ par jour. Maintenant, nous sommes tout à fait au courant des ratés du système. Nous savons que ce ne sont pas toutes les familles qui, en ce moment, ont accès à ces places à 5 $ par jour. Et il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de trouver une place pour son enfant à la garderie, il faut s'inscrire presque avant d'être enceinte. Effectivement, il y a un problème de ce côté-là.

Cependant, on fait partie de groupes qui critiquent souvent les orientations gouvernementales, il faut quand même, quand une orientation nous convient, être capables de reconnaître – et nous le faisons – que c'est une très bonne idée que d'avoir des services de garde, en fait, qui sont variés à 5 $ par jour pour l'ensemble, éventuellement, je l'espère, des familles du Québec. Je me souviens, dans les années soixante-dix, d'avoir fait partie de la première génération de parents qui revendiquaient des garderies, un système de garderie universel et gratuit. Alors, vous comprendrez qu'on se réjouit des pas qui ont été faits dans cette direction-là.

Et pour répondre de façon très, très claire à votre question, le retour à une allocation familiale universelle ne doit en aucun cas remplacer un système universel – qui sera universel le plus vite possible, j'espère – de services de garde à 5 $ par jour pour toutes les familles qui voudront en bénéficier. Et notre propos ici, à nous, n'est pas d'opposer, comme certains le font, la réalité des familles dont l'un des deux parents, le plus souvent la femme, décide, pour toutes sortes de raisons, de rester à la maison avec des enfants en bas âge à la réalité des familles – et je dois dire que c'est quand même 70 % des familles – où les parents travaillent tous les deux et où on a besoin d'un service de garde. Il n'y a pas d'opposition entre nous. De toute façon, notre mémoire reconnaît cette possibilité des deux choix. Ce que nous disons, c'est: Continuons dans le sens des services de garde à 5 $ par jour, allons dans le sens aussi d'une allocation familiale universelle, et plus que cela, donnons aux parents qui s'occupent d'enfants, aux parents responsables d'enfants à la maison, un crédit d'impôt remboursable. Donc, c'est un système qui est, je dirais, complet par lui-même.

En ce qui a trait à la situation des personnes assistées sociales, nous ne partageons pas votre opinion à l'effet qu'il était peut-être compréhensible que l'on baisse les prestations d'aide sociale. En Ontario, ce que ça a produit, entre autres dans des grandes villes comme Toronto, c'est d'entasser deux ou trois familles dans le même logement parce qu'on n'est même plus capable de se payer un logement, il y a une augmentation de l'itinérance à Toronto, non seulement des personnes seules, mais des familles, des femmes avec des enfants. Alors, le gouvernement Harris n'a jamais été un modèle pour nous et ne le sera jamais, pour aucune considération.

Quant à la baisse des impôts, vous nous demandez: Est-ce que la baisse des impôts est bénéfique? Est-ce que la baisse des impôts, en soi, crée de l'emploi? Nous ne le pensons pas. Ce n'est pas une espèce de potion magique, la baisse des impôts: baissons les impôts et nous allons créer des emplois.

Je vous rappellerais aussi un chiffre qui m'a beaucoup frappée. Je l'ai appris il y a seulement un an ou deux: il est vrai qu'on est presque en situation de plein emploi aux Pays-Bas. Cependant, 80 % des femmes sont ou bien travailleuses à plein temps au foyer ou bien occupent des emplois seulement à temps partiel. Il est plutôt mal vu, dans ce pays, que des femmes occupent des emplois à temps plein. Quand j'ai appris ça, j'ai aussi compris pourquoi, évidemment, les femmes contribuaient à diminuer le taux de chômage. Et est-ce que c'est une liberté de choix, vraiment, chez les femmes, de rester à la maison? Est-ce que certaines d'entre elles voudraient travailler à temps plein? En tout cas, ça serait intéressant de creuser le sujet.

(12 h 20)

Il est évident qu'on connaît très bien l'espèce de roue économique à laquelle on fait souvent allusion: on baisse les impôts, les gens consomment plus; s'ils consomment plus, ils achètent plus; s'ils achètent plus, on produit plus; si on produit plus, on crée des emplois. Bon, en gros, je résume un peu vite, là, mais c'est ce que j'ai compris de mes leçons d'économie avec notre consultante. Et, dans ce sens-là, c'est vrai qu'une réduction d'impôts, mais de l'ordre de celle qu'on est capable de se payer, peut effectivement être relativement bénéfique. Mais, en même temps, il faut faire attention. Le Québec est en situation de croissance économique depuis très longtemps, et pourtant, même si on a réduit le taux de chômage, on ne l'a pas réduit autant qu'on aurait voulu. Alors, la création d'emplois et la croissance économique bénéfique pour tout le monde – et pas seulement pour les très riches – je ne pense pas que ça soit seulement une question de réduction d'impôts ou de charges sociales pour les entreprises, par exemple, qui le demandent abondamment.

Je pense qu'il y a des contextes économiques, je pense qu'il y a des façons d'aider à l'investissement, je pense qu'il y a la reconnaissance aussi que beaucoup de nouveaux emplois vont se créer dans le domaine des services, dans le domaine, entre autres, d'une économie sociale et solidaire, je pense qu'il va falloir parler de plus en plus de partage de temps de travail, de réduction du temps de travail. Il y a plusieurs façons de créer de l'emploi, y compris, d'ailleurs, les investissements que l'État peut faire dans les programmes sociaux. Donc, ce n'est pas que la réduction des impôts.

Mme Jérôme-Forget: Simplement, au titre des Pays-Bas, ce que je voulais vous mentionner par ailleurs, c'est que ce n'est pas ça qui a changé. S'il y avait un tel comportement social aux Pays-Bas – ou sociologique – ce n'est pas ça qui a changé de 16 % à 4 % le taux de chômage. Vous comprendrez que je suis d'accord avec vous: peut-être qu'on souhaiterait que les femmes veuillent travailler, si elles veulent travailler, aux Pays-Bas. Je mets en doute les chiffres que vous avez à l'effet que 80 % des femmes sont à domicile aux Pays-Bas. Je mets en doute ce chiffre-là.

Mme David (Françoise): Vous vérifierez.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, Mme David, Mme Lévesque, Mmes Lachaîne-Gingras et Ruth Rose, je suis heureuse de vous voir. En effet, comme disait le vice-premier ministre, le mémoire est très étoffé, est assez complet. Je voudrais aussi vous remercier pour l'engagement que vous avez pour la cause des femmes, la fidélité que vous avez aussi à l'égard de cette cause-là.

Il est tout à fait normal qu'on s'attende de vous, mouvement des femmes, que vous défendiez, évidemment, les personnes démunies, les personnes assistées sociales, mais j'ai constaté qu'il y a quand même un équilibre dans votre mémoire parce que vous soulignez aussi que la classe moyenne s'est appauvrie. Et je trouve ça rafraîchissant que vous puissiez faire la part des choses, de dire: Oui, il y a des démunis, il faut aussi qu'on s'en occupe, mais aussi vous constatez que la classe moyenne s'est appauvrie, et ça a un effet aussi.

Moi, je voudrais revenir sur la question des garderies. Évidemment, les garderies à 5 $, la politique familiale, ça ne se résume pas seulement à ça, bien que, dans la perception générale, on soit rendu à voir ça comme étant des synonymes. Mais, moi, je viens d'une région, la Montérégie, où on a un déficit chronique au niveau des services de garde. Mme David, vous avez parlé des ratés du système. C'est plus que des ratés parce qu'on est confronté à des besoins, on est confronté à des mamans, à des femmes qui, pour des raisons tout à fait pratiques, elles veulent travailler, elles veulent placer leurs enfants en garderie, puis elles ne sont pas capables. Dans mon comté, j'ai des femmes qui ont fait jusqu'à 400 appels pour pouvoir trouver une garderie, une place, et elles n'ont pas réussi. Et vous avez dit qu'on a accès à des services de garde variés. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas variés, nos services de garde, ils sont quasiment uniformisés. Et on sait que la réalité des femmes, et surtout des femmes qui travaillent, est variée et multiple. Donc, les services de garde doivent s'adapter à la réalité des familles qui ne sont pas monolithiques.

Il y a un moratoire sur les services de garde, sur les garderies privées. Et, dans mon comté, dans ma région, on a des promoteurs qui veulent ouvrir des services de garderies privées pour répondre à une demande réelle, et on n'est pas capable de répondre à ce besoin-là. Comment vous voyez, vous, ce problème? Est-ce que le fait d'ouvrir des garderies privées pour pallier ce déficit-là, pour répondre à un besoin réel existant, vous paraît acceptable, ou est-ce que le fait que vous adhérez à un principe, celui d'avoir un système de garde quasi universel, vous semble être tellement important qu'on ne devrait pas envisager les autres avenues?

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, comme Françoise disait tantôt, effectivement, les besoins sont variés. Il y a effectivement des difficultés, un manque de ressources, mais je pense que c'est important de ne pas remettre en question tout ça parce qu'il y a un manque de ressources. Je pense qu'il faut que ça se fasse progressivement. Ça veut dire, à ce moment-là, qu'il y a des besoins, il y a des demandes importantes des familles, et justement, il faut réinvestir davantage, mettre encore plus d'argent dans ces services-là pour offrir davantage de services. Moi, je pense qu'il faut aller plus vers ça plutôt que de remettre en question des choses que ça fait 20 ans et 25 ans que les femmes revendiquent aussi. Je pense qu'il y a eu des choses importantes et intéressantes de faites, et ce n'est pas en reculant et en disant qu'il faut revenir à la case départ... Au contraire, il faut réinvestir davantage là-dedans pour répondre à l'ensemble des besoins.

Oui, c'est vrai qu'actuellement on répond juste de 7 heures à 18 heures, par exemple, dans les garderies, qu'on ne répond pas aux besoins des femmes qui ont un travail le soir, les fins de semaine, et tout ça, mais ça se fait progressivement, et le fait d'ouvrir effectivement à 5 $, ça démontre qu'il y a des besoins. Et je pense qu'il faut, comme société, davantage investir de plus en plus dans le public, et non pas, encore une fois, faire des régimes à deux vitesses pour le privé et le public. En tout cas, c'est un peu l'avenue sur laquelle... Je pense qu'il faut surtout investir dans ce sens-là et dans les programmes sociaux. Je pense que c'est vital et important si on veut que les femmes et les familles puissent avoir les besoins auxquels ils ont droit.

Mme Houda-Pepin: Le fait est que les femmes qui sont aux prises avec ce problème-là, certaines ont la capacité de payer, ne demandent pas autre chose que d'avoir un service pour lequel elles sont prêtes à payer pour pouvoir continuer à travailler, s'épanouir. Et là je ne vous parle pas des exceptions. Vous me dites: Il faut que le gouvernement continue progressivement à implanter les systèmes de garderie à 5 $, et je serais de votre avis si le gouvernement avait l'engagement de le faire et avait les moyens de le faire. Mais nous sommes dans un contexte où on est actuellement en train de débattre de la réduction de l'impôt des particuliers sans connaître le surplus du gouvernement. Alors, on ne sait pas vraiment quelle est la part du gâteau qu'on va se partager.

D'un autre côté, je vous parle de ma région, il y a un déficit de 5 000 places de garderie. C'est énorme. Et il y a des promoteurs qui sont prêts à ouvrir des garderies demain matin. Ils ne demandent pas de subventions du gouvernement, ils demandent un permis pour opérer les garderies et offrir des services à des femmes, à des jeunes femmes qui veulent travailler, qui veulent étudier mais qui sont bloquées parce qu'il y a cette difficulté d'avoir accès au système de garde. Alors, moi, je suis d'accord avec vous d'avoir un système universel pour lequel l'État pourrait payer, dans la mesure où l'État a la capacité de payer, a la capacité de le mettre en place, mais, en attendant, comme députée, moi, je dis quoi à ces femmes-là qui viennent me voir et qui me disent: On a fait 400 appels pour placer nos enfants puis on n'a pas été capable de trouver une place?

M. David (Françoise): Écoutez, je ne pensais pas qu'on discuterait des mérites des garderies publiques et privées ce matin, mais je pense qu'on va être clair...

Mme Houda-Pepin: On parle de la politique familiale et des systèmes de garde.

Mme David (Françoise): Oui, bien sûr.

Mme Houda-Pepin: Vous en parlez dans votre mémoire, et vous êtes des expertes dans ce domaine, alors, on veut avoir votre éclairage.

(12 h 30)

Mme David (Françoise): Mais je pense qu'on va être simple et clair, et je pense qu'on va être en désaccord. On est tout à fait en accord, nous, avec le moratoire sur le développement des garderies privées. Ça fait longtemps que, comme mouvement des femmes, c'est notre opinion, et comme fédération des femmes, en tout cas, on est très clair là-dessus. Ce que nous pensons, c'est que la garde des enfants – on parle de petits enfants, on parle de zéro-cinq ans – ça doit revenir à un système public ou parapublic. Là, je ne veux pas trop me mêler parce que les garderies et les services de garde conservent une autonomie, sous la direction des parents, mais c'est de plus en plus dans l'esprit un service qui est reconnu d'intérêt public – en tout cas, disons-le comme ça – dont on a besoin à la fois pour servir les besoins des parents, mais aussi parce que, pour beaucoup d'enfants seuls à la maison, on reconnaît l'intérêt, l'importance de se socialiser avec d'autres enfants. Donc, on peut parler de garderies, on peut parler de garde en milieu familial, on peut parler de haltes-garderies, c'est de tout ça qu'on parle. C'est d'intérêt public. Et, comme c'est d'intérêt public, il nous semble n'y avoir aucun intérêt à privatiser davantage ces services. Il y a déjà des garderies privées qui existent. Ce n'est d'aucun intérêt de privatiser davantage ces services tout simplement parce que les enfants ne sont pas des produits avec lesquels on peut faire des profits, tout simplement. Et ça, c'est sans nier qu'il y a certainement des garderies privées de qualité, mais il n'y a aucune raison que le Québec se dote d'un système de garderies de deux sortes: privées et publiques. Notre responsabilité sociale, c'est d'offrir à toutes les familles du Québec qui en ont besoin et qui le veulent des systèmes de garde effectivement variés, diversifiés et répondant à l'ensemble des besoins.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie, Mme David, mesdames, ce fut passionnant de discuter. Moi, j'avais une excellente question, je vais quand même la poser tout à l'heure.

Nous nous retrouvons à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 15 h 16)

Le Président (M. Simard, Richelieu): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous sommes réunis cet après-midi pour poursuivre la consultation générale portant sur la réduction de l'impôt des particuliers.

Nous avons le plaisir de recevoir un groupe qui vient nous voir assez régulièrement aux différentes commissions de l'Assemblée nationale, et même entre les commissions pour plusieurs séances de négociations sur différents sujets. Alors, nous sommes toujours très heureux évidemment d'avoir leur point de vue sur les grands débats de l'heure. Je vais donc demander au président, M. Mario Laframboise, de nous présenter, après l'avoir salué, ceux qui l'accompagnent.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Laframboise (Mario): Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je vous remercie de nous donner l'occasion d'être entendus auprès de votre prestigieuse commission. Je vais vous présenter, à ma gauche, M. Marc Croteau, qui est maire d'Aylmer, président de la Communauté urbaine de l'Outaouais et président du comité de fiscalité de l'Union des municipalités; à ma droite, M. Renaud Lachance, qui est professeur à l'École des hautes études commerciales; ainsi que M. Raymond L'Italien qui est directeur général à l'Union des municipalités du Québec.

Avec ses 275 municipalités membres, évidemment, comptant pour plus de 5 000 000 de citoyens et gérant 77 % des budgets municipaux, l'Union des municipalités du Québec est le seul regroupement à représenter le monde municipal dans toutes ses diversités. Elle est aussi l'une des rares organisations dont le poids et la légitimité lui permettent d'intervenir dans le débat public au nom de 70 % de la population du Québec. Le financement des services publics figure, dans toutes les sociétés et à tous les niveaux d'administration, parmi les enjeux politiques les plus difficiles à arbitrer. Vous n'êtes pas sans savoir que les décisions de nature budgétaire et fiscale font rarement l'unanimité et peuvent entraîner le mécontentement d'une partie, voire de l'ensemble des citoyens-contribuables. Le problème fondamental à résoudre pour les décideurs publics est de répartir le mieux possible le coût des biens et services publics entre les différentes catégories de contribuables, tant du point de vue de l'équité que de la transparence, de l'efficacité et de l'efficience.

L'atteinte du déficit zéro par le gouvernement du Québec au terme du dernier exercice financier laisse cependant présager des jours meilleurs. Déjà, le gouvernement a annoncé son intention de réduire, à compter du 1er juillet prochain, les impôts sur le revenu des particuliers de 400 000 000 $. Ces baisses devraient atteindre un montant de 1 300 000 000 $ d'ici l'an 2002. Comment ces réductions vont s'articuler est aussi au coeur des travaux de la commission.

Aujourd'hui, l'Union souhaite soumettre à votre attention un certain nombre de considérations qui devraient être prises en compte. Ce n'est pas sans difficultés que l'objectif du déficit zéro a pu être atteint, et ce, avec une année d'avance sur le calendrier original. Qu'il suffise de mentionner les problèmes rencontrés avec le virage ambulatoire dans le réseau de la santé, ceux notés par les changements introduits dans le réseau de l'éducation ou encore les bouleversements liés au départ massif d'un nombre important d'employés de l'État.

Les municipalités ont elles aussi été largement mises à contribution dans l'atteinte de cet objectif. D'abord fixée à 500 000 000 $, la contribution municipale a pu être ramenée à 375 000 000 $ grâce aux pressions intenses et soutenues menées par l'Union des municipalités et ses membres. Mais cette facture venait s'ajouter aux quelque 700 000 000 $ transférés aux municipalités depuis le début de la décennie. L'entente concernant la contribution municipale à l'assainissement des finances publiques signée le 23 octobre 1997 par le premier ministre, le ministre des Affaires municipales et les dirigeants de l'UMQ est venue formaliser et définir l'engagement du milieu municipal par rapport à l'objectif gouvernemental.

Le montant de 375 000 000 $ constituait une mesure transitoire qui devait et doit toujours être remplacée par un nouveau pacte fiscal. Comme vous le savez, le monde municipal est engagé depuis le 25 octobre dernier dans une ronde de négociation intensive avec le gouvernement en vue de la conclusion d'un tel pacte. Le premier ministre a fixé au 22 novembre la date de notre prochaine rencontre. Et, malgré tout ce qui a pu être dit ou entendu ces dernières semaines, la réalisation de ce nouveau contrat fiscal doit demeurer une priorité pour tous. Nous croyons qu'il s'agit d'un outil important pour assurer le développement des communautés locales du Québec et qu'il permettra d'honorer les engagements que vous avons pris envers les contribuables fonciers municipaux, des engagements qui ont été maintes et maintes fois énoncés. J'y reviendrai un peu plus loin.

(15 h 20)

La nécessité de réduire le fardeau fiscal des contribuables québécois est reconnue et admise par tous les intervenants. On le répète sans cesse: Les Québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord. On s'en doute bien, le gouvernement tentera par tous les moyens de réduire le fardeau fiscal des contribuables. Pareil comportement ne saurait cependant être justifié si celui-ci devait pour ce faire financer ces allégements en refilant des factures à ses partenaires que sont les municipalités.

D'ailleurs, quelques rappels et quelques précisions s'imposent à ce moment-ci. Depuis le début de la décennie, l'assiette fiscale des municipalités connaît des rythmes d'accroissement qui reflètent plus fidèlement son véritable potentiel à long terme. L'évaluation foncière totale uniformisée n'a augmenté en moyenne que de 2 % annuellement de 1991 à 1999.

En dépit de cet effritement de leurs bases de taxation, les municipalités ont dû composer avec des dépenses de plus en plus importantes. Cet alourdissement s'est bien évidemment traduit par une augmentation du fardeau fiscal foncier de leurs contribuables. Il n'en fallait pas plus à la Commission nationale sur les finances publiques, la fameuse commission Bédard, pour conclure que les villes ne s'étaient pas astreintes aux mêmes sacrifices que l'État. Pour preuve, elle évoque les dépenses des municipalités qui, en dollars constants per capita, sont de 17 % supérieures à ce qu'elles étaient en 1982 alors que les dépenses du gouvernement représentent aujourd'hui 94 % de ce qu'elles étaient il y a 17 ans. La Commission estime que les municipalités ont continué à dépenser alors que le gouvernement a compressé ses dépenses, notamment dans les secteur de la santé et de l'éducation.

De toute évidence, certains éléments ont échappé à l'attention de la Commission nationale. Tout d'abord, pour la seule période comprise entre 1992 et 1998, les municipalités ont dû composer avec des transferts de charges financières que l'on évalue à plus de 1 200 000 000 $. Qu'il suffise à ce titre de rappeler la réforme Ryan, 281 000 000 $, la ponction dans la TGE, 50 000 000 $, la fin du remboursement partiel de la TVQ, 76 000 000 $, la facture Trudel de 375 000 000 $. Il nous semble donc un peu facile de la part de certains de pelleter leurs factures chez le voisin et de se plaindre ensuite que celui-ci ait dû augmenter ses dépenses pour les payer.

Il faut aussi ajouter que plusieurs frais de fonctionnement municipaux sont difficilement compressibles, qu'on pense, entre autres, au service de la dette ou au coût d'électricité, de pétrole ou de gaz. De plus, des frais tels la rémunération du personnel, qui représente en moyenne 41 % des dépenses, sont tout aussi difficiles à compresser en raison de motifs qui tiennent au régime de relations du travail applicable en milieu municipal.

Sans faire la nomenclature de toutes les dispositions législatives applicables en cette matière et qui sont autant d'irritants pour les employeurs municipaux, on peut mentionner les articles 45 et 46 du Code du travail qui annulent les gains qui pourraient découler de la sous-traitance. De même, le régime d'arbitrage de différend pour les policiers et pompiers permet à ces corps d'emploi de bénéficier d'une rémunération et d'avantages sociaux sans lien aucun avec la capacité budgétaire et financière des municipalités. Les outils à la disposition des municipalités pour contenir, voire diminuer leurs coûts sont donc limités. D'autre part, la Commission nationale a jugé que la meilleure situation financière des municipalités par rapport à celle du gouvernement était démontrée par le différentiel de la taxation du secteur local au Québec par rapport à l'Ontario. Voyons voir ce qu'il en est.

La Commission estime qu'il y aurait un certain espace fiscal non utilisé au niveau local. Or, selon deux études réalisées pour le compte de l'UMQ, l'une en 1997 par la firme KPMG et l'autre cette année conduite par le professeur Lachance, la réalité est beaucoup plus nuancée. Une comparaison par catégorie de contribuables, soit les secteurs résidentiels et non résidentiels, montre que les contribuables du secteur résidentiel au Québec supportent un fardeau fiscal foncier très comparable à celui prélevé en Ontario. Quant à eux, les contribuables du secteur non résidentiel profitent dans l'ensemble d'un fardeau fiscal foncier sensiblement inférieur à celui de l'Ontario.

Après l'étude de KPMG en 1997, le ministère des Finances du Québec a mis a jour ses données. Celles-ci sembleraient indiquer un léger avantage au secteur résidentiel québécois par rapport à celui de l'Ontario. Mais attention. Lorsque l'on décortique davantage les données provenant du ministère des Finances – et je précise, ce sont les données du gouvernement et non pas les nôtres – celles-ci montrent que cet avantage du secteur résidentiel n'est pas dû à la taxation municipale, mais plutôt à celle du scolaire. La taxation foncière municipale du secteur résidentiel est de 950 000 000 $ supérieure à celle des Ontariens, soit 12,1 %. Par contre, la taxe scolaire de ces mêmes contribuables est inférieure de près de 1 100 000 000 $. La conclusion: un espace fiscal non utilisé dans le champ foncier municipal au Québec par rapport à l'Ontario est donc tout à fait erroné. De plus, précisons qu'au chapitre de la répartition du champ de l'impôt foncier, la différence majeure entre le Québec et l'Ontario se situe au niveau de la taxation des immeubles non résidentiels. Ces derniers assument une plus large part du financement de l'éducation en Ontario.

L'UMQ partage la volonté du gouvernement d'abaisser le fardeau fiscal des Québécois. Nous croyons qu'il est important d'accroître le revenu personnel disponible, de sorte qu'il puisse notamment augmenter leur pouvoir d'achat et diminuer leur endettement. Pour ce qui est du scénario à privilégier, il nous apparaît hasardeux de se prononcer à cet égard, l'Union préfère s'en remettre aux conclusions qui se dégageront des consultations présentement menées sur le sujet. Chose certaine, il ne faudrait pas que le gouvernement cède à la tentation de régler cette problématique sur le dos des contribuables fonciers municipaux. Ce dernier serait très mal avisé de donner aux contribuables d'une main la baisse d'impôts que lui et l'ensemble des groupes réclament et de lui refiler de l'autre une hausse de son compte de taxes municipales. C'est là un exercice que les élus municipaux dénonceront avec d'autant plus de vigueur que la taxe foncière frappe les propriétaires et les locataires sans égard à leur capacité de payer et se répercutent sur les coûts du logement.

Dans le cadre des négociations en cours en vue d'un nouveau pacte fiscal, l'UMQ a rendu publics les objectifs poursuivis par ses membres dans cet exercice, soit: baisser le fardeau fiscal des contribuables fonciers municipaux de 10 % sur quatre ans ou l'équivalent de 630 000 000 $, créer une meilleure équité régionale et simplifier les structures. Nous croyons qu'il est possible d'y parvenir dans le respect des objectifs du monde municipal et du gouvernement. Toutefois, ces efforts auront été vains si le gouvernement persiste dans l'envoi de la facture de 375 000 000 $ aux municipalités. Plusieurs d'entre elles ont réussi, au cours des deux années d'application de la facture, à neutraliser ces coûts en diminuant des services, en différant des travaux ou en annulant des investissements. Ces contractions de dépenses, les municipalités ne pourront cependant les reporter indéfiniment sans mettre en péril certaines installations.

L'Union des municipalités du Québec endosse la priorité gouvernementale de baisser les impôts des particuliers. Pareille initiative ne peut être qu'encouragée et soutenue. Une baisse des impôts pourra permettre aux contribuables de respirer un peu et de disposer de plus d'argent pour consommer. Elle est aussi susceptible de stimuler l'économie, de diminuer le chômage et d'accroître, ce faisant, les rentrées fiscales qui pourront permettre un réinvestissement dans les secteurs névralgiques de la santé et de l'éducation.

D'ailleurs, il nous semble que le gouvernement devrait voir dans une économie forte et vigoureuse son meilleur allié pour lui permettre de poursuivre son assainissement des finances publiques. Alourdir encore plus le fardeau fiscal des contribuables fonciers municipaux ne serait pas un moyen d'y parvenir, d'autant plus que ceux-ci paient déjà 12,1 % de plus que leurs vis-à-vis ontariens. Le gouvernement du Québec ne peut contribuer à creuser davantage ce fossé; au contraire, il doit permettre aux municipalités de rétablir un certain équilibre à cet égard et améliorer leur compétitivité par rapport à leurs voisines. Divers moyens existent, dont la fin du pelletage de dépenses provinciales dans la cour municipale et, par conséquent, la renonciation à une nouvelle ponction de 375 000 000 $.

Nous disons au gouvernement: Oui, pour un allégement du fardeau fiscal des contribuables, mais non à un allégement qui se ferait sur le dos des municipalités. Croyez-nous, la cour est pleine, n'en jetez plus. Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. Laframboise. Nous allons donc passer à la période des questions et dialogues avec le parti ministériel et l'opposition. J'invite le ministre des Finances à poser les premières questions.

M. Landry: Ça se voit que vous avez une bonne expertise en matière de fiscalité, puis c'est intéressant parce que ça va nous permettre de comparer nos chiffres. Il y a quelques petites divergences, petites, d'ailleurs assez considérables, sur les transferts de charge depuis 1992. Vous évaluez ça à 1 200 000 000 $, et, nous, on a essayé de faire un tableau tout à fait systématique, de 1992 à 1998, puis on arrive à 843 500 000 $. Sans prétendre avoir le monopole de la vérité, on doit quand même savoir, nous autres, ce qu'on transfère et ce qu'on ne transfère pas. Alors, ce que je suggérerais, c'est que, dans les jours qui viennent peut-être, vos experts puissent discuter avec les nôtres pour qu'au moins on sache si les chiffres dont on parle sont les bons. Ça ne change pas le fond de la question sur le principe, mais une différence de 400 000 000 $, 500 000 000 $, ce n'est quand même pas à laisser passer sans en discuter un peu.

On a d'autres divergences aussi sur la comparaison... Bien, si vous voulez me faire des commentaires, de toute façon, moi, je dépose ce truc-là, c'est l'analyse du ministère des Finances.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Est-ce que vous en avez des copies?

(15 h 30)

M. Landry: Si vous voulez en parler dès maintenant, libre à vous. Mais, en attendant que vous vous prépariez, je voudrais vous dire que notre analyse diverge aussi quant aux comparaisons avec l'Ontario. Vous poussez assez loin dans cette veine et vous dites que les contribuables supportent un fardeau fiscal foncier très comparable à celui de l'Ontario. Ça voudrait dire qu'il n'y aurait pas une grosse différence. D'après nous, il y a une assez grosse différence. On a l'impression que nos contribuables supportent un fardeau – vos contribuables et les nôtres – assez différent, et voici comment nous arrivons à ça.

D'abord, sur une base par tête, il est inférieur de 26,3 %, notre fardeau fiscal, sur une base par tête. C'est intéressant de voir ce qui se passe par tête. Une comparaison maintenant des comptes de taxes résidentielles – on est toujours dans le résidentiel – effectuée dans 10 villes ontariennes et 10 villes québécoises montre qu'ils sont plus élevés de 21,3 % en Ontario. Alors les deux indicateurs vont dans le même sens.

Si on utilise le PIB maintenant comme barème de potentiel fiscal, le fardeau foncier résidentiel des Québécois est inférieur de 10,1 % à celui des Ontariens. On voit comment vous êtes arrivés à votre calcul parce que, quand on utilise les taux de taxe foncière en pourcentage de la valeur des propriétés, on obtient des résultats semblables aux vôtres. Pourquoi? Parce que la valeur des propriétés est plus élevée en Ontario. Alors, on ne parle pas de fardeau fiscal, là, on parle de valeur de propriété.

Nous pensons qu'il est préférable de comparer le fardeau fiscal en fonction du PIB plutôt qu'en proportion de la richesse foncière. La richesse foncière, ce n'est pas un juste reflet de la capacité de payer des contribuables, c'est l'accumulation historique des richesses et l'état de l'offre et de la demande. En tout cas, vous avez de bons experts avec vous. Je pense que vous devriez réfléchir à ça puis comparer votre approche avec les nôtres parce qu'il est important, je crois, que les contribuables du Québec sachent qu'en plus d'être les plus taxés au plan des impôts sur la personne physique – ce qui est indéniable, c'est pour ça qu'on convoque cette commission parlementaire pour savoir comment baisser les impôts – ils entretenaient la mince consolation de penser qu'au moins, au municipal, ils se refaisaient un peu. Là, vous venez de leur dire: Non, c'est pareil. Alors, je pense qu'on doit avoir une bonne discussion là-dessus.

Mes questions, maintenant. D'après vous, sous l'angle économique et dans l'état actuel de la société québécoise, est-ce qu'on doit baisser l'impôt sur les personnes physiques ou les taxes foncières? Qu'est-ce qui vous semble préférable pour notre société aujourd'hui?

Quant à ce qui relève de vous, les taxes foncières, chaque municipalité est libre de ses finances publiques. Les conseils sont élus par la population. Comment pouvez-vous vous engager à dire: Nous allons baisser de tel pourcentage les impôts fonciers dans telle période, si telle municipalité dit: Moi, c'est mon affaire; je suis membre de votre union, très bien, je souscris, mais c'est moi qui gère mes finances publiques? Vous n'avez pas un contrôle direct là-dessus, il me semble.

Il y aurait d'autres comparaisons aussi sur le non-résidentiel, là, parce que vous faites le même constat que nous faisons, au ministère des Finances, à l'effet que la taxe foncière du secteur non résidentiel est plus lourde en Ontario. Là-dessus, on est d'accord. Cela résulte du fait que les entreprises assument une plus large part du financement de l'éducation en Ontario qu'au Québec. En utilisant le PIB, toujours, comme barème de potentiel fiscal, nous, on constate que les entreprises québécoises payaient 32 % de moins d'impôts que leurs consoeurs ontariennes en 1998.

Alors, mes commentaires et mes questions pour vos réponses et vos commentaires, s'il vous plaît, M. le président.

M. Laframboise (Mario): Merci, M. le ministre. D'abord, pour la première partie des chiffres, là, on vous fera parvenir, oui, dans un temps très rapproché, les petits différentiels qui peuvent nous porter.

Par la suite, concernant le champ d'impôt foncier, votre comparaison, vous savez, vous utilisez bien le terme «foncier», donc, là, probablement, vous comprenez qu'à bon escient vous englobez le municipal et le scolaire. Donc, il est clair que la comparaison avec l'Ontario au municipal, notre fardeau fiscal est plus élevé d'environ 950 000 000 $. Le fardeau fiscal municipal. Dans le foncier, il y a peut-être un léger avantage au Québec. Il faudrait voir. Je laisserai tantôt M. le professeur Lachance vous faire un petit peu la description de sa vision des choses.

Et, concernant notre volonté, vous nous demandez: Est-ce qu'on doit baisser l'impôt des particuliers en opposition aux taxes foncières municipales? Je vous dirai, M. le ministre, que, quant à moi, il faut baisser l'impôt des particuliers et baisser les taxes municipales. Les citoyens du Québec sont vraiment, mais vraiment, surtaxés. Donc, je pense qu'on a le même objectif, soit, tous deux, baisser nos taxes. Comment on fait? Évidemment, dans le milieu municipal, des miracles, vous avez compris qu'on ne peut en faire. Quand on compare les efforts que fait le gouvernement du Québec, il ne faut jamais oublier que, dans vos efforts depuis les années 1982, le gouvernement a dû utiliser des lois spéciales, des menaces de loi pour être capable de gérer ses propres relations de travail. Nous n'avons jamais eu cette chance-là. Nous sommes laissés à notre propre sort, et nous avons le pire des mondes, M. le ministre. On n'a pas la chance qu'a l'entreprise privée de fermer quand ça ne fonctionne plus puis quand on ne peut pas arriver dans ses revenus et ses dépenses. On est obligés, comme le public, d'être maintenus en vie, et en plus de ça, on n'a aucun avantage, on n'a pas le choix de procéder à une réglementation, à une législation ou de restreindre notre masse salariale. Donc, quand on regarde notre part de dépenses compressibles, on a 41 % de nos dépenses qui sont en masse salariale, on a 27 %, 28 % qui sont des services de dette que, comme vous, on ne peut que compresser avec l'état des intérêts, donc, finalement, c'est le bon vouloir de l'économie en général qui fait ça. Et pour le reste des dépenses compressibles, je pense qu'on a fait, depuis 1982, de très grands efforts, et c'est d'ailleurs pourquoi les investissements en infrastructures sont passés de 22 % à à peine 12 %, 14 % au cours des sept dernières années. Donc, on s'en va vers des villes qui ont des réseaux d'infrastructures qui deviendront, à court terme, déficients. On l'a fait de façon volontaire dans le sens où la pression du citoyen est énorme pour que les taxes n'augmentent pas. Vous assistez à des gels de taxes énormes, mais vous assistez aussi à une réduction drastique des investissements dans les villes, dans les réseaux, évidemment, d'égouts, d'aqueduc, de services. Et ça, je pense qu'on peut tenir encore un peu, mais déjà, là, la panique est... Il faut suivre les reportages à la télévision pour voir l'état des réseaux. Pensez à Montréal ou à d'autres grandes villes où on a des problèmes qui vont survenir à court, moyen ou long terme.

Donc, on doit repenser la façon de voir tout en protégeant notre contribuable. Et vous avez raison, évidemment, les unions municipales n'ont pas d'implication sur la décision qui est prise par les élus. Je peux vous dire, par contre, qu'à la table de négociation nous songeons sérieusement à une procédure qui, sans dire qu'on forcerait nos membres à réduire les taxes, inciterait, en tout cas, les municipalités du Québec à réduire leurs taxes en proportion de la récupération qu'elles pourraient effectuer dans tout pacte fiscal que vous auriez la bonté de nous laisser. Donc, ça, là-dessus, c'est clair, ce qu'on veut, c'est être mieux capables de se gérer, d'être mieux capables, ensemble aussi, de régler les différends entre le gouvernement et les municipalités sur la fiscalité et les différends entre les municipalités entre elles, différends qui ont été supportés puis qui sont encore supportés pour une bonne partie par le gouvernement du Québec, et qui devraient être probablement supportés par les municipalités entre elles.

Donc, moi, je pense qu'on a un beau défi devant nous. C'est faisable. On est, au moment où on se parle, à à peu près 45 000 000 $ près d'une belle entente, M. le ministre, et j'espère qu'on vous interpellera dans les prochaines heures pour être capables de regarder ça. Mais je pense qu'on peut, dans l'intérêt de nos citoyens, en se restreignant tout le monde ensemble et en se donnant les efforts pour réduire leur fardeau, autant chez vous que chez nous... et ça, là-dessus, nous, l'Union des municipalités, on est prêts à mettre la pression qu'il faut pour que, s'il y a des économies de réalisées dans toutes les discussions sur la fiscalité qu'on a entre nous, elles soient appliquées directement sur une diminution du compte de taxes de notre citoyen. Et ça, soyez assuré que c'est notre défi pour la prochaine année.

M. Landry: Bien, évidemment, on est dans les mêmes sentiments, et on espère tous... et c'est vrai qu'il y a eu des progrès de faits, et espérons qu'on va se rendre jusqu'au terme.

Ce que vous avez dit me suggère une question qui peut vous apparaître naïve, mais elle est tellement centrale que, souvent, les choses importantes apparaissent naïves. C'est vrai que vous avez un problème particulier de négociation avec vos personnels et que, sur le plan historique, ça a conduit au développement d'un écart qui étonne les gens. On en entend parler régulièrement à la radio, dans les lignes ouvertes. Qu'est-ce que vous suggéreriez qui soit réaliste? Parce que, dans l'irréaliste, il y a les compressions des salaires, ça ne se fait presque pas. Nous, on l'a fait, les députés. Vous le savez, on a baissé nos salaires de 6 %, mais on est d'une espèce un peu spéciale. Des compressions de l'ordre de cinq ou six fois plus chez un individu, à la limite, c'est inhumain parce que lui, il a ses engagements. Il a calibré sa maison, sa famille, ses dépenses. Alors, qu'est-ce qui pourrait être une solution réaliste et à terme à ce problème central que vous avez mentionné, M. le président?

(15 h 40)

M. Laframboise (Mario): Vous savez, si on regarde les municipalités comme elles sont, ce sont de grandes entreprises de services avec environ 85 000 à 90 000 employés. Évidemment, si on fait une restructuration de toute cette entreprise de services là, comme toute entreprise de services, il faut être capable de la rendre plus performante et de réduire la taille de l'appareil. Donc, ça, évidemment, ça veut dire plein de petites pensées pour encourager l'orientation que peut se donner le milieu municipal dans une meilleure organisation, dans un nouveau modèle d'organisation de gestion municipale. Puis, moi, je pense qu'il faut se tourner vers l'avenir. Et c'est vers ça qu'on doit voir plus que toute autre chose parce que, effectivement, vous avez raison, de dire à un employé qui dépense selon ses revenus qu'il sera réduit de salaire, ce n'est pas la solution.

Par contre, la solution, c'est la réduction de la taille des appareils municipaux qui s'orientent vers une simplification des structures. Et c'est ça, c'est notre troisième point de notre objectif à nous, l'Union des municipalités, c'est de simplifier les structures. Et, si on les simplifie, il faut être capable de réduire la taille. Et ça, ce n'est pas facile avec les lois actuelles du travail. Ne pensez qu'à la Loi sur l'organisation territoriale qui fait que, quand il y a une fusion municipale, il n'y a aucun employé qui peut perdre son travail, il doit être reclassé. Donc, ça ne veut pas dire qu'on veut faire des mises à pied, mais, si vous faites une restructuration dans une entreprise de services puis qu'il n'y a pas de réduction de personnel qu'on peut prévoir au moins à moyen terme, bien, ça ne sera pas efficace. Il n'y en aura pas, là. On le voit couramment dans l'entreprise privée, quand on fait des mises en commun puis quand des compagnies se fusionnent ou quoi que ce soit, bien, il y a des économies d'échelle puis il y a des réductions de masse salariale, puis souvent il y a des réductions de personnel. Il faut que ce soit permis. Sinon, il y a 41 % des budgets qui pourraient être compressés qui ne le seront pas, qui vont se rajouter aux 29 % des services de dette qui ne peuvent pas être compressés. Et là, à ce moment-là, on se met à faire de la compression dans les dépenses d'entretien puis d'infrastructures. Puis ça, ça ne peut qu'être nuisible à long terme. Le simple citoyen qui serait obligé de réduire ses dépenses dans l'entretien de sa maison ou de sa voiture va finir un jour par ne plus avoir de maison, plus avoir de voiture. Il faut être capable de les entretenir, il faut être capable de se donner, finalement, les ressources nécessaires pour le faire. Et ça, ça mérite qu'on s'assoie tous ensemble puis qu'on se remette en question dans notre fonctionnement.

Parce qu'il faut comprendre que le milieu municipal, c'est complètement indépendant de l'entreprise privée, et même du gouvernement, là. Vous avez fait des choix, vous avez le pouvoir de légiférer, on ne l'a pas et on a subi le pire des mondes depuis les 30 dernières années. La Loi sur l'organisation territoriale, c'est dans la fin des années soixante-dix où le gouvernement passait ça à l'époque, puis il n'y avait pas de fusion dans l'air, là. Finalement, les syndicats ont sûrement réussi à se faire protéger au cas où ça arriverait un jour et, aujourd'hui, on est pris avec. On aimerait bien faire comme d'autres provinces ou comme d'autres endroits, être capable de regarder une organisation plus moderne de notre fonctionnement, et on est pris avec des lois du travail archaïques, quant à nous, qui font que toute organisation moderne va faire que ça va coûter pas moins cher mais, croyez-le, plus cher.

Et ça, les exemples qui arrivent sur nos bureaux... M. Croteau pourra vous donner l'exemple d'une fusion d'un corps policier sur le territoire de la Communauté urbaine de l'Outaouais, où ça coûte plus cher les premières années. C'est ça, la vérité, en... on arrive à l'an 2000, là. On fait des mises en commun, et ça coûte plus cher les premières années. On ne commence à récupérer qu'à partir de la cinquième ou sixième année. Donc, c'est ça, la réalité. Et ça, c'est difficile quand on veut une gestion plus moderne d'un appareil qui rend des services, d'une entreprise de services. On espère que, tous ensemble, on va être capables d'atteindre l'autre partie de notre objectif du 670 000 000 $, tous ensemble, d'ici quelques années, de voir ça.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Le député de Bellechasse voulait poser une question à ce moment-ci.

M. Lachance (Bellechasse): Merci, M. le Président. Messieurs de l'Union des municipalités du Québec, dans votre mémoire, vous avez le mérite d'exprimer clairement une opinion sur toute cette problématique de l'imposition, et particulièrement de l'impôt foncier. J'aimerais me rapporter à la page 18 de votre mémoire, et je vais citer un passage. Vous dites: «Il importe [...] de mettre en garde tous les partenaires contre la tentation de régler cette problématique sur le dos des contribuables fonciers municipaux. En effet, le gouvernement serait très mal avisé de donner au contribuable d'une main la baisse d'impôts que lui et l'ensemble des groupes réclament, et de lui refiler de l'autre une hausse de son compte de taxes municipales.» Et en terminant, vous dites que «la taxe foncière frappe les propriétaires et locataires sans égard à leur capacité de payer et se répercute sur les coûts du logement».

En voyant ça, deux choses surgissent à mon esprit. J'ai également une expérience municipale, et j'étais dans le décor au moment où on a négocié, en 1979, le pacte qui était en vigueur à partir de 1980. Qu'est-ce que vous pensez de la présence des commissions scolaires dans le champ d'imposition foncier, d'une part? Et, deuxièmement, comment pouvez-vous concilier la position que vous exprimez aux pages 18 et 19 avec celle de votre Union, si je ne me trompe pas, qui est d'accord avec un déplafonnement du taux d'imposition scolaire pour éviter d'avoir à payer, en l'an 2000, une facture? Il me semble, là, qu'il y a quelque chose qui ne va pas entre ce que vous exprimez concernant l'impôt foncier et cette possibilité qu'on refile la facture, finalement, aux contribuables, qui eux autres n'ont pas le choix si on déplafonne le compte de taxes scolaires.

M. Laframboise (Mario): D'abord, pour vous dire, M. le député, que, quand on discute d'un pacte fiscal, on se les est donnés, les chiffres, tantôt: les taxes municipales foncières sont trop élevées, les taxes scolaires ont un peu d'espace, puis quand on regarde dans le scolaire le non-résidentiel, il y a encore un petit peu plus d'espace. Donc, quand on fait un pacte fiscal, bien, on essaie de replacer les sous où ils doivent aller. C'est aussi simple que ça.

Et concernant le transport scolaire, ce sont les commissions scolaires du Québec qui rendent le service au meilleur coût au Canada. C'est une étude qu'on a réalisée de façon conjointe, qui n'a jamais été contredite. Donc, pourquoi les municipalités, qui par leurs lois du travail ont déjà, admettons, quelques prises contre elles... face à la possibilité de prendre des responsabilités et de dire: Nous allons prendre une responsabilité et garantir aux citoyens que, quand on l'aura, dans un avenir court, moyen et long, on pourra toujours rendre le service, comme l'ont fait les commissions scolaires, au meilleur coût possible. C'est impensable, monsieur. Les lois du travail sont telles, M. le député, que les municipalités auront, à court terme, une augmentation de leurs charges face au dossier du transport scolaire. Donc, c'est simple comme réaction: ce sont les commissions scolaires qui rendent le service le mieux.

Quand on analyse de façon macro la fiscalité au Québec et qu'on la compare à l'Ontario, on s'aperçoit qu'il y a de l'espace puis que ce sont les chiffres que le ministre des Finances a fournis lors du dernier budget, là; c'était annexé au budget du ministre des Finances. Il y a de l'espace dans le foncier scolaire, puis on est trop élevé dans le foncier municipal. Donc, ce n'est que de remettre aux bons endroits les chiffres.

Par contre, il faut se dire que, nous, notre objectif de récupération de 630 000 000 $ sur quatre ans, ça représenterait deux fois le montant qui serait transféré, comme vous le mentionnez, ou qui serait supporté par le champ d'impôt foncier scolaire qui est de 321 000 000 $. Parce que la facture, le montant des chèques municipaux adressés au gouvernement, c'est de 321 000 000 $. On rajoutait à ça 32 000 000 $, 33 000 000 $ de montants qui étaient retenus par le gouvernement, de la TGE pour réduire l'impact sur les six villes-centres. Mais, évidemment, pour nous, là, c'est juste de replacer au bons endroits les chiffres. C'est tout. C'est une opération de fiscalité, et c'est justement ce qu'on fait avec le gouvernement. Ce qu'on essaie de faire et de réaliser, c'est un pacte fiscal. Donc, profitons-en.

Et, concernant le déplafonnement du scolaire, il ne faut pas penser que, si les municipalités le gardent, ça ne serait pas un fardeau supplémentaire pour les municipalités. Ça va être un fardeau supplémentaire pour les municipalités, du même montant. Donc, le montant de la facture peut représenter une douzaine de sous, donc...

(15 h 50)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nous allons maintenant passer la parole du côté de l'opposition. Je demande... je suis sûr et j'obtiendrai certainement le consentement de la commission pour que nous ayons le député de Montmagny-L'Islet et le député de Hull qui connaissent très bien le milieu municipal et qui voudront peut-être poser quelques questions. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. Merci de votre mémoire, de vous déplacer comme ça pour venir nous rencontrer. Je dois dire que je suis toujours un peu étonnée quand le ministre des Finances arrive comme ça à la dernière minute avec une liste de chiffres qu'il a obtenus des fonctionnaires, une batterie d'experts, dit-il. Il me semble que, si on voulait être transparent, ça aurait peut-être été sage de vous transmettre l'information pour que vous soyez capables de réagir avant de vous trouver ici. Surtout que c'est la même batterie d'experts qui nous dit que, l'an prochain, le déficit va être de zéro, alors que tout le monde prévoit que le surplus, cette année, va être d'à peu près 1 000 000 000 $, puis d'ici cinq ans 5 000 000 000 $. Alors, je voulais simplement faire un point.

Vous avez exprimé quelque chose de bien intéressant, vous avez dit que c'est le pire des mondes depuis les derniers 30 ans, à savoir qu'on vous a imposé successivement différents volets, et donc le contrôle que vous avez sur vos finances, sur vos dépenses ne relève pas essentiellement de vous. Qu'est-ce que vous proposez à la place, en termes de niveau d'autonomie au niveau municipal? Parce que vous mentionnez qu'il s'agit d'une entreprise de services qui... Et je pense qu'effectivement vous avez parfaitement raison, c'est une entreprise de services, vous voulez faire une gestion moderne, et vous voulez vous adapter à une gestion moderne, comme il se doit de nos jours, comme on doit tous ambitionner d'obtenir de tels résultats. Qu'est-ce que vous proposez à la place, au niveau de l'autonomie des municipalités?

M. Laframboise (Mario): Bien, écoutez, madame, concernant l'autonomie, on a déjà fait parvenir aux différents partis politiques des projets de loi qui avaient déjà été rédigés. Entre autres, l'un de ces projets de loi prévoyait, là, l'autonomie municipale. Et on pourra vous en faire parvenir copie, c'est puisé sur des exemples qui sont courants à travers le Canada; la Colombie-Britannique, certaines provinces ont déjà concédé l'autonomie à leurs municipalités. Et, évidemment, ça, c'est bien. Ce sont de grands et de beaux débats, mais il reste, dans la vraie vie, le problème des sous. Puis, quand quelqu'un vous dira que c'est une question de principe, dites-vous bien que c'est une question d'argent.

Donc, évidemment, pour nous, le dossier le plus important présentement, c'est le pacte fiscal, c'est l'oxygène dont on a besoin pour être capable de... Tout en étant conscients que le gouvernement et les municipalités ont eu des différends au cours des dernières années et qu'on se doit de les régler au point de vue fiscal, on doit aussi le faire entre les municipalités entre elles. Donc, on est vraiment dans une opération où, oui, les municipalités, tout en demandant toujours leur autonomie en fiscalité, espéraient bien, dans un nouveau pacte fiscal, avoir au moins une certaine autonomie financière.

Et ça, là, vous avez compris, on peut en demander en fiscalité comme on le fait, on peut en demander en relations de travail. Et on pourra vous faire parvenir, en relations de travail, la plupart des demandes que nous adressons. Ce n'est pas des cachettes, puis ce n'est pas des secrets non plus. C'est une façon de mieux garder la gestion des villes entre les mains des administrateurs, et ça fait partie de toute un encadrement législatif qui nous serait nécessaire pour être capables de mieux gérer, et de façon plus moderne, nos villes.

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est le temps, maintenant, de donner la parole au député de Hull.

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, M. le président de l'UMQ, M. le maire d'Aylmer, président de la Communauté urbaine, collègues, merci d'avoir accepté l'invitation de venir parler de fiscalité municipale, mais c'est intimement lié, en fait, à l'ensemble de la fiscalité québécoise.

Je tiens tout d'abord à vous saluer, vous et l'ensemble des élus municipaux, à vous lever mon chapeau parce que ce n'est pas évident d'être élu municipal en 1999 au Québec, en 2000 au Québec. Ce n'est pas évident parce que vous avez des pressions de toutes parts, vous avez des citoyens de plus en plus exigeants, vous avez un gouvernement qui vous pellete et des factures et des responsabilités, vous avez les deux mains attachées dans le dos en ce qui a trait aux relations de travail, et on vous demande d'être performants sans faire de déficit, ce que, par exemple, le réseau de la santé est incapable de faire – on l'a vu cette semaine encore – et ce que le gouvernement du Québec est incapable de faire sans avoir recours à vos services, en vous pelletant des factures.

J'ai parcouru votre mémoire, et j'ai plusieurs points que je voulais soulever, parce qu'il y a des éléments extrêmement importants là-dedans qui viennent contrebalancer notamment certaines prétentions du rapport Bédard, premièrement sur le fait que le fardeau fiscal, en termes de fiscalité municipale, est plus élevé au Québec, somme toute, qu'en Ontario, alors que la prétention était inverse dans le rapport Bédard en disant qu'il y avait de la place en masse sur le foncier, alors qu'on sait que le foncier, c'est probablement l'aspect le plus régressif d'une taxe, puisqu'on ne taxe pas la richesse mais plutôt une valeur acquise. Alors, il serait bien intéressant de vous entendre là-dessus, particulièrement sur le fait qu'il y a encore un espace fiscal non utilisé en termes d'impôt foncier au Québec, ce dont je doute, ce dont les citoyens du Québec doutent, mais que certains experts ont jugé bon d'identifier dans un certain rapport.

Aussi, je dois vous dire que je suis absolument estomaqué de voir le ministre des Finances faire une comparaison de 10 villes du Québec par rapport à l'Ontario, puis dire: Bien, dans le fond, c'est normal, ils paient plus d'impôts de l'autre côté, sans prendre pour acquis que la valeur des propriétés est plus élevée. Et il se demande comment ça se fait que c'est plus élevé. C'est peut-être parce qu'il y a plus de monde qui souhaite acheter des maisons en Ontario. Je peux vous parler particulièrement de l'Outaouais. Vous connaissez bien l'Outaouais, où nos gens votent avec leurs pieds. Ils traversent de l'autre côté, ce qui fait que la demande est plus importante, ce qui fait que la valeur des propriétés augmente. C'est ça qu'on devrait souhaiter au Québec aussi, que la valeur des propriétés augmente, pas que le compte de taxes augmente.

Aussi, je suis assez inquiet, bien que non étonné, de voir que vous lancez un cri d'alarme sur la question des infrastructures. Nos réseaux d'égout, d'aqueduc, d'infrastructures municipales se détériorent, et le fardeau imposé par Québec a menotté les municipalités pour ne pas investir. J'aimerais avoir un son de cloche de votre part. Il faut que ça arrête quand, ça? On est à la limite? Est-ce qu'on a atteint la limite? Est-ce que vous souhaitez ardemment un retour du Programme d'infrastructure où les trois paliers de gouvernement participent à ce genre de dépenses?

Je voudrais aussi vous entendre sur l'aspect de la diversification des sources de revenus. On ne vous a pas entendus beaucoup là-dessus, mais est-ce que l'UMQ souhaite aller ailleurs que dans le champ foncier pour récupérer notamment certaines sommes qui seraient reliées particulièrement au développement économique? Puisque Québec vous a donné la responsabilité, sans vraiment le pouvoir de les contrôler, des CLD en investissant des sommes importantes dans le développement économique dans chaque région du Québec, est-ce que le retour sur ce développement-là ne devrait pas être aussi relié au fait que vous financez ces infrastructures-là?

Finalement, j'aimerais vous entendre sur la question des simplifications de structures, vous entendre particulièrement sur votre avis sur les fusions forcées. On en vit une présentement avec le projet de loi n° 81 où, en faisant fi d'un référendum gagné à 96 %, les gens de Mont-Tremblant se voient forcés de fusionner. Je voudrais vous entendre sur la position de l'Union sur les fusions forcées.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il ne reste que 15 minutes, M. le député, et vous avez posé des questions pour une heure et demie, deux heures. Alors, nous allons laisser maintenant le président et son équipe tenter de répondre à quelques-unes de vos questions.

M. Laframboise (Mario): D'abord, concernant la première, pour le différentiel, je vais laisser la parole à M. Lachance, le professeur Lachance, qui va vous faire bien comprendre le différentiel entre le Québec et l'Ontario face à la taxation foncière. M. Lachance.

(16 heures)

M. Lachance (Renaud): Écoutez, M. Landry semble lancé dans une guerre de chiffres, là. Vous avez parlé d'une comparaison avec le PIB, d'un écart de 20 %. Les chiffres publiés par le ministère des Finances dans sa comparaison Québec et Ontario, lorsqu'on tient compte des taxes municipales et des taxes scolaires, globalement parlant, parlent d'un écart au niveau des particuliers de 142 000 000 $. Si on essaie de voir de combien est la part des particuliers dans ce chiffre, on pourrait arriver, dans le plus, dans un écart de 3 % à 4 %. Et ça, c'est dans une analyse par rapport au PIB. Mais, pour M. et Mme Tout-le-Monde, le PIB, c'est assez diffus, c'est confus un peu. Dans le fond, on paie les impôts fonciers avec notre revenu après impôts, donc après impôts provinciaux, après impôts fédéraux. Et dans l'étude de KPMG, en 1997, dans les comparaisons basées sur le revenu disponible, les écarts n'étaient certainement pas de 20 %. Et, si on tient compte de la croissance supérieure du revenu disponible au Québec, en Ontario – vous connaissez très bien, je veux dire, là, vous suivez ça de très près – on a beaucoup baissé les impôts. Donc, la croissance du revenu disponible des Ontariens a été plus forte qu'au Québec. Donc, les écarts, lorsqu'on tient compte de la véritable capacité de payer des impôts fonciers de M. et Mme Tout-le-Monde, ne sont certainement pas de l'ordre de 20 %.

Et ce qui peut faire un peu les différences parfois de chiffres, sans se lancer dans une guerre de chiffres, c'est une question de comment on répartit les secteurs résidentiel et non résidentiel. Et ça, pour avoir regardé ça de très près, on peut, je dirais, là, jauger un peu, et c'est pour ça que c'est un peu dangereux parfois, les comparaisons, lorsqu'on regarde ça globalement au niveau du PIB.

M. Laframboise (Mario): Ça répond à votre question? Concernant les infrastructures, je vais peut-être laisser mon collègue M. Croteau, maire d'Aylmer.

M. Croteau (Marc): Oui, merci. M. le député de Hull, d'abord, quand vous parlez des infrastructures, quand on a eu cette facture dans laquelle l'Union s'était engagée à assumer sa responsabilité pour assainir les finances publiques dans l'objectif de l'atteinte du déficit zéro, la plupart des municipalités n'ont pas augmenté les taxes. D'ailleurs, on a entendu les gens dire, pas plus tard que... M. Trudel, à la fin de son règne à titre de ministre des Affaires municipales, nous dire: À peine quelques municipalités ont augmenté les taxes, et c'est moins de 1 %, de toute façon. Mais c'est simple, c'est que les travaux d'infrastructures n'ont pas été faits, on les a mis de côté. Les choses ont été déplacées, retardées, ce qui fait en sorte qu'on a des infrastructures qui sont vieillissantes, et, un jour, on va être obligé de payer. Et, quand on va devoir payer, ça va coûter énormément cher.

Mais je vous avoue que ce qui me tracasse dans tout ça, dans toute cette discussion de fiscalité et de baisse d'impôts, c'est un peu vicier la réflexion de transférer à la taxation foncière des services à la personne. La philosophie de taxation, un peu partout dans le monde, pour offrir des services à la personne, est basée sur la redistribution de la richesse, et cela se fait à partir de l'impôt sur le revenu et non pas l'impôt foncier, puis je trouve ça malheureux qu'on tente aujourd'hui de régler un problème de service à la personne, de service au développement d'une communauté, d'une société, à l'intérieur d'une taxation sur l'impôt foncier, ce qui nous rend, à nous, la vie, je ne dirais pas impossible mais quasi impossible, parce que le citoyen foncier est essoufflé, il n'est plus capable de payer. En fait, c'est ça, la réponse.

M. Laframboise (Mario): Puis pour poursuivre, vous nous avez parlé de notre position face aux nouvelles sources de revenus. C'est clair que, pour se moderniser, il faut penser à autre chose. Et ça, là-dessus, on a toujours été ouvert. Et M. Landry, à notre dernier congrès, vous êtes venu nous annoncer que peut-être il y aurait des ouvertures face à une partie des redevances sur les ressources naturelles puis un certain pourcentage de la taxe de vente, et ça, là, c'est des choses qui sont des incitatifs pour encourager, parce qu'il faut comprendre, là, le développement économique au Québec a été supporté en grande partie par les municipalités. Qu'on aime ça, là, puis qu'on soit du gouvernement, ou qu'on n'aime pas ça, les parcs industriels ont supporté, qui sont gérés par les villes, avec les commissariats industriels qui sont devenus aujourd'hui toutes sortes de choses, là, mais comprenez que c'est avec ça qu'on a pu passer les années quatre-vingt et les années quatre-vingt-dix puis être capable de maintenir ce tissu d'entreprises, de PME au Québec. Ça a été travaillé fort par le milieu, par les gens qui sont dans les parcs, par les amis des amis puis qui connaissent le commissaire industriel puis qui connaissent le maire puis... Tout ce tissu-là est en danger présentement, parce qu'on enlève les ressources aux municipalités qui, de toute façon, ont participé au développement de cette belle province.

Et ça, là, il faut arrêter de couper dans ce qu'on dit de compressible dans les municipalités. Ce qui devrait être compressé, c'est la masse salariale. Pour le reste, là, on en a besoin, de nos sous, pour faire du développement économique, on en a besoin, de nos sous, pour réparer nos infrastructures, on en a besoin, de nos sous, pour faire évoluer le Québec. C'est ça, le message qu'on vous livre. Et si, en plus de ça, on peut performer en ayant des nouvelles sources de revenus, bien, ça, nous, on est ouverts avec M. Landry. Il faut se dire, par contre, que présentement, aux tables de discussion puis aux tables de négociation, il y en a pas trop de nouvelles sources de revenus qui sont avancées, mais peut-être que d'ici lundi... On ne sait jamais ce qui peut se passer dans ce beau monde.

Et en terminant, face à la simplification des structures et aux fusions, bien, écoutez, vous savez que, pour nous, l'important présentement, c'est un pacte fiscal auquel on va attacher un volet d'équité régionale et, par la suite, un dossier de simplification de structures. Et faire des fusions sans penser que la discussion sera lancée sur le terrain, vous savez ce n'est pas facile, là.

Je regarde le dossier du Mont-Tremblant, et ça, je vais vous passer mon commentaire personnel, qui n'engage en rien l'Union des municipalités du Québec, il faut comprendre. Le dossier du Mont-Tremblant, il y a eu un référendum fait par la ville de Mont-Tremblant, qui était peut-être un référendum, disons, prématuré, parce que finalement on a fait un référendum puis probablement que tout le monde savait que les gens diraient non. Comparé, là, quand on regarde la capacité financière de Mont-Tremblant, c'était un référendum qui n'était pas basé sur une étude. Et de l'autre côté, vous avez la position de Saint-Jovite qui est compréhensible. On veut bénéficier des ressources financières puis essayer... Mais encore une fois, les études de fusion n'ont pas été terminées et les vraies discussions n'ont pas eu lieu sur le terrain. Il n'y en a pas eu, là. Et ça, là, je vous le dis, c'est bien personnel. Parce qu'autant d'un côté comme de l'autre, bon, finalement on a tranché. Il y a une loi, et tout ça. Mais ce n'est pas vers ça que l'Union des municipalités souhaiterait aller. Ce qu'on veut, et, si jamais on s'en va vers une opération de cette envergure, il faut laisser la chance aux communautés locales d'être bien informées et que la bonne information soit livrée aux bonnes personnes.

Et ça, là-dessus, c'est vers un processus comme ça que veut s'orienter l'Union des municipalités, avec les délais requis et des implications de toute cette modernisation de nos structures qui s'en vient. Et ça, là, en autant qu'on la fait en connaissance de cause, avec les bonnes informations qui sont livrées à la population, moi, je pense qu'on ne peut pas faire autrement que gagner. Mais ce n'est pas facile. C'est des tensions. Et on ne s'en pas vers des dossiers qui sont simples. On s'en va vers une modernisation de nos structures. Et il faut que le gouvernement soit derrière nous et il faut qu'il nous donne toutes les lois, en tout cas le bagage de législation nécessaire pour qu'on arrive à nos objectifs, soit le faire en réalisant des économies pour notre citoyen. C'est ça.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Eh bien, avant de passer la parole au député de Montmagny-L'Islet, je pourrais dire que je préfère le modèle que je suis en train de vivre dans mon comté entre Sorel et Tracy, qui correspond à votre description, que le modèle de Saint-Jovite et Mont-Tremblant. Mais ce sont deux réalités qui ont été amorcées de façon différente, vous avez raison. M. le député.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. M. le président de l'Union des municipalités et tous ceux qui vous accompagnent, je vous salue. Et je vous écoutais tantôt interpeller le ministre des Finances, souhaiter... et dans ces termes, vous disiez: Il faudrait qu'on s'assoit ensemble. Il faut qu'on s'assoit ensemble pour pouvoir discuter de fiscalité. Évidemment, et vous avez raison, pendant que le gouvernement du Québec vit ces auditions ici aujourd'hui et depuis quelques jours, quelques semaines, pour savoir de quelle façon la population souhaiterait voir ses impôts réduits, il est tout à fait légitime de votre part, le monde municipal, les élus municipaux, que vous soyez en mesure aussi, au même moment, d'annoncer à vos électeurs payeurs de taxes, à vos citoyens, que vous êtes en mesure vous aussi de réduire, parce que c'est ce qu'ils attendent, d'une part, pour la simple raison que vous avez fait face, et ça, ç'a été... vous en avez parlé, et je pense que c'est de l'histoire... vous avez fait face à des factures pour aider le gouvernement du Québec, et plus récemment, à mieux paraître, donc l'atteinte du déficit zéro.

Donc, je pense que le gouvernement du Québec doit, au même moment où lui est en train de préparer une opération de réduction d'impôts, vous permettre de pouvoir en faire autant, je pense, comme partenaires, d'une part. Mais ce qui m'étonne, c'est que, pendant que vous êtes en train de négocier un pacte fiscal avec le ministère des Affaires municipales, la ministre des Affaires municipales, ce qui m'étonne, c'est que le ministère des Finances, au nom du gouvernement, n'est pas assis à la même table. Parce que, un pacte fiscal, je pense que c'est la clé du débat. Et j'aimerais vous entendre sur ça, à savoir: Est-ce que déjà, dans les négociations qui vont permettre à la ministre de probablement déposer lundi – c'est ce que vous souhaitez tous, qu'on souhaite tous – un livre de la couleur qu'elle aura choisie, ce n'est pas nécessairement le livre blanc, qui vous permet justement d'avoir eu ces négociations-là déjà. C'est ça qui m'étonne.

(16 h 10)

Et vous avez parlé tantôt de l'importance de vous permettre de pouvoir, d'avoir une ouverture pour revoir les formules de relations de travail, de négociations, de sous-traitance – appelez-la comme vous voudrez – dans le milieu municipal. J'aimerais savoir si vous avez eu la chance de négocier et d'en parler au moins avec les représentants du gouvernement.

M. Laframboise (Mario): Tout d'abord, M. le député, je voudrais juste qu'on se comprenne bien. Nous ne souhaitons pas un livre blanc, nous souhaitons un pacte fiscal, c'est bien différent. Pour le reste, je fais confiance au ministre des Finances. Je sais que le gouvernement suit de très près les négociations. Il aura sûrement à intervenir dans les dernières heures. Et ça, on ne peut pas passer outre. Vous dire que le gouvernement n'a pas suivi, là, je ne voudrais pas... je veux donner à César ce qui appartient à César. Le gouvernement suit les négociations par l'intermédiaire du bureau du premier ministre, donc il y a des interventions importantes, sauf que, face aux nouvelles sources de revenus évidemment, ça, disons que M. Landry s'y connaît mieux que certains autres, là, pour être capable de nous donner... Et c'est pour ça que je vous disais tantôt que ce que M. Landry avait avancé lors de notre congrès, c'étaient des choses qu'on aurait aimé être capable de discuter. On n'en est pas rendu encore là au moment où on se parle, mais on le souhaite ardemment, M. le député. Puis, si votre intervention est de dire au gouvernement: Allez-y donc, aidez-les, je la prends comme une aide. Et ça, tout ce qu'on souhaite, c'est que le gouvernement soit là-dedans et dans le meilleur intérêt de nos contribuables.

Nous, ce qu'on veut, c'est réduire les taxes des citoyens. On se donne un objectif. Donc, s'il y a des répercussions favorables, ça se concrétisera par une réduction du compte de taxes foncières de nos contribuables. Et ça, c'est à l'avantage de toute notre société.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie et je souligne une participation, cet après-midi, de l'Outaouais assez remarquable. Et je vous invite évidemment à poursuivre vos négociations qui mèneront, j'espère, et nous l'espérons tous ici, à des résultats qui seront à l'avantage de nos concitoyens, et nous espérons vous retrouver bientôt devant cette commission à l'occasion d'autres débats.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je sais que tout le monde à cette commission, qui travaille très fort, souhaiterait bien une longue pause, mais les impératifs du temps nous forcent à reprendre nos travaux. Et j'invite le groupe Impact Jeunesse Montérégie à venir se joindre à nous et j'invite les membres de la commission à reprendre leurs places.

Alors, nous avons deux porte-parole, MM. Lanthier et Ouellet. Je vais les inviter à s'identifier. Vous savez que vous disposez d'une vingtaine de minutes, et ensuite nous vous poserons différentes questions. Alors, qui veut prendre la parole en premier?


Impact Jeunesse Montérégie

M. Lanthier (Renaud): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Renaud Lanthier.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Très bien.

M. Lanthier (Renaud): Je suis accompagné de M. Bernard Ouellet. Dans un premier temps, M. le Président, je demanderais la permission de déposer un mémoire qui a été revu et corrigé et qui est plus complet. J'en ai une copie pour tout le monde. Je ne sais pas exactement de quelle façon il faut procéder habituellement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): L'huissier de la commission va venir vous retrouver, et vous pourrez lui remettre. Ou le Secrétaire directement, c'est un Maître Jacques qui fait tout ici. J'espère que vous n'avez pas trop changé d'opinion depuis la rédaction de votre rapport initial.

M. Lanthier (Renaud): Disons que le fond reste le même.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Bon. Nous vous écoutons.

M. Lanthier (Renaud): Bonjour. Alors, M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les députés. Comme je vous ai mentionné, mon nom est Renaud Lanthier et je suis avec M. Bernard Ouellet, les porte-parole du regroupement Impact Jeunesse Montérégie.

En tant que regroupement de jeunes professionnels préoccupés par le développement social de notre génération, nous avons analysé la problématique de la réduction d'impôts des particuliers sous l'angle de l'amélioration des conditions générales de vie des jeunes familles et de leurs enfants. En effet, les améliorations apportées et adoptées au cours de la prochaine année au régime fiscal auront des conséquences importantes sur notre génération ainsi que sur les générations futures. Nous considérons donc qu'il est important de pouvoir partager notre point de vue avec les membres de la commission.

Depuis quelques semaines déjà, la commission sur les finances publiques s'interroge sur la nécessité de réduire ou non le fardeau fiscal des contribuables au Québec. La réalité nord-américaine, combinée à des revendications sociétales légitimes, impose une réduction des impôts des Québécoises et des Québécois, qui sont, comme vous le savez, parmi les plus taxés en Amérique. Par contre, nous désirons apporter un nouveau véhicule afin de réduire notre fardeau fiscal. Comme vous le savez déjà, l'impôt des particuliers Québécois est 20 % supérieur au reste du Canada et 37 % supérieur à celui de l'Ontario. Il faut tout de même admettre que, pour offrir des baisses d'impôts des particuliers en Ontario, Mike Harris a dû augmenter de façon substantielle la dette de sa province, choix que nous ne sommes pas prêts à faire. Nous avons donc rédigé ce mémoire en gardant à l'esprit que le contexte économique actuel se veut très précaire et que l'on se doit de dégager des idées novatrices, non coûteuses qui permettraient à un plus grand nombre de personnes de profiter de notre richesse collective.

Lors du dernier budget, M. Landry nous a présenté cinq scénarios. Le troisième scénario, qui prévoit une diminution proportionnelle des impôts à l'ensemble des contribuables, avec un soutien additionnel aux familles, nous semble le plus équitable pour l'ensemble de la population. De fait, le prochain mémoire se penchera particulièrement sur la seconde partie de ce scénario, en précisant le type d'aide aux familles que nous jugeons adéquat dans les circonstances.

Depuis le début des audiences publiques sur la réduction de l'impôt des particuliers, très peu de groupes sont venus défendre les droits des familles à revenus moyens, qui sont pourtant les plus importants contributeurs au budget du Québec. Nous avons suivi avec intérêt les travaux de la commission et en sommes venus à la conclusion que, outre les lobbys traditionnels du patronat et des groupes communautaires, très peu d'actions concrètes ont été entreprises pour la défense des jeunes familles, qui se mobilisent rarement.

De façon générale et en tenant compte des objectifs du présent mémoire, nous traçons le portrait suivant de la famille. Bien que dans sa structure fonctionnelle, la famille québécoise se compare avantageusement à plusieurs autres familles vivant dans les autres provinces canadiennes, celle-ci présente certaines particularités propres à un peuple distinct. Nous qui étions un peuple prolifique en naissances à la fin du XVIIIe et XIXe siècle, nous en sommes rendus à être de ceux qui comptent le moins de familles ayant trois enfants et plus au Canada, avec seulement 16 % des familles. Cette réalité se reflète par ailleurs sur la taille de la famille québécoise, qui comptait 4,2 personnes en 1951, alors qu'on estime sa taille aujourd'hui à 2,9 personnes par ménage.

(16 h 20)

Nous sommes tous conscients qu'un tel effritement de la famille au Québec doit naturellement s'expliquer par un phénomène qui va au-delà d'une simple mode ou, diront certains, d'une tendance post-Révolution tranquille. L'une de ces raisons pourrait être la diminution de la richesse des familles québécoises. En effet, malgré le revenu moyen en dollars courants par famille qui est passé de 28 412 $ à 51 383 $ entre 1981 et 1996, la famille québécoise a connu une diminution de ses revenus de 5 % en dollars constants au cours de cette même période. De plus, on constate que 41 % de l'ensemble des revenus familiaux vont à des besoins indispensables, tel se loger, se nourrir et se déplacer, et qu'il faut rajouter un 23 % supplémentaire de nos revenus pour défrayer des dépenses liées à notre bien-être collectif. Il n'est donc pas surprenant de voir que seulement 5,2 % de nos revenus vont aux dépenses en loisirs. Il faut aussi prendre en considération que plus d'une famille sur cinq est considérée à faibles revenus. Ces dernières sont souvent *les moins enclines à dépenser pour les loisirs.

Nous ne voulons pas toutefois être alarmistes, car nous sommes conscients que la famille québécoise bénéficie d'une qualité de vie qui rend souvent les autres peuples envieux de notre bien-être collectif. Les chiffres que nous venons de présenter démontrent une certaine précarité de cette richesse collective qui se doit d'être préservée. L'un de ces moyens est sans aucun doute une plus grande équité fiscale qui fera en sorte de rétablir certains paramètres économiques. Nous souhaitons aussi, par une augmentation de la richesse des familles québécoises à faibles revenus, pouvoir stimuler un certain rattrapage démographique sur le reste du continent nord-américain.

En tenant compte de l'ensemble de ces données, nous considérons que toute réduction d'impôts devrait viser le développement économique et social de la famille.

M. Ouellet (Bernard): Alors, M. le Président, bonjour. Mon nom est Bernard Ouellet, co-porte-parole de Impact Jeunesse Montérégie.

Le gouvernement actuel a mis sur pied ces dernières années une politique familiale avant-gardiste, offrant des places en garderie ou en milieu familial à 5 $ aux familles qui en présentent le besoin. Cependant, cette mesure, quoique avantageuse, a eu l'effet de diminuer les sommes admissibles au crédit d'impôt pour frais de garde. Nous proposons donc que les sommes admissibles au crédit d'impôt soient redistribuées vers ces jeunes familles en créant un nouveau crédit d'impôt remboursable destiné à promouvoir le sport, les loisirs et la culture. On entend par crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture un crédit accordé aux familles pour la participation des jeunes de 18 ans et moins à des activités organisées dans ces domaines. À titre d'exemple, on peut penser aux écoles de hockey, cours de musique et cours de peinture. Nous croyons que ce nouveau crédit d'impôt devrait avantager l'ensemble de la jeunesse, contrairement à la politique de places en garderie à 5 $. En effet, cette dernière ne vise que les enfants de cinq ans et moins, alors que le crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture s'adresserait à l'ensemble des jeunes, et ce, jusqu'à l'âge de 18 ans.

Cette ouverture aux plus de cinq ans aurait pour effet de combler de nouveaux besoins sans pour autant entraîner des répercussions sérieuses sur les revenus fiscaux du gouvernement québécois. Au cours des prochaines minutes, nous vous offrirons à cet égard certaines pistes de réflexion.

Croyant qu'une telle politique aura des effets bénéfiques sur l'ensemble de la société, il en demeure toutefois qu'elles doivent s'appliquer de façon équitable. Le taux de ce crédit d'impôt devrait s'établir de façon régressive, selon le revenu familial net, tel que déjà appliqué pour les frais de garde d'enfants au Québec. Tous les contribuables doivent pouvoir bénéficier de cette mesure à différents niveaux, puisque toutes les classes de la société sont appelées à s'investir dans cette démarche qui se veut bien plus qu'un simple allégement fiscal, mais un incitatif majeur au développement collectif de la jeunesse. Un crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture aurait l'avantage de permettre à toutes les classes de la population de bénéficier des mêmes avantages selon leur degré de précarité. Il serait même envisageable, par le truchement de programmes sociaux déjà existants, tel le programme APPORT, d'offrir aux gens faisant partie des classes défavorisées de bénéficier d'un remboursement anticipé sur présentation de factures.

De plus, nous pouvons penser que ce crédit aura un impact direct pour les familles issues de la classe moyenne par le biais d'un retour d'impôt substantiel à la fin de chaque année fiscale. Une attention particulière sera du même coup accordée aux familles monoparentales qui, malheureusement, composent plus de 55 % des familles à faibles revenus. Nous considérons que l'effet provoqué par un crédit d'impôt remboursable est plus juste, plus équitable qu'une simple baisse de taux d'imposition, qui avantagerait plus directement les gens des classes les plus favorisées.

De plus, l'implantation d'un tel crédit d'impôt remboursable inciterait davantage le contribuable à réinjecter son argent dans l'économie québécoise. À cet effet, on constate inévitablement que la préoccupation première d'une grande proportion de baby-boomers est de capitaliser le plus possible ses revenus afin de préparer leur retraite à venir. Une baisse du taux d'imposition mettrait ainsi à leur disposition des sommes d'argent qu'ils s'empresseraient de placer dans des régimes de retraite, des fonds mutuels ou d'autres types de placement dans la perspective de leur retraite, ce qui favorise beaucoup moins l'économie du Québec.

Par le biais d'un crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture, les jeunes familles recevraient un apport financier supplémentaire, ce qui permettrait à leurs enfants de participer à des activités sportives ou culturelles. L'effet serait donc contraire à celle des classes plus aisées de la société, puisque l'obtention du crédit proposé serait directement tributaire d'une réinjection d'argent dans l'économie québécoise par les familles. En choisissant le sport, les loisirs et la culture, nous avons voulu, en plus d'alléger le fardeau fiscal des contribuables, promouvoir une habitude de vie saine et enrichissante tant sur le plan social que personnel. L'intégration de la jeunesse aux activités sociales qui leur sont dédiées aura pour effet de contribuer au développement de certaines habiletés chez les jeunes qui, sans un encadrement organisé, ne peuvent atteindre cet objectif. La solitude et les problèmes sociaux liés à l'individualisation croissante de la société occidentale ont pour effet d'accentuer les malaises que connaît la jeunesse contemporaine. Il revient donc à nous de contribuer au développement de ces liens sociaux par l'entremise directe de groupes locaux ou par le biais d'entreprises privées.

De plus, l'encouragement d'une telle politique freinera inévitablement la croissance de la criminalité chez les jeunes. En effet, le sentiment d'appartenance à un groupe et les valeurs inculquées par ces entreprises et organismes locaux auront des répercussions bénéfiques dans l'orientation que prendra la jeunesse d'aujourd'hui et celle de demain. Nous croyons d'ailleurs qu'un accroissement de l'implication ne serait-ce que d'une partie de la jeunesse dans les sports, les loisirs et la culture aura un effet exponentiel sur l'ensemble de la jeunesse. Celle-ci sera incitée davantage à s'impliquer à l'intérieur de ces groupes locaux. De ces trois priorités que vous venons de citer, la culture demeure trop souvent un secteur destiné à une classe particulière de la société. L'implantation du crédit d'impôt ferait en sorte de démocratiser le domaine culturel, permettant ainsi à la jeunesse, même celle défavorisée, une plus grande ouverture sur le monde, sur notre culture et sur la diversité culturelle si propre à notre société.

M. Lanthier (Renaud): Selon nous, un crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture aurait également des impacts directs sur nos municipalités qui offrent en ce moment plusieurs de ces services. En effet, un plus grand nombre de citoyens profiteraient des activités culturelles municipales, s'ils avaient accès au crédit d'impôt remboursable. Grâce à l'augmentation de l'achalandage, on rentabiliserait du même coup les infrastructures trop souvent déficitaires. L'un des principaux problèmes auxquels nos villes doivent faire face, c'est le coût important que nécessite l'entretien constant de ces infrastructures. Ne citons en exemple que le cas des centres communautaires, des arénas, des parcs. Tous ces services dont l'entretien est nécessaire et coûteux sont trop souvent sous-utilisés, donc non rentables. Mais une exploitation plus grande de ces infrastructures aurait un impact direct sur l'ensemble des retombées économiques d'une municipalité.

Toujours en parlant de financement de la mesure, comme vous le savez, en créant les places à 5 $ en milieu de garde pour les enfants d'âge préscolaire, le gouvernement québécois a rendu le crédit d'impôt pour frais de garde existant présentement plus ou moins sans intérêt, inapplicable pour les familles bénéficiant de ces places à 5 $. Cette inapplication deviendra de plus en plus grande au fur et à mesure que l'on étendra le programme à tous les enfants d'âge préscolaire. Qui dit inapplication au Québec dit inapplication également au fédéral, où l'on retrouve un crédit d'impôt pour frais de garde similaire à celui du gouvernement québécois. Dans le cas d'une famille québécoise qui profite des garderies à 5 $, elle ne peut déduire que ce montant, et seulement ce montant, au fédéral. Il y a donc une économie pour le gouvernement canadien.

(16 h 30)

Aussi, il devient évident que nos voisins d'Ottawa profitent de la politique familiale québécoise sans y participer financièrement, en économisant, depuis son instauration, des sommes d'argent importantes. En effet, la non-utilisation par les familles québécoises bénéficiant de places à 5 $ du crédit d'impôt fédéral pour frais de garde contribue à accroître les surplus fédéraux. Paradoxalement, cette économie offerte au fédéral deviendra de plus en plus significative et sera proportionnelle à l'application de la politique familiale du gouvernement québécois alors que le gouvernement fédéral, lui, accumule toujours davantage de surplus.

C'est pourquoi, selon nous, des négociations devraient avoir lieu avec le gouvernement fédéral afin de récupérer les économies réalisées suite à l'application de la politique familiale québécoise. En effet, il est légitime, pour les contribuables québécois, que les sommes économisées grâce à la politique familiale leur reviennent. Dans un souci d'équité, il est impératif que le gouvernement du Québec rapatrie cet argent. Ces sommes ainsi récupérées serviraient au financement du crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture.

La création d'un crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture par le gouvernement québécois permettrait, ce qui n'est pas négligeable, d'accroître sa visibilité dans ces domaines d'activités et ainsi empêcher le gouvernement fédéral, par un envahissement déjà annoncé, de reléguer aux oubliettes la présence québécoise en sport amateur. C'est l'image internationale du Québec au plan sportif qui risque ainsi, sans l'intervention du gouvernement, de se voir réduite à néant par l'implantation d'une structure sportive fédérale au niveau amateur, qui se veut imposante et contrôlante. Cet argument milite, à notre avis, en faveur de la création du crédit proposé.

Sur le plan fiscal maintenant, l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable aura l'avantage de diminuer le travail au noir. Dans tous les quotidiens ou hebdomadaires du Québec, on retrouve de plus en plus une quantité importante de services de tout genre qui sont offerts sur le marché qu'on pourrait qualifier de marché de parallèle. D'ailleurs, le ministère du Revenu du Québec évaluait les pertes fiscales pour 1994 à 100 000 000 $ dans les secteurs de l'éducation, des loisirs, des arts et des sports, ce qui représente 5 % du travail au noir au Québec.

Grâce au crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture qui est proposé, il est fort probable qu'un grand nombre de ces entreprises offrant leur savoir sans émettre de reçu devraient modifier leur pratique en fonction du crédit d'impôt remboursable, d'où une baisse des évasions fiscales dues au travail au noir. Les prestataires du service deviendraient ni plus ni moins les gardiens d'une pratique fiscale adéquate envers des entreprises qui verront, en travaillant cette fois en toute légalité, une augmentation substantielle de leur achalandage.

M. Ouellet (Bernard): Une importante section de l'économie québécoise tourne autour de la culture, des loisirs et des sports. Comme nous le disions précédemment, plusieurs de ces entreprises le font dans l'irrégularité, mais ajoutons aussi à cela qu'un grand nombre d'entre elles le font en toute légalité et réussissent très bien actuellement grâce à la déduction fiscale pour frais de garde. Ne citons en exemple que toute l'industrie des camps de jour et des écoles indépendantes du milieu scolaire à caractère sportif ou culturel, telles écoles de hockey, écoles de cirque. Voilà quelques exemples de PME qui démontrent qu'un crédit d'impôt peut non seulement avoir un impact direct sur les familles, mais aussi sur l'ensemble de l'économie et devenir créateur d'emplois.

Pourquoi passer sous silence la réussite de ces crédits d'impôt pour frais de garde qui furent, par le passé, trop souvent ignorés parce qu'ils pouvaient sembler négligeables? L'exemple d'entreprises qui en bénéficient adéquatement donne des résultats intéressants. Ces PME, qui offrent des salaires de qualité à des professionnels chargés d'encadrer les jeunes en l'absence des parents, dans le cas d'enfants à charge, embauchent généralement un bassin considérable de travailleurs en période de pointe. Il est donc facile d'imaginer le nombre d'emplois qui pourraient être créés dans ces domaines seulement par la hausse de la demande en services. De plus, en offrant à des entreprises saisonnières la possibilité d'étendre leurs activités sur une plus longue période, elles pourraient hausser de manière considérable leur achalandage.

Afin de subvenir à cette demande, il est logique de croire qu'elles engageraient beaucoup plus de personnel. On peut donc penser que le crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture constitue une piste de solution pour des domaines durement touchés par le chômage. Les éducateurs ayant une formation reconnue dans ce type d'entreprises gagnent en moyenne un salaire que l'on peut évaluer à 15 $ l'heure, et ce, en toute légalité. En projetant ces chiffres à l'ensemble de l'année fiscale, de telles activités rembourseraient rapidement l'investissement gouvernemental sous toutes ses formes, incluant le crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture.

De plus, il ne faut surtout pas négliger le fait que les emplois d'éducateur ainsi créés par l'application d'un crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture le seraient en grande majorité chez les jeunes adultes ayant suivi des formations spécialisées dans les domaines ciblés. Ils seraient ainsi plus à même de communiquer leur expérience aux plus jeunes. Que l'on pense encore aux écoles de ski, de hockey, aux animateurs de camps d'été, aux professeurs de musique, de danse ou de dessin, voilà autant d'opportunités pour les jeunes adultes de rejoindre les rangs des travailleurs.

Une fois ce crédit d'impôt remboursable mis en place, il est raisonnable de penser que les jeunes plus défavorisés, et même les jeunes émanant des classes moyennes, profiteront d'un éventail de cours plus diversifiés dans les domaines visés par le crédit d'impôt, puisque la demande influera inévitablement sur l'offre. Les jeunes auront la chance de développer des habilités, des intérêts dans des domaines sportifs et culturels qu'ils n'auraient peut-être autrement jamais pu connaître. La mesure proposée aurait pour effet d'annihiler d'un point de vue sportif et culturel les distinctions entre les jeunes, favorisant ainsi les échanges, le dialogue et la compréhension entre Québécois de toute classe sociale.

En conclusion, mesdames et messieurs, le crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture que nous proposons se veut un moyen de rendre accessible aux familles ayant des enfants à charge un univers auquel une partie restreinte de la population a normalement accès. Bien plus qu'une simple baisse d'impôts, une telle mesure contribuerait inévitablement à équilibrer leur budget, les activités physiques et culturelles étant pour les familles des luxes difficilement accessibles. Il faut ajouter aussi que, comparativement aux classes moyennes et aisées, les plus démunis de notre société retirent très peu d'avantages d'une baisse du taux d'imposition généralisée. Ils sont davantage préoccupés par une augmentation des services à la population améliorant leur qualité de vie au quotidien.

Ajoutons aussi qu'un crédit d'impôt au sport, aux loisirs et à la culture, pour qu'il soit bénéfique, devrait s'accompagner d'une pléiade de mesures touchant la jeunesse québécoise. Ces mesures doivent poursuivre les mêmes objectifs de démocratisation afin d'éviter qu'une partie de la population se sente exclue. Soyez assurés que nous sommes conscients que la priorité gouvernementale doit aller vers la réduction des impôts des particuliers, et nous souscrivons à cette thèse.

La mise en place de la mesure fiscale proposée ne s'oppose pas à une baisse d'impôts. Nous croyons plutôt que l'instauration de ces deux principes, soit une réduction du taux d'imposition des particuliers accompagnée d'un crédit d'impôt remboursable au sport, aux loisirs et à la culture, aurait pour effet de rencontrer l'objectif souhaité. En outre, l'instauration d'une telle mesure permettrait d'accroître l'équité de notre système fiscal tout en favorisant l'épanouissement des plus jeunes de notre société.

Finalement, les impacts indirects présentés, telles que la baisse du travail au noir, l'augmentation de l'achalandage dans les infrastructures municipales, la baisse de la criminalité, la contribution au bien-être collectif de la jeunesse, l'augmentation de la visibilité du Québec combinée à des création d'emplois de qualité, assureraient la pérennité d'une telle mesure. Les retombées de ce crédit d'impôt se répercuteront non seulement sur l'ensemble de la société québécoise, mais aussi au gouvernement du Québec; il y trouvera son compte, notamment en récupérant des sommes qui lui sont dues du fédéral.

Bien plus qu'un simple crédit d'impôt qui favorise à la fois le gouvernement, les municipalités, les entreprises, les travailleurs et surtout les familles, il s'agit d'une orientation sociale que nous offrons à l'ensemble de la jeunesse québécoise afin qu'elle explore et qu'elle adhère aux valeurs véhiculées à travers le sport, les loisirs et la culture. Cette mesure répond aux besoins présents des familles et prépare la jeunesse pour demain. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention et nous allons sans doute vous poser un certain nombre de questions. Je ne connaissais pas votre groupe. Vous êtes en Montérégie; j'espère que vous avez poussé quelques pseudopodes du côté du Bas-Richelieu. En tout cas, votre souci des jeunes familles vous honore.

Je vais inviter le ministre des Finances à poser les premières questions et ensuite les députés ministériels et de l'opposition à prendre le relais.

M. Landry: Ce qui est intéressant dans votre mémoire, c'est qu'il est vraiment humaniste. Vous nous parlez de familles, vous nous parlez de jeunes, vous nous parlez de culture, de loisirs, toutes choses qui sont associées généralement au bonheur humain. Donc, vous avez dû avoir certaines réflexions sur ces thèmes. J'aimerais vous entendre parler un peu plus du lien entre les biens matériels et le fait d'avoir ou de ne pas avoir de famille. C'est une question très difficile que je vous pose, parce qu'il y a beaucoup de sociologues et des scientifiques qui sont incapables d'y répondre.

(16 h 40)

Ce que je veux dire, c'est que, quand le Québec avait des familles très nombreuses, c'étaient souvent des périodes où les biens matériels étaient les plus rares. Et, si on remonte à pas tellement d'années, simplement à l'époque où j'avais des décisions familiales à prendre moi-même, et ma conjointe, les facteurs matériels en général ne nous venaient même pas à l'esprit. On faisait des enfants. Il était absolument naturel pour nous d'avoir des enfants; on ne se demandait pas si on aurait un crédit d'impôt ou on n'en aurait pas, on n'avait pas de toute façon puis on n'en avait rien à cirer non plus.

Mais la question se pose aujourd'hui alors qu'en vérité les familles disposent de plus en plus de biens matériels: Pourquoi est-ce qu'ils refusent au fond la vie d'une certaine manière? Il doit y avoir des raisons très, très impérieuses. Parce que la vie, ça pousse fort, ça. Vos graphiques sont édifiants. Les familles de trois enfants, c'est au Québec qu'il y en a le moins, et on est en-dessous du taux de reproduction naturel. Avez-vous une idée? On est rendu, d'après vos chiffres – puis je les ai vus ailleurs aussi – à 15 % de familles monoparentales. Pourquoi? Est-ce qu'il y a une nouvelle normalité qui s'installerait peu à peu à l'effet que ça serait mieux d'élever des enfants avec un seul parent? En tout cas, vous avez pris une approche humaniste, alors je vous pose des questions dans ce sens-là.

M. Ouellet (Bernard): En fait, si je peux répondre, on n'a pas vraiment la solution pour régler le problème des familles, en fait du noyau familial en tant que tel. Mais en réaction à cette réalité-là, on propose une façon d'alléger, si on veut, le fardeau de ces familles. La... comme vous dites, que vous soulevez, est très longue, est très grande. Je pense qu'on pourrait éventuellement s'y pencher, mais encore là je crois qu'à court terme on a besoin de faire quelque chose, puis c'est ce qu'on présente, là, plus ou moins.

M. Lanthier (Renaud): Peut-être si je pouvais ajouter simplement. Nous, ce qu'on veut par l'entremise de notre crédit d'impôt remboursable, c'est regrouper d'une certaine façon des jeunes qui vivent l'individualisation, une individualisation qui est grandissante dans les familles québécoises comme le démontrent les graphiques, les annexes que nous avons mis à notre mémoire. Il y a de moins en moins d'enfants dans les familles, ils sont de plus en plus seuls; souvent les deux parents travaillent à l'extérieur du domicile conjugal, ça fait en sorte que ces enfants-là sont seuls.

Ce qu'on veut, ce qu'on pense que le crédit d'impôt remboursable au sport, loisirs et à la culture pourrait amener, c'est de permettre à ces enfants-là de se sociabiliser ni plus ni moins en rencontrant d'autres jeunes dans les activités dirigées et dans lesquelles les jeunes se retrouvent, des activités sportives, culturelles et de loisirs. Je ne sais pas si ça répond tout à fait à votre question.

M. Landry: Il y a un autre point que vous avez mentionné qui est intéressant, ça touche le gouvernement fédéral, quand vous dites de négocier avec eux, là. Vous savez que MM. Jean Chrétien et Stéphane Dion ne sont pas trop portés à la négociation, hein? Et vous savez que la question du Québec, et de sa reconnaissance nationale, tourne en rond depuis 50 ans. Dans cette salle et dans l'autre surtout, la verte, de l'autre côté, ont défilé des générations et des générations d'hommes et de femmes politiques du Québec depuis un demi-siècle, qui ont tous demandé qu'Ottawa reconnaisse telle ou telle caractéristique de notre peuple, et ça a été un échec total. Moi, ça fait 23 ans et un jour que je suis membre de cette Assemblée – avec une interruption, mais j'ai été élu pour la première fois il y a 23 ans. Quand j'ai été élu – c'est le soir où René Lévesque est devenu le premier ministre du Québec, en fait – l'Assemblée, ici, avait plus de pouvoir qu'elle n'en a aujourd'hui. Elle en a perdu entre-temps: rapatriement unilatéral de la Constitution en particulier et une série de jugements de cour qui ont fait que le pouvoir des télécommunications qu'on avait on ne l'a plus, etc.

Et vous avez dans la foulée parlé du sport amateur et de l'image international du Québec. Mais avec des gens qui nient l'existence même de la nation du Québec, vous pensez bien que jamais ils vont nous permettre d'avoir le moindre rayonnement sportif international. Les Anglais sont beaucoup moins mesquins avec l'Écosse, l'Écosse a une équipe nationale. Les Espagnols sont beaucoup moins mesquins avec les Catalans. Les Anglais sont beaucoup moins mesquins avec le pays de Galles.

Alors, je pense que vous touchez une difficulté fondamentale, là, et vous êtes à l'âge d'une réflexion et d'une action sur ces questions. Je vous trouve bien optimiste quand vous pensez que les fédéraux vont négocier quoi que ce soit avec nous dans ce sens-là. Ils ne sont pas en train de nous en donner plus, ils sont en train d'en reprendre. L'éducation, c'était une juridiction sacrée du Québec quand j'ai été élu à l'Assemblée nationale, il y a 23 ans. Aujourd'hui, ils font des bourses du millénaire puis on est obligé de négocier avec le président de Bell Canada. Ça n'avance pas, ça recule.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Votre réaction?

M. Ouellet (Bernard): O.K. Parlant de réaction, on pourrait dire: Suivant les gestes posés par le fédéral, quelle sera la réaction du Québec dans tout ça, en fin de compte? Par quels moyens, en fait, on peut contrer cet envahissement, si on peut employer le terme, du fédéral dans une juridiction, si on parle de culture, de rayonnement québécois à l'international? Comment on peut réagir à ça? Puis le crédit d'impôt, sans nécessairement prétendre que ça va régler tous les maux, peut stimuler un peu. En fait, je pense que la force du nombre peut entrer en considération là-dedans et éventuellement faire en sorte que le rayonnement du Québec puisse se faire malgré, comme on dit, l'intervention fédérale.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de Duplessis, vous aviez envie de poser une question.

M. Duguay: Merci, M. le Président. Alors, moi également, je désire vous remercier de votre participation. C'est bien sûr que, quand on regarde l'intérêt que peut représenter pour nous le type de mémoire que vous avez déposé, c'est important, parce que la jeunesse, pour nous, du Parti québécois, c'est drôlement important. Et ce qu'on essaie de faire, c'est de trouver les palliatifs pour amener les jeunes à s'impliquer au sein d'une communauté.

Mais je regardais également, à l'intérieur de votre mémoire, il y a des bonnes idées, cependant il y en a une, quand vous parlez du fardeau fiscal... Vous êtes sûrement au courant que les jeunes contribuables de moins de 25 ans ici, au Québec, représentent à peu près 11,4 % de la population, des contribuables, et touchent à peu près 4,5 % du revenu total. Et, compte tenu qu'ils payent seulement 2,3 % des impôts, vous ne pensez pas que le régime d'imposition au Québec favorise nos jeunes?

M. Ouellet (Bernard): Bien, en fait ce que je pourrais dire... Si je comprends bien votre question, vous dites: Les moins de 25 ans sont favorisés. Quand on parle de jeunes familles... Bon, la jeunesse, on peut... c'est difficile de cibler ça, mais, si on va jusqu'à 40 ans, le coeur ou la génération pré-baby-boomers, celle qui n'a pas les avantages de l'autre, si on veut – je peux en parler – donc c'est elle particulièrement qu'on cible, là. Quand on parle d'avoir des enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, bon, bien, on peut remonter facilement à 35, 40 ans. Donc, ce que vous dites, c'est tout à fait vrai. C'est peut-être moins pertinent aux plus jeunes, les vraiment plus jeunes. Mais, quand on parle d'un certain groupe, là peut-être – je n'ai pas les chiffres – que l'impact pourrait être plus fort à ce niveau-là.

M. Lanthier (Renaud): On parle de jeunes familles dans notre mémoire, mais il ne faut pas oublier que ça peut toucher toutes les familles. On parle d'un crédit d'impôt remboursable pour les jeunes de zéro à 18 ans, donc de sorte que des enfants qui ont 13, 14 ou 15 ans, nécessairement les parents sont dans un groupe d'âge un peu plus vieux que les 25, 30 ans, là. À ce moment-là, ces gens-là participent au fardeau fiscal québécois comme tout autre travailleur. Donc, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est de redistribuer vers les familles qui en... vers des gens qui profitent déjà beaucoup des retombées économiques.

M. Duguay: Tout à l'heure aussi, M. le ministre vous a... en tout cas a fait référence par rapport à l'opposition du fédéral versus le provincial. Puis dans votre mémoire vous parlez aussi beaucoup de crédit d'impôt remboursable au sport et aux loisirs, à la culture, et vous dites que le gouvernement du Québec devrait faire des démarches auprès du gouvernement fédéral à l'effet de leur dire de nous rembourser ce qu'ils nous doivent. Vous êtes sûrement conscient aussi que ce n'est pas dans le seul domaine où on interpelle le fédéral: au niveau de la santé, au niveau de l'éducation, et tout ça. Est-ce que vous auriez une méthode miracle à nous donner pour qu'on puisse les conscientiser, leur dire de nous redonner ce qu'ils nous doivent?

(16 h 50)

M. Lanthier (Renaud): Malheureusement non. Il est évident que, si on avait une recette miracle, on l'aurait fait connaître avant, comme plusieurs groupes probablement qui ont passé avant nous. Notre mémoire, ce qu'il représente, c'est une piste de réflexion pour rappeler au gouvernement actuel qu'il y a peut-être des sommes au fédéral qu'on va aller rechercher dans ce domaine précis là. Je le sais que la conjoncture fait en sorte que c'est très difficile pour l'instant pour le gouvernement provincial. Cependant, je pense qu'à quelque part il va falloir faire des choix de société éventuellement, tout simplement.

M. Duguay: Mais peut-être juste une dernière observation. Parce que ce matin nous avons reçu les aînés, qui ont présenté leur mémoire, et il y a quand même une attention particulière qu'il est bon de soulever, parce qu'à ce stade-ci... Tout à l'heure, M. le ministre a fait référence que c'est vrai que de plus en plus on a des monoparentaux au niveau des jeunes. Et les aînés nous faisaient remarquer ce matin que, pour passer à travers ça, il fallait vivre à deux. Alors, c'est bien sûr que, là, on a les deux extrémités. Alors, c'est juste une réflexion qui nous amène peut-être à penser que c'est important de... surtout dans le domaine fiscalité là à un moment donné les mesures, c'est peut-être plus important pour les gens qui sont en couple que monoparentaux.

M. Ouellet (Bernard): Aussi, mais en fait ce qu'on voulait surtout relever là-dedans, c'était la précarité financière des familles monoparentales, plus à ce niveau-là. Mais en fait il faudrait parler de crédits d'impôt pour l'encouragement de couples. Là, comme disait M. Landry, on rentrerait vraiment dans un thème humaniste approfondi.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Je vais maintenant passer la parole à la députée de La Pinière, qui est d'ailleurs députée dans cette Montérégie où vous travaillez.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Lanthier, M. Ouellet, je suis ravie de vous voir parmi nous. Comme députée de La Pinière et présidente du caucus libéral de la Montérégie, je vous souhaite la bienvenue. J'ai trouvé ça rafraîchissant que vous nous ameniez des idées jeunes, n'est-ce pas? C'est comme ça qu'il faut voir les choses. Je vous ai écoutés avec grand intérêt. L'idée que vous soumettez, en fait l'idée maîtresse dans votre mémoire, au-delà du constat que vous faites, qu'on est les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord, et vous soulignez un certain nombre aussi de constats qui vous sont propres, avec lesquels on peut être d'accord ou en désaccord, vous en conviendrez, mais l'idée centrale dans votre mémoire, c'est d'instaurer un crédit d'impôt remboursable au sport, au loisir et à la culture. Et j'ai trouvé ça très intéressant que vous veniez exprimer en tout cas un souci, une préoccupation par rapport à l'accès des jeunes à ces différents volets, spécifiquement les loisirs, la culture et le sport.

Cependant, en vous écoutant attentivement, je me suis quand même posé certaines questions. Connaissant un peu le territoire de la Montérégie, ce qui se fait, je sais que presque toutes les municipalités, pas seulement en Montérégie, mais parlons de chez nous, ont des politiques de loisir, des politiques culturelles. Elles gèrent des équipements culturels et sportifs qu'elles mettent à la disposition de la population sur leur territoire. Souvent, l'accès a ces équipements-là est soit gratuit ou à un prix minime. Il existe sur notre territoire une multitude d'organismes de jeunes, d'organismes communautaires qui oeuvrent aussi dans le domaine culturel, le domaine sportif et le domaine des loisirs.

Il y a au gouvernement un service ou des programmes, une multitude en fait de programmes qui visent à financer les organismes communautaires dans le domaine de la culture, du sport et du loisir. Ajoutez à ça que les ministres dans leur domaine de responsabilité aussi ont des budgets discrétionnaires. Les députés gèrent un programme, qui s'appelle le Support à l'action bénévole, qui vise spécifiquement les loisirs, la culture et les activités communautaires. Le ministère des Affaires municipales a également des budgets qui s'adressent à ce genre de chose. Et je me demandais si, selon votre constat, malgré la disponibilité de cette panoplie de programmes de financement, de disponibilité des équipements, il y a encore selon vous des besoins qui ne sont pas pris en charge et que l'idée que vous proposez d'instaurer un crédit d'impôt remboursable pour le sport, loisir et culture répond vraiment à un besoin réel et concret dans notre région.

M. Ouellet (Bernard): Si je peux répondre à la question, le support qui est proposé ici est un support, en fait, opposé ou, en fait, inverse à celui qui est déjà présenté par le gouvernement ou le support aux organismes. Nous, ce n'est pas tant un support à ces organismes-là qu'on croit que ça va se répercuter, mais c'est surtout un support aux usagers. En fait, c'est eux qu'on doit stimuler. Oui, vous dites: C'est vrai les infrastructures dans les municipalités sont déjà subventionnées. C'est vrai qu'elles sont souvent accessibles à peu de frais, je parle des bibliothèques et endroits comme ça, mais, si on parle, par exemple, d'une inscription aux sports, ça aussi c'est financé par les municipalités mais c'est dispendieux. C'est très dispendieux, puis, bon, ce n'est peut-être pas toutes les familles qui peuvent y aller.

On parle aussi d'un crédit d'impôt qui va favoriser les municipalités, mais ça va aussi favoriser les entreprises privées. Donc, il faut voir ça dans un caractère assez large et il ne faut pas nécessairement ramener ça uniquement à se dire: Qu'est-ce que la municipalité en bout de ligne va récupérer? mais bien: Qu'est-ce que la jeunesse en tant que telle va récupérer dans tout ça? En fait aussi, quand on parle de mesures afin de donner des valeurs à cette jeunesse, bon, bien, ce n'est pas les municipalités, les infrastructures en place qui peuvent stimuler ça, mais bien, en fait, le parent qui, avec son enfant, peut l'envoyer s'inscrire dans un de ces cours ou ces activités-là.

Mme Houda-Pepin: C'est ces liens-là que je ne suis pas capable de percevoir, à moins que vous m'en fassiez la démonstration, entre la nécessité d'instaurer un crédit d'impôt remboursable, sport, loisirs et culture et l'implication plus grande des jeunes dans ces activités-là. La démonstration n'est pas faite sachant qu'il existe déjà, comme je vous ai dit, une panoplie de services, de programmes, d'activités. Chez nous, en Montérégie, on est l'une des régions les plus dynamiques de ce côté-là, on a d'ailleurs des jeunes qui performent très bien au niveau local, régional, national et international dans tous ces domaines-là – on est fier d'eux d'ailleurs – et puis vous continuez à dire que, si on donne un crédit d'impôt directement à l'individu, ça va le stimuler davantage pour aller vers les activités culturelles, vers les activités de loisirs, vers les activités sportives. La démonstration demeure à faire, parce que dans votre mémoire évidemment elle n'est pas là, et c'est ça, mon questionnement: Sur quoi vous vous basez pour faire une relation de cause à effet entre le fait qu'on donne un crédit d'impôt et le fait que les gens, lorsqu'ils vont bénéficier de ce crédit d'impôt, vont être plus nombreux à s'engager dans les activités sportives, loisirs et culture.

(17 heures)

M. Lanthier (Renaud): Ce qu'on propose, c'est une mesure d'application générale. Mais, pour arriver à décider ou à, disons, proposer au gouvernement qu'il y ait un crédit d'impôt remboursable au sport, loisirs et la culture, c'est évident que ça a fait un sujet de beaucoup de discussions de notre part, et c'est par le biais d'exemples concrets qu'on s'est rendu compte que l'accessibilité, malgré les programmes existants, n'est peut-être pas si grande qu'elle peut le paraître au départ. Je vais vous donner un exemple concret: qu'on pense à l'inscription de jeunes enfants au hockey. Dans toutes les municipalités, il y a des... bien, la plupart des municipalités, disons, il y a des arénas, puis c'est évident que l'aréna, c'est souvent la municipalité elle-même qui possède l'infrastructure. Cependant, c'est loué, si vous voulez, à des organismes sans but lucratif, qui sont le hockey mineur, par exemple, entre autres. Et les jeunes, pour s'inscrire à ces activités-là, les parents doivent défrayer des sommes qui varient entre 300 $ et 500 $, dépendamment des municipalités. Et c'est ce 300 $ ou 500 $ là que les familles ne peuvent pas toujours se permettre de débourser. Ainsi, ça prive les jeunes, leurs enfants, de participer à des activités avec d'autres jeunes. Donc, avec l'implantation d'un crédit d'impôt remboursable aux sports, loisirs et à la culture, ça aurait pour effet de contrer cet empêchement-là, si vous voulez, de participer aux activités.

Donc, au niveau concret, même s'il existe des programmes gouvernementaux présentement, il y a beaucoup d'exemples qu'on pourrait vous démontrer, qu'on pense à des cours de musique qui seraient donnés par des professeurs, ce n'est pas nécessairement des municipalités comme telles qui vont donner ces cours-là, les jeunes ne peuvent pas y avoir accès parce que leurs parents ne sont pas toujours capables de payer ces cours-là. Donc, au niveau concret, je pense que ce crédit d'impôt là proposé a vraiment sa place.

Mme Houda-Pepin: Mais il n'en demeure pas moins que vous suggérez une mesure d'ordre général, donc universelle, pour régler un problème qui est d'ordre plus limitatif, parce que vous parlez de ceux qui n'ont pas les moyens d'accéder à certains programmes ou certaines activités. Quoique, moi, je peux témoigner de ce qui se fait chez nous en région. Les organismes communautaires essaient par tous les moyens, en tout cas, d'organiser des activités et d'impliquer les jeunes dans le financement de ces activités-là, et il y a une sorte de péréquation, si je peux dire, c'est-à-dire que l'organisme communautaire va aider les jeunes qui n'ont pas les ressources, mais qui ont le talent, qui ont l'intérêt, notamment pour le hockey.

J'ai participé, pas plus tard qu'il y a deux semaines, à une activité avec une équipe de hockey de jeunes de 15, 16 ans qui sont impliqués dans le hockey, puis ils ont eu une activité culturelle, un spectacle, pour ramasser des fonds. Et ils ont ramassé sur le champ 12 000 $. Moi, comme députée, j'ai contribué dans le cadre de mon budget. Les parents contribuent. Donc, on arrive à donner le service à ceux qui veulent le recevoir. Et je n'ai jamais pensé que ça serait utile de prévoir une mesure d'ordre général pour que tout le monde s'implique dans des activités de cette nature.

Ceci étant dit, j'ai participé, le 1er novembre dernier, donc c'est frais dans ma mémoire, à une rencontre avec les jeunes. Ce que les jeunes nous ont dit – parce que vous êtes un groupe de jeunes – ce qui les préoccupait, c'étaient vraiment des préoccupations au niveau de l'éducation, au niveau de la formation, au niveau de l'accès au marché du travail, l'accès aux nouvelles technologies. Puis votre mémoire ne traite pas du tout de ces questions-là. Est-ce que c'est parce que vous n'avez pas réfléchi là-dessus ou parce que vous considérez que ce n'est pas un besoin?

M. Lanthier (Renaud): D'abord, on a pensé que peut-être d'autres personnes vous feraient part de ces appréhensions-là pour la jeunesse. C'est évident qu'on a les mêmes. Cependant, on voulait amener de nouvelles pistes de réflexion, tout simplement se dire: Écoutez, il y a peut-être d'autres choses qui pourraient être faites, qui ne coûteraient pas nécessairement des sommes d'argent importantes au gouvernement et qui permettraient d'améliorer les conditions de vie générales des jeunes familles. C'est évident qu'on sait qu'il y a d'autres problèmes qui sont également fort importants, en matière d'éducation notamment, et on ne met pas ça de côté, mais on voulait amener, si vous voulez, un côté différent de la problématique.

Mme Houda-Pepin: Et dernière question. Impact Jeunesse, ça représente combien de membres et ça couvre quel territoire?

M. Lanthier (Renaud): Impact Jeunesse Montérégie, c'est un regroupement de jeunes, c'est un groupe de discussion, si vous voulez, de sorte qu'on peut se réunir à 15, 20, ça dépend du sujet qu'on va décider de discuter. C'est en matière politique, en matière économique et sociale, surtout. Donc, souvent, cette discussion-là peut se faire, si vous voulez, à quelques-uns, mais qui vont en parler à d'autres familles qui vivent la même réalité que nous autres mêmes. Ce n'est pas un organisme qui est fort organisé, si vous voulez. Alors, c'est plutôt, là, un groupe de discussion.

Mme Houda-Pepin: Vous n'êtes pas constitués en tant que tel comme organisme, vous êtes un groupe de discussion...

M. Lanthier (Renaud): Effectivement.

Mme Houda-Pepin: ...qui se rencontre à l'occasion pour traiter de questions d'intérêt général pour les jeunes.

M. Lanthier (Renaud): Mais, étant donné qu'on se rencontre de plus en plus, je pense qu'éventuellement nous serons organisés en organisme sans but lucratif.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci.

M. Ouellet (Bernard): Est-ce que je peux ajouter juste un petit élément? En fait, dans notre mémoire, vraiment, on s'est adressés aux jeunes familles. C'est vrai, comme vous dites, on est jeunes, on s'intéresse aux problèmes des jeunes, mais là, vraiment, on a ciblé les jeunes familles. Voilà.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Très bien. Même si ce n'est pas notre pratique habituelle, comme le temps n'a pas été utilisé complètement du côté ministériel, le député de Marguerite-D'Youville a demandé de poser une question, je pense, avec votre consentement, lui donner la parole.

M. Beaulne: Merci. Alors, j'aimerais vous féliciter pour votre mémoire, parce que je pense que vous n'avez pas ciblé l'ensemble des problèmes des jeunes, mais je pense que vous l'avez bien expliqué, qu'il s'agissait de centrer surtout sur les questions que se posent les jeunes en matière familiale.

Il y a une note qui m'apparaît très pertinente dans ce que vous dites. Je ne partage pas tout à fait l'avis de ma collègue de La Pinière que c'est si facile d'accès que ça en matière de sports, de loisirs et de culture pour l'ensemble des familles, même les familles qui ne bénéficient pas d'aide particulière de l'État. Parce que, dans le contexte de la réorganisation municipale qu'on connaît de plus en plus, les villes procèdent à la tarification. Et, comme ça se passe malheureusement à certains niveaux de gouvernement, ce sont souvent les activités culturelles qui passent à la moulinette dans les budgets municipaux.

Quant aux sports, on aime bien tous voir nos athlètes apparaître aux olympiques, mais ça ne pousse pas comme des champignons, ca ne se fait pas du jour au lendemain. Et, comme nous ne sommes pas organisés ici comme dans certains autres pays pour supporter financièrement l'éclosion d'un athlète à partir du moment où il est détecté comme ayant un potentiel jusqu'à la participation aux concours internationaux, ça m'apparaît une mesure assez intéressante.

Je vous poserai simplement une question très brève pour peut-être la compréhension des autres jeunes qui vous écoutent. Vous parlez d'un crédit remboursable. Bien souvent, on parle également de crédits d'impôt de toutes sortes. Il y en a eu dans toutes sortes de domaines. Certainement, ce que vous préconisez est tout aussi valable que celui dans le domaine du cinéma, par exemple, dont on connaît les petits problèmes d'application couramment. Alors, quelle distinction faites-vous entre – je sais que c'est technique, mais pour le bénéfice de ceux qui vous écoutent – crédit d'impôt remboursable que vous préconisez et crédit d'impôt tout simplement comme on l'utilise souvent dans d'autres secteurs?

M. Ouellet (Bernard): En fait, c'est un crédit d'impôt remboursable qui est régressif, en fin de compte. Suivant le revenu des familles, on applique un certain retour. Donc, les familles plus aisées auront droit à un retour peut-être inférieur à celles qui sont moins bien nanties. Donc, c'est sur une base, en fin de compte, d'équité toujours que l'application de cette mesure doit s'appliquer et non d'une façon égale.

On va revenir, un peu comme Mme Pepin disait, c'est peut-être vrai qu'en fin de compte les besoins des gens ne sont pas tous égaux, mais, par contre, comme vous le dites, le besoin est là, et pour tous. Puis, si on pouvait même rajouter quelque chose là-dessus, je crois que cette mesure-là doit impliquer tout le monde. Quand on fait un projet de société, on va prendre l'exemple d'un projet de société, c'est tous qui doivent embarquer. Donc, dans une mesure comme ça, si on cible seulement une petite partie, les effets ne seront jamais là, je crois.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Oui, je vous en prie.

M. Lanthier (Renaud): Simplement pour répondre un peu plus, en fait, techniquement à la question du député de Marguerite-D'Youville, ce qu'on entend par un crédit d'impôt remboursable, quant à nous, c'est que les sommes payées pour inscrire les enfants à des activités sportives, culturelles ou de loisir seront remboursées suivant, comme on l'a expliqué dans notre mémoire, ce qu'on propose, nous, un taux régressif de remboursement, et ce, finalement, sans tenir compte de l'impôt payé par les familles. C'est-à-dire que même les familles les plus pauvres pourront se voir rembourser. Même si elles n'avaient pas d'impôts à payer au bout de l'année, eh bien, elles pourraient obtenir ce crédit d'impôt remboursable là en touchant les sommes qui auraient fait l'objet d'investissement par les parents pour les activités sportives et culturelles, contrairement au crédit d'impôt qui, lui, bien, nécessairement, pour y avoir accès, il faut absolument qu'on ait payé de l'impôt.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Alors, je vous remercie de votre initiative. Nous avons donc lu et discuté avec beaucoup de plaisir de vos propositions.

M. Lanthier (Renaud): Merci.

(17 h 10)

Le Président (M. Simard, Richelieu): J'invite tout de suite, le temps file, l'Union des producteurs agricoles à venir se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous avons maintenant avec nous, je pense, un groupe extrêmement important dans notre société et qui est un groupe qui est habitué à fréquenter ce salon et tous les autres de cette Assemblée, il s'agit de l'Union des producteurs agricoles et de son président, M. Laurent Pellerin. Il est accompagné de M. Lavoie. C'est bien ça? Alors, vous connaissez nos règles. Je ne parlerai pas plus longtemps. Nous vous écoutons.


Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Pellerin (Laurent): Alors, bonne fin d'après-midi à tout le monde. Je n'ai pas besoin d'élaborer très, très longtemps sur ce qu'est l'UPA. Peut-être juste vous rappeler rapidement: 45 000 producteurs, 37 fédérations affiliées présentes partout sur le territoire québécois.

Et qu'est-ce qu'on peut bien avoir de bon à dire sur l'objet de cette commission, c'est-à-dire les impôts, les impôts des particuliers, et particulièrement son titre, qui s'appelle Réduction de l'impôt des particuliers? Alors, la première question qu'on s'est posée: Est-ce qu'on prend pour acquis que c'est le seul objectif qu'on poursuivra, réduction de l'impôt des particuliers, dans cette période où on arrive vraisemblablement vers certains surplus budgétaires, si M. Landry a réussi à convaincre ses confrères des autres provinces canadiennes et son confrère fédéral hier de transférer plus d'argent dans les provinces, donc plus rapidement que prévu, des plus gros surplus que prévu? On veut prendre l'occasion de cette commission cet après-midi pour vous rappeler quelques-uns des objectifs qu'on veut défendre en agriculture, et on ne voit pas la seule formule de la réduction des impôts des particuliers comme étant une mesure unique, une mesure totale qui serait la seule source d'enrichissement de la société ou de stimulation d'activité économique. Alors, juste pour vous rappeler nos autres préoccupations.

Alors, je vais laisser M. Lavoie vous présenter le contenu et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et commentaires.

M. Lavoie (Gilbert): Merci, M. Pellerin. Essentiellement, compte tenu que le mémoire est relativement court, je vais en faire une lecture rapide et puis, après, on pourra commenter.

Lors de la 40e Conférence annuelle des premiers ministres, le gouvernement du Québec a demandé au gouvernement fédéral d'appliquer son surplus budgétaire en réduction d'impôts. Pour justifier sa position, le Québec s'est inspiré de la théorie voulant que la meilleure avenue pour favoriser l'essor économique et la création d'emplois est de retourner les surplus budgétaires aux particuliers sous forme de réduction d'impôts.

Le monde agricole est foncièrement inconfortable avec cette avenue. Pour assurer l'essor d'une activité économique, il est incontournable que l'État injecte une partie de ses surplus dans les programmes agricoles qu'il a amputés dans le cadre de sa lutte au déficit. À cet effet, notons que nos voisins américains ont approuvé récemment une aide de 7 500 000 000 $. J'ouvre une parenthèse ici, l'aide a été bonifiée davantage lorsqu'elle est passée du Sénat jusqu'au Congrès, elle a été bonifiée à 8 700 000 000 $, 7 500 000 000 $ pour les paiements directs ou les baisses de prix et 1 200 000 000 $ pour les catastrophes ou les problèmes climatiques. Ce montant d'aide représente la moitié de leur surplus budgétaire. Ça nous provient de Sparks International qui est une firme reconnue dans ce domaine-là.

Dans le cadre de cette commission portant sur la réduction de l'impôt des particuliers, l'Union des producteurs agricoles a jugé nécessaire d'exprimer sa position sur l'utilisation des surplus budgétaires pour assurer la compétitivité et soutenir la création d'emplois dans notre secteur d'activité. Cette préoccupation rejoint celle exprimée dans le document de consultation de la présente commission. En effet, ce dernier souligne que la fiscalité des particuliers doit tenir compte de l'impact des impôts sur la croissance et l'emploi et sur la concurrence que nous livrent nos partenaires économiques.

À la lumière des engagements de développement et de création d'emplois pris lors du Forum sur le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois en mars 1998, l'UPA tient à s'assurer que le gouvernement du Québec soit en mesure d'offrir à notre secteur un niveau de soutien compétitif par rapport à nos principaux compétiteurs, tel qu'il s'y était engagé.

Nous tenons d'emblée à préciser que nous ne nous opposons pas à une réduction des impôts des particuliers. Par contre, cette dernière ne peut figurer comme la solution unique à la création d'emplois et l'amélioration de la compétitivité dans l'économie québécoise. Cette seule action ne permettra pas à notre secteur de rencontrer les engagements que l'ensemble des intervenants du milieu se sont fixés avec le gouvernement du Québec lors du Forum de mars 1998, notamment celui touchant la création de 15 000 nouveaux emplois d'ici 2005.

Notre mémoire insistera donc sur l'importance de l'intervention de l'État en agriculture et son impact sur le développement de notre secteur et la création d'emplois.

L'importance de l'agriculture, de l'agroalimentaire dans l'économie québécoise. Je vais aller plus succinctement sur cette section-là. Essentiellement, nos données nous proviennent du site du ministère de l'Agriculture. Pour mettre en perspective notre propos, nous avons cru bon rappeler aux membres de la commission l'importance de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans l'économie québécoise tant d'un point de vue global que régional. Les informations portant sur la contribution du secteur au niveau de l'emploi, du PIB, des investissements sont présentées au tableau 1 et à la figure 1 en annexe.

Grosso modo, il y a un emploi sur neuf qui dépend du secteur agricole et agroalimentaire au Québec. Quand on dit «agricole et agroalimentaire», ça inclut bien entendu, là, l'agriculture au niveau primaire, ça inclut le secteur secondaire et le secteur tertiaire. Au Québec, ce niveau d'emploi représente 12 % de l'emploi total ou, autrement dit, un emploi sur neuf. Dans les faits, le secteur représente les deux tiers des emplois dans le secteur primaire et est aussi le principal employeur du secteur manufacturier. Finalement, un emploi sur quatre dans le commerce de détail est tributaire de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Autre fait important à noter, entre 1992 et 1996, notre secteur d'activité a connu une progression de l'emploi de près de 12 %, soit un taux de croissance deux fois supérieur au taux observé durant cette même période dans l'économie québécoise.

(17 h 20)

Un employeur de premier plan dans la plupart des régions du Québec. Sur une base régionale, je pense que c'est important de rappeler que l'agriculture et agroalimentaire ressort comme un employeur de premier plan dans la plupart des régions administratives. Il représente plus de 10 % des emplois dans 12 des 17 régions administratives du Québec.

Une contribution significative au PIB. En 1996, le secteur agricole et agroalimentaire représentait 9 % du PIB, ce qui le place parmi un des plus importants secteurs contribuant à l'activité économique de la province. Fait important à noter, les statistiques officielles ne comptabilisent pas distinctivement les emplois et le PIB liés à la production et la distribution des intrants et services situés en amont de l'agriculture ni ceux liés au transport des produits agricoles et agroalimentaires. L'inclusion de ces facteurs aurait pour conséquence d'accroître de façon significative les données relatives à la contribution du secteur à l'emploi et au PIB.

Des investissements annuels de près de 1 000 000 000 $ dans l'économie québécoise. Les résultats observés au niveau de l'emploi et de la contribution au PIB de la province ont été rendus possibles grâce à des investissements annuels soutenus de plus de 1 000 000 000 $ au cours des 10 dernières années. En 1996, les investissements dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire se sont chiffrés à 1 400 000 000 $. De ce montant, plus de 500 000 000 $ provenaient directement de l'agriculture.

Environnement concurrentiel en agriculture et agroalimentaire. En agriculture, les gouvernements des pays industrialisés jouent un rôle important et ne sont pas étrangers à la concurrence que nous livrent nos partenaires économiques. Cette situation s'explique par le fait que les seules lois du marché ne fonctionnent pas en agriculture. Même les Américains, pourtant grands défenseurs de cette orientation, ont dû renoncer à l'appliquer en agriculture, et cela, malgré la dernière entente de l'OMC ou l'Organisation mondiale du commerce portant sur les produits agricoles. Leurs actions récentes en termes de support à l'agriculture en est une preuve tangible. Pour illustrer les propos, nous présentons dans cette section quelques informations portant sur le niveau de soutien de plusieurs pays et aborderons plus spécifiquement l'intervention récente du gouvernement américain.

Un soutien au Canada de loin inférieur aux autres pays. Le niveau de soutien accordé par les États à l'agriculture est mesuré par l'Organisation de corporation de développement économique, mieux connue sous le nom de l'OCDE. Cette dernière publie annuellement une mesure de soutien appelée «équivalent subvention à la production» ou simplement ESP. Cette mesure reconnue internationalement est un indicateur utilisé pour comparer le niveau de support offert par les différents pays à leur secteur agricole.

Les ESP pour le Canada, les États-Unis et l'Union européenne sont présentés au tableau 2 en annexe. L'analyse de ce tableau permet de dégager les constats suivants. Le secteur agricole canadien, avec un ESP de 16 % en 1998, est de loin moins supporté que celui des États-Unis et de l'Union européenne. Au cours des 10 dernières années, le niveau de soutien au Canada a été réduit de moitié pendant qu'aux États-Unis et en Europe, après avoir légèrement baissé, il est remonté en 1998 à un niveau similaire à celui de 1986-1988, qui étaient les années de référence pour les réductions ou les engagements des différents pays.

Pour évaluer l'impact sur les citoyens des mesures de support offert par les différents pays, l'OCDE évalue le soutien total des politiques agricoles en dollars US par habitant. Cette information est présentée au tableau 3 en annexe. L'analyse de ce dernier fait ressortir les observations suivantes. Le Canada a offert un soutien de 140 $US par habitant en 1998, soit un niveau deux fois et demie moins qu'aux États-Unis, qui était à 260 $US per capita, et en Europe, qui s'élevait à 381 $US. Sur une période de 10 ans, le soutien à l'agriculture par habitant a chuté près de la moitié au Canada pendant qu'il est resté relativement le même aux États-Unis et en Europe.

Les États-Unis affectent la moitié de leur surplus budgétaire en aide aux agriculteurs. Face à la crise mondiale qui sévit actuellement en agriculture, les États-Unis n'ont pas hésité à accorder une aide de 6 000 000 000 $ en 1999 et une autre de 7 500 000 000 $ en 2000 pour supporter leur agriculture. Ce dernier montant d'aide représente la moitié du surplus budgétaire fédéral aux États-Unis l'an prochain. À noter que ces derniers montants affectés en 1999 et 2000 auront pour conséquence de faire grimper davantage l'ESP des États-Unis pour ces deux années. Cette aide fait suite au constat d'échec de la politique non interventionniste en agriculture que les Américains désiraient mettre de l'avant, qu'ils avaient surnommée «Freedom to farm».

Cette situation est bien illustrée dans les propos tenus par Dan Glickman, qui est le secrétaire d'État américain, lors du 75e Forum annuel sur les perspectives agricoles tenu un peu plus tôt cette année: «Nos agriculteurs sont sans défense vis-à-vis des conditions atmosphériques rudes, une production mondiale accrue, une récession économique générale qui fait baisser la demande. Les marchés savent bien faire volte-face de manière inattendue. Il subsiste un haut degré d'incertitude quant à l'avenir, particulièrement au-delà de deux ou trois ans.»

Un budget agricole amputé de plus de 20 % au cours des cinq dernières années. Pendant ce temps, le budget du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation subissait une baisse de 20 %, passant de 681 000 000 $ à 529 000 000 $. Dans la mesure où le budget total provincial est demeuré relativement stable durant cette même période, on est en mesure de conclure que le secteur agricole a fait plus que sa part au niveau du redressement des finances publiques. Un retour du balancier en cette période de surplus budgétaire serait tout à fait légitime à demander.

Engagements des décideurs lors du Sommet sur l'agriculture. On voulait faire un retour sur les engagements. Lors du Forum sur le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois tenu en mars 1998 et présidé par le premier ministre du Québec, M. Bouchard, les intervenants du secteur ont convenu de réaliser les engagements suivants d'ici 2005: accroître le nombre des emplois en agriculture et dans la transformation de 15 000; doubler les exportations pour les faire passer de 2 000 000 000 $ à 4 000 000 000 $; et investir 7 500 000 000 $ dans les fermes et la transformation. Ces engagements ont été pris en contrepartie d'un support de l'État qui permet d'assurer un environnement compétitif au secteur québécois par rapport à nos partenaires économiques.

Au moment d'écrire ces lignes, le gouvernement du Québec n'avait toujours pas fait connaître ce que l'on a appelé lors du Forum son enveloppe budgétaire prédéterminée pour le secteur. À la lumière des actions récentes entreprises par les autres États en termes de soutien à l'agriculture, il ne fait aucun doute que le gouvernement du Québec se devra de présenter une enveloppe suffisante pour être en mesure de réaliser nos engagements. À défaut de cela, il y a de fortes chances qu'au lieu d'assister à une croissance d'emplois on assistera à une réduction de l'activité économique et à une perte d'emplois pour le secteur.

Ce dernier point permet d'illustrer notre propos exprimé dans l'introduction. L'UPA n'est pas en soi contre une réduction de l'impôt des particuliers. Toutefois, il est nécessaire que le gouvernement conserve des provisions pour rencontrer son engagement d'offrir au secteur agricole et agroalimentaire québécois un environnement compétitif et favorable à la création d'emplois.

En termes de conclusion, dans le présent mémoire, nous n'avons pas exprimé d'opinion sur la manière de réduire les impôts des particuliers. Notre propos a plutôt été de mettre en perspective les dangers d'un support insuffisant de l'État au niveau de la création d'emplois et de la compétitivité dans notre secteur d'activité économique. Nous tenons à préciser de nouveau que nous ne nous opposons pas à une réduction des impôts des particuliers. Par contre, nous ne croyons pas que cette seule stratégie soit la bonne pour assurer la compétitivité du secteur et la création d'emplois.

En agriculture et agroalimentaire, il est impératif que l'État utilise une partie de ses surplus pour respecter son engagement à nous offrir un environnement concurrentiel et équitable par rapport aux autres partenaires économiques. À la lumière des coupures effectuées au secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, cette demande est tout à fait légitime et réalisable. En contrepartie, soyez assurés que les producteurs et productrices agricoles du Québec vont livrer la marchandise et créer les emplois promis. Et vous avez en annexe les différents tableaux et figures.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je pense que maintenant on va vous poser un certain nombre de questions. Je vais d'abord inviter le ministre des Finances à poser la première question, et puis j'enchaînerai.

M. Landry: D'abord, vous savez que le gouvernement n'est pas à convaincre de beaucoup des positions qui sont les vôtres. Sur le plan historique, le parti majoritaire, premièrement, a été, je crois, après l'Union nationale, après dans le temps parce que au moins égal en intensité, le parti de l'agriculture. Sans dire de mal des autres, ils n'ont jamais eu le pouce vraiment vert. Les grandes lois agricoles au Québec ont été faites soit par l'Union nationale soit par le Parti québécois.

Nous vous suivons aussi sur le plan de la philosophie économique à l'effet que le marché pur ne convient pas parfaitement à l'agriculture. Ce qu'il y a de drôle, c'est que le communisme ne convenait pas non plus. Ni l'un des deux grands systèmes économiques de notre temps ni l'autre n'a pu prendre en compte la spécificité de l'économie agricole, qui est une des activités humaines les plus complexes qu'on puisse imaginer. Les uns disent: C'est à cause de la température. Les autres disent: C'est à cause du caractère des agriculteurs. Mais il y a quelque chose de spécial dans ce métier.

C'est pourquoi, quand vous dites que les États sont interventionnistes, vous avez raison, y compris La Mecque du capitalisme, les États-Unis d'Amérique, bien l'Europe encore plus, et le Canada pas mal moins, mais ce que je veux vous faire reconnaître, c'est le Québec beaucoup plus que le Canada par ailleurs. Je ne sais pas si vous avez ces chiffres du niveau de soutien en pourcentage de la production. Dans le Canada, excluant le Québec, en 1997-1998, c'est 10 %; au Québec, c'est le double, c'est 21 %. Alors, je comprends que vous êtes ici pour faire valoir la voix du monde agricole et en demander davantage, mais je voudrais que vous admettiez que vous ne partez pas d'une base misérabiliste, premièrement.

Deuxièmement, je voudrais vous faire remarquer, en vous demandant ce que vous en pensez, que, dans la fiscalité des particuliers, le Québec a introduit une série de mesures visant directement le monde agricole, qui sont la souplesse de la comptabilité de l'inventaire – vous êtes les seuls à avoir ça – le report des gains en capital sur les biens transmis aux enfants, le report des gains en capital attribuables à la réserve de 10 ans pour les gains en capital de la vente aux enfants de biens agricoles ou d'actions d'une société agricole, l'exemption d'effectuer des versements trimestriels et l'exonération à vie des 500 000 $ des gains en capital sur les biens agricoles.

Il y a des gens qui disent, à tort ou à raison, parmi le monde industriel, les salariés industriels... Moi, je représente un comté agricole et industriel. Le comté de Verchères est un des gros comtés agricoles du Québec, puis, en même temps, c'est la grosse pétrochimie à Varennes puis la grosse sidérurgie à Contrecoeur. Et, des fois, les gens de l'industrie regardent dans le champ, au-dessus de la clôture, et prétendent qu'eux ils sont frappés de lourds impôts et que les politiques agricoles favorisent les agriculteurs. Vous avez dû entendre ça, vous aussi. Le président de l'UPA, lui, est dans un comté agricole mais industriel de pas loin, par ailleurs; il y a un gros parc industriel pas loin de chez vous. Ces propos ont dû arriver à vos oreilles. Qu'est-ce que vous en pensez?

(17 h 30)

M. Pellerin (Laurent): Comme à l'habitude, vous soulevez plusieurs propos.

M. Landry: Oui.

M. Pellerin (Laurent): D'abord, sur un de vos premiers commentaires, que le capitalisme pur n'est pas capable de répondre à l'agriculture et que le communisme a probablement échoué aussi, c'est pour ça que ça nous fait drôlement plaisir, aujourd'hui, de nous adresser à un parti politique qui relève plus de la social-démocratie, en quelque part un balancement entre ces deux grandes tendances. On devrait bien se comprendre là-dessus.

Effectivement, le capitalisme pur n'a jamais réussi à satisfaire les besoins des producteurs agricoles, particulièrement au niveau de la sécurité des revenus décents pour permettre aux familles de vivre de cette production-là. Je relisais cette année – parce que ça fait 75 ans qu'on existe – les motivations de nos ancêtres, en 1924, alors qu'on n'était pas encore dans une agriculture de marché mais une agriculture de subsistance, à l'époque, pas d'électricité dans les rangs, pas de téléphone, pour la plupart des agriculteurs, pas de voiture, et, malgré ça, 2 400 d'entre eux se sont rendus à Québec.

M. Landry: Pas de tracteurs.

M. Pellerin (Laurent): Pas de tracteurs non plus.

M. Landry: Ça s'appelait l'Union catholique des cultivateurs.

M. Pellerin (Laurent): Exactement.

M. Landry: Mon grand-père était membre.

M. Pellerin (Laurent): Alors, pourquoi ces gens-là se sont rendus à 2 400 à Québec pour revendiquer une organisation, pour revendiquer une instance pour les défendre? Et je regarde partout dans les textes, et je retrouve: On a besoin de sécuriser le revenu des familles agricoles. Et déjà les producteurs voyaient venir l'agriculture de production pour la vente, la commercialisation des produits agricoles. Ils revendiquaient déjà là. Et, s'il y a quelque chose qui s'est maintenu au cours de ces 75 ans d'histoire, et qui semble vouloir se maintenir pour le prochain siècle, c'est la difficulté de rencontrer les besoins des revenus des producteurs agricoles par le marché uniquement.

Je le répète, par ailleurs, parce que, souvent, on ne l'entend pas toujours bien, l'UPA continue de revendiquer que c'est dans le marché qu'on va chercher le maximum de nos revenus. Bon an, mal an, la moyenne des dernières années, 92 % de nos revenus sont venus du marché, et on pense qu'on est capable d'améliorer ça. C'est d'ailleurs notre principal objet de travail: améliorer le revenu du marché.

Le deuxième objet de travail, c'est toutes les interventions qu'on peut faire au niveau de la réglementation: mise en marché ordonnée des produits agricoles, la Loi sur la mise en marché et d'autres mécanismes réglementaires qui ne coûtent pas de deniers publics, mais qui sont drôlement efficaces quant à l'amélioration du revenu des producteurs agricoles.

Le dernier secteur où on met de l'énergie, c'est toujours à contrecoeur et en dernier recours, l'intervention des pouvoirs publics, l'intervention financière pour combler, quand il y a lieu, les manques à gagner ou les manques de revenus importants des producteurs agricoles. Et je ferai tout de suite le lien avec la pétrochimie ou les grands secteurs de l'activité économique québécoise et d'ailleurs dans le monde. Je vais appeler ça l'effet Bill Gates, qu'on a connu depuis longtemps et qu'on connaît depuis quelques semaines comme étant possiblement poursuivi par les instances de libre concurrence américaines. Il semble qu'il y aurait infraction. Peut-être qu'on obligera même le démantèlement.

Je veux signaler que les producteurs agricoles sont tout à fait à l'abri de la composition de fortunes de ce type-là, ce qui n'est pas le cas de la pétrochimie, du secteur informatique, du secteur de l'industrie automobile où les propriétaires de ces industries-là peuvent amasser des sommes colossales. Je n'ai jamais vu personne, en agriculture, devenir millionnaire.

Bien sûr, on est obligé d'intervenir...

M. Landry: Parce que millionnaire aujourd'hui, ce n'est pas tant que ça, là.

M. Pellerin (Laurent): Bien, c'est 1 000 000 $.

M. Landry: Il doit y avoir bien des agriculteurs qui sont millionnaires.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il y en a juste un ici, puis je pense qu'il ne doit pas être pauvre.

M. Pellerin (Laurent): Millionnaire d'actif, millionnaire de passif, millionnaire d'équité, je pourrais les compter facilement sur une courte liste. Alors que, dans d'autres secteurs de la société, on voit souvent le palmarès des personnes riches de notre société, il y en a toute une liste, puis je n'ai jamais vu de noms de producteurs agricoles là-dedans. Et c'est probablement pour ça que l'État est obligé d'intervenir pour adapter certaines particularités du traitement fiscal auxquelles vous avez fait allusion: report de l'impôt, des versements trimestriels, gains à vie de 500 000 $ exonérés de revenus, qui est l'espèce de fonds de pension des producteurs agricoles.

La seule fois dans leur vie où ils ont accès à une somme d'argent, c'est lorsqu'ils liquident leur entreprise. Durant leur vie, ils vivent de frugalité, je peux vous l'assurer. Encore aujourd'hui, des gens qui travaillent sept jours par semaine, 50, 60, 70 heures par semaine, j'en connais des centaines, des milliers, ce qui n'est pas nécessairement une caractéristique courante des travailleurs de notre société qui sont plutôt dans l'élaboration de la société des loisirs. Alors, ça, on est capable de le faire en agriculture, on est capable d'être productif, on est capable d'être compétitif, mais ça a toujours pris un support de l'État. Et je ne pense pas que c'est l'aube du prochain siècle qui va nous passer de cette nécessité-là.

Vous m'avez demandé, en bon gentilhomme, de reconnaître que le traitement des agriculteurs au Québec était un peu différent du traitement des agriculteurs dans la moyenne du Canada: oui, et fort heureusement. Je veux dire, je ne voudrais pas me retrouver devant mon gouvernement, qu'il soit fédéral ou provincial, et recevoir le traitement que mes confrères de l'Ouest ont reçu il y a une dizaine de jours, où c'est presque avec mépris qu'on les a reçus, les traitant encore une fois de braillards alors qu'on sait que la situation des producteurs céréaliers de l'Ouest canadien est tout à fait catastrophique, historiquement catastrophique actuellement.

Alors, oui, il y a un traitement particulier différent au Québec. Je dirais qu'il est dû à deux faits majeurs. Un, c'est qu'on a la plus forte proportion des produits sous contingentement au Canada qui sont ici, au Québec, lait, volaille, oeufs, dindon et oeufs d'incubation, donc qui stabilisent beaucoup le revenu des producteurs agricoles et qui font en sorte que l'État a moins besoin d'intervenir. Ce sont des mécanismes à partage de pouvoirs entre le fédéral et le provincial; ce sont des régimes canadiens. Et l'autre raison majeure pourquoi il y a une différence au niveau du traitement qu'on fait aux agriculteurs au Québec, c'est notre loi sur la sécurité des revenus agricoles et la vigueur aussi, là – je ne voudrais pas l'oublier – de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles qui est appliquée de façon plus systématique que dans les autres provinces canadiennes, donc qui a un effet positif au niveau des revenus.

Une combinaison de ces trois facteurs-là fait que la situation du Québec est plus avantageuse pour les producteurs. Et vous vous rappelez que, dans le calcul de l'ESP, les bénéfices des systèmes de contingentement sont mesurés en dollars aussi, donc pas nécessairement d'intervention financière de l'État. Et je le répète, ce n'est pas nécessairement ce qu'on souhaite en premier, d'ailleurs, l'intervention financière de l'État.

Ce qu'on veut marquer aujourd'hui, c'est qu'il semble se dégager – je ne dis pas que c'est retenu par les instances décisionnelles – de certaines revendications qu'on entend que la mesure qui pourrait sauver notre société est celle de la réduction des impôts des particuliers, en général une activité économique supplémentaire créatrice d'emplois, ce qui est tout à fait hypothétique. Ce n'est pas évident que, si on réduit les impôts, les consommateurs vont agir en acteurs économiques, c'est-à-dire en consommant de plus en plus. Peut-être qu'ils vont en mettre une partie de côté aussi parce qu'ils viennent de sortir d'une période économique difficile. Ce n'est pas nécessairement très créateur d'emplois, très créateur d'activité économique.

Et on se demande si, dans le fond, cette école de pensée ne serait pas une idée mutante – on est à l'époque des transferts génétiques – de ceux qui disaient, à l'époque: Tout ce que l'État touche tourne mal. Alors, dans un premier temps, ils ont travaillé très fort à vous mettre de la pression sur les cotes, sur les réductions de déficit. Vous avez répondu à ça, l'État a répondu partout, dans les provinces canadiennes, au fédéral et au Québec aussi. Et cette école de pensée, je pense, continue à penser que ce n'est pas suffisant. Il reste encore trop d'argent que l'État peut gérer. Alors, la version nouvelle qu'on entend, c'est: réduction d'impôts des particuliers. Si on n'a pas réussi à atrophier assez l'État en l'obligeant à ne plus faire de déficit, alors, donnons une autre petite coche en continuant à faire la promotion de la réduction de l'impôt des particuliers, qui, encore une fois, réussira peut-être à atrophier assez l'État pour qu'on soit capables, nous, les entrepreneurs qui avons ambition de gérer les affaires publiques à la place de l'État, sans être élus par ailleurs. Du réseau routier en passant par la santé, et pourquoi pas les écoles un jour, si on réussissait à atrophier assez l'État pour qu'il puisse se retirer de tous ces secteurs-là, quel grand développement pour les entrepreneurs du secteur privé.

(17 h 40)

Si c'était un mutant que cette façon de penser? Nous nous sommes déplacés ici, à Québec, aujourd'hui, pour vous signifier notre intérêt à ce qu'il y ait d'autres écoles de pensée qui disent: Attention! Nous, nous continuons à penser qu'un État qui a un pouvoir d'intervention constructif est un État bénéfique pour les citoyens du Québec. Ce n'est pas tellement la hauteur du niveau des impôts qui est problématique pour nous, c'est la façon dont eux l'utilisent.

Et, de temps en temps, on va faire des tours en Europe. J'arrive de Finlande où j'ai constaté encore une fois... puis je suis allé au Danemark avant ça à cause de mes liens avec les producteurs de porc, c'est un pays très grand producteur. Et, à chaque fois, je constate que ces gens-là ont des taux d'imposition qui dépassent les 50 %. Jamais, dans aucune réunion de producteurs, dans aucune intervention avec des gouvernements, je n'ai entendu parler d'insatisfaction par rapport à la façon dont ces sommes d'argent là étaient dépensées. Alors, le taux d'imposition, vous pouvez le comparer entre le Québec et l'Ontario, entre le Québec et les États-Unis. Ce qu'il est important de comparer, c'est les services qu'on a de disponibles au Québec par rapport aux États-Unis, par rapport à l'Ontario, par rapport à d'autres pays qui paient plus d'impôts que nous autres aussi.

Et je suggère qu'à certains endroits il faudrait peut-être continuer à construire au lieu de réduire l'appareil gouvernemental, conditionnellement à ce qu'il soit administré de façon impeccable. Je pense que vous vous êtes attachés à cette tâche-là. Le Québec s'est attaché à cette tâche-là depuis quelques mandats, et ça paraît. On n'augmentera pas le niveau de satisfaction du citoyen moyen uniquement en réduisant les impôts. Il restera encore beaucoup d'argent à gérer par l'État, et il faut s'appliquer à bien le gérer pour augmenter le taux de satisfaction par dollar investi par le citoyen. On pense que la piste est plus intéressante de ce côté-là. Je pense que ça fait le tour de vos quelques commentaires. Je ne sais pas si j'en ai oublié.

M. Landry: Sur la nécessité de garder un rôle important à l'État dans les solidarités humaines, nous sommes parfaitement en accord avec vous. Nous croyons, comme les agriculteurs, à la main invisible du marché. Vous savez beaucoup du marché...

M. Pellerin (Laurent): Oui, je vous ai cité déjà.

M. Landry: ...vous l'avez dit. D'ailleurs, les premiers grands marchés de la terre, c'est des marchés agricoles. Puis, encore aujourd'hui, les grands marchés de la terre, les vrais, c'est des marchés agricoles. Mais on peut croire à la main invisible, parfaitement, de cet économiste qui n'était pas un Anglais, comme certains disent. Adam Smith, ce n'était pas un Anglais, c'était un Écossais; ça fait une grosse différence. Et on peut croire à la main invisible d'Adam Smith, mais croire comme l'UPA et comme le présent gouvernement à la main visible de la solidarité pour effacer les mécomptes de la main invisible. Si la main invisible était parfaite, les agriculteurs, ils n'auraient pas besoin de programme du gouvernement pour soutenir les prix. Si la main invisible était parfaite, le taux de chômage ne serait pas de 9 % au Québec, et ainsi de suite, puis il ne serait pas de 17 % à Terre-Neuve.

Alors, je pense que votre présence dans notre commission montre que nous sommes – et ça ne me surprend d'aucune manière – largement sur la même longueur d'onde, sauf que l'on pense quand même que nos compatriotes sont trop taxés par rapport à l'environnement continental. Peut-être pas par rapport à l'Europe de l'Ouest, mais par rapport à l'Ontario, ça devient difficile à supporter, puis par rapport aux États-Unis aussi, bien qu'on n'aspire pas à la fiscalité américaine. Parce que, si on a la fiscalité américaine, on a le système de santé américain aussi. On ne veut pas ça. Mais il y a une espèce de consensus dans notre société à l'effet que le temps est venu de donner une chance au moins à la classe moyenne en termes d'impôt.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Pellerin, il y a cinq, six ans... les accords du GATT se sont conclus il y a six ans maintenant?

M. Landry: Marrakech, six ans, oui.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ce qui a donné naissance à l'OMC. Il me semblait – mais c'est intéressant qu'on ait cette discussion-là maintenant – à ce moment-là que la tendance mondiale très lourde était vers un retrait de l'intervention gouvernementale partout à travers le monde et que les règles se préciseraient de plus en plus dans cette direction-là. Rappelez-vous, même pour les offices de mise en marché, il y avait péril en la demeure, et il a fallu faire admettre un certain nombre de formules pour les maintenir. Vous semblez dire dans votre mémoire que l'État devrait continuer d'investir, puisque ça se fait de plus en plus ailleurs et que le mouvement est inversé. Ça m'intéresse beaucoup de vous entendre là-dessus.

M. Pellerin (Laurent): D'abord, la gageure – je pense qu'il faut appeler ça comme ça – de la dernière signature de l'OMC, c'était exactement celle-là: si les pays qui interviennent massivement en agriculture se retirent, normalement, le commerce ou le système d'offre et de demande devrait mieux s'exprimer et, en quelque part, le prix des denrées agricoles se replacer à un niveau plus acceptable. Vous ne nous avez pas vus nous opposer à cette logique-là. On suit cette logique-là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est très attentif.

M. Pellerin (Laurent): Très attentif? Mais nous croyons à cette logique-là, jusqu'à la limite que M. Landry vient d'exprimer. Et, juste pour vous donner un chiffre tout à fait révélateur, OMC 1993 a pris sa référence sur les subsides en agriculture en 1986-1988, la période 1986-1988. Dollar par habitant, aux États-Unis, en 1986-1988, 363 $ par habitant. Ils ont baissé au fil des ans à 285 $ par habitant. Et, curieusement, dans les deux dernières années, en 1998 particulièrement, savez-vous à quel chiffre les États-Unis sont revenus? 363 $ par habitant, dollar pour dollar à la référence 1986-1988. Pourtant, ils s'étaient engagés en 1993 à réduire substantiellement leurs aides à l'agriculture. Dans le discours, ils ont bien entretenu le discours au fil de toutes ces années-là; dans les faits, on ne retrouve aucun changement.

Pendant la même période, au Canada, on est passé de 268 $ par citoyen et on est rendu à 140 $ par citoyen. Le fédéral a réduit son intervention en agriculture de 50 % et la province de Québec de 20 %. On n'est pas revenu au chiffre de 1986. Alors, c'est cette partie-là qui fait mal. Et elle fait d'autant plus mal qu'on nous a demandé de travailler de plus en plus, que l'OMC nous convie à ça, puis notre propre gouvernement, ici, nous a conviés à ça, le gouvernement canadien la même chose, à travailler de plus en plus sur les marchés d'exportation. Ce qu'on a fait. Donc, on a accru la vulnérabilité de nos entreprises. Et de façon très, très imagée, dans le fond, notre job, aux producteurs agricoles, c'est de vous fournir un panier de provisions, le meilleur panier de provisions au monde, meilleur en qualité et le meilleur en prix, et c'est ce qu'on fait. La Fédération des producteurs de lait le fait deux fois par année, mesurer le panier de provisions canadiens comparé à celui des États-Unis, et on l'a fait faire par une firme de comptables mondiale qui a des bureaux partout à travers le monde, et le panier de provisions le moins cher au monde, c'est ici qu'on l'a, ici au Canada. Et la qualité, on n'a pas besoin d'en débattre très longtemps, on n'a aucune crainte de manger quoi que ce soit partout au Canada. Donc, on la livre, la job.

Et, en plus de ça, ce qu'on trouve difficile, c'est qu'on fait notre job de producteurs agricoles, on vous fournit des denrées alimentaires de qualité à bon prix, mais les gens qui viennent nous compétitionner nous rentrent dans le corps avec des subsides gouvernementaux qui sont au moins le double de ce dont nous, on peut disposer pour être capables de se débattre sur les marchés.

Et je dirais qu'avec toutes ces informations-là en tête on s'en va vers la prochaine ronde de négociations de Seattle, qui va ouvrir la première semaine de décembre, en disant: On a encore confiance dans le marché. On fait la gageure de la position québécoise pour la prochaine ronde, de la position canadienne, et tous les producteurs agricoles canadiens, on a fait consensus sur cette position-là, à l'exception d'un groupe, les cowboys de l'Alberta qu'on n'a pas été capables de rallier. Mais tous les autres groupes de producteurs canadiens, nous gageons que, dans la prochaine ronde de négociations, on va s'entendre sur une réduction des subsides à l'agriculture pour, à tout le moins, que les autres viennent nous rejoindre. Et c'est le mandat qu'on a voulu donner aux négociateurs canadiens, et le mandat qu'ils ont accepté de remplir.

Si, toutefois, cet objectif ne se rencontre pas, ne se conclut pas dans trois ans, ce qu'on dit, c'est qu'on sera sûrement au détour du chemin pour dire: Bien, écoutez, à ce moment-là, nous on a gagé, puis de bonne foi on va supporter de la meilleure façon possible nos représentants canadiens et québécois dans cette ronde de négociations, mais, si ça ne se réalisait pas cette fois-ci, on n'endurera pas comme on vient de le faire pendant cinq ans d'être les moins supportés au monde, de continuer à vouloir exporter et de fournir le meilleur panier de provisions. En quelque part, on va dételer. Ça ne se peut pas. Je pense que c'est le message qu'il faut qu'il soit compris là-dedans.

M. Landry: Il y a un petit problème avec les prochaines négociations du GATT...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je m'excuse, M. le ministre des Finances, on est en période, déjà, de déséquilibre, et je sens que l'autre côté, s'il l'accepte... Non, ils sont déjà...

Une voix: On peut finir à 19 heures, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...je pense, à court de temps pour poser toutes leurs questions.

M. Landry: Ils sont à court de temps puis ils sont à court d'idées aussi, mais s'ils ne veulent pas qu'on exprime les nôtres... O.K. C'est correct.

Une voix: Non, non, allez-y, allez-y.

(17 h 50)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous allons consentir, en tout cas, à ce que le député de Beauharnois-Huntingdon se joigne à nous, mais je pense que, si tout le monde est d'accord, une courte question du ministre des Finances, qui appellerait une courte réponse.

Mme Houda-Pepin: Ce n'est pas parce qu'on est à court d'idées mais parce qu'on est élégant.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, c'est à vous, M. le ministre.

M. Landry: Il y a des gens élégants qui sont à court d'idées quand même.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous devez résister à la provocation, M. le ministre.

M. Landry: Vous avez mentionné la représentation québécoise au GATT. Hélas! le Québec ne sera pas représenté comme tel. Seuls les pays souverains sont représentés à l'Organisation mondiale du commerce, comme dans toutes les organisations internationales, et le gouvernement du Canada qui nie l'existence nationale du Québec, évidemment, s'oppose à toute force à ce que le Québec soit représenté à l'Organisation mondiale du commerce comme tel. Je ne nie pas le fait que M. Pettigrew est lui-même un Québécois, mais il parle pour l'ensemble du Canada.

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est un commentaire...

M. Pellerin (Laurent): Un commentaire là-dessus, je dirais que je comprends d'où vous venez sur ce commentaire. Je dirais pire que ça, si on veut en rajouter un peu: on a toujours souhaité que les producteurs agricoles soient partie prenante de ces négociations-là, donc autour de la table, puisque c'est eux qui auront à bénéficier ou souffrir des conclusions de ces ententes de négociation. À tout le moins d'être témoins privilégiés de ces négociations autour de la table mettrait peut-être un peu de sérieux dans l'application...

M. Landry: On vous le promet pour le jour où le Québec sera admis à l'Organisation mondiale du commerce. Il aura à ses côtés, notre ambassadeur, une délégation de l'Union des producteurs agricoles.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Préparez votre valise. On va commencer par le député de Beauharnois-Huntingdon qui a demandé auparavant.

Mme Houda-Pepin: C'est parce que je dois quitter, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de La Pinière. Moi, je ne suis pas là pour régler le trafic de votre côté.

Mme Houda-Pepin: Oui, merci beaucoup. Alors, M. Pellerin, M. Lavoie, merci beaucoup de vous être déplacés, du mémoire, de la présentation. Je salue aussi, à travers vous, les gens de la Montérégie, puisque vous êtes de chez nous.

Dans votre mémoire, vous dites que l'affirmation selon laquelle la réduction de l'impôt des particuliers pourrait contribuer au développement économique et à la création d'emplois, c'est une affirmation avec laquelle le monde agricole était inconfortable, pour le moins que l'on puisse dire, et donc vous souhaitez une intervention accrue de l'État dans le domaine agricole. Vous avez dit aussi que, évidemment, vous êtes heureux d'être face à un gouvernement social-démocrate. Dans votre mémoire, à la page 4, vous signalez à juste titre que le gouvernement social-démocrate auquel vous référez a amputé de plus de 20 %, durant les cinq dernières années, le budget du ministère de l'Agriculture. Alors, je vous le signale en passant, puisque ce budget est passé de 681 000 000 $ à 529 000 000 $.

Ceci étant dit, lorsque vous parlez de l'agriculture versus le capitalisme, surtout le capitalisme pur, c'est vrai que, dans le monde agricole, les entreprises ne sont pas de la même taille, n'ont pas nécessairement la même force pour compétitionner aux plans national et international. Donc, il y a des secteurs qui sont vulnérables dans le milieu agricole et d'autres qui sont quand même relativement solides. Il faut reconnaître nos succès, n'est-ce pas. Alors, quels sont, selon vous, quand vous parlez d'aide gouvernementale, les secteurs qu'il faut aider? Dans quelle proportion et quelle sorte d'aide exactement vous auriez souhaité comme intervention de l'État?

M. Pellerin (Laurent): D'abord, sur le commentaire de la politique partisane, à savoir si on a bien identifié que c'était l'actuel gouvernement qui avait procédé aux coupures, on l'a écrit dans notre document. Je pense que c'est clair, on voit bien d'où c'est venu, il n'y a aucun doute dans notre esprit. Et on rappelle que c'est à l'intérieur d'un budget total qui, lui, par ailleurs, n'a pas trop bougé. Donc, c'est une très forte proportion qui a été appliquée à l'agriculture et qui a eu ses impacts partout en agriculture.

Sur la partie de votre commentaire, il y a des industries agricoles, des secteurs agricoles qui sont plus compétitifs, d'autres un peu moins. Et qu'est-ce qu'il faudrait faire pour supporter? Je le répète, toutes les mesures qui pourraient faire en sorte qu'on va aller chercher dans le marché une plus grande proportion de nos revenus sont toujours les choix numéro un des producteurs agricoles. Je parle d'organisation de la mise en marché, d'un maintien des systèmes de contingentement; puis il faudrait peut-être abolir ces mots «maintien des systèmes de contingentement», dire «amélioration des systèmes de contingentement». Ils peuvent faire beaucoup plus que ce qu'ils font déjà. Il y a encore moyen de les bonifier, ces systèmes-là, dans l'objectif de baisser les coûts et de mieux servir le consommateur tout en rémunérant de façon adéquate le producteur agricole.

Sur l'intervention financière, un mécanisme de sécurité du revenu attendu, attendu dans le sens de prévisible. Je sais que, si je fais des investissements en agriculture, des centaines de milliers de dollars, je vais perdre de l'argent quand les marchés iront mal, mais il y aura comme une limite dans la perte que je peux assumer comme individu. Parce que, oui, je suis bénéficiaire de l'opération de mon entreprise agricole, mais la société aussi en bénéficie.

Et je pense à un élément qui a été mentionné tantôt par M. Landry: Comment on fait pour se donner un mécanisme de partage de la richesse dans notre société quand les agriculteurs se donnent comme mission de fournir des aliments de qualité à bon prix, quand il arrive des heurts sur les marchés, qu'est-ce qu'on peut garantir à ces gens-là? Est-ce qu'à chaque coup on leur garantit qu'ils vont faire faillite, qu'ils devront se retirer pour que d'autres partent, qu'on perdra des immobilisations? Ou si, par contre, on ne pourrait pas plutôt leur garantir, leur dire: Écoutez, il y aura des périodes difficiles, on sera là quand les périodes... la société, parce que vous nous nourrissez bien, à bon compte, la société sera là pour partager le risque avec vous. Et, en contrepartie, on vous demande de continuer à fournir ces aliments de qualité à bon prix et de développer le secteur agricole. Et je suis sûr que, si j'avais une affirmation de ce type-là ou une gageure de ce type-là à présenter aux producteurs agricoles québécois, à chaque coup c'est le coup gagnant et on peut continuer à développer l'agriculture comme étant un moteur de la société québécoise, j'en suis sûr.

D'ailleurs, on s'est commis à la Conférence sur l'agriculture et à la journée des décideurs le printemps passé pour des investissements de plusieurs centaines de milliers de dollars, c'est peut-être plusieurs centaines de millions de dollars pendant les prochaines années, et la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois aussi.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. Pellerin, on a ici autour de cette table au moins un autre agriculteur, c'est le député de Beauharnois-Huntingdon – qui a aussi bien réussi que vous, je pense bien – qui a l'estime de ses collègues comme étant un producteur agricole tout à fait avisé. Alors, je vais lui laisser la parole pour vous poser quelques questions.

M. Chenail: Merci, M. le Président. M. le ministre, tout à l'heure, disait qu'il y avait des gens peut-être à court d'idées. Je pourrais lui faire plusieurs suggestions en agriculture, qui seraient intéressantes.

On a assisté ensemble, à Saint-Hyacinthe, et puis on parlait d'accroître le nombre d'emplois en agriculture, la transformation, de doubler les exportations de 2 000 000 000 $ à 4 000 000 000 $, d'investir 7 500 000 000 $ sur les fermes puis la transformation. Mais, pour faire tout ça, ça prend des capitaux, puis des capitaux, le gouvernement en place n'est pas ouvert à faire en sorte d'aider le monde agricole quand on regarde le financement agricole au Québec.

Il y a aussi quand on pense qu'on subventionne des compagnies comme GM, Kenworth, je n'ai rien contre ça, mais je pense qu'on pourrait donner une suggestion au ministre de faire la même chose parce que, quand on parle d'exportations en agriculture, bien, ça prend des constructions, ça prend des fermes, et puis je pense que le gouvernement pourrait s'impliquer de la même façon qu'il s'implique...

Mais tout ça pour vous dire que, quand on regarde la façon dont ça fonctionne, puis je suis d'accord avec mon président, puisque je lui paye ma cotisation et puis on travaille souvent ensemble... Moi, ce que j'aimerais que vous me disiez, c'est de quelle façon vous entrevoyez l'avenir au point de vue financement agricole dans ces choses-là, le support du gouvernement qu'on a par rapport à ce qu'on a décidé au Sommet. Parce que, finalement, on a décidé des choses, mais tous les outils de travail n'ont jamais été mis en place pour faire en sorte... Parce que j'en suis une personne qui exporte aux États-Unis, puis vous en êtes une, puis on sait très bien qu'on n'a aucune façon de fonctionner. On a juste à regarder la fameuse taxe en capital. On parlait de l'impôt des particuliers – M. le ministre, si vous voulez écouter deux minutes – puis on parlait aussi de l'impôt, de la taxe sur le capital qui a été mise sur nos compagnies parce que, aujourd'hui, des fermes qui peuvent investir des milliards, bien souvent, c'est des compagnies. Et puis à quel niveau l'UPA s'implique pour faire en sorte qu'une ferme qui est en compagnie, qui a la taxe sur le capital... On sait très bien combien ça coûte, puis quand tu n'es pas en compagnie, bien, tu n'as pas à la payer. De quelle façon l'UPA peut gérer ce dossier-là pour faire en sorte que le gouvernement s'ajuste, le gouvernement actuel qui a mis cette taxe-là, envers les agriculteurs pour faire en sorte que ce soit loyal pour tout le monde? Ça, c'est une des...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Avant que vous répondiez, je m'excuse, une petite seconde, une question purement légale. J'ai besoin du consentement pour poursuivre au-delà de 18 heures. Alors, pour une dizaine de minutes, tout le monde est d'accord? Merci. Alors, M. Pellerin.

(18 heures)

M. Pellerin (Laurent): D'abord, sur la question du financement agricole, c'est encore aujourd'hui une particularité très présente en agriculture, très différente des autres marchés financiers. Je viens de voir des tableaux encore: 5,37 $ d'investissement de capitalisation en agriculture pour 1 $ de revenu. Si on prend la métallurgie, la pétrochimie, le textile, on arrive avec des investissements qui dépassent rarement 1 $ d'investissement pour 1 $ de revenu. Alors, on a encore une caractéristique, ici, de l'agriculture qui demande un traitement particulier.

Sur la partie de la taxe sur le capital pour les compagnies, c'est une revendication de l'UPA. M. Landry a listé tantôt une série de mesures qui sont adaptées à l'agriculture. Pour celle qui concerne la taxe sur le capital pour les compagnies oeuvrant en agriculture, il y aurait là aussi une particularité, une adaptation à faire pour le monde agricole. L'argument, je l'ai dit, je le répète: 5,37 $ de capitalisation pour 1 $ de revenu. Si on prend le dépanneur du coin en ville, on va parler d'une petite entreprise de la taille de certaines fermes, on va parler de 0,50 $ d'investissement par dollar de vente, dans le textile, à peu près 0,80 $ d'investissement par dollar de vente. Pétrochimie, métallurgie, ça ne dépasse pas 1 $ d'investissement par dollar de vente. Alors, on a une particularité, ici. Imaginez, à ce moment-là, qu'une compagnie capitalisée en agriculture va payer une taxe sur le capital, pour le même revenu, cinq fois plus élevée qu'une compagnie qui oeuvre dans un autre secteur. Alors, il y a là un traitement distinct qu'il faudrait imaginer, inventer.

M. Chenail: Mais, est-ce que l'UPA va faire des recommandations au gouvernement pour faire en sorte que la situation soit régularisée dans ce domaine-là?

M. Pellerin (Laurent): Bien, vous me donnez l'opportunité de transmettre aujourd'hui mon commentaire là-dessus. Je suis sûr qu'il y a des gens qui ont pris bonne note de ce commentaire-là. Ça a déjà été transmis par écrit dans des demandes au précédent gouvernement. La question de la taxe sur le capital, ça fait partie de nos revendications, quand même, qui datent de quelques années, et qu'on répète, et qu'on répétera – on a 75 ans d'histoire, hein; ça ne se passe pas, nous autres – tant qu'on n'aura pas satisfaction.

M. Chenail: Parce que moi-même, j'avais attiré l'attention du ministre lors du Sommet de l'agriculture l'année dernière, on s'en était parlé. Parce que, en fin de compte, c'est une grande injustice envers le monde agricole. Parce qu'on veut... en même temps, on dit: Bon, bien, il faut exporter, il faut investir 7 000 000 000 $. Mais on sait très bien que les gens qui investissent des milliards, bien, ils sont incorporés puis ils fonctionnent de cette façon-là. Ça fait qu'on parle d'un langage en disant: Il faut aller à l'exportation, il faut investir des milliards, mais, en même temps, si tu investis des milliards, on dit: On va te taxer. Mais, si tu restes, que tu n'es pas en compagnie, tu es un particulier, tu peux continuer la même chose, mais n'investis pas, ne fais pas d'exportations, reste comme tu es là puis on ne te taxera pas. Ça fait que c'est comme deux langages. Je ne sais pas à qui ça a échappé à un moment donné, mais c'est quand même une situation qui existe depuis bientôt quatre ans, et puis ceux qui la paient, cette taxe-là, savent combien ça coûte.

M. Pellerin (Laurent): Mais la taxe sur le capital des compagnies en agriculture date de la même époque où on a mis la taxe sur le capital pour l'ensemble des entreprises. Je vous dirais qu'aujourd'hui il y a plus de fermes qui travaillent sur le mode de compagnie, donc il y a plus de fermes qui sont impliquées dans cette procédure-là. On me dit que ça a fait l'objet d'un mémoire, déjà, de l'UPA sur ce sujet, taxe sur le capital. Et je pense qu'on peut comprendre facilement la portée pour deux citoyens qui sont dans deux compagnies, une en agriculture, une à l'extérieur de l'agriculture: pour le même revenu brut et le même revenu net, il paie cinq fois plus de taxe sur le capital de son voisin. Alors, il y a quelque chose là à investiguer un petit peu plus à fond.

M. Chenail: Mais, au niveau des investissements sur les fermes, vous ne verriez pas ça, l'UPA, des crédits d'impôt pour faire en sorte qu'on puisse en venir à ce qu'on a décidé au Sommet, d'investir des milliards plutôt que des subventions directes, mettons comme GM ou Kenworth, des crédits d'impôt à l'investissement qui feraient en sorte qu'on pourrait se permettre d'avoir... que ça soient des entrepôts pour entreposer de la culture maraîchère, ou des porcheries, ou des étables, pour faire en sorte qu'on puisse exporter. Parce que, compte tenu du climat qu'on a, bien, ça prend des investissements, comme vous dites. C'est bien différent de tous les autres domaines. Et puis, compte tenu qu'on a la richesse naturelle qui est la terre, compte tenu de la zone verte qu'on a au Québec, qui n'est pas exploitée, bien, je pense qu'il y a un bout à faire de la part du gouvernement pour faire en sorte qu'on puisse profiter de cette richesse-là au Québec, qui est notre zone verte.

M. Pellerin (Laurent): De temps à autre, il y a eu des programmes de crédits d'impôt que nous avons encouragés. Ça a été pour le renouvellement du parc de certains biens de production agricole, des renouvellements de machinerie lourde, en particulier tracteurs, batteuses. Il y a eu des traitements fiscaux allégés aussi pour les investissements en environnement dans les dernières années. Je sais que c'est disparu. C'est des choses qu'on a revendiquées, qu'on a écrites aussi dans un mémoire, qu'on voudrait voir apparaître, particulièrement pour tout ce qui est du matériel de traitement des fumiers et lisiers. Si on veut accélérer l'investissement dans ce secteur-là, un crédit d'impôt serait probablement une mesure appropriée pour inciter les gens à accélérer leur investissement – on sait qu'il y a des objectifs au niveau du ministère de l'Environnement et du ministère de l'Agriculture – et arriver à des résultats. C'est des moyens qu'on peut privilégier.

Si on veut lier les crédits d'impôt pour des investissements pour permettre les exportations, ce serait sûrement aussi un moyen à investiguer si on veut rencontrer les objectifs de doubler les exportations d'ici à cinq ans.

M. Chenail: Parce que, compte tenu que le gouvernement, au Sommet, nous a dit: Bien, il faut faire ça, il faut faire ça, puis on a tous embarqué dans ça, bien, là, il faudrait peut-être lui dire... Parce que peut-être qu'il ne connaît pas tellement l'agriculture. Il faudrait peut-être expliquer, emmener des idées dans le sens de dire: Bien, donnez-nous les outils, puis on va vous livrer la marchandise. Parce que je pense que le monde agricole est prêt à livrer la marchandise, puis on a ce qu'il faut. Il faut juste avoir les outils pour travailler.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, on va prendre ça comme un dernier commentaire. Je suis convaincu qu'il a été entendu. On n'a pas beaucoup parlé de réduction des impôts des particuliers, mais on a parlé de domaines absolument passionnants.

Je vous remercie, M. Pellerin, M. Lavoie. Et nous ajournons nos travaux au mercredi 17 novembre, à 15 heures.

(Fin de la séance à 18 h 7)


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