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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le jeudi 19 septembre 2002 - Vol. 37 N° 85

Consultation générale sur le document intitulé Responsabilité sociale des entreprises et investissement responsable


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements pour aujourd'hui?

La Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Maintenant, je vais lire l'ordre du jour. Nous allons recevoir, en premier... Bien sûr, rappeler le mandat de la commission. La commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur la responsabilité sociale des entreprises et l'investissement responsable.

Auditions (suite)

L'ordre du jour. À 10 heures, nous recevons le Réseau québécois du crédit communautaire; bienvenue, madame, bienvenue, messieurs; par la suite, à 10 h 30, les carrefours jeunesse-emploi de l'Ouest-de-l'Île et de Marquette; à 11 heures, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; 12 heures, suspension; 14 heures, reprise des travaux avec le Groupe de recherche sur les institutions financières UQAM/Université Paris 13; et, à 15 heures, Noranda; et, à 16 heures, ce sont les remarques finales du groupe parlementaire formant l'opposition officielle et, par la suite, les remarques finales du groupe parlementaire formant le gouvernement. Et nous ajournerons nos travaux à 16 h 30.

Donc, bienvenue. Encore une fois, madame, nous avons 30 minutes ensemble. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire et 10 minutes de part et d'autre des deux groupes parlementaires. Allez-y, s'il vous plaît.

Réseau québécois
du crédit communautaire (RQCC)

Mme Maziade (Linda): Alors, bonjour. Ça nous fait plaisir de vous rencontrer. On vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Je suis Linda Maziade, présidente du Réseau québécois du crédit communautaire. Je suis accompagnée de Driss Mbirkou, qui est dans un fonds communautaire à Laval et qui est administrateur du Réseau, et de Colin Bérubé, qui est aussi membre du Réseau et qui est à l'ACEM, l'Association communautaire d'emprunt de Montréal.

Alors, rapidement, on va faire le tour de notre mémoire pour passer aux questions. Le Réseau québécois du crédit communautaire réunit 17 organismes membres répartis dans 11 régions administratives au Québec. Les pratiques du crédit communautaire existent depuis les années quatre-vingt-dix et elles consistent à donner accès au crédit et à de l'accompagnement à des populations appauvries en marge des réseaux conventionnels de financement. Nous poursuivons en fait deux objectifs très précis: celui de la lutte à la pauvreté et celui du développement local.

Dans l'objectif de lutte à la pauvreté, le crédit que l'on émet aux personnes sert à des activités économiques, c'est-à-dire créer leur petite entreprise. On considère que le crédit communautaire est une voie permanente de sortie de la pauvreté étant donné que les personnes peuvent générer leurs revenus autonomes.

D'autre part, en termes de développement local, le crédit communautaire pour opérer, pour fonctionner mobilise les ressources financières locales. La capitalisation dans nos organisations est donc de sources privées. Il s'agit de placements éthiques via l'investissement à vocation communautaire. C'est donc la communauté qui prête à la communauté dans nos organisations.

L'approche d'accompagnement que l'on a, l'accompagnement de proximité est un élément important, c'est ce qui permet aux organismes membres du Réseau d'avoir des taux de remboursement moyens de l'ordre de 95 % pour des populations dites à haut risque.

Sur le plan de la capitalisation, l'ensemble des organismes membres du Réseau ont capitalisé jusqu'à maintenant autour de 2 millions de dollars d'argent provenant des communautés, c'est-à-dire en placements éthiques.

Sur la question de la responsabilité sociale des entreprises et de l'investissement responsable, vous comprendrez bien qu'en crédit communautaire on se situe vraiment dans le créneau de l'investissement à vocation communautaire. Nous sommes convaincus de la place que l'investissement communautaire a dans les communautés au Québec. C'était une question que vous souleviez dans votre document. Cette place-là cependant est, selon nous, à mieux définir, à élargir et à structurer en cohérence avec les outils de développement qui visent déjà la responsabilité sociale des entreprises et l'investissement communautaire. À notre avis, les enjeux d'équité, de citoyenneté et d'accès à des capitaux de développement y sont rattachés.

Nous considérons, par rapport à l'investissement communautaire, que le rendement financier de cette forme d'investissement est tout aussi important que son rendement social. Mais c'est de façon collective, c'est-à-dire comme société, que nous bénéficions de ce rendement financier par l'impact à la baisse sur les dépenses des services sociaux, de santé, par l'amélioration du tissu social et économique des quartiers et des territoires appauvris. Selon nous, l'investisseur individuel, à titre de citoyen et de payeur de taxes, en bénéficie lui aussi directement et indirectement. Ces impacts-là, tant sociaux qu'économiques, à notre avis, se comptabilisent. Le Réseau québécois travaille sur ces questions-là et peut même agir pour alimenter une réflexion plus large que vous soulevez dans votre document de consultation concernant des indicateurs et des paramètres pour mesurer les impacts sociaux et économiques des activités des entreprises et de l'investissement communautaire.

Sur la question des moyens pour développer l'investissement communautaire, l'une des conditions du développement de cette forme d'investissement est la capacité de mobiliser les ressources financières, les prêts et les dons, à la capitalisation. Pour nous, les organismes de crédit communautaire, cela a un coût d'approvisionnement réaliste.

Outre la législation fédérale qui nous permet, dans le cas d'un fonds communautaire ou d'un cercle d'emprunt reconnu comme organisme de bienfaisance, d'émettre un reçu pour fins d'impôt à un investisseur donateur, les organismes de crédit communautaire ne peuvent offrir aucun incitatif fiscal à des prêteurs intéressés à y investir.

Une campagne au niveau fédéral a été initiée pendant l'année 2000 afin d'accorder un statut d'admissibilité au REER pour les investissements à vocation communautaire. On pourra tout à l'heure, au niveau des questions, approfondir ce volet-là qui, pour nous, est un élément extrêmement important.

n (10 h 10) n

Ce qui a été constaté dans les études qui ont été faites dans l'Ouest canadien, c'est que les besoins étaient immenses, les organisations n'avaient pas les capitaux suffisants pour pouvoir répondre aux besoins, donc demandaient des incitatifs fiscaux, tel le REER, pour pouvoir capitaliser davantage.

Donc, l'investissement à vocation communautaire, pour se développer, a besoin notamment d'outils fiscaux, tels que les crédits d'impôt, les REER, comparables à ceux accordés à d'autres types d'investissements, qui offrent des avantages aux prêteurs et aux donateurs intéressés, au même titre qu'un placement dans une caisse de retraite. La forte valeur sociale ajoutée justifie amplement la mise en place de mécanismes fiscaux de support.

Dans la recherche de fonds d'investissement, de fonds de capitalisation, le crédit communautaire ne peut malheureusement pas s'adresser aux fonds de travailleurs. Ces derniers sont contraints par l'obligation qu'ils ont d'atteindre des rendements élevés; ils offrent donc des coûts d'approvisionnement en capitaux inconciliables avec la nature des activités en crédit communautaire. C'est donc dire que l'obligation de rendement optimal des caisses de retraite va à l'encontre du développement de la responsabilité sociale et de l'investissement responsable.

Par voie législative, les caisses de retraite et les fonds de travailleurs devraient, à notre avis, exercer une autre facette de leur responsabilité sociale par l'obligation de placer annuellement un pourcentage de leur portefeuille dans un investissement à vocation communautaire comme, par exemple, les organismes de crédit communautaire.

Le document de consultation que vous nous avez présenté parle peu des institutions financières. On comprend qu'il s'agit là d'une législation fédérale. Cependant, nous pensons que le gouvernement du Québec doit et peut exercer un pouvoir d'influence sur le législateur sur ce plan-là. Il nous est permis de nous questionner à savoir quelle est la participation réelle des institutions financières à l'investissement responsable. À cet égard, nous croyons que le gouvernement du Québec devrait exercer son pouvoir d'influence afin d'inciter les institutions financières à faire leur part dans le domaine de l'investissement responsable. Le gouvernement du Québec pourrait notamment s'inspirer de la loi américaine Community Reinvestment Act pour alimenter sa réflexion sur le travail qui est à faire sur ce plan-là.

Concernant le rôle de l'État face à la responsabilité sociale et l'investissement responsable, on pense que c'est, d'abord et avant tout, dans l'exercice de ses différentes fonctions que le gouvernement doit exiger des entreprises avec qui il traite l'application des principes de responsabilité sociale. En fait, on dit: Rien de mieux que de prêcher par l'exemple nous-mêmes.

Le gouvernement a un rôle important, et cela, au-delà de la promotion de la responsabilité sociale des entreprises, et ce rôle-là doit se traduire par la législation et la réglementation. L'État doit donc assumer, dans ce domaine, un rôle de leader et de régulateur en concertation avec les différents acteurs du développement social et du développement économique.

À notre avis, ce sont les pouvoirs publics qui sont garants de la redistribution équitable des richesses. La sensibilisation, la promotion, la valorisation de telles pratiques par le biais d'outils de communication et d'incitatifs fiscaux appropriés sont nécessaires. Mais, de plus, le gouvernement se doit aussi de sanctionner, par une réglementation simple, claire et bien expliquée, les pratiques entrepreneuriales défavorables au développement durable, qu'il s'agisse d'impacts sociaux ou environnementaux. Les outils d'évaluation du rendement social sont bien sûr à mieux définir. On sait que c'est quelque chose de complexe. Depuis déjà plusieurs années, les acteurs de l'économie sociale et du crédit communautaire ont commencé à développer des outils, des paramètres, des indicateurs pour permettre de mieux identifier le rendement social, de quoi on parle quand on parle de ça. Et on se dit que le gouvernement aurait tout intérêt à consulter ces acteurs-là de manière à alimenter, encore là, sa réflexion.

Par ailleurs, concernant la reddition de comptes, il nous apparaît important, au-delà des états financiers vérifiés, que le gouvernement puisse développer et mettre en place un mécanisme qui permettra aux entreprises de produire annuellement des états sociaux vérifiés au même titre que les entreprises produisent des états financiers vérifiés. Voilà.

Le Président (M. Paré): Merci, madame. Nous allons passer maintenant à la période des échanges. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Maziade. Messieurs, bonjour. Justement, sur le dernier point, vous avez précisé que, bon, les entreprises devraient avoir l'obligation de présenter un bilan social au même titre que leur bilan financier.

Ma première question, là, serait de vous demander: Est-ce que vous voyez ça pour l'ensemble des entreprises indépendamment de leur taille, de un, et puis à quel type de mécanismes vous pensez pour l'implantation de cette obligation?

Le Président (M. Paré): Madame.

Mme Maziade (Linda): Bien, sur les mécanismes, on est très conscient que ce n'est pas simple, hein. Par contre, on pense qu'il y a beaucoup d'éléments qui ne sont pas simples et qu'on arrive, entre autres, à arrimer dans notre société. Il y a des outils, et c'est pour ça qu'on y insiste. Les acteurs de l'économie sociale ont déjà travaillé ces questions-là. Il y a plusieurs chercheurs qui ont travaillé des indicateurs de performance liés au rendement social. Alors, il y a déjà des indicateurs, il y a déjà un travail important qui est fait sur ça, et on peut piger dans ça pour monter une espèce de squelette qui serait peut-être l'équivalent de ce qu'on retrouve dans des états financiers comptables où on a des standards, des balises. Ces mêmes standards-là, ces mêmes balises peuvent être reflétés dans le cadre d'un cadre d'évaluation de rendement social. On pense que ça se fait. Il y a déjà des expériences de travail qui se font dans ce sens-là.

Sur l'autre volet de votre question qui était...

M. Cousineau: La taille des entreprises.

M. Mbirkou (Driss): En ce qui concerne la taille des entreprises, il est évident que, dans un premier temps, plus la taille est importante, plus la responsabilité sociale est importante. On le voit d'ailleurs dans l'actualité assez proche que lorsque de grandes entreprises, de grandes unités ont, si vous voulez, des comportements qu'on peut juger antisociaux parfois ? c'est rare, heureusement ? mais parfois il y a des impacts sociaux évidents. Et donc, plus la taille de l'entreprise est importante, plus le bilan social doit être mis en place. Je peux prendre l'exemple de ce qui se passe en France, par exemple, les premières indications de la responsabilité sociale des entreprises ont été faites déjà dans les années soixante-dix en termes de redistribution obligatoire, et, à l'époque, c'était au-delà de 100 salariés. Les critères, bien entendu, peuvent être affinés mais, bien entendu, plus l'entreprise est importante, plus sa responsabilité sociale est lourde.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Mbirkou. M. Bérubé, vous aviez à ajouter.

M. Bérubé (Colin): Pour ajouter à ce que Mme Maziade a indiqué par rapport aux outils et aux paramètres permettant des analyses de cette sorte-là, on peut également porter un regard sur ce qui se fait du côté du secteur de l'investissement éthique. Un peu partout au Canada et aussi au Québec, il existe plusieurs fonds d'investissement éthique. L'expérience est également très répandue aux États-Unis. Il existe localement aussi, à Montréal et un peu partout dans d'autres villes, des clubs d'investissement éthique d'individus qui se sont dotés d'outils leur permettant de faire des analyses sur le bilan social des entreprises, des outils qu'ils utilisent pour faire leur choix au niveau des investissements qu'ils veulent faire.

Donc, là, il y a aussi, également, un corpus intéressant d'information et d'expérience qui peut être utile dans l'élaboration d'une approche pour faire le bilan social des entreprises.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Bérubé.

M. Cousineau: En ce qui a trait au développement de l'investissement à vocation communautaire, est-ce qu'il y a des pays qui font mieux que d'autres et puis, si oui, de quelle façon qu'ils s'y prennent?

M. Bérubé (Colin): Soulignons l'initiative américaine que Mme Maziade a mentionnée qui est le Community Reinvestment Act qui est en fonction, en fait, depuis les années soixante-dix, qui est un acte qui favorise l'investissement communautaire du secteur financier aux États-Unis. C'est un acte qui a permis l'injection de plusieurs centaines de millions de dollars dans le milieu communautaire autant en ce qui a trait au logement social qu'au développement des infrastructures communautaires pour les groupes locaux, que pour le soutien au développement de petites entreprises dans les localités. Cet acte-là est reconnu maintenant par le secteur financier aux États-Unis comme étant un outil de développement qui est tout à fait à leur mesure et qui même leur permet de se donner un rôle plus accentué dans les milieux locaux et aussi de rentabiliser leurs investissements dans ces milieux-là également.

M. Cousineau: Avez-vous d'autres exemples d'autres pays? Vous avez parlé de la France tantôt.

Le Président (M. Paré): M. Mbirkou.

M. Mbirkou (Driss): Oui, merci. En France, il y a toute une série d'incitatifs pour ce qu'on appelle l'«épargne solidaire», et cela peut aller...

Une voix: ...

M. Mbirkou (Driss): L'épargne solidaire.

Le Président (M. Paré): Ah! l'épargne solidaire.

n (10 h 20) n

M. Mbirkou (Driss): Excusez-moi. Cela peut aller de l'incitation pour les personnes elles-mêmes qui souhaitent par la suite avoir le soutien d'organismes communautaires, comme cela peut être un épargnant lambda qui aura, si vous voulez... Le système de retour d'impôt n'existe pas en France, mais c'est un allégement fiscal au niveau de l'impôt sur le revenu. C'est ce que nous suggérons, qu'on retrouve un petit peu les mêmes formules pour qu'on puisse alimenter l'épargne populaire et l'épargne communautaire en général.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue à cette commission. Votre mémoire est assez clair. J'aimerais plutôt savoir, au niveau de l'implantation des fonds communautaires d'emprunt ou des cercles d'emprunt dans chacune des régions... de me donner un petit peu un exemple. Comment ça fonctionne, d'une façon pratico-pratique? Je remarque également ? ma collègue de la Montérégie l'a peut-être remarqué également ? qu'il n'y a pas ce type d'organisation en Montérégie, partout ailleurs au Québec. Est-ce qu'il y a une raison particulière? Parce que la Montérégie, évidemment, avec sa...

Mme Maziade (Linda): ...des initiatives de crédit communautaire, même de la communauté elle-même. C'est pour ça qu'on parle de crédit communautaire, le terme porte un sens précis. En fait, ce sont les acteurs ou les organisations dans une communauté qui, à un moment donné, identifient un vide de financement.

On sait que le microcrédit, le crédit communautaire, a été mis beaucoup en place et s'est beaucoup développé dans les dernières années en réaction, je dirais, au positionnement des institutions financières conventionnelles qui se retirent, qui ne font plus ou très peu de petits prêts, qui quittent les quartiers appauvris, etc. Donc, devant le vide de financement, des acteurs d'une même communauté disent: Oui, on a besoin d'un outil, il faut que la communauté se prenne en charge et crée son fonds communautaire de manière à faire les investissements pour combler les vides de financement.

Donc, c'est pour ça qu'on n'en retrouve pas dans toutes les régions. Il y a présentement 11 régions administratives au Québec qui sont couvertes et ce sont les acteurs de ces communautés-là qui ont dit: O.K., on met en place un fonds ou un cercle. Alors, les gens se regroupent, et c'est dans ce sens-là qu'on parle d'enracinement dans la communauté, ce n'est pas une personne qui, un bon matin, décide que c'est sain et qu'il fait ça, lui, tout seul, au contraire. Et c'est cette concertation-là qui va faire qu'on va mettre en place une organisation de crédit communautaire qui va se structurer.

Le Réseau est tout récent au Québec. Le Réseau est maintenant un acteur qui va favoriser, je vous dirais, ou aider la mise en place d'organismes qui peuvent naître, et on va pouvoir donner de la formation, par exemple. On fonctionne beaucoup par essaimage, je dirais, au niveau de l'implantation des organisations.

Juste pour terminer, le premier mandat que cette concertation-là locale va faire, ça va être: Il faut mobiliser les capitaux, hein. Si on veut prêter, ça prend de l'argent. Donc, immédiatement, il y a des contacts et toute une mobilisation synergique qui va se créer pour constituer un petit capital. Et c'est souvent l'effet de levier, hein, tu commences à avoir un capital et, graduellement, bon, ton capital grandit. Alors, c'est un peu comme ça que les organisations s'installent.

M. Geoffrion: Et quels sont vos liens, par exemple, avec les CLD, les centres locaux de développement?

Mme Maziade (Linda): On travaille en partenariat. On a même une entente, le Réseau a une entente avec l'ACLDQ, l'Association des CLD. Localement, chacune de nos organisations... On est rarement seul dans un dossier en crédit communautaire. Souvent, on va se chercher d'autres partenaires. Nous, ce qu'on dit, et ce que les CLD disent aussi: On prépare souvent des clientèles. Les personnes avec lesquelles on va travailler sont assez éloignées du marché de l'emploi, du marché du travail. Alors, on prépare cette clientèle-là qui crée sa crédibilité financière, je dirais. On les prépare et, dans une seconde étape, elles vont arriver dans un CLD ou dans une institution financière. Ou, souvent, on va intervenir à deux avec un CLD. Nous intervenons souvent sans filet, c'est-à-dire sans garantie, c'est du prêt à risque, hautement à risque. Les CLD vont intervenir un peu d'une autre façon, mais on va être beaucoup en complément, en fait.

Le Président (M. Paré): Merci, madame. Si vous me permettez, Mme la députée de La Pinière. Dans les milieux ruraux, est-ce que vous avez des organismes avec lesquels vous interagissez? Exemple, le CIEL, dans Lotbinière, dans Bécancour, est-ce que ça fait partie de... c'est des microcrédits? Ils disent: Écoutez, voici, nous allons jusqu'à 5 000 $; le CLD, de 5 000 jusqu'à 25 000 ou ainsi de suite; les SOLIDE ainsi de suite.

Mme Maziade (Linda): Bien, effectivement, c'est ce qu'on essaie de faire, hein, c'est ce qu'on est en train de définir au Québec avec les CIEL où il en existe, il n'en existe pas partout. Il y a des liens avec ces organisations-là. Dans d'autres cas, s'il n'y en a pas, c'est souvent un cercle d'emprunt ou un fonds communautaire qui va remplacer le CIEL ? c'est des formules très semblables.

Mais, on va définir où, effectivement, le niveau de financement est l'élément moteur. On va convenir dans une même communauté: Pour les très petits prêts, on va faire affaire... on va faire appel au financement alternatif ? on est dans ce cadre-là: financement solidaire, financement alternatif ? et chacun va trouver en fait son créneau à l'intérieur de ça. C'est ce qu'on est en train de définir au Québec présentement et c'est dans ce sens-là qu'on dit que le crédit communautaire est comme la première marche d'une échelle de financement ou d'une offre de financement global au Québec.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, Mme Maziade. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme Maziade, M. Mbirkou et M. Bérubé, je vous souhaite la bienvenue. Merci, pour le mémoire.

C'est vrai que l'expérience québécoise en matière de microcrédit et de fonds communautaire d'emprunt est relativement jeune comparée, par exemple, aux États-Unis, ne serait-ce qu'à la ville de New York où cinq fonds de pension ont décidé ? fonds de pension publics de la ville de New York ? d'investir dans l'économie locale, dans les communautés défavorisées, les personnes qui ont des faibles revenus ou qui ont été négligées par les institutions financières privées notamment dans le domaine de l'habitation.

Je suis porte-parole du dossier de l'habitation et je cherche des solutions à la crise du logement. Et je sais que, grâce aux investissements de ces cinq fonds publics de la ville de New York, on a construit quelque 24 000 unités de logement dans des communautés défavorisées, à titre d'exemple.

Au Québec, comment le microcrédit ou le crédit communautaire, en tout cas toute l'approche communautaire dans l'investissement responsable, pourrait fonctionner au profit du secteur de l'habitation pour les familles démunies, pour les communautés défavorisées?

M. Bérubé (Colin): À cet égard, je peux peut-être souligner l'expérience de l'ACEM qui, à Montréal, a un volet hébergement... logement abordable. C'est un volet qui est à développer. Cependant, nous travaillons avec plusieurs organisations qui nous permettent de participer à la mise en place de certains projets d'hébergement. Nous avons été impliqués dans la mise en place d'un fonds de fiducie, à Montréal, qui est dévoué au financement du logement abordable.

De plus, nous travaillons avec le secteur coopératif, au niveau des habitations, pour soutenir financièrement les besoins des coopératives d'habitation à court terme. On peut parler d'une expérience récente d'une coopérative dans le centre-sud de Montréal avec qui nous avons travaillé pour leur offrir un appui financier à court terme leur permettant de travailler sur leurs immeubles. Et c'était en collaboration avec la Société d'habitation du Québec qu'on a réussi à supporter financièrement ce projet, et c'est une expérience qu'on compte répéter dans l'avenir.

Donc, nous, pour nous, c'est clair que les organisations de crédit communautaire, dans leur souplesse, dans leur capacité d'agir avec grande souplesse au niveau des différents besoins qui s'articulent, que ce soit au niveau de l'habitation ou autre, peuvent apporter beaucoup au soutien du développement de ces projets-là sous différentes formes, que ce soit par des garanties de prêts ou des prêts de fonds en attendant le financement d'autres sources.

Le Président (M. Paré): Mme Maziade, vous voulez ajouter?

Mme Maziade (Linda): Oui. Peut-être pour compléter. Il faut aussi dire qu'au Québec l'expérience est un peu différente. Au Québec, s'est développé depuis plusieurs années les groupes de ressources techniques en habitation. Alors, le champ de l'habitation sociale, de l'habitation communautaire est déjà occupé et il l'était avant même la venue du microcrédit, du crédit communautaire qui, à ce moment-là, s'est davantage concentré sur le développement entrepreneurial. Ce qui ne veut pas dire ? comme vient de dire Colin ? qu'il arrive qu'on peut intervenir ? et c'est même souhaitable ? sur du financement de pont davantage. Donc, on est toujours dans le vide de financement, hein. C'est ça, notre créneau, on le voit bien.

n (10 h 30) n

Mais, cependant, il y a un ensemble d'autres acteurs au Québec qui interviennent au fait sur la situation de l'habitation. Il y a des fonds... il y a les fédérations de coopératives aussi, il y a les GRT, l'AGRTQ, etc., qui, eux-mêmes, ont mis en place certains fonds avec la SHQ. Donc, c'est d'arrimer ça. On ne voulait pas que le crédit communautaire... en tout cas, que nous... étant donné qu'il y avait déjà une intervention là qui semblait quand même assez bien structurée, on ne veut pas dédoubler ou chevaucher. Par contre, on va intervenir, si on nous le demande, d'une façon très précise sur ces questions-là.

Le Président (M. Paré): Merci.

Mme Houda-Pepin: Il n'en demeure pas moins que le problème du financement dans l'habitation et particulièrement dans le logement, je ne dirais pas le logement abordable qui correspond à un niveau qu'on pourrait qualifier de classe moyenne ou de familles de classe moyenne, mais le logement social pour les familles à faibles revenus, les familles défavorisées, et c'est là que réside la crise, finalement. Et vous avez raison de dire que les GRT s'occupent bien de ce secteur-là. Je les ai rencontrés, je sais très bien qu'ils font un excellent travail.

Il y a une multitude d'organismes, mais on revient toujours à la case départ: le financement pour le logement... pour les familles à faibles revenus, parce que le secteur privé n'est pas intéressé à aller là, le niveau de rentabilité est trop faible, donc ça prend des initiatives communautaires, des initiatives évidemment du gouvernement, cela va de soi. Et, le financement, c'est vraiment le vrai problème quand on vient pour monter des projets parce que ce n'est pas les idées qui manquent, ce n'est pas les ressources en termes de ressources professionnelles et techniques qui manquent, l'expertise est là.

D'ailleurs, on est très fiers que le milieu communautaire ait développé une expertise depuis une trentaine d'années dans les milieux du logement social mais il manque les ressources. Il y a une idée qui a été proposée, qui va être discutée incessamment de façon plus formelle en commission parlementaire, qui est celle de créer un fonds d'investissement en habitation. Est-ce que vous pensez que cette idée pourrait faciliter justement la concertation entre les partenaires et mettre sur la table une ressource qui pourrait être mise à la disposition des opérateurs de l'habitation et de logement social en particulier?

Le Président (M. Paré): Mme Maziade.

Mme Maziade (Linda): Mais, lorsque vous parlez de ce fonds d'investissement là...

Mme Houda-Pepin: C'est ça. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?

Mme Maziade (Linda): Bien, moi, je pense que ça peut sûrement être intéressant. Mais, si on parle de ça, ça veut dire qu'il faut mettre en place les incitatifs fiscaux qui vont permettre de générer des argents dans ces fonds-là. Et, tant qu'on n'aura pas ça, ça ne fonctionnera pas. C'est comme si on demande aux communautés: Organisez-vous! Oui. Les communautés disent: Oui, on veut bien s'organiser, mais, s'il vous plaît, donnez-nous les outils qui vont nous permettre de le faire.

Alors, sur le plan de l'habitation, c'est strictement la même chose. On va pouvoir effectivement avoir les ressources financières, et, moi, je pense que les communautés, les gens... Si on regarde l'expérience qu'on a en crédit communautaire, les gens sont prêts à investir localement si on sait à quoi sert notre argent. Mais les gens vont le faire s'ils ont l'incitatif pour le faire. Pourquoi les fonds de travailleurs ou les REER fonctionnent? Parce qu'il y a un incitatif autour de ça.

Donc, les projets sociaux que l'on a, organisons-nous pour qu'ils aient les incitatifs pour attirer des gens qui vont y investir, et, à partir de là, collectivement, moi, je pense, on les a, nos organismes de concertation. Vous l'avez dit vous-même: Sur ça, on est corrects. Mais donnons-nous les outils financiers qui vont nous permettre de les mettre en place, de les consolider puis d'assurer leur pérennité. C'est beaucoup ça le problème, et, moi, je pense, le fonds d'investissement dont vous parlez peut être fort intéressant mais il va être efficace s'il a les outils qui lui permettent de l'être. C'est beaucoup... C'est ça.

Le Président (M. Paré): Maintenant, Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Alors, je trouve ça intéressant. Je vois le point de vue où vous voulez en venir. Le gouvernement du Québec, vous savez, a créé plusieurs fonds pour les années... On parle du Fondaction de la CSN, le Fonds de solidarité de la FTQ; on a les Régimes d'investissement coopératifs, et on a créé, l'année dernière, le Fonds régional coopératif Desjardins qui fait en sorte que les argents, les investisseurs bénéficient d'incitatifs fiscaux justement, et qui ne sont pas tout à fait calqués sur le REER mais qui se ressemblent et qui permet aussi d'investir dans les régions qui en ont plus besoin.

Est-ce que, depuis l'avènement de ce fonds-là, vous avez vu une plus grande facilité pour les organismes que vous chapeautez... pas les organismes mais le type d'entreprises que vous chapeautez à obtenir ce financement-là?

Le Président (M. Paré): Mme Maziade.

Mme Maziade (Linda): Bien, franchement, non, malheureusement, pour une raison très simple ? et là, mes collègues interviendront aussi. Ce qu'on constate souvent dans la mise en place de ces... ils ne sont pas inutiles, loin de là, ils ont une fonction importante.

Cependant, lorsqu'on parle des couches de population les plus appauvries, hein, c'est là que le vide se fait toujours sentir. Ces instruments-là sont intéressants, ils couvrent une certaine partie du secteur financier ou des besoins financiers. Cependant, on va encore demander, on est encore dans les mêmes normes par rapport à l'admissibilité de projets qui doivent être portés par les personnes qui ont des garanties, qui ont des actifs, qui ont...

Alors, par rapport aux clientèles dont, nous, on parle ? aux personnes appauvries ? si on veut qu'elles fassent le bond vers un emploi, vers la création d'un emploi ou vers un projet porteur, viable, ces gens-là ne sont pas plus admissibles à ces sources-là. Et on le voit même, des organisations comme les nôtres, des fonds communautaires, ont beaucoup de difficultés à développer des partenariats avec des fonds comme Fondaction ou ce type... ou même Accès ? on le soulevait dans notre rapport ? à cause des rendements qui sont demandés. Tant qu'on sera uniquement dans une logique de rendement économique sur le capital, on va avoir un problème, et le problème, ça va toujours être les couches de population les plus appauvries qui vont les vivre. Donc, ça veut dire qu'il faut mettre en place un autre modèle qui va être viable aussi ? nous, on croit que c'est viable ? mais qui fonctionne sur d'autres bases.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Maziade. Ça termine nos échanges. Merci de votre contribution.

J'inviterais les carrefours jeunesse-emploi de l'Ouest-de-l'Île de Montréal et de Marquette, s'il vous plaît, à s'avancer. M. Yves Picard et Mme Marie-Claude Simard.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paré): Bienvenue, Mme Simard, bienvenue, M. Picard, à cette audition. Vous aurez, comme je viens de vous le dire, 10 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes d'échange avec les parlementaires. Allez-y.

Carrefours jeunesse-emploi de l'Ouest-de-l'Île
et de Marquette (CJEOI et CJEM)

M. Picard (Yves): Je suis directeur de deux carrefours jeunesse-emploi qui sont implantés dans l'Ouest-de-l'île de Montréal, c'est-à-dire de Lachine à Sainte-Anne-de-Bellevue, deux organismes qui sont administrés par des conseils d'administration élus démocratiquement en assemblée générale, des conseils d'administration composés de citoyens impliqués, de jeunes qui fréquentent les organismes, d'acteurs socioéconomiques et politiques du milieu.

Aujourd'hui, ce qu'on vous présente, ça a fait état de débats au sein des deux instances et ça reflète la volonté profonde des jeunes qui fréquentent nos organismes. En fait, ce qu'on met de l'avant, c'est un peu un modèle qu'on voudrait en même temps de société pour le Québec, où l'entreprise citoyenne serait partie prenante du développement de sa communauté et non pas de son simple capital.

Alors, maintenant, je vais donner la parole à Marie-Claude qui va vous parler pourquoi ça nous est venu, ces idées-là de bilan social et comment on a pu faire en sorte que ça germe dans nos têtes et au sein de nos instances.

Le Président (M. Paré): Mme Simard.

Mme Simard (Marie-Claude): Oui. Alors, Penser globalement, agir localement. Nous, depuis le début mais de façon plus active depuis deux ans, les carrefours jeunesse-emploi de Lachine et de l'Ouest-de-l'Île travaillent à consolider une passerelle entre le monde des affaires et le milieu communautaire dans un contexte où on retrouve plus de 4 000 entreprises, donc les parcs industriels de l'Ouest-de-l'Île, et qui sont regroupées entre différentes instances: Chambre de commerce, Regroupement des gens d'affaires, Conseil de développement des affaires de l'Ouest-de-l'Île et où on retrouve aussi sur notre territoire plus de 40 000 jeunes de 16 à 35 ans.

n (10 h 40) n

Alors, dans notre milieu, on se positionne en tant que pivot. C'est un service de développement en fait qu'on offre, de développement de projets concertés, de création d'alliances, de création d'un réseau d'entreprises qui collaborent à la formation par des stages en entreprises rémunérés, par des visites industrielles, par des visites exploratoires et par des concepts, par exemple employé d'un jour, des choses comme ça, mais il y a toutes sortes d'autres projets créatifs qu'on retrouve... qu'on travaille avec nos partenaires du secteur privé. De plus, on assume actuellement la présidence d'un regroupement de gens d'affaires à Lachine.

Alors, nous croyons que c'est par des stratégies concertées qu'il est possible de réduire le fossé entre le milieu des gens d'affaires et le milieu communautaire; c'est en faisant en fait converger les intérêts et les besoins, et, évidemment, en établissant des partenariats tangibles. À titre d'exemple, notre projet de taxi collectif et les stages en entreprise, encore une fois.

Alors, évidemment, il y a beaucoup de travail à faire, particulièrement en termes de sensibilisation, d'information et de ? j'ai-tu dit tout ce que je voulais dire? ? de sensibilisation, d'information et de formation dans les entreprises. Ce sont des concepts bien théoriques et qui paraissaient difficilement applicables auparavant, dans le passé, mais, maintenant, on voit que ça fait état d'une réflexion publique, et on peut percevoir qu'il y a, au contact des gens d'affaires, une bonne écoute et une bonne réception de la part de ceux-ci. Par contre, ça demeure des concepts assez flous, et on sent qu'il y a un besoin pour eux d'être outillés, mais, en plus d'avoir des outils, de savoir comment s'en servir. Évidemment, nous croyons que les entreprises ont aussi besoin d'être soutenues par des expertises du milieu mais aussi par certaines interventions de l'État, pas nécessairement par rapport à des lois ou légiférer, mais plutôt soutien des initiatives locales, etc.

Alors, en ce moment, il y a un consensus dans l'Ouest-de-l'Île pour que s'établissent sur le territoire des entreprises socialement responsables. Et mon collègue Yves va vous en parler un peu, là, relativement au Sommet de Montréal. Mais l'intérêt des carrefours jeunesse-emploi de Lachine et de l'Ouest-de-l'Île, pour le bilan social des entreprises et les fonds responsables, est à la base d'une volonté de soutenir les jeunes dans leur intégration sur le marché du travail. Et, quand je parle des jeunes, je parle de toutes sortes de clientèles, de ceux qui sont plus démunis jusqu'aux étudiants très diplômés, jusqu'aux immigrants qui ne peuvent être reconnus pour leur expertise.

Le Président (M. Paré): M. Picard.

M. Picard (Yves): Quand on dit que ça fait état d'un large consensus dans le territoire de l'Ouest-de-l'Île, il y a eu le Sommet de Montréal qui a commencé par des sommets d'arrondissement. Et, dans les sommets d'arrondissement, il y a quatre arrondissements où les entreprises socialement responsables ont été mises de l'avant comme priorité au niveau du développement économique ou du développement communautaire.

Évidemment, ces concepts-là, quand on parlait... Dans les dossiers de l'environnement, on savait que ces gens-là étaient pour supporter ces valeurs-là mais ça venait du monde économique autour des sommets d'arrondissement. Et la communauté, et des gens d'affaires, et du politique, et des citoyens et du milieu communautaire se sont réunis dans un forum qui regroupait une centaine de décideurs de l'Ouest-de-l'Île, et le défi de demain qui a été mis de l'avant ? et c'était pour préparer en vue des interventions que la communauté ferait au Sommet de Montréal ? le défi de demain pour l'Ouest-de-l'Île de Montréal, c'était de mettre en place des mécanismes pour que s'établissent encore une fois des entreprises socialement responsables sur le territoire. Il faut comprendre aussi que dans l'Ouest-de-l'Île, sur l'île de Montréal, c'est à peu près l'espace où il reste possiblement du développement industriel à faire.

Or, ce que les gens disaient: Nous, là, si on veut développer dans l'Ouest-de-l'Île, maintenant on veut des entreprises socialement responsables où les travailleurs vont être heureux, les entreprises aussi qui vont pouvoir redonner à la communauté un peu, parce que la communauté quand même les accueille, les entreprises. On a le choix, on peut mettre du logement ou on peut mettre des entreprises. Il y a des espaces pour les entreprises, on veut qu'elles redonnent à la communauté.

Alors, c'est parti du West Island, et, quand on est arrivés au grand Sommet, si on veut, le 4 juin, au niveau du développement économique local, ça a été mis de l'avant encore une fois: faire en sorte que s'établissent sur l'île ? maintenant de Montréal et non plus uniquement dans le West Island ? des entreprises socialement responsables. Donc, ça a fait état du consensus.

En principe, ça devrait être une valeur qui va être véhiculée par la nouvelle ville de Montréal, et, nous, depuis déjà quelques mois, on travaillait à mettre ça en place dans notre milieu comme sensibiliser les entreprises. Et, comme Marie-Claude le disait, c'est clair que les gens qu'on rencontre, les décideurs ? on a quand même des entreprises au niveau pharmaceutiques: Merck Frosst, Pfizer ? ce n'est pas tous des juniors. On a de la petite entreprise et de la grande entreprise, et, aux deux niveaux, l'accueil est là, les gens sont prêts, mais, pour plusieurs, on parle un peu... Comment, moi, je peux appliquer ça? Comment je peux le faire? Puis, nous, on a la prétention, avec nos partenaires, de pouvoir faire de l'éducation, entre autres, à ce niveau-là dans notre milieu.

Par contre, ce qu'on sait aussi, c'est qu'il y a d'autres types de problématique dans nos communautés et c'est pour ça qu'on a mis de l'avant des propositions quand même audacieuses mais qui... Hier, dans le journal, on voyait: La Caisse de dépôt devrait se doter éventuellement d'un code d'éthique. Bien, nous, ça fait notre affaire quand on voit ça, hein? Parce qu'au début on passait un peu pour des hurluberlus dans le West Island quand on parlait de ça, mais là, tu vois: La Caisse de dépôt devrait se doter d'un code d'éthique.

Nous, on dit à l'État québécois: Soyez donc un exemple pour les citoyens. Commencez par faire des achats éthiques. Quand vous vous approvisionnez, approvisionnez-vous à la bonne place et assouplissez les règles de la Caisse de dépôt. Nos économies sont en quelque part. Notre caisse de retraite est en quelque part et la capacité de cette caisse-là de prêter à des investisseurs est limitée souvent par des contraintes parce qu'il y a des prêts plus à risque dans le logement social entre autres, ce n'est pas évident. Et, nous, on pense que, si l'État québécois pouvait garantir les prêts, et, après ça, la Caisse de dépôt réserver le 1 % de sa caisse... On a pris l'exemple de New York, encore une fois, où ça s'est fait. Bien, on réglerait une bonne partie de nombreux problèmes parce qu'on parle de plusieurs centaines de millions de dollars qui seraient maintenant accessibles pour des projets intéressants dans les communautés. Ça, c'est nos deux premières recommandations. Donc: assouplir les règles, réserver 1 %.

La troisième recommandation qu'on dit, c'est de donner l'exemple: faire des achats éthiques, faire des achats responsables; que l'État québécois se donne une politique d'achat responsable; promouvoir le bilan social des entreprises et des fonds responsables. Je pense qu'il faut, au-delà de légiférer, de tout ce qu'il y a, il faut que les gens, ils sentent qu'ils ont intérêt à le faire puis qu'on va leur donner des outils pour faciliter le travail.

Quand on est sur le terrain... Nous, on est sur le terrain puis quand on est avec les entreprises... Juste placer des jeunes en stage rémunéré, la paperasserie autour de ça énerve beaucoup les gens d'affaires. Ils prennent plus de temps à remplir les papiers qu'ils peuvent en mettre pour soutenir les stagiaires. À un moment donné, ça n'a plus de bon sens. Si on arrive encore avec d'autres affaires... Non. Donnons-leur des outils simples, une façon de faire qu'ils vont pouvoir travailler.

On veut ? si l'État québécois fait la promotion de ça puis qu'on essaie de créer des grilles, des façons de faire ? qu'il y ait une place importante pour les jeunes dans ça. Nous, on est des organismes qui travaillent avec les jeunes, on veut que les jeunes aient une place importante et on souhaite aussi que tout le monde soit appelé éventuellement à produire un bilan social, en partant des centrales syndicales, aux municipalités, les organismes.

Nous, comme organismes, on produit un bilan social, à chaque année. On dépose les états financiers, on fait état de ce qu'on fait avec nos partenaires, avec nos employés, avec notre conseil d'administration. Nos décisions sont publiques, on les rend publiques, et on montre aux gens comment on peut soutenir notre communauté. C'est ce qu'on met dans nos deux bilans annuels parce qu'il s'agit bien de deux organismes autonomes qui partagent la même direction.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Picard. Nous allons passer maintenant aux périodes de questions et d'échanges. M. le député de Bertrand.

n (10 h 50) n

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Mme Simard, M. Picard, bonjour. Effectivement, les recommandations 5, 6 et 7, vous parlez abondamment du bilan social, de la promotion du bilan social. Comme le groupe précédent d'ailleurs, vous parlez de promotion puis vous dites que l'État, au niveau de la promotion, peut s'impliquer aisément et facilement par différents ministères puis vous en énumérez toute une série en passant par Industrie et Commerce puis Santé puis Éducation, etc. C'est très vrai; j'abonde dans ce sens-là que les différents ministères peuvent aider à faire la promotion.

Et puis la recommandation 6, vous parlez du rôle de l'État puis de l'obligation de l'État, c'est-à-dire le rôle de l'État pour obliger les entreprises à produire un bilan social. De quelle façon vous voyez le rôle de l'État dans l'obligation de? Est-ce que c'est par une législation, est-ce que c'est par de la réglementation? De quelle façon vous voyez ça?

M. Picard (Yves): Nous, ce qu'on dit, là, c'est que, bon, il y a des entreprises qui fonctionnent de façon complètement autonome, qui n'en veulent pas de l'intervention de l'État sous forme de subvention ou de soutien. Ça existe. Et ils trouvent ça trop compliqué; c'est leur affaire.

Mais, nous, ce qu'on dit, c'est que, quand l'État prête à une entreprise par du prêt, quand l'État offre à des entreprises des subventions salariales, quand l'État vient soutenir une entreprise, en contrepartie, il devrait exiger que cette entreprise-là soit socialement responsable. Comme ça, on sait où notre argent s'en va. On sait qu'elle s'en va dans des endroits qui sont en respect des valeurs des jeunes, des jeunes avec qui on travaille.

Mme Simard (Marie-Claude): C'est un type de transparence, en fait.

M. Picard (Yves): C'est comme ça. Si tu veux, comme entreprise, faire affaire avec nous, tu devras nous faire la démonstration que tu es socialement responsable, que tu vas accueillir des jeunes en stage, que tu ne pollueras pas outre mesure. On a des règles. C'est sûr qu'à un moment donné il y a des émanations qui se font. Mais qu'est-ce que tu fais pour améliorer ton rendement énergétique de ton entreprise? Ça, c'est toutes des petites façons comme ça.

On travaille... Vous l'avez vu, on est très impliqués au niveau de l'environnement. Je pense que l'arrondissement de Lachine va être doté d'une politique au niveau environnemental assez exceptionnelle, d'avant-garde. On est partie prenante de ça. On a travaillé sur ces dossiers-là. On n'a même pas besoin de... Ça ne veut pas dire de toutes fermer les usines qui produisent un peu. Ça veut dire: Si on te prête, nous, si tu viens t'établir dans notre secteur, si tu veux qu'on te soutienne, tu devrais respecter les règles et nous faire la démonstration que tu vas traiter tes travailleurs comme il faut, que tu vas faire place à de la formation. Comme ça, on est prêts à te prêter.

M. Cousineau: Vous inscrivez, à la page 7, une série de critères d'exclusion automatique. Donc, vous dites que l'État pourrait exclure des entreprises de certains programmes, de certains... s'ils ne respectent pas certaines normes minimales.

M. Picard (Yves): À la page?

M. Cousineau: À la page 7, vous parlez de critères d'exclusion automatique, là, pages 7 et 8.

M. Picard (Yves): Attendez un peu, c'est parce que je me suis mêlé un peu dans mes feuilles, là.

M. Cousineau: Dans votre mémoire.

M. Picard (Yves): Moi, sur ma page 7, c'est Avantages pour l'entreprise, stages internationaux...

M. Cousineau: Ah! bien excusez, c'est en chiffres romains.

M. Picard (Yves): Bien, l'exclusion, nous, on ne s'est pas amusés à dire à l'État: Voici ce que vous devez faire puis dans un cadre rigide. On a plutôt été voir c'est quoi les grandes tendances comme... On a été voir qu'est-ce que la FTQ peut faire avec le Fonds de solidarité; qu'est-ce que le Fondaction, lui, met de l'avant; qu'est-ce que, aussi, d'autres États... sans aller voir qu'est-ce qu'on fait en Suède dans les moindres détails mais comment d'autres États ont pu faire pour soutenir ça dans leur communauté et que ça fonctionne. Donc, on ne s'est pas amusés à le définir. Il y en a dont c'est bien le rôle de le faire. Nous, ce qu'on voulait, c'est dire: Il y en a, des critères, qui existent. Mais c'est clair que, pour nous, où on est, les jeunes avec lesquels on travaille, une usine d'armement, ils n'en veulent pas; ils n'en veulent pas de ça.

M. Cousineau: Le tabac.

M. Picard (Yves): Pardon?

M. Cousineau: Le tabac aussi.

M. Picard (Yves): Le tabac. Ils n'en veulent pas. Ce n'est pas ça qu'ils veulent dans leur communauté. Ils veulent des emplois intéressants, des emplois gratifiants où ils vont pouvoir poursuivre leur formation tout en travaillant. Puis ils veulent aussi une entreprise qui va pouvoir... Ils vont avoir un peu la fierté de... On travaille à Lachine, c'est un berceau industriel du Québec. On a la Dominion Bridge ? bien, maintenant ADS ? puis tout ça. Or, il y a des vieilles, vieilles valeurs de tradition au niveau de l'entreprise, où l'entreprise était partie prenante de sa communauté. Le Carrefour est dans l'ancienne caisse des travailleurs du coin. Alors, c'était présent, ça, puis il y avait une fierté qu'on voit de moins en moins, parce que les entreprises sont gérées souvent par des capitaux qui sont à Toronto.

On a un projet de taxi collectif; 80 % des emplois dans notre parc industriel est occupé par des non-résidents puis on a un taux de chômage élevé. Les gens, ça leur prend deux heures à aller travailler dans le parc industriel. On mobilise les gens d'affaires, on est près d'eux. Ils sont intéressés; on va donner accès au lieu de travail aux gens. On va voir la STM, des bâilleurs de fonds, CLD, puis tout ça. On développe un projet de taxi collectif qui, maintenant, amène les travailleurs, en dehors de heures de pointe, dans le parc industriel. Finir à 11 heures le soir dans un parc industriel, là, il n'y a pas d'autobus. Tu ne t'en retournes pas chez vous si ça te prends une heure et demie. Et là, quand on arrive, les entreprises sont prêtes. Localement, il y a des gens qui sont là, qui sont prêts à travailler, qui seraient prêts à nous soutenir mais l'argent est à Toronto puis elle ne peut pas descendre. Excusez-moi.

Mme Simard (Marie-Claude): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: M. le Président, merci. Bien, je vous remercie de votre mémoire, mais je vous félicite surtout pour ce mémoire qui est très bien structuré, qui est un mémoire qui est assez impressionnant, qui fait le tour de toute la question. Et, au niveau de votre Carrefour, je pense qu'on comprend bien que vous comprenez bien la mission de votre Carrefour avec sa couleur locale, avec ses réalités locales. Alors, moi, je suis très impressionné par votre mémoire.

Quand vous dites de faire une place plus importante aux jeunes, j'aimerais vous entendre là-dessus. Ce que je comprends, c'est que le bilan doit faire aussi que les jeunes soient une partie intégrante de ce bilan-là, pas seulement faire une plus grande place.

Donc, j'aimerais vraiment, pour les quelques minutes qui restent, là, vous entendre là-dessus, là, sur votre participation, là, très, très...

Mme Simard (Marie-Claude): Je vais te laisser aller; t'es bon. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): M. Picard.

M. Picard (Yves): On place des jeunes en stage. Nous, on travaille avec des stages rémunérés. On ne peut pas mettre des jeunes en stage, là, des jeunes qui vont là puis tu travailles puis on ne te paie pas, on ne s'occupe pas de toi, on te fait placer des boîtes. Ce n'est pas ça qu'on veut. On veut des stages de qualité. On veut que l'entreprise fasse une place aux jeunes, hein? Des concepts comme du parrainage en entreprise, des choses comme ça qui existent ailleurs, mais que, chez nous, ce n'est pas encore là.

Alors, nous, ce qu'on dit, là, c'est: Encore là, quand Emploi-Québec donne des subventions salariales à l'entreprise x, mais cette entreprise-là ne fait pas de place aux jeunes. Nous autres, on dit: Aïe! il faut aussi dénoncer ça. On a des jeunes... le taux de chômage, 60 % des jeunes avec qui ont travaille en ce moment, ils n'ont pas un secondaire V, chez nous, là, à Lachine. C'est délicat, là. C'est dur.

Alors, nous, on dit: Il va falloir une plate-forme pour que ces jeunes-là aient accès aux lieux de travail. Qui qui peut leur donner accès? C'est l'entreprise. Si tu veux qu'on t'aide avec des subventions salariales, fais place à des jeunes. C'est des jeunes, ils ont besoins de travailler. Ils veulent. Il faut travailler sur la valeur du travail. Ça, on en est conscients, là; ils ne l'ont pas tous.

Mme Simard (Marie-Claude): Et la question des stages rémunérés aussi est importante pour nous, dans la mesure où la concurrence en ce moment dans les entreprises... Lorsqu'on les contacte pour qu'ils accueillent nos étudiants ou nos jeunes qui ne sont pas aux études, on se rend compte que la concurrence est très forte de la part de beaucoup d'écoles privées qui sont subventionnées, qui offrent des stages non rémunérés. Et puis les jeunes qui paient, qui vont à l'école publique finalement ? le cégep ? arrivent avec des programmes de stages rémunérés et l'entreprise nous ferme les portes à ce moment-là parce qu'ils préfèrent opter pour une solution moins coûteuse. Hein?

M. Picard (Yves): C'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Simard (Marie-Claude): Ha, ha, ha! C'est un peu frustrant parfois, parce que ce n'est pas facile de placer, comme ça, 150 jeunes dans des contextes conjoncturels pas évidents comme l'année dernière, où il y a eu énormément de mises à pied quand même, dans le secteur des télécommunications particulièrement.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Simard. M. le député de La Prairie, d'autres questions?

M. Geoffrion: Ça va.

Le Président (M. Paré): Ça va. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais, M. Picard et Mme Simard, vous souhaiter la plus cordiale bienvenue. Je trouve rafraîchissant d'avoir un point de vue de jeunes du Carrefour jeunesse de Montréal-Ouest, l'Ouest-de-l'Île, en fait maintenant, et Marquette. Pour avoir participé et initié moi-même la création d'un carrefour jeunesse dans La Pinière, dans mon comté, je sais à quel point il y a un dynamisme et un foisonnement dans les carrefours jeunesse, et je trouve assez originale votre préoccupation par rapport à l'investissement responsable et la responsabilité sociale des entreprises. Donc, c'est très, très intéressant de voir tout ça. Vous avez un congrès, le Réseau des carrefours jeunesse, bientôt, je pense, au mois d'octobre; vous devriez en parler aux autres carrefours. C'est très intéressant.

n (11 heures) n

J'ai également apprécié le travail que vous faites au niveau des stages en entreprise. Je crois que c'est extrêmement important de permettre aux jeunes, dès le secondaire ? parce que vous le faites dès le secondaire ? de prendre pied dans l'entreprise et de faire la transition école-travail. Donc, ça aussi, c'est quelque chose qui est fort intéressant dans ce que vous nous avez présenté.

Dans votre recommandation 1 et un peu dans votre document, vous êtes des partisans des coopératives, hein? Vous voulez qu'on soutienne les coopératives, que l'État soutienne les coopératives dans les différents secteurs d'activité. Pourquoi vous avez un parti pris pour les coopératives sachant que... Bien que je sois moi-même favorable aux coopératives, notamment dans le domaine de l'habitation, je sais par ailleurs que les coopératives rencontrent beaucoup de difficultés au niveau de leur gestion, au niveau de la formation des gens qui travaillent dans les conseils d'administration. Pourquoi vous avez priorisé davantage et vous nous incitez à ce qu'on puisse regarder davantage les coopératives?

M. Picard (Yves): Parce qu'on... Dans le modèle... Bon, le taux de survie des projets coopératifs est plus élevé que dans le privé, là, selon les statistiques qu'on a, d'une part. Donc, au niveau... C'est un investissement sain où on a moins de chances de perdre nos billes, mais aussi dans les modèles coopératifs... Il faut comprendre aussi que le Carrefour jeunesse-emploi, ça aussi, c'est un peu particulier, là, mais on a le mandat de développement et de soutien à l'économie sociale dans notre milieu par le CLD. Alors, les projets coopératifs, on y croit. On y croit puis on pense que ça va permettre aussi aux travailleurs, aux gens qui vont aller travailler, d'avoir des conditions qui sont souvent plus adéquates pour eux, donc qu'ils vont être des travailleurs plus heureux, plus productifs, et parce qu'ils sont partie prenante de l'entreprise.

Donc, on se dit... Et les modèles coopératifs, bien il faut qu'ils aient accès à des capitaux, donc, en quelque part, il faut choisir... Nous autres, on va choisir toutes les plateformes pour essayer d'aller... Là, c'est celle-là où on vient vous dire: Le modèle coopératif, il fonctionne. Il a des difficultés, mais dans n'importe quel... Il y en a d'autres, ils ont des difficultés de négociation avec les syndicats, puis tout ça. Mais, dans le modèle coopératif, les gens sont partie prenante d'un projet. Il faut les soutenir, il faut trouver des outils pour les soutenir.

Mme Houda-Pepin: D'accord. La recommandation n° 2, vous recommandez qu'on réserve 1 % des fonds des caisses de retraite pour des entreprises et des projets coopératifs socialement responsables et vous donnez l'exemple du logement, hein, avec justement l'expérience de la ville de New York, dont j'ai parlé avec le groupe avant vous. Et, lorsqu'on parle de mesures incitatives au niveau fiscal dans le domaine de l'habitation, est-ce que vous avez une façon privilégiée pour mettre en pratique ces outils fiscaux?

M. Picard (Yves): Aux nouvelles... Bien, à Montréal, on a vécu une crise, là, et j'écoutais un promoteur aux nouvelles...

Mme Houda-Pepin: Pas seulement à Montréal, la crise, elle affecte d'autres régions aussi.

M. Picard (Yves): Oui, j'en suis conscient. Mais je sais que le type en question, il disait: Écoutez, moi, je suis un promoteur, je vais investir dans un condo, je vais le vendre, je vais faire mon profit rapidement. Si j'investis dans du logement de base, là, même pas social encore là... Si j'investis dans du logement, mon argent, je la récupère sur 10 à 15 ans. Alors, nous, on dit: Si l'État vient et qu'il donne accès à des capitaux à un taux peut-être un peu plus bas que ce qu'il paierait sur le marché puis que l'État vient garantir ce prêt-là, donc ça devient peut-être plus intéressant pour des promoteurs. Mais, quand on parle de logement social, ça demande ? des mots du West Island, là ? un «commitment» aussi de l'État. Il faut que l'État agisse en bon père de famille avec ses citoyens, hein? Ça, ça veut dire qu'il faut que les gens puissent se loger, se nourrir et se vêtir. Le logement, là, c'est important.

Mme Houda-Pepin: O.K. Vous avez une recommandation sur les politiques d'achat du gouvernement. Ça, c'est très important. Vous n'êtes pas le seul groupe qui nous a alertés là-dessus et vous avez bien démontré aussi qu'aux États-Unis comment ça fonctionne, le gouvernement fédéral et certains États américains ont adopté ces types de politiques. Maintenant, dans la pratique, comment ça peut fonctionner? Comment le gouvernement, une fois qu'il a mis ça dans sa politique comme une chose, comme une clause volontaire finalement... Parce qu'il n'y a rien qui l'oblige. Il dit: Je préfère, mais il n'y a aucune obligation pour l'État, d'une part. Et, d'autre part, il n'y a pas d'obligation nécessairement pour les entreprises. Comment est-ce que, dans la pratique, ça peut se faire au niveau de la sélection des entreprises qui sont socialement responsables par rapport aux autres entreprises quand on sait que, généralement, c'est les meilleurs rapports qualité-prix qui prédominent dans l'acquisition des biens et services, d'une part?

Et, comme le temps presse, je vous lance une deuxième question. Vous dites que l'État doit rendre obligatoire la production d'un bilan social par les entreprises. Dans le contexte québécois, comment l'État peut obliger les entreprises à rendre un bilan social quand lui-même ne le fait pas?

Le Président (M. Paré): Très rapidement, parce qu'il nous reste peu de temps.

M. Picard (Yves) : Notre dernière recommandation dit: Tout le monde devrait produire un bilan social.

Mme Houda-Pepin: O.K.

M. Picard (Yves): Quand le Fonds de solidarité prête et s'implique dans une entreprise, bien, le redressement, le financement, puis tout ça, il y a des normes que le Fonds a mises qu'il demande de respecter. L'État québécois devrait aussi se doter de ça: Tu sais, moi, je vais faire affaire avec toi si tu me fais la preuve que tu es socialement responsable. La quantité de papier qui doit se consommer ici, ça doit être assez phénoménal. Le papier, c'est des arbres, hein? Si on achète du papier comme État, il faut s'assurer que l'entreprise qui nous fournit le papier est une entreprise qui ne fait pas de la coupe à blanc, puis qui ne se rend pas jusqu'au bord du lac, puis qui replante après. Il faut s'assurer de ça, puis ça, il y en a des mécanismes puis il y a des exemples. Puis, après, là, ceux qui sont après nous autres, là, je pense qu'ils en ont des critères, eux autres. Desjardins en a sur certains fonds, la CSN en a. Je pense que de s'asseoir avec ces gens-là puis de regarder c'est quoi, les critères que vous mettez en place, comment vous faites pour gérer ça... Parce qu'ils sont tous préoccupés par la rentabilité aussi, le rapport qualité-prix.

Puis je voulais vous dire que, l'an dernier, au congrès des carrefours jeunesse-emploi, il y a eu un atelier qui parlait justement sur l'implication sociale des entreprises, parce que c'est une préoccupation qu'on a un peu tous aussi.

Mme Houda-Pepin: Bon, formidable. Je suis rassurée.

Le Président (M. Paré): Merci. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Oui. Je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, je voulais juste en revenir sur le point... Vous dites que vous faites la promotion du bilan social des entreprises auprès des entreprises qui sont déjà installées chez vous, dans vos parcs industriels, et tout ça. Maintenant, comment vous agissez au niveau des entreprises qui sont en phase de démarrage? Parce qu'on sait qu'une entreprise qui démarre, son premier objectif, c'est d'abord de faire du profit, hein, puis c'est d'abord de passer la première année, puis peut-être les cinq premières années. Et, au moment où elle part, elle n'a pas nécessairement de politique sur ses ressources humaines puis sur la façon qu'elle va traiter ses employés outre ce qui existe déjà au niveau de la réglementation provinciale sur les normes du travail, par exemple, ou sur toute autre réglementation qui pourrait toucher l'environnement ou... Qu'est-ce que vous faites dans ces cas-là d'entreprises qui sont en phase de démarrage?

M. Picard (Yves): Les entreprises qui sont dans notre secteur ont, pour plusieurs, des problèmes de recrutement et de rétention de main-d'oeuvre. Alors, nous, une des façon qu'on a d'intervenir avec eux, c'est de les sensibiliser à cette réalité-là et comment ils ont intérêt à être responsables envers leurs travailleurs, premièrement. La première richesse d'une entreprise, c'est sa main-d'oeuvre, c'est les gens qui font le travail. Alors, il y a des entreprises qui sont chez nous qui font du tri de papier et qui ne chauffent pas la shop l'hiver. Puis, ce n'est pas compliqué, ils perdent leurs travailleurs. Alors, nous, quand il y en a une nouvelle, on dit: Regarde, ce n'est pas évident de trouver de la main-d'oeuvre, là. Mais, de toute façon, si tu veux venir sur l'île de Montréal, il y a à peu près juste là que tu peux venir t'établir, dans le West Island. Nous autres, ce qu'on veut, c'est que tu sois... Ils ont été capables de mettre des normes, les villes... Les anciennes villes, ils ont mis des normes sur le type de brique qu'il fallait que l'entreprise, elle mette pour que ça paraisse bien quand tu passes sur l'autoroute. Je ne peux pas croire qu'ils ne sont pas capables de mettre des normes pour que les travailleurs vivent dans des conditions adéquates puis qu'ils ne polluent pas s'ils ont été capables de les forcer à mettre de la brique toute de la même couleur. C'est ça aussi, là, des... Il me semble que c'est un peu plus logique, tu sais. Ha, ha, ha!

Mme Simard (Marie-Claude): Ce que je peux ajouter par rapport aux jeunes entreprises, aux jeunes promoteurs, c'est qu'on s'implique aussi sur des comités avec le CLD, comme le comité Jeunes promoteurs, et puis on s'organise pour que ces gens soient bien réseautés dans notre milieu, entre autres en leur offrant un membership au sein de notre regroupement de gens d'affaires, en leur faisant rencontrer des gens du milieu. Donc, on favorise le développement du mentorat et ces choses-là. Ça fait que...

n (11 h 10) n

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Simard, merci, M. Picard, de votre contribution à cette commission.

J'inviterais la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, représentée par M. René Roy et M. Réjean Bellemare.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paré): Bienvenue, messieurs, à cette commission. Si vous voulez vous nommer. Vous aurez 20 minutes de présentation et 20 minutes d'échange avec les parlementaires. Donc, en tout, de chacun des partis représentés... Donc, c'est 60 minutes. La prochaine heure est à nous et à vous. Au plaisir.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

M. Roy (René): Alors, merci, M. le Président. Alors, mon nom est René Roy, secrétaire général de la FTQ. Je suis accompagné de M. Réjean Bellemare, qui est économiste à la FTQ, matière grise en finance. Alors, si je suis mal pris, il va m'aider. Il va aller en détail dans les réponses financières.

Alors, vous avez eu notre mémoire. Alors, je vais vous en lire un résumé qui n'est pas si court que ça. J'aurais aimé que mon ami Bellemare soit plus court, mais il y a plusieurs recommandations, alors on est obligé de mettre un peu de langage autour de nos recommandations.

Alors, dans un premier temps, permettez-moi de remercier la commission de l'invitation que vous nous avez faite de partager avec nous notre réflexion sur la responsabilité sociale des entreprises et l'investissement responsable. La défense des intérêts de nos membres est la responsabilité première de la FTQ. Toutefois, en tant que citoyenne, la FTQ se reconnaît aussi une responsabilité envers la population du Québec et la société québécoise.

C'est notre sens des responsabilités qui nous a guidés lors de la crise économique des années quatre-vingt. Face aux pertes d'emplois, nous devions intervenir. Comme vous le savez maintenant, notre réponse, ce fut le Fonds de solidarité de la FTQ. Il faut malheureusement constater que la responsabilisation des entreprises envers la société est beaucoup moins évidente. Les décisions corporatives sont souvent à l'origine de pertes massives d'emplois, et la poursuite du rendement maximal à court terme nous mène trop souvent vers des culs-de-sac économiques.

La responsabilité sociale des entreprises. Nous ne surprendrons personne en affirmant que la FTQ est plutôt dans le camp de ceux et celles qui affirment que la responsabilité sociale des entreprises n'est pas limitée à la maximisation des profits à court terme. La viabilité à long terme des entreprises devrait toujours guider les gestionnaires. Nos membres ont trop souvent été victimes de décisions purement financières prises sans tenir compte de leur impact sur les parties prenantes.

Il faut bien comprendre que nous ne nions pas que le rôle premier des entreprises soit de faire profiter financièrement leurs actionnaires. Nous considérons cependant que ce rôle n'est pas exclusif. Les entreprises rendent ces services et fournissent des produits, elles créent ou contribuent à créer des emplois, une communauté et une richesse collective. L'entreprise n'est pas que source de richesse, elle est aussi utilisatrice de la richesse collective. Elle profite du système routier, du système d'éducation et du système de santé. Elle profite des décisions politiques qui ont favorisé un climat propice aux affaires ou à l'industrie particulière.

Malheureusement, trop de gens sont encore aujourd'hui d'avis que l'entreprise n'a comme responsabilité sociale que de maximiser le rendement des actionnaires. Quelquefois, on est en droit de se demander si l'intérêt de l'actionnaire guide vraiment les gestionnaires. L'inadéquation entre la performance de l'entreprise et le niveau de bonification des cadres supérieurs nous amène à douter de l'allégeance de ces derniers dans leurs prises de décision. Il est de plus en plus évident que ces généreux programmes d'octroi d'actions ont amené les gestionnaires d'entreprises à adopter une vision à court terme, pour ne pas dire à courte vue. Dans certains cas, on a falsifié leurs états financiers de façon à répondre au besoin de profits à court terme. Nous croyons qu'il ne s'agit pas de cas isolés, mais d'un détournement par le marché de la mission même de l'entreprise.

Première recommandation, la FTQ demande donc une législation établissant les règles devant régir les programmes d'octroi d'actions. Tout programme ne répondant pas à ces règles serait considéré comme un détournement illégal de biens d'autrui. Les lois du marché amènent les entreprises à jouer les économies nationales les unes contre les autres, demandent l'allégement de la réglementation, menacent de poursuite un gouvernement voulant légiférer les activités économiques sur son territoire ou encore exigent de généreux programmes de subventions. On peut aussi se demander si on doit attribuer aux lois du marché le comportement variable de certaines entreprises selon le pays ou la province où elles opèrent leurs activités. Au cours des années, des normes internationales ont été développées, certaines par des partenaires internationaux, d'autres par des organisations privées, comme ce fut le cas pour la norme SA 8000 ou pour d'autres initiatives comme le GRI, Global Reporting Initiative.

Deuxième recommandation, la FTQ demande que les gouvernements encouragent la mise en place de normes nationales et internationales visant à réguler le comportement des entreprises privées, où qu'elles opèrent dans le monde. Nous demandons aussi aux gouvernements d'envisager de quelle manière les compagnies québécoises et canadiennes pourraient être tenues, en fonction de nos lois et règlements, de respecter ces nouvelles règles.

Nous sommes d'avis que la Commission britannique de révision du droit corporatif était dans la bonne voie lorsqu'elle affirmait que la gestion et le contrôle efficace des ressources requièrent un processus de prise de décision qui tient compte de tous les facteurs pertinents à l'issue envisagée. Parmi les facteurs mentionnés, on retrouve les relations avec les employés, les fournisseurs et les consommateurs directs et indirects. C'est ce qui a amené les Britanniques à modifier leur loi pour indiquer clairement que les administrateurs et dirigeants d'entreprises doivent tenir compte de l'impact social de leurs décisions à long terme et à court terme.

Quatrième recommandation, à la lumière de l'expérience étrangère, il serait souhaitable d'inclure dans la législation canadienne et québécoise des règles claires permettant aux administrateurs de compagnies de considérer des critères sociaux dans l'exercice de leur rôle.

Autre recommandation, finalement, dans le but d'améliorer les pratiques commerciales des entreprises canadiennes, nous croyons que ces dernières devraient, lors de la parution de leur rapport annuel, publier un bilan social de l'entreprise. À la FTQ, nous croyons à la pertinence de la production d'un bilan social. Nous avons d'ailleurs adopté comme investisseur, avec le Fonds de solidarité FTQ, une pratique très similaire. L'obligation de produire un bilan social nous apparaît d'autant plus nécessaire que la tendance des gestionnaires soit d'esquiver la question de la responsabilité sociale des entreprises en s'abritant derrière l'objectif unique de produire des profits pour les actionnaires. Toutefois, lorsque les actionnaires eux-mêmes veulent soulever une réflexion par des propositions d'actionnaires sur des questions sociales, ces mêmes gestionnaires deviennent très réticents à les écouter.

Autre recommandation de la FTQ. En effet, bien que la loi fédérale sur les sociétés à capital-actions ait été modifiée dernièrement, il n'en demeure pas moins que cette dernière devrait à nouveau être modifiée de façon à faciliter l'acceptation et la diffusion de propositions d'actionnaires, et ce, indépendamment du support de la direction à celles-ci. Une réforme de la loi québécoise sur les compagnies qui irait dans le même sens s'avérerait tout aussi pertinente.

Finalement, nous ne pouvons parler de la responsabilité sociale des entreprises sans parler de la nécessaire reddition de comptes. Il ne sert à rien de se doter de codes d'éthique dans les affaires, de grands principes sur le respect des partenaires sociaux, ni de lois et règlements coercitifs sur le sujet si personne n'est mandaté pour effectuer la vérification de l'application de ceux-ci. Suite aux scandales financiers américains, la notion de vérification indépendante des activités d'une compagnie prend une signification particulière. En réponse à ces scandales, les autorités de réglementation fédérales et provinciales et les comptables agréés du Canada ont annoncé la mise sur pied du Conseil canadien sur la reddition de comptes. Les critères de sélection des membres du comité semblent se diriger vers le même type de copinage que celui qui nous a amenés à la crise actuelle. Les représentants des petits investisseurs et des caisses de retraite, qui sont pourtant d'importants acteurs du marché boursier canadien, risquent d'être les grands absents sur ce nouvel organisme.

Alors, une autre recommandation de la FTQ, le gouvernement du Québec devra garder un oeil critique sur les activités de ce nouvel organisme de façon à assurer une meilleure indépendance entre les vérificateurs et les entreprises vérifiées. Selon nous, l'importance des activités de consultation des firmes de vérification a contribué à la crise actuelle. Les firmes comptables ont vu leur chiffre d'affaires lié aux activités de consultation augmenter de façon importante au cours des années. L'indépendance du vérificateur peut être remise en question lorsque les revenus de consultation sont très importants.

n (11 h 20) n

Autre recommandation. C'est pourquoi la FTQ considère que le gouvernement devrait légiférer pour limiter la proportion du chiffre d'affaires d'une firme comptable pour ses activités de consultation dans les entreprises où elle est aussi vérificatrice des états financiers. À ce chapitre, plusieurs firmes de vérification comptable avaient dans leur mandat de vérifier l'application des codes de conduite adoptés par les entreprises suite aux pressions des actionnaires. Nous sommes d'avis que la vérification des codes de conduite demande des processus autres que ceux normalement mis en place par des firmes comptables. Aux États-Unis et dans une moindre mesure au Canada anglais, une certaine expertise dans la mise en place et la vérification de codes de conduite s'est développée au sein de firmes comme Vérité, par exemple. L'utilisation de ces firmes nous apparaît comme un bon pas en direction d'une véritable reddition de comptes en matière de responsabilité sociale des entreprises.

Autre recommandation, c'est pourquoi la FTQ demande au gouvernement du Québec d'encourager l'utilisation d'une firme indépendante et spécialisée dans la vérification de l'application des codes de conduite. Du même souffle, nous demandons au gouvernement du Québec de voir au développement d'une expertise québécoise dans ce domaine. Alors, là-dessus, le gouvernement pourra compter sur notre appui pour la développer.

Responsabilité sociale des entreprises et des caisses de retraite. Bien que la responsabilité sociale des entreprises affecte directement nos membres dans leur milieu de travail, c'est sous l'angle de travailleur-investisseur que nous sommes intervenus dernièrement. Nos caisses de retraite constituent une partie importante de la capitalisation boursière canadienne. Les travailleuses et travailleurs sont, en grande partie, propriétaires des entreprises pour lesquelles ils et elles travaillent. Lors d'un colloque sur la gestion des caisses de retraite tenu à l'automne 2000, nous avons discuté de la responsabilité de fiduciaire, d'investissement responsable, de militantisme, d'actionnariat et d'investissement social dirigé. Depuis, la Caisse de retraite des pompiers et pompières de ville LaSalle a participé à la campagne La Baie qui demandait l'adoption d'un code de conduite qui intégrait les principes du droit du travail adoptés par l'OIT et la vérification indépendante de son application.

Il ne s'agit pas ici d'actes isolés, mais le prélude à une plus grande prise en charge de nos caisses de retraite par nos membres en conformité avec le plan d'action que nous nous sommes donné lors de notre dernier congrès. Qu'il n'y ait pas de malentendu, nous ne voulons pas détourner la raison première de la mise en place des caisses de retraite qui est de sécuriser les paiements de rentes promises dans le régime de retraite de nos membres. Nos membres veulent que leurs épargnes soient investies dans une perspective à long terme et dans le respect de leur communauté. Cependant, plusieurs se demandaient si leur fonction de fiduciaire leur permettait de tenir compte des critères autres que le rendement dans leur décision d'investissement. Nous sommes d'avis que le cadre légal actuel permet aux fiduciaires des caisses de retraite de tenir compte, dans le choix d'un investissement, de critères autres que le rendement. Cependant, il s'est installé une certaine confusion sur le rôle des fiduciaires, que plusieurs limitent par ignorance ou par négligence à la recherche d'un rendement maximum.

Alors, nous recommandons encore une fois ici... Cette réalité nous amène à demander que la Loi sur les régimes complémentaires de retraite soit modifiée de façon à y inclure une référence particulière au droit pour les membres de comités de retraite à tenir compte d'autres facteurs que le rendement dans leurs choix d'investissement. Les expériences australiennes et anglaises rendant obligatoire pour les comités de retraite de divulguer annuellement s'ils ont ou non utilisé des critères sociaux dans leurs choix d'investissement, ainsi que les critères utilisés, ont très bien répondu au besoin de transparence. C'est pourquoi la FTQ demande qu'une obligation similaire de divulgation, pour les comités de retraite, des critères sociaux utilisés, si tel est le cas, dans leurs choix d'investissement soit introduite dans la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Le député Stéphan Tremblay, lorsqu'il siégeait au Parlement fédéral comme membre du Bloc québécois, avait déposé une loi privée visant les mêmes objectifs sur les régimes de retraite sous juridiction fédérale. Une telle obligation aurait l'avantage d'atteindre deux objectifs très louables. Dans un premier temps, les comités, devant faire rapport à leur pratique, devront s'interroger sur la pertinence d'utiliser des critères sociaux dans leurs choix d'investissement. Dans un deuxième temps, la présence d'investisseurs institutionnels préoccupés par des questions sociales peut être une source de changements qui amèneront les sociétés à capital-actions à se doter d'une régie d'entreprise compatible avec les objectifs de croissance à long terme de l'entreprise.

Une autre mesure pourrait amener des changements majeurs dans la manière que l'industrie financière fait ses affaires. La Loi sur les régimes complémentaires de retraite énonce déjà que la politique de placement doit prévoir les règles applicables à l'exercice du droit de vote que comporte le titre faisant partie de l'actif. Les droits de vote doivent être perçus comme actif important de la caisse de retraite, et la gestion prise très sérieusement par les membres de comités de retraite.

Alors, nous recommandons que chaque comité de retraite doive tenir un registre annuel des votes exercés sur les actions détenues par la caisse. Ce registre devra être rendu public à l'assemblée annuelle et être mis à la disposition des participants pour consultation.

Dans le but de rendre praticable cette dernière recommandation, la FTQ demande au gouvernement d'obliger les firmes qui acceptent la gestion de sommes en provenance de régimes de retraite: a) de se doter d'une politique de droit de vote reflétant le caractère fiduciaire de leur mandat de gestion; b) de transmettre cette politique ainsi que les modifications futures avant qu'elles n'entrent en vigueur à chacun des comités de retraite pour lesquels elles gèrent des fonds; et, finalement, en troisième, d'exiger qu'un registre des votes exercés soit tenu et transmis à chaque comité de retraite participant à un fonds donné ou pour lesquels on gère les fonds.

Finalement, nous croyons aussi que les participants et participantes sont plus indépendants que les représentants des employeurs lorsqu'il est question de régie d'entreprises. Qui est mieux représentatif de l'intérêt des participants qu'un membre d'un comité de retraite nommé par eux ou par l'organisation syndicale qui les représente? C'est pourquoi la FTQ demande que les comités de retraite aient l'obligation minimale d'être paritaires, c'est-à-dire que le nombre de représentants des participants, des ayants droit soit minimalement égal à celui des représentants des employeurs. De plus, la loi devrait déléguer le choix du membre indépendant au comité de retraite.

La troisième partie. La FTQ recommande que les caisses de retraite du gouvernement et celles du secteur parapublic et péripublic devraient faire rapport publiquement sur les critères sociaux utilisés dans leurs choix de placements, et ce, même lorsqu'elles ne sont pas soumises à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Les participants à des régimes de retraite publics ne sont pas différents des participants à des régimes québécois. Ils et elles veulent que leurs épargnes pour leur retraite contribuent à la construction d'une meilleure société, obtenant des rendements nécessaires à la garantie de leurs prestations de retraite.

Alors, une autre recommandation, les caisses de retraite publiques devraient aussi se doter... Ces caisses de retraite publiques devraient aussi se doter de politiques d'investissement qui incluent la gestion des droits de vote de façon à leur permettre ou à permettre à leurs gestionnaires d'intervenir dans les assemblées d'actionnaires en accord avec les orientations de la caisse de retraite.

La Caisse de dépôt et de placement. Nous recommandons que la Caisse de dépôt et de placement du Québec soit dans l'obligation de faire rapport sur la conformité de sa gestion avec les grands objectifs de placement des fonds qu'elle gère, et ce, y compris sur les critères sociaux adoptés par les caisses de retraite. Pour ce faire, la Caisse de dépôt et de placement du Québec devrait justifier, dans un rapport public, les votes exercés à partir des actions qu'elle détient ou les raisons pour lesquelles elle a décidé de s'abstenir.

Finalement, une dernière recommandation. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement du Québec, par la Caisse de dépôt et de placement du Québec ou encore un organisme à vocation économique comme Investissement Québec, d'encourager la création de produits financiers communautaires ou régionaux qui répondraient aux besoins d'investissement des caisses de retraite.

Ah, il en reste une. O.K. Le bilan social. C'est pourquoi, enfin, nous répétons... C'est pourquoi nous croyons que toutes les entreprises sous la responsabilité de l'État devraient produire un bilan social. De plus, sans être investisseur, le gouvernement du Québec peut utiliser son influence et son pouvoir de législateur de façon à favoriser la production de bilan social pour les entreprises faisant affaires au Québec.

Alors, je ne vous lirai pas la conclusion, parce que j'avais une belle conclusion, mais je vous rajouterai pour terminer que, pour nos amis patronaux qui se plaignent souvent des taxes et des impôts qu'ils ont à payer, bien il devrait y avoir une taxe dédiée pour permettre au gouvernement d'être capable de légiférer et de suivre leur législation de vérification.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Roy. Maintenant, M. le député de Masson, c'est vous qui entreprenez la discussion.

M. Labbé: Alors, merci, M. le Président. Alors, M. Roy, M. Bellemare, bienvenue à cette commission. Félicitations pour la qualité de votre mémoire et surtout pour l'excellent résumé que vous venez de nous présenter. Alors, là-dessus, je pense que c'était très complet et ça allait très bien dans le sens de votre premier mémoire.

La première question que je vous voulais vous poser... Évidemment, là, on connaît un petit peu votre dynamisme, et puis je pense que vous n'y allez avec le dos de la cuillère au niveau de vos recommandations. Je vais prendre, si vous permettez, à la page 8 de votre document, la première recommandation, quand vous demandez au gouvernement finalement de faire une législation, là, établissant des règles claires. Vous allez même assez loin, et ces règles-là... «Seule une réglementation claire forcera les gestionnaires...» Alors, le mot «forcer», là, je pense qu'il est important à ce stade-là. Moi, je n'ai pas d'objection jusqu'au moment où on se demande: Est-ce qu'on est prêt, hein, par une législation, à mettre des choses dedans et qu'est-ce qu'on peut mettre dans cette législation-là?

n (11 h 30) n

Hier, j'entendais, entre autres, un groupe qui était de l'Université du Québec à Montréal, la chaire de l'Université, là, Humanisme, tout ça, qui nous disait ? eux autres, c'était clair pour eux autres: On n'est pas prêt à passer à cette étape-là en termes de législation. Il faut d'abord aller chercher de l'information. Il faut d'abord s'assurer... parce qu'il y a beaucoup de contradictions. C'est ce qu'ils nous disent. C'est pour ça que je veux avoir votre réaction par rapport à ça. Ils nous disent: Bien, même au niveau des codes d'éthique, au niveau des différents codes, on parle de... vous parlez de la norme 8 000, eux autres nous en on sorti plusieurs. Il y a plusieurs normes qui existent. Il y a plusieurs projets-pilotes qui existent. Il y a des endroits aussi ? même vous en avez cité quelques-uns dans votre mémoire ? où ça fonctionne. Ils sont allés loin. Eux autres, ils vont plus loin. Peut-être qu'ils sont plus près que nous autres. Je ne le sais pas.

Alors, moi, je voulais vérifier avec vous. Avant de passer une législation, est-ce que nous avons d'abord toutes les informations pertinentes pour justement aller dire: Le Québec est prêt. Parce que plusieurs nous ont soumis, dans leur mémoire, qu'on devrait commencer par un forum. Un forum, on sait ce que ça veut dire, c'est d'abord de sensibiliser les gens, ensuite, d'essayer de cueillir avec tout ce monde-là qu'est-ce que ça pourrait contenir, une législation, ou qu'est-ce que ça pourrait... Quand on parle d'un code, qu'est-ce qu'on pourrait mettre dans ce code-là? Qu'est-ce que les gens devraient donner comme information, par exemple, dans un bilan social ou dans un bilan environnemental, etc.?

Moi, je veux avoir d'abord, de votre part, une première réaction. Est-ce que le Québec est prêt à aller plus loin ou est-ce qu'on doit se rencontrer avant? Est-ce qu'on doit aller chercher l'information? Est-ce que vous sentez qu'on est prêt à aller à une législation dans ce sens-là?

Le Président (M. Paré): M. Roy.

M. Roy (René): Oui. Je vais laisser M. Bellemare aller dans la question technique. Mais, pour répondre à votre dernier point, là-dessus, là, en tout cas, je suis certain qu'on est prêt. Maintenant, s'il y a des gens qui ont besoin de plus de formation ou d'information... Dans mes amis du côté patronal, on peut s'organiser pour le faire nous autres mêmes, s'ils veulent, mais ils connaissent très bien la situation.

Ce qu'on retrouve dans les bilans sociaux, ce qu'on retrouve dans les bilans sociaux du Fonds de solidarité, c'est toute la relation humaine qu'il y a en arrière d'une entreprise: les relations de travail; les salaires; le taux payé à la CSST pour voir si le taux d'accidents de cette entreprise-là... les taux de salaires; on va retrouver les conditions de travail en général, les régimes de pension. On va retrouver aussi, si cette entreprise-là évidemment... comment elle traite l'environnement. Les choses environnementales sont là.

Alors, c'est un bilan social. On connaît bien les bilans sociaux. Les entreprises les connaissent bien. Dans nos bilans, dans nos codes d'éthique internationaux, ils sont bien connus. On en a 12. Je vais vous en citer simplement quelques-uns qui sont les principaux: le droit d'association; le droit de libre négociation; le non à l'esclavage; le non au travail des enfants; et le développement du personnel... libération et développement du personnel, des femmes. Alors, c'est les cinq principaux, mais on en a 12 à l'échelle internationale qui sont développés, qui sont dans nos codes d'éthique.

Maintenant, je vais vous passer M. Bellemare pour le contenu de la loi, parce que c'est un spécialiste.

Le Président (M. Paré): M. Bellemare.

M. Bellemare (Réjean): Si on prend la première résolution sur la question des programmes d'octroi d'actions, je pense qu'il va falloir s'asseoir et mettre des critères sur pied, mais j'ai déjà des pistes que je peux suggérer. Par exemple, des entreprises qui... les gestionnaires qui ont des très forts revenus provenant des programmes d'actions, parce que la Bourse est partie sur une emballée, on a vu ça dans le cas de l'informatique; parce qu'on met tant de mises à pied, d'énormes mises à pied ? et tout le monde voit ça comme étant positif ? on a coupé les coûts. On ne voit pas qu'après ça l'entreprise peut avoir de la difficulté. Donc, d'établir des règles qui disent qu'on doit se comparer au secteur, par exemple. C'est bien si tout le monde monte. Mais, si on monte mieux que les autres, oui, on a apporté quelque chose de plus à l'entreprise. Si on fait juste surfer sur une vague puis que, dans les faits, on est derrière tout le restant de l'industrie, je ne vois pas pourquoi on profiterait d'un programme d'octroi d'actions qui nous donnerait des avantages certains.

Donc, les critères qui déclenchent le droit d'utilisation de ces programmes d'actions là sont à regarder. On ne veut pas juger du fait qu'il y a des programmes d'actions. C'est comme ça qu'une bonne partie de la rémunération se fait. Cependant, il semble beaucoup que ce soit comme... entre amis, on va se donner des programmes d'actions. Tu sièges sur mon comité de rémunération, je siège sur le tien. Je me suis négocié telle chose. Tu vas me la redonner aussi. Et on voit même des choses où, quand la Bourse plante, bien là les programmes d'actions ne sont plus valables. On réévalue la valeur ? je cherche mes mots ? d'utilisation... d'achat de ces actions-là pour faire sûr qu'on donne une rémunération aux gestionnaires. Si on veut lui donner une rémunération permanente, qu'on le fasse à travers son salaire. Si on veut lui donner un programme d'actions en fonction de sa performance, bien, qu'on le gère en conséquence, en se comparant à l'industrie, en se comparant à des critères très fixes. Et tout programme d'actions qui irait en dehors de ça, qui serait juste une rémunération gratuite des gestionnaires pourrait être considéré comme un détournement de fonds.

M. Roy (René): ...considérer comme une dépense aussi.

M. Bellemare (Réjean): Et l'autre... De façon générale, sur les programmes sociaux, les codes d'éthique, etc., ça se fait déjà. On le mentionnait, l'Angleterre, l'Australie bougent un petit peu, même si ce n'est pas parfait. Mais ça force les gens à réfléchir. Ce n'est même pas une obligation d'utiliser les critères sociaux dans les investissements. C'est une obligation de divulguer si on l'a fait. Et là les entreprises se retournent et disent: Bien, si je ne l'ai pas fait, il va falloir que je me justifie de toute façon. Donc, on se penche sur nos critères sociaux, on se penche pour la pertinence d'utiliser ces critères-là, la pertinence de ces critères-là sur le rendement de ma caisse de retraite.

On a un groupe avec lequel on travaille beaucoup, qui est Shareholders Association for Research and Education, SHARE, qui est connu au Canada anglais, qui vient de Colombie-Britannique et qui est, de loin, apparenté à la Fédération du travail de la Colombie-Britannique. Ce groupe-là a fait une étude des différentes causes qu'il y a eu partout dans le monde; puis une qui me frappe tout le temps, c'est un employé de la ville de New York ? on parlait de New York tantôt, les gens qui nous ont précédés ? qui poursuivait la caisse de retraite, parce qu'au moment où New York était pratiquement en faillite ils ont acheté des obligations de la ville de New York en plus grand nombre. Et ils ont gagné en cour, parce que l'avantage... la protection des travailleurs, de leur caisse de retraite, incluait la protection de leur emploi et la protection de leur qualité de vie. Et, si la ville de New York aurait fait faillite, bien, il y avait un risque certain d'une perte d'emploi et d'une perte de qualité de vie. Donc, il n'y a eu aucun problème. Il y a moyen de regarder d'autres choses comme critères sociaux... comme critères que le rendement pur.

M. Labbé: Et je pense que, là-dessus, vous avez entièrement raison, M. Bellemare, parce que, évidemment, le bilan, il n'y a personne, comme entreprise, qui aime avoir un bilan négatif. On sait que, même au niveau financier, les bilans sont souvent faits pour être positifs. S'ils ne peuvent pas le faire, bien, au moins, ils donnent des explications pour dire que ce n'est pas si pire que ça paraît. Mais, l'autre élément, dans un bilan comme tel social ou dans un bilan environnemental, il va falloir s'entendre sur des critères. Je pense que M. Roy, tout à l'heure, le mentionnait. Les 12 points que vous avez mentionnés, ça, je pense que c'est assez clair, on est capable de les répertorier. Mais il n'y a personne qui est intéressé à être sur une liste noire. Donc, il va falloir s'entendre.

Ce qui m'amène à ma deuxième question: Dans tout ce que vous avez recommandé, si je vous demandais des choses à prioriser, par étape ? disons, je ne veux pas reprendre tout ce que vous avez fait ? ce serait quoi, le premier geste? On parlerait-u d'une sensibilisation, d'un forum, ou si on irait tout de suite travailler sur des codes d'éthique aussi? En tout cas, je vous laisse aller un petit peu là-dessus. Moi, j'aimerais voir, de votre part, comme FTQ ? je sais que vous avez quand même une implication importante à ce niveau-là déjà; vous êtes en avance sur bien des éléments ? qu'est-ce que vous auriez à faire, si vous étiez demain matin le gouvernement du Québec, en termes de priorisation?

Le Président (M. Paré): M. Roy.

M. Roy (René): Moi, je dirais... Je pense qu'on n'a pas le droit d'attendre beaucoup, parce que ce qu'on a vécu dans les dernières années est catastrophique. Notre étude démontre qu'on a perdu, depuis le début de l'année 2000, 70 milliards de dollars dans nos régimes de pension enregistrés. On n'a pas parlé des REER. On n'a pas parlé d'aucune façon de REER.

Ici, il y a un banquier, l'autre jour, que je lisais dans L'actualité, qui parlait de la dictature des investisseurs; on est bien prêts à l'admettre qu'il y a eu une certaine dictature des investisseurs, mais le banquier en question ne faisait nullement allusion à tous nos chefs d'entreprises les mieux payés au Québec, qui ont été formés dans les plus grandes universités, souvent à nos frais, les universités internationales, les universités internationales comme Harvard puis Chicago.

Ce n'est pas eux qui ont sonné la cloche. On n'a pas vu personne qui a sonné la cloche de la fin de la récréation. On n'a pas vu personne qui nous a dit que Northern Telecom, à 100 fois les profits sur les régimes des actions, il fallait que ça arrête. Le secteur privé, quand j'écoute les représentants patronaux qui nous disent que le secteur privé peut lui-même s'autodiscipliner, bien, ils viennent de nous prouver qu'ils ne sont pas capables de le faire. Ils ne sont pas capables de le faire parce qu'ils ne l'ont pas fait. Et, pourtant, ces gens-là connaissaient la machine, leurs produits, ils connaissaient la machine d'investissement économique bien mieux que nous autres.

Alors, il y a certains pays... Le Canada a commencé à bouger. Les États-Unis ont bougé. Bon. Il y en a certains qui nous disent que les États-Unis ont bougé dans... que leurs critères sont rendus très sévères, puis d'autres nous disent que les critères qu'ils ont mis sont encore moins sévères que ceux qui existent au Canada. Alors, il faudra vérifier. Il y en a qui sont faits en Australie. Il y en a qui sont faits en Europe, en Angleterre.

Alors, moi, je pense que le gouvernement du Québec, vous pouvez le faire. Vous avez commencé aujourd'hui. Puis je sais que c'est madame, vous et madame qui avez initié cette convention parlementaire ? le monsieur au bout, là, M. Geoffrion, excusez, puis Mme Pepin. Alors, je vous félicite d'avoir initié cette commission parlementaire là. Je pense que vous pouvez le faire par un forum, commencer par ramasser l'information par un forum. C'est peut-être la première étape. S'il y a trop de gens qui ne connaissent pas la vérité là-dessus, vous pouvez le faire par un forum. Mais un projet de loi, avec commission parlementaire, vous ramassez énormément d'informations aussi. Vous pouvez commencer... Moi, je pense que le gouvernement devrait commencer par là.

n (11 h 40) n

Mais il y a des choses... En priorité... En tout cas, tout le régime d'actions, d'options que se votent les entreprises... en tout cas, là-dessus, je pense qu'on devrait le regarder très rapidement parce que ça a été la cause, selon nous, du grand ? j'hésite à prendre les mots parce que des fois ils sont destructeurs ? mais du grand vol qu'on a subi dernièrement. Des gens ? on a vu des situations absolument incroyables ? se faire donner des options d'actions à des prix ridicules, et la personne les vendait le lendemain matin, puis c'est des millions de dollars. Ces millions de dollars là ont été pris dans nos argents, ils ont été pris à quelque part.

Le Fonds de solidarité a reculé de quatre ans. Nos REER ont reculé, on apprenait dernièrement, de cinq ans. La valeur de notre REER aujourd'hui est celle de 1997. Les millions de dollars, les milliards de dollars sont partis à quelque part, il y a sûrement quelque chose. Alors, nous autres, on trouve que ça presse, la priorisation des régimes de retraite, l'investissement avec... répondre à certains critères sociaux, ça devrait être la deuxième priorité. Les régimes de retraite devraient maintenant être administrés de façon paritaire parce qu'il y a trop d'argent là-dedans pour laisser ça aux seuls employeurs. Alors, ces trois, quatre priorités là, bien... Si vous mettez, monsieur, ces trois, quatre priorités là en marche, vous allez découler... toutes les autres recommandations vont venir avec.

M. Bellemare (Réjean): Si je rajoutais... le lien entre toutes ces résolutions, ces recommandations-là puis ce que René vient de dire, je dirais deux mots: transparence et permission. On doit permettre aux caisses de retraite de traiter des critères sociaux. Nous, on pense que c'est déjà là, mais, comme on mentionnait, il y a beaucoup de questionnements de la part de nos membres et de la part des membres des comités de retraite: Est-ce qu'on peut, est-ce qu'on ne peut pas? On est-u liés à un rendement maximum ou pas? Donc, de clarifier ça. Même chose pour les administrateurs de compagnie à la limite. Quelqu'un qui est administrateur de compagnie s'expose-t-il à une poursuite de ses actionnaires s'il tient compte, avant de fermer une usine, de l'impact sur la population et qu'il met de l'argent dans la protection, dans la correction de cet impact-là? C'est une bonne question, on devrait aussi régler ça.

Et un coup qu'on permet, ensuite, on doit rendre transparent par des bilans sociaux qui... On ne doit pas nécessairement dire: Tu dois faire a, b, c, d, e et f, mais de dire: Réponds-nous, conte-nous comment tu as affecté la vie des citoyens, la vie de tes partenaires, la vie de tes fournisseurs, dis-nous-le à chaque année, donc sois ouvert. Et, tranquillement, l'industrie va se doter de critères qui vont être plus ou moins valables, et celui qui aura le bilan social le moins informatif sera pointé du doigt, donc l'industrie va se donner des règles par elle-même aussi, sinon on interviendra plus tard. Donc, la permission et la transparence devraient déjà être les premières étapes.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Bellemare. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Bonjour, M. Bellemare, M. Roy. À la page 13, vous apportez une recommandation où vous dites que le gouvernement devrait encourager le choix d'une firme indépendante d'évaluation du code d'éthique ou du code de conduite, voire même le bilan social de l'entreprise. Encourager, ça ne veut pas dire rendre obligatoire. Est-ce que, dans votre esprit, ça devrait se faire d'une façon obligatoire? Est-ce que... Qui choisit cette firme et puis à qui cette firme rend-elle des comptes ou à qui cette firme fait-elle des recommandations? Puis, les recommandations étant faites, comment est-ce qu'on y donne suite?

M. Bellemare (Réjean): Deux choses. Je vais vous donner deux exemples, puis peut-être que nos deux exemples vont identifier le propos. On parle du dossier La Baie là-dedans. Une des choses qu'on demandait à La Baie... Ça fait deux ans. L'année passée, je crois qu'on était aux alentours de 15 % de résultat à l'assemblée des actionnaires et, cette année, on tourne aux alentours de 30, de mémoire. On a doublé. Et on a des gens qui se sont abstenus, dont la Caisse de dépôt, donc on peut parler de changement de pourcentage selon... où est-ce que la Caisse tomberait, d'un bord ou l'autre, si elle se prononcerait.

Dans ce cas-là, on demandait deux choses: la première, c'est d'adopter un code de conduite sur les fournisseurs qui prenaient en compte les critères internationaux signés par le Canada, critères de l'OIT, Loi du travail, etc. La Baie nous répond qu'ils ont leur propre code de conduite, et finalement ils auraient peut-être bougé sur le code de conduite. Là où on avait un problème majeur, c'est qu'ils disaient: Les vérificateurs de notre code de conduite, c'est notre firme comptable. On revient encore avec le conflit d'intérêts de tantôt. À force d'avoir des affaires avec la même compagnie, on devient pas mal moins indépendant, donc... Et on ne pense pas que les processus sont les mêmes non plus, premier exemple.

Le deuxième exemple, c'est que le Fonds de solidarité s'est doté d'un code de conduite semblable où il demande aux entreprises qui ont des activités dans des pays du tiers-monde d'avoir des pratiques commerciales acceptables, donc un code de conduite pour ça. Pour pouvoir vérifier ce code de conduite, on s'est tourné vers une firme américaine qui s'appelle Vérité, à New York, parce que cette expertise-là n'était pas là au Québec. Il n'y avait pas... On n'a pas le réseau mondial. Ces gens-là travaillent avec des syndicats partout dans le monde, travaillent avec des organismes communautaires. Ce n'est pas quelqu'un de... Je ne sais pas... je ne suis même pas familier avec mes firmes comptables. Mais, une firme comptable internationale qui débarque en Thaïlande et qui parle au travailleur: Es-tu bien traité? Avec sa cravate, c'est sûr qu'il représente l'employeur. Non, c'est des gens de la place qui sont déjà impliqués. Donc, Vérité a développé toute une expertise pour vérifier comment les firmes travaillent dans le monde.

Cette expertise-là n'est pas au Québec. Et on ne voudrait pas seulement dire: Exportez des emplois dans d'autres pays. Je pense qu'il y a des gens ici qui s'intéressent à ces sujets-là et on pourrait les encourager à développer un peu plus cet aspect-là de la vérification internationale, quitte à s'intégrer dans un réseau international, d'être l'antenne québécoise du réseau.

M. Roy (René): On est un peu gentils lorsqu'on dit: Encourager. Vous savez, on pourrait très bien prévoir d'obliger. Parce que la vérification d'un vérificateur qui reçoit plus de contrats d'une entreprise qu'il vérifie, moi, je n'ai jamais pensé ? quoique les économistes sont un petit peu plus polis que moi, là ? ...je pense que le vérificateur qui a un gros contrat avec une entreprise va être tenté à vérifier un peu moins bien, hein. Alors, ça devrait être des vérificateurs qui sont indépendants des contrats de l'entreprise qu'ils devraient, à toutes fins pratiques, vérifier. C'est ça qu'on veut dire. On va les encourager à le faire.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Bonjour, M. Roy, M. Bellemare. Juste une petite précision. Comme le nom l'indique, c'est un mandat d'initiative, donc à l'initiative de l'ensemble de la commission, des membres qui se sont penchés sur cette question-là il y a quelques mois. Donc, c'est un travail collectif.

À la page 22, sur le bilan social, vous citez la compagnie Shell qui, à son passage à la Commission sur la démocratie canadienne et la responsabilisation des entreprises, disait: «Aucune pratique sociale ou environnementale n'a fait perdre d'avantages concurrentiels à son entreprise.» Bon. Donc, pour que Shell puisse dire cela, j'imagine que c'est un... Je ne le sais pas mais, enfin, peut-être que c'est un modèle dans le secteur des pétrolières. Donc, c'est un peu comme en politique, ce qui n'est pas connu n'existe pas, là. Est-ce que les compagnies qui sont des bonnes entreprises... Est-ce que les consommateurs, notamment... Bon, les investisseurs, ça va de soi. Mais, est-ce que les consommateurs devraient être au courant de ces performances-là? Et, évidemment, le contraire également s'applique aux mauvaises compagnies dans le sens... Est-ce que vous pensez que toutes ces informations-là doivent être le plus diffusées possible dans le cas des bons coups comme des mauvais coups?

M. Roy (René): Oui. Je peux vous en diffuser tout de suite. Vous savez, si Shell est bon, c'est parce qu'ils ont respecté les règles environnementales sur le soufre, l'élimination du soufre dans le pétrole. Ce que la compagnie Esso n'a pas fait, soit dit en passant. La compagnie Esso, qui se promène puis qui vend énormément de pétrole au Canada, n'a pas encore rencontré ses obligations environnementales au niveau de l'élimination du soufre. Et ça, lorsque vous allez voir une présentation, vous allez voir qu'on vous présente ça carrément avec des morts, hein. L'utilisation du soufre dans le pétrole, ça équivaut à des morts. Ils vous présentent ça par rangée d'âge: 0 à 5 ans, 10 à 15, puis les vieux après. Alors, vous arrivez au bout de la ligne, c'est des morts. Les compagnies ne sont pas gênées, elles sont capables d'établir le nombre de relations directes entre le soufre utilisé dans le pétrole et le mort. Alors, la compagnie Shell a respecté ses obligations puis la compagnie Esso ne l'a pas fait. Alors, moi, oui, je crois que ça devrait être dit.

Si vous allez... Si vous regardez les journaux, à un moment donné, vous voyez la liste des restaurants qui ont des pratiques douteuses. Ils sont publiés dans le journal, puis je pense que ça fait beaucoup de bien parce que, moi, je les lis puis lorsque je vois le nom d'un restaurant, je ne vais pas là. Alors, je pense que la même chose devrait être faite pour les entreprises surtout au niveau environnemental, surtout au niveau de conditions de travail humaines. Comme les «sweatshops»: les gens, les entreprises qui utilisent des travailleuses et des travailleurs, là, surtout souvent que c'est des travailleurs et des travailleuses immigrés, à des salaires ridicules... antisyndicales, qui ne respectent pas les lois des normes du travail. Ces entreprises-là devraient être traitées de la même manière qu'on les traite au niveau de la restauration.

n (11 h 50) n

Le Président (M. Paré): Merci, M. Roy. Nous allons passer maintenant à Mme la députée de La Pinière. Et, à midi, je demanderai le consentement pour continuer.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Roy, M. Bellemare, je crois comprendre que vous êtes les ministres des Finances de la FTQ?

M. Bellemare (Réjean): Un de la gang.

M. Roy (René): Non. C'est moi, le ministre des Finances. Lui, c'est l'économiste. Ne me volez pas ma job. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Ah bon! D'accord. Alors, de toute façon, j'ai une question pour vous. Ça touche à vos finances et aux finances des contribuables québécois. Je voudrais faire référence à l'article de La Presse qui a été publié le 17 septembre dernier: Dure année pour Fondaction et le Fonds de la FTQ. Parce que la FTQ, vous, vous avez effectivement une longueur d'avance. Vous avez le Fonds de solidarité, donc vous êtes dans l'investissement responsable depuis déjà un certain temps. Puis on dit ici que le Fonds de la FTQ a été, en fin de compte, a rencontré quelques difficultés, puis il y a eu des baisses assez significatives. «Les états financiers vérifiés ? je cite, ici, au texte ? confirment donc ce qui a déjà été annoncé à quelques jours de la fin de l'exercice, soit une perte de près de 67 millions de dollars et une baisse de la valeur de l'action de 24,98 à 22,02.»

Je veux savoir qu'est-ce qui s'est passé parce qu'une des barrières, je dirais, psychologiques d'abord, mais aussi structurelles, l'une des raisons pourquoi l'investissement responsable n'est pas naturellement attrayant pour les milieux financiers, c'est parce qu'on dit: Ce n'est pas très rentable. Donc, les niveaux de risque sont élevés, les niveaux de rentabilité sont bas, donc ça ne nous intéresse pas. Vous, vous faites une expérience. Vous démontrez que vous êtes capables de lever quand même un outil extrêmement important pour le développement économique du Québec, mais vous vous faites malmener sur le marché. Alors, qu'est-ce qui ne marche pas dans l'investissement responsable, à partir de votre expérience?

Le Président (M. Paré): M. Roy.

M. Roy (René): Il faut quand même prendre le rendement du Fonds de solidarité dans son ensemble, maintenant, de 1984 à 2002, alors on parle d'une période de 18 ans. C'est la première fois, la première année que le Fonds de solidarité a un rendement négatif, soit dit en passant, et son rendement total, depuis son existence, malgré cette baisse-là, est au-delà de 5 %, c'est plutôt autour de 6 %. Alors, on a quand même ce rendement positif et on aimerait bien être jugé dans l'ensemble de notre rendement que la dernière année. Ce qui s'est passé, bien, c'est la conjoncture économique générale. Il y a beaucoup d'entreprises et de fonds qui ont fait pire que nous. Je n'ai pas besoin de vous les nommer tous. Vous les connaissez, ne serait-ce que Northern Telecom où est-ce que la plupart des Canadiens ont laissé leur REER. Mais, c'est le rendement. Il y a toujours 40 % du fonds qui est en placement. La loi nous oblige à investir 60 % dans les industries québécoises. Dans notre mission de Fonds de solidarité, l'investissement dans les industries québécoises, ce n'est pas facile. Ça ne nous amène pas des énormes rendements. On est un peu en mission sociale à ce moment-là. Alors, lorsque, à l'autre bout, le 40 % qui est en placement subit les effets économiques qu'on connaît sur le marché boursier, bien, ça nous donne ce genre de rendement là qu'on a eu cette année. Mais, dans les entreprises québécoises, quoiqu'on n'ait pas fait un rendement aussi haut que les autres années, soit dit en passant, on s'est quand même assez bien maintenu dans les industries. Notre 60 % s'est assez bien maintenu, l'industrie québécoise et canadienne.

M. Bellemare (Réjean): Si vous permettez...

Mme Houda-Pepin: Oui.

M. Bellemare (Réjean): 30 secondes. Un point que vous avez mentionné, c'est le placement socialement responsable du Fonds de solidarité, et je dirais que ce type de placement là est une partie seulement du mémoire que les placements socialement dirigés. Tout le restant dit: Tout placement, toute entreprise devrait être socialement responsable. Ce n'est pas un ghetto de l'investissement, on investit dans le placement socialement responsable. On demande à toute entreprise d'être socialement responsable.

Mme Houda-Pepin: D'accord. J'ai compris ça.

Le Président (M. Paré): Merci pour la précision. Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. La Caisse de dépôt, ils vous ont parlé. Vous voulez qu'elle soit obligée de produire un rapport, un bilan social en conformité avec les valeurs évidemment que vous véhiculez et sur lesquelles on discute au niveau de la responsabilité sociale des entreprises.

Pourquoi, à votre avis, la Caisse de dépôt ne l'a pas fait jusqu'à maintenant ? c'est quand même un leader dans le milieu de l'investissement ? et pourquoi est-ce qu'elle résiste à produire un bilan social?

M. Roy (René): Bien là elle résiste... C'est vous qui le dites. Je ne sais pas si elle résiste, là, mais, nous, on leur demande de le faire. Pourquoi qu'ils ne l'ont pas fait, il faudrait vraiment le leur demander, je ne le sais pas trop.

Mais il y a une chose qui est certaine, par exemple, c'est que, nous, on est tannés que les fonds de pension des travailleuses et travailleurs travaillent contre eux et contre elles. L'exemple de Vidéotron est un bel exemple où est-ce qu'on aurait été beaucoup, beaucoup... à la Caisse de dépôt, on aurait dû être beaucoup plus prudent avant de faire certains achats, comme celui de Vidéotron. Alors, c'est une demande qui ne vient pas seulement de l'exercice qu'on a vu, qui s'est fait par la Caisse de dépôt dans le dossier Vidéotron. Mais, dans l'ensemble, je pense que les organismes publics, c'est un régime de pension de 80 milliards, avec des actifs de 140 milliards de dollars. La Caisse de dépôt et placement du Québec, bien, là, dans une entreprise aussi publique et aussi de fonds de pension, ça devrait vraiment être soumis à des codes d'éthique puis à des codes d'impact social autant qu'à des codes d'impact économique et de rendement.

Le Président (M. Paré): Merci, monsieur. Vous voulez ajouter, oui?

Mme Houda-Pepin: Mais je vais vous donner...

M. Bellemare (Réjean): 30 secondes.

Le Président (M. Paré): Excusez, M. Bellemare voudrait ajouter. Est-ce que vous permettez, Mme la députée?

M. Bellemare (Réjean): Je ne veux pas justifier la Caisse de dépôt. Cependant, pour participer à un comité international des caisses de retraite sur l'investissement socialement responsable, il y a deux tendances. Les Européens, par exemple, sont beaucoup plus de tendance ? le mot anglais me vient seulement ? d'«engagement», de rencontrer les entreprises, de tenter de les faire évoluer, alors que les Nord-Américains sont beaucoup plus de tendance militantisme d'actionnariat: on va se présenter en assemblée, etc. C'est peut-être, encore une fois, la société distincte, peut-être qu'on vit avec une mentalité d'«engagement», de travailler avec les entreprises pour les faire évoluer, alors que l'on vit dans un marché financier nord-américain. Et je pense qu'on doit reconnaître cette réalité nord-américaine là et être beaucoup plus transparent dans nos actions.

Mme Houda-Pepin: La raison pourquoi je vous ai posé ma question sur le bilan social, c'est parce qu'évidemment plusieurs groupes nous ont soulevé cette question-là par rapport à la Caisse de dépôt et placement, mais aussi parce que je crois que la FTQ siège au conseil d'administration de la Caisse de dépôt, donc vous êtes plus informés que nous. Et s'il n'y a pas résistance, pourquoi? Est-ce que c'est parce que c'est un manque d'intérêt de la part de la Caisse de vouloir produire un bilan social? Est-ce que c'est parce que les gens autour de la table, y compris la FTQ, ont négligé d'attirer l'attention de la Caisse de dépôt sur ce point-là? Vous êtes au coeur de l'action, c'est vous qui décidez, vous êtes dans le conseil d'administration de la Caisse de dépôt. Aujourd'hui, vous nous dites, à nous, parlementaires, d'une certaine manière, de forcer la Caisse à le faire, et vous siégez au conseil d'administration. Pourquoi ça ne s'est pas fait? Est-ce que c'est parce que ce que vous nous dites ici, aujourd'hui, vous ne l'avez pas dit au conseil d'administration de la Caisse de dépôt?

Le Président (M. Paré): M. Roy.

M. Roy (René): Je vais faire attention de ne pas parler comme mon président, hein, le président de la FTQ qui siège à la Caisse de dépôt.

Mme Houda-Pepin: Ha, ha, ha!

M. Roy (René): Non, c'est une position qui a été soutenue de longue date, d'ailleurs, avant Henri Massé, par le président Louis Laberge, on a toujours soutenu qu'il devrait y avoir une espèce de bilan social de la Caisse de dépôt, d'investissement social vers le Québec, c'est toujours une position qu'on a défendue.

Maintenant, on n'est pas seul non plus à la Caisse de dépôt, et c'est pour ça qu'on demande, à l'extérieur, à des gens comme vous de nous soutenir dans notre demande, et je pense que la demande actuellement a plus de chances d'être entendue et peut-être d'avoir des supports au conseil d'administration de la Caisse de dépôt.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Toujours sur ce point-là, concernant le conseil d'administration de la Caisse de dépôt, les groupes qui sont venus devant nous étaient très critiques par rapport aux agissements de la Caisse de dépôt qui a investi, par exemple, dans une compagnie pétrolière albertaine qui est accusée de violation des droits de la personne et que cette compagnie ? je fais référence à la compagnie Talisman ? ...et plusieurs caisses de retraite, par exemple, notamment américaines ont retiré leurs investissements de Talisman, et la Caisse de dépôt, qui a mis près de 166 millions de dollars dans cette compagnie albertaine qui est accusée de violation des droits de la personne ? je pense que c'est quelque chose qui vous tient à coeur aussi ? a maintenu ses investissements. Là encore, vous êtes membre du conseil d'administration, vous défendez devant nous ? et je sais que c'est des valeurs qui vous tiennent à coeur ? l'égalité, le respect des droits, le respect de la démocratie puis, en même temps, vous êtes au coeur d'une décision qui est pour le moins controversée. Alors, c'est parce que votre voix ne porte pas très fort au sein du conseil d'administration ou parce que les gens ne se sentent pas concernés par ces enjeux-là?

n(12 heures)n

Le Président (M. Paré): M. Bellemare.

M. Bellemare (Réjean): Je vous dirais que je reviendrais à ma notion d'engagement. Il y a deux tendances. Je lisais dernièrement ? quelqu'un m'a envoyé ça, sachant que je m'occupe beaucoup de caisses de retraite ? le Fonds du vice aux États-Unis qui est parti. On n'est pas pour envoyer d'un côté tous ceux qu'on n'aime pas et de ne pas s'en occuper. Ils vont continuer à se trouver des fonds, ils vont... Je pense qu'il faut rester dans l'entreprise et tenter de changer les choses par des propositions d'actionnaires, par des actions plus musclées, changement de direction à la limite, élection des administrateurs. Je ne pense pas qu'à toutes les fois qu'on est en désaccord avec l'action d'une entreprise il faut retirer toutes nos billes et dire: On n'investira pas. Ça, c'est l'ultime moyen. Je crois, au contraire, qu'on doit utiliser notre influence pour changer ces comportements-là.

Le Président (M. Paré): M. Bellemare, suite à votre appel, hier, il y a même une personne qui disait: Écoutez, gardez le minimum de votes au conseil d'administration pour aller...

Mme Houda-Pepin: Est-ce que je peux...

Le Président (M. Paré): Oui, ce ne sera pas long, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Mais vous m'avez coupé la parole, M. le Président. Ce n'est pas...

Le Président (M. Paré): Ah, non, non, c'est à la suite de l'intervention de monsieur, là...

Mme Houda-Pepin: Non, mais je m'en allais le questionner là-dessus, là. Vous respectez mon droit de parole...

Le Président (M. Paré): Ah, bien sûr.

Mme Houda-Pepin: ...comme je respecte le vôtre, M. le Président. Merci beaucoup.

En effet, c'est une procédure qui est... C'est une stratégie qui est peut-être utilisée, mais, quoi qu'il en soit, c'est très discutable, ces questions-là. Est-ce que vous ne ressentez pas un malaise quand même? Comment ça se passe? Est-ce qu'autour de vous les gens disent: Bon, bien, on va embarquer dans une lutte au niveau des actionnaires, on va faire parler la voix de l'argent ou est-ce que la Caisse de dépôt est assez sensibilisée à ces questions-là? Parce que ce n'est pas la première fois, ce n'est pas le premier cas. Et, comme la Caisse de dépôt, c'est quand même l'instrument financier par excellence pour les Québécois, qui détient le bas de laine des Québécois, ça touche beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens.

M. Roy (René): On a une politique, à la FTQ, d'action politique et d'être présent aux endroits où est-ce qu'on nous permet d'être présent. Et la Caisse de dépôt, ça fait longtemps qu'on est là et ça fait longtemps qu'on réclame. Et, vous avez parfaitement raison, il y a des entreprises dans lesquelles la Caisse de dépôt investit où est-ce qu'on n'est pas d'accord, mais on est un des membres du conseil d'administration. Et il faut regarder aussi nos déclarations qu'on a faites. Même si on siège à la Caisse de dépôt, on n'est pas toujours d'accord et on a le droit de s'abstenir, et on a le droit de le dire, et on l'a fait. Dans le dossier de Vidéotron, on s'est abstenu. Bon, on l'a fait, on l'a dit. Alors, c'est pour ça que ça nous amène à ce genre de recommandation qu'on a ici.

Mais il y a une autre façon de travailler aussi. On ne peut pas partir puis fermer l'entreprise. On pourra parler puis aller fermer Bell Canada parce que Bell Canada ne répond pas à nos demandes en équité salariale. Alors, ce qu'on demande de faire ? puis nos recommandations sont là ? c'est qu'à un moment donné les actionnaires... les votes des actionnaires indépendants, qui sont en dehors de l'organisation, soient comptabilisés puis soient traités correctement. Alors, une entreprise, on veut démocratiser l'assemblée des actionnaires. Alors, ça, c'est impératif, ça aussi. C'est de cette façon-là, madame, qu'on pourra aller corriger certaines lacunes.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Roy.

Mme Houda-Pepin: Mais est-ce que vous avez fait des propositions d'actionnaires par rapport à la question de Talisman en particulier? Est-ce que la FTQ a pris l'initiative, comme vous l'avez dit... Parce que vous avez fait le choix de rester dans l'entreprise, mais, en même temps, de travailler de l'intérieur pour changer les pratiques de cette entreprise.

M. Roy (René): Bien, Talisman, je ne pense pas qu'on ait...

Mme Houda-Pepin: Est-ce que vous avez fait des propositions d'actionnaires? Évidemment, vous êtes minoritaires. Est-ce que vous avez fait des alliances avec d'autres partenaires pour forcer le changement de l'intérieur?

M. Bellemare (Réjean): Dans Talisman, il y a au moins un de nos syndicats qui a été très impliqué dans une proposition qui venait du Canada anglais. Et, à la limite, je vous dirais, ce n'est pas le premier, le déclencheur complet, mais c'est une des... Parce que tantôt vous disiez: Est-ce que ça vous dérange que la Caisse de dépôt... Ce qui me dérange dans cette situation-là, c'est de s'apercevoir que les McKenzie de ce monde, avec nos actions, l'argent qui vient des caisses de retraite, de notre épargne privée, vont appuyer des conseils d'administration qui ont des comportements semblables. Ce qui me dérange, c'est de s'apercevoir qu'on n'a pas pris toutes les actions qu'il faut pour contrôler notre argent, y compris dans nos caisses de retraite.

Et c'est là-dessus que le plan d'action de la FTQ s'est axé dans les dernières années, ce qui explique notre implication dans La Baie, une première. Donc, pour la première fois, on avait une section locale de la FTQ. Avec notre appui et en accord avec nos partenaires du Canada anglais, on a travaillé dans ce dossier-là. On a travaillé aussi dans Rio Tinto. Il y avait une proposition australienne et anglaise. Les deux syndicats ont travaillé au niveau international. Nos syndicats se sont impliqués, le Syndicat des métallos aussi l'a fait. On est en processus de prise de contrôle de nos caisses de retraite, d'avoir une meilleure influence sur notre argent. Et on peut penser aussi aux caisses de retraite publiques ? on le mentionne dans notre mémoire ? où, en principe, oui, ils ont un comité de placement pour orienter un peu vers où ils peuvent aller, mais la Caisse de dépôt, elle est souveraine, elle peut gérer comme elle le veut. Donc, on veut aussi qu'à travers nos caisses de retraite publiques où nos membres sont, qu'on puisse avoir une influence sur notre argent. Ça fait que notre travail, présentement, est pour augmenter cette influence-là.

Mme Houda-Pepin: D'accord.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Bellemare.

Mme Houda-Pepin: Vous publiez un bilan, vous-même, la FTQ, un bilan social. Il comprend quoi? Est-ce que vous vous limitez aux droits du travail qui concernent d'abord... parce que vous êtes une institution qui représente les travailleurs ou est-ce que c'est un bilan qui touche l'ensemble des dimensions touchant la responsabilité sociale, par exemple les droits de la personne dans le sens général du terme, la démocratie? Qu'est-ce qu'il contient, votre bilan social? Et comment on peut s'en inspirer pour d'autres entreprises?

Le Président (M. Paré): M. Roy.

M. Roy (René): On pourrait vous les envoyer par écrit, mais je peux vous les résumer facilement parce que je travaille avec ça régulièrement, parce que je siège sur le conseil d'administration du fonds. Alors, c'est tout l'aspect des relations humaines, des relations environnementales, les questions salariales. Vous avez les questions des conditions de travail, si les gens ont le droit à la libre négociation, s'ils ont le droit de défendre... s'il n'y a pas de congédiements arbitraires, si le taux de la CSST, le taux des accidents de travail... quel taux cette entreprise-là se compare avec son secteur, les relations aussi... On regarde les curriculum vitae des administrateurs. Alors, c'est un peu tout ça qu'on regarde dans notre bilan social.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Vous avez insisté beaucoup sur la législation ? vous n'êtes pas le seul groupe à avoir demandé ça ? et aussi sur les codes de conduite. Nous avons entendu d'autres groupes, notamment des chercheurs universitaires, qui sont venus nous dire qu'il y a eu une prolifération des codes de conduite, hein? C'est quasiment exponentiel, et certains nous ont avertis que certaines entreprises se dotent de code de conduite pour une question de stratégie de marketing, pour se donner une image commerciale, parce que l'image de l'entreprise est importante, hein? Est-ce que vous ne craignez pas justement qu'en voulant généraliser les codes de conduite à toutes les entreprises qu'on ne fasse que généraliser cette stratégie de marketing, puisque vous le dites vous-même dans votre mémoire, il ne s'agit pas de se donner un code de conduite, encore faut-il qu'il soit bien vérifié et qu'il soit vérifié par une autorité indépendante qui n'est pas de collusion avec l'entreprise?

Hier, on a entendu des groupes qui nous ont parlé de KPMG, de toutes ces grandes entreprises de vérification comptable qui se sont transformées aussi en entreprises de vérification sociale. On nous a dit qu'ils n'en avait pas la compétence et que, comme c'est des entreprises qui sont très, très collées avec les entreprises qu'elles vérifient, eh bien la fiabilité de l'information, la crédibilité de l'information est très discutable. Alors, se donner des codes de conduite, oui, mais le résultat escompté, c'est quoi? Et nous avons entendu aussi un représentant de l'Université de Sherbrooke qui nous a dit: Un code de conduite n'a pas besoin d'être écrit, c'est dans la pratique que se font les choses, et que le meilleur code de conduite, c'est celui qui est mis en pratique. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

Le Président (M. Paré): M. Roy.

M. Roy (René): En descendant à Québec, il y en a un code de conduite, c'est 100 km à l'heure, hein? Moi, je le respecte, mais il y en a beaucoup qui me passent... Ha, ha, ha! Il y a une police... Mais le gouvernement a instauré un système policier pour le surveiller. Mais c'est vrai que l'autodiscipline de chacun des citoyens et des citoyennes a quelque chose à voir là-dedans, dans les codes de conduite, et les entreprises... Certaines entreprises le font en plan de marketing, puisqu'il commence à y avoir des gens qui s'en préoccupent. Mais, vous le savez très bien, puis je l'ai dit au début de ma présentation, sur le taux de discipline des entreprises privées, dans les dernières années, on a vu le résultat. On a vu le résultat qu'ils ont fait, alors on doit aller plus loin. On doit aller plus loin, madame, puis on doit instaurer des systèmes de contrôle sur ces systèmes de conduite là, comme on le fait ailleurs, et ça doit être fait aux frais des entreprises.

n(12 h 10)n

Le Président (M. Paré): M. Bellemare, vous voulez ajouter?

M. Bellemare (Réjean): Oui. Je rajouterais, parce que vous avez raison, il y a beaucoup d'associations... On a vu, aux États-Unis, Wal-Mart et plusieurs gros se créer une association puis se donner un code de conduite. Dans le cas de La Baie, ils nous répondaient qu'il y avait un code de conduite. Ce qu'on dit... Et notre recommandation dit au gouvernement de travailler avec les partenaires internationaux pour la création de codes de conduite reconnus. SRI, qui était une initiative privée, est devenue une initiative de l'ONU. L'OCDE s'est donné un code de conduite pour les entreprises. Il en existe, l'OIT, sur le droit du travail. Il en existe des codes de conduite reconnus qu'on doit faire reconnaître et faire appliquer à nos entreprises, d'où l'idée de trouver une façon.

Et là je pense beaucoup que... Plusieurs personnes m'ont posé la même question: C'est quoi que tu veux dire quand tu dis: On doit trouver une manière de poursuivre les entreprises qui ne respectent pas les codes de conduite qu'on s'est doté ici, dans nos législations lorsqu'ils sont à l'extérieur du pays? Mais il y a des exemples où des pays d'Europe ? et je crois que le Canada aussi, mais là je suis moins certain ? poursuivent des individus lorsqu'ils utilisent la prostitution juvénile dans d'autres pays. Donc, il existe des cas où on étend nos lois dans d'autres pays. C'est peut-être un exemple où on pourrait regarder pour le faire.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Bellemare. Là-dessus, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Paré): ...de recevoir le Groupe de recherche sur les institutions financières UQAM/Université de Paris 13 représenté par Mme Andrée De Serres. Bienvenue, madame, à cette commission. Merci de votre contribution. Et, nous aurons une heure ensemble, donc 20 minutes pour votre présentation et 40 minutes d'échange avec les parlementaires de part et d'autre. Bienvenue.

Groupe de recherche sur les institutions
financières UQAM/Université Paris 13

Mme De Serres (Andrée): Alors, bien, merci de nous donner l'opportunité de présenter nos propres réflexions sur la question qui est soulevée par cette commission. Mesdames et messieurs, merci. Je tiens d'abord à souligner que, malgré son absence physique, nous avons le soutien et l'intérêt manifestes de Michel Roux, qui est vice-doyen de la Faculté de sciences économiques et gestion de l'Université Paris 13 et qui est le chercheur qui a collaboré, là, principalement avec moi sur ce mémoire, et chercheur avec qui on a l'habitude de travailler pour répondre à certaines questions qui touchent de très près la question qui a été posée par cette commission. Alors, je me permets de vous transmettre l'offre du professeur Roux qui dit que, si cette commission a des questions à lui adresser ou s'il y a lieu de l'interroger d'une autre façon, il sera disponible et que, fort probablement, il sera ici aussi durant la première semaine de novembre.

Alors, nous avons répondu à la question, en fait, probablement la question centrale qui est posée par cette commission et qui est assez bien décrite à l'intérieur de l'état de la situation, c'est-à-dire: Compte tenu de la place occupée par la responsabilité sociale des entreprises et l'investissement responsable, quel rôle le gouvernement est-il appelé à jouer dans ses interventions auprès du secteur privé et dans ses propres activités?

Alors, à cette question, nous nous interrogeons surtout sur la stratégie et le type d'intervention qui peut être entrepris par un gouvernement pour répondre à une question... Et probablement de poser la question qui est au centre du débat, c'est probablement la plus grande difficulté qu'on a ici, c'est-à-dire... Je me permets de faire un peu un résumé des différentes expressions et des différents concepts qui ont été lancés à travers l'état de la situation et qui sont débattus, je pense, depuis trois jours ici, on parle d'éthique, on parle d'investissement socialement responsable, on parle de régie d'entreprise, on parle d'activistes actionnaires. Alors, comment relier tous ces thèmes-là?

Je crois qu'on a centré notre réponse autour de la façon d'influencer la prise de décision des gestionnaires dans les entreprises et comment... On pourrait répondre aussi préalablement: Pourquoi, à ce moment-ci, à cette époque-ci, influencer cette prise de décision? Bien, probablement que les faits récents nous fournissent, là, de multiples raisons de se sentir concernés, comme gouvernement et comme État, à rediriger le tir. Alors, on parle de développement durable ici. Je me permettrai d'expliquer l'application particulière qu'on a faite avec développement durable et le lien avec la performance financière.

Alors, le développement durable a été souvent utilisé en termes de développement généralisé. Ici, dans notre cas, on reviendra parler de développement durable au sens aussi de performance à long terme des entreprises, de pérennité, de durabilité des entreprises, et ce qui nous donne le lien probablement entre les différents concepts qui sont présentés et qui posent beaucoup de questions, à savoir comment réaligner les valeurs et les buts des gestionnaires de nos entreprises vers du développement à long terme. Et, si on peut se permettre une réflexion sur les problèmes qui sont survenus au cours des dernières années, on pourra probablement penser à ce qui a été présenté à quelques reprises, à toute l'influence de la rémunération des gestionnaires et toute la composition de l'actionnariat des entreprises qui amènent à réfléchir et à penser davantage à création de richesse à court terme qu'à long terme.

Alors, nous mentionnions, puisque Michel Roux maintient sa position via le texte écrit... On posait la question: L'éthique économique et le développement durable: mythes, modes ou réalités? Histoire de soulever un peu de polémique autour d'un consensus qui semble quand même être large autour du besoin d'éthique et de développement durable, est-ce que c'est un mythe? Est-ce que c'est nouveau? Est-ce que la question de développement durable est nouvelle? L'explication qu'on pourrait tirer des 20 dernières années, c'est une explication qui a amené davantage à valoriser la création de richesse pour des actionnaires que d'une distribution autre pour tous les partenaires de la firme.

Sans tomber dans les explications académiques, je me permettrais d'un peu positionner la théorie des actionnaires puis la théorie des partenaires en finance et en management. On y a fait référence dans le document, et je crois qu'à l'intérieur des différentes autres interventions on y a fait référence. La théorie des actionnaires est une théorie qui a certainement connu, là, son apogée et peut-être qui a connu son stade culminant au cours des deux dernières années, et les scandales éthiques et les scandales de faillite nous amènent à critiquer cette théorie.

n(14 h 10)n

À travers tous les temps, les sociétés par actions, depuis que ce véhicule existe, il y a des actionnaires. Comment ça se fait qu'aujourd'hui on a des problèmes à rémunérer des actionnaires et à aligner les intérêts des gestionnaires à titre d'actionnaires? Et pourquoi, tout d'un coup, ces actionnaires ont une préoccupation court terme plutôt qu'une préoccupation long terme qui influence finalement la prise de décision? Ça fait que, certainement, on a l'impact de tout le programme de rémunération par actions qui, dans le langage, si on veut, de la théorie de l'agence et de la finance, dit qu'on aligne les intérêts entre les gestionnaires et les actionnaires. On aligne les intérêts. Si les actionnaires ont des intérêts long terme, normalement les gestionnaires aussi de l'entreprise, via ses dirigeants et ses gestionnaires, devraient avoir aussi des intérêts long terme. Mais, comme la composition de nos propres sociétés, particulièrement en Amérique du Nord puis au Royaume-Uni, est composée surtout d'investisseurs institutionnels, nous alignons nos intérêts avec des actionnaires qui sont, en général, des investisseurs institutionnels. Ces investisseurs institutionnels... Et là on arrivera certainement à développer davantage de questions sur leurs propres attentes puis leurs propres objectifs, mais des investisseurs institutionnels ou autres investisseurs, là, dans le sens le plus large, institutionnels, fonds collectifs, fonds privés, fonds publics, qui sont incités à favoriser le court terme et à être directement concernés par un rendement court terme plutôt qu'un rendement à long terme.

Alors, on reviendra, parce que, à notre avis, le problème principal qui est soulevé par toute la question de régie d'entreprises et d'investissements dits socialement responsables ou éthiques, c'est un problème de satisfaire les intérêts des actionnaires de la structure de propriété actuelle. Et notre conclusion dans cette étude, ce sera dire que, s'il y a des maux auxquels il faut remédier, c'est remédier aux attentes et aux pressions qui sont effectuées par les actionnaires sur les entreprises.

Alors, quand on parle de développement durable, au cours des dernières années, le concept a évolué. Vous avez probablement pu constater qu'on a... L'évolution des fonds éthiques et juste de ce vocabulaire... On a des fonds éthiques en Amérique du Nord depuis les années vingt. À partir des années soixante, les questionnements autour de la participation à la guerre du Viêt-nam ou à d'autres conflits ont amené à une préoccupation, à des fonds éthiques davantage menés sur des fonds qui avaient du filtrage à la négative. On ne participe pas à certaines entreprises qui participent à certains secteurs. À partir des années quatre-vingt, on s'est mis à voir apparaître, principalement du côté des États-Unis, des fonds qui commencent à avoir des vocations socialement responsables. Le terme d'«investissement socialement responsable» apparaît. Et, au cours des toutes dernières années, suite au grand rassemblement de Rio de Janeiro, plus près de nous de Johannesburg, le terme «développement durable» est apparu, et on a les fonds et les index qui préconisent maintenant des objectifs de développement durable.

Quelle est la différence? Il y en aura une certainement. Mais, quand on parle de développement durable, on parle aussi d'entreprises qui se mettent à favoriser des objectifs de croissance à moyen et à long terme, et la polémique qu'on voulait soulever en disant: Est-ce que c'est une réalité? Est-ce que c'est une mode? Ce n'est pas un problème nouveau d'avoir à préconiser qu'une entreprise doit poursuivre des objectifs à long terme. Ce n'est pas un problème nouveau. Alors, comment ça se fait... La question qu'il faudrait vraiment se poser et identifier en termes de réponse, c'est: Qu'est-ce qui a amené le dérapage au cours des dernières années? Alors, de développement durable, on retiendra qu'on se pose des questions sur les choix des gestionnaires, sur la prise de décision des gestionnaires à préconiser une longévité et favoriser une performance financière qui n'est pas nécessairement au trimestre ou à l'année, mais plutôt beaucoup plus étendue.

Ce qui amène à parler aussi de performance financière qui favorise des intérêts et qui inclut des bonnes relations avec d'autres partenaires que les actionnaires. Et c'est là que la théorie des partenaires prend un nouveau sens. Les partenaires et ceux qui participent et qui contribuent à la création de richesse d'une entreprise incluent forcément des employés, incluent des fournisseurs, incluent les clients, bien sûr, et incluent la société. Et on fait un peu la nuance entre société et planète, au niveau de la société en termes de communauté puis au niveau du respect de certaines règles environnementales au niveau davantage de la planète qui est une dimension qui a été davantage développée au cours des dernières années.

Mon collègue et moi, on a eu à travailler sur certains mandats de recherche où on se posait comme question: Comment répondre aux nouvelles exigences de la loi française, du cadre légal français et du cadre légal, de toute façon, européen dans son sens large? Et notre deuxième partie du mémoire disait: L'exemple français, à ne pas suivre.

Et, ici, nous allons mettre vraiment en lumière la différence entre la stratégie d'intervention qui est préconisée par le gouvernement français, entre autres, qui pourrait être aussi suivie par d'autres États, et des stratégies qui viennent davantage soit des États-Unis ou du Royaume-Uni. Alors, je vous mettrais tout de suite en lumière le fait que, malgré que le bilan social soit exigé des entreprises françaises depuis 1977, on se croit encore obligé, en 2001 et 2002, par le décret en France d'imposer aux entreprises des rapports de gestion qui tiennent compte des conséquences des aspects sociaux et environnementaux sur les activités des entreprises. Avec ce seul constat, on peut se poser la question: Quel résultat a eu l'obligation d'imposer aux entreprises, au départ, 1977, de 300 employés et plus et, un petit peu plus tard, avec amendement, de 750 employés et plus, l'obligation de déposer un bilan social? Comment se fait-il qu'après près de 25 ans d'application qu'on soit encore obligé de faire d'autres demandes aux entreprises? En février 2002, un décret venait confirmer l'adoption d'une mesure, là, préalable qui a été faite en 2001 où on demande aux entreprises françaises cotées à une Bourse qui disposent d'un véhicule soit par actions ou par net d'inclure dans leur rapport de gestion les conséquences de leurs activités sociales et environnementales sur leurs activités.

Rapport de gestion ? je vous souligne ce fait ? ça veut dire qu'on ne veut plus nécessairement d'un bilan social séparé, mais d'une annexe au rapport de gestion qui tient compte de ces faits-là. Le décret... Et je n'en ferai peut-être pas la liste ici, mais le décret de février 2002 décrit toutes les exigences, une liste d'exigences que doivent contenir les deux volets, soit la partie environnementale et la partie sociale. Ce sont des exigences très lourdes, très exhaustives qui prennent un peu de court les entreprises françaises, puisqu'elles doivent, au cours du premier exercice qui se termine en 2002, déjà faire apparaître dans le rapport de gestion ces différentes exigences-là, répondre à ces exigences.

Si on oppose à ça les pratiques qui se sont faites dans d'autres pays, bien, d'abord, il faut savoir qu'au niveau de la communauté européenne on a suivi avec des règles semblables. Mais je mettrais en contrepoids l'exemple britannique où on a... Cette fois-ci, au lieu d'avoir une imposition de déposer un bilan social, on a des incitatifs qui sont diffusés, entre autres, à travers l'impact des allocateurs de capitaux, qu'ils soient banquiers ou même l'impact des assureurs, une incitation à divulguer ? et non pas une obligation cette fois-ci ? à divulguer les processus de gestion qui tiennent compte des risques sociaux puis environnementaux. Là aussi, du côté britannique, c'est relativement nouveau. C'est 2000-2001 qu'on a commencé à réagir à ça, et le gouvernement a adopté une position d'appui à cette démarche qui provient de soit l'association des assureurs, soit l'association des banquiers.

Une démarche qui est intéressante aussi... On dit «name to shame», c'est-à-dire que le gouvernement, via ses différents départements, s'engage à mettre en exemple les entreprises qui ne répondraient pas à des exigences minimales. De plus, les associations d'assureurs ou de banquiers disent aussi qu'ils vont faire pression sur leurs membres qui ne divulguent pas ou qui ne divulguent pas de façon satisfaisante leur processus de gestion par l'actionnariat, c'est-à-dire, donc, en passant par les assemblées annuelles des actionnaires. Donc, on a ici une démarche qui... Je ne dirais pas à l'opposé, mais qui est très, très différente de la démarche française. Au lieu de l'appliquer puis d'obliger de déposer un bilan, on incite les institutions financières, on incite les fonds de pension à divulguer. Et là aussi le choc, dans certains cas, est aussi grand, parce que beaucoup d'entre eux, que ce soient les fonds de pension ou les banques, n'avaient pas encore intégré et n'avaient peut-être pas réfléchi. Ça fait que la démarche est à retenir, là.

Et, du côté américain, si j'ose amener la troisième comparaison, là aussi, c'est sûr que dans la suite des scandales financiers récents et dans la suite de l'éclatement de la bulle technologique, il y a une panoplie de lois au niveau fédéral et étatique qui ont été adoptées pour retenir la responsabilité à différents types d'institutions financières de différentes parties. Mais il reste quand même que, du côté américain, on sait maintenant que, en 2001, un dollar sur huit qui est investi l'est via des filtres de fonds qu'on dit socialement responsables. 2 600 milliards de dollars US, ça reste quand même une somme considérable alors que, dans ce cas-ci, on a vraiment des pratiques de marché qui favorisent le respect de certaines règles.

n(14 h 20)n

On peut comparer trois démarches dans trois pays. Là où il y a une obligation de déposer un bilan social, c'est là où il y a probablement le moins de fonds. Et là où il n'y a pas d'obligation, mais qu'il y a une incitation du marché via des demandes soit par les investisseurs soit par les clients, on a quand même une prolifération assez importante d'adhésions. Alors, ça nous faisait réfléchir que... Le modèle français est-il à suivre ou pas? Ce sont les conséquences à tirer du fait que les entreprises déposent depuis des années un bilan social, mais, même si on dépose un bilan social, est-ce qu'on est capable de mesurer la performance financière ou la performance des mesures qui ont été mises de l'avant? Ça fait que le bilan social a probablement une défaillance, c'est qu'il incite à peut-être divulguer, mais il n'incite pas à performer. Donc, ça peut se stabiliser.

Du côté anglais, je vous inviterais à voir comme exemple la banque Barclays qui dépose, depuis deux ans, un rapport sur ses activités sociales et environnementales. Et, là encore, pour satisfaire à des exigences soit face à ses actionnaires, face à ses assureurs éventuellement et face à ses clients, elle s'est mise à introduire à l'intérieur de son rapport des indicateurs: combien d'argent elle alloue à tel type de services; combien de comptes elle ouvre auprès de personnes défavorisées; combien d'entreprises en «start-up» elle soutient dans des zones défavorisées. Alors, elle s'est mise à ajouter des indicateurs.

Et tout le problème de la notation sociale et environnementale, ce sera justement de calculer quelle est la performance de ces pratiques-là, quelle est la performance, leur évolution et quelle est leur contribution sur la performance financière. Alors, ça permet de boucler la boucle avec le développement durable, c'est-à-dire une entreprise... Ça fait partie du gros bon sens en management et en finance de penser qu'une entreprise va être pérenne et saine si elle est capable de gérer ses risques sociaux et environnementaux. Et, à la fois, qu'on soit actionnaire, prêteur ou qu'on soit assureur, et probablement client, on a tout intérêt à voir si une entreprise est capable de soutenir et gère bien ses risques pour ne pas être pris... et peut-être avoir une performance financière intéressante à court terme, mais, à moyen terme puis à long terme, risquer de disparaître.

Alors, c'est en ce sens qu'on dit: Est-ce que c'est un mythe ou c'est un retour à être considéré de façon générale? Qu'est-ce que c'est, du bon management? Qu'est-ce que c'est, la sélection d'une entreprise qui est saine à court puis à moyen terme? Et le développement durable, dans ce sens-là, c'est le développement, la durabilité de l'entreprise et ça interpelle forcément l'activité puis l'intégration des prêteurs, des actionnaires et des assureurs. Les assureurs ont tout un intérêt à voir à ce que les risques environnementaux soient bien protégés, entre autres, les risques sociaux et éthiques, mais... Alors, c'est en ce sens-là qu'on met un bémol, si on veut, sur les effets d'une obligation légale de déposer un bilan social. C'est-à-dire quelles sont les conséquences? Est-ce que les entreprises seront plus impliquées? Est-ce qu'elles ont appris à mieux performer? Ou y a-t-il des moyens autres qui amènent vraiment les gestionnaires des entreprises à être obligés de répondre à des critères qui sont demandés par probablement les partenaires indispensables à leur survie, les actionnaires puis les clients? Alors, on préconise donc comme intervention d'y aller davantage avec des incitatifs, et des incitatifs qui font prendre conscience à toutes les entreprises de la nécessité de passer à travers leur propre gestion pour découvrir et mettre en place des processus qui gèrent ces risques, que ce soit environnementaux... et qui satisfont leurs clients ou leurs différents partenaires.

Alors, c'est en ça que la troisième partie amène une liste de certains outils qui peuvent être faits soit au niveau des clients soit au niveau des actionnaires. Et c'en n'est que quelques-uns. Depuis quelques années, on assiste à une prolifération de tout ce développement de labels et d'outils, que ce soit pour les clients ou... de tous ces outils et produits financiers de la part des institutions financières. J'en ai nommé quelques-uns, que ce soit entre autres... On voit de plus en plus au Québec le café équitable, le café équitable qui... Il faut se poser la question, qui qualifie qu'un producteur de café est équitable? Alors, on posera aussi des questions sur l'évaluation des agences de notation et la qualité de l'intervention puis de l'évaluation. Alors, on voyait, et je... Récemment, dans les journaux, on voyait que le MEMO, à Montréal, était pour exiger de son fournisseur de café que ce soit du café équitable. Alors là on fait parler des clients et on fait parler les fournisseurs. Les fournisseurs ont intérêt à adhérer à ces différents labels au niveau soit de la qualité... Puis la qualité du produit, ça peut être la qualité du processus de production du produit, comment il a été produit, quelles ressources et comment est traité le capital humain qui a collaboré à cette production.

Le Président (M. Paré): En terminant, s'il vous plaît, madame.

Mme De Serres (Andrée): Oui. Dans le même ordre d'idées, il y a toutes les normes de gestion et, enfin ? puis vous me poserez des questions si j'ai manqué de temps pour en parler ? les agences de cotation. Les agences de cotation, encore là, ont proliféré. Quelle est la qualité d'une agence de cotation? C'est probablement son objectivité puis sa compétence à évaluer. Du côté français, la Caisse de dépôt et consignation a créé, en 1997, une agence de cotation qui s'appelle ARESE, l'agence de rating en environnement social. ARESE a une certaine méthodologie où elle finit par qualifier qu'une entreprise, si vous voulez, dans... J'ai noté les cinq qualificatifs qu'elle va donner, les cinq cotes qu'elle va donner aux entreprises, mais, entre autres, elle va souligner son leadership, mais elle va souligner aussi son déploiement. Leadership, déploiement, résultats, et ça permettra de coter les entreprises.

On s'adresse ici surtout à des entreprises cotées en bourse, mais il y a aussi, du côté américain et anglais, le développement de certains index, comme le Dow Jones Sustainability Global Index qui, d'une part, encore là, cote et analyse les entreprises publiques pour les entreprises cotées en bourse sur une base, dans certains cas, volontaire ? le Dow Jones, c'est sur une base volontaire ? et d'autre part, fournit aussi des services d'évaluation et... c'est-à-dire des services de gestion de fonds dans des fonds qui respectent certains critères. Alors, la même chose du côté anglais avec un indice du Financial Times. Il y a ASPI, de ARESE, le Domini 400. C'est une liste qui n'est pas exhaustive, dans le sens qu'il y a beaucoup d'autres cas, mais c'est un phénomène très croissant et très, très fort qui amène les entreprises et plusieurs de nos entreprises canadiennes... Je vous donnerai en exemple Dofasco qui s'est qualifiée au Dow Jones et qui veut plaire à ses actionnaires et veut plaire à ses investisseurs institutionnels en se qualifiant...

Le Président (M. Paré): Merci, madame. Nous allons passer maintenant à la période de questions et d'échange, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme De Serres, à notre commission parlementaire. C'est un très bon mémoire. Écoutez, évidemment, ce qui se dégage ? puis vous l'avez mentionné dans votre laïus ? vous proposez, bon, une approche non dirigiste de la part des gouvernements, vous proposez plutôt... Parce que, basé sur l'expérience française, vous nous dites qu'après 25 ans ça n'a pas donné les résultats escomptés. L'expérience française de législation, ça n'a pas donné les résultats escomptés, donc vous préconisez une approche non dirigiste et vous dites que le gouvernement québécois devrait plutôt y aller de mesures incitatives. Puis vous en faites, à la page 14, toute une liste de mesures incitatives.

Maintenant, c'est très bien, puis j'en suis aussi, mais, en quelque part, vous rejetez, là, complètement toute intervention de l'État. Sinon, là, dites-nous à quelle place que l'État pourrait prendre une petite part de contrôle. Et puis qu'est-ce que vous dites, là, concernant... Il y a eu des propositions de faites ce matin à l'effet qu'on pourrait nommer un organisme indépendant capable de vérifier le bilan social des entreprises puis d'en faire l'évaluation puis le suivi. Est-ce que si l'État est uniquement... doit privilégier seulement que... Sans faire d'interventions directes, est-ce que l'État pourrait nommer un organisme indépendant qui ferait le suivi des entreprises?

Le Président (M. Paré): Mme De Serres.

Mme De Serres (Andrée): En fait, non, nos propos ne disent pas qu'il ne faut pas intervenir, puisque ça prend un cadre macroéconomique qui soutient un changement, là, un changement de valeurs, un changement dans les prises de décision des gestionnaires. C'est la façon d'intervenir qu'on questionne. Est-ce qu'on y va par l'obligation d'un bilan? Ce qu'on a reproché aux bilans, c'est d'être assez rigides et de penser que les mêmes facteurs et les mêmes critères s'appliquent pour les entreprises, peu importe leur industrie, et c'est très différent. C'est très différent l'une de l'autre et, en plus, non seulement leur industrie, mais en fonction aussi du cadre national dans lequel elles évoluent. Ça fait que, pour une entreprise multinationale, ça oblige d'ajuster son bilan social à travers plusieurs pays. On préconise plutôt d'appuyer une démarche qui amène d'abord... C'est les moyens les plus forts d'un gouvernement comme le gouvernement du Québec à préconiser puis à obliger les entreprises à satisfaire des obligations. On ne dit pas, au contraire, des obligations sociales et environnementales, mais comme étant des obligations de saine gestion, de saine gestion qui vont de pair avec une performance financière, qui vont de pair avec une performance financière dans le long terme, qui font que ces entreprises-là, en les adoptant, n'ont pas l'impression de se conformer à une mesure, mais plutôt d'être encouragées à performer puis à être concurrentes même au niveau international. Alors, c'est en ce sens-là. Les interventions peuvent être très fortes.

n(14 h 30)n

J'ai noté, ne serait-ce qu'avoir des critères... En autant que je mets tout le cadre légal en réserve, parce qu'il faut satisfaire les règles, maintenant, de différents traités internationaux, mais d'avoir des mesures qui satisfont les procédés de gestion au niveau des fournitures, d'avoir au niveau des... Je mentionnais tout ce qui est politique fiscale et abri fiscal, que, lorsque le gouvernement intervient en subvention ou, d'une autre façon, en prêt ou en financement, qu'on s'assure que le processus de sélection puis d'évaluation des entreprises ait intégré des critères d'étude des procédés de gestion de risques environnementaux et sociaux. Alors, en ce sens, oui, c'est une forte intervention quand même, mais c'est une intervention au niveau de l'obligation pour les gestionnaires de respecter des critères dans leur intérêt aussi, alors que le bilan social, bien, il pourrait être nécessaire pour certains types d'entreprises mais aurait beaucoup moins d'effet et aurait un effet très différent. On se trouverait à avoir des entreprises qui ne sont pas soumises aux mêmes règles au niveau concurrentiel. Ça fait que les règles de marché aussi amènent actuellement la pression. Les règles de marché cherchent aussi à sélectionner les meilleures entreprises, les entreprises les plus performantes, et je crois que les derniers événements nous ont ramenés à l'ordre là-dessus, une entreprise saine est une entreprise qui gère ses risques environnementaux et sociaux. Alors, ça fait partie du processus d'évaluation.

À la question à savoir...

M. Cousineau: Un organisme de contrôle?

Mme De Serres (Andrée): Ça, c'est une question plus délicate, je crois, l'organisme de contrôle, parce que les agences... Il faut s'assurer des agences de cotation... Je pense, que ce soit l'organisme de contrôle ou l'agence de cotation, de son objectivité puis de sa compétence. Alors, l'organisme de contrôle, ça implique qu'il soit détaché de certains intérêts de l'entreprise. Alors, je crois que ça, c'est un sujet qui mérite une étude très, très exhaustive sur les moyens qui ont été faits. Il y en a eu. On peut déjà observer le succès d'agences de cotation, le succès et l'échec de certaines agences de cotation. Est-ce qu'une agence de cotation qui donne une évaluation sur une entreprise... Est-ce qu'elle est complètement détachée ou elle a un intérêt de près ou de loin? Je pense, c'est cette question-là qu'il faudra s'assurer. Mais il reste quand même que, au moins, au point de vue financier, l'agence de cotation, parce que c'est des indices produits par les agences de cotation de marché qui viennent pénaliser une entreprise en lui retirant son évaluation, sa cotation de responsable socialement ou pas, c'est un effet dévastateur aussi pour une entreprise actuellement. Alors, de là à préconiser peut-être qu'on soutienne l'adhésion à ces entreprises, à ces agences de cotation, qu'on soutienne les initiatives des entreprises qui essaient de se conformer à ça et qu'on en fasse peut-être une exigence à l'intérieur de l'attribution soit des subventions ou de l'attribution des contrats de fournitures.

Le Président (M. Paré): Merci, madame. M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, M. le Président. Alors, Mme De Serres, je vous félicite pour votre mémoire, il est très bien documenté. Entre autres, je vais vous parler de certaines pages, mais avant j'ai bien compris dans le même sens que mon collègue, en fait, toute la notion de... Ce sont des incitatifs, hein, faciliter, encourager, etc. Il n'y a pas vraiment d'implication directe à ce stade-ci, c'est vraiment que les gens se prennent en main. Par contre, quand je parle d'incitatifs ou j'entends que vous me dites: Ça prend des incitatifs, moi, je regarde à la page 11 et 12 de votre document où vous avez très bien documenté tout ce qui s'appelle les normes de gestion d'entreprise, entre autres, puis les indices pour les investissements, et je regarde le nombre de normes, la variété de choix, et c'est une chose que j'ai entendue beaucoup dans ces trois dernières journées où tout le monde nous disait: Ce n'est pas un capharnaüm, mais c'est presque ça.

Alors, à partir du moment où on adhère à votre optique de dire: On va créer des incitatifs à n'importe quel niveau, sur quoi on va les appliquer? Comment on va faire? Si je regarde juste au niveau des normes ? je ne veux pas vous les nommer, là, il y en a deux pages complètes ? et puis tout ça, comment on va faire pour sélectionner ou qu'est-ce qu'on doit faire comme démarche pour s'entendre, tout le monde ensemble, pour dire: Écoutez, quelles normes on va prendre? Comment on va l'appliquer? C'est-u applicable, de un? Et c'est sûr qu'on ne peut pas plaire à tout le monde. Il y en a qui vont dire que vous n'allez pas assez loin, d'autres, que vous allez trop loin, etc. Alors, moi, j'aimerais que vous donniez peut-être un mode d'emploi si vous me permettez l'expression, là, ou une façon de faire, parce que vous dites: En France, ils sont allés trop vite. Ils sont arrivés du jour au lendemain, ils nous ont sorti ça à peu près, puis, à un moment donné, tout le monde est pris avec ça, et ça a des implications qui sont énormes. Moi, je veux essayer d'éviter ça, mais, de l'autre côté, je me dis: Comment on peut éviter ça? Alors, j'aimerais avoir un petit peu votre réaction.

Mme De Serres (Andrée): Mais je ne dis pas qu'en France ils sont allés vite. Au contraire, depuis 1977, on impose un bilan social puis, en 2002, on retrouve encore des exigences supplémentaires pour avoir de l'information. Alors, c'est difficile de penser que le bilan social a réglé les maux qu'on avait identifiés en 1977.

Par contre, ce que je veux dire, la pression sur les entreprises, c'est d'avoir, par exemple, dans les critères ? je vous en nomme juste un dans les critères au niveau de la conformité aux exigences sociales ? de développer leur réponse à l'exclusion sociale en quelques mois, parce qu'ils ont à répondre à ça dans le rapport de gestion de l'année. Alors, une entreprise qui ne s'est jamais penchée là-dessus n'aura pas de réponse très, très exhaustive cette année.

Mais, ceci étant dit, quand je dis que je ne préconise pas d'intervention du gouvernement, au contraire, ne serait-ce que l'initiative de la commission, c'est une initiative déjà très, très forte pour soulever le problème au Québec et obliger une réflexion de ceux qui n'ont pas vu venir le problème et obliger l'institution financière, obliger l'entreprise à être un petit peu plus alerte, de voir comment réagir. Et, quant à moi, cette réaction amène les entreprises à regarder leurs propres procédés, leurs propres réponses, qui sont souvent beaucoup plus à point à répondre à leurs risques que celles imposées dans une liste générale. Alors, c'est en ce sens-là que je dis ça.

Et les normes, ça aussi... Malgré qu'il y a une panoplie de normes, elles ne s'appliquent pas à tous les types d'entreprises dans tous les secteurs. Il y a les normes propres à un secteur, alors il faut aller chercher et puis il faut rechercher dans l'évaluation la norme qui est l'équivalent de la qualité supérieure et qui est la meilleure du secteur. On y va vraiment par une sélection à partir de la qualification de la norme. Ça fait que c'est dans ce sens-là. Il y en a une panoplie, mais il reste quand même que des normes ISO, c'est des normes ISO. Ça a une connotation universelle et c'est reconnu universellement. C'est que pour qu'une entreprise québécoise se qualifie à certains donneurs d'ordres, il faudra qu'elle les ait. Alors, qu'on la pousse à le faire, c'est l'aider à être encore là dans cinq ans.

Le Président (M. Paré): Merci, madame.

M. Labbé: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui.

M. Labbé: En complémentaire, effectivement, on s'entend qu'il y a des normes dans les catégories qui s'appliquent à des types d'entreprises spécifiques. Ça, on se comprend là-dessus. Par contre, quand ils vont devoir faire leur bilan social ou environnemental, il va falloir qu'ils s'appuient sur des... Parce que c'est simple, on peut dire: Oui, je m'en occupe, ça va bien. Ça, ça peut être une forme de bilan, mais ce n'est pas tout à fait ça qu'on veut avoir. Alors, c'est à partir de quoi finalement qu'on doit s'entendre pour dire que ça, c'est un bon bilan social, ça, c'est un bon bilan environnemental? Puis c'est un petit peu là-dessus que je posais aussi ma question à ce niveau-là.

Je vais tout de suite vous poser l'autre question que vous me sous-tendez en disant: Écoutez, il faut créer des incitatifs, il faut aider, il faut appuyer. Vous dites: La commission parlementaire, c'est déjà un geste positif dans ce sens-là, et je pense qu'on le reconnaît, ça... Mais est-ce que vous pensez qu'à votre point de vue ou à mon point de vue que c'est suffisant? Je pense que non. Ça serait quoi, la prochaine étape dans ce sens-là?

Mme De Serres (Andrée): Il y a plusieurs questions. Ha, ha, ha! Bon, c'est vrai que les demandes... La prolifération des agences de cotation a amené les entreprises, surtout les grosses, là... Il faut voir qu'actuellement on parle de responsabilité sociale, mais ces mesures-là, c'est les mesures qui se sont appliquées aux grandes entreprises, les sociétés cotées en Bourse. Déjà, s'il y avait une intervention gouvernementale, il faudrait être capable d'avoir les mesures qui s'appliquent au PME par rapport aux mesures qui s'appliquent à celles qui sont cotées sur les marchés boursiers et qui subissent la pression des marchés. Ça fait que c'est deux façons d'intervenir auprès d'entreprises et de gestionnaires qui demandent beaucoup d'ajustement.

Je vous dirais, l'exemple du modèle français, avec la création de cette agence de cotation qui est ARESE... ARESE a fait face ? et vous allez comprendre pourquoi on a réagi récemment en faisant un changement assez important ? ARESE était en concurrence avec des agences de cotation de huit autres pays, ne serait-ce qu'en Europe. C'est qu'une entreprise cotée sur les marchés boursiers européens pouvait avoir à satisfaire les exigences de neuf agences, peut-être le Dow Jones, peut-être le Financial Times, et autres. Alors, c'est vrai qu'on peut se demander à qui remettre l'information nécessaire et est-ce qu'on va passer notre temps à remettre de l'information. Alors, récemment ARESE a été donnée en contrepartie par la Caisse des dépôts dans la formation d'une agence européenne. Et elle s'appelle Vigeo et elle vise à donner un cadre européen et à avoir une agence, une supra-agence qui va s'appliquer à tout le marché européen. C'est une réponse à la prolifération des agences de cotation.

Et c'est certain que c'est un marché qui est en train de se structurer là aussi, les agences de cotation. Ça fait qu'on voit beaucoup de concurrence entre les agences américaines, anglaises, européennes. On ne peut pas dire que, du côté québécois et canadien, on ait souscrit beaucoup à la surenchère jusqu'à maintenant, parce que c'est comme si le débat nous passait un peu au-dessus de la tête, et c'est pour ça que je trouve que la sensibilisation et mettre cette situation sur le tapis comme la commission le fait... Je vous en rends hommage, parce que c'est un élément très, très important. C'est que l'étape suivante, quant à moi, ça serait... Je vois beaucoup d'intérêt à sensibiliser les institutions financières.

n(14 h 40)n

Le Président (M. Paré): Merci, madame. Merci, M. le député de Masson. Mme la députée de La Pinière pour les 20 prochaines minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme De Serres, à mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie pour votre mémoire académiquement bien fouillé. On sent chez vous évidemment un effort de recherche intellectuel, et c'est tout à votre honneur.

Vous nous avisez, d'entrée de jeu, que l'exemple français n'est pas un bon exemple à suivre et vous l'avez bien étayé dans votre mémoire. Je vous dirais qu'au Québec notre cadre de référence, c'est l'Amérique et les Amériques lorsqu'il s'agit d'intervenir, parce que notre environnement économique est conditionné par notre environnement géographique, et, par conséquent, on a tendance à se comparer davantage avec l'Ontario, avec le reste du Canada, avec etc. Et, sur ces questions-là de responsabilité sociale, on a un débat qui... On n'est pas les seuls, on l'amorce, nous, comme parlementaires, ici, au Québec, mais, pour faire partie de la Conférence des parlementaires des Amériques, par exemple, la COPA, c'est une préoccupation qui rejoint énormément les autres parlementaires des autres pays des Amériques. Donc, oui, peut-être que l'exemple français est trop français, mais que la réalité québécoise nous commande aussi que l'on puisse voir qu'est-ce qui se passe ailleurs. D'ailleurs, on a, à l'ouverture et durant tous les deux jours et demi... On a beaucoup parlé des fonds éthiques qui sont une tradition américaine, là, ça ne vient pas nécessairement de la France.

Est-ce que vous ne pensez pas que le contexte, justement, dans lequel on vit pourrait nous amener à bouger dans ce dossier-là pas nécessairement dans le sens que la France l'a voulu, mais en étant beaucoup plus préoccupés des enjeux qui sont devant nous, qui nous entourent?

Mme De Serres (Andrée): Je crois, de prime abord, qu'on a mis, si on veut, dans le même bain le bilan social et les fonds éthiques. Il faut aller du côté européen pour les entendre dire: Nous sommes en retard sur les fonds éthiques par rapport à l'Amérique du Nord. Et, ici, on dit: On est retard sur le bilan social par rapport aux Européens. Alors, le constat vient... On n'est peut-être pas en retard, mais on a répondu à des exigences de contexte différent. Ici, on a un fort contexte de marché, donc nos entreprises ont appris à satisfaire le marché et sont condamnées, de toute façon, à satisfaire et leurs clients et leurs actionnaires, alors de là à insister pour qu'on mette de la pression pour que les actionnaires soient plus exigeants en termes de risques sociaux et environnementaux.

Alors, c'est l'effet recherché. Plutôt que de demander aux gestionnaires de répondre à un bilan social, nous proposons plutôt de demander aux gestionnaires de répondre aux attentes de leurs actionnaires. Et les actionnaires, qui sont-ils? C'est les investisseurs institutionnels, c'est nos fonds de pension, c'est des fonds gouvernementaux. Donc, ces fonds-là peuvent vraiment être portés à répondre et à se préoccuper davantage, dans leurs demandes d'information, de la qualité de leurs investissements, de la qualité au niveau des risques sociaux et environnementaux. Et, quant à moi, je crois que ça a un effet qui se transmet à toutes les entreprises. Au lieu de viser seulement certaines entreprises qui sont sur le marché public, les critères de gestion de risques qu'on développe probablement pour les grandes entreprises vont être transférés au niveau de toutes les autres. Un prêteur ne pourra plus, et probablement encore moins après la tenue de cette commission, de vous voir, le gouvernement du Québec, se préoccuper, ne pas demander et ne pas s'intéresser si son client gère ses risques de pollution puis ses risques sociaux. La même chose pour un assureur, parce que, plus le débat et plus la responsabilité se précisent, un assureur va l'exiger aussi.

Alors, c'est en ce sens-là que je préconise plutôt de forcer la pression en provenance des actionnaires et des clients plutôt que de mettre la pression sur les gestionnaires qui, eux, vont retourner dans leurs entreprises et, de toute manière, vont devoir répondre encore une fois aux pressions de leurs propres actionnaires. Ça fait que c'est en ce sens-là, oui, que le contexte nord-américain amène vraiment un contexte différent du contexte français. Mais, de part et d'autre, il reste quand même qu'on est en train de s'hybrider, là, parce que là-bas on demande un rapport de gestion, un rapport financier qui tient compte de ce qui, auparavant, était davantage fourni dans le bilan social et, ici, on introduit peu à peu, même sur une base volontaire, peut-être pas assez rapide, un compte rendu, quand même, sur cette considération-là.

Mme Houda-Pepin: Dans votre mémoire, vous avez développé... En fait, vous avez suggéré des outils pour supporter les choix des consommateurs, et ça semble chez vous une piste de solution. En effet, toutes les normes existantes ? et, il y en a, il y en a, ça se développe de façon assez rapide ? ça demeure quand même des normes assez rébarbatives pour le commun des mortels. Les normes ISO, à part les entreprises qui sont dedans et qui savent ce que ça signifie, pour M. et Mme Tout-le-monde, ISO 400 ou 1400, ça n'a pas vraiment... ça ne signifie pas quelque chose dans son environnement immédiat. Mais, par contre, c'est des normes qui charrient un certain nombre de valeurs aussi.

Est-ce que vous ne trouvez pas qu'un des axes d'intervention, par exemple, du gouvernement serait de faire connaître ces normes, de les rendre accessibles aux citoyens dans un langage qui leur parle pour qu'ils sachent exactement que, lorsqu'ils font affaire avec telle entreprise qui met une étiquette ISO, SA 8000, ça signifie que c'est une entreprise qui adhère à un certain nombre de valeurs, et la personne... enfin, les citoyens vont se reconnaître davantage dans ces valeurs-là, partant dans ces entreprises et, partant de là, dans des produits qu'ils consomment de ces entreprises? Est-ce que vous ne trouvez pas que l'État, par exemple, a un rôle à jouer là-dedans pour faire connaître, pour sensibiliser les gens à ce qui existe, parce que, finalement, il existe pas mal de choses? Peut-être pas toutes les entreprises qui adhèrent à toutes les normes, mais il faut les rendre quand même à la portée de gens.

Mme De Serres (Andrée): Je suis tout à fait d'accord avec cette idée de faire la promotion, de faire connaître chez tous les citoyens la valeur de ces normes, parce que, effectivement, elles peuvent être assez arides. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Tout à fait.

Mme De Serres (Andrée): Et de faire connaître qu'est-ce que ça implique, et, en quelque part, le client l'interprétera et interrogera, de toute façon, son fournisseur en fonction de sa compréhension. Alors, ce sera très... Oui, j'adhère tout à fait à ça, et c'est là, je crois, qu'il y a un rôle de promotion et d'information non seulement auprès des clients, auprès des entreprises aussi et auprès des allocateurs de capitaux. Et cette prise de conscience, je crois que ça... J'associe cette stratégie davantage à celle qui a cours actuellement au Royaume-Uni où on permet aux différents intervenants de réagir et de développer leur propre réponse, mais ceux qui ne l'auront pas développée, là... On voyait des sondages récents, chez les fonds de pension qui n'ont pas divulgué, ils n'ont pas l'air des plus compétents et plus transparents, ces fonds de pension là. Alors, leurs propres bénéficiaires vont s'interroger sur la gestion de leurs fonds et ils vont poser des questions. Et, de là, avoir peut-être des activités, des stratégies complémentaires pour venir donner écho puis appui, à blâmer les entreprises qui ne répondront pas... ou les entreprises ou les fonds qui ne répondront pas à cette divulgation. Alors, du côté anglais, on voit la stratégie «name to shame». Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Donc, il y a un rôle pour le gouvernement de faire connaître ces normes pour les rendre accessibles, mais il y a toujours l'obligation ? ne serait-ce que l'obligation morale pour les entreprises ? de faire connaître leurs pratiques sociales pour que ce soit divulgué dans la plus grande transparence.

Je voudrais avoir votre avis sur la compréhension que vous avez du phénomène de l'investissement responsable. Est-ce que vous pensez que cette nouvelle forme d'investissement, qui s'est manifestée depuis les années soixante-dix de façon un peu plus structurée et qui va quand même en grandissant, c'est une tendance qu'on constate... Est-ce que vous pensez que l'investissement responsable a un avenir?

n(14 h 50)n

Mme De Serres (Andrée): L'investissement socialement responsable, je crois que c'est un concept assez nord-américain, donc qu'on voit moins du côté européen. Alors, les chiffres parlent d'eux-mêmes, parce que, quand on dit, du côté américain, qu'un dollar sur huit passe par les fonds qui ont des objectifs d'investissement socialement responsable, c'est quand même important. Et c'est surtout le taux de croissance entre 2000 et 2001 qui est aussi important. De plus en plus, les gens adhèrent et retiennent les fonds qui satisfont à ces critères-là. Il y a de plus en plus d'études, au niveau théorique, qui essaient de comparer la performance financière de ces fonds-là par rapport à la performance financière des fonds traditionnels, si on veut, et jusqu'à maintenant ? et je crois que d'autres personnes qui ont passé devant cette commission l'ont souligné ? ce n'est pas négatif. Ce n'est pas des fonds qui performent de façon significativement moins bien que les autres fonds. Alors, la réflexion, c'est quelle popularité auprès de leurs clients, dans le sens, est-ce que les clients sont conscients et prêts, peut-être, d'avoir un rendement un peu moins ou différent par rapport aux autres fonds? Et, semble-t-il, ça, c'est un des critères de marketing, les gens croient à ça. On l'a vu par l'expression, là, la croissance des fonds.

Mais les fonds d'investissement socialement responsables, du côté américain, ont connu déjà, là, une certaine évolution. On est passé à des fonds qui parlent de «sustainability» de développement, de durabilité, et durabilité, ça amène... Au lieu d'avoir des critères souvent par la négative, hein... Beaucoup de ces fonds-là vont dire: Nous n'investissons pas dans des entreprises qui tournent autour du tabac, autour des arbres, autour de l'alcool, etc. Ça fait qu'on s'est mis à développer des critères pour essayer de regarder la gestion, le management général et les objectifs généraux. Et, avec ça, ça a amené les fonds à parler davantage de durabilité. Et là je crois qu'on est dans une autre phase à ce niveau-là, et on voit donc du... Ça s'applique à ce moment-là à toutes les entreprises de voir quels sont les objectifs, quelle est la mission de l'entreprise par rapport à de la croissance moyen, long terme. Ça veut dire pas nécessairement favoriser les actionnaires qui sont présents aujourd'hui, les actionnaires qui seront là aussi dans cinq ans puis dans 10 ans. Ça a une tout autre perspective.

Ça fait que je vous invite à consulter le Dow Jones Sustainability Global Index. Et des entreprises canadiennes s'y qualifient actuellement. Alors, c'est un joueur assez important dans ce mouvement. Puis là, je notais 299, on a 300, et ils se sont récemment associés avec STOXX, du côté européen, et SAM qui fait la gestion de fonds. Et ça invite à ce moment-là des intérêts de plusieurs investisseurs du côté canadien à s'intéresser à voir la performance de ces fonds-là. Ça fait que c'est pour ça que je dirais: Les fonds d'investissement socialement responsables ont été très, très notables entre 1990 et 2000, et, actuellement, on a, je ne dirais pas une autre famille, mais déjà un élargissement des objectifs. Et le développement durable ? peut-être le dernier mot ? on le revoit aussi dans les pays du nord de l'Europe.

Mme Houda-Pepin: O.K. Maintenant, de façon assez claire, on n'est pas pour la législation, on est pour la réglementation. Vous nous avez même avisés que ça pourrait amener à des délocalisations d'entreprises parce qu'on est dans un environnement très concurrentiel. Vous vous êtes basés spécialement sur l'expérience française, que vous jugez d'ailleurs pas très concluante, mais qu'en est-il des autres législations, la Grande-Bretagne, par exemple, les États-Unis, l'Australie, la Belgique? Est-ce qu'il y a quelque chose qui a été fait sur le plan législatif dans ces pays-là et qui est moins contraignant que ce qui a été fait en France et qui pourrait être inspirant pour nous au Québec?

Mme De Serres (Andrée): Un peu dans l'esprit de ce que j'ai mentionné, oui, il y a eu des choses faites en 2000-2001 du côté de la Grande-Bretagne, mais je crois que les résultats recherchés sont les mêmes, c'est d'amener les gestionnaires des entreprises à penser davantage à leur impact au niveau responsabilité sociale et environnementale puis l'impact de leurs activités au niveau de la performance financière. Mais les moyens qui ont été pris ont été différents, parce que, si je peux le résumer ainsi, du côté français, on demande aux gestionnaires d'entreprises de répondre à un bilan social. Du côté anglais, on demande aux actionnaires de faire pression sur les gestionnaires d'entreprises, et sur quoi ça s'appliquerait bien ici de demander aux actionnaires et aux fonds qui sont sous juridiction provinciale d'intégrer dans leur politique d'investissement des exigences au niveau responsabilité sociale, environnementale. Alors, il y aurait un effet plus large et beaucoup plus adaptable aux différents secteurs d'entreprise et d'industrie. Ça fait que c'est dans ce sens-là, les deux... Je ne dis pas qu'il ne faut pas légiférer, au contraire, mais c'est l'objet de la législation que je questionne, que nous questionnons.

Mme Houda-Pepin: Cela m'amène à vous demander si vous voyez une différence entre les fonds éthiques et l'investissement responsable. Parce que, si l'objectif d'une législation, c'est d'amener les gens, les actionnaires notamment, à poser un geste, je pourrais... conditionner, conditionner en fonction de ses propres valeurs, etc., une des critiques qu'on a entendues à l'égard des fonds éthiques, c'est qu'ils répondent à des exigences morales, à des exigences religieuses, et qu'est-ce que l'État viendrait faire à encourager les actionnaires à poser un geste en fonction de telle ou telle valeur qui est propre à une communauté religieuse? Parce que vous ne voulez pas investir dans les entreprises d'alcool, comme vous avez dit, mais ça peut être aussi boycotter les entreprises qui, de loin ou de... touchent à l'avortement, à l'usure, pour certaines communautés religieuses, parce que l'intérêt est interdit, et ainsi de suite. Qu'est-ce que l'État, qui est l'État de tout le monde, viendrait faire à promouvoir des fonds éthiques qui vont répondre à des valeurs ou des croyances religieuses d'un groupe particulier?

Mme De Serres (Andrée): Mais c'est là que je crois qu'il faut faire une distinction entre fonds éthiques et éthique des gestionnaires d'une entreprise, et qu'on a amené tous ces concepts à être mis, si on veut, dans le même bain, mais il y a vraiment une différence. C'est vrai que les fonds éthiques, en général, c'est des fonds associés à des objectifs bien précis. Et ils pourront continuer et ils continueront à se perpétuer, puisqu'ils répondent à des exigences d'une clientèle bien précise, mais, quant à moi, ce n'est pas la réponse à rendre des entreprises plus éthiques et plus responsables socialement. Il y a une différence entre essayer de toucher les valeurs et l'éthique des gestionnaires des entreprises en général, et ça ne peut pas se faire nécessairement par des fonds éthiques, on est obligé de donner des critères qui sont forcément des critères associés à une catégorie de la population. Alors, la responsabilisation sociale, et environnementale, et éthique, forcément, des gestionnaires, ça vise une application beaucoup plus large et beaucoup plus souple en fonction de tous les intérêts et non pas des intérêts d'un type de clients d'un fonds qui préconisent des buts précis.

Ça fait que je crois qu'il faut vraiment distinguer les fonds éthiques, les fonds socialement responsables et les mesures qu'on veut assigner à des gestionnaires d'entreprises de se comporter avec des valeurs plus responsables socialement. Et là on parle d'éthique des gestionnaires et non pas des fonds éthiques. Alors, je pense, c'est un peu ces concepts théoriques qui demandent d'être examinés et davantage interreliés l'un à l'autre. Je ne sais pas si je réponds à votre question de cette façon-là.

Mme Houda-Pepin: Oui, oui, oui. Non, bien, vous avez bien clarifié les choses en parlant de l'éthique des gestionnaires. Le problème, c'est en fonction de quelle éthique. C'est parce qu'on n'est pas ici dans la science exacte, et donc le cadre de référence est extrêmement important. Nous avons entendu avant vous les représentants d'Amnistie internationale qui sont venus nous dire: Oubliez les normalisations puis les codes, etc., il y a un cadre de référence qui s'applique à tous les pays et duquel découle l'ensemble de l'instrumentation juridique internationale et qui est la Déclaration universelle des droits de l'homme. Effectivement, tout y est, et, à partir de là, on peut développer davantage tout en ayant un cadre qui est compris de tous, j'espère, même si certains pays résistent encore à l'application de la Charte universelle des droits de l'homme.

Alors, de ce point de vue, oui, vous avez fait les nuances qui s'imposent, mais je veux revenir aussi à la question du code de conduite, hein? Le code de conduite, on en a entendu parler. Certains trouvent que c'est une nécessité, que les entreprises doivent se doter de ça; d'autres sont venus nous dire: C'est rendu une opération de marketing, ne tombez pas là-dedans, parce que les entreprises, pour se donner une bonne image corporative, se donnent des codes de conduite, mais finalement ils ne les respectent pas. Puis, quand ils veulent les valider, bien ils les font valider par des entreprises qui ont un niveau de proximité tel que ça s'apparente au conflit d'intérêts. Donc, qu'est-ce que vous pensez, vous, du code de conduite comme instrument, disons, pour policer les entreprises, entre guillemets, ou s'autopolicer pour les entreprises et aussi comme peut-être première étape pour une divulgation d'information pour la transparence des entreprises?

Le Président (M. Paré): Mme De Serres, il vous reste une minute pour livrer ceci.

n(15 heures)n

Mme De Serres (Andrée): Bon. Alors, rapidement, je vous répondrai un peu par la méthodologie qui a été développée par des agences de cotation comme ARESE. D'avoir un code d'éthique, oui, c'est du leadership, peut-être, par rapport aux autres entreprises de notre secteur. On fait montre de leadership. De voir s'il est appliqué, le déploiement, c'est une autre étape. Alors, on a à voir s'il est appliqué. Et, de voir les résultats du déploiement, c'est une troisième étape. Alors, il faut aller plus loin que les codes d'éthique. Un code d'éthique est l'étape préliminaire, la première étape. Mais ça peut être du maquillage. C'est sûr qu'un code d'éthique peut être la façon de satisfaire une première exigence. Mais je crois qu'on est rendu à l'ère où on doit vérifier le déploiement et l'évaluation des résultats. Ça demande déjà une intervention beaucoup plus complexe.

Le Président (M. Paré): Merci, madame.

Mme De Serres (Andrée): Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): Là-dessus, je voudrais vous remercier pour votre contribution à cette commission. Et j'inviterais Mme Hélène Gagnon à se présenter pour nous présenter son mémoire. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paré): Bonjour, Mme Gagnon. Bienvenue à cette commission. Donc, comme je vous le disais, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et nous aurons 40 minutes, 20 minutes de chaque côté, d'échange avec vous. Merci.

Noranda inc.

Mme Gagnon (Hélène V.): Merci. Alors, bonjour. Merci de nous donner l'opportunité d'être ici aujourd'hui. Je m'appelle Hélène Gagnon. Je suis directrice des affaires publiques et corporatives de Noranda. On a décidé de se prévaloir de l'opportunité de votre consultation publique sur la responsabilité sociale et l'investissement responsable peut-être pour vous faire part un peu de ce qu'une entreprise comme nous fait, ce que ça veut dire, pour nous, au quotidien, la responsabilité sociale. C'est donc un point de vue d'entreprise, quelque chose de très pratico-pratique, qui n'est pas académique, qui n'invite pas à faire des comparaisons avec ce que d'autres font et tout ça; c'est vraiment le cas de notre entreprise. Mais je pense que ça peut être intéressant pour vous de voir comment une entreprise voit ça, interprète ça, et voir comment vous pouvez peut-être arrimer ça dans vos consultations.

On fait beaucoup de choses à l'extérieur du Québec. On est reconnu au niveau international pour notre leadership en matière de responsabilité sociale. En même temps, on est très présent au Québec et peut-être que ce qu'on fait en matière de responsabilité sociale est moins connu. Donc, c'est pour ça aussi que je me présente devant vous, aujourd'hui, pour vous en parler.

Et j'ajouterais que, au cours des dernières semaines, des derniers mois, un contexte très particulier ? que vous devez bien connaître ? qui est la fermeture d'une de nos usines de Murdochville, a fait en sorte que certains médias et certaines personnes ont questionné la responsabilité sociale de Noranda. Et donc, bien que je vais vous présenter mon mémoire et tout ça, c'est un cas particulier. Et, si jamais vous avez des questions plus particulières sur Murdochville, qu'est-ce que ça veut dire, la responsabilité sociale d'une entreprise comme Noranda dans un cas comme celui-là, ça me fera plaisir d'y répondre, même si... Vous me le direz, M. le Président, si c'est hors d'ordre. Mais, en fait, je pense que ça peut être, encore là, intéressant, pour vous parlementaires, peut-être d'aller un petit peu plus à fond là-dedans, dans un cas très particulier, qui est très propre au contexte québécois.

Alors, bien qu'on ait malheureusement été dans l'obligation de fermer une usine au Québec, donc la fonderie Gaspé, à Murdochville, Noranda, qui est une multinationale du secteur des mines et métaux, est encore bien présente au Québec. On a encore 4 000 employés ici, au Québec, avec cinq usines métallurgiques, trois mines en opération, deux bureaux d'exploration, un centre de technologie, souvent situés dans des régions-ressources, comme on dit. Donc, on est encore bien présent ici. Vous savez sans doute que notre siège social est à Toronto. On a une concentration d'usines ici, mais on en a aussi à travers le monde, notamment aux États-Unis et en Amérique du Sud.

Je voudrais vous parler aussi du contexte économique mondial. Tout à l'heure, j'entendais la dame qui me précédait, qui était très intéressante, parler de rentabilité à long terme, à moyen terme. Mais, parfois, dans les entreprises, il faut parler de survie à court terme. C'est malheureux, mais c'est un peu la situation qu'on vit actuellement. Et je pense que c'est un peu la toile de fond aussi de nos propos, dans notre mémoire, de dire: Il faut faire attention pour permettre aux... de ne pas imposer un cadre qui enlèverait tellement de flexibilité en période plus difficile pour les entreprises, qui viendrait nous enlever la marge de manoeuvre nécessaire à garder notre tête hors de l'eau.

Donc, le contexte actuel dans le secteur des mines et métaux n'est pas facile, les prix des métaux sont à des bas historiques et, comme vous le savez, je présume que vous êtes un peu familier, mais dans notre secteur, les prix sont donc déterminés par le marché. Si on a des coûts plus élevés en raison des coûts plus élevés de transport ou d'énergie, on ne peut pas passer ça à nos clients. On ne peut pas faire augmenter les prix, ce n'est pas nous qui déterminons les prix. On peut seulement diminuer nos coûts. Donc, ça, c'est propre aux industries comme la nôtre. Nous sommes dans la production de commodités où on n'a absolument aucun contrôle sur les prix. Quand les prix sont bas, ce sont des industries cycliques où dans le bas du cycle, c'est difficile. Le cycle actuel... Les cycles sont de plus en plus longs, les bas de cycles sont de plus en plus longs. C'est ce qui se passe actuellement chez nous. Et donc, dans cette optique-là, on continue à dire que c'est très important d'agir à titre d'entreprise socialement responsable mais, dans le contexte où il faut toujours penser à notre survie, à notre rentabilité à court terme pour être capable d'ajouter la responsabilité sociale et de penser toujours au moyen ou au long terme, mais les entreprises ne peuvent pas devenir des gouvernements. On doit faire certaines formes de rentabilité, de profitabilité, sinon la responsabilité sociale tombe en même temps que l'entreprise tombe en elle-même.

Donc, dans votre document de consultation, vous mentionnez que la responsabilité sociale s'intègre souvent dans la stratégie de l'entreprise. C'est effectivement le cas chez nous. Je pense que, quand une entreprise décide d'agir de façon très concrète comme entreprise socialement responsable, il faut qu'il y ait un mot d'ordre de la très, très haute direction. Comme vous l'avez vu dans notre mémoire, je vous ai présenté un peu trois niveaux de responsabilité sociale: ce qu'on fait au niveau international, ce qui se fait au niveau plus corporatif de l'entreprise comme telle, mais ce qui se fait aussi au niveau de l'industrie, entre autres, quand je vous ai parlé de gestion responsable, je vais y revenir un petit peu.

Au niveau international... Puis, encore là, je vous donne des exemples, comme je vous disais tout à l'heure, pour vous montrer qu'est-ce que ça veut dire, au quotidien, la responsabilité sociale pour une entreprise comme la nôtre. Au niveau international, une dizaine de présidents et chefs de la direction d'entreprise des secteurs minier et métallurgique se sont réunis, il y a quelques années, ensemble, pour dire: Il faut qu'on fasse quelque chose. Il faut que notre industrie s'améliore au niveau environnemental et au niveau du développement durable. Nous sommes les chefs de la direction et nous allons donc former un nouveau groupe qui s'appelle le Global Mining Initiative. Ils ont décidé de faire financer une étude internationale indépendante où des groupes et différents intervenants ont analysé le portrait global de notre industrie pour voir où on en était au niveau factuel en termes de développement durable: ce qui allait bien, ce qui allait moins bien, ce qui pourrait être amélioré. Ce qui était une forme de pari, si on veut, de dire: On va, tout le monde, déployer 8 millions de dollars US pour faire faire ces études, ne sachant pas vraiment le résultat et devant vivre avec le résultat de telles études, mais en se disant: On n'a pas le choix. Il faut qu'on fasse des mesures comme celles-là.

Les 10 entreprises les plus importantes à travers le monde se sont mises ensemble en sachant très bien que, encore là, ce ne sont pas toutes les entreprises qui sont à niveau. Les entreprises qui sont plus petites ont plus de difficultés parfois justement à maintenir leur tête hors de l'eau et plus de difficultés donc à intégrer au quotidien la responsabilité sociale. Et on disait: S'il y a le leadership des 10 plus grandes, à un moment donné, quand ces faits-là vont sortir, vont devenir publics, il va y avoir une espèce de mouvement incitatif qui va faire que toutes les entreprises de notre secteur vont devoir embarquer dans le train pendant que ça fonctionne.

Et donc, notre secteur, aux niveaux minier et métallurgique, est un des seuls secteurs qui a vraiment été aussi loin, dans la préparation de la Conférence de Johannesburg qui vient de se terminer, avec cette étude indépendante qui a été discutée même, en mai, à Toronto, avec des chefs d'entreprise, des intervenants des organisations non gouvernementales qui sont venus d'à travers le monde pour s'asseoir avec les chefs d'entreprise pour dire: Bravo! Vous faites très bien certaines choses. Mais, par contre, à tel niveau, vous avez encore du chemin à faire, et tout ça. Et je pense que c'était un beau dialogue, et le rôle de Noranda comme leader là-dedans a été reconnu, puis je pense que c'est quelque chose qui n'est pas du tout connu au Québec, dont on a très peu entendu parler. Et je pense qu'il faut être fier de voir qu'on a joué ce rôle-là et qu'on continue à le faire de ce côté-là.

n(15 h 10)n

Au niveau corporatif, je présume qu'il y en a beaucoup qui vous ont parlé de ce que les entreprises peuvent faire ou font, comme d'avoir un rapport annuel sur l'environnement ou le développement durable comme nous on le fait. Je vous en ai mis un exemple dans le mémoire. On a été la première entreprise de notre secteur à adopter un tel rapport annuel, il y a 12 ans. C'était très peu commun dans l'industrie des mines et métaux, à cette époque-là, de rendre des comptes au niveau environnemental. Au fil des ans, c'est devenu un rapport donc plus global que seulement environnemental mais qui est maintenant un rapport sur le développement durable qui témoigne donc de notre engagement envers la protection de l'environnement et de notre responsabilité sociale envers la collectivité.

Dans un secteur comme le nôtre, quand on creuse des mines, quand opère des usines métallurgiques, c'est clair qu'on a certains impacts sur l'environnement. Il faut le faire dans le respect des normes. Il faut le faire en essayant de minimiser les impacts, mais nous sommes dans un genre d'industrie où, déjà en partant, nous sommes tout à fait conscients du fait que nous allons avoir des impacts, et c'est une question d'essayer d'atténuer ces impacts-là et de le faire de la façon la plus convenable possible pour toute la société, considérant que notre société, pour croître, a besoin des métaux et qu'on aura beau vouloir dire: Il faut abolir les mines, abolir les métaux, on ne pourra plus avoir tout ce qui est dans cette salle, qui est fait avec des métaux, vous allez voir qu'il va manquer beaucoup d'éléments.

Code de déontologie. Nous avons adopté un code de déontologie. Je vous en ai mis une copie également dans le mémoire. Peut-être pour vous donner aussi un exemple: quand vous parliez tout à l'heure, madame, de code de conduite, ça peut avoir l'air de quoi, un code de conduite ou un code de déontologie adopté par une entreprise... Et, tout à l'heure, quand je vous entendais poser des questions sur comment on fait pour savoir si c'est appliqué ou... Est-ce qu'il y a des vérifications? Bon. Dans notre cas, il n'y a pas de vérification systématique. C'est un code, mais une fois qu'un code de déontologie est publié, je peux vous dire que les employés, les groupes qui nous suivent, dans tous les pays à travers le monde, se font un devoir parfois de nous rappeler: Dans votre code de déontologie, vous mentionnez telle chose, telle chose. Vous devez être à l'écoute des intervenants, etc. Donc, il y a une forme de pression sociale qui s'installe en posant le geste d'adopter un code de déontologie. Déjà là, on sait qu'il va y avoir des gens qui vont faire en sorte qu'il soit mis en oeuvre.

Je vous ai donné d'autres exemples aussi. Vous parliez tout à l'heure des normes, que ce soit ISO 14000 ou un système de gestion au niveau environnemental, santé et sécurité, comme nous avons. Je n'élaborerai pas trop, parce que je pense que c'est quelque chose d'assez connu, donc nous avons un tel système. Je pense que c'est très important pour nous aider à gérer ces aspects-là au quotidien.

Il y a d'autres exemples. Je vous ai donné un exemple dans le mémoire de ce qu'on a fait au niveau de la communication, des risques et des mesures d'urgence à la communauté. Je ne sais pas si vous étiez là lorsque j'avais fait une présentation encore plus détaillée sur ces aspects-là dans le cadre du projet de loi sur la sécurité civile, mais le leadership de Noranda en cette matière-là était quand même assez exceptionnel de s'asseoir avec les municipalités, les différents intervenants, dans la région de Rouyn-Noranda et de Danville et Asbestos, pour dire: Voici, nos deux usines pourraient poser des risques en cas d'accident industriel majeur. Voici les substances en cause. Voici ce qui pourrait arriver. C'est improbable, mais, quand même, on se disait, le risque le plus important, c'est l'ignorance, donc on va vous informer. On va s'asseoir avec tous les intervenants. On va harmoniser nos plans d'urgence et puis on va, après, aller rencontrer la population et dire: Si un événement malheureux devait se produire, si un accident industriel majeur se produisait, il pourrait y avoir émanation de chlore, de SO2, de... peu importe, voici ce que vous devez faire, voici ce que nous allons faire, et tout ça. Et ça, je pense que c'est aussi une forme de responsabilité sociale au quotidien. Avec votre nouvelle Loi sur la sécurité civile, je pense qu'il y aura certaines obligations aux entreprises, mais qui n'iront pas aussi loin, je pense, que ce que même nous avons fait, et je pense qu'on est très fiers de l'avoir fait sans qu'il n'y ait aucune loi qui nous oblige à le faire, mais vraiment par responsabilité et respect envers les collectivités où nous oeuvrons.

Cette communication des risques justement à la communauté s'inscrit aussi dans ce qu'on appelle le programme Gestion responsable de l'Association des fabricants de produits chimiques. Je ne sais pas si certains sont venus vous en parler. Ce qui est intéressant avec ce programme toujours volontaire d'une industrie, donc, nous ne sommes pas une industrie de fabricant de produits chimiques, mais, à titre de sous-produits dans nos usines, nous fabriquons, entre autres, de l'acide sulfurique. On produit du cuivre, du zinc, et tout ça. On doit fixer l'anhydride sulfureux et donc on produit de l'acide sulfurique comme sous-produit. On devient donc, par le fait même, un producteur de... un fabricant de produits chimiques, même si ce n'est pas notre première vocation.

Donc, nous avons adhéré volontairement à ce programme de Gestion responsable de l'Association des fabricants de produits chimiques qui compte plusieurs codes de conduite. Et, en s'engageant dans ce programme-là, la haute direction doit signer que, dans les trois ans, nous devons respecter tous les codes, et il y a une vérification par des tiers qui est faite du respect de ces différents codes-là. Donc, nous avons trois de nos usines qui ont déjà passé à travers, si on veut, cette vérification où des gens de l'industrie et de groupes environnementaux viennent et vont dans nos usines et regardent chacun des éléments qui sont contenus dans les codes et voient dans quelle mesure nous sommes capables de démontrer que nous les respectons. Ils nous donnent des bonnes notes, des moins bonnes notes sur certains aspects. Et ce document-là ensuite nous sert de guide pour nous améliorer. Et il y aura donc vérification, comme ça, de façon périodique.

Je pense que ça aussi, c'est un élément intéressant qui crée de la pression, encore là, que ce soit de la part des employés ou des groupes qui nous disent: Si vous adhérez à la gestion responsable, vous devez être en mesure de démontrer que ce à quoi vous avez adhéré, ça signifie quelque chose et que vous le mettez en oeuvre. Donc, voilà pour certains des éléments que j'avais mentionnés à titre de responsabilité sociale au quotidien.

Je vais me permettre de reprendre certaines des questions, seulement quelques-unes des questions que vous avez posées dans votre document de consultation. L'une de celles-là était: Quel avantage une entreprise peut-elle tirer d'agir de façon socialement responsable? Naturellement, une entreprise comme la nôtre réalise qu'en étant le plus responsable possible, que ce soit avec son code de déontologie, son système de gestion environnementale, la gestion responsable, et tout ça, plus on est responsable, plus on est transparent, plus on obtient une bonne collaboration de nos différents partenaires, de nos intervenants, plus on développe la fierté des employés à travailler pour nous, plus on obtient une meilleure collaboration des gouvernements qui nous réglementent, et tout ça.

Donc, je pense qu'il y a certainement des avantages très marqués à une entreprise d'agir de la sorte. Et puis, bien entendu, un autre volet que j'ai peut-être moins traité là-dedans mais, si on est reconnu dans les indices de l'investissement responsable, bien, on attire aussi toute une série d'investisseurs qui recherchent non seulement la rentabilité, mais un investissement socialement responsable, et ça, je pense que c'est à l'avantage des entreprises.

Les risques, par contre, comme vous en faites état dans votre question, je pense que le plus grand risque, c'est de créer des attentes irréalistes, et ça, c'est un grand risque, surtout dans un contexte économique difficile. On a beau dire: Nous avons notre code de déontologie, nous souhaitons agir de façon socialement responsable le plus possible, il faut faire attention de ne pas créer des attentes irréalistes de nos différents publics et partenaires. Il faut qu'on soit capable donc de rencontrer les différentes attentes, il faut donc créer des attentes réalistes, si on veut, mais ça fait partie des risques. Et puis l'autre risque, c'est de nous enlever... si jamais il y avait réglementation de tout ce volet de responsabilité sociale, ça pourrait nous enlever, comme je vous disais au départ, une forme de flexibilité qui est tellement nécessaire dans une industrie cyclique comme la nôtre, qu'on ne voudrait pas perdre.

Une de vos questions présume qu'on ne sait pas quelle fiabilité accorder aux différents instruments. Je voudrais juste vous dire que, si l'entreprise publie de faux résultats dans un rapport sur le développement durable ou, peu importe, prend de faux engagements, la communauté, les groupes, ses employés vont être là certainement pour le lui rappeler. Je pense que ce n'est pas à l'avantage d'aucune entreprise d'agir de la sorte et donc, moi, je ne m'inquiéterais pas tellement de cet aspect-là.

Quand vous parlez du rôle que le gouvernement pourrait jouer, je pense que, nous, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est de dire que le gouvernement devrait agir d'abord comme modèle aussi. Le gouvernement est un employeur et le gouvernement devrait donc aussi, lui, rendre des comptes et faire état justement de sa consommation de ressources, d'énergie, et tout ça, et voir au niveau du développement durable. Et donc tout ça, c'est une des choses qu'il pourrait faire. Et l'autre chose, de reconnaître les entreprises socialement responsables.

On voit de plus en plus, dans des concours au niveau du milieu des affaires, qu'on offre des mérites philanthropiques, la Jeune Chambre de commerce de Montréal honore une personnalité d'affaires socialement responsable, et tout ça. Mais au niveau des entreprises socialement responsables, il y a très peu de reconnaissance. On reconnaît les individus pour leurs actes généralement plutôt philanthropiques, mais pas tellement les entreprises qui sont socialement responsables, à l'exception, je dirais, peut-être du mérite de la sécurité civile qui, je pense, est un des prix que le gouvernement du Québec remet, dont Noranda a déjà bénéficié à plusieurs reprises en raison de son leadership dans ce domaine-là.

Mais je pense que ça fait plaisir aux entreprises d'être reconnues quand elles agissent comme entreprises socialement responsables, mais ça crée une forme de pression aussi sur les autres quand ces prix-là existent. Alors, ça, je pense que c'est quelque chose que votre gouvernement pourrait faire, c'est relativement facile d'essayer de s'associer, que ce soit au niveau des affaires ou quoi, pour essayer de trouver une façon, par des concours, de reconnaître non seulement les individus, mais les entreprises qui agissent de façon socialement responsable.

Je pense que mon 20 minutes achève, donc je ne vous parlerai pas en détail, particulièrement, de la situation de Murdochville, mais si vous avez des questions à ce sujet-là, ça me ferait vraiment plaisir de vous rappeler un peu le contexte puis de vous expliquer de façon plus particulière ce que Noranda fait et pourquoi nous pensons que nous agissons comme citoyens corporatifs responsables dans cette situation.

n(15 h 20)n

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Gagnon. Maintenant, nous avons des questions. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gagnon, bienvenue à notre commission parlementaire.

Écoutez, à la lecture du mémoire que vous nous présentez, moi, je trouve très intéressant de voir à quel point l'entreprise, bon, a mis en place des mesures pour pouvoir informer les citoyens des risques que l'exploitation minière et puis la production de produits chimiques en bout de ligne, là... Vous l'avez mentionné avec l'acide sulfurique.

L'entreprise a mis en place des comités mixtes entre les municipalités puis l'entreprise. La compagnie a aussi mandaté des groupes indépendants pour pouvoir faire l'analyse puis l'évaluation des émanations pour toujours rassurer les citoyens et les citoyennes. On pense, entre autres, à l'entreprise Horne, là, où on a de l'émission de SO2 puis de SO3 dans l'atmosphère puis de chlore, je crois. Et puis donc on s'est aperçu, suite à l'analyse de tout ça puis à l'évaluation faite par une firme indépendante de l'entreprise, que ces produits-là pouvaient... ne restaient pas uniquement sur le terrain mais pouvaient être dégagés dans l'atmosphère autour. Et puis, donc, il y a eu rencontre avec les citoyens. Il y a eu information. Donc, vraiment, il y a une grande conscience environnementale. Et puis là-dessus, bien, on ne peut que vous féliciter.

Même chose au niveau de Magnola, Métallurgie Magnola, il y a eu un comité mixte qui a été mis en place, municipalité-entreprise, et puis... Mais, il ne reste pas moins que, malgré toute l'information que vous diffusez aux citoyens, aux citoyennes, malgré les informations sur Internet aussi, il reste encore certains groupes qui contestent, qui sont non pas des groupes environnementaux, mais des organismes... c'est-à-dire gouvernementaux, là, mais des organismes environnementaux qui contestent encore la façon de faire de la compagnie Métallurgie Magnola.

Pour les mois et les années à venir, j'imagine que vous n'avez pas terminé, là, votre... Vous voulez informer encore plus les citoyens et puis vous voulez les rassurer encore plus. Quelle stratégie prenez-vous, et puis pour les semaines, les mois et les années à venir, pour pouvoir mieux informer les citoyens? Parce que, je l'ai mentionné, là, même s'il y a des sites qui ont été évalués par des groupes indépendants, il ne reste pas moins qu'il y a des groupes environnementaux qui se posent encore des questions malgré toute l'information que vous donnez. Alors, quelle est votre stratégie pour les prochaines années pour rassurer ces gens-là? Parce qu'ils ont besoin d'être rassurés étant donné qu'ils contestent encore. Ça, c'est ma première question, puis je viendrai après à une question concernant Murdochville.

Mme Gagnon (Hélène V.): Écoutez, je pense que la stratégie que l'entreprise a adoptée puis continuera à adopter dans le futur se résume à un seul mot, c'est la transparence. C'est le meilleur moyen de rassurer les gens à court, à moyen, à long terme.

Dans le cas de Magnola, dont vous faites état, on a été et on continue à... on a été jusqu'à mettre sur Internet nos résultats environnementaux. Tout ce qu'on remet au ministère de l'Environnement est à la fois donné au ministère de l'Environnement et installé... et donc disponible pour le grand public sur le site Internet. Je connais très peu d'entreprises qui font cela.

Donc, on peut des fois avoir accès à ce qu'une entreprise va remettre au ministère de l'Environnement par le biais de l'accès à l'information, et tout ça, mais ça crée des délais et ce n'est pas le même genre de transparence, si on veut, que quand une entreprise le fait volontairement et dit: Écoutez, vous avez des préoccupations, nous partageons vos préoccupations, nous avons pris l'engagement de ne pas avoir d'impact sur l'environnement et nous souhaitons réduire nos émissions.

Par contre, Magnola est toujours considérée en période de démarrage. Ça fait deux ans qu'on a commencé à produire le métal. C'est une nouvelle technologie, c'est un procédé complexe, et nous n'avons toujours pas atteint la capacité de production commerciale, et donc on est toujours considéré en période de démarrage.

On continue à informer la population dans le journal local avec une chronique une fois par deux semaines, depuis le début de la construction, sur tous les éléments qu'ils soient au niveau des ressources humaines, de l'environnement ou quoi que ce soit. Donc, ça s'appelle de l'information de façon régulière. Ça fait partie du grand mot de la transparence. Et, je pense, c'est d'informer les gens quand il y a des résultats qui sont moins bons, de le dire, autant que les résultats qui sont mieux, et d'expliquer, quand ça va moins bien, qu'est-ce qui ne va pas et quel est le plan d'action à mettre en oeuvre. Parce que c'est des choses qui peuvent arriver aussi, particulièrement quand on est en période de démarrage.

On travaille aussi avec un comité de citoyens qui lui-même a engagé une experte indépendante, et ce comité donc a accès à notre usine et leur experte peut venir dans notre usine régulièrement non seulement nous poser des questions et tout ça. Et donc, c'est un groupe qui est aussi, je dirais, critique mais de façon plus nuancée. Une des choses qu'ils ont dites récemment dans les médias ? vous l'avez certainement vu ? c'est de dire que... Les choses pour lesquelles ils nous félicitaient, c'était d'avoir accès à toute l'information et d'être en mesure même de la faire analyser par des experts indépendants. Alors, de ce côté-là, je pense que... nous, on pense qu'on fait notre devoir et on va continuer à le faire.

On va aussi commencer le processus d'accréditation ISO 14001, donc la norme ISO de l'année prochaine, avec Magnola, qui va être donc une étape de plus pour obtenir une reconnaissance d'une tierce partie que notre processus environnemental est juste, si on veut. Ça fait partie, je pense, de toutes ces étapes qu'il faut suivre. Mais une industrie comme la nôtre doit aussi apprendre à composer avec la critique, parce que nous avons des impacts sur la nature, dans la façon... à cause de la nature même de nos opérations qui sont minières et métallurgiques. Et il faut le faire dans le respect des normes. Il faut le faire aussi en essayant de diminuer de plus en plus nos émissions et de s'améliorer de façon continue. Mais il faut, à travers le monde, et on le voit, apprendre à composer et à écouter les intervenants et donc essayer de répondre à leurs préoccupations et de les rassurer.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Gagnon. M. le député de Bertrand .

M. Cousineau: Puis, malgré toute cette transparence-là, à Magnola, il y a quand même deux groupes qui se plaignent...

Mme Gagnon (Hélène V.): Tout à fait. Qui continuent.

M. Cousineau: De quoi au juste ils se plaignent?

Mme Gagnon (Hélène V.): Ils se plaignent des émissions d'organochlorés. Ils ne se plaignent pas des quantités, ils se plaignent du fait que Magnola est la dernière source autorisée d'organochlorés au Canada. Au niveau mondial, il y a eu un traité qui a été signé sur l'élimination virtuelle des organochlorés. Et ces groupes disent que, en autorisant une usine qui produit des organochlorés, même le Canada et le Québec donc allaient à l'encontre de cette espèce... de ce mouvement international. Par contre, l'élimination virtuelle des organochlorés, c'est de tendre vers une diminution progressive. Et donc, dans notre cas, on respecte tout à fait ce principe-là.

Et, actuellement, je vous dirais, au niveau mondial, si seulement les groupes pouvaient comparer la façon de produire du magnésium au Québec, aux États-Unis, en Israël, en Russie et en Chine, peut-être qu'ils pourraient aller faire de la contestation ailleurs. Parce que je vous dirais que, avec le procédé que nous avons, nous émettons des faibles quantités, c'est tout à fait vrai, et nous respectons les normes. Par contre, malheureusement, dans d'autres pays qui n'ont pas à se plier à ce genre de normes là, il y a production de métal dans des conditions absolument horribles et non respectueuses de l'environnement et de la santé des travailleurs.

M. Cousineau: Oui, d'ailleurs, ce procédé de transformation là est à la fine pointe de...

Mme Gagnon (Hélène V.): De la technologie, oui, tout à fait.

M. Cousineau: Oui. Maintenant, si vous permettez, avant de laisser la parole à d'autres, une petite question sur Murdochville, parce que vous nous avez ouvert la porte effectivement. C'est un dossier qui est difficile. Et puis, dans une ville mono-industrielle, bon, on voit ce qui se passe lorsque la matière première disparaît. Moi, ce que je veux savoir... Je sais que l'entreprise a souligné à ses employés qu'ils avaient tout un plan pour leur donner un coup de main suite à la fermeture de la fonderie, qui a suivi évidemment la fermeture de la mine autour des années quatre-vingt-dix. Mais, entre 1990 et puis aujourd'hui, j'imagine que l'entreprise a eu beaucoup, beaucoup de communications avec les gens de la ville puis avec les citoyens pour leur dire qu'il n'y en avait plus de minerai dans le trou, puis que c'était terminé, là, et puis qu'ils devaient soit diversifier leur économie ou penser à la catastrophe au bout de la ligne ? ce qui nous arrive, ce qui arrive présentement. J'aimerais que vous nous rappeliez quelles sont les démarches que vous avez faites dans les années 1990, 1991, 1992, non pas ce que vous mettez sur la table présentement pour aider les employés, mais ce que vous avez fait avant pour prévenir l'ensemble de cette communauté-là, dont les élus municipaux, qu'on s'en allait sur un mur.

Mme Gagnon (Hélène V.): Vous savez que le maire de Murdochville était un employé de la fonderie. Je ne sais pas si vous savez ça. Donc, il a eu non seulement la communication comme maire, mais comme employé.

M. Cousineau: Oui. Parce que, je vous dis, comme citoyen, vu de l'extérieur, on a l'impression des fois que ces gens-là n'avaient pas été prévenus avant.

Mme Gagnon (Hélène V.): Bien, merci de me donner l'opportunité, peut-être, de vous expliquer le contexte. À Murdochville, il y a des rumeurs, je vous dirais, depuis au moins 10 ans que cette fonderie-là va fermer. Mais, naturellement, les gens s'accrochent toujours à l'espoir, et puis l'entreprise aussi devait essayer de tout faire pour ne pas la fermer. Mais donc, certainement, il n'y a pas vraiment d'effet de surprise. Il y a un effet de surprise de dire: Il y a une décision qui est mise à exécution, qu'il y a une décision qui est prise. Mais des rumeurs de fermeture de cette fonderie-là, il en existe depuis extrêmement longtemps, là; je dirais au moins 10 ans.

n(15 h 30)n

La mine a fermé en 1999. Donc, c'est quand même assez récent ? vous disiez des années quatre-vingt-dix. La mine a fermé en 1999, puisqu'il n'y avait plus de minerai. Dans les années quatre-vingt-dix et tout ça, on a continué à faire de l'exploration dans cette région-là. On a trouvé un gisement qui n'est pas exploitable de façon sécuritaire.

Les gens vous parleront du mont Porphyre. On a analysé tout cela avec le ministère des Ressources naturelles. De la façon où il est situé, il serait extrêmement dangereux pour la santé de quiconque d'opérer dans une mine comme celle-là. Donc, je vous dirais que c'est donc un gisement qui n'est pas exploitable. Mais, avant même de fermer la mine, il y a eu de l'exploration, et, finalement, on a réalisé que dans cette région-là, malheureusement, il n'y en avait plus, du minerai, ou plus de gisements qui étaient exploitables de façon profitable.

Quand on a fermé la mine, déjà là, les gens étaient au courant que, là, ça allait être plus difficile, parce qu'on aurait très bien pu décider de fermer la fonderie en même temps. La fonderie existait parce qu'il y avait une mine à côté. Il n'y a personne qui aurait bâti une fonderie à cet endroit-là s'il n'y avait eu une mine à côté.

Mais Noranda a décidé en 1999 qu'au lieu de fermer la fonderie tout de suite elle allait essayer de la rendre profitable, d'essayer de la rendre rentable en important du minerai d'outre-mer, d'Amérique du Sud et d'Europe. Quand les gens disent: «Noranda a investi en Amérique du Sud», une chance qu'on avait des mines en Amérique du Sud parce qu'on n'aurait pas pu faire fonctionner la fonderie à Murdochville.

Donc, pendant trois années de plus, on a essayé. On a donc maintenu 300 emplois de plus, pendant trois ans; on a continué à faire rouler l'économie locale. On a réussi à amener plusieurs employés à se qualifier à la retraite, ce qui n'était pas le cas, donc, en 1999. Nous, on a perdu 140 millions de dollars, au cours des trois dernières années. On n'a vraiment pas réussi à rentabiliser ça, du tout. Ce qu'on a fait d'abord à l'automne dernier, c'est d'annoncer qu'il y aurait une fermeture temporaire au printemps, et, à ce moment-là, on avait un nouveau président qui disait: Il faut qu'on cesse l'hémorragie. Toute l'entreprise perd des sous; cette fonderie-là est non profitable. En même temps, à la même période, on a fermé une usine de roues d'aluminium, aux États-Unis. On a fait une restructuration, coupé 7 % de nos ressources humaines au niveau mondial, coupé 40 % du budget de technologie et 50 % du siège social. Bon, tu sais, ce n'était pas seulement Murdochville qui était visé.

Et, donc, le président a dit: On va fermer pour au moins six mois, à partir d'avril 2002. Et ce qu'on a fait dans la période entre novembre et avril, c'est d'essayer de voir s'il n'y aurait pas moyen de voir de faire une relance de cette usine-là. Dans cette période-là toujours, il y avait des communications avec la communauté et les employés, et on s'est assis, entre autres avec le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral et d'autres, et on leur a présenté le meilleur plan de relance qu'on avait réussi à développer: de tripler la capacité de production de la fonderie pour 500 millions de dollars d'investissement avec un retour de moins de 1 % sur l'investissement.

Et, donc, je vous dirais qu'un des éléments que je considère de responsabilité sociale à ce niveau-là, c'était de dire au gouvernement: Voyez, le meilleur plan de relance n'est pas rentable. Nous, on pense que vous ne devriez pas mettre de l'argent public dans une fonderie comme ça. Vous ne devriez pas nous aider à investir 500 millions de dollars, un, parce qu'on serait sujets à ce moment-là à des droits compensatoires aux États-Unis. On le vit sur le magnésium avec Magnola, on ne veut pas le revivre dans le cuivre. Mais de dire: Avec moins de 1 % de rendement, même s'il y avait de l'argent public d'investi là-dedans, il n'y aura pas de rentabilité à moyen et à long termes. Ça, je pense que c'est une forme de responsabilité sociale aussi d'une entreprise d'être capable de reconnaître ça, de dire: On ne veut pas que vous mettiez des argents publics dans quelque chose alors que vous n'aurez pas dans le fond la garantie que vous souhaitez, c'est-à-dire de sauver des emplois à moyen et à long termes. Et ça, ça fait partie, je pense, aussi d'une forme de responsabilité sociale.

Donc, je pense qu'au niveau de... Si vous ne voulez pas que je parle, là, de ce qu'on a mis sur la table comme de continuer à payer les taxes et tout ça pour aider la communauté après la fermeture, mais en termes de préparation du contexte pour préparer la communauté, je pense qu'on en a parlé pendant de nombreuses années. Depuis 1999, tout le monde savait que c'était très difficile, qu'on faisait des pertes d'exploitation, qu'on devait tout importer d'outre-mer...

M. Cousineau: ...question. C'est la responsabilité sociale que vous aviez de les préparer.

Mme Gagnon (Hélène V.): ...de les tenir informés du plan de relance qu'on avait élaboré et qui n'était pas rentable, et tout ça. Donc, ça, ça a été fait. Et, je pense, notre responsabilité aussi, c'était de tenir bien informé le gouvernement provincial ? et fédéral ? de ces démarches-là, pour montrer aussi qu'on a fait nos devoirs, qu'on n'a pas fermé de façon cavalière, qu'on n'a pas pris cette décision-là de façon cavalière, qu'on a essayé de voir si on pourrait pas produire du nickel à cet endroit-là, produire d'autres formes de métaux, changer le procédé, bon, etc. Mais, même là, à cause de la conjoncture économique mondiale, ce n'était pas rentable. Et d'autres entreprises au niveau mondial ont aussi fermé des fonderies de cuivre ? ce qui est moins connu peut-être ici parce qu'on s'attache seulement à ce cas-là ? mais toutes les grandes entreprises du secteur métallurgique du cuivre ont réduit leur capacité de production ou ont fermé des usines, aux États-Unis ou ailleurs, au cours de la dernière année.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Gagnon. M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Hélène V.): Bonjour.

M. Geoffrion: Je vais essayer de vous ramener au coeur un petit peu de notre propos. À la page 18, bon, en réponse aux questions de la commission, au centre, en six lignes, je pense que toute votre philosophie est un petit peu exprimée là. Je vous cite, là: «La responsabilité sociale doit demeurer, à notre avis, un concept flexible. La rigidité de réglementation applicable au Québec pourrait effectivement constituer une forme de protectionnisme. Les gouvernements, à tous les niveaux, devraient viser à ce que les entreprises d'ici aient le moins de barrières possible pour faire des affaires à l'étranger et devraient éviter de prévoir des règles applicables ici qui pourraient nuire à la compétitivité des entreprises.» Bon.

Le petit mot de trois lettres «ici» est important. Comme on ne peut pas toujours se fier à ce qui se fait à l'étranger, donc, je comprends que vous avez une certaine crainte de la rigidité que pourrait avoir une certaine législation, là. J'aimerais ça vous entendre.

Mme Gagnon (Hélène V.): Oui. En fait, les propos qui sont tenus là, vous le remarquerez, c'est vraiment les propos d'une multinationale qui opère ici, au Québec, hein? Quand on parle... Dans chacune des juridictions, on va dire: Bien, écoutez, nous, dans une juridiction comme le Québec, on opère d'une telle façon. Par contre, si, ici, ça devient beaucoup plus rigide qu'ailleurs, ça devient problématique parce qu'on a tellement d'opportunités à travers le monde, et donc, étant donné qu'on a une belle concentration, je pense, d'usines et de mines ici, on essaie dans le fond de lancer le message: N'enlevez pas la flexibilité qu'il y a ici. Je pense que le gouvernement du Québec avec le groupe sur l'allégement réglementaire, le décret sur l'allégement réglementaire, le Sommet socioéconomique de 1996, tout ça avait pris une certaine tangente de dire au milieu des affaires: Nous comprenons votre préoccupation au niveau de la flexibilité des normes. Ce n'est pas d'abolir tout ce qui s'appelle de normatif au Québec, d'enlever les normes environnementales et tout ça; ce n'est pas de ça dont on parle, mais d'éviter une rigidité de la réglementation.

Et, au niveau de la responsabilité sociale, ce qu'on dit, dans le fond, de l'investissement responsable, on dit: S'il y a un endroit où la liberté d'action, où le leadership des entreprises peut bien s'exprimer et où il y a toutes sortes d'autres formes de pression par les employés, les communautés, les intervenants, nos partenaires, les groupes non gouvernementaux et tout ça qui s'installent et qui nous poussent à le faire, les mécanismes du marché et tout ça, c'est bien là, et si vous commencez à réglementer, encadrer, créer une forme de rigidité, ça crée des barrières additionnelles à la façon de fonctionner dans une juridiction, et c'est ce qu'on vous dit: Attention, dans le fond, de ne pas créer des barrières ici qui n'existeraient pas ailleurs dans d'autres juridictions et donc qui pourraient faire du Québec une juridiction moins intéressante.

Le Président (M. Paré): Merci, madame.

M. Geoffrion: Oui, c'est le mot «rigidité», là. C'est parce que vous présumez que ça pourrait être plus rigide ici.

Mme Gagnon (Hélène V.): Oui. Ha, ha, ha!

M. Geoffrion: Ce qui est loin d'être sûr. Oui. Bien.

Une question plus pointue sur le... Je ne sais pas si vous connaissez le nombre de fournisseurs avec lesquels vous faites affaire, c'est peut-être une question un peu difficile.

Mme Gagnon (Hélène V.): Des milliers. Ha, ha, ha!

M. Geoffrion: Ah! des milliers.

Mme Gagnon (Hélène V.): Ah oui!

M. Geoffrion: J'étais pour dire: Des centaines. Mais...

Mme Gagnon (Hélène V.): Non, non.

M. Geoffrion: Bon, des milliers. Donc, vous avez quand même... Bon. Même si la situation est parfois plus difficile par les temps qui courent, vous avez quand même des ressources considérables comme multinationale. Est-ce que vous pensez pouvoir avoir un certain pouvoir d'accompagnement sur ces fournisseurs qui, eux, sont aussi dans toutes sortes d'activités?

Vous avez parlé un petit peu indirectement tout à l'heure, que, par le... indirectement, vous êtes devenus, entre guillemets, des fabricants de produits chimiques. Mais les fournisseurs qui, bon, par milliers donc, transigent avec votre compagnie, est-ce que vous pensez que vous pourriez avoir un certain pouvoir d'accompagnement sur ces entreprises-là pour que ce soit des entreprises également responsables et socialement responsables?

Mme Gagnon (Hélène V.): Je pense que... En tout cas, la réponse, c'est... Probablement que c'est difficile d'avoir un impact direct sur l'ensemble des fournisseurs qui sont souvent des beaucoup plus petites entreprises que nous ? beaucoup moins d'employés et beaucoup moins de moyens aussi. Donc, je pense que ce serait plus difficile.

n(15 h 40)n

Par contre, nous sommes aussi un fournisseur de plus grandes entreprises, et, par exemple, quand je vous disais que Magnola va entamer son processus de certification ISO 14001, nous fournissons du magnésium aux grandes entreprises du secteur de l'automobile qui exigent de leurs fournisseurs d'être certifiés ISO 14001. Donc, on n'a pas le choix aussi de s'embarquer dans ça. Comme fournisseurs des entreprises automobiles, nous devons, si nous voulons continuer à vendre notre métal, obtenir la certification, et tout ça.

Donc, je présume que c'est un peu de cette nature-là que vous me dites: «Vous, maintenant, envers vos propres fournisseurs», je pense que c'est plus facile pour les très grandes entreprises de dire, comme les entreprises du secteur automobile, d'exiger cela d'une entreprise comme la nôtre, qui sont quand même assez grandes. C'est plus difficile, je pense, de l'exiger de toutes petites entreprises qui ont moins de moyens, et, si on leur exigeait par exemple d'être toutes, je ne sais pas, ISO 14001, il y en a beaucoup qui diraient: Écoutez, je n'ai pas les moyens de me payer même le consultant qui va me permettre de réaliser la certification à ISO 14001. Donc, il faudrait prévoir des façons de faire qui soient à la mesure de plus petites entreprises. Pour l'instant, je dirais que ça n'a pas été considéré, mais je vous dirais que, dans notre code de déontologie et tout ça, on a des principes, là, qui font qu'on fait affaire avec des gens honnêtes et on ne va pas faire exprès non plus pour faire affaire avec des gens quand on sait qu'il sont des pollueurs renommés, bon, ce genre de trucs là. Mais il n'y a pas rien de plus concret, je vous dirais, de ce côté-là.

M. Geoffrion: Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Gagnon. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci, Mme Gagnon. On vous a gardée pour le dessert, hein?

Mme Gagnon (Hélène V.): Oui, je sais. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Ça tombe bien parce que c'est plus sucré, ce que nous avons entendu. Merci beaucoup. À chaque fois que vous vous présentez devant nous, vous m'impressionnez par la qualité de vos propos et aujourd'hui encore davantage, puisqu'on parle d'un sujet fort intéressant, celui de la responsabilité sociale des entreprises.

Dans votre mémoire, dans votre présentation, vous nous avez exposé un peu la démarche qui a été menée d'en haut, parce que c'est une question de leadership. Une dizaine de présidents et de chefs de direction du secteur minier ont décidé, il y a une douzaine d'années, je pense, de prendre le taureau par les cornes et dire: On va faire quelque chose.

Et la démarche que vous nous avez exposée est fort intéressante parce que c'est quasiment un changement systémique que vous avez engendré, procédé par, d'abord, la création d'une instance que vous avez appelée Global Mining Initiative et que cette instance-là a eu le mandat elle-même, indépendamment des entreprises concernées, de procéder au diagnostic, évaluation, les recommandations, et, en plus, vous avez impliqué les employés, les gestionnaires dans cette démarche via les ateliers, la conférence de Toronto pour finalement déboucher sur un certain nombres de mesures, notamment le Code de déontologie, de système de gestion interne que vous avez adopté pour la santé, la sécurité, l'environnement, le fameux rapport annuel sur l'environnement ? maintenant on peut parler du développement durable ? et le programme de gestion responsable.

C'est impressionnant; vraiment, comme démarche, c'est unique, hein? Vous êtes le seul groupe qui est venu nous exposer un peu ce qui a été fait par des entreprises qui ont senti qu'elles étaient interpellées.

Ma première question, c'est: Qu'est-ce qui a motivé les leaders, les 10 leaders qui ont décidé du jour au lendemain de s'investir là-dedans? Qu'est-ce qui les a décidés? Est-ce que c'est parce que le secteur minier est un secteur qui est très, très problématique au niveau de la responsabilité sociale et que finalement on a décidé de mettre les moyens à la bonne place pour essayer de corriger l'image de ce secteur? Ou est-ce qu'il y a d'autres raisons qui ont fait qu'on a décidé d'investir 8 millions de dollars dans une démarche comme celle-là?

Mme Gagnon (Hélène V.): Merci de votre question. Je pense que notre secteur, surtout il y a une douzaine d'années, avait des preuves à faire, avait à démontrer sa bonne foi, sa bonne volonté, ses bons résultats ou ses meilleurs résultats. Notre secteur s'est grandement amélioré, mais dans les années ? je n'ose pas dire... mais même beaucoup moins loin que ça ? dans les années cinquante, soixante, soixante-dix, même quatre-vingt, ne serait-ce que ma propre entreprise, Noranda des années quatre-vingt n'est pas Noranda des années 2000. Noranda des années 2000 s'est grandement améliorée au niveau de ses résultats environnementaux, et, donc, il y a 10 ans, et c'est comme ça dans l'ensemble des pays. Dans le secteur minier et métallurgique, il y a de nombreuses années, il y a eu des cas absolument pitoyables de notre industrie, dont notre industrie n'est pas fière, avec le recul. Et je pense qu'il était nécessaire... Les présidents et chefs de la direction l'ont reconnu ensemble en se disant: Il faut qu'on fasse quelque chose. Nous sommes les plus grands. Nous allons agir comme leaders pour montrer ce que nous avons fait, comment nous nous sommes améliorés et puis d'essayer d'entraîner avec nous dans la démarche les plus petites entreprises du secteur minier-métallurgique pour qu'elles aussi entrent dans le train de l'amélioration continue et commencent à agir de façon beaucoup plus respectueuse non seulement de l'environnement, mais des collectivités, et tout ça.

Et, donc, je pense que notre passé a vraiment influencé nos actions; c'est clair. Dans notre secteur en tout cas, je pense que c'était la motivation de dire: Si nous voulons continuer à opérer dans une multitude de pays et tout ça, il va falloir qu'on démontre qu'on est capables de le faire de façon socialement responsable. Et on devait le démontrer et il fallait le démontrer de façon crédible, et la façon la plus crédible de le démontrer, je pense, c'est de le faire avec leadership mais aussi de s'adjoindre des tierces parties qui donc ne sont pas juges et parties, si on veut, qui ne sont pas en conflit d'intérêts, qui sont critiques, qui sont capables de nous amener un point de vue puis une certaine crédibilité. Je pense que c'était la motivation première.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Alors, maintenant que vous avez établi l'exemple, du moins dans votre secteur, dans l'industrie minière et dans le secteur métallurgique aussi, est-ce qu'il y a eu une contagion de cet exemple dans votre secteur? Est-ce qu'il y a des entreprises, qu'elles soient multinationales ou de tailles moyenne ou petites qui, dans votre secteur ou dans votre... disons, au-delà du secteur, par exemple, parmi vos fournisseurs, etc., qui ont décidé de suivre votre exemple?

Mme Gagnon (Hélène V.): Oui, et je vous dirais que l'accompagnement se fait souvent à ce moment-là par les associations sectorielles, que ce soit l'Association minière du Québec, l'Association minière du Canada qui ont développé elles aussi des programmes de formation, entre autres l'Association minière du Canada, son programme ? j'ai oublié le nom en français, en anglais, c'est Towards Sustainable Mining ? qui inclut donc une formation pour les gestionnaires des entreprises pour les accompagner justement vers le développement durable, de la façon de constituer un rapport sur le développement durable, etc., faire la gestion de crise, gestion d'incident environnemental, ce genre de choses là.

Une plus petite entreprise n'a pas nécessairement les moyens, peut-être même parfois pas l'idée de le faire. Elle n'aura pas le moyen de se payer le consultant ou de... mais l'association sectorielle ou industrielle le fait, si on veut, à titre de leader pour toute l'industrie, et, à ce moment-là, toutes les entreprises.

Donc, dans notre secteur, je vous dirais qu'il y a eu un leadership des associations sectorielles industrielles qui a certainement donné des résultats et qui fait en sorte que des entreprises donc de plus petite taille effectivement, aujourd'hui, peuvent démontrer une plus grande responsabilité sociale.

Mme Houda-Pepin: O.K. Et qu'est-ce que vous répondez aux gens qui nous disent: Écoutez, on ne devrait pas inciter les entreprises à s'engager sur la voie de la responsabilité sociale parce que ça représente un coût et que, dans un monde très concurrentiel, ça pourrait les mettre en péril? Est-ce que votre expérience... Je sais bien que c'est des multinationales, donc il y a une sorte de concertation au très haut niveau. Mais est-ce que votre investissement dans la responsabilité sociale de votre entreprise et de votre secteur, est-ce que c'est un coût qui s'est avéré payant pour vous, à plus long terme?

Mme Gagnon (Hélène V.): Votre question était formulée: Est-ce qu'on devrait inciter les entreprises et que certains diraient qu'il ne faut pas inciter les entreprise? Moi, je suis surprise d'entendre qu'il y en a qui disent qu'il ne faut pas inciter les entreprises à être plus socialement responsables.

Je pense que le problème n'est pas tant au niveau des incitatifs qu'au niveau d'un encadrement, comme monsieur le soulignait tout à l'heure, que je présume qui pourrait être rigide. Mais je pense que c'est là où le milieu des affaires va mettre le bémol, de dire: Entre les mesures incitatives et le fait de forcer et donc d'enlever la flexibilité dans des périodes où ça peut être plus difficile, où il y a moins de sous, je dirais que ces initiatives, là, dont je vous ai parlé aujourd'hui, et tout ça, se sont installées au cours des dernières années et tout ça, mais, s'il fallait prendre des décisions ce mois-ci, dans la situation économique actuelle de l'entreprise aujourd'hui, il y a beaucoup de ces choses-là qui seraient reportées, même si c'est rentable à long terme de faire ça.

n(15 h 50)n

Oui, vous avez raison de dire qu'un investissement en responsabilité sociale apporte une forme de rentabilité, apporte une forme de retour pour une entreprise ? retour au niveau de la collaboration des partenaires, des gouvernements, au niveau de son image, sa réputation, en fait, il y a toute une série d'avantages qu'on en retire. Mais, avant de penser à la responsabilité sociale, il faut penser à profit. Une entreprise ne peut pas survivre si elle n'est pas rentable, et, dans notre cas, on est en situation de pertes, actuellement. Donc, c'est une entreprise...

Mme Houda-Pepin: Mais même au prix de violation des droits humains?

Mme Gagnon (Hélène V.): Non, mais je ne dis pas au prix de violation de droits humains, je pense que ce n'est pas de ça dont on parle, là. Non, non, ce n'est pas du tout de ça dont on parle.

Mais ce que je vous dirais, c'est que, dans le respect des normes ? puis il faut toujours respecter les normes applicables en matière d'environnement ou quoi que ce soit ? il faut qu'on respecte les règles qui existent. Mais, de là à prendre des initiatives supplémentaires de leadership et tout ça, ce serait plus difficile d'entamer ce genre d'initiatives là cette semaine ou aujourd'hui alors que la situation est plus difficile.

Donc, s'il y avait une réglementation, un encadrement extrêmement rigide qui forçait, par exemple avec des échéanciers prédéterminés ou des rapports à remettre à telle date ou des actions à prendre alors que ce n'est pas le temps ou que l'entreprise n'a pas les sous maintenant ou qu'elle peut les avoir dans six mois ou dans un an ou qu'elle les avait il y a un an, ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il faut tenir compte du contexte particulier des entreprises, entre autres particulièrement celles qui sont comme nous, qui vivent des bas de cycle parfois très longs, de ne pas nous enlever la flexibilité de prendre beaucoup de leadership, de dépenser plus d'argent, d'investir plus en responsabilité sociale quand on fait plus d'argent puis de faire le minimum, de respecter les lois et tout ça quand on n'en fait pas. Vous comprenez ce que je veux dire, un peu, la nuance que je fais. Mais je pense qu'au niveau de l'incitation qui était votre question de départ, je pense que, d'inciter les entreprises, que ce soit par des campagnes, des guides, des outils, de la formation, des concours, je pense qu'il n'y a personne qui va être contre ça. Je pense que c'est plus au niveau de l'obligation.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Bien, justement, vous avez suggéré ou en tout cas dans votre intervention, vous avez parlé qu'il n'y a pas de reconnaissance officielle de la part, par exemple du gouvernement vis-à-vis des entreprises socialement responsables, et vous avez indiqué que ça pourrait avoir un aspect positif. Un autre groupe, la CSN, pour ne pas les nommer, eux autres, ils nous ont proposé de faire une liste noire des entreprises qui ne respectent pas l'environnement et qui ne respectent pas les exigences de la responsabilité sociale.

Et je dois vous dire que l'idée d'une reconnaissance officielle me semble plus intéressante parce que, d'abord, c'est positif et c'est vrai que ça a... on ne peut pas peut-être le deviner tout de suite, mais ça peut avoir un effet d'entraînement. Moi, je l'ai vu, lorsque j'assiste à la remise des prix de la Chambre de commerce, l'effet que ça a sur les autres entreprises, de dire: Bon, bien, l'année prochaine, c'est notre tour; on va être performants, on va travailler, etc. C'est une très bonne idée, c'est des choses qu'on pourrait regarder.

Côté rôle du gouvernement. Bon. C'est sûr, vous êtes contre la législation, vous l'avez bien expliqué, parce que vous êtes dans un domaine minier qui est un domaine effectivement cyclique. Mais qu'en est-il du rôle du gouvernement comme modèle dans ses pratiques à lui, là ? le fait d'avoir des pratiques socialement responsables, notamment en ce qui a trait à la politique d'achat du gouvernement qui donnerait préférence aux entreprises socialement responsables ? et comment, par exemple, vous réagirez, sur le plan corporatif, comme entreprise, si, demain matin, vous étiez face à un appel d'offres du gouvernement qui disait qu'en plus des critères qui sont connus des appels d'offres, dorénavant, c'est le critère de la responsabilité sociale qui va être le filtre à partir duquel on va prendre une décision?

Mme Gagnon (Hélène V.): Oui. Je vais me permettre quelques commentaires. D'abord, quand vous parliez tout à l'heure d'une liste noire d'entreprises, je vous dirais qu'une liste noire se constitue d'elle-même lorsqu'on voit par exemple des entreprises qui sont accusées et reconnues coupables d'infraction environnementale ou d'autres formes d'infraction. Donc, je pense qu'on n'a pas besoin de constituer de liste à cet égard-là, le système de justice fait très bien, je pense, son travail, à ce niveau-là. Je pense que de fonctionner par reconnaissance positive serait beaucoup plus stimulant.

Par contre, je n'ai pas mentionné la reconnaissance... Je parlais de reconnaissance par les gouvernements et tout ça ou par les pairs, on ne faisait pas référence... mais j'avais fait référence ailleurs à la reconnaissance par le marché ? la dame qui m'a précédée aussi en a parlé. Nous, on fait partie de ces indices, là, socialement responsables, on en fait partie de plusieurs, et ça, c'est une reconnaissance, je dirais, du marché ou des agences, et ça fait partie de cette reconnaissance stimulante. Il faut travailler pour maintenir ? ha, ha, ha! ? notre nom dans ces indices-là; donc, ça, ça en fait partie.

Donc, quand vous parliez d'un appel d'offres qui inclurait des critères de responsabilité sociale, ma question par exemple est: Comment vous allez faire pour évaluer la responsabilité sociale? Je pense que vous aurez tout un débat à y avoir de ce côté-là. Comment évaluer la responsabilité sociale, sur quelle base, en vertu de quels critères, une petite entreprise versus une plus grande? Bon. Je pense que ça...

Je faisais allusion, dans mon mémoire, en quelques lignes en disant: Au niveau du gouvernement, ça serait probablement très difficile au niveau de l'application d'imposer ce genre de critères, si on veut, même dans les appels d'offres. En tout cas, il faudrait trouver une façon de le rendre très transparent et très applicable. En fait, je ne sais pas. Moi, je pense qu'il y a beaucoup de questions à faire.

Mme Houda-Pepin: Bien. Je pensais peut-être vous donner un élément de réponse, mais, en même temps, vous dire que la raison pourquoi je pose cette question et que j'ai posée à d'autres avant vous, c'est parce qu'on cherche justement une réponse. Et, comme vous êtes dans le milieu de l'entreprise, vous êtes la personne tout indiquée à qui je dois poser ça parce que vous faites souvent affaire avec le gouvernement. Vous êtes familiers avec les appels d'offres; vous savez ce que ça comprend. Et, donc, s'il y avait un critère qui s'ajoutait ? qui s'appelle la responsabilité sociale ? et que la décision du gouvernement est prise en fonction de ça, comment le milieu d'affaires va réagir? Est-ce qu'ils vont trouver ça raisonnable, acceptable? Est-ce que ça va être contesté?

Parce que je sais, pour travailler moi-même beaucoup avec les appels d'offres pour les analyser dans des secteurs bien particuliers, je sais que ce n'est pas une chose facile que de quantifier, mesurer un critère. Mais, pour répondre à votre question, généralement, lorsqu'on dit: Une politique d'achat qui se baserait sur la responsabilité sociale, on vise les entreprises qui offrent des produits qui ne contiennent pas de... des produits recyclés, qui produisent minimalement de déchets, qui utilisent des énergies renouvelables ou qui ont un plan d'efficacité énergétique et qui réduisent la quantité de produits toxiques consommés par les citoyens. Ce sont les quatre critères sur lesquels on se base pour indiquer la responsabilité sociale et la qualifier. Maintenant, comment mettre ça dans un appel d'offres? Ça, c'est une autre question. Je n'ai pas la solution. C'est pour ça que je vous pose la question.

Mme Gagnon (Hélène V.): Je pense que dans un appel d'offres, il faut faire bien attention pour être sûrs que c'est juste transparent et mesurable, hein, pour être capables de bien le démontrer.

Mme Houda-Pepin: Exactement.

Mme Gagnon (Hélène V.): J'écoutais ce que vous me disiez: Il faut démontrer qu'on a un plan, qu'on utilise des produits recyclés, bon, ce genre de trucs là. Dans la mesure où vous dites: Nos critères de responsabilité sociale sont les suivants: a, b, c, d, il faut démontrer... il faudrait laisser la chance justement à ceux qui sont dans un processus d'amélioration continue et de participer... Quand vous parliez de plan, je pense qu'il y a quand même... ça démontre une certaine ouverture qui n'est pas donc une enveloppe fermée qui ferait en sorte que seulement les entreprises qui répondraient totalement mais qui excluraient dans le fond celles qui sont dans le processus pour y répondre. En fait, je ne suis pas certaine effectivement que ça soit très facile, là, d'inclure ça dans un appel d'offres, là, mais peut-être on pourra en reparler.

Mme Houda-Pepin: Mais c'est ce que je cherche, parce que finalement on réfléchit mais il faudrait regarder les aspects pratiques de la chose. Effectivement, certains gouvernements, notamment le gouvernement fédéral américain, certains États américains et même certains États européens ont introduit la notion de préférence pour les entreprises qui sont socialement responsables.

Mais, chez nous, c'est tout nouveau. Il faudrait voir comment ça peut s'appliquer. Ça fait partie des choses sur lesquelles on a à avoir des précisions, probablement avec les gens du Conseil du trésor; ils vont peut-être nous illustrer le comment.

Mais, pour revenir au débat que vous avez eu avec mon collègue tantôt ? et vous avez dit, dans votre présentation, que, Noranda, c'est la fierté de ses employés ? à Murdochville, comment se sentent les employés?

Mme Gagnon (Hélène V.) C'est une situation qui n'est pas facile, hein, parce que, bien que je vous ai expliqué tout à l'heure le contexte dans lequel on a été dans l'obligation de fermer cette usine-là, quand on est enracinés dans une communauté depuis 50 ans, ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on ferme une usine parce qu'on est bien conscients des impacts que ça va avoir non seulement sur la communauté, mais sur les employés.

n(16 heures)n

Même si les employés, je dirais, se doutaient peut-être qu'un jour cette usine-là allait fermer... D'ailleurs, dans la convention collective, on avait déjà prénégocié les indemnités de départ en cas de fermeture. Donc, déjà là ce n'était pas une surprise non plus, mais les gens sont déçus, c'est sûr, parce que ça crée une certaine forme... Lorsqu'il y a fermeture, ça crée une certaine forme d'animosité naturelle, je vous dirais.

Les discussions vont se poursuivre avec le syndicat, et tout ça, mais avec, je pense, ce qu'on a mis sur la table, qui va au-delà de la convention collective et de nos obligations légales, où on offre de racheter les maisons, on a fait des offres de préretraite à des gens, et tout ça, ça, pour l'instant, le syndicat trouve que ce n'est pas suffisant puis il fait son travail d'essayer d'aller chercher toujours plus pour les employés. Mais, dans une situation où on doit fermer l'usine, où a encore 30 millions à payer pour réhabiliter le site au niveau environnemental, où toute l'entreprise est en situation de perte, qu'on fasse des offres qui vont au-delà de nos obligations légales, je pense que c'est une forme de responsabilité sociale et, de ce côté-là, on espère que le dénouement final de la situation de Murdochville sera le plus positif possible pour nos employés.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Gagnon, là-dessus aussi pour votre contribution, votre grande ouverture à cette commission

Mme Gagnon (Hélène V.): Merci.

Mémoires déposés

Le Président (M. Paré): Maintenant, avant de passer à l'étape des remarques finales, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus lors de nos auditions, mais qui ont, par l'envoi de leurs commentaires, contribué aux travaux de cette commission. Je nomme Alcan; l'Association québécoise pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens, communément appelée ATTAC; M. Marc-André Carle; le Groupe d'investissement éthique; M. Louis Piché; Shareholders Association for Research and Education; M. Olivier Speciel; M. Bernard Viau. Ces mémoires sont donc déposés.

Remarques finales

Maintenant, passons à l'étape des remarques finales et rappeler que le temps consacré aux remarques finales est de 30 minutes, réparti ainsi: 15 minutes pour l'opposition officielle, représentée par Mme la députée de La Pinière, et 15 minutes pour le groupe ministériel, représenté par M. le député de La Prairie. Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Alors, M. le Président, nous abordons la conclusion de nos travaux en commission parlementaire en rapport avec le mandat d'initiative sur l'investissement responsable et la responsabilité sociale des entreprises.

Je voudrais tout d'abord remercier tous les groupes qui se sont déplacés pour partager avec nous leurs réflexions et leurs recommandations ainsi que ceux qui ont présenté des mémoires, mais qui n'ont pas pu se présenter. Et on a reçu en tout 22 mémoires, ce qui est très intéressant pour un sujet relativement nouveau pour nos débats parlementaires.

Merci également à vous, M. le Président, vous avez bien dirigé nos travaux. Merci à mes collègues qui ont participé de façon très active à cette consultation et qui nous ont enrichis par leurs questions très pertinentes. Merci, enfin, à notre personnel de la commission des finances publiques et à notre recherchiste, M. Jacques Gagnon, qui est très sage dans son coin, mais qui nous a accompagnés dans nos séances de travail et qui a prêté sa plume à la rédaction de notre document de consultation. Son travail, d'ailleurs, n'est pas fini parce qu'on déjà commencé à lui faire des commandes, et il a certainement à travailler avec nous pour la rédaction du rapport de la commission.

Sur le fond, les trois journées de consultation que nous avons vécues nous ont renforcés... du moins, en ce qui me concerne, m'ont renforcée dans ma conviction de poursuivre le débat sur cette double question de l'investissement responsable et de la responsabilité des entreprises. Je remercie donc tous les membres de la commission des finances publiques qui nous ont appuyés, mon collègue et moi, pour entreprendre ce mandat. Au début, ce n'était pas une chose évidente, mais on ne résiste pas ou on ne recule pas devant les défis pour entreprendre et même voir défricher, des fois, des sujets qui ne sont pas tout à fait des dossiers dans lesquels on mouille à tous les jours. Et je suis persuadée que, quelle que soit l'issue de nos travaux aujourd'hui, nous aurons fait une avancée au Québec. Au moment où nous cherchons la façon de valoriser d'ailleurs le rôle des députés, voilà une façon de travailler ensemble, indépendamment de nos appartenances politiques, sur un sujet qui nous préoccupe et qui touche l'ensemble de la société québécoise et le bien-être de nos concitoyens.

Que peut-on retenir de ces trois journées de consultation? Je vous offre ma lecture. Elle sera probablement incomplète, car le temps qui nous est imparti ne me permet pas d'aborder tous les sujets en rapport avec l'investissement responsable et la responsabilité sociale des entreprises. Le premier constat que l'on peut faire est que les notions même d'investissement responsable et de responsabilité sociale des entreprises ne sont pas tout à fait claires et comprises également de tous. Certains groupes utilisent les concepts d'investissement responsable et de fonds éthique de façon interchangeable, comme des synonymes. D'autres y voient une différence marquante.

En effet, le concept de fonds éthique a une connotation morale et une genèse qui le relient aux communautés religieuses, sachant qu'au point de départ et encore aujourd'hui ce sont les communautés religieuses qui utilisent cette stratégie de placement pour investir dans des activités économiques conformes à leurs convictions. Quand on interpelle le gouvernement pour lui demander d'intervenir soit pour promouvoir les fonds éthiques soit pour inciter les entreprises privées à y investir, quelles valeurs demande-t-on à l'État de promouvoir au juste? Celles d'une communauté spécifique qui conditionne son investissement au respect de ses propres croyances, par exemple le fait d'être contre l'avortement ou contre la pratique de l'usure dans les placements financiers. Ces questions se posent. Nous n'avons pas pu les aborder en profondeur durant ces trois journées de consultation, mais c'est des préoccupations qu'il faut garder à l'esprit.

D'autres groupes tiennent à tracer une ligne de démarcation entre les concepts de fonds éthique et d'investissement responsable, une notion dépourvue, à prime abord, de toute connotation morale et qui fait référence aux valeurs communes qu'on retrouve dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans l'ensemble des instruments juridiques internationaux et nationaux tels que la Charte canadienne des droits de la personne et la Charte québécoise, également, des droits de la personne. Essentiellement, l'investissement responsable, comme tout investissement, cherche le profit, mais non exclusivement. L'investissement responsable vise une combinaison de finalités économiques, environnementales et sociales. Autrement dit, avant d'investir dans un placement quelconque, les gestionnaires de fonds, les gestionnaires de fonds de placement doivent se demander quels sont les impacts de cet investissement sur les aspects sociaux et sur l'environnement, d'où le lien avec le deuxième sujet que nous avons abordé dans cette commission, celui de la responsabilité sociale des entreprises.

Plusieurs groupes sont venus nous dire en commission parlementaire qu'il faut exiger des entreprises, tant publiques que privées, d'avoir un bilan social publié sur une base régulière au même titre que le bilan financier. Ce bilan social doit rendre compte des performances de l'entreprise en ce qui a trait à ses rapports avec ses employés, ses fournisseurs et la communauté au sens large. Étant donné que la plupart des entreprises évoluent sur le plan international, le bilan social doit aussi rendre compte du respect des droits de la personne dans les pratiques de l'entreprise. Cette responsabilité sociale des entreprises, les groupes qui se sont présentés devant nous souhaitent que le gouvernement en soit le garant et le régulateur à condition qu'il commence par balayer devant sa propre porte.

En effet, un vaste consensus s'est dégagé de cette commission autour du rôle de l'État comme leader et comme modèle des meilleures pratiques sociales. Un des instruments proposés par les différents groupes consultés est la politique d'achat, considérant que le gouvernement fédéral américain ainsi que plusieurs États américains et européens ont opté pour une politique qui consiste à donner une préférence, en matière d'acquisition de biens et de services, à des entreprises socialement responsables.

n(16 h 10)n

Alors, tantôt, on a abordé cette question avec le groupe qui nous a précédés, puis on m'a demandé: Mais qu'est-ce qu'on va trouver dans cette politique préférentielle d'acquisition de biens et services? Généralement, on retient quatre critères. L'État qui acquiert les biens et services auprès d'une entreprise pourrait exiger qu'ils contiennent des produits recyclés, qu'ils minimisent les déchets, qu'ils utilisent des énergies renouvelables ou qui ont mis en place un plan d'efficacité énergétique et qui réduisent la quantité de produits toxiques consommés par les citoyens. Dans la pratique ? et ça, c'est une préoccupation que j'ai exprimée dans cette commission ? il faut savoir comment cela pourrait se traduire par des critères mesurables dans un appel d'offres, parce que le principe même d'un appel d'offres, c'est d'être clair, transparent et que le processus soit ouvert et équitable envers toutes les entreprises.

Mais voilà donc, cette politique d'achat, une piste qui mérite d'être exposée et analysée dans ses modalités d'application. Une des recommandations qui est revenue très souvent dans les mémoires consiste à réclamer plus de législation et plus de réglementation pour forcer les entreprises à se conformer aux exigences de la responsabilité sociale et à l'investissement responsable. Et on a surtout parlé de la Caisse de dépôt et placement, dont plusieurs mémoires et plusieurs groupes sont venus nous en parler. Et, de fait, il est temps qu'on puisse questionner le comportement de la Caisse de dépôt et de placement, qui est une institution majeure au Québec, par rapport à la façon dont elle gère ses investissements, qui sont les investissements des Québécois. On a parlé aussi de la question de cette entreprise pétrolière albertaine, Talisman, dans laquelle la Caisse de dépôt et de placement a investi quelque 166 millions de dollars, et nous avons entendu quelqu'un nous dire que, des fois, c'est plus intéressant de maintenir les investissements pour infléchir sur le comportement des entreprises. C'est des choses qu'il faudrait continuer à analyser, je pense qu'il y a matière à réflexion là-dedans.

Chose certaine, c'est que le secteur privé, qui s'est présenté devant nous, c'est des gens qui ont dit: La législation, la réglementation, on n'en veut pas. On vient d'entendre encore le groupe Noranda. On a aussi entendu des groupes du milieu universitaire qui partagent ce point de vue. Hier, le président du Conseil du patronat est venu nous dire que les entreprises québécoises sont déjà ouvertes au dialogue et à la réflexion sur la responsabilité sociale, ils considèrent cette option, et qu'il ne faut pas du tout aller dans l'optique de la législation ou la réglementation. Et Noranda nous dit: Si vous allez vers la législation, eh bien vous allez empêcher les entreprises d'avoir une flexibilité, qui pourrait leur nuire. De toute façon, il y a un autre courant qui dit que la force des épargnants et les pressions qu'ils exercent vont finir par convaincre les entreprises de changer de comportement. Par contre, les groupes sociaux, les groupes sociocommunautaires, notamment, les représentants syndicaux, eux ont insisté, beaucoup même, sur une législation assez musclée et le plus rapidement possible. Peut-être que la solution se retrouve entre les deux. Chose certaine, les membres de la commission des finances publiques doivent se rencontrer en séance de travail et analyser plus en profondeur les différentes options avant de conclure à l'une ou à l'autre des solutions proposées.

Étant donné que c'est la première fois que nous abordons ces questions en commission parlementaire, il serait utile de poursuivre notre réflexion pour voir comment peut-on mettre de l'avant un certain nombre de recommandations qui nous ont été faites. Cela suppose un échange avec les acteurs-clés de ce débat qui ont été interpellés par les groupes qui se sont présentés devant nous. Par exemple, lorsque les groupes proposent que le gouvernement du Québec adopte des pratiques socialement responsables et une politique d'achat qui tienne compte de cette exigence, la meilleure personne pour répondre à ces questions, c'est le président du Conseil du trésor. Il en va de même pour la Caisse de dépôt et de placement, qui a été largement pointée du doigt durant cette consultation, de même que la Régie des rentes dont on a parlé au niveau des investissements socialement responsables. La commission, si son agenda le permet, M. le Président, pourrait inviter à des séances de travail subséquentes peut-être le président du Conseil du trésor ou quelqu'un du Conseil du trésor, la Régie des rentes, également la Caisse de dépôt et de placement pour répondre à un certain nombre d'interrogations avant de clôturer nos travaux.

Je voudrais vous dire que j'ai participé avec un grand intérêt à cette consultation. Je me suis enrichie. Je voudrais vous remercier tous de m'avoir donné l'opportunité d'approfondir ce sujet, et particulièrement mon collègue qui était avec moi à ce fameux colloque qui nous a mis sur la piste de l'investissement responsable.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme la députée de La Pinière. M. le député de La Prairie.

M. Serge Geoffrion

M. Geoffrion: Merci, M. le Président. Bien, moi aussi, je tiens évidemment à remercier, là, toutes les personnes, groupes et associations, organisations qui ont accepté notre invitation et qui sont venus témoigner de leur intérêt sur ces questions de responsabilité sociale des entreprises et d'investissement responsable. Merci également aux collègues parlementaires ? ça inclut le président ? également notre recherchiste, ainsi que tout le personnel de la commission des finances publiques.

D'emblée, je constate que nous avons eu raison de tenir cette commission parlementaire, cette consultation, une imitative qui a d'ailleurs été saluée par plusieurs groupes. Les opinions entendues et les réactions nous ont convaincus de la pertinence de ce mandat de la commission. Cette consultation nous a démontré éloquemment la diversité des approches et renseigné sur des initiatives à l'étranger, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, aux Pays-Bas, entre autres.

Des centrales syndicales aux organisations patronales, en passant par les fédérations étudiantes et les carrefours jeunesse-emploi, sans oublier les groupes de recherche, les organisations non gouvernementales et la grande entreprise, ils nous ont beaucoup appris et surtout nous ont permis de constater que les forces vives du Québec réfléchissent sur la question et qu'elles ont déjà des pistes de solution à nous proposer avec, il est vrai, un large éventail des opinions quant à l'approche que le gouvernement devrait adopter.

Plusieurs témoignages, par ailleurs, sont convergents, notamment quant à l'adoption d'une politique d'achat gouvernementale favorisant la responsabilité sociale des entreprises, l'obligation pour les entreprises de produire un bilan social et environnemental, l'implication de la Caisse de dépôt et de placement dans le domaine de l'investissement responsable. Effectivement, quant à la Caisse de dépôt, on a tous lu l'article qui est paru dans Le Devoir d'hier, la ministre des Finances demande à la Caisse de dépôt de se donner un code de conduite.

Les problématiques de même que les interrogations soulevées dans le cadre de cette commission parlementaire font partie, nous le pensons, des préoccupations du nouveau président de la Caisse de dépôt et de placement. La ministre des Finances, Mme Marois, lui avait d'ailleurs demandé de se pencher sur cette question au moment de sa nomination. M. Rousseau et ses collaborateurs poursuivent actuellement une réflexion sur la question des investissements responsables, et je crois que nous devons attendre de voir ce qu'ils auront à proposer. Je souligne que le nouveau président est en poste depuis seulement 18 jours.

Il y a toutefois une grande évidence, l'État ne peut avancer seul. Par définition, la responsabilité sociale est un concept qui fait appel à une approche multipartite. Cela ne veut pas dire d'être à la remorque, mais l'État peut certes assumer un leadership. Mais il a aussi le devoir d'agir en prenant acte des consensus. Mais personne ne peut être indifférent aux questions de responsabilité sociale et de l'investissement responsable qui font appel à des valeurs humanistes qui sont les nôtres. Il nous semble toutefois que nous ayons besoin d'un certain temps de maturation, pas trop long, sur plusieurs de ces questions, par exemple sur les expérimentations en cours et qui méritent d'être analysées. Chose certaine pour les membres de la commission des finances publiques, nous avons le devoir de réflexion au cours des prochaines semaines. Deux mots-clés: faisabilité et priorité. Nous aurons donc des recommandations à formuler, et j'ose espérer que ce travail s'effectuera dans le même esprit de collaboration qui a, jusqu'ici, animé nos travaux. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de La Prairie. Moi aussi, à mon tour, je voudrais remercier tous les groupes et les individus, même ceux qui nous ont envoyé... qui ont enrichi leurs travaux comme... qui ne se sont pas fait entendre ici, mais que nous avons lus attentivement. Je voudrais aussi remercier les parlementaires qui ont participé à cette commission pour leur qualité, leur présence très proactive à cette commission.

n(16 h 20)n

Je voudrais remercier aussi notre groupe de recherche, donc M. Gagnon, qui a fait un travail extraordinaire, et Mme Mignolet, notre secrétaire, et aussi Mme Court. Je ne voudrais pas passer sous silence aussi l'apport de l'expertise de M. Rebello qui nous a aidés lors de notre séance de travail. Donc, merci.

Et, comme vous le savez, nous aurons, à votre désir... Nous devons faire un rapport et nous devons aussi, si les gens le désirent, les gens de la commission, les parlementaires le désirent, avoir d'autres éclairages, donc nous pourrions inviter éventuellement d'autres groupes et/ou d'autres personnes à se faire entendre. Déjà, quelques personnes qui ne pouvaient être ici cette semaine, donc des gens de l'extérieur, ont signifié au secrétariat leur désir de se faire entendre là-dessus. Donc, c'est un sujet qui était, comme vous l'avez dit d'à propos, Mme et M. le député, d'actualité et aussi dont il y aurait une préoccupation dans la société collective du Québec.

Donc, merci à tous. Et, sur ce, j'ajourne les travaux sine die en spécifiant que fièrement la commission a accompli son mandat.

(Fin de la séance à 16 h 22)


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