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Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le jeudi 15 novembre 2007 - Vol. 40 N° 16

Consultations particulières sur le projet de loi n° 32 - Loi favorisant la gestion rigoureuse des infrastructures publiques et des grands projets


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Paquet): S'il vous plaît! Alors, bon matin à tous et à toutes de la commission. Alors, je souhaite la bienvenue aux gens qui vont témoigner dans un moment, M. Généreux.

Juste auparavant, donc, je déclare ouverte la séance de la Commission des finances publiques. Nous sommes réunis ce matin afin de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 32, Loi favorisant la gestion rigoureuse des infrastructures publiques et des grands projets. Vous me permettrez de rappeler à toutes les personnes présentes en cette salle de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lévesque (Lévis) remplace Mme Lapointe (Groulx); M. Therrien (Terrebonne) remplace M. Morin (Beauce-Sud); et M. Simard (Richelieu) remplace M. Legault (Rousseau).

Auditions (suite)

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous entendrons d'abord les représentants de la Fédération québécoise des municipalités et par la suite ceux de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec.

Alors, je souhaite la bienvenue à M. Généreux, président de la Fédération québécoise des municipalités, qui est accompagné de M. Guy Charland, conseiller en recherche et politiques. Bienvenue à la commission. Vous disposez de 15 minutes pour faire entendre vos représentations.

Fédération québécoise
des municipalités (FQM)

M. Généreux (Bernard): Merci, M. le Président. Donc, salutations, Mme la ministre, merci de nous accueillir. Distingués parlementaires, c'est avec un immense plaisir que nous nous présentons, ce matin, devant vous, pour échanger sur ce projet de loi qui favorise, comme il l'indique très bien, la gestion rigoureuse des infrastructures publiques.

Donc, vous n'êtes pas sans savoir que la question des infrastructures dans le monde municipal est une question qui est au coeur de nos préoccupations. Et notamment, dans ce qu'on représente comme réalité municipale, à la FQM, nous avons été porteurs, depuis quelques années, d'une préoccupation qui justement faisait état de la vétusté de nos infrastructures, nos préoccupations municipales qui ont plusieurs fois été portées à la connaissance non seulement du ministre des Transports, mais également, à chaque préparation budgétaire, nous étions au rendez-vous pour rappeler cette préoccupation, cette charge importante que constitue la mise à niveau, la préservation de nos infrastructures dans un contexte budgétaire qui est toujours au coeur de nos préoccupations. Donc, cette volonté de rattrapage qui est actuellement en cours et les annonces importantes au plan des budgets qui ont été annoncés à l'issu du budget nous réjouissent au plus haut point, dans le sens où on a là, je pense, une démarche qui vise non seulement à restaurer nos infrastructures, mais également s'inscrit dans un rattrapage important pour leur mise à niveau et la consolidation de ce qui constitue, rappelons-le, un équipement... ou une condition essentielle au développement de nos communautés.

Donc, je voulais peut-être, ce matin, attirer votre attention d'une façon un peu plus explicite sur la réalité du monde rural, qui est très présent à la Fédération québécoise des municipalités, dans un contexte où on est constamment confrontés, je dirais, à la capacité de payer de nos communautés en regard de ces projets d'infrastructures. Les avancées et les ouvertures qu'on nous propose en regard de ce projet de loi créent ni plus ni moins l'obligation au gouvernement de s'obliger à mettre en place des fonds qui vont garantir les objectifs que l'on poursuit. Donc, cette obligation de soumettre annuellement un budget d'investissement en matière d'entretien des infrastructures sur une perspective de 15 ans nous réjouit.

En même temps, on aimerait peut-être souligner une préoccupation qui s'inscrirait dans le contexte... ou dans une conjoncture économique qui serait différente de celle que l'on vit actuellement, qui est quand même une conjoncture relativement positive ou intéressante. Comment est-ce qu'on pourrait s'assurer que cet engagement-là ne serait pas reporté encore une fois au profit d'un... dans un contexte où on aurait à faire des choix entre une situation économique qui pourrait être plus difficile, dans la mesure où on a aussi à concilier d'autres objectifs, qui sont ceux, entre autres, de la loi sur le déficit zéro, la loi sur le Fonds des générations, où tout ça doit être concilié aussi maintenant avec une préoccupation de s'engager à un budget récurrent annuel pour s'assurer d'être toujours au rendez-vous?

n (10 h 40) n

Donc, également, par analogie, je dirais, on souhaiterait voir apparaître éventuellement les modifications législatives qui donneraient au monde municipal aussi cette souplesse-là en regard de notre capacité de s'assurer que, nous aussi, on soit au rendez-vous de ces investissements-là, dans la mesure où nos règles municipales souvent nous contraignent à gérer par fonds et que des fonds qui sont dédiés à d'autres fins que celles des infrastructures et qui pourraient être disponibles nous empêchent de faire des transferts d'un fonds à l'autre. Donc, on est un peu... on pourrait se retrouver dans des situations un peu coincées où, en dépit de la disponibilité de certains crédits, cette mécanique de la gestion municipale pourrait nous empêcher de faire des ponctions dans un fonds puis de pouvoir s'emprunter d'un fonds à l'autre sans recourir aux fameux règlements d'emprunt qui viennent nécessairement hypothéquer notre capacité de payer à chaque fois.

Donc, au-delà de ces réserves, bien sûr, nous, on s'inscrit tout à fait en support, on salue cette initiative de la volonté gouvernementale non seulement de procéder à la restauration des infrastructures, mais également d'en garantir le financement sur une base pérenne.

D'autre part, notre préoccupation auprès de ces rendez-vous là, en regard de ces rendez-vous là, elle reste entière parce que la seule façon pour, je dirais, le monde municipal, je dirais, de s'inscrire dans ces projets-là... Parce qu'on sait que la plupart des programmes sont conçus de façon à ce qu'il y ait toujours une contribution municipale, ou généralement une contribution municipale, sauf pour la récupération par le gouvernement ? qu'on a par ailleurs saluée très fortement ? des ponts, qui constitue, là, je pense, un soulagement important. Mais il reste qu'en regard des obligations qui sont souvent requises de la part du monde municipal... On prend, par exemple, l'échéancier dans lequel on doit maintenant s'inscrire pour la mise à niveau des eaux usées, de l'eau potable, un budget de 3,5 milliards qui est pris à même le budget général du 30 milliards, donc on doit s'attendre à ce qu'il y ait également une contribution municipale qui viendrait s'ajouter à celle du fédéral éventuellement. Mais tout ça dans un délai de cinq ans. Comment on doit maintenant s'assurer qu'on ait la capacité d'être au rendez-vous de ces corrections d'infrastructures dans des délais relativement courts et qui vont exiger des investissements locaux dont la seule source connue actuellement est généralement le foncier?

Et on connaît, je dirais, la limite qui est généralement atteinte en regard de notre capacité d'aller percevoir des argents neufs dans des hausses de taxes. Je pense qu'on a la même préoccupation que le gouvernement en regard de tout ce qui pourrait être un ajout de taxes nouvelles. Donc, il faut essayer de voir comment maintenant, à travers une modulation des programmes qui est inscrite dans... je dirais, qu'on a reconnue d'une façon très explicite dans la politique sur la ruralité, il faut que cette modulation-là s'inscrive dans les choix gouvernementaux à tous égards, de façon à ce que ou bien on crée des fonds dédiés...

Puis on sait qu'il y a, à travers la coalition sur les infrastructures, la suggestion d'un rapatriement du point de la TVQ vers un fonds dédié aux infrastructures. Mais, si ce n'est pas une option qui est recevable ou retenue, il faut absolument s'assurer que, dans les transferts des fonds ou dans les fonds qu'on s'apprête à mettre en place pour s'assurer de la rénovation des infrastructures, on puisse également toujours avoir en tête une préoccupation de la capacité de payer des communautés. Parce que faire un kilomètre de réseau, qu'on soit en voirie locale ou en infrastructure d'aqueduc ou d'égout, ou peu importe, qu'on soit à Blanc-Sablon ou à Montréal ? probablement qu'à Blanc-Sablon ça coûte encore plus cher qu'à Montréal ? faire un kilomètre de route ou d'infrastructure, donc...

Et la capacité de payer, on le comprendra, de nos communautés, qui sont souvent des petites communautés qui sont aux prises avec des défis de développement importants, vieillissement de population... Bon, on le voit là, demain, on tient un exercice sur les communautés dévitalisées. C'est pour justement prendre acte du fait qu'il y a au-delà de 200 municipalités au Québec qui sont actuellement en panne, donc, mais qui doivent quand même s'inscrire dans des objectifs de correction de leurs infrastructures, ce qui, on le rappelle, constitue une condition essentielle pour accueillir le développement. Et des infrastructures de qualité, c'est une condition de base pour engager nos communautés sur la voie du développement.

Donc, il faut moduler, réfléchir à des fonds dédiés ou à des fonds qui vont être capables de s'ajuster à cette réalité de ce que représente le Québec ? donc, plusieurs centaines de communautés de plus petite taille qui ont des besoins importants de correction d'infrastructures ? et que, dans les sommes qu'on s'apprête à mettre en place ou dans la stratégie de correction puis de mise à niveau des infrastructures, bien on ait constamment cette préoccupation-là de l'ajustement, de la modulation et de la garantie que, lorsqu'on aura des rendez-vous qui seront pris en matière de correction par rapport à des projets très locaux, bien on puisse s'assurer que ces communautés-là puissent également apporter leur contribution dans leur contexte socioéconomique dans lequel elles sont, de manière à ce qu'elles puissent aussi pouvoir bénéficier d'une voirie de qualité, d'infrastructures de ponts, d'aqueduc et d'égout de qualité, au même titre que l'ensemble des citoyens du Québec.

Donc, c'est l'essentiel de la position qu'on souhaite partager avec vous, rappelant que, lors du dernier exercice budgétaire, nous avions fait état de certaines cibles à atteindre pour accompagner correctement nos besoins en termes de voirie locale et de ponts, rappeler qu'en voirie locale nous sommes avec un budget qui a été non seulement indexé, mais qui est le statu quo depuis 1992, à la hauteur de 87 millions par année. Nous avions suggéré de le porter à 125 millions par année pour les questions d'entretien de voirie locale. Et, en regard des ponts, bien que ça ait été maintenant rapatrié par le gouvernement, nous avions indiqué une cible de 74 millions par année. Donc, je pense qu'il serait sage d'au moins le retrouver dans les réserves que l'on s'apprête à faire pour le maintien de... dans le cadre du projet de loi qui est devant nous, de la gestion rigoureuse des infrastructures, à hauteur d'environ 75 millions par année pour les ponts qui relèvent, là, du réseau routier qui est présent à la FQM.

Donc, c'est dans ce contexte-là que nous nous présentons à vous. Et nous souhaitons pouvoir partager cet important projet de loi là, qui encore une fois s'inscrit dans des conditions de base pour la relance de nos communautés, les conditions essentielles au développement de nos communautés dans une perspective d'occupation des territoires. Alors, on pense que le droit des citoyens à avoir des infrastructures de qualité, il doit être le même peu importe où on est au Québec. Il y a derrière ça un choix de société qui doit s'exprimer également à travers l'exercice de mise à niveau de nos infrastructures de base offerte à nos concitoyens. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Généreux. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la ministre des Finances.

Mme Jérôme-Forget: Alors, bienvenue, M. Généreux, bienvenue, monsieur. Je veux vous remercier de prendre la peine de vous déplacer pour venir rencontrer la Commission des finances publiques et venir partager avec nous votre souhait, vos souhaits face à ce projet de loi.

Vous avez exprimé quelques inquiétudes. D'abord, vous savez qu'au niveau municipal c'est 3 milliards de dollars, c'est 3,1 milliards de dollars qui est prévu, c'est donc des grosses sommes d'argent. De plus, dans la démarche, rappelons-nous, il y en a 80 % pour l'entretien de ce que nous avons plutôt que de construire des nouvelles choses. Ça, c'est bien important, j'appelle ça s'occuper de notre patrimoine.

Puis vous soulevez un point important, vous soulevez la question suivante: Qu'arrive-t-il s'il y a une récession et que le gouvernement n'a pas l'argent? C'est une des questions au préalable que vous avez posées. Vous savez, c'est clair que je ne peux pas parler pour quiconque occupera le poste que j'occupe en période de récession, mais ordinairement, en période de récession, s'il y avait une récession un jour, il est clair que le gouvernement probablement voudrait investir pour justement garder l'économie en activité. Ordinairement, c'est dans ces périodes-là que les gouvernements interviennent pour justement mousser l'activité économique. Alors, je souhaite que tout le monde se rappelle de cette base en économie, que justement, souvent, l'État peut agir à des moments critiques pour avoir de l'activité économique, et ça, je pense que c'est bien connu dans tous les manuels d'économie.

n (10 h 50) n

Dans un deuxième temps, il est clair que la démarche, vous savez, qui est proposée, c'est que le président ou présidente du Conseil du trésor devra, à tous les ans, venir à l'Assemblée nationale, et expliquer la démarche de l'année qui s'en vient, et faire un plan sur trois ans, et venir l'expliquer, et le défendre face à des collègues de l'opposition, face à des collègues qui font partie d'une commission parlementaire. Alors, c'est donc une démarche qui est extrêmement rigoureuse.

Précisément, le but de la démarche, c'est de forcer les hommes et femmes politiques de venir justifier leurs gestes, mais de toujours se rappeler qu'il y aura ce 80 % qui doit être, pas pour couper de nouveaux rubans, mais pour entretenir ce que nous avons, et je l'ai dit de façon, M. le Président, non partisane, je l'ai dit. Et ce ne sont pas seulement les politiciens, vous savez, qui aiment couper des rubans, les maires aussi aiment ça, couper des rubans, les recteurs aussi aiment ça, couper des rubans, les gens, tout le monde aime couper des rubans. C'est ce qui arrive, qu'au fil des ans on s'est rendu compte qu'on avait délaissé finalement un patrimoine qui se trouve dans une situation pitoyable aujourd'hui, que l'on pense souvent à nos écoles, nos hôpitaux et bien sûr nos routes. Alors, vous comprendrez que la discipline, c'est clair qu'elle va parler d'elle-même, c'est qu'elle va devoir justifier la démarche des hommes et femmes politiques, ils vont devoir se justifier publiquement.

Vous avez par ailleurs parlé de fonds disponibles, de permettre aux municipalités de recourir à un fonds plutôt qu'un autre. De quels fonds parlez-vous? J'aurais cru, moi, que vous aviez un fonds d'investissement pour les infrastructures et un fonds de fonctionnement pour vos opérations. Alors, de quels fonds parlez-vous quand vous voulez exprimer le souhait que vous ayez plus de latitude pour faire appel à un fonds plutôt qu'un autre?

M. Généreux (Bernard): Actuellement, il y a des discussions avec le ministère des Affaires municipales à l'effet qu'on introduise dans la gestion de nos affaires municipales davantage de souplesse. Parce que les règles actuelles établissent que, lorsque l'on constitue un fonds dédié ou une réserve quelconque, peu importe sa nature, et que cette réserve-là, pour toutes sortes de raisons, n'est pas utilisée aux fins pour lesquelles elle a été prescrite... on sait qu'il y a là des liquidités, mais, en attendant qu'on puisse, je dirais, les utiliser aux fins pour lesquelles elle a été constituée, il peut apparaître d'autres besoins temporairement pour lesquels on pourrait emprunter. Donc, ce qui est souhaité, c'est qu'on puisse emprunter dans ces fonds-là de manière à éviter de constamment recourir au règlement d'emprunt pour répondre à d'autres préoccupations ou à des urgences qui pourraient se présenter à nos municipalités alors qu'on sait qu'il y a des fonds qui sont en réserve et qu'actuellement les règles de gestion municipale nous empêchent d'utiliser.

Donc, il ne s'agit pas de dire: On vide la réserve pour faire d'autre chose, mais qu'on puisse emprunter, par exemple, dans cette réserve-là pour intervenir sur des situations qui ne seraient pas prévues et qui autrement nous ramènent constamment à utiliser... ou à travailler avec notre budget courant, là. Et ça, bien, je pense que ça crée toutes sortes de problématiques. Donc, l'idée, c'est qu'on puisse introduire plus de souplesse dans nos règles de gestion et d'utilisation de ces différents fonds là.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Alors, vous dites que vous êtes en pourparlers avec la ministre des Affaires municipales. Je présume que vous continuez les discussions à cet égard-là, ce qui ne me regarde pas. Par ailleurs, vous semblez... Le cadre de gouvernance des grands projets, en page 3 de votre mémoire, par lequel je propose, le projet propose une démarche extrêmement rigoureuse pour qu'à la fin, quand on dise le «O.K., on va de l'avant», finalement il n'y a pas de surprise; essentiellement, là, quand à la fin on arrive, là, il n'y a pas de surprise, on sait combien ça va coûter, vous êtes d'accord, surtout également à cause des gens... des experts indépendants ou de l'Agence des partenariats public-privé, qui permettraient au gouvernement de garder une certaine distance. Donc, en page 3, vous semblez être en accord avec cette démarche d'avoir de la rigueur et d'avoir quelqu'un qui est non seulement le ministère, non seulement le client, mais quelqu'un à l'extérieur qui regarde pour être sûr que les chiffres sont les bons chiffres et que finalement la démarche va s'accompagner des coûts tels que prescrits. C'est ça?

M. Généreux (Bernard): Tout à fait. Moi, je pense que ça s'inscrit dans... Je pense qu'il y a là une illustration d'une volonté de s'assurer que ce qui est annoncé se fera et qu'au besoin on est prêt à se soumettre à une analyse externe pour être capable de bien s'assurer que les objectifs auxquels on souscrit... Parce que je pense que, dans cette intention-là, il y a encore une fois, je dirais, l'illustration d'une volonté très claire, puis il faut s'assurer que cette volonté-là, elle dure dans le temps, hein, que ce ne soit pas juste, là, le fait d'une circonstance qui... ? bon, je pense que tout le monde... on n'a pas besoin de rappeler les événements auxquels on a eu à assister ? puis que, là, on se précipite pour adopter une politique qu'on pourrait oublier dans deux ans, trois ans. Donc, si on veut faire des choses à long terme puis engager de la perspective dans ces orientations-là, il faut s'assurer minimalement qu'il y ait un encadrement. Et je pense que le recours à ces évaluations, ces contributions extérieures contribue à garder le cap sur les objectifs qu'on se donne.

Mme Jérôme-Forget: Maintenant, en page 4, vous recommandez que le budget d'investissement du gouvernement à l'égard des structures municipales ? ponts sur cours d'eau ? comprenne des crédits de l'ordre de 74 millions de dollars par année pour les cinq prochaines années. Vous savez que, pour les ponts municipaux, il y a déjà 100 millions de dollars qui ont été prévus par le gouvernement, par année. 100 millions.

M. Généreux (Bernard): 100. Oui.

Mme Jérôme-Forget: Ça fait 500 millions au bout de cinq ans, là. Je pense qu'on comble peut-être vos attentes. À moins que je n'aie pas compris votre recommandation en page 4.

M. Généreux (Bernard): Oui, M. Charland pourrait peut-être répondre.

Le Président (M. Paquet): Oui, M. Charland.

M. Charland (Guy): En fait, c'est une demande qui s'est inscrite dans ce qu'on appelle, nous autres, les attentes de la fédération. On ne fait que rappeler ces attentes-là de manière à...

Mme Jérôme-Forget: Heureux, vous êtes très heureux.

M. Charland (Guy): Je suis très heureux, c'est ce que ça voudrait dire.

Mme Jérôme-Forget: C'est rare que le monde est très heureux. Maintenant, vous parlez également pour les plus petites municipalités. Vous savez qu'on a déjà une politique au niveau des municipalités qui ont moins de 2 000 habitants, à savoir que souvent l'appui à ces petites municipalités là va jusqu'à 90 %. Ce que vous proposez par ailleurs, maintenant, c'est qu'on ait une politique également pour les moins de 5 000. Est-ce que c'est ça?

M. Généreux (Bernard): Bien, c'est-à-dire que dans le fond il y a là, je dirais, une référence qui est un peu arbitraire, là, où on se dit: Des communautés de moins que 5 000 et plus que 5 000, histoire de faire un peu, là, de repérage en regard des territoires d'intervention dans lesquels on est. Mais, je pense, substantiellement, ce qu'il faut comprendre à travers cette référence-là, c'est qu'il y a une multitude de plus petites communautés au Québec, là, qu'elles soient de l'ordre de 1 000, 2 000 ou 5 000, peu importe, il reste que le coût d'intervention dans les infrastructures doit nécessairement faire l'objet d'une attention puis d'une préoccupation en regard de la capacité de payer. Même si souvent on parle d'une communauté de 2 000, 3 000, 4 000, il reste que souvent les infrastructures sont partagées également par un nombre plus réduit de citoyens que la communauté elle-même, là, dans le sens que les infrastructures qui se passent dans le périmètre urbain des communautés, bien, elles sont assumées par ceux qui en sont les bénéficiaires. Donc, la population qui peut être estimée, pour une municipalité donnée, à 3 000, il y en a peut-être 1 500 ou 1 000 qui bénéficient de l'infrastructure, et c'est ceux-là qui auront à partager le coût de remboursement de l'infrastructure qui vient d'être installée, notamment sur les eaux usées et eau potable.

n (11 heures) n

Donc, je pense que le message qu'on tente de vous faire passer, c'est celui du respect de la capacité, de la capacité de payer de ces communautés-là. Encore une fois, le seul levier qui est disponible à nos communautés... Tantôt, vous rappeliez, là, la volonté gouvernementale d'investir 3 milliards dans les eaux usées et eau potable. Bien, on s'attend qu'à terme c'est autour de 7, 8 milliards qui seront investis par la contribution qui viendra du gouvernement fédéral et des municipalités. Donc, comment on peut s'assurer que les communautés qui auront à réaliser des projets pourront, budgétairement puis au plan de leur capacité de payer, être en mesure d'accompagner ces projets qui sont nécessaires pour la mise à niveau de leurs infrastructures puis les corrections auxquelles on pense, donc c'est cette préoccupation qu'il faut essayer de traduire si on veut aussi contribuer à l'atteinte de l'objectif qui est dans ce projet de loi là, du renouvellement sur 15 ans de nos infrastructures. Bon.

Puis je pense que l'idée qu'on mette 80 %, ça, on est tout à fait en accord avec ça, mais assurons-nous que, lorsqu'on aura à réaliser ces projets-là au plan local, la capacité de payer sera au rendez-vous, parce que tantôt on a, je le rappelle, une multitude de communautés au Québec qui, demain matin, ou dans l'année qui vient, ou dans les années qui viennent, n'auront tout simplement pas la capacité de dire présent à un projet de correction d'infrastructures parce que la limite est atteinte. Donc, comment est-ce qu'on va s'assurer que ces communautés-là, elles aussi, pourront avoir accès à ce qui s'en vient au cours des prochaines années?

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, vous savez que déjà on tient compte du niveau d'endettement des municipalités quand arrive un projet. Ça, je pense que tout le monde est conscient de ça.

Maintenant, je vais vous parler peut-être d'un problème que nous avons et peut-être que vous avez connu. C'est que très souvent les municipalités embauchent des firmes d'ingénieurs pour leur dire d'apporter finalement une solution à un problème, et la solution au problème s'élève parfois à 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $, même j'ai vu 100 000 $ par personne, par habitant, parce qu'il y a un petit village, la problématique est importante, mais les sommes sont fabuleuses par personne. Est-ce que vous avez été mis au courant de ces problèmes?

M. Généreux (Bernard): Bien, c'est exactement ce que j'essaie de traduire, là, dans ma préoccupation. Moi, je pense que, les règles étant les mêmes pour tout le monde, c'est-à-dire qu'avant d'entreprendre un plan de correction bien sûr qu'il faut des documents qui soient approuvés par des ingénieurs, mais la correction à apporter est souvent disproportionnée par rapport à la capacité du milieu concerné d'être au rendez-vous, en dépit des programmes d'accompagnement.

Je vous rappellerai que souvent les chiffres sont trompeurs. Mais, lorsque, je ne sais pas, moi, on parle d'un projet de 3, 4, 5 millions, d'un investissement, puis qu'on dit: Bien, regarde, au lieu d'y aller selon les règles habituelles, on va pousser notre contribution à 90 % ou 85 % de la contribution gouvernementale pour aider, bien il reste que le 15 % de contribution qui reste au milieu, dans un milieu où souvent le compte de taxes est... Puis les constats sont que souvent, dans nos communautés dévitalisées du fait de l'exode des populations, historiquement, des derniers 20 ans, c'est des populations de plus en plus âgées qui se retrouvent sur ces territoires-là, en nombre réduit. Donc, la contribution pour une infrastructure ou un solde de contribution à une correction d'infrastructures qui serait à hauteur de, je ne sais pas, moi, 2 millions qui restent au milieu, bien il reste qu'il faut aller chercher dans le compte de taxes la contribution nécessaire pour être capable d'être au rendez-vous. Donc, quand le compte de taxes est dans certains cas tout près de 2 $ du 100 $ d'évaluation, est-ce qu'on va dire: Bien, on va passer à 2,15 $?

Je pense qu'il y a une limite, là, qui nous apparaît comme infranchissable et qui met... Tu sais, on s'inscrit comme dans un cercle vicieux où, dans une situation difficile, on va, à travers un exercice de correction d'infrastructures, créer encore plus de difficultés économiques dans le milieu parce que la capacité de payer n'est plus au rendez-vous. Donc, il faut, je pense, définir... En tout cas, on comprend, là, qu'il y a déjà des préoccupations qui visent à moduler ce genre de situation-là, mais il y a encore d'énormes difficultés à combler, écarts à combler entre ce qu'on peut offrir, puis je pense qu'il faudra peut-être aller encore plus loin si on veut que ces corrections-là puissent se faire.

Mme Jérôme-Forget: Merci. Je n'ai plus de question, M. le...

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, merci, M. Généreux. Je cède maintenant la parole au député de Lévis. M. le député.

M. Lévesque: Merci beaucoup. Alors, premièrement, M. Généreux, M. Charland, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer, aujourd'hui, et de partager vos visions. Je vais embarquer tout de suite dans le coeur. Page 3, vous nous parlez, bon, gestion des ponts municipaux, mais vous nous parlez ici que le volet des infrastructures municipales va recevoir, sur 15 ans, 3 150 000 000 $ et que vos demandes se situent autour de 7 milliards, ce qui fait que, mettons, le FIMR va combler une partie aux niveaux fédéral, municipal, et tout ça, pour 7 milliards. Si je vais en page 6, vous dites que le déficit lié aux infrastructures est de 10,8 milliards. Si je me réfère à une rencontre qu'on a eue en début de semaine, mardi, avec l'Union des municipalités, on nous parlait de 18 milliards, les besoins. Je suis un peu mêlé, là. J'aimerais savoir, d'après vous, qu'est-ce qui est le...

Le Président (M. Paquet): M. Généreux.

M. Généreux (Bernard): Bien, écoutez, nous, on essaie, là, de voir la portion des territoires qui relève de la FQM, là. On reconnaît que, dans l'ensemble des infrastructures où le déficit des infrastructures municipales est peut-être ? le besoin, là ? autour de 18 milliards, on y souscrit pour l'ensemble du Québec, là.

M. Lévesque: Sauf que vous faites des comparaisons. 3,5 milliards, c'est pour l'ensemble.

M. Généreux (Bernard): Oui.

M. Lévesque: Mais, vous, vous parlez pour votre groupe à vous seulement. Sauf que ce 3,5 milliards là va être pour l'ensemble.

M. Généreux (Bernard): Oui, oui, d'accord. Je suis d'accord.

M. Lévesque: Alors, j'essaie de mettre en perspective...

M. Généreux (Bernard): Oui. Mais, écoutez, je ne pourrais pas vous dire, là, de but en blanc, quelle serait la part du 3,5 milliards qui serait dédiée aux municipalités membres de la FQM, par exemple, en regard de l'ensemble des besoins municipaux ou de l'objectif des besoins municipaux pour le Québec. Mais on sait que 8 milliards, c'est essentiellement la cible qui... en fait le résultat qui viendrait de la contribution gouvernementale plus la contribution fédérale et la contribution municipale pour la correction eaux usées, eau potable, là. Globalement, sur cinq ans, on serait autour de ces objectifs-là. Maintenant, le déficit d'infrastructures, là, lorsqu'on l'estime autour de 10 milliards, bien on peut comprendre que, si on prenait en compte l'ensemble du territoire québécois, le 18 milliards reste bon, là.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci beaucoup, M. le Président. Page n° 1, vous nous parlez ici... vous faites une référence à la Loi sur le développement durable puis que c'est dans le cadre «qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs». Dans le projet de loi, on prévoit 5 milliards pour les cinq prochaines années, mais on sait que le déficit est de 27 milliards, ce qui fait qu'on pellette 22 milliards pour les 10 années qui vont rester. Est-ce que ce n'est pas justement pelleter par en avant puis redonner aux générations futures? Cinq ans, même 10 ans, on a des nouvelles générations qui arrivent dans le marché du travail. C'est du nouveau monde, ça, là, là. Est-ce que vous ne sentez pas qu'il y a quand même un peu de pelletage par en avant?

M. Généreux (Bernard): Ou bien on choisit de pelleter une correction qui s'impose ou bien on pellette des infrastructures qui ne seraient pas mises à niveau aux prochaines générations. Je pense qu'on est devant un défi qui nous appartient ou qui a peut-être été le fait d'un certain, bon, je veux dire, relâchement au cours des dernières années. Mais la responsabilité, je pense, qu'on a tous, comme élus, c'est de s'assurer qu'au moins ce qui existe, on puisse en assurer la pérennité. Mais ça, bien ça commande des investissements qui nécessairement, pour une bonne part, risquent d'être, je dirais, refilés à plus loin. Mais ça, je pense que, quand on est dans les immobilisations, c'est, j'imagine, assez exceptionnel qu'on puisse, à l'intérieur de sa vie propre, toujours assumer la totalité des choix que l'on fait, là.

Le Président (M. Paquet): M. le député.

M. Lévesque: Merci. Je comprends un peu votre point de vue, M. le président, je comprends un peu le point de vue. La seule chose, c'est que ça représente 1/5 qu'on règle dans les cinq prochaines années puis il nous en reste les 4/5 pour régler les 10 prochaines années. Est-ce qu'on n'aurait pas été mieux de s'attaquer aux projets immédiatement sur 15 ans, avec une plus grande équité par rapport aux années, en se disant que peut-être qu'on a des bonnes années maintenant puis on ne sait pas le futur, alors attaquons-nous au... tout de suite, là?

M. Généreux (Bernard): Écoutez, je pense que ça mérite, là, qu'on puisse en débattre et puis qu'on puisse partager là-dessus. Moi, je pense que l'important, c'est qu'on décide de s'y attaquer. Selon quelle modalité? Effectivement, la modulation des investissements dans le court, moyen, long terme, bon ça peut toujours continuer de faire l'objet de discussions, puis on est prêts à regarder ça un peu plus attentivement, là, si c'est requis.

n (11 h 10) n

M. Lévesque: ...deux volets au projet. Il y en a un que c'est du bonbon, c'est réinvestir un peu, c'est réinvestir dans les infrastructures. Ça, on n'a pas le choix, il faut le faire, on en est conscients puis on se doit de penser au futur. Le deuxième, c'est le cadre de gouvernance des grands projets, de quelle façon qu'on va le faire. Puis je me sens presque obligé de prendre le temps qu'on revoie un peu c'est quoi, le processus qu'on doit passer. Je l'ai fait avant un peu dans le cadre des rencontres jusqu'à date, mais je veux le refaire avec vous.

Premièrement, vous êtes une ville et vous devez déposer un plan stratégique au ministre. Après ça, le ministre doit déposer son plan au Trésor. Après ça, il faut attendre l'autorisation du Conseil du trésor. Après ça, il faut faire un dossier d'affaires initial, le faire évaluer par un comité d'experts. Après ça, le comité d'experts doit transmettre son avis au Conseil du trésor. Après ça, la ministre présente au gouvernement, le gouvernement donne son autorisation. Après ça, il faut faire un dossier d'affaires détaillé, élaboré par l'organisme. Après ça, il faut le refaire évaluer par un comité d'experts. Après ça, le comité d'experts doit transmettre son avis au Conseil du trésor. Après ça, le ministre responsable présente au gouvernement, et le gouvernement autorise, et après ça, on va en appel d'offres. Est-ce que vous pensez que ça ne va pas freiner un peu le développement des villes?

Le Président (M. Paquet): M. Généreux.

Des voix: ...

Le Président (M. Paquet): M. Généreux. S'il vous plaît!

M. Lévesque: O.K., mettons le transport en commun...

Le Président (M. Paquet): Pardon! Excusez-moi!

M. Lévesque: ...le développement des villes du transport en commun...

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Oui?

M. Généreux (Bernard): Bien, écoutez, moi, de ce que je...

Le Président (M. Paquet): Alors, la question est pour M. Généreux. Pour l'instant, M. Généreux a la parole. Merci.

M. Généreux (Bernard): Merci. De ce que je comprends de cette mécanique-là, c'est une mécanique qu'il vous appartient en propre, comme Assemblée nationale, d'adopter, mais les villes ne sont peut-être pas directement associées à la mécanique que vous illustrez, qui m'apparaît effectivement un peu complexe, là. Mais j'imagine que, comme parlementaires, vous savez comment jouer ces règles-là. Puis vous êtes habituellement assez imaginatifs quant à la capacité de compliquer les procédures. Mais ça, je me dis, c'est le fait de votre réalité de parlementaires.

Ce qu'il faut, je pense, s'assurer, c'est effectivement que ça ne devienne pas une foire d'empoigne, cette histoire-là, dans la mesure où on se perdrait dans les dédales administratifs avant d'être capables de livrer une décision. Et il me semble que cette orientation-là ou ce projet de loi là annonce l'intention effectivement... Quand on dit «d'une gestion rigoureuse», c'est qu'on veut bien s'assurer, je pense, que les choses soient faites correctement. Mais, s'il s'agit, à travers la procédure, de se retrouver avec une opération tellement complexe qu'on n'est plus capable de décider, j'imagine qu'entre vous vous allez trouver des façons pour être capables de corriger à juste titre ce qui mériterait de l'être pour être capables que les rendez-vous qu'on se donne sur ces obligations-là y soient, là, en quelque sorte.

Donc, je me sens un petit peu incapable, là, ou, je dirais, inconfortable avec votre question dans la mesure où, question de règles, moi, je pense que la préoccupation que vous identifiez, c'est celle de s'assurer que, ce qu'on se donne comme objectifs, on soit capables de les livrer puis qu'on ne se perde pas en conjonctures de toutes sortes pour être capables de dire: Bien... Bon, on comprend, là, qu'il y a des délais puis on sait que, dans la gestion de nos propres programmes dans le monde municipal, on s'étonne toujours des délais que ça prend pour être capables de livrer des choses. Donc, j'espère que vous serez capables de nous illustrer une démarche, de nous livrer une démarche qui soit sous le fait de... marquée sous le sceau de l'efficacité.

M. Lévesque: Parfait. Maintenant, pourriez-vous nous donner un peu votre point de vue sur comment vous entrevoyez le PPP au sein du développement d'infrastructures?

M. Généreux (Bernard): Écoutez, moi, je pense que, dans l'ordre des moyens qu'il faut mettre en place, le recours au PPP, bien qu'on ait, à un certain moment donné, pensé que ça pouvait être une panacée, je pense qu'il faut le voir davantage comme un moyen parmi d'autres, et un moyen parmi d'autres qui nous permet, lorsque, je dirais, une approche strictement publique de la gestion de ces choses-là nous apparaît difficilement ou incapable de livrer ce qui doit l'être... bien, qu'on puisse se donner des modèles de référence qui sont peut-être moins univoques, bien, qu'on se permette d'y recourir pour voir l'efficacité que peuvent produire ces modèles-là dans la mesure où ils pourraient être plus performants que le modèle auquel on était traditionnellement habitués. Donc, moi, je le vois, là, comme, je dirais, la capacité de se donner d'autres repères que le seul modèle de l'approche public-public.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci. Je vais changer un peu de registre. Est-ce que vous utilisez le BSDQ pour vos soumissions? Dans les soumissions des grands projets au niveau municipal, est-ce que vous utilisez le BSDQ? En fin de compte, non?

Le Président (M. Paquet): M. Généreux.

M. Généreux (Bernard): C'est à quel bureau que vous faites allusion, là?

Le Président (M. Paquet): Le Bureau des soumissions déposées du Québec.

M. Généreux (Bernard): Oui, oui. Bien, c'est-à-dire que la règle des soumissions dans le monde municipal nous oblige à recourir, à partir de grands travaux, à ce bureau-là, donc à y inscrire les projets qui sont en cours. Donc, oui, on y recourt régulièrement, là, pour les projets qui... Je ne me souviens plus de la référence. C'est-u au-delà de 100 000 $?

Une voix: ...

M. Généreux (Bernard): 100 000 $ et plus, il y a automatiquement recours au bureau.

M. Lévesque: ...est-ce que vous avez pu évaluer si c'était un bon outil de contrôle des coûts?

M. Généreux (Bernard): Écoutez, souvent la contrainte qu'on rencontre, puis dans la réalité, c'est que, le recours à ce réseau-là, une des principales, je dirais, difficultés, c'est qu'en regard de la capacité qu'on a de favoriser ou de permettre à des entrepreneurs locaux ou régionaux de répondre il y a une compétition qui s'élimine aussi d'elle-même. Parce que ce qu'on constate, c'est que, bien qu'on y recoure, il est assez rare qu'on voie des entrepreneurs, je dirais, de régions éloignées venir réaliser des travaux, à moins qu'on parle de travaux, là, très significatifs. Le fait de mobiliser les équipes, qui sont souvent à distance, fait en sorte que dans la réalité on se ramène généralement autour des entrepreneurs qui sont plus à proximité des territoires où se réalisent les travaux. Mais je n'ai pas de bilan très exhaustif à vous partager là-dessus, là. On pourrait peut-être faire un inventaire un peu plus serré de comment tout ça se traduit.

M. Lévesque: Merci.

Le Président (M. Paquet): Oui. M. le député de Terrebonne. Il reste environ 2 min 30 s.

M. Therrien: Bonne journée, messieurs. Est-ce que vous pensez que cette loi... Vous parlez, vers la fin de votre mémoire, là, de politique d'occupation du territoire, etc. Dans le même sens, est-ce que vous pensez que cette loi peut vous garantir que vous aurez la juste part des investissements qui sont nécessaires selon le pourcentage d'infrastructures que vous possédez? Plus spécifiquement aussi, à la page 6, où vous dites que les plus petites municipalités possèdent 87 % de la longueur totale des réseaux d'aqueduc, est-ce que vous pensez que cette loi vous garantit la juste part qui vous serait équitable pour vos municipalités?

M. Généreux (Bernard): Écoutez, je ne sais pas si elle le garantit, mais ce que l'on souhaiterait que vous entendiez comme message, c'est qu'on souhaiterait qu'on s'en rapproche, hein? C'est que la réalité du territoire québécois, elle est ce qu'elle est. Puis on pourrait à la limite faire en sorte que les besoins en correction d'infrastructures se concentrent... Je pense qu'on pourrait tout mettre à Montréal, pour caricaturer, puis probablement qu'on n'en aurait pas encore assez. Mais, notre réalité territoriale, géographique et politique étant ce qu'elle est, moi, je pense qu'il faut absolument s'assurer que cette intention de correction des infrastructures prenne en compte que le territoire québécois, il est diversifié, il est grand, il est dispersé, qu'il y a des populations qui ont fait le choix d'habiter ces territoires-là. Puis il faut qu'on trouve les moyens à travers cette démarche-là d'ajuster nos interventions pour qu'on continue de faire le choix d'habiter le territoire, peu importe où on est au Québec.

Et ça, bien ça demande un peu d'imagination, j'imagine, ça demande un peu de volonté de se doter ? puis c'est ce à quoi on milite actuellement à la FQM ? d'une véritable politique d'occupation du territoire. Puis c'est ce pour quoi on réunit demain, encore une fois, 175 communautés dévitalisées puis qui... Ils continuent de vouloir occuper cet espace-là, puis ils continuent de vouloir aussi avoir accès à des infrastructures de qualité, puis c'est ensemble qu'on doit trouver les solutions pour y arriver. Il y a un choix de société derrière ça, puis j'imagine que le projet de loi qui est devant nous doit inclure ces préoccupations de l'occupation du territoire.

n (11 h 20) n

Le Président (M. Paquet): Alors, ça clôt le temps qu'il restait à l'opposition officielle. Nous entreprenons maintenant un nouveau bloc avec le député de Richelieu. M. le député.

M. Simard: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue à M. Généreux et à M. Charland. Très heureux de vous avoir. Vous représentez effectivement, par votre fédération des municipalités, l'occupation du territoire. Vous la symbolisez, mais vous l'êtes aussi, l'occupation du territoire, et certaines questions que vous posez sont extrêmement pertinentes.

Mais rappelons, là, et mon collègue de Lévis l'a rappelé, mais il faut toujours le rappeler, là, c'est un projet de loi double. En première partie, c'est la vertu, c'est la tarte aux pommes, c'est la maternité, tout le monde est pour, là, il s'agit d'investir et de se forcer à investir dans les infrastructures. Vous posez d'ailleurs une question très pertinente sur les années plus difficiles, mais on y reviendra tout à l'heure. Mais la deuxième partie, elle, c'est Kafka, là, c'est la lourdeur administrative, c'est des délais interminables, tout ça, sous le contrôle, au centre, de l'Agence des PPP, là. Six étapes, si on va en PPP, 10 étapes si... Vous ne serez plus maire depuis longtemps, Saint-Prime aura élevé un monument en votre honneur, mais vous ne serez plus là depuis longtemps avant de réaliser quoi que ce soit s'il fallait passer à travers toutes ces étapes-là. Les municipalités sont exclues. Est-ce que vous aimeriez ça, être inclus?

M. Généreux (Bernard): Écoutez, si c'est pour ajouter à la lourdeur administrative que vous identifiez, non. Mais, si c'est pour s'assurer qu'en fait les objectifs qui sont annoncés dans ce projet de loi là, si on peut aider à... contribuer à l'atteinte des objectifs, soit, notre disponibilité, elle est entière. Puis je pense que les nombreux comités de liaison, de travail que nous avons avec à peu près tous les ministères, je pourrais nous... en tout cas, si ça peut être une contribution à l'atteinte de ces objectifs-là, notre disponibilité est acquise. Mais on ne veut surtout pas contribuer à ajouter à la complexité que vous identifiez, actuellement.

M. Simard: Donc, pour la partie vertueuse, vous êtes d'accord. Pour l'autre, vous ne demandez pas à être inclus. Vous avez posé la question tout à l'heure ? revenons à la partie vertueuse, là ? des années difficiles, des années de récession, et la ministre vous a donné une réponse intéressante de... Je ne la savais pas de si stricte obédience keynésienne. Mais, c'est vrai, un gouvernement, lorsqu'il y a crise, au moins temporaire, tend à réinvestir pour activer l'économie. Mais le fait est qu'un gouvernement comme le gouvernement du Québec, avec des limites budgétaires extrêmement strictes... Et, M. Généreux, vous devez être à peu près de ma génération, vous vous souvenez de 1982, de 1989, de 1991, le gouvernement pouvant à peine payer l'aide sociale, payer ses employés, je vous dis qu'ils n'étaient pas très forts à l'époque pour aller payer de l'entretien des infrastructures, disons, cachées. Et vous vous inquiétez là-dessus, je pense, à juste titre parce que, là, il y a un problème. On se crée une obligation, et avec raison, on se crée cette obligation, disons, presque morale, mais en sachant bien que ce n'est pas une garantie que les gouvernements, de toute éternité, vont s'y soumettre parce que les contraintes qu'on a connues dans le passé vont nécessairement... les cycles économiques étant ce qu'ils sont, ces contraintes-là risquent de réapparaître. Et je pense que votre inquiétude là-dessus est justifiée.

Même si la réponse de la ministre, en bonne théorie économique, n'est pas fausse, le gouvernement va tenter d'avoir des politiques contre-cycliques et d'investir dans les investissements, justement comme on l'a fait, par exemple, au lendemain de l'attentat de 2001, pour réchauffer l'économie, mais il ne faut pas penser qu'en véritable période de récession les marges de manoeuvre gouvernementales permettraient à un ministre des Finances... Donc, même la partie vertueuse, tarte aux pommes, elle est très relative comme avancée.

Revenons sur le territoire. Vous avez fait allusion tout à l'heure... Et mes collègues vont vous poser quelques questions là-dessus ou vous faire part d'exemples. Mais, moi, je pense à une petite municipalité de mon comté, là, Massueville, qui n'a même pas 1 000 habitants. 10 % d'un investissement de 7,5 millions, là, c'est totalement impensable et impossible. Et vous êtes pris, vous, avec des centaines de municipalités qui sont dans cette situation-là. Ils veulent bien remplacer leurs infrastructures. C'est eux qui ont les plus long réseaux d'aqueduc au Québec, les réseaux d'égout. On connaît des municipalités qui n'en ont même pas. Mais la petite portion qu'on demande aux municipalités, dans leur cas elle est totalement disproportionnée. L'obligation du territoire va nous forcer à regarder la possibilité de prendre en charge plus que ce nous avions tendance à faire jusqu'à maintenant. Je pense que c'est ça, l'essentiel de votre demande. Est-ce que je me trompe?

M. Généreux (Bernard): Définitivement pas. Moi, je pense que la question des infrastructures nous ramène ou nous rappelle à sa manière que, derrière notre volonté d'occuper le territoire, il y a un choix de société qui doit s'imposer. Et, au même titre où, rappelons-nous, dans des périodes difficiles où, comme société, on a développé des programmes immensément ouverts et généreux pour la métropole et pour l'aider à passer une période de son développement difficile, on s'est solidarisés autour de ces grands projets là, je pense que, dans le défi que nous pose l'occupation du territoire dans un contexte de mondialisation, dans un contexte où les économies sont en changement, bien il faut, d'une façon très claire... puis profiter de ces opportunités-là des infrastructures.

Parce que je pense qu'on est en train de se rappeler collectivement que la qualité d'infrastructures, c'est une condition essentielle au développement de nos territoires. Puis bien sûr qu'on en a mis, pour un certain nombre d'entre elles, en place il y a peut-être 25, 30, 50, 100 ans, mais il faut maintenant renouer avec ces choix-là qui ont été historiquement le fait de notre société. Puis comment on les réactualise? Avec une approche du XXIe siècle, avec, je dirais, une approche d'un choix de société qui réaffirme cette volonté d'occuper le territoire puis d'accompagner nos communautés à la hauteur des moyens dont elles sont capables encore une fois de s'inscrire dans ces rendez-vous que l'on s'apprête à leur proposer dans la correction des infrastructures.

Puis on pourrait parler d'Internet haute vitesse et de la téléphonie cellulaire, qui bien souvent ne se rend pas, mais disons qu'on n'est pas encore dans ce genre d'infrastructures. Mais quelque part, quand on met des tours un peu partout dans le paysage, c'est peut-être aussi des infrastructures dont il faudra se préoccuper, parce qu'on se préoccupe beaucoup du sous-sol puis peut-être pas assez de l'aérien. Mais ça, c'est un autre problème.

M. Simard: M. le Président, mon collègue de Rimouski aurait un exemple à citer.

Le Président (M. Paquet): D'accord. M. le député de Rimouski.

M. Pelletier (Rimouski): Merci, M. le Président. Alors, pour sauver un peu de temps, je vais dire des salutations, des bienvenues bis, mon collègue et les autres.

D'abord, j'ai deux petites questions, M. Généreux. Ma première question, c'est que vous parlez, dans votre document, de 74 millions pour l'entretien des ponts municipaux, et puis Mme la ministre nous a parlé de 100 millions. Alors, selon ma compréhension, peut-être que j'ai mal compris, mais est-ce que vous venez de dire à Mme la ministre qu'elle met 26 millions de trop dans la réparation des ponts?

Ma deuxième question, c'est un exemple que je voulais vous citer. C'est que, dans une municipalité de mon comté, à Rimouski ? vous savez qu'il y a plusieurs municipalités dévitalisées ? une municipalité de 450 habitants à peu près, disons, 100 payeurs de taxes, ils n'ont pas de système d'égout. Puis là ils sont obligés d'installer un système d'égout parce qu'elle avait un système d'égout pluvial, et puis malencontreusement il y a des citoyens qui se sont branchés dessus. Vous savez, en creusant pour installer un puisard, on va passer un tuyau puis on se branche dessus, on vient de régler ça. Alors, ça a pollué le système d'égout. Ça coûte 4,5 millions pour le système d'égout de cette municipalité-là, et puis le gouvernement, les instances gouvernementales fournissent 95 %, alors il reste 200 000 $, 250 000 $ à la charge de la municipalité, plus des frais non admissibles. Ça se monte à 500 000 $, 600 000 $, même si c'est juste 5 %, là, 500 000 $, 600 000 $. Comment cette municipalité-là peut payer ce montant de 500 000 $, 600 000 $?

Le Président (M. Paquet): M. Généreux.

n (11 h 30) n

M. Généreux (Bernard): Bien, écoutez, poser la question, ce n'est pas nécessairement y répondre, hein? Quand on pense qu'on sort d'opérations qui ont aussi entraîné des dépenses supplémentaires pour nos communautés, les plans de gestion de matières résiduelles, la police, sécurité incendie, on sort de ces réformes-là, puis on y est pour le plan de gestion de matières résiduelles, vient de s'ajouter la mise aux normes des eaux usées, eau potable... Écoutez, vous illustrez, là, une situation qu'on pourrait répéter à de multiples reprises.

Et c'est précisément ce à quoi on veut vous sensibiliser. Il faut s'assurer que, dans le respect de la capacité de payer des populations, les réformes ou les modifications en termes d'infrastructures qu'on s'apprête à réaliser, il faudrait bien s'assurer que dans le fond... Est-ce qu'en voulant faire un bon coup, qui est celui de la correction puis de la mise à niveau, on n'est pas en train de mettre dans le pétrin des communautés puis de les étouffer au plan de leur capacité de continuer de demeurer dans ces communautés-là? Parce que, si le déséquilibre fait en sorte que ça coûte 25 %, 30 %, 40 % plus cher de rester dans une communauté parce qu'il y a ça à payer comparativement à ce qu'il en coûterait d'aller vivre peut-être dans la ville voisine, bien, tantôt, on va peut-être forcer sans le vouloir ou contribuer à l'exode des populations, à la désertion des territoires, puis tantôt on aura collectivement à supporter collectivement des communautés qui à l'évidence n'auront plus la capacité d'assumer leur propre développement. Donc, ça nous ramène définitivement à l'enjeu de société, au débat de société que pose l'occupation du territoire dans un contexte où la mise à niveau de ces infrastructures-là entraîne, dans bien des situations, des factures impossibles dans la capacité de payer des citoyens qui y résident.

Donc, je n'ai pas de solution autrement que de dire: Dans la démarche qu'on est en train de faire sur un projet de politique d'occupation dynamique du territoire, bien il faudra probablement retrouver ce genre de réponse là qui définitivement passe par un geste de solidarité collective où on va accepter de contribuer collectivement à ces mises à niveau de façon à ce qu'on puisse maintenir des populations en place avec, je dirais, une facture de taxes ou un compte de taxes qui continue d'être acceptable, équitable et comparable à ce que généralement on retrouve ailleurs au Québec.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. M. Généreux, je vois dans votre mémoire que vous mettez à l'avant-plan une politique d'occupation du territoire. Et on se souvient de la Politique nationale de la ruralité qui a connu un succès au niveau des MRC. Moi, j'essaie de comprendre comment le gouvernement va agir, parce que 173 municipalités dévitalisées dans les régions du Québec...

Je regarde la Gaspésie, avec la crise forestière, qu'est-ce que ça donne: les usines sont fermées, le monde est en chômage. Est-ce que vous entrevoyez, avec la politique d'occupation du territoire, une décentralisation, plus de pouvoirs aux municipalités ou aux MRC pour agir sur les projets qui viendront? Parce que, si on passe 30 %, 40 % en honoraires pour faire ces projets-là, bien on n'est pas plus avancé. Donc, il faut avoir des mécanismes, qu'on connaît aux Affaires municipales; ils connaissent très bien ça, les infrastructures municipales. Alors, pourquoi ne pas se servir des exemples du passé pour régler ces problèmes-là?

Le Président (M. Paquet): M. Généreux, très rapidement, s'il vous plaît. Le temps est écoulé, mais je vais vous laisser quand même peut-être une quarantaine de secondes, une minute...

M. Généreux (Bernard): D'accord. Écoutez, je pense que, nous, on cherche à être en continuité avec, je dirais, des objectifs, je dirais, d'occupation du territoire qui passent bien sûr par la décentralisation. On le sait, on est en processus qui, malheureusement pour nous, ne va pas assez loin et assez vite sur cette question-là. On souhaite que la Politique nationale de la ruralité, qui est, je pense, une illustration d'une volonté, là, collective... puis c'est un choix de société encore une fois qu'il y a derrière ça, mais il faut aller plus loin, il faut aller plus loin puis sortir des sentiers battus, réinventer, je dirais, nos territoires, réajuster nos façons de faire, réajuster la réponse qu'on a historiquement donnée aux populations qui ont fait le choix d'habiter les territoires. Puis il me semble que le chantier des infrastructures pourrait être une belle occasion pour permettre justement de réaffirmer autrement, dans le contexte du XXIe siècle, qu'il y a une multitude de communautés à travers tout le Québec qui ne demandent pas mieux qu'on s'inscrive dans ce choix de mise à niveau de nos infrastructures, mais qu'elles-mêmes puissent en être les bénéficiaires.

Le Président (M. Paquet): Merci. Merci beaucoup. Alors, je remercie M. Généreux et M. Charland, pour la Fédération québécoise des municipalités, d'avoir participé à nos travaux. Je suspends très brièvement la commission pour permettre aux prochains intervenants de se joindre à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

 

(Reprise à 11 h 38)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des finances publiques reprend ses travaux. Nous entendrons maintenant les représentants de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec. M. Michel Gagnon. Vous présentez les gens qui vous accompagnent. Bienvenue à la commission.

Association professionnelle des
ingénieurs du gouvernement
du Québec (APIGQ)

M. Gagnon (Michel): Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vous présente mes collègues: l'ingénieure Lucie Grégoire, deuxième vice-présidente, et l'ingénieur Pierre Vincent, secrétaire-trésorier de l'association.

Le Président (M. Paquet): Merci.

M. Gagnon (Michel): Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, permettez-moi d'abord de vous remercier de l'invitation que vous avez faite à l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec ? que j'appellerai maintenant APIGQ ? de venir vous présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 32.

L'APIGQ est un syndicat. Il représente les 1 100 ingénieurs qui oeuvrent au gouvernement du Québec. Près de 50 % de nos membres travaillent au ministère des Transports, 20 % au ministère du Développement durable, Environnement et Parcs et 10 % à la CSST.

L'APIGQ se réjouit que le gouvernement donne suite enfin à ses demandes. En effet, depuis près de 20 ans, l'APIGQ demande de mettre fin au sous-financement dans le domaine de la réfection des infrastructures routières. Dommage qu'il ait fallu des morts pour que le gouvernement décide de cesser de négliger l'entretien de ces infrastructures.

L'APIGQ a pris connaissance du projet de loi n° 32. Elle est en accord avec la problématique exposée, mais se questionne sur l'à-propos du remède législatif proposé. Sommairement, nous retenons de ce projet de loi les thèmes rigueur, transparence, répartition adéquate et planification. Nous traiterons donc dans ce mémoire de ces quatre sujets.

n (11 h 40) n

La rigueur. Le gouvernement veut, et nous sommes d'accord, plus de rigueur dans la gestion des infrastructures. Le gouvernement semble prêter à l'Agence des partenariats public-privé ? que j'appellerai maintenant agence ? une beaucoup plus grande capacité de rigueur qu'aux organismes publics. D'entrée de jeu, nous sommes d'avis que l'obligation faite aux administrateurs d'organismes publics de recourir aux services de l'agence va à l'encontre de l'objectif de responsabilisation voulu par la Loi sur l'administration publique et la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État. Au fait, qu'en est-il de la rigueur qu'on prête à cette agence?

Le 8 octobre 2004, la présidente du Conseil du trésor, sans doute à partir des informations que lui en avait données l'agence, affirmait, dans le journal La Presse, que «l'entrepreneur qui a fait le pont de la Confédération, à l'Île-du-Prince-Édouard, a dépassé de 200 millions de dollars son budget, un excédent qu'il a dû assumer». Une perte de 200 millions sur un projet de l'ordre du milliard et un promoteur encore en affaires après une telle perte, cela nous apparaissait suspect. C'est pourquoi, le 11 novembre 2004, lors de la présentation de notre mémoire sur le projet de loi créant l'agence, nous avons en vain interpellé à trois reprises la ministre pour connaître ses sources d'information. Deux ans plus tard, 100 millions disparaissent. En effet, le 22 août 2006, dans le journal Le Soleil, le président de l'agence, M. Pierre Lefebvre, affirmait, avec toute la rigueur qu'on lui connaît, que le promoteur avait perdu 100 millions dans le projet. Le 24 octobre 2006, l'agence nous confirmait que son président ne disposait d'aucune donnée pour appuyer ses prétentions. Quelle rigueur!

Prenons un autre exemple: le parachèvement de l'autoroute 25 en mode PPP. Le 22 décembre 2005, l'appel de qualification privilégie une structure tarifaire en dollars 2004. À titre d'exemple, un automobiliste paierait 1,50 $ en heure de pointe. 18 mois plus tard, soit le 20 juillet 2006, l'appel de propositions présente la même structure tarifaire mais en dollars 2002. En d'autres mots, on vient d'éluder 5 % d'augmentation, soit une augmentation de plus de 15 millions en péage.

Le 24 septembre 2007, malgré la rigoureuse grille tarifaire préparée par l'agence, le gouvernement signe une entente historique avec le partenaire privé qui prévoit que le paiement pour un automobiliste à l'heure de pointe serait de 2,40 $, en 2011. En d'autres mots, M. le Président, une augmentation de plus de 60 millions pour les utilisateurs.

Par ailleurs, selon le site Internet du MTQ, les coûts de réalisation pour l'ensemble du projet sont estimés à près de 400 millions de dollars. Ces coûts comprennent l'ensemble des travaux liés au parachèvement, soit la portion réalisée selon l'approche conventionnelle, 53 millions, et celle qui sera réalisée en PPP.

Dans La Presse du 10 juin 2007, la ministre des Transports, Mme Julie Boulet, affirmait que le mode PPP générerait des économies d'un minimum de 100 millions. Trois mois plus tard, soit le 24 septembre, les économies font plus que doubler, alors que le projet est toujours évalué à 347 millions. La ministre des Transports déclare que l'entente de PPP représente pour le gouvernement une économie de 226 millions de dollars en valeur actuelle sur 35 ans. On le voit, la ministre ne parle pas d'économie de réalisation mais d'économie pour le gouvernement.

Alors, comparons le mode traditionnel au mode PPP. Les coûts de construction et d'entretien sont, à toutes fins pratiques, les mêmes. Par contre, les coûts de financement et les frais juridiques sont définitivement plus élevés en mode PPP. Enfin, le gouvernement aura à verser une prime de risque et un profit, alors qu'en mode traditionnel ces coûts seraient nuls. Comment peut-on conclure à un coût moindre de 226 millions en mode PPP? Au fait, M. le Président, l'économie dont la ministre du MTQ parlait le 24 septembre dernier serait-elle le péage, péage qu'en mode conventionnel personne n'aurait à payer? Franchement, peut-on croire que l'agence ait pu rouler à ce point des entreprises de renommée nationale et internationale?

De tout ce qui précède, comment peut-on conclure que l'Agence des PPP soit synonyme de rigueur? Comment peut-on conclure que le mode de réalisation qui génère des coûts additionnels en termes d'ingénierie, de frais juridiques, de financement, de prime de risque et de profit est plus avantageux pour le payeur de taxes? Nous sommes d'avis qu'il faut simplement plus de rigueur dans la réalisation des projets. Le cheminement ministériel de réalisation de projets routiers du MTQ est un exemple de rigueur à suivre.

La transparence, maintenant. Quelles sont les dispositions de ce projet de loi qui amènent plus de transparence? Modifie-t-on la loi communément appelée la loi sur l'accès à l'information? Donne-t-on plus de pouvoirs au Directeur général des élections pour contrer le système Tecsult mis en lumière dans le journal Le Soleil du 2 novembre 2007? Au fait, est-ce pour cette raison que l'industrie du génie-conseil se porte si bien au Québec? Modifie-t-on la Loi sur les PPP pour interdire les relations d'affaires entre les firmes de génie-conseil qui soumissionnent et celles qui représentent le gouvernement? Le gouvernement rend-il accessibles en ligne tous les contrats de ses fournisseurs? La réponse est non à toutes ces questions, M. le Président. Alors, que soient supprimés de l'article 1 du projet de loi les mots «de manière transparente».

Répartition adéquate des investissements. Le Québec est lourdement endetté, nous le savons. Il y a tout lieu de croire que les sommes d'argent versées au Fonds des générations ne suffiront pas à pallier les montants qui seront empruntés dans le cadre de la mise à niveau des infrastructures publiques. En d'autres mots, nous endetterons encore davantage nos enfants et nos petits-enfants.

Fort de ce constat, l'association met un bémol sur les projets de développement routier. La sécurité routière est un motif incontournable lorsqu'il est réel. Nous ne souhaitons pas que d'ex-ministres aient à avouer une erreur, comme l'a fait dernièrement l'ex-ministre Guy Chevrette dans le cas de la côte des Éboulements, alors qu'il n'avait pas suivi les recommandations de l'association, qui étaient, elles, basées sur des critères rigoureux de génie routier.

Avec ses dernières annonces, le gouvernement dit privilégier la règle du 80-20, soit 80 % en conservation d'infrastructures et 20 % en développement. Le terme «développement» n'est pas défini et le terme «adéquat» n'est pas balisé, ce qui laisse une trop grande marge de manoeuvre dans l'application future de la loi.

À titre d'exemple d'imprécision du terme «développement», la route 175 qui devient une autoroute. Ces travaux ne sont pas, pour le gouvernement, du développement. Nous sommes d'avis contraire. La Presse du 20 octobre dernier partage aussi notre interprétation.

Voici un exemple de ce qu'entraîne l'absence de balisage du terme «adéquat»: le tronçon de la route Saint-Donat?Lac-Supérieur. Pour le ministre des Transports de l'époque, M. Guy Chevrette, il s'agissait d'un lien routier vital, alors qu'aujourd'hui un volume de circulation d'environ 200 véhicules par jour fait dire au maire de Lac-Supérieur que c'est l'une des plus belles pistes cyclables au Québec. Encore là, l'APIGQ avait raison de s'y opposer.

Que l'on ait raison ou tort, M. le Président, on constate que le projet de loi laisse place à l'arbitraire, qui affectera la rigueur de la mise en oeuvre de la loi. Au Québec, rappelons-le, près d'une structure sur deux est en mauvais état et près de 37 % des 30 000 km de route que compte le réseau routier québécois est aussi en mauvais état, soit près de 11 000 km de route. C'est 40 fois la distance entre Montréal et Québec. Il faut savoir que les 450 millions prévus à l'exercice 2007-2008 pour la conservation des routes ne permettront d'ajouter que 250 km de route en bon état, soit moins de 1 % du réseau routier. On le voit, un gouvernement rigoureux n'a pas le droit de gaspiller l'argent de nos enfants.

En terminant, comme l'a dit à trois reprises un ingénieur du MTQ devant la commission Johnson, les besoins sont immenses et les ressources limitées. À titre d'exemple, en 2003-2004, la région administrative de Laval n'avait à sa disposition que 10 000 $ pour la conservation de ses 90 structures, dont celle du viaduc de la Concorde. Il est curieux que la commission Johnson, contrairement à la Commission d'enquête sur Walkerton, qui, rappelons-le, était présidée par un juge, ne se soit pas intéressée à l'épineux et hautement stratégique sujet du financement. Les choix budgétaires étant avant tout politiques, la commission ontarienne a amené à la barre un premier ministre et deux ministres. En aurait-il été de même si la commission ontarienne avait été présidée par un ex-premier ministre?

Planification rigoureuse des grands projets. La planification rigoureuse passerait-elle par les PPP? En dehors de ce mode contractuel, point de salut. Le recours aux PPP semble être, pour le gouvernement, la figure de proue de sa gouvernance. Dès lors, il faut les encourager, les susciter à tout prix, à n'importe quel prix. Pourtant, il nous semble bien qu'il n'y ait pas moins de talent dans le secteur public et de capacité à réaliser avec rigueur, discipline et transparence les travaux, et ce, pour que nos routes soient en aussi bon état que celles de nos voisins.

Par contre, il y a un élément en moins, M. le Président: la capacité de réalisation, qui, elle, se réduit d'une année à l'autre. En effet, la politique de réduction des effectifs du gouvernement, qui n'est en aucune façon une politique de réduction des coûts, limite le pouvoir de l'appareil public à fournir aux citoyens les services de qualité pour lesquels ils paient, et chèrement. Et la politique de rémunération du gouvernement handicape lourdement sa capacité d'attraction et de rétention des compétences.

n (11 h 50) n

Alors, pourquoi privilégier une approche qui fait tant appel aux talents du privé plutôt que de développer ou renforcer les capacités actuelles de l'appareil public? Il est temps de penser à faire mieux dans l'État plutôt que de rechercher à faire moins. Le moment ne serait-il pas venu de faire une percée en ce sens? Pourquoi une politique utilisateur-payeur est-elle acceptable pour les citoyens et bonne pour l'entreprise privée et ne le serait pas pour l'État? Nous croyons que d'autres avenues devraient aussi être explorées afin de donner à la fonction publique la marge de manoeuvre lui permettant d'être plus performante, tel que l'exige d'ailleurs la Loi sur l'administration publique.

En conclusion, tel que nous le disions en introduction, nous sommes d'accord avec l'objectif du gouvernement de résorber le déficit d'entretien des infrastructures. Compte tenu de l'état du réseau routier et des sommes colossales à investir, la question d'équité intergénérationnelle se pose. Nous doutons, compte tenu des perspectives à long terme, que le Fonds des générations soit suffisant pour assurer cette équité. La surchauffe dans l'industrie de la construction et la pénurie de main-d'oeuvre dans ce domaine, notamment chez les ingénieurs civils, sont aussi à prendre en compte. Et que dire de la sécurité des usagers?

Dans une perspective de développement et d'aménagement durables, la question environnementale ne peut être évitée. Le parc routier a doublé, ces 20 dernières années. Le Québec a-t-il les moyens de développer continuellement son réseau routier en fonction de l'étalement urbain et au détriment de l'entretien du réseau existant encore essentiel? En d'autres mots, nous doutons que le Québec ait les moyens d'investir à la fois dans l'asphalte de développement et dans le transport en commun.

Nous recommandons au gouvernement qu'il cesse d'abdiquer ses responsabilités et qu'il mette en place une politique utilisateur-payeur dans le secteur routier dont les revenus seront rigoureusement affectés à la conservation des chaussées et des structures. De plus, une politique musclée favorisant le transport en commun devrait y être associée. M. le Président, je comprends que j'ai encore une ou deux minutes?

Le Président (M. Paquet): 1 min 30 s.

M. Gagnon (Michel): C'est suffisant. Écoutez, nous, on n'est pas en religion, on n'est pas contre les PPP, on n'est pas... mais il faut que ça nous soit démontré, à savoir que, si le gouvernement serait en mesure de s'asseoir avec nous puis de nous démontrer que 226 millions d'économies sur un projet de 347 millions c'est possible, bien là, ça nous ferait plaisir de participer à une conférence de presse, avec le tapis rouge, pour dire: On est les meilleurs alliés du gouvernement. Donc, on n'est pas en religion, mais on doute de ces économies-là, du même ordre que le 200 millions du pont de la Confédération, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci. Alors, je reconnais maintenant Mme la ministre des Finances.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Gagnon, ça me fait plaisir que vous veniez nous faire votre présentation.

Mais, avant peut-être de répondre à M. Gagnon ou de lui poser des questions, j'aimerais, à un collègue en particulier, le collègue de Lévis, lui dire que ce n'est pas 10 étapes, c'est trois étapes. D'accord? Trois. Il y a une étape qui existe déjà, une deuxième étape qui existe déjà, parce que, quand on n'a pas... Je peux comprendre que vous ne connaissiez pas ça, parce que vous n'avez pas été au Trésor. Mais je peux vous assurer que les projets sont d'abord approuvés au Trésor, on fait un plan d'affaires, reviennent au Trésor, et par conséquent il y a quand même un suivi. D'accord? Et là il y en a une de plus, et là l'une de plus, c'est pour permettre, M. le Président, à un organisme indépendant, des experts indépendants recommandés par le Vérificateur général, recommandés par le Vérificateur général, pour éviter que finalement il y ait des discours qui soient tenus et qui soient complètement erronés...

Exemple, le métro de Laval. Tous, y compris le ministère des Transports, avaient au départ affirmé ? et je ne blâme personne, les politiciens aussi ? que ça coûterait 180 millions de dollars, M. le Président. Or, si vous parlez aux experts ingénieurs, ils vont vous dire qu'en aucun cas, même à l'époque, il n'était possible de construire le métro de Laval pour 180 millions de dollars. Impossible. Alors, voilà, M. le Président, je voulais simplement apporter un correctif. Je lui pardonne, il n'a pas été au Trésor, et je lui pardonne.

Par ailleurs, ce que je voudrais dire, M. le Président, c'est que même le gouvernement fédéral, dans Chantiers Canada... Vous savez, M. Gagnon, vous avez toujours été contre les PPP, vous faites semblant d'être peut-être pour, mais je peux vous garantir que vous étiez contre il y a longtemps, vous êtes encore contre. C'est votre choix. Mais permettez-moi de vous dire que, si vous voulez travailler avec Chantiers Canada, Chantiers Canada vient d'établir la règle suivante: que tous les projets sollicitant des contributions fédérales de 50 millions de dollars ou plus seront tenus d'évaluer et d'envisager la viabilité d'une option axée sur les PPP. Donc, le fédéral va l'imposer avec plus de 50 millions de dollars.

Avec les étapes, vous comprendrez, M. le Président, qu'on n'a pas sorti ça comme ça, on a fait faire une étude par des gens, Roger Miller notamment. Roger Miller, il est perçu.... il est un consultant à qui on fait appel à peu près partout dans le monde, il est un grand spécialiste, et c'est lui qui a piloté l'étude de CIRANO. Et que nous a proposé l'étude de CIRANO? C'est les trois étapes que nous avons aujourd'hui, à savoir une première étape qui arrive au Trésor: Est-ce qu'on fait le projet, oui ou non? Est-ce que c'est intéressant?, une deuxième étape: Est-ce qu'on le fait en PPP ou en mode conventionnel?, une troisième étape: les vérificateurs qui viennent dire justement si ça tient debout ou si ça ne tient pas debout. Autrement dit, l'erreur du 180 millions de dollars du métro de Laval, ça ne se reproduirait plus, il n'y a plus personne qui dirait ce chiffre-là ou qui l'affirmerait.

Mais j'aimerais également... Quant au processus décisionnel, je l'ai déjà mentionné, M. le Président, nous ne sommes pas les seuls à procéder de cette façon-là. D'ailleurs, CIRANO s'est inspiré de la Grande-Bretagne, de la Norvège, de l'Australie, des États-Unis et également de plusieurs autres pays qui justement se sont rendu compte ? ce n'est pas simplement ici ? qu'il y avait des problèmes au niveau justement de la gestion des grands projets. Et je parle de grands projets, des projets de plus de 40 millions de dollars. Il y en a à peu près 10 par année, M. le Président, de ces projets. On parle, là, comme s'il allait y avoir une accumulation de projets de plus de 40 millions. Il y en a 10, 12 par année, des projets de plus de 40 millions de dollars. Alors, ce n'est pas parce que... Finalement, il y en a dans le moment dans le pipeline depuis déjà un certain temps, il y en a... six ou sept?

Une voix: ...

Mme Jérôme-Forget: Six? Je ne le sais jamais, là, parce qu'il y a les haltes routières. Six PPP, puis il y a 24 projets conventionnels. Alors, vous comprendrez que tout ne se fait pas en PPP, la majorité des choses se font en mode conventionnel. D'ailleurs, le Vérificateur général encore, non seulement il a dit qu'il était pour le processus rigoureux des partenariats public-privé pour s'assurer que finalement on soit conscient à la fin... avant d'aborder le projet, qu'on sache le prix et que des arrêts puis des ordres de changement, ça ne se fasse pas en cours de route.

Moi, je veux bien qu'on ait évalué un projet au départ, par enthousiasme, à raison de 100 millions de dollars, et tout à coup... Tout le monde est heureux, et tout à coup, à force de faire le travail, le projet arrive à 160 millions de dollars. On a encore le choix d'arrêter le projet parce qu'on le trouve trop coûteux, parce qu'on trouve que ce n'est pas légitime, que les prétentions qu'on avait au départ... ou on décide, connaissant le coût, qu'on maintient le cap, on y va pareil. Là, il y a un choix politique à faire puis un choix également, M. le Président, je dirais bureaucratique, à savoir: Est-ce que c'est là une bonne orientation? Sur le plan technique, est-ce que ça, c'est valable?

Alors, moi, ce que je dis, et ce que le Vérificateur général dit, et ce qu'il m'a dit, c'est qu'il souhaitait que, dans le mode conventionnel, on ait la même démarche qu'on a avec les PPP. Ce n'est pas par hasard, ça, qu'on arrive avec ça, là, c'est que le Vérificateur général estime que la façon qui était utilisée dans le passé manquait de rigueur. Alors, vous comprendrez qu'une fille comme moi, qui suis ordinairement contre des démarches inutiles, c'est suite à des rencontres nombreuses que j'ai eues avec le Vérificateur général que je suis arrivée à la proposition actuelle.

n (12 heures) n

Moi, je veux bien, là, que les gens disent qu'on n'ait pas besoin de ça puis qu'on continue comme avant. M. le Président, le Québec continuera comme avant. Moi, j'aurai fait une proposition honnête, que j'estime non partisane, je l'estime pour nos enfants, pour les infrastructures pour l'avenir. Mais, si les gens ne sont pas d'accord avec ça, M. le Président, bien on continuera à faire comme on le fait maintenant, ce n'est pas sorcier, hein?

Nous sommes minoritaires, j'en suis bien consciente, hein? Nous sommes minoritaires, et ça, ça veut dire qu'on doit obtenir l'accord. Alors, ça nécessite non seulement de la modestie... Et, M. le Président, moi, je vous dirais que j'aime ça, le côté minoritaire. Vous m'avez bien comprise, tout le monde, là? Oui, j'aime ça, le côté minoritaire. Puis ce pour quoi j'aime ça ? non, c'est vrai que, les politiciens, on dirait qu'ils n'aiment pas ça ? je trouve que c'est un défi de travailler avec les autres partis pour essayer de trouver des accommodements et de nous entendre. Parce que je pense qu'on a tous le bien commun, je présume qu'autour de la table nous voulons tous faire les choses correctement. Je présume qu'on est venus ici pour ça, hein, on est venus ici pour ça. Je soupçonne, là, qu'il n'y a personne qui est venu ici, là, parce qu'il pensait de s'enrichir, personne. On est venus ici parce qu'on avait le sens du devoir, on avait le goût de relever des défis, on avait l'intérêt du Québec, et c'est la raison pour laquelle on est venus en politique. En tout cas, je présume que c'est pour ça que tout le monde est venu ici, M. le Président.

Alors, moi, ce que je dis, c'est que, M. le Président ? le député, et les députés disent: Bien, ça, c'est de la tarte aux pommes ? moi, j'estime que ce n'est pas de la tarte aux pommes, j'estime que c'est une approche sérieuse de reprendre le passé, de corriger notre passé, de revenir à la case départ, de corriger ce qu'on a fait de pas correct pendant 30 ans et de nous donner la mission de respecter nos enfants et le patrimoine de nos enfants, et, dans mon cas, M. le Président, de mes petits-enfants, hein, de mes petits-enfants. Et j'en parle avec beaucoup d'émotion parce que je sais combien c'est important de laisser à nos enfants... D'ailleurs, le maire Vaillancourt, il a dit quelque chose: Dans le fond, des infrastructures qu'on laisse en mauvais état, c'est une dette qu'on leur laisse également, parce que, si on ne le fait pas maintenant, il va falloir le faire un jour, il va falloir corriger ça un jour de toute façon, et plus on attend, plus ça coûte cher.

Alors, moi, je veux bien, là, qu'aujourd'hui vous nous parliez surtout de l'Agence des PPP, je sais votre aversion pour les PPP, c'est fort connu, ça n'a pas changé, et je vous le pardonne, vous avez droit à vos opinions. La seule chose, je vais vous le dire, vous savez, les PPP, désormais tous les projets en Ontario de plus de 40 millions se font en PPP, sans exception. Au Canada, c'est à peu près la totalité des provinces. D'ailleurs, M. le Président, l'ENA, qui est une des grandes écoles au monde en administration, hein, c'est probablement la plus grande école en administration, vient de sortir un document sur les PPP, l'ENA, hein? Vous ne pouvez pas trouver, M. le Président, plus conservateur que l'ENA, là, je pense, là. En termes de culture, l'ENA, c'est d'une rigueur. Elle forme les plus grands, je dirais, technocrates de la France. Et elle-même se penche aujourd'hui sur les PPP.

Alors, moi, ce que je dis aujourd'hui, M. Gagnon, c'est que vous êtes en désaccord avec notre approche, le fédéral propose ça, les étapes que nous proposons, c'est fait en Grande-Bretagne, en Norvège, en Australie, aux États-Unis, je ne sais pas ce que vous voulez nous proposer d'autre que continuer à faire ce qu'on fait. Je pense que, si on faisait venir M. Johnson ici, je ne suis pas sûre qu'il serait d'accord de dire de continuer à faire les choses telles que nous les faisons actuellement. Vous allez probablement être d'accord avec moi. Est-ce que vous pensez que de continuer à faire comme on faisait correspondrait à l'esprit du rapport de M. Johnson?

M. Gagnon (Michel): C'est une très bonne question, Mme la ministre.

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): D'entrée de jeu, M. le Président, la ministre nous prête des intentions, qu'on fait semblant d'être d'accord ou pas. On demande juste une étude sérieuse sur la question. Ce n'est que ça. Peut-être que c'est trop, mais ce n'est que ça. Et on ne doute pas que les gens dans cette Assemblée soient des gens honnêtes qui viennent pour servir la population. Ça, on ne doute pas de ça non plus, aussi.

Maintenant, on a fait état de quelques projets. Le métro de Laval. Le métro de Laval, en tout cas, on souhaiterait que la ministre nous amène des exemples où les ingénieurs du gouvernement étaient, où il y a eu des dépassement de coûts. On aimerait ça, en avoir un, à matin. Le métro de Laval, il n'y avait que des ingénieurs du secteur privé là-dedans, donc on n'est pas là-dedans. CIMA, SNC, etc., c'est tout du bon monde, mais il n'y avait pas d'ingénieurs du gouvernement là-dedans. J'aimerais ça qu'on nous trouve un exemple de ça.

On a donné à titre d'exemple tantôt le cheminement ministériel ? on peut le remettre sur le PowerPoint ? le cheminement ministériel d'une démarche, au ministère des Transports, des points de contrôle. Bon. La Gaspésia, il n'y en avait pas, d'ingénieurs du gouvernement, Mme la ministre. Donc, on aimerait ça au moins avoir un exemple qui nous colle un peu à la peau. Maintenant, l'îlot Voyageur, bien ça, c'est Busac. Busac, il n'y a pas beaucoup d'ingénieurs du gouvernement qui travaillent, encore, là-dedans.

On a regardé la loi. On est d'accord avec le diagnostic à savoir qu'il faut revamper nos infrastructures routières, c'est un pas en avant. Mais, quand on regarde ce projet de loi là, on trouve qu'on ne voit pas la forêt, on est sur l'arbre, on est dans des processus. En fin de compte, on a regardé ce projet de loi là ? ça a 25 articles, c'est assez facile à regarder ? il y a un article qui traite de principes, dont, entre autres, la transparence. Bien, la transparence, bien, on ne voit pas où est la transparence là-dedans. Il y a 14 articles sur des processus: envoyer avant une telle date, puis tel comité, puis etc. Ce ne sont que des processus ? est-ce qu'il faut légiférer pour faire des processus? ? des processus très centralisateurs vers le Secrétariat du Conseil du trésor, et 10 articles d'ordre administratif: tel article de telle loi doit sauter, etc.

On aurait aimé que le débat soit plus relevé. Le parc routier vient de doubler en 20 ans. Puis là il faut refaire nos infrastructures routières. Peut-être qu'on a une réflexion à faire: Est-ce que tous les viaducs qui ont été construits, il faut les refaire? L'étalement urbain. L'étalement urbain, là, on fait l'autoroute 25. On fait l'autoroute 25. Bien, on voit que, selon l'étude qui a été faite, bien, qu'avec les années il va y avoir de plus en plus d'automobiles puis de véhicules qui vont passer là-dessus. Bon, bien, ce n'est pas la génération spontanée, ça, il n'y a pas plus de monde, c'est que tout simplement on étale. Le transport intermodal, il n'y a pas une démarche qui fait en sorte qu'on pense à tout ça. Le transport en commun, les gaz à effet de serre, le parc routier augmente du double, comment ça se fait, qu'on n'a pas une réflexion dans ce projet de loi là, au moins dans ses principes?

Le développement durable versus le développement économique. Du développement économique, ça, c'est facile. Ce qui est vendeur pour une route c'est quoi? La sécurité publique puis le développement économique. Mais il faut le documenter. Il faut que ce soit du développement durable. On comprend que, les politiciens, vous êtes soumis à des pressions. Faire un bout de route, c'est intéressant, mais il faut le documenter, il ne faut pas se retrouver avec le tronçon de route ? un exemple ? entre le Lac-Supérieur puis Saint-Donat. Il y a 200 véhicules par jour, qui passent là. On le savait, nous autres, dans le temps. Une belle piste cyclable. Ça, à ce qu'il paraît, c'est très beau.

La surchauffe dans l'industrie de la construction. Là, on va investir énormément de milliards en cinq ans. Mais la main-d'oeuvre est-elle là? Est-elle formée? Juste en génie civil, là, que ce soit le gouvernement du Québec... bien, surtout le gouvernement du Québec: pas capable d'attirer du monde, là, pas capable d'attirer du monde. Puis ça prend des effectifs pour les contrôler. Le budget du ministère des Transports va tripler, puis on diminue le personnel. Il y a un rationnel de guerre, là, qu'on ne comprend pas. Une entreprise comme l'Alcan triplerait son chiffre d'affaires puis elle diminue son personnel. Il y a quelque chose, nous autres, qui nous échappe là-dedans. Et puis, sur les études comme l'ENA...

Le Président (M. Paquet): Il reste environ une minute, et je crois que le député de Hull aimerait poser une question aussi, si possible.

M. Gagnon (Michel): Oui, mais pour revenir à l'ENA ? parce que Mme la ministre a fait état d'une nouvelle étude ? son document, on l'a lu, on a trouvé ça très intéressant, soit dit en passant. Et puis il y avait, entre autres, en page 10, un paragraphe qui disait: «L'expérience démontre que ces partenariats peuvent garantir les coûts et une exécution plus rapide des travaux.» Nous, on dit: On veut l'avoir. Puis on s'est fait dire par la loi d'accès à l'information qu'il n'y en avait pas, qu'il n'y en avait pas, le 5 novembre. Là, on nous sort une nouvelle étude, mais, le 5 novembre, il n'y en avait pas, d'étude. Ça fait que comprenez-vous?

Le Président (M. Paquet): M. le député de Hull.

M. Cholette: Merci. J'imagine qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.

Le Président (M. Paquet): Environ 30 secondes. À moins de consentement, j'ai donné une minute un peu plus tôt... Est-ce qu'il y a consentement pour donner une minute environ? Est-ce qu'il y aurait consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Paquet): Oui, il y a consentement? D'accord. Une minute, rapidement.

n (12 h 10) n

M. Cholette: Bien, rapidement. Merci. bonjour à vous tous, merci d'être là. Je dois vous dire que je suis un peu mêlé avec votre mémoire, bien honnêtement, parce que la première phrase est très bonne, vous êtes d'accord avec le gouvernement, ça, c'est bon, on est contents de ça, mais après ça ça se gâche parce qu'après ça vous ne nous parlez, pendant les 10 prochaines pages, que de PPP. Après ça, vous nous dites, dans le dernier paragraphe: Puis, savez-vous, nous autres, on pense que vous ne devriez pas faire de nouvelles routes.

Ça fait que, si je comprends votre logique, là, vous souhaiteriez que la 50 ne se fasse pas, que la 25, que le pont de la 25 ne se fasse pas, que McConnell-Laramée, dans ma région, ne se fasse pas, que la 30 ne se fasse pas, que la 175 ne se fasse pas, puis qu'on consacre ? parce que dans le fond, votre mémoire, ça dit ça, là ? qu'on consacre 30 milliards de dollars sur cinq ans sur de la réparation de routes actuelles, et puis surtout il ne faut pas regarder vers le privé pour la réalisation, il faut garder ça à l'intérieur du ministère.

Et ça, ça va à l'encontre de Johnson. Mais je vais vous inviter, puisqu'on n'a pas le temps d'échanger... mais je vais vous inviter peut-être à avoir une réflexion concernant les deuxième et troisième paragraphes de la page 184 du rapport Johnson, qui est assez critique par rapport aux travaux qui sont faits à l'intérieur du ministère, au manque de coordination, au manque d'échange, au manque de leadership de la part de plusieurs intervenants à l'intérieur même du ministère des Transports.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci beaucoup. Premièrement, M. Gagnon, Mme Grégoire et M. Vincent, merci d'avoir pris le temps, aujourd'hui, de venir nous rencontrer, c'est un plaisir. J'aimerais prendre le temps de répondre un peu à ce que la ministre nous a parlé tantôt.

Ce que mon collègue député de Richelieu et moi-même disions quand on parlait de la tarte aux pommes, du premier volet... Parce qu'on se rappelle qu'il y a deux volets: le premier volet, qui dit qu'on veut investir, qu'on veut 30 milliards d'investissements qui sont dus dans nos réseaux; et l'autre partie, qui est le cadre de gouvernance des grands projets. Il faut le voir vraiment en deux points, là.

Le premier point, effectivement c'est de la tarte aux pommes, parce qu'on ne peut pas être contre la vertu, il faut investir et c'est un besoin, alors. O.K.? Mais il faut investir, et c'est un besoin au niveau des infrastructures. On parle de bons investissements pour le Québec. Dans le deuxième point, dans le cadre de gouvernance, là, on va parler ici de gros bon sens. Puis je pense qu'il faut que je le répète encore, puis ça va me faire plaisir de le faire.

On a une municipalité, on a un recteur, on a des gens qui viennent nous rencontrer, ils disent: On a un grand projet. Alors là, la première chose qu'ils doivent faire, c'est un plan stratégique qu'ils doivent après soumettre au ministre, et le ministre doit le soumettre au Conseil du trésor. Après l'avoir soumis au Conseil du trésor, ils doivent attendre l'autorisation du conseil. Après l'autorisation, ils doivent faire un dossier d'affaires initial qui doit être après évalué par un comité d'experts. Le comité d'experts doit transmettre après un avis au Conseil du trésor. Le ministre présente après au gouvernement, le gouvernement donne son autorisation par décret au ministre. Après ça, on doit faire un dossier d'affaires détaillé par l'organisme. Après ça, on doit faire une évaluation du dossier d'affaires détaillé par un comité d'experts. Après, le comité d'experts doit transmettre son avis au Conseil du trésor. Après, le ministre responsable présente au gouvernement, le gouvernement autorise. Et après c'est le lancement de l'appel d'offres qui va au BSDQ. Il y en a qui parlent d'immobilisme, là, mais à quelque part ça ressemble un peu à ça. C'est le temps qu'on passe sur les grands projets qu'on veut tout centraliser dans un goulot d'étranglement. Même que vous me diriez que vous avez seulement rajouté trois étapes à tout ça...

Une voix: ...étapes.

M. Lévesque: Vous avez dit trois, vous avez... à une, et tout ça. Je peux dire une chose, c'est qu'il y a...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque: Ce que je vois, là, c'est une structure complexe, bureaucratique, et ça retarde des projets indûment. En tout cas, je fais juste souligner que le gros bon sens me fait dire que toutes les étapes qu'on a à passer à travers ça, je trouve ça... c'est vraiment un peu aberrant. Mais on ne peut pas être contre sur le fait qu'il faut investir pour notre développement au Québec, qu'il faut investir surtout... pas juste une question de développement, surtout dans les infrastructures actuelles. Puis le 80-20, ça, j'avoue que c'est une bonne façon de le voir. Mais, dans la façon de faire, on reviendra.

Chez vous, les ingénieurs, dans les grands projets, ici, au gouvernement, quelle est votre implication dans les grands projets, à la base? Parce qu'on parle de dépassements de coûts, on parle de beaucoup de choses. L'implication dans ces grands projets là, de votre part, c'est de quelle façon?

Le Président (M. Paquet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Merci, M. le Président. Moi, j'aurais aimé quand même répondre à ce monsieur-là aussi.

Le Président (M. Paquet): C'est sur votre temps, M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Écoutez, le député de Gatineau dit qu'on est contre les projets de développement. Je l'ai lu...

Une voix: ...

M. Gagnon (Michel): De Hull? De Hull, O.K., pardon. Je ne voulais pas vous insulter.

Des voix: ...

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Écoutez, on ne voit ça nulle part, dans notre mémoire, qu'on est contre. Tout ce qu'on dit, tout ce qu'on dit, c'est de bien circonscrire le tout. À titre d'exemple, pour le gouvernement du Québec, la 175, ce n'est pas du développement, c'est de l'amélioration du réseau routier. Donc, le 80-20, là, ce n'est plus le 80-20. Dans le journal La Presse, ce qu'il dit, le 80-20, il n'est pas là du tout. C'est 55 % en conservation des structures et des chaussées, et la balance, c'est du développement. Parce qu'on ne définit pas qu'est-ce que c'est que du développement. Donc, la 185, c'est du développement, ça. Ça fait que, quand on nous dit qu'il y a juste 20 %... C'est pour ça qu'on dit qu'il faut le circonscrire. Il faut circonscrire ça dans ce projet de loi.

Si vous décidez d'aller vers une loi, puis c'est vous autres, le législateur, vous déciderez. Mais c'est pour ça que le 80-20, c'est quelque chose qui a peut-être du bon sens, ça a peut être... mais ce n'est pas ça présentement, au Québec. C'est 45 %, qui est en développement. C'est ce qu'on dit, puis ce n'est pas juste nous qui le disons, c'est le journal La Presse. Donc, on n'est pas contre le développement économique, mais aussi ce qu'on veut, c'est qu'il soit... ? comment dirais-je? ? qu'il soit circonscrit, il faut le préciser.

Maintenant, pour répondre à la question du député de Lévis, écoutez, dans les grands projets, nous, d'abord, on ne suffit pas à la tâche, hein? Des grands projets de développement, ce ne sont pas les ingénieurs du gouvernement qui font ça. On a 500 ingénieurs au gouvernement du Québec, ça paraît énorme. Juste pour les structures, on en a environ 185 personnes sur grosso modo 4 000 quelques personnes qui travaillent dans le domaine des structures, mais ce ne sont pas des ingénieurs seulement, il y a des techniciens là-dedans. Donc, on est une poignée. Et les seuls qui pourraient faire de la conception de ces grands projets là, c'est la Direction des structures, et ils ne suffisent pas à la tâche.

Déjà, suite au rapport de la commission Johnson, le gouvernement a pris comme directive que tous les projets de concepts de nouveaux viaducs soient soumis à la Direction des structures. Donc, quand on nous parle maintenant du rapport de la commission Johnson, au contraire le gouvernement nous dit... Parce qu'il faut arriver à un petit peu... il faut en parler un petit peu, du viaduc La Concorde. Si on l'a mis dans notre mémoire... on n'a pas de peur d'en parler, hein, on aime même ça.

Écoutez, le viaduc de La Concorde ? puis c'est ce qu'on corrige aujourd'hui ? c'est un concept, un concept qui... Ça a l'air qu'il n'y avait pas de normes, à cette époque-là, et puis qu'une firme de génie-conseil qui s'appelait Desjardins-Sauriol, qui a changé de nom, Dessau-Soprin, puis là il est rendu Groupe Dessau, en tout cas, qu'importe, ça change aux 10 ans, à peu près, ce nom-là de cette firme-là... Et puis le projet de loi ne s'attaque pas à ça du tout. Bien écoutez, on nous impute des problèmes qui ont été faits par d'autres puis ça avait été surveillé par d'autres.

Maintenant, la commission Johnson, oui, elle a été dure envers le ministère. Mais qu'est-ce que nous a amené la commission Johnson? On parlait du rapport du Vérificateur général. On les lit, nous autres, on les lit, M. le Président, ces rapports-là. Puis, en 2002-2003, le tome II, bien, la Vérificatrice générale de l'époque ? je pense que c'était Mme Doris Côté, quelque chose comme ça ? bien, elle a souligné tout ce que M. Johnson a souligné. Il s'en est inspiré grandement. Donc, ça nous a coûté 7 millions pour se faire dire ce qui était déjà écrit là-dedans.

Donc, oui, il y avait des problèmes au ministère des Transports, mais, écoutez, on ne suffit pas à la tâche. Ils ne sont même pas capables d'embaucher. Présentement, M. le Président, il y a 44 postes vacants au ministère des Transports et les sous-ministres adjoints écrivent au sous-ministre en titre: Donnez-nous de l'oxygène, on n'est pas capables d'embaucher dû à une structure salariale qui n'est pas compétitive. Ça, c'est la structure salariale de qui? C'est du gouvernement du Québec. Donc, on n'est pas capables d'embaucher.

Donc, pour revenir à votre question, M. le député, les grands projets, les grands projets routiers, prenons par exemple la 30 ou la 25, ce n'est pas nous qui s'occupons de ça, le gouvernement. Ça devrait être nous par contre, parce que, si c'était nous, c'est clair que le gouvernement aurait l'heure juste dans les choses à faire. Et c'est pour ça que nos membres, quand on voit qu'il y a des dérapages sur certains projets, ils nous appellent puis c'est pour ça qu'on fait des sorties.

Écoutez, on représente les 500 ingénieurs du ministère des Transports; eux, ils ne peuvent pas tout dire hein? On comprend pourquoi. Donc, on est le porte-voix de ces ingénieurs-là qui ont l'information puis qui nous disent: Tel projet, ça n'a comme pas d'allure. Le projet de la 25 ne fait pas l'unanimité chez nous, là, pas du tout. C'est-u pour une question de sécurité publique? Bon, on nous dit que c'est pour une question de développement économique. Mais est-ce qu'on l'a vraiment examiné au niveau de l'étalement urbain, des gaz à effet de serre, de l'accord de Kyoto, etc.? LE PQ s'est prononcé contre ce projet-là, la 25. L'ADQ, je n'ai pas souvenir que vous vous êtes prononcés là-dessus. Ça aurait été quand même intéressant, là. Je ne vous demande pas de le faire.

Donc, ce n'est pas des projets qui sont porteurs d'avenir nécessairement. Mais on n'est pas contre, au contraire de ce que dit le député de Hull, on n'est pas contre le développement économique, mais il ne faut pas se servir du développement économique pour faire n'importe quoi, il faut le baliser, le circonscrire.

M. Lévesque: Parfait. Si on le voyait d'une autre façon...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Lévis.

n (12 h 20) n

M. Lévesque: Merci beaucoup, M. le Président. Si on le voyait d'une autre façon. Je veux vous demander votre opinion sur une autre façon de voir la façon de gérer ça, c'est: si on parlait d'un bureau des grands projets qui accompagnerait du début à la fin chaque grand projet au Québec. On nous parle qu'il n'y en aura pas des tonnes, il y en a peut-être une dizaine, une vingtaine par année de ces grands projets là, mais que le Québec pouvait prendre ses meilleures ressources et faire un suivi de ces grands projets là, qui pourrait créer aussi la médiation sur des chantiers, trouver le médiateur en cas de conflit, qui pourrait assurer que les coûts qui ont été établis à la base vont se suivre et qu'il y a rapidement une réponse, qui pourrait participer aux réunions de chantier à chaque lundi dans les grands projets et voir exactement comment vont nos projets au Québec. Qu'est-ce que vous penseriez d'une idée comme celle-là?

M. Gagnon (Michel): Le concept est quand même intéressant, mais un concept intéressant sous-tend des effectifs aussi, là, donc une équipe dédiée aux grands projets, donc un ministère des Transports plus, parce que ce n'est pas nécessaire, nécessairement, de sortir ça de ce ministère-là. Écoutez, on n'est pas contre d'autres avenues de solution, hein? Il faudrait le regarder. Une équipe dédiée aux grands projets, pourquoi pas? Mais les grands projets au niveau routier et qu'il y a eu du dérapage, comme la Gaspésia, ou le métro de Laval, ou le projet de Busac, là, ce n'est pas des projets autoroutiers, là.

À titre d'exemple, M. le député, on pense, entre autres, aux viaducs de la Concorde puis de Deblois. Ce sont les ingénieurs du gouvernement ? il fallait que ça se fasse vite puis il fallait sauver de l'argent ? qui, en quelques semaines, ont fait et la conception, hein... On a eu le mandat à la mi-octobre puis déjà en décembre on allait en appel d'offres. Ça a l'air qu'on ne travaille pas vite, au gouvernement, mais en tout cas... Ça a l'air. En tout cas, on a livré la marchandise, et ça a respecté les échéanciers. Bon, ce n'était pas un projet de 40 millions, mais on a sorti le matériel. Et ce n'étaient pas deux viaducs identiques, il y en a un à quatre voies, l'autre à six voies, un avec un biais de 20 degrés, ce n'était pas la conception du tout la même, là.

Donc, au niveau autoroutier, de grands projets, on parle de la 175, de la 185, qui ne sont pas du développement, là ? on reviendra là-dessus ? après ça, de la 30 puis de la 25. Bien, on n'est pas contre ça, mais ce qu'on déplore, c'est qu'automatiquement, parce qu'on n'a pas les effectifs requis, on se vire vers le privé. Et puis on pense que c'est le temps de penser à faire autrement. C'est clair que, quand c'est fait en régie, c'est clair, lorsque c'est fait en régie, que c'est moins cher au gouvernement du Québec et on livre la marchandise. Parce que, quand on le donne au secteur privé, comme le viaduc de la Concorde en 1970, bien il faut aussi quand même les encadrer, là. Là, aujourd'hui, maintenant, ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'il faut les encadrer beaucoup plus.

Dernièrement, le journal Le Soleil faisait état d'un projet, sur l'autoroute 50, dans le comté de Hull ou tout près, qui s'appelle la montée Fassett, pas loin de Papineauville. Bien, c'est encore fait par une firme de génie-conseil, tout ça, puis c'est un ingénieur du gouvernement, qui n'a pas à s'occuper de ça, on le donne à contrat, mais qui s'est aperçu que le viaduc faisait défaut. Puis la question qu'on se pose: On le démolit-u ou pas? Puis, si on le démolit, bien la médiation, etc., bien, quand un viaduc qui coûte 1,3 million, qu'on le démolit pour le reconstruire, bien il faut le démolir, ça coûte de l'argent, il faut déjà enlever l'asphalte, etc., il faut enlever l'éclairage, le remettre, donc on est rendu à 2 millions, là. Donc, les grands projets puis de nouvelles façons de faire, on n'est pas contre ça, regarder ça, bien au contraire, mais ça nous prend des ressources aussi pour le faire. Les concepts, c'est beau...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci beaucoup, M. le Président. Vous parlez souvent de manque de ressources, de toutes sortes de choses. Est-ce que la norme de deux pour un, la norme du Conseil du trésor, pour vous, là, est-ce que vous sentez que c'est la bonne façon de faire au niveau des ingénieurs au niveau du Québec? Est-ce que vous pensez qu'unilatéralement qu'on applique ça, est-ce que vous sentez que, pour vous, au niveau des ingénieurs, c'est la bonne façon, de ce temps-ci?

M. Gagnon (Michel): Bien, pas juste pour les ingénieurs, les techniciens, que je ne représente pas ou qu'on ne représente pas, les techniciens en génie civil aussi, là. Écoutez, le gouvernement attribue... On était passé, en 2002-2003, d'une enveloppe de 1,4 milliard à une enveloppe de 900 millions les deux années suivantes, 2003-2004, 2004-2005, hein? Là, maintenant, on est rendu à 1,7 milliard, cette année, puis on va aller à 2,1, etc., je pense, jusqu'à 2,3, 2,4. Qu'importe. On augmente l'ouvrage puis on diminue le personnel. Il y a quelque chose là-dedans qu'on n'est pas capables de suivre cette logique-là.

Puis maintenant, pour les grands projets, on a quand même posé une question ici, là: L'économie de 226 millions, là ? j'aimerais ça revenir là-dessus, là ? l'économie, M. le Président, de 226 millions, on aimerait avoir une réponse là-dessus: Comment on peut avoir une économie de 226 millions sur un projet de 347 millions? C'est-u le péage? C'est ça qu'on veut savoir. Pas contre les PPP. Mais qu'on nous réponde, s'il vous plaît.

M. Lévesque: Vous semblez être vraiment...

Le Président (M. Paquet): Une minute, M. Lévesque... M. le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci. Face aux PPP, vous semblez vraiment dire: On ne voit pas l'utilité. Mais est-ce que vous avez pu voir dans le passé au moins un projet ou deux qui ont pu sembler bons, d'après vous, qui pourraient équilibrer un peu ce que vous dites, ou si vous semblez vraiment dire: Les PPP, là, faut pas du tout adresser ça au niveau gouvernemental?

M. Gagnon (Michel): Bon, on n'a pas encore dit...

Le Président (M. Paquet): 30 secondes, M. Gagnon.

M. Gagnon (Michel): On n'a pas encore dit aujourd'hui qu'on était contre les PPP. On dit au gouvernement: Démontrez-nous que c'est bon. Ce n'est que ça. Ils ont le fardeau de la preuve que c'est économique, qu'on fait des économies de 226 millions. On est parti de 100 millions au mois de juin, à 226 millions en septembre. C'est quelque chose, ça. C'est quelque chose, ça, économiser de 100 millions à 226 millions. Puis rouler des entreprises comme l'entrepreneur Kiewit, gros entrepreneur américain, Ciment St-Laurent, bien c'est quelque chose, ça, de rouler ces entreprises-là de 226 millions. Wo! Je ne sais pas si j'ai beaucoup de...

Le Président (M. Paquet): Alors donc, je demanderais d'abord le consentement de la commission pour qu'on puisse poursuivre nos travaux jusqu'à 12 h 38 pour laisser le temps bien sûr au député de Richelieu de pouvoir faire son échange.

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): D'accord. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon, M. Vincent, Mme Grégoire, d'être venus ici et d'avoir pris la peine de préparer ce mémoire. La ministre nous a parlé... Vous me permettrez de répondre un petit peu aux propos de la ministre. La ministre, tout à l'heure, elle a dit: Je vais parler avec mon coeur, et elle a presque jeté la serviette devant un projet de loi évidemment qui ne reçoit jusqu'à maintenant l'intérêt de personne. C'est-à-dire, les groupes qui viennent nous voir nous disent tous: Bon, la première partie, c'est la tarte aux pommes, c'est bon...

Vous nous dites même que la tarte aux pommes n'est pas si bonne que ça parce qu'en fait ce qui est calculé comme étant du maintien serait souvent du développement. Une route qui passe de deux voies à 4 voies, là, j'ai de la misère à voir... à assimiler ça, moi, à du maintien, là. Mais, si ce que vous dites est vrai, la tarte aux pommes est moins bonne qu'on ne le pensait. Mais il reste que, pour la première partie, en principe, là, on est d'accord et tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut davantage s'obliger, lorsque l'on prend une décision de construction d'édifice ou d'infrastructure, quelle qu'elle soit, qu'on s'assure d'assurer son maintien tout au long de son existence. Sinon, l'école, au bout de 30 ans, il faut la reconstruire, l'hôpital, au bout de 40 ans, il faut le reconstruire. Ça, là-dessus, pas de problème.

Cependant, ce n'est pas ça que dit le projet de loi. Dès l'article 8, le projet de loi rentre dans une proposition de gouvernance où une chatte n'y retrouverait pas ses petits. C'est d'une lourdeur incroyable, on crée des étapes à n'en plus finir, et surtout... Tout le monde a un ordinateur, vous connaissez l'expression, il y a des choses qu'on fait «par défaut», hein? Quand on ne le fait pas par défaut, ça se fait de telle façon. Bien, ici, la formule par défaut, c'est le PPP. Là, elle, elle ne demande que cinq ou six étapes sommaires, exactement à peu près les étapes qui ont lieu actuellement, là. Si une commission scolaire, un ministère quelconque, une université veut que son projet se réalise, là, à toutes fins pratiques, là, moi, je conseillerais, s'ils veulent voir ça de leur vivant, de passer par le PPP parce que c'est les seuls qui ont... Eux, là, ils n'ont pas d'experts indépendants qui doivent les vérifier, ils n'ont pas de retour à d'autres experts indépendants, ils n'ont pas 10 étapes, ils ont simplement un «fast track». Pourquoi? Parce que l'Agence des PPP, là, elle ne...

O.K., Mme la ministre nous a dit, hein, lors de l'étude du projet de loi n° 61, à l'époque, la main sur le coeur: Une douzaine de personnes vont travailler là. Vous imaginez l'ensemble des projets au Québec dont le goulot d'étranglement serait une agence de 12 personnes? Vous vous plaignez d'avoir un remplacement sur deux, chez les ingénieurs? Est-ce qu'il y a quelqu'un ici, autour de la table, qui pense qu'il y aura un remplacement sur deux à l'Agence des PPP, après cette loi? Évidemment, on est en train d'assister à la création d'un super ministère des PPP. Pierre Lefebvre va être l'homme le plus important du Québec, ce qu'il est déjà pas mal, se permettant d'ailleurs tous les jours de donner des leçons, dans le journal, à quiconque s'oppose à ses vues. Il faut le rappeler, là.

n (12 h 30) n

La ministre tout à l'heure nous a dit: L'avantage d'aller en PPP, c'est un avantage absolu puisque ça nous permet de reculer si on se rend compte que ça coûte trop cher. Bien, je vais vous prouver exactement le contraire. Le maire Vaillancourt est venu nous dire, hier, ici, que le métro de Laval, il a coûté ce qu'il devait coûter et qu'avec les évaluations qui étaient disponibles au départ il n'y a pas d'erreur majeure et les bienfaits publics sont très nettement supérieurs aux... C'était une bonne décision, une décision qui a été prise et acceptée par les deux gouvernements.

Prenons le CHUM. Dans ce même salon rouge, en février il y a quatre ans, j'ai entendu, vu ? et on peut sortir les galées ? lors du débat sur le site, j'ai vu le ministre de la Santé, la main sur le coeur, jurer que ça ne dépasserait jamais 850 millions, que ça coûterait 850 millions, sinon le projet serait refait, puis il n'est pas question d'aller plus loin. On est rendu actuellement, selon toutes les évaluations, là, à des montants qui sont trois, quatre fois ce montant-là. Et, pour les deux CHUM, là, on peut très bien dire... le CHUM et le CUSM, on peut très bien dire qu'on va aller au-delà de 4 milliards. Les délais qui étaient prévus, il disait: 850 millions, 2010, c'est mon engagement personnel. Maintenant, c'est 2013, 2014, peut-être 2015. Les coûts montent chaque année.

Bon, pas si grave que ça si le gouvernement nous disait: Bon, écoute, on vient de regarder ça, là, puis on regarde les chiffres, maintenant on recule, c'est trop cher, ça n'a pas de bon sens. Mais non! Ils ne se sont laissé aucune marge de recul. Si on manque d'argent à Québec, à Montréal, à Chicoutimi, à Sorel, à Trois-Rivières, au cours des prochaines années, pour les infrastructures, là, ce sera en bonne partie parce qu'on aura dépassé très, très largement un budget qui était de...

Et c'était un débat fondamental. On avait toute la presse québécoise ici. Il y avait deux équipes du côté gouvernemental qui s'affrontaient, l'équipe du site Outremont contre le site Saint-Luc. Et là on était devant tout le monde, et le ministre a dit: Ce sera Saint-Luc, 850 millions, pas un sou de plus, définitif, 2010. Vous voyez bien que la formule des PPP si miraculeuse de la ministre n'amène aucun miracle. Il y aura d'énormes dépassements de coûts, il y aura des dépassements dans le temps, et le gouvernement semble totalement impuissant à mettre fin à ça. Alors, il n'y a pas de formule miracle.

Ceci dit, il n'y a pas non plus d'exclusion absolue. Les PPP, ça peut être bon. Et je pense qu'on aurait dû normalement en faire quelques-uns, tests, dans des domaines d'abord avec des valeurs plus limitées et ensuite avec des valeurs plus grandes, développer une expertise, habituer nos ingénieurs, notre fonction publique à travailler avec ces concepts-là et avec les gens du privé et, suivant l'expérience, arriver à développer... que ce soit l'une des options. Le député de Lévis parlait de bureau des grands travaux, c'était dans notre programme électoral à la dernière élection. Il va falloir, quelle que soit la formule exacte, là, il va falloir effectivement qu'il y ait quelque part des gens au-dessus des contingences quotidiennes qui aient un regard objectif et qui disent: Ce projet-là, c'est «go» ou c'est «no go». Et ça, on est tout à fait d'accord si on trouve une formule simple, souple qui permette de décider que les processus normaux ont été suivis, l'identification des besoins a été faite correctement.

Parce que c'est ça, le grand problème, tous les dépassements de coûts dépendent de la définition des besoins qui change en cours de route. Et, je vais vous dire, pour un grand hôpital elle change éternellement parce que les nouvelles technologies changent tous les jours. Dans la plupart des secteurs, il y a des changements qui durent... Il faut qu'il y ait une excellente identification des besoins, qu'il y ait le moins possible de changements. C'est ça qui coûte cher et c'est ça qui amène des dépassements de coûts et des dépassements de délais. Donc, il faut revoir notre façon de gérer le mode conventionnel de façon à nous assurer de balises très sérieuses. Là-dessus, la ministre nous trouvera toujours comme alliés. Mais de faire des PPP la formule unique, miracle, par laquelle il faut presque tous passer si on veut espérer qu'un projet se réalise...

Je pense que vos mises en garde, aujourd'hui, évidemment, reflètent l'intérêt de vos membres, et on pourrait vous accuser de corporatisme, mais vont bien au-delà de ça, elles sont celles de l'expérience, elles sont celles de gens, de centaines d'ingénieurs compétents qui sont mis là en expectative devant des décisions qui leur échappent de plus en plus. Contrairement à l'Agence des PPP, là, vous, vous diminuez chaque année. L'Agence des PPP... en tout cas, s'il y a 12 membres actuellement, là, je donne ma démission, s'il y a 12 membres après la réalisation de ce projet de loi, là. Parce qu'imaginez-vous les dizaines de projets dont il faut faire...

Je rappelle la liste des choses qu'il faut faire. Il faut faire, pour l'approbation d'un dossier d'affaires... que le ministre concerné présente le dossier initial. L'agence des partenariats privés a donc une première évaluation à faire sur ce dossier initial. Ça retourne au Conseil du trésor; j'imagine qu'ils font aussi une évaluation. Là, il y a un comité d'experts indépendants qui se saisit de cette évaluation. Ensuite, on a une seconde intervention du ministre spécialisé ? Transports, Éducation, Santé. Et là on revient au Conseil du trésor et au gouvernement pour l'approbation du dossier d'affaires détaillé. Là, ce n'est pas fini. Là, il y a un comité d'experts indépendants qui intervient à nouveau, et là on retourne au Conseil du trésor, et là c'est à nouveau... mais là la décision ultime se prend au niveau gouvernemental entre le ministre sectoriel et le gouvernement. Si ce n'est pas un monstre, ça a les allures d'un monstre, ça ressemble à un monstre, ça sent le monstre, et je pense qu'il faut appeler ça un monstre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. Gagnon, il reste 1 min 30 s environ, deux minutes.

M. Gagnon (Michel): Au niveau de l'Agence des PPP, on a fait le décompte cette semaine, on a regardé l'organigramme, il y en a 24, personnes, donc le un sur deux, ne s'est pas trop appliqué. Vous ne démissionnerez pas, en d'autres mots.

Un projet en PPP, M. le Président, comme la 25, on n'est pas en mesure de savoir combien ça coûte, on n'est pas en mesure de savoir s'il y a un dépassement de coûts ou pas, on ne le sait pas. Ce qu'on sait, c'est que le gouvernement donne 80 millions après la construction, il donne des paiements de disponibilité de 142 millions, puis il y a du péage. Mais on ne le sait pas s'il y a dépassement de coûts ou pas. Pour un projet comme la 25, on ne le sait pas. Au contraire, c'est très hermétique, un PPP. Au niveau de la 25, on ne le sait pas. Dans le communiqué de presse du 24 septembre, on avait le 80 millions qui était identifié, le 142 millions qui était identifié, mais, le péage, on n'a pas été informé de ça.

Écoutez, ce qu'on sait, c'est qu'il y a 226 millions de profit. Tout comme la dernière fois, en 2004, on avait interpellé la ministre à trois reprises pour connaître la source du 200 millions du pont de la Confédération, on sait qu'il n'y a pas de données là-dessus. On veut, M. le Président, connaître la source du 226 millions. Comment est-ce qu'il se calcule, ce 226 millions là? Tout nous porte à croire que le 226 millions d'économie, c'est l'argent que l'utilisateur va payer. Autrement dit, quand on va payer 2,40 $ en 2011, sur l'heure de pointe, le gouvernement ne le mettra pas, ce 2,40 $ là. L'économie, elle serait là. Peut-être qu'on fait erreur. Qu'on nous en fasse la démonstration. Parce que la ministre a bien dit que ce n'étaient pas des coûts de réalisation, mais des économies pour le gouvernement. Donc, quand l'utilisateur met 2,50 $...

Et, en terminant, M. le Président, s'il me reste quelques secondes, on est contre le statu quo. On pense qu'on finit de façon... Clairement et assez fortement, on demande au gouvernement de cesser d'abdiquer ses responsabilités. Une politique utilisateur-payeur, couplée avec une politique ? comment on dit, féroce? ? très agressive de transport en commun, ce n'est pas le statu quo, puis ce n'est pas d'être contre le développement, c'est d'être pour le gros bon sens, nous semble-t-il.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Bien, merci beaucoup. Alors, juste avant de terminer nos travaux, j'aimerais juste ajouter pour fins de précision, à titre de député de Laval-des-Rapides, que tous les documents relatifs et factuels au pont de la 25 sont disponibles sur Internet. Alors, c'est disponible pour tous les... La transparence y est, à cet égard-là. Je pense que je vous inviterais et j'invite tous les gens que ça intéresse à aller voir ces documents. On pourra en parler à d'autres occasions, de la pertinence du pont de la 25 pour les citoyens, on aura d'autres occasions d'en discuter. Ça fait l'unanimité chez beaucoup de gens, en tout cas à Laval et dans la grande région.

Alors donc, sans plus tarder donc, je remercie M. Gagnon et les gens de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec pour leur participation à nos travaux. Et je suspends les travaux de la commission à cet après-midi, après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

 

(Reprise à 15 h 55)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Alors, nous sommes réunis en Commission des finances publiques pour poursuivre les auditions, les consultations particulières portant sur le projet de loi n° 32, Loi favorisant la gestion rigoureuse des infrastructures publiques et des grands projets.

Cet après-midi, donc, nous entendrons l'Ordre des ingénieurs du Québec, suivi de l'Ordre des architectes du Québec et enfin la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Organisation des travaux

Étant donné l'heure à laquelle nous commençons nos travaux cet après-midi ? parce qu'il y a eu un petit délai ? alors donc, j'ai besoin du consentement pour que nous puissions poursuivre les délibérations après 18 heures. Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement?

Une voix: ...

Le Président (M. Paquet): Pardon? Il n'y a pas consentement, M. le député de Richelieu? Vous dites... Non, excusez.

M. Simard: Non, mais nous devons répartir le temps ici, là. La ministre a décidé ? et c'est son choix, que je respecte parfaitement ? de tenir un point de presse qui fut assez long, hein? On était ici à 15 h 10, il est 15 h 55. Les groupes ont été invités. Moi, j'ai des obligations à 18 heures, comme plusieurs parlementaires, là. C'est la règle absolue de respecter les horaires parlementaires de la journée. Alors, je propose que la ministre coupe sur son propre temps et qu'on essaie de fonctionner à l'intérieur du délai qui nous est imparti.

Le Président (M. Paquet): Écoutez... Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, vous comprendrez que j'ai moi-même invité des gens à venir faire des présentations. Alors, je pense qu'on ne travaille pas ici de 9 heures à 17 heures, à ce que je sache, et par conséquent je pense qu'on est capable de s'accommoder et d'étendre le temps parce que les gens ont pris la peine de venir et de se déplacer. Moi, je peux rester, M. le Président. Quand je travaille à l'Assemblée nationale, je n'ai pas l'impression que je travaille de 9 heures à 17 heures, là.

Le Président (M. Paquet): Alors donc, écoutez, moi, j'ai seulement une seule... J'ai deux possibilités. D'abord, il y a un règlement qui nous dit... Oui, M. le député, sur le même sujet? M. le député de Hull.

M. Cholette: Oui, bien, simplement pour comprendre la proposition du député de Richelieu. Si je comprends bien ce qu'il nous demande, c'est de ne pas dépasser l'heure normale, qui est prévue pour 18 heures ce soir, mais quand même entendre les trois groupes.

M. Simard: C'est ça.

M. Cholette: Mais, simplement par la mathématique, même si le groupe ministériel ne posait pas une seule question à chacun des groupes, donc on libère notre 15 minutes en entier...

Une voix: 17 minutes.

Le Président (M. Paquet): 18... 17 minutes.

M. Cholette: ...18, ça voudrait dire qu'on ne serait pas capables de finir en dedans de 18 heures.

M. Simard: On peut, nous, faire des concessions. Alors, on n'est pas ici pour empêcher les groupes d'être entendus, là. On veut entendre les groupes d'ici 18 heures. C'est simplement qu'il faut aménager le temps rapidement. Ça prend deux minutes, faire ça.

M. Cholette: Donc, mais, moi, je serais prêt, là... on est prêts à en couper sur notre temps bien évidemment, mais il va falloir que ce soit réparti aussi, là, que les collègues d'en face aussi acceptent de répartir du temps.

Le Président (M. Paquet): Alors, si vous me permettez, pour qu'on puisse commencer, je vous soumets la suggestion suivante. Nous allons commencer les travaux ici. Peut-être qu'on peut demander, dans un premier temps, peut-être si les groupes peuvent, ils ont 15 minutes pour faire leur présentation, peut-être qu'ils pourraient retrancher quelques minutes, d'une part. Et, pendant qu'ils vont commencer leur présentation, il y aura des scénarios qui s'établiront, puis on regardera, voir si on ne peut pas arriver, en marge de la commission, peut-être avec les recherchistes de part et d'autre, arriver à un consensus sur lequel je leur demanderai tout à l'heure s'il y a consentement. Au moins, on pourra au moins débuter les travaux. Et, si c'est possible, pour le premier groupe, peut-être, je vous demanderais peut-être de passer de 15 minutes à peut-être, si c'est possible, 10 à 12 minutes, dans la mesure du possible. Et par la suite, nous, on va essayer de voir si on ne peut pas arriver à un consensus sur la répartition du temps. D'accord?

Alors donc, sans plus tarder, je...

M. Cholette: ...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Hull, oui.

M. Cholette: Question de directive sur l'organisation de nos travaux. Chers collègues, j'aurais une proposition à vous faire. Considérant les groupes qu'on a entendus puis ceux qui sont à venir... Et, si je le fais maintenant, c'est parce que nous ne nous reverrons pas avant la semaine prochaine, à la fin de la séance d'aujourd'hui, nous nous verrons seulement mercredi. J'aurais une proposition pour ajouter un groupe qui viendrait témoigner à la commission parlementaire. Ça pourrait être, probablement pas mercredi parce que le temps est déjà complet, peut-être jeudi. Considérant les travaux qui ont été faits dans ce domaine-là par cette organisation-là, moi, je souhaiterais proposer aux collègues d'entendre le Vérificateur général sur la question de la gestion des grands travaux au Québec. Il a déjà proposé des avenues, notamment sur la question du métro mais aussi sur la question de la CHQ, avec neuf organisations, etc., neuf hôpitaux. Alors, ma proposition, c'est d'entendre le Vérificateur général la semaine prochaine.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Parfaitement d'accord. Mais par contre, évidemment, là, on n'a pas nos agendas devant nous, il faudra arranger ça, là. Mais, pour le principe, nous, nous sommes toujours d'accord pour le Vérificateur général.

Le Président (M. Paquet): Est-ce que donc je remarque qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

n (16 heures) n

Le Président (M. Paquet): Alors donc, on a pris acte, on en prendra note dans les minutes de la commission, aujourd'hui, et la secrétaire de la commission, comme d'habitude très efficace, va travailler avec les leaders et de votre côté pour voir le meilleur moment dans les délais possibles. D'accord.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, alors je souhaite la bienvenue bien sûr à nos invités de cet après-midi, de l'Ordre des ingénieurs du Québec, M. Ghavitian, qui est président de l'Ordre des ingénieurs du Québec, qui est accompagné de M. Trudeau, à sa droite, et de M. Dusseault, à sa gauche. Alors, bienvenue à la commission. Merci.

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

M. Ghavitian (Zaki): Alors, Mme la ministre des Finances, la présidente du Conseil du trésor, M. le Président de la commission et chers membres de la commission, je tiens à remercier la commission de l'invitation à participer aux consultations particulières sur le projet de loi n° 32. À l'Ordre des ingénieurs du Québec, nous sommes très heureux de pouvoir présenter au gouvernement notre réflexion et nos recommandations.

Permettez-moi d'abord de faire les présentations. Je m'appelle, comme vous avez dit, Zaki Ghavitian et je suis ingénieur et président de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Les personnes qui m'accompagnent et qui ont participé à la préparation de ce mémoire sont, à ma droite, M. Jean-Pierre Trudeau, ingénieur et conseiller en recherche, ainsi que Me Mario Dusseault, à ma gauche, avocat à l'Ordre des ingénieurs.

Quelques mots sur qui sommes-nous, pour ceux qui seraient moins familiers avec le système professionnel. Nous sommes un ordre professionnel créé par la Loi sur les ingénieurs, régi par le Code des professions. Nous avons pour principale mission la protection du public, notamment par le contrôle de l'exercice de la profession. L'ordre compte plus de 55 000 professionnels du génie de toutes les spécialités. Un membre de l'ordre est détenteur d'un permis d'exercice lui conférant le droit d'effectuer des actes professionnels à titre exclusif et de porter le titre d'ingénieur. C'est la Loi sur les ingénieurs qui définit le champ d'exercice et les actes professionnels exclusifs de l'ingénieur.

L'Ordre des ingénieurs du Québec salue l'initiative du projet de loi n° 32 et exprime sa grande satisfaction de constater que le gouvernement a pris très au sérieux les recommandations de la Commission d'enquête sur le viaduc de la Concorde. Les récentes annonces, notamment celles du Plan québécois des infrastructures ainsi que des orientations du ministère des Transports, sont encourageantes pour la population et permettent d'espérer que les générations futures disposeront d'infrastructures publiques en bon état, selon les plus hautes normes de qualité.

D'emblée, je veux vous assurer la collaboration pleine et entière de notre ordre professionnel. Un bassin de 55 000 ingénieurs représente une somme d'expertises qu'il faut mettre à contribution. Pour entrer dans le vif du sujet, je me propose d'exposer à la commission d'abord nos commentaires généraux sur le projet de loi, sur certains articles, suivis de nos recommandations.

En ce qui a trait à nos commentaires sur le projet de loi, à l'article 1, à ce titre, nous considérons qu'il faut faire la distinction entre les deux types d'investissement dont il est question dans cet article. Ainsi, les investissements relatifs à l'entretien des infrastructures visent à maintenir ou à restaurer leur intégrité et leur fonctionnalité. Ces investissements sont des obligations dictées par l'impératif d'assurer la santé et la sécurité du public par des principes de saine gestion. L'intérêt public recommande d'optimiser la durabilité et la fonctionnalité d'une infrastructure publique pour un usage donné. Cette obligation incombe aux gestionnaires d'infrastructures et doit être prévue et encadrée par la loi. Par ailleurs, les investissements de développement visent, par exemple, à construire de nouveaux axes routiers. Ce sont des choix socioéconomiques et politiques et non des obligations.

Se retrouvent ainsi dans le même panier les obligations de saine gestion et les choix de développement. À notre avis, l'État et les gestionnaires d'infrastructures doivent remplir leurs obligations avant de songer à financer des choix de développement. Nous suggérons en outre de compléter l'article de la loi par l'ajout des notions de santé et de sécurité des usagers, ainsi que de pérennité des infrastructures.

Article 2. En ce qui a trait aux investissements, les besoins totaux pour l'entretien et le maintien des infrastructures doivent être établis par les différents gestionnaires d'infrastructures publiques du Québec à partir de plans d'intervention à long terme. Ces plans doivent être consolidés et validés avant d'être transmis au Conseil du trésor. Cette étape de consolidation et de validation est extrêmement importante.

Voici quelques précisions sur la notion du plan d'intervention. Un plan d'intervention décrit les différentes actions ? entretien préventif sous toutes ses formes, réhabilitation ou rénovation, reconstruction ? qui doivent être planifiées à long terme afin d'offrir aux citoyens une sécurité sans faille, à un niveau de qualité satisfaisant, au meilleur coût possible pour la société. Il permet aussi aux gestionnaires d'infrastructures d'établir des programmes d'investissement à long terme. Il est essentiel de planifier la gestion des infrastructures sur l'ensemble de leur cycle de vie. Ceci facilitera le rôle du gouvernement dans la planification des ressources financières à long terme.

Afin d'être cohérents pour les besoins d'un gestionnaire d'infrastructures, ces plans d'intervention doivent être établis en vertu de règles communes non seulement sur les plans comptable et administratif, mais également sur le plan technique. Ils reposent effectivement sur une connaissance approfondie de l'état des besoins d'entretien des infrastructures. Ils doivent être reçus et validés par un organisme qui a le pouvoir d'établir de telles règles, et de les tenir à jour, et de les appliquer. Cet organisme doit également recevoir les plans d'intervention et les programmes d'investissement des gestionnaires, les valider et les consolider. Il doit avoir des pouvoirs d'enquête et de vérification auprès des gestionnaires, à la manière d'un vérificateur général ou d'un commissaire.

En conséquence, nous recommandons que les gestionnaires d'infrastructures aient l'obligation de produire un plan d'intervention à long terme pour leurs infrastructures, mis à jour périodiquement, ainsi qu'un programme d'investissement établi sur une période de 10 années.

De plus, nous recommandons que soit institué un organisme indépendant dont le mandat serait d'établir et d'appliquer les règles de préparation et de présentation des plans d'intervention et d'évaluation de l'état des infrastructures, de recevoir et de faire un suivi des plans d'investissement à long terme des gestionnaires d'infrastructures, et enfin de faire rapport au gouvernement de l'état général de la gestion des infrastructures au Québec, notamment en ce qui a trait aux investissements, et de faire les recommandations appropriées.

Article 3. Quant à la définition d'une infrastructure publique, l'ordre considère que les infrastructures urbaines de génie civil, notamment les réseaux d'égout et d'aqueduc ainsi que les usines de filtration et de traitement des effluents doivent être comprises sous ce titre. Il est essentiel que le projet de loi n° 32 reconnaisse le rôle capital de gestionnaire d'infrastructures que jouent les municipalités. Ces infrastructures ont un impact majeur sur la santé et la sécurité du public.

Article 4. En matière de budget d'investissement, l'allocation des sommes doit prendre en compte des priorités bien définies. Les budgets attribués aux infrastructures dont l'entretien et le maintien ont une incidence sur la santé, la sécurité et l'intérêt public doivent recevoir une priorité absolue.

Article 5. Cet article revêt une importance particulière. Aussi, la loi doit préciser par des règlements appropriés la logistique à mettre en place pour assurer une gestion rigoureuse des infrastructures publiques. Pour l'ordre, cette logistique repose sur la préparation par le gestionnaire de plans d'intervention et de financement ainsi que sur la consolidation, la validation et le contrôle de ces plans par un organisme indépendant qui transmet l'information au Conseil du trésor.

En ce qui a trait au cadre de gouvernance des grands projets ? chapitre III du projet de loi ? il est essentiel de s'assurer des conditions d'une saine gestion, la qualité à long terme et l'innovation dans les projets d'infrastructures. Les PPP sont une avenue très intéressante, mais il y en a d'autres. Il est possible de viser et d'obtenir une qualité à long terme avec différents modes de réalisation. C'est le cas, par exemple, du mode clés en main, selon lequel le propriétaire confie à une entreprise ou à un regroupement d'entreprises l'ensemble de l'ingénierie, l'approvisionnement et la construction. La performance de l'ouvrage est alors garantie par le constructeur. Le mode produit en main, ou «Build-Operate-Transfer», ce qu'on appelle communément BOT, va encore plus loin en ajoutant l'exploitation de l'ouvrage pendant une courte période, ce qui a pour effet d'accroître davantage les responsabilités du constructeur ou de l'entrepreneur. Il est également possible d'inclure les clauses de qualité et de performance dans des contrats plus conventionnels.

n (16 h 10) n

L'ordre note que le Québec a encore peu d'expérience en matière de PPP. Sans remettre en question l'intérêt de ce mode de réalisation, il nous semblerait préférable d'y aller progressivement, afin de s'y accoutumer sur les plans technique et administratif ainsi qu'au niveau des finances publiques.

Article 8. Nous ne parlons pas de l'article 8. Quoiqu'il soit présent dans notre mémoire, veuillez ne pas en tenir compte, car, avant de faire les présentations ici, on vient d'apprendre que, par un décret, ces précisions que nous demandions, elles sont déjà là. Alors, veuillez nous en excuser.

Article 9. Cet article énumère les organismes publics susceptibles de réaliser de grands projets. Nous pensons, en marge du projet de loi, que les gestionnaires administrateurs de ces établissements pourraient bénéficier d'un encadrement et de mesures d'aide dans la réalisation de grands projets.

Le Président (M. Paquet): ...conclure, si vous permettez.

M. Ghavitian (Zaki): Oui. Ce n'est pas long, il reste trois pages.

Article 14. Nous considérons qu'il est essentiel d'établir des règles claires pour l'évaluation des dossiers d'affaires initiaux, que le projet soit destiné à être effectué en PPP ou par tout autre mode de financement ou de réalisation.

Article 15. En vertu du deuxième alinéa de cet article, des projets en partenariat public-privé pourraient passer directement à l'étape réalisation dès que le gouvernement l'autorise sur la foi d'un dossier d'affaires initial. Par contre, dans tous les autres modes de réalisation, le projet de loi prévoit également une étape additionnelle, appelée dossier d'affaires détaillé. Il nous semble que l'étape le dossier d'affaires détaillé serait tout aussi bénéfique dans le cas d'un PPP, d'autant plus que ce mode de réalisation est encore peu connu.

Avant de conclure, nous souhaitons attirer l'attention des membres de la commission sur une problématique qui nous préoccupe, bien qu'elle se situe en marge du projet de loi n° 32. Nous avons noté qu'il y a une volonté gouvernementale d'aller vers le processus d'attribution des mandats d'ingénierie sur la base de la compétence. Par contre, en vertu de la loi, les municipalités du Québec doivent encore utiliser des formules de sélection avec prépondérance du prix, formule qui entraîne généralement le choix des solutions les plus économiques en termes de travaux d'ingénierie. Compte tenu de l'importance du rôle de gestionnaires des infrastructures que jouent les municipalités, notamment pour les aqueducs et les égouts, les usines de traitement et de filtration, et sans oublier les ponts et viaducs pour les municipalités de plus de 100 000 habitants, il serait important de revoir le mode d'attribution des mandats d'ingénierie dans les municipalités au profit de systèmes d'évaluation basés strictement sur la compétence.

En conclusion, la Commission d'enquête sur le viaduc de la Concorde a convié la société québécoise à relever un véritable défi: se donner les moyens et les ressources pour gérer les infrastructures publiques de façon à ce qu'elles puissent rendre à long terme et en toute sécurité les services que notre société est en droit d'exiger. C'est dans cette optique que l'Ordre des ingénieurs du Québec prône la mise en place de mesures de gestion des infrastructures. La ministre des Transports a donné suite aux recommandations de la commission, qui correspondent en grande majorité aux préoccupations soulevées par l'Ordre des ingénieurs en ce qui concerne les ponts et viaducs. Il faut maintenant poursuivre dans cette voie et instaurer des pratiques de gestion rigoureuses à long terme pour offrir aux citoyens des infrastructures fiables, sécuritaires et durables, au meilleur coût possible pour la société. Le projet de loi n° 32 est une étape de plus pour relever ce défi.

En résumé, voici nos principales recommandations: l'obligation pour les gestionnaires d'infrastructures d'établir des plans d'intervention à long terme et une évaluation de l'état de leurs infrastructures et l'institution d'un organisme de contrôle indépendant. La mise en oeuvre de ces recommandations constituera un grand pas vers la gestion à long terme des infrastructures publiques au Québec et par conséquent vers la qualité des interventions, la pérennité des ouvrages, la rentabilité des investissements publics et la sécurité du public.

Un dernier mot. Les 55 000 ingénieurs du Québec posent des milliers d'actes professionnels tous les jours. Je voudrais simplement assurer à la population québécoise que les ingénieurs font leur travail en respectant quatre valeurs fondamentales de la profession: la compétence, la responsabilité, le sens d'éthique et l'engagement social en accord avec leur déontologie professionnelle. Vous pouvez compter sur eux et sur l'Ordre des ingénieurs du Québec.

Voici donc, pour l'essentiel, ce que nous avions à vous dire. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Ghavitian. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. Ghavitian, bienvenue, et bienvenue également, M. Trudeau et M. Dusseault. Alors, je vous remercie d'avoir pris le temps de vous déplacer. Je vais couper un peu de mon temps. Je ne veux pas que vous pensiez que c'est de l'impolitesse de ma part, au contraire, je suis intéressée à vous entendre, mais je sais que tous les collègues veulent entendre finalement ce que vous avez à dire sur divers volets de votre mémoire.

Ce que je voulais savoir par ailleurs: Vous mentionnez un organisme indépendant, autonome pour évaluer finalement le parc de structures à mettre à jour, quel est le lien que vous mettez avec le ministère responsable? Parce qu'au niveau du transport ma collègue la ministre des Transports a créé cette agence, pour les ponts et les viaducs, autonome, indépendante, à l'extérieur de la fonction publique. Est-ce que vous souhaitez un tel organisme également pour la santé? Est-ce que vous souhaitez un tel organisme également pour le système d'éducation? Pouvez-vous exprimer ce que vous souhaitez?

M. Ghavitian (Zaki): C'est un seul organisme parce que...

Le Président (M. Paquet): M. Ghavitian.

M. Ghavitian (Zaki): Je m'excuse. O.K. C'est un seul organisme que nous recommandons parce que, tous les gestionnaires d'infrastructures, quand on demande, à chaque année, par exemple, de soumettre leur plan d'intervention, on souhaite que les règles soient établies, les mêmes règles pour tout le monde, suivant les mêmes critères, et qu'ils consolident toutes les données de tous les propriétaires avant de soumettre au Conseil du trésor pour avoir les sommes requises. Alors, on sait que le Conseil du trésor, peut-être, il n'a pas les expertises nécessaires en termes techniques pour évaluer les demandes qui lui sont faites. Alors, cet organisme sera appelé à consolider l'information, à ramasser toutes les demandes, et faire les analyses, et par la suite vous soumettre à votre attention pour que vous puissiez...

Mme Jérôme-Forget: Maintenant, vous comprendrez que, pour construire un hôpital, par exemple, versus construire une école, versus construire une route, c'est quand même de l'expertise différente. Et, vous avez parfaitement raison, le Conseil du trésor n'a pas cette expertise. D'accord? Soyons clairs, le Conseil du trésor se fie aux expertises qui nous sont données par chacun des ministères et essaie de juger justement de la démarche. Et c'est la raison pour laquelle le Conseil du trésor a recommandé qu'il y ait des comités d'experts indépendants, à différents moments, qui vont venir dans le fond donner un peu un sceau pour dire que le processus est légitime. La proposition fait du sens. Les données semblent raisonnables. D'accord? C'est la raison pour laquelle on avait mis ça.

Mais passons à côté, ce pourquoi je pensais... Vous pensez à un bureau qui ferait tout ça. Vous savez, on a beaucoup hésité à faire ça parce qu'au niveau de la santé ils ont une expertise en santé; au niveau du transport, ils ont une expertise au niveau des routes, des viaducs et des ponts; au niveau de l'éducation, ils ont une expertise au niveau des écoles. Et c'est très rare que vous allez avoir quelqu'un qui a une expertise dans tout finalement. Et il faut, à un moment donné, regrouper pour arriver à une demande, là, qui fasse du sens. Et c'est pour ça que je voulais comprendre votre proposition d'un organisme.

n (16 h 20) n

M. Ghavitian (Zaki): Vous avez parfaitement raison. Mais ce qu'on pense, c'est que, dans le domaine de la santé, on n'a pas des experts en techniques de construction ou de rénovation, ou, dans les commissions scolaires, ils ont l'expertise, leur propre expertise au niveau de l'éducation. Mais, quand ils soumettent des projets, ce qu'on veut, c'est que tous ces projets-là suivent les mêmes règles, c'est-à-dire les règles techniques sur la base des normes, les mêmes normes, quand ils vont vous être soumis. Parce que chacun peut venir engager des experts pour proposer des sommes à vouloir faire un hôpital, une école ou une université, mais y a-tu un organisme qui voit: Est-ce que les techniques utilisées ou proposées, est-ce que les normes proposées, ça a du sens, suivent le même enlignement? Alors, c'est le rôle de conseil, il fait la consolidation et validation pour vous assurer que ça a du sens. En plus, il fait rapport au gouvernement. Et, quand il fait rapport au gouvernement sur l'état des infrastructures, bien la population, ça va être transparent, va savoir: Est-ce que les plans d'intervention qui ont été proposés, est-ce qu'ils ont été suivis?

Mme Jérôme-Forget: ...minutes? Bon, vous allez m'excuser, je vais laisser aux collègues le soin de poser les autres questions. Je présume qu'ils vont probablement poursuivre un peu dans la même démarche.

Le Président (M. Dubourg): Merci, Mme la ministre. Alors, en effet, je passe donc la parole à l'opposition officielle et je reconnais le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci beaucoup. Premièrement, M. Ghavitian, bonjour, M. Jean-Pierre Trudeau et M. Mario C. Dusseault, merci d'avoir pris le temps de vous déplacer aujourd'hui.

Page 13, on va continuer un peu là-dedans, vous disiez que «les gestionnaires et les administrateurs d'agences de la santé et des services sociaux, d'institutions d'enseignement ou d'agences de transport n'ont pas nécessairement accès aux compétences requises pour gérer adéquatement des projets de grande envergure».

Un peu plus loin, «la formation d'une agence interministérielle spécialisée dans la gestion de grands projets, en passant par la nomination d'un directeur de projet imputable auprès du gouvernement» serait bien.

Je vais lire ici, dans le rapport du Vérificateur général, qui nous dit: «D'abord, il est primordial qu'un gestionnaire ayant les compétences requises soit désigné, et ce, dès le début du projet, à savoir lors de l'élaboration du [plan stratégique]. Le fait qu'une seule personne assume la responsabilité de celui-ci permet d'assurer un suivi adéquat de son déroulement et de prendre les décisions qui s'imposent. Ainsi, on pourra mener à terme le projet sans que le budget autorisé lors de l'annonce de la mise à l'étude soit dépassé et que les échéances soient reportées, tout en respectant le [plan stratégique].»

Et, page 8: «L'Ordre des ingénieurs du Québec recommande que soit institué un organisme indépendant», dont les mandats sont désignés un peu plus loin. On en a parlé ce matin un petit peu, on parlait de peut-être créer, si c'était possible... Actuellement, on parle d'ouverture. On veut prendre le temps de voir qu'est-ce qu'on peut... aller plus loin avec la façon de faire, puis peut-être un bureau des grands projets où qu'on pourrait rassembler l'expertise.

Encore là, l'expertise, est-ce qu'on est obligé de l'avoir à temps plein? On a beaucoup de gens qui vont prendre leur retraite dans les prochaines années. Peut-être qu'il y a un moyen de voir: Est-ce qu'il n'y aurait pas une opportunité qu'ils amènent encore au Québec leur expertise dans le futur pour des projets quelconques, qu'on leur donne un mandat d'un an sur tel dossier aussi, puis en même temps aussi qu'ils pourraient régler... qu'ils pourraient peut-être être médiateurs sur les chantiers, qu'ils pourraient nommer les médiateurs sur certains dossiers? Pensez-vous que c'est une bonne avenue si on pouvait explorer encore plus loin dans ça, mais de créer vraiment un bureau, mais qu'on prenne l'expertise? Parce qu'on s'en est aperçu dans le cas du CHUM à Montréal, l'expertise n'était peut-être pas entre les mains du recteur pour pouvoir avancer le projet.

Puis, une autre chose, ce bureau des grands projets là peut servir aussi pour accueillir les grands projets au Québec. On a un dossier comme Rabaska qui a été accueilli, 840 millions de projet complètement privé, mais il faut qu'ils négocient avec un ministère là, il faut qu'ils négocient avec tel autre ministère, il faut qu'il y ait une coordination des services qui soit faite. Et la seule chose qu'on a faite dans l'accueil de ce projet-là jusqu'à date, c'était une petite tape dans le dos en disant: Allez-y. Mais ce bureau des grands projets là pourrait être accompagnateur aussi des grands projets au Québec. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être une belle avenue?

Le Président (M. Dubourg): Oui, allez-y.

M. Trudeau (Jean-Pierre): Si vous permettez. En fait, nous, ce qu'on a dit, c'est qu'effectivement, au chapitre des grands projets, du cadre de gérance des grands projets, on a toutes sortes d'organismes qui sont actifs dans le domaine de la santé et dans le domaine de l'enseignement. Ces gens-là ont évidemment de la compétence dans leur domaine d'activité. Ce ne sont pas nécessairement des constructeurs. Alors, on abonde dans ce sens-là, dans le même sens que vous, en disant: Oui, ça prend de la compétence. Est-ce que c'est via un bureau des grands projets? Est-ce que ça pourrait être un organisme effectivement qui viendrait épauler systématiquement tout le monde? Est-ce que ce pourrait être des nominations au cas par cas? On va nommer un directeur général de la construction. Ce qui est important, c'est qu'effectivement on veille à ce que les gestionnaires qui sont spécialistes dans leur domaine soient entourés de spécialistes de construction pour faire les bons choix.

Maintenant, ce n'est pas la même chose que l'organisme dont on parlait tantôt. Là, on parle ici de grands projets. Tantôt, on parlait d'entretien, de réhabilitation d'infrastructures. Dans ce cas-ci, quand on parle de nouveaux projets, c'est de la construction. Effectivement, cet encadrement-là, je pense qu'il est nécessaire, et c'est une de nos recommandations. Dans l'autre cas, on voulait un organisme de contrôle qui, lui, n'agit pas au niveau des choix de développement, des choix socioéconomiques, politiques, qui agit au niveau des obligations qu'on a de maintien de nos infrastructures.

M. Lévesque: Pardonnez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Dubourg): Allez-y, M. le député.

M. Lévesque: La journée qu'on décide de rénover un tronçon d'une grande route, qui dépasse, mettons, un 40 millions, qu'on se serait dit: C'est un grand projet, ça devient un grand projet. Et, à partir de là, ça nous prend l'expertise dans la rénovation, ça nous prend des gens qui savent comment gérer cette rénovation-là. Quand on prend une route qui est un deux voies, on la transforme en quatre voies, elle devient un grand projet. Alors, je vois mal la différence entre la nouvelle construction et une rénovation qui fait partie de nos grands projets, parce que c'est des grands investissements. C'est encore l'argent des Québécois qui est mis en cause, et il faut faire un suivi d'où va cet argent-là, et de bonne façon.

M. Trudeau (Jean-Pierre): Je peux encore tenter une réponse, si vous le voulez. Quand on parle d'élargir une route, de deux voies de passer à quatre voies, c'est un choix socioéconomique de développement. Alors, à ce moment-là, effectivement, c'est un projet de développement. Nous, on parle ici... On parle beaucoup également, on ne l'a pas encore mentionné, on parle beaucoup d'infrastructures municipales. On a 1 200 municipalités au Québec qui sont des gestionnaires d'infrastructures. Leur statut par rapport à la première partie de la loi, au chapitre II, n'est pas clair. On n'est pas certains que les infrastructures municipales sont incluses dans ce projet de loi là. Mais les municipalités jouent un rôle de gestionnaires d'infrastructures extrêmement important, un rôle qui a un impact sur la santé et sécurité du public, et ils doivent être encadrés.

M. Lévesque: O.K.

M. Trudeau (Jean-Pierre): Alors, mais on parle de deux choses différentes. D'une part, vous parlez de maintien d'infrastructures existantes, mais par contre, quand on parle d'élargissement d'une route, à ce moment-là, c'est un projet de développement, effectivement.

M. Lévesque: Parfait. Merci. Je comprends. Tantôt, vous aviez vu qu'à l'article 8, bon, à quelque part, on définissait un peu qu'est-ce qu'était un grand projet. Mais mettons que vous étiez arrivés ici, là, vous n'avez aucune idée qu'on a dit un chiffre, 40 millions. Pour vous, un grand projet, c'est quoi?

M. Trudeau (Jean-Pierre): C'est une très bonne question, effectivement. À partir de quoi peut-on considérer qu'un projet est un grand projet? C'est lorsqu'on doit mettre en marche une structure qui doit... En fait, c'est peut-être moins au niveau du montant qu'on met qu'au niveau de la structure qu'on doit mettre en place. C'est sûr que le montant joue un rôle assez important. Moi, en tout cas, je me sens très confortable, là, avec le décret, là, avec le 40 millions. Je n'ai pas eu évidemment l'occasion de le voir à fond, mais effectivement, probablement que, quand on discutait entre nous d'un grand projet, c'est cet ordre de grandeur là qu'on avait à l'esprit.

M. Ghavitian (Zaki): Mais on doit distinguer quand même que, l'ordre de grandeur, dans les montants, il y a la partie approvisionnement. Parce que ça se peut qu'on ait un projet de 40 millions, il y a 38 millions d'approvisionnement et 2 millions de construction. Alors, il y a une distinction à faire, là, en termes de durée, en termes de coûts, en termes de travaux. Moi, je ne sais pas comment est-ce que vous avez défini les montants, mais il faut faire bien attention aussi, là. Dans les grands projets, il y a des fois de longues périodes, beaucoup de construction et pas d'approvisionnement, tandis que, dans d'autres, il y a beaucoup d'approvisionnement, 75 %, 80 % du montant, c'est l'approvisionnement, et le reste, c'est la construction.

M. Lévesque: Merci beaucoup de m'éclairer sur ce...

M. Ghavitian (Zaki): Alors, c'est surtout la durée, oui.

M. Lévesque: Merci beaucoup de nous éclairer sur ce point-là. Vous dites qu'au Québec on a peu d'expérience de PPP. Est-ce que vous pourriez, dans l'état actuel, me dire... Est-ce que vous avez vu des bons dossiers actuellement, au niveau PPP, que vous avez suivis, vous avez vu un bon déroulement puis que vous pourriez prendre en éloge pour dire: Au Québec, ça, on a bien réussi ça, puis c'est parce qu'on a bien fait ça qu'on peut dire que ça a été une bonne voie?

n(16 h 30)n

M. Ghavitian (Zaki): Au Québec, on n'en a pas eu tellement, de projets de PPP. Je pense que le premier, c'est l'autoroute 25, qui va être en ce mode PPP, et aussi bien sûr le futur CHUM. Ailleurs, quand on a regardé dans d'autres provinces ou ailleurs dans le monde, ce n'est pas un mauvais choix, mais il faut faire extrêmement... faire attention, et il y a des leçons apprises qu'il faut absolument tirer de ces projets-là. Alors, ici, au Québec, moi, je n'en connais pas. Mais il faut surtout s'assurer de rigueur, et de qualité, et la compétence qu'on met là-dedans. Moi, je suis en contact avec mes collègues qui sont à l'Agence des PPP, des experts chevronnés, et je crois que, d'après les conversations que j'ai eues avec eux, la rigueur et la qualité, c'est un de leur cheval de bataille. Alors, ça me rassure.

M. Lévesque: Merci beaucoup. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Paquet): Environ 2 minutes peut-être, 2 à 3 minutes.

M. Lévesque: O.K. Je pose une autre... Merci beaucoup. BSDQ, bureau de soumissions pour le Québec, est-ce que vous trouvez que la façon de faire est bonne pour pouvoir régulariser les coûts? Parce qu'ici j'ai le Centre Molson, l'isolation, valeur des travaux, 1,4 million, qui avaient été évalués à la base, puis, quand on le soumissionne, le plus bas soumissionnaire est à 2,9 millions. Les coûts sont beaucoup plus élevés quand on arrive au BSDQ. Pensez-vous que c'est encore une... que c'est une bonne façon de procéder? Avez-vous un point de vue sur ce sujet-là?

M. Ghavitian (Zaki): Évidemment, quand on gère un projet, il y a trois facteurs dans la gestion d'un projet: le contenu, qu'est-ce qu'on va construire, le contenu doit être bien établi au départ, après ça le temps et le coût. C'est les trois grands facteurs en gestion de projet.

Alors, si on part avec les à peu près, et par la suite le client en demande ? tant qu'à y être, tant qu'à y être ? bien là, on va dépasser les coûts, là, qu'on a estimés au départ, et on ne sait plus où est-ce qu'on se ramasse, et on va avoir beaucoup de réclamations par la suite. Alors, c'est bien important d'établir le contenu de départ entre les partenaires ou entre les clients et fournisseurs, le constructeur, avant d'entamer chaque projet. Alors, dans les cas particuliers que vous dites, ça doit être ce genre de... Il faut absolument que la compétence et l'expertise soient là au départ.

M. Lévesque: Parfait. Dernière question, Cadre de gouvernance des grands projets, le chapitre III. On semble y voir une lourdeur, là, quelque peu excessive dans la façon de faire. Je ne sais pas si vous avez entendu, ce matin, un peu, l'élaboration de tout ça, mais je peux vous dire qu'on part d'un plan stratégique, après ça le ministre... en tout cas toute une dénomenclature qui est très lourde. Est-ce que vous avez pris le temps d'étudier cette partie-là, de comment vont devoir se réaliser les projets et à travers quoi ils doivent passer pour enfin être réalisés, à travers ce projet de loi là?

M. Ghavitian (Zaki): Bien, les étapes d'un projet, je pense, il y a d'abord l'étude préliminaire, après ça l'avant-projet, l'ingénierie, l'approvisionnement et construction. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il est important de bien faire les choses, il ne faut pas sauter les étapes. Je sais que parfois c'est long, parce qu'on construit des fois des barrages et des grands travaux, et ça prend plusieurs années. Et ce qu'il est important de concevoir au départ, c'est: mettre le temps de faire les choses une fois que... lors de la conception, l'ingénierie.

Je vous donne un exemple. Si des travaux d'ingénierie d'un projet de 1 milliard sont évalués, disons, à 50 millions, si on dépasse de 10 % le projet... La phase d'ingénierie, c'est 5 millions de plus. Donc, on fait les choses comme il se doit pour ne pas que le projet au total dépasse le 10 %, à cause que ce serait 100 millions. Donc, c'est bien important, les phases, c'est bien important de le faire.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Lévis, rapidement.

M. Lévesque: Les architectes, les ingénieurs... Qui évalue le coût?

M. Ghavitian (Zaki): C'est conjoint.

M. Lévesque: C'est conjoint?

M. Ghavitian (Zaki): Absolument. L'ingénieur ne peut pas tout faire. Il y a tous les professionnels qui sont inclus dans la réalisation d'un projet. L'architecte, il fait sa partie, l'ingénieur aussi, et chacun estime sa partie. Donc, il y a une consolidation qui se fait à la fin.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Richelieu.

M. Simard: On dispose de combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): Disons qu'avec le temps on essaie de jouer un petit peu, là. Mais ça a pris beaucoup moins de temps. Environ une dizaine de minutes, 10 à 11 minutes, si possible.

M. Simard: Bon, voilà. Très rapidement, vous saluer d'abord puis vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Certains aspects, certaines pages devraient être lues, et relues, et méditées par la présidente du Conseil du trésor, notamment sur votre appel à la prudence concernant les PPP. Vous êtes dans un réseau d'ingénieurs, vous avez lu, vous savez ce qui s'est passé ailleurs, et, avant de nous lancer sans presque aucun frein dans cette direction, vous nous appelez à une très grande prudence, et vous avez raison, il y a eu ailleurs aussi des problèmes.

Mais ce n'est pas le seul mode. Vous avez d'ailleurs... Je pense, la qualité dans votre... une des grandes qualités de votre mémoire, c'est de nous proposer d'autres modes qui effectivement existent ailleurs, existent ici déjà et fonctionnent en général très bien. Et on oppose toujours le mode hyperconventionnel qui n'a jamais été préparé, où les besoins n'ont jamais été définis, on oppose toujours cet extrême-là aux PPP. Entre les deux, il y a les projets conventionnels bien préparés, il y a les projets qui se font clés en main, qui se font clés en main avec un maintien d'actif pendant un certain temps, il y a toutes sortes de formules qui peuvent être extrêmement intéressantes. Et ce que ça nous dit, nous, ici, là, c'est que le projet de loi ne doit pas par définition favoriser un seul mode de construction, un seul mode de réalisation, tous les modes sont possibles.

Pour ce que vous disiez, tout à l'heure, sur la normalisation des procédures, des processus entre les différents ministères, la ministre n'a pas eu le temps de répondre là-dessus, là, mais je peux vous donner la réponse. On a voté... on a adopté un projet de loi l'an dernier. Le Conseil du trésor, par la voix de M. Lafrance, ici, vous dirait que les négociations sont maintenant terminées avec chacun des ministères et organismes, et la normalisation, la standardisation des processus, non seulement dans les ministères, mais dans les réseaux, est en train de... est complétée maintenant. Ça, ça va être un énorme progrès. On a beaucoup travaillé, l'an dernier, là-dessus, là. Mais ça, ça va être le début d'un énorme progrès.

Parce que c'est vrai que personne ne travaillait de la même façon. Pour une firme d'ingénierie, c'était un problème énorme. Les gens de la CHQ avaient une façon de travailler, les gens de la SIQ une autre façon de travailler, dans les réseaux de santé, dans les commissions scolaires, tout le monde avait sa façon de travailler. Et comment remplir un devis qui ait un peu d'allure quand... Comment ne pas perdre énormément de temps en faisant face à toutes ces différences-là? Maintenant, ce sera, semble-t-il... en tout cas, on verra aux résultats, là, mais la loi est là, et, semble-t-il, les choses sont maintenant attachées, on va le voir, on devrait avoir des résultats positifs de ce côté-là, et je pense que vous devriez avoir satisfaction.

Je n'irai pas, parce qu'on a peu de temps, là, du côté des modes de gestion. Bureau centralisé, bureau de réalisation des grands projets, moi, je suis très sensible à ce mode-là, mais il y a d'autres possibilités aussi, on peut débattre de ces choses-là. Mais ce sur quoi vous attirez notre attention ? vous êtes les premiers à le faire ici ? c'est sur l'institution d'un organisme de contrôle indépendant. J'imagine, c'est contrôle des objectifs en termes de mise à jour des infrastructures et évidemment contrôle également du suivi des processus qui doivent être normalement suivis dans la réalisation des projets. J'imagine que c'est ça que vous avez en tête. Et est-ce que...

Je vous fais une suggestion: Est-ce que ce que vous avez en tête, c'est l'équivalent ? quand on dit «indépendant», là ? d'un vérificateur général des grands travaux qui serait, par exemple, approuvé par les deux tiers de l'Assemblée nationale, qui relèverait de l'Assemblée nationale ou qui serait ? l'autre formule qui existe, je pense, à Ottawa, notamment pour le développement durable ? un vérificateur général qui s'occupe d'un secteur et qui dépend du Vérificateur général mais qui est nommé par l'Assemblée? Est-ce que c'est dans cette direction-là que vous voulez qu'on aille?

M. Trudeau (Jean-Pierre): Oui. Quand on parle du chapitre II, on s'en va vers un vérificateur général, parce qu'on parle d'obligation de maintien. Alors, à ce moment-là, on pense qu'il n'y a pas vraiment de choix socioéconomiques là-dedans, il y a des obligations. Donc, l'objectif de vérification, dans ce cas-ci, il est parfaitement légitime, si on veut. Et en même temps un vérificateur général est garant d'une certaine transparence parce que son rapport est public. Alors, dans le domaine des infrastructures, un des problèmes qu'on a, c'est que les citoyens, avec les événements récents, ont perdu confiance dans leurs infrastructures. Je pense que la transparence, l'ouverture, nous, on croit, à l'ordre, que c'est de nature à restaurer cette confiance-là. Alors, pour le chapitre II, c'est effectivement un vérificateur général mais qui va un petit peu plus loin parce que, lui, il a non seulement pouvoir d'enquête, mais il fait également la réception et la consolidation.

M. Simard: ...qu'on a eu des rapports, le Vérificateur général a reçu des mandats, au cours des dernières années, parce qu'il y avait des problèmes. Ce que vous souhaitez, c'est qu'il y ait un type de vérificateur général qui ait la même indépendance mais qui, lui, assure sur une base permanente le suivi des travaux. Je traduis bien votre pensée?

M. Trudeau (Jean-Pierre): Voilà.

n(16 h 40)n

M. Ghavitian (Zaki): C'est que les gestionnaires d'infrastructures qui émettent... On dit que chaque propriétaire doit émettre des plans d'intervention. Ces plans d'intervention sont sur une longue durée, sur 10 ans, disons, et il faut que... Il y a l'inspection, l'entretien préventif, la réfection majeure à certains cycles, et on veut que quelqu'un s'assure que ces plans-là soient réalisés, ils doivent être suivis et contrôlés. Je dirais, on est dans l'enceinte du parlement, on ne veut pas que ce soient juste des promesses de politiciens à la veille des élections. On veut que le citoyen soit rassuré que les plans d'intervention qui ont été proposés, ils se réalisent. C'est ça.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Moi, M. le Président, je suis très sensible à l'argumentation de l'Ordre des ingénieurs. C'est un sujet qui me préoccupe depuis longtemps. La confiance du public dans la réalisation des grands projets, la présidente du Conseil du trésor l'a dit à plusieurs reprises, mais la confiance du public n'est plus là. Et, de ce côté-ci de la Chambre, nous nous rendons compte à quel point le scepticisme est grand. Et il faut donc des moyens extraordinaires pour rassurer maintenant les gens que les processus sont effectivement suivis de façon correcte depuis le début jusqu'à la fin. Ça ne veut pas dire qu'on est obligé de construire des monstres administratifs, là, qui prennent des années, mais les processus normaux, là: identification des besoins de façon rigoureuse, approbation des plans, enfin tout ce qui normalement appartient aux bonnes pratiques dans le domaine de la décision dans les grands projets.

Alors, moi, je trouve que votre suggestion devrait être retenue, que nous devrions, au cours des prochaines semaines, songer très sérieusement à votre proposition, qui me semble très rassurante pour la population. Il y aura quelqu'un qui, indépendamment des gouvernements, des promesses électorales et des échéanciers électoraux, sera là pour garantir au public que les processus auront été suivis. Et on a, nous, l'exemple ici de très grands serviteurs de l'État qui sont nommés par la Chambre, qui ont donc une indépendance beaucoup plus grande. Et, moi, je suis très sensible à votre proposition.

Le Président (M. Paquet): Ça va? Donc, je vous remercie. Au nom de la commission, je veux remercier M. Ghavitian, président de l'Ordre des ingénieurs du Québec, M. Trudeau et Me Dusseault pour votre participation à nos travaux. Alors, je suspends très, très brièvement les travaux de la commission pour permettre aux prochains intervenants... à qui je demanderais de s'approcher de la table, l'Ordre des architectes du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

 

(Reprise à 16 h 44)

Le Président (M. Paquet): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Maintenant, nous allons entendre les représentants de l'Ordre des architectes du Québec, M. André Bourassa, son président, ainsi que Me Jean-Pierre Dumont, secrétaire de l'ordre. Bienvenue à la commission. Vous avez la parole.

Ordre des architectes du Québec (OAQ)

M. Bourassa (André): Alors, si j'ai l'heure ici, avec moi, ce n'est pas parce que j'ai peur de m'endormir, c'est parce que je veux essayer de rentrer dans les temps.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames messieurs, membres de la Commission parlementaire des finances publiques, à titre de président de l'Ordre des architectes du Québec, il me fait plaisir d'être ici, aujourd'hui, pour échanger avec vous sur le projet de loi favorisant la gestion rigoureuse des infrastructures publiques et des grands projets. L'Ordre des architectes du Québec se considère privilégié de pouvoir intervenir lors des présentes audiences, et nous vous en remercions, bien évidemment.

Avant de discuter du projet de loi n° 32, je vais demander à Jean-Pierre Dumont, avocat et secrétaire de l'ordre, de vous présenter en quelques mots l'Ordre des architectes du Québec et d'annoncer les grandes lignes de notre intervention de cet après-midi.

M. Dumont (Jean-Pierre): L'Ordre des architectes du Québec est un ordre professionnel qui a pour mission d'assurer la protection du public en régissant l'accès et en contrôlant l'exercice de la profession d'architecte au Québec. Présentement, l'ordre compte quelque 2 775 architectes, dont sept sur 10 exercent en pratique privée. Dans l'accomplissement de son mandat, l'ordre s'intéresse à la qualité de l'architecture et aux moyens qui peuvent être mis en oeuvre pour améliorer la qualité du cadre bâti.

Notre intervention d'aujourd'hui vise trois choses. Premièrement, elle vise à appuyer le principe du projet de loi n° 32 et les objectifs qu'il vise. Nous voyons en effet dans ce projet de loi... On voit ce projet de loi comme porteur de changement dans les façons de faire de l'État quant au développement et à l'entretien des infrastructures publiques. Deuxièmement, nous vous ferons part de certaines améliorations qu'il conviendrait d'apporter au projet de loi n° 32, ou sinon ailleurs dans la législation québécoise, pour favoriser une meilleure qualité de la conception, de la construction et de l'entretien de nos infrastructures. Troisièmement, étant donné l'orientation générale du gouvernement de tendre vers la formule des partenariats public-privé pour la réalisation des infrastructures publiques, nous vous ferons part de quelques études que l'ordre a commandées pour mieux comprendre cette façon de faire et, plus important encore, que soit assurée, dans un tel contexte, la construction de bâtiments de qualité. Vous avez reçu ces études dans un cahier que nous avons remis aujourd'hui.

M. Bourassa (André): Alors, il faut le dire, le projet de loi n° 32 est une heureuse initiative du gouvernement. Bien que la gestion rigoureuse et l'entretien des infrastructures sont des choses qui doivent aller de soi, lorsqu'on est propriétaire d'un parc immobilier de l'ampleur de celui du gouvernement du Québec, l'expérience récente nous rappelle l'importance de légiférer et de s'obliger, comme société, à construire nos infrastructures selon les règles de l'art.

Une fois construites, il est tout aussi essentiel d'assurer un entretien vigilant de ces infrastructures tout au long de leur vie utile, qui, soit dit en passant, devrait être la plus longue possible, ce qui veut dire bien au-delà de 100 ans pour les ouvrages d'architecture, et non pas 40 ans comme on l'entend trop souvent par les temps qui courent. Les exemples de bâtiments et de ponts qui traversent les siècles sont nombreux dans ce monde. Pour y arriver, il faut que le bâtiment ou l'ouvrage soit conçu et construit par des professionnels et des entrepreneurs compétents qui bénéficient de toutes les ressources nécessaires au bon accomplissement de leur ouvrage, c'est-à-dire humaines, financières et matérielles. Des règles strictes doivent être ensuite appliquées pour assurer un entretien suivi et rigoureux des ouvrages ainsi construits.

Nous croyons donc que le projet de loi n° 32 est un grand pas dans la bonne direction. Il est un grand pas en ce qu'il vient enfin instituer, au sein du gouvernement et des ministères, une culture empreinte de vision et de rigueur pour la planification, la gestion et l'entretien des infrastructures publiques au Québec. Ne serait-ce que parce qu'il s'oblige, à l'article 2, le Conseil du trésor, à soumettre une fois par année au gouvernement un projet d'investissement pluriannuel à l'égard des infrastructures publiques, avec une répartition telle que mentionnée à l'article 4, ce projet de loi mériterait d'être encouragé. Cela étant dit, nous croyons toutefois que le projet de loi n° 32 est grandement perfectible, notamment quant à sa portée et aux objectifs visés.

On retrouve les objectifs de la loi à l'article 1. L'Ordre des architectes adhère sans aucune réserve à tous les objectifs indiqués à cet article. Nous sommes d'accord avec l'objectif que les investissements de l'État dans les infrastructures soient faits conformément aux meilleures pratiques de gestion. Nous sommes d'accord avec la transparence qui doit caractériser les prises de décision. Et nous sommes aussi hautement d'accord avec la répartition adéquate qui doit être faite entre les budgets consacrés à l'entretien et ceux liés au développement de nouvelles infrastructures. Enfin, l'objectif d'une planification et d'un suivi rigoureux des grands projets pour éviter les dépassements de coûts et le retard dans les échéanciers nous semble également un incontournable.

Cela étant dit, en lisant et en relisant cet article, on constate pourtant qu'il manque un objectif essentiel, c'est-à-dire ce pour quoi nous, les professionnels, les entrepreneurs et les décideurs publics, oeuvrons tous, soit de doter le Québec de demain d'infrastructures publiques qui seront durables, fonctionnelles et sécuritaires. Bref, malgré que le projet de loi n° 32 comble un vide important, il demeure silencieux quant à l'objectif primordial pour lequel on conçoit un projet d'architecture ou de génie, soit d'atteindre les plus hauts standards de qualité sur les plans technique et fonctionnel.

n(16 h 50)n

En omettant de traiter de la qualité des ouvrages à construire et des conditions à mettre en oeuvre pour y arriver, il nous semble que nous passons à côté de l'essentiel. Le fait d'être rigoureux dans la gestion du coût et dans le respect des échéanciers, comme indiqué à l'article 1 du projet, est certes important, voire essentiel à la bonne marche d'un projet. Pourtant, ces éléments à eux seuls ne sauraient garantir la réussite d'un projet d'architecture ou de génie. Vous auriez commandé une voiture, vous auriez reçu une Lamborghini dans le temps prévu et dans les coûts prévus, cette voiture ne vous permettrait pas d'aller reconduire votre garçon avec sa poche de goaler à l'école ou à l'aréna. Voyez-vous? On aura atteint... On aura notre produit, on aura le produit dans les temps donnés, dans les coûts donnés, mais quelle sorte de produit aurons-nous? C'est de ça dont il faut parler maintenant.

Et c'est là-dessus qu'en Angleterre, avec la large expérience des PPP, on s'est cassé les dents et qu'on a dû réagir, et cette expérience, on ne peut pas ne pas en tenir compte aujourd'hui, c'est extrêmement important. Nous aurions devant nous une situation où le respect des coûts et des échéanciers n'aurait pas donné lieu à un ouvrage de qualité. Un mauvais projet est un mauvais investissement, et ce, peu importe la qualité de la gestion qui peut en être faite. Une horreur, c'est une horreur. Un projet non fonctionnel, ça reste un projet non fonctionnel, fut-il livré dans les budgets et dans les temps prescrits.

Cet exemple sert à illustrer l'importance au moins égale, sinon supérieure qui doit être accordée à d'autres éléments fondamentaux liés au succès d'un projet d'architecture ou de génie. Comme premier élément fondamental d'un bon projet d'architecture, il faut un client éclairé, et l'État peut être un client éclairé. Et, à cet égard, nous vous présenterons tout à l'heure certains éléments auxquels l'État du Royaume-Uni s'est astreint pour lui-même: être un bon donneur d'ouvrage et arriver à de bons résultats.

Comme deuxième condition d'un bon projet, on note la compétence des professionnels engagés pour la conception, la construction et l'entretien de l'ouvrage. Il est donc important que la sélection des professionnels se fasse sur la base de la compétence, et nous savons que là-dessus il y a eu des avancées importantes. Présentement, dans les municipalités ? pour faire suite à ce que M. Ghavitian disait ? et dans d'autres organismes publics, la méthode de sélection employée accorde une importance prépondérante au coût des honoraires au détriment de la compétence. Comme le suggère le rapport Johnson, nous croyons que cette façon mérite d'être revue.

Il faut aussi dire que, dans un projet d'architecture, les honoraires représentent une fraction infime des coûts reliés à un bâtiment, ce que nous avons exprimé déjà à la commission sur le développement durable. Une étude produite au Royaume-Uni démontre que le coût d'approvisionnement des services publics suit un ratio de 1-5-200, 1 étant le coût d'investissement initial pour la construction ? construction, honoraires, etc.; 5, c'est le coût d'opération; et 200, c'est le coût de la conduite des affaires à l'intérieur des bâtiments. Donc, pour 1 $, on aura généré ? excusez-moi l'expression ? 200 $ de business à l'intérieur d'un bâtiment donné. À cheaper ? excusez l'expression encore une fois ? sur les honoraires, et sur les coûts de construction, et sur la fonctionnalité de l'immeuble, on aura augmenté considérablement les coûts d'opération, et les exemples ne manquent pas pour le démontrer. Et c'est encore une fois ce que le modèle anglais nous a démontré. Alors, ça vaut vraiment la peine de penser comme il faut dès le départ.

Troisièmement, il faut favoriser un cadre de fonctionnement où l'indépendance des professionnels sera mise en valeur et où on attribuera aux professionnels des ressources et des délais suffisants pour pouvoir faire preuve d'innovation dans la recherche des solutions à préconiser. Ceci s'applique notamment pour les choix de matériaux, les méthodes de réalisation et le suivi rigoureux des étapes de réalisation du projet sur le plan technique.

Récemment, on parlait d'innovation ? je peux vous transmettre cette anecdote ? récemment, cette semaine, on parlait d'innovation dans les bâtiments d'habitation pour la Société d'habitation du Québec, et je peux vous dire que le premier élément qui est ressorti, c'est que les budgets sont insuffisants pour faire de la qualité, et de la pérennité, et quelque chose qui va tenir compte des changements climatiques qui s'en viennent. On ne peut pas passer à côté de ça, on ne peut pas vraiment éviter ces questions.

Enfin, comme quatrième condition d'un bon projet, on doit mentionner la surveillance des travaux d'architecture par un architecte. Il nous appert que le moment est venu enfin d'imposer dans la législation québécoise, soit dans le projet n° 32, soit dans la Loi sur les architectes, soit dans le Code de construction, l'obligation que les travaux d'exécution d'un bâtiment soient surveillés par un architecte. On retrouve cette obligation de surveillance d'ailleurs ailleurs au Canada et aux États-Unis, on n'a rien inventé par rapport à cela.

Mais évidemment, dans certains modes d'exécution, si vous faites un clés en main, par exemple, et que l'entrepreneur rémunère ses professionnels, vous comprenez qu'en termes d'indépendance on n'a pas là l'indépendance des professionnels qu'il faut. Encore aujourd'hui, si vous avez pu entendre ces éléments d'actualité, vous savez à quel point les condominiums sont un problème, la réalisation sur la qualité des condominiums. Pourquoi? Parce que, dans le mode de réalisation des condominiums, il n'y a pas d'autorité indépendante pour exercer une surveillance adéquate, et les associations de propriétaires de condos le disent depuis plus de 10 ans. Là aussi, l'ordre fait écho au rapport Johnson, qui nous rappelle l'importance que les travaux d'exécution soient surveillés, et surtout bien surveillés.

Cette surveillance nous apparaît fondamentale comme condition de réalisation des travaux d'architecture au Québec, et pas seulement pour les grands projets. Or, rien dans la Loi des architectes ni dans le Code de construction ne prévoit une obligation d'assurer un suivi des travaux d'exécution. Cette situation est pour le moins incongrue, puisque, pour les bâtiments d'une certaine ampleur, on exige que les plans et devis d'architecture soient préparés par un architecte. Or, à quoi peut bien servir les meilleurs plans d'architecture si personne ne fait la surveillance et si on ne peut pas dire que les bâtiments sont faits selon ces plans? Alors, nous souhaitons que la portée du projet soit élargie pour tenir compte de cet objectif de qualité des projets tels que construits.

M. le Président me fait signe qu'il reste deux minutes, c'est une coupure substantielle, ce qui fait que je m'empresserai de vous référer à certains éléments de cette étude... deux études importantes, une de Me De Serres et une de l'École de technologie supérieure, concernant la réalisation des PPP en Angleterre, et de toutes les procédures et de tous les groupes de travail, beaucoup plus décentralisés, en passant, que ce que vous parliez tout à l'heure, parce que ce sont des groupes qui s'occupent des écoles, d'autres groupes qui s'occupent...

On a eu assez, en Angleterre, d'écoles aux corridors trop étroits, mal isolés, mal ficelés finalement, on a payé cher pour ces projets mal faits, ce qui fait que, pour élever un peu, je citerai Tony Blair, qui, avant la fin de son mandat comme premier ministre britannique, déclarait: «J'ai demandé à tous les ministères et agences de faire les démarches nécessaires pour en arriver à une amélioration progressive de la qualité de la conception des édifices publics. Je suis résolu à ce que les fonds additionnels soient dépensés de la meilleure manière qui soit, qui nous permette de léguer un patrimoine de bâtiments de haute qualité, comparable à ce que nous avons hérité de l'époque victorienne et d'époques antérieures. Et je suis déterminé à faire en sorte que la conception de qualité ne soit pas réservée aux immeubles prestigieux des grandes villes mais qu'elle profite à l'ensemble des usagers des services publics où ils se trouvent.»

Chez nous, on parlait, on disait qu'on était trop pauvres pour faire cheap. Alors, quand on a des ressources limitées, on doit les utiliser, je pense, le mieux possible. Et encore une fois l'expérience anglaise est extrêmement importante à cet égard.

«Suite à une première génération de projets...» Je cite le rapport De Serres; «Suite à une première génération de projets affichant des lacunes évidentes au point de vue [de la] qualité des bâtiments publics, un nouvel organisme a été mis en place au Royaume-Uni[...]. Appelé [la Commission pour l'architecture et l'environnement bâti], cet organisme est financé par le gouvernement britannique. Son rôle est de veiller sur la qualité architecturale dans les espaces bâtis et non bâtis. Elle regroupe 75 personnes qui proposent leurs services de conseil gratuit aux maîtres d'ouvrages publics et privés sur des sujets comme la programmation, la sélection des architectes, le choix d'une procédure de passation des marchés», etc.

M. Dumont (Jean-Pierre): Excusez, c'est à la page 41 du rapport De Serres.

M. Bourassa (André): Merci, Jean-Pierre. Et la qualité de l'architecture, ce n'est pas quelque chose d'éthéré, d'arbitraire et dingue. Ça se qualifie, il y a des critères pour en parler, de cette qualité des projets et de l'architecture qui est sous-tendue dans ça.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. Bourassa. Mme la ministre.

n(17 heures)n

Mme Jérôme-Forget: Alors, bienvenue, M. Bourassa et M. Dumont, ça me fait plaisir. J'étais très contente de recevoir votre mémoire et de le lire. Vous savez, vous parlez à une personne extrêmement convaincue de la nécessité de bien faire et de faire à long terme. Et ce pour quoi j'ai une proposition actuellement sur une période de 15 ans, c'est que je souhaite que l'on regarde tout le patrimoine québécois, qu'on le regarde à long terme, parce qu'il y aura des successeurs qui vont me suivre et qu'ils auront également la responsabilité de regarder justement à long terme le patrimoine du Québec. Je suis parfaitement en accord avec vous que tout mauvais projet, là, c'est inacceptable.

Par ailleurs, vous mentionnez la Grande-Bretagne. Je suis très heureuse de vous entendre parler de la Grande-Bretagne parce que j'y suis allée, et j'y suis allée plus d'une fois. Et non seulement j'y suis allée, en Grande-Bretagne, mais je suis en contact beaucoup avec d'autres pays qui font maintenant des PPP, notamment en France, notamment aux Pays-Bas, notamment en Italie, en Espagne, en plus bien sûr de nos voisins. Et vous avez raison, il fallait apprendre.

D'un autre côté, ne soyons pas trop sévères à l'endroit de la Grande-Bretagne. Ils ont 600 projets actuellement en PPP. Et ils refont toutes leurs écoles, ils refont tous leurs hôpitaux. Et bien sûr peut-être qu'à certains égards, à des moments, on peut s'interroger sur la qualité de l'architecture, hein? J'ai visité Middlesex, moi, qui est un PPP là-bas, je vous dirais que c'est beaucoup mieux que c'était avant, mais ce n'est pas génial. D'un autre côté, Barts, là ça va être un projet absolument remarquable, mais le prix est là. Le prix est là. C'est un hôpital patrimonial, et par conséquent c'est extrêmement coûteux évidemment de le refaire. Alors, je suis d'accord avec vous, tout mauvais projet, il faut vraiment que ce soit exclu.

Vous mentionnez par ailleurs, à un moment donné, que vous avez été invités à soumettre un projet pour une habitation à loyer modique, ou quelque chose comme ça, je ne sais pas, ou la Corporation d'hébergement?

M. Bourassa (André): Si vous permettez, situer le contexte, et c'est un beau contexte en fait. C'est qu'Ouranos, le groupe qui étudie les changements climatiques, s'est vu accorder un mandat par la Société d'habitation du Québec pour voir comment on doit considérer dans le futur l'impact des changements climatiques sur la façon de concevoir les habitations. C'est extrêmement pertinent et extrêmement juste, je dois dire. Et c'est dans ce contexte-là tout simplement que ce qui est ressorti clairement, c'est qu'on ne pouvait pas innover, avec les budgets qu'on a en ce moment, pour faire de l'habitation.

Mme Jérôme-Forget: Bon, je peux présumer que, dans un cas particulier, peut-être... Vous me direz au bout de cinq minutes, parce que je vais quand même également laisser le temps à mes collègues d'en face. Je suis d'accord avec vous que probablement que, pour un projet particulier, on ne pouvait pas arriver avec de l'innovation au niveau de l'environnement. Je pense qu'à ce moment-là ce serait la responsabilité du gouvernement, via le ministère de l'Environnement, d'arriver avec un projet quelconque qui pourrait être séducteur.

Mais, moi, ce que vous proposez, vous... J'avais du mal à comprendre exactement ce que vous souhaitiez vraiment, à part l'idée de la responsabilité de l'architecte de suivre les travaux, de surveiller les travaux, parce qu'un mauvais projet, il n'y a personne autour de la table qui veut ça. Il est clair, je vais vous rappeler, que... M. Bourassa, vous comprendrez qu'il y a une assiette limitée d'argent, et les architectes doivent le reconnaître, comme les ingénieurs doivent le reconnaître, comme les politiciens doivent le reconnaître, hein? On voudrait tous en faire plus, mais on est limités avec les sommes d'argent que les contribuables nous donnent.

Vous, là, pour la surveillance des travaux, quelles sont les limites que vous avez au Québec, que vous n'auriez pas, par exemple, en Ontario ou ailleurs au Canada? Qu'est-ce qui vous prive ici, de quoi êtes-vous privé, au Québec, par rapport à d'autres provinces?

Le Président (M. Paquet): M. Bourassa.

M. Bourassa (André): En fait, comprenons-nous bien, on n'est pas à quêter quoi que ce soit en cette matière-là. Tout ce qu'on dit, c'est que, puisque la surveillance de chantier, des ouvrages, n'est pas un acte réservé en ce moment... Il n'y a pas aucune obligation réglementaire pour la surveillance des travaux, en ce moment. Alors qu'en Ontario, par exemple, on dira: Tel type d'ouvrage doit nécessairement avoir la surveillance d'un architecte ou d'un ingénieur, selon le genre de situation. Donc, vous comprenez la différence? Donc, n'importe qui fait faire n'importe quel ouvrage, et il n'y a pas de surveillance obligatoire. Dans les ouvrages publics, le gouvernement va évidemment demander qu'il y ait une certaine surveillance des travaux, mais ce n'est pas obligatoire. Donc, il y a un paquet d'ouvrages privés qui se font, comme les condominiums, qui n'ont pas la surveillance adéquate. Et ça fait ce que ça fait, et c'est une perte pour la société. On n'est pas... encore une fois, on ne manque pas d'ouvrage, là.

Mme Jérôme-Forget: Donc, M. le Président, ce serait pour une autre loi, la loi, par exemple, qui touche les architectes. Parce que la loi ici s'occupe d'organismes publics, ce dont nous parlons aujourd'hui.

M. Bourassa (André): Oui. Pour revenir à ça, ce qu'on suggère fortement, et ceux qui auront l'opportunité de lire les deux premiers rapports, particulièrement celui de Me De Serres et celui de Daniel Forgues et autres, ce qui est très important, comme suggestion en tout cas qu'on peut faire, qu'on peut vous faire par rapport à ça, c'est que, dans la démarche qui est faite sur la gestion rigoureuse, on ne voit pas à nulle part quels outils seront mis en place pour que les projets soient de bons projets, hormis la question administrative et des coûts et la question de la gestion des échéanciers. C'est là-dessus qu'on focusse.

Alors qu'en Angleterre, par exemple, on a mis un groupe sur pied pour s'occuper des écoles, pour que la qualité soit évaluée. Après ça, quand le projet est construit, il y a des façons d'évaluer comment le projet a répondu à ses objectifs ou pas, et c'est ça qu'on vous suggère de mettre en place en même temps, sinon encore une fois on risque de réaliser des projets dans les temps puis dans les coûts, mais pas des bons projets. Et il y a des façons objectives d'évaluer ça. Je ne voudrais surtout pas qu'on pense que: Ah, l'architecture, telle bâtisse, j'aime ça, telle bâtisse, je n'aime pas ça, et que tout est affaire de goût. Non, ce n'est pas ça.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre, en terminant.

Mme Jérôme-Forget: Je vais simplement vous dire, par exemple, la démarche qui est suivie dans les CHU actuellement, le CHUM et le CSUM. Je peux vous dire qu'il y a des équipes qui travaillent actuellement sur la qualité et justement de s'assurer, avec les architectes et les ingénieurs, avant de démarrer, pour déterminer justement le plan fonctionnel et technique et développer des projets préliminaires... Mais je peux vous dire que la qualité doit être là. Ça, là, c'est clair. Puis il y a du monde qui surveille ça avec des yeux de lynx, là. Et tous se surveillent. Enfin, je vais laisser mon temps aux autres. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci beaucoup. Je suivais les discussions, tantôt. On compare avec l'Angleterre, on compare avec la France, on compare avec beaucoup de groupes un peu partout à travers le monde. Je prends un exemple simple. Je pense que c'est 80 millions de personnes en France, à peu près? En Angleterre, je ne sais pas combien qu'il y en a de millions. On est 7 millions, ici. Quand on parle d'un PPP... Je veux juste voir si mon raisonnement est correct, là. Quand on parle de PPP, quand on veut l'évaluer, mettons, pour une autoroute ou un projet à long terme, le nombre d'utilisateurs va toujours être moindre ici, au Québec, versus ces places-là, versus la France ou l'Angleterre. Est-ce qu'on peut comparer, est-ce qu'on peut vraiment comparer ces deux structures-là entre ces pays-là et l'État du Québec?

M. Bourassa (André): On peut comparer certainement, mais il reste que les gens qui ont étudié davantage que nous, à travers ces différentes études, toute la question des PPP dans les pays européens, par exemple, arrivent aux mêmes conclusions, c'est-à-dire que la formule PPPienne est une formule qui est plus adaptée à des projets simples qu'à des projets complexes. Ça, ça ressort constamment, et c'est une chose à faire attention. Un projet d'autoroute, ce n'est pas la même chose qu'un projet, je ne sais pas, moi, d'un nouveau type d'hôpital ou d'un nouveau type de quelque chose. Comment on définit la complexité d'un projet? Il peut y avoir plusieurs critères, mais il y aura certainement des critères de coûts, des critères d'intervenants, des critères de durée de réalisation du projet. Il y a plusieurs critères qu'on doit, je pense, considérer dans la complexité d'un projet. On peut faire un projet de 100 millions qui est un projet simple, quand même.

M. Lévesque: Ça va me ramener à la question que je posais tantôt aux ingénieurs: Pour vous, c'est quoi, un grand projet?

M. Bourassa (André): Bien, un grand projet, pour moi, c'est un projet auquel on aura attribué un certain niveau de complexité, plus que la moyenne des autres projets, c'est un projet encore une fois qui a une durée plus grande, qui a un nombre d'intervenants plus élevé. Ça fait partie des critères, je pense, assez fondamentaux pour parler d'un grand projet. Ceci dit, un grand projet pour la municipalité de Tingwick, où je suis conseiller, ce ne sera pas la même chose qu'un grand projet pour la ville de Montréal comme maître d'oeuvre. On se comprend là-dessus.

M. Lévesque: Mais, pour nous, l'évaluation... Parce que, là, actuellement, l'évaluation qui se fait, c'est de 40 millions et plus, c'est un grand projet. Au niveau des ingénieurs, tantôt, ils me disaient: Bien, des fois, ça peut être un projet de 40 millions, mais il y a juste 2 millions de travail, puis le reste, c'est toute la marchandise qui est importée ou qui est fabriquée, mais ça n'a pas rapport au grand projet.

M. Bourassa (André): Je pense que le seul critère de coût ne peut être le seul critère qui définisse ce qu'est un grand projet.

M. Lévesque: O.K. Vous parlez de surveillance, vous parlez de faire des suivis. On a souligné, depuis quelque temps, peut-être un bureau des grands projets. De quelle façon est-ce que vous voyez ça?

M. Bourassa (André): Écoutez, c'est extrêmement important de souligner que la question de la qualité en architecte, quand on l'aborde sous l'angle de la surveillance, évidemment qu'elle s'accroche aux grands projets, mais évidemment qu'elle concerne l'ensemble du cadre bâti aussi, qui en ce moment fait cruellement défaut en termes de qualité, et c'est une perte de productivité pour notre société. Alors, la perte de productivité qu'ont des propriétaires de résidences unifamiliales qui n'ont fait l'objet d'aucune surveillance et qu'il n'y a pas la qualité de travaux adéquats, c'est une perte de productivité, aller jusqu'aux grands ouvrages, aller jusqu'aux grands travaux, de A à Z. Donc, il y a une nécessité que ce soit mieux fait à cet égard-là.

Avez-vous idée de tout ce qui se passe en ce moment? Vous avez peut-être suivi, le contexte des condos est le même en France qu'ici, c'est en train de dégénérer. Il faut faire attention à ça, sinon on fait vivre toutes sortes d'industries inappropriées pour régler ces problèmes-là, je pense. On peut faire mieux que ca. On peut viser mieux, à faire mieux, plus rapidement et sans reprise.

M. Lévesque: Tantôt, je parlais du cadre de gouvernance des grands projets, puis je pense qu'il faut que je le répète encore pour qu'on puisse voir c'est quoi, la structure. Parce qu'on dit «faire plus vite et mieux», et des choses comme ça.

Alors, ce qui est proposé à l'intérieur du projet, c'est de commencer par une présentation d'un plan stratégique au ministre. Après ça, le ministre va aller au Conseil du trésor présenter son projet. Après ça, on attend l'autorisation du Conseil du trésor. Après ça, on doit faire un dossier d'affaires initial, le faire évaluer par un comité d'experts. Le comité d'experts transmet son avis au Conseil du trésor. Le Conseil du trésor... Le ministre présente après au gouvernement, le gouvernement doit donner son autorisation. Après ça, on doit faire un dossier d'affaires détaillé par l'organisme. Après ça, on doit faire une évaluation par un comité d'experts. Après ça, le comité d'experts doit transmettre un avis au Conseil du trésor. Après ça, le ministre responsable présente au gouvernement, et le gouvernement autorise. Et après on peut aller en appel d'offres et au BSDQ après. Comment vous trouvez ça? Est-ce que vous...

n(17 h 10)n.

M. Bourassa (André): Ainsi que vous l'exprimez, ça semble véritablement un peu longuet, c'est certain. O.K. Le mot clé, pour moi, en termes de qualité, parce que, pour nous c'est un aspect important de notre intervention aujourd'hui, les mots importants dans ce que vous venez d'évoquer, c'est «le comité d'experts». Quelle sorte de comité d'experts aurons-nous pour apprécier la qualité de ces projets? Est-ce qu'on aura des experts qui vont parler de la finance du projet seulement? Est-ce qu'on aura des experts qui vont nous parler de la réalisation dans le temps ou si on aura aussi des experts qui, en fonction de critères de qualité précis, en fonction d'appréciation... Et ce ne pourra pas être les mêmes experts, si on parle de bâtiments scolaires, que si on parle de bâtiments dédiés au monde de la santé. Les comités d'experts sauront quelles sortes d'experts qui pourront agir en fonction de quelles sortes de critères. Je pense que tout est là, hormis le reste de la procédure, sur laquelle je ne me prononcerai pas davantage.

Mais il faut penser aussi que, dans un contexte qui est plus long, l'actualisation d'un projet est souvent un problème parce que les besoins qu'on a définis d'un projet au début, si le processus est trop long dans le temps, les besoins ont changé. Écoutez, je suis quand même... j'en fais, des projets, aussi, et je peux vous dire que c'est un vécu qu'on a constamment. Alors, il faut être très présent à ça, que ce soit un grand, un petit, un moyen projet, il faut être attentif.

J'ai entendu l'expression, tout à l'heure, «tant qu'à y être». C'est l'expression que j'utilise fréquemment pour faire comprendre à mes clients qu'à chaque fois qu'ils disent «tant qu'à y être» dans une phrase, sur un projet, qu'il faut qu'ils savent que l'argent va revoler à quelque part, hein? Et pourtant il y en a qui m'ont dit, à un moment donné: Regarde, j'aime mieux un «tant qu'à y être» qu'un «j'aurais donc dû». Alors, je leur dis: C'est parfait, mais assumez-le.

M. Lévesque: C'est bien. Tantôt, dans la discussion, au niveau des ingénieurs, j'ai posé une question à la fin, disant: Qui établit les coûts? On m'a dit que c'était un travail d'équipe, les architectes et les ingénieurs ensemble. Est-ce que vous connaissez le BSDQ?

M. Bourassa (André): Évidemment!

M. Lévesque: O.K. Alors, j'ai une liste ici assez incroyable de projets. Tantôt, je parlais du Centre Molson, mais le Centre d'accueil Pierre-Dupré, à La Malbaie, travaux de peinture, valeur des travaux, 9 500 $; aussitôt qu'on arrive aux soumissions du BSDQ, la plus basse soumission est à 38 900 $. À l'Université Laval, enlèvement de l'amiante, valeur des travaux, 85 000 $; cinq soumissions au BSDQ, la plus basse soumission à 410 000 $. Pensez-vous que le BSDQ... Parce que, vous, premièrement, pensez-vous que vos évaluations normalement sont bonnes? Puis pensez-vous qu'il se passe quelque chose entre les deux quand ça arrive au BSDQ?

M. Bourassa (André): Écoutez, il y a une chose qui est certaine ? pour vous faire part de l'incongruité qu'on peut voir dans le marché de la construction ? fréquemment, j'ai vu des projets, encore une fois des petits, des moyens, des grands, avec des plans et devis clairs, nets et précis, définis de A à Z, j'ai vu des soumissions aller du simple au double. Donc, évidemment, il y a des problèmes majeurs à cet égard-là. Le problème est où? Est-ce que c'est parce que je n'ai pas les bons entrepreneurs? Évidemment, ça prend la bonne classe d'entrepreneurs pour aller avec la bonne classe de projets.

Nous n'embarquerons... Vous me permettrez de ne pas embarquer dans la question des travaux de désamiantage, c'est un sujet extrêmement complexe qui réfère à des situations commerciales, je dirais, extrêmement complexes aussi, et un contexte de santé et sécurité au travail encore plus complexe, merci, et un cadre réglementaire qui impose des recettes plutôt que de définir des objectifs. Alors, ça fait que, dans ce contexte-là, on a ce genre de situation là. Et j'ai des exemples très frais à la mémoire, qui concernent même des immeubles gouvernementaux. Donc, c'est pour vous dire à quel on se sent très concernés par ça.

Pour revenir au BSDQ et qui fait les évaluations, évidemment, sur un projet, le plus souvent, l'architecte est le chef d'orchestre d'un projet, et, si, par exemple, on a à fournir des coûts au propriétaire pour dire: On prévoit que votre immeuble va coûter tant, bien on aura demandé à l'ingénieur en mécanique son estimation des coûts pour sa part de travaux, on aura demandé à l'ingénieur en structures son estimation des coûts pour la part de travaux, nous ferons de même pour les travaux d'architecture, c'est-à-dire... et les éléments du civil qui entourent le bâtiment aussi. Sauf que, dans ces évaluations qui sont faites, très souvent, avant que ça arrive en bout de ligne, il arrive qu'il y a des changements qui sont faits au projet.

Et, autre situation qu'on vit très souvent, c'est que, pour un avant-projet donné, il y a des estimations de type préliminaire, mais on avance beaucoup le projet, avec ces estimations préliminaires. Or, entre-temps, le projet s'est raffiné de bout en bout, il y a eu des «tant qu'à y être» en veux-tu en v'là, de sorte que les estimés, s'ils n'ont pas été mis à jour, ça peut amener à des situations comme vous le relatez.

Par contre, vous pourriez, dans les chiffres du BSDQ, sortir plein de chiffres qui n'ont pas de bon sens. Et là-dedans je peux vous dire qu'il y a des entrepreneurs qui se trompent aussi, là. Des pages qui ont été oubliées dans un calcul de soumission, ça arrive, ça. Des entrepreneurs, il y en a plusieurs qui m'ont dit: Bon, bien, je suis le plus bas, là, mais je peux-tu me retirer parce que j'ai oublié telle ou telle chose? Ça arrive, ça aussi, et ça explique des divergences de montants majeures d'un entrepreneur à l'autre. Et on n'aime pas, franchement, ce genre de disparités là, parce qu'on sait que ça va être une gestion de chantier costaude.

M. Lévesque: Il me reste deux minutes? Pour vous, là ? on a les Québécois qui entendent ? pour vous, c'est quoi, l'indépendance professionnelle, l'indépendance des professionnels, là, clairement, là, que vous recherchez?

M. Bourassa (André): Je vais vous illustrer plutôt ce que n'est pas l'indépendance professionnelle. Puis je vais revenir aux condos, c'est une des situations les plus remarquables en ce moment. O.K.?

Vous êtes un entrepreneur, et vous voulez construire des condos, et puis vous voulez faire des condos, des bons condos puis selon votre manière à vous. Vous avez engagé une firme d'architectes, une firme d'ingénieurs et vous avez un financement bancaire sur les condos. Donc, la banque, qu'est-ce qu'elle dit? Elle dit: Avant que je vous donne les derniers montants, bien je voudrais savoir si l'immeuble est bien construit, je voudrais savoir si l'immeuble est bien conçu, etc. Et c'est là que le bât blesse parce que l'entrepreneur, et c'est des témoignages qu'on entend souvent, l'entrepreneur dira à son architecte, ou à son ingénieur, ou à autre professionnel: Bien là, il faudrait que tu me signes l'attestation parce que sinon les fonds ne seront pas débloqués puis sinon vous ne serez pas payés. Ça, ce n'est pas de l'indépendance, et ce n'est pas normal parce qu'on arrive avec un résultat qui n'est pas adéquat. Je pense, ce n'est pas approprié.

Alors, c'est sûr que les architectes ne doivent pas faire ça, c'est bien évident. Mais je veux vous faire comprendre c'est quoi, la non-indépendance à un endroit. Quand on demande à un entrepreneur un clés en main où l'entrepreneur engage l'architecte, l'ingénieur, comment se passe la surveillance des travaux pour quelque équipement public que ce soit, ou privé? Alors, la surveillance des travaux, c'est l'architecte et l'ingénieur, qui est payé par l'entrepreneur, qui fait la surveillance. Écoutez, on ne se place pas en situation d'indépendance. On demande un clés en main pour avoir un meilleur rapport qualité-prix, mais on n'est pas en situation d'indépendance du tout, à ce moment-là.

Donc, il faudrait, comme ça se fait en Espagne... L'Ordre des architectes d'Espagne retient les sommes en fidéicommis pour payer les architectes, pour que l'argent transite par un tiers, de la même façon qu'il y a de l'argent en fidéicommis qui transite chez les notaires ? je n'ai encore une fois rien inventé dans le monde ? mais pour que les professionnels soient en indépendance par rapport à la rémunération qui leur est due. Et on ne vit pas de l'air du temps, ni les architectes, ni les ingénieurs, ni vous non plus.

M. Lévesque: Je veux poser une dernière question. Il me restait-u une minute?

Le Président (M. Paquet): C'est serré un peu, parce que votre temps a été.... Ça devrait être au tour du député de Richelieu, mais... À moins que vous vouliez le prendre par rapport à votre temps de tout à l'heure? C'est comme vous voulez. On peut essayer de l'organiser à peu près.

M. Lévesque: Bon, bien, je vais te laisser y aller.

M. Bourassa (André): Moi, j'ai tout mon temps.

Le Président (M. Paquet): D'accord. M. le député de Richelieu.

M. Lévesque: Merci beaucoup.

M. Simard: Voilà. Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, vous saluer, MM. Bourassa et Dumont, et vous dire ma plus profonde admiration, à l'Ordre des architectes, pour la production de ce document.

Je m'excuse, depuis quatre, cinq ans, on s'occupe beaucoup ici et on a eu l'occasion, pendant des mois et des mois, de travailler notamment sur la création de l'Agence des partenariats public-privé, de s'interroger sur la pertinence des PPP. Et cette étude est, pour moi, là, je vous le dis, pour en avoir lu certainement une bonne cinquantaine, là, le meilleur résumé, la meilleure étude faite jusqu'à maintenant, applicable au Québec. Déjà, d'ailleurs, on voyait dans l'Ordre des ingénieurs des conclusions à peu près semblables, des mises en garde qui recoupent vos grandes conclusions et qui peuvent se résumer ainsi: les PPP ont connu d'énormes difficultés ailleurs, peuvent être un mode de construction intéressant, mais parmi d'autres, et encore faut-il s'assurer que ce soient des projets qui correspondent à un certain nombre de critères.

Notamment, vous avez dit, et je vous cite, tout à l'heure, vous avez dit que les partenariats public-privé s'appliquaient beaucoup plus facilement pour des édifices ou des constructions de type simple, disons répétitif, des types déjà normalisés, que dans des édifices complexes. Dans votre esprit, est-ce qu'un centre hospitalier universitaire est un édifice simple ou complexe?

Le Président (M. Paquet): M. Bourassa.

M. Bourassa (André): Quelle question piège! Évidemment, à certains égard, il est simple parce qu'il y a beaucoup d'éléments qu'on contrôle déjà, mais l'ampleur du projet fait qu'il y a une complexité évidente. Et je pense que, dans le cas des hôpitaux, la complexité vient davantage du nombre d'intervenants et d'une importante et nécessaire... ? je ne discute pas que ce n'est pas fait comme il faut, là, c'est tout à fait correct ? mais d'une importante actualisation. Entre les intervenants de la santé même, ça bouge.

n(17 h 20)n

M. Simard: Vous voulez dire qu'entre, par exemple, 2003 ou 2004, où on prend une décision, et 2013 ou 2014, où c'est réalisé, il y a eu des transformations considérables au niveau technologique...

M. Bourassa (André): Et c'est normal.

M. Simard: ...qui font que le projet a nécessairement évolué tout au long?

M. Bourassa (André): Absolument. Absolument.

M. Simard: Très bien.

M. Bourassa (André): Mais on avance.

M. Simard: Vous avez noté que ce projet de loi avait deux parties. Vous avez vous-même commenté la première partie, surtout sur les objectifs. Vous avez dit que vous étiez, en gros, d'accord avec les objectifs, la partie... ce que j'appelle tarte aux pommes, là. Tout le monde est pour la vertu. Cependant, vous y avez ajouté quand même un commentaire important en disant qu'il y a un élément majeur qui n'est pas là, c'est la question de la qualité, de la pérennité par la qualité des édifices et des infrastructures.

Le projet de loi est ainsi constitué que la deuxième partie, elle, semble plutôt aller vers une seule voie. C'est-à-dire qu'il y a ce qu'on pourrait appeler une voie rapide, par défaut, dirions-nous en informatique, celle des partenariats public-privé. Quand ça va vers le PPP, l'Agence des PPP, il y a très peu d'obstacles, les délais d'approbation sont là. Mais, pour ce qui est de tous les autres types de construction, que ce soit clés en main, que ce soit mode conventionnel, que ce soit BOT, tout autre mode de construction, là on tombe dans un délire d'allers-retours, de contrevérifications, qui fait que tout ça sera d'une lourdeur absolue.

L'objectif est évidemment, ici, de pousser vers la réalisation dans tous les secteurs, les commissions scolaires, les hôpitaux, les universités ? d'ailleurs, personne n'en veut, là ? tous les pousser vers une construction selon le mode partenariat public-privé. Est-ce que vous ne craignez pas, avec votre expérience d'architectes, que cela se fasse nécessairement à l'encontre de la pérennité et de la qualité, donc du coût à long terme des édifices?

M. Bourassa (André): Bien, c'est évident que, suivant en tout cas les études qu'on a commandées, si on ne met pas en place des moyens de contrôler cette qualité-là avec des comités d'experts, des vrais experts, pour apprécier la qualité des choses, c'est vrai qu'on risque d'avoir des projets qui ne feront pas toujours l'affaire, comme on a eu ailleurs. Alors, ce qu'on dit, c'est que, puisqu'en Angleterre ils ont eu à vivre ces écueils-là, est-ce qu'on est obligés de passer par le même chemin? Est-ce qu'on ne devrait pas mettre en place ces mécanismes là maintenant et ne pas avoir peur? Il faut en parler, de ce que c'est.

En Angleterre, par exemple, on a dit: La qualité de l'architecture. On parle de quoi? On parle des aspects visuels d'un projet, de la qualité des aménagements et de leur impact sur le bien-être des occupants, on parle de la qualité de la construction et de qualité... de coûts des opérations et d'entretien, on parle de l'impact économique, social et environnemental. On l'a défini. Il ne faut pas qu'on soit dans l'arbitraire avec ça, c'est extrêmement dangereux, alors il faut définir. Et, au niveau des bâtiments de santé, ce serait une chose; pour l'éducation, ce serait une autre chose. Et nous vous encourageons très fortement à mettre en place ces mécanismes, qui ne sont plus, là, que des mécanismes administratifs.

Ils ont aménagé, dans le processus, en Angleterre, beaucoup... toutes sortes d'étapes, des fenêtres d'opportunité pour les modifications à l'intérieur des projets, et, passé telle fenêtre d'opportunité, bien c'est trop tard, on ne revient plus sur certains items, pour qu'on avance avec célérité là-dedans. Et je pense qu'il faut vraiment aller chercher tous ces mécanismes-là et non pas... Je ne crois pas qu'un seul organisme central puisse satisfaire à toutes ces nécessités-là. Je ne crois pas ça.

M. Dumont (Jean-Pierre): Je ne sais pas si on l'a mentionné tantôt, mais en fait le modèle qu'on aimerait bien voir appliquer au Québec, ici, c'est la fameuse Commission for Architecture and Built Environment, mise en place par le Royaume-Uni, établie en 1999. C'est une commission qui regroupe 75 personnes qui proposent leurs services de conseil gratuits aux maîtres d'ouvrages publics et privés sur des sujets comme la programmation, la sélection des architectes, le choix d'une procédure de passation des marchés. Tout ça a été mis en place après la première vague de PPP qui avait eu lieu au Royaume-Uni. Donc, c'est un peu le sens de notre intervention, ici. Nous sommes dans cette première phase, là; mettons donc en place cette commission-là en même temps, pour éviter les écueils qu'ils ont vécus là-bas.

Le Président (M. Paquet): M. Bourassa.

M. Bourassa (André): Il s'est construit, et puis je témoigne, d'excellents projets en PPP, en Angleterre, d'excellents projets, de très haute qualité. Alors, ça, soyez certains que... Mais c'est juste qu'on n'est pas obligés de passer par les mauvais projets pour arriver aux bons projets. C'est ce qu'on se souhaite, en tout cas.

M. Simard: Peut-être une dernière question là-dessus.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Est-ce que vous ne croyez pas, à partir de votre expérience, qu'avant de nous lancer dans des projets de PPP de plusieurs milliards il faudrait peut-être expérimenter au niveau de projets intermédiaires avant de tomber dans des grands projets pour lesquels nous n'avons aucune expérience?

Le Président (M. Paquet): M. Bourassa.

M. Bourassa (André): C'est aussi ce que l'expérience anglaise démontre.

M. Simard: Merci. Un commentaire final de votre part ? c'est une minute. Si nous comparons l'architecture générale au Québec, privée comme publique, il s'est élevé, au cours des années... pour ceux qui comparent avec certaines grandes villes du monde, il y a plusieurs critiques. Il y a un constat souvent d'une certaine médiocrité. Vous en parliez tout à l'heure dans les condos privés, vous en parliez dans certaines expériences. Alors que, dans d'autres juridictions ? je pense par exemple... vous parliez de l'Espagne, moi, je pense à la Catalogne ? on assiste là à une architecture publique et privée exceptionnelle, reconnue partout dans le monde. Qu'est-ce qui pourrait faire que la tendance, dans la qualité esthétique et de durée de nos édifices, puisse évoluer vers ce type de qualité, plutôt que de stagner dans des modèles qui souvent ne sont pas très impressionnants ? pour être prudent dans mes mots?

Le Président (M. Paquet): M. Bourassa.

M. Bourassa (André): Écoutez, je nuancerai votre appréciation de l'architecture qui est faite au Québec parce que, si on se fie aux prix d'architecture qui sont donnés à travers le Canada, je peux vous dire que le reste du Canada nous envie notre production architecturale par la qualité qu'elle démontre et par les prix qu'elle s'est vu attribuer fréquemment, ces dernières années, d'une façon très grande. Je vous dirais, presque à l'image du cinéma versus les prix canadiens, l'architecture ne fait pas piètre figure du tout à cet égard-là.

Est-ce que ça veut dire qu'on ne peut pas faire mieux? On peut toujours faire mieux, et surtout c'est dans la multiplicité de nos critères qu'on peut toujours faire mieux, c'est-à-dire que notre architecture puisse être harmonieuse, fonctionnelle et durable. C'est quand on a atteint en équilibre tous ces éléments-là qu'on parle d'une architecture la plus accomplie possible. Mais cette architecture harmonieuse, fonctionnelle et durable, je souscris encore une fois entièrement aux objectifs, on veut qu'elle soit livrée dans les budgets puis dans les temps. C'est normal de vouloir cela. Autrement, si on ne fait qu'une oeuvre qui est belle, ça peut s'appeler une sculpture, mais ce n'est pas forcément de l'architecture. C'est plus que ça, l'architecture. Et ce n'est pas non plus que de la construction. C'est plus que ça, de l'architecture.

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors donc, M. Bourassa et M. Dumont de l'Ordre des architectes du Québec, merci pour votre participation à nos travaux.

Je suspends brièvement la commission pour permettre aux prochains intervenants, la Fédération des commissions scolaires, de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 17 h 28)

 

(Reprise à 17 h 31)

Le Président (M. Paquet): On reprend. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous avons l'occasion maintenant de rencontrer les gens de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je veux saluer bien sûr M. André Caron, président de la fédération, Mme Gagnon, directrice générale, Mme Tremblay, conseillère, et M. Dumas, conseiller. Bienvenue à la commission.

Donc, tout de suite, juste avant de vous céder la parole, avec la permission et le consentement des membres de la commission, nous allons probablement dépasser un petit peu après 18 heures, et je pense qu'avant 18 h 15 nous aurons terminé. Mais ça me prend le consentement.

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Paquet): Consentement. Merci beaucoup. Alors, M. Caron.

Fédération des commissions
scolaires du Québec (FCSQ)

M. Caron (André): Merci, M. le Président. Mme la ministre, messieurs dames, bonjour. D'abord vous dire que la Fédération des commissions scolaires a pour mission de promouvoir l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire et secondaire. La fédération représente les 60 commissions scolaires francophones du Québec ainsi que la commission scolaire du Littoral, qui se situe sur la Basse-Côte-Nord.

Les principaux mandats de la fédération, c'est de défendre bien sûr les intérêts de ses membres et de faire avancer l'éducation publique au Québec. Pour ce faire, nous produisons notamment, à la suite de consultations auprès des commissions scolaires, des mémoires, des avis, des recommandations et des propositions afin de soumettre ses positions sur des projets concernant le système public d'éducation, afin d'éclairer notamment les parlementaires.

C'est dans cet esprit que les commentaires qui vont suivre font état de la réaction de la fédération par rapport au projet de loi n° 32, Loi favorisant la gestion rigoureuse des infrastructures, réaction compte tenu que les commissions scolaires seront concernées par ce projet de loi. Le contexte démographique du Québec, l'état actuel du parc immobilier, les nouvelles exigences légales relatives aux contrats des organismes publics de même que les investissements majeurs annoncés récemment par le gouvernement en matière de maintien des actifs immobiliers requièrent une analyse approfondie de l'impact de ce projet de loi sur la gestion des infrastructures en milieu scolaire.

Le gouvernement du Québec a déposé pour adoption, à l'automne, le projet de loi n° 32, Loi favorisant la gestion rigoureuse des infrastructures et des grands projets. À la suite du plan... Et ce projet de loi, ça a été déposé à la suite du Plan québécois des infrastructures 2007-2012, rendu public en octobre dernier. Ce projet de loi s'inscrit dans le nouveau cadre de gestion gouvernementale qui vise à tenir compte de nouvelles valeurs, telle la responsabilisation des gestionnaires, et à favoriser la performance, et à faciliter une gestion axée sur les résultats. La Fédération des commissions scolaires du Québec a examiné les conséquences qu'aura le projet de loi n° 32 dans les pratiques des commissions scolaires, comme je l'ai mentionné précédemment.

Peut-être un petit topo provincial pour nous situer, nous, le réseau des commissions scolaires et le parc immobilier des commissions scolaires. Depuis 1998, le réseau des écoles publiques était administré par 72 commissions scolaires: 60 francophones, neuf anglophones et trois à statut particulier.

En 2005-2006, les 69 commissions scolaires, soit les francophones et les anglophones, géraient un parc immobilier de 3 505 bâtiments ? ne pas confondre bâtiments avec écoles ? dont 3 086 à des fins éducatives. Ces bâtiments permettent d'offrir l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire en formation générale, la formation professionnelle et l'éducation des adultes à la population du Québec. La superficie totale de l'ensemble de ces bâtiments est de 15,5 millions de mètres carrés. Leur coût de remplacement est maintenant évalué à plus de 23 milliards de dollars. Le parc immobilier scolaire s'est beaucoup développé depuis les années soixante, et ce, en raison de l'accessibilité à l'école publique pour tous les enfants du Québec. Toutefois, le contexte démographique scolaire a changé considérablement depuis et le développement du réseau scolaire sera bien différent au cours des prochaines années.

Depuis plus d'une dizaine d'années, la majorité des commissions scolaires vivent le phénomène de la décroissance de leurs effectifs scolaires. Ce phénomène s'accentuera au cours de la prochaine décennie pour ne se stabiliser qu'en 2017, selon les plus récentes prévisions du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

En 2002-2003, c'est-à-dire moins de quatre ans, quelque 966 540 élèves fréquentaient les écoles publiques du Québec, primaires et secondaires de formation générale, en 2007-2008, ils sont 897 069 et, en 2012-2013, on évalue à 824 000, ce qui veut dire qu'en l'espace de 10 ans c'est 142 000 élèves de moins dans notre réseau au Québec. Si on y va maintenant par étapes de cinq ans, dans les cinq dernières années, c'est tout près de... un petit peu plus de 69 000 élèves de moins et, dans les cinq prochaines années, c'est à peu près 73 000 élèves de moins.

D'ici 2012-2013, dans les cinq prochaines années, la décroissance démographique affectera l'ensemble des régions du Québec, mais de façon plus marquée dans les régions administratives moins urbanisées. Je pense ici au Nord-du-Québec, avec une baisse de 21,7 %, l'Abitibi-Témiscamingue, 14,2 %, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, 13,4 %. Malgré cette décroissance scolaire, les commissions scolaires ont favorisé le maintien de quelque 470 écoles primaires de 100 élèves ou moins, 166 écoles secondaires de moins de 150 élèves et 58 écoles primaires et secondaires, ayant les deux niveaux d'enseignement, de moins de 150 élèves. De plus, plusieurs bâtiments sont utilisés pour des services à la communauté, de telle sorte qu'ils requièrent un minimum d'entretien.

Ces statistiques nous permettent d'affirmer qu'on ne prévoit pas que le réseau scolaire public ait les mêmes besoins d'ajout d'immobilisations qu'au cours des 30 dernières années. Ainsi, les commissions scolaires doivent présentement davantage s'occuper du maintien en bon état et de la mise à niveau des bâtiments, particulièrement pour répondre aux besoins du nouveau régime pédagogique, plutôt que de la construction de nouvelles écoles.

Les règles de financement des commissions scolaires comportent des allocations pour permettre d'entretenir ces bâtiments et l'acquisition de mobilier, d'appareillage et d'outillage pour la formation générale, la formation professionnelle et les services de garde. Des allocations servent également pour l'amélioration et la transformation des bâtiments, notamment les travaux découlant des lois et règlements sur la santé et la sécurité au travail ainsi que de la sécurité dans les édifices publics. Ces enveloppes financent également le développement des technologies de l'information. Par ailleurs, les projets majeurs de construction sont financés par des emprunts à long terme.

Afin d'évaluer l'état du parc immobilier scolaire, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport a procédé à une collecte d'information en 2001-2002. Ces données visaient à permettre de mesurer l'ampleur des travaux de réfection des bâtiments. Cette analyse a permis d'établir, en 2001, la valeur du déficit d'entretien du parc immobilier des commissions scolaires à 1,14 milliard de dollars, soit environ 8,2 % de sa valeur de remplacement, et donc au-dessus des 5 % jugés tolérables par les spécialistes.

Toutefois, certains coûts n'ont pas été inclus, tels que la réfection des installations extérieures ? je pense ici aux cours d'écoles, zones de jeu, stationnements, clôtures, éclairages, etc. ? et la remise aux normes des immeubles liés à l'application notamment du Code national du bâtiment, du Code de construction du Québec de 2000, du Règlement sur l'eau potable et des exigences de la Commission de la santé et sécurité au travail à l'égard du milieu scolaire. Voilà pour l'état de situation.

Je tiens ici à préciser qu'en 2005-2006 le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport a financé la mise en place dans toutes les commissions scolaires du Québec d'un système informatisé de maintien des actifs des commissions scolaires, qu'on appelle le SIMACS. Je vais continuer avec l'abréviation, compte tenu qu'on est un petit peu court dans le temps, n'est-ce pas? Ce système et son implantation ont fait l'objet de l'appui unanime des commissions scolaires. En plus d'être un précieux outil de gestion, SIMACS permet d'inventorier chacune des composantes des bâtiments scolaires et leur état, soit toiture, fenestration, etc. Sa mise en place a débuté en 2005-2006 et sera complétée en 2008-2009 pour l'ensemble du réseau. SIMACS permettra, au cours des prochaines années, de favoriser une gestion plus efficiente et plus efficace des deniers publics en matière d'actifs immobiliers. De même, il constituera un outil pour faciliter la reddition de comptes auprès des instances concernées.

n(17 h 40)n

Cet outil nous permettra de bien gérer les investissements annuels additionnels pour les commissions scolaires de 56,5 millions à compter de 2007-2008 et un ajustement additionnel annuel de 126,7 millions à compter de 2008-2009, et ce, pour les 15 prochaines années, afin de résorber le déficit d'entretien du parc immobilier des commissions scolaires. Ces sommes s'ajoutent au budget annuel d'investissement pour atteindre 475,9 millions dès l'an prochain. Ces investissements sont importants mais pas excessifs compte tenu des besoins actuels des commissions scolaires.

Selon des études réalisées par l'American Society of Healthcare Engineers ou the Association of Public Plant Administration, les besoins en réhabilitation et rénovation des immeubles devraient idéalement se situer entre 1,8 % et 3 % de la valeur de remplacement des immeubles, soit le VRI, ce qui représenterait de 20 $ à 30 $ du mètre carré annuellement, afin de permettre une gestion efficace du maintien des actifs immobiliers. Une étude a également été réalisée par le réseau scolaire en 2003, et les dépenses d'entretien ont alors été évaluées de façon conservatrice à près de 19 $ du mètre carré annuellement. Pour le réseau scolaire, il devenait prioritaire de rétablir un niveau de dépenses en entretien et rénovation susceptible de réduire de façon significative et soutenue le déficit d'entretien. Cet ajout aux montants actuels, de près de 12 $ du mètre carré annuellement, devrait permettre au réseau d'atteindre cet objectif.

Le plan de résorption du déficit d'entretien des bâtiments scolaires annoncé par le gouvernement en octobre dernier de même que l'ajout significatif de financement pour le maintien des actifs forcent encore davantage les organisations scolaires à s'assurer que le mode de gestion de leurs infrastructures soit efficace et permette une reddition de comptes. Il faut mentionner que la gestion de ces projets s'ajoute à ceux prévus dans le cadre de la stratégie énergétique gouvernementale mise de l'avant en 2006-2007, stratégie qui exige un effort de réduction de 10 % de la consommation énergétique pour l'ensemble du parc immobilier du réseau scolaire, et ce, d'ici 2010. Des projets éconergétiques majeurs devront donc être mis en chantier dans les commissions scolaires afin d'atteindre cet objectif. Des cibles de réduction ont d'ailleurs été fixées pour chacune d'elles en tenant compte des efforts déjà réalisés à date en matière d'économie d'énergie.

En sus, les nombreuses exigences découlant de la nouvelle Loi sur les contrats des organismes publics encadreront davantage le processus d'approvisionnement actuel des commissions scolaires. Par exemple, la nouvelle réglementation, qui devrait être adoptée sous peu, exigera que des mesures soient mises en place par les commissions scolaires pour la reddition de comptes et l'évaluation de la qualité des soumissions. Par conséquent, même si les commissions scolaires font déjà une gestion rigoureuse et transparente de leurs projets d'investissement, elles devront prévoir des étapes additionnelles de validation. Le projet de loi n° 32 prévoit également d'autres mesures.

Il faut se rappeler que la majorité des travaux réalisés dans le réseau scolaire doivent être complétés pendant l'été, avant la rentrée scolaire. En effet, les travaux ne peuvent se faire pendant que les élèves sont en classe; le cas échéant, il faut ériger des périmètres de sécurité et déplacer les élèves. De plus, toutes les commissions scolaires doivent réaliser des travaux pendant la même période.

Ainsi, compte tenu du court laps de temps imparti annuellement pour réaliser un très grand nombre de projets de réfection majeure, jumelé au fait que plusieurs organismes publics et privés procèdent à des appels d'offres dans le domaine de la rénovation d'immeubles au cours de la même période, leur réalisation est complexe et génère de la pression sur les gestionnaires scolaires en raison des risques de dépassement de coûts et des retards éventuels de livraison.

Au fil du temps, les commissions scolaires ont développé une gestion efficace des projets de construction en collaboration avec le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Les coûts de construction demeurent acceptables dans le réseau scolaire puisqu'il y a peu de dépassements budgétaires significatifs. La plupart du temps, quand cela se produit, ces dépassements sont liés à des conditions de construction particulières.

Tel que nous l'avons mentionné précédemment, au cours des prochaines années, les nouvelles écoles qui seront construites au Québec se retrouveront dans les zones des commissions scolaires où il y a étalement urbain. Quant aux constructions liées au développement de la formation professionnelle, la situation pourrait être par contre différente. Compte tenu de l'évolution du marché de l'emploi, la rareté des ressources dans certains secteurs d'activité économique de même que la croissance démographique sur le territoire de certaines commissions scolaires au cours des dernières années ont créé un déficit d'espace pour offrir certains programmes de formation professionnelle. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): Votre temps serait pratiquement épuisé à ce moment-ci.

M. Caron (André): Pratiquement épuisé? Bien, je vais aller à la conclusion.

Le Président (M. Paquet): S'il vous plaît, ce serait gentil.

M. Caron (André): Vous avez le texte, tout le monde. Donc, je peux passer... Donc, ce qu'on dit en recommandation ? je pense qu'il est en caractères gras: que la fédération demande d'éviter la multiplication, compte tenu de SIMACS que je vous ai parlé tout à l'heure... que la fédération demande d'éviter la multiplication des outils de gestion afin d'en limiter les conséquences sur le processus administratif des commissions scolaires.

Donc, en guise de conclusion ? et vous l'avez, je pense, à la fin de votre document, et j'y arrive ? la fédération a reconnu d'emblée le bien-fondé du projet de loi n° 32, car il importe pour l'État d'assurer la meilleure gestion possible des ressources dans un contexte de transparence et de saine utilisation des deniers publics. Toutefois, la fédération est préoccupée par les impacts du projet de loi n° 32 pour les commissions scolaires quant au processus de gestion du parc immobilier. Voilà.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup.

M. Caron (André): Donc, s'il y a des questions que je n'ai pas couvertes dans la présentation, ça nous fera plaisir...

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Caron. Alors, Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Alors, M. Caron, bienvenue, et vos collègues qui vous accompagnent. Je vais vous rassurer. On me dit, au ministère de l'Éducation, qu'il n'y a aucun projet qui a été plus de 40 millions, donc ça ne s'applique pas, le projet de loi n° 32, dans votre cas, ne s'applique pas. Alors, ça va bien, ils n'en veulent pas, c'est parfait, alors, M. le président, donc vous n'avez pas à vous inquiéter.

Maintenant, vous mentionnez par ailleurs... je ne prendrai pas beaucoup de temps, mais vous mentionnez justement que récupérer le passé, réparer le passé, au niveau des écoles, demanderait 5 %, je pense, par année. C'est ce que vous... 5 % à 8 %?

M. Caron (André): Les spécialistes disent que c'est 5 % et, nous, c'était autour de 8 %.

Mme Jérôme-Forget: Parce que, depuis 2004, les écoles ont 2 % par année. Vous êtes au courant de ça?

M. Caron (André): D'indexation?

Mme Jérôme-Forget: Non, non, de maintien d'actif.

Une voix: De la valeur.

M. Caron (André): De la valeur. De la valeur, oui.

Une voix: Maintien des actifs.

Mme Jérôme-Forget: Bon, je suis contente que vous ne soyez pas certain parce que, moi-même, je me demandais... Des fois, je me demande jusqu'à quel point le 2 % qui est fait pour ça va à ça. Quelle est la structure que vous avez en place pour le maintien d'actif de 2 % qui est donné aux commissions scolaires?

M. Caron (André): Contrôlé par le ministère de l'Éducation via notre système, justement que je vous parlais, le fameux SIMACS.

Mme Jérôme-Forget: SIMACS?

M. Caron (André): SIMACS, c'est un outil extraordinaire, hein, qui donne une photo très exacte ? et M. Dumais pourrait vous en parler de long en large ? parce que les données sont toutes dans le système, et une commission scolaire peut suivre exactement l'évolution du... Si vous permettez, M. le Président, M. Dumas pourra vous faire faire une brève présentation de SIMACS, un outil extraordinaire.

M. Dumas (Jean): En fait, présentement, là, le ministère en collaboration avec les commissions scolaires a mis en place le système depuis 2005-2006, on est en deuxième année d'implantation et on va compléter l'implantation en 2008-2009. Ce que le système fait en fait, c'est qu'il inventorie les actifs de l'ensemble de l'immeuble, donc l'ensemble des composantes et leur état, donc les toitures, la fenestration, tous les équipements mécaniques des bâtiments. Et, dans ces logiciels-là, il y a des durées de vie utile, il y a des paramètres par composante, ce qui nous permet, quand on a fait l'évaluation précise de chacune de ces composantes, d'évaluer dans le fond l'état du déficit d'entretien du bâtiment.

Dans le fond, ce qu'il faut voir, c'est que le ministère présentement alloue les allocations pour le maintien des actifs en fonction de cette mise à jour là. Il nous oblige à faire la mise à jour, finalement. Et, pour obtenir une subvention, par exemple pour faire une toiture, il faut avoir entré le bâtiment et l'état de la toiture dans le logiciel. Donc, en 2008-2009, on devrait avoir complété pour l'ensemble du réseau cette mise à jour là.

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que ce système informatique va donner une histoire de chaque établissement?

M. Dumas (Jean): Oui, de chaque établissement.

Mme Jérôme-Forget: Donc, la durée, son état, les réparations qui ont été faites, etc.

M. Dumas (Jean): Oui, parce qu'il faut retourner dans le système après pour faire la mise à jour quand on a fait les travaux.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Maintenant, je voulais vous dire, vous savez qu'il se fait beaucoup plus de bébés maintenant, il y en a 8 % de plus par année. Alors, vous savez que ça va peut-être se traduire ? souhaitons-le ? par plus d'enfants, là, plus de poussettes, qui vont se retrouver aux écoles. Alors, je ne suis pas certaine que vos prévisions que ça aille simplement dans d'autres endroits que les endroits actuels et les écoles actuelles soient justes. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ça?

M. Caron (André): Bien, ce qui arrive, et je pense que ça a été mentionné tantôt, c'est que, dans les milieux où... l'étalement urbain, oui, probablement que ça va nécessiter des infrastructures. Mais, tantôt, vous avez vu les chiffres aussi, dans la fenêtre de 10 ans, entre 2002 et 2012, il y a quasiment 150 000 élèves de moins au Québec, donc ça a définitivement libéré des places. Oui, en 2006, il y a eu une augmentation assez importante, mais c'est juste dans cinq ans qu'on va le voir dans notre réseau.

Mais, Mme la ministre, si vous permettez, vous avez mentionné tout à l'heure qu'on n'était pas touchées, les commissions scolaires, mais, dans le projet de loi, au chapitre II, le cinquième item, on parle d'organisme visé à l'article 9, puis, à l'article 9, cinquième alinéa, notre nom comme commission scolaire est bel et bien là.

n(17 h 50)n

Mme Jérôme-Forget: Mais, quand vous aurez des projets de plus de 40 millions...

M. Caron (André): O.K. C'est beau.

Mme Jérôme-Forget: C'est le projet... c'est la ligne de... Vous savez, pour aller dans des grands projets...

M. Caron (André): Non, je comprends.

Mme Jérôme-Forget: ...pour poursuivre le processus qui est en place pour éviter des grands dépassements de coûts, c'est l'idée de grands projets, tout le monde utilise le chiffre de 40 ou 50 millions de dollars.

M. Caron (André): O.K. C'était l'assurance qu'on voulait avoir.

Le Président (M. Paquet): D'accord. Merci. Alors, M. le député de Lévis.

M. Lévesque: Merci beaucoup. J'ai la chance d'être député d'un très beau comté qui s'appelle Lévis. À Lévis, il se passe de belles choses, dont une association qui s'est faite avec la commission scolaire des Navigateurs, avec la ville, avec Honco, qui est un fabricant, avec les joueurs de soccer eux-mêmes qui détiennent 20 % du projet, ils ont fait ensemble un stade de soccer, et tout ça. Et ils ont fait... ça s'appelle un PPPP, parce que c'est un partenariat public-privé pour la population. C'est une nouvelle façon de faire, où tous les joueurs, incluant la ville, sont inclus là-dedans pour bâtir quelque chose. Et ça a donné un très beau résultat dans un délai très court. Mais c'était inhabituel, par exemple, ce n'était pas quelque chose que les gens étaient habitués de voir au niveau municipal, et tout ça. Puis ça a été un beau partenariat. Puis je tiens à vous en féliciter, vous avez participé à ça. Vous avez la chance d'avoir quelques projets de PPP qui fonctionnent bien. Votre vision des PPP, c'est quoi en général?

M. Caron (André): Bien, justement, hier, j'étais au gala de l'administration, le gala d'excellence de l'administration publique, et justement ce projet-là était en nomination.

M. Lévesque: Oui, effectivement.

M. Caron (André): Malheureusement, il n'a pas gagné, mais il était en nomination. Donc, on a pu voir quelques images de ce projet-là. D'ailleurs, Mme la ministre était présente aussi.

Écoutez, nous, des projets de PPP, compte tenu de nos besoins à court horizon, où on n'aura pas de développement majeur en infrastructures, pour nous autres, vous comprendrez que... Même quand on est venus en commission parlementaire, ici, sur le projet de loi lui-même de PPP, ça ne nous apparaissait pas être pertinent de consulter notre réseau et de fouiller la question.

Nous, on fait déjà du PPP en services, comme par exemple l'entretien des écoles du secondaire, la sous-traitance au niveau de l'alimentation dans les cafétérias. Moi, j'appelle ça du PPP parce que c'est de la sous-traitance, ça peut être un genre de PPP. Mais, en immobilisations, à très courte vue, il ne nous apparaît pas, en tout cas, demain matin, le besoin d'infrastructures, sauf que des complexes comme vous venez de mentionner, comme un autre complexe qui a été développé aussi sous le leadership de la commission scolaire du Chemin-du-Roy, à Trois-Rivières, avec la ville de Trois-Rivières, moi, je pense que c'est des choses qui peuvent arriver. Mais c'est surtout dans les complexes sportifs qu'on va revoir, qu'on va voir ce genre de projets là. Et, nous, les commissions scolaires qui veulent s'associer à ce genre de projets, bien, écoutez, c'est une décision locale du milieu, et j'imagine que c'est pour le bien-être des contribuables qui y habitent.

M. Lévesque: Parfait. Je vais passer la parole à...

Le Président (M. Paquet): D'accord, M. le député de Lévis. D'ailleurs, dans Laval-des-Rapides, il y a un projet comme ça qu'on a inauguré il y a deux ans, le projet avec le partenariat, les parents, les joueurs de soccer, la ville, le gouvernement du Québec... Je pense que c'est des belles initiatives comme cela pour les communautés.

M. Lévesque: Ça semble être une belle, une belle initiative justement pour nos communautés.

Le Président (M. Paquet): Oui. On a maintenant un des plus grands centres de soccer intérieurs au Canada, d'ailleurs, avec les...

M. Lévesque: Mais ce n'est sûrement pas le plus beau. À Lévis...

Le Président (M. Paquet): En tout cas, au moins aussi beau que Lévis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquet): M. le député de Terrebonne.

M. Therrien: M. Caron, ça me fait plaisir. Vous avez édicté dans votre mémoire, à la page 15, je crois ? je ne sais pas si vous avez la même numérotation que moi ? justement votre inquiétude quant à l'application du projet de loi. Je pense que votre inquiétude pourrait être précisée, parce qu'à l'article 8, que vous soulignez, le deuxième alinéa, on souligne, au projet de loi, «tout autre projet déterminé par le gouvernement» et on n'a pas de précision à cet effet. Donc, il est important aussi, à la lecture de votre mémoire, que j'ai pris le temps de très bien observer, que la lourdeur de ce projet de loi vous tenait à coeur à cinq, six reprises dans le projet de loi,

Donc, la ministre nous dit depuis ce matin qu'il y a seulement trois étapes. J'aimerais peut-être faire la nomenclature des étapes qui précisément sont dans son projet de loi. Je pense qu'elle a oublié un 1 avant le 3, là. Donc, à l'article 11, on prévoit un plan stratégique ? ça, c'est le numéro 1; en 2, l'attente d'autorisation du Conseil du trésor. En 3, à l'article 12, il faut faire un dossier d'affaires initial élaboré par l'organisme. En 4, article 14, l'évaluation de la qualité du dossier d'affaires initial. Numéro 5, là, on fait appel à un comité d'experts qui, comme on a entendu tantôt, là, l'Ordre des architectes, ne donne pas de précision quant à l'expertise qu'on doit avoir. En 6, à l'article 15, la ministre présente au gouvernement le projet. En 7, le gouvernement donne son autorisation par décret au ministre qui retransmet à l'organisme. En 8, dossier d'affaires détaillé. En 9, à l'article 16, l'évaluation du dossier d'affaires détaillé par un comité d'experts ? donc, encore là, l'expertise, on n'a pas de précision. En 10, le comité d'experts transmet un avis. Point 11, le ministre responsable présente au gouvernement le dossier d'affaires détaillé. En 12, le gouvernement autorise le début des travaux. Et, en 13, on lance l'appel d'offres.

Donc, si je sais bien compter, on est rendu à 13 et non à 3. Donc, considérant que vous devez effectuer vos travaux pendant une période estivale, qui est restreinte, donc considérant les délais, qu'est-ce que cette lourdeur bureaucratique pourrait avoir comme effet chez vos membres?

M. Caron (André): Bien, moi, l'inquiétude, nous l'avions, mais là j'ai eu l'assurance de la ministre que c'était sur les grands projets. Puis, les grands projets, le qualificatif ou la hauteur de 40 millions a été établie. Donc, je comprends qu'à courte vue, même à moyen terme, il n'y aura pas de projet. Pour bâtir, construire une école de 40 millions, je ne vois pas que ce soit demain la veille, parce qu'une polyvalente, en gros, une polyvalente de 1 500 à 2 000 élèves, c'est autour de 15 millions, 18 millions, de même.

Donc, nous, on était préoccupés parce qu'on n'avait pas l'assurance qu'on était exclus, mais là, avec l'assurance qu'on est exclus dans ces projets-là, vous comprendrez que notre préoccupation va plus sur le maintien, sur l'entretien. Et, avec la description du logiciel que je vous ai faite tout à l'heure, et que M. Dumas vous a faite aussi, de SIMACS, bien, nous, je pense qu'on est équipés. Et j'oserais même aller jusqu'à suggérer que SIMACS soit utilisé ailleurs. Parce que, quand vous allez voir l'outil... les gens qui verraient l'outil, les gestionnaires qui verraient l'outil qu'on a chez nous, hein, ils vont être jaloux parce qu'il est très efficace.

M. Therrien: Autre point dans votre mémoire qui était préoccupant, c'est au niveau... à la page 11, quand vous dites: «Les coûts de construction demeurent acceptables dans le réseau scolaire puisqu'il y a peu de dépassements budgétaires significatifs.» Vous êtes assujettis, la plupart du temps, au BSDQ pour effectuer vos appels d'offres. J'ai trois exemples à vous donner de dépassements de coûts qui sont assez... c'est assez imposant.

Donc, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, pour des travaux d'électricité d'une valeur de 8 500 $, les deux soumissions du BSDQ ont... la plus basse soumission a été de 106 000 $, donc une augmentation de 1147 %. Deuxième exemple: commission scolaire des Trois-Lacs, des travaux de toiture, une valeur de 128 000 $, la plus basse soumission, 159 700 $, donc 24 % d'augmentation. Et la commission scolaire des Rives-du-Saguenay, des travaux de peinture évalués à 9 900 $, la plus basse soumission, 38 850 $, donc 392 % d'augmentation. Est-ce que vous trouvez que le BSDQ est une bonne solution dans vos appels d'offres?

Le Président (M. Paquet): M. Caron.

M. Caron (André): Écoutez, M. le député, il faudrait évaluer l'ensemble des contrats qu'il y a eu. Dans le temps qui nous a été imparti, on n'a pas été capables de faire ce relevé-là et on n'a pas eu non plus... On a déjà entendu des choses de dépassements de coûts, mais de l'ordre que vous venez de mentionner là, des exemples que vous venez de donner... Écoutez, je ne suis pas capable de répondre à votre question du pourquoi, et du bien-fondé du bureau que vous faites mention, là, ce n'est pas... Je ne pense pas que ce soit monnaie courante, sinon les commissions scolaires nous auraient signalé des faiblesses ou des difficultés, puis on aurait réagi.

M. Therrien: Sans que ce soit monnaie courante, je pense que c'est important de souligner que c'est de l'argent qui provient des poches des contribuables.

M. Caron (André): Ça peut être préoccupant, j'en conviens.

M. Therrien: Donc, dernière question. À la page 12 de votre mémoire, vous soulignez qu'il y a des gros projets probablement... justement d'écoles nouvelles qui s'en viennent, étant donné l'ampleur de l'étalement urbain. Et vous soulignez qu'au niveau des ressources spécialisées elles se font rares pour justement la réalisation de ces projets. Vous, s'il y aurait un bureau de grands projets qui serait créé, est-ce que ça pourrait avoir un intérêt dans la réalisation de grands projets?

Le Président (M. Paquet): M. Caron.

M. Caron (André): Bien, ça revient toujours à la même question. Si les grands projets sont en haut de 40 millions dans la définition du grand projet, nous, on n'en prévoit pas, de projets de cette ampleur-là. Même une école secondaire, je le répète, je le disais tantôt, entre 10 et 20 millions, une école secondaire, on peut la construire. Donc, j'essaie de saisir votre question, là. On n'a pas nécessairement d'inquiétude en ayant l'assurance qu'on vient d'avoir.

n(18 heures)n

M. Therrien: Mais, quand vous dites que vos ressources spécialisées sont rares pour justement la construction de nouvelles infrastructures, hormis le fait que vous pouvez être exclus de cette loi-là, s'il y avait un bureau central pour justement partager les expertises au niveau de la construction d'infrastructures, est-ce que ça pourrait s'appliquer chez vous?

M. Caron (André): Je ne sais pas trop, trop quoi vous répondre, pauvre vous, là. S'il y avait un bureau central... Il faudrait voir les règles qui nous seraient imposées puis toute la mécanique autour. On est toujours dans la perspective qu'on est dans le maintien puis l'entretien. On n'est pas dans les grosses constructions, on n'est pas dans ce volet-là.

La seule difficulté qui m'apparaît la plus peut-être problématique pour les commissions scolaires, c'est le laps de temps que nous avons pour faire des grosses réparations ou des gros projets parce que ça se fait entre le 1er juillet et le 15 août, ou à peu près. Et l'autre difficulté, c'est qu'au Québec on vit deux semaines de vacances de la construction. Donc, vous comprenez que la fenêtre est très, très, très petite. Et puis, quand on va en soumissions, les entrepreneurs, il faut qu'ils nous soulignent qu'il va y avoir les vacances de la construction là-dedans. Et puis, d'ailleurs, je pense, si mon information est bonne, on est la seule province au Canada à avoir des vacances de la construction tout le monde en même temps. Ailleurs, ça se fait comme ça se fait dans l'entreprise privée. Donc, pour nous autres, c'est un handicap supplémentaire, si je peux utiliser le mot ? j'espère que le mot n'est pas trop fort ? puis c'est une difficulté supplémentaire. Quand on a des gros projets, genre toiture d'une polyvalente, par exemple, ça devient problématique.

M. Therrien: Merci. Je n'ai plus de question.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. Je vais être très, très rapide, là. D'abord, saluer les gens des commissions scolaires avec qui j'ai eu le plaisir de travailler un certain temps ? toujours un peu de nostalgie ? leur dire aussi qu'effectivement leur réseau, dans le domaine de la construction, a un certain passé qui était assez... Je suis très heureux d'ailleurs que SIMACS soit terminé et prêt à fonctionner. Mais vous avez fait face à des défis, dans le passé, considérables. On se rappellera la construction... Lorsqu'on a fait les maternelles à plein temps, personne au monde ne croyait qu'au 1er septembre... C'est Mme Marois qui avait annoncé qu'au 1er septembre tout serait prêt, et tout était prêt. Ça, ça a été vraiment une réussite. Prêt et dans les coûts ? moi, je me souviens d'avoir examiné la chose ? prêt et dans les coûts, ce qui est quand même assez exceptionnel.

Deuxième commentaire. Bon, vous êtes d'accord, là, pour le côté tarte aux pommes de l'intention généreuse de la première partie du projet, mais vous êtes bien soulagés de ne pas être soumis à la deuxième. Vous n'êtes pas les seuls, et on vous comprend très bien.

Et puis, M. le Président, vous dire que ma semaine n'aura pas été... elle se termine ici, en commission parlementaire, mais elle est loin d'être terminée, vous vous en doutez bien. Mais je n'aurai pas perdu tout à fait mon temps aujourd'hui parce que l'ADQ, en cette belle fin de semaine, aura félicité la Fédération des commissions scolaires pour certaines de ses initiatives, et il me semble que je pars le coeur plus léger après ces commentaires. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup sur ces mots, M. le député de Richelieu. Et je veux remercier bien sûr les représentants de la Fédération des commissions scolaires, M. Caron, Mme Gagnon, Mme Tremblay et M. Dumas, pour votre participation à nos travaux.

Document déposé

Avant d'ajourner nos travaux, je veux déposer le document de l'Ordre des architectes du Québec, qui nous a été transmis tout à l'heure, qui s'appelle Document déposé au soutien de la présentation de l'Ordre des architectes du Québec sur le projet de loi n° 32. Alors, c'est déposé.

Alors, j'ajourne donc les travaux de la commission sine die. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 4)


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