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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 17 février 2016 - Vol. 44 N° 90

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 88, Loi sur le développement de l’industrie des boissons alcooliques artisanales


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Table des matières

Auditions (suite)

Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

Éduc'alcool

Association des distillateurs canadiens (ADC)

Vignerons indépendants du Québec (VIQ)

Mémoires déposés

Intervenants

Mme Véronique Hivon, présidente suppléante

M. Jean Habel, président suppléant

M. Carlos J. Leitão

M. André Fortin

M. Jean-Denis Girard

M. André Villeneuve

M. François Bonnardel

M. Nicolas Marceau

*          M. Pierre-Alexandre Blouin, ADA

*          M. Éric Courtemanche Baril, idem

*          M. Jasen Gaouette, idem

*          M. Florent Gravel, idem

*          M. Hubert Sacy, Éduc'alcool

*          M. Alain Bolduc, ADC

*          M. C.J. Helie, idem

*          Mme Charlotte Reason, VIQ

*          M. Rémi Martel, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures cinq minutes)

La Présidente (Mme Hivon) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je demande, comme à l'habitude, à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 88, Loi sur le développement de l'industrie des boissons alcooliques artisanales.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lelièvre (Gaspé) est remplacé par M. Villeneuve (Berthier) et M. Therrien (Sanguinet) est remplacé par Mme Hivon (Joliette).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Hivon) : Merci. Alors, pour ce qui est de l'ordre du jour cet après-midi, nous allons entendre d'abord l'Association des détaillants en alimentation du Québec, par la suite Éduc'alcool, association des distilleurs canadiens, et nous allons terminer avec les Vignerons indépendants du Québec.

Alors, je souhaite la bienvenue à nos premiers invités, l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Pour les fins d'enregistrement, je vais vous demander d'entrée de jeu, lorsque je vais vous céder la parole, de bien vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite nous allons procéder à la période d'échange avec l'ensemble des formations politiques. Alors, la parole est à vous.

Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bonjour. Pierre-Alexandre Blouin, vice-président, Affaires publiques, pour l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Je suis accompagné de Jasen Gaouette, propriétaire d'un marché IGA à Granby, et Éric Courtemanche, de L'intermarché Saint-Roch dans Saint-Roch, ici même à Québec. Salutations à M. le ministre, chers membres députés de la commission. Merci beaucoup de l'opportunité de pouvoir vous présenter nos observations sur le projet de loi n° 88.

Fondée en 1955, notre association représente les détaillants propriétaires de toutes tailles, tous types d'affiliation. Pour vous résumer ça très simplement, c'est certain qu'une grande partie de nos membres, comme les deux gens qui sont présents ici, représentent des marchands affiliés, des gens qui ont des ententes de distribution avec un des grands groupes de distribution alimentaire, c'est beaucoup des questions de famille, dans le commerce alimentaire — Metro Dépatie, Tradition Gosselin, Dépanneur Forget — mais aussi des grands commerces indépendants ou plus petits — le plus gros, Pasquier, certains des plus petits, Fromagerie Hamel, etc. — différents types de commerce qui se retrouvent dans vos différents comtés.

En matière de produits alcooliques, l'ADA collabore étroitement avec toutes les associations du secteur : les distributeurs autorisés, la SAQ, la RACJ, les ministères concernés. Nous travaillons notamment depuis plusieurs années en collaboration avec l'Association des microbrasseries pour le développement d'un réseau accrédité de vente de bière de microbrasseries québécoises. On milite aussi depuis plus d'une quinzaine d'années pour la vente directe des alcools artisanaux, on se sent très près du but dans ce cas-ci. Et on veut également pouvoir développer des alliances pour avoir un réseau diversifié de points de vente, puis, dans le cas des microbrasseries, on a pu démontrer que notre réseau peut être très efficace.

Notre objectif, en ce qui concerne la commercialisation des alcools, ne relève pas tant de l'allègement réglementaire mais bien plus du développement du commerce dans un cadre réglementaire efficace et crédible. En ce sens, lorsque nous avons salué le dépôt du projet de loi n° 88 sur le développement de l'industrie des boissons artisanales, c'était parce que nous considérions qu'il allait nous permettre de poursuivre notre vision de développement pérenne de la catégorie des alcools, le tout basé sur une offre variée et de qualité de produit et l'amélioration de l'expérience client.

Depuis sa publication, on a entendu toutes sortes de choses sur le projet de loi, il a été décrié, on l'a qualifié de déréglementation, on l'a qualifié de danger pour la santé publique. On croit qu'une meilleure utilisation du réseau en place, notamment celui de l'épicerie, pour développer la production artisanale québécoise, devra évidemment s'accompagner de normes de mise en marché, comme par exemple l'imposition de prix minimums, mais cela relève des règlements qui suivront les modifications législatives, du moins c'était notre impression. Il y a des prix minimums sur la bière et le vin déjà vendus en épicerie et également en restauration, nous ne voyons pas pourquoi cela ne se ferait pas pour les nouveaux produits qui pourraient entrer dans notre réseau. Non seulement nous ne nous y opposons pas, mais nous le souhaitons.

Les abus liés aux prix minimums relèvent bien souvent d'autorisations de la RACJ. Cette situation doit cesser. Le seul commerçant qui peut brader l'alcool sans restriction ou sans devoir en demander la permission dans le marché, à l'heure actuelle, c'est la SAQ, puisqu'elle fixe elle-même ses pratiques commerciales. Il faut être drôlement déconnecté pour penser qu'un vigneron, qui cultive des vignes dans un climat pour le moins rigoureux, du Québec, pourrait viser à brader son dur labeur à des prix inférieurs de ceux des importateurs-embouteilleurs industriels.

• (15 h 10) •

Avec l'élargissement de la variété des produits disponibles dans notre réseau, la perception de la qualité des produits du réseau épicerie risque, bien entendu, d'être sensiblement améliorée. Cette attention positive devrait rayonner sur l'ensemble de la catégorie, pas seulement les produits artisanaux.

Rappelons, en guise d'exemple, que les bières artisanales représentent 8,2 % de la bière consommée au Québec, ceci malgré qu'elles aient la faveur populaire et surtout des conditions de fabrication plutôt favorables. Si dans 15 ou 20 ans les vignobles arrivaient à produire et embouteiller suffisamment pour atteindre les mêmes niveaux de production que nos artisans de la bière, nous serions très heureux mais surtout extrêmement surpris. Autrement dit, les attentes doivent demeurer raisonnables dans l'atteinte du projet de loi n° 88.

Nulle part dans le projet de loi n° 88 on ne permet à n'importe qui de vendre n'importe quoi. Au contraire, le projet balise plusieurs pratiques réclamées depuis longtemps tant par l'industrie que par les consommateurs. Vendre de l'alcool, au Québec, est un privilège, seuls les détenteurs de permis de vente d'alcool en règle pourront vendre des produits artisans en vente directe. Nous croyons que le catastrophisme lié à la vente d'alcool n'a plus sa place en 2016. Le réseau alimentaire est complémentaire à celui de la SAQ et peut, de par sa variété de commerces et l'offre combinée d'aliments, offrir des conditions différentes, voire plus avantageuses pour les producteurs artisans en manque de possibilités d'être commercialisés. Il est également démontré que la consommation d'alcool dans un contexte d'expérience gastronomique est l'antithèse de celle de la consommation à but unique d'enivrer. Le réseau épicerie est le seul réseau de détail à pouvoir véhiculer ce message et offrir des achats combinés.

Le gouvernement du Québec a clairement énoncé que le développement de la production artisanale d'alcool était une priorité, et nous l'en félicitons. Le réseau alimentaire vend déjà une vaste gamme de bières, de cidres et de vins, seulement industriels importés à l'heure actuelle, et il est temps d'en faire profiter plus d'artisans d'ici. Encadrer adéquatement la vente des alcools nous apparaît évident, mais, franchement, qui peut encore croire qu'ils ne peuvent être vendus que par l'entremise de la SAQ?

Le projet de loi n° 88 est, selon nous, un important outil pour le développement du commerce de l'alcool au Québec, mais ce n'est pas pour autant une finalité. La loi doit s'accompagner d'interventions conséquentes de l'État pour s'assurer de préserver le cadre réglementaire efficace et crédible où règne une saine concurrence. Nous pensons au premier chef à l'importance de faire respecter les prix minimums, les dispositions des détenteurs de permis, notamment le 51 % alimentaire pour un détenteur de permis CAD épicerie, les heures de vente d'alcool et, finalement, encadrer la publicité pour interdire l'usage de l'alcool comme produit d'appel, si vous préférez, «loss leader», qui amène un développement négatif de la catégorie alcool au détriment de la qualité. Bref, l'ADA souhaite élargir les opportunités pour développer les ventes d'alcools québécois mais tout en misant sur la qualité et non seulement le prix.

Je vais vous épargner tout l'aspect de l'historique, qu'on a tenté de faire le plus exhaustif possible, pour vous résumer ça de façon très simple. La vente directe des produits artisanaux québécois a été permise en 1996. Ensuite, on va permettre la vente dans les marchés publics sans majoration. Des municipalités vont décréter des marchés publics dans les épiceries. La pratique va être interdite, des détaillants vont contester; on sortira la carotte pour les producteurs à la SAQ et le bâton pour les épiciers. Puis, le dossier va tomber dans les limbes jusqu'à l'arrivée du projet n° 395. On trouve totalement anormal, finalement, que les produits artisans se soient retrouvés en vente directe dans le réseau CSP, de la restauration, dans les années 90, pour être finalement apportés au réseau de l'épicerie pour la première fois de façon crédible en 2015.

Dans les différents points qu'on tient à souligner, évidemment, la présence des cépages et millésimes, on n'a pas besoin d'en faire une très grande explication, à peu près tous les groupes qui nous ont précédés ont demandé la même chose. Évidemment, le seul produit, actuellement, qui est vendu dans notre réseau sans avoir la liste des ingrédients, c'est le vin. Tous les autres produits, on est tenus légalement d'appliquer la liste des ingrédients. Dans le cas d'un vin, évidemment, l'utilisation d'un cépage est plutôt importante sur le résultat du produit fini. De la même façon, on ne peut pas développer une catégorie à l'aveugle, il faut qu'on puisse faire connaître à nos clients les cépages particuliers qui donnent des vins avec des goûts particuliers, parce que ce n'est pas les mêmes cépages que les Québécois sont habitués de boire en grande quantité. Dans des conditions similaires, on ne voit pas comment la filière brassicole que l'on connaît aujourd'hui, aussi foisonnante et diversifiée, aurait pu émerger.

Un autre élément très important, où on a entendu différentes choses dans le cadre des consultations jusqu'à ce jour, c'est toute la question de la vente directe qui est enchâssée dans le projet n° 88. Nous croyons qu'une petite immersion dans le monde des microbrasseurs ne ferait pas de tort.

La vente directe est le modèle obligatoire dans le monde de la bière et des microbrasseurs. Ils ne s'en tirent pas plus mal, bien qu'ils aient leurs propres défis. Le MAPAQ définit la vente directe comme faisant intervenir tout au plus un intermédiaire entre l'entreprise de production ou de transformation et la clientèle — il faut lire ici, dans le fond, le détaillant. Un petit brasseur en démarrage peut approcher des points de vente de son choix, à son rythme, et convenir d'ententes de gré à gré qui peuvent varier d'un commerce à l'autre. Le nombre dépend de l'ambition, des capacités de production, de distribution et surtout de l'attractivité des produits dans le marché.

Tant les microbrasseurs que les détaillants ne traiteront pas tous leurs partenaires de la même façon, c'est bien normal puisqu'il s'agit de gré à gré, et, bien entendu, il n'y a pas de possibilité d'avoir un modèle «one size fits all». Les marges, les produits disponibles, les exclusivités, les promotions, le positionnement, les dégustations, les PLV, tout de la relation d'affaires est au bon vouloir des deux parties. Cela fait nécessairement des jaloux, mais cela fait aussi innover et pousse les détaillants tant que les microbrasseurs à tenter de se différencier.

Le brasseur est responsable de la conformité de ses produits, de la distribution de ceux-ci mais aussi du contrôle, il a beaucoup plus de contrôle sur ses marges et sur ses coûts. Il peut également diriger ses inventaires là où il le souhaite, puisqu'il n'y a pas d'intermédiaire entre lui et le point de vente. Certains microbrasseurs ont décidé de se regrouper en coopératives de distribution pour amortir les coûts de représentation... Oui?

La Présidente (Mme Hivon) : ...conclure.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Oui, je conclus tout de suite. Donc, ils ont décidé d'avoir un modèle de distribution coopératif, et nous croyons que ce serait une bonne idée pour d'autres secteurs d'activité. En comparaison, bien, il y a la distribution SAQ alimentation qu'on étoffe de façon très, très, très claire.

Un autre élément que l'on souhaite avoir, c'est la bière en fût pour emporter, également qui est assez bien expliqué. On souhaite revenir sur les produits permis en épicerie, l'intégrité et la qualité, malheureusement on manque de temps pour en faire l'explication, mais tout ça pour dire qu'il y a de nombreux détaillants, comme les deux détaillants qui sont présents ici, qui souhaitent une offre combinée alimentaire puis qui souhaitent pouvoir offrir davantage à leurs clients pour répondre à leurs besoins. Dès demain matin, les détaillants sont prêts à adapter leur offre et le concept de leurs magasins pour faire une place toute particulière aux artisans d'ici. N'hésitez pas à leur poser des questions, ils sont venus ici pour ça. Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : Je vous remercie, M. Blouin. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec une période d'une quinzaine de minutes pour la partie ministérielle. Donc, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Leitão : Merci, Mme la Présidente. Alors, messieurs, bonjour. Merci d'être venus et de partager avec nous votre mémoire et vos préoccupations.

Peut-être avant de commencer, juste pour qu'on puisse se situer, nous avons eu hier une autre association qui était le Conseil canadien du commerce de détail. Pouvez-vous nous situer, vous, par rapport à cette autre association?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien, en fait, c'est très simple, nous sommes des détaillants uniquement. Nous représentons des propriétaires de magasin qui sont souvent affiliés à une enseigne. Donc, dans le cas de Jasen, il est affilié, il a un contrat de distribution avec IGA, donc il a le droit de porter la bannière IGA; l'intérêt corporatif de Sobeys Québec est représenté par le Conseil canadien du commerce de détail. Donc, on est deux maillons, si on veut, aussi différents peut-être que la production et la transformation.

M. Leitão : O.K. Très bien, merci. Vous avez aussi mentionné un peu brièvement... — en passant, je comprends que le temps presse un peu — vous avez mentionné la règle du 51 %. Pourriez-vous peut-être, pour le bénéfice de tout le monde, élaborer un peu là-dessus?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Oui. En fait, c'est que la principale obligation d'un détenteur de permis épicerie, c'est de pouvoir démontrer, lorsqu'il demande son permis, d'avoir... il doit démontrer qu'il tient dans son commerce au moins 51 % de denrées alimentaires. C'est ce qui explique que certains commerces de très grandes bannières connues, étrangères, qui font la demande d'avoir un permis d'alcool aujourd'hui n'en ont toujours pas, parce qu'ils ne respectent pas cette disposition-là. On est prêts à vivre avec des compétiteurs dans notre secteur d'activité, mais évidemment il faut qu'ils jouent dans les mêmes règles que nous. Il a été décidé qu'au Québec on n'aurait pas de «liquor store» en plus de la SAQ, donc que ce seraient les commerçants alimentaires qui pourraient avoir des permis de vente d'alcool. On croit que cette prémisse-là est très bonne. On a quand même 8 000 points de vente privés, donc on n'est pas en pénurie de points de vente, mais il reste que, dans le marché, il y a un certain laxisme sur l'application de cette disposition-là une fois que les permis sont délivrés. Pour délivrer le permis, on est très serré sur les mesures, mais disons qu'on valide moins dans le temps à savoir si les commerces sont toujours en respect de la disposition principale de leurs permis.

• (15 h 20) •

M. Leitão : Très bien, merci. Je vous ai bien entendus aussi sur la question du cépage et du millésime. Et, comme vous avez suivi nos audiences depuis le début, donc, vous n'êtes pas les premiers à le mentionner, et nous aussi, on a déjà mentionné que c'est quelque chose qu'on est prêts à regarder. Donc, ça, on est sur la même longueur d'onde.

Peut-être une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Très bien. Donc, avec le p.l. n° 88, on va faciliter la distribution des produits de terroir dans le réseau des détaillants, là, les 8 000 détaillants. Comment allez-vous... Qu'est-ce que vous allez apporter pour faciliter la mise en marché des produits québécois? Nos amis de la SAQ nous ont dit qu'il y a toute une série de stratégies et de mesures que la SAQ peut faire pour mettre en évidence les produits du terroir, très bien. Vous, dans votre cas, comment vous pensez aborder ce sujet-là?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Je céderais la parole à mes collègues, qui sont dans les deux cas des commerçants spécialisés en microbrasseries, donc ils pourront peut-être expliquer ce qu'ils entrevoient pour la suite avec davantage de produits.

M. Courtemanche Baril (Éric) : Bien, pour la mise en marché, c'est sûr que chacun des détaillants fonctionne à sa manière, à sa façon, mais rapidement le client, de plus en plus, nous demande cette diversité-là, que ce soit au niveau des microbrasseries, au niveau des fromages. L'ensemble des produits québécois, on a une demande croissante chez nos clients, alors on a un devoir, nous, comme commerçants, si on veut une rentabilité, bien entendu, de leur offrir ce produit-là, sinon c'est le concurrent qui va leur offrir, et nous, on ne sera plus là. Alors, notre volonté de survie est très forte à ce niveau-là.

Et, depuis les 20 dernières années, vous avez vu, vous allez dans les épiceries comme tout le monde, vous voyez que l'échantillonnage des microbrasseries est là, l'offre est là. De plus en plus, il y a des marchands qui ont même des employés spécialisés, c'est le cas chez nous, je pense que c'est le cas chez vous aussi, en tout cas qui ont des employés spécialisés, capables de conseiller le client. On va faire la même chose au niveau des vins québécois. On le fait déjà un peu au niveau des cidres, ce qu'on a.

Alors, c'est sûr qu'on va faire la mise en marché pour mettre en valeur. C'est ce qui va nous différencier les uns des autres, c'est ce qui va nous permettre de répondre aux besoins de la clientèle. Alors, c'est notre devoir, en tant que marchands qui veulent une bonne rentabilité puis bien répondre à l'expérience client, son client chez eux, de lui offrir le produit puis de le mettre en valeur. On ne le cachera pas dans le «back-store», le vin québécois, il va être en première place dans les vins d'ici, parce qu'on est fiers de nos produits, entre autres.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Un petit ajout, si vous me permettez. Dans le passé, les détaillants sont même allés jusqu'à contrevenir à la réglementation pour pouvoir les mettre de l'avant; je ne vois pas pourquoi, quand on va leur permettre de le faire, ils cacheraient les produits. Donc, je pense que c'est évident que, pour nous, ce que vous voyez pour les microbrasseries, c'est au moins équivalent, ce qu'on peut faire pour les vins québécois, cidres, etc.

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député...

M. Fortin (Pontiac) : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, de votre présence, de votre mémoire aujourd'hui.

Il y a quelques-unes des propositions que vous faites dans votre mémoire qui nous sont venues à quelques reprises, entre autres la question des cépages et des millésimes et la question de permettre aux producteurs artisans de se regrouper, disons, pour faire la distribution de leurs produits. Il y a des gens des associations de producteurs, que ce soit la bière ou le vin, qui nous ont dit que peut-être ils faisaient déjà... ou peut-être ils utilisaient déjà des services d'un tiers pour le faire, mais on ne les a pas questionnés trop en ce sens-là pour s'assurer qu'ils ne s'incriminent pas, disons. Mais vous, vous êtes en mesure de le voir plus directement, comme détaillants. Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez à répétition ou c'est quelque chose qui se produit simplement dans des cas ici et là? J'essaie juste de comprendre l'ampleur du problème. Ce qu'eux nous disaient, c'est que, tu sais, disons qu'on est producteur en Estrie puis qu'on a un détaillant en Mauricie qui veut avoir notre produit, bien c'est pas mal certain qu'on va utiliser un tiers pour l'envoyer, parce qu'on n'envoie pas des grandes quantités. Donc, qu'est-ce que vous voyez sur le terrain à ce niveau-là?

M. Gaouette (Jasen) : Bien, ce qu'on peut voir sur le terrain, c'est que, oui, effectivement, il y a des personnes qui peuvent passer par des tiers. Il y a aussi d'autres qui vont passer par des systèmes de coopérative, qui passent, justement, dans le cadre légal. Rendu là, il y a beaucoup de produits, quand on parle de... il y a des produits qu'on ne peut pas vendre en magasin, donc, rendu là, je ne peux pas répondre forcément à cette question-là, à moins que P.-A. voudrait en rajouter.

M. Courtemanche Baril (Éric) : C'est sûr que, pour les microbrasseries, on le voit, qu'il y a des rassemblements, surtout des microbrasseries de région. Il faut permettre ça aussi aux fournisseurs et vignobles pour qu'ils puissent avoir accès au marché, que quelqu'un dans l'Estrie puisse vendre aussi au Saguenay, etc. Alors, souvent, pour eux, être eux-mêmes transporteurs, je pense que ce serait... ils ne le feront pas, alors il faut permettre les deux, qu'ils puissent vendre direct et puis qu'ils puissent vendre par une coop ou pour une association qui aurait un permis délivré, comme tel.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : C'est sûr qu'il ne fait pas oublier non plus que vendre de l'alcool, produire de l'alcool, au Québec, c'est un privilège, il y a tout en ensemble de règles à respecter. Ça me ramènerait un petit peu au 51 %. Si on se fixe des règles puis que 90 % des gens les respectent, à un moment donné, il faut voir jusqu'où on est prêt à être permissif. Je pense qu'il a été mention, à un moment donné, de vente par courrier. Je pense qu'on dépasse un peu la disposition d'être responsable de ta distribution. Puis en plus, quand on parle ensuite du contrôle du produit dans sa chaîne, je pense qu'on dépasse. Mais il y a sûrement une façon de trouver un entre-deux qui serait valable.

M. Gravel (Florent) : Et une chose est sûre, c'est que nos détaillants veulent que la vente directe entre le fabricant puis le détaillant continue, on ne veut pas d'intermédiaire entre les deux.

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Très bien. J'ai un autre point sur lequel vous avez passé peut-être un petit peu vite, là, par manque de temps, dans votre présentation initiale, c'est la question de pouvoir vendre de la bière en fût. C'est quelque chose qu'on n'avait pas nécessairement entendu, donc je veux juste essayer de bien comprendre qu'est-ce que vous cherchez par une telle proposition. Qu'est-ce que ça amène de différent à votre commerce? Et comment vous voyez ça concrètement en magasin, là? Est-ce que ça prend quelqu'un? Quel type de format on peut vendre? À quoi vous pensez quand vous proposez quelque chose comme ça?

M. Gaouette (Jasen) : Oui, bien, dans le fond, ce qu'on pense, pour ce qui est de la vente en fût en magasin, on va se fier un peu au modèle d'affaires qui est fait soit un peu partout au Canada ou aux États-Unis, dans certains États très près, exemple le Vermont, où est-ce que tu vas avoir une personne dédiée avec des produits de fût, produits de microbrasserie, que ça peut être de microbrasseries de la région, de l'extérieur, qui va amener un produit généralement qu'ils ne retrouvent pas en bouteille ou qu'ils n'ont pas la capacité de faire de la bouteille vu leur grosseur d'échelle.

Ça peut nous permettre d'avoir un contact direct avec le client aussi, vu que c'est sûr que ce ne sera pas des fûts en vrac où est-ce que le monde vont venir se servir, là, c'est sûr que ce n'est pas ça qu'on demande; d'avoir vraiment quelqu'un de dédié à la tâche qui va le faire, qui va être capable d'informer le client par rapport au type de produit.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : C'est un concept qui est très développé, comme on le dit, aux États-Unis. Ce n'est plus juste des commerces spécialisés, là, les grandes chaînes de supermarché, Kroger, Whole Foods, sont rendues là-dedans, les stations-services. Peut-être qu'il faut voir si ça peut être intéressant. C'est sûr qu'on ne vous parle pas du Pérou, là, ce n'est pas un modèle qui va révolutionner le secteur, c'est une offre additionnelle parce que le client recherche ce genre de produit là aujourd'hui. Puis on ne s'oppose pas, d'aucune façon, à ce que les broue-pubs aient la possibilité de vendre pour emporter, mais on se dit : S'ils peuvent le faire, pourquoi on ne pourrait pas le faire?

M. Leitão : Peut-être juste une précision, je veux m'assurer que j'ai bien entendu. Donc, vous, vous êtes en faveur de la vente directe, directe, là, pas d'intermédiaire?

M. Gravel (Florent) : Effectivement.

M. Leitão : Donc, du producteur chez vous sans intermédiaire.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Comme le cas dans la bière, puisque les permis l'obligent. Mais ce qu'on dit, c'est que, dans les autres filières, on croit que ça devrait être calqué sur le modèle qui est développé avec succès dans la microbrasserie.

M. Gravel (Florent) : Puis ça ne devrait pas être modifié. Le détaillant veut, encore aujourd'hui, faire affaire directement avec le brasseur.

M. Leitão : O.K. Ça va.

La Présidente (Mme Hivon) : Ça va? Oui, M. le député.

M. Girard : Je voudrais revenir sur le prix minimum. On voit que, pour vous, ce n'est pas vraiment un problème, au niveau du prix minimum, autant de la bière que de l'alcool. Plusieurs, soit les microbrasseries ou encore les vignobles du Québec, nous ont mentionné qu'en raison de la qualité puis des coûts de production, pour eux aussi, ce n'est vraiment pas une problématique, le coût minimum, le prix minimum, parce qu'ils ne peuvent pas vendre à des prix aussi bas que le prix minimum en raison de la qualité et de ce qu'ils ont à offrir. Donc, pour vous, est-ce que le prix minimum, c'est un inconvénient...

• (15 h 30) •

M. Gravel (Florent) : Bien, nous autres, c'est important d'avoir un prix minimum en tout temps. On l'a dans la bière. D'ailleurs, vous avez vu la publicité de bière, dans différentes circulaires, où on annonce toujours la bière au prix minimum. Nous, on a fait des demandes souvent, là, le prix de la bière ne devrait pas être affiché en circulaire. Ça, c'est des demandes qu'on a faites, on ne l'a jamais eu. Le lait n'est pas affiché, le pain n'est pas affiché, on ne comprend pas pourquoi que la bière...

D'ailleurs, on ne comprend pas non plus qu'une société d'État comme Loto-Québec va offrir... On l'a vu durant le temps des fêtes. Avec une entreprise, là, on offrait deux caisses de bières à un bon prix puis on donnait un Célébration gratuitement. Est-ce que la RACJ met ses culottes là-dedans? Je pense que non.

On en a parlé hier, on va donner 25 $ de gratuité, si vous achetez deux caisses de bière au prix minimum, pour acheter des chips puis d'autres «goodies»? Est-ce que c'est correct? Si j'achète une commande de 100 $, est-ce que je peux avoir une caisse de bière gratuite? Non. Pourquoi l'inverse, c'est correct?

Moi, je pense que vous devez regardez avec la RACJ pour ce genre de... parce que, là, l'industrie rit de la RACJ, présentement, là. On offre toutes sortes de promotions qui sont complètement ridicules, qui amènent... Je n'ai pas de Célébration gratuit si je n'achète pas deux caisses de bière. Est-ce que c'est normal, dans notre société, qu'on se serve de l'alcool pour faire des promotions croisées comme ça? Je pense que non.

Puis on pense que la publicité en circulaire... Parce que ce n'est pas... Quand une circulaire sort, c'est tous les détaillants qui sont pris avec la circulaire, qui est à travers la province de Québec. Est-ce que tous les détaillants ont besoin de cette publicité-là? Non. Quand on sait que, le prix minimum de la bière, un détaillant va perdre jusqu'à 8 $ la caisse, là, est-ce que c'est correct pour certains dépanneurs? Non.

Ça fait qu'il faut qu'on regarde comment on veut faire l'alcool, ça fait que la RACJ, ça va être quelque chose à faire. Loto-Québec qui fait des promotions croisées comme ça, bien je pense que vous avez à regarder avec votre société d'État si c'est normal de faire une telle promotion. Ça fait que je pense que, si à l'inverse, comme je l'ai dit tantôt, on n'a pas le droit de le faire, de donner de la bière, bien je pense qu'à l'inverse... On a vu la SAQ le faire pendant une couple d'années, ils donnaient de la gratuité. Aujourd'hui, ils ne le font plus. Moi, je pense qu'il faut vraiment regarder.

Ça fait que, demain matin, s'il n'y a pas de prix minimum sur les vins artisanaux, est-ce que ça va être correct, avec un jambon, de donner une bouteille de vin de telle compagnie? Je pense que non. Il faut protéger le marché. Il y a de la compétition, il y a des gens qui font toutes sortes de promotions, puis je pense qu'il faut protéger l'industrie. Puis le prix minimum est important.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Mais vous avez raison, je ne crois pas qu'une petite production va vouloir brader, mais il y a toujours deux interlocuteurs dans la transaction. De l'autre côté, si le détaillant a envie de le faire... Je dirais, en général, ce n'est pas comme ça que ça se passe, mais je pense qu'il ne faut pas éviter, dans la suite du processus... Comme je vous dis, on n'est pas surpris de ne pas le voir dans la loi, mais, dans la suite du processus, que ce soit dans les règlements, etc., il va falloir adresser ces questions-là.

M. Gravel (Florent) : Il ne faut pas que l'alcool soit une gratuité.

M. Girard : Donc, la problématique proviendrait de certains détaillants qui pourraient diminuer les prix pour faire des promotions, etc., sans que ce soit vraiment le producteur qui en décide ainsi.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien, ça peut venir des deux côtés, là. Dans l'histoire, on en a eu des deux côtés. Mais je dirais que je serais surpris, comme on l'expliquait en introduction, que quelqu'un qui cultive du raisin au Québec soit capable de faire un prix inférieur au prix minimum d'un industriel, entre vous et moi, là, c'est peu probable. Mais est-ce que c'est hypothétiquement possible? Oui.

M. Gravel (Florent) : Mais il n'y a rien qui empêche un détaillant, pour justement essayer de faire de la concurrence qui, à mon avis, est déloyale, d'offrir avec son jambon une pinte de vin. Bien, je pense qu'il ne faut pas qu'on arrive jusque-là. Ça fait qu'il faut protéger le marché.

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Sainte-Rose.

M. Habel : Oui, merci, Mme la Présidente. Dans la page 15 de votre mémoire, vous parlez du pourcentage, de taux d'alcoolémie des produits. Vous proposez qu'actuellement qui est 16 % il passe à 20 %. On a reçu la Santé publique qui nous a expliqué qu'eux préféraient avoir le pourcentage de 16 %. J'aimerais avoir votre point de vue sur le sujet.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : En fait, c'est très simple, actuellement, sous les permis industriels, tant les vins que les cidres ont le droit de nous vendre des produits jusqu'à 20 %. Donc, ce que vous êtes en train de me dire, c'est qu'on va permettre à des industriels de nous vendre des produits jusqu'à 20 %, mais qu'on va empêcher les artisans de nous en faire, des produits équivalents. Alcool pour alcool, je ne vois pas de différence en termes de problématique.

Au-delà de ça, je pense qu'un des éléments que l'INSPQ est allé dire de très intéressant, c'est que c'est beaucoup plus sur les alcools forts qu'il y a une problématique liée à la consommation, le coût pour la même quantité d'alcool. Quand on vend une bière de microbrasserie à un jeune qui commence à boire, je ne pense pas que c'est tout à fait le produit qu'il va viser. Non seulement le goût va peut-être être répulsif, mais en plus le prix risque d'être répulsif. Donc, je ne pense pas que c'est les produits qu'ils vont viser pour faire de la consommation... du «binge drinking», par exemple.

M. Habel : Donc, vous n'avez aucune revendication à aller plus loin que le 20 % qu'il y a actuellement au niveau du détail, comme par exemple on pourrait recevoir l'association...

La Présidente (Mme Hivon) : Une réponse rapide, car...

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : On a compris que le gouvernement ne voulait pas aller au-delà. On aurait voulu pouvoir vendre n'importe quel produit artisanal, mais on comprend que le gouvernement n'a pas voulu aller plus loin.

La Présidente (Mme Hivon) : Merci. Alors, on va passer aux échanges avec l'opposition officielle. Alors, la parole est au député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, messieurs. Bravo pour votre mémoire, entre autres pour l'historique, alors ça nous permet de bien y retrouver les moments charnières de l'histoire.

Question technique. Tantôt, M. le ministre abordait la règle du 51 % d'alimentation. Dans votre mémoire, vous dites que vous représentez 8 000 détaillants. Est-ce qu'ils sont tous... Selon cette règle-là, si je comprends, si c'est 51 % et plus, donc, on peut tenir des boissons alcooliques. C'est ça?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Lorsqu'ils demandent leurs permis d'alcool, ils doivent respecter...

M. Villeneuve : O.K. Donc, les 8 000 détaillants que vous représentez sont dans cette situation-là?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : ...donc un jour dans l'histoire ils l'ont tous respecté.

M. Villeneuve : Pardon?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Un jour, ils l'ont tous respecté.

M. Villeneuve : Oui. Ah! D'accord. O.K.

J'aimerais aborder le transport. On sait que le projet de loi, actuellement, ne permet pas à un épicier d'aller directement chez le producteur de vin chercher son vin, le projet de loi prévoit que c'est le producteur lui-même qui doit faire les livraisons. Alors, j'aimerais vous entendre peut-être là-dessus.

M. Gaouette (Jasen) : Bien, dans le fond, on le fait déjà sans le vin mais avec, justement, la microbrasserie. Puis de la façon que moi, je peux voir ça, puis la relation que j'ai avec les microbrasseurs, c'est que, je vais donner un exemple, j'ai un producteur dans le coin de Dunham, je suis dans le secteur de Granby, dans le coin de Dunham, puis ça m'arrive d'aller chercher des produits là-bas, justement parce que c'est des produits qui sont limités, c'est des produits qui vont être en plus petite quantité, puis c'est des produits que je sais que mon client va rechercher. En même temps, moi, ça me permet d'avoir un contact direct avec la personne qui le produit, donc ça me sensibilise au produit que je vais vendre, je sais exactement qu'est-ce que j'ai à faire, puis ça me donne une bonne relation d'affaires, justement, gré à gré entre le producteur puis le détaillant. Ça fait que c'est de la façon que je peux voir ça, ça fait que je ne vois pas pourquoi est-ce qu'on pourrait l'empêcher.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : En fait, si on va plus loin, les agences, tous les détaillants qui sont permis de gérer un commerce à la place de la SAQ, là où la SAQ ne veut pas exploiter de commerce, tous les détaillants vont s'approvisionner eux-mêmes à la succursale la plus près, c'est la façon de se distribuer. Donc, on peut tirer les liens qu'on veut. C'est obligatoire via la SAQ, c'est encore une vente directe entre un détaillant et un fournisseur. Je n'y vois pas de problème, mais, en tout cas, c'est à vous de décider s'il y en a un.

M. Gravel (Florent) : Puis, comme Jasen l'a bien expliqué tantôt, c'est la relation qui va se créer, parce que, si on veut travailler les produits locaux, c'est surtout pour ça, là, pour la proximité entre le produit puis le consommateur. Ça fait que, si on veut travailler vraiment la chaîne directe... Parce que, dans les autres produits, on passe par la SAQ, mais, si on veut aller en livraison directe, bien on a cette possibilité-là. Parce qu'il ne faudrait pas que du vin, mettons, qui parte de l'Abitibi vienne à Montréal pour retourner en Abitibi. Ça fait que c'est pour ça qu'on parle d'une vente directe, pour que justement, ce produit-là, on va non seulement développer un attachement entre le détaillant puis le producteur... Ça fait que, ça, on crée des liens d'affaires puis on peut vraiment, là, améliorer le positionnement du produit en magasin.

M. Villeneuve : Oui, je comprends les très bons arguments, mais présentement ce n'est pas ce qui est prévu dans le projet de loi, là, donc... Mais vous militez pour justement pouvoir transiger de cette façon-là, pour les raisons que vous venez de donner, c'est ça que je comprends. Parce que d'autres sont venus nous dire qu'il y a déjà un système de distribution, on devrait peut-être passer par la SAQ, étant donné qu'ils ont déjà une expertise dans le domaine, ils ont déjà toutes les infrastructures et évidemment ils vont dans plusieurs points de vente, alors que d'autres nous disent, un peu comme vous : Non, non, non, laissons les gens, s'ils veulent... Je parle toujours au niveau du vin, là, juste ne pas mélanger les choses, là, c'est déjà compliqué comme ça à savoir si c'est microbrasserie, artisanal ou pas, là. Mais, au niveau du vin, là, alors donc... Mais ce que je comprends de votre part, c'est que, de la façon dont le projet de loi est rédigé actuellement, il ne répondrait pas à vos aspirations?

M. Gravel (Florent) : Bien, nous autres, il y a une affaire qui est sûre, c'est qu'on veut s'assurer de la qualité. La SAQ, elle a les installations pour le faire.

M. Villeneuve : Exact.

M. Gravel (Florent) : Mais, la SAQ, ce qu'Alain Brunet a dit aussi, c'est que nous sommes le réseau pour justement développer cette catégorie-là, et il ne voit pas d'opposition à la vente directe. Ça fait que c'est bien important, justement, de pouvoir créer cette proximité-là, parce que ces personnes-là n'ont pas une capacité de production énorme encore. Quand ils auront une plus grande production, bien peut-être qu'ils vont retourner à la SAQ, mais on a la possibilité ici aujourd'hui de regarder le développement futur de cette catégorie-là, de ce produit-là, puis justement la vente directe, connexion directe entre le détaillant puis le producteur est la solution idéale.

M. Villeneuve : Vous parliez tantôt que chaque détaillant a la possibilité de faire... étant donné qu'il est propriétaire, il n'est pas comme la SAQ, société d'État régie par des ententes internationales, donc, il peut installer, s'il veut, une étagère et dire «produits du Québec», ça, j'ai bien compris ça, et chaque détaillant, donc, n'a a pas... Il pourrait y avoir, évidemment, de la part des détaillants, une opération, là, concertée pour le faire. Ce n'est pas le cas, c'est ce que je comprends, tout le monde y va un peu selon ce qu'il juge le mieux de faire.

Ça m'amène à vous poser la question, on en a discuté ici lors des auditions, à savoir les produits... Et je reste dans le vin, là. Alors, les produits du vin, au niveau des cépages, donc, de bien identifier, présentement ce n'est pas prévu que ce soit comme ça, obligatoire, et je pense qu'à lire votre mémoire vous seriez tout à fait d'accord que ce soit prévu. De façon volontaire ou obligatoire?

• (15 h 40) •

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Obligatoire, en fait. Puis, je vous dirais, il n'y a pas un producteur qui va refuser de le faire. J'irais plus loin : même les viniculteurs négociants, le vin industriel qu'on vend dans nos magasins, souhaitent le faire pour apporter plus de transparence puis apporter plus de confiance pour le consommateur. Donc, il n'y a personne qui y perd, là. Tu sais, si les viniculteurs négociants veulent aller jusqu'à faire du monocépage, tant mieux, tant mieux pour le consommateur.

On ne comprend pas, nous, en fait, pourquoi on se bute à ça, je veux dire, c'est de l'information pertinente sur la composition des produits. Puis, pour la consommation, par la suite, pour la fidélisation du client, comment est-ce qu'on peut fidéliser un client qui ne sait même pas ce qu'il a bu dans la bouteille? Je veux dire, je veux bien que la marque de commerce a une force, mais, si vous savez que vous aimez les pinots puis que vous cherchez des pinots, dans la vie, parce que vous aimez ces vins-là, vous n'allez pas chercher du cabernet sauvignon, ce n'est pas du tout le produit que vous recherchez. Ça fait que ce n'est pas par l'étiquette qu'on achète un produit, c'est par la composition de ce produit-là.

M. Villeneuve : Donc, s'assurer que le consommateur, finalement, lorsqu'il fait un achat, il sache qu'est-ce qu'il achète, d'où ça provient. Et ça permettrait évidemment aussi, au niveau des... Si jamais il y avait des sections Produits du Québec, ça permettrait justement de rassurer le consommateur à savoir ce qu'il consomme, et ça sera indiqué sur la bouteille.

Moi, à moins que vous ayez des commentaires, je n'ai pas d'autre question.

M. Gravel (Florent) : Bien, c'est vrai, ce que vous dites. Puis d'ailleurs c'est le seul produit dans nos magasins qu'il n'y a pas beaucoup d'information dessus. Dans n'importe quoi qu'on va faire, même dans nos mets cuisinés, on nous oblige à... C'est quoi, le sel? C'est quoi, le sucre? C'est quoi, le ci? C'est quoi, le ça? Il faut tout, tout, tout donner. Ça fait qu'on pense que c'est normal que le consommateur soit mieux informé.

Le Président (M. Habel) : Merci, M. le député de Berthier. Je cède la parole au député de Granby.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Je veux juste revenir — messieurs, bonjour — sur la question de mon collègue, là, sur la vente directe, là. Vous disiez tantôt : Moi, je peux aller chercher ma bière de microbrasserie spécifiquement chez un microbrasseur à Dunham, l'exemple que vous donniez tantôt. La loi, présentement, ne permet pas à un vignoble d'utiliser un transporteur, un tiers, puis d'aller le livrer chez vous. Est-ce que, ça, vous y voyez un problème? Parce que, là, c'est sûr que le vignoble va vous porter sa caisse ou il vous la livre, mais...

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : En fait...

M. Bonnardel : Alors donc, l'utilisation d'un tiers, est-ce que ça peut être un problème pour vous? Parce que, là, c'est certain que, pour nous, ce serait quand même... en tout cas la loi, selon moi, mérite d'être amendée là-dessus, pour qu'on soit capable d'avoir un tiers qui va livrer... Je ne sais pas, moi, vous êtes au Saguenay, bien, le gars qui est à Dunham, ça va être difficile pour lui, là.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien, en fait, j'aurais une réponse en deux parties.

Premièrement, combien de tiers? Ça peut avoir l'air niaiseux, mais, si on permet un tiers, il peut y avoir combien de tiers entre les deux? Puis est-ce que c'est encore de la vente directe? Première chose.

Deuxièmement, quand on regarde l'évolution des microbrasseries, elles ont à peu près toutes commencé comme broue-pubs, ensuite elles sont devenues permis industriel, elles ont vendu un petit peu de bouteilles autour, puis à un moment donné ils ont trouvé qu'ils n'arrivaient plus à écouler leurs produits dans un rayon assez proche, ils se sont acheté un camion, ce n'est pas si compliqué dans l'opération. Puis, si ça se trouve, il y en a même qui étaient dans la coopérative, sans la nommer, de distribution, puis à un moment donné ils se sont dit : Bien, la coopérative ne me permet pas assez de liberté de mouvement sur le territoire, donc je vais moi-même avoir mon camion. Aujourd'hui, il y a des dizaines d'entreprises de microbrasserie qui ont leurs propres camions puis qui font la grandeur de la province. Puis je dis «leurs camions», c'est «leurs» au pluriel, là, il y a plusieurs camions.

Donc, c'est sûr que, dans un court délai de temps, les vignerons voient ça comme une grosse problématique, mais, s'ils se mettent à avoir un réseau relativement important, ils vont avoir besoin de capacité de livraison.

M. Bonnardel : Ce qui risque... À long terme, mais à court terme, là...

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien, assez...

M. Bonnardel : C'est sûr qu'on souhaite que cette loi amène les produits du terroir en grande quantité. Puis ça, ça va être le combat du «facing», qu'on appelle en anglais, là, chez vous, vous le savez très, très bien, à savoir de quelle manière on va faire la promotion versus ce que vous avez déjà en magasin comme bouteilles de vin.

Mais je vais aller un petit peu plus sur... À la page 13, là, vous parlez... pas à la page 13... vous parlez des bières en fût pour emporter. Là, j'ai essayé de... j'ai lu au complet rapidement, là, non... Oui, rapidement, là, vous parlez de problématique de «growler». Expliquez-moi un peu où vous avez vu ça, cette façon de vendre de la bière en fût, là, que moi-même, le consommateur, je peux arriver, puis je choisis, les trois, quatre bières qu'il y a sur le mur, puis je peux amener mon «growler» ou je le prends chez vous puis je remplis...

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Généralement, ça prend un intermédiaire qui va remplir pour vous, là. Les lois vont varier d'un État à l'autre, mais de façon générale vous pouvez arriver puis avoir de la bière fraîche que vous faites remplir dans votre «growler», vous repartez à la maison avec, donc... Puis, comme on l'expliquait tout à l'heure, comme Jasen a essayé de l'expliquer, c'est souvent des bières qui sont en plus petits volumes, des bières spéciales, des brassins spéciaux, des recettes particulières qui ont été développées. Donc, par exemple, si on parlait de la microbrasserie à Dunham, bien c'est une microbrasserie qui va développer certains produits pour le réseau restauration en fût puis qui va développer d'autres produits pour le réseau de distribution au détail. Nous, on n'a pas accès à ces produits-là qui vont uniquement en restauration, dans certains cas on aimerait ça pouvoir les offrir à notre clientèle. Puis la clientèle va aller le chercher là où c'est disponible, puis ça devient un autre facteur de différenciation, tant pour le point de vente que pour la microbrasserie qui peut offrir le produit.

On voit aussi... Aux États-Unis, ça dépasse la bière, là, il y en a qui vendent du vin, il y en a qui vendent du kombucha. Il y a différents types de produits qui peuvent être vendus en fût pour apporter à la maison, puis ça devient très intéressant comme avenue de développement. Actuellement, ce n'est pas permis au détail.

M. Bonnardel : Puis, dans vos demandes, un «growler» uniformisé, là, chaque microbrasserie peut décider d'avoir... On en a vu deux, hier, là, il peut y en avoir 10, 15, 20, ça risque d'être difficile pour vos détaillants ou... Jusqu'à quel point, là, vous souhaitez que ce soit uniformisé? Parce que la mise en marché va être différente pour chaque...

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien, on est assez rassurés. Le mémoire était fini avant la présentation d'hier, on l'a écoutée. Écoutez, on est relativement satisfaits de ce qui a été présenté. Ils nous parlent de deux formats qui pourraient varier, donc on ne risque pas de se retrouver avec 700 formats différents sur le marché.

C'est sûr qu'il y a toujours un risque que certains contenants ne reviennent pas au site où ils ont été générés, il faut y penser dans l'équation. Vous le savez, le verre, c'est une matière problématique, il y en a qui trouvent qu'elle est encore plus problématique que d'autres. Il y en a qui vont se retrouver dans le bac de recyclage, même si elle est à 5 $. Donc, il faut y penser dans l'équation, donc.

M. Bonnardel : Dernière question, Mme la Présidente. À la page 15, là, mon collègue vous a posé une question — je pense que c'était le gouvernement — sur l'alcool entre le 16 % et le 20 %, là. Vous disiez donc que ceux qui ont des permis industriels ont déjà la possibilité de vous vendre cet alcool, donc là on pourrait restreindre nos cidres, là, qui sont digestifs, apéritifs, comme vous appelez.

Quelle place ce genre d'alcool a en magasin dans vos «facings», je le dis en anglais, là, mais dans votre mise en marché, là? Est-ce qu'il a une place importante? Parce que je suis le plus grand promoteur des produits québécois, puis ça, ça m'intéresse dans une certaine mesure, mais présentement, dans vos marchés, jusqu'à quel point ces produits sont invitants ou sont bons pour le... Y a-tu un pourcentage important qui est vendu...

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien, actuellement, il y en a peu, sauf qu'il faut toujours voir le développement d'une catégorie à plus long terme. Je vous ramènerais à il y a quelques années, on a redéfini la définition de la bière pour dire que finalement une bière ne pouvait plus dépasser 12 % d'alcool. Ça, ça veut dire que toutes les bières qui se font de style belge, là, qui dépassent facilement les 12 % d'alcool, qui peuvent atteindre 15 %, 16 %, 17 %, on n'a pas le droit d'en faire au Québec, parce qu'on a limité le potentiel de développement de certains produits.

Quand on parle de certaines productions, que ce soient les hydromels, les alcools de petits fruits, c'est généralement des produits au-delà de 15 %, 16 %, 17 %. Donc, avant de partir, ces artisans-là qu'on veut inclure dans le processus de révision de la loi, c'est comme si on leur disait : Bien, n'embarquez pas dans le bateau, là, vous autres, l'épicerie, ce n'est pas pour vous. On trouve ça malheureux, surtout qu'on pourrait vendre d'autres produits industriels, puis peut-être qu'on va les vendre dans cinq ans, dans 10 ans, je ne sais pas, peut-être l'année prochaine. Ce n'est pas parce qu'un réseau n'est pas utilisé à l'heure actuelle qu'il ne le sera pas dans quelques années parce que le marché va s'en aller là.

M. Bonnardel : Une dernière... Non? Plus de temps?

Le Président (M. Habel) : Non, on n'a plus le temps. Merci beaucoup. Et, M. le député de Granby, je ne vous tiendrai pas rigueur de m'avoir appelé «Mme la Présidente». Je vous remercie...

M. Bonnardel : ...je vous ai vu, M. le Président...

Le Président (M. Habel) : Je vous remercie pour votre présentation, je remercie l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Habel) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je cède la parole aux gens d'Éduc'alcool, qui auront un temps de 10 minutes pour leur présentation. Je vous passe la parole.

Éduc'alcool

M. Sacy (Hubert) : Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais remercier la commission de nous avoir invités à faire valoir le point de vue d'Éduc'alcool. Je veux signaler que nous intervenons sur nos propres bases, à titre d'organisme de prévention et d'éducation, et évidemment pas sur des bases commerciales.

Bien sûr, il y a des intérêts financiers et économiques en jeu, c'est parfaitement légitime et c'est parfaitement normal. Et ces enjeux ont cependant, jusqu'à il y a peu, pris pratiquement toute la place dans ce débat, alors que la prévention et la santé publique en ont pris une pas mal trop petite.

Heureusement, il y a des signes encourageants parce que, depuis une semaine, on se sent un petit peu moins seuls, notamment parce qu'on a constaté une certaine écoute que vous aviez vis-à-vis des questions de santé publique notamment lors de l'intervention de nos collègues de l'Institut national de santé publique, dont les préoccupations rejoignent les nôtres et, en toute honnêteté, dont nous pourrions signer 90 % des propos qu'ils ont tenus devant vous hier.

Je vous signale qu'Éduc'alcool n'est pas expert en législation, et on n'est pas non plus expert en commercialisation. Notre intervention est fondée sur les recherches scientifiques et sur les principes de prévention. Nous ne sommes pas experts dans les moyens, notre contribution se fait au niveau des objectifs et elle se fait au niveau des résultats que nous croyons que nous devrions atteindre collectivement.

Je vous donne trois énoncés fondamentaux. Vous savez, un politicien célèbre qui s'appelait Réal Caouette avait coutume de dire : «Mesdames et messieurs, avant de parler, j'aimerais dire quelque chose», et j'ai presque le goût de dire la même chose. Avant de parler, j'aurais trois choses à vous dire. Premièrement, Éduc'alcool est totalement d'accord pour que les produits de nos producteurs artisans soient vendus dans les épiceries et qu'ils soient soutenus. Deuxièmement, il serait préférable qu'on leur facilite aussi l'accès au réseau même de la SAQ, ce que d'aucuns ont qualifié de ligne nationale. Mais, dans l'un et l'autre des cas, et c'est mon troisième point, cette démarche ne devrait pas être le prétexte d'une déréglementation. Elle doit être encadrée par des contrôles, des contenus et des prix comme ça doit être le cas pour tous les produits alcooliques. Maintenant, il y a six raisons à cela.

D'abord, l'alcool n'est pas un produit banal, c'est un psychotrope. Chimiquement parlant, c'est une drogue. Ça n'empêche pas que c'est un produit convivial, agréable qui, consommé avec modération et responsabilité, apporte des bénéfices certains, mais sa commercialisation doit être encadrée et contrôlée, et les recherches scientifiques, la littérature scientifique montrent que le meilleur moyen de l'encadrer et de contrôler, c'est par une société d'État. C'est ce que dit l'Organisation mondiale de la santé, c'est ce que dit le conseil national sur la stratégie de l'alcool au Canada, c'est tout ce que dit la littérature scientifique dans le domaine de la prévention.

Deuxièmement, il y a moyen de soutenir nos producteurs artisans tout en leur facilitant l'accès à la SAQ. C'est le meilleur service à leur rendre et à nous rendre à nous-mêmes. On l'a déjà fait dans le passé, on peut continuer à le faire. De toute façon, toutes les autres provinces productrices le font, et tous les pays producteurs du monde le font également.

Troisièmement, il y a déjà du vin dans les épiceries, on devrait pouvoir faire la même chose avec les producteurs artisans qu'on le fait avec d'autres. Et il serait souhaitable d'adapter les règles en vigueur à leur situation particulière, parce qu'épiceries et SAQ ne sont pas mutuellement exclusifs. Si ce n'est pas possible de passer par la SAQ pour aller en épicerie ou si ce n'est pas retenu, convenons qu'il faudrait au moins deux contrôles majeurs.

Quand il n'y a pas de contrôle efficace, l'alcool est banalisé, ça devient un produit comme un autre. Son contenu n'est pas assuré, son prix n'est pas encadré, et ça a des conséquences sur les jeunes, sur les personnes les plus vulnérables, sur les personnes qui consomment le plus et sur les personnes les plus dépendantes. Il a été démontré clairement dans la littérature scientifique que des prix d'alcool plus contrôlés et réglementés aident à réduire la consommation et les méfaits connexes, alors que des prix d'alcool réduits contribuent à augmenter la consommation abusive et les méfaits connexes.

Le projet de loi n° 88 ne semble pas prévoir, dans sa version actuelle — et je dis bien dans sa version actuelle, telle que nous la lisons — des mécanismes de contrôle des contenus de produit, et, pour nous, ce qui nous concerne plus particulièrement, le contenu d'alcool, le pourcentage d'alcool, et toutes les dimensions qui ont trait aux questions de santé.

Enfin, le projet de loi n° 88 ne semble pas prévoir de prix minimum pour l'alcool, ce qui ferait que les alcools dont la vente serait libéralisée seraient moins contrôlés que la bière. À ce sujet, je voudrais vous signaler que, même s'il y a en théorie un prix minimum de la bière au Québec, même si c'est le plus bas au Canada, il est contourné systématiquement, quotidiennement et régulièrement, et un peu partout dans les épiceries et chez les dépanneurs.

Bien sûr, nous savons que les produits artisanaux coûtent plus cher que les autres à produire, nous savons qu'il est impossible pour un producteur d'aller en bas de ce que serait un prix minimum raisonnable, mais ce ne sont pas les producteurs qui sont en cause. Les producteurs ne sont nullement en cause, eux, ils se désâment pour amener un produit de qualité dans des contextes extrêmement difficiles, mais, sans prix minimum, il n'y a rien qui empêcherait les détaillants de se servir de leurs produits comme produits d'appel. Et, comprenez bien, le mot anglais pour produit d'appel est plus explicatif que le mot français, ça s'appelle «loss leader». Et qu'est-ce que c'est qu'un «loss leader»? C'est un produit sur lequel on est prêt à perdre de l'argent pour attirer les consommateurs et se rattraper sur le restant des produits.

• (16 heures) •

Je répète donc, les producteurs n'ont rien à voir là-dedans. Et ce qu'on dit, c'est que peut-être qu'aujourd'hui c'est improbable, mais nous sommes en train de discuter d'une loi, nous ne discutons pas d'un règlement ponctuel. Et la loi doit prévoir, et la prévision, c'est d'empêcher quelque chose que l'on ne veut pas.

La dernière chose dont le Québec a besoin, c'est que l'on puisse étendre aux produits artisanaux la jungle que nous voyons aujourd'hui dans le domaine de la bière. Alors, nous recommandons de nous assurer collectivement que le projet de loi n° 88 tienne compte de ces fondements, c'est-à-dire qu'une société d'État est le meilleur outil pour préserver la santé publique et qu'il serait préférable d'adapter les règles de contrôle de la SAQ aux producteurs artisans. À ce sujet, je sais que M. Deltell pose des questions sur la Colombie-Britannique et l'Alberta, puis il me fera plaisir de lui donner quelques renseignements là-dessus, s'il pose la question.

Deuxièmement, quand il est question de commercialisation de l'alcool, la prudence élémentaire exige, dans l'intérêt de la santé et de la prévention, qu'on instaure des contrôles sérieux sur les contenus des produits, et particulièrement sur le pourcentage d'alcool et le respect des normes de santé, et je n'ai entendu personne ici, depuis trois jours, dire qu'il était contre ça.

Enfin, il faut un prix minimum sur les produits vendus aux consommateurs. Il faut interdire son contournement par les détaillants, notamment par les promotions croisées, pour éviter qu'ils ne servent de produits d'appel, qu'ils ne banalisent l'alcool et qu'ils ne poussent à la consommation excessive les jeunes, les gros consommateurs et les personnes les plus vulnérables.

Mme la Présidente, en 1981, il y a 35 ans, du jour au lendemain le vin a été accessible de 400 points de vente à 13 800 points de vente, du jour au lendemain. Certains avaient prédit l'apocalypse. 15 ans plus tard, toutes les recherches ont démontré que ça n'avait pas augmenté la consommation excessive d'alcool. Le Québec est la province où les buveurs respectent le plus les niveaux de consommation d'alcool à faible risque de tout le Canada, les connaissent le mieux, c'est la seule province dont moins de 20 % des buveurs ont dépassé les limites recommandées hebdomadairement et moins de 14 % ont dépassé les limites quotidiennes recommandées. S'il vous plaît, faisons preuve de prudence, ne gâchons pas ça. Faisons bien les choses. Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup, M. Sacy. Alors, je vais maintenant céder la parole au ministre pour une période d'une quinzaine de minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Sacy, merci beaucoup d'être là et de nous présenter votre mémoire et vos réflexions à ce sujet. Moi aussi, je pense que l'alcool, ce n'est pas un produit banal. Il peut être agréable si consommé de façon modérée.

Vous avez mentionné, bon, plusieurs choses. Vous avez mentionné que vous considérez toujours que... Puisque l'alcool, ce n'est pas un produit banal, vous préférez que ce commerce-là, le commerce d'alcool, soit maintenu par une société d'État, par un monopole d'État.

M. Sacy (Hubert) : C'est ce que dit la littérature scientifique, c'est simplement... Je reprends la même chose que vous a dite l'INSPQ hier. Ce sont les mêmes recherches que nous avons lues, ce sont les mêmes recherches que nous partageons avec vous.

M. Leitão : Très bien. Mais il y a quand même de la place pour une distribution directe des produits locaux dans le réseau commercial des épiceries?

M. Sacy (Hubert) : Absolument. Aujourd'hui, il faut savoir, tout l'alcool qui est... pas l'alcool, tout le vin qui est vendu actuellement dans les épiceries, il passe techniquement par la Société des alcools du Québec. Et donc il ne s'agit pas d'empêcher...

Alors, on dit : Si c'est possible d'adapter... Ceci dit, on sait que les règles de la SAQ ne sont pas aujourd'hui, semble-t-il, faites pour les petits producteurs. Est-ce qu'elles sont adaptables ou pas? Si elles sont adaptables, c'est mieux, mais on nous dit que ce serait très difficile aujourd'hui de le faire, que, si on l'avait fait il y a 35 ans, ça aurait été possible, mais, si on le fait aujourd'hui... Nous ne sommes pas experts là-dedans. Ce que nous vous disons, c'est ceci : La littérature scientifique dit que c'est mieux de passer par une société d'État. À l'impossible nul n'est tenu. Si ce n'est pas possible dans les contextes d'aujourd'hui, au moins assurons-nous qu'il y ait les contrôles minimaux dont on a parlé.

M. Leitão : Très bien. Un autre sujet qui est très important, vous l'avez bien mentionné, la notion de «loss leader» et donc de vente croisée. Hier, nous avons entendu un groupe qui représente les détaillants, aussi aujourd'hui, ceux qui sont venus même avant vous, qui nous disaient qu'eux aussi, ils ne pensent pas que ce soit une bonne idée de permettre ça et qu'ils ne sont pas non plus intéressés à faire ce genre de vente croisée. Alors, d'où vient, d'où viendrait cette pression-là, si les détaillants individuels ne sont pas intéressés à faire ça?

M. Sacy (Hubert) : M. le ministre, il n'y a personne qui est intéressé à faire ça. Les voici, elles sont toutes là. Si vous voulez, je vais vous les lire : 10 $ de rabais sur votre panier d'épicerie; 20 $ de rabais sur votre panier d'épicerie à l'achat de trois caisses — le 10 $, c'était sur deux caisses; 15 $ de rabais sur le panier d'épicerie à l'achat de caisses de... je ne vous donne pas les marques; ici, on vous donne pour 13 $ d'ailes de poulet si vous achetez une caisse de bière; ici, on vous donne un billet de loterie; ici, on vous donne 7 $ de rabais d'essence, et là on vous donne 0,05 $ de rabais sur le litre. Il n'y a personne qui est intéressé à ce que ça se fasse, mais prenez vos circulaires à toutes les deux semaines et vous allez voir que... Je ne sais pas si... Personne n'est intéressé à ce que ça se fasse, et pourtant ça se fait, c'est bizarre. Mais je n'ai pas de réponse et je ne connais pas la réponse à cette question.

M. Leitão : En fait, c'est un bon paradoxe, on va l'éclaircir. Écoutez, moi, ça me va.

Prix minimum, bien sûr, aussi l'INSPQ nous avait aussi parlé de cela, et c'est une constatation importante. Pensez-vous qu'il y a une distinction à faire, quand on parle de prix minimum, entre le vin, surtout le vin artisanal, et la bière? De ce que je semble avoir compris, c'est que ces questions de prix minimum, et de contournement de prix minimum, et de vente croisée semblent être un phénomène qui regarde surtout la bière et pas nécessairement la bière artisanale.

M. Sacy (Hubert) : C'est vrai que jusqu'ici le contournement des prix minimums, les promotions croisées se sont faits à l'aide de la bière, c'est vrai que ça va être plus difficile de le faire dans le domaine du vin. La question, c'est : S'il vous plaît, soyons prévoyants, ce n'est pas parce que ça ne se fait pas qu'il faut permettre que ça se fasse. Ce que nous vous demandons, c'est : S'il vous plaît, interdisez-le, comme ça... au cas où ce soit possible, que ça ne fasse pas. Parce que, vous le savez, on ne refait pas les lois sur l'alcool à toutes les 10 minutes, ça prend du temps, changer des législations. Si tout le monde est d'accord pour dire que ça n'a pas de sens, interdisons-les et assurons-nous que les lois ne seront pas contournées. Après, tant mieux si personne ne veut le faire, c'est parfait, mais de toute évidence il y a des intérêts importants. Il y a des gens qui considèrent que c'est possible de le faire, puisqu'ils le font, et, même quand c'est interdit, ils trouvent des moyens de le contourner. Assurons-nous qu'on empêche la chose d'avoir lieu. Même si elle ne nous attend pas au coin de la rue, ce serait vraiment regrettable que dans six mois on se dise : Ah! si on y avait pensé... On y pense, on le sait, ça se fait.

Et je vais même vous dire une chose. On dit des fois, là : C'est juste les gros qui font ça, les autres sont trop petits. J'ai ici un tout petit dépanneur dans une toute petite région — je ne vous les apporte pas tous, là — qui a dit qu'à l'achat de 36 cannettes de Coors Light tu peux obtenir une pizza 9 pouces et deux litres d'une boisson gazeuse que je ne nommerai pas, d'une valeur de 14 $, à l'achat d'une caisse de... Ils viennent de baisser le prix de la caisse de bière de 14 $. Ça ne prend pas... Écoutez, n'importe qui peut le faire. S'il vous plaît, interdisez-le, et ça va être plus simple pour tout le monde.

M. Leitão : Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Pontiac.

• (16 h 10) •

M. Fortin (Pontiac) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Sacy. C'est un plaisir de vous retrouver. On se connaît d'une vie précédente, de ma part, mais ça faisait longtemps qu'on s'était vus. Donc, c'est un plaisir de vous revoir.

Je veux revenir sur la première question que le ministre vous a posée par rapport aux affirmations que vous avez faites avant de nous dire quelque chose, si vous voulez, là. Donc, vous nous avez dit que vous êtes en faveur que les producteurs artisanaux puissent avoir accès aux épiceries au Québec et, en réponse à la question du ministre, vous nous avez même dit qu'il y a de la place pour la vente du vin en épicerie au Québec. Mais vous, vous êtes un expert en consommation responsable, si on veut. Donc, je veux bien comprendre, là, parce que vous nous avez cité de la littérature qui dit que c'est quand même mieux, même si c'est vendu en épicerie, que ça passe par la SAQ. Au point de vue de la surconsommation, ça change quoi pour le client, que ça passe par la SAQ? Lui, la seule interface qu'il voit, quand même, c'est l'épicerie. Donc, expliquez-moi exactement d'où vous venez avec cette réponse-là et ce que la littérature nous dit.

M. Sacy (Hubert) : J'ai peu de temps, je vais essayer de vous résumer ce qui sous-tend la littérature scientifique. Donc, ce n'est pas une invention d'Éduc'alcool.

En règle générale, ce qui est dit, c'est que les sociétés d'État sont davantage scrutées dans leurs comportements. Elles sont de propriété publique, elles sont moins sensibles à la recherche des profits, elles subiraient donc moins de pression pour la rentabilité à tout prix que pour autre chose.

Si je veux prendre simplement un léger, léger, léger... comme toute comparaison était très, très boiteuse, mais prenez l'exemple de la Caisse de dépôt — on est à la commission des Finances, je vais parler de quelque chose qui est familier. Vous dites à la Caisse de dépôt : Oui, il faut des rendements, mais vous dites à la Caisse de dépôt aussi : Oui, mais arrangez-vous aussi pour soutenir l'économie québécoise, et donc des fois vous acceptez que les rendements soient un peu moins bons parce que ça sert l'autre volet de la mission. Les sociétés d'État ne sont pas que des machines commerciales, elles sont aussi des sociétés publiques et donc sont scrutées par des sociétés publiques. Et, lorsqu'une société d'État... — et je ne parle pas de la nôtre, on parle en général, encore une fois — lorsqu'une société d'État qui vend de l'alcool a des comportements qui sont irresponsables ou qui poussent trop à la consommation excessive, autour de la table du Conseil des ministres il y a un ministre de la Santé qui va donner des coups de coude au ministre des Finances pour lui dire : Tu es en train de me créer des problèmes, puis le peu d'argent que tu fais aujourd'hui, il va me coûter 10 fois plus cher la semaine prochaine. Cette pression-là, ça existe moins dans le privé. Puis je ne dis pas que le privé n'est pas responsable, je dis juste qu'il est moins sujet à ce type de pression.

Deuxième élément, vous le savez, c'est infiniment plus scruté, le public, que le privé. Tu fais une erreur, tu es davantage sous les feux de la rampe, et tu pousses davantage.

Troisième élément qui est important : dans certaines sociétés — et là je vais me faire gronder par le ministre des Finances — les sociétés d'État responsables de la vente d'alcool relèvent du ministre de la Santé et non pas du ministre des Finances, ce n'est pas le cas au Canada, où les sociétés d'État relèvent soit du ministre de l'Industrie et du Commerce soit du ministre... mais relèvent du ministre de la Santé. Et il y a des pays, en Europe du Nord, où le rapport annuel de la société d'État responsable de vendre de l'alcool commence par les mots : «La société est heureuse d'annoncer qu'elle a vendu moins d'alcool cette année et qu'elle a donné moins de dividendes au gouvernement», parce que son objectif est plus de contrôler l'alcool que quoi que ce soit d'autre, elle est jugée là-dessus.

Alors, la raison... Alors, la combinaison de tous ces éléments-là fait en sorte qu'on... la littérature scientifique démontre que c'est préférable, qu'on a de meilleurs résultats via une société d'État que...

Ceci dit, je ne suis pas en train de dire que, quand le privé vend de l'alcool, le sang va se mettre à couler dans les rues, là, puis que tout le monde va mourir, ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout, ce que je dis. Il y a des pays qui ont une très saine relation à l'alcool et qui n'ont pas de société d'État.

M. Fortin (Pontiac) : Je veux vous entendre sur un autre sujet. Avez-vous suivi l'ensemble des travaux de la commission jusqu'ici?

M. Sacy (Hubert) : Le plus possible.

M. Fortin (Pontiac) : Très bien. Avez-vous entendu le Conseil canadien du commerce de détail? Parce que... Ça va, je vais vous résumer certains de leurs points très rapidement. Ils ont suggéré qu'on ouvre la dégustation en magasin sans que le producteur soit présent et ils ont demandé pour des marques maison. Donc, je vous demande votre avis sur leurs propositions.

M. Sacy (Hubert) : D'abord, on n'a pas étudié cette question. Pardonnez-moi mon hésitation, parce que je ne veux pas dire quelque chose de...

M. Fortin (Pontiac) : Non, ça va.

M. Sacy (Hubert) : On n'a pas étudié cette question, je ne suis pas en mesure suffisamment rapidement de me retourner pour vous donner un avis éclairé, fondé sur des données scientifiques là-dessus. En conséquence, en tout respect, permettez-moi de ne pas répondre à la question, pas parce que je ne suis pas en présence de mon avocat mais parce que je ne connais pas la réponse.

M. Fortin (Pontiac) : Je crois que mon collègue de Sainte-Rose a des questions également.

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Sainte-Rose.

M. Habel : Combien de temps il nous reste, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Hivon) : Il reste 2 min 30 s.

M. Habel : parfait. Merci beaucoup. J'ai une question concernant le prix minimum. J'aimerais savoir... que vous élaboriez un peu sur d'autres juridictions canadiennes qui auraient eu le prix minimum sur le vin et quels ont été les résultats obtenus par ce prix minimum.

M. Sacy (Hubert) : D'abord, entendons-nous, aujourd'hui au Québec, les prix de l'alcool sont réglementés, aujourd'hui, au moment où nous nous parlons, et c'est l'État qui les fixe. Dans un cas, c'est la Société des alcools du Québec qui les fixe, donc c'est l'État puisque, la Société des alcools, son actionnaire est ici présent, et, dans le cas de la bière, c'est la Régie des alcools, des courses et des jeux, qui est aussi un organisme d'État. Aujourd'hui, au Québec, de toute façon c'est l'État qui décide du prix de l'alcool. Après, il y en a qui le contournent, mais ça, c'est une autre histoire.

Il y a un autre débat, à savoir : Est-il suffisamment haut ou pas? Nos collègues de l'INSPQ ont fait valoir cette dimension-là en disant : Bien, dans certains cas, ils le sont; dans certains cas, ils ne le sont pas.

Vous savez que la succursale de la LCBO qui marche le mieux, c'est celle de Hawkesbury, et pas parce qu'il y a beaucoup d'habitants à Hawkesbury — simplement parce que, si tous les habitants de Hawkesbury devaient boire tout le vin qui se vend à Hawkesbury, tous les habitants de Hawkesbury seraient saouls morts du jour de leur naissance jusqu'à 250 ans après leur mort — parce que c'est du commerce transfrontalier des Québécois, qui veulent acheter des prix et qui disent : Là-bas c'est moins cher, ici c'est plus cher. On assiste à ce phénomène-là partout. Au Luxembourg, c'est la même chose, si tous les Luxembourgeois devaient boire le vin vendu au Luxembourg, ce serait une catastrophe épouvantable, parce que leurs taxes sont plus basses.

Donc, ce qui est connu, c'est que les gens ne vont pas faire 5 000 kilomètres pour aller s'acheter de l'alcool. Par contre, il y a un prix minimum qui sert à protéger pas les gens qui ont beaucoup d'argent mais les jeunes, extrêmement sensibles au prix minimum, les personnes qui boivent beaucoup, beaucoup, beaucoup et les personnes les plus vulnérables, c'est ceux-là que l'on veut protéger. Et, ceux-là, c'est vrai qu'ils ne sont pas la majorité, vous avez parfaitement raison, les jeunes sont minoritaires, les personnes les plus vulnérables sont minoritaires, et les consommateurs excessifs sont minoritaires, et des fois on peut être les trois à la fois, mais il reste qu'on a un devoir de protéger les plus vulnérables et les plus jeunes. Il y a une loi qui interdit aux jeunes d'acheter de l'alcool, et un autre des moyens qui est très efficace pour les empêcher de trop en acheter, c'est de fixer des prix qui soient suffisamment élevés.

Par ailleurs, c'est vrai qu'il y a un effet pervers. Si les prix sont trop hauts... On a vécu ça au Québec il y a quelques années, dans le domaine des spiritueux, on a encouragé la contrebande, ce n'est pas vraiment mieux. En Suède, à un moment donné, les taxes sur l'alcool étaient tellement hautes qu'il s'est développé une industrie des traversiers où les gens partaient de Stockholm pour aller à Helsinki, en Finlande, acheter de la «booze» à tout casser et revenir 24 heures et une minute plus tard, parce qu'il fallait qu'ils soient sortis 24 heures du pays, et le système de traversiers était tout organisé pour ça. Et, d'après vous, pendant ces 24 heures et une minute, sur un traversier où il n'y a rien d'autre à faire que de s'en aller acheter de la bière et revenir, qu'est-ce que vous pensez que les gens faisaient sur le bateau? Et je dois vous dire que, quand les traversiers revenaient d'Helsinki, ce n'était pas très, très beau à voir. Tout ceci pour vous dire que...

La Présidente (Mme Hivon) : M. Sacy, nous devons passer... Je suis certaine que vous allez pouvoir continuer.

M. Sacy (Hubert) : Avec plaisir. Écoutez, je résume en une phrase : Il n'y a pas de solution miracle, il faut un prix minimum suffisamment élevé pour empêcher les problèmes mais pas trop élevé pour en créer d'autres.

La Présidente (Mme Hivon) : Alors, nous allons céder la parole à l'opposition pour une période d'environ neuf minutes. M. le député de Rousseau.

M. Marceau : Oui, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Sacy. Merci pour votre mémoire.

Sur le prix minimum, hier, on a eu une discussion avec l'Institut national de santé publique sur, entre autres, le prix minimum même en SAQ pour les spiritueux. Je ne sais pas si vous avez entendu cette discussion que...

M. Sacy (Hubert) : Oui, oui, absolument.

• (16 h 20) •

M. Marceau : O.K. Puis c'est quoi, votre opinion là-dessus?

M. Sacy (Hubert) : Écoutez, d'abord, nous n'avons pas de prise de position spécifique là-dessus. Comme je l'ai dit tout à l'heure, au début de ma présentation, nous ne sommes pas un organisme de législation, de réglementation, de... nous nous tenons vraiment au niveau des grandes orientations. Et effectivement, je viens de le dire et je vais le répéter, c'est important qu'on ait un prix minimum qui soit correct sur la plupart des produits. Au moment où je vous parle, il commence à se dessiner des consensus ici et là sur ce que devrait être un prix minimum par verre standard, autrement dit 12 onces de bière, cinq onces de vin à 12 %, 1,5 once de spiritueux. Et il est possible qu'en Ontario les prix des spiritueux soient plus élevés que le prix minimum, et les prix des vins, un peu moins, et qu'au Québec la situation soit différente, il n'y a aucune raison de douter des chiffres qu'ont donnés nos collègues de l'INSPQ à ce sujet-là. Je vous soumettrais que c'est véritablement une décision gouvernementale à savoir où tracer la ligne pour précisément éviter ce dont nous parlions tout à l'heure : suffisamment haut pour éviter les abus, suffisamment bas pour éviter la contrebande et les achats transfrontaliers. C'est un sujet qui est aussi complexe parce qu'il faut adapter aussi aux sociétés un certain nombre de règles. Vous savez, en règle générale, lorsque vous augmentez l'accessibilité, lorsque vous augmentez, lorsque vous baissez les prix, ça produit des effets.

Il y a aussi des stratégies commerciales dont les sociétés tiennent compte. Et, je vous répète, malheureusement nous ne sommes pas experts là-dedans, mais ce ne serait pas inutile de se pencher davantage sur cette question-là de manière plus précise, effectivement.

M. Marceau : O.K. parfait. Puis évidemment il y a un lien entre ça puis les promotions croisées, puis, pendant votre présentation, vous avez présenté ce qu'il en était.

M. Sacy (Hubert) : Oui, j'ai... J'espère que vous étiez là. Si vous n'étiez pas là, je vous avoue que je vais...

M. Marceau : J'étais avec vous en pensée.

M. Sacy (Hubert) : Bien, ça faisait deux jours que vous posiez des questions là-dessus, ça fait que j'ai décidé de vous apporter quelques illustrations.

M. Marceau : J'étais au salon bleu. Mais je veux simplement savoir qui est le responsable de... qui ne fait pas le boulot qu'il doit faire pour que cela ne soit pas possible, parce qu'en principe, donc, on ne peut pas contourner le prix. Est-ce que c'est parce que la loi n'est pas suffisamment claire ou les règlements ne sont pas suffisamment clairs ou parce que l'organisme responsable n'a pas les moyens de ses ambitions et n'est pas en mesure d'appliquer correctement les règles? Qu'est-ce qui fait que ça continue d'exister, ce que vous nous avez présenté?

M. Sacy (Hubert) : Je vais vous demander de m'épargner de désigner des coupables, parce que je n'en ai ni le pouvoir, ni les moyens, ni même la capacité.

Il est possible que la loi ou les règlements ne soient pas assez clairs, il est possible que les interprétations qui sont faites ici et là ne soient pas les bonnes. Je vous avais dit au début que j'allais m'attarder aux objectifs et aux résultats et non pas aux moyens. Ce qu'Éduc'alcool vous a invités à faire, c'est : Écrivez la loi clairement pour qu'on ne puisse plus jamais se poser cette question-là. C'est non, ça ne se fait pas et ça ne pourra pas se faire. Comme ça, tout le monde sera sur la même longueur d'onde, et on n'aura même plus besoin de se poser la question de pourquoi. Il faudrait que la chose n'existe pas.

M. Marceau : O.K., parfait. Excellent. Merci.

Autre sujet, plusieurs intervenants se sont prononcés de manière favorable à ce qu'on puisse inscrire sur les bouteilles, sur l'étiquette les cépages et les millésimes. Peut-être nous dire ce que vous en pensez. Est-ce que vous croyez que c'est souhaitable?

M. Sacy (Hubert) : Là, je vais essayer de ne pas répondre en répondant, parce qu'on n'a pas de position très, très précise là-dessus, mais on a des grandes orientations. À Éduc'alcool, notre slogan, c'est — merci de me donner l'occasion de le placer — La modération a bien meilleur goût. Et, dans La modération a bien meilleur goût, il y a le mot «goût». Nous nous inscrivons et nous voulons inscrire la culture québécoise dans une culture de la dégustation et donc dans une culture où les gens consomment de l'alcool pour le plaisir du goût et non pas pour l'effet de l'alcool. Par conséquent, j'aurais tendance à vous dire que tout ce qui peut contribuer au développement de la culture du goût serait une bonne chose, et sans me prononcer spécifiquement sur cette mesure-là, parce qu'il y a peut-être des contingents derrière ça qu'on ne connaît pas, mais, s'il n'y a pas d'objection majeure, ce qui pousse, ce qui permet la culture du goût, ma foi, on peut difficilement s'y objecter.

M. Marceau : O.K. Donc, vous préférez que les Québécois choisissent la qualité plutôt que la quantité. Et puis, la qualité, ils pourront la mesurer... enfin, ils pourront l'anticiper, en tout cas, si...

M. Sacy (Hubert) : En fait, ce que nous souhaitons, c'est qu'ils boivent deux verres par jour pour les femmes, trois pour les hommes...

M. Marceau : Oui, on est au courant.

M. Sacy (Hubert) : ...de temps en temps trois pour les femmes, quatre pour les hommes, avec un maximum de 10 par semaine pour les femmes et 15 pour les hommes, et on ne boit pas tous les jours.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Rousseau.

M. Marceau : Vous serez parvenu à placer deux choses grâce à moi.

M. Sacy (Hubert) : Ah! bien, merci, écoutez...

M. Marceau : C'est encore à moi?

La Présidente (Mme Hivon) : Bien, vous ou M. le député de Berthier.

M. Villeneuve : Non, c'est bon...

M. Marceau : Oui? Bien, j'ai peut-être une dernière question. Transport, plusieurs intervenants veulent pouvoir transporter eux-mêmes leurs produits, plusieurs producteurs, producteurs artisans. Avez-vous des objections, des... Voyez-vous un avantage à cela?

M. Sacy (Hubert) : Je vais rester dans la même logique...

La Présidente (Mme Hivon) : Je vous invite à répondre en une minute.

M. Sacy (Hubert) : Oui. Je vais rester dans la même logique. Les considérations commerciales, techniques, on ne les connaît pas. J'ai entendu des gens dire : Écoute, on ne peut pas être en même temps dans le champ puis être en même temps en train de livrer. Ce que je vous dis, c'est que, si on peut contrôler la livraison, si le processus de livraison ne permet pas d'échapper à des contrôles, normalement ça ne devrait pas poser trop de problèmes. Mais, encore une fois, pardonnez notre ignorance dans cet univers-là. Mais, sur le grand principe, si ça n'empêche pas des contrôles, s'il ne peut pas se passer de fligne-flagne en cours de route, ma foi, pourquoi pas?

La Présidente (Mme Hivon) : Je vais maintenant céder la parole au député de Granby, pour la deuxième opposition, pour une période de six minutes.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. M. Sacy, bonjour. On va aller se promener dans l'Ouest canadien, M. Sacy. J'ai posé des questions hier sur la santé publique. La Colombie-Britannique a libéralisé son marché, ouvert son marché un peu comme on va peut-être le faire, ils ont un prix minimum garanti. L'Alberta n'a pas de prix minimum garanti. Le marché, pour eux, est beaucoup plus ouvert que partout ailleurs au Canada. La question, vous la savez, ma question, ça va être sur ce que j'ai posé hier, à savoir, d'un côté, marché ouvert un peu comme celui du Québec, prix minimum garanti, l'Alberta ouvert au complet, quel impact sur les deux provinces a eu cette libéralisation, sur la santé publique? Est-ce qu'on a vu une exposition encore plus grande ou des problèmes encore plus grands, d'avoir ouvert ces marchés comme on souhaite et on risque de le faire dans les prochaines semaines, prochaines années au Québec?

• (16 h 30) •

M. Sacy (Hubert) : Je vais essayer de vous donner quelques statistiques, qui, je préviens tout de suite, ne représentent pas la vérité absolue, totale et ne couvrent pas nécessairement tout, c'est simplement les données qu'on a été capables de ramasser rapidement.

Hier, l'INSPQ a invoqué les études de Tim Stockwell, de l'Université de Colombie-Britannique, effectivement, et, lui, ce qu'il a déterminé dans ses recherches, c'est que l'introduction du secteur privé dans la vente d'alcool a mené à une augmentation de 3,25 % des décès liés à l'alcool pour chaque tranche de 20 % d'augmentation de la densité des points de vente.

Maintenant, faisons attention. Une augmentation de 3,25 % des décès, s'il y avait un décès ou trois décès, ce n'est pas la même chose que s'il y en avait 10 000. Et donc une augmentation en pourcentage dépend toujours d'où on part, et donc, la Colombie-Britannique, c'est un peu ambigu, mettons.

En Alberta, c'est beaucoup plus clair. En Alberta, je vais vous donner des données extrêmement précises, et permettez-moi de vous les lire, je vais essayer de les traduire en même temps que je les lis. Au cours de la dernière décennie, il y a eu une augmentation de la consommation d'alcool, une augmentation de la consommation excessive et une augmentation de la dépendance à l'alcool en Alberta. Ceci inclut une augmentation de la consommation dans les écoles secondaires et dans les collèges d'Alberta. Basée sur les ventes annuelles, la tendance, depuis les années 90, indique que les Albertains continuent à boire plus per capita et à dépenser plus sur l'alcool que le niveau national.

Et là je vais vous donner des statistiques très, très précises sur les ventes et sur les consommateurs. Au Canada, selon les dernières données, les consommateurs qui buvaient de l'alcool ont bu 10,54 litres, 10,5 litres d'alcool pur par année, 10,5 litres d'alcool pur par année, moyenne canadienne. Les plus petits consommateurs, c'est le Nouveau-Brunswick, avec huit litres, suivi, dans un mouchoir de poche, Ontario, Nouvelle-Écosse, Québec avec autour de 10 litres. Donc, 10,5, Canada; huit, Nouveau-Brunswick; 10, Québec, Ontario, Nouvelle-Écosse. La Colombie-Britannique est à 11,6, et l'Alberta, à 12,5. Alors, si ce n'est pas plus nuancé pour la Colombie-Britannique, disons qu'il semblerait, à première vue, que l'Alberta ne soit pas exactement le modèle à suivre.

M. Bonnardel : Alors, si je comprends bien, là, votre prix minimum garanti, c'est votre plus grand combat. Parce que, bon, l'Association des vignerons disait, hier ou avant-hier : On produit, on embouteille 1,5 million de bouteilles sur 220 millions, puis on est bien conscients, demain matin, la loi est adoptée, là, on ne va pas augmenter ça de 1 million, là, du jour au lendemain. Pour vous, donc, la seule solution ou la meilleure des solutions pour contrer peut-être l'effet que les Québécois, du jour au lendemain, ils se disent : Oh! il y a plus d'alcool de disponible, l'offre est plus grande, c'est d'amener un prix minimum.

M. Sacy (Hubert) : Non, honnêtement, il n'y aura pas plus d'alcool...

M. Bonnardel : Non?

M. Sacy (Hubert) : ...parce que l'espace tablette, là, il va être le même, là.

M. Bonnardel : C'est ce que je pense aussi.

M. Sacy (Hubert) : Entre vous et moi, là, on le sait, là. Dans la vraie vie, là...

Ce qu'il ne faut pas, c'est établir dans un principe de loi, dans une loi qu'il n'y a pas de contrôle de prix. Le prix minimum, c'est parce que ça ne passe pas par la SAQ. L'important, c'est qu'il y ait quelque part où on dise... Parce que, vous savez, aujourd'hui ce n'est peut-être pas au coin de la rue, mais vous ne savez jamais qu'est-ce qui va se passer dans x temps, qui va découvrir quoi, comment, qui va essayer de faire quoi. Ce qu'on dit, c'est juste un principe de prudence et de précaution. Et je peux vous dire une chose : En toute honnêteté, pour être moi-même un client de nos producteurs, le prix minimum qui va être fixé, il n'y a aucun producteur qui va même être capable de l'atteindre, tellement leurs coûts de production sont plus élevés. Je dis juste : Donnons-nous une garantie. Ce n'est pas parce qu'il y a 99 % des conducteurs qui ne font pas d'accident qu'on ne dit pas qu'il faut mettre la ceinture de sécurité, c'est juste au cas où. Et donnons-nous ce au cas où, d'autant plus, je vous le répète, je suis absolument convaincu que ça ne va pas les heurter d'aucune manière, ce ne serait même pas un problème pour eux. Ce qu'ils vous disent, c'est : Ce n'est pas notre objectif, ce n'est pas ce qu'on veut, on n'est même pas capables, mais, je vous répète, ce n'est pas eux, c'est les détaillants qui pourraient le faire. Les producteurs ne sont pas du tout en cause, du tout, du tout, du tout.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hivon) : Bon, bien, je vous remercie. Alors, merci beaucoup de votre présentation, M. Sacy.

M. Sacy (Hubert) : Je vous remercie. Et je vous rappelle encore une fois que la modération a bien meilleur goût.

La Présidente (Mme Hivon) : On a compris. Ça vous évite beaucoup de frais de publicité, là, parce qu'on a de très grosses cotes d'écoute ici. Alors, j'espère que vous réalisez ça.

Alors, nous allons suspendre nos travaux quelques instants, le temps que le prochain groupe prenne place.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 34)

La Présidente (Mme Hivon) : Alors, nous allons accueillir maintenant l'Association des distillateurs canadiens. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Je vous rappelle que vous disposez d'une période d'une dizaine de minutes pour faire votre présentation, qui va être suivie par une période d'échange, en vous demandant aussi de vous présenter d'entrée de jeu. Alors, la parole est à vous.

Association des distillateurs canadiens (ADC)

M. Bolduc (Alain) : J'enlève ma montre, qui ne veut plus s'enlever.

La Présidente (Mme Hivon) : Je vais vous faire signe à une minute de la fin.

M. Bolduc (Alain) : Ah! Parfait. Alors, bonjour. Mon nom est Alain Bolduc, je suis le conseiller pour le Québec pour l'Association des distillateurs canadiens, Spiritueux Canada. J'ai avec moi mon collègue C.J. Helie, qui est le vice-président exécutif de la même association.

Alors, d'abord, merci, Mme la Présidente, MM. les membres de la commission, de nous recevoir. Je suis conscient que le document qu'on vous a fait parvenir allait bien au-delà des enjeux de la commission ici, mais on croyait important de profiter... de créer un contexte pour nos interventions parce que, d'une part, notre industrie n'a peut-être pas autant de rayonnement que certains autres types d'industrie, et aussi c'est une industrie qui subit encore beaucoup de préjugés et qui s'est transformée beaucoup dans les dernières années. Alors, on voulait juste s'assurer que vous puissiez mettre ça en contexte lorsque vous allez faire vos analyses, vos recommandations.

D'entrée de jeu, je veux qu'on soit clairs, nous n'avons aucun problème, aucune objection à ce que les gouvernements aident des sociétés en démarrage, des sociétés, des industries qui veulent s'établir puis se développer. Cependant, on croit que ça doit être fait à certaines conditions, qui respectent, entre autres, nos obligations en tant que partenaires de commerce international.

L'autre chose, c'est que, comme je vous disais précédemment brièvement, les spiritueux ont subi, au cours des années, un traitement qu'on qualifie clairement d'inéquitable par rapport à tous les autres types de boisson alcoolique, que ce soit au niveau de la distribution, que ce soit au niveau du traitement fiscal, que ce soit au niveau des majorations ou d'autres privilèges qui sont accordés à d'autres types de producteur, et on pense qu'il n'y a plus de raison valable aujourd'hui pour que cette situation-là perdure. Alors, très clairement, toute mesure additionnelle qui viendrait accentuer ou même perpétuer cette situation-là, pour nous, n'est pas acceptable parce que, comme je vous disais, le marché a beaucoup changé, on est bien loin de l'époque de la tempérance où nos parents prenaient du fort — mais moi, je ne me rappelle pas trop, trop de ça — et on regarde aujourd'hui ce qui s'est passé, particulièrement dans les 15 dernières années, non seulement l'industrie des spiritueux, mais l'industrie des boissons alcooliques elle-même a beaucoup évolué.

Il y a beaucoup de nouveaux produits qui se sont développés. Je peux donner l'exemple des «coolers» qui sont apparus sur le marché dans les dernières années d'abord par les fabricants de spiritueux, puis, «by the way», qui titrent à 4 % d'alcool et non pas à 40 %. Et sont apparus, dans les dernières années, des fabricants qui ont commencé à faire des «coolers» mais à base de malt qui vont jusqu'à 11,9 %. Et pourquoi à base de malt? Parce que ça peut être vendu en épicerie et dépanneur puis c'est traité comme de la bière en termes fiscaux. Par contre, ça a un taux d'alcool plus élevé que les «coolers» à base de spiritueux.

Il y a aussi des nouvelles méthodes de production qui se sont développées pour produire l'alcool. Alors qu'auparavant c'était seulement par le procédé de distillation ou par le brassage, maintenant il y a beaucoup d'autres méthodes qui permettent de produire toutes sortes de produits.

La façon de consommer aussi est bien différente. Les jeunes, aujourd'hui, ils consomment les boissons alcooliques de façon différente. Les jeunes consomment beaucoup plus de spiritueux et ils les consomment de façon très différente, avec les cocktails. Vous allez à la SAQ, la SAQ a développé d'ailleurs l'Espace Cocktail, qu'ils appellent, où ils mettent en évidence justement toutes les combinaisons qu'on peut faire avec les spiritueux.

Les jeunes aussi ont compris la notion dont Hubert vous a parlé tantôt, du verre standard, hein, le 12 onces de bière, le cinq onces de vin et l'once et demie de spiritueux qui sont la même chose, alors... Et d'ailleurs, pour ajouter à ça, Éduc'alcool comme beaucoup d'autres organismes qui traitent de consommation d'alcool et de santé s'entendent pour dire que toutes les boissons alcooliques, consommées avec modération, ont les mêmes bénéfices et, consommées avec abus, ont le même désavantage. Tout ça pour dire, en conséquence, que, pour nous, il n'y a plus de raison de considérer que les boissons alcooliques spiritueux doivent recevoir un traitement différent.

• (16 h 40) •

Ceci étant dit, pour revenir au cadre de certaines préoccupations de votre commission, la question de producteur artisanal et de microdistillateur, je pense qu'il est extrêmement crucial que l'on s'entende sur une définition de qu'est-ce qu'un producteur artisanal, qu'est-ce qu'un produit artisanal. Au minimum, en ce qui nous concerne, si on veut s'appeler un microdistillateur, il faut distiller, sinon on ne peut pas s'appeler un microdistillateur. Alors, il faut distiller, puis après ça traiter les produits, puis l'embouteiller. Parce que, si on regarde aujourd'hui ceux qui utilisent l'expression «boisson artisanale» ou «microdistillateur», écoutez, il y a des microdistillateurs américains qui font fabriquer leurs spiritueux par certaines de nos compagnies membres au Canada, et leurs produits sont positionnés comme des microdistillateurs. On a de nos membres ici, au Canada, qui fabriquent des produits de niche d'excellente qualité, en très petite quantité, dont un qui justement, dans la bible 2016 du whisky, a remporté le premier prix. Il est fabriqué à ville LaSalle, chez Diageo, puis c'est un produit de niche, c'est un produit fabriqué avec la méthode artisanale, en petite quantité, et qui est... Alors, qu'est-ce que c'est, un produit artisanal?

Et ça me permet de toucher à la question d'Origine Québec qu'on voit maintenant dans les succursales de la SAQ. Alors, saviez-vous que toute la vodka Smirnoff vendue à travers le Canada, y incluant au Québec, est fabriquée à Salaberry-de-Valleyfield avec des grains de producteurs québécois? Est-ce que c'est Origine Québec? Est-ce qu'on ne pourrait pas, ces produits-là...

Alors, il y a plein de ces petites choses là qui sont faites à la pièce, et qui ont été tricotées au fil des années, et qui, pour nous, quand on le regarde dans leur entièreté... Puis c'est pour ça qu'on a tenté de vous donner ce portrait-là. Ça n'a plus beaucoup de logique. Puis on pense que c'est l'opportunité que vous avez, d'aller plus loin que juste regarder certains petits fils du tricot mais l'ensemble du produit.

L'autre facteur, l'autre point qu'on aimerait toucher, c'est la question du prix minimum. Pour nous, toute expansion... On le sait, le prix minimum est seulement sur la bière, au Québec, alors que dans les autres provinces canadiennes, excepté une province, il est sur l'ensemble des produits alcooliques. En Alberta, il ne l'est pas sur les produits vendus pour consommation à domicile, mais il l'est sur les produits vendus pour consommation sur place.

Alors, pour revenir à ce qu'Hubert disait, pour nous, le prix minimum doit s'établir à l'ensemble des boissons alcooliques. Hubert n'en a peut-être pas fait allusion, mais le groupe de travail sur les substances... sur les drogues et l'alcool du Canada a déterminé qu'un prix minimum, un «range» de prix minimum susceptible d'être un bon élément de contrôle de la consommation, ça devrait se situer entre 1,50 $ et 2 $. Si on regarde la bière, aujourd'hui, qui est vendue au prix minimum, c'est à peu près 1,15 $ le verre, donc en bas de la recommandation du groupe de travail. Il y a des spiritueux vendus à la SAQ qui reviennent à 0,96 $, 0,97 $ le verre, on est loin du 1,50 $, 2 $. Puis, si on va les acheter à la SAQ Dépôt, c'est encore pire, parce qu'il y a un escompte additionnel. Alors, pour nous, il est clair que la question du prix minimum doit s'appliquer à tous les types de produit alcoolique, quels qu'ils soient. D'ailleurs, on se posait la question en regardant le texte de loi : Est-ce que la bière qui va être vendue possiblement par les petits microbrasseurs pour consommation à domicile... Je crois comprendre qu'elle n'aura pas de prix minimum, en tout cas je n'ai rien vu à cet effet-là. Alors, pour nous, si c'est le cas, c'est une incongruité, parce que toute la bière qui est vendue en épicerie doit avoir un prix minimum.

L'autre point qu'on aimerait couvrir, il est extrêmement important, c'est le respect de nos obligations à l'égard des partenaires économiques. Il faut bien comprendre que toutes les dérogations que des provinces et des gouvernements font, et ont faites, et se préparent à faire sont scrutées à la loupe par les partenaires commerciaux étrangers. Et on le sait, on est en contact avec eux autres, puis ils sont probablement en contact avec certains... avec le ministère des Finances et autres, et on entend souvent dire : Ah! bien l'Ontario a fait ci, ah! la Colombie-Britannique a fait ça. La Colombie-Britannique et l'Ontario, ce qu'ils ont fait, fondamentalement, ça a été de négocier avec les partenaires avec lesquels ils ont des ententes de commerce international. Alors, oui, il y a d'autres provinces comme la Nouvelle-Écosse et peut-être d'autres qui ont fait des choses qui sont... Cependant, quand on regarde leur taille, l'enjeu n'est pas très grand. Mais, si des pays étrangers veulent prendre des mesures de rétorsion contre des provinces ou des pays qui ont posé des gestes qui sont en contravention avec les règles de commerce international, ils n'iront pas frapper les petits, ils vont venir frapper nous qui sommes de grands producteurs, de grands exportateurs de spiritueux. Et moi, j'ai vécu l'époque de la bière où le marché avec les États-Unis s'est fermé, j'étais chez Labatt dans le temps, ce n'est pas très, très, très intéressant, et surtout que, nous autres, notre marché canadien dépend beaucoup, beaucoup des exportations. Et, juste pour votre information, du whisky canadien, ça ne peut pas être fait aux États-Unis, il faut que ce soit fait au Canada, puis la réputation du whisky canadien est extraordinaire. Et, si demain matin des pays veulent prendre des mesures de rétorsion contre certaines pratiques qui ont été prises par des provinces, bien, nous, c'est notre industrie qui est en danger. Je pense qu'il faut que les législateurs soient très, très, très conscients de ça.

La Présidente (Mme Hivon) : On vous remercie. Alors, c'est la fin de la période pour votre exposé. Je vais céder la parole au ministre pour une période d'échange d'une quinzaine de minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, MM. Bolduc et Helie, bonjour. Merci d'être là, de nous avoir présenté votre mémoire et vos préoccupations.

Peut-être avant de vous poser quelques questions, en ce qui concerne le... Donc, vous avez vous-mêmes posé la question. C'est quoi, un producteur artisanal? Où est-ce qu'on trace la ligne? Dans notre cas, je pense, c'est assez clair qu'un producteur artisanal de spiritueux ou de vin, c'est quelqu'un qui produit la boisson alcoolique à base de matières premières qu'il a cultivées lui-même et donc qui la fermente sur place. Alors, ça, c'est une chose. La microdistillerie, ça, c'est un peu différent, bien sûr. La microdistillerie, en fin de compte, ils ont un permis similaire aux grands distillateurs, c'est un permis industriel. Donc, c'est ça, c'est le volume qui est différent, mais c'est le même type de permis.

Maintenant, pour venir aux sujets que vous avez soulevés et qui sont certainement des questions importantes, le prix minimum, donc, vous, vous seriez d'avis à ce qu'un prix minimum soit établi et donc qu'il soit mis en application parmi tous les produits alcooliques et dans tous les canaux de distribution, que ce soit SAQ ou que ce soient les autres.

M. Bolduc (Alain) : Tout à fait. On supporte la position qui a été mise de l'avant l'été dernier par le groupe de travail sur les substances...

M. Leitão : Donc, ce serait, donc, une certaine graduation, dépendamment du niveau...

M. Bolduc (Alain) : D'alcool.

M. Leitão : ...d'alcool, et ce serait supervisé ou ce serait, oui, vérifié de façon plus efficace.

M. Helie (C.J.) : ...juste ajouter, de plus, que, sur le réseau de détail, on supporte aussi un prix minimum sur la consommation sur place.

M. Leitão : Très bien. Merci. Vous avez fait allusion aux accords de commerce international. Bien sûr, c'est quelque chose qu'on doit tenir en considération. Et vous semblez... Donc, pour vous, le risque, c'est, si jamais il y a des contestations, des poursuites, que ce soient vos produits qui seraient visés par une éventuelle «retaliation». Mais pensez-vous vraiment que les... Dans le cas des vins, par exemple, les vins québécois, on parle de 1,5 million de bouteilles dans un marché de 200 et quelques millions. Est-ce que ça peut vraiment causer un préjudice?

M. Bolduc (Alain) : C'est l'effet de cumulation qui devient le problème. Je vais laisser...

M. Helie (C.J.) : Exactement. Et l'autre question qui a été soulevée dans les discussions, en Europe, dans notre accord, c'était qu'ils pensent que, dans le contrat de 2004 avec l'Union européenne sur les spiritueux et les vins, toutes les majorations qui s'appliquent sur les vins qui se vendent à la SAQ devraient aussi se faire appliquer dans tous les réseaux. Alors, si vous avez une extension du type du produit dans les chaînes de dépanneur et d'épicerie, ça va soulever leur intérêt, de plus.

M. Leitão : O.K. Très bien. Merci.

M. Bolduc (Alain) : Autrement dit, chaque mesure, prise indépendamment, est souvent anodine, mais il y a un effet de cumulation, effectivement. Puis, quand il commence à y en avoir trop, bon, c'est le temps qu'on tire.

M. Leitão : Très bien. Merci. Je ne sais pas, les collègues, si vous avez des questions.

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Pontiac.

• (16 h 50) •

M. Fortin (Pontiac) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Ça fait plaisir de vous voir parmi nous aujourd'hui.

Je veux revenir sur certains des points que vous faites dans votre mémoire, mais peut-être avant, là, tantôt, quand les gens Éduc'alcool étaient ici, le député de Rousseau leur a donné l'opportunité vraiment de faire leur propre publicité, je vais peut-être vous donner une opportunité similaire mais à l'intérieur de quelques balises. Vous parlez qu'il y a peut-être des préjugés par rapport à votre industrie, que c'est une industrie qui s'est transformée beaucoup au cours des dernières années, qu'il y a des produits artisanaux qui ne sont peut-être pas considérés produits artisanaux et il y a des produits qui le sont moins et qui sont peut-être considérés... Donc, je veux essayer de mieux comprendre votre industrie. Vous dites que vous avez de plus en plus de produits à faible teneur en alcool. Ça représente quoi, maintenant, à l'intérieur de votre industrie, des produits comme ça? Parce que, quand on pense aux spiritueux, ce n'est évidemment pas le premier produit qui vient en tête, là. Donc, je veux savoir. Vous nous dites que ça représente quelque chose de significatif. Qu'est-ce que ça représente à l'intérieur de votre industrie?

M. Helie (C.J.) : Comme exemple, nos exportations de spiritueux du Canada valent 600 millions de dollars par année. 100 millions du 600 millions sont des liqueurs, alors des spiritueux avec un taux d'alcool entre 15 % et 21 %, alors ça vous donne une idée de l'importance de ce segment de notre industrie.

M. Bolduc (Alain) : Puis les «coolers», qui est un segment en croissance, évidemment, c'est peut-être 1 % ou 2 % actuellement, mais je vais vous donner un exemple de ce qui s'est passé avec les «coolers». Les deux grands manufacturiers canadiens qui font des «coolers» à base de spiritueux, à 4 % d'alcool, quand ils ont vu la compétition qui s'est faite contre eux avec des «coolers» à base de malt vendus en épicerie et dépanneur, à 11,9 % d'alcool, bien, à ce moment-là, ils font faire sous licence leurs mêmes «coolers» à base de malt pour être capables de compétitionner à l'intérieur des épiceries et dépanneurs. Alors, ça déforme, finalement. Tout ça pour une question de façon par laquelle on a créé l'alcool.

M. Helie (C.J.) : Et puis pas vraiment créé l'alcool, juste...

M. Bolduc (Alain) : Distillé.

M. Helie (C.J.) : Tout l'alcool que nous autres, nous vendons sont le résultat de la fermentation, c'est juste après que l'alcool est fait que nous distillons. Et la même chose se fait à des produits à base de malt, ou de cidre, ou de vin, il y a beaucoup de processus secondaires que ces produits ont subis pour enlever tous les vestiges de la fermentation, tout le goût de la fermentation. Alors, ils ont créé un alcool neutre, auquel ils ont ajouté des saveurs, juste pour avoir les avantages qui sont là pour les boissons à base de malt ou de vin.

M. Fortin (Pontiac) : Peut-être que je peux vous demander une précision additionnelle à l'intérieur d'un peu le même sujet, là. Quand le ministre parle de vos produits, spiritueux, qui sont faits au Québec, transformés au Québec à partir de produits du même endroit, ça représente quoi, ça, pour vous, à l'intérieur de votre industrie?

M. Helie (C.J.) : Je n'ai pas le montant exact, mais je dirais que c'est 15 %.

M. Bolduc (Alain) : Puis, comme chiffre additionnel, l'an passé, le Québec a exporté pour 160 millions de dollars de boissons alcooliques produites au Québec, ce qui était plus que toutes les autres boissons alcooliques ensemble, bière, vin, cidre, etc. Alors, c'est une industrie qui est importante.

M. Leitão : Peut-être...

M. Fortin (Pontiac) : Oui, vas-y.

M. Leitão : Excusez-moi. Peut-être une chose. Pour adresser un peu cette question des nouveaux produits à base de malt et donc toute cette problématique, et qui avance assez rapidement, croyez-vous qu'à ce moment-là un prix minimum bien établi pourrait faire partie de la solution?

M. Helie (C.J.) : Certainement c'est une question très importante, d'avoir un prix minimum pour tous ces produits-là, mais l'autre chose qui est aussi importante, c'est un plus grand contrôle sur les étiquetages de ces produits, qui ne sont pas clairs de leur provenance, de leurs méthodes de production, de leurs ingrédients ou de leurs caractéristiques.

M. Bolduc (Alain) : Oui, on a retrouvé sur les tablettes régulièrement toutes sortes de produits avec des noms, là, presque copiés de noms de marque de nos spiritueux, c'est incroyable. Quand on les soumet à... Et on les soumet à la RACJ, dans ce temps-là, qui s'organise pour régler le problème, mais c'est quand même incroyable.

Mais, pour revenir effectivement, M. Leitão, à la question du prix minimum sur les boissons à base de malt, de la bière, c'est une boisson à base de malt. Pourquoi que les autres boissons à base de malt n'ont pas le prix minimum de la bière?

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Merci, Mme la Présidente. Parce qu'on parle peut-être de certaines de vos préoccupations traditionnelles, là, peut-être que je peux vous pousser à préciser votre pensée sur l'une d'entre elles. Vous avez parlé, dans vos remarques d'ouverture, M. Bolduc, disons, du fossé entre votre industrie et celles des producteurs de vin ou des producteurs de bière, et vous ne voulez pas voir le fossé s'agrandir, évidemment. Une des choses que vous avez notées par rapport à ça, c'est le traitement que votre industrie reçoit par rapport à la distribution. Peut-être que j'aimerais ça que vous précisiez votre pensée, j'aimerais ça mieux comprendre ce à quoi vous faites référence quand vous parlez de ça.

M. Bolduc (Alain) : La bière et le vin est accessible à au-delà de 6 000 épiceries et dépanneurs au Québec, les spiritueux sont accessibles à un maximum de 400 succursales de la SAQ et un maximum de 400 agences SAQ, alors 1 600 contre 6 000, 7 000. Alors, quand on sait que la distribution est un facteur extrêmement important pour pouvoir offrir et vendre ton produit, c'est évident qu'à travers les années... Et vous avez, à la fin du document qu'on vous a soumis, un tableau qui démontre clairement la diminution des spiritueux. Et regardez ça au moment où a été introduite la bière en épicerie, puis après ça le vin en épicerie, ça a accentué la montée des uns et la descente de l'autre, alors...

M. Fortin (Pontiac) : Je comprends bien la situation actuelle que vous me décrivez, mais c'est quoi, la proposition que vous faites à ce niveau-là? Est-ce qu'il y en a encore une ou c'est simplement pour parler du contexte actuel que vous y avez fait référence?

M. Bolduc (Alain) : C.J.

M. Helie (C.J.) : Ne faire plus de dommages. Alors, ça, c'est vraiment la demande. S'il y a une extension de distribution pour des boissons alcooliques, ça devrait inclure les spiritueux.

M. Fortin (Pontiac) : O.K., je comprends. Ce que vous dites, c'est : Ne faites pas plus de dommages à notre industrie. Parce que, quand je vois, là... Un petit peu plus loin dans votre mémoire, vous nous parlez, et là je vous cite, là : «Et pendant ce temps les producteurs de spiritueux voient leur rentabilité affectée constamment...» Comment se porte votre industrie? Ça va-tu bien? Il y en a-tu plus, de producteurs, au cours des dernières années?

M. Bolduc (Alain) : L'industrie des spiritueux au Québec est la moins rentable au Canada et la moins rentable à peu près à travers le monde.

M. Fortin (Pontiac) : Comment elle se porte? Est-ce que c'est une industrie grandissante? Est-ce que c'est une industrie où vous voyez plus de joueurs s'impliquer? Par rapport à certains segments, peut-être les segments des producteurs artisanaux, est-ce que ça grandit? C'est un petit peu ce que je vous demande.

M. Helie (C.J.) : Le secteur artisanal, certainement il a grandi, on va de cinq, il y a cinq ans, à 50 aujourd'hui.

Le grand défi de l'industrie des spiritueux au Canada est d'attraper notre part de l'investissement global dans nos usines ici, au Québec, et au reste du Canada et d'investir sur la catégorie... le whisky canadien contre le whisky américain, le whisky écossais et le whisky irlandais. Il y a deux ans, dans les ventes globales, les ventes irlandaises de whisky ont surpassé le whisky canadien simplement parce qu'ils ont plus investi dans leurs marques que nous autres, parce que nous n'avons pas les besoins.

M. Fortin (Pontiac) : Donc, je comprends que vos... Quand vous nous dites, là, que la rentabilité de l'industrie est problématique, vous parlez vraiment de ce segment-là, vous ne parlez pas des producteurs artisanaux, donc, dans le cas des producteurs artisanaux, peut-être ça va bien...

La Présidente (Mme Hivon) : Je m'excuse, on va devoir suspendre, c'est l'heure d'un vote, de l'autre côté.

Donc, on suspend les travaux et on va revenir pour la poursuite des échanges. C'est que nous sommes appelés à aller voter au salon bleu. Ça devrait prendre 10, 15 minutes, donc.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 17)

La Présidente (Mme Hivon) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux où nous les avons laissés. Lorsque nous avons suspendu, il restait 1 min 30 s environ à la partie ministérielle, donc nous pouvons poursuivre les échanges avec M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Merci, Mme la Présidente. Je vais tenter de retrouver où j'en étais, mais je crois qu'on parlait, M. Bolduc, M. Helie, là, de ce que vous voyez dans votre industrie à l'intérieur soit du segment plus whisky, que vous aviez adressé, mais également du segment artisanal, parce que le projet de loi porte beaucoup sur le segment artisanal, que ce soit auprès des vins, des spiritueux ou même de la bière, à un certain niveau.

Donc, à l'intérieur de ce segment artisanal, je veux juste bien comprendre, là, dans la dernière minute, ça va bien, c'est ce que vous me dites? Donc, comparativement à d'autres endroits au Québec, ça va bien?

M. Helie (C.J.) : Quand j'ai dit qu'il y avait cinq, il y a cinq ans, et 50 aujourd'hui, ça, c'est à travers le Canada, hein, alors... Et il y a des microdistillateurs qui distillent et d'autres, des assembleurs et des mélangeurs. Alors, ça, c'est tous ensemble dans les 50.

Alors, comme une industrie, les microdistillateurs, au Canada et au Québec, c'est vraiment les premières années. Alors, nous sommes 10 années en arrière des États-Unis, par exemple.

La Présidente (Mme Hivon) : Je vous remercie. Donc, le temps de la partie ministérielle est terminé. Je vais maintenant céder la parole, pour l'opposition officielle, au député de Rousseau pour une période de neuf minutes.

M. Marceau : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci pour votre intervention et pour votre mémoire.

Je vais aller tout de suite sur les questions de commerce international. À l'époque où j'occupais le poste de ministre des Finances et de l'Économie, effectivement, on était en négociation sur l'accord de libre-échange avec l'Europe, et puis effectivement j'ai eu souvent des discussions à la fois avec la SAQ, avec notre négociateur puis avec d'autres sur les enjeux de commerce et puis d'alcool. Peut-être vous demander peut-être de nous rappeler plus clairement ce qui... Vous avez parlé de fermeture des marchés dans le passé ou de danger de fermeture. Pouvez-vous peut-être élaborer un peu plus là-dessus? Je pense que c'est important qu'on soit tous bien conscients de ce dont il est question ici.

• (17 h 20) •

M. Helie (C.J.) : Dans les années 80, l'Union européenne a commencé le dialogue, des consultations avec le Canada, avec les pratiques des régies des alcools, et clairement le Canada ne faisait pas beaucoup pour répondre à leurs demandes. On n'exportait pas beaucoup à l'Europe, et l'Europe exportait beaucoup ici. C'est juste quand l'Europe a eu une conversation avec Washington, et ils ont dit que vous avez quelque chose sur la table aussi, et très vite les États-Unis ont appelé au Canada, ils disent : Si vous ne négociez pas clairement et honnêtement, nous allons fermer la frontière entre nos deux pays pour le whisky. Alors, ça, ça a eu l'attention du gouvernement du Canada. Et quelques années plus tard, dans les années 90, la frontière entre l'Ontario et le Québec et les États-Unis a été, en fait, fermée pour la bière à cause des disputes sur l'accès au réseau de TBS, The Beer Store, en Ontario, et l'accès aux dépanneurs au Québec.

M. Marceau : O.K. Je ne me rappelais pas de ça. Puis, pour revenir aux risques qui découlent du projet de loi n° 88, est-ce que c'est une interprétation correcte que de dire que, dans la mesure où, disons, la brèche qui est prévue dans le projet de loi est contenue, est clairement identifiée et identifiable, donc que, par exemple, on s'assure que ce qui est un produit québécois est bel et bien québécois à 100 %, puis on ne permet pas à des produits de l'Ontario, par exemple, de passer à travers la définition qui est retenue... Donc, est-ce que c'est correct de dire qu'à partir du moment où la brèche est contenue il y a moins de risques que si on ouvre un peu plus large la brèche? Est-ce que c'est correct de dire ça, tout simplement?

M. Helie (C.J.) : Je dirais que c'est une période à un très grand risque parce que la ratification de l'accord avec l'Europe est assez contentieux, à Bruxelles aujourd'hui, avec les quelques membres, particulièrement la France, l'Italie et l'Espagne. Alors, ce sont eux qui vont réagir possiblement avec la loi n° 88. Alors, ça, c'est un risque d'aujourd'hui parce que les démarches qui sont en train aujourd'hui.

M. Marceau : O.K. Donc, si je vous disais que, pour ce qu'on appelle les produits du Québec, là, les produits qui vont pouvoir aller... enfin, les vins qui vont pouvoir aller en épicerie directement, de nos artisans, et puis, pour le cas des alcools de distillateur, si on restreignait aux cas de produits qui sont véritablement distillés ici, puis que donc on évitait les alcools neutres qui proviennent de l'Ontario, puis qu'on évitait les raisins qui proviennent de l'Ontario, dans le cas du vin, est-ce que vous croyez qu'on aurait une chance de passer un peu inaperçu? Est-ce que vous pensez que ça pourrait être correct?

M. Helie (C.J.) : Il y a deux choses. Il y a aussi un accord de commerce à l'intérieur du pays, alors il faut traiter les produits de l'Ontario comme les produits du Québec sur l'accord à l'intérieur. L'autre chose, il y a deux politiques qui sont vraiment en jeu ici, dans la loi n° 88 : un, c'est l'accès au réseau, l'autre, c'est la majoration, quelle sorte de majoration serait appliquée sur ces produits. Alors, les deux choses vont ensemble.

M. Marceau : O.K. Effectivement, là, dans ce cas-ci, il n'y a pas de majoration puis il y a un accès privilégié...

M. Helie (C.J.) : Ça, ça ôte le risque...

M. Marceau : ...sauf que je pense que l'idée derrière le projet de loi n° 88, c'est de restreindre ça à un sous-ensemble de ce qui est produit, là, très, très étroit. Ça fait qu'en tout cas, écoutez... Bien, excusez-moi. Vous voulez rajouter quelque chose? Allez-y.

M. Bolduc (Alain) : Oui, si vous me permettez, M. Marceau.

M. Marceau : Bien sûr, bien sûr.

M. Bolduc (Alain) : Il demeure la règle fondamentale que tu dois donner à tous les produits le traitement de la nation la plus favorisée. Alors, même si vous le contenez, dans la mesure où c'est le meilleur traitement, automatiquement ils peuvent lever la main pour dire que c'est...

M. Marceau : Je suis entièrement d'accord, je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites. Simplement, si les quantités en cause sont marginales ou en tout cas ne sont pas trop importantes, j'ai l'impression que ça pourrait passer mieux, alors que, si on ouvre une petite porte, puis que tout d'un coup s'engouffrent là-dedans quantités de produits de l'Ontario, par exemple, là, qui contournent un peu puis qui sont vendus dans nos épiceries comme étant des produits québécois, là je pense que, là, on s'achète des gros problèmes. En tout cas, c'est mon impression. Peut-être que vous êtes d'accord avec ça.

Peut-être pour revenir sur une question du député de Pontiac, il y a des gens qui sont venus nous voir ici puis qui suggéraient que les spiritueux puissent être vendus en épicerie. Est-ce que c'est une demande que vous avez déjà formulée ou à laquelle vous avez déjà réfléchi? Je m'attendais, par exemple, à voir ça dans vos demandes, et ça n'y est pas.

M. Bolduc (Alain) : Ce n'est pas quelque chose qui est actuellement sur notre radar. On est très, très, très... on est contents du travail qui se fait avec la SAQ, et pour l'instant, pour nous, ça va comme ça. On ne veut simplement pas que d'autres produits additionnels envahissent les réseaux de distribution les plus accessibles, qui vont accentuer le phénomène qu'on a souligné tout à l'heure, mais autrement ça va.

M. Helie (C.J.) : Toute nouvelle route au marché devrait inclure les spiritueux.

M. Marceau : O.K. Peut-être... Sur l'étiquetage, on a eu une discussion assez... enfin, à chacun des intervenants on a demandé ce qu'ils en pensaient. Je pense que vous avez dit tout à l'heure que vous êtes favorables à un étiquetage qui explique bien clairement ce dont il s'agit. Pour vous, un produit du Québec, c'est un produit qui est 100 % québécois, c'est ce que j'ai compris, c'est-à-dire que 100 % des ingrédients qui entrent dans le produit doivent être québécois. Puis à ce titre-là vous nous rappeliez que la Smirnoff, c'est québécois, et qu'il y a d'autres produits pour lesquels on écrit «Québec» qui ne sont pas véritablement québécois.

Donc, vous appelez à un meilleur étiquetage pour tous les produits, pas simplement pour les spiritueux; pour le vin, pour la bière, pour tout ce qui existe, pour tout ce qu'on...

M. Bolduc (Alain) : Et un meilleur contrôle, bien sûr.

M. Marceau : O.K. Puis, le meilleur contrôle par la RACJ, est-ce que vous croyez que la RACJ a les ressources nécessaires pour accomplir son mandat?

M. Bolduc (Alain) : Je ne pense pas, nous ne pensons pas que la régie a toutes les ressources suffisantes. Je pense qu'elle a les compétences pour le faire, mais nos expériences par le passé nous démontrent qu'il n'y a pas suffisamment de ressources pour être capable de veiller non pas seulement... c'est-à-dire à l'application, justement, de toute la réglementation.

M. Marceau : Puis croyez-vous que le projet de loi n° 88 va, entre guillemets, alourdir la tâche de la RACJ puis qu'en conséquence il devient d'autant plus urgent de mettre des ressources supplémentaires à la RACJ?

M. Bolduc (Alain) : Définitivement.

M. Marceau : Définitivement. Très bien. Moi, ça va pour moi, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : Je vous remercie. Alors, bien, merci beaucoup d'être venus nous présenter votre point de vue, nous éclairer à votre tour.

Alors, je vais maintenant suspendre les travaux le temps que le prochain groupe, donc les Vignerons indépendants du Québec, prenne place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 28)

(Reprise à 17 h 29)

La Présidente (Mme Hivon) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux pour entendre maintenant les Vignerons indépendants du Québec. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Et je vous demanderais, d'entrée de jeu, de vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne.

Vignerons indépendants du Québec (VIQ)

Mme Reason (Charlotte) : Parfait. Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés ainsi que tout le personnel entourant cette commission, on vous dit merci de nous recevoir. On se présente : Charlotte Reason, présidente des Vignerons indépendants du Québec, copropriétaire du vignoble La Charloise, et Rémi Martel, qui est administrateur, Vignerons indépendants du Québec, propriétaire du vignoble Les Entreprises Riparia.

En tout premier lieu, j'aimerais vous présenter les Vignerons indépendants du Québec. Les Vignerons indépendants du Québec, avant ça, c'était l'ADVVQ. L'Association des viticulteurs et viniculteurs fut fondée en 2006 par un groupe de viticulteurs vignerons dans le but de regrouper des producteurs et de favoriser le partage du savoir-faire, et cette production est en émergence.

En 2010, l'ADVVQ changeait de nom pour les Vignerons indépendants du Québec, appelés les VIQ. Alors, ce changement de nom était en conformité avec la philosophie adoptée par de nombreux vignobles en Europe, celle de vigneron indépendant.

• (17 h 30) •

En 2011, les VIQ ont rejoint la Confédération européenne des vignerons indépendants. C'est un partenariat des plus fructueux et enrichissant. La CEVI regroupe 11 pays producteurs de vin, incluant le Québec.

Nous sommes aussi membres de l'Association des vignerons du Canada, le CVA. VIQ est le seul groupe au Québec à être admis au sein de cette association qui chapeaute la certification VQA établie dans l'Ontario et le B.C. L'association avec le CVA a pour but de nous développer à travers le Canada et dans le monde entier. En effet, le VQA est la seule certification canadienne acceptée dans les accords internationaux.

Notre organisation compte 22 vignobles. À ce stade-ci de la présentation, nous avons une mise au point très importante à faire. L'AVQ, l'Association des vignerons du Québec, a déclaré devant cette Chambre qu'elle représentait 95 % des bouteilles produites au Québec. Nous vous présentons quelques chiffres très importants pour bien analyser la portée de votre décision que vous aurez à prendre dans quelques semaines. Il y a présentement 127 permis émis de producteurs artisanaux du vin. Sur les 127, 60 sont membres de l'AVQ. Or, on en déduit qu'il y a 60 vignobles qui ne sont pas membres de l'AVQ. Cela signifie, selon cette déclaration, que 60 autres vignobles qui ne sont pas AVQ ne produisent que 5 % des bouteilles. C'est impossible.

En résumé, la répartition : AVQ, 53 %, les VIQ, 17 %, et les autres qui ne font partie d'aucune association, 30 %. Conclusion : Ne pas oublier les 47 % des autres vignobles dans vos décisions.

Alors, la définition d'un vigneron indépendant du Québec, si on parle de philosophie, c'est qu'il cultive sa vigne, vinifie son propre raisin, dont 100 % Québec, et il s'occupe de la mise en marché de son vin. Parce qu'il cultive ses vignes, vinifie son vin et signe sa bouteille de son savoir-faire, le vigneron indépendant garantit la continuité du lien entre le terroir et le produit.

Alors, on va présenter notre exposé concernant le projet de loi n° 88.

Le gouvernement du Québec, par la présentation du projet de loi n° 88, apporte aux vignerons un nouveau souffle par les opportunités qu'on y trouve. Il a tenu sa promesse, et nous en sommes reconnaissants.

Nous sommes à établir la base de notre industrie en adaptant les méthodes de culture et de vinification à notre réalité climatique. Une nette amélioration est déjà notée au niveau de la qualité du vin au Québec. Nous avons étudié le projet de loi en profondeur et nous avons sondé l'opinion de nos membres ainsi que des personnes gravitant autour de l'industrie du vin au Québec. Tous sont unanimes, le projet de loi n° 88 peut aider de différentes façons les vignerons qui désirent agrandir leur marché. Que ce soit par la présence de ses vins en épicerie ou par l'opportunité d'ajouter une nouvelle gamme de produits par l'entremise de la distillation, il pourra y trouver un éventail de possibilités.

Une étude réalisée en 2012 par le Dr Frédéric Laurin, qui est Ph. D. en économie et professeur titulaire, qui est intitulée Impact de la libéralisation partielle, a évoqué le marché du vin en épicerie. Il déplore que de nombreux producteurs québécois choisissent de ne pas distribuer leurs produits à la SAQ. Les procédures et la logistique y sont tout simplement trop complexes et coûteuses, mais c'est surtout parce que la SAQ implique indifféremment une marge de 145 % sur tous ses produits. Ceci a pour effet d'augmenter le prix de vente des produits québécois à un niveau tel qu'il décourage les clients. Il affirme d'une façon très conservatrice qu'en libéralisant l'industrie du vin québécois cela générerait une production supplémentaire de 63 millions de dollars par année, apportant ainsi une augmentation de recettes et de taxes du gouvernement.

On a ajouté en annexe à votre document le rapport final de l'industrie du vin fait en 2014 par le MDEIE. Rédigé en concertation avec les deux associations, ce rapport vous révèle plusieurs points soulevés dans le projet de loi n° 88.

Alors, nos suggestions pour le projet de loi, c'est quelques éléments qu'on aimerait peut-être que vous apportiez des changements, à savoir, premièrement, la limite établie à 16 % comme taux d'alcool maximum pourrait être haussée à 20 %, pour les vins fortifiés, mais être idéalement haussée à 22,9 %. Deuxièmement, la livraison pourrait être effectuée par un service de messagerie ou un distributeur comme la SAQ, les distributeurs associés ou tout simplement un système parallèle de distributeur, plutôt que d'être seulement faite par des personnes travaillant dans le vignoble. Troisièmement, les vignerons aimeraient que l'identité de leurs produits demeure dans son intégralité, soit avec les cépages et le millésime. C'est le patrimoine de la bouteille. La réglementation permet présentement d'indiquer «Produit du Québec» sur l'étiquette d'une bouteille de vin si au moins 85 % des raisins utilisés proviennent du Québec. Afin que le consommateur puisse distinguer entre les produits 100 % Québec et les autres, on suggère deux solutions : changer la réglementation pour que la désignation Produit du Québec ne s'applique qu'aux produits faits exclusivement à partir des raisins cultivés au Québec ou obliger les producteurs utilisant du raisin acheté à l'extérieur du Québec, comme en Ontario ou ailleurs, de mentionner sur leurs bouteilles le pourcentage de raisins qui proviennent de l'extérieur ainsi que d'où il vient, ce raisin-là.

Afin de garder le caractère du produit tel que présenté dans le projet, nous sommes conscients qu'il est important d'implanter des contrôles pour établir la véracité du produit 100 % Québec et de bonne qualité, ceci dans le but de se prémunir contre les tromperies qui pourraient être utilisées, comme les raisins de l'Ontario, Californie, des concentrés de vin qui viennent d'ailleurs au monde. Il faudrait exiger des analyses chimiques, requises en cours d'élaboration du vin.

Il faut aussi prendre en compte le faible pourcentage des vignerons qui ont la certification vins du Québec, soit 17 %. On vous a joint le tableau en annexe. Si l'obligation est imposée, à savoir Vins certifiés du Québec, dans les épiceries, seulement 21 vignobles sur les 127 vignobles profiteront de ce marché. Conclusion : une loi n° 88 qui va profiter à 17 % des vignobles.

Comparaison avec l'Ontario et le VQA. En Ontario, il y a 150 vignobles. Sur les 150, il y en a 120 qui ont des produits certifiés, soit 80 % des vignobles ontariens ont des produits certifiés. Pourquoi que le VQA, ça fonctionne? Parce que c'est une organisation indépendante. C'est des bonnes expertises de certification, ils ont des points de contrôle bien réglementés et appropriés à la traçabilité, et l'étiquette reflète vraiment le contenu de la bouteille.

Alors, les formes de contrôle qu'on peut vous suggérer, une première forme de contrôle existe déjà via les rapports mensuels soumis par les vignerons à la RACJ. Ces rapports indiquent le vin en vrac, les produits embouteillés, les récoltes et les ventes. Les informations qui devraient être ajoutées à ce rapport sont les quantités de raisins achetés et la provenance des raisins. La formule vous est démontrée dans le tableau 3 du présent document, que vous avez dans le mémoire.

L'Université Cornell a conçu des tables de conversion pour établir le poids des raisins récoltés versus le nombre de bouteilles. On établit, selon ce document, qu'un plant peut produire 2,5 bouteilles, mais qu'au Québec il faudrait penser plus à 1,75 à deux bouteilles.

Les vignerons devraient être obligés de fournir les pièces justificatives des achats et de leurs plans parcellaires dans un rapport. Celles-ci constitueraient un excellent point de contrôle fiscal. De plus, si le vigneron ne fait que vinifier les raisins d'autrui, il n'est plus un artisan mais un transformateur et, de ce fait, il devrait perdre ses droits de producteur artisan.

Nous vous recommandons de ne pas vous laisser tenter de nous greffer d'une obligation que nos vins soient certifiés vins du Québec, car 83 % des vignobles seront absents des tablettes de la SAQ et des épiceries. Auraient-ils la même exigence auprès des cidriculteurs et autres producteurs de boissons alcooliques de fruits certifiés en épicerie? Sûrement non. Il serait discriminatoire de nous l'exiger.

Nous ne sommes pas contre le fait de produire des vins certifiés. Au contraire, en collaboration avec le CVA, nous travaillons à développer un VQA Québec. Cette certification apportera une valeur ajoutée aux vins et permettra le développement d'appellations plus spécifiques, accroissant davantage la valeur de la bouteille de vin produite. En grande partie, nos membres sont accompagnés dans leur production par des consultants chevronnés en oenologie et peuvent présenter leurs vins avec des analyses chimiques sérieuses et de haut niveau.

Fait à noter, plusieurs de nos vignerons sont médaillés dans différents concours internationaux. Nous avons 12 vignobles ayant rapporté des médailles sur un total de 22 vignobles, soit 55 % des VIQ ont rapporté des prix par la qualité de leurs vins. Pourquoi? Parce qu'on a mis la qualité des vins en premier plan pour changer l'opinion des consommateurs face aux vins québécois et avec des produits 100 % québécois.

En mot de la fin, au risque de se répéter, nous désirons de tout coeur l'adoption de ce projet de loi, il en va de la croissance de l'industrie du vin au Québec. Et on vous dit merci.

• (17 h 40) •

Et finalement, en guise de conclusion, nous aimerions que le projet de loi n° 88 amène des ramifications dans un prochain tome qui comporterait d'autres demandes qui nous tiennent à coeur telles que la vente interprovinces, la vente en vrac; avec le programme PAPAQ, de ne pas nous greffer l'obligation des vins certifiés pour le paiement additionnel de 2 $ la bouteille; permettre la vente en ligne; on vous demande d'interdire toute forme de concentré dans les vins 100 % Québec; de redéfinir le terme «producteur artisan», parce que présentement ce sont des industriels portant le nom d'artisans qui déterminent les règles du marché du producteur artisan; le nombre de bouteilles serait déterminant; rendre aussi la directive permanente en ce qui concerne les extensions de vente pour nos produits dans les marchés publics, expositions agricoles; et, huitièmement, développer le VQA Québec; et, neuf, permettre la sous-traitance pour certaines opérations au vignoble.

La table est donc mise pour une prochaine rencontre. Il n'en tient qu'à vous d'en faire la promesse aujourd'hui, surtout que maintenant nous savons que vous êtes en mesure de tenir vos promesses. Merci encore pour le projet n° 88. Il faut surtout penser à l'ensemble des producteurs. Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup, Mme Reason. J'allais vous féliciter parce que vous étiez rentrée exactement dans le 10 minutes, juste avant que vous nous disiez tous les autres sujets que vous aimeriez aborder dans l'avenir. Mais je vais mettre ça sur le compte d'un excès d'enthousiasme.

Donc, sur ce, je vais céder la parole au ministre pour une période de 15 minutes environ.

M. Leitão : Très bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Reason, M. Martel, bonjour. Merci d'être là, de nous présenter votre mémoire, vos préoccupations, vos priorités. On a bien pris note de vos propos.

J'aimerais peut-être vous amener sur une question qui a été discutée ici par plusieurs des intervenants, la question du prix minimum. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cela? Est-ce que vous pensez que c'est nécessaire, que ce serait utile d'avoir un prix minimum pour toutes les boissons alcooliques à travers tout le réseau, SAQ mais aussi le réseau des épiceries?

Mme Reason (Charlotte) : Prix minimum, si je vous donne l'expérience, qu'est-ce qui se passe en Europe, parce que, voilà deux ans, j'ai eu l'opportunité d'assister à des conférences concernant le vin en épicerie, ce qui était très actuel, et prix minimum ainsi que la tenue des vins en épicerie apportaient certains problèmes de gros, surtout quand les vignerons indépendants en France occupent 65 % du territoire, dont ses 7 000 membres. Alors, qu'est-ce qui cause le plus de problèmes, c'est le prix minimum et la conduite aussi des détaillants.

Donc, prix minimum, je pense, de toute façon, déjà là, nous autres, on est à déficit minimum. On ne peut pas accepter qu'un prix minimum soit placé, parce que les rendements d'un plus gros vignoble, quelqu'un qui utilise du vin... du raisin de l'Ontario, qui n'a pas besoin de renchausser ni de tailler, donc, n'ont pas le même coût de revient, alors, si on corrobore les coûts versus le revenu, avec un prix minimum, ce sera beaucoup moins intéressant pour nous en épicerie.

M. Leitão : Très bien. Maintenant, pour ce qui est de, donc, la commercialisation de vos produits, on voit que la SAQ fait un effort, il y a déjà un programme de valorisation de produits québécois à la SAQ. Comment vous voyez ça maintenant que... Si le projet de loi est adopté, vous auriez aussi la possibilité de le vendre, votre produit, dans les épiceries. Comment voyez-vous la valorisation du produit québécois?

Mme Reason (Charlotte) : Bien, c'est, disons, une façon de valoriser notre produit aussi. Parce que, pour mettre nos produits à la SAQ, quand on est des plus petits vignerons, c'est vraiment très difficile. Je sais qu'on a parlé de la logistique, et c'est très complexe. Alors, je vous invite de voir les politiques du B2B de la SAQ, et vous allez voir que c'est très complexe. Alors, ça veut dire, pour nous, achat de codes-barres, maintenance de codes-barres, d'acheter des palettes qui se situent là. Ça veut dire le transport aussi, qui est très difficile. Aussi, nos vignobles, les plus petits vignobles sont fermés l'hiver. Bien souvent, la SAQ va passer l'hiver pour venir chercher nos produits, donc des produits... Logistique épouvantable.

Bien, je ne vous en nomme seulement quelques-uns. Alors, si on y pense, en France, les rosés, O.K., au mois d'août on vinifie tout ça; nous, c'est au début d'octobre, on perd déjà deux mois. Alors, la SAQ veut avoir ses rosés pour le mois de février. C'est seulement quatre mois de fabrication du rosé, ce n'est pas beaucoup pour se préparer.

Donc, c'est toute cette logistique-là qu'il est assez difficile, pour des moyens et petits vignobles, de transiger avec la SAQ. On n'a pas les moyens non plus de faire une majoration de 145 %, c'est beaucoup trop cher. Alors, on ne peut pas se permettre ça, c'est impossible.

En épicerie, vous nous faites un projet de loi où est-ce qu'on ne parle pas de majoration. C'est sûr qu'on va avoir à négocier avec le détaillant, mais il reste une chose certaine, c'est que j'espère que ce n'est pas 145 %. Donc, ça nous rouvre une porte très grande, très grande pour grandir aussi puis peut-être y aller, à la SAQ, sur certains produits.

M. Leitão : Très bien, merci. Maintenant, il y a la question du transport, bon, la logistique mais la question du transport. Pour tirer profit pleinement de la capacité de vendre directement à l'épicerie, comment voyez-vous la réglementation autour du transport?

Mme Reason (Charlotte) : Le transport, c'est quand même pas mal vague à l'intérieur du projet de loi n° 88. Là, présentement, c'est interdit, O.K., alors on ne transporte pas, ça nous prend une façon de transmettre cette marchandise-là. Que ce soit nous ou que ce soit un transporteur, je ne sais pas en quoi le transporteur peut commettre des délits à transporter notre alcool, O.K.? Alors, on ne lui demande pas de le boire, on lui demande de le livrer. Donc, je ne comprends pas cette loi-là, que ça n'a pas été modifié avant, parce que, les restaurants, si on est conforme à la loi qui est là présentement, c'est que, le restaurant, il faut qu'il vienne acheter le vin chez nous. C'est difficile à vendre, ce procédé-là. Donc, on va être beaucoup plus alléchant pour le marché d'aller en épicerie nous autres mêmes, à livrer, à... Même pour les restaurants, j'espère que vous allez aussi niveler ça pour dire qu'on peut livrer, les restaurants.

Non, le transport, il faut que ce soit vraiment permis, là, par un transporteur. Je crois qu'il est passé ici des personnes qui ont parlé de la distribution de la SAQ, comment c'était bien fait. Il y a les distributeurs associés aussi, il peut y avoir un service de messagerie. Mais vous savez qu'une bonne partie des vignobles au Québec sont en région, alors c'est beaucoup aussi les épiceries qui sont à la proximité qui vont acheter nos produits, donc... Mais toutefois il faut prévoir, si ce n'est pas modifié avant 50 ans, au moins de le modifier là, que, si, le transport, vous ne voyez pas d'inconvénient, il soit permis.

M. Leitão : Merci beaucoup. Collègues...

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Sainte-Rose.

M. Habel : Oui, merci, Mme la Présidente. Premièrement, je vous remercie d'être venus à la commission pour nous faire valoir vos points de vue.

J'ai une première question. Dans votre rapport, dans votre mémoire, vous parlez de la limite du pourcentage du taux d'alcoolémie que vous souhaiteriez hausser à 20 % et même, idéalement, à 22,9 %. J'aimerais connaître un peu la quantité puis la proportion, part de marché de produits qui sont au-dessus de 16 %.

Mme Reason (Charlotte) : Question de technicalité comme ça, on va... Rémi.

M. Martel (Rémi) : On n'a pas les chiffres exacts en termes de taille par rapport aux membres. Ça, c'est de voir... Probablement que la... Déjà, la SAQ, ils doivent avoir une bonne idée, là, de la proportion de produits entre 16 % et 20 %. Il y a plusieurs artisans qui vont faire des vins fortifiés, donc c'est vraiment cette catégorie-là qui est visée lorsqu'on veut passer de 16 % à 20 %, là.

M. Habel : Parfait, merci. Un autre élément que vous mentionnez, c'est au niveau de l'étiquetage, vous souhaitez avoir l'aspect du cépage et du millésime. Beaucoup d'autres intervenants ont présenté cette demande aussi.

Vous expliquez qu'il y a un irritant par rapport à la double création d'une étiquette. Pouvez-vous élaborer sur la double création d'étiquette?

Mme Reason (Charlotte) : Oui, parce que, si vous demandez quand même... Le double étiquetage, de toute façon, ce serait un irritant pour tout le monde. Parce que, là, on a parlé de l'autocollant, ce serait difficile, et tout ça. Quand il restera seulement cet irritant-là, on va s'en occuper. C'est beaucoup plus vite, vendre des caisses, que de vendre deux bouteilles par deux bouteilles. Donc, c'est sûr que le double étiquetage est difficile pour nous autres pour une certaine façon, c'est que ça prend la machine pour les apposer, les deux étiquettes, parce qu'il faut qu'elles soient à la même hauteur, tout ça.

Donc, il va nous la falloir, la double étiquette, pour justement amener le code-barres que les détaillants vont avoir besoin, etc., donc, et puis la description de nos cépages, puis les douceurs que ça peut amener aussi dans la vie, dans l'accord mets et vin. Donc, c'est sûr que ça va nous le prendre, le double étiquetage. Mais qu'est-ce qu'on parle, dans notre mémoire, c'est qu'il y a un étiquetage différent en épicerie et un étiquetage différent chez nous, au vignoble. Alors, ça, ça va causer des irritants, parce que seulement pour faire les plaques en imprimerie c'est assez coûteux, et ce n'est vraiment pas facile à gérer. Pour un plus petit vignoble, c'est plus facile, mais, pour les moyens et les plus gros, avoir double étiquetage... Ah! on n'a pas amené le bon étiquetage, peu importe. Alors, oui, c'est un irritant.

Mais, s'il ne reste seulement que cet irritant-là, on va s'accoutumer. On veut faire de la business en épicerie.

M. Habel : Parfait, merci. Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

• (17 h 50) •

M. Martel (Rémi) : Bien, juste clarifier. Quand on parle de double étiquetage, présentement il y a une étiquette. Puis, avec le projet de loi comme il a été présenté, si on ne permet pas le millésime et les cépages, là, à ce moment-là, il y aurait création, là, en fait, d'une double étiquette, une avec millésime puis une sans millésime.

Le fait d'accepter le millésime et le cépage, ça ne causera pas de problème. À ce moment-là, ça va être la même étiquette.

M. Habel : Merci. Vous parlez du pourcentage des raisins utilisés qui proviennent du Québec, vous voulez que le consommateur distingue les vins qui sont 100 % issus des raisins du Québec et d'autres qui sont à 85 % et plus, d'avoir une distinction entre les deux. L'une de vos solutions, c'est de changer la réglementation pour que la désignation Produit du Québec ne s'applique qu'aux produits faits exclusivement à partir de raisins cultivés au Québec, et votre deuxième option est d'obliger les producteurs utilisant du raisin acheté à l'extérieur du Québec de spécifier sur l'étiquette le pourcentage des raisins. Est-ce que vous avez une préférence d'une option à l'autre ou vous trouvez que les deux sont adéquates?

Mme Reason (Charlotte) : Ma préférence, c'est 100 % Québec, c'est sûr. C'est ça, c'est notre mission.

Et je pense que, le consommateur aussi, on a le reflet du consommateur dans nos vignobles. C'est que lui, il fait la relation d'une vigne et d'une bouteille de vin. Alors, la première chose qu'il demande, quand on s'est serré la main, c'est : Le vignoble est où?, O.K., ils veulent voir l'espace, et tout ça, donc... Puis c'est tout fait à Québec, là? On a beau leur dire : C'est simplement la bouteille qui est faite en Chine, puis certains accessoires, oui, c'est tout fait à Québec, ah! ça, j'achète. Ça, c'est sûr.

À Noël, c'était la même chose, c'était le point d'entrée. Est-ce que c'est un produit 100 % Québec, là, vous n'avez pas mis rien dans... Non. Alors, c'était le point d'entrée pour la vente.

Donc, je pense qu'il est préférable d'y aller à 100 % Québec. Et je pense que vous travaillez pour le Québec, le gouvernement québécois. Ça va dans votre vision aussi, faire du 100 % Québec.

M. Habel : Actuellement, il y a certains vignobles qui sont à 85 %. Est-ce que vous pensez qu'on devrait leur donner un certain temps pour atteindre le 100 %, compte tenu que, par exemple, ça peut prendre quatre ou cinq ans à produire une première vigne?

Mme Reason (Charlotte) : Bon, je vais vous donner un exemple. La certification des vins, bien, les vins certifiés du Québec, ils ont commencé en 2009 de dire : Bien, on va donner un certain temps avant que tout le monde ait atteint le 100 %, alors ils ont mis ça deux ans après, trois ans après. Il a fallu qu'ils... Puis ils remontent toujours un petit peu.

C'est sûr que ce n'est pas facile. Quand on a une petite porte d'entrée, c'est facile de s'y glisser puis de dire : Bien, ouf! je vais faire encore une autre année, je vais demander encore une autre année. Il faut qu'on vienne à arriver pour un 100 % Québec, et ça presse, je pense. Et donner...

O.K., c'est sûr qu'il y a des mauvaises productions, alors, des mauvaises récoltes. Nous, on donne à notre organisation... dire : O.K., tu as une mauvaise récolte — et puis ça, c'est pris en considération dans les autres pays aussi — tu as une mauvaise récolte, ça n'a pas bien été, tu as été malade, O.K., on te donne deux chances, mais il faut que tu demandes l'autorisation. Puis on le sait, que, dans la région, Untel, il a eu des dégâts, n'importe, on est capables de comprendre, on va lui donner deux chances pour que ce soit autorisé. Mais après ça il n'en a plus, de chance, parce qu'on les connaît, maintenant, les problèmes, en viticulture québécoise, on a des bons spécialistes sur le terrain qui amènent des solutions, O.K.? Alors, il y en a qui s'exposent... Puis je peux vous dire qu'il y a des cas extrêmes qui vont dire : Bien, moi, j'aime mieux vinifier avec les raisins des l'Ontario. Ça m'arrive, c'est déjà tout pressé, je mets ça dans ma cuve de levure, et c'est parti. Mon vin québécois, je vais le vendre. Ça, c'est difficile à gober, tu sais, c'est... On se dit : Bien là, ce n'est pas la façon qu'on veut faire du vin au Québec, je pense.

La Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup. Alors, on va maintenant passer aux échanges avec le groupe formant l'opposition officielle, au député de Berthier, pour une période d'environ neuf minutes.

M. Villeneuve : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Merci pour votre mémoire drôlement étoffé.

Je vais vous lire... Parce que, dans le projet de loi... Puis je veux aller dans le même sens que le collègue de Sainte-Rose, au niveau de qu'est-ce qu'on retrouve dans la bouteille exactement. Présentement, on comprend que les vins certifiés, c'est 100 % Québec. Et là on parle de 85 %-15 %, ça pourrait être 90 %-10 %, peu importe, là. D'ailleurs, comme vous le savez, dans le projet de loi, on s'en tient, je pense, à ce qui est présentement permis. Et je vais juste le lire pour les gens qui nous écoutent aussi, qu'ils puissent suivre, là : «Dans ce contexte, la régie autorise qu'un titulaire de permis de production artisanale de vin puisse fabriquer son produit avec :

«a) au minimum 50 % de ses propres raisins, frais ou transformés;

«b) au maximum 15 % de raisins frais ou déjà transformés, de jus ou de moûts concentrés pouvant provenir de l'extérieur du Québec;

«c) le solde pouvant être constitué de produits d'un autre producteur agricole du Québec sous forme de raisins frais ou transformés.»

Tout est dans l'interprétation de cette règle-là, parce que, moi, de la façon dont je l'interprète, puis vous me corrigerez si je me trompe, ce serait sur le volume. Donc, je pourrais produire 100 litres — puis on va en ajouter un peu, on va dire 1 000 litres — 1 000 litres au volume, mais je pourrais très bien prendre une bouteille, ne prendre que du raisin et... m'approvisionner de 50 % ailleurs, en Ontario, exemple, pour doubler ma production, et je pourrais très bien retrouver dans une bouteille sur les tablettes où ce serait 100 % ontarien, mais ce serait marqué Produit du Québec. Est-ce que je me trompe si je pousse la limite à l'interprétation de ça?

Mme Reason (Charlotte) : Bien, si vous voyez qu'est-ce qui est appliqué en Ontario, sur le VQA, il n'y a pas à s'y méprendre, c'est 100 %, O.K., du raisin ontarien. Tout qu'est-ce qui est en dehors de ça, on appelle ça, en termes de métier... c'est du «blend», O.K., c'est du mélange, alors, à ce moment-là, c'est va être Produit du Canada. O.K.? Il y a beaucoup de termes puis... le «cellar blend» aussi, il y en a plusieurs.

Mais une chose est certaine : si on veut que ce soit un vin ontarien, là-bas, c'est 100 %, il n'y a pas de pourcentage... D'accord? Et ici ça amène de la confusion, les pourcentages, parce que c'est dit, dans la directive du 50 %, 50 % de sa production. S'il a fait une production de 1 000 livres, est-ce que c'est 1 000 livres qu'il a le droit d'acheter, de raisins québécois, quand on parle de 50 % de sa production?

M. Villeneuve : Restons au Québec. Est-ce que je peux aller aujourd'hui dans un vignoble acheter une bouteille de rosé, et que ce soit écrit Produit du Québec, et qu'il pourrait y avoir dans cette bouteille-là zéro raisin du Québec? Parce que la directive que je viens de vous lire ne parle pas de volume ou de bouteille. Est-ce que c'est possible que je puisse retrouver au Québec, dans un vignoble, une bouteille où c'est marqué Produit du Québec, mais que la bouteille contienne zéro raisin du Québec? Est-ce que c'est possible, selon vous? Selon l'interprétation que j'en fais, moi, ce serait possible.

M. Martel (Rémi) : Dépendamment du vigneron, s'il y a un vigneron qui décide de faire... c'est possible que vous retrouviez ça, mais ça veut dire que le vigneron... L'interprétation qu'on en voit, c'est que, le vignoble, 50 % de sa bouteille doit être de sa production, puis on a le maximum de 15 %. Donc, il reste le 50 %. Au maximum, par bouteille, il faut qu'il y ait un 15 % de l'extérieur pour pouvoir... Produit du Québec.

M. Villeneuve : Oui. Ne pensez-vous pas que cette directive-là devrait être plus précise pour qu'on s'assure, justement, que les Québécois achètent, lorsqu'ils achètent Produit du Québec... Parce que, là, on s'en va vers une libéralisation du marché au niveau des vins du Québec dans les épiceries, mais, quand je regarde cette directive-là, moi, comme consommateur, je me dis : Je ne suis pas sûr que ce que je vais acheter à l'épicerie va être... Même si c'est marqué dans la... Parce qu'on disait tantôt que les détaillants pourraient faire une petite section vins du Québec, mais je pourrais très bien me retrouver à acheter quelque chose qui a zéro raisin du Québec dedans, si je regarde cette... Alors, ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu d'apporter des précisions et de recadrer davantage, plus serrément, si je peux dire ça comme ça, la directive?

Mme Reason (Charlotte) : De beaucoup, O.K., le resserrement, de beaucoup.

M. Villeneuve : De beaucoup. Bon, d'accord.

M. Martel (Rémi) : En fait, c'est une question de contrôle, quel niveau de contrôle qu'on veut avoir, est-ce qu'il y a une question de bonne foi du vignoble qui est remise en doute ou pas.

Le vigneron qui part un vignoble monte son plan, il a un nombre de plants précis qui est vérifié par un agronome du MAPAQ lorsqu'il fait sa demande de permis de producteur artisanal. Donc, déjà, au niveau de la RACJ, on a l'information du nombre de plants que le vignoble a. Le vignoble va produire, donc le suivi de ses récoltes, combien il y a de kilos il récolte chaque année, le suivi des transformations, donc le raisin est transformé, et on va suivre les quantités de litres produits. Et, lors des embouteillages, on va suivre également le nombre de bouteilles produites.

Donc, sans vouloir diriger vers certification, le danger avec ça, c'est qu'une certification — on n'est pas contre les certifications — en fait, c'est un système de bonification de la bouteille. Les certifications, c'est principalement un système de bonification de la bouteille, donc on rajoute une valeur à la bouteille, puis il ne faut pas le voir un système de dévalorisation d'un produit qui n'est pas certifié. À quel niveau veut-on...

• (18 heures) •

M. Villeneuve : Vous savez, on a une seule chance de faire une bonne impression, paraît-il, c'est la première fois, et là on va ouvrir le marché et... Mais en tout cas je retiens que vous seriez tout à fait d'avis qu'on resserre cette directive-là pour protéger le consommateur et s'assurer, si les épiciers mettent des vins sur les étagères en disant «section Québec», qu'on se retrouve minimalement à savoir exactement ce qui est dans la bouteille, je retiens ça.

Puis je veux vous entendre sur... Parce que tantôt, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Hivon) : Je m'excuse, M. le député de Berthier, deux secondes. Puisque nous allons dépasser 18 heures, j'aimerais juste m'assurer que nous avons le consentement des députés. Merci. Désolée. On continue.

M. Villeneuve : Oui. Tantôt, vous disiez : Vivement qu'on arrive à 100 % du contenu de la bouteille, produit du Québec. C'est ce que vous avez dit tantôt, on pourra vérifier les galées, là. Et, par contre, quand je lis dans votre mémoire, à la page 7, vous dites... Parce que, les vins certifiés, c'est ça dont on parle. Alors, quand... Bien, en tout cas, moi, c'est ce que j'ai entendu, et vous me direz si je me trompe ou si les gens qui nous ont dit ça se trompent, mais vous dites : «Nous vous recommandons de ne pas vous laisser tenter de nous greffer d'une obligation que nos vins soient certifiés vins certifiés du Québec», et là vous rajoutez que «83 % des vignobles seront absents des tablettes de la SAQ». J'essaie juste de comprendre, là. Sans dire qu'il y a contradiction dans vos propos, là, j'essaie de comprendre.

Mme Reason (Charlotte) : O.K. Alors, au Québec, il y a 17 vignobles qui ont des produits certifiés vins du Québec, O.K., avec la certification, donc seulement 17 vignobles... 17 %, 21 vignobles. Donc, ça veut dire que le 83 % qui n'ont pas de vin certifié vin certifié du Québec, bien, si vous mettez dans la clause de la loi qu'il faut que le vin soit vin certifié du Québec, 83 % des vignobles que vous avez au Québec ne pourront pas être sur les tablettes de l'épicerie, si vous greffez cette condition-là. Parce que, dans le programme PAPAQ, la première année, il était dit que vous allez avoir 2 $ de plus la bouteille si vos vins sont certifiés à partir de telle date. C'était discriminatoire parce que, les vins certifiés du Québec,  ils ne l'ont pas demandé aux cidriculteurs, ils ne l'ont pas demandé aux autres boissons alcooliques ni aux autres produits qui se retrouvent sur les tablettes. Donc, c'est pour ça qu'on essaie de vous faire penser que, si vous greffez la condition vin certifié du Québec... Avec les méthodes de contrôle qu'on vous a suggérées, puis avec surtout l'approbation de la SAQ, qui va passer plusieurs heures à analyser nos vins, je pense qu'on va pouvoir arriver à quelque chose.

M. Villeneuve : ...aussi que le consommateur puisse s'y retrouver un jour, là, sinon...

Mme Reason (Charlotte) : Oui.

M. Villeneuve : Bien, écoutez, je vous remercie, je vous remercie. Moi, ce que je retiens, à tout le moins, de votre intervention, et là-dessus je trouve ça extraordinaire, moi, personnellement, c'est que l'ensemble des vignerons du Québec s'entendent pour dire que vivement qu'on arrive à un produit 100 % du Québec. Mais c'est fantastique! Et je pense que c'est un objectif qui est atteignable et qui est... je m'aperçois qu'il est même pratiquement unanime chez les producteurs de vin du Québec, alors c'est fantastique. Maintenant, il faut s'assurer que ce qu'on met en place va effectivement livrer la marchandise et ne pas flouer le consommateur dans diverses appellations différentes.

Alors, si vous voulez, il reste du temps, vous pouvez compléter avec un commentaire.

La Présidente (Mme Hivon) : Il ne reste malheureusement pas de temps, c'était une conclusion du député de Berthier.

M. Villeneuve : Bien, je vous remercie. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Hivon) : Et je vais maintenant passer au député de Granby pour les échanges avec le deuxième groupe d'opposition.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs dames, bonjour. Je sens un petit combat de chiffres entre vous et l'AVQ quand je commence à lire votre mémoire : Tu en as tant, j'en ai tant; ça, c'est vrai, pas vrai. Ma seule question, la première, très simple : Vous dites avoir 22 vignobles. Combien de bouteilles ces 22 vignobles mettent sur le marché dans une année? Savez-vous?

Mme Reason (Charlotte) : De nombre de bouteilles... Nous autres, les vignobles qui sont à l'intérieur, qui sont avec nous autres, ils n'ont pas tellement d'âge, O.K., c'est environ de six à huit ans, O.K., de vignoble, alors c'est relativement jeune. Plusieurs qui ont pris des envols, qui sont maintenant à 15 000 bouteilles, et ça continue à monter, parce qu'on commence avec 5 000, et puis ça monte.

Alors, je n'ai pas le nombre exact de bouteilles, là, qu'on peut produire, mais on peut quand même dire qu'il y en a pas mal à l'intérieur de notre groupe, comme le vignoble Garonne, Château Taillefer Lafon, des choses comme ça. Alors, c'est quand même du monde qui vendent pas mal de bouteilles.

Dans les 30 % qui restent, qui ne sont ni avec les VIQ ni avec l'AVQ, il y en a quand même des très gros qui sont là-dedans.

M. Bonnardel : Pour notre bénéfice, si vous êtes capables, au retour à la maison, là, de nous donner le chiffre... Ce serait bien que vous soyez capables de nous dire combien votre association produit en bouteilles.

Mme Reason (Charlotte) : Oui, on va essayer de vous obtenir... À l'intérieur du document du MDEIE, vous avez des données récentes que ça n'a jamais été sorti beaucoup à savoir qu'est-ce qui se vend à la SAQ, qu'est-ce qui se vend dans nos vignobles, O.K., et qu'est-ce qui se vend ailleurs, dans les événements spéciaux. Vous avez quand même une bonne proportion. Des chiffres qui datent de 2014, mais, quand même, c'est quand même quelque chose.

M. Bonnardel : O.K. Je n'ai pas le choix de revenir, moi non plus, sur ce que mon collègue vous a dit tantôt, dans votre mémoire à la page 7, là, de nous recommander de «ne pas vous laisser tenter de nous greffer d'une obligation» de vins certifiés du Québec. Vous dites, deux paragraphes plus bas : «L'IGP qui est présentée au CARTV n'est pas, à notre avis, une solution car elle n'est pas représentative de l'industrie du vin du Québec.» Moi...

Mme Reason (Charlotte) : ...

M. Bonnardel : Attendez. Juste avant, moi, j'ai relu le mémoire de l'Association des vignerons. Moi, dans ma tête, il faut que vous passiez à un niveau supérieur en termes de qualité, en termes de traçabilité, en termes de certification. Eux me disent... bien, pas «me disent», eux disent : Notre certification, là, on l'a déposée au MAPAQ, on souhaite qu'elle soit autorisée dans les prochains mois. Vous avez peut-être écouté... Je pense que c'étaient les premiers à passer. Donc, pour vous, ce vin certifié ou vin du Québec, ce n'est pas une solution, c'est ça?

M. Martel (Rémi) : Non. Ce qu'on dit : C'est bien, de certifier un vin, mais une certification, c'est une bonification. Donc, quand on parle d'un vin... Présentement, un vin d'un vignoble du Québec, un vin qui n'est pas certifié, est-ce que ça vient à dire que, ce vin-là, on ne peut plus marquer «Produit du Québec» dessus?

M. Bonnardel : Oui, mais...

Mme Reason (Charlotte) : Non, mais, au niveau...

M. Bonnardel : Attendez, attendez.

M. Martel (Rémi) : Puis... Excusez-moi.

M. Bonnardel : Moi, si je vais m'acheter un vin, produit du terroir, bien je pense que mon collègue l'a bien mentionné, si c'est marqué «vin du Québec», puis on a le principe du 85-15, là, puis qu'on en arrive un jour au 100 %, bien c'est parce que c'est parti de deux hectares, puis avec deux hectares je fais 18 000 bouteilles puis je n'en fais pas 40. Ça veut dire que mon produit, il est logiquement 100 % Québec, là, je n'ai pas nécessairement acheté du vin de l'extérieur du Québec pour faire semblant que c'était un produit vin du Québec.

Donc, je veux juste comprendre. Vous avez une association qui dit : Bien, nous autres, on souhaite que cette appellation soit adoptée, que les Québécois sachent que, si c'est un vin du Québec, c'est vraiment un vin du Québec. Puis, de l'autre côté, vous, vous dites : Bien, il faut s'attacher à ce que les Canadiens font, à ce que l'Ontario fait, mais à quelque part on ne sera jamais... Moi, je souhaite que le Québécois sache ce qu'il va boire. Puis, qu'il boive 100 % du Québec, tant mieux. Mais là vous, vous ne semblez pas d'accord avec ça. C'est ça?

Mme Reason (Charlotte) : Alors, on a parlé de l'IGP. On ne parle pas de la certification mais l'IGP. C'est une autre coche, O.K., où tu...

L'IGP, pourquoi qu'on n'est pas favorables pour l'instant? Parce que la carte a été dessinée. Et, quand on parle des fraises de l'île d'Orléans ou de...

M. Bonnardel : ...carte a été dessinée?

Mme Reason (Charlotte) : Oui, de l'IGP, O.K., c'est déjà dessiné. Alors, c'est sûr qu'il y a des régions qui sont omises dans l'IGP. Alors, il y a déjà des vignobles qui sont installés là et ils sont omis, présentement, parce qu'on a dessiné que...

Une IGP, c'est une identification géographique. La terre au Saguenay et la terre dans l'Estrie, je ne crois pas qu'elle a la même texture et la même richesse, et elle va porter des vins tout à fait différents. On a passé une IGP dans le vin de glace du Québec, et justement on a un membre qui, lui, il est dans le Saguenay. Son vin de glace, lui, vu qu'il est dans le Saguenay, c'est plus facile pour lui de faire du vin de glace parce qu'il peut cueillir à la fin de novembre, début de décembre, sans neige, mais il est exclu des vins de glace du Québec, il est obligé de l'appeler «vin d'hiver».

Donc, dans l'IGP qu'on est en train de dessiner, ça veut dire que l'Estrie est la même chose que dans le Saguenay, même chose que dans le Bas-du-Fleuve, donc ce n'est pas correct. Ça veut dire que, là, tous les petits vignobles qui sont en dehors de cette carte-là, il va falloir qu'ils ferment leurs portes, d'une certaine façon...

M. Bonnardel : Ça fait combien de vignobles, ça? Excusez...

Mme Reason (Charlotte) : ...parce qu'ils ne pourront pas appeler ça «vin du Québec».

M. Bonnardel : Ça fait combien de vignobles, ça, qui sont exclus de ce territoire? Le savez-vous?

Mme Reason (Charlotte) : C'est parce que, la carte, je vous l'aurais compté, parce que la carte, elle est pas mal vague, et je n'ai pas les noms des municipalités qui sont là. Mais il y a beaucoup de places qui sont omises. Donc, ça veut dire qu'on va...

La Présidente (Mme Hivon) : Il vous reste environ 20 secondes, juste pour...

Mme Reason (Charlotte) : O.K. On va exclure beaucoup de vignobles avec l'IGP formulée comme qu'elle est là présentement. On ne peut pas dire que les fraises de l'île d'Orléans, c'est les mêmes que les fraises du Richelieu.

La Présidente (Mme Hivon) : Merci. Merci beaucoup. Alors, cela met fin à nos échanges.

Mémoires déposés

Peut-être, juste avant de terminer, puisque nous sommes à la fin de nos auditions publiques — elles furent courtes dans mon cas, mais, pour vous, elles furent un peu plus longues — je dépose donc les mémoires des personnes et des organismes qui ont déposé mais qui n'ont pas fait leurs représentations ici, devant nous. Alors, sur ce, je vous remercie.

Je lève la séance de la commission, et, ayant accompli son mandat, nous levons la séance de manière sine die.

(Fin de la séance à 18 h 10)

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