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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 31 mai 2016 - Vol. 44 N° 109

Étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles dans les organismes publics


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Table des matières

Journal des débats

(Dix-neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte et bien sûr je demande à toutes les personnes dans la salle d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bonnardel (Granby) est remplacé par M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Bernier) : Merci. Alors, bonsoir à tous, bienvenue à la Commission des finances publiques. On aura l'occasion, au cours des prochaines séances, de travailler sur un projet de loi qui est fort important pour tous, donc vous allez être tous mis à contribution.

Remarques préliminaires

Mais, sans plus tarder, nous allons débuter par des remarques préliminaires. M. le ministre, la parole est à vous pour 20 minutes.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir, tout le monde, chers collègues des deux partis d'opposition, collègues du côté ministériel ainsi que les collègues du ministère, du Conseil du trésor ainsi que de notre cabinet. Alors, bonsoir, tout le monde.

Donc, l'objectif du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics, présenté le 2 décembre dernier, est de permettre à toute personne de rapporter des actes répréhensibles commis ou sur le point d'être commis au sein d'un organisme public tout en assurant la protection de ses divulgateurs. Une personne qui prend la décision de révéler des actes répréhensibles doit pouvoir bénéficier d'une protection contre toute mesure de représailles. Le projet de loi n° 87 répond donc à l'une des recommandations de la commission sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, la commission Charbonneau, à l'effet de ne pas laisser les divulgateurs à eux-mêmes. Le projet de loi offre des protections à la personne qui effectue une divulgation ou qui collabore à une vérification ou à une enquête et lui assure un accompagnement tout au long du processus. Les ministères et organismes, les universités, les sociétés d'État, les établissements de santé et les commissions scolaires ainsi que les collèges sont concernés par ce projet de loi.

Bref, toute personne, qu'elle soit membre du personnel d'un organisme public ou non, qui est témoin d'un acte répréhensible commis ou sur le point d'être commis pourra le signaler sans crainte de représailles. Le projet de loi a pour objectif de protéger ces personnes si elles signalent un acte répréhensible.

La définition de ce qu'est un acte répréhensible comprend une contravention à une loi, un manquement grave aux normes d'éthique et de déontologie, un usage abusif des fonds ou des biens d'un organisme public, un cas grave de mauvaise gestion au sein d'un organisme public, le fait de porter gravement atteinte ou de risquer de porter gravement atteinte à la santé ou à la sécurité d'une personne ou à l'environnement ainsi que le fait d'ordonner ou de conseiller à une personne de commettre un acte répréhensible. Ce projet de loi prévoit également qu'une personne pourra, dans certaines conditions, effectuer une divulgation publique si elle a des motifs raisonnables de croire qu'un acte répréhensible qui présente un risque grave pour la santé ou la sécurité d'une personne ou pour l'environnement est commis. Dans le cas d'une divulgation publique, les renseignements devront d'abord être transmis à un corps de police ou au Commissaire à la lutte contre la corruption. Ce projet de loi est inspiré des pratiques mises de l'avant dans plusieurs provinces canadiennes, au gouvernement fédéral et dans d'autres pays.

La responsabilité de recevoir et de traiter des divulgations provenant des employés et non-employés serait confiée au Protecteur du citoyen. Soulignons qu'en plus de détenir une expertise en matière d'enquête le Protecteur du citoyen jouit de l'indépendance et de la connaissance nécessaires de l'administration publique pour appliquer ces mesures. Le projet de loi prévoit aussi une autre voie de signalement pour les employés des organismes publics, qui pourront plutôt choisir de faire une divulgation au sein de l'organisme. Ainsi, la plus haute autorité administrative de chaque organisme public devrait établir une procédure facilitant la divulgation, par les employés, d'actes répréhensibles et désigner une personne responsable du suivi des divulgations. Le projet de loi prévoit le transfert du dossier au Commissaire à la lutte contre la corruption ou à un corps de police dès que le Protecteur du citoyen ou le responsable interne du suivi des divulgations soupçonne une dénonciation relevant de leurs champs de compétence.

• (19 h 40) •

Ce projet de loi interdit toutes représailles à l'encontre d'une personne qui fait une divulgation ou collabore à une vérification ou une enquête menée à la suite d'une divulgation. Il propose de modifier la Loi sur les normes du travail afin de prévoir un mécanisme de protection pour les salariés à l'origine d'une divulgation ou qui collaborent à une vérification ou à une enquête. Le pouvoir de traiter ultimement des plaintes à l'encontre des mesures de représailles serait accordé au Tribunal administratif du travail.

À la suite des consultations particulières menées en février dernier, des propositions d'amendement important ont été déposées à l'Assemblée nationale au cours des derniers jours. J'en profite d'ailleurs, M. le Président, pour redéposer aujourd'hui l'ensemble de ces propositions d'amendement. Par rapport à la version déposée précédemment, je tiens d'ailleurs à préciser que l'amendement de l'article 12 et l'amendement de l'article 40.1 ont fait l'objet d'une correction de forme. Ces amendements visent à bonifier le projet de loi en répondant en grande partie aux recommandations formulées par l'ensemble des groupes qui se sont exprimés lors des consultations. Ces modifications proposent d'élargir le champ d'application du projet de loi aux établissements de santé privés conventionnés et aux centres de la petite enfance, aux garderies bénéficiant de places subventionnées ainsi qu'aux bureaux coordonnateurs en milieu familial, visés par la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance. Des modifications à cette loi sont proposées afin de préciser la manière dont une divulgation visant un service de garde pourra s'effectuer auprès du ministère... de ministre, pardon, de la Famille et afin de lui conférer la possibilité de faire enquête à la suite d'une divulgation. Le gouvernement compte également élargir la portée de la notion d'actes répréhensibles. Il est proposé que les actes répréhensibles visés soient ceux commis ou sur le point de l'être à l'égard d'un organisme public et non seulement au sein d'un organisme.

Par ces amendements, il est proposé d'octroyer des pouvoirs additionnels au Protecteur du citoyen afin de lui permettre de remplir pleinement son mandat. Entre autres, il pourra initier des enquêtes et proposer des réformes législatives ou administratives. Il aura également le mandat de recevoir des plaintes de représailles non liées à l'emploi qui pourront lui être soumises par une personne ayant effectué une divulgation. Il est également suggéré par les amendements qui ont été déposés qu'un service de consultation juridique soit offert par le Protecteur du citoyen aux personnes qui souhaitent effectuer ou qui effectuent une divulgation. De plus, des suivis plus importants seront mis en place auprès du divulgateur afin qu'il soit informé du cheminement de sa démarche. L'immunité offerte aux responsables du suivi des divulgations sera renforcée. Enfin, une reddition de comptes annuelle sera demandée aux organismes visés par le projet de loi.

Par ailleurs, il est important de mentionner que le gouvernement a amorcé des démarches similaires à l'égard du secteur municipal. C'est mon collègue Martin Coiteux, le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire et ministre de la Sécurité publique, qui en a la responsabilité. Ceci permettra également de répondre aux situations de collusion et de corruption qui ont été mises au jour par la commission Charbonneau.

Ce projet de loi de même que les amendements déposés le 19 mai dernier démontrent la volonté du gouvernement de rétablir la confiance des citoyens envers leurs institutions. Je dois d'ailleurs vous souligner que nous avons eu des discussions avec le Protecteur du citoyen dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi.

Je suis donc disponible pour débuter les travaux et répondre aux questions de mes collègues de l'Assemblée nationale. Je vous remercie à l'avance pour votre esprit de collaboration habituel. Et j'aimerais aussi vous mentionner les personnes qui m'accompagnent : M. Dominic Cormier, de mon cabinet, et Me Natacha Lavoie, du Conseil du trésor.

Le Président (M. Bernier) : ...de vous revoir, Me Natacha Lavoie.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Bernier) : C'est beau?

M. Leitão : Voilà. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Donc, nous allons passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Pardon?

Le Président (M. Bernier) : Vos remarques préliminaires.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Oui. Avec plaisir, M. le Président. Alors, bonjour, M. le ministre, et toute votre équipe, et les autres formations politiques.

Évidemment, on a, dans ce projet de loi là, qui est quand même un projet de loi qui était attendu... je dois dire que nous avons accepté le principe, évidemment, parce que je pense que ça fait suite à la commission Charbonneau, d'une part, et c'est un projet de loi qui, autant qu'il est attendu... autant aussi qu'il est questionnable, et l'étude détaillée va nous permettre d'avoir davantage de précisions à différents endroits, à différents chapitres où on a beaucoup d'interrogations, et j'espère que le ministre va pouvoir répondre à ces interrogations-là.

Dans un premier temps, c'est évident que la commission Charbonneau a clairement dit : «La commission reconnaît le rôle fondamental qu'ont joué les lanceurs d'alerte dans la réalisation de son mandat. Les travaux réalisés ont aussi mis en lumière le fait qu'il existe plusieurs difficultés liées à la dénonciation et que peu de personnes signalent les actes répréhensibles qu'elles constatent, ce qui explique en partie l'ampleur et la durée des stratagèmes mis à jour. [...]Certains lanceurs d'alerte ont affirmé devant la commission qu'ils avaient subi des représailles pour avoir signalé les actes répréhensibles dont ils avaient été témoins.»

Alors, c'est sûr, M. le Président, qu'on va avoir des questions à ce niveau-là. Je me réfère, au niveau de la commission Charbonneau, aussi à l'expérience qu'elle disait : «L'expérience nationale et la littérature étrangère le confirment, lorsqu'ils ne sont pas suffisamment protégés, les lanceurs d'alerte sont souvent victimes de représailles — perte d'emploi, stagnation professionnelle, rétrogradation, harcèlement, menaces, poursuites judiciaires, etc. Plus les actes dénoncés sont graves, plus les lanceurs d'alerte sont vulnérables aux représailles. Le signalement d'actes répréhensibles est par ailleurs rarement valorisé et les lanceurs d'alerte, souvent mal perçus par leurs pairs.» Alors, c'est sûr qu'on va s'assurer que, dans le projet de loi, on puisse répondre à ces interrogations-là, que la commission Charbonneau a apportées, et particulièrement la recommandation 8, qui est «mieux soutenir et protéger les lanceurs d'alerte». Donc, c'était la volonté du ministre de s'assurer de protéger nos lanceurs d'alerte. Et l'expérience internationale tend, en effet, à montrer que, lorsqu'ils ne sont pas suffisamment protégés, les lanceurs d'alerte sont davantage victimes de représailles. Alors, je les ai nommées tout à l'heure, quelles sont-elles.

Alors, on aura beaucoup de questions à poser à ce niveau-là, de même qu'il y a beaucoup de lois qui sont, je pense, touchées par le projet de loi, que ce soient : la Loi sur la fonction publique, d'une part — il y a quand même des fondements qui sont importants dans la Loi de la fonction publique; la loi sur la protection du citoyen, parce que le Protecteur du citoyen y joue un grand rôle; la Loi sur les normes du travail; la Loi sur les services de garde; la loi sur la corruption. Alors, c'est différentes lois où j'imagine qu'on va avoir certaines questions pour faire les liens et les fondements de chacun d'entre eux par rapport au projet de loi qu'on a devant nous.

J'ai beaucoup lu, M. le Président, par rapport à la littérature aussi, de tout ce qui est la prise de parole du salarié, son devoir de loyauté tout en ayant la liberté d'expression et l'intérêt public derrière tout ça. Alors, c'est toujours des grandes questions. J'imagine que l'équipe autour du ministre a eu le temps d'aussi approfondir ces questions-là. Je sais que le ministre, c'est le ministre des Finances, ce n'est pas nécessairement le président du Conseil du trésor, mais qu'il l'est maintenant. Alors, c'est sûr que c'est quand même particulièrement au Trésor. Encore là, on s'est questionné pourquoi c'est le Trésor, parce que le simple fait que ce soit le président du Conseil du trésor qui soit l'instigateur du projet de loi sur la protection des lanceurs d'alerte est sujet à des questionnements parce que la Loi sur la fonction publique est essentiellement basée sur la promotion d'un devoir de loyauté qui, plus souvent qu'autrement, entre en contradiction directe avec le principe de l'intérêt public et de la liberté d'expression.

Les valeurs de la fonction publique sont basées sur la compétence, l'intégrité, l'impartialité, la loyauté et le respect. La loyauté envers l'État favorise-t-elle la divulgation d'informations? Il va falloir répondre à cette question-là. Comment les tribunaux ont-ils, jusqu'à maintenant, interprété ce devoir de loyauté des employés du secteur public? Et, en même temps, on veut les protéger pour s'assurer que les lanceurs d'alerte aient aussi toute la protection nécessaire.

Alors, je dois dire aussi, M. le Président, qu'on s'est interrogés, l'équipe, aussi par rapport à tout l'éparpillement possible, parce que ce projet de loi là touche directement les organismes publics, mais on se pose des questions sur le reste, sur les municipalités, sur le secteur privé. Le citoyen ou le travailleur dans un secteur privé, dans une entreprise privée, lui, n'est pas protégé nécessairement de la même façon, là, alors il n'est pas présentement avec le projet de loi. Pourquoi que le gouvernement s'est restreint simplement aux organismes publics? Alors, je vais vouloir que le ministre me réponde à ce niveau-là. Est-ce qu'un travailleur qui est dans une entreprise privée va pouvoir lui aussi dénoncer, va être aussi protégé que celui qui va être dans la fonction publique? Des questions que je vais demander au ministre de me répondre. Et on a sur la table que peut-être il va y avoir un autre type de projet de loi sur l'Autorité des marchés financiers. Est-ce qu'il va y en avoir sur les municipalités? Alors, on s'éparpille partout.

Là, on a vu ce qui s'est passé un peu au ministère du Transport, M. le Président. Il y avait l'inspecteur général. Là, on parle, dans le projet de loi, des responsables de suivi de divulgations. Alors, il y a un responsable de suivi de divulgations, il va y avoir un inspecteur général, un vérificateur général, un protecteur du citoyen, on peut aller à l'UPAC, on va partout, là. Et là on voit dans le projet de loi qu'il y a le ministère de la Famille aussi qui va avoir son propre cadre.

Alors, il y a des questions à se poser. Est-ce qu'on est un peu partout puis qu'il n'y a pas vraiment de loi-cadre qui va encadrer tout ce qui touche les lanceurs d'alerte, d'une part? C'est questionnable. Est-ce que les gens, ça va tout se juxtaposer ou ça va se contredire? Il me semble qu'il manque un cadre de l'ensemble de la situation, et la commission Charbonneau, lorsqu'elle l'a mis sur la table dans ses recommandations... Je crois qu'on ne peut pas y aller à la pièce puis pièce par pièce. Alors là, je sens qu'on est plus vers la pièce. Alors, par rapport au ministère de la Famille, il y a toutes sortes d'interrogations. J'ai entendu mon collègue, à un moment donné, en rencontre... collègue de La Peltrie, qui aussi s'interrogeait, alors il aura l'occasion de l'exprimer. Alors, pourquoi tous ces ajustements qu'on a à faire au ministère de la Famille? On va avoir des questions à poser aussi à ce niveau-là. Alors, j'ai lancé beaucoup de choses.

En terminant, je ne sais pas si le ministre va être capable de nous dire aussi il s'est inspiré d'où dans les législations internationales, d'une part. On voit que la France présentement est en train de revoir cette situation-là pour en avoir une grande, loi-cadre. Ce n'est pas ce qu'on fait ici présentement aujourd'hui. Alors, si le ministre ne répond pas trop à nos questions, bien, on va s'interroger encore plus. Alors, je veux m'assurer qu'il y a un principe et il est inspiré par quoi pour faire le projet de loi, pas juste nécessairement pour patcher quelque chose ou pour s'assurer qu'on a répondu aux lanceurs d'alerte pour essayer de les protéger le mieux possible ou plus ou moins. Alors, c'est évidemment dans cette eau-là, M. le Président, qu'on va aller.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Bernier) : Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. M. le député de La Peltrie, porte-parole de la deuxième opposition, la parole est à vous.

M. Éric Caire

M. Caire : Pour combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bernier) : 20 minutes.

M. Caire : 20 minutes. Merci, M. le Président. Bien, à mon tour, d'abord, de saluer le ministre, les gens qui l'accompagnent, les députés ministériels, ma collègue de l'opposition officielle et ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. le Président, on a eu l'occasion de dire de ce projet de loi qu'il était un pas dans la bonne direction, et je profiterai de l'occasion qui m'est faite pour saluer la contribution de mon ex-collègue Jacques Duchesneau, qui a été précurseur en déposant un tel projet de loi alors qu'il siégeait ici à titre de député de Saint-Jérôme, puis une préoccupation, à la coalition, qui existe depuis, donc, plusieurs années, à savoir protéger les lanceurs d'alerte. La question qu'on doit se poser, c'est : Pourquoi est-ce que c'est nécessaire de protéger les lanceurs d'alerte, M. le Président? Parce qu'on a eu l'occasion de s'en rendre compte dans un passé pas si lointain, à quel point ceux qui savent, malheureusement, ne parlent pas et ceux qui parlent ne savent pas, et il faut faire en sorte, M. le Président, avec un tel projet de loi que ceux qui savent puissent parler. Il en va de l'intérêt public, il en va de l'intérêt des deniers publics, et c'est notre devoir de mettre sur la table et d'adopter un tel projet de loi. M. le Président, on ne sera pas évidemment la seule législature à faire ça, je dirais même qu'il était à peu près temps que le Québec se penche sur cette question-là compte tenu de tous les événements, et ma consoeur de l'opposition officielle y a fait référence, notamment la commission Charbonneau et d'autres commissions, le rapport Duchesneau, qui était là avant. On pourrait remonter comme ça assez loin pour se rendre compte qu'au Québec on a besoin d'un projet de loi qui va protéger les gens qui vont dénoncer des situations irrégulières.

M. le Président, sur le projet de loi à proprement parler, j'ai dit et je le pense, c'est un pas dans la bonne direction, mais c'est un projet de loi qui est hautement perfectible. D'ailleurs, j'en veux pour preuve... il y a quand même une quantité intéressante d'amendements, ce qui dénote quand même une volonté de la part du ministre, là, d'être à l'écoute puis de modifier le projet de loi.

Ceci étant dit, comme ma collègue de l'opposition officielle, j'aurai évidemment certaines préoccupations, surtout certaines recommandations, parce que, si le projet de loi est un pas dans la bonne direction, je pense qu'il reste encore, dans sa forme actuelle... et évidemment je fais abstraction des amendements pour l'instant, parce qu'on en discutera et on verra quels sont ceux qui seront adoptés, ou non adoptés, ou modifiés, mais, dans sa forme actuelle, le projet de loi faillit à la tâche dans plusieurs secteurs qui sont quand même névralgiques.

Bon, on l'a mentionné, M. le Président, et ceux qui sont venus nous parler l'ont mentionné, je pense que l'élément le plus évident, c'est le secteur municipal, et, même dans les amendements, je n'ai pas retrouvé cette préoccupation-là, qui pourtant a été soulignée par plusieurs acteurs qui sont venus nous parler du projet de loi, que le secteur municipal n'était pas couvert. Bon, j'ai entendu la partie ministérielle dire : Bon, étant donné les législations déjà en cours au Québec, il serait préférable de passer par une législation particulière. Je serais heureux d'entendre le ministre là-dessus, mais moi aussi, je m'interroge, là, sur la pertinence de faire plusieurs projets de loi et d'avoir plusieurs instances qui vont toutes avoir le même but, c'est-à-dire s'assurer qu'on est capables de dénoncer des situations irrégulières, répréhensibles et avoir un processus qui va être, d'une part, confidentiel et, d'autre part, simple aussi. Je veux dire, il ne faut pas non plus que ça devienne les 12 travaux d'Astérix, là, M. le Président, que de dénoncer des situations répréhensibles, parce qu'on ne sait pas est-ce qu'on s'adresse à l'inspection générale, est-ce qu'on s'adresse au Protecteur du citoyen et est-ce qu'on s'adresse à l'entité interne, est-ce qu'il y a une instance pour les municipalités, une instance pour les fonctionnaires.

Alors, vous savez, M. le Président, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et je pense que la multiplication des paliers ou des entités responsables de gérer les sonneurs d'alerte n'est peut-être pas la façon optimale d'agir.

Je constate aussi, M. le Président, qu'on fait une distinction dans ce que sont des deniers publics. Alors, le projet de loi, tel que prévu, va protéger un sonneur d'alerte dans sa forme actuelle lorsque le fait reproché se produit à l'intérieur de la fonction publique... ou à l'intérieur de l'appareil public, je devrais le dire comme ça. Avec les amendements, on dit : Bon, bien, maintenant, on va étendre ça à l'égard de. Donc, on comprend qu'une entité privée... et ça aussi, M. le Président, ça avait été amené par les intervenants en commission parlementaire, qu'on ne visait pas le secteur privé, c'est-à-dire que le secteur privé, lorsque des deniers publics interviennent, n'était pas visé. Là, avec les modifications qui sont proposées, ce sera le cas mais dans certains paramètres très précis. Et j'ai eu cet échange-là, lors du briefing technique, où on a fini par comprendre que tout ce qui touche le secteur des crédits d'impôt ne serait pas protégé par la loi. Donc, si vous êtes dans un contexte contractuel ou de subvention, vous êtes protégés. Si vous êtes dans un contexte où les deniers publics sont obtenus par des crédits d'impôt, vous n'êtes pas protégés.

Donc là, il y a des subtilités, dans le projet de loi, M. le Président, que je ne comprends pas, puis j'aurai l'occasion d'en discuter avec le ministre, là, puis je suis convaincu qu'on pourra trouver une façon de s'assurer que les deniers publics, quelle qu'en soit la provenance ou la distribution, pourront être protégés par les sonneurs d'alerte, M. le Président. Il m'apparaît que c'est fondamental.

Je disais, M. le Président : On n'a pas ajouté le volet municipal, ce qui m'interpelle de façon très particulière, parce qu'au Québec, dans les dernières années, je pense qu'on a eu suffisamment d'exemples où le monde municipal avait aussi besoin de ce type de projet de loi là, et, encore une fois, M. le Président, je pense qu'on aurait eu tout intérêt, à la commission, à adresser ce problème-là immédiatement, de la même façon qu'on le fait pour l'appareil public provincial. Je pense qu'on a eu suffisamment d'exemples, et les conséquences de ces exemples-là sont les mêmes, hein? C'est le contribuable, c'est le citoyen qui est lésé dans les situations qui ont été mises au jour, et peut-être qu'avec une protection adéquate des sonneurs d'alerte ces situations-là auraient été dénoncées bien avant, peut-être que le dommage aurait été moins important. On peut le présumer. On ne peut pas le démontrer, mais on peut le présumer.

Et donc, M. le Président, de passer à côté d'un volet aussi important m'apparaît qu'on manque une occasion de se doter d'un outil complet. Et, bon, dépendamment des circonstances, je ne suis pas nécessairement un adepte de la théorie des petits pas, M. le Président, comme je l'ai dit, oui, c'est un pas dans la bonne direction, mais l'occasion, elle est là, pourquoi ne pas la saisir? Et je suis convaincu, M. le Président, qu'on serait capables de trouver une réponse législative au problème législatif que ça peut poser.

• (20 heures) •

Autre chose, j'ai vu dans les amendements qu'on avait ajouté tout le volet pour le ministère de la Famille, donc les services de garde. Encore là, je pense qu'on a soulevé plus de questions qu'on a apporté de réponses parce qu'on voit des pouvoirs au ministre qu'on ne voit pas ailleurs, on voit des situations qui sont traitées de façon différente dépendamment si ça touche les services de garde ou l'administration publique et, encore là, M. le Président, je pense qu'il est légitime pour les parlementaires de se demander pourquoi il y a cette espèce de façon différente... je vais le dire comme ça, parce que l'objectif, c'est vraiment de poser la question. Il y a des façons différentes de traiter un problème qui, en apparence, est assez similaire. Donc, M. le Président, je pense que ça va être important que le ministre soit à l'écoute, parce que, si... oui, le projet de loi est un pas dans la bonne direction, si les amendements témoignent d'une volonté d'écoute de la part du ministre, je pense qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, je pense qu'il y a des amendements qui soulèvent des questions qui sont légitimes et, du côté de l'opposition, M. le Président, je veux assurer le ministre de notre entière collaboration.

Je ne veux pas qu'il y ait de doute dans son esprit, notre objectif est de bonifier le projet de loi. Nous sommes devant une occasion en or de doter l'administration publique, l'appareil public, autant provincial que municipal, en tout cas, selon ce que moi, je pense, d'un outil important qui va assurer les citoyens qu'à partir de maintenant ceux qui savent ont la possibilité de parler et de dénoncer et qu'on n'est pas dans cette espèce de chasse aux fantômes, M. le Président, où on a toujours l'impression que, quand on... surtout du côté de l'opposition, je devrais dire, là, quand on pose des questions, on a de la difficulté à avoir des réponses parce qu'encore une fois ceux qui savent ne parlent pas.

Donc, M. le Président, je conclurai en disant que nous abordons le projet de loi dans un esprit de collaboration. Notre objectif est que, ce rendez-vous-là, on ne le rate pas, on fasse en sorte de doter le Québec d'un outil qui fera école, qui pourrait même être un exemple, mais je pense qu'il y a encore, avant d'en arriver là, du chemin à parcourir et j'espère que le ministre va être ouvert aux suggestions qui lui seront faites, parce que le projet de loi, il est perfectible et nous entendons le perfectionner. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : Merci de vos propos. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la parole est à vous.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, tout le monde. Heureuse d'être là pour débuter avec vous tous et toutes ce travail, qui m'apparaît quand même une grande responsabilité envers nos concitoyens.

On a parlé, certes, de la commission Charbonneau, on a parlé du rapport Duchesneau. En fait, quand on retourne dans l'histoire du Québec, c'est arrivé de façon assez régulière où nous avons eu, comme concitoyens, concitoyennes, la démonstration que parfois il faut encadrer pour mieux protéger, et je pense que, dans le cas des lanceurs d'alerte, la commission Charbonneau est venue nous rappeler que, et je cite, «la collusion et la corruption sont des actes commis secrètement», il est donc difficile de les détecter sans un signalement. Alors, c'est pour ça, M. le Président, que nous sommes rendus à ce moment, dont je suis très heureuse, ce moment où nous voulons collectivement envoyer un message à nos concitoyens. C'est pour nous, parlementaires. Nous avons appris de la commission Charbonneau et nous souhaitons faire en sorte que les gens qui voient, hein, qui détectent des choses puissent être protégés lorsqu'ils le signalent.

Alors, dans ce sens-là, nous sommes... et j'avais d'ailleurs moi-même déposé un projet de loi à l'automne dernier pour rappeler que, comme parlementaires, nous avions une responsabilité face à l'intérêt de notre bien commun mais aussi face à la protection de ces gens qui prennent des risques énormes. Je pense que, durant que nous avons fait... pas l'étude détaillée, mais les audiences, on a entendu l'importance d'avoir cette protection pour les gens qui assument cette responsabilité citoyenne de sonner l'alarme lorsque l'inacceptable arrive.

Qu'est-ce que nous disait exactement la recommandation n° 8 du rapport Charbonneau? Et je vous en lis un extrait, de cette recommandation, parce que, dans le fond, globalement, la recommandation nous priait, si je peux dire, de répondre aux prises de conscience que nous avons faites durant la commission Charbonneau, de répondre par un régime global de protection des divulgateurs. Et, ce qu'elle disait, je vous le cite : «...le champ d'application des lois de nature générale est plus large et la réglementation qui en découle s'applique à la fois au secteur public et au secteur privé. De même, "[les] faits pouvant être signalés ne se limitent pas à un seul domaine comme la corruption, mais s'appliquent à une large gamme de conduites : la violation de toute loi, celle des normes déontologiques codifiées, des règles ou directives administratives édictées pour la mobilisation et la gestion des facteurs de production, voire la dérogation aux ‘bonnes pratiques' recommandées".»

Alors, ce pourquoi je prends la peine de relire cette commission Charbonneau, c'est qu'on a un rendez-vous historique qui nous attend dans les prochaines heures, et je suis contente parce que les prédécesseurs de notre ministre actuel qui ont soit déposé le projet de loi ou assisté comme nous aux audiences ont compris, je crois, l'importance du geste que nous sommes en train de poser. Et, dans ce sens-là, je peux assurer le ministre que nous allons contribuer comme de bons élèves, de façon très studieuse, parce qu'on se sent une grande responsabilité, M. le Président, pour réconforter, pour, en fait, redonner confiance à nos concitoyens et concitoyennes sur ce que j'appellerais globalement l'appareil public, ou la signature de contrats, ou l'application des lois dans son ensemble.

Mes collègues ont déjà soulevé un certain nombre d'éléments. Je dis d'entrée de jeu, et ça va mettre la table, je dirais, pour la suite des choses : Le projet de loi place de bons éléments. D'entrée de jeu, vous comprendrez que, malgré l'ajout, par les amendements, du secteur privé, avec lequel le secteur public a des liens, où les deniers publics ont des liens, la Protectrice du citoyen... pardon, la commission Charbonneau est venue nous dire de l'importance de couvrir l'ensemble du secteur privé. Alors, moi, ce que je comprends de ça, c'est : plus on va faire simple... et là-dessus je rejoins totalement mes deux collègues d'opposition, plus on va faire simple sur les procédés, sur les processus, sur la garantie de protection des divulgateurs, plus on va faire simple, plus on se donne collectivement la chance que les gens aient envie de dénoncer. Plus on va compliquer, je pense que plus les gens vont prendre un pas de recul puis se dire : Hi! Déjà, ça a l'air... je suis-tu au bon niveau? C'est-u le municipal, c'est-u le provincial, c'est-u le privé ou ce n'est pas le privé? Une garderie privée, je suis-tu dedans ou je ne suis pas dedans? Ah! elle est subventionnée. Plus c'est compliqué, M. le Président, et je pense que c'est ça que nous enseigne la littérature internationale, plus c'est compliqué, plus les gens vont être rébarbatifs à dénoncer. Et, nous, là, ce qu'on veut, là, au contraire, c'est l'inverse, pas des dénonciations frivoles.

• (20 h 10) •

Le projet de loi le dit, hein, la Protectrice du citoyen a un pouvoir d'enquête et un pouvoir de faire l'analyse et elle déterminera en cours de route si, oui ou non, ça s'applique, si ça doit être dirigé vers l'UPAC, si au contraire... et là, si on lui donnait tous les moyens, elle pourrait jouer ce rôle de chef d'orchestre, qui fait que c'est simple. Tu penses, comme citoyen et citoyenne, que tu es témoin de quelque chose, tu n'as pas déjà à comprendre à quel niveau tu dois intervenir, tu interviens auprès de la Protectrice du citoyen, qui, elle, te guide par la suite, après avoir pris acte de ce que tu lui as raconté. Ce que je crains, en excluant une partie du privé, ce que je crains, en excluant le monde municipal ou, à tout le moins, en devant passer par un autre mécanisme du monde municipal, c'est que cette complexité va décourager les gens parce que — rappelez-vous ce que les gens sont venus nous dire en commission parlementaire — ils ont peur, et ça, la peur, là, ça se... on peut prévenir, je pense, en grande partie lorsque le mécanisme de protection est simple, limpide, et faisons confiance à la Protectrice du citoyen pour guider les gens là où ils en auraient besoin.

Donc, la question du privé, l'absence du municipal nous questionnent mais dans cette perspective de la simplicité. J'entendais ma collègue de l'opposition officielle parler peut-être de quelque chose comme d'une loi-cadre, mais moi, j'ai l'impression que c'est ça qu'on a là-dedans, là. C'est la protection... en fait, c'est la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles, j'imagine, qu'on va adopter, envers les organismes publics, alors je le voudrais plus large, mais il m'apparaît que c'est ici qu'on devrait avoir cette loi qui structure l'ensemble des chemins à suivre pour les divulgateurs.

Une autre dimension qui, pour nous... on aura l'opportunité d'en discuter avec le ministre, c'est toute la question des divulgations publiques et de la protection des sources journalistiques. Alors, le prédécesseur du ministre souvent a posé beaucoup de questions sur cette dimension de la divulgation publique. Nous, dans ma formation, on est convaincus que plus on facilite les divulgations, plus on fait confiance soit aux mécanismes internes, puisque le ministre est revenu avec l'idée des mécanismes internes, alors que j'avais l'impression qu'on avait peut-être réussi à démontrer que c'était trop compliqué, ça rajoutait une couche de complications, de faire en sorte que : Ah! O.K., si je veux le divulguer aux journaux, il faut avant ça que je m'adresse à la protectrice, aux policiers aussi... Plus c'est compliqué, M. le Président, moins les gens vont être enclins à faire ce qu'ils ont à faire. Moi, j'ai confiance, hein? Être journaliste, c'est un métier. Les sources journalistiques, c'est précieux. On en a encore quelques exemples dans l'espace public, comment c'est important de protéger ces sources-là, et je crains que certains articles ou un article en particulier viennent fragiliser cette dimension-là.

Et finalement, bien sûr, toute la question de l'article 4, où l'interdiction de questionner les choix politiques... J'entendais le prédécesseur au ministre revenir constamment sur cette dimension-là. Je pense que, quand la commission Charbonneau nous dit que c'est important de permettre que la loi s'applique à une large gamme de conduites, y compris celles qui rentrent en conflit avec des normes déontologiques codifiées... Je crois qu'on a eu des infirmières, des travailleuses sociales qui sont venues nous expliquer comment, avec leur devoir de réserve, avec leurs codes de profession, elles se trouvaient coincées et qu'elles auraient aimé se sentir protégées de pouvoir aller voir la Protectrice du citoyen et de pouvoir dire : Je pense qu'ici il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Alors, bien sûr, vous voyez, nous allons y aller avec sérieux, pas question de faire obstruction.

Mais, ceci étant dit, puisque l'étude détaillée... pas l'étude détaillée, pardon, puisque les audiences se sont faites il y a déjà plusieurs mois de ça et puisqu'un de nos prédécesseurs, ici même, avait déjà contribué à nous aider à comprendre la complexité de ce que c'est, être un lanceur d'alerte, je vous annonce, M. le Président, qu'avant de commencer l'étude détaillée je vais donc déposer une motion selon l'article 244, parce que je pense qu'il y a un interlocuteur que, comme parlementaire, à cause de son expérience... bien, je vous l'expliquerai rendue là.

Alors, bref, mais ceci étant dit, nous serons là, nous prenons ça au sérieux et, puisque, pour écrire notre propre projet de loi, on a dû étudier la question en long et en large, on sera sérieux dans ce débat-là.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Avant de passer à la proposition de motion préliminaire, est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Non.

Donc, je vais suspendre, parce que vous devez me déposer par écrit votre motion préliminaire pour que nous puissions analyser sa recevabilité. Je suspends.

(Suspension de la séance à 20 h 16)

(Reprise à 20 h 19)

Le Président (M. Bernier) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, comme nous avons une motion préliminaire de la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, Mme la députée, si vous voulez présenter votre motion, par la suite j'expliquerai les règles.

Motion proposant d'entendre M. Jacques Duchesneau

Mme Massé : Bien sûr. Alors, je vais la lire. Donc : «Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics, des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, M. Jacques Duchesneau.»

• (20 h 20) •

Le Président (M. Bernier) : Merci. Donc, les règles des droits de parole sont les suivantes : l'auteur de la motion a 30 minutes; le représentant du deuxième groupe d'opposition, 30 minutes; le représentant de l'opposition officielle, 30 minutes; M. le ministre, 30 minutes; chacun des membres de la commission, 10 minutes. Ça va? La parole est à vous.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, M. le Président. Alors, soyez assurés, je ne prendrai pas 30 minutes, je veux quand même prendre le temps d'expliquer surtout pour les gens qui nous écoutent pourquoi j'ai trouvé important d'amener cette motion-là ce soir.

Vous savez, je le disais d'entrée de jeu dans mes remarques préliminaires, je pense que le travail que nous sommes en train de faire est un travail essentiel pour redonner confiance à nos concitoyens et concitoyennes sur toute la question des gestes que nous posons, comme Parlement, pour assurer que le plus possible, en matière de corruption, collusion, portes tournantes, etc., on se donne les moyens que ça ne se reproduise plus, et un des moyens que la commissaire... ou la commission Charbonneau nous a clairement enlignés, si je peux me permettre, c'est cette idée de dire qu'il y a des gens qui, au sein des différentes organisations, qu'elles soient publiques ou privées, se retrouvent dans des postures où ils sont conscients qu'il soit est en train de se poser ici ce qu'on nomme un acte répréhensible ou, à tout le moins, qu'une loi est en train d'être transgressée, etc., et ces gens-là doivent clairement entendre de notre part que nous voulons tout faire pour les protéger. Et, je crois, ce pourquoi j'interpelle de façon spécifique... je n'ai pas relancé sept, huit autres personnes, là, et je relance de façon spécifique M. Duchesneau... d'une part, vous le savez comme moi, chers collègues, que M. Duchesneau, premièrement, a été un lanceur d'alerte lui-même. Lui-même donc dans sa vie a expérimenté ce que ça voulait dire d'être un lanceur d'alerte, dans son cas, non protégé. Donc, c'est heureux. Alors, j'aimerais avoir son oeil extérieur sur le projet de loi, sur les amendements pour dire est-ce que, de son expérience de lanceur d'alerte, M. Duchesneau considère que ce projet de loi là répond aux impératifs qu'exigent les lanceurs d'alerte au Québec.

Le deuxième élément qui m'amène à vous faire cette proposition à travers la motion, c'est que, de par ses fonctions antérieures, de par ses recherches — on se rappellera du rapport Duchesneau — M. Duchesneau a, d'une part, une bonne connaissance du monde privé. Et, vous le savez, je l'ai dit d'entrée de jeu, pour moi, toute loi qui protège les lanceurs d'alerte devrait protéger tout le monde. Alors, moi, ce que j'aimerais, par sa participation, c'est qu'il vienne nous dire, bien, pourquoi c'est si important de protéger le privé — j'aimerais ça l'entendre — et est-ce que la loi lui permet d'arriver à ces conclusions-là.

Et une autre connaissance de par ses fonctions, c'est toute la question du monde de la construction, et là je pense que c'est un impératif. Face à la commission Charbonneau, on a des devoirs de mémoire à vraiment très, très court terme, et je pense que son cheminement, son analyse, ses compréhensions pourraient nous permettre, comme parlementaires, de nous assurer que, ce projet de loi là, on va le faire cheminer dans le bon sens pour que les Québécois et Québécoises puissent se sentir en sécurité.

Et finalement, bien, vous le comprendrez, c'est sa connaissance du monde municipal, parce que je continue de penser qu'il ne faut pas multiplier les plateformes, mais plutôt avoir quelque chose de solide, de concret qui fait que, les gens, c'est facile pour eux et pour elles de rentrer et dire : Oui, je prends le risque de dénoncer, et le chemin est facile à suivre, et j'y vais par là.

Je savais qu'on commençait l'étude aujourd'hui. Qu'est-ce qui m'a amenée, d'ailleurs, ce matin à déposer une motion en Chambre et de revenir ce soir sur cette question-là? C'est quand j'ai lu notamment une citation de M. Jacques Duchesneau ce matin, dans le journal, où, face au projet de loi n° 87, ce qu'il a dit, c'est : «Je l'ai lu, je l'ai fermé. Si j'avais pu le lancer au bout de mes bras, je l'aurais fait. Ça paraît bien, mais ça ne protège pas [tous] les lanceurs d'alerte. Ça a le titre, c'est tout. Ça n'incitera pas les gens à parler.» Alors, moi, M. le Président, c'est ça, ma préoccupation. Je ne veux pas faire le projet de lanceurs d'alerte pour finalement offrir une fausse protection à mes concitoyens et concitoyennes.

Le rapport Charbonneau est venu nous rappeler nos responsabilités, est venu nous redire comment il était nécessaire de faire ce travail-là à bien d'autres égards. Il n'y a pas qu'une recommandation au rapport Charbonneau, mais laissez-moi vous dire que celle de la protection des lanceurs d'alerte est de très, très loin, à mon sens, une des plus importantes dans les recommandations du rapport Charbonneau. Pourquoi? Bien, parce que toute cette collusion et cette corruption qui pourrissent le monde occidental... Pourquoi? Parce qu'il y a des gens qui se sentent légitimés de prendre notre richesse collective et d'en abuser. Et ça, M. le Président, si on ne se donne pas clairement la façon de dire : C'est assez, il faut mettre un x, il faut tracer une ligne là-dessus, il faut se donner des nouvelles pratiques qui sont de très bonnes pratiques, qui sont positives et qui permettent aux gens de les comprendre, bien, si on ne fait pas ça, on va juste rajouter une couche sur le cynisme des gens. Et là, là, ça, là, c'est notre responsabilité collective. Et moi, je ne voudrais pas ça.

Je ne voudrais pas ça, d'une part, parce qu'à longueur d'année j'entends ici, peu importe la formation politique, se désoler du cynisme politique de nos concitoyens et concitoyennes, j'entends — je suis aussi au projet de loi n° 101 — j'entends toutes les formations politiques reconnaître la nécessité que nous prenions à bras-le-corps les recommandations de la commission Charbonneau pour nous assurer de faire les rectificatifs nécessaires, et, je vous dirais, personnellement, et c'est probablement pourquoi, pour ma formation politique, je suis celle qui a déposé le projet de loi n° 496 — attendez, je suis-tu en train de vous mentir?, oui... non, pas du tout — sur la protection des lanceurs d'alerte, c'est parce que, M. le Président, les gens, là, qui sont au courant qu'il y a des choses qui se passent deviennent extrêmement vulnérables. Ils deviennent vulnérables parce que, la commission Charbonneau nous l'a dit, c'est des gens qui sont souvent rejetés par leur milieu de travail comme les pas fins, comme étant ceux qui trahissent l'esprit de corps, qui trahissent quelque chose, alors que, dans les faits, nous devrions honorer ces gens-là. Mais il y a une culture du silence, parfois, qui fait en sorte que, si ces gens-là n'ont pas la conviction qu'on les protège adéquatement, bien, malheureusement, ils ne dénonceront pas, et c'est ce que j'appelle une fausse protection.

Et, je terminerais sur cet argument-là, M. Duchesneau a aussi utilisé les médias comme façon pour faire connaître au peuple québécois les informations qu'il avait. Alors, je trouvais que dans... et là il est réapparu, là, parce que, pendant quelques mois, on ne l'a pas vu, mais là il est réapparu, et je trouvais que ça adonnait bien et je trouvais que, considérant, donc, son expérience comme lanceur d'alerte lui-même, sa connaissance du privé, du monde de la construction, du monde municipal et de sa propre expérience, comme divulgateur, d'avoir passé par les médias d'information... je pense que cet homme pourrait nous apporter grandement dans notre compréhension de ce que nous avons à adopter sur... de ce que nous avons à améliorer sur le projet de loi actuel pour le rendre le plus possible ce projet de loi que rêve le Québec qu'on leur offre. Alors, voilà pourquoi j'ai déposé cette motion.

• (20 h 30) •

Le Président (M. Bernier) : Je veux juste vous préciser exactement au niveau aussi des règlements : C'est une intervention, hein, c'est 30 minutes, mais, si vous cessez...

Mme Massé : Ah! bien, je ne cesserai pas tout de suite, d'abord.

Le Président (M. Bernier) : Bien, c'est pour ça que je veux...

Mme Massé : C'est juste parce que j'ai une question que je ne connais pas...

Le Président (M. Bernier) : ...je veux vous prévenir, c'est que c'est une intervention de 30 minutes.

Mme Massé : Bien. Merci, M. le Président. C'est très gentil, mais vous allez voir...

Le Président (M. Bernier) : Si vous cessez, c'est terminé.

Mme Massé : ...ce n'est pas long. Moi, c'est juste une question de procédure : Après ça, au niveau du vote, comment ça fonctionne? Est-ce que c'est automatiquement un vote nominal ou...

Le Président (M. Bernier) : Malheureusement, vous n'avez pas droit de vote. Ceux qui ont droit de vote sont les membres de la commission qui sont ici présents.

Mme Massé : O.K. Est-ce que je peux faire l'appel du vote nominal, par contre?

Le Président (M. Bernier) : Bien, ça, vous pouvez le demander, oui.

Mme Massé : O.K. Je le demande.

Le Président (M. Bernier) : La seule différence, dans votre participation, vous participez, vous avez droit de parole, vous avez droit au temps de parole, puis tout ça, sauf que, quand vient le temps de voter, vous n'avez pas le droit de vote. Ça va?

Mme Massé : Soit. Merci.

Le Président (M. Bernier) : M. le ministre.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Très bien, M. le Président. Merci. Écoutez, aujourd'hui, après la période de questions, la collègue a déposé une motion qui n'a pas été retenue concernant ce sujet-là.

Écoutez, le projet de loi a été déposé le 2 décembre 2015. Par la suite, il y a eu quatre jours, en février, de consultation, 25 groupes ont été entendus ou déposé un mémoire, donc : 13 groupes ont été entendus, 12 autres ont déposé des mémoires. À ce moment-là, aucune des formations politiques n'a jugé utile ou nécessaire de convoquer M. Duchesneau, donc il n'est pas venu. Donc, je ne vois pas maintenant l'utilité ou la nécessité de recommencer le processus de consultation. Nous sommes rendus à l'article par article, et je souhaite qu'on continue.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée et porte-parole officielle de l'opposition, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Bien, merci, M. le Président. Alors, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques a déposé cette motion-là. On n'a pas eu l'occasion de donner notre consentement aujourd'hui, parce que, dans la procédure parlementaire... fait que, lorsque le gouvernement décide qu'il ne consent pas... Je pense que ça aurait été très intéressant de pouvoir entendre M. Duchesneau. Comme plusieurs autres, je pense que c'est... J'entends le ministre dire qu'on a eu 13 groupes, donc, quelques mémoires, et tout ça, puis que ce moment-là a été fait, mais, d'expérience, M. le Président, ça ne veut pas dire que, parce qu'on a écouté les audiences, le cheminement est fait puis que, là, on rentre dans l'étude détaillée puis qu'on a toutes les réponses à nos questions. Alors, c'est tout à fait légitime que la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques puisse demander d'entendre d'autres personnes. Et M. Duchesneau, évidemment, il a quand même une feuille de route quand même impressionnante par rapport à toutes les questions sur la sécurité publique, d'une part, puis toutes les questions d'intégrité, toutes les questions qui nous touchent aujourd'hui sur les sujets que nous avons sur la table.

Alors, j'espère que le ministre ne nous lance pas un signal que, pour lui, on fait le projet de loi, puis c'est ça, puis on est rendus à cette étape-là, puis que c'est fini, parce qu'il y a tellement de questions qu'on a à poser. Ce n'est pas parce qu'on a établi et le principe et un moment d'audition que ça clôt le débat sur le projet de loi. Et, l'étude détaillée, on a beau la faire article par article, mais il reste quand même qu'il y a des questions de fond qui sont absolument importantes. Est-ce qu'on peut être davantage éclairés? Toujours, on peut être davantage éclairés. Est-ce que le ministre peut être davantage éclairé? Je l'espère.

Quand on parle du projet de loi n° 87... la collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques nous disait, entre autres, bon : Ce que M. Duchesneau disait, est-ce que ça va inciter les gens à parler? Parce que c'est ça, le fond de... Le fond de la question est vraiment de savoir est-ce que les lanceurs d'alerte vont être suffisamment protégés pour être capables de dénoncer, d'être capables de dire des choses, d'être capables... En tout cas, parfois, si ce n'est pas une dénonciation, c'est simplement de soulever des inquiétudes. Est-ce qu'on met le cadre assez important autour de ces personnes-là? Il n'y a rien qui empêche qu'on peut écouter différentes personnes. J'ai en tête d'autres personnes qu'il aurait peut-être été intéressant, à ce moment-ci, aussi d'entendre. C'est des gens quand même qui ont une sensibilité sur la chose. Ils sont venus en commission, hein, quelques-uns sont venus en commission parlementaire.

Mais c'est sûr que, dans notre processus, M. le Président, lorsqu'on a 20 minutes en temps, 20 minutes d'un côté, 20 minutes de l'autre et puis que, là, ça soulève tout un pan important par rapport à nos interrogations... Moi, j'en ai énormément par rapport à la Loi de la fonction publique, mais par rapport à tout le rôle de l'employé et les inquiétudes qu'il peut avoir, l'employé, à savoir s'il peut avoir des représailles, mais aussi son rôle, qui est un rôle aussi de loyauté envers son employeur, et puis en même temps, bien, on lui demande aussi de dénoncer.

Il y a quand même des questions qui sont, pour nous, importantes, et je trouve que la motion de la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques est tout à fait juste. Je serais facilement consentante à ce qu'on puisse entendre M. Duchesneau, sans problème.

Moi, j'en aurais une autre, motion, M. le Président, que j'amènerais, alors je voudrais vous la partager par après.

Le Président (M. Bernier) : Par après. On va disposer de celle-là. Par la suite, on y reviendra. Du côté gouvernemental, est-ce qu'il y a des commentaires? Non? Oui? M. le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire : Oui. Merci, M. le Président. Bien, à mon tour de me montrer extrêmement favorable par rapport à cette motion-là d'abord parce que, quand on fait l'historique du personnage, Jacques Duchesneau, c'est d'abord et avant tout un policier qui a eu à enquêter sur les cas de collusion, sur les cas de corruption et, comme l'a mentionné ma collègue, c'est probablement le plus célèbre sonneur d'alerte de l'histoire du Québec. Donc, lui-même a vécu cette situation-là évidemment à un certain niveau. On comprend que le statut de Jacques Duchesneau n'est peut-être pas le même que celui d'un fonctionnaire dans un ministère, ou dans une commission scolaire, ou dans un organisme public visé par la loi, mais quand même, compte tenu des circonstances qu'on connaît, M. Duchesneau a eu à prendre les mesures qu'il jugeait nécessaires pour faire connaître le résultat de son travail.

Ce que Jacques Duchesneau a aussi comme expertise, c'est ce qu'il a vu. Dans tout le processus d'enquête qu'il a dirigé, il a été en mesure d'évaluer à quel point l'omerta peut être non seulement forte, mais combien l'omerta peut être pénalisante pour la vérité et le droit à la vérité, parce que lui-même a constaté à quel point la peur que peuvent avoir les potentiels sonneurs d'alerte des représailles s'ils divulguent des informations portées à leur connaissance, même si c'est dans l'intérêt public... la peur des représailles, à quel point elle est paralysante et à quel point elle est hypothéquante. Ça, M. Duchesneau, il l'a vu, il l'a expérimenté.

M. Duchesneau nous a aussi appris que cette omerta-là, elle se vivait partout dans l'appareil public et à tous les niveaux, et ça, ça prive le contribuable, ça prive le citoyen d'un outil de vérification. Probablement, l'inspecteur général le plus efficace qu'on aura jamais et le plus... oui, le plus efficace, M. le Président, là, j'essaie de trouver d'autres mots, mais c'est «le plus efficace», ce sera toujours un sonneur d'alerte bien protégé, et ça, c'est ce que Jacques Duchesneau nous a appris. Quand les gens se mettent à parler, quand les gens se mettent à dire ce qu'ils ont vu parce qu'ils n'ont plus peur des représailles, parce qu'ils pensent qu'ils peuvent le faire sans subir les contrecoups, on apprend des choses, et c'est le bien public qui triomphe au final. Donc, Jacques Duchesneau a de ce côté-là une expertise indéniable, et je pense que nous bénéficierions tous de cette expertise-là.

Jacques Duchesneau a aussi été député à l'Assemblée nationale, M. le Président, je tiens à le souligner, et donc, le travail législatif, il l'a fait, hein, dans un processus qui l'a conduit lui-même à déposer un projet de loi. Donc, il est capable de nous faire bénéficier non seulement de son expérience du terrain, non seulement de sa connaissance qu'il a des sonneurs d'alerte et de la nécessaire protection qu'on leur doit, il est capable de nous en faire bénéficier d'un point de vue législatif parce qu'il a lui-même été un législateur.

• (20 h 40) •

Et je disais tout à l'heure : Il y a une multiplicité des instances qui semble vouloir se dessiner, là, de la part du gouvernement pour ce qui est de la protection des sonneurs d'alerte, et je pense personnellement que ce n'est pas le chemin à suivre. Je pense que le chemin de la simplicité sera toujours idéal dans ces circonstances-là, mais je pense que le point de vue de Jacques Duchesneau là-dessus pourrait être intéressant. Qu'est-ce qu'il en pense, lui, d'un inspecteur général? Est-ce qu'il pense que le MTQ mérite d'avoir une entité particulière propre à lui? Est-ce que c'est inutile? Est-ce que le projet de loi fait le travail, touche la cible? Est-ce qu'on devrait ou non inclure le municipal? Est-ce que le ministère de la Famille est à ce point une entité à part qu'il y a une espèce de spécificité particulière à la Famille et à son ministre? Est-ce que ça s'explique?

Donc, je pense que le législateur pourrait apporter un point de vue qui est intéressant et personnellement je ne vois pas pourquoi la commission se priverait de cette expertise-là, M. le Président, parce que, comme le soulignait ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, on doit se doter d'un outil le plus efficace possible. Je pense que, si le Québec des dernières années a souffert de quelque chose, c'est qu'il a souffert de la collusion et de la corruption. On en a souffert collectivement, on en a souffert dans le domaine de la construction, on en a souffert dans le domaine de l'informatique, et le résultat final, c'est que le citoyen a été dépouillé de ses biens, on a volé les citoyens du Québec, et très certainement qu'avec une loi adéquate qui aurait protégé de façon adéquate les sonneurs d'alerte on aurait été en mesure de prévenir ces situations-là et de faire en sorte qu'elles soient moins dommageables qu'elles l'ont été, et, M. le Président, dans mon esprit, il ne fait aucun doute que Jacques Duchesneau peut très certainement nous aider dans cette démarche-là.

J'entendais le ministre, tout à l'heure, dire : Écoutez, il y a eu des consultations particulières, on a entendu des groupes, on a fait cet exercice-là de consulter. Oui, je pense qu'on peut plaider coupables. Est-ce qu'on aurait dû inviter Jacques Duchesneau avant? Peut-être. On pourrait avoir une discussion là-dessus. Mais je veux juste souligner que, dans le processus législatif, le ministre a changé. Je veux juste rappeler qui était le prédécesseur de l'actuel président du Conseil du trésor, qui était quand même le député de Louis-Hébert. Est-ce que les circonstances étaient optimales pour inviter Jacques Duchesneau? Je ne le sais pas. Ce n'est pas le même ministre, puis, à la limite, M. le Président, ce n'est pas le même projet de loi.

Ce n'est pas le même projet de loi — non, mais, je veux dire, je vois le ministre qui me... non, mais c'est ça pareil, tu sais, à un moment donné, il faut se dire les vraies choses, là — ce n'est pas le même projet de loi, et moi, je serais curieux... D'abord, je sais ce que Jacques Duchesneau pensait de la version préliminaire du projet de loi. Ce que je ne sais pas, c'est qu'est-ce qu'il en pense avec les amendements. Est-ce que ça fait de ça un projet de loi qui touche mieux la cible, qui remplit mieux ses nécessaires obligations de protéger les sonneurs d'alerte? Est-ce que ces amendements-là font en sorte que le projet de loi est plus en ligne avec ce que nous devrions faire?

Donc, ce n'est pas le même ministre, ce n'est pas le même projet de loi, il faut bien l'admettre. M. le Président, là, regardez la quantité d'amendements, on s'entend qu'à la fin de l'exercice on va avoir un projet de loi assez différent de ce qu'on a présentement, et je ne vois pas le problème à entendre un individu de plus dont, je pense, on va tous s'entendre sur le fait... en tout cas, de ce côté-ci, puis je n'ai pas entendu de la part du ministre, d'ailleurs, qu'il disait que M. Duchesneau n'avait pas une expertise intéressante. Il semblait dire qu'il était un peu tard pour solliciter l'expertise de Jacques Duchesneau. Non. Quand le projet de loi va être adopté, là il va être trop tard. Mais, que je sache, on n'a pas commencé à étudier le premier article. Donc, on s'entend, M. le Président, qu'il n'y a rien d'irréversible présentement.

On s'entend que, de consentement, cette commission-là peut tout faire. M. le Président, je pense que vous et moi avons assez d'expérience pour savoir que c'est une simple question de consentement pour dire : Bon, bien, pourquoi on ne prend pas le temps d'écouter Jacques Duchesneau? Et, si tant est que j'entends que, du côté de l'opposition, nous sommes unanimes à reconnaître son expertise, si tant est que, du côté gouvernemental, on reconnaît que Jacques Duchesneau pourrait effectivement nous éviter peut-être des écueils, peut-être nous faire des suggestions, nous amener des éléments qu'on n'avait pas vus, nous éclairer sur d'autres éléments, changer notre perception sur les amendements qui sont apportés et le projet de loi dans son ensemble, écoutez, l'objectif, je pense qu'il est partagé par tout le monde, c'est d'adopter un projet de loi qui va être le plus efficace possible, qui va toucher la cible et qui va faire en sorte que le Québec va se doter d'un outil propre à faire des sonneurs d'alerte des gens, comme le disait ma collègue, qui vont être perçus positivement plutôt que des gens qui auraient à subir des représailles.

Et, M. le Président, je ne pense pas qu'on en soit à une heure ou deux près, là. Compte tenu qu'il y a des propositions qui ont été faites depuis plusieurs années et qu'aujourd'hui, là, en 2016... et plusieurs années, là, je pense, c'était dès 2012, là, et que, là, aujourd'hui, on se dit : Bon, bien, allons de l'avant avec cette idée-là, bien, est-ce que ce serait si pénalisant que ça de prendre le temps d'écouter quelqu'un dont l'expertise à tous les niveaux, autant comme ancien policier que comme homme politique municipal, que comme homme politique provincial, pourrait nous éclairer, pourrait nous aider à faire le projet de loi le plus efficace possible? Honnêtement, je ne vois pas en quoi c'est pénalisant, je ne vois pas en quoi, là, c'est... Puis l'idée n'est pas de retarder l'adoption du projet de loi, moi, je l'ai dit au ministre tout à l'heure, je veux dire, on souhaite que ce projet de loi là soit adopté, on souhaite doter la législation québécoise d'une protection pour les sonneurs d'alerte.

Il n'y est pas question ici de vouloir retarder le projet de loi ou retarder l'adoption du projet de loi, je pense qu'il n'y a personne... Tout le monde a dit qu'on était favorable, tout le monde a dit, là, qu'on avait l'intention de l'adopter, le projet de loi, puis de faire en sorte qu'il devienne une réalité dans la législation québécoise aussi rapidement que possible, mais, en même temps, je pense que de prendre le temps de bien faire les choses plutôt que d'avoir à l'amender dans un futur autre projet de loi parce qu'on se sera rendu compte qu'on n'avait pas pensé à ci, qu'on n'avait pas pensé à ça, qu'on a laissé un trou ici, qu'on a laissé un trou là... Puis on a quelqu'un, là, qui pourrait peut-être nous éviter ces écueils-là. Moi, M. le Président, je ne vois pas en quoi ce serait pénalisant, puis ce n'est certainement pas impossible, là.

M. le Président, ce n'est pas impossible, il n'y a rien d'impossible, il s'agit que tout le monde s'entende pour adopter la motion de ma collègue, puis c'est réglé, là. Et personnellement, je pense qu'on va s'engager à faire ça le plus rapidement possible, le plus efficacement possible, mais je dois dire que je suis tout à fait favorable à cette motion et que j'entends la soutenir, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : Merci. D'autres commentaires? Non. Donc, je vais relire la motion préliminaire :

«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics, des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, M. Jacques Duchesneau.»

Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Caire : M. le Président, par appel nominal.

Le Président (M. Bernier) : L'appel nominal est fait. M. le secrétaire, si vous voulez procéder à l'appel nominal.

Le Secrétaire : M. Leitão (Robert-Baldwin)?

M. Leitão : Rejeté.

Le Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?

M. Merlini : Contre.

Le Secrétaire : M. Fortin (Pontiac)?

M. Fortin (Pontiac) : Contre.

Le Secrétaire : M. Habel (Sainte-Rose)?

M. Habel : Contre.

Le Secrétaire : M. Matte (Portneuf)?

M. Matte : Contre.

Le Secrétaire : Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?

Mme Léger : Pour.

Le Secrétaire : M. Caire (La Peltrie)?

M. Caire : Pour.

Le Secrétaire : M. Bernier (Montmorency)?

Le Président (M. Bernier) : Abstention.

Le Secrétaire : Rejeté.

Le Président (M. Bernier) : Donc, la motion est rejetée.

Mme Léger : ...

Le Président (M. Bernier) : Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : J'aurais une autre motion, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : Une autre motion. Si vous voulez nous en faire lecture.

Motion proposant d'entendre M. Christian Brunelle, avocat,
professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université Laval
et chercheur au Centre de recherche interuniversitaire
sur la mondialisation et le travail

Mme Léger : «Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics, des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, M. Christian Brunelle[...], avocat, professeur agrégé, Faculté de droit, [à l']Université Laval; chercheur, Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail...»

Le Président (M. Bernier) : Merci. Je vais suspendre quelques instants pour faire des photocopies pour tous. Donc, je suspends.

(Suspension de la séance à 20 h 50)

(Reprise à 20 h 53)

Le Président (M. Bernier) : Donc, à l'ordre! Nous reprenons nos travaux.

Donc, suite à la motion présentée par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, je vous donne la parole, étant donné que vous êtes l'auteure de la motion, pour un droit de parole de 30 minutes.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, j'ose espérer qu'on a pu, là, du côté du gouvernement, voir le travail de M. Brunelle. J'ai eu un grand intérêt à ce qu'il a préparé et à ce qu'il a écrit sur le droit du travail, d'une part, mais particulièrement sur La liberté d'expression au travail et l'obligation de loyauté du salarié : plaidoyer pour un espace critique accru.

Pourquoi je vous apporte ça en lien avec le projet de loi? Il y a un lien très, très étroit, c'est, dans le fond, le rôle et les obligations du salarié. Il le faudrait prévoir, dans le fond, si on regarde à l'article 2088 du Code civil, parce qu'on a un lien avec le Code civil, sur le devoir de loyauté et de confidentialité afin de donner plus de poids à la liberté d'expression, établir une cohérence dans le corpus juridique et placer la liberté d'expression au rang de règle et le devoir de loyauté au rang d'exception.

Jusqu'à maintenant, M. le Président, les tribunaux donnent surtout préséance au devoir de loyauté — ça, c'est important — notamment dans le secteur public, avec le principe de neutralité, condition jugée essentielle à l'existence d'un gouvernement responsable et qui va dans l'intérêt public. C'est l'arrêt Fraser contre la Commission des relations de travail dans la fonction publique en 1985. Même s'il existe des exceptions comme l'illégalité commise par le gouvernement, des politiques qui mettent en danger la vie, la sécurité ou la santé des fonctionnaires ou autres personnes, la capacité du fonctionnaire de poursuivre de manière efficace son travail et qui n'atteint pas la perception du public sur cette aptitude ou si le... dénonce les conditions de travail comme... l'insalubrité, pardon, les tribunaux ont précisé par la suite que le fonctionnaire doit avoir raisonnablement tenté de résoudre le problème de l'intérieur et que sa tentative n'a eu aucun effet, sauf urgence ou impossibilité d'avoir recours aux mécanismes internes de discussion. Le salarié doit également démontrer le bien-fondé de ses accusations pour éviter le congédiement. Toutefois, un tribunal d'arbitrage a statué en 2002 que le droit de critiquer le représentant syndical n'était pas incompatible avec le devoir de loyauté, sinon même essentiel pour en assurer un sens.

M. le Président, ce que je veux vous exprimer des travaux de M. Brunelle, c'est toute cette distance-là entre la liberté d'expression et le devoir de loyauté. Je vous donne son préambule, qui vous donne encore plus le pourquoi que je vous amène cette personne-là : En manifestant publiquement sa réprobation à l'égard de son employeur, donc une situation qui peut arriver par rapport au projet de loi, où on a à dénoncer, divulguer, dans le fond, des actes répréhensibles, il faut que le fonctionnaire soit bien outillé pour être capable d'y faire face et de pouvoir s'assurer en même temps qu'il est protégé.

Ce n'est pas pour rien qu'on parle aussi de cette protection-là du lanceur d'alerte : «En manifestant publiquement sa réprobation à l'égard de son employeur, que ce soit sous forme de dénonciation ou de critique, un salarié exerce sa liberté d'expression, liberté fondamentale garantie par les chartes des droits. Pourtant, lorsqu'ils ont à juger du caractère abusif ou non d'une telle conduite, les tribunaux se replient généralement sur les concepts traditionnels du droit civil que sont la "faute" et l'"obligation de loyauté". Ainsi, la plupart du temps, la prise de parole du salarié est assimilée à un manquement à ses obligations contractuelles. Dans le texte qui suit, les auteurs rappellent que ce devoir de loyauté relève, somme toute, du droit "ordinaire", alors que les assises de la liberté d'expression sont, elles, de nature constitutionnelle. Ils plaident pour un plus grand respect de la hiérarchie des normes et, par conséquent, en faveur de la reconnaissance d'un espace critique accru [au] milieu [du] travail. [...]L'avènement [de] la mise en oeuvre des chartes des droits ont rendu, en quelque sorte, ce processus irréversible et soulèvent de nouvelles questions sur la protection à accorder aux droits fondamentaux dans le contexte du travail — tout ce qui est autour de la liberté d'expression. [...]De fait, cette liberté est susceptible d'entrer en conflit avec le devoir de loyauté du salarié...»

C'est, pour moi, une question absolument importante. Et, lorsqu'on amorce ce projet de loi là, on a beau avoir les articles qui sont là, mais ça sous-tend quand même toute ces difficultés-là du salarié et du fonctionnaire qui a à dénoncer ou qui a à dire des actes répréhensibles qu'il y a dans le contexte où il est, dans son cadre de travail, et en même temps son devoir de loyauté envers son employeur. Et, la dénonciation ou la critique qu'un salarié peut apporter, il faut être capable aussi de protéger ce salarié-là et cette possibilité-là de pouvoir faire cette dénonciation-là : «Même si nous concevons qu'il puisse exister, sur le plan juridique, des distinctions entre la dénonciation, d'une part, et la critique, d'autre part, nous traiterons indistinctement l'une et l'autre [des formes] d'expression...»

Alors, vous avez tout un pan de l'étude de M. Brunelle avec Mme Samson, là, qui a travaillé avec lui. On peut dire : «Parmi celles-ci, seule l'interdiction de nuire à la réputation de l'employeur sera l'objet de plus amples développements. Par la suite, nous nous concentrerons sur la façon dont le statut syndical d'un salarié et le secteur d'activité dans lequel il travaille influent [aussi] sur son devoir de loyauté.» Alors, «l'étendue du droit de parole du salarié varie selon que la critique porte sur l'entreprise [...] elle-même, sur les conditions de travail qui y ont cours ou sur ses dirigeants. [...]la façon dont une critique doit être formulée pour être jugée loyale.» Alors, c'est toute la critique qui est jugée loyale et le droit du salarié de s'exprimer.

• (21 heures) •

Alors, vous comprenez, l'étude, la littérature que je vous donne des grands pans, là, j'en fais des bouts, là. Je vous inviterais vraiment à lire cette littérature-là, c'est vraiment de Mélanie Samson et de Christian Brunelle, La liberté d'expression au travail et l'obligation de loyauté du salarié : plaidoyer pour un espace critique accru. Si les fonctionnaires cherchent un petit peu, là, c'est ça, le domaine.

«De façon sommaire, l'obligation de loyauté implique qu'un employé agisse avec discrétion, bonne foi et fidélité et qu'il[...] — "s'abstienne", pardon, excusez, là, mon langage, il s'améliore, mais il n'est pas encore parfait, il y a quelques lettres qui sont encore difficiles — d'épouser délibérément une conduite qui serait préjudiciable aux intérêts ou à la réputation de l'employeur — vous voyez dans quel contexte se trouve le salarié. Plus un salarié [s'occupe] — "occupe", pardon — un poste qui commande des responsabilités importantes ou qui est élevé dans la hiérarchie de l'entreprise, plus son obligation à cet égard sera lourde. [...]Depuis le 1er janvier 1994, ce devoir jouit d'ailleurs d'une reconnaissance législative expresse au Québec.» Et c'est de là, je parle de l'article 2088 du Code civil du Québec, qui prévoit en effet qu'un «salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail». Alors, vous voyez la difficulté qu'on peut avoir avec le projet de loi, qu'il faut arriver à le protéger. Je vous dirais : «Selon [aussi] l'entendement usuel, le salarié "ne doit pas s'attaquer à la réputation de son employeur ou dénoncer les pratiques qu'il n'accepte pas ou étaler sur la place publique les différends qui l'opposent à l'employeur."»

Alors, il faut que, dans le projet de loi qu'on a devant nous... il faut s'assurer... parce que, si la justice va dans le sens de ne pas le protéger, nécessairement, avec la jurisprudence qu'on voit, qu'on a devant nous, bien, il faut s'assurer que le projet de loi vient vraiment mettre le cadenas, là, puis mettre les bretelles puis tout ce qu'il faut pour aider le salarié.

Je peux vous dire aussi : «...en limitant les interventions du salarié sur la place publique, l'obligation de loyauté entre manifestement en conflit avec la liberté d'expression, "composante non seulement importante, mais essentielle des relations de travail". [...]Le droit de critique devrait d'ailleurs être vu comme une composante de l'obligation de loyauté.» Alors, la loyauté permet jusqu'à faire cette critique-là, et, si le ministre a l'intention vraiment de donner la possibilité aux employés d'être capables d'avoir l'espace nécessaire et avoir les gens de confiance pour être capables de dénoncer, bien, il faut s'assurer qu'on lui donne le climat nécessaire pour aider l'employé de le faire.

J'entendais tout à l'heure la collègue et mes collègues de l'opposition aussi donner particulièrement les inquiétudes qu'ils peuvent avoir par rapport à cette protection-là qu'on doit encadrer le salarié pour être sûr qu'il puisse être capable de dénoncer correctement : «En de rares circonstances, les tribunaux l'estimeront donc justifié de dénoncer publiquement des gestes faits par son employeur — en de rares circonstances. [...]Aux États-Unis et dans les provinces canadiennes — c'est un exemple intéressant — de common law, le salarié qui dénonce un comportement de son employeur qu'il croit illégal ou simplement contraire à l'intérêt public pratique la dénonciation[...]. Dans la foulée des scandales financiers impliquant les sociétés Enron [...] et ImClone — puis quelques autres — le législateur américain a pris conscience de la valeur des services rendus par les dénonciateurs[...]. En vue de mettre ces derniers à l'abri des représailles, il a adopté, en 2002, la Corporate and Auditing[...] — etc. Cette loi prévoit une peine maximale de dix années d'emprisonnement et des amendes considérables pour les personnes qui font sciemment du tort à un salarié après que celui-ci a fourni aux autorités des informations véridiques concernant la perpétration réelle ou possible d'une infraction fédérale par son employeur. La loi permet également au salarié dénonciateur victime de représailles d'intenter un recours civil contre son employeur et lui donne droit à la réintégration, au paiement du salaire perdu et à des dommages-intérêts pour tout préjudice subi. Pour bénéficier de la protection de la Sarbanes-Oxley Act, le salarié doit être en mesure de démontrer qu'il était raisonnablement fondé de croire que son employeur transgressait la loi. Le gouvernement canadien a suivi l'exemple américain. Entré en vigueur le 15 septembre 2004, le projet de loi C-13[...] — et etc. — [...] au Code criminel.»

Alors, M. le Président, j'en aurais plusieurs encore, éléments, je ne veux pas endormir personne nécessairement, je veux surtout les réveiller par rapport à ce pan, qui est, pour moi, important, de vouloir, dans le fond, démontrer au ministre ces éléments-là, qui sont importants, entre la liberté d'expression, l'espace que le salarié peut avoir pour être capable de dénoncer dans un cadre correct et de le protéger dans ce cheminement-là. Je sais que, dans le projet de loi, il y a des éléments pour... dans le fond, de s'assurer que le salarié a des étapes, là, nécessairement, mais est-ce que, le salarié, on lui donne toute la protection nécessaire à ce qu'il puisse être capable d'être bien entouré dans ce processus-là? Est-ce que c'est ce qu'on veut? Et je m'interroge par rapport au gouvernement, si son intention est vraiment de le protéger et de permettre cette dénonciation-là. Et M. Christian Brunelle, l'avocat, professeur agrégé à l'Université Laval, pose quand même des bonnes questions par rapport aux lois du travail, d'une part, la Loi sur la fonction publique aussi, parce qu'on fait des liens, la loi sur le Code civil, et je pense que c'est important de vous le mentionner aujourd'hui dans le projet de loi qui est sur la table, le projet de loi n° 87, présentement. Alors, c'est pour ça, M. le Président, que je le trouvais important.

Je sais que le ministre va nous dire : On a entendu assez de monde, tout ça, mais j'aimerais bien, tout à l'heure, quand il va pouvoir s'exprimer... de nous dire comment il voit cette liberté d'expression là, ce devoir de loyauté et le fait de permettre à un salarié d'avoir les conditions optimums pour être capable de faire les dénonciations et d'être capable d'aller au-delà de ce qu'on voit dans les tribunaux présentement, qui ne le protège pas.

Alors, si l'intention du ministre est vraiment de permettre ces divulgations-là et de permettre un climat correct autour du salarié, bien, j'aimerais bien qu'il m'exprime un peu les principes que je vous parle aujourd'hui par rapport à ce que M. Brunelle a établi. Il y en a d'autres, la littérature est énorme à travers le monde, c'est pour ça que je questionnais le ministre tout à l'heure aussi à savoir si c'est appuyé sur d'autres législatures internationales ou sur d'autres littératures internationales par rapport à ça, et, non, on vient simplement faire un projet de loi qu'on attend tous puis qu'on veut tous aider par rapport à la suite de la commission Charbonneau, mais en même temps il faut s'assurer qu'on ne s'éparpille pas puis qu'on puisse vraiment encadrer le processus correctement. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Bien, merci, M. le Président. Bon, encore une fois, le projet de loi a été déposé en décembre. Il y a eu, en février, des consultations particulières. Plusieurs personnes, plusieurs groupes sont venus exprimer leurs points de vue. M. Brunelle, bien sûr, c'est quelqu'un de connu, de respecté, de respectable. D'ailleurs, son opinion était bien citée dans le mémoire de la CSN, qui est venue en commission parlementaire et qui a bien cité les travaux de M. Brunelle et Mme Samson. Donc, tout ça a été pris en considération. Et d'ailleurs le projet de loi modifie la Loi sur les normes du travail afin de protéger les droits des salariés impliqués dans une divulgation. Donc, c'est ce que le projet de loi fait. Alors, je pense que, si on commence le processus, on va se rendre compte, au fur et à mesure qu'on regarde spécifiquement les articles du projet de loi, que ces considérations, qui sont très importantes, que vous avez mentionnées, sont prises en considération par le projet de loi.

Encore une fois, je ne pense pas, donc, qu'il serait particulièrement utile, à ce moment-ci, d'entendre M. Brunelle en consultations particulières.

• (21 h 10) •

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, M. le Président. Autant tout à l'heure je pensais... et je continue à penser que M. Duchesneau aurait pu apporter... ou pourrait apporter un éclairage intéressant sur le projet de loi tel qu'amendé, et donc nous aider à cheminer là-dedans parce que c'est un projet de loi qui est bien différent, autant je ne suis pas convaincu que M. Brunelle, là, nous amène dans l'univers de : Comment protège-t-on les sonneurs d'alerte?

Je pense que, là, on est vraiment à la racine du débat qu'on a déjà eu dans les consultations particulières, à savoir : Est-ce qu'on peut critiquer son employeur quand on n'est pas en accord avec les politiques du gouvernement? Et je lis la conclusion, là, ici : «Au Québec, il serait opportun qu'une disposition du Code civil [...] protège des mesures disciplinaires et des recours en responsabilité civile le salarié qui critique publiquement son employeur, à tout le moins lorsque l'intérêt général et le bien commun sont en jeu.» Mais je pense qu'on a bien défini dans le projet de loi ce qu'étaient les actes répréhensibles, ce qui devait être protégé et ce qui n'avait pas à l'être. On a eu plusieurs discussions sur le fait que, par exemple, un salarié qui voudrait dénoncer une politique du gouvernement parce que, de son point de vue, ça affecte le bien commun n'avait pas à être protégé par le projet de loi parce que, là, on était dans l'évaluation de la pertinence des politiques gouvernementales et on se sortait du contexte où un sonneur d'alerte voulait vraiment dénoncer un acte répréhensible, et, bon, on ne peut pas partir du principe qu'une politique gouvernementale qui a fait l'objet d'un débat démocratique devient un acte répréhensible, M. le Président.

Alors là, je pense qu'on s'en va plus dans le conflit d'opinion ou de vision politique, puis, à mon humble avis, ce débat-là, on l'a fait dans les consultations particulières, qui ont déjà été faites, et, dans ce sens-là, je ne vois pas ce que M. Brunelle pourrait ajouter qui nous ferait changer d'idée sur la nature des premiers articles du projet de loi, sur ce qui est répréhensible, pas répréhensible, ce qui est de la critique, ce qui est de l'opinion politique. Donc, personnellement, je dois dire que ne vois pas, là, en quoi ça nous éclairerait sur les amendements et les orientations nouvelles qu'on peut prendre avec le projet de loi.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Du côté gouvernemental, des commentaires? Non. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez 10 minutes.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, M. le Président. En fait, je remercie ma collègue d'avoir pris le temps de faire mon éducation. Peut-être que les autres avaient tout vu ça passer, pas pour moi. Cette tension inévitable entre le devoir de loyauté, qu'il n'y a pas juste la fonction publique, d'ailleurs, hein, qui a... n'importe quel employeur s'attend à ce que ses employés aient une certaine loyauté envers lui, que M. Brunelle qualifie de droit ordinaire versus un droit constitutionnel qu'est la liberté d'expression, je trouvais ça intéressant et je la remercie de nous, minimalement, puisque je sens d'entrée de jeu que la porte est un peu fermée, là... qu'au moins on aura l'opportunité de pouvoir lire, parce que je trouve, M. le Président, que c'est des questions assez importantes, au-delà du fait de... je me souviens encore, le prédécesseur de notre collègue... du ministre, en fait, qui disait toujours : Ah oui! Mais, quand Québec solidaire sera au pouvoir et qu'il prendra des décisions, ses décisions seront légitimes parce qu'ils auront été élus, oui, d'une part, et, d'une autre part, peut-être que parce qu'ils seront aussi d'intérêt public.

Mais, ceci étant dit, il m'apparaît d'une évidence que l'article 4 a été identifié comme étant un article problématique, y compris par la Protectrice du citoyen. Alors, la tension entre la liberté d'expression et le devoir de loyauté, là, on ne peut pas rejeter ça du revers de la main en se disant : Bien, écoutez, ça, c'est politique et, parce que c'est politique, même si on n'en a pas discuté durant la campagne électorale, c'est légitime. Non. Et, ce que je trouvais intéressant de la proposition de notre collègue, c'est vrai que la... je suis retournée rapidement, là, le ministre nous rappelait que la CSN avait fait état de M. Brunelle... des résultats, pardon, de l'étude de M. Brunelle. Je suis retournée rapidement, je n'ai pas pu tout lire.

Mais, ceci étant dit, pour moi, au-delà de ce qu'on a pu y entendre, cette idée de pousser un petit peu plus loin puis de dire... Et là moi, je vais inclure aussi le secteur privé, parce que, dans ma tête, cette bataille-là, elle n'est pas perdue, à tout le moins, avant de commencer article par article, là. Je reste convaincue, comme la commissaire Charbonneau, qu'il faut protéger l'ensemble de la population au même niveau, sinon il y a deux classes de citoyens : il y a ceux et celles qui sont protégés et ceux et celles qui ne le sont pas.

Mais, bref, je trouve que la possibilité de rencontrer M. Brunelle nous permettrait de, collectivement peut-être, pousser un petit peu plus loin qu'est-ce qu'il entend par cette tension entre le droit ordinaire et le droit constitutionnel sur la liberté, j'entends, la liberté d'expression. Ceci étant dit, je ne sens pas beaucoup d'ouverture à ouvrir la porte à entendre d'autre monde. Donc, je remercie ma collègue, au moins on aura de la lecture. C'est au moins ça. Mais j'espère sincèrement, parce que, là, ça commence mal, qu'on va pouvoir entamer l'étude article par article en, minimalement, pouvant échanger sur quelle a été notre compréhension à nous de ce que nous avons entendu durant les audiences. Si on ne peut pas en avoir d'autres, au moins, par exemple... et là je reviens sur quelque chose qui m'est cher dont j'ai déjà identifié, la question de la protection des sources journalistiques, bien, si tout le monde n'a pas compris ce que moi, j'ai compris, j'espère au moins, M. le Président, que le ministre va avoir l'ouverture d'entendre comment moi, j'ai compris les choses et le minimum d'ouverture de se poser la question : Bien, si ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques a entendu ça comme ça, est-ce que ça peut être utile pour renforcer le projet de loi? Parce que c'est ça qu'on cherche : c'est de renforcer le projet de loi pour faire en sorte que les citoyens et citoyennes sentent que nous avons répondu à leurs attentes.

Alors, je vais m'arrêter là. J'aurais bien aimé entendre M. Brunelle, mais je vais le lire. Alors, vive les intellectuels qui écrivent, au moins on peut les lire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire, je vais relire la motion, qui se lit ainsi : «Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics, des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, M. Christian Brunelle[...], avocat, professeur [agréé], Faculté de droit, [à l']Université Laval; chercheur, Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail...»

Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : Rejeté.

Mme Léger : Appel nominal.

Le Secrétaire : Donc, pour, contre ou abstention. Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?

Mme Léger : Pour.

Le Secrétaire : M. Leitão (Robert-Baldwin)?

M. Leitão : Contre.

Le Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?

M. Merlini : Contre.

Le Secrétaire : M. Fortin (Pontiac)?

M. Fortin (Pontiac) : Contre.

Le Secrétaire : M. Habel (Sainte-Rose)?

M. Habel : Contre.

Le Secrétaire : M. Matte (Portneuf)?

M. Matte : Contre.

Le Secrétaire : M. Caire (La Peltrie)?

M. Caire : Contre.

Le Secrétaire : M. Bernier (Montmorency)?

Le Président (M. Bernier) : Abstention.

Le Secrétaire : Rejeté.

Le Président (M. Bernier) : Donc, la motion est rejetée.

Donc, est-ce qu'il y a d'autres motions?

Étude détaillée

S'il n'y a pas d'autre motion, nous allons entreprendre l'étude du projet de loi article par article. Donc, M. le ministre, présentez-nous l'article 1. Et je vois qu'il va y avoir également des amendements.

• (21 h 20) •

M. Leitão : C'est ça. Très bien, M. le Président. Donc, l'article 1, qui est dans le chapitre I, bien sûr, et pour lequel nous avons un amendement à déposer. Donc, je commence par l'article avant l'amendement.

Alors, l'article 1 dit ceci : «La présente loi a pour objet de faciliter la divulgation d'actes répréhensibles commis ou sur le point d'être commis au sein [d']organismes publics et d'établir un régime de protection contre les représailles.»

Alors donc, le chapitre I du projet de loi précise l'objet recherché, identifie les entités soumises aux mesures proposées et définit la notion d'actes répréhensibles. L'article 1, que je viens de lire, énonce l'objet principal du projet de loi, lequel s'articule autour de deux axes : le premier, c'est de faciliter pour toute personne la divulgation d'un acte répréhensible commis ou sur le point d'être commis au sein d'un organisme public, et le deuxième axe est de protéger contre les représailles toute personne qui effectue une divulgation ou qui collabore à son traitement. Le régime de protection proposé est détaillé plus tard au chapitre VI. Ça, c'est l'article 1.

L'amendement que nous proposons à l'article 1, c'est de remplacer «au sein» par «à l'égard». Alors, ça veut dire que l'article 1 se lirait comme suit : «La présente loi a pour objet de faciliter la divulgation d'actes répréhensibles commis ou sur le point d'être commis à l'égard des organismes publics et d'établir un régime de protection contre les représailles.»

Alors, cet amendement donne suite à une recommandation soumise par le Protecteur du citoyen et réitérée par plusieurs autres groupes lors des consultations particulières. Donc, oui, on a fait preuve, il me semble, d'ouverture, parce que justement nous avons écouté ce qui a été mentionné en consultations particulières. Alors, l'expression «à l'égard des organismes publics» permet de viser tous les actes répréhensibles qui concernent les organismes, peu importe qu'ils soient commis à l'interne ou à l'externe. Cette expression sera définie plus tard à l'article 5 du projet de loi de sorte à viser tant les actes commis ou sur le point de l'être par un employé d'un organisme public que ceux qui le sont par une personne ou une entité à l'occasion de la préparation ou de l'exécution d'un contrat, incluant une aide financière conclue ou sur le point de l'être avec l'organisme public. Donc, voilà.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Donc, dans un premier temps, sur l'amendement; par la suite, sur l'article. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Est-ce qu'on va avoir un échange, M. le Président?

Le Président (M. Bernier) : Pardon?

Mme Léger : Parce que j'ai des questions à poser. On le fait en échange?

Le Président (M. Bernier) : Oui, oui, oui, il n'y a pas de problème.

Mme Léger : Oui. Je ne suis pas sûre de tout bien...

Le Président (M. Bernier) : On se veut le plus facilitant possible.

Mme Léger : Merci. Je ne suis pas sûre de bien saisir, parce que, là, l'amendement, c'est : on enlève «au sein», parce que le «au sein» voulait dire vraiment que ça ne concerne que les organismes publics. Et, «à l'égard des organismes publics», quand il ajoute «à l'égard», c'est parce que probablement aussi qu'il peut y avoir d'autres personnes ou d'autres divulgateurs qui peuvent le faire à l'égard d'un organisme public. Est-ce que c'est comme ça qu'on le comprend?

Le Président (M. Bernier) : M. le ministre.

M. Leitão : Oui. Comme j'ai dit tantôt, cet amendement fait suite à une recommandation qui avait été soumise par le Protecteur du citoyen. Et donc ça permet de viser tous les actes répréhensibles à l'interne comme à l'externe, donc c'est pas mal plus large.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

Mme Léger : Et, M. le Président, pourquoi le ministre s'arrête aux organismes publics? Je pense que c'est le temps de bien saisir pourquoi qu'il s'arrête aux organismes publics. Pourquoi on n'ouvre pas nécessairement aux municipalités, d'une part, et au secteur privé?

Le Président (M. Bernier) : M. le ministre.

M. Leitão : Bon. Écoutez, ce sont des questions importantes que... À l'article 2 du projet de loi, on rentre un peu plus dans ces détails-là. Donc, on pourrait en discuter rendus à l'article 2. Je pense qu'ici, dans une première étape, on établit le champ d'application, et puis, quand on va être rendus à l'article 2, là on va entrer un peu plus dans ces détails-là.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Le ministre ne me répond pas, par exemple, M. le Président, parce que je vais avoir un amendement, là. Je veux comprendre pourquoi que... Parce que, là, ce qu'il m'a dit, c'est que, dans le fond, il en reste... si je comprends entre les lignes, c'est qu'il va en rester aux organismes publics, puis là, bien, il va l'expliquer après dans le 2 puis aller plus loin. Parce que, si on a à le modifier, ça serait présentement, parce que c'est vraiment dans ce premier article-là qu'est le champ d'application, là. Alors, le premier article démontre vraiment le champ qu'on aura à travailler, donc ça ne reste que les organismes publics.

Je rappelle la motion du ministre, là, que, dans le fond, c'est Québec solidaire qui avait adopté ça le 22 mars 2016 dernier :

«Que l'Assemblée nationale — puis le gouvernement avait adopté cette motion-là de ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, et ça a été une motion unanime, d'ailleurs on a tous été en accord — salue le travail réalisé par l'Unité permanente anticorruption et souhaite de voir leurs enquêtes aboutir dans les meilleurs délais;

«Qu'elle demande au gouvernement de donner suite avec diligence aux principes des recommandations contenues dans le rapport final de la commission Charbonneau, notamment celle concernant la protection des lanceurs d'alerte dans l'entreprise privée et dans les municipalités; et

«Que [finalement] tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale s'engagent à coopérer pleinement aux enquêtes de l'UPAC et du DGE et à rembourser [le] DGEQ [de] toutes les contributions politiques qui [...] auraient été versées illégalement — donc, dans le deuxième paragraphe particulièrement, "notamment celle concernant la protection des lanceurs d'alerte dans l'entreprise privée et dans les municipalités".»

Alors, le ministre a quand même voté et on a quand même accepté à l'unanimité cette motion-là de ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques... ou, en tout cas, la motion de sa formation politique. Alors, c'est pour ça que, pour moi, le champ d'application, c'est... On part le projet de loi avec l'article 1, c'est lui qui est quand même le départ de tout le projet de loi. Ça fait qu'on peut bien s'en aller dans l'article 2, là, mais ce n'est pas ça, là, c'est : Au départ, est-ce qu'il a l'intention, est-ce qu'il a une ouverture, le ministre, à ce que ça puisse être les municipalités et le secteur privé? C'est ça, la question.

Le Président (M. Bernier) : O.K. Avant de vous donner la parole, je veux juste m'assurer : Est-ce que tout le monde a reçu les amendements qui ont été déposés? Oui. O.K. Merci. M. le ministre.

Une voix : ...

Le Président (M. Bernier) : Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Bernier) : Vous n'avec pas reçu les amendements? On va s'assurer de les distribuer. O.K. On distribue les documents.

M. le ministre, à la question posée par la députée de Pointe-aux-Trembles.

M. Leitão : Oui. J'ai dit dans mes remarques initiales qu'en effet le monde municipal n'est pas inclus dans ce projet de loi, parce que mon collègue le ministre des Affaires municipales travaille sur un projet de loi qui vise le monde municipal. Donc, c'est pour éviter une duplication pour... Ce n'est pas du tout notre intention d'exclure le monde municipal. Au contraire, nous voulons l'encadrer convenablement avec une loi qui leur sera dédiée exclusivement.

Pour ce qui est du secteur privé, entendons-nous bien, là, les employés d'une entreprise qui a affaire avec l'argent public, qui a affaire avec un contrat public, bien sûr qu'ils sont couverts. Ce qui n'est pas couvert, c'est le secteur privé dans ses contrats privés. Mais, si une entreprise privée a un contrat avec l'État et si un employé de cette entreprise suspecte qu'il y a quelque chose de répréhensible, mais bien sûr qu'il est couvert par le projet de loi, bien sûr qu'il peut s'adresser au Protecteur du citoyen.

Donc, oui, ça s'applique au secteur privé en lien avec les contrats publics, mais pas dans les contrats privés d'entreprise à entreprise.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : M. le Président, dans les recommandations, la recommandation n° 8, là, de la commission Charbonneau, elle dit clairement que «la commission est d'avis qu'un régime général de protection des lanceurs d'alerte s'impose».

Moi, ce que je comprends de «régime général», c'est de s'assurer qu'il n'y ait pas une fragmentation de différents projets de loi, de différentes règles d'un bord et de l'autre, là. C'est ce que j'ai appelé l'éparpillement tout à l'heure. Alors, ce que je comprends, c'est que vous ne suivez pas les recommandations à ce moment-ci, donc on fragmente, on va avoir un autre projet de loi sur les municipalités. Pourquoi ne pas l'avoir fait avec celui-ci? Pourquoi qu'on n'a pas, dans le projet de loi n° 87, inclus les municipalités? Alors donc, il va falloir aller se référer à un futur projet de loi sur les municipalités, et peut-être que vous en aurez un sur les autorités des marchés financiers, puis peut-être que vous allez en avoir un autre quelque part d'autre. Alors, on va s'y perdre quelque part.

Pourquoi que le ministre ne s'est pas assuré que, dans le projet de loi n° 87, le projet de loi que moi, je considère... celui-là qui devrait donner, dans le fond, le ton partout...

Le Président (M. Bernier) : Je m'excuse, Mme la députée...

Mme Léger : C'est déjà terminé?

Le Président (M. Bernier) : ...c'est déjà terminé.

Mme Léger : On aura encore du temps.

Le Président (M. Bernier) : Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux.

(Fin de la séance à 21 h 30)

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