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Commission permanente
de la Fonction publique
Projet de loi no 46 Loi du
régime
de négociations collectives dans les
secteurs de l'éducation et des
hôpitaux
Séance du lundi 28 juin 1971
(Dix heures quatorze minutes)
M. BOSSE (président de la commission permanente de la Fonction
publique): A l'ordre, messieurs!
Je déclare la séance ouverte. La commission parlementaire
permanente de la Fonction publique siège pour entendre les
représentations des parties intéressées au bill 46.
Avant d'inviter les parties à faire leurs représentations
et à s'identifier en conséquence, comme c'est la coutume,
j'inviterai d'abord le ministre responsable, le ministre de la Fonction
publique, à nous faire ses représentations.
Objectifs du projet de loi
M. L'ALLIER: M. le Président, au moment de la discussion du
projet de loi no 46 à l'Assemblée nationale en deuxième
lecture et avant son adoption par l'Assemblée nationale, j'ai
indiqué aux membres de cette commission que le gouvernement n'avait pas
d'objection et qu'il souhaitait même entendre les parties avant que le
bill ne soit discuté en commission article par article.
J'ai déclaré qu'il ne nous paraissait pas essentiel de le
faire mais que cela nous paraissait utile et, compte tenu de l'importance que
nous attachons à ce que les négociations qui s'engagent
maintenant dans les secteurs publics et parapublics soient faites et conduites
d'abord et avant tout dans l'intérêt du Québec, de sa
population, ouvrière ou non, des secteurs public et parapublic, ou de
l'ensemble de la population. Nous souhaitons donc entendre ces parties.
J'ai brièvement donné à l'époque quels
étaient les objectifs poursuivis par le gouvernement partie à ces
négociations en présentant le projet de loi no 46. Notre but
immédiat, en fait, par rapport à la situation actuelle, est d'en
arriver à simplifier les procédures de négociation dans
les secteurs de l'enseignement et des hôpitaux en respectant les
principes de représentation syndicale et en conservant aux syndicats
locaux l'autorité de surveiller l'application de la convention
collective.
Le projet de loi 46 propose donc, dans ses grandes lignes, de maintenir
le statu quo en matière d'accréditation et d'arriver à des
négociations provinciales par la délégation aux organismes
syndicaux des pouvoirs de négociation et cela dans chacun des secteurs
considérés. C'est un extrait du journal des Débats au
moment de l'étude en deuxième lecture.
Ces objectifs, M. le Président, nous les maintenons et nous les
considérons comme essentiels tant à la bonne marche des
négociations que surtout à leurs conclusions utiles pour les
secteurs public et parapublic. Les parties intéressées, les
centrales syndicales, ont déjà fait connaître au
gouvernement leur point de vue et même leur opposition quant à un
premier projet qui était étudié et qui portait
essentiellement sur un regroupement plus serré au niveau des
négociations. On se souviendra qu'en janvier ou février, il y
avait eu une rencontre au cours de laquelle le gouvernement avait fait part aux
centrales syndicales d'un projet de structures de négociation dans les
secteurs public et parapublic.
Les centrales se sont opposées à ce projet pour plusieurs
raisons dont celle effectivement à savoir que le projet proposé
comportait le cartel obligatoire et différents aspects qui leur
étaient inacceptables. Suite à cette consultation, nous avons
longuement étudié le dossier et nous en sommes venus à
proposer à l'Assemblée nationale le projet de loi 46. C'est un
projet de loi qui nous parait essentiel actuellement dans le contexte des
relations de travail où nous nous trouvons. C'est un projet de loi qui
n'a pas la prétention de régler, d'une façon
définitive et pour toujours, tous les problèmes. C'est un projet
de loi qui, dans l'immédiat, nous paraît essentiel pour la bonne
marche des prochaines négociations. Sur ce projet de loi, les centrales
syndicales et les syndicats ont fait connaître un certain nombre
d'oppositions et d'objections.
Le but pour lequel nous avons donc demandé la convocation de
cette commission parlementaire est essentiellement d'entendre, pour le
bénéfice des membres de l'Assemblée nationale, les
représentations syndicales et de faire en sorte que la discussion en
commission, article par article, puisse tenir compte dans la mesure du possible
des exposés qui seront faits ce matin et de toute façon
éclairer les membres de l'Assemblée nationale sur les objections
des syndicats et sur l'ensemble du bill 46.
C'est donc pour entendre les parties intéressées à
ce projet de loi que nous nous sommes réunis ce matin, M. le
Président. Sans plus tarder, je souhaiterais que nous procédions
à cette audition, à moins que les membres de la commission
parlementaire veuillent s'exprimer sur ce même sujet.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie le
ministre des explications qu'il vient de nous donner. Il nous a dit, à
propos du projet de loi 46, qu'il avait accepté de convoquer cette
commission parlementaire. Il ajoutait que cela ne lui paraissait pas essentiel,
mais simplement utile. J'estime pour ma part que cela était essentiel
étant donné l'oppo-
sition qui s'est manifestée et que l'on trouve dans le
communiqué émis par les trois centrales syndicales
intéressées. Au cours de l'étude que nous avons faite en
Chambre, j'ai personnellement manifesté mon opposition à ce
projet de loi et je n'ai pas personnellement donné mon accord à
ce projet de loi. J'avais demandé au ministre de convoquer la commission
parlementaire et de nous indiquer, d'autre part, quel cas il ferait de
l'autonomie des composantes des centrales syndicales. J'ai
déploré en même temps qu'il n'ait pas consulté le
Conseil consultatif du Travail et la Main-d'Oeuvre. Je veux bien que le
gouvernement se donne des mécanismes qui facilitent les
négociations, qui accélèrent les procédures, mais
devant l'opposition des centrales syndicales, je crois qu'il n'est pas
seulement utile que nous les entendions, mais que cela est essentiel.
J'ai reçu des représentations de certaines associations,
particulièrement de celles qui regroupent le personnel de soutien du
CEGEP de Chicoutimi et d'autres CEGEP, de même que le personnel de
soutien des commissions scolaires. Ils m'ont fait entendre qu'ils
n'étaient pas satisfaits et qu'ils voyaient, dans le mécanisme
que le gouvernement s'apprêtait à mettre en place, un danger pour
l'autonomie des associations qui sont les composantes des centrales
syndicales.
L'objectif premier de cette commission parlementaire est d'entendre les
parties intéressées. Celles-ci ont déclaré et je
cite le communiqué conjoint: "En conséquence, les trois centrales
syndicales demandent le retrait du projet de loi 46 et la convocation d'une
commission parlementaire pour expliquer leurs raisons aux députés
qui parfois ne possèdent pas toutes les données pour juger le
bien-fondé des projets de loi qui leur sont présentés.
Cela peut fort bien se produire que les députés n'aient
pas toutes les données et c'est précisément parce que l'on
présume que nous ne connaissons pas toutes les raisons qui justifient
les centrales syndicales de s'opposer à ce projet de loi que nous serons
très heureux de les entendre ce matin, en espérant que les
propositions positives qu'ils nous feront seront entendues par le ministre,
agréées et apporteront éventuellement les modifications
que les centrales syndicales voudront bien suggérer au gouvernement et
aux parlementaires.
M. le Président, là-dessus, je vous remercie et je serai
très heureux d'entendre les représentants des centrales
syndicales et éventuellement les représentants des unités
d'associations qui sont les composantes des grandes centrales syndicales.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, au niveau de la discussion en
deuxième lecture, nous avons fait valoir, comme parti, non pas à
titre individuel comme le député de Chicoutimi, notre opposition
à ce bill, principalement pour deux raisons. Il y en avait plusieurs
autres mais les deux principales étaient que, tout en étant en
faveur de la négociation sectorielle, nous ne trouvions pas que
c'était de la négociation sectorielle qui était
imposée par le bill 46, mais plutôt à peine un regroupement
de forces imposées de l'extérieur. C'était la
deuxième objection que nous avions.
Et la troisième, qui ajoute une couleur à ça,
imposée par le patron de la Fonction publique, le ministre
lui-même et à ce titre nous étions et nous le sommes
encore contre le principe même de ce bill. De sorte que la
convocation de la commission parlementaire, pour nous, permet aux parties
concernées de venir s'exprimer, mais ne change rien au fait que nous
sommes toujours contre le principe. Je me demande ce que le fait que nous
entendions les diverses parties concernées va venir changer, à
moins que le ministre ne nous dise au départ qu'il est prêt
à réviser son attitude concernant le principe même du bill,
c'est-à-dire qu'éventuellement il puisse se faire convaincre par
les parties que ce bill doit être retiré.
Ce sont les seules remarques que j'ai à faire, autrement je
considère que la commission parlementaire siège de façon
inutile, si le ministre ne dit pas ou ne nous assure pas que devant des
arguments sérieux venant de la part des parties concernées, il
n'est pas prêt à retirer le bill éventuellement. Ce sont
les seules remarques que j'avais à faire là-dessus.
M. LATULIPPE: M. le Président, à mon tour, j'aimerais
faire une brève intervention. En deuxième lecture, nous avons eu
l'occasion de faire valoir une argumentation qui est sensiblement la même
que celle de nos prédécesseurs. C'est pourquoi nous sommes
prêts déjà à passer à l'audition des
témoins, et nous souhaiterions également que le ministre, tel que
l'a souligné le député de Maisonneuve, soit prêt
à revenir sur le principe du bill, s'il lui semble opportun de le faire,
après l'audition des témoins.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, à cet
égard, est-ce que le ministre pourrait faire une déclaration? Si
les représentations des centrales syndicales sont telles que le ministre
en est ébranlé et ému, est-ce qu'il a l'intention de
maintenir sa volonté de nous faire adopter ce projet de loi?
M. L'ALLIER: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Bien qu'ébranlé.
M. L'ALLIER: Bien qu'ébranlé et quelque peu ému, je
voudrais, si cela peut faciliter le travail de cette commission, rappeler
d'abord que le principe du bill a été adopté par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Deuxièmement, le fait de convoquer la commission parlementaire
est quand même une indication que le gouvernement n'a pas l'intention de
bousculer toutes les parties intéressées au moment même
où nous commençons les négociations, et d'appliquer un
principe essentiellement à la négociation au niveau provincial,
suivant des modalités qui pourraient être améliorées
et que nous refuserions d'entendre ici.
Avant même d'entendre les parties qui désirent s'exprimer
à propos du projet de loi 46, j'aimerais rappeler qu'un régime de
négociation collective doit être un mécanisme juridique
permettant, d'un côté et de l'autre des tables de discussion et de
négociation, la recherche commune d'une harmonisation toujours
délicate entre, d'une part, une certaine efficacité
économique, donc un rendement qui fait que le service public peut
être dispensé à un coût supportable et, d'autre part,
une certaine efficacité sociale c'est-à-dire un degré
acceptable de satisfaction pour les employés et les employeurs.
Dans la recherche de cet équilibre, vous conviendrez avec moi
qu'il est nécessaire, en préambule, que toutes les parties
concernées puissent participer au débat qui s'engagera aux tables
de négociation.
Il est aussi important que les interlocuteurs soient placés au
même niveau et qu'ils acceptent de discuter de points qui ont des
implications semblables même si les préoccupations sont aussi
différentes dans la forme. Aussi, je me permets de faire appel à
votre sens du bien commun pour qu'ensemble nous analysions le projet de loi 46
sans perdre de vue qu'il est un mécanisme juridique devant faciliter et
éclairer les négociations dans le secteur de l'éducation
et des hôpitaux, en simplifiant le processus habituel, en plaçant
aux tables des interlocuteurs de même niveau sans pour cela nuire aux
droits individuels ou d'association. Pour le reste, je voudrais souligner que
le domaine des relations de travail a progressé depuis toujours
grâce à la collaboration de tous les organismes concernés
et je demeure persuadé qu'aujourd'hui nous ne serons pas
arrêtés dans nos discussions par des intérêts
particuliers allant parfois à l'encontre du bien commun et que ce
secteur d'activité continuera d'évoluer positivement. Le
Québec restera à l'avant-garde dans le domaine des relations de
travail des secteurs public et parapublic mais loin de moi l'idée de
supposer que nous en sommes arrivés là sans heurts ni
difficultés.
J'aimerais, dans les instants qui vont suivre, retracer je
m'excuse, M. le Président, de ces quelques notes un peu longues, mais
elles permettent de situer à ce stade-ci la position du gouvernement
le travail entrepris depuis plusieurs années ainsi que sa
progression afin que nous puissions voir clairement ce que nous avons fait et
pourquoi, où nous en sommes et vers quoi nous devons poursuivre et
maintenir notre action. Nous verrons, à ce moment-là, que nous ne
nous éloignons pas tellement des objectifs énoncés,
même indirectement, par le député de Maisonneuve qui
reproche, entre autres choses, au gouvernement de ne pas en arriver de quelque
façon à la négociation sectorielle comme telle.
M. BURNS: Surtout en l'imposant.
M. L'ALLIER: Oui. Sous la poussée des coûts des services,
du gonflement correspondant à des dépenses publiques et du besoin
de leadership par ce syndicalisme organisé, la création du
ministère de la Fonction publique fut un acte de rationalisation de la
gestion des affaires publiques. En effet, sans coordination des
négociations du secteur public, une surenchère risquait de
s'établir entre les groupes qui ont comme caractéristique de tous
émarger, directement ou indirectement, au budget de l'Etat.
M. BURNS: M. le Président, je demande si le ministre est en train
de répondre à notre discours de deuxième lecture. Ce que
le député de Chicoutimi lui a demandé, c'est bien clair:
Est-ce qu'étant ému par les arguments des parties il serait
prêt à réviser le principe même du bill?
M. HARDY: M. le Président... M. BURNS: Au fond c'est
ça.
M. HARDY: Pour la question de règlements, je ne partage pas du
tout l'opinion de mon honorable ami de Maisonneuve puisqu'en commission la
discussion est très large, très libre. D'ailleurs, le ministre
actuellement ne fait que s'engager sur le terrain, sur le lit
déjà préparé par les honorables membres de
l'Opposition, tant le député de Chicoutimi que le
député de Maisonneuve. Ces deux députés ont
parlé du principe général de la loi, alors je ne vois pas
comment on pourrait maintenant reprocher à l'honorable ministre de
s'engager dans la même voie qui a été, encore une fois je
le répète, ouverte par ces honorables membres.
M. LE PRESIDENT: C'est ce que j'ai cru comprendre, que le ministre, par
la question...
M. L'ALLIER: M. le Président, je suis tout à fait d'accord
moi aussi sur le fait qu'on est venu ici pour entendre les parties. La question
du député de Chicoutimi était de savoir si le gouvernement
accepterait de reviser le principe du bill. A ce stade-ci, nous allons
procéder à entendre les parties, nous allons voir quels sont les
arguments invoqués par les parties, en tenant compte du fait toutefois
que l'Assemblée nationale s'est prononcée sur le principe du
projet de loi no 46.
M. LE PRESIDENT: Pour répondre aux voeux de la commission, je
voudrais d'abord que les parties, qui entendent émettre des opinions ou
faire des exposés, s'identifient d'abord pour que l'on établisse
un ordre.
UNE VOIX: La Confédération des syndicats nationaux.
M. CHARBONNEAU: La Corporation des enseignants du Québec.
M. LABERGE: La Fédération des travailleurs du
Québec.
M. LE PRESIDENT: Le trio qu'on retrouve incessamment.
UNE VOIX: Provincial Association of Catholic Teachers.
UNE VOIX: Les enseignants de l'Estrie.
UNE VOIX: Provincial Association of Protestant Teachers.
UNE VOIX: L'Alliance des professeurs du Québec.
M. LE PRESIDENT: L'Alliance des professeurs, oui.
UNE VOIX: La Fédération des employés municipaux et
scolaires du Québec.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres parties? Pas d'autres
parties.Nous allons procéder dans l'ordre. La
confédération des syndicats nationaux, si vous voulez
procéder.
M. CHARBONNEAU: M. le Président, membres de la commission.
M. HARDY: Est-ce qu'il y a des mémoires qui sont
présentés ou bien...
UNE VOIX: De notre part, non.
M. HARDY: Est-ce qu'on peut avoir les mémoires?
M. LE PRESIDENT: Ceux qui ont des mémoires, voulez-vous
les...
M. CHARBONNEAU: Si vous permettez, dans quelques minutes. C'est lundi
matin et les imprimeries commencent à neuf heures.
UNE VOIX: Le respect du dimanche.
Confédération des syndicats
nationaux
M. DALPE: Vous me permettrez au départ d'excuser le
président général de la Confédération des
syndicats nationaux, le confrère Pepin qui est actuellement à
l'étranger.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il serait à Ottawa?
M. DALPE: Si vous me dites qu'Ottawa est en Yougoslavie, il est à
Ottawa.
C'est un récidiviste que, je pense, les membres des
différentes commissions parlementaires sont habitués de voir et
d'entendre puisque, à peu près sur tous les sujets, la CSN
comme d'ailleurs la FTQ et la Corporation des enseignants trouve quelque
chose à dire.
Je voudrais cependant remercier le ministre particulièrement et
les membres de la commission parlementaire d'avoir accepté de nous
recevoir. Pour le ministre, ça semblait utile et non essentiel
d'entendre les parties. Par contre, pour les membres de l'Opposition, il
apparaît essentiel que les parties puissent être entendues. Nous
pourrions dès le départ vous dire qu'il était essentiel
que nous soyons ici pour vous dire que le bill est inutile.
M. LE PRESIDENT: M. Dalpé, excusez-moi, pour les fins du journal
des Débats, je dois dire que c'est le vice-président de la CSN,
M. Paul-Emile Dalpé, qui représente la CSN.
M. DALPE: M. le Président, je pense que tous nous devons
être d'accord pour dire que le bill 46 entre en conflit direct avec les
dispositions contenues au code du travail. C'est le code du travail qui
régit les relations de travail et qui prévoit les
mécanismes par lesquels ces relations seront menées. C'est donc
une intrusion directe par le truchement d'un autre ministère dans un
domaine qui est le propre du ministre du Travail.
Je n'ai qu'à référer aux notes explicatives
contenues au bill où on parle de mise en place de mécanismes.
C'est donc une substitution par le ministre de la Fonction publique des
mécanismes déjà prévus au code du travail. Cela
nous apparaît donc comme une ingérence dangereuse dans les lois
qui régissent les relations de travail. Autre preuve, dans les
mêmes notes explicatives, on dit que lorsque la loi cessera de
s'appliquer, on retournera au code du travail. Il est donc clair,
évident, irréfutable que, par le truchement du bill 46, on met au
rancart les mécanismes déjà prévus au code du
travail.
Deuxièmement, le député de Maisonneuve y a
d'ailleurs fait référence, ce bill cherche de façon
directe à imposer la négociation sectorielle. Pourtant, le
ministre du Travail, qui est responsable des relations de travail, a eu tout
récemment l'occasion de s'exprimer sur la négociation
sectorielle. Pour lui, les expériences en cours doivent être
rodées.
Il ne lui apparaît pas opportun, et encore moins nécessaire
à ce moment-ci, de donner suite à un projet qui
déjà a été mis de l'avant par l'ancien
sous-ministre du Travail. Il disait textuellement: "Nous ne devons pas
introduire aujourd'hui, rapidement, sans en avoir pesé les
conséquences sur le plan économique, comme sur le plan des
réactions individuelles, un
changement de direction ou un chambardement susceptible d'engendrer plus
de déboires que de succès." Nous croyons que lorsque le ministre
du Travail s'exprime ainsi qu'il a lui-même senti que la
négociation sectorielle est une chose très complexe et que ce
n'est pas par l'imposition, par la force, qu'on peut y arriver.
Il nous faut également et là-dessus nous demandons
au ministre de la Fonction publique, de s'y attarder un peu que le bill
met en cause le droit d'association. Les syndicats en vertu du code de travail
peuvent se former par la volonté des membres qui le constituent et
dès qu'ils sont constitués en syndicat, ils obtiennent
automatiquement le droit de négocier. C'est donc aux syndicats que la
loi reconnaît le droit de négocier. Ce droit-là, à
toutes fins utiles, par les effets contenus dans le bill 46, est non seulement
nié, mais enlevé, alors que continue de subsister le code du
travail qui le reconnaît.
Il faut aussi admettre que le bill 46, contenant des dispositions qui
font des centrales syndicales les agents négociateurs des syndicats,
éloigne de plus en plus les travailleurs des centres de décisions
qui sont les leurs en vertu du code du travail. Il doit quand même
apparaître aux membres de la commission que, dans le secteur public, il y
a eu des exemples qui peuvent être utilisés et dans lesquels on va
retrouver que les syndicats en cause, tout en gardant leur droit strict de
négocier selon le code, ont cru bon de confier à un organisme
fédéral le soin de négocier en leur nom leur convention
collective.
C'est donc dire que les travailleurs peuvent, lorsque l'occasion se
présente, que le moment est venu ou que leurs intérêts sont
en cause, se rallier et accepter des situations, mais cela de façon
volontaire. Le volontariat est toujours plus valable que l'imposition. J'en
veux par exemple à la situation qui prévaut dans le secteur
hospitalier. Antérieurement à l'année 1966, les
travailleurs d'hôpitaux répartis dans une multitude de syndicats
sur tout le territoire du Québec, suivant l'introduction de la loi de
l'assurance-hospitalisation, ont vite réalisé qu'il était
de leur intérêt de faire en sorte que s'installent des
mécanismes qui leur permettraient d'obtenir une convention collective au
niveau provincial. On se rappelle les tristes événements de 1966,
quand les travailleurs d'hôpitaux avaient consenti à laisser un
peu de côté une partie de leur autonomie pour en arriver à
la conclusion d'une convention provinciale, ont été forcés
par l'intransigeance patronale qui s'accrochait à une fausse autonomie,
de procéder à une grève générale. Pour
régler cette grève, le gouvernement ne s'en est pas pris aux
syndicats, il s'en est pris aux employeurs et, pour une des premières
fois dans l'histoire du travail dans un monde où la libre entreprise
existe, nous avons été témoins d'un geste sans
précédent, où le gouvernement s'est servi des dispositions
de la loi des hôpitaux, les articles 15 et 16, pour imposer la tutelle
aux hôpitaux et se substituer aux autorités en place dans chacune
de ces institutions pour régler le sort de la convention provinciale. Ce
ne sont donc pas les syndicats qui à ce moment-là étaient
en cause, c'étaient les employeurs.
Dans le cas présent, nous avons à tenir compte de
certaines situations qui échappent sûrement au ministre. Si elles
ne lui échappent pas, il faudrait se poser de sérieuses questions
sur ses intentions. Prenons, par exemple, le cas des commissions scolaires. Il
n'y a jamais eu, comme dans le cas des hôpitaux, de tentative de
négociations au niveau provincial. On s'en tient encore au régime
des négociations locales, malgré tous les problèmes que
cela peut causer tant aux parties syndicales que patronales. Subitement, tout
simplement par une loi, on imposerait aux commissions scolaires et aux
syndicats l'obligation sans avoir passé par le cheminement au moins de
la négociation régionale, de se retrouver au niveau provincial.
C'est exiger beaucoup de gens qui ont cru en un certain régime, qui
l'ont pratiqué, que de leur demander subitement de se retrouver au
niveau supérieur et en forçant tout le monde à accepter de
laisser de côté les prérogatives qui sont les leurs pour
les confier à distance à des mandataires plus ou moins
connus.
Il est possible que le gouvernement ait des problèmes
administratifs et il semble que, derrière le bill, c'est ce que le
gouvernement veut régler, mais il ne semble pas s'inquiéter de
vouloir le régler en mettant au rancart les libertés
consacrées dans le code du travail aux syndicats, faisant en sorte que
lui-même règle son problème, mais sur le dos des
associations de salariés.
Si le gouvernement tient à régler ses problèmes
administratifs, nous croyons qu'il a les moyens en main pour le faire, et nous
ne voyons pas pourquoi il ne les utilise pas. Il nous faut, dans les relations
de travail, nous méfier de ce qu'on pourrait appeler des vues de
l'esprit cogitées par des techniciens ou des technocrates qui se sentent
plus embarrassés par certaines situations qui leur sont faites que par
les réalités sociales dans lesquelles tout le monde est
plongé.
Il ne faudrait donc pas que ce bill soit une manoeuvre qui donne raison
aux technocrates et aux techniciens de faire leur lit tout en laissant de
côté toutes les autres réalités qui sont beaucoup
plus importantes que les soucis que les technocrates et les techniciens peuvent
entretenir.
Il faut conclure que le bill, tel qu'il est présenté, va
conduire au mécontentement général et que ce qu'il semble
vouloir mettre en place va probablement causer plus de problèmes qu'il
n'en règlera. Le travailleur n'aura plus rien à dire. Le
Parlement va, à toutes fins utiles, à un moment ou l'autre,
devenir l'arbitre des situations, alors qu'en fait il appartient aux parties de
s'entendre.
Pour toutes ces raisons, il nous apparaît que
le bill doit être retiré. Il est pour le moins
prématuré, si l'on tient compte des déclarations du
ministre du Travail lui-même. Il est loin d'être nécessaire
à ce moment-ci, les parties étant capables de s'organiser en
conséquence, et les expériences de négociations
sectorielles restent à compléter pour que tout le monde puisse
savoir où elles peuvent mener. Je vous remercie, messieurs.
M. LE PRESIDENT: Merci. Je crois que le député de
Terrebonne avait une question à poser.
M. HARDY: Oui, j'aurais une couple de questions à poser à
M. Dalpé. D'abord, je dois vous dire qu'en vous écoutant
tantôt bien attentivement, j'avais l'impression d'entendre des arguments
qui s'inspirent de la même philosophie que celle de certains commissaires
d'écoles et de M. Louis Bouchard.
Je vous préviens immédiatement, M. le Président,
que je n'ai pas l'intention de référer au bill. Le
règlement l'interdit. Jamais je n'oserais ni directement ni
indirectement violer le règlement. En écoutant M. Dalpé et
en entendant ses arguments, je retrouvais vraiment des arguments s'inspirant
des mêmes motifs que ceux de M. Bouchard ou de certains commissaires
d'écoles en relation avec une autre situation. Ce que ces gens-là
nous disent, c'est qu'il faut conserver l'autonomie locale, il faut garder les
administrateurs près des administrés, il ne faut pas être
en face de grandes structures.
J'aimerais bien que vous me disiez si mon impression est vraie ou si
vous faites certaines distinctions. J'avais l'impression que vous vous
inspiriez de la même philosophie que celle de M. Bouchard et de certains
commissaires d'écoles qui ne désirent pas certains changements
dans un autre domaine et, encore une fois, sans référer à
aucune loi déjà devant le Parlement.
M. DALPE : Je ne sais pas si le M. Bouchard en question, que je ne
connais pas, a une philosophie. Je ne le sais pas. Tout ce que je peux vous
dire, c'est que, dans mon intervention, vous avez certainement remarqué
que nous, du moins à la CSN et aux centrales syndicales, nous avons fait
ce que M. Bouchard ne semble pas avoir fait. Nous avons quand même
organisé et forcé la négociation à un niveau
supérieur. Cela ne semble pas, d'après ce que vous dites,
être le cas de ce M. Bouchard. C'est ma réponse à votre
question.
M. HARDY: Vous semblez le connaître un peu.
M. DALPE: Je ne le connais pas du tout.
M. HARDY: Mon autre question est la suivante. Je m'excuse, elle est
peut-être un peu directe mais c'est tout simplement parce que je veux
m'éclairer. Me fiant à une expérience qui date
déjà depuis quelques années alors que j'avais agi comme
greffier d'un conseil d'arbitrage au niveau des commissions scolaires, je me
demande si une des raisons qui vous fait vous opposer au bill 46 ce n'est pas
que vous perdez à ce moment-là le mécanisme ou l'outil qui
vous permet, d'une situation à l'autre, d'une commission scolaire
à l'autre, d'un hôpital à l'autre, d'un CEGEP à
l'autre, si vous négociez localement, d'invoquer ce qui s'est fait d'un
endroit à l'autre. Je me rappelle me référant
à cette expérience que le procureur de la partie
syndicale, dans sa preuve ou dans son argument, passait son temps à nous
invoquer ce qu'il avait obtenu à telle commission scolaire ou à
telle autre commission scolaire. A ce moment-là, je m'excuse du mot mais
c'est celui qui correspond le mieux à la réalité, j'avais
l'impression qu'on faisait un peu une espèce de chantage. On disait
à la commission scolaire concernée: Voyez, telle autre commission
scolaire donne tant comme salaire. Je me demande si la vraie raison ou une des
vraies raisons pour lesquelles vous vous opposez au bill 46, ce n'est pas que
vous allez perdre cet argument très valable de pouvoir faire jouer comme
ça des oppositions ou faire jouer des situations, toujours
évidemment en faveur de la situation qui est étudiée
à un moment donné.
M. DALPE: Aucunement, la preuve est qu'au niveau de la CSN il y a une
convention provinciale dans les hôpitaux. Vous ne pouvez quand même
pas nous opposer que nous cherchons à exploiter une situation
vis-à-vis d'une autre. Cela existe présentement par le truchement
du volontariat et non pas par l'imposition. C'est le caractère odieux
que contient le bill 46, il impose alors qu'en fait nous pouvons arriver au
même résultat par le volontariat.
M. HARDY: Vous ne croyez pas que face à certaines situations
parfois, je réfère encore non pas à une loi mais
à une autre situation devant laquelle nous sommes placés
il devienne nécessaire même si théoriquement je reconnais
avec vous que le volontariat est toujours la formule la plus valable...
M. HARDY: Je réfère encore, non pas à la loi mais
à une autre situation devant laquelle nous sommes placés. Ne
croyez-vous pas qu'à certains moments il devient nécessaire
même si, théoriquement, je reconnais avec vous que le
volontariat est toujours la formule la plus valable pour le
gouvernement, de recourir à des mesures directrices?
M. DALPE: Le gouvernement peut recourir à des mesures directrices
mais il faut quand même qu'il soit devant un refus des parties de faire
quelque chose. Or, ce n'est pas le cas présentement. Vous avez le front
commun de la fonction publique qui s'est organisé, c'est une
manifestation péremptoire pour le gouver-
nement qu'en fait on veut, du moins dans certains secteurs, arriver
à la conclusion d'une convention collective provinciale. Pourquoi le
bill voudrait-il, lui, se servir de cette volonté et en faire une
imposition?
M. HARDY: Si je vous comprends bien, au fond, vous considérez
qu'avec un temps X nous arriverions, par le volontariat, à la même
situation que nous donne le bill 46.
M. DALPE: Dans certains cas c'est déjà fait.
M. HARDY: Au fond, pour sauver le principe du volontariat vous
reconnaissez que la situation que va amener le bill 46 est souhaitable, mais
vous aimez mieux qu'elle prenne plus de temps pour respecter le
volontariat.
M. DALPE: Oui. Mais le bill 46 ne veut pas tenir compte de situations
spéciales, particulièrement dans le cas des commissions
scolaires. Il y a des conventions qui sont actuellement en négociation,
d'autres qui vont expirer après le mois de juillet. Qu'est-ce qu'on fait
de tout ça? On laisse ça dans les airs tant et aussi longtemps
que le bill, lui, n'aura pas été appliqué. Or, c'est
placer tous ceux qui sont impliqués dans ces négociations dans
une situation absolument intenable,
M. BURNS: Au fond, M. Dalpé, si je vous comprends bien, quand le
député de Terrebonne soulève des objections,
évidemment son expérience se résume à un conseil
d'arbitrage dans le domaine...
M. HARDY: Je n'ai pas votre expérience dans ce domaine. Loin de
moi la pensée de prétendre que j'ai votre expérience dans
ce domaine-là.
M. BURNS: De toute façon, nous ne sommes pas ici pour discuter de
notre expérience mutuelle. Si j'ai bien compris, le problème, au
fond, c'est que le climat ne se prête pas, à ce stade-ci, à
une imposition à la veille des négociations. Est-ce que je me
trompe en disant ça?
M. DALPE: Vous êtes loin de vous tromper, c'est la situation.
M. HARDY: Vous semblez bien vous comprendre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Le député de Terrebonne, tout à
l'heure, mentionnait qu'à certains moments il pouvait y avoir danger que
les associations locales, si on revenait à une négociation
locale, disent: Dans telle commission scolaire on a obtenu telle chose, etc.
Vous n'avez pas peur qu'en revenant à une négociation locale
l'inverse se produise? Je prends comme exemple l'article 4 dans lequel il est
question des collèges d'enseignement général et
professionnel. Vous avez la CSN qui a des associations affiliées
à la CSN, vous avez d'autres associations locales affiliées
à la CEQ; vous n'avez pas peur, M. Dalpé, que les conseils
d'administration de ces CEGEP se servent exactement du même argument?
Admettons que la CSN négocie avec un CEGEP et que la CEQ est prête
à négocier avec un autre CEGEP, mais que les administrateurs de
l'autre CEGEP disent: Bien, on va attendre que la négociation se termine
avec la CSN et après ça on fera cette convention
collective-là. Supposons que ça ne fasse pas l'affaire des
représentants de la corporation des enseignants. Ne trouvez-vous pas
qu'il serait mieux que chaque groupement représenté par les
corporations puisse faire valoir ses arguments, qui peuvent être propres
à un CEGEP plutôt qu'à un autre, à une table
provinciale? Je me réfère, en disant cela, à la
dernière négociation provinciale où, effectivement,
j'étais membre de la CEQ, comme président d'une association
locale, et où j'étais à même de constater que
plusieurs représentants de la CEQ...
M. BURNS: Cela devait aller mal dans cette association.
M. VEILLEUX: Non, je dirai au député de Maisonneuve que
c'était une des associations les plus actives de la province de
Québec. D'ailleurs, vous pouvez le demander au président, M.
Charbonneau, il va vous le dire.
M. BURNS: Ne le mettez pas sur la sellette.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il ne s'occupait pas du président.
M. VEILLEUX: Au contraire. Alors personnellement, je trouve que ce
serait beaucoup mieux de revenir à une table provinciale où les
représentants de la CEQ, par exemple, pourraient faire valoir des
arguments pour leur CEGEP et où, peut-être, les professeurs
membres de la Confédération des syndicats nationaux pourraient
bénéficier d'arguments venant d'une autre centrale syndicale.
Qu'en pensez-vous, M. Dalpé?
M. DALPE: Vous mentionnez quelque chose qui existe déjà.
La concertation entre les centrales, ça se fait. Votre problème
est administratif.
Faites en sorte que les corporations de CEGEP, les commissions
scolaires, etc., soient regroupées, et nous sommes capables de nous
ajuster en fonction de ces nouvelles normes administratives. C'est ce que nous
avons fait dans les hôpitaux, c'est ce que nous sommes prêts
à faire. Mais pourquoi chercher à imposer aux syndicats de se
regrouper d'une certaine
façon pour arriver en réalité à une
réforme administrative?
M. VEILLEUX: Il faut quand même dire que le principe du bill 46
regroupe je suis d'accord avec vous non seulement les
associations locales de syndicats mais aussi les employeurs. Avec
l'expérience que j'ai des négociations avec des commissions
scolaires locales je vais être franc avec vous j'aime mieux
que ce soit une table provinciale parce qu'on arrivait dans des milieux
où c'était nettement reculé et où les gens ne
voulaient absolument rien entendre. Et même dans une commission scolaire
membre de mon association, vous aviez des commissaires d'écoles qui
n'avaient même pas donné, en 1969, une heure pour dîner aux
institutrices. Je pense que c'était le temps que ça se regroupe
à un certain niveau pour que ces institutrices-là puissent
bénéficier des mêmes avantages que les autres.
M. BURNS: Est-ce que le député de Saint-Jean est au
courant que le bill ignore tout un domaine? Par exemple dans le secteur
hospitalier, les hôpitaux privés, les institutions
spécialisées, est-ce que le député de Saint-Jean a
remarqué que ce n'est même pas touché par le bill 46? Je
veux dire que si on est dans cette négociation sectorielle...
M. VEILLEUX: On est certain, M. le député de Maisonneuve,
que le bill 46 peut avoir besoin d'amélioration. Nous discutons
présentement sur le principe et avec le peu d'expérience que j'ai
dans la négociation avec les commissions scolaires locales, je peux vous
dire qu'on a été gagnant dans l'ensemble en négociant, du
moins à Saint-Jean, au niveau provincial.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse mais j'aimerais mieux quand même que
les échanges ou les interrogations se fassent vis-à-vis des
opinants. Conséquemment, vous me permettrez maintenant de passer la
parole au député de Chicoutimi.
M. BURNS: C'est choquant, M. le Président, de voir...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dalpé, j'aurais une question ou deux
à vous poser. Vous vous opposez non seulement au principe du projet de
loi 46 mais aussi à ce que la Chambre procède à l'adoption
de cette loi. C'est bien ce que vous nous avez dit. Pour les raisons que vous
avez évoquées conflit avec le code du travail, imposition
de la négociation sectorielle, négation à toutes fins
utiles du droit d'association vous ne voulez pas non plus que les
grandes centrales soient les agents négociateurs mais vous voulez que
tout cela se fasse par volontariat afin de respecter la volonté des
composantes de vos centrales des diverses associations.
En principe, vous n'êtes pas contre une négociation
à l'échelle provinciale ultérieurement. J'imagine qu'il y
a certains paliers, certains éléments qui, selon vous, doivent
faire l'objet d'une négociation provinciale, qu'il y en a d'autres qui
doivent faire l'objet d'une négociation au niveau local, c'est votre
point de vue. Etant donné l'attitude qu'a prise le gouvernement, vous
nous avez dit tout à l'heure que vous vous opposiez au projet de loi.
Mais devant la volonté du gouvernement de l'imposer, est-ce que vous
auriez des amendements à proposer à ce gouvernement afin
d'émouvoir le ministre encore une fois, et de l'appeler à changer
ses points de vue?
Le député de Terrebonne nous parle de la Chambre, mais il
faut bien s'entendre. C'est le gouvernement qui a pris l'initiative de
présenter le projet de loi. La Chambre s'est prononcée en seconde
lecture mais pas unanimement.
M. HARDY: Il y a un certain nombre de députés qui
n'appuient même pas le gouvernement et qui appuient le projet de loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?
M. HARDY: Il y a un certain nombre de députés qui
n'appuient pas le gouvernement et qui appuient le projet de loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela dépend.
M. HARDY: Donc, c'est plus que le gouvernement maintenant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La Chambre s'est prononcée sur un
objectif.
M. HARDY: Un principe.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, pardon. Je demande pardon au
député de Terrebonne, M. le Président, le parti que je
représente a approuvé l'objectif du ministre. C'est exactement la
même chose que les 100,000 emplois de M. Bourassa, c'était une
promesse et c'est devenu un objectif ensuite. Alors, dans ce projet de loi, il
n'y a pas de principe, il y a la recherche d'un objectif qui est la
négociation provinciale. Là-dessus, le parti que je
représente a donné son agrément à l'exception de
celui qui vous parle. Alors, je dis que c'est le gouvernement qui va de toute
façon, proposer le projet de loi pour adoption en comité et,
enfin, en troisième lecture.
Je demande à M. Dalpé, dans l'hypothèse où
le gouvernement voudrait procéder: Est-ce que vous auriez des
suggestions à faire afin d'améliorer ce projet de loi dont il
semble que le gouvernement veuille poursuivre l'étude et nous amener en
somme à l'adoption?
M. DALPE: Pour vous répondre, je préférerais que
mes collègues des autres centrales se
soient exprimés d'abord et je maintiens à ce moment-ci que
notre intention est de demander le retrait pur et simple du bill. L'objectif
qu'il semble poursuivre, il est actuellement en voie de réalisation pour
certains groupes et déjà réalisé pour d'autres.
J'aimerais que mes collègues des autres centrales s'expriment avant de
pouvoir formuler des intentions d'amendement si tel pouvait être le
cas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Nous allons maintenant demander au représentant
de la CEQ de faire ses représentations.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il y a des
apartés qui nous empêcheront certainement d'entendre le
représentant de la CEQ.
M. LE PRESIDENT: J'allais justement demander un peu d'ordre, s'il vous
plait, afin qu'on entende le représentant.
M. HARDY: Nous nous soumettons d'avance.
M. BURNS: Surtout depuis quelques minutes, la remarque du
député de Chicoutimi me touche davantage parce que je
m'aperçois qu'il est de plus en plus récupérable.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, je ne deviendrai pas terroriste, de toute
façon.
M. BURNS: C'est la défense habituelle du député de
Chicoutimi. Je n'y réponds même pas.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre!
M. CHARBONNEAU: M. le Président, M. le ministre, messieurs les
députés...
M. LE PRESIDENT: S'il vous plaît, pour les fins du journal des
Débats, voulez-vous vous identifier?
Corporation des enseignants du Québec
M. CHARBONNEAU: Yvon Charbonneau, président.
Nous avons déjà fait parvenir aux membres de
l'Assemblée nationale, le 23 juin, une courte note qui faisait
état de notre opposition au bill 46. Nous l'avons reproduite de nouveau
dans le document qui vient de vous être distribué. Ce texte
reprend les raisons de principe par lesquelles nous en arrivons à
demander le retrait du bill étant donné qu'il désigne
d'autorité les centrales syndicales, la CEQ, pour négocier au nom
de ces syndicats. Une telle autorisation de négocier est la
prérogative de nos syndicats et non du législateur. De plus, le
bill 46 interdit la négociation autre que portant au niveau provincial.
La CEQ a déjà fait connaître depuis longtemps son intention
de décentraliser une partie de la négociation.
Nous avons déjà mis au point par des mécanismes
volontaires, sur le plan interne, toute une démarche depuis environ huit
mois qui nous a amenés à rédiger un projet à
négocier qui comporte toutes les clauses qui ont trait à l'aspect
financier d'une négociation et qui ont des incidences importantes sur la
planification de l'éducation.
Nous affirmons bien clairement au départ que nous sommes
prêts, que nos syndicats sont disposés à
déléguer à la CEQ leur pouvoir de négocier ces
objets d'intérêt général, d'intérêt
provincial, d'ordre financier. Alors aucun argument voulant nous assimiler
à Louis Bouchard ne sera considéré. En ce qui nous
concerne nous avons réglé ceci depuis longtemps.
D'autre part, le projet de loi 46 impose, par l'article 2, aux 65,000
enseignants francophones, le cartel obligatoire avec les deux groupes
d'anglophones, les anglo-catholiques et les enseignants anglo-protestants.
Je crois que c'est la preuve que ceux qui ont préparé le
projet de loi sont branchés sur le passé. Ils sont
branchés sur une réalité qu'ils ont réussi à
imposer de force au mois de février 1967 et c'est une autre preuve que
ces rédacteurs-là n'ont pas su évoluer, s'adapter et voir
ce qui peut se faire entre trois groupes d'enseignants sur une base volontaire.
Ils n'ont pas réussi à apprécier le positif qu'on pourrait
tirer en laissant travailler les enseignants, de quelque langue ou religion
qu'ils soient, sur une base volontaire entre eux.
Ce droit de veto qui est en quelque sorte consenti par le
législateur à deux groupes d'enseignants de langue anglaise qui
ont au total quelque 10,000 ou 12,000 membres, droit de veto accordé sur
le pouvoir de négociation et le pouvoir d'approbation d'une convention
collective par 65,000 à 70,000 enseignants francophones, nous pensons
qu'il est nettement anachronique et n'est pas digne du sens politique qui en
principe caractérise les ministres actuels du Québec.
Je prierais les députés et même les ministres de
regarder avec soin l'article 2 du bill 46, qui fait un cas spécial de la
négociation dans le secteur scolaire. Tout à l'heure, le ministre
de la Fonction publique a souligné dans son introduction que le premier
texte de législation qui a été soumis à la
consultation des centrales a été révisé parce qu'il
imposait un cartel obligatoire, parce qu'il imposait un découpage de
tables trop serré. Je tiens à dire ici qu'il a peut-être
été révisé, mais qu'une exception a
été faite pour le secteur scolaire. L'article 2 est explicite et
il mentionne l'obligation de négocier et d'agréer la convention
collective d'une façon conjointe par les trois groupes. Ceci est
carrément inacceptable et totalement discriminatoire contre
les enseignants francophones syndiqués à la CEQ.
Etant donné que nous pensons que des formules de volontariat et
que les dispositions du code du travail permettent de faire face à la
situation, nous demandons nous aussi le rejet, le retrait du bill 46. Nous
avons déjà fait tenir au ministère de la Fonction publique
un mémoire qui a recueilli toutes les positions que nous avons
élaborées au cours de l'année. Je vais vous donner un
aperçu de ce mémoire qui est la deuxième partie du
document que je viens de vous présenter.
La Corporation des enseignants, qui représente non seulement des
enseignants des secteurs élémentaire et secondaire, mais aussi
des enseignants du secteur CEGEP, est impliquée dans les articles 1, 2,
3 et ensuite plus directement dans l'article 6, etc., les autres paragraphes
s'appliquant au personnel des hôpitaux.
Nous croyons qu'un système de relations de travail dans le
secteur public doit respecter certains principes fondamentaux dont le principal
demeure le respect intégral de la liberté de négociation
qui est reconnue à ses membres par le code du travail. En bref, on
demande de laisser s'appliquer à nos syndicats les articles du code tels
qu'ils sont actuellement. Ce régime repose sur la liberté de
négociation et le plein exercice de tous les droits collectifs,
notamment le choix de l'agent de négociation. Le régime que nous
proposons tiendrait cependant compte des particularités du secteur de
l'éducation. Il propose une structure de négociation qui respecte
à la fois la nécessité d'une rationalisation de certaines
normes de travail à l'échelle de travail de même que les
besoins particuliers de l'éducation et des enseignants dans les diverses
régions du Québec.
A la lumière de ces principes, voici certaines recommandations
sur la composition des tables de négociation, sur les structures de
négociation et sur la marche ou l'exercice des droits collectifs des
enseignants. En ce qui concerne les niveaux élémentaire et
secondaire, les enseignants du Québec sont tous regroupés dans le
secteur public, soit à la CEQ, soit à la PAPT ou à la
PACT.
Le respect de la liberté syndicale contenu dans le code du
travail devrait faire rejeter toute disposition qui contraindrait ces trois
corporations à négocier conjointement et qui leur accorderait des
droits de veto sur leur décision respective.
La corporation ne prétend représenter que ses propres
membres, soit ses syndicats affiliés qui regroupent ses membres. Elle
entend cependant le faire intégralement, sans être liée par
les décisions d'un autre groupe, particulièrement quand il s'agit
de groupes qui ont une représentation de l'ordre de 20 p.c. de la
nôtre. Toute association forcée contraint la corporation à
représenter d'autres personnes finalement dans les faits, que celles
qu'elle regroupe et en même temps, elle confère aux autres
corporations des droits sur ses propres membres, droits que ceux-ci n'ont
jamais entendu leur conférer. Je parle sur le plan pratique, parce que
sur le plan juridique, c'est entendu qu'on maintient toujours des distinctions
mais, quand on arrive à travailler, tout le monde est mal à
l'aise, ceux qui sont majoritaires et ceux qui sont minoritaires, parce que
tout le monde a l'impression que ce n'est pas exactement sa décision,
son orientation, qui est véhiculée jusqu'au patron.
La corporation ne veut pas se voir imposer de mandat pour d'autres
groupes que les siens. Elle n'entend pas non plus que ceux ci n'en
reçoivent à l'égard de ses propres membres. A cet
égard, il me semble que l'expérience de la dernière
négociation provinciale et la négociation de la classification
des enseignants cet hiver serait assez concluante. L'association forcée
mène à la paralysie de la négociation et nie les droits de
représentation, en pratique, conférés à chaque
groupe.
Le bill 46, d'après nous, ne traite pas de façon
suffisamment claire de l'éducation permanente, ni du personnel
professionnel non-enseignant. Les deux autres paragraphes de notre
mémoire abordent ces questions.
La table de négociation de la CEQ devrait couvrir le champ de
l'éducation permanente d'une façon claire. En effet, un jugement
du tribunal du travail, rendu au mois d'octobre dernier, reconnaissait quo les
enseignants de l'éducation permanente ne sont pas à l'emploi du
gouvernement. Une décision du commissaire enquêteur Laurin, qui
est maintenant en appel, conclut que les enseignants de l'éducation
permanente relèvent des commissions scolaires. Il n'y aurait aucune
raison, vu cette définition de leur statut juridique, de refuser
à la corporation le droit de les représenter et des les inclure
dans le champ de ses conventions collectives. Ceci devrait également,
nous semble-t-il, être conforme aux politiques de rationalisation du
gouvernement dans le secteur de l'enseignement. Il serait aberrant d'appliquer
un régime de relations de travail distinct pour les enseignants qui
donnent des cours le jour aux élèves et à ceux qui
enseignent après quatre heures aux adultes. Ce sont souvent d'ailleurs
les mêmes personnes qui enseignent aux uns et aux autres. De même
l'entente provinciale des enseignants de l'élémentaire et du
secondaire devrait s'appliquer au personnel affecté aux services
à l'étudiant. C'est un domaine qui souvent est malheureusement
tenu dans l'ombre à bien des égards par le législateur, en
particulier dans ce bill. Il y a dans les écoles secondaires et dans les
administrations de commissions scolaires de plus en plus une catégorie
de personnel qui s'appelle le personnel professionnel non-enseignant. Il s'agit
notamment de phychologues scolaires, de conseillers d'orientation, de
travailleurs sociaux et autres groupes du même genre. Alors, ni l'article
2, ni l'article 3 du bill ne sont appropriés pour
couvrir les négociations de ce secteur. L'article 2 parle
d'instituteurs, l'article 3 parle de personnel de soutien. L'expression
"personnel de soutien" est ordinairement utilisée pour le personnel qui
travaille dans les secrétariats de commissions scolaires et à
l'entretien des écoles. Les agents de négociation qui sont
désignés à l'article 3 d'ailleurs prouvent qu'on n'a
nullement tenu compte de l'existence du personnel professionnel non enseignant
qui ne se retrouve à aucun des autres groupes mentionnés à
l'article 3 pour négocier en leur nom.
A la corporation, nous avons une association provinciale qui s'appelle
l'APPSEQ, c'est-à-dire l'Association du personnel des professionnels des
services aux étudiants du Québec, qui groupe une forte proportion
des membres du personnel affecté à ces services. Ils ont
manifesté le désir que l'entente provinciale que la CEQ a le
pouvoir de négocier s'applique également à cette
catégorie de personnel non-enseignant, mais professionnel.
Les conditions de travail de ces personnes sont en effet
étroitement liées à celles des enseignants
réguliers. Les stipulations qui leur sont particulières
pourraient bien sûr faire l'objet d'un chapitre spécial à
l'entente provinciale. Aux objections que l'on soulève trop rapidement
contre les centrales syndicales, à savoir qu'elles veulent le maintien
des négociations locales, qu'elles veulent la poursuite de la
surenchère qu'on a pu connaître avant 1967, nous avons à
dire que nous demandons une certaine décentralisation de la
négociation, mais nous réaffirmons avec autant de force la
nécessité de maintenir une négociation provinciale.
La corporation considère qu'une centralisation aussi absolue de
la négociation que celle qui a été pratiquée dans
les négociations de 1967 à 1969, en ce qui nous concerne, est
néfaste à l'ensemble du milieu de l'enseignant, à
l'enseignement. Elle propose en conséquence une négociation
à deux niveaux: une table provinciale serait conservée pour un
certain nombre de sujets d'importance générale, par ailleurs, les
parties conviendraient de mettre sur pied des tables régionales pour
discuter soit de questions particulières à telle ou telle
région ou des modalités d'application ou de mise en oeuvre des
principes ou des clauses d'intérêt provincial.
L'établissement d'un palier régional est indispensable, si
l'on veut permettre un véritable dialogue, une organisation des
relations de travail harmonieuses au niveau où sont les employeurs et
les employés, qui dans notre secteur n'est pas au niveau provincial,
mais au niveau des commissions scolaires. Je tiens à attirer l'attention
en particulier du ministre L'Allier sur cette question: une négociation
à deux paliers serait le meilleur moyen d'organiser les relations de
travail en cohérence avec les principes qui sous-tendent le bill 27.
J'espère que je ne suis pas soumis aux mêmes contrain- tes et aux
mêmes obligations de violer le règlement que le
député de Terrebonne.
Le bill 27 a comme principe de regrouper les commissions scolaires,
certainement, mais il confirme le rôle important d'employeurs pour
l'avenir des commissions scolaires. Il confirme le rôle social important
de ces structures administratives agrandies, mais qui demeurent à la
base. C'est la volonté du ministère de l'Education et c'est la
volonté du gouvernement.
A ce moment, si on admet que ce principe se traduit par le bill 27 et
sera traduit dans les faits bientôt, nous devons admettre que les
interlocuteurs directs que seront les employeurs maintenus et confirmés
dans leur importance soient les commissions scolaires. Les syndicats vont
demander que ces instances soient en mesure de discuter efficacement de leurs
problèmes particuliers et d'y apporter des solutions convenant à
leur milieu.
Une telle procédure de négociation respectera ainsi les
particularités de chaque région de la province. Les
problèmes d'éducation varient énormément d'une
région à l'autre et les responsables du ministère de la
Fonction publique et du ministère de l'Education qui ont eu à
appliquer le contrat collectif qui nous régit sur le plan scolaire
depuis deux ans devraient, il me semble, avoir tiré quelques
leçons très utiles quant aux difficultés d'appliquer
partout de façon convenable, de façon satisfaisante, un contrat
uniforme pour tous les enseignants et toutes les commissions scolaires du
Québec.
Il y a eu tellement de difficultés, il y a eu tellement de
problèmes d'accumulés que, pour des raisons d'efficacité
évidentes, on devrait laisser une partie des problèmes à
négocier sur un autre plan que sur le plan provincial. Les
problèmes d'éducation varient d'une région à
l'autre et ils ne sont pas les mêmes suivant les conditions
économiques, géographiques et sociales.
La richesse relative au milieu, le rôle que l'on reconnaît
à l'éducation, la concentration de la population, même dans
certaines régions, l'état de l'équipement scolaire des
régions où il n'y a pas de polyvalente exigeront des adaptations
aux normes générales stipulées à l'échelle
provinciale ou imposeront la négociation de conditions
particulières. Si on veut parler de réalisme social, si on veut
parler d'efficacité sociale, comme le ministre en a parlé, je
pense que c'est le moment d'apporter toute l'attention qu'il faut aux propos
que nous tenons en ce moment.
A la fois pour tenir compte de ce particularisme et assurer
l'efficacité de la négociation, la corporation demande donc
l'établissement d'un palier régional de négociations,
auxquelles participeront ses propres syndicats et les commissions scolaires
concernées. Pour la corporation, une table devrait couvrir au moins le
territoire d'une régionale. Ceci est évidemment écrit sans
pouvoir faire les concordances, puisque le bill 27 n'est pas adopté.
Cependant, une table
grouperait, de préférence, les commissions scolaires
régionales sur une base plus large. Nous pourrions parler de quinze
tables régionales environ, c'est un chiffre qu'on lance comme ça.
Il s'agirait de s'asseoir et d'en convenir.
Toutefois, il ne serait pas question d'éliminer la table
provinciale de la négociation. Bien au contraire, celle-ci sera
maintenue mais, par les mesures que nous proposons, elle pourrait atteindre les
buts propres pour lesquels elle existe. Quand le bill 27 a voulu centraliser
les négociations il s'inspirait de principes d'efficacité
administrative et de la nécessité de rationaliser les
investissements dans le secteur scolaire. Ces objectifs sont partagés,
mais nous ne croyons pas devoir passer des semaines et des semaines à
discuter du droit d'affichage dans les écoles pour les syndicats pour
une composante indispensable de la négociation provinciale. Passer des
semaines et des semaines à discuter de questions de détails qui
se règlent au niveau régional ou local, cela n'a rien à
voir avec les soi-disant soucis d'efficacité d'un gouvernement.
Les mesures que nous proposons permettraient à la table
provinciale d'avoir son objectif propre qui serait de négocier certaines
normes, certaines clauses d'application générale. Nous donnons
des exemples. M. le ministre a demandé que l'on soit positif, que l'on
fournisse des formules de remplacement. Notre mémoire en fourmille.
Encore faudrait-il prendre le temps de le lire avant d'adopter en
troisième lecture les articles qui seront présentés
à l'Assemblée nationale.
On pourrait, par exemple, relever de la table provinciale, après
entente sur le partage des objets entre les deux niveaux, les clauses relatives
au salaire, à la classification, à la charge d'enseignement, aux
sommes à répartir aux avantages sociaux et au perfectionnement,
et à d'autres modalités telles que les formalités
d'arbitrage sur le plan provincial et le contrat d'engagement ou les
dispositions qui entourent la sécurité d'emploi. Tout cela
devrait, à notre avis, continuer d'être négocié sur
le plan provincial, mais tout cela n'est pas l'avis d'une convention
collective, et les autres aspects pourraient être
déférés au palier régional. L'aménagement de
la charge de l'enseignement, une fois que certaines normes et que certaines
ententes ont été conclues sur le plan provincial, doit être
fait, compte tenu d'une quantité de facteurs, ne serait-ce que la
dimension des écoles, ne serait-ce que les catégories
d'élèves qui doivent aller dans tel ou tel type
d'enseignement.
On pourrait en énumérer bien d'autres, et je suis
sûr que cette réalité est bien connue des parlementaires
parce qu'eux sont près de la population. Quand je dis les
parlementaires, j'exclus ceux qui ont rédigé le projet de loi 46.
Je ne suis pas parlementaire. Quand on a défini les sommes pouvant aller
au régime de sécurité sociale ou les sommes pouvant aller
au prefec- tionnement, qu'est-ce que le gouvernement veut surveiller de plus
que la quantité d'argent qu'il accepte d'investir dans tel ou tel
secteur de l'entente négociée avec les enseignants?
Qu'est-ce qu'il veut surveiller de plus que les montants, et certains
principes d'utilisation de ces montants, un certain encadrement? Pourquoi
est-ce qu'il va confirmer le rôle important des commissions scolaires
dans l'administration de la vie scolaire du Québec et en même
temps vouloir continuer à tout régir au doigt et à l'oeil
à partir des officines du ministère de l'Education ou du
gouvernement? Nous trouvons qu'il y a là de l'incohérence. Nous
trouvons qu'il y a là une immense contradiction. Une fois que le
gouvernement, disons pour fin d'exemple, a accepté de donner 1.5 p.c. ou
1.2 p.c. de la masse des traitements des enseignants pour le perfectionnement,
qu'est-ce que ça peut bien lui faire que, dans la région de la
Côte-Nord, on utilise ces montants selon des plans différents de
la région de Montréal? Qu'est-ce que ça peut lui faire,
une fois convenu sur le plan provincial que les enseignants ont en
principe telle charge de travail que dans telle région où
les écoles sont plus petites ou plus grandes et où il y a plus ou
moins de types de clientèles dans les écoles on aménage
les charges selon des modalités propres? Qu'est-ce que ça peut
faire au gouvernement du Québec que de permettre l'adaptation du
régime de négociations à de tels impératifs
d'efficacité sociale?
Du côté des CEGEP, puisque nous en représentons un
certain nombre, nous pensons que les mêmes principes peuvent et doivent
s'appliquer, c'est-à-dire le principe d'une négociation
provinciale et d'une négociation régionale, c'est-à-dire
d'une négociation par CEGEP en l'occurrence, parce que les CEGEP sont
conçus, par la volonté du gouvernement, pour répondre aux
besoins d'une région et être enracinés dans la
réalité de chaque région. Chaque CEGEP, par la
volonté du législateur, essaie d'avoir une personnalité
qui lui est propre, des structures et des éléments distincts.
Parfois la dimension même de l'institution la rend fort différente
des établissements du même genre. De plus, la Loi des CEGEP, tout
comme la pratique, consacre l'autonomie de chaque CEGEP dans son organisation
interne et dans ses affaires pédagogiques. Qu'est-ce que ça peut
faire au gouvernement du Québec, au ministère de l'Education de
permettre tel degré de participation des enseignants et des
étudiants dans tel CEGEP qui est prêt à prendre la formule,
par rapport à tel autre degré dans une autre région?
Qu'est-ce qui empêche le gouvernement de laisser la liberté aux
corporations de CEGEP qu'il a lui-même constituées et
dotées de certains pouvoirs, de convenir de la vie qu'il faut à
telle région ou à tels groupes de personnes ou à telle
mentalité régionale? Nous ne voyons aucune objection à
ça. Au contraire, le gouvernement devrait sortir des ornières de
1967 et de la décennie de la centralisation pour aborder
maintenant les problèmes de l'éducation avec une
perspective renouvelée, une perspective qui fasse coller les
investissements énormes du secteur scolaire aux besoins des
régions. Dans un tel contexte, il est évident que l'ère
n'est plus au moment où on doit uniformiser les relations de travail
dans notre secteur. Une centralisation complète de la négociation
transfère chaque problème local et le ministre du Travail est
drôlement bien placé pour le savoir. Chaque problème local
arrive à la table provinciale avec la structure que vous voulez nous
rééditer ici et prolonge indéfiniment les
négociations.
Devant les objectifs que nous recherchons, le gouvernement et les
centrales et les syndicats, en regard du système d'éducation, il
s'agit de trouver, par le régime de la négociation, à
établir ou à préciser entre employeur et syndicat, des
solutions aux problèmes administratifs trop souvent laissés de
côté ou des problèmes administratifs qui ont
entraîné des situations déplorables, des situations de
malaises généralisés dans le secteur scolaire entre
enseignants et employeurs. Le volontariat, nous le rappelons nous aussi, est
plus efficace que la contrainte. De toute façon, nous avons
goûté à la contrainte depuis 1967. Ce n'est rien de nouveau
pour nous mais ça suffit comme ça. La corporation demande que la
négociation, tant au niveau régional qu'au niveau provincial,
respecte la responsabilité reconnue en principe par le code du travail
de la province de Québec.
La négociation que nous envisageons entraînerait la
conclusion d'une convention composée de deux parties, l'entente
provinciale ou la convention provinciale et certains accords, certaines
conventions négociés sur la base régionale à
déterminer, bien sûr, après discussion.
Il est fondamental que le gouvernement évite de s'immiscer dans
les structures syndicales et attribue d'autorité des mandats de
négocier de façon totale aux centrales. Le syndicalisme est le
regroupement des travailleurs sur une base de volontariat. Les syndicats de la
CEQ détiennent, en vertu de leurs accréditations, le pouvoir de
négociation et tous les autres pouvoirs qui s'y rattachent dans le code
du travail.
Il n'accepte pas au cas où certains seraient tentés
de poser des questions à cet égard ni les syndicats, ni
l'organisme provincial n'acceptent que soient enlevés à nos
syndicats par une autre loi spéciale les pouvoirs qu'ils
détiennent en vertu de leurs accréditations.
Cependant, les syndicats de la CEQ ont accepté sur une base
volontaire de déléguer une partie de leur pouvoir de
négociation à l'organisme provincial auquel ils sont
affiliés. Le projet d'entente provinciale qui circule dans la province
depuis environ trois semaines et qui sera déposé mercredi
prochain devant la partie patronale fait d'ailleurs la preuve
irréfutable de notre désir de négocier sur le plan
provincial.
Nous insistons cependant, pour que le législateur s'abstienne
d'intervenir ou de brusquer ce processus de délégation volontaire
de mandat. Il en résulterait un malaise et un mécontentement bien
compréhensibles. La CEQ demande donc que le régime de relations
de travail dans la Fonction publique et les institutions parapubliques
reconnaisse l'intégralité des droits syndicaux des
salariés sans restrictions et sans droit de veto d'organismes
étrangers.
Elle veut ainsi que ce régime, tout en permettant la
normalisation d'un certain nombre de conditions de travail, n'étouffe
pas les initiatives locales mais favorise un dialogue constant, une
négociation constante entre les administrateurs des commissions
scolaires sur le plan régional et nos syndicats.
Nous avons enfin en annexe à ce mémoire certaines formules
qui, d'après nous, pourraient sur le plan juridique, rendre possible et
plus facile la poursuite de l'objectif de centraliser une partie de la
négociation qui semble nous rallier ici. Etant donné que nous
contestons le fait que le gouvernement ait recours à une loi
spéciale émanant du ministère de la Fonction publique pour
établir le régime de négociations dans les secteurs
scolaires et hospitaliers; étant donné que nous prétendons
que ces législations devraient être de l'ordre du ministère
du Travail qui, lui, ne peut pas être assimilé à notre
employeur et n'est pas impliqué dans les négociations comme
telles; étant donné que nous prétendons qu'il devrait y
avoir un sain partage de tâches entre les ministères du
gouvernement du Québec et qu'on ne devrait pas se permettre de
recoupements comme ceux-là et qu'on ne devrait pas tolérer que le
même ministère soit à la fois l'employeur ou
considéré comme tel des enseignants ici le
négociateur et en même temps celui qui fait les règles du
jeu de la négociation; étant donné que nous pensons que
les aménagements aux lois devraient venir du ministère du Travail
et que les relations de travail du secteur public ne devraient pas faire
d'exception à ce grand principe, nous apportons certains amendements au
code du travail et non pas au bill 46.
Ainsi, on pourrait ajouter à l'article 10 b) du code du travail
l'article 10 a) est une disposition qui a été introduite
dans le temps au code du travail pour permettre à une commission
scolaire locale de déléguer ses pouvoirs à une commission
scolaire régionale un amendement qui rendrait légale la
délégation de pouvoir des syndicats à l'adresse d'une
fédération, d'une confédération ou d'un groupement
d'associations auquel ce syndicat serait affilié, un mandat de
négocier en son nom une convention collective ou une partie de
celle-ci.
Ce mandat pourrait n'être révocable qu'à certaines
conditions pour assurer une permanence, quand même, une relative
permanence, une relative stabilité du système que nous
préconisons, par exemple, d'après les mêmes délais
où un syndicat peut changer des accréditations, l'article 21,
soit entre le soixantième et le trentième jour
précédant l'expiration d'une convention collective, par
exemple.
Nous suggérons également que les mandataires dans telles
circonstances soient responsables exclusivement de l'exécution des
obligations de négocier appartenant à l'Association de
salariés, non pas responsables d'obligations imposées par le
gouvernement. Cependant, lorsque son mandat ne porte que sur une partie des
objets de la convention collective, ce qui est prévu dans notre
système déjà mis en place sur une base volontaire, nous
demandons que le pouvoir de négociation du mandataire soit restreint aux
éléments qui ont été délégués
par l'Association de salariés. Nous demandons que ce soit l'Association
de salariés, c'est-à-dire le syndicat ici, qui soit responsable
d'exécuter les autres obligations du code du travail qui ne sont pas
comprises dans le mandat délégué.
Lorsque le mandat est global, nous avons certains de nos groupes qui
parlent de remettre d'eux-mêmes un mandat global de négocier
à la corporation. Il faut le prévoir dans le code. L'entente
conclue par le mandataire constitue la convention collective au sens du code du
travail. Nous éviterions ainsi cette distinction spécieuse entre
entente collective et convention collective. L'organisme provincial, à
ce moment-là, aurait droit d'apporter lui-même les modifications
jugées nécessaires à cette convention après sa
conclusion.
Ceci est une allusion et un remède également au
système anachronique qui a encore cours au ministère du Travail
quand une convention même provinciale doit être signée par
ceux qui détiennent les accréditations. En 1969, quand les
enseignants et le ministère de la Fonction publique et la
Fédération des commissions scolaires ont convenu d'un texte, le 4
novembre 1969, quand ils ont signé le texte il n'avait encore aucune
valeur. C'était une entente provinciale, ce n'était pas une
convention provinciale. Cette entente n'est devenue convention qu'au moment
où elle a été signée par tous nos syndicats et les
1,200 commissions scolaires, une par derrière l'autre, en six
exemplaires transportés par train spécial au ministère du
Travail. Ceci est un régime tout à fait anachronique et on
devrait permettre quelque chose de beaucoup plus efficace au point de vue
administratif puisque je crois avoir suffisamment parlé du domaine de
l'efficacité sociale.
Lorsque le mandat de négocier est partiel, porte sur des objets
que j'ai mentionnés déjà, la convention est
constituée des ententes conclues par le mandataire et de celles dont
l'association a convenu sur les sujets qu'elle s'était
réservés. Le mandataire peut modifier les ententes qu'il a
conclues sur les sujets compris dans son mandat même après la
conclusion de la convention sur le plan local.
L'association de salariés qui accorde un tel mandat de
négocier suivant l'article 10 b) devrait être tenu d'en informer
l'employeur par écrit en lui indiquant l'étendue du mandat
accordé. L'association aurait la faculté d'accroître ce
mandat en tout temps puisque c'est elle qui le détient.
Lorsque le mandat de négocier est total, il appartiendrait au
mandataire, l'organisme provincial en question, de donner les avis
prévus aux différents articles du code du travail, l'avis de
convocation de la partie patronale, l'avis de conciliation, l'avis d'arbitrage
et d'autres, 40, 43, 62 et 99.
Lorsque le mandat n'est que partiel, l'association de salariés
aurait la responsabilité de donner ces avis. On devrait obliger par le
code du travail l'employeur à négocier de bonne foi et avec
diligence avec les mandataires conformément aux dispositions du chapitre
3 du code du travail sur les sujets contenus dans le mandat provincial.
L'employeur reste tenu aux obligations de négocier prévues
au présent code à l'égard de l'association de
salariés pour les sujets qui ne sont pas inclus dans le mandat de
négocier provincialement puisqu'il est partiel dans cette
hypothèse. On pourrait même prévoir un mécanisme
d'efficacité si les parties ne peuvent s'entendre, une fois admis le
principe de la négociation de deux paliers puisque toute notre
argumentation est basée là-dessus si les parties ne
peuvent s'entendre sur l'inclusion d'un sujet particulier d'un niveau ou
à l'autre. Une fois que le principe est admis, on pourrait
prévoir un mécanisme, nous en avons suggéré un ici,
si vous en avez un meilleur, sauf une décision du ministre
lui-même, si, dis-je, vous en avez un meilleur, nous sommes prêts
à l'étudier. Cela pourrait être le
commissaire-enquêteur en chef ou quelqu'un désigné par lui
sur requête d'une partie intéressée qui pourrait venir
étudier la question ou ces questions de détail
parce que c'est sûrement un domaine complexe à ce
moment-là.
Je crois que les solutions que nous apportons ici sont largement
positives. Elles permettraient au ministère du Travail de
récupérer ses responsabilités propres dans le gouvernement
du Québec et laisseraient plus à l'aise le ministère de la
Fonction publique dans sa fonction d'agent de négociation, de
responsable de l'application des conventions, dans ses fonctions d'organisation
des relations de travail.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M.
Charbonneau de l'exposé assez complet qu'il nous a fait de la situation
telle qu'il la voit. J'aimerais poser une question au ministre du Travail au
sujet des propositions qui sont contenues à la fin de ce mémoire.
Que vous ensemble, M. le ministre, de l'ensemble de cette attitude du ministre
de la Fonction publique qui vous aurait subtilisé vos pouvoirs?
M. COURNOYER: Vous savez, on n'en est pas à une subtilisation
près.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le système proposé
est praticable selon vous?
M. COURNOYER: Ce qui m'étonne un peu je pense que je ne
vais pas attaquer M. Charbonneau pour les propos qu'il a tenus, loin de
moi l'intention d'attaquer qui que ce soit je lis avec un peu
d'anxiété, parce que j'ai vécu une partie de
l'expérience moi aussi, que 11,000 enseignants anglophones auraient par
exemple un droit de veto sur le voeu exprimé ou nettement exprimé
par 65,000 enseignants francophones. L'expérience dernière,
à moins que je n'aie pas été au courant de ce qui se
passait à l'intérieur de la partie syndicale, m'enseigne qu'il y
avait une petite formalité convenue entre les parties, que
c'était 6-2-2 et qu'on avait donné un pouvoir de six votes
à la CEQ, deux votes à la PACT, et deux votes à la PAPT.
Ceci a été suivi à ce moment-là semble-t-il, d'une
certaine manière. Je m'étonne qu'aujourd'hui la même clause
ou le même texte fasse peur à la CEQ. Je pense aussi qu'on peut
retourner l'argument contraire et dire que les 65,000 peuvent aussi exercer un
droit de veto sur une convention légitimement intervenue pour les 11,000
enseignants anglophones. Ce n'est pas une question, mais une remarque. On
pourra peut-être me corriger sur cette partie-là des remarques.
C'était une impression que j'avais, c'était comme cela que les
décisions ne prenaient à la table syndicale lors de la
dernière négociation provinciale.
Quant à l'autre partie, qui ne m'étonne pas, je pense
qu'il s'agit d'un changement d'attitude. Lorsque nous avons commencé les
négociations dans le secteur de l'enseignement en 1967, nous avons
discuté pendant un certain nombre de mois les articles qui devaient
être l'objet de la négociation à cette table provinciale.
Le bill 25 comportait un ou deux articles de plus que celui-ci en ce qui
concerne l'enseignement et particulièrement la détermination des
conditions qui devaient être négociées par ces
organismes-là. Or, il arrive que, pendant les deux ou trois mois ou nous
avons exploré les possibilités de négocier des clauses
à la table provinciale, la principale difficulté était le
refus de la partie patronale d'en ajouter. Il y avait un arrêté en
conseil qui avait été adopté, le premier
conformément au bill 25, qui déterminait que telle chose devait
être négociée à l'échelon provincial par les
organismes désignés dans le bill 25.
Il y avait un processus, encore là, qui permettait d'en ajouter.
Alors, finalement au bout de trois mois, je dois avouer que c'est le
gouvernement qui a cédé et qui a dit: Bon, si vous voulez que
tout soit négocié à l'échelon provincial, allons-y!
Ce qui a été, et j'en conviens avec M. Charbonneau,
extrêmement difficile parce que quinze jours pour négocier une
clause d'affichage en dessous de la fournaise, en dessous de l'escalier ou
par-dessus ou dans le corridor numéro 1 ou 2 d'une école qui n'a
qu'un corridor, c'est extrêmement difficile, extrêmement ennuyeux,
j'en conviens, et extrêmement onéreux au point de vue financier,
parce que tout ce monde-là négocie en même temps. J'ai
vécu l'expérience; non pas que je le sache parce que j'ai
vécu l'expérience, mais parce que ce que vous disiez tantôt
résonnait drôlement à mes oreilles. Pour ma part, je ne
vois pas du tout pourquoi une clause comme celle-là ne serait pas
négociée à l'échelon local, et même j'irais
plus loin que vous, à l'échelon de l'école, s'il le faut,
parce que je ne vois pas pourquoi ce serait à l'échelon
régional ou provincial que la même difficulté va se
présenter. On a seulement rétréci un peu l'ampleur du
groupe. On n'a pas fait grand-chose, que je sache, parce que c'est à
l'échelon local que ces problèmes-là se posent.
Quant à tout ce que vous avez soumis comme remarques et comme
propositions, je ne veux pas répondre. Non pas parce que je ne peux pas
répondre, mais parce qu'on ressusciterait peut-être de douloureux
conflits. Il s'agit de regarder beaucoup plus l'avenir. En ce sens, le ministre
de la Fonction publique et moi-même sommes totalement d'accord pour
regarder l'avenir. Ce que je vois dans l'article 2, c'est qu'il rend possible,
peut-être pas d'une façon claire, ce que vous souhaitez comme CEQ.
En disant, par exemple, que vous voulez une table provinciale, que vous voulez
une négociation provinciale, est-ce que vous excluez par le fait
même la PAPT et la PACT pour créer trois tables provinciales? Si
je saisis l'argument, par exemple, de 11,000 à 65,000 à une table
provinciale, les mêmes 11,000 à 65,000 vont se retrouver dans des
conditions générales d'application. Mais dans le texte
même, qui est identique ou qui ressemble beaucoup, du moins, à
celui du bill 25, il ne m'apparaît pas comme impossible que les parties,
c'est-à-dire les six parties qui y sont inscrites, décident
ensemble que telle clause fera l'objet de négociations provinciales et
que telle autre clause fera l'objet de négociations régionales,
et que telle autre clause fera l'objet de négociations locales. Cela ne
m'apparaît pas impossible.
Vous avez choisi tantôt, comme exemple assez sérieux, la
charge d'enseignement. Ce qui est établi à l'échelon
provincial à moins qu'après mon départ on ait
changé ces choses-là et ce qui me semble être
établi, c'est que nous appliquons une règle de nombres et nous
disons aux différents échelons d'administration: Appliquez-les
comme vous voulez chez vous. Quand on dit 1-27, bien sûr que c'est 1-27.
Et ici, à cette table même, pendant un mois de juillet douloureux,
est-ce que nous n'avons pas discuté de l'application du 1-27, du 1-28,
et de l'inclusion ou de la non-inclusion de l'assistant-principal dans les
rapports maîtres-élèves? Est-ce qu'on n'a pas
discuté aussi de la norme applicable à toutes les commissions
scolaires dans la province de Québec, quelle que soit l'étendue
de leur territoire? Nous avons discuté de cela ici.
Je pense que malgré tous les bons voeux, est-ce qu'on pourra
espérer que cette prochaine négociation aille vite? Il y a
certains problèmes qui vont vraisemblablement revenir à la
surface. Moi je prends cela, non pas avec un grain de sel;
je vous avoue que certaines des remarques que vous avez faites, M.
Charbonneau, "entrent dans le mille! " Je les comprends, je les conçois.
Seulement, le bill lui-même ne me semble pas un empêchement
à une négociation régionale ni à une
négociation locale, ni à une négociation provinciale.
D'abord, il la crée, la négociation provinciale. Quant aux sujets
qui devraient relever de l'échelon régional, provincial ou local,
je pense que le processus démocratique me permet de dire que ces six
parties-là pourraient peut-être s'entendre sur ce qui devrait
faire l'objet d'une négociation provinciale et ce qui devrait faire
l'objet d'une négociation régionale ou ce qui devrait faire
l'objet d'une négociation locale.
M. LE PRESIDENT: M. Charbonneau, si vous voulez répondre.
M. CHARBONNEAU: Oui, je demanderais à M. le ministre du Travail
d'interpréter pour tout le monde l'article 6 du bill 46, qui dit que
"toute convention collective visée aux articles précédents
est réputée contenir toute stipulation négociée et
agréée à l'échelle provinciale conformément
auxdits articles".
J'aimerais qu'il dise si ceci permet la négociation
régionale.
M. COURNOYER: Bien sûr. C'est que si vous avez par exemple une
clause dans la convention collective qui dit que c'est l'échelon
régional qui négocie, tel point, ça relève de la
convention régionale de la négocier. C'est comme ça que je
l'interprète.
M. CHARBONNEAU: article 2, alors n'est valide que si...
M. COURNOYER: Encore une fois, c'est encore la même clause qui est
valide. Vous pouvez décider par mandat et ça a été
fait dans la dernière convention. Je regrette peut-être qu'il y
ait des choses qui ont été changées après mon
départ. Par décision de la table provinciale, vous pouvez dire
que c'est à l'échelon régional ou à
l'échelon local que tel point va se régler, compte tenu des
règles que vous avez vous-même énumérées,
à savoir que certains principes devraient être introduits. On ne
doit pas par exemple mettre de l'argent pour le perfectionnement et
décider que cet argent-là soit utilisé ailleurs. Si on dit
que c'est pour le perfectionnement et qu'on construise un gymnase.
Il y a des règles, dont vous avez parlé vous-même.
Si le texte tel quel, pour vous, ne reflétait pas cette intention, cette
possibilité, je n'ai pas aucune forme d'objection à discuter avec
le ministre de la Fonction publique pour le rendre plus clair, mais je tiens
à vous dire que je le comprends comme ça et comme ministre du
Travail, c'est comme ça que je le comprends. S'il n'est pas clair comme
ça et là c'est enregistré ce que je dis, j'imagine
c'est comme ça que je le comprends. Je suis bien convaincu que le
ministre de la Fonction publique, que le gouvernement a fait approuver le
principe du bill, ne voit pas d'incompatibilité avec le but
recherché et j'espère que vous ne le rechercherez pas
après nous avoir fait changer de but dans une époque plus ou
moins rapprochée.
Je tiens à souligner que nous avons fait une expérience,
dans le domaine de l'enseignement, extrêmement difficile. Pendant la
période où nous avons négocié, il y a
peut-être des difficultés qui sont venues beaucoup plus à
notre connaissance. Cela ne nous empêche pas de penser que
l'expérience a été valable et que le nombre de
problèmes que nous avons eus était plus grand. Cela n'a pas
empêché, par exemple, les gens d'être entendus à
l'endroit où ils devaient être entendus et, à plusieurs
reprises, nous sommes revenus devant cette commission parlementaire, parce
qu'il y avait conflit entre la partie syndicale et la partie patronale et que
ce conflit ne semblait jamais vouloir se résoudre.
Si la solution que vous proposez, c'est la négociation
provinciale j'en suis puisque nous la demandons et implique un
second et même un troisième palier de discussion, j'en suis
encore, puisque lors de la dernière convention collective, les
premières difficultés que nous avons eues étaient
justement de garder un certain nombre de clauses qui devaient être
discutées à l'échelon régional. Cette
fois-là, compte tenu du fait que vous n'aviez pas encore eu
l'expérience de la négociation provinciale, il faut quand
même admettre d'une façon très sincère aussi
parce que je sais que vous pouvez l'être que la discussion est
partie à l'envers de ce qu'elle est aujourd'hui. C'était la
partie syndicale qui, par une décision de son congrès, demandait
avec insistance que tout soit négocié provincialement.
Maintenant que l'expérience est faite, qu'on en arrive avec des
correctifs, parfait. Mais il ne faudrait pas changer de vocation trop
souvent.
M. CHARBONNEAU: Je crois que c'est normal. Ceci montre la
capacité d'adaptation du mouvement syndical aux réalités
sociales que de pouvoir, à un moment donné, s'entendre pour
centraliser, quand on se rend compte qu'il y a peut-être cette
étape-là et, trois ou quatre ans après, s'apercevoir qu'il
faut en revenir de ces maladies-là.
M. COURNOYER: D'accord.
M. CHARBONNEAU: Ce n'est pas de la contradiction, c'est de
l'évolution.
Quant aux anglophones dont vous avez parlé tout à l'heure,
je ferais bien remarquer à tout le monde que l'article 2 du bill 46 est
rédigé d'une façon tout à fait différente
des autres articles en ce qui concerne le "partnership" des groupes. Il
impose la négociation et l'adoption pour le compte des
associations d'instituteurs par les trois groupes ensemble.
Vous regarderez les autres articles dans les CEGEP par exemple où
la CSN et la CEQ sont implantées. La CEQ négocie dans notre
esprit les objets d'ordre provincial pour le compte de ses affiliés, la
CSN aussi pour le compte de ses affiliés. On n'est pas obligé de
mettre les deux parties à la même table. C'est même
prévu ici que ce n'est pas comme ça. Les autres articles pour le
personnel de soutien et le personnel hospitalier sont conçus comme
ça aussi. Ils laissent la liberté à chacun des groupes. Au
contraire, ce qui est prévu c'est que chacun des éléments
de la partie patronale peut bloquer ou du moins c'est l'interprétation
qu'on peut faire de la fin de l'article 3. Dans le secteur des CEGEP, on dit
que la convention en question devrait être négociée et
ensuite acceptée par la fédération et l'ensemble desdits
collèges. Si on regarde en anglais c'est marqué "all such
colleges". Ce qui doit vouloir dire probablement chacun des collèges.
C'est centraliser davantage sur le plan syndical que sur le plan patronal. De
toute manière, je veux bien discuter un peu selon le schéma que
nous présente le ministre du Travail parce que je crois qu'il est
responsable au fond de l'évolution du code du travail et de l'adaptation
du code du travail aux nouvelles réalités. Je veux bien discuter
un peu par rapport au bill 46 mais la preuve qu'on fait à travers tout
ça c'est que ce n'est pas par le bill 46, ce n'est pas par un nouveau
bill, c'est en adoptant, c'est en faisant vivre le code du travail, en lui
permettant d'entraver les nouvelles réalités, les nouvelles
nécessités. On n'a pas besoin du tout d'une loi spéciale
pour ça.
De toute façon, le ministre n'a nullement disposé du
principe de la loi qui enlève aux syndicats, à toutes fins utiles
leur pouvoir de négociation. Vous avez vécu d'autres
expériences dans d'autres secteurs d'une telle usurpation
d'accréditation. Je crois que les expériences aussi pourraient
être utiles dans ce domaine-là.
Par les formules que nous proposons au code du travail, on évite
ces embardées de fond et on pourrait atteindre certains objectifs que
bien sûr que certaines dispositions du bill 46 amènent mais qu'il
n'est pas nécessaire de promouvoir par le bill 46.
M. COURNOYER: Je prends note de ça. A ce sujet, je réponds
à la question posée par le député de Chicoutimi!
Qu'est-ce que le ministre du Travail pense des suggestions? Je prends note des
suggestions comme il se doit.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas tout de prendre note des
suggestions. Les suggestions de la CEQ...
M. COURNOYER: Le bill doit quand même revenir à la Chambre,
à l'Assemblée nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont des propositions impératives
que nous soumet la CEQ, naturellement la Chambre est libre d'en disposer de la
façon qu'elle l'entend. Mais, est-ce que le ministre ne conçoit
pas que c'est lui qui aurait dû être parrain d'un bill qui aurait
permis de créer ces mécanismes que réclame le ministre de
la Fonction publique? C'est pour ça que j'ai posé la question. En
ce qui concerne les projets d'amendements au code du travail
présentés par la CEQ, quelle est votre opinion? Est-ce que c'est
pratiquable?
M. COURNOYER: Je ne peux pas le déclarer parce que je suis mis en
présence de ce mémoire aujourd'hui même. Je vais le lire.
Jusqu'à quel point est-ce praticable? Il faudrait demander à mon
sous-ministre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Mais est-ce que vous pouvez
intervenir auprès de votre collègue de la Fonction publique,
discuter avec lui de ce problème tel qu'il nous est soumis avant que de
proposer à nouveau à la Chambre l'adoption du projet de loi
46?
M. COURNOYER: Les suggestions qu'il y a là, cela me fait penser
au genre de négociations que nous avons entreprises. Quelle couleur ou
quelle quadrature devait épouser la table de négociation?
Là-dessus, je pense qu'en principe on peut ne pas être d'accord
avec M. Charbonneau. C'est que la recherche fondamentale de la CEQ est une
sorte de délégation de pouvoirs de la part de la base vers le
haut qui ne serait pas imposée par la loi. En fait, la CEQ est bien
prête si je comprends bien ce sont des expressions juridiques
elle est bien prête à dire qu'il y a des articles qui
doivent être négociés à l'échelon provincial
même en passant par-dessus la base. Si je comprends bien, on ne peut pas
retourner à la loi de la jungle sur la détermination par exemple
des échelles de salaire. Si la CEQ est prête à ça et
que nous recherchons ça c'est ce que j'ai compris il n'y a
pas de désaccord de principe.
Là où nous ne sommes peut-être pas en
désaccord mais où nous recherchons la vérité, c'est
jusqu'à quel point le gouvernement doit par une législation,
fusse-t-elle un amendement au code du travail, déterminer ce qui va
être régional et ce qui va être provincial. Cela reste le
même gouvernement. Moi, je dis: Le texte, tel qu'il est inscrit
là, ne défend pas la détermination de points à
être négociés à l'échelon provincial,
à l'échelon régional et à l'échelon local.
Si, selon son interprétation, la CEQ croit qu'il y a possibilité
que ça ne veuille pas dire ça, moi je dis: Regardons le texte tel
quel. Que ce soit un amendement au code du travail ou une loi spéciale,
cela n'a pas tellement d'importance pour moi. Ce que je veux établir ou
ce que je veux voir qu'il soit établi, c'est un régime de
négociations satisfaisant pour tout le monde. C'est ce que je
recherche.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge, vous vouliez ajouter sur ce point?
M. LABERGE: Oui, et puis peut-être enchaîner de
là.
M. COURNOYER: D'habitude vous enchaînez.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. LABERGE: Louis Laberge, FTQ. M. le Président, messieurs les
ministres, messieurs les députés, nous pourrions peut-être
être d'accord à joindre l'utile à l'agréable. Le
ministre du Travail nous dit que le projet de loi 46 permettrait
différents échelons de négociations et là,
qu'est-ce que vous voulez, moi, je ne peux pas être d'accord. Quand on
lit le paragraphe 2 qui se lit: "Une stipulation qui est contenue dans une
convention collective prenant effet le 1er juillet 1971... n'est valide que si
elle est négociée et agréée à
l'échelle provinciale", cela me semble très clair. Maintenant,
tout le régime de relations de travail au Québec est régi
par le code du travail sauf une exception, l'industrie de la construction. On
nous présente ici un projet de loi qui est un projet de loi d'exception.
Or un projet de loi d'exception devrait être absolument indispensable
pour être présenté. Autrement, on devrait plutôt
changer le code du travail pour permettre, peut-être, de nouvelles
initiatives dans les relations de travail. Et ce projet de loi en est un
d'exception qui n'est ni indispensable, ni essentiel, ni utile et ni même
souhaitable. Dès que le gouvernement a annoncé son intention de
négocier sa politique salariale, immédiatement les trois
centrales syndicales ont réussi à faire une entente. Nous avons
rencontré le gouvernement, ça continue pas vite, vite, parce
qu'on s'aperçoit que la banque d'informations n'était
peut-être pas aussi complète que certains le pensaient et j'exclus
le ministre. Mais en fait, ça fonctionne et chaque fois qu'il y a eu
rencontre, les centrales étaient présentes et étaient
prêtes à participer à ces discussions. Alors, ce projet
nous est amené comme si la situation, dans le domaine hospitalier et
dans le domaine de l'éducation, nécessitait une loi d'exception.
Ce qui n'est pas le cas, parce qu'encore une fois, au niveau du secteur
hospitalier, il y a déjà une entente à l'effet que la
négociation serait provinciale. Au niveau du secteur de
l'éducation, la CEQ dans son mémoire vous dit carrément
qu'elle est prête à négocier un tas de points au niveau
provincial. Alors, pourquoi nous amener une loi d'exception au lieu de nous
amener des amendements au code du travail alors que là les parties
pourraient véritablement être consultés par le truchement
du conseil consultatif, par exemple, où on aurait certainement le temps
de rencontrer tous les intéressés, où le conseil du
patronat est amplement représenté? Il pourrait y avoir d'autres
sons de cloche que ceux des commissions scolaires et des patrons du domaine
hospitalier parce que des amendements au code du travail, qui vont changer le
régime de relations de travail au Québec, sont quelque chose
d'extrêmement important. Ils ne touchent pas les travailleurs des
secteurs public et parapublic mais qui touchent tous les autres travailleurs.
Il faut bien s'entendre. A la FTQ et je pense que c'est la même
chose pour la CEQ et la CSN on a dit depuis fort longtemps que nous
étions en faveur de négociations de type sectoriel. Il n'y a
aucun doute là-dessus. Mais quand nous discutons de négociations
de type sectoriel, nous parlons d'établir un mécanisme quelconque
qui permettrait à des travailleurs qui veulent se grouper pour
négocier dans un secteur donné, dans une industrie donnée,
de le faire et non pas d'imposer par la loi que cela va se faire. Il y a toute
la différence au monde.
Encore une fois, je ne m'étendrai pas sur les autres raisons
déjà données par la CSN et la CEQ. Je suis d'accord sur ce
qui a été dit, mais je pense qu'avant d'adopter une loi
d'exception, on doit passer par la loi qui régit tout le régime
de travail au Québec. Cette loi-là, c'est le code du travail.
Actuellement, encore une fois, ce n'est pas le bien de la population ni le bien
commun qui est en jeu, il n'y a aucun danger à l'horizon pour les
négociations qui doivent débuter très bientôt et
dans le secteur hospitalier et dans le secteur de l'éducation.
Nous sommes prêts à fonctionner, la CEQ a obtenu un mandat
de ses mandants, la CSN aussi et à la FTQ, il n'y a pas de
problème non plus de ce côté-là. Pourquoi donc nous
amener une loi d'exception? Je vais me limiter à cet argument-là
qui, je pense, est de taille.
M. LE PRESIDENT: Merci M. Laberge, le député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, en écoutant l'argumentation
de M. Charbonneau, ça me rappelait non seulement des moments difficiles
mais parfois des moments douloureux, parce que nous avons eu certains
accrochages lors de la dernière négociation provinciale, comme
l'a d'ailleurs mentionné le ministre du Travail tout à l'heure,
relativement à l'application de certaines clauses
négociées à un niveau provincial.
J'aimerais savoir du président de la Corporation des enseignants,
pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire,
quelle est la portée de la décision prise en congrès
spécial par la CEQ, après le fameux bill 25, je crois que c'est
en mars 1968. Est-ce qu'à ce moment-là ils acceptaient que toutes
les clauses soient négociées via la Corporation des enseignants
du Québec? Est-ce qu'ils acceptaient ça pour un laps de temps
déterminé ou s'ils acceptaient ça comme acquis et devant
se continuer dans l'avenir?
M. CHARBONNEAU: C'est en 1967? M. VEILLEUX: En 1967.
M. CHARBONNEAU: Après le bill 25, en 1967, et c'était pour
la convention dont il s'agissait à ce moment-là. Cette convention
a été signée, elle a vécu, elle se termine dans
quelques jours. Depuis un an, nous sommes en train de penser à quelque
chose de plus efficace, soit la formule que nous vous présentons
maintenant.
M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres questions, passons au
suivant.
Provincial Association of Catholic Teachers
M. DOBIE: Je suis Robert Dobie, président de la Provincial
Association of Catholic Teachers. En ce qui nous concerne, notre position sur
la négociation provinciale n'a pas changé depuis 1967. Nous avons
participé à une commission qui a étudié l'article
13 du fameux bill 25, et, pour la plupart des points, je crois qu'il y avait
unanimité sur les recommandations soumises au gouvernement. Nous avons
toujours favorisé une négociation à deux paliers.
En ce qui concerne le bill 46, we feel that this bill carries
negociation in the public sector to an unwarranted centralization. We consider
this excessive centralization as a threat to the social fabric, as it will
widen the gap between employee and employer and more serious still, will widen
the gap between the people and the Government.
Excessive centralization, in effect, means that the employer in the
public service could be considered as the Government although it is stated that
the local school commission is the employer. In effect, public servant or the
teacher knows in his heart that the real employer is far removed from the local
scene.
Bill 46 will remove the last vestige of local autonomy from the school
commissions and syndicates of teachers. All that remains is to sign the
collective agreement negociated at the provincial level. With no authority
left, and with no worthwhile role to play in local education, you will find
that the best people, the people who are anxious and willing to serve on local
school boards will find no merit in having the name of commissioner or school
trustee, because the position will have lost its representativity character to
be replaced by the role of public functionary and that is an extension of the
central Government.
None can deny the responsibility of the Government for the wise and
economic spending of public money. In education particularly, the Government
has the full support of the public in the provision of equality of educational
opportunity. Therefore, those items dealing with budgets, salaries, etc., it is
conceded, must be the subject of provincial negociation. But there still remain
areas which could be subject to mutual accord at local level.
One asks, after reading the bill: Are the schools throughout Quebec to
have a standardized time table, a standardized lunch hour, supervision, etc.?
We believe that there should be two-level bargaining such as was proposed in
the article 13 committee of bill 25. It is regretable that no provision is made
for such in this bill, we figure.
Finally, we consider it strange indeed that once again we have
provisional and make-shift legislation. Bill 25 was an emergency and was
considered as such. But four years have elapsed and we are still in emergency
legislation stage. All indications are that in 1974 we will have the same type
of thing.
M. Cournoyer a mentionné que, tout à l'heure selon
l'article 2, il pouvait y avoir deux ou trois niveaux de discussions. Je me
demande si ces discussions seraient une véritable négociation ou
seulement une négociation et si le tout serait ramené au niveau
provincial.
M. COURNOYER: Cela dépend sur quel sujet, si on s'entend par
exemple pour que l'affichage soit négocié à
l'échelle locale. Je prends l'exemple de l'affichage parce qu'il a
été utilisé comme étant une indication du ridicule
d'une négociation provinciale pour des choses comme celle-là.
Mais si je prends ça, ce serait la véritable négociation
d'une procédure d'affichage mais il est sûr que, si vous voulez
avoir une procédure d'affichage contre une augmentation de salaire, vous
ne l'aurez pas, parce que le salaire ne sera pas dedans.
M. DOBIE: Sur les questions qui seront soumises au niveau local,
serait-ce une véritable négociation?
M. COURNOYER: Une négociation avec quoi, comme quoi? Qu'est-ce
que cela veut dire une véritable négociation? Ce sont des
personnes qui essaient de trouver une solution aux problèmes, qu'est-ce
que c'est?
M. DOBIE: Oui, mais est-ce que le problème sera encore soumis
à la table provinciale tout de suite après?
M. COURNOYER: Je n'ai aucune réticence à trouver la
formulation qu'il faut. Je pense que le ministre de la Fonction publique et
moi-même, tout ce que nous voulons vous indiquer, c'est que nous croyons
et nous croyons encore que, pour le rendre plus clair, nous sommes prêts
à modifier ou à clarifier davantage ce texte-là pour qu'il
rende possible à l'échelon local, par le syndicat local et
la commission scolaire locale ou la commission scolaire régionale,
n'importe laquelle une négociation sur des sujets particuliers.
Quand je dis véritable négociation, si vous me dites: Je veux
avoir le droit de grève. Si tu veux faire la grève sur le droit
d'affichage, fais-là, mais il ne sera pas inclus avec un "bargaining
power" complet. Ce n'est pas possible.
M. DOBIE: Merci.
M. LE PRESIDENT: Suivant.
Association catholique des enseignants de
l'Estrie
M. DOMINGUE: Clermont Domingue, président des enseignants de
l'Estrie. Messieurs les ministres, messieurs les députés, M. le
Président, dans son exposé du début le ministre de la
Fonction publique, parlant des parties intéressées, a
répété à quelques reprises les trois centrales. Les
enseignants de l'Estrie ne sont pas tout à fait d'accord. Les parties
les plus intéressées là-dedans sont les syndicats. La CEQ
et les autres centrales voient leur pouvoir renforcé par le bill 46. Ce
sont les syndicats qui sont condamnés à mort. Cela les
intéresse. Un point sur lequel, cependant, nous sommes d'accord avec
l'honorable ministre de la Fonction publique, c'est sur le fait de simplifier.
Nous en sommes pour simplifier la négociation, mais nous en sommes
davantage pour simplifier la convention collective. Les enseignants ne veulent
plus d'un catalogue d'avocasseries de 166 pages. Ce n'est pas un instrument
dans les mains des syndiqués.
Lorsque le bill 46 a été porté à notre
connaissance, nous l'avons ressenti comme une profonde injustice, une trahison,
une lente asphyxie des syndicats, une continuation du processus
d'écoeurement progressif qui tue l'intérêt à la
carrière et l'engagement professionnel et une profonde injustice. Je
m'excuse de reprendre dans ce texte des arguments que mes savants
confrères vous ont servis avant moi. J'espère cependant, par un
style peut-être différent, émouvoir le ministre de la
Fonction publique. Comme le bill 25, le bill 46 nous prive du droit à la
libre négociation avec notre employeur. Comme le bill 25, il nous prive
aussi en quelque sorte du droit à la libre association en faisant de la
CEQ le mandataire exclusif des associations qui lui sont affiliées.
Comme syndicat libre, détenteur des accréditations des
enseignants à l'emploi de toutes les commissions scolaires de l'Estrie,
l'Association catholique des enseignants de l'Estrie ne nie pas son affiliation
à la Corporation des enseignants du Québec. Mais elle
considère comme un mépris des libertés syndicales le fait
que, d'autorité, le gouvernement mandate l'organisme provincial aux fins
de négocier les clauses de la convention collective.
Ce droit de mandater la CEQ appartient à nos membres et non pas
au gouvernement. En adoptant le bill 46, le gouvernement se substitue aux
enseignants, nie le code du travail, dépouille les enseignants de leurs
droits. Ce bill pourrait même être considéré comme
illégal parce que contraire aux dispositions du code du travail. Il nous
apparaît comme injuste parce qu'il prive des salariés du droit
strict reconnu par toutes les sociétés libres. Il nous
apparaît comme inconvenant parce qu'il met en contradiction deux
ministères du même gouverne- ment, celui du Travail et celui de la
Fonction publique. On ajoute celui de l'Education. Une trahison! Malgré
les dollars qu'il y avait dedans et qu'ils ne demandaient même pas, les
enseignants de l'Estrie ont été plongés dans une
première entente provinciale et il l'ont subie comme une plaie d'Egypte.
C'est avec un grand soulagement que depuis trois mois les enseignants de
l'Estrie se préparent une négociation à deux niveaux,
plaçant au niveau provincial les cadres généraux de la
convention et gardant c'est encore leur droit au niveau
régional les modalités d'application des cadres
régionaux.
Les enseignants de l'Estrie ont mandaté la CEQ afin de
négocier avec le gouvernement les grandes lignes et les normes en
quelque sorte, comme on aurait dû les négocier en 1966 pour
éviter le gâchis qu'on a connu. Les enseignants de l'Estrie
pensent que c'est eux et leur administration scolaire qui connaissent le mieux
les organisations scolaires de l'Estrie, les mentalités de l'Estrie, les
volontés des responsables de l'Education dans l'Estrie. Les enseignants
de l'Estrie croient qu'il n'y a pas de pédagogie suffisamment sûre
pour qu'on prétende bien faire en réglementant tout d'en haut.
Dans sa recherche du bonheur de la collectivité et des moyens pour y
parvenir, le gouvernement n'a pas le monopole. Il n'a pas non plus le monopole
des bonnes volontés et des compétences désireuses de
donner aux Québécois une éducation de qualité. La
CEQ non plus, d'ailleurs.
Les enseignants de l'Estrie croient qu'il faut tenir compte des
particularités régionales pour que les enseignants se
reconnaissent dans les objets comme les conditions de travail, le
perfectionnement, les règles de participation à la gestion et
à l'organisation pédagogique. Depuis trois mois, ils attendent la
fin du bill 25 et le retour aux mécanismes du code du travail pour
pouvoir se donner une convention collective conforme à leurs droits. Une
convention qu'ils connaîtront mieux dans la lettre et dans l'esprit parce
qu'ils l'auront bâtie chez eux, négociée chez eux.
Les 3,000 enseignants de l'Estrie ont déjà en main le
projet d'entente provinciale. Dans ce projet, un grand nombre d'objets sont de
négociation régionale. Les enseignants de l'Estrie s'en sont
réservé un de plus: celui des conditions de travail, une fois que
les normes auront été établies au niveau provincial.
Tout cela a été fait dans la confiance, en
conformité avec les dispositions du code du travail. Le bill 46 vient
tout "sacrer" ça à terre.
Une asphyxie lente de nos syndicats. Si le gouvernement veut tuer
lentement les syndicats d'enseignants, le bill est une bonne formule. Que le
gouvernement sache cependant qu'il tue en même temps
l'intérêt, l'enthousiasme et la collaboration des maîtres.
Autrefois, les maîtres birmés sublimisaient; aujourd'hui ils
s'écoeurent.
Un syndicat privé de l'exercice de ses droits est un syndicat qui
se meurt. Après quatre ans d'agonie, celui des enseignants de l'Estrie
ne veut pas la prolonger. Si le gouvernement croit respecter la volonté
de la population en se faisant l'employeur exclusif des enseignants du
Québec, qu'il le fasse carrément et sans détour. Les
enseignants de l'Estrie reconnaîtront alors leur nouvel employeur et
verront à adapter leur structure syndicale.
Ce qui est inacceptable cependant c'est le jeu du "peut-être bien
que oui" et du "peut-être bien que non" auquel se livre le gouvernement
depuis 1967. Après le bill 25, perpétué par la
première entente provinciale, nous avons pensé que c'était
fini et que nous retournions au code du travail. Arrive le bill 46, et on nous
dit: Cela va durer encore deux ou trois ans, la durée de la convention,
et après, vous allez retourner au code du travail. Peut-être bien
que oui, peut-être bien que non.
Les enseignants de l'Estrie ont vécu une première entente
provinciale. En supposant que ce soit la pire que l'on puisse connaître,
il n'en reste pas moins que la deuxième risque encore d'être un
catalogue d'avocasseries. Tel document peut bien entretenir les discussions des
conseillers techniques et les querelles de juristes, mais ce ne saurait
être un instrument à la portée de l'enseignant moyen. Ce
dernier a pourtant le droit de connaître ses droits. Il serait par
conséquent décent de faire une convention qui soit intelligible.
C'est ce que croient pouvoir faire les enseignants de l'Estrie en n'ayant pas
à régler par un même texte les problèmes de tous les
coins de la province.
En conclusion, nous demandons à l'Assemblée nationale le
retrait du bill 46 parce qu'il est inutile et malheureux. Le bill 46 est un
fléau inutile parce que les enseignants du Québec comme ceux de
l'Estrie ont délégué ou vont déléguer
à la CEQ le mandat de négocier toutes les incidences
monétaires de l'entente provinciale. Il est malheureux, parce qu'il
causera une grande déception aux 70,000 enseignants du Québec qui
ont déjà tenu pour acquis que leur négociation se fait au
niveau provincial et régional.
Je voudrais plutôt poser une question à l'honorable
ministre du Travail. Lorsqu'il dit que son interprétation du bill 46 ne
s'oppose pas à une négociation régionale-locale,
évidemment, cela me calme un peu. Mais, si on parle le même
français, il faudrait clarifier le bill 46.
M. COURNOYER: J'en ai déjà convenu.
M. DOMINGUE: S'il vous plaît. Je vais être très
précis. Dans la pratique, il m'apparaît, si vous adoptez le bill
46, qu'on va retrouver à une seule table provinciale de
négociations les six parties intéressées et là, on
va convenir des objets de la table régionale et des objets de la table
provinciale. A ce moment-là, vous frustrez les syndicats de leur droit
de mandater. Encore une fois, je prétends que c'est aux enseignants de
l'Estrie, par leur accrédition, de mandater la CEQ pour négocier
l'échelle de salaire. Quant à notre possibilité de
décider de l'affichage par exemple dans la porte de la toilette, vous
nous frustez de ce droit-là, si c'est la table provinciale qui
détermine les objets.
M. COURNOYER: Pendant que vous êtes debout, j'aimerais que vous
m'expliquiez en quoi la CEQ est si éloignée que ça des
membres et des syndicats qui la composent.
UNE VOIX: Ce n'est pas une bonne question.
M. COURNOYER: J'aurais cru comprendre que jusqu'ici la CEQ parle au nom
de 70,000 enseignants, qu'elle a des syndicats affiliés régionaux
ou locaux. Il y en a 70 ou 75.
UNE VOIX: 42.
M. COURNOYER: Mais la structure de prise de décision de la CEQ
m'intéresse moi aussi.
M. DOMINGUE: Je voudrais répondre à votre question, M. le
ministre, puisque vous me la posez. La CEQ regroupe les 70,000 enseignants du
Québec qui sont quand même, eux, membres de syndicats libres,
autonomes bien qu'affiliés. Quand à une table provinciale, on
détermine les objets des différents niveaux.
Il peut bien arriver que ce soit la CEQ à ce moment-là
avec le gouvernement et toutes les parties qui disent: Bien, la
détermination des conditions de travail c'est de table provinciale. Nous
ne nous opposons pas à ça et il n'y a pas de syndicats
d'enseignants qui vont s'opposer à ça parce qu'on convient bien
que les conditions de travail ont des implications financières et
drôlement importantes. Alors, que vous disiez: D'accord, c'est
provincial, mais cependant que vous alliez dans le détail de
l'application d'une norme quelconque, là, nous, nous nous opposons. Un
petit syndicat de 101 professeurs quelque part, lui, peut bien être
d'accord pour ne s'occuper en rien de la négociation. Mais nous, nous
connaissons notre territoire avec son niveau rural, semi-urbain et urbain. Nous
sommes conscients que chez nous, si l'application d'un rapport ou autre chose
s'établit autour d'une table provinciale, cela risque en maudit de ne
pas tenir compte de nos particularités. Et là, nous ne serions
pas d'accord que les parties à une table provinciale disent: C'est nous
qui déterminons et les normes et leur application. On ne veut pas
risquer que les parties à une table provinciale décident qu'elles
s'occupent itou de l'application.
M. LE PRESIDENT: Une fois que vous avez donné votre mandat, c'est
démocratique à l'intérieur de ces cadres-là. Vous
donnez votre mandat.
M. DOMINGUE: Voilà!
M. LE PRESIDENT: Si un groupe est minoritaire, il reste qu'une fois que
vous êtes affilié à la CEQ, vous faites partie de la CEQ,
vous respectez les structures de la CEQ et les décisions aussi des
membres majoritaires.
M. DOMINGUE: Il me semble que vous ne comprenez pas très bien les
structures qui régissent les syndicats d'enseignants.
M. LE PRESIDENT: Cela se peut que j'aie de la difficulté à
comprendre les structures syndicales. Expliquez-moi ça.
M. DOMINGUE: Enfin, tout le monde ne peut pas passer par ce domaine
avant d'accéder à la magistrature ou à la
députation. C'est évident.
M. COURNOYER: D'ailleurs, vous connaissez M. Bossé.
M. LE PRESIDENT: Très...
M. BROCHU: Alors, si je comprends bien, M. le Président,...
M. DOMINGUE: Dans votre esprit je vois bien que vous souhaitez que tous
les enseignants du Québec soient liés à un moment
donné par une décision de la centrale. Mais, nous...
M. LE PRESIDENT: Non, je souhaite que nos enseignants s'expriment
à l'intérieur de leur cadre et, une fois que c'est fait, qu'ils
respectent ça. S'il y a des groupes minoritaires qui ne sont pas
d'accord avec la majorité, bien ça, c'est ça la
démocratie. C'est aussi vrai au Parlement que dans les syndicats.
M. DOMINGUE: D'accord, mais nous nous pensons...
M. LE PRESIDENT: Vous avez droit de différer de l'opinion de la
CEQ, mais s'il fallait que chaque groupe vienne ici nous faire des
représentations, qu'il n'est pas content de ce qui a été
décidé majoritairement à l'intérieur de
congrès, de ces décisions-là, bien j'ai l'impression que
la commission parlementaire pourrait siéger 24 heures par jour, 365
jours par année.
M. DOMINGUE: M. le Président, la prise de position des
enseignants de l'Estrie que j'ai exprimée est tout à fait
conforme aux décisions de la CEQ, tout à fait conforme au
congrès d'août l'an passé, c'est tout à fait
conforme.
Cependant, nous prétendons que, par nos accréditations,
c'est à nous qu'appartient le partage des objets des différents
niveaux et tout ce qu'on va déléguer à la table
provinciale, nous ne le retirerons pas, nous allons le laisser là.
M. LE PRESIDENT: Le ministre du Travail n'a pas dit autre chose, il a
dit: Vous décidez ça et ça se discute au niveau
provincial. Mais vous avez pris vos propres décisions à
l'intérieur de vos organismes.
M. COURNOYER: Juste à l'intérieur, je voulais parler
à l'intérieur. Le processus de prise de décision de la
CEQ, jusqu'à preuve du contraire, a toujours été un
processus démocratique, que je sache.
MM. VEILLEUX: Si je comprends bien...
M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.
M. BROCHU: M. Domingue, si je comprends bien, vous voulez continuer
quand même à mandater votre organisation provinciale pour
négocier en votre nom, au nom des différentes associations
régionales faisant partie de la CEQ. Cependant, vous insistez sur un
principe qui à mon sens est tout à fait valable, celui de
conserver quand même un champ de décision au niveau de
l'application, et d'avoir droit de parole. En effet cela a
été souligné dans différents mémoires qui
ont été présentés tout à l'heure par M.
Dalpé et par M. Charbonneau également la personne
impliquée au niveau d'une situation de travail, pour être vraiment
engagée et motivée, devait participer à son devenir, avoir
voix.
Si je ne fais erreur, c'est dans ce sens-là que vous tenez au
principe de l'autonomie des centrales régionales, tout en mandatant les
pouvoirs pour les négociations provinciales, tenant compte des deux
paliers dont vous avez fait mention.
M. DOMINGUE: Je vais essayer d'être bien clair et court, nous
voulons bien que la CEQ s'occupe des affaires des enseignants de l'Estrie, mais
sur l'objet de notre mandat. Pour rassurer le gouvernement, j'affirme que notre
mandat à la CEQ couvre tout ce qui a des implications
financières, et il en sera de même pour tous les mandats des
enseignants du Québec.
M. LE PRESIDENT: C'est vous qui déterminez ça. Le
député de Saint-Jean d'abord, si vous permettez.
M. VEILLEUX: Si j'ai bien compris, M. Domingue, est-ce que vous voudriez
que ce qui doit être négocié au niveau provincial et ce qui
doit être négocié au niveau local et régional
dans le cas de l'Estrie c'est régional soit décidé
entre l'Association catholique des enseignants de l'Estrie et le gouvernement,
ou si cette différence de négociation doit être
décidée, négociée, agréée entre la
Corporation des enseignants du Québec et le gouvernement?
M. DOMINGUE: Je voudrais que les objets
des deux niveaux soient décidés entre l'Association
catholique des enseignants de l'Estrie et la CEQ, et que la CEQ, à la
table provinciale, vienne dire à la partie patronale: Voilà, pour
les enseignants de l'Estrie nous détenons tel mandat.
M. VEILLEUX: Si je vous comprends bien...
M. DOMINGUE: Pour le reste, nous allons introduire dans l'entente
provinciale une négociation régionale.
M. VEILLEUX: Pour continuer dans la même veine que celle du
président de la commission parlementaire, est-ce que vous acceptez le
principe qu'à l'intérieur de la CEQ il y ait X nombre
d'associations, et que ce nombre d'associations se prononce en faveur de tel
point devant être négocié au niveau provincial, et
qu'advenant le cas où l'Estrie serait contre, vous adhériez
d'avance à la majorité prise à l'intérieur des
cadres de la CEQ?
M. DOMINGUE: Non, à ce moment-là, nous conviendrions
plutôt de l'amendement 10 h) proposé tout à l'heure au code
du travail par le président de la corporation, à savoir que s'il
y a mésentente sur le niveau de négociation de tel objet, il y a
un commissaire, enfin, une espèce d'arbitre qui en décide.
M. VEILLEUX: M. Domingue, je serai franc avec vous.
M. DOMINGUE: Oui, allez.
M. VEILLEUX: En 1967, la CEQ acceptait et comme le disait M.
Charbonneau pour la durée de la présente
négociation, de négocier à un niveau provincial. Et dans
le sens que vous mentionnez, c'aurait été très malsain,
quand une décision était prise à l'intérieur de la
CEQ, qu'un syndicat n'accepte pas de participer, quand la décision est
prise en toute démocratie à l'intérieur des cadres de la
CEQ.
Alors, lorsque vous arrivez pour prendre une décision comme
celle-là, vous dites: On discute à l'intérieur de la CEQ,
la CEQ se prononce, mais si on n'est pas d'accord, on va avoir une autre
modalité pour négocier chez nous quelque chose au niveau
régional qu'ailleurs ils ne pourront pas négocier. Alors,
pourquoi faire partie de la CEQ?
M. DOMINGUE: Ecoutez, nous sommes d'accord avec ce que vous exprimez
là.
M. LE PRESIDENT: J'ai l'impression qu'on dépasse un peu notre
mandat. Je pense qu'on est en train de faire de la négociation. Je ne
voudrais pas priver de son droit de parole le représentant des
professeurs de l'Estrie. Loin de moi cette idée. Cependant, je ne
voudrais pas non plus qu'on éternise...
M. DOMINGUE: M. le Président, justement, je trouve que les
questions commençaient à glisser dangereusement.
M. LE PRESIDENT: Vous avez raison.
M. DOMINGUE: Je remarque, avec énormément de plaisir,
l'intérêt de l'honorable député pour les
problèmes de régie interne que nous pouvons avoir dans nos
centrales, mais si on a besoin de son aide, on viendra la lui demander.
M. LE PRESIDENT: Je pense que votre remarque est très
pertinente.
M. VEILLEUX: Je prends note de l'invitation du président de la
fédération.
M. DOMINGUE: Non, vous n'êtes pas encore invité.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, je crois
que le député de Saguenay voulait poser une dernière
question.
M. LESSARD: M. le Président, je constate depuis un certain temps
qu'on parle d'une possibilité d'amendement au projet de loi, qui est
adopté actuellement en deuxième lecture, tant du
côté de M. Charbonneau que du côté de l'Association
des enseignants de l'Estrie. A ce sujet, ils ont reçu une réponse
assez officielle de la part du ministre du Travail.
Comme il y a là un principe et qu'il y a des articles à
l'intérieur du projet de loi, est-ce que certains amendements, tels
qu'ils ont été proposés ou acceptés tout à
l'heure par le ministre du Travail, pourraient donner satisfaction à la
Corporation des enseignants du Québec ou aux autres associations? Est-ce
que c'est de ce côté-là qu'on doit se diriger ou est-ce que
la CEQ et les autres organismes sont tout simplement contre le principe du
projet de loi tel qu'il est soumis actuellement?
M. LE PRESIDENT: M. Laberge.
M. LABERGE: Pour la FTQ, M. le Président...
M. LESSARD: La CSN et la FTQ ont répondu.
M. LABERGE: ... oui. Pour la FTQ, nous sommes contre le projet de loi.
Nous croyons que c'est une loi d'exception. Une loi d'exception ne devrait pas
être adoptée s'il y a d'autres façons de régler un
problème. Il n'y a même pas de problème actuellement,
encore une fois. La négociation provinciale est reconnue et dans le
secteur hospitalier et dans le domaine de l'éducation. C'est reconnu.
Donc, une loi d'exception ne devrait pas être adoptée. Si on veut
parler de nouveaux mécanismes pour l'avenir,
cela devrait faire partie d'amendements au code du travail.
M. LE PRESIDENT: Je crois aussi que le président de la CSN,
j'entends le vice-président de la CSN, avait dit aussi que,
premièrement, il désirait le retrait et qu'ultérieurement
s'il y avait lieu il avait des recommandations à faire. En ce qui a
trait à la CEQ...
M. CHARBONNEAU: Je crois que c'est ce que nous disons dans les
premières lignes de notre mémoire. Nous en demandons le retrait
parce qu'elle est inutile. On n'a pas besoin de loi spéciale.
D'ailleurs, on a formulé des amendements précis qui rendent ma
réponse claire. Je ne vois pas ce qu'on peut ajouter en termes
d'orientation. Pour donner suite à certaines questions posées et
pour rassurer ceux qui semblent s'inquiéter de la situation, les
syndicats, y compris celui de l'Estrie, travaillent dans le cadre des
orientations prises par le congrès d'août de la CEQ qui
traçait les orientations en termes de structures de négociation
d'après lesquelles nous avons travaillé cette année. C'est
ce procédé-là qui a amené la rédaction d'un
projet de convention provinciale qui sera déposé dans deux jours.
Je crois qu'on ne peut pas donner suite à des questions qui tenteraient
de dire que des syndicats veulent négocier pour leur compte des objets
provinciaux. On vous présente des preuves du contraire actuellement. La
preuve sera déposée finalement le 30 juin, mais n'importe qui,
parmi les fonctionnaires ou les ministres, est sûrement au courant de la
constitution de ce projet et de ce qu'il contient. Tous les syndicats
fonctionnent dans ce schéma-là. Alors, on peut bien s'amuser
à poser des questions qui ont parfois l'air embarrassantes ou
glissantes, mais cela ne vaut pas un débat de fond sur la loi.
M. COURNOYER: Ce ne sont ni des questions embarrassantes ou glissantes,
c'est qu'effectivement, je suis obligé de poser un certain nombre de
questions et je les pose.
Quant à l'annonce que vous me faites, M. Charbonneau, je m'en
réjouis, parce que, cette fois-ci, je n'aurai pas un trop gros projet de
convention collective à négocier à l'échelon
provincial. Ce que je comprends, c'est qu'on va simplifier l'affaire.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais donc la partie suivante à nous
faire ses représentations.
Provincial Association of Protestant Teachers
M. SPARKES: Je suis Sparkes, président de la PAPT. Je serai
très bref, M. le Président. Nous avons préparé un
projet en janvier et nous l'avons présenté au ministère du
Travail et au ministère de la Fonction publique. Aujourd'hui, je
voudrais citer seulement les six recommanda- tions que nous avons faites
à la page 27 de notre mémoire.
Premièrement, dans le secteur de l'éducation, le code du
travail devrait prévoir l'existence soit de ce type de cadre conjoint,
l'accréditation ou l'accréditation distincte basée sur la
langue, aux instituteurs à l'emploi de chacune des commissions
scolaires.
Deuxièmement, le code du travail devrait définir
clairement les procédures de négociation à deux paliers,
a) le palier provincial et b), le local, sans pour cela retirer aux parties en
cause leurs droits respectifs de pression, mais plutôt en modifiant ces
droits pour les mieux adapter aux nouvelles structures.
Troisièmement, dans les secteurs public et parapublic, le
personnel enseignant devrait être considéré comme un
secteur distinct quand il s'agit de négociations.
Quatrièmement, toute législation ayant trait aux
procédures de négociation future devrait garantir aux syndicats
du secteur de l'éducation le droit de se faire représenter par
l'organisme provincial de leur choix.
Cinquièmement, les négociations au niveau provincial ne
devraient porter que sur des clauses-cadres comme les politiques fiscales
générales concernant l'éducation.
Sixièmement, que l'application, l'adaptation et les
particularités locales puissent être négociées par
l'employeur directement au palier local avec le syndicat
accrédité.
A la page 28, nous avons aussi proposé un amendement au code du
travail.
Je voudrais souligner les trois recommandations, la deuxième, la
quatrième et la cinquième. Quant à nous, nous sommes
contre le projet de loi 46, parce que l'article 2 dit que toutes les choses
seront négociées au niveau provincial. C'est tout, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Sparkes. Le suivant, l'Alliance.
M. COURNOYER: Est-ce que je peux poser une question?
M. LE PRESIDENT: M. Sparkes, on va...
M. COURNOYER: Juste une question avant M. Chagnon. Vous voulez
négocier les politiques fiscales?
M. SPARKES: Au niveau provincial.
M. COURNOYER: Les politiques fiscales, est-ce qu'on s'entend bien sur le
terme?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Financières. M. COURNOYER:
Financières.
M. SPARKES: Financières, dans le secteur de
l'éducation.
M. CHARBONNEAU: S'il fallait que les anglophones se mettent à
discuter de fiscalité avec le Québec, ce serait grave.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais donc... UNE VOIX: On a déjà
dit non, c'était clair.
Alliance des professeurs de Montréal
M. CHAGNON: Robert Chagnon, au nom de l'Alliance des professeurs de
Montréal. M. le Président, MM. les ministres, MM. les
députés, ce n'est pas pour exprimer une dissidence d'avec la
position prise par la CEQ que j'interviens, mais bien pour vous faire part d'un
témoignage, d'une expérience de trois ans sous le régime
du bill 25. Avec son projet de loi, le gouvernement prépare un autre
gâchis dans la prochaine négociation provinciale. Sous le couvert
de l'uniformité, le gouvernement poursuit sa politique de centralisation
excessive en matière d'éducation.
Loin d'assurer un minimum d'efficacité, le projet de loi 46
compromet le climat des relations de travail dans l'enseignement public en
refusant d'établir un régime de négociations qui tienne
compte des besoins réels propres aux diverses grandes régions du
Québec, besoins qui ne peuvent être que satisfaits au niveau des
régions et par des négociations régionales.
En 1967, la loi 25 a imposé la négociation provinciale aux
enseignants, sans préciser ce qui serait négocié
provincialement. Par la suite, des décrets ont indiqué que tout
ferait l'objet de négociations provinciales.
Parce qu'elle était trop rigide et trop centralisatrice, cette
loi a donné lieu à un véritable gâchis. La
première négociation provinciale des enseignants s'est
prolongée pendant plus de deux ans, détériorant ainsi
sérieusement les relations patronales-syndicales à tous les
paliers du système d'enseignement public depuis les paliers provinciaux
et locaux jusqu'au niveau des écoles.
En raison de son contenu et du régime de négociation trop
centralisé qui l'a régi, l'entente provinciale a suscité
de nombreux malaises un peu partout. Seulement à Montréal, elle a
provoqué deux crises sérieuses en quinze mois. En février
1970, les enseignants montréalais se sont révoltés une
première fois en boycottant l'administration des écoles, en
particulier en ce qui concerne le travail de secrétariat, les
activités parascolaires, les surveillances, etc.
En janvier dernier, ils ont dû avoir recours à des
occupations, des grèves rotatives et diverses manifestations pendant
deux mois pour tenter de régler le problème du classement qui
n'est toujours pas réglé d'ailleurs.
Ces malaises et ces désordres résultent d'une mauvaise
convention qui est, elle-même, le résultat d'un régime de
négociations qui refuse de reconnaître qu'à
l'intérieur de cadres généraux établis
provincialement, des adaptations régionales s'imposent pour tenir compte
des problèmes, des besoins particuliers des régions.
Ici, je vous réfère à une annexe de notre document
où on tente d'établir que, dans la région de
Montréal, nous faisons face à une clientèle et à
des problèmes tellement diversifiés qu'il n'y a, à
certains égards, aucune commune mesure entre la région de
Montréal et d'autres régions de la province.
On pourrait faire la même comparaison, je pense, en prenant la
région de l'Estrie, en prenant la région du Lac-Saint-Jean ou les
autres régions de la province. Il ne s'agit pas ici de particulariser la
région de Montréal à elle seule mais, étant
donné que je parle pour Montréal, nous avons inclus en annexe ce
que nous croyons être les caractéristiques du milieu
montréalais qui justifieraient amplement une négociation au
niveau régional.
Ainsi, la tâche de l'enseignant doit tenir compte des
caractéristiques de la clientèle, de l'état de
l'équipement, des liens nécessaires avec le milieu, des
progrès de la réforme scolaire dans ce milieu, des services
auxiliaires en place, des tâches administratives inhérentes aux
structures, etc. De même, le perfectionnement des maîtres doit
être fonction de l'évolution de la réforme scolaire et des
besoins spécifiques de la région dans des secteurs de
l'enseignement préscolaire, de l'enfance inadaptée, de
l'enseignement professionnel, de l'enseignement en milieu
défavorisé.
De même encore la consultation ne saurait devenir un
élément efficace de progrès que dans la mesure où
ces mécanismes s'adaptent aux structures scolaires et à
l'évolution générale d'un milieu donné. De son
côté, la procédure de règlement des griefs doit
s'adapter aux structures de gestion de l'employeur et, en conséquence,
faire l'objet d'une négociation directe entre les parties qui auront
à l'utiliser. Ceci s'applique également aux mécanismes de
sélection, d'évaluation et d'affectation du personnel. Je cite
ici, simplement à titre d'exemple, le fait que nous connaissions
à la CECM depuis trois ans en l'espace de quelques semaines quelque 800
mutations d'enseignants distribués dans 375 écoles. Quand
à la table provinciale la Fédération des commissions
scolaires, entre autres, défend le principe de l'autonomie des
commissaires, défend le principe des droits de gérance et nous
impose une clause d'affectation, une mutation de personnel où il n'y a
pas de mécanisme qui nous permette d'appliquer des critères, je
pense que c'est vraiment violer un régime de négociations de
travail qui devrait être sain entre une commission et un syndicat. On
nous impose au nom d'un principe un fonctionnement épouvantable dans une
commission scolaire comme la nôtre. Et ça, le syndicat n'est pas
le seul à le dire, la commission scolaire l'a déjà
reconnu, mais on a dû accepter la clause telle qu'elle était pour
sauver le principe des droits de gérance.
A trop vouloir centraliser et encarcaner dans
un moule rigide et identique pour tous, on finit par tout gâcher
et au bout du compte on ne règle effectivement rien. L'Alliance ne
s'oppose pas à la négociation provinciale. Il est indispensable
que les clauses à incidence financière soient
réglées à ce niveau. Il est normal et sain qu'en vue
d'assurer un minimum d'uniformité à travers le Québec on
s'entende provincialement sur des clauses-cadres dans plusieurs domaines. Mais
où l'on gâte tout c'est quand on refuse des négociations
régionales ou locales dans les domaines où elles s'imposent.
C'est dans cette optique et en vue d'en arriver à des conventions
collectives qui répondent à la fois aux besoins de l'ensemble du
Québec et aux problèmes particuliers de chacune de ces grandes
régions que l'alliance et le dernier congrès de la CEQ
réclament une négociation à deux paliers, une
négociation provinciale et des négociations régionales ou
locales.
Loin de retenir cette formule qui permet à la fois une
uniformisation certaine et une souplesse indispensable, le projet de loi 46
pousse plus loin la centralisation et la rigidité. Au lieu de corriger
les faiblesses de la loi 25, il les accentue de façon marquée.
Avec son projet de loi 46, le gouvernement fait un pas de plus dans la voie
d'une centralisation très poussée dans tout le domaine de
l'éducation.
Qu'on me permette d'évoquer ces tendances, même si nous
sommes ici devant la commission de la Fonction publique. Alors que le
ministère des Affaires sociales s'est engagé dans la
décentralisation en vue de rendre des services plus efficaces et plus
conformes aux besoins des populations régionales, le ministère de
l'Education poursuit dans la ligne d'une centralisation excessive et se refuse
à effectuer une décentralisation réelle au niveau des
régions, en dépit des principes, dit-on, qui sous-tendent le bill
27.
A cet égard, le projet de loi 46 n'est qu'une autre façon
d'accentuer les pouvoirs du ministère de l'Education, de le rendre
omniprésent et omnipuissant, d'accroître la main-mise de
Québec sur tout le système d'enseignement public, en particulier
celui de Montréal. Comment expliquer autrement le régime de
négociation particulier que le projet de loi 46 veut imposer aux
enseignants? Comment expliquer autrement que ce projet de loi, dans deux
domaines, confère aux enseignants de l'élémentaire et du
secondaire un sort différent de celui de tous les autres salariés
concernés dans le bill, à savoir les enseignants des CEGEP, les
autres employés des commissions scolaires et les employés
d'hôpitaux?
Par exemple, pourquoi fondre dans un seul bloc les trois groupements
d'enseignants québécois, alors que pour les autres
salariés concernés, on précise que chaque centrale parle
au nom de ses membres? Pourquoi exclure la possibilité, pour les
enseignants, d'avoir comme agent négociateur un groupement autre que les
trois existant présentement, alors qu'on recon- naît aux autres
salariés en cause le droit d'être représentés
à la table provinciale par un groupement d'associations de
salariés autre que les centrales existantes?
Le nouveau régime de négociations, pour être
valable, doit permettre de vraiment régler les problèmes de
relations de travail sur une base efficace et rationnelle. C'est ainsi qu'il
favorisera la solution des problèmes et l'implantation d'un climat sain
dans les relations de travail régissant l'enseignement public. Je tiens
à dire que nous sommes, à l'Alliance, d'accord sur le projet de
convention collective qui sera présenté par la CEQ, la semaine
prochaine.
Mais je tiens à dire également que nous voulons que les
positions de la CEQ, à savoir un palier de négociations
provinciales et un palier de négociations régionales, soient
clairement rendues possibles. Si on veut absolument réglementer par une
loi, que ce soit clair.
Je veux bien croire M. Cournoyer quand il nous dit que la loi actuelle
permettrait, dans le même sens que le bill 25, des adaptations locales ou
régionales. Après avoir vécu sous le régime du bill
25, dont on nous disait qu'il permettrait de telles adaptations, après
avoir vu la table provinciale dire aux parties d'essayer de s'entendre pour
adapter le texte si vraiment il était inapplicable, mais après
avoir aussi essuyé un échec pour l'adapter au niveau de
Montréal parce que nous faisions face à des positions
extrêmement rigides de la part de la table provinciale, je veux que,
lorsqu'on va nous imposer un nouveau régime de relations de travail dans
l'enseignement, il soit établi clairement que nous avons effectivement
la liberté d'aller régler des problèmes avec notre
employeur au niveau local ou au niveau régional.
Messieurs, je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Chagnon. Je crois que M. Dalpé avait
quelque chose à ajouter?
M. DALPE: M. le Président, à la question du
député de Chicoutimi j'ai répondu que je voulais d'abord
laisser les autres représentants des centrales s'exprimer. Or, je ne
suis pas sûr et loin de là que toutes nos interventions aient
ébranlé ou ému le ministre de la Fonction publique. Si tel
devait être le contraire, il a un don exceptionnel de cacher ses
réactions.
Cependant, nous sommes pleinement d'accord à l'effet que le bill
46 est une intrusion dans le code du travail. Et s'il devait y avoir une
modification au régime des relations, ce devait être par le
truchement d'amendements au code.
Tenant compte de situations particulières que le bill 46 fait
à certains de nos affiliés entre autres dans le domaine des
commissions scolaires où il y a des négociations en cours et qui
seront suspendues; tenant compte de syndicats qui sont en train de
négocier leur première convention collective et qui seront
arrêtés à cause de la volonté exprimée par le
bill 46;
tenant compte également qu'il y a certains droits qui devraient
être reconduits je pense que le député de Saint-Jean
dans ses interventions en Chambre y a fait mention tenant compte
également que le bill contient des oublis, peut-être
involontaires, mais peut-être aussi volontaires, relatifs aux
hôpitaux psychiatriques, aux hôpitaux privés et à un
tas d'associations ou d'organisations dont le destin est de s'occuper des
malades, il nous semble que tout cela devrait être
référé au Conseil consultatif du Travail et de la Main
d'Oeuvre pour qu'il puisse soumettre au ministre du Travail les avis dont il
pourrait se servir pour procéder aux modifications que nous
suggérons. Nous maintenons donc que le bill 46 devrait être
retiré parce que le tout en fait relève du code du travail.
M. LE PRESIDENT: Il y a un autre intervenant, je m'excuse, qui
désirerait, je crois...
Fédération des employés
municipaux et scolaires du Québec
M. BELANGER: René Bélanger, Fédération des
employés municipaux et scolaires du Québec. Je tiens à
exprimer le point de vue de la fédération, du moins mon point de
vue parce que je n'ai pas eu le temps de consulter tous les syndicats
affiliés, le délai que nous avions à notre disposition
étant trop court. La première démarche que j'ai faite
lorsque j'ai appris par les journaux que le projet de loi était
déposé, c'est que je me suis empressé de m'en procurer une
centaine de copies et de les adresser à chacun de nos syndicats
affiliés dans le but de les réunir et de les consulter parce que
je crois que c'est essentiel, que c'est primordial que les chefs syndicaux,
autant les grands chefs que les petits chefs je me considère dans
la deuxième classe consultent ceux qui sont à la base du
mouvement syndical, c'est-à-dire les travailleurs.
J'ai eu l'occasion de rencontrer un groupe seulement, lundi dernier, le
groupe de toute la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y a eu une
réunion convoquée d'urgence à Héberville un soir
afin d'étudier le projet de loi. Evidemment, la période de la
Saint-Jean-Baptiste et les jours de congé que nous avions ne nous le
permettaient pas. Je pense que c'est une lacune de la part du gouvernement de
nous arriver avec des lois un peu à la dernière minute, surtout
si l'on comprend bien les structures syndicales. Je crois qu'on devrait nous
laisser le temps de consulter les principaux intéressés, les
salariés et les syndicats.
Je voudrais d'abord protester un peu contre les directives qui ont
été données par le sous-ministre de l'Education. Disons
que la lettre est datée du 5 mai, les commissions scolaires l'ont
reçue le 25, et j'ai même une commission scolaire qui a
refusé de négocier avec seulement le projet de lettre en main, au
mois d'avril. On a dit au syndicat: On ne négocie pas, on a des
directives. C'était un projet de lettre qu'on avait reçu du
ministère de l'Education afin de savoir s'il y avait des changements
à apporter à cette missive.
Je pense que c'est absolument inacceptable que le sous-ministre de
l'Education recommande aux commissions scolaires de ne pas négocier de
convention collective, alors que l'article 40 stipule clairement c'est
une loi d'ordre public qu'après l'avis de huit jours, les parties
doivent négocier avec diligence et bonne foi. Evidemment, à la
suite de ces directives, les commissions scolaires ont refusé de
négocier. Nous avons même des commissions scolaires dont l'entente
était prête à être signée, dont la
résolution était adoptée par les commissions, à
l'effet d'autoriser les commissaires à signer et qui refusent de signer
à cause des directives. A l'avenir, peut-être que le sous-ministre
de l'Education pourra attendre le dépôt de la loi avant de donner
des directives qui viennent complètement à l'encontre des
dispositions du code du travail.
Concernant la loi, on constate que c'est une loi d'exception, que c'est
l'Etat qui choisit les mandataires. Vous savez tous que l'article 133 du code
dit clairement que tout employeur, toute association peut se faire
représenter pour les fins du présent code, par des
représentants dûment mandatés. Dans le cas actuel, c'est le
gouvernement qui choisit les mandataires et ces mandataires ne sont aucunement
reconnus par le code. Je n'ai pas vu dans le code du travail où il
était question de la CSN, je n'ai pas vu où il était
question de la FTQ, je n'ai pas vu où il était question de la
Fédération des employés municipaux et scolaires que je
représente. Je pense que c'est un peu grave. On demande à des
gens de négocier, on dit: C'est vous qui allez négocier. Vous
n'êtes pas reconnus, vous n'êtes pas accrédités, vous
n'avez pas le droit de demander des accréditations. C'est vous qui allez
décider, demain, pour les gens que vous représentez !
A ce moment-là, je me dis: Il y a beaucoup de critiques contre
les chefs syndicaux. On dit souvent qu'ils ne consultent pas leurs membres.
Dans le cas actuel, le gouvernement dit: Vous n'avez pas besoin de les
consulter. On vous donne un mandat. Ne vous occupez pas de ces gens-là
du tout, du tout, vous avez le droit de négocier directement avec le
gouvernement. Vous avez le droit de prendre toutes les décisions que
vous voudrez, sans même les consulter. Le gouvernement se trouve à
favoriser cette non-consultation avec la base du mouvement. Aujourd'hui,
même des grandes centrales se plaignent que la base ne les
intéresse pas. Or, on s'organise justement pour ne pas les
intéresser davantage.
Il y a aussi un autre point qui est important : Quand un syndicat
s'affilie à une centrale ou à un groupement syndical,
évidemment il sait ce qu'il fait. Il sait qu'en s'affiliant il va
conserver son droit de négociation. Il sait qu'en s'affiliant sa
fédération va l'appuyer dans les négociations,
parce qu'ordinairement les négociations relèvent des
fédérations professionnelles et non pas des centrales syndicales.
Alors, du même coup le gouvernement dit: Ce n'est pas comme cela que cela
va marcher. Même si vous êtes affiliés avec des structures
bien précises dans vos groupements syndicaux, à l'effet que vous
gardiez votre pouvoir de négociation, à partir de demain matin,
c'est la FTQ, c'est la CSN, c'est la Fédération des
employés municipaux et les autres groupements qui sont
désignés dans le code qui vont négocier à votre
place, qui vont prendre toutes vos décisions, alors qu'à la base
même, on dit bien dans le code que c'est l'association
accréditée qui a le droit de négocier.
Il y a un autre point aussi où ça vient en contradiction,
c'est à l'article 3 du code. C'est une liberté absolue
d'appartenir à l'association de son choix. On y dit: Tout salarié
a le droit d'appartenir à l'association de son choix, de participer
à ses activités et à son administration. Tous savent que
la principale activité du syndicat, entre autres, c'est la
négociation de la convention collective. Qu'est-ce que ça veut
dire ce droit d'appartenir à l'association, si du même coup on
enlève à ceux qui sont accrédités le droit de
négocier une convention? Cela devient un droit illusoire que
d'appartenir à l'association de son choix.
Il y a dans le code du travail et là je suis d'accord avec
le président de la CSN et le président de la
Fédération des travailleurs du Québec qui donne un
mandat actuellement à la Fédération des commissions
scolaires, en vertu de l'article 10 a) et de l'article 56. Evidemment, je crois
que si le code était modifié dans ce sens-là pour les
associations syndicales, il y aurait peut-être lieu d'éviter
l'acceptation de cette loi-là.
Dans le cas des négociations régionales, nous avons eu une
mauvaise expérience. Je veux parler ici d'un syndicat qui porte le nom
de Syndicat des employés des commissions scolaires de la
Chaudière. Le premier ministre de la province, le 7 août 1970,
déclarait que l'objectif du gouvernement libéral était de
syndicaliser les groupes de travailleurs non syndiqués qui vivent dans
des conditions de travail pénibles afin d'abaisser la disparité
des gains des salariés syndiqués et des non-syndiqués.
Notre fédération a trouvé que cette
déclaration avait du sens. Nous nous sommes lancés dans
l'accréditation de groupements seuls et qui crèvent de faim,
c'est le cas de le dire. Je peux vous citer le cas d'un concierge de
Baie-Sainte-Catherine qui gagnait $33 par semaine. Quand nous sommes venus pour
négocier, nous nous sommes rendu compte que la commission scolaire
était dans les dépenses inadmissibles. Le ministère de
l'Education avait oublié que la vieille école avait
été démolie, remplacée par une autre. A $33 par
semaine, il y a quelque chose qui ne marche pas. On n'a évidemment pas
pris de temps à doubler son salaire, sans même négocier,
à la suite des démarches qui ont été faites.
Il y en a d'autres dans la province qui ont des petits salaires, il y a
même des concierges d'école qui gagnent la moitié de ce que
d'autres gagnent dans d'autres parties de la province, exactement la
moitié. Nous nous sommes prévalus des dispositions du code qui
dit qu'un seul salarié a droit de se faire accréditer. Nous avons
actuellement 110 accréditations. C'est beaucoup de travail. C'est
beaucoup plus dur de négocier pour un concierge avec cinq commissaires
qui ne sont pas tellement favorables au syndicalisme que de négocier
pour les 25,000 fonctionnaires provinciaux avec un gouvernement qui peut
être favorable.
Nous avons eu une mauvaise expérience. Ils ont formé un
comité, ils ont confié un mandat en vertu de l'article 10 a),
mais le mandat nous l'avons interprété d'une façon qui ne
correspond pas au code. On l'a limité, on l'a nuancé.
De ce côté-là je suis obligé de dire que la
Fédération des commissions scolaires ne semble pas savoir ce
qu'est un mandat en vertu de l'article 10. Nous avons négocié,
sur la base régionale, nous avons signé une dizaine de
conventions sur trente.
Les autres commissions scolaires locales refusent de les signer et
là, on ne sait trop trop où on en est rendu avec toutes ces
histoires.
Evidemment, on n'a pas tellement une bonne expérience sur ce
point-là. Dans le projet de loi, je remarque que vous fixez une date. Il
est dit "qu'une stipulation qui est contenue dans une convention prenant effet
le 1er juillet..." Si on rapporte ces termes au code du travail vous
savez qu'en vertu du code, une convention ne prend effet qu'à compter du
dépôt cela veut dire que ces quatorze ou quinze conventions
collectives dans la Beauce, si elles sont déposées après
le 1er juillet, après un an et demi d'efforts, tomberont à
zéro. Ce serait préférable de dire "dont les
négociations ont débuté à compter du 1er mai, soit
dans les 60 jours qui précèdent l'échéance de la
convention". J'ai fait beaucoup de démarches, j'ai encore fait des
appels téléphoniques ce matin pour déposer quelques
conventions collectives, dont les ententes ont été faites, avant
le 30 juin afin que ce ne soit pas paralysé par cette loi, parce que le
code est très clair. Une convention ne prend effet qu'à compter
du dépôt. Vous pouvez avoir signé la convention il y a six
mois, si vous la déposez le 2 ou le 3 juillet, elle ne prendra pas
effet. Cela finit là. Quand on représente les petits groupes, on
ne peut pas se payer le luxe de les tenir dans un état
d'infériorité économique trop longtemps par rapport aux
autres.
Je crois qu'on devrait plutôt tenter des négociations sur
une base régionale qu'on entreprendrait disons le secteur Saguenay-Lac
Saint-Jean on pourrait peut-être essayer au lieu de
négocier sur une base provinciale.
Pour conclure, je crois qu'il est primordial
qu'un mandat soit donné aux organismes qui représentent
les syndicats. Il y a une philosophie du code. Ce code-là a
été discuté ici. J'ai assisté aux séances en
1963 et en 1964. Tous savent qu'en 1963 le code a été
retardé d'un an justement pour permettre aux groupements syndicaux de
consulter leurs membres. Je crois que c'est absolument primordial que les
syndicats donnent un mandat à leur fédération ou à
leur groupement pour négocier. On ne peut pas imposer ça par une
loi, autrement je trouve que le gouvernement donne un très mauvais
exemple aux syndicalistes. On demande de respecter les lois. On demande toutes
sortes de choses aux travailleurs mais il faudrait que le gouvernement soit
assez prudent et qu'il leur dise: Ecoutez, on vous donne de l'autonomie en
vertu des lois, vous avez droit d'être accrédités, vous
avez droit de négocier mais, demain matin, ce n'est plus vous mais nous
qui choisissons cette chose-là. Je pense que, dans le secteur scolaire,
ce n'est pas tout à fait mûr. Il faut tout de même
comprendre que les contribuables paient des taxes. Il ne faut pas dire que
c'est le gouvernement qui donne tout dans les commissions scolaires parce que
ceux qui paient des taxes scolaires savent qu'elles sont probablement plus
élevées que les taxes municipales actuellement.
On ne peut pas dire que c'est le gouvernement qui contrôle tout.
Cela prendrait un mandat et il faudrait aussi prévoir un
mécanisme, si le code était amendé dans ce sens-là,
pour que les négociations ne trament pas en longueur comme cela a
été fait pour le cas des enseignants. Personnellement, j'ai
regardé ça de loin. Je n'étais pas directement
intéressé. J'ai trouvé que c'était un scandale de
la part d'un gouvernement de tramer des négociations pendant trois ans
surtout dans le secteur scolaire.
Je pense qu'il faut l'admettre il y a des gens qui regardent ça.
Je ne regarde pas qui était ministre du Travail dans le temps, mais je
dis mon opinion. Je vous dis ce que j'ai pensé dans le temps en voyant
ça. On est dans le secteur scolaire, on est dans le secteur où la
jeunesse grandit, où la jeunesse se développe, mais ça
trame trois ans pour négocier une convention collective, une affaire
qui, quand on veut, peut se régler en un mois et demi, en un mois. Il
faudrait aussi garantir les droits acquis. Il y a quelque chose. Je ne sais pas
si c'est la loi qui pourrait garantir ça, je comprends qu'on peut le
faire par le truchement des conventions collectives, parce qu'il y a tout de
même des droits acquis.
M. LE PRESIDENT: Un instant! Je pense que vous entrez dans les
détails de la négociation.
M. BELANGER: Bon, d'accord! Laissons les droits acquis, on essaiera de
les conserver précieusement. Quand à la signature des ententes,
c'est encore la même chose. Dans la Beauce, on ne veut pas signer, on ne
signe pas. On n'a pas de pouvoir, on ne sait pas quoi faire. Je suis d'opinion
qu'avec le mandat qui a été donné dans ces cas-là,
c'est la Fédération des commissions scolaires qui voudrait
signer, mais la Fédération des commissions scolaires est elle
aussi aux prises avec de la régie interne. Il y a des commissions
scolaires qui sont d'accord et il y en a d'autres qui ne sont pas d'accord.
M. LE PRESIDENT: Si vous voulez revenir au bill 46...
M. BELANGER: Quant au 1er juillet là, je pense que ça
devrait... Je reviens au bill 46. Je conclus. D'abord, on devrait probablement
procéder par amendement au code. Je vous dis ça sous toutes
réserves, parce que je ne peux pas penser pour les 4,000 employés
de commissions scolaires qui sont affiliées à la
fédération. Nous avons un congrès à Lachine la
semaine prochaine. Nous allons consulter les congressistes et je crois que
c'est de cette façon qu'on peut avoir une décision plus claire,
mais je crois qu'on devrait procéder plutôt par amendement au
code. On aurait probablement dû consulter le Conseil supérieur du
travail. Cela devrait être sur une base volontaire. Dans les syndicats,
il n'y a rien qui marche sans qu'une résolution adoptée par
l'assemblée générale ait un proposeur et un secondeur. On
ne peut pas arriver du jour au lendemain, il faut que le mandat soit volontaire
dans le cas de chacun des syndicats affiliés.
Je termine, je vous remercie de m'avoir écouté. Je
souhaite que ça se règle à la satisfaction des
travailleurs.
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions de nous avoir exposé votre
point de vue.
Je crois que le président de la FTQ voulait ajouter quelques
remarques.
M. LABERGE: Non.
M. LE PRESIDENT: J'inviterai donc le député de Chicoutimi
à nous entretenir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au terme de ces
auditions, je crois que je serai très bref. Nous avons constaté
qu'il y avait unanimité des parties qui se sont fait entendre sur
l'inutilité, nous a-t-on dit, du projet de loi et sur la
nécessité de le retirer.
Il appartient au gouvernement et au ministre de la Fonction publique de
prouver la nécessité de la loi puisque les arguments que nous
avons entendus nous ont laissé voir que cette loi ne serait pas
nécessaire ni même utile, à moins que le gouvernement,
utilisant les arguments qui ont été servis par les
différents témoins, ne nous présente un projet de loi
modifié ou qu'il nous fasse connaître de façon très
claire l'interprétation de certains articles auxquels on a fait
allusion.
Pour ma part, j'ai l'impression qu'il y a confusion et que le ministre
de la Fonction
publique s'approprie les prérogatives du ministre du Travail, et
que c'est du côté du ministère du Travail qu'il faudrait
peut-être poursuivre nos recherches.
J'ai insisté en Chambre, et d'autres collègues l'ont fait
également, sur la nécessité de consulter le Conseil
consultatif du Travail et de la Main-d'oeuvre avant que ce projet de loi ne
soit déposé et proposé à l'adoption de la Chambre.
Toutes ces propositions que nous avons faites demeurent; et après avoir
entendu les témoins, je suis encore d'avis que ce projet de loi n'aurait
pas dû être accepté en deuxième lecture, même
si la majorité de mes collègues du parti de l'Union Nationale
l'ont accepté. Pour ma part, je maintiens l'opinion que j'avais lorsque
j'ai voté, en deuxième lecture, contre ce projet de loi. Je
demande au ministre de nous faire connaître son avis, ses intentions,
c'est-à-dire celles du gouvernement.
M. L'ALLIER: M. le Président, au terme de ces auditions, j'ai
évidemment pris bonne note de l'ensemble des commentaires et des
discussions qui ont eu lieu. Certains de ces commentaires, malgré les
exposés qui ont été faits, sont allés dans le sens
de me convaincre de l'utilité du projet de loi 46. Par ailleurs, on a
soulevé des problèmes, des questions qui méritent
d'être étudiés attentivement, et c'est ce que nous avons
l'intention de faire.
Quoi qu'il en soit, le député de Chicoutimi a eu
l'avantage, quant à lui, peut-être que c'est un avantage,
peut-être que c'est un inconvénient, de se dissocier de son parti
sur cette question. Il pourra, au moment de la troisième lecture, faire
connaître son point de vue et prendre, quant à lui aussi, les
décisions qui s'imposent.
Nous avons l'intention, comme je l'ai dit, de revoir, le plus tôt
possible, les discussions qui ont eu lieu ici ce matin, et de voir de quelle
façon on peut en tenir compte, tout en maintenant le principe des
négociations au niveau provincial, principe qui, comme vous avez pu le
constater, a fait la quasi-unanimité des intervenants.
Ce qui nous intéresse, je le répète ici, n'est pas
de trouver toutes sortes de moyens, fussent-ils voulus ou tout simplement le
résultat de maladresses, de compliquer inutilement les
négociations et de créer un climat défavorable à
ces négociations.
Des arguments ont été apportés en ce qui concerne
le droit des ouvriers ou des employés ou des travailleurs, au niveau
même des structures de négociation. Dans les travaux que nous
ferons au moment de préparer et de présenter le projet de loi en
troisième lecture, nous verrons de quelle façon il est possible
de maintenir ces objectifs généraux que nous nous sommes
fixés et que j'ai énoncés au moment de la
présentation en deuxième lecture, et de voir de quelle
façon on pourra aussi adapter ces objectifs à certaines des
objections qui ont pu être faites au projet de loi.
Par ailleurs, on s'oppose au projet de loi lui-même, en disant
qu'il est inutile. Sur la question du code du travail ou d'une loi
particulière, j'attire l'attention des membres de la commission sur la
nature temporaire du projet de loi.
M. LESSARD: Le bill 25 était temporaire.
M. L'ALLIER: Par définition, il est temporaire actuellement, et
par définition, le code du travail, c'est quand même un instrument
permanent. C'est un des arguments, entre autres, qui fait que nous
procédons par un projet de loi plutôt que par des amendements au
code du travail.
Je suis, pour ma part, satisfait de cette séance de la commission
parlementaire. Je suis convaincu que les membres de la commission en ont
tiré avantage dans leurs travaux à la Chambre et notamment pour
l'étude du projet de loi en troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: Je remercie le ministre.
M. LABERGE: M. le Président, est-ce que je pourrais attirer
l'attention du ministre sur un point?
M. LE PRESIDENT: Attirez, attirez!
M. LABERGE: D'ailleurs, comme vous le savez, je fais toujours cela de
façon très brève. C'est l'article 11 du code du travail
qui dit: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une
association d'employeurs ne cherchera d'aucune manière à dominer,
entraver ou financer la formation ou les activités d'une association de
salariés". De la façon que vous procédez, vous pourriez
être accusé !
M. LE PRESIDENT: Le très honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Vous êtes bien aimable, M. le Président.
UNE VOIX: The Right Honourable!
M. BURNS: The Right Honourable! Je voudrais simplement faire une
brève remarque après ce que le ministre vient de dire et qui m'a
frappé. Il est évident que toutes les parties qui sont
intervenues ce matin se sont montrées d'accord sur l'objectif...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça, et non pas le principe.
M. BURNS: ... de réunir le plus tôt possible les tables de
négociation et le plus tôt possible de négocier au niveau
provincial.
Il n'y a pas de doute, mais il y a une chose aussi qui a fait
l'unanimité, et cela je pense
qu'on doit en tenir compte dans le principe du bill, et c'est
pourquoi, d'ailleurs, nous avons voté contre le principe du bill
c'est le fait que cette mesure, qui est souhaitée par tout le monde, je
pense, des deux côtés de la table de négociation et des
deux côtés de la Chambre également, est imposée.
C'est ce contre quoi on en avait et c'est, je pense, une chose que le ministre
devra retenir. Il y a eu quand même unanimité, ce matin, de tous
les intervenants sur ce point-là à l'effet qu'ils se disent
d'accord quant à l'objectif, mais ils ne sont pas d'accord de se le voir
imposer. En tout cas, en terminant, je ne veux pas faire le prophète de
malheur, mais je veux vous dire de vous rappeler du bill 290 et de ses
conséquences. Ce nétait peut-être pas mûr à ce
moment-là, le bill 290. J'espère que ce n'est pas cela qui va
arriver.
M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.
M. BROCHU: Nous avons exprimé, je pense, nos points de vue
à l'Assemblée nationale à ce sujet-là. Nous
considérons qu'il s'agit d'une loi d'exception qui n'a pas sa raison
d'être, une loi d'exception qui, en plus, est imposée. Nous
considérons également que le ministre de la Fonction publique,
par le bill 46, outrepasse, en fait, ses fonctions. Nous avons entendu ce matin
en commission parlementaire, avec grand intérêt, les parties
intéressées, les gens impliqués. M. le ministre, j'attire
votre attention sur le fait que les différentes parties qui se sont fait
entendre ce matin sont unanimes. Si la démocratie n'est pas un vain mot
et que la consultation, dont faisait part M. Bélanger tout à
l'heure, qui doit se faire, en régime démocratique, existe encore
c'est un peu ce que nous avons fait ce matin, de la consultation
pour notre part, nous maintenons nos positions et nous demandons au ministre
d'analyser sérieusement la situation en vue de modifier en profondeur,
je pense, le principe de ce bill-là.
M. LE PRESIDENT: Je remercie les intervenants ainsi que les membres de
la commission. Je déclare la séance levée.
(Fin de la séance: 13 h 25)