L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la fonction publique

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la fonction publique

Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le lundi 28 juin 1971 - Vol. 11 N° 64

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 46 — Loi du régime de négociations collectives dans les secteurs de l'éducation et des hôpitaux


Journal des débats

 

Commission permanente

de la Fonction publique

Projet de loi no 46 — Loi du régime

de négociations collectives dans les

secteurs de l'éducation et des hôpitaux

Séance du lundi 28 juin 1971

(Dix heures quatorze minutes)

M. BOSSE (président de la commission permanente de la Fonction publique): A l'ordre, messieurs!

Je déclare la séance ouverte. La commission parlementaire permanente de la Fonction publique siège pour entendre les représentations des parties intéressées au bill 46.

Avant d'inviter les parties à faire leurs représentations et à s'identifier en conséquence, comme c'est la coutume, j'inviterai d'abord le ministre responsable, le ministre de la Fonction publique, à nous faire ses représentations.

Objectifs du projet de loi

M. L'ALLIER: M. le Président, au moment de la discussion du projet de loi no 46 à l'Assemblée nationale en deuxième lecture et avant son adoption par l'Assemblée nationale, j'ai indiqué aux membres de cette commission que le gouvernement n'avait pas d'objection et qu'il souhaitait même entendre les parties avant que le bill ne soit discuté en commission article par article.

J'ai déclaré qu'il ne nous paraissait pas essentiel de le faire mais que cela nous paraissait utile et, compte tenu de l'importance que nous attachons à ce que les négociations qui s'engagent maintenant dans les secteurs publics et parapublics soient faites et conduites d'abord et avant tout dans l'intérêt du Québec, de sa population, ouvrière ou non, des secteurs public et parapublic, ou de l'ensemble de la population. Nous souhaitons donc entendre ces parties.

J'ai brièvement donné à l'époque quels étaient les objectifs poursuivis par le gouvernement partie à ces négociations en présentant le projet de loi no 46. Notre but immédiat, en fait, par rapport à la situation actuelle, est d'en arriver à simplifier les procédures de négociation dans les secteurs de l'enseignement et des hôpitaux en respectant les principes de représentation syndicale et en conservant aux syndicats locaux l'autorité de surveiller l'application de la convention collective.

Le projet de loi 46 propose donc, dans ses grandes lignes, de maintenir le statu quo en matière d'accréditation et d'arriver à des négociations provinciales par la délégation aux organismes syndicaux des pouvoirs de négociation et cela dans chacun des secteurs considérés. C'est un extrait du journal des Débats au moment de l'étude en deuxième lecture.

Ces objectifs, M. le Président, nous les maintenons et nous les considérons comme essentiels tant à la bonne marche des négociations que surtout à leurs conclusions utiles pour les secteurs public et parapublic. Les parties intéressées, les centrales syndicales, ont déjà fait connaître au gouvernement leur point de vue et même leur opposition quant à un premier projet qui était étudié et qui portait essentiellement sur un regroupement plus serré au niveau des négociations. On se souviendra qu'en janvier ou février, il y avait eu une rencontre au cours de laquelle le gouvernement avait fait part aux centrales syndicales d'un projet de structures de négociation dans les secteurs public et parapublic.

Les centrales se sont opposées à ce projet pour plusieurs raisons dont celle effectivement à savoir que le projet proposé comportait le cartel obligatoire et différents aspects qui leur étaient inacceptables. Suite à cette consultation, nous avons longuement étudié le dossier et nous en sommes venus à proposer à l'Assemblée nationale le projet de loi 46. C'est un projet de loi qui nous parait essentiel actuellement dans le contexte des relations de travail où nous nous trouvons. C'est un projet de loi qui n'a pas la prétention de régler, d'une façon définitive et pour toujours, tous les problèmes. C'est un projet de loi qui, dans l'immédiat, nous paraît essentiel pour la bonne marche des prochaines négociations. Sur ce projet de loi, les centrales syndicales et les syndicats ont fait connaître un certain nombre d'oppositions et d'objections.

Le but pour lequel nous avons donc demandé la convocation de cette commission parlementaire est essentiellement d'entendre, pour le bénéfice des membres de l'Assemblée nationale, les représentations syndicales et de faire en sorte que la discussion en commission, article par article, puisse tenir compte dans la mesure du possible des exposés qui seront faits ce matin et de toute façon éclairer les membres de l'Assemblée nationale sur les objections des syndicats et sur l'ensemble du bill 46.

C'est donc pour entendre les parties intéressées à ce projet de loi que nous nous sommes réunis ce matin, M. le Président. Sans plus tarder, je souhaiterais que nous procédions à cette audition, à moins que les membres de la commission parlementaire veuillent s'exprimer sur ce même sujet.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie le ministre des explications qu'il vient de nous donner. Il nous a dit, à propos du projet de loi 46, qu'il avait accepté de convoquer cette commission parlementaire. Il ajoutait que cela ne lui paraissait pas essentiel, mais simplement utile. J'estime pour ma part que cela était essentiel étant donné l'oppo-

sition qui s'est manifestée et que l'on trouve dans le communiqué émis par les trois centrales syndicales intéressées. Au cours de l'étude que nous avons faite en Chambre, j'ai personnellement manifesté mon opposition à ce projet de loi et je n'ai pas personnellement donné mon accord à ce projet de loi. J'avais demandé au ministre de convoquer la commission parlementaire et de nous indiquer, d'autre part, quel cas il ferait de l'autonomie des composantes des centrales syndicales. J'ai déploré en même temps qu'il n'ait pas consulté le Conseil consultatif du Travail et la Main-d'Oeuvre. Je veux bien que le gouvernement se donne des mécanismes qui facilitent les négociations, qui accélèrent les procédures, mais devant l'opposition des centrales syndicales, je crois qu'il n'est pas seulement utile que nous les entendions, mais que cela est essentiel.

J'ai reçu des représentations de certaines associations, particulièrement de celles qui regroupent le personnel de soutien du CEGEP de Chicoutimi et d'autres CEGEP, de même que le personnel de soutien des commissions scolaires. Ils m'ont fait entendre qu'ils n'étaient pas satisfaits et qu'ils voyaient, dans le mécanisme que le gouvernement s'apprêtait à mettre en place, un danger pour l'autonomie des associations qui sont les composantes des centrales syndicales.

L'objectif premier de cette commission parlementaire est d'entendre les parties intéressées. Celles-ci ont déclaré et je cite le communiqué conjoint: "En conséquence, les trois centrales syndicales demandent le retrait du projet de loi 46 et la convocation d'une commission parlementaire pour expliquer leurs raisons aux députés qui parfois ne possèdent pas toutes les données pour juger le bien-fondé des projets de loi qui leur sont présentés.

Cela peut fort bien se produire que les députés n'aient pas toutes les données et c'est précisément parce que l'on présume que nous ne connaissons pas toutes les raisons qui justifient les centrales syndicales de s'opposer à ce projet de loi que nous serons très heureux de les entendre ce matin, en espérant que les propositions positives qu'ils nous feront seront entendues par le ministre, agréées et apporteront éventuellement les modifications que les centrales syndicales voudront bien suggérer au gouvernement et aux parlementaires.

M. le Président, là-dessus, je vous remercie et je serai très heureux d'entendre les représentants des centrales syndicales et éventuellement les représentants des unités d'associations qui sont les composantes des grandes centrales syndicales.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, au niveau de la discussion en deuxième lecture, nous avons fait valoir, comme parti, non pas à titre individuel comme le député de Chicoutimi, notre opposition à ce bill, principalement pour deux raisons. Il y en avait plusieurs autres mais les deux principales étaient que, tout en étant en faveur de la négociation sectorielle, nous ne trouvions pas que c'était de la négociation sectorielle qui était imposée par le bill 46, mais plutôt à peine un regroupement de forces imposées de l'extérieur. C'était la deuxième objection que nous avions.

Et la troisième, qui ajoute une couleur à ça, imposée par le patron de la Fonction publique, le ministre lui-même et à ce titre nous étions — et nous le sommes encore — contre le principe même de ce bill. De sorte que la convocation de la commission parlementaire, pour nous, permet aux parties concernées de venir s'exprimer, mais ne change rien au fait que nous sommes toujours contre le principe. Je me demande ce que le fait que nous entendions les diverses parties concernées va venir changer, à moins que le ministre ne nous dise au départ qu'il est prêt à réviser son attitude concernant le principe même du bill, c'est-à-dire qu'éventuellement il puisse se faire convaincre par les parties que ce bill doit être retiré.

Ce sont les seules remarques que j'ai à faire, autrement je considère que la commission parlementaire siège de façon inutile, si le ministre ne dit pas ou ne nous assure pas que devant des arguments sérieux venant de la part des parties concernées, il n'est pas prêt à retirer le bill éventuellement. Ce sont les seules remarques que j'avais à faire là-dessus.

M. LATULIPPE: M. le Président, à mon tour, j'aimerais faire une brève intervention. En deuxième lecture, nous avons eu l'occasion de faire valoir une argumentation qui est sensiblement la même que celle de nos prédécesseurs. C'est pourquoi nous sommes prêts déjà à passer à l'audition des témoins, et nous souhaiterions également que le ministre, tel que l'a souligné le député de Maisonneuve, soit prêt à revenir sur le principe du bill, s'il lui semble opportun de le faire, après l'audition des témoins.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, à cet égard, est-ce que le ministre pourrait faire une déclaration? Si les représentations des centrales syndicales sont telles que le ministre en est ébranlé et ému, est-ce qu'il a l'intention de maintenir sa volonté de nous faire adopter ce projet de loi?

M. L'ALLIER: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Bien qu'ébranlé.

M. L'ALLIER: Bien qu'ébranlé et quelque peu ému, je voudrais, si cela peut faciliter le travail de cette commission, rappeler d'abord que le principe du bill a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Deuxièmement, le fait de convoquer la commission parlementaire est quand même une indication que le gouvernement n'a pas l'intention de bousculer toutes les parties intéressées au moment même où nous commençons les négociations, et d'appliquer un principe essentiellement à la négociation au niveau provincial, suivant des modalités qui pourraient être améliorées et que nous refuserions d'entendre ici.

Avant même d'entendre les parties qui désirent s'exprimer à propos du projet de loi 46, j'aimerais rappeler qu'un régime de négociation collective doit être un mécanisme juridique permettant, d'un côté et de l'autre des tables de discussion et de négociation, la recherche commune d'une harmonisation toujours délicate entre, d'une part, une certaine efficacité économique, donc un rendement qui fait que le service public peut être dispensé à un coût supportable et, d'autre part, une certaine efficacité sociale c'est-à-dire un degré acceptable de satisfaction pour les employés et les employeurs.

Dans la recherche de cet équilibre, vous conviendrez avec moi qu'il est nécessaire, en préambule, que toutes les parties concernées puissent participer au débat qui s'engagera aux tables de négociation.

Il est aussi important que les interlocuteurs soient placés au même niveau et qu'ils acceptent de discuter de points qui ont des implications semblables même si les préoccupations sont aussi différentes dans la forme. Aussi, je me permets de faire appel à votre sens du bien commun pour qu'ensemble nous analysions le projet de loi 46 sans perdre de vue qu'il est un mécanisme juridique devant faciliter et éclairer les négociations dans le secteur de l'éducation et des hôpitaux, en simplifiant le processus habituel, en plaçant aux tables des interlocuteurs de même niveau sans pour cela nuire aux droits individuels ou d'association. Pour le reste, je voudrais souligner que le domaine des relations de travail a progressé depuis toujours grâce à la collaboration de tous les organismes concernés et je demeure persuadé qu'aujourd'hui nous ne serons pas arrêtés dans nos discussions par des intérêts particuliers allant parfois à l'encontre du bien commun et que ce secteur d'activité continuera d'évoluer positivement. Le Québec restera à l'avant-garde dans le domaine des relations de travail des secteurs public et parapublic mais loin de moi l'idée de supposer que nous en sommes arrivés là sans heurts ni difficultés.

J'aimerais, dans les instants qui vont suivre, retracer — je m'excuse, M. le Président, de ces quelques notes un peu longues, mais elles permettent de situer à ce stade-ci la position du gouvernement — le travail entrepris depuis plusieurs années ainsi que sa progression afin que nous puissions voir clairement ce que nous avons fait et pourquoi, où nous en sommes et vers quoi nous devons poursuivre et maintenir notre action. Nous verrons, à ce moment-là, que nous ne nous éloignons pas tellement des objectifs énoncés, même indirectement, par le député de Maisonneuve qui reproche, entre autres choses, au gouvernement de ne pas en arriver de quelque façon à la négociation sectorielle comme telle.

M. BURNS: Surtout en l'imposant.

M. L'ALLIER: Oui. Sous la poussée des coûts des services, du gonflement correspondant à des dépenses publiques et du besoin de leadership par ce syndicalisme organisé, la création du ministère de la Fonction publique fut un acte de rationalisation de la gestion des affaires publiques. En effet, sans coordination des négociations du secteur public, une surenchère risquait de s'établir entre les groupes qui ont comme caractéristique de tous émarger, directement ou indirectement, au budget de l'Etat.

M. BURNS: M. le Président, je demande si le ministre est en train de répondre à notre discours de deuxième lecture. Ce que le député de Chicoutimi lui a demandé, c'est bien clair: Est-ce qu'étant ému par les arguments des parties il serait prêt à réviser le principe même du bill?

M. HARDY: M. le Président... M. BURNS: Au fond c'est ça.

M. HARDY: Pour la question de règlements, je ne partage pas du tout l'opinion de mon honorable ami de Maisonneuve puisqu'en commission la discussion est très large, très libre. D'ailleurs, le ministre actuellement ne fait que s'engager sur le terrain, sur le lit déjà préparé par les honorables membres de l'Opposition, tant le député de Chicoutimi que le député de Maisonneuve. Ces deux députés ont parlé du principe général de la loi, alors je ne vois pas comment on pourrait maintenant reprocher à l'honorable ministre de s'engager dans la même voie qui a été, encore une fois je le répète, ouverte par ces honorables membres.

M. LE PRESIDENT: C'est ce que j'ai cru comprendre, que le ministre, par la question...

M. L'ALLIER: M. le Président, je suis tout à fait d'accord moi aussi sur le fait qu'on est venu ici pour entendre les parties. La question du député de Chicoutimi était de savoir si le gouvernement accepterait de reviser le principe du bill. A ce stade-ci, nous allons procéder à entendre les parties, nous allons voir quels sont les arguments invoqués par les parties, en tenant compte du fait toutefois que l'Assemblée nationale s'est prononcée sur le principe du projet de loi no 46.

M. LE PRESIDENT: Pour répondre aux voeux de la commission, je voudrais d'abord que les parties, qui entendent émettre des opinions ou faire des exposés, s'identifient d'abord pour que l'on établisse un ordre.

UNE VOIX: La Confédération des syndicats nationaux.

M. CHARBONNEAU: La Corporation des enseignants du Québec.

M. LABERGE: La Fédération des travailleurs du Québec.

M. LE PRESIDENT: Le trio qu'on retrouve incessamment.

UNE VOIX: Provincial Association of Catholic Teachers.

UNE VOIX: Les enseignants de l'Estrie.

UNE VOIX: Provincial Association of Protestant Teachers.

UNE VOIX: L'Alliance des professeurs du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'Alliance des professeurs, oui.

UNE VOIX: La Fédération des employés municipaux et scolaires du Québec.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres parties? Pas d'autres parties.Nous allons procéder dans l'ordre. La confédération des syndicats nationaux, si vous voulez procéder.

M. CHARBONNEAU: M. le Président, membres de la commission.

M. HARDY: Est-ce qu'il y a des mémoires qui sont présentés ou bien...

UNE VOIX: De notre part, non.

M. HARDY: Est-ce qu'on peut avoir les mémoires?

M. LE PRESIDENT: Ceux qui ont des mémoires, voulez-vous les...

M. CHARBONNEAU: Si vous permettez, dans quelques minutes. C'est lundi matin et les imprimeries commencent à neuf heures.

UNE VOIX: Le respect du dimanche.

Confédération des syndicats nationaux

M. DALPE: Vous me permettrez au départ d'excuser le président général de la Confédération des syndicats nationaux, le confrère Pepin qui est actuellement à l'étranger.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il serait à Ottawa?

M. DALPE: Si vous me dites qu'Ottawa est en Yougoslavie, il est à Ottawa.

C'est un récidiviste que, je pense, les membres des différentes commissions parlementaires sont habitués de voir et d'entendre puisque, à peu près sur tous les sujets, la CSN — comme d'ailleurs la FTQ et la Corporation des enseignants — trouve quelque chose à dire.

Je voudrais cependant remercier le ministre particulièrement et les membres de la commission parlementaire d'avoir accepté de nous recevoir. Pour le ministre, ça semblait utile et non essentiel d'entendre les parties. Par contre, pour les membres de l'Opposition, il apparaît essentiel que les parties puissent être entendues. Nous pourrions dès le départ vous dire qu'il était essentiel que nous soyons ici pour vous dire que le bill est inutile.

M. LE PRESIDENT: M. Dalpé, excusez-moi, pour les fins du journal des Débats, je dois dire que c'est le vice-président de la CSN, M. Paul-Emile Dalpé, qui représente la CSN.

M. DALPE: M. le Président, je pense que tous nous devons être d'accord pour dire que le bill 46 entre en conflit direct avec les dispositions contenues au code du travail. C'est le code du travail qui régit les relations de travail et qui prévoit les mécanismes par lesquels ces relations seront menées. C'est donc une intrusion directe par le truchement d'un autre ministère dans un domaine qui est le propre du ministre du Travail.

Je n'ai qu'à référer aux notes explicatives contenues au bill où on parle de mise en place de mécanismes. C'est donc une substitution par le ministre de la Fonction publique des mécanismes déjà prévus au code du travail. Cela nous apparaît donc comme une ingérence dangereuse dans les lois qui régissent les relations de travail. Autre preuve, dans les mêmes notes explicatives, on dit que lorsque la loi cessera de s'appliquer, on retournera au code du travail. Il est donc clair, évident, irréfutable que, par le truchement du bill 46, on met au rancart les mécanismes déjà prévus au code du travail.

Deuxièmement, le député de Maisonneuve y a d'ailleurs fait référence, ce bill cherche de façon directe à imposer la négociation sectorielle. Pourtant, le ministre du Travail, qui est responsable des relations de travail, a eu tout récemment l'occasion de s'exprimer sur la négociation sectorielle. Pour lui, les expériences en cours doivent être rodées.

Il ne lui apparaît pas opportun, et encore moins nécessaire à ce moment-ci, de donner suite à un projet qui déjà a été mis de l'avant par l'ancien sous-ministre du Travail. Il disait textuellement: "Nous ne devons pas introduire aujourd'hui, rapidement, sans en avoir pesé les conséquences sur le plan économique, comme sur le plan des réactions individuelles, un

changement de direction ou un chambardement susceptible d'engendrer plus de déboires que de succès." Nous croyons que lorsque le ministre du Travail s'exprime ainsi qu'il a lui-même senti que la négociation sectorielle est une chose très complexe et que ce n'est pas par l'imposition, par la force, qu'on peut y arriver.

Il nous faut également — et là-dessus nous demandons au ministre de la Fonction publique, de s'y attarder un peu — que le bill met en cause le droit d'association. Les syndicats en vertu du code de travail peuvent se former par la volonté des membres qui le constituent et dès qu'ils sont constitués en syndicat, ils obtiennent automatiquement le droit de négocier. C'est donc aux syndicats que la loi reconnaît le droit de négocier. Ce droit-là, à toutes fins utiles, par les effets contenus dans le bill 46, est non seulement nié, mais enlevé, alors que continue de subsister le code du travail qui le reconnaît.

Il faut aussi admettre que le bill 46, contenant des dispositions qui font des centrales syndicales les agents négociateurs des syndicats, éloigne de plus en plus les travailleurs des centres de décisions qui sont les leurs en vertu du code du travail. Il doit quand même apparaître aux membres de la commission que, dans le secteur public, il y a eu des exemples qui peuvent être utilisés et dans lesquels on va retrouver que les syndicats en cause, tout en gardant leur droit strict de négocier selon le code, ont cru bon de confier à un organisme fédéral le soin de négocier en leur nom leur convention collective.

C'est donc dire que les travailleurs peuvent, lorsque l'occasion se présente, que le moment est venu ou que leurs intérêts sont en cause, se rallier et accepter des situations, mais cela de façon volontaire. Le volontariat est toujours plus valable que l'imposition. J'en veux par exemple à la situation qui prévaut dans le secteur hospitalier. Antérieurement à l'année 1966, les travailleurs d'hôpitaux répartis dans une multitude de syndicats sur tout le territoire du Québec, suivant l'introduction de la loi de l'assurance-hospitalisation, ont vite réalisé qu'il était de leur intérêt de faire en sorte que s'installent des mécanismes qui leur permettraient d'obtenir une convention collective au niveau provincial. On se rappelle les tristes événements de 1966, quand les travailleurs d'hôpitaux avaient consenti à laisser un peu de côté une partie de leur autonomie pour en arriver à la conclusion d'une convention provinciale, ont été forcés par l'intransigeance patronale qui s'accrochait à une fausse autonomie, de procéder à une grève générale. Pour régler cette grève, le gouvernement ne s'en est pas pris aux syndicats, il s'en est pris aux employeurs et, pour une des premières fois dans l'histoire du travail dans un monde où la libre entreprise existe, nous avons été témoins d'un geste sans précédent, où le gouvernement s'est servi des dispositions de la loi des hôpitaux, les articles 15 et 16, pour imposer la tutelle aux hôpitaux et se substituer aux autorités en place dans chacune de ces institutions pour régler le sort de la convention provinciale. Ce ne sont donc pas les syndicats qui à ce moment-là étaient en cause, c'étaient les employeurs.

Dans le cas présent, nous avons à tenir compte de certaines situations qui échappent sûrement au ministre. Si elles ne lui échappent pas, il faudrait se poser de sérieuses questions sur ses intentions. Prenons, par exemple, le cas des commissions scolaires. Il n'y a jamais eu, comme dans le cas des hôpitaux, de tentative de négociations au niveau provincial. On s'en tient encore au régime des négociations locales, malgré tous les problèmes que cela peut causer tant aux parties syndicales que patronales. Subitement, tout simplement par une loi, on imposerait aux commissions scolaires et aux syndicats l'obligation sans avoir passé par le cheminement au moins de la négociation régionale, de se retrouver au niveau provincial. C'est exiger beaucoup de gens qui ont cru en un certain régime, qui l'ont pratiqué, que de leur demander subitement de se retrouver au niveau supérieur et en forçant tout le monde à accepter de laisser de côté les prérogatives qui sont les leurs pour les confier à distance à des mandataires plus ou moins connus.

Il est possible que le gouvernement ait des problèmes administratifs et il semble que, derrière le bill, c'est ce que le gouvernement veut régler, mais il ne semble pas s'inquiéter de vouloir le régler en mettant au rancart les libertés consacrées dans le code du travail aux syndicats, faisant en sorte que lui-même règle son problème, mais sur le dos des associations de salariés.

Si le gouvernement tient à régler ses problèmes administratifs, nous croyons qu'il a les moyens en main pour le faire, et nous ne voyons pas pourquoi il ne les utilise pas. Il nous faut, dans les relations de travail, nous méfier de ce qu'on pourrait appeler des vues de l'esprit cogitées par des techniciens ou des technocrates qui se sentent plus embarrassés par certaines situations qui leur sont faites que par les réalités sociales dans lesquelles tout le monde est plongé.

Il ne faudrait donc pas que ce bill soit une manoeuvre qui donne raison aux technocrates et aux techniciens de faire leur lit tout en laissant de côté toutes les autres réalités qui sont beaucoup plus importantes que les soucis que les technocrates et les techniciens peuvent entretenir.

Il faut conclure que le bill, tel qu'il est présenté, va conduire au mécontentement général et que ce qu'il semble vouloir mettre en place va probablement causer plus de problèmes qu'il n'en règlera. Le travailleur n'aura plus rien à dire. Le Parlement va, à toutes fins utiles, à un moment ou l'autre, devenir l'arbitre des situations, alors qu'en fait il appartient aux parties de s'entendre.

Pour toutes ces raisons, il nous apparaît que

le bill doit être retiré. Il est pour le moins prématuré, si l'on tient compte des déclarations du ministre du Travail lui-même. Il est loin d'être nécessaire à ce moment-ci, les parties étant capables de s'organiser en conséquence, et les expériences de négociations sectorielles restent à compléter pour que tout le monde puisse savoir où elles peuvent mener. Je vous remercie, messieurs.

M. LE PRESIDENT: Merci. Je crois que le député de Terrebonne avait une question à poser.

M. HARDY: Oui, j'aurais une couple de questions à poser à M. Dalpé. D'abord, je dois vous dire qu'en vous écoutant tantôt bien attentivement, j'avais l'impression d'entendre des arguments qui s'inspirent de la même philosophie que celle de certains commissaires d'écoles et de M. Louis Bouchard.

Je vous préviens immédiatement, M. le Président, que je n'ai pas l'intention de référer au bill. Le règlement l'interdit. Jamais je n'oserais ni directement ni indirectement violer le règlement. En écoutant M. Dalpé et en entendant ses arguments, je retrouvais vraiment des arguments s'inspirant des mêmes motifs que ceux de M. Bouchard ou de certains commissaires d'écoles en relation avec une autre situation. Ce que ces gens-là nous disent, c'est qu'il faut conserver l'autonomie locale, il faut garder les administrateurs près des administrés, il ne faut pas être en face de grandes structures.

J'aimerais bien que vous me disiez si mon impression est vraie ou si vous faites certaines distinctions. J'avais l'impression que vous vous inspiriez de la même philosophie que celle de M. Bouchard et de certains commissaires d'écoles qui ne désirent pas certains changements dans un autre domaine et, encore une fois, sans référer à aucune loi déjà devant le Parlement.

M. DALPE : Je ne sais pas si le M. Bouchard en question, que je ne connais pas, a une philosophie. Je ne le sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, dans mon intervention, vous avez certainement remarqué que nous, du moins à la CSN et aux centrales syndicales, nous avons fait ce que M. Bouchard ne semble pas avoir fait. Nous avons quand même organisé et forcé la négociation à un niveau supérieur. Cela ne semble pas, d'après ce que vous dites, être le cas de ce M. Bouchard. C'est ma réponse à votre question.

M. HARDY: Vous semblez le connaître un peu.

M. DALPE: Je ne le connais pas du tout.

M. HARDY: Mon autre question est la suivante. Je m'excuse, elle est peut-être un peu directe mais c'est tout simplement parce que je veux m'éclairer. Me fiant à une expérience qui date déjà depuis quelques années alors que j'avais agi comme greffier d'un conseil d'arbitrage au niveau des commissions scolaires, je me demande si une des raisons qui vous fait vous opposer au bill 46 ce n'est pas que vous perdez à ce moment-là le mécanisme ou l'outil qui vous permet, d'une situation à l'autre, d'une commission scolaire à l'autre, d'un hôpital à l'autre, d'un CEGEP à l'autre, si vous négociez localement, d'invoquer ce qui s'est fait d'un endroit à l'autre. Je me rappelle — me référant à cette expérience — que le procureur de la partie syndicale, dans sa preuve ou dans son argument, passait son temps à nous invoquer ce qu'il avait obtenu à telle commission scolaire ou à telle autre commission scolaire. A ce moment-là, je m'excuse du mot mais c'est celui qui correspond le mieux à la réalité, j'avais l'impression qu'on faisait un peu une espèce de chantage. On disait à la commission scolaire concernée: Voyez, telle autre commission scolaire donne tant comme salaire. Je me demande si la vraie raison ou une des vraies raisons pour lesquelles vous vous opposez au bill 46, ce n'est pas que vous allez perdre cet argument très valable de pouvoir faire jouer comme ça des oppositions ou faire jouer des situations, toujours évidemment en faveur de la situation qui est étudiée à un moment donné.

M. DALPE: Aucunement, la preuve est qu'au niveau de la CSN il y a une convention provinciale dans les hôpitaux. Vous ne pouvez quand même pas nous opposer que nous cherchons à exploiter une situation vis-à-vis d'une autre. Cela existe présentement par le truchement du volontariat et non pas par l'imposition. C'est le caractère odieux que contient le bill 46, il impose alors qu'en fait nous pouvons arriver au même résultat par le volontariat.

M. HARDY: Vous ne croyez pas que face à certaines situations parfois, — je réfère encore non pas à une loi mais à une autre situation devant laquelle nous sommes placés — il devienne nécessaire même si théoriquement je reconnais avec vous que le volontariat est toujours la formule la plus valable...

M. HARDY: Je réfère encore, non pas à la loi mais à une autre situation devant laquelle nous sommes placés. Ne croyez-vous pas qu'à certains moments il devient nécessaire — même si, théoriquement, je reconnais avec vous que le volontariat est toujours la formule la plus valable — pour le gouvernement, de recourir à des mesures directrices?

M. DALPE: Le gouvernement peut recourir à des mesures directrices mais il faut quand même qu'il soit devant un refus des parties de faire quelque chose. Or, ce n'est pas le cas présentement. Vous avez le front commun de la fonction publique qui s'est organisé, c'est une manifestation péremptoire pour le gouver-

nement qu'en fait on veut, du moins dans certains secteurs, arriver à la conclusion d'une convention collective provinciale. Pourquoi le bill voudrait-il, lui, se servir de cette volonté et en faire une imposition?

M. HARDY: Si je vous comprends bien, au fond, vous considérez qu'avec un temps X nous arriverions, par le volontariat, à la même situation que nous donne le bill 46.

M. DALPE: Dans certains cas c'est déjà fait.

M. HARDY: Au fond, pour sauver le principe du volontariat vous reconnaissez que la situation que va amener le bill 46 est souhaitable, mais vous aimez mieux qu'elle prenne plus de temps pour respecter le volontariat.

M. DALPE: Oui. Mais le bill 46 ne veut pas tenir compte de situations spéciales, particulièrement dans le cas des commissions scolaires. Il y a des conventions qui sont actuellement en négociation, d'autres qui vont expirer après le mois de juillet. Qu'est-ce qu'on fait de tout ça? On laisse ça dans les airs tant et aussi longtemps que le bill, lui, n'aura pas été appliqué. Or, c'est placer tous ceux qui sont impliqués dans ces négociations dans une situation absolument intenable,

M. BURNS: Au fond, M. Dalpé, si je vous comprends bien, quand le député de Terrebonne soulève des objections, évidemment son expérience se résume à un conseil d'arbitrage dans le domaine...

M. HARDY: Je n'ai pas votre expérience dans ce domaine. Loin de moi la pensée de prétendre que j'ai votre expérience dans ce domaine-là.

M. BURNS: De toute façon, nous ne sommes pas ici pour discuter de notre expérience mutuelle. Si j'ai bien compris, le problème, au fond, c'est que le climat ne se prête pas, à ce stade-ci, à une imposition à la veille des négociations. Est-ce que je me trompe en disant ça?

M. DALPE: Vous êtes loin de vous tromper, c'est la situation.

M. HARDY: Vous semblez bien vous comprendre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Le député de Terrebonne, tout à l'heure, mentionnait qu'à certains moments il pouvait y avoir danger que les associations locales, si on revenait à une négociation locale, disent: Dans telle commission scolaire on a obtenu telle chose, etc. Vous n'avez pas peur qu'en revenant à une négociation locale l'inverse se produise? Je prends comme exemple l'article 4 dans lequel il est question des collèges d'enseignement général et professionnel. Vous avez la CSN qui a des associations affiliées à la CSN, vous avez d'autres associations locales affiliées à la CEQ; vous n'avez pas peur, M. Dalpé, que les conseils d'administration de ces CEGEP se servent exactement du même argument? Admettons que la CSN négocie avec un CEGEP et que la CEQ est prête à négocier avec un autre CEGEP, mais que les administrateurs de l'autre CEGEP disent: Bien, on va attendre que la négociation se termine avec la CSN et après ça on fera cette convention collective-là. Supposons que ça ne fasse pas l'affaire des représentants de la corporation des enseignants. Ne trouvez-vous pas qu'il serait mieux que chaque groupement représenté par les corporations puisse faire valoir ses arguments, qui peuvent être propres à un CEGEP plutôt qu'à un autre, à une table provinciale? Je me réfère, en disant cela, à la dernière négociation provinciale où, effectivement, j'étais membre de la CEQ, comme président d'une association locale, et où j'étais à même de constater que plusieurs représentants de la CEQ...

M. BURNS: Cela devait aller mal dans cette association.

M. VEILLEUX: Non, je dirai au député de Maisonneuve que c'était une des associations les plus actives de la province de Québec. D'ailleurs, vous pouvez le demander au président, M. Charbonneau, il va vous le dire.

M. BURNS: Ne le mettez pas sur la sellette.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il ne s'occupait pas du président.

M. VEILLEUX: Au contraire. Alors personnellement, je trouve que ce serait beaucoup mieux de revenir à une table provinciale où les représentants de la CEQ, par exemple, pourraient faire valoir des arguments pour leur CEGEP et où, peut-être, les professeurs membres de la Confédération des syndicats nationaux pourraient bénéficier d'arguments venant d'une autre centrale syndicale. Qu'en pensez-vous, M. Dalpé?

M. DALPE: Vous mentionnez quelque chose qui existe déjà. La concertation entre les centrales, ça se fait. Votre problème est administratif.

Faites en sorte que les corporations de CEGEP, les commissions scolaires, etc., soient regroupées, et nous sommes capables de nous ajuster en fonction de ces nouvelles normes administratives. C'est ce que nous avons fait dans les hôpitaux, c'est ce que nous sommes prêts à faire. Mais pourquoi chercher à imposer aux syndicats de se regrouper d'une certaine

façon pour arriver en réalité à une réforme administrative?

M. VEILLEUX: Il faut quand même dire que le principe du bill 46 regroupe — je suis d'accord avec vous — non seulement les associations locales de syndicats mais aussi les employeurs. Avec l'expérience que j'ai des négociations avec des commissions scolaires locales — je vais être franc avec vous — j'aime mieux que ce soit une table provinciale parce qu'on arrivait dans des milieux où c'était nettement reculé et où les gens ne voulaient absolument rien entendre. Et même dans une commission scolaire membre de mon association, vous aviez des commissaires d'écoles qui n'avaient même pas donné, en 1969, une heure pour dîner aux institutrices. Je pense que c'était le temps que ça se regroupe à un certain niveau pour que ces institutrices-là puissent bénéficier des mêmes avantages que les autres.

M. BURNS: Est-ce que le député de Saint-Jean est au courant que le bill ignore tout un domaine? Par exemple dans le secteur hospitalier, les hôpitaux privés, les institutions spécialisées, est-ce que le député de Saint-Jean a remarqué que ce n'est même pas touché par le bill 46? Je veux dire que si on est dans cette négociation sectorielle...

M. VEILLEUX: On est certain, M. le député de Maisonneuve, que le bill 46 peut avoir besoin d'amélioration. Nous discutons présentement sur le principe et avec le peu d'expérience que j'ai dans la négociation avec les commissions scolaires locales, je peux vous dire qu'on a été gagnant dans l'ensemble en négociant, du moins à Saint-Jean, au niveau provincial.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse mais j'aimerais mieux quand même que les échanges ou les interrogations se fassent vis-à-vis des opinants. Conséquemment, vous me permettrez maintenant de passer la parole au député de Chicoutimi.

M. BURNS: C'est choquant, M. le Président, de voir...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dalpé, j'aurais une question ou deux à vous poser. Vous vous opposez non seulement au principe du projet de loi 46 mais aussi à ce que la Chambre procède à l'adoption de cette loi. C'est bien ce que vous nous avez dit. Pour les raisons que vous avez évoquées — conflit avec le code du travail, imposition de la négociation sectorielle, négation à toutes fins utiles du droit d'association — vous ne voulez pas non plus que les grandes centrales soient les agents négociateurs mais vous voulez que tout cela se fasse par volontariat afin de respecter la volonté des composantes de vos centrales des diverses associations.

En principe, vous n'êtes pas contre une négociation à l'échelle provinciale ultérieurement. J'imagine qu'il y a certains paliers, certains éléments qui, selon vous, doivent faire l'objet d'une négociation provinciale, qu'il y en a d'autres qui doivent faire l'objet d'une négociation au niveau local, c'est votre point de vue. Etant donné l'attitude qu'a prise le gouvernement, vous nous avez dit tout à l'heure que vous vous opposiez au projet de loi. Mais devant la volonté du gouvernement de l'imposer, est-ce que vous auriez des amendements à proposer à ce gouvernement afin d'émouvoir le ministre encore une fois, et de l'appeler à changer ses points de vue?

Le député de Terrebonne nous parle de la Chambre, mais il faut bien s'entendre. C'est le gouvernement qui a pris l'initiative de présenter le projet de loi. La Chambre s'est prononcée en seconde lecture mais pas unanimement.

M. HARDY: Il y a un certain nombre de députés qui n'appuient même pas le gouvernement et qui appuient le projet de loi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?

M. HARDY: Il y a un certain nombre de députés qui n'appuient pas le gouvernement et qui appuient le projet de loi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela dépend.

M. HARDY: Donc, c'est plus que le gouvernement maintenant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La Chambre s'est prononcée sur un objectif.

M. HARDY: Un principe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, pardon. Je demande pardon au député de Terrebonne, M. le Président, le parti que je représente a approuvé l'objectif du ministre. C'est exactement la même chose que les 100,000 emplois de M. Bourassa, c'était une promesse et c'est devenu un objectif ensuite. Alors, dans ce projet de loi, il n'y a pas de principe, il y a la recherche d'un objectif qui est la négociation provinciale. Là-dessus, le parti que je représente a donné son agrément à l'exception de celui qui vous parle. Alors, je dis que c'est le gouvernement qui va de toute façon, proposer le projet de loi pour adoption en comité et, enfin, en troisième lecture.

Je demande à M. Dalpé, dans l'hypothèse où le gouvernement voudrait procéder: Est-ce que vous auriez des suggestions à faire afin d'améliorer ce projet de loi dont il semble que le gouvernement veuille poursuivre l'étude et nous amener en somme à l'adoption?

M. DALPE: Pour vous répondre, je préférerais que mes collègues des autres centrales se

soient exprimés d'abord et je maintiens à ce moment-ci que notre intention est de demander le retrait pur et simple du bill. L'objectif qu'il semble poursuivre, il est actuellement en voie de réalisation pour certains groupes et déjà réalisé pour d'autres. J'aimerais que mes collègues des autres centrales s'expriment avant de pouvoir formuler des intentions d'amendement si tel pouvait être le cas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Nous allons maintenant demander au représentant de la CEQ de faire ses représentations.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il y a des apartés qui nous empêcheront certainement d'entendre le représentant de la CEQ.

M. LE PRESIDENT: J'allais justement demander un peu d'ordre, s'il vous plait, afin qu'on entende le représentant.

M. HARDY: Nous nous soumettons d'avance.

M. BURNS: Surtout depuis quelques minutes, la remarque du député de Chicoutimi me touche davantage parce que je m'aperçois qu'il est de plus en plus récupérable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, je ne deviendrai pas terroriste, de toute façon.

M. BURNS: C'est la défense habituelle du député de Chicoutimi. Je n'y réponds même pas.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre!

M. CHARBONNEAU: M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés...

M. LE PRESIDENT: S'il vous plaît, pour les fins du journal des Débats, voulez-vous vous identifier?

Corporation des enseignants du Québec

M. CHARBONNEAU: Yvon Charbonneau, président.

Nous avons déjà fait parvenir aux membres de l'Assemblée nationale, le 23 juin, une courte note qui faisait état de notre opposition au bill 46. Nous l'avons reproduite de nouveau dans le document qui vient de vous être distribué. Ce texte reprend les raisons de principe par lesquelles nous en arrivons à demander le retrait du bill étant donné qu'il désigne d'autorité les centrales syndicales, la CEQ, pour négocier au nom de ces syndicats. Une telle autorisation de négocier est la prérogative de nos syndicats et non du législateur. De plus, le bill 46 interdit la négociation autre que portant au niveau provincial. La CEQ a déjà fait connaître depuis longtemps son intention de décentraliser une partie de la négociation.

Nous avons déjà mis au point par des mécanismes volontaires, sur le plan interne, toute une démarche depuis environ huit mois qui nous a amenés à rédiger un projet à négocier qui comporte toutes les clauses qui ont trait à l'aspect financier d'une négociation et qui ont des incidences importantes sur la planification de l'éducation.

Nous affirmons bien clairement au départ que nous sommes prêts, que nos syndicats sont disposés à déléguer à la CEQ leur pouvoir de négocier ces objets d'intérêt général, d'intérêt provincial, d'ordre financier. Alors aucun argument voulant nous assimiler à Louis Bouchard ne sera considéré. En ce qui nous concerne nous avons réglé ceci depuis longtemps.

D'autre part, le projet de loi 46 impose, par l'article 2, aux 65,000 enseignants francophones, le cartel obligatoire avec les deux groupes d'anglophones, les anglo-catholiques et les enseignants anglo-protestants.

Je crois que c'est la preuve que ceux qui ont préparé le projet de loi sont branchés sur le passé. Ils sont branchés sur une réalité qu'ils ont réussi à imposer de force au mois de février 1967 et c'est une autre preuve que ces rédacteurs-là n'ont pas su évoluer, s'adapter et voir ce qui peut se faire entre trois groupes d'enseignants sur une base volontaire. Ils n'ont pas réussi à apprécier le positif qu'on pourrait tirer en laissant travailler les enseignants, de quelque langue ou religion qu'ils soient, sur une base volontaire entre eux.

Ce droit de veto qui est en quelque sorte consenti par le législateur à deux groupes d'enseignants de langue anglaise qui ont au total quelque 10,000 ou 12,000 membres, droit de veto accordé sur le pouvoir de négociation et le pouvoir d'approbation d'une convention collective par 65,000 à 70,000 enseignants francophones, nous pensons qu'il est nettement anachronique et n'est pas digne du sens politique qui en principe caractérise les ministres actuels du Québec.

Je prierais les députés et même les ministres de regarder avec soin l'article 2 du bill 46, qui fait un cas spécial de la négociation dans le secteur scolaire. Tout à l'heure, le ministre de la Fonction publique a souligné dans son introduction que le premier texte de législation qui a été soumis à la consultation des centrales a été révisé parce qu'il imposait un cartel obligatoire, parce qu'il imposait un découpage de tables trop serré. Je tiens à dire ici qu'il a peut-être été révisé, mais qu'une exception a été faite pour le secteur scolaire. L'article 2 est explicite et il mentionne l'obligation de négocier et d'agréer la convention collective d'une façon conjointe par les trois groupes. Ceci est carrément inacceptable et totalement discriminatoire contre

les enseignants francophones syndiqués à la CEQ.

Etant donné que nous pensons que des formules de volontariat et que les dispositions du code du travail permettent de faire face à la situation, nous demandons nous aussi le rejet, le retrait du bill 46. Nous avons déjà fait tenir au ministère de la Fonction publique un mémoire qui a recueilli toutes les positions que nous avons élaborées au cours de l'année. Je vais vous donner un aperçu de ce mémoire qui est la deuxième partie du document que je viens de vous présenter.

La Corporation des enseignants, qui représente non seulement des enseignants des secteurs élémentaire et secondaire, mais aussi des enseignants du secteur CEGEP, est impliquée dans les articles 1, 2, 3 et ensuite plus directement dans l'article 6, etc., les autres paragraphes s'appliquant au personnel des hôpitaux.

Nous croyons qu'un système de relations de travail dans le secteur public doit respecter certains principes fondamentaux dont le principal demeure le respect intégral de la liberté de négociation qui est reconnue à ses membres par le code du travail. En bref, on demande de laisser s'appliquer à nos syndicats les articles du code tels qu'ils sont actuellement. Ce régime repose sur la liberté de négociation et le plein exercice de tous les droits collectifs, notamment le choix de l'agent de négociation. Le régime que nous proposons tiendrait cependant compte des particularités du secteur de l'éducation. Il propose une structure de négociation qui respecte à la fois la nécessité d'une rationalisation de certaines normes de travail à l'échelle de travail de même que les besoins particuliers de l'éducation et des enseignants dans les diverses régions du Québec.

A la lumière de ces principes, voici certaines recommandations sur la composition des tables de négociation, sur les structures de négociation et sur la marche ou l'exercice des droits collectifs des enseignants. En ce qui concerne les niveaux élémentaire et secondaire, les enseignants du Québec sont tous regroupés dans le secteur public, soit à la CEQ, soit à la PAPT ou à la PACT.

Le respect de la liberté syndicale contenu dans le code du travail devrait faire rejeter toute disposition qui contraindrait ces trois corporations à négocier conjointement et qui leur accorderait des droits de veto sur leur décision respective.

La corporation ne prétend représenter que ses propres membres, soit ses syndicats affiliés qui regroupent ses membres. Elle entend cependant le faire intégralement, sans être liée par les décisions d'un autre groupe, particulièrement quand il s'agit de groupes qui ont une représentation de l'ordre de 20 p.c. de la nôtre. Toute association forcée contraint la corporation à représenter d'autres personnes finalement dans les faits, que celles qu'elle regroupe et en même temps, elle confère aux autres corporations des droits sur ses propres membres, droits que ceux-ci n'ont jamais entendu leur conférer. Je parle sur le plan pratique, parce que sur le plan juridique, c'est entendu qu'on maintient toujours des distinctions mais, quand on arrive à travailler, tout le monde est mal à l'aise, ceux qui sont majoritaires et ceux qui sont minoritaires, parce que tout le monde a l'impression que ce n'est pas exactement sa décision, son orientation, qui est véhiculée jusqu'au patron.

La corporation ne veut pas se voir imposer de mandat pour d'autres groupes que les siens. Elle n'entend pas non plus que ceux ci n'en reçoivent à l'égard de ses propres membres. A cet égard, il me semble que l'expérience de la dernière négociation provinciale et la négociation de la classification des enseignants cet hiver serait assez concluante. L'association forcée mène à la paralysie de la négociation et nie les droits de représentation, en pratique, conférés à chaque groupe.

Le bill 46, d'après nous, ne traite pas de façon suffisamment claire de l'éducation permanente, ni du personnel professionnel non-enseignant. Les deux autres paragraphes de notre mémoire abordent ces questions.

La table de négociation de la CEQ devrait couvrir le champ de l'éducation permanente d'une façon claire. En effet, un jugement du tribunal du travail, rendu au mois d'octobre dernier, reconnaissait quo les enseignants de l'éducation permanente ne sont pas à l'emploi du gouvernement. Une décision du commissaire enquêteur Laurin, qui est maintenant en appel, conclut que les enseignants de l'éducation permanente relèvent des commissions scolaires. Il n'y aurait aucune raison, vu cette définition de leur statut juridique, de refuser à la corporation le droit de les représenter et des les inclure dans le champ de ses conventions collectives. Ceci devrait également, nous semble-t-il, être conforme aux politiques de rationalisation du gouvernement dans le secteur de l'enseignement. Il serait aberrant d'appliquer un régime de relations de travail distinct pour les enseignants qui donnent des cours le jour aux élèves et à ceux qui enseignent après quatre heures aux adultes. Ce sont souvent d'ailleurs les mêmes personnes qui enseignent aux uns et aux autres. De même l'entente provinciale des enseignants de l'élémentaire et du secondaire devrait s'appliquer au personnel affecté aux services à l'étudiant. C'est un domaine qui souvent est malheureusement tenu dans l'ombre à bien des égards par le législateur, en particulier dans ce bill. Il y a dans les écoles secondaires et dans les administrations de commissions scolaires de plus en plus une catégorie de personnel qui s'appelle le personnel professionnel non-enseignant. Il s'agit notamment de phychologues scolaires, de conseillers d'orientation, de travailleurs sociaux et autres groupes du même genre. Alors, ni l'article 2, ni l'article 3 du bill ne sont appropriés pour

couvrir les négociations de ce secteur. L'article 2 parle d'instituteurs, l'article 3 parle de personnel de soutien. L'expression "personnel de soutien" est ordinairement utilisée pour le personnel qui travaille dans les secrétariats de commissions scolaires et à l'entretien des écoles. Les agents de négociation qui sont désignés à l'article 3 d'ailleurs prouvent qu'on n'a nullement tenu compte de l'existence du personnel professionnel non enseignant qui ne se retrouve à aucun des autres groupes mentionnés à l'article 3 pour négocier en leur nom.

A la corporation, nous avons une association provinciale qui s'appelle l'APPSEQ, c'est-à-dire l'Association du personnel des professionnels des services aux étudiants du Québec, qui groupe une forte proportion des membres du personnel affecté à ces services. Ils ont manifesté le désir que l'entente provinciale que la CEQ a le pouvoir de négocier s'applique également à cette catégorie de personnel non-enseignant, mais professionnel.

Les conditions de travail de ces personnes sont en effet étroitement liées à celles des enseignants réguliers. Les stipulations qui leur sont particulières pourraient bien sûr faire l'objet d'un chapitre spécial à l'entente provinciale. Aux objections que l'on soulève trop rapidement contre les centrales syndicales, à savoir qu'elles veulent le maintien des négociations locales, qu'elles veulent la poursuite de la surenchère qu'on a pu connaître avant 1967, nous avons à dire que nous demandons une certaine décentralisation de la négociation, mais nous réaffirmons avec autant de force la nécessité de maintenir une négociation provinciale.

La corporation considère qu'une centralisation aussi absolue de la négociation que celle qui a été pratiquée dans les négociations de 1967 à 1969, en ce qui nous concerne, est néfaste à l'ensemble du milieu de l'enseignant, à l'enseignement. Elle propose en conséquence une négociation à deux niveaux: une table provinciale serait conservée pour un certain nombre de sujets d'importance générale, par ailleurs, les parties conviendraient de mettre sur pied des tables régionales pour discuter soit de questions particulières à telle ou telle région ou des modalités d'application ou de mise en oeuvre des principes ou des clauses d'intérêt provincial.

L'établissement d'un palier régional est indispensable, si l'on veut permettre un véritable dialogue, une organisation des relations de travail harmonieuses au niveau où sont les employeurs et les employés, qui dans notre secteur n'est pas au niveau provincial, mais au niveau des commissions scolaires. Je tiens à attirer l'attention en particulier du ministre L'Allier sur cette question: une négociation à deux paliers serait le meilleur moyen d'organiser les relations de travail en cohérence avec les principes qui sous-tendent le bill 27. J'espère que je ne suis pas soumis aux mêmes contrain- tes et aux mêmes obligations de violer le règlement que le député de Terrebonne.

Le bill 27 a comme principe de regrouper les commissions scolaires, certainement, mais il confirme le rôle important d'employeurs pour l'avenir des commissions scolaires. Il confirme le rôle social important de ces structures administratives agrandies, mais qui demeurent à la base. C'est la volonté du ministère de l'Education et c'est la volonté du gouvernement.

A ce moment, si on admet que ce principe se traduit par le bill 27 et sera traduit dans les faits bientôt, nous devons admettre que les interlocuteurs directs que seront les employeurs maintenus et confirmés dans leur importance soient les commissions scolaires. Les syndicats vont demander que ces instances soient en mesure de discuter efficacement de leurs problèmes particuliers et d'y apporter des solutions convenant à leur milieu.

Une telle procédure de négociation respectera ainsi les particularités de chaque région de la province. Les problèmes d'éducation varient énormément d'une région à l'autre et les responsables du ministère de la Fonction publique et du ministère de l'Education qui ont eu à appliquer le contrat collectif qui nous régit sur le plan scolaire depuis deux ans devraient, il me semble, avoir tiré quelques leçons très utiles quant aux difficultés d'appliquer partout de façon convenable, de façon satisfaisante, un contrat uniforme pour tous les enseignants et toutes les commissions scolaires du Québec.

Il y a eu tellement de difficultés, il y a eu tellement de problèmes d'accumulés que, pour des raisons d'efficacité évidentes, on devrait laisser une partie des problèmes à négocier sur un autre plan que sur le plan provincial. Les problèmes d'éducation varient d'une région à l'autre et ils ne sont pas les mêmes suivant les conditions économiques, géographiques et sociales.

La richesse relative au milieu, le rôle que l'on reconnaît à l'éducation, la concentration de la population, même dans certaines régions, l'état de l'équipement scolaire des régions où il n'y a pas de polyvalente exigeront des adaptations aux normes générales stipulées à l'échelle provinciale ou imposeront la négociation de conditions particulières. Si on veut parler de réalisme social, si on veut parler d'efficacité sociale, comme le ministre en a parlé, je pense que c'est le moment d'apporter toute l'attention qu'il faut aux propos que nous tenons en ce moment.

A la fois pour tenir compte de ce particularisme et assurer l'efficacité de la négociation, la corporation demande donc l'établissement d'un palier régional de négociations, auxquelles participeront ses propres syndicats et les commissions scolaires concernées. Pour la corporation, une table devrait couvrir au moins le territoire d'une régionale. Ceci est évidemment écrit sans pouvoir faire les concordances, puisque le bill 27 n'est pas adopté. Cependant, une table

grouperait, de préférence, les commissions scolaires régionales sur une base plus large. Nous pourrions parler de quinze tables régionales environ, c'est un chiffre qu'on lance comme ça. Il s'agirait de s'asseoir et d'en convenir.

Toutefois, il ne serait pas question d'éliminer la table provinciale de la négociation. Bien au contraire, celle-ci sera maintenue mais, par les mesures que nous proposons, elle pourrait atteindre les buts propres pour lesquels elle existe. Quand le bill 27 a voulu centraliser les négociations il s'inspirait de principes d'efficacité administrative et de la nécessité de rationaliser les investissements dans le secteur scolaire. Ces objectifs sont partagés, mais nous ne croyons pas devoir passer des semaines et des semaines à discuter du droit d'affichage dans les écoles pour les syndicats pour une composante indispensable de la négociation provinciale. Passer des semaines et des semaines à discuter de questions de détails qui se règlent au niveau régional ou local, cela n'a rien à voir avec les soi-disant soucis d'efficacité d'un gouvernement.

Les mesures que nous proposons permettraient à la table provinciale d'avoir son objectif propre qui serait de négocier certaines normes, certaines clauses d'application générale. Nous donnons des exemples. M. le ministre a demandé que l'on soit positif, que l'on fournisse des formules de remplacement. Notre mémoire en fourmille. Encore faudrait-il prendre le temps de le lire avant d'adopter en troisième lecture les articles qui seront présentés à l'Assemblée nationale.

On pourrait, par exemple, relever de la table provinciale, après entente sur le partage des objets entre les deux niveaux, les clauses relatives au salaire, à la classification, à la charge d'enseignement, aux sommes à répartir aux avantages sociaux et au perfectionnement, et à d'autres modalités telles que les formalités d'arbitrage sur le plan provincial et le contrat d'engagement ou les dispositions qui entourent la sécurité d'emploi. Tout cela devrait, à notre avis, continuer d'être négocié sur le plan provincial, mais tout cela n'est pas l'avis d'une convention collective, et les autres aspects pourraient être déférés au palier régional. L'aménagement de la charge de l'enseignement, une fois que certaines normes et que certaines ententes ont été conclues sur le plan provincial, doit être fait, compte tenu d'une quantité de facteurs, ne serait-ce que la dimension des écoles, ne serait-ce que les catégories d'élèves qui doivent aller dans tel ou tel type d'enseignement.

On pourrait en énumérer bien d'autres, et je suis sûr que cette réalité est bien connue des parlementaires parce qu'eux sont près de la population. Quand je dis les parlementaires, j'exclus ceux qui ont rédigé le projet de loi 46. Je ne suis pas parlementaire. Quand on a défini les sommes pouvant aller au régime de sécurité sociale ou les sommes pouvant aller au prefec- tionnement, qu'est-ce que le gouvernement veut surveiller de plus que la quantité d'argent qu'il accepte d'investir dans tel ou tel secteur de l'entente négociée avec les enseignants?

Qu'est-ce qu'il veut surveiller de plus que les montants, et certains principes d'utilisation de ces montants, un certain encadrement? Pourquoi est-ce qu'il va confirmer le rôle important des commissions scolaires dans l'administration de la vie scolaire du Québec et en même temps vouloir continuer à tout régir au doigt et à l'oeil à partir des officines du ministère de l'Education ou du gouvernement? Nous trouvons qu'il y a là de l'incohérence. Nous trouvons qu'il y a là une immense contradiction. Une fois que le gouvernement, disons pour fin d'exemple, a accepté de donner 1.5 p.c. ou 1.2 p.c. de la masse des traitements des enseignants pour le perfectionnement, qu'est-ce que ça peut bien lui faire que, dans la région de la Côte-Nord, on utilise ces montants selon des plans différents de la région de Montréal? Qu'est-ce que ça peut lui faire, — une fois convenu sur le plan provincial que les enseignants ont en principe telle charge de travail — que dans telle région où les écoles sont plus petites ou plus grandes et où il y a plus ou moins de types de clientèles dans les écoles on aménage les charges selon des modalités propres? Qu'est-ce que ça peut faire au gouvernement du Québec que de permettre l'adaptation du régime de négociations à de tels impératifs d'efficacité sociale?

Du côté des CEGEP, puisque nous en représentons un certain nombre, nous pensons que les mêmes principes peuvent et doivent s'appliquer, c'est-à-dire le principe d'une négociation provinciale et d'une négociation régionale, c'est-à-dire d'une négociation par CEGEP en l'occurrence, parce que les CEGEP sont conçus, par la volonté du gouvernement, pour répondre aux besoins d'une région et être enracinés dans la réalité de chaque région. Chaque CEGEP, par la volonté du législateur, essaie d'avoir une personnalité qui lui est propre, des structures et des éléments distincts. Parfois la dimension même de l'institution la rend fort différente des établissements du même genre. De plus, la Loi des CEGEP, tout comme la pratique, consacre l'autonomie de chaque CEGEP dans son organisation interne et dans ses affaires pédagogiques. Qu'est-ce que ça peut faire au gouvernement du Québec, au ministère de l'Education de permettre tel degré de participation des enseignants et des étudiants dans tel CEGEP qui est prêt à prendre la formule, par rapport à tel autre degré dans une autre région? Qu'est-ce qui empêche le gouvernement de laisser la liberté aux corporations de CEGEP qu'il a lui-même constituées et dotées de certains pouvoirs, de convenir de la vie qu'il faut à telle région ou à tels groupes de personnes ou à telle mentalité régionale? Nous ne voyons aucune objection à ça. Au contraire, le gouvernement devrait sortir des ornières de 1967 et de la décennie de la centralisation pour aborder

maintenant les problèmes de l'éducation avec une perspective renouvelée, une perspective qui fasse coller les investissements énormes du secteur scolaire aux besoins des régions. Dans un tel contexte, il est évident que l'ère n'est plus au moment où on doit uniformiser les relations de travail dans notre secteur. Une centralisation complète de la négociation transfère chaque problème local et le ministre du Travail est drôlement bien placé pour le savoir. Chaque problème local arrive à la table provinciale avec la structure que vous voulez nous rééditer ici et prolonge indéfiniment les négociations.

Devant les objectifs que nous recherchons, le gouvernement et les centrales et les syndicats, en regard du système d'éducation, il s'agit de trouver, par le régime de la négociation, à établir ou à préciser entre employeur et syndicat, des solutions aux problèmes administratifs trop souvent laissés de côté ou des problèmes administratifs qui ont entraîné des situations déplorables, des situations de malaises généralisés dans le secteur scolaire entre enseignants et employeurs. Le volontariat, nous le rappelons nous aussi, est plus efficace que la contrainte. De toute façon, nous avons goûté à la contrainte depuis 1967. Ce n'est rien de nouveau pour nous mais ça suffit comme ça. La corporation demande que la négociation, tant au niveau régional qu'au niveau provincial, respecte la responsabilité reconnue en principe par le code du travail de la province de Québec.

La négociation que nous envisageons entraînerait la conclusion d'une convention composée de deux parties, l'entente provinciale ou la convention provinciale et certains accords, certaines conventions négociés sur la base régionale à déterminer, bien sûr, après discussion.

Il est fondamental que le gouvernement évite de s'immiscer dans les structures syndicales et attribue d'autorité des mandats de négocier de façon totale aux centrales. Le syndicalisme est le regroupement des travailleurs sur une base de volontariat. Les syndicats de la CEQ détiennent, en vertu de leurs accréditations, le pouvoir de négociation et tous les autres pouvoirs qui s'y rattachent dans le code du travail.

Il n'accepte pas — au cas où certains seraient tentés de poser des questions à cet égard — ni les syndicats, ni l'organisme provincial n'acceptent que soient enlevés à nos syndicats par une autre loi spéciale les pouvoirs qu'ils détiennent en vertu de leurs accréditations.

Cependant, les syndicats de la CEQ ont accepté sur une base volontaire de déléguer une partie de leur pouvoir de négociation à l'organisme provincial auquel ils sont affiliés. Le projet d'entente provinciale qui circule dans la province depuis environ trois semaines et qui sera déposé mercredi prochain devant la partie patronale fait d'ailleurs la preuve irréfutable de notre désir de négocier sur le plan provincial.

Nous insistons cependant, pour que le législateur s'abstienne d'intervenir ou de brusquer ce processus de délégation volontaire de mandat. Il en résulterait un malaise et un mécontentement bien compréhensibles. La CEQ demande donc que le régime de relations de travail dans la Fonction publique et les institutions parapubliques reconnaisse l'intégralité des droits syndicaux des salariés sans restrictions et sans droit de veto d'organismes étrangers.

Elle veut ainsi que ce régime, tout en permettant la normalisation d'un certain nombre de conditions de travail, n'étouffe pas les initiatives locales mais favorise un dialogue constant, une négociation constante entre les administrateurs des commissions scolaires sur le plan régional et nos syndicats.

Nous avons enfin en annexe à ce mémoire certaines formules qui, d'après nous, pourraient sur le plan juridique, rendre possible et plus facile la poursuite de l'objectif de centraliser une partie de la négociation qui semble nous rallier ici. Etant donné que nous contestons le fait que le gouvernement ait recours à une loi spéciale émanant du ministère de la Fonction publique pour établir le régime de négociations dans les secteurs scolaires et hospitaliers; étant donné que nous prétendons que ces législations devraient être de l'ordre du ministère du Travail qui, lui, ne peut pas être assimilé à notre employeur et n'est pas impliqué dans les négociations comme telles; étant donné que nous prétendons qu'il devrait y avoir un sain partage de tâches entre les ministères du gouvernement du Québec et qu'on ne devrait pas se permettre de recoupements comme ceux-là et qu'on ne devrait pas tolérer que le même ministère soit à la fois l'employeur ou considéré comme tel — des enseignants ici — le négociateur et en même temps celui qui fait les règles du jeu de la négociation; étant donné que nous pensons que les aménagements aux lois devraient venir du ministère du Travail et que les relations de travail du secteur public ne devraient pas faire d'exception à ce grand principe, nous apportons certains amendements au code du travail et non pas au bill 46.

Ainsi, on pourrait ajouter à l'article 10 b) du code du travail — l'article 10 a) est une disposition qui a été introduite dans le temps au code du travail pour permettre à une commission scolaire locale de déléguer ses pouvoirs à une commission scolaire régionale — un amendement qui rendrait légale la délégation de pouvoir des syndicats à l'adresse d'une fédération, d'une confédération ou d'un groupement d'associations auquel ce syndicat serait affilié, un mandat de négocier en son nom une convention collective ou une partie de celle-ci.

Ce mandat pourrait n'être révocable qu'à certaines conditions pour assurer une permanence, quand même, une relative permanence, une relative stabilité du système que nous préconisons, par exemple, d'après les mêmes délais où un syndicat peut changer des accréditations, l'article 21, soit entre le soixantième et le trentième jour précédant l'expiration d'une convention collective, par exemple.

Nous suggérons également que les mandataires dans telles circonstances soient responsables exclusivement de l'exécution des obligations de négocier appartenant à l'Association de salariés, non pas responsables d'obligations imposées par le gouvernement. Cependant, lorsque son mandat ne porte que sur une partie des objets de la convention collective, ce qui est prévu dans notre système déjà mis en place sur une base volontaire, nous demandons que le pouvoir de négociation du mandataire soit restreint aux éléments qui ont été délégués par l'Association de salariés. Nous demandons que ce soit l'Association de salariés, c'est-à-dire le syndicat ici, qui soit responsable d'exécuter les autres obligations du code du travail qui ne sont pas comprises dans le mandat délégué.

Lorsque le mandat est global, nous avons certains de nos groupes qui parlent de remettre d'eux-mêmes un mandat global de négocier à la corporation. Il faut le prévoir dans le code. L'entente conclue par le mandataire constitue la convention collective au sens du code du travail. Nous éviterions ainsi cette distinction spécieuse entre entente collective et convention collective. L'organisme provincial, à ce moment-là, aurait droit d'apporter lui-même les modifications jugées nécessaires à cette convention après sa conclusion.

Ceci est une allusion et un remède également au système anachronique qui a encore cours au ministère du Travail quand une convention même provinciale doit être signée par ceux qui détiennent les accréditations. En 1969, quand les enseignants et le ministère de la Fonction publique et la Fédération des commissions scolaires ont convenu d'un texte, le 4 novembre 1969, quand ils ont signé le texte il n'avait encore aucune valeur. C'était une entente provinciale, ce n'était pas une convention provinciale. Cette entente n'est devenue convention qu'au moment où elle a été signée par tous nos syndicats et les 1,200 commissions scolaires, une par derrière l'autre, en six exemplaires transportés par train spécial au ministère du Travail. Ceci est un régime tout à fait anachronique et on devrait permettre quelque chose de beaucoup plus efficace au point de vue administratif puisque je crois avoir suffisamment parlé du domaine de l'efficacité sociale.

Lorsque le mandat de négocier est partiel, porte sur des objets que j'ai mentionnés déjà, la convention est constituée des ententes conclues par le mandataire et de celles dont l'association a convenu sur les sujets qu'elle s'était réservés. Le mandataire peut modifier les ententes qu'il a conclues sur les sujets compris dans son mandat même après la conclusion de la convention sur le plan local.

L'association de salariés qui accorde un tel mandat de négocier suivant l'article 10 b) devrait être tenu d'en informer l'employeur par écrit en lui indiquant l'étendue du mandat accordé. L'association aurait la faculté d'accroître ce mandat en tout temps puisque c'est elle qui le détient.

Lorsque le mandat de négocier est total, il appartiendrait au mandataire, l'organisme provincial en question, de donner les avis prévus aux différents articles du code du travail, l'avis de convocation de la partie patronale, l'avis de conciliation, l'avis d'arbitrage et d'autres, 40, 43, 62 et 99.

Lorsque le mandat n'est que partiel, l'association de salariés aurait la responsabilité de donner ces avis. On devrait obliger par le code du travail l'employeur à négocier de bonne foi et avec diligence avec les mandataires conformément aux dispositions du chapitre 3 du code du travail sur les sujets contenus dans le mandat provincial.

L'employeur reste tenu aux obligations de négocier prévues au présent code à l'égard de l'association de salariés pour les sujets qui ne sont pas inclus dans le mandat de négocier provincialement puisqu'il est partiel dans cette hypothèse. On pourrait même prévoir un mécanisme d'efficacité si les parties ne peuvent s'entendre, une fois admis le principe de la négociation de deux paliers — puisque toute notre argumentation est basée là-dessus — si les parties ne peuvent s'entendre sur l'inclusion d'un sujet particulier d'un niveau ou à l'autre. Une fois que le principe est admis, on pourrait prévoir un mécanisme, nous en avons suggéré un ici, si vous en avez un meilleur, sauf une décision du ministre lui-même, si, dis-je, vous en avez un meilleur, nous sommes prêts à l'étudier. Cela pourrait être le commissaire-enquêteur en chef ou quelqu'un désigné par lui sur requête d'une partie intéressée qui pourrait venir étudier la question — ou ces questions de détail — parce que c'est sûrement un domaine complexe à ce moment-là.

Je crois que les solutions que nous apportons ici sont largement positives. Elles permettraient au ministère du Travail de récupérer ses responsabilités propres dans le gouvernement du Québec et laisseraient plus à l'aise le ministère de la Fonction publique dans sa fonction d'agent de négociation, de responsable de l'application des conventions, dans ses fonctions d'organisation des relations de travail.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M. Charbonneau de l'exposé assez complet qu'il nous a fait de la situation telle qu'il la voit. J'aimerais poser une question au ministre du Travail au sujet des propositions qui sont contenues à la fin de ce mémoire. Que vous ensemble, M. le ministre, de l'ensemble de cette attitude du ministre de la Fonction publique qui vous aurait subtilisé vos pouvoirs?

M. COURNOYER: Vous savez, on n'en est pas à une subtilisation près.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le système proposé est praticable selon vous?

M. COURNOYER: Ce qui m'étonne un peu — je pense que je ne vais pas attaquer M. Charbonneau pour les propos qu'il a tenus, — loin de moi l'intention d'attaquer qui que ce soit — je lis avec un peu d'anxiété, parce que j'ai vécu une partie de l'expérience moi aussi, que 11,000 enseignants anglophones auraient par exemple un droit de veto sur le voeu exprimé ou nettement exprimé par 65,000 enseignants francophones. L'expérience dernière, à moins que je n'aie pas été au courant de ce qui se passait à l'intérieur de la partie syndicale, m'enseigne qu'il y avait une petite formalité convenue entre les parties, que c'était 6-2-2 et qu'on avait donné un pouvoir de six votes à la CEQ, deux votes à la PACT, et deux votes à la PAPT. Ceci a été suivi à ce moment-là semble-t-il, d'une certaine manière. Je m'étonne qu'aujourd'hui la même clause ou le même texte fasse peur à la CEQ. Je pense aussi qu'on peut retourner l'argument contraire et dire que les 65,000 peuvent aussi exercer un droit de veto sur une convention légitimement intervenue pour les 11,000 enseignants anglophones. Ce n'est pas une question, mais une remarque. On pourra peut-être me corriger sur cette partie-là des remarques. C'était une impression que j'avais, c'était comme cela que les décisions ne prenaient à la table syndicale lors de la dernière négociation provinciale.

Quant à l'autre partie, qui ne m'étonne pas, je pense qu'il s'agit d'un changement d'attitude. Lorsque nous avons commencé les négociations dans le secteur de l'enseignement en 1967, nous avons discuté pendant un certain nombre de mois les articles qui devaient être l'objet de la négociation à cette table provinciale. Le bill 25 comportait un ou deux articles de plus que celui-ci en ce qui concerne l'enseignement et particulièrement la détermination des conditions qui devaient être négociées par ces organismes-là. Or, il arrive que, pendant les deux ou trois mois ou nous avons exploré les possibilités de négocier des clauses à la table provinciale, la principale difficulté était le refus de la partie patronale d'en ajouter. Il y avait un arrêté en conseil qui avait été adopté, le premier conformément au bill 25, qui déterminait que telle chose devait être négociée à l'échelon provincial par les organismes désignés dans le bill 25.

Il y avait un processus, encore là, qui permettait d'en ajouter. Alors, finalement au bout de trois mois, je dois avouer que c'est le gouvernement qui a cédé et qui a dit: Bon, si vous voulez que tout soit négocié à l'échelon provincial, allons-y! Ce qui a été, et j'en conviens avec M. Charbonneau, extrêmement difficile parce que quinze jours pour négocier une clause d'affichage en dessous de la fournaise, en dessous de l'escalier ou par-dessus ou dans le corridor numéro 1 ou 2 d'une école qui n'a qu'un corridor, c'est extrêmement difficile, extrêmement ennuyeux, j'en conviens, et extrêmement onéreux au point de vue financier, parce que tout ce monde-là négocie en même temps. J'ai vécu l'expérience; non pas que je le sache parce que j'ai vécu l'expérience, mais parce que ce que vous disiez tantôt résonnait drôlement à mes oreilles. Pour ma part, je ne vois pas du tout pourquoi une clause comme celle-là ne serait pas négociée à l'échelon local, et même j'irais plus loin que vous, à l'échelon de l'école, s'il le faut, parce que je ne vois pas pourquoi ce serait à l'échelon régional ou provincial que la même difficulté va se présenter. On a seulement rétréci un peu l'ampleur du groupe. On n'a pas fait grand-chose, que je sache, parce que c'est à l'échelon local que ces problèmes-là se posent.

Quant à tout ce que vous avez soumis comme remarques et comme propositions, je ne veux pas répondre. Non pas parce que je ne peux pas répondre, mais parce qu'on ressusciterait peut-être de douloureux conflits. Il s'agit de regarder beaucoup plus l'avenir. En ce sens, le ministre de la Fonction publique et moi-même sommes totalement d'accord pour regarder l'avenir. Ce que je vois dans l'article 2, c'est qu'il rend possible, peut-être pas d'une façon claire, ce que vous souhaitez comme CEQ. En disant, par exemple, que vous voulez une table provinciale, que vous voulez une négociation provinciale, est-ce que vous excluez par le fait même la PAPT et la PACT pour créer trois tables provinciales? Si je saisis l'argument, par exemple, de 11,000 à 65,000 à une table provinciale, les mêmes 11,000 à 65,000 vont se retrouver dans des conditions générales d'application. Mais dans le texte même, qui est identique ou qui ressemble beaucoup, du moins, à celui du bill 25, il ne m'apparaît pas comme impossible que les parties, c'est-à-dire les six parties qui y sont inscrites, décident ensemble que telle clause fera l'objet de négociations provinciales et que telle autre clause fera l'objet de négociations régionales, et que telle autre clause fera l'objet de négociations locales. Cela ne m'apparaît pas impossible.

Vous avez choisi tantôt, comme exemple assez sérieux, la charge d'enseignement. Ce qui est établi à l'échelon provincial — à moins qu'après mon départ on ait changé ces choses-là — et ce qui me semble être établi, c'est que nous appliquons une règle de nombres et nous disons aux différents échelons d'administration: Appliquez-les comme vous voulez chez vous. Quand on dit 1-27, bien sûr que c'est 1-27. Et ici, à cette table même, pendant un mois de juillet douloureux, est-ce que nous n'avons pas discuté de l'application du 1-27, du 1-28, et de l'inclusion ou de la non-inclusion de l'assistant-principal dans les rapports maîtres-élèves? Est-ce qu'on n'a pas discuté aussi de la norme applicable à toutes les commissions scolaires dans la province de Québec, quelle que soit l'étendue de leur territoire? Nous avons discuté de cela ici.

Je pense que malgré tous les bons voeux, est-ce qu'on pourra espérer que cette prochaine négociation aille vite? Il y a certains problèmes qui vont vraisemblablement revenir à la surface. Moi je prends cela, non pas avec un grain de sel;

je vous avoue que certaines des remarques que vous avez faites, M. Charbonneau, "entrent dans le mille! " Je les comprends, je les conçois. Seulement, le bill lui-même ne me semble pas un empêchement à une négociation régionale ni à une négociation locale, ni à une négociation provinciale. D'abord, il la crée, la négociation provinciale. Quant aux sujets qui devraient relever de l'échelon régional, provincial ou local, je pense que le processus démocratique me permet de dire que ces six parties-là pourraient peut-être s'entendre sur ce qui devrait faire l'objet d'une négociation provinciale et ce qui devrait faire l'objet d'une négociation régionale ou ce qui devrait faire l'objet d'une négociation locale.

M. LE PRESIDENT: M. Charbonneau, si vous voulez répondre.

M. CHARBONNEAU: Oui, je demanderais à M. le ministre du Travail d'interpréter pour tout le monde l'article 6 du bill 46, qui dit que "toute convention collective visée aux articles précédents est réputée contenir toute stipulation négociée et agréée à l'échelle provinciale conformément auxdits articles".

J'aimerais qu'il dise si ceci permet la négociation régionale.

M. COURNOYER: Bien sûr. C'est que si vous avez par exemple une clause dans la convention collective qui dit que c'est l'échelon régional qui négocie, tel point, ça relève de la convention régionale de la négocier. C'est comme ça que je l'interprète.

M. CHARBONNEAU: article 2, alors n'est valide que si...

M. COURNOYER: Encore une fois, c'est encore la même clause qui est valide. Vous pouvez décider par mandat et ça a été fait dans la dernière convention. Je regrette peut-être qu'il y ait des choses qui ont été changées après mon départ. Par décision de la table provinciale, vous pouvez dire que c'est à l'échelon régional ou à l'échelon local que tel point va se régler, compte tenu des règles que vous avez vous-même énumérées, à savoir que certains principes devraient être introduits. On ne doit pas par exemple mettre de l'argent pour le perfectionnement et décider que cet argent-là soit utilisé ailleurs. Si on dit que c'est pour le perfectionnement et qu'on construise un gymnase.

Il y a des règles, dont vous avez parlé vous-même. Si le texte tel quel, pour vous, ne reflétait pas cette intention, cette possibilité, je n'ai pas aucune forme d'objection à discuter avec le ministre de la Fonction publique pour le rendre plus clair, mais je tiens à vous dire que je le comprends comme ça et comme ministre du Travail, c'est comme ça que je le comprends. S'il n'est pas clair comme ça — et là c'est enregistré ce que je dis, j'imagine — c'est comme ça que je le comprends. Je suis bien convaincu que le ministre de la Fonction publique, que le gouvernement a fait approuver le principe du bill, ne voit pas d'incompatibilité avec le but recherché et j'espère que vous ne le rechercherez pas après nous avoir fait changer de but dans une époque plus ou moins rapprochée.

Je tiens à souligner que nous avons fait une expérience, dans le domaine de l'enseignement, extrêmement difficile. Pendant la période où nous avons négocié, il y a peut-être des difficultés qui sont venues beaucoup plus à notre connaissance. Cela ne nous empêche pas de penser que l'expérience a été valable et que le nombre de problèmes que nous avons eus était plus grand. Cela n'a pas empêché, par exemple, les gens d'être entendus à l'endroit où ils devaient être entendus et, à plusieurs reprises, nous sommes revenus devant cette commission parlementaire, parce qu'il y avait conflit entre la partie syndicale et la partie patronale et que ce conflit ne semblait jamais vouloir se résoudre.

Si la solution que vous proposez, c'est la négociation provinciale — j'en suis puisque nous la demandons — et implique un second et même un troisième palier de discussion, j'en suis encore, puisque lors de la dernière convention collective, les premières difficultés que nous avons eues étaient justement de garder un certain nombre de clauses qui devaient être discutées à l'échelon régional. Cette fois-là, compte tenu du fait que vous n'aviez pas encore eu l'expérience de la négociation provinciale, il faut quand même admettre d'une façon très sincère aussi — parce que je sais que vous pouvez l'être — que la discussion est partie à l'envers de ce qu'elle est aujourd'hui. C'était la partie syndicale qui, par une décision de son congrès, demandait avec insistance que tout soit négocié provincialement.

Maintenant que l'expérience est faite, qu'on en arrive avec des correctifs, parfait. Mais il ne faudrait pas changer de vocation trop souvent.

M. CHARBONNEAU: Je crois que c'est normal. Ceci montre la capacité d'adaptation du mouvement syndical aux réalités sociales que de pouvoir, à un moment donné, s'entendre pour centraliser, quand on se rend compte qu'il y a peut-être cette étape-là et, trois ou quatre ans après, s'apercevoir qu'il faut en revenir de ces maladies-là.

M. COURNOYER: D'accord.

M. CHARBONNEAU: Ce n'est pas de la contradiction, c'est de l'évolution.

Quant aux anglophones dont vous avez parlé tout à l'heure, je ferais bien remarquer à tout le monde que l'article 2 du bill 46 est rédigé d'une façon tout à fait différente des autres articles en ce qui concerne le "partnership" des groupes. Il

impose la négociation et l'adoption pour le compte des associations d'instituteurs par les trois groupes ensemble.

Vous regarderez les autres articles dans les CEGEP par exemple où la CSN et la CEQ sont implantées. La CEQ négocie dans notre esprit les objets d'ordre provincial pour le compte de ses affiliés, la CSN aussi pour le compte de ses affiliés. On n'est pas obligé de mettre les deux parties à la même table. C'est même prévu ici que ce n'est pas comme ça. Les autres articles pour le personnel de soutien et le personnel hospitalier sont conçus comme ça aussi. Ils laissent la liberté à chacun des groupes. Au contraire, ce qui est prévu c'est que chacun des éléments de la partie patronale peut bloquer ou du moins c'est l'interprétation qu'on peut faire de la fin de l'article 3. Dans le secteur des CEGEP, on dit que la convention en question devrait être négociée et ensuite acceptée par la fédération et l'ensemble desdits collèges. Si on regarde en anglais c'est marqué "all such colleges". Ce qui doit vouloir dire probablement chacun des collèges. C'est centraliser davantage sur le plan syndical que sur le plan patronal. De toute manière, je veux bien discuter un peu selon le schéma que nous présente le ministre du Travail parce que je crois qu'il est responsable au fond de l'évolution du code du travail et de l'adaptation du code du travail aux nouvelles réalités. Je veux bien discuter un peu par rapport au bill 46 mais la preuve qu'on fait à travers tout ça c'est que ce n'est pas par le bill 46, ce n'est pas par un nouveau bill, c'est en adoptant, c'est en faisant vivre le code du travail, en lui permettant d'entraver les nouvelles réalités, les nouvelles nécessités. On n'a pas besoin du tout d'une loi spéciale pour ça.

De toute façon, le ministre n'a nullement disposé du principe de la loi qui enlève aux syndicats, à toutes fins utiles leur pouvoir de négociation. Vous avez vécu d'autres expériences dans d'autres secteurs d'une telle usurpation d'accréditation. Je crois que les expériences aussi pourraient être utiles dans ce domaine-là.

Par les formules que nous proposons au code du travail, on évite ces embardées de fond et on pourrait atteindre certains objectifs que bien sûr que certaines dispositions du bill 46 amènent mais qu'il n'est pas nécessaire de promouvoir par le bill 46.

M. COURNOYER: Je prends note de ça. A ce sujet, je réponds à la question posée par le député de Chicoutimi! Qu'est-ce que le ministre du Travail pense des suggestions? Je prends note des suggestions comme il se doit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas tout de prendre note des suggestions. Les suggestions de la CEQ...

M. COURNOYER: Le bill doit quand même revenir à la Chambre, à l'Assemblée nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont des propositions impératives que nous soumet la CEQ, naturellement la Chambre est libre d'en disposer de la façon qu'elle l'entend. Mais, est-ce que le ministre ne conçoit pas que c'est lui qui aurait dû être parrain d'un bill qui aurait permis de créer ces mécanismes que réclame le ministre de la Fonction publique? C'est pour ça que j'ai posé la question. En ce qui concerne les projets d'amendements au code du travail présentés par la CEQ, quelle est votre opinion? Est-ce que c'est pratiquable?

M. COURNOYER: Je ne peux pas le déclarer parce que je suis mis en présence de ce mémoire aujourd'hui même. Je vais le lire. Jusqu'à quel point est-ce praticable? Il faudrait demander à mon sous-ministre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Mais est-ce que vous pouvez intervenir auprès de votre collègue de la Fonction publique, discuter avec lui de ce problème tel qu'il nous est soumis avant que de proposer à nouveau à la Chambre l'adoption du projet de loi 46?

M. COURNOYER: Les suggestions qu'il y a là, cela me fait penser au genre de négociations que nous avons entreprises. Quelle couleur ou quelle quadrature devait épouser la table de négociation? Là-dessus, je pense qu'en principe on peut ne pas être d'accord avec M. Charbonneau. C'est que la recherche fondamentale de la CEQ est une sorte de délégation de pouvoirs de la part de la base vers le haut qui ne serait pas imposée par la loi. En fait, la CEQ est bien prête — si je comprends bien ce sont des expressions juridiques — elle est bien prête à dire qu'il y a des articles qui doivent être négociés à l'échelon provincial même en passant par-dessus la base. Si je comprends bien, on ne peut pas retourner à la loi de la jungle sur la détermination par exemple des échelles de salaire. Si la CEQ est prête à ça et que nous recherchons ça — c'est ce que j'ai compris — il n'y a pas de désaccord de principe.

Là où nous ne sommes peut-être pas en désaccord mais où nous recherchons la vérité, c'est jusqu'à quel point le gouvernement doit par une législation, fusse-t-elle un amendement au code du travail, déterminer ce qui va être régional et ce qui va être provincial. Cela reste le même gouvernement. Moi, je dis: Le texte, tel qu'il est inscrit là, ne défend pas la détermination de points à être négociés à l'échelon provincial, à l'échelon régional et à l'échelon local. Si, selon son interprétation, la CEQ croit qu'il y a possibilité que ça ne veuille pas dire ça, moi je dis: Regardons le texte tel quel. Que ce soit un amendement au code du travail ou une loi spéciale, cela n'a pas tellement d'importance pour moi. Ce que je veux établir ou ce que je veux voir qu'il soit établi, c'est un régime de négociations satisfaisant pour tout le monde. C'est ce que je recherche.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge, vous vouliez ajouter sur ce point?

M. LABERGE: Oui, et puis peut-être enchaîner de là.

M. COURNOYER: D'habitude vous enchaînez.

Fédération des travailleurs du Québec

M. LABERGE: Louis Laberge, FTQ. M. le Président, messieurs les ministres, messieurs les députés, nous pourrions peut-être être d'accord à joindre l'utile à l'agréable. Le ministre du Travail nous dit que le projet de loi 46 permettrait différents échelons de négociations et là, qu'est-ce que vous voulez, moi, je ne peux pas être d'accord. Quand on lit le paragraphe 2 qui se lit: "Une stipulation qui est contenue dans une convention collective prenant effet le 1er juillet 1971... n'est valide que si elle est négociée et agréée à l'échelle provinciale", cela me semble très clair. Maintenant, tout le régime de relations de travail au Québec est régi par le code du travail sauf une exception, l'industrie de la construction. On nous présente ici un projet de loi qui est un projet de loi d'exception. Or un projet de loi d'exception devrait être absolument indispensable pour être présenté. Autrement, on devrait plutôt changer le code du travail pour permettre, peut-être, de nouvelles initiatives dans les relations de travail. Et ce projet de loi en est un d'exception qui n'est ni indispensable, ni essentiel, ni utile et ni même souhaitable. Dès que le gouvernement a annoncé son intention de négocier sa politique salariale, immédiatement les trois centrales syndicales ont réussi à faire une entente. Nous avons rencontré le gouvernement, ça continue pas vite, vite, parce qu'on s'aperçoit que la banque d'informations n'était peut-être pas aussi complète que certains le pensaient et j'exclus le ministre. Mais en fait, ça fonctionne et chaque fois qu'il y a eu rencontre, les centrales étaient présentes et étaient prêtes à participer à ces discussions. Alors, ce projet nous est amené comme si la situation, dans le domaine hospitalier et dans le domaine de l'éducation, nécessitait une loi d'exception. Ce qui n'est pas le cas, parce qu'encore une fois, au niveau du secteur hospitalier, il y a déjà une entente à l'effet que la négociation serait provinciale. Au niveau du secteur de l'éducation, la CEQ dans son mémoire vous dit carrément qu'elle est prête à négocier un tas de points au niveau provincial. Alors, pourquoi nous amener une loi d'exception au lieu de nous amener des amendements au code du travail alors que là les parties pourraient véritablement être consultés par le truchement du conseil consultatif, par exemple, où on aurait certainement le temps de rencontrer tous les intéressés, où le conseil du patronat est amplement représenté? Il pourrait y avoir d'autres sons de cloche que ceux des commissions scolaires et des patrons du domaine hospitalier parce que des amendements au code du travail, qui vont changer le régime de relations de travail au Québec, sont quelque chose d'extrêmement important. Ils ne touchent pas les travailleurs des secteurs public et parapublic mais qui touchent tous les autres travailleurs. Il faut bien s'entendre. A la FTQ — et je pense que c'est la même chose pour la CEQ et la CSN — on a dit depuis fort longtemps que nous étions en faveur de négociations de type sectoriel. Il n'y a aucun doute là-dessus. Mais quand nous discutons de négociations de type sectoriel, nous parlons d'établir un mécanisme quelconque qui permettrait à des travailleurs qui veulent se grouper pour négocier dans un secteur donné, dans une industrie donnée, de le faire et non pas d'imposer par la loi que cela va se faire. Il y a toute la différence au monde.

Encore une fois, je ne m'étendrai pas sur les autres raisons déjà données par la CSN et la CEQ. Je suis d'accord sur ce qui a été dit, mais je pense qu'avant d'adopter une loi d'exception, on doit passer par la loi qui régit tout le régime de travail au Québec. Cette loi-là, c'est le code du travail. Actuellement, encore une fois, ce n'est pas le bien de la population ni le bien commun qui est en jeu, il n'y a aucun danger à l'horizon pour les négociations qui doivent débuter très bientôt et dans le secteur hospitalier et dans le secteur de l'éducation.

Nous sommes prêts à fonctionner, la CEQ a obtenu un mandat de ses mandants, la CSN aussi et à la FTQ, il n'y a pas de problème non plus de ce côté-là. Pourquoi donc nous amener une loi d'exception? Je vais me limiter à cet argument-là qui, je pense, est de taille.

M. LE PRESIDENT: Merci M. Laberge, le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, en écoutant l'argumentation de M. Charbonneau, ça me rappelait non seulement des moments difficiles mais parfois des moments douloureux, parce que nous avons eu certains accrochages lors de la dernière négociation provinciale, comme l'a d'ailleurs mentionné le ministre du Travail tout à l'heure, relativement à l'application de certaines clauses négociées à un niveau provincial.

J'aimerais savoir du président de la Corporation des enseignants, pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire, quelle est la portée de la décision prise en congrès spécial par la CEQ, après le fameux bill 25, je crois que c'est en mars 1968. Est-ce qu'à ce moment-là ils acceptaient que toutes les clauses soient négociées via la Corporation des enseignants du Québec? Est-ce qu'ils acceptaient ça pour un laps de temps déterminé ou s'ils acceptaient ça comme acquis et devant se continuer dans l'avenir?

M. CHARBONNEAU: C'est en 1967? M. VEILLEUX: En 1967.

M. CHARBONNEAU: Après le bill 25, en 1967, et c'était pour la convention dont il s'agissait à ce moment-là. Cette convention a été signée, elle a vécu, elle se termine dans quelques jours. Depuis un an, nous sommes en train de penser à quelque chose de plus efficace, soit la formule que nous vous présentons maintenant.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres questions, passons au suivant.

Provincial Association of Catholic Teachers

M. DOBIE: Je suis Robert Dobie, président de la Provincial Association of Catholic Teachers. En ce qui nous concerne, notre position sur la négociation provinciale n'a pas changé depuis 1967. Nous avons participé à une commission qui a étudié l'article 13 du fameux bill 25, et, pour la plupart des points, je crois qu'il y avait unanimité sur les recommandations soumises au gouvernement. Nous avons toujours favorisé une négociation à deux paliers.

En ce qui concerne le bill 46, we feel that this bill carries negociation in the public sector to an unwarranted centralization. We consider this excessive centralization as a threat to the social fabric, as it will widen the gap between employee and employer and more serious still, will widen the gap between the people and the Government.

Excessive centralization, in effect, means that the employer in the public service could be considered as the Government although it is stated that the local school commission is the employer. In effect, public servant or the teacher knows in his heart that the real employer is far removed from the local scene.

Bill 46 will remove the last vestige of local autonomy from the school commissions and syndicates of teachers. All that remains is to sign the collective agreement negociated at the provincial level. With no authority left, and with no worthwhile role to play in local education, you will find that the best people, the people who are anxious and willing to serve on local school boards will find no merit in having the name of commissioner or school trustee, because the position will have lost its representativity character to be replaced by the role of public functionary and that is an extension of the central Government.

None can deny the responsibility of the Government for the wise and economic spending of public money. In education particularly, the Government has the full support of the public in the provision of equality of educational opportunity. Therefore, those items dealing with budgets, salaries, etc., it is conceded, must be the subject of provincial negociation. But there still remain areas which could be subject to mutual accord at local level.

One asks, after reading the bill: Are the schools throughout Quebec to have a standardized time table, a standardized lunch hour, supervision, etc.? We believe that there should be two-level bargaining such as was proposed in the article 13 committee of bill 25. It is regretable that no provision is made for such in this bill, we figure.

Finally, we consider it strange indeed that once again we have provisional and make-shift legislation. Bill 25 was an emergency and was considered as such. But four years have elapsed and we are still in emergency legislation stage. All indications are that in 1974 we will have the same type of thing.

M. Cournoyer a mentionné que, tout à l'heure selon l'article 2, il pouvait y avoir deux ou trois niveaux de discussions. Je me demande si ces discussions seraient une véritable négociation ou seulement une négociation et si le tout serait ramené au niveau provincial.

M. COURNOYER: Cela dépend sur quel sujet, si on s'entend par exemple pour que l'affichage soit négocié à l'échelle locale. Je prends l'exemple de l'affichage parce qu'il a été utilisé comme étant une indication du ridicule d'une négociation provinciale pour des choses comme celle-là. Mais si je prends ça, ce serait la véritable négociation d'une procédure d'affichage mais il est sûr que, si vous voulez avoir une procédure d'affichage contre une augmentation de salaire, vous ne l'aurez pas, parce que le salaire ne sera pas dedans.

M. DOBIE: Sur les questions qui seront soumises au niveau local, serait-ce une véritable négociation?

M. COURNOYER: Une négociation avec quoi, comme quoi? Qu'est-ce que cela veut dire une véritable négociation? Ce sont des personnes qui essaient de trouver une solution aux problèmes, qu'est-ce que c'est?

M. DOBIE: Oui, mais est-ce que le problème sera encore soumis à la table provinciale tout de suite après?

M. COURNOYER: Je n'ai aucune réticence à trouver la formulation qu'il faut. Je pense que le ministre de la Fonction publique et moi-même, tout ce que nous voulons vous indiquer, c'est que nous croyons et nous croyons encore que, pour le rendre plus clair, nous sommes prêts à modifier ou à clarifier davantage ce texte-là pour qu'il rende possible — à l'échelon local, par le syndicat local et la commission scolaire locale ou la commission scolaire régionale, n'importe laquelle — une négociation sur des sujets particuliers. Quand je dis véritable négociation, si vous me dites: Je veux avoir le droit de grève. Si tu veux faire la grève sur le droit d'affichage, fais-là, mais il ne sera pas inclus avec un "bargaining power" complet. Ce n'est pas possible.

M. DOBIE: Merci.

M. LE PRESIDENT: Suivant.

Association catholique des enseignants de l'Estrie

M. DOMINGUE: Clermont Domingue, président des enseignants de l'Estrie. Messieurs les ministres, messieurs les députés, M. le Président, dans son exposé du début le ministre de la Fonction publique, parlant des parties intéressées, a répété à quelques reprises les trois centrales. Les enseignants de l'Estrie ne sont pas tout à fait d'accord. Les parties les plus intéressées là-dedans sont les syndicats. La CEQ et les autres centrales voient leur pouvoir renforcé par le bill 46. Ce sont les syndicats qui sont condamnés à mort. Cela les intéresse. Un point sur lequel, cependant, nous sommes d'accord avec l'honorable ministre de la Fonction publique, c'est sur le fait de simplifier. Nous en sommes pour simplifier la négociation, mais nous en sommes davantage pour simplifier la convention collective. Les enseignants ne veulent plus d'un catalogue d'avocasseries de 166 pages. Ce n'est pas un instrument dans les mains des syndiqués.

Lorsque le bill 46 a été porté à notre connaissance, nous l'avons ressenti comme une profonde injustice, une trahison, une lente asphyxie des syndicats, une continuation du processus d'écoeurement progressif qui tue l'intérêt à la carrière et l'engagement professionnel et une profonde injustice. Je m'excuse de reprendre dans ce texte des arguments que mes savants confrères vous ont servis avant moi. J'espère cependant, par un style peut-être différent, émouvoir le ministre de la Fonction publique. Comme le bill 25, le bill 46 nous prive du droit à la libre négociation avec notre employeur. Comme le bill 25, il nous prive aussi en quelque sorte du droit à la libre association en faisant de la CEQ le mandataire exclusif des associations qui lui sont affiliées. Comme syndicat libre, détenteur des accréditations des enseignants à l'emploi de toutes les commissions scolaires de l'Estrie, l'Association catholique des enseignants de l'Estrie ne nie pas son affiliation à la Corporation des enseignants du Québec. Mais elle considère comme un mépris des libertés syndicales le fait que, d'autorité, le gouvernement mandate l'organisme provincial aux fins de négocier les clauses de la convention collective.

Ce droit de mandater la CEQ appartient à nos membres et non pas au gouvernement. En adoptant le bill 46, le gouvernement se substitue aux enseignants, nie le code du travail, dépouille les enseignants de leurs droits. Ce bill pourrait même être considéré comme illégal parce que contraire aux dispositions du code du travail. Il nous apparaît comme injuste parce qu'il prive des salariés du droit strict reconnu par toutes les sociétés libres. Il nous apparaît comme inconvenant parce qu'il met en contradiction deux ministères du même gouverne- ment, celui du Travail et celui de la Fonction publique. On ajoute celui de l'Education. Une trahison! Malgré les dollars qu'il y avait dedans et qu'ils ne demandaient même pas, les enseignants de l'Estrie ont été plongés dans une première entente provinciale et il l'ont subie comme une plaie d'Egypte. C'est avec un grand soulagement que depuis trois mois les enseignants de l'Estrie se préparent une négociation à deux niveaux, plaçant au niveau provincial les cadres généraux de la convention et gardant — c'est encore leur droit — au niveau régional les modalités d'application des cadres régionaux.

Les enseignants de l'Estrie ont mandaté la CEQ afin de négocier avec le gouvernement les grandes lignes et les normes en quelque sorte, comme on aurait dû les négocier en 1966 pour éviter le gâchis qu'on a connu. Les enseignants de l'Estrie pensent que c'est eux et leur administration scolaire qui connaissent le mieux les organisations scolaires de l'Estrie, les mentalités de l'Estrie, les volontés des responsables de l'Education dans l'Estrie. Les enseignants de l'Estrie croient qu'il n'y a pas de pédagogie suffisamment sûre pour qu'on prétende bien faire en réglementant tout d'en haut. Dans sa recherche du bonheur de la collectivité et des moyens pour y parvenir, le gouvernement n'a pas le monopole. Il n'a pas non plus le monopole des bonnes volontés et des compétences désireuses de donner aux Québécois une éducation de qualité. La CEQ non plus, d'ailleurs.

Les enseignants de l'Estrie croient qu'il faut tenir compte des particularités régionales pour que les enseignants se reconnaissent dans les objets comme les conditions de travail, le perfectionnement, les règles de participation à la gestion et à l'organisation pédagogique. Depuis trois mois, ils attendent la fin du bill 25 et le retour aux mécanismes du code du travail pour pouvoir se donner une convention collective conforme à leurs droits. Une convention qu'ils connaîtront mieux dans la lettre et dans l'esprit parce qu'ils l'auront bâtie chez eux, négociée chez eux.

Les 3,000 enseignants de l'Estrie ont déjà en main le projet d'entente provinciale. Dans ce projet, un grand nombre d'objets sont de négociation régionale. Les enseignants de l'Estrie s'en sont réservé un de plus: celui des conditions de travail, une fois que les normes auront été établies au niveau provincial.

Tout cela a été fait dans la confiance, en conformité avec les dispositions du code du travail. Le bill 46 vient tout "sacrer" ça à terre.

Une asphyxie lente de nos syndicats. Si le gouvernement veut tuer lentement les syndicats d'enseignants, le bill est une bonne formule. Que le gouvernement sache cependant qu'il tue en même temps l'intérêt, l'enthousiasme et la collaboration des maîtres. Autrefois, les maîtres birmés sublimisaient; aujourd'hui ils s'écoeurent.

Un syndicat privé de l'exercice de ses droits est un syndicat qui se meurt. Après quatre ans d'agonie, celui des enseignants de l'Estrie ne veut pas la prolonger. Si le gouvernement croit respecter la volonté de la population en se faisant l'employeur exclusif des enseignants du Québec, qu'il le fasse carrément et sans détour. Les enseignants de l'Estrie reconnaîtront alors leur nouvel employeur et verront à adapter leur structure syndicale.

Ce qui est inacceptable cependant c'est le jeu du "peut-être bien que oui" et du "peut-être bien que non" auquel se livre le gouvernement depuis 1967. Après le bill 25, perpétué par la première entente provinciale, nous avons pensé que c'était fini et que nous retournions au code du travail. Arrive le bill 46, et on nous dit: Cela va durer encore deux ou trois ans, la durée de la convention, et après, vous allez retourner au code du travail. Peut-être bien que oui, peut-être bien que non.

Les enseignants de l'Estrie ont vécu une première entente provinciale. En supposant que ce soit la pire que l'on puisse connaître, il n'en reste pas moins que la deuxième risque encore d'être un catalogue d'avocasseries. Tel document peut bien entretenir les discussions des conseillers techniques et les querelles de juristes, mais ce ne saurait être un instrument à la portée de l'enseignant moyen. Ce dernier a pourtant le droit de connaître ses droits. Il serait par conséquent décent de faire une convention qui soit intelligible. C'est ce que croient pouvoir faire les enseignants de l'Estrie en n'ayant pas à régler par un même texte les problèmes de tous les coins de la province.

En conclusion, nous demandons à l'Assemblée nationale le retrait du bill 46 parce qu'il est inutile et malheureux. Le bill 46 est un fléau inutile parce que les enseignants du Québec comme ceux de l'Estrie ont délégué ou vont déléguer à la CEQ le mandat de négocier toutes les incidences monétaires de l'entente provinciale. Il est malheureux, parce qu'il causera une grande déception aux 70,000 enseignants du Québec qui ont déjà tenu pour acquis que leur négociation se fait au niveau provincial et régional.

Je voudrais plutôt poser une question à l'honorable ministre du Travail. Lorsqu'il dit que son interprétation du bill 46 ne s'oppose pas à une négociation régionale-locale, évidemment, cela me calme un peu. Mais, si on parle le même français, il faudrait clarifier le bill 46.

M. COURNOYER: J'en ai déjà convenu.

M. DOMINGUE: S'il vous plaît. Je vais être très précis. Dans la pratique, il m'apparaît, si vous adoptez le bill 46, qu'on va retrouver à une seule table provinciale de négociations les six parties intéressées et là, on va convenir des objets de la table régionale et des objets de la table provinciale. A ce moment-là, vous frustrez les syndicats de leur droit de mandater. Encore une fois, je prétends que c'est aux enseignants de l'Estrie, par leur accrédition, de mandater la CEQ pour négocier l'échelle de salaire. Quant à notre possibilité de décider de l'affichage par exemple dans la porte de la toilette, vous nous frustez de ce droit-là, si c'est la table provinciale qui détermine les objets.

M. COURNOYER: Pendant que vous êtes debout, j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi la CEQ est si éloignée que ça des membres et des syndicats qui la composent.

UNE VOIX: Ce n'est pas une bonne question.

M. COURNOYER: J'aurais cru comprendre que jusqu'ici la CEQ parle au nom de 70,000 enseignants, qu'elle a des syndicats affiliés régionaux ou locaux. Il y en a 70 ou 75.

UNE VOIX: 42.

M. COURNOYER: Mais la structure de prise de décision de la CEQ m'intéresse moi aussi.

M. DOMINGUE: Je voudrais répondre à votre question, M. le ministre, puisque vous me la posez. La CEQ regroupe les 70,000 enseignants du Québec qui sont quand même, eux, membres de syndicats libres, autonomes bien qu'affiliés. Quand à une table provinciale, on détermine les objets des différents niveaux.

Il peut bien arriver que ce soit la CEQ à ce moment-là avec le gouvernement et toutes les parties qui disent: Bien, la détermination des conditions de travail c'est de table provinciale. Nous ne nous opposons pas à ça et il n'y a pas de syndicats d'enseignants qui vont s'opposer à ça parce qu'on convient bien que les conditions de travail ont des implications financières et drôlement importantes. Alors, que vous disiez: D'accord, c'est provincial, mais cependant que vous alliez dans le détail de l'application d'une norme quelconque, là, nous, nous nous opposons. Un petit syndicat de 101 professeurs quelque part, lui, peut bien être d'accord pour ne s'occuper en rien de la négociation. Mais nous, nous connaissons notre territoire avec son niveau rural, semi-urbain et urbain. Nous sommes conscients que chez nous, si l'application d'un rapport ou autre chose s'établit autour d'une table provinciale, cela risque en maudit de ne pas tenir compte de nos particularités. Et là, nous ne serions pas d'accord que les parties à une table provinciale disent: C'est nous qui déterminons et les normes et leur application. On ne veut pas risquer que les parties à une table provinciale décident qu'elles s'occupent itou de l'application.

M. LE PRESIDENT: Une fois que vous avez donné votre mandat, c'est démocratique à l'intérieur de ces cadres-là. Vous donnez votre mandat.

M. DOMINGUE: Voilà!

M. LE PRESIDENT: Si un groupe est minoritaire, il reste qu'une fois que vous êtes affilié à la CEQ, vous faites partie de la CEQ, vous respectez les structures de la CEQ et les décisions aussi des membres majoritaires.

M. DOMINGUE: Il me semble que vous ne comprenez pas très bien les structures qui régissent les syndicats d'enseignants.

M. LE PRESIDENT: Cela se peut que j'aie de la difficulté à comprendre les structures syndicales. Expliquez-moi ça.

M. DOMINGUE: Enfin, tout le monde ne peut pas passer par ce domaine avant d'accéder à la magistrature ou à la députation. C'est évident.

M. COURNOYER: D'ailleurs, vous connaissez M. Bossé.

M. LE PRESIDENT: Très...

M. BROCHU: Alors, si je comprends bien, M. le Président,...

M. DOMINGUE: Dans votre esprit je vois bien que vous souhaitez que tous les enseignants du Québec soient liés à un moment donné par une décision de la centrale. Mais, nous...

M. LE PRESIDENT: Non, je souhaite que nos enseignants s'expriment à l'intérieur de leur cadre et, une fois que c'est fait, qu'ils respectent ça. S'il y a des groupes minoritaires qui ne sont pas d'accord avec la majorité, bien ça, c'est ça la démocratie. C'est aussi vrai au Parlement que dans les syndicats.

M. DOMINGUE: D'accord, mais nous nous pensons...

M. LE PRESIDENT: Vous avez droit de différer de l'opinion de la CEQ, mais s'il fallait que chaque groupe vienne ici nous faire des représentations, qu'il n'est pas content de ce qui a été décidé majoritairement à l'intérieur de congrès, de ces décisions-là, bien j'ai l'impression que la commission parlementaire pourrait siéger 24 heures par jour, 365 jours par année.

M. DOMINGUE: M. le Président, la prise de position des enseignants de l'Estrie que j'ai exprimée est tout à fait conforme aux décisions de la CEQ, tout à fait conforme au congrès d'août l'an passé, c'est tout à fait conforme.

Cependant, nous prétendons que, par nos accréditations, c'est à nous qu'appartient le partage des objets des différents niveaux et tout ce qu'on va déléguer à la table provinciale, nous ne le retirerons pas, nous allons le laisser là.

M. LE PRESIDENT: Le ministre du Travail n'a pas dit autre chose, il a dit: Vous décidez ça et ça se discute au niveau provincial. Mais vous avez pris vos propres décisions à l'intérieur de vos organismes.

M. COURNOYER: Juste à l'intérieur, je voulais parler à l'intérieur. Le processus de prise de décision de la CEQ, jusqu'à preuve du contraire, a toujours été un processus démocratique, que je sache.

MM. VEILLEUX: Si je comprends bien...

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: M. Domingue, si je comprends bien, vous voulez continuer quand même à mandater votre organisation provinciale pour négocier en votre nom, au nom des différentes associations régionales faisant partie de la CEQ. Cependant, vous insistez sur un principe qui à mon sens est tout à fait valable, celui de conserver quand même un champ de décision au niveau de l'application, et d'avoir droit de parole. En effet — cela a été souligné dans différents mémoires qui ont été présentés tout à l'heure par M. Dalpé et par M. Charbonneau également — la personne impliquée au niveau d'une situation de travail, pour être vraiment engagée et motivée, devait participer à son devenir, avoir voix.

Si je ne fais erreur, c'est dans ce sens-là que vous tenez au principe de l'autonomie des centrales régionales, tout en mandatant les pouvoirs pour les négociations provinciales, tenant compte des deux paliers dont vous avez fait mention.

M. DOMINGUE: Je vais essayer d'être bien clair et court, nous voulons bien que la CEQ s'occupe des affaires des enseignants de l'Estrie, mais sur l'objet de notre mandat. Pour rassurer le gouvernement, j'affirme que notre mandat à la CEQ couvre tout ce qui a des implications financières, et il en sera de même pour tous les mandats des enseignants du Québec.

M. LE PRESIDENT: C'est vous qui déterminez ça. Le député de Saint-Jean d'abord, si vous permettez.

M. VEILLEUX: Si j'ai bien compris, M. Domingue, est-ce que vous voudriez que ce qui doit être négocié au niveau provincial et ce qui doit être négocié au niveau local et régional — dans le cas de l'Estrie c'est régional — soit décidé entre l'Association catholique des enseignants de l'Estrie et le gouvernement, ou si cette différence de négociation doit être décidée, négociée, agréée entre la Corporation des enseignants du Québec et le gouvernement?

M. DOMINGUE: Je voudrais que les objets

des deux niveaux soient décidés entre l'Association catholique des enseignants de l'Estrie et la CEQ, et que la CEQ, à la table provinciale, vienne dire à la partie patronale: Voilà, pour les enseignants de l'Estrie nous détenons tel mandat.

M. VEILLEUX: Si je vous comprends bien...

M. DOMINGUE: Pour le reste, nous allons introduire dans l'entente provinciale une négociation régionale.

M. VEILLEUX: Pour continuer dans la même veine que celle du président de la commission parlementaire, est-ce que vous acceptez le principe qu'à l'intérieur de la CEQ il y ait X nombre d'associations, et que ce nombre d'associations se prononce en faveur de tel point devant être négocié au niveau provincial, et qu'advenant le cas où l'Estrie serait contre, vous adhériez d'avance à la majorité prise à l'intérieur des cadres de la CEQ?

M. DOMINGUE: Non, à ce moment-là, nous conviendrions plutôt de l'amendement 10 h) proposé tout à l'heure au code du travail par le président de la corporation, à savoir que s'il y a mésentente sur le niveau de négociation de tel objet, il y a un commissaire, enfin, une espèce d'arbitre qui en décide.

M. VEILLEUX: M. Domingue, je serai franc avec vous.

M. DOMINGUE: Oui, allez.

M. VEILLEUX: En 1967, la CEQ acceptait — et comme le disait M. Charbonneau — pour la durée de la présente négociation, de négocier à un niveau provincial. Et dans le sens que vous mentionnez, c'aurait été très malsain, quand une décision était prise à l'intérieur de la CEQ, qu'un syndicat n'accepte pas de participer, quand la décision est prise en toute démocratie à l'intérieur des cadres de la CEQ.

Alors, lorsque vous arrivez pour prendre une décision comme celle-là, vous dites: On discute à l'intérieur de la CEQ, la CEQ se prononce, mais si on n'est pas d'accord, on va avoir une autre modalité pour négocier chez nous quelque chose au niveau régional qu'ailleurs ils ne pourront pas négocier. Alors, pourquoi faire partie de la CEQ?

M. DOMINGUE: Ecoutez, nous sommes d'accord avec ce que vous exprimez là.

M. LE PRESIDENT: J'ai l'impression qu'on dépasse un peu notre mandat. Je pense qu'on est en train de faire de la négociation. Je ne voudrais pas priver de son droit de parole le représentant des professeurs de l'Estrie. Loin de moi cette idée. Cependant, je ne voudrais pas non plus qu'on éternise...

M. DOMINGUE: M. le Président, justement, je trouve que les questions commençaient à glisser dangereusement.

M. LE PRESIDENT: Vous avez raison.

M. DOMINGUE: Je remarque, avec énormément de plaisir, l'intérêt de l'honorable député pour les problèmes de régie interne que nous pouvons avoir dans nos centrales, mais si on a besoin de son aide, on viendra la lui demander.

M. LE PRESIDENT: Je pense que votre remarque est très pertinente.

M. VEILLEUX: Je prends note de l'invitation du président de la fédération.

M. DOMINGUE: Non, vous n'êtes pas encore invité.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, je crois que le député de Saguenay voulait poser une dernière question.

M. LESSARD: M. le Président, je constate depuis un certain temps qu'on parle d'une possibilité d'amendement au projet de loi, qui est adopté actuellement en deuxième lecture, tant du côté de M. Charbonneau que du côté de l'Association des enseignants de l'Estrie. A ce sujet, ils ont reçu une réponse assez officielle de la part du ministre du Travail.

Comme il y a là un principe et qu'il y a des articles à l'intérieur du projet de loi, est-ce que certains amendements, tels qu'ils ont été proposés ou acceptés tout à l'heure par le ministre du Travail, pourraient donner satisfaction à la Corporation des enseignants du Québec ou aux autres associations? Est-ce que c'est de ce côté-là qu'on doit se diriger ou est-ce que la CEQ et les autres organismes sont tout simplement contre le principe du projet de loi tel qu'il est soumis actuellement?

M. LE PRESIDENT: M. Laberge.

M. LABERGE: Pour la FTQ, M. le Président...

M. LESSARD: La CSN et la FTQ ont répondu.

M. LABERGE: ... oui. Pour la FTQ, nous sommes contre le projet de loi. Nous croyons que c'est une loi d'exception. Une loi d'exception ne devrait pas être adoptée s'il y a d'autres façons de régler un problème. Il n'y a même pas de problème actuellement, encore une fois. La négociation provinciale est reconnue et dans le secteur hospitalier et dans le domaine de l'éducation. C'est reconnu. Donc, une loi d'exception ne devrait pas être adoptée. Si on veut parler de nouveaux mécanismes pour l'avenir,

cela devrait faire partie d'amendements au code du travail.

M. LE PRESIDENT: Je crois aussi que le président de la CSN, j'entends le vice-président de la CSN, avait dit aussi que, premièrement, il désirait le retrait et qu'ultérieurement s'il y avait lieu il avait des recommandations à faire. En ce qui a trait à la CEQ...

M. CHARBONNEAU: Je crois que c'est ce que nous disons dans les premières lignes de notre mémoire. Nous en demandons le retrait parce qu'elle est inutile. On n'a pas besoin de loi spéciale. D'ailleurs, on a formulé des amendements précis qui rendent ma réponse claire. Je ne vois pas ce qu'on peut ajouter en termes d'orientation. Pour donner suite à certaines questions posées et pour rassurer ceux qui semblent s'inquiéter de la situation, les syndicats, y compris celui de l'Estrie, travaillent dans le cadre des orientations prises par le congrès d'août de la CEQ qui traçait les orientations en termes de structures de négociation d'après lesquelles nous avons travaillé cette année. C'est ce procédé-là qui a amené la rédaction d'un projet de convention provinciale qui sera déposé dans deux jours. Je crois qu'on ne peut pas donner suite à des questions qui tenteraient de dire que des syndicats veulent négocier pour leur compte des objets provinciaux. On vous présente des preuves du contraire actuellement. La preuve sera déposée finalement le 30 juin, mais n'importe qui, parmi les fonctionnaires ou les ministres, est sûrement au courant de la constitution de ce projet et de ce qu'il contient. Tous les syndicats fonctionnent dans ce schéma-là. Alors, on peut bien s'amuser à poser des questions qui ont parfois l'air embarrassantes ou glissantes, mais cela ne vaut pas un débat de fond sur la loi.

M. COURNOYER: Ce ne sont ni des questions embarrassantes ou glissantes, c'est qu'effectivement, je suis obligé de poser un certain nombre de questions et je les pose.

Quant à l'annonce que vous me faites, M. Charbonneau, je m'en réjouis, parce que, cette fois-ci, je n'aurai pas un trop gros projet de convention collective à négocier à l'échelon provincial. Ce que je comprends, c'est qu'on va simplifier l'affaire.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais donc la partie suivante à nous faire ses représentations.

Provincial Association of Protestant Teachers

M. SPARKES: Je suis Sparkes, président de la PAPT. Je serai très bref, M. le Président. Nous avons préparé un projet en janvier et nous l'avons présenté au ministère du Travail et au ministère de la Fonction publique. Aujourd'hui, je voudrais citer seulement les six recommanda- tions que nous avons faites à la page 27 de notre mémoire.

Premièrement, dans le secteur de l'éducation, le code du travail devrait prévoir l'existence soit de ce type de cadre conjoint, l'accréditation ou l'accréditation distincte basée sur la langue, aux instituteurs à l'emploi de chacune des commissions scolaires.

Deuxièmement, le code du travail devrait définir clairement les procédures de négociation à deux paliers, a) le palier provincial et b), le local, sans pour cela retirer aux parties en cause leurs droits respectifs de pression, mais plutôt en modifiant ces droits pour les mieux adapter aux nouvelles structures.

Troisièmement, dans les secteurs public et parapublic, le personnel enseignant devrait être considéré comme un secteur distinct quand il s'agit de négociations.

Quatrièmement, toute législation ayant trait aux procédures de négociation future devrait garantir aux syndicats du secteur de l'éducation le droit de se faire représenter par l'organisme provincial de leur choix.

Cinquièmement, les négociations au niveau provincial ne devraient porter que sur des clauses-cadres comme les politiques fiscales générales concernant l'éducation.

Sixièmement, que l'application, l'adaptation et les particularités locales puissent être négociées par l'employeur directement au palier local avec le syndicat accrédité.

A la page 28, nous avons aussi proposé un amendement au code du travail.

Je voudrais souligner les trois recommandations, la deuxième, la quatrième et la cinquième. Quant à nous, nous sommes contre le projet de loi 46, parce que l'article 2 dit que toutes les choses seront négociées au niveau provincial. C'est tout, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Sparkes. Le suivant, l'Alliance.

M. COURNOYER: Est-ce que je peux poser une question?

M. LE PRESIDENT: M. Sparkes, on va...

M. COURNOYER: Juste une question avant M. Chagnon. Vous voulez négocier les politiques fiscales?

M. SPARKES: Au niveau provincial.

M. COURNOYER: Les politiques fiscales, est-ce qu'on s'entend bien sur le terme?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Financières. M. COURNOYER: Financières.

M. SPARKES: Financières, dans le secteur de l'éducation.

M. CHARBONNEAU: S'il fallait que les anglophones se mettent à discuter de fiscalité avec le Québec, ce serait grave.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais donc... UNE VOIX: On a déjà dit non, c'était clair.

Alliance des professeurs de Montréal

M. CHAGNON: Robert Chagnon, au nom de l'Alliance des professeurs de Montréal. M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés, ce n'est pas pour exprimer une dissidence d'avec la position prise par la CEQ que j'interviens, mais bien pour vous faire part d'un témoignage, d'une expérience de trois ans sous le régime du bill 25. Avec son projet de loi, le gouvernement prépare un autre gâchis dans la prochaine négociation provinciale. Sous le couvert de l'uniformité, le gouvernement poursuit sa politique de centralisation excessive en matière d'éducation.

Loin d'assurer un minimum d'efficacité, le projet de loi 46 compromet le climat des relations de travail dans l'enseignement public en refusant d'établir un régime de négociations qui tienne compte des besoins réels propres aux diverses grandes régions du Québec, besoins qui ne peuvent être que satisfaits au niveau des régions et par des négociations régionales.

En 1967, la loi 25 a imposé la négociation provinciale aux enseignants, sans préciser ce qui serait négocié provincialement. Par la suite, des décrets ont indiqué que tout ferait l'objet de négociations provinciales.

Parce qu'elle était trop rigide et trop centralisatrice, cette loi a donné lieu à un véritable gâchis. La première négociation provinciale des enseignants s'est prolongée pendant plus de deux ans, détériorant ainsi sérieusement les relations patronales-syndicales à tous les paliers du système d'enseignement public depuis les paliers provinciaux et locaux jusqu'au niveau des écoles.

En raison de son contenu et du régime de négociation trop centralisé qui l'a régi, l'entente provinciale a suscité de nombreux malaises un peu partout. Seulement à Montréal, elle a provoqué deux crises sérieuses en quinze mois. En février 1970, les enseignants montréalais se sont révoltés une première fois en boycottant l'administration des écoles, en particulier en ce qui concerne le travail de secrétariat, les activités parascolaires, les surveillances, etc.

En janvier dernier, ils ont dû avoir recours à des occupations, des grèves rotatives et diverses manifestations pendant deux mois pour tenter de régler le problème du classement qui n'est toujours pas réglé d'ailleurs.

Ces malaises et ces désordres résultent d'une mauvaise convention qui est, elle-même, le résultat d'un régime de négociations qui refuse de reconnaître qu'à l'intérieur de cadres généraux établis provincialement, des adaptations régionales s'imposent pour tenir compte des problèmes, des besoins particuliers des régions.

Ici, je vous réfère à une annexe de notre document où on tente d'établir que, dans la région de Montréal, nous faisons face à une clientèle et à des problèmes tellement diversifiés qu'il n'y a, à certains égards, aucune commune mesure entre la région de Montréal et d'autres régions de la province.

On pourrait faire la même comparaison, je pense, en prenant la région de l'Estrie, en prenant la région du Lac-Saint-Jean ou les autres régions de la province. Il ne s'agit pas ici de particulariser la région de Montréal à elle seule mais, étant donné que je parle pour Montréal, nous avons inclus en annexe ce que nous croyons être les caractéristiques du milieu montréalais qui justifieraient amplement une négociation au niveau régional.

Ainsi, la tâche de l'enseignant doit tenir compte des caractéristiques de la clientèle, de l'état de l'équipement, des liens nécessaires avec le milieu, des progrès de la réforme scolaire dans ce milieu, des services auxiliaires en place, des tâches administratives inhérentes aux structures, etc. De même, le perfectionnement des maîtres doit être fonction de l'évolution de la réforme scolaire et des besoins spécifiques de la région dans des secteurs de l'enseignement préscolaire, de l'enfance inadaptée, de l'enseignement professionnel, de l'enseignement en milieu défavorisé.

De même encore la consultation ne saurait devenir un élément efficace de progrès que dans la mesure où ces mécanismes s'adaptent aux structures scolaires et à l'évolution générale d'un milieu donné. De son côté, la procédure de règlement des griefs doit s'adapter aux structures de gestion de l'employeur et, en conséquence, faire l'objet d'une négociation directe entre les parties qui auront à l'utiliser. Ceci s'applique également aux mécanismes de sélection, d'évaluation et d'affectation du personnel. Je cite ici, simplement à titre d'exemple, le fait que nous connaissions à la CECM depuis trois ans en l'espace de quelques semaines quelque 800 mutations d'enseignants distribués dans 375 écoles. Quand à la table provinciale la Fédération des commissions scolaires, entre autres, défend le principe de l'autonomie des commissaires, défend le principe des droits de gérance et nous impose une clause d'affectation, une mutation de personnel où il n'y a pas de mécanisme qui nous permette d'appliquer des critères, je pense que c'est vraiment violer un régime de négociations de travail qui devrait être sain entre une commission et un syndicat. On nous impose au nom d'un principe un fonctionnement épouvantable dans une commission scolaire comme la nôtre. Et ça, le syndicat n'est pas le seul à le dire, la commission scolaire l'a déjà reconnu, mais on a dû accepter la clause telle qu'elle était pour sauver le principe des droits de gérance.

A trop vouloir centraliser et encarcaner dans

un moule rigide et identique pour tous, on finit par tout gâcher et au bout du compte on ne règle effectivement rien. L'Alliance ne s'oppose pas à la négociation provinciale. Il est indispensable que les clauses à incidence financière soient réglées à ce niveau. Il est normal et sain qu'en vue d'assurer un minimum d'uniformité à travers le Québec on s'entende provincialement sur des clauses-cadres dans plusieurs domaines. Mais où l'on gâte tout c'est quand on refuse des négociations régionales ou locales dans les domaines où elles s'imposent. C'est dans cette optique et en vue d'en arriver à des conventions collectives qui répondent à la fois aux besoins de l'ensemble du Québec et aux problèmes particuliers de chacune de ces grandes régions que l'alliance et le dernier congrès de la CEQ réclament une négociation à deux paliers, une négociation provinciale et des négociations régionales ou locales.

Loin de retenir cette formule qui permet à la fois une uniformisation certaine et une souplesse indispensable, le projet de loi 46 pousse plus loin la centralisation et la rigidité. Au lieu de corriger les faiblesses de la loi 25, il les accentue de façon marquée. Avec son projet de loi 46, le gouvernement fait un pas de plus dans la voie d'une centralisation très poussée dans tout le domaine de l'éducation.

Qu'on me permette d'évoquer ces tendances, même si nous sommes ici devant la commission de la Fonction publique. Alors que le ministère des Affaires sociales s'est engagé dans la décentralisation en vue de rendre des services plus efficaces et plus conformes aux besoins des populations régionales, le ministère de l'Education poursuit dans la ligne d'une centralisation excessive et se refuse à effectuer une décentralisation réelle au niveau des régions, en dépit des principes, dit-on, qui sous-tendent le bill 27.

A cet égard, le projet de loi 46 n'est qu'une autre façon d'accentuer les pouvoirs du ministère de l'Education, de le rendre omniprésent et omnipuissant, d'accroître la main-mise de Québec sur tout le système d'enseignement public, en particulier celui de Montréal. Comment expliquer autrement le régime de négociation particulier que le projet de loi 46 veut imposer aux enseignants? Comment expliquer autrement que ce projet de loi, dans deux domaines, confère aux enseignants de l'élémentaire et du secondaire un sort différent de celui de tous les autres salariés concernés dans le bill, à savoir les enseignants des CEGEP, les autres employés des commissions scolaires et les employés d'hôpitaux?

Par exemple, pourquoi fondre dans un seul bloc les trois groupements d'enseignants québécois, alors que pour les autres salariés concernés, on précise que chaque centrale parle au nom de ses membres? Pourquoi exclure la possibilité, pour les enseignants, d'avoir comme agent négociateur un groupement autre que les trois existant présentement, alors qu'on recon- naît aux autres salariés en cause le droit d'être représentés à la table provinciale par un groupement d'associations de salariés autre que les centrales existantes?

Le nouveau régime de négociations, pour être valable, doit permettre de vraiment régler les problèmes de relations de travail sur une base efficace et rationnelle. C'est ainsi qu'il favorisera la solution des problèmes et l'implantation d'un climat sain dans les relations de travail régissant l'enseignement public. Je tiens à dire que nous sommes, à l'Alliance, d'accord sur le projet de convention collective qui sera présenté par la CEQ, la semaine prochaine.

Mais je tiens à dire également que nous voulons que les positions de la CEQ, à savoir un palier de négociations provinciales et un palier de négociations régionales, soient clairement rendues possibles. Si on veut absolument réglementer par une loi, que ce soit clair.

Je veux bien croire M. Cournoyer quand il nous dit que la loi actuelle permettrait, dans le même sens que le bill 25, des adaptations locales ou régionales. Après avoir vécu sous le régime du bill 25, dont on nous disait qu'il permettrait de telles adaptations, après avoir vu la table provinciale dire aux parties d'essayer de s'entendre pour adapter le texte si vraiment il était inapplicable, mais après avoir aussi essuyé un échec pour l'adapter au niveau de Montréal parce que nous faisions face à des positions extrêmement rigides de la part de la table provinciale, je veux que, lorsqu'on va nous imposer un nouveau régime de relations de travail dans l'enseignement, il soit établi clairement que nous avons effectivement la liberté d'aller régler des problèmes avec notre employeur au niveau local ou au niveau régional.

Messieurs, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Chagnon. Je crois que M. Dalpé avait quelque chose à ajouter?

M. DALPE: M. le Président, à la question du député de Chicoutimi j'ai répondu que je voulais d'abord laisser les autres représentants des centrales s'exprimer. Or, je ne suis pas sûr et loin de là que toutes nos interventions aient ébranlé ou ému le ministre de la Fonction publique. Si tel devait être le contraire, il a un don exceptionnel de cacher ses réactions.

Cependant, nous sommes pleinement d'accord à l'effet que le bill 46 est une intrusion dans le code du travail. Et s'il devait y avoir une modification au régime des relations, ce devait être par le truchement d'amendements au code.

Tenant compte de situations particulières que le bill 46 fait à certains de nos affiliés entre autres dans le domaine des commissions scolaires où il y a des négociations en cours et qui seront suspendues; tenant compte de syndicats qui sont en train de négocier leur première convention collective et qui seront arrêtés à cause de la volonté exprimée par le bill 46;

tenant compte également qu'il y a certains droits qui devraient être reconduits — je pense que le député de Saint-Jean dans ses interventions en Chambre y a fait mention — tenant compte également que le bill contient des oublis, peut-être involontaires, mais peut-être aussi volontaires, relatifs aux hôpitaux psychiatriques, aux hôpitaux privés et à un tas d'associations ou d'organisations dont le destin est de s'occuper des malades, il nous semble que tout cela devrait être référé au Conseil consultatif du Travail et de la Main d'Oeuvre pour qu'il puisse soumettre au ministre du Travail les avis dont il pourrait se servir pour procéder aux modifications que nous suggérons. Nous maintenons donc que le bill 46 devrait être retiré parce que le tout en fait relève du code du travail.

M. LE PRESIDENT: Il y a un autre intervenant, je m'excuse, qui désirerait, je crois...

Fédération des employés municipaux et scolaires du Québec

M. BELANGER: René Bélanger, Fédération des employés municipaux et scolaires du Québec. Je tiens à exprimer le point de vue de la fédération, du moins mon point de vue parce que je n'ai pas eu le temps de consulter tous les syndicats affiliés, le délai que nous avions à notre disposition étant trop court. La première démarche que j'ai faite lorsque j'ai appris par les journaux que le projet de loi était déposé, c'est que je me suis empressé de m'en procurer une centaine de copies et de les adresser à chacun de nos syndicats affiliés dans le but de les réunir et de les consulter parce que je crois que c'est essentiel, que c'est primordial que les chefs syndicaux, autant les grands chefs que les petits chefs — je me considère dans la deuxième classe — consultent ceux qui sont à la base du mouvement syndical, c'est-à-dire les travailleurs.

J'ai eu l'occasion de rencontrer un groupe seulement, lundi dernier, le groupe de toute la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y a eu une réunion convoquée d'urgence à Héberville un soir afin d'étudier le projet de loi. Evidemment, la période de la Saint-Jean-Baptiste et les jours de congé que nous avions ne nous le permettaient pas. Je pense que c'est une lacune de la part du gouvernement de nous arriver avec des lois un peu à la dernière minute, surtout si l'on comprend bien les structures syndicales. Je crois qu'on devrait nous laisser le temps de consulter les principaux intéressés, les salariés et les syndicats.

Je voudrais d'abord protester un peu contre les directives qui ont été données par le sous-ministre de l'Education. Disons que la lettre est datée du 5 mai, les commissions scolaires l'ont reçue le 25, et j'ai même une commission scolaire qui a refusé de négocier avec seulement le projet de lettre en main, au mois d'avril. On a dit au syndicat: On ne négocie pas, on a des directives. C'était un projet de lettre qu'on avait reçu du ministère de l'Education afin de savoir s'il y avait des changements à apporter à cette missive.

Je pense que c'est absolument inacceptable que le sous-ministre de l'Education recommande aux commissions scolaires de ne pas négocier de convention collective, alors que l'article 40 stipule clairement — c'est une loi d'ordre public — qu'après l'avis de huit jours, les parties doivent négocier avec diligence et bonne foi. Evidemment, à la suite de ces directives, les commissions scolaires ont refusé de négocier. Nous avons même des commissions scolaires dont l'entente était prête à être signée, dont la résolution était adoptée par les commissions, à l'effet d'autoriser les commissaires à signer et qui refusent de signer à cause des directives. A l'avenir, peut-être que le sous-ministre de l'Education pourra attendre le dépôt de la loi avant de donner des directives qui viennent complètement à l'encontre des dispositions du code du travail.

Concernant la loi, on constate que c'est une loi d'exception, que c'est l'Etat qui choisit les mandataires. Vous savez tous que l'article 133 du code dit clairement que tout employeur, toute association peut se faire représenter pour les fins du présent code, par des représentants dûment mandatés. Dans le cas actuel, c'est le gouvernement qui choisit les mandataires et ces mandataires ne sont aucunement reconnus par le code. Je n'ai pas vu dans le code du travail où il était question de la CSN, je n'ai pas vu où il était question de la FTQ, je n'ai pas vu où il était question de la Fédération des employés municipaux et scolaires que je représente. Je pense que c'est un peu grave. On demande à des gens de négocier, on dit: C'est vous qui allez négocier. Vous n'êtes pas reconnus, vous n'êtes pas accrédités, vous n'avez pas le droit de demander des accréditations. C'est vous qui allez décider, demain, pour les gens que vous représentez !

A ce moment-là, je me dis: Il y a beaucoup de critiques contre les chefs syndicaux. On dit souvent qu'ils ne consultent pas leurs membres. Dans le cas actuel, le gouvernement dit: Vous n'avez pas besoin de les consulter. On vous donne un mandat. Ne vous occupez pas de ces gens-là du tout, du tout, vous avez le droit de négocier directement avec le gouvernement. Vous avez le droit de prendre toutes les décisions que vous voudrez, sans même les consulter. Le gouvernement se trouve à favoriser cette non-consultation avec la base du mouvement. Aujourd'hui, même des grandes centrales se plaignent que la base ne les intéresse pas. Or, on s'organise justement pour ne pas les intéresser davantage.

Il y a aussi un autre point qui est important : Quand un syndicat s'affilie à une centrale ou à un groupement syndical, évidemment il sait ce qu'il fait. Il sait qu'en s'affiliant il va conserver son droit de négociation. Il sait qu'en s'affiliant sa fédération va l'appuyer dans les négociations,

parce qu'ordinairement les négociations relèvent des fédérations professionnelles et non pas des centrales syndicales. Alors, du même coup le gouvernement dit: Ce n'est pas comme cela que cela va marcher. Même si vous êtes affiliés avec des structures bien précises dans vos groupements syndicaux, à l'effet que vous gardiez votre pouvoir de négociation, à partir de demain matin, c'est la FTQ, c'est la CSN, c'est la Fédération des employés municipaux et les autres groupements qui sont désignés dans le code qui vont négocier à votre place, qui vont prendre toutes vos décisions, alors qu'à la base même, on dit bien dans le code que c'est l'association accréditée qui a le droit de négocier.

Il y a un autre point aussi où ça vient en contradiction, c'est à l'article 3 du code. C'est une liberté absolue d'appartenir à l'association de son choix. On y dit: Tout salarié a le droit d'appartenir à l'association de son choix, de participer à ses activités et à son administration. Tous savent que la principale activité du syndicat, entre autres, c'est la négociation de la convention collective. Qu'est-ce que ça veut dire ce droit d'appartenir à l'association, si du même coup on enlève à ceux qui sont accrédités le droit de négocier une convention? Cela devient un droit illusoire que d'appartenir à l'association de son choix.

Il y a dans le code du travail — et là je suis d'accord avec le président de la CSN et le président de la Fédération des travailleurs du Québec — qui donne un mandat actuellement à la Fédération des commissions scolaires, en vertu de l'article 10 a) et de l'article 56. Evidemment, je crois que si le code était modifié dans ce sens-là pour les associations syndicales, il y aurait peut-être lieu d'éviter l'acceptation de cette loi-là.

Dans le cas des négociations régionales, nous avons eu une mauvaise expérience. Je veux parler ici d'un syndicat qui porte le nom de Syndicat des employés des commissions scolaires de la Chaudière. Le premier ministre de la province, le 7 août 1970, déclarait que l'objectif du gouvernement libéral était de syndicaliser les groupes de travailleurs non syndiqués qui vivent dans des conditions de travail pénibles afin d'abaisser la disparité des gains des salariés syndiqués et des non-syndiqués.

Notre fédération a trouvé que cette déclaration avait du sens. Nous nous sommes lancés dans l'accréditation de groupements seuls et qui crèvent de faim, c'est le cas de le dire. Je peux vous citer le cas d'un concierge de Baie-Sainte-Catherine qui gagnait $33 par semaine. Quand nous sommes venus pour négocier, nous nous sommes rendu compte que la commission scolaire était dans les dépenses inadmissibles. Le ministère de l'Education avait oublié que la vieille école avait été démolie, remplacée par une autre. A $33 par semaine, il y a quelque chose qui ne marche pas. On n'a évidemment pas pris de temps à doubler son salaire, sans même négocier, à la suite des démarches qui ont été faites.

Il y en a d'autres dans la province qui ont des petits salaires, il y a même des concierges d'école qui gagnent la moitié de ce que d'autres gagnent dans d'autres parties de la province, exactement la moitié. Nous nous sommes prévalus des dispositions du code qui dit qu'un seul salarié a droit de se faire accréditer. Nous avons actuellement 110 accréditations. C'est beaucoup de travail. C'est beaucoup plus dur de négocier pour un concierge avec cinq commissaires qui ne sont pas tellement favorables au syndicalisme que de négocier pour les 25,000 fonctionnaires provinciaux avec un gouvernement qui peut être favorable.

Nous avons eu une mauvaise expérience. Ils ont formé un comité, ils ont confié un mandat en vertu de l'article 10 a), mais le mandat nous l'avons interprété d'une façon qui ne correspond pas au code. On l'a limité, on l'a nuancé.

De ce côté-là je suis obligé de dire que la Fédération des commissions scolaires ne semble pas savoir ce qu'est un mandat en vertu de l'article 10. Nous avons négocié, sur la base régionale, nous avons signé une dizaine de conventions sur trente.

Les autres commissions scolaires locales refusent de les signer et là, on ne sait trop trop où on en est rendu avec toutes ces histoires.

Evidemment, on n'a pas tellement une bonne expérience sur ce point-là. Dans le projet de loi, je remarque que vous fixez une date. Il est dit "qu'une stipulation qui est contenue dans une convention prenant effet le 1er juillet..." Si on rapporte ces termes au code du travail — vous savez qu'en vertu du code, une convention ne prend effet qu'à compter du dépôt — cela veut dire que ces quatorze ou quinze conventions collectives dans la Beauce, si elles sont déposées après le 1er juillet, après un an et demi d'efforts, tomberont à zéro. Ce serait préférable de dire "dont les négociations ont débuté à compter du 1er mai, soit dans les 60 jours qui précèdent l'échéance de la convention". J'ai fait beaucoup de démarches, j'ai encore fait des appels téléphoniques ce matin pour déposer quelques conventions collectives, dont les ententes ont été faites, avant le 30 juin afin que ce ne soit pas paralysé par cette loi, parce que le code est très clair. Une convention ne prend effet qu'à compter du dépôt. Vous pouvez avoir signé la convention il y a six mois, si vous la déposez le 2 ou le 3 juillet, elle ne prendra pas effet. Cela finit là. Quand on représente les petits groupes, on ne peut pas se payer le luxe de les tenir dans un état d'infériorité économique trop longtemps par rapport aux autres.

Je crois qu'on devrait plutôt tenter des négociations sur une base régionale qu'on entreprendrait disons le secteur Saguenay-Lac Saint-Jean — on pourrait peut-être essayer — au lieu de négocier sur une base provinciale.

Pour conclure, je crois qu'il est primordial

qu'un mandat soit donné aux organismes qui représentent les syndicats. Il y a une philosophie du code. Ce code-là a été discuté ici. J'ai assisté aux séances en 1963 et en 1964. Tous savent qu'en 1963 le code a été retardé d'un an justement pour permettre aux groupements syndicaux de consulter leurs membres. Je crois que c'est absolument primordial que les syndicats donnent un mandat à leur fédération ou à leur groupement pour négocier. On ne peut pas imposer ça par une loi, autrement je trouve que le gouvernement donne un très mauvais exemple aux syndicalistes. On demande de respecter les lois. On demande toutes sortes de choses aux travailleurs mais il faudrait que le gouvernement soit assez prudent et qu'il leur dise: Ecoutez, on vous donne de l'autonomie en vertu des lois, vous avez droit d'être accrédités, vous avez droit de négocier mais, demain matin, ce n'est plus vous mais nous qui choisissons cette chose-là. Je pense que, dans le secteur scolaire, ce n'est pas tout à fait mûr. Il faut tout de même comprendre que les contribuables paient des taxes. Il ne faut pas dire que c'est le gouvernement qui donne tout dans les commissions scolaires parce que ceux qui paient des taxes scolaires savent qu'elles sont probablement plus élevées que les taxes municipales actuellement.

On ne peut pas dire que c'est le gouvernement qui contrôle tout. Cela prendrait un mandat et il faudrait aussi prévoir un mécanisme, si le code était amendé dans ce sens-là, pour que les négociations ne trament pas en longueur comme cela a été fait pour le cas des enseignants. Personnellement, j'ai regardé ça de loin. Je n'étais pas directement intéressé. J'ai trouvé que c'était un scandale de la part d'un gouvernement de tramer des négociations pendant trois ans surtout dans le secteur scolaire.

Je pense qu'il faut l'admettre il y a des gens qui regardent ça. Je ne regarde pas qui était ministre du Travail dans le temps, mais je dis mon opinion. Je vous dis ce que j'ai pensé dans le temps en voyant ça. On est dans le secteur scolaire, on est dans le secteur où la jeunesse grandit, où la jeunesse se développe, mais ça trame trois ans pour négocier une convention collective, une affaire qui, quand on veut, peut se régler en un mois et demi, en un mois. Il faudrait aussi garantir les droits acquis. Il y a quelque chose. Je ne sais pas si c'est la loi qui pourrait garantir ça, je comprends qu'on peut le faire par le truchement des conventions collectives, parce qu'il y a tout de même des droits acquis.

M. LE PRESIDENT: Un instant! Je pense que vous entrez dans les détails de la négociation.

M. BELANGER: Bon, d'accord! Laissons les droits acquis, on essaiera de les conserver précieusement. Quand à la signature des ententes, c'est encore la même chose. Dans la Beauce, on ne veut pas signer, on ne signe pas. On n'a pas de pouvoir, on ne sait pas quoi faire. Je suis d'opinion qu'avec le mandat qui a été donné dans ces cas-là, c'est la Fédération des commissions scolaires qui voudrait signer, mais la Fédération des commissions scolaires est elle aussi aux prises avec de la régie interne. Il y a des commissions scolaires qui sont d'accord et il y en a d'autres qui ne sont pas d'accord.

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez revenir au bill 46...

M. BELANGER: Quant au 1er juillet là, je pense que ça devrait... Je reviens au bill 46. Je conclus. D'abord, on devrait probablement procéder par amendement au code. Je vous dis ça sous toutes réserves, parce que je ne peux pas penser pour les 4,000 employés de commissions scolaires qui sont affiliées à la fédération. Nous avons un congrès à Lachine la semaine prochaine. Nous allons consulter les congressistes et je crois que c'est de cette façon qu'on peut avoir une décision plus claire, mais je crois qu'on devrait procéder plutôt par amendement au code. On aurait probablement dû consulter le Conseil supérieur du travail. Cela devrait être sur une base volontaire. Dans les syndicats, il n'y a rien qui marche sans qu'une résolution adoptée par l'assemblée générale ait un proposeur et un secondeur. On ne peut pas arriver du jour au lendemain, il faut que le mandat soit volontaire dans le cas de chacun des syndicats affiliés.

Je termine, je vous remercie de m'avoir écouté. Je souhaite que ça se règle à la satisfaction des travailleurs.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions de nous avoir exposé votre point de vue.

Je crois que le président de la FTQ voulait ajouter quelques remarques.

M. LABERGE: Non.

M. LE PRESIDENT: J'inviterai donc le député de Chicoutimi à nous entretenir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au terme de ces auditions, je crois que je serai très bref. Nous avons constaté qu'il y avait unanimité des parties qui se sont fait entendre sur l'inutilité, nous a-t-on dit, du projet de loi et sur la nécessité de le retirer.

Il appartient au gouvernement et au ministre de la Fonction publique de prouver la nécessité de la loi puisque les arguments que nous avons entendus nous ont laissé voir que cette loi ne serait pas nécessaire ni même utile, à moins que le gouvernement, utilisant les arguments qui ont été servis par les différents témoins, ne nous présente un projet de loi modifié ou qu'il nous fasse connaître de façon très claire l'interprétation de certains articles auxquels on a fait allusion.

Pour ma part, j'ai l'impression qu'il y a confusion et que le ministre de la Fonction

publique s'approprie les prérogatives du ministre du Travail, et que c'est du côté du ministère du Travail qu'il faudrait peut-être poursuivre nos recherches.

J'ai insisté en Chambre, et d'autres collègues l'ont fait également, sur la nécessité de consulter le Conseil consultatif du Travail et de la Main-d'oeuvre avant que ce projet de loi ne soit déposé et proposé à l'adoption de la Chambre. Toutes ces propositions que nous avons faites demeurent; et après avoir entendu les témoins, je suis encore d'avis que ce projet de loi n'aurait pas dû être accepté en deuxième lecture, même si la majorité de mes collègues du parti de l'Union Nationale l'ont accepté. Pour ma part, je maintiens l'opinion que j'avais lorsque j'ai voté, en deuxième lecture, contre ce projet de loi. Je demande au ministre de nous faire connaître son avis, ses intentions, c'est-à-dire celles du gouvernement.

M. L'ALLIER: M. le Président, au terme de ces auditions, j'ai évidemment pris bonne note de l'ensemble des commentaires et des discussions qui ont eu lieu. Certains de ces commentaires, malgré les exposés qui ont été faits, sont allés dans le sens de me convaincre de l'utilité du projet de loi 46. Par ailleurs, on a soulevé des problèmes, des questions qui méritent d'être étudiés attentivement, et c'est ce que nous avons l'intention de faire.

Quoi qu'il en soit, le député de Chicoutimi a eu l'avantage, quant à lui, peut-être que c'est un avantage, peut-être que c'est un inconvénient, de se dissocier de son parti sur cette question. Il pourra, au moment de la troisième lecture, faire connaître son point de vue et prendre, quant à lui aussi, les décisions qui s'imposent.

Nous avons l'intention, comme je l'ai dit, de revoir, le plus tôt possible, les discussions qui ont eu lieu ici ce matin, et de voir de quelle façon on peut en tenir compte, tout en maintenant le principe des négociations au niveau provincial, principe qui, comme vous avez pu le constater, a fait la quasi-unanimité des intervenants.

Ce qui nous intéresse, je le répète ici, n'est pas de trouver toutes sortes de moyens, fussent-ils voulus ou tout simplement le résultat de maladresses, de compliquer inutilement les négociations et de créer un climat défavorable à ces négociations.

Des arguments ont été apportés en ce qui concerne le droit des ouvriers ou des employés ou des travailleurs, au niveau même des structures de négociation. Dans les travaux que nous ferons au moment de préparer et de présenter le projet de loi en troisième lecture, nous verrons de quelle façon il est possible de maintenir ces objectifs généraux que nous nous sommes fixés et que j'ai énoncés au moment de la présentation en deuxième lecture, et de voir de quelle façon on pourra aussi adapter ces objectifs à certaines des objections qui ont pu être faites au projet de loi.

Par ailleurs, on s'oppose au projet de loi lui-même, en disant qu'il est inutile. Sur la question du code du travail ou d'une loi particulière, j'attire l'attention des membres de la commission sur la nature temporaire du projet de loi.

M. LESSARD: Le bill 25 était temporaire.

M. L'ALLIER: Par définition, il est temporaire actuellement, et par définition, le code du travail, c'est quand même un instrument permanent. C'est un des arguments, entre autres, qui fait que nous procédons par un projet de loi plutôt que par des amendements au code du travail.

Je suis, pour ma part, satisfait de cette séance de la commission parlementaire. Je suis convaincu que les membres de la commission en ont tiré avantage dans leurs travaux à la Chambre et notamment pour l'étude du projet de loi en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: Je remercie le ministre.

M. LABERGE: M. le Président, est-ce que je pourrais attirer l'attention du ministre sur un point?

M. LE PRESIDENT: Attirez, attirez!

M. LABERGE: D'ailleurs, comme vous le savez, je fais toujours cela de façon très brève. C'est l'article 11 du code du travail qui dit: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d'employeurs ne cherchera d'aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d'une association de salariés". De la façon que vous procédez, vous pourriez être accusé !

M. LE PRESIDENT: Le très honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous êtes bien aimable, M. le Président.

UNE VOIX: The Right Honourable!

M. BURNS: The Right Honourable! Je voudrais simplement faire une brève remarque après ce que le ministre vient de dire et qui m'a frappé. Il est évident que toutes les parties qui sont intervenues ce matin se sont montrées d'accord sur l'objectif...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça, et non pas le principe.

M. BURNS: ... de réunir le plus tôt possible les tables de négociation et le plus tôt possible de négocier au niveau provincial.

Il n'y a pas de doute, mais il y a une chose aussi qui a fait l'unanimité, et cela je pense

qu'on doit en tenir compte dans le principe du bill, — et c'est pourquoi, d'ailleurs, nous avons voté contre le principe du bill — c'est le fait que cette mesure, qui est souhaitée par tout le monde, je pense, des deux côtés de la table de négociation et des deux côtés de la Chambre également, est imposée. C'est ce contre quoi on en avait et c'est, je pense, une chose que le ministre devra retenir. Il y a eu quand même unanimité, ce matin, de tous les intervenants sur ce point-là à l'effet qu'ils se disent d'accord quant à l'objectif, mais ils ne sont pas d'accord de se le voir imposer. En tout cas, en terminant, je ne veux pas faire le prophète de malheur, mais je veux vous dire de vous rappeler du bill 290 et de ses conséquences. Ce nétait peut-être pas mûr à ce moment-là, le bill 290. J'espère que ce n'est pas cela qui va arriver.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: Nous avons exprimé, je pense, nos points de vue à l'Assemblée nationale à ce sujet-là. Nous considérons qu'il s'agit d'une loi d'exception qui n'a pas sa raison d'être, une loi d'exception qui, en plus, est imposée. Nous considérons également que le ministre de la Fonction publique, par le bill 46, outrepasse, en fait, ses fonctions. Nous avons entendu ce matin en commission parlementaire, avec grand intérêt, les parties intéressées, les gens impliqués. M. le ministre, j'attire votre attention sur le fait que les différentes parties qui se sont fait entendre ce matin sont unanimes. Si la démocratie n'est pas un vain mot et que la consultation, dont faisait part M. Bélanger tout à l'heure, qui doit se faire, en régime démocratique, existe encore — c'est un peu ce que nous avons fait ce matin, de la consultation — pour notre part, nous maintenons nos positions et nous demandons au ministre d'analyser sérieusement la situation en vue de modifier en profondeur, je pense, le principe de ce bill-là.

M. LE PRESIDENT: Je remercie les intervenants ainsi que les membres de la commission. Je déclare la séance levée.

(Fin de la séance: 13 h 25)

Document(s) associé(s) à la séance