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Etude du projet de loi no 53 Loi sur la fonction
publique
(Dix heures onze minutes)
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la fonction publique se réunit de
nouveau ce matin pour terminer l'étude du mémoire de
l'Association des cadres supérieurs du gouvernement, et pour entendre
ensuite le mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec, et celui du Syndicat des professionnels du gouvernement du
Québec.
Je vous rappellerai, au départ, que les membres de la commission
sont: M. Bellemare (Johnson), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Caron
(Verdun) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Chevrette (Joliette),
M. de Belleval (Charlesbourg), M. Dussault (Châteauguay), M. Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Gravel (Limoilou), M. Grégoire (Frontenac), M.
Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Le Moignan (Gaspé),
M. Marchand (Laurier), M. Marcoux (Rimouski), Mme Ouellette (Hull), M. Picotte
(Maskinongé) remplacé par M. Pagé (Portneuf); M.
Vaillancourt (Orford) remplacé par M. Mailloux (Charlevoix).
M. Chevrette: Mme le Président, pour les fins du journal
des Débats...
Le Président (Mme Cuerrier): J'aurais aimé faire
une petite mise au point...
M. Chevrette: C'est sur les présences.
Le Président (Mme Cuerrier): Sur les présences,
d'accord.
M. Chevrette: Hier, vous ne m'avez pas nommé, et
j'étais ici. Pour les fins du journal des Débats, ce serait
très important.
Le Président (Mme Cuerrier): En effet, vous étiez
là, M. le député de Joliette-Montcalm. Je puis en
témoigner.
M. Chevrette: Merci.
Le Président (Mme Cuerrier): Je voudrais simplement faire
une petite mise au point. Tous ceux qui ont l'habitude des commissions
parlementaires et de l'Assemblée nationale savent fort bien que, quand
le public dans les tribunes, ou que les observateurs observent, justement, pour
ne pas me répéter, les débats, il est dans les
règles du code qui nous régit que ces observateurs ne doivent
manifester d'aucune façon.
On m'a demandé ce matin de laisser entrer tout le monde, parce
que les observateurs, aujourd'hui, sont très nombreux. J'ai, bien
sûr, fait ouvrir les galeries. Puisque vous avez pris la peine de vous
déplacer pour entendre des discussions qui vous concernent, je ne vois
pas comment on pourrait vous refuser, surtout en commission parlementaire,
d'être ici.
Je vous demanderais tout de même de bien respecter le
règlement de l'Assemblée, qui demande aux observateurs de ne pas
applaudir je sais que c'est parfois bien difficile ni de
manifester son approbation ou sa désapprobation de quelque façon
que ce soit. Je vous remercie bien de votre collaboration.
M. le député de Johnson, vous vouliez intervenir?
M. Bellemare: Hier, le ministre de la Fonction publique nous a
soumis une déclaration que je déclare ministérielle et que
nous avons gardée en suspens pour ce matin. Le député de
Jean-Talon et moi-même avons dit: C'est un peu contraire à
l'habitude de déposer un texte aussi contentieux sans avoir eu
l'occasion de le lire quelques minutes au préalable, ce qui fait que
nous avons demandé, ce matin, de pouvoir donner la réponse qui
nous convient.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, je vais entendre vos remarques. Je vous demanderais quand même
d'être assez bref, parce qu'il y a beaucoup de gens ici qui ont
été convoqués.
Comme nous ne siégeons que jusqu'à 13 heures, aujourd'hui,
nous avons beaucoup de travail à faire, soit dit sans vous
empêcher de faire vos remarques et de les faire de la façon dont
vous en avez l'habitude.
M. Bellemare: J'espère, Mme le Président, que vous
ne nous bâillonnerez pas, parce que nous avons...
Le Président (Mme Cuerrier): Sûrement pas, M. le
député de Johnson, je vous accorde la parole avec plaisir.
M. Bellemare: Merci, Mme le Président, nous avons
tellement de choses à dire sur ce sujet que nous ne tenons pas à
être mis au rancart, parce que sa déclaration d'hier est un
sauve-qui-peut pour le ministre. Dans cette déclaration, il dit, au
quatrième paragraphe, ce qui est le plus contentieux, qu'à l'aire
de la négociation et je cite textuellement "je voudrais
signaler que, pour plusieurs des matières assujetties, en vertu du
projet 53, au pouvoir réglementaire du ministre de la Fonction publique,
la loi actuelle ne permet pas davantage leur inclusion dans l'aire de la
négociation remarquez bien cela . C'est notamment le cas de
la classification des emplois, du classement du personnel, seuls les appels
étant matière à négociation, de la promotion et de
l'avancement de l'établissement d'un code d'éthique et de
discipline, seules les sanctions disciplinaires qui constituent la suspension
et le congédiement
étant matière à négociation. Il est de
même pour la déclaration d'aptitude tant pour le recrutement,
l'avancement et la promotion que pour la mutation, le reclassement et, le cas
échéant enfin, l'appel en matière de promotion et
d'avancement."
Dans ce paragraphe, vous voyez véritablement où se dirige
le ministre; il veut faire passer le projet de loi avec rapidité sans
attendre les conséquences et surtout le résultat de
l'enquête Martin, tel que je l'ai demandé par une motion, qui vont
donner des choses très intéressantes dans la
négociation.
Premièrement, M. le Président, le pouvoir de
négocier toute condition concernant les syndiqués;
Deuxièmement, de conserver le pouvoir de formuler des griefs
relatifs à tout différend, de quelque nature que ce soit;
Troisièmement, que la décision de l'arbitre ait
préséance sur les règlements ministériels.
Là, M. le Président, vous voyez que le ministre,
s'apercevant que sa loi va pas mal trop loin, prend la précaution
d'aller encore plus loin, dans sa déclaration ministérielle
d'hier, au paragraphe que je viens de citer. Je répète, madame,
pour la millième fois, que c'est une loi arbitraire, que c'est une loi
qui va sûrement enlever des droits acquis aux fonctionnaires et je dis
que les pouvoirs que se donne le ministre, pour la première fois de
l'histoire des fonctionnaires, dans l'article 3, dans l'article 45, où
il y a une délégation de pouvoir à un sous-ministre ou
à un directeur de personnel, et à l'article 70, où on va
évaluer au mérite la mobilité d'un fonctionnaire, et
à l'article 88, où n'importe qui, un sous-ministre ou un chef de
ministère, un chef de personnel, peut faire rétrograder un
employé parce qu'il ne l'aime pas, parce que sa face ne lui revient pas,
parce que ce n'est pas tout à fait sa religion, c'est un peu à
côté de ce qu'il pense. Ces articles 3, 45, 70,
l'évaluation au mérite, sans critère, sans jamais
connaître, avant l'adoption de la loi, comment va être
formulée, dans l'ensemble, cette loi et particulièrement
l'article 88 où, avec l'article 45, un pouvoir est
délégué, un droit arbitraire sur les employés, dans
un temps comme on en traverse, madame, et je termine pour vous
écouter docilement, pour ne pas avoir à subir vos foudres, parce
que j'ai un paratonnerre qui peut m'en défaire je dis que cette
loi est arbitraire. Dans les temps modernes que nous traversons et après
les luttes extraordinaires qu'ont menées les fonctionnaires, ce n'est
pas le temps de bâtonner le fonctionnaire; ce n'est pas comme cela qu'on
va avoir plus de rendement de la part des fonctionnaires. Je dis et je suis
convaincu que le ministre va nous apporter des changements après les
arguments qui vont nous être présentés dans
différents mémoires.
Nous avons déjà reçu sept ou huit mémoires
que nous avons entendus, et ils sont rares ceux qui chantent la louange du
ministre. A plus forte raison, ceux qui sont chargés, par mandat,
d'être dans l'Opposition au gouvernement devront travailler plus
intensément à faire reconnaître et à faire
protéger comme il se doit les droits acquis des fonctionnaires.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous aviez
des interventions à propos du mémoire qui est actuellement devant
la commission? Quelqu'un d'autre a-t-il... M. le député de
Mont-Royal.
Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec
M. Ciaccia: Mme le Président, suite aux remarques du
député de Johnson, nous aussi, nous avons eu un peu l'occasion
d'examiner la déclaration ministérielle, les propos du ministre
hier au sujet de certains amendements qu'il songe à apporter à la
loi. On peut dire que, premièrement, les propos qu'il nous a
donnés hier ne changent rien pour les non-syndiqués. Il semble y
avoir une claire contradiction entre les projets d'amendement du ministre et
l'article 3. Si vraiment le ministre veut donner effet à l'intention de
donner le droit de négocier toutes les conditions de travail et tout ce
que les syndiqués et les fonctionnaires demandent, il faut absolument
amender l'article 3. On soumet que les propos du ministre, hier, ne changent
pas vraiment le projet de loi. Je voudrais demander aux invités devant
nous s'ils sont satisfaits des amendements déposés hier. Est-ce
que cela vous donne une certaine assurance? Est-ce que cela apporte certains
changements à votre mémoire ou à la critique que vous
allez y apporter?
M. Mérineau (Claude): Mme le Président, nous avons
regardé très sommairement l'amendement qui a été
proposé par le ministre hier, mais nous ne sommes réellement
pas...
Le Président (Mme Cuerrier): Vous êtes M.
Mérineau, n'est-ce pas?
M. Mérineau: C'est cela.
Le Président (Mme Cuerrier): Pour le
bénéfice du journal des Débats, nous aimerions que vous
vous identifiiez, s'il vous plaît. J'essaierai de vous reconnaître,
mais vous êtes très nombreux.
M. Mérineau: C'est mon erreur, je m'excuse. Claude
Mérineau.
Le Président (Mme Cuerrier): Ne renchérissez pas,
M. le député de Johnson.
M. Mérineau: J'allais dire que nous avons regardé
l'amendement proposé par le ministre hier, mais nous ne sommes pas ce
matin en mesure de juger s'il répond adéquatement à nos
inquiétudes par rapport à l'article 119. Il n'en demeure pas
moins qu'on peut faire une remarque générale. Etant donné
que l'article 119 est tout de même relié directement à la
loi du régime syndical dans la fonction publique et qu'on ne sait pas
encore comment cette loi sera modifiée, si elle doit être
modifiée, à la suite de la commission Martin, c'est bien
difficile de vous dire, à ce moment-ci, si on est d'accord ou pas
d'accord. On vous demande, Mme le Président, le droit de revenir vous
soumet-
tre des représentations sur cet article, parce qu'à ce
moment-ci, ce qu'on pourrait dire ne pourrait pas refléter tout d'abord
l'opinion de nos membres, car depuis hier soir, on n'a pas eu le temps de les
voir et, ensuite, ce serait prématuré de donner un avis de cette
nature.
M. Bellemare: Est-ce votre intention d'aller devant la commission
Martin?
M. Mérineau: On n'a pas encore décidé cela.
M. Bellemare: Pardon?
M. Mérineau: On n'a pas encore décidé si on
y allait ou si on n'y allait pas.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Dans votre mémoire je crois que c'est
une de vos recommandations vous ne voyez pas d'objection au pouvoir de
délégation. Je voudrais comprendre exactement la portée de
cette recommandation. Est-ce que, dans le projet de loi actuel, avec le pouvoir
de réglementation contenu dans l'article 3, c'est votre position
d'accepter le pouvoir de délégation, par exemple, dans le domaine
des promotions et dans le domaine du recrutement? Si l'article 3 est retenu tel
quel, est-ce que vous acceptez qu'on puisse déléguer ces
pouvoirs?
M. Mérineau: Je pense qu'on a dit que...
Le Président (Mme Cuerrier): ... M. Mérineau.
M. Mérineau: Je pense que je me suis déjà
nommé, Mme le Président. On a dit hier qu'on était
d'accord avec le pouvoir de délégation. Sommairement, ce qu'on a
dit hier n'est peut-être pas ressorti au cours de la discussion parce
que, malheureusement, j'avais l'impression qu'on était dans le salon de
Mme Récamier. C'était un peu douceureux comme argumentation, les
coups de mouchoir se donnaient; cela allait bien, mais on n'a réellement
pas vidé la question. Quant à nous, quand on parle de
délégation, on parle de délégation de corps qui ont
une autorité. Notre réaction au projet de loi est que c'est trop
compliqué. Une vache perdrait son veau là-dedans! Ce n'est pas
possible d'avoir autant d'organisme de contrôle que ça.
Le gouvernement américain vient à bout de mener tous les
Etats-Unis avec 16 ministères. Nous, ça nous en prend 26. On a
déjà cinq organismes de contrôle; on s'en paie un
sixième. Je me demande jusqu'à quel point cela va
améliorer la gestion de la fonction publique de multiplier les
organismes de contrôle.
Notre position est la suivante: on a dit qu'on ne voulait pas de
ministère de la Fonction publique. On a argumenté un peu à
l'eau de rose. Fondamentalement, ce n'est pas qu'on en veuille à M. de
Belleval d'être ministre de la Fonction publique; cela n'a rien à
voir avec la personnalité de M. de Belleval. Cela serait un autre, ce
serait la même affaire. C'est qu'on trouve que, de toute façon, il
va falloir qu'il aille chercher ses pouvoirs au Conseil du trésor.
Pourquoi, à ce moment-là, avoir deux organismes? S'il n'y avait
que le Conseil du trésor pour assumer toutes les fonctions, ou s'il n'y
avait que la fonction publique pour assumer les fonctions qui doivent
être dégagées du pouvoir politique, c'est-à-dire le
recrutement, la promotion et les concours ainsi que le premier recours, je
pense que cela simplifierait l'administration gouvernementale.
Il y a des journées où, comme cadre, je pense que M. de
Belleval qui est un ex-collègue, a perdu la mémoire depuis moins
d'un an. Ecoutez, M. le ministre, vous vous souvenez certainement d'avoir
été obligé de passer par le Conseil du trésor.
C'est toujours une aventure. Vous êtes là, vous le savez
maintenant. Ensuite, il faut que vous passiez par la fonction publique pour
faire calibrer vos postes et après cela, il faudrait aller à une
troisième patente pour faire recruter du monde. On va perdre nos veaux
quelque part dans le chemin; ce n'est pas possible, c'est trop
compliqué.
On se dit si ça prend un ministre pour faire appliquer la loi,
celle-là ou une autre, une loi de gestion des fonctionnaires, de la
fonction publique, qu'on laisse au vice-président du Conseil du
trésor, le soin d'appliquer cette loi. Au moins, on n'aura pas un
ministre dans un endroit et un ministre dans un autre, les deux seront à
la même place. Ils auront plus de chance de se coordonner et ça
fera une boîte de moins à soutenir.
Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais
dès l'instant où on parle de délégation, la
délégation, à ce moment-là, viendrait ou du Conseil
du trésor ou de la Commission de la fonction publique. Ce serait facile
à identifier et je pense que ça ferait des organismes pour
s'occuper de l'ensemble de la fonction de la gestion du gouvernement.
M. Ciaccia: On parle de délégation du ministre,
mais quelle est votre réaction au principe de
sous-délégation?
M. Mérineau: Ah, la sous-délégation! M.
Ciaccia: Oui.
M. Mérineau: Je m'excuse, je n'avais pas compris.
M. Ciaccia: Parce que c'est accepté dans ce projet de
loi.
M. Mérineau: Avec la sous-délégation, on
peut être d'accord, pourvu, encore une fois, qu'on sache où
ça s'arrête. Je me mets dans la peau de nos employés en
arrière, ceux qui sont ici, les membres du syndicat; on est leurs
"boss". Vous savez, nous les cadres, on se sent un peu comme la saucisse dans
le pain à hot-dog. Si on regarde à gauche, ce sont nos patrons
d'aujourd'hui, si on regarde à droite, ce sont nos patrons d'hier et
ceux qui espèrent devenir nos patrons de demain, hein, M. Bellemare?
En arrière, ce sont nos employés. Nous sommes les
emmerdeurs professionnels. Nous sommes les mauvais technocrates, ceux qui
empêchent le gouvernement de marcher, apparemment. La population se
plaint du pouvoir technocratique; ça fournit de la matière
à éditoriaux tous les jours. La sous-délégation
doit s'arrêter quelque part. Il faut trouver le coupable. Si ça se
dilue au point où ça s'en va au dernier agent de maîtrise
ou au chef de bureau, ce n'est pas possible de mener une boîte de cette
façon. Donc, si le Conseil du trésor ou la commission
délègue, il faut que ce soit très spécifique, que
ce soit connu et que l'on sache à qui s'adresser et que la
responsabilité de la délégation demeure à celui qui
est délégué.
M. Bellemare: Vous n'avez pas fini, monsieur? M. Ciaccia: Je n'ai
pas terminé.
Le Président (Mme Cuerrier): Vous n'avez pas
terminé? M. le député de Mont-Royal. A moins que vous ne
vouliez intervenir directement...
M. Ciaccia: Non, je...
M. Chevrette: Mme le Président, moi aussi, j'aurais une
question à poser à M. Mérineau.
M. Bellemare: Je vais laisser à mon collègue le
soin de terminer, par politesse, par délicatesse, par
équité et par déférence.
M. Chevrette: Et vous, par courtoisie.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je remercie mon collègue et vous remercie, Mme
le Président. Vous avez fait certaines déclarations. Il est vrai
que, quelquefois, on lance des accusations, à savoir que les
fonctionnaires sont de mauvais technocrates et que si le gouvernement a
certains problèmes, c'est la faute de ceux qui sont dans la fonction
publique. J'étais fonctionnaire, peut-être que vous le saviez,
vous, et j'aurais eu peur, comme fonctionnaire aux cadres supérieurs,
d'avoir le genre de pouvoir et de donner au ministre le genre de
discrétion et de pouvoirs arbitraires qu'il se donne dans ce projet de
loi.
Quand on parle de sous-délégation, d'après ce
projet de loi, si je voulais me débarrasser, comme fonctionnaire, de
personnes qui ne faisaient pas mon affaire, cela serait la chose la plus facile
avec le pouvoir de réglementation du ministre, qui me
déléguerait ou me sous-déléguerait.
On m'a toujours enseigné que, dans certains domaines, il faut
enlever ce pouvoir afin d'avoir une fonction publique saine, et objective, qui
peut faire le travail de l'Etat, peu importe le gouvernement au pouvoir, mais
qui peut faire son travail de "public servant" de servir le public. Il ne faut
pas donner ce genre de pouvoir discrétionnaire au ministre, mais
soumettre cela à la Commission de la fonction publique.
Est-ce que ce principe n'est pas à la base même d'un bon
fonctionnement de la fonction publique et n'est-ce pas ce principe qui est
attaqué fondamentalement dans ce projet de loi?
M. Mérineau: Ecoutez. Hier, on a dit quelque chose qui
ressemblait à cela, en disant qu'il faut que les pouvoirs du ministre ne
soient pas discrétionnaires, qu'ils ne limitent pas le champ de
négociation, que cela se limite à des choses qui ne sont pas
négociables. Et encore, je pense que je dis une
hérésie.
Je me souviens que, dans mes vieilles années de syndicalisme,
j'enseignais aux délégués d'ateliers que tout était
négociable. Il n'y a rien de non négociable. A partir de ce
moment-là, je pense que les pouvoirs du ministre, dès l'instant
où il limite le pouvoir de négociation, que ce soit pour les
fonctionnaires, les professionnels ou les cadres, dès l'instant
où les pouvoirs de négociation sont limités et s'ils
encourent en plus un pouvoir de délégation accroché
à cela, c'est bien évident qu'on n'est pas d'accord.
D'autre part, il ne faut pas oublier une chose. Le gouvernement va
toujours continuer à être administré par des gens qui se
présentent aux élections, qui sont élus et qui
administrent le gouvernement. S'imaginer que le politique va disparaître
complètement de la gestion de la fonction publique, c'est de
l'angélisme. Tout le monde a vécu cela d'une façon ou
d'une autre, c'est clair. Le ministre va toujours avoir quelque chose à
dire dans son ministère, le Conseil des ministres va toujours avoir
quelque chose à dire dans l'administration de son ministère et le
Conseil du trésor, notre maître à tous, qu'on l'aime ou
qu'on ne l'aime pas, va toujours avoir quelque chose à dire sur les
engagements financiers.
A partir de ce moment-là, on espère on ne veut pas
commencer à récrire le texte de loi que le ministre va
comprendre que peu importe ce qui est écrit dans la loi, quand va
arriver le temps de négocier, s'il prétend que, parce que c'est
marqué dans la loi que ce n'est pas négociable, tout ce que je
dis au ministre, fraternellement, c'est qu'il s'achète du trouble. Ce
n'est pas la paix qu'on va avoir dans la fonction publique, avec cette loi,
c'est le contraire.
M. Ciaccia: Est-ce que le ministre...
M. de Belleval: J'aurais une question à poser à ce
moment-ci. Compte tenu des remarques de M. Mérineau que tout est
négociable, est-ce que c'est aussi l'avis du député de
Mont-Royal que tout est négociable?
M. Ciaccia: Dans les structures actuelles, je crois que tout est
négociable, d'après la loi actuelle, sauf certaines...
M. de Belleval: Négociables, sauf certaines... ou si tout
est négociable?
M. Ciaccia: Dans la loi actuelle, vous n'allez pas aussi loin que
l'article 3 qui vous donne l'arbi-
trage total. Je pourrais vous poser la question: Si, d'après
la...
M. de Belleval: Je vous pose la question: Est-ce que, à
votre avis, tout devrait être négociable? Oui ou non? C'est
facile.
M. Ciaccia: Oui, je dirais que tout devrait être
négociable, parce que, même si vous dites non, ils vont venir le
négocier. C'est l'atmosphère que vous devez créer d'un
fonctionnarisme aussi objectif que possible. Cela devrait être
négociable.
M. de Belleval: D'accord, je viens de comprendre. Je suppose que
vous parlez au nom du Parti libéral actuellement? Le Parti
libéral est d'accord que, maintenant, dans les conventions collectives
des fonctionnaires, tout devrait être négociable.
M. Bellemare: M. le Président, je pense que j'avais
demandé la parole et que ce n'est pas à un ministre d'interroger
un membre de l'Opposition ou un membre... en vertu...
M. Chevrette: En vertu de l'article 100, je m'excuse...
M. de Belleval: Si vous permettez, je vais continuer...
M. Bellemare: Mme le Président, j'avais demandé la
parole avant vous...
M. de Belleval: Vous avez la parole, M. le
député.
M. Bellemare: Je ne l'ai pas eue. J'espère que vous allez
prendre votre trou ou votre tour.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson...
M. Chevrette: C'est très édifiant.
M. Bellemare: Mme le Président, je m'adresse...
Une Voix: II va faire son petit fou.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, un moment, s'il vous plaît! J'allais demander au ministre de ne
pas faire de discussion sur un article de loi, puisque nous pourrons le
faire...
M. Bellemare: Article par article.
Le Président (Mme Cuerrier): ... au moment de
l'étude article par article, sauf que je vous ai laissé aller un
peu, parce que le ministre intervenait directement sur l'intervention de M. le
député de Mont-Royal.
M. Bellemare: Non.
Le Président (Mme Cuerrier): En quelques secondes, s'il
vous plaît, M. le ministre.
M. Bellemare: Moi, qu'est-ce que je fais de mes droits?
Le Président (Mme Cuerrier): J'espère que ce ne
sera pas une discussion comme telle. Je donne ensuite...
M. Bellemare: Vous m'avez reconnu tout à l'heure, vous
m'avez dit oui.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît! Vous savez fort bien...
M. Bellemare: A l'ordre, rappelez-en un à l'ordre,
rappelez le ministre à l'ordre. Vous en avez peur!
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, vous savez fort bien que les interventions d'un ministre, au cours des
séances d'une commission parlementaire, peuvent arriver à
n'importe quel moment. Je demande à M. le ministre de procéder
rapidement et je donne la parole à M. le député de Johnson
immédiatement après.
M. Bellemare: En vertu de quel règlement? Je
soulève un point de règlement. En vertu de quel règlement,
et surtout en vertu de notre règlement, où est-ce inscrit qu'un
ministre peut intervenir avant un simple député de l'Opposition?
Je n'ai jamais vu cela.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le
député...
M. Bellemare: Je ne suis pas arrivé d'hier au Parlement,
madame.
Le Président (Mme Cuerrier): Non, je conviens que vous
avez beaucoup d'expérience, M. le député de Johnson, sauf
que les interventions d'un ministre ne sont pas restreintes en termes de temps.
Peut-être qu'à ce niveau-là nous allons discuter de la
même chose. Ce que je vous dis, c'est que je vous donne
immédiatement la parole après que M. le ministre aura rapidement
fait son intervention.
M. le ministre.
M. Bellemare: Après m'avoir bafoué. M.
Chevrette: Ah! vous faites bien pitié!
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, monsieur! M. le
ministre.
M. Bellemare: J'aime bien mieux faire envie que pitié
comme vous.
M. Chevrette: Faites votre "show", il y a du monde.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous prenez
la parole ou je la passe au député de Johnson.
M. de Belleval: Je prends la parole, Mme le Président,
avec la permission du député de Johnson.
M. Bellemare: Non, je ne vous donne pas ma permission.
M. de Belleval: Je m'en passerai.
M. Bellemare: Oui, vous faites aussi bien.
M. de Belleval: J'ai noté quand même la
réponse que m'a faite le député de Mont-Royal. J'ai
l'impression qu'il m'a donné une réponse un peu rapide et qu'il
voudra certainement la vérifier à nouveau au sein de son caucus.
Je tiens seulement à lui souligner que si, effectivement, c'était
maintenant la position du Parti libéral que, dans la fonction publique,
tout devrait être négociable, ce serait un revirement de situation
plutôt récent. Je tiens simplement à lui rappeler que,
pendant six ans, il a refusé au syndicat le droit de syndiquer les
employés occasionnels, ce qui a été fait au mois de
juillet dernier, et que, par conséquent, il s'agirait d'un renversement
très soudain et qui m'apparaît très opportuniste dans les
circonstances, mais j'ai l'impression qu'une fois que le député
de Mont-Royal aura vérifié avec son collègue de
Jean-Talon, il voudra certainement clarifier sa réponse.
M. Ciaccia: Mme le Président, pourrais-je me permettre une
question? Pourriez-vous faire rapport à la commission sur ce qui s'est
passé dans ces négociations depuis les discussions sur ce
sujet?
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demanderais
maintenant...
M. de Belleval: Ce que je dis, c'est que je doute fort que le
Parti libéral ait maintenant comme position que tout est
négociable dans la fonction publique.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre, je pense que
nous sortons du sujet et que notre mandat est d'entendre les gens qui sont
venus ici présenter leur mémoire. M. le député de
Johnson, c'est vous qui avez la parole.
M. Bellemare: Merci beaucoup, madame! Dans votre mémoire,
M. Parent, et particulièrement M. Claude Mérineau, vous dites,
à la page 11: "La division des responsabilités de la sauvegarde
du régime de mérite. "
Vous dites que l'intention avouée du gouvernement est de confier
à des agences apolitiques, la sauvegarde de l'impartialité dans
le traitement des fonctionnaires. La commission et l'office de recrutement.
C'est là que vous dites: ... une intention fort louable. Mais,
immédiatement après, vous ajoutez ce paragraphe qui me pose des
inquiétudes: "Comment expliquer, cependant, que le ministre se
réserve le pouvoir de réglementation dans des domaines aussi
cruciaux que la promotion, le classement, la rétrogradation, etc." Il
est dit qu'il peut demander l'avis de la commission, mais il n'est nullement
obligé de le suivre. Sur cela, je pense que la commission n'engage pas
le ministre et le ministre ne s'engage pas non plus.
Je voudrais avoir certains éclaircissements quant à ce
point de vue que vous avez manifesté dans votre mémoire. Est-ce
qu'il y a un doute que la politique va revenir au sein de la Commission de la
fonction publique? Est-ce que vous pensez que le grand tsar que va être
le ministre, va avoir le droit de vie et de mort à cause de la
politique? Est-ce que vous pensez cela, directement ou indirectement, parce que
j'ai lu un autre paragraphe où vous avez dit clairement que la politique
allait dorénavant s'infiltrer dans la gestion de la fonction publique,
à cause des pouvoirs donnés en vertu de l'article 3, et,
particulièrement, la transmission des pouvoirs, la redistribution des
pouvoirs, en vertu de l'article 45.
Le Président (Mme Cuerrier): Voulez-vous, s'il vous
plaît, vous allez manifester votre intention de prendre la parole, pour
que je puisse la donner? Quand je vous appelle, à ce moment, vous
savez... Pour autant que je sache qui veut intervenir... C'est M.
Mérineau qui parlera maintenant? Allez.
M. Mérineau: Mme le Président, la question de M.
Bellemare, évidemment, est un peu difficile, dans le sens suivant...
M. Bellemare: Ce n'est pas difficile. Dites-moi la
véritable pensée qui vous anime et cela ne sera pas difficile du
tout. C'est de la politique pure et simple. Dites-le moi.
M. Mérineau: Notre crainte, parce que vous savez que,
d'habitude, je parle franchement, c'est que si les règles du jeu ne sont
pas claires...
M. Bellemare: Ils sont peut-être un peu
intimidés.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs! C'est
M. Mérineau qui a la parole actuellement.
M. Mérineau: Notre crainte est que, si les règles
du jeu ne sont pas claires, s'il y a trop d'intervenants, la
responsabilité va être diluée et cela va être bien
difficile de trouver qui, en fait, est responsable. C'était la raison de
notre première remarque; on trouvait qu'il y avait trop d'organismes. Si
les règles du jeu ne sont pas claires, et surtout quand on parle du
mérite, quand on parle du mérite, c'est un peu comme quand on
parle de la maternité, on est pour cela. J'ai hâte que cela arrive
à mes deux filles, qui vont connaître les joies de la
maternité. S'il fallait que cela arrive à ma femme, cela ne
serait pas une joie, je peux vous dire cela. C'est la même chose.
M. Bellemare: Cela prouverait peut-être que vous avez de
bons voisins.
M. Mérineau: Le mérite, c'est un peu cela. On est
pour cela, mais c'est flou comme notion. Ce n'est défini nulle part et
il n'y a pas de critère. Comme la toile de fond, si vous voulez,
l'action de ces organismes demeure axée sur le mérite, on dit de
quoi on parle. On vous dira si on est pour ou si on est contre quand on saura
de quoi on parle. Nous autres, on dit: En plus de cela, c'est négociable
et il faut que ce soit négocié et que les règles du jeu
soient établies clairement. Nos craintes existent dans le moment,
peut-être que nos craintes n'existeront plus lorsque les règles du
jeu seront établies.
M. Bellemare: C'est-à-dire que vous n'aurez plus droit de
parole.
M. Mérineau: Je suis dur à arrêter, vous
savez cela.
M. Bellemare: Quand ce sera dans la loi, ce sera le dura lex.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voudrais demander à M. Mérineau de
me dire en quoi le projet de loi 53 permet au régime politique
d'être plus autoritaire que dans la Loi de la fonction publique actuelle.
Sur quoi se base-t-il? J'ai posé une question. Vous auriez avantage
à le lire vous aussi, M. Ciaccia.
M. Ciaccia: Lire l'article 3.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Mont-Royal!
M. Chevrette: Qu'il me donne la raison fondamentale pour affirmer
telle chose...
Le Président (Mme Cuerrier): M. Mérineau.
M. Chevrette: ... par rapport à la situation actuelle.
M. Mérineau: Jusqu'ici, le ministre de la Fonction
publique n'avait pas tellement de pouvoirs. Il prétend aujourd'hui qu'il
s'en donne beaucoup, même si on trouve qu'il n'en a pas beaucoup.
Ces pouvoirs, peu importe par qui ils sont exercés, en fait,
limitent la capacité de négocier et, comme tels, laissent plus
d'arbitraire au pouvoir politique, dans ce sens.
Des Voix: D'accord.
M. Mérineau: En plus de ça, il y a une partie des
pouvoirs que vous retrouvez donnés au niveau politique, au ministre qui
étaient exercés par la commission.
M. Chevrette: Par rapport à l'aire de négociation?
Avec les deux amendements?
M. Mérineau: Par rapport à la promotion...
M. Chevrette: Par rapport aux deux dépôts
d'hier?
M. Mérineau: ... au classement, à la promotion.
M. Chevrette: Par rapport aux dépôts d'hier,
qu'est-ce que ça change, par rapport à la situation actuelle?
M. Mérineau: Je n'ai pas compris, je m'excuse.
M. Chevrette: Vous avez dit tantôt, par rapport à
l'aire de négociation, que c'était restrictif, vu que le ministre
a déposé hier deux amendements qui, à toutes fins
pratiques pour celui qui veut le comprendre, replacent la situation exactement
où elle était avant. Il y a eu des affirmations faites par le
député de Johnson à savoir que c'est pire que
c'était. Est-ce que les deux amendements déposés par le
ministre hier ne replacent pas l'aire de négociation telle qu'elle
était préalablement?
M. Mérineau: Cela, c'est vous qui le dites, mais nous, on
n'en est pas convaincu et on ne sait pas ce qui va arriver à l'autre
loi, la loi du régime syndical. En plus de ça, nous ne savons pas
ce qui nous arrive comme association de cadres. On vous a posé une
question: Allez-vous nous reconnaître? On ne veut pas être reconnu
par un arrêté en conseil non plus. Cela change trop souvent. On
veut être reconnu par la loi.
Troisième élément, peut-être qu'on pourrait
ajouter à ce que vous venez de dire que, si c'est vrai que ça
remet les choses comme elles étaient avant, est-ce que c'est bien et
est-ce que ça ne devrait pas être mieux que ça ne
l'était avant, quant à faire des amendements?
M. Bellemare: Parfaitl
M. Chevrette: Dans votre mémoire, vous vous
considérez comme des employés. Vous parlez
employeurs-employés. A cause de votre fonction de cadres, est-ce que
vous vous considérez comme des salariés employés?
M. Mérineau: Moi, je retire une paie tous les quinze
jours. C'est écrit salarié.
M. Chevrette: Mais vous acceptez...
M. Mérineau: Je me sens drôlement salarié
quand je regarde la loi...
M. Chevrette: Ce que je veux vous faire comprendre...
M. Mérineau: ... et je pense que tous les cadres aussi se
sont sentis salariés depuis un an, parce qu'ils sont entrés en
"gang" dans l'association.
M. Chevrette: Ce que je veux essayer...
M. Mérineau: Remarquez bien que c'était avant le 15
novembre.
M. Bellemare: Bon! C'est clair?
M. Chevrette: Oui, je reconnais que c'était en "gang".
M. Bellemare: Vous avez une bonne réponse.
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demanderais de ne pas
établir de discussion entre les députés, s'il vous
plaît.
M. Bellemare: C'est vrai, pas de discussion.
M. Chevrette: D'ailleurs, le député de Johnson
n'aime pas qu'on l'interrompe, mais des traditions vieilles de 35 ans lui
permettent d'interrompre les autres.
M. Bellemare: Non, non, non.
M. Chevrette: Je voudrais parler à M. Mérineau, Mme
le Président, et vous demander...
M. Bellemare: J'ai dit que c'était clair.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Joliette-Montcalm, c'est vous qui avez la parole actuellement.
M. Chevrette: Merci!
M. Mérineau, quand le ministre, à l'article 3, propose une
délégation de pouvoirs aux sous-ministres et même
éventuellement à certains cadres supérieurs vous vous
êtes déclaré favorable à cet article disant que,
dans certaines circonstances, c'était essentiel qu'il y ait une
délégation de pouvoirs. J'ai bien compris?
M. Mérineau: Vous avez très bien compris.
M. Chevrette: Merci! Cela, c'est en vue d'assurer une certaine
souplesse sur le plan administratif, indépendamment des structures que
vous pouvez contester.
M. Mérineau: D'accord.
M. Chevrette: A partir du fait que vous acceptez une
délégation de pouvoirs vous donnant une fonction de
gérance, à toutes fins pratiques, si vous héritez de la
délégation de pouvoirs, comment pouvez-vous soutenir dans votre
mémoire qu'une exigence de consultation vous rendant à la fois
juge et partie, au moment où vous recevriez une délégation
de pouvoirs en tant que cadres, pour exercer une fonction de gérance sur
des employés salariés, comment pouvez-vous soutenir...
M. Mérineau: Ah bien!
M. Chevrette: ... être considérés comme
employés salariés?
M. Mérineau: Ecoutez! Votre question, je l'aime beaucoup
parce que ça me permet de dire pourquoi il y a une association de
cadres.
C'est bien clair que comme corps de cadres, nous sommes des
salariés. Donc, quand nous faisons partie d'une association, c'est pour
les mêmes fins que les fonctionnaires ou les professionnels faisant
partie d'un syndicat, c'est-à-dire pour protéger nos droits
professionnels. Ce qui ne nous empêche pas, dans l'exercice de nos
fonctions, d'accomplir des fonctions de gérance. Il n'y a rien
d'incompatible à ce que des gérants se groupent pour
défendre leur intérêt professionnel et qu'en même
temps ils exercent un rôle de gérance. Ecoutez, M. Chevrette! Je
ne voudrais pas être malin, mais je devrais vous rappeler que, dans le
programme du Parti québécois, il est dit que vous allez favoriser
le syndicalisme de cadre. C'est ce qu'on fait ici, et je ne vois pas ce qu'il y
a d'incohérent là-dedans.
M. Bellemare: Voulez-vous que je vous le passe?
M. Chevrette: D'ailleurs, c'est mieux qu'une formation politique
qui s'adapte en style couleuvre à toutes les circonstances et qui n'a
pas de position.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Toujours sur la question d'hier, au moment où
on a terminé, soit la question de la sélection au mérite
ou de la promotion ou du recrutement par le mot sur lequel on achoppe, le mot
"mérite".
J'aimerais savoir quelle différence il y a entre la façon
dont vous entrevoyez la promotion ainsi que le recrutement dans le projet de
loi par rapport à ce qui existe actuellement dans le recrutement et la
promotion dans la fonction publique et, en deuxième lieu, comment vous
le verriez puisque vous semblez vouloir exclure la sélection au
mérite telle que présentée actuellement.
M. Mérineau: Madame...
M. Parent: M. Vigneau.
Le Président (Mme Cuerrier): Monsieur?
M. Vigneau: M. Vigneau.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Vigneau.
M. Vigneau: M. le député de Laviolette, d'abord, il
est assez difficile de répondre parfaitement à votre question
puisqu'il nous manque une des deux branches de l'alternative. Nous savons ce
qui existe actuellement et nous nous doutons un peu de ce qui existera si la
loi est acceptée. Nous ne le savons pas. Présentement, lors de la
nomination, il y a des jurys qui rencontrent, bien entendu, les candidats, qui
les mettent sur une liste d'admisssibilité et, d'une certaine
façon, c'est
au mérite puisque les candidats sont placés selon l'ordre.
Mais le ministre a le droit de choisir, dans la liste, à condition que
les candidats soient sur la liste d'admissibilité.
M. Jolivet: Ce qui veut dire que, sur une liste de 50 personnes
admissibles, on peut actuellement prendre la cinquantième comme on peut
prendre la première?
M. Vigneau: Actuellement, c'est comme cela que les choses se
passent. Je ne dis pas qu'on fait systématiquement exprès de ne
pas prendre la première, mais cela arrive et c'est assez légal,
de toute façon, que le ministre choisisse dans l'ordre qu'il veut. Si
nous comprenons bien le projet, avec ce qui est déposé, à
l'avenir, le candidat qui serait déclaré premier sur la liste
d'admissibilité devrait nécessairement être choisi et nous
sommes d'accord avec cela. Mais là où nous achoppons, c'est sur
la notion générale du mérite. Il y a eu plusieurs
déclarations qui ont été faites soit par des membres de la
commission, soit par nous-mêmes, hier et ce matin. Nous ne prenons parti
ni tout à fait pour ni tout à fait contre le projet de loi. Nous
ne disons pas: Depuis le 15 novembre, cela a changé, c'est mieux, cela
aurait été pire. C'est que, comme gestionnaires, nous avons un
double rôle. D'une part, nous allons devoir travailler avec cette loi.
Nous allons et on l'a notamment souligné par la question de
délégationnous allons avoir à appliquer la loi. Il
est donc normal que nous essayions qu'elle soit la plus claire possible. Donc,
lorsque nous nous présentons devant cette commission, ce n'est pas pour
dire: Ce n'est pas bien, cela aurait dû être mieux; c'est pour
dire: II y aurait peut-être moyen que cela soit plus clair. Et,
notamment, sur la question du mérite. Ce que nous demandons, et ce que
nous pensons que d'autres représentants des syndicats demandent, c'est
qu'on clarifie. Depuis quelque temps, on parle de clarté, de
transparence. Or, il nous apparaît, à nous qui la souhaitons
aussi, cette transparence, que la loi n'est pas aussi transparente qu'on
l'eût souhaité. Nous aimerions, par exemple, que la question du
mérite soit davantage expliquée. Tout le monde est pour le
mérite. Parce qu'être pour le mérite, c'est être pour
la vertu. Encore faudrait-il déterminer très clairement quels
seront les paramètres de ce mérite et nous aimerions que, non pas
seulement les cadres supérieurs, mais l'ensemble des fonctionnaires qui
sont impliqués dans la gestion des affaires d'Etat puissent participer
à la détermination de ce mérite sur lequel, je pense, tout
le monde est d'accord en principe.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Quand vous dites, dans votre mémoire,
qu'à toutes fins pratiques, l'office et le Conseil du trésor, qui
vont être chargés de la sauvegarde du régime de
mérite, sont sous ta tutelle du pouvoir politique, j'aimerais bien
cela... Vous étiez présent, M. Vigneau, quand on a écrit
cela?
M. Vigneau: Oui.
M. Bellemare: Vous avez été d'accord pour signer le
mémoire?
M. Vigneau: Je pense que mon nom y apparaît.
M. Bellemare: Comme c'est bien important que vous nous
l'explicitiez ce matin, je vous demande à quoi cela rime, sous la
tutelle du pouvoir politique, et l'office qu'on va créer et le Conseil
du trésor, pour établir véritablement la sauvegarde du
régime du mérite. C'est à la page 12, au troisième
paragraphe.
M. Vigneau: Nous voulons signifier par là que la
commission, comme l'office, a un pouvoir de recommandation dans bien des cas et
le ministre n'est pas tenu... dans certains cas, il n'est pas tenu de demander
l'avis et, même s'il le demandait, il n'est pas tenu de suivre l'avis de
la commission.
La commission existe, l'office existe, mais le ministre qui
représente le pouvoir politique et je tiens quand même
à préciser que dans notre esprit, pouvoir politique n'a aucune
connotation péjorative on ne dit pas que c'est là quelque
chose de mal, que le pouvoir politique est en soi mauvais, on dit que cela nous
fait peur et qu'on aurait souhaité, quant à
améliorer...
Je pense bien que si M. le ministre a voulu changer la loi, c'est pour
l'améliorer. Il nous semble que ce n'est pas pire qu'avant, mais qu'il
n'y a pas autant d'améliorations qu'on aurait souhaité en
voir.
On aurait aimé que, dans des cas précis, le ministre soit
non seulement tenu de demander l'avis, mais soit obligé de suivre l'avis
émis par l'office et par la commission.
On s'interroge également sur la véritable utilité
d'avoir et l'office et la commission, comme M. Mérineau l'a
expliqué ce matin. On trouve que cela fait beaucoup d'organismes qui
vont venir travailler dans ce domaine.
On aurait souhaité cela a peut-être
été dit d'une façon ambiguë de notre part M.
le ministre a peut-être cru qu'on voulait faire disparaître, comme
tel, le ministère de la Fonction publique, alors qu'on voulait
simplement que les pouvoirs soient mieux identifiés et logés dans
le moins de mains possible.
M. Bellemare: Ainsi, M. Vigneau, vous admettez que la loi est une
amélioration?
M. Vigneau: Personnellement, je pense que, globalement, c'est une
amélioration, oui.
M. Bellemare: Moi, je ne trouve pas cela. J'ai le droit de ne pas
trouver cela. Je trouve que c'est pire parce qu'on donne au ministre, en vertu
de l'article 3, un pouvoir discrétionnaire, et vous l'avez admis tout
à l'heure.
M. Vigneau: Mais je pense qu'il y a des améliorations
possibles.
M. Bellemare: Vous avez admis dans votre mémoire que cela
tombait sous l'autorité du ministre, qu'il n'était pas
obligé de suivre la recommandation de l'office et du Conseil du
trésor, qu'en vertu de l'article 3 il avait des pouvoirs bien plus
étendus qu'autrefois, le droit de vie et de mort. Je n'ai pas besoin de
vous dire combien cela va coûter au gouvernement pour élargir les
tablettes, parce que vous allez avoir un bon groupe qui va aller sur les
tablettes.
Ma question est celle-ci: Qu'est-ce que vous pensez des pouvoirs aussi
étendus qu'on donne au ministre, dans l'article 3, pouvoirs de
rétrograder, de promouvoir, de baisser le salaire, etc?
Le Président (Mme Cuerrier): M. Mérineau.
M. Mérineau: M. Bellemare, je pense qu'on a dit
très distinctement qu'on trouvait abusifs les pouvoirs...
M. Bellemare: C'est peut-être que je suis vieux, mais
j'entends difficilement.
M. Mérineau: Je pense qu'on a dit très
distinctement, dans notre mémoire, si vous le lisez au complet, qu'on
n'était pas d'accord avec les pouvoirs qui sont donnés au
ministre, à l'article 3, parce qu'on prétend que c'est
négociable de A à Z.
M. Bellemare: Bon, d'accord, vous aussi vous
négociez...
M. Mérineau: Oui, c'est clair.
M. Bellemare: Vous admettez que c'est négociable? Tous les
points qui sont...
M. Mérineau: Nous, on ne l'admet pas, on le demande. C'est
le ministre qui ne l'admet pas.
M. Bellemare: D'ailleurs, probablement que le rapport de
l'enquête Martin va aussi définir que c'est négociable. Le
ministre prend ses précautions. Vous l'aurez remarqué dans sa
déclaration d'hier. Il dit, dans un paragraphe bien particulier: "C'est
pourquoi, compte tenu de la constitution d'une commission d'étude
Martin, la consultation destinée à examiner le régime
syndical du secteur public est donc, entre autres, un
réaménagement possible de l'aire de la négociation". Il
admet déjà que cela va être négociable comme
le disait l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce...
M. Ciaccia: De Mont-Royal.
M. Bellemare: Oh, "yes" c'est encore plus haut! Mont-Royal, c'est
peut-être plus "English".
M. Ciaccia: Non, cela se rapproche plus de l'est.
Notre-Dame-de-Grâce, c'est plus dans l'ouest, monsieur...
M. Bellemare: Oui? Alors c'est moins "English".
Alors, je pense, comme vous et comme le député Ciaccia,
que tout devrait être négociable. Je plains les gens qui vont
avoir à négocier la prochaine convention collective, ce ne sera
pas de l'eau de rose.
M. Ciaccia: Mme le Président, sur ce même
point...
Le Président (Mme Cuerrier): II y a M. le ministre qui
avait demandé la parole ainsi que le député de Laviolette,
à moins que ce ne soit strictement sur le même point et que vous
vous adressiez...
M. Ciaccia: C'est strictement sur ce même point.
M. de Belleval: C'est justement sur le même point que je
veux intervenir.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre me demande la
parole sur le même point. M. le ministre.
M. de Belleval: Mme le Président, à écouter
ce qui se dit ici, depuis quelques minutes, j'ai l'impression d'assister
à une représentation d'Alice au pays des merveilles. Le Parti
libéral, et maintenant le porte-parole de l'Union Nationale, viennent de
déclarer qu'à leur avis tout devrait être négociable
dans la fonction publique. Eux qui, pendant des années ont
été au pouvoir et ont refusé systématiquement
d'élargir en quoi que se soit l'aire de négociation.
M. Bellemare: C'est pour cela qu'on a été
battu!
M. de Belleval: Jusqu'où l'opportunisme politique... Mme
le Président, les contradictions n'étouffent pas le
député de Johnson.
M. Bellemare: Non, mais le repentir, par exemple.
M. de Belleval: Non seulement l'opportunisme politique, ce matin,
l'amène-t-il à virer bout pour bout ses positions
antérieures, mais sa dernière remarque est en contradiction
flagrante avec tout ce qu'il m'a dit à moi-même et aux membres de
la commission parlementaire des engagements financiers il y a quelques semaines
où il déblatérait sans contrainte contre les
fonctionnaires en général, nous avertissant en disant: Messieurs,
vous aussi vous allez voir qui va vous faire battre aux prochaines
élections. Ce sont les fonctionnaires. Maintenant, il vient nous dire ce
matin que c'est parce qu'il n'a pas donné plus de pouvoirs aux
fonctionnaires dans le passé qu'il a été battu. Mme le
Président, je regrette qu'il n'y ait pas un âge limite pour
certains députés de l'Assemblée nationale, parce que
vraiment...
M. Bellemare: Je soulève un point de privilège. Mme
le Président, une question de privilège.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, je n'accepte pas de question de privilège en commission
parlementaire...
M. Bellemare: Ce n'est pas permis en commission. Je
soulève une question de règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): Sauf que je rappellerai, je
demanderai à M. le ministre quand même de faire un peu attention
à sa façon de dire les choses.
M. de Belleval: Mme le Président, je ne visais aucun
député en particulier.
M. Bellemare: Mme le Président, je soulève un point
de règlement. J'ai été attaqué
personnellement...
Le Président (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, M. le député de Johnson.
M. Bellemare: ... parce que je suis un vieux, parce que je suis
un homme âgé; mais je ne permettrai pas à ce jeune
député qui, mane, thecel, pharès, je lui ai dit: Tu as
été pesé, trouvé trop léger, tes jours sont
comptés. Mais je lui dirai, par exemple, et je répète
encore, que quand il est question de religion, de travail, cela peut être
amélioré. Je le répète et je l'ai dit publiquement.
Je n'ai pas honte de ce que j'ai dit. Vous n'essaierez pas de m'induire, vous
personnellement, dans un chemin où je ne veux pas aller ce matin. Mais
parce que vous m'attaquez personnellement, vous allez rencontrer une
difficulté avec mot.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, je ne crois pas que ce soit une question de règlement.
D'ailleurs, j'avais rappelé au ministre...
M. Bellemare: Oui, mais il va loin quand il dit qu'on devrait
interdire aux vieux de se présenter. Ce serait peut-être lui
répondre que sa majorité et la mienne sont
différentes.
Le Président (Mme Cuerrier): Je considère
l'incident clos, M. le député de Johnson. M. le
député de Mont-Royal, sur le même point, ensuite M. le
député de Laviolette.
M. Bellemare: Soyez sévère pour lui aussi. Ne le
laissez pas aller ce nouveau tsar et nouveau dictateur.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le
député!
M. Ciaccia: Mme le Président, le ministre vient de dire
que le Parti libéral commence à changer, il a insinué que
c'était une volte-face de toutes nos politiques. Je voudrais dire que
c'est entièrement faux. Maintenant, Mme le Président, je voudrais
souligner au ministre que s'il y a eu certains endroits ou certains articles
sur lesquels ils ne sont pas d'accord avec ce que le ministre dit aujourd'hui
au sujet de la question de négociation... La réponse que le
ministre apporte aujourd'hui ce n'est pas de réduire encore plus les
endroits de négociation et les enlever totalement. La réponse
c'est d'essayer de réviser et apprendre par les leçons du
passé, parce que ce projet de loi nous recule de quinze ans. On a
essayé d'avoir un fonctionnarisme qui pouvait répondre
objectivement aux besoins de la population, sans favoritisme, sans patronage,
sans intrusion du ministre et on enlève cela par deux articles, par tout
l'esprit de ce projet de loi. Je me demande, Mme le Président, si c'est
même possible de l'amender ou si la question n'est pas de le retirer
totalement parce que c'est l'esprit du projet de loi. Quand on dit, que les
articles sont négociables, c'est une question d'esprit. Vous ne pouvez
certainement pas empêcher des gens qui sont de l'autre côté
de la table de discuter, c'est une question d'ouverture d'esprit. On trouve que
vous n'avez pas cette ouverture d'esprit.
M. Jolivet: Mme le Président, une question de
règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Je suis venu ici ce matin pour questionner les gens
en face de moi et depuis tout à l'heure, on n'arrête pas. J'ai des
questions à leur poser et j'aimerais bien leur poser.
M. Ciaccia: Je vais terminer très brièvement, Mme
le Président.
M. Jolivet: Merci.
M. Ciaccia: Rapidement, c'est vrai qu'on est ici pour obtenir
certains renseignements, c'est dans ce sens que nous avons posé les
questions. Ce n'est pas nous qui avons commencé les tactiques du
ministre en accusant les anciens régimes, ce qu'ils ont fait et ce
qu'ils n'ont pas fait. On a le droit de se défendre, par exemple, Mme le
Président. Les amendements que le ministre a apportés hier, cela
ne change rien aux articles 3 et 4. Cela dit seulement que dans la convention
collective vous pouvez discuter, vous pouvez négocier.
En ce qui concerne les cadres, c'est dans la position même
où vous étiez avant que ce projet de loi soit
déposé. C'est quasiment du maquillage, ça ne va pas au
fond du problème et ce groupe-ci l'a très bien soulevé,
que c'était la question de mérite. Ce n'est pas une question de
mérite, on utilise ça, comme beaucoup de gouvernements qui
utilisent... des gouvernements démocratiques... Parfois, je crains,
quand on essaie de porter trop d'attention à ça, j'ai
l'impression qu'on essaie de faire l'inverse, ce n'est pas le mérite,
comme on l'a très bien souligné, c'est l'intrusion du pouvoir
politique; c'est un recul total du progrès fait par le fonctionnarisme
depuis les quinze dernières années.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous m'avez
demandé la parole?
M. de Belleval: Oui, juste un mot sur la question de
l'ingérence politique dans l'administration de la fonction publique. Je
pense que, là encore, certains de ceux qui sont à cette table ont
une mémoire qu'on appelle sélective, et, sans vouloir employer un
mot pire que "absence de mémoire", je voudrais simplement souligner,
pour leur rafraîchir la mémoire, que les règlements et que
les lois en cours actuellement, ont permis, entre autres, qu'un
président de la Commission de la fonction publique soit amené
à démissionner à cause de l'ingérence d'un
conseiller politique auprès de l'ancien premier ministre, tel que
révélé devant une commission d'enquête.
L'hypocrisie du système actuellement en cours est sans
limite.
M. Ciaccia: Quelle garantie avez-vous contre ça dans le
prochain projet de loi?
M. de Belleval: Le système des concours, actuellement,
vous le savez...
M. Bellemare: Parlez du président de la Commission des
accidents du travail.
M. Ciaccia: Quelle garantie...
M. de Belleval: ... est complètement détruit.
M. Bellemare: Vous parlez de Laporte, votre sous-ministre?
M. de Belleval: Les concours...
M. Ciaccia: Vous encouragez le plus...
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs! C'est
M. le ministre qui a la parole. Je vous rappelle à l'ordre.
M. le ministre.
M. Bellemare: ... mentir...
M. de Belleval: Le système des concours bidonnés,
qui est la règle depuis des années dans la fonction publique,
c'est permis sous la loi actuelle. C'est justement le but des amendements qui
sont apportés à cette loi de faire en sorte qu'à l'avenir,
on sorte de ce régime où même le président de
l'ancienne Commission de la fonction publique a été obligé
de démissionner, a été amené à
démissionner, à cause d'interventions politiques. Pour faire
terminer ce système de concours bidons, tout à l'heure quand les
professionnels viendront, j'aurai une lettre à leur montrer du
président actuel de la Commission de la fonction publique, qui
démontre très bien comment, avec le régime actuel, on peut
bidonner n'importe quel concours et c'est de ça qu'on veut sortir.
M. Ciaccia: Quelle garantie avez-vous dans le projet de loi, que
cela n'arrivera pas?
M. de Belleval: Les garanties? Vous ne voulez pas lire le projet
de loi?
M. Ciaccia: On l'a lu.
M. de Belleval: Hier, les cadres ont très bien
démontré qu'ils n'étaient même pas au courant des
règlements en vertu desquels, par exemple, une grande partie de la
gestion de la fonction publique est effectuée actuellement. En vertu du
projet de loi, tous les règlements, à l'avenir, seront publics et
non seulement seront-ils publics, mais ils devront être soumis à
l'avis d'une commission indépendante. Non seulement cet avis sera-t-il
public, mais, en plus, il devra venir à l'Assemblée nationale,
qui pourra en discuter dans des commissions parlementaires. Actuellement, quels
sont les règlements de la Commission de la fonction publique qui sont
soumis ainsi publiquement au scrutin, à l'étude plutôt, non
seulement de corps indépendants, mais des membres de l'Assemblée
nationale.
Actuellement, les règlements de la Commission de la fonction
publique, par qui sont-ils approuvés, sinon par le gouvernement? A
l'avenir, ils ne seront pas approuvés par le gouvernement en secret, ils
seront approuvés par le gouvernement en public, après une
discussion publique. C'est ça la démocratie et c'est ça la
différence qu'il va y avoir maintenant.
Non seulement ça...
M. Ciaccia: Cela ne répond pas à la question que
j'ai posée...
M. de Belleval: ... mais les listes d'admissibilité...
M. Ciaccia: ... cela ne répond pas à ma
question...
M. de Belleval: ... bidonnées où on peut nommer
n'importe qui, comme vous le faisiez d'ailleurs. Le fils du
député, même s'ils étaient cinquante sur la liste
d'admissibilité, vous pouviez le choisir, alors qu'une personne choisie
première par le jury n'était pas nommée. C'est fini. A
l'avenir, ce sera un jury impartial, comme aujourd'hui d'ailleurs, selon les
mêmes règles qu'aujourd'hui. A ce point de vue, il n'y a pas de
changement, mais c'est le premier sur la liste qui va être choisi, c'est
ça la différence. Le patronage que vous faisiez dans le temps va
être fini.
M. Ciaccia: Vous consacrez le système encore plus par
votre discrétion dans votre loi.
M. Bellemare: Mentir, mentir, mentir, mentez, mentez!
M. Ciaccia: Ce n'est pas ça, la transparence.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs!
Monsieur le député de Joliette-Montcalm, à l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Chevrette: Cela fait mal, cela fait mal. Les souvenirs du
passé font mal!
M. Bellemare: C'est épouvantable, ce qu'il a fait depuis
qu'il est arrivé, lui.
M. Ciaccia: Vous consacrez le système et vous faites pire
encore.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Laviolette. Vous avez la parole.
M. Jolivet: M. Mérineau, tout à l'heure, vous
disiez que le projet de loi comme tel, au lieu de simplifier les choses
apportait une augmentation au niveau des organismes; j'aimerais que vous me
fassiez le parallèle entre ce que vous dites aujourd'hui, selon la loi
actuelle et selon le projet de loi.
Comment, d'après vous, devrait-on changer le projet de loi, si on
doit l'améliorer en conséquence?
M. Mérineau: Dans le moment, vous avez le Conseil
exécutif, le Conseil du trésor, le ministère de la
Fonction publique, la Commission de la fonction publique et le
Vérificateur général, qui contrôle a priori.
D'accord?
Là, on va encore avoir le Conseil exécutif, c'est bien
clair, c'est l'autorité suprême, le Conseil du trésor, le
ministère de la Fonction publique, la Commission de la fonction
publique, l'office de recrutement et encore notre Vérificateur
général.
Je ne peux pas voir comment, en multipliant ce genre d'organismes, on va
accélérer les choses au gouvernement et cela va nous permettre de
réaliser les projets du gouvernement. Je trouve que plus on met de ces
organismes, plus cela complique le cheminement de la réalisation des
projets du gouvernement. Notre approche là-dessus est très
positive.
M. Chevrette: Mais, dans la loi actuelle, par rapport au projet
de loi, les pouvoirs accordés à l'un et à l'autre sont-ils
les mêmes ou sont-ils vraiment centralisés là où ils
doivent l'être?
M. Mérineau: Les principes de gestion de personnel
demeurent toujours les mêmes. Vous partez du recrutement jusqu'à
la retraite ou au congédiement, avec tout ce qu'il y a entre les deux.
Cela demeure encore la même chose, sauf que c'est séparé,
c'est diminué, c'est réparti un peu partout. C'est réparti
en trop d'endroits; c'est de cela qu'on se plaint.
M. Chevrette: Comment verriez-vous cela maintenant?
M. Mérineau: Je vous ai dit une chose, je pense que ce
n'est pas le rôle d'une association de cadres de dire au gouvernement
comment organiser sa gestion. On va y participer. On a fait une suggestion
tantôt...
M. Chevrette: Ce n'est pas dans ce sens que je pose ma question.
Je vais vous la poser comme ceci: Vous dites qu'actuellement il y a des
organismes, qu'il y en a d'autres prévus dans le projet de loi, mais que
vous êtes contre cette dernière formule. J'aimerais savoir, de
votre part, comment corriger le projet de loi, puisque vous êtes ici pour
nous dire les choses qui ne fonctionnent pas?
M. Mérineau: On a deux recommandations là-dessus.
On dit: Laissez une seule commission de la fonction publique pour s'occuper du
recrutement et pour être le premier niveau de recours des fonctionnaires,
lorsqu'une décision d'un fonctionnaire supérieur ou d'un ministre
est prise, et donnez-nous, en plus de cela, un niveau d'appel. Ce n'est pas
vrai qu'il y a un droit d'appel là-dedans. On veut un niveau de recours
qui soit la commission et un niveau d'appel qui soit ailleurs, et
complètement en dehors du gouvernement.
En plus de cela, on veut que ce soit standard. Là, c'est encore
compliqué. Vous avez des tribunaux d'arbitrage, des tribunaux d'appel,
la commission et, dans les conventions collectives, vous allez encore avoir des
conseils d'arbitrage. C'est compliqué, ce n'est pas possible. On dirait
que cette loi n'est pas faite pour le monde. On dirait qu'elle est faite pour
les spécialistes. Je regrette, mais c'est pour régir les
conditions de travail de tous ceux qui sont dans la salle et de tous ceux qui
travaillent dans les grosses bâtisses aux alentours.
Il me semble que le fonctionnaire, le dernier balayeur, devrait
être capable de prendre la loi, la lire et la comprendre. Il faut lire
jusqu'à l'article 64 pour savoir à qui cela s'applique. Je pense
que ce n'est pas possible de continuer dans un projet de loi comme cela.
En plus de cela, il y a la peur. Vous savez ce qu'est la
différence entre la peur et la crainte? La peur, c'est quand on ne sait
pas ce qui nous arrive. La crainte, c'est quand on craint quelque chose, un
pouvoir, une relation de force. Quand on négocie, d'habitude, il y a une
crainte qui s'établit de chaque côté, parce qu'on ne
connaît pas exactement le rapport de force. Dans le moment, c'est un
rapport de peur. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas un mot qui soit défini,
nulle part. Prenez l'article 3. Il n'y a pas un mot de défini. Cela veut
dire quoi, une promotion, en regard du régime de mérite? Je ne le
sais pas. C'est le règlement qui va nous le dire. On ne pourra
même pas négocier cela.
Je ne suis pas capable de ne pas avoir peur et pourtant, Dieu sait que
je ne suis pas peureux. Mais on a peur. Ce n'est pas clair. Tout ce que le
ministre vient de dire, mon Dieu, qu'on aimerait cela, si c'était vrai,
dans le sens que, si c'était défini clairement, établi mot
à mot, dans les définitions, ce que veulent dire recrutement et
fonctions de gestion, de façon très précise, de sorte que
lorsqu'on ouvrirait la loi, on saurait de quoi on parle.
M. Bellemare: Dans votre recommandation no 2, vous dites:
Supprimer l'office et supprimer l'affaire du ministre.
M. Mérineau: Oui.
M. Bellemare: C'est clair. Et vous ne revenez pas contre
cela?
M. Mérineau: Non, bien sûr.
M. Bellemare: C'est votre recommandation?
M. Mérineau: M. Bellemare, on vous dit que c'est trop
compliqué, le système qui est proposé. Nous autres, on
vous dit: II faut "streamliner", pour parler latin. On veut éliminer une
couple de choses, une couple d'endroits pour passer.
M. Beliemare: Nous autres, dans l'Opposition, on dit: Supprimer
le ministre.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, soit dit peut-être en vous taquinant, vous avez pris la parole
sans le demander au président, alors que le député de
Joliette-Montcalm avait déjà demandé la parole.
M. Chevrette: Je passe.
Le Président (Mme Cuerrier): Non, vous aviez raison, M. le
député de Johnson. Personne d'autre n'avait demandé la
parole.
M. Bellemare: Merci de le reconnaître.
Le Président (Mme Cuerrier): II me reste à
remercier l'Association des cadres...
M. Ciaccia: Mme le Président, si vous me permettez,
pourrais-je demander aux invités s'ils ont autre chose à ajouter
à leurs commentaires?
M. Parent: Une minute! Au nom de l'association, je remercie Mme
le Président et les membres de la commission de nous avoir reçus
et d'avoir pris le temps d'aller au fond de notre mémoire, qui voulait
être une contribution positive à l'amélioration de la
loi.
M. Bellemare: On peut souhaiter qu'un de vous autres ne soit pas
sur les tablettes un de ces matins, parce qu'il y a quelqu'un qui a pris votre
portrait. Pas moi.
M. Chevrette: On appelle cela de l'honnêteté
intellectuelle.
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous
répéterai donc... A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bellemare: On appelle cela du patronage.
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous
répéterai donc que cette commission a apprécié le
fait que vous ayez pris la peine de présenter un mémoire. Nous
vous remercions de votre contribution, Messieurs de l'Association des cadres
supérieurs du gouvernement du Québec, dont le porte-parole
était M. Lucien Parent, président. Merci.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
J'appellerai maintenant le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec, dont le porte-parole est M. Jean-Louis Harguindeguy,
président général.
Je remarque que, spontanément, les observateurs ont applaudi, ce
qui est tout à fait contre les règlements de cette
Assemblée. Je vous rappelle que vous ne pouvez manifester d'aucune
façon et j'espère que vous vous en tiendrez là. Je sais
que, parfois, c'est difficile, mais nous sommes régis par des
règlements et je vous demanderais quand même de ne pas intervenir.
M. le président général, si vous...
M. Bellemare: Ils ont au moins le droit d'applaudir leur
président, c'est normal. Il n'a rien dit de mal encore. C'est un bon
avertissement.
M. de Belleval: C'est pour cela qu'ils l'applaudissent.
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demanderais... A
l'ordre! M. le député de Johnson, je sais que vous êtes
très respectueux des règles de l'Assemblée et
j'espère que vous n'induirez pas les gens en erreur à propos du
code qui régit cette assemblée.
M. Bellemare: ... induire les gens en erreur! Mme le
Président, débarquez de sur moi ce matin, parce que cela ne fera
pas. Voyons-donc!
Le Président (Mme Cuerrier): M. le président
général du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec, c'est vous qui avez la parole.
M. Harguindeguy (Jean-Louis): Avant de commencer, Mme le
Président, je voudrais quand même vous remercier d'avoir
accédé à notre demande de permettre à nos
délégués au conseil syndical d'assister aux
délibérations de votre commission. Si nous avons
décidé de venir ici en grand nombre, c'est pour permettre
à chacun de nos officiers d'évaluer au mérite chacune des
interventions des parties. Ceci nous permettra ainsi ou permettra au moins
à des gens d'éviter de prétendre que nous pouvons
déformer l'information qui peut être donnée, puisque, sur
ce sujet, c'est extrêmement important pour les fonctionnaires.
J'espère aussi qu'avant de commencer, nous ne serons pas
limités à une intervention de 90 minutes, selon la convocation,
car le contenu de ce projet de loi est extrêmement important pour le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, qui représente
actuellement près de 36 500 membres et possiblement 46 000, selon la
condescendance du ministre de la Fonction publique.
On ne peut décider, quant à nous, du sort de tous ces
travailleurs de l'Etat en si peu de temps. J'ose espérer qu'on aura
l'occasion comme tous les autres groupes, préalablement, de traiter dans
le détail de notre mémoire. Je ne sais si vous
avez reçu le nouveau document de ce matin, qui complète le
mémoire qui vous a été soumis au mois d'août.
Je commence. Je ne sais si c'est possible qu'on puisse prolonger les 90
minutes.
Le Président (Mme Cuerrier): Cette commission est
maîtresse de ses travaux, M. le Président. Il n'y a rien qui ait
été établi dans l'organisation même des travaux de
cette commission qui fasse qu'on doive vous limiter à 90 minutes. Il
n'en est pas question. M. le Président.
M. Bellemare: Mme le Président, est-ce que M. Harguindeguy
pourrait nous présenter ses coassociés?
M. Harguindeguy: Je m'excuse. Je ne nommerai peut-être pas
tous les délégués du conseil syndical, parce que nous
sommes près de 400, mais, avec moi, à la table, en plus de notre
procureur, Me Jean Poudrier, ce sont les membres de l'exécutif
provincial. Je peux vous les nommer, en commençant par ma droite: M.
Roland Saint-Jean, qui est premier vice-président de l'unité
"ouvriers"; M. Pierre Chassé, 1er vice-président, unité
"fonctionnaires"; M. Jean-Guy Fréchette...
M. Bellemare: Jean-Guy Fréchette... Pas trop vite.
M. Harguindeguy: ... 2e vice-président, unité
"ouvriers"; M. Camil Thomassin, vice-président, unité
"fonctionnaires"; à ma gauche, M. André Paris, secrétaire
général; M. Marcel Lemieux, vice-président, unité
"ouvriers"; M. Normand Duguay, vice-président, unité
"fonctionnaires"...
M. Bellemare: Normand Duguay.
M. Harguindeguy: M. Marcel Ledoux, trésorier
général; M. Normand Lépine, vice-président
"ouvriers". Il y a un absent qui est actuellement en tournée
d'information sur le projet de loi 53 sur la Basse-Côte-Nord, c'est M.
Clément Daigle.
M. Bellemare: A la suite de M. Jean Poudrier, j'ai oublié,
je n'ai pas pu prendre son nom.
M. Harguindeguy: C'est M. Roland Saint-Jean. M. Bellemare:
Merci.
M. Harguindeguy: Nous ne faisons pas de discrimination sur les
âges.
Mme le Président, M. le ministre, MM. les députés,
bien chers patrons, qu'en 1977, il faille lutter pour conserver nos
libertés syndicales, pour étendre et faciliter l'accession au
syndicalisme, pour donner aux travailleurs de la fonction publique une voix au
chapitre dans l'établissement des politiques sociales et
économiques, pour rendre légal ce qui est juste, qu'en 1977, il
faille combattre le projet de loi no 53, il n'y a pas de quoi se surprendre,
mais il devrait y avoir de quoi comprendre que le gouvernement actuel, tout
comme ses prédécesseurs, ne pose pas de gestes isolés et,
possiblement, sans consultation préalable, comme cela a
été le cas pour ce projet de loi.
Pour faire adopter son projet de loi no 53, le gouvernement, comme c'est
d'ailleurs le cas depuis quelque temps, va essayer de convaincre tout le monde
qu'il agit dans l'intérêt commun, y compris l'intérêt
des syndiqués.
Comme à peu près tous les projets de loi, le projet de loi
no 53 se présente sous des dehors vertueux, il veut pourvoir à
l'organisation, à la gestion de la fonction publique et prévoit
notamment que le personnel de la fonction publique est recruté et promu
par voie de concours selon une sélection établie au
mérite.
Cependant, la lecture en est fort compliquée. On peut facilement
se laisser prendre dans la technique en essayant d'en comprendre les
éléments. Pour éviter ces pièges, il faut d'abord
en voir les principes.
C'est à ce niveau que nous allons découvrir que ce projet
de loi est fondamentalement mauvais, car il s'attaque aux droits fondamentaux
des travailleurs de la fonction publique québécoise. D'ailleurs,
même le gouvernement précédent n'aurait pu avoir la
décence ou je dirais l'indécence également de
présenter un tel projet de loi, et nous aurions adopté la
même attitude.
C'est une loi rétrograde, qui nous ramène à une
période où, pour obtenir justice, les travailleurs de la fonction
publique québécoise devaient quémander leur dû.
L'essentiel, pour nous, est de démasquer le vrai sens politique
visé par le projet de loi no 53.
Le gouvernement, par ce projet de loi, demande à
l'Assemblée nationale de lui déléguer une partie des
pouvoirs législatifs et judiciaires. C'est un autre signe de la
décadence de la démocratie au Québec. Si le gouvernement
réussit à faire adopter ce projet de loi dans sa forme actuelle,
il aura abusé de sa majorité en Chambre, saboté le
régime démocratique et établi un régime de tendance
totalitaire.
Le gouvernement, par le projet de loi no 53, veut obtenir le droit de
réglementer les conditions de travail de ses fonctionnaires, de
créer par règlements de nouveaux crimes punissables de sanctions
disciplinaires et de juger sans appel, après avoir confié le tout
à la Commission de la fonction publique nommée par lui.
Le gouvernement dévoile une partie de ses intentions dans les
notes explicatives et distille le reste dans les dispositions
entortillées de ce projet de loi.
L Etat employeur se substituant à l'Etat gardien du bien commun,
légifère d'une manière rétrograde et protège
ses intérêts en brimant des droits et en commettant sciemment de
graves injustices. C'est la mise en tutelle des syndicats et de leurs
membres.
Le gouvernement cherche la destruction des structures syndicales dans la
fonction publique en imposant une loi arbitraire alors qu'il est aujourd'hui
difficile pour les membres, d'en mesurer l'impact et ce, jusqu'au jour
où ils auront à en subir les conséquences pratiques.
Une autre astuce du projet de loi, c'est qu'il est rédigé
le plus durement possible, le gouvernement, pensant et sachant d'avance que
cela créerait un tollé, s'est donné amplement de jeu pour
paraître bon prince. Cependant, ceci semble contradictoire avec les
affirmations du ministre de la Fonction publique selon lesquelles le
gouvernement actuel, contrairement au gouvernement précédent, ne
se garde aucune carte disponible, toutes les cartes étant mises sur la
table. Les dispositions du projet de loi no 53 vont également à
l'encontre de certaines déclarations du premier ministre de la province,
M. René Lévesque, car, en effet, dans son message inaugural,
prononcé à l'occasion de l'ouverture de la deuxième
session de la 31e Législature, le premier ministre déclarait:
"Or, dans le fonctionnement d'une société démocratique, il
n'est probablement rien de plus indispensable que la crédibilité
des institutions politiques et celle des partis qui se forment dans le but d'en
assurer la direction. "Cette crédibilité, les sondages ne sont
pas seuls à nous apprendre qu'elle est dangereusement entamée par
les temps qui courent. Il est non moins nécessaire, à notre avis,
d'améliorer dans quelques secteurs clés la gestion interne du
gouvernement afin de mieux assurer aussi bien l'intégrité que
l'efficacité de l'administration publique. C'est ainsi que nous aurons
à procéder à une refonte de la Loi de la fonction
publique, de même qu'à l'adoption d'une loi sur le
Vérificateur général. "De plus, à la suite de
certains gestes préliminaires, nous entendons définir très
prochainement un ensemble cohérent de nouvelles procédures
administratives qui auront pour objectif de débarrasser l'administration
publique de tout favoritisme politique le souligné étant de
nous . Les fonds publics ne sont pas ceux du parti au pouvoir et ne
doivent donc pas servir à favoriser des amis ou à
récompenser ceux qui ont contribué au financement
électoral. Tout comme les fonctionnaires doivent être
nommés suivant la règle du mérite, les contrats
gouvernementaux doivent être accordés en fonction de la
compétence et du moindre coût. "Au cours des dernières
années, des progrès ont été accomplis dans
l'élimination du patronage, dans l'embauche des fonctionnaires et
l'octroi des contrats gouvernementaux. Mais il est malheureusement resté
des zones réservées où le bon patronage est demeuré
roi et maître, notamment dans les contrats de construction de moins de
$25 000, dans la location d'immeubles, dans l'embauche du personnel occasionnel
et du personnel étudiant, dans les contrats de service professionnels et
dans l'octroi de subventions discrétionnaires. "Le gouvernement a
décidé de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin,
autant qu'il est humainement possible, à tout patronage, quel qu'il
soit."
Le premier ministre ne déclarait-il pas également à
l'occasion du sommet économique que, quant à l'Etat
lui-même et au gouvernement dans son rôle d'employeur, il pouvait
d'ores et déjà assurer les interlocuteurs qu'il retrouvera
à table avant bien longtemps, qu'il se prépare déjà
à mettre sur cette table, dès le départ, toutes les cartes
essentielles, de manière que l'on puisse les examiner ensemble, en
pleine lumière et ainsi, de manière que tous les citoyens
québécois soient bien au courant de ce que l'on fait avec leur
argent et de ce que coûtent les grands services que nous avons à
nous payer collectivement.
Le projet de loi no 53 sabote des droits de travailleurs qui sont
reconnus par les conventions internationales que le Canada a ratifiées.
Tout est hypocrite dans ce projet de loi. Il est censé traiter de
gestion et de promotion et avancement au mérite. Il supprime le droit
à la négociation. Il est présenté à un
moment où les travailleurs concernés sont
démobilisés et n'en verront les conséquences pratiques que
dans quelques années. Par cette stratégie, le gouvernement tente
d'isoler les structures syndicales pour mieux les écraser. D'ailleurs,
un tel comportement semble être le cheval de bataille du ministre de la
Fonction publique, qui se targue d'avoir écrasé les policiers
provinciaux, les fonctionnaires provinciaux dans le conflit des
itinérants et, tout dernièrement, les employés de la
Société de cartographie du Québec.
La négociation libre repose sur le principe de
l'égalité des parties en présence, mais sous l'empire du
projet de loi no 53, les représentants syndicaux auront beau s'asseoir
à une table de négociation et discuter aussi longtemps qu'ils
voudront, la partie patronale n'aura aucun intérêt à
modifier ses positions. Le gouvernement pourra donc dire aux syndicats: Je vous
consulte sur mes propositions; j'entends vos représentations et, si vous
êtes d'accord, nous signons la convention collective. Sinon, je
décréterai vos conditions de travail.
Que l'on se souvienne des déclarations du ministre de la Fonction
publique, particulièrement à l'Assemblée nationale, dans
le cas du conflit des itinérants au cours des mois de juin et
juillet.
Ne déclarait-il pas notamment, le 15 juin dernier, relativement
aux frais de voyage, que ces aspects des conditions de travail des
fonctionnaires, en vertu de la lettre même des conventions collectives en
vigueur, sont exclus des négociations? Par conséquent, il n'y a
pas négociation comme telle, la convention collective dit qu'il y a
consultation.
Or, le projet de loi no 53, particulièrement à l'article
3, ne prévoit pas de délégation de pouvoirs. Il serait
donc superflu d'essayer de nous faire croire qu'il nous sera possible de
négocier les matières qui sont de la responsabilité du
ministre. A tout le moins, peut-on espérer être consultés,
avec tout ce que cela implique comme conséquences.
Il faut d'ailleurs croire que le ministre de la Fonction publique, c'est
comme le vin: il y a de bonnes et de mauvaises années. La loi nie donc
le droit fondamental des travailleurs de participer à la
définition de leurs conditions de travail, ce qui implique
nécessairement la liberté de travailler ou de cesser de
travailler.
Le projet de loi no 53 n'a pas été préparé
dans
le but d'améliorer les relations du travail dans la fonction
publique québécoise. Si tel avait été le cas, le
gouvernement aurait permis à la commission d'étude et de
consultation sur la révision du régime des conventions
collectives dans le secteur public et parapublic de faire son travail, de
consulter les associations syndicales et patronales ainsi que tous les groupes
et individus intéressés à la gestion des affaires
publiques, afin de dégager le consensus le plus large possible sur les
réformes à entreprendre afin de soumettre des recommandations sur
toutes les matières reliées directement au régime de
négociations collectives dans les secteurs public et parapublic et de
nature à améliorer le fonctionnement de ce régime.
On peut aussi constater que le gouvernement a quand même pris ses
précautions sur cette commission, sans vouloir mettre en doute sa
crédibilité, puisqu'un des membres, un des commissaires, est un
des organisateurs du Parti québécois.
Il serait d'ailleurs intéressant que le ministère de la
Fonction publique, en tant qu'employeur, fasse connaître publiquement ses
vues. Rien de cela n'a été fait et il est malheureux qu'un tel
projet de loi ait été soumis sans consultation préalable
des principaux intéressés et que le gouvernement n'ait pas
donné suite à notre offre de formation d'un groupe de travail qui
a été formulée le 7 février dernier. Ceci nous
aurait permis, comme cela avait été le cas en 1965, de vous
présenter un rapport sur les mécanismes qui devraient
réglementer les relations du travail dans la fonction publique.
Depuis la venue du syndicalisme dans la fonction publique, les
fonctionnaires et ouvriers ont voulu militer dans un mouvement syndical
authentique, mais il y a plus. Nous avons toujours été convaincus
que le fonctionnarisme, entendu dans son sens large, constituait un pivot dans
notre société qu'il fallait à tout prix revaloriser pour
en arriver à un Etat fort. Des fonctionnaires mal payés, soumis
à un arbitraire constant, sans chance d'avancement, ne peuvent donner
leur pleine mesure et, ainsi, des ressources considérables se trouvent
mal utilisées.
A cette fin, nos démarches ont pour but de réviser le
projet de loi qui, selon nous, pourrait permettre l'arbitraire, le patronage et
le favoritisme. Or, le projet de loi no 53, dans sa forme actuelle, nie,
à toutes fins pratiques, notre pouvoir de négociation.
Nous ne pouvons, en tant que groupe organisé, accepter une telle
forme de relations du travail et nous vous réitérons notre offre
de participer à l'élaboration d'une réelle politique de
relations du travail dans la fonction publique.
L'Etat a le devoir de traiter convenablement ses employés et
même d'être à l'avant-garde dans ce domaine,
particulièrement lorsque le gouvernement au pouvoir est un gouvernement
qui prétend avoir un préjugé favorable aux travailleurs,
à moins que les fonctionnaires ne puissent être
considérés comme des travailleurs ordinaires.
Il n'est pas raisonnable que l'Etat accorde des droits moindres à
ses employés qu'il en accorde aux employés d'entreprises
publiques et privées. Bien sûr, comme l'Etat est souverain, des
dispositions particulières doivent être acceptées. Mais
est-il acceptable que l'Etat, dans sa loi, se donne un mandat et des pouvoirs
tels que celui-ci est juge et partie.
Nous sommes régis par un nombre considérable
d'arrêtés en conseil qui nous défendent de faire telle et
telle chose et qui ne nous permettent pas d'être des employés au
service du citoyen. Le projet de loi no 53 nous prive d'une foule de
libertés, tout particulièrement celle d'être un citoyen
à part entière. Le système administratif en souffre, mais
il faudra faire encore plusieurs débats pour donner à
l'employé sa véritable place dans ce système
administratif.
Lorsque l'on pense aux contrats accordés à des
professionnels, aux sous-contrats d'entretien, de construction, de
surveillance, de protection et l'embauche d'occasionnels, on ne peut fermer les
yeux sur toutes ces dizaines de millions de dollars qui s'envolent pendant
qu'un nombre considérable de fonctionnaires sont relégués
aux tablettes ou mal utilisés. Lorsqu'on comprend les motivations du
gouvernement face au projet de loi no 53, on peut facilement comprendre que,
quels que soient les amendements apportés à cette loi, elle
restera fondamentalement mauvaise. Devant une loi pareille, qui efface d'un
seul trait de plume les conquêtes de plusieurs années de luttes et
qui nie même le principe de la négociation, une seule attitude est
possible.
Il nous faut refuser de négocier avec le gouvernement une loi qui
nie dans les faits, le principe de la négociation. Le droit à la
grève et à la négociation collective sont des principes
non négociables et les fonctionnaires ne doivent pas se fourvoyer dans
des commissions parlementaires pour en sauver des parcelles. D'ailleurs, notre
comportement vis-à-vis de la commission parlementaire a pu
paraître, particulièrement aux yeux du ministre de la Fonction
publique, comme étant un geste purement stratégique, mais le fait
que nous ayons demandé que le projet de loi no 53 soit mis en veilleuse
jusqu'à ce que la commission Martin ait soumis son rapport peut
également être considéré comme une mesure dilatoire.
Mais, si aux yeux du ministre, une telle attitude est strictement un geste
stratégique, que peut-on penser du comportement du gouvernement dans la
présentation de son projet de loi no 53 et de la création de la
commission Martin?
Voyons plutôt le cheminement des événements. Le 26
juillet dernier, le ministre de la Fonction publique déposait son projet
de loi à l'Assemblée nationale. Dans le même temps, il
décrétait également la création d'une commission
d'étude et de consultation sur la révision du régime des
négociations collectives dans le secteur public et parapublic.
Cependant, le ministre, à cette époque, s'était
refusé à ce que le projet de loi no 53 soit étudié
en commission parlementaire et ce ouvertement auprès de certains
dirigeants syndicaux. Il est vrai que la tenue d'une commission parlementaire a
été acceptée à la suite d'une demande provenant
du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
effectuée en date du 4 août dernier. Cette demande était
adressée au leader parlementaire ainsi qu'aux chefs des partis
d'Opposition, et ce, compte tenu de l'absence du ministre de la Fonction
publique, en vacances.
Le gouvernement, par l'entremise du leader parlementaire, devait nous
confirmer, en date du 12 août, la tenue d'une commission parlementaire.
C'est le 17 août que nous transmettions notre mémoire à la
commission parlementaire. De plus, nous avons reçu, en date du 23
août, confirmation du sous-ministre de la Fonction publique ainsi que du
secrétaire associé des commissions parlementaires, nous
spécifiant la date limite pour la présentation d'un tel
mémoire.
Nous ne pouvions prévoir, à l'époque, que la
commission Martin aurait également le mandat de procéder à
l'étude du régime de négociation dans le secteur public
puisqu'aucune confirmation officielle ne nous avait été transmise
auparavant. Ce n'est qu'en date du 15 septembre que nous avons reçu une
demande de la part du secrétaire de la commission Martin à
l'effet de soumettre un mémoire. C'est d'ailleurs en date du 22
septembre dernier que nous demandions une rencontre avec la commission Martin
afin de préciser la portée des mandats de cette commission,
particulièrement en regard du projet de loi no 53.
Cette rencontre eut lieu le 4 octobre. .Les commissaires nous apprirent
qu'une rencontre avait été sollicitée par la commission
avec le ministre de la Fonction publique et qu'à cette occasion, le
ministre avait reconnu que le mandat était proche, mais qu'il n'y avait
pas de contradiction et que, de toute façon, le transfert de juridiction
prévu par le projet de loi no 53 n'était pas préjudiciable
à l'effet de déterminer ultérieurement le champ de
négociation. Il lui semblait cependant nécessaire d'obtenir
beaucoup plus de pouvoirs de réglementation, particulièrement
vis-à-vis des employés non syndiqués.
La commission nous apprit également que le ministre n'avait
aucunement l'intention d'annoncer publiquement que le projet de loi ne serait
pas adopté avant la présentation du rapport de la commission
Martin, puisque ceci permettrait à d'autres groupes d'effectuer la
même démarche. Cette prise de position était reliée
particulièrement au projet de loi no 45.
Cependant, la commission nous apprit que le ministre de la Fonction
publique était prêt à faire le compromis suivant:
poursuivre le calendrier de la commission parlementaire et procéder
à l'étude des mémoires. Ensuite, rien ne serait
précipité et l'étude, article par article, serait
effectuée à la lumière des interventions à la
commission parlementaire et du contenu du rapport de la commission Martin.
L'adoption du projet de loi s'effectuerait après le dépôt
du rapport de la commission. Cependant, en tant que syndicat, nous ne pouvions
accepter un tel compromis, puisque le ministre se refusait à confirmer
par écrit une telle déclaration.
Vous trouverez d'ailleurs confirmation de ces discussions dans la copie
de lettre provenant de la commission Martin et qu'on vous a remise avec les
documents. Cependant, compte tenu du comportement de la partie gouvernementale
lors de l'ouverture de la commission parlementaire, et suite à son refus
de nous garantir que le projet de loi no 53 ne serait étudié
qu'après le rapport de la commission Martin, nous ne pouvons
nécessairement croire en la bonne foi des porte-parole gouvernementaux,
et c'est cette bonne foi qu'on semble vouloir nous faire accepter par le projet
de loi no 53.
Cependant, nous ne pouvons être dupes d'un tel comportement. Il
nous faut donc rejeter catégoriquement le projet de loi no 53, en exiger
le retrait immédiat par le gouvernement, car les membres de
l'Assemblée nationale devront comprendre que ce projet de loi constitue
pour nous, membres de la fonction publique et par surcroît responsables
syndicaux, la négation pure et simple de notre existence, de nos
fonctions et de nos possibilités d'action, et qu'un nouveau projet de
loi soit soumis à la suite du dépôt du rapport de la
commission Martin.
A défaut pour le gouvernement d'adopter cette recommandation, ce
qui est prévisible, si on se fie à son comportement
général, les conditions minimales dans le projet de loi que nous
pourrions accepter sont les suivantes:
Qu'aucune disposition législative ne puisse limiter ou faire
obstacle à la libre négociation de toutes les conditions de
travail afin de nous permettre de négocier toute matière, tel que
prévu au Code du travail, et ainsi reconnaître aux fonctionnaires
un complet statut de salarié au sens du Code du travail; que le
gouvernement soit forcé d'accepter les conséquences du Code du
travail où il se reconnaît employeur au même titre que tout
autre employeur.
Pouvoirs du ministre. Par le projet de loi no 53, le ministre de la
Fonction publique s'arroge la quasi totalité des pouvoirs qui
appartiennent à l'heure actuelle à la Commission de la fonction
publique. L'article 3 du projet détermine que le ministre a un pouvoir
complet sur la gestion du personnel de la fonction publique, c'est lui
maintenant qui réglementera la classification des emplois,
l'évaluation du personnel, la promotion, l'affectation, le classement,
le reclassement et la mutation des fonctionnaires. Le fait que de tels pouvoirs
soient concentrés entre les mains d'un homme politique peut avoir comme
conséquence de favoriser le patronage ou le favoritisme, ce qui nous
ramènera plus de quinze ans en arrière.
En tant que membres du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec, nous devons combattre une telle attitude car, en ce faisant,
nous sommes certains d'être utiles non pas uniquement à nos
confrères de travail, mais également à l'ensemble de la
société. Compte tenu de cet accroissement de travail, il est bien
compréhensible que le ministre ait voulu, par l'inclusion des
dispositions de l'article 102, permettre à un ex-fonctionnaire qui cesse
d'être député avant l'expiration d'une période de
cinq années consécutives à son élection, de
demander à l'office de vérifier ses aptitudes et de le nommer
à un emploi
de la classe que l'office jugera en rapport avec ses aptitudes puisque,
selon toute probabilité et compte tenu de la difficulté de
satisfaire à toutes les demandes, le ministre de la Fonction publique
actuel court des chances d'être le premier membre de l'Assemblée
nationale à bénéficier de telles dispositions.
Cependant, nous sommes conscients que les pouvoirs du ministre de la
Fonction publique doivent être modifiés et, à cet effet,
nous estimons donc que la Loi du ministère de la Fonction publique
devrait être modifiée afin qu'il soit prévu que le ministre
de la Fonction publique représente le gouvernement du Québec en
sa qualité d'employeur des fonctionnaires ouvriers qui font partie de la
fonction publique du Québec, que le ministre soit chargé
notamment a) d'établir les conditions de travail du personnel du secteur
public non assujetti à une convention collective, b) de négocier
les conventions collectives auxquelles le gouvernement du Québec est
partie, c) de voir à l'application desdites conventions collectives en
émettant des directives liant tous les ministères et organismes,
en signant toute entente réglant tout grief ou différend, en
assurant l'exécution de toute décision arbitrale, d) en assurant
auprès des ministères et organismes du gouvernement un service
permanent en matière de gestion du personnel et organisation des
structures, e) en effectuant les études et les recherches qu'il juge
nécessaire à la poursuite des activités de son
ministère.
La Commission de la fonction publique. Par le projet de loi no 53, la
Commission de la fonction publique perd l'ensemble de ses pouvoirs et
particulièrement ses pouvoirs de sélection et de gestion du
personnel, son seul véritable pouvoir, en vertu du projet de loi,
étant d'entendre des appels soit de suspension, de congédiement,
de rétrogradation ou de reclassement.
Comment peut-on concevoir que la Commission de la fonction publique, qui
avait pour fonction de faire enquête et rapport sur le fonctionnement de
la Loi de la fonction publique, l'observance de ses dispositions et de ses
règlements d'exécution, n'ait pas jugé à propos
d'en informer l'Assemblée nationale, comme il est de son devoir,
à moins que le mandat de la commission, dans les faits, ait
déjà été modifié et que cette même
commission attende une demande du ministre de la Fonction publique afin de lui
donner avis sur le nouveau projet de loi.
D'ailleurs, peut-on espérer que la Commission de la fonction
publique, qui a été responsable de la gestion du personnel de la
fonction publique au cours des douze dernières années, soumette
ses vues sur les modifications à apporter à la loi actuelle?
Compte tenu du seul véritable pouvoir en vertu du projet de loi
qui est accordé à la Commission de la fonction publique, comment
peut-on justifier que la nomination de ses membres soit effectuée par
l'Assemblée nationale puisqu'à toutes fins pratiques les juges
des diverses cours de justice qui ont à statuer sur des causes plus
impor- tantes ne sont pas nommés par cette même Assemblée
nationale?
Peut-on également espérer que les personnes les plus
compétentes soient nommées à ces divers postes puisque la
durée du mandat n'est que de cinq ans, à moins que, de cette
façon, on puisse ainsi exercer un meilleur contrôle sur les
membres de la commission et, par ricochet, sur les décisions que ceux-ci
seront appelés à prendre.
Quant à nous, nous estimons que le rôle de la Commission de
la fonction publique devrait être le suivant: effectuer une surveillance
de tous les aspects de la gestion du personnel de la fonction publique, en
effectuant la vérification des opérations de gestion du personnel
de chacun des ministères ou organismes, et la soumission de rapports sur
ces questions et plus globalement la conduite d'études et d'analyses
diverses à l'ampleur de la fonction publique.
La commission serait dans l'obligation de divulguer publiquement le
résultat de ses études. Ce rôle pourrait ainsi être
considéré comme analogue à celui du Vérificateur
général dans le domaine financier.
De plus, la commission pourrait recevoir les plaintes individuelles des
candidats à la fonction publique et effectuer les enquêtes
appropriées afin de déterminer le bien-fondé de ces
plaintes et prendre des décisions exécutoires, selon
l'équité, permettant de corriger les torts constatés.
Egalement, la commission pourrait assumer le rôle d'arbitre pour
les fonctionnaires qui ne sont pas assujettis aux conventions collectives de
travail. Les membres de la commission pourraient ainsi être nommés
par l'Assemblée nationale selon les dispositions de la loi actuelle,
c'est-à-dire selon leur bonne conduite.
Nos droits légitimes. Tous les organismes internationaux
reconnaissent que les employés contre qui une sanction est prise ont
droit à un recours, à un appel. En droit commun, il n'est pas
toléré que la partie qui accuse soit en même temps juge. Il
est inacceptable que les employés du gouvernement ne puissent en appeler
d'une décision de congédiement à un organisme
extérieur à la fonction publique, suivant les règles
édictées par la convention collective, comme cela est le cas
actuellement.
Ce droit d'appel d'une décision semblable n'est exclusif à
l'employeur dans aucune autre convention collective. Les employés du
gouvernement ont donc droit à la même mesure de justice et
d'équité.
Les fonctionnaires et ouvriers du gouvernement du Québec ont
décidé de joindre les rangs d'un syndicat libre pour plusieurs
motifs, principalement parce qu'ils désiraient établir un
régime de justice et d'impartialité. Toute nouvelle loi ne
protégerait pas les fonctionnaires et ouvriers en ce qui concerne leur
droit d'être entendus et jugés impartialement serait loin de
correspondre à leurs aspirations légitimes.
Or, le projet de loi no 53 donne des pouvoirs d'arbitre à des
fonctionnaires employés et payés
par le gouvernement. Ce projet de loi remplace l'intervention des
tribunaux par l'intervention d'un fonctionnaire interchangeable au besoin, qui
est aux ordres et à la solde du gouvernement, lui-même
employeur.
La procédure actuelle prévoit tout au moins que les
arbitres, déterminés selon la convention collective, soient
soumis à certaines règles de droit connues, doivent respecter
certaines procédures et doivent donner aux fonctionnaires et ouvriers
l'occasion de faire valoir publiquement leur point de vue. Tous ces droits et
garanties, les fonctionnaires les perdent. La philosophie du projet de loi no
53 est quelque peu contradictoire avec celle qui a prévalu dans
l'élaboration du projet de loi no 45, dans lequel le gouvernement a
réellement fait la preuve de son préjugé favorable aux
travailleurs, puisque l'on peut constater que, dans le cas des appels ou
griefs, l'arbitre des griefs ou le président de la commission
d'arbitrage des griefs ne devait avoir aucun intérêt dans le grief
qui lui était soumis.
De plus, ces mêmes arbitres pouvaient rendre une décision
selon l'équité et leur bonne conscience. Or, ceci n'est pas le
cas avec la procédure envisagée par le ministre de la Fonction
publique dans son projet de loi, puisque les employés ne pourront plus
faire de griefs devant un arbitre choisi par les parties, relativement à
leur classement, leur promotion, leur rétrogradation, leur destitution
ou toute mesure disciplinaire puisqu'ils devront alors s'adresser à la
Commission de la fonction publique dont le rôle est confiné
à celui de juge chargé d'appliquer les règlements du
ministre.
Les membres de cette commission ne sont cependant pas nommés
après entente avec le syndicat, mais par l'Assemblée nationale et
ce, pour une période restreinte de cinq ans. De plus, les membres de la
commission qui statueront sur une plainte d'un fonctionnaire seront liés
par les règlements adoptés par le ministre, puisqu'en effet, le
ministre peut prévoir, par règlement, les motifs des mesures
disciplinaires ainsi que les sanctions possibles.
Dans un tel cas, les membres de la commission ne pourront qu'appliquer
les normes du ministre, contrairement aux pouvoirs habituels des arbitres de
griefs. De plus, ce même projet de loi ne donne aucune garantie que la
commission procédera par audition et qu'un employé pourra se
faire accompagner de ses représentants syndicaux. Il s'agit là
d'un changement majeur à ce qui existe aujourd'hui.
L'office du recrutement. Le recrutement des futurs employés de
l'Etat est confié à un office de recrutement du personnel de la
fonction publique qui aura pour principale fonction de procéder à
la vérification de la compétence des candidats, à leur
sélection et à leur nomination. Actuellement, ce rôle a
été confié à la Commission de la fonction publique.
L'indépendance de cet office est beaucoup moins grande que celle de la
commission actuelle, puisque son président ne sera nommé que pour
cinq ans et que les autres membres de l'office dépendront, une fois
choisis, du ministre de la Fonction publique. C'est à croire que l'on
crée une nouvelle structure, parce qu'on est malade de structurite et
que cette maladie s'avère de plus en plus aiguë.
Même si l'office est supposément sous la
responsabilité d'une seule et unique personne, son président,
c'est en définitive le Conseil du trésor qui est le grand
responsable, puisque celui-ci se donne une mainmise sur l'office en ce qu'il
doit toujours en approuver les règlements. De plus, peut-on s'assurer
les services de la personne qui serait la mieux qualifiée pour ce poste
de président de l'office si le mandat n'est que d'une durée de
cinq ans. Il est également important de noter que les pouvoirs de
nomination, soit à l'occasion de recrutement ou de promotion, peuvent
être délégués au sous-chef, même si, en vertu
des dispositions de la loi, ils appartiennent au ministre ou à l'office
du recrutement.
Comment peut-on espérer que les normes puissent être
appliquées de façon identique lorsque plusieurs personnes peuvent
intervenir dans son application, à moins que la règle du
mérite soit celle d'être reconnu à titre d'ami du
parti.
Il est également extrêmement intéressant de
constater que c'est la seule loi au Québec qui permet un tel pouvoir de
délégation. On peut donc se poser des questions sur la
nécessité de telles dispositions et les buts qui sont
poursuivis.
Nous estimons, pour notre part, que ce rôle devrait être
assumé par les ministères et organismes, selon les dispositions
des conventions collectives en vigueur dans le cas des postes visés par
le certificat d'accréditation, ou selon les règlements du
ministre de la Fonction publique dans tous les autres cas.
Cette façon de procéder éviterait ainsi au
gouvernement d'avoir à légiférer à l'occasion de la
création de nouveaux organismes, comme cela était le cas pour la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, ainsi que la Régie
de l'assurance automobile.
Cheminement de la carrière ou la règle du
mérite.
Le projet de loi no 53 introduit la notion de mérite dans le
recrutement et la promotion des employés de la fonction publique. C'est
le principal effet de l'article 70 du projet de loi. Cette notion n'est
sûrement pas nouvelle, puisqu'elle se retrouvait déjà
à l'article 34 de la loi actuelle qui prévoyait qu'à
compétence égale l'ancienneté pouvait être un des
critères considérés lors de la nomination des ouvriers et
que l'article 38 prévoyait que tout examen devait être de nature
à constater impartialement la compétence des candidats.
L'article 73 du projet de loi, plutôt que de parler de
compétence des candidats, parle de valeur des candidats. C'est
également un terme qui peut être assez difficile à
définir.
D'ailleurs, le ministre de la Fonction publique avait l'occasion de
rappeler "Que la Commission de la fonction publique était l'organisme
indépendant dont le rôle est de faire le recrutement, la
sélection et la classification du personnel de la fonction publique.
Elle doit voir à ce que la règle du mérite, basée
sur l'aptitude et ta compétence, préside à l'embauche des
fonctionnaires."
Le ministre prétendait de plus "Que la règle du
mérite n'existait pas véritablement tant on avait trouvé
moyen de la contourner."
Le ministre de la Fonction publique notait cependant que "Le pauvre
président de la Commission de la fonction publique est harcelé
constamment de pressions pour obtenir des passe-droits et il doute que M.
Gérin ait les moyens à sa disposition pour y résister, ce
qui ne veut pas dire qu'il n'applique pas un certain régime de
mérite, mais c'est plein de failles et ce n'est pas sa faute à
lui."
Comment peut-on espérer que, par la possibilité de
délégation et de sous-délégation, de telles formes
de pression ne puissent être exercées contre les personnes
responsables de ces mêmes promotions et nominations et, à tout le
moins, comment peut-on croire qu'un homme politique comme le ministre de la
Fonction publique, qui, en définitive, est le responsable des
nominations, ne puisse pas faire l'objet de pressions politiques de la part de
certains individus. Il en est de même du président de l'office qui
dépend, en définitive, du ministre de la Fonction publique. De
plus, les failles existantes demeurent.
Egalement, le projet de loi ne fait aucune obligation à un
responsable d'organisme ou sous-chef d'un ministère de démontrer
qu'un poste vacant existe avant de procéder à une promotion,
comme cela était le cas selon les dispositions de la loi actuelle.
Comme le projet de loi permet au ministre de la Fonction publique de
déléguer son pouvoir, de déterminer le niveau des postes
en relation avec la classification à tout sous-ministre ou dirigeant
d'organisme et que ces mêmes personnes peuvent procéder à
la sélection, à la déclaration d'aptitudes et à la
promotion des fonctionnaires, le contrôle que le ministre veut
établir par son projet de loi sera également plein de failles et
le patronage et le favoritisme régneront en roi et maître dans la
fonction publique québécoise.
Pourtant, le ministre possède, selon les dispositions de la loi
actuelle, les pouvoirs pour faire en sorte que les fonctionnaires soient des
plus compétents, mais il serait nécessaire qu'il se donne la
peine d'élaborer et d'appliquer une politique de développement
des ressources humaines et établir et administrer des programmes de
perfectionnement, ce qui, malheureusement, n'est pas le cas à l'heure
actuelle.
Il est sûr que ce point particulier n'est pas l'une des
priorités du gouvernement, puisqu'à toutes fins pratiques, les
budgets qui pourraient être consacrés au perfectionnement des
employés de la fonction publique sont quasiment nuls.
Ceci permettrait également de favoriser l'accession des
fonctionnaires à des postes supérieurs, comme semblait vouloir le
laisser croire les dispositions de l'article 39 de la loi actuelle, ainsi que
semble vouloir le prévoir à nouveau le projet de loi, à
l'article 75, et comme devaient également le permettre les dispositions
de l'article 21 de notre convention collective.
Cependant, compte tenu du manque de contrôle et de pouvoirs du
ministère de la Fonc- tion publique, il s'est avéré que de
telles dispositions ont été pratiquement inappliquables.
Le projet de loi introduit une nouvelle notion, soit la
rétrogradation; la révocation ou la destitution pour insuffisance
professionnelle. Une telle rétrogradation, révocation ou
destitution est possible dans le cas de tout fonctionnaire incompétent
dans l'exercice de ses fonctions ou incapable de les exercer. Mais comment
peut-on concilier les dispositions du projet de loi avec le projet de loi no 9
traitant des handicapés et qui, a l'article 73, interdit, dans une
entreprise de 50 salariés ou plus, de congédier un salarié
pour la seule raison qu'il devient une personne handicapée. Pourtant, le
même projet de loi prévoit que celui-ci s'applique au
gouvernement.
Pourtant, nous ne nous opposons pas à de telles dispositions,
puisque nous les avons déjà acceptées lors des
dernières négociations en 1975. Cependant, nous voulons nous
assurer de certaines garanties et il est important pour nous que de telles
dispositions continuent à être négociées.
Il est un article qui semble avoir une portée insignifiante, mais
qui peut avoir de grandes conséquences pour l'avenir de chacun de nos
fonctionnaires. Il s'agit de l'article 83 du projet de loi, qui prévoit
que l'affectation d'un fonctionnaire, d'un emploi de la classe à
laquelle il appartient à un autre emploi dans la même classe au
sein du même ministère ou organisme, est faite par un écrit
du sous-ministre ou dirigeant de l'organisme duquel il relève.
Or, le sous-chef ou dirigeant de l'organisme n'a aucune obligation
d'indiquer les motifs d'une telle affectation et l'employé auquel une
telle affectation est imposée n'a aucun recours pour contester cette
affectation. Cet article du projet de loi confirme donc l'application de la
sentence arbitrale rendue par le juge Jean Bérubé sur laquelle le
ministre nous avait pourtant déclaré personnellement son
désaccord.
Le régime syndical. Le projet de loi restreint la
possibilité pour certains employés d'être assujettis
à une convention collective. L'article 68 du projet de loi permet au
ministre de la Fonction publique de soustraire totalement ou partiellement
à l'application de la loi les emplois de caractère occasionnel,
comme cela a été de la juridiction de la Commission de la
fonction publique, en vertu de l'actuelle loi.
Pourtant, vous n'êtes pas sans savoir que le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec a entrepris des démarches
depuis plus de quatre ans afin de permettre la syndicalisation de ces
employés, ce qui fut fait le 12 juillet dernier.
Cependant, ceci n'a pas empêché le ministre de
prévoir, par son projet de loi, la possibilité de réviser
cette décision et d'annuler toutes les démarches entreprises
depuis ce temps. Il est plutôt aberrant de constater l'incohérence
des politiques du ministre de la Fonction publique, puisque, à toutes
fins pratiques, dans l'espace de deux semaines, le gouvernement a
révisé sa position et ce, même si des déclarations
publiques avaient été effectuées par le ministre de la
Fonction publique à
savoir que les employés occasionnels soient assujettis à
une convention collective.
D'ailleurs, depuis cette date, et ce, même si l'entente conclue au
cours du mois de juillet prévoyait que des négociations seraient
entreprises pour déterminer les conditions de travail, à ce jour,
aucune démarche n'a encore été effectuée et ce
malgré nos appels fréquents. Il est donc à prévoir
que le gouvernement veuille attendre l'adoption du projet de loi pour faire en
sorte de n'être pas dans l'obligation de négocier les conditions
de travail des employés occasionnels. D'ailleurs le ministre a
prétendu le 13 octobre dernier: "Tout d'abord, le nouveau gouvernement,
depuis le 15 novembre, a étendu un certain nombre de droits syndicaux
qui n'étaient pas reconnus dans l'ancienne loi ou qui n'étaient
pas reconnus de facto. Entre autres, du côté des employés
occasionnels, nous avons obtenu de la Commission de la fonction publique une
résolution qui fait que les employés occasionnels seront
maintenant inclus dans l'unité de négociation. "D'ailleurs, la
nouvelle loi prévoit que cette extension de l'unité
d'accréditation est irrévocable. Elle est inscrite dans la loi.
Elle ne sera plus soumise au pouvoir réglementaire du ministre."
Nous espérons que le ministre sera en mesure de nous indiquer
l'article qui permet une telle interprétation, à moins que nous
n'ayons pas le même projet de loi.
La reconnaissance par le gouvernement du droit d'association pour
certaines catégories d'employés pose également des
problèmes. La raison invoquée est le caractère
confidentiel de leurs fonctions. Ainsi, l'article 114 du projet de loi
enlève aux employés du service du personnel le droit de se
syndiquer, contrairement à une décision rendue
dernièrement par le Tribunal du travail.
Le gouvernement reprend-il à son compte une vieille rengaine qui
veut que l'adhésion à un syndicat soit essentiellement un acte de
trahison et un geste déloyal vis-à-vis de son employeur? La
règle, admise d'ailleurs couramment dans l'entreprise privée,
veut que seuls ceux qui sont employés à titre confidentiel, dans
les relations entre l'employeur et ses salariés, soient exclus des
unités de négociation.
Comment doit-on également évaluer la décision du
gouvernement de ne pas assujettir à la Loi de la Fonction publique les
employés de la Régie de l'assurance automobile ainsi que les
employés de la Société de cartographie du
Québec?
Qu'advient-il également des ouvriers de ta fonction publique
à l'emploi du gouvernement depuis de nombreuses années et qui,
par l'application des dispositions de la convention collective,
possèdent le statut d'employés permanents? Le projet de loi est
totalement muet à ce sujet. Pourtant, les conséquences du projet
de loi peuvent être extrêmement grandes pour ces
employés.
De plus, les dispositions du Code du travail interdisant l'utilisation
des services d'une personne pour remplir les fonctions d'un salarié qui
exerce son droit de grève ou qui est "lock-outé" devraient
s'appliquer de façon intégrale.
Il serait également bon de se pencher sur la portée des
dispositions de l'article 85 du projet de loi, puisque celui-ci ouvre une
grande porte au favoritisme et au patronage et ce, sans possibilité de
recours, tant pour l'employé visé que pour ses collègues
de travail et ce, même si la règle du mérite n'a pas
été appliquée.
D'ailleurs, toutes les dispositions prévues à la section 3
traitant de l'affectation, de la mutation, du classement et du reclassement
sont inacceptables dans leur forme actuelle.
Rémunération et avantages sociaux. Les dispositions de
l'article 119 du projet de loi semblent nous laisser croire que nous pourrions
négocier la rémunération et les avantages sociaux.
Cependant, nous apprécierions d'être éclairés
sur le contenu de ces négociations possibles, si nous faisons la
relation avec les dispositions de l'article 3 du projet de loi qui
prévoit que le ministre a comme devoir de faire des règlements
concernant les conditions de rémunération et de travail.
De plus, c'est le ministre qui, en vertu de l'article 4,
détermine le niveau des postes en relation avec la classification et que
c'est le Conseil du trésor qui approuve les plans d'organisation de
chaque ministère ou organisme, ainsi que les effectifs requis pour la
gestion des ministères et la répartition de ces effectifs.
L'article 119 ne donne donc, à toutes fins utiles, au syndicat
que le pouvoir de discuter des salaires, puisque c'est le ministre qui
possédera tous les pouvoirs. C'est donc dire qu'on enlève aux
employés les pouvoirs de négocier quant à leur classement,
leur promotion, leur mutation, leur suspension, leur congédiement, leur
sécurité d'emploi et toutes les autres conditions de travail. De
plus, n'avons-nous pas à craindre que la fameuse "machine à
saucisse", de sinistre mémoire, qui a été inventée
alors par le ministre actuel des Finances, qui agissait alors comme conseiller
financier du gouvernement, ne soit remise en fonctionnement afin de limiter nos
augmentations et également réduire les échelles de
salaire. Certaines déclarations ministérielles nous le laissent
présager.
L'article 103 du projet de loi interdit à tout membre du
personnel de la fonction publique de se livrer à un travail de partisan
au cours d'une élection fédérale ou provinciale. Cette
prohibition devrait disparaître, puisque les employés devraient
pouvoir jouir de leur droit de citoyen à part entière, tout en
gardant implicite leur devoir de loyauté. De plus, afin d'atteindre les
objectifs de transparence de la fonction publique visés par le
gouvernement, nous demandons que soit abolie l'obligation de prêter les
serments d'allégeance et d'office ou de discrétion afin de
traiter les fonctionnaires comme tout salarié régi par le Code du
travail, tout en conservant le principe de loyauté inhérent au
travail, mais sans expliciter de procédures spéciales pour les
fonctionnaires.
En résumé, le seul fait de modifier le nom de la
commission par celui du ministre et de créer un office de recrutement
n'est pas suffisant pour changer tout un régime. La nouvelle
commission,
ainsi que le nouvel office sont, en fait, une prolongation de
l'employeur. De plus, on autorise la nouvelle commission à remplir la
fonction d'arbitre ou de juge, ce qui est inacceptable. Ce projet de loi, tel
que proposé, ne peut donc répondre aux aspirations
légitimes des fonctionnaires et des ouvriers de la fonction publique
québécoise.
Nous espérons que les membres de l'Assemblée nationale
accepteront d'amender ce projet de loi pour en faire un outil efficace de
revalorisation de la fonction publique. Il ne suffit pas que le projet de loi
ne fasse que renfermer de bonnes intentions pour se justifier auprès de
la population pour penser que le climat des relations du travail, dans la
fonction publique, sera amélioré et permettra d'atteindre des
résultats concrets au cours des prochaines négociations. Encore
faudra-t-il que chacun des interlocuteurs puisse avoir son mot à dire,
ce qui n'est sûrement pas le cas avec le projet de loi no 53. De plus, ce
projet de loi revêt, pour l'ensemble des travailleurs du Québec,
une grande importance, puisqu'éventuellement, certains des principes que
vous soumettez, s'ils sont retenus, peuvent également être
appliqués, notamment, dans les secteurs parapublic et privé. Nous
estimons, de plus, que les employés de la fonction publique
québécoise devraient avoir les mêmes droits et
privilèges que leurs confrères travailleurs du Québec.
Je suis à votre entière disposition pour répondre
à des questions, et éventuellement aussi, en poser quelques-unes,
si vous le permettez, Mme le Président.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. de Belleval: Tout d'abord, on va commencer par une question
facile, si vous le voulez bien. Je vais procéder du plus facile au plus
difficile. Ma première remarque a trait à la syndicalisation des
occasionnels. J'aimerais que vous me citiez l'article de la loi actuelle qui me
permettrait de soustraire les occasionnels du régime syndical.
M. Harguindeguy: De la loi actuelle, M. le ministre?
M. de Belleval: Pardon. Du projet de loi, je m'excuse.
M. Harguindeguy: Les articles 68 et 124.
M. de Belleval: Où, à l'article 68, me permet-on de
soustraire les occasionnels au régime syndical?
M. Harguindeguy: L'article 68, s'il faut le lire, en fait, est
identique, de façon pratiquement intégrale. Les seuls mots qui
ont été modifiés sont ceux de "commission" remplacé
par "ministre". Il faut peut-être, au point de vue pratique, constater
que la Loi de la fonction publique et notre régime syndical, même
avec les modifications que vous prévoyez, veulent prévoir...
M. de Belleval: Pardon? Je m'excuse.
M. Harguindeguy: C'est pour cela que je préférais
attendre, M. le ministre, pour être sûr. La Loi de la fonction
publique, à l'heure actuelle, dans la définition du terme
"fonctionnaire" et également à l'article 55 définissait le
fonctionnaire comme un employé assujetti à la Loi de la fonction
publique. Vous dites, à l'article 1, à la définition de
fonctionnaire, au paragraphe c): que le fonctionnaire est un membre du
personnel de la fonction publique autre qu'un sous-ministre. A l'article 55,
vous dites: "Font partie du personnel de la fonction publique les personnes qui
ont été admises, conformément à la Loi du service
civil et à la Loi de la fonction publique, ainsi que celles qui y sont
admises conformément à la présente loi.
A l'article 68, on peut donc permettre la syndicalisation par l'article
55 pour y nommer des occasionnels, sauf qu'à l'article 68, vous dites,
et c'est intégralement à l'article 3 de la loi actuelle et
ça retourne même à 41, c'est également ça:
"Lorsque le ministre de la Fonction publique décide qu'il n'est ni
praticable, ni dans l'intérêt public d'appliquer la
présente loi à un ou plusieurs emplois d'un caractère
occasionnel dans la fonction publique, ou à un ou plusieurs emplois
auprès d'un agent ou d'un délégué
général du Québec, il peut" le ministre "avec
l'approbation du Conseil du trésor, sur avis de la commission, les
soustraire totalement ou partiellement à l'application de la
présente loi et déterminer par règlement la manière
dont seront régis ces emplois et leurs titulaires." Donc, vous fixez
aussi leurs conditions de travail, ce qui ne devient pas nécessairement
négociable.
M. de Belleval: Est-ce que je peux vous arrêter?
M. Harguindeguy: Oui, sûrement.
M. de Belleval: Vous avez bien lu que le projet de loi permet au
ministre de les soustraire à l'application de la présente loi,
mais pas à la Loi sur le régime syndical. Le régime
syndical, en vertu du projet de loi, comprend toutes les conditions de travail
négociables et le pouvoir qu'avait la commission de soustraire certains
employés du régime syndical disparaîtra avec la loi,
puisque la commission disparaît.
Alors, la seule chose que je pourrais faire, c'est que, d'ici
l'approbation du projet de loi no 53, je pourrais toujours convaincre de
nouveau la Commission de la fonction publique de revenir sur sa
décision, mais, une fois que le projet de loi sera en vigueur, ces
employés deviennent des fonctionnaires au sens de la loi, sont soumis au
régime syndical et aucun article du projet de loi no 53 ne me permet de
les soustraire au régime syndical. Autrement dit, la syndicalisation de
ces employés est à sens unique maintenant. Je ne pourrai plus y
revenir.
M. Harguindeguy: Votre texte...
M. de Belleval: Est-ce que vous me suivez?
M. Harguindeguy: Je vous ai suivi et saisi
aussi, mais le texte de loi n'est quand même peut-être pas
aussi clair que vos affirmations, M. le ministre. Si vous regardez quand
même l'article 124 aussi, on y parle...
M. de Belleval: L'article 124, je vais y répondre, vous y
avez fait allusion.
M. Harguindeguy: Je n'ai encore rien expliqué, à
moins que vous ayez déjà saisi ma pensée.
M. de Belleval: Oui, parce que l'article 124 traite des affaires
pendantes en termes purement judiciaires. Il ne traite pas d'affaires pendantes
en termes de pouvoirs de la commission. Les pouvoirs de la commission vont
disparaître avec l'approbation du projet de loi no 53.
Alors, un pouvoir qu'avait la commission avant l'approbation du projet
de loi no 53, ce n'est plus une affaire pendante. Ce qui est une affaire
pendante, par exemple, c'est un congédiement dont l'appel serait devant
la commission, non pas l'appel, mais dont l'instruction serait devant la
commission, et continuera à être poursuivi devant la nouvelle
commission, mais pas les pouvoirs de l'ancienne commission.
M. Harguindeguy: Si Mme le Président me permet, je pense
qu'il faudrait regarder l'article 124, parce que ce n'est pas strictement les
affaires pendantes, à moins qu'il n'y ait des affaires pendantes
où une décision est déjà prise.
A l'article 124, on dit: "Les affaires pendantes devant l'ancienne
commission sont continuées et décidées suivant la
présente loi par le Conseil du trésor. La Commission de la
fonction publique instituée par la présente loi, l'office ou le
ministre de la Fonction publique, suivant la compétence qui leur est
respectivement attribuée par la présente loi; le Conseil du
trésor, la Commission de la fonction publique instituée par la
présente loi, l'office ou le ministre de la Fonction publique, suivant
le cas, peut exercer tous les pouvoirs de l'ancienne commission, y compris
celui d'en réviser ou révoquer les décisions" donc,
il y a une décision de la commission d'assujettir les occasionnels
à l'article 69 de la loi et les affaires pendantes, il n'y a
sûrement pas de décision de prise "ordres et certificats
comme s'il en était l'auteur." Le texte dit ça, de réviser
et de révoquer les décisions. Donc...
M. de Belleval: Les affaires pendantes, ce sont des cas
judiciaires qui sont devant la commission, pas des pouvoirs de la
commission.
M. Harguindeguy: II y a peut-être
intérêt...
M. de Belleval: Alors, le pouvoir de la commission de faire des
règlements disparaît avec la loi. Ce n'est plus une affaire
pendante. Les affaires pendantes, si vous regardez la loi de
l'interprétation de ce que c'est que des affaires pendantes, ce ne sont
pas des pouvoirs, ce sont des cas de nature judiciaire, ou quasi judiciaire,
dans le cas de la commission. Je ne peux pas revenir là-dessus.
Ecoutez!
M. Harguindeguy: Sauf que...
M. de Belleval: II y a quand même une question de bonne foi
minimale qui doit exister entre les parties si on veut s'entendre. Quand je
vous dis et je le répète qu'en vertu de la loi et
ce n'est pas mon intention de revenir là-dessus, je vous ai
accordé une demande que tous les gouvernements antérieurs vous
avaient refusée. Cela ne m'a pas pris beaucoup de temps, cela a pris
quelques semaines, quelques mois. Remarquez que je n'en ai pas
été félicité!
M. Harguindeguy: Mais ce n'est pas encore réglé, M.
le ministre.
M. de Belleval: Remarquez que je n'ai pas été
félicité! On est rarement félicité, mais on ne
s'attend pas non plus à être félicité. Je le fais
simplement remarquer. Premièrement, la bonne foi s'interprète par
des gestes. J'ai fait en sorte que la commission permette que les occasionnels
soient syndiqués. Deuxièmement, j'ai dit qu'il n'était pas
question dans le projet de loi de me donner des pouvoirs pour revenir sur cette
décision. Troisièmement, là, on peut s'embarquer dans des
interprétations à n'en plus finir sur les textes des projets de
loi, mais j'ai moi aussi des conseillers juridiques compétents et qui me
disent: M. le ministre, en vertu du projet de loi actuel, vous n'avez pas le
droit, vous ne pouvez plus revenir sur votre décision, maintenant les
occasionnels sont syndiqués pour toujours, à moins que vous ne
changiez la loi. Alors, s'il faut que j'aille plus loin que cela pour que ma
bonne foi soit prise en considération, je me dis qu'il n'y a plus moyen
de fonctionner.
M. Harguindeguy: Voici, M. le ministre. Si je ne vous ai pas
remercié, je m'en excuse; je pensais l'avoir fait le 29 avril, quoiqu'il
est vrai que ce n'est ni dans mes habitudes ni de remercier ni d'aller pleurer
sur les épaules d'un ministre. Je pense qu'il y a quand même des
textes qui sont écrits. Si vous me dites qu'il y a des affaires
pendantes, cela veut dire qu'il n'y a pas encore de décisions de prises,
si c'est pendant, s'il y a encore attente de décisions.
M. de Belleval: Ce sont des affaires particulières, je
vous l'ai dit, ce ne sont pas des pouvoirs.
M. Harguindeguy: D'accord. Pour éviter toute
ambiguïté, si c'est pendant, cela veut dire que c'est encore
à l'étude. Pourquoi prévoyez-vous, au dernier
paragraphe...
M. de Belleval: Les affaires pendantes, ce sont les auditions de
cas devant la Commission. C'est ça, les affaires pendantes au sens
juridique du terme. Demandez-le à votre conseiller juridique, il va vous
le confirmer.
M. Harguindeguy: On a déjà répondu à
cela avant.
M. Bellemare: Laissez-le répondre au lieu de l'interrompre
continuellement.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il pourrait nous dire où est
l'article de la loi qui dit que les occasionnels sont des syndiqués?
Pourriez-vous nous citer cet article?
M. de Belleval: S'il y a des articles qui disent que les
occasionnels sont syndiqués?
M. Ciaccia: La loi sur le régime syndical qui...
M. de Belleval: La loi sur le régime syndical
prévoit que...
M. Ciaccia: Quel est l'article qui dit que les occasionnels sont
syndiqués?
M. de Belleval: La loi sur le régime syndical,
c'est-à-dire les articles de l'ancienne loi qui sont transportés
dans ce qu'on appellera maintenant la Loi sur le régime syndical,
n'excluent du régime syndical aucun employé du gouvernement.
Le Président (Mme Cuerrier): Après cette incidente
de M. le député de Mont-Royal, M. le président, vous avez
la parole.
M. Harguindeguy: Merci, Mme le Président, je ne suis pas
avocat Dieu m'en garde mais il y a quand même une chose qui
est significative dans l'article 124.
M. de Belleval: On partage.
M. Harguindeguy: Au moins on partage cela, c'est quelque
chose.
M. de Belleval: Je pense que si on baissait le ton, on
s'entendrait sur beaucoup de choses. Vous allez voir!
M. Harguindeguy: Mon ton est naturel, M. le ministre. L'article
124, vous dites que les affaires pendantes sont des choses judiciaires. Vous ne
parlez pas de pouvoirs. On va lire ensemble, si vous le permettez,
tranquillement, pas vite, le dernier paragraphe de l'article 124, où on
dit que "le ministre de la Fonction publique, suivant le cas, peut exercer tous
les pouvoirs de l'ancienne commission." Or, si ce sont des affaires pendantes
ou des choses judiciaires, il n'y a pas non plus de décisions de prises.
Pourquoi, mentionnez-vous "y compris celui de réviser ou révoquer
les décisions, ordres et certificats comme s'il en était
l'auteur"? Biffez ce paragraphe et je vais vous donner raison, M. le
ministre.
M. de Belleval: D'accord. Il y a une affaire qui est pendante
devant la commission, disons un congédiement. Il faut que quelqu'un, une
fois que la loi 53 est votée, puisse continuer l'audition de cette
affaire qui est pendante. Il faut que la personne qui reprendra ce pouvoir
d'audition ait le pouvoir d'aller jusqu'au bout. C'est ce que cela dit.
Cela veut dire que ceux qui succèdent à la commission
auront les mêmes pouvoirs que la commission avait à l'égard
de ces affaires pendantes, mais pas à l'égard de l'ensemble des
pouvoirs de la commission.
M. Harguindeguy: Sauf que vous avez quand même voulu
prendre la précaution d'inclure que vous pouviez réviser les
décisions..
M. de Belleval: Y compris le pouvoir de révision qui
existe quant à certaines affaires pendantes.
M. Harguindeguy: Comment peut-il y avoir des affaires pendantes
quand il y a déjà une décision de prise? C'est cela que je
comprends mal, M. le ministre.
M. de Belleval: La commission a un pouvoir de révision de
ses décisions. Si, à l'occasion d'une affaire pendante, quelqu'un
demande une révision, il faut que quelqu'un puisse entendre cette
révision. Comme la commission n'existera plus, il faudra que ce soient
les organismes qui lui succéderont. C'est seulement cela.
M. Harguindeguy: En tout cas, M. le ministre, parce qu'on ne peut
pas en discuter bien longtemps et qu'on va tourner autour du pot, je pense que
vous auriez intérêt, si vous voulez sincèrement que les
occasionnels soient dorénavant syndiqués... je ne vois plus du
tout l'utilité de l'article 68 de la Loi de la fonction publique...
M. de Belleval: Je vais vous l'expliquer ensuite.
M. Harguindeguy: ... d'exclure des personnes... Si elles sont
syndiquées, elles sont syndiquées, et on va négocier leurs
conditions de travail. L'article 68 vous permet de les soustraire totalement ou
partiellement. Vous pourriez fort bien dire: Elles sont syndicables, mais je
les soustrais de l'application de l'article qui permet des négociations
sur tel et tel sujet. On peut diverger d'opinion là-dessus. Si on
s'était rencontré avant, on aurait évité certains
débats publics. Mais l'article 68 vous donne le pouvoir, comme il le
donnait à l'ancienne commission, et à la Commission du service
civil depuis 1941, d'exclure des employés de la fonction publique. Si
vous voulez absolument qu'ils soient syndicables, prévoyez-le de
façon implicite à l'article 117 de la Loi du régime
syndical, disant que cela inclut également les employés
fonctionnaires, quitte à les identifier comme étant des
employés permanents, temporaires, saisonniers ou occasionnels.
Là, je serai peut-être d'accord, M. le ministre. Mais, tant et
aussi longtemps que cette ambiguïté demeurera, nous ne pourrons
accepter comme telles vos déclarations, parce que, dans les textes de
loi, il y a des contradictions flagrantes et qu'on ne veut pas se retrouver
avec le même problème. Même si, depuis le mois de mars, vous
avez donné suite à nos revendications pour que les occasionnels
soient
inclus, il n'empêche quand même pas qu'à l'heure
actuelle, au moment où on se parle, les ententes se terminent le 1er
novembre prochain, soit mardi prochain. Vous avez d'ailleurs copie des ententes
signées le 25 juillet, la veille du projet de loi. Il n'y a absolument
rien de fait encore pour négocier les conditions de travail. Il n'y a
même pas de mandat du Conseil du trésor, selon les informations
que j'ai obtenues.
M. de Belleval: Pour revenir quand même...
M. Ciaccia: M. le ministre, d'après l'article 119...
M. de Belleval: Est-ce que je peux terminer? Je vais
répondre à M. Harguindeguy...
M. Ciaccia: D'accord.
M. de Belleval: Je crois qu'on se comprend, alors, on va
continuer pendant qu'on se comprend.
M. Harguindeguy: On s'est toujours compris.
M. de Belleval: L'article 68 est important et nécessaire
malgré tout, parce qu'il permet d'exclure certains types d'emplois des
procédures normales prévues dans la Loi de la fonction publique,
et non pas dans la Loi sur le régime syndical. Par exemple, si on veut
engager un contractuel pour une période de deux ou trois mois ou pour un
an, comme c'est normal que cela puisse se faire à un certain moment, on
ne l'assujettira pas nécessairement au concours prévu à
l'article 70. C'est un employé temporaire, il faut donc, comme dans la
loi actuelle, et c'est normal, que toutes les lois de la fonction publique
prévoient une souplesse semblable pour permettre l'engagement
d'employés temporaires. L'article 68, tel que rédigé, ne
permet pas de les exclure de la Loi sur le régime syndical, seulement de
l'application de la Loi sur la fonction publique. Ce sont deux lois
séparées.
Une fois que le projet de loi 53 est adopté, en fait celui-ci
donne naissance à deux lois: la loi 53 elle-même et la Loi sur le
régime syndical, en vertu des articles 117 et 118. Si vous me dites
qu'en plus de cela, vous aimeriez avoir, à l'article 119 de la nouvelle
loi, soit aux articles pertinents de la Loi sur le régime syndical une
précision à cet effet, on peut bien la mettre, mais nos juristes
nous assurent que, comme la Loi sur le régime syndical ne prévoit
pas d'exclusion, par inférence, tous les employés, quels qu'ils
soient, sont syndicables. Cependant il y a des exclusions prévues, comme
vous le savez, en vertu des articles qui traitent de l'accréditation,
où on exclut nommément des corps d'emploi particuliers, mais on
ne fait pas de distinction, dans ces articles, entre fonctionnaires et
ouvriers; on le faisait autrefois avec ouvriers mais occasionnels, et vous
remarquerez d'ailleurs qu'en vertu de la façon dont est maintenant
rédigé l'article 53, les ouvriers sont automatiquement
syndiqués. On ne peut pas non plus sortir... Parce que les ouvriers sont
assimilés aux fonctionnaires.
M. Harguindeguy: De sorte qu'il reste des problèmes.
M. Ciaccia: Pas d'après l'article 119. D'après
l'article 119, ils sont régis par la convention collective, et s'ils
n'ont pas de convention collective, ils ne sont pas syndiqués.
M. de Belleval: II n'y a pas que l'article 119. Si vous allez aux
articles 117 et 118, tous les articles qui traitent de ce dont M. Harguindeguy
parle sont maintenus tels quels et aucun de ces articles n'exclut les
occasionnels. Les occasionnels sont donc inclus.
Maintenant, si vous me dites: Ce sera "trop fort , casse pas", on
devrait l'indiquer. On peut l'indiquer.
M. Ciaccia: II n'y a pas de convention collective. L'article 91
aussi...
M. Harguindeguy: Si je comprends, M. le ministre, la
portée de votre affirmation, vous dites: S'il y a des employés
qu'on doit engager pour une certaine période, allant jusqu'à deux
ans je peux vous dire que nous avons déjà accepté
ce principe vous pouvez, à ce moment, faire en sorte que la loi
ne sera pas applicable pour eux, vous les excluez de l'application de la loi,
est-ce cela?
M. de Belleval: De la Loi de la fonction publique, pas de la Loi
sur le régime syndical.
M. Harguindeguy: De la Loi de la Fonction publique. Alors, vous
les excluez. Vous décidez donc que tels groupes d'employés
parce que l'article 68 permet une catégorie d'employés, un ou
plusieurs emplois d'un caractère occasionnel, dont on n'indique pas la
durée vous pouvez donc, décider, en vertu de l'article 68,
que telles catégories d'emplois sont exclues de l'application de la Loi
de la fonction publique.
Nous allons retourner voir les articles 118 et 119.
L'article 118 reporte dans la Loi du régime syndical les articles
69 à 75. Or, si on retrouve l'article 69, on y voit ce qui y est dit: On
nous donne comme juridiction syndicale que le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec est reconnu comme représentant de tous les
employés de la fonction publique, ce qui veut dire que si, dans
l'article 68, vous permettez d'exclure certains groupes d'employés pour
des durées plus ou moins limitées ou illimitées,
automatiquement, ils ne seront pas dans notre régime syndical.
M. de Belleval: Voudriez-vous répéter, s'il vous
plaît, votre dernière phrase?
M. Harguindeguy: L'article 118 prévoit que les articles 69
à 75 de la loi actuelle deviennent la loi
du régime syndical et donnent naissance, si on veut, ou
reconnaissent "notre juridiction syndicale sur des groupes d'employés".
Cette même loi actuelle, à l'article 69, nous dit que le Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec est reconnu comme
représentant de tous les employés de la fonction publique. Donc,
vous m'avez dit, il y a deux minutes, que les employés exclus en vertu
de l'article 68, pour des besoins bien spécifiques de durée plus
ou moins limitée, ne seraient pas des employés assujettis
à la Loi de la fonction publique, donc ne seraient pas dans notre
régime syndical.
M. de Belleval: Un instant! On ne dit pas: Tous les
employés assujettis à la Loi de la fonction publique. On dit:
Tous les employés de la fonction publique. Tous les employés de
la fonction publique qui sont de votre niveau de reconnaissance syndicale, cela
comprend les occasionnels, n'exclut pas les occasionnels. Cela comprend tout le
monde, y compris les ouvriers.
M. Harguindeguy: En tout cas, tel que le texte est là, M.
le ministre, ce n'est pas ce que cela veut dire pour nous. On comprend
peut-être mal.
M. de Belleval: On ne va pas commencer une bataille de juristes,
mais je pense que nous avons des juristes compétents aussi.
M. Harguindeguy: Ce n'est pas la compétence des juristes
qui est mise en doute, c'est le texte, tel qu'il est présenté
à l'heure actuelle.
M. de Belleval: Oui, mais les juristes nous disent: Cela comprend
tous les employés. De toute façon, si ce sont des choses comme
celles-là qui vous font peur, nous les corrigerons. Nous mettrons: Tous
les employés occasionnels, temporaires ou permanents. Cela ne me fait
rien.
M. Harguindeguy: Quant à nous, il serait important que
vous corrigiez quelques textes de loi, pour faire en sorte que les
employés occasionnels que nous pourrions représenter, en vertu de
leur classification, soient assujettis à notre régime syndical.
C'est la demande que nous formulons et nous espérons que ce soit
formulé dans la loi de façon bien claire, qu'il n'y ait aucune
ambiguïté.
M. de Belleval: J'ai commencé par cet aspect des choses,
parce que je trouvais, comme je l'ai dit, que c'était quelque chose de
facile. Au fond, nous nous entendons sur les principes, nous sommes du
même avis. Il s'agit maintenant de nous entendre sur une formulation
précise ou de nous fier à l'interprétation que nous
donneront des juristes compétents là-dessus, parce que, comme
vous l'avez indiqué, ni vous ni moi ne sommes heureusement juristes.
Cet aspect des choses me paraît quand même illustrer
l'approche qui devrait nous gouverner, c'est-à-dire qu'avant de mettre
en cause la bonne foi du ministre ou ses intentions, on devrait au moins
s'asseoir et essayer de voir si on comprend les mêmes choses de la
même façon, et si des formulations nouvelles ne peuvent pas en
arriver, justement, à traduire des points de vue qui peuvent être
communs, au fond. Cela ne veut pas dire que nous nous entendrons sur tout,
mais, au fond, il ne faudrait pas exagérer les différences.
Quoi qu'il en soit, il me paraît qu'il y a un autre aspect plus
important que celui qu'on vient de soulever et qui devrait être aussi
clarifié, particulièrement à la suite de ma
déclaration d'hier midi. J'avais déjà indiqué
à plusieurs reprises, au moment même d'ailleurs du
dépôt du projet de loi 53, qu'il n'était pas dans mes
intentions, ni dans les intentions du gouvernement, de modifier en quoi que ce
soit les pouvoirs syndicaux en vigueur et l'aire de négociation
consentie aux syndicats.
J'avais cependant admis que, sur un point en particulier, il y avait ce
qui peut apparaître une exception à ce principe
général selon laquelle, au nom du principe du mérite et
d'une certaine uniformisation dans les interprétations, les arbitrages
de certains griefs qui touchent à la règle du mérite, je
souhaiterais que cela soit fait à l'avenir par la nouvelle Commission de
la fonction publique. C'était ma position fondamentale qu'il ne fallait
pas toucher au régime syndical, qu'il ne fallait pas toucher aux
libertés syndicales et à l'aire de négociation en
particulier, parce que, justement, il y avait une commission d'enquête
qui siégeait là-dessus, que j'ai d'ailleurs créée
en même temps que je déposais le projet de loi 53, et qui devait
faire rapport sur ces points particuliers. C'était donc le statu quo qui
devait être la règle pour l'instant. De façon à
concrétiser cette approche, les articles 117 et 118 du projet de loi 53
créent une nouvelle loi qui s'appelle la Loi sur le régime
syndical, qui elle, bien sûr, doit refléter ce statu quo et loi
qui pourra être amendée, qui pourra être refondue, suite au
dépôt du rapport de la commission Martin. C'est la position de
principe que j'ai exposée dès le début, que je vous ai
d'ailleurs exposée à certaines occasions, dans des rencontres que
nous avons eues là-dessus. Je pense que cette position a d'ailleurs
été comprise et acceptée comme telle pendant de nombreuses
semaines suite à l'annonce de la mise sur pied de la commission Martin
et suite au dépôt du projet de loi 53. Ce n'est, au fond, que
depuis assez récemment que vous avez apporté des objections
à cet égard.
Cependant, j'ai réexaminé la question parce que j'ai dit
et je vous ai d'ailleurs déjà dit à vous même
que j'entends conduire nos relations dans un esprit le plus rationnel
possible. Et quand on me fait des remarques et qu'on me propose des solutions
nouvelles qui m'apparaissent, somme toute, après réflexion, avoir
du sens... Moi, je ne suis pas coulé dans le béton sur rien, je
n'ai pas de position comme telle à défendre. Là-dessus,
j'ai dit: Bon, d'accord, je pense qu'effectivement, malgré tout, il peut
y avoir ambiguïté quant à la traduction de ces intentions.
De façon à respecter intégralement le principe que j'avais
déjà exposé, j'ai proposé un projet d'amendement
qui fait que non seulement l'aire de négociation, les droits syndicaux
en matière de négociations seront res-
pectés, mais que, aussi, en ce qui concerne la question des
arbitrages, nous garderons le statu quo et le système d'arbitrage en
vigueur sera maintenu. J'ai proposé un projet d'amendement, hier,
à cet égard. J'ai dit que c'était un projet d'amendement
et que, s'il n'était pas parfait, on pourrait toujours le revoir de
façon que, quoiqu'il en soit, le projet de loi 53 traduise parfaitement
les principes que j'ai mis de l'avant, à savoir que les droits syndicaux
en vigueur, l'aire de négociation en vigueur doivent être
maintenus. A mon avis, l'amendement que j'ai proposé hier reflète
une des demandes principales de votre mémoire selon laquelle les
pouvoirs de réglementation du ministre soient assujettis à la Loi
sur le régime syndical. Maintenant, vous voudriez plus. Vous voudriez
que la Loi sur le régime syndical elle-même prévoie que
tout est négociable dans les conditions de travail. Là-dessus, je
ne peux que vous renvoyer à la commission Martin puisque c'est la
commission Martin qui, là-dessus, nous fera des recommandations
après vous avoir entendus.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le président
général du syndicat.
M. Harguindeguy: Mme le Président, il y a quand même
une différence entre la forme et la lettre. De nature, comme nous
négocions des conventions collectives, il arrive fréquemment que
le texte ne comporte pas exactement la pensée que les parties avaient
à la table des négociations. Or, vous admettrez, je pense bien,
qu'il est normal que, lorsque arrive un projet de loi à la
rédaction duquel nous n'avons pas participé, nous ayons quand
même certaines incertitudes et certaines craintes. Je n'emploierai pas le
terme "peur" de mon prédécesseur, parce que je ne l'ai pas. Sauf
que quand le ministre...
M. de Belleval: Je vous en félicite.
M. Harguindeguy: Je suis fait comme cela de nature. Les Basques
sont faits comme cela.
Quand le ministre dit qu'il n'y a pas de modifications à l'aire
des négociations, il est d'ailleurs revenu avec un amendement
déposé hier soir, qui reprend textuellement, en fait, les
dispositions de l'article 52a actuel. On voit quand même qu'il devait
sûrement y avoir une différence fondamentale dans le projet 53
quand...
M. de Belleval: ... tantôt sur l'arbitrage à la
Commission de la fonction publique.
M. Harguindeguy: Plus que cela, je ne suis pas encore rendu
là. C'est que quand vous mentionnez à l'article 119a du projet de
loi 53 qu'on pourrait dorénavant négocier sur la
rémunération et sur les avantages sociaux, dans l'amendement que
vous avez déposé hier, vous êtes revenu à l'ancien
texte, le traitement et la rémunération additionnelle. Cela veut
donc dire qu'il a nécessairement une signification différente,
autrement vous auriez repris les mêmes termes. Mais quand vous dites
aussi qu'il n'y a pas de modifications, c'est clair qu'il n'y a pas dans le
projet de loi 53 de modifications de l'aire des négociations qui soient
à la hausse. J'ai la forte impression vous me le direz si j'ai
tort, j'espère avoir tort qu'il n'y en aura pas non plus. Au
contraire, indirectement, dans certains textes, vous réduisez quand
même notre champ de négociation actuel. Quand vous traitez
à la section 3 de tout ce qui touche la mutation, l'affectation et le
reclassement, ce sont des articles qui sont négociés
actuellement. J'ai d'ailleurs déposé avec ce document ce matin
copie des textes de conventions collectives actuelles, article 18.21. En
touchant à ces matières-là par le projet de loi 53, vous
modifiez donc nécessairement notre aire de négociation. Il y a
aussi que même si le ministre nous dit: Tout ce qui va toucher à
la négociation, cela va être la loi du régime syndical qui
va le faire suite au rapport de la commission Martin, j'ai quand même des
doutes que des choses vont pouvoir être négociables parce que
votre mandat va vous être donné en vertu de la Loi de la fonction
publique qui est le projet de loi no 53 dans lequel vous avez des dispositions
bien claires et bien précises qui vous donnent un mandat bien
spécifique sur certaines matières. Je suis bien d'accord
c'est d'ailleurs ce qu'on a demandé pour suspendre les travaux de
la commission pour attendre les recommandations. On vous demande de retirer
purement et simplement le projet de loi 53 parce qu'on estime que, globalement,
vous devriez attendre, pour l'ensemble, que la commission Martin ait soumis son
rapport.
Que le ministre décide d'enlever les pouvoirs de la commission
à l'heure actuelle, je suis plus ou moins concerné parce que
c'est sûr que dans certains cas, avec la commission actuelle, on a aussi
des problèmes. Sauf que j'estime qu'il est important qu'il y ait un
organisme de contrôle dans la fonction publique parce qu'il y a bien des
choses qui se font dans la fonction publique, dont déjà le
gouvernement avait convenu avec nous, au moins dans la convention collective,
qu'elles ne se feraient pas. Mais comme le ministre de la Fonction publique n'a
aucun pouvoir pour forcer les ministères à appliquer les
dispositions d'une convention collective, il s'est avéré que cela
a été le fouillis le plus complet, chacun des ministères
faisant ce qu'il voulait. Il n'y a personne qui contrôle pour savoir si
c'est fait ou bien fait. J'ai d'ailleurs déjà soumis des dossiers
assez volumineux à la commission sur des événements qui
sont arrivés à la suite d'intégrations, où il y en
a eu du patronage et du favoritisme. Mais comme c'était une
décision du ministère et que cela dépendait du ministre de
la Fonction publique du temps, il n'y a pas eu de changement de fait.
Je souhaiterais qu'on ait le temps de procéder article par
article parce que cela nous permettrait de démontrer jusqu'où
cela peut aller. Il y a peut-être des articles qui vous paraissent bien
simples. Que vous les appliquiez aux employés non syndicables on
souhaite qu'ils soient syndicables, on demande d'étendre la
syndicalisation, plusieurs vous l'ont dit d'ailleurs d'accord, mais je
suis ici pour défendre particulièrement les membres que
je représente et là-dessus, chez nous, nous avons fait
l'unanimité pour dire que dans le projet de loi on perd pratiquement
tout ce qu'on a. Il ne nous restera plus grand-chose à faire sinon des
bébelles. Ce n'est pas mon fort de discuter parce que j'aime mieux
avoir, pas un affrontement comme tel, mais, comme dans un match de lutte ou de
football, quelque chose qu'on peut gagner, mais dans cela on ne gagnera pas
grand-chose.
Dans tout votre texte du projet de loi, il y a des changements
évidents sur notre mandat de négociations.
M. de Belleval: Où? Où?
M. Harguindeguy: Je pourrai vous les donner. Je peux tous les
énumérer un par un. Vous allez voir! D'abord, juste en passant,
si vous voulez qu'on les prenne article par article, cela peut être plus
long, on est censé finir bientôt, mais j'imagine qu'on reviendra.
Il y aurait intérêt, parce que vous y faites
référence à l'article 107, quand on regarde l'article 1,
parce qu'à l'article 107 vous faites allusion aux ouvriers de la
fonction publique...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le président
général, un moment, il y a le député de Mont-Royal
qui me demande la parole sur une question de règlement.
M. Ciaccia: Je ne veux pas interrompre nos invités, mais
si on doit passer à un autre sujet que les occasionnels, j'aurais
aimé intervenir sur cette question avant de passer à un autre
sujet, si le ministre le permet.
M. Bellemare: Mme le Président, je pense que
l'étude article par article vient après la deuxième
lecture en Chambre, d'après nos règlements. Vous avez le droit de
faire des déclarations générales comme celles que vous
avez faites ce matin et je vais revenir dans mon intervention pour prouver que
vous avez parfaitement raison dans bien des cas, mais l'étude article
par article est réservée aux députés. Après
la deuxième lecture, si le principe de la loi est adopté, nous
pourrons discuter article par article. Mais ce sont les législateurs qui
ont ce privilège.
M. de Belleval: Mme le Président, sur l'intervention du
député de Johnson, je dois dire que les affirmations qui sont
faites par le président du Syndicat des fonctionnaires sont
extrêmement graves. Quand il dit à plusieurs reprises dans son
mémoire qu'à toutes fins pratiques le projet de loi 53 fait que
le syndicat n'aura à peu près plus rien à négocier,
alors que je prétend exactement le contraire et que les amendements que
j'ai déposés hier confirment exactement ce point de vue et qu'il
vient lui-même d'admettre que l'article 52a est rétabli dans son
intégrité, j'ai le droit de lui demander quels articles du projet
de loi 53 il vise quand il dit que j'enlève des droits syndicaux. Je dis
le contraire. C'est normal que je lui demande qu'il me cite les articles en
question. Qu'il m'en cite au moins un.
M. Bellemare: Ce n'est pas sur cela que portait ma question de
règlement.
M. de Belleval: Sinon, on laisse n'importe qui faire n'importe
quelle affirmation générale et, ensuite, on ne peut pas les
vérifier. Cela n'a pas de sens!
M. Bellemare: Non, non, non. Mme le Président, c'est
quand...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Dans mon intervention, quand j'aurai le droit de
parole, je relèverai dans leur mémoire certaines accusations,
certaines affirmations qui me semblent fort graves et qui ont été
répétées en maintes circonstances; j'en ai compté
29. Je me garde ce droit-là. Mais je voulais intervenir parce que j'ai
vu le président général commencer à discuter
article par article. Ce n'est ni la place ni l'endroit de discuter article par
article. C'est ma seule intervention. Si le ministre veut faire des
déclarations, essayer de se blanchir vis-à-vis de l'opinion
publique, c'est son affaire.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le
député...
M. Bellemare: Quand j'aurai à faire mon intervention dans
quelques minutes ou cet après-midi, je vais toucher à des points
qui sont bien plus sensibles et qui vont prouver, comme le dit le
mémoire...
Le Président (Mme Cuerrier): Vous sortez de la question de
règlement maintenant, M. le député de Johnson. De toute
façon, nous vous entendrons tantôt. Après ces deux
questions de règlement, M. le député de Mont-Royal sur la
question des occasionnels.
M. Ciaccia: Merci, Mme le Président. La question a
été soulevée que les occasionnels...
M. Chevrette: Parlez plus fort, on ne vous comprend pas ici.
M. Ciaccia: Très bien, je vais parler plus fort pour vous
accommoder. Allez-vous m'écouter mieux si je parle plus fort?
Une Voix: Oui, oui, oui.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Alors, je vais parler plus fort.
M. Chevrette: Ce ne sera peut-être pas plus intelligible,
mais en tout cas!
M. Bellemare: Ce sera peut-être plus compréhensible
pour vous.
M. Ciaccia: Mme le Président, je crois que nos
invités ont soulevé un point important et je crois qu'ils
ont raison dans leur interprétation de la question des occasionnels. Si
on regarde l'article 119, il dit que "les fonctionnaires et ouvriers sont
régis par les dispositions de la convention collective qui leur sont
applicables ou, à défaut..." S'il n'y a pas de convention
collective, il faut retourner à l'article 91 et l'article 91 donne au
ministre le pouvoir de fixer, par règlement, la
rémunération, las avantages sociaux et tous les articles,
incluant la question du droit de syndicalisation. Si c'est l'intention du
ministre de dire qu'il ne veut pas enlever le droit de syndicalisation aux
occasionnels, il faudra absolument qu'il amende l'article 119. C'est vrai que
nous ne sommes pas dans un débat juridique article par article, mais je
pense que le principe est important. Il ne faudrait pas se cacher et dire: Nos
juristes nous ont dit ceci, nos juristes nous ont dit cela. Je ne crois pas que
cela soit juste pour nos invités. Si le principe est de ne pas leur
enlever ce droit-là, qu'on le dise clairement. Qu'on n'oblige pas les
gens à venir nous donner des interprétations sur les articles 68,
124, donner une contre-interprétation. Le seul fait qu'on soit
obligé de faire cela soulève immédiatement des
difficultés et cela crée beaucoup de doutes. D'après moi,
il n'y aucun doute que le point qui a été soulevé est
affecté clairement par les articles 119 et 91. Si ce n'est pas
l'intention du ministre, qu'il dise clairement: Oui, je veux amender les
articles 119 et 91, pour que ce droit ne soit pas atteint.
Le Président (Mme Cuerrier): Vous n'avez pas de question
à poser au syndicat?
M. Ciaccia: Non. Je demandais au ministre si vraiment...
M. de Belleval: C'est exactement ce que je viens de dire. Je ne
comprends pas...
M. Ciaccia: II prend l'engagement d'amender l'article 119-91.
M. de Belleval: Vous êtes en retard d'au moins une heure
dans le débat, M. le député.
M. Ciaccia: Nous voulons confirmer que vous prenez cet
engagement. Je ne l'ai pas entendu. Peut-être que vous ne parliez pas
assez fort, à ce moment.
M. Chevrette: C'est parce que vous n'aviez pas compris. C'est
différent.
M. de Belleval: Si vous voulez, Mme le Président, nous
allons revenir à la question, quand même, qui est fondamentale.
Vous en conviendrez, M. Harguindeguy. Je pense qu'il faut éclairer les
gens le mieux possible là-dessus. Je pense l'avoir fait hier, par mes
amendements, entre autres. J'ai dit que s'il fallait les clarifier encore
davantage, on le ferait. Mais, à mon avis, je pense que, de votre
côté aussi, vous devez faire un bout de chemin et admettre qu'il
n'est pas question, dans le projet de loi 53, de toucher en quoi que ce soit
aux droits syndicaux en vigueur.
M. Harguindeguy: M. le ministre, je ne peux dire que vous avez
raison, parce que cela touche effectivement les droits syndicaux que nous avons
à l'heure actuelle. C'est quand même un projet de loi. Si nous
regardons notre juridiction syndicale, même en vertu des articles 117,
118 ou 119 qui nous permettent, même avec votre amendement, de
renégocier sur certaines matières, même si vous avez
transposé l'article 52a actuel en le modifiant pour tenir compte des
concordances, il n'en demeure pas moins qu'à l'article 3 vous avez un
droit de réglementer certaines conditions.
Vous ne pouvez pas étendre ces droits. Il n'y a pas d'indication
non plus que vous avez l'intention de le faire.
M. de Belleval: Puis-je vous interrompre sur cela? L'article 52a
me permet de concourir, par règlement approuvé, à la
négociation des pouvoirs de l'article 3, de la même façon
que c'était possible dans le passé, avec la commission, sauf
qu'il y a un avantage supplémentaire, c'est que, maintenant, vous ne
parlez plus à une commission indépendante qui ne veut pas vous
voir ou qui ne peut pas vous voir, mais vous parlez au ministre de la Fonction
publique qui est directement chargé, d'ailleurs, de vous parler et de
négocier avec vous.
Vous me dites: Vous ne me donnez pas d'indication que c'est ce que vous
allez faire. Sur cela je vous dis qu'en ce qui concerne l'aire des
négociations, je reprends votre logique à vous. Vous m'avez dit,
depuis deux ou trois semaines: Ne modifiez pas l'aire des négociations
tant que la commission Martin n'aura pas soumis son rapport. C'est ce que je
fais. J'avais un peu tendance, je l'ai admis, à modifier l'aire des
négociations dans un sens contraire à vos vues, mais je reviens
au statu quo absolu et je vous dis, dans ce cas: Moi aussi, je vous renvoie
à la commission Martin, selon votre logique à vous-même,
que j'admets, d'ailleurs, qui était la mienne. Je ne vous donne pas
d'indication que j'ouvrirai, mais je ne vous donne pas d'indication que je
n'ouvrirai pas non plus.
M. Harguindeguy: Sauf qu'à l'intérieur, vous
enlevez quand même des droits.
M. de Belleval: Lesquels?
M. Harguindeguy: Quand j'ai parlé tout à l'heure de
passer article par article, c'était dans ce sens-là, pour vous
indiquer quels sont les changements que vous faites sur notre régime
actuel, qui paraissent peut-être insignifiants à la lecture, qui
ne paraissent pas avoir cette portée, mais il y a quand même des
choses actuelles que nous avons dans notre convention collective.
M. de Belleval: Comme quoi, par exemple?
M. Harguindeguy: Vous semblez soumettre un projet pour garder
l'article 91. On comprend mal
l'article 91, par rapport à l'article 3, d'abord, au point de
départ, parce que si l'article 3 n'est pas applicable aux
employés syndicables, l'article 91 du projet de loi n'a pas sa raison
d'être.
M. de Belleval: Pardon. Comme vous le savez, l'article 91 parle
des employés non syndicables, mais il parle aussi des employés
syndicables, sur des questions pour lesquelles la convention collective serait
muette. L'effet de l'amendement que j'ai apporté hier c'est d'assujettir
tous les pouvoirs de réglementation du ministre aux dispositions du
régime syndical. Autrement dit, je ne puis, en vertu de mes pouvoirs de
réglementation, aller contre une disposition de la convention
collective.
M. Harguindeguy: Malgré tout, est-ce qu'il faut quand
même vous énumérer certaines modifications? L'article 28,
dans le projet de loi, tel quel, l'article 119, que vous avez soumis hier, ne
modifie quand même pas la portée de l'article 28 non plus.
M. de Belleval: Qu'est-ce que c'est l'article 28? Qu'est-ce qui
se passe à l'article 28?
M. Harguindeguy: Les droits de la commission de statuer sur des
recours, vous gardez quand même cela.
M. de Belleval: Je le garde pour les non-syndiqués, comme
actuellement.
M. Harguindeguy: Ce n'est pas marqué. Je voudrais bien le
lire.
M. de Belleval: Ce qui est marqué, c'est que l'article 90
dit que tous les pouvoirs du ministre sont assujettis au régime
syndical. Or, le régime syndical dit, en vertu de l'article 52a, que les
griefs, y compris sur la rétrogradation, etc., sont matière
à négociation. Si c'est matière à
négociation...
M. Harguindeguy: Matière à négociation, mais
si vous avez une loi qui détermine déjà certaines choses,
vous ne pourrez pas défoncer la loi dans vos négociations.
M. de Belleval: Sauf que l'amendement que j'ai apporté
à l'article 90 dit très bien que tous les pouvoirs que me donnent
la loi sont assujettis au régime syndical. Autrement dit, si, en vertu
de la négociation, vous ne concourez pas à ce qu'à
l'avenir les arbitres de griefs dans ces domaines, e, f et g, ce soit la
Commission de la fonction publique, c'est la convention collective en vigueur
qui s'applique, ou la prochaine convention collective que vous allez
négocier qui va s'appliquer.
M. Harguindeguy: Mais si je regarde l'article
"rétrogradation"...
M. de Belleval: Même chose.
M. Harguindeguy: Trouvez-moi, à 117 même dans votre
projet, ce qui dit que, sur la rétrogradation, on a un droit de
négocier là-dessus, même si on le fait dans la convention
collective actuelle, par rapport à l'article 28 que vous conservez
là, et par rapport à l'article 120, je crois qui dit que les
dispositions de l'article 28 entrent en vigueur à la date de
l'échéance de la convention collective.
M. de Belleval: En vertu du régime syndical, vous avez
négocié la rétrogradation. Je ne peux plus, en vertu de
l'article 3, passer un règlement qui irait contre les dispositions que
vous avez négociées en vertu de la convention collective.
M. Harguindeguy: M. le ministre, on sera sûrement loin l'un
de l'autre tout à l'heure; on semblait être près,
d'après vous, mais je pense qu'on est loin, dans notre
interprétation ou peut-être dans la connaissance de la loi
actuelle, de notre convention collective. Actuellement, nous avons
négocié une clause de rétrogradation. C'était une
juridiction qui appartenait à la Commission de la fonction publique, qui
n'était pas implicite dans la loi. Cela n'appartenait pas à la
Loi de la fonction publique. Elle n'était pas prévue à
l'intérieur de la loi.
M. de Belleval: Donc ce n'est pas restreint.
M. Harguindeguy: Non. Nous avions d'ailleurs prévu un
mécanisme où, justement, la commission devait aussi statuer sur
cette question de rétrogradation. Dans la loi, aujourd'hui, il y a
l'article 28 où vous instaurez un recours en vertu de l'article 28 dans
les cas de rétrogradation et vous indiquez dans la loi où cela
doit aller. Vous ne dites pas que la commission, même dans sa
réglementation, dans sa procédure d'appel, va négocier
cette possibilité que nous avons à l'heure actuelle. Trouvez-moi
où c'est écrit là-dedans que la commission comme telle va
pouvoir le faire. Vous nous avez dit tout à l'heure: On ne parlera qu'au
ministre. Je suis bien d'accord...
M. de Belleval: M. Harguindeguy, la réponse que je dois
vous donner là-dessus, c'est que seules les choses qui sont restreintes
explicitement par la loi continuent à être exclues de l'aire des
négociations. C'est le statu quo de ce côté. Toutes les
choses qui ne sont pas exclues de l'aire des négociations sont
négociables et toutes les dispositions qui sont effectivement
négociées prévalent en vertu de l'amendement
apporté à l'article 90 sur les pouvoirs réglementaires du
ministre. Je vais vous dire autre chose là-dessus, conformément
au principe que j'ai exprimé tantôt si ce n'est pas encore assez
clair, on le clarifiera encore plus, si vous voulez, mais c'est cela la
décision du gouvernement là-dessus. Cela ne peut pas être
plus clair que cela!
M. Harguindeguy: Ecoutez, dans les déclarations
verbales...
M. de Belleval: Nos juristes nous disent que, compte tenu de la
façon que c'est rédigé, c'est correct, c'est conforme
à ce que je dis. Vous avez un juriste, il étudiera cela lui
aussi, on se reverra, on a une commission parlementaire, et il n'est pas
question d'aller plus vite qu'il ne le faut avec l'adoption du projet de loi.
J'ai déjà promis, au tout début de cette commission, que
le projet de loi 53 ne serait pas adopté avant le rapport de la
commission Martin. Alors, nous avons bien du temps devant nous...
M. Harguindeguy: D'accord, M. le ministre.
M. de Belleval: ... pour raffiner tous les derniers
détails, si vous voulez. L'important, il me semble, c'est qu'on se
comprenne sur les principes de fond.
M. Harguindeguy: Vous me posiez bien...
M. Bellemare: Vous êtes en train de faire une
déclaration qui est absolument fausse et disproportionnée
à ce que j'ai déjà dit à cette commission. On a
insisté avec acharnement pour faire adopter ma motion qui voulait que le
ministre dise véritablement que cette loi ne serait pas adoptée
en catimini, avant le rapport de la commission Martin, et le ministre a fait
l'impossible pour que la motion ne soit pas adoptée. Aujourd'hui, il
fait une déclaration, parce qu'il a le feu au derrière, il fait
une déclaration, mon cher monsieur, pour se protéger, pour dire:
Non, non, je ne l'accepterai pas avant le rapport Martin. Que va-t-on croire?
La déclaration d'il y a deux jours ou celle d'aujourd'hui?
M. de Belleval: Mme le Président, j'ai été
personnellement mis en cause...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Ciaccia: Votons sur la motion, il accepte donc la motion.
M. de Belleval: ... par le député de Johnson, qui
vient tout simplement, dans un drôle de vocabulaire, de m'accuser
d'être un menteur. S'il veut relire la déclaration que j'ai faite
au tout début de la commission parlementaire, il verra que c'est
exactement l'intention que j'ai exprimée dès cet instant, et
c'est d'ailleurs confirmé par le rapport des discussions qui ont eu lieu
entre les syndicats et la commission Martin.
M. Bellemare: Pourquoi n'avez-vous pas voulu accepter ma
motion?
M. de Belleval: La seule différence, c'est que non
seulement je l'ai dit à la commission Martin, mais je l'ai aussi dit
publiquement au début de cette commission.
M. Bellemare: Pourquoi n'avez-vous pas voulu accepter ma
motion?
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Ciaccia : Etes-vous prêt à voter en faveur de la
motion?
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre!
M. Chevrette: C'est M. Garneau, hier, qui a demandé de ne
pas voter, M. Ciaccia. Ayez au moins la décence de vous entendre dans
votre propre parti avant de commencer à charrier.
M. Ciaccia: II n'y avait pas d'engagement de la part du
ministre.
M. Chevrette: Un instant!
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! A l'ordre!
M. Bellemare: A l'ordre! A l'ordre!
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, je vous en prie,
messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Question de règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs!
M. Bellemare: Ah! Vous avez les pieds dans le béton!
M. Ciaccia: II ne voulait pas le vote parce qu'il n'avait pas
l'engagement du ministre.
M. Pagé: II n'y avait aucun engagement du ministre.
M. Chevrette: Tu n'étais même pas là! M.
de Belleval: Vous n'étiez même pas là!
Le Président (Mme Cuerrier): Messieurs, à
l'ordre!
M. Chevrette: M. Pagé, ayez la décence de lire les
journaux!
Une Voix: On se parle.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Joliette-Montcalm, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: J'en appelle au règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je veux simplement clarifier la situation. M. le
député de Mont-Royal, vous n'étiez pas présent
à la commission hier, alors que nous avons...
M. Chevrette: Bon!
M. Ciaccia: Excusez-moi, question de règlement. Le
député de Mont-Royal était présent.
Le Président (Mme Cuerrier): Voulez-vous me permettre de
terminer, M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît?
Une Voix: II était présent, c'est M. Pagé
qui n'y était pas.
Le Président (Mme Cuerrier): Au moment de la demande du
vote, si je me rappelle bien, vous n'étiez pas présent.
La motion a été en discussion hier, à laquelle la
réplique a été faite. Il a été
proposé de voter sur cette motion. L'ensemble de la commission s'est
entendu pour reporter le vote après la présentation des
différents mémoires; tout le monde était d'accord,
à ce moment-là.
M. Chevrette: Y compris le député de Johnson.
M. de Belleval: Mme le Président, je comprends très
bien que le député de Johnson essaie de se refaire une
virginité prosyndicale, lui qui est un des plus anciens...
M. Bellemare: Mme le Président, je n'ai pas besoin
d'exemple de vertu de la part d'un ministre fourbe. Je n'ai pas besoin de
cela.
Une Voix: C'est antiparlementaire. Le Président (Mme
Cuerrier): M. le député... M. Bellemare: J'ai
simplement déclaré... M. Jolivet: C'est
antiparlementaire.
M. Bellemare: ... Mme le Président, que, quand j'ai
présenté une motion, vous l'avez déclarée
inacceptable. Je tiens à vous dire, Mme le Président...
M. Chevrette: Madame...
M. Bellemare: ... qu'aujourd'hui le ministre essaie de revenir
sur des antécédents...
M. Chevrette: Mme le Président!
M. Bellemare: ... et il essaie de me faire passer...
M. Chevrette: Je fais appel au règlement.
M. Bellemare: ... personnellement... Il y a une limite! Je
n'endurerai pas cela.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson!
M. Bellemare: Pas de lui, surtout! Je ne suis pas un
fonctionnaire, je suis un gars élu et je suis son égal.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, je vous demanderais à vous, comme au ministre, de respecter la
procédure de cette commission.
M. Bellemare: Dites-le au ministre, pas à moi! C'est lui
qui met le trouble partout! C'est lui qui présente la loi, en plus de
cela!
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, vous êtes sans doute un peu bousculé. Je rappelle
maintenant aux deux intervenants précédents que cette commission
en est une d'échanges et d'écoute. Je demanderais à chacun
de conserver un peu plus de calme dans ses propos.
M. le député de Joliette-Montcalm, sur une question de
règlement.
M. Chevrette: Mme le Président, étant donné
qu'il y a ici beaucoup d'auditeurs, je veux donner une information. Cela a
été jugé irrecevable parce qu'on ne pouvait pas se
substituer à l'Assemblée nationale. Vous avez même permis
au député de Jean-Talon d'émettre un voeu. Le voeu a
été émis, discuté et le vote a été,
de consentement unanime, reporté à la fin. Quant à
rapporter les faits, ne faisons pas les bouffons devant les gens, essayons de
dire la vérité!
M. Bellemare: II n'y a pas de bouffon, par exemple...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député,
ceci est superflu.
M. Bellemare: ... pour quelqu'un qui aspire à devenir
ministre.
Le Président (Mme Cuerrier): Votre question de
règlement a été entendue. M. le député de
Johnson!
M. Chevrette: Je vais peut-être l'être avant de
mourir!
M. Bellemare: Oui, et je ne regrette pas d'avoir
été ministre... Arrêtez-les, ces gens-là. On me
provoque continuellement et on me lance des flèches et vous voulez que
j'aie la peau assez dure pour endurer tout cela? Jamais dans cent ans!
Le Président (Mme Cuerrier): Bon! Un moment, s'il vous
plaît! M. le député de Johnson, à l'ordre! A
l'ordre! M. le député de Joliette-Montcalm!
M. Bellemare: On ne peut pas continuer comme cela.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! Je vais tenter de
vous dire très calmement, aux uns et aux autres puisque les
observateurs n'étaient pas ici et pour votre information que M.
le député de Johnson avait apporté une motion demandant
que la commission Martin dépose son
rapport avant que l'Assemblée nationale n'adopte ce projet de loi
en deuxième lecture, ce qui a été jugé irrecevable
parce qu'une commission ne peut pas diriger les travaux de
l'Assemblée.
Cette motion a été reprise par M. le député
de Jean-Talon, en émettant un voeu et c'est à ce moment que cette
motion a été jugée recevable et c'est de cette motion que
nous parlons quand nous disons que le vote sera reporté. Ceci dit, je
considère que le débat sur cette question est terminé.
M. Bellemare: Cela va être bon cet après-midi, en
tout cas... Je vous en réserve tout une.
Le Président (Mme Cuerrier): Les intervenants ont-ils
terminé? Je ne vois personne qui me demande la parole maintenant.
Des Voix: Non, non.
M. de Belleval: C'est M. Harguindeguy qui avait la parole.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Harguindeguy. Je remercie
M. le ministre qui me dit que c'est M. le président
général qui avait la parole avant cette intervention. M. le
Président.
M. Harguindeguy: Une chance, ce n'est pas le seul qui est calme
ici ce matin.
M. Bellemare: Vous pouvez peut-être m'attaquer comme on
m'attaque.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, une petite remarque en passant, c'est M. Harguindeguy qui a la parole
maintenant.
M. Harguindeguy: C'est que, Mme le Président, on est
d'accord pour venir expliquer, en fait, notre point de vue, je pense qu'on est
venu ici pour permettre à la commission de pouvoir se former une
idée. Cependant, il y a quelque chose qui est fondamental pour nous,
c'est le droit de pouvoir négocier. Si on se compare avec les autres
travailleurs du secteur parapublic, indépendamment des gouvernements
précédents, c'est sûr que la bataille qu'on fait à
l'heure actuelle, on l'a déjà faite avec d'autres, ce n'est pas
nouveau. On n'a pas réussi. Je pense que la plupart d'entre nous
pensaient qu'avec le gouvernement actuel, on réussirait. Cela semble
être aussi difficile.
C'est que, si on compare les employés du secteur hospitalier,
dans la loi, on leur permet de négocier, aucun de ces
mécanismes-là n'est prévu dans la loi. Si on regarde les
enseignants, et je pense qu'au gouvernement actuel, il y en a plusieurs
déjà qui ont aussi négocié pour les enseignants, il
n'y a pas non plus de dispositions de ce genre. On permet la
négociation, cela devient uns question de discussion, une question de
priorité, une question de choix à la table des
négociations; alors que, pour nous, dans bien des cas, les règles
du jeu sont déjà fixées par une loi. Quand on arrivera
pour négocier, même si on veut négocier de bonne foi, il
n'en demeure pas moins qu'on va nous mettre à la face même la loi;
60, 58, 72, ne permettent pas cela, mutation, affectation d'un poste à
un autre, la loi prévoit que c'est le sous-ministre; il n'y a pas de
délégation de pouvoir pour cela, c'est le sous-chef qui l'a dans
la loi. Ce sont des articles qui, actuellement, sont négociables.
Pourquoi le gouvernement tient-il encore à garder, pour ses
fonctionnaires et ouvriers, un régime particulier, non pas
privilégié, au contraire? Le gouvernement actuel suit le
même raisonnement que le gouvernement précédent. Toutes les
matières qui sont de la technique, de la cuisine, je dirais, pour les
relations de travail, le gouvernement les met également dans une loi.
C'est ce qu'on trouve aberrant, ce qui ne devrait pas être pour les
employés syndiqués.
Que le ministre ait le pouvoir de la gestion de la fonction publique, on
en est, on demande des pouvoirs. Qu'il légifère, qu'il
réglemente les conditions de travail des employés non
syndicables, cela, c'est son droit, mais, pour nous en tant que
syndiqués, je pense qu'on se doit d'avoir les mêmes droits que
tous les autres travailleurs du Québec, ce que nous n'avons pas à
l'heure actuelle et ce que le projet de loi ne semble pas vouloir nous donner.
Même si on attend après la commission Martin, je pense qu'en toute
logique, il faudra attendre d'avoir l'ensemble, parce que,
nécessairement, aujourd'hui, on est obligé d'empiéter sur
ce qui va être l'aire des négociations.
On ne sait pas ce que la commission Martin va soumettre. On s'est
présenté devant elle mardi de cette semaine. On a exposé
notre point de vue là-dessus. J'espère que le gouvernement fera
pareil, qu'il ira exposer son point de vue pour qu'on sache déjà
là, publiquement, ce que le gouvernement veut faire. J'espère
aussi qu'on pourra avoir, nous, en tant que partie, copie du rapport de cette
commission, parce qu'actuellement, ce n'est pas possible. J'ai demandé
à la commission, la seule personne à qui elle fait rapport, c'est
le ministre.
J'espère que ce rapport sera au moins rendu public, mais c'est ce
qui est dans la loi actuelle. J'ose espérer, en tout cas... On a
peut-être bien des choses à vous dire. J'espère,
étant donné qu'il est 13 heures et que vous suspendez les travaux
bientôt, qu'on pourra revenir à la fin de l'après-midi pour
vous expliquer chacun des articles et particulièrement l'article 70 du
mérite. On est totalement d'accord sur la question du mérite,
cela fait longtemps qu'on se bat pour cela. On a même des dispositions
dans la convention collective qui le prévoient; cependant, elles ne sont
pas appliquées et le projet de loi ne prévoit pas plus
d'application ni de contrôle possible pour cela.
C'est toute cette philosophie que nous contestons actuellement, le fait
que le gouvernement n'accepte pas que les syndicats de la fonction publique
puissent négocier leurs conditions de travail comme tous les autres
travailleurs du Québec.
M. Bellemare: Je vous ferai remarquer qu'il est 13 heures, Mme le
Président, et je vous demande le droit de parole.
M. de Belleval: II n'est pas encore 13 heures. Vous pouvez me
laisser au moins une seconde pour répondre à M. Harguindeguy.
M. Bellemare: Non, monsieur, le règlement veut que ce soit
terminé à une heure.
M. de Belleval: Oui, mais vous dites souvent aussi que l'esprit
vivifie.
M. Bellemare: Oui, oui, mais pas pour vous parce que vous n'en
avez pas.
M. de Belleval: C'est de votre esprit qu'il est question.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, à moins qu'il y ait consentement unanime de la commission, nous
ne pouvons pas continuer après treize heures. Cette commission ajourne
ses travaux sine die, nous sommes régis par l'Assemblée nationale
pour la prochaine convocation. Maintenant, il est bien entendu que, demain, il
ne pourra pas y avoir de commission non plus, à cause du débat
spécial qui sera tenu à l'Assemblée nationale sur la
relance économique et les oppositions ont demandé qu'il n'y ait
pas de commission en même temps; alors, demain, il n'y aura pas de
commission non plus. D'ailleurs, cette demande des oppositions a
été acceptée par le leader du gouvernement et le ministre
de la Fonction publique; donc, ajournement sine die.
M. Harguindeguy: Est-ce que je peux, Mme le Président,
avant de partir...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le Président
général, c'est terminé et c'est déjà
ajourné, mais vous pouvez quand même faire un commentaire.
M. de Belleval: Si M. Bellemare vous en donne le droit, mais je
ne sais pas s'il va vous le donner.
M. Bellemare: Ce n'est pas cela, c'est parce qu'on a des feuilles
où c'est écrit qu'on va siéger à 16 heures.
Le Président (Mme Cuerrier): Je n'ai plus juridiction,
sauf que vous pouvez quand même faire un commentaire.
M. Harguindeguy: Advenant le cas où l'Assemblée
nationale, cet après-midi, ajournerait ses travaux, il me semble qu'il
était prévu que la commission siégerait ce soir vers 16
heures. Je tiens à vous dire que si vous désirez le faire, parce
qu'il y a plusieurs personnes ici qui sont intéressées
drôlement au débat, nous sommes disponibles, si vous le voulez,
pour revenir à 16 heures. Nous serons au syndicat, vous n'aurez
qu'à nous appeler et nous sommes disponibles pour revenir jusqu'à
23 heures s'il le faut. En tout cas, il nous avait été
indiqué que c'était possible que l'on siège de 14 heures
à 18 heures et de 20 heures à 23 heures. A défaut, nous
allons bien entendu nous soumettre, vous êtes les grands patrons dans
tous les domaines. On reviendra à votre convenance, mais on souhaiterait
être convoqué assez à l'avance parce que nos gens ont
l'intention d'assister à ce débat fort intéressant.
M. Pagé: On est d'accord pour siéger à 14
heures cet après-midi, mais est-ce qu'on peut prévoir qu'on va
siéger à 16 heures cet après-midi?
Le Président (Mme Cuerrier): On ne peut pas prévoir
actuellement qu'on siégera à 16 heures cet après-midi. De
toute façon, vous savez fort bien, M. le député de
Portneuf, que c'est l'Assemblée nationale qui décide...
M. Pagé: Vous pouvez quand même le
prévoir!
M. Bellemare: C'est l'Assemblée nationale qui fait des
programmes comme ceux-là, c'est elle qui nous dit qu'on
siège.
(Fin de la séance à 13 h 3)