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Etude du projet de loi no 53 Loi sur la fonction
publique
(Dix heures quarante-deux minutes)
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs! Je
déclare ouverte cette nouvelle séance de la commission de la
fonction publique.
Le rapporteur officiel de la commission est M. Jolivet (Laviolette). Les
membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson) remplacé par M.
Grenier (Mégantic-Compton); M. Boucher (Rivière-du-Loup); M.
Caron (Verdun); M. Chevrette (Joliette-Montcalm); M. de Belleval
(Charlesbourg); M. Dussault (Châteauguay); M. Gendron (Abitibi-Ouest); M.
Gravel (Limoilou); M. Caron (Verdun) est remplacé par M. Garneau
(Jean-Talon); M. Grégoire (Frontenac); M. Jolivet (Laviolette); M.
Lacoste (Sainte-Anne); M. Le Moignan (Gaspé); M. Marchand (Laurier); M.
Marcoux (Rimouski); Mme Ouellette (Hull) remplacée par M. Fallu
(Terrebonne); M. Picotte (Maskinongé); M. Vaillancourt (Orford).
Aujourd'hui la commission entendra le mémoire du Syndicat des
avocats et des notaires, dont le porte-parole est M. Gaétan
Côté, vice-président. Si elle a le temps, elle entendra
aussi la Fédération des travailleurs du Québec et de la
Centrale des enseignants du Québec et la Confédération des
syndicats nationaux, dont le porte-parole est M. Marcel Gilbert.
J'appellerai donc maintenant le Syndicat des avocats et des notaires.
Vous êtes sans doute M. Côté?
M. Côté (Gaétan): Je suis Gaétan
Côté. M. Claude Bouchard est également
vice-président du syndicat...
Le Président (Mme Cuerrier): M. Claude Bouchard?
M. Côté: Me Claude Bouchard est deuxième
vice-président du Syndicat des avocats et des notaires. La
présidente devait venir, étant donné qu'elle a
participé également...
M. Grenier: Voulez-vous, s'il vous plaît, approcher votre
micro?
M. Côté: La présidente devait
également se présenter ici ce matin mais, compte tenu de ses
activités, elle n'a pu se libérer pour assister à la
séance de la commission. C'est Me Claude Bouchard qui va...
M. Chevrette: Cela ne vous fait rien de remonter ce...
M. Côté: Je disais donc que c'est Me Claude Bouchard
et moi-même qui présenterons ce mémoire ce matin, la
présidente du syndicat, Me Anne-Marie Bilodeau, n'ayant pu se
libérer ce matin pour venir présenter le mémoire en notre
compagnie.
Le Président (Mme Cuerrier): Les membres de cette
commission ont reçu votre mémoire depuis un certain temps. Ils en
ont sans doute pris connaissance. Est-ce que vous avez l'intention de le lire
en entier ou de le résumer, M. Côté?
M. Côté: Notre intention était plutôt
de faire un peu le résumé de ce mémoire, compte tenu que
la commission a entre les mains la copie de ce texte.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le
vice-président.
M. Marchand: Mme le Président, je suggérerais
encore, comme je l'ai fait la semaine passée, que, si on ne lit pas le
mémoire au complet, il soit inscrit au journal des Débats
intégralement.
Le Président (Mme Cuerrier): Qu'il soit attaché au
journal des Débats, comme s'il avait été lu.
M. Marchand: C'est une proposition que je fais.
Le Président (Mme Cuerrier): Cette commission est-elle
d'accord?
Une Voix: Oui.
M. Chevrette: Consentement, (voir annexe)
Le Président (Mme Cuerrier): II y a consentement unanime.
M. le vice-président, vous avez la parole.
Syndicat des avocats et notaires de la fonction
publique
M. Côté: Je vous remercie. Avant de commencer,
j'aurais peut-être quelques mots à dire pour présenter
notre syndicat. En fait, ce n'est pas un syndicat accrédité en
vertu de la Loi de la fonction publique, c'est une association qui est
regroupée en vertu de la Loi des syndicats professionnels. Nous avons
environ 250 membres dans la fonction publique qui sont membres de ce syndicat,
ce qui fait que, compte tenu de notre nombre et des ressources
financières que nous avons, nous n'avons pas fait une analyse exhaustive
de ce projet de loi; nous nous sommes davantage attardés à
soulever les quelques points qui nous semblaient plus majeurs.
Notre approche n'est pas une approche politique, dans le sens de dire si
c'est bon ou si ce n'est pas bon, le nouveau mécanisme qui est
proposé dans ce projet, c'est davantage une approche juridique, dans le
sens qu'on a pris un peu l'attitude d'un organisme auquel le ministre aurait
présenté un projet de loi et aurait demandé quelles sont
les carences juridiques de
ce projet. C'est un peu dans cette optique que nous avons abordé
cette étude.
Le changement majeur qui nous apparaît dans ce projet par rapport
à la loi actuelle est, bien entendu, le remplacement du ministre de la
Fonction publique par la Commission de la fonction publique.
Comme je le disais, nous ne sommes pas ici pour nous prononcer sur le
bien-fondé de ce changement, mais peut-être davantage pour nous
interroger sur le changement d'équilibre que cela cause.
En fait, actuellement, les fonctionnaires du gouvernement sont
régis par une commission qui est, en principe, indépendante et
qui est indépendante du pouvoir exécutif. Notre propos est de
dire que, si le ministre de la Fonction publique se donne davantage de pouvoirs
au niveau de la gestion du personnel, il y aurait peut-être lieu, par
ailleurs, d'accorder certaines garanties au niveau de la loi pour
contrebalancer ce changement d'équilibre; on accorde beaucoup de
pouvoirs au ministre alors qu'auparavant, la Commission de la fonction publique
avait quand même une certaine autonomie.
Enfin, c'est un peu la distinction entre la fonction publique... Les
employés de la fonction publique sont à la fois les
employés d'un gouvernement et les employés de l'Etat. Dans ce
sens, nous aurions aimé que le projet de loi consacre certains principes
pour garantir cette notion, puisque la fonction publique n'est pas soumise au
même régime que l'entreprise privée comme telle, compte
tenu de son caractère particulier, quant aux services à la
population.
Nous aurions peut-être quelques remarques plus précises
à apporter au sujet de la Commission de la fonction publique qui se voit
conférer un rôle d'appel en dernier ressort. Etant donné
qu'on ampute la commission d'une grande partie de ses pouvoirs et qu'on lui
consacre principalement son rôle d'appel, nous nous demandons s'il n'y
aurait pas lieu de consacrer davantage ce pouvoir d'appel. Plutôt que de
dire que la commission peut en appeler sur certains points, il y aurait
peut-être lieu de dire que la commission est l'organisme d'appel pour
l'application de toute la loi.
Actuellement, si on regarde, par exemple, l'article 7 du projet, le
ministre peut instituer un autre système d'appel pour les personnes qui
ne sont pas régies par une convention collective. Nous nous demandons,
compte tenu que la commission se voit donner uniquement un rôle d'appel,
s'il n'y aurait pas lieu que la commission puisse également entendre en
appel des gens qui ne sont pas régis par une convention collective.
D'ailleurs, cet article nous semble un peu ambigu, car il semble
suggérer que les gens qui ne sont pas régis par une convention
collective, ont davantage d'appels, peuvent avoir davantage de recours en appel
que les gens qui sont régis par une convention collective. Enfin, on
précise que lorsqu'il n'existe pas de recours auprès de la
commission, le ministre peut prévoir, par règlement, un
mécanisme d'appel.
Egalement, quelques remarques sur l'article 28 qui prévoit les
pouvoirs d'appel de la commission. Les alinéas iii) et iv) touchent la
rétrogradation, révocation et destitution, de même que la
révocation ou destitution.
On se réfère à certains articles dans lesquels on
dit que la commission peut alors modifier ou révoquer toute
décision dont on peut appeler et que sa décision lie les parties.
Si on interprète a contrario, cela implique que, dans les deux premiers
cas, à savoir les appels en matière de classement et les appels
en matière de promotion, la Commission de la fonction publique n'aurait
pas le pouvoir de changer la décision ou de la modifier.
Il est vrai qu'il existe un article, l'article 34, qui donne des
pouvoirs généraux à la commission, mais, compte tenu que,
dans deux des cas de l'article 28, on s'est senti obligé de
préciser que la commission peut modifier ou rescinder une
décision. Par interprétation, on peut peut-être en
déduire que, dans les deux premiers cas, elle ne peut pas le faire, ce
qui ne nous semble pas logique présentement.
L'article 31 parle de la possibilité pour la commission de
changer ses décisions pour cause. Il est bien certain qu'il peut exister
certains cas où un organisme d'appel ou un tribunal puisse avoir besoin
de modifier sa décision. Il a pu y avoir, par exemple, des erreurs
techniques, ou, encore, il a pu y avoir des éléments qui n'ont
pas été soulevés lors de l'audition et qui ont
été cachés, etc., et que, dans certains cas, il est
justifié qu'un tribunal puisse révoquer ces décisions.
Cependant, la mention "pour cause" nous semble très large et
très peu limitée et nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu
de limiter ce pouvoir de révocation un peu à l'instar de ce qui
se fait dans le Code de procédure civile où on
énumère précisément les cas où il peut y
avoir une révocation.
Egalement, toujours dans les pouvoirs de la commission, l'article 32
soulève, à notre avis, quelques difficultés. La
première, c'est qu'on prévoit que la commission établit
ses propres règles de procédure. Il est courant qu'un tribunal
puisse établir ses règles de pratique et puisse même
établir les règles de procédure, mais,
généralement, dans un tribunal administratif, on retrouve
certaines notions élémentaires auxquelles le tribunal doit
s'astreindre comme, par exemple, le droit des parties de faire entendre des
témoins, le droit à une défense pleine et entière
ou encore la signification des avis, si le tribunal d'appel peut suspendre la
décision qui a été faite en première instance ou
s'il ne peut pas.
En fait, ce pouvoir nous semble un peu large et, à notre avis,
devrait être complété en énumérant certains
principes de base auxquels la commission devrait s'astreindre lorsqu'elle
établit ses règles de procédure.
De même cet article dit que la commission peut fixer les
délais lorsqu'ils ne sont pas autrement prévus dans la loi.
Considérant que les dé-
lais recoupent souvent un droit substantif, à savoir que si on ne
fait pas les choses dans un délai donné on perd son recours, nous
croyons que tous les détails devraient être prévus comme
tels dans la loi. Dans la plupart des tribunaux administratifs ou des tribunaux
de droit commun, les délais sont toujours fixés
précisément dans la loi de sorte que les individus sont à
même de savoir quel délai ils ont pour pouvoir exercer leur droit.
Enfin, à la limite, les délais pourraient être fixés
d'une manière très courte et pourraient dénier le droit
à un recours à l'appel.
A cet article, on prévoit également que la commission peut
former des comités d'appel. On ne précise cependant pas du tout
comment seront formés ces comités d'appel. On ne dit pas si un
des membres de la commission devra siéger à ce comité
d'appel, ce qui, à mon avis, devrait être, étant
donné que la commission a ce rôle. Il devrait, à tout le
moins, y avoir toujours quelqu'un de la commission ou peut-être
même cela devrait-il toujours être des gens de la commission qui
siègent en appel.
Le mode de nomination et de composition de ces comités n'est
nullement précisé. Si on regarde le deuxième alinéa
de cet article, on semble suggérer que, dans certains cas, il y ait
absolument entre une et trois personnes à ces comités d'appel, ce
qui peut vouloir dire que pour les autres il y ait plus que trois personnes.
Enfin, la rédaction nous semble un peu confuse en ce sens qu'elle ne
précise pas assez les pouvoirs de la commission d'appel.
Un petit détail qui a peut-être été
souligné à la commission auparavant: On semble vouloir instaurer
une rotation au niveau de la commission en prévoyant que les gens soient
nommés au maximum pour cinq ans. Par contre, l'article 122 et l'article
123 garantissent le poste des gens qui sont actuellement en place et qui sont
là durant bonne conduite. Cette rotation nous semble assez
amputée puisque seulement deux des cinq membres pourront assurer cette
rotation qu'on semble vouloir favoriser.
Quelques commentaires également sur la publicité et la
sous-délégation.
Compte tenu que la fonction publique a un caractère
spécial et qu'elle est au service de l'Etat en même temps qu'au
service d'un gouvernement, nous nous demandons si les textes
réglementaires qui sont adoptés par le ministre ne devraient pas
tous être publiés dans la Gazette officielle et même, il y
aurait peut-être avantage, comme cela se fait depuis quelques
années dans les nouveaux textes de loi, de soumettre
généralement l'adoption de règlements à une
prépublication pour permettre aux gens d'en prendre connaissance et,
s'il y a lieu, de faire les commentaires nécessaires. Le ministre n'est
pas obligé, alors de suivre ces commentaires, mais, à tout le
moins, les gens ont eu l'occasion d'en prendre connaissance avant que cela
n'entre en vigueur.
Egalement, tous les règlements sont adoptés par le
ministre alors qu'habituellement, dans les lois du Québec, c'est le
lieutenant-gouverneur en conseil qui adopte les règlements, ce qui leur
assure une certaine collégialité.
Toujours au titre de la publicité qu'il pourrait y avoir, il y a
dans la loi énormément de délégations et de
sous-délégations, tant par le ministre que par l'Office de
recrutement ou par les sous-ministres dans chacun de leur ministère.
Nous demandons s'il n'y aurait pas lieu que ces délégations
soient rendues publiques pour que les intéressés puissent savoir
qui exerce de l'autorité à leur égard.
Enfin, on se sent obligé de préciser qu'on doit publier le
nom des personnes qui sont autorisées à signer les documents
officiels pour le ministre. Nous demandons s'il n'y aurait pas lieu
également que les délégations, qui sont faites à
différents cadres supérieurs de la fonction publique, si cela ne
devrait pas être rendu public pour que les gens concernés puissent
savoir qui est qui dans toute cette histoire-là. Egalement, la
délégation et la sous-délégation sont des pouvoirs
qui sont un peu exorbitants et qu'on ne retrouve pas souvent sans avoir de
solution comme telle. Nous nous demandons s'il n'y aurait pas
possibilité d'encadrer davantage cette notion, peut-être au niveau
des principes qui pourraient être mis au début de la loi, en
établissant ce qu'est la notion de fonction publique ou ce qu'est la
notion de mérite ou peut-être des critères administratifs;
comme dire, par exemple que cela ne peut être
délégué qu'à tel genre de personnes ou enfin, je ne
sais pas trop; nous ne nous sommes pas assez penchés sur la question
pour apporter des solutions, mais cela nous fait poser un point
d'interrogation, ce pouvoir qui est quand même très large.
Il est certain que nous ne doutons pas de la bonne foi du ministre de la
Fonction publique, mais une loi est une loi et on ne sait pas qui peut avoir
à l'appliquer à un moment donné et, compte tenu de sa
largeur, elle laisse beaucoup de place à des abus possibles.
Il n'est pas certain qu'il y en aura, mais la porte est largement
ouverte pour en permettre, puisque c'est laissé complètement
à la discrétion de personnes sans que rien ne vienne limiter
cette discrétion.
Egalement, sur la sous-délégation, peut-être que
cela peut entraîner certaines incohérences ou certains
dédoublements, compte tenu que les gens qui délèguent ou
sous-délèguent continuent eux-mêmes à pouvoir
exercer ce pouvoir, ce qui fait qu'à la limite, il peut y avoir six ou
sept personnes qui exercent le même pouvoir et il peut y avoir trois
personnes qui peuvent être nommées simultanément au
même poste, un par le ministre de la Fonction publique, un par le
sous-ministre d'un ministère et un autre par une personne à qui
cela a été sous-délégué.
Un article du projet prévoit que toutes les nominations,
promotions, etc., doivent être transmises à la commission ou au
ministre. Il y a quand même des délais administratifs
là-dedans, je ne sais pas jusqu'à quel point la compilation peut
se faire. En tout état de cause, à l'article 82, je ne sais pas
s'il n'y aurait pas lieu d'ajouter, à
la liste des gens à qui ça doit être
communiqué, de prévoir l'Office de recrutement, puisque
lui-même a un pouvoir de nomination.
Un autre point la commission a déjà dû
entendre à plusieurs reprises des commentaires là-dessus
touche la règle du mérite. A la lecture des textes, ça
nous semble assez ambigu. En fait, on a l'article 45 qui prévoit que
l'Office de recrutement déclare l'aptitude d'un candidat et
procède à sa nomination, donc l'Office nomme, d'après un
critère d'aptitude.
Lorsqu'on arrive à l'article 70, on parle de la notion de
mérite. Le personnel est recruté et promu selon une
sélection établie au mérite. A l'article 73, on parle de
la valeur des candidats. Ces trois notions nous semblent un peu confuses. Je ne
sais pas comment le système pourra s'organiser. Est-ce que l'Office de
recrutement fait une présélection, selon les aptitudes? Ensuite,
y a t-il un jury qui établit le mérite et qui fait la liste
à partir de laquelle on doit suivre cette liste?
Un tel système peut poser certaines difficultés lorsqu'on
sait un peu comment ça fonctionne au niveau des jurés. Si je
prends l'exemple de notre syndicat, il y a eu dernièrement un concours
de recrutement où environ 200 ou 300 personnes se sont
présentées. Il y a peut-être plusieurs jurés qui ont
été appelés à évaluer les candidats et une
liste d'admissibilité a été dressée.
Si on suit la règle du mérite et qu'on doive classer les
candidats par ordre d'importance, numéro un, numéro deux, et que
la fonction publique doive engager prioritairement celui qui est numéro
un, avant d'engager celui qui est le numéro dix, dans bien des cas,
cette liste va peut-être être difficile à suivre, en ce sens
que, si j'ai besoin de quelqu'un dans un ministère donné, j'ai
besoin d'une compétence donnée; ce candidat n'est peut-être
pas le premier par rapport à tous ceux qui sont là, mais il est
peut-être le candidat le plus valable, compte tenu du poste que je veux
lui faire occuper.
En fait, les concours de jury, souvent, ne se font pas vis-à-vis
d'un poste donné, mais vis-à-vis d'une fonction. On dit: Vous
vous inscrivez à un concours d'avocat au gouvernement et non pas
d'avocat au ministère du Travail ou d'avocat au ministère de
l'Education, ou d'adjoint au greffier, ou quelque chose comme cela.
Cela peut peut-être causer des difficultés pratiques
d'avoir un système rigide comme cela, c'est-à-dire donner des
numéros. En plus de cela, si l'on considère que, dans bien des
cas, il y a plus d'un jury qui est appelé à recruter des gens
pour un même poste, pour une même fonction, je ne sais pas comment
va se faire le transfert. Cela va être le premier de chaque jury,
peut-être, qui sera un ou bien deux et trois. En fait, je ne sais pas
comment, en pratique, cela peut s'organiser pour correspondre à ce qu'on
veut faire avec cela.
Egalement, la notion de mérite semble très adéquate
en termes de promotion. Mais en termes de recrutement, je me demande comment on
peut évaluer le mérite de quelqu'un qui n'a jamais
travaillé, soit parce qu'il termine ses études, ou encore qu'il a
travaillé ailleurs. Et les gens sont là... Je dis qu'en quinze
minutes, une demi-heure, c'est très difficile d'apprécier le
mérite de quelqu'un. On peut dire si une personne serait
compétente à exercer, ou si elle a les aptitudes, compte tenu de
ses diplômes ou etc., mais de là à évaluer son
mérite au niveau du recrutement, cela me semble un peu
alléatoire. Il serait peut-être plus juste de parler de
recrutement, sur un critère d'aptitude et de promotion, sur un
critère de mérite.
En passant, pour le critère de mérite, notre syndicat a ce
système depuis quatre ou cinq ans. C'est la deuxième convention
que nous avons avec ce système. Le système, en soi, n'est pas
mauvais, sauf que lorsqu'il est peu précisé, il peut souvent
laisser place à des embarras ou à des insatisfactions ou à
une discrétion qui peut peut-être être mal exercée,
compte tenu qu'une personne en poste peut avoir certains préjugés
contre une personne ou autre chose comme cela.
Enfin, c'est un problème qui est lié à l'esprit
humain de notre existence. Mais en règle générale, le
système de mérite a beaucoup d'avantages, mais il doit, à
notre sens, être circonscrit davantage.
Enfin, dans notre mémoire, nous suggérons que pour pallier
cette chose, il y aurait peut-être lieu d'accorder certaines garanties
dans la loi, ou de préciser, dans la loi, ce que c'est.
C'étaient les principaux points. Il y aurait peut-être
quelques points plus mineurs que nous aimerions souligner. A l'article 41
je ne sais pas si c'est un oubli on dit qu'en cas
d'incapacité d'agir du président de l'Office de recrutement, le
gouvernement en nomme un par intérim. Dans le cas de la commission, on a
cru bon de préciser que cette incapacité devait être
temporaire.
On se demande si c'est un oubli ou si vraiment, dans le cas de l'office,
il faut qu'une personne soit incapable tout le temps pour qu'on la remplace,
tandis que dans le cas de la commission, si un individu part en vacances un
mois ou est malade pendant deux mois, on le remplace. Ce serait peut-être
un ajustement à faire.
Egalement, une chose sur laquelle je reviens, les règlements ici
sont approuvés par le ministre alors qu'habituellement c'est le
lieutenant-gouverneur en conseil qui est chargé d'une telle
tâche.
L'article 77 nous laisse un peu songeurs. Dans le dernier membre de
phrase, on mentionne qu'une personne peut être nommée permanente
si elle a fait un stage probatoire de la même durée après
avoir été déclarée apte à la promotion ou au
reclassement. En fait, on s'interroge un peu sur la signification de ces mots.
Est-ce à dire que des occasionnels pourront être nommés
permanents s'ils ont effectué un stage aussi longtemps qu'on doit
l'être au niveau temporaire? L'article parle, en fait, de trois choses.
On parle de la nomination, de la promotion et du reclassement, mais la
distinction dans le texte
est un peu confuse. Il y aurait peut-être lieu de scinder ou de
mettre d'une manière plus précise ce qui est quoi?
L'article 80 mentionne des causes d'appel à la commission dans la
promotion au mérite. Nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu de
prévoir aussi un appel lorsqu'il y a eu des irrégularités
ou des illégalités dans le processus de recrutement. On ne parle
que de la promotion, mais dans le recrutement il peut y avoir également
des illégalités qui se posent; or, une personne qui en aurait
été victime n'aurait aucun recours, selon le texte actuel. Il y
aurait peut-être lieu d'étendre l'appel également au niveau
du recrutement.
Il y aurait peut-être lieu d'ajouter, à l'article 82, comme
je l'ai mentionné tout à l'heure, que les nominations ou
promotions... peut-être pas les promotions, mais les nominations
devraient être communiquées à l'office, puisque c'est
l'office qui a également le pouvoir des nominations.
Il y aurait peut-être également une analogie à faire
entre l'article 85 et l'article 89, deuxième paragraphe. A l'article 89,
on mentionne que, dans le cas de rétrogradation, la commission peut se
référer à l'office pour lui demander quel pourrait
être le reclassement d'un individu en partant du principe que l'office
est peut-être l'organisme le plus apte à reclasser quelqu'un,
compte tenu de sa vocation première. Nous nous demandons si, dans le cas
de l'article 85, le reclassement d'un fonctionnaire à une même
classe d'emploi ne devrait pas également être fait par l'office,
plutôt que par le ministre. Il n'y a rien, à notre avis, qui
justifie que le ministre intervienne à ce niveau, compte tenu de la
vocation première de l'Office de recrutement qui est chargé
d'évaluer quelqu'un et de dire dans quelle classe on le met. Si on a
à changer quelqu'un de classe, l'office devrait avoir son mot a dire
également, compte tenu de sa vocation.
Un petit détail sur l'article 102 qui touche peut-être
davantage les députés que les fonctionnaires. En lisant cet
article, en fait, on accorde un droit à un fonctionnaire qui a
été élu député. S'il était permanent
lorsqu'il a accédé à cette charge, on lui donne le droit
de pouvoir revenir continuer à travailler à la fonction publique
advenant que son mandat ne soit pas renouvelé. Qu'en est-il si un
individu a eu deux mandats, a fait plus de cinq ans, a fait six ans comme
député?
A ce moment-là, le texte sous-entend que l'individu ne pourrait
pas revenir pour occuper son poste. C'est peut-être volontaire, c'est
peut-être ce qu'on a voulu.
Un dernier commentaire portant sur l'article 130 qui, en fait, est une
disposition transitoire. On dit que les listes d'admissibilité actuelles
restent valides selon que le détermine le gouvernement. Compte tenu de
la vocation de l'Office de recrutement, nous croyons que ce serait plutôt
l'Office de recrutement qui serait le plus à même de faire le
transfert des listes d'admissibilité de l'ancienne à la nouvelle
loi.
Ce sont à peu près les commentaires que nous avions
à formuler à la commission. J'ai essayé un peu de faire le
résumé de ce qu'il y avait dans le mémoire. Il y a
peut-être davantage de considérations dans le mémoire. Nous
espérons que ces quelques commentaires pourront vous être
utiles.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: Je remercie chaleureusement les
représentants du Syndicat des avocats et des notaires de la fonction
publique. Les multiples remarques que vous avez faites ce matin vont
certainement nous être utiles pour améliorer la rédaction
du projet de loi dans sa forme actuelle.
Il y a un certain nombre de points, en particulier, qui m'ont
intéressé. Vous avez parlé, bien sûr, de la question
des règles de procédure devant les tribunaux administratifs.
C'est un problème qu'on retrouve, pas simplement dans la Loi de la
fonction publique, mais dans toutes les lois qui traitent de sujets tels que
l'institution de tribunaux administratifs. Dans l'absence d'une loi
générale sur les tribunaux administratifs, on est pris avec le
problème de l'imprécision des règles de procédure,
mais c'est un problème général qu'on retrouve un peu
partout, pas simplement dans le projet de loi actuel. Il reste que vous avez le
mérite de souligner de nouveau le problème. Il va sans dire que
les tribunaux administratifs sont soumis aux lois générales,
mais, en particulier, aux lois générales en matière
d'interprétation et de règles de procédure qui doivent
respecter, comme vous dites, le "due process", y compris le droit aux parties
d'être entendues, la possibilité d'avoir une défense pleine
et entière, etc.
Maintenant, je ne sais pas ce qu'on pourrait faire de concret, compte
tenu que le problème est général, qu'on ne le retrouve pas
simplement...
M. Côté: Je ne sais pas, mais il est certain qu'on
peut toujours recourir aux tribunaux de droit commun si des droits fondamentaux
ne sont pas respectés. Je crois que cela facilite davantage les choses,
cela détermine davantage le cadre, lorsque, dans la loi même, il y
a certains principes de base comme le droit à une défense pleine
et entière, le droit d'être présenté, le droit de
signifier des avis dans certains délais pour que les gens aient le temps
de se préparer, etc.
C'est certain que, même si ce n'est pas inscrit, il y a bien
d'autres lois qui créent des tribunaux administratifs. Ce n'est
peut-être pas élaboré longuement non plus, mais je ne pense
pas qu'on puisse se référer nécessairement à cela.
Si on regarde d'une manière théorique comment cela devrait
être, je pense qu'il y aurait lieu que, lorsqu'on crée un tribunal
administratif, on accorde certaines garanties de procédure pour le
commun des gens finalement. Enfin, en tant qu'avocat, je sais bien que, si on
ne m'écoute
pas, si on ne me permet pas de faire une défense, je vais pouvoir
aller devant la Cour supérieure en évocation.
Pour les gens qui sont soumis à ça, en fait, il ne
faudrait peut-être pas en faire nécessairement une loi
spécialiste; il y a des principes de base que, de toute façon, on
a l'intention de respecter. Pourquoi, à ce moment-là, ne pas les
mettre tout simplement?
M. de Belleval: C'est une remarque valable. Il reste aussi que
les règlements de la commission ou de l'office, comme ceux du ministre,
sont publics. Je pense bien que si ces règlements étaient de
nature à aller contre des principes fondamentaux dans ce domaine, il y
aurait possibilité, pour des organismes spécialisés en ces
matières, d'intervenir, par exemple le Barreau ou la Ligue pour la
protection des droits de l'homme ou le conseil, enfin, le Parlement aussi, bien
sûr, lui-même, qui a connaissance de ces règlements.
M. Côté: C'est plus complexe d'aller devant le
tribunal de droit commun en évocation, en disant que certains principes
n'ont pas été respectés, que de dire: C'est écrit
dans la loi et ça n'a pas été respecté.
M. de Belleval: Non, mais il faut dire que si une
procédure n'est pas respectée, il reste qu'il y a un
règlement comme tel qui doit être approuvé. C'est au niveau
même de la discussion du règlement que l'arbitrage se ferait
entre: Est-ce que le règlement est conforme au droit
général ou s'il ne l'est pas? Déjà, il y a quand
même une procédure qui permet une discussion sur la
conformité entre les règles de procédure et les principes
généraux qui nous gouvernent. Ensuite, il y a l'application de
ça, mais là, l'application, de toute façon, que ce soit
dans la loi, que ce soit dans les règlements, le problème se pose
toujours. S'il y a excès de juridiction, il faut, de toute façon,
aller devant la Cour supérieure.
Vous parlez aussi d'un autre principe, d'un autre aspect important parmi
d'autres, qui vise justement à rendre les balises qui gouvernent, qui
doivent encadrer les pouvoirs ministériels, que vous ne contestez pas
comme tels au niveau du fond, mais vous insistez sur le fait qu'il faut qu'ils
soient bien encadrés et vos remarques visent à ce que cet
encadrement soit plus étanche et, là-dessus, je pense que votre
contribution est très valable. Vous parlez, entre autres, de la
pu-blicisation des règlements. Je pense que ça aussi, c'est une
notion importante. Il faudra regarder ça de plus près. La
publication des enquêtes aussi, du résultat des enquêtes,
parce qu'il reste que... J'ai cru comprendre qu'il y avait quand même une
espèce de flottement dans votre mémoire à ce sujet. Il
reste que la commission a des pouvoirs... Vous dites: II faudrait que ce soit
mieux encadré, et vous suggérez, entre autres, qu'une des
façons d'encadrer, c'est un pouvoir d'enquête plus
général de la part de la commission. Je pense quand même
que le projet de loi donne, là-dessus, à la commission, un
pouvoir d'enquête qui est très général. Cela
pourrait peut-être être précisé davantage. Je pense
que, de ce côté-là aussi, il y aura matière a
réflexion de notre part dans la formulation, peut-être.
M. Côté: Je peux me permettre une précision
à ce niveau-là?
M. de Belleval: Oui.
M. Côté: C'est peut-être un peu dans le sens
que la commission a des pouvoirs d'enquête, mais, une fois qu'elle a fait
son enquête, qu'est-ce qu'elle en fait?
M. de Belleval: C'est ça, alors là...
M. Côté: Elle la met dans le tiroir no 13?
M. de Belleval: ... on tombe sous l'aspect de la divulgation de
ces enquêtes. Il est évident que, un peu comme dans le cas du
Vérificateur général, c'est la publicisation de
l'enquête qui est, au fond, la sanction la plus importante, puisque c'est
une sanction essentiellement démocratique et politique, au sens
même des mots. Il y aura peut-être des précisions à
faire là-dessus. Il reste que la commission va faire un rapport annuel
et je suppose que, dans son rapport annuel, un peu comme font l'ombudsman ou le
Vérificateur général, elle va donner un aperçu des
principales enquêtes qu'elle a faites et du résultat de ces
enquêtes.
Il faut peut-être préciser davantage le texte de ce
côté-là. Je ne pense pas qu'on devrait obliger la
commission à divulguer toutes ses enquêtes, parce qu'il pourrait y
avoir l'intérêt d'individus qui pourrait être mis en cause,
si on mettait des noms, etc., mais je pense qu'on pourrait avoir une
précision là-dessus.
M. Côté: Le pouvoir de le faire sans être
obligé de le faire.
M. de Belleval: Le pouvoir de le faire si elle juge, justement,
oui...
M. Côté: Parce que, même au niveau du rapport
annuel de la commission, je ne pense pas qu'il y ait quelque chose qui oblige
la commission à faire un rapport annuel ou à le déposer
devant qui que ce soit, avec la loi actuelle.
M. de Belleval: En tout cas, c'est un autre aspect
intéressant, je pense, de vos remarques. La même chose aussi pour
la délégation et la sous-délégation. Il reste que,
là encore, il ne faut pas oublier qu'il y aura un règlement de
délégation et de sous-délégation. La
délégation n'est pas discrétionnaire. Elle n'est pas
arbitraire. Elle doit faire l'objet d'un règlement qui est
lui-même soumis à la Commission de la fonction publique pour avis
et, ensuite, transmis à l'Assemblée nationale. Donc,
déjà, la formulation de ce règlement devra être
stricte, parce que si le règlement
de délégation est trop large, il peut donner lieu à
des abus.
La commission va le dire et va demander que le règlement soit
plus sévère de ce côté, que la
délégation et la sous-délégation soient mieux
contrôlées, mais il reste que, là encore, je pense que vous
soulignez un point intéressant.
En gros, c'étaient les remarques que j'avais à faire. Je
vous remercie pour ces points.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Mme le Président, moi aussi, je voudrais
souligner mon appréciation pour les remarques qui ont été
faites. Nul doute que cela nous aidera lors de l'analyse du projet de loi,
article par article. J'ai pris note de plusieurs des observations, observations
qui, dans certains cas, avaient été soumises à l'attention
de la commission par d'autres mémoires, mais vous l'avez fait d'une
façon peut-être plus précise, dans des termes plus
juridiques, et cela va certainement nous aider.
Il y a deux aspects de votre mémoire sur lesquels j'aimerais vous
poser des questions. Vous faites allusion à une chose, au moins à
deux endroits, d'abord, au départ, quand vous parlez de la fonction
publique et, par la suite, à la page 12, lorsque vous parlez
également de conflits qui pourraient peut-être exister, de
conflits de personnalité entre ce que vous appelez le gouvernement et
l'Etat.
Ma question est de savoir comment on peut, dans un texte juridique, une
loi, faire cette distinction entre le gouvernement et l'Etat pour ce qui est de
la gestion du personnel.
J'aimerais vous entendre préciser ces choses. Je comprends le
concept que vous évoquez, mais comment peut-on le coucher en termes
juridiques dans une loi qui départagerait le rôle du fonctionnaire
ou de la fonction publique comme telle et de ses membres
évidemment, il faut le reprendre par ses membres entre le
gouvernement et l'Etat et comment peut-on mettre cela en termes juridiques pour
que cela soit opérationnel?
Vous n'êtes pas les premiers à soulever cela, mais, comme
vous êtes des juristes, j'ai pensé vous poser la question parce
que cela m'apparaît quand même intéressant comme concept,
mais également, extrêmement difficile à coucher en termes
juridiques. Comment, par exemple, le ministre de la Fonction publique ou un
ministre ou son sous-ministre, s'il détient les pouvoirs par
délégation, peut-il gérer le personnel sous sa juridiction
en tenant compte de ces deux aspects? Comment met-on cela dans une loi?
M. Côté: C'est une question un peu embêtante
à répondre parce qu'en termes précis, en fait, nous ne
nous sommes pas penchés sur les modifications précises qu'il
devrait y avoir. Auparavant, avec la Commission de la fonction publique, peu
importe le changement de gouver- nement, il y avait quand même une
certaine continuité qui se faisait. Actuellement, les changements de
gouvernement pourront amener de gros changements, pour prendre cette
année, au niveau du personnel, puisqu'il y a énormément de
pouvoir de donné au gouvernement.
La promotion au mérite se fait par un jury chargé
d'évaluer... Il y aurait peut-être possibilité de
prévoir comment est composé ce jury, de sorte qu'on pourra
peut-être y mettre des gens de l'extérieur ou des gens qui ne sont
pas nécessairement rattachés au gouvernement et qui seraient
chargés d'évaluer le mérite, ou encore d'y mettre des gens
qui ne sont pas, nécessairement, seulement les supérieurs
hiérarchiques d'un individu.
Si j'ai un conflit de personnalité avec mon supérieur, il
est sûr que, s'il est membre d'un jury, il est certain que je n'aurai pas
de mérite; j'ai peut-être quand même du mérite, mais
je n'en ai peut-être pas avec lui parce qu'on ne s'entend pas tout
simplement.
J'ai peut-être un mérite professionnel, mais je n'ai
peut-être pas un mérite personnel avec l'individu. Cela peut
peut-être se faire au niveau de la composition des jurys, par
exemple.
Me Bouchard me suggère qu'il y a peut-être aussi... Je
crois qu'il y a appel à la commission sur le mérite. En fait, si
un organisme plus indépendant peut en appeler de décisions qui
ont été prises dans le cas de la promotion, il est certain que
cela peut sûrement pallier la discrétion qu'il peut y avoir dans
l'évaluation du mérite de quelqu'un.
Il y a des choses auxquelles il est peut-être difficile de trouver
des solutions. Je pense, par exemple, à des individus, peut-être
plus au niveau des professionnels, qui ont parfois à émettre des
avis et qui ne font pas nécessairement plaisir à
l'autorité qui les a demandés, dans le sens que, si l'avis est
strictement juridique, parfois, les avis qui nous sont demandés sont
peut-être de rendre cela plus doux ou de tempérer.
Si un individu demeure strict dans ses fonctions et dans sa
manière, sa conception de sa profession, à ce moment il peut
peut-être y avoir des difficultés.
Je ne pense pas qu'on puisse nécessairement régler cela
dans la loi. Je me sens un peu mal à l'aise, parce que je soulève
quelque chose sans avoir de réponse comme telle, sauf peut-être au
niveau de la composition du jury qui pourrait peut-être être une
tentative de solution, mais je serais embêté de vous en parler
davantage. Il y aurait lieu que j'y pense davantage avant de
répondre.
M. Garneau: A la page 12 de votre mémoire, au dernier
paragraphe, vous dites: "Nous soumettons également que les conflits de
personnalité et les divergences d'opinions dans le cas des
professionnels ou du personnel-cadre, pourront parfois difficilement
s'intégrer dans un système au mérite et ce,
peut-être au détriment de l'Etat plutôt que du
gouvernement."
Là aussi, c'est difficile de porter un jugement sur ce qui se
fait au détriment de l'Etat, au détriment du gouvernement, mais
la question que je me pose est la suivante: Est-ce que vous aimeriez avoir un
système extrêmement rigide, ou s'il n'est pas un peu normal qu'un
sous-ministre je vais prendre par exemple le sous-ministre des Affaires
sociales qui a un budget de $3 milliards à administrer lorsqu'il
s'agit de choisir ses propres collaborateurs immédiats, que ce soit le
sous-ministre adjoint ou les directeurs généraux, qu'il soit pris
à gérer un budget de $3 milliards avec une personne avec laquelle
il est en conflit de personnalité, tout simplement, ils se regardent
mutuellement et ils ont envie de se taper sur la gueule... est-ce que la
règle d'or doit être l'automatisme ou si vous ne trouvez pas qu'il
serait un peu normal qu'un bonhomme qui a une responsabilité aussi
grande ne puisse pas avoir au moins un certain mot à dire dans le choix
de ses collaborateurs immédiats et ce, je le vois uniquement en termes
d'efficacité administrative et quotidienne? Comment, selon vous, ces
conflits pourraient-ils se régler d'un côté, pour
éviter le plus possible l'arbitraire, mais d'un autre côté
aussi pour avoir une possibilité d'efficacité sans que ce soit
nécessairement ses amis, mais que ce soient des personnes avec
lesquelles il puisse s'entendre?
Si les normes sont tellement rigides, cela crée des climats
difficiles dans un ministère. Je ne sais pas si vous avez des
suggestions à faire pour le règlement de ce type de
problème. Vous soulevez le problème, mais je ne suis pas
sûr qu'on puisse y déceler une solution. C'était le sens de
ma question.
Ma question n'est peut-être pas précise. Mais quant
à l'idée que vous soulevez, au bas de la page 12, je ne suis pas
sûr qu'on y retrouve l'élément de solution au
problème que vous soulevez, en termes de texte juridique qui pourrait
être impliqué dans une loi. Je ne sais pas, peut-être que
c'est le même genre de question que ma première et que les
solutions ne sont pas faciles à trouver.
M. Côté: Oui, je pense que je ferai un peu le
même commentaire. C'est un problème qu'on soulève. Je ne
sais pas s'il y a effectivement une solution idéale pour le
résoudre. Il est certain que le système ne doit pas être
trop rigide pour, comme vous le mentionnez, qu'il y ait des conflits. Lorsque
ce sont des personnes qui occupent des postes élevés, un ministre
a peut-être intérêt à avoir des gens en qui il a
beaucoup confiance, sur lesquels il puisse se fier totalement. L'idée
n'est pas de mettre des règles trop rigides, parce que ce ne serait pas
opportun, surtout dans une grosse administration. Tout le monde alors en vient
à être pris dans un carcan.
M. Garneau: Sur le plan du statut professionnel, je ne sais pas
si je vous ai mal interprété. Est-ce que vous iriez
jusqu'à mentionner ou si c'est ce qu'on doit comprendre de votre
exposé quand vous faites la distinction en- tre l'Etat et le
gouvernement que les mémoires, les rapports ou les avis et
opinions, référés entre autres aux professionnels
soit de la part des avocats quant à l'opinion juridique devraient
être publiés d'une façon quelconque? Si oui, qui
déciderait de les publier ou non?
M. Côté: Non. Cela ne va pas du tout dans ce
sens-là.
M. Garneau: Ah bon! D'accord.
M. Côté: Je pense bien que les opinions qu'un
ministère peut avoir du personnel qui travaille pour lui, il est libre
d'en disposer comme il le veut. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de divulguer
cela du tout au niveau du public; tout comme une compagnie, lorsqu'elle prend
des décisions, ne publie pas toutes les raisons pour lesquelles elle en
est venue à ces décisions.
M. Garneau: Seulement une autre question. Concernant les
règlements, vous dites que vous souhaiteriez qu'il y ait une
prépublication ou une publication avant la mise en vigueur du
règlement pour obtenir les opinions des personnes visées. Est-ce
que vous diriez que tous les règlements devraient être soumis
à cette publication avant son adoption pendant une période de
quinze jours, trois semaines ou un mois, ou s'il y a seulement une partie
vous parliez entre autres de l'article 3 est-ce que vous diriez
que tous les règlements qui doivent être publiés ou
émis par le ministre devaient être sujets à cette
publication?
En éliminez-vous quelques-uns ou seulement les plus importants?
Je ne sais pas si vous avez réfléchi à cet aspect ou si
vous avez voulu parler en termes généraux.
M. Côté: C'était plus en termes
généraux en ce sens que ce sont des employés au service de
la population de la fonction publique et que les règles qui les
régissent devraient être rendues publiques puisque, finalement, ce
sont les citoyens qui payent pour ça et qui voient comment ça
fonctionne. Il y aurait peut-être lieu de les rendre publiques. Il n'y a
peut-être pas lieu de faire des prépublications, mais, à
tout le moins, je pense bien qu'une publication officielle, pour que le
règlement entre en vigueur, devrait être faite.
En fait, pour répondre précisément à votre
question, on n'a pas regardé exhaustivement les différents
pouvoirs réglementaires. C'est plus une considération
générale sur le pouvoir réglementaire tel qu'on le
conçoit.
M. Garneau: Vous avez également parlé de
l'approbation... Evidemment l'article 3 dit: "Le ministre a la
responsabilité générale de la gestion du personnel de la
fonction publique. Le ministre peut faire tout règlement concernant les
autres matières reliées à la gestion du personnel,
à l'exception de celles qui sont de la compétence de la
commission ou de l'office". Dans le
dernier paragraphe de l'article 3, on dit: "Les règlements
doivent être soumis à l'approbation du Conseil du trésor".
Vous dites qu'ils devraient être soumis au Conseil des ministres. Vous
parlez également d'une approbation par le Conseil des ministres.
Actuellement, à moins que les choses n'aient changé, mais
je ne le pense pas. C'est une nécessité de la loi, des
règlements, toutes les décisions du Conseil du trésor
doivent être approuvées par le Conseil des ministres, que ce soit,
par exemple, dans un arrêté en conseil omnibus, mais ils le sont.
Est-ce que vous soutenez que chaque règlement devrait être
approuvé d'une façon encore plus particulière? Je ne sais
pas au juste comment cela se fait. Un arrêté en conseil qui
approuve une réglementation, c'est un arrêté en conseil qui
est passé par le Conseil du trésor ou non. Cela devient une
décision du gouvernement. Je ne comprends pas tout à fait quand
vous dites que les règlements devraient être... D'abord, ce ne
sont pas les règlements du ministre dans bien des cas, ce sont les
règlements du Conseil du trésor approuvés automatiquement,
de par la nécessité de la loi, par le Conseil des ministres. Je
ne sais pas au juste quelle précision juridique additionnelle vous
vouliez mentionner en soulevant ce problème.
M. Bouchard (Claude): En fait, ce qui se passe dans ce
cas-là...
Le Président (Mme Cuerrier): M. Bouchard, permettez-moi de
vous identifier pour la transcription du journal des Débats.
M. Bouchard: Claude Bouchard...
Le Président (Mme Cuerrier): ... Bouchard,
vice-président du syndicat.
M. Bouchard: ... du syndicat, c'est ça. La première
des choses, c'est que le ministre va faire des règlements, ce qui est
contraire à la pratique actuelle. Habituellement, les règlements
étaient faits par le lieutenant-gouverneur en conseil anciennement,
maintenant, par le gouvernement. Il est vrai que le règlement va
être approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil ou par le
Conseil des ministres, une fois qu'il aura été approuvé
par le Conseil du trésor.
Mais, rendu à cette étape, je pense que le rôle du
Conseil des ministres, sans être celui d'une étampe... Il reste
que le règlement a déjà été soumis par le
ministre, qui a le pouvoir de faire le règlement; ensuite, il a
été approuvé par le Conseil du trésor. Alors, je
pense que le Conseil des ministres n'a plus tellement de choix que celui de
l'approuver. Tandis qu'actuellement les règlements sont approuvés
par le Conseil des ministres en fait, ils sont toujours
préparés par le ministère, le ministre Ils sont
soumis au Conseil des ministres qui les étudie, point par point, et qui
les approuve immédiatement.
C'est un peu la distinction que je vois entre les deux
systèmes.
M. Garneau: Mais la nuance n'est pas très grande. Il faut
avoir été membre d'un conseil de ministres pendant un certain
temps pour s'apercevoir que vous avez une réunion par semaine qui dure
cinq heures et qu'il faut vous fier à quelqu'un. La plupart du temps,
c'est le ministre responsable de tels secteurs qui l'explique au conseil. Mais
je pense bien que pour avoir une analyse détaillée c'est
le cas presque toujours lorsqu'il s'agit de documents assez volumineux
je ne connais pas le fonctionnement du gouvernement actuel là-dessus
... Quand il y a un document assez volumineux, il y a toujours un
comité quelconque qui est formé pour l'étudier, article
par article. Finalement, il y a une recommandation qui est faite au Conseil des
ministres.
Dans le cas de l'article 3, tel qu'il est exposé, il semble bien
que le comité du Conseil des ministres qui a cette fonction soit le
Conseil du trésor. Mais je me demande au juste ce que ça
changerait que l'on modifie les termes. Pour moi, cela reviendrait probablement
au même, parce qu'une approbation du Conseil des ministres étant
une approbation du Conseil des ministres, je ne verrais pas la grande
différence qu'il y aurait entre modifier l'article 3, sous cet aspect,
pour dire: le Conseil des ministres l'approuve, alors que finalement cela va
être exactement la même affaire.
Je ne veux pas entrer dans les détails d'une discussion comme
celle-là.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Côté.
M. Côté: La distinction est peut-être au
niveau des principes, en ce sens que le Conseil du trésor n'a aucune
responsabilité ministérielle, tandis que le Conseil des ministres
en a une. On pourrait reprocher au gouvernement d'avoir adopté tel ou
tel règlement, tandis que c'est un peu embêtant de le reprocher au
Conseil du trésor. Cela ne change pas grand-chose. C'est peut-être
cette petite distinction qui change...
M. Garneau: Cela m'apparaît être une discussion qui
tourne autour d'une perception, parce que, fondamentalement, les
décisions du Conseil du trésor sont approuvées par le
Conseil des ministres et c'est le gouvernement comme tel qui, en
dernière analyse, est responsable. Je ne veux pas aller plus loin que
cela.
M. Côté: A ce moment-là, pourquoi ne pas
l'indiquer?
M. Garneau: C'est cela que je vous dis. Cela devient une
discussion qui ne change pas la réalité des choses. Qu'on mette
un terme ou l'autre, le processus va être exactement le même et
l'aboutissement du processus va être exactement le même. C'est
tout, Mme le Président.
M. Côté: Si je peux me permettre une dernière
intervention. Vous avez tout à fait raison en disant que c'est la
même chose. En pratique, c'est la même chose. Mais les pratiques
adminis-
tratives changent et la loi demeure. A ce moment-là, je ne sais
pas si c'était prévu par le Conseil des ministres, même si
la pratique administrative changeait, au niveau du Conseil du trésor,
cela...
M. Garneau: C'est une obligation de la Loi de l'administration
financière actuellement. C'est pour cela que cela va, de toute
façon, au Conseil des ministres. Les décisions doivent être
approuvées, même si cela l'est d'une façon... Comme je
l'appelle, un arrêté en conseil omnibus.
Le Président (Mme Guerrier): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Brièvement, je voudrais d'abord, comme mes
prédécesseurs, vous remercier pour votre participation en tant
que professionnels de la fonction publique; vous vous êtes donné
la peine de venir ici pour exprimer votre point de vue et faire des
recommandations à la commission. Je pense bien que cela dénote
que vous êtes des personnes sérieuses, qui désirent bien
servir l'Etat ou le gouvernement quand on aura trouvé la
différence Je voudrais vous poser juste une question. Est-ce que
cela vous serait possible de nous dire ce que vous entendez par ces deux
concepts, aptitude et mérite, que vous avez relevés de l'article
70? Comment les verriez-vous définis?
M. Côté: Si je peux me permettre un exemple, toute
personne qui est licenciée en droit et qui est membre du Barreau, est
apte à travailler comme avocat au gouvernement. Tandis qu'au niveau
pratique de leur ouvrage quotidien, ces personnes n'ont pas
nécessairement toutes le même mérite, elles n'ont pas
nécessairement la même habileté, la même
compétence, la même intelligence, la même
flexibilité, ou quelque chose comme cela.
Une aptitude, c'est un peu le critère de base. Une personne, en
théorie, est capable de faire cela. Vous êtes apte à
écrire parce que vous avez une main. Mais vous n'avez pas
nécessairement le mérite de pouvoir bien écrire. C'est un
peu cette distinction.
M. Grenier: Quant au mérite, est-ce que vous pensez que la
promotion et l'avancement faits selon le mérite impliquent
nécessairement des personnes qui sont déjà dans le
système? Le mérite se mesure dans le secteur de la promotion et
de l'avancement, se mesure à la somme de travail, à la
qualité du travail. C'est comme cela que vous le définissez,
j'imagine?
M. Côté: Oui. C'est pour cela qu'on peut faire une
promotion sur le mérite, parce qu'on a vu comment l'individu
travaillait, on a pu apprécier ses défauts et qualités.
Mais lorsqu'une personne est admise à un poste, c'est difficile de
définir son mérite. Elle n'a jamais travaillé.
M. Grenier: D'accord. Un peu plus loin, dans votre dossier,
est-ce que vous avez précisé par qui devait être
apprécié ce mérite pour la promotion et l'avancement?
M. Côté: On ne l'a pas précisé, mais
on a suggéré qu'il y aurait peut-être lieu de
préciser. Ce serait peut-être au niveau des règlements, la
manière dont est composé le jury. C'est sûr qu'il devrait y
avoir, à tout le moins, un supérieur hiérarchique, qui est
peut-être le plus à même de l'évaluer. Mais il y a
peut-être lieu aussi d'avoir des gens qui sont un peu en dehors du
quotidien de cette personne, ne serait-ce que pour faire l'équilibre.
Par exemple, un problème, pas un problème, en fait, c'est une
chose qui est un peu résolue au niveau des avocats et notaires.
Vous pouvez avoir un directeur de contentieux qui est très large,
qui trouve tous ses gens excellents, et qui leur met une notation, excellent,
très bon, etc. Par ailleurs, vous pouvez avoir un autre directeur qui
est beaucoup plus exigeant et qui, pour lui, l'excellence, cela n'existe
pas.
Il va mettre un très bien. Le très bien de l'un peut
correspondre à l'excellence de l'autre et un excellent peut correspondre
à un bon. Il y a peut-être lieu d'avoir quelqu'un qui ne soit pas
directement relié à la hiérarchie d'un individu, qui peut
tempérer l'évaluation d'un individu pour faire une moyenne plus
acceptable, parce qu'à ce moment-là, il aurait peut-être
avantage, en tant qu'individu, à aller travailler pour un directeur de
contentieux qui est très flexible et qui, compte tenu de sa
manière de gérer le personnel, dit à tout le monde: Vous
êtes beaux, vous êtes fins, tout le monde est bon, tandis qu'un
autre est beaucoup plus exigeant. Je vais peut-être pouvoir travailler
trois fois plus pour l'un et, en fin de compte, avoir un salaire moindre que
celui d'un autre qui ne fait que le strict nécessaire, mais qui a un
supérieur qui est moins exigeant.
M. Grenier: Vous vous interrogez, en fait, sur le
bien-fondé d'un directeur qui pourrait peut-être ne pas avoir trop
d'affinités avec certains employés et qui donnerait de bonnes
notes alors que l'employé n'en mérite pas, un peu comme ce
professeur qui donne des notes à un élève alors que cela
fait six mois que celui-ci a quitté l'institution.
Verriez-vous la formation d'un comité à qui on pourrait
donner, attribuer cette fonction de juger, peut-être moins des aptitudes,
comme vous l'avez dit vous l'avez précisé pour une
personne qui entre en fonction mais la promotion et l'avancement? Juger
le mérite, est-ce que cela devrait d'abord faire l'affaire d'un
comité plus que d'un individu?
M. Côté: Cela doit, à mon sens, faire l'objet
d'un comité et non pas d'un individu, un peu, justement comme je le
mentionnais, pour égaliser les différentes unités
administratives et pour empêcher peut-être... En fait, seulement un
indi-
vidu, c'est beaucoup plus subjectif que trois ou quatre. Les raisons
peuvent être que vous êtes ami avec Untel, etc. Ce ne sont pas
nécessairement toujours des critères objectifs de
compétence qui sont pris lorsque c'est un individu, puisqu'il y a
beaucoup d'appréciation personnelle. Cela peut être aussi banal
que d'aller prendre un verre avec Untel, avec votre directeur, vous êtes
"chums", vous êtes voisins par un concours de circonstances.
En fait, à mon sens, l'appréciation au mérite doit
se faire par plus d'une personne.
M. Grenier: J'aurais bien d'autres questions, messieurs, mais,
étant nouveau au dossier, je ne voudrais pas soulever des questions qui
ont déjà été posées. Je vous remercie.
Le Président (Mme Cuerrier): II y avait M. le
député de Jean-Talon qui voulait intervenir de nouveau.
M. Garneau: La question du mérite a été
débattue d'une façon assez énergique. Je ne voudrais pas
la reprendre sur ce ton, mais réellement sur le plan juridique et sur le
plan de la réalité des choses. Vous dites, par exemple, avec
justesse à mon point de vue, que, quand on recrute du personnel nouveau,
c'est difficile d'appuyer sur le mérite, parce que cela peut être
une personne qui n'a jamais travaillé nulle part, qui sort de
l'université, que personne ne connaît. Vous dites que cela devrait
être évalué davantage sur le dossier scolaire, sur
l'aptitude à remplir telle fonction, à exercer tel type de
fonction. Vous dites que, pour la promotion, la règle du mérite
peut jouer. Quand on tombe sur la promotion et que vous parlez d'un
comité, dans le fond, il y a peu de personnes qui peuvent juger. Par
exemple, si vous travaillez au contentieux d'un ministère, à part
votre patron, à moins que vous ne vous fassiez juger par vos pairs,
c'est-à-dire par ceux qui sont sur la même ligne que vous, qui
sont vos confrères de travail, vos confrères de profession,
comment en arriver à établir une règle de mérite
par un jury qui ne vous connaît pas? S'il y a trois personnes au jury,
qu'il y en a une qui vient de l'extérieur, que l'autre vient d'un autre
ministère et qu'il y en a deux sur trois qui ne vous connaissent pas,
comment établir la règle du mérite, à ce
moment-là, pour que ce soit le plus juste possible? Je me demande
comment on peut y arriver.
Vous parlez de la notation. Là aussi, je pense que vous faites
montre d'une expérience assez grande sur la façon dont les
rapports de notation sont faits. Si les rapports de notation pouvaient
être des vérités de l'évangile, peut-être que
des gens qui viennent de l'extérieur pourraient faire une analyse au
mérite à partir du dossier, mais, comme vous l'avez dit, il y a
bien des rapports de notation où les supérieurs immédiats,
en notant leur personnel, ne cherchent pas particulièrement à se
le mettre à dos. Ils vont noter bien, très bien ou excellent et,
finale- ment, vont peut-être mettre des crochets partout; le
problème sera réglé et cela deviendra une
formalité.
En tout cas, pour avoir vu un peu ce système comme fonctionnaire
et comme membre du gouvernement, j'avais toujours une certaine réserve
quand j'analysais un dossier et qu'on voyait le rapport excellent partout,
depuis cinq ans. On se demande toujours si cela a été bien fait.
Je me demande comment on peut appliquer cette règle de mérite
même pour les promotions, si on veut avoir cela comme seul
critère, sinon par la personne qui a travaillé avec le bonhomme
dont le dossier est analysé.
M. Côté: II y a sûrement lieu d'avoir la
personne sous les ordres de qui travaillait un individu, mais il y a
peut-être aussi... Enfin, si je prends l'exemple de notre corps d'emploi,
on a ce système depuis quelques années. La notation se fait par
le directeur immédiat, laquelle notation doit être signée
par l'individu qui peut en discuter avec son supérieur. Advenant qu'il
ne soit pas d'accord, il a toujours la possibilité de faire ses propres
commentaires qui sont joints à la notation. En fait, le directeur
indique bon, très bon, excellent, insatisfaisant, satisfaisant, etc. Au
niveau de l'évaluation de mérite comme tel, en pourcentage, dire:
Est-ce que cela va 6% ou 12%? C'est un comité au niveau du
ministère de la Justice qui consulte, bien entendu, le directeur
immédiat; mais il est formé de trois personnes qui peuvent
peut-être évaluer davantage les difficultés que peut avoir
un individu dans un contentieux, compte tenu de l'ouvrage qui s'y fait, de ne
plus en entendre parler, par ailleurs. On peut peut-être
l'évaluer, d'après la description des tâches que fait
l'individu. Enfin, il y a plusieurs critères sur le mérite. Ce
peut être une question de disponibilité. Ce peut être une
question de rapidité. Ce peut être une question reliée
à la manière qu'une personne peut s'exprimer, si elle a besoin de
le faire, dans le cadre de ses fonctions, etc.
Il y a quand même des éléments qui peuvent
apparaître au niveau de la notation du texte. C'est sûr que cela
peut être complété par un entretien avec le directeur, mais
je pense bien qu'il y a moyen que ce soit évalué par des gens...
qu'il y ait des gens autres que la personne sous les ordres de qui un individu
travaille.
M. Garneau: Dans le cas des avocats, cette évaluation est
reliée à une annualité, si ma mémoire m'est
fidèle. A ce moment, l'administration du contentieux a une enveloppe
salariale qu'elle doit attribuer, si elle veut. La notation, dans votre cas, je
suis prêt à le reconnaître, a une conséquence
immédiate. Si le chef du contentieux et ses adjoints annotent tout le
personnel excellent, ils sont obligés de donner la moyenne à tout
le monde. Ils prennent la médiane et il la donne à tout le monde.
Comme ils veulent souligner, d'une façon particulière, en termes
d'annualité, un bon rendement, ils le font. Mais d'une façon
générale, pour les fonctionnaires qui ne sont pas soumis
à ce genre d'annualité, d'augmentation de traitement, mais dont
le traitement vient tout simplement avec une année de service, c'est
là que je doute de la valeur des rapports de notation. On pourrait en
discuter toute la journée et on ne serait pas plus avancé
à la fin de la journée.
M. Côté: Je ne sais pas si j'ai bien saisi. En fait,
dans notre première convention, il était précisé
qu'il y avait une masse salariale qui était votée et que les
pourcentages devaient être attribués à même cette
masse. Cela causait des problèmes, parce qu'il fallait que cela arrive
exactement juste, et il y avait des appels, etc., ce qui fait que cela prenait
deux ou trois ans avant qu'on sache ce qui en était. Le dernier
règlement de la commission ne parle pas de la masse salariale comme
telle, ce qui fait qu'un individu est évalué en tant que tel et
non pas nécessairement en rapport avec tous les autres.
M. Garneau: II peut avoir une évaluation, mais pas avoir
nécessairement la même augmentation de salaire.
M. Côté: II ne peut avoir nécessairement le
même pourcentage qu'un autre qui est évalué très
bien dans un autre endroit.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: J'ai noté que votre mémoire
était fort peu corporatif dans son optique. Vous avez traité des
principes d'intérêts généraux qui sont à la
base même de la loi. Vous les avez critiqués sur cette base. En ce
qui concerne quand même vos intérêts plus particuliers,
comme l'association avocats-notaires, en fait, vous n'en avez pas traité
du tout, parce que, de ce point de vue, le projet de loi vous semble
satisfaisant, je suppose.
M. Côté: Non, ce n'est pas un acquiescement, ni une
critique. En fait, selon notre raisonnement, on s'est dit qu'on n'avait pas
énormément de temps, ni de ressource pour le faire.
On s'est dit qu'on avait une formation particulière, qu'on
faisait davantage une critique juridique de la chose qu'une critique politique,
car il y a peut-être des groupes, d'autres syndicats, qui ont plus de
membres et qui ont beaucoup plus d'intérêts que nous, qui
pourraient faire les représentations qu'ils jugent nécessaires
à la commission. Le fait qu'on n'en parle pas n'est ni un acquiescement,
ni un... Enfin, cela n'a pas à être interprété, je
pense, par la commission, à ce stade-ci. Par ailleurs, on
représente...
M. de Belleval: Mais, indépendamment de ça, est-ce
que vous avez quand même des choses à nous dire verbalement?
M. Côté: C'est peut-être un peu embêtant
en ce sens que nous ne sommes pas un syndicat comme tel. Nous sommes
régis par un règlement de la Fonction publique. Si j'en juge
d'après ce que j'ai lu, à l'occasion, dans les journaux, la
grande bagarre semble s'être faite au niveau du système de
mérite. C'est un système que nous avons depuis quatre ou cinq ans
et avec lequel on s'accommode. Non, en fait, je ne pense pas qu'on ait de
commentaires comme tels à faire en tant qu'organisation.
M. de Belleval: En fait, sur la question du mérite, je
pense qu'il faut bien voir que cette notion, même si elle n'est pas
explicitée dans la loi actuelle, est quand même présente
dans toute la réglementation et dans son orientation. Ce que le projet
de loi vient faire, c'est surtout préciser cette notion. Il ne faut pas
non plus, je pense, multiplier les difficultés d'application sur une
appréciation trop théorique de la notion ou, encore, en vertu
aussi de l'application qu'on en fait actuellement.
Il faut dire que cette notion, on la retrouve d'une façon encore
plus rigide dans d'autres fonctions publiques, entre autres, au niveau
fédéral où ils ont, eux, un système de gestion
poste par poste des effectifs, en grande partie. Donc, on s'attendrait qu'une
façon aussi rigide de gérer cette Fonction publique avec une
règle aussi stricte, celle de la nomination du meilleur à la
suite d'un concours, leur cause des difficultés d'application
extrêmement graves. Il est vrai que ça leur cause, d'ailleurs, des
difficultés, et qu'ils aimeraient faire des modifications. Je pense
qu'essentiellement la clé d'un bon système de mérite,
c'est une gestion du personnel qui soit elle-même efficace et ce n'est
pas la loi qui peut décréter une gestion du personnel efficace.
Entre autres, la gestion poste par poste des effectifs n'est pas un
système, à mon avis, qui m'apparaît efficace, en
général. C'est un système aussi qui n'est pas de nature
à faire jouer la règle du mérite à plein. Un
certain nombre de critiques et de préventions que j'ai entendu
là-dessus vient peut-être justement de notre expérience du
système de concours actuel, qu'il y ait une espèce de valeur
magique avec ces concours ad hoc pour des postes individuels avec
filière d'accès très verticale ou très
prévue d'avance, au fond, qui enlève peut-être aussi aux
concours leur vraie valeur, à ce moment-là, et qui risque
justement de mettre en cause l'application de la règle du
mérite.
Là-dessus, j'ai déjà indiqué, je pense,
qu'il nous faut réformer notre système de gestion du personnel.
C'est ce que va nous permettre justement la loi, de faire, entre autres, une
gestion des effectifs par strate d'emploi plutôt que poste par poste, ce
qui élimine, entre autres, des problèmes comme ceux auxquels vous
faisiez allusion. Le député de Jean-Talon, quand il dit, par
exemple: il est normal qu'un sous-ministre, un sous-ministre adjoint puisse
disposer de collaborateurs immédiats avec lesquels il s'entend bien.
C'est beaucoup plus facile d'avoir un système de concours efficace qui
gère les effectifs par strate
et qui permet, donc, à ce moment-là, à
l'intérieur d'une même strate d'individus qui ont une même
classification, d'affecter ces individus en fonction de critères plus
personnels que quand on fait des concours poste par poste et là,
effectivement, on est pris avec le candidat qui est choisi, en vertu de ce
concours ad hoc, et on peut difficilement en sortir. Remarquez que c'est la
situation au fédéral et ils s'en accommodent quand même,
parce qu'il reste que l'affectation n'est pas permanente. On a tendance,
parfois, à maximiser les facteurs personnels et à trop minimiser
les facteurs de mérite intrinsèques des individus sur le plan de
leur capacité professionnelle, leur aptitude à gérer,
etc.
Je pense que, dans le passé, jusqu'à présent, on a
perverti le système de concours en faisant intervenir beaucoup trop les
aspects personnels et pas assez les capacités polyvalentes des
individus. En particulier, je pense qu'un meilleur système de gestion du
personnel devrait favoriser la mobilité horizontale. C'est encore le
meilleur système d'évaluation.
Quand quelqu'un a passé à travers plusieurs services,
l'évaluation qu'on fait de ses aptitudes est bien meilleure que
lorsqu'il entre dans une strate par le biais d'un réseau
d'intérêts privés, d'amis, etc. Il passe à travers
des maillons de concours qui, au fond, n'en sont pas.
Je pense qu'il est important qu'on fasse la critique de la règle
du mérite dans une optique plus large que celle à laquelle son
application a donné lieu en vertu du système actuel de gestion.
C'est ce système qu'il faut changer, je pense, pour motiver davantage
les employés de la fonction publique.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Côté.
M. Côté: Vous mentionnez que le système de
mérite est souvent relié à des raisons personnelles
plutôt qu'à des raisons de compétence intrinsèque.
Je me demande si, pour pallier cela, si la loi donnait certains critères
de mérite, cela ne serait pas une tentative de solution.
M. de Belleval: La loi y pourvoit par le biais des
règlements.
M. Côté: Actuellement, tel que défini, le
mérite que je peux avoir, c'est de connaître quelqu'un.
M. de Belleval: Non, pas du tout. Le mérite est quand
même défini dans la loi d'une façon juridique avec toutes
les difficultés de définir ces choses d'une façon
juridique, mais le principe du mérite est bien connu. Il est
appliqué depuis de nombreuses années, y compris dans notre propre
fonction publique, de cette façon. Il doit y avoir des concours
impartiaux, accessibles à tous ceux qui sont normalement admissibles et
les nominations doivent se faire selon l'ordre de résultat de ces
concours. C'est aussi simple que cela.
Tous les critères qui doivent présider à la
composition des jurys, à la tenue des concours eux-mêmes, au
contenu même des concours, des examens, etc., sont faits par
règlement, et toutes les lois semblables dans le monde prévoient
que c'est par règlement que ces choses doivent être faites. Ce
sont essentiellement des choses qui évoluent rapidement dans le temps et
qui doivent être, dans le cas d'une fonction publique où il y a de
multiples classifications d'emplois, de multiples postes, adaptées aux
réalités de chaque classification, de chaque poste et il serait
absolument impossible de mettre cela dans une loi. Cela deviendrait absolument
rigide, inapplicable, mais il reste que ces règlements doivent
être publics. Tout cela doit se faire sous forme réglementaire.
Donc, il y a déjà une stabilité dans une forme
réglementaire. Ces règlements doivent être publics et
doivent être discutés comme tels. C'est à ce moment qu'on
peut, justement, vérifier, au moment de la discussion des
règlements, de leur publication et de leur discussion même
à l'Assemblée nationale, puisque maintenant on prévoit que
les règlements seront transmis officiellement à
l'Assemblée nationale par la commission et qu'il pourra y avoir
discussion sur la justesse de ces règlements et de leur concordance avec
la règle générale du mérite telle
qu'explicitée dans la loi...
Je pense qu'il est important aussi qu'on saisisse cette architecture
fondamentale de la loi et ce mode de procédé, dont on ne peut pas
sortir beaucoup, j'en ai l'impression.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Seulement une dernière question. Vous vous
posez des questions ou vous semblez vous poser des questions assez
profondément sur le fait d'indiquer dans la loi la définition du
mot mérite pour mettre dans la loi des critères. Les
règlements laissent peut-être bien place à de
l'interprétation.
Le ministre a répondu assez largement à ma question. Je
m'apprêtais à lui demander s'il n'aurait pas la place pour la
mettre dans la loi. Il a dit que cela faisait l'objet de réglementation
et que c'était la même chose au niveau international. Mais le
malheur, c'est que, souventefois, au moment d'adopter une loi, la brique de
règlements nous arrive dans la demi-heure qui précède
l'adoption de la loi. Alors, les partis politiques sont souvent à court
de temps pour analyser les règlements. On en a eu un témoignage
tout récemment lors de l'adoption de la loi 43 dans le secteur de
l'agriculture.
Il nous est arrivé un document à peu près de
l'épaisseur de la Somme de saint Thomas qu'il a fallu passer en l'espace
de trois quarts d'heure.
Inutile de vous dire que les règlements ont tellement
modifié la loi que, si c'était à reprendre, notre parti ne
voterait plus en faveur de la loi 43. On n'a pas eu suffisamment de temps pour
étudier la réglementation; pourtant, on a donné
notre consentement sur le principe de la loi 43 et on a voté en
faveur de la loi 43 en troisième lecture. Il arrive que vous vous
interrogez, vous êtes du milieu, et on voit le sérieux que vous
donnez à cette étude de la loi; je me demande s'il n'y aurait pas
lieu que vous soumettiez ici, pour le travail de cette commission, ce que vous
voyez comme critères, comme normes, comme définition de ce terme
de mérite, afin qu'on puisse l'analyser davantage. Vous êtes du
milieu et vous semblez tenir à ce que ce soit dans la loi. Je me demande
si vous n'auriez pas une définition à nous donner afin que, le
jour où on déposera la réglementation, on ait un point de
vue bien précis.
Il arrive toujours, dans des lois, qu'on se bloque à des concepts
qui font l'objet de fortes discussions. Je n'ai pas assisté, bien
sûr, à tous les débats, mais je sais que le
député de Johnson n'a pas ménagé ses mots sur
certains articles. Quand vous arrivez sur une expression, un concept comme
celui-là, il y aurait peut-être lieu qu'on se prépare un
peu avant le dépôt de la réglementation et, si vous aviez
des suggestions à nous donner, je peux vous dire que le ministre et les
partis de l'Opposition seraient fort heureux de les accueillir et de voir
à se préparer à l'avance pour l'étude de cet
article quand on arrivera en deuxième lecture.
M. Côté: Pour répondre un peu à votre
question, lorsqu'on avait étudié cela, on s'était
penché sur les questions. On avait essayé de trouver des
critères pour essayer d'encadrer cette chose-là. Autant que je me
rappelle, on en avait sorti quelques-uns, mais, finalement, on avait
abandonné, dans le sens que ce n'est vraiment pas facile de pouvoir
cerner cela complètement. Par ailleurs, un peu comme le souligne le
ministre de la Fonction publique...
M. Grenier: Vous m'excuserez, mais vous avez, dans le secteur des
Affaires sociales, des critères d'admission pour des personnes
âgées dans des institutions. C'est de toute beauté, le
travail qui s'est fait là et dans tous ces secteurs qu'on a
analysés, au point que, pour admettre des gens sur une liste
d'admissibilité, dans une institution de 117 personnes, il se
dégage un no 1, un no 30 et un no 60, et de façon bien claire. Je
vois que le secteur dont on parle ce matin est loin d'être aussi large
que celui qu'on est obligé d'utiliser dans le secteur des Affaires
sociales. Alors, si on a réussi à le préciser dans un
secteur beaucoup plus vaste, je me demande pourquoi on n'arriverait pas avec
des critères qui nous permettraient, peut-être pas dans la loi,
comme le dit le ministre, mais au niveau des règlements, d'en arriver
à quelque chose de tellement précis que ce soit, devant le
ministre, tellement évident qu'il n'y ait rien de plus transparent, une
expression bien connue.
M. Côté: En fait, je ne pense pas...
M. Chevrette: Je suis d'accord sur une inter- vention du genre.
Etrangement, cela ne ressemble pas à ce que j'ai entendu de l'un de vos
représentants qui siège à cette commission. Je suis
heureux d'entendre cela de la bouche de M. le député.
M. Grenier: Quot capita, tot sensus.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Côté, vous
vouliez intervenir?
M. Côté: En fait, je ne pense pas que, dans la loi,
on puisse retrouver énormément d'éléments qui
puissent en dégager le premier, mais je ne sais pas s'il n'y a pas moyen
de mettre certaines notions comme, par exemple, la compétence, etc.
Enfin, je vous dirai bien que je suis un peu embêté. Je pense que
le ministre de la Fonction publique a répondu d'une certaine
manière. En fait, c'est plus au niveau des règlements que cela se
fait et ce serait peut-être plus au niveau de la consultation ou de la
publicité de ces règlements que le contrôle de cette notion
pourrait se faire. Même si, par ailleurs, je suis embêté
pour sortir des critères, je pense bien qu'il y a sûrement moyen
de mettre quelques éléments, même s'ils ne sont pas
exhaustifs, pour cerner un peu plus cette notion de mérite puisque tout
le monde semble savoir ce que c'est, mais personne n'est capable de le dire
précisément. J'imagine que quelques personnes qui s'y mettraient
pour essayer de trouver... Parce que, finalement, le jury qui a à
évaluer cela, ou les gens qui font les règlements sont aussi
obligés de se prendre des critères.
M. de Belleval: Ils existent déjà, d'ailleurs, ces
règlements. Il faut bien voir que les règlements existent et que,
contrairement à ce qui arrive avec d'autres lois, on n'arrivera pas avec
une grosse brique. La grosse brique existe déjà. Le
problème, c'est qu'elle n'est pas connue officiellement au niveau
parlementaire. Elle l'est au niveau de la commission. Ces règlements
vont rester en vigueur jusqu'à ce qu'on les change, mais, au fur et
à mesure qu'on va les changer, au moins, ils vont venir au Parlement.
C'est ce qui est important.
Le Président (Mme Cuerrier): II me reste donc à
remercier le Syndicat des avocats et des notaires de la fonction publique de
leur contribution à cette commission de la fonction publique qui
étudie présentement le projet de loi nq 53.
Lors de l'ouverture de cette séance, j'avais dit à la
commission que nous devions entendre aujourd'hui les représentants de la
FTQ, de la CEQ et de la CSN.
A cause d'activités très spécifiques, la FTQ a
demandé qu'on reporte l'audition du mémoire, après entente
avec les autres centrales. Je dois demander, puisque je vous avais
annoncé, ce matin, que nous entendrions ces...
M. Grenier: Madame, c'est peut-être aussi bien qu'on
retarde un peu la FTQ, parce que si
elle faisait une déclaration comme elle en a fait une ce matin,
ce ne serait pas intéressant pour l'actuel gouvernement. La
fédération demande la démission du gouvernement
fédéral, de battre le gouvernement fédéral.
Le Président (Mme Cuerrier): Merci beaucoup messieurs.
Cette commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 6)
ANNEXE
Mémoire du syndicat des avocats et notaires de
la fonction publique
présenté à La Commission
parlementaire de la fonction publique
sur le
Projet de loi no 53: La Loi sur la Fonction
publique
Ont participé à la préparation de
ce mémoire:
Me Gaétan
Côté
Me Maire-Josée Longtin
Me Anne-Marie Bilodeau
Mémoire du syndicat des avocats et notaires de
la fonction publique sur le projet de loi no 53
Le syndicat des avocats et notaires de la fonction publique est heureux
de vous faire part de ses commentaires sur le projet de loi 53 suite à
l'invitation qui nous a été faite par le ministre de la Fonction
publique. Nous aimerions souligner que le présent mémoire est une
analyse sommaire et non exhaustive de ce projet. En effet, compte tenu des
délais relativement courts et des ressources humaines et
matérielles limitées de notre association, il n'a pas
été possible d'aborder tous les sujets soulevés par un tel
projet. C'est pourquoi nous nous sommes davantage attachés à
souligner quelques points qui nous apparaissaient majeurs.
Nous comprenons que la réforme proposée de la Loi de la
Fonction publique vise à augmenter l'efficacité et la souplesse
de mécanismes administratifs dont la lourdeur a été
très souvent démontrée et à accroître la
flexibilité nécessaire à la gestion d'un personnel
nombreux. Cependant, malgré les intentions sous-jacentes à ce
projet, intentions dont nous ne pouvons contester le mérite, il demeure,
à notre avis, que le changement majeur apporté dans la conception
de la fonction publique, à savoir le remplacement d'un organisme
autonome et indépendant, la Commission de la fonction publique, par le
pouvoir exécutif, nécessite la reconnaissance législative
de certains principes ou de garanties pour faire contrepoids à la
discrétion et à la liberté d'action du ministre
instaurées par cette nouvelle conception de la gestion du personnel de
l'Etat.
Le présent mémoire ne vise pas à remettre en
question les objectifs visés dans le projet de loi mais plutôt
à souligner quelques points qui pourraient avantageusement être
complétés ou réaménagés. 1. La notion de
fonction publique
Le projet de loi laisse de côté un principe fondamental qui
était garanti par la loi actuelle à savoir une certaine
indépendance des employés de l'Etat à l'égard de
l'exécutif pour assurer une continuité et une neutralité
nécessaire dans les services dispensés à l'ensemble des
citoyens. Le caractère propre de la fonction publique devrait être
établi dans le projet: en plus d'être à l'emploi du
gouvernement, elle est aussi au service de la population et cette
caractéristique fondamentale devrait être reconnue
législativement. Dans la loi actuelle, la Commission de la fonction
publique a la haute main sur le personnel étatique et son
indépendance relative à l'égard de l'exécutif
garantit la neutralité et la stabilité nécessaire au bon
fonctionnement de l'appareil étatique.
Compte tenu que le projet ampute la Commission de la fonction publique
d'une grande partie de ses pouvoirs pour les redonner au pouvoir
exécutif, il y aurait peut-être lieude mettre un contrepoids
à ce changement d'équilibre. En effet, certains aspects de la loi
tels la sous-délégation, le concept du mérite non
encadré ou l'étendue des pouvoirs du ministre laissent la porte
ouverte à des abus possibles qu'il s'agisse du patronage, de conflits de
personnalité ou de discrétions mal exercées.
Le rétablissement de l'équilibre rompu pourrait se faire
soit par la création d'un organisme consultatif tripartite chargé
de surveiller la bonne application de la loi, soit par l'encadrement de la
notion de mérite qui, dans sa rédaction actuelle, s'avère
très discrétionnaire, soit par l'énoncé de
principes généraux devant servir de cadre à
l'interprétation de la loi, soit en élargissant les pouvoirs
d'enquête de
la Commission de la fonction publique ou soit de toute autre
manière visant à contrebalancer la très grande latitude
donnée au pouvoir exécutif.
La gestion du personnel de la fonction publique peut être,
à plusieurs égards, comparable à celle de l'entreprise
privée mais la dualité service de l'Etat et service du
gouvernement ne devrait pas être estompée.
2.
La Commission de la fonction
publique
La Commission de la fonction publique se voit attribuer principalement
un rôle de tribunal d'appel. Il y aurait peut-être lieu de
consacrer davantage son rôle en élargissant sa compétence:
plutôt que de préciser ce qui est appelable à la
Commission, on pourrait procéder à l'inverse en ce sens que la
Commission pourrait entendre en appel tout sujet sauf ce qui est exclu
précisément par la loi ou ce qui est couvert par une convention
collective prévoyant un mécanisme d'arbitrage. Dans le même
sens, la rédaction de l'article 7 nous semble confuse et peut avoir plus
d'une signification; en tout état de cause, elle parle de la
possibilité pour le ministre d'établir des mécanismes
d'appel et il nous semble qu'il serait préférable que l'appel
soit homogène sous l'égide de la Commission.
La section II du chapitre III traitant des pouvoirs de la Commission en
matière d'appel ne précise pas ses pouvoirs sur la mise en oeuvre
de ses décisions: nul ne sait si elle peut modifier ou révoquer
toute décision appelable et si sa décision lie les parties. Le
texte proposé laisse entendre qu'un appel en matière de
classement et de promotion pourrait ne déboucher sur rien puisque, a
contratio, dans deux des quatre cas où la Commission peut "statuer",
soit la rétrogradation, la révocation ou la destitution pour
insuffisance professionnelle (art. 89) et la révocation ou la
destitution pour d'autres causes (art. 98), il est précisé que la
Commission peut maintenir, annuler ou modifier la décision rendue.
L'article 31 prévoit la révision ou la révocation
pour cause. Le mécanisme usuel pour modifier une décision finale
est l'appel et ce pour des raisons bien évidentes. Des cas exceptionnels
peuvent cependant se produire où une décision devrait pouvoir
être modifiée par celui qui l'a rendue. Nous soumettons que la
notion de "révision et de révocation pour cause" est trop large
et contestable et qu'il y aurait lieu de mieux la préciser à
l'instar des dispositions sur la rétractation de jugement contenue au
Code de procédure civile (art. 482 et ss).
L'article 32 est imprécis et ambigu et laisse en suspens
plusieurs difficultés. Ainsi le premier alinéa prévoit que
la Commission établit le délai pour exercer un recours lorsque ce
n'est pas autrement prévu par la loi; compte tenu que les délais
pour exercer des recours sont des délais de prescription et qu'ils
mettent en cause un droit substantif en ce sens que les recours pourraient
être éliminés ou fort limités par l'adoption d'un
délai très court, nous croyons que tous les délais d'appel
devraient être précisés dans la loi. De même, nous
estimons qu'il est exhorbitant que la Commission puisse à la fois
établir et interpréter ses propres règles de
procédure sans qu'aucune règle élémentaire ne soit
fixée comme cela se fait habituellement pour les tribunaux
administratifs: le droit à une défense pleine et entière,
le droit de produire des témoins et de les contre-interroger, la
signification des avis d'audition ou encore la suspension de l'application de
la décision rendue en première instance devraient être
prévues dans la loi. Il n'y a pas d'objection à ce que la
Commission établisse ses règles de pratique mais les
règles de procédure qui peuvent modifier un droit substantif
devraient être prévues par le législateur. Enfin, la
possibilité pour la Commission de pouvoir déléguer
l'exercice de ses pouvoirs à des comités d'appels nous semble
exorbitante surtout si l'on considère qu'aucun critère ne vient
encadrer la création de ces comités d'appel: le mode dé
nomination et la composition de ces comités n'est nullement
précisé. Est-ce que sur ces comités d'appel un des membres
de la Commission doit siéger? Sinon, quel est le rôle de la
Commission? N'y a-t-il pas lieu d'introduire la notion de 2 assesseurs et d'un
président, les premiers pouvant être choisis à même
une liste établie en collaboration par les intéressés?
Mentionnons enfin l'article 17 qui semble vouloir instaurer une rotation
au niveau de la Commission par des mandats d'une durée maximum de 5 ans
mais qui est en fait fort amputé par les dispositions des articles 122
et 123 qui assurent le transfert de nomination des 3 membres actuels en leur
garantissant leur poste durant bonne conduite. Seulement deux des cinq membres
pourront donc assurer le renouvellement souhaité.
3.
Publicité et
sous-délégation
Ces items recoupent un peu les inquiétudes manifestées
précédemment. Le projet prévoit beaucoup de dispositions
réglementaires dont seulement certaines sont publiées. De
même, les règlements sont habituellement adoptés par le
gouvernement plutôt que par le ministre, ce qui leur assure une certaine
collégialité. En conséquence, nous soumettons qu'il serait
préférable que le principe de publication des règlements
soit élargi et même que la mise en vigueur de ces
règlements soit assujettie à une pré-publication pour
permettre aux personnes concernées d'en prendre connaissance et, s'il y
a lieu, de faire des commentaires au ministre qui sera libre d'en disposer.
Dans le même sens, la délégation et la
sous-délégation par le ministre de ses pouvoirs de nomination, de
sélection et de promotion (art. 3-4), celle de l'Office de recrutement
en regard de l'admission des candidats à un emploi (art. 45) et la
sous-délégation par les sous-ministres de leurs pou-
voirs en matière de sanctions disciplinaires, auraient avantage
à être publicisées dans la Gazette officielle afin que les
intéressés puissent connaître quelles sont les personnes en
autorité et leurs pouvoirs à l'instar des publications sur le
pouvoir de signer des documents prévus à l'article 12. Ces
délégations sont également très larges et il y
aurait peut-être avantage à les encadrer dans certains
critères comme par exemple de prévoir qu'elles ne peuvent
être exercées que par des fonctionnaires des cadres
supérieurs: s'il est normal qu'un directeur de service exerce les
pouvoirs du ministre sur la gestion du personnel de son service, cela l'est
moins si un tel pouvoir est accordé à un quelconque fonctionnaire
qui pourrait à la limite exercer ces pouvoirs tant au niveau de ses
pairs que de ses supérieurs. Soulignons enfin que tel que
rédigé, le système de délégation peut
entraîner bien des dédoublements ou des incohérences
puisque celui qui délègue ou sous-délègue peut
continuer lui-même à exercer les pouvoirs
délégués ou sous-délégués.
4.
La règle du mérite
La règle du mérite instaurée par ce projet de loi
pourrait être mieux cernée. Le mérite étant une
notion fort subjective, sujet à interprétation variée, il
y aurait peut-être lieu de circonscrire cette notion en précisant
les critères qui doivent être pris en considération puisque
le texte actuel ne donne aucun indice sérieux si ce n'est les articles
70 et 73 qui semblent par ailleurs confondre les notions de mérite et de
valeur. Quelle est la distinction entre la valeur et le mérite en regard
de la notion de compétence de la loi actuelle? La rédaction de
l'article 70 est d'ailleurs quelque peu surprenante puisqu'elle mentionne que
le recrutement se fait selon une sélection établie au
mérite: nous voyons difficilement comment pourra s'apprécier le
mérite de quelqu'un qui fait application lors d'un concours de
recrutement pour un emploi indéterminé et où il n'a jamais
exercé ses fonctions. De même, une personne qui entre sur le
marché du travail ne peut avoir de mérite mais seulement une
aptitude à exercer une profession certifiée par un diplôme.
Il serait donc plus juste de parler de recrutement sur un critère
d'aptitude et de promotion sur un critère de mérite.
Nous soumettons également que les conflits de personnalité
et les divergences d'opinions dans le cas des professionnels ou du personnel
cadre pourront parfois difficilement s'intégrer dans un système
au mérite et ce, peut-être au détriment de l'Etat
plutôt que du gouvernement. Nous ne renions pas nécessairement le
bien-fondé de cette notion pour améliorer l'efficacité de
la fonction publique: nous nous interrogeons cependant sérieusement sur
sa portée compte tenu de la généralité des termes
employés et de l'importance de cette notion pour chacun des
fonctionnaires individuellement. La loi pourrait accorder certaines garanties
comme par exemple de prévoir la composition du jury chargé
d'évaluer le mérite. De même, la Commission se voit
accorder un pouvoir d'enquête et de supervision sur cette notion mais
elle possède peu de pouvoirs pour corriger la situation; il y aurait
peut-être une légère amélioration si les
enquêtes de la Commission sur l'observance du mérite
étaient publiques et adressées à l'Assemblée
nationale au même titre que les avis de la Commission sur la
conformité du mérite dans les règlements.
5.
Divers
Sous cette rubrique, nous avons regroupé quelques observations
mineures que nous portons à votre connaissance.
Le texte de l'article 4a est ambigu: serait-ce là une
délégation permettant à un sous-ministre de faire du
contingentement? Le sens est peut-être évident pour un
administrateur chevronné mais obscur pour le lecteur.
L'article 41 prévoit qu'au cas d'incapacité d'agir du
président de l'Office de recrutement, le gouvernement nomme un
intérim tandis que pour la Commission, on a cru bon de préciser
que cette incapacité devait être temporaire. Est-ce un oubli ou
une rédaction de propos délibéré?
D'une manière générale, dans la législation
québécoise, les règlements sont adoptés par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Nous ne comprenons pas ce qui justifie son
remplacement par le ministre au niveau de ce projet.
L'article 80 énumère des causes d'appel à la
Commission dans le processus de promotion au mérite. N'y aurait-il pas
lieu de prévoir aussi un tel appel pour irrégularités ou
illégalités dans le processus de recrutement? D'ailleurs, est-il
certain que le favoritisme entre dans le critère de
l'illégalité?
L'article 130 prévoit à titre de disposition transitoire
que les listes d'éligibilité actuellement en vigueur restent
valides selon ce que détermine le gouvernement. Ne serait-il pas plus
logique que cette discrétion soit accordée à l'Office de
recrutement dont le rôle principal est justement de faire les
déclarations d'aptitude.
Nous remercions la Commission de son attention et nous espérons
que ces quelques remarques sauront susciter des améliorations
constructives à ce projet de loi restructurant la fonction publique.