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Question avec débat
(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, madame,
messieurs!
La commission permanente de la fonction publique est réunie, ce
matin, pour discuter la question avec débat du député de
Saint-Laurent au ministre de la Fonction publique sur le sujet suivant: La
préparation des prochaines négociations dans les secteurs public
et parapublic.
Je vous rappelle ceci. Selon la procédure qui a été
établie, on donnera d'abord la parole à celui qui pose la
question du débat, à savoir le député de
Saint-Laurent, durant 20 minutes; ensuite, je donnerai la parole au ministre
et, par la suite, chacun à son tour, les membres pourront poser des
questions ou intervenir. Le débat doit durer jusqu'à treize
heures. On ne doit pas dépasser cette heure-là. S'il se termine
avant, on pourra ajourner. Alors, je donne immédiatement la parole au
député de Saint-Laurent.
Exposé du sujet M. Claude Forget
M. Forget: Merci. Le Parti québécois, qui pendant
ses années d'Opposition, a été de toutes les
contestations, ce parti qui réussissait si bien à monter en
épingle la moindre crise sociale, la moindre difficulté, le
moindre conflit, qui s'efforçait, dans toutes les occasions possibles
à durcir ou à rendre plus intransigeante la position de groupes
qui étaient impliqués dans de tels conflits sociaux, se retrouve
maintenant avec les responsabilités du pouvoir et avec la
responsabilité très importante, dans les secteurs public et
parapublic, d'assumer non seulement la responsabilité de l'ordre public,
mais le rôle de la partie patronale. C'est une équation qui est
toujours délicate à réaliser que cette jonction des
préoccupations de l'État avec celles de l'employeur. Conscients
de cette difficulté, tous ceux qui au Québec s'interrogent, non
pas sur le déroulement des événements quotidiens, mais sur
l'évolution des prochains mois et des prochaines années, se
demandent jusqu'à quel point cette formation politique, qui
détient maintenant les leviers du pouvoir, va s'acquitter de ce double
mandat, c'est-à-dire, encore une fois, être responsable de l'ordre
public, de la paix sociale, du bien public et aussi agir comme le patron direct
ou indirect de plus d'un tiers de million de travailleurs salariés.
Il semble que les expériences pénibles que nous avons
connues dans notre société, au cours des dix dernières
années, les confrontations, les crises sociales que nous avons connues
et qui ont laissé des cicatrices sur le tissu social, sur ce sentiment
de cohésion sociale que toute société doit avoir pour
fonctionner normalement, que ces expériences risquent fort de se
répéter; du moins les leçons qu'on pourrait tirer ou qu'on
aurait pu tirer de ces expériences, il semble que le gouvernement actuel
n'est pas en mesure, n'est pas disposé à les tirer.
Dans un certain sens, il apparaît qu'il est déjà
trop tard pour que le gouvernement assume la responsabilité et
l'initiative de réforme profonde dans ce domaine, puisque le temps est
déjà passé, le temps qui lui était
réservé pour faire de telles réformes. On se situe
à quelques 60 jours de la fin d'une première série de
conventions collectives et tout le monde est bien conscient que si des
réformes profondes avaient été envisagées et
entreprises, elles l'auraient été dans un contexte, dans un
climat qui n'est pas celui de l'échéance imminente de telles
conventions collectives et des négociations qui doivent les
accompagner.
Il est donc déjà trop tard pour envisager des
réformes profondes et c'est dans la continuité, dans un certain
statu quo plus ou moins replâtré que le Québec va devoir
amorcer une nouvelle ronde de négociations.
Cela ne veut pas dire que l'expérience passée va se
répéter à la lettre, bien sûr, et c'est ce qui fait
l'intérêt de cette commission parlementaire, la seule qui aura
lieu durant la présente session sur une question qui est si importante
pour le Québec et pour son avenir. En effet, le ministre, presque par
hasard, il y a deux jours, je crois, selon ce qu'en rapportaient les journaux,
a déclaré qu'il n'y aurait pas de commission parlementaire
à l'initiative gouvernementale et je n'ai pas besoin de rappeler que la
séance de ce matin, qui ne durera que trois heures, sur un sujet qui
vise plus de 300 000 salariés, c'est bien insuffisant, mais que la
présente séance de cette commission parlementaire a
été convoquée à l'initiative de l'Opposition
officielle; sans cela, nous serions confrontés, d'ici un nombre
indéterminé de semaines ou de mois, par des lois qui viendraient,
à la pièce, modifier tel ou tel article des lois en vigueur.
Décidément, le débat public auquel on aurait pu
s'attendre de la part d'un nouveau gouvernement, à défaut d'une
volonté d'effectuer les réformes majeures qui s'imposent dans ce
secteur, n'aura pas lieu. Le ministre a préféré, pour des
raisons qui devraient devenir évidentes avec le temps, repousser, dans
un avenir indéterminé, et même éliminer la
possibilité d'un tel débat public.
Dans les quelques minutes que nous avons, M. le Président,
j'aimerais essayer de situer la problématique, si l'on peut dire, qui
est celle des relations de travail, des négociations, de la
préparation de cette négociation dans les secteurs public et
parapublic, telle qu'elle nous apparaît.
Il y a d'abord un état de la question à dresser qui
comporte quelques éléments fort simples. Il y a d'abord les
déclarations répétées de membres de ce
gouvernement, au premier chef le premier ministre qui, à deux reprises
déjà, a pris un soin particulier à faire des
déclarations selon lesquelles l'évolution des conditions de
travail, et en particulier des salaires, dans les secteurs public et parapublic
devrait à l'avenir tenir compte, refléter da-
vantage, plus raisonnablement, les rémunérations dans le
secteur privé. Une déclaration, de la part du premier ministre, a
été faite, je le rappelle, lors de l'adoption de la loi
décrétant le gel du salaire des députés. C'est
d'ailleurs la seule raison de fond qu'a invoquée le premier ministre
pour expliquer un tel geste symbolique. Dans le discours inaugural, on est
revenu sur les mêmes idées.
D'autres membres du gouvernement, des ministres, à telle ou telle
occasion, ont répété cette espèce de message, qui
se veut rassurant, d'un retour à la raison. C'est la fin de la
récréation, c'est le retour au raisonnable, à la modestie,
voire à l'austérité, sans préciser vraiment ce que
l'on veut dire par là, en donnant l'impression que, de toute
manière, les affaires de l'État seront administrées
économiquement, quand il s'agit des salaires au moins. (10 h 15)
Le deuxième élément est constitué par le
rapport Martin-Bouchard, cette brique qui a été publiée
depuis dans un format plus facile à consulter, heureusement, mais qui a
été publiée, il y a maintenant un mois et demi ou
près de deux mois, sans aucun commentaire officiel de la part du
gouvernement jusqu'à aujourd'hui. C'est un rapport qui fait suite
à une commission créée par le gouvernement actuel, en
1977, comme on sait.
Troisième élément de la question. Il y a eu, dans
ce rapport, un certain nombre de recommandations qui, même si elles n'ont
pas bénéficié de commentaires officiels de la part du
gouvernement, ont, de la part d'organismes syndicaux et de la part d'organismes
patronaux, attiré les critiques parfois presque violentes, certainement,
sinon violentes, du moins un désaveu assez marqué. On se souvient
d'ailleurs que M. Michel Grant, le représentant en quelque sorte
syndical au sein de cette commission, s'en était
désolidarisé, avait quitté la commission, en janvier
dernier, pour des raisons qui d'ailleurs ont été largement
reprises par les centrales syndicales dans leurs critiques.
Quatrième élément. Nous sommes, comme je
l'indiquais tout à l'heure à deux mois à peine, 61 jours
ou quelque chose du genre, de la fin des conventions collectives qui affectent
malgré tout quelque 118 000 salariés, sauf erreur. Ce sont des
chiffres qui datent un peu, mais comme il n'y a pas eu beaucoup d'expansion du
nombre des employés de la fonction publique et parapublique, il s'agit
d'environ 48 000 fonctionnaires, sauf erreur, de quelque 5000 enseignants
anglo-catholiques et de quelque 65 000 personnes appartenant au secteur des
affaires sociales dans les catégories d'infirmiers ou infirmières
et de techniciens. Donc, environ un tiers du total des salariés,
couverts par les conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic, devront renégocier dans un délai très court,
un délai au cours duquel, à en croire les déclarations
euphoriques du Parti québécois lorsqu'il était dans
l'Opposition, on devrait déjà avoir des offres patronales, on
devrait déjà être au courant de la nature et du contenu
précis de ce que le gouvernement veut proposer comme conventions
collectives de manière qu'au moment où ces conventions
collectives viendront à terme, le 30 juin prochain, on ne soit pas
à pied d'oeuvre seulement, mais qu'on soit véritablement en face
d'une offre gouvernementale complète, cohérente et,
espérons-le, raisonnable. Mais, je pense qu'on est beaucoup plus loin
que cela de compte et, d'après certaines informations, ce n'est pas
avant l'automne prochain que commencerait vraiment la négociation
vis-à-vis de ces 118 000 salariés.
Un dernier élément du dossier, ce qui est constitué
du côté gouvernemental par le silence le plus complet sur les
objectifs précis de la prochaine négociation ainsi que sur les
structures de négociation et le cadre juridique dans lequel elles se
dérouleront.
On nous promet de la législation, mais on ne nous dit pas en quoi
cette loi va consister, quelles sont les recommandations du rapport
Martin-Bouchard qui seront retenues, quelles sont celles qui ne le seront pas.
Encore une fois, on ne fait que donner des dates, on ne donne rien de
précis et on laisse miroiter des possibilités de consultations en
se gardant bien, encore une fois, d'envisager une commission parlementaire.
La seule position que nous pouvons adopter et que le reste de la
population du Québec qui n'est pas dans le secret du gouvernement, peut
adopter devant une telle situation, ce n'est malheureusement pas de
présumer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce
serait trop facile. Même si le ministre voudra nous persuader qu'il
s'occupe de telle ou telle démarche et de tel ou tel petit
problème, il reste que, dans l'ensemble, un certain nombre de questions
majeures demeurent sans réponse. On peut supposer que si ces
réponses n'ont pas été fournies jusqu'à maintenant,
c'est que le gouvernement n'a pas de raison de les donner, ne trouve pas
avantage à les fournir, d'un côté.
Pour ce qui est des objectifs de la négociation ou de la
politique salariale du gouvernement, ce dernier ne semble pas avoir
d'orientation précise. Les déclarations du premier ministre, les
propos rassurants à l'endroit des contribuables, qui disent: Ne vous
inquiétez pas, on sympathise avec vos préoccupations, vos
inquiétudes, à savoir que peut-être les employés des
secteurs public et parapublic, ont des conditions de travail supérieures
aux vôtres, mais on y veille, on veille au grain, on va bien y voir, il y
a un bon père de famille qui s'occupe de vous, mais il faudrait aller
plus loin. Il faudrait dire par quel pourcentage, par exemple, on envisage une
augmentation au cours des prochaines années dans les nouvelles
conventions collectives, de quelle façon on envisage les
problèmes de comparaison avec le secteur privé, sur quoi vont
porter ces comparaisons. Est-ce qu'il s'agit d'une parité absolue ou
d'une parité qualifiée, et qualifiée de quelle
façon? À moins de pré-ciTer ces choses, à moins de
préciser par quel pourcentage d'augmentation de la masse salariale on va
envisager les prochaines années dans le secteur public, on n'a
absolument rien dit. Ces propos, ceux du premier ministre, comme ceux de
différents ministres, n'ont qu'une valeur soporifique.
J'aimerais savoir, ce matin, de la part du mi-
nistre de la Fonction publique s'il est prêt enfin à nous
dire comment précisément ces objectifs de la négociation
sont définis, et quels sont-ils? Il me semble qu'à 60 jours de la
fin des conventions collectives, il devrait être en mesure de dire
quelque chose sur le sujet. Le moins qu'on puisse supposer, c'est que, en ne
disant rien, le premier ministre et les membres de son gouvernement se
préparent à faire des concessions, tout en rassurant l'opinion
publique, qui coûteront cher aux contribuables, mais qui, de toute
manière, auront l'avantage d'acheter une paix sociale à un moment
où on fera le référendum du Québec, puisque ces
questions seront soulevées en 1979. Il y aura de grands avantages, tout
en rassurant l'opinion publique par des propos soporifiques, à faire des
concessions qui seront dissimulées dans des conventions collectives que
personne ne lit, qui sont fort techniques. On fera payer, en quelque sorte, aux
contribuables, un climat social qu'on veut le meilleur possible pour des
raisons référendaires.
Sur le plan des structures de négociation, M. le
Président, un professeur, effectivement le directeur du
département des relations industrielles, qui parlait publiquement cette
semaine à Québec sur le sujet du rapport Martin-Bouchard a
caractérisé ce rapport de l'expression suivante: il s'agit, selon
lui, d'une rationalisation du statu quo. C'est effectivement ce que la plupart
des lecteurs attentifs, qui connaissent les structures actuelles et qui ont lu
ce rapport, concluent également. Il s'agit là d'une reconduction,
avec un replâtrage superficiel, du régime que nous avons connu.
D'ailleurs, la commission l'admet implicitement en disant qu'il ne lui
apparaît pas souhaitable de bouleverser le régime actuel.
D'ailleurs, le gouvernement a déjà pris des mesures
administratives qui se situent carrément dans le contexte du rapport
Martin-Bouchard, en particulier la centralisation, au Conseil du trésor,
des négociations, du pouvoir de décision dans les
négociations; la marginalisation, non seulement des ministères
sectoriels que sont l'Éducation et les Affaires sociales, mais aussi des
associations patronales qui entretiennent, traditionnellement, un rapport
très direct, un dialogue très immédiat avec ces
ministères sectoriels. De la part de ces associations patronales, on
sent qu'il sera très difficile de faire préciser son rôle.
Il sera très difficile d'avoir, face au gouvernement, une notion
très claire de l'endroit où s'arrêtent les
responsabilités du gouvernement et où elles commencent.
Il y a aussi, bien sûr, la fameuse question de l'interruption des
services essentiels. De ce côté, malgré tous les sparages
successifs de l'Opposition péquiste qui a voté pour ce projet de
loi à l'Assemblée nationale, qu'elle a désavoué six
semaines après à la suite d'une réunion des instances
supérieures du parti, qui, après être arrivée au
pouvoir a annulé toutes les poursuites, elle s'est lancée dans
des déclarations le mois suivant cela se situe au printemps
dernierdisant qu'on irait jusqu'à interdire la grève dans
les services essentiels si la santé était menacée.
Le premier ministre et le ministre du Travail de l'époque, M.
Couture, ont fait ces déclarations; elles sont consignées au
journal des Débats. Après tous ces sparages, il demeure
qu'à la lecture du rapport Martin-Bouchard, on se rend compte que c'est
sous une autre étiquette, sous une autre modalité, à peine
changée, la continuation de la loi 253 et c'est, d'ailleurs, ce qui fait
la base de la critique la plus pertinente, je pense, qui émane des
centrales syndicales, puisqu'elles n'ont jamais aimé cette loi et elles
n'aimeront, d'ailleurs, aucune loi qui prétend régler à
leur place la question des services essentiels, dont elles réclament le
contrôle exclusif...
Sur tous les plans, que l'on pense au rôle interne des instances
gouvernementales, que l'on pense à la question des services essentiels,
que l'on pense à la question des associations patronales, on se rend
compte que le gouvernement à d'excellentes raisons de ne pas annoncer
ses couleurs et de ne pas engendrer un débat public, puisqu'il ne
propose à la population du Québec, que la reconduction sous un
replâtrage de façade, des situations, des institutions, des
structures, des lois que nous avons connues jusqu'à maintenant et dont
nous avons éprouvé le caractère, malheureusement,
imparfait et cela fort péniblement.
J'espère, M. le Président je terminerai
là-dessus que le ministre va pouvoir dissiper les doutes
sérieux que je viens d'exprimer. Ce sont, bien sûr, pour
l'instant, des hypothèses plutôt que des certitudes, puisque le
gouvernement a été avare de précisions sur un sujet comme
celui-là. Malgré tout, en parlant à différentes
personnes, impliquées dans ces milieux, en étudiant avec soin le
petit nombre de déclarations sibyllines émanant des membres du
gouvernement, c'est la conclusion préliminaire à laquelle on doit
en venir.
Le statu quo, sur le plan constitutionnel, une absence d'imagination,
une absence de courage de changer fondamentalement le cadre institutionnel et
juridique des négociations dans les secteurs public et parapublic et sur
le plan des objectifs de la négociation, des propos rassurants, mais
vides de sens qui nous font anticiper, peut-être, le règlement
à un coût exorbitant de conflits que l'on veut éviter
à tout prix en 1979, puisque c'est seulement à ce moment que ces
questions en viendront véritablement à leur point critique. On
veut éviter à tout prix des conflits en changeant les
institutions le moins possible, en étant le plus secret possible quant
aux objectifs de la négociation. On pourra faire assumer par les
contribuables et par la population du Québec les priorités
différentes, tout à fait différentes du gouvernement dans
le présent mandat qui est, non pas de régler les problèmes
fondamentaux du Québec sur le plan des relations de travail dans la
fonction publique et parapublique, mais de préparer un climat propice
à d'autres orientations politiques qui sont chères au coeur de
tous ceux qui sont membres de ce parti.
M. le Président, j'espère et je fais la demande insistante
auprès du ministre de la Fonction publique, si tant est qu'il dispose,
à l'heure actuelle.
des réponses à ces questions, de ne pas se perdre dans les
détails des démarches et des consultations sur tel ou tel
protocole d'entente avec tel ou tel de ses partenaires, des calendriers
techniques et des discussions avec ses négociateurs. Ce qu'on attend ce
matin, étant donné qu'on n'a que trois heures dans toute
l'année pour débattre une question aussi importante, ce sont des
réponses à des questions fondamentales et des indications
précises; pas simplement des propos soporifiques, des invitations
à se fier au paternalisme gouvernemental, comme c'est souvent le cas.
Qu'est-ce que vous voulez faire, précisément? (10 h 30)
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. M. le ministre de la Fonction
publique.
Réponse du ministre M. Denis de
Belleval
M. de Belleval: M. le Président, je reconnais avec le
député de Saint-Laurent l'importance du sujet que nous abordons
ce matin. Je reconnais aussi, sinon la pertinence des critiques plus ou moins
voilées qu'il a faites, du moins la pertinence des interrogations. Nous
avons tous raison, tous les parlementaires, d'attacher la plus grande
importance aux échéances que nous devrons respecter durant les
prochains mois en matière de relation de travail dans les secteurs
public et parapublic.
Je voudrais commencer mon intervention tout d'abord en vous exposant
très rapidement la situation que nous avons trouvée quand nous
sommes arrivés aux affaires comme on dit outre-atlantique
le 15 novembre 1976, dans cette matière des négociations
collectives des secteurs public et parapublic.
Vous vous souviendrez que le précédent gouvernement a
duré lui-même six ans et qu'il a affronté lui-même
deux rondes générales et difficiles de négociations
collectives dans ce domaine. Nous nous serions donc attendus, compte tenu des
phénomènes qui s'étaient produits durant ces six
dernières années et des difficultés qu'avait
éprouvées le précédent gouvernement, nous nous
serions donc attendu à trouver une riche matière à
réflexion pour nos propres orientations et décisions dans cette
matière.
Or, quelle était la situation? Tout d'abord, il n'existait, au
sein de l'appareil gouvernemental, aucun organisme central permanent
responsable de la coordination et de la direction des négociations de
travail dans les secteurs public et parapublic. Aussi étrange que cela
puisse paraître, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il
n'y avait pas un seul organisme, pas une seule structure identifiable dans
l'appareil gouvernemental, structure que j'appelle permanente,
c'est-à-dire une direction générale, un service, un
directeur général, un sous-ministre ou un sous-ministre adjoint,
quelque chose de tangible chargé de coordonner l'action gouvernementale
dans ce domaine.
À vrai dire, des personnes sous contrat avaient été
chargées d'effectuer cette coordination, en collaboration avec des
fonctionnaires et, bien sûr, des ministres; des contractuels, comme on
dit vulgairement, avaient été chargés de ces travaux de
coordination lors de la dernière ronde qui venait tout juste de se
terminer, mais il n'y avait aucune structure permanente.
En matière de recherche, par exemple, sur la
rémunération, il existait, au sein du ministère de la
Fonction publique, un petit bureau confié à un chef de service
chargé de faire des recherches sur la rémunération. Ce
bureau avait déjà produit quelques résultats, quelques
statistiques qui n'avaient d'ailleurs pas été utilisés
lors des dernières rondes. Pourtant, on sait combien il est important,
pour arriver à des positions valables sur le plan des offres salariales,
de bénéficier de services de bureaux compétents en
matière de recherche sur la rémunération, comme toute
entreprise d'une dimension comparable à celle du gouvernement, comme
toute entreprise de ce genre possède.
Il n'y avait pas non plus de ministre responsable, sur une base
permanente, dans la structure gouvernementale, de la coordination, de
l'orientation politique, au sens grec du terme, de ces négociations. Un
ancien ministre avait été chargé, ad hoc, de coordonner
ces négociations lors de la ronde précédente,
c'était M. Oswald Parent. Mais aucun ministre n'était
identifié comme tel, conformément à une structure
permanente gouvernementale, pour coordonner les efforts des différents
ministères dans ce domaine.
Il n'y avait pas de projet de loi sur la table, ni d'analyse
concrète, à point, sur les réformes à entreprendre,
sur les dispositions à prendre, que ce soit en matière
administrative, juridique, en matière simplement d'organisation, rien
que l'ancien gouvernement ne nous laissait de ce côté. Tout cela
après six années de pouvoir et deux négociations qui
auraient dû être riches de renseignements et qui auraient dû
amener une certaine cueillette de données, et donc, un certain acquis
exploitable par la nouvelle administration; rien de cela.
Je ne dis pas ces choses pour refaire le procès de l'ancienne
administration, mais tout simplement pour vous donner le contexte dans lequel
nous étions quand nous sommes arrivés et pour voir quel
défi nous avions à relever.
Dès le début de l'année 1977, cela ne fait pas
tellement de temps, nous avons pris un certain nombre de mesures. Tout d'abord,
les premières mesures devaient être forcément
administratives, puisqu'il n'y avait même pas de responsable clairement
identifié dans la structure. Nous en avons d'abord identifié un.
Nous avons identifié que le Conseil du trésor devait être
responsable de la coordination de ces négociations et du suivi, au jour
le jour, des multiples négociations et conventions collectives que le
gouvernement doit conclure avec ses employés. D'ailleurs, depuis un an,
sinon plusieurs dizaines du moins, plusieurs unités de conventions
collectives ont déjà été
négociées.
Donc, nous avons identifié le Conseil du trésor comme
l'autorité coordonnatrice responsable. Nous avons créé, au
sein du Conseil du trésor, un secrétariat spécial qui
s'appelle le secrétariat aux politiques de personnel, qui a dû
être monté de toutes pièces, qui compte des fonctionnaires
compétents dans le domaine, dont certains viennent même de
l'ancien ministère du député de Saint-Laurent, d'autres de
certaines autres ministères, des fonctionnaires que nous avons
regroupés et qui constituent maintenant l'équipe d'appui
permanente chargée de conseiller le gouvernement dans
l'élaboration de sa politique en matière de relations de
travail.
Je pense qu'on reconnaîtra que tout État moderne doit
posséder un minimum de ce côté-là et,
malheureusement, nous ne l'avions pas, le 15 novembre 1976. Cela a
été notre première tâche. Il a fallu recruter les
fonctionnaires, et ce n'est pas une mince tâche que de monter de toutes
pièces un bureau aussi important dans l'espace de quelques semaines.
Nous l'avons fait.
Deuxièmement, nous avons étudié les rapports que
les fonctionnaires, dans les différents ministères, en
particulier la Fonction publique, les Affaires sociales et l'Éducation,
devaient fournir comme évaluation des dernières
négociations et arrêté une position pour voir s'il y avait
opportunité de réviser les mécanismes législatifs
et administratifs qui gouvernent ces négociations.
Finalement, nous avons pris la décision en cette matière
de créer une commission d'étude, de façon à obtenir
l'opinion de tout le monde, d'obtenir aussi, de la part de personnes
compétentes en la matière, grâce à leur jugement
impartial, des conseils, un rapport, des recommandations, quant aux
réformes législatives à apporter. Cela a été
la mise sur pied de la commission Martin-Bouchard.
Nous avons aussi élaboré les fondements, les principes
d'une politique salariale. Là-dessus, je dois dire que cela est aussi un
travail considérable qui demande un examen attentif, extensif aussi, des
différentes politiques qui existent en ce domaine, des politiques qui
sont étudiées et utilisées par différents
gouvernements, la critique de ces politiques et, éventuellement,
l'adoption de nos propres principes.
Nous avons élaboré cette politique salariale et nous avons
déjà fait connaître les grandes lignes de cette politique,
les deux principes fondamentaux, à savoir que la
rémunération des fonctionnaires devait s'aligner pour des
tâches correspondantes sur les rémunérations payées
dans l'entreprise privée du Québec et, deuxièmement, que
ces rémunérations devaient se concevoir globalement,
c'est-à-dire traitements, salaires et avantages sociaux et non pas comme
trop souvent dans le passé, simplement en termes purement salariaux. Une
fois ces principes acceptés, bien sûr, il faut les traduire en
chiffres concrets. Cela non plus, ce n'est pas une mince tâche. Le bureau
de recherche sur la rémunération dont je parlais tout à
l'heure, l'embryon qui existait au ministère de la Fonction publique a
donc été transféré au Conseil du trésor. Son
envergure a été élargie à l'ensemble des
conventions collectives et non pas sim- plement celles de la fonction publique
au sens strict, mais celles aussi des secteurs parapublic, hospitalier et
éducatif. Les travaux statistiques pertinents ont été
poursuivis de façon justement à appliquer concrètement les
principes de cette politique salariale. Le travail en cette matière se
poursuit actuellement. C'est un travail ardu, complexe, mais qui progresse.
Nous avons la certitude maintenant que nous aurons, à brève
échéance, les renseignements nécessaires, capables
justement de faire ces appariements pour les principaux emplois repères
entre le secteur privé québécois et la fonction
publique.
En gros, voilà les démarches que nous avons
appliquées. Une seule autre, très importante aussi, la reprise de
contact avec les associations syndicales et patronales, particulièrement
pour ce qui concerne les données statistiques de base qui sont aussi
très importantes pour l'élaboration de toute politique salariale
et autre dans le domaine.
Dans la fonction publique proprement dite, cet appareil statistique est
maintenant complet et les négociations d'ailleurs maintenant se
déroulent normalement à partir de cet appareil.
Dans le domaine de l'éducation et des affaires sociales, l'ancien
ministre des Affaires sociales sera lui-même en mesure de
témoigner des difficultés particulières en matière
de statistiques de base dans ces secteurs, mais là encore aussi, nous
avons commencé une première série de démarches pour
préparer d'un commun accord des données de base sur lesquelles
nous pourrions à la fois nous fier, les associations syndicales comme
les associations patronales.
En même temps que nous faisions ces démarches, nous
continuions aussi à négocier des conventions collectives, dans
les cadres juridiques actuels. Je ne voudrais pas revenir sur l'ensemble de ces
négociations, sur toutes et chacune de ces négociations, mais je
voudrais simplement souligner pour mémoire la négociation avec
les policiers de la Sûreté du Québec qui s'est
terminée à la satisfaction de toutes les parties, sans recourir
à l'arbitrage. Une autre aussi très importante est celle avec les
agents de la paix qui s'est aussi terminée d'une façon
agréable à toutes les parties, là aussi sans recours
à l'arbitrage et en suivant strictement les balises des politiques
salariales déjà établies. (10 h 45)
Nous sommes en train de négocier actuellement avec le Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec qui a déjà
présenté ses offres complètes au gouvernement et le
gouvernement lui a déjà soumis ses offres sur le plan normatif.
Là-dessus, seulement une petite anecdote: J'ai moi-même
participé à l'élaboration du mandat qui nous a permis de
déposer ces offres normatives, qui sont très importantes dans le
secteur public. On me signalait que j'étais le premier ministre à
lire au complet les offres et à participer à l'élaboration
des offres normatives qu'on faisait à un syndicat de cette importance,
parce qu'effectivement je pense qu'il est extrêmement essentiel et
important qu'un ou des ministres suivent, non pas d'une façon
éloignée, mais au jour le jour et au
niveau même des contenus, les négociations qui sont en
cours. Nous avons même pris la décision d'associer des
députés ministériels, par exemple, dans le cadre d'un
comité de travail, à l'information, de façon à les
informer et de façon à les consulter sur l'élaboration et
le contenu des mandats des prochaines négociations et, en particulier,
celle des fonctionnaires qui est la plus importante qui se déroule
actuellement.
Finalement, en ce qui concerne le rapport Martin-Bouchard, le
gouvernement étudie actuellement. En fait, il a terminé son
étude, il a terminé l'étude des recommandations de la
commission. Il s'est forgé sa propre opinion à la suite des
différents mémoires qui ont été soumis à la
commission, à la suite des recommandations, et à la
lumière des recommandations de la commission elle-même. Je pense
que le député de Saint-Laurent reconnaîtra lui-même
que, dans ce domaine, et il l'a souligné, qui est un domaine
extrêmement difficile, extrêmement compliqué et
délicat aussi, où une des conditions essentielles de la
réussite est l'élaboration d'un consensus minimal de toutes les
parties, le député de Saint-Laurent reconnaîtra que,
là encore, il ne s'agit pas d'une tâche qui peut se
réaliser dans quelques jours. Nous n'avons mis, quand même, que
peu de semaines depuis le rapport du comité pour nous faire une
idée.
Les orientations, que nous avons décidé de retenir, seront
rendues publiques la semaine prochaine. N'étant pas maître des
échéances de cette assemblée et des initiatives de
l'Opposition en ce domaine, j'aurais peut-être souhaité pouvoir
les déposer ce matin, mais le texte définitif ne sera prêt
que durant le cours de la semaine prochaine.
Ces orientations seront donc rendues publiques avant le
dépôt d'un projet de loi et donneront lieu à une
série de consultations avec les associations représentatives des
employés et aussi des employeurs, y compris même le Conseil du
patronat qui a manifesté un intérêt à ce sujet, de
façon à avoir une dernière réaction avant la
présentation formelle d'un projet de loi à l'Assemblée
nationale ou de projets de loi, parce qu'actuellement nous envisageons
déjà la présentation de trois projets de loi distincts
devant justement former le cadre législatif des prochaines
négociations collectives.
Il va sans dire que nous espérons présenter cette loi
d'ici l'ajournement de juin ou, à défaut, au tout début de
la session de cet automne ou de la partie de la session qui débutera
vers le 15 septembre, de sorte que le cadre législatif nécessaire
sera prêt avant la ronde principale des négociations des
conventions collectives qui viennent à échéance en juin
1979, dans le secteur de l'éducation et dans le secteur des affaires
sociales.
Nous aurions, bien sûr, souhaité que toutes ces
démarches aient pu se dérouler encore plus rapidement et que leur
échéance finale se soit produite plus tôt, mais j'ai
expliqué tantôt dans quel contexte, de ce côté, nous
avions pris les affaires en main et je pense qu'il était difficile
d'aller plus vite, compte tenu de l'importance et de la délicatesse du
sujet. Dans...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, je vous ferai
remarquer que vos 20 minutes sont écoulées. Si vous voulez
conclure rapidement.
M. de Belleval: Si vous voulez; si on me le permet.
M. Fontaine: Oui.
M. Forget: Oui.
M. de Belleval: Dans l'intervalle, bien sûr, les
négociations en cours se déroulent à partir des cadres
existants et là-dessus, justement, en terminant, je voudrais qu'on se
rende bien compte et je pense que le député de
Saint-Laurent sera d'accord avec moi là-dessus, pour dire queque
l'encadrement législatif et administratif n'est pas tout dans ce
domaine. Il ne faut pas non plus avoir une fixation excessive du
côté de la magie des lois qui, d'elles-mêmes, ou même
principalement peut-être, nous fourniraient les solutions dans le
déroulement de négociations collectives. Je pense que le cadre
législatif actuel peut nous permettre de négocier, d'une
façon extrêmement efficace, les conventions collectives qui
viennent à échéance en juin 1978. D'ailleurs, ce cadre
législatif actuel n'a jamais posé de problème particulier
en ce qui concerne, par exemple, le syndicat des fonctionnaires. Je ne crois
pas non plus qu'il soit de nature, actuellement, à causer des
problèmes particuliers ou graves en ce qui concerne le secteur scolaire
avec l'Association des enseignants catholiques, ni même avec les
infirmières. Je pense donc que, de ce côté, nous sommes en
bonne position pour que ces négociations se déroulent rapidement
et sans à-coups excessif.
Mais, au-delà des loisnous reconnaissons quand même
qu'il faut qu'il y ait des changements aux lois actuelles et nous l'avons
démontré en créant la commission Martin-Bouchard et nous
donnerons nos positions là-dessus, comme je l'ai dit, la semaine
prochaine je pense quand même qu'il y a des questions d'attitudes,
qu'il y a des questions de formes, qu'il y a aussi une question de
crédibilité et de capacité à communiquer clairement
ce que l'on met de l'avant comme politique salariale, comme politique de
relations professionnelles et je pense que, de ce côté aussi, nous
désirons accorder une importance très haute aux gestes que nous
poserons durant les prochaines semaines et les prochains mois. De ce
côté aussi, c'est à l'usage, sinon à l'usure, qu'on
pourra juger véritablement des intentions et de la capacité du
présent gouvernement à réussir là où tant
d'autres ont échoué. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
M. le député de Nicolet-Yamaska.
Discussion générale
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
Je dois d'abord reconnaître, M. le Président,
que, bien sûr, le ministre de la Fonction publique, en nous
donnant une série de mesures administratives que le nouveau gouvernement
a prises depuis le 15 novembre 1976, constitue un pas en avant sur ce qui
était fait auparavant. Je pense qu'on doit nécessairement tendre
à s'acheminer vers un système de négociations permanentes,
établir un mécanisme permanent de négociations comme cela
a d'ailleurs été prôné par le Conseil
supérieur de l'éducation, dans "L'état des besoins de
l'éducation", rapport qui nous a été remis hier ou
avant-hier, à l'Assemblée nationale.
On disait, notamment, à la page 35: "II s'est avéré
extrêmement difficile et périlleux pour l'État, ces
dernières années, de concilier son rôle d'employeur
négociateur et celui de gardien des droits individuels et collectifs,
surtout sous l'empire d'une législation peu appropriée aux
relations de travail dans les secteurs public et parapublic." On dit, un peu
plus loin: "Les pistes de solutions abordées dans le présent
chapitre viseront, entre autres, à mieux situer le rôle de
l'État et de ses partenaires dans les négociations." On
prône l'établissement d'un système de négociations
permanentes.
Les réformes que le ministre nous a annoncées, ce matin,
vont vers ce but, mais il reste encore un grand pas à franchir. Je
voudrais, ici, apporter certaines remarques sur ce qui s'est fait par le
passé et le coût que cela peut apporter à l'État,
lorsque ces négociations sont faites par des personnes
rémunérées qui sont embauchées en dehors de la
fonction publique. Nous avons fait une certaine compilation de ces coûts,
à la suite de questions écrites que nous avions posées au
ministre à l'Assemblée nationale. En s'appuyant sur les chiffres
qui nous ont été fournis, nous en sommes venus à la
conclusion qu'il en avait coûté, pour la ronde de
négociations de 1975, au-delà de $5 millions au gouvernement du
Québec, tout simplement en traitements de personnel recruté
à l'extérieur de la fonction publique et autres frais.
Je vous cite rapidement quelques chiffres. La fonction publique, cela
exclut aussi le syndicat des agents de la paix de la fonction publique, parce
que les chiffres n'étaient pas disponibles, cela a coûté
$233 841, au parapublic $220 346; il y avait 14 tables de négociations;
aux Affaires sociales, un montant très important, $2 044 077 en
différents frais et traitements. Je cite, ici, en traitements seulement
$624 829 et seulement en publicité $363 575. Dans le domaine de
l'éducation, il y avait 16 tables, cela a coûté $1 560 891,
$550 000 en traitements seulement et remboursements aux agents patronaux $592
000. À la table centrale, cela a coûté $906 682. Si on
additionne tout cela, cela a coûté $4 966 537 seulement en
traitements et autres frais pour le personnel recruté à
l'extérieur de la fonction publique. En plus des coûts sociaux que
cela peut apporter.
Alors, c'est un coût extrêmement important pour le
Québec. Il est important pour le gouvernement actuel, de prendre les
mesures nécessaires pour qu'une telle hémorragie de fonds publics
ne se répète pas, lors des prochaines négociations. S'il
est vrai que le mot d'ordre des prochai- nes négociations, du moins,
pour l'État employeur sera de vivre selon ses moyens, il faut que le
gouvernement, protecteur de l'intérêt public, prenne ses
responsabilités et fasse preuve de modération et de
réalisme dans les structures de négociations qu'il nous
proposera.
Or, M. le Président, outre ces frais, il faut également
considérer que l'expertise qu'ont acquise ces gens qui ne proviennent
pas de la fonction publique, leur appartient et que le gouvernement ne la
possède pas. Si le gouvernement veut installer un bureau de
négociations il devra... aux prochaines négociations, si on n'a
pas ce bureau, il faudra recourir à ces gens. Étant donné
qu'ils seront considérés comme des experts dans le domaine, je
présume que les montants qu'ils vont demander seront encore plus
élevés que ceux qu'ils avaient demandés en 1975. Il est
très important pour le ministre de la Fonction publique, de continuer le
but recherché qui est celui de la mise sur pied d'un système
d'expertise qui appartiendra au gouvernement pour lui permettre
véritablement, au moins, d'abaisser les coûts de 1975. (11
heures)
Concernant la politique salariale que le gouvernement veut mettre sur
pied en disant qu'il veut aligner sa politique sur les
rémunérations qui sont payées dans l'entreprise
privée, nous sommes bien sûr d'accord sur ce but recherché,
mais nous sommes également conscients qu'il sera très difficile,
pour le gouvernement, d'atteindre ce but, quand on sait qu'il y a 60 jours de
congés payés dans la fonction publique, par année, ou
à peu près si ce n'est pas exact, vous me
corrigerez...
M. de Belleval: Avec les vacances.
M. Fontaine: Avec les vacances, oui. Alors, je pense qu'il n'y a
aucune entreprise privée qui peut se permettre une telle chose. Si le
gouvernement veut véritablement établir cette politique...
M. de Belleval: Le taux est trop élevé, d'ailleurs.
Ce n'est pas 60 jours, c'est environ 35 jours en moyenne, 20 jours de vacances
et peut-être treize jours de congés fériés. En tout
cas, peu importe, c'est un détail.
M. Fontaine: De toute façon, il n'y a aucune entreprise
privée qui arrive à payer 35 jours de vacances à ses
employés,,en moyenne.
Je pense que si le gouvernement veut véritablement appliquer sa
politique salariale, telle que prévue, cela va se traduire dans les
chiffres à très peu d'augmentation, sinon presque pas. Cela va
être très difficile, pour le gouvernement, de négocier sur
une telle base. Je souhaite que chacune des deux parties, avec les expertises
qu'elles pourront mettre sur pied, puissent, d'un côté comme de
l'autre, mettre un peu d'eau dans leur vin et en arriver à une entente.
Pour l'instant, M. le Président, ce sont les remarques que je voulais
faire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député. M. le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, personnellement, j'ai
quelques remarques à faire, suite à l'exposé du
député de Saint-Laurent. Je voudrais relever et appuyer certains
points qui m'apparaissent essentiels et indispensables en fonction des
prochaines négociations qui viennent.
D'abord, je considère que le député de
Saint-Laurent pose un diagnostic extrêmement sévère,
même s'il s'appuie sur certains individus, concernant le rapport
Martin-Bouchard. C'est peut-être la première fois au Québec
que nous avons une analyse globale de la situation. On s'est permis d'analyser
à un moment donné une partie des services essentiels; on s'est
permis de porter des jugements épars sur certains points de la
négociation, quand, pour une fois, on nous donne une analyse
détaillée de tout l'aspect des négociations, autant au
niveau des structures, des lignes d'autorité, des concepts de
négociation que de l'approche des parties en négociation, ce qui
m'apparaît quelque chose de formidable. Personnellement, pour en avoir
vécu depuis 1960, je considère qu'au niveau de l'analyse, c'est
passablement valable comme document. Bien sûr, on peut diverger d'opinion
sur certains mécanismes suggérés, mais, quant à
l'analyse, il est difficile de ne pas se ranger derrière le fondement
même du rapport. Je considère que c'est là un effort... non
seulement un effort, mais des constatations passablement bien
ramassées.
Ce qui m'effraie, d'autre part, c'est que, déjà,
l'Opposition officielle fait des présomptions sur les éventuelles
attitudes ou les éventuelles décisions gouvernementales sans
même les connaître. Je prends, par exemple, les propos du
député de Saint-Laurent qui dit: Le gouvernement se
prépare à faire des concessions majeures, alors qu'il se camoufle
derrière des propos rassurants. Personnellement, je trouve cela peu
sérieux de la part d'un ancien ministre, et même
inquiétant. C'est pratiquement de la provocation. On semble indiquer au
gouvernement: Tâchez donc tout de suite de durcir vos positions.
Arrangez-vous donc pour courir après les conflits. Arrangez-vous donc
pour les casser, chose qu'on n'a pas osé ou qu'on n'a pas
été capable de faire. On a essayé, mais on a réussi
qu'à se faire casser nous-mêmes et cela nous a coûté
la défaite du 15 novembre 1976. Cela ressemble un peu à cela.
Personnellement, cela me déçoit parce que le député
de Saint-Laurent est considéré, à ce qu'on me dit
naturellement, je ne fraie pas dans la région de Montréal
comme un analyste sérieux dans l'Opposition officielle.
Une telle attitude est plutôt inquiétante, d'autant plus
que le parti auquel il appartient, depuis le 15 novembre 1976, se gave de
défendre les travailleurs québécois, mais il se produit
des fuites à l'intérieur de leurs analyses, puisque
déjà, durant la course au leadership, on voyait leur chef en
herbe se prononcer, par exemple, contre la grève dans le secteur public,
propos irréfléchis car, à mon sens, des droits
écrits ou des pouvoirs à l'intérieur d'une
législation sont souvent respectés ou non selon les attitudes de
la partie qui est en face de l'autre et qui est à la fois
législateur et employeur en ce qui regarde les secteurs public et
parapublic.
Je trouve ça, à ce stade-ci, passablement
inquiétant, parce que, déjà, on voit se dessiner une
opposition qui, au lieu de travailler avec le gouvernement en place à
bâtir un climat de négociation qui serait des plus propices
à un dialogue, à un échange normal, on voit
déjà l'alimentation de feux ici et là pour pouvoir dire:
Ils ont échoué, avant même qu'on ait commencé
à négocier d'une façon concrète.
Je suis heureux que le ministre ait dit qu'au-delà des textes de
loi et au-delà des structures de négociation, ce qui comptait,
c'étaient les attitudes. C'est peut-être le danger qui guette tout
parti au pouvoir, y compris le Parti québécoison n'y
échappe pas plus qu'un autre parti c'est de consacrer
énormément d'énergie, énormément de temps et
possiblement créer des foyers d'incendie, uniquement sur les discussions
au niveau des structures de négociation.
Pour moi, le secret de la prochaine ronde de négociations
réside essentiellement et presque exclusivement au niveau des attitudes
des partis. Depuis 1967, depuis l'avènement du bill 25 dans le
système des négociations du secteur public, nous avons
malheureusement assisté beaucoup plus à des attitudes
d'affrontement entre les parties et l'État se doit, à mon sens,
s'il veut instaurer ce climat de confiance, ce climat de dialogue, de commencer
par donner l'exemple lui-même en tant qu'État
québécois, à la fois législateur et employeur.
Ce n'est pas en provoquant les chefs syndicaux, ce n'est pas en essayant
de dévaloriser certains secteurs du monde du travail dans les secteurs
public et parapublic, en essayant de les rabaisser ou en essayant de provoquer
une montée ou une antipathie de la part des autres travailleurs du
secteur privé contre les travailleurs du secteur public que tu
amènes les gens du secteur public à discuter d'une façon
sérieuse, d'une façon réfléchie, à poser des
jugements rationnels. En tout cas, c'est mon opinion bien honnête
là-dessus. C'est beaucoup plus en travaillant avec eux, en leur ouvrant
des portes, en leur montrant les statistiques, clairement, telles qu'elles sont
établies, en n'engageant pas avec eux des guerres de chiffres, des
guerres de statistiques, en ne payant pas en publicité des pages
complètes à des coûts prohibitifs le
député de Nicolet-Yamaska y faisait allusion en ne
dépensant pas des sommes extraordinaires pour essayer de
démontrer à l'ensemble de la population québécoise
que les travailleurs des secteurs public et parapublic sont des enfants
gâtés et qu'il faut absolument les écraser.
Amener des gens à la raison, à leur faire comprendre
qu'ils ont un rôle à jouer dans la société et qu'il
y a des finances qui existent à l'État, au niveau gouvernemental,
et que ces finances doivent être réparties le plus
équitablement possible... Ce n'est pas en les provoquant par les
journaux, par les media électroniques que tu arrives à assurer un
certain dialogue entre les parties en
présence et à faire en sorte que les gens posent des
gestes raisonnés et raisonnables.
La question des attitudes en négociation, j'y crois plus que
jamais et je crois que c'est peut-être là une des pierres
angulaires de la prochaine ronde de négociations, j'espère que
là-dessus, le présent gouvernement ne tombera pas dans le
piège des gouvernements antérieurs et ne jouera pas le jeu de la
provocation, ni le jeu de la pseudo bonne foi par l'intermédiaire des
media d'information. Même si on admet tous que la négociation dans
les secteurs public et parapublic est une négociation politique, de la
politique, cela peut se faire avec un grand "P" et avec un petit "p". Avec un
grand "P", cela se fait dans une attitude d'égal, de respect de l'autre
partie. Avec un petit "p", cela se fait avec de la provocation, tel que cela
s'est fait, en particulier, au cours des six dernières
années.
Pour moi, cela sera le point fort de la prochaine ronde de
négociations. J'invite à ce moment-là, non seulement notre
gouvernement, les gens de notre gouvernement, mais aussi, les Oppositions,
à faire de même. Si on profite des périodes de questions,
si on profite des périodes de commissions parlementaires qui nous sont
offertes, pour tâcher déjà d'indiquer dans quel sens on
s'enligne, dans quel sens on veut tout de suite démontrer qu'il faut
prendre la ligne dure, si on se permet de faire de la présomption sur
les attitudes à venir, comme c'est le cas ce matin, à mon sens
c'est déjà dénoter que c'est tellement bien ancré
chez nous, ce système de négociations où il faut
nécessairement abattre l'autre avant même de commencer à
négocier, je serais porté à faire une invitation
spéciale aux Oppositions là-dessus, à s'aligner dans le
but de contribuer fortement à créer un climat social, un climat
de négociation qui sera propice à ces échanges. Je pense
que tout le monde y gagne, dans ce sens-là.
En fait, il serait bon de démontrer une ouverture d'esprit digne
de parlementaires qui veulent à tout prix éviter les
perturbations et faire en sorte que, dans la mesure des capacités de
l'État et du gouvernement, on puisse en arriver à trouver un
consensus assez général au niveau des négociations.
Pour ce qui est du courage, je peux vous dire une chose, je sais bien
qu'on n'a pas de leçons de courage à tirer de l'Opposition
officielle. Ce n'est pas à six heures moins dix par un discours contre
la taxe de vente, et à huit heures et quart, voter pour un amendement
qui dit le contraire, qu'on dénote une grande marque de courage.
À ceux qui ont vécu la séance de l'Assemblée
nationale hier soir, je pense bien que je n'apprends rien.
M. Forget: On pourra poursuivre le débat là-dessus.
Je pense qu'il y a des choses que le député de Joliette-Montcalm
pourrait apprendre avec profit.
M. Chevrette: J'en arrive, sur le courage. Déjà,
vous venez de faire preuve de courage.
M. le Président, j'achève. On a droit à vingt
minutes.
Le Président (M. Boucher): Oui. Vous terminerez à
11 h 19.
M. Chevrette: Vous n'avez pas compté le 30 secondes du
député de Saint-Laurent.
Le Président (M. Boucher): Vous terminerez à 11 h
19, M. le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Les attitudes de courage, cela ne se dénote
pas en allant à la télévision, en affrontant, en
défiant et en descendant tout le monde. Démontrer du courage,
c'est s'asseoir, discuter, défendre ses positions d'une façon
rationnelle, sans provocation, et être capable d'assumer ses
responsabilités avec fermeté quand on en a la conviction, et dans
des cadres de relations de travail normales. C'est cela qui est assumer le
courage.
J'espère qu'à ce moment-là, si on démontre
du courage, de la fermeté, la logique qu'on a su assumer jusqu'à
maintenant, de la cohérence dans nos décisions, j'ai la forte
impression qu'on pourra dire au député de Saint-Laurent,
après la ronde de négociations, que nous sommes tout aussi
euphoriques dans nos propos que nous l'étions dans l'Opposition. (11 h
15)
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député. Le député de Saint-Laurent avait la parole.
Maintenant, j'accepte que M. le ministre de la Fonction publique fasse
certaines corrections sur des chiffres.
M. de Belleval: C'est tout simplement, M. le Président,
pour mettre les choses dans leur vraie perspective. Le chiffre donné par
le député de Saint-Laurent, particulièrement dans le
secteur des affaires sociales, était quelque peu apocalyptique. Il
pouvait donner l'impression que nous étions engagés dans une
négociation extrêmement large, beaucoup plus large qu'elle ne
l'est en réalité. Dans le secteur des affaires sociales, nous
négocions effectivement, actuellement, avec 22 000 employés et
non pas 80 000.
M. Forget: Je n'ai pas dit 80 000.
M. de Belleval: Oui, vous aviez dit 80 000.
M. Forget: Non, je regrette.
M. de Belleval: Ou 60 000?
M. Forget: II y a 60 000 personnes dans le secteur des affaires
sociales qui appartiennent à la catégorie infirmières et
techniciens.
M. de Belleval: Actuellement, c'est...
M. Forget: Je pense qu'il y en a un certain nombre qui font
partie de la CSN, mais c'est un très petit nombre.
M. de Belleval: C'est 22 000, effectivement, le
chiffre réel. C'est le cartel des organismes professionnels de la
santé, que vous connaissez bien.
M. Forget: Oui.
M. de Belleval: C'est 22 000 personnes.
M. Forget: Et la Fédération des infirmiers et
infirmières du Québec s'ajoute à cela.
M. de Belleval: J'ai tous les chiffres ici, par sous-section, et
cela fait 22 000 au total.
M. Forget: Est-ce que vous avez la fédération
là-dessus?
M. de Belleval: Oui, j'ai la fédération, 6700; le
SPIC, 11 000 et les autres qui suivent. Pour la Fédération des
infirmiers et infirmières du Québec, c'est 6700.
M. Forget: Ils ne sont pas dans le COPS.
M. de Belleval: Ils sont dans la ronde actuellement.
M. Forget: Oui, mais ils ne sont pas dans le COPS.
M. de Belleval: Si vous voulez, mais au total, COPS et FIC, 22
000. D'accord?
M. Forget: D'accord. On ne se chicanera pas sur ces
chiffres-là.
M. de Belleval: C'est quand même important de remettre les
choses dans ce contexte.
Finalement, en ce qui concerne l'échéancier des
négociations en vigueur, comme je l'ai dit, du côté de la
fonction publique et de l'éducation, la PACT, les offres
complètes seront faites avant l'échéance des
négociations en vigueur, c'est-à-dire le 30 juin 1978. Je pense
que, de ce côté, si effectivement nous suivons cet
échéancier, nous pourrons dire que ce sera une
première.
En ce qui concerne le réseau des affaires sociales, un
problème temporaire se pose: il est actuellement en période de
maraudage, comme vous le savez, dans ce secteur, de sorte que les
infirmières elles-mêmes n'ont pu, dans ce contexte, déposer
leurs demandes, mais dès que cela sera fait, nous suivrons un
échéancier semblable à celui que nous suivons actuellement
en ce qui concerne les fonctionnaires et la PACT.
Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous répéter
l'échéancier que vous avez donné pour la PACT, si vous en
avez donné un?
M. de Belleval: Des offres complètes avant le 30 juin
1978. Déjà, nous avons déposé, comme je l'ai dit,
dans le cas des fonctionnaires, des offres complètes du
côté normatif. Du côté de l'éducation, des
offres partielles seulement ont été faites sur le normatif, mais
tout devrait se dérouler d'ici le 30 juin 1978 de façon qu'une
offre complète soit faite d'ici le 30 juin 1978.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: J'aurais souhaité avoir tort, M. le
Président, quand j'ai fait ces présomptions, que décrivait
le député de Joliette-Montcalm, au début de mon
exposé. J'aurais bien voulu avoir tort ce sont des
présomptions désagréables à formuler à cause
de leurs implications quand j'ai dit que le gouvernement visait
essentiellement, quant au contexte général des
négociations, à maintenir un statu quo et que, sur le plan des
objectifs de ses négociations, il entretenait le vague de façon
probablement délibérée.
Ce que le ministre a dit et les précisions additionnelles qu'a
fournies le député de Joliette-Montcalm confirment presque
à la perfection ce genre de présomption. Je vais, pour le
démontrer, utiliser leurs propres paroles. Le ministre, quand il a
parlé de l'encadrement des négociations, sur le plan juridique,
sur le plan des structures, a d'abord dit que ce serait conforme au
désir de maintenir la situation actuelle avec des remaniements plus ou
moins superficiels, que l'encadrement n'était pas tout. C'est logique,
évidemment, de diminuer l'importance des structures quand on veut n'y
rien changer. Il a dit que, de toute manière, l'encadrement actuel
était efficace pour assumer la poursuite des négociations. Quand
on parle de l'encadrement des structures et de l'encadrement juridique, on
pense à tout l'ensemble des lois et des dispositions administratives
avec les associations patronales, la loi 95, même la loi 253, tout cela
est un encadrement qui a été jugé par le ministre de la
Fonction publique comme efficace.
M. de Belleval: M. le Président, je regrette, vous
êtes en train de déformer mes paroles.
M. Forget: M. le Président, le ministre pourra corriger
après s'il le veut, mais il reste qu'il est très clair que le
ministre a montré qu'il n'avait aucune impatience à modifier le
cadre, qu'il n'y attachait pas trop d'importance...
M. de Belleval: C'est une phrase hors contexte, seulement le bout
de phrase qui fait votre affaire. C'est de la malhonnêteté
intellectuelle de faire ce que vous faites actuellement.
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, vous pourrez corriger immédiatement
après.
M. de Belleval: C'est indigne de votre ancien poste, vous n'avez
pas le droit de faire cela. Ce que j'ai dit, j'ai parlé de...
M. Forget: M. le Président, j'ai le droit de parole dans
le moment. Le ministre montera sur ses grands chevaux quand ce sera
approprié.
M. de Belleval: D'accord, je reviendrai là-dessus.
M. Chevrette: J'en appelle au règlement, s'il vous
plaît!
Le Président (M. Boucher): Oui. M. le député
de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Vous dites qu'on peut corriger quand il y a des
faussetés d'affirmées, sur-le-champ...
M. Forget: L'article 96 dit après que j'ai
terminé.
M. Chevrette: Je parle au président, M. le
député de Saint-Laurent. Je comprends que vous ayez beaucoup de
pouvoirs, mais pas celui de président de commission. D'accord? Quand il
y a des faussetés d'affirmées je vous demande une
directive et qu'on laisse sortir et peut-être perdre du temps
précieux à la commission sur quelque chose qui est faux, par un
appel au règlement, n'y a-t-il pas lieu de rectifier les choses
sur-le-champ pour permettre au député de Saint-Laurent de se
replacer dans la bonne voie et d'être constructif pour la commission?
M. Forget: Article 96, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): II n'y a pas de question de
privilège. En fait, vous pourrez rectifier par la suite. M. le ministre
aura sûrement l'occasion de le faire. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, ces tentatives pour essayer de
museler l'Opposition, quand on appelle les choses par leur nom, ne nous
impressionnent pas. Il reste que le député de Joliette-Montcalm
lui-même, quand le temps est venu de prendre la parole, a fait
l'éloge du rapport Martin-Bouchard à titre d'analyse. Il a dit:
C'est une analyse remarquable. Bien sûr que c'est une analyse
remarquable. Je ne sais pas jusqu'à quel point le gouvernement doit se
sentir obligé de commanditer des analyses académiques sur la
situation actuelle, quelques valables qu'elles soient, mais il reste que des
professeurs d'université auraient pu faire cette description qui ne nous
apprend rien de neuf, mais qui la place dans un contexte de cohérence,
de description et d'analyse, sans aucun doute, dont nous reconnaissons
l'intérêt pour les fins de l'enseignement, des relations de
travail dans le secteur public, mais qui, sur le plan des recommandations,
n'entraîne aucun bouleversement radical.
D'ailleurs, le gouvernement savait ce qu'il faisait lorsqu'il a
nommé des gens qui ont une sympathie notoire pour le gouvernement et le
parti au pouvoir. Il savait très bien qu'il pourrait parler à ces
gens et qu'il obtiendrait dans leurs recommandations à peu près
ce qu'il voulait entendre, c'est-à-dire que la situation actuelle
n'était quand même pas si mal, pourvu qu'on change les mots
embarrassants, qu'on enlève les symboles, mais seulement les symboles,
pas nécessairement les réalités. Qu'on abolisse la loi
253, je le veux bien, mais qu'on la réintroduise par la porte d'en
arrière dans le Code du travail, avec des modalités
superficielles différentes, mais avec le même genre d'effet et le
même genre de mécanisme que, d'ailleurs, la commission
Martin-Bouchard juge un mécanisme parfaitement rationnel et efficace,
qui n'a pas eu d'effet valable en 1976 à cause de circonstances de temps
et de personnes, mais qui est repris dans son essence par la commission...
C'est une illustration de ce que je disais au départ, que le
gouvernement il serait aussi bien de l'admettre plutôt que de faire
un combat d'arrière-garde là-dessus juge que le cadre
légal et institutionnel des négociations dans le secteur public
et parapublic est essentiellement celui qu'on devrait conserver, qu'il n'a pas
l'intention de faire de bouleversement. Ma foi, si c'est son opinion, pourquoi
ne pas le dire franchement plutôt que de laisser soupçonner qu'en
changeant les mots, on va changer quoi que ce soit? C'est une position qui est
probablement défendable puisqu'il l'adopte. Il devrait la
défendre plutôt que de protester et de dire: Non, on va faire des
grandes réformes. Il va faire des grandes réformes, une fois que
la négociation sera à moitié achevée, ou à
moitié entamée du moins. Ce n'est pas un climat ou un contexte ou
un moment qui est propice aux réformes. C'est pourquoi je disais au
départ que le temps qui était disponible pour faire des
réformes fondamentales dans le cadre institutionnel, dans le cadre
juridique, est passé, malheureusement. Que le ministre nous dise qu'il
s'est livré à un certain jeu de bloc administratif lors de son
arrivée et lors de l'arrivée de ses collègues au
gouvernement, cela, tous les gouvernements le font et ils ne prennent pas de
grandes plates-formes pour s'en vanter. Même si le gouvernement actuel
crée un service, soi-disant permanent, de négociations, il y aura
bien un autre gouvernement, éventuellement, qui jugera que ce genre de
mécanisme n'est pas celui qu'il veut avoir et il le modifiera à
son tour. Tous les gouvernements successifs font cela et quand un ministre
arrive et dit: On a fait du recrutement... D'ailleurs, dans la fonction
publique, dans une grande partie, les ressources humaines dont il se sert
étaient déjà là, peut-être avec d'autres
titres et sous d'autres chapeaux, mais ce sont substantiellement les
mêmes ressources qu'il utilise pour sa négociation. Cela ne prend
pas des mois pour faire cela. Il y a bien d'autres gouvernements qui ont agi
sur la matière qui tombait sous leur responsabilité, en
même temps qu'ils faisaient des réformes administratives qui
n'intéressent d'ailleurs personne. La convenance des ministres et les
goûts personnels, quant aux structures, ce n'est pas un sujet qui devrait
distraire cette commission de son objet principal.
En plus de cela, le ministre se vante d'avoir lu la convention
collective; mon Dieu, tant mieux pour lui, M. le Président. Mais je puis
lui donner l'assurance qu'il y a des précédents à cela et
qu'il n'a pas inventé la roue en lisant la convention collective. J'ai
lu quelques conventions collectives, j'en ai même négocié,
j'ai participé moi aussi à
cela et je n'ai pas fait de conférence de presse pour dire que
j'avais négocié ou que j'avais lu la convention collective.
M. Chevrette: Cela a du bon, cela vous permet de le faire
aujourd'hui.
M. Forget: M. le Président, ce qu'il y a de plus
sérieux, c'est cette insistance sur les attitudes. Quand on parle
d'attitudes au lieu de parler du contenu, j'ai un peu l'impression qu'on veut
prendre les salariés des secteurs public et parapublic pour des
imbéciles. C'est très gentil le contenu c'est-à-dire les
attitudes: On va être gentil, on va être crédible, on va
être ouvert, on va avoir un bel esprit, on va avoir, comme disait le
ministre, une capacité de communiquer clairement ses objectifs. C'est
très joli, mais, en fin de compte, ce que les syndiqués, qui ne
sont pas tous des imbéciles en dépit de ce qu'on semble supposer
de l'autre côté, vont vouloir savoir, c'est combien d'augmentation
ils vont obtenir, quelle est l'augmentation et l'amélioration de leurs
conditions de travail.
Quand on touche ce sujet, M. le Président, tout ce à quoi
on a eu droit, ce sont des platitudes du genre que les
rémunérations, dans le secteur public, devraient être
alignées sur les rémunérations dans le secteur
privé. Or, cela n'a aucune espèce de signification
concrète, si on ne précise pas, dans le même souffle, quel
est le genre d'alignement et comment il va se faire. Est-ce que si, par
exemple, on se retrouve dans une situation donnée, on ne recommence pas
à zéro? Il ne s'agit pas d'inventer la rémunération
de la fonction publique. On part d'un régime où il y a un rythme
de croisière qui est défini par les conventions collectives, un
rythme de croisière qui dépend, par exemple, d'une clause qui
permet d'intégrer, dans les échelles de salaires, l'indexation,
la hausse du coût de la vie et cela, année après
année, produit une amélioration, au moins dans les taux nominaux
de rémunération. Si, à un moment donné, on se rend
compte que, pour telle ou telle classification, à cause des appariements
qu'on a faits avec des emplois comparables dans le secteur privé, ce
taux nominal, dans la fonction publique, est de 5%, 10% ou 15% trop
élevé? Qu'est-ce que cela veut dire l'alignement sur le secteur
privé? Cela peut vouloir dire, à ce moment-là, n'importe
quoi. Si on essaie de faire l'alignement à 100% à
l'intérieur d'une même année, cela veut dire un conflit
considérable et fort compréhensible, cela veut dire une baisse
brusque dans le pouvoir d'achat. Si, d'un autre côté, le
gouvernement dit: Oui, on va amortir cela sur une période de 25 ans;
là on peut aligner n'importe quoi sur n'importe qui, et personne ne s'en
rendra même compte, ce sera une fraction de 1% par année.
Alors, les implications de tout cela, le conflit inhérent, dans
l'imprécision dans laquelle on demeure entre un principe
d'intégration dans les échelles d'indice d'augmentation du
coût de la vie et un critère de référence externe
à la fonction publique qui, lui, n'évolue pas
nécessairement en fonction du coût de la vie, c'est une
contradiction de base dans la détermination des conditions de travail
dans la fonction publique, à moins que le gouvernement nous dise comment
il va concilier cette contradiction. S'il y a des écarts
décelés par un bureau de recherche sur la
rémunération, sur quel nombre d'années il va amortir ces
écarts? Est-ce qu'il va y avoir une symétrie parfaite quand les
écarts sont vers le haut et quand les écarts sont vers le bas?
Toutes ces précisions vont définir le contenu de ses offres. Il
n'est pas nécessaire d'avoir 500 000 fonctionnaires pour définir
cette politique salariale.
Il va falloir, premièrement, que le gouvernement adopte un
certain nombre de principes directeurs, parce que s'il ne les donne pas
à ses fonctionnaires, ceux-ci vont calculer 25 000 scénarios
possibles et cela va prendre trois ou quatre ans avant d'avoir des chiffres. Il
va falloir que le gouvernement, avant même d'avoir des chiffres, avant
même de donner des commandes aux fonctionnaires qui doivent
préparer les offres salariales, prenne un certain nombre d'orientations
majeures. (11 h 30)
Est-ce qu'il veut un alignement des rémunérations
instantanées? Est-ce qu'il veut un alignement en fin de siècle?
Est-ce qu'il veut un alignement sur la période de la convention
collective? Ce sont des choses qu'il doit trancher. Ce sont des choses
auxquelles tous les gouvernements successifs, n'en déplaise au ministre
actuel, ont été confrontés et qu'ils ont dû
régler d'une façon ou d'une autre en faisant un arbitrage
quelconque, mais c'est justement ce genre de contenu-là un peu plus
concret pas des banalités, pas des
généralités que vont regarder les syndiqués
et certainement les analystes qui travaillent pour les centrales
syndicales.
Ce ne sont pas des fous, ces gens. Ils ne se contenteront pas de
déclarations de principe générales. C'est ce
côté-là qu'on aimerait voir plutôt qu'une philosophie
sur les attitudes et la crédibilité du gouvernement. Vous allez
voir ce qui en reste de la crédibilité du gouvernement, si vous
n'arrivez pas avec des propositions articulées et complètes. De
ce côté, M. le Président, cela confirme l'autre...
M. de Belleval: ...
M. Forget: ... volet de ce que je disais. Non seulement c'est
l'immobilisme sur le plan des structures et du cadre juridique...
peut-être est-ce ce qu'il nous faut, l'immobilisme. Si le gouvernement
est prêt à argumenter de ce côté, on est bien
prêt à écouter ses argumentations, mais de grâce,
qu'il ne se cache pas derrière toutes sortes de procédures, de
consultations secrètes, de décisions à prendre un jour,
peut-être, de lois qui vont venir changer les mots des rubriques des
projets de loi, sans vraiment changer rien de substantiel dans les
mécanismes eux-mêmes.
Du côté des contenus, qu'il nous donne quelque chose de
précis. À défaut de nous donner quelque chose de
précis et de se rabattre sur sa crédibilité, et son
attitude, et son préjugé favora-
ble aux travailleurs, et tout ce qu'on veut, il confirme la notion que
j'ai exprimée au début: l'on veut rassurer l'opinion publique en
disant: Écoutez, on tient compte de l'intérêt des
contribuables, on va être bien gentils, on va vouloir la justice sociale
pour tout le monde, on ne veut pas que notre fardeau fiscal augmente.
On est pour la vertu, dans le fond, mais quand on donne des
précisions, on en donne le moins possible, en se laissant le maximum de
portes ouvertes. Au nom de la largeur de vues, de l'attitude, comme dit le
député de Joliette-Montcalm... L'attitude, cela vaut combien dans
l'opinion du gouvernement? Combien est-il prêt à faire payer aux
contribuables pour garder cette belle attitude jusqu'à la fin? C'est
cela qu'on voudrait savoir. Il me semble que c'est un minimum.
M. le Président, je n'insisterai sur les aspects de tendances qui
ont été soulevés par le député de
Nicolet-Yamaska dans son intervention et dans son communiqué. Toute
cette question de savoir s'il doit y avoir des services permanents
intégrés au fonctionnarisme pour la préparation et surtout
la poursuite de la négociation ou si cela doit être laissé
à des contractuels, c'est une question qui nous éloignerait de
notre sujet, mais je veux en dire un mot puisque l'Union Nationale semble en
avoir fait le point principal de ses remarques.
Il y a ici le risque de recommencer l'histoire. Il y a
déjà eu un ministère de la Fonction publique qui avait
passablement de responsabilités à cet égard. Tous ceux qui
ont vécu l'expérience humaine extrêmement éprouvante
des négociations et surtout l'impact des interventions politiques
inévitables justement pour les raisons de sauvegarde d'images,
d'attitudes, de paix sociale et tout ce que vous voudrez, qui interviennent
dans le règlement final d'un conflit savent combien il est
périlleux pour des fonctionnaires qui ont la sécurité
d'emploi et la permanence de s'impliquer dans la négociation comme
telle, parce qu'ils risquent d'y perdre leur crédibilité et toute
possibilité de servir efficacement dans leurs fonctions au-delà
d'un terme, au-delà d'une négociation, puisqu'il y a des
revirements, il y a des changements d'idée, etc. On sait combien cela
peut être difficile, lorsque des fonctionnaires se sont identités
pendant des mois dans une négociation à une politique salariale,
à certains points précis, de tout à coup se voir renverser
par leur patron politique, dont c'est évidemment le rôle aussi,
puisqu'il ne s'agit pas de critiquer personne.
L'expérience ayant été faite une fois. Elle est
bien connue dans la région de Québec par tous ceux qui, soit dans
la fonction publique ou au niveau du personnel politique, ont vécu ces
expériences. Ils en sont venus à la conclusion qu'il fallait
protéger, justement, le personnel permanent de la fonction publique en
donnant à des contractuels les postes les plus exposés à
ce genre de revirement et d'intervention du Conseil des ministres ou du premier
ministre. C'est ce qui a amené, effectivement, un personnel temporaire,
mais expert des relations de travail. Il n'y a pas de monopole gouvernemental
là-dessus et, d'un autre côté, cela ne grève pas les
budgets pendant les deux ou trois ans où il n'y a pas de
négociation.
Imaginons un service de négociations où il y aurait une
centaine de fonctionnaires. Cela coûterait très facilement, il
s'agit de faire un calcul rapide, plus que le total qui a été
payé pour l'expertise externe, d'autant plus que les salles de
réunion, les différents autres services qui sont requis dans ce
cas-là le seraient également dans un régime permanent. Ce
n'est pas du blanc et noir.
Il y a bien des façons de considérer cette question et
j'aimerais qu'au moins, lorsqu'on en discute, ce soit en termes d'alternatives
qui ne soient pas en blanc et noir, mais qui soient des variantes, des
modalités entre lesquelles on puisse choisir, certainement pas seulement
pour des raisons financières. Il y a beaucoup plus de dimensions dans ce
choix-là que la simple question financière.
M. le Président, ce sont des hors-d'oeuvre que tout cela.
L'essentiel, c'est: Qu'est-ce que le gouvernement va faire. On n'est pas
beaucoup plus avancés sur le plan des contenus après une heure et
demie de débats, mais on est quand même un peu plus
confirmés dans nos hypothèses, à savoir qu'on n'a pas
grand-chose de différent comme contexte général des
négociations. Cela a été jugé
généralement efficace.
Le ministre va dire: C'est cité hors contexte. Je le sais, il se
prépare à faire une intervention en disant: Non, on a dit: C'est
bon dans le moment, seulement pour les négociations avec 75 000 ou 100
000 travailleurs. Cela va faire pour cela. Évidemment, quand on va en
venir aux vraies négociations de 1979, il va falloir faire des choses
différentes.
Si c'est bon pour 75 000 travailleurs cette année, pourquoi ne le
serait-ce pas pour les 125 000 ou 175 000 autres, l'an prochain? Ce n'est pas
une question de date. Si on a dit que c'était suffisant, que cela peut
faire, cela pourra faire probablement l'an prochain. De toute façon,
même si on adoptait à 100% les recommandations du rapport
Martin-Bouchard, on n'aurait rien de véritablement différent.
J'ai personnellement hâte, M. le Président, de voir ce que
le gouvernement va faire dans le domaine des services essentiels. Le
problème des services essentiels va être soulevé, non pas
l'an prochain, mais cette année. Qui d'autre, dans le secteur des
affaires sociales, peut soulever le problème de la continuité des
services essentiels que les infirmières et les techniciens dans les
hôpitaux? Le reste de la négociation, dans les affaires sociales,
qui va venir en 1979, concerne les employés de soutien. Je pense qu'on
peut faire quelques jours dans un hôpital sans l'entretien ménager
et même sans le personnel des cuisines, étant donné qu'on
peut, malgré tout, trouver des contractuels pour le faire pendant un
certain temps, en plus des cadres et des autres. Cela s'est déjà
fait. Mais quand les infirmières et les techniciens ne sont pas
là et le problème va se poser dès cet
été ou l'automne prochain quand on sera prêt
à négocier et quand cela en viendra à la
période critique, c'est véritablement dans ce
contexte-là qu'on va avoir à éprouver une nouvelle fois
les anciens mécanismes, si on ne les change pas. Je vois mal comment on
pourrait les changer d'ici le 23 juin, étant donné que les lois
ne sont pas déposées et qu'il est encore censé y avoir des
consultations secrètes entre le ministre et un certain nombre
d'associations d'ici le dépôt des projets de loi.
M. de Belleval: Qui a dit secrètes? D'où vient le
mot "secrètes "?
M. Forget: Elles ne seront certainement pas publiques, puisqu'il
n'y aura pas de commission parlementaire.
M. Chevrette: C'est votre facilité de
présomption.
M. Forget: Est-ce qu'on va être invité? Est-ce que
la presse va être invitée à ces rencontres entre la CSN et
le ministre? Est-ce que cela va être public?
M. de Belleval: Qu'est-ce que vous en savez? Pourquoi dites-vous
que ce sera secret? C'est votre mode de fonctionnement.
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Forget: Est-ce que vous vous engagez à les rendre
publiques? Est-ce qu'elles ont été publiques jusqu'à
maintenant les rencontres que vous avez eues avec les syndicats sur ces
questions-là?
M. de Belleval: Si vous avez lu la déclaration que j'ai
faite hier, vous verrez que c'est marqué public dans la phrase que j'ai
prononcée. Vous dites "secrètes". C'est sérieux, cela? Ce
n'est pas sérieux. Ce n'est pas de la rigueur intellectuelle que de
lancer des mots comme cela. Vous lancez n'importe quel mot.
M. Forget: Dans les journaux d'hier, vous avez dit qu'il n'y
aurait pas de commission parlementaire. Si vous voulez le faire en public,
faites-le donc en commission parlementaire.
M. Chevrette: II l'a dit hier.
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Forget: II a dit hier qu'il n'y en aurait pas.
Le Président (M. Boucher): Si vous voulez terminer votre
intervention, M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je répète ce que
j'ai dit. Plus les représentants, les porte-parole du gouvernement
parlent, plus ils nous confirment dans la notion que, sur le plan des
structures, sur le plan du contexte juridique et administratif, on va avoir
exactement la poursuite, la continuation de ce qu'on a connu dans le
passé.
S'ils pensent que c'est la meilleure option, qu'ils la défendent
publiquement, qu'ils disent pourquoi ils souhaitent qu'il en soit ainsi. Quant
à nous, on a encore des questions qui se posent de ce
côté-là. On n'est pas sûr que ce soit bien de
poursuivre dans la continuité du passé. L'expérience nous
a enseigné quelque chose. Il nous semble qu'elle devrait enseigner
quelque chose au gouvernement actuel.
Sur le plan des contenus, ce n'est pas suffisant de parler de
rémunération alignée sur le secteur privé, cela ne
veut strictement rien dire. C'est une déclaration de principe sans
contenu réel. Si c'est là-dessus qu'on veut se tenir pour
proclamer ensuite qu'on a une attitude ouverte et qu'on est capable de
communiquer etc., on prépare aux contribuables des surprises. On
prépare aussi aux syndiqués des surprises; finalement, cela peut
aller dans un sens ou dans l'autre, selon que le gouvernement, comme l'an
dernier, se trouve dans une phase de conservatisme financier excessif. On va
donner une "ride " aux syndiqués des secteurs public et parapublic ou si
on se trouve cette année dans un autre contexte expansif, alors on va
avoir une conséquence différente du côté des
contribuables.
Mais dans un cas comme dans l'autre, de toute façon, il me semble
que ce serait normal que le gouvernement dise précisément ce
qu'il veut faire plutôt que de se faire du "grand standing " sur son
attitude et son ouverture d'esprit. On n'est pas convaincu qu'il y a une
ouverture d'esprit et qu'il y a une bonne attitude. On voudrait être
convaincu avec des chiffres, avec indications précises.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. M. le ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: M. le Président, je suis extrêmement
déçu, parce qu'au tout début de cette séance,
j'avais personnellement reconnu la pertinence du débat d'aujourd'hui et
la pertinence même des questions du député de
Saint-Laurent. Je ne conteste pas son droit, par ailleurs, de faire des
critiques, mais je ne suis pas obligé d'être d'accord avec ses
critiques. Il a droit aussi de faire des critiques.
Le problème, c'est qu'à un moment donné, le
député de Saint-Laurent, ce n'est pas le premier exemple que j'en
ai, dans ses argumentations, a toujours cette espèce de propension
à faire des procès d'intention, à utiliser des
procédés qui relèvent de la malhonnêteté
intellectuelle, je regrette d'être obligé de le
répéter. Il prend...
M. Forget: ...
M. de Belleval: D'ailleurs, vous avez senti vous-même que
j'avais un bon point. Dans votre intervention, vous êtes revenu en
disant: Le minis-
tre, évidemment, va revenir en disant qu'il a parlé
seulement des premières négociations. Vous avez reculé
à la fin de votre intervention, parce que vous avez senti que j'avais
touché juste. Quand j'ai dit que le cadre juridique actuel, le cadre
législatif actuel était suffisant, à première vue,
pour les négociations en cours, j'ai pris aussi la précaution de
dire on relira le journal des
Débatsqu'indépendamment de ces négociations à
court terme, le cadre législatif était une chose importante,
qu'il était particulièrement important pour les
négociations de 1979.
La preuve d'ailleurs qu'on trouve que c'est important, c'est qu'on a
créé une commission d'enquête là-dessus et nous
allons, indépendamment des procès d'intention du
député de Saint-Laurent, faire connaître notre intention,
nous allons déposer des projets de loi reflétant ces intentions,
de façon à réviser le cadre législatif en vigueur.
Donc, on pense que le cadre législatif en vigueur doit être refait
et que c'est important qu'il le soit.
Maintenant, il n'y a pas que le cadre législatif en vigueur et ce
n'est pas, je pense, excessif que de dire qu'indépendamment des cadres
législatifs, les questions d'attitude sont aussi importantes. Mais ce
n'est pas parce qu'on dit ça qu'il faut dire: Le ministre vient de dire
qu'au fond il n'y a rien là. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait rien
là, au contraire.
Maintenant, cela étant dit, vous arrivez et vous dites que c'est
un simple jeu de blocs. Le ministre est arrivé et, comme tous les
ministres, il change les blocs de place. Je pense qu'il faudrait que vous ayez
aussi l'humilité de reconnaître que lors des dernières
négociations, un des principaux points d'achoppement du
déroulement correct des négociations a été la
désorganisation de votre jeu de blocs où il n'y avait personne de
responsable de la coordination des négociations collectives et qu'en
particulier, les chicanes de chapelle entre ministres...
M. Forget: C'est vous qui vous réclamez
d'honnêteté intellectuelle, c'est beau!
M. de Belleval: ... et du côté des affaires
sociales, vous êtes un des ministres, oui, vous êtes un des
ministres responsables du fait que, lors des dernières
négociations, il y avait complète désorganisation et
incohérence dans la partie patronale. En particulier, je vais donner
l'exemple des négociations avec les fonctionnaires où,
après avoir engagé les négociations dans le domaine
normatif et dans les plans de carrière, après avoir presque
conclu complètement ces négociations dans ce domaine, les
syndiqués ont dû attendre sept autres mois ensuite avant d'avoir
des offres salariales valables, parce que la partie patronale ne savait pas
quelles offres salariales cohérentes faire d'un secteur à
l'autre. Parce qu'on sait très bien que les offres qu'on dépose
dans un secteur ont de l'importance sur un autre secteur.
M. Forget: M. le Président, je vais invoquer moi aussi
l'article 96 après la fin des remarques du ministre.
M. de Belleval: Ce n'est pas juste une question...
Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le
député de Saint-Laurent.
M. de Belleval: ... de jeu de blocs, c'est extrêmement
important quand on sait que les salaires que l'on paye à un
employé de soutien au sein de la fonction publique doivent avoir une
certaine relation avec les salaires que l'on offre pour les employés de
soutien du domaine de l'éducation ou des affaires sociales. (11 h
45)
II me semble que c'est la simple logique qui dit qu'il faut qu'il y ait
au moins, dans votre jeu de blocs, un coordonnateur permanent chargé de
faire toute cette coordination; sinon, vous allez vous en aller dans toutes les
directions. À un moment donné, quelqu'un va peser sur le bouton
de panique et il va falloir tout arrêter, dans un secteur ou dans
l'autre, avant de refaire cette position cohérente, parce qu'il y a un
gouvernement, il n'y en a pas trente.
Cela a été une des raisons importantes pour lesquelles il
y a eu des difficultés dans le passé. En fait, il n'y a jamais eu
un organisme ou un ministère qui a voulu prendre cette
responsabilité, parce qu'on sait que, politiquement, c'est un cadeau
empoisonné que d'être obligé de coordonner toutes ces
choses, d'autant plus que chaque ministre, dans son secteur, est jaloux de ses
prérogatives et qu'effectivement cela cause, en plus, des
problèmes de communication interpersonnelle. Le député de
Saint-Laurent a vécu cela lors des dernières négociations.
Je pense qu'il devrait reconnaître que ce n'est pas juste une question de
jeu de blocs, mais c'est quelque chose de très important, cet
aspect-là des choses.
Je suis certain aussi que Mme le député reconnaîtra
combien c'est important, parce que, elle-même a vécu des
négociations, elle a vécu toutes les difficultés à
l'intérieur d'une partie patronale, à l'intérieur
même de la Fédération des commissions scolaires, entre la
Fédération des commissions scolaires et le ministre de
l'Éducation, et ensuite, entre le ministre de l'Éducation et qui,
au gouvernement? C'est très important, ces jeux de blocs.
Là encore, je reconnaîtrai que ce n'est pas juste une
question de jeu de blocs. La question, là encore, des relations
interpersonnelles, des attitudes, est aussi très importante. Je pense
que ce qui me choque, au fond et j'admets que ce n'est peut-être
pas classique pour un ministre de réagir comme cela c'est
l'espèce d'esprit de géométrie avec lequel le
député de Saint-Laurent semble toujours considérer ce
débat et essayer de rétrécir les enjeux. Il sait
très bien que ces enjeux sont multiples, sont complexes, sont
délicats, et que c'est toute une machine qu'il faut ajuster. Parfois, ce
sont des jeux de blocs; parfois, ce sont des lois et, parfois, ce sont des
attitudes. C'est tout cela ensemble qu'il s'agit d'ajuster. Il n'y a pas de
formule magique pour cela.
Quand vous parliez des négociations en cours, faisons la
décortication des négociations
en cours pour 1978. Il y a 40 000 fonctionnaires, le cadre
législatif pour ces 40 000 fonctionnaires n'a jamais posé de
difficultés dans le passé. Il y a des clauses pour la
négociation des services essentiels dans les lois existantes, cela
fonctionne. Le rapport Martin-Bouchard lui-même reconnaît que, dans
ce domaine, il y a peu de changements à apporter. Et cela, c'est le gros
bloc, c'est 40 000 personnes. Ce n'est tout de même pas à cause de
l'APACT, ce ne sont pas les problèmes de négociations avec les
enseignants anglo-catholiques qui font qu'il va falloir tout bouleverser le
cadre législatif. Je pense bien que vous allez reconnaître cela de
bonne foi. C'est beaucoup plus dans la grande négociation de 1979, avec
l'ensemble de la Centrale de l'enseignement du Québec et des commissions
scolaires, que se pose véritablement le problème de
l'organisation, de l'information au public, toutes ces questions qui ont
été soumises à l'attention de la commission
Martin-Bouchard et sur lesquelles elle nous fait des recommandations.
De la même façon, dans le domaine hospitalier, ce n'est pas
avec 22 000 infirmières dispersées entre une quinzaine de
syndicats dont certains ne comptent que 300 membres, dans un certain nombre
d'hôpitaux, ce n'est pas pour ces 22 000 personnes que tout le
problème des négociations collectives se pose, dans son ensemble,
dans la fonction publique et parapublique.
Je ne pense pas que ce soit irrationnel de dire que, dans le contexte
actuel, il y a moyen de fonctionner. Maintenant, à plus long terme, pour
1979, c'est vrai qu'il faut changer des choses et nous allons le faire.
Maintenant, est-ce qu'il est trop tard? Là-dessus, c'est
sûr que, si on procédait comme la dernière fois et qu'en
plein milieu d'une négociation, à la veille de l'ajournement de
Noël, on présentait une loi sur les services essentiels, comme vous
l'avez fait la dernière fois, je pense que là, effectivement, il
serait trop tard. Vous avez donné vous-mêmes l'exemple d'une
action qui arrive trop tard.
Je ne veux pas recommencer le procès. Il a été fait
par la population, le 15 novembre dernier. Je veux juste placer les choses dans
leur contexte. Or, si nous arrivons avec une législation d'ici la fin de
juin, ou au début de septembre prochain, nous serons quand même
dix mois avant l'échéance de la convention collective de 1979. Si
vous pensez qu'il est trop tard, je me dis que ce sera encore mieux de l'avoir
fait plus tôt. Là-dessus, si j'avais eu plus de dossiers en
arrivant, je pense qu'on aurait peut-être pu accélérer les
choses, mais il y a tout un processus de mûrissement qu'il fautfaire,
créer des commissions, entendre des gens.
Je pense que là-dessus, vous allez admettre que le gouvernement
ne peut pas arriver et présenter un projet de loi tout casqué,
sorti de la cuisse de Jupiter et dire: Voyez-vous, on a trouvé la
solution. Il y a des mécanismes normaux de discussions dans notre
société qui prennent du temps. Je pense qu'on n'a pas perdu
vraiment beaucoup de temps dans ce domaine.
J'admets que vous avez raison de tirer la clo- che d'alarme, que vous
disiez: Ne perdez pas de temps, parce qu'il ne faut pas en perdre
effectivement. Mais je pense que c'est un peu gros de dire qu'il est
déjà trop tard et ensuite votre attaque sur le rapport
Martin-Bouchard.
Nous allons dire, la semaine prochaine, ce que nous en pensons
effectivement, mais de dire qu'il s'agit d'un rapport de professeurs
d'université, je pense que cela démontre encore une espèce
de parti pris pour rétrécir à la fois les gens et les
choses, quand on sait qu'il s'agit d'un ancien sous-ministre du
ministère de l'Éducation qui a négocié
lui-même passablement de choses. De la façon dont vous le disiez,
c'était péjoratif. Très certainement, je pense que c'est
ainsi que je l'ai senti et que tout le monde l'a senti. Ce n'est pas un rapport
de professeurs théoriciens. On aurait pu prendre des professeurs
d'université dans le sens qu'on aurait pu prendre des
théoriciens. On a pris des praticiens, des gens qui connaissaient bien
le domaine, je pense, et qui ont fait des suggestions extrêmement
réalistes et susceptibles d'améliorer les choses.
À part cela, qu'est-ce que vous avez fait, pendant six ans que
vous avez été... Avez-vous des solutions à nous apporter?
Vous avez écrit dans les journaux, dans Le Devoir, à un moment
donné, il y a quelques mois. Est-ce qu'on a vu quelque chose? Vos
réflexions à vous qui avez pratiqué ces
négociations collectives et qui avez lu, paraît-il, des
négociations collectives pendant que vous étiez fonctionnaires
sans doute, tant mieux, où sont-elles là-dessus, vos
réflexions profondes, vos suggestions de modifications...
M. Forget: Vous ne les avez pas lues?
M. de Belleval: ... importantes ou autres? Vous n'avez rien fait.
Vous n'avez rien à nous proposer, même pas ce matin, ni il y a un
mois, ni il y a six mois. Vous êtes un des principaux artisans de ces
phénomènes.
Je me dis: Un instant! Je veux bien que vous me mettiez une paille dans
l'oeil, mais il faudrait voir la poutre que vous avez à charrier, compte
tenu des responsabilités qui ont été les vôtres. Et,
ensuite, cette méchanceté ultime: Ils ont choisi des gens amis du
parti au pouvoir à qui ils pouvaient parler au moment où ils
rédigeaient leur rapport. Je pense que cela donne le fond, l'abîme
où on peut s'écrouler quand finalement c'est le procès
d'intention et c'est l'imputation de malhonnêteté qui devient le
fondement même d'une critique. Là-dessus, M. le Président,
je m'arrête.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent, article 96.
M. Forget: M. le Président, le ministre s'est pourfendu
d'un certain nombre de déclarations qui doivent être
corrigées, parce qu'elles représentent des erreurs de faits. Il a
prétendu que le retard, le délai dans la présentation de
la phase pécuniaire des offres aux fonctionnaires, lors de la
dernière négociation était le signe d'une absence
de coordination. Bien au contraire, quand il y a de la coordination le
ministre va le découvrir à ses dépens au cours des
prochains moiscela veut dire essentiellement, comme un convoi qui
traverse l'Atlantique en cas de guerrec'est une expression connue
le convoi se déplace à la vitesse du plus lent, du bateau le plus
lent, parce qu'il ne faut pas l'isoler derrière. Quand il va
négocier pour un ensemble de secteurs, il va devoir coordonner justement
les offres pécuniaires pour des employés de bureau, par exemple,
qui existent dans les trois secteurs et il pourra arriver que, dans un des
secteurs, ils ne seront pas prêts à en parler. Il sera
obligé de freiner ceux qui sont prêts à en parler, parce
que cela va se faire simultanément.
Autrement, il va créer des faits accomplis dans une
négociation qui vont gêner la négociation dans un autre
secteur. C'est ce que veut dire la négociation; c'est un convoi qui se
déplace à la vitesse du plus lent. Ces retards sont
complètement compréhensibles et explicables par l'existence d'une
coordination qu'on ne peut pas éviter de. toute façon. C'est une
première erreur.
Pour ce qui est de savoir si j'ai fait des réflexions
personnelles j'en ai fait état publiquement s'il a
tellement de services gouvernementaux pour l'alimenter en réflexions, je
vais lui donner une référence précise, avant même
les élections, mais à la suite des négociations. J'ai
donné l'état de mes réflexions et je n'ai pas
changé mes conclusions depuis. Cela se trouve dans un discours qui a
été publié et donné vers le 10 octobre 1976,
à l'Association des directeurs d'établissements de santé
et de services sociaux. Je l'inviterais à réfléchir
là-dessus justement, parce qu'il y avait là-dedans les
élémentsce n'est pas évidemment l'équivalent
d'un rapport de 400 pages principaux d'une réforme fondamentale du
régime des négociations que n'a même pas
considéré le rapport Martin-Bouchard comme une des
possibilités. Les auteurs ne l'ont pas rejetée; ils ne l'ont
même pas regardée; ils n'ont même pas examiné cette
possibilité. Ils en sont venus à la conclusion immédiate
que, dans le fond, il ne fallait pas faire de bouleversement.
Je comprends que le ministre cite avec beaucoup d'insistance ce rapport,
puisqu'il l'approuve implicitement. C'est bien clair qu'il le trouve bon. C'est
son droit le plus strict et c'est notre droit le plus strict de remarquer un
fait clair et connu de tous, que les gens qui ont été
nommés là-dessus, dans le cas de M. Bouchard et dans le cas de M.
Martin, ce ne sont quand même pas des membres du Parti libéral qui
ont été nommés là, ni des membres de l'Union
Nationale. Je pense que c'est un fait bien connu que ce sont des gens qui
étaient parlables pour le gouvernement actuel, qui sympathisaient, qui
avaient à peu près les mêmes objectifs et les mêmes
orientations. C'est tout à fait normal pour un gouvernement,
présumément, de créer une commission avec des gens qui
partagent avec lui la même philosophie, mais il ne faut pas
s'étonner après si le gouvernement trouve que les conclusions
sont bonnes. Ce n'est pas un fait nouveau, ce n'est pas un fait
extérieur. Ce n'est pas quelque chose d'absolument indépendant du
gouvernement. C'est sa créature qui lui donne des recommandations qui
lui plaisent. Alors, il ne faudrait quand même pas jouer les vierges
offensées quand on souligne des faits aussi obvies que ceux-là.
C'est bien clair et c'est connu de tout le monde.
De ce côté, je trouve que la frustration du ministre aux
attaques que j'ai portées, bien sûr, parce qu'il faut bien
attaquer l'absence de déclaration claire du gouvernement sur ces deux
points qui sont fondamentaux, à savoir est-ce qu'on va évoluer
dans le domaine des institutions qui entourent, qui définissent le
contexte ou si on n'évoluera pas, l'option du gouvernement actuel, c'est
de ne pas évoluer beaucoup, de faire quelques petits changements,
d'arrondir certains coins, mais de ne pas évoluer beaucoup. Qu'il le
défende, ce point de vue, c'est un point de vue qui est légitime,
certainement, mais au moins, qu'il ait le courage de le défendre. Qu'il
ne nous dise pas: On va faire un jour des changements, alors qu'on va changer
le titre des lois.
Du côté du contenu de la négociation, cela demeure
la même chose. Je pense que ce n'est pas rétrécir le
débat que de dire tout simplement: Le contenu, il n'y en a pas dans le
moment, mais on voudrait bien en avoir un. Les notions aux attitudes, les
références aux attitudes...
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président (M. Boucher): Question de
règlement.
M. Chevrette: Je m'excuse d'en appeler au règlement, mais
corriger des faits, ce n'est pas refaire le discours qu'on a entendu il y a 20
minutes.
M. Forget: J'avais terminé, de toute façon.
Le Président (M. Boucher): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai entendu le
député de Joliette nous imputer des intentions de provocation
quand nous avons apporté comme sujet de débat cette question. Je
voudrais simplement dire que l'impression que je ressens, suite aux
interventions du député de Joliette et, jusqu'à un certain
point, du ministre de la Fonction publique, et devant l'absence de
réponse qu'ils sont capables de nous donner, c'est que le gouvernement,
qui était silencieux sur toute cette question des négociations
qui sont présentement en cours et de celles qui sont à venir et
beaucoup plus considérables l'an prochain, aurait probablement
aimé que nous conservions ce silence et que personne ne le
dérange.
Si nous avons décidé de mettre ce sujet à l'ordre
du jour, c'est que nous croyons qu'il y a des problèmes qui urgent,
d'abord dans le sens des négociations et des conventions collectives
qui se terminent le 30 juin, et pour lesquelles nous attendons,
c'est-à-dire les parties qui négocient attendent des mandats de
la part du gouvernement. Le ministre nous a dit: nous nous engageons... Je ne
voudrais pas déformer, vous nous avez assurés disons
que ces mandats seraient débloqués d'ici le 30 juin. Je vous
ferai remarquer qu'au 30 juin la convention est terminée. Je
rappellerai, et je pense que peut-être le député de
Joliette-Montcalm était là, ces inquiétudes, je les ai
exprimées au moment même de l'étude des crédits du
ministère de l'Éducation, l'an dernier, au mois de mai, j'imagine
cela fait à peu près un an où j'ai
rappelé au ministre de l'Éducation que cela vient vite, un an,
quand il s'agit de négocier.
Peut-être que je ne me suis pas trompée puisque encore
à ce moment les seuls mandats que les parties ont, c'est-à-dire
que la partie patronale a, ce sont des choses absolument mineures.
Là-dessus, cela m'étonnerait que le ministre nie ce que j'avance.
Maintenant, il nous assure que d'ici le 30 juin... Ceci indique que, d'une
part, il n'y a pas de temps à perdre et qu'il y en a encore moins pour
ce qu'on appelle les grandes négociations de la majorité des
travailleurs des secteurs public et parapublic pour l'an prochain. (12
heures)
II y a une autre chose également qui inquiète non
seulement les associations patronales, mais également les parties
syndicales ou les syndicats, c'est que le rapport Martin a été
déposélà-dessus, le ministre me fera remarquer que
cela ne fait quand même pas très longtempsmais il reste que
ce que mon collègue de Saint-Laurent a dit, quant au contenu du rapport
Martin... Et je ferai remarquer qu'il n'a pas porté de jugement sur sa
valeur, cela est venu du député de Joliette-Montcalm qui a
interprété, encore une fois, ce qu'avait dit le
député de Saint-Laurent, qui avait simplement parlé de
rationalisation du statu quo. J'ajouterais même un terme que le
même professeur a employé: Consolidation de ce qui existe, parce
que j'étais à la conférence où le professeur Boivin
a fait une analyse, à maints égards, très positive de ce
rapport, si on s'en tient à la question de la valeur d'une analyse du
système de relations de travail dans les secteurs public et
parapublic.
Mais, il reste que, depuis ce temps-là, il y a eu de nombreuses
réactions des associations patronales et des syndicats qui
s'inquiètent du fait que c'est, somme toute, un statu quo, avec des
modalités qui sont changées ou qui sont suggérées
et que, quand on a vécu et le ministre de la Fonction publique y
faisait allusion tout à l'heure les problèmes et je
vais me restreindre, de toute façon, au domaine scolaire parce que c'est
celui que je connais et je ne suis pas familière avec celui du domaine
hospitalier ou des affaires socialesaigus qu'on a vécus à
deux reprises et souvent entre les périodes de négociations
collectives, cela a démontré, hors de tout doute et je
serais étonnée que, honnêtement, autour de cette table, si
quelqu'un examine la situation, le problème de centralisation des
négociations collectives a été une des pierres
d'achoppement et je dirais même le problème crucial dans la
recherche de solutions qui soient de meilleures solutions et qui
répondent davantage aux besoins des écoles, des
élèves ou des professeurs, enfin du système
scolaire...
Devant le fait qu'il n'y a aucune déclaration, de la part du
gouvernement, sur le rapport Martin et aujourd'hui, il ne semble pas que
le ministre soit même prêt à nous donner quelques
indications, se disant sans doute: Vous les aurez la semaine prochaine
les seules indications que l'on puisse retrouver sur les intentions du
gouvernement je n'en citerai qu'une ici; probablement le ministre s'en
souviendra-t-il; il assistait à un colloque à l'Université
de Montréal, tenu par le département des relations de travail je
citerai la toute fin du reportage qui a été fait sur ce colloque:
"Insistant pour clôturer le débat, le ministre du Travail, M.
Pierre-Marc Johnson, a rappelé à tous les participants du
colloque que le gouvernement élu par la population devait, en tout
temps, protéger l'intérêt public." Là-dessus je
pense qu'on s'entend. "Avec peut-être certaines modifications, le rapport
Martin-Bouchard deviendra loi, au Québec, et réglementera les
prochaines négociations avec la fonction publique, s'il n'en tient qu'au
ministre du Travail."
C'est ce genre de déclaration qu'on a et, entre-temps, je pense
qu'il est normal que l'Opposition officielle, qui a quand même la
fonction de rappeler au gouvernement qu'il y a aussi, dans la population, des
désirs exprimés, convoque une telle commission. Cette attitude
semblait d'autant plus fondée que vous avez exprimé, hier ou
avant-hier, l'opinion que, probablement, vous ne tiendriez pas de commission
parlementaire sur le sujet, mais que vous procéderiez par certaines
consultations.
Je pense que là, c'était le bien-fondé de la
demande de cette commission aujourd'hui et je regrette que le ministre de la
Fonction publique soit aussi silencieux sur les intentions, sans entrer dans
les détails. Est-ce qu'on repart en disant: C'est le rapport
Martin-Bouchard, à quelques modalités près, qui sera
retenu par le gouvernement, comme mode de négociation des conventions
collectives dans le secteur public et parapublic, pour l'année
prochaine? C'est une première question. Je ne reviens pas sur toute la
question salariale dont le député de Saint-Laurent a parlé
abondamment et qui, je pense, était une question fort pertinente. C'est
probablement l'une des raisons et peut-être la principale
pour lesquelles vous n'avez pas encore débloqué de mandat plus
significatif pour les parties qui sont à négocier dans ce
secteur. Je parle toujours du secteur scolaire; je pense que c'est la
même chose dans les autres secteurs.
Il y a eu aussi tout le problème, mais ce sont des
préoccupations davantage d'ordre patronal... Je pourrais vous citer ce
que les fédérations des cégeps et des commissions
scolaires ont dit. Je vous l'épargne, car vous avez dû en prendre
connaissance. Les syndicats ont soulevé, très souvent, la
question des services essentiels. Le rapport Martin en fait une longue
étude et arrive à
une solution qui me semble, en toute humilité, extrêmement
bureaucratique. Je ne voudrais pas la juger totalement, n'étant pas une
spécialiste. Il reste qu'il y a, là aussi, un problème qui
semble persister.
Je me permettrai de citer ce que disait M. Claude Daoust de
l'Université de Montréal à ce colloque auquel j'ai fait
allusion tantôt: "Pour cet ex-commissaire responsableClaude Daoust,
professeur au département des relations industrielles de
l'Université de Montréal de l'application de la loi 253
dans certains hôpitaux du Québec, le comité de protection
des bénéficiaires, tel que suggéré par MM. Martin
et Bouchard, n'aura pas un rôle différent de celui des
commissaires régis par la loi 253 et qui devait, ayant
écouté les deux parties dans un conflit, décider du
maintien des services essentiels et du nombre de personnes qui y serait
rattaché.
Selon M. Lacroixcela doit être M. Daoust, M. Lacroix y
assistait; je pense que c'est une erreur ce comité n'apportera pas
de solutions nouvelles au conflit. La seule différence, a-t-il
souligné, entre la loi 253 et la recommandation de MM. Martin et
Bouchard réside dans le fait que l'on devra décider du maintien
de ces services essentiels avant que les conflits n'éclatent".
Un autre professeur soulevait: Est-ce qu'il s'agira d'un seul
comité ou y aura-t-il des comités locaux qui seront
décentralisés? Cela me semble une question fort pertinente. Je
veux bien ne pas douter de la sagesse des personnes que l'on nommera à
ces postes, mais il reste que je m'imagine mal, dans l'ordre pratique des
choses, que ces trois personnes puissent décider partout à
travers les hôpitaux ou les services sociaux de la province quels seront
les services essentiels.
Qu'on dise au gouvernement: Vous êtes complètement
silencieux sur des questions aussi importantes que celles-là, qui ont
soulevé des problèmes clefs, qui ont empêché le
déroulement satisfaisant des négociations et créé
les problèmes nombreux qu'on a connus... je pense qu'il est normal qu'on
ait convoqué cette commission parlementaire. Il faut regretter
qu'aujourd'hui... Je comprends que le ministre soit lié par les
contraintes du cabinet, mais qu'il ne puisse donner aucune indication, à
savoir quel sera...
Je vais lui poser une question, directement. Pouvez-vous répondre
à cette question: Comment concevez-vous le rôle du Conseil du
trésor? Sera-t-il aussi puissant que celui suggéré par le
rapport Martin-Bouchard, qui semble écarter, si les choses se corsent le
moindrementd'abord, il faudra savoir dans quelle mesure il impliquera les
ministères concernés, les associations patronales si les
choses se corsent, comme je le disais, est-ce qu'ils seront tout simplement
écartés et qu'en dernier ressort ce sera le Conseil du
trésor, qui, à mon point de vue, est loin d'être
complètement ou adéquatement équipé pour le faire,
qui prendra les décisions les meilleures pour les secteurs scolaire et
hospitalier? Je pose cette question directement.
M. de Belleval: Je remercie le député de
L'Acadie de son intervention. Je pense qu'effectivement vous avez
soulevé un certain nombre de points qui sont de nature à faire
avancer le débat. Je dois dire avec vous que, dès le tout
début, j'ai trouvé extrêmement pertinent le fait que
l'Opposition se pose des questions là-dessus et aiguillonne le
gouvernement. Je ne conteste absolument pas l'opportunité de s'en
parler. Je regrettais le fait, et vous l'avez remarqué aussi, que les
contingences du cabinet m'empêchent d'être en mesure, ce matin, de
révéler toutes nos positions sur ce que nous retiendrons du
rapport Martin-Bouchard. Je dois dire, même si nous avons exprimé
notre satisfaction à l'égard du rapport quant à son
optique générale, que nous ne nous sommes pas du tout
engagés à respecter dans tous ses moindres détails les
recommandations.
Justement, c'est pour cette raison que nous ferons d'abord
connaître notre point de vue. Je peux vous assurer d'avance que, bien
sûr, il y aura des points d'adaptation tout au moins des recommandations
du rapport Martin-Bouchard. Je pense que c'est normal d'ailleurs. Un rapport,
quelle que soit l'éminence de ses auteurs, n'est pas une Bible.
Vous avez souligné aussi, à juste titre, toutes les
difficultés que pose, par exemple, l'établissement d'une
politique salariale cohérente et le fait qu'il faut faire des
études là-dessus. Parfois cela peut retarder un
dépôt. Le député de Saint-Laurent aussi avait fait
remarquer que dans ce contexte la coordination pose des difficultés. Je
sais, d'après les échos qu'on m'en a transmis, qu'il a
lui-même, dans son temps, subi avec plus ou moins de bonheur ces
contraintes de la coordination. Je peux lui dire que je comprends
rétroactivement les frustrations qu'il a dû endurer. Mais est-ce
qu'on peut éviter ces contraintes d'une coordination? Je pense que non.
Le problème, c'est qu'on ne peut pas les éviter. Donc, il faut
organiser notre malheur, si je puis dire, de la meilleure façon
possible, de la façon la plus efficace possible, parce que tôt ou
tard, la réalité va nous rejoindre et il faudra bien en arriver
à des positions conhérentes. Comme il n'y a qu'un gouvernement et
qu'un bloc de contribuables, on ne peut pas avoir des politiques salariales qui
divergent d'une commission scolaire à l'autre, du moins pas d'une
façon très importante, d'un secteur, l'hospitalier, par rapport
au secteur de la fonction publique. Je pense que là-dessus il semble y
avoir un certain consensus, savoir qu'à la suite des réformes,
dans le domaine de l'hospitalisation, de l'éducation, de la fonction
publique, du fait que c'est l'État qui maintenant paie les trois quarts
sinon la totalité de toutes ces dépenses et qu'en particulier la
plus grande partie de ces dépenses sont des dépenses salariales,
il faut avoir une politique cohérente. Cela pose des problèmes.
Cela pose le problème de l'autorité qui doit coordonner tout
cela, cela pose le problème de la participation des institutions
locales, des hôpitaux, des commissions scolaires et c'est un
problème important qui n'a pas été résolu à
la satisfaction de qui que ce soit dans le passé.
La commission Martin-Bouchard a fait une analyse qui m'apparaît
quand même assez serrée du dilemme cornélien dans lequel on
est, à savoir l'autorité de l'État, la
responsabilité du budget qui appartient au gouvernement et en même
temps, aussi, l'implication des autorités locales, leur autonomie aussi.
Comment ajuster ces deux aspects? Est-ce qu'il est possible de revenir à
une pratique où il n'y a pas de politique salariale unique, où
chacun pourrait négocier les salaires ou les autres clauses dites
pécuniaires d'une façon indépendante ou plus ou moins
indépendante de l'État, du gouvernement? On sait que si la
réponse à cela était oui, on retrouverait des
disparités, on retrouverait tout le jeu des...
Mme Lavoie-Roux: Pas nécessairement.
M. de Belleval: Je voudrais nuancer ce que je m'apprête
à dire de ce côté-là d'ailleurs. Je suis d'accord
avec vous: Pas nécessairement. Enfin, il y a des nuances qu'il faut
faire. Mais il reste qu'il y aurait aussi des inconvénients si on
voulait retourner à l'ancienne situation. Est-ce que chaque institution
aurait le droit de taxer ses propres commettants pour payer au-delà
d'une certaine norme ou est-ce que l'État s'engagerait à ratifier
n'importe quelle offre? Toutes les possibilités que cela donne aux
organisations syndicales de surenchère... même l'Ontario qui
pendant des années a cru pouvoir éviter cette espèce de
centralisation dans l'établissement des politiques salariales a dû
reconnaître, il y a maintenant deux ans, que pour lui aussi le temps
était venu d'établir une certaine cohérence et
coordination à la suite de règlements excessifs qui ont eu lieu
à la commission scolaire d'Ottawa, à celle de Hamilton et ensuite
à celle de Toronto. Alors, le problème n'est pas simple. La
commission, effectivement, semble être très radicale dans sa
recommandation. Elle dit: C'est le Conseil du trésor qui devrait
être l'agent négociateur, quitte à ce qu'il y ait une
espèce de comité consultatif pour impliquer les commissions
scolaires et les ministères sectoriels. Effectivement, c'est une
centralisation. Vous avez employé le mot "bureaucratique"... (12 h
15)
Mme Lavoie-Roux: Non, c'est à l'égard des
mécanismes des services essentiels.
M. de Belleval: Effectivement, ça peut être
bureaucratique. Quoique je ferai remarquer que le Conseil du trésor est
quand même un comité du cabinet composé d'hommes
politiques. Mais il reste que ce comité est plus éloigné,
malgré tout, de la réalité concrète dans chaque
secteur que le ministre responsable du secteur et que les associations
patronales de chaque secteur. Alors, on a effectivement étudié ce
problème en détail et je pense que notre position sera moins
radicale que celle que commande la commission Martin-Bouchard. On est
très conscient et convaincu, et c'est d'ailleurs conforme à
l'esprit qui se dégage de notre programme politique en
général, à l'effet qu'il faut, autant que possible, donner
davantage de responsabilités aux institutions locales. Il faut que ces
institutions participent véritablement, de plain pied, à
l'élaboration des mandats.
Là-dessus, je dois dire que dans le passé, il y a eu une
certaine centralisation qui, si elle n'a pas été le fait d'un
ministre de la Fonction publique, a souvent été le fait cependant
du ministre des Affaires sociales ou de l'Éducation, chaque palier
centralisant à son niveau. Vous avez dû probablement avoir les
mêmes critiques dans votre commission scolaire où on vous accusait
de centralisme excessif au niveau de l'ensemble de la commission scolaire par
rapport au niveau d'un secteur en particulier ou d'une école en
particulier. On est toujours le centralisateur de quelqu'un.
Alors, il faut donc trouver un mécanisme concret pour faire en
sorte que tous les gens participent mais qu'en même temps la
responsabilité ultime de l'État d'établir les budgets, de
taxer la population, soit respectée. Mon avis personnel
là-dessus, c'est que je n'ai pas l'impression qu'on peut trancher
ça au couteau. Une fois qu'on a établi les principes, je pense
qu'il faut établir ensuite des mécanismes ad hoc où chacun
se sent à l'aise et respecte une certaine règle du jeu.
Nous avons commencé des réunions avec nos partenaires
patronaux de ce côté-là, en particulier au sein des
affaires sociales et de l'éducation, et je pense que, d'ici peu, ils
auront établi entre eux une espèce de protocole d'entente sur le
rôle de chacun dans les prochaines négociations. Sans doute que
les négociations partielles qui commencent seront une bonne façon
de roder ces mécanismes; d'autant plus que ce ne sont pas des
négociations insignifiantes puisque d'une certaine façon
quoique c'est à voir en pratique elles fixeront un certain
"pattern" pour les grandes négociations. Je pense que dans
l'année et demie qui nous reste... Quand même, là-dessus,
il ne faut pas attacher une importance absolue à la date du 30 juin. On
sait très bien qu'il est normal que des négociations se
poursuivent après l'échéance d'une convention collective.
La commission Martin-Bouchard elle-même le reconnassait. Si on voulait en
faire un carcan de ce côté-là, on s'emprisonnerait, tout
autant le gouvernement que la partie syndicale. Je mentionnais tantôt
qu'il y a une période de maraudage au sein des infirmières
actuellement. Il faut tout de même respecter ce droit pour les
employés de décider de changer leur affiliation, à un
moment donné, et cela a une conséquence sur la date du
début des négociations collectives, donc de
l'échéance, etc.
Mais l'important, c'est qu'à l'intérieur d'une certaine
démarche on n'ait pas de trous morts et une espèce de
pourrissement dans l'échéancier qui fasse que les
négociations se concluent, non pas comme c'est normal, un mois, deux
mois, trois mois, quatre mois même après une négociation.
Parfois, ce n'est pas tellement la période de temps que l'espèce
de période creuse qui existe dans ces négociations. Parfois, une
négociation peut être assez longue, mais s'il y a du
progrès constant, ça peut être plus long et causer moins de
difficulté que lorsqu'une négociation est moins longue. Au
contraire, il y a des trous morts, et on a l'impression qu'il y a des
impasses difficiles entre les parties.
Donc, ce n'est pas tellement une date qu'un respect d'un certain
processus positif. Là-dessus, tout ce que je veux dire, c'est qu'on
admet que, dans le secteur hospitalier et le secteur scolaire, le jour
où on verra une convention collective conclue à la date
d'échéance d'une négociation, particulièrement
durant la période d'été qui est une période morte,
il faut bien l'avouer, même dans le secteur hospitalier, je pense que
c'est normal qu'on s'attende qu'une négociation normale se conclue dans
l'automne qui suit l'échéance de la négociation du 30
juin, j'en ai l'impression.
Mme Lavoie-Roux: ... l'article 96. Je ne voudrais pas que le
ministre prétende que si une convention échoit au 30 juin, que
l'autre est signée le 1er juillet.
M. de Belleval: Non.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela. Mais il reste quand
même des gestes à poser antérieurement à
l'échéance de la convention, pour empêcher que des
négociations continuent.
J'aurais seulement deux remarques à faire sur ces propos. Il
semble, d'après le rapport Martin-Bouchard et également
d'après ce que le ministre vient de dire, que la considération
d'un autre mode de négociation dans les secteurs public et parapublic
je laisse de côté la fonction publique, c'est plus
près du gouvernement c'est une chose qui ne peut pas être
envisagée, et dans le fond, les problèmes qu'on a vécus ou
les désirs qu'on a d'améliorer la qualité de
l'éducation et qu'on ne soit plus encarcané dans des dispositions
minutées, etc., semble pratiquement impossible.
Si tout ce qui est pécuniaire, c'est ce qui est prévu dans
le rapport Martin-Bouchard, doit être négocié à
Québec, cela laisse très peu de marge de jeu. Je fais remarquer
qu'en Ontario les gens n'ont pas encore sauté dans le modèle de
négociation du Québec, parce qu'ils le trouvent dangereux,
justement dans le domaine scolaire.
On semble, tant le rapport que le gouvernement et peut-être
qu'un autre gouvernement prendrait la même attitude, je ne le sais pas
que c'est presque une situation inévitable. On ne peut vraiment
pas réformer dans le sens de partir d'un autre modèle de
négociation. Je trouve que devant tous les désirs qui ont
été exprimés, les espoirs qu'on a créés,
tant l'ancien que l'actuel gouvernement peut-être celui-ci
davantage vis-à-vis d'une possibilité de décentralisation
cela s'estompe...
M. de Belleval: C'est désappointant.
Mme Lavoie-Roux: ... et finalement, même si le ministre dit
que si cela dure un peu plus longtemps, cela sera peut-être un peu plus
productif que d'aller rapidement et que ce soit plus dur, il ne faut pas
oublier que tant et aussi longtemps qu'on est dans des périodes de
négociation, plus elles sont longues, ce qu'on appelle le
harcèlement et toutes les autres mesures de pression, elles ne diminuent
pas et continuent. L'expérience a démontré que cela a
été utilisé à fond de train et dans toutes les
négociations, quel qu'ait été le gouvernement.
Dans ce sens-là, je regrette que le gouvernement semble avoir,
jusqu'à un certain point, "abdiqué" en disant: L'évolution
est telle, notre mode de fonctionnement est tel qu'on ne peut pas faire marche
arrière, ce n'est pas marche arrière nécessairement, cela
peut être marche avant, en adoptant un autre mode de fonctionnement.
Même si la réponse du ministre est limitée à
un aspect particulier, il semble bien que l'attitude générale du
gouvernement va être celle de conserver assez fortement un statu quo dans
le domaine des relations de travail, pour les secteurs public et
parapublic.
M. de Belleval: Est-ce que je pourrais ajouter juste une
précision là-dessus?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. de Belleval: Je ne voudrais pas donner l'impression que notre
position est rigide de ce côté-là en particulier, la
négociation locale par rapport à la négociation centrale.
Je pense que, au contraire, notre position serait que, plus il est possible
d'avoir un nouveau modèle où les corps locaux ont davantage
d'autorité, je pense, plus cela nous lierait. C'est notre principe.
La question est: Comment faire "machine arrière"? Est-ce qu'on a
vraiment les mécanismes? Est-ce qu'ils sont disponibles pour le faire
d'une façon péremptoire, où on aurait effectivement la
possibilité d'établir un mécanisme concret qui permettrait
de faire cela?
J'ai regardé les propositions que nous ont faites l'Association
des hôpitaux, la Fédération des commissions scolaires
là-dessus, et je dois dire que, tout en étant sympathique aux
principes qu'elles mettent de l'avant, je vois mal par quel mécanisme
concret on peut traduire cela en pratique.
Ce que nous allons certainement tenter de faire, cependant, c'est de
voir comment, concrètement, nous pourrions mettre cela en pratique en
vue des prochaines négociations, peut-être le faire, dans une
première étape, sous le chapeau d'une certaine centralisation,
sur le plan juridique, mais comment, en pratique, ensuite, en termes
d'élaboration de mandats parce que c'est là, au fond, que
le dossier se situe qui a l'autonomie ou l'initiative d'élaborer
le mandat et, à la fin, quel est l'avis prépondérant sur
un mandat donné; comment, en pratique, cela pourrait-il
s'élaborer au sein d'un comité conjoint de
négociation?
J'avoue que c'est une tâche qui m'apparaît difficile
à première vue, mais vous avez raison de souligner que ce serait
fructueux si on pouvait effectivement mettre en place des mécanismes
où la
négociation locale prend plus d'importance que dans le
passé. En Ontario, il faut bien voir la différence, c'est que la
taxation locale est beaucoup plus importante que chez nous, les ressources
locales sont plus importantes. Plus vous avez d'autonomie locale au niveau du
financement, plus il est possible de laisser de marge de manoeuvre à
l'autorité locale.
Vous faisiez aussi allusion à la question du minutage qu'on a vue
dans la dernière négociation et qui semble donner des
difficultés inouïes à tout point de vue. C'est un point qui
n'est pas nécessairement pécuniaire.
Mme Lavoie-Roux: Vous allez voir que cela se traduit par de
l'argent.
M. de Belleval: Je le sais bien. À un moment donné,
quand il y a une incidence pécuniaire importante, qui, finalement, prend
la décision? Je vous pose la question.
Mme Lavoie-Roux: Je vais y répondre. Deux minutes et je
n'interviendrai plus. J'ai l'impression que le rapport Martin-Bouchard est
parti... Je ne sais pas si on peut utiliser le terme "problématique" ou
"la situation actuelle". Mais, à partir de cela, il a dit: Je m'en vais
comment? Qu'est-ce que je fais? Et il a produit le rapport Martin-Bouchard. Je
trouve que le gouvernement se trouve encarcané par cette seule avenue.
C'est un terrain assez étroit ou une route assez étroite qui a
été tracée depuis quelques années. Cela semble
être parallèle, mais cela ne semble jamais être capable de
vraiment bifurquer. À ce moment-là, dans le fond, on continue
avec certaines modalités différentes ou un replâtrage ou un
ajustement ici et là. Je me demande s'il n'aurait pas fallu être
plus audacieux et tenter aussi d'explorer une autre avenue, une autre
route.
Mais, pour répondre à votre question, il y a aussi la
possibilité de donner, même si c'est le gouvernement qui les
donne, des sommes globales à des instances décentralisées
pour qu'elles puissent les aménager. Évidemment, on traîne
derrière nous toutes les conventions précédentes qui font
que ceci est difficile. Mais je pense qu'il y aurait quand même lieu
d'explorer dans quelle mesure ceci peut être fait. En Ontario, cependant,
c'est un per capita par élève. Si on veut, en sus de cela, avoir
d'autres services, etc., on taxe localement. Que cela vienne du gouvernement ou
que cela vienne de la taxe locale... Je ne parle pas de l'inadmissible, mais de
ce qu'on considère une dépense nécessaire et indispensable
où le per capita ne devrait pas nécessairement entraver la
latitude locale. À ce moment-là, les fonds viennent même du
gouvernement, mais il y a plus de latitude au plan local pour aménager
ces sommes.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska et M. le député de Châteauguay ont
demandé la parole. M. le député de Saint-Laurent, est-ce
que vous voulez exercer votre droit privilégié de parole ou si
vous parlerez après ces deux interventions?
M. Forget: D'accord, je pense bien que je n'aurai pas le temps de
continuer à faire autre chose.
M. Fontaine: Cela sera très court, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska et M. le député de Châteauguay. (12 h
30)
M. Fontaine: Je voulais seulement revenir sur la question des
coûts à la dernière ronde de négociations. Je ne
voulais pas le faire ce matin, mais puisqu'il l'a fait, je veux vous dire que
pour l'Union Nationale, il est assez difficile d'accepter, alors qu'on a des
fonctionnaires qui sont compétents dans ces domaines, qui seraient
compétents pour faire ce travail, qu'en 1975, $2 474 469 aient
été versés en traitements à des personnes qui se
situaient à l'extérieur de la fonction publique. Si on regarde
principalement dans un domaine que connaît bien le député
de Saint-Laurent, aux affaires sociales, $624 829 ont été
versés en traitements, et à l'éducation, $558 821. Si on
prend un autre domaine, concernant la publicité, chose qu'on ne serait
pas censé faire normalement lorsqu'on négocie des conventions
collectives, lorsqu'on est obligé, tous les soirs à la
télévision, de faire des annonces publicitaires pour dire quelle
est la position du gouvernement, surtout, encore là, quand on donne des
contrats de publicité à nos amis, et dans ce cas, c'est Pierre
Tremblay, donc publicité, dans le domaine des affaires sociales, $363
575; dans le domaine de l'éducation, $406 247, pour un total, en
publicité, de $1 175 720.
Aujourd'hui, c'est pour cette raison que je fais une intervention
là-dessus, je veux mettre le gouvernement en garde de se lancer vers une
même situation. C'est pour cette raison que l'Union Nationale recommande
la création d'une commission permanente sur les négociations dans
les secteurs public et parapublic pour que le gouvernement, à
l'intérieur de sa fonction publique, aille chercher les
compétences nécessaires pour avoir sa propre expertise et faire
son propre travail, sans avoir recours à l'extérieur. C'est tout
ce que j'avais à dire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Nicolet-Yamaska. M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, je regrette que Mme le
député de L'Acadie ne soit pas là, parce que je tenais
à faire remarquer qu'elle a fait valoir, ce matin, des suggestions au
ministre de la Fonction publique, même chose de la part du
député de Nicolet-Yamaska. Je trouve étrange que cela ne
soit pas venu, ce matin, du député de Saint-Laurent qui, lui, a
quand même posé la question au ministre.
Je voudrais revenir à ses hors-d'oeuvre. Parce qu'il a
réduit les efforts actuels du ministre de la Fonction publique, et les
préoccupations actuelles dans la question qui était posée,
à des hors-d'oeuvre. Je voudrais faire remarquer au dé-
puté de Saint-Laurent que les hors-d'oeuvre jouent un rôle
quand vient le temps de prendre un bon repas, ils conditionnent le repas qu'on
va prendre, les attitudes et l'atmosphère du repas. Je trouve que c'est
important.
C'est justement ce que je rejettais, M. le député de
Saint-Laurent, en parlant des hors-d'oeuvre. Cela me ramène à la
question des attitudes. M. le député de Saint-Laurent me fait
penser à un ordinateur qui programme des choses aussi importantes qu'une
négociation. Je voudrais rappeler que c'est lui qui a amené
l'expression "les jeux de blocs", qui a forcé le ministre à dire:
Oui, les jeux de blocs, encore faut-il pouvoir les faire travailler ensemble.
C'est à cela que je pense quand je parle d'un ordinateur. M. le
député de Saint-Laurent me fait penser à un ordinateur,
parce qu'il parle un langage froid, un langage de quelqu'un qui est en dehors
des problèmes humains. Les humains ne se règlent pas ainsi. Cela
ressemble, je pense, à l'ancien gouvernement qui programmait, comme un
ordinateur, les négociations. Je pense qu'il en était allé
jusqu'à programmer l'affrontement qui a créé des
problèmes à beaucoup de personnes au Québec. Cet
affrontement, l'ancien gouvernement le voulait pour des choses. Ce n'est pas un
procès d'intention que je veux faire à l'ancien gouvernement,
parce que maintenant, c'est acquis, c'est clair. J'étais un militant du
Parti québécois en 1973, et j'étais aussi un militant
syndical. J'ai senti, à ce moment, que le gouvernement avait
programmé un affrontement. Aujourd'hui, je pense que M. le
député de Saint-Laurent est peut-être bien placé
pour pouvoir venir nous prêter des intentions, comme il l'a dit au
début de son intervention c'est une des premières choses
qu'il a ditesque ce gouvernement préparait une négociation
pour le référendum. Je pense que cela peut venir facilement d'un
homme qui a vu comment cela s'est passé et comment on a pu programmer un
affrontement, lors des dernières négociations.
Les attitudes ont une importance capitale dans une négociation et
c'est à partir d'une attitude, comme celle que nous avons
présentement, que nous faisons la preuve, auprès de la
population, que nous voulons avoir une attitude complètement
différente de celle qu'a eue l'ancien gouvernement. Ce n'est pas 15
jours avant les négociations qu'on peut commencer à faire sentir
à la population que c'est dans un autre esprit qu'on veut
négocier; c'est plusieurs semaines auparavant.
M. le député de Saint-Laurent nous a fait remarquer, comme
si c'était sa dernière chance, qu'il avait eu l'occasion
seulement aujourd'hui de faire valoir ses points de vue sur la
négociation. Je pense que l'Assemblée nationale met à la
disposition des parlementaires des moyens de faire valoir leur point de vue. Si
M. le député de Saint-Laurent voulait vraiment apporter de l'eau
au moulin, d'une façon positive, les mécanismes sont en place. Il
y a des périodes de questions, particulièrement le mercredi
après-midi, qui est la journée des députés,
où on peut poser une question de cet ordre. S'il a l'impression qu'on
est en retard et s'il veut vraiment apporter de l'eau au moulin du
gouvernement, il pourra se servir de la période du mercredi
après-midi pour faire une discussion là-dessus. Cela aurait
sûrement été apprécié. Je pense qu'il est un
peu tard pour venir dire au gouvernement qu'il n'a pas pris les moyens, alors
qu'on sait déjà le travail qui a été fait; le
ministre nous en a fait part tout à l'heure. Pour résumer, il va
falloir cesser de voir les négociations comme si elles pouvaient passer
par le biais d'un ordinateur et agir en humain avec d'autres humains. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Châteauguay.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, c'est avec un sentiment
partagé que je prends part, pour la dernière fois, à ce
débat. Même s'il faut se réjouir d'avoir eu, au moins une
fois durant la présente session, l'occasion à l'initiative
de l'Opposition, malheureusement de débattre ces questions, il
faut bien se rendre compte que le cadre assez étroit dans lequel on peut
le faire trois heures étant donné l'immensité
du sujet, ne nous permet pas d'aller bien loin, sauf de se concentrer sur les
grandes dimensions, les dimensions les plus importantes de ces questions, sans
pouvoir poursuivre un certain nombre d'autres sujets connexes qui seraient
extrêmement importants. Je pense, en particulier, à ce qui peut se
retrouver dans les recommandations de la commission Martin-Bouchard sur le
problème de la définition de la matière négociable,
l'étendue de la matière négociable: Qu'est-ce qu'on va
négocier et qu'est-ce qu'on va déterminer dans les lois? Cela est
particulièrement pertinent du côté de la fonction publique,
puisque, comme on le sait, le projet de loi 53, présenté à
la dernière session, mais qui est mort au feuilleton, remettait en
question, justement, l'étendue de la matière négociable.
C'est un sujet qu'on n'a pas pu aborder du tout aujourd'hui et qui est
très important.
Il y a également tout ce problème des relations avec les
associations patronales et avec les autres structures administratives ou
démocratiques locales au Québec. C'est un sujet très
vaste. Le gouvernement parle de décentralisation d'une main si
l'on veut et de l'autre, il parle d'une centralisation de la
négociation, telle qu'on l'a connue dans le passé et
peut-être même en accentuant le rôle du Conseil du
trésor, encore que tout ceci soit encore à l'état
d'ébauche. Ce n'est pas parachevé du côté
gouvernemental. Il reste qu'on peut se demander jusqu'à quel point ce
modèle centralisé de négociations et de relations de
travail, dans les secteurs public et parapublic, est compatible avec une
philosophie de démocratie locale, de participation, etc. Il y a
là une équation à résoudre qui est loin
d'être résolue. On se gargarise de mots en parlant de
décentralisation, si tous les services sociaux, sanitaires,
éducatifs qui constituent le volet le plus important des services
publics qui s'adressent à la population, sont
déterminés ou pré-déterminés par des
conventions collectives qui sont réglées en totalité par
des décisions du pouvoir central qui est à Québec.
Il va falloir faire une conciliation. Cela ne sert à rien d'avoir
des conseils de comté ou des municipalités ou n'importe quoi, si
une si grande partie et la police, c'est une question qui s'en vient,
d'après tout ce qu'on peut voir, tout ce qui se fait du
côté des services policiers... On va déboucher sur une
situation paradoxale ou l'on va, soit disant, faire une
décentralisation, et ou les organismes décentralisés
n'auront rien à décider parce que, de toute façon, les
conventions collectives prédéterminent un si grand nombre de
choses dans les services publics.
En particulier, mais dans le contexte plus étroit de la
négociation actuelle, sans anticiper sur tous les projets de
décentralisation administrative et politique, quel genre de
collaboration le gouvernement envisage-t-il avec les associations patronales?
Le ministre a parlé de protocole en voie de rédaction et
parachèvement, protocole d'entente avec les associations patronales,
mais cela n'est pas suffisant de parler de protocole. Dans quel esprit les
protocoles vont-ils être rédigés? Est-ce qu'il s'agit d'une
participation, une espèce de forum où sont noyées les
responsabilités des uns et des autres, où personne vraiment ne
peut savoir de quoi il est lui-même responsable et finalement où
des décisions émergent, où chacun peut blâmer
l'autre d'avoir été l'élément déterminant
dans une décision collective dont il ne se re-connait pas l'auteur? Ou
s'agit-il de protocole d'entente où on essaie de faire une
démarcation des champs de responsabilité de manière
à ce qu'on puisse dire: la fédération des commissions
scolaires a tel et tel geste à poser et c'est elle qui en décide
à l'intérieur d'une certaine enveloppe et, quant au reste, c'est
le gouvernement. Il y a des dialogues là-dessus, mais ce sont finalement
des responsabilités bien démarquées. La même chose
avec l'association des hôpitaux, l'association des centres d'accueil
etc., tous les partenaires patronaux du gouvernement... Est-ce que c'est une
confusion des rôles ou une démarcation des rôles qu'on
cherche à faire par des protocoles? Cela c'est un grand point
d'interrogation qui est présent à l'esprit de tous ceux qui sont
actifs dans ces organismes.
Il y a les fameux préalables à la négociation
auxquels la commission Martin-Bouchard a fait allusion, et elle
désignait par ce titre-là, en particulier, la constitution
possible d'un organisme, en quelque sorte paritaire, d'étude et
d'évaluation des rémunérations dans le secteur public.
Implicitement, d'après ce qu'a dit le ministre, c'est là une des
recommandations auxquelles on ne donnera pas suite, puisqu'il semble
qu'à l'intérieur même du Conseil du trésor on a
rapatrié le bureau d'étude sur la rémunération qui
se trouvait à la fonction publique précédemment, et que
c'est donc à l'intérieur des structures gouvernementales
seulement qu'on va faire des études de ce genre. Est-ce que c'est
définitif? Il me semble bien qu'il est un peu tard pour commencer des
études sur les rémunérations à deux mois des
négociations. Donc, le sort en est jeté de ce côté,
probablement, encore que ce ne soit pas complètement clair.
Je cite ces trois ou quatre questions qui demeurent sans réponse,
à cause de la brièveté de nos débats. Il y en a
sans aucun doute un bon nombre d'autres plus ou moins importantes, selon les
points de vue.
Ce qui me frappe dans l'ensemble, comme l'indiquait d'ailleurs avec
beaucoup d'à-propos mon collègue, le député de
l'Acadie, c'est qu'il semble qu'on soit, dans le fond, les victimes de la
fatalité, à la fois l'ensemble de la population du Québec
et même, dans une certaine mesure, le gouvernement lui-même. Il y a
eu une commission d'étude. C'est vrai que c'est une commission qui a
fait une très bonne analyse de la situation actuelle. Loin de moi le
désir de jeter quelque doute que ce soit sur la qualité du
travail descriptif et analytique qui a été fait par les auteurs.
Quand j'ai dit que cela aurait pu être fait par des professeurs
d'université, je le disais en termes de compliments. C'est une
étude de niveau universitaire, objective, complète,
systématique, etc. Il reste que c'est l'étude d'un seul
système, le système qu'on a, et les recommandations s'inscrivent
aussi dans ce seul système qu'on a connu. (12 h 45)
Donc, il n'y a pas beaucoup de surprises à attendre des
recommandations ou de leur mise en vigueur. C'est dommage, mais il est trop
tard pour donner un mandat additionnel à la commission et lui dire
d'examiner d'autres hypothèses possibles. Il est inévitable
qu'à l'avenir, de toute manière, qu'on le veuille ou non, le
système va changer. Il va changer avec des succès ou,
malheureusement, plus probablement avec des échecs. Je serais le dernier
à vouloir faire l'hypothèse que, dans le fond, c'est à
cause de l'incapacité intellectuelle ou de l'absence de courage des
gouvernements successifs à faire des réformes d'envergure dans ce
secteur.
Il y a une espèce de machiavélisme implicite à
l'oeuvre selon lequel c'est à cause de l'échec successif de la
formule qu'on va se précipiter, sans vraiment l'avoir voulu, dans un
autre régime.
Il ne faut pas oublier un phénomène, et je le dis pour le
député de Châteauguay qui a parlé tout à
l'heure des dimensions humaines des conflits. La dimension humaine la plus
importante, c'est qu'on a un régime de négociations où le
patron et le salarié sont ceux qui sont les moins
pénalisés par le conflit. C'est le public essentiellement qui est
pénalisé par la privation de services, pas nécessairement
essentiels, mais assez importants pour que l'État s'en préoccupe
au premier chef. Donc, cela leur donne déjà un caractère
spécial. C'est finalement le public qui écope de tout cela. Des
méthodes ont été élaborées du
côté syndical, surtout au cours des plus récentes
négociations, pour que dans l'ensemble, même si le conflit se
prolonge pendant neuf mois ou un an, le nombre de jours où on perd son
salaire pour des raisons
quelconques soit extrêmement limité par rapport au blocage
effectif des services. Parce qu'il y a beaucoup de catégories d'emplois,
on peut faire la grève dans un service où il n'y a que douze
employés et bloquer un hôpital de 1200 salariés. Cela veut
dire qu'il y a 1190 personnes qui continuent à recevoir leur salaire et
qu'il n'y en a que 10 qui n'ont pas de salaire pendant une journée. On
peut faire cela longtemps. Avec une journée de perte de salaire pour
tout le monde, on bloque l'hôpital pendant à peu près huit
mois. Ce n'est pas très difficile et cela s'est fait de façon
répétée.
Donc, du côté des employés, le coût
économique d'un conflit comme celui-là est très marginal,
très faible. Du côté du patron, de toute façon, ce
n'est pas une entreprise, il ne risque pas la faillite. Si jamais cela lui
coûte un peu plus cher parce qu'il devra payer par la suite du temps
supplémentaire et qu'il paie des salaires pour des services qui ne sont
pas rendus et qui doivent être compensés dans une certaine mesure,
il reste qu'il repasse le coût au contribuable. C'est assez facile
à faire aussi. C'est un aspect relativement secondaire pour
l'état du conflit.
C'est finalement le public qui écope de tout cela et le public ne
voudra peut-être pas écoper longtemps. C'est quand même la
majorité de la population. À supposer qu'un jour il se lasse, il
y aura bien quelqu'un qui va arriver avec une solution, même s'il faut
qu'elle soit improvisée. C'est peut-être là le plus grand
danger qu'on court. On fait des études, je veux bien qu'on fasse des
études formelles et publiques. Il y a déjà eu
énormément de réflexions et de discussions, même si
des débats sur ces questions n'ont pas toujours été
couchés par écrit, mais, à défaut de produire
vraiment des choix articulés, on va, malgré tout, avoir du
changement; la vie ne s'arrête pas en 1978. Ce n'est pas vrai qu'en l'an
2018, on aura encore le même régime de négociations dans
les fonctions publique et parapublique au Québec. Tout le monde doit
s'en douter, au moins secrètement.
Le problème n'est pas de savoir si ça va changer. La
certitude du changement est absolue. C'est de savoir si on peut l'orienter de
façon productive et si on peut l'anticiper, l'aménager,
plutôt que de s'y précipiter, tête baissée, à
cause de la force des circonstances. C'est un peu pour ça que je suis
déçu du rapport Martin-Bouchard et de l'attitude que prend le
gouvernement là-dessus. C'est que, fatalement, s'il y a des pots
cassés, la pression peut devenir intolérable et on va faire des
changements.
Un régime comme celui qu'on a connu, avec la déception
qu'il cause, les frustrations qu'il suscite, les misères humaines,
justement, qu'il provoque, n'est pas un système qui est viable. Il ne
faut pas se faire d'illusions là-dessus. Le problème n'est pas de
savoir s'il va changer, mais qui va le changer et comment il va être
changé. Là-dessus, on n'a pas de solution de rechange, on est
sous le poids de la fatalité, on va vivre une autre confrontation
à peu près selon le même modèle que celui du
passé. C'est peut-être notre dernière occasion, cependant,
de faire des changements froidement. On fera peut-être des changements
dans l'avenir de façon précipitée, de façon
improvisée et c'est ça qu'on devrait éviter. Si gouverner,
c'est prévoir, je ne pense pas qu'on prévoie très loin
dans la conjoncture actuelle. Personnellement, c'est ce que je déplore,
M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voudrais relever un point et donner quelques
commentaires additionnels sur la perception de la ronde de négociations,
en dehors du contexte des attitudes que je donnais tantôt.
Tout d'abord, c'est peut-être la première fois,
officiellement, qu'on parle de négociations de la fonction publique.
D'autre part, je pense que le ministre a pris soin de souligner au
départ, si ma mémoire est fidèle, qu'un comité de
députés ministériels travaillait quand même
là-dessus depuis fort longtemps. Personnellement, ça fait au
moins huit mois que j'en entends parler, avant même la création de
la commission Martin. J'ai été appelé à donner des
opinions, à partir des expériences qu'on avait
antérieurement vécues, certains députés. Je trouve
pour le moins surprenant que vous nous disiez aujourd'hui que ça retarde
et qu'on aurait dû agir. Quand on va vite, on nous dit qu'on fait preuve
d'improvisation; quand on mûrit les situations, qu'on se base sur une
commission d'étude, qu'on est à préparer une
législation sérieuse, qu'on va la soumettre dans des
délais importants pour le gros de la négociation de la fonction
publique, ça m'apparaît quelque chose de réfléchi et
ça permettra peut-être de vous enlever l'argument traditionnel de
l'improvisation que vous nous servez à plusieurs sauces. C'est un
commentaire que je voulais faire.
Pour ce qui est de la politique de la décentralisation par
rapport à la centralisation, je pense que décentraliser ne veut
pas nécessairement dire revenir à l'inverse de ce qui existait
avant. Ce sont peut-être les résultats qu'on a toujours connus,
c'est-à-dire qu'on centralise à outrance et qu'on
décentralise à outrance, croyant qu'on fait une bonne chose. La
décentralisation ne réside pas nécessairement dans le fait
que tu donnes des subventions et que tu dis: Fais ce que tu veux avec. Je pense
que c'est une mauvaise perception qu'ont certains corps parapublics en
particulier. Ils exigent des subventions et quand ils ont des subventions, ils
s'imaginent qu'on doit leur laisser faire à peu près tout, de la
façon qu'ils le veulent.
Il me semble que l'expérience du passé là-dessus
nous guide passablement bien. On se rappelle, en 1967, dans le domaine des
commissions scolaires, où on avait une incohérence et une
surenchère au niveau des négociations, et on vivait à peu
près les perturbations, peut-être pas à l'échelon
provincial total, mais on se rappellera la grève de la CECM ou celle de
l'alliance, en 1967, et celle de Yamaska, doublées de je ne sais pas
quelques autres, mais qui avaient duré un mois ou un mois
et demi, dans le cas de la CECM, qui a amené le gouvernement
d'alors, je crois que c'est l'Union Nationale...
Mme Lavoie-Roux: C'est l'Union Nationale. Nous ne sommes pas
responsables du bill 25.
M. Chevrette: Madame, soyez sans crainte, je n'aurais pas
osé le dire, je sais qu'en 1967 vous n'étiez pas là. Je
sais que votre trouvaille a été en 1970, l'administrateur du
siècle.
En 1967, on a cru bon de mettre un certain encadrement aux salaires,
pour mettre fin surtout à la surenchère d'une commission scolaire
à une autre. Les commissions scolaires ont dit alors: Vous nous enlevez
à peu près tout pouvoir. Nous sommes des administrateurs de
normes. Là, on a joué, de 1970 à 1976, en disant: Vous
pouvez jouer dans les enveloppes budgétaires, après avoir
décidé qu'on vous subventionnait de telle façon, sur le
plan administratif, il y a une possibilité de jouer dans les enveloppes
budgétaires.
Mais est-ce que la véritable décentralisation
résiderait uniquement dans le fait qu'une commission scolaire puisse
obtenir le pouvoir de négociation? Je n'en suis pas sûr. Je suis
loin d'en être certain.
Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait aider un peu, n'est-ce pas?
M. Chevrette: Cela pourrait aider uniquement sur des
mécanismes appropriés à la gestion interne. Mais quand les
deniers publics émanent d'un seul endroit et qu'il n'y a pas de
contrôle, si on y allait d'une façon tout à fait totale, on
se retrouverait exactement dans la même situation d'avant 1967.
Mme Lavoie-Roux: Sauf que les gens ont évolué.
M. Chevrette: Et nous revivrions une période de cinq
à dix ans, exactement comme on a vécu, dans les années
1960 à 1967, où la surenchère s'installe. Qui paie la note
à la toute fin de la course? C'est le contribuable
québécois.
Je ne veux pas faire un long débat là-dessus, mais je
serais prêt, un bon jour, à ce que le député de
Saint-Laurent commande une commission parlementaire sur la centralisation et la
décentralisation et qu'on puisse étudier chaque cas
particulier.
Vous avez fait allusion au protocole. Je suis un peu heureux d'en
parler, parce qu'il y a eu des protocoles de fonctionnement de
négociés entre les associations syndicales. C'est drôle
comment cela a fonctionné. Personnellement, j'ai même
participé à la négociation d'un protocole syndical entre
la PACT, la PAPT et la CEQ. De ce côté, je pense que les
associations syndicales ont donné des leçons de capacité
de pouvoir fonctionner entre elles, par rapport à ce qu'ont pu nous
démontrer antérieurement les associations patronales.
Je pense, par exemple, aux fameux conflits, bien souvent non
étalés en public, entre la Fédération des
commissions scolaires et le gouvernement où on ne s'était pas
assis et où on n'avait pas discuté sérieusement la
façon de fonctionner, ce qui a retardé à toutes fins
utiles, pendant deux ou trois mois, le dépôt d'offres à la
table de négociations et a eu pour effet d'alimenter la pression sur les
groupes syndicaux et de faire en sorte que la participation vienne un peu plus
vite que prévu.
J'inviterais les associations patronales et le gouvernement à
s'asseoir et à négocier le protocole. Quand le ministre annonce
qu'il va y avoir des protocoles, c'est déjà un pas par rapport
à ce qui a existé antérieurement. Je pense que les
règles du jeu seront établies au départ, comme les
règles du jeu l'étaient au niveau syndical.
Même à la dernière convention collective la PACT
s'est retirée du protocole, mais je crois qu'il y a eu un fonctionnement
tout à fait normal au niveau des professeurs anglophones protestants et
la CEQ où vous aviez ces mécanismes. La PAPT avait tant de votes
au niveau de la discussion parce qu'elle représentait tant de personnes,
tant d'enseignants et les règles démocratiques jouaient. Je pense
que c'est un pas de géant que de constater que cette fois-ci il y aura,
au niveau des partenaires du côté patronal, un protocole de
fonctionnement bien établi au préalable, des règles du jeu
connues et publiquement, je l'espère, de sorte qu'une partie ne pourra
pas paralyser le système de négociations, la conduite des
négociations, comme cela a été le cas dans le
passé. C'est un des points importants en négociation, la
célérité dans le fonctionnement.
S'il y a des décisions qui prennent des mois et des mois à
se prendre, parce qu'il n'y a aucun mécanisme établi, c'est le
climat des négociations qui en souffre le plus. Bien souvent, des
décisions étaient prises à un niveau, mais il y avait
d'abord une négociation pénible, pour ne pas dire lancinante,
entre les parties patronales à une même table de
négociations et cela avait pour résultat concret de gâcher
le climat des négociations entre les parties patronale et syndicale. Le
malaise venait des négociations même entre les parties, à
cause de normes non établies entre elles. C'est un point que je suis
heureux de constater, savoir que cette orientation soit prise. J'espère
qu'elle sera menée à bon port avant même que les
négociations ne débutent pour qu'on puisse enfin connaître,
une fois pour toutes, les lignes d'autorité au niveau des
négociations, du côté patronal, et qu'il puisse afficher,
au niveau du patronat, la même unicité qu'on retrouve du
côté syndical, parce que ce sont des parties qui s'affrontent, et
qui discutent en vue de conclure un contrat collectif, et non pas un
gouvernement avec une partie syndicale, bien souvent unique, et des partenaires
qui, de temps en temps marchent, et de temps en temps ne marchent pas. Dans la
négociation d'un protocole...
Mme Lavoie-Roux: Vous allez les mettre au pas!
M. Chevrette: Cela démontre quel esprit vous avez, madame,
quand on parle de négociations!
Vous allez les mettre au pas. Vous présumez donc que la
Fédération des commissions scolaires du Québec n'est pas
capable de négocier un protocole avec le gouvernement. Vous
présumez que l'Association des conseils d'administration des
hôpitaux n'est pas capable de s'asseoir et de conclure un contrat. C'est
l'attitude libérale, pas capable... Vous présumez toujours que ce
sont des affrontements quand on négocie.
M. Forget: II y en a eu un protocole en 1975. Mme Lavoie-Roux:
II y avait un protocole...
M. Chevrette: Je comprends que vous ayez cette attitude, parce
que vous l'avez recherchée pendant six ans et vous n'avez jamais
été capable de conclure une convention collective sans
affrontement. Si vous en avez conclu, c'est sous la table, à la
dernière minute, comme cela a été fait dans la
construction, régler la convention à 15 heures pour pouvoir
déclencher des élections à 17 heures; comme cela a
été fait dans la fonction publi- que bien souvent, régler
des contrats collectifs avec des pourcentages de salaires
déguisés pour ne pas perdre la face au niveau du gouvernement,
mais donner exactement aux syndiqués ce qu'ils demandaient avant
même de faire quinze jours de grève et de perturber la province.
C'est ce que vous avez toujours fait. C'est cela que vous nous reprochez, alors
qu'on essaie de vouloir éviter ces choses. Je vous dis, oui, que vous en
avez des attitudes de rapprochement et des attitudes de gens... Vous allez vous
faire les défenseurs de la veuve et de l'orphelin à la
dernière minute, vous affichez des attitudes de gens qui vont sauver le
climat social, alors que vous cherchez continuellement à jeter de
l'huile sur le feu.
Le Président (M. Boucher): Madame et messieurs, en vertu
du paragraphe g) de l'article 162a, je suis obligé de clore le
débat, étant donné qu'il est 13 heures. J'ajourne donc la
commission sine die.
(Fin de la séance à 13 h 1)