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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 28 avril 1978 - Vol. 20 N° 51

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: Préparation des prochaines négociations dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, madame, messieurs!

La commission permanente de la fonction publique est réunie, ce matin, pour discuter la question avec débat du député de Saint-Laurent au ministre de la Fonction publique sur le sujet suivant: La préparation des prochaines négociations dans les secteurs public et parapublic.

Je vous rappelle ceci. Selon la procédure qui a été établie, on donnera d'abord la parole à celui qui pose la question du débat, à savoir le député de Saint-Laurent, durant 20 minutes; ensuite, je donnerai la parole au ministre et, par la suite, chacun à son tour, les membres pourront poser des questions ou intervenir. Le débat doit durer jusqu'à treize heures. On ne doit pas dépasser cette heure-là. S'il se termine avant, on pourra ajourner. Alors, je donne immédiatement la parole au député de Saint-Laurent.

Exposé du sujet M. Claude Forget

M. Forget: Merci. Le Parti québécois, qui pendant ses années d'Opposition, a été de toutes les contestations, ce parti qui réussissait si bien à monter en épingle la moindre crise sociale, la moindre difficulté, le moindre conflit, qui s'efforçait, dans toutes les occasions possibles à durcir ou à rendre plus intransigeante la position de groupes qui étaient impliqués dans de tels conflits sociaux, se retrouve maintenant avec les responsabilités du pouvoir et avec la responsabilité très importante, dans les secteurs public et parapublic, d'assumer non seulement la responsabilité de l'ordre public, mais le rôle de la partie patronale. C'est une équation qui est toujours délicate à réaliser que cette jonction des préoccupations de l'État avec celles de l'employeur. Conscients de cette difficulté, tous ceux qui au Québec s'interrogent, non pas sur le déroulement des événements quotidiens, mais sur l'évolution des prochains mois et des prochaines années, se demandent jusqu'à quel point cette formation politique, qui détient maintenant les leviers du pouvoir, va s'acquitter de ce double mandat, c'est-à-dire, encore une fois, être responsable de l'ordre public, de la paix sociale, du bien public et aussi agir comme le patron direct ou indirect de plus d'un tiers de million de travailleurs salariés.

Il semble que les expériences pénibles que nous avons connues dans notre société, au cours des dix dernières années, les confrontations, les crises sociales que nous avons connues et qui ont laissé des cicatrices sur le tissu social, sur ce sentiment de cohésion sociale que toute société doit avoir pour fonctionner normalement, que ces expériences risquent fort de se répéter; du moins les leçons qu'on pourrait tirer ou qu'on aurait pu tirer de ces expériences, il semble que le gouvernement actuel n'est pas en mesure, n'est pas disposé à les tirer.

Dans un certain sens, il apparaît qu'il est déjà trop tard pour que le gouvernement assume la responsabilité et l'initiative de réforme profonde dans ce domaine, puisque le temps est déjà passé, le temps qui lui était réservé pour faire de telles réformes. On se situe à quelques 60 jours de la fin d'une première série de conventions collectives et tout le monde est bien conscient que si des réformes profondes avaient été envisagées et entreprises, elles l'auraient été dans un contexte, dans un climat qui n'est pas celui de l'échéance imminente de telles conventions collectives et des négociations qui doivent les accompagner.

Il est donc déjà trop tard pour envisager des réformes profondes et c'est dans la continuité, dans un certain statu quo plus ou moins replâtré que le Québec va devoir amorcer une nouvelle ronde de négociations.

Cela ne veut pas dire que l'expérience passée va se répéter à la lettre, bien sûr, et c'est ce qui fait l'intérêt de cette commission parlementaire, la seule qui aura lieu durant la présente session sur une question qui est si importante pour le Québec et pour son avenir. En effet, le ministre, presque par hasard, il y a deux jours, je crois, selon ce qu'en rapportaient les journaux, a déclaré qu'il n'y aurait pas de commission parlementaire à l'initiative gouvernementale et je n'ai pas besoin de rappeler que la séance de ce matin, qui ne durera que trois heures, sur un sujet qui vise plus de 300 000 salariés, c'est bien insuffisant, mais que la présente séance de cette commission parlementaire a été convoquée à l'initiative de l'Opposition officielle; sans cela, nous serions confrontés, d'ici un nombre indéterminé de semaines ou de mois, par des lois qui viendraient, à la pièce, modifier tel ou tel article des lois en vigueur.

Décidément, le débat public auquel on aurait pu s'attendre de la part d'un nouveau gouvernement, à défaut d'une volonté d'effectuer les réformes majeures qui s'imposent dans ce secteur, n'aura pas lieu. Le ministre a préféré, pour des raisons qui devraient devenir évidentes avec le temps, repousser, dans un avenir indéterminé, et même éliminer la possibilité d'un tel débat public.

Dans les quelques minutes que nous avons, M. le Président, j'aimerais essayer de situer la problématique, si l'on peut dire, qui est celle des relations de travail, des négociations, de la préparation de cette négociation dans les secteurs public et parapublic, telle qu'elle nous apparaît.

Il y a d'abord un état de la question à dresser qui comporte quelques éléments fort simples. Il y a d'abord les déclarations répétées de membres de ce gouvernement, au premier chef le premier ministre qui, à deux reprises déjà, a pris un soin particulier à faire des déclarations selon lesquelles l'évolution des conditions de travail, et en particulier des salaires, dans les secteurs public et parapublic devrait à l'avenir tenir compte, refléter da-

vantage, plus raisonnablement, les rémunérations dans le secteur privé. Une déclaration, de la part du premier ministre, a été faite, je le rappelle, lors de l'adoption de la loi décrétant le gel du salaire des députés. C'est d'ailleurs la seule raison de fond qu'a invoquée le premier ministre pour expliquer un tel geste symbolique. Dans le discours inaugural, on est revenu sur les mêmes idées.

D'autres membres du gouvernement, des ministres, à telle ou telle occasion, ont répété cette espèce de message, qui se veut rassurant, d'un retour à la raison. C'est la fin de la récréation, c'est le retour au raisonnable, à la modestie, voire à l'austérité, sans préciser vraiment ce que l'on veut dire par là, en donnant l'impression que, de toute manière, les affaires de l'État seront administrées économiquement, quand il s'agit des salaires au moins. (10 h 15)

Le deuxième élément est constitué par le rapport Martin-Bouchard, cette brique qui a été publiée depuis dans un format plus facile à consulter, heureusement, mais qui a été publiée, il y a maintenant un mois et demi ou près de deux mois, sans aucun commentaire officiel de la part du gouvernement jusqu'à aujourd'hui. C'est un rapport qui fait suite à une commission créée par le gouvernement actuel, en 1977, comme on sait.

Troisième élément de la question. Il y a eu, dans ce rapport, un certain nombre de recommandations qui, même si elles n'ont pas bénéficié de commentaires officiels de la part du gouvernement, ont, de la part d'organismes syndicaux et de la part d'organismes patronaux, attiré les critiques parfois presque violentes, certainement, sinon violentes, du moins un désaveu assez marqué. On se souvient d'ailleurs que M. Michel Grant, le représentant en quelque sorte syndical au sein de cette commission, s'en était désolidarisé, avait quitté la commission, en janvier dernier, pour des raisons qui d'ailleurs ont été largement reprises par les centrales syndicales dans leurs critiques.

Quatrième élément. Nous sommes, comme je l'indiquais tout à l'heure à deux mois à peine, 61 jours ou quelque chose du genre, de la fin des conventions collectives qui affectent malgré tout quelque 118 000 salariés, sauf erreur. Ce sont des chiffres qui datent un peu, mais comme il n'y a pas eu beaucoup d'expansion du nombre des employés de la fonction publique et parapublique, il s'agit d'environ 48 000 fonctionnaires, sauf erreur, de quelque 5000 enseignants anglo-catholiques et de quelque 65 000 personnes appartenant au secteur des affaires sociales dans les catégories d'infirmiers ou infirmières et de techniciens. Donc, environ un tiers du total des salariés, couverts par les conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, devront renégocier dans un délai très court, un délai au cours duquel, à en croire les déclarations euphoriques du Parti québécois lorsqu'il était dans l'Opposition, on devrait déjà avoir des offres patronales, on devrait déjà être au courant de la nature et du contenu précis de ce que le gouvernement veut proposer comme conventions collectives de manière qu'au moment où ces conventions collectives viendront à terme, le 30 juin prochain, on ne soit pas à pied d'oeuvre seulement, mais qu'on soit véritablement en face d'une offre gouvernementale complète, cohérente et, espérons-le, raisonnable. Mais, je pense qu'on est beaucoup plus loin que cela de compte et, d'après certaines informations, ce n'est pas avant l'automne prochain que commencerait vraiment la négociation vis-à-vis de ces 118 000 salariés.

Un dernier élément du dossier, ce qui est constitué du côté gouvernemental par le silence le plus complet sur les objectifs précis de la prochaine négociation ainsi que sur les structures de négociation et le cadre juridique dans lequel elles se dérouleront.

On nous promet de la législation, mais on ne nous dit pas en quoi cette loi va consister, quelles sont les recommandations du rapport Martin-Bouchard qui seront retenues, quelles sont celles qui ne le seront pas. Encore une fois, on ne fait que donner des dates, on ne donne rien de précis et on laisse miroiter des possibilités de consultations en se gardant bien, encore une fois, d'envisager une commission parlementaire.

La seule position que nous pouvons adopter et que le reste de la population du Québec qui n'est pas dans le secret du gouvernement, peut adopter devant une telle situation, ce n'est malheureusement pas de présumer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce serait trop facile. Même si le ministre voudra nous persuader qu'il s'occupe de telle ou telle démarche et de tel ou tel petit problème, il reste que, dans l'ensemble, un certain nombre de questions majeures demeurent sans réponse. On peut supposer que si ces réponses n'ont pas été fournies jusqu'à maintenant, c'est que le gouvernement n'a pas de raison de les donner, ne trouve pas avantage à les fournir, d'un côté.

Pour ce qui est des objectifs de la négociation ou de la politique salariale du gouvernement, ce dernier ne semble pas avoir d'orientation précise. Les déclarations du premier ministre, les propos rassurants à l'endroit des contribuables, qui disent: Ne vous inquiétez pas, on sympathise avec vos préoccupations, vos inquiétudes, à savoir que peut-être les employés des secteurs public et parapublic, ont des conditions de travail supérieures aux vôtres, mais on y veille, on veille au grain, on va bien y voir, il y a un bon père de famille qui s'occupe de vous, mais il faudrait aller plus loin. Il faudrait dire par quel pourcentage, par exemple, on envisage une augmentation au cours des prochaines années dans les nouvelles conventions collectives, de quelle façon on envisage les problèmes de comparaison avec le secteur privé, sur quoi vont porter ces comparaisons. Est-ce qu'il s'agit d'une parité absolue ou d'une parité qualifiée, et qualifiée de quelle façon? À moins de pré-ciTer ces choses, à moins de préciser par quel pourcentage d'augmentation de la masse salariale on va envisager les prochaines années dans le secteur public, on n'a absolument rien dit. Ces propos, ceux du premier ministre, comme ceux de différents ministres, n'ont qu'une valeur soporifique.

J'aimerais savoir, ce matin, de la part du mi-

nistre de la Fonction publique s'il est prêt enfin à nous dire comment précisément ces objectifs de la négociation sont définis, et quels sont-ils? Il me semble qu'à 60 jours de la fin des conventions collectives, il devrait être en mesure de dire quelque chose sur le sujet. Le moins qu'on puisse supposer, c'est que, en ne disant rien, le premier ministre et les membres de son gouvernement se préparent à faire des concessions, tout en rassurant l'opinion publique, qui coûteront cher aux contribuables, mais qui, de toute manière, auront l'avantage d'acheter une paix sociale à un moment où on fera le référendum du Québec, puisque ces questions seront soulevées en 1979. Il y aura de grands avantages, tout en rassurant l'opinion publique par des propos soporifiques, à faire des concessions qui seront dissimulées dans des conventions collectives que personne ne lit, qui sont fort techniques. On fera payer, en quelque sorte, aux contribuables, un climat social qu'on veut le meilleur possible pour des raisons référendaires.

Sur le plan des structures de négociation, M. le Président, un professeur, effectivement le directeur du département des relations industrielles, qui parlait publiquement cette semaine à Québec sur le sujet du rapport Martin-Bouchard a caractérisé ce rapport de l'expression suivante: il s'agit, selon lui, d'une rationalisation du statu quo. C'est effectivement ce que la plupart des lecteurs attentifs, qui connaissent les structures actuelles et qui ont lu ce rapport, concluent également. Il s'agit là d'une reconduction, avec un replâtrage superficiel, du régime que nous avons connu. D'ailleurs, la commission l'admet implicitement en disant qu'il ne lui apparaît pas souhaitable de bouleverser le régime actuel.

D'ailleurs, le gouvernement a déjà pris des mesures administratives qui se situent carrément dans le contexte du rapport Martin-Bouchard, en particulier la centralisation, au Conseil du trésor, des négociations, du pouvoir de décision dans les négociations; la marginalisation, non seulement des ministères sectoriels que sont l'Éducation et les Affaires sociales, mais aussi des associations patronales qui entretiennent, traditionnellement, un rapport très direct, un dialogue très immédiat avec ces ministères sectoriels. De la part de ces associations patronales, on sent qu'il sera très difficile de faire préciser son rôle. Il sera très difficile d'avoir, face au gouvernement, une notion très claire de l'endroit où s'arrêtent les responsabilités du gouvernement et où elles commencent.

Il y a aussi, bien sûr, la fameuse question de l'interruption des services essentiels. De ce côté, malgré tous les sparages successifs de l'Opposition péquiste qui a voté pour ce projet de loi à l'Assemblée nationale, qu'elle a désavoué six semaines après à la suite d'une réunion des instances supérieures du parti, qui, après être arrivée au pouvoir a annulé toutes les poursuites, elle s'est lancée dans des déclarations le mois suivant— cela se situe au printemps dernier—disant qu'on irait jusqu'à interdire la grève dans les services essentiels si la santé était menacée.

Le premier ministre et le ministre du Travail de l'époque, M. Couture, ont fait ces déclarations; elles sont consignées au journal des Débats. Après tous ces sparages, il demeure qu'à la lecture du rapport Martin-Bouchard, on se rend compte que c'est sous une autre étiquette, sous une autre modalité, à peine changée, la continuation de la loi 253 et c'est, d'ailleurs, ce qui fait la base de la critique la plus pertinente, je pense, qui émane des centrales syndicales, puisqu'elles n'ont jamais aimé cette loi et elles n'aimeront, d'ailleurs, aucune loi qui prétend régler à leur place la question des services essentiels, dont elles réclament le contrôle exclusif...

Sur tous les plans, que l'on pense au rôle interne des instances gouvernementales, que l'on pense à la question des services essentiels, que l'on pense à la question des associations patronales, on se rend compte que le gouvernement à d'excellentes raisons de ne pas annoncer ses couleurs et de ne pas engendrer un débat public, puisqu'il ne propose à la population du Québec, que la reconduction sous un replâtrage de façade, des situations, des institutions, des structures, des lois que nous avons connues jusqu'à maintenant et dont nous avons éprouvé le caractère, malheureusement, imparfait et cela fort péniblement.

J'espère, M. le Président — je terminerai là-dessus— que le ministre va pouvoir dissiper les doutes sérieux que je viens d'exprimer. Ce sont, bien sûr, pour l'instant, des hypothèses plutôt que des certitudes, puisque le gouvernement a été avare de précisions sur un sujet comme celui-là. Malgré tout, en parlant à différentes personnes, impliquées dans ces milieux, en étudiant avec soin le petit nombre de déclarations sibyllines émanant des membres du gouvernement, c'est la conclusion préliminaire à laquelle on doit en venir.

Le statu quo, sur le plan constitutionnel, une absence d'imagination, une absence de courage de changer fondamentalement le cadre institutionnel et juridique des négociations dans les secteurs public et parapublic et sur le plan des objectifs de la négociation, des propos rassurants, mais vides de sens qui nous font anticiper, peut-être, le règlement à un coût exorbitant de conflits que l'on veut éviter à tout prix en 1979, puisque c'est seulement à ce moment que ces questions en viendront véritablement à leur point critique. On veut éviter à tout prix des conflits en changeant les institutions le moins possible, en étant le plus secret possible quant aux objectifs de la négociation. On pourra faire assumer par les contribuables et par la population du Québec les priorités différentes, tout à fait différentes du gouvernement dans le présent mandat qui est, non pas de régler les problèmes fondamentaux du Québec sur le plan des relations de travail dans la fonction publique et parapublique, mais de préparer un climat propice à d'autres orientations politiques qui sont chères au coeur de tous ceux qui sont membres de ce parti.

M. le Président, j'espère et je fais la demande insistante auprès du ministre de la Fonction publique, si tant est qu'il dispose, à l'heure actuelle.

des réponses à ces questions, de ne pas se perdre dans les détails des démarches et des consultations sur tel ou tel protocole d'entente avec tel ou tel de ses partenaires, des calendriers techniques et des discussions avec ses négociateurs. Ce qu'on attend ce matin, étant donné qu'on n'a que trois heures dans toute l'année pour débattre une question aussi importante, ce sont des réponses à des questions fondamentales et des indications précises; pas simplement des propos soporifiques, des invitations à se fier au paternalisme gouvernemental, comme c'est souvent le cas. Qu'est-ce que vous voulez faire, précisément? (10 h 30)

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre de la Fonction publique.

Réponse du ministre M. Denis de Belleval

M. de Belleval: M. le Président, je reconnais avec le député de Saint-Laurent l'importance du sujet que nous abordons ce matin. Je reconnais aussi, sinon la pertinence des critiques plus ou moins voilées qu'il a faites, du moins la pertinence des interrogations. Nous avons tous raison, tous les parlementaires, d'attacher la plus grande importance aux échéances que nous devrons respecter durant les prochains mois en matière de relation de travail dans les secteurs public et parapublic.

Je voudrais commencer mon intervention tout d'abord en vous exposant très rapidement la situation que nous avons trouvée quand nous sommes arrivés aux affaires — comme on dit outre-atlantique — le 15 novembre 1976, dans cette matière des négociations collectives des secteurs public et parapublic.

Vous vous souviendrez que le précédent gouvernement a duré lui-même six ans et qu'il a affronté lui-même deux rondes générales et difficiles de négociations collectives dans ce domaine. Nous nous serions donc attendus, compte tenu des phénomènes qui s'étaient produits durant ces six dernières années et des difficultés qu'avait éprouvées le précédent gouvernement, nous nous serions donc attendu à trouver une riche matière à réflexion pour nos propres orientations et décisions dans cette matière.

Or, quelle était la situation? Tout d'abord, il n'existait, au sein de l'appareil gouvernemental, aucun organisme central permanent responsable de la coordination et de la direction des négociations de travail dans les secteurs public et parapublic. Aussi étrange que cela puisse paraître, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il n'y avait pas un seul organisme, pas une seule structure identifiable dans l'appareil gouvernemental, structure que j'appelle permanente, c'est-à-dire une direction générale, un service, un directeur général, un sous-ministre ou un sous-ministre adjoint, quelque chose de tangible chargé de coordonner l'action gouvernementale dans ce domaine.

À vrai dire, des personnes sous contrat avaient été chargées d'effectuer cette coordination, en collaboration avec des fonctionnaires et, bien sûr, des ministres; des contractuels, comme on dit vulgairement, avaient été chargés de ces travaux de coordination lors de la dernière ronde qui venait tout juste de se terminer, mais il n'y avait aucune structure permanente.

En matière de recherche, par exemple, sur la rémunération, il existait, au sein du ministère de la Fonction publique, un petit bureau confié à un chef de service chargé de faire des recherches sur la rémunération. Ce bureau avait déjà produit quelques résultats, quelques statistiques qui n'avaient d'ailleurs pas été utilisés lors des dernières rondes. Pourtant, on sait combien il est important, pour arriver à des positions valables sur le plan des offres salariales, de bénéficier de services de bureaux compétents en matière de recherche sur la rémunération, comme toute entreprise d'une dimension comparable à celle du gouvernement, comme toute entreprise de ce genre possède.

Il n'y avait pas non plus de ministre responsable, sur une base permanente, dans la structure gouvernementale, de la coordination, de l'orientation politique, au sens grec du terme, de ces négociations. Un ancien ministre avait été chargé, ad hoc, de coordonner ces négociations lors de la ronde précédente, c'était M. Oswald Parent. Mais aucun ministre n'était identifié comme tel, conformément à une structure permanente gouvernementale, pour coordonner les efforts des différents ministères dans ce domaine.

Il n'y avait pas de projet de loi sur la table, ni d'analyse concrète, à point, sur les réformes à entreprendre, sur les dispositions à prendre, que ce soit en matière administrative, juridique, en matière simplement d'organisation, rien que l'ancien gouvernement ne nous laissait de ce côté. Tout cela après six années de pouvoir et deux négociations qui auraient dû être riches de renseignements et qui auraient dû amener une certaine cueillette de données, et donc, un certain acquis exploitable par la nouvelle administration; rien de cela.

Je ne dis pas ces choses pour refaire le procès de l'ancienne administration, mais tout simplement pour vous donner le contexte dans lequel nous étions quand nous sommes arrivés et pour voir quel défi nous avions à relever.

Dès le début de l'année 1977, cela ne fait pas tellement de temps, nous avons pris un certain nombre de mesures. Tout d'abord, les premières mesures devaient être forcément administratives, puisqu'il n'y avait même pas de responsable clairement identifié dans la structure. Nous en avons d'abord identifié un. Nous avons identifié que le Conseil du trésor devait être responsable de la coordination de ces négociations et du suivi, au jour le jour, des multiples négociations et conventions collectives que le gouvernement doit conclure avec ses employés. D'ailleurs, depuis un an, sinon plusieurs dizaines du moins, plusieurs unités de conventions collectives ont déjà été négociées.

Donc, nous avons identifié le Conseil du trésor comme l'autorité coordonnatrice responsable. Nous avons créé, au sein du Conseil du trésor, un secrétariat spécial qui s'appelle le secrétariat aux politiques de personnel, qui a dû être monté de toutes pièces, qui compte des fonctionnaires compétents dans le domaine, dont certains viennent même de l'ancien ministère du député de Saint-Laurent, d'autres de certaines autres ministères, des fonctionnaires que nous avons regroupés et qui constituent maintenant l'équipe d'appui permanente chargée de conseiller le gouvernement dans l'élaboration de sa politique en matière de relations de travail.

Je pense qu'on reconnaîtra que tout État moderne doit posséder un minimum de ce côté-là et, malheureusement, nous ne l'avions pas, le 15 novembre 1976. Cela a été notre première tâche. Il a fallu recruter les fonctionnaires, et ce n'est pas une mince tâche que de monter de toutes pièces un bureau aussi important dans l'espace de quelques semaines. Nous l'avons fait.

Deuxièmement, nous avons étudié les rapports que les fonctionnaires, dans les différents ministères, en particulier la Fonction publique, les Affaires sociales et l'Éducation, devaient fournir comme évaluation des dernières négociations et arrêté une position pour voir s'il y avait opportunité de réviser les mécanismes législatifs et administratifs qui gouvernent ces négociations.

Finalement, nous avons pris la décision en cette matière de créer une commission d'étude, de façon à obtenir l'opinion de tout le monde, d'obtenir aussi, de la part de personnes compétentes en la matière, grâce à leur jugement impartial, des conseils, un rapport, des recommandations, quant aux réformes législatives à apporter. Cela a été la mise sur pied de la commission Martin-Bouchard.

Nous avons aussi élaboré les fondements, les principes d'une politique salariale. Là-dessus, je dois dire que cela est aussi un travail considérable qui demande un examen attentif, extensif aussi, des différentes politiques qui existent en ce domaine, des politiques qui sont étudiées et utilisées par différents gouvernements, la critique de ces politiques et, éventuellement, l'adoption de nos propres principes.

Nous avons élaboré cette politique salariale et nous avons déjà fait connaître les grandes lignes de cette politique, les deux principes fondamentaux, à savoir que la rémunération des fonctionnaires devait s'aligner pour des tâches correspondantes sur les rémunérations payées dans l'entreprise privée du Québec et, deuxièmement, que ces rémunérations devaient se concevoir globalement, c'est-à-dire traitements, salaires et avantages sociaux et non pas comme trop souvent dans le passé, simplement en termes purement salariaux. Une fois ces principes acceptés, bien sûr, il faut les traduire en chiffres concrets. Cela non plus, ce n'est pas une mince tâche. Le bureau de recherche sur la rémunération dont je parlais tout à l'heure, l'embryon qui existait au ministère de la Fonction publique a donc été transféré au Conseil du trésor. Son envergure a été élargie à l'ensemble des conventions collectives et non pas sim- plement celles de la fonction publique au sens strict, mais celles aussi des secteurs parapublic, hospitalier et éducatif. Les travaux statistiques pertinents ont été poursuivis de façon justement à appliquer concrètement les principes de cette politique salariale. Le travail en cette matière se poursuit actuellement. C'est un travail ardu, complexe, mais qui progresse. Nous avons la certitude maintenant que nous aurons, à brève échéance, les renseignements nécessaires, capables justement de faire ces appariements pour les principaux emplois repères entre le secteur privé québécois et la fonction publique.

En gros, voilà les démarches que nous avons appliquées. Une seule autre, très importante aussi, la reprise de contact avec les associations syndicales et patronales, particulièrement pour ce qui concerne les données statistiques de base qui sont aussi très importantes pour l'élaboration de toute politique salariale et autre dans le domaine.

Dans la fonction publique proprement dite, cet appareil statistique est maintenant complet et les négociations d'ailleurs maintenant se déroulent normalement à partir de cet appareil.

Dans le domaine de l'éducation et des affaires sociales, l'ancien ministre des Affaires sociales sera lui-même en mesure de témoigner des difficultés particulières en matière de statistiques de base dans ces secteurs, mais là encore aussi, nous avons commencé une première série de démarches pour préparer d'un commun accord des données de base sur lesquelles nous pourrions à la fois nous fier, les associations syndicales comme les associations patronales.

En même temps que nous faisions ces démarches, nous continuions aussi à négocier des conventions collectives, dans les cadres juridiques actuels. Je ne voudrais pas revenir sur l'ensemble de ces négociations, sur toutes et chacune de ces négociations, mais je voudrais simplement souligner pour mémoire la négociation avec les policiers de la Sûreté du Québec qui s'est terminée à la satisfaction de toutes les parties, sans recourir à l'arbitrage. Une autre aussi très importante est celle avec les agents de la paix qui s'est aussi terminée d'une façon agréable à toutes les parties, là aussi sans recours à l'arbitrage et en suivant strictement les balises des politiques salariales déjà établies. (10 h 45)

Nous sommes en train de négocier actuellement avec le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec qui a déjà présenté ses offres complètes au gouvernement et le gouvernement lui a déjà soumis ses offres sur le plan normatif. Là-dessus, seulement une petite anecdote: J'ai moi-même participé à l'élaboration du mandat qui nous a permis de déposer ces offres normatives, qui sont très importantes dans le secteur public. On me signalait que j'étais le premier ministre à lire au complet les offres et à participer à l'élaboration des offres normatives qu'on faisait à un syndicat de cette importance, parce qu'effectivement je pense qu'il est extrêmement essentiel et important qu'un ou des ministres suivent, non pas d'une façon éloignée, mais au jour le jour et au

niveau même des contenus, les négociations qui sont en cours. Nous avons même pris la décision d'associer des députés ministériels, par exemple, dans le cadre d'un comité de travail, à l'information, de façon à les informer et de façon à les consulter sur l'élaboration et le contenu des mandats des prochaines négociations et, en particulier, celle des fonctionnaires qui est la plus importante qui se déroule actuellement.

Finalement, en ce qui concerne le rapport Martin-Bouchard, le gouvernement étudie actuellement. En fait, il a terminé son étude, il a terminé l'étude des recommandations de la commission. Il s'est forgé sa propre opinion à la suite des différents mémoires qui ont été soumis à la commission, à la suite des recommandations, et à la lumière des recommandations de la commission elle-même. Je pense que le député de Saint-Laurent reconnaîtra lui-même que, dans ce domaine, et il l'a souligné, qui est un domaine extrêmement difficile, extrêmement compliqué et délicat aussi, où une des conditions essentielles de la réussite est l'élaboration d'un consensus minimal de toutes les parties, le député de Saint-Laurent reconnaîtra que, là encore, il ne s'agit pas d'une tâche qui peut se réaliser dans quelques jours. Nous n'avons mis, quand même, que peu de semaines depuis le rapport du comité pour nous faire une idée.

Les orientations, que nous avons décidé de retenir, seront rendues publiques la semaine prochaine. N'étant pas maître des échéances de cette assemblée et des initiatives de l'Opposition en ce domaine, j'aurais peut-être souhaité pouvoir les déposer ce matin, mais le texte définitif ne sera prêt que durant le cours de la semaine prochaine.

Ces orientations seront donc rendues publiques avant le dépôt d'un projet de loi et donneront lieu à une série de consultations avec les associations représentatives des employés et aussi des employeurs, y compris même le Conseil du patronat qui a manifesté un intérêt à ce sujet, de façon à avoir une dernière réaction avant la présentation formelle d'un projet de loi à l'Assemblée nationale ou de projets de loi, parce qu'actuellement nous envisageons déjà la présentation de trois projets de loi distincts devant justement former le cadre législatif des prochaines négociations collectives.

Il va sans dire que nous espérons présenter cette loi d'ici l'ajournement de juin ou, à défaut, au tout début de la session de cet automne ou de la partie de la session qui débutera vers le 15 septembre, de sorte que le cadre législatif nécessaire sera prêt avant la ronde principale des négociations des conventions collectives qui viennent à échéance en juin 1979, dans le secteur de l'éducation et dans le secteur des affaires sociales.

Nous aurions, bien sûr, souhaité que toutes ces démarches aient pu se dérouler encore plus rapidement et que leur échéance finale se soit produite plus tôt, mais j'ai expliqué tantôt dans quel contexte, de ce côté, nous avions pris les affaires en main et je pense qu'il était difficile d'aller plus vite, compte tenu de l'importance et de la délicatesse du sujet. Dans...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, je vous ferai remarquer que vos 20 minutes sont écoulées. Si vous voulez conclure rapidement.

M. de Belleval: Si vous voulez; si on me le permet.

M. Fontaine: Oui.

M. Forget: Oui.

M. de Belleval: Dans l'intervalle, bien sûr, les négociations en cours se déroulent à partir des cadres existants et là-dessus, justement, en terminant, je voudrais qu'on se rende bien compte— et je pense que le député de Saint-Laurent sera d'accord avec moi là-dessus, pour dire que—que l'encadrement législatif et administratif n'est pas tout dans ce domaine. Il ne faut pas non plus avoir une fixation excessive du côté de la magie des lois qui, d'elles-mêmes, ou même principalement peut-être, nous fourniraient les solutions dans le déroulement de négociations collectives. Je pense que le cadre législatif actuel peut nous permettre de négocier, d'une façon extrêmement efficace, les conventions collectives qui viennent à échéance en juin 1978. D'ailleurs, ce cadre législatif actuel n'a jamais posé de problème particulier en ce qui concerne, par exemple, le syndicat des fonctionnaires. Je ne crois pas non plus qu'il soit de nature, actuellement, à causer des problèmes particuliers ou graves en ce qui concerne le secteur scolaire avec l'Association des enseignants catholiques, ni même avec les infirmières. Je pense donc que, de ce côté, nous sommes en bonne position pour que ces négociations se déroulent rapidement et sans à-coups excessif.

Mais, au-delà des lois—nous reconnaissons quand même qu'il faut qu'il y ait des changements aux lois actuelles et nous l'avons démontré en créant la commission Martin-Bouchard et nous donnerons nos positions là-dessus, comme je l'ai dit, la semaine prochaine — je pense quand même qu'il y a des questions d'attitudes, qu'il y a des questions de formes, qu'il y a aussi une question de crédibilité et de capacité à communiquer clairement ce que l'on met de l'avant comme politique salariale, comme politique de relations professionnelles et je pense que, de ce côté aussi, nous désirons accorder une importance très haute aux gestes que nous poserons durant les prochaines semaines et les prochains mois. De ce côté aussi, c'est à l'usage, sinon à l'usure, qu'on pourra juger véritablement des intentions et de la capacité du présent gouvernement à réussir là où tant d'autres ont échoué. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

M. le député de Nicolet-Yamaska.

Discussion générale

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

Je dois d'abord reconnaître, M. le Président,

que, bien sûr, le ministre de la Fonction publique, en nous donnant une série de mesures administratives que le nouveau gouvernement a prises depuis le 15 novembre 1976, constitue un pas en avant sur ce qui était fait auparavant. Je pense qu'on doit nécessairement tendre à s'acheminer vers un système de négociations permanentes, établir un mécanisme permanent de négociations comme cela a d'ailleurs été prôné par le Conseil supérieur de l'éducation, dans "L'état des besoins de l'éducation", rapport qui nous a été remis hier ou avant-hier, à l'Assemblée nationale.

On disait, notamment, à la page 35: "II s'est avéré extrêmement difficile et périlleux pour l'État, ces dernières années, de concilier son rôle d'employeur négociateur et celui de gardien des droits individuels et collectifs, surtout sous l'empire d'une législation peu appropriée aux relations de travail dans les secteurs public et parapublic." On dit, un peu plus loin: "Les pistes de solutions abordées dans le présent chapitre viseront, entre autres, à mieux situer le rôle de l'État et de ses partenaires dans les négociations." On prône l'établissement d'un système de négociations permanentes.

Les réformes que le ministre nous a annoncées, ce matin, vont vers ce but, mais il reste encore un grand pas à franchir. Je voudrais, ici, apporter certaines remarques sur ce qui s'est fait par le passé et le coût que cela peut apporter à l'État, lorsque ces négociations sont faites par des personnes rémunérées qui sont embauchées en dehors de la fonction publique. Nous avons fait une certaine compilation de ces coûts, à la suite de questions écrites que nous avions posées au ministre à l'Assemblée nationale. En s'appuyant sur les chiffres qui nous ont été fournis, nous en sommes venus à la conclusion qu'il en avait coûté, pour la ronde de négociations de 1975, au-delà de $5 millions au gouvernement du Québec, tout simplement en traitements de personnel recruté à l'extérieur de la fonction publique et autres frais.

Je vous cite rapidement quelques chiffres. La fonction publique, cela exclut aussi le syndicat des agents de la paix de la fonction publique, parce que les chiffres n'étaient pas disponibles, cela a coûté $233 841, au parapublic $220 346; il y avait 14 tables de négociations; aux Affaires sociales, un montant très important, $2 044 077 en différents frais et traitements. Je cite, ici, en traitements seulement $624 829 et seulement en publicité $363 575. Dans le domaine de l'éducation, il y avait 16 tables, cela a coûté $1 560 891, $550 000 en traitements seulement et remboursements aux agents patronaux $592 000. À la table centrale, cela a coûté $906 682. Si on additionne tout cela, cela a coûté $4 966 537 seulement en traitements et autres frais pour le personnel recruté à l'extérieur de la fonction publique. En plus des coûts sociaux que cela peut apporter.

Alors, c'est un coût extrêmement important pour le Québec. Il est important pour le gouvernement actuel, de prendre les mesures nécessaires pour qu'une telle hémorragie de fonds publics ne se répète pas, lors des prochaines négociations. S'il est vrai que le mot d'ordre des prochai- nes négociations, du moins, pour l'État employeur sera de vivre selon ses moyens, il faut que le gouvernement, protecteur de l'intérêt public, prenne ses responsabilités et fasse preuve de modération et de réalisme dans les structures de négociations qu'il nous proposera.

Or, M. le Président, outre ces frais, il faut également considérer que l'expertise qu'ont acquise ces gens qui ne proviennent pas de la fonction publique, leur appartient et que le gouvernement ne la possède pas. Si le gouvernement veut installer un bureau de négociations il devra... aux prochaines négociations, si on n'a pas ce bureau, il faudra recourir à ces gens. Étant donné qu'ils seront considérés comme des experts dans le domaine, je présume que les montants qu'ils vont demander seront encore plus élevés que ceux qu'ils avaient demandés en 1975. Il est très important pour le ministre de la Fonction publique, de continuer le but recherché qui est celui de la mise sur pied d'un système d'expertise qui appartiendra au gouvernement pour lui permettre véritablement, au moins, d'abaisser les coûts de 1975. (11 heures)

Concernant la politique salariale que le gouvernement veut mettre sur pied en disant qu'il veut aligner sa politique sur les rémunérations qui sont payées dans l'entreprise privée, nous sommes bien sûr d'accord sur ce but recherché, mais nous sommes également conscients qu'il sera très difficile, pour le gouvernement, d'atteindre ce but, quand on sait qu'il y a 60 jours de congés payés dans la fonction publique, par année, ou à peu près — si ce n'est pas exact, vous me corrigerez...

M. de Belleval: Avec les vacances.

M. Fontaine: Avec les vacances, oui. Alors, je pense qu'il n'y a aucune entreprise privée qui peut se permettre une telle chose. Si le gouvernement veut véritablement établir cette politique...

M. de Belleval: Le taux est trop élevé, d'ailleurs. Ce n'est pas 60 jours, c'est environ 35 jours en moyenne, 20 jours de vacances et peut-être treize jours de congés fériés. En tout cas, peu importe, c'est un détail.

M. Fontaine: De toute façon, il n'y a aucune entreprise privée qui arrive à payer 35 jours de vacances à ses employés,,en moyenne.

Je pense que si le gouvernement veut véritablement appliquer sa politique salariale, telle que prévue, cela va se traduire dans les chiffres à très peu d'augmentation, sinon presque pas. Cela va être très difficile, pour le gouvernement, de négocier sur une telle base. Je souhaite que chacune des deux parties, avec les expertises qu'elles pourront mettre sur pied, puissent, d'un côté comme de l'autre, mettre un peu d'eau dans leur vin et en arriver à une entente. Pour l'instant, M. le Président, ce sont les remarques que je voulais faire.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, personnellement, j'ai quelques remarques à faire, suite à l'exposé du député de Saint-Laurent. Je voudrais relever et appuyer certains points qui m'apparaissent essentiels et indispensables en fonction des prochaines négociations qui viennent.

D'abord, je considère que le député de Saint-Laurent pose un diagnostic extrêmement sévère, même s'il s'appuie sur certains individus, concernant le rapport Martin-Bouchard. C'est peut-être la première fois au Québec que nous avons une analyse globale de la situation. On s'est permis d'analyser à un moment donné une partie des services essentiels; on s'est permis de porter des jugements épars sur certains points de la négociation, quand, pour une fois, on nous donne une analyse détaillée de tout l'aspect des négociations, autant au niveau des structures, des lignes d'autorité, des concepts de négociation que de l'approche des parties en négociation, ce qui m'apparaît quelque chose de formidable. Personnellement, pour en avoir vécu depuis 1960, je considère qu'au niveau de l'analyse, c'est passablement valable comme document. Bien sûr, on peut diverger d'opinion sur certains mécanismes suggérés, mais, quant à l'analyse, il est difficile de ne pas se ranger derrière le fondement même du rapport. Je considère que c'est là un effort... non seulement un effort, mais des constatations passablement bien ramassées.

Ce qui m'effraie, d'autre part, c'est que, déjà, l'Opposition officielle fait des présomptions sur les éventuelles attitudes ou les éventuelles décisions gouvernementales sans même les connaître. Je prends, par exemple, les propos du député de Saint-Laurent qui dit: Le gouvernement se prépare à faire des concessions majeures, alors qu'il se camoufle derrière des propos rassurants. Personnellement, je trouve cela peu sérieux de la part d'un ancien ministre, et même inquiétant. C'est pratiquement de la provocation. On semble indiquer au gouvernement: Tâchez donc tout de suite de durcir vos positions. Arrangez-vous donc pour courir après les conflits. Arrangez-vous donc pour les casser, chose qu'on n'a pas osé ou qu'on n'a pas été capable de faire. On a essayé, mais on a réussi qu'à se faire casser nous-mêmes et cela nous a coûté la défaite du 15 novembre 1976. Cela ressemble un peu à cela. Personnellement, cela me déçoit parce que le député de Saint-Laurent est considéré, à ce qu'on me dit— naturellement, je ne fraie pas dans la région de Montréal — comme un analyste sérieux dans l'Opposition officielle.

Une telle attitude est plutôt inquiétante, d'autant plus que le parti auquel il appartient, depuis le 15 novembre 1976, se gave de défendre les travailleurs québécois, mais il se produit des fuites à l'intérieur de leurs analyses, puisque déjà, durant la course au leadership, on voyait leur chef en herbe se prononcer, par exemple, contre la grève dans le secteur public, propos irréfléchis car, à mon sens, des droits écrits ou des pouvoirs à l'intérieur d'une législation sont souvent respectés ou non selon les attitudes de la partie qui est en face de l'autre et qui est à la fois législateur et employeur en ce qui regarde les secteurs public et parapublic.

Je trouve ça, à ce stade-ci, passablement inquiétant, parce que, déjà, on voit se dessiner une opposition qui, au lieu de travailler avec le gouvernement en place à bâtir un climat de négociation qui serait des plus propices à un dialogue, à un échange normal, on voit déjà l'alimentation de feux ici et là pour pouvoir dire: Ils ont échoué, avant même qu'on ait commencé à négocier d'une façon concrète.

Je suis heureux que le ministre ait dit qu'au-delà des textes de loi et au-delà des structures de négociation, ce qui comptait, c'étaient les attitudes. C'est peut-être le danger qui guette tout parti au pouvoir, y compris le Parti québécois—on n'y échappe pas plus qu'un autre parti — c'est de consacrer énormément d'énergie, énormément de temps et possiblement créer des foyers d'incendie, uniquement sur les discussions au niveau des structures de négociation.

Pour moi, le secret de la prochaine ronde de négociations réside essentiellement et presque exclusivement au niveau des attitudes des partis. Depuis 1967, depuis l'avènement du bill 25 dans le système des négociations du secteur public, nous avons malheureusement assisté beaucoup plus à des attitudes d'affrontement entre les parties et l'État se doit, à mon sens, s'il veut instaurer ce climat de confiance, ce climat de dialogue, de commencer par donner l'exemple lui-même en tant qu'État québécois, à la fois législateur et employeur.

Ce n'est pas en provoquant les chefs syndicaux, ce n'est pas en essayant de dévaloriser certains secteurs du monde du travail dans les secteurs public et parapublic, en essayant de les rabaisser ou en essayant de provoquer une montée ou une antipathie de la part des autres travailleurs du secteur privé contre les travailleurs du secteur public que tu amènes les gens du secteur public à discuter d'une façon sérieuse, d'une façon réfléchie, à poser des jugements rationnels. En tout cas, c'est mon opinion bien honnête là-dessus. C'est beaucoup plus en travaillant avec eux, en leur ouvrant des portes, en leur montrant les statistiques, clairement, telles qu'elles sont établies, en n'engageant pas avec eux des guerres de chiffres, des guerres de statistiques, en ne payant pas en publicité des pages complètes à des coûts prohibitifs— le député de Nicolet-Yamaska y faisait allusion— en ne dépensant pas des sommes extraordinaires pour essayer de démontrer à l'ensemble de la population québécoise que les travailleurs des secteurs public et parapublic sont des enfants gâtés et qu'il faut absolument les écraser.

Amener des gens à la raison, à leur faire comprendre qu'ils ont un rôle à jouer dans la société et qu'il y a des finances qui existent à l'État, au niveau gouvernemental, et que ces finances doivent être réparties le plus équitablement possible... Ce n'est pas en les provoquant par les journaux, par les media électroniques que tu arrives à assurer un certain dialogue entre les parties en

présence et à faire en sorte que les gens posent des gestes raisonnés et raisonnables.

La question des attitudes en négociation, j'y crois plus que jamais et je crois que c'est peut-être là une des pierres angulaires de la prochaine ronde de négociations, j'espère que là-dessus, le présent gouvernement ne tombera pas dans le piège des gouvernements antérieurs et ne jouera pas le jeu de la provocation, ni le jeu de la pseudo bonne foi par l'intermédiaire des media d'information. Même si on admet tous que la négociation dans les secteurs public et parapublic est une négociation politique, de la politique, cela peut se faire avec un grand "P" et avec un petit "p". Avec un grand "P", cela se fait dans une attitude d'égal, de respect de l'autre partie. Avec un petit "p", cela se fait avec de la provocation, tel que cela s'est fait, en particulier, au cours des six dernières années.

Pour moi, cela sera le point fort de la prochaine ronde de négociations. J'invite à ce moment-là, non seulement notre gouvernement, les gens de notre gouvernement, mais aussi, les Oppositions, à faire de même. Si on profite des périodes de questions, si on profite des périodes de commissions parlementaires qui nous sont offertes, pour tâcher déjà d'indiquer dans quel sens on s'enligne, dans quel sens on veut tout de suite démontrer qu'il faut prendre la ligne dure, si on se permet de faire de la présomption sur les attitudes à venir, comme c'est le cas ce matin, à mon sens c'est déjà dénoter que c'est tellement bien ancré chez nous, ce système de négociations où il faut nécessairement abattre l'autre avant même de commencer à négocier, je serais porté à faire une invitation spéciale aux Oppositions là-dessus, à s'aligner dans le but de contribuer fortement à créer un climat social, un climat de négociation qui sera propice à ces échanges. Je pense que tout le monde y gagne, dans ce sens-là.

En fait, il serait bon de démontrer une ouverture d'esprit digne de parlementaires qui veulent à tout prix éviter les perturbations et faire en sorte que, dans la mesure des capacités de l'État et du gouvernement, on puisse en arriver à trouver un consensus assez général au niveau des négociations.

Pour ce qui est du courage, je peux vous dire une chose, je sais bien qu'on n'a pas de leçons de courage à tirer de l'Opposition officielle. Ce n'est pas à six heures moins dix par un discours contre la taxe de vente, et à huit heures et quart, voter pour un amendement qui dit le contraire, qu'on dénote une grande marque de courage. À ceux qui ont vécu la séance de l'Assemblée nationale hier soir, je pense bien que je n'apprends rien.

M. Forget: On pourra poursuivre le débat là-dessus. Je pense qu'il y a des choses que le député de Joliette-Montcalm pourrait apprendre avec profit.

M. Chevrette: J'en arrive, sur le courage. Déjà, vous venez de faire preuve de courage.

M. le Président, j'achève. On a droit à vingt minutes.

Le Président (M. Boucher): Oui. Vous terminerez à 11 h 19.

M. Chevrette: Vous n'avez pas compté le 30 secondes du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Boucher): Vous terminerez à 11 h 19, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Les attitudes de courage, cela ne se dénote pas en allant à la télévision, en affrontant, en défiant et en descendant tout le monde. Démontrer du courage, c'est s'asseoir, discuter, défendre ses positions d'une façon rationnelle, sans provocation, et être capable d'assumer ses responsabilités avec fermeté quand on en a la conviction, et dans des cadres de relations de travail normales. C'est cela qui est assumer le courage.

J'espère qu'à ce moment-là, si on démontre du courage, de la fermeté, la logique qu'on a su assumer jusqu'à maintenant, de la cohérence dans nos décisions, j'ai la forte impression qu'on pourra dire au député de Saint-Laurent, après la ronde de négociations, que nous sommes tout aussi euphoriques dans nos propos que nous l'étions dans l'Opposition. (11 h 15)

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. Le député de Saint-Laurent avait la parole. Maintenant, j'accepte que M. le ministre de la Fonction publique fasse certaines corrections sur des chiffres.

M. de Belleval: C'est tout simplement, M. le Président, pour mettre les choses dans leur vraie perspective. Le chiffre donné par le député de Saint-Laurent, particulièrement dans le secteur des affaires sociales, était quelque peu apocalyptique. Il pouvait donner l'impression que nous étions engagés dans une négociation extrêmement large, beaucoup plus large qu'elle ne l'est en réalité. Dans le secteur des affaires sociales, nous négocions effectivement, actuellement, avec 22 000 employés et non pas 80 000.

M. Forget: Je n'ai pas dit 80 000.

M. de Belleval: Oui, vous aviez dit 80 000.

M. Forget: Non, je regrette.

M. de Belleval: Ou 60 000?

M. Forget: II y a 60 000 personnes dans le secteur des affaires sociales qui appartiennent à la catégorie infirmières et techniciens.

M. de Belleval: Actuellement, c'est...

M. Forget: Je pense qu'il y en a un certain nombre qui font partie de la CSN, mais c'est un très petit nombre.

M. de Belleval: C'est 22 000, effectivement, le

chiffre réel. C'est le cartel des organismes professionnels de la santé, que vous connaissez bien.

M. Forget: Oui.

M. de Belleval: C'est 22 000 personnes.

M. Forget: Et la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec s'ajoute à cela.

M. de Belleval: J'ai tous les chiffres ici, par sous-section, et cela fait 22 000 au total.

M. Forget: Est-ce que vous avez la fédération là-dessus?

M. de Belleval: Oui, j'ai la fédération, 6700; le SPIC, 11 000 et les autres qui suivent. Pour la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, c'est 6700.

M. Forget: Ils ne sont pas dans le COPS.

M. de Belleval: Ils sont dans la ronde actuellement.

M. Forget: Oui, mais ils ne sont pas dans le COPS.

M. de Belleval: Si vous voulez, mais au total, COPS et FIC, 22 000. D'accord?

M. Forget: D'accord. On ne se chicanera pas sur ces chiffres-là.

M. de Belleval: C'est quand même important de remettre les choses dans ce contexte.

Finalement, en ce qui concerne l'échéancier des négociations en vigueur, comme je l'ai dit, du côté de la fonction publique et de l'éducation, la PACT, les offres complètes seront faites avant l'échéance des négociations en vigueur, c'est-à-dire le 30 juin 1978. Je pense que, de ce côté, si effectivement nous suivons cet échéancier, nous pourrons dire que ce sera une première.

En ce qui concerne le réseau des affaires sociales, un problème temporaire se pose: il est actuellement en période de maraudage, comme vous le savez, dans ce secteur, de sorte que les infirmières elles-mêmes n'ont pu, dans ce contexte, déposer leurs demandes, mais dès que cela sera fait, nous suivrons un échéancier semblable à celui que nous suivons actuellement en ce qui concerne les fonctionnaires et la PACT.

Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous répéter l'échéancier que vous avez donné pour la PACT, si vous en avez donné un?

M. de Belleval: Des offres complètes avant le 30 juin 1978. Déjà, nous avons déposé, comme je l'ai dit, dans le cas des fonctionnaires, des offres complètes du côté normatif. Du côté de l'éducation, des offres partielles seulement ont été faites sur le normatif, mais tout devrait se dérouler d'ici le 30 juin 1978 de façon qu'une offre complète soit faite d'ici le 30 juin 1978.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aurais souhaité avoir tort, M. le Président, quand j'ai fait ces présomptions, que décrivait le député de Joliette-Montcalm, au début de mon exposé. J'aurais bien voulu avoir tort — ce sont des présomptions désagréables à formuler à cause de leurs implications — quand j'ai dit que le gouvernement visait essentiellement, quant au contexte général des négociations, à maintenir un statu quo et que, sur le plan des objectifs de ses négociations, il entretenait le vague de façon probablement délibérée.

Ce que le ministre a dit et les précisions additionnelles qu'a fournies le député de Joliette-Montcalm confirment presque à la perfection ce genre de présomption. Je vais, pour le démontrer, utiliser leurs propres paroles. Le ministre, quand il a parlé de l'encadrement des négociations, sur le plan juridique, sur le plan des structures, a d'abord dit que ce serait conforme au désir de maintenir la situation actuelle avec des remaniements plus ou moins superficiels, que l'encadrement n'était pas tout. C'est logique, évidemment, de diminuer l'importance des structures quand on veut n'y rien changer. Il a dit que, de toute manière, l'encadrement actuel était efficace pour assumer la poursuite des négociations. Quand on parle de l'encadrement des structures et de l'encadrement juridique, on pense à tout l'ensemble des lois et des dispositions administratives avec les associations patronales, la loi 95, même la loi 253, tout cela est un encadrement qui a été jugé par le ministre de la Fonction publique comme efficace.

M. de Belleval: M. le Président, je regrette, vous êtes en train de déformer mes paroles.

M. Forget: M. le Président, le ministre pourra corriger après s'il le veut, mais il reste qu'il est très clair que le ministre a montré qu'il n'avait aucune impatience à modifier le cadre, qu'il n'y attachait pas trop d'importance...

M. de Belleval: C'est une phrase hors contexte, seulement le bout de phrase qui fait votre affaire. C'est de la malhonnêteté intellectuelle de faire ce que vous faites actuellement.

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, vous pourrez corriger immédiatement après.

M. de Belleval: C'est indigne de votre ancien poste, vous n'avez pas le droit de faire cela. Ce que j'ai dit, j'ai parlé de...

M. Forget: M. le Président, j'ai le droit de parole dans le moment. Le ministre montera sur ses grands chevaux quand ce sera approprié.

M. de Belleval: D'accord, je reviendrai là-dessus.

M. Chevrette: J'en appelle au règlement, s'il vous plaît!

Le Président (M. Boucher): Oui. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Vous dites qu'on peut corriger quand il y a des faussetés d'affirmées, sur-le-champ...

M. Forget: L'article 96 dit après que j'ai terminé.

M. Chevrette: Je parle au président, M. le député de Saint-Laurent. Je comprends que vous ayez beaucoup de pouvoirs, mais pas celui de président de commission. D'accord? Quand il y a des faussetés d'affirmées — je vous demande une directive— et qu'on laisse sortir et peut-être perdre du temps précieux à la commission sur quelque chose qui est faux, par un appel au règlement, n'y a-t-il pas lieu de rectifier les choses sur-le-champ pour permettre au député de Saint-Laurent de se replacer dans la bonne voie et d'être constructif pour la commission?

M. Forget: Article 96, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): II n'y a pas de question de privilège. En fait, vous pourrez rectifier par la suite. M. le ministre aura sûrement l'occasion de le faire. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, ces tentatives pour essayer de museler l'Opposition, quand on appelle les choses par leur nom, ne nous impressionnent pas. Il reste que le député de Joliette-Montcalm lui-même, quand le temps est venu de prendre la parole, a fait l'éloge du rapport Martin-Bouchard à titre d'analyse. Il a dit: C'est une analyse remarquable. Bien sûr que c'est une analyse remarquable. Je ne sais pas jusqu'à quel point le gouvernement doit se sentir obligé de commanditer des analyses académiques sur la situation actuelle, quelques valables qu'elles soient, mais il reste que des professeurs d'université auraient pu faire cette description qui ne nous apprend rien de neuf, mais qui la place dans un contexte de cohérence, de description et d'analyse, sans aucun doute, dont nous reconnaissons l'intérêt pour les fins de l'enseignement, des relations de travail dans le secteur public, mais qui, sur le plan des recommandations, n'entraîne aucun bouleversement radical.

D'ailleurs, le gouvernement savait ce qu'il faisait lorsqu'il a nommé des gens qui ont une sympathie notoire pour le gouvernement et le parti au pouvoir. Il savait très bien qu'il pourrait parler à ces gens et qu'il obtiendrait dans leurs recommandations à peu près ce qu'il voulait entendre, c'est-à-dire que la situation actuelle n'était quand même pas si mal, pourvu qu'on change les mots embarrassants, qu'on enlève les symboles, mais seulement les symboles, pas nécessairement les réalités. Qu'on abolisse la loi 253, je le veux bien, mais qu'on la réintroduise par la porte d'en arrière dans le Code du travail, avec des modalités superficielles différentes, mais avec le même genre d'effet et le même genre de mécanisme que, d'ailleurs, la commission Martin-Bouchard juge un mécanisme parfaitement rationnel et efficace, qui n'a pas eu d'effet valable en 1976 à cause de circonstances de temps et de personnes, mais qui est repris dans son essence par la commission...

C'est une illustration de ce que je disais au départ, que le gouvernement— il serait aussi bien de l'admettre plutôt que de faire un combat d'arrière-garde là-dessus — juge que le cadre légal et institutionnel des négociations dans le secteur public et parapublic est essentiellement celui qu'on devrait conserver, qu'il n'a pas l'intention de faire de bouleversement. Ma foi, si c'est son opinion, pourquoi ne pas le dire franchement plutôt que de laisser soupçonner qu'en changeant les mots, on va changer quoi que ce soit? C'est une position qui est probablement défendable puisqu'il l'adopte. Il devrait la défendre plutôt que de protester et de dire: Non, on va faire des grandes réformes. Il va faire des grandes réformes, une fois que la négociation sera à moitié achevée, ou à moitié entamée du moins. Ce n'est pas un climat ou un contexte ou un moment qui est propice aux réformes. C'est pourquoi je disais au départ que le temps qui était disponible pour faire des réformes fondamentales dans le cadre institutionnel, dans le cadre juridique, est passé, malheureusement. Que le ministre nous dise qu'il s'est livré à un certain jeu de bloc administratif lors de son arrivée et lors de l'arrivée de ses collègues au gouvernement, cela, tous les gouvernements le font et ils ne prennent pas de grandes plates-formes pour s'en vanter. Même si le gouvernement actuel crée un service, soi-disant permanent, de négociations, il y aura bien un autre gouvernement, éventuellement, qui jugera que ce genre de mécanisme n'est pas celui qu'il veut avoir et il le modifiera à son tour. Tous les gouvernements successifs font cela et quand un ministre arrive et dit: On a fait du recrutement... D'ailleurs, dans la fonction publique, dans une grande partie, les ressources humaines dont il se sert étaient déjà là, peut-être avec d'autres titres et sous d'autres chapeaux, mais ce sont substantiellement les mêmes ressources qu'il utilise pour sa négociation. Cela ne prend pas des mois pour faire cela. Il y a bien d'autres gouvernements qui ont agi sur la matière qui tombait sous leur responsabilité, en même temps qu'ils faisaient des réformes administratives qui n'intéressent d'ailleurs personne. La convenance des ministres et les goûts personnels, quant aux structures, ce n'est pas un sujet qui devrait distraire cette commission de son objet principal.

En plus de cela, le ministre se vante d'avoir lu la convention collective; mon Dieu, tant mieux pour lui, M. le Président. Mais je puis lui donner l'assurance qu'il y a des précédents à cela et qu'il n'a pas inventé la roue en lisant la convention collective. J'ai lu quelques conventions collectives, j'en ai même négocié, j'ai participé moi aussi à

cela et je n'ai pas fait de conférence de presse pour dire que j'avais négocié ou que j'avais lu la convention collective.

M. Chevrette: Cela a du bon, cela vous permet de le faire aujourd'hui.

M. Forget: M. le Président, ce qu'il y a de plus sérieux, c'est cette insistance sur les attitudes. Quand on parle d'attitudes au lieu de parler du contenu, j'ai un peu l'impression qu'on veut prendre les salariés des secteurs public et parapublic pour des imbéciles. C'est très gentil le contenu c'est-à-dire les attitudes: On va être gentil, on va être crédible, on va être ouvert, on va avoir un bel esprit, on va avoir, comme disait le ministre, une capacité de communiquer clairement ses objectifs. C'est très joli, mais, en fin de compte, ce que les syndiqués, qui ne sont pas tous des imbéciles en dépit de ce qu'on semble supposer de l'autre côté, vont vouloir savoir, c'est combien d'augmentation ils vont obtenir, quelle est l'augmentation et l'amélioration de leurs conditions de travail.

Quand on touche ce sujet, M. le Président, tout ce à quoi on a eu droit, ce sont des platitudes du genre que les rémunérations, dans le secteur public, devraient être alignées sur les rémunérations dans le secteur privé. Or, cela n'a aucune espèce de signification concrète, si on ne précise pas, dans le même souffle, quel est le genre d'alignement et comment il va se faire. Est-ce que si, par exemple, on se retrouve dans une situation donnée, on ne recommence pas à zéro? Il ne s'agit pas d'inventer la rémunération de la fonction publique. On part d'un régime où il y a un rythme de croisière qui est défini par les conventions collectives, un rythme de croisière qui dépend, par exemple, d'une clause qui permet d'intégrer, dans les échelles de salaires, l'indexation, la hausse du coût de la vie et cela, année après année, produit une amélioration, au moins dans les taux nominaux de rémunération. Si, à un moment donné, on se rend compte que, pour telle ou telle classification, à cause des appariements qu'on a faits avec des emplois comparables dans le secteur privé, ce taux nominal, dans la fonction publique, est de 5%, 10% ou 15% trop élevé? Qu'est-ce que cela veut dire l'alignement sur le secteur privé? Cela peut vouloir dire, à ce moment-là, n'importe quoi. Si on essaie de faire l'alignement à 100% à l'intérieur d'une même année, cela veut dire un conflit considérable et fort compréhensible, cela veut dire une baisse brusque dans le pouvoir d'achat. Si, d'un autre côté, le gouvernement dit: Oui, on va amortir cela sur une période de 25 ans; là on peut aligner n'importe quoi sur n'importe qui, et personne ne s'en rendra même compte, ce sera une fraction de 1% par année.

Alors, les implications de tout cela, le conflit inhérent, dans l'imprécision dans laquelle on demeure entre un principe d'intégration dans les échelles d'indice d'augmentation du coût de la vie et un critère de référence externe à la fonction publique qui, lui, n'évolue pas nécessairement en fonction du coût de la vie, c'est une contradiction de base dans la détermination des conditions de travail dans la fonction publique, à moins que le gouvernement nous dise comment il va concilier cette contradiction. S'il y a des écarts décelés par un bureau de recherche sur la rémunération, sur quel nombre d'années il va amortir ces écarts? Est-ce qu'il va y avoir une symétrie parfaite quand les écarts sont vers le haut et quand les écarts sont vers le bas? Toutes ces précisions vont définir le contenu de ses offres. Il n'est pas nécessaire d'avoir 500 000 fonctionnaires pour définir cette politique salariale.

Il va falloir, premièrement, que le gouvernement adopte un certain nombre de principes directeurs, parce que s'il ne les donne pas à ses fonctionnaires, ceux-ci vont calculer 25 000 scénarios possibles et cela va prendre trois ou quatre ans avant d'avoir des chiffres. Il va falloir que le gouvernement, avant même d'avoir des chiffres, avant même de donner des commandes aux fonctionnaires qui doivent préparer les offres salariales, prenne un certain nombre d'orientations majeures. (11 h 30)

Est-ce qu'il veut un alignement des rémunérations instantanées? Est-ce qu'il veut un alignement en fin de siècle? Est-ce qu'il veut un alignement sur la période de la convention collective? Ce sont des choses qu'il doit trancher. Ce sont des choses auxquelles tous les gouvernements successifs, n'en déplaise au ministre actuel, ont été confrontés et qu'ils ont dû régler d'une façon ou d'une autre en faisant un arbitrage quelconque, mais c'est justement ce genre de contenu-là un peu plus concret— pas des banalités, pas des généralités— que vont regarder les syndiqués et certainement les analystes qui travaillent pour les centrales syndicales.

Ce ne sont pas des fous, ces gens. Ils ne se contenteront pas de déclarations de principe générales. C'est ce côté-là qu'on aimerait voir plutôt qu'une philosophie sur les attitudes et la crédibilité du gouvernement. Vous allez voir ce qui en reste de la crédibilité du gouvernement, si vous n'arrivez pas avec des propositions articulées et complètes. De ce côté, M. le Président, cela confirme l'autre...

M. de Belleval: ...

M. Forget: ... volet de ce que je disais. Non seulement c'est l'immobilisme sur le plan des structures et du cadre juridique... peut-être est-ce ce qu'il nous faut, l'immobilisme. Si le gouvernement est prêt à argumenter de ce côté, on est bien prêt à écouter ses argumentations, mais de grâce, qu'il ne se cache pas derrière toutes sortes de procédures, de consultations secrètes, de décisions à prendre un jour, peut-être, de lois qui vont venir changer les mots des rubriques des projets de loi, sans vraiment changer rien de substantiel dans les mécanismes eux-mêmes.

Du côté des contenus, qu'il nous donne quelque chose de précis. À défaut de nous donner quelque chose de précis et de se rabattre sur sa crédibilité, et son attitude, et son préjugé favora-

ble aux travailleurs, et tout ce qu'on veut, il confirme la notion que j'ai exprimée au début: l'on veut rassurer l'opinion publique en disant: Écoutez, on tient compte de l'intérêt des contribuables, on va être bien gentils, on va vouloir la justice sociale pour tout le monde, on ne veut pas que notre fardeau fiscal augmente.

On est pour la vertu, dans le fond, mais quand on donne des précisions, on en donne le moins possible, en se laissant le maximum de portes ouvertes. Au nom de la largeur de vues, de l'attitude, comme dit le député de Joliette-Montcalm... L'attitude, cela vaut combien dans l'opinion du gouvernement? Combien est-il prêt à faire payer aux contribuables pour garder cette belle attitude jusqu'à la fin? C'est cela qu'on voudrait savoir. Il me semble que c'est un minimum.

M. le Président, je n'insisterai sur les aspects de tendances qui ont été soulevés par le député de Nicolet-Yamaska dans son intervention et dans son communiqué. Toute cette question de savoir s'il doit y avoir des services permanents intégrés au fonctionnarisme pour la préparation et surtout la poursuite de la négociation ou si cela doit être laissé à des contractuels, c'est une question qui nous éloignerait de notre sujet, mais je veux en dire un mot puisque l'Union Nationale semble en avoir fait le point principal de ses remarques.

Il y a ici le risque de recommencer l'histoire. Il y a déjà eu un ministère de la Fonction publique qui avait passablement de responsabilités à cet égard. Tous ceux qui ont vécu l'expérience humaine extrêmement éprouvante des négociations et surtout l'impact des interventions politiques inévitables — justement pour les raisons de sauvegarde d'images, d'attitudes, de paix sociale et tout ce que vous voudrez, qui interviennent dans le règlement final d'un conflit — savent combien il est périlleux pour des fonctionnaires qui ont la sécurité d'emploi et la permanence de s'impliquer dans la négociation comme telle, parce qu'ils risquent d'y perdre leur crédibilité et toute possibilité de servir efficacement dans leurs fonctions au-delà d'un terme, au-delà d'une négociation, puisqu'il y a des revirements, il y a des changements d'idée, etc. On sait combien cela peut être difficile, lorsque des fonctionnaires se sont identités pendant des mois dans une négociation à une politique salariale, à certains points précis, de tout à coup se voir renverser par leur patron politique, dont c'est évidemment le rôle aussi, puisqu'il ne s'agit pas de critiquer personne.

L'expérience ayant été faite une fois. Elle est bien connue dans la région de Québec par tous ceux qui, soit dans la fonction publique ou au niveau du personnel politique, ont vécu ces expériences. Ils en sont venus à la conclusion qu'il fallait protéger, justement, le personnel permanent de la fonction publique en donnant à des contractuels les postes les plus exposés à ce genre de revirement et d'intervention du Conseil des ministres ou du premier ministre. C'est ce qui a amené, effectivement, un personnel temporaire, mais expert des relations de travail. Il n'y a pas de monopole gouvernemental là-dessus et, d'un autre côté, cela ne grève pas les budgets pendant les deux ou trois ans où il n'y a pas de négociation.

Imaginons un service de négociations où il y aurait une centaine de fonctionnaires. Cela coûterait très facilement, il s'agit de faire un calcul rapide, plus que le total qui a été payé pour l'expertise externe, d'autant plus que les salles de réunion, les différents autres services qui sont requis dans ce cas-là le seraient également dans un régime permanent. Ce n'est pas du blanc et noir.

Il y a bien des façons de considérer cette question et j'aimerais qu'au moins, lorsqu'on en discute, ce soit en termes d'alternatives qui ne soient pas en blanc et noir, mais qui soient des variantes, des modalités entre lesquelles on puisse choisir, certainement pas seulement pour des raisons financières. Il y a beaucoup plus de dimensions dans ce choix-là que la simple question financière.

M. le Président, ce sont des hors-d'oeuvre que tout cela. L'essentiel, c'est: Qu'est-ce que le gouvernement va faire. On n'est pas beaucoup plus avancés sur le plan des contenus après une heure et demie de débats, mais on est quand même un peu plus confirmés dans nos hypothèses, à savoir qu'on n'a pas grand-chose de différent comme contexte général des négociations. Cela a été jugé généralement efficace.

Le ministre va dire: C'est cité hors contexte. Je le sais, il se prépare à faire une intervention en disant: Non, on a dit: C'est bon dans le moment, seulement pour les négociations avec 75 000 ou 100 000 travailleurs. Cela va faire pour cela. Évidemment, quand on va en venir aux vraies négociations de 1979, il va falloir faire des choses différentes.

Si c'est bon pour 75 000 travailleurs cette année, pourquoi ne le serait-ce pas pour les 125 000 ou 175 000 autres, l'an prochain? Ce n'est pas une question de date. Si on a dit que c'était suffisant, que cela peut faire, cela pourra faire probablement l'an prochain. De toute façon, même si on adoptait à 100% les recommandations du rapport Martin-Bouchard, on n'aurait rien de véritablement différent.

J'ai personnellement hâte, M. le Président, de voir ce que le gouvernement va faire dans le domaine des services essentiels. Le problème des services essentiels va être soulevé, non pas l'an prochain, mais cette année. Qui d'autre, dans le secteur des affaires sociales, peut soulever le problème de la continuité des services essentiels que les infirmières et les techniciens dans les hôpitaux? Le reste de la négociation, dans les affaires sociales, qui va venir en 1979, concerne les employés de soutien. Je pense qu'on peut faire quelques jours dans un hôpital sans l'entretien ménager et même sans le personnel des cuisines, étant donné qu'on peut, malgré tout, trouver des contractuels pour le faire pendant un certain temps, en plus des cadres et des autres. Cela s'est déjà fait. Mais quand les infirmières et les techniciens ne sont pas là — et le problème va se poser dès cet été ou l'automne prochain — quand on sera prêt à négocier et quand cela en viendra à la

période critique, c'est véritablement dans ce contexte-là qu'on va avoir à éprouver une nouvelle fois les anciens mécanismes, si on ne les change pas. Je vois mal comment on pourrait les changer d'ici le 23 juin, étant donné que les lois ne sont pas déposées et qu'il est encore censé y avoir des consultations secrètes entre le ministre et un certain nombre d'associations d'ici le dépôt des projets de loi.

M. de Belleval: Qui a dit secrètes? D'où vient le mot "secrètes "?

M. Forget: Elles ne seront certainement pas publiques, puisqu'il n'y aura pas de commission parlementaire.

M. Chevrette: C'est votre facilité de présomption.

M. Forget: Est-ce qu'on va être invité? Est-ce que la presse va être invitée à ces rencontres entre la CSN et le ministre? Est-ce que cela va être public?

M. de Belleval: Qu'est-ce que vous en savez? Pourquoi dites-vous que ce sera secret? C'est votre mode de fonctionnement.

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Est-ce que vous vous engagez à les rendre publiques? Est-ce qu'elles ont été publiques jusqu'à maintenant les rencontres que vous avez eues avec les syndicats sur ces questions-là?

M. de Belleval: Si vous avez lu la déclaration que j'ai faite hier, vous verrez que c'est marqué public dans la phrase que j'ai prononcée. Vous dites "secrètes". C'est sérieux, cela? Ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas de la rigueur intellectuelle que de lancer des mots comme cela. Vous lancez n'importe quel mot.

M. Forget: Dans les journaux d'hier, vous avez dit qu'il n'y aurait pas de commission parlementaire. Si vous voulez le faire en public, faites-le donc en commission parlementaire.

M. Chevrette: II l'a dit hier.

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: II a dit hier qu'il n'y en aurait pas.

Le Président (M. Boucher): Si vous voulez terminer votre intervention, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je répète ce que j'ai dit. Plus les représentants, les porte-parole du gouvernement parlent, plus ils nous confirment dans la notion que, sur le plan des structures, sur le plan du contexte juridique et administratif, on va avoir exactement la poursuite, la continuation de ce qu'on a connu dans le passé.

S'ils pensent que c'est la meilleure option, qu'ils la défendent publiquement, qu'ils disent pourquoi ils souhaitent qu'il en soit ainsi. Quant à nous, on a encore des questions qui se posent de ce côté-là. On n'est pas sûr que ce soit bien de poursuivre dans la continuité du passé. L'expérience nous a enseigné quelque chose. Il nous semble qu'elle devrait enseigner quelque chose au gouvernement actuel.

Sur le plan des contenus, ce n'est pas suffisant de parler de rémunération alignée sur le secteur privé, cela ne veut strictement rien dire. C'est une déclaration de principe sans contenu réel. Si c'est là-dessus qu'on veut se tenir pour proclamer ensuite qu'on a une attitude ouverte et qu'on est capable de communiquer etc., on prépare aux contribuables des surprises. On prépare aussi aux syndiqués des surprises; finalement, cela peut aller dans un sens ou dans l'autre, selon que le gouvernement, comme l'an dernier, se trouve dans une phase de conservatisme financier excessif. On va donner une "ride " aux syndiqués des secteurs public et parapublic ou si on se trouve cette année dans un autre contexte expansif, alors on va avoir une conséquence différente du côté des contribuables.

Mais dans un cas comme dans l'autre, de toute façon, il me semble que ce serait normal que le gouvernement dise précisément ce qu'il veut faire plutôt que de se faire du "grand standing " sur son attitude et son ouverture d'esprit. On n'est pas convaincu qu'il y a une ouverture d'esprit et qu'il y a une bonne attitude. On voudrait être convaincu avec des chiffres, avec indications précises.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre de la Fonction publique.

M. de Belleval: M. le Président, je suis extrêmement déçu, parce qu'au tout début de cette séance, j'avais personnellement reconnu la pertinence du débat d'aujourd'hui et la pertinence même des questions du député de Saint-Laurent. Je ne conteste pas son droit, par ailleurs, de faire des critiques, mais je ne suis pas obligé d'être d'accord avec ses critiques. Il a droit aussi de faire des critiques.

Le problème, c'est qu'à un moment donné, le député de Saint-Laurent, ce n'est pas le premier exemple que j'en ai, dans ses argumentations, a toujours cette espèce de propension à faire des procès d'intention, à utiliser des procédés qui relèvent de la malhonnêteté intellectuelle, je regrette d'être obligé de le répéter. Il prend...

M. Forget: ...

M. de Belleval: D'ailleurs, vous avez senti vous-même que j'avais un bon point. Dans votre intervention, vous êtes revenu en disant: Le minis-

tre, évidemment, va revenir en disant qu'il a parlé seulement des premières négociations. Vous avez reculé à la fin de votre intervention, parce que vous avez senti que j'avais touché juste. Quand j'ai dit que le cadre juridique actuel, le cadre législatif actuel était suffisant, à première vue, pour les négociations en cours, j'ai pris aussi la précaution de dire — on relira le journal des Débats—qu'indépendamment de ces négociations à court terme, le cadre législatif était une chose importante, qu'il était particulièrement important pour les négociations de 1979.

La preuve d'ailleurs qu'on trouve que c'est important, c'est qu'on a créé une commission d'enquête là-dessus et nous allons, indépendamment des procès d'intention du député de Saint-Laurent, faire connaître notre intention, nous allons déposer des projets de loi reflétant ces intentions, de façon à réviser le cadre législatif en vigueur. Donc, on pense que le cadre législatif en vigueur doit être refait et que c'est important qu'il le soit.

Maintenant, il n'y a pas que le cadre législatif en vigueur et ce n'est pas, je pense, excessif que de dire qu'indépendamment des cadres législatifs, les questions d'attitude sont aussi importantes. Mais ce n'est pas parce qu'on dit ça qu'il faut dire: Le ministre vient de dire qu'au fond il n'y a rien là. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait rien là, au contraire.

Maintenant, cela étant dit, vous arrivez et vous dites que c'est un simple jeu de blocs. Le ministre est arrivé et, comme tous les ministres, il change les blocs de place. Je pense qu'il faudrait que vous ayez aussi l'humilité de reconnaître que lors des dernières négociations, un des principaux points d'achoppement du déroulement correct des négociations a été la désorganisation de votre jeu de blocs où il n'y avait personne de responsable de la coordination des négociations collectives et qu'en particulier, les chicanes de chapelle entre ministres...

M. Forget: C'est vous qui vous réclamez d'honnêteté intellectuelle, c'est beau!

M. de Belleval: ... et du côté des affaires sociales, vous êtes un des ministres, oui, vous êtes un des ministres responsables du fait que, lors des dernières négociations, il y avait complète désorganisation et incohérence dans la partie patronale. En particulier, je vais donner l'exemple des négociations avec les fonctionnaires où, après avoir engagé les négociations dans le domaine normatif et dans les plans de carrière, après avoir presque conclu complètement ces négociations dans ce domaine, les syndiqués ont dû attendre sept autres mois ensuite avant d'avoir des offres salariales valables, parce que la partie patronale ne savait pas quelles offres salariales cohérentes faire d'un secteur à l'autre. Parce qu'on sait très bien que les offres qu'on dépose dans un secteur ont de l'importance sur un autre secteur.

M. Forget: M. le Président, je vais invoquer moi aussi l'article 96 après la fin des remarques du ministre.

M. de Belleval: Ce n'est pas juste une question...

Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le député de Saint-Laurent.

M. de Belleval: ... de jeu de blocs, c'est extrêmement important quand on sait que les salaires que l'on paye à un employé de soutien au sein de la fonction publique doivent avoir une certaine relation avec les salaires que l'on offre pour les employés de soutien du domaine de l'éducation ou des affaires sociales. (11 h 45)

II me semble que c'est la simple logique qui dit qu'il faut qu'il y ait au moins, dans votre jeu de blocs, un coordonnateur permanent chargé de faire toute cette coordination; sinon, vous allez vous en aller dans toutes les directions. À un moment donné, quelqu'un va peser sur le bouton de panique et il va falloir tout arrêter, dans un secteur ou dans l'autre, avant de refaire cette position cohérente, parce qu'il y a un gouvernement, il n'y en a pas trente.

Cela a été une des raisons importantes pour lesquelles il y a eu des difficultés dans le passé. En fait, il n'y a jamais eu un organisme ou un ministère qui a voulu prendre cette responsabilité, parce qu'on sait que, politiquement, c'est un cadeau empoisonné que d'être obligé de coordonner toutes ces choses, d'autant plus que chaque ministre, dans son secteur, est jaloux de ses prérogatives et qu'effectivement cela cause, en plus, des problèmes de communication interpersonnelle. Le député de Saint-Laurent a vécu cela lors des dernières négociations. Je pense qu'il devrait reconnaître que ce n'est pas juste une question de jeu de blocs, mais c'est quelque chose de très important, cet aspect-là des choses.

Je suis certain aussi que Mme le député reconnaîtra combien c'est important, parce que, elle-même a vécu des négociations, elle a vécu toutes les difficultés à l'intérieur d'une partie patronale, à l'intérieur même de la Fédération des commissions scolaires, entre la Fédération des commissions scolaires et le ministre de l'Éducation, et ensuite, entre le ministre de l'Éducation et qui, au gouvernement? C'est très important, ces jeux de blocs.

Là encore, je reconnaîtrai que ce n'est pas juste une question de jeu de blocs. La question, là encore, des relations interpersonnelles, des attitudes, est aussi très importante. Je pense que ce qui me choque, au fond — et j'admets que ce n'est peut-être pas classique pour un ministre de réagir comme cela— c'est l'espèce d'esprit de géométrie avec lequel le député de Saint-Laurent semble toujours considérer ce débat et essayer de rétrécir les enjeux. Il sait très bien que ces enjeux sont multiples, sont complexes, sont délicats, et que c'est toute une machine qu'il faut ajuster. Parfois, ce sont des jeux de blocs; parfois, ce sont des lois et, parfois, ce sont des attitudes. C'est tout cela ensemble qu'il s'agit d'ajuster. Il n'y a pas de formule magique pour cela.

Quand vous parliez des négociations en cours, faisons la décortication des négociations

en cours pour 1978. Il y a 40 000 fonctionnaires, le cadre législatif pour ces 40 000 fonctionnaires n'a jamais posé de difficultés dans le passé. Il y a des clauses pour la négociation des services essentiels dans les lois existantes, cela fonctionne. Le rapport Martin-Bouchard lui-même reconnaît que, dans ce domaine, il y a peu de changements à apporter. Et cela, c'est le gros bloc, c'est 40 000 personnes. Ce n'est tout de même pas à cause de l'APACT, ce ne sont pas les problèmes de négociations avec les enseignants anglo-catholiques qui font qu'il va falloir tout bouleverser le cadre législatif. Je pense bien que vous allez reconnaître cela de bonne foi. C'est beaucoup plus dans la grande négociation de 1979, avec l'ensemble de la Centrale de l'enseignement du Québec et des commissions scolaires, que se pose véritablement le problème de l'organisation, de l'information au public, toutes ces questions qui ont été soumises à l'attention de la commission Martin-Bouchard et sur lesquelles elle nous fait des recommandations.

De la même façon, dans le domaine hospitalier, ce n'est pas avec 22 000 infirmières dispersées entre une quinzaine de syndicats dont certains ne comptent que 300 membres, dans un certain nombre d'hôpitaux, ce n'est pas pour ces 22 000 personnes que tout le problème des négociations collectives se pose, dans son ensemble, dans la fonction publique et parapublique.

Je ne pense pas que ce soit irrationnel de dire que, dans le contexte actuel, il y a moyen de fonctionner. Maintenant, à plus long terme, pour 1979, c'est vrai qu'il faut changer des choses et nous allons le faire.

Maintenant, est-ce qu'il est trop tard? Là-dessus, c'est sûr que, si on procédait comme la dernière fois et qu'en plein milieu d'une négociation, à la veille de l'ajournement de Noël, on présentait une loi sur les services essentiels, comme vous l'avez fait la dernière fois, je pense que là, effectivement, il serait trop tard. Vous avez donné vous-mêmes l'exemple d'une action qui arrive trop tard.

Je ne veux pas recommencer le procès. Il a été fait par la population, le 15 novembre dernier. Je veux juste placer les choses dans leur contexte. Or, si nous arrivons avec une législation d'ici la fin de juin, ou au début de septembre prochain, nous serons quand même dix mois avant l'échéance de la convention collective de 1979. Si vous pensez qu'il est trop tard, je me dis que ce sera encore mieux de l'avoir fait plus tôt. Là-dessus, si j'avais eu plus de dossiers en arrivant, je pense qu'on aurait peut-être pu accélérer les choses, mais il y a tout un processus de mûrissement qu'il fautfaire, créer des commissions, entendre des gens.

Je pense que là-dessus, vous allez admettre que le gouvernement ne peut pas arriver et présenter un projet de loi tout casqué, sorti de la cuisse de Jupiter et dire: Voyez-vous, on a trouvé la solution. Il y a des mécanismes normaux de discussions dans notre société qui prennent du temps. Je pense qu'on n'a pas perdu vraiment beaucoup de temps dans ce domaine.

J'admets que vous avez raison de tirer la clo- che d'alarme, que vous disiez: Ne perdez pas de temps, parce qu'il ne faut pas en perdre effectivement. Mais je pense que c'est un peu gros de dire qu'il est déjà trop tard et ensuite votre attaque sur le rapport Martin-Bouchard.

Nous allons dire, la semaine prochaine, ce que nous en pensons effectivement, mais de dire qu'il s'agit d'un rapport de professeurs d'université, je pense que cela démontre encore une espèce de parti pris pour rétrécir à la fois les gens et les choses, quand on sait qu'il s'agit d'un ancien sous-ministre du ministère de l'Éducation qui a négocié lui-même passablement de choses. De la façon dont vous le disiez, c'était péjoratif. Très certainement, je pense que c'est ainsi que je l'ai senti et que tout le monde l'a senti. Ce n'est pas un rapport de professeurs théoriciens. On aurait pu prendre des professeurs d'université dans le sens qu'on aurait pu prendre des théoriciens. On a pris des praticiens, des gens qui connaissaient bien le domaine, je pense, et qui ont fait des suggestions extrêmement réalistes et susceptibles d'améliorer les choses.

À part cela, qu'est-ce que vous avez fait, pendant six ans que vous avez été... Avez-vous des solutions à nous apporter? Vous avez écrit dans les journaux, dans Le Devoir, à un moment donné, il y a quelques mois. Est-ce qu'on a vu quelque chose? Vos réflexions à vous qui avez pratiqué ces négociations collectives et qui avez lu, paraît-il, des négociations collectives pendant que vous étiez fonctionnaires sans doute, tant mieux, où sont-elles là-dessus, vos réflexions profondes, vos suggestions de modifications...

M. Forget: Vous ne les avez pas lues?

M. de Belleval: ... importantes ou autres? Vous n'avez rien fait. Vous n'avez rien à nous proposer, même pas ce matin, ni il y a un mois, ni il y a six mois. Vous êtes un des principaux artisans de ces phénomènes.

Je me dis: Un instant! Je veux bien que vous me mettiez une paille dans l'oeil, mais il faudrait voir la poutre que vous avez à charrier, compte tenu des responsabilités qui ont été les vôtres. Et, ensuite, cette méchanceté ultime: Ils ont choisi des gens amis du parti au pouvoir à qui ils pouvaient parler au moment où ils rédigeaient leur rapport. Je pense que cela donne le fond, l'abîme où on peut s'écrouler quand finalement c'est le procès d'intention et c'est l'imputation de malhonnêteté qui devient le fondement même d'une critique. Là-dessus, M. le Président, je m'arrête.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent, article 96.

M. Forget: M. le Président, le ministre s'est pourfendu d'un certain nombre de déclarations qui doivent être corrigées, parce qu'elles représentent des erreurs de faits. Il a prétendu que le retard, le délai dans la présentation de la phase pécuniaire des offres aux fonctionnaires, lors de la

dernière négociation était le signe d'une absence de coordination. Bien au contraire, quand il y a de la coordination — le ministre va le découvrir à ses dépens au cours des prochains mois—cela veut dire essentiellement, comme un convoi qui traverse l'Atlantique en cas de guerre—c'est une expression connue— le convoi se déplace à la vitesse du plus lent, du bateau le plus lent, parce qu'il ne faut pas l'isoler derrière. Quand il va négocier pour un ensemble de secteurs, il va devoir coordonner justement les offres pécuniaires pour des employés de bureau, par exemple, qui existent dans les trois secteurs et il pourra arriver que, dans un des secteurs, ils ne seront pas prêts à en parler. Il sera obligé de freiner ceux qui sont prêts à en parler, parce que cela va se faire simultanément.

Autrement, il va créer des faits accomplis dans une négociation qui vont gêner la négociation dans un autre secteur. C'est ce que veut dire la négociation; c'est un convoi qui se déplace à la vitesse du plus lent. Ces retards sont complètement compréhensibles et explicables par l'existence d'une coordination qu'on ne peut pas éviter de. toute façon. C'est une première erreur.

Pour ce qui est de savoir si j'ai fait des réflexions personnelles — j'en ai fait état publiquement— s'il a tellement de services gouvernementaux pour l'alimenter en réflexions, je vais lui donner une référence précise, avant même les élections, mais à la suite des négociations. J'ai donné l'état de mes réflexions et je n'ai pas changé mes conclusions depuis. Cela se trouve dans un discours qui a été publié et donné vers le 10 octobre 1976, à l'Association des directeurs d'établissements de santé et de services sociaux. Je l'inviterais à réfléchir là-dessus justement, parce qu'il y avait là-dedans les éléments—ce n'est pas évidemment l'équivalent d'un rapport de 400 pages— principaux d'une réforme fondamentale du régime des négociations que n'a même pas considéré le rapport Martin-Bouchard comme une des possibilités. Les auteurs ne l'ont pas rejetée; ils ne l'ont même pas regardée; ils n'ont même pas examiné cette possibilité. Ils en sont venus à la conclusion immédiate que, dans le fond, il ne fallait pas faire de bouleversement.

Je comprends que le ministre cite avec beaucoup d'insistance ce rapport, puisqu'il l'approuve implicitement. C'est bien clair qu'il le trouve bon. C'est son droit le plus strict et c'est notre droit le plus strict de remarquer un fait clair et connu de tous, que les gens qui ont été nommés là-dessus, dans le cas de M. Bouchard et dans le cas de M. Martin, ce ne sont quand même pas des membres du Parti libéral qui ont été nommés là, ni des membres de l'Union Nationale. Je pense que c'est un fait bien connu que ce sont des gens qui étaient parlables pour le gouvernement actuel, qui sympathisaient, qui avaient à peu près les mêmes objectifs et les mêmes orientations. C'est tout à fait normal pour un gouvernement, présumément, de créer une commission avec des gens qui partagent avec lui la même philosophie, mais il ne faut pas s'étonner après si le gouvernement trouve que les conclusions sont bonnes. Ce n'est pas un fait nouveau, ce n'est pas un fait extérieur. Ce n'est pas quelque chose d'absolument indépendant du gouvernement. C'est sa créature qui lui donne des recommandations qui lui plaisent. Alors, il ne faudrait quand même pas jouer les vierges offensées quand on souligne des faits aussi obvies que ceux-là. C'est bien clair et c'est connu de tout le monde.

De ce côté, je trouve que la frustration du ministre aux attaques que j'ai portées, bien sûr, parce qu'il faut bien attaquer l'absence de déclaration claire du gouvernement sur ces deux points qui sont fondamentaux, à savoir est-ce qu'on va évoluer dans le domaine des institutions qui entourent, qui définissent le contexte ou si on n'évoluera pas, l'option du gouvernement actuel, c'est de ne pas évoluer beaucoup, de faire quelques petits changements, d'arrondir certains coins, mais de ne pas évoluer beaucoup. Qu'il le défende, ce point de vue, c'est un point de vue qui est légitime, certainement, mais au moins, qu'il ait le courage de le défendre. Qu'il ne nous dise pas: On va faire un jour des changements, alors qu'on va changer le titre des lois.

Du côté du contenu de la négociation, cela demeure la même chose. Je pense que ce n'est pas rétrécir le débat que de dire tout simplement: Le contenu, il n'y en a pas dans le moment, mais on voudrait bien en avoir un. Les notions aux attitudes, les références aux attitudes...

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président (M. Boucher): Question de règlement.

M. Chevrette: Je m'excuse d'en appeler au règlement, mais corriger des faits, ce n'est pas refaire le discours qu'on a entendu il y a 20 minutes.

M. Forget: J'avais terminé, de toute façon.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai entendu le député de Joliette nous imputer des intentions de provocation quand nous avons apporté comme sujet de débat cette question. Je voudrais simplement dire que l'impression que je ressens, suite aux interventions du député de Joliette et, jusqu'à un certain point, du ministre de la Fonction publique, et devant l'absence de réponse qu'ils sont capables de nous donner, c'est que le gouvernement, qui était silencieux sur toute cette question des négociations qui sont présentement en cours et de celles qui sont à venir et beaucoup plus considérables l'an prochain, aurait probablement aimé que nous conservions ce silence et que personne ne le dérange.

Si nous avons décidé de mettre ce sujet à l'ordre du jour, c'est que nous croyons qu'il y a des problèmes qui urgent, d'abord dans le sens des négociations et des conventions collectives

qui se terminent le 30 juin, et pour lesquelles nous attendons, c'est-à-dire les parties qui négocient attendent des mandats de la part du gouvernement. Le ministre nous a dit: nous nous engageons... Je ne voudrais pas déformer, vous nous avez assurés— disons — que ces mandats seraient débloqués d'ici le 30 juin. Je vous ferai remarquer qu'au 30 juin la convention est terminée. Je rappellerai, et je pense que peut-être le député de Joliette-Montcalm était là, ces inquiétudes, je les ai exprimées au moment même de l'étude des crédits du ministère de l'Éducation, l'an dernier, au mois de mai, j'imagine — cela fait à peu près un an — où j'ai rappelé au ministre de l'Éducation que cela vient vite, un an, quand il s'agit de négocier.

Peut-être que je ne me suis pas trompée puisque encore à ce moment les seuls mandats que les parties ont, c'est-à-dire que la partie patronale a, ce sont des choses absolument mineures. Là-dessus, cela m'étonnerait que le ministre nie ce que j'avance. Maintenant, il nous assure que d'ici le 30 juin... Ceci indique que, d'une part, il n'y a pas de temps à perdre et qu'il y en a encore moins pour ce qu'on appelle les grandes négociations de la majorité des travailleurs des secteurs public et parapublic pour l'an prochain. (12 heures)

II y a une autre chose également qui inquiète non seulement les associations patronales, mais également les parties syndicales ou les syndicats, c'est que le rapport Martin a été déposé—là-dessus, le ministre me fera remarquer que cela ne fait quand même pas très longtemps—mais il reste que ce que mon collègue de Saint-Laurent a dit, quant au contenu du rapport Martin... Et je ferai remarquer qu'il n'a pas porté de jugement sur sa valeur, cela est venu du député de Joliette-Montcalm qui a interprété, encore une fois, ce qu'avait dit le député de Saint-Laurent, qui avait simplement parlé de rationalisation du statu quo. J'ajouterais même un terme que le même professeur a employé: Consolidation de ce qui existe, parce que j'étais à la conférence où le professeur Boivin a fait une analyse, à maints égards, très positive de ce rapport, si on s'en tient à la question de la valeur d'une analyse du système de relations de travail dans les secteurs public et parapublic.

Mais, il reste que, depuis ce temps-là, il y a eu de nombreuses réactions des associations patronales et des syndicats qui s'inquiètent du fait que c'est, somme toute, un statu quo, avec des modalités qui sont changées ou qui sont suggérées et que, quand on a vécu — et le ministre de la Fonction publique y faisait allusion tout à l'heure— les problèmes— et je vais me restreindre, de toute façon, au domaine scolaire parce que c'est celui que je connais et je ne suis pas familière avec celui du domaine hospitalier ou des affaires sociales—aigus qu'on a vécus à deux reprises et souvent entre les périodes de négociations collectives, cela a démontré, hors de tout doute — et je serais étonnée que, honnêtement, autour de cette table, si quelqu'un examine la situation, le problème de centralisation des négociations collectives a été une des pierres d'achoppement et je dirais même le problème crucial dans la recherche de solutions qui soient de meilleures solutions et qui répondent davantage aux besoins des écoles, des élèves ou des professeurs, enfin du système scolaire...

Devant le fait qu'il n'y a aucune déclaration, de la part du gouvernement, sur le rapport Martin — et aujourd'hui, il ne semble pas que le ministre soit même prêt à nous donner quelques indications, se disant sans doute: Vous les aurez la semaine prochaine— les seules indications que l'on puisse retrouver sur les intentions du gouvernement— je n'en citerai qu'une ici; probablement le ministre s'en souviendra-t-il; il assistait à un colloque à l'Université de Montréal, tenu par le département des relations de travail je citerai la toute fin du reportage qui a été fait sur ce colloque: "Insistant pour clôturer le débat, le ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, a rappelé à tous les participants du colloque que le gouvernement élu par la population devait, en tout temps, protéger l'intérêt public." Là-dessus je pense qu'on s'entend. "Avec peut-être certaines modifications, le rapport Martin-Bouchard deviendra loi, au Québec, et réglementera les prochaines négociations avec la fonction publique, s'il n'en tient qu'au ministre du Travail."

C'est ce genre de déclaration qu'on a et, entre-temps, je pense qu'il est normal que l'Opposition officielle, qui a quand même la fonction de rappeler au gouvernement qu'il y a aussi, dans la population, des désirs exprimés, convoque une telle commission. Cette attitude semblait d'autant plus fondée que vous avez exprimé, hier ou avant-hier, l'opinion que, probablement, vous ne tiendriez pas de commission parlementaire sur le sujet, mais que vous procéderiez par certaines consultations.

Je pense que là, c'était le bien-fondé de la demande de cette commission aujourd'hui et je regrette que le ministre de la Fonction publique soit aussi silencieux sur les intentions, sans entrer dans les détails. Est-ce qu'on repart en disant: C'est le rapport Martin-Bouchard, à quelques modalités près, qui sera retenu par le gouvernement, comme mode de négociation des conventions collectives dans le secteur public et parapublic, pour l'année prochaine? C'est une première question. Je ne reviens pas sur toute la question salariale dont le député de Saint-Laurent a parlé abondamment et qui, je pense, était une question fort pertinente. C'est probablement l'une des raisons— et peut-être la principale — pour lesquelles vous n'avez pas encore débloqué de mandat plus significatif pour les parties qui sont à négocier dans ce secteur. Je parle toujours du secteur scolaire; je pense que c'est la même chose dans les autres secteurs.

Il y a eu aussi tout le problème, mais ce sont des préoccupations davantage d'ordre patronal... Je pourrais vous citer ce que les fédérations des cégeps et des commissions scolaires ont dit. Je vous l'épargne, car vous avez dû en prendre connaissance. Les syndicats ont soulevé, très souvent, la question des services essentiels. Le rapport Martin en fait une longue étude et arrive à

une solution qui me semble, en toute humilité, extrêmement bureaucratique. Je ne voudrais pas la juger totalement, n'étant pas une spécialiste. Il reste qu'il y a, là aussi, un problème qui semble persister.

Je me permettrai de citer ce que disait M. Claude Daoust de l'Université de Montréal à ce colloque auquel j'ai fait allusion tantôt: "Pour cet ex-commissaire responsable—Claude Daoust, professeur au département des relations industrielles de l'Université de Montréal — de l'application de la loi 253 dans certains hôpitaux du Québec, le comité de protection des bénéficiaires, tel que suggéré par MM. Martin et Bouchard, n'aura pas un rôle différent de celui des commissaires régis par la loi 253 et qui devait, ayant écouté les deux parties dans un conflit, décider du maintien des services essentiels et du nombre de personnes qui y serait rattaché.

Selon M. Lacroix—cela doit être M. Daoust, M. Lacroix y assistait; je pense que c'est une erreur— ce comité n'apportera pas de solutions nouvelles au conflit. La seule différence, a-t-il souligné, entre la loi 253 et la recommandation de MM. Martin et Bouchard réside dans le fait que l'on devra décider du maintien de ces services essentiels avant que les conflits n'éclatent".

Un autre professeur soulevait: Est-ce qu'il s'agira d'un seul comité ou y aura-t-il des comités locaux qui seront décentralisés? Cela me semble une question fort pertinente. Je veux bien ne pas douter de la sagesse des personnes que l'on nommera à ces postes, mais il reste que je m'imagine mal, dans l'ordre pratique des choses, que ces trois personnes puissent décider partout à travers les hôpitaux ou les services sociaux de la province quels seront les services essentiels.

Qu'on dise au gouvernement: Vous êtes complètement silencieux sur des questions aussi importantes que celles-là, qui ont soulevé des problèmes clefs, qui ont empêché le déroulement satisfaisant des négociations et créé les problèmes nombreux qu'on a connus... je pense qu'il est normal qu'on ait convoqué cette commission parlementaire. Il faut regretter qu'aujourd'hui... Je comprends que le ministre soit lié par les contraintes du cabinet, mais qu'il ne puisse donner aucune indication, à savoir quel sera...

Je vais lui poser une question, directement. Pouvez-vous répondre à cette question: Comment concevez-vous le rôle du Conseil du trésor? Sera-t-il aussi puissant que celui suggéré par le rapport Martin-Bouchard, qui semble écarter, si les choses se corsent le moindrement—d'abord, il faudra savoir dans quelle mesure il impliquera les ministères concernés, les associations patronales— si les choses se corsent, comme je le disais, est-ce qu'ils seront tout simplement écartés et qu'en dernier ressort ce sera le Conseil du trésor, qui, à mon point de vue, est loin d'être complètement ou adéquatement équipé pour le faire, qui prendra les décisions les meilleures pour les secteurs scolaire et hospitalier? Je pose cette question directement.

M. de Belleval: Je remercie le député de

L'Acadie de son intervention. Je pense qu'effectivement vous avez soulevé un certain nombre de points qui sont de nature à faire avancer le débat. Je dois dire avec vous que, dès le tout début, j'ai trouvé extrêmement pertinent le fait que l'Opposition se pose des questions là-dessus et aiguillonne le gouvernement. Je ne conteste absolument pas l'opportunité de s'en parler. Je regrettais le fait, et vous l'avez remarqué aussi, que les contingences du cabinet m'empêchent d'être en mesure, ce matin, de révéler toutes nos positions sur ce que nous retiendrons du rapport Martin-Bouchard. Je dois dire, même si nous avons exprimé notre satisfaction à l'égard du rapport quant à son optique générale, que nous ne nous sommes pas du tout engagés à respecter dans tous ses moindres détails les recommandations.

Justement, c'est pour cette raison que nous ferons d'abord connaître notre point de vue. Je peux vous assurer d'avance que, bien sûr, il y aura des points d'adaptation tout au moins des recommandations du rapport Martin-Bouchard. Je pense que c'est normal d'ailleurs. Un rapport, quelle que soit l'éminence de ses auteurs, n'est pas une Bible.

Vous avez souligné aussi, à juste titre, toutes les difficultés que pose, par exemple, l'établissement d'une politique salariale cohérente et le fait qu'il faut faire des études là-dessus. Parfois cela peut retarder un dépôt. Le député de Saint-Laurent aussi avait fait remarquer que dans ce contexte la coordination pose des difficultés. Je sais, d'après les échos qu'on m'en a transmis, qu'il a lui-même, dans son temps, subi avec plus ou moins de bonheur ces contraintes de la coordination. Je peux lui dire que je comprends rétroactivement les frustrations qu'il a dû endurer. Mais est-ce qu'on peut éviter ces contraintes d'une coordination? Je pense que non. Le problème, c'est qu'on ne peut pas les éviter. Donc, il faut organiser notre malheur, si je puis dire, de la meilleure façon possible, de la façon la plus efficace possible, parce que tôt ou tard, la réalité va nous rejoindre et il faudra bien en arriver à des positions conhérentes. Comme il n'y a qu'un gouvernement et qu'un bloc de contribuables, on ne peut pas avoir des politiques salariales qui divergent d'une commission scolaire à l'autre, du moins pas d'une façon très importante, d'un secteur, l'hospitalier, par rapport au secteur de la fonction publique. Je pense que là-dessus il semble y avoir un certain consensus, savoir qu'à la suite des réformes, dans le domaine de l'hospitalisation, de l'éducation, de la fonction publique, du fait que c'est l'État qui maintenant paie les trois quarts sinon la totalité de toutes ces dépenses et qu'en particulier la plus grande partie de ces dépenses sont des dépenses salariales, il faut avoir une politique cohérente. Cela pose des problèmes. Cela pose le problème de l'autorité qui doit coordonner tout cela, cela pose le problème de la participation des institutions locales, des hôpitaux, des commissions scolaires et c'est un problème important qui n'a pas été résolu à la satisfaction de qui que ce soit dans le passé.

La commission Martin-Bouchard a fait une analyse qui m'apparaît quand même assez serrée du dilemme cornélien dans lequel on est, à savoir l'autorité de l'État, la responsabilité du budget qui appartient au gouvernement et en même temps, aussi, l'implication des autorités locales, leur autonomie aussi. Comment ajuster ces deux aspects? Est-ce qu'il est possible de revenir à une pratique où il n'y a pas de politique salariale unique, où chacun pourrait négocier les salaires ou les autres clauses dites pécuniaires d'une façon indépendante ou plus ou moins indépendante de l'État, du gouvernement? On sait que si la réponse à cela était oui, on retrouverait des disparités, on retrouverait tout le jeu des...

Mme Lavoie-Roux: Pas nécessairement.

M. de Belleval: Je voudrais nuancer ce que je m'apprête à dire de ce côté-là d'ailleurs. Je suis d'accord avec vous: Pas nécessairement. Enfin, il y a des nuances qu'il faut faire. Mais il reste qu'il y aurait aussi des inconvénients si on voulait retourner à l'ancienne situation. Est-ce que chaque institution aurait le droit de taxer ses propres commettants pour payer au-delà d'une certaine norme ou est-ce que l'État s'engagerait à ratifier n'importe quelle offre? Toutes les possibilités que cela donne aux organisations syndicales de surenchère... même l'Ontario qui pendant des années a cru pouvoir éviter cette espèce de centralisation dans l'établissement des politiques salariales a dû reconnaître, il y a maintenant deux ans, que pour lui aussi le temps était venu d'établir une certaine cohérence et coordination à la suite de règlements excessifs qui ont eu lieu à la commission scolaire d'Ottawa, à celle de Hamilton et ensuite à celle de Toronto. Alors, le problème n'est pas simple. La commission, effectivement, semble être très radicale dans sa recommandation. Elle dit: C'est le Conseil du trésor qui devrait être l'agent négociateur, quitte à ce qu'il y ait une espèce de comité consultatif pour impliquer les commissions scolaires et les ministères sectoriels. Effectivement, c'est une centralisation. Vous avez employé le mot "bureaucratique"... (12 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est à l'égard des mécanismes des services essentiels.

M. de Belleval: Effectivement, ça peut être bureaucratique. Quoique je ferai remarquer que le Conseil du trésor est quand même un comité du cabinet composé d'hommes politiques. Mais il reste que ce comité est plus éloigné, malgré tout, de la réalité concrète dans chaque secteur que le ministre responsable du secteur et que les associations patronales de chaque secteur. Alors, on a effectivement étudié ce problème en détail et je pense que notre position sera moins radicale que celle que commande la commission Martin-Bouchard. On est très conscient et convaincu, et c'est d'ailleurs conforme à l'esprit qui se dégage de notre programme politique en général, à l'effet qu'il faut, autant que possible, donner davantage de responsabilités aux institutions locales. Il faut que ces institutions participent véritablement, de plain pied, à l'élaboration des mandats.

Là-dessus, je dois dire que dans le passé, il y a eu une certaine centralisation qui, si elle n'a pas été le fait d'un ministre de la Fonction publique, a souvent été le fait cependant du ministre des Affaires sociales ou de l'Éducation, chaque palier centralisant à son niveau. Vous avez dû probablement avoir les mêmes critiques dans votre commission scolaire où on vous accusait de centralisme excessif au niveau de l'ensemble de la commission scolaire par rapport au niveau d'un secteur en particulier ou d'une école en particulier. On est toujours le centralisateur de quelqu'un.

Alors, il faut donc trouver un mécanisme concret pour faire en sorte que tous les gens participent mais qu'en même temps la responsabilité ultime de l'État d'établir les budgets, de taxer la population, soit respectée. Mon avis personnel là-dessus, c'est que je n'ai pas l'impression qu'on peut trancher ça au couteau. Une fois qu'on a établi les principes, je pense qu'il faut établir ensuite des mécanismes ad hoc où chacun se sent à l'aise et respecte une certaine règle du jeu.

Nous avons commencé des réunions avec nos partenaires patronaux de ce côté-là, en particulier au sein des affaires sociales et de l'éducation, et je pense que, d'ici peu, ils auront établi entre eux une espèce de protocole d'entente sur le rôle de chacun dans les prochaines négociations. Sans doute que les négociations partielles qui commencent seront une bonne façon de roder ces mécanismes; d'autant plus que ce ne sont pas des négociations insignifiantes puisque d'une certaine façon — quoique c'est à voir en pratique — elles fixeront un certain "pattern" pour les grandes négociations. Je pense que dans l'année et demie qui nous reste... Quand même, là-dessus, il ne faut pas attacher une importance absolue à la date du 30 juin. On sait très bien qu'il est normal que des négociations se poursuivent après l'échéance d'une convention collective. La commission Martin-Bouchard elle-même le reconnassait. Si on voulait en faire un carcan de ce côté-là, on s'emprisonnerait, tout autant le gouvernement que la partie syndicale. Je mentionnais tantôt qu'il y a une période de maraudage au sein des infirmières actuellement. Il faut tout de même respecter ce droit pour les employés de décider de changer leur affiliation, à un moment donné, et cela a une conséquence sur la date du début des négociations collectives, donc de l'échéance, etc.

Mais l'important, c'est qu'à l'intérieur d'une certaine démarche on n'ait pas de trous morts et une espèce de pourrissement dans l'échéancier qui fasse que les négociations se concluent, non pas comme c'est normal, un mois, deux mois, trois mois, quatre mois même après une négociation. Parfois, ce n'est pas tellement la période de temps que l'espèce de période creuse qui existe dans ces négociations. Parfois, une négociation peut être assez longue, mais s'il y a du progrès constant, ça peut être plus long et causer moins de difficulté que lorsqu'une négociation est moins longue. Au

contraire, il y a des trous morts, et on a l'impression qu'il y a des impasses difficiles entre les parties.

Donc, ce n'est pas tellement une date qu'un respect d'un certain processus positif. Là-dessus, tout ce que je veux dire, c'est qu'on admet que, dans le secteur hospitalier et le secteur scolaire, le jour où on verra une convention collective conclue à la date d'échéance d'une négociation, particulièrement durant la période d'été qui est une période morte, il faut bien l'avouer, même dans le secteur hospitalier, je pense que c'est normal qu'on s'attende qu'une négociation normale se conclue dans l'automne qui suit l'échéance de la négociation du 30 juin, j'en ai l'impression.

Mme Lavoie-Roux: ... l'article 96. Je ne voudrais pas que le ministre prétende que si une convention échoit au 30 juin, que l'autre est signée le 1er juillet.

M. de Belleval: Non.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela. Mais il reste quand même des gestes à poser antérieurement à l'échéance de la convention, pour empêcher que des négociations continuent.

J'aurais seulement deux remarques à faire sur ces propos. Il semble, d'après le rapport Martin-Bouchard et également d'après ce que le ministre vient de dire, que la considération d'un autre mode de négociation dans les secteurs public et parapublic — je laisse de côté la fonction publique, c'est plus près du gouvernement — c'est une chose qui ne peut pas être envisagée, et dans le fond, les problèmes qu'on a vécus ou les désirs qu'on a d'améliorer la qualité de l'éducation et qu'on ne soit plus encarcané dans des dispositions minutées, etc., semble pratiquement impossible.

Si tout ce qui est pécuniaire, c'est ce qui est prévu dans le rapport Martin-Bouchard, doit être négocié à Québec, cela laisse très peu de marge de jeu. Je fais remarquer qu'en Ontario les gens n'ont pas encore sauté dans le modèle de négociation du Québec, parce qu'ils le trouvent dangereux, justement dans le domaine scolaire.

On semble, tant le rapport que le gouvernement — et peut-être qu'un autre gouvernement prendrait la même attitude, je ne le sais pas — que c'est presque une situation inévitable. On ne peut vraiment pas réformer dans le sens de partir d'un autre modèle de négociation. Je trouve que devant tous les désirs qui ont été exprimés, les espoirs qu'on a créés, tant l'ancien que l'actuel gouvernement — peut-être celui-ci davantage vis-à-vis d'une possibilité de décentralisation — cela s'estompe...

M. de Belleval: C'est désappointant.

Mme Lavoie-Roux: ... et finalement, même si le ministre dit que si cela dure un peu plus longtemps, cela sera peut-être un peu plus productif que d'aller rapidement et que ce soit plus dur, il ne faut pas oublier que tant et aussi longtemps qu'on est dans des périodes de négociation, plus elles sont longues, ce qu'on appelle le harcèlement et toutes les autres mesures de pression, elles ne diminuent pas et continuent. L'expérience a démontré que cela a été utilisé à fond de train et dans toutes les négociations, quel qu'ait été le gouvernement.

Dans ce sens-là, je regrette que le gouvernement semble avoir, jusqu'à un certain point, "abdiqué" en disant: L'évolution est telle, notre mode de fonctionnement est tel qu'on ne peut pas faire marche arrière, ce n'est pas marche arrière nécessairement, cela peut être marche avant, en adoptant un autre mode de fonctionnement.

Même si la réponse du ministre est limitée à un aspect particulier, il semble bien que l'attitude générale du gouvernement va être celle de conserver assez fortement un statu quo dans le domaine des relations de travail, pour les secteurs public et parapublic.

M. de Belleval: Est-ce que je pourrais ajouter juste une précision là-dessus?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. de Belleval: Je ne voudrais pas donner l'impression que notre position est rigide de ce côté-là en particulier, la négociation locale par rapport à la négociation centrale. Je pense que, au contraire, notre position serait que, plus il est possible d'avoir un nouveau modèle où les corps locaux ont davantage d'autorité, je pense, plus cela nous lierait. C'est notre principe.

La question est: Comment faire "machine arrière"? Est-ce qu'on a vraiment les mécanismes? Est-ce qu'ils sont disponibles pour le faire d'une façon péremptoire, où on aurait effectivement la possibilité d'établir un mécanisme concret qui permettrait de faire cela?

J'ai regardé les propositions que nous ont faites l'Association des hôpitaux, la Fédération des commissions scolaires là-dessus, et je dois dire que, tout en étant sympathique aux principes qu'elles mettent de l'avant, je vois mal par quel mécanisme concret on peut traduire cela en pratique.

Ce que nous allons certainement tenter de faire, cependant, c'est de voir comment, concrètement, nous pourrions mettre cela en pratique en vue des prochaines négociations, peut-être le faire, dans une première étape, sous le chapeau d'une certaine centralisation, sur le plan juridique, mais comment, en pratique, ensuite, en termes d'élaboration de mandats — parce que c'est là, au fond, que le dossier se situe — qui a l'autonomie ou l'initiative d'élaborer le mandat et, à la fin, quel est l'avis prépondérant sur un mandat donné; comment, en pratique, cela pourrait-il s'élaborer au sein d'un comité conjoint de négociation?

J'avoue que c'est une tâche qui m'apparaît difficile à première vue, mais vous avez raison de souligner que ce serait fructueux si on pouvait effectivement mettre en place des mécanismes où la

négociation locale prend plus d'importance que dans le passé. En Ontario, il faut bien voir la différence, c'est que la taxation locale est beaucoup plus importante que chez nous, les ressources locales sont plus importantes. Plus vous avez d'autonomie locale au niveau du financement, plus il est possible de laisser de marge de manoeuvre à l'autorité locale.

Vous faisiez aussi allusion à la question du minutage qu'on a vue dans la dernière négociation et qui semble donner des difficultés inouïes à tout point de vue. C'est un point qui n'est pas nécessairement pécuniaire.

Mme Lavoie-Roux: Vous allez voir que cela se traduit par de l'argent.

M. de Belleval: Je le sais bien. À un moment donné, quand il y a une incidence pécuniaire importante, qui, finalement, prend la décision? Je vous pose la question.

Mme Lavoie-Roux: Je vais y répondre. Deux minutes et je n'interviendrai plus. J'ai l'impression que le rapport Martin-Bouchard est parti... Je ne sais pas si on peut utiliser le terme "problématique" ou "la situation actuelle". Mais, à partir de cela, il a dit: Je m'en vais comment? Qu'est-ce que je fais? Et il a produit le rapport Martin-Bouchard. Je trouve que le gouvernement se trouve encarcané par cette seule avenue. C'est un terrain assez étroit ou une route assez étroite qui a été tracée depuis quelques années. Cela semble être parallèle, mais cela ne semble jamais être capable de vraiment bifurquer. À ce moment-là, dans le fond, on continue avec certaines modalités différentes ou un replâtrage ou un ajustement ici et là. Je me demande s'il n'aurait pas fallu être plus audacieux et tenter aussi d'explorer une autre avenue, une autre route.

Mais, pour répondre à votre question, il y a aussi la possibilité de donner, même si c'est le gouvernement qui les donne, des sommes globales à des instances décentralisées pour qu'elles puissent les aménager. Évidemment, on traîne derrière nous toutes les conventions précédentes qui font que ceci est difficile. Mais je pense qu'il y aurait quand même lieu d'explorer dans quelle mesure ceci peut être fait. En Ontario, cependant, c'est un per capita par élève. Si on veut, en sus de cela, avoir d'autres services, etc., on taxe localement. Que cela vienne du gouvernement ou que cela vienne de la taxe locale... Je ne parle pas de l'inadmissible, mais de ce qu'on considère une dépense nécessaire et indispensable où le per capita ne devrait pas nécessairement entraver la latitude locale. À ce moment-là, les fonds viennent même du gouvernement, mais il y a plus de latitude au plan local pour aménager ces sommes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska et M. le député de Châteauguay ont demandé la parole. M. le député de Saint-Laurent, est-ce que vous voulez exercer votre droit privilégié de parole ou si vous parlerez après ces deux interventions?

M. Forget: D'accord, je pense bien que je n'aurai pas le temps de continuer à faire autre chose.

M. Fontaine: Cela sera très court, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska et M. le député de Châteauguay. (12 h 30)

M. Fontaine: Je voulais seulement revenir sur la question des coûts à la dernière ronde de négociations. Je ne voulais pas le faire ce matin, mais puisqu'il l'a fait, je veux vous dire que pour l'Union Nationale, il est assez difficile d'accepter, alors qu'on a des fonctionnaires qui sont compétents dans ces domaines, qui seraient compétents pour faire ce travail, qu'en 1975, $2 474 469 aient été versés en traitements à des personnes qui se situaient à l'extérieur de la fonction publique. Si on regarde principalement dans un domaine que connaît bien le député de Saint-Laurent, aux affaires sociales, $624 829 ont été versés en traitements, et à l'éducation, $558 821. Si on prend un autre domaine, concernant la publicité, chose qu'on ne serait pas censé faire normalement lorsqu'on négocie des conventions collectives, lorsqu'on est obligé, tous les soirs à la télévision, de faire des annonces publicitaires pour dire quelle est la position du gouvernement, surtout, encore là, quand on donne des contrats de publicité à nos amis, et dans ce cas, c'est Pierre Tremblay, donc publicité, dans le domaine des affaires sociales, $363 575; dans le domaine de l'éducation, $406 247, pour un total, en publicité, de $1 175 720.

Aujourd'hui, c'est pour cette raison que je fais une intervention là-dessus, je veux mettre le gouvernement en garde de se lancer vers une même situation. C'est pour cette raison que l'Union Nationale recommande la création d'une commission permanente sur les négociations dans les secteurs public et parapublic pour que le gouvernement, à l'intérieur de sa fonction publique, aille chercher les compétences nécessaires pour avoir sa propre expertise et faire son propre travail, sans avoir recours à l'extérieur. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Nicolet-Yamaska. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je regrette que Mme le député de L'Acadie ne soit pas là, parce que je tenais à faire remarquer qu'elle a fait valoir, ce matin, des suggestions au ministre de la Fonction publique, même chose de la part du député de Nicolet-Yamaska. Je trouve étrange que cela ne soit pas venu, ce matin, du député de Saint-Laurent qui, lui, a quand même posé la question au ministre.

Je voudrais revenir à ses hors-d'oeuvre. Parce qu'il a réduit les efforts actuels du ministre de la Fonction publique, et les préoccupations actuelles dans la question qui était posée, à des hors-d'oeuvre. Je voudrais faire remarquer au dé-

puté de Saint-Laurent que les hors-d'oeuvre jouent un rôle quand vient le temps de prendre un bon repas, ils conditionnent le repas qu'on va prendre, les attitudes et l'atmosphère du repas. Je trouve que c'est important.

C'est justement ce que je rejettais, M. le député de Saint-Laurent, en parlant des hors-d'oeuvre. Cela me ramène à la question des attitudes. M. le député de Saint-Laurent me fait penser à un ordinateur qui programme des choses aussi importantes qu'une négociation. Je voudrais rappeler que c'est lui qui a amené l'expression "les jeux de blocs", qui a forcé le ministre à dire: Oui, les jeux de blocs, encore faut-il pouvoir les faire travailler ensemble. C'est à cela que je pense quand je parle d'un ordinateur. M. le député de Saint-Laurent me fait penser à un ordinateur, parce qu'il parle un langage froid, un langage de quelqu'un qui est en dehors des problèmes humains. Les humains ne se règlent pas ainsi. Cela ressemble, je pense, à l'ancien gouvernement qui programmait, comme un ordinateur, les négociations. Je pense qu'il en était allé jusqu'à programmer l'affrontement qui a créé des problèmes à beaucoup de personnes au Québec. Cet affrontement, l'ancien gouvernement le voulait pour des choses. Ce n'est pas un procès d'intention que je veux faire à l'ancien gouvernement, parce que maintenant, c'est acquis, c'est clair. J'étais un militant du Parti québécois en 1973, et j'étais aussi un militant syndical. J'ai senti, à ce moment, que le gouvernement avait programmé un affrontement. Aujourd'hui, je pense que M. le député de Saint-Laurent est peut-être bien placé pour pouvoir venir nous prêter des intentions, comme il l'a dit au début de son intervention — c'est une des premières choses qu'il a dites—que ce gouvernement préparait une négociation pour le référendum. Je pense que cela peut venir facilement d'un homme qui a vu comment cela s'est passé et comment on a pu programmer un affrontement, lors des dernières négociations.

Les attitudes ont une importance capitale dans une négociation et c'est à partir d'une attitude, comme celle que nous avons présentement, que nous faisons la preuve, auprès de la population, que nous voulons avoir une attitude complètement différente de celle qu'a eue l'ancien gouvernement. Ce n'est pas 15 jours avant les négociations qu'on peut commencer à faire sentir à la population que c'est dans un autre esprit qu'on veut négocier; c'est plusieurs semaines auparavant.

M. le député de Saint-Laurent nous a fait remarquer, comme si c'était sa dernière chance, qu'il avait eu l'occasion seulement aujourd'hui de faire valoir ses points de vue sur la négociation. Je pense que l'Assemblée nationale met à la disposition des parlementaires des moyens de faire valoir leur point de vue. Si M. le député de Saint-Laurent voulait vraiment apporter de l'eau au moulin, d'une façon positive, les mécanismes sont en place. Il y a des périodes de questions, particulièrement le mercredi après-midi, qui est la journée des députés, où on peut poser une question de cet ordre. S'il a l'impression qu'on est en retard et s'il veut vraiment apporter de l'eau au moulin du gouvernement, il pourra se servir de la période du mercredi après-midi pour faire une discussion là-dessus. Cela aurait sûrement été apprécié. Je pense qu'il est un peu tard pour venir dire au gouvernement qu'il n'a pas pris les moyens, alors qu'on sait déjà le travail qui a été fait; le ministre nous en a fait part tout à l'heure. Pour résumer, il va falloir cesser de voir les négociations comme si elles pouvaient passer par le biais d'un ordinateur et agir en humain avec d'autres humains. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Châteauguay.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, c'est avec un sentiment partagé que je prends part, pour la dernière fois, à ce débat. Même s'il faut se réjouir d'avoir eu, au moins une fois durant la présente session, l'occasion — à l'initiative de l'Opposition, malheureusement— de débattre ces questions, il faut bien se rendre compte que le cadre assez étroit dans lequel on peut le faire— trois heures— étant donné l'immensité du sujet, ne nous permet pas d'aller bien loin, sauf de se concentrer sur les grandes dimensions, les dimensions les plus importantes de ces questions, sans pouvoir poursuivre un certain nombre d'autres sujets connexes qui seraient extrêmement importants. Je pense, en particulier, à ce qui peut se retrouver dans les recommandations de la commission Martin-Bouchard sur le problème de la définition de la matière négociable, l'étendue de la matière négociable: Qu'est-ce qu'on va négocier et qu'est-ce qu'on va déterminer dans les lois? Cela est particulièrement pertinent du côté de la fonction publique, puisque, comme on le sait, le projet de loi 53, présenté à la dernière session, mais qui est mort au feuilleton, remettait en question, justement, l'étendue de la matière négociable. C'est un sujet qu'on n'a pas pu aborder du tout aujourd'hui et qui est très important.

Il y a également tout ce problème des relations avec les associations patronales et avec les autres structures administratives ou démocratiques locales au Québec. C'est un sujet très vaste. Le gouvernement parle de décentralisation d'une main — si l'on veut — et de l'autre, il parle d'une centralisation de la négociation, telle qu'on l'a connue dans le passé et peut-être même en accentuant le rôle du Conseil du trésor, encore que tout ceci soit encore à l'état d'ébauche. Ce n'est pas parachevé du côté gouvernemental. Il reste qu'on peut se demander jusqu'à quel point ce modèle centralisé de négociations et de relations de travail, dans les secteurs public et parapublic, est compatible avec une philosophie de démocratie locale, de participation, etc. Il y a là une équation à résoudre qui est loin d'être résolue. On se gargarise de mots en parlant de décentralisation, si tous les services sociaux, sanitaires, éducatifs qui constituent le volet le plus important des services

publics qui s'adressent à la population, sont déterminés ou pré-déterminés par des conventions collectives qui sont réglées en totalité par des décisions du pouvoir central qui est à Québec.

Il va falloir faire une conciliation. Cela ne sert à rien d'avoir des conseils de comté ou des municipalités ou n'importe quoi, si une si grande partie et la police, c'est une question qui s'en vient, d'après tout ce qu'on peut voir, tout ce qui se fait du côté des services policiers... On va déboucher sur une situation paradoxale ou l'on va, soit disant, faire une décentralisation, et ou les organismes décentralisés n'auront rien à décider parce que, de toute façon, les conventions collectives prédéterminent un si grand nombre de choses dans les services publics.

En particulier, mais dans le contexte plus étroit de la négociation actuelle, sans anticiper sur tous les projets de décentralisation administrative et politique, quel genre de collaboration le gouvernement envisage-t-il avec les associations patronales? Le ministre a parlé de protocole en voie de rédaction et parachèvement, protocole d'entente avec les associations patronales, mais cela n'est pas suffisant de parler de protocole. Dans quel esprit les protocoles vont-ils être rédigés? Est-ce qu'il s'agit d'une participation, une espèce de forum où sont noyées les responsabilités des uns et des autres, où personne vraiment ne peut savoir de quoi il est lui-même responsable et finalement où des décisions émergent, où chacun peut blâmer l'autre d'avoir été l'élément déterminant dans une décision collective dont il ne se re-connait pas l'auteur? Ou s'agit-il de protocole d'entente où on essaie de faire une démarcation des champs de responsabilité de manière à ce qu'on puisse dire: la fédération des commissions scolaires a tel et tel geste à poser et c'est elle qui en décide à l'intérieur d'une certaine enveloppe et, quant au reste, c'est le gouvernement. Il y a des dialogues là-dessus, mais ce sont finalement des responsabilités bien démarquées. La même chose avec l'association des hôpitaux, l'association des centres d'accueil etc., tous les partenaires patronaux du gouvernement... Est-ce que c'est une confusion des rôles ou une démarcation des rôles qu'on cherche à faire par des protocoles? Cela c'est un grand point d'interrogation qui est présent à l'esprit de tous ceux qui sont actifs dans ces organismes.

Il y a les fameux préalables à la négociation auxquels la commission Martin-Bouchard a fait allusion, et elle désignait par ce titre-là, en particulier, la constitution possible d'un organisme, en quelque sorte paritaire, d'étude et d'évaluation des rémunérations dans le secteur public. Implicitement, d'après ce qu'a dit le ministre, c'est là une des recommandations auxquelles on ne donnera pas suite, puisqu'il semble qu'à l'intérieur même du Conseil du trésor on a rapatrié le bureau d'étude sur la rémunération qui se trouvait à la fonction publique précédemment, et que c'est donc à l'intérieur des structures gouvernementales seulement qu'on va faire des études de ce genre. Est-ce que c'est définitif? Il me semble bien qu'il est un peu tard pour commencer des études sur les rémunérations à deux mois des négociations. Donc, le sort en est jeté de ce côté, probablement, encore que ce ne soit pas complètement clair.

Je cite ces trois ou quatre questions qui demeurent sans réponse, à cause de la brièveté de nos débats. Il y en a sans aucun doute un bon nombre d'autres plus ou moins importantes, selon les points de vue.

Ce qui me frappe dans l'ensemble, comme l'indiquait d'ailleurs avec beaucoup d'à-propos mon collègue, le député de l'Acadie, c'est qu'il semble qu'on soit, dans le fond, les victimes de la fatalité, à la fois l'ensemble de la population du Québec et même, dans une certaine mesure, le gouvernement lui-même. Il y a eu une commission d'étude. C'est vrai que c'est une commission qui a fait une très bonne analyse de la situation actuelle. Loin de moi le désir de jeter quelque doute que ce soit sur la qualité du travail descriptif et analytique qui a été fait par les auteurs. Quand j'ai dit que cela aurait pu être fait par des professeurs d'université, je le disais en termes de compliments. C'est une étude de niveau universitaire, objective, complète, systématique, etc. Il reste que c'est l'étude d'un seul système, le système qu'on a, et les recommandations s'inscrivent aussi dans ce seul système qu'on a connu. (12 h 45)

Donc, il n'y a pas beaucoup de surprises à attendre des recommandations ou de leur mise en vigueur. C'est dommage, mais il est trop tard pour donner un mandat additionnel à la commission et lui dire d'examiner d'autres hypothèses possibles. Il est inévitable qu'à l'avenir, de toute manière, qu'on le veuille ou non, le système va changer. Il va changer avec des succès ou, malheureusement, plus probablement avec des échecs. Je serais le dernier à vouloir faire l'hypothèse que, dans le fond, c'est à cause de l'incapacité intellectuelle ou de l'absence de courage des gouvernements successifs à faire des réformes d'envergure dans ce secteur.

Il y a une espèce de machiavélisme implicite à l'oeuvre selon lequel c'est à cause de l'échec successif de la formule qu'on va se précipiter, sans vraiment l'avoir voulu, dans un autre régime.

Il ne faut pas oublier un phénomène, et je le dis pour le député de Châteauguay qui a parlé tout à l'heure des dimensions humaines des conflits. La dimension humaine la plus importante, c'est qu'on a un régime de négociations où le patron et le salarié sont ceux qui sont les moins pénalisés par le conflit. C'est le public essentiellement qui est pénalisé par la privation de services, pas nécessairement essentiels, mais assez importants pour que l'État s'en préoccupe au premier chef. Donc, cela leur donne déjà un caractère spécial. C'est finalement le public qui écope de tout cela. Des méthodes ont été élaborées du côté syndical, surtout au cours des plus récentes négociations, pour que dans l'ensemble, même si le conflit se prolonge pendant neuf mois ou un an, le nombre de jours où on perd son salaire pour des raisons

quelconques soit extrêmement limité par rapport au blocage effectif des services. Parce qu'il y a beaucoup de catégories d'emplois, on peut faire la grève dans un service où il n'y a que douze employés et bloquer un hôpital de 1200 salariés. Cela veut dire qu'il y a 1190 personnes qui continuent à recevoir leur salaire et qu'il n'y en a que 10 qui n'ont pas de salaire pendant une journée. On peut faire cela longtemps. Avec une journée de perte de salaire pour tout le monde, on bloque l'hôpital pendant à peu près huit mois. Ce n'est pas très difficile et cela s'est fait de façon répétée.

Donc, du côté des employés, le coût économique d'un conflit comme celui-là est très marginal, très faible. Du côté du patron, de toute façon, ce n'est pas une entreprise, il ne risque pas la faillite. Si jamais cela lui coûte un peu plus cher parce qu'il devra payer par la suite du temps supplémentaire et qu'il paie des salaires pour des services qui ne sont pas rendus et qui doivent être compensés dans une certaine mesure, il reste qu'il repasse le coût au contribuable. C'est assez facile à faire aussi. C'est un aspect relativement secondaire pour l'état du conflit.

C'est finalement le public qui écope de tout cela et le public ne voudra peut-être pas écoper longtemps. C'est quand même la majorité de la population. À supposer qu'un jour il se lasse, il y aura bien quelqu'un qui va arriver avec une solution, même s'il faut qu'elle soit improvisée. C'est peut-être là le plus grand danger qu'on court. On fait des études, je veux bien qu'on fasse des études formelles et publiques. Il y a déjà eu énormément de réflexions et de discussions, même si des débats sur ces questions n'ont pas toujours été couchés par écrit, mais, à défaut de produire vraiment des choix articulés, on va, malgré tout, avoir du changement; la vie ne s'arrête pas en 1978. Ce n'est pas vrai qu'en l'an 2018, on aura encore le même régime de négociations dans les fonctions publique et parapublique au Québec. Tout le monde doit s'en douter, au moins secrètement.

Le problème n'est pas de savoir si ça va changer. La certitude du changement est absolue. C'est de savoir si on peut l'orienter de façon productive et si on peut l'anticiper, l'aménager, plutôt que de s'y précipiter, tête baissée, à cause de la force des circonstances. C'est un peu pour ça que je suis déçu du rapport Martin-Bouchard et de l'attitude que prend le gouvernement là-dessus. C'est que, fatalement, s'il y a des pots cassés, la pression peut devenir intolérable et on va faire des changements.

Un régime comme celui qu'on a connu, avec la déception qu'il cause, les frustrations qu'il suscite, les misères humaines, justement, qu'il provoque, n'est pas un système qui est viable. Il ne faut pas se faire d'illusions là-dessus. Le problème n'est pas de savoir s'il va changer, mais qui va le changer et comment il va être changé. Là-dessus, on n'a pas de solution de rechange, on est sous le poids de la fatalité, on va vivre une autre confrontation à peu près selon le même modèle que celui du passé. C'est peut-être notre dernière occasion, cependant, de faire des changements froidement. On fera peut-être des changements dans l'avenir de façon précipitée, de façon improvisée et c'est ça qu'on devrait éviter. Si gouverner, c'est prévoir, je ne pense pas qu'on prévoie très loin dans la conjoncture actuelle. Personnellement, c'est ce que je déplore, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je voudrais relever un point et donner quelques commentaires additionnels sur la perception de la ronde de négociations, en dehors du contexte des attitudes que je donnais tantôt.

Tout d'abord, c'est peut-être la première fois, officiellement, qu'on parle de négociations de la fonction publique. D'autre part, je pense que le ministre a pris soin de souligner au départ, si ma mémoire est fidèle, qu'un comité de députés ministériels travaillait quand même là-dessus depuis fort longtemps. Personnellement, ça fait au moins huit mois que j'en entends parler, avant même la création de la commission Martin. J'ai été appelé à donner des opinions, à partir des expériences qu'on avait antérieurement vécues, certains députés. Je trouve pour le moins surprenant que vous nous disiez aujourd'hui que ça retarde et qu'on aurait dû agir. Quand on va vite, on nous dit qu'on fait preuve d'improvisation; quand on mûrit les situations, qu'on se base sur une commission d'étude, qu'on est à préparer une législation sérieuse, qu'on va la soumettre dans des délais importants pour le gros de la négociation de la fonction publique, ça m'apparaît quelque chose de réfléchi et ça permettra peut-être de vous enlever l'argument traditionnel de l'improvisation que vous nous servez à plusieurs sauces. C'est un commentaire que je voulais faire.

Pour ce qui est de la politique de la décentralisation par rapport à la centralisation, je pense que décentraliser ne veut pas nécessairement dire revenir à l'inverse de ce qui existait avant. Ce sont peut-être les résultats qu'on a toujours connus, c'est-à-dire qu'on centralise à outrance et qu'on décentralise à outrance, croyant qu'on fait une bonne chose. La décentralisation ne réside pas nécessairement dans le fait que tu donnes des subventions et que tu dis: Fais ce que tu veux avec. Je pense que c'est une mauvaise perception qu'ont certains corps parapublics en particulier. Ils exigent des subventions et quand ils ont des subventions, ils s'imaginent qu'on doit leur laisser faire à peu près tout, de la façon qu'ils le veulent.

Il me semble que l'expérience du passé là-dessus nous guide passablement bien. On se rappelle, en 1967, dans le domaine des commissions scolaires, où on avait une incohérence et une surenchère au niveau des négociations, et on vivait à peu près les perturbations, peut-être pas à l'échelon provincial total, mais on se rappellera la grève de la CECM ou celle de l'alliance, en 1967, et celle de Yamaska, doublées de je ne sais pas quelques autres, mais qui avaient duré un mois ou un mois

et demi, dans le cas de la CECM, qui a amené le gouvernement d'alors, je crois que c'est l'Union Nationale...

Mme Lavoie-Roux: C'est l'Union Nationale. Nous ne sommes pas responsables du bill 25.

M. Chevrette: Madame, soyez sans crainte, je n'aurais pas osé le dire, je sais qu'en 1967 vous n'étiez pas là. Je sais que votre trouvaille a été en 1970, l'administrateur du siècle.

En 1967, on a cru bon de mettre un certain encadrement aux salaires, pour mettre fin surtout à la surenchère d'une commission scolaire à une autre. Les commissions scolaires ont dit alors: Vous nous enlevez à peu près tout pouvoir. Nous sommes des administrateurs de normes. Là, on a joué, de 1970 à 1976, en disant: Vous pouvez jouer dans les enveloppes budgétaires, après avoir décidé qu'on vous subventionnait de telle façon, sur le plan administratif, il y a une possibilité de jouer dans les enveloppes budgétaires.

Mais est-ce que la véritable décentralisation résiderait uniquement dans le fait qu'une commission scolaire puisse obtenir le pouvoir de négociation? Je n'en suis pas sûr. Je suis loin d'en être certain.

Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait aider un peu, n'est-ce pas?

M. Chevrette: Cela pourrait aider uniquement sur des mécanismes appropriés à la gestion interne. Mais quand les deniers publics émanent d'un seul endroit et qu'il n'y a pas de contrôle, si on y allait d'une façon tout à fait totale, on se retrouverait exactement dans la même situation d'avant 1967.

Mme Lavoie-Roux: Sauf que les gens ont évolué.

M. Chevrette: Et nous revivrions une période de cinq à dix ans, exactement comme on a vécu, dans les années 1960 à 1967, où la surenchère s'installe. Qui paie la note à la toute fin de la course? C'est le contribuable québécois.

Je ne veux pas faire un long débat là-dessus, mais je serais prêt, un bon jour, à ce que le député de Saint-Laurent commande une commission parlementaire sur la centralisation et la décentralisation et qu'on puisse étudier chaque cas particulier.

Vous avez fait allusion au protocole. Je suis un peu heureux d'en parler, parce qu'il y a eu des protocoles de fonctionnement de négociés entre les associations syndicales. C'est drôle comment cela a fonctionné. Personnellement, j'ai même participé à la négociation d'un protocole syndical entre la PACT, la PAPT et la CEQ. De ce côté, je pense que les associations syndicales ont donné des leçons de capacité de pouvoir fonctionner entre elles, par rapport à ce qu'ont pu nous démontrer antérieurement les associations patronales.

Je pense, par exemple, aux fameux conflits, bien souvent non étalés en public, entre la Fédération des commissions scolaires et le gouvernement où on ne s'était pas assis et où on n'avait pas discuté sérieusement la façon de fonctionner, ce qui a retardé à toutes fins utiles, pendant deux ou trois mois, le dépôt d'offres à la table de négociations et a eu pour effet d'alimenter la pression sur les groupes syndicaux et de faire en sorte que la participation vienne un peu plus vite que prévu.

J'inviterais les associations patronales et le gouvernement à s'asseoir et à négocier le protocole. Quand le ministre annonce qu'il va y avoir des protocoles, c'est déjà un pas par rapport à ce qui a existé antérieurement. Je pense que les règles du jeu seront établies au départ, comme les règles du jeu l'étaient au niveau syndical.

Même à la dernière convention collective la PACT s'est retirée du protocole, mais je crois qu'il y a eu un fonctionnement tout à fait normal au niveau des professeurs anglophones protestants et la CEQ où vous aviez ces mécanismes. La PAPT avait tant de votes au niveau de la discussion parce qu'elle représentait tant de personnes, tant d'enseignants et les règles démocratiques jouaient. Je pense que c'est un pas de géant que de constater que cette fois-ci il y aura, au niveau des partenaires du côté patronal, un protocole de fonctionnement bien établi au préalable, des règles du jeu connues et publiquement, je l'espère, de sorte qu'une partie ne pourra pas paralyser le système de négociations, la conduite des négociations, comme cela a été le cas dans le passé. C'est un des points importants en négociation, la célérité dans le fonctionnement.

S'il y a des décisions qui prennent des mois et des mois à se prendre, parce qu'il n'y a aucun mécanisme établi, c'est le climat des négociations qui en souffre le plus. Bien souvent, des décisions étaient prises à un niveau, mais il y avait d'abord une négociation pénible, pour ne pas dire lancinante, entre les parties patronales à une même table de négociations et cela avait pour résultat concret de gâcher le climat des négociations entre les parties patronale et syndicale. Le malaise venait des négociations même entre les parties, à cause de normes non établies entre elles. C'est un point que je suis heureux de constater, savoir que cette orientation soit prise. J'espère qu'elle sera menée à bon port avant même que les négociations ne débutent pour qu'on puisse enfin connaître, une fois pour toutes, les lignes d'autorité au niveau des négociations, du côté patronal, et qu'il puisse afficher, au niveau du patronat, la même unicité qu'on retrouve du côté syndical, parce que ce sont des parties qui s'affrontent, et qui discutent en vue de conclure un contrat collectif, et non pas un gouvernement avec une partie syndicale, bien souvent unique, et des partenaires qui, de temps en temps marchent, et de temps en temps ne marchent pas. Dans la négociation d'un protocole...

Mme Lavoie-Roux: Vous allez les mettre au pas!

M. Chevrette: Cela démontre quel esprit vous avez, madame, quand on parle de négociations!

Vous allez les mettre au pas. Vous présumez donc que la Fédération des commissions scolaires du Québec n'est pas capable de négocier un protocole avec le gouvernement. Vous présumez que l'Association des conseils d'administration des hôpitaux n'est pas capable de s'asseoir et de conclure un contrat. C'est l'attitude libérale, pas capable... Vous présumez toujours que ce sont des affrontements quand on négocie.

M. Forget: II y en a eu un protocole en 1975. Mme Lavoie-Roux: II y avait un protocole...

M. Chevrette: Je comprends que vous ayez cette attitude, parce que vous l'avez recherchée pendant six ans et vous n'avez jamais été capable de conclure une convention collective sans affrontement. Si vous en avez conclu, c'est sous la table, à la dernière minute, comme cela a été fait dans la construction, régler la convention à 15 heures pour pouvoir déclencher des élections à 17 heures; comme cela a été fait dans la fonction publi- que bien souvent, régler des contrats collectifs avec des pourcentages de salaires déguisés pour ne pas perdre la face au niveau du gouvernement, mais donner exactement aux syndiqués ce qu'ils demandaient avant même de faire quinze jours de grève et de perturber la province. C'est ce que vous avez toujours fait. C'est cela que vous nous reprochez, alors qu'on essaie de vouloir éviter ces choses. Je vous dis, oui, que vous en avez des attitudes de rapprochement et des attitudes de gens... Vous allez vous faire les défenseurs de la veuve et de l'orphelin à la dernière minute, vous affichez des attitudes de gens qui vont sauver le climat social, alors que vous cherchez continuellement à jeter de l'huile sur le feu.

Le Président (M. Boucher): Madame et messieurs, en vertu du paragraphe g) de l'article 162a, je suis obligé de clore le débat, étant donné qu'il est 13 heures. J'ajourne donc la commission sine die.

(Fin de la séance à 13 h 1)

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