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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mercredi 5 mai 1982 - Vol. 26 N° 88

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Fonction publique


Journal des débats

 

(Dix heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs. La commission parlementaire de la fonction publique est donc réunie ce matin pour étudier les crédits du ministère de la Fonction publique.

Les membres de la séance de ce matin sont: MM. Assad (Papineau), Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet (Jeanne-Mance) remplacé par Doyon (Louis-Hébert), Blais (Terrebonne), Cusano (Viau), Gauthier (Roberval), Gravel (Limoilou), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. LeMay (Gaspé) remplacé par Mme Lachapelle (Dorion), MM. Martel (Richelieu), Polak (Sainte-Anne).

Les intervenants: Mme Bacon (Chomedy), MM. Brassard (Lac-Saint-Jean), Charbonneau (Verchères), de Belleval (Charlesbourg), Dubois (Huntingdon), Gratton (Gatineau) remplacé par Rivest (Jean-Talon), Marquis (Matapédia), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly).

À moins qu'il y ait d'autres changements, il y aurait lieu de nommer un rapporteur de la commission. Est-ce que j'aurais des suggestions des membres de la commission?

M. Rivest: M. Gravel.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gravel, cela va. Le rapporteur sera donc M. Gravel (Limoilou).

M. Rivest: Pour autant que ce n'est pas M. Blais de Terrebonne, cela va aller.

M. Blais: Pour autant que M. Rivest, on ne prend pas son consentement pour nommer quelqu'un, je suis d'accord!

Le Président (M. Bordeleau): Comme je n'ai pas d'objection, je suppose qu'il y a consentement et que tout le monde est d'accord.

Une voix: M. Gravel va bien faire cela.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gravel sera donc le rapporteur de la commission. Avant de débuter l'étude des programmes comme tels, Mme la ministre, j'imagine que vous avez des commentaires généraux ou préliminaires. Alors, allez-y.

Exposés préliminaires Mme Denise LeBlanc-Bantey

Mme LeBlanc-Bantey: Certainement, M. le Président. Je voudrais demander la tolérance de tout le monde, de mes collègues, parce que mes commentaires risquent non pas d'être trop longs mais un peu longs. Ceci étant dit, avant de commencer ces commentaires, j'aimerais aussi présenter certaines personnes qui m'accompagnent, dont à ma droite, M. Sarault qui est notre nouveau sous-ministre en titre au ministère de la Fonction publique, et je suppose que pour certains d'entre vous, c'est la première occasion de l'apercevoir. Il y a bien sûr M. Bélanger qui nous accompagne, il est président de l'office de recrutement et il est, parce que les rangs étaient trop loin, placé derrière l'Opposition, j'espère bien que ce n'était que le motif, et de notre côté, M. Bolduc, président de la Commission de la fonction publique. Bien sûr, tout ce monde se fera un plaisir de répondre aux questions de l'Opposition quand le moment sera venu.

Avant d'aborder l'étude proprement dite des crédits de notre ministère, je voudrais donner un bref aperçu des principales actions que nous avons entreprises au cours de l'année financière qui s'est terminée le 31 mars dernier et de celles que nous envisageons pour l'année en cours.

Dans un deuxième temps, je me permettrai de faire des commentaires sur certains problèmes relatifs à la fonction publique qui ont attiré plus particulièrement l'attention au cours des derniers mois, notamment en raison de la période difficile que traverse le Québec actuellement.

Le ministère de la Fonction publique s'est employé l'an dernier à rendre plus équitables les mécanismes de recrutement et de promotion afin que la fonction publique québécoise devienne dans la composition le reflet le plus fidèle possible de la population à qui elle fournit les services. C'est ainsi que nous avons fait adopter par l'Assemblée nationale, en juin dernier, la loi 12 qui donne notamment au gouvernement des moyens d'appliquer plus efficacement sa politique d'égalité en emploi. Cette politique, est-il besoin de le rappeler, a pour objectif d'assurer au sein de notre fonction publique une représentativité équitable de certains groupes de notre société, en particulier, les femmes, les communautés culturelles et les personnes

handicapées.

Pour mettre en application cette partie de la loi 12, le ministère a élaboré un projet de règlement, qui en est actuellement à l'étape de la consultation avec les syndicats, concernant le rangement par niveau. Je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour expliquer en détail en quoi consiste cette mesure afin de rectifier certaines interprétations erronées qui en ont été données dans les médias d'information et qui circulent largement encore au sein de la population et chez les employés de l'État en particulier.

Si on prend l'exemple des femmes, des études ont démontré que le classement par ordre de mérite strict est une règle qui, compte tenu des préjugés encore courants dans notre société, est de nature à nuire à l'évaluation de la compétence des femmes. On ne peut se le cacher, dans un grand nombre d'emplois, le profil du candidat idéal correspond encore aujourd'hui davantage à un homme qu'à une femme et je pourrais même me permettre d'ajouter, dans l'esprit de certains, à un Québécois pure laine entre parenthèses; autrement dit, francophone, cinq pieds et quelques pouces, pour ne pas préciser d'autres caractéristiques.

Une voix: Les yeux bleus.

Mme LeBlanc-Bantey: Les yeux bleus, si possible.

C'est donc pour cette raison que nous avons décidé d'assouplir la règle du rangement numérique pur en vertu de laquelle un poste doit être nécessairement comblé par le candidat s'étant classé au premier rang lors du concours de recrutement et de promotion. Le projet de règlement permettra de regrouper, moyennant certaines conditions, les candidats au sein d'un même niveau et de les considérer comme ayant démontré des aptitudes équivalentes.

Comment s'établira ce niveau? Supposons que, sur un total de 300 points, le candidat qui se classe premier au concours ait accumulé 280 points. Dans un premier temps, nous allons expérimenter le rangement par niveau sur la base d'un écart de dix ou quinze points - c'est à déterminer prochainement - avec le premier candidat. Cela signifie, si on poursuit notre exemple, que tous les candidats ayant entre 265 et 270 points, par exemple, ou 280 points seront considérés comme ayant démontré des aptitudes équivalentes à remplir le poste à combler. S'il y a, par exemple, six candidats ayant accumulé entre, comme je le disais, 265 et 280 points, ils seront présentés au ministère ou à l'organisme concerné sans que celui-ci ne puisse savoir qui est arrivé premier, deuxième ou troisième. Le ministère ou l'organisme devra alors choisir parmi ces six personnes celle qui aura le poste convoité. De plus, les gestionnaires appelés à effectuer ce choix devront justifier leur décision. Par ailleurs, le rangement par niveau s'appliquera seulement aux concours où au moins une personne issue de ces groupes aura été déclarée apte au premier niveau. Dans les autres cas, la règle du rangement numérique continuera de s'appliquer.

En ce qui concerne les femmes, une autre condition devra être remplie pour que s'applique le rangement par niveau. Il faudra que le pourcentage de femmes, dans la classe d'emploi qui fait l'objet d'un concours, soit inférieur au taux de la population féminine occupant un emploi régulier au Québec, soit environ 35%. Il est évident que le rangement par niveau ne s'appliquera jamais au personnel de bureau où l'on retrouve une surreprésentation des femmes avec 74% des effectifs. Par contre, chez les cadres supérieurs, où il n'y a que 3,4% de femmes, le rangement par niveau s'appliquera à tous les concours où une femme se sera classée au premier niveau. En ce qui concerne les professionnels, le rangement par niveau ne pourra s'appliquer, par exemple, aux agents d'information où la proportion des femmes atteint 40%. En contrepartie, il est susceptible d'être utilisé pour tous les corps d'emploi où le nombre de femmes est inférieur à 35% des effectifs, ce qui est le cas de plus de 80% des corps d'emplois chez les professionnels.

Nous escomptons atteindre des résultats significatifs dans la mesure où nous avons constaté que de plus en plus de femmes réussissent à se hisser parmi les premières du peloton - ou du "pleton" comme disent certaines personnes - et souvent à quelques points près du premier rang. Nous espérons également par ce moyen favoriser le recrutement de membres des communautés culturelles et des personnes handicapées afin d'atteindre les objectifs de représentativité que le gouvernement s'est fixé pour ces deux groupes, soit 9,5% pour les communautés culturelles et 2% pour les personnes handicapées.

Le rangement par niveau pondère donc ce que l'évaluation des candidats à un emploi contient encore de discriminatoire envers ces trois groupes, c'est-à-dire la vision subjective des aptitudes d'une personne à remplir certaines fonctions. Il n'est donc pas question, comme certains veulent le laisser entendre, d'accorder un poste ou une promotion à une personne uniquement parce que c'est une femme, une personne handicapée, un anglophone ou un Néo-Québécois. Nous voulons certes favoriser leur recrutement et leur promotion dans la fonction publique pour rétablir l'équilibre, mais à la condition qu'ils aient la compétence requise, et je le souligne. Nous prétendons qu'à compétence égale il faut

privilégier ces catégories de personnes afin qu'elles obtiennent enfin la place qui leur revient et dont elles ont été privées jusqu'à maintenant à cause des préjugés qui existent dans notre société.

Qu'on ne s'imagine surtout pas qu'une telle mesure empêchera les autres d'aspirer à une carrière intéressante dans la fonction publique - je m'aperçois qu'il y a quelques hommes qui commencent à fatiguer autour de moi. Vous savez, ce n'est pas demain la veille du jour où les femmes vont se bousculer au premier niveau dans les concours pour combler des postes de cadres supérieurs. Même si j'ai dit plus haut que de plus en plus de femmes atteignaient ce niveau de compétence, leur nombre demeure infime par rapport à celui de leurs collègues masculins. Contrairement aux hommes, les femmes ont rarement reçu dans le passé l'éducation - et ici je parle de bagage de valeurs culturelles tout autant que d'instruction - qui pouvait les préparer adéquatement à entreprendre une carrière et à assumer des postes de commande. Les valeurs véhiculées dans notre société les destinaient surtout à l'éducation des enfants et aussi, quand il n'était pas possible de faire autrement, au travail à l'extérieur de la maison, dans des tâches subalternes, pour apporter un revenu d'appoint à la famille.

Il en est de même pour les personnes handicapées auxquelles la société a jusqu'à tout récemment nié la capacité de jouer un rôle actif en raison de leur incapacité physique et dont les perspectives se limitaient la plupart du temps à mener une vie dépendante de la famille ou de l'État. Quant aux communautés culturelles, il reste encore beaucoup de méfiance de part et d'autre à surmonter avant que la fonction publique ne soit représentative de ces groupes.

Le rangement par niveau, on l'a vu, n'est pas une panacée. C'est un outil utile, mais ce n'est certainement pas suffisant. C'est pourquoi des plans d'actions ont été élaborés dans les ministères et organismes pour réaliser les objectifs d'égalité en emploi. Ces plans d'actions laissent beaucoup de souplesse de gestion et font appel à la créativité et à l'initiative des gestionnaires. Mais précisément parce que c'est une politique souple, nous avons cru déceler une certaine insécurité dans certains secteurs de l'administration; on est malheureusement peu habitué à travailler sans l'aide de règlements, de directives, de formulaires et de normes de toutes sortes.

En plus des réticences entraînées par le caractère peu orthodoxe du procédé, je dois avouer que l'adhésion à la politique d'égalité en emploi n'est pas encore totale au sein de l'appareil de l'État. Les préjugés sont tenaces et notre politique heurte encore beaucoup les mentalités. Pour vaincre ces résistances et donner une impulsion à la politique d'égalité en emploi, il faut donc agir au plus haut niveau de l'administration. C'est pourquoi j'ai obtenu la création, au sein du ministère de la Fonction publique, d'un poste de sous-ministre adjointe spécialement chargée de ce dossier. Occupant un poste élevé dans le hiérarchie gouvernementale, Mme Michelle Lejeune, nommée récemment sur ma recommandation par le premier ministre, aura directement accès aux centres de décision de tous les ministères et organismes du gouvernement et pourra, par conséquent, faire progresser plus efficacement l'implantation de la politique d'égalité en emploi.

En plus de nous fournir un instrument pour favoriser l'égalité en emploi, la loi 12 nous a aussi permis de modifier les règles du jeu pour le recrutement et la promotion de manière à favoriser notamment l'embauche au niveau local. Ainsi, l'Office du recrutement et de la sélection du personnel ne sera plus tenu d'ouvrir à travers tout le Québec tous ses concours. Les emplois qui requièrent un diplôme d'études secondaires ou une scolarité minimale pourront être remplis localement, c'est-à-dire que seules les personnes qui résident dans la localité ou le comté où se situent ces emplois seront admissibles à ces concours. En ce qui concerne les postes requérant un diplôme d'études collégiales, le recrutement et la promotion pourront se faire au niveau régional, tandis que les postes nécessitant un diplôme universitaire continueront d'être comblés au moyen de concours ouverts à la grandeur du Québec.

Cette réglementation aura pour avantage d'épargner à l'État plusieurs centaines de milliers de dollars par année en frais d'administration, de paperasse et de publicité. Elle réduira également de façon considérable les délais encourus pour combler un grand nombre de postes. Enfin, elle évitera à plusieurs Québécois et Québécoises l'obligation de s'exiler loin de leur milieu de vie naturel pour pouvoir espérer un emploi ou une promotion dans la fonction publique.

En plus de la loi 12, le gouvernement a fait adopter en décembre dernier la loi 22 pour régler le problème des agents de la paix. Je dois souligner, comme je l'avais fait d'ailleurs à cette époque, que nous sommes intervenus à notre corps défendant dans cette affaire. Mais les querelles intestines qui sévissaient depuis de nombreuses années dans le syndicat regroupant les six groupes d'agents de la paix avaient atteint une telle acuité qu'elles entravaient de façon irrémédiable les relations patronales-syndicales en général, et le processus de négociation en particulier.

On se souviendra, et je suis sûr que le député de Jean-Talon s'en souvient, qu'à cause de la grande disparité dans les emplois

occupés, de même que dans les conditions d'exercice des tâches effectuées par les différents groupes d'agents de la paix, une forte proportion de ceux-ci s'estimaient lésés de devoir être regroupés au sein d'une seule unité de négociation. D'autre part, la convention collective des agents de la paix ayant expiré le 31 mars 1981, des négociations avaient été entreprises dès l'automne précédent en vue de son renouvellement.

Cependant, les actions entreprises par les groupes dissidents, tant auprès du gouvernement que du syndicat ont empêché le déroulement normal des négociations. J'ai alors demandé au syndicat en place de se soumettre volontairement à un vote de représentativité afin de ne pas retarder indûment la poursuite des négociations dans un climat plus serein. Celles-ci auraient en effet pu reprendre immédiatement après un vote, en tenant compte du choix exprimé par chacun des groupes des agents de la paix, quitte à ce que le gouvernement entérine plus tard, par la voie législative, la formation des nouvelles unités de négociations nées d'un tel vote. Le syndicat en place a refusé cette proposition, ce qui a forcé le gouvernement à légiférer pour ordonner la tenue d'un vote de représentativité syndicale chez les agents de la paix.

Le refus du syndicat en place de se soumettre volontairement à une procédure de vérification de son caractère représentatif, en obligeant le gouvernement à le faire à sa place, a retardé d'environ un an la reprise des négociations. Je trouve cela extrêmement malheureux, car ce sont les agents de la paix dans leur ensemble qui doivent en subir les inconvénients. Quoi qu'il en soit, nous avons l'intention d'agir avec célérité dans les négociations avec les syndicats accrédités aussitôt que ceux-ci se déclareront prêts à procéder. Déjà, la semaine dernière nous avons tenu une première réunion avec le Syndicat des agents de conservation de la faune du Québec et avec l'Union des agents de la paix en institutions pénales qui nous ont tous deux présenté leurs demandes en vue de la signature d'une nouvelle convention collective.

Quant aux autres groupes, nous attendons le résultat de leur demande d'accréditation devant le Tribunal du travail.

La loi 12 et la loi 22 dont je viens de vous parler sont des amendements apportés à la loi 50 sur la fonction publique. Ce sont des amendements que je qualifierai de ponctuels, compte tenu du processus de révision en profondeur que nous avons entrepris au cours de l'année avec la mise sur pied de la commission spéciale de l'Assemblée nationale présidée par mon collègue de Sainte-Marie et à laquelle participent bien sûr le député de Jean-Talon, celui de Papineau et celui de Chomedey ainsi que la députée de Dorion, le député de Roberval..

M. Bisaillon: ... et le député de Champlain.

Mme LeBlanc-Bantey: ... et le député de Champlain. Les honorables députés de cette commission me permettront de dire que je suis particulièrement fière d'avoir été l'initiatrice de cette commission. Ayant un caractère bipartite et étant dotée d'un personnel de recherche et de secrétariat, la commission permet aux députés qui en sont membres de jouer plus efficacement leur rôle de législateurs. Elle entre parfaitement dans le cadre du projet de réforme de nos institutions parlementaires et des différentes mesures envisagées pour revaloriser le rôle des députés. Je suis également heureuse que cette initiative ait servi de modèle à une autre commission spéciale portant cette fois-ci sur la refonte de la loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse.

Je compte beaucoup sur l'éclairage qu'apportera la commission pour suggérer des moyens de rendre notre fonction publique plus humaine, plus proche du citoyen et plus efficace. Je crois en effet que les élus du peuple sont particulièrement bien placés pour tracer un portrait réel de la situation. En contact constant avec la population, ils connaissent les attentes des citoyens face aux services offerts par l'administration gouvernementale et sont mis au courant par leurs commettants de la façon dont on répond à leurs attentes. Par contre, leur rôle de député les appelle à côtoyer l'administration publique et à se familiariser avec son fonctionnement et les contraintes auxquelles elle doit obéir. En confrontant cette expérience avec les vues exprimées par les spécialistes et autres intervenants entendus au cours des audiences publiques et privées, les membres de la commission apporteront, j'en suis certaine, une contribution importante à la solution des problèmes qui nous préoccupent tous.

J'ai un seul regret à formuler à l'égard de cette commission. Je trouve que malheureusement les médias d'information, à l'exception de quelques journaux, ne lui ont pas suffisamment accordé d'importance. À mon avis il y a encore beaucoup de citoyens à travers le territoire québécois qui ignorent qu'une telle commission existe et que les députés, en tant que législateurs et aussi à cause de leur rôle d'ombudsman dans leur comté, sont très bien placés pour accueillir les revendications que certains groupes pourraient avoir à faire quant à la Loi sur la fonction publique.

Sans présumer du travail de la commission et des conclusions et recommandations que contiendra son rapport,

je veux vous faire part ici de mes réflexions personnelles sur un certain nombre de sujets relatifs à l'administration et au fonctionnement de l'appareil de l'État, à tout le moins, placer dans une plus juste perspective certains problèmes qui remontent de temps en temps à la surface mais qui, surtout par les temps qui courent, occupent les premiers rangs de l'actualité.

C'est ainsi qu'on parle beaucoup actuellement du manque de productivité des fonctionnaires, ou plutôt des employés de l'État. Il devenu de bon ton de dire que les fonctionnaires sont trop nombreux, incompétents, inefficaces, improductifs et grassement payés pour le travail qu'ils fournissent. Bref, on les accuse de tous les péchés d'Israël et on les rend responsables de tous nos maux. (11 heures)

Je pense que ces jugements à l'emporte-pièce sont exagérés et parfois injustes. Que le personnel de la fonction publique soit en général bien payé, bien que ce ne soit pas le pactole pour tout le monde, c'est un fait. On n'a qu'à demander, par exemple, aux commis de bureau, aux réceptionnistes ou aux femmes de ménage si, avec un salaire annuel de 13 400 $, ils peuvent vivre grassement. Il faut reconnaître, par ailleurs, que la sécurité d'emploi, les fortes pensions et les autres avantages sociaux sont des avantages non négligeables. Il est vrai que, comparativement à d'autres groupes de la société, ils sont finalement assez bien nantis. Il est vrai aussi qu'il y a place pour beaucoup d'améliorations pour que s'accroisse la productivité au sein de la fonction publique. En ce sens, les restrictions budgétaires ont l'avantage d'inciter nos gestionnaires à faire preuve de plus d'imagination pour fournir à la population les mêmes services qu'auparavant mais avec moins de ressources. Un contrôle plus serré des dépenses et une meilleure utilisation des effectifs ont déjà commencé à donner des résultats. Et je suis convaincue que la productivité continuera à s'améliorer dans les mois qui viennent, car nous avons en général des gestionnaires compétents; notre fonction publique est compétente, n'en doutons pas. Malgré toutes les attaques dont elle fait l'objet, l'administration gouvernementale soutient très bien la comparaison avec l'entreprise privée de même envergure. Il y a deux semaines, à l'occasion d'une conférence prononcée à l'Université Laval, l'éminent économiste américain, John Kenneth Galbraith, a souligné la nécessité de détruire ce mythe voulant que la qualité des gestionnaires du secteur public soit moins bonne que celle des gestionnaires du secteur privé. L'économiste de Harvard a précisé qu'en retenant des critères identiques, il n'existe aucune preuve que la bureaucratie publique soit moins honnête et moins efficace que la bureaucratie privée.

Quand une grande entreprise est en difficulté, par ailleurs, on a tendance à toujours lui accorder le bénéfice du doute, que ce soit à cause de la conjoncture économique, de la faiblesse du marché, des taux d'intérêt, de la crise de l'énergie, etc. C'est curieux, dans ce cas, on ne parle jamais de mauvaise administration. On ne se demande jamais si la haute direction, dont les membres se paient des salaires de plusieurs centaines de milliers de dollars par année, a bien fait son travail. Pourtant, si l'on prend l'industrie de l'automobile, on pourrait y trouver un exemple de mauvaise administration.

Donc, les problèmes de productivité et d'efficacité ne sont pas l'apanage de l'entreprise publique. Je crois, moi aussi, que les mêmes problèmes affligent tous les gros appareils administratifs, qu'ils soient publics ou privés. Je suis convaincue que si on effectuait une enquête auprès des grandes bureaucraties du secteur privé, comme les institutions bancaires ou les compagnies d'assurances, nous pourrions déceler là aussi des énergies perdues, des effectifs mal utilisés et de la paperasse inutile.

Un autre problème qui fait la manchette des journaux ces temps-ci est celui des "tablettés". Je me suis résignée à ne pas essayer de trouver un synonyme, les gens aiment beaucoup trop la première appellation. C'est donc un problème réel, et nous n'avons pas les moyens, comme je l'ai déjà dit, de le mettre en veilleuse. J'en ai déjà fait une priorité pour l'année qui s'en vient. Il y a, par ailleurs, et il faut le spécifier - je suis sûre que les membres de la commission Bisaillon ont eu l'occasion de le constater - deux types de tablettés: ceux qui ne font vraiment rien et qui sont probablement peu nombreux; et il y a surtout ceux qui travaillent, mais qui sont sous-utilisés par rapport au poste qu'ils occupent et à la compétence qu'ils ont acquise.

Il ne faut pas sous-estimer non plus la complexité du problème. D'une part, les intéressés eux-mêmes, pour des raisons de dignité personnelle, préfèrent cacher leur situation, ou alors ils ne veulent tout simplement pas l'admettre. D'autre part, il peut arriver que leurs supérieurs n'aient aucun intérêt à les déclarer tels pour préserver leurs chances de s'en débarrasser à la première occasion. En effet, si l'on sait qu'un tel est "tabletté" dans un ministère donné, les autres ministères n'iront certainement pas offrir un poste à cet individu. Pour ces raisons et d'autres, c'est un peu un sujet tabou dans l'administration gouvernementale.

Le fait qu'il y ait des employés de l'État qui connaissent des difficultés dans le cheminement de leur carrière est un

phénomène courant, phénomène qui existe aussi dans le secteur privé. Les causes en sont multiples. Il y a, bien sûr, les causes traditionnelles de changement d'administration politique. L'Opposition admettra facilement qu'avec la loi 50, nous avons certainement dû régler une partie de ce problème. Il peut s'agir aussi d'un conflit de personnalité entre la personne concernée et son supérieur immédiat; parfois, c'est une fatigue physique, intellectuelle ou morale qui intervient après plusieurs années de travail intense consacrées à relever un défi exigeant. En d'autres occasions, ce peut être un certain plafonnement qui intervient après que quelqu'un a exercé les mêmes fonctions pendant longtemps, une mauvaise adaptation à un entourage nouveau ou à des objectifs qui ont changé et, aussi, le désir de relever un nouveau défi ailleurs. Enfin, le rendement peut être très influencé par les difficultés qu'une personne éprouve dans sa vie personnelle comme, par exemple, des problèmes familiaux ou des soucis d'ordre financier.

Des moyens de faire face à ces problèmes sont actuellement utilisés pour des cadres en difficulté de carrière, et cela s'avère rentable autant pour les intéressés eux-mêmes que pour l'administration. Ces moyens, le ministère de la Fonction publique y a recours dans le cadre du programme de renouvellement de carrière mis sur pied en décembre 1975. Ce programme auquel on adhère sur une base volontaire offre différents services permettant aux cadres en difficulté de reprendre un second souffle. En plus d'avoir accès à des services médicaux et de consultation sur l'orientation de leur carrière, les participants au programme sont appelés à effectuer des stages dans les différents ministères ou organismes gouvernementaux, et même dans l'entreprise privée. Pendant la durée de ces stages, ils sont suivis de près par les responsables du programme afin d'évaluer leur motivation et leur rendement, de même que la pertinence de les réaffecter ailleurs pour un autre stage. Dans la majeure partie des cas, les cadres qui ont effectué un stage en un endroit donné ont été affectés en permanence à cet endroit au terme de leur période de recyclage.

Depuis le début du programme jusqu'au premier avril dernier, 69 cadres ont pu ainsi se réorienter. Leur participation au programme a duré en moyenne un peu plus de 21 mois. De ces 69, 40 occupent maintenant un poste au sein de la fonction publique au même niveau que celui qu'ils occupaient avant leur entrée dans le programme; deux autres ont obtenu une promotion à un niveau supérieur tandis qu'un troisième a été rétrogradé à un poste inférieur. Par ailleurs, 15 participants au programme occupent maintenant un poste de professionnel à la suite d'une réorientation volontaire de leur carrière, tandis que sept autres se sont trouvé un autre emploi à l'extérieur de la fonction publique. Enfin, quatre participants sont décédés ou ont pris leur retraite.

À l'heure actuelle on compte 47 participants au programme, dont huit sont en voie d'être recyclés de façon permanente. En outre, un grand nombre de cas sont réglés sans qu'ils impliquent une participation au programme. Ainsi, dans ses contacts fréquents avec les différentes directions de personnel, le ministère de la Fonction publique contribue, au moyen de ses services de consultation, à régler un grand nombre de problèmes relatifs à la gestion du personnel. C'est ainsi que, récemment, les spécialistes de mon ministère ont pu, en proposant une simple réaffectation des tâches, améliorer le rendement et la motivation des cadres d'un autre ministère. Enfin, les responsables du programme de renouvellement de carrière reçoivent régulièrement en consultation externe, si je puis m'exprimer ainsi, un certain nombre de cadres qui connaissent des difficultés passagères ne nécessitant pas obligatoirement leur intégration totale au programme.

Je voudrais ajouter une autre dimension au problème des "tablettés". Que dire de certaines grandes entreprises où l'on retrouve un nombre important de vice-présidents dont certains ont des titres ronflants mais dont les responsabilités sont à peu près nulles? Il est de notoriété publique que certains de ces postes sont purement honorifiques et qu'ils servent souvent à récompenser des cadres usés pour les services rendus pendant leurs meilleures années. L'entreprise privée peut, elle aussi, avoir une approche humanitaire face à certains de ses employés qui, après plusieurs années de travail, deviennent moins productifs.

Le programme de renouvellement de carrière de même que le programme Formacadres, destiné à préparer la relève, constituent des instruments excellents pour améliorer la gestion des ressources et augmenter par le fait même l'efficacité de l'appareil de l'État. Ajoutons à cela une série d'autres programmes de formation et de perfectionnement à caractère plus limité qui sont mis à la disposition des cadres par le ministère. Mais ces différents programmes ne suffiront pas seuls à accroître la motivation et la productivité au sein de l'administration gouvernementale. Il faut songer à d'autres mesures destinées, celles-là, à changer notamment les comportements et les attitudes. Je pense entre autres choses à la nécessité de favoriser la mobilité au sein de la fonction publique et surtout la mobilité latérale.

Lorsque la fonction publique était en pleine expansion, il y avait chez les cadres

beaucoup de mobilité verticale. Grâce à l'augmentation soutenue des effectifs, à l'accroissement des services gouvernementaux et à la mise sur pied de nouveaux programmes, les cadres pouvaient espérer obtenir assez rapidement des promotions. Cependant, maintenant qu'on vise au contraire une réduction des effectifs, les possibilités d'avancement deviennent moins nombreuses.

Il semble qu'au cours de ces années de vaches grasses il se soit développé une mentalité chez les cadres en vertu de laquelle seule la mobilité verticale était importante dans le cheminement d'une carrière. La situation s'y prêtait. Il y a deux ans encore, soit en 1980 et 1981, 52% des emplois de cadres vacants ont été occupés à partir de promotions contre seulement 36% à la suite de transferts latéraux et 12% par des personnes recrutées à l'extérieur. Il est évident que cette époque est maintenant révolue et que le nombre de postes d'encadrement est appelé à plafonner et même à décroître, ce qui privera les cadres des possibilités de promotion qui les avaient si bien servis jusqu'à présent. Dans un tel contexte, la mobilité latérale apparaît donc, autant pour les cadres mêmes que pour l'administration gouvernementale dans son ensemble, comme un moyen de développement et de régénérescence en même temps qu'une source de motivation.

À la suite d'une enquête récente, on a déterminé que le tiers environ de nos 2500 cadres occupaient le même emploi depuis plus de cinq ans. Je me demande si, après tant d'années à la même place, on a encore des défis intéressants à relever ou si on ne risque pas de tomber dans la routine, de plafonner, de s'ankyloser. Il est bien évident que le seuil critique pour que la sédentarité devienne paralysante varie selon les responsabilités et selon les mandats confiés à une personne. Cela peut-être cinq ans, dix ans, ou entre les deux. Mais il m'apparaît raisonnable de penser que, dans la plupart des cas, on devrait commencer à avoir la bougeotte après être resté au même endroit après un certain nombre d'années.

En plus de stimuler la motivation en lui offrant de relever un nouveau défi, la mobilité latérale a pour avantage de faire bénéficier le cadre d'une expérience plus diversifiée. Plutôt que d'en faire un gestionnaire hyperspécialisé, les transferts latéraux pourront ajouter des cordes à son arc et lui ouvrir un plus large éventail de possibilités en vue d'une promotion. D'ailleurs, je me demande si on ne devrait pas exiger des cadres qui aspirent à une promotion qu'ils aient au préalable exercé différentes fonctions à l'occasion de deux ou trois transferts latéraux, par exemple.

Mais la mobilité ne doit pas non plus être seulement réservée aux cadres. Il faut également la favoriser chez les professionnels et chez les fonctionnaires. Il est important qu'eux aussi soient motivés dans leur travail, ils n'en seront que plus productifs. En ce qui concerne les professionnels, ils semblent, à première vue, être parmi les employés de l'État ceux qui sont les plus mobiles, bien qu'on ne puisse exclure l'existence là aussi de certaines poches de résistance à la mobilité.

Quant aux fonctionnaires, il faudrait songer à rendre moins rigide la classification des emplois afin de favoriser une plus grande mobilité chez ce groupe d'employés. Il n'y a pas moins de 80 classes d'emploi dans la catégorie personnel de bureau, techniciens et assimilés. Chaque corps d'emploi est cloisonné de sorte que, pour passer de l'un à l'autre, il faut obligatoirement se soumettre à un concours. Pourtant, plusieurs de ces corps d'emploi exigent des prérequis à peu près semblables. La scolarité demandée est souvent la même, par exemple. Si l'on décloisonnait certains corps d'emploi, on pourrait ainsi permettre, par exemple, à des employés de secrétariat de devenir des agents de bureau par simple transfert latéral ou à des agents de bureau de se familiariser avec le travail des agents de rente, etc.

Tous les corps d'emploi qui impliquent à peu de choses près du soutien administratif pourraient-ils être décloisonnés et, si oui, à quelles conditions? Y aurait-il d'autres corps d'emploi où le décloisonnement serait applicable? Ce sont toutes des questions auxquelles j'espère apporter une réponse adéquate à la lumière des travaux de la commission spéciale et de la réflexion entreprise au sein même de mon ministère.

La classification des emplois de même que tous les autres aspects de la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique québécoise sont déterminés par règlement. L'univers du ministère de la Fonction publique, ce sont les règlements. Nous les rédigeons, nous les interprétons, nous les amendons. Quand un règlement existant ne peut être modifié pour faire face à des situations nouvelles, nous en créons de nouveaux. Mon chef de cabinet, qui n'a pas toujours le sens de l'exagération, et je me demande sérieusement si dans ce cas il ne l'a pas, disait l'autre jour que, lorsqu'une seule personne a un problème dans la fonction publique, cela ne vaut pas la peine de prendre une décision pour le régler, mais, s'il y en a deux qui ont le même problème, on fait un règlement.

Une voix: C'est M. Bélanger qui a dit cela.

Mme LeBlanc-Bantey: Mon chef de cabinet. Pour être plus sérieux, disons qu'il est essentiel - Vous réglerez vos comptes après. - que le fonctionnement de l'appareil

gouvernemental soit régi par des règles de conduite, si on veut éviter l'anarchie et l'arbitraire, et fournir de façon efficace les services auxquels la population a droit.

Cependant, si on ne peut éviter de réglementer, encore faut-il le faire avec souplesse afin de laisser la place à une certaine capacité d'adaptation à des situations particulières. Les rapports humains sont trop complexes pour qu'on puisse prétendre en réglementer les moindres facettes. Il est également présomptueux de croire que seules des normes universelles, appliquées de façon purement mécanique, sont suffisantes pour évaluer l'expérience et la compétence d'un individu. Une réglementation doit certes imposer certaines balises, mais elle doit également permettre à celui ou celle qui l'applique d'exercer son jugement pour tenir compte des éléments qui ne sont pas quantifiables et des situations qui ne sont pas spécifiquement prévues. (11 h 15)

Je crois que, dans l'élaboration de tous ces règlements qui régissent la fonction publique, on a eu tendance justement à vouloir tout prévoir. Nous avons voulu trop bien faire. Pour éviter toute intervention arbitraire du pouvoir politique et aussi du pouvoir de l'administration, nous nous sommes donné un code de conduite très rigide. En appliquant à la lettre cette bible que constitue le livre des règlements, les gestionnaires sont assurés de ne pas voir leurs décisions contestées par leurs supérieurs ou par leurs subalternes. Car eux aussi jouent le jeu: à la moindre incartade, une plainte peut être logée à la Commission de la fonction publique, dont un des mandats est de surveiller l'application des fameux règlements.

Donc, pour mettre fin à un arbitraire, en a-t-on créé un autre, qui pourrait être pire à mon avis: l'arbitraire de la machine, qui appliquerait de façon mécanique et aveugle des directives qui lui sont dictées. On aurait ainsi permis que s'instaure un système où plus personne n'est responsable. Si tel est le cas, celui ou celle qui subit une injustice ne sait pas à qui s'en prendre, car personne, au fond, n'a pris la décision qui a engendré cette injustice. Officiellement, on n'a fait qu'appliquer le règlement.

Jusqu'à présent, l'administration gouvernementale semble donc s'être orientée vers la définition de règles comportant à la fois une prévision minutieuse de toutes les hypothèses et de toutes les conduites correspondantes à tenir. Cette méthode, on l'a vu, a eu pour effet de faire disparaître presque toute responsabilité. On est tenté de se satisfaire d'exécutants qui appliquent à la lettre les directives. Cette façon d'administrer cherche la certitude et évite le risque; elle risque également de conduire à la routine plutôt qu'à la créativité; enfin, elle a pour conséquence de négliger la personne au profit de la norme et de la structure.

Il faudrait peut-être songer à revenir à un type de gestion où les responsabilités seraient plus clairement définies et où le gestionnaire, tout en respectant une ligne directrice, aurait la latitude voulue pour juger une situation en fonction de sa complexité et trouver une solution spécifique équitable. Cette méthode aurait pour avantage de faire appel au jugement du gestionnaire, de stimuler son sens de l'initiative et d'humaniser ses rapports avec ceux qui sont sous ses ordres, tant avec ceux qui sont sous ses ordres qu'avec la clientèle qu'il doit desservir. Le cadre ainsi responsabilisé pourrait être évalué de façon plus adéquate en fonction des résultats obtenus, lorsque viendra le temps de rendre compte à ses supérieurs du mandat qui lui aura été confié.

Quoi qu'il en soit, il est essentiel qu'à tous les niveaux de la hiérarchie gouvernementale, chaque cadre assume pleinement ses responsabilités et soit tenu de rendre compte à ses supérieurs de la façon dont il les exerce. Nous avons d'ailleurs commencé à agir sur ce plan. Ainsi, j'ai envoyé récemment à chacun de mes collègues du Conseil des ministres une lettre leur expliquant le déclenchement du processus de signification des attentes chez tout le personnel d'encadrement de la fonction publique. Chaque année, depuis l'an dernier, on précise à chacun des cadres ce qu'on attend de lui ou d'elle pour l'année qui s'en vient. À la fin de cette période d'un an, son supérieur analyse ces attentes, c'est-à-dire le mandat qui lui a été confié; puis, on se sert de cette évaluation de son rendement pour déterminer la révision de son traitement. On achève, M. le député de Jean-Talon. Nous sommes convaincus que cette mesure contribuera à augmenter l'efficacité du personnel d'encadrement et, par conséquent, à améliorer la productivité dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Nous souhaitons également que l'actuel système de notation des cadres y gagnera en rigueur et qu'il donnera un portrait plus réaliste de la performance d'ensemble du personnel d'encadrement.

Voilà donc, M. le Président, les remarques que je voulais formuler à l'occasion de la présentation des crédits de mon ministère. J'espère qu'elles pourront éclairer les membres de cette commission sur les actions que nous avons entreprises, ainsi que sur les objectifs que nous poursuivons. Je souhaite également que mes propos auront donné une vision plus précise de certains problèmes qu'on retrouve dans la fonction publique québécoise, problèmes qui, pour la plupart - permettez-moi de le répéter - sont communs à toutes les grandes

organisations, qu'elles soient du secteur public ou du secteur privé. C'est terminé.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre.

M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: C'est probablement une coutume qui est sans doute de bon aloi pour l'Opposition, d'entretenir à l'égard des discours ministériels le plus grand scepticisme que la nature des problèmes qui ne sont pas réglés justifie sans doute. Je dois dire à la ministre que son exposé ne fera pas exception à la règle. D'autant plus que cette étude des crédits revêt un caractère un peu particulier dans la mesure où l'Opposition participe depuis déjà plusieurs semaines et même plusieurs mois à un comité spécial que la ministre a évoqué et qui traite de différents aspects de la gestion du personnel de la fonction publique. Je pense que le document de travail qui a été rendu public a souligné des problèmes très importants dans la manière dont le gouvernement et les gouvernements successifs ont géré la fonction publique.

La ministre, dans son exposé, a évoqué un certain nombre de problèmes ou d'initiatives qu'elle a prises, elle a dit qu'elle attendait les conclusions définitives de la commission spéciale. C'est un peu difficile pour l'Opposition dans la mesure où l'on participe actuellement à un processus de relever ici, lors de l'étude des crédits, tous et chacun des aspects qui font, par ailleurs, partie du mandat de la commission spéciale. Je pense que la création de la commission spéciale rend cette étude de crédits, du moins, pour cette année, un peu, même beaucoup, particulière.

Par contre, il est bien certain que la ministre de la Fonction publique - et je sais qu'elle en est parfaitement consciente - en innovant, en créant la commission spéciale, redonnera la parole à l'Opposition et, j'en suis sûr, à nos collègues députés ministériels. Pour eux, ce ne sera pas une redécouverte de la parole étant donné qu'ils ne l'ont jamais eue dans le système parlementaire qu'on connaît, mais ils pourront, je l'espère, s'associer l'an prochain, lors de l'étude des crédits, aux députés de l'Opposition pour exiger, de la ministre de la Fonction publique, la mise en oeuvre la plus complète et la plus intégrale des recommandations que la commission spéciale lui aura adressées.

Autant, cette année, nous pouvons être limités dans nos commentaires, compte tenu de la situation que je viens de décrire, autant l'an prochain, nous aurons à demander des comptes à la ministre. Je sais qu'elle est très consciente de la responsabilité qu'elle a eue et je suis sûr que nos collègues de la commission spéciale, du côté ministériel, vont, à ce moment, s'associer à l'Opposition pour exiger, de la ministre de la Fonction publique, des décisions concrètes sur un nombre quand même très important de questions que vous retrouverez au document de travail, qui concernent à peu près tous les aspects de la gestion du personnel au niveau des structures. Des recommandations que nous ferons, nous verrons ce que la ministre fera au niveau des principes du mérite, de la productivité, de l'imputabilité, de l'éthique, enfin toutes et chacune des procédures de dotation, le développement des ressources humaines, les relations du travail, l'égalité des chances. C'est une question qui préoccupe énormément notre collègue, la députée de Dorion, qui, à cet égard, assume une continuité dont elle ne peut que se féliciter au niveau du comté de Dorion, dans la mesure où elle reçut un hommage non équivoque dans une publication récente.

Je voudrais, compte tenu de ce contexte et, d'ailleurs, nous en avons convenu, procéder assez rapidement à l'étude des crédits parce que les questions que nous pourrions poser, finalement, nous les débattons depuis fort longtemps avec nos collègues de la commission spéciale ainsi qu'avec les principaux responsables du ministère de la Fonction publique. À cet égard, je me dois, M. le Président, de remercier la ministre de la Fonction publique ainsi que ses collègues du Conseil des ministres qui, sur ce plan, ont apporté, déjà, au travail de la commission spéciale une contribution vraiment très appréciée, je pense, par l'ensemble des membres. Et sans doute que le président du comité, le député de Sainte-Marie se joindra à moi, mais je tiens à le dire au nom de l'Opposition; franchement, au niveau du ministère de la Fonction publique, on a joué pleinement le jeu de la commission spéciale, ce qui nous permet d'espérer, madame la ministre, que vous continuerez dans cette bonne voie, dès lors qu'il s'agira, pour vous, de convaincre vos collègues du Conseil des ministres d'appliquer à la lettre - je l'espère - les propositions de la commission spéciale pour que, vraiment, on ait une fonction publique, comme nous le disons, moderne, efficace et responsable.

Ceci étant dit, avant de céder la parole à mon collègue, juste une question préliminaire. La ministre de la Fonction publique a parlé de ce qui existe actuellement dans l'opinion publique et dans la presse, ces commentaires qui ont été faits sur la fonction publique, et elle a dit que les fonctionnaires étaient trop nombreux et trop payés. Moi, je pense que ceux qui ont parlé le plus de cette question-là, ce sont probablement le premier ministre et le ministre des Finances, et même le président

du Conseil du trésor qui a laissé entendre par ses hypothèses et ses illustrations que le Québec pourrait très bien se passer de quelque 17 000 fonctionnaires. Ce ne sont ni la presse, ni l'Opposition, ni l'opinion publique qui ont lancé cette chose-là.

Deuxièmement, sur le fait que les fonctionnaires seraient trop payés, je voudrais rappeler à la ministre de la Fonction publique qu'il se trouve des gens quelque part qui, comme par hasard, sont au gouvernement du Québec, qui ont signé des conventions collectives avec les fonctionnaires et qui auraient participé au fait que les fonctionnaires seraient, paraît-il, trop payés puisqu'on constate que c'est ce gouvernement-là qui demande en ce moment aux fonctionnaires d'ouvrir les conventions collectives. Le gouvernement renie sa signature, comme on le sait. On voit dans le journal ce matin qu'on prête aux fonctionnaires des activités bancaires, puisqu'ils deviendraient prêteurs du gouvernement. D'après ce qu'on peut lire dans le journal Le Soleil, le gouvernement pense à demander aux fonctionnaires de lui consentir un prêt. Je me demande où on est rendu.

Je sais que la ministre de la Fonction publique n'est pas directement responsable de ce dossier de la négociation; néanmoins, je voudrais lui demander d'abord parce qu'elle ne s'exprime pas beaucoup publiquement à tout le moins, sans doute le fait-elle au niveau du Conseil des ministres, mais comme elle est la principale responsable de la fonction publique, je pense qu'il serait d'intérêt public que la ministre de la Fonction publique s'exprime publiquement, peut-être pour la première fois, et nous donne un certain "scoop" de ses impressions et de ses orientations et de la façon dont elle conçoit son mandat comme gardienne première au sein du gouvernement des intérêts propres des fonctionnaires. Je pense que c'est l'essence de son mandat; qu'elle nous l'indique dès maintenant, j'aimerais l'entendre là-dessus.

Alors, je ne sais pas si la ministre, avant d'entendre mon collègue, pourrait répondre à cette brève question que je lui adresse à ce moment-ci, au début de nos travaux.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.

Réponse de la ministre

Mme LeBlanc-Bantey: M. le député de Jean-Talon vient de parler d'une brève question. À travers tous les commentaires et les questions sous-entendues qu'il y avait dans son intervention, je vais tenter d'en faire ressortir quelques-unes tout au moins.

Il me permettra de faire un commentaire préliminaire sur ses allusions à la commission Bisaillon, et je voudrais le rassurer quant à l'importance que je vais accorder aux travaux. Je pense que j'ai dit depuis le début que je croyais profondément à l'action des députés dans la réforme d'une loi de la fonction publique, et je le répète, de la même façon que je l'ai dit dans mes notes préliminaires, surtout à cause de l'expérience que les députés acquièrent dans leur bureau de comté, de la sensibilité qu'ils ont vis-à-vis des problèmes et de la perception des citoyens vis-à-vis de la machine. Je crois qu'à cet égard ils sont fort bien placés pour nous aider à faire une réforme qui humanise davantage les services que l'administration publique offre aux citoyens.

Par ailleurs, j'avais aussi dit, et je m'en souviens très bien, quand la commission a été créée qu'en aucune façon je n'abdiquais mes responsabilités de ministre et qu'il pouvait arriver, bien sûr, que, compte tenu des objectifs de l'appareil gouvernemental ou des objectifs du ministère par rapport au rôle qu'il doit jouer, nous ayons des priorités ou des objectifs qui ne soient pas nécessairement recherchés par les membres de la commission bipartite. Alors, j'espère bien que, quand le rapport sera déposé et quand sera venu le temps de voter une loi, de la même façon que la ministre et le ministère de la Fonction publique tenteront d'être extrêmement ouverts aux recommandations de la commission bipartite, de la même façon les membres de la commission à ce moment-là seront suffisamment ouverts aussi pour comprendre qu'il se puisse que nous ne soyons pas entièrement d'accord sur toutes les recommandations qu'ils nous feront. Quoi qu'il en soit, je tiens encore une fois à leur dire que dans l'ensemble nous allons faire tout notre possible pour effectivement tenter de répondre à leurs préoccupations et accepter les recommandations qu'ils nous feront. (11 h 30)

Revenons à la perception qu'on a des fonctionnaires, des employés de l'État, à laquelle je faisais allusion, selon laquelle effectivement beaucoup de gens pensent qu'ils sont trop nombreux et trop payés, etc., etc. Quant aux allusions qu'a faites le député de Jean-Talon à l'effet que le gouvernement ou certains membres du gouvernement pouvaient être en partie responsables de cette perception, en tout cas, pour avoir lu tout ce qui est sorti par rapport aux déclarations de mes collègues et pour les avoir entendues à de multiples reprises, je ne crois pas que mes collègues n'aient jamais dit, peu importent lesquels, que les fonctionnaires étaient trop payés. Ce que nos collègues ont tenté de véhiculer depuis le début, c'est que, bien sûr, il y a une crise

budgétaire et financière au Québec, qui n'est pas non plus commune au Québec mais à beaucoup de pays occidentaux. Nous avons des coûts de conventions collectives qui sont très difficiles à assumer par les temps qui courent et compte tenu du fait que lorsqu'on fait la comparaison des conditions de travail de nos employés surtout par rapport à ceux du secteur privé, force nous est de constater que leur situation est plus enviable que beaucoup d'autres dans le secteur privé. On demande à ces gens de peut-être consentir à un effort supplémentaire, à un sacrifice pour nous permettre de tenter de régler et de sécuriser certains employés qui sont dans le secteur privé et qui font face à des situations de chômage, à des situations dramatiques d'angoisse, auxquelles ne sont pas soumis nos employés. Je crois que c'est injuste de prétendre qu'on ait dit qu'ils sont trop payés. On n'a jamais dit non plus, et le député de Jean-Talon me permettra de nuancer, qu'on pouvait se passer de 17 000 fonctionnaires facilement. Au contraire, quand on parle de 17 000, il faut quand même spécifier qu'on parlait des différents réseaux, l'éducation et les affaires sociales. On a dit que si les syndicats n'acceptaient pas de rouvrir leurs conventions collectives et qu'il fallait assumer le coût prévu pour les conventions collectives cette année, le gouvernement devrait prendre d'autres moyens et pour des raisons "pédagogiques", on s'est servi d'une hypothèse possible qui aurait pu être le congédiement d'un certain nombre d'employés. Par ailleurs, tout le monde sait que ces gens aussi ont la sécurité d'emploi. Je pense qu'il faut quand même placer les déclarations dans leur contexte et éviter actuellement la moindre démagogie qui pourrait contribuer à mélanger les cartes plus qu'elles ne le sont déjà.

Vous avez dit aussi que j'avais peu eu l'occasion de m'exprimer publiquement, en me qualifiant de la gardienne des droits et des devoirs de nos employés. Je dirais au député de Jean-Talon que j'ai eu l'occasion de le faire assez récemment dans une longue entrevue dans le Devoir, où entre autres, je disais qu'effectivement, nous avions dans l'ensemble des employés bien payés, avec des bonnes conditions de travail et surtout la sécurité d'emploi, mais que par ailleurs, tous nos employés non plus ne vivaient pas des années de "vache grasse" et que nous avions dans la machine un certain nombre assez important d'employés qui ne gagnaient même pas 20 000 $ et qu'il était faux et qu'il serait injuste de demander à ces employés le même effort qu'on allait pouvoir peut-être demander à ceux qui avaient un salaire supérieur. J'ai même pris la peine de spécifier que, quand je parlais d'un salaire supérieur de 35 000 $, 40 000 $, je ne disais pas là non plus que ces gens étaient trop payés, sauf que par rapport à la personne qui gagne 15 000 $, la livre de beurre est le même prix. Je prétends qu'il y a certaines personnes qui peuvent peut-être consentir de plus grands sacrifices que d'autres. Je continue de penser la même chose et d'ailleurs, la proposition qui a été faite par le gouvernement aux centrales syndicales et à nos syndicats dans le secteur de la fonction publique allait directement dans ce sens. C'est fondamentalement ce que j'en pense et ce que je continue d'en penser. Quant au reste, nous tentons, bien sûr - du côté du ministère de la Fonction publique, c'est notre rôle - de veiller à ce que nos employés aient le meilleur sort possible en fonction des moyens de l'État québécois, de même, à ce que les responsabilités de la gestion soient couvertes.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je remercie la ministre des précisions qu'elle apporte à ma question. Il existe, Mme la ministre, au niveau du Conseil des ministres probablement, un comité spécial de stratégies dans le domaine des relations du travail dans le secteur public et parapublic. Est-ce exact?

Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: II existe ce qu'on appelle un comité de négociation composé du président du Conseil du trésor, du ministre des Finances, du ministre des Affaires sociales, du ministre de l'Éducation et de la ministre de la Fonction publique.

M. Rivest: Alors, vous êtes partie de ce comité?

Mme LeBlanc-Bantey: Bien sûr. Politique salariale

M. Rivest: Est-ce que la nouvelle parue ce matin dans le Soleil à l'effet que ce comité aurait l'intention de demander aux fonctionnaires, ça concerne quelque 300 000 employés, mais vous ne pouvez parler que des fonctionnaires de la fonction publique, mais nous convenons que vous parlez de la possibilité pour eux de consentir un prêt sans intérêt en contrepartie d'une indexation des salaires prévue pour la période comprise entre le 1er juin 1982 et le 1er juin 1983. Est-ce que cette hypothèse a été effectivement retenue par le comité?

Mme LeBlanc-Bantey: Je vais vous dire très honnêtement, M. le député de Jean-Talon, que je n'ai pas encore pris connaissance de l'article du Soleil et que je n'ai pas l'habitude de commenter ce que je

n'ai pas lu. Par ailleurs, je peux quand même vous dire que, quant à moi, c'est la première nouvelle que j'en ai, qu'il n'y a eu jusqu'à présent aucune discussion de ce genre au comité des négociations qui s'est réuni pour la dernière fois, la semaine dernière, mercredi.

M. Rivest: Par ailleurs, Mme la ministre, vous avez évoqué une chose dans votre interview au journal Le Devoir que vous avez reprise ici selon laquelle au fond, quand vous dites qu'il y a des fonctionnaires... En général, peut-être que les chiffres le démontrent, bien que ce soit un débat auquel tout le monde participe, à savoir que les fonctionnaires sont mieux payés ou moins bien payés que les employés du secteur privé. Vous avez dit, et avec raison, bien sûr, qu'il y a certainement des catégories de fonctionnaires qui ont un retard. Mais ce pourquoi je vous ai posé la question, comme ministre de la Fonction publique, c'est qu'en faisant une pareille affirmation vous vous trouvez à donner un élément de la politique salariale du gouvernement que nous ne connaissons pas encore. Je voudrais, si vous le pouvez, bien sûr, que vous puissiez, en tant que ministre de la Fonction publique et aussi en tant que membre du comité de négociation du gouvernement, aller plus loin et indiquer certains ordres de grandeur sur les éléments de cette politique salariale. Je pense que c'est une de vos préoccupations et de vos responsabilités comme ministre de la Fonction publique, d'autant plus que vous siégez au comité de négociation du gouvernement.

Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Jean-Talon comprendra très bien que je ne vais pas entreprendre des négociations ici, ce matin, avec lui, mais qu'au contraire les négociations vont se faire pour la prochaine ronde comme pour la dernière avec les responsables du ministère et les syndicats concernés. Ce que j'ai exprimé dans l'entrevue du Devoir n'avait rien à avoir avec la politique salariale du gouvernement. Je n'exprimais que mes convictions personnelles en fonction d'une crise que nous traversons, à la suite du sommet économique auquel tout le monde a eu l'occasion de participer. Dans cette perspective, je me sentais totalement à l'aise de le faire, je n'engageais en rien la politique salariale du gouvernement, puisque nous n'avions pas eu l'occasion, à l'époque, au Conseil des ministres, de faire des choix. J'indiquais mes priorités, à moi, en tant qu'individu d'abord et bien sûr en tant que ministre. Maintenant, tout se décidera en fonction des moyens financiers dont nous disposerons, en fonction aussi de ce que les centrales syndicales viendront revendiquer, elles, pour le bien-être de leurs membres et en fonction des priorités des centrales syndicales et de nos syndicats à nous dans la fonction publique.

M. Rivest: Une dernière question sur ce sujet avant de passer la parole à mon collègue. Le syndicat des fonctionnaires a rejeté, je pense, la proposition du gouvernement dans le contexte des prénégociations que nous vivons. Comme ministre de la Fonction publique et membre du comité de stratégie de négociation, est-ce que vous avez des commentaires ou des appréciations à faire à ce moment-ci?

Mme LeBlanc-Bantey: Vous me permettrez, là encore, de faire les commentaires les plus brefs possible, dans le sens...

M. Rivest: Vous êtes brève.

Mme LeBlanc-Bantey: ... et vous allez comprendre pourquoi.

M. Rivest: Vous pouvez être longue, parce que jusqu'à maintenant vous n'avez pas donné beaucoup d'information sur vos...

Mme LeBlanc-Bantey: ... et dans...

M. Rivest: ... vous êtes d'une orthodoxie absolument formidable.

Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Jean-Talon va comprendre très bien pourquoi je me permettrai d'être brève sur la question qu'il vient de me poser. Dans la mesure où la position connue du syndicat des fonctionnaires jusqu'à maintenant est la position de l'exécutif syndical et que le syndicat des fonctionnaires, comme d'ailleurs d'autres syndicats, est actuellement en train de consulter sa base militante et que, bien sûr, nous n'avons pas reçu encore la réponse officielle de l'ensemble du syndicat des fonctionnaires, il m'apparaît important de recevoir l'avis des membres du syndicat avant de faire des commentaires. Je suis convaincue qu'avec l'esprit démocratique que vous avez l'habitude de manifester, vous comprendrez que nous croyons que ce que les membres même pensent est tout aussi important que ce que l'exécutif syndical pense.

M. Rivest: Une dernière précision, pour revenir à la question que je vous posais antérieurement. Vous dites que le comité de négociation n'a jamais été saisi de l'hypothèse, à l'effet qu'on demanderait aux fonctionnaires de consentir un prêt sans intérêt - drôle de gouvernement ou drôle d'emprunteur - à même les rémunérations additionnelles qui leur seraient, par ailleurs, acquises en vertu de la signature du

gouvernement. Jamais le comité de négociation ministériel n'a été saisi d'une telle hypothèse.

Mme LeBlanc-Bantey: Je vous ai répondu très honnêtement, non. Je dois quand même spécifier que, depuis le début, lors des vacances de Pâques, j'ai manqué un comité de négociation. Selon le rapport qui m'en a été fait, il n'avait été aucunement question de cette hypothèse, jusqu'à ce jour.

M. Rivest: Mais, depuis les vacances de Pâques, vous avez assisté à toutes les réunions du comité.

Mme LeBlanc-Bantey: Je vous ai dit la vérité, M. le député de Jean-Talon. J'ai l'habitude de la dire.

M. Rivest: J'en suis absolument certain, mais je vous pose ces questions parce que peut-être que d'autres pourront avoir des versions un peu différentes de la vôtre. Vous, je suis convaincu...

Mme LeBlanc-Bantey: Écoutez, que des discussions aient eu cours dans des officines gouvernementales ou dans des corridors... Je n'en suis pas la gardienne. Je vous dis qu'au comité...

M. Rivest: Est-ce que M. Jacques Parizeau et M. Bouchard sont des officines gouvernementales autorisées?

Mme LeBlanc-Bantey: Dans les bureaux gouvernementaux, si vous me permettez de spécifier, ou dans les officines. Je dois spécifier que "officines", dans mon esprit, n'était pas négatif; est-ce que cela l'est dans le vôtre?

M. Rivest: Non, pas du tout. Cela dépend lesquelles: les vôtres, oui; les nôtres ne l'étaient pas.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que c'est un anglicisme, M. le député?

M. Blais: Certainement.

Mme LeBlanc-Bantey: Bon! Alors, on dit bureau. C'est cela, M. le député de Terrebonne?

M. Blais: "Officine" ne s'emploie dans les cadres que pour l'armée; pas dans ce sens-là.

Une voix: C'est officine, pas officier.

Mme LeBlanc-Bantey: En tout cas, quoi qu'il en soit, que des discussions, que des hypothèses soient en élaboration quelque part, c'est possible, mais je répète au député de Jean-Talon que, jusqu'à maintenant, cela n'a pas été apporté à la table du comité de négociation.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Est-ce que M. le député de Jean-Talon a terminé?

M. Rivest: Pour l'instant.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, pour l'instant. D'accord. M. le député de Papineau.

Autre exposé M. Mark Assad

M. Assad: Oui. Juste quelques brèves remarques. Étant donné la mauvaise ou la piètre opinion du gouvernement et de la bureaucratie que plusieurs membres du public ont aujourd'hui, le défi majeur que les administrateurs publics ont à relever est de rétablir leur réputation d'efficacité, de prudence, d'efficience et d'imputabilité. Ils doivent convaincre les parlementaires et le grand public qu'ils savent administrer.

Dans un article découlant d'une allocution prononcée au congrès de l'IPAC -je crois que le nom est l'Institut d'administrateurs publics de toute façon - un auteur étudie les potentiels, les possibilités et les impacts de l'implantation des politiques bureaucratiques philosophiquement harmonisées, dynamiques et plus autonomes et illustre les changements de conduite, d'attitude et d'actions, requis des administrateurs publics qui désirent oeuvrer pour le bien public.

Rarement auparavant dans notre histoire y a-t-il eu une perception aussi claire d'inefficacité, d'insensibilité et d'invisibilité de l'administration gouvernementale. Cette critique vise en grande partie les bureaucraties provinciales et - il faut le dire - même aussi les bureaucraties fédérales. Le défi d'efficacité et d'efficience que doivent, de nos jours, relever les administrateurs publics dépasse de beaucoup celui d'autrefois et tend même à convaincre les politiciens et le public de leur sens de la responsabilité et de leur imputabilité. Ils doivent surmonter les difficultés inhérentes à leur réponse directe aux besoins du public et adapter et innover en utilisant de nouvelles technologies et de nouveaux systèmes administratifs pour gérer adéquatement le gouvernement provincial ou la province de Québec.

Il y a des personnes capables de relever ces défis, mais devant les sacrifices que ces derniers requièrent, plusieurs ne sont tout simplement pas intéressés à joindre les rangs des fonctionnaires, ceux qui viennent de l'entreprise privée.

Le monde des comités, des détachements spéciaux, des réunions, des scénarios, des directives ministérielles, des groupes spéciaux, des arrêtés, des règles et d'autres scénarios attire rarement des administrateurs du genre entrepreneur ou directeur d'entreprise privée. Ces administrateurs aiment avoir de la latitude pour diriger. Ils sont habitués au système récompense - punition approprié à leur rendement. (11 h 45)

Le service public au Québec est un endroit de travail, il faut le dire, exceptionnel et merveilleux. Les bureaucrates les plus anciens sont aussi silencieux et invisibles qu'ils sont puissants et influents. Au sein de notre système au Québec, c'est un jeu de prétendre qu'ils existent à peine. Prétendre qu'ils n'influencent pas les politiques ou les règles est un autre mythe. La question qu'on doit se poser dans l'intérêt public est de savoir si les fonctionnaires influencent les politiques mises de l'avant ou établissent virtuellement les politiques du gouvernement. Nous devons tous reconnaître que les administrateurs publics influencent très fortement les politiques touchant le public. Par conséquent, il doit y avoir un regain du sens des responsabilités non seulement du point de vue administratif, mais aussi du point de vue politique.

Ceci n'est pas une critique mais une reconnaissance de la situation existante laquelle devrait être révisée afin que le rapport entre l'administrateur public et l'intérêt public ne soit pas simplement vu dans un sens étroit selon lequel les administrateurs publics gèrent simplement des programmes qui ont été d'une façon ou de l'autre mis sur pied par le ministre ou...

Une voix: Ou le cabinet.

M. Assad: Cela a été très bref, Mme la ministre, et, juste avant de terminer, on va avoir la chance durant les crédits d'entrer dans les détails de certaines choses que j'ai pu mettre ensemble après avoir entendu quelques-uns des intervenants du comité spécial qu'on a eu la semaine passée.

Vous avez cité une phrase de Galbraith qui était à Montréal et à Québec concernant les administrateurs privés par rapport aux administrateurs publics, mais Galbraith, qui a oeuvré aux États-Unis pendant plusieurs années, connaît très bien l'appareil gouvernemental américain, et je crois qu'il serait surpris de voir comment l'administration publique est menée au Canada en général, et en particulier au Québec. Si on regarde les avantages que les fonctionnaires ont comparativement aux fonctionnaires américains, vous savez qu'aux États-Unis cela fait partie du jeu que l'administration publique soit toujours moins payée que l'administration privée. En général, dans l'administration publique, ceux qui oeuvrent pour l'État sont moins payés que dans le secteur privé, et je suis au fait qu'ils n'ont jamais les avantages sociaux que nous accordons à nos fonctionnaires. Cela ne veut pas dire que nous avons tort et qu'eux ont raison, mais de toute façon nous avons des avantages ici qu'on n'a pas ailleurs.

Donc, vu les avantages toujours accrus au Québec, vu qu'on possède aussi la sécurité d'emploi ici et que le lieu de travail est grandement favorisé, je crois qu'il faut s'attacher à de plus grandes responsabilités et surtout à une productivité au moins égale à ce qu'on reçoit en retour.

Donc, au cours des crédits, je voudrais revenir sur cette histoire de la comparaison que Galbraith voulait faire, et je crois que c'est mélanger des pommes et des oranges que de comparer les deux administrations publiques qui existent dans notre pays ou dans notre province en particulier avec celle des États-Unis.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.

Mme Leblanc-Bantey: Cela peut sembler, pour certaines raisons que vous évoquez, mélanger des pommes et des oranges dans la perspective où, bien sûr, les choses ne se passent pas tout à fait de la même façon aux États-Unis qu'elles peuvent se passer au Québec ou à Ottawa. Par ailleurs, lorsqu'on compare la productivité de notre fonction publique québécoise par rapport - et c'est surtout dans ce contexte-là que, moi, je l'évoquais - à nos grandes entreprises privées québécoises ou canadiennes, j'ai la conviction que notre productivité pourrait se comparer avantageusement. D'ailleurs, il y a du travail qui commence à se faire là-dessus; on arrivera sans doute avec des données plus précises par rapport à notre situation. J'ai la conviction, quant à moi, que cela pourrait se comparer avantageusement.

Vous avez fait allusion aux nombreux avantages dont bénéficient nos fonctionnaires par rapport à ceux des États-Unis. Je vous avoue honnêtement que je n'ai jamais comparé les tableaux. D'ailleurs, j'ai toujours eu tendance à trouver ce type de comparaison un peu dangereuse dans la perspective où tout dépend aussi des orientations des gouvernements. Je pense qu'au Québec on a eu tendance, dans les dix dernières années, à avoir des gouvernements de plus en plus interventionnistes, à étiquette plus social-démocrate, si vous voulez. Disons que cela s'est amélioré depuis cinq ans, je vous rends quand même hommage pour avoir développé certains services sociaux dont vous aviez conscience que la population avait besoin. Dans ce contexte, je ne crois pas

qu'on puisse comparer la productivité de nos employés, leur salaire, leurs conditions de travail en fonction d'autres pays où des orientations totalement différentes pourraient être prises par le gouvernement.

Par ailleurs, je voudrais ouvrir une parenthèse pour dire que notre fonction publique québécoise, au niveau des cadres supérieurs, a quand même certaines catégories de cadres qui sont moins payés que dans le secteur privé. Dans les perspectives, un des objectifs du gouvernement lors de la dernière négociation de la convention collective - j'espère qu'il va demeurer - a été de tenter de réduire les écarts entre les petits et les grands salariés. C'est une vision du gouvernement, c'est un objectif du gouvernement, mais il faut quand même spécifier que certains de nos cadres sont moins payés que dans le secteur privé par rapport au type de responsabilités qu'ils ont.

Vous allez me dire: Oui, bien sûr, dans le secteur privé, ils sont beaucoup plus responsables de leurs bonnes actions que dans le secteur public. Dans le secteur public, un cadre qui "performe" plus ou moins bien peut toujours s'en tirer; peut-être qu'il s'en tirerait moins bien dans le secteur privé. Le secteur privé veut aussi qu'un cadre - je l'ai d'ailleurs mentionné récemment - qui produit bien soit récompensé. Les formules de rémunération du secteur public sont différentes. Cela n'a pas toujours été, traditionnellement, le cadre qui faisait un bon coup, qui "performait" bien, qui était mieux rémunéré que son voisin qui "performait" moins bien. C'est dans cette perspective que nous avons tenté d'établir depuis quelques années - j'espère que l'année prochaine sera encore plus significative - une formule de rémunération où une partie du traitement du cadre serait due à sa capacité de répondre aux attentes auxquelles je faisais allusion, à ce qu'on lui demande, à sa capacité d'améliorer sa productivité.

Peut-être qu'en développant ce type de formule d'une façon encore plus importante que celle que nous avons maintenant, au cours des prochaines années, ce sera une façon de récompenser et de stimuler les bons cadres à mieux produire. Quant à moi, j'ai la conviction que ce type de démarches, basé, dans le fond, sur ce qui existe dans le secteur privé, va aider la productivité chez les cadres. Elle va aider à les responsabiliser davantage aussi.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Papineau.

M. Assad: Vous avez dit qu'il y a un certain nombre de fonctionnaires qui gagnent moins que leur équivalent, si vous voulez, du secteur privé. Je crois que c'est un petit nombre sur l'ensemble des fonctionnaires.

Mme LeBlanc-Bantey: Je suis d'accord.

M. Assad: Je ne pense pas que ce soit un grave problème.

Mme LeBlanc-Bantey: Je n'ai jamais dit que c'était un problème. Je suis d'accord. L'objectif du gouvernement, de certains gouvernements, a été de réduire les écarts entre les petits salariés et les plus gros, ce qui n'est pas un des objectifs du secteur privé. D'ailleurs, cela me fait penser, pour revenir à ce que le député de Jean-Talon disait tout à l'heure, que ce n'est pas le gouvernement qui a dit que les fonctionnaires étaient trop payés, c'est la chambre de commerce - je m'excuse - qui est venue vous le dire, selon ce que j'en ai lu, devant la commission spéciale.

M. Rivest: J'ai également dit que c'était le gouvernement qui avait entretenu cela pour justifier sa très mauvaise administration.

Mme LeBlanc-Bantey: On ne reprendra pas cela.

M. Rivest: Les problèmes financiers du gouvernement ne se limitent pas uniquement aux 700 000 000 $, ce sont les 4 000 000 000 $ de déficit qui vous pendent au bout du nez. C'est cela, votre problème, et vous voulez faire payer cela par les fonctionnaires. C'est ce que j'ai dit.

Mme LeBlanc-Bantey: Ce n'est jamais ce qu'on a dit. De toute façon, on reviendra, à l'occasion, à l'intervention du député de Jean-Talon, s'il le veut bien. Ce que j'ai dit, c'est qu'effectivement, cela existait. Je n'ai pas dit que c'était un problème; cela dépend des objectifs du gouvernement. Par ailleurs, encore là, il faut se méfier des comparaisons trop faciles entre le secteur privé et le secteur public. Cela dépend des objectifs. L'objectif de l'entreprise privée est de faire des profits; l'État, en tant qu'employeur, a d'autres responsabilités. Dans ce sens-là, les comparaisons se tiennent et c'est dans ce sens-là qu'on est conscient que nos employés sont très bien traités par rapport à certains secteurs privés. Mais il faut faire attention de tenter d'aligner deux colonnes sans nuancer, de part et d'autre, en fonction des objectifs de l'une et de l'autre.

M. Assad: Mais il faut reconnaître que l'objectif de l'entreprise privée ce sont les profits; ici, comme gouvernement, ce sont des services à la population. Est-ce qu'on a l'évaluation des programmes? Est-ce que le gouvernement a déjà déposé une évaluation des services qu'on est censé rendre au public?

Mme LeBlanc-Bantey: Évaluation dans le sens que des services seraient plus ou moins valables?

M. Assad: Oui Est-ce que vraiment les objectifs des différents programmes ont été évalués?

Mme LeBlanc-Bantey: Je pense qu'il y a dans chaque ministère, compte tenu du contexte, mais je ne veux pas m'engager non plus pour mes collègues, non seulement de réduction financière mais de réduction d'effectifs, une volonté de plus en plus grande d'évaluer la pertinence de certains programmes par rapport à ce que les citoyens en attendent. Ce genre de démarche, jusqu'à maintenant, n'a pas été fait. Je pense que cela n'avait pas été fait non plus par le gouvernement précédent. Cela s'explique parce que le contexte était différent. On avait l'impression à l'époque que les ressources de l'État étaient illimitées tant du point de vue des effectifs que du point de vue financier. Je pense qu'on est en train de se rendre compte qu'effectivement cela n'est pas le cas et cela oblige non seulement les gestionnaires, mais aussi les politiciens à réévaluer la pertinence de certains programmes. Quant à moi, j'ai la conviction que certains programmes pourraient carrément disparaître de l'administration gouvernementale sans que les citoyens pensent que c'est un drame.

Peut-être qu'à cet égard la commission... Vous aurez aussi des suggestions à nous faire par rapport à ce que vous attendez de votre commission spéciale. La réflexion se fait. Je pense qu'elle est engagée. La preuve, c'est que nous avons de plus en plus de ministères qui ont hâte de voir adopté notre règlement de mise en disponibilité parce que effectivement on l'envisage dans un contexte où des unités administratives complètes pourraient disparaître en fonction de programmes qui seraient annulés.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Cela va? M. le député de Jean-Talon.

Réduction d'effectif

M. Rivest: Mme la ministre, il y a tout un débat actuellement. Évidemment, le gouvernement fait grand état de ce simili de décroissance de l'effectif de la fonction publique dont on arrive difficilement à voir les véritables données. Me fiant à des données sûres, en tout cas, dans mon esprit, Statistique Canada, il y a une distorsion. On arrive difficilement à savoir combien il y a de membres, de fonctionnaires dans la fonction publique. Par exemple, les chiffres que j'ai pour 1976-1977 nous indiqueraient qu'il y aurait eu 68 056 personnes dans la fonction publique; en 1980-1981, cela est monté à 72 608 fonctionnaires. Peu importent les chiffres, il y aurait eu une croissance de quelque 6%. Par ailleurs, lorsqu'on regarde l'autre volet du débat, il y a d'autres personnes qui avancent des chiffres sur les effectifs réels dans la fonction publique en regardant les employés figurant sur la liste de paie, cela donne un tout autre résultat. Finalement, pour savoir véritablement combien il y a de personnes dans la fonction publique, j'aimerais cela si vous pouviez brièvement établir ces données de façon qu'on puisse, en vous donnant toute la crédibilité possible, dire que c'est la ministre de la Fonction publique, de par son autorité, qui a affirmé à tel moment qu'il y avait tel nombre de fonctionnaires. Ensuite, on pourra évaluer les efforts de gel des effectifs que le gouvernement nous dit vouloir faire.

Mme LeBlanc-Bantey: Je comprends qu'il y a beaucoup de mélange dans les effectifs réels. Il faut peut-être prendre la peine d'expliquer qu'il y a toute une discussion entre le nombre de postes autorisés - les postes sont autorisés par le Conseil du trésor - et les personnes qui occupent effectivement ces postes. Nous avons les données des personnes qui occupent les postes parce que nous payons ces personnes.

M. Rivest: Les chiffres que vous allez me donner, c'est en vertu de la liste de paie.

Mme LeBlanc-Bantey: La liste de paie chez nous, mais la paie n'est pas toute centralisée au ministère de la Fonction publique. Je vais vous donner aussi la liste des personnes qui ne sont pas centralisées chez nous. Nous avons quand même pris la peine de faire un relevé de ces personnes dans ces différents organismes. Le nombre de personnes dans les ministères et organismes dont la paie est centralisée au ministère de la Fonction publique, le 31 mars dernier, nous en avions 51 252. (12 heures)

Les organismes non budgétaires, comme on les appelle, avec paie autonome, et je vous le souligne, il s'agit de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, de la Commission des normes du travail, de la Régie de l'assurance automobile, de la Régie de l'assurance-maladie et de la Régie des rentes, il y en a de ce côté 6746; c'est bien cela? C'est ce qu'on nous a donné comme chiffre. Mon sous-ministre me souligne que ce n'est pas nécessairement épuré comme chiffre, on n'est pas allé les compter un par un, mais c'est ce qu'on nous a donné comme chiffre et on a toutes les raisons de croire que ce sont des chiffres réels; ce qui nous

donnerait donc 57 998 postes permanents à la fonction publique.

M. Rivest: Par rapport à 1976, est-ce que vous avez des données?

Mme LeBlanc-Bantey: En 1976...

M. Rivest: En quelle année ces chiffres-là que vous nous avez donnés ils sont valides pour quand?

Mme LeBlanc-Bantey: Ceux que je viens de vous donner?

M. Rivest: Oui.

Mme LeBlanc-Bantey: Le 31 mars 1982.

M. Rivest: Le 31 mars 1982; alors, c'est plus récent.

Mme LeBlanc-Bantey: Alors, en 1976 c'était 50 070 employés selon les chiffres qu'on a au livre des crédits; par ailleurs, en 1979 parce que la politique de réduction d'effectifs n'a pas nécessairement commencé avec l'année 1976... Je pense qu'on a plutôt commencé en 1978 où il ne s'agissait pas de réduction d'effectifs, on demandait à des ministères de consentir à donner de leurs postes pour aider à créer des postes dans de nouveaux organismes qu'on créait parce qu'il faut quand même souligner qu'on a créé au-delà de 25 organismes de tous genres depuis 1976.

M. Rivest: Cela est un autre aspect que je voudrais souligner à la ministre, c'est que quand le gouvernement parle d'un gel ou enfin d'un meilleur contrôle des effectifs de la fonction publique, il faudrait que la ministre de la Fonction publique qui travaille au niveau du Conseil des ministres prévienne ses collègues des dangers pour le présent gouvernement de créer toutes sortes d'organismes qui très souvent - et on le fait à l'occasion des débats, je tiens à le souligner - auraient avantage à être purement des directions ou des services des ministères existants.

Je comprends qu'il y a des raisons et des contraintes, il y a une pratique, il y a une tradition, j'ai ici une liste extrêmement impressionnante des organismes qui ont été créés, j'en ai probablement une trentaine, de 1977 à 1981 où on a créé allègrement des bureaux. Et, je vous signale que quand on fait cela, c'est que... Bureaux, je peux vous en nommer quelques-uns, Bureau du financement des partis politiques, Comité pour la protection de la jeunesse, Régie de l'assurance automobile, Commission de toponymie, Commission de surveillance de la langue française, Commission de refonte des lois, Office des handicapés, enfin une liste...

Enfin, vous le savez, ce sont les lois que l'Assemblée nationale a adoptées. Je n'ai rien contre une en particulier ou un organisme, j'en ai à peu près une trentaine ici qui sont énumérés. Mais, l'affaire qui se produit là-dessus, je voudrais simplement souligner cela à la ministre, c'est que dans le contexte actuel des difficultés financières de l'État en général, il faut bien penser et y penser deux fois avant de créer des organismes tout simplement comme cela, parce que cela s'est toujours fait. Parce que non seulement vous employez des gens qui rendent des services, mais à chaque fois que vous créez un organisme, vous créez une structure de direction avec des postes de cadres, de professionnels, de comptables, enfin tout cela.

Je fais la remarque parce qu'il me semble que là, il y a peut-être une réflexion que l'État, le gouvernement du Québec devrait faire à cet égard parce que effectivement on veut - je ne doute pas qu'on le veuille - contrôler mieux la croissance de la fonction publique. Par ailleurs, on passe complètement à côté, on se trouve à défaire cet objectif-là en multipliant les organismes, en alourdissant encore davantage les structures gouvernementales et en créant des postes extrêmement nombreux et des postes souvent de niveau supérieur. Je me rappelle une anecdote: par exemple, lorsqu'on a créé les communautés urbaines, je me rappelle que mon prédécesseur - pour montrer ce que cela peut faire - comme député de Jean-Talon était ministre des Finances à l'époque, et à un moment donné il arrive à l'aéroport de Québec et lui, il négociait des emprunts avec M. Cazavan, qui connaissait bien les marchés internationaux. M. Cazavan partait seul pour aller à New York pour négocier un emprunt et à l'aéroport ici à Québec il a rencontré cinq ou six personnes, directeur de ci, président de cela, qui prenaient l'avion et s'en allaient à New York pour vérifier l'état des marchés financiers. S'il avait téléphoné au ministère des Finances, ici, il n'aurait pas eu besoin de faire toutes ces dépenses-là. Je n'ai rien contre les communautés urbaines, mais je vous dis qu'il y a effectivement dans le processus actuel de multiplication des organismes publics une attitude qui alourdit l'État et qui va complètement à l'encontre des objectifs par ailleurs exprimés par l'ensemble de la collectivité et du gouvernement, je n'en doute pas, d'alléger l'appareil gouvernemental et de le faire fonctionner avec de meilleurs services et à meilleur coût. Comme ministre de la Fonction publique, vous devriez vous faire un devoir, lorsque vos collègues vous demandent de créer des organismes et des régies, de bien vérifier auprès de vos clients que sont les ministères pour voir s'il y a des directions ou des ministères qui ne pourraient

pas prendre en charge les services que l'on veut par ailleurs fournir à la population.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.

Mme LeBIanc-Bantey: Le député de Jean-Talon me permettra de lui apprendre aimablement, s'il l'ignore, qu'il y a plus de 200 organismes à ce jour et que nous en avons créé une trentaine. Je ne poserai pas de jugement sur la trentaine. Il se peut qu'effectivement trente, ce soit trop, mais il reste que c'était une maladie, semble-t-il, qui n'a pas été propre à notre gouvernement. J'aimerais, par ailleurs...

M. Rivest: II faut dire que, nous, au moment où nous en créions, nous étions dans une période de prospérité; avec votre arrivée cela a été la décroissance.

Mme LeBIanc-Bantey: C'est-à-dire que la décroissance, lors de notre arrivée, a été provoquée par votre passage dans une période qui n'était pas aussi prospère...

M. Rivest: Non, entendons-nous pour dire que c'est la faute du fédéral.

Mme LeBIanc-Bantey: Entendons-nous pour dire que vous avez...

M. Rivest: II est toujours disponible, celui-là, pour prendre le plat.

Mme LeBIanc-Bantey: Entendons-nous pour dire que vous avez vous aussi votre part de responsabilité.

M. Rivest: Non.

Mme LeBIanc-Bantey: Ce que je voudrais dire au député de Jean-Talon, c'est que depuis un an, d'ailleurs, depuis le moment où tout le monde a constaté qu'effectivement il y avait une crise au travers laquelle nous avions à passer nous aussi, il y eu beaucoup moins de création d'organismes. Dans votre liste, je ne sais pas si vous en avez la dernière année, mais vous ne devez pas en avoir beaucoup. Effectivement l'ensemble du Conseil des ministres s'est fait un devoir d'être extrêmement circonspect sur la création de nouveaux organismes. Par ailleurs, quand on regarde les chiffres - je suppose que vous en avez trouvés la dernière année - de la croissance de la fonction publique québécoise par rapport à 1976 et quand on regarde aussi la croissance de ces organismes, il m'apparaît qu'il s'est quand même fait un effort de rationalisation des effectifs dont il faut tenir compte. Il faut aussi rendre hommage aux gestionnaires qui ont réussi à aider le gouvernement à atteindre ses objectifs, de même que l'Opposition et le public. S'il n'y a pas de diminution significative, il aurait pu y avoir une augmentation significative dans la perspective des mentalités que nous avions auparavant selon lesquelles, entre 1967 et 1976, la fonction publique avait strictement doublé en termes d'effectifs. Je pense que le message est passé, tout le monde a compris que ces temps-là étaient terminés et la rationalisation qu'on a faite commence à être significative et réelle.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député.

Les ex-religieux enseignants

M. Rivest: Une question rapide, très particulière et que tous les collègues, les députés ministériels autant que de l'Opposition, reçoivent, c'est la fameuse question qui est lancée de l'un à l'autre dans une espèce d'exhibition ministérielle, mais les gens restent malheureusement sur le carreau, c'est le problème de la loi 60 et des ex-religieux, vous savez, d'avant 1965, etc. Il y a un M. Dolbec qui, avec une patience qui lui vaudrait l'admiration de tous, se promène de ministre en ministre, passe de temps à autre du côté de l'Opposition, nous demandant de faire des représentations. C'est la question des ex-religieux enseignants au sujet de laquelle des engagements ont été pris par d'anciens ministres de la Fonction publique, par à peu près tout ce qu'il y a de personnages très importants au niveau du gouvernement, partant de l'honorable premier ministre et en allant jusqu'au chef de cabinet actuel, ou un membre du cabinet actuel de la ministre de la Fonction publique, M. Tremblay. Ce sont toutes des personnes importantes qui se sont engagées à dire que ce problème des religieux ex-enseignants serait réglé incessamment, bientôt, prochainement. Enfin, . tout le vocabulaire y a passé, sauf que le problème n'est pas encore réglé.

Mme LeBIanc-Bantey: J'ai eu l'occasion, bien sûr, de connaître M. Dolbec quand la CARR dépendait encore du ministère de la Fonction publique. Maintenant, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais à ma demande la Commission administrative des régimes de retraite a été transférée au Conseil du trésor parce qu'il m'apparaissait que, compte tenu du fait que la Commission administrative des régimes de retraite traitait non seulement de la fonction publique, mais des autres réseaux, cela n'avait rien à voir avec le ministère de la Fonction publique mais qu'au contraire cela devait dépendre du Conseil du trésor qui coordonne, finalement, non seulement les négociations mais aussi beaucoup d'autres

problèmes entre les différents réseaux, y compris celui de la fonction publique.

Si je me rappelle bien - je peux quand même me permettre de faire certains commentaires - nous avions étudié le cas des ex-religieux avec beaucoup d'attention. D'ailleurs, le député de Papineau aussi, à l'époque, s'était fait le grand défenseur de leurs problèmes pour constater que régler le problème des ex-religieux risquait d'être très coûteux pour le gouvernement dans la perspective où l'on ne pouvait régler le problème qui préoccupait M. Dolbec sans régler d'autres problèmes qui préoccupaient aussi la société. Si je me rappelle bien, on avait fait allusion, à l'époque, aux curés qui n'ont pas de régime de retraite et à toute autre personne dans notre société qui n'a absolument pas, selon vous, des conditions de retraite juste. Pour régler les problèmes qui préoccupaient M. Dolbec et l'ensemble des problèmes d'autres personnes, cela aurait coûté des sommes absolument faramineuses au gouvernement du Québec. Cela nous était apparu absolument non pertinent, compte tenu du contexte budgétaire. Par ailleurs, sur le fond du problème, je pense qu'il est vrai que tout le monde est sympathique à la cause de M. Dolbec et vous l'êtes vous aussi; cela revient de mois en mois, chaque année. De mois en mois et chaque année aussi, la réalité des chiffres ne change pas. Je ne sais pas quelle est la position de M. Bérubé maintenant qu'il est responsable de la Commission administrative des régimes de retraite sur ce sujet, mais je crois que vous devriez plutôt demander à M. Bérubé ce qu'il en pense.

M. Rivest: J'irai effectivement.

Mme LeBlanc-Bantey: Je sais qu'à l'époque, comme ministre, je trouvais que les coûts étaient beaucoup trop importants par rapport à ce qu'on avait les moyens de payer. Il m'apparaissait qu'on ne pouvait régler le problème de M. Dolbec sans régler aussi le problèmes de certains autres séculiers qui méritaient, compte tenu de leur contribution au peuple québécois, certainement autant d'égards.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Papineau.

M. Assad: Un des problèmes, Mme la ministre, c'est que, entre les chiffres que vous avez donnés et ceux que ce groupe d'ex-religieux donnent, il y a un écart considérable.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est parce qu'ils donnent des chiffres strictement en fonction de leurs problèmes à eux. Si je me rappelle bien, ils m'avaient dit à l'époque, ce que j'avais trouvé inacceptable: Les problèmes des autres, ce n'est pas notre problème. Nous, ce qui nous préoccupe, c'est de régler notre cas, cela coûte moins cher.

C'est vrai que cela coûte moins cher, mais il m'apparaît qu'en tant qu'État on ne peut privilégier un groupe plus qu'un autre sans que ce soit profondément inéquitable. C'est le débat des chiffres et la bataille des chiffres, non seulement sur leur propre analyse des chiffres... Entre nous - entre les deux, je ne le sais pas, je n'entrerai pas dans la discussion des chiffres - mais il y avait aussi le fait que le précédent que nous aurions créé pour eux, il aurait fallu l'exporter à d'autres groupes qui le méritaient aussi, pour lesquels il aurait été parfaitement justifié et il serait toujours justifié d'intervenir, si nous étions intervenus dans le cas du groupe de M. Dolbec. Je le dis, compte tenu des moyens financiers dont dispose l'État et des priorités que l'État s'est données depuis cette époque.

M. Rivest: La cause de M. Dolbec n'est pas prioritaire?

Mme LeBlanc-Bantey: C'est-à-dire que, par rapport à d'autres priorités, elle est moins prioritaire. Forcément, chaque fois qu'on décide d'intervenir comme gouvernement dans un secteur plutôt qu'un autre, ce n'est pas que la cause de l'un n'est pas bonne, mais il y en a peut-être à côté qui sont plus justifiées, compte tenu toujours des contextes et des impératifs qu'a un État en fonction de ses moyens.

Une voix: Parce que vous aviez peur... Excusez, allez-y.

M. Assad: II faudrait qu'il sache exactement. Il a l'impression que le gouvernement, avec ses chiffres, et vous arrivez avec d'autres chiffres... Il faut reconnaître - j'ai rencontré M. Dolbec et il y a eu une série de lettres - qu'il a reçu un grand encouragement de notre premier ministre.

M. Rivest: Tout le monde lui a promis et aujourd'hui... Vous aviez promis.

M. Assad: Oui, le premier ministre lui a dit: Ne lâchez pas.

M. Rivest: Oui.

M. Assad: Qu'est-ce que vous voulez, ces gens se trouvent justifiés. Maintenant, ils exigent des réponses et ils n'en ont pas.

Mme LeBlanc-Bantey: Je pense que le premier ministre a eu raison de lui dire: Ne lâchez pas. Dans la mesure où notre cause peut être juste, je pense qu'on n'a jamais raison de lâcher. C'est dans les habitudes du

premier ministre de dire aux gens, s'ils ont raison... Et combien de fois, en tant que député, avez-vous dit...

M. Rivest: Pauvre petit René, il promet donc! Mais il fait son possible, hein! le petit René.

Mme LeBlanc-Bantey: M. Rivest, combien de fois, en tant que député, et avant, en tant que gouvernement, n'avez-vous pas dit à des citoyens: Ne lâchez pas! Votre cause est correcte, mais on n'a pas les moyens de payer dans le moment. C'est exactement le problème de M. Dolbec. (12 h 15)

M. Rivest: Oui, mais lorsque vous disiez incessamment... J'ai des citations de ministres, M. Gendron, M. de Belleval, qui ont dit à tout le monde: Très bientôt, incessamment, demain; c'est bien beau de dire de ne pas lâcher, mais là vous êtes en train de remettre cela aux calendes grecques.

M. Bisaillon: ... ne lâchez pas.

Mme LeBlanc-Bantey: Écoutez, quant à la bataille des chiffres, ça c'étaient les évaluations de la CARR, et du Conseil du trésor; vous irez vérifier vos chiffres avec eux. Quant à moi, je vous le répète, ce dossier relève du Conseil du trésor et...

Primes de séparation

M. Rivest: J'irai voir M. Bérubé avec toute la patience qui me caractérise.

Deuxième question. J'ai quelques questions rapides à poser à la ministre. Vous savez qu'à l'Assemblée nationale il a été question pour les employés du réseau, ce qui a étonné l'opinion publique, des primes de séparation. Il n'existerait pas - du moins, d'après ce que notre bon premier ministre nous a dit avec toute la candeur et l'esprit repentant qui le caractérisent généralement dans ses propos - de politique autant dans le réseau des Affaires sociales que dans celui de l'Éducation sur les primes de séparation; je pense que le député de Maskinongé a soulevé des cas assez curieux où des gens retiraient des montants de 50 000 $, alors qu'il y avait par ailleurs des rapports internes comme quoi ces gens-là étaient de très mauvais gestionnaires. Je demanderais à la ministre de la Fonction publique si elle pourrait prendre l'engagement... D'abord, est-ce que cela existe dans la fonction publique en tant que telle? Je sais qu'il y a la sécurité d'emploi dans la fonction publique, et pas nécessairement la sécurité d'emploi dans les cadres de direction.

Deuxièmement, je voudrais souligner une chose qui ne préjuge pas, je pense bien, des conclusions de la commission spéciale, mais qui se rapporte à cette chose-là, au sujet de l'imputabilité que la ministre d'ailleurs a évoquée elle-même dans ses propos. Je voudrais avoir ses premiers commentaires là-dessus. Par exemple, un certain haut fonctionnaire - et c'est arrivé récemment, je n'indiquerai pas de nom devant la commission - a reçu un mandat du gouvernement pour administrer un secteur de l'administration qui était un secteur extrêmement difficile, où il y avait énormément d'abus et qui s'est révélé être... Franchement, il n'avait absolument rien réglé, et c'est un poste de direction, le président d'une société d'État dans le domaine de l'habitation en particulier. Non je trouve que c'est...

Mme LeBlanc-Bantey: Je dois dire que l'héritage que vous aviez laissé était compliqué à régler!

M. Rivest: Oui, en effet, mais je ne veux pas discuter des mérites des personnes en cause, aucunement, je veux demander d'une façon générale à la ministre de la Fonction publique dans la mesure où elle a indiqué que l'imputabilité des fonctionnaires, c'est une excellente chose... Mais, est-ce que c'est concevable que lorsqu'une personne dans la fonction publique à qui on confie un mandat précis, pour toutes sortes de raisons qui peuvent lui être étrangères, auxquelles elle a participé, mais qui a quand même reçu un mandat, n'atteint pas les objectifs qui lui sont donnés de donner une bonne administration des secteurs qui lui sont confiés et que c'est établi là, je pense, d'une façon évidente, à ce moment-là on se retourne de bord puis on lui trouve un autre job dans un autre secteur sans aucune espèce de diminution de salaire? Est-ce que ce genre de pratique - vous avez évoqué le problème des "tablettés" - dans la fonction publique, comme ministre responsable de la Fonction publique, vous acceptez cela? Est-ce qu'on doit comme société, sans égard au gouvernement actuel - sans doute qu'encore là, c'est un problème de gestion du personnel, est-ce que cela ne vous fatigue pas? Est-ce que vous avez l'intention de dire que cela ne devra plus exister? Alors, cette question-là, premièrement, dans le sens de l'imputabilité.

Deuxièmement, une politique sur les primes de séparation lorsqu'une personne quitte la fonction publique.

Mme LeBlanc-Bantey: D'abord, je vais essayer, compte tenu de la question que vous m'avez posée, de la placer dans un contexte plus global avant de revenir aux primes de séparation. Vous admettrez, et je pense que tout le monde va l'admettre, qu'avant ces dernières années on n'a jamais véritablement fait une réflexion sur une politique de

gestion des cadres. La fonction publique depuis le début des années soixante, la révolution tranquille, etc. - on n'en fera pas l'historique - a grossi considérablement. On s'est habitué à aller chercher des cadres, en fonction de certains objectifs à court terme, qui pouvaient être d'excellents techniciens dans certains domaines, qui ont pu être excellents comme cadres pendant une période donnée, mais qui par ailleurs, n'avaient peut-être pas tous les éléments nécessaires pour devenir d'excellents gestionnaires. Ce n'est qu'avec les années 1975, 1977, etc., et jusqu'à maintenant qu'on a commencé à se préoccuper de donner une véritable chance aux cadres de faire carrière en fonction de leurs qualités de gestionnaires d'abord et avant tout, dans la perspective aussi d'une plus grande mobilité. Un cadre qu'on allait chercher pour occuper un poste en fonction de ses qualités professionnelles ou de technicien n'était pas nécessairement apte à occuper un autre poste de cadre ailleurs.

Donc, la réflexion a été amorcée, ce qui fait que, depuis quelques années au ministère de la Fonction publique, on a pris comme objectif de tenter non seulement de développer une politique de gestion des cadres, mais aussi de donner la chance à un cadre qui "performe" bien d'avoir ce vraies chances de carrière. Vous le savez aussi bien que moi, les chances d'avancement ou de carrière qu'on donnait à un cadre par rapport à un autre n'étaient pas toujours en fonction du mérite. Je pense que la loi 50 a aidé dans ce sens; elle a enlevé l'arbitraire qui venait non seulement des politiciens, mais aussi de certains administrateurs. Par ailleurs, la réflexion n'est pas terminée et il est clair qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.

Ce problème est aussi à- l'origine du grand problème auquel tout le monde fait allusion et qui s'explique par le contexte financier, le problème des "tablettés". Du travail là aussi s'est amorcé, je l'ai souligné tout à l'heure. Le programme de renouvellement de carrière tente de recycler certains de ces cadres à l'intérieur de la fonction publique québécoise ou dans le secteur privé. La preuve a été faite, en général, les cadres sont recyclables et sont prêts à aller relever de nouveux défis. Ce qu'on a remarqué, c'est que la moyenne d'âge n'est pas aussi élevée qu'on aurait tendance à le croire. Il y a, parmi ces participants au programme, des cadres dont l'âge est de 50, 52 ans. Ils sont encore capables de produire une bonne dizaine ou quinzaine d'années et peut-être plus. Avec la nouvelle loi sur la retraite, ils seront encore capables d'offrir des services à l'ensemble du gouvernement et de la population.

Quant au problème des primes de séparation, vous m'avez posé une question précise et, compte tenu des longs débats qu'il y a depuis quelque temps à l'Assemblée nationale, on va vous répondre tout aussi précisément. Dans le cadre même du programme de renouvellement de carrière, nous offrons une chance aux cadres qui se sentent mal dans leur travail ou dans leur peau, pour de multiples raisons, de se recycler et donc de revenir dans la fonction publique dans un autre poste où ils pourront être plus productifs et plus valables. Il y en a, par ailleurs, qui ne sont pas recyclables pour d'autres raisons que je n'évoquerai pas ici aujourd'hui. Cela peut être parce qu'ils sont totalement détruits moralement ou parce qu'ils sont incompétents. Cela peut être aussi parce qu'ils sont devenus incapables de fonctionner à l'intérieur d'un milieu qu'ils connaissent bien; on devient un peu taré quand on est reconnu comme "tabletté".

On a constaté qu'il y avait des cas à l'intérieur justement du programme de renouvellement de carrière qui n'étaient pas recyclables. Ces gens ont une sécurité d'emploi. Dans le cas des sept personnes qui n'étaient pas intéressées à rester à l'intérieur de la fonction publique ou qui étaient difficilement recyclables, plutôt que l'État assume les frais de leurs salaires, etc., pendant 10, 12, 15 ans, on a favorisé des primes de séparation de 12 ou 18 mois qui ont permis à ces cadres de se lancer dans l'entreprise privée; elles ont permis un délai qui était nécessaire pour qu'ils puissent se réorienter dans le secteur privé ou encore se lancer dans l'entreprise privée.

M. Rivest: Cette décision est-elle uniquement une décision du ministre ou si vous recherchez l'expertise d'organismes?

Mme LeBlanc-Bantey: Je dois vous dire que...

M. Rivest: Ma crainte, c'est que ce soit un pouvoir discrétionnaire du ministre. Je préférerais - peut-être que la ministre pourra y penser - qu'elle fasse en sorte de se donner certaines balises en amenant certaines institutions à participer à cela...

Mme LeBlanc-Bantey: Non seulement...

M. Rivest: ... parce que je crains-Dans la région de la Mauricie, on sait que ces primes ont été données. C'est une question de fait. Il faut éliminer l'arbitraire et le favoritisme non seulement à l'entrée dans la fonction publique mais peut-être aussi à la sortie de cette manière. Vous savez que, dans la région de la Mauricie, les gens qui ont été mentionnés, dans le réseau des affaires sociales en particulier et dans celui de l'éducation, étaient des gens très près du gouvernement.

Mme LeBlanc-Bantey: Je pense qu'on a

admis qu'il y avait eu certains abus dans la région de la Mauricie.

M. Rivest: Certains abus! Oh!

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne poserai pas de jugement sur vos commentaires, je pense que c'est un jugement un peu gratuit et certainement injuste.

M. Rivest: Ce n'est pas gratuit! Au prix que cela nous a coûté.

Une voix: Un jugement de valeur.

Mme LeBlanc-Bantey: Un jugement de valeur. Quant au cas auquel je fais allusion ici, je vous dirai très honnêtement que, d'abord, il ne s'agissait pas de prime; il s'agissait d'un salaire sur une certaine période donnée, d'une part. Avant d'en revenir à la discrimination ou à l'arbitraire, je vous dirai que sur le plan général, je n'ai absolument, comme ministre, aucune objection à des primes de séparation sur des salaires, parce qu'il est clair qu'au bout de la ligne, cela coûte beaucoup moins cher à l'État de payer quelqu'un pendant six mois ou un an pour lui permettre de se reclasser dans le secteur privé que de le garder à son emploi pendant 15 ou 20 ans.

Par ailleurs, quand vous demandez la façon dont cela s'est fait, je vous dirai qu'en tant que ministre - je vais vous dire très honnêtement que je ne connais pas les noms - je n'ai posé un jugement que sur les cas qui m'avaient été soumis par les gens du programme de renouvellement de carrière en fonction des objectifs et des tentatives qui avaient été faites pour tenter d'intégrer ces gens à l'intérieur de la fonction publique. Si vous voulez avoir plus de précisions sur les critères qui ont servi à agir auprès de ces cas par rapport à d'autres, je suis convaincue que M. Lalande, sous-ministre adjoint responsable du programme de renouvellement de carrière se fera un plaisir de préciser les critères et de vous expliquer dans les cas précis, pourquoi on a décidé qu'il n'y avait que cette solution, finalement, pour régler ce problème. Est-ce que vous sentez le besoin qu'on détaille sur...

M. Rivest: Oui, peut-être brièvement, si vous le permettez, M. Lalande.

Deuxièmement, je me demandais si, par exemple, la Commission de la fonction publique ne pourrait pas vous être d'un secours sur cela, étant donné le caractère quasi judiciaire de son processus?

Mme LeBlanc-Bantey: J'espère que vous constatez que je suis en train de faire de l'imputabilité.

M. Rivest: Oui, vous vous engagez sur une bonne voie.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Lalande, au nom de la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: D'abord, comme Mme la ministre l'a dit tantôt, ce ne sont pas des cas très nombreux. Les critères qui sont utilisés sont entre autres choses l'ancienneté dans la fonction publique, le nombre d'années comme cadre, l'âge des individus et la chance ou le risque qu'ils ne pourraient pas être recyclés avec efficacité dans la fonction publique. C'est un ensemble de critères; évidemment ce sont des cas ad hoc, et c'est à peu près l'éventail de critères sur lesquels on joue pour accorder ces primes de séparation.

M. Rivest: Mon inquiétude d'abord, je sais que cela s'applique aux cadres, mais le pauvre ouvrier et les gens qui sont au bas de la structure ou des échelles n'ont pas l'air à bénéficier de cela, eux. À un moment donné, est-ce qu'ils ne peuvent pas avoir accès à ce genre de plaidoyer? Ce qui m'inquiète, je ne doute pas que la direction procède avec toute l'équité dont elle est capable, sur cela je n'ai absolument aucun doute, étant donné que ce sont des problèmes... D'abord, le gouvernement a engagé ces personnes, premièrement. Deuxièmement, il y a une question de droits de ces personnes. L'administration peut décider; ces personnes, si elles conviennent de quitter la fonction publique, elles demandent une indemnisation, compte tenu de leur sécurité d'emploi ou d'autres considérations. Il peut alors exister un débat au niveau du quantum des choses. Il me semble que je préférerais, si jamais la ministre pouvait élaborer une politique - je dis cela comme vraiment cela me vient à l'esprit - qu'on inscrive ces démarches, étant donné que c'est quand même assez limité, dans un processus quasi judiciaire avec un organisme qui donne autant à l'administration qu'à la personne concernée le minimum de respect des droits, parce que ce sont des droits de carrière, ce sont des droits à un emploi et ce sont des droits à une indemnité. Autrement dit, j'aimerais mieux que ces arbitrages soient soumis à un organisme quasi judiciaire qu'à une décision ministérielle au sens large du terme. Enfin, je ne vous demande pas votre avis, à vous, peut-être à la ministre.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais quand même spécifier... Vous avez fait allusion aux ouvriers et à tout ce monde, les gens qui sont dans la hiérarchie moins payés et peut-être aussi dans certains cas moins aptes à se faire entendre, d'abord il n'y a quand même

eu que sept cas depuis 1975. Je pense que cela a été utilisé avec énormément de parcimonie. Par ailleurs, j'ai admis dernièrement...

M. Rivest: De quand datent-ils, ces cas? Est-ce qu'ils sont échelonnés sur toute la période de 1975?

Mme LeBlanc-Bantey: Oui, depuis 1975. J'ai dit dernièrement qu'on n'avait pas eu tendance à avoir la préoccupation, encore une fois, des "tablettés" qu'on pouvait retrouver chez les fonctionnaires et chez les professionnels, parce qu'il n'existe qu'un programme à l'heure actuelle de renouvellement de carrière mais qui ne s'adresse qu'aux cadres. L'explication en est très simple. Je ne dis pas qu'elle est suffisante et je ne dis pas que nous allons continuer dans la même voie. Le ministère de la Fonction publique a toujours considéré que pour les syndiqués, fonctionnaires, ouvriers et autres il était plus facile de poser des griefs et de régler des problèmes. Comme il n'est pas venu, de la part du syndicat, de griefs sur le problème, on a eu tendance à dire: Dans le fond, s'il n'y a pas de grief, c'est qu'il n'y en a pas. Ce n'est pas nécessairement vrai non plus. Mais on se disait que, compte tenu des structures syndicales, du pouvoir de pression et de la force du syndicat, il était très bien placé pour défendre individuellement chacun des membres qui se sentait lésé. (12 h 30)

Par ailleurs, il faut se rappeler que tout le monde a la sécurité d'emploi, non seulement les cadres, mais aussi ces gens-là. Les primes de séparation étant en général basées sur le salaire des individus, il faut quand même Être honnête entre nous et se dire que six mois de salaire pour un ouvrier, c'est peut-être moins intéressant à prendre pour fonder une entreprise privée que six mois de salaire pour un cadre. C'est peut-être là l'odieux d'une prime de séparation basée carrément sur le salaire. Cela fait aussi partie de toutes sortes de réflexions qui nous animent en ce moment sur le problème.

M. Rivest: J'ai une dernière question, si vous me le permettez, pour l'instant. Le ministre des Affaires sociales a justifié les primes - c'est un peu curieux - de séparation - c'est une question qui a été soulevée par le député de Maskinongé - par le fait que dans le secteur des affaires sociales il n'y avait pas de sécurité d'emploi pour les cadres et que c'était une compensation. Par contre, la ministre de la Fonction publique avoue, dans un sens non judiciaire, bien sûr, qu'il y a eu des primes de séparation, alors qu'il y avait la sécurité d'emploi. Il faudrait peut-être qu'elle parle à son collègue des Affaires sociales.

Mme LeBlanc-Bantey: Non, à chaque gouvernement ses objectifs en fonction de sa réalité. Quand on engage des cadres dans certains réseaux, il n'y a pas de sécurité d'emploi. Pour les inciter à venir, on peut leur promettre des primes de séparation. Par ailleurs, chez nous, nos objectifs, c'est de rationaliser et tenter de diminuer les dépenses le plus possible. La sécurité d'emploi coûte extrêmement cher à l'État. Quand, dans certains cas, certains cadres ne produisent pas ou ne produisent pas ce qu'ils devraient produire, cela m'apparaît, en termes d'objectifs financiers, excellent de penser qu'effectivement cela va nous coûter bien moins cher six mois de salaire ou un congé avec solde de six mois, un an ou dix-huit mois, quand on sait que le cadre n'apparaîtra plus sur la liste de paie de l'État dix-huit mois plus tard. Alors, qu'importent les objectifs du gouvernement, je pense que dans les deux cas cela se justifie.

Par ailleurs, je veux ouvrir une parenthèse et dire que dans tous les cas auxquels on a fait allusion, cela a été fait sur une base volontaire. Quant au processus judiciaire auquel vous faites allusion, a priori, je n'y vois pas d'objection, sauf, peut-être, qu'il s'agit toujours de cas personnels, humains et extrêmement douloureux et qu'en général ces gens sont intéressés à ce que le moins de personnes possible soient au courant de leurs problèmes. Alors, j'ignore - M. Lalande pourrait peut-être dire un mot là-dessus - si, dans une perspective d'avenir où, éventuellement, on serait appelé à comparaître devant un certain nombre de personnes, on ne risquerait pas d'abolir la confiance qui peut exister chez une personne inscrite au programme qu'on connaît personnellement, en fonction des objectifs qu'on a, en fait, que cela coûte moins cher aux citoyens et à l'État.

M. Rivest: De toute façon, il y aurait moyen, si c'était la commission de la fonction publique ou une autre qui avait un processus quasi judiciaire, pour des cas que je comprends très bien, de demander que cela puisse se dérouler à huis clos. Je suppose que la commission, dans ses règles de pratique, a cette possibilité.

Mme LeBlanc-Bantey: II faudrait aussi éviter que cela devienne un droit pour quiconque veut s'en aller, parce que c'est dans la perspective où vraiment certaines personnes...

M. Rivest: Si c'est un droit pour les uns, comment cela ne peut-il pas être un droit pour les autres?

Mme LeBlanc-Bantey: À titre d'exemple, si cela devenait monnaie courante, il se pourrait qu'un cadre extrêmement productif, extrêmement débrouillard et extrêmement valable pour l'organisation, trouve extrêmement avantageux d'avoir une prime de séparation pour se lancer dans l'entreprise privée.

M. Rivest: Oui...

Mme LeBlanc-Bantey: II faut éviter aussi que ce soit nos plus dynamiques qui sautent sur l'occasion...

M. Rivest: À ce moment-là, vous ouvrez tout un plan, un panneau. Je comprends le point de vue de la ministre, mais comment cela devient-il un droit pour l'un mais pas pour l'autre? Alors, c'est à la discrétion, et on voit ce qui s'est passé dans la Mauricie, dans le réseau des affaires sociales.

Mme LeBlanc-Bantey: M. Rivest.

M. Rivest: C'est cela. C'est l'un ou l'autre.

Mme LeBlanc-Bantey: M. Rivest, j'ai dit aussi...

M. Rivest: M. le député de Jean-Talon.

Mme LeBlanc-Bantey: M. le député de Jean-Talon, j'ai dit aussi qu'il fallait tenter d'arrêter de vouloir tout régler par des règlements, prévoir tous les cas, tous les problèmes. Finalement, cela nous donne un ensemble de normes très rigides où l'on ne peut plus agir en fonction des situations qui se présentent et qui ne peuvent pas toutes êtres prévues à l'avance. J'aimerais que, là aussi, on aborde le problème avec la même ouverture d'esprit. C'est dans ce contexte que - même si votre suggestion peut être intéressante, j'en souligne déjà certains aspects qu'il ne faut pas négliger dans l'analyse du problème - j'espère que nous arriverons à régler certains types de ces problèmes mais, encore une fois, sans arriver avec une réglementation qui nous attache les deux mains derrière le dos pour régler un problème précis.

M. Rivest: Vous nous condamnez, Mme la ministre, vous condamnez l'Opposition à continuer à procéder cas par cas à l'Assemblée nationale. Très bien.

M. Blais: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Terrebonne, sur une question de règlement.

M. Blais: Je tiens à souligner qu'il y a 58 000 fonctionnaires. Dans ce programme, il n'y a que sept fonctionnaires qui ont été affectés et on en fait un plat. Sept personnes sur 58 000 ont profité de ce plan.

M. Rivest: Ce sont 58 000 personnes qui en auraient théoriquement le droit. Il y a sept personnes qui l'ont eu arbitrairement.

M. Blais: Quand même, il ne faut tout de même pas créer un autre organisme judiciaire pour sept personnes, en sept ans.

M. Rivest: C'est ce que la ministre a dit. J'ai une dernière question rapide; on y répond par un oui ou par un non, Mme la ministre de la Fonction publique, pour ne pas abuser de votre patience. Êtes-vous pour au contre le travail à temps partiel dans la fonction publique?

Mme LeBlanc-Bantey: Je suis pour, à certaines conditions, pour être très brève.

Une voix: Et contre, à certaines autres.

Mme LeBlanc-Bantey: Et contre, à certaines autres.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Marie.

Commission spéciale

M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais joindre, au départ, ma voix à celle du député de Jean-Talon qui a souligné l'implication de la ministre de la Fonction publique dans l'existence même de la commission spéciale qui travaille actuellement au mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale. Au-delà de cette initiative qui est venue de la ministre, il faudrait peut-être qu'on souligne aussi qu'il y a un autre aspect qui est intéressant pour les membres de la commission spéciale, c'est que, tel que convenu, les déclarations qui touchaient le mandat de la commission n'ont pas été faites pendant la période où la commission spéciale siégeait. On sait que, dans le passé, il est souvent arrivé que, pendant que des comités étaient chargés d'étudier des problèmes, un certain nombre de déclarations se faisaient parallèlement, ou bien par des ministres responsables, ou bien par des présidents d'organisme ou des sous-ministres, ce qui mettait en danger les travaux des comités. Dans notre cas, on doit dire qu'on doit, à ce stade, remercier la ministre d'avoir respecté l'engagement qu'elle avait pris de laisser travailler les membres de la commission spéciale.

Évidemment, l'étude des crédits de cette année pose un problème particulier aux membres de la commission permanente. Vous

avez remarqué qu'il y a un, deux, trois, quatre, cinq membres de la commission permanente qui sont aussi membres de la commission spéciale. On avait donc convenu qu'au moment de l'étude des crédits, on ne poserait pas de questions qui auraient pu nous être amenées par les personnes qu'on a rencontrées, par les groupes qui sont venus rencontrer la commission spéciale ou par des documents et des recherches qu'on a pu faire durant la période de nos travaux. On avait convenu, entre nous, même si on a parfois glissé, qu'on ferait plutôt nos recommandations et nos analyses au moment du rapport final qui, comme on le sait, va être déposé le 15 juin. J'aurais eu, cependant, un cas particulier à soumettre à la ministre qui débouche, selon moi, sur quelque chose de plus général, le cas d'une fonctionnaire, secrétaire, ici, à l'Assemblée nationale, qui touche le fonctionnement de l'Office du recrutement et de la sélection du personnel, qui aurait pu toucher le fonctionnement de la Commission de la fonction publique, le programme de l'égalité des chances dont le ministre nous a parlé tantôt. Mais comme je sens que les membres de la commission sont maintenant prêts à adopter les...

Une voix: Nous ne sommes pas prêts.

M. Bisaillon: Si vous n'êtes pas prêts, je vais prendre le temps qu'il me reste pour présenter le cas. J'avais compris qu'on était prêt à adopter les crédits.

Une voix: Le député de Louis-Hébert a une question.

M. Doyon: Une couple de questions et des choses à demander à la ministre, avec la permission du député.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais utiliser mon droit de parole. Je vais le faire le plus brièvement possible. Il s'agit du cas d'une secrétaire de l'Assemblée nationale. Je vous lis rapidement quelques extraits de la lettre qu'elle m'a fait parvenir. Cela se lit comme suit: "Fonctionnaire apathique a toujours été et demeure, effectivement, un mythe. Cela ne constitue, à mon humble avis, que l'expression d'une mauvaise gestion, dont un nombre restreint de fonctionnaires font les frais et qui n'ont comme partage que le loisir de s'y enliser au fil des ans."

Voici, en quelques pages, la démonstration d'un cas spécifique de vivacité et d'ambition, un cas qui n'est certes pas unique au sein de la fonction publique québécoise. "Les femmes de ma génération n'avaient pas le choix: le soin des malades ou le bon soin des patrons par le truchement du secrétariat. J'ai choisi, soin pour soin, le bon soin des patrons, et j'y ai évolué avec enthousiasme et motivation. "En 1967, je devenais sténo-dactylo au ministère des Affaires sociales, et ce pendant quatre ans et huit mois. Survint alors un besoin de secrétaires francophones au sein de la diplomatie canadienne. En un mois, examen écrit, oral et enquête de la Gendarmerie royale terminés me conduisent à la carrière passionnante de secrétaire d'ambassade à travers le monde. C'est après avoir oeuvré deux ans au sein du Haut-Commissariat du Canada à Londres que des horizons nouveaux s'ouvrent à moi, cette fois-ci chez-nous au Québec. Je constate en effet que le secrétariat ne me satisfait plus, et j'entreprends des études collégiales et universitaires".

Cette personne est donc retournée aux études pendant cinq ans à temps plein; donc, cinq ans de manque à gagner et cinq ans aussi d'endettement pour une personne qui a travaillé pendant neuf ans comme secrétaire. Lorsque ses études sont terminées, elle veut revenir dans la fonction publique parce qu'évidemment, le manque à gagner étant là, il faut qu'on se trouve un emploi. Or, l'emploi disponible, c'est celui de secrétaire, et les agents de personnel lui indiquent d'ailleurs que c'est le meilleur moyen pour pouvoir par la suite, une fois qu'on est dans la machine, poser sa candidature à des concours de promotion et évoluer dans l'appareil.

Elle revient donc comme secrétaire à l'emploi du gouvernement et depuis ce temps-là aucun concours de promotion n'a été ouvert. Il faut dire que ses études l'on amenée à avoir un bac en sciences politiques avec spécialisation en relations internationales. Elle travaille donc actuellement comme secrétaire. À un moment donné de sa carrière dans la fonction publique, elle est devenue attachée politique à 60% de son temps, et secrétaire à 40% dans un cabinet. Or, l'article 120 -cela a duré pendant une période de deux mois - de la Loi sur la fonction publique prévoit que, lorsqu'un attaché politique quitte sa fonction et qu'il appartient à la fonction publique, son poste peut être réévalué, ses fonctions, son statut peuvent-être réévalués. Cela n'a pas été possible dans le cas de cette personne, parce que l'office, apparemment, procède à l'évaluation en fonction de la durée de l'occupation au poste d'un cabinet politique. Elle s'est donc adressée à la Commission de la fonction publique, et la Commission de la fonction publique n'a fait que vérifier si l'office avait bien expliqué les motifs de sa décision. Ce qui avait été le cas, on avait effectivement bien expliqué les motifs.

Ce que je veux souligner et ce qu'il y a d'intéressant dans ce dossier, c'est que cette personne-là, qui s'est perfectionnée pour pouvoir évoluer dans la fonction

publique, qui a travaillé consciencieusement à d'autres fonctions après ses études, tout ce qui se passe dans ce qui pourrait être son champ d'activité, ce sont actuellement des affectations et des mutations. Or, elle n'est pas susceptible de profiter du processus de dotation qui est l'affectation ou la mutation parce qu'on fait les affectations et les mutations à des postes équivalents. Il n'y aura donc jamais dans son cas de promotion possible parce que les mutations et les affectations ne se font pas en fonction de son dossier, mais en fonction du poste qu'elle détient au moment où elle travaille.

Il me semble que c'est un fonctionnement qui ne rend pas justice au travail fait par les femmes qui sont actuellement dans la fonction publique, qui veulent progresser. C'est un travail ou un perfectionnement qu'elle a fait d'ailleurs - il faut le souligner - sans aucune aide ou assistance financière de l'État, alors qu'au même moment on dépense des sommes d'argent en perfectionnement à des catégories d'employés, si on applique le même principe, qui de toute façon ne déboucheront pas - malgré le perfectionnement qu'on leur aura payé - à des postes différents de ceux qu'ils détiennent, à moins qu'il y ait des concours de promotion. La demande qu'elle adressait à l'office de recrutement, c'est d'être classifiée comme agent de recherche et de planification socio-économique, fonction qu'elle avait déjà occupée avant de revenir dans la fonction publique.

Le cas de cette personne-là m'amène à poser à la ministre une question qui concerne, j'en suis convaincu, une foule de secrétaires ou de personnes de la fonction publique, majoritairement des femmes. Est-ce que le programme d'égalité des chances en emploi ne pourrait pas permettre, dès le départ, un assouplissement du fonctionnement et de l'Office du recrutement et de la sélection du personnel, et de la Commission de la fonction publique ou encore des responsables du programme d'égalité des chances pour qu'il y ait une lueur d'espoir pour les personnes qui veulent progresser dans la fonction publique et qui veulent utiliser le perfectionnement et le travail qu'elles ont mis à se perfectionner. (12 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous soumettez, si j'ai bien compris, votre cas. Incidemment, je l'apprends aujourd'hui. M. Bélanger pourra préciser par la suite sur ce cas. D'une façon plus précise, vous posez tout le problème du classement moquette. Nous avons tenté chez nous de l'envisager dans une perspective globale d'une chance égale de carrière aux femmes qui occupent généralement des postes inférieurs par rapport à leurs collègues masculins qui sont généralement dans d'autres catégories d'emplois.

Dans cette perspective, il est clair que nous ne réglerons pas le problème auquel vous faites allusion tant qu'on ne donnera pas une chance aux femmes non seulement d'accéder à des postes de perfectionnement, mais d'avoir une classification qui leur permette de progresser continuellement dans l'ensemble de la fonction publique, de rêver et de vouloir accéder à des postes supérieurs, en fonction, bien sûr, de l'expérience qu'elles ont acquise au cours des années précédentes. Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que c'est une préoccupation qui n'a pas cessé de nous habiter au cours de l'année qui s'est terminée et que nous devrions avoir bientôt des solutions à proposer.

Par ailleurs, je voudrais quand même être honnête et juste aussi envers ces femmes qui attendent et leur dire que, bien sûr, compte tenu des coûts que cela pourrait représenter, je ne peux aujourd'hui prendre aucun engagement quant à la perspective de règlement. Mais, ce que je peux vous dire, c'est que l'on a fait beaucoup de travail au ministère, entre autres, avec notre nouvelle sous-ministre adjointe responsable du programme de l'égalité des chances et que nous serons bientôt en mesure d'avoir une perspective plus globale, avec des solutions se rapportant à ce problème.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, avant que M. Bélanger réponde à l'autre partie de ma question, je voudrais souligner tout de suite que cela va au-delà du problème du classement moquette; c'est en fait l'application rigide d'un certain nombre d'articles et de règlements qui prévalent dans la fonction publique. L'article 120, paragraphe a), de la loi 50 stipule qu'une personne qui démissionne d'un cabinet peut requérir de l'office de recrutement qu'il procède à une nouvelle vérification de ses aptitutes, et le texte ne fait aucune mention de notions relatives au temps ou à la progression de la carrière. Dans les circonstances, il me semble que c'est cet élément qui a joué, le fait que le poste a été occupé pendant trop peu de temps pour que l'office dise: Je vais procéder à la vérification des aptitudes, sans qu'on tienne compte de son dossier. À partir de son dossier, à partir de l'expérience vécue dans le passé, est-ce que cela justifiait une vérification des aptitudes?

Le deuxième aspect, c'est que cela enlève à ces personnes les possibilités d'affectation et de mutation qui existent actuellement, parce qu'il n'y a pas eu

vérification des aptitudes et que la vérification des aptitudes ne se fait pas sur leur dossier comme tel. C'est monnaie courante, l'affectation et la mutation, alors que les concours de promotion, forcément, sont restreints, parce que les postes ne s'ouvrent pas aussi fréquemment qu'ils s'ouvraient dans le passé, tandis que les cas de mutation et d'affectation sont fréquents. Autrement dit, si cette personne avait eu une modification dans la vérification de ses aptitudes, elle pourrait profiter du processus de dotation, de l'affectation et de la mutation. Je suis convaincu que ce n'est pas le seul cas qui existe dans la fonction publique. Il me semble que cela fait un beau cas pour la sous-ministre responsable du programme d'égalité des chances en emploi, parce que ce n'est pas tout d'avoir l'égalité des chances pour obtenir un emploi, ce qui compte après, c'est d'avoir l'égalité des chances pour progresser dans cet emploi.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez parfaitement raison sur le constat général. Je vais laisser M. Bélanger expliquer le cas précis auquel vous faites allusion.

Le Président (M. Bordeleau): M. Bélanger, au nom de la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Au nom de l'office de recrutement, je tiens à fournir des explications sur le cas dont j'ai été saisi pendant les travaux de la commission. En fait, ce n'est pas le cas de la personne en question qu'il faut débattre, c'est l'article 120 de la Loi sur la fonction publique qui est un article d'exception. L'article 120, par rapport à la loi générale qui est la loi de sélection au mérite, a un but particulier. Cela a été explicité par le jurisconsulte à la demande de la Commission de la fonction publique qui mettait en doute justement le fait qu'on était trop ouvert à l'application de l'article 120 qui mettait en doute l'opportunité de donner des promotions à partir de l'article 120 qui est un article d'exception. Pourquoi l'article 120 existe-t-il? C'est pour permettre aux fonctionnaires permanents qui vont travailler un bout de temps dans des cabinets, parce que leur statut est gelé... Une secrétaire qui va travailler dans un cabinet pendant quatre ans, son statut de secrétaire est gelé. L'article 120 permet, une fois que la personne est sortie du cabinet, d'évaluer ce qu'est l'expérience additionnelle qu'elle a acquise en travaillant au cabinet, dans différentes fonctions, pour pouvoir y ajuster son classement. Et tout cela dans le contexte du principe du mérite qui permet à tous les citoyens de concourir pour occuper des postes dans l'administration publique. Or, le cas précis qui nous a été soumis à l'office, c'est le cas d'une personne qui, d'elle-même, a étudié au cours des années; c'est très méritant. Le fait qu'il n'y avait pas de concours de promotion chez les professionnels - effectivement il y a eu un seul concours de promotion de professionnels au cours de l'année - ce n'est pas la faute de l'office. L'office remplit des commandes. Si on n'a pas de demande pour faire des concours de promotion de professionnels, il n'y en a pas. Ce n'est pas nous qui inventons les concours, on remplit les commandes qu'on reçoit. Alors, cette personne a travaillé deux ou trois mois dans un cabinet, à 40% comme secrétaire et 60%, dit-on, comme attachée politique. La politique de l'office, c'est de traiter les gens qui sortent des cabinets de la même façon que les autres fonctionnaires sont traités quand ils sont permanents.

Que serait-il arrivé à une secrétaire qui aurait suivi les mêmes études pendant quatre ou cinq ans par les soirs ou à temps plein, et qui aurait travaillé dans le bureau du sous-ministre comme adjointe exécutive pendant quatre mois? En sortant du bureau du sous-ministre, elle aurait eu l'occasion de poser sa candidature à des concours de promotion de professionnels, s'il y en avait eu, ou même en étant du bureau du sous-ministre, mais ce n'est pas le fait qu'elle ait travaillé quatre mois soi-disant comme professionnelle qui aurait comblé l'écart entre son statut de secrétaire et les exigences qu'on demande pour un poste de professionnel. Je crois que les droits de la personne que M. Bisaillon mentionne arrêtent où les droits des autres commencent, les autres fonctionnaires, les autres personnes dans la population. Si on se sert du tremplin du cabinet pendant deux mois pour avoir des promotions auxquelles les autres fonctionnaires n'ont pas droit, c'est complètement inéquitable pour les autres fonctionnaires.

J'aurai l'occasion de regarder le cas d'une manière plus précise et d'en rediscuter.

M. Bisaillon: Je veux bien qu'on me comprenne. J'ai dit que cela impliquait l'office de recrutement, la Commission de la fonction publique et le programme, mais je n'ai pas distribué de blâme à personne. Je ne dis pas que la loi n'a pas été respectée et que cela ne s'est pas fait correctement. Je n'ai pas porté de jugement sur cela. Je dis simplement que le moyen d'introduction serait l'article 120, mais le principe de fond c'est que cela ne se fait pas sur l'évaluation du dossier de la personne et que cela devrait se faire là-dessus, afin que le processus d'affectation et de mutation puisse être utilisé dans le cas de ces personnes sans qu'elles aient à attendre constamment la notion de promotion.

Mme LeBlanc-Bantey: M. Bélanger

voudrait ajouter quelques mots, si vous le permettez.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. Bélanger.

Mme LeBlanc-Bantey: Je devrais souligner aussi à la commission qu'à cause du contexte de rareté des emplois dans la fonction publique, depuis un an ou deux, nous remarquons que nos concours d'agents de bureau attirent régulièrement des diplômés universitaires avec un bac, avec des maîtrises et, dans certains cas, avec des doctorats. Nos listes de déclarations d'aptitudes comprennent, dans les premiers rangs, des gens qui ont des formations universitaires et qui entrent en qualité d'agents de bureau dans la fonction publique. Le temps serait peut-être venu de faire des concours de promotion dans certains corps d'emploi pour permettre à ces gens qui ont des aspirations complètement différentes qu'ils ne peuvent réaliser dans les postes qu'ils ont actuellement, de pouvoir changer de statut, que ce soient des hommes ou des femmes, à l'intérieur du processus de la fonction publique.

M. Bisaillon: Mais on convient que ce sont majoritairement des femmes.

Mme LeBlanc-Bantey: Non, pas nécessairement.

On va l'aborder, tout au moins dans la perspective du programme d'égalité des chances. D'un côté, on parle de réduire les effectifs, de rationaliser davantage. D'un autre côté, comme le soulignait M. Bélanger, il y a des universitaires qui en sont rendus à devoir postuler des postes d'agent de bureau pour entrer dans la fonction publique. Vous voyez encore une fois la complexité de la gestion des ressources humaines au niveau de la fonction publique.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Louis-Hébert.

Objectifs politiques

M. Doyon: Merci, M. le Président. Mme la ministre, le fait que je sois ici à la commission des crédits de la fonction publique n'est pas un hasard. Le Parti libéral ne fait jamais les choses au hasard, il regarde ce qui est le mieux.

Mme LeBlanc-Bantey: Je vais réserver mes jugements de valeur.

M. Doyon: Dans les circonstances, compte tenu du passé qui est le mien, qui est un passé, somme toute, de fonctionnaire aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau provincial - au niveau provincial, plus particulièrement au ministère de l'Éducation, au ministère des Communications, au ministère de la Justice; j'ai eu l'occasion aussi de travailler en milieu scolaire, à la Fédération des commissions scolaires, et aussi au niveau municipal, à la Communauté urbaine de Québec - j'ai un certain nombre de préoccupations concernant la fonction publique du Québec qu'on a bâtie au fil des ans et qui est devenue un objet de fierté pour tous les Québécois. Les inquiétudes que j'ai actuellement me sont transmises par des fonctionnaires que je connais et que je côtoie régulièrement. Ce sont des inquiétudes que j'ai eu l'occasion de sentir dans des démarches qui ont été faites auprès de moi. Ces inquiétudes se résument à peu près à ceci. Les fonctionnaires sont d'accord pour avoir une certaine part de responsabilités dans la gestion administrative gouvernementale. Cependant, ils ne sont pas prêts à être embrigadés dans la poursuite d'un objectif politique auquel ils n'ont pas eu à adhérer et auquel il n'est pas leur rôle d'adhérer.

Je demanderais à la ministre de dissiper toute ambiguïté en ce qui concerne plus particulièrement les cadres du gouvernement provincial qui sont sur la première ligne de feu là-dessus, pour que ces gens soient rassurés de la part de la ministre, à savoir que la première exigence et la seule exigence qu'on a envers eux est la compétence et non pas leur participation à l'atteinte d'un objectif qui est celui d'un parti politique, en l'occurrence celui du Parti québécois. Je pense qu'il est difficile pour des fonctionnaires de se tenir sur une ligne où ils ne savent jamais si on apprécie leurs compétences ou si on apprécie inconsciemment l'aide qu'ils peuvent apporter dans l'atteinte d'un objectif qui est celui même de l'existence du parti politique qui est au pouvoir. Je pense que la ministre a un rôle actuellement, c'est de rassurer les membres de la fonction publique à ce sujet et, plus particulièrement, les cadres de tous les niveaux qu'ils conservent une autonomie totale. Que la ministre le dise clairement, de façon que les cadres soient absolument rassurés, qu'ils puissent continuer de jouer le rôle qui a été le leur jusqu'à maintenant, c'est-à-dire d'assurer la continuité et la permanence de la compétence, ce qui a permis - je me permets de le dire en passant - au gouvernement actuel de se maintenir à flot jusqu'à maintenant.

Si le gouvernement a réussi à passer à travers les années de pouvoir, avec la mauvaise administration qui a été la sienne, je dois dire, en toute honnêteté envers les cadres supérieurs, que c'est grâce à eux, que c'est grâce à la compétence qui avait été bâtie au fil des ans et que l'erre d'aller, la force d'inertie a permis au gouvernement de profiter de cette compétence. J'aimerais que

la ministre nous assure que cette appréciation de la compétence n'est pas mise en danger et qu'en aucun moment on ne demandera, soit directement, soit indirectement, soit d'une façon claire ou d'une façon implicite, une espèce de serment du Test aux fonctionnaires. Une réassurance de la part de la ministre serait la bienvenue à ce sujet. J'aimerais bien que sa réponse soit aussi claire que ma question.

Le Président (M. Bordeleau): Avant de vous permettre de répondre, Mme la ministre, je voudrais vous souligner qu'il est 13 heures et que, normalement, nous devrions suspendre ou ajourner nos travaux, à moins d'avoir le consentement pour continuer quelques minutes et nous permettre d'approuver en commission les différents programmes.

M. Bisaillon: Consentement.

Le Président (M. Bordeleau): Consentement.

Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, puisque le député de Louis-Hébert a fait allusion à la mauvaise administration du gouvernement péquiste, j'aimerais dire que, quand le peuple québécois a jugé le gouvernement Bourassa en 1976, il y avait aussi beaucoup de cela. On ne partira pas un débat partisan. De la même façon que vous voulez que les ministres du gouvernement actuel n'obligent pas les cadres à partager leurs objectifs partisans, j'aimerais qu'on continue ici autour de la table à tenter d'avoir la préoccupation d'une plus saine administration, sans sombrer justement dans les débats partisans. (13 heures)

Ceci étant dit, je connaissais votre préoccupation. J'avais eu l'occasion d'en lire quelques échos. Je voudrais vous dire en tant que ministre qu'il est clair que je fais une distinction très nette entre les objectifs de l'État et les objectifs partisans du gouvernement actuel qui a été élu démocratiquement. Par ailleurs, si vous me le permettez, je voudrais dire que la politique, dans son sens le plus large, n'est pas négative et que, quand un gouvernement est élu, il est, bien sûr, élu par des citoyens sur ses objectifs politiques dans le sens large. Dans ce sens, il me paraît tout à fait normal que les serviteurs de l'État, comme on les appelle parfois, partagent ces objectifs politiques, entre autres, quand on pense aux priorités qu'on avait durant le premier mandat, à nos engagements électoraux sur l'assurance automobile ou autres. Ce sont des objectifs politiques d'un gouvernement élu par des citoyens, une plus saine administration, etc. Donc, que les cadres partagent ces objectifs, il m'apparaît que cela va de soi. Ils sont d'abord choisis comme serviteurs de l'État au service non seulement des ministres qui composent le gouvernement et des députés, mais aussi au service des citoyens, et les citoyens élisent un gouvernement en fonction de certains objectifs.

Par ailleurs, il est clair qu'on ne peut demander à des cadres le serment du Test en ce qui concerne les objectifs partisans du gouvernement. De la même façon que ce serait inéquitable que des ministres jugent des cadres en fonction de leurs objectifs partisans, il serait inéquitable qu'on découvre que, par ailleurs des cadres endossent plus ou moins bien les grandes politiques gouvernementales parce qu'ils ont, eux aussi, leurs objectifs partisans et qu'ils ont effectivement plus ou moins intérêt à ce que les objectifs gouvernementaux passent la rampe. Je crois qu'honnêtement, s'il existe des cas d'un côté - si vous avez des cas précis, vous devriez peut-être les souligner -il est de notre responsabilité en tant que ministère de voir à ce que des choses comme celles-là ne se reproduisent pas, que des cadres ne soient pas pénalisés. De la même façon, s'il y a des cas précis d'un côté, on peut aussi en trouver de l'autre bord. Le seul appel que je voudrais faire...

M. Doyon: La ministre me demande des cas précis?

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! On va la laisser terminer et je vous donnerai la parole après.

Mme LeBlanc-Bantey: Je vais terminer, si vous me le permettez. Le seul commentaire que je ferai en terminant ou le seul appel, en tant que ministre, que j'aimerais faire à l'ensemble des gens concernés, y compris les ministres et les cadres, c'est qu'au bout du compte chacun soit conscient qu'il y a des objectifs généraux qu'un gouvernement a le droit et le devoir de se donner et qu'en fonction de ce que la population attend de son gouvernement, les deux doivent collaborer avec autant de bonne foi, autant d'honnêteté possible.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: La ministre demande des cas précis qui pourraient fonder les inquiétudes que j'ai manifestées. Je me réfère à un article qui a paru dans le Soleil du jeudi 17 décembre 1981, où le ministre de l'Agriculture, M. Garon, a fait - sa décision semble prise - une proposition au Conseil du trésor voulant que les directions générales de son ministère - il y en avait sept - soient

décapitées de leurs directeurs généraux et que ces postes, qui sont soumis aux règlements et aux lois de la fonction publique, soient dorénavant remplis par des sous-ministres adjoints qui sont nommés d'une façon discrétionnaire et selon des critères qui appartiennent au gouvernement.

J'y vois, Mme la ministre, une source d'inquiétude. Vous me demandiez des cas précis. Ce sont des cas précis où on sent une tentative, un vouloir de politiser des directions générales qui sont essentiellement administratives par la mise en place de fonctionnaires qui sont choisis selon des critères discrétionnaires gouvernementaux. Si c'est une politique qui doit être appliquée à l'intérieur de la fonction publique, qu'on nous le dise clairement et on saura à quoi s'en tenir. Si ce n'est pas le cas, que la ministre établisse clairement sa position vis-à-vis de ce cas. Cela nous permettra de savoir à quelle enseigne elle loge.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.

Mme LeBIanc-Bantey: Vous posez strictement des jugements de valeur en fonction d'un cas que vous avez lu où, dans un ministère, on a décidé - par ailleurs, c'est un ministère que je connais assez bien pour avoir été adjointe parlementaire un certain temps, aux Pêcheries - pour des raisons d'efficacité, d'abolir les structures de directions générales parce que cela alourdissait davantage le processus. Ce sont des jugements de valeur que vous posez. Je vous dis qu'un ministère, pour des raisons d'efficacité, compte tenu du fait que le ministère de l'Agriculture est un ministère extrêmement lourd, où il y a beaucoup de monde, c'est extrêmement complexe, a décidé d'abolir ses directions générales pour les remplacer par des sous-ministres adjoints.

M. Rivest: Vous êtes d'accord avec cela?

Mme LeBIanc-Bantey: Vous parlez de la lourdeur des règlements et de la complexité, mais cela se vérifie dans les faits. Vous parlez aussi de responsabilisation. J'aimerais que vous m'écoutiez; je vous ai écouté très attentivement. Nous avons comme attitude, au ministère de la Fonction publique, de responsabiliser le plus possible chacun des ministères face à sa propre gestion pour qu'au bout de la ligne, s'il y a quelqu'un de responsable par rapport à une mauvaise administration, on puisse régler cela à l'intérieur même du ministère ou trouver le coupable, s'il y a lieu d'en trouver, plutôt que de se baser sur des règlements ou des organismes centraux pour se déculpabiliser ou se "déresponsabiliser" de tout. Donc, nous avons une loi que chacun des ministères est tenu de respecter. Nous avons des services que nous offrons aux ministères concernés pour qu'ils puissent, justement, respecter cette loi et améliorer la productivité et le sort des travailleurs, quand tout cela est mis en cause.

Par ailleurs, chaque ministère a la responsabilité générale de sa gestion et si le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour des raisons d'efficacité - mes jugements de valeur sont certainement tout aussi bons que les vôtres -a décidé de remplacer les directeurs généraux par des sous-ministres adjoints, je pense qu'il s'agit d'une décision qui a été prise par lui en toute connaissance de cause. Quant à moi, en principe, jusqu'à ce qu'on me fasse la preuve qu'effectivement cela aurait été fait pour des motifs politiques, j'ai tout lieu de croire que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est suffisamment compétent et conscient de ses objectifs pour organiser son administration en fonction des objectifs qu'il s'est donnés.

M. Doyon: Pour résumer, parce que...

Le Président (M. Bordeleau):

Rapidement, s'il vous plaît, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Je termine là-dessus. Pour résumer, je comprends que vous êtes d'accord avec cette démarche du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en émettant la réserve que c'est un cas particulier et que vous ne considérez pas comme étant souhaitable que cela se généralise. Est-ce que je résume votre pensée?

Mme LeBIanc-Bantey: Je n'ai même pas de jugement à poser en disant que c'est souhaitable ou non que cela se généralise. Je dis: Chaque ministère a des objectifs politiques dans le sens large du terme et chaque ministère a, surtout dans un contexte de restrictions budgétaires et financières comme celui que nous connaissons, la responsabilité première de gérer ses ressources en fonction de ses objectifs le plus efficacement possible et au moindre coût possible. Si le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en fonction de ses objectifs, a pensé que c'était une solution préférable par rapport à d'autres, moi, en tant que ministre de la Fonction publique, pour autant qu'il respecte la Loi sur la fonction publique, qu'il respecte les droits des cadres concernés et que tout se fait correctement et équitablement, je n'ai pas de jugement de valeur à poser sur la façon dont il a fait sa réorganisation administrative. Par ailleurs, je vous annonce tout de suite que chaque

ministère est conscient de la nécessité de rationaliser davantage ses opérations et ses ressources. Et j'espère qu'il y a dans d'autres ministères - non seulement j'espère, mais je le sais - une réflexion sur la réorganisation des structures administratives. Avec quelle solution arriveront-ils? Je ne le sais pas encore, je l'ignore. Est-ce que d'autres suivront l'exemple? Est-ce que d'autres auront des idées originales ou imaginatives en fonction de leurs objectifs? Nous le verrons en temps et lieu.

Par ailleurs, je n'ai aucune raison de croire, pour avoir passé un certain temps au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, entre autres dans le secteur des pêcheries, que les motifs du ministre dans cette réorganisation étaient des motifs politiques.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va?

M. Doyon: Une dernière question à Mme la ministre...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: ... avec la permission de la présidence. Dans le comté de Louis-Hébert que je représente depuis le 5 avril, il y a un nombre important d'étudiants et d'étudiantes pour lesquels un des débouchés importants était la fonction publique québécoise. Compte tenu de la situation déplorable qu'on connaît actuellement, j'aimerais savoir s'il y a, à part le fameux bon d'emploi qui n'avance... Est-ce que le gouvernement considère que le bon d'emploi entre dans la catégorie des solutions qui permettraient de résoudre les problèmes des étudiants et des étudiantes, des finissants et finissantes des trois cégeps et de l'Université Laval qu'il y a dans le comté de Louis-Hébert? Si ce n'est pas le bon d'emploi, quelle est la solution alternative que propose le ministre devant l'inquiétude absolument terrible qui m'a été exprimée pendant la campagne électorale par les 10 000 jeunes qui sont inscrits sur les listes électorales et qui ont des préoccupations d'avenir, des préoccupations de pouvoir gagner leur vie, ici, au Québec, de pouvoir le faire, si possible, dans le région de Québec? Quelle est la solution que propose la ministre à ces jeunes qui ont fait des sacrifices considérables pour obtenir des diplômes et qui se trouvent maintenant dans un cul-de-sac? Qu'est-ce qui se passe?

Le Président (M. Bordeleau): Madame la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Le gouvernement n'a jamais prétendu que le bon d'emploi était une panacée à tout le problème que nous vivons actuellement à l'égard du chômage vécu par les jeunes. Je pense que c'est effectivement un problème qui est très douloureux, actuellement, dans la société. Par ailleurs, le bon d'emploi était une solution parmi d'autres. Effectivement, je pense que c'est très valable. Par ailleurs, nous n'avons jamais prétendu que cela réglait tout le problème du chômage des jeunes.

Quant à nous, du côté de la Fonction publique, à cause justement de la rareté des emplois qui se fait de plus en plus sentir, nous avions prévu, dès l'an dernier, avec la loi no 12 - il y toujours des problèmes avec le numéro des lois - la possibilité d'ouvrir des concours de recrutement.

M. Rivest: Combien sont ouverts?

Mme LeBlanc-Bantey: Pas encore, parce que nos règlements sont encore récents. Nous avions prévu des concours de recrutement pour les jeunes, dans les universités, auprès des bassins universitaires, autrement dit. On sait fort bien que, compte tenu de la rareté des ressources, il y a de moins en moins de possibilités pour les jeunes d'acquérir un poste à la fonction publique. Je pense que cela a été une des nos préoccupations. Le résultat est que nous pourrons bientôt commencer à ouvrir des concours, quand il y aura des postes disponibles, bien sûr. Que ce soit pour les jeunes, les femmes, les communautés culturelles ou d'autres personnes, la fonction publique n'est plus en expansion, comme on l'a connue durant un certain nombre d'années. Nous avons quand même prévu pouvoir offrir une possibilité à ces jeunes; non seulement pour les jeunes, mais aussi, parce qu'il est important de continuer de "ressourcer" la fonction publique et de prévoir le problème de vieillissement auquel nous pourrions avoir à faire face au cours des prochaines...

M. Rivest: II s'est écoulé douze mois depuis la sanction de la loi no 12 et vous n'avez rien fait.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est-à-dire, nous n'avons rien fait... Le député de Jean-Talon commence à être très familier avec les nombreux mécanismes qu'impliquent d'abord l'adoption d'une loi et le règlement. Nous avons, nous aussi, des conventions collectives; donc, nous devons consulter passablement, etc. Entre le moment où l'on adopte la loi et le règlement, il peut s'écouler un certain délai qui a eu cours dans ce cas comme dans d'autres cas. C'est fait. Vous ne pouvez pas dire que nous n'avons rien fait; le règlement est fait.

M. Rivest: Combien d'étudiants ont trouvé de l'emploi avec ce programme?

Mme LeBlanc-Bantey: Vous savez que la

Loi sur la fonction publique...

M. Rivest: Ce n'est pas fait. Il n'y en a aucun.

Mme LeBlanc-Bantey: ... a tout dépolitisé et que la ministre n'est pas au courant des gens qui entrent dans la fonction publique. Nous allons vous permettre de le vérifier lors de la prochaine commission des crédits.

M. Rivest: Soyons bons joueurs. Prenez un engagement précis, avec un objectif précis. Il faudrait être précis pour les prochains crédits. Combien d'étudiants, pensez-vous, évaluez-vous, étant donné que vous avez eu un an de réflexion depuis l'adoption de la loi no 12, vont pouvoir bénéficier de ce programme?

Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Jean-Talon n'espère tout de même pas que je vais répondre à sa question et tomber dans son piège. Ce que je vous dis...

M. Rivest: Ce n'est pas un piège.

Mme LeBlanc-Bantey: ... c'est que nous allons ouvrir des concours.

Une voix: C'est un droit qu'on veut pour les jeunes.

M. Rivest: Ce sont les étudiants qui sont piégés, pour l'instant.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que je pourrais me permettre de poser une question pour demander au député de Louis-Hébert si notre bassin doit être tout le Québec ou dans le comté de Louis-Hébert? Quand vous avez parlé de la préoccupation, vous l'avez quand même limitée. Je pense que ce n'était pas votre objectif de fond, mais vous l'avez quand même limitée à votre comté.

M. Rivest: Le député de Limoilou est d'accord avec nous.

Mme LeBlanc-Bantey: Je pense que tout le monde est d'accord avec les objectifs sous-tendus par la question du député de Louis-Hébert. Par ailleurs, pour terminer là-dessus, je dirai qu'effectivement la possiblité existe et que nous verrons ce que nous pouvons faire dans le secteur des jeunes.

M. Rivest: Cela ne donne pas grand-chose, ce sont des mots. Agissez, madame!

M. le Président, je voudrais remercier la ministre.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que les programmes sont adoptés? (13 h 15)

M. Rivest: Oui, quant à moi. Je voudrais remercier la ministre de la Fonction publique pour un certain nombre de choses qu'elle a dites et je tiens à lui dire ma profonde déception pour d'autres choses, en particulier, le point soulevé par le député de Louis-Hébert. En terminant, si vous le permettez, M. le Président, je tiens à dire simplement que je suis - le député de Louis-Hébert également et notre formation politique - en total désaccord avec la pratique amorcée par le ministre de l'Agriculture. Ce que le député de Louis-Hébert a soulevé, je suis en mesure de le confirmer moi-même, comme député de Jean-Talon, où il y a aussi beaucoup de cadres. Je crois qu'effectivement, dans les cadres et les cadres supérieurs de la fonction publique, cette initiative du ministre de l'Agriculture a créé des inquiétudes et des problèmes qui, à tous égards, pourraient compromettre la réalisation des objectifs que, par ailleurs, la ministre poursuit, j'en conviens volontiers, au niveau du respect de l'indépendance de la fonction publique. Là-dessus - je pense que mon collègue de Louis-Hébert sera d'accord avec moi - nous aurons à continuer de manifester notre désaccord très fermement. Je regrette, mais la ministre de la Fonction publique, avec sa responsabilité et avec les objectifs qu'elle poursuit au niveau de la gestion supérieure de la fonction publique, il me semble, aurait dû se dissocier de cette initiative et rassurer les autres cadres qui oeuvrent dans d'autres ministères ou d'autres organismes de la fonction publique, car ces opérations n'ont pas de place dans une fonction publique qui se veut indépendante du pouvoir politique.

En terminant, j'inviterais la ministre de la Fonction publique à prendre au moins un engagement, même si je conviens qu'elle ne pourra pas respecter intégralement les recommandations de la commission spéciale, en la remerciant de sa collaboration personnelle, ainsi que de celle des officiers de son ministère, étant donné qu'ils auront participé d'une certaine façon par leurs témoignages aux recommandations de la commission. Je suis certain que la ministre n'aura d'autres choix que de mettre en oeuvre toutes et chacune des recommandations que la commission Bisaillon - puisqu'il faut l'appeler par son nom - lui fera au cours de la prochaine année.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la ministre, un petit mot de la fin rapidement, s'il vous plaît!

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais remercier tous mes collègues, de part et d'autre, de la patience qu'ils ont eue depuis le début de cette commission, de leur collaboration et des questions très souvent pertinentes dont j'ai été l'objet. J'aimerais

prendre tout de suite l'engagement envers le député de Jean-Talon que je vais accorder à la commission Bisaillon toute l'attention qu'elle mérite.

Par ailleurs, pour revenir sur la préoccupation du député de Louis-Hébert, qui voulait qu'on rassure les cadres, je ne peux rassurer tous les gens qui voudraient bien être rassurés dans la perspective où, là comme ailleurs, je voudrais qu'on arrête de penser que toute l'organisation de la fonction publique est immuable et qu'on doive continuer de vivre avec, justement, des structures administratives ou des règlements qui ont été au fil des années mis de l'avant en fonction de certains objectifs de l'époque. Je pense qu'effectivement nous avons une fonction publique compétente. Je pense qu'effectivement aussi l'ensemble des ministres du gouvernement et les députés respectent cette fonction publique et ne lui demandent pas de serments du Test auxquels faisait allusion le député de Louis-Hébert. Par ailleurs, je pense qu'autant les ministres que les fonctionnaires et les cadres ont un effort à faire de rationalisation et je sais que dans l'ensemble les cadres de la fonction publique participent à cet effort et qu'ils sont capables de comprendre les objectifs que la population et le gouvernement se sont donnés depuis quelques mois.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre. Alors, les programmes 1, 2, 3, 4 sont-ils approuvés avec leurs éléments et les crédits correspondants, bien sûr. D'accord?

M. Rivest: Est-ce que vous avez les moyens d'assumer ces crédits-là?

Le Président (M. Bordeleau): Alors, l'ensemble des crédits de la Fonction publique est approuvé. La commission parlementaire de la fonction publique a donc rempli son mandat et je demanderais au rapporteur, le député de Limoilou, de faire rapport le plus rapidement possible à l'Assemblée nationale.

La commission parlementaire de la fonction publique ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 19)

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