Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et
messieurs. La commission parlementaire de la fonction publique est donc
réunie ce matin pour étudier les crédits du
ministère de la Fonction publique.
Les membres de la séance de ce matin sont: MM. Assad (Papineau),
Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet (Jeanne-Mance) remplacé par Doyon
(Louis-Hébert), Blais (Terrebonne), Cusano (Viau), Gauthier (Roberval),
Gravel (Limoilou), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. LeMay
(Gaspé) remplacé par Mme Lachapelle (Dorion), MM. Martel
(Richelieu), Polak (Sainte-Anne).
Les intervenants: Mme Bacon (Chomedy), MM. Brassard (Lac-Saint-Jean),
Charbonneau (Verchères), de Belleval (Charlesbourg), Dubois
(Huntingdon), Gratton (Gatineau) remplacé par Rivest (Jean-Talon),
Marquis (Matapédia), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay
(Chambly).
À moins qu'il y ait d'autres changements, il y aurait lieu de
nommer un rapporteur de la commission. Est-ce que j'aurais des suggestions des
membres de la commission?
M. Rivest: M. Gravel.
Le Président (M. Bordeleau): M. Gravel, cela va. Le
rapporteur sera donc M. Gravel (Limoilou).
M. Rivest: Pour autant que ce n'est pas M. Blais de Terrebonne,
cela va aller.
M. Blais: Pour autant que M. Rivest, on ne prend pas son
consentement pour nommer quelqu'un, je suis d'accord!
Le Président (M. Bordeleau): Comme je n'ai pas
d'objection, je suppose qu'il y a consentement et que tout le monde est
d'accord.
Une voix: M. Gravel va bien faire cela.
Le Président (M. Bordeleau): M. Gravel sera donc le
rapporteur de la commission. Avant de débuter l'étude des
programmes comme tels, Mme la ministre, j'imagine que vous avez des
commentaires généraux ou préliminaires. Alors,
allez-y.
Exposés préliminaires Mme Denise
LeBlanc-Bantey
Mme LeBlanc-Bantey: Certainement, M. le Président. Je
voudrais demander la tolérance de tout le monde, de mes
collègues, parce que mes commentaires risquent non pas d'être trop
longs mais un peu longs. Ceci étant dit, avant de commencer ces
commentaires, j'aimerais aussi présenter certaines personnes qui
m'accompagnent, dont à ma droite, M. Sarault qui est notre nouveau
sous-ministre en titre au ministère de la Fonction publique, et je
suppose que pour certains d'entre vous, c'est la première occasion de
l'apercevoir. Il y a bien sûr M. Bélanger qui nous accompagne, il
est président de l'office de recrutement et il est, parce que les rangs
étaient trop loin, placé derrière l'Opposition,
j'espère bien que ce n'était que le motif, et de notre
côté, M. Bolduc, président de la Commission de la fonction
publique. Bien sûr, tout ce monde se fera un plaisir de répondre
aux questions de l'Opposition quand le moment sera venu.
Avant d'aborder l'étude proprement dite des crédits de
notre ministère, je voudrais donner un bref aperçu des
principales actions que nous avons entreprises au cours de l'année
financière qui s'est terminée le 31 mars dernier et de celles que
nous envisageons pour l'année en cours.
Dans un deuxième temps, je me permettrai de faire des
commentaires sur certains problèmes relatifs à la fonction
publique qui ont attiré plus particulièrement l'attention au
cours des derniers mois, notamment en raison de la période difficile que
traverse le Québec actuellement.
Le ministère de la Fonction publique s'est employé l'an
dernier à rendre plus équitables les mécanismes de
recrutement et de promotion afin que la fonction publique
québécoise devienne dans la composition le reflet le plus
fidèle possible de la population à qui elle fournit les services.
C'est ainsi que nous avons fait adopter par l'Assemblée nationale, en
juin dernier, la loi 12 qui donne notamment au gouvernement des moyens
d'appliquer plus efficacement sa politique d'égalité en emploi.
Cette politique, est-il besoin de le rappeler, a pour objectif d'assurer au
sein de notre fonction publique une représentativité
équitable de certains groupes de notre société, en
particulier, les femmes, les communautés culturelles et les
personnes
handicapées.
Pour mettre en application cette partie de la loi 12, le
ministère a élaboré un projet de règlement, qui en
est actuellement à l'étape de la consultation avec les syndicats,
concernant le rangement par niveau. Je veux profiter de l'occasion qui m'est
offerte aujourd'hui pour expliquer en détail en quoi consiste cette
mesure afin de rectifier certaines interprétations erronées qui
en ont été données dans les médias d'information et
qui circulent largement encore au sein de la population et chez les
employés de l'État en particulier.
Si on prend l'exemple des femmes, des études ont
démontré que le classement par ordre de mérite strict est
une règle qui, compte tenu des préjugés encore courants
dans notre société, est de nature à nuire à
l'évaluation de la compétence des femmes. On ne peut se le
cacher, dans un grand nombre d'emplois, le profil du candidat idéal
correspond encore aujourd'hui davantage à un homme qu'à une femme
et je pourrais même me permettre d'ajouter, dans l'esprit de certains,
à un Québécois pure laine entre parenthèses;
autrement dit, francophone, cinq pieds et quelques pouces, pour ne pas
préciser d'autres caractéristiques.
Une voix: Les yeux bleus.
Mme LeBlanc-Bantey: Les yeux bleus, si possible.
C'est donc pour cette raison que nous avons décidé
d'assouplir la règle du rangement numérique pur en vertu de
laquelle un poste doit être nécessairement comblé par le
candidat s'étant classé au premier rang lors du concours de
recrutement et de promotion. Le projet de règlement permettra de
regrouper, moyennant certaines conditions, les candidats au sein d'un
même niveau et de les considérer comme ayant
démontré des aptitudes équivalentes.
Comment s'établira ce niveau? Supposons que, sur un total de 300
points, le candidat qui se classe premier au concours ait accumulé 280
points. Dans un premier temps, nous allons expérimenter le rangement par
niveau sur la base d'un écart de dix ou quinze points - c'est à
déterminer prochainement - avec le premier candidat. Cela signifie, si
on poursuit notre exemple, que tous les candidats ayant entre 265 et 270
points, par exemple, ou 280 points seront considérés comme ayant
démontré des aptitudes équivalentes à remplir le
poste à combler. S'il y a, par exemple, six candidats ayant
accumulé entre, comme je le disais, 265 et 280 points, ils seront
présentés au ministère ou à l'organisme
concerné sans que celui-ci ne puisse savoir qui est arrivé
premier, deuxième ou troisième. Le ministère ou
l'organisme devra alors choisir parmi ces six personnes celle qui aura le poste
convoité. De plus, les gestionnaires appelés à effectuer
ce choix devront justifier leur décision. Par ailleurs, le rangement par
niveau s'appliquera seulement aux concours où au moins une personne
issue de ces groupes aura été déclarée apte au
premier niveau. Dans les autres cas, la règle du rangement
numérique continuera de s'appliquer.
En ce qui concerne les femmes, une autre condition devra être
remplie pour que s'applique le rangement par niveau. Il faudra que le
pourcentage de femmes, dans la classe d'emploi qui fait l'objet d'un concours,
soit inférieur au taux de la population féminine occupant un
emploi régulier au Québec, soit environ 35%. Il est
évident que le rangement par niveau ne s'appliquera jamais au personnel
de bureau où l'on retrouve une surreprésentation des femmes avec
74% des effectifs. Par contre, chez les cadres supérieurs, où il
n'y a que 3,4% de femmes, le rangement par niveau s'appliquera à tous
les concours où une femme se sera classée au premier niveau. En
ce qui concerne les professionnels, le rangement par niveau ne pourra
s'appliquer, par exemple, aux agents d'information où la proportion des
femmes atteint 40%. En contrepartie, il est susceptible d'être
utilisé pour tous les corps d'emploi où le nombre de femmes est
inférieur à 35% des effectifs, ce qui est le cas de plus de 80%
des corps d'emplois chez les professionnels.
Nous escomptons atteindre des résultats significatifs dans la
mesure où nous avons constaté que de plus en plus de femmes
réussissent à se hisser parmi les premières du peloton -
ou du "pleton" comme disent certaines personnes - et souvent à quelques
points près du premier rang. Nous espérons également par
ce moyen favoriser le recrutement de membres des communautés culturelles
et des personnes handicapées afin d'atteindre les objectifs de
représentativité que le gouvernement s'est fixé pour ces
deux groupes, soit 9,5% pour les communautés culturelles et 2% pour les
personnes handicapées.
Le rangement par niveau pondère donc ce que l'évaluation
des candidats à un emploi contient encore de discriminatoire envers ces
trois groupes, c'est-à-dire la vision subjective des aptitudes d'une
personne à remplir certaines fonctions. Il n'est donc pas question,
comme certains veulent le laisser entendre, d'accorder un poste ou une
promotion à une personne uniquement parce que c'est une femme, une
personne handicapée, un anglophone ou un
Néo-Québécois. Nous voulons certes favoriser leur
recrutement et leur promotion dans la fonction publique pour rétablir
l'équilibre, mais à la condition qu'ils aient la
compétence requise, et je le souligne. Nous prétendons
qu'à compétence égale il faut
privilégier ces catégories de personnes afin qu'elles
obtiennent enfin la place qui leur revient et dont elles ont été
privées jusqu'à maintenant à cause des
préjugés qui existent dans notre société.
Qu'on ne s'imagine surtout pas qu'une telle mesure empêchera les
autres d'aspirer à une carrière intéressante dans la
fonction publique - je m'aperçois qu'il y a quelques hommes qui
commencent à fatiguer autour de moi. Vous savez, ce n'est pas demain la
veille du jour où les femmes vont se bousculer au premier niveau dans
les concours pour combler des postes de cadres supérieurs. Même si
j'ai dit plus haut que de plus en plus de femmes atteignaient ce niveau de
compétence, leur nombre demeure infime par rapport à celui de
leurs collègues masculins. Contrairement aux hommes, les femmes ont
rarement reçu dans le passé l'éducation - et ici je parle
de bagage de valeurs culturelles tout autant que d'instruction - qui pouvait
les préparer adéquatement à entreprendre une
carrière et à assumer des postes de commande. Les valeurs
véhiculées dans notre société les destinaient
surtout à l'éducation des enfants et aussi, quand il
n'était pas possible de faire autrement, au travail à
l'extérieur de la maison, dans des tâches subalternes, pour
apporter un revenu d'appoint à la famille.
Il en est de même pour les personnes handicapées auxquelles
la société a jusqu'à tout récemment nié la
capacité de jouer un rôle actif en raison de leur
incapacité physique et dont les perspectives se limitaient la plupart du
temps à mener une vie dépendante de la famille ou de
l'État. Quant aux communautés culturelles, il reste encore
beaucoup de méfiance de part et d'autre à surmonter avant que la
fonction publique ne soit représentative de ces groupes.
Le rangement par niveau, on l'a vu, n'est pas une panacée. C'est
un outil utile, mais ce n'est certainement pas suffisant. C'est pourquoi des
plans d'actions ont été élaborés dans les
ministères et organismes pour réaliser les objectifs
d'égalité en emploi. Ces plans d'actions laissent beaucoup de
souplesse de gestion et font appel à la créativité et
à l'initiative des gestionnaires. Mais précisément parce
que c'est une politique souple, nous avons cru déceler une certaine
insécurité dans certains secteurs de l'administration; on est
malheureusement peu habitué à travailler sans l'aide de
règlements, de directives, de formulaires et de normes de toutes
sortes.
En plus des réticences entraînées par le
caractère peu orthodoxe du procédé, je dois avouer que
l'adhésion à la politique d'égalité en emploi n'est
pas encore totale au sein de l'appareil de l'État. Les
préjugés sont tenaces et notre politique heurte encore beaucoup
les mentalités. Pour vaincre ces résistances et donner une
impulsion à la politique d'égalité en emploi, il faut donc
agir au plus haut niveau de l'administration. C'est pourquoi j'ai obtenu la
création, au sein du ministère de la Fonction publique, d'un
poste de sous-ministre adjointe spécialement chargée de ce
dossier. Occupant un poste élevé dans le hiérarchie
gouvernementale, Mme Michelle Lejeune, nommée récemment sur ma
recommandation par le premier ministre, aura directement accès aux
centres de décision de tous les ministères et organismes du
gouvernement et pourra, par conséquent, faire progresser plus
efficacement l'implantation de la politique d'égalité en
emploi.
En plus de nous fournir un instrument pour favoriser
l'égalité en emploi, la loi 12 nous a aussi permis de modifier
les règles du jeu pour le recrutement et la promotion de manière
à favoriser notamment l'embauche au niveau local. Ainsi, l'Office du
recrutement et de la sélection du personnel ne sera plus tenu d'ouvrir
à travers tout le Québec tous ses concours. Les emplois qui
requièrent un diplôme d'études secondaires ou une
scolarité minimale pourront être remplis localement,
c'est-à-dire que seules les personnes qui résident dans la
localité ou le comté où se situent ces emplois seront
admissibles à ces concours. En ce qui concerne les postes
requérant un diplôme d'études collégiales, le
recrutement et la promotion pourront se faire au niveau régional, tandis
que les postes nécessitant un diplôme universitaire continueront
d'être comblés au moyen de concours ouverts à la grandeur
du Québec.
Cette réglementation aura pour avantage d'épargner
à l'État plusieurs centaines de milliers de dollars par
année en frais d'administration, de paperasse et de publicité.
Elle réduira également de façon considérable les
délais encourus pour combler un grand nombre de postes. Enfin, elle
évitera à plusieurs Québécois et
Québécoises l'obligation de s'exiler loin de leur milieu de vie
naturel pour pouvoir espérer un emploi ou une promotion dans la fonction
publique.
En plus de la loi 12, le gouvernement a fait adopter en décembre
dernier la loi 22 pour régler le problème des agents de la paix.
Je dois souligner, comme je l'avais fait d'ailleurs à cette
époque, que nous sommes intervenus à notre corps défendant
dans cette affaire. Mais les querelles intestines qui sévissaient depuis
de nombreuses années dans le syndicat regroupant les six groupes
d'agents de la paix avaient atteint une telle acuité qu'elles
entravaient de façon irrémédiable les relations
patronales-syndicales en général, et le processus de
négociation en particulier.
On se souviendra, et je suis sûr que le député de
Jean-Talon s'en souvient, qu'à cause de la grande disparité dans
les emplois
occupés, de même que dans les conditions d'exercice des
tâches effectuées par les différents groupes d'agents de la
paix, une forte proportion de ceux-ci s'estimaient lésés de
devoir être regroupés au sein d'une seule unité de
négociation. D'autre part, la convention collective des agents de la
paix ayant expiré le 31 mars 1981, des négociations avaient
été entreprises dès l'automne précédent en
vue de son renouvellement.
Cependant, les actions entreprises par les groupes dissidents, tant
auprès du gouvernement que du syndicat ont empêché le
déroulement normal des négociations. J'ai alors demandé au
syndicat en place de se soumettre volontairement à un vote de
représentativité afin de ne pas retarder indûment la
poursuite des négociations dans un climat plus serein. Celles-ci
auraient en effet pu reprendre immédiatement après un vote, en
tenant compte du choix exprimé par chacun des groupes des agents de la
paix, quitte à ce que le gouvernement entérine plus tard, par la
voie législative, la formation des nouvelles unités de
négociations nées d'un tel vote. Le syndicat en place a
refusé cette proposition, ce qui a forcé le gouvernement à
légiférer pour ordonner la tenue d'un vote de
représentativité syndicale chez les agents de la paix.
Le refus du syndicat en place de se soumettre volontairement à
une procédure de vérification de son caractère
représentatif, en obligeant le gouvernement à le faire à
sa place, a retardé d'environ un an la reprise des négociations.
Je trouve cela extrêmement malheureux, car ce sont les agents de la paix
dans leur ensemble qui doivent en subir les inconvénients. Quoi qu'il en
soit, nous avons l'intention d'agir avec célérité dans les
négociations avec les syndicats accrédités aussitôt
que ceux-ci se déclareront prêts à procéder.
Déjà, la semaine dernière nous avons tenu une
première réunion avec le Syndicat des agents de conservation de
la faune du Québec et avec l'Union des agents de la paix en institutions
pénales qui nous ont tous deux présenté leurs demandes en
vue de la signature d'une nouvelle convention collective.
Quant aux autres groupes, nous attendons le résultat de leur
demande d'accréditation devant le Tribunal du travail.
La loi 12 et la loi 22 dont je viens de vous parler sont des amendements
apportés à la loi 50 sur la fonction publique. Ce sont des
amendements que je qualifierai de ponctuels, compte tenu du processus de
révision en profondeur que nous avons entrepris au cours de
l'année avec la mise sur pied de la commission spéciale de
l'Assemblée nationale présidée par mon collègue de
Sainte-Marie et à laquelle participent bien sûr le
député de Jean-Talon, celui de Papineau et celui de Chomedey
ainsi que la députée de Dorion, le député de
Roberval..
M. Bisaillon: ... et le député de Champlain.
Mme LeBlanc-Bantey: ... et le député de Champlain.
Les honorables députés de cette commission me permettront de dire
que je suis particulièrement fière d'avoir été
l'initiatrice de cette commission. Ayant un caractère bipartite et
étant dotée d'un personnel de recherche et de secrétariat,
la commission permet aux députés qui en sont membres de jouer
plus efficacement leur rôle de législateurs. Elle entre
parfaitement dans le cadre du projet de réforme de nos institutions
parlementaires et des différentes mesures envisagées pour
revaloriser le rôle des députés. Je suis également
heureuse que cette initiative ait servi de modèle à une autre
commission spéciale portant cette fois-ci sur la refonte de la loi 24,
Loi sur la protection de la jeunesse.
Je compte beaucoup sur l'éclairage qu'apportera la commission
pour suggérer des moyens de rendre notre fonction publique plus humaine,
plus proche du citoyen et plus efficace. Je crois en effet que les élus
du peuple sont particulièrement bien placés pour tracer un
portrait réel de la situation. En contact constant avec la population,
ils connaissent les attentes des citoyens face aux services offerts par
l'administration gouvernementale et sont mis au courant par leurs commettants
de la façon dont on répond à leurs attentes. Par contre,
leur rôle de député les appelle à côtoyer
l'administration publique et à se familiariser avec son fonctionnement
et les contraintes auxquelles elle doit obéir. En confrontant cette
expérience avec les vues exprimées par les spécialistes et
autres intervenants entendus au cours des audiences publiques et
privées, les membres de la commission apporteront, j'en suis certaine,
une contribution importante à la solution des problèmes qui nous
préoccupent tous.
J'ai un seul regret à formuler à l'égard de cette
commission. Je trouve que malheureusement les médias d'information,
à l'exception de quelques journaux, ne lui ont pas suffisamment
accordé d'importance. À mon avis il y a encore beaucoup de
citoyens à travers le territoire québécois qui ignorent
qu'une telle commission existe et que les députés, en tant que
législateurs et aussi à cause de leur rôle d'ombudsman dans
leur comté, sont très bien placés pour accueillir les
revendications que certains groupes pourraient avoir à faire quant
à la Loi sur la fonction publique.
Sans présumer du travail de la commission et des conclusions et
recommandations que contiendra son rapport,
je veux vous faire part ici de mes réflexions personnelles sur un
certain nombre de sujets relatifs à l'administration et au
fonctionnement de l'appareil de l'État, à tout le moins, placer
dans une plus juste perspective certains problèmes qui remontent de
temps en temps à la surface mais qui, surtout par les temps qui courent,
occupent les premiers rangs de l'actualité.
C'est ainsi qu'on parle beaucoup actuellement du manque de
productivité des fonctionnaires, ou plutôt des employés de
l'État. Il devenu de bon ton de dire que les fonctionnaires sont trop
nombreux, incompétents, inefficaces, improductifs et grassement
payés pour le travail qu'ils fournissent. Bref, on les accuse de tous
les péchés d'Israël et on les rend responsables de tous nos
maux. (11 heures)
Je pense que ces jugements à l'emporte-pièce sont
exagérés et parfois injustes. Que le personnel de la fonction
publique soit en général bien payé, bien que ce ne soit
pas le pactole pour tout le monde, c'est un fait. On n'a qu'à demander,
par exemple, aux commis de bureau, aux réceptionnistes ou aux femmes de
ménage si, avec un salaire annuel de 13 400 $, ils peuvent vivre
grassement. Il faut reconnaître, par ailleurs, que la
sécurité d'emploi, les fortes pensions et les autres avantages
sociaux sont des avantages non négligeables. Il est vrai que,
comparativement à d'autres groupes de la société, ils sont
finalement assez bien nantis. Il est vrai aussi qu'il y a place pour beaucoup
d'améliorations pour que s'accroisse la productivité au sein de
la fonction publique. En ce sens, les restrictions budgétaires ont
l'avantage d'inciter nos gestionnaires à faire preuve de plus
d'imagination pour fournir à la population les mêmes services
qu'auparavant mais avec moins de ressources. Un contrôle plus
serré des dépenses et une meilleure utilisation des effectifs ont
déjà commencé à donner des résultats. Et je
suis convaincue que la productivité continuera à
s'améliorer dans les mois qui viennent, car nous avons en
général des gestionnaires compétents; notre fonction
publique est compétente, n'en doutons pas. Malgré toutes les
attaques dont elle fait l'objet, l'administration gouvernementale soutient
très bien la comparaison avec l'entreprise privée de même
envergure. Il y a deux semaines, à l'occasion d'une conférence
prononcée à l'Université Laval, l'éminent
économiste américain, John Kenneth Galbraith, a souligné
la nécessité de détruire ce mythe voulant que la
qualité des gestionnaires du secteur public soit moins bonne que celle
des gestionnaires du secteur privé. L'économiste de Harvard a
précisé qu'en retenant des critères identiques, il
n'existe aucune preuve que la bureaucratie publique soit moins honnête et
moins efficace que la bureaucratie privée.
Quand une grande entreprise est en difficulté, par ailleurs, on a
tendance à toujours lui accorder le bénéfice du doute, que
ce soit à cause de la conjoncture économique, de la faiblesse du
marché, des taux d'intérêt, de la crise de
l'énergie, etc. C'est curieux, dans ce cas, on ne parle jamais de
mauvaise administration. On ne se demande jamais si la haute direction, dont
les membres se paient des salaires de plusieurs centaines de milliers de
dollars par année, a bien fait son travail. Pourtant, si l'on prend
l'industrie de l'automobile, on pourrait y trouver un exemple de mauvaise
administration.
Donc, les problèmes de productivité et d'efficacité
ne sont pas l'apanage de l'entreprise publique. Je crois, moi aussi, que les
mêmes problèmes affligent tous les gros appareils administratifs,
qu'ils soient publics ou privés. Je suis convaincue que si on effectuait
une enquête auprès des grandes bureaucraties du secteur
privé, comme les institutions bancaires ou les compagnies d'assurances,
nous pourrions déceler là aussi des énergies perdues, des
effectifs mal utilisés et de la paperasse inutile.
Un autre problème qui fait la manchette des journaux ces temps-ci
est celui des "tablettés". Je me suis résignée à ne
pas essayer de trouver un synonyme, les gens aiment beaucoup trop la
première appellation. C'est donc un problème réel, et nous
n'avons pas les moyens, comme je l'ai déjà dit, de le mettre en
veilleuse. J'en ai déjà fait une priorité pour
l'année qui s'en vient. Il y a, par ailleurs, et il faut le
spécifier - je suis sûre que les membres de la commission
Bisaillon ont eu l'occasion de le constater - deux types de tablettés:
ceux qui ne font vraiment rien et qui sont probablement peu nombreux; et il y a
surtout ceux qui travaillent, mais qui sont sous-utilisés par rapport au
poste qu'ils occupent et à la compétence qu'ils ont acquise.
Il ne faut pas sous-estimer non plus la complexité du
problème. D'une part, les intéressés eux-mêmes, pour
des raisons de dignité personnelle, préfèrent cacher leur
situation, ou alors ils ne veulent tout simplement pas l'admettre. D'autre
part, il peut arriver que leurs supérieurs n'aient aucun
intérêt à les déclarer tels pour préserver
leurs chances de s'en débarrasser à la première occasion.
En effet, si l'on sait qu'un tel est "tabletté" dans un ministère
donné, les autres ministères n'iront certainement pas offrir un
poste à cet individu. Pour ces raisons et d'autres, c'est un peu un
sujet tabou dans l'administration gouvernementale.
Le fait qu'il y ait des employés de l'État qui connaissent
des difficultés dans le cheminement de leur carrière est un
phénomène courant, phénomène qui existe
aussi dans le secteur privé. Les causes en sont multiples. Il y a, bien
sûr, les causes traditionnelles de changement d'administration politique.
L'Opposition admettra facilement qu'avec la loi 50, nous avons certainement
dû régler une partie de ce problème. Il peut s'agir aussi
d'un conflit de personnalité entre la personne concernée et son
supérieur immédiat; parfois, c'est une fatigue physique,
intellectuelle ou morale qui intervient après plusieurs années de
travail intense consacrées à relever un défi exigeant. En
d'autres occasions, ce peut être un certain plafonnement qui intervient
après que quelqu'un a exercé les mêmes fonctions pendant
longtemps, une mauvaise adaptation à un entourage nouveau ou à
des objectifs qui ont changé et, aussi, le désir de relever un
nouveau défi ailleurs. Enfin, le rendement peut être très
influencé par les difficultés qu'une personne éprouve dans
sa vie personnelle comme, par exemple, des problèmes familiaux ou des
soucis d'ordre financier.
Des moyens de faire face à ces problèmes sont actuellement
utilisés pour des cadres en difficulté de carrière, et
cela s'avère rentable autant pour les intéressés
eux-mêmes que pour l'administration. Ces moyens, le ministère de
la Fonction publique y a recours dans le cadre du programme de renouvellement
de carrière mis sur pied en décembre 1975. Ce programme auquel on
adhère sur une base volontaire offre différents services
permettant aux cadres en difficulté de reprendre un second souffle. En
plus d'avoir accès à des services médicaux et de
consultation sur l'orientation de leur carrière, les participants au
programme sont appelés à effectuer des stages dans les
différents ministères ou organismes gouvernementaux, et
même dans l'entreprise privée. Pendant la durée de ces
stages, ils sont suivis de près par les responsables du programme afin
d'évaluer leur motivation et leur rendement, de même que la
pertinence de les réaffecter ailleurs pour un autre stage. Dans la
majeure partie des cas, les cadres qui ont effectué un stage en un
endroit donné ont été affectés en permanence
à cet endroit au terme de leur période de recyclage.
Depuis le début du programme jusqu'au premier avril dernier, 69
cadres ont pu ainsi se réorienter. Leur participation au programme a
duré en moyenne un peu plus de 21 mois. De ces 69, 40 occupent
maintenant un poste au sein de la fonction publique au même niveau que
celui qu'ils occupaient avant leur entrée dans le programme; deux autres
ont obtenu une promotion à un niveau supérieur tandis qu'un
troisième a été rétrogradé à un poste
inférieur. Par ailleurs, 15 participants au programme occupent
maintenant un poste de professionnel à la suite d'une
réorientation volontaire de leur carrière, tandis que sept autres
se sont trouvé un autre emploi à l'extérieur de la
fonction publique. Enfin, quatre participants sont décédés
ou ont pris leur retraite.
À l'heure actuelle on compte 47 participants au programme, dont
huit sont en voie d'être recyclés de façon permanente. En
outre, un grand nombre de cas sont réglés sans qu'ils impliquent
une participation au programme. Ainsi, dans ses contacts fréquents avec
les différentes directions de personnel, le ministère de la
Fonction publique contribue, au moyen de ses services de consultation, à
régler un grand nombre de problèmes relatifs à la gestion
du personnel. C'est ainsi que, récemment, les spécialistes de mon
ministère ont pu, en proposant une simple réaffectation des
tâches, améliorer le rendement et la motivation des cadres d'un
autre ministère. Enfin, les responsables du programme de renouvellement
de carrière reçoivent régulièrement en consultation
externe, si je puis m'exprimer ainsi, un certain nombre de cadres qui
connaissent des difficultés passagères ne nécessitant pas
obligatoirement leur intégration totale au programme.
Je voudrais ajouter une autre dimension au problème des
"tablettés". Que dire de certaines grandes entreprises où l'on
retrouve un nombre important de vice-présidents dont certains ont des
titres ronflants mais dont les responsabilités sont à peu
près nulles? Il est de notoriété publique que certains de
ces postes sont purement honorifiques et qu'ils servent souvent à
récompenser des cadres usés pour les services rendus pendant
leurs meilleures années. L'entreprise privée peut, elle aussi,
avoir une approche humanitaire face à certains de ses employés
qui, après plusieurs années de travail, deviennent moins
productifs.
Le programme de renouvellement de carrière de même que le
programme Formacadres, destiné à préparer la
relève, constituent des instruments excellents pour améliorer la
gestion des ressources et augmenter par le fait même l'efficacité
de l'appareil de l'État. Ajoutons à cela une série
d'autres programmes de formation et de perfectionnement à
caractère plus limité qui sont mis à la disposition des
cadres par le ministère. Mais ces différents programmes ne
suffiront pas seuls à accroître la motivation et la
productivité au sein de l'administration gouvernementale. Il faut songer
à d'autres mesures destinées, celles-là, à changer
notamment les comportements et les attitudes. Je pense entre autres choses
à la nécessité de favoriser la mobilité au sein de
la fonction publique et surtout la mobilité latérale.
Lorsque la fonction publique était en pleine expansion, il y
avait chez les cadres
beaucoup de mobilité verticale. Grâce à
l'augmentation soutenue des effectifs, à l'accroissement des services
gouvernementaux et à la mise sur pied de nouveaux programmes, les cadres
pouvaient espérer obtenir assez rapidement des promotions. Cependant,
maintenant qu'on vise au contraire une réduction des effectifs, les
possibilités d'avancement deviennent moins nombreuses.
Il semble qu'au cours de ces années de vaches grasses il se soit
développé une mentalité chez les cadres en vertu de
laquelle seule la mobilité verticale était importante dans le
cheminement d'une carrière. La situation s'y prêtait. Il y a deux
ans encore, soit en 1980 et 1981, 52% des emplois de cadres vacants ont
été occupés à partir de promotions contre seulement
36% à la suite de transferts latéraux et 12% par des personnes
recrutées à l'extérieur. Il est évident que cette
époque est maintenant révolue et que le nombre de postes
d'encadrement est appelé à plafonner et même à
décroître, ce qui privera les cadres des possibilités de
promotion qui les avaient si bien servis jusqu'à présent. Dans un
tel contexte, la mobilité latérale apparaît donc, autant
pour les cadres mêmes que pour l'administration gouvernementale dans son
ensemble, comme un moyen de développement et de
régénérescence en même temps qu'une source de
motivation.
À la suite d'une enquête récente, on a
déterminé que le tiers environ de nos 2500 cadres occupaient le
même emploi depuis plus de cinq ans. Je me demande si, après tant
d'années à la même place, on a encore des défis
intéressants à relever ou si on ne risque pas de tomber dans la
routine, de plafonner, de s'ankyloser. Il est bien évident que le seuil
critique pour que la sédentarité devienne paralysante varie selon
les responsabilités et selon les mandats confiés à une
personne. Cela peut-être cinq ans, dix ans, ou entre les deux. Mais il
m'apparaît raisonnable de penser que, dans la plupart des cas, on devrait
commencer à avoir la bougeotte après être resté au
même endroit après un certain nombre d'années.
En plus de stimuler la motivation en lui offrant de relever un nouveau
défi, la mobilité latérale a pour avantage de faire
bénéficier le cadre d'une expérience plus
diversifiée. Plutôt que d'en faire un gestionnaire
hyperspécialisé, les transferts latéraux pourront ajouter
des cordes à son arc et lui ouvrir un plus large éventail de
possibilités en vue d'une promotion. D'ailleurs, je me demande si on ne
devrait pas exiger des cadres qui aspirent à une promotion qu'ils aient
au préalable exercé différentes fonctions à
l'occasion de deux ou trois transferts latéraux, par exemple.
Mais la mobilité ne doit pas non plus être seulement
réservée aux cadres. Il faut également la favoriser chez
les professionnels et chez les fonctionnaires. Il est important qu'eux aussi
soient motivés dans leur travail, ils n'en seront que plus productifs.
En ce qui concerne les professionnels, ils semblent, à première
vue, être parmi les employés de l'État ceux qui sont les
plus mobiles, bien qu'on ne puisse exclure l'existence là aussi de
certaines poches de résistance à la mobilité.
Quant aux fonctionnaires, il faudrait songer à rendre moins
rigide la classification des emplois afin de favoriser une plus grande
mobilité chez ce groupe d'employés. Il n'y a pas moins de 80
classes d'emploi dans la catégorie personnel de bureau, techniciens et
assimilés. Chaque corps d'emploi est cloisonné de sorte que, pour
passer de l'un à l'autre, il faut obligatoirement se soumettre à
un concours. Pourtant, plusieurs de ces corps d'emploi exigent des
prérequis à peu près semblables. La scolarité
demandée est souvent la même, par exemple. Si l'on
décloisonnait certains corps d'emploi, on pourrait ainsi permettre, par
exemple, à des employés de secrétariat de devenir des
agents de bureau par simple transfert latéral ou à des agents de
bureau de se familiariser avec le travail des agents de rente, etc.
Tous les corps d'emploi qui impliquent à peu de choses
près du soutien administratif pourraient-ils être
décloisonnés et, si oui, à quelles conditions? Y aurait-il
d'autres corps d'emploi où le décloisonnement serait applicable?
Ce sont toutes des questions auxquelles j'espère apporter une
réponse adéquate à la lumière des travaux de la
commission spéciale et de la réflexion entreprise au sein
même de mon ministère.
La classification des emplois de même que tous les autres aspects
de la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique
québécoise sont déterminés par règlement.
L'univers du ministère de la Fonction publique, ce sont les
règlements. Nous les rédigeons, nous les interprétons,
nous les amendons. Quand un règlement existant ne peut être
modifié pour faire face à des situations nouvelles, nous en
créons de nouveaux. Mon chef de cabinet, qui n'a pas toujours le sens de
l'exagération, et je me demande sérieusement si dans ce cas il ne
l'a pas, disait l'autre jour que, lorsqu'une seule personne a un
problème dans la fonction publique, cela ne vaut pas la peine de prendre
une décision pour le régler, mais, s'il y en a deux qui ont le
même problème, on fait un règlement.
Une voix: C'est M. Bélanger qui a dit cela.
Mme LeBlanc-Bantey: Mon chef de cabinet. Pour être plus
sérieux, disons qu'il est essentiel - Vous réglerez vos comptes
après. - que le fonctionnement de l'appareil
gouvernemental soit régi par des règles de conduite, si on
veut éviter l'anarchie et l'arbitraire, et fournir de façon
efficace les services auxquels la population a droit.
Cependant, si on ne peut éviter de réglementer, encore
faut-il le faire avec souplesse afin de laisser la place à une certaine
capacité d'adaptation à des situations particulières. Les
rapports humains sont trop complexes pour qu'on puisse prétendre en
réglementer les moindres facettes. Il est également
présomptueux de croire que seules des normes universelles,
appliquées de façon purement mécanique, sont suffisantes
pour évaluer l'expérience et la compétence d'un individu.
Une réglementation doit certes imposer certaines balises, mais elle doit
également permettre à celui ou celle qui l'applique d'exercer son
jugement pour tenir compte des éléments qui ne sont pas
quantifiables et des situations qui ne sont pas spécifiquement
prévues. (11 h 15)
Je crois que, dans l'élaboration de tous ces règlements
qui régissent la fonction publique, on a eu tendance justement à
vouloir tout prévoir. Nous avons voulu trop bien faire. Pour
éviter toute intervention arbitraire du pouvoir politique et aussi du
pouvoir de l'administration, nous nous sommes donné un code de conduite
très rigide. En appliquant à la lettre cette bible que constitue
le livre des règlements, les gestionnaires sont assurés de ne pas
voir leurs décisions contestées par leurs supérieurs ou
par leurs subalternes. Car eux aussi jouent le jeu: à la moindre
incartade, une plainte peut être logée à la Commission de
la fonction publique, dont un des mandats est de surveiller l'application des
fameux règlements.
Donc, pour mettre fin à un arbitraire, en a-t-on
créé un autre, qui pourrait être pire à mon avis:
l'arbitraire de la machine, qui appliquerait de façon mécanique
et aveugle des directives qui lui sont dictées. On aurait ainsi permis
que s'instaure un système où plus personne n'est responsable. Si
tel est le cas, celui ou celle qui subit une injustice ne sait pas à qui
s'en prendre, car personne, au fond, n'a pris la décision qui a
engendré cette injustice. Officiellement, on n'a fait qu'appliquer le
règlement.
Jusqu'à présent, l'administration gouvernementale semble
donc s'être orientée vers la définition de règles
comportant à la fois une prévision minutieuse de toutes les
hypothèses et de toutes les conduites correspondantes à tenir.
Cette méthode, on l'a vu, a eu pour effet de faire disparaître
presque toute responsabilité. On est tenté de se satisfaire
d'exécutants qui appliquent à la lettre les directives. Cette
façon d'administrer cherche la certitude et évite le risque; elle
risque également de conduire à la routine plutôt
qu'à la créativité; enfin, elle a pour conséquence
de négliger la personne au profit de la norme et de la structure.
Il faudrait peut-être songer à revenir à un type de
gestion où les responsabilités seraient plus clairement
définies et où le gestionnaire, tout en respectant une ligne
directrice, aurait la latitude voulue pour juger une situation en fonction de
sa complexité et trouver une solution spécifique
équitable. Cette méthode aurait pour avantage de faire appel au
jugement du gestionnaire, de stimuler son sens de l'initiative et d'humaniser
ses rapports avec ceux qui sont sous ses ordres, tant avec ceux qui sont sous
ses ordres qu'avec la clientèle qu'il doit desservir. Le cadre ainsi
responsabilisé pourrait être évalué de façon
plus adéquate en fonction des résultats obtenus, lorsque viendra
le temps de rendre compte à ses supérieurs du mandat qui lui aura
été confié.
Quoi qu'il en soit, il est essentiel qu'à tous les niveaux de la
hiérarchie gouvernementale, chaque cadre assume pleinement ses
responsabilités et soit tenu de rendre compte à ses
supérieurs de la façon dont il les exerce. Nous avons d'ailleurs
commencé à agir sur ce plan. Ainsi, j'ai envoyé
récemment à chacun de mes collègues du Conseil des
ministres une lettre leur expliquant le déclenchement du processus de
signification des attentes chez tout le personnel d'encadrement de la fonction
publique. Chaque année, depuis l'an dernier, on précise à
chacun des cadres ce qu'on attend de lui ou d'elle pour l'année qui s'en
vient. À la fin de cette période d'un an, son supérieur
analyse ces attentes, c'est-à-dire le mandat qui lui a été
confié; puis, on se sert de cette évaluation de son rendement
pour déterminer la révision de son traitement. On achève,
M. le député de Jean-Talon. Nous sommes convaincus que cette
mesure contribuera à augmenter l'efficacité du personnel
d'encadrement et, par conséquent, à améliorer la
productivité dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Nous
souhaitons également que l'actuel système de notation des cadres
y gagnera en rigueur et qu'il donnera un portrait plus réaliste de la
performance d'ensemble du personnel d'encadrement.
Voilà donc, M. le Président, les remarques que je voulais
formuler à l'occasion de la présentation des crédits de
mon ministère. J'espère qu'elles pourront éclairer les
membres de cette commission sur les actions que nous avons entreprises, ainsi
que sur les objectifs que nous poursuivons. Je souhaite également que
mes propos auront donné une vision plus précise de certains
problèmes qu'on retrouve dans la fonction publique
québécoise, problèmes qui, pour la plupart - permettez-moi
de le répéter - sont communs à toutes les grandes
organisations, qu'elles soient du secteur public ou du secteur
privé. C'est terminé.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre.
M. le député de Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: C'est probablement une coutume qui est sans doute de
bon aloi pour l'Opposition, d'entretenir à l'égard des discours
ministériels le plus grand scepticisme que la nature des
problèmes qui ne sont pas réglés justifie sans doute. Je
dois dire à la ministre que son exposé ne fera pas exception
à la règle. D'autant plus que cette étude des
crédits revêt un caractère un peu particulier dans la
mesure où l'Opposition participe depuis déjà plusieurs
semaines et même plusieurs mois à un comité spécial
que la ministre a évoqué et qui traite de différents
aspects de la gestion du personnel de la fonction publique. Je pense que le
document de travail qui a été rendu public a souligné des
problèmes très importants dans la manière dont le
gouvernement et les gouvernements successifs ont géré la fonction
publique.
La ministre, dans son exposé, a évoqué un certain
nombre de problèmes ou d'initiatives qu'elle a prises, elle a dit
qu'elle attendait les conclusions définitives de la commission
spéciale. C'est un peu difficile pour l'Opposition dans la mesure
où l'on participe actuellement à un processus de relever ici,
lors de l'étude des crédits, tous et chacun des aspects qui font,
par ailleurs, partie du mandat de la commission spéciale. Je pense que
la création de la commission spéciale rend cette étude de
crédits, du moins, pour cette année, un peu, même beaucoup,
particulière.
Par contre, il est bien certain que la ministre de la Fonction publique
- et je sais qu'elle en est parfaitement consciente - en innovant, en
créant la commission spéciale, redonnera la parole à
l'Opposition et, j'en suis sûr, à nos collègues
députés ministériels. Pour eux, ce ne sera pas une
redécouverte de la parole étant donné qu'ils ne l'ont
jamais eue dans le système parlementaire qu'on connaît, mais ils
pourront, je l'espère, s'associer l'an prochain, lors de l'étude
des crédits, aux députés de l'Opposition pour exiger, de
la ministre de la Fonction publique, la mise en oeuvre la plus complète
et la plus intégrale des recommandations que la commission
spéciale lui aura adressées.
Autant, cette année, nous pouvons être limités dans
nos commentaires, compte tenu de la situation que je viens de décrire,
autant l'an prochain, nous aurons à demander des comptes à la
ministre. Je sais qu'elle est très consciente de la
responsabilité qu'elle a eue et je suis sûr que nos
collègues de la commission spéciale, du côté
ministériel, vont, à ce moment, s'associer à l'Opposition
pour exiger, de la ministre de la Fonction publique, des décisions
concrètes sur un nombre quand même très important de
questions que vous retrouverez au document de travail, qui concernent à
peu près tous les aspects de la gestion du personnel au niveau des
structures. Des recommandations que nous ferons, nous verrons ce que la
ministre fera au niveau des principes du mérite, de la
productivité, de l'imputabilité, de l'éthique, enfin
toutes et chacune des procédures de dotation, le développement
des ressources humaines, les relations du travail, l'égalité des
chances. C'est une question qui préoccupe énormément notre
collègue, la députée de Dorion, qui, à cet
égard, assume une continuité dont elle ne peut que se
féliciter au niveau du comté de Dorion, dans la mesure où
elle reçut un hommage non équivoque dans une publication
récente.
Je voudrais, compte tenu de ce contexte et, d'ailleurs, nous en avons
convenu, procéder assez rapidement à l'étude des
crédits parce que les questions que nous pourrions poser, finalement,
nous les débattons depuis fort longtemps avec nos collègues de la
commission spéciale ainsi qu'avec les principaux responsables du
ministère de la Fonction publique. À cet égard, je me
dois, M. le Président, de remercier la ministre de la Fonction publique
ainsi que ses collègues du Conseil des ministres qui, sur ce plan, ont
apporté, déjà, au travail de la commission spéciale
une contribution vraiment très appréciée, je pense, par
l'ensemble des membres. Et sans doute que le président du comité,
le député de Sainte-Marie se joindra à moi, mais je tiens
à le dire au nom de l'Opposition; franchement, au niveau du
ministère de la Fonction publique, on a joué pleinement le jeu de
la commission spéciale, ce qui nous permet d'espérer, madame la
ministre, que vous continuerez dans cette bonne voie, dès lors qu'il
s'agira, pour vous, de convaincre vos collègues du Conseil des ministres
d'appliquer à la lettre - je l'espère - les propositions de la
commission spéciale pour que, vraiment, on ait une fonction publique,
comme nous le disons, moderne, efficace et responsable.
Ceci étant dit, avant de céder la parole à mon
collègue, juste une question préliminaire. La ministre de la
Fonction publique a parlé de ce qui existe actuellement dans l'opinion
publique et dans la presse, ces commentaires qui ont été faits
sur la fonction publique, et elle a dit que les fonctionnaires étaient
trop nombreux et trop payés. Moi, je pense que ceux qui ont parlé
le plus de cette question-là, ce sont probablement le premier ministre
et le ministre des Finances, et même le président
du Conseil du trésor qui a laissé entendre par ses
hypothèses et ses illustrations que le Québec pourrait
très bien se passer de quelque 17 000 fonctionnaires. Ce ne sont ni la
presse, ni l'Opposition, ni l'opinion publique qui ont lancé cette
chose-là.
Deuxièmement, sur le fait que les fonctionnaires seraient trop
payés, je voudrais rappeler à la ministre de la Fonction publique
qu'il se trouve des gens quelque part qui, comme par hasard, sont au
gouvernement du Québec, qui ont signé des conventions collectives
avec les fonctionnaires et qui auraient participé au fait que les
fonctionnaires seraient, paraît-il, trop payés puisqu'on constate
que c'est ce gouvernement-là qui demande en ce moment aux fonctionnaires
d'ouvrir les conventions collectives. Le gouvernement renie sa signature, comme
on le sait. On voit dans le journal ce matin qu'on prête aux
fonctionnaires des activités bancaires, puisqu'ils deviendraient
prêteurs du gouvernement. D'après ce qu'on peut lire dans le
journal Le Soleil, le gouvernement pense à demander aux fonctionnaires
de lui consentir un prêt. Je me demande où on est rendu.
Je sais que la ministre de la Fonction publique n'est pas directement
responsable de ce dossier de la négociation; néanmoins, je
voudrais lui demander d'abord parce qu'elle ne s'exprime pas beaucoup
publiquement à tout le moins, sans doute le fait-elle au niveau du
Conseil des ministres, mais comme elle est la principale responsable de la
fonction publique, je pense qu'il serait d'intérêt public que la
ministre de la Fonction publique s'exprime publiquement, peut-être pour
la première fois, et nous donne un certain "scoop" de ses impressions et
de ses orientations et de la façon dont elle conçoit son mandat
comme gardienne première au sein du gouvernement des
intérêts propres des fonctionnaires. Je pense que c'est l'essence
de son mandat; qu'elle nous l'indique dès maintenant, j'aimerais
l'entendre là-dessus.
Alors, je ne sais pas si la ministre, avant d'entendre mon
collègue, pourrait répondre à cette brève question
que je lui adresse à ce moment-ci, au début de nos travaux.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.
Réponse de la ministre
Mme LeBlanc-Bantey: M. le député de Jean-Talon
vient de parler d'une brève question. À travers tous les
commentaires et les questions sous-entendues qu'il y avait dans son
intervention, je vais tenter d'en faire ressortir quelques-unes tout au
moins.
Il me permettra de faire un commentaire préliminaire sur ses
allusions à la commission Bisaillon, et je voudrais le rassurer quant
à l'importance que je vais accorder aux travaux. Je pense que j'ai dit
depuis le début que je croyais profondément à l'action des
députés dans la réforme d'une loi de la fonction publique,
et je le répète, de la même façon que je l'ai dit
dans mes notes préliminaires, surtout à cause de
l'expérience que les députés acquièrent dans leur
bureau de comté, de la sensibilité qu'ils ont vis-à-vis
des problèmes et de la perception des citoyens vis-à-vis de la
machine. Je crois qu'à cet égard ils sont fort bien placés
pour nous aider à faire une réforme qui humanise davantage les
services que l'administration publique offre aux citoyens.
Par ailleurs, j'avais aussi dit, et je m'en souviens très bien,
quand la commission a été créée qu'en aucune
façon je n'abdiquais mes responsabilités de ministre et qu'il
pouvait arriver, bien sûr, que, compte tenu des objectifs de l'appareil
gouvernemental ou des objectifs du ministère par rapport au rôle
qu'il doit jouer, nous ayons des priorités ou des objectifs qui ne
soient pas nécessairement recherchés par les membres de la
commission bipartite. Alors, j'espère bien que, quand le rapport sera
déposé et quand sera venu le temps de voter une loi, de la
même façon que la ministre et le ministère de la Fonction
publique tenteront d'être extrêmement ouverts aux recommandations
de la commission bipartite, de la même façon les membres de la
commission à ce moment-là seront suffisamment ouverts aussi pour
comprendre qu'il se puisse que nous ne soyons pas entièrement d'accord
sur toutes les recommandations qu'ils nous feront. Quoi qu'il en soit, je tiens
encore une fois à leur dire que dans l'ensemble nous allons faire tout
notre possible pour effectivement tenter de répondre à leurs
préoccupations et accepter les recommandations qu'ils nous feront. (11 h
30)
Revenons à la perception qu'on a des fonctionnaires, des
employés de l'État, à laquelle je faisais allusion, selon
laquelle effectivement beaucoup de gens pensent qu'ils sont trop nombreux et
trop payés, etc., etc. Quant aux allusions qu'a faites le
député de Jean-Talon à l'effet que le gouvernement ou
certains membres du gouvernement pouvaient être en partie responsables de
cette perception, en tout cas, pour avoir lu tout ce qui est sorti par rapport
aux déclarations de mes collègues et pour les avoir entendues
à de multiples reprises, je ne crois pas que mes collègues
n'aient jamais dit, peu importent lesquels, que les fonctionnaires
étaient trop payés. Ce que nos collègues ont tenté
de véhiculer depuis le début, c'est que, bien sûr, il y a
une crise
budgétaire et financière au Québec, qui n'est pas
non plus commune au Québec mais à beaucoup de pays occidentaux.
Nous avons des coûts de conventions collectives qui sont très
difficiles à assumer par les temps qui courent et compte tenu du fait
que lorsqu'on fait la comparaison des conditions de travail de nos
employés surtout par rapport à ceux du secteur privé,
force nous est de constater que leur situation est plus enviable que beaucoup
d'autres dans le secteur privé. On demande à ces gens de
peut-être consentir à un effort supplémentaire, à un
sacrifice pour nous permettre de tenter de régler et de sécuriser
certains employés qui sont dans le secteur privé et qui font face
à des situations de chômage, à des situations dramatiques
d'angoisse, auxquelles ne sont pas soumis nos employés. Je crois que
c'est injuste de prétendre qu'on ait dit qu'ils sont trop payés.
On n'a jamais dit non plus, et le député de Jean-Talon me
permettra de nuancer, qu'on pouvait se passer de 17 000 fonctionnaires
facilement. Au contraire, quand on parle de 17 000, il faut quand même
spécifier qu'on parlait des différents réseaux,
l'éducation et les affaires sociales. On a dit que si les syndicats
n'acceptaient pas de rouvrir leurs conventions collectives et qu'il fallait
assumer le coût prévu pour les conventions collectives cette
année, le gouvernement devrait prendre d'autres moyens et pour des
raisons "pédagogiques", on s'est servi d'une hypothèse possible
qui aurait pu être le congédiement d'un certain nombre
d'employés. Par ailleurs, tout le monde sait que ces gens aussi ont la
sécurité d'emploi. Je pense qu'il faut quand même placer
les déclarations dans leur contexte et éviter actuellement la
moindre démagogie qui pourrait contribuer à mélanger les
cartes plus qu'elles ne le sont déjà.
Vous avez dit aussi que j'avais peu eu l'occasion de m'exprimer
publiquement, en me qualifiant de la gardienne des droits et des devoirs de nos
employés. Je dirais au député de Jean-Talon que j'ai eu
l'occasion de le faire assez récemment dans une longue entrevue dans le
Devoir, où entre autres, je disais qu'effectivement, nous avions dans
l'ensemble des employés bien payés, avec des bonnes conditions de
travail et surtout la sécurité d'emploi, mais que par ailleurs,
tous nos employés non plus ne vivaient pas des années de "vache
grasse" et que nous avions dans la machine un certain nombre assez important
d'employés qui ne gagnaient même pas 20 000 $ et qu'il
était faux et qu'il serait injuste de demander à ces
employés le même effort qu'on allait pouvoir peut-être
demander à ceux qui avaient un salaire supérieur. J'ai même
pris la peine de spécifier que, quand je parlais d'un salaire
supérieur de 35 000 $, 40 000 $, je ne disais pas là non plus que
ces gens étaient trop payés, sauf que par rapport à la
personne qui gagne 15 000 $, la livre de beurre est le même prix. Je
prétends qu'il y a certaines personnes qui peuvent peut-être
consentir de plus grands sacrifices que d'autres. Je continue de penser la
même chose et d'ailleurs, la proposition qui a été faite
par le gouvernement aux centrales syndicales et à nos syndicats dans le
secteur de la fonction publique allait directement dans ce sens. C'est
fondamentalement ce que j'en pense et ce que je continue d'en penser. Quant au
reste, nous tentons, bien sûr - du côté du ministère
de la Fonction publique, c'est notre rôle - de veiller à ce que
nos employés aient le meilleur sort possible en fonction des moyens de
l'État québécois, de même, à ce que les
responsabilités de la gestion soient couvertes.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Je remercie la ministre des précisions qu'elle
apporte à ma question. Il existe, Mme la ministre, au niveau du Conseil
des ministres probablement, un comité spécial de
stratégies dans le domaine des relations du travail dans le secteur
public et parapublic. Est-ce exact?
Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: II existe ce qu'on appelle un comité
de négociation composé du président du Conseil du
trésor, du ministre des Finances, du ministre des Affaires sociales, du
ministre de l'Éducation et de la ministre de la Fonction publique.
M. Rivest: Alors, vous êtes partie de ce comité?
Mme LeBlanc-Bantey: Bien sûr. Politique
salariale
M. Rivest: Est-ce que la nouvelle parue ce matin dans le Soleil
à l'effet que ce comité aurait l'intention de demander aux
fonctionnaires, ça concerne quelque 300 000 employés, mais vous
ne pouvez parler que des fonctionnaires de la fonction publique, mais nous
convenons que vous parlez de la possibilité pour eux de consentir un
prêt sans intérêt en contrepartie d'une indexation des
salaires prévue pour la période comprise entre le 1er juin 1982
et le 1er juin 1983. Est-ce que cette hypothèse a été
effectivement retenue par le comité?
Mme LeBlanc-Bantey: Je vais vous dire très
honnêtement, M. le député de Jean-Talon, que je n'ai pas
encore pris connaissance de l'article du Soleil et que je n'ai pas l'habitude
de commenter ce que je
n'ai pas lu. Par ailleurs, je peux quand même vous dire que, quant
à moi, c'est la première nouvelle que j'en ai, qu'il n'y a eu
jusqu'à présent aucune discussion de ce genre au comité
des négociations qui s'est réuni pour la dernière fois, la
semaine dernière, mercredi.
M. Rivest: Par ailleurs, Mme la ministre, vous avez
évoqué une chose dans votre interview au journal Le Devoir que
vous avez reprise ici selon laquelle au fond, quand vous dites qu'il y a des
fonctionnaires... En général, peut-être que les chiffres le
démontrent, bien que ce soit un débat auquel tout le monde
participe, à savoir que les fonctionnaires sont mieux payés ou
moins bien payés que les employés du secteur privé. Vous
avez dit, et avec raison, bien sûr, qu'il y a certainement des
catégories de fonctionnaires qui ont un retard. Mais ce pourquoi je vous
ai posé la question, comme ministre de la Fonction publique, c'est qu'en
faisant une pareille affirmation vous vous trouvez à donner un
élément de la politique salariale du gouvernement que nous ne
connaissons pas encore. Je voudrais, si vous le pouvez, bien sûr, que
vous puissiez, en tant que ministre de la Fonction publique et aussi en tant
que membre du comité de négociation du gouvernement, aller plus
loin et indiquer certains ordres de grandeur sur les éléments de
cette politique salariale. Je pense que c'est une de vos préoccupations
et de vos responsabilités comme ministre de la Fonction publique,
d'autant plus que vous siégez au comité de négociation du
gouvernement.
Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Jean-Talon
comprendra très bien que je ne vais pas entreprendre des
négociations ici, ce matin, avec lui, mais qu'au contraire les
négociations vont se faire pour la prochaine ronde comme pour la
dernière avec les responsables du ministère et les syndicats
concernés. Ce que j'ai exprimé dans l'entrevue du Devoir n'avait
rien à avoir avec la politique salariale du gouvernement. Je n'exprimais
que mes convictions personnelles en fonction d'une crise que nous traversons,
à la suite du sommet économique auquel tout le monde a eu
l'occasion de participer. Dans cette perspective, je me sentais totalement
à l'aise de le faire, je n'engageais en rien la politique salariale du
gouvernement, puisque nous n'avions pas eu l'occasion, à
l'époque, au Conseil des ministres, de faire des choix. J'indiquais mes
priorités, à moi, en tant qu'individu d'abord et bien sûr
en tant que ministre. Maintenant, tout se décidera en fonction des
moyens financiers dont nous disposerons, en fonction aussi de ce que les
centrales syndicales viendront revendiquer, elles, pour le bien-être de
leurs membres et en fonction des priorités des centrales syndicales et
de nos syndicats à nous dans la fonction publique.
M. Rivest: Une dernière question sur ce sujet avant de
passer la parole à mon collègue. Le syndicat des fonctionnaires a
rejeté, je pense, la proposition du gouvernement dans le contexte des
prénégociations que nous vivons. Comme ministre de la Fonction
publique et membre du comité de stratégie de négociation,
est-ce que vous avez des commentaires ou des appréciations à
faire à ce moment-ci?
Mme LeBlanc-Bantey: Vous me permettrez, là encore, de
faire les commentaires les plus brefs possible, dans le sens...
M. Rivest: Vous êtes brève.
Mme LeBlanc-Bantey: ... et vous allez comprendre pourquoi.
M. Rivest: Vous pouvez être longue, parce que
jusqu'à maintenant vous n'avez pas donné beaucoup d'information
sur vos...
Mme LeBlanc-Bantey: ... et dans...
M. Rivest: ... vous êtes d'une orthodoxie absolument
formidable.
Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Jean-Talon va
comprendre très bien pourquoi je me permettrai d'être brève
sur la question qu'il vient de me poser. Dans la mesure où la position
connue du syndicat des fonctionnaires jusqu'à maintenant est la position
de l'exécutif syndical et que le syndicat des fonctionnaires, comme
d'ailleurs d'autres syndicats, est actuellement en train de consulter sa base
militante et que, bien sûr, nous n'avons pas reçu encore la
réponse officielle de l'ensemble du syndicat des fonctionnaires, il
m'apparaît important de recevoir l'avis des membres du syndicat avant de
faire des commentaires. Je suis convaincue qu'avec l'esprit démocratique
que vous avez l'habitude de manifester, vous comprendrez que nous croyons que
ce que les membres même pensent est tout aussi important que ce que
l'exécutif syndical pense.
M. Rivest: Une dernière précision, pour revenir
à la question que je vous posais antérieurement. Vous dites que
le comité de négociation n'a jamais été saisi de
l'hypothèse, à l'effet qu'on demanderait aux fonctionnaires de
consentir un prêt sans intérêt - drôle de gouvernement
ou drôle d'emprunteur - à même les
rémunérations additionnelles qui leur seraient, par ailleurs,
acquises en vertu de la signature du
gouvernement. Jamais le comité de négociation
ministériel n'a été saisi d'une telle
hypothèse.
Mme LeBlanc-Bantey: Je vous ai répondu très
honnêtement, non. Je dois quand même spécifier que, depuis
le début, lors des vacances de Pâques, j'ai manqué un
comité de négociation. Selon le rapport qui m'en a
été fait, il n'avait été aucunement question de
cette hypothèse, jusqu'à ce jour.
M. Rivest: Mais, depuis les vacances de Pâques, vous avez
assisté à toutes les réunions du comité.
Mme LeBlanc-Bantey: Je vous ai dit la vérité, M. le
député de Jean-Talon. J'ai l'habitude de la dire.
M. Rivest: J'en suis absolument certain, mais je vous pose ces
questions parce que peut-être que d'autres pourront avoir des versions un
peu différentes de la vôtre. Vous, je suis convaincu...
Mme LeBlanc-Bantey: Écoutez, que des discussions aient eu
cours dans des officines gouvernementales ou dans des corridors... Je n'en suis
pas la gardienne. Je vous dis qu'au comité...
M. Rivest: Est-ce que M. Jacques Parizeau et M. Bouchard sont des
officines gouvernementales autorisées?
Mme LeBlanc-Bantey: Dans les bureaux gouvernementaux, si vous me
permettez de spécifier, ou dans les officines. Je dois spécifier
que "officines", dans mon esprit, n'était pas négatif; est-ce que
cela l'est dans le vôtre?
M. Rivest: Non, pas du tout. Cela dépend lesquelles: les
vôtres, oui; les nôtres ne l'étaient pas.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que c'est un anglicisme, M. le
député?
M. Blais: Certainement.
Mme LeBlanc-Bantey: Bon! Alors, on dit bureau. C'est cela, M. le
député de Terrebonne?
M. Blais: "Officine" ne s'emploie dans les cadres que pour
l'armée; pas dans ce sens-là.
Une voix: C'est officine, pas officier.
Mme LeBlanc-Bantey: En tout cas, quoi qu'il en soit, que des
discussions, que des hypothèses soient en élaboration quelque
part, c'est possible, mais je répète au député de
Jean-Talon que, jusqu'à maintenant, cela n'a pas été
apporté à la table du comité de négociation.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Est-ce que M. le
député de Jean-Talon a terminé?
M. Rivest: Pour l'instant.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, pour l'instant.
D'accord. M. le député de Papineau.
Autre exposé M. Mark Assad
M. Assad: Oui. Juste quelques brèves remarques.
Étant donné la mauvaise ou la piètre opinion du
gouvernement et de la bureaucratie que plusieurs membres du public ont
aujourd'hui, le défi majeur que les administrateurs publics ont à
relever est de rétablir leur réputation d'efficacité, de
prudence, d'efficience et d'imputabilité. Ils doivent convaincre les
parlementaires et le grand public qu'ils savent administrer.
Dans un article découlant d'une allocution prononcée au
congrès de l'IPAC -je crois que le nom est l'Institut d'administrateurs
publics de toute façon - un auteur étudie les potentiels, les
possibilités et les impacts de l'implantation des politiques
bureaucratiques philosophiquement harmonisées, dynamiques et plus
autonomes et illustre les changements de conduite, d'attitude et d'actions,
requis des administrateurs publics qui désirent oeuvrer pour le bien
public.
Rarement auparavant dans notre histoire y a-t-il eu une perception aussi
claire d'inefficacité, d'insensibilité et d'invisibilité
de l'administration gouvernementale. Cette critique vise en grande partie les
bureaucraties provinciales et - il faut le dire - même aussi les
bureaucraties fédérales. Le défi d'efficacité et
d'efficience que doivent, de nos jours, relever les administrateurs publics
dépasse de beaucoup celui d'autrefois et tend même à
convaincre les politiciens et le public de leur sens de la
responsabilité et de leur imputabilité. Ils doivent surmonter les
difficultés inhérentes à leur réponse directe aux
besoins du public et adapter et innover en utilisant de nouvelles technologies
et de nouveaux systèmes administratifs pour gérer
adéquatement le gouvernement provincial ou la province de
Québec.
Il y a des personnes capables de relever ces défis, mais devant
les sacrifices que ces derniers requièrent, plusieurs ne sont tout
simplement pas intéressés à joindre les rangs des
fonctionnaires, ceux qui viennent de l'entreprise privée.
Le monde des comités, des détachements spéciaux,
des réunions, des scénarios, des directives
ministérielles, des groupes spéciaux, des arrêtés,
des règles et d'autres scénarios attire rarement des
administrateurs du genre entrepreneur ou directeur d'entreprise privée.
Ces administrateurs aiment avoir de la latitude pour diriger. Ils sont
habitués au système récompense - punition approprié
à leur rendement. (11 h 45)
Le service public au Québec est un endroit de travail, il faut le
dire, exceptionnel et merveilleux. Les bureaucrates les plus anciens sont aussi
silencieux et invisibles qu'ils sont puissants et influents. Au sein de notre
système au Québec, c'est un jeu de prétendre qu'ils
existent à peine. Prétendre qu'ils n'influencent pas les
politiques ou les règles est un autre mythe. La question qu'on doit se
poser dans l'intérêt public est de savoir si les fonctionnaires
influencent les politiques mises de l'avant ou établissent virtuellement
les politiques du gouvernement. Nous devons tous reconnaître que les
administrateurs publics influencent très fortement les politiques
touchant le public. Par conséquent, il doit y avoir un regain du sens
des responsabilités non seulement du point de vue administratif, mais
aussi du point de vue politique.
Ceci n'est pas une critique mais une reconnaissance de la situation
existante laquelle devrait être révisée afin que le rapport
entre l'administrateur public et l'intérêt public ne soit pas
simplement vu dans un sens étroit selon lequel les administrateurs
publics gèrent simplement des programmes qui ont été d'une
façon ou de l'autre mis sur pied par le ministre ou...
Une voix: Ou le cabinet.
M. Assad: Cela a été très bref, Mme la
ministre, et, juste avant de terminer, on va avoir la chance durant les
crédits d'entrer dans les détails de certaines choses que j'ai pu
mettre ensemble après avoir entendu quelques-uns des intervenants du
comité spécial qu'on a eu la semaine passée.
Vous avez cité une phrase de Galbraith qui était à
Montréal et à Québec concernant les administrateurs
privés par rapport aux administrateurs publics, mais Galbraith, qui a
oeuvré aux États-Unis pendant plusieurs années,
connaît très bien l'appareil gouvernemental américain, et
je crois qu'il serait surpris de voir comment l'administration publique est
menée au Canada en général, et en particulier au
Québec. Si on regarde les avantages que les fonctionnaires ont
comparativement aux fonctionnaires américains, vous savez qu'aux
États-Unis cela fait partie du jeu que l'administration publique soit
toujours moins payée que l'administration privée. En
général, dans l'administration publique, ceux qui oeuvrent pour
l'État sont moins payés que dans le secteur privé, et je
suis au fait qu'ils n'ont jamais les avantages sociaux que nous accordons
à nos fonctionnaires. Cela ne veut pas dire que nous avons tort et
qu'eux ont raison, mais de toute façon nous avons des avantages ici
qu'on n'a pas ailleurs.
Donc, vu les avantages toujours accrus au Québec, vu qu'on
possède aussi la sécurité d'emploi ici et que le lieu de
travail est grandement favorisé, je crois qu'il faut s'attacher à
de plus grandes responsabilités et surtout à une
productivité au moins égale à ce qu'on reçoit en
retour.
Donc, au cours des crédits, je voudrais revenir sur cette
histoire de la comparaison que Galbraith voulait faire, et je crois que c'est
mélanger des pommes et des oranges que de comparer les deux
administrations publiques qui existent dans notre pays ou dans notre province
en particulier avec celle des États-Unis.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.
Mme Leblanc-Bantey: Cela peut sembler, pour certaines raisons que
vous évoquez, mélanger des pommes et des oranges dans la
perspective où, bien sûr, les choses ne se passent pas tout
à fait de la même façon aux États-Unis qu'elles
peuvent se passer au Québec ou à Ottawa. Par ailleurs, lorsqu'on
compare la productivité de notre fonction publique
québécoise par rapport - et c'est surtout dans ce
contexte-là que, moi, je l'évoquais - à nos grandes
entreprises privées québécoises ou canadiennes, j'ai la
conviction que notre productivité pourrait se comparer avantageusement.
D'ailleurs, il y a du travail qui commence à se faire là-dessus;
on arrivera sans doute avec des données plus précises par rapport
à notre situation. J'ai la conviction, quant à moi, que cela
pourrait se comparer avantageusement.
Vous avez fait allusion aux nombreux avantages dont
bénéficient nos fonctionnaires par rapport à ceux des
États-Unis. Je vous avoue honnêtement que je n'ai jamais
comparé les tableaux. D'ailleurs, j'ai toujours eu tendance à
trouver ce type de comparaison un peu dangereuse dans la perspective où
tout dépend aussi des orientations des gouvernements. Je pense qu'au
Québec on a eu tendance, dans les dix dernières années,
à avoir des gouvernements de plus en plus interventionnistes, à
étiquette plus social-démocrate, si vous voulez. Disons que cela
s'est amélioré depuis cinq ans, je vous rends quand même
hommage pour avoir développé certains services sociaux dont vous
aviez conscience que la population avait besoin. Dans ce contexte, je ne crois
pas
qu'on puisse comparer la productivité de nos employés,
leur salaire, leurs conditions de travail en fonction d'autres pays où
des orientations totalement différentes pourraient être prises par
le gouvernement.
Par ailleurs, je voudrais ouvrir une parenthèse pour dire que
notre fonction publique québécoise, au niveau des cadres
supérieurs, a quand même certaines catégories de cadres qui
sont moins payés que dans le secteur privé. Dans les
perspectives, un des objectifs du gouvernement lors de la dernière
négociation de la convention collective - j'espère qu'il va
demeurer - a été de tenter de réduire les écarts
entre les petits et les grands salariés. C'est une vision du
gouvernement, c'est un objectif du gouvernement, mais il faut quand même
spécifier que certains de nos cadres sont moins payés que dans le
secteur privé par rapport au type de responsabilités qu'ils
ont.
Vous allez me dire: Oui, bien sûr, dans le secteur privé,
ils sont beaucoup plus responsables de leurs bonnes actions que dans le secteur
public. Dans le secteur public, un cadre qui "performe" plus ou moins bien peut
toujours s'en tirer; peut-être qu'il s'en tirerait moins bien dans le
secteur privé. Le secteur privé veut aussi qu'un cadre - je l'ai
d'ailleurs mentionné récemment - qui produit bien soit
récompensé. Les formules de rémunération du secteur
public sont différentes. Cela n'a pas toujours été,
traditionnellement, le cadre qui faisait un bon coup, qui "performait" bien,
qui était mieux rémunéré que son voisin qui
"performait" moins bien. C'est dans cette perspective que nous avons
tenté d'établir depuis quelques années - j'espère
que l'année prochaine sera encore plus significative - une formule de
rémunération où une partie du traitement du cadre serait
due à sa capacité de répondre aux attentes auxquelles je
faisais allusion, à ce qu'on lui demande, à sa capacité
d'améliorer sa productivité.
Peut-être qu'en développant ce type de formule d'une
façon encore plus importante que celle que nous avons maintenant, au
cours des prochaines années, ce sera une façon de
récompenser et de stimuler les bons cadres à mieux produire.
Quant à moi, j'ai la conviction que ce type de démarches,
basé, dans le fond, sur ce qui existe dans le secteur privé, va
aider la productivité chez les cadres. Elle va aider à les
responsabiliser davantage aussi.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Papineau.
M. Assad: Vous avez dit qu'il y a un certain nombre de
fonctionnaires qui gagnent moins que leur équivalent, si vous voulez, du
secteur privé. Je crois que c'est un petit nombre sur l'ensemble des
fonctionnaires.
Mme LeBlanc-Bantey: Je suis d'accord.
M. Assad: Je ne pense pas que ce soit un grave
problème.
Mme LeBlanc-Bantey: Je n'ai jamais dit que c'était un
problème. Je suis d'accord. L'objectif du gouvernement, de certains
gouvernements, a été de réduire les écarts entre
les petits salariés et les plus gros, ce qui n'est pas un des objectifs
du secteur privé. D'ailleurs, cela me fait penser, pour revenir à
ce que le député de Jean-Talon disait tout à l'heure, que
ce n'est pas le gouvernement qui a dit que les fonctionnaires étaient
trop payés, c'est la chambre de commerce - je m'excuse - qui est venue
vous le dire, selon ce que j'en ai lu, devant la commission
spéciale.
M. Rivest: J'ai également dit que c'était le
gouvernement qui avait entretenu cela pour justifier sa très mauvaise
administration.
Mme LeBlanc-Bantey: On ne reprendra pas cela.
M. Rivest: Les problèmes financiers du gouvernement ne se
limitent pas uniquement aux 700 000 000 $, ce sont les 4 000 000 000 $ de
déficit qui vous pendent au bout du nez. C'est cela, votre
problème, et vous voulez faire payer cela par les fonctionnaires. C'est
ce que j'ai dit.
Mme LeBlanc-Bantey: Ce n'est jamais ce qu'on a dit. De toute
façon, on reviendra, à l'occasion, à l'intervention du
député de Jean-Talon, s'il le veut bien. Ce que j'ai dit, c'est
qu'effectivement, cela existait. Je n'ai pas dit que c'était un
problème; cela dépend des objectifs du gouvernement. Par
ailleurs, encore là, il faut se méfier des comparaisons trop
faciles entre le secteur privé et le secteur public. Cela dépend
des objectifs. L'objectif de l'entreprise privée est de faire des
profits; l'État, en tant qu'employeur, a d'autres
responsabilités. Dans ce sens-là, les comparaisons se tiennent et
c'est dans ce sens-là qu'on est conscient que nos employés sont
très bien traités par rapport à certains secteurs
privés. Mais il faut faire attention de tenter d'aligner deux colonnes
sans nuancer, de part et d'autre, en fonction des objectifs de l'une et de
l'autre.
M. Assad: Mais il faut reconnaître que l'objectif de
l'entreprise privée ce sont les profits; ici, comme gouvernement, ce
sont des services à la population. Est-ce qu'on a l'évaluation
des programmes? Est-ce que le gouvernement a déjà
déposé une évaluation des services qu'on est censé
rendre au public?
Mme LeBlanc-Bantey: Évaluation dans le sens que des
services seraient plus ou moins valables?
M. Assad: Oui Est-ce que vraiment les objectifs des
différents programmes ont été évalués?
Mme LeBlanc-Bantey: Je pense qu'il y a dans chaque
ministère, compte tenu du contexte, mais je ne veux pas m'engager non
plus pour mes collègues, non seulement de réduction
financière mais de réduction d'effectifs, une volonté de
plus en plus grande d'évaluer la pertinence de certains programmes par
rapport à ce que les citoyens en attendent. Ce genre de démarche,
jusqu'à maintenant, n'a pas été fait. Je pense que cela
n'avait pas été fait non plus par le gouvernement
précédent. Cela s'explique parce que le contexte était
différent. On avait l'impression à l'époque que les
ressources de l'État étaient illimitées tant du point de
vue des effectifs que du point de vue financier. Je pense qu'on est en train de
se rendre compte qu'effectivement cela n'est pas le cas et cela oblige non
seulement les gestionnaires, mais aussi les politiciens à
réévaluer la pertinence de certains programmes. Quant à
moi, j'ai la conviction que certains programmes pourraient carrément
disparaître de l'administration gouvernementale sans que les citoyens
pensent que c'est un drame.
Peut-être qu'à cet égard la commission... Vous aurez
aussi des suggestions à nous faire par rapport à ce que vous
attendez de votre commission spéciale. La réflexion se fait. Je
pense qu'elle est engagée. La preuve, c'est que nous avons de plus en
plus de ministères qui ont hâte de voir adopté notre
règlement de mise en disponibilité parce que effectivement on
l'envisage dans un contexte où des unités administratives
complètes pourraient disparaître en fonction de programmes qui
seraient annulés.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Cela va? M. le
député de Jean-Talon.
Réduction d'effectif
M. Rivest: Mme la ministre, il y a tout un débat
actuellement. Évidemment, le gouvernement fait grand état de ce
simili de décroissance de l'effectif de la fonction publique dont on
arrive difficilement à voir les véritables données. Me
fiant à des données sûres, en tout cas, dans mon esprit,
Statistique Canada, il y a une distorsion. On arrive difficilement à
savoir combien il y a de membres, de fonctionnaires dans la fonction publique.
Par exemple, les chiffres que j'ai pour 1976-1977 nous indiqueraient qu'il y
aurait eu 68 056 personnes dans la fonction publique; en 1980-1981, cela est
monté à 72 608 fonctionnaires. Peu importent les chiffres, il y
aurait eu une croissance de quelque 6%. Par ailleurs, lorsqu'on regarde l'autre
volet du débat, il y a d'autres personnes qui avancent des chiffres sur
les effectifs réels dans la fonction publique en regardant les
employés figurant sur la liste de paie, cela donne un tout autre
résultat. Finalement, pour savoir véritablement combien il y a de
personnes dans la fonction publique, j'aimerais cela si vous pouviez
brièvement établir ces données de façon qu'on
puisse, en vous donnant toute la crédibilité possible, dire que
c'est la ministre de la Fonction publique, de par son autorité, qui a
affirmé à tel moment qu'il y avait tel nombre de fonctionnaires.
Ensuite, on pourra évaluer les efforts de gel des effectifs que le
gouvernement nous dit vouloir faire.
Mme LeBlanc-Bantey: Je comprends qu'il y a beaucoup de
mélange dans les effectifs réels. Il faut peut-être prendre
la peine d'expliquer qu'il y a toute une discussion entre le nombre de postes
autorisés - les postes sont autorisés par le Conseil du
trésor - et les personnes qui occupent effectivement ces postes. Nous
avons les données des personnes qui occupent les postes parce que nous
payons ces personnes.
M. Rivest: Les chiffres que vous allez me donner, c'est en vertu
de la liste de paie.
Mme LeBlanc-Bantey: La liste de paie chez nous, mais la paie
n'est pas toute centralisée au ministère de la Fonction publique.
Je vais vous donner aussi la liste des personnes qui ne sont pas
centralisées chez nous. Nous avons quand même pris la peine de
faire un relevé de ces personnes dans ces différents organismes.
Le nombre de personnes dans les ministères et organismes dont la paie
est centralisée au ministère de la Fonction publique, le 31 mars
dernier, nous en avions 51 252. (12 heures)
Les organismes non budgétaires, comme on les appelle, avec paie
autonome, et je vous le souligne, il s'agit de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail, de la Commission des normes du
travail, de la Régie de l'assurance automobile, de la Régie de
l'assurance-maladie et de la Régie des rentes, il y en a de ce
côté 6746; c'est bien cela? C'est ce qu'on nous a donné
comme chiffre. Mon sous-ministre me souligne que ce n'est pas
nécessairement épuré comme chiffre, on n'est pas
allé les compter un par un, mais c'est ce qu'on nous a donné
comme chiffre et on a toutes les raisons de croire que ce sont des chiffres
réels; ce qui nous
donnerait donc 57 998 postes permanents à la fonction
publique.
M. Rivest: Par rapport à 1976, est-ce que vous avez des
données?
Mme LeBlanc-Bantey: En 1976...
M. Rivest: En quelle année ces chiffres-là que vous
nous avez donnés ils sont valides pour quand?
Mme LeBlanc-Bantey: Ceux que je viens de vous donner?
M. Rivest: Oui.
Mme LeBlanc-Bantey: Le 31 mars 1982.
M. Rivest: Le 31 mars 1982; alors, c'est plus récent.
Mme LeBlanc-Bantey: Alors, en 1976 c'était 50 070
employés selon les chiffres qu'on a au livre des crédits; par
ailleurs, en 1979 parce que la politique de réduction d'effectifs n'a
pas nécessairement commencé avec l'année 1976... Je pense
qu'on a plutôt commencé en 1978 où il ne s'agissait pas de
réduction d'effectifs, on demandait à des ministères de
consentir à donner de leurs postes pour aider à créer des
postes dans de nouveaux organismes qu'on créait parce qu'il faut quand
même souligner qu'on a créé au-delà de 25 organismes
de tous genres depuis 1976.
M. Rivest: Cela est un autre aspect que je voudrais souligner
à la ministre, c'est que quand le gouvernement parle d'un gel ou enfin
d'un meilleur contrôle des effectifs de la fonction publique, il faudrait
que la ministre de la Fonction publique qui travaille au niveau du Conseil des
ministres prévienne ses collègues des dangers pour le
présent gouvernement de créer toutes sortes d'organismes qui
très souvent - et on le fait à l'occasion des débats, je
tiens à le souligner - auraient avantage à être purement
des directions ou des services des ministères existants.
Je comprends qu'il y a des raisons et des contraintes, il y a une
pratique, il y a une tradition, j'ai ici une liste extrêmement
impressionnante des organismes qui ont été créés,
j'en ai probablement une trentaine, de 1977 à 1981 où on a
créé allègrement des bureaux. Et, je vous signale que
quand on fait cela, c'est que... Bureaux, je peux vous en nommer quelques-uns,
Bureau du financement des partis politiques, Comité pour la protection
de la jeunesse, Régie de l'assurance automobile, Commission de
toponymie, Commission de surveillance de la langue française, Commission
de refonte des lois, Office des handicapés, enfin une liste...
Enfin, vous le savez, ce sont les lois que l'Assemblée nationale
a adoptées. Je n'ai rien contre une en particulier ou un organisme, j'en
ai à peu près une trentaine ici qui sont
énumérés. Mais, l'affaire qui se produit là-dessus,
je voudrais simplement souligner cela à la ministre, c'est que dans le
contexte actuel des difficultés financières de l'État en
général, il faut bien penser et y penser deux fois avant de
créer des organismes tout simplement comme cela, parce que cela s'est
toujours fait. Parce que non seulement vous employez des gens qui rendent des
services, mais à chaque fois que vous créez un organisme, vous
créez une structure de direction avec des postes de cadres, de
professionnels, de comptables, enfin tout cela.
Je fais la remarque parce qu'il me semble que là, il y a
peut-être une réflexion que l'État, le gouvernement du
Québec devrait faire à cet égard parce que effectivement
on veut - je ne doute pas qu'on le veuille - contrôler mieux la
croissance de la fonction publique. Par ailleurs, on passe complètement
à côté, on se trouve à défaire cet
objectif-là en multipliant les organismes, en alourdissant encore
davantage les structures gouvernementales et en créant des postes
extrêmement nombreux et des postes souvent de niveau supérieur. Je
me rappelle une anecdote: par exemple, lorsqu'on a créé les
communautés urbaines, je me rappelle que mon prédécesseur
- pour montrer ce que cela peut faire - comme député de
Jean-Talon était ministre des Finances à l'époque, et
à un moment donné il arrive à l'aéroport de
Québec et lui, il négociait des emprunts avec M. Cazavan, qui
connaissait bien les marchés internationaux. M. Cazavan partait seul
pour aller à New York pour négocier un emprunt et à
l'aéroport ici à Québec il a rencontré cinq ou six
personnes, directeur de ci, président de cela, qui prenaient l'avion et
s'en allaient à New York pour vérifier l'état des
marchés financiers. S'il avait téléphoné au
ministère des Finances, ici, il n'aurait pas eu besoin de faire toutes
ces dépenses-là. Je n'ai rien contre les communautés
urbaines, mais je vous dis qu'il y a effectivement dans le processus actuel de
multiplication des organismes publics une attitude qui alourdit l'État
et qui va complètement à l'encontre des objectifs par ailleurs
exprimés par l'ensemble de la collectivité et du gouvernement, je
n'en doute pas, d'alléger l'appareil gouvernemental et de le faire
fonctionner avec de meilleurs services et à meilleur coût. Comme
ministre de la Fonction publique, vous devriez vous faire un devoir, lorsque
vos collègues vous demandent de créer des organismes et des
régies, de bien vérifier auprès de vos clients que sont
les ministères pour voir s'il y a des directions ou des
ministères qui ne pourraient
pas prendre en charge les services que l'on veut par ailleurs fournir
à la population.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.
Mme LeBIanc-Bantey: Le député de Jean-Talon me
permettra de lui apprendre aimablement, s'il l'ignore, qu'il y a plus de 200
organismes à ce jour et que nous en avons créé une
trentaine. Je ne poserai pas de jugement sur la trentaine. Il se peut
qu'effectivement trente, ce soit trop, mais il reste que c'était une
maladie, semble-t-il, qui n'a pas été propre à notre
gouvernement. J'aimerais, par ailleurs...
M. Rivest: II faut dire que, nous, au moment où nous en
créions, nous étions dans une période de
prospérité; avec votre arrivée cela a été la
décroissance.
Mme LeBIanc-Bantey: C'est-à-dire que la
décroissance, lors de notre arrivée, a été
provoquée par votre passage dans une période qui n'était
pas aussi prospère...
M. Rivest: Non, entendons-nous pour dire que c'est la faute du
fédéral.
Mme LeBIanc-Bantey: Entendons-nous pour dire que vous avez...
M. Rivest: II est toujours disponible, celui-là, pour
prendre le plat.
Mme LeBIanc-Bantey: Entendons-nous pour dire que vous avez vous
aussi votre part de responsabilité.
M. Rivest: Non.
Mme LeBIanc-Bantey: Ce que je voudrais dire au
député de Jean-Talon, c'est que depuis un an, d'ailleurs, depuis
le moment où tout le monde a constaté qu'effectivement il y avait
une crise au travers laquelle nous avions à passer nous aussi, il y eu
beaucoup moins de création d'organismes. Dans votre liste, je ne sais
pas si vous en avez la dernière année, mais vous ne devez pas en
avoir beaucoup. Effectivement l'ensemble du Conseil des ministres s'est fait un
devoir d'être extrêmement circonspect sur la création de
nouveaux organismes. Par ailleurs, quand on regarde les chiffres - je suppose
que vous en avez trouvés la dernière année - de la
croissance de la fonction publique québécoise par rapport
à 1976 et quand on regarde aussi la croissance de ces organismes, il
m'apparaît qu'il s'est quand même fait un effort de rationalisation
des effectifs dont il faut tenir compte. Il faut aussi rendre hommage aux
gestionnaires qui ont réussi à aider le gouvernement à
atteindre ses objectifs, de même que l'Opposition et le public. S'il n'y
a pas de diminution significative, il aurait pu y avoir une augmentation
significative dans la perspective des mentalités que nous avions
auparavant selon lesquelles, entre 1967 et 1976, la fonction publique avait
strictement doublé en termes d'effectifs. Je pense que le message est
passé, tout le monde a compris que ces temps-là étaient
terminés et la rationalisation qu'on a faite commence à
être significative et réelle.
Le Président (M. Bordeleau): M. le
député.
Les ex-religieux enseignants
M. Rivest: Une question rapide, très particulière
et que tous les collègues, les députés ministériels
autant que de l'Opposition, reçoivent, c'est la fameuse question qui est
lancée de l'un à l'autre dans une espèce d'exhibition
ministérielle, mais les gens restent malheureusement sur le carreau,
c'est le problème de la loi 60 et des ex-religieux, vous savez, d'avant
1965, etc. Il y a un M. Dolbec qui, avec une patience qui lui vaudrait
l'admiration de tous, se promène de ministre en ministre, passe de temps
à autre du côté de l'Opposition, nous demandant de faire
des représentations. C'est la question des ex-religieux enseignants au
sujet de laquelle des engagements ont été pris par d'anciens
ministres de la Fonction publique, par à peu près tout ce qu'il y
a de personnages très importants au niveau du gouvernement, partant de
l'honorable premier ministre et en allant jusqu'au chef de cabinet actuel, ou
un membre du cabinet actuel de la ministre de la Fonction publique, M.
Tremblay. Ce sont toutes des personnes importantes qui se sont engagées
à dire que ce problème des religieux ex-enseignants serait
réglé incessamment, bientôt, prochainement. Enfin, . tout
le vocabulaire y a passé, sauf que le problème n'est pas encore
réglé.
Mme LeBIanc-Bantey: J'ai eu l'occasion, bien sûr, de
connaître M. Dolbec quand la CARR dépendait encore du
ministère de la Fonction publique. Maintenant, je ne sais pas si vous
êtes au courant, mais à ma demande la Commission administrative
des régimes de retraite a été transférée au
Conseil du trésor parce qu'il m'apparaissait que, compte tenu du fait
que la Commission administrative des régimes de retraite traitait non
seulement de la fonction publique, mais des autres réseaux, cela n'avait
rien à voir avec le ministère de la Fonction publique mais qu'au
contraire cela devait dépendre du Conseil du trésor qui
coordonne, finalement, non seulement les négociations mais aussi
beaucoup d'autres
problèmes entre les différents réseaux, y compris
celui de la fonction publique.
Si je me rappelle bien - je peux quand même me permettre de faire
certains commentaires - nous avions étudié le cas des
ex-religieux avec beaucoup d'attention. D'ailleurs, le député de
Papineau aussi, à l'époque, s'était fait le grand
défenseur de leurs problèmes pour constater que régler le
problème des ex-religieux risquait d'être très
coûteux pour le gouvernement dans la perspective où l'on ne
pouvait régler le problème qui préoccupait M. Dolbec sans
régler d'autres problèmes qui préoccupaient aussi la
société. Si je me rappelle bien, on avait fait allusion, à
l'époque, aux curés qui n'ont pas de régime de retraite et
à toute autre personne dans notre société qui n'a
absolument pas, selon vous, des conditions de retraite juste. Pour
régler les problèmes qui préoccupaient M. Dolbec et
l'ensemble des problèmes d'autres personnes, cela aurait
coûté des sommes absolument faramineuses au gouvernement du
Québec. Cela nous était apparu absolument non pertinent, compte
tenu du contexte budgétaire. Par ailleurs, sur le fond du
problème, je pense qu'il est vrai que tout le monde est sympathique
à la cause de M. Dolbec et vous l'êtes vous aussi; cela revient de
mois en mois, chaque année. De mois en mois et chaque année
aussi, la réalité des chiffres ne change pas. Je ne sais pas
quelle est la position de M. Bérubé maintenant qu'il est
responsable de la Commission administrative des régimes de retraite sur
ce sujet, mais je crois que vous devriez plutôt demander à M.
Bérubé ce qu'il en pense.
M. Rivest: J'irai effectivement.
Mme LeBlanc-Bantey: Je sais qu'à l'époque, comme
ministre, je trouvais que les coûts étaient beaucoup trop
importants par rapport à ce qu'on avait les moyens de payer. Il
m'apparaissait qu'on ne pouvait régler le problème de M. Dolbec
sans régler aussi le problèmes de certains autres
séculiers qui méritaient, compte tenu de leur contribution au
peuple québécois, certainement autant d'égards.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Papineau.
M. Assad: Un des problèmes, Mme la ministre, c'est que,
entre les chiffres que vous avez donnés et ceux que ce groupe
d'ex-religieux donnent, il y a un écart considérable.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est parce qu'ils donnent des chiffres
strictement en fonction de leurs problèmes à eux. Si je me
rappelle bien, ils m'avaient dit à l'époque, ce que j'avais
trouvé inacceptable: Les problèmes des autres, ce n'est pas notre
problème. Nous, ce qui nous préoccupe, c'est de régler
notre cas, cela coûte moins cher.
C'est vrai que cela coûte moins cher, mais il m'apparaît
qu'en tant qu'État on ne peut privilégier un groupe plus qu'un
autre sans que ce soit profondément inéquitable. C'est le
débat des chiffres et la bataille des chiffres, non seulement sur leur
propre analyse des chiffres... Entre nous - entre les deux, je ne le sais pas,
je n'entrerai pas dans la discussion des chiffres - mais il y avait aussi le
fait que le précédent que nous aurions créé pour
eux, il aurait fallu l'exporter à d'autres groupes qui le
méritaient aussi, pour lesquels il aurait été parfaitement
justifié et il serait toujours justifié d'intervenir, si nous
étions intervenus dans le cas du groupe de M. Dolbec. Je le dis, compte
tenu des moyens financiers dont dispose l'État et des priorités
que l'État s'est données depuis cette époque.
M. Rivest: La cause de M. Dolbec n'est pas prioritaire?
Mme LeBlanc-Bantey: C'est-à-dire que, par rapport à
d'autres priorités, elle est moins prioritaire. Forcément, chaque
fois qu'on décide d'intervenir comme gouvernement dans un secteur
plutôt qu'un autre, ce n'est pas que la cause de l'un n'est pas bonne,
mais il y en a peut-être à côté qui sont plus
justifiées, compte tenu toujours des contextes et des impératifs
qu'a un État en fonction de ses moyens.
Une voix: Parce que vous aviez peur... Excusez, allez-y.
M. Assad: II faudrait qu'il sache exactement. Il a l'impression
que le gouvernement, avec ses chiffres, et vous arrivez avec d'autres
chiffres... Il faut reconnaître - j'ai rencontré M. Dolbec et il y
a eu une série de lettres - qu'il a reçu un grand encouragement
de notre premier ministre.
M. Rivest: Tout le monde lui a promis et aujourd'hui... Vous
aviez promis.
M. Assad: Oui, le premier ministre lui a dit: Ne lâchez
pas.
M. Rivest: Oui.
M. Assad: Qu'est-ce que vous voulez, ces gens se trouvent
justifiés. Maintenant, ils exigent des réponses et ils n'en ont
pas.
Mme LeBlanc-Bantey: Je pense que le premier ministre a eu raison
de lui dire: Ne lâchez pas. Dans la mesure où notre cause peut
être juste, je pense qu'on n'a jamais raison de lâcher. C'est dans
les habitudes du
premier ministre de dire aux gens, s'ils ont raison... Et combien de
fois, en tant que député, avez-vous dit...
M. Rivest: Pauvre petit René, il promet donc! Mais il fait
son possible, hein! le petit René.
Mme LeBlanc-Bantey: M. Rivest, combien de fois, en tant que
député, et avant, en tant que gouvernement, n'avez-vous pas dit
à des citoyens: Ne lâchez pas! Votre cause est correcte, mais on
n'a pas les moyens de payer dans le moment. C'est exactement le problème
de M. Dolbec. (12 h 15)
M. Rivest: Oui, mais lorsque vous disiez incessamment... J'ai des
citations de ministres, M. Gendron, M. de Belleval, qui ont dit à tout
le monde: Très bientôt, incessamment, demain; c'est bien beau de
dire de ne pas lâcher, mais là vous êtes en train de
remettre cela aux calendes grecques.
M. Bisaillon: ... ne lâchez pas.
Mme LeBlanc-Bantey: Écoutez, quant à la bataille
des chiffres, ça c'étaient les évaluations de la CARR, et
du Conseil du trésor; vous irez vérifier vos chiffres avec eux.
Quant à moi, je vous le répète, ce dossier relève
du Conseil du trésor et...
Primes de séparation
M. Rivest: J'irai voir M. Bérubé avec toute la
patience qui me caractérise.
Deuxième question. J'ai quelques questions rapides à poser
à la ministre. Vous savez qu'à l'Assemblée nationale il a
été question pour les employés du réseau, ce qui a
étonné l'opinion publique, des primes de séparation. Il
n'existerait pas - du moins, d'après ce que notre bon premier ministre
nous a dit avec toute la candeur et l'esprit repentant qui le
caractérisent généralement dans ses propos - de politique
autant dans le réseau des Affaires sociales que dans celui de
l'Éducation sur les primes de séparation; je pense que le
député de Maskinongé a soulevé des cas assez
curieux où des gens retiraient des montants de 50 000 $, alors qu'il y
avait par ailleurs des rapports internes comme quoi ces gens-là
étaient de très mauvais gestionnaires. Je demanderais à la
ministre de la Fonction publique si elle pourrait prendre l'engagement...
D'abord, est-ce que cela existe dans la fonction publique en tant que telle? Je
sais qu'il y a la sécurité d'emploi dans la fonction publique, et
pas nécessairement la sécurité d'emploi dans les cadres de
direction.
Deuxièmement, je voudrais souligner une chose qui ne
préjuge pas, je pense bien, des conclusions de la commission
spéciale, mais qui se rapporte à cette chose-là, au sujet
de l'imputabilité que la ministre d'ailleurs a évoquée
elle-même dans ses propos. Je voudrais avoir ses premiers commentaires
là-dessus. Par exemple, un certain haut fonctionnaire - et c'est
arrivé récemment, je n'indiquerai pas de nom devant la commission
- a reçu un mandat du gouvernement pour administrer un secteur de
l'administration qui était un secteur extrêmement difficile,
où il y avait énormément d'abus et qui s'est
révélé être... Franchement, il n'avait absolument
rien réglé, et c'est un poste de direction, le président
d'une société d'État dans le domaine de l'habitation en
particulier. Non je trouve que c'est...
Mme LeBlanc-Bantey: Je dois dire que l'héritage que vous
aviez laissé était compliqué à régler!
M. Rivest: Oui, en effet, mais je ne veux pas discuter des
mérites des personnes en cause, aucunement, je veux demander d'une
façon générale à la ministre de la Fonction
publique dans la mesure où elle a indiqué que
l'imputabilité des fonctionnaires, c'est une excellente chose... Mais,
est-ce que c'est concevable que lorsqu'une personne dans la fonction publique
à qui on confie un mandat précis, pour toutes sortes de raisons
qui peuvent lui être étrangères, auxquelles elle a
participé, mais qui a quand même reçu un mandat, n'atteint
pas les objectifs qui lui sont donnés de donner une bonne administration
des secteurs qui lui sont confiés et que c'est établi là,
je pense, d'une façon évidente, à ce moment-là on
se retourne de bord puis on lui trouve un autre job dans un autre secteur sans
aucune espèce de diminution de salaire? Est-ce que ce genre de pratique
- vous avez évoqué le problème des "tablettés" -
dans la fonction publique, comme ministre responsable de la Fonction publique,
vous acceptez cela? Est-ce qu'on doit comme société, sans
égard au gouvernement actuel - sans doute qu'encore là, c'est un
problème de gestion du personnel, est-ce que cela ne vous fatigue pas?
Est-ce que vous avez l'intention de dire que cela ne devra plus exister? Alors,
cette question-là, premièrement, dans le sens de
l'imputabilité.
Deuxièmement, une politique sur les primes de séparation
lorsqu'une personne quitte la fonction publique.
Mme LeBlanc-Bantey: D'abord, je vais essayer, compte tenu de la
question que vous m'avez posée, de la placer dans un contexte plus
global avant de revenir aux primes de séparation. Vous admettrez, et je
pense que tout le monde va l'admettre, qu'avant ces dernières
années on n'a jamais véritablement fait une réflexion sur
une politique de
gestion des cadres. La fonction publique depuis le début des
années soixante, la révolution tranquille, etc. - on n'en fera
pas l'historique - a grossi considérablement. On s'est habitué
à aller chercher des cadres, en fonction de certains objectifs à
court terme, qui pouvaient être d'excellents techniciens dans certains
domaines, qui ont pu être excellents comme cadres pendant une
période donnée, mais qui par ailleurs, n'avaient peut-être
pas tous les éléments nécessaires pour devenir
d'excellents gestionnaires. Ce n'est qu'avec les années 1975, 1977,
etc., et jusqu'à maintenant qu'on a commencé à se
préoccuper de donner une véritable chance aux cadres de faire
carrière en fonction de leurs qualités de gestionnaires d'abord
et avant tout, dans la perspective aussi d'une plus grande mobilité. Un
cadre qu'on allait chercher pour occuper un poste en fonction de ses
qualités professionnelles ou de technicien n'était pas
nécessairement apte à occuper un autre poste de cadre
ailleurs.
Donc, la réflexion a été amorcée, ce qui
fait que, depuis quelques années au ministère de la Fonction
publique, on a pris comme objectif de tenter non seulement de développer
une politique de gestion des cadres, mais aussi de donner la chance à un
cadre qui "performe" bien d'avoir ce vraies chances de carrière. Vous le
savez aussi bien que moi, les chances d'avancement ou de carrière qu'on
donnait à un cadre par rapport à un autre n'étaient pas
toujours en fonction du mérite. Je pense que la loi 50 a aidé
dans ce sens; elle a enlevé l'arbitraire qui venait non seulement des
politiciens, mais aussi de certains administrateurs. Par ailleurs, la
réflexion n'est pas terminée et il est clair qu'il reste encore
beaucoup de travail à faire.
Ce problème est aussi à- l'origine du grand
problème auquel tout le monde fait allusion et qui s'explique par le
contexte financier, le problème des "tablettés". Du travail
là aussi s'est amorcé, je l'ai souligné tout à
l'heure. Le programme de renouvellement de carrière tente de recycler
certains de ces cadres à l'intérieur de la fonction publique
québécoise ou dans le secteur privé. La preuve a
été faite, en général, les cadres sont recyclables
et sont prêts à aller relever de nouveux défis. Ce qu'on a
remarqué, c'est que la moyenne d'âge n'est pas aussi
élevée qu'on aurait tendance à le croire. Il y a, parmi
ces participants au programme, des cadres dont l'âge est de 50, 52 ans.
Ils sont encore capables de produire une bonne dizaine ou quinzaine
d'années et peut-être plus. Avec la nouvelle loi sur la retraite,
ils seront encore capables d'offrir des services à l'ensemble du
gouvernement et de la population.
Quant au problème des primes de séparation, vous m'avez
posé une question précise et, compte tenu des longs débats
qu'il y a depuis quelque temps à l'Assemblée nationale, on va
vous répondre tout aussi précisément. Dans le cadre
même du programme de renouvellement de carrière, nous offrons une
chance aux cadres qui se sentent mal dans leur travail ou dans leur peau, pour
de multiples raisons, de se recycler et donc de revenir dans la fonction
publique dans un autre poste où ils pourront être plus productifs
et plus valables. Il y en a, par ailleurs, qui ne sont pas recyclables pour
d'autres raisons que je n'évoquerai pas ici aujourd'hui. Cela peut
être parce qu'ils sont totalement détruits moralement ou parce
qu'ils sont incompétents. Cela peut être aussi parce qu'ils sont
devenus incapables de fonctionner à l'intérieur d'un milieu
qu'ils connaissent bien; on devient un peu taré quand on est reconnu
comme "tabletté".
On a constaté qu'il y avait des cas à l'intérieur
justement du programme de renouvellement de carrière qui
n'étaient pas recyclables. Ces gens ont une sécurité
d'emploi. Dans le cas des sept personnes qui n'étaient pas
intéressées à rester à l'intérieur de la
fonction publique ou qui étaient difficilement recyclables, plutôt
que l'État assume les frais de leurs salaires, etc., pendant 10, 12, 15
ans, on a favorisé des primes de séparation de 12 ou 18 mois qui
ont permis à ces cadres de se lancer dans l'entreprise privée;
elles ont permis un délai qui était nécessaire pour qu'ils
puissent se réorienter dans le secteur privé ou encore se lancer
dans l'entreprise privée.
M. Rivest: Cette décision est-elle uniquement une
décision du ministre ou si vous recherchez l'expertise d'organismes?
Mme LeBlanc-Bantey: Je dois vous dire que...
M. Rivest: Ma crainte, c'est que ce soit un pouvoir
discrétionnaire du ministre. Je préférerais -
peut-être que la ministre pourra y penser - qu'elle fasse en sorte de se
donner certaines balises en amenant certaines institutions à participer
à cela...
Mme LeBlanc-Bantey: Non seulement...
M. Rivest: ... parce que je crains-Dans la région de la
Mauricie, on sait que ces primes ont été données. C'est
une question de fait. Il faut éliminer l'arbitraire et le favoritisme
non seulement à l'entrée dans la fonction publique mais
peut-être aussi à la sortie de cette manière. Vous savez
que, dans la région de la Mauricie, les gens qui ont été
mentionnés, dans le réseau des affaires sociales en particulier
et dans celui de l'éducation, étaient des gens très
près du gouvernement.
Mme LeBlanc-Bantey: Je pense qu'on a
admis qu'il y avait eu certains abus dans la région de la
Mauricie.
M. Rivest: Certains abus! Oh!
Mme LeBlanc-Bantey: Je ne poserai pas de jugement sur vos
commentaires, je pense que c'est un jugement un peu gratuit et certainement
injuste.
M. Rivest: Ce n'est pas gratuit! Au prix que cela nous a
coûté.
Une voix: Un jugement de valeur.
Mme LeBlanc-Bantey: Un jugement de valeur. Quant au cas auquel je
fais allusion ici, je vous dirai très honnêtement que, d'abord, il
ne s'agissait pas de prime; il s'agissait d'un salaire sur une certaine
période donnée, d'une part. Avant d'en revenir à la
discrimination ou à l'arbitraire, je vous dirai que sur le plan
général, je n'ai absolument, comme ministre, aucune objection
à des primes de séparation sur des salaires, parce qu'il est
clair qu'au bout de la ligne, cela coûte beaucoup moins cher à
l'État de payer quelqu'un pendant six mois ou un an pour lui permettre
de se reclasser dans le secteur privé que de le garder à son
emploi pendant 15 ou 20 ans.
Par ailleurs, quand vous demandez la façon dont cela s'est fait,
je vous dirai qu'en tant que ministre - je vais vous dire très
honnêtement que je ne connais pas les noms - je n'ai posé un
jugement que sur les cas qui m'avaient été soumis par les gens du
programme de renouvellement de carrière en fonction des objectifs et des
tentatives qui avaient été faites pour tenter d'intégrer
ces gens à l'intérieur de la fonction publique. Si vous voulez
avoir plus de précisions sur les critères qui ont servi à
agir auprès de ces cas par rapport à d'autres, je suis convaincue
que M. Lalande, sous-ministre adjoint responsable du programme de
renouvellement de carrière se fera un plaisir de préciser les
critères et de vous expliquer dans les cas précis, pourquoi on a
décidé qu'il n'y avait que cette solution, finalement, pour
régler ce problème. Est-ce que vous sentez le besoin qu'on
détaille sur...
M. Rivest: Oui, peut-être brièvement, si vous le
permettez, M. Lalande.
Deuxièmement, je me demandais si, par exemple, la Commission de
la fonction publique ne pourrait pas vous être d'un secours sur cela,
étant donné le caractère quasi judiciaire de son
processus?
Mme LeBlanc-Bantey: J'espère que vous constatez que je
suis en train de faire de l'imputabilité.
M. Rivest: Oui, vous vous engagez sur une bonne voie.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Lalande, au nom de la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: D'abord, comme Mme la ministre l'a dit
tantôt, ce ne sont pas des cas très nombreux. Les critères
qui sont utilisés sont entre autres choses l'ancienneté dans la
fonction publique, le nombre d'années comme cadre, l'âge des
individus et la chance ou le risque qu'ils ne pourraient pas être
recyclés avec efficacité dans la fonction publique. C'est un
ensemble de critères; évidemment ce sont des cas ad hoc, et c'est
à peu près l'éventail de critères sur lesquels on
joue pour accorder ces primes de séparation.
M. Rivest: Mon inquiétude d'abord, je sais que cela
s'applique aux cadres, mais le pauvre ouvrier et les gens qui sont au bas de la
structure ou des échelles n'ont pas l'air à
bénéficier de cela, eux. À un moment donné, est-ce
qu'ils ne peuvent pas avoir accès à ce genre de plaidoyer? Ce qui
m'inquiète, je ne doute pas que la direction procède avec toute
l'équité dont elle est capable, sur cela je n'ai absolument aucun
doute, étant donné que ce sont des problèmes... D'abord,
le gouvernement a engagé ces personnes, premièrement.
Deuxièmement, il y a une question de droits de ces personnes.
L'administration peut décider; ces personnes, si elles conviennent de
quitter la fonction publique, elles demandent une indemnisation, compte tenu de
leur sécurité d'emploi ou d'autres considérations. Il peut
alors exister un débat au niveau du quantum des choses. Il me semble que
je préférerais, si jamais la ministre pouvait élaborer une
politique - je dis cela comme vraiment cela me vient à l'esprit - qu'on
inscrive ces démarches, étant donné que c'est quand
même assez limité, dans un processus quasi judiciaire avec un
organisme qui donne autant à l'administration qu'à la personne
concernée le minimum de respect des droits, parce que ce sont des droits
de carrière, ce sont des droits à un emploi et ce sont des droits
à une indemnité. Autrement dit, j'aimerais mieux que ces
arbitrages soient soumis à un organisme quasi judiciaire qu'à une
décision ministérielle au sens large du terme. Enfin, je ne vous
demande pas votre avis, à vous, peut-être à la
ministre.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais quand même
spécifier... Vous avez fait allusion aux ouvriers et à tout ce
monde, les gens qui sont dans la hiérarchie moins payés et
peut-être aussi dans certains cas moins aptes à se faire entendre,
d'abord il n'y a quand même
eu que sept cas depuis 1975. Je pense que cela a été
utilisé avec énormément de parcimonie. Par ailleurs, j'ai
admis dernièrement...
M. Rivest: De quand datent-ils, ces cas? Est-ce qu'ils sont
échelonnés sur toute la période de 1975?
Mme LeBlanc-Bantey: Oui, depuis 1975. J'ai dit
dernièrement qu'on n'avait pas eu tendance à avoir la
préoccupation, encore une fois, des "tablettés" qu'on pouvait
retrouver chez les fonctionnaires et chez les professionnels, parce qu'il
n'existe qu'un programme à l'heure actuelle de renouvellement de
carrière mais qui ne s'adresse qu'aux cadres. L'explication en est
très simple. Je ne dis pas qu'elle est suffisante et je ne dis pas que
nous allons continuer dans la même voie. Le ministère de la
Fonction publique a toujours considéré que pour les
syndiqués, fonctionnaires, ouvriers et autres il était plus
facile de poser des griefs et de régler des problèmes. Comme il
n'est pas venu, de la part du syndicat, de griefs sur le problème, on a
eu tendance à dire: Dans le fond, s'il n'y a pas de grief, c'est qu'il
n'y en a pas. Ce n'est pas nécessairement vrai non plus. Mais on se
disait que, compte tenu des structures syndicales, du pouvoir de pression et de
la force du syndicat, il était très bien placé pour
défendre individuellement chacun des membres qui se sentait
lésé. (12 h 30)
Par ailleurs, il faut se rappeler que tout le monde a la
sécurité d'emploi, non seulement les cadres, mais aussi ces
gens-là. Les primes de séparation étant en
général basées sur le salaire des individus, il faut quand
même Être honnête entre nous et se dire que six mois de
salaire pour un ouvrier, c'est peut-être moins intéressant
à prendre pour fonder une entreprise privée que six mois de
salaire pour un cadre. C'est peut-être là l'odieux d'une prime de
séparation basée carrément sur le salaire. Cela fait aussi
partie de toutes sortes de réflexions qui nous animent en ce moment sur
le problème.
M. Rivest: J'ai une dernière question, si vous me le
permettez, pour l'instant. Le ministre des Affaires sociales a justifié
les primes - c'est un peu curieux - de séparation - c'est une question
qui a été soulevée par le député de
Maskinongé - par le fait que dans le secteur des affaires sociales il
n'y avait pas de sécurité d'emploi pour les cadres et que
c'était une compensation. Par contre, la ministre de la Fonction
publique avoue, dans un sens non judiciaire, bien sûr, qu'il y a eu des
primes de séparation, alors qu'il y avait la sécurité
d'emploi. Il faudrait peut-être qu'elle parle à son
collègue des Affaires sociales.
Mme LeBlanc-Bantey: Non, à chaque gouvernement ses
objectifs en fonction de sa réalité. Quand on engage des cadres
dans certains réseaux, il n'y a pas de sécurité d'emploi.
Pour les inciter à venir, on peut leur promettre des primes de
séparation. Par ailleurs, chez nous, nos objectifs, c'est de
rationaliser et tenter de diminuer les dépenses le plus possible. La
sécurité d'emploi coûte extrêmement cher à
l'État. Quand, dans certains cas, certains cadres ne produisent pas ou
ne produisent pas ce qu'ils devraient produire, cela m'apparaît, en
termes d'objectifs financiers, excellent de penser qu'effectivement cela va
nous coûter bien moins cher six mois de salaire ou un congé avec
solde de six mois, un an ou dix-huit mois, quand on sait que le cadre
n'apparaîtra plus sur la liste de paie de l'État dix-huit mois
plus tard. Alors, qu'importent les objectifs du gouvernement, je pense que dans
les deux cas cela se justifie.
Par ailleurs, je veux ouvrir une parenthèse et dire que dans tous
les cas auxquels on a fait allusion, cela a été fait sur une base
volontaire. Quant au processus judiciaire auquel vous faites allusion, a
priori, je n'y vois pas d'objection, sauf, peut-être, qu'il s'agit
toujours de cas personnels, humains et extrêmement douloureux et qu'en
général ces gens sont intéressés à ce que le
moins de personnes possible soient au courant de leurs problèmes. Alors,
j'ignore - M. Lalande pourrait peut-être dire un mot là-dessus -
si, dans une perspective d'avenir où, éventuellement, on serait
appelé à comparaître devant un certain nombre de personnes,
on ne risquerait pas d'abolir la confiance qui peut exister chez une personne
inscrite au programme qu'on connaît personnellement, en fonction des
objectifs qu'on a, en fait, que cela coûte moins cher aux citoyens et
à l'État.
M. Rivest: De toute façon, il y aurait moyen, si
c'était la commission de la fonction publique ou une autre qui avait un
processus quasi judiciaire, pour des cas que je comprends très bien, de
demander que cela puisse se dérouler à huis clos. Je suppose que
la commission, dans ses règles de pratique, a cette
possibilité.
Mme LeBlanc-Bantey: II faudrait aussi éviter que cela
devienne un droit pour quiconque veut s'en aller, parce que c'est dans la
perspective où vraiment certaines personnes...
M. Rivest: Si c'est un droit pour les uns, comment cela ne
peut-il pas être un droit pour les autres?
Mme LeBlanc-Bantey: À titre d'exemple, si cela devenait
monnaie courante, il se pourrait qu'un cadre extrêmement productif,
extrêmement débrouillard et extrêmement valable pour
l'organisation, trouve extrêmement avantageux d'avoir une prime de
séparation pour se lancer dans l'entreprise privée.
M. Rivest: Oui...
Mme LeBlanc-Bantey: II faut éviter aussi que ce soit nos
plus dynamiques qui sautent sur l'occasion...
M. Rivest: À ce moment-là, vous ouvrez tout un
plan, un panneau. Je comprends le point de vue de la ministre, mais comment
cela devient-il un droit pour l'un mais pas pour l'autre? Alors, c'est à
la discrétion, et on voit ce qui s'est passé dans la Mauricie,
dans le réseau des affaires sociales.
Mme LeBlanc-Bantey: M. Rivest.
M. Rivest: C'est cela. C'est l'un ou l'autre.
Mme LeBlanc-Bantey: M. Rivest, j'ai dit aussi...
M. Rivest: M. le député de Jean-Talon.
Mme LeBlanc-Bantey: M. le député de Jean-Talon,
j'ai dit aussi qu'il fallait tenter d'arrêter de vouloir tout
régler par des règlements, prévoir tous les cas, tous les
problèmes. Finalement, cela nous donne un ensemble de normes très
rigides où l'on ne peut plus agir en fonction des situations qui se
présentent et qui ne peuvent pas toutes êtres prévues
à l'avance. J'aimerais que, là aussi, on aborde le
problème avec la même ouverture d'esprit. C'est dans ce contexte
que - même si votre suggestion peut être intéressante, j'en
souligne déjà certains aspects qu'il ne faut pas négliger
dans l'analyse du problème - j'espère que nous arriverons
à régler certains types de ces problèmes mais, encore une
fois, sans arriver avec une réglementation qui nous attache les deux
mains derrière le dos pour régler un problème
précis.
M. Rivest: Vous nous condamnez, Mme la ministre, vous condamnez
l'Opposition à continuer à procéder cas par cas à
l'Assemblée nationale. Très bien.
M. Blais: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Terrebonne, sur une question de règlement.
M. Blais: Je tiens à souligner qu'il y a 58 000
fonctionnaires. Dans ce programme, il n'y a que sept fonctionnaires qui ont
été affectés et on en fait un plat. Sept personnes sur 58
000 ont profité de ce plan.
M. Rivest: Ce sont 58 000 personnes qui en auraient
théoriquement le droit. Il y a sept personnes qui l'ont eu
arbitrairement.
M. Blais: Quand même, il ne faut tout de même pas
créer un autre organisme judiciaire pour sept personnes, en sept
ans.
M. Rivest: C'est ce que la ministre a dit. J'ai une
dernière question rapide; on y répond par un oui ou par un non,
Mme la ministre de la Fonction publique, pour ne pas abuser de votre patience.
Êtes-vous pour au contre le travail à temps partiel dans la
fonction publique?
Mme LeBlanc-Bantey: Je suis pour, à certaines conditions,
pour être très brève.
Une voix: Et contre, à certaines autres.
Mme LeBlanc-Bantey: Et contre, à certaines autres.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Sainte-Marie.
Commission spéciale
M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais joindre, au
départ, ma voix à celle du député de Jean-Talon qui
a souligné l'implication de la ministre de la Fonction publique dans
l'existence même de la commission spéciale qui travaille
actuellement au mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale. Au-delà de cette initiative qui est venue
de la ministre, il faudrait peut-être qu'on souligne aussi qu'il y a un
autre aspect qui est intéressant pour les membres de la commission
spéciale, c'est que, tel que convenu, les déclarations qui
touchaient le mandat de la commission n'ont pas été faites
pendant la période où la commission spéciale
siégeait. On sait que, dans le passé, il est souvent
arrivé que, pendant que des comités étaient chargés
d'étudier des problèmes, un certain nombre de déclarations
se faisaient parallèlement, ou bien par des ministres responsables, ou
bien par des présidents d'organisme ou des sous-ministres, ce qui
mettait en danger les travaux des comités. Dans notre cas, on doit dire
qu'on doit, à ce stade, remercier la ministre d'avoir respecté
l'engagement qu'elle avait pris de laisser travailler les membres de la
commission spéciale.
Évidemment, l'étude des crédits de cette
année pose un problème particulier aux membres de la commission
permanente. Vous
avez remarqué qu'il y a un, deux, trois, quatre, cinq membres de
la commission permanente qui sont aussi membres de la commission
spéciale. On avait donc convenu qu'au moment de l'étude des
crédits, on ne poserait pas de questions qui auraient pu nous être
amenées par les personnes qu'on a rencontrées, par les groupes
qui sont venus rencontrer la commission spéciale ou par des documents et
des recherches qu'on a pu faire durant la période de nos travaux. On
avait convenu, entre nous, même si on a parfois glissé, qu'on
ferait plutôt nos recommandations et nos analyses au moment du rapport
final qui, comme on le sait, va être déposé le 15 juin.
J'aurais eu, cependant, un cas particulier à soumettre à la
ministre qui débouche, selon moi, sur quelque chose de plus
général, le cas d'une fonctionnaire, secrétaire, ici,
à l'Assemblée nationale, qui touche le fonctionnement de l'Office
du recrutement et de la sélection du personnel, qui aurait pu toucher le
fonctionnement de la Commission de la fonction publique, le programme de
l'égalité des chances dont le ministre nous a parlé
tantôt. Mais comme je sens que les membres de la commission sont
maintenant prêts à adopter les...
Une voix: Nous ne sommes pas prêts.
M. Bisaillon: Si vous n'êtes pas prêts, je vais
prendre le temps qu'il me reste pour présenter le cas. J'avais compris
qu'on était prêt à adopter les crédits.
Une voix: Le député de Louis-Hébert a une
question.
M. Doyon: Une couple de questions et des choses à demander
à la ministre, avec la permission du député.
M. Bisaillon: M. le Président, je vais utiliser mon droit
de parole. Je vais le faire le plus brièvement possible. Il s'agit du
cas d'une secrétaire de l'Assemblée nationale. Je vous lis
rapidement quelques extraits de la lettre qu'elle m'a fait parvenir. Cela se
lit comme suit: "Fonctionnaire apathique a toujours été et
demeure, effectivement, un mythe. Cela ne constitue, à mon humble avis,
que l'expression d'une mauvaise gestion, dont un nombre restreint de
fonctionnaires font les frais et qui n'ont comme partage que le loisir de s'y
enliser au fil des ans."
Voici, en quelques pages, la démonstration d'un cas
spécifique de vivacité et d'ambition, un cas qui n'est certes pas
unique au sein de la fonction publique québécoise. "Les femmes de
ma génération n'avaient pas le choix: le soin des malades ou le
bon soin des patrons par le truchement du secrétariat. J'ai choisi, soin
pour soin, le bon soin des patrons, et j'y ai évolué avec
enthousiasme et motivation. "En 1967, je devenais sténo-dactylo au
ministère des Affaires sociales, et ce pendant quatre ans et huit mois.
Survint alors un besoin de secrétaires francophones au sein de la
diplomatie canadienne. En un mois, examen écrit, oral et enquête
de la Gendarmerie royale terminés me conduisent à la
carrière passionnante de secrétaire d'ambassade à travers
le monde. C'est après avoir oeuvré deux ans au sein du
Haut-Commissariat du Canada à Londres que des horizons nouveaux
s'ouvrent à moi, cette fois-ci chez-nous au Québec. Je constate
en effet que le secrétariat ne me satisfait plus, et j'entreprends des
études collégiales et universitaires".
Cette personne est donc retournée aux études pendant cinq
ans à temps plein; donc, cinq ans de manque à gagner et cinq ans
aussi d'endettement pour une personne qui a travaillé pendant neuf ans
comme secrétaire. Lorsque ses études sont terminées, elle
veut revenir dans la fonction publique parce qu'évidemment, le manque
à gagner étant là, il faut qu'on se trouve un emploi. Or,
l'emploi disponible, c'est celui de secrétaire, et les agents de
personnel lui indiquent d'ailleurs que c'est le meilleur moyen pour pouvoir par
la suite, une fois qu'on est dans la machine, poser sa candidature à des
concours de promotion et évoluer dans l'appareil.
Elle revient donc comme secrétaire à l'emploi du
gouvernement et depuis ce temps-là aucun concours de promotion n'a
été ouvert. Il faut dire que ses études l'on amenée
à avoir un bac en sciences politiques avec spécialisation en
relations internationales. Elle travaille donc actuellement comme
secrétaire. À un moment donné de sa carrière dans
la fonction publique, elle est devenue attachée politique à 60%
de son temps, et secrétaire à 40% dans un cabinet. Or, l'article
120 -cela a duré pendant une période de deux mois - de la Loi sur
la fonction publique prévoit que, lorsqu'un attaché politique
quitte sa fonction et qu'il appartient à la fonction publique, son poste
peut être réévalué, ses fonctions, son statut
peuvent-être réévalués. Cela n'a pas
été possible dans le cas de cette personne, parce que l'office,
apparemment, procède à l'évaluation en fonction de la
durée de l'occupation au poste d'un cabinet politique. Elle s'est donc
adressée à la Commission de la fonction publique, et la
Commission de la fonction publique n'a fait que vérifier si l'office
avait bien expliqué les motifs de sa décision. Ce qui avait
été le cas, on avait effectivement bien expliqué les
motifs.
Ce que je veux souligner et ce qu'il y a d'intéressant dans ce
dossier, c'est que cette personne-là, qui s'est perfectionnée
pour pouvoir évoluer dans la fonction
publique, qui a travaillé consciencieusement à d'autres
fonctions après ses études, tout ce qui se passe dans ce qui
pourrait être son champ d'activité, ce sont actuellement des
affectations et des mutations. Or, elle n'est pas susceptible de profiter du
processus de dotation qui est l'affectation ou la mutation parce qu'on fait les
affectations et les mutations à des postes équivalents. Il n'y
aura donc jamais dans son cas de promotion possible parce que les mutations et
les affectations ne se font pas en fonction de son dossier, mais en fonction du
poste qu'elle détient au moment où elle travaille.
Il me semble que c'est un fonctionnement qui ne rend pas justice au
travail fait par les femmes qui sont actuellement dans la fonction publique,
qui veulent progresser. C'est un travail ou un perfectionnement qu'elle a fait
d'ailleurs - il faut le souligner - sans aucune aide ou assistance
financière de l'État, alors qu'au même moment on
dépense des sommes d'argent en perfectionnement à des
catégories d'employés, si on applique le même principe, qui
de toute façon ne déboucheront pas - malgré le
perfectionnement qu'on leur aura payé - à des postes
différents de ceux qu'ils détiennent, à moins qu'il y ait
des concours de promotion. La demande qu'elle adressait à l'office de
recrutement, c'est d'être classifiée comme agent de recherche et
de planification socio-économique, fonction qu'elle avait
déjà occupée avant de revenir dans la fonction
publique.
Le cas de cette personne-là m'amène à poser
à la ministre une question qui concerne, j'en suis convaincu, une foule
de secrétaires ou de personnes de la fonction publique, majoritairement
des femmes. Est-ce que le programme d'égalité des chances en
emploi ne pourrait pas permettre, dès le départ, un
assouplissement du fonctionnement et de l'Office du recrutement et de la
sélection du personnel, et de la Commission de la fonction publique ou
encore des responsables du programme d'égalité des chances pour
qu'il y ait une lueur d'espoir pour les personnes qui veulent progresser dans
la fonction publique et qui veulent utiliser le perfectionnement et le travail
qu'elles ont mis à se perfectionner. (12 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous soumettez, si j'ai bien compris, votre
cas. Incidemment, je l'apprends aujourd'hui. M. Bélanger pourra
préciser par la suite sur ce cas. D'une façon plus
précise, vous posez tout le problème du classement moquette. Nous
avons tenté chez nous de l'envisager dans une perspective globale d'une
chance égale de carrière aux femmes qui occupent
généralement des postes inférieurs par rapport à
leurs collègues masculins qui sont généralement dans
d'autres catégories d'emplois.
Dans cette perspective, il est clair que nous ne réglerons pas le
problème auquel vous faites allusion tant qu'on ne donnera pas une
chance aux femmes non seulement d'accéder à des postes de
perfectionnement, mais d'avoir une classification qui leur permette de
progresser continuellement dans l'ensemble de la fonction publique, de
rêver et de vouloir accéder à des postes supérieurs,
en fonction, bien sûr, de l'expérience qu'elles ont acquise au
cours des années précédentes. Ce que je peux vous dire
là-dessus, c'est que c'est une préoccupation qui n'a pas
cessé de nous habiter au cours de l'année qui s'est
terminée et que nous devrions avoir bientôt des solutions à
proposer.
Par ailleurs, je voudrais quand même être honnête et
juste aussi envers ces femmes qui attendent et leur dire que, bien sûr,
compte tenu des coûts que cela pourrait représenter, je ne peux
aujourd'hui prendre aucun engagement quant à la perspective de
règlement. Mais, ce que je peux vous dire, c'est que l'on a fait
beaucoup de travail au ministère, entre autres, avec notre nouvelle
sous-ministre adjointe responsable du programme de l'égalité des
chances et que nous serons bientôt en mesure d'avoir une perspective plus
globale, avec des solutions se rapportant à ce problème.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, avant que M.
Bélanger réponde à l'autre partie de ma question, je
voudrais souligner tout de suite que cela va au-delà du problème
du classement moquette; c'est en fait l'application rigide d'un certain nombre
d'articles et de règlements qui prévalent dans la fonction
publique. L'article 120, paragraphe a), de la loi 50 stipule qu'une personne
qui démissionne d'un cabinet peut requérir de l'office de
recrutement qu'il procède à une nouvelle vérification de
ses aptitutes, et le texte ne fait aucune mention de notions relatives au temps
ou à la progression de la carrière. Dans les circonstances, il me
semble que c'est cet élément qui a joué, le fait que le
poste a été occupé pendant trop peu de temps pour que
l'office dise: Je vais procéder à la vérification des
aptitudes, sans qu'on tienne compte de son dossier. À partir de son
dossier, à partir de l'expérience vécue dans le
passé, est-ce que cela justifiait une vérification des
aptitudes?
Le deuxième aspect, c'est que cela enlève à ces
personnes les possibilités d'affectation et de mutation qui existent
actuellement, parce qu'il n'y a pas eu
vérification des aptitudes et que la vérification des
aptitudes ne se fait pas sur leur dossier comme tel. C'est monnaie courante,
l'affectation et la mutation, alors que les concours de promotion,
forcément, sont restreints, parce que les postes ne s'ouvrent pas aussi
fréquemment qu'ils s'ouvraient dans le passé, tandis que les cas
de mutation et d'affectation sont fréquents. Autrement dit, si cette
personne avait eu une modification dans la vérification de ses
aptitudes, elle pourrait profiter du processus de dotation, de l'affectation et
de la mutation. Je suis convaincu que ce n'est pas le seul cas qui existe dans
la fonction publique. Il me semble que cela fait un beau cas pour la
sous-ministre responsable du programme d'égalité des chances en
emploi, parce que ce n'est pas tout d'avoir l'égalité des chances
pour obtenir un emploi, ce qui compte après, c'est d'avoir
l'égalité des chances pour progresser dans cet emploi.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous avez parfaitement raison sur le constat
général. Je vais laisser M. Bélanger expliquer le cas
précis auquel vous faites allusion.
Le Président (M. Bordeleau): M. Bélanger, au nom de
la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Au nom de l'office de recrutement, je tiens
à fournir des explications sur le cas dont j'ai été saisi
pendant les travaux de la commission. En fait, ce n'est pas le cas de la
personne en question qu'il faut débattre, c'est l'article 120 de la Loi
sur la fonction publique qui est un article d'exception. L'article 120, par
rapport à la loi générale qui est la loi de
sélection au mérite, a un but particulier. Cela a
été explicité par le jurisconsulte à la demande de
la Commission de la fonction publique qui mettait en doute justement le fait
qu'on était trop ouvert à l'application de l'article 120 qui
mettait en doute l'opportunité de donner des promotions à partir
de l'article 120 qui est un article d'exception. Pourquoi l'article 120
existe-t-il? C'est pour permettre aux fonctionnaires permanents qui vont
travailler un bout de temps dans des cabinets, parce que leur statut est
gelé... Une secrétaire qui va travailler dans un cabinet pendant
quatre ans, son statut de secrétaire est gelé. L'article 120
permet, une fois que la personne est sortie du cabinet, d'évaluer ce
qu'est l'expérience additionnelle qu'elle a acquise en travaillant au
cabinet, dans différentes fonctions, pour pouvoir y ajuster son
classement. Et tout cela dans le contexte du principe du mérite qui
permet à tous les citoyens de concourir pour occuper des postes dans
l'administration publique. Or, le cas précis qui nous a
été soumis à l'office, c'est le cas d'une personne qui,
d'elle-même, a étudié au cours des années; c'est
très méritant. Le fait qu'il n'y avait pas de concours de
promotion chez les professionnels - effectivement il y a eu un seul concours de
promotion de professionnels au cours de l'année - ce n'est pas la faute
de l'office. L'office remplit des commandes. Si on n'a pas de demande pour
faire des concours de promotion de professionnels, il n'y en a pas. Ce n'est
pas nous qui inventons les concours, on remplit les commandes qu'on
reçoit. Alors, cette personne a travaillé deux ou trois mois dans
un cabinet, à 40% comme secrétaire et 60%, dit-on, comme
attachée politique. La politique de l'office, c'est de traiter les gens
qui sortent des cabinets de la même façon que les autres
fonctionnaires sont traités quand ils sont permanents.
Que serait-il arrivé à une secrétaire qui aurait
suivi les mêmes études pendant quatre ou cinq ans par les soirs ou
à temps plein, et qui aurait travaillé dans le bureau du
sous-ministre comme adjointe exécutive pendant quatre mois? En sortant
du bureau du sous-ministre, elle aurait eu l'occasion de poser sa candidature
à des concours de promotion de professionnels, s'il y en avait eu, ou
même en étant du bureau du sous-ministre, mais ce n'est pas le
fait qu'elle ait travaillé quatre mois soi-disant comme professionnelle
qui aurait comblé l'écart entre son statut de secrétaire
et les exigences qu'on demande pour un poste de professionnel. Je crois que les
droits de la personne que M. Bisaillon mentionne arrêtent où les
droits des autres commencent, les autres fonctionnaires, les autres personnes
dans la population. Si on se sert du tremplin du cabinet pendant deux mois pour
avoir des promotions auxquelles les autres fonctionnaires n'ont pas droit,
c'est complètement inéquitable pour les autres
fonctionnaires.
J'aurai l'occasion de regarder le cas d'une manière plus
précise et d'en rediscuter.
M. Bisaillon: Je veux bien qu'on me comprenne. J'ai dit que cela
impliquait l'office de recrutement, la Commission de la fonction publique et le
programme, mais je n'ai pas distribué de blâme à personne.
Je ne dis pas que la loi n'a pas été respectée et que cela
ne s'est pas fait correctement. Je n'ai pas porté de jugement sur cela.
Je dis simplement que le moyen d'introduction serait l'article 120, mais le
principe de fond c'est que cela ne se fait pas sur l'évaluation du
dossier de la personne et que cela devrait se faire là-dessus, afin que
le processus d'affectation et de mutation puisse être utilisé dans
le cas de ces personnes sans qu'elles aient à attendre constamment la
notion de promotion.
Mme LeBlanc-Bantey: M. Bélanger
voudrait ajouter quelques mots, si vous le permettez.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M.
Bélanger.
Mme LeBlanc-Bantey: Je devrais souligner aussi à la
commission qu'à cause du contexte de rareté des emplois dans la
fonction publique, depuis un an ou deux, nous remarquons que nos concours
d'agents de bureau attirent régulièrement des
diplômés universitaires avec un bac, avec des maîtrises et,
dans certains cas, avec des doctorats. Nos listes de déclarations
d'aptitudes comprennent, dans les premiers rangs, des gens qui ont des
formations universitaires et qui entrent en qualité d'agents de bureau
dans la fonction publique. Le temps serait peut-être venu de faire des
concours de promotion dans certains corps d'emploi pour permettre à ces
gens qui ont des aspirations complètement différentes qu'ils ne
peuvent réaliser dans les postes qu'ils ont actuellement, de pouvoir
changer de statut, que ce soient des hommes ou des femmes, à
l'intérieur du processus de la fonction publique.
M. Bisaillon: Mais on convient que ce sont majoritairement des
femmes.
Mme LeBlanc-Bantey: Non, pas nécessairement.
On va l'aborder, tout au moins dans la perspective du programme
d'égalité des chances. D'un côté, on parle de
réduire les effectifs, de rationaliser davantage. D'un autre
côté, comme le soulignait M. Bélanger, il y a des
universitaires qui en sont rendus à devoir postuler des postes d'agent
de bureau pour entrer dans la fonction publique. Vous voyez encore une fois la
complexité de la gestion des ressources humaines au niveau de la
fonction publique.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Louis-Hébert.
Objectifs politiques
M. Doyon: Merci, M. le Président. Mme la ministre, le fait
que je sois ici à la commission des crédits de la fonction
publique n'est pas un hasard. Le Parti libéral ne fait jamais les choses
au hasard, il regarde ce qui est le mieux.
Mme LeBlanc-Bantey: Je vais réserver mes jugements de
valeur.
M. Doyon: Dans les circonstances, compte tenu du passé qui
est le mien, qui est un passé, somme toute, de fonctionnaire aussi bien
au niveau fédéral qu'au niveau provincial - au niveau provincial,
plus particulièrement au ministère de l'Éducation, au
ministère des Communications, au ministère de la Justice; j'ai eu
l'occasion aussi de travailler en milieu scolaire, à la
Fédération des commissions scolaires, et aussi au niveau
municipal, à la Communauté urbaine de Québec - j'ai un
certain nombre de préoccupations concernant la fonction publique du
Québec qu'on a bâtie au fil des ans et qui est devenue un objet de
fierté pour tous les Québécois. Les inquiétudes que
j'ai actuellement me sont transmises par des fonctionnaires que je connais et
que je côtoie régulièrement. Ce sont des inquiétudes
que j'ai eu l'occasion de sentir dans des démarches qui ont
été faites auprès de moi. Ces inquiétudes se
résument à peu près à ceci. Les fonctionnaires sont
d'accord pour avoir une certaine part de responsabilités dans la gestion
administrative gouvernementale. Cependant, ils ne sont pas prêts à
être embrigadés dans la poursuite d'un objectif politique auquel
ils n'ont pas eu à adhérer et auquel il n'est pas leur rôle
d'adhérer.
Je demanderais à la ministre de dissiper toute
ambiguïté en ce qui concerne plus particulièrement les
cadres du gouvernement provincial qui sont sur la première ligne de feu
là-dessus, pour que ces gens soient rassurés de la part de la
ministre, à savoir que la première exigence et la seule exigence
qu'on a envers eux est la compétence et non pas leur participation
à l'atteinte d'un objectif qui est celui d'un parti politique, en
l'occurrence celui du Parti québécois. Je pense qu'il est
difficile pour des fonctionnaires de se tenir sur une ligne où ils ne
savent jamais si on apprécie leurs compétences ou si on
apprécie inconsciemment l'aide qu'ils peuvent apporter dans l'atteinte
d'un objectif qui est celui même de l'existence du parti politique qui
est au pouvoir. Je pense que la ministre a un rôle actuellement, c'est de
rassurer les membres de la fonction publique à ce sujet et, plus
particulièrement, les cadres de tous les niveaux qu'ils conservent une
autonomie totale. Que la ministre le dise clairement, de façon que les
cadres soient absolument rassurés, qu'ils puissent continuer de jouer le
rôle qui a été le leur jusqu'à maintenant,
c'est-à-dire d'assurer la continuité et la permanence de la
compétence, ce qui a permis - je me permets de le dire en passant - au
gouvernement actuel de se maintenir à flot jusqu'à
maintenant.
Si le gouvernement a réussi à passer à travers les
années de pouvoir, avec la mauvaise administration qui a
été la sienne, je dois dire, en toute honnêteté
envers les cadres supérieurs, que c'est grâce à eux, que
c'est grâce à la compétence qui avait été
bâtie au fil des ans et que l'erre d'aller, la force d'inertie a permis
au gouvernement de profiter de cette compétence. J'aimerais que
la ministre nous assure que cette appréciation de la
compétence n'est pas mise en danger et qu'en aucun moment on ne
demandera, soit directement, soit indirectement, soit d'une façon claire
ou d'une façon implicite, une espèce de serment du Test aux
fonctionnaires. Une réassurance de la part de la ministre serait la
bienvenue à ce sujet. J'aimerais bien que sa réponse soit aussi
claire que ma question.
Le Président (M. Bordeleau): Avant de vous permettre de
répondre, Mme la ministre, je voudrais vous souligner qu'il est 13
heures et que, normalement, nous devrions suspendre ou ajourner nos travaux,
à moins d'avoir le consentement pour continuer quelques minutes et nous
permettre d'approuver en commission les différents programmes.
M. Bisaillon: Consentement.
Le Président (M. Bordeleau): Consentement.
Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, puisque le
député de Louis-Hébert a fait allusion à la
mauvaise administration du gouvernement péquiste, j'aimerais dire que,
quand le peuple québécois a jugé le gouvernement Bourassa
en 1976, il y avait aussi beaucoup de cela. On ne partira pas un débat
partisan. De la même façon que vous voulez que les ministres du
gouvernement actuel n'obligent pas les cadres à partager leurs objectifs
partisans, j'aimerais qu'on continue ici autour de la table à tenter
d'avoir la préoccupation d'une plus saine administration, sans sombrer
justement dans les débats partisans. (13 heures)
Ceci étant dit, je connaissais votre préoccupation.
J'avais eu l'occasion d'en lire quelques échos. Je voudrais vous dire en
tant que ministre qu'il est clair que je fais une distinction très nette
entre les objectifs de l'État et les objectifs partisans du gouvernement
actuel qui a été élu démocratiquement. Par
ailleurs, si vous me le permettez, je voudrais dire que la politique, dans son
sens le plus large, n'est pas négative et que, quand un gouvernement est
élu, il est, bien sûr, élu par des citoyens sur ses
objectifs politiques dans le sens large. Dans ce sens, il me paraît tout
à fait normal que les serviteurs de l'État, comme on les appelle
parfois, partagent ces objectifs politiques, entre autres, quand on pense aux
priorités qu'on avait durant le premier mandat, à nos engagements
électoraux sur l'assurance automobile ou autres. Ce sont des objectifs
politiques d'un gouvernement élu par des citoyens, une plus saine
administration, etc. Donc, que les cadres partagent ces objectifs, il
m'apparaît que cela va de soi. Ils sont d'abord choisis comme serviteurs
de l'État au service non seulement des ministres qui composent le
gouvernement et des députés, mais aussi au service des citoyens,
et les citoyens élisent un gouvernement en fonction de certains
objectifs.
Par ailleurs, il est clair qu'on ne peut demander à des cadres le
serment du Test en ce qui concerne les objectifs partisans du gouvernement. De
la même façon que ce serait inéquitable que des ministres
jugent des cadres en fonction de leurs objectifs partisans, il serait
inéquitable qu'on découvre que, par ailleurs des cadres endossent
plus ou moins bien les grandes politiques gouvernementales parce qu'ils ont,
eux aussi, leurs objectifs partisans et qu'ils ont effectivement plus ou moins
intérêt à ce que les objectifs gouvernementaux passent la
rampe. Je crois qu'honnêtement, s'il existe des cas d'un
côté - si vous avez des cas précis, vous devriez
peut-être les souligner -il est de notre responsabilité en tant
que ministère de voir à ce que des choses comme celles-là
ne se reproduisent pas, que des cadres ne soient pas pénalisés.
De la même façon, s'il y a des cas précis d'un
côté, on peut aussi en trouver de l'autre bord. Le seul appel que
je voudrais faire...
M. Doyon: La ministre me demande des cas précis?
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! On va
la laisser terminer et je vous donnerai la parole après.
Mme LeBlanc-Bantey: Je vais terminer, si vous me le permettez. Le
seul commentaire que je ferai en terminant ou le seul appel, en tant que
ministre, que j'aimerais faire à l'ensemble des gens concernés, y
compris les ministres et les cadres, c'est qu'au bout du compte chacun soit
conscient qu'il y a des objectifs généraux qu'un gouvernement a
le droit et le devoir de se donner et qu'en fonction de ce que la population
attend de son gouvernement, les deux doivent collaborer avec autant de bonne
foi, autant d'honnêteté possible.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: La ministre demande des cas précis qui
pourraient fonder les inquiétudes que j'ai manifestées. Je me
réfère à un article qui a paru dans le Soleil du jeudi 17
décembre 1981, où le ministre de l'Agriculture, M. Garon, a fait
- sa décision semble prise - une proposition au Conseil du trésor
voulant que les directions générales de son ministère - il
y en avait sept - soient
décapitées de leurs directeurs généraux et
que ces postes, qui sont soumis aux règlements et aux lois de la
fonction publique, soient dorénavant remplis par des sous-ministres
adjoints qui sont nommés d'une façon discrétionnaire et
selon des critères qui appartiennent au gouvernement.
J'y vois, Mme la ministre, une source d'inquiétude. Vous me
demandiez des cas précis. Ce sont des cas précis où on
sent une tentative, un vouloir de politiser des directions
générales qui sont essentiellement administratives par la mise en
place de fonctionnaires qui sont choisis selon des critères
discrétionnaires gouvernementaux. Si c'est une politique qui doit
être appliquée à l'intérieur de la fonction
publique, qu'on nous le dise clairement et on saura à quoi s'en tenir.
Si ce n'est pas le cas, que la ministre établisse clairement sa position
vis-à-vis de ce cas. Cela nous permettra de savoir à quelle
enseigne elle loge.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la ministre.
Mme LeBIanc-Bantey: Vous posez strictement des jugements de
valeur en fonction d'un cas que vous avez lu où, dans un
ministère, on a décidé - par ailleurs, c'est un
ministère que je connais assez bien pour avoir été
adjointe parlementaire un certain temps, aux Pêcheries - pour des raisons
d'efficacité, d'abolir les structures de directions
générales parce que cela alourdissait davantage le processus. Ce
sont des jugements de valeur que vous posez. Je vous dis qu'un
ministère, pour des raisons d'efficacité, compte tenu du fait que
le ministère de l'Agriculture est un ministère extrêmement
lourd, où il y a beaucoup de monde, c'est extrêmement complexe, a
décidé d'abolir ses directions générales pour les
remplacer par des sous-ministres adjoints.
M. Rivest: Vous êtes d'accord avec cela?
Mme LeBIanc-Bantey: Vous parlez de la lourdeur des
règlements et de la complexité, mais cela se vérifie dans
les faits. Vous parlez aussi de responsabilisation. J'aimerais que vous
m'écoutiez; je vous ai écouté très attentivement.
Nous avons comme attitude, au ministère de la Fonction publique, de
responsabiliser le plus possible chacun des ministères face à sa
propre gestion pour qu'au bout de la ligne, s'il y a quelqu'un de responsable
par rapport à une mauvaise administration, on puisse régler cela
à l'intérieur même du ministère ou trouver le
coupable, s'il y a lieu d'en trouver, plutôt que de se baser sur des
règlements ou des organismes centraux pour se déculpabiliser ou
se "déresponsabiliser" de tout. Donc, nous avons une loi que chacun des
ministères est tenu de respecter. Nous avons des services que nous
offrons aux ministères concernés pour qu'ils puissent, justement,
respecter cette loi et améliorer la productivité et le sort des
travailleurs, quand tout cela est mis en cause.
Par ailleurs, chaque ministère a la responsabilité
générale de sa gestion et si le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour des raisons
d'efficacité - mes jugements de valeur sont certainement tout aussi bons
que les vôtres -a décidé de remplacer les directeurs
généraux par des sous-ministres adjoints, je pense qu'il s'agit
d'une décision qui a été prise par lui en toute
connaissance de cause. Quant à moi, en principe, jusqu'à ce qu'on
me fasse la preuve qu'effectivement cela aurait été fait pour des
motifs politiques, j'ai tout lieu de croire que le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est suffisamment
compétent et conscient de ses objectifs pour organiser son
administration en fonction des objectifs qu'il s'est donnés.
M. Doyon: Pour résumer, parce que...
Le Président (M. Bordeleau):
Rapidement, s'il vous plaît, M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Je termine là-dessus. Pour résumer, je
comprends que vous êtes d'accord avec cette démarche du ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en émettant
la réserve que c'est un cas particulier et que vous ne considérez
pas comme étant souhaitable que cela se généralise. Est-ce
que je résume votre pensée?
Mme LeBIanc-Bantey: Je n'ai même pas de jugement à
poser en disant que c'est souhaitable ou non que cela se
généralise. Je dis: Chaque ministère a des objectifs
politiques dans le sens large du terme et chaque ministère a, surtout
dans un contexte de restrictions budgétaires et financières comme
celui que nous connaissons, la responsabilité première de
gérer ses ressources en fonction de ses objectifs le plus efficacement
possible et au moindre coût possible. Si le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en fonction de ses
objectifs, a pensé que c'était une solution
préférable par rapport à d'autres, moi, en tant que
ministre de la Fonction publique, pour autant qu'il respecte la Loi sur la
fonction publique, qu'il respecte les droits des cadres concernés et que
tout se fait correctement et équitablement, je n'ai pas de jugement de
valeur à poser sur la façon dont il a fait sa
réorganisation administrative. Par ailleurs, je vous annonce tout de
suite que chaque
ministère est conscient de la nécessité de
rationaliser davantage ses opérations et ses ressources. Et
j'espère qu'il y a dans d'autres ministères - non seulement
j'espère, mais je le sais - une réflexion sur la
réorganisation des structures administratives. Avec quelle solution
arriveront-ils? Je ne le sais pas encore, je l'ignore. Est-ce que d'autres
suivront l'exemple? Est-ce que d'autres auront des idées originales ou
imaginatives en fonction de leurs objectifs? Nous le verrons en temps et
lieu.
Par ailleurs, je n'ai aucune raison de croire, pour avoir passé
un certain temps au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, entre autres dans le secteur des pêcheries, que les
motifs du ministre dans cette réorganisation étaient des motifs
politiques.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va?
M. Doyon: Une dernière question à Mme la
ministre...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: ... avec la permission de la présidence. Dans le
comté de Louis-Hébert que je représente depuis le 5 avril,
il y a un nombre important d'étudiants et d'étudiantes pour
lesquels un des débouchés importants était la fonction
publique québécoise. Compte tenu de la situation
déplorable qu'on connaît actuellement, j'aimerais savoir s'il y a,
à part le fameux bon d'emploi qui n'avance... Est-ce que le gouvernement
considère que le bon d'emploi entre dans la catégorie des
solutions qui permettraient de résoudre les problèmes des
étudiants et des étudiantes, des finissants et finissantes des
trois cégeps et de l'Université Laval qu'il y a dans le
comté de Louis-Hébert? Si ce n'est pas le bon d'emploi, quelle
est la solution alternative que propose le ministre devant l'inquiétude
absolument terrible qui m'a été exprimée pendant la
campagne électorale par les 10 000 jeunes qui sont inscrits sur les
listes électorales et qui ont des préoccupations d'avenir, des
préoccupations de pouvoir gagner leur vie, ici, au Québec, de
pouvoir le faire, si possible, dans le région de Québec? Quelle
est la solution que propose la ministre à ces jeunes qui ont fait des
sacrifices considérables pour obtenir des diplômes et qui se
trouvent maintenant dans un cul-de-sac? Qu'est-ce qui se passe?
Le Président (M. Bordeleau): Madame la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Le gouvernement n'a jamais prétendu
que le bon d'emploi était une panacée à tout le
problème que nous vivons actuellement à l'égard du
chômage vécu par les jeunes. Je pense que c'est effectivement un
problème qui est très douloureux, actuellement, dans la
société. Par ailleurs, le bon d'emploi était une solution
parmi d'autres. Effectivement, je pense que c'est très valable. Par
ailleurs, nous n'avons jamais prétendu que cela réglait tout le
problème du chômage des jeunes.
Quant à nous, du côté de la Fonction publique,
à cause justement de la rareté des emplois qui se fait de plus en
plus sentir, nous avions prévu, dès l'an dernier, avec la loi no
12 - il y toujours des problèmes avec le numéro des lois - la
possibilité d'ouvrir des concours de recrutement.
M. Rivest: Combien sont ouverts?
Mme LeBlanc-Bantey: Pas encore, parce que nos règlements
sont encore récents. Nous avions prévu des concours de
recrutement pour les jeunes, dans les universités, auprès des
bassins universitaires, autrement dit. On sait fort bien que, compte tenu de la
rareté des ressources, il y a de moins en moins de possibilités
pour les jeunes d'acquérir un poste à la fonction publique. Je
pense que cela a été une des nos préoccupations. Le
résultat est que nous pourrons bientôt commencer à ouvrir
des concours, quand il y aura des postes disponibles, bien sûr. Que ce
soit pour les jeunes, les femmes, les communautés culturelles ou
d'autres personnes, la fonction publique n'est plus en expansion, comme on l'a
connue durant un certain nombre d'années. Nous avons quand même
prévu pouvoir offrir une possibilité à ces jeunes; non
seulement pour les jeunes, mais aussi, parce qu'il est important de continuer
de "ressourcer" la fonction publique et de prévoir le problème de
vieillissement auquel nous pourrions avoir à faire face au cours des
prochaines...
M. Rivest: II s'est écoulé douze mois depuis la
sanction de la loi no 12 et vous n'avez rien fait.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est-à-dire, nous n'avons rien
fait... Le député de Jean-Talon commence à être
très familier avec les nombreux mécanismes qu'impliquent d'abord
l'adoption d'une loi et le règlement. Nous avons, nous aussi, des
conventions collectives; donc, nous devons consulter passablement, etc. Entre
le moment où l'on adopte la loi et le règlement, il peut
s'écouler un certain délai qui a eu cours dans ce cas comme dans
d'autres cas. C'est fait. Vous ne pouvez pas dire que nous n'avons rien fait;
le règlement est fait.
M. Rivest: Combien d'étudiants ont trouvé de
l'emploi avec ce programme?
Mme LeBlanc-Bantey: Vous savez que la
Loi sur la fonction publique...
M. Rivest: Ce n'est pas fait. Il n'y en a aucun.
Mme LeBlanc-Bantey: ... a tout dépolitisé et que la
ministre n'est pas au courant des gens qui entrent dans la fonction publique.
Nous allons vous permettre de le vérifier lors de la prochaine
commission des crédits.
M. Rivest: Soyons bons joueurs. Prenez un engagement
précis, avec un objectif précis. Il faudrait être
précis pour les prochains crédits. Combien d'étudiants,
pensez-vous, évaluez-vous, étant donné que vous avez eu un
an de réflexion depuis l'adoption de la loi no 12, vont pouvoir
bénéficier de ce programme?
Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Jean-Talon
n'espère tout de même pas que je vais répondre à sa
question et tomber dans son piège. Ce que je vous dis...
M. Rivest: Ce n'est pas un piège.
Mme LeBlanc-Bantey: ... c'est que nous allons ouvrir des
concours.
Une voix: C'est un droit qu'on veut pour les jeunes.
M. Rivest: Ce sont les étudiants qui sont
piégés, pour l'instant.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que je pourrais me permettre de poser
une question pour demander au député de Louis-Hébert si
notre bassin doit être tout le Québec ou dans le comté de
Louis-Hébert? Quand vous avez parlé de la préoccupation,
vous l'avez quand même limitée. Je pense que ce n'était pas
votre objectif de fond, mais vous l'avez quand même limitée
à votre comté.
M. Rivest: Le député de Limoilou est d'accord avec
nous.
Mme LeBlanc-Bantey: Je pense que tout le monde est d'accord avec
les objectifs sous-tendus par la question du député de
Louis-Hébert. Par ailleurs, pour terminer là-dessus, je dirai
qu'effectivement la possiblité existe et que nous verrons ce que nous
pouvons faire dans le secteur des jeunes.
M. Rivest: Cela ne donne pas grand-chose, ce sont des mots.
Agissez, madame!
M. le Président, je voudrais remercier la ministre.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que les programmes
sont adoptés? (13 h 15)
M. Rivest: Oui, quant à moi. Je voudrais remercier la
ministre de la Fonction publique pour un certain nombre de choses qu'elle a
dites et je tiens à lui dire ma profonde déception pour d'autres
choses, en particulier, le point soulevé par le député de
Louis-Hébert. En terminant, si vous le permettez, M. le
Président, je tiens à dire simplement que je suis - le
député de Louis-Hébert également et notre formation
politique - en total désaccord avec la pratique amorcée par le
ministre de l'Agriculture. Ce que le député de
Louis-Hébert a soulevé, je suis en mesure de le confirmer
moi-même, comme député de Jean-Talon, où il y a
aussi beaucoup de cadres. Je crois qu'effectivement, dans les cadres et les
cadres supérieurs de la fonction publique, cette initiative du ministre
de l'Agriculture a créé des inquiétudes et des
problèmes qui, à tous égards, pourraient compromettre la
réalisation des objectifs que, par ailleurs, la ministre poursuit, j'en
conviens volontiers, au niveau du respect de l'indépendance de la
fonction publique. Là-dessus - je pense que mon collègue de
Louis-Hébert sera d'accord avec moi - nous aurons à continuer de
manifester notre désaccord très fermement. Je regrette, mais la
ministre de la Fonction publique, avec sa responsabilité et avec les
objectifs qu'elle poursuit au niveau de la gestion supérieure de la
fonction publique, il me semble, aurait dû se dissocier de cette
initiative et rassurer les autres cadres qui oeuvrent dans d'autres
ministères ou d'autres organismes de la fonction publique, car ces
opérations n'ont pas de place dans une fonction publique qui se veut
indépendante du pouvoir politique.
En terminant, j'inviterais la ministre de la Fonction publique à
prendre au moins un engagement, même si je conviens qu'elle ne pourra pas
respecter intégralement les recommandations de la commission
spéciale, en la remerciant de sa collaboration personnelle, ainsi que de
celle des officiers de son ministère, étant donné qu'ils
auront participé d'une certaine façon par leurs
témoignages aux recommandations de la commission. Je suis certain que la
ministre n'aura d'autres choix que de mettre en oeuvre toutes et chacune des
recommandations que la commission Bisaillon - puisqu'il faut l'appeler par son
nom - lui fera au cours de la prochaine année.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la ministre, un
petit mot de la fin rapidement, s'il vous plaît!
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais remercier tous mes
collègues, de part et d'autre, de la patience qu'ils ont eue depuis le
début de cette commission, de leur collaboration et des questions
très souvent pertinentes dont j'ai été l'objet.
J'aimerais
prendre tout de suite l'engagement envers le député de
Jean-Talon que je vais accorder à la commission Bisaillon toute
l'attention qu'elle mérite.
Par ailleurs, pour revenir sur la préoccupation du
député de Louis-Hébert, qui voulait qu'on rassure les
cadres, je ne peux rassurer tous les gens qui voudraient bien être
rassurés dans la perspective où, là comme ailleurs, je
voudrais qu'on arrête de penser que toute l'organisation de la fonction
publique est immuable et qu'on doive continuer de vivre avec, justement, des
structures administratives ou des règlements qui ont été
au fil des années mis de l'avant en fonction de certains objectifs de
l'époque. Je pense qu'effectivement nous avons une fonction publique
compétente. Je pense qu'effectivement aussi l'ensemble des ministres du
gouvernement et les députés respectent cette fonction publique et
ne lui demandent pas de serments du Test auxquels faisait allusion le
député de Louis-Hébert. Par ailleurs, je pense qu'autant
les ministres que les fonctionnaires et les cadres ont un effort à faire
de rationalisation et je sais que dans l'ensemble les cadres de la fonction
publique participent à cet effort et qu'ils sont capables de comprendre
les objectifs que la population et le gouvernement se sont donnés depuis
quelques mois.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre.
Alors, les programmes 1, 2, 3, 4 sont-ils approuvés avec leurs
éléments et les crédits correspondants, bien sûr.
D'accord?
M. Rivest: Est-ce que vous avez les moyens d'assumer ces
crédits-là?
Le Président (M. Bordeleau): Alors, l'ensemble des
crédits de la Fonction publique est approuvé. La commission
parlementaire de la fonction publique a donc rempli son mandat et je
demanderais au rapporteur, le député de Limoilou, de faire
rapport le plus rapidement possible à l'Assemblée nationale.
La commission parlementaire de la fonction publique ajourne ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 13 h 19)