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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 2 décembre 1983 - Vol. 27 N° 176

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 51 - Loi sur la fonction publique


Journal des débats

 

(Quinze heures neuf minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames et messieurs! La commission permanente de la fonction publique est ouverte. Le mandat de la commission est d'étudier article par article le projet de loi 51, Loi sur la fonction publique.

Les membres de la commission sont: MM. Assad (Papineau), Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Doyon (Louis-Hébert), Fallu (Groulx), Blais (Terrebonne), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. LeMay (Gaspé), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lachance (Bellechasse), Rivest (Jean-Talon), Tremblay (Chambly).

Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Caron (Verdun), Charbonneau (Verchères), Dubois (Huntingdon), Gagnon (Champlain), Hains (Saint-Henri).

À ce moment-ci, j'aimerais qu'on me propose un rapporteur à la commission.

M. Fallu: Je proposerais le député de Gaspé.

Le Président (M. Paré): M. le député de Gaspé.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Paré): Donc, M. LeMay (Gaspé) sera le rapporteur de la commission.

Avant d'entreprendre l'étude du projet de loi article par article, je demanderais à Mme la ministre si elle a des commentaires préalables.

Remarques préliminaires Mme Denise LeBlanc-Bantey

Mme LeBlanc-Bantey: Je ferai très peu de commentaires préliminaires, M. le Président, pour la simple raison que j'ai eu l'occasion assez longuement, hier, lors de la deuxième lecture, d'exposer les objectifs qui sous-tendent le projet de loi que nous avons à étudier en commission parlementaire. J'ai eu l'occasion d'en discuter très longuement au moment où nous avons, sur l'avant-projet de loi, consulté un ensemble de groupes qui étaient intéressés à se prononcer. Bien sûr, vous aurez l'occasion de constater, au moment de l'étude article par article, qu'un certain nombre de changements ont été apportés à la suite de ces représentations. Pour le moment, je crois que j'ai suffisamment épilogué non seulement sur les objectifs, mais sur les modalités du projet de loi pour, en tout cas, passer le plus rapidement possible à l'étude article par article.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Oui, merci, M. le Président. Le projet de loi dont nous allons entreprendre l'étude article par article a fait l'objet d'une gestation qui a été longue et, semble-t-il, d'un accouchement qui peut, jusqu'à un certain point, poser des problèmes.

Ce projet de loi devrait s'insérer à l'intérieur d'un plan d'ensemble, d'un plan général, qui toucherait et qui réglerait les problèmes de l'administration publique du Québec. Ce que nous avons devant nous, c'est malheureusement une pièce détachée de tout ce puzzle. Ce qu'on nous demande de faire, c'est procéder à l'étude et, éventuellement, à l'adoption de ce projet de loi, sans savoir où se situe cette pièce du casse-tête qu'est l'administration publique en général au Québec. Nous avons de fortes hésitations à accepter cette façon de procéder. Elle ne nous paraît pas de nature à permettre la meilleure utilisation possible non seulement de nos ressources humaines, mais de nos ressources financières et de nos ressources matérielles. Le gouvernement, ici, pèche par omission. Il s'en va à l'aveuglette, à peu près, et je répète ce que je disais hier soir lors de l'étude en deuxième lecture au salon bleu, que malheureusement ce que le gouvernement nous demande de faire, c'est lui signer un chèque en blanc.

On part de principes avec lesquels on ne peut faire autrement qu'être d'accord. On nous annonce que la fonction publique poursuit des objectifs fort louables, que le projet de loi devrait permettre d'atteindre l'efficience de l'administration, qu'il devrait permettre l'exercice des pouvoirs de gestion des ressources humaines en appliquant un processus de responsabilisation, que l'on va voir à préserver l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique, que l'on va préserver l'impartialité et l'équité des décisions affectant les fonctionnaires et que

l'on va voir à ce qu'il y ait une contribution optimale, au sein de la fonction publique, des diverses composantes de la société québécoise.

Comment peut-on ne pas être d'accord avec des principes qui vont de soi, sans être accusé d'une hérésie? Où on a d'énormes problèmes, c'est lorsqu'on voit les moyens qui sont mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs qui sont louables et qui, spontanément, entraînent l'adhésion de tout le monde. C'est peut-être une stratégie politique habile de proposer des principes aux premiers articles de la loi qui ne souffrent pratiquement pas de discussion. Mais quand on va voir les moyens dans la loi qui sont mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs, là on reste sur notre faim. (15 h 15)

Le Conseil du trésor obtient des pouvoirs considérables. Le Conseil du trésor est, finalement, l'organisme qui devient le pivot central de l'administration de cette nouvelle loi sur la fonction publique. Le Conseil du trésor, au fil des ans, a acquis une réputation plus que discutable dans la gestion qu'il a . eu à faire, jusqu'à maintenant, des ressources financières et des ressources matérielles. Et, si on parle des faits, de plus en plus jusqu'à maintenant, le Conseil du trésor s'est infiltré dans la gestion des ressources humaines. Par la force des choses, celui qui paie, celui qui détient les cordons de la bourse, très souvent, a le dernier mot sur un paquet de choses. Ces inquiétudes qui se sont développées au fil des ans sont difficiles à faire disparaître, surtout quand on a eu l'énorme malheur d'entendre le président du Conseil du trésor hier. Pendant 20 minutes, il a réussi à noircir des pages et des pages des épreuves du journal des Débats que j'ai devant moi et que j'ai eu l'occasion de relire. Je me suis demandé, étant donné qu'il était tard et qu'on était peut-être un peu fatigué, s'il avait réussi à dire des choses qui m'avaient échappé, qui auraient fait état d'une connaissance du dossier de sa part. Malheureusement, en relisant la transcription du journal des Débats, je dois me rendre à l'évidence que le président du Conseil du trésor a dit des généralités. Il n'a pas éclairé du tout les députés de l'Assemblée nationale sur la façon dont le Conseil du trésor envisageait de procéder dans la mise en place du nouveau système qui nous est proposé dans le projet de loi 51. C'est extrêmement inquiétant.

Je vais poser des questions précises dans mon intervention pour savoir précisément le rôle du Conseil du trésor. Par exemple, qui sera le ministre responsable de l'Office des ressources humaines? Est-ce que ce ministre siégera au Conseil du trésor? Ces questions restent encore sans réponse, même après l'intervention du président du Conseil du trésor. Ces constatations nous confirment dans les préoccupations qui sont les nôtres. On aurait aimé savoir de la part du président du Conseil du trésor dans quel esprit, selon quelle méthode, selon quel échéancier, selon quelle philosophie il envisage la mise en place de la réforme qui nous est proposée par la ministre de la Fonction publique. Malheureusement, pendant 20 ou 25 minutes, il s'est contenté de dire des généralités. Il s'est contenté de se bomber le torse en disant: Nous avons diminué de 10% ou 12% - je ne sais trop -le nombre de fonctionnaires et, malgré tout, cela n'a pas affecté la qualité des services. Nous avons rapproché les citoyens de l'appareil bureaucratique, etc. Ces généralités, finalement, restent au niveau des principes, de l'affirmation de choses générales qui ne font pas avancer notre compréhension de ce que serait, de ce que doit être ou de ce que sera l'approche du Conseil du trésor vis-à-vis du projet de loi 51.

Cette inquiétude que nous avons n'a pas été dissipée du tout, comme je le disais, par les propos du président du Conseil du trésor. Au contraire, il nous a confirmé dans le fait qu'il n'y a pas moyen de savoir où le gouvernement s'en va. Cela, c'est dommage. C'est quand même consistant avec l'attitude qu'a eue le président du Conseil du trésor ou le Conseil du trésor en général, jusqu'à maintenant. On a, à plusieurs reprises, demandé pendant la commission parlementaire sur l'étude de l'avant-projet de loi sur la fonction publique la présence du président du Conseil du trésor. Il aurait été la personne la plus en mesure de permettre une vision générale de ce qui s'en venait avec ce projet de loi. On l'a demandé, on a ouvert la porte à plusieurs reprises et à aucun moment le président du Conseil du trésor ne nous a fait l'honneur d'être présent à la commission parlementaire qui siégeait à la fin du mois de septembre. Ses propos d'hier sont donc consistants avec cette attitude qui a été la sienne pendant la commission parlementaire.

Cette inquiétude des membres de l'Opposition, on la retrouve au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Ici, je voudrais vous faire état, Mme la ministre, d'une requête qui me parvient du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec d'être entendu. Il fait sa demande après avoir entendu les débats hier en deuxième lecture sur le projet de loi 51. Je pense qu'il est nécessaire, à ce moment-ci, de donner lecture du télégramme, que je recevais il y a quelques minutes, qui m'est adressé et qui se lit comme suit: "Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec souhaiterait être entendu en commission parlementaire afin de faire valoir ses opinions quant au contenu du projet de loi 51 amendant la Loi sur la fonction publique. À

défaut, compte tenu que le projet de loi ne tient pas compte de l'essentiel de nos revendications, notamment quant à la carrière des fonctionnaires et ouvriers de la fonction publique et au régime syndical qui y prévaut, nous vous réitérons la demande formulée dans le mémoire que nous venons de vous transmettre à l'effet que l'étude du projet de loi 51 soit suspendue jusqu'à ce que des recommandations devant être formulées quant au régime syndical de la fonction publique soient déposées devant l'Assemblée nationale. "Nous croyons d'autant plus justifiée cette demande de suspension si on tient compte de l'incohérence du gouvernement dans le dépôt du projet de loi 51 et du projet de loi 18 créant la Société immobilière du Québec qui ne justifient pas certaines orientations envisagées, si on tient compte, notamment, des propos du président du Conseil du trésor à l'effet que les services aux citoyens ont été maintenus tout en opérant une réduction de 12% dans les coûts, au cours des quatre dernières années. Nous croyons d'autant plus justifié de réclamer la suspension de l'étude du projet de loi si on tient compte de la méconnaissance du contenu du projet de loi 51, si l'on se fie aux interventions de certains députés, notamment celui de Gaspé, M. Henri LeMay. Estimant qu'il est essentiel que vous obteniez la collaboration des principaux concernés, soit les fonctionnaires et ouvriers de la fonction publique, afin d'assurer aux citoyens les services de qualité auxquels ils sont en droit de s'attendre, nous souhaitons que vous donnerez suite à la présente requête." Ce télégramme est signé par M. Jean-Louis Harguindeguy, président général du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.

Je ne peux faire autrement que m'associer totalement à cette demande faite par le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Je ne peux faire autrement qu'être d'accord avec les remarques qui y sont faites et les raisons qui y sont invoquées pour demander que le syndicat soit entendu. Je pense qu'il est essentiel que nous ayons autant d'information que possible sur ce projet de loi pour que nous puissions adopter une loi qui soit conforme aux besoins de la population, en premier lieu, qui soit conforme aux droits des personnes, des fonctionnaires et ouvriers qui sont touchés -les professionnels aussi, évidemment - d'une façon ou d'une autre par ce projet de loi. Cette assurance ne nous est pas donnée, loin de là. On a demandé qu'au besoin les travaux de cette commission puissent être suspendus - j'en ai fait abondamment état lors de mon intervention hier; je ne fais, finalement, que répéter ce que j'ai eu l'occasion d'affirmer - pour que nous connaissions quelles sont les décisions, quel est au moins l'état de la réflexion du gouvernement en ce qui concerne tout le régime syndical des fonctionnaires et ouvriers. Nous sommes dans le noir le plus absolu à ce sujet. On retrouve dans ce projet de loi une section, un chapitre qui lui est consacré exclusivement, qui reprend le régime syndical tel qu'il existe actuellement. Nous ne pouvons pas prétendre faire une réforme qui ne tiendrait pas compte de tout ce qui touche les relations du travail, de tout ce qui touche les ressources humaines, en faisant abstraction de ce volet important, vital même, qu'est le régime syndical à ce sujet.

Je ne sais pas si vous avez reçu le même télégramme, Mme la ministre, mais j'aimerais que, peut-être tout à l'heure, vous ayez l'occasion de dire ce que vous entendez faire au sujet de cette demande qui vous est formulée aujourd'hui... En tant que représentant de l'Opposition, je vous demande de donner droit à la demande qui est contenue dans le télégramme que je viens de vous lire.

Il y a tellement de choses à l'intérieur de ce projet de loi que nous devons en étudier de très près les articles un à un. Nous devrons insister pour que des explications suffisantes, des explications convaincantes nous soient fournies sur chacun des articles pour que nous puissions, autant que faire se peut, améliorer le projet de loi qui est déposé devant l'Assemblée nationale. Bien sûr - et hier, mon discours lé laissait entendre - ce projet de loi contient un certain nombre d'améliorations ou de choses qui sont souhaitables. Cependant, nous ne pouvons pas, pour autant, fermer les yeux sur des lacunes qui sont nombreuses et nous devons faire tout en notre pouvoir pour procéder à son amélioration par des suggestions constructives et par une discussion qui va être la plus ouverte possible.

Vous avez eu l'occasion, hier, de faire état de certains éléments importants dans la réforme administrative qui s'annonçait ou qui devrait être entreprise, en tout cas, par le dépôt éventuel d'un système d'implantation du régime d'imputabilité. Nous devrons - et je pense que cette commission parlementaire serait peut-être l'endroit choisi - savoir comment vous entendez procéder à ce sujet, quelles sont les étapes que vous entendez suivre, qui, précisément, va être chargé de la mise en place d'un tel système, tout ce qui peut nous éclairer sur la façon dont le gouvernement entend procéder pour mettre en place ce système d'imputabilité. Je ne pense pas qu'on puisse, non plus, faire abstraction de cela. Je ne pense pas, non plus, que l'on puisse oublier que le gouvernement, par ce projet de loi, a laissé de côté de nombreuses recommandations du rapport de la commission spéciale sur la

fonction publique formée par l'Assemblée nationale. Cette commission spéciale avait un mandat dont elle s'est acquittée et son rapport a été adopté unanimement par l'Assemblée nationale. À partir de là, il est de notre devoir de vérifier ou d'examiner de très près la correspondance ou la conjugaison qui doit se faire entre le projet de loi et le rapport de la commission spéciale.

Nous ne pouvons pas, non plus, oublier que des personnes dont j'ai fait état, hier, dans mon intervention ne voient pas leurs problèmes réglés par ce projet de loi. Je fais plus particulièrement allusion aux occasionnels du gouvernement. Les articles dans les journaux ont illustré d'une façon dramatique les effets du système actuel. Je ne pense pas qu'on doive fermer les yeux sur cette situation et laisser passer une occasion semblable à celle-ci pour régler le problème qui va créer des déceptions énormes - je dirais même des drames humains - chez ces personnes.

De plus, nous allons confirmer une façon de procéder qui est extrêmement coûteuse pour toute la société québécoise. Je pense que Mme la ministre est au courant de ces problèmes, qu'elle est bien au fait de cela, qu'elle a peut-être une volonté personnelle de les résoudre, mais ce que j'aimerais entendre de sa part, c'est qu'elle puisse faire partager cette volonté personnelle à ses collègues du Conseil des ministres de façon qu'on puisse avoir une amorce de solution à ce sujet. Il est difficile d'accepter qu'une situation que tout le monde s'entend à déplorer puisse continuer sans que nous indiquions au moins que nous sommes en train de faire des efforts vérifiables, des efforts réels pour en amener la solution. (15 h 30)

Je sais que ce projet de loi a fait l'objet de nombreuses versions antérieures, qu'il y a eu un avant-projet de loi, qu'il y a eu des améliorations apportées dans le projet de loi qu'on a devant nous par rapport à l'avant-projet de loi, mais cela ne veut pas dire que la perfection est atteinte. Loin de là. Nous allons faire notre travail de la meilleure façon possible. Nous allons procéder avec attention, en prenant toutes les précautions nécessaires pour ne pas aller trop vite, sans cependant retarder indûment les travaux. Le projet de loi est assez considérable; il comprend de nombreux articles et, chaque fois que ce sera nécessaire, nous allons faire valoir notre point de vue et tenter d'obtenir de la ministre des réponses suffisamment éclairantes ou des améliorations satisfaisantes. Autrement, nous nous retrouverons avec un projet de loi qui, une fois adopté en troisième lecture, ne réglera pas les problèmes qu'il doit régler et qui nous amènera, comme je le disais hier, à une réforme de cette réforme. De réforme en réforme, on se trouve dans une insécurité qui n'est pas propice au bon rendement, qui n'est pas propice à la productivité et qui, finalement, au bout du compte, est extrêmement coûteuse pour toute la société québécoise. Ce sont les remarques que je voulais faire pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie, toujours sur les remarques préliminaires.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, avant de passer aux remarques préliminaires sur le projet de loi, je voudrais endosser une partie des propos du député de Louis-Hébert en ce qui a trait à la demande adressée par le Syndicat des fonctionnaires aux membres de la commission parlementaire. On sait qu'il y a eu des auditions devant la commission parlementaire lors de l'avant-projet de loi. Au moment où le projet de loi a été déposé, malgré le fait qu'à la toute fin de la commission sur l'avant-projet on ait indiqué qu'il serait peut-être intéressant d'entendre un certain nombre d'autres groupes qui n'avaient pas participé à la commission - je me réfère en particulier à la Commission de la fonction publique, à l'Office de recrutement et de sélection du personnel -on avait convenu que le débat avait pu être largement fait et qu'il fallait attendre qu'il y ait des demandes spécifiques avant de juger de l'utilité d'entendre d'autres groupes avant de commencer l'étude article par article du projet de loi 51.

Ce télégramme qu'on a reçu aujourd'hui du Syndicat des fonctionnaires et un mémoire que ce même syndicat m'a fait parvenir sur le projet de loi 51 nous indiqueraient qu'il faudrait être prudent. D'ailleurs, je pense que toute la démarche qu'on entreprend se situe dans le dernier tournant avant l'arrivée finale; il me semble que cette démarche devrait être marquée par la prudence. Si un groupe, qui constitue, finalement, le gros des effectifs de la fonction publique, désire manifester une dernière fois sa position vis-à-vis de certains aspects du projet de loi -selon ce qui nous est dit - à partir de commentaires entendus au moment de la deuxième lecture, je pense qu'on devrait accueillir sa demande favorablement.

Il ne serait pas trop long ni trop onéreux pour les membres de la commission, à l'ouverture de nos travaux mardi, par exemple, de consacrer une heure de notre temps pour entendre les représentations du seul groupe qui a jugé utile de se manifester au moment où les travaux de la commission commencent. Compte tenu de la connaissance que les groupes représentatifs intéressés

avaient du déroulement de la commission parlementaire, on doit comprendre que le Syndicat des fonctionnaires est le seul groupe désirant se faire entendre devant la commission. S'il y en avait 25 ou 30, on porterait un jugement différent; on pourrait dire que c'est peut-être parce que l'ensemble du projet de loi pose trop de problèmes. Il n'y a qu'un groupe. Est-ce que, parce qu'il n'y a qu'un groupe, on va s'empêcher de l'entendre une dernière fois avant de procéder à l'étude article par article? C'est une heure de notre temps qui pourrait peut-être nous éviter en bout de course - on ne sait jamais - un certain nombre d'erreurs ou de décisions trop rapides ou qui pourrait peut-être nous amener éventuellement à apporter des modifications, si mineures soient-elles, au projet de loi qui est devant nous. Si tel était le résultat, cela n'aurait pas été inutile d'utiliser une heure du temps de la commission à cette fin. Si cela ne donnait pas de résultat, on aurait au moins respecté la démarche que la ministre a observée depuis le début des travaux sur cette question, c'est-à-dire la consultation la plus large possible et la possibilité pour les différents groupes de réagir constamment aux positions mises de l'avant.

Je prends peut-être un peu de temps, M. le Président, pour traiter de cette question, mais je trouve qu'elle est d'importance. On discute, finalement, d'une loi qui va s'appliquer pour améliorer les services aux citoyens, pour augmenter la productivité de l'administration publique, mais aussi qui vise dans leur fonctionnement quotidien les travailleurs et travailleuses de la fonction publique. Or, le groupe, qui représente la majorité d'entre eux et d'entre elles, nous demande de l'entendre. Ne pourrait-on pas consacrer mardi, à la reprise de nos travaux, une heure de notre temps pour le faire?

M. le Président, avant d'entreprendre mes commentaires sur le projet de loi lui-même et, finalement, sur l'organisation des travaux de cette commission, j'aimerais savoir de la part de la ministre comment elle peut réagir à cette demande qui nous est adressée et comment on pourrait, dans le fond, organiser à la satisfaction de tout le monde nos travaux dans ce sens.

Le Président (M. Paré): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, je dois vous dire que j'ai aussi reçu, en même temps que tout le monde, le télégramme du président du Syndicat des fonctionnaires auquel faisaient allusion les députés de Louis-Hébert et de Sainte-Marie. Il reste que le projet de loi est déposé depuis un certain nombre de jours. Les rumeurs m'ont dit que peut-être M.

Harguindeguy aimerait se faire entendre, mais il n'est jamais parvenu de demande officielle à mon bureau, sauf le télégramme dont tout le monde vient de prendre connaissance. En même temps, le mémoire vient aussi de m'arriver.

Par ailleurs, je dois vous dire qu'à la suite des amendements que nous nous sommes proposé d'apporter à l'avant-projet qui a été longuement discuté ici nous avons passé quelques heures avec l'exécutif du Syndicat des fonctionnaires et, à la suite de cette rencontre, le président a cru bon -parce que je le lui avais demandé - de nous envoyer ses commentaires par écrit. On ne pouvait, bien sûr, lui demander de réagir sur-le-champ à un nombre quand même assez impressionnant d'amendements qu'on s'était proposé d'apporter, dont un bon nombre viennent de suggestions du Syndicat des fonctionnaires et de M. Harguindeguy lui-même.

La réaction qui est venue à la suite de ces amendements et des points qui sont demeurés en suspens ou qui ne satisfont toujours pas le président du Syndicat des fonctionnaires, je dois vous dire que comme ministre, compte tenu de la cohérence et des objectifs poursuivis par la loi, quant à moi, je n'avais pas l'intention d'y donner suite. Il y avait, entre autres, bien sûr, la question du régime syndical. C'est vrai que le projet de loi maintient le régime syndical tel qu'il est actuellement et j'ai eu l'occasion de dire à de nombreuses reprises qu'il me paraissait que le forum privilégié pour discuter de la question du régime syndical dans la fonction publique était le comité qu'on peut appeler spécial, mis sur pied par le Comité des priorités et présidé par notre secrétaire général, M. Louis Bernard, qui doit revoir l'ensemble de la problématique des négociations dans les secteurs public et parapublic. Il me paraissait que c'était vraiment le forum idéal où le syndicat de la fonction publique devait acheminer sa demande dans ce sens.

Pour être sûre que ce comité n'escamote pas la question du régime syndical de la fonction publique, parce que l'ensemble des réseaux sont concernés, j'ai fait prendre un engagement précis par le Conseil des ministres, lequel engagement prévoit que le comité en question doit nécessairement et obligatoirement s'attacher à la question de la révision du régime syndical dans la fonction publique ou du maintien, selon les recommandations que nous fera le comité. Je crois que c'est en septembre prochain. M. Harguindeguy et son exécutif, M. Lecours et son exécutif ont déjà été rencontrés par le comité. Je pense qu'il y a des rencontres de planifiées, ce qui indique clairement la volonté gouvernementale d'écouter sérieusement et de régler, nous l'espérons, une fois pour toutes

la question du régime syndical de ces employés. Donc, dans ce sens, ce que M. Harguindeguy pourrait avoir à nous dire là-dessus ne changera pas, quant à moi, respectueusement, la décision qui a été prise. Je pense qu'elle est cohérente et qu'elle se défend.

Quant à d'autres amendements, je ne sais pas, je n'ai pas lu le mémoire. Il se pourrait que M. Harguindeguy nous fasse des représentations qui soient nouvelles, qui, encore une fois, aident à l'amélioration du projet de loi, mais je trouve difficile de dire dès maintenant que cela peut être nécessaire qu'il vienne. Je n'ai pas d'objection de fond à entendre M. Harguindeguy une dernière fois, à l'occasion de la deuxième lecture, mais je me dis que, d'un autre côté, il faut être un peu sérieux. Si on fait venir M. Harguindeguy ici et qu'au départ il me redit ce qu'il m'a déjà dit à plusieurs reprises, si je n'ai pas l'intention de répondre à ses demandes pour des raisons qui se justifient non seulement par rapport à la cohérence du projet de loi, mais aussi par rapport à d'autres groupes d'employés qui ne sont pas représentés ici, dans le fond c'est plus ou moins correct, cela peut représenter tout simplement une perte de temps pour M. Harguindeguy. Si les deux députés insistent pour que nous commencions la commission mardi matin avec le Syndicat des fonctionnaires, je veux bien, sauf que j'aurais trouvé un peu plus sérieux d'avoir le mémoire avant aujourd'hui pour que nous puissions voir s'il y avait lieu encore une fois, de la même façon que nous l'avons fait à la suite de rencontres successives avec M. Harguindeguy, de répondre à certaines de ses objections quant au projet de loi qui est devant vous. Il me semble déjà avoir entendu tout ce qu'il avait à dire et avoir essayé vraiment avec la plus grande ouverture d'esprit de répondre à de nombreuses revendications de sa part.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Si c'est sur ce sujet, M. le Président, je vais laisser parler le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Sur le même sujet. La ministre vient d'ouvrir la porte à savoir que si nous insistions, on serait prêt à entendre M. Harguindeguy.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne peux jamais vous dire non.

M. Doyon: Non. C'est gentil. Notre degré d'insistance est selon les raisons qui motivent le président du Syndicat des fonctionnaires à se faire entendre à nouveau. Quant à moi, si vous voulez savoir si, en tant que représentant de l'Opposition, je désire entendre M. Harguindeguy et voir cette commission plus amplement informée par le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, la réponse est oui. Je pense, comme mon collègue de Sainte-Marie, que le temps que nous pourrons y consacrer sera fort bien utilisé. Un mémoire, c'est une chose et une discussion, un échange de vues, c'est une autre chose. Je ne mets pas en doute l'honnêteté de la ministre. Il est sûr qu'elle a eu probablement des discussions ouvertes et franches avec M. Harguindeguy. Cependant, je dois dire je n'ai pas été invité à ces discussions. Je n'ai pas eu le même privilège qu'elle. Quant à moi, en tant que représentant du Parti libéral, je suis extrêmement intéressé à savoir ce que M. Harguindeguy a à dire, quels sont les arguments qu'il a à faire valoir et, aussi, à entendre les réponses de la ministre qui refusera ou qui modifiera les demandes qui lui seront faites. Dans ce sens, je suis complètement en accord avec la demande qui vous est faite. Je ne vois pas de raison qui ferait que nous puissions dire non comme cela à M. Harguindeguy. Le mémoire, que je n'ai pas lu, non plus, parce qu'il vient de nous arriver, va expliciter un certain nombre de points, mais comme on le sait fort bien, c'est très souvent dans les échanges de vues qu'on en vient à des éclaircissements qui, autrement, ne sont pas possibles. Là-dessus, je désirerais que la ministre se rende à la demande qui lui est faite et dont fait état un télégramme que j'ai eu l'occasion de lire tout à l'heure.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Un dernier et très bref commentaire là-dessus, M. le Président. Dans les circonstances, comme personne d'entre nous n'a pris connaissance du mémoire, je voudrais d'abord signifier que je ne mettais pas en doute le fait que des consultations avaient été menées auprès des organismes représentatifs, en demandant qu'on se rende à la demande du Syndicat des fonctionnaires; il faudrait que cela soit bien clair. Je ne doute pas de cette notion. Prenons l'exemple que la ministre a donné sur la question du régime syndical. On a tous compris ce qu'était la décision gouvernementale là-dessus. On connaît la position gouvernementale. On peut être d'accord ou ne pas être d'accord, mais on sait que c'est maintenant une décision ferme.

Je veux juste indiquer à la ministre que, à l'intérieur de toute la notion du régime syndical, dans les clauses de la loi actuelle qu'elle a reportées dans le projet de loi qui est devant nous, il y a des aspects qui ne concernent pas la négociation comme

telle. Prenons, par exemple, la possibilité de syndicalisation, la notion d'emploi confidentiel et l'utilisation qu'on en fait dans la fonction publique par rapport à l'application du Code du travail. Si c'était juste pour régler ce problème, je doute que cette question soit étudiée par le Comité des priorités. Il va étudier le mode de négociation et ces questions, mais peut-être qu'il n'aura pas le temps de se pencher sur un aspect comme celui-là. C'est un exemple que je veux donner pour dire que cela pourrait apporter des modifications. (15 h 45)

En supposant que cela n'apporte pas de modifications, je dis que ce serait la dernière occasion publique pour le président du principal organisme des travailleurs et travailleuses du secteur de manifester ses prises de position. Pour autant que cela ne retarde pas indûment l'adoption du projet de loi et qu'on s'entende tous ensemble pour donner un temps limite à cette intervention, je ne vois pas en quoi on pourrait s'empêcher d'accepter cette demande.

Le Président (M. Paré): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Mon ouverture était réelle et, effectivement, M. le Président, pour autant que ce ne soit pas un prétexte pour, justement, recommencer tout le processus de la consultation qui, il me semble, a été largement faite, je me rends volontiers à la demande des députés de Louis-Hébert et de Sainte-Marie d'entendre le président du Syndicat des fonctionnaires, M. Harguindeguy, à l'ouverture de la commission mardi, pour autant que ce soit une heure, par exemple, et que par la suite on procède sérieusement à l'étude du projet de loi article par article pour son adoption.

Le Président (M. Paré): Peut-on s'entendre là-dessus, étant donné que le mandat de la commission est d'étudier le projet de loi 51 article par article? Comme la commission est maîtresse de ses travaux, on pourrait s'entendre sur une proposition qui serait que la commission entende à la reprise de ses travaux, soit le mardi 6 décembre prochain ou à toute autre date décidée par l'Assemblée nationale, M. Harguindeguy et cela, pour une période limitée à une heure.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela me va, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Bisaillon: D'accord.

Le Président (M. Paré): Très bien. Donc, cela est accepté. M. le député de

Sainte-Marie, sur les remarques préliminaires. La parole est à vous, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'entame mes remarques préliminaires maintenant, M. le Président. Je voudrais indiquer aux membres de la commission, comme je l'ai fait au moment où on a procédé aux auditions sur l'avant-projet de loi, dans quel sens j'entends participer aux travaux de cette commission. Il est évident que j'analyserai article par article le projet de loi 51 d'abord et avant tout à la lumière des résultats de la consultation qui a été menée sur l'avant-projet de loi. Autrement dit, il sera important pour moi de comparer le progrès qui a été fait entre l'avant-projet et le projet de loi, de voir jusqu'à quel point et dans quelle mesure un certain nombre de commentaires pertinents qui avaient été faits par les différents groupes qui ont défilé devant la commission ont été pris en compte par la ministre de la Fonction publique et apparaissent maintenant dans le projet de loi 51.

Je tiendrai, évidemment, compte aussi du rapport de la commission spéciale sur la fonction publique pour guider mes interventions. On trouvera peut-être abusif que je me réfère aussi souvent au rapport de la commission spéciale sur la fonction publique, mais je voudrais rappeler que c'est quand même un travail qui a été l'oeuvre conjointe de députés ministériels et de députés de l'Opposition. Dans ce sens-là, il me semble important d'y revenir à l'occasion. J'avais fait ce commentaire au moment de la commission parlementaire sur l'avant-projet, ce qui a laissé croire à un certain nombre de personnes que je m'enferrais dans le rapport de la commission et que je ne me donnais pas la possibilité d'en sortir.

Je voudrais juste indiquer à la ministre et aux membres de la commission qu'il y a un certain nombre de recommandations de la commission spéciale qu'on ne retrouve pas dans l'avant-projet de loi et sur lesquelles je ne suis pas revenu. En deuxième lecture, hier, j'ai indiqué qu'un rapport de commission, pour moi, ce n'est pas une bible. Même si j'y ai participé, les circonstances changent, les problèmes évoluent et, forcément, des solutions qui ont pu être envisagées à un moment donné peuvent se présenter le lendemain comme n'étant plus les mesures appropriées. Dans ce sens-là, je voudrais indiquer à la ministre que, par exemple, sur la notion des sous-ministres, le projet de loi ne retient pas les recommandations de la commission et que je ne l'ai jamais reproché ni à la ministre ni au projet de loi. Je lui ferai remarquer que toute l'approche des membres de la commission sur la question des cadres et sur

la notion de contractuels par rapport à la fonction de cadres n'a pas été retenue dans le projet de loi et que je n'en ai pas fait reproche, non plus, a la ministre. J'ai pu modifier mes positions sur le sujet. Je voudrais aussi indiquer à la ministre que, par exemple, la séquence de dotation des emplois, qui était quasi la partie la plus importante pour les membres de la commission, n'est pas imposée dans le projet de loi et je n'en ai pas fait grief à la ministre.

Il ne faudrait pas qu'on pense que, lorsque je réfère au rapport de la commission, c'est parce que je voudrais revoir dans le projet de loi ou dans toute mesure gouvernementale toutes et chacune des propositions qui ont été suggérées par la commission spéciale. Il y a tout de même un certain nombre de choses essentielles qui se retrouvent dans le rapport de la commission qu'on doit pouvoir retrouver soit dans l'avant-projet de loi qui est devant nous, soit dans d'autres mesures gouvernementales qui sont nécessaires.

Comme je l'ai déjà indiqué, je veux souligner que, selon moi, tout en voulant procéder avec célérité et avec efficacité, on doit aussi procéder prudemment. On a dit tantôt, et on ne le répétera jamais assez, que cela n'enlève rien à la valeur du projet de loi qui est devant nous. Ce projet de loi n'est qu'une pièce de l'ensemble des mesures qu'il faut adopter pour en arriver aux objectifs poursuivis. Que ce ne soit qu'une pièce ne veut pas dire que ce n'est pas bon, que ce n'est pas louable et qu'il faut la rejeter. Cela veut juste dire qu'il faut s'assurer que, lorsque cette pièce sera votée, cela ne sera pas l'unique instrument qu'on aura à notre disposition pour améliorer le fonctionnement de la fonction publique. Dans ce sens, je dis qu'il faut procéder avec prudence et qu'il faut regarder les modifications que chacun des articles de loi peut apporter dans le fonctionnement quotidien et dans les pratiques de l'administration publique.

Des principes qui ont guidé les membres de la commission spéciale se retrouvent dans l'avant-projet de loi et deviennent les principes directeurs de la Loi sur la fonction publique. Je me réfère entre autres à la question du service aux citoyens, du droit des citoyens à obtenir des services de qualité; je me réfère à la productivité, à l'efficacité, à l'imputabilité et à la responsabilisation des fonctionnaires et de la structure même; je me réfère à la notion d'utilisation maximale des ressources humaines; je me réfère aux principes d'équité, de justice et d'impartialité dans le traitement des fonctionnaires. Tous ces principes qui sont à la base du rapport de la commission spéciale sont dans le projet de loi 51.

Pour être conséquent avec le vote en deuxième lecture, lequel est un un vote sur les principes, il faudra vérifier si les articles mêmes de la loi ne contreviendraient pas aux principes de la loi qui sont annoncés dans les premiers articles. Je soulignerai quelques exemples à l'occasion aux membres de la commission. C'est donc cela que je veux dire quand je parle de prudence. Je veux aussi dire qu'il va falloir en même temps s'assurer que les mécanismes parallèles à la Loi sur la fonction publique ont été pensés ou sont en voie d'être mis sur pied. Il faudra qu'on ait au moins l'assurance, avant que la ministre de la Fonction publique passe le cadeau à d'autres instances, qu'il y aura des suites au cadeau qu'elle s'apprête à faire.

En ce sens, si je suis d'accord pour dire qu'il faut adopter la loi dans les meilleurs délais, je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire que l'ensemble de la loi doive être appliqué et mis en vigueur dans les meilleurs délais. Je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire qu'on doive en arriver à la disparition, par exemple, du ministère de la Fonction publique demain matin ou dans un court délai si, au moment où le ministère de la Fonction publique disparaît, je n'ai pas l'assurance que les autres pièces du morceau ne seront pas en place. En ce sens, je trouverais utile -comme l'a souligné le député de Louis-Hébert - qu'on ait, à un moment de nos discussions, la présence du président du Conseil du trésor, quand bien même ce ne serait que pour l'informer de l'immense tâche qui l'attend.

En terminant, j'aimerais vous indiquer que, en faisant mon intervention de deuxième lecture, j'ai souligné à Mme la ministre deux choses qui me semblaient essentielles pour qu'on puisse fonctionner correctement dans ce processus qu'on entreprend ensemble aujourd'hui. Premièrement, j'attends une réponse de la ministre à ma demande de renseignements qui seraient utiles, selon moi, pour apporter un éclairage nécessaire aux membres de la commission pour régler cette question des attachés politiques de façon définitive. J'aimerais bien savoir quelle sera la réponse de la ministre à ma demande. Est-ce qu'elle acceptera de nous fournir non pas les noms, mais les chiffres qui tournent autour de cette question des attachés politiques? Deuxièmement, la ministre, dans son intervention de deuxième lecture, s'est référée à la mise en place d'un comité d'implantation. J'aimerais qu'on puisse avoir l'occasion, pendant cette commission, à la fin de nos travaux ou lorsque le moment sera jugé utile en cours de travaux, de discuter de cette question du comité d'implantation, de la façon dont la ministre le conçoit, du rôle qu'elle entend lui faire jouer, de sa composition et des délais dans lesquels elle entend fonctionner avec ce

comité d'implantation.

Je termine là-dessus, M. le Président, en espérant que les travaux de la commission seront marqués par le même esprit de collaboration qui a toujours marqué les différentes étapes qui ont mené à la production du projet de loi 51.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Sainte-Marie. Je demanderais maintenant à Mme la ministre de conclure les remarques préliminaires.

Mme Denise LeBlanc-Bantey (réplique)

Mme LeBlanc-Bantey: Je vais essayer de faire assez brièvement ma conclusion sur les remarques préliminaires. D'abord, le député de Louis-Hébert a fait allusion à la gestation longue du projet de loi et à l'accouchement qui peut poser des problèmes. C'est évident qu'il a évoqué des images qui me touchent, naturellement. Je vais être d'accord avec lui dans la perspective où je n'ai jamais prétendu qu'une réforme comme celle que vous avez devant vous pouvait se faire du jour au lendemain, sans problème, sans insécurité, sans réajustement au fur et à mesure que les problèmes pourraient se poser.

On sait, je l'ai dit à de nombreuses reprises, qu'on est habitué à gérer la fonction publique par règlements et qu'effectivement les gens ont cessé de prendre naturellement des responsabilités. Les gestionnaires, entre autres, ont cessé de croire qu'il était naturel pour un gestionnaire d'assumer des responsabilités en fonction des problèmes qui se posaient. Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on peut demander à une fonction publique qui s'est continuellement orientée à gérer justement selon des règlements, par la force des circonstances, de prendre ses responsabilités, et que tout se passe comme sur des roulettes.

On s'est dit à plusieurs reprises qu'il faudrait d'abord opérer un changement de mentalités et qu'il faudrait - le député de Sainte-Marie était le premier à reconnaître cela - finalement implanter progressivement un régime d'imputabilité. C'est la raison pour laquelle le projet de loi ne prévoit pas tous les mécanismes d'implantation du régime d'imputabilité parce qu'on voulait, justement, que le cadre soit le plus souple possible pour permettre aux gens de s'adapter au fur et à mesure et de franchir, si vous voulez, l'escalier, marche après marche, en se donnant le maximum de chances de ne pas faire d'erreurs, compte tenu d'un certain nombre de préjugés véhiculés dans la population par rapport à l'attitude ou è la compétence et à la bonne foi de nos fonctionnaires et, surtout, compte tenu des habitudes de l'Assemblée nationale où il est de bonne guerre pour l'Opposition, quand cela ne descend pas trop bas, de tenter de chercher les puces et, bien sûr, de tenter de coincer le gouvernement sur des erreurs, de l'incompétence ou, encore de la malversation de la part de certains fonctionnaires. Et on a vu, sinon de la malversation ou de l'incompétence, peut-être des erreurs de jugement, dans les derniers jours. Dans ce sens-là, on s'est dit qu'il fallait quand même se donner une chance d'implanter progressivement ce nouveau régime sans que, trois ou quatre mois après, on se mette à le démolir de toutes parts parce que les citoyens n'accepteraient pas justement que, sur 60 000 fonctionnaires, il puisse y en avoir quelques-uns qui font des ratés. (16 heures)

Avant que les membres de cette commission puissent adopter cette réforme, il faut quand même se rentrer dans la tête que c'est une réforme de la gestion des ressources humaines, que ce n'est quand même pas une réforme de l'ensemble de la gestion du gouvernement, que ce soit la gestion financière ou une autre. Il est normal que l'Opposition et le député de Sainte-Marie, qui a été associé de très près à cette réforme, veuillent avoir un minimum de garanties que le gouvernement va donner suite dans sa philosophie d'ensemble, si vous voulez, aux principes qui sont véhiculés dans cette loi. Il m'apparaît que le fait, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, que le projet soit d'abord passé au Conseil du trésor et au Conseil des ministres deux fois indique une volonté gouvernementale dans ce sens. Le président du Conseil du trésor, hier, a quand même pris certains engagements précis, entre autres, d'ici janvier 1985, de revoir l'ensemble de la réglementation. Cela peut paraître long, mais, quand on considère qu'il y a actuellement 300 ou 400 règlements, en tout cas, qui s'occupent de la gestion des ressources humaines, cela peut prendre un certain temps à revoir l'ensemble de ces règlements et à les remplacer par des politiques qui sont non seulement en accord avec les principes véhiculés dans cette loi, mais aussi en accord avec les syndicats parce que là aussi nos employés sont habitués aux règlements et c'est parfois très sécurisant, des règlements. Il faut y aller, encore une fois, avec, sinon le plus de souplesse, le plus de délicatesse possible dans cette réforme.

Donc, le président du Conseil du trésor, hier, a pris cet engagement. Il a aussi pris l'engagement - c'était, en tout cas, une des volontés que nous avions, nous, lors de la préparation du projet de loi - de décentraliser dans les ministères les plans d'organisation, etc. Hier, nous avons proposé la formation d'un comité qui verrait à l'implantation précisément de cette réforme et aussi à suggérer au gouvernement d'autres réformes qui, si vous voulez, feraient le tour

de la boucle de cette première étape qui est une étape importante, qui n'est pas une pièce détachée, comme l'entend le député de Louis-Hébert. Moi, je la vois comme une première étape très importante qui, à mon avis, naturellement devrait amener les autres étapes.

Si le député de Sainte-Marie le permet, je ne donnerai pas de précision sur le comité aujourd'hui. S'il le permet, j'aimerais mieux attendre à mardi peut-être compte tenu du fait que nous ne voyons pas tout à fait le comité de la même façon. On a reçu ses suggestions, je crois hier, au bureau. On l'a écouté hier soir. Nous avions, nous, une vision un peu différente de ce comité. Nous allons vous donner la chance, si vous voulez, de voir s'il y a lieu d'arrimer votre type de comité avec le nôtre et, tout au moins, d'en arriver très certainement à un comité qui se voudrait le chien de garde des objectifs poursuivis dans cette loi et qui, en même temps, par la force des choses, se voudrait aussi un conseiller gouvernemental pour d'autres réformes qui éventuellement pourraient venir. Je ne pense pas qu'il faille s'attendre même d'ici à l'adoption de la loi que très précisément nous soyons capables de prévoir chaque étape de l'implantation de la responsabilisation des fonctionnaires ou de l'imputabilité quant à la gestion des ressources humaines. Je pense qu'il faut se donner une chance d'y aller sûrement, mais tranquillement et d'être capables de s'ajuster au fur et à mesure à ce nouveau type de gestion.

On a déjà répondu à la demande du Syndicat des fonctionnaires. Je vais demander encore une fois au député de Sainte-Marie sa tolérance et je vais lui demander, si possible, d'attendre encore au début de la semaine prochaine pour tenter d'avoir la réponse la plus précise en ce qui concerne le nombre d'attachés politiques. Si, encore une fois, j'ai bien compris votre question hier soir, c'était le nombre d'attachés politiques en 1976 par rapport à ce que nous avons aujourd'hui. Vous avez parlé d'attachés politiques, mais j'ai cru comprendre attachés politiques et personnel de soutien. L'ensemble des gens qui composent les cabinets. C'est bien cela?

M. Bisaillon: L'ensemble. Ce à quoi je serais intéressé, c'est, bien sûr, à avoir les chiffres complets, mais je serais intéressé à obtenir, à l'intérieur des chiffres complets, le nombre d'attachés politiques non fonctionnaires, qui étaient là en 1975-1976, le nombre de ceux qui ont été intégrés à la fonction publique selon l'ancienne loi et le nombre d'attachés politiques actuels. À l'intérieur des attachés politiques actuels, le nombre de ceux qui auraient une possibilité d'être intégrés à la fonction publique si on retenait la recommandation de la commission spéciale, c'est-à-dire leur intégration possible après quatre ans d'emploi comme attachés politiques.

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord. Est-ce que je vous comprends bien quand j'interprète votre demande ainsi: attachés politiques comprenant aussi le personnel de soutien, les employés de bureau qui sont dans les cabinets et qui ne sont pas considérés en termes d'appellation comme des attachés politiques?

M. Bisaillon: Oui, si par la suite on fait la distinction entre ceux qui appartiennent déjà à la fonction publique au moment où ils commencent à travailler au sein d'un cabinet.

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord. Je tenterai de vous fournir le maximum de renseignements la semaine prochaine. En terminant, je dirais au député de Bisaillon... Au député de Bisaillon'. Je ne sais pas pourquoi, c'est devenu un nom tellement courant...

M. Bisaillon: II va falloir faire un comté à mon nom, M. le Président.

Mme LeBlanc-Bantey: ...un nom tellement célèbre que c'est le nom du député qui prend toute la place.

M. Lachance: Je dis qu'il y a un obstacle à ce que le député de Sainte-Marie ait un comté à son nom. La Commission de toponymie n'acceptera pas cela de son vivant.

M. Bisaillon: II y a plusieurs façons de mourir en politique.

Mme LeBlanc-Bantey: On apprend cela chaque jour, ou de survivre aussi. Je terminerai en disant que j'espère que le député de Sainte-Marie ne m'a pas mal interprétée lorsque j'ai parlé d'en arriver le plus rapidement à l'étude article par article et à l'adoption du projet de loi. Il a parlé de prudence; mon intention n'était pas de ne pas considérer cette étape-ci comme étant une étape importante. Je pense très sincèrement et très honnêtement que nous avons un bon projet de loi. Je pense que nous avons, en partie, un bon projet de loi parce que nous avons écouté un certain nombre de groupes qui nous ont fait des recommandations très pertinentes. Sur les principes, nous avons retenu - le député de Sainte-Marie le reconnaît - l'ensemble des recommandations de sa commission. Nous allons très certainement, au cours des jours qui viennent, écouter avec beaucoup d'attention les suggestions que vous nous ferez pour tenter d'améliorer encore une fois, s'il y a lieu, le projet qui est devant

nous. Espérons qu'il en sortira encore meilleur. On n'a pas prétendu qu'il est parfait; il y a certainement encore des améliorations à y apporter.

Vous avez fait allusion à la disparition du ministère. Je ne sais pas si je dois prendre comme un compliment votre réticence à voir disparaître le ministère ou si vous voyez comme une sécurité supplémentaire le temps alloué à la survivance du ministère pour nous permettre d'arrimer tout ce qui peut l'être. Je dois vous dire là-dessus que, si vous avez des suggestions concrètes quant à l'entrée en vigueur précise des articles à propos du ministère, nous les écouterons. Nous ne pensions pas que la loi, quant à cet aspect, devait entrer en vigueur au moment de son adoption. On prévoyait se donner une période, pour employer une expression anglaise, de "phasing out" ou, tout au moins, de mise en place non seulement de certains objectifs de la loi, mais aussi des nouvelles structures. II faut un certain temps avant d'arrimer tout cela. Et dans ce sens-là, au cours de la commission, si vous avez des suggestions, nous les écouterons et nous tenterons d'y répondre en conséquence.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci. Tout à l'heure, en réponse au député de Sainte-Marie, j'ai cru comprendre que la ministre faisait allusion à certains amendements du projet de loi qui apportent des changements par rapport à l'avant-projet de loi. Est-ce exact ou si j'ai mal saisi vos propos?

Mme LeBlanc-Bantey: II y a beaucoup de changements dans le projet de loi par rapport à l'avant-projet...

M. Ooyon: Oui.

Mme LeBlanc-Bantey: ...et vous aurez ce qu'on appelle des papillons sur certains articles. Parfois, c'est strictement pour rendre l'article plus compréhensible ou encore pour répondre à certaines demandes qui nous ont été faites. Nous aurons l'occasion d'en discuter au fur et à mesure. Si ma mémoire est bonne, il n'y a rien de majeur. Il s'agit essentiellement de changements de concordance.

M. Doyon: Si jamais il y avait des changements d'importance, si cela était possible - quels que soient les changements apportés par rapport au projet de loi 51 - je pense que notre travail serait grandement facilité si nous pouvions avoir ces amendements aussitôt que possible, même dès maintenant. Cela nous permettrait d'étudier le mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec en connaissance de cause, en voyant ce que la ministre a retenu à la suite de ses conversations avec M. Harguindeguy et du mémoire. Si on y retrouve un certain nombre de choses, il y a des problèmes réglés au départ. Cela nous évitera de longues discussions inutiles du fait que ces amendements se retrouveront proposés par la ministre au cours de cette commission parlementaire. Je demande à la ministre de bien vouloir nous présenter ces amendements de façon qu'on puisse travailler en connaissance de cause. On travaille sur un projet de loi qu'on a en main. Si on veut travailler sur quelque chose qui n'est pas désuet, qui n'est pas caduc, il nous faudrait justement avoir ces amendements qui modifient le projet de loi qu'on étudie.

Mme LeBlanc-Bantey: Je trouve que votre demande est légitime. Je vais voir si on peut vous les remettre le plus rapidement possible.

M. Ooyon: Merci beaucoup.

M. Bisaillon: De la prudence, mais pas trop.

M. Doyon: Une autre chose...

Mme LeBlanc-Bantey: Je n'ai rien à cacher.

M. Doyon: ...que je voulais porter à l'attention de la ministre. Son intervention ne semble pas avoir donné les résultats que nous espérions, en tout cas, lors de la commission parlementaire du mois de septembre. Qu'elle tente, pour l'amour du ciel, d'avoir quelqu'un du Conseil du trésor pour les prochaines séances. On regarde autour de la table et il n'y a personne du Conseil du trésor. Le président du Conseil du trésor a été bien bon hier pour faire un discours à l'emporte-pièce et blâmer le député de Sainte-Marie qui avait eu le malheur de s'absenter pendant quelques minutes, alors que, dès la fin de son discours, lui-même était le premier à ramasser son légendaire sac à main et à foutre le camp. Je pense que ses critiques seraient beaucoup plus sérieuses et qu'on saurait un peu plus à quoi s'attendre si le président du Conseil du trésor faisait amende honorable. Je pense que la ministre de la Fonction publique est très sûrement la mieux placée pour lui demander d'être présent aux prochaines séances de cette commission parlementaire pour que nous puissions lui poser des questions en espérant avoir des réponses un peu plus claires que ce qui a pu se retrouver dans son discours d'hier, qui est à la source, finalement, en grande partie - il aurait mieux fait de se taire cette fois-là -du télégramme qu'on reçoit. Il a

probablement perdu une belle chance de se taire. C'est son discours qui a soulevé les inquiétudes des fonctionnaires provinciaux et qui les a amenés en catastrophe à envoyer ce télégramme. C'est une partie de l'explication. C'est peut-être pour cette raison que vous n'avez pas eu de télégramme avant. Devant les propos du président du Conseil du trésor, on s'est inquiété à juste titre, d'après moi, et on s'est dit: On est aussi bien de se faire entendre, parce que le président du Conseil du trésor est mal parti. On va essayer de rectifier son tir le plus vite possible.

Il serait essentiel que le président du Conseil du trésor soit ici quand le Syndicat des fonctionnaires provinciaux va venir se faire entendre, à la reprise des travaux de la commission parlementaire, pour qu'il y ait un échange qui soit de nature à désamorcer les inquiétudes des fonctionnaires à la suite, justement, des propos nébuleux et inquiétants du président du Conseil du trésor lors de son discours de deuxième lecture hier. Ce serait une façon de rétablir les choses. Je me demande si la ministre ne serait pas d'avis qu'elle pourrait faire le nécessaire - je ne sais pas ce que c'est, le nécessaire - pour que le président du Conseil du trésor condescende à participer aux humbles travaux de cette commission.

Le Président (M. Lachance): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Louis-Hébert comprendra aisément que ce n'est pas moi qui organise l'agenda du président du Conseil du trésor et que le projet de loi que vous avez devant vous est d'abord le projet de loi de votre humble "serviteuse". Je dirai très poliment que je considère que le député de Louis-Hébert, entre guillemets, "charrie" - est-ce un terme parlementaire? - quand...

M. Doyon: On va vous le passer pour une fois.

Mme LeBlanc-Bantey: ...il associe le télégramme du président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux à l'intervention du président du Conseil du trésor. Je l'ai lu rapidement. Il me semblait qu'il y faisait allusion en quelques lignes, mais que cela ne regroupait pas l'ensemble des représentations qu'il voulait faire devant nous.

Quant à la possibilité pour le président du Conseil du trésor d'être ici, je vais, encore une fois, lui dire que vous vous ennuyez très fortement de lui et lui demander s'il lui sera possible...

M. Doyon: II ne faudrait pas lui conter des menteries, non plus.

Mme LeBlanc-Bantey: ...d'être présent ici, certainement pas tout au long de la commission parce qu'il a ses engagements, mais à certaines occasions au moment de la commission parlementaire la semaine prochaine. On pourrait, par ailleurs, attendre, entre autres, les responsabilités du Conseil du trésor dans l'avant-projet de loi sans lui demander d'être ici à toutes les étapes. Dans ce sens, j'imagine qu'il se fera un plaisir de venir vous convaincre de son engagement quant aux objectifs poursuivis par le présent projet de loi.

Le Président (M. Lachance): Je comprends qu'on est prêt à passer à l'article 1? J'appelle l'article 1. (16 h 15)

Étude article par article Application et objet de la loi

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais vous expliquer d'une façon plus globale le chapitre I qui précise la mission de la fonction publique et prévoit un mode d'organisation des ressources humaines qui assure l'accomplissement de la mission de la fonction publique. Cette approche vient encadrer l'ensemble des dispositions de la loi et doit permettre de bien orienter la gestion des ressources humaines.

Vous vous souviendrez que, lors de l'avant-projet de loi, nous avions plutôt un ensemble de principes pour la sécurité - je le dis comme je le pense - des législateurs et de ceux qui ont l'habitude d'interpréter les lois et qui s'inquiétaient de l'interprétation qu'on pouvait faire des principes. Nous avons transformé ces principes en objets, ce qui, semble-t-il, sur le plan légal leur donne exactement la même valeur d'interprétation que les préambules qu'on est habitué de voir couramment dans des projets de loi.

Donc, les éléments fondamentaux qui doivent guider les fonctionnaires sont exprimés clairement. Nous voulons que la mise en oeuvre de la loi puisse en être grandement facilitée en présentant, justement, l'objet de la loi au tout début. Je répète que les principaux éléments sont l'efficience de l'administration, le développement et l'utilisation optimale du personnel, la délégation et la décentralisation des pouvoirs de gestion, la responsabilisation du gestionnaire et son imputabilité, l'égalité d'accès, l'impartialité et l'équité des décisions et la contribution optimale des différentes composantes de la société.

Est-ce qu'on commence avec l'article 1?

M. Doyon: Avec votre permission, M. le

Président, il serait peut-être plus adéquat de procéder article par article. Les réflexions de la ministre seront faites. Mon collègue de Sainte-Marie pourra réagir aux propos de la ministre. Le genre de réflexions que je pourrais faire à la suite de ces propos se retrouveraient, de toute façon, à l'article 3 qui reprend les objectifs et les grands principes directeurs de la loi. On peut attendre à l'article 3.

La ministre a-t-elle quelque chose de spécifique à dire sur l'article 1?

Mme LeBlanc-Bantey: L'article 1 détermine simplement les personnes auxquelles s'applique le projet de loi et précise que ces personnes sont des fonctionnaires au sens de la loi.

M. Doyon: Là-dessus, il me semble que c'est une drôle de façon de procéder. Je comprends qu'en grande partie cela reprend ce qu'on avait dans la loi précédente. Enfin, c'est peut-être la façon dont traditionnellement ce genre de chose se fait. Mais, quand on y regarde de près avec des yeux de profane, on s'aperçoit que cet article dit que la loi s'applique aux personnes auxquelles elle s'applique. C'est, finalement, toute l'utilité de cet article. Je me demande si on n'est pas en train de contrevenir à un principe fondamental de la rédaction législative, soit que le législateur n'est pas censé parler pour ne rien dire. Dans le moment, est-ce que cet article est vraiment nécessaire, vraiment utile, quand on dit: "La présente loi s'applique aux personnes qui sont nommées suivant celle-ci"? C'est la réflexion que j'ai là-dessus et elle tient plus au mode de rédaction législatif qu'au fond même de la chose.

Le Président (M. Lachance): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Je vais commencer par donner l'exemple et appliquer dès maintenant le principe d'imputabilité. Je vais demander au procureur qui a longuement travaillé à cette loi d'expliquer juridiquement la nécessité d'un tel article.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on peut avoir son nom?

Mme LeBlanc-Bantey: Allez-y, nommez-vous.

M. Gélinas (Claude): Ah non! Je ne parle pas en mon nom personnel.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on pourrait avoir son nom pour que ce soit inscrit au journal des Débats?

M. Gélinas: Claude Gélinas, du Bureau des lois du ministère de la Fonction publique.

Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Sainte-Marie fait la demande parce que très souvent les gens interviennent en commission parlementaire, mais au journal des Débats cela apparaît comme si c'était la ministre ou le ministre qui parle. Là, les lecteurs du journal des Débats...

M. Bisaillon: C'est une première.

Mme LeBlanc-Bantey: ...rendront les gens clairement imputables de leurs dires en commission parlementaire.

M. Bisaillon: Et c'est une première.

Mme LeBlanc-Bantey: Ah oui?

M. Bisaillon: II semblerait, oui.

Le Président (M. Lachance): Allons-y.

M. Gélinas: Cet article correspond à l'article 58 de la loi 50. En somme, ici, ce qu'on fait, c'est assurer une continuité, assurer aussi qu'il n'y ait aucune brisure avec les lois de la fonction publique antérieures et aussi d'autres lois qui permettaient à des personnes d'être comprises dans la fonction publique en vertu de dispositions particulières.

M. Bisaillon: Comme des lois créant des ministères ou des lois créant des commissions, des régies?

M. Gélinas: Pas nécessairement des lois comme cela. Ce sont surtout des lois particulières. Je vais vous donner l'exemple d'une loi qui a été votée, il n'y a pas très longtemps, concernant la fusion d'un certain nombre d'organismes qui ont été regroupés autour de la Commission de la représentation électorale. On a prévu qu'un certain nombre de personnes, qui occupaient auparavant des postes dans des organismes, étaient automatiquement intégrées dans la fonction publique comme si elles y avaient toujours été.

M. Bisaillon: Est-ce que je peux me permettre, M. le Président, de poser une question à Me Gélinas? Advenant, par exemple, qu'une loi supprimant un ministère et le transformant en société d'État ne prévoie pas de disposition de maintien dans la fonction publique, est-ce que la deuxième section de l'article 1 ne permettrait pas d'assurer le maintien de la notion de fonctionnaire?

M. Gélinas: La deuxième section?

M. Bisaillon: C'est-à-dire le deuxième

paragraphe de l'article 1.

M. Gélinas: Le deuxième alinéa.

M. Bisaillon: Quand on dit: "Les personnes admises dans la fonction publique en vertu d'une loi antérieure à la présente loi sont réputées avoir été nommées suivant celle-ci." Selon mon exemple, dans le cas d'une loi créant une société d'État remplaçant un ministère, si cette loi ne prévoyait pas de clause de maintien, est-ce que cet article ne ferait pas en sorte que les employés du ministère antérieur seraient toujours considérés comme relevant de la Loi sur la fonction publique?

M. Gélinas: Non, parce qu'à ce moment-là il y a des clauses dans les conventions collectives actuellement qui prévoient qu'en cas de cession partielle et même complète d'une unité administrative -et, dans un cas comme cela, un ministère est considéré comme une unité administrative une personne puisse bénéficier d'un transfert. Et, pour les personnes qui ne veulent pas bénéficier de ce transfert dans cette nouvelle société d'État, toutes les règles de la mise en disponibilité s'enclenchent automatiquement. Ces mécanismes sont déjà prévus et je ne crois pas que le deuxième alinéa puisse inclure un cas comme celui-là.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Je comprends l'inquiétude du député de Sainte-Marie et je suis bien prêt à croire les explications que fournit Me Gélinas, mais j'aimerais en discuter un peu, parce que le texte même de ce deuxième paragraphe dit: "Les personnes admises dans la fonction publique en vertu d'une loi antérieure à la présente loi sont réputées avoir été nommées suivant celle-ci." Si on prend le cas de personnes qui, originellement, à leur entrée au service de la fonction publique québécoise, étaient fonctionnaires, qui l'ont été à un moment donné et qui auraient cessé de l'être par voie législative ou quelque autre moyen, et si on prend le texte de ce deuxième paragraphe qui dit que "les personnes admises dans la fonction publique - ce serait le cas de ces personnes - sont réputées avoir été nommées suivant celle-ci", il semble que cela permette de sauter l'étape où cette personne, par le fait de la loi précédente, serait sortie de la fonction publique. Est-ce qu'il n'existe pas un danger qu'on puisse argumenter sur cette base? Je vous soumets qu'un tribunal éventuel appelé à se prononcer sur la foi d'une convention collective ou d'un texte législatif donnerait, je pense, prépondérance au texte législatif. En tout cas, il semble que oui.

Le Président (M. Lachance): Me Gélinas.

Mme LeBlanc-Bantey: Si vous le permettez, sur la question de la prépondérance de la loi sur la convention collective, il est clair que la loi va l'emporter sur une disposition de la convention collective. Mais il faut bien voir qu'ici nous sommes dans le cadre d'une loi générale et les principes d'interprétation sont clairs là-dessus sur le plan juridique: une loi particulière va toujours l'emporter sur les dispositions d'une loi générale. Dans le cas qui était mentionné tout à l'heure par le député de Sainte-Marie - il y a un autre cas, d'ailleurs, qui est présentement à l'étude, il s'agit d'un autre projet de loi au niveau des Travaux publics - des dispositions de la loi particulière traitent de ce cas-là pour voir à ce que le transfert des employés soit conforme à des dispositions préétablies. Donc, dans un cas comme celui-là, les dispositions particulières l'emportent toujours sur les dispositions d'ordre général telles qu'elles seraient prévues dans une loi de ce genre.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Bisaillon: Adopté.

M. Lalonde: Est-ce que l'article 1 est adopté!

Une voix: Adopté.

M, Lalonde: C'est très important d'adopter l'article 11

Une voix: II est adopté.

Le Président (M. Lachance): J'appelle l'article 2.

M. Bisaillon: Quant à moi, M. le Président, je n'ai pas de commentaire. L'article 2 serait adopté. Je ne sais pas si le député de Louis-Hébert a quelque chose.

M. Doyon: Non. Pas de problème.

Le Président (M. Lachance): Oui? Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Non, non. Adopté. J'allais dire que c'est clair.

Le Président (M. Lachance): Alors, l'article 2 est adopté. J'appelle l'article 3.

M. Doyon: Mme la ministre, est-ce que vous avez d'autres remarques en plus de

celles que vous avez faites?

Mme LeBlanc-Bantey: Non. Je dirais que, pour le moment, mes remarques ont été faites là-dessus.

Je ferai simplement une remarque. Par rapport à l'avant-projet, il y avait un autre article qui se voulait un article d'interprétation en cas de doute. Beaucoup de gens l'avaient souligné et on l'a éliminé pour éviter les imbroglios juridiques.

M. Doyon: Mme la ministre, ce que je voudrais savoir, c'est si on considère que cet article 3 doit servir de guide d'interprétation de la loi. Est-ce que ce sont des sortes de balises qu'on place là de façon qu'on puisse savoir, lors d'une difficulté d'interprétation ou pour des principes qui doivent guider la conduite des fonctionnaires, sur quoi on doit se baser pour prendre une décision? Est-ce là le but de cet article?

Le Président (M. Lachance): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Oui, effectivement. Le député de Louis-Hébert a raison d'interpréter cet article comme se voulant, en partant, une espèce de guide non seulement pour les gestionnaires, mais aussi pour l'ensemble de nos employés de la fonction publique, un guide qui, à la limite, si d'autres articles devaient être insuffisamment clairs dans la loi - d'après ce que j'en comprends comme interprétation juridique - aurait effet, aurait la même valeur d'interprétation que le préambule que j'ai souligné tout à l'heure.

Par ailleurs, j'espère, en tout cas, profondément que ces principes auront aussi - je pense qu'il faut le dire, c'était un de mes objectifs - une sorte de valeur que j'appellerais "pédagogique" entre guillemets. Il me semble que c'est important pour les gens de la fonction publique qui sont gérés par cette loi, le jour où le hasard les amènera à relire la loi qui les gère, de leur fournir l'occasion de se rappeler, finalement, les objectifs qui guidaient ce projet de loi et les équilibres que nous avons tenté de maintenir dans ces différents objectifs.

M. Doyon: Si, comme vous le dites justement, ces principes qui sont énumérés à l'article 3 l'ont été à cette fin, ce qui m'inquiète un peu là-dedans, c'est que cela me paraît une façon spéciale de procéder, dans ce sens que cela soulève une inquiétude vis-à-vis de ce que contient le reste de la loi. Ce que je veux dire par là, Mme la ministre, c'est que si les articles qu'on va avoir dans le reste de la loi, les articles subséquents, étaient vraiment de nature à mettre en place "un mode d'organisation des ressources humaines destiné à favoriser l'efficience, l'exercice, etc.", on n'aurait pas besoin de dire cela. C'est quand même inquiétant qu'on soit obligé de dire ce que la loi va favoriser, ce que les articles vont favoriser.

Est-ce que le besoin ne vient pas du fait que les articles contenus dans le projet de loi n'indiquent pas cela d'une façon suffisamment claire? Je me dis: Si c'est le cas, peut-être qu'à ce moment la rédaction du projet de loi est défectueuse, souffre d'une lacune. Quand on doit dire: Je fais telle chose que vous allez voir plus loin parce que je favorise telle affaire, c'est parce que ce que je fais ou ce que j'indique que je fais n'est pas suffisamment clair comme étant de nature à favoriser ce que je dis vouloir favoriser.

Mme LeBlanc-Bantey: Écoutez, on a fait un choix très clair dans cette nouvelle loi. Nous avons fait un choix qui était de déréglementer, d'offrir un cadre de gestion le plus souple possible. J'ai dit à plusieurs reprises que, si j'avais voulu répondre à toutes les inquiétudes qui m'ont été manifestées ou qui ont été manifestées à la commission Bisaillon ou à d'autres sur l'organisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, je serais arrivée avec une loi dix fois plus réglementée que la loi 50. Nous avons fait un choix réfléchi qui nous paraît conforme aux attentes qui nous ont été les plus véhiculées qui étaient d'offrir un cadre de gestion souple. (16 h 30)

Quand vous dites qu'il y a des principes, mais que le projet de loi ne répond pas clairement ou n'encadre pas suffisamment ces principes, je dirais qu'on n'a pas pu tout préciser parce que, justement, nous voulions déréglementer. Par ailleurs, le projet de loi est très cohérent par rapport aux principes. Quand on dit qu'on veut instituer un mode d'organisation en fonction de certains principes, vous allez retrouver, à différentes reprises dans le projet de loi, des articles qui traitent de la délégation des sous-ministres envers leurs adjoints ou le personnel d'encadrement où on va faire allusion, entre autres, à l'impartialité et à l'équité des décisions. On va en parler au moment du recrutement et de la promotion. Bien sûr, il y a toute une série d'articles qui viennent répondre aux objectifs poursuivis par les principes mis de l'avant dans les premiers articles du projet de loi.

Par ailleurs, il est vrai que, si une situation que nous n'avons pas prévue dans le projet de loi ou qui n'était pas suffisamment précise devait se présenter et qu'on devait aller devant une cour qui n'est pas une cour de la fonction publique comme la commission, un juge interpréterait en

fonction de l'équilibre des principes qui sont là. Semble-t-il, ce n'est pas exceptionnel; cela a exactement la même valeur juridique qu'un préambule. On est peut-être beaucoup plus habitué à des préambules de loi qu'à des principes ou à des objets comme ceux que nous avons dans le projet, mais cela semble tout à fait normal et tout à fait vivable en termes d'interprétation juridique. Vous aurez l'occasion de constater, tout au long de l'étude article par article, que les articles qui suivent viennent, bien sûr, étoffer les objets mentionnés dans les articles 2 et 3.

M. Doyon: À ce sujet, la ministre y a fait allusion, elle se souviendra des nombreuses interventions qui ont été faites par voie de mémoires et où - j'ai un résumé de cela sous les yeux - aussi bien le Syndicat de professionnels, la CEQ, l'Association des cadres supérieurs et l'ENAP avaient de fortes réserves concernant l'énumération de ces principes qui étaient faits, d'une autre manière, aux articles 3, 4,., 5, 6 et 7 de l'avant-projet de loi. L'Association des cadres supérieurs a fait une proposition qui n'a pas été retenue. Le fait demeure que je comprends que cet article 3 vient d'un bon naturel. C'est un article qu'on peut difficilement condamner, mais c'est au niveau des voeux pieux. Comme on est ici dans un domaine purement législatif, est-ce qu'on ne risque pas - la ministre répond que non, mais elle réfère aux tribunaux - à tout moment, d'ouvrir la porte à l'interprétation des articles en disant: Les articles eux-mêmes doivent toujours être lus en conjugaison avec ces principes-là pour savoir ce qu'ils veulent vraiment dire? N'est-ce pas cela, le risque d'interprétation constante qu'on a où les articles ne se suffisent pas à eux-mêmes et où on devrait toujours les lire, mais en conjugaison et en parallèle avec l'article 3 qui dit que, que, que...

Mme LeBlanc-Bantey: Nous pensons que, de la façon dont le projet est maintenant rédigé, nous répondons à beaucoup d'inquiétudes qu'il y avait par rapport à l'avant-projet et surtout par rapport à l'article 7 de l'avant-projet. Nous avons tenté juridiquement de le rédiger en fonction des habitudes législatives que nous avons. C'est peut-être un peu plus original que si nous avions tout simplement un préambule, je le reconnais. Je pense que ce n'est pas la première innovation que nous allons faire à l'égard de la démarche du projet de loi. Par ailleurs, ce sont plus que des voeux pieux. Je vous l'ai dit, nous avons choisi de ne pas tenter de prévoir toutes les situations qui pourraient se présenter dans la gestion des ressources humaines pour ne pas nous obliger à arriver avec un cadre de gestion encore plus rigide que celui que nous connaissions.

Effectivement, il se pourrait qu'il arrive une situation qui n'est pas expressément prévue dans la loi et l'article 3 est là pour permettre ultérieurement à un juge, en cas de doute, de se prononcer en fonction de l'article 3.

Par ailleurs, semble-t-il, encore une fois, cela correspond un peu à ce que nous avons dans nos autres lois dans un préambule. Je pense que vous aurez l'occasion de constater durant l'étude article par article de l'ensemble de la loi que ces principes, dans certains cas, sont extrêmement encadrés par une série de dispositions qui, elles, sont très précises. Sauf que je ne prétends pas que nous avons prévu et que nous pouvions prévoir toutes les situations dans tous les cas. C'est la raison pour laquelle je tenais à ce que l'article 3 demeure, quitte à le rédiger tel que cela a été le cas pour enlever le plus d'inquiétude possible quant à l'interprétation qui pourrait être faite des autres dispositions.

C'est quand même une loi qui n'a pas seulement cet article, mais qui en a un certain nombre et qui est suffisamment volumineuse pour avoir quand même prévu un ensemble de situations.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, quant à moi, l'article 3, tel que rédigé, correspond effectivement à des améliorations par rapport aux représentations qui avaient été faites dans un premier temps au moment de l'avant-projet. C'est effectivement sur l'article 7 de l'avant-projet que portaient davantage les commentaires. On disait: Comment peut-on accepter d'avoir cette disposition dans l'avant-projet alors que, souvent, un principe peut, dans le concret, s'opposer à un autre? Alors, comment un juge pourra-t-il décider? L'article 3, tel que rédigé, est l'article majeur de la loi. C'est, pour moi, l'article de base. Tel qu'il est rédigé, il me satisfait pleinement. J'indique cependant que - tantôt j'ai parlé de prudence dans mes remarques préliminaires - c'est donc à la lumière de cela qu'on va étudier tantôt les autres articles de la loi. Si, par exemple, je pouvais démontrer qu'un article de la loi ne permet pas l'égalité d'accès à tous les citoyens dans la fonction publique, je remettrais en question non pas l'égalité d'accès à la fonction publique, mais le libellé de l'article qu'on pourrait retrouver dans la loi. Je veux indiquer que l'article 3 qui me convient parfaitement et que je serais prêt à endosser maintenant ne doit pas servir juste quand les choses ne sont pas prévues dans la loi. Cela devra nous guider dans l'exercice même de chacun des articles de la loi. Cela nous permettra d'amender, de rejeter ou de retenir les articles de la loi parce qu'ils

seront conformes à ces principes. Même si c'est présenté comme des objets, on s'entend tous pour dire que ce sont les principes de base de la loi.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est l'épine dorsale de la loi.

M. Bisaillon: Voila!

Mme LeBlanc-Bantey: Je suis bien d'accord avec l'intervention du député de Sainte-Marie, sauf un point sur lequel j'aurai l'occasion de revenir.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Rapidement, M. le Président, j'ai deux choses. La première, c'est que je suis parfaitement conscient de ceci. Je ne discute pas le fait que ce soit un article de base qui établit des principes parfaitement louables et parfaitement défendables avec lesquels on ne peut pas faire autrement qu'être d'accord. Sauf que j'indique au niveau de la rédaction législative que c'est une façon de faire les choses qui est un peu inhabituelle. J'ai une certaine expérience dans la rédaction des lois; j'ai eu l'occasion de travailler dans ce domaine durant plusieurs années. Cette façon de faire, qui va peut-être se généraliser est quand même nouvelle. Comme toute nouvelle expérience, nouvelle façon de faire, on doit envisager ce que cela peut causer parce qu'on ne le sait pas encore. J'attire l'attention de la ministre sur la possibilité, à partir de là, qu'on doive continuellement s'y référer et que sur tout, même les articles qui sont clairs ou qui devraient l'être, on soit obligé de dire: Oui, mais cet article, comme le député de Sainte-Marie le souligne, doit être vu en ayant à l'idée l'article 3. On entre dans des possibilités de difficultés d'interprétation ou de contradictions internes, etc. Normalement, les règles d'interprétation - même si je ne suis pas un expert là-dedans - veulent que, quand un article se suffit à lui-même, quand un article est clair, on n'ait pas besoin d'aller voir ailleurs pour savoir ce qu'il veut dire. C'est ainsi que ça fonctionne normalement. Évidemment, quand il y a des difficultés d'interprétation, on doit recourir à d'autres articles pour savoir ce que cela veut dire. Ce qui semble être le cas ici, c'est qu'on devra le faire de façon constante.

Mme LeBlanc-Bantey: Non. M. Doyon: En tout cas...

Mme LeBlanc-Bantey: II faut quand même considérer que l'ensemble des articles viennent préciser les objets de la loi. Je ne pense sincèrement pas que, lorsque nous aurons terminé l'étude de la loi, le député de Louis-Hébert aura la même impression.

M. Doyon: L'autre question - c'est la dernière - que je voudrais poser à la ministre est la suivante. Quand on dit: "À cette fin la fonction publique doit instituer un mode d'organisation des ressources humaines destiné à favoriser l'efficience", qu'entend-on exactement par "efficience"? C'est un mot qui n'est pas absolument courant, qui est de plus en plus utilisé. Ce n'est pas tout à fait de l'efficacité, ce n'est pas tout à fait de la productivité, c'est un mélange des deux, j'imagine, l'efficience. Qu'est-ce, au juste?

Mme LeBlanc-Bantey: Je dirais que c'est un mot qui est nouveau, qu'on utilise plus fréquemment depuis quelques années, que moi j'appelle peut-être un mot qu'on a hérité de la crise, en tout cas, auquel la crise nous a, si vous voulez, forcé à nous référer plus souvent. Le mot "efficience", dans le sens où on l'entend, veut dire efficacité, mais au meilleur coût possible. Autrement dit, on peut être très efficace et que cela coûte très cher. On dit: II faut être efficace, mais au meilleur coût possible.

M. Doyon: Alors, je ne sais pas, j'imagine que ce mot... Je n'ai pas fait les vérifications qui s'imposaient. C'était un peu l'interprétation que je lui donnais, mais est-ce que cette interprétation est courante, connue, régulière...

Mme LeBlanc-Bantey: Effectivement.

M. Doyon: ...ou si c'est une interprétation spécifique à cette loi et qui ne nécessite pas de définition spéciale?

Mme LeBlanc-Bantey: C'est une interprétation courante au sens du dictionnaire et au sens de l'ensemble des traités d'administration.

Le Président (M. Paré): Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Doyon: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté. Avant de passer au chapitre II, article 4, nous allons suspendre les travaux durant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise de la séance à 16 h 58)

Le Président (M. Paré): Mesdames et messieurs, les travaux de la commission reprennent.

Nous étions rendus au chapitre II, Droits et obligations des fonctionnaires, article 4.

Droits et obligations des fonctionnaires

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, il faudrait d'abord spécifier que, contrairement à la loi 50, le projet a intégré dans un chapitre distinct tout ce qui concernait les droits et obligations des fonctionnaires. À l'article 4, plus précisément, par rapport à l'avant-projet, nous avons introduit la notion "de façon principale et habituelle" pour assurer une meilleure concordance des conventions collectives et mieux délimiter le pouvoir du sous-ministre de confier aux fonctionnaires des tâches qui ne font pas partie de leurs attributions habituelles. Je me rappelle que c'était une des inquiétudes qui avaient été soulevées par le Syndicat des fonctionnaires.

M. Doyon: Sur ce même article, je vous signale que le syndicat des cadres du gouvernement du Québec avait fait état, lors de sa venue devant cette commission, que, depuis un an ou deux, et même plus que cela, les restrictions budgétaires, les coupures d'effectifs, les réorganisations administratives, etc., avaient eu pour effet que plusieurs gestionnaires s'étaient vus placés dans des situations d'attributions qui étaient non conformes à leur classification.

Le syndicat faisait état que ce genre d'attributions non conformes à la classification allait à l'encontre des objectifs d'efficience. Il y a une contradiction interne. On voudrait produire plus à moindre coût, mais, en même temps, on met des gens dans des situations où il peut arriver qu'ils soient incapables de remplir les commandes ou d'atteindre les objectifs qu'on leur fixe.

Pour assurer une utilisation optimale des ressources, il faut qu'il y ait des incitatifs pour les gestionnaires à prendre garde à l'utilisation qu'ils feront des fonds publics et, plus particulièrement, des ressources humaines. Cet article qui traite des attributions de l'emploi du fonctionnaire doit être vu dans cette perspective. Ce sont des remarques que je voulais faire tout simplement pour attirer l'attention de la ministre et des gens qui seront appelés à administrer cette partie de la loi sur le fait que cette inquiétude existe et qu'il faudrait être prudent à ce sujet-là.

Mme LeBlanc-Bantey: Bon, les remarques du député de Louis-Hébert sont pertinentes et c'est la raison pour laquelle, justement, on a proposé un amendement qui fait qu'un gestionnaire ne pourrait exiger indéfiniment d'un employé de faire autre chose que ce que son règlement de classification autrement prévoit. Mais cela n'empêche pas qu'il pourrait éventuellement, pour une période limitée, demander ou à un gestionnaire ou à un fonctionnaire de remplir temporairement, si vous voulez, des fonctions autres que celles qui sont généralement prévues. Nous pensons qu'en le libellant comme cela, "de façon principale et habituelle", nous répondons aux inquiétudes qui nous ont été manifestées tant par le syndicat des cadres, je crois, que par les fonctionnaires et que, je pense finalement, par l'ensemble des syndiqués ou par le groupe de cadres.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Peut-être une question, M. le Président, sur le deuxième paragraphe de l'article 4. Est-ce qu'il n'y a pas danger que, formulé de cette façon, cela aille à l'encontre de conventions collectives? Même si de plus en plus les conventions collectives sont des lois, normalement, lorsqu'une convention collective existe et que, par ailleurs, il y a un texte de loi, c'est le texte de la loi qui va primer le texte de la convention collective, qui donc invaliderait le texte de la convention collective.

Alors, je comprends que le premier paragraphe dit que le fonctionnaire doit effectuer son travail en fonction de sa classe d'emploi et de la description de la tâche qui y est afférente. Mais le deuxième paragraphe dit: En plus de cela, il exerce tout ce qui lui est confié "par la personne habilitée suivant la loi à définir ses devoirs et à diriger son travail". Or, si une convention collective actuelle ou à venir voulait préciser jusqu'où cela peut aller, ce serait impossible vu ce deuxième paragraphe. Est-ce que j'interprète bien le deuxième paragraphe?

Mme LeBlanc-Bantey: Nous ne pensons pas que cela va à l'encontre des conventions collectives.

M. Bisaillon: Actuelles?

Mme LeBlanc-Bantey: Actuelles.

M. Bisaillon: Mais est-ce que cela peut empêcher, à l'avenir, de négocier des clauses qui limiteraient les tâches, par exemple?

Mme LeBlanc-Bantey: Actuellement, toute la question de la classification, c'est non négociable. Cela n'empêcherait pas de les négocier éventuellement si le comité décide qu'il en est autrement, et cet article est prévu, de la même façon que cela existait dans la loi 50, pour justement éviter qu'un fonctionnaire ou quelqu'un, à un moment donné, ne refuse temporairement, parce que les exigences, si vous voulez, du service le commandent, de faire autre chose

que ce qui est prévu très spécifiquement à son plan de classification. Je pense que couramment l'ensemble des employés de la fonction publique, à un moment ou un autre, vont accepter de rendre service parce qu'effectivement les besoins le commandent.

Le Président (M. Paré): L'article 4 est adopté?

M. Bisaillon: Adopté avec des réserves. Le Président (M. Paré): Article 5?

M. Bisaillon: Je n'ai pas de commentaire là-dessus, M. le Président. Adopté, quant à moi.

Le Président (M. Paré): Article 5, adopté.

M. Doyon: Un instant.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Je me pose des questions. L'article 5 dit: "Le fonctionnaire est tenu d'office d'être loyal." Je me demande pourquoi on dit "d'office". Je ne sais pas s'il y a une raison.

Mme LeBlanc-Bantey: Actuellement, les gens prêtaient serment, il y avait toute la cérémonie, etc., la paperasse. Il y en a qui prêtaient serment et d'autres qui ne le faisaient pas. Nous pensons que c'est superflu. C'est pour cela qu'il est prévu que le fonctionnaire est tenu "d'office". Dès qu'il entre dans la fonction publique, en fait, c'est comme s'il avait prêté serment sans avoir toute la panoplie officielle de la coutume qui existait.

M. Bisaillon: Par ailleurs, M. le Président...

Mme LeBlanc-Bantey: On pense que c'est tout à fait normal qu'il soit loyal à l'autorité constituée.

M. Bisaillon: ...ce n'est pas vital. On ne mourra pas demain matin parce que cela reste là, mais j'ai cru remarquer, en lisant le projet de loi, qu'à plusieurs articles on a tenté d'améliorer le langage et la façon dont les articles étaient présentés afin qu'ils soient compréhensibles par du monde ordinaire. C'est supposé être cela, une loi. Il y a des termes qu'on utilise et qui ne donnent - je suis bien d'accord avec le député de Louis-Hébert - strictement rien. Si on disait: Le fonctionnaire est tenu d'être loyal et de porter allégeance à l'autorité constituée, cela atteindrait exactement les mêmes fins que cet article et cela se comprendrait par tout le monde.

Mme LeBlanc-Bantey: Je vais demander l'avis de notre avocat à ce sujet pour savoir si juridiquement cela a le même sens.

En ajoutant le mot "d'office", on ajoute une précision au fait que c'est lié à sa nomination comme fonctionnaire et à la charge qu'il remplit. C'est une précision additionnelle, tout simplement.

M. Bisaillon: Cela fera en sorte que, lorsqu'on arrivera à l'article où le sous-ministre est obligé de signer le papier, la petite procédure que j'ai souvent dénoncée, on va me la justifier en disant que c'est parce que dans l'article 5 on mettait "d'office". C'est cela qui fait que c'est d'office.

Mme LeBlanc-Bantey: Pas nécessairement. La nomination qui est signée...

M. Bisaillon: Normalement pour la notion d'emploi, le chèque de paie détermine l'emploi. Quand on paie quelqu'un, c'est parce qu'il est notre employé. Or, si dans les fonctions de cet emploi-là on dit qu'il doit être loyal et sincère, il me semble... De toute façon, je ne veux pas faire un long débat sur ce sujet, sauf que j'indique que c'est une couche de vernis sur trois couches de peinture.

Le Président (M. Paré): J'en conclus que l'article 5 est adopté.

M. Bisaillon: Adopté.

Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté. Article 6?

Mme LeBlanc-Bantey: À la suite de certaines revendications par rapport à l'avant-projet de loi, l'expression "sur quoi que ce soit" a été supprimée. Cela semblait inquiéter beaucoup de monde. Cela existait déjà dans le code d'éthique, mais de le voir dans la loi, beaucoup de personnes nous ont dit que cela semblait excessif. Donc, "le fonctionnaire est tenu à la discrétion sur ce dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions."

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'ai quelques commentaires à faire sur cet article, me reposant sur l'article 2 qui faisait aussi partie des objets. On dit: "La fonction publique a pour mission de fournir au public les services de qualité auxquels il a droit, de mettre en oeuvre..."

Quand on parle de fournir des services et d'être à la disposition du public et des citoyens, on parle aussi de ses représentants. Cela doit vouloir dire quelque chose, orienter toute l'action de la fonction publique sur les citoyens. Cela doit être aussi vis-à-vis de ses représentants. Cela se manifeste comme cela aussi, des citoyens. Si un représentant des citoyens pose des questions à l'appareil, aux fonctionnaires, si j'analyse l'article 6 comme il faut, on pourrait être mis devant le fait que même le représentant des citoyens ne recevrait pas de réponse, à moins d'avoir obtenu l'autorisation du supérieur en haut de la pyramide, ce qui nous arrive régulièrement.

Or, je vous signale que, lorsqu'on a fait les travaux de la commission, ce sujet avait été l'objet d'une longue discussion. On disait qu'il faudrait que la fonction publique, les fonctionnaires se rapprochent des représentants des citoyens et qu'ils leur fournissent les renseignements - je ne parle pas de ce qui est confidentiel, je ne parle pas de ce qui fait l'objet de restrictions à l'intérieur du ministère - sur leur travail quotidien et sur les dossiers qu'ils traitent. Il me semble qu'il pourrait y avoir moyen d'obtenir des renseignements. Là, il va quasiment falloir passer par la Commission d'accès à l'information pour les obtenir.

Mme LeBlanc-Bantey: Effectivement, la loi sur l'accès à l'information gouvernementale prévoit qu'on peut avoir accès aux informations. Par ailleurs, comme représentante de citoyens, j'ai vécu certains cas - que vous avez sans doute vécus aussi, M. le député de Sainte-Marie - où, pour tenter de régler un dossier, nous avons dû obtenir la signature du citoyen pour que des fonctionnaires nous donnent accès aux informations. Cela m'apparaît tout à fait normal qu'il en soit ainsi et je ne crois pas que cet article empêche des élus du peuple d'avoir accès à des dossiers, pour autant que la personne concernée soit d'accord pour que le député ait accès à l'information qui la concerne. Il m'apparaît qu'il vaut mieux être plus prudent, dans ces cas-là, que pas assez.

M. Bisaillon: Je vais donner un exemple, M. le Président. Un étudiant fait une demande pour un prêt et une bourse. Je ne veux pas savoir s'il va l'avoir demain matin. Je veux savoir où est rendu le dossier, quelles sont les étapes franchies et quelles étapes il reste à franchir. Si j'appelle un fonctionnaire et que je lui demande le renseignement, il ne pourra pas me le dire, parce que c'est quelque chose dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Mme LeBlanc-Bantey: Je pense que vous exagérez.

M. Bisaillon: Je veux seulement vous montrer que c'est rédigé de façon si large qu'on peut se reposer là-dessus pour que des fonctionnaires puissent s'empêcher de fournir des renseignements. Ce n'est pas le fonctionnaire que je vise par cela. Ce sont eux qui sont visés par cet article et qui se disent à un moment donné: Qu'est-ce qui est possible pour moi et qu'est-ce qui ne l'est plus, finalement? Je suis d'accord avec le principe qu'il faut qu'il y ait un certain degré de confidentialité. Je dis qu'il ne faut pas le mettre trop large pour qu'après cela tout le poids porte uniquement sur l'ensemble des fonctionnaires. Je serais tenté de vous demander de le suspendre temporairement et de regarder s'il n'y aurait pas une formule. Si vous n'en trouvez pas de meilleure, on le prendra tel qu'il est là, mais je souligne seulement qu'écrit de cette façon on reporte le poids sur les fonctionnaires.

Mme LeBlanc-Bantey: Bon! Je n'ai pas d'objection à le suspendre temporairement et à le regarder de notre côté. Si vous avez, vous aussi, des formules qui éviteraient le genre de problème que vous avez... Par ailleurs, je pense qu'il reste qu'en fonction de la loi sur l'accès à l'information gouvernementale chaque ministère est en train d'encadrer et d'expliciter suffisamment ce que cela implique comme information disponible pour éviter le genre de problème que vous soulevez, mais si cela ne peut calmer vos inquiétudes, je veux bien qu'on regarde s'il y a lieu d'améliorer encore une fois la rédaction du texte.

M. Bisaillon: Merci.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci. Tel que le souligne le député de Sainte-Marie, les intervenants ont presque tous fait état des réserves qu'ils avaient à l'égard de cet article qui se retrouvait presque intégralement dans l'avant-projet. Je ne pense pas que ce soit le fait d'enlever sur "quoi que ce soit" dont il a connaissance qui change le fond de l'article ou qui change quoi que ce soit, justement.

Mme LeBlanc-Bantey: Ah! Ah!

M. Doyon: D'ailleurs, dans le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, il y avait une recommandation -et c'était la recommandation 30 - de renforcer significativement le droit du citoyen à l'information sur les programmes d'activités de l'État, ainsi que sur son dossier personnel, le tout en conformité avec les orientations et recommandations du rapport Paré. Je me demande si on répond à

cette recommandation. Il y avait une autre recommandation - la recommandation 31 - à savoir que l'appareil gouvernemental manifeste plus d'ouverture aux demandes d'information des députés. Je pense que c'est important que les députés y aient accès de la façon la plus entière possible, parce que finalement, le rôle qui nous est dévolu, c'est celui de représenter la population et de s'assurer que toute l'administration publique satisfait aux exigences de l'honnêteté, de l'efficience, de la productivité, ces choses-là.

Force nous est de constater qu'avec cet article les députés de l'Assemblée nationale vont avoir très peu d'outils pour jouer leur rôle. C'est bien sûr qu'il y a tout le nouveau processus qui se mettra en branle, possiblement un système d'imputabilité ou quelque chose comme cela, tôt ou tard. Mais, finalement, le rôle des représentants du peuple à l'Assemblée nationale est-il vraiment servi quand, par exemple, sur la question de ce qui se passe - et je ne voudrais pas vous agacer inutilement - dans les centres de main-d'oeuvre, on voudrait savoir et avoir certains renseignements sur la façon dont est traitée telle demande des citoyens? (17 h 15)

En tout cas, il y a toutes sortes de renseignements qu'on peut vouloir obtenir et il est remarquable que mon expérience personnelle là-dedans soit - c'est probablement l'effet du hasard, mais de toute façon, cela nous sert bien - que, quand les députés ont l'occasion de demander simplement des renseignements aux fonctionnaires sur certains dossiers qui leur sont rapportés comme étant un peu plus lents à circuler, très souvent un déblocage se produit ou au moins on répond aux lettres qui avaient été mises en oubli, par exemple par le ministère du Revenu, etc. C'est une façon, pour nous, les députés, de servir les contribuables, de servir les électeurs et électrices si ceux-ci se butent à des difficultés.

Si le fonctionnaire est tenu à la discrétion, la discrétion peut être interprétée de différentes manières. Le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec a proposé un amendement où on ouvrait un peu la porte en disant: Nonobstant ce qui précède -c'est-à-dire cette obligation à la discrétion -un fonctionnaire ne saurait encourir de sanction s'il est prouvé que la divulgation d'informations recueillies dans l'exercice de ses fonctions a servi l'intérêt public. Ce n'est peut-être pas l'idéal, parce qu'on laisse une ouverture à trop d'appréciation, mais le problème est quand même là. Dans certains cas, on laisse au jugement du fonctionnaire le soin d'établir jusqu'où il peut aller dans certaines activités. Je fais en particulier référence aux activités partisanes. Là-dessus, on fait confiance aux fonctionnaires. On dit:

Vous devrez manifester une certaine réserve; vous devrez le faire avec modération. On n'est pas capable, j'imagine, de tirer la ligne exactement. Est-ce que là-dedans on ne pourrait pas aussi faire confiance aux fonctionnaires en mettant une sourdine, en faisant appel à leur jugement ou à quelque chose du genre? Je pense que, finalement, on n'a pas eu à déplorer, de ce côté-là, d'abus criants et répétés. Je comprends que les gouvernements sont portés à être nerveux à ce sujet et à s'inquiéter, mais je peux vous assurer qu'on crée beaucoup de mythes là-dessus, sur le fonctionnement des machines Xerox, etc. Ce n'est pas un procédé répandu. Je me demande si on ne pourrait pas, vu qu'on le fait ailleurs, faire appel au bon jugement des fonctionnaires de façon à tenter de concilier le droit du public à l'information, le droit de savoir ce qui se passe dans ce qui le concerne, avec le besoin pour une administration de fonctionner.

Je prends pour exemple le fait que General Motors n'a pas besoin d'une loi pour obliger ses employés à la discrétion. General Motors n'a pas de loi, l'Alcan n'a pas de loi à ce sujet. Elles ne sont pas protégées. Bell Canada n'est pas protégée par une loi. Et, pourtant, ce sont des compagnies privées qui auraient le droit de réclamer un droit de propriété sur un paquet de choses, que ce soit sur des idées, des documents qui circulent, des rapports, des études, etc. Ce sont des compagnies privées. Et là, on est dans le domaine public, avec l'argent des contribuables et on impose sur ce qui devrait être public une restriction dont ne profitent pas les entreprises privées. Je me demande si on n'est pas un peu à contre-courant, si on n'est pas en train de faire de l'État un employeur public plus exigeant que l'entreprise privée. Et, est-ce que l'employeur public qu'est le gouvernement est plus exigeant tout simplement parce qu'il a les moyens de passer des lois? Si c'est le cas, si c'est tout simplement parce que le gouvernement peut, dans une loi, obliger à la discrétion, obliger au silence du fait qu'il a à sa disposition l'appareil législatif, cela ne me convainc pas beaucoup. J'aimerais mieux que le gouvernement fasse confiance aux gens, que le gouvernement, premièrement, ait le moins de choses possible à cacher et qu'il y ait des règles générales de discrétion s'appliquant en ce qui concerne les dossiers médicaux et en ce qui concerne la vie personnelle. Mais, est-ce que le gouvernement est dans l'obligation de traiter plus durement ses propres employés que l'entreprise privée ne le fait des gens qu'elle paie avec ses propres fonds? En tout cas, j'imagine que la question se pose.

Mme LeBlanc-Bantey: Écoutez, je ne suis pas très familière avec l'entreprise privée surtout General Motors et Bell

Canada, mais je suppose que, même s'il n'y a pas de loi, elles doivent certainement avoir des règlements internes. Elles doivent, dans le cas de fuite, appliquer des sanctions certainement plus rigides que celles que nous avons eu l'occasion d'appliquer dans la fonction publique à l'égard de certaines fuites qu'il y a eu. Je pense que ces inquiétudes sont non fondées - j'ai quand même accepté de suspendre l'article surtout avec la nouvelle loi sur l'accès à l'information gouvernementale qui, bien sûr, a priorité sur notre loi, parce qu'il s'agit d'une loi particulière qui, dans l'ensemble de la machine, va indiquer carrément aux fonctionnaires dans un ensemble de dossiers, un ensemble d'information, quelles sont les informations auxquelles les citoyens ont droit et, bien sûr, en particulier, les députés et l'ensemble du public.

Je veux bien qu'on accepte de regarder, s'il y a lieu, d'assouplir cela, encore une fois en tout cas, de répondre à certaines inquiétudes qui ont été manifestées de part et d'autre.

Le Président (M. Paré): M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, j'écoutais dans mon bureau les délibérations qui avaient cours sur cet article 6 de la loi. Comme j'ai la responsabilité de cette Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, je vous avoue qu'à ce stade-ci je crois qu'il serait important de rappeler l'existence de l'article 168 de la loi sur l'accès à l'information qui se lit comme suit: "Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi." Ici, on fait exactement l'inverse. On ne dit pas: Cette loi s'applique malgré l'existence de la loi sur l'accès à l'information. On dit, au contraire "sous réserve des dispositions relatives à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels." Donc, ce qu'elle dit, c'est sous réserve de l'existence d'une loi prépondérante qui prévaut sur toute loi générale ou spéciale postérieure qui lui serait contraire.

Voilà ce que dit l'article 6. On dit aussi: "Le fonctionnaire est tenu à la discrétion sur ce dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions." Le mot "discrétion", c'est un mot que je qualifierais de doux, dans les circonstances. Le mot "discrétion" ne dit pas qu'il n'y a plus moyen de faire quoi que ce soit. "Discrétion" veut simplement dire: savoir mesurer, à partir de son jugement, les conséquences de toute attitude qui pourrait aller à l'encontre, à toutes fins utiles, d'un serment d'office que toute personne oeuvrant au sein d'un organisme public se doit d'avoir ou de se donner personnellement, parce qu'il y a, à mon avis, une éthique qui se doit d'être respectée.

Parmi les organismes publics, il y en a 3500 couverts par la loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Il y en a en tout 3500 qui sont couverts. Il y a un responsable dans chaque organisme pour l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. C'est la plus haute autorité: dans un ministère, le ministre; dans une régie, le président-directeur général; dans une municipalité, le maire; dans une commission scolaire, le président; dans un hôpital, le président. C'est la plus haute autorité qui est responsable de l'accès et personne d'autre, sauf dans un cas de délégation. Par exemple, un ministre peut déléguer à un fonctionnaire de son ministère ou à une personne oeuvrant dans son entourage la responsabilité de rendre accessibles des documents ou de s'assurer que certains renseignements sont protégés, parce qu'effectivement il s'agit d'une loi qui a comme objectif de protéger la vie privée des citoyens.

La façon dont l'article est libellé m'apparaît, à première vue, très respectueuse de l'esprit et de la lettre de la loi sur l'accès à l'information, surtout de l'article 159, et ce n'est pas pour rien qu'il y a eu l'article 159, qui suit l'article 158. Vous allez voir pourquoi, dans le fond, l'article que Mme la ministre propose à la commission peut très bien se défendre. L'article 158 dit: "Quiconque refuse ou entrave sciemment l'accès à un document ou à un renseignement auquel l'accès ne peut être refusé en vertu de la loi commet une infraction et est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende de 100 $ à 500 $ et, pour chaque récidive dans les deux ans, d'une amende de 250 $ à 1000 $." Quiconque refuse ou entrave sciemment l'accès à un document ou à un renseignement auquel l'accès ne peut être refusé, cela veut dire que la loi prévoit très bien qu'il y a des circonstances où une personne se doit de donner des informations. C'est le sens de "sous réserve des dispositions relatives à l'accès à l'information".

Or, l'article 159 dit: "Quiconque, sciemment, donne accès à un document ou à un renseignement dont la présente loi ne permet pas la communication ou auquel un organisme public, conformément à la loi, refuse de donner accès commet une infraction". Cela joue dans les deux sens. Si on refuse de donner accès ou qu'on donne accès à un document qui, s'inspirant de la loi sur l'accès à l'information, ne doit pas être rendu public, il y a une disposition pénale qui est prévue, il y a une infraction,

il y a une peine qui est prévue. Il y a donc une sanction rattachée à tout cela.

Si le souhait de la commission est de suspendre l'article 6 pour l'instant, comme ministre des Communications, je verrais un certain intérêt à consulter la Commission d'accès à l'information pour lui demander ce qu'elle pense de la rédaction d'un tel article. Mais, à première vue, dès lors qu'on dit sous réserve des dispositions relatives à la loi, comme c'est une loi prépondérante, les mots qui viennent par la suite indiquent simplement que, la loi sur l'accès à l'information étant là, les responsabilités étant définies et les personnes ayant à l'appliquer, toute autre personne se doit, dans l'exercice de ses fonctions, de faire preuve de discrétion. C'est un mot qui m'apparaît bien choisi parce qu'il fait appel au jugement des gens. Il m'apparaît bien choisi parce qu'on parle de discrétion.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je ne veux pas faire un trop long débat. C'est pour cette raison que j'ai demandé qu'on le suspende pour permettre de regarder cela plus à fond.

Il y a un collègue du ministre des Communications qui a déjà dit, à plusieurs reprises, que ce qui est important en politique, ce n'est pas ce qui est, c'est ce que les gens pensent; ce n'est pas ce qui existe, c'est ce que les gens pensent de ce qui existe. De la môme façon, on veut mettre de l'avant une loi de la fonction publique qui permette à chaque fonctionnaire de prendre place et d'y jouer un rôle. Je veux bien que le mot "discrétion" réponde à la définition que vient de nous en donner le ministre des Communications, mais est-ce que tout le monde va avoir cette définition du mot "discrétion"? Est-ce que chaque fonctionnaire va avoir en tête la définition que vient de nous donner - ce n'est pas le Larousse, ni le Petit Robert, c'est le petit... - le ministre des Communications?

On se rend compte qu'il y a une imprécision. C'est davantage dangereux précisément à partir des explications qu'il nous a fournies. Il dit: II y a un article dans la loi sur l'accès à l'information, l'article 159, qui prévoit des pénalités à quelqu'un qui, de façon délibérée, refuse de donner accès à des renseignements ou à de l'information. Je prétends que, libellé comme cela, le fonctionnaire peut se sentir déchiré entre les deux. Si ce qu'on veut dire par discrétion, c'est ce que le ministre des Communications vient de dire, qu'on le dise donc.

Mme LeBlanc-Bantey: En terminant, je pensais que les propos de mon collègue avaient tellement rassuré le député de Sainte-Marie et le député de Louis-Hébert qu'ils allaient accepter d'adopter l'article maintenant. Je vais rappeler ce qu'il a lui-même souligné, c'est sous réserve des dispositions relatives à l'accès à l'information que le fonctionnaire est tenu à la discrétion. J'imagine qu'au fur et à mesure que vont s'articuler dans les faits et dans les habitudes les obligations que commande cette nouvelle loi, le fonctionnaire connaîtra naturellement le type de renseignements dont il pourra disposer. Quant à d'autres, il pourrait être tenu à la discrétion. Il est vrai que, lorsqu'on y pense bien, le mot "discrétion" est une notion dont les gens, spontanément ou intuitivement, comprennent le sens.

M. Bisaillon: Je comprends que, lorsque les gens me demandent d'être discret, je me ferme la boîte et je n'en parle pas.

Mme LeBlanc-Bantey: Des fois, je me dis que cela dépend de ce que je dis et à qui.

Le Président (M. Paré): Est-ce que l'article 6 est adopté? (17 h 30)

M. Doyon: Bien là, si...

M. Bisaillon: Moi, M. le Président, je ne trouverais pas dramatique qu'on le suspende et qu'on nous donne des informations à une prochaine séance.

Le Président (M. Paré): D'accord. L'article 6 est en suspens.

Mme LeBlanc-Bantey: Quand le député de Sainte-Marie a une "bibite", il ne la lâche pas facilement.

Le Président (M. Paré): J'appelle donc l'article 7.

Mme LeBlanc-Bantey: L'article 7. Je pense que cela va de soi.

Le Président (M. Paré)s M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Quand on dit "ne peut avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise qui met en conflit son intérêt personnel et les devoirs de ses fonctions", on l'applique de façon générale, du niveau inférieur au niveau supérieur. Est-ce que, de façon générale, ce n'est pas aux échelons supérieurs que cela s'applique le plus? Comment cette question s'articule-t-elle?

Mme LeBlanc-Bantey: Je crois que cela doit s'appliquer de la même façon pour tout le monde parce que, même à des niveaux

inférieurs, cela peut être extrêmement dangereux. On peut avoir des situations où -je prends un exemple - un ouvrier de voirie, étant familier avec les dirigeants d'un bureau local, ouvre un magasin de pièces d'autos. Il est bien mieux placé pour obtenir des contrats ou effectuer des ventes gue n'importe quel autre citoyen qui n'a pas les mêmes connaissances privilégiées du milieu. Dans ce sens, il m'apparaît qu'il faille que cet article couvre l'ensemble des gens. Cela va?

Le Président (M. Paré): Est-ce que l'article 7 est adopté?

M. Doyon: Adopté.

Le Président (M. Paré): Article 8?

M. Bisaillon: Adopté.

Une voix: C'est toi qui es l'Opposition officielle?

M. Doyon: Sur l'article 8, M. le Président, la seule chose qui me passe à l'idée - cela me paraît aller de soi, il n'y a pas de problème là-dessus - je me demande si cet article permet, par exemple, possiblement - je ne sais pas si c'est le Conseil du trésor qui fait cela ou un organisme quelconque - de payer un supplément à une personne qui a une tâche supplémentaire.

Mme LeBlanc-Bantey: II y a un autre article qui prévoit cela éventuellement dans la loi.

M. Doyon: Alors, adopté.

Le Président (M. Paré): Article 8, adopté. Article 9?

M. Bisaillon: J'ai un commentaire. C'est là un article qui me semble libellé de façon beaucoup trop large. Je comprends les objectifs qui sont visés et je suis d'accord avec ceux-ci. Mais regardez comment c'est rédigé. "Le fonctionnaire ne peut, directement ou indirectement, utiliser à son profit un bien de l'État ou une information qu'il obtient en sa qualité de fonctionnaire." Pour ce qui est de l'information, c'est facile et cela se règle facilement. Pour ce qui est des biens, il y a des exemples quotidiens. Prenons l'exemple d'une secrétaire qui reste après ses heures de travail et qui se sert de sa dactylo pour faire des travaux pour des universitaires. Elle se sert d'un bien de l'État.

Mme LeBlanc-Bantey: Elle n'a pas le droit.

M. Bisaillon: Bien, c'est une pratique courante.

Mme LeBlanc-Bantey: Cela ne devrait pas être une pratique courante et, si c'est le cas, il y a des gestionnaires quelque part qui ne font pas leur travail. Parce qu'évidemment, pendant qu'elle travaille à d'autres...

M. Bisaillon: Ce n'est pas pendant qu'elle travaille; c'est après ses heures de travail. Elle reste au bureau et utilise la dactylo.

Mme LeBlanc-Bantey: Après ses heures de travail, elle utilise un bien qui est payé par l'ensemble des citoyens, que ce soit le bien même, l'électricité, etc.

M. Bisaillon: Je voudrais comprendre ce qu'il y a de blâmable là-dedans. Ce n'est pas prendre des crayons qui nous sont distribués et les vendre à l'extérieur. C'est utiliser son outil de travail habituel sur les lieux mêmes de son travail.

Je parlais de rémunération, mais supposons qu'elle le fait bénévolement pour un organisme populaire, comme cela arrive. Il y a de plus en plus de fonctionnaires qui font partie de coopératives, par exemple, et qui vont dactylographier, après leurs heures de travail, les procès-verbaux de la coopérative. Qu'y a-t-il de blâmable là-dedans? En quoi cela pénalise-t-il l'État et l'ensemble des citoyens? Je trouve que cela va trop loin.

Mme LeBlanc-Bantey: En tout cas, je trouve que ce n'est pas souhaitable.

M. Bisaillon: Normalement, on met un article pour qu'il concrétise une situation de fait. Or, la situation de fait est à l'encontre de cela et ce n'est pas pour quelque chose que je trouve blâmable.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que je peux vous donner un autre exemple qui serait celui de la personne qui a une auto gouvernementale, par exemple, et qui, pour les mêmes raisons que vous évoquez, dont le bénévolat, utiliserait l'auto gouvernementale pour faire d'autres choses que ce que lui commandent les besoins de son travail? À la limite, cela peut être un avion ou n'importe quoi qui est un bien de l'État et cela implique qu'on pourrait juger, pour des raisons humanitaires ou autres, que cela est valable.

M. Bisaillon: Je vais dire à la ministre là-dessus qu'effectivement si on sortait à peu près une dizaine d'exemples, tous en gradation, on arriverait à un moment où l'on dirait: Cela n'a plus de bon sens. On peut

trouver aussi qu'à l'intérieur de cela il y a des choses qui sont acceptables sauf que là on condamne tout, du début à la fin. Normalement, dans le reste du projet de loi, toutes les fois que cela peut avantager ou bien le Conseil du trésor ou un organisme, on dit: Oui, mais, dans la mesure où il le juge à propos, il va faire un petit règlement et va émettre une directive. Il n'y a pas cela. C'est une interdiction totale de toute possibilité d'activité, peu importent les exemples qu'on va prendre. Cela veut dire que, si la ministre avait continué à me donner des exemples, on serait sûrement arrivé à un niveau où on aurait dit: Cela n'a plus de bon sens. Par ailleurs, il y a peut-être des choses qui sont tolérables et acceptables et qui se font actuellement. Vous vous bouchez les yeux quand vous nous dites que vous ne le savez pas. C'est épouvantable.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne dis pas qu'on ne le sait pas. On dit que ce n'est pas préférable que ce soit une pratique répandue et même qu'on le préconise. Vous faites allusion à la secrétaire qui se sert de son outil de travail pour taper des papiers; cela pourrait vous paraître un cas moins grave que celui de la personne qui utilise le camion pour faire autre chose. S'il devait y avoir sanction, il s'agit pour l'arbitre d'apprécier la gravité de la faute. L'article 9 n'implique pas qu'automatiquement une personne prise à utiliser un bien de l'État doive nécessairement être suspendue, congédiée. Il s'agit d'apprécier, finalement, son geste en fonction de la gravité de la faute. Je ne pense pas qu'il soit correct, en tout cas, d'encourager de telles pratiques, parce que, à la limite, je dirais qu'on ouvre la porte à tous les citoyens. Pensez à tous les groupes bénévoles qui, justement, en arrachent régulièrement et continuellement. Comme député, vous en rencontrez des dizaines dans votre comté qui n'ont pas les outils de travail, qui n'ont pas ce qu'il leur faut pour mener à bien leur tâche. Si on dit qu'à la limite c'est justifiable pour nos employés que les instruments de l'État...

M. Bisaillon: Mme la ministre, je vous surprendrais peut-être en vous disant que je ne serais pas en désaccord du tout à ce qu'on analyse ce genre de possibilité, pas plus que je ne suis en désaccord avec les politiques gouvernementales qui visent, par exemple, à faire servir les écoles le soir et à utiliser les édifices publics au maximum. Il me semble qu'il y aurait des moyens qu'on pourrait mettre de l'avant. On peut parler des coûts, mais cela se juge à la pièce. Cela ne se règle pas à l'avance en fermant toutes les portes.

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord. On ouvre alors tout grand un débat de fond et vous savez très certainement qu'on ne le réglera pas par la Loi sur la fonction publique.

M. Bisaillon: Je sais qu'on ne réglera pas ces questions par la Loi sur la fonction publique, Mme la ministre. Je veux juste vous dire que vous rédigez des textes qui vont vous empêcher à l'avenir d'envisager toute possibilité d'adoucissement ou de réglementation. Cela n'existe pas du tout dans le libellé de l'article 9.

Mme LeBlanc-Bantey: Encore une fois, on a voulu faire un cadre de loi plus souple, en même temps avec des normes d'éthique et de comportement qui m'apparaissent normales. Je pense que vous avez soulevé un cas parmi d'autres qu'on pourrait prévoir. Ce ne serait pas souhaitable qu'on ouvre la porte à toutes sortes d'abus d'utilisation des biens de l'État. À mon avis, malgré le fait que peut-être un article comme celui-là puisse à un moment donné nous forcer à juger une situation, je le trouve moins dangereux que d'éliminer la notion à laquelle on faisait référence dans cet article.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais terminer avec cela. Lorsqu'il y aura des cas litigieux, savez-vous ce qu'on va nous proposer tantôt? On va nous proposer que ce soit le gouvernement qui puisse modifier les normes d'éthique déjà prévues dans la loi en en ajoutant d'autres. Le Conseil des ministres va être obligé de se pencher sur ces affaires-là. Tantôt, il va y avoir un article dans le projet de loi qui va dire cela, soit que le gouvernement peut, par règlement, sur avis du Conseil du trésor, préciser les normes d'éthique et de discipline prévues dans la présente loi et en établir de nouvelles. C'est le Conseil des ministres qui va se pencher sur cela pour savoir si, oui ou non, c'est acceptable qu'un fonctionnaire qui travaille, par exemple, pour une coopérative se serve, après ses heures de travail, de sa machine à écrire pour dactylographier les procès-verbaux de son organisme. Je trouve qu'on aurait pu prendre un moyen plus simple.

Mme LeBlanc-Bantey: Je dois dire au député de Sainte-Marie que ce que vous retrouvez dans le projet de loi existait dans le code d'éthique actuel et que, j'imagine, cela n'a jamais empêché certaines choses.

M. Bisaillon: Je comprends, le code d'éthique actuel n'a jamais été appliqué, Mme la ministre, ce n'est pas compliqué. Il n'a tellement jamais été appliqué que vous jugez essentiel de mettre au moins un certain nombre de règles dans le projet de loi.

Mme LeBlanc-Bantey: II ne faut pas être injuste non plus. Je crois qu'il a été appliqué dans certains cas où il méritait d'être appliqué. S'il n'a jamais été appliqué dans les cas que vous soulevez, c'est peut-être parce que les supérieurs jugeaient que ce n'était pas abusif. Par ailleurs, si on a voulu que ce soit le Conseil des ministres lui-même qui doive faire de nouvelles normes d'éthique et de discipline, c'est justement pour protéger les employés de la fonction publique et qu'on ne puisse pas, finalement, arriver avec des normes d'éthique qui pourraient ou être abusives, ou être non appropriées et obliger le gouvernement lui-même à se prononcer sur de nouvelles normes d'éthique. Cela m'apparaît une garantie et une protection supplémentaires pour les employés de la fonction publique. Cela veut dire qu'avant de faire de nouvelles normes d'éthique je pense que le gouvernement aura tout intérêt à y regarder deux fois. Justement parce que cela revient au Conseil des ministres, je doute qu'on arrive régulièrement avec des ajouts aux normes d'éthique.

Je trouve que la préoccupation du député de Sainte-Marie ne vaut pas que nous enlevions ces dispositions du projet de loi parce qu'à mon avis, si on les enlevait, ce serait plus dangereux que de les garder. Comme on ne peut pas, justement, déterminer dans le projet de loi tous les cas où ce serait acceptable et les autres où ce ne serait pas acceptable, parce que justement ce genre de situation se juge cas par cas, il m'apparaît nécessaire de le maintenir.

M. Bisaillon: Est-ce que je peux souligner à la ministre que ce qu'on est en train d'adopter, c'est un projet de loi et qu'habituellement, une fois qu'un projet de loi est adopté, c'est un juge qui juge? Ce n'est pas un gestionnaire, si brillant soit-il, si humain soit-il, qui va juger de l'application de la loi. Ce sera le texte de la loi et le seul arbitre dans un texte de loi, c'est un juge, à moins qu'on ne prévoie dans le projet de loi que des organismes habilités à cet effet puissent modifier ce qu'on décrit de plus en plus dans des lois. C'est un projet de loi qu'on est en train d'adopter. Or, cet article-là, rédigé tel quel, va à l'encontre de choses qui existent actuellement, qui sont largement répandues. Si elles sont largement répandues, je suis obligé de conclure que c'est parce que ce n'était pas si dramatique que cela puisque, si cela avait été dramatique, on les auraient arrêtées.

Mme LeBlanc-Bantey: Je suis de l'avis contraire du député de Sainte-Marie. Si c'est largement répandu, cela presse qu'on adopte cet article-là pour le moment. Quand on aura une politique générale d'utilisation des biens de l'État, en fonction de ce qui a commencé à se faire dans les commissions scolaires, mais cela ne se fait pas, non plus, tous azimuts, cela prend des permissions, etc. nous...

M. Bisaillon: C'est l'argument que je vous servais sur la séquence et que votre sous-ministre ne voulait pas voir dans le projet de loi. Lorsque je parlais de la séquence de dotation, je disais qu'elle devrait se retrouver dans le projet de loi, justement, parce que la non-utilisation du personnel de la fonction publique, c'était dramatique et que, quand cela serait bien, on pourrait l'enlever de la loi. C'est exactement l'argument que je vous donnais sur la séquence de dotation. À ce moment-là, l'argument du sous-ministre, c'était de dire: Oui, mais vaut mieux procéder par l'imputabilité.

Si je vous renvoyais le même argument, Mme la ministre? L'argument qui a servi au fait que j'abandonne l'idée de mettre la séquence de dotation dans le projet de loi est aussi valable pour cela et fions-nous sur l'imputabilité. C'est exactement le raisonnement que vous m'avez servi sur d'autres sujets et qui m'a amené à comprendre qu'effectivement cela avait peut-être du bon sens. Je vous sers exactement le même raisonnement. Je ne vous comprends pas et je ne comprends pas votre sous-ministre non plus, parce que c'était exactement dans la ligne de pensée qui avait réussi à me convaincre, finalement.

Mme LeBlanc-Bantey: J'avoue très honnêtement que je n'ai pas très bien suivi votre raisonnement.

M. Bisaillon: Je vais le répéter, Mme la ministre, on a tout le temps.

Mme LeBlanc-Bantey: Je ne suis pas sûre que c'était clair comme de l'eau de roche.

M. Bisaillon: Je vais le répéter. La commission spéciale de la fonction publique recommandait que la séquence de dotation soit inscrite dans le projet de loi...

Mme LeBlanc-Bantey: Effectivement.

M. Bisaillon: ...de façon impérative. Cela veut dire qu'un gestionnaire ne pouvait pas du tout aller en concours tant et aussi longtemps qu'il n'avait pas utilisé tous les autres mécanismes qui étaient impératifs, c'est-à-dire l'utilisation de la banque de mises en disponibilité, l'utilisation de la banque de mutations. Cela voulait dire que, tant et aussi longtemps qu'il restait du monde en disponibilité, il ne pouvait pas aller en concours à l'extérieur.

(17 h 45)

Nous demandions à la commission que cela soit inscrit dans le projet de loi. Vous me répondiez à ce moment-là: C'est vrai qu'on n'utilise pas suffisamment, actuellement, le personnel en disponibilité. Si on impose un mécanisme obligatoire dans la loi, cela va aller à l'encontre de l'imputabilité. Vous préfériez que la séquence ne soit pas dans la loi et qu'on se fie à l'imputabilité des gestionnaires pour en arriver à une meilleure utilisation des ressources humaines.

Je vous dis que là, il y a une situation largement répandue. Si cette situation est largement répandue, c'est parce qu'on juge qu'elle n'est pas dramatique. Vous me répondez en disant: Elle est dramatique. Mettons-le dans la loi et, lorsque ce sera correct, on l'enlèvera de la loi. C'est exactement ce que je vous disais: Mettez la séquence tout de suite et, quand on utilisera correctement les ressources humaines, on enlèvera la séquence de la loi. Je vous dis: Fiez-vous à l'imputabilité des gestionnaires. Laissez-les décider - je parle de l'utilisation des biens, je ne parle pas des renseignements; pour ce qui est des renseignements, je suis parfaitement d'accord - si une situation a du sens ou si elle n'en a pas. C'est exactement ce qui se fait actuellement. Ce sont les gestionnaires qui décident si cela a du sens ou si cela n'en a pas.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous me permettrez de vous dire que le lien ne se fait pas très clairement.

M. Bisaillon: Non, mais admettons que j'avais été bien compris.

Mme LeBlanc-Bantey: Je pense que j'avais compris la première fois et que la deuxième fois ne n'a pas convaincue.

M. Bisaillon: C'est parce que je suis toujours meilleur du premier coup.

Mme LeBlanc-Bantey: Ceci étant dit, ce que je vous ai dit, ce n'est pas: On l'enlèvera quand il n'y aura plus de problème. Ce que je vous dis, c'est que vous avez posé un débat de fond sur l'utilisation des biens de l'État. J'ai accepté d'être sympathique quand vous avez parlé, peut-être, d'organismes bénévoles, de besoins humanitaires, etc. Je me dis que si, un jour, le gouvernement établit une politique générale pour l'ensemble des citoyens quant à l'utilisation de ses biens, à ce moment-là, les employés de la fonction publique bénéficieront, comme les citoyens, des biens de l'État. Pour le moment, je dis que, s'il y a une pratique généralisée d'utiliser les biens de l'État à son profit personnel, c'est un abus et je suis d'autant plus contente de voir la disposition dans le projet de loi.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: À ce sujet, ce qui m'inquiète, et je n'en ferai pas une longue démonstration, c'est que, finalement, l'État risque d'être plus perdant que gagnant là-dedans, en accumulant, pour employer un mot qui a été à la mode dernièrement, des irritants vis-à-vis des fonctionnaires, avec des défenses de faire ceci ou cela. À la limite, cela peut aller très loin. Cela peut aller jusqu'à la défense d'utiliser le téléphone pour ses fins personnelles, pour s'enquérir de ce qui se passe à la maison. C'est un bien de l'État, qui est payé par l'État, etc. Quelqu'un qui déciderait d'appliquer cela à la lettre pourrait dire: Dorénavant, les appels personnels au bureau, c'est fini; cela ne peut plus fonctionner; on vous interdit de téléphoner. À la limite, cela pourrait aller jusque là. Un gestionnaire pourrait très bien défendre cela sur le plan administratif en disant: Les gens qui téléphonent, pendant ce temps, ne travaillent pas, etc.

Théoriquement, cela se défend très bien, sauf que, en fin de compte, on se retrouve avec quoi? On se retrouve avec des fonctionnaires, des employés, qui sont malheureux, qui bousculent le monde, qui bourrassent et font leur travail à moitié. Finalement, pour avoir empêché quelqu'un de se servir d'une chose comme celle-là, pour avoir voulu économiser 0,05 $, on dépense 10 $, 20 $, et c'est de l'économie de bouts de chandelle. C'est mal foutu. Là, on est porté, en tant que législateurs - quand on rédige des lois, c'est normal - à trop tenter de réglementer le bon sens et de légiférer le bon sens. Il y a des affaires qui sont admissibles, qu'on peut admettre selon le bon sens. Le sens commun existe encore. Pas besoin de mettre cela dans la loi.

À trop vouloir faire l'ange, finalement on fait la bête et on expose tout le monde, aussi bien les fonctionnaires que les gestionnaires, à des situations embêtantes, où tout le monde, si on veut faire place à ce qui est le simple bon sens, se retrouve dans l'illégalité. Tout le monde est inconfortable et on ne règle rien de cette façon.

On a des principes dans la loi. Vous nous avez expliqué que l'article 3 devait être l'épine dorsale de la loi et vous nous avez dit d'accepter cela. On a adopté cet article où on parle d'efficience. Si on parle d'efficience, cela veut dire que les fonctionnaires doivent travailler de façon à diminuer les coûts, mais en tenant compte d'autres impératifs, d'autres nécessités qui font qu'ils exécutent leur travail de façon normale, de la façon la plus productive et la plus efficace possible. Ce n'est pas

nécessairement en faisant des interdictions globales comme cela qu'on y arrivera. Si on disait, par exemple: Le fonctionnaire ne peut abusivement - ce serait peut-être un moyen - utiliser à son profit, au moins, on laisse une place au jugement.

Tout à l'heure, le ministre des Communications a pris la peine de quitter son bureau pour nous expliquer que le mot "discrétion" faisait appel au bon jugement des gens. Il s'en réjouissait. Il se réjouissait, finalement, qu'on fasse confiance au jugement des gens. Si son argument vaut à l'article précédent où on demande la discrétion des fonctionnaires où on fait appel au jugement des gens - la discrétion, ce n'est pas l'interdiction totale, etc., parce que l'interdiction totale n'aurait pas de bon sens et la permission de tout donner n'aurait pas de bon sens - est-ce que ce même argument n'aurait pas sa place ici? On pourrait dire: Le fonctionnaire ne peut - je le suggère -abusivement utiliser à son profit... On situerait cela dans la normale des choses plutôt que de l'interdire complètement.

Je m'inquiète de l'autre sens aussi, Mme la ministre, et vous allez être sensible à cela. Le patron qui, comme on dit vulgairement, veut écoeurer son employé, veut l'embêter, veut le harceler, va trouver des poux partout simplement avec cela. Il va le harceler en lui disant: Tu t'es servi du téléphone, tu as fait ceci, tu as fait cela; tu t'es servi de la machine à écrire pour écrire une lettre personnelle; tu n'avais pas à faire cela. Cela devient une accumulation de petits coups d'épingle qui rendent la vie tellement malheureuse aux gens qui en sont victimes et, finalement, ces personnes-là paient un prix extrêmement élevé pour des niaiseries.

J'ai moi-même été fonctionnaire et je sais de quoi je parle. Je l'ai été pendant de nombreuses années. Je sais jusqu'où peut aller la mesquinerie quand il y a des moyens mis à la disposition des gens pour agir de cette façon-là. Heureusement, cela n'est pas pratique courante, ce ne l'a jamais été et ce ne le deviendra jamais, mais ne donnons pas d'outils à cela. Ne faisons pas en sorte qu'il y ait, dans la loi, un article permettant de harceler, permettant - vulgairement dit -d'écoeurer quelqu'un. Qu'on permette aux gens de se comporter normalement'. On permet aux gens de passer sur notre gazon; c'est notre propriété privée. Les gens passent sur notre gazon; les gens peuvent parfois utiliser notre entrée de cour pour garer leur voiture.

Il n'y a pas d'article de loi qui dit: Personne ne peut, directement ou indirectement, pénétrer sur mon terrain. Mais si quelqu'un le fait de façon abusive, il y a des moyens pour intervenir. C'est le simple bon sens qui dit qu'on ne peut pas, parce que cela nous accommode, faire un trottoir à travers la cour de quelqu'un et l'utiliser. Mais qu'on passe de temps à autre dans sa cour, pourvu qu'on ne brise rien, ce n'est pas une utilisation abusive; donc, le législateur n'intervient pas. Le bon sens a sa place; aucun juge ne va condamner qui que ce soit pour avoir passé sur le terrain d'une autre personne parce que cela n'est pas abusif, parce que ce n'est pas quelque chose qui dépasse la norme.

Je serais d'accord avec vous, Mme la ministre, si on était en face d'un problème qui a pris des dimensions énormes et si l'État était en train de se faire saigner par des fonctionnaires qui se servent des biens de l'État pour tout et pour rien. Je me demande si on ne va pas trop loin.

Un autre point et c'est le dernier que je soulève, c'est que, vu comme cela dans un article de loi, je trouve cela proprement insultant pour les fonctionnaires, qu'on soit obligé de le leur dire. C'est un peu comme lorsque je signe un contrat ou que je signe mon engagement avec un employeur éventuel. S'il y avait: II vous est interdit directement ou indirectement, de me voler, je dirais: Écoutez un peu, si vous me prenez pour un voleur, ne m'employez pas. Regardez ailleurs, je ne suis pas votre homme. Qu'on soit obligé de dire dans un projet de loi: Le fonctionnaire ne peut, directement ou indirectement, utiliser les biens de l'État, cela laisse entendre qu'il y a là un abus énorme qu'on est obligé d'interrompre, auquel on est obligé de mettre fin. Moi, cela me fait un peu tiquer, cette approche de la loi vis-à-vis des fonctionnaires qui, finalement, sont des gens honnêtes, des gens qui font leur travail et qui n'abusent pas - en tout cas, dans la majorité des cas - de leur situation. Ce sont des éléments qu'il vaudrait la peine de considérer.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'ai une question, M. le Président, avant de faire une intervention. Est-ce que le texte tel quel de l'article 9 existe dans la loi actuelle?

Mme LeBlanc-Bantey: Dans la loi actuelle, le projet de loi? Non.

M. Bisaillon: Non, dans la loi.

Mme LeBlanc-Bantey: Dans la loi 50?

M. Bisaillon: Oui.

Mme LeBlanc-Bantey: Non, il existait dans le code d'éthique, mais pas dans la loi 50. Vous voulez que je vous lise le libellé du code d'éthique?

M. Bisaillon: Du code d'éthique.

Mme LeBlanc-Bantey: "Les membres du personnel de la fonction publique... sans restreindre la portée de cette règle, constitue notamment une faute disciplinaire l'utilisation ou l'appropriation à des fins personnelles de biens dont le gouvernement est propriétaire."

M. Bisaillon: L'utilisation ou l'appropriation de biens?

Mme LeBlanc-Bantey: À des fins personnelles de biens dont le gouvernement est propriétaire.

M. Bisaillon: Et, est-ce que, dans la loi, il y avait une référence à l'application du code d'éthique?

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y avait des références au code d'éthique dans la loi? Quel article de la loi 50?

M. Bisaillon: II me semble qu'il y a un article dans la loi actuelle...

Mme LeBlanc-Bantey: L'article 93 de la loi 50.

M. Bisaillon: ...qui dit que le code d'éthique, qui n'était pas dans la loi, doit s'appliquer. C'est cela?

Mme LeBlanc-Bantey: Effectivement.

M. Bisaillon: Les fonctionnaires devaient respecter le code d'éthique?

Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela.

M. Bisaillon: Bon. M. le Président, je vais me permettre de faire une intervention et ce sera la dernière. Je comprends que les objectifs sont de prévenir les abus, et j'ai bien aimé l'expression du député de Louis-Hébert qui dit que, dans le fond, ce qu'on veut faire, c'est légiférer le bon sens. On a déjà, actuellement, dans le code d'éthique, cette notion-là. La loi actuelle fait référence au code d'éthique. On reconnaît que l'utilisation textuelle de ces mots est fréquente. Pourquoi est-on obligé de voter une autre loi pour dire les mêmes affaires qui n'ont jamais marché? C'est peut-être parce que les affaires qui n'ont jamais marché étaient mal foutues. Quand on veut placer des choses, il faut d'abord pouvoir les contrôler et, deuxièmement, qu'elles aient du sens.

Je vais vous donner des exemples, je vais vous poser des questions. C'est sûr que, si je prends l'exemple de l'utilisation d'un crayon, vous allez me dire que c'est ridicule. Et si je prends l'exemple de l'avion tantôt, vous allez me dire que cela commence à être un abus. C'est de cela qu'on parle, finalement, d'empêcher les abus. Ce n'est pas de faire des choses normales. Le député de Louis-Hébert a parlé tantôt des supérieurs vis-à-vis de leurs subordonnés. Il a dit qu'ils pourraient profiter de cette clause pour les dénoncer et les harceler. Mais, inversement, M. le Président, quel gestionnaire n'a pas demandé un jour à sa secrétaire de lui réserver un billet d'avion? Quel gestionnaire n'a pas demandé un jour à sa secrétaire de faire - parce qu'il est préoccupé et qu'il a beaucoup d'ouvrage - une démarche personnelle? C'est de l'utilisation des biens de l'État. C'est le temps, le téléphone, etc.

Il doit y avoir une différence entre un fonctionnaire qui utilise l'automobile gouvernementale pour aller passer ses vacances à l'extérieur et le fonctionnaire qui prend l'automobile gouvernementale pour aller reconduire ses enfants à l'école et retourner à son travail par la suite. Il doit y avoir une différence entre les deux utilisations de l'automobile. Qu'est-ce qui ne permettrait pas à un ministre, par exemple - parce que ce qui va s'appliquer aux administrateurs, je suppose qu'on va vouloir l'appliquer aux personnes politiques par la suite - d'aller reconduire son conjoint à son travail avant d'aller au sien? Y a-t-il des choses qui sont blâmables? Pourtant, c'est l'utilisation d'un bien de l'État à des fins personnelles. Je trouve qu'il n'y a rien de blâmable là-dedans et ce n'est pas vrai que c'est coûteux. Ce qui a du bon sens n'est pas coûteux. (18 heures)

Vous mettez dans la loi un article qui n'a pas donné de résultat dans le passé parce que vous ne vous êtes pas fiés à l'article de la loi; vous vous êtes fiés au bon sens des gestionnaires. Laissez-le dans la loi tel quel et, demain matin, on s'en reparlera. Chaque fois que le ministre va se faire poser des questions en Chambre sur des affaires banales, il ne pourra plus répliquer que c'est niaiseux, que c'est normal et que c'est logique. Cela va être dans la loi. Je dis que c'est cela, la prudence. Il y en a qui pensent que trop fort ne casse pas. Parfois, trop fort, cela casse. J'ai terminé là-dessus, Mme la ministre. Je voulais vous prévenir. Maintenant que c'est fait, si vous le voulez comme cela, votre article, on va vous le concéder. Mais je vous dis tout de suite qu'il ne s'appliquera pas et que vous allez être les premiers à en être pénalisés.

Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, M. le Président, je ne comprends pas que les gestionnaires qui avaient du bon sens quand cela existait dans le code d'éthique n'en auront plus quand cela revient dans la loi.

M. Bisaillon: Parce qu'ils ne sont plus capables.

Mme LeBlanc-Bantey: Ils ne sont plus

capables! Ils peuvent, oui ou non, réagir en fonction de ce qu'ils voient. Un gestionnaire qui voudrait profiter de cela pour harceler -c'est la situation peut-être la plus dangereuse - un employé qu'il n'aime pas en disant que cet employé utilise le téléphone ou toutes sortes d'exemples que vous avez mentionnés, il me semble normal que, lorsque le gestionnaire va se présenter devant l'arbitre ou devant la Commission de la fonction publique avec l'employé, cela va aller de soi que l'arbitre va juger que cette cause n'est pas sérieuse.

M. Doyon: Si vous permettez juste un mot, Mme la ministre, ce n'est pas comme cela que cela se passe. C'est que, avant que cela se rende à l'arbitre, le mal est fait et la personne a été soumise à... Justement, il y a un gaspillage là. C'est probable que, devant l'arbitre, on va dire: Écoutez, c'est grave. Mais la personne qui peut hypothétiquement être soumise à ce genre de harcèlement, si on parle de cela - l'autre exemple contraire soumis par le député de Sainte-Marie est aussi valable - on va lui présenter cela comme étant un péché mortel. On ne lui dira pas que c'est un péché véniel. On va dire: Tu t'es servie du téléphone, tu as fais ceci, tu t'es servie des crayons, tu t'es servie des papiers, tu as pris ton temps pour commander chez Eaton un article, etc. Est-ce que je sais? On va grossir cette affaire pour avoir l'effet qu'on recherche. Évidemment, devant l'arbitre, cela aura plus ou moins de valeur.

Mme la ministre, entre vous et moi, pourquoi au moins ne modifiez-vous pas l'article pour dire: Le fonctionnaire ne peut abusivement?

Mme LeBlanc-Bantey: II m'apparaît que c'est une question de principe à savoir si, oui ou non, on peut se servir des biens de l'État. Est-ce que, sur le principe, on reconnaît qu'il n'est pas normal de se servir des biens de l'État? C'est clair qu'on ne fait pas allusion à la personne qui se sert du téléphone pour téléphoner, pour prendre des nouvelles de sa famille ou même de ses amis. On sait que cela se fait couramment dans le secteur privé, dans la fonction publique, partout. Par ailleurs, cet article, dans le cas d'abus, nous permet de sanctionner. Comme députée, cela m'est arrivé de constater qu'un fonctionnaire se sert, par exemple, d'une auto ou d'un camion de la voirie pour certains besoins, comme son épicerie, etc. Il me semble qu'il se sert d'un bien de l'État à mauvais escient. Il faut se donner des moyens de sanctionner cette personne et il nous apparaît que la façon de le faire, c'est par le biais de cet article.

Je veux bien accepter de le suspendre. Je ne retiendrais certainement pas le mot "abusivement" parce qu'on s'en sert ou on ne s'en sert pas. Je veux bien accepter de le suspendre pour voir s'il y a lieu de le libeller d'une façon à ne pas créer de harcèlement ou de nouveaux irritants sans rapport avec la réalité. Il m'apparaît qu'il y a à la base une question de principe qu'il faut trancher. Est-ce que, oui ou non, c'est normal de se servir des biens de l'État à des fins personnelles?

M. Bisaillon: Dans la réflexion que la ministre va faire, est-ce que je pourrais lui faire deux ou trois suggestions? D'abord, se poser des questions sur "directement ou indirectement". Indirectement, cela peut aller jusqu'où et cela peut être quoi? Deuxièmement, reprendre la formule qu'il y avait déjà dans le code d'éthique, si on a voulu transposer les règles du code d'éthique qui existaient dans la loi. On disait: Constitue une faute disciplinaire. Ne pourrait-on pas dire: Constitue une faute disciplinaire, un abus? À ce moment, les gestionnaires pourront juger, si on veut qu'ils exercent un jugement pour déterminer si, oui ou non, c'est un abus ou non. Je ne dis pas que cela devrait être formulé comme cela. Je vous dis: Pensez donc à cette formule-là.

À la blague, en terminant, Mme la ministre, et en utilisant la discrétion, la discrétion étant l'utilisation de son jugement, je vais vous faire lecture d'un petit document qui vient de me parvenir et qui dit ceci: Pour être cohérent, demain matin, nous devrions avoir des toilettes payantes dans les édifices publics puisque c'est l'utilisation d'un bien de l'État à des fins personnelles.

Le Président (M. Paré): Je voudrais rappeler aux membres de la commission qu'il est déjà six heures passées.

Mme LeBlanc-Bantey: Sur les heures de travail, généralement, on ne part pas de chez soi pour venir aux toilettes ici!

Le Président (M. Paré): Donc, il est six heures passées et, là-dessus, les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 18 h 6)

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