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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions se réunit ce matin aux fins
d'étudier les crédits budgétaires du ministère des
Relations internationales pour l'année financière 1984-1985. Nous
faisons l'expérience d'un nouveau règlement; je demanderais la
clémence des membres de cette commission, car il ne sera peut-être
pas facile de l'interpréter, vu que nous étions habitués
à l'ancien. Ne me demandez pas ce qui est changé, on le verra au
fur et à mesure.
Un premier changement est que le ministre est en face de nous;
autrefois, il était à côté de moi. Autre changement:
lorsque des fonctionnaires répondront aux questions, le temps qu'ils
prendront sera enlevé au ministre, mais ceux-ci parleront en leur nom
alors qu'autrefois ils parlaient au nom du ministre.
Je demanderais maintenant au secrétaire de nous faire savoir s'il
y a des remplacements parmi les membres.
Le Secrétaire: Je vous annonce un seul remplacement: M.
Gérard D. Levesque (Bonaventure) est remplacé par M. Lincoln
(Nelligan).
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il y a des remarques
préliminaires? M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Bernard
Landry
M. Landry: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord vous
dire qu'en ce qui me concerne, vous voir de côté ou vous voir de
face est toujours un plaisir renouvelé. Cependant, le fait que je sois
assis ici, à la suite des nouvelles dispositions de notre
règlement, me rend plus positif vis-à-vis du travail de cette
commission. En d'autres termes, je souscris, non seulement par
solidarité, aux nouvelles dispositions qui régissent nos travaux,
mais je souscris aussi comme démocrate, comme individu et comme
contribuable intéressé à ce que notre Assemblée
nationale ait la vue la plus pénétrante possible des choses dans
tous les secteurs de l'administration.
J'en profite pour complimenter le président de la commission qui,
non seulement assiste en tant que président à sa première
défense des crédits, mais aussi parce qu'il est l'inspirateur et
celui qui a donné le souffle nécessaire à la mise en route
de cette réforme majeure qui déjà, vous l'avez vu dans
certaines publications spécialisées, dans certains journaux, fait
l'envie des autres Parlements du Canada. Et si nous réussissions en
pratique comme nous avons réussi dans les textes et les écrits,
cela ferait l'envie peut-être de tous les Parlements avant longtemps. Je
pense que le président, de cette manière, a passé à
l'histoire de nos institutions démocratiques. Les fonctionnaires qui
m'accompagnent seront sans doute ravis de savoir que c'est l'un de leurs
anciens camarades qui, maintenant, préside cette commission et qu'il a
fait non pas ses premières armes administratives, mais l'essentiel de sa
carrière au ministère des Affaires intergouvernementales, une
composante du nouveau ministère...
Je voudrais évidemment aussi complimenter le
vice-président de la commission. Je crois que l'Opposition aurait pu
faire un plus mauvais choix. Car déjà avant que nous ne
connaissions cette formule, M. le député de Jean-Talon s'est
intéressé à toutes les questions touchant les relations
internationales, le commerce extérieur. Il était venu à la
commission parlementaire au nom de sa formation politique pour la Loi sur le
ministère du Commerce extérieur. L'an dernier il a
été un intervenant majeur dans la défense des
crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Je pense
que l'Opposition a bien joué le jeu en nommant à cette importante
commission des institutions le député de Jean-Talon.
Je voudrais aussi, comme c'est l'usage, M. le Président de
séance, vous présenter ceux et celles qui m'accompagnent. Il y a
d'abord, Mme Paule Leduc, sous-ministre des Relations internationales; M.
Claude Rocquet, sous-ministre associé du même ministère; M.
Claude H. Roy, mon directeur de cabinet; M. Gilbert L'Heureux, le directeur
général de l'administration; M. Jacques Pouliot, le directeur du
personnel. Non, M. Jacques Pouliot est le directeur du budget; M. Marcel
Perreault, le directeur du personnel; M. Bertrand Juneau, analyste à la
direction du budget.
Vous avez ouvert cette séance, M. le Président, en disant
que vous demandiez
l'indulgence parce que c'était la première fois que vous
présidiez une défense de crédits suivant le nouveau
règlement. Permettez-moi de vous imiter dans cette voie et de vous
demander l'indulgence, parce que moi c'est la première fois que je
défends les crédits du ministère des Relations
internationales, et il serait au dessus de l'intelligence normale que d'avoir,
en si peu de semaines, assimilé totalement les rouages compliqués
et les arcanes de la politique étrangère du Québec. Mais
avec l'aide des fonctionnaires, j'essaierai de faire de mon mieux pour donner
à cette commission une information totale, complète et
pénétrante.
En guise de remarques préliminaires proprement dites, je voudrais
évoquer brièvement quatre thèmes touchant aux relations
internationales du Québec.
Pourquoi est-ce que le Québec a des relations internationales
vastes, étendues, et organiques qui font l'objet de crédits? Par
exemple, pourquoi la municipalité de Laval n'a pas de relations
internationales, à toutes fins utiles? Pour une première raison,
c'est à cause de la loi. Nous sommes, ici, dans le Parlement d'un
État au sens le plus fort de la législation internationale et du
droit des gens. Cet État possède certaines sphères de
souveraineté, c'est-à-dire que ce Parlement est le
décideur final pour plusieurs aspects qui touchent à la vie des
citoyens et des citoyennes du Québec. En cela, en droit britannique
comme en droit public en général, cet État est souverain
pour plusieurs secteurs de son activité. S'il est souverain pour
plusieurs secteurs de son activité interne, cela veut dire que nul ne
peut lui dicter sa façon de projeter à l'extérieur ses
souverainetés internes.
Il est vrai que dans la fédération canadienne la
personnalité juridique internationale la plus complète a son
siège au gouvernement du Canada. Nul ne le conteste, étant bien
entendu que plusieurs veulent changer cet état de choses et qu'ils ne
sont pas encore tout à fait en majorité; mais mon plus ardent
désir, comme celui de ceux de mes collègues du parti
ministériel, est qu'ils le soient un jour. Entre-temps, nul ne conteste
que l'intervenant majeur sur la scène internationale c'est le
gouvernement du Canada. Mais même s'il est un intervenant majeur, ses
pouvoirs constitutionnels ne lui donnent pas le droit de modifier nos
souverainetés internes ni d'agir sur nos souverainetés internes
dans leur prolongement externe. C'est-à-dire que le gouvernement du
Canada ne pourrait pas forcer ce Parlement à modifier sa
législation sociale pour l'ajuster à une convention que le
gouvernement du Canada aurait signée avec l'Organisation mondiale de la
santé, par exemple. La souveraineté est ici.
Par voie de conséquence et toujours dans le domaine juridique, le
Québec possède une des caractéristiques de la
souveraineté internationale des États, c'est-à-dire le
droit de signer des ententes, ce qu'on appelle le jus tractatuum, qui a
été analysé dans de nombreux ouvrages connus par les
membres de cette commission, je le présume.
Une deuxième remarque: les relations internationales du
Québec sont fondées sur une très longue tradition. Dans un
système juridique d'inspiration surtout britannique, la tradition, les
précédents finissent par constituer un corpus que l'on appelle
les conventions et qui, de ce point de vue, acquièrent une force presque
égale à celle des textes.
Or, depuis très longtemps, le Québec a une politique
étrangère. Dans un cas en particulier qui est un cas
d'espèce, celui d'un autre grand État ami, la République
française, le Québec a été représenté
auprès de la République française avant le gouvernement du
Canada. En effet, à la fin du siècle dernier, le gouvernement du
Québec a eu un délégué à Paris qui
s'appelait M. Fabre. Je ne connais pas la biographie de cette personne, sauf
par les écrits humoristiques du capitaine Capp, mais il devait vraiment
être très bon, parce qu'après trois mois de
représentation du Québec, il fut engagé par le
gouvernement du Canada et fut le premier représentant du Canada en
France.
Donc, cette activité se fonde sur une tradition qui n'a pas
commencé hier. Elle fut évidemment revitalisée à
l'occasion de ce que l'on a appelé la révolution tranquille. On
se souvient de l'ouverture au début des années soixante d'une
délégation du Québec à Paris qui, encore parce que
c'est un cas d'espèce, a été accueillie par la
République française, non pas comme une ambassade avec tous les
droits et prérogatives, mais je pourrais dire presque sans forcer la
réalité.
Le troisième point dont je veux parler c'est la
réalité des relations internationales du Québec. On
pourrait dire dans une interprétation stricte et centralisatrice de la
fédération canadienne, comme on en a entendu une exprimée
à l'Université Laval en fin de semaine dernière, que
toutes les provinces ont des relations internationales:
l'Île-du-Prince-Édouard, pour prendre un exemple qui m'est cher,
pourrait prétendre -puisque son statut juridique est le même que
celui du Québec, d'après certains esprits juridiques qui,
à mon avis, sont dans l'erreur - qu'il y a
l'île-du-Prince-Édouard internationale, que
l'île-du-Prince-Édouard signe avec tous les États de la
terre et que l'Île-du-Prince-Édouard a une diplomatie, sauf que ce
n'est pas la réalité. Sans aucun mépris pour cette
île, le jour où les diplomates de
l'île-du-Prince-Édouard débarqueraient à Londres ou
à Paris ou à Hong Kong ou à Singapour, il se pourrait
que
certains caricaturistes se servent de l'événement.
Personne n'a tendance à faire cela quand la réalité
internationale du Québec est exprimée à l'intérieur
comme à l'extérieur.
Je fais une parenthèse à ce sujet pour dire à la
commission, qui peut-être sera intéressée à cet
événement, que déjà au mois de juin qui vient, les
intervenants québécois, réunis dans un sommet, les
intervenants classiques, les agents économiques, les agents sociaux,
participeront à quelques jours de réflexion sur le Québec
dans le monde. Ces jours de juin serviront à faire l'état de la
situation et la préparation d'une deuxième phase de ce sommet qui
aura lieu à l'automne. Au cours de l'été, les intervenants
québécois, publics, privés, coopératifs,
gouvernementaux mèneront des tables de concertation, des tables de
consultation pour préparer la deuxième phase de
l'événement qui aura pour mission d'analyser, d'élargir,
de consolider, de rendre plus cohérente cette grande
réalité qu'est le Québec international et qu'est le
Québec dans le monde.
Loin de moi la pensée que les relations internationales du
Québec ne sont que le fait des gouvernements ou du gouvernement. Cela
serait même plutôt le contraire dans l'état actuel des
choses et il n'est pas sûr que cela devrait être changé. En
effet, de grandes agences privées du Québec et, en particulier,
l'Église catholique du Québec et d'autres Églises du
Québec, depuis très longtemps, avant même que les grands
concepts d'aide au développement du tiers monde, avant même que
les grandes organisations internationales, OMS, ONUDI, n'existent,
déjà des milliers de Québécois et de
Québécoises parcouraient toutes les mers du monde et allaient sur
tous les continents pour répandre, du point de vue de l'Église,
la parole évangélique mais aussi, et à un très haut
degré, donner à ces populations des services sociaux, des
services éducationnels. C'est devenu une image d'Épinal que de
penser à la petite soeur blanche d'Afrique qui a quitté Pont-Viau
pour aller dans des pays lointains jouer son rôle d'infirmière ou
d'institutrice.
C'est donc une grande réalité et aussi -je termine avec ce
quatrième thème - un impératif économique. À
l'heure où les sociétés occidentales, presque sans
exception - il y a des exceptions qui méritent d'être
analysées - ont toutes les peines du monde à employer leur
main-d'oeuvre active, en d'autres termes, à l'heure où les
sociétés occidentales sont aux prises, pour des raisons de
structure profonde, avec des problèmes de chômage de niveau
élevé, il est devenu clair et net que le commerce international
et sa fluidité, que la coopération économique
internationale, dans un contexte de fluidité la plus grande possible,
est devenue une des solutions, sinon la solution, à ce problème
languissant des sociétés occidentales et de leur jeunesse en
particulier qu'est le chômage, le sous-emploi et le non-emploi.
Maintenant, la population du Québec est sensibilisée
à ces questions. Les gens d'affaires, comme tous les décideurs,
les gens de l'éducation, les gens des services sociaux, sont
sensibilisés à cette question que le gouvernement du
Québec et son Parlement ont le devoir d'élargir et de consolider
les relations internationales du Québec.
Je vous rapporte une anecdote sans donner de nom, et j'espère que
l'Opposition n'en donnera pas. Un ancien ministre du gouvernement du
Québec, d'un régime qui n'est pas le nôtre, avait eu
l'idée il y a quelques années - il n'y a pas 25 ans - de faire un
ministère du Commerce extérieur. Sa suggestion avait
été vertement rejetée, froidement rejetée, parce
qu'on disait: Cela n'a pas de bon sens, cela dépend d'Ottawa et la
population ne sera jamais d'accord avec cela, etc. Quand le ministère du
Commerce extérieur est né, vous l'avez remarqué, ce fut
dans un concert d'éloges de la part de la communauté des affaires
en particulier.
Je pousse mon exemple encore plus loin. Il y a quelques semaines, sous
l'empire de la Loi sur l'exécutif, le premier ministre a
créé un ministère des Relations internationales.
Voilà qui est maintenant beaucoup plus explicite que l'ancienne
appellation d'un ministère qui faisait quand même
déjà cela: le ministère des Affaires
intergouvernementales. De nouveau, concert d'éloges, aucune protestation
ni d'un gouvernement qui aurait pu voir la chose avec un esprit chagrin, ni
d'aucun segment de l'opinion publique québécoise.
M. Rivest: ...c'est pour cela que M. Morin...
M. Landry: Voulez-vous me citer des textes, M. le
Vice-Président de la commission.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
ministre.
Une voix: Je m'excuse, M. le Président.
M. Landry: Parce que le vice-président peut verbalement
m'interrompre. La longue amitié qui nous unit fait que je ne me
formalise pas du fait, mais j'aimerais mieux, s'il est sérieux, qu'il
dépose les textes comme j'ai l'intention d'en déposer pendant les
six heures où nous serons ici.
M. Rivest: Vous avez déposé le ministre.
M. Landry: Je pense que dans le système parlementaire
britannique, ce n'est pas à un membre du Conseil des ministres d'en
promouvoir ou d'en démettre un autre.
M. le Président, c'étaient mes remarques
préliminaires. J'espère qu'elles n'ont pas été trop
longues et qu'elles ont été suffisamment stimulantes. Si je
regarde les réactions du vice-président, le mot "stimulant"
serait une litote, il a l'air plutôt excité; mais pour les autres
qui réagissent normalement à mes propos j'espère que vous
les avez trouvé stimulants sur le plan intellectuel. (10 h 30)
Le Président (M. Gagnon): Merci M. le ministre. M. le
Président de la commission et député de
Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. Jusqu'à la fin
cela allait assez bien, mais quand vous avez parlé de qui démet
les ministres mon collègue de droite et moi avons frémi.
C'est la faute au député de Jean-Talon.
M. Landry: Peut-être que l'un et l'autre, à cause de
cela, vont être promis à un brillant avenir?
M. Vaugeois: Là, je suis sûr que cela m'a permis de
passer à l'histoire et je pense que c'est la même chose pour le
député de Lafontaine.
M. le ministre, vous avez eu effectivement des propos bien stimulants et
je trouve que cela fait du bien d'entendre de tels propos au début de
travaux. Je ne les reprendrai pas parce que j'ai de très brèves
questions à vous poser, mais je vais quand même évoquer le
premier point que vous avez développé en comparant la ville de
Laval avec Ottawa.
Quand vous soulignez qu'Ottawa est un intervenant majeur sur le plan
international, évidemment, il n'y a pas de risque à le dire, mais
je reste toujours préoccupé par le fait que le gouvernement
fédéral s'est arrogé, en matière internationale,
des pouvoirs qu'aucun texte ne lui accordait. La constitution canadienne ou
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'ont jamais accordé
à Ottawa, à l'origine, des pouvoirs que ce gouvernement, avec les
années, s'est attribué. Évidemment, il ne s'est pas
trouvé de provinces pour contester assez tôt, et le gouvernement
de Londres a vu d'un oeil complice une très lente évolution de
fait et non pas de droit. Il reste que pendant cette lente évolution, le
gouvernement du Québec, qui était le seul gouvernement
représentant nettement une communauté francophone en
Amérique, a posé des gestes antérieurs au gouvernement
fédéral sur le plan international. Je pense aux agents
d'immigration, à des agents économiques, à des
représentants à l'étranger. Nous avons ouvert des
représentations à l'étranger avant le gouvernement
fédéral. Ce dernier a récupéré, d'ailleurs,
certains de ces postes ouverts à l'étranger.
Ceci étant dit, cela ne remet pas en question une
réalité que vous avez soulignée, mais cela m'amène
à dire que si on voulait remonter sur le plan de la tradition ou de
l'histoire, il y a des faits qu'il importerait encore aujourd'hui de mettre
davantage en lumière. D'ailleurs, nous avons tout récemment
fêté le centième anniversaire de l'ouverture de notre
première représentation à Paris. Je me souviens
qu'à l'époque l'ambassadeur de Grande-Bretagne
s'inquiétait de cette représentation, et il le faisait au nom du
Canada.
Je passe par dessus d'autres propos que vous avez tenus, tout en
soulignant qu'ils ont aussi dû être assez agréables à
entendre pour l'Opposition puisque au fond vous vous êtes
rattaché, pour une bonne partie de vos propos, à la doctrine
libérale des années soixante en reprenant sans le dire les
théories de Paul Gérin-Lajoie, qui à l'époque
étaient novatrices et également stimulantes. Je ne vous fais pas
grief de les avoir rappelées aujourd'hui. Je pense que c'est quelque
chose qui nous est propre, qui nous est commun en tant que parlementaires
québécois, qui avons choisi d'être actifs à
Québec et non pas dans un autre gouvernement ou un autre Parlement.
Là-dessus, il y a une base commune, c'est que tous les hommes politiques
québécois veulent assumer un certain nombre de
responsabilités à l'intérieur et leur prolongement
à l'extérieur. Nous n'avons pas été les premiers
à le défendre. C'est bon de le rappeler. Souvent on nous attaque
sur ce terrain alors qu'on oublie que des gestes intéressants, positifs,
ont été posés par des gouvernement antérieurs.
Maintenant, les modifications importantes qui ont touché le
ministère que vous représentez ce matin provoquent une certaine
nostalgie chez un ancien fonctionnaire, inutile de le taire. Ce
ministère a été bâti lentement à travers
maintes difficultés et après autant d'années on ne peut
que se poser quelques questions. Je voudrais vous en poser une sur un ton un
peu taquin. À partir du moment où l'on distingue affaires
canadiennes et affaires internationales, des malins pourraient comprendre que
notre gouvernement, après avoir considéré à la
suite de plusieurs autres les relations avec Ottawa d'abord sous l'angle de
relations intergouvernementales assimilables à des relations
internationales puisque chapeautées par une même structure
supérieure, en serait venu à considérer progressivement
les affaires canadiennes comme des affaires intérieures. Donc, les
positions constitutionnelles de ce gouvernement auraient évolué
dans un sens assez étonnant, compte tenu de ses objectifs
constitutionnels. La question est mi-sérieuse mi-taquine.
Une deuxième question, beaucoup plus sérieuse pour moi,
c'est la façon de travailler des bureaux à l'étranger. Je
ne fais pas de nuance entre bureau, délégation,
délégation générale. Je pense que le
problème est un peu toujours le même. Si le poste est important le
principal titulaire a à coordonner des fonctionnaires qui viennent de
plusieurs ministères, ou encore, s'ils ne viennent pas de plusieurs
ministères, ils ont à rendre compte dans des secteurs qui
touchent plusieurs ministères. Il se pose donc un important
problème de coordination. Je voudrais savoir comment à l'avenir
vous entrevoyez ce travail de coordination de nos chefs de poste à
l'étranger? Également si on s'en va dans un poste restreint dans
un bureau restreint, le problème est à l'inverse. Nous avons peu
de monde, un titulaire avec très peu de personnel de soutien, peu de
collaborateurs mais on lui demande - me semblait-il à l'époque,
et je voudrais savoir si c'est encore la même chose aujourd'hui -de faire
plus que de représenter son secteur et de représenter
également le gouvernement du Québec. Même si son premier
mandat est économique, on lui demande de ne pas être
étranger à un visiteur qui lui parlerait de cinéma,
d'autant plus que tout finalement a une dimension économique. Je
voudrais savoir ce que vous faites de vos fonctionnaires à
l'étranger et des conseillers polyvalents quand ils occupent de petits
postes, si vous leur donnez un mandat assez général et comment
vous organisez et articulez vos relations avec les autres
ministères.
Une dernière petite question pour l'instant. Je réagis
à votre dernière remarque; j'endosse l'impératif
économique, mais en même temps je voudrais être certain
d'entendre le ministre responsable des Relations internationales et non pas le
ministre du Commerce extérieur. Vous avez là deux
ministères différents et je pense qu'il est important de marquer
la différence. Je n'accepterai jamais facilement qu'on ramène les
relations internationales à une dimension économique. Il me
semble que l'évolution du monde - vous y avez fait allusion - nous a
amené d'un type de relations internationales qui privilégiaient
la guerre et le commerce - les relations internationales ont longtemps
été la guerre et le commerce - à des relations beaucoup
plus complètes où la santé, le travail, la culture
trouvent leur place. C'est fondé non seulement sur une évolution
de civilisation et de société partout dans le monde mais,
également, sur le fait qu'on ne peut développer un secteur sans
toucher les autres secteurs. On ne peut pas développer le secteur
économique sans développer les sciences, les connaissances.
Le développement économique est fondé sur
l'évolution des sciences et des connaissances. Tout ce que je pourrais
dire est bien connu; il me semble que tous les pays tiennent à
développer des échanges dans tous les domaines, la plupart du
temps en souhaitant que le développement économique en soit
influencé. On est conscient que si la cible est l'économie, on
passe à côté. Il faut, pour développer
l'économie, investir dans ce qui l'entoure. Cela passe également
par le niveau politique. Tous les États prennent plus de place que
jamais auparavant et il n'est pas possible de régler les relations
internationales sans avoir un niveau politique d'intervention significatif
d'où, à mon avis, l'importance de votre ministère,
d'où, à mon avis, l'importance d'affirmer par tous les moyens les
responsabilités d'un État comme l'État
québécois sur le plan intérieur comme sur le plan
extérieur.
J'aimerais vous voir réagir à ces propos. Je pense bien
qu'on sera d'accord, mais cela me rassurerait de vous l'entendre dire
après vous avoir entendu évoquer des impératifs
économiques.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, avant de vous
laisser la parole, je voudrais dire au député de
Trois-Rivières et président de cette commission que si le
ministre choisit de répondre immédiatement à vos
questions, ce sera pris sur votre temps.
M. Bernard Landry
M. Landry: Est-ce que c'est ce que le président a choisi?
Il dit qu'il est d'accord. M. le Président, vous avez
évoqué cinq questions qui sont toutes d'une importance
considérable. À vos propos préliminaires on voit que vous
avez été élevé dans le sérail, au meilleur
sens du terme, et que toutes ces questions n'ont plus de secret pour vous.
La première question, l'action du gouvernement du Canada. Je
partage votre point de vue selon lequel, de facto et pas à pas, le
gouvernement du Canada a essayé d'établir une évolution du
système fédéral en parallèle avec ce qui s'est
passé aux États-Unis d'Amérique et centraliser, parfois
subrepticement, sans le dire, parfois en le disant comme l'a fait le premier
ministre du Canada samedi dernier, d'une façon claire, toute la vie
collective et étatique, au point où vraiment les États que
sont les provinces, dans la bouche de certains porte-parole
fédéraux et de certains technocrates fédéraux, sont
des espèces de nuisances, des séquelles historiques sans
lesquelles tout irait beaucoup mieux.
C'est, selon moi, politiquement une mauvaise démarche. Mais
n'entrons pas dans la question politique. C'est juridiquement une erreur. Ce
n'est pas ce que les textes, ce que les conventions constitutionnelles
donnaient comme responsabilités au gouvernement du Canada; ce
n'étaient ni l'esprit, ni le texte des grandes lois constitutionnelles
et des grandes conventions qui nous régissent. Ils l'ont fait parfois
d'une façon formelle et parfois - je ne veux pas parler de guerre de
drapeaux - de façon larvée, souvent comme une machine
technocratique qui fait du zèle et qui est même plus catholique
que le pape. Quand le pape s'appelle Trudeau, être plus catholique que
lui cela veut dire être pas mal catholique en termes de
centralisation.
Je vous donne un exemple concret qui va aussi, j'imagine, frapper les
porte-parole de l'Opposition parce que cela s'applique sous n'importe quel
régime québécois. Lorsqu'il y a une conférence
fédérale-provinciale à Ottawa - j'ai suivi ces
événements depuis les années soixante, je suis allé
à ces tables, aussi bien avec M. Jean Lesage qu'avec M. Daniel Johnson -
il fût toujours dit, soit expressément, soit implicitement, que
ces tables étaient une réunion où il y avait un primus
inter pares. Vous me suivez? Le primus, c'est le premier ministre du Canada
avec les pares qui sont les premiers ministres des provinces.
Or, transposée sur le plan international, la technocratie
fédérale est arrivée à une doctrine absurde qui
veut qu'un premier ministre de province, à l'extérieur du Canada,
soit sur le plan international l'égal d'un ministre
fédéral. Alors, comment se fait-il que lorsque le premier
ministre du Québec - disons quand c'était M. Robert Bourassa -
s'assoit à Ottawa à une conférence
fédérale-provinciale, il est "par" de "pares" avec le primus qui
est Trudeau et dès qu'il est à l'étranger, il devient le
"par" d'autres "pares" qui s'appellent André Ouellet, etc. C'est d'une
absurdité même sur le plan logique.
Alors, il y a eu un glissement, M. le Président de la commission,
vous avez parfaitement raison; il y a eu un gauchissement, qui a souvent
été fait par des gens de droite d'ailleurs, des grands textes et
de l'esprit de la constitution du Canada en matière internationale.
Deuxième question: Vous avez évoqué une nostalgie
qui est facile à comprendre pour moi, vous avez parlé de
nostalgie d'ancien fonctionnaire. Mes nostalgies, ce serait quand je regarde ce
qu'est devenu le ministère des Richesses naturelles. Je suis un ancien
fonctionnaire du ministère des Richesses naturelles: c'était mon
port d'attache, nos locaux étaient au boulevard de l'Entente. Il y avait
vraiment un esprit de corps dans les services des mines en particulier, de
l'hydrologie. Qu'est-il advenu de tout cela? Il est advenu le grand
ministère de l'Énergie et des Ressources. On n'arrête pas
le progrès, comme on dit, on n'arrête pas l'évolution et il
n'y a pas de rupture doctrinale, je pense, entre vous, M. le Président,
entre mon prédécesseur Jacques-Yvan Morin et moi-même sur
cette question: les relations internationales du Québec ont
évolué et elles doivent, sur le plan organique, sur le plan
administratif, refléter les évolutions récentes.
La troisième question que vous avez posée, à la
blague, pourrait donner lieu à des interprétations d'ailleurs
tout à fait opposées à celles que vous avez
évoquées du fait qu'il y ait maintenant un ministère des
Affaires intergouvernementales canadiennes. D'abord, le Québec reste
représenté par des délégations dans le territoire
canadien. On pourrait dire tout simplement que, pour des raisons historiques,
des raisons d'échanges économiques constants on a
spécialisé une partie de notre action intergouvernementale et
extraterritoriale à cause des spécificités du territoire
canadien. C'est un peu comme quand le gouvernement américain a
décidé, il y a quelques mois, de nommer un sous-secrétaire
d'État aux Affaires canadiennes, M. Midas; cela ne veut pas dire que
Washington considère le Canada comme un territoire intérieur
même si dans la comptabilité de certaines firmes, on parle du
"Internal market" en incluant Toronto et Montréal. Cela veut dire qu'on
spécialise un segment de l'administration des questions
extraterritoriales en raison de particularismes historiques, et il y en a
vraiment un avec le Canada. Ce serait s'aveugler que de le nier.
Quatrième question: La coordination des bureaux à
l'étranger. Vous avez parlé de l'avenir de la coordination.
L'avenir ne sera pas tellement différent du passé, je vais vous
dire pourquoi. C'est parce que le passé était relativement bon.
Les délégués, les délégués
généraux, les chefs de poste en général ont
toujours été les coordonnateurs de l'action du Québec dans
le pays d'accueil, même si des fonctionnaires spécialisés
comme ceux des ministères de l'Immigration, du Commerce extérieur
peuvent répondre à des "desks" -comme on dit - différents.
Vous savez que même la Sûreté du Québec est
représentée à la Délégation
générale du Québec à Paris. Il n'est pas question
que nous développions aux Relations internationales une section des
affaires policières, mais le délégué reste le grand
coordonnateur dans chaque poste. Des fois c'est simple, il n'a qu'a se
coordonner lui-même, comme notre vaillant représentant en
Haïti qui s'occupe surtout d'immigration; il dirige son personnel de
soutien et c'est tout, il est seul.
En général, même dans les grandes
délégations comme celle de Paris, le glissement et l'adaptation
s'étaient faits spontanément. J'ai souvent donné l'exemple
de M. Yves Michaud, brillant délégué général
du Québec à Paris, ancien membre des deux formations politiques
représentées à cette table, lequel, n'était pas au
départ un
économique. Personne n'a pensé que l'ancien directeur de
La Patrie était un "économique" par définition sauf qu'il
l'est devenu; le besoin crée l'organe. Dans les grands dossiers
économiques, notre délégué général
est intervenu brillamment, comme il l'a fait dans les autres dossiers.
Maintenant la dernière question que vous avez posée, et la
dernière réponse que je donne: cette espèce de dichotomie
de ce qui est économique et de ce qui ne l'est pas, et d'une certaine
tendance panéconomique -on peut toujours dire que tout est
économique. Si le Québec vend un bien d'équipement
à un pays du tiers-monde il y a un aspect économique classique,
c'est une vente. Mais s'il donne le bien en question, cela peut être
économique pareil parce que le bien a été fabriqué
ici; il y a donc une dimension économique; et il peut aussi servir dans
le pays d'accueil à des fins purement économiques même si
c'est au titre de l'aide. Au cours de la semaine, notre Assemblée
nationale et moi-même avons eu l'honneur de rencontrer deux ministres de
pays en voie de développement, la République centrafricaine et le
Togo. Ces deux collègues africains m'ont longuement expliqué que
l'objectif principal de leurs pays c'était l'autosuffisance alimentaire,
c'était de nourrir leur population sans avoir à importer ou,
s'ils importent, au moins en ayant dégagé des devises
d'exportation pour payer leur facture alimentaire. C'est de l'économie,
c'est évident. Mais cela n'a pas le même sens que si nous faisons
une exportation d'agro-alimentaire à la ville de New York, grand pays
occidental développé où le problème est
plutôt à inverse: les gens ont plutôt trop de calories que
pas assez.
Alors, il y a une espèce de panéconomisme dans les
relations. Cependant, je souscris tout à fait à ce qu'a
exprimé le député de Trois-Rivières, qu'il ne faut
pas se laisser emporter, il ne faut pas dériver vers un mercantilisme
grossier, l'aide reste l'aide. Le développement induit à partir
de dons de la collectivité québécoise en experts, en
argent, etc. ne pourra jamais être qualifié comme un
phénomène microéconomique ordinaire. Le fait que j'occupe
le poste de chef de deux ministères dont l'un en apparence est beaucoup
plus économique que l'autre ne me permettra jamais de dériver
vers une attitude mercantile, qui ne serait pas le voeu du Parlement et qui ne
serait pas le voeu de la population du Québec.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
Est-ce que vous voulez compléter? Non. M. le député
de Jean-Talon et vice-président de cette commission. (10 h 45)
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, très brièvement
étant donné que mon collègue, le député de
Nelligan, étudiera de plus près les crédits, je voudrais
simplement faire une remarque sur les propos du ministre. C'est sûr que
dans le domaine des relations internationales, étant donné les
orientations de fond, il ne faut pas perdre la perspective des
différences et faire croire à un unanimisme qui n'existerait pas
entre les deux formations politiques. Notre perspective de la promotion des
relations internationales du Québec se situe dans le cadre du
fédéralisme canadien. Je parle pour les membres de notre
formation politique. L'impression générale, non seulement la
vôtre, puisque vous arrivez dans le domaine, comme celle de vos
prédécesseurs depuis 1976 en particulier, a toujours
été de faire comme si le fédéralisme canadien
n'existait pas et n'était pas une réalité. Si bien que,
lorsque vous exprimez ou vous référez à la théorie
développée par M. Paul Gérin-Lajoie, je pense, d'une
façon beaucoup plus systématique sur l'extension des
responsabilités attribuées aux États membres de la
fédération sur le plan international, vous référez
par exemple nommément à la question des traités. Or, la
théorie du droit constitutionnel canadien est fort bien établie.
Le gouvernement canadien, quand il s'agit de traités, en particulier
multilatéraux, a le pouvoir constitutionnel de négocier les
traités, de les signer, sauf que la théorie c'est qu'il ne peut
pas dans le cadre du fédéralisme canadien - ce qu'on appelle
"l'implementation" - les mettre en oeuvre sans l'accord... Cela est l'ordre
constitutionnel canadien.
Pour prendre juste cet exemple, nulle part dans le passé, on n'a
senti des initiatives qui sont venues de la part du gouvernement du
Québec dans le domaine des relations internationales pour dire: On a tel
ou tel intérêt, en termes de développement, comme
société québécoise définie, à ce que
le gouvernement canadien aille dans telle ou telle direction. Nulle part on n'a
eu une déclaration de cela. Lorsque vous parlez des relations
multilatérales, on en a une qui est très bien organisée.
Pour vous montrer qu'il est possible pour le gouvernement du Québec de
prendre une initiative, ce que votre gouvernement n'a jamais fait, n'a jamais
en tout cas réussi à faire, on en a réussi une. Vous
parliez de l'époque de 1960, on parle de l'époque de 1970 au
niveau de l'Agence de coopération technique et culturelle. On a
donné un délai considérable aux activités
internationales du Québec, parce que l'on a négocié et
conclu avec le gouvernement canadien un statut de gouvernement participant au
sein de l'Agence de coopération technique et culturelle, lequel
donne au Québec... parce que le Québec avait des objectifs
propres préalablement établis qui ont été
présentés en tant que tels au niveau du gouvernement canadien,
où l'action du gouvernement canadien a été
concertée en quelque sorte. Voilà une initiative de
cohérence qui a été prise et je pourrais peut-être
donner la plus spectaculaire, celle des relations directes et
privilégiées avec la France, une autre initiative qui a
été prise et qui existe. Mais il ne faut pas oublier de dire que
cet accord, en 1964, a été conclu à l'intérieur
d'un accord-cadre signé par le premier ministre de l'époque M.
Lesage et le premier ministre du Canada qui était M. Lester-B.
Pearson.
Alors, je veux vous indiquer que, comme ministre responsable des
Relations internationales, étant donné que vous arrivez dans le
secteur et que vos prédécesseurs ne l'ont pas fait, vous auriez
intérêt à établir très clairement...
Peut-être que dans le domaine d'ailleurs, et on y reviendra lors de
l'étude des autres crédits... Je sais que vous avez fait des
déclarations publiques dans le domaine du commerce extérieur qui
me sont apparues comme manifestant une volonté de votre part d'articuler
les initiatives québécoises avec celles du gouvernement canadien.
Je ne sais pas s'il existe une entente écrite, ou si c'est simplement au
niveau des intentions, ou s'il y a un protocole ou une pratique dont vous avez
convenu avec le gouvernement canadien, mais ce que je voudrais vous entendre
dire comme ministre responsable des Relations internationales au cours de
l'étude des crédits, et mon collègue dira davantage, c'est
que prenant acte jusqu'à nouvel ordre, comme vous l'avez indiqué,
que le Québec s'inscrit dans le fédéralisme canadien,
j'aimerais bien que quelque part et à quelque moment vienne du
ministère des Relations internationales une volonté clairement
exprimée, des objectifs non seulement économiques mais, comme le
disait le président de la commission, des objectifs dans les autres
domaines du Québec, dans le domaine international et que, ayant cela,
vous en arriviez avec vos interlocuteurs au niveau du gouvernement canadien
à demander, à négocier et à conclure si possible
les espaces nécessaires dont le Québec a besoin sur le plan
international. Cela s'est fait à l'intérieur d'un régime
fédéral. Peut-être que l'attitude du premier ministre du
Canada actuel, M. Trudeau, ne s'y prêtait pas, j'en conviens volontiers;
mais il est bien possible que certaines évolutions puissent se produire
à ce niveau et qu'il y ait d'autres avenues.
Tant et aussi longtemps que le gouvernement du Québec se
contentera simplement d'une espèce d'attitude qui fait en sorte qu'on
essaie par toutes sortes de techniques et d'opérations ad hoc de
contrer, ou de faire semblant, ou de faire comme si le gouvernement canadien
n'existait pas, parce qu'on a en tête une certaine idée qui n'est
pas encore passée dans l'opinion publique, eh bien, on avance à
tâtons. Il ne se dégage aucune espèce d'impression de
cohérence, de volonté claire sur ce que le Québec exige
sur le plan international et surtout, et c'est peut-être là la
faille la plus grande, de signification profonde. Pour l'opinion publique
québécoise, il y a un problème de
crédibilité toujours qui s'est posé depuis un certain
nombre d'années sur les actions internationales du Québec, parce
qu'on n'a jamais réussi au niveau du ministère des Affaires
intergouvernementales à définir, en termes de
développement et de conséquences concrètes pour le
Québec, la dimension internationale. Comment se fait-il qu'on ne sait
pas - et je donne encore l'exemple du commerce extérieur parce que je
trouve que vous avez, M. le ministre, personnellement ouvert une voie
intéressante - si vous vous félicitez d'un accueil que le milieu
des entreprises a donné aux initiatives que vous avez prises dans le
domaine des relations extérieures, parce que les entreprises ont senti
dans l'initiative que votre gouvernement prenait des possibilités de
développement? C'est peut-être le seul domaine.
Je voudrais que, comme ministre des Relations internationales, l'on
sente aussi que dans le domaine culturel, dans le domaine de
l'éducation, dans le domaine de la santé, dans tout autre
domaine, vous faites en sorte que le gouvernement du Québec
définisse ses priorités, qu'il les inscrive et qu'il les
communique d'une façon claire, nette et crédible au gouvernement
canadien. Dès lors qu'arriveront des événements comme le
sommet de la francophonie, par exemple, au lieu de sombrer dans une aventure
uniquement politique, qui est une espèce de chassé-croisé
politique où les velléités du Parti
québécois sont contrées par les velléités du
gouvernement fédéral, où personne ne réussit
à se rendre au premier but parce que la politique s'empare de cela...
Derrière des initiatives comme celles-là il pourrait y avoir, en
termes de société québécoise francophone, des
avenues extrêmement prometteuses, si jamais la politique quittait un peu
ce domaine pour que les ministres, autant à Ottawa qu'à
Québec, se rabattent davantage sur ce qu'il y aurait comme
retombées significatives au niveau du développement du
Québec.
Ce sont les remarques que je voulais vous faire. Mon collègue le
député de Nelligan va suivre de plus près chacun des
crédits. Mon point est que dans ce domaine comme dans les autres
domaines des relations fédérales-provinciales, à cause de
l'option politique que vous avez, il n'y a pas eu, au niveau des relations
internationales,
une initiative vraiment explicite, concrète, une volonté
de négocier à l'intérieur du régime
fédéral, si bien que les attitudes du gouvernement du
Québec ont malheureusement été uniquement des attitudes
défensives, des attitudes de tactique, de stratégie qui, à
mon sens, non seulement privaient le Québec d'occasions de se servir de
cette dimension internationale pour appuyer ses iniatives internes de
développement, mais qui ont été aussi, dans l'opinion
publique et d'une façon très large, la raison fondamentale du
manque de crédibilité qu'a toujours eu l'action internationale
malheureusement - je dis malheureusement parce que c'est une conviction
profonde chez moi - qu'a toujours eu l'action internationale du Québec
à l'étranger dans l'opinion publique.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Jean-Talon. Nous allons continuer avec le
député de Nelligan et par la suite vous pourrez... Vous aimez
mieux répondre tout de suite? Cela enlèverait...
M. Landry: Moi, je n'ai pas de préférence, M. le
Président. Si le vice-président veut que je réponde tout
de suite, je vais le faire.
M. Rivest: Non, le député de Nelligan va
compléter ces remarques préliminaires. Vous répondrez
après.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Nelligan va compléter les remarques et vous répondrez par la
suite.
M. Landry: Très bien.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, je ne veux pas être
très long, mais je voudrais m'associer aux remarques du ministre et
féliciter chaleureusement le Président de la commission, le
parrain de la réforme parlementaire. Je pense que nous sommes tous
très heureux de voir qu'il a pris une part si active à
l'instauration du système des commissions. Je suis sûr que ce sera
un grand pas en avant pour tous. Je voudrais féliciter très
chaleureusement le président et le vice-président, le
député de Jean-Talon.
Toutefois, j'ai malheureusement une remarque un peu négative
à faire. J'aurais espéré que ce renouveau parlementaire du
règlement eut été complet dans sa première
année. Je réalise qu'il y a toujours des problèmes de
rodage, mais je ne peux que m'associer aux paroles prononcées hier
à l'Assemblée nationale par mon collègue de Westmount au
sujet des livres de crédits. Il me semble que les crédits
budgétaires sont la partie primordiale de notre travail parlementaire.
C'est en fait notre façon de venir questionner le gouvernement une fois
par année. Nous avons quelques heures mises à notre disposition
pour vraiment vérifier ce qui se passe à l'intérieur des
budgets, faire un tour d'horizon. Il semble que c'est un travail crucial.
Cette année-ci encore, comme le soulignait hier le
député de Westmount, les livres des crédits sont
arrivés la veille même de l'étude des crédits. Dans
le cas spécifique qui nous occupe aujourd'hui, nous avons eu ce livre de
crédits vendredi après-midi. Donc, si l'on fait abstraction de la
fin de semaine, nous avons eu deux jours pour travailler sur un livre de
crédits qui comporte des dépenses de l'ordre de 50 000 000 $ pour
les contribuables du Québec.
Ce qui m'a le plus frappé dans toute cette affaire, ce qui rend
la chose encore plus malheureuse, c'est que, à la première page
du livre de crédits, avant qu'on continue plus loin, il y a une note qui
se lit comme suit et je cite: "Au moment du dernier remaniement
ministériel qui, comme on le sait, s'est fait avant l'ouverture de la
présente séance de l'Assemblée nationale, donc au
début de mars, le livre des crédits 1984-1985 était
imprimé." Donc, il était déjà prêt à
ce moment. On continue en disant: "Comme les crédits apparaissaient
toujours sous le vocable Affaires intergouvernementales, nous présentons
ce cahier explicatif sous une forme semblable à celle des années
passées." Donc, il n'y a pas eu de changement. "Nous tenons à
signaler que le programme 1: Affaires canadiennes, correspond aux Affaires
intergouvernementales canadiennes et les programmes 2, 3 et 4 au
ministère des Relations internationales." (11 heures)
Donc, en fait, le livre des crédits était prêt au
début de mars, quelque part à ce temps. Le livre des
crédits était déjà prêt. Tout ce qu'il y a
eu, ce sont des changements de titres, de sections pour les affaires
canadiennes, quelques titres. Mais, en fait, le gros du travail, tous les
chiffres, toutes les réponses et toutes les informations étaient
déjà là. Je ne sais pas pourquoi ce livre ne nous a pas
été envoyé à l'ouverture de la saison parlementaire
pour qu'on puisse au moins avoir une ou deux semaines pour l'étudier. Je
trouve cela très regrettable. Je voudrais signaler que l'année
prochaine nous pourrions avoir deux semaines pour l'étude de ces
crédits, pour l'étude de l'utilisation de l'argent des
contribuables du Québec.
Je pense qu'il est de mise de féliciter le ministre du Commerce
extérieur pour sa nouvelle nomination internationale comme ministre des
Relations du Québec. J'espère qu'il se servira, comme mon
collègue de
Jean-Talon l'a souligné, du même pragmatisme dont il s'est
félicité dans le travail de son ministère du Commerce
extérieur. En fait, c'est peut-être la chose qui a fait que, comme
l'a souligné mon collègue, le milieu des affaires a accueilli
positivement les efforts du ministre du Commerce extérieur, car
justement il y a eu un pragmatisme qui s'est fait. Le ministre a bien fait
attention - à part un ou deux incidents de parcours que nous n'allons
pas mentionner - en général et en grande partie il a
travaillé au sein de la machine qu'il a acceptée. Nous sommes
dans la fédération canadienne, et il faudra travailler pour
rendre ce ministère efficace au sein de l'appareil actuel, puisqu'il est
là. C'est de ce pragmatisme qu'il s'est félicité à
plusieurs reprises. Je ne sais pas dans combien d'articles j'ai lu, combien de
fois à la radio et à la télévision j'ai entendu le
ministre dire qu'il était pragmatique. Nous sommes au sein de la
fédération canadienne, il faut travailler au sein de ce
système; ce ministère en sera un qui va s'adapter aux
circonstances.
C'est peut-être cela, comme l'a souligné si judicieusement
mon collègue, qui fait problème de l'autre côté,
parce qu'on n'a jamais peut-être été aussi pragmatique. On
a été très flou, très caché, très
secret dans nos relations internationales. C'est peut-être à cause
de ce contraste que le milieu des affaires a accueilli avec tellement de
pragmatisme le ministère du Commerce extérieur, parce qu'il pense
que c'est une réalité qui cadre avec l'appareil actuel
fédéral, économique et autre, et que dans l'autre
ministère on réussit tellement mal peut-être à
définir où on s'en va. Nos objectifs, du moins, ne sont
certainement pas très officiels; ils semblent être très
officieux.
Je voudrais revenir à novembre 1982, l'époque où
mon collègue de Jean-Talon et moi avons mené le débat sur
la formation du ministère du Commerce extérieur. À cette
époque le ministre se souviendra que nous, comme formation politique
libérale, nous avons malheureusement voté contre l'adoption du
projet de loi. Nos réserves à ce sujet sont très
clairement exprimées dans les débats. Nous sommes 100% pour
l'installation d'un appareil pour le commerce extérieur. Personne ne
peut s'opposer au progrès économique du Québec, c'est
certain. En même temps, nous avions souligné qu'avant de commencer
un nouveau ministère, il fallait coordonner l'action des
ministères actuels qui s'engagent dans tout l'appareil -comme l'a
souligné le député de Trois-Rivières - des
relations internationales globales du Québec. À ce
moment-là, nous voyions toute sorte de conflits potentiels, parce qu'il
n'y avait pas une coordination de base qui s'était faite au
départ selon les lois. Il y avait une loi des affaires
intergouvernementales qui chapeautait celle du nouveau ministère du
Commerce extérieur. Il y avait des conflits immenses qui allaient se
présenter au fil des années, nous l'avons souligné. Nous
avons présenté je ne sais combien d'amendements pour essayer de
faire une coordination plus logique au sein de ces ministères pour que
ces appareils ministériels séparés se rencontrent dans un
objectif commun pour essayer d'élaborer une politique globale du
commerce extérieur et des relations internationales.
On nous a dit: Écoutez, libéraux, vous êtes toujours
à trouver toutes sortes de choses, des loups-garous partout. Il n'y a
aucun problème. On va faire du rodage. Tout cela va très bien
aller. On sait ce qui s'est produit. Tout au long des mois il y a eu toutes
sortes d'articles relatant des querelles interministérielles entre le
ministre des Affaires intergouvernementales, qui lui entre dans
l'économie pour essayer de protéger ses flancs, et le ministre du
Commerce extérieur. C'étaient presque des conflits de
personnalité qui avaient l'air d'être continuels, jusqu'au point
où le premier ministre a lui-même admis officiellement qu'il avait
eu besoin de faire l'arbitrage des conflits entre les deux ministères ou
les deux ministres. Ces remous ont continué jusqu'à la fin,
jusqu'au départ du ministre des Affaires intergouvernementales.
Cela m'a fait sourire quand le ministre a dit tout à l'heure
qu'il y avait eu un concert d'éloges quand on a mis sur pied le
ministère des Relations internationales. Et lorsque mon collègue
a interrompu pour demander qu'on lui parle de Jacques-Yvan Morin, je n'ai pas
pu m'empêcher de regarder la lettre de démission de M.
Jacques-Yvan Morin qui dit: "J'entends également quitter mon
siège de député, ne voulant en aucune façon me
porter caution des décisions retenues pour résoudre les
problèmes." C'est-à-dire que M. Jacques-Yvan Morin, qui
était le ministre des Affaires intergouvernementales, ne pense pas que
les solutions retenues pour résoudre les problèmes de
coordination des deux ministères étaient des solutions
très efficaces. On n'a pas pu s'empêcher de sourire quand le
ministre a rendu hommage au président, au vice-président et
à beaucoup de personnes. Peut-être est-ce symptomatique, mais il a
oublié de rendre hommage à son prédécesseur, M.
Jacques-Yvan Morin, qui a rendu de nombreux services au Québec, quoique
nous ne partagions pas ses vues sur la question.
Une voix: L'autre avant aussi.
M. Lincoln: Justement. Toute notre action depuis le mois de
novembre 1982 a été de dire qu'il fallait de la cohérence
au
sein de ces ministères. Il fallait avoir des objectifs clairs; il
fallait avoir des structures qui puissent coordonner le travail. Qu'a-t-on
fait? Il faut se demander si nous en sommes arrivés à une
conclusion, à une décision qui permettra cette coordination
beaucoup plus logique. On pourrait dire que, maintenant qu'il n'y a qu'un seul
ministre, la coordination se fera mais on peut se poser la question si ce n'est
pas un pansement pour une très grosse blessure, un pansement pour une
maladie endémique, pour une maladie très profonde.
Qu'a-t-on fait? Il y avait deux personnes; il y avait un conflit de
personnalité entre deux ministres qui ne voyaient pas les choses de la
même façon. Comment a-t-on résolu le problème? Le
problème a été résolu par le départ d'une
des deux personnes; une des deux personnes a gagné la bataille. C'est
bien cela. Est-ce que les structures, est-ce que le fondement même de la
question, est-ce que la base qui a causé le conflit de
personnalité a changé? Je sais qu'il est trop tôt pour
poser la question au ministre parce qu'on vient juste de faire des changements
dans ces ministères. C'est donc trop tôt pour poser la question,
mais je lisais l'autre jour, avec beaucoup de soin, les remarques du ministre
dans une interview qu'il accordait à la Presse Plus dans lequel il
disait que ce qui était bon, avec cette nouvelle structure,
c'était d'avoir deux ministères avec deux vocations
parallèles mais très différentes. L'un est très
économique, c'est-à-dire structuré sur l'économie,
très pragmatique et l'autre est plus flou, plus global; il englobe les
politiques sociopolitiques du Québec, culturelles. Il faut donc qu'il y
ait deux ministères parallèles, mais la coordination se fera par
le ministre et son cabinet.
Nous nous posons une question. Est-ce que le problème fondamental
des relations qui existaient entre les deux ministères avant
était un problème d'objectifs conflictuels? Est-ce qu'il
s'agissait de problèmes de structures qui ne s'harmonisaient pas? Est-ce
que c'était simplement le problème de la personnalité de
ministres qui ne s'entendaient pas? Il faut bien, si on est cartésien,
en arriver à une logique des choses. Puisqu'une personne a quitté
le terrain, a quitté la scène et qu'une autre l'a
remplacée pour chapeauter les deux ministères, cela a
été un problème de personnalité puisque les
structures ne changent pas. Ce n'était pas un conflit de structures; ce
n'était pas un conflit d'objectifs entre ces deux ministères.
Pourtant, lorsqu'on lisait les écrits de nombreux fonctionnaires, les
documents qui ont été fournis à la presse, on pouvait voir
que cela allait beaucoup plus loin, que le conflit des deux ministres
était en fait un reflet, une extension des problèmes structurels
et des problèmes d'objectifs qui se posaient au sein de ces deux
ministères.
Maintenant, je pose la question à savoir comment cette
coordination va se faire par le ministre et son cabinet? Donc, cela devient une
coordination politique, cela ne devient pas une coordination objective des
objectifs, cela devient une coordination politique au sein d'un cabinet et du
ministre. Est-ce qu'on dit que toute la question des conflits qui existaient
avant va maintenant être résolue par une gestion politique du
ministre et de son cabinet. J'espère que ce ministre va le demeurer
jusqu'à la prochaine élection. Ce n'est pas certain, car ce ne
sont pas toujours les mêmes ministres. On l'a vu: le personnel des
cabinets des ministres change. Qu'est-ce qui arriverait si le ministre
changeait demain matin, lui qui se dit très pragmatique, lui qui va
organiser son affaire d'une façon très pragmatique. Qu'est-ce qui
arriverait si c'était un ministre qui avait des idées très
différentes concernant les orientations du Québec à
l'étranger qui avait à décider, seul ou avec son cabinet
politique, lui qui aurait à ce moment le soin de diriger tout l'appareil
et de coordonner cet appareil immense de deux ministères cruciaux pour
le Québec?
Par exemple, on peut parler de menaces de démission. Après
la démission de M. Jacques-Yvan Morin, cela a été officiel
que plusieurs fonctionnaires ont dit: Nous aussi on démissionne parce
qu'on n'est pas d'accord avec les politiques qui ont été mises en
place pour régler le problème. Alors, il faut se poser la
question, à savoir si cela va beaucoup plus loin que le conflit de
personnalités des ministres eux-mêmes. Si c'était
simplement un conflit de personnalités des ministres à ce moment,
il faudrait se poser la question à savoir si toute cette bagarre s'est
faite parce qu'il y avait un conflit de personnalités seulement entre
deux personnes. On refuse de croire que c'est rien que cela. Car si
c'était cela, cela aurait été une chose très
superficielle. Je ne peux pas croire que M. Jacques-Yvan Morin, qui donnait sa
démission en disant: Je ne veux en aucune façon me porter caution
des décisions retenues pour résoudre les problèmes, il
parlait seulement à l'échelle des personnalités. Je suis
sûr qu'il parlait beaucoup plus profondément que cela. Je ne vois
rien dans ce cahier des crédits qui donne même la moindre esquisse
qu'on va faire ce changement de structure, cette coordination de base que nous
avons essayé de souligner depuis le début et que mon
collègue a souligné avant en disant: II faut d'abord se donner
des objectifs de base, il faut savoir où on s'en va... Quand on
était là, et qu'on posait des gestes pour la personnalité
extérieure du Québec, avec laquelle nous avons été
d'accord, le ministère des Affaires intergouvernementales étant
né sous l'égide libérale, cela avait été de
dire:
Nous sommes au sein du fédéralisme canadien. Et c'est
là qu'on se pose des questions, et qu'on demande au ministre de nous
dire clairement si c'est cela qu'il entend faire: s'il entend diriger les
relations internationales avec le même pragmatisme dont il s'est servi
comme ministre du Commerce extérieur.
On pose une deuxième question. Ce qui me frappe et dont je veux
vous faire part: il y a une seconde confusion. On reçoit ce livre
vendredi après-midi, on a deux jours pour l'étudier. Je commence
à lire. À la première page je vois Affaires canadiennes,
et ensuite on voit dessus deux ministères: il y a celui des Affaires
canadiennes et celui des Relations internationales, comme si ce livre avait
trait aux deux ministères. En fait, cela semble être le cas. Je
dis à mon collègue de Jean-Talon, de se préparer pour les
premières heures. On s'organise pour partager un peu le temps. Mais par
la suite on apprend que les Affaires canadiennes ne passeront pas en même
temps. L'étude des crédits ne se fera pas en même temps,
cela se fera au sein de la Justice.
M. Vaugeois: ...après ou avant. (11 h 15)
M. Lincoln: Non, je parle du point de vue structurel. On
n'examine pas maintenant les crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales sous deux sous-ministères. On semble examiner les
Relations internationales et les Affaires canadiennes comme des
ministères séparés, ce dernier sous l'égide du
ministre de la Justice. Également, on se demande comment la
coordonnation va se faire au niveau des Affaires canadiennes, parce que les
Affaires canadiennes, du point du vue du Québec, c'est capital: c'est
capital du point de vue intérieur, c'est surtout capital du point de vue
extérieur, comme on l'a dit. Comment fait-on cette coordination? Quand
on regarde les organigrammes, par exemple Affaires canadiennes, on a tout un
secteur des relations internationales pour les affaires canadiennes. Je suppose
que pour les Affaires canadiennes elles-mêmes, c'est tout le secteur que
sont les affaires canadiennes. Comment les deux se marient-elles? Comment les
deux se rejoignent-elles? Encore là, on se pose la question: est-ce que
là aussi on ne va pas arriver à une espèce de conflit de
personnalité sachant, par exemple, que les deux ministres ont surtout
des aspirations futures? Peut-être qu'ils vont essayer de se voler la
vedette.
Par exemple, dans des réunions canadiennes ayant trait aux
relations extérieures, et aux relations intérieures, on se
demande lequel sera prépondérant? Avant, il n'y avait pas ce
problème parce que M. Jacques-Yvan Morin allait signer des
traités, que ce soit des relations ayant trait aux relations
internationales ou intérieures, il allait signer tous les traités
au nom du Québec. Tandis que là, au niveau des fonctionnaires
même, comment tout cela va-t-il se passer? C'est sur cela que nous allons
poser plusieurs questions.
En passant nous sommes contents de voir le député de
Lafontaine. Je pensais qu'il était ici pour les Affaires canadiennes,
mais peut-être que les affaires canadiennes une fois que c'est à
Ottawa, cela a un intérêt que national. Alors, là il y aura
un autre problème.
En tout cas, c'est cela la question fondamentale que nous allons poser
au ministre au cours de l'étude de ces crédits. Nous voulons
savoir ce qui a changé vraiment puisque rien n'a l'air d'avoir
changé. On dit qu'on a accueilli tout cela avec un concert
d'éloges. Je ne sais pas de quel côté le concert est venu,
mais enfin c'est un concert qu'on peut nommer d'unilatéral. De toute
façon on se pose la question à savoir: Qu'est-ce qui a
changé fondamentalement? Quels sont les objectifs en
général que le ministre se pose? Il a deux ministères sous
son contrôle. Selon ce qu'il nous dit, il va faire la coordination des
deux ministères avec son cabinet politique. On lui pose la question:
Est-ce que c'est une gestion politique qui va se passer? Comment est-ce qu'une
coordination peut se faire au niveau du cabinet d'un ministre et changer d'un
ministre à l'autre? Est-ce qu'il n'y a pas un continuum d'objectifs?
Est-ce qu'il n'y a pas un continuum dans la coordination des structures? Il
faut se poser la question qu'on avait posée au début de novembre
1982: Est-ce qu'on devrait revoir toute la question du commerce
extérieur, par exemple? Se dire: Bon, est-ce que le commerce
extérieur et les relations extérieures devraient être un
ministère global avec des objectifs très larges et avec des
priorités établies qui seraient, selon les vues du
député de Trois-Rivières et du ministre, non pas
prioritairement économiques? Mais à ce moment situons-les.
Disons-le. Est-ce qu'on ferait un seul ministère pour assurer quecette coordination se fasse au sein de l'appareil du ministère?
Est-ce que le commerce extérieur devrait être rattaché
comme il l'était dans le passé au ministère de l'Industrie
et du Commerce et laissant les Relations extérieures de
côté? C'est cela les questions fondamentales qu'il faut se poser
parce qu'on a n'a rien résolu, qu'on est au point de départ et
tout ce qu'on a fait c'est qu'on a réglé une question de fond par
une solution de personnalité. C'est dans cette ligne de pensée
que nous allons poser des questions au ministre des Relations
internationales.
M. Landry: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Nelligan.
Avant de laisser la parole au ministre je voudrais reprendre certaines
choses que j'ai dites tantôt pour ne pas induire la commission en erreur.
Je me rends compte que pour le temps de parole de 20 minutes, il est dit
à l'article 201: "Sauf dispositions contraires, le député
qui a la parole peut s'exprimer pendant 20 minutes. Cependant, ce temps est
réduit à 10 minutes dans des motions de forme". Par contre,
à l'article 151 il est dit: "Toute commission peut, du consentement
unanime de ses membres, déroger aux règles relatives au temps de
parole". Ce qui veut dire que la commission peut établir le temps de
parole qu'on veut donner à chacun des membres. Tantôt, lorsque
j'ai dit au ministre que s'il répondait il prenait le temps du
président de la commission et du député de
Trois-Rivières, je faisais erreur aussi. Le président ou le
ministre qui répond à ses crédits en commission peut
intervenir aussi souvent qu'il le désire. Je m'excuse auprès du
député de Trois-Rivières si je lui ai enlevé le
droit de parole.
M. le député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Cela va, M. le Président. Vous êtes
bien gentil, d'ailleurs, de présider notre séance. Alors, on ne
vous chicanera pas sur cela.
Ce que j'aimerais proposer aux membres de la commission, c'est que
l'étude des crédits est un exercice qui est plus important pour
l'Opposition que pour nous, on en convient, mais qui n'est pas sans
intérêt pour nous. Si on était d'accord, on pourrait,
à partir des questions que va poser l'Opposition, s'inscrire tout de
suite si nous avons une question à ajouter sur cela.
M. Lincoln: Avec plaisir. Une voix: Pas de formalisme.
M. Lincoln: On ne va pas faire de formalisme du tout.
Le Président (M. Gagnon): Si je comprends bien le droit de
parole, les membres de la commission consentent à 20 minutes par
intervenant.
M. Vaugeois: La règle prévoit dix minutes. Si
quelqu'un a besoin d'un peu plus de dix minutes...
Le Président (M. Gagnon): Non, c'est 20 minutes sur chaque
élément.
M. Vaugeois: Sur chaque élément, mais le droit de
parole de chacun.
M. Rivest: M. le Président, les membres de la commission
et dans le sens des propos du président, je pense bien qu'on ne fera pas
de drame de minutage. On essaiera de part et d'autre de ne pas abuser pour
permettre aux collègues de s'exprimer.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. Je voulais tout
simplement rectifier ces faits, compte tenu des décisions que j'avais
rendues précédemment. M. le ministre.
M. Bernard Landry
M. Landry: Merci, M. le Président. Je vais d'abord essayer
de répondre le plus systématiquement possible au
député de Jean-Talon dont l'intervention s'articule autour d'un
thème principal qui est l'insertion du Québec dans la
fédération canadienne et l'attitude du présent
gouvernement vis-à-vis de cette insertion.
D'abord, je ferai remarquer qu'il y a beaucoup plus de similitude entre
l'attitude du présent gouvernement et des gouvernements
antérieurs du Québec face aux questions internationales que le
député de Jean-Talon veut bien le laisser entendre. Comme le
député de Trois-Rivières qui a été un
observateur attentif, moi-même et tous ceux que la question
intéresse, savons très bien et de science certaine, et n'oubliez
pas que les archives existent au ministère des Affaires
intergouvernementales, que la "lutte", entre guillemets, pour la reconnaissance
internationale du Québec n'a pas été l'apanage du
présent gouvernement et que nous ne sommes pas les seules victimes d'une
certaine mesquinerie fédérale et d'une attitude réductrice
en cette matière qui a été servie froidement à
l'ancien premier ministre du Québec, qui a précédé
immédiatement M. Lévesque et à Daniel Johnson ou à
certains de ses ministes comme Jean-Jacques Bertrand, Jean-Guy Cardinal et
Marcel Masse. L'expression "guerre des drapeaux" qui s'est appliquée
à certains épisodes n'a pas été inventée
depuis 1976. Je pense avoir bien dit pourquoi. Avec une doctrine
centralisatrice clairement exprimée par le chef du gouvernement
canadien, des arguments surabondants ont été donnés
à des technocrates fédéraux à la pensée
réductrice pour pourchasser littéralement les ministres et les
fonctionnaires québécois dans tout leur travail concernant les
relations internationales du Québec.
La petite histoire et peut-être la grande retiendra qu'un ministre
du gouvernement du Québec s'est vu menacé de se faire retirer son
passeport par le gouvernement du Canada.
M. Rivest: Folklore.
M. Landry: Si on vous retirait votre passeport, M. le
député de Jean-Talon, je ne
sais pas quel genre de folklore vous pourriez décrire pour
illustrer votre réaction. On a menacé un ministre du gouvernement
du Québec, un membre de l'exécutif du chef de cette province,
comme les fédéraux aiment dire, ce qui est la
réalité juridique, parce qu'il ne marchait pas au doigt et
à la baguette vis-à-vis des diktats du gouvernement du Canada, et
ce n'était pas un ministre du gouvernement du Parti
québécois. L'incident est bien connu et est consigné aux
archives et il passera à l'histoire.
M. Rivest: C'était qui?
M. Landry: Deuxièmement, le député de
Jean-Talon se trompe lorsqu'il dit que seul le gouvernement de Bourassa a
signé des accords avec les fédéraux et que notre
gouvernement aurait une attitude qui ignorerait l'insertion du Québec
dans la fédération canadienne. Soyons bien clairs
là-dessus, le présent gouvernement du Québec est un
"law-abiding government". Il donne même l'exemple à tous les
gouvernements de la fédération dans la réaction au
jugement de la Cour suprême du Canada, par exemple, qui s'est
attaquée à nos lois en matière linguistique. On n'a pas
refait de référendum sur cela. On n'a pas ameuté les
populations. On a appliqué le jugement de la Cour suprême du
Canada en tenant compte que le Québec est une province du Canada.
Cela dit, j'espère que le député de Jean-Talon,
vice-président de la commission, ne pense pas faire une trouvaille en
disant qu'on n'est pas d'accord avec la présente situation
constitutionnelle du Québec. On n'est absolument pas d'accord. On va
consacrer nos meilleures énergies politiques, on va mobiliser, comme on
l'a fait dans le passé, et encore plus à l'avenir pour faire en
sorte que le Québec devienne un État souverain. Ce n'est pas une
trouvaille de la commission des institutions ni d'aucun de ses membres. C'est
une affirmation connue urbi et orbi et dans le monde entier chez tous nos
interlocuteurs internationaux. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de faire de
nouvelles avec cela. Mais, les deux membres de ma première partie de la
réponse au député de Jean-Talon sont
complémentaires et essentiels. Ce gouvernement est là "abiding"
et ce gouvernement, dans le contexte démocratique qui est le nôtre
et qui sera toujours le nôtre, c'est notre voeu le plus profond, veut
modifier profondément les rapports entre le Québec et les autres
constituantes de la constitution canadienne. Donc, il y a là une
coloration politique qui a été donnée par le
député de Jean-Talon qui n'est pas exacte, qui est contraire
à la réalité, qui est fausse.
Il y a aussi un exemple que je vais essayer d'élargir un peu.
Quand le député de
Jean-Talon dit: Nous, nous avons signé pour l'Agence de
coopération technique et vous n'avez rien signé, etc.
Premièrement, pour parler de l'Agence de coopération technique,
notre position vis-à-vis du sommet francophone qu'il a mis en regard de
notre position vis-à-vis de l'agence est rigoureusement
symétrique. Le député a lui-même dit - et je me
réfère aux notes sténographiques - et convenu que
l'attitude du premier ministre du Canada, actuellement M. Pierre Elliott
Trudeau, celui qui n'avait que horions, injures et mépris pour l'ancien
chef du député de Jean-Talon, est à l'origine du
phénomène...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Landry: ...et si la puissance du Canada a adopté
l'attitude qu'elle a adoptée dans l'Agence de coopération
technique, si elle ne voulait pas faire d'histoires, si elle ne voulait pas
être réductrice pour le Québec, si elle ne voulait pas
être mesquine, elle adopterait exactement la même attitude pour le
sommet francophone. Tout le monde serait content et les signatures se feraient
dans les semaines qui viennent.
M. Rivest: Nous, cela se ferait avec l'Agence, avec nous.
M. Landry: Sauf, sauf, oui, en vous couvrant d'horions et de
mépris, vous vous souvenez, le Québec a eu honte en entier des
attitudes méprisantes du premier ministre du Canada vis-à-vis de
l'ancien premier ministre du Québec.
M. Rivest: ...l'autre côté de la question.
Répondez donc à la question. Vous faites de la politique.
M. Landry: Et même si je ne suis pas de votre formation
politique, le soir où ces événements sont arrivés
j'ai été aussi attristé qu'a pu l'être le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Oui, c'est celai
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivest: J'ai posé une question directe et il
répond à côté de la question.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon, vous avez posé vos questions. Le ministre est en train d'y
répondre.
M. Rivest: Oui mais il répond à côté.
Le Président (M. Gagnon): C'est votre
jugement mais au moins écoutez-le vous aurez probablement la
chance de revenir sur le sujet. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Landry: M. le Président, nous avons tous
remarqué en début de séance une excitation
particulière du député de Jean-Talon. J'avais cru qu'elle
serait provisoire. Étant donné que nous inaugurons un nouveau
système et que j'ai écouté religieusement ses paroles,
celles du député de Nelligan et celles du député de
Trois-Rivières, je croyais qu'il ferait de même quand vous me
donneriez le droit de parole. C'est sûrement exceptionnel.
J'espère que cette séance de la commission ne créera aucun
précédent et qu'à l'avenir le député de
Jean-Talon ainsi que les membres de sa formation politique essaieront de donner
une autre coloration à ce nouveau système que nous inaugurons ce
matin qui n'est pas une foire d'empoigne mais une recherche de la
vérité.
Je reviens donc à l'exemplification de la coopération
possible dans certains domaines entre le gouvernement du Canada et le
gouvernement du Québec et lui qui a donné l'exemple de l'agence,
je lui donne l'exemple des accords Cullen-Couture. La constitution du Canada
prévoyait, depuis 1967, une responsabilité du gouvernement du
Québec dans les questions relatives à l'immigration. (11 h
30)
Notre ex-collègue qui est d'ailleurs devenu coopérant
international et qui, aujourd'hui, besogne dans un village africain pour les
relations internationales, M. Jacques Couture, a signé avec un ministre
fédéral, M. Cullen, les accords Cullen-Couture et il ne s'en
souvenait pas. Pourtant, c'était déterminant puisque cela a
été signé en 1977 ou 1978. Sans minimiser d'aucune
façon l'Agence de coopération technique, les accords
Cullen-Couture vont bien au-delà de la francophonie puisqu'ils visent
l'ensemble des pays potentiellement fournisseurs d'immigrants au Québec
et que nos agents actuellement sont dans le monde entier pour rendre plus
fluides, dans la mesure du possible, les flots migratoires vers le
Québec. Le Québec en particulier a donné l'exemple au
monde entier dans l'affaire des "boat people" où nous avons accueilli
beaucoup plus que le contingent canadien proportionnel au Québec de
malheureuses victimes de conflit politique en Extrême-Orient.
Le député de Jean-Talon a également parlé en
évoquant un certain pragmatisme de mes relations comme ministre du
Commerce extérieur avec le ministre du Commerce extérieur du
Canada, c'est vrai. Il a laissé entendre que cela dépendait en
partie de moi. Est-ce qu'il ne pourrait pas pousser son parallèle et
dire que si M. Trudeau et une certaine technocratie réductrice qui
l'entoure avaient eu l'attitude de Gerald Regan, l'homologue. C'est vous...
M. Rivest: Répondez donc sur le fond des questions. Vous
faites des personnalités tout le long.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon, s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Landry: Je ne sais pas si c'est la pleine lune ou quoi? Le
député de Jean-Talon a...
M. Rivest: Non, c'est parce que j'ai parlé à
Jacques-Yvan Morin récemment.
M. Landry: C'est incroyable.
M. Rivest: C'est Jacques-Yvan qui m'inspire.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon vous n'avez pas le droit de parole. M. le ministre.
M. Rivest: Je m'excuse, M. le Président, je ne le ferai
plus.
Le Président (M. Gagnon): On va devoir se servir d'un
article sévère du règlement, M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Lequel? Le nouveau.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Landry: II est vrai que sous certains auspices favorables, et
en particulier quand nous avons des interlocuteurs pragmatiques qui
reconnaissent la réalité québécoise, les choses
sont plus faciles, elles vont mieux et c'est une lapalissade de le dire.
Le député de Jean-Talon a également parlé
des priorités de l'action internationale du Québec. Je vais lui
donner une réponse incomplète. Je vais lui dire pourquoi et je
pense qu'il sera satisfait. Il existe un jeu de priorités pour l'action
internationale du Québec dans le système présent et dans
l'état actuel des choses. Je vais me permettre de lui rappeler un texte
qu'il a entre les mains et qui est le suivant: Le Québec se situe dans
un environnement international qui conditionne son existence et affecte ses
intérêts. Son fonctionnement politique, son développement
culturel et scientifique, ses échanges économiques, son
évolution comme société sont tous soumis à des
influences régionales et globales. Ils font tous l'objet
d'activités et d'un large rayonnement québécois à
l'étranger par un très large éventail d'intervenants
privés, publics et gouvernementaux. Enrichir et faire apprécier
l'identité propre du Québec,
projeter à l'étranger ses réalités et ses
atouts, promouvoir son développement économique et socioculturel
ainsi que la qualité de la vie des citoyens, contribuer selon les moyens
à une évolution favorable de la communauté internationale,
ce sont là pour le gouvernement du Québec des
préoccupations qui découlent directement des
réalités et des intérêts de base du Québec.
C'est-à-dire que nos priorités sont calquées sur nos
intérêts de base et sur la réalité. Ce qui veut dire
en particulier que sur le plan géographique, c'est bien connu, nos
priorités se situent en France et dans les pays francophones et la
francophonie au sens large, ce qui, immédiatement, nous met dans un
contexte multilatéral qui rejoint plusieurs pays d'Afrique, plusieurs
pays du Maghred. Également sur le plan géographique, elles se
situent aux États-Unis d'Amérique pour des raisons
économiques et pour des raisons politiques, je dirais même des
raisons culturelles continentales évidentes. Sur le plan
géographique, la France, et les États-Unis d'Amérique
constituent les deux piliers essentiels de nos priorités
internationales.
Viennent immédiatement ensuite les pays industrialisés
regroupés dans l'OCDE en particulier sans en faire une limite. Les pays
de l'Europe de l'Ouest et c'est la raison pour laquelle nous sommes
représentés en Grande-Bretagne, en Belgique, en République
fédérale d'Allemagne et en Italie.
Troisièmement, ce que l'on appelle les nouveaux partenaires et
dans le tiers monde en particulier, de très grandes puissances comme la
Chine à cause de son importance stratégique mondiale et à
cause de son potentiel économique et de son potentiel en termes de
clientèle mais aussi l'Amérique latine. Nous sommes
présents, comme vous le savez, au Mexique, au Venezuela et nous avons
des projets d'élargissement en Amérique latine de la
représentation diplomatique du Québec.
De même qu'un effort commencé, en particulier avec les pays
du Maghreb mais étendu, de plus en plus, à l'ensemble de
l'univers islamique, du monde arabe, à l'Asie avec des expansions dont
on parlera peut-être au cours de cette commission, vers Singapour, vers
Hong Kong, vers les pays à très forte croissance. Je range
l'État d'Israël parmi les pays industrialisés de l'OCDE;
nous avons, même si ce pays n'a que quelques millions d'habitants, en
raison de son importance stratégique et de la présence au
Québec d'une très forte communauté juive de langue
française, les séfarades ou les ashkénages plutôt de
langue anglaise, des relations importantes que nous entendons également
développer.
Voici quelles sont nos priorités et voici pourquoi ma
réponse est incomplète. Je l'ai dit dans mon exposé
liminaire, ma réponse est incomplète parce que tous les
intervenants québécois intéressés aux relations
internationales vont se réunir au mois de juin et de nouveau à
l'automne.
Le Président (M. Gagnon): Question de
règlement.
M. Rivest: C'est justement cela. Je comprends que le ministre a
dit que sa réponse était incomplète. Vous venez de nommer
des pays, on a cela constamment... Ce que je pense de l'intervention du
député de Nelligan, ce qu'on voudrait obtenir par l'étude
de ces crédits... Il reste les questions du député de
Nelligan. C'est bien beau de faire un tour du monde; c'était plus une
réponse concernant la géographie que les objectifs. Vous avez
mentionné Israël; ce que je voudrais savoir du ministère des
Affaires internationales ce sont les possibilités qui nous
intéressent en tant que Québécois pour notre
développement. Je voudrais que le ministère des Affaires
internationales, dans ses rapports avec l'étranger, nous dise quels sont
les objectifs et non qu'il nous éparpille comme on le voit depuis un
certain temps dans l'ensemble du monde. Qu'il nous dise: voici, en Israël
il y a telle possibilité qui nous intéresse et nous visons
à aller dans telle direction; nous en sommes là, nous allons
faire cela. C'est ce type de réponse qu'on voudrait de la part du
ministre et du ministère des Affaires internationales.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Landry: M. le Président, sauf tout le respect que je
lui dois, ce n'est pas au député de Nelligan que je
répondais, c'est au député de Jean-Talon. Je
répondrai au député de Nelligan ensuite.
M. Rivest: Je ne voudrais pas que vous oubliiez les questions du
député de Nelligan.
M. Landry: Deuxièmement, j'ai dit que ma réponse
était incomplète mais, si je suivais votre question, elle serait
encore plus incomplète parce que vous n'avez parlé que des
intérêts du Québec. Or, dans la philosophie du
ministère des Affaires internationales et du gouvernement, il y a nos
intérêts oui et il y a l'intérêt humanitaire de
développement de nombreux pays interlocuteurs qui sont en voie de
développement et pour lesquels notre population exige, dans des segments
de plus en plus informés et de plus en plus importants, que nous
fassions des choses qui ne sont pas dans nos intérêts
immédiats.
M. Rivest: Commençons par nos intérêts.
M. Landry: Nous n'allons pas transformer l'action internationale
du
Québec, comme je l'ai dit précédemment, en une
action mercantile à courte vue et qui ne viserait brutalementque nos
intérêts. Ceci dit, si vous voulez par la suite - le livre des
crédits est vaste - poser des questions sur chacun de nos programmes,
leur application dans chacun des pays pour savoir quels hôpitaux nous
avons subventionnés, quel genre de spécialistes nous avons fait
venir...
M. Rivest: On veut de la substance.
M. Landry: Nous avons des heures et des heures pour
l'étude des crédits. Vous ne pouvez donc pas me demander dans des
questions générales de couvrir l'ensemble de
l'éventail.
Je vous ai dit quelles avaient été nos lignes directrices
jusqu'à maintenant sur le plan géographique. J'aurais
peut-être insisté un peu plus sur le plan sectoriel mais j'ai
confessé au départ par respect pour les interlocuteurs du sommet
Québec dans le monde, phase de juin et phase de l'automne, que nous
n'aurons pas de grands exposés de politiques de relations
internationales avant que les agents économiques et les agents sociaux
aient été consultés et nous aient fait savoir...
M. Rivest: Quel aveu!
M. Landry: ...leurs priorités. Nous devrons recolorer
probablement complètement notre action et nos priorités.
Certaines seront confirmées, certaines nouvelles priorités seront
mises de l'avant, mais je crois que l'Opposition aurait mauvaise grâce de
ne pas nous laisser consulter les agents avant de prendre une position
définitive.
J'arrive maintenant, le plus rapidement et le plus complètement
possible, à certaines demandes du député de Nelligan.
D'abord, je souscris complètement à toutes les remarques
techniques qu'il a faites et le président y a été
mêlé, le président de séance comme le
président de la commission sur le fait que l'Opposition veut avoir les
documents le plus vite possible et être informée le plus vite
possible. Je fais quand même certaines réserves. Le livre des
crédits, vous l'aviez et vous avez insisté - je pense que vous
n'auriez pas dû le faire - sur le fait que, par exemple, les Affaires
intergouvernementales canadiennes n'étaient pas séparées
dans le livre. Je comprends. Le remaniement est intervenu et les crédits
étaient déjà à l'impression.
C'est là une question de calendrier. Je pense que vous ne nous
chicanerez pas là-dessus. Si vous trouvez que, pour cette commission
comme pour les autres, le fait d'avoir le cahier que le ministère fait
parvenir, qui est différent du livre des crédits... Vous aviez
tous les chiffres depuis que le livre des crédits est sur la table, mais
vous voulez avoir plus tôt le cahier où on vous donne des
informations supplémentaires. Très bien. Établissons les
normes, établissons une tradition. On est tout à fait
d'accord.
Ce qu'on a fait au ministère, on a simplement agi dans les
délais que le leader nous avait impartis. Le leader du gouvernement, qui
en général, ne fait rien sans accord avec le leader de votre
formation politique, nous avait dit: Au plus tard le 30 mars. Le 30 mars,
c'était parti. Mais si vous pensez que cela doit être
modifié, je serai le premier à souscrire à cela. On est
ici pour chercher la vérité et non pour prendre les gens par
surprise et leur donner des délais pas suffisamment longs.
Deuxième remarque du député de Nelligan. Il a parlé
beaucoup de pragmatisme et a fait allusion aux relations que j'avais, par
exemple, avec le ministre du Commerce extérieur, le ministre
d'État au Commerce extérieur du Canada. Je dois dire d'abord que
- je le dis un peu à la blague - qu'ensemble on avait pris une
leçon de choses parce qu'une des premières fois où on
s'est rencontré, c'était pour jouer au tennis contre McEnroe et
Lendell. Inutile de vous dire qu'on a perçu la concurrence
étrangère très, très vive déjà dans
les premières secondes et qu'on s'est dit l'un et l'autre qu'on devrait
peut-être se liguer pour résister. On a très mal
résisté de toute façon et même le
député de Jean-Talon qui est un excellent tennisman n'aurait pas
fait mieux que nous dans les circonstances.
Une voix: Oh! Oh! Oh!
M. Landry: Cela nous a permis... J'aimerais voir cela:
Lendell-Rivest.
M. Rivest: Attaquez le fédéralisme tant que vous
voudrez mais n'attaquez pas mes talents de joueur de tennis.
M. Landry: J'aimerais cela voir: Lendell-Rivest.
M. Rivest: Oui parce que... Demandez au député de
Trois-Rivières.
M. Landry: J'aimerais voir l'un et l'autre contre McEnroe.
M. Vaugeois: Jadis, il m'a battu.
M. Landry: En tout cas, quoi qu'il en soit, oui c'est vrai qu'un
pragmatisme est établi qui relevait largement de l'attitude du ministre
du Commerce extérieur du Canada, du ministre d'État au Commerce
extérieur et relevait largement de la spécificité de
l'activité commerciale.
La concurrence est tellement vive en matière internationale que
tout en faisant tous les efforts pour promouvoir les ventes
québécoises de biens et de services il serait
extrêmement malhabile d'introduire des querelles de juridiction internes
importantes et fondamentales dans des activités qui sont
déjà tellement concurrentielles à l'étranger.
En d'autres termes, on a déjà assez d'avoir nos
concurrents sur le dos. Si on peut, dans une situation constitutionnelle
très insatisfaisante, je le réitère, minimiser l'impact
sur nos ventes de biens et services pour créer des emplois au
Québec, je pense qu'on a le devoir de le faire et que c'était
plus facile de le faire avec l'ancien premier ministre de la Nouvelle-Ecosse
qu'avec certains autres hommes politiques fédéraux dont
l'obsession est de réduire constamment l'action du Québec, dont
l'obsession est d'aller à l'encontre de liens qui avaient
été faits dans la pratique. On n'a jamais chicané Antonio
Barrette dans les quelques mois où il a été premier
ministre du Québec quand il recevait des visiteurs étrangers mais
on l'a fait pour d'autres premiers ministres du Québec qui ont
suivi.
En d'autres termes, les fédéraux ont voulu battre en
retraite sur ce que l'histoire et la réalité avaient donné
au Québec. Je suis le premier à le déplorer et je suis le
premier à constater que lorsqu'un certain pragmatisme s'établit
de façon bilatérale, les choses, tout en restant
insatisfaisantes, peuvent aller mieux.
Une autre remarque fondamentale du député de Nelligan -
là, il va peut-être retourner au journal des Débats dans
l'ancienne formule, dans l'ancienne commission parlementaire pour
établir, premièrement, que la formation politique de l'Opposition
a voté pour le principe de la loi de création du ministère
du Commerce extérieur, ce qu'on appelle l'adoption du principe et qu'on
appelait autrefois la deuxième lecture. Alors, je vous demanderais de
corriger vos propos. Techniquement, vous avez voté pour le principe.
Donc, vous étiez d'accord pour la création du ministère du
Commerce extérieur. (11 h 45)
M. Rivest: Comme M. Morin.
M. Landry: Deuxièmement, vous aviez, à cette
époque...
M. Rivest: Jacques-Yvan aussi.
M. Landry: ...fait un grand nombre de remarques pertinentes,
manifestant vos inquiétudes quant à la possibilité de
faire fonctionner harmonieusement les nouvelles structures qu'on avait mises
sur pied. Encore là, je vous réfère à mes propos
consignés au journal des Débats de l'époque. Je vous avais
donné raison quant à vos inquiétudes; je les partageais.
Je vous avais dit que nous aurions à vivre une période de rodage,
d'ajustement, d'adaptation et si, à la fin de cette période de
rodage, d'ajustement, d'adaptation, des difficultés trop graves
subsistaient, on modifierait les choses, on changerait les lois. C'est ce qu'on
a fait. On n'a pas essayé de jouer à cache-cache avec vous.
Même si vous vouliez nous dire que vous avez la science infuse et
que vous connaissez cela de A à Z et que vous auriez agi de façon
radicalement différente, personne ne vous croira et, personnellement, je
ne vous crois pas. Vous étiez comme nous, en abordant un nouveau
système, un nouveau jeu institutionnel, craintifs. Nous partagions vos
craintes; nous nous engagions dans une période de rodage que nous avons
essayé de mener le mieux possible. Certaines contradictions et
difficultés de fonctionnement sont apparues, c'est clair et c'est
net.
Le premier ministre du Québec, lors du dernier remaniement,
utilisant la Loi sur l'exécutif, a modifié la situation comme on
s'était engagé à le faire. Je pense qu'un grand principe
d'administration est de geler les structures à jamais. Ce qu'on enseigne
dans les écoles d'administration aujourd'hui et ce que les chefs de PME
savent d'instinct, c'est que c'est le but et l'objectif, ce qu'on appelle la
gestion par objectif, qui compte bien plus que la structure. Si la structure
n'est pas tout à fait adaptée à la poursuite des objectifs
et à l'atteinte des objectifs, on la modifie. On fait des ajustements;
on fait des adaptations. Le Québec n'est pas le premier à avoir
connu ce problème d'intégration de la nouvelle dimension des
relations internationales qui sont les relations économiques et le
commerce extérieur.
J'ai rappelé les arbitrages que le président Kennedy
lui-même avait dû faire au cours des années soixante alors
que la grande machine américaine qui a pourtant beaucoup
d'expérience, beaucoup de tradition, connaissait des difficultés
du même genre. J'ai rappelé que le gouvernement du Canada a
nommé trois ministres pour ce dossier. Il y a, actuellement, trois
ministres à Ottawa pour s'occuper des relations internationales et c'est
un secret de polichinelle que, là non plus, l'harmonie parfaite et
totale que tout le monde souhaite n'a pas été atteinte. Il y a le
ministre du Commerce extérieur; il y a M. Pépin qui s'occupe des
relations étrangères; il y a le ministre en titre des relations
extérieures du Canada. Il est de notoriété publique que
ces structures sont également en période de rodage et qu'elles
devront s'adapter parce que la réalité a changé.
Vous voyez l'horloge, M. le Président; moi, je ne la vois
pas.
M. Rivest: Essayez de répondre précisément
aux questions. Il me semble que...
M. Vaugeois: C'est bon.
M. Rivest: Cette espèce de "flâsage".
M. Landry: J'aime mieux l'opinion du président que celle
du vice-président qui est teintée de partisanerie.
M. Rivest: C'est long; vous tournez autour du pot.
M. Landry: Ceci dit sur le rodage...
M. Rivest: Cela se répond en trois minutes: oui, on fera
cela; non.
M. Landry: Cela se répond peut-être par des esprits
simplistes mais j'espère que je ne me rangerai pas dans cette
catégorie, même si l'Opposition faisait des pieds et des mains
pour arriver à cet objectif.
M. Rivest: On va faire comme Jacques-Yvan, on va s'en aller.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, si vous me le
permettez, vu qu'il y aura sûrement d'autres questions auxquelles vous
devez répondre lors de l'étude détaillée, est-ce
qu'on peut vous demander de terminer?
M. Landry: J'insisterais pour rétablir une chose sur
laquelle l'Opposition a insisté longuement pour des raisons partisanes
bien claires et visibles. Tout ceci aurait découlé d'un conflit
de personnalités; c'est faux, archifaux. Je l'ai dit cent fois, la
presse la plus critique l'a d'ailleurs reconnu; les analystes les plus
critiques de la situation qu'on a vécue au cours de la dernière
année ont toujours reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une question de
relations personnelles. J'ai toujours eu d'excellentes relations personnelles
avec mon prédécesseur qui est un militant de notre formation
politique et de la cause souverainiste. Il est aussi mon ancien professeur
à la faculté de droit; je lui ai rendu hommage à de
nombreuses reprises. Je le refais ce matin afin que les plus durs d'oreille
finissent par entendre ou qu'au moins ils lisent les journaux. Nous
étions en face d'un problème institutionnel; nous n'étions
pas en face d'un problème personnel. Mon admiration pour
l'ex-député de Sauvé ne s'est jamais démentie et
mes relations personnelles avec lui ne se sont jamais démenties tout au
cours de cette période de rodage et d'ajustement.
Le député de Nelligan a aussi fait allusion à une
question importante, les relations avec les affaires canadiennes. Voici ce que
je lui dis: les Affaires intergouvernementales canadiennes sont un
ministère intersectoriel, une responsabilité intersectorielle
rattachée au Conseil exécutif. Alors, sur le plan technique, les
crédits viendront en temps et lieu, mais sur le plan plus fondamental,
c'est un ministère intersectoriel pour lequel le ministère des
Relations internationales, comme tous les autres, en est un sectoriel. Ce qui
veut dire que nous aurons avec ce segment de l'administration les mêmes
relations qu'un ministère sectoriel a avec des structures de
coordination. L'interlocuteur pour les stratégies, face au gouvernement
du Canada, pour les politiques, c'est - sans l'ombre d'un doute - le
ministère des Affaires canadiennes. Cependant, pour les contacts - comme
la pratique est courante - routiniers, quotidiens, techniques, chaque
ministère, le nôtre, comme les autres, poursuivra la pratique
établie et prendra contact directement avec les fonctionnaires
fédéraux et, éventuellement, avec les ministres
fédéraux.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres remarques d'ordre général avant d'entreprendre
l'étude des crédits?
M. Rivest: II y a un point, peut-être, que le
député de Nelligan a souligné qui m'apparaît
très important, c'est la déclaration que vous auriez faite au
journal La Presse en ce sens que - je pense que le député de
Nelligan a souligné le problème -les relations internationales et
les affaires canadiennes relèvent de deux ministres. C'est sûr que
dans les relations internationales, il y a toujours une dimension qui concerne
la partie fédérale des choses et que vous auriez dit que ce
serait votre cabinet politique qui ferait la coordination.
M. Landry: Jamais de la vie.
M. Rivest: Non, vous n'avez pas dit celai
M. Landry: Mais non!
M. Lincoln: M. le Président, si je peux...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je pense qu'on n'avait pas touché cet aspect.
Là où vous avez parlé de la coordination que vous alliez
faire, c'est au niveau des deux ministères que vous chapeautez.
M. Landry: C'est cela et non pas les affaires intercanadiennes
qui est une question totalement différente.
M. Lincoln: Oui mais...
M. Rivest: Mais encore là, c'est le
même problème.
M. Lincoln: C'est le même problème mais vous ne
l'avez pas touché.
M. Landry: Un problème analogue.
M. Lincoln: La question que j'avais posée, M. le ministre,
c'était celle-ci: S'il n'y avait pas de conflit de personnalités
d'après vous, donc c'était un conflit institutionnel ou
structurel ou d'objectifs ou une combinaison de toutes ces choses. En fait,
cela a l'air de découler de la lettre de M. Morin ne voulant, d'aucune
façon, "me porter caution à des décisions retenues pour
résoudre les problèmes". Donc, il y a des problèmes. Il
admet qu'il y a des problèmes.
M. Landry: Qu'est-ce qu'il a de personnel là-dedans, je
vous le demande?
M. Lincoln: Oui, d'accord. Si ce n'est pas une question de
personnalité, comment est-ce qu'une solution de personnalité va
résoudre le problème? C'est la question à laquelle vous
n'avez pas répondu. En d'autres mots vous dites: Maintenant on va avoir
les deux ministères comme avant. On va les chapeauter d'un ministre et
d'un cabinet politique et la coordination va se faire à l'échelle
du ministre et du cabinet politique. Je vous demande si ce sera une gestion de
politique par le fait même de la coordination qui se fait à votre
niveau, au niveau du cabinet politique? Où va être l'implication
des sous-ministres, des fonctionnaires qui, eux, assurent le continuum, qui
assurent la structure de base, qui assurent que l'objectif et les
priorités sont mises en place, sont installées. Si la
coordination se fait à travers votre cabinet politique, comment va-t-il
y avoir continuum parce que les ministres et les cabinets politiques changent.
Tandis que les sous-ministres, les fonctionnaires... Est-ce que ce n'est pas
là la base des conflits? N'était-ce pas à cause de toute
cette question de structure, d'objectif, de priorité et de mauvaise
prise en... J'ai lu, dans la Presse, un article de Mme Leduc qui disait: On n'a
pas d'objectif à moyen terme, on n'a pas d'objectif à court
terme, il faut refaire toute la machine. Donc, au sein même de la
machine, M. Morin lui-même le souligne, il y avait des problèmes
institutionnels, il y avait des problèmes de structure, des
problèmes de fond. Est-ce qu'une personnalité qui va coordonner
cela d'en haut, avec un cabinet politique, ce serait suffisant? Voilà ce
que je vous demande. Ou bien c'est un ou bien c'est l'autre. S'il n'y avait pas
de conflit de personnalités, c'est institutionnel. Si c'est
institutionnel, comment pouvez-vous lui trouver une solution par une simple
coordination à votre niveau et au niveau de votre cabinet politique ce
qui devient à ce moment une gestion de politique plutôt qu'un
"management" par vos sous-ministres et leurs fonctionnaires? C'est ce qu'on
vous demande et je pense que c'est une question clé. Je pense que vous
n'avez pas touché à ce point dans votre réponse. C'est la
raison pour laquelle mon collègue de Jean-Talon a...
M. Landry: Vous avez raison, je n'ai pas répondu. Je n'ai
pas répondu parce que le président m'a dit d'abréger et
qu'il nous reste plusieurs heures devant nous. Ce n'est pas parce que je ne
veux pas répondre, je vais répondre maintenant si vous voulez.
Cependant, si je n'ai pas répondu, vous n'avez pas le droit de
répondre pour moi. Vous n'avez pas le droit de dire que je
réponds en disant que c'est mon cabinet politique qui va faire la
coordination, c'est faux. Ce n'est pas exact parce que, premièrement, il
y a eu un changement institutionnel profond au sein de la section
internationale de l'ex-ministère des Affaires intergouvernementales.
Vous l'avez dans les documents. Je comprends que vous ayez eu les documents
vendredi, sauf qu'il y a eu une réforme profonde. Vous avez parlé
des propos de Mme Leduc que je crois avoir aussi lus dans la Presse il y a de
longs mois. C'est l'été dernier, je crois, que Mme Leduc, parlant
du ministère des Affaires intergouvernementales, avait dit que des
réformes institutionnelles s'imposaient. Or, Mme Leduc n'a pas que
parlé, elle a agi. Mme Leduc et l'ensemble de l'équipe se sont
livrés précisément - et je n'ai aucun mérite
à cela, c'était fait quand je suis arrivé, mais je leur
rends hommage pour leurs travaux - à une réforme en profondeur
des structures de l'ancien ministère des Affaires intergouvernementales.
Vous avez tous les organigrammes et les commentaires. Vous avez même la
répartition des crédits suivant le nouvel organigramme. Alors,
vous pourrez étudier cela de long en large. Dire que je vais faire faire
la coordination par mon cabinet politique, c'est complètement faux; ce
qui ne veut pas dire que le fait d'avoir un seul cabinet politique pour deux
ministères n'est pas un avantage net. D'abord, c'est une économie
d'échelle. Je n'ai pas engagé deux séries de
fonctionnaires de cabinet. Alors là on économise
déjà un grand nombre de salaires, de personnel de soutien, etc.
On économise des locaux et on économise de l'espace. Par exemple,
à Québec les services du cabinet du ministre sont
regroupés dans les anciens locaux du cabinet du ministre des Affaires
intergouvernementales et à Montréal on a fait le contraire.
Alors, le ministère des Affaires intergouvernementales s'en va au
ministère du Commerce extérieur, cela économise de
l'argent. Au-delà des questions d'argent, qui sont quand même
toujours importantes dans une commission qui étudie les crédits,
il y a
aussi une question d'efficacité, de cohésion et de
cohérence. Mais ce n'est qu'un des facteurs de cohérence du
nouveau régime.
Vous me dites qu'il va y avoir une gestion politique, je l'espère
bien! Ce serait bien nouveau et ce serait une révolution si les
ministres ne donnaient pas une impulsion politique aux ministères dont
ils sont les chefs. C'est à la base du système même de
notre démocratie, autrement il n'y aurait pas nécessité.
Je comprends de plus que certains esprits purement technocratiques trouvent que
ce n'est pas commode d'avoir des ministres dans un système comme le
nôtre, mais je soutiendrai l'inverse jusqu'à mon dernier souffle
que c'est à la base même de notre système
démocratique. Quand on est chef d'un ministère dans un
système parlementaire britannique, on est aussi un élu du peuple
et on fait aussi partie d'une majorité gouvernementale. Alors ne vous
surprenez pas si je me comporte exactement comme l'esprit de nos institutions
me contraint à le faire. Cependant, ce n'est qu'un aspect de la
coordination, de l'action du gouvernement. Oui, il y a des implications
administratives. Oui, le ministère du Commerce extérieur et le
ministère des Relations internationales ont déjà entrepris
et vont poursuivre une vaste entreprise de rationalisation, de pontage, suivant
l'expression que j'ai employée et qui a été reprise par un
analyste dans le journal Le Devoir en particulier, où des
économies d'échelle pourront être
réalisées.
N'oubliez pas qu'on étudie les crédits ici. Par exemple,
on a deux services d'information. On en a un au ministère du Commerce
extérieur et on en a un au ministère des Relations
internationales. Il est hors de tout doute que si ces deux services
réalisent leur pontage, travaillent ensemble et font des
rationalisations de leur publication, il y aura des économies de deniers
publics, mais il y aura aussi une meilleure information des questions
internationales circulant au ministère du Commerce extérieur et
au ministère des Affaires intergouvernementales.
Alors, pontage dont je donne un exemple pour un niveau: les
communications. Pontage qui sera établi à l'ensemble des
activités des deux ministères, à commencer par le ministre
- là c'est facile, il n'y en a qu'un - par les sous-ministres, où
il y en a deux, par les directeurs généraux, où ils
deviennent plus nombreux, sous-ministres associés, etc. Cette
opération est en cours et elle est en train de se faire. Elle ne se fera
pas dans la bousculade, elle se fera dans l'harmonie. Je pense que vous
convenez avec moi... En tout cas, j'ai entendu l'ancien chef du Parti
libéral dire que s'il était là il ferait un vrai
ministère du Commerce extérieur. D'ailleurs, dans la
conférence de presse où il a dit cela, les journalistes lui ont
demandé de préciser ce qu'il y avait de différent dans sa
politique que ce qu'il y avait dans la nôtre et il n'a pu prononcer le
premier mot de l'exemplification de ce qu'il entendait par un vrai
ministère. (12 heures)
Tout le monde reconnaît, surtout le milieu des affaires, qu'il y a
un intérêt stratégique à avoir un ministère
des Relations internationales et un ministère du Commerce
extérieur. Ce n'est pas un dogme de foi, ce n'est pas un diktat, cela
découle de la nature des choses: des personnalités des
invidividus, des diverses compétences en cause, il y a des gens qui sont
plus obsédés sur la vente, il y a des gens qui sont plus
mercantiles, bon! II y a un avantage stratégique à
l'intérieur comme à l'étranger. Ceci dit...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, il y a une
question de règlement. Le député de Jean-Talon.
M. Rivest: C'est bien intéressant ce que vous dites, mais
je voudrais vous souligner, M. le Président, sur un rappel au
règlement, que la question comportait uniquement un
élément qui était le rôle du cabinet politique par
rapport au rôle des sous-ministres. C'est simplement cela. Si le ministre
pouvait convenir de façon très amicale parce que l'étude
des crédits est quand même assez réduite et que sur une
question aussi précise que celle qui a été formulée
par mon collègue de Nelligan il me semble que cela se répond en
trois phrases et dire: Mon cabinet politique est un cabinet politique. Il ne
s'ingérera pas dans l'administration des deux ministères; les
sous-ministres ou les hauts fonctionnaires sont assez responsables pour faire
cette fonction qui appartient à cela, ou bien ils vont s'immiscer, c'est
oui ou non. Il n'est pas nécessaire de nous faire un placotage...
M. Lincoln: Si je peux préciser.
Le Président (M. Gagnon): Sur la question de
règlement.
M. Landry: Si j'avais répondu, cela aurait
été insulter l'Opposition que lui dire: Mon cabinet politique est
un cabinet politique.
M. Lincoln: Si je peux préciser ce que je veux dire parce
que je pense que c'est là qu'il y a un malentendu peut-être. Nous,
ce qu'on comprend si on lit l'article d'après l'interview très
détaillée qu'a donnée le ministre à la presse
récemment, Presse Plus, il parlait de deux ministères. Il dit:
Deux univers séparés, la cohérence c'est deux univers
séparés, la cohérence s'établissant au niveau du
ministre et de son cabinet. Ce qui
nous fait poser la question, si moi je lis bien c'est cela que cela dit.
Si c'est réellement comme deux univers séparés, deux
ministères qui sont parallèles, qui ont des objectifs de
complémentarité mais qui tout de même sont
différents. Là vous donnez des exemples, du personnel qui est
tout à fait différent, les vocations du personnel etc. Tout de
même, cela a été là le fond du problème de
coordonner l'action économique avec l'action dans les autres secteurs.
C'était le problème d'établir des objectifs précis,
d'établir des priorités très précises.
C'était cela les questions qu'on vous posait que vous posaient mon
collègue et moi-même. Quels sont les grands objectifs, non pas des
objectifs géographiques, la France d'abord, Israël le numéro
28 et l'Amérique numéro 3? Ce n'est pas cela qu'on posait. Les
objectifs globaux de la politique du Québec du point de vue
extérieur. C'est là, il y avait sûrement des divergences de
vues entre vous, entre le gouvernement et le ministre sortant des Affaires
intergouvernementales. Autrement il n'aurait pas dit: "ne voulant en aucune
façon me porter caution des décisions retenues pour
résoudre les problèmes". Est-ce que la décision retenue
pour résoudre le problème était justement deux univers
séparés, la cohérence s'établissant au niveau du
ministre et de son cabinet?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Lincoln: C'est cela qu'on vous demande. Qu'avez-vous voulu
dire par cela?
Le Président (M. Gagnon): L'explication de la question
étant donnée, M. le ministre vous avez la réponse?
M. Landry: Je ne sais pas si c'est la tournure d'esprit du
député de Nelligan ou sa stratégie qui fait qu'il
mêle les cartes et qu'il mêle les questions. Il me somme de
répondre d'une façon précise à sa question, il la
reformule en parlant de mon cabinet politique et des objectifs globaux de la
politique internationale du Québec. Il a fait allusion à
Descartes dans ses remarques mais je pense qu'il procède plutôt de
l'école de Protagoras qui était un philosophe bien
antérieur à Descartes et qui s'est illustré par
l'invention du sophisme. Vous ne pouvez pas m'acculer à répondre
de façon simple à une question que vous avez complexifiée
à souhait par tendance naturelle ou par stratégie. Si c'est par
stratégie, je le comprends, c'est remédiable, si c'est par
tendance naturelle, là c'est une autre affaire. Malgré l'estime
personnelle que je porte au député de Nelligan, il a bien le
droit d'avoir les tendances personnelles qu'il veut. Mais je pense avoir
répondu très longuement avec peut-être surabondance de
détails à la question du cabinet politique et ce n'est qu'une des
facettes de la cohérence à établir dans les nouvelles
structures, l'autre facette étant ce que j'ai décrit comme le
phénomène du pontage, et j'ai donné comme exemple la
direction des communications. J'aurais pu repasser tous les organigrammes en
parallèle et tous les postes des crédits. Je n'ai aucune
objection à le faire si vous voulez me poser des questions
précises à chaque poste de la dépense.
Je pense aussi avoir été clair mais, Mme Leduc, qui est
à mes côtés le serait bien davantage, sur le fait qu'une
réforme a été faite en profondeur des structures de
l'ex-ministère des Affaires intergouvernementales que vous avez dans le
cahier. L'organigramme de ces réformes que les fonctionnaires qui sont
avec moi de façon brillante pourraient vous dire pourquoi ces
réformes ont été faites et quel en sera l'effet?
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Ce qui veut dire qu'à
ce moment-ci je peux...
M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le président ou M. le ministre, je ne sais
pas. Le ministre vient d'évoquer la possibilité que
peut-être Mme Leduc pourrait brièvement nous donner un
aperçu des préoccupations que le ministre vient d'évoquer,
si le ministre est d'accord.
M. Landry: Je suis parfaitement d'accord et je pense ce serait
pour le plus grand enrichissement de la commission que Mme Leduc ou d'autres
fonctionnaires supérieurs du ministère puissent exprimer une
chose - je l'ai dit dans mes remarques préliminaires - qu'ils ou
qu'elles connaissent mieux que moi puisqu'il n'y a que quelques semaines que je
suis là.
Le Président (M. Gagnon): Avant de donner la parole
à Mme Leduc, je voudrais répondre à des questions qui me
sont posées ici à savoir combien de minutes on a pris. D'abord au
tout début, j'ai mentionné qu'il y avait un article qui nous
permettait de limiter le temps. Je pense qu'unanimement, la commission
était d'accord pour qu'on soit assez large là-dessus. À
maintenant, le député de Nelligan a pris 23 minutes, le
député de Jean-Talon 14 minutes. Est-ce que cela répond
à votre question, M. le député de Vachon?
Mme Leduc.
Les structures du ministère
Mme Leduc (Paule): Je crois que la meilleure manière
d'expliquer les
changements, c'est en prenant l'organigramme. Nous avions, au cours
d'une réflexion que nous avons faite au ministère l'an dernier,
jugé que le temps était peut-être venu de mieux articuler
nos priorités et nos objectifs. Nous avions dans le ministère des
mandats qui étaient donnés à plusieurs directions pour
articuler priorités et objectifs. Nous avons jugé qu'il manquait
là une certaine coordination. Nous avons donc créé pour
résoudre un certain nombre de problèmes de fonctionnement et de
mises en place qui nous apparaissaient assez évidents une direction que
nous appelons la Direction générale de la planification et qui se
trouve raccrochée au sous-ministre associé aux Affaires
internationales. Cette nouvelle direction a regroupé un certain nombre
de mandats qui étaient assumés par des directions qui ont
été abolies mais a aussi créé un certain nombre de
directions qui assument des mandats qui n'avaient pas été
assumés de façon très organisée dans le
ministère. Vous voyez par exemple la Direction de la coordination
sectorielle qui regroupe maintenant quatre directions qui étaient
séparées et qui faisaient la coordination culturelle, sociale,
éducative, économique, etc. sous un seul chapeau.
Nous avons mis en place la Direction des études et politiques,
qui a pour mandat précis d'organiser notre pensée et de
préciser nos priorités, et cela pourra peut-être
répondre à vos questions. Nous avons également mis en
place la Direction des affaires multilatérales et francophones. Nous
n'avions pas un groupe organisé qui avait pour mandat de travailler
uniquement avec les organisations internationales et sur les questions
multilatérales. Nous avons pensé, compte tenu de
l'évolution de notre travail à l'extérieur, qu'il
était prudent et important de mieux organiser notre travail
là-dessus.
Nous avons créé une Direction de la programmation qui
n'existait pas non plus. La programmation était faite dans chacune des
directions. Nous avons pensé qu'il serait utile de mettre une
cohérence générale dans l'ensemble de la programmation
pour pouvoir mieux l'évaluer, mieux l'organiser et mieux dégager
nos priorités. Il y a maintenant une seule direction qui regroupe
l'ensemble de la programmation du ministère et cela nous permettra de
mieux établir nos priorités et de mieux définir nos
objectifs.
Enfin, nous avons mis en place une direction qui n'existait pas non plus
qui est la Direction des systèmes d'information. Nous avions un paquet
d'informations qui n'étaient pas non plus mises ensemble. Nous avons
utilisé un support informatique et une organisation de banque de
données pour avoir une meilleure information dans le ministère.
Je crois que c'est pour répondre à des réflexions que nous
avions menées depuis plusieurs années au ministère.
Voilà.
M. Rivest: M. le ministre ou Mme la sous-ministre, une question
additionnelle. Cette mise en ordre des activités un peu traditionnelles
du ministère de façon qu'on définisse mieux les objectifs
et qu'on voie comment cela marche je pense que c'était
précisément la préoccupation du député de
Nelligan lorsqu'il parlait de coordination. Beaucoup de ces programmes,
beaucoup de ces secteurs dans le domaine des relations internationales vont,
d'une part, rejoindre des préoccupations et des mandats particuliers qui
sont du ressort du ministère du Commerce extérieur et, d'autre
part, du ministère des Affaires canadiennes, enfin du ministre
délégué aux Affaires canadiennes. Et notre
préoccupation sur la base de la question du député de
Nelligan, quand il parlait de la coordination, moi personnellement, et je pense
que c'est également l'opinion du député de Nelligan, je
crois que c'est un prolongement, au fond, à ce qui relève d'une
activité proprement internationale et que vous avez organisée au
niveau du ministère des Relations internationales. Ce qui nous
préoccupait, c'était que tout ce qui se fait comme travaux devra
être coordonné d'une part, avec le ministère des Affaires
canadiennes et d'autre part, avec certains aspects de l'initiative du ministre
à titre de ministre responsable du Commerce extérieur. Nous
tenions, par la question que le député de Nelligan a
posée, à ce que ces coordinations, ces échanges, ces
communications, ces articulations d'initiative ne se fassent pas via le cabinet
du ministre mais qu'elles se fassent au niveau de la machine administrative du
gouvernement dans chacun des trois modules dont on parle. Comme question
additionnelle, je voudrais simplement vous demander s'il y a, actuellement, des
réseaux de communication entre cette direction générale et
chacun de ses éléments, cette direction oui, et le
ministère des Affaires canadiennes, le ministre des Relations
internationales et du Commerce extérieur? Au niveau de l'administration
proprement dite, est-ce que des articulations sont en place ou
pensées?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
Mme Leduc: Voulez-vous que je réponde à la
question?
Le Président (M. Gagnon): Mme Leduc, M. le ministre?
M. Landry: Oui, ils peuvent répondre. Moi, je
répondrai de façon plus générale et la
sous-ministre répondra de façon plus technique. J'ai cru l'avoir
évoqué. L'opération à laquelle nous nous livrons
présentement, l'opération en cours, c'est une
opération pontage, comme je l'ai dit. Alors, que chaque
élément de la machine du ministère des Relations
internationales établisse les ponts convenables et efficaces avec les
éléments qui travaillent sur des questions connexes dans la
machine du ministère du Commerce extérieur.
Quant à l'aspect Affaires intergouvernementales canadiennes, j'ai
dit quelle est notre doctrine. Nous sommes, par rapport à Affaires
intergouvernementales canadiennes, un ministère sectoriel. Nous sommes
leur client parce qu'ils font les relations avec le gouvernement du Canada et
nous agissons comme client de la même manière que tous les autres
ministères le faisaient avec les Affaires intergouvernementales du temps
où cette juridiction était aux Affaires intergouvernementales,
c'est-à-dire que nous n'élaborons pas de stratégies avec
le gouvernement du Canada sans l'intervention des Affaires canadiennes. Nous
n'élaborons pas de politiques, nous ne faisons rien sans les informer.
Nous ne participons pas à des délégations à Ottawa
sans que les Affaires intercanadiennes soient présentes à nos
côtés aux tables de négociation et aux tables de
discussion. Ce n'est pas original, Mme la sous-ministre, cela s'est toujours
fait comme cela du temps où vous aviez cette juridiction et cela va
continuer à se faire ainsi maintenant que la juridiction est
ailleurs.
Voulez-vous ajouter quelque chose? Peut-être que Mme Leduc, sur le
plan technique, pourrait ajouter quelque chose.
M. Rivest: Si vous me le permetttez, à moins que Mme la
sous-ministre veuille ajouter quelque chose, donc je comprends des remarques du
ministre, que cela se fait bel et bien au niveau de l'administration et non au
niveau du cabinet politique.
M. Landry: C'est exact. Par ailleurs, soyons de bon compte. Je
dis que c'est une opération en cours.
M. Rivest: Oui.
M. Landry: Je ne veux pas vous induire en erreur en disant que
tout est fait mais je crois exprimer la réalité en disant que
nous avons l'ambition de tout faire et que nous avons commencé à
faire certaines choses.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. M. le
député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Des question rapides peut-être à Mme la
sous-ministre. L'Agence de coopération...
M. Landry: M. le Vice-Président, excusez-moi, il y a
peut-être un élément technique qui va intéresser
l'Opposition.
La première directive que j'ai donnée au ministère
du Commerce extérieur, comme au ministère des Relations
internationales, et je l'ai dit au comité restreint de direction du
ministère comme à l'ensemble des cadres, c'est que nous suivons
les lignes hiérarchiques. Et moi-même ou mon cabinet politique ne
gérons pas d'une façon intempestive les divers
départements de la machine administrative. La sous-ministre des
Relations internationales et le sous-ministre du Commerce extérieur sont
les sous-chefs des deux ministères et c'est par eux que l'information
passe, que les consignes passent, que l'action se fait. Cependant, pour des
questions fort usuelles, et c'est connu, il y a ce qu'on appelle des
passe-partout. Si j'ai besoin d'une information rapide pour répondre
à une de vos questions en Chambre et que Mme la sous-ministre est au
Moyen-Orient, je vais téléphoner directement dans la machine pour
dire: Le député de Jean-Talon veut savoir combien tel truc a
coûté. C'est là de la cuisine quotidienne et cela peut se
faire par des passe-partout: Les politiques, les directives, les consignes,
ligne hiérarchique, la sous-ministre. (12 h 15)
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon. Excusez. M. le député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Je n'haïrais pas cela être
député de Vachon, par exemple.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Trois-Rivières.
L'ACCT
M. Vaugeois: J'ai des petites questions rapides à poser au
sous-ministre si vous me permettez. L'Agence de coopération culturelle
et technique relève de quelle boîte dans votre organigramme?
Mme Leduc: Si la direction des affaires multilatérales est
francophone, il y avait antérieurement une direction des affaires
francophones qui organisait les relations avec l'agence de
coopération.
Une voix: Oui.
Mme Leduc: Vous voyez là le petit pointillé des
affaires multilatérales qui conduit à la délégation
aux affaires multilatérales à Paris qui, elle, a des relations
avec l'ACCT.
M. Vaugeois: D'accord. Alors, quand les pointillés ou
quand les lignes changent de nature, quand on passe d'une ligne continue
à une ligne pointillée, est-ce que cela correspond à un
phénomène particulier, la ligne d'autorité est moins
claire, c'est de la
coordination plutôt que de la supervision ou quoi? Par exemple, on
prend la délégation de Paris. On a là un bon exemple. La
ligne de rattachement à la direction France est une ligne
pointillée; quand on descend vers les boîtes internes, on a une
ligne continue qui se termine par des lignes pointillées.
Mme Leduc: Oui. Alors, c'est cela le problème. Tous les
délégués à l'étranger dépendent du
sous-ministre. C'est la loi qui le dit. Mais, sur le plan fonctionnel, ils ont
ce que nous appelons des pupitres. Alors, la ligne pointillée indique le
pupitre sur le plan fonctionnel. D'accord? Et, à l'intérieur de
la délégation même, par exemple, vous avez Paris où
il y a des lignes fermes; le délégué général
du Québec à Paris a une ligne ferme par rapport au conseiller aux
affaires multilatérales, conseiller... J'étais en train de
regarder New York. Mon conseiller politique et conseiller en coopération
parce que ces conseillers sont des conseillers fonctionnaires du
ministère des Affaires intergouvernementales. Ils reçoivent leurs
intructions et leurs mandats du ministère des Affaires
intergouvernementales alors que là où il y a une ligne
pointillée il y a une partie des mandats qui viennent des autres
ministères:' conseillers en immigration, conseillers économiques,
conseillers en tourisme.
Il n'y a donc pas une autorité... En tout cas, il y a une
autorité partagée du délégué.
M. Vaugeois: D'accord. Est-ce que cela veut dire que ces
fonctionnaires dont le champ d'activité correspond à d'autres
ministères sont nommés conjointement par le ministre des
Relations internationales et par le ministre du secteur concerné?
Mme Leduc: La loi dit que le ministre des Relations
internationales, le ministre des Affaires intergouvernementales à
l'époque, nomme tous les fonctionnaires à l'étranger.
C'est donc le ministre des Relations internationales qui nomme tous les
fonctionnaires à l'étranger, y compris ceux des autres
ministères, mais sur recommandation du ministre des autres
ministères.
M. Vaugeois: D'accord. Une autre question qui est plus
générale. Je la poserai d'ailleurs au ministre.
Le gros problème du ministère dont vous êtes
responsable a toujours été la coordination avec d'autres
ministères. À l'origine d'ailleurs, les éléments
constitutifs de ce ministère sont nés dans des ministères
sectoriels comme le ministère de l'Éducation et le
ministère des Affaires culturelles qui avaient eu un service de
coopération avant même que votre ministère existe.
À ses origines, le ministère a été
tourné vers les relations fédérales- provinciales et
interprovinciales dans une certaine mesure. Le volet international s'est
ajouté lentement et péniblement. Cela a provoqué des
rattachements au ministère: le service de coopération comme le
service de coopération du ministère de l'Éducation, le
service de coopération du ministère de la culture ou des Affaires
culturelles. Il y a des ministères comme le ministère du
Tourisme, comme le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui ont
été obligés de se rapprocher du ministère des
Affaires intergouvernementales à l'époque. Il y a même des
ministres qui ont cumulé deux fonctions - je pense à
Gérard D. Levesque qui, à un moment donné, s'est
promené entre le ministère de l'Industrie et du Commerce et le
ministère des Affaires intergouvernementales pour essayer
d'atténuer certaines résistances.
Dans votre nouvel organigramme, je ne retrouve pas - peut-être que
je ne vois pas très bien - de coordination de contenu, par exemple,
l'action du Québec à l'étranger en matière de
santé, l'action du Québec à l'étranger en
matière d'éducation. Faut-il comprendre que c'est à
nouveau au ministère de l'Éducation que se fait cette
coordination ou au ministère des Affaires culturelles ou dans les
différents ministères concernés ou s'il y a encore un
endroit où il peut y avoir une coordination horizontale de cette nature
au ministère des Relations internationales?
M. Landry: M. le Président, il n'y a pas qu'un endroit. Il
y en a deux au plan des organigrammes. Premièrement, si cette
institution que vous connaissez bien qui s'appelle le Comité de
coordination des relations autrefois intergouvernementales et aujourd'hui,
internationales, le CCRI, le "i" devenant international. Vous avez cela dans
l'organigramme immédiatement en dessous et à droite de la case
sous-ministérielle. Puisque vous êtes affligés comme moi
d'une certaine presbytie qui est survenue à l'âge que nous avons
où c'est difficile à lire... À l'avenir je vais demander
des choses plus agrandies pour la commission, mais c'est là.
Et l'autre grand poste de coordination c'est celui que vous retrouvez
à la direction générale de la planification où
là vous avez tous les sectoriels qui sont énumérés
et qui sont des interlocuteurs, des sectoriels correspondants dans les
ministères: questions sociales, questions éducatives, etc. La
première instance que j'ai mentionnée CCRI, ce sont des
sous-ministres, cela se fait au niveau des sous-ministres. Quant au niveau
ministériel, c'est au Conseil des ministres même que cela se fait
par la participation du ministre au Conseil des ministres et la participation
du ministre à certains comités ministériels permanents. Le
ministre est membre, par exemple, du comité ministériel permanent
du développement économique.
La liaison avec les délégations
M. Vaugeois: La liaison avec les délégations et les
bureaux, cela commence à être quand même un peu
compliqué. Par exemple, le délégué
général à Paris a une liaison d'autorité avec le
ministre inévitablement et avec le sous-ministre pour une foule de
choses, j'imagine qu'à l'occasion il a aussi sur les talons le directeur
général de l'administration.
M. Landry: J'espère.
M. Vaugeois; Eux, ils n'espèrent pas, ils trouvent
toujours que le directeur de l'administration est achalant.
M. Landry: Eh oui! Mais on l'aime comme cela.
M. Vaugeois: Maintenant, avec mes excuses pour M. L'Heureux, mais
je pense bien que je ne dévoile rien en disant que pour les gens
à l'étranger, ils ont toujours l'impression d'être
incompris. D'ailleurs, c'est un réflexe de l'administration en
général de toujours envier les conditions faites aux gens qui
sont à l'étranger.
Après cela, il y a donc une liaison à faire avec le
bureau, le pupitre de la France mais je ne comprends pas très bien
comment la liaison va se faire avec la coordination, l'éducation, la
culture, la santé et ainsi de suite parce que là, il n'y a pas de
ligne de communication, en pratique. Je pose encore la question.
M. Rivest: Mme Leduc.
Mme Leduc: Les bureaux ont des "desks" pour le fonctionnel,
c'est-à-dire, les délégations - je m'excuse - ont des
pupitres dans chacune des directions dites géographiques parce que je
n'en ai pas parlé. Les directions géographiques sont celles qui
mettent en opération la programmation du ministère, les
activités du ministère. D'accord'.
Les délégations sur le plan administratif ont
également des relations avec la Direction générale de
l'administration. D'ailleurs on voit la ligne qui se continue aussi par
là.
La coordination pour l'administration de l'ensemble des bureaux se fait
à mon niveau par un petit organisme qu'on appelle - dans notre jargon
administratif - le BSM, c'est-à-dire le bureau des sous-ministres qui se
réunit régulièrement et qui met ensemble toutes les
politiques à administrer ou à donner aux bureaux à
l'étranger. Ce que nous tentons de faire actuellement pour vous
rassurer, M. le député, je sais que les bureaux à
l'étranger trouvent toujours que le central prend bien de la place. Et
nous sommes en train de repenser aussi notre administration des bureaux
à l'étranger pour décentraliser davantage le pouvoir de
décision administratif pour éviter qu'il soit obligé
constamment de passer par le central pour la moindre petite niaiserie. C'est
une orientation que nous prenons de plus en plus et les
délégués, je crois, seront satisfaits des décisions
qu'on a déjà commencé à prendre pour leur donner
plus de pouvoir sur le terrain, moins dépendant du central sur le plan
administratif.
M. Vaugeois: Est-ce que les ministères qui sont les plus
concernés par les activités internationales du Québec ont
tendance à se redonner des services de coopération, de relations
extérieures ou si le ministère des Relations internationales
offre vraiment ces services?
M. Landry: Je pense qu'il y a une tendance. Je pense que le
ministère des Relations internationales va s'opposer à cette
tendance au nom de l'efficacité, au nom de l'unicité de la
politique et au nom des économies d'échelle. On ne doit pas
laisser fleurir dans tous les secteurs de l'administration des boîtes
spécialisées de relations internationales d'un certain
volume.
Il est sûr que dans un très gros ministère aux
crédits abondants et vastes comme le ministère de
l'Éducation, cette tendance existe. Ce n'est pas sans mérite que
certains fonctionnaires de l'éducation soient un peu plus
éveillés que d'autres aux questions internationales par leur
passé ou par leurs fonctions. Ce serait néfaste pour
l'administration de laisser fleurir cette tendance. La politique du
gouvernement va dans le sens de contrer la floraison de sections
internationales dans toutes les branches de l'administration. C'est attirant
l'international. Tout le monde aime cela l'international, tout le monde veut en
faire et souvent tout le monde veut voyager à l'étranger ce qui
est un autre aspect des choses. C'est très humain. On peut toujours
avoir un voyage d'urgence à Singapour qu'on ne peut pas remettre. Sauf,
que pour nous pour notre rôle, si le voyage n'est pas essentiel, vital ou
urgent, il sera remis.
M. Vaugeois: M. le Président, je remercie le ministre de
ses réponses non seulement parce qu'il a répondu mais parce qu'il
a répondu dans un sens qui me fait plaisir à entendre. Je me
permettrai un commentaire, lorsqu'on s'adresse à un ministère
sectoriel c'est pour avoir un expertise sectorielle. Lorsque l'interlocuteur
premier est quelqu'un qui double notre propre compétence internationale
souvent cela ne facilite pas les choses et cela grossit les
délégations. Ce sera certainement une des difficultés
auxquelles le ministre aura à faire face. C'est une tendance de
cette
administration québécoise de s'intéresser beaucoup
aux relations internationales surtout dans certaines périodes. Je crois
que la vigilance du ministère s'impose à cet égard. Si on
peut me permettre une remarque à ce sujet, il me semble que ce serait
peut-être de bon ton pour le ministère d'affirmer ce que le
ministre vient de dire en le traduisant d'une façon plus
éloquente dans l'organigramme.
M. Landry: Je vais prendre ces remarques en bonne part, n'est-ce
pas?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
Les étudiants étrangers
M. Payne: En ce qui concerne la coordination sectorielle, la
brochure qui nous a été livrée sur la question de la
politique des étudiants étrangers soulève des discussions.
Il y a eu beaucoup de discussions dernièrement dans les journaux, sur la
place publique, à savoir quelle était la politique du
ministère à cet égard? En ce qui concerne les orientations
pour l'avenir, on mentionne qu'au cours de l'année 1984-1985 le
ministère des Relations internationales en accord avec le
ministère de l'Éducation va renégocier un certain nombre
d'ententes, soit une vingtaine d'ententes, avec les pays de l'Amérique
latine et les pays africains tant anglophones que francophones. J'aimerais, si
c'est possible, qu'on procède à une brève discussion sur
la politique du ministère à cet égard. Il s'est
créé beaucoup d'inquiétude dans les milieux universitaires
anglophones et autres. Je n'ai jamais entendu de la part du ministre et de ses
fonctionnaires une justification de cette politique. Je ne la remets pas en
question, mais il s'agit d'information.
M. Landry: D'abord, je pense que le Québec a à
offrir, aux pays en voie de développement en particulier sur le plan de
l'éducation ou sur le plan des transferts de technologie, des choses non
négligeables et que peu d'autres pays occidentaux peuvent offrir, en ce
sens que nous avons ici la possibilité aussi bien de former dans leur
langue des spécialistes du Ghana que des spécialistes de la
Réplique centrafricaine, qui, dans la ville de Montréal,
pourraient étudier dans la langue qui leur est la plus familière.
S'il y a inquiétude parmi la communauté anglophone, je le
déplore et je prétends qu'elle n'est pas fondée cette
inquiétude. C'est un immense avantage pour le Québec de pouvoir
parler à ces interlocuteurs tiers-mondistes en matière
d'éducation, de science et de technologie dans les langues occidentales
qui leur sont les plus familières. C'est un atout pour notre
système d'éducation et nous n'avons pas l'intention de l'oublier
ou de le gommer. Cependant, comme nous sommes dans un contexte de rareté
des moyens et d'économie des moyens et que le Québec est un
espace économique de 6 500 000 d'habitants, il faut faire des choix des
fois très douloureux, des fois moyennement douleureux pour vraiment
avoir une attitude tiers-mondiste. C'est intéressant pour nous d'avoir
de nombreux étudiants de pays occidentaux développés et de
pays plus riches que ne l'est le Québec et que ne l'est le Canada.
Cependant, on ne veut pas avoir le même traitement financier pour ces
étudiants qu'on peut avoir pour les Ghanéens ou les Togolais. (12
h 30)
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Vachon on vous reconnaîtra immédiatement
cet après-midi puisque vous n'avez pas terminé votre droit de
parole. Il est 12 h 30.
M. Lincoln: Si le député en convient, une
brève question, peut-être qu'on aurait pu finir cinq minutes en
retard, cela m'est égal.
M. Payne: Cela m'est égal.
Le Président (M. Gagnon): Alors, cela va. Allez-y
d'abord.
M. Payne: Est-ce que la disparité, si cela existe, entre
les frais de scolarité pour les milieux anglophones et francophones est
explicable exclusivement en fonction des ententes qui sont signées ou
qui ont été signées entre le Québec et les autres
pays? Y a-t-il d'autres critères possibles pour une telle
disparité? Par exemple, je sais et je me souviens, qu'à
l'époque où j'ai travaillé avec un certain nombre
d'ententes signées avec le "New England States" des États-Unis,
ce n'était pas exclusivement le tiers monde qui
bénéficiait d'un certain nombre d'ententes avec le Québec.
Alors, bref, est-ce que la disparité, si cela existe, entre les quelques
étudiants anglophones et francophones, est exclusivement en vertu des
ententes qui existent ou est-ce qu'il y a d'autres critères?
M. Landry: Notre attitude générale avec les pays
occidentaux développés, donc les États-Unis
d'Amérique, c'est la réciprocité. Nous sommes capables de
payer, ils sont capables de payer. On ne peut pas avoir la même attitude
avec les tiers-mondistes, c'est la raison pour laquelle il y a une
discrimination de facto en faveur des étudiants du tiers monde. Mais la
discrimination ne doit pas être sur une base linguistique, elle doit
être sur la base du revenu per capita du pays que l'on aide. Si on
était un pays à 12 000 $ de revenu per capita cela va être
sur une base mutuelle. Si
on est en face d'un pays qui a un revenu per capita de 700 $, cela va
être de l'aide à l'étranger. Je pense que la
collectivité québécoise est très heureuse de le
faire. Si vous me dites ultimement on va peut-être avoir plus
d'étudiants étrangers francophones que d'anglophones venant des
pays du tiers monde, je vais vous répondre qu'il y a là rien
d'étonnant puisque le Québec a une mission particulière et
une facilité particulière à échanger avec les pays
du Maghreb, avec les pays francophones d'Afrique, avec certains pays
d'Amérique latine. Tout cela est dans la nature des choses. Dans notre
système scolaire, en général au Québec, il y a
quoi? Il y a 10% d'étudiants anglophones dans l'ensemble du
système parce que cela reflète la réalité
sociologique et démographique du Québec. Je n'en fais pas un
barème, il se pourrait très bien que pour les étudiants
étrangers la proportion d'anglophones soit beaucoup plus
élevée et cela fait partie du rayonnement de la mission du
Québec. C'est bien comme cela et cela doit être maintenu.
M. Payne: J'ai quelques autres questions à poser à
cet égard, mais on pourrait y revenir cet après-midi dans le sens
de discuter la politique qui vise les ententes entre le Québec, d'autres
pays et d'autres États, les États-Unis, par exemple. Ils sont
nombreux les États qui ont des ententes; comme je le disais, les New
England States ont des ententes avec le Québec. On pourrait discuter
davantage quels sont les critères qui favorisent telle ou telle
université ou tel ou tel accord de réciprocité avec les
autres pays et les autres États. C'est un sujet qui
m'intéresse.
M. Landry: Vous avez raison. Souhaitez-vous qu'on poursuive la
discussion ou voulez-vous qu'on y revienne?
M. Payne: Dans mon temps qui me revient cet après-midi,
oui.
Le Président (M. Gagnon): Si vous me le permettez,
effectivement oui, cet après-midi à la reprise des travaux, on
pourrait revenir sur le sujet et après je reconnaîtrai le
député de Nelligan. Je voudrais suspendre...
M. Landry: M. le Président de la séance, avant que
vous suspendiez...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre.
M. Landry: ...je voudrais vous demander une information. La
défense des crédits cet après-midi est prévue
à 16 heures: j'imagine que cela veut dire après la période
des questions au cas où elle se prolongerait?
Le Président (M. Gagnon): C'est cela, effectivement.
M. Landry: Très bien.
Le Président (M. Gagnon): C'est ce que j'allais dire.
Les travaux sont suspendus jusqu'après les affaires courantes
à l'Assemblée nationale cet après-midi,
c'est-à-dire autour de 16 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise de la séance à 16 h 14)
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
poursuit ses travaux avec le mandat d'étudier le budget du
ministère des Relations internationales pour l'année
1984-1985.
Lors de la suspension de nos travaux, la parole était au
député de Vachon qui n'avait pas terminé ses questions. M.
le député de Vachon.
M. Payne: Merci, M. le Président. J'ai
apprécié les propos du ministre, ses précisions sur la
politique en ce qui concerne l'accueil pour les étudiants qui viennent
de l'extérieur du Québec. Ma question était pour savoir si
la disparité qui existe, apparemment, était en fonction des
ententes qui existent avec les pays francophones.
J'aimerais maintenant poser une question plus large, si c'est possible,
sur les critères que le ministère se donne pour négocier
de telles ententes. J'avais le privilège de travailler dans le cadre de
certaines ententes que nous avons, comme je l'ai mentionné, avec les New
England States, ententes négociées entre le ministère de
l'Éducation et ces États. Ma question serait: Quels sont les
critères? Quelle est la politique? Est-ce que nous favorisons les
ententes avec tous les États et toutes les universités qui se
montrent intéressés à avoir des ententes de
réciprocité avec le Québec?
M. Landry: Oui, M. le Président. En ce qui touche les
États-Unis d'Amérique, pour ces ententes de
réciprocité, je pense que le seul critère est plus il y en
a, mieux c'est. C'est une opération compte à compte, qui ne nous
coûte rien puisque les Américains accueillent nos étudiants
et que nous accueillons les leurs. Étant donné l'avantage
extraordinaire que nous avons de posséder une frontière commune
avec quatre États des États-Unis d'Amérique et
d'être les voisins immédiats de la plus grande puissance
économique, scientifique et technologique de l'histoire, je ne vois pas
pourquoi on se priverait d'avoir le flot culturel le plus abondant possible et
qui ne coûte rien aux
contribuables.
Je vais vous donner une idée de ce qui se fait
présentement. Vous avez parlé de New England. On a New England
Board of Higher Education, Conférence des recteurs et principaux des
universités du Québec, ce sont les deux participants: 260
institutions membres; 33 institutions participantes; étudiants
touchés: Américains au Québec 22; Québécois
en Nouvelle-Angleterre, 12. C'est notre première année
d'opération. On en a avec State University of New York, California State
University and College System. Le total est vraiment intéressant: il y a
98 Québécois étudiant aux États-Unis, selon ces
modalités, et 100 Américains étudiant au Québec.
Alors, on vise actuellement à l'équilibre. Plus il y en aura,
mieux ce sera. Il n'y a pas de critères.
M. Payne: Maintenant, pour le cas d'un État ou d'un pays
avec lequel il n'y a pas d'entente, est-ce qu'il y a une disparité?
Peut-être que la question ne relève même pas du
ministère des Affaires intergouvernementales ou du ministère en
question. Là où il n'y a pas d'entente, y a-t-il une
disparité entre les frais d'admission au Québec pour un
francophone et pour un anglophone?
M. Landry: Quand il n'y a pas d'entente, M. le
député...
M. Payne: Là-dessus, il y avait beaucoup de
discussions.
M. Landry: ...c'est le régime général qui
s'applique. Quand il n'y a pas d'entente, il n'y pas de disparité. Il
n'y en a pas entre les étrangers et les Québécois, il n'y
en a pas entre les anglophones et les francophones. C'est le même prix
pour tout le monde s'il n'y a pas d'entente. Quand il y a des ententes
bilatérales comme cela, c'est du compte à compte; alors, cela ne
s'applique pas, on s'entend bien. Là, vous me parlez de pays qui ne
seraient pas les États-Unis d'Amérique, qui ne seraient pas dans
ce cadre, et où il n'y aurait pas d'entente. Il n'y a pas de
discrimination.
M. Payne: Non, c'est parce que moi-même, comme
député, je veux mettre à l'aise les membres de la
communauté anglophone qui nous posent, depuis quelques semaines, la
question à savoir s'il y a une disparité entre les francophones
et les anglophones là où - et on vient tout juste de
l'établir - il n'y a pas d'entente.
M. Landry: Bien, il n'y en a pas. Remarquez, encore une fois, que
je ne suis pas un spécialiste de cette question. Comme vous l'avez dit
vous-même, notre ministère, non plus, n'est pas un
spécialiste de cette question parce que c'est le ministère de
l'Éducation qui s'occupe du financement des universités et de la
tarification. Nous, on sert d'interlocuteurs pour négocier des ententes
quand il y en a. Alors, vous ne parlez pas au bon interlocuteur pour les cas
où il n'y a pas d'entente.
M. Payne: Oui. La question m'intéressait...
M. Landry: Votre question est remplie d'intérêt.
M. Payne: ...parce que c'était l'objet de l'un des
éléments faisant partie des perspectives préliminaires
pour l'année prochaine, à la page 64.
M. Landry: Cela, c'est quand on fait des ententes.
M. Payne: Oui, c'est cela. Mais, il y a deux côtés
à la même médaille: là où il y a des ententes
et là où il n'y en a pas.
M. Landry: Oui, et quand on fait des ententes - j'ai
partiellement répondu à votre question ce matin - nous devons
utiliser cette circonstance favorable que le Québec compte des
universités de langue anglaise, ce qui n'est pas le cas pour la France,
la Belgique et la Suisse; les autres pays occidentaux, en
général, n'ont des universités que d'une seule langue.
Nous en avons des deux langues et cela nous permet d'aider davantage le tiers
monde, qu'il soit anglophone ou francophone, en ce qui concerne les langues
occidentales parlées par ces pays du tiers monde. Les étudiants
anglophones du tiers monde qui veulent étudier en anglais ont un vaste
choix d'universités. Comme il y en a des centaines et des centaines aux
États-Unis, qu'il en a en Grande-Bretagne, en Australie, en
Nouvelle-Zélande, dans le reste du Canada, il ne serait pas incongru que
le Québec ouvre ses portes en proportion ou à peu près de
ses étudiants anglophones ou francophones à l'intérieur du
territoire. En d'autres termes, s'il y avait plus de francophones que
d'anglophones, je pense que le gouvernement du Québec ferait bien d'agir
ainsi pour les deux raisons que j'ai données. Car on a beaucoup plus de
places universitaires francophones qu'anglophones au Québec et cela
reflète la composition de la population; deuxièmement, pour un
Togolais qui veut étudier en français, s'il ne va pas en
Belgique, en Suisse ou en France, il ne peut pratiquement venir qu'au
Québec. Si on parle d'un Ghanéen, il peut aller à Perth en
Australie, dans tout le réseau universitaire américain, il peut
aller dans tout le réseau universitaire canadien, à McGill,
à Concordia ou à Bishop.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Payne: Oui, merci. La deuxième question touchait la
formation de la main-d'oeuvre médicale à l'étranger. II y
a une question sur cette partie du rapport qui touche le secrétariat
interministériel mis sur pied il y a quelques années, cela fait
référence à quoi? En réalité, on
déplore un peu partout le fait qu'on n'a pas besoin de médecins
supplémentaires au Québec; il y a plutôt un surplus de
médecins.
M. Landry: Ce ne sont pas, non plus, des médecins pour
nous. Ce sont des médecins du tiers monde ou de certains pays
industrialisés. Ce sont vraiment des pays industrialisés quand on
dit la France, la Belgique, l'Espagne. Ce sont des gens qui viennent ici, dans
le cadre de la coopération internationale, occuper des postes d'internes
et qui retournent ensuite dans leur pays. C'est complètement
"irrelevant", pour employer votre langage le plus familier, qu'on ait besoin ou
pas de médecins. Ils viennent et ils vont.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Payne: Oui.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de Nelligan
avant.
M. Vaugeois: Non, c'est parce que c'était sur un des
sujets qui avaient été abordés.
M. Lincoln: Moi, je veux bien si c'est pour être bref.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: C'est vrai que c'est sur le même sujet. Le
ministre a eu des propos très éloquents pour démontrer la
richesse de notre voisin, les États-Unis. Je voulais un peu lui
suggérer de ne pas oublier toutes les politiques de
réaménagement urbain que pratiquent les Américains, qu'on
aurait profit à mieux connaître ici. Alors, si le ministre veut
prendre l'initiative de favoriser des missions au niveau municipal, même
au niveau des affaires municipales, je pense que cela serait opportun, parce
que j'ai vu qu'il avait une grande admiration pour nos voisins. Il y a
là un domaine dont on ne profite pas suffisamment, à mon avis, en
termes d'expertise.
M. Landry: Je me souviens de la prédilection du
député, président de la commission, pour les merveilles
d'aménagement de la ville de Boston en particulier. Je partage son
admiration. Je voudrais que le même modèle se reproduise, d'abord,
à Trois-Rivières et, ensuite, dans plusieurs autres villes du
Québec.
M. Rivest: Si le député avait pu être
maire.
M. Landry: Non. Je vous remercie. Votre question illustre bien ma
pensée que nous avons aux États-Unis, non pas le réservoir
de la perfection, ce n'est pas ce que je veux dire, mais un réservoir
prodigieux en matière de technologie, en matière d'urbanisme, en
matière économique, en matière de culture. Et il faut s'en
servir.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je reviens au
député de Vachon pour une courte question avez-vous dit?
M. Payne: C'est seulement une petite remarque. Moi aussi, cela
m'intéresse beaucoup la politique, les différents programmes.
Peut-être que ma suggestion va dans le même sens que celle du
député de Trois-Rivières, ce matin: je serais très
intéressé à connaître un peu plus le contenu des
différents programmes. On parle, à la page 65, de "la formation
de la main-d'oeuvre médicale étrangère". Quelques lignes
supplémentaires auraient pu répondre à ma question.
M. Landry: M. le député, peut-être, pour
répondre immédiatement à votre question, l'un des
fonctionnaires pourrait faire quelques considérations descriptives sur
ces programmes. Lequel de notre équipe connaît le mieux la
question? M. Roquet, sous-ministre associé.
Le Président (M. Gagnon): M. Roquet.
M. Roquet (Claude): M. le Président, sur les quelques
thèmes qui ont été évoqués, quelques propos
qui pourraient être complétés, si vous le souhaitez, par
une documentation additionnelle que le ministre pourrait facilement envoyer aux
membres de la commission.
Du côté de la santé, ce qu'il y a à noter,
c'est que deux des États en question, la France et la Belgique, font
l'objet de coopération structurée avec le Québec. Et c'est
dans ce cadre que sont venus, au cours des ans, s'établir des programmes
de coopération en matière médicale, lesquels sont
extrêmement appréciés. De même, du côté
de l'Espagne, notamment de la députation de Madrid, il y a, depuis plus
de dix ans, une coopération importante avec l'Institut de cardiologie de
Montréal. Et il était assez naturel que certains
compléments s'ajoutent en termes de résidents. Il y a eu,
cependant, une première extension, ainsi que
le soulignait le ministre, en direction du Liban, depuis maintenant
plusieurs années pays très éprouvé. Et une
extension est envisagée vers d'autres pays du tiers monde. C'est une des
raisons, d'ailleurs, disons un des objets, de la mise en place du comité
interministériel mentionné ici, dans les notes. La Tunisie est
une cible probable en rapport, notamment, avec un projet de coopération
médicale à Sousse.
Pour ce qui est du domaine municipal, je dirais peut-être, si vous
le permettez, M. le Président, que c'est identifié comme une
cible particulièrement importante de coopération internationale,
pour plusieurs raisons. D'abord, il y a, évidemment, au Québec
une vie municipale abondante, et c'est un atout, que ce soit celle d'une grande
métropole comme Montréal, celle d'une capitale comme
Québec ou d'autres municipalités. Il y a là des
responsabilités qui relèvent du Québec. Par ailleurs, le
milieu municipal est un milieu très preneur d'équipements et de
services, on le sait. Les projections pour les vingt prochaines années
indiquent une explosion de la population, notamment dans les
municipalités du tiers monde, donc une explosion de la demande pour les
équipements et services. Il y a là, pour le Québec,
à la fois une politique, si vous voulez, institutionnelle pour les
municipalités, sociale dans son contenu, mais également à
retombées économiques. Et ce n'est pas par hasard que le
congrès de la FMVJ a lieu à Montréal en 1984; c'est une
initiative qui a été travaillée pendant des années
par le ministère des Affaires municipales et le ministère des
Relations internationales, ensemble, et également avec les
ministères économiques. Nous pouvons envoyer des informations
complémentaires, si vous le souhaitez.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Nelligan.
Représentation à
l'étranger
M. Lincoln: Vu le temps qui presse, j'aurais des questions
d'ordre général sur la politique et les objectifs du
ministère. Peut-être que l'on pourrait laisser cela pour plus
tard. Je voudrais aller dans les chiffres maintenant, puisque c'est l'objectif
des crédits, peut-être parler un peu de la représentation
à l'étranger sur laquelle nous avons pas mal de questions.
Un des objectifs du ministère pour 1984-1985, c'est de renforcer
le réseau à l'étranger. Le montant alloué est de
385 700 $. Pourriez-vous nous dire quelles délégations vont
être renforcées? En second lieu, on parle dans le cahier des
crédits d'ouvrir des délégations à Hong Kong,
à Singapour, à Bogota. J'ai noté que Jacques-Yvan Morin
écrit, dans son article du Devoir, qu'il est temps d'assurer notre
présence à d'autres endroits; il parle du Brésil, d'Alger,
de Riad, de Dakar, de Vienne et de la Scandinavie.
Le ministre du Commerce extérieur nous avait dit qu'il
était très favorable à la Scandinavie. Alors, j'aurais
voulu demander, dans un premier temps, quelles sont les
délégations qui doivent être renforcées par rapport
aux délégations existantes et, ensuite, quels sont les projets
précis pour Hong Kong, Singapour et Bogota. Va-t-on aller plus avant,
comme semblait l'indiquer Jacques-Yvan Morin dans son article? A-t-on
pensé à d'autres endroits comme le Brésil,
l'Algérie, l'Arabie Saoudite, Dakar, Vienne et la Scandinavie?
Pourrait-on avoir des réponses précises sur ces deux volets?
M. Landry: Je vais essayer d'être le plus précis
possible. Le président en titre de la commission est revenu au fauteuil?
(16 h 30)
Le Président (M. Vaugeois): Je remplace le
président.
M. Landry: Quelles délégations actuelles sont
renforcées? Tokyo, Mexico et Caracas. Quels sont les projets pour
l'avenir à court terme, sous réserve, évidemment, de
l'approbation par le Conseil des ministres? Quelles sont les recommandations
que je vais faire? Comme je l'ai déjà laissé entendre
à plusieurs reprises: Hong Kong, Singapour, Bogota et Stockholm.
M. Lincoln: Les autres postes mentionnés dans l'article du
Devoir, sans doute que l'ancien ministre les a mentionnés; cela a
dû être un sujet de discussion au sein du ministère, je
présume. Est-ce pour plus tard? Y a-t-il des possibilités que
durant l'année en cours on pense, par exemple, à Alger, à
Riad ou à Dakar, ou est-ce pour l'avenir lointain? Y a-t-il des projets
en cours pour ces postes?
M. Landry: Je dois vous dire, M. le Président, que si nous
disposions simplement de la proportion d'argent québécois
envoyé au gouvernement du Canada pour ses réseaux diplomatiques,
on couvrirait toutes les capitales importantes de la planète cette
année, sauf que tel n'est pas le cas. Nous sommes dans un contexte
d'économie des moyens qui force, d'abord, à la réflexion
sur l'ouverture de chacune de ces missions -longues analyses, comparaisons,
discussions, critiques - et qui force aussi à
l'ingéniosité et à l'invention, en particulier par
l'utilisation de fonctionnaires itinérants.
Vous avez parlé de Riad. Riad est actuellement cette section du
monde couverte, pour la partie économique, par un agent itinérant
bien connu, M. Jean Labonté, l'ancien patron de la SDI, un ancien
cadre
supérieur du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme et qui, à peu de frais - parce qu'on a ses frais d'hôtel
et de déplacement - assure une présence québécoise
pour les questions économiques dans tous les pays du golfe persique.
À titre expérimental, nous avons aussi une entente avec
une firme privée qui va assurer une présence
québécoise auprès d'institutions internationales en Asie
du Sud-Est en particulier. Le gouvernement va utiliser, de façon
contractuelle, les services de cette firme. On n'a donc pas de frais fixes, on
n'a pas de personnel, on n'a pas de déplacements à payer. C'est
un contrat qui va nous assurer une présence sans déployer tout
l'appareil diplomatique conventionnel qui coûterait cher.
Je reviens un peu sur mes propos liminaires en réponse à
votre question. Il faut bien voir que les contribuables québécois
font déjà un très gros effort diplomatique à
travers la diplomatie canadienne qui, elle, a des moyens extrêmement
considérables. Je vous donne un exemple. Le seul poste de Lima au
Pérou, l'ambassade du Canada, coûte 5 000 000 $ pour une ville qui
est importante, mais qui n'est pas la plus importante de la planète.
Regardez l'argent qu'ils dépensent comparativement au budget du
ministère des Relations internationales. Nous dépensons l'argent
des contribuables le plus prudemment possible, en essayant d'avoir le meilleur
retour possible sur l'investissement.
M. Lincoln: M. le ministre, il y a quelques questions qui sont
soulevées par vos réponses. Par exemple, pour ce qui est de
renforcer les délégations, vous mentionnez Tokyo, Mexico et
Caracas. Tout d'abord, Tokyo, je pense que cela coule un peu de source, je vais
la passer. Concernant Mexico, j'aurais aimé savoir quels sont les
critères qui ont fait qu'on a choisi cette délégation pour
la renforcer. Concernant Caracas, vous dites qu'on a renforcé la
délégation, mais, selon les cahiers des crédits, il
semblerait qu'au contraire on a diminué les effectifs d'une personne
dans le ministère des Relations internationales. Je voulais savoir quels
sont les critères qui ont fait choisir ces trois
délégations plutôt que d'autres, mais je fais abstraction
de Tokyo qui parle pour elle-même. Deuxièmement, j'aurais voulu
avoir une précision sur Caracas. Troisièmement, pour les
nouvelles délégations, par exemple, Hong Kong, Singapour, Bogota
et Stockholm... On est déjà à Hong Kong. À ce
moment, on est peut-être un peu confus de ce côté parce
qu'on parle du ministère des Relations internationales et du
ministère des Affaires internationales. Quand le ministre parle de Hong
Kong, Singapour, Bogota et Stockholm, parle-t-il d'une délégation
du ministère du
Commerce extérieur, d'une délégation du
ministère des Relations internationales ou -puisqu'on regarde le budget
du ministère des Relations internationales - strictement du
ministère des Relations internationales?
M. Landry: Sur le plan technique, il y a une réponse
simple à ce qu'a dit le député, M. le Président.
Tous les agents à l'étranger ont leur support logistique fourni
par le ministère des Relations internationales. C'est la raison pour
laquelle cela apparaît à nos crédits, bien qu'un agent du
ministère du Commerce extérieur soit payé par le
ministère du Commerce extérieur; il laisse sa trace dans nos
crédits parce qu'on le supporte sur le plan logistique. Est-ce que cela
éclaircit cette partie de votre question?
M. Lincoln: Partiellement, parce que, quand vous parlez du cas de
Caracas, vous dites que vous renforcez la délégation et
d'après ce que nous pouvons voir par le cahier des crédits,
d'après ce qui se détache, ce sont les Relations internationales
comme telles, parce que nous avons fait le partage du personnel entre le
ministère des Relations internationales, le ministère du Commerce
extérieur et les autres ministères.
Lorsqu'on regarde le ministère des Relations internationales, le
personnel qui agit strictement du point de vue des relations internationales,
on va voir que, pour le poste de Hong Kong, on a quatre personnes dont deux
sont maintenant attitrées aux Relations internationales et deux sont
dans d'autres ministères, je suppose l'Immigration. D'après ce
que nous voyons, ces personnes sont attitrées aux Relations
internationales.
M. Landry: D'abord, quand vous parlez de notre présence
à Hong Kong, il ne faut pas se méprendre, il y a une
présence québécoise à Hong Kong des officiers de
l'immigration, à cause du programme immigrant-investisseur. Mais
là, ce dont je vous parle quand je parle de l'extension du
réseau, il s'agit véritablement d'une présence
québécoise sous forme d'une délégation. Les quatre
postes, je les repasse un par un. À Hong Kong, je proposerai qu'il y ait
une délégation qui va regrouper un délégué,
un agent du commerce extérieur ainsi que nos deux officiers de
l'immigration déjà sur place. À Singapour, il s'agira d'un
agent du commerce extérieur qui relèvera d'une autre
délégation située géographiquement à bonne
distance, mais dans le même coin de la planète,
c'est-à-dire Tokyo. À Bogota, il s'agira d'un agent du commerce
extérieur qui relèvera de la délégation de Caracas.
Et à Stockholm, il s'agira d'un agent du commerce extérieur qui
relèvera de notre délégation générale de
Londres.
M. Rivest: C'est comme cela depuis longtemps.
M. Landry: Pardon!
M. Rivest: C'est comme cela depuis longtemps.
M. Landry: C'est comme cela, M. le député, avec la
nuance qu'il n'y a personne. Stockholm relève de...
M. Rivest: II serait en poste à Stockholm?
M. Landry: II y aurait quelqu'un en poste à Stockholm. Je
peux maintenant vous dire pourquoi - c'était aussi dans le sens de votre
question - on a choisi ces villes. Pour Tokyo, vous avez dit que cela coulait
de source; je n'ai pas besoin de fournir de réponse, c'est
évident. Pour le Mexique, c'est également évident parce
que vous savez que le Mexique est le pays du tiers monde qui, dans les grands
endettés, a remonté le plus rapidement la pente, a
retrouvé la solvabilité le plus rapidement et de nouveau sa
balance des paiements lui permet de redevenir un pays acheteur et un
coopérateur technologique et économique pour le
Québec.
À Caracas, c'est une question de volume d'activité de la
délégation. Nous n'avions pas d'attaché culturel et vous
savez qu'il y a des liens culturels évidents qui ont tendance à
s'amplifier entre le Québec et l'Amérique latine pour des
questions de langue. Nous sommes, comme nous le leur disons et comme ils nous
le disent, les Latins du nord. Et pour eux c'est une chose importante que des
Nord-Américains, au nord du Mexique, fassent partie d'un univers
culturel qui ressemble au leur, le grand univers culturel de la
latinité. Caracas est pour nous une plaque tournante, parce que nous ne
pouvons pas être présents dans tous les pays d'Amérique
latine, malheureusement, pour les raisons que j'ai dites plus tôt. Donc,
notre délégué de Caracas a un rayonnement sur la Colombie,
sur le Pérou, sur certains pays d'Amérique centrale, je crois.
Alors, il ne faut pas prendre la ville de Caracas seulement pour son importance
spécifique -c'est important, c'est notre plus grand fournisseur de
pétrole, en particulier depuis 75 ans - mais il faut aussi prendre
Caracas comme une plaque tournante et une desserte pour un certain nombre
d'autres pays de cette région du monde.
M. Lincoln: M. le ministre, si on peut revenir sur la
distribution au sein de cette délégation, c'est cela qui nous
intéresse réellement parce que nous avons fait une espèce
de partage des fonctions pour savoir, par exemple, combien de gens
s'intéressent aux questions purement économiques au sein du
ministère du Commerce extérieur dans les
délégations. Je ne crois pas que les délégations
relèvent du ministère des Affaires intergouvernementales,
aujourd'hui les Relations internationales. Ce que je veux dire, c'est ceci:
Vous prenez la délégation de Mexico, vous parlez de la
relève, vous parlez du renouveau économique, l'attente du
Mexique, etc. Or, nous, selon nos chiffres, on a quatorze personnes du
côté du ministère des Relations internationales et deux
personnes qui s'occupent du commerce extérieur. Vous parlez des
nouvelles délégations qu'on va ouvrir, Singapour, Bogota,
Stockholm: tout cela va aller du côté du commerce
extérieur. Ce sont des gens qui vont dépendre du ministère
des Relations internationales, mais qui vont avoir comme mission
première de s'occuper du commerce extérieur. Nous voulions faire
une espèce d'étude coûts-bénéfices pour
connaître les gens qui ne sont pas du côté du commerce ou
économique. Vous avez vous-même admis qu'il y a comme deux
univers, il y a deux paliers. Il y a des gens qui font le côté
politique, le côté diplomatique ou le côté autre que
le commerce extérieur. Dans certaines délégations, nous
avons des chiffres qui démontrent très clairement qu'il y a des
gens qui sont affectés purement au côté
général des relations internationales par opposition au
côté du commerce extérieur.
On revient à Caracas. Vous avez dit que la
délégation va être renforcée, mais l'année
dernière, il semblerait, d'après les chiffres que nous avions,
qu'on avait huit personnes. Il y en avait deux qui étaient au
ministère du Commerce extérieur, c'est-à-dire à la
section du commerce extérieur, et il y en avait huit autres qui
faisaient un travail de relations internationales, diplomatiques, politiques
etc. Maintenant, c'est arrivé à sept. Est-ce qu'on pourrait
discuter le côté autre que celui des agents du commerce
extérieur, qu'on étudiera lorsqu'on étudiera le Commerce
extérieur?
M. Landry: D'accord. Vous le dites en terminant votre question,
il y a une autre commission, qui s'appelle la commission de l'industrie, de
l'économie et du travail, qui va passer en détail les agents du
commerce extérieur. Mais là, je crois saisir le sens de votre
objection et je vais essayer d'apporter un peu de lumière. Reprenons le
poste de Caracas, où il y a un total de dix agents: deux au commerce
extérieur, huit aux relations internationales. N'oubliez pas que les
Relations internationales fournissent la logistique à tous les autres.
Donc, les secrétaires, les téléphonistes, etc., sont
compris dans les huit personnes. Disons que les deux au commerce
extérieur ont chacun une secrétaire. Votre huit devient six. Il y
a une téléphoniste qui travaille au moins à
demi-temps. Alors, cela fait 5 1/2. Un attaché d'administration
à mi-temps, cela fait cinq, etc. Le délégué ou
délégué général, chef de poste, suivant le
cas: à Caracas, c'est un délégué qui est le patron
de la maison. Alors ce dernier peut aussi bien consacrer son temps aux
activités économiques, aux activités culturelles, aux
activités purement politiques.
M. Lincoln: D'accord.
M. Landry: C'est difficile de faire le partage. (16 h 45)
M. Lincoln: D'accord. On arrive quelque part. On dit: On renforce
le Mexique, on renforce Mexico, on renforce Caracas. Selon les chiffres qu'on
voit ici, il y en a neuf au total à Caracas. L'an dernier, il y en avait
dix: cela semble une diminution. Est-ce que cette diminution est au palier des
"cléricaux" ou si ce sont des gens à un palier supérieur
de la délégation?
M. Landry: Je vais le dire. Oui, M. le Président, ma
réponse sera une bonne nouvelle pour le député et pour
tout le monde, soit les contribuables. On a augmenté la
productivité en ajoutant une machine à traitement de textes.
À Caracas comme à Montréal, l'effet net est le même,
soit un poste de moins.
M. Lincoln: Au Mexique, où on renforce la
délégation, on ajoute deux personnes. Ce qu'on veut savoir, c'est
si ce sont des personnes de palier inférieur dans la
délégation ou si ce sont des cadres. Lorsqu'on parle de
renforcer, s'agit-il de secrétaires, de "cléricaux" ou quoi?
M. Landry: On avait un problème de personnel de soutien,
compte tenu du volume des activités. C'est du personnel de soutien qui
vient de s'ajouter.
M. Lincoln: En tout, on a ajouté 15 postes à
l'étranger, hors Canada, n'est-ce pas?
M. Landry: Oui, vous avez raison M. le député de
Nelligan. Par ailleurs, là-dessus il y a beaucoup de recrutés
locaux.
M. Lincoln: Est-ce qu'on peut savoir quels sont les
critères de la décision d'ajouter des postes, puisque ce ne sont
pas tous les 15 postes qui sont allés à Mexico, à Caracas
ou à Tokyo? Il y a eu plusieurs endroits où on en a
ajouté: à Chicago, à Dallas, etc. Quels sont les
critères de la décision qui fait qu'on ajoute des gens? Je ne
parle pas des secrétaires ni des sténographes. Je parle de gens
qui sont à la délégation comme "seniors", comme cadres,
comme exécutants. Quels sont les critères en vertu desquels on
décide d'en ajouter ici ou là?
M. Landry: Cela dépend du volume d'activités et du
mouvement dans le volume d'activités. Si on voit que, pour des raisons
conjoncturelles, le volume d'activités a tendance à
décroître, on ne va pas consacrer de ressources
excédentaires. Prenons les agents purement de commerce extérieur
en Europe de l'Ouest: présentement, à cause du voile
monétaire qui fait que nos prix par simple jeu du mouvement
monétaire ont augmenté de 40% en Europe de l'Ouest au cours des
15 derniers mois, ce n'est pas le temps en général de multiplier
les efforts dans des secteurs où nos chances de
"concur-rentialité" sont nulles. Cela dépend du volume
d'activités. Cela dépend des succès de cette
délégation, de sa facilité à pénétrer
le milieu où elle se trouve. Il peut aussi y avoir des
événements particuliers comme Dallas. Vous savez que Bell
Helicopter a son siège social à Dallas, Fort Worth. Alors, on
renforce Dallas à cause d'un très fort mouvement
d'activités, d'échanges de cadres et de technologie - pour un
certain nombre de mois - d'exportation de biens et de services vers cette
région américaine.
M. Lincoln: Est-ce que nous aurions pu avoir un relevé des
endroits où il y a des ajouts et des réductions de postes pour
cette année?
M. Landry: Je ne sais pas si on a une page pour cela.
M. Lincoln: Pour les 15 postes, est-ce qu'on pourrait avoir un
relevé des cadres, des sténographes, du personnel de soutien?
M. Landry: On peut très certainement vous donner ces
détails. On peut le faire avec plaisir, avec la réserve qu'on ne
peut pas le faire dans les minutes qui suivent.
M. Lincoln: Non, je comprends très bien.
M. Landry: M. L'Heureux, voulez-vous noter que le
député aurait besoin d'une ventilation?
M. Lincoln: Est-ce que vous auriez pu nous dire si à
Bruxelles, à New York, les réductions de postes ce sont des
exécutants, du personnel de soutien? Qu'est-ce qui a été
fait surtout par rapport à la réduction d'un poste à New
York?
M. Landry: On ne bouge pas à New York, me dit-on. On
était 29 et on demeure 29. Vous avez cela...
M. Lincoln: Non, non. C'est vrai qu'on reste à 29.
Seulement, c'est le détail. Il y avait trois membres du personnel qui
s'occupaient de ce qu'on appelle les autres ministères; il y en avait 22
au ministère des Relations internationales et maintenant c'est 21 et
l'autre passe à 1. Alors, qu'est-ce qui a justifié le changement?
Le total est bon, mais, au sein de la section ministère des Relations
internationales, est-ce que ce fut un exécutant, quelqu'un du
personnel de soutien? Est-ce qu'on pourrait le savoir?
M. Landry: On pense, sous toute réserve, que c'est
quelqu'un du personnel de soutien.
M. Lincoln: Vous allez nous donner la ventilation ce soir sur
cela?
M. Landry: Oui.
M. Lincoln: Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui a
justifié l'ajout de huit postes à Paris?
M. Landry: Oui, je vais vous le dire. On savait que vous alliez
poser la question. Application des accords en matière d'immigration:
deux postes. Renforcement de l'équipe s'occupant de 1534-1984 - c'est
provisoire, évidemment; c'est une activité ponctuelle: deux
postes. Ajout de personnel de soutien pour un conseiller scientifique et
technologique - vous savez que les échanges technologiques avec la
France augmentent en volume considérablement - on a là une
secrétaire donc, un poste. Renforcement de l'équipe s'occupant
des affaires francophones et multilatérales: une personne. On a
parlé de l'agence ce matin. Alors, l'agence, c'est dans le
multilatéral. On a un délégué multilatéral
à Paris actuellement, M. Tardif, et on rajoute une personne qui est un
professionnel. Enfin, accroissement du soutien du service culturel: deux postes
également reliés aux événements de 1534-1984. Cela
veut dire quatre personnes pour 1534-1984, pour une opération
ponctuelle, qui seront rappelées ou affectées à d'autres
tâches quand l'opération sera terminée.
M. Lincoln: Vous avez dit deux personnes à 1534-1984.
M. Landry: J'ai dit quatre personnes en tout. Il y en a deux
spécifiquement à 1534-1984 et il y a deux "culturels"
reliés à 1534-1984.
M. Lincoln: II y a donc quatre postes temporaires qui vont
être résiliés.
M. Landry: Exactement. Oui.
M. Lincoln: Mais 1534-1984, est-ce que c'est comptabilisé
au ministère des Relations internationales ou s'il n'y a pas tout un
appareil 1534-1984 au ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme qui a déjà un budget spécial pour cela?
M. Landry: Oui, mais n'oubliez pas qu'on fournit toujours la
logistique; même si c'est pour un membre de la Sûreté du
Québec, comme c'est le cas à Paris, on fournit sa logistique.
Alors, ne cherchez pas ses dépenses dans le budget de la
sûreté, cherchez-les chez nous. Vous les avez trouvées,
d'ailleurs, vous les avez vues. Dans certains cas, si c'est un fonctionnaire
aux Relations internationales, on paie tout; si c'est un fonctionnaire d'un
autre horizon, on paie la logistique.
M. Lincoln: Alors, à Paris, la représentation
Immigration est un personnel de combien sur les 78? Est-ce que vous le
savez?
M. Landry: Sept professionnels, cinq ou six de soutien. Je vous
ferai remarquer que je n'ai aucune juridiction sur leur travail. Je me doute
bien que ces gens sont là parce qu'on a de très longues listes
d'attente d'immigrants français voulant venir au Québec. Ces
gens, me dit-on, couvrent un très grand nombre de pays, y compris les
pays du Maghreb. Vous vous rendez compte qu'ils ont une tâche
considérable sur les bras.
M. Lincoln: Compte tenu de l'importance de la
délégation de 78 personnes, serait-il possible d'avoir une
ventilation des postes occupés par les 78, pas pour le personnel de
soutien, mais pour les professionnels?
M. Landry: Le personnel qui s'occupe du fonctionnement vraiment:
les cadres et les professionnels?
M. Lincoln: Ou les 66 qui sont comptabilisés au
ministère des Relations internationales. C'est cela, les 66.
M. Landry: II y a, à l'annexe "J", une réponse
globale à ce que vous dites. Par ailleurs, on peut très bien vous
fournir une ventilation de tout cela. Ce n'est pas très
compliqué. Je pense qu'à la prochaine séance de notre
commission on pourrait déposer cela avec plaisir.
M. Lincoln: Oui, oui, pour chacune des fonctions.
M. Landry: Avec plaisir. Ce n'est pas impossible
techniquement.
M. Lincoln: Les 61 personnes au total
qui oeuvrent et qui sont comptabilisées au ministère des
Relations internationales aux États-Unis, auriez-vous pu nous indiquer
les fonctions qu'elles occupent? Nous comprenons très bien ce que font
celles qui sont comptabilisées au ministère du Commerce
extérieur. Du point de vue des délégations, du personnel
comptabilisé au ministère des Relations internationales aux
États-Unis - il y en a six à Chicago et dix à Boston
-pourrait-on savoir exactement quelles sont leurs fonctions? Varient-elles
d'endroit en endroit ou s'il y a une uniformité d'action par rapport
à ces délégations aux États-Unis, à Atlanta,
à Dallas, etc?
M. Landry: Vous pouvez assumer que la plupart sont des fonctions
économiques, avec l'exception des grandes métropoles culturelles
comme New York et Boston et la Côte Ouest. Mais on va vous donner la
ventilation. On va vous donner la même pour les États-Unis qu'on
vous a donnée pour Paris, mais considérez que, mises à
part les grandes métropoles culturelles, ces gens-là s'occupent
d'économie surtout.
M. Lincoln: Quand vous voyez New York où on a 21
personnes, je comprends qu'il y a un personnel de soutien quelconque, c'est
sûr et c'est normal, en principe. Mais sur un personnel de 29 personnes
au total, nous avons 21 personnes qui sont assignées ou
comptabilisées au ministère des Relations internationales et il y
en a cinq au ministère du Commerce extérieur. Je sais que vous
avez pris l'exemple de Boston, pensant qu'il y a autre chose là: on a
quatorze personnes en tout, comprenant dix personnes comptabilisées au
ministère des Relations internationales et trois seulement au
ministère du Commerce extérieur. C'est la même chose pour
Chicago; on a dix personnes en tout, dont dix sont au ministère des
Relations internationales. Il semblerait que, sur ces 61 personnes, la
majorité est comptabilisée au ministère des Relations
internationales. Même si on fait exception du personnel de soutien - on
ne peut pas avoir seulement du personnel de soutien - il y a sûrement une
grosse part de cette délégation qui fait autre chose que de
l'économie. C'est ce que l'on veut situer: que font ces gens? Font-ils
de la diplomatie ou de la politique? Que font-ils? C'est ce qu'on aimerait
savoir.
M. Landry: Bon! On va prendre un cas qui peut l'illustrer
particulièrement, c'est le cas de New York avec 29 agents.
Là-dessus pour les autres ministères, il y a quatorze personnes
sur les 29, et ce sont toutes des fonctions économiques parce que ce
sont des fonctions touristiques et de commerce extérieur. Les fonctions
touristiques sont économiques, évidemment.
M. Lincoln: Ah oui!
M. Landry: Donnez à chacun une secrétaire et vous
êtes déjà rendu aux trois quarts de l'effectif global,
parce que, dans les 22 aux Relations internationales, n'oubliez pas qu'il y a
toutes les secrétaires des gens qui ont des fonctions économiques
et touristiques. Alors, 3 et 4: 7, plus 7: 14, plus une secrétaire
à chacun, on est rendu à plus que le compte.
N'oubliez pas aussi que le délégué
général, le chef du poste, doit répartir son temps suivant
les priorités de sa délégation et suivant l'effort du gros
de ses troupes. Alors, à New York, c'est M. Gosselin qui est
lui-même d'un horizon économique. C'est un ancien
vice-président du Canadien National et il faut que vous le comptiez dans
l'effort économique. Il y a aussi des gens qui font autre chose que de
l'économique. Ne nous obsédons pas: la question économique
est déterminante, on l'a assez dit, mais il y a autre chose aussi dans
la vie, fort heureusement, et ces choses s'appellent la culture,
l'éducation qui fait partie de la culture au sens large, la science et
la technologie.
En général, il y a des retombées économiques
qui viennent avec cela. Voyez-vous, on a mentionné tout à l'heure
des accords extrêmement intéressants dans le monde universitaire
et dans le monde culturel: 100 jeunes Québécois, hommes et femmes
qui sont aux États-Unis et autant d'Américains qui sont ici dans
nos maisons d'éducation. Bien, il faut que cela soit géré,
ces programmes. Il faut que cela soit administré. Il faut que les
contacts soient faits. (17 heures)
M. Lincoln: Je comprends, par exemple, qu'on puisse dire que
Paris est le centre de la francophonie. C'est le pays le plus important.
Culturellement, au Québec, on s'en sert pour le transfert de
technologie. Là, on a un personnel de 78 personnes. Mais qu'est-ce qui
peut justifier qu'à Bruxelles on ait un personnel composé de 22
personnes, dont 17 affectées au ministère des Relations
internationales? On dira que c'est le Marché commun, mais avec Paris qui
est tout contre avec un personnel de 78 personnes n'aurait-on pas pu faire en
sorte que la délégation de Bruxelles ait un personnel de moins de
22 personnes? Ne pensez-vous pas que c'est une situation qui devrait être
revue, une délégation de 22 personnes à Bruxelles, quand
on a déjà 78 personnes oeuvrant à Paris?
M. Landry: Encore là, on va regarder Bruxelles en
détail. Dans "autres ministères", vous avez dix personnes.
Donnez-leur à chacune une secrétaire, comptabilisée dans
les 18 aux Relations internationales, et le grand total est de 23. Alors, je ne
pense pas
qu'il y ait disproportion. Il a ces documents?
M. Lincoln: Oui.
M. Landry: D'accord. Alors, on va rendre disponible la liste
exhaustive; cela fait, évidemment, des documents extrêmement
considérables: On a le délégué qui est un cadre
supérieur, on a un agent de recherche et planification,
spécialiste en sciences de l'éducation, un technicien en
administration, un cadre supérieur; on a des gens recrutés
localement, on a une personne de l'immigration avec sa secrétaire, un
conseiller économique et son soutien. Ce sont des mini-postes au regard
de la diplomatie. N'oubliez pas cela. Quand on dit qu'on a 23 personnes, dont
plus de la moitié sont au soutien, ce sont des
téléphonistes, des télexistes, des gens pour taper des
lettres et des messagers. Il y a enfin une philosophie générale
dans cela. Le jour où le gouvernement du Québec a
décidé de se donner une diplomatie, il est obligé de faire
le minimum pour soutenir ses diplomates à l'étranger. Il n'y a
personne qui va aller faire le bouffon dans un pays extérieur sans avoir
le support logistique lui permettant d'accomplir son travail.
M. Lincoln: II y a sûrement des barèmes, des
façons de comparer, des critères de comparaison. L'Ontario a
trois personnes à Bruxelles, dont un délégué et
deux personnes de soutien, pour un budget de 194 000 $.
M. Landry: Vous parlez de Paris ou de Londres?
M. Lincoln: Je parle de Bruxelles. Je pourrais aussi parler de
Paris et de Londres. Là aussi c'est intéressant.
M. Landry: Bien, ce n'est pas tout à fait pareil. La
langue anglaise n'est pas l'une des deux langues officielles de la Belgique,
"to start with". Alors, les relations culturelles entre la Wallonie et
l'Ontario pourraient être relativement minces, de même qu'entre la
Flandre et l'Ontario.
M. Lincoln: Oui, mais à ce moment, si l'on commence
à faire ce genre de comparaison sur la langue.
M. Landry: On ne commence pas, on finit avec ce genre de
comparaison. C'est absolument déterminant.
M. Lincoln: Oui.
M. Landry: Savez-vous combien il y a de fonctionnaires à
l'ambassade du Canada à Paris?
M. Lincoln: Non, je ne parle pas de l'ambassade du Canada, je
parle de l'Ontario.
M. Landry: Bien moi, je vais vous en parler un peu. Avec notre
petit effort de 70 personnes, eux, ils en ont des centaines. Je pense que c'est
500 fonctionnaires dont deux ou trois ambassadeurs en titre avec des
chauffeurs, des limousines et des résidences luxueuses à
l'orée du bois. Alors, cela veut dire que le Canada a
considéré que, parce que le Canada était partiellement de
langue française, il mettait le paquet à Paris. Le Québec
a fait la même chose.
M. Lincoln: Enfin, on pourra étudier les crédits
fédéraux quand l'ex-ministre, M. le député de
Lafontaine, sera à Ottawa; il pourra poser des questions. Moi, cela ne
m'intéresse pas du tout ce que le Canada fait dans le moment. Tout ce
qui m'intéresse, c'est le Québec.
M. Landry: Vous avez parlé de critères de
comparaison. Alors, je vous cite l'exemple d'un grand pays occidental, le
Canada.
M. Lincoln: Ce n'est pas le point.
Le Président (M. Gagnon): On va essayer de ne pas parler
ensemble.
M. Landry: C'est une bonne suggestion, M. le Président, je
m'excuse.
M. Lincoln: Je ne pense pas qu'on parle de la même chose
parce que, à ce que je sache, en 1984, le Québec n'est pas un
pays souverain, n'a pas d'ambassadeur ou ne devrait pas en avoir.
M. Landry: Vous voulez dire qu'on ne doit pas avoir de diplomatie
pour cela? Donnez votre pensée clairement si vous pensez que le
Québec doit interrompre les efforts diplomatiques...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. Landry:
...commencés en 1870... M. Lincoln: Voilà:
M. Landry: ...continués par Jean Lesage, Johnson, Bertrand
et autres.
M. Lincoln: Voilà qu'on y va!
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, à
l'ordre, s'il vous plaît! On va laisser le député de
Nelligan terminer sa question.
M. Lincoln: Voià qu'on y va.
Le Président (M. Gagnon): Après cela,
vous aurez le loisir d'y répondre.
M. Lincoln: Tout ce que j'ai demandé au ministre, bien
simplement et je vois que cela l'irrite parce que cela n'a pas beaucoup de
sens...
M. Landry: Cela m'irrite profondément de voir un
Québécois qui veut saboter notre diplomatie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan, vous avez la parole.
M. Lincoln: Enfin, c'est malheureux qu'on ne soit pas à la
télévision. J'aurais bien voulu voir les Québécois
juger ce genre de démagogie. Tout ce que je demandais au ministre,
c'est, concernant la francophonie...
Le Président (M. Gagnon): M. le député,
j'aimerais aussi que nos travaux soient télévisés
présentement; probablement qu'il y aurait plus de membres de la
commission qui seraient ici.
M. Lincoln: D'accord, cela aurait été bon. Tout ce
que j'ai demandé au ministre, j'ai dit: On a 78 personnes à
Paris; Bruxelles, c'est à la porte de Paris. Je sais aussi bien que lui
que la Belgique est à 40% francophone. Ce n'est pas une nouvelle pour
qui que ce soit. Mais j'ai dit: Puisqu'on a 78 personnes à Paris,
pourquoi est-ce qu'on a un personnel tellement important à Bruxelles? Et
là, je me suis dit, quand j'ai vu qu'on avait 22 personnes à
Bruxelles, que c'était peut-être le Marché commun.
Regardons l'Ontario; je sais très bien que l'Ontario n'est pas
francophone et je n'ai jamais suggéré la chose. Mais on nous a
dit, quand on a parlé de la délégation de Bruxelles, que
l'effort principal est économique parce que c'est le centre du
Marché commun; on le réalise tous. Or, l'Ontario se
débrouille avec trois personnes, un délégué et deux
employés de bureau. Si on prend la question de la langue, si on prend
l'allusion du ministre à savoir que la langue détermine tout,
peut-être que l'Ontario devrait avoir 75 personnes à Londres; il
en a 17. C'est cela que je voulais faire savoir au ministre; essayer de
pénétrer un peu la pensée, la logique qui veut que l'on
mette 75 personnes dans un endroit, 22 dans un autre, 14 dans un autre et 12
ailleurs. Il y a sûrement des barèmes.
Je ne pense pas qu'on se compare, aujourd'hui, aux États-Unis, au
Canada, au Japon ou à la République fédérale
d'Allemagne ou à la France. Je ne pense pas qu'on en soit arrivé
là. Quand on fait des critères, il me semble que l'on fait des
critères comparables: un critère de population d'abord, un
critère du fait qu'on est toujours une province jusqu'à nouvel
ordre. Qu'on ait des relations spéciales, nous sommes entièrement
d'accord. Alors, qu'on mette le paquet à Paris, là, on peut se
l'expliquer parce que c'est la francophonie qu'on vise.
J'ai parlé de Bruxelles, quand le ministre s'est emporté
et a commencé son discours. J'ai demandé une comparaison à
Bruxelles entre l'Ontario et le Québec. Alors, on m'a expliqué:
Le Québec est francophone en partie. Il y a sûrement plus que
cela, non?
Le Président (M. Gagnon): Maintenant, si vous le
permettez, on va demander au ministre d'y répondre et on va respecter
aussi le temps qu'on va lui allouer pour la réponse, de façon que
l'on puisse se comprendre. M. le ministre.
M. Landry: Et quel temps m'allouez-vous, M. le
Président?
Le Président (M. Gagnon): Le temps que cela vous prendra
pour répondre.
M. Landry: Bon. Alors, je comprends le député, il
remplit son rôle d'Opposition, donc il faut bien qu'il s'oppose. Mais
toutes ces choses-là tombent sous le sens. Parlons, d'abord, de la
question des critères. Il n'y a aucun ouvrage scientifique, dans aucune
bibliothèque, qui donne des critères pour savoir quelle sera
l'importance d'une représentation diplomatique dans un pays. Il faut
tenir compte des particularismes culturels, de l'histoire, des choix des
gouvernements antérieurs. Si c'était le critère de la
population, j'enverrais tout le monde en Chine; ils sont un milliard. Mais ce
n'est pas tout à fait comme cela que cela marche, c'est plus subtil que
cela. L'action des gouvernements marche par couches de sédimentation,
par décisions qui s'emboîtent les unes dans les autres. Cela tombe
sous le sens que, le pays avec lequel nous avons le plus de relations
étant la République française, c'est là qu'on a mis
le gros de nos effectifs: il y a des relations culturelles, des relations
politiques, des relations technologiques. Il est essentiel pour le
Québec, comme Honoré Mercier l'avait compris, comme Jean Lesage
l'a compris, que nous ayons une grosse représentation diplomatique en
République française.
Le deuxième pays le plus francophone de la planète, c'est
la Belgique: c'est pour cela qu'on a mis, pour l'Europe, le deuxième
contingent d'effectifs à Bruxelles. Alors, du fait que nous ayons, par
exemple, des coopérations bilatérales avec les deux
communautés, les Wallons et les Flamands, cela prend quelques personnes
et il y a deux agents, effectivement, pour la coopération. Du fait que
Bruxelles soit le siège de la Communauté économique
européenne, cela
prend un agent et son soutien logistique, cela prend un agent
d'administration, un délégué et l'équipe du
Commerce extérieur qui est sur place avec les gens de l'Immigration.
Alors, même si je voulais jouer au scientifique et essayer d'inventer des
théories sur les critères... J'ai lu quelques ouvrages
théoriques sur cela. Les Britanniques sont les plus avancés; ils
ont fait la commission Barryll où eux-mêmes admettent que ce n'est
pas d'une façon scientifique. On regarde le "output" d'une
délégation, on regarde les liens historiques, on regarde les
liens politiques. La Grande-Bretagne a fermé son consulat
général à Québec, par exemple, parce qu'ils ont
trouvé qu'ils étaient capables de tout couvrir à partir de
Montréal, j'imagine. Les États-Unis d'Amérique, eux, ont
gardé leur consulat général à Québec parce
qu'ils ont pensé qu'il fallait un agent à Montréal et un
agent à Québec. Des critères scientifiques, il n'y en a
pas. J'aime mieux que le député pose des questions
précises et dise: Est-ce que tel agent est à tel poste et ne fout
rien? S'il fout rien, on va le mettre dehors; je vous garantis qu'on va le
remplacer par un meilleur. Mais ce sont des genres de choses comme cela qu'il
faut faire. Vous parliez de pragmatisme ce matin, cela avait l'air de vous
impressionner beaucoup. Ce qu'on fait, nous, on nomme avec pragmatisme nos
agents dans les pays étrangers. Quand on voit qu'ils ne livrent pas la
marchandise, on ne laisse pas l'argent des contribuables se gaspiller, on les
rappelle.
M. Lincoln: C'est justement ce qu'on demande et on n'a pas eu de
réponse. C'est quoi, la marchandise? Comment est-ce que vous
évaluez la marchandise? La marchandise, c'est quoi? C'est cela, la
grosse question. La question, c'est la marchandise. C'est une marchandise
économique. Comment mesurez-vous cette marchandise? Comment pouvez-vous
évaluer que quelqu'un livre ou ne livre pas la marchandise? Il y a
sûrement une base de comparaison. Lorsque j'ai parlé de
population, je n'ai pas parlé de la population des pays où on
envoie des délégations; j'ai parlé de nos populations,
comparativement à notre base économique. C'est pourquoi j'ai
cité l'Ontario, parce qu'il y a une comparaison qui se fait sur une base
de population, sur une base économique; c'est cela que j'ai cité.
Je n'ai pas parlé de la population des pays où on envoie des
gens. Ce que je veux vous dire, c'est comment mesurez-vous cette marchandise?
C'est cela, la question. Comment mesurez-vous cette marchandise par rapport
à l'évaluation d'autres - appelez cela des provinces, appelez
cela des États - pays qui ont des similarités économiques,
des similarités de pouvoir se payer des délégations? C'est
cela que je vous demande. Comment est-ce qu'on évalue cette marchandise?
Cette marchandise, c'est quoi par rapport aux relations internationales?
M. Landry: Ne soyez pas simpliste, M. le député.
Quand on emploie le mot marchandise, c'est une figure de style. On n'est pas en
train de faire la livraison d'épicerie de porte en porte là et de
dire 22 commandes et 44 livres de steak. Ce n'est pas comme cela que cela
marche. Je vous réitère que des recherches faites par
l'École d'administration du Québec, par les équipes de
fonctionnaires des Relations internationales, nous ont amené à
conclure qu'il n'existe aucune méthode d'évaluation
véritablement scientifique qui ressemblerait à la
comptabilité en partie double ou à la comptabilité
analytique d'une entreprise. Si c'est cela que vous poursuivez par vos
questions, M. le député, je vous rappelle humblement que vous
poursuivez une chimère. Ce qu'il faut voir - et cela on l'a fait, on a
publié des documents - c'est: est-ce que la présence d'une
délégation du Québec dans un pays augmente le flot des
échanges commerciaux avec ce pays? C'est ce qui est le plus facilement
comptabilisable. Est-ce que la présence de cette
délégation augmente le flot des investissements? C'est facilement
quantifiable. Est-ce que la sympathie politique a augmenté? Est-ce que
le flot d'échanges culturels a augmenté? Est-ce que les
romanciers québécois et les poètes québécois
sont plus ou moins lu dans les chaumières de Normandie? Là, on
sort de l'univers comptable, je vous le garantis.
Alors, on va vous fournir toutes les précisions que nous
possédons eu égard aux procédés d'analyse
disponibles, mais ne pensez pas qu'on pourra évaluer un service
diplomatique, celui du Québec ou celui du Canada, à l'aune
utilisée pour établir le rendement d'une PME; ce n'est pas
possible. On a déjà publié des études, on peut les
redéposer. On a une étude qui est relativement récente:
bénéfices-coûts des délégations. Quand? L'an
passé. Je pense qu'on va vous l'apporter: je vous conseille la lecture
du rapport Berryll en Angleterre; vous allez voir que c'est une
problématique très complexe et que le Québec n'a pas la
prétention d'avoir réglé les problèmes que les
autres grands États n'ont pas réglés.
M. Lincoln: Si on tient pour acquis que ce sont les
problèmes...
M. Landry: Je vais vous poser une question: Trouvez-vous qu'il y
en a trop de diplomates québécois à l'étranger?
Voulez-vous qu'on rapetisse la représentation ou qu'on l'augmente?
J'aimerais avoir votre position et celle de votre parti sur cela.
M. Lincoln: C'est à vous qu'on pose des questions. On va
vous répondre sur cela,
mais c'est à vous qu'on pose des questions pour le moment.
J'espère que vous allez répondre de votre côté. Ce
n'est pas à vous de nous poser des questions pour le moment; on n'est
pas au pouvoir, c'est vous qui êtes au pouvoir.
M. Landry: Oui, mais cette commission ne recherche pas les
ambitions politiques du Parti libéral; elle recherche la
vérité. Elle a pour but que chacun des députés
présents à cette commission s'en serve pour informer la
population et apporter un éclairage sur une question importante, les
relations internationales du Québec. J'allais vous fournir l'occasion de
nous faire profiter de votre science. Si vous refusez, vous refusez; c'est
consigné au journal des Débats. (17 h 15)
M. Lincoln: Ce qui m'intéresse beaucoup plus - au lieu de
ces débats stériles que vous faites maintenant - c'est
l'étude de l'ENAP que vous citez. Pourriez-vous la déposer?
M. Landry: Oui, je le pourrais.
M. Lincoln: D'accord. C'était le numéro 1. On va
demander l'étude de l'ENAP pour voir exactement.
M. Landry: Elle date de 1981.
M. Lincoln: On va commencer par là, on va voir
l'étude de l'ENAP. Tout ce que je veux vous dire, c'est que je
réalise que le Québec n'a pas la science infuse pour
l'évaluation des critères des délégations
étrangères. Nous réalisons que c'est très complexe;
il y a des évaluations qui ne peuvent pas être
comptabilisées.
Naturellement, on n'est pas des grands naïfs, tout le monde sait
cela. Mais certainement il y a une évaluation qu'on fait quand on dit:
On va mettre une délégation à Riad plutôt
qu'à Hong Kong, on va en mettre une à Hong Kong plutôt
qu'à Singapour, on va mettre deux personnes de l'Immigration ici parce
qu'il y a des gens qui viennent pour l'immigration. Il y a sûrement des
barèmes.
Tout ce qu'on essayait de faire quand vous vous êtes
emporté, quand vous avez commencé à changer de ton,
c'était une comparaison sensée avec l'Ontario pour certains
postes car cela avait l'air tout à fait démesuré par
rapport au Québec. Si on prend Londres, à ce moment on ne peut
pas dire que c'est une affaire de culture pour le Québec, l'anglais
n'est pas une culture première pour le Québec, c'est sûr;
mais, du côté de l'Ontario...
M. Landry: Vous oubliez notre importante minorité
anglophone.
M. Lincoln: Oui, mais eux, ils ont une majorité
anglophone. Ce que je voulais vous dire, c'est que même l'Ontario a une
délégation moindre à Londres que le Québec. Il y a
sûrement une raison pour laquelle l'Ontario, qui fait beaucoup de trafic
commercial avec Londres, qui a des échanges culturels, etc. - comme
nous, avec Paris - se contente d'une délégation de dix-sept
personnes, quand nous, à Londres, on en a vingt et une. C'est ce qu'on
voulait vous demander. On voulait essayer de savoir la raison pour laquelle on
avait dix-sept personnes à Bruxelles. On ne voulait pas dire qu'il
fallait mesurer chaque personne, mais sûrement que, quand on a 50 000 000
$ à dépenser, il y a des endroits à choisir. Cela aurait
peut-être été bon d'avoir diminué la
délégation de Bruxelles pour mettre quelqu'un ailleurs. C'est
cela qu'on veut suggérer ou peut-être même d'éliminer
des postes.
M. Landry: Vous voulez suggérer qu'on diminue la
délégation de Bruxelles. Est-ce bien cela? Ai-je bien compris? On
prend note, on va voir.
M. Lincoln: Je vous ai dit que c'est un exemple. Si on faisait
une évaluation, si on se comparait avec certains autres États,
certaines autres provinces, certains autres pays qui ont les mêmes
contraintes que nous, dans un certain sens, on pourrait peut-être
redistribuer notre argent à plus grand profit. On ne le sait pas; c'est
la question qu'on vous pose. On n'a pas l'air d'avoir bien des réponses
actuellement.
Auriez-vous pu nous donner les critères d'embauche d'un
délégué général d'une
délégation?
M. Landry: Les critères généraux,
évidemment, de la fonction publique, mais également le profil du
poste en question. Il y a des postes qui sont plus économiques, d'autres
moins. Il y a des incidences linguistiques: par exemple parler le japonais
à Tokyo, cela peut faire partie des critères: à New York,
ce serait absurde d'avoir la même exigence. Alors, cela varie
beaucoup.
Nous avons tendance à prendre des gens de la carrière,
comme plusieurs autres diplomaties dans le monde font, mais à prendre
aussi des gens de l'extérieur. Cela permet parfois d'avoir une plus
grande adéquation entre le poste et l'individu. Cela permet de faire des
comparaisons aussi entre les deux cheminements. Alors, il y a des
représentants qui sont issus de la fonction publique, il y en a d'autres
qui sont contractuels; par exemple M. L'Allier à Bruxelles - vous avez
beaucoup parlé de Bruxelles - c'est un contractuel. Vous connaissez
l'horizon de carrière de M. L'Allier, il fut ministre de votre formation
politique en particulier.
M. Lincoln: II était partisan du oui au
référendum.
M. Landry: Pardon'.
M. Lincoln: II était partisan du oui au
référendum. Cela a sûrement été un
critère.
M. Landry: Oui. Pour vous, est-ce une déchéance?
Cela disqualifie un individu? Si cela disqualifie un individu, vous venez de
disqualifier 41% de la population du Québec.
M. Lincoln: Non, mais cela a sûrement aidé sa
cause.
M. Landry: On ne marchera pas là-dedans. Ce n'est pas
parce quelqu'un a voté oui qu'il va être exclu de la diplomatie
québécoise. Ce sectarisme n'existe pas dans notre parti.
Alors, je vous dis que ces critères...
M. Lincoln: Mais c'est vous qui avez dit qu'il était un
ancien libéral, M. le ministre. Ce n'est pas moi qui ai situé la
question...
M. Landry: Oui, oui, bon.
M. Lincoln: ...qu'il était un ancien libéral comme
critère. Mais je vous dis aussi: Une partie des critères, c'est
qu'il a aussi été un tenant du oui. Cela a sûrement
pesé dans la balance.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan, vous avez posé une question au sujet des
critères...
M. Landry: Oui.
Le Président (M. Gagnon): ...d'embauche. Alors, on va
laisser le ministre y répondre.
M. Landry: Oui. C'est pour vous dire qu'il n'y a pas de
sectarisme dans ces critères. Des fois, ce sont d'anciens
libéraux, des fois, ce sont d'anciens péquistes. Yves Michaud est
un ancien député libéral et un ancien député
du Parti québécois; il a été député
des deux formations. Ce n'est pas sur ces bases que la chose se décide.
C'est l'adéquation de la personne au poste avec, comme je vous l'ai dit,
des horizons professionnels qui, des fois sont de la carrière, des fois
du métier des relations internationales ou d'autres métiers. M.
Gosselin est un ancien vice-président du Canadien National et il est
contractuel également.
M. Lincoln: Pour faire suite à la question que j'ai
posée au ministre en Chambre, aujourd'hui, quelle est l'équation
entre Me Jean Morin et le poste de délégué d'Atlanta?
Qu'est-ce qu'il a de tellement... Est-ce que, au Québec, dans la
fonction publique, pour un poste de cette importance, il n'y avait pas
quelqu'un qui était dans le métier, qui était
déjà dans les rouages du commerce extérieur, des relations
internationales ou même quelqu'un de l'extérieur? Est-ce qu'il n'y
aurait pas eu beaucoup de gens qui auraient eu des qualifications qui les
rendaient plus aptes à être délégué
général? Est-ce que, dans ces critères, vous voulez me
dire que les antécédents ou les affinités politiques de
cette personne n'ont pas joué du tout? Est-ce qu'on se base tout
à fait sur le critère du curriculum vitae pour nommer M.
Morin?
M. Landry: À l'Assemblée, vous ne m'avez pas
posé la question; vous l'avez posée au premier ministre. J'en ai
conclu que c'est parce que vous saviez que cet engagement s'est fait avant que
j'occupe mes responsabilités ou que je n'étais pas en mesure de
répondre à la question. Et je ne suis guère plus en mesure
de le faire à ce moment-ci que je ne l'étais; je connais M.
Morin, je n'ai pas en tête son curriculum vitée. Je peux
l'examiner. Mais, encore une fois, je vous réitère que, si
j'avais eu à faire cette nomination, très vraisemblablement
j'aurais fait exactement la même; et je vous dis que, dans les gens que
nous allons nommer à l'étranger, que nous avons nommés
à l'étranger, il se trouvera sans doute des gens qui ont
été des militants d'une formation politique ou de l'autre. Cela
ne nous apparaît pas un facteur de disqualification. Le fait que M.
L'Allier ait été ministre libéral, encore une fois, n'a
pas été retenu contre lui, ni pour lui; nous pensions que M.
L'Allier pouvait faire le travail à ce moment-là. C'est la
même chose pour M. Yves Michaud. Et pour M. Morin, je vais examiner les
procédures de sa nomination. Je vais voir son curriculum vitae. Je
pourrai mieux vous répondre à la prochaine séance.
M. Lincoln: Est-ce que...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan, même si on n'a pas déterminé de temps pour chacun
des éléments du programme, il passe tout de même assez vite
et je me rends compte qu'on est toujours aux représentations à
l'étranger, au programme 2. Il y a aussi les programmes 3 et 4 qui
mériteront, probablement, d'être étudiés. Alors, je
vous invite, tout simplement, peut-être à prendre un autre
programme.
M. Lincoln: M. le Président, je veux vous faire remarquer
que le programme 3 relève du ministère du Loisir, de la
Chasse
et de la Pêche.
Le Président (M. Gagnon): C'est cela.
M. Lincoln: C'est un programme très court, que mon
collègue, le député de Jean-Talon...
Le Président (M. Gagnon): Bon. M. Lincoln: ...va
aborder demain. Le Président (M. Gagnon):Oui.
M. Lincoln: Pour le temps, ce sera environ une demi-heure ou
trois quarts d'heure.
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Lincoln: Ce ne sera pas quelque chose qui va prendre du temps.
Je pense que le gros paquet dedans, vous pouvez le voir par les chiffres, c'est
41 000 000 $ au programme 2.
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Lincoln: Une grosse partie de ces dépenses est pour les
délégations étrangères qui consomment quelque chose
comme 17 000 000 $. Il y a en plus la coopération avec l'étranger
qui dépend de cela. Je pense que c'est réellement la clé
de tout au point de vue budgétaire. C'est pourquoi...
Le Président (M. Gagnon): Cela va. M. Lincoln:
...on insiste là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Je n'ai pas, d'ailleurs,
à vous suggérer sur quel programme poser des questions. Je
voulais juste vous faire remarquer qu'il y avait d'autres programmes.
M. Lincoln: Je comprends très bien, oui.
M. Landry: Et mon collègue, le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, effectivement - je confirme ce qu'a dit le
député - sera ici demain pour défendre ses
crédits.
M. Lincoln: Oui. Alors, on ne pourra pas y toucher, de toute
façon, aujourd'hui. Dans le cas des délégués
généraux et des cadres des délégations, des gens
qui ont de hauts postes dans les délégations, quels sont les
critères d'embauche? Est-ce que cela suit les critères stricts de
la fonction publique? Est-ce qu'il y a des critères
déterminés pour ces emplois?
M. Landry: II y a deux façons d'accéder à la
carrière diplomatique. La première, c'est par nomination du
Conseil des ministres. Cela s'applique aux délégués
généraux et aux délégués. Les
délégués généraux sont nommés par le
Conseil des ministres sur proposition du premier ministre; les
délégués sont nommés par le Conseil des ministres
sur proposition du ministre. C'est conforme à nos lois et ce ne sont pas
des lois que nous avons établies; c'est la loi québécoise
qui est comme cela. Le Conseil des ministres juge en son âme et
conscience qui il doit nommer aux postes qui relèvent directement de
lui. Pour tous les autres cas, c'est-à-dire l'immense majorité,
il s'agit de concours suivant les règles de la fonction publique.
M. Lincoln: Pour les délégués
généraux et les délégués il n'y a pas de
concours.
M. Landry: C'est par décision du Conseil exécutif.
C'est comme pour les sous-ministres
M. Lincoln: Oui, d'accord. Est-ce que dans le cas d'un
délégué général il y a un tri qui se fait?
Est-ce qu'il y a un système quelconque ou bien est-ce qu'on prend une
personne qui est invitée et la décision se fait sur cette
personne?
M. Landry: En général, on part avec une liste assez
large. On consulte, on compare et puis on finit avec une proposition à
la table du conseil.
M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu avoir le curriculum vitae de
chaque personne engagée pour les délégations
extérieures à titre de délégués ou de
délégués généraux à partir de
1983-1984?
M. Landry: Ce sont des documents publics, les curriculum
vitae.
M. Lincoln: Oui, c'est cela, je sais que c'est public. Alors, on
voudrait les avoir.
M. Landry: Sous réserve que dans un curriculum vitae la
personne met ce qu'elle veut.
M. Lincoln: Oui, je suis tout à fait d'accord. J'ai
noté que Me Morin a laissé passer des petites
particularités.
M. Landry: C'est cela, exactement.
M. Lincoln: Quel est le suivi effectué auprès des
délégations par rapport, justement, aux critères
d'activités? Est-ce qu'il y a des rapports systématiques, des
rapports réguliers qui parviennent des délégations
générales, surtout des grandes délégations? Y
a-t-il des rapports?
M. Landry: D'abord, on peut dire qu'on a des contacts
pratiquement quotidiens avec chacune d'entre elles par télex, par
téléphone ou autrement. Mais nous avons des rapports
d'activités hebdomadaires, trimestriels et annuels.
M. Lincoln: Est-ce qu'on peut obtenir les rapports annuels faits
par les délégations générales?
M. Landry: Non, et je vais vous dire pourquoi. Il ne serait pas
dans l'intérêt public de dévoiler toutes nos
stratégies commerciales, par exemple, ou nos stratégies
économiques, voire nos stratégies politiques. Je pense qu'il n'y
a aucune diplomatie au monde qui rend publics les rapports de ses diplomates.
Et le Québec ne le fera pas, non plus.
M. Lincoln: Est-ce qu'il y a des stratégies politiques qui
demandent à rester tout à fait confidentielles?
M. Landry: Ah oui!
M. Lincoln: Pour quelles raisons?
M. Landry: Vous qui êtes un homme politique, vous ne
devriez pas poser cette question.
M. Lincoln: Non, non mais...
M.Landry: Mais puisque vous l'avez posée, j'y
réponds avec joie. C'est parce qu'il y a divers intérêts en
jeu, il y a des pays tiers qui peuvent voir de façon ombrageuse nos
relations avec tel ou tel autre pays. Qu'ils aient raison sur le fond ou non,
il y a toujours des perceptions dans ces choses. Encore une fois, ce n'est pas
d'intérêt public que l'opinion de notre
délégué sur la conjoncture dans tel ou tel pays, opinion
qui peut lui être personnelle avec ses moyens d'analyse, opinion que le
gouvernement n'endossera pas forcément, soit rendue publique. Je pense
que cela tombe sous le sens.
La sous-ministre me donne une raison supplémentaire. Il y a dans
ces rapports des comptes rendus d'entretiens avec les autres gouvernements.
Alors, là on est lié par le secret avec les autres gouvernements.
Les autres gouvernements ne veulent pas que nous rendions public ce qu'il nous
ont dit sous le couvert de la confidence.
M. Lincoln: C'était le cas du premier ministre en
Italie.
M. Landry: Le premier ministre prend ses responsabilités
et vous lui poserez des questions à l'Assemblée nationale, comme
vous ne vous êtes pas gêné pour le faire.
(17 h 30)
M. Lincoln: Y a-t-il des rapports trimestriels des
délégations qui peuvent être déposés aux
députés pour qu'on sache ce qui se passe là-bas?
M. Landry: Encore une fois, je ne suis pas un expert de ces
questions, mais je vous donne le jugement de bon sens qui me vient à
l'esprit et la réponse, c'est non. Les gens qui m'entourent qui, eux,
sont des experts, disent aussi non.
M. Lincoln: On a la totalité du budget pour les
délégations extérieures; c'est environ 17 000 000 $,
hormis les projets de coopération, etc. Je parle des
délégations étrangères, je crois que c'est 16 565
200 $ pour les délégations extérieures du Québec,
leur personnel, la représentation à l'étranger. Est-ce
qu'on aurait pu avoir une ventilation des sommes affectées à
chacune des délégations?
M. Landry: Ah oui! On me dit que vous l'avez déjà
à l'annexe I, où vous avez une liste des missions et
l'évolution de leur budget.
M. Lincoln: Je m'excuse, j'avais une question.
M. Landry: Allez-y, on n'est pas pressés.
Vous avez compris quand je vous ai dit que c'était à
l'annexe I?
M. Lincoln: Oui, oui, j'ai très bien compris. Auriez-vous
pu nous situer un peu sur le climat des rapports entre les
délégations du Québec et les ambassades
fédérales, surtout lorsqu'on a d'importantes
délégations, par exemple, à Londres, Paris, Bruxelles,
etc?
M. Landry: Comme vous le dites, je peux vous situer un peu, parce
que, d'abord, dans mes fonctions antérieures, j'ai eu à visiter
la plupart des postes. Je qualifie ces relations en général de
bonnes à très bonnes. C'est-à-dire que les équipes
de fonctionnaires, de part et d'autre, surtout en ce qui touche les questions
commerciales et économiques, que ce soit les gens des Relations
internationales ou du Commerce extérieur, entretiennent avec leurs
collègues fédéraux des relations de bonnes à
très bonnes. Si vous voulez des détails, je vous dirai qu'ils se
communiquent leurs dossiers, par exemple, et essaient de conjuguer leurs
efforts pour obtenir des commandes et des investissements. Quelquefois, il y a
des interfaces politiques où la position du gouvernement du
Québec peut être diamétralement opposée à
celle du
gouvernement du Canada. Cela ne veut pas dire que cela empoisonne les
rapports personnels entre des diplomates professionnels de part et d'autre,
mais il peut y avoir des divergences de vues.
Encore une fois, souvenez-vous que ces gens-là sont des
diplomates professionnels et qu'ils sont là pour s'entendre avec tout le
monde, ce qui ne les empêche pas de dire ce qu'ils ou elles ont à
dire, qui est la politique du gouvernement.
M. Lincoln: Je vous demandais cela parce qu'une lettre quelconque
a circulé faisant allusion à des remarques qu'avait faites M.
Michaud lors de son départ. J'ai aussi remarqué que M.
Jacques-Yvan Morin disait dans ses articles que les ambassades canadiennes
étaient très jalouses de leurs informations. Cela donnait
l'impression, dans certains endroits, surtout en France, que l'ambassade et la
délégation étaient presque des espèces de forces
armées ennemies qui ne se côtoyaient pas, ne se voyaient pas, se
faisaient de la compétition.
M. Landry: Ne faisons pas de mystère. Vous avez largement
raison, M. le député. C'est un cas d'espèce, un cas sui
generis à cause de la politique spécifique de la
République française vis-à-vis du Québec et du
Canada et à cause de la politique spécifique du Québec
vis-à-vis de la République française. Alors, c'est un
endroit où les travaux se font plus en parallèle qu'ailleurs.
Vous avez parfaitement raison. C'est un secret de polichinelle et cet
état de fait, qui est dans la nature des choses, dure depuis le
début des années soixante.
M. Lincoln: Est-ce que cela va en diminuant ou en
s'accélérant? Est-ce pire? Est-ce qu'on fait quelque chose du
point de vue du Québec pour essayer d'établir des ponts ou est-ce
le dialogue de sourds qui continue plus que jamais?
M. Landry: Cela va dépendre. Vous parliez de pragmatisme
ce matin. Cela va dépendre du niveau de pragmatisme de ceux qui font la
politique du gouvernement du Canada en ces matières. Les technocrates
réducteurs fédéraux qui veulent faire, sur le plan
international, du Québec ce qu'est la Nouvelle-Écosse vont
toujours se buter à une résistance farouche de tous les
gouvernements du Québec vis-à-vis d'une telle attitude.
M. Lincoln: Je m'excuse, M. le député. Si le
président me l'avait indiqué, j'aurais été
très content de vous céder la parole. Je ne savais pas qu'il y
avait eu une demande. Il ne m'a rien dit. Alors, je veux bien...
Le Président (M. Gagnon): Cela va. M. le
député de Lac-Saint-Jean aussi. Je n'avais pas remarqué
que vous aviez demandé la parole.
M. Lincoln: Allez-y. Je m'excuse.
M. Brassard: Non, non. Je viens d'y penser.
M. Lincoln: Je m'excuse. Allez-y.
Le Président (M. Gagnon): Je vous la donne
immédiatement.
Bilan des rapports avec la France
M. Brassard: Je viens d'y penser. C'est un peu pour rompre le
dialogue aussi entre le ministre et le député de Nelligan. Ce
n'est pas le nombre de personnes qu'il y a dans les délégations
qui m'intéresse. Je suis en train de lire un peu le bilan des actions
sur le plan international et en particulier pour ce qui est de la France. On
peut lire, d'abord, dans le bilan que le programme soutien au
développement économique - c'est à la page 23 - a permis
à un nombre accru d'industriels québécois de se
familiariser avec la technologie française et de rencontrer leurs
homologues français en vue de conclure éventuellement des
ententes.
Également, dans le paragraphe à la page 24 concernant les
perspectives, on indique très clairement l'intention du ministère
de poursuivre et même d'accentuer son action dans ce domaine.
Évidemment, il y a un cas bien connu concernant les microordinateurs,
mais j'aimerais avoir peut-être un peu plus de précisions, si
c'est possible, sur ces missions d'industriels français, d'industriels
québécois en France et également sur ces ententes, soit
déjà conclues, soit pouvant éventuellement se conclure,
entre industriels français et industriels québécois, et
dans quel secteur, s'il n'y a pas là des secrets qu'il convient de ne
pas dévoiler.
J'aimerais avoir plus de précisions sur ce dossier des ententes
entre industriels de part et d'autre, savoir dans quel secteur cela se situe.
Est-ce qu'il y en a plusieurs qui ont été conclues? Est-ce qu'il
y en a qui sont en négociation actuellement et qui pourraient
bientôt se concrétiser?
M. Landry: M. le Président, on peut dire que le
résultat de la coopération franco-québécoise en
matière d'échange de technologies a débouché sur
des centaines d'ententes en général au niveau de la PME, mais des
fois au niveau de la grande entreprise où des technologies
françaises sont pratiquées maintenant au Québec, et
l'inverse parce que nous sommes aussi des "offreurs" de technologies à
un moindre niveau étant donné que notre pays a des dimensions
moindres et souvent des traditions scientifiques un peu moins
fortes.
Ce que nous travaillons surtout à l'époque contemporaine,
ce sont les bioindustries, la micro-électronique, la
télédistribution, l'énergie, les transports,
l'agro-alimentaire, la filière bois et la
télédétection. On peut dire que dans tous ces domaines des
ententes ont été signées ou sont sur le point de
l'être. À l'occasion de l'étude des crédits du
ministère du Commerce extérieur, il me fera plaisir de
déposer la liste que nous possédons, qui est partielle parce que
des fois un industriel fait partie d'une de nos missions, un premier
débroussaillement se fait, et, dans son rapport de mission, il dit: Je
suis à négocier une entente. Mais un chef de PME n'est pas
obligé de nous informer de tout ce qu'il fait; il signe son entente huit
ou dix mois plus tard et on n'en a pas toujours parlé. C'est pour cela
que la liste est partielle, mais, même partielle, ce sont des centaines
et des centaines de cas.
M. Brassard: Surtout concernant des transferts
technologiques.
M. Landry: C'est surtout concernant des transferts
technologiques. Mais il y a aussi énormément d'investissements
français au Québec. Par exemple, la moitié des PME
présentes dans le parc industriel de la ville de Granby sont le fruit
d'investissements français et d'accords franco-québécois.
Vous avez la même chose dans les technologies du bois dans le Nord-Ouest.
Le grand cas, c'est Forex Leroy: technologie française, technologie
québécoise, capitaux français, capitaux
québécois. C'est devenu l'une des caractéristiques du
développement de la PME québécoise dans les secteurs de
pointe d'être associée, sur le plan technologique ou sur le plan
du capital, à des entreprises de l'Europe de l'Ouest, parfois des
Allemands, parfois des Belges, parfois des Britanniques et le plus souvent des
Français.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Brassard: Dans le domaine culturel, on peut aussi lire,
à la page 26, que vous avez l'intention de développer des
échanges dans le domaines des métiers d'art, de même que de
lancer un programme de promotion du livre scientifique québécois
en France. Est-ce qu'on connaît un peu le contenu de ce programme de
promotion? Également, pour ce qui est des métiers d'art, est-ce
que des actions ont été posées ou le seront incessamment
de façon à, justement, intensifier les échanges dans ce
domaine? Est-ce qu'il a des instances, des organismes québécois
qui ont été impliqués dans ce domaine?
M. Landry: On me signale, M. le député, que tout ce
qui apparaît au chapitre Perspectives est l'objet actuellement de
rédaction de programmes qui seront soumis au mois de mai à la
commission conjointe franco-québécoise. Je ne suis pas en mesure,
à moins que certains membres de mon équipe ne le soient, de
donner de plus grandes précisions. Est-ce que quelqu'un pourrait parler
du programme des métiers d'art, en particulier de la promotion du livre
scientifique?
Mme Leduc: Nous faisons actuellement des travaux avec les
ministères concernés pour déterminer des programmes de
coopération avec la France afin de faire avancer des dossiers dont on a
déjà beaucoup discuté.
Par exemple, le programme du livre scientifique québécois
en France, je dois vous dire que nous en avons parlé à plusieurs
reprises en France. Nous avons des difficultés de marché à
cause de la clientèle assez fermée des scientifiques pour le
livre français. Même en France, ils ont des difficultés
pour le livre français. Nous tentons de voir s'il n'y aurait pas des
coéditions possibles, des solutions de ce type pour nous permettre de
faire valoir, nous aussi, notre livre scientifique en France. Ce sont des
discussions que nous avons actuellement avec les Français pour
déterminer des modèles qui nous permettraient d'aller de
l'avant.
M. Brassard: Est-ce que les organisations
québécoises dans ces domaines sont impliquées, les
corporations de métiers d'art, par exemple, ou encore les
éditeurs?
Mme Leduc: Oui, tout à fait.
M. Landry: Je rajouterais, d'une façon
générale, que la coopération
franco-québécoise est une aventure qui a pris de très
vastes proportions. Cela s'est élaboré longuement,
évidemment, cela a commencé au début des années
soixante. C'est le plus grand volume de coopération institutionnelle que
la République française entreprend avec quelque autre pays du
monde. C'est normal, remarquez: il y a un lien historique et la présence
d'une population française importante en Amérique du Nord,
Montréal est la deuxième ville française du monde. Mais
cela répond aussi en partie aux remarques du député de
Nelligan. On a 79 personnes sur place, mais c'est le plus grand flot
d'échanges que la République française, avec près
de 55 000 000 d'habitants, entreprend avec quelque autre pays de la
planète. C'est sûr qu'un tel flot demande des énergies et
du personnel.
M. Brassard: Dans le domaine culturel,
également, en ce qui a trait au bilan, par exemple, on peut lire
ici que les échanges se sont développés, que beaucoup
d'artistes et de créateurs sont allés en France et ont même
connu un certain succès tout récemment encore. Est-ce que le
ministère et la délégation générale
contribuent? Est-ce qu'ils apportent une sorte de soutien technique aux
artistes qui vont se produire en France? (17 h 45)
M. Landry: La réponse est oui. D'abord, c'est
intéressant que vous souligniez ce succès indéniable et
prodigieux. Certains de nos amis français en ont même pris
ombrage. Il y a certaines semaines de la dernière saison à Paris
où la présence québécoise était tellement
importante que cela commençait à ressembler à une
espèce de monopole, puisqu'il n'y avait que des Québécois
affichés aux grands music-halls et dans les salles de spectacles.
Est-ce que nos services donnent un appui? D'abord, oui, un appui
technique sur place. II y a des cas d'espèce. Il y a des gens qui ont
besoin de nous et d'autres qui n'en ont pas besoin. Il y a des vedettes en
devenir qui ont besoin d'être plus supportées que les grandes
vedettes qui ont déjà des possibilités financières
non négligeables. En général, on travaille cela d'une
façon institutionnelle. Ce n'est pas tellement une personne qu'on aide
qu'un groupe. On considère cela comme des produits d'exportation. C'est
sûr que cela fait un peu prosaïque, un peu mercantile de dire cela
mais en termes de balance des paiements, un artiste québécois qui
remporte un grand succès dans un pays étranger fait entrer de
l'argent autant qu'une PME qui vend des deux par quatre, sans faire de
comparaison odieuse. Il y a de grands exemples étrangers qui illustrent
bien ma pensée sans ravaler les artistes. Le groupe suédois ABBA,
par exemple, fait entrer plus de devises en Suède que des segments
entiers de l'industrie nationale suédoise. Durant ses belles
années, avant qu'elle ne s'occupe des phoques, Mme Brigitte Bardot
faisait entrer plus de devises étrangères en France que la
régie Renault elle-même. Les grands succès de vedettes
québécoises à Paris sont une contribution importante
à notre balance des paiements et à nos exportations. De ce point
de vue, on ouvre souvent les programmes APEX du ministère du Commerce
extérieur ou il y a des interventions ponctuelles du ministère
des Relations internationales par des subventions que l'on attribue encore une
fois plus à ceux qui sont d'en devenir qu'à ceux qui sont
arrivés.
Nous avons participé au MIDEM dernièrement, qui est une
grande foire de distribution de biens culturels. J'ai eu l'honneur d'aller
moi-même à cette manifestation. Mme Ginette Reno, à ce
moment-là, vendait en France quelques milliers de disques par jour.
Donc, c'était un très grand succès. C'est dire que ce
n'est pas une mince affaire. Après de patients efforts - il y a eu les
grands devanciers comme Félix Leclerc, Raymond Lévesque; en
général, il y en avait un par deux ou trois ans - maintenant, ils
débarquent en force trois ou quatre par semaine. C'est une
activité intéressante parce qu'on a un marché culturel
relativement petit, soit 6 500 000 Québécois. Je ne veux pas dire
que c'est négligeable, car l'essentiel de notre vie culturelle va
toujours se faire ici. Mais qu'on puisse exporter, qu'on puisse
déboucher, c'est intéressant sur le plan du rayonnement culturel
du Québec et sur le plan économique.
M. Brassard: J'aurais une dernière question. Dans vos
remarques préliminaires de ce matin...
M. Landry: M. le député, on m'a communiqué
une information - je m'excuse de vous interrompre - qui pourrait donner
satisfaction au député de Nelligan. Tous les curriculum vitae des
délégués contractuels ont été soumis
à la commission des engagements financiers. En 1983-1984, il y avait, en
particulier, M. Roger Béland, à Dallas, et M. Jean Morin,
à Atlanta. Excusez-moi.
M. Brassard: Ce matin, vous avez parlé, dans vos remarques
préliminaires, d'un sommet sur la politique internationale du
Québec qui se tiendrait au mois de juin. Nous sommes en avril. Comme on
connaît les travaux importants et les efforts considérables qu'il
faut déployer pour en arriver à préparer et à tenir
un sommet de ce genre, j'imagine qu'au moment où on se parle il y a
déjà passablement de choses qui ont été faites en
vue du sommet. Est-ce qu'il serait opportun de nous révéler les
préparatifs qui sont actuellement en cours et un peu quelle forme va
prendre ce sommet? Quels sont les intervenants, les thèmes, la
thématique? Est-ce que tout cela commence à être
passablement connu?
M. Landry: Oui, les travaux sont assez avancés pour qu'on
puisse en parler. Vous savez que le succès d'un sommet réside
dans le temps et le soin qu'on a mis à sa préparation.
Déjà, les textes ont été votés par le
Conseil des ministres au début de la présente année,
probablement, au mois de janvier. Mon ex-collègue et le vôtre,
l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales, et moi-même avons
mené de concert une série de recontres préliminaires, de
tables de concertation avec les agents économiques: le monde de
l'industrie, le Conseil du patronat, etc., les banquiers, les syndicats
ouvriers.
Nous avons rencontré les agents dans le secteur des organisations
internationales sans but lucratif. Nous avons également rencontré
les gens des Communautés culturelles et de l'Immigration; mon
collègue des
Communautés culturelles et de l'Immigration a participé
à une table de concertation pour le sommet. Nous nous sommes entendus de
façon à peu près consensuelle sur la thématique. Je
n'ai pas les documents avec moi, mais de mémoire je peux vous
révéler une partie du contenu. On n'a pas les documents du sommet
ici. Je vais, d'ailleurs, présenter le texte définitif au Conseil
des ministres à sa prochaine séance.
Mais les buts du sommet sont d'élargir les relations
internationales du Québec, d'informer la population du Québec et
les différents segments du public de ce qui se fait, d'introduire, sans
être directif ni même planificateur, une espèce de
cohérence dans l'effort international de la collectivité
québécoise. La thématique recouvrira en particulier notre
action vis-à-vis des pays en voie de développement, notre action
en matière de promotion des échanges avec les pays
développés, particulièrement le commerce extérieur,
les investissements étrangers, la coopération technologique, nos
politiques d'immigration.
Le sommet aura lieu en deux étapes: la première, un
état de la situation. J'ai dit le mois de juin ce matin; je me suis
légèrement trompé, c'est fin de mai. À
Montréal, fin du mois de mai, tous les agents se réuniront pour
faire le point; ils auront l'été pour mener une série de
consultations intenses, de tables de concertation pour se revoir à
l'automne et, à ce moment, faire la deuxième phase qui, elle,
prendra l'allure d'un sommet plus classique, c'est-à-dire avec des
engagements du gouvernement, avec des engagements des divers agents, avec des
consensus.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
M. Lincoln: Est-ce que je pourrais poser une autre question au
ministre à la suite de ce qu'on a dit avant?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Nelligan. Après, ce sera le député de Vachon.
M. Lincoln: M. le ministre, je parlais tout à l'heure des
relations provinciales-fédérales, excusez-moi,
québécoises parce que provinciales, je sais que cela vous met en
colère.
M. Landry: Ce n'est pas le mot, je sais que vous êtes
plutôt provincial, mais...
M. Lincoln: Oui. Alors, je vais changer et je vais dire:
Québec-Canada à Paris. J'avais pris comme base - je vous en ai
parlé - les articles de Jacques-Yvan Morin. Il y avait également
la lettre de M. Michaud qui avait été publiée dans la
Presse, et là je vais citer une partie du texte qui m'avait
frappé. Il parlait de la récupération
fédérale, des meilleures réussites, de TVFQ 99 et il
concluait sa lettre en disant: "Tout cela pose un problème de fond. Les
autorités gouvernementales seraient bien avisées d'en prendre
acte et de définir avec notre souhaitable collaboration les
éléments d'une contre-offensive visant non seulement à
maintenair nos acquis, mais à préparer les voies de
l'avenir".
Ce que je voulais vous demander, c'est si la contre-offensive s'est
terminée avec le départ de M. Michaud. Est-ce qu'il y a une
contre-offensive? Est-ce qu'on considère une contre-offensive? Est-ce
qu'on prépare les voies de l'avenir? Qu'est-ce que c'est, "les voies de
l'avenir"? Est-ce que c'est cela que la délégation fait en ce
moment? Pouvez-vous situer un peu ce que M. Michaud voulait dire et ce qui a
été fait à la suite de sa lettre?
M. Landry: Je peux vous situer sur ce qu'il voulait dire. Il
voulait dire qu'il avait eu à faire face à un problème
classique pour les diplomates de refaire leurs liens et leurs circuits
d'information à l'occasion du changement de gouvernement qui est survenu
en France, comme chacun le sait. M. Michaud s'est attaqué à cette
besogne avec doigté, avec dextérité et il peut dire - il
l'a dit d'ailleurs, pas dans cette lettre, mais après - en ce qui
concerne les acquis auxquels il fait allusion, qu'ils ont été
préservés. Les relations du Québec avec la
République française, sous ce gouvernement-ci ou celui qui l'a
précédé, ont été marquées par un
succès, de la confiance mutuelle et l'augmentation du flot de nos
échanges.
Ceci m'amène à parler des perspectives d'avenir. Je pense
qu'elles sont excellentes. La coopération
franco-québécoise en matière culturelle, mais surtout en
matière économique a donné déjà des fruits
extraordinaires. Le plus grand investissement industriel de l'histoire du
Canada dans un seul coup, Pechiney Ugine Kuhlmann, a été le
couronnement de cette affaire. Nous allons tenter d'aménager l'avenir
dans le même sens et d'élargir ces relations. D'ailleurs, ce qui
vaut pour la France vaut pour plusieurs autres pays, je le souhaite vivement.
C'est en France que cela a commencé d'abord et c'est là que les
fruits sont les plus tangibles, mais nous n'avons pas une attitude exclusive et
c'est de cette manière qu'on va ménager les voies de
l'avenir.
Le sommet dont a parlé notre collègue du Lac-Saint-Jean a
comme thématique aussi
l'élargissement des relations internationales du Québec,
pas uniquement avec la France, mais avec tous les autres interlocuteurs dans le
monde. On en saura plus, évidemment, sur l'aménagement de
l'avenir à ce moment, quand on aura consulté tous les segments de
la société québécoise. C'est la première
fois que cela se fait en matière internationale, mais assumez d'ores et
déjà que nous sommes en train de faire l'avenir.
M. Lincoln: II parle d'une contre-offensive aux initiatives
fédérales. Parlant des voies de l'avenir, selon vous, ces voies
voulaient dire les relations avec le nouveau gouvernement français qui
était déjà en place, mais est-ce que cela veut dire aussi
les voies de l'avenir économique ou les voies de l'avenir par rapport
à l'indépendance du Québec?
M. Landry: Je parlais de l'acquis quand je parlais de la
contre-offensive.
M. Lincoln: Je parlais des textes de M. Michaud.
M. Landry: Bien oui, mais M. Michaud, justement, parle des
acquis. Nous avions à préserver les acquis. Je vous ai dit
là-dessus mission accomplie. Les acquis ont été
préservés, ont été même
améliorés, selon moi, malgré l'offensive du gouvernement
du Canada. Je le déplore, je le regrette. Encore une fois, je dis que
cela procède d'esprits chagrins vivant à l'ouest de la
rivière Outaouais, qui voudraient rétrécir le
Québec, nous replier sur notre périmètre. Jamais un
gouvernement du Québec n'acceptera cela, pas plus celui auquel j'ai
l'honneur d'appartenir que n'importe quel autre dans le passé ou dans
l'avenir. Je le souhaite vivement.
Maintenant, par les voies de l'avenir, tel que mentionné dans le
texte - je m'en fais l'exégète - j'imagine qu'il veut dire
exactement l'objectif qu'on propose au sommet sur le Québec dans le
monde, c'est-à-dire l'élargissement de nos relations. L'avenir
politique intérieur du Québec, mes positions sont bien connues
là-dessus; je ne veux pas vous les reservir, vous finiriez par vous en
irriter, mais vous avez bien compris qu'elles ne vont pas dans le sens
provincial.
M. Lincoln: Ce que je vous demandais spécifiquement: Y
a-t-il une contre-offensive aux initiatives fédérales qui est en
branle? Je sais qu'on préserve les acquis, mais il y a une
contre-offensive. Y a-t-il un plan de contre-offensive qui est en branle, qui a
été étudié? Si M. Michaud, qui était
délégué général, a écrit cette
lettre, ce ne sont pas des mots, sûrement...
M. Landry: Je ne sais pas si les fédéraux ont des
plans. Comme je les connais, je pense qu'ils en ont.
M. Lincoln: Je parle du Québec. Je ne parle pas des
fédéraux, on n'est pas au fédéral.
M. Landry: Je vous ai dit: II y a une offensive pour
réduire l'action québécoise en France. Notre
délégué général, et le ministère,
j'imagine, que je ne dirigeais pas à l'époque, a eu une
contre-offensive et notre délégué général a
dit: Mission accomplie. Je pense que notre délégué
général a eu raison. Mission accomplie. Ceux qui voulaient nous
rétrécir n'ont pas réussi.
Le Président (M. Gagnon): M. le
député...
M. Lincoln: Cela va. Je continuerai demain.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. C'est parce qu'il reste
deux minutes et M. le député de Vachon avait demandé la
parole. M. le député de Vachon.
M. Payne: Un peu plus que deux minutes, peut-être trois ou
quatre.
Le Président (M. Gagnon): Je regrette, on va terminer
à 18 heures parce qu'on a eu...
M. Payne: Puis-je soulever la question? Dans le domaine des
exportations, j'ai eu le plaisir de travailler pendant deux ans avec un groupe
de recherchistes de l'Université de Montréal qui ont mis au point
un système de logiciel assez avant-gardiste, grâce, en partie,
à une subvention considérable de la part du ministère de
la Science et de la Technologie visant à aider les marathoniens, les
coureurs de longue distance, à mieux planifier le temps prévu
pour parcourir le marathon. On sait, d'ailleurs, qu'en ce qui concerne le
marathon le Québec n'a rien à apprendre de qui que ce soit dans
le monde; après Fukuoka et New York, c'est bien Montréal qui est
la première ville sur la carte.
Ils ont mis sur pied ce logiciel. Je n'entrerai pas dans le
détail, mais cela offre au coureur une meilleure configuration entre les
distances et la vitesse dans sa période d'entraînement. Le
logiciel s'appelle Herman. Maintenant, ils se posent cette question: De quelle
manière peuvent-ils exporter le produit sans en divulguer le secret?
J'ai eu le plaisir de travailler avec eux et c'est quelque chose, à mes
yeux, qui est éminemment exportable. Je les ai
référés, d'ailleurs, au ministère du Commerce
extérieur. Est-ce qu'il y a quelque chose qui existe et que l'on
pourrait appeler un guichet unique au
ministère du Commerce extérieur? Quel genre d'accueil
offre le ministère à ceux qui voudraient se prévaloir des
programmes qui existent pour exporter ce genre de produits?
Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le ministre, vous
allez avoir jusqu'à demain pour penser à votre réponse. Je
voudrais m'excuser auprès du député de Vachon. Je lui ai
dit: Seulement deux minutes, mais il a le droit à vingt minutes, comme
tout le monde, excepté qu'il restait deux minutes à notre
séance d'aujourd'hui. Vous pourrez vous reprendre demain.
M. Payne: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Sur ce, j'ajourne...
M. Lincoln: Si le ministre veut répondre ce soir, je suis
disposé à donner mon consentement pour trois minutes, ce n'est
pas un problème.
Le Président (M. Gagnon): Bon, alors, trois minutes.
M. Landry: Je vais essayer de répondre brièvement
pour les questions d'exportation. Mais c'est plutôt l'autre commission
qui se penchera en détail sur ces questions. Il y a un guichet unique
qui, pour quelques semaines encore, est situé à 1, Place
Ville-Marie, Montréal, mais qui sera sur la rue Sherbrooke, dans
l'édifice de la Banque Mercantile, où le ministère du
Commerce extérieur est en train de déménager. Je vois
très bien, dans ce cas-là, des programmes APEX pour le marketing
à l'étranger d'un produit qui me semble assez extraordinaire.
Alors, on peut aller jusqu'à 50 000 $, à condition que
l'industriel mette lui-même 50 000 $. On peut aussi avoir des programmes
APEX plus modestes pour permettre des déplacements, le transport
d'échantillons, la participation à des foires, missions ou
expositions. Nos délégations du ministère des Relations
internationales seront, toutes et chacune d'entre elles, absolument disponibles
pour recevoir ces gens et pour leur indiquer les marchés potentiels dans
les territoires de leur juridiction, chef de poste,
délégué général ou
délégué en tête.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Alors, la commission
ajourne ses travaux à demain, 11 heures.
(Fin de la séance à 18 h 2)