L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 5 avril 1984 - Vol. 27 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Relations internationales


Journal des débats

 

(Onze heures huit minutes)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre! La commission permanente des institutions se réunit pour étudier les crédits budgétaires de la présidence du Conseil exécutif pour l'année financière 1984-1985. Il y a quelques remplacements, entre autres, M. Baril (Arthabaska) qui remplace M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); Mme Lachapelle (Dorion) qui remplace M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Gagnon (Champlain) qui remplace M. Dussault (Châteauguay). De votre côté, est-ce qu'il y a des remplacements?

Présidence du Conseil exécutif

Une voix: Non.

M. Levesque (Bonaventure): M. Ciaccia va se joindre à nous pour la question des Amérindiens.

Le Président (M. Vaugeois): II n'y a pas de problème, il a toujours le droit de parole. Cela va? Alors, on m'a précisé qu'il y a une partie des crédits que nous pourrions étudier aujourd'hui, d'autres reviendront à l'occasion, à d'autres séances, comme, par exemple, ce qui regarde la promotion des droits des femmes, l'OPDQ, l'Office des services de garde à l'enfance et ainsi de suite. Nous allons donc, formellement, avoir à approuver les éléments de programme qui concernent le Bureau du lieutenant-gouverneur et les services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif. Je comprends que, finalement, ces deux éléments de programme seront l'occasion, principalement pour l'Opposition et sans doute pour quelques députés de la majorité ministérielle, d'interroger, de façon générale, M. le premier ministre.

M. le premier ministre, vous avez d'abord la parole, si vous avez le désir de nous présenter, d'une façon générale, ce qu'on vous demande de défendre devant cette commission ce matin.

Remarques préliminaires M. René Levesque

M. Lévesque (Taillon): Je vais être très bref, M. le Président, mesdames et messieurs de la commission. Je veux simplement souligner certains changements qui, selon l'évolution, arrivent périodiquement, et même régulièrement, au ministère du Conseil exécutif, qui a toujours été une salade de budgets, d'organismes au-delà de mon cabinet et des coins qui sont plus statutaires, parce qu'il y a du va-et-vient sans arrêt à cause de l'évolution même du gouvernement et de l'administration.

Alors, par rapport aux crédits qui avaient été votés en 1983-1984, évidemment, il y a eu un transfert des crédits qui étaient destinés à un ministre délégué, celui de la Science et la Technologie, puisqu'il y a eu un ministère de créé; donc, cela a été viré de ce côté-là. La même chose du côté des analyses économiques, l'organisme de statistiques qui est allé rejoindre le ministre des Finances en avril 1983.

Par ailleurs, des choses qui sont entrées, si vous voulez, en cours d'année, il y a le relogement - enfin, on pourra voir cela tout à l'heure avec un de vos collègues - des Inuits de Poste-de-la-Baleine. C'est un gros morceau, c'était à peu près 1 000 000 $ et plus l'an dernier et, cette année, cela va être très important comme chiffre qui change les estimations budgétaires. Est apparu, pendant l'année, le Secrétariat à la jeunesse, qui est relié au ministère du Conseil exécutif, avec un programme qui, jusqu'à nouvel ordre, en tout cas, relève du Secrétariat à la jeunesse, donc, qui est budgétisé chez nous, c'est-à-dire le programme des jeunes volontaires, comme on l'appelle. Maintenant, dans les nouveaux crédits, il y a les indemnités de l'Exécutif - c'était, je pense, la Loi sur l'Assemblée nationale où c'était prévu - et, à cause de changements qui ont été approuvés, les indemnités ministérielles, à commencer par celles de votre serviteur, se trouvent maintenant au budget du Conseil exécutif. Dans les semaines ou les mois qui viennent, on ajoutera, forcément par transfert, des crédits pour le ministre délégué à la Réforme électorale et, aussi, il faudra virer la part du budget des ex-Affaires intergouvernementales qui sera confié au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes plus spécifiquement.

J'ajouterai seulement deux choses. Je ne sais pas si vous l'avez, vous le trouverez dans les renseignements supplémentaires,

comme on les appelle, qui accompagnent le budget. Il y a eu un changement important des crédits concernant le Bureau du lieutenant-gouverneur, enfin, l'ensemble qui concerne le lieutenant-gouverneur, c'est-à-dire à peu près 36% ou 37% de diminution à la suite de "négociations", entre guillemets, avec nos interlocuteurs fédéraux qui vont diminuer d'environ 200 000 $ à peu près, en tout - il reste 312 000 $ - les crédits qui sont affectés au lieutenant-gouverneur. Là, je rejoins la question des Inuits, parce que vous allez voir qu'il y a quand même une augmentation d'à peu près 27% de l'ensemble de ce budget relativement modeste. Vous trouverez cela à la page 36 des informations supplémentaires. Il y a un ajout de 4 500 000 $ cette année, 1984-1985, en vue de mettre en place les infrastructures du village Inukjuak, c'est-à-dire un nouveau village où on va transférer une population inuite qui était jusqu'à maintenant à Poste-de-la-Baleine; c'est en fonction d'accords qui avaient été passés avec elle. Il a fallu relocaliser cette population et la relocalisation est en marche. Cette année, cela peut impliquer environ 4 500 000 $. En gros, en ce qui concerne les chiffres comme en ce qui concerne le va-et-vient, si vous voulez, des organismes qui relèvent du Conseil exécutif, c'est à peu près l'essentiel de ce qu'on peut souligner.

Le Président (M. Vaugeois): M. le chef de l'Opposition.

Bureau du lieutenant-gouverneur

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, l'an dernier, lorsque nous nous sommes rencontrés pour l'étude des crédits du Conseil exécutif, l'un des premiers sujets qui avaient été abordés, c'était l'élément Bureau du lieutenant-gouverneur. À ce moment-là, le premier ministre a fait une déclaration un peu spectaculaire qui a semblé faire les manchettes.

Le Président (M. Vaugeois): Qui a fait les manchettes.

M. Levesque (Bonaventure): Oui, et qui faisait suite à une phrase non équivoque de la part du premier ministre, et je cite: "II n'y aura plus de résidence officielle fournie par le gouvernement du Québec." Or, M. le Président, quelques mois après, nous nous retrouvons, et je crois que ce n'est pas le cas d'après les renseignements que nous avons... Le premier ministre pourrait-il nous faire part de ce qui l'avait amené à faire cette déclaration, quelle est la situation aujourd'hui et quel est le lien entre la déclaration du premier ministre et la situation actuelle? (11 h 15)

M. Lévesque (Taillon): Le lien, c'est que les choses évoluent en cours de route. La raison pour laquelle j'avais fait une déclaration comme celle-là, au fond de ma pensée, cela voulait dire que le poste de lieutenant-gouverneur et tout ce qui l'entoure traditionnellement comme soutien, c'est excessif, surtout dans une période où on ne doit pas faire du "somptuarisme" exagéré, sauf tout le respect que l'on doit à la monarchie constitutionnelle. Alors, il a été entendu que l'on devait réduire cela de beaucoup. Je pensais que l'on devait ou que l'on pourrait se débarrasser de la résidence elle-même, parce qu'il y a d'autres provinces où les lieutenants-gouverneurs sont logés avec, je crois, des compléments budgétaires jusqu'à un certain point par les provinces, mais ils sont logés comme tout le monde dans le logement qu'ils peuvent trouver. Mais, au cours d'une négociation rapide qui s'est faite par téléphone avec M. Trudeau, on a convenu que, puisque la maison est payée, le nouveau lieutenant-gouverneur, qui est d'ailleurs québécois, l'ancien maire de Québec, M. Gilles Lamontagne, aurait l'intention - ce n'est pas lui qui me l'a dit -puisque ses enfants sont maintenant élevés, de mettre sur le marché sa propre maison qui avait été quelque peu négligée. Alors, on laissait la résidence, mais, par ailleurs, n coupait radicalement les services connexes, c'est-à-dire essentiellement le personnel. Il y avait onze ou douze personnes de tout genre qui servaient de personnel domestique, de personnel de transport et de tout ce que vous voudrez au Bureau du lieutenant-gouverneur. Alors, on l'a réduit de onze ou douze personnes à deux personnes. On a également réduit - enfin, c'est un détail -les deux limousines à une seule. À partir de là, avec environ 200 000 $ d'économie, cela nous paraît convenable.

Soit dit en passant, la résidence, qui est payée, coûte en entretien, taxes municipales comprises, environ 27 500 $ par année. Il faut évidemment ajouter ce chiffre à ce que...

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela rassure le chef de l'Opposition?

M. Levesque (Bonaventure): C'est-à-dire que nous n'avons jamais réclamé, en aucune façon, que la résidence du lieutenant-gouverneur lui soit enlevée. C'est le premier ministre qui a décidé de faire cette déclaration.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, cela me paraissait...

M. Levesque (Bonaventure): N'aurait-il pas été plus normal qu'avant de faire une déclaration comme celle-là le premier ministre ait fait ses consultations plutôt que

d'être dans la situation où il se trouve aujourd'hui?

M. Lévesque (Taillon); J'avais averti M. Trudeau que telle était notre intention. Je n'ai pas la lettre ici, mais je l'ai averti tout de suite après - au besoin, on peut la sortir - que telle était notre intention de départ. Je ne pouvais faire davantage et, comme M. Trudeau a pris beaucoup de temps avant, parce que vous savez qu'il y a une tradition qui veut que, quand on arrive à la fin du mandat d'un lieutenant-gouverneur, il y a, appelons cela des consultations, entre guillemets, parce que c'est une décision fédérale, mais on est mis au courant, en tout cas, des intentions du gouvernement fédéral pour la nomination suivante. C'est à ce moment que cela s'est un peu compliqué de la façon dont je l'ai dit. Alors, on a essayé de trouver une forme de compromis qui est celle dont vous voyez le reflet dans les estimations budgétaires.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que ce compromis est arrivé à la suite de représentations faites par le premier ministre du Canada voulant qu'il y ait des obligations de la part du Québec de maintenir cette résidence lorsque l'on songe à des ententes qui auraient pu exister autrefois?

M. Lévesque (Taillon): Sauf erreur... D'abord, pour préciser un peu ce que j'ai dit l'an dernier, parce qu'on a ici le texte, je disais simplement ceci: Nous avons conclu que le meilleur moyen - comme on le voyait à ce moment - d'obtenir le résultat recherché - c'est-à-dire de diminuer ce qui nous paraissait trop somptuaire comme dépenses - était de cesser de mettre une résidence à la disposition du lieutenant-gouverneur.

Soit dit en passant, pour les raisons que j'ai données - il ne sert à rien de se répéter indéfiniment - je crois encore que ç'aurait pu être la meilleure solution parce qu'il y avait un choix, soit de réduire en partant de la résidence, soit de réduire le personnel en gardant la résidence, mais au point où il est réduit, j'ai l'impression que cela va être dur à entretenir, mais ce ne sont pas là nos problèmes. Pour ce qui est des engagements, je pense - je n'ai pas le texte près de moi, mais il est facile de vous le fournir - que les seuls engagements du gouvernement du Québec, c'était d'assurer de façon raisonnable ou d'aider à assurer de façon raisonnable - il y avait un mot "raisonnable" dans cela - le logement des éventuels lieutenants-gouverneurs. Cela remonte assez loin.

M. Rivest: Vous n'avez pas eu, parce que vous vous rappelez que c'était le député d'Arthabaska qui avait fait un plat et qui vous avait amené à faire cette déclaration un peu définitive, en tout cas, à première vue.

M. Levesque (Bonaventure): À moins que ce soit le premier ministre qui ait amené le député à poser la question.

M. Rivest: Non, je n'oserais jamais dire cela.

M. Lévesque (Taillon): Vous n'avez pas le droit de nous prêter des intentions.

M. Rivest: Mais vous n'avez pas eu de difficulté à convaincre le député d'Arthabaska de cette volte-face.

Le Président (M. Vaugeois): II devrait le dire lui-même, mais il n'est pas là.

M. Lévesque (Taillon): II m'avait solennellement promis qu'il viendrait aujourd'hui me dire sa façon de penser, mais s'il n'est pas là, on se reverra. Pouvez-vous vous dépêcher d'adopter cet...

M. Levesque (Bonaventure): II ne faut pas oublier que le premier ministre est allé un peu plus loin lorsqu'il parle de ce qu'il a dit l'an dernier, au mois de juin 1983. Il parlait de la mise en vente de l'immeuble. Il disait: "Très rapidement on avisera de la façon soit de s'en départir ou soit de l'utiliser autrement..." Il n'y avait pas de doute à ce moment. Ce n'était pas une question de savoir si on allait avoir plus ou moins de personnel, c'était: La maison, c'est fini! D'ailleurs, on n'a qu'à regarder les journaux du temps et on n'a qu'à regarder aussi les réactions de la population, particulièrement de la région métropolitaine de Québec, qui s'inquiétait de cette décision du premier ministre, mais le premier ministre a fait les manchettes et, aujourd'hui, il arrive avec des explications plus ou moins boiteuses en disant: Bien, c'est à la suite d'une conversation avec le premier ministre du Canada. Bien voilà, on ne le fait pas, c'est tout. Est-ce que ce n'est pas un peu de l'improvisation? C'est la question que je veux poser.

M. Lévesque (Taillon): À ce moment, cela l'était un petit peu, sauf que le fond de la question, ce n'est pas du tout une résidence, pas de résidence, la maison ou pas de maison, un logement, etc. Le fond de la question, c'est que cela coûtait trop cher et que cela coûte encore peut-être un peu trop cher. En tout cas, d'avoir réduit de pas loin de 40% le budget consacré au lieutenant-gouverneur, il me semble que ce n'est pas si mal pour une année.

Le député de Bonaventure, le chef de l'Opposition, se souviendra qu'il était entendu

qu'on attendrait, et il a fallu attendre - on est donc resté un peu dans l'incertitude pendant quelques mois - qu'on attendrait la fin, par un minimum de décence ou de courtoisie, la fin du mandat de M. Jean-Pierre Côté avant de finaliser les choses. Puis, est intervenue cette discussion avec le premier ministre fédéral et on a trouvé un compromis qui nous semblait acceptable de part et d'autre.

M. Rivest: Sur la désignation du successeur de M. Côté, est-ce que depuis le mois de juin 1983, il y a eu, pour désigner M. Lamontagne, avec le premier ministre du Canada des consultations usuelles, c'est-à-dire qu'on vous a soumis des noms ou que vous avez donné votre avis?

M. Lévesque (Taillon): Non, très peu. M. Rivest: Non, très peu.

M. Lévesque (Taillon): Je vous donne une impression. C'est arrivé à la dernière minute - cela devenait un secret de polichinelle que M. Lamontagne était plus ou moins prédésigné - à peine une semaine avant sa promenade dans le tempête - M. Trudeau - j'ai eu l'impression que cela faisait partie des dossiers qu'il voulait régler avant de partir - m'a téléphoné pour me demander si je serais d'accord pour que ce soit M. Lamontagne, etc. Il y avait seulement un nom et on ne voyait pas de raison de s'opposer. La décision ne nous appartient pas et ce sont plutôt des formalités, ce genre de consultation, puisque, finalement, c'est à eux de décider.

M. Levesque (Bonaventure): Alors, pour le Bureau du lieutenant-gouverneur, s'il n'y a pas d'autres questions...

Le Président (M. Vaugeois): M. le chef de l'Opposition, seriez-vous intéressé à prendre connaissance de la lettre? C'est un beau document. M. Lévesque a dit qu'il avait écrit au premier ministre du Canada pour aborder la question. Je souhaiterais bien que la lettre soit déposée, surtout que je viens de la lire.

M. Lévesque (Taillon): Attends un peu que je la lise.

Le Président (M. Vaugeois): La lettre est claire.

M. Lévesque (Taillon): Cela correspondait à peu près à ce qu'on disait.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, nous passons au deuxième programme.

M. Levesque (Bonaventure): C'est...

Le Président (M. Vaugeois): Deuxième sujet.

M. Levesque (Bonaventure): Le deuxième sujet...

Le Président (M. Vaugeois): Ah! vous procédez par sujet.

Action intentée contre le journal La Presse

M. Levesque (Bonaventure): Si je retourne au journal des Débats, simplement pour vider ces questions, je vois l'une des premières questions, sinon la première, qui avait été abordée à l'étude des crédits de 1983 avec le premier ministre était une mise en demeure au journal La Presse et qui aurait été suivie de très près d'une action qui aurait été prise par le premier ministre contre le journal La Presse. Je pense que cela avait affaire à une cause célèbre. Le premier ministre peut-il nous renseigner sur les développements dans cette affaire?

M. Lévesque (Taillon): Comment voulez-vous qu'on commence à vous renseigner? Sauf erreur, c'est devant les tribunaux.

M. Levesque (Bonaventure): Je comprends, mais...

M. Lévesque (Taillon): Les roues de la justice tournent à leur rythme normal.

M. Rivest: Vous n'avez pas fait de requête de façon que les causes soient entendues plus rapidement, compte tenu de l'importance, aux yeux du public et à votre...

M. Lévesque (Taillon): II y a eu des amorces de procédure, mais je ne sais pas exactement où c'est rendu.

M. Rivest: Vous n'avez pas demandé à vos procureurs de faire une demande au tribunal, étant donné l'importance de la cause, les enjeux, enfin, tous les problèmes qui sont soulevés par cela, l'impact que cet événement a eu sur l'opinion publique? Est-ce qu'il ne serait pas de l'intérêt, autant du premier ministre que du journal La Presse, que le premier ministre prenne l'initiative de demander que la cause soit entendue et non pas qu'elle suive le rôle normal? On sait que, malheureusement, l'administration de la justice au Québec est très lente, malgré les engagements que votre ancien ministre de la Justice avait pris pour accélérer les procédures.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que là il y a toutes sortes d'acteurs qui sont impliqués dans ces lenteurs...

M. Rivest: Vous avez le droit.

M. Lévesque (Taillon): ...y compris les tribunaux eux-mêmes. Enfin, je...

M. Rivest: Mais pourquoi...

M. Lévesque (Taillon): ...pense qu'il y a quand même la séparation des pouvoirs. Pour revenir au fond de la question, parce que les méchancetés du député de Jean-Talon, cela est l'accessoire...

M. Rivest: Cela ne s'adressait pas à vous.

M. Lévesque (Taillon): Pour revenir au fond de la question, il y a eu motion pour détail, comme on dit dans le jargon, et il y a eu jugement là-dessus. Cela suit son cours. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus?

M. Rivest: Mais pourquoi ne pas demander un procès plus rapide, que la cause ait préséance sur le rôle, d'une manière ou de l'autre? Vous n'y voyez pas d'intérêt? Parce que nous, je vais vous dire bien franchement - évidemment, dans la mesure où, comme parlementaire, cela contribuerait à lever le sub judice - on pourrait peut-être recouvrer nos droits parlementaires.

M. Lévesque (Taillon): Oui. Remarquez que l'on peut toujours y penser parce que cela permettrait, de nouveau, d'évoquer ce qu'avait été le saccage de la Baie James. Je trouve cela drôle, des fois, quand je lis dans les médias d'information que j'aurais été impliqué, avec certains membres de mon entourage, dans le saccage de la Baie James. Le saccage de la Baie James, c'était vous. C'était un des héritages de "vos" six années, qui nous ont menés... Vous étiez au courant un petit peu parce que vous étiez quand même...

M. Rivest: Je n'étais pas là-dedans.

M. Lévesque (Taillon): ...dans le sérail! Quand c'est arrivé, c'était vraiment une retombée d'une terrible, d'une effroyable administration de tout le domaine de la construction, qui, d'ailleurs, a amené très rapidement - parce qu'il fallait bien, on était acculé au pied du mur - la commission Cliche. Nous avons hérité de cela, et c'est à partir des retombées de ce saccage, qui était arrivé avant notre arrivée au gouvernement, qu'il a fallu voir comment on pouvait arriver à un règlement. D'accord, cela a dégénéré en ce que l'on sait, parce que vous vouliez bloquer la nomination du président de l'Assemblée nationale. Alors, on vous a offert une commission parlementaire, qui devait durer, dans notre esprit, en tout cas - c'est comme cela qu'on l'avait compris -quelques jours, et vous avez trouvé bon de l'étirer aussi longtemps que possible. Finalement, s'est enchaînée là-dessus, comme vous le dites, une mise en demeure et c'est maintenant quelque chose devant les tribunaux. Alors, est-ce qu'on peut penser de demander d'accélérer? Peut-être.

M. Rivest: Peut-être?

M. Lévesque (Taillon): Je ne l'exclus pas. Pour l'instant, je ne vous donnerai pas de réponse additionnelle.

M. Rivest: Mais, M. le premier ministre, dans la mesure où vous avez fait des déclarations là-dessus, auxquelles vous attachez une très grande importance, je pense que ce serait non seulement dans l'intérêt public, au sens le plus large, mais aussi dans l'intérêt particulier et personnel que vous avez là-dedans, et aussi dans l'intérêt de la Presse, que ce débat soit vidé le plus rapidement possible.

M. Lévesque (Taillon): Je n'aurais pas...

M. Rivest: Et la procédure vous permet de demander d'être entendu par préséance.

M. Lévesque (Taillon): Oui, je n'aurais pas la moindre objection sauf que, entre nous, il y a d'autres...

M. Rivest: Pardon?

M. Lévesque (Taillon): Je dis que je n'aurais pas la moindre objection sauf que, entre nous...

M. Rivest: Oui.

M. Lévesque (Taillon): ...je veux bien qu'on rebrasse le passé, y compris celui du Parti libéral, mais, franchement, on verra dans le temps comme dans le temps. Entre-temps, je vais y penser. D'accord?

M. Levesque (Bonaventure): Mais chose certaine, c'est que, pendant que le premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): On a d'autres sujets, actuellement, qui nous préoccupent davantage.

M. Levesque (Bonaventure): ...y pense, M. le Président...

M. Rivest: II y a des gens qui ont des doutes. (11 h 30)

M. Levesque (Bonaventure): ...il existe un fait, c'est que toute cette question a pris la voie du sub judice. Si c'était un cas

unique, mais il semble que ce soit une sorte de procédure qui va devenir assez générale. Là, on est dans le sub judice pour le saccage de la Baie James, on est dans le sub judice pour la question de la SHQ, avec les nouvelles procédures qui ont été prises par l'ancien ministre de la Justice et leader du gouvernement, par le chef de cabinet du premier ministre, et, finalement, ce que nous remarquons, c'est que vous ne prenez pas avantage, qu'on sache, à moins que vous nous contredisiez, de la procédure civile qui vous permet de demander, par exemple, qu'une cause soit entendue en préséance et vous n'exigez même pas - apparemment, du moins - si vous me contredisez, je vais écouter avec grande attention - que les délais prévus par le code de procédure soient respectés. Ce n'est pas parce que c'est inédit. C'est que, souvent, l'on voit que les avocats n'exigent pas que les délais soient respectés d'une façon rigide.

Dans un cas comme celui-là, où nous sommes dans des questions très publiques et qui sont un peu différentes à causes des personnages impliqués, comment se fait-il que vous ne preniez pas avantage ou que vous ne donniez pas les instructions à vos procureurs de faire en sorte qu'on dispose de ces causes le plus rapidement possible?

M. Lévesque (Taillon): Encore une fois, pour la nième fois - cela me fait penser à une certaine commission parlementaire - il me semble que les délais, autant qu'on sache, sont respectés. On n'a pas fait de demande de préférence. Peut-être qu'on pourra y penser. Que voulez-vous que je vous dise de plus?

J'ai toujours un peu de méfiance quand j'arrive sur ce terrain parce qu'on ne sait jamais où se trouve la pelure de banane.

M. Rivest: Mais là c'est un article du Code de procédure civile. Ce n'est pas glissant bien gros et cela fait accélérer les causes.

Le Président (M. Vaugeois): Que dit-il, pour notre information, cet article?

M. Rivest: On peut faire une requête au tribunal simplement pour demander qu'une cause, pour des motifs sérieux, soit entendue plus rapidement qu'une autre.

M. Lévesque (Taillon): Oui.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Champlain, vous avez quelque chose sur le même sujet?

M. Gagnon: Sur les dépenses du lieutenant-gouverneur. Est-ce possible?

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous permettez qu'un député de la majorité s'inquiète de la question?

M. Gagnon: Je présume que...

M. Levesque (Bonaventure): II me semble qu'il aurait été normal que, lorsque nous avons discuté de cette question...

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez raison.

M. Levesque (Bonaventure): ...on en ait parlé. On a même invité des gens qui n'étaient pas ici à venir. Je pense qu'on a d'autres sujets à aborder, M. le Président, à ce moment-ci.

M. Gagnon: M. le chef de l'Opposition...

M. Levesque (Bonaventure): À moins que ce soit une question très courte.

M. Gagnon: Je présume que ce ne sera pas long. C'est pour mon éclairage et j'ai aussi le droit, comme membre de cette commission, d'avoir des informations.

Je vois que pour le Bureau du lieutenant-gouverneur il y a une somme de 312 000 $, je pense, soit une variation de 36%, une diminution de 36%. Ce programme vise à permettre au lieutenant-gouverneur d'assurer les fonctions qui lui sont dévolues par la loi. Est-ce que ces 312 000 $ sont pour du personnel? Et, quand on parle de fonctions du lieutenant-gouverneur, est-ce qu'on peut résumer ces fonctions pour 312 000 $? Est-ce que c'est du personnel à son bureau? Est-ce que c'est en plus de la résidence?

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, l'essentiel de ce que cela représente... Bien, les fonctions du lieutenant-gouverneur sont les signatures, sanctionner des projets de loi, faire certaines présences protocolaires. Enfin, j'avoue humblement que cela pourrait tenir dans une feuille de papier, je pense bien.

L'essentiel des changements, pour ce qui est des chiffres, c'est que le personnel permanent - il y avait un occasionnel qui est encore là - comprenant et le bureau et la résidence, est passé de quinze à sept personnes. De ces sept personnes, il y en a deux maintenant au lieu de ce qu'il y avait avant, onze, qui sont attachées à la résidence. Les autres font partie normalement du personnel de cabinet du lieutenant-gouverneur.

M. Gagnon: Vous voulez dire que dans l'effort de compression qui se fait régulièrement, on pourrait éventuellement voir ces sommes diminuer, comme on le fait, par exemple, dans d'autres secteurs?

M. Lévesque (Taillon): Ah oui! Il n'y a absolument rien qui exclue cela. Les compressions, cela peut passer par là.

M. Gagnon: Sans mettre la population en danger.

M. Lévesque (Taillon): Je ne pense pas que cela mettrait la patrie en danger, en aucune façon.

M. Gagnon: Ce ne serait pas considéré comme un service essentiel, quoi?

Une voix: Ah oui!

M. Lévesque (Taillon): Constitutionnel-lement, je pense bien que ça l'est tant qu'on est dans le régime actuel.

Le Président (M. Vaugeois): La réponse, c'est oui.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre est-il au courant - on revient sur cette question - que, lorsqu'on parle des dépenses somptuaires... Je lisais justement et je vais citer la Presse du 6 mars: "Le Manitoba offre pour sa part un manoir de 34 pièces à son lieutenant-gouverneur et la Colombie britannique...

M. Lévesque (Taillon): Au Manitoba, vous savez, il se passe toutes sortes de choses là.

M. Levesque (Bonaventure): ...un petit château de 102 pièces. Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse offrent toutes deux des résidences deux fois plus grandes que celle du Québec." Alors, peut-être que ce serait bon que ce soit au moins entré dans le dossier.

M. Lévesque (Taillon): II faudrait que je revérifie.

M. Levesque (Bonaventure): Je prends la parole du journal La Presse que vous connaissez bien.

M. Rivest: C'est la Presse.

M. Lévesque (Taillon): Oui, justement. J'étais en Colombie britannique...

M. Levesque (Bonaventure): Et cela vient du correspondant d'Ottawa,

M. Lévesque (Taillon): ...il y a trois ans à peu près où on avait une rencontre des premiers ministres des provinces, comme chaque année. Le château dont vous parlez, ou dont parle la Presse, soi-disant, de 102 pièces est en fait un vaste édifice provincial où le lieutenant-gouverneur a une petite suite de bureaux - c'était comme cela, en tout cas, quand on y est allé - et se loge en ville comme n'importe quel autre citoyen. Tout ce qu'il a dans cet édifice, où on a eu des réceptions offertes par le gouvernement de la Colombie britannique pour nous expliquer toute une série de choses, c'est une sorte d'édifice administratif provincial, admirablement situé, à l'intérieur duquel - à ce moment-là, en tout cas - il y avait deux ou trois bureaux pour le lieutenant-gouverneur. Alors, il ne faut pas charrier.

M. Levesque (Bonaventure): Dans les...

M. Lévesque (Taillon): Pour autant que je sache, l'Ontario, qui est la plus grande province au point de vue de la population et au point de vue du poids budgétaire, en Ontario, si cela n'a pas changé, le lieutenant-gouverneur se loge. La province donne un coup de main pour le logement, mais il se loge lui-même et il a un certain nombre de bureaux, c'est tout. Alors, cela dépend des provinces.

M. Levesque (Bonaventure): Oui. Évidemment, c'est...

Le Président (M. Vaugeois): Si vous me le permettez, M. le chef de l'Opposition, je rappellerai que la lettre qu'adressait M. Lévesque à M. Trudeau en avril 1983 disait bien: "L'an dernier, lors de l'étude à l'Assemblée nationale des crédits budgétaires relatifs au Bureau du lieutenant-gouverneur, j'ai fait part de l'intention du gouvernement d'étudier attentivement les moyens que nous pourrions prendre pour réduire, là comme ailleurs, la dépense des fonds publics. À la suite de cet engagement, nous avons analysé les dépenses encourues à cet égard par les autres provinces - donc, cela a été fait - et nous avons conclu que le meilleur moyen d'obtenir le résultat recherché était de cesser de mettre une résidence à la disposition du lieutenant-gouverneur, suivant ainsi l'exemple de l'Ontario et de la Saskatchewan." Cela ne clarifie pas tout, mais en tout cas.

M. Lévesque (Taillon): Oui, c'est vrai. Ah non!

M. Rivest: Ce n'est plus vrai, de toute façon, cette lettre-là.

M. Lévesque (Taillon): Plutôt que de tourner en rond autour de cela sans arrêt, cela me paraît encore que cela aurait peut-être été la meilleure façon de le faire. L'essentiel, c'était de réduire les dépenses parce qu'avec deux personnes et une assez grande maison, il faudra que le lieutenant-gouverneur actuel se débrouille. Je ne sais pas si Ottawa lui donnera un coup de main

pour maintenir le train de vie, mais, enfin, ce n'est pas notre problème.

M. Levesque (Bonaventure): ...il me semble que c'était court votre affaire.

Le Président (M. Vaugeois): M. le chef de l'Opposition.

M. Lévesque (Taillon): J'essaie d'être le plus court possible.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Champlain, allez-y.

M. Gagnon: On a parlé de châteaux à la disposition des lieutenants-gouverneurs dans d'autres provinces. Quel est le château que nous offrons? On a parlé de 102 pièces à certains endroits. Notre château...

M. Rivest: C'est modeste, c'est dans le comté de Jean-Talon.

M. Gagnon: ...qu'on offre au lieutenant-gouverneur, c'est quoi, comparativement?

M. Rivest: C'est une ancienne maison privée.

M. Gagnon: D'une valeur de?

M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas l'évaluation. Vous pouvez peut-être faire le calcul. J'avais les taxes. C'est...

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez donné 26 000 $ tout à l'heure en tout.

M, Levesque (Bonaventure): Le premier ministre ne s'est-il jamais rendu là, quoi?

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Levesque (Bonaventure): Oui? Alors...

M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas compté les pièces. Je me serais senti indiscret. C'est 3640 $ par année de taxes.

Le Président (M. Vaugeois): Cela ne fait pas une grosse résidence à Québec.

M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas énorme.

M. Rivest: Dans Jean-Talon...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si on me le permet maintenant...

Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui.

Manifeste sur l'avenir politique du Québec

M. Levesque (Bonaventure): ...dans l'autre sujet qu'on avait discuté l'an dernier et qui me semble avoir encore été mis à l'ordre du jour par le premier ministre, après avoir été en veilleuse, c'est ce qu'on appelle ici l'avenir politique du Québec, mais, lorsque l'on regarde à l'intérieur des propos, il s'agit toujours de l'option indépendantiste, séparatiste du gouvernement actuel. À cet effet, je ne suis pas sans suivre le débat politique qui se fait beaucoup à l'intérieur des instances du parti du premier ministre. Il est question maintenant d'un manifeste, préparé conjointement par le Conseil des ministres et l'Exécutif du Parti québécois. Est-ce que le premier ministre pourrait nous donner des renseignements sur ce fameux manifeste? Où en est-on maintenant?

M. Lévesque (Taillon): Où on en est? On en est à ceci: c'est que, très récemment, en février, au moment où on a senti que la reprise économique s'accentuait, on s'est rendu compte que pendant tout l'essentiel des trois dernières années, depuis les élections de 1981, on n'avait pas eu le loisir de reprendre un peu le chemin, le bâton du pèlerin, comme dirait l'autre, pour aller expliquer de notre mieux et "pousser", entre guillemets, de notre mieux notre option politique fondamentale, qui est la souveraineté du Québec et, éventuellement une offre d'association, le jour venu, au reste du Canada.

La décision a d'abord été prise, après discussion, par le Conseil des ministres, ensuite, par le caucus ministériel. Finalement, cela s'est répercuté à l'intérieur du parti, comme le dit le député de Bonaventure, c'est-à-dire qu'il y a eu des congrès. On a régulièrement des congrès. À la veille d'un congrès national qui doit avoir lieu à Montréal au mois de juin, on a des congrès régionaux en particulier et c'est devenu, à toutes fins utiles, l'unanimité que, désormais, c'est-à-dire pendant le temps qui reste jusqu'aux prochaines élections, y compris les prochaines élections, le premier sujet d'action politique, de persuasion politique auquel on doit revenir - et cela presse - c'est cette option qui, quant à nous, demeure la solution la meilleure pour l'avenir collectif du Québec, en particulier du Québec français.

Il est évident que, comme gouvernement, on doit continuer - et on le fait -comme on l'a fait avant la crise, comme on l'a fait pendant la crise et, d'arrache-pied, comme on le fait maintenant, de nous occuper de développement économique - en ce moment, le mot à la mode, c'est relance de relance économique par tous les programmes qu'on peut mettre sur pied et qui donnent des résultats. Cela reste la préoccupation presque exclusive du gouvernement, sauf les choses qu'on ne peut prévoir et qui arrivent, mais au point de vue politique, au point de vue de notre action politique comme parti, il est entendu que le

premier sujet, le sujet qui est, au fond, la raison d'être de notre parti, doit revenir en surface et très activement.

Pour aider, non pas à changer le fond de la question... Vous savez, chez tous les peuples normaux, la souveraineté et l'indépendance, cela veut dire la même chose et cela veut dire la même chose pour nous, mais il y a eu une évolution des esprits. La crise elle-même nous a donné des leçons, je pense, à tout le monde, la crise qu'on vient de traverser. Dans ce contexte, il y a une sorte de remaniement de la présentation ou du discours qui nous paraît s'imposer. Alors, cela va prendre la forme d'un manifeste.

Ce manifeste est à l'ébauche, évidemment, une ébauche qui devrait, fin avril, début mai, aboutir à un texte - on sait ce que c'est qu'un manifeste - pas trop long, autant que possible ajusté à la conjoncture et qui nous servirait de discours central en ce qui concerne le travail de persuasion qu'on doit essayer de faire.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le manifeste est fait en vue du congrès du Parti québécois du mois de juin?

M. Lévesque (Taillon): Si possible. Oui, ce serait bon qu'il soit expédié à notre congrès. Je pense que c'est normal dans n'importe quel parti démocratique, mais s'il est prêt.

M. Levesque (Bonaventure): S'il est préparé non seulement par l'Exécutif du parti, mais également par le gouvernement, est-ce à dire que le gouvernement finance la préparation de ce manifeste?

M. Lévesque (Taillon): II n'y a pas de financement là-dedans. C'est normal... Écoutez, il y a des cabinets politiques - vous en avez aussi à l'Opposition - où il y a des gens qui font de la politique. Alors, c'est la même chose au gouvernement. Il ne s'agit pas d'impliquer là-dedans des fonctionnaires ou l'administration publique, mais chose certaine, c'est qu'après sept ans et plus maintenant d'expérience gouvernementale, de connaissance des dossiers, il serait complètement baroque qu'on ne se serve pas de cette expérience acquise pour enrichir notre pensée et notre analyse des faits qui sont pertinents.

Alors, cela se fait forcément à partir d'un certain nombre de gens qui sont dans les cabinets politiques et qui, par conséquent - ce n'est pas pour rien qu'ils s'appellent cabinets politiques - sont autorisés à réfléchir politiquement. C'est la contribution essentielle qu'on peut faire à ce niveau.

M. Levesque (Bonaventure): Je dois conclure des propos du premier ministre qu'il n'y a pas de fonctionnaires, de contractuels ou d'autres qui sont payés par le gouvernement.

M. Lévesque (Taillon): Des contractuels dans un cabinet politique, c'est possible. Après tout, c'est admis, c'est autorisé, mais au point de vue des fonctionnaires, non. Que je sache, non.

M. Levesque (Bonaventure): Et il n'y a aucuns fonds publics en dehors des budgets des cabinets utilisés à ces fins. (11 h 45)

M. Lévesque (Taillon): Absolument pas.

M. Levesque (Bonaventure): Ni même aux affaires intergouvernementales, c'est-à-dire aux affaires canadiennes?

M. Lévesque (Taillon): Non. Bien, en ce moment, quand même qu'on imaginerait des choses comme cela, vu qu'il y a tout un va-et-vient qui se fait pour mettre en ordre, d'une part, les Relations internationales et, d'autre part, les Affaires intergouvernementales canadiennes, même le cabinet ne contribue pas beaucoup, jusqu'à nouvel ordre, parce qu'on est en train de mettre les affaires en ordre.

M. Levesque (Bonaventure): Je me permets une parenthèse puisque le premier ministre a parlé de mettre de l'ordre là-dedans. N'est-il pas exact que le premier ministre avait dit, il y a un an environ, qu'il ne s'agissait là que d'une question de rodage entre les ministres Jacques-Yvan Morin et Bernand Landry et que le Commerce extérieur et les questions du ministère des Affaires intergouvernementales, c'était simplement une question de rodage, qu'il n'y avait rien là?

M. Rivest: II y en a un qui s'est fait drôlement rodé.

M. Lévesque (Taillon): J'espérais que cela soit seulement une question de rodage, mais on a frappé le même genre de... Pardon?

Le Président (M. Vaugeois): "Ridé", tu veux dire.

M. Lévesque (Taillon): ...de difficulté qui s'est vue ailleurs. À Ottawa, je pense que cela fait deux ou trois fois qu'on change de place l'"External Trade"; la même chose en France. Dans la plupart des pays que je connais, qui sont assez proches de nous pour qu'on puisse suivre ce qui se passe, c'est assez difficile d'ajuster ces nouvelles... C'est relativement nouveau partout l'idée du

commerce extérieur comme une responsabilité ministérielle.

Donc, comment coordonner les relations internationales ou extérieures de façon générale? Il y a dans cela de la coopération, qui n'est pas uniquement, exclusivement, économique, il y a des préoccupations culturelles, il y a forcément des préoccupations politiques et il y a une sorte de prédominance qui s'est développée - avant la crise, c'était déjà un peu vrai, mais pendant la crise - pour les relations économiques. Alors, c'est ce qui nous a amenés à créer le ministère du Commerce extérieur, comme d'autres.

M. Levesque (Bonaventure): Mais, continuant ma parenthèse...

M. Lévesque (Taillon): Non, mais je reviens à l'essentiel de la question: pour ajuster cela, ce n'est pas tellement une question d'hommes, je ne pense pas. Cela finit toujours par marquer tout le monde quand il y a des tiraillements. C'était aussi qu'il y avait deux groupes qui se formaient qui, tous les deux, étaient orientés vers l'extérieur: celui, traditionnel, des Affaires intergouvernementales et le nouveau groupe, tout le nouveau cabinet et le nouveau personnel reliés au ministère du Commerce extérieur. Or, cela a créé des tiraillements, je pense que c'est un secret de polichinelle. Puis, hélas, il a fallu prendre des décisions à un certain moment qui ont donné les résultats que vous connaissez au moment du remaniement récent.

M. Levesque (Bonaventure): Mais, continuant cette parenthèse, et c'est probablement la dernière question de la parenthèse, comment peut-on expliquer ce qui se passe? On a l'exemple de M. Jacques-Yvan Morin qui a été précédé de l'exemple de M. Pierre Marois, cette succession de démissions qui se font presque en fin de semaine, un soir ou à un moment donné. On n'a même pas le droit de les saluer avant qu'ils partent. Qu'est-ce qui se passe dans ce gouvernement que les ministres disparaissent en quelques minutes et c'est complété? Est-ce qu'il y a des tiraillements comme cela qui se poursuivent? Je pense que vous êtes rendu à avoir perdu une vingtaine de ministres depuis 1976, si je ne m'abuse. Qu'est-ce qui se passe?

M. Lévesque (Taillon): Si vous voulez, on reprendra...

M. Levesque (Bonaventure): Oh! Excusez.

M. Rivest: II n'y a que lui qu'on a pu saluer.

M. Lévesque (Taillon): ...l'évolution du gouvernement de M. Bourassa, de 1970 à 1976, pour voir combien il y en a qui ont filé...

M. Levesque (Bonaventure): Non, non.

M. Rivest: II y a M. Léger aussi... Nous, on n'en a pas perdu.

M. Lévesque (Taillon): C'est peut-être là que vous avez eu tort, mais enfin! Et aussi comment M. le député de Marguerite-Bourgeois, M. le député de Saint-Laurent vous ont quittés, et M. le député d'Outremont. Qu'est-ce que vous voulez, cela fait partie... Bien franchement, cela fait partie...

M. Levesque (Bonaventure): Ils ont quitté d'une façon normale et ils ont expliqué pourquoi ils quittaient. Ils l'ont fait à l'Assemblée nationale. N'est-il pas un peu surprenant ou un peu étonnant... II me semble que cela déroge un peu de la procédure ordinaire que les ministres disparaissent dans une nuit ou un matin, avant le déjeûner. Qu'est-ce qui se passe à ce moment?

M. Lévesque (Taillon): Quand quelqu'un a décidé qu'il a suffisamment fourni son apport à la vie publique, à l'administration publique, je ne vois pas pourquoi il s'éterniserait pour qu'on fasse une série de discours, comme j'en ai vus en Chambre, qui sont essentiellement "de mortuis nil nisi bonum".

M. Levesque (Bonaventure): Quelques jours avant le départ de ces deux ministres -prenons seulement ces deux-là - M. Marois, par exemple, arrivait d'Ottawa, il avait eu une entente extrêmement intéressante et fructueuse avec Mme Bégin. On a pensé que, pour une fois, il y avait eu d'excellentes relations fédérales-provinciales. Il avait l'air tout heureux. Deux jours plus tard, il n'est plus là. Dans le cas de M. Jacques-Yvan Morin, le premier ministre a fait son éloge et il avait tellement besoin de lui pour encore je ne sais combien de temps et cela, deux ou trois semaines avant que cela arrive. Tout d'un coup, il disparaît. On se dit: Qu'est-ce qui se passe dans ce gouvernement?

M. Lévesque (Taillon): Ce qui se passe, c'est que vient un moment où des gens... Dans le cas de M. Marois, il avait ses raisons et elles antécédaient son départ et, aussi, la rencontre qu'il avait eue avec Mme Bégin, qui, d'ailleurs...

M. Levesque (Bonaventure): J'écoute.

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je peux vous répondre rapidement?

M. Levesque (Bonaventure): J'écoute.

M. Lévesque (Taillon): Non, le départ de M. Marois, je pouvais le prévoir depuis un certain temps pour des raisons qui lui appartiennent et qui n'ont rien à voir avec les questions que peut poser le chef de l'Opposition. C'est vrai qu'à la toute dernière minute il y a eu une rencontre assez fructueuse qui brisait un peu la glace avec Mme Bégin, son homologue fédérale. D'ailleurs, cela a continué puisque, avec la successeure de M. Marois, qui est Mme Marois, cela a fini par se concrétiser par une entente. Il y avait d'autres raisons pour lesquelles M. Marois - après tant d'années d'action politique et d'administration publique, pendant presque sept ans au gouvernement - a découvert qu'il voulait s'en aller. Qu'est-ce qu'il y a d'anormal que des gens partent à l'occasion?

M. Levesque (Bonaventure): Comment se fait-il...

M. Lévesque (Taillon): On dit que c'est souvent plus difficile de sortir de la politique que d'y entrer. Que des gens donnent l'exemple à l'occasion quand ils croient que le moment est arrivé, pourquoi pas?

M. Levesque (Bonaventure): II y a deux façons: il y a les ministres qui disparaissent d'une façon assez saugrenue, puis il y a les chefs de cabinet qui démissionnent et qui restent. Alors, cela fait curieux.

M. Lévesque (Taillon): Je ne vois pas pourquoi vous faites ce genre de remarque.

M. Levesque (Bonaventure): C'est parce que là on a le temps de lui dire bonjour, le temps de le saluer un peu, tandis que dans le cas des autres ministres ils sont partis sans même revenir en Chambre.

M. Lévesque (Taillon): S'ils passent faire un tour, j'appellerai le chef de l'Opposition et on s'arrangera pour les rencontrer. Quand même!

Le Président (M. Vaugeois): Que le chef de l'Opposition en profite pour saluer et être amical avec ceux qui sont restés, comme mon collègue Marcel Léger et moi.

M. Rivest: On pourrait vous interroger, M. le premier ministre, sur le remplacement de M. Boivin. J'ai toujours l'habitude d'avoir un candidat et j'aimerais voir M. Simard. Est-ce que c'est une bonne suggestion?

M. Lévesque (Taillon): De toute façon,

Me Boivin et moi, on s'est entendu -probablement dans les semaines qui suivront l'intersession pascale - pour se consulter et on verra la suite.

M. Rivest: M. le premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): Je dois vous dire une chose, c'est que je ne trouve pas cela facile du tout de penser à le remplacer. Que voulez-vous, il le faut bien'.

M. Rivest: M. le premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): Je retiens la suggestion du député de Jean-Talon.

M. Rivest: Merci, et M. Simard l'appréciera, j'en suis sûr. M. le premier ministre, je voudrais revenir quand vous nous avez parlé - après cette parenthèse - de l'option et de la démarche que poursuivent actuellement et le gouvernement, et le Parti québécois - il semble que ce soit un peu la même chose. En réponse aux questions du chef de l'Opposition, vous avez indiqué qu'en aucune manière les fonctionnaires ou l'appareil administratif de l'État ne contribuerait ou ne participerait d'une façon ou de l'autre à étayer ou à articuler la thèse de la souveraineté ou de l'indépendance véhiculée par le Parti québécois.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que je peux dire cela, oui. Autant que je sache, il n'est pas question d'aller chercher dans l'administration publique permanente des gens qui vont s'embarquer dans des travaux partisans.

M. Rivest: Parce que le...

M. Lévesque (Taillon): II y a les cabinets politiques qui sont là pour cela.

M. Rivest: Oui, la dernière... Dans les années 1979-1980 qui ont précédé le référendum, il y avait eu - vous vous le rappellerez, M. le premier ministre - toute une série d'études, de monographies qui avaient été payées par les fonds publics, dont l'objet portait essentiellement sur l'articulation de la thèse de l'association, les travaux sur l'union monétaire, et cela avait été fait à même les fonds publics.

M. Lévesque (Taillon): Non, je m'excuse. Il faudrait revenir en 1979-1980 et essayer de vérifier tout cela en détail, si vous y tenez. De mémoire, ce que je peux dire - je pense que vous vous référez en particulier à des sondages qui avaient été faits ou des études...

M. Rivest: Non, M. le premier ministre. J'en ai une valise pleine ici d'études: la

sensibilité des industries au commerce interrégional, le cas du Québec, l'union monétaire qui avait été payée par le ministère des Affaires intergouvernementales.

M. Lévesque (Taillon): Attendez un peul Passez-le-moi une seconde pour que je puisse...

M. Rivest: Attendez, celui-là n'est peut-être pas le meilleur.

M. Lévesque (Taillon): Non, juste une seconde.

M. Rivest: Les expériences d'intégration économique.

M. Lévesque (Taillon): Oui, n'essayez pas d'escamoter le sujet.

M. Rivest: Peut-être celui-là, si vous voulez?

M. Lévesque (Taillon): On est dans un régime fédéral. Écoutez, cela va suffire comme cela.

M. Rivest: L'union monétaire, les monnaies nationales.

M. Lévesque (Taillon): On a beau être des provinciaux, M. le député de Jean-Talon... Le régime a fait de nous des provinciaux, c'est vrai, mais il n'est pas nécessaire de faire semblant qu'on n'appartient pas au monde qui évolue autour de nous.

M. Rivest: Oui...

M. Lévesque (Taillon): II y a des unions économiques qui se sont développées dans le monde. Je pense que le Québec a intérêt à être au courant de tout ce qui se passe dans le monde. On est dans un régime fédéral; on sait qu'il y a une centralisation non seulement constitutionnelle, mais économique qui s'est développée du côté d'Ottawa, surtout dans les derniers milles du régime de M. Trudeau. C'était déjà largement entamé avant les années 1979 et 1980. Qu'il y ait des gens qui aient étudié la sensibilité des industries au commerce interrégional, le cas du Québec, de l'Ontario et du reste du Canada, quelques expériences étrangères d'intégration économique... On n'est pas obligé, même dans un gouvernement provincial, de rester des primaires qui ignorent ce qui se passe dans le monde, parce que cela peut affecter notre propre évolution. Quand même!

M. Rivest: M. le premier ministre, comme par hasard, dans le document - c'est un document qui est collé directement à votre option - ces études et ces monographies, qui ont peut-être une perspective plus large, j'en conviens, se traduisaient d'une façon précise dans un document qui émane du Conseil exécutif, payé par le gouvernement, collé - vous en conviendrez, M. le premier ministre - sur la thèse du Parti québécois. On parlait de la libre circulation des marchandises, de l'union monétaire, de la libre circulation des personnes; les domaines d'harmonisation auxquels ces monographies se référaient: le conseil communautaire, la commission d'experts, la cour de justice, l'autorité monétaire. À l'époque, M. Ryan avait fait ce débat - vous vous le rappellerez - ce n'est pas un débat qui est neuf. Quand vous nous dites que le Parti québécois et le Conseil des ministres vont préparer un manifeste auquel a référé le chef de l'Opposition, nous - parce qu'il y a quand même des Québécois qui ne sont pas d'accord avec vous et qui paient des taxes au gouvernement du Québec - n'avons aucune espèce d'objection à ce que le Parti québécois défraie, articule, réfléchisse son option et essaie de trouver un nouveau langage et un nouveau discours, mais c'est une différence considérable, à notre point de vue - et c'est la question que je pose - que les fonds publics participent à cette activité, qui est encore, jusqu'à nouvel ordre, l'option sans doute légitime d'un parti polique. C'est cela la différence.

M. Lévesque (Taillon): Qu'on se soit inspiré de toutes les études existantes, de toute l'expérience acquise en 1980 pour le référendum, qui était un moment très officiel - c'est le gouvernement du Québec qui proposait ce référendum - en fonction d'une loi du Québec, la Loi sur la consultation populaire, et que, par conséquent, émanant du Conseil exécutif, comme de l'Opposition qui s'était regroupée sous la bannière du "non", vienne officiellement un texte comme celui qui a été notre texte de base au moment du référendum et que cela ait été inspiré de toutes les études existantes, je ne vois rien là qui ne soit pas normal. Il s'agissait d'un référendum organisé en fonction des lois du Québec. C'était parfaitement orthodoxe de se servir de tout ce qui pouvait être disponible pour essayer de mettre ensemble ce texte de base qui a servi à véhiculer la position du "oui".

M. Rivest: M. le Président - le premier ministre sait qu'on ne s'entendra peut-être pas là-dessus - le premier ministre exprime son point de vue, nous exprimons le nôtre; on le réitère. Deuxième élément de la question: Vous avez, dans vos déclarations comme premier ministre et comme président et chef du Parti québécois, repris récemment le thème - d'une façon un peu plus publique,

non pas que vous l'ayez abandonné en cours de route - de l'indépendance. Vous nous avez dit et vous avez dit à la presse qu'à l'intérieur du manifeste vous essaieriez de trouver un nouveau discours qui, d'après ce que j'ai vu dans les journaux, collerait plus, tel l'indépendance, instrument - selon vous -de développement économique du Québec, et tout cela. Est-ce qu'il y a, dans votre esprit et dans l'esprit du Conseil des ministres, des changements profonds au niveau de l'option en tant que telle? Une fois qu'on a dit souveraineté et indépendance et qu'on évoque, comme vous l'avez fait, d'ailleurs, tantôt, les possibilités d'association, est-ce que la formule proposée - je sais que vous allez probablement me parler de plomberie... Lorsque vous avez fait l'exercice référendaire et même pour vos militants à qui vous allez présenter un manifeste, vous disiez, à la page 59 du document: La Nouvelle Entente Québec-Canada - les mots ont changé un peu, c'est probablement l'évolution normale des choses - que, pour qu'elle soit bien comprise, la formule proposée par le gouvernement du Québec, etc., comporte la souveraineté, c'est-à-dire les lois, les impôts, le territoire, la citoyenneté, les minorités, les tribunaux, etc., et, deuxième volet, l'association qui était articulée en noir sur blanc: domaine de l'action commune, libre circulation des marchandises, union monétaire - pour en prendre un peut-être plus visible - et on lisait ceci: Le dollar sera maintenu comme seule monnaie ayant cours légal et les avoirs liquides, etc. Substantiellement, ce n'était pas de la plomberie, c'était au coeur de l'option parce que vous nous avez dit: pour qu'elle soit bien comprise. (12 heures)

Or, actuellement et même face à votre congrès et face à l'opinion publique surtout qui vous suit et qui suit évidemment avec intérêt la démarche que vous suivez personnellement et que le gouvernement suit, est-ce que ce document et l'articulation de la formule de la souveraineté-association et de ses éléments essentiels - je parle des pages 59, 60 et 61 - cela tient encore ou si cela peut être remis en cause dans ses éléments essentiels, les domaines de ce que vous appelez l'action commune: premièrement, la libre circulation des marchandises; deuxièmement, l'union monétaire; troisièmement, la libre circulation des personnes et les domaines d'articulation, c'est-à-dire les institutions, est-ce que cela tient encore?

M. Lévesque (Taillon): Je ferais une sorte de tout petit préambule. Je lisais récemment - je ne l'ai pas apporté parce que cela ne me paraissait pas nécessairement pertinent - la position du Parti libéral provincial, et provincial, Dieu sait! devant la commission Macdonald. Je lisais aussi certaines déclarations de M. Bourassa, le chef libéral, disant des choses aussi invraisemblables que: Nous allons chercher les moyens. Autrement dit, nous voulons signer les accords constitutionnels, ceux de 1981, si j'ai bien compris, c'est-à-dire les accords auxquels le Québec n'a pas participé parce que c'était réduire les pouvoirs du Québec, c'était littéralement empiéter sur des domaines, de façon absolument sans précédent, des domaines de juridiction québécoise.

Le chef libéral dit: On va chercher les moyens - il ne sait même pas comment - de signer ces accords constitutionnels qui ont diminué de façon dramatique les pouvoirs, les juridictions et les droits du Québec. Je me dis: Vous pouvez essayer de voir la paille dans l'oeil du voisin, mais, pour l'amour du ciel, dans l'intérêt public, est-ce que vous ne pourriez pas voir la poutre qui est dans le vôtre et commencer à être clair?

M. Rivest: Sauf qu'on n'est pas en...

M. Lévesque (Taillon): Parce que c'est quand même l'intérêt du Québec qui est impliqué.

Cela dit, dans notre cas aussi, on le sait très bien, il y a deux options légitimes -et il peut y avoir des nuances - qui sont devant la population du Québec, essentiellement aussi de la nation française que nous constituons ici. Il y a le fédéralisme renouvelé, pas renouvelé, évolutif, pas évolutif, de plus en plus évoluant vers la centralisation. Cela, c'est une option et puis il y a l'option de s'appartenir normalement comme tous les peuples, enfin, à peu près tous les peuples le moindrement cohérents, consistants dans le monde d'aujourd'hui. Vous vous arrangerez avec votre parti, mais, entre nous, elle baigne dans un flou qui est plutôt inquiétant depuis un bon bout de temps.

Dans notre cas, quand on dit qu'on va réévaluer notre discours, il n'est pas question de réévaluer le fond même de la question. Il s'agit, quand je dis de s'appartenir convenablement, en termes de profane, cela veut dire la souveraineté. Là, il y a des choses à réévaluer, c'est sûr, et je n'appelle pas cela de la plomberie parce qu'il faut aller le plus clairement possible devant nos concitoyens. J'espère que le manifeste va nous aider à faire cela et la suite... Par exemple, est-ce qu'on doit réévaluer - on l'a déjà fait - la question de l'association avec le reste du Canada? On l'avait mise de bonne foi un peu comme une chose qui allait de soi. Or, je me souviens que certains de mes éminents homologues du reste du pays, à commencer par Bill Davis, de l'Ontario et, à l'époque, M. Blakeney, de la Saskatchewan, qui était premier ministre à ce moment-là,

sont venus au Québec, d'une façon que je trouve inqualifiable, sans avoir consulté personne, bien sûr, pas plus que M. Trudeau quand il a "railroadé" ses changements, sans aucune consultation démocratique, quelle qu'elle soit, ils sont venus dire aux Québécois pendant la campagne référendaire, invités par les messieurs du comité du "non": Vous savez, espèces de minoritaires que vous êtes et colonisés jusqu'au trognon - on voyait très bien ce que cela voulait dire dans leur esprit - l'association, vous pourrez toujours vous la fourrer quelque part - excusez l'expression - mais vous ne l'aurez pas. Cela nous a forcés à réévaluer certaines choses. Cela reste une chose que je crois inévitable le jour où le Québec prendrait sa décision dans le sens qui, pour nous, serait positif de devenir un État souverain que, comme il y a les Maritimes qui seront toujours là d'un côté et l'Ontario de l'autre et si le Canada anglais veut éviter de se disloquer, il y ait une forme quelconque d'association, mais c'est sûr qu'il va falloir réévaluer la façon de la présenter et cela fait partie, non pas de la plomberie, mais de choses essentielles. Quand je dis plomberie, c'est simplement que, pas plus que je demanderais au Parti libéral quelle va être sa stratégie électorale dans un an et demi ou quelque part par là, pas plus on est obligé, nous, de vous dire quelle serait notre stratégie électorale ou la façon d'y aller au moment où cela viendra.

M. Rivest: Excusez...

M. Lévesque (Taillon): Mais des choses aussi importantes que l'association éventuelle, la question monétaire, etc., il va falloir les traiter de nouveau, c'est sûr.

M. Rivest: Est-ce que - c'est cela que je veux bien comprendre - l'on doit comprendre qu'il est possible, dans l'évaluation que vous allez faire au moment de votre congrès et probablement comme gouvernement par la suite jusqu'à l'échéance électorale, est-ce qu'il est effectivement possible que le document que le gouvernement, s'il veut en faire la question centrale, présentera à la population soit un document qui sera substantiellement celui-ci, c'est-à-dire une association et les aspects essentiels de l'association, ou bien est-ce qu'il n'y aura pas du tout d'élément d'association qui sera proposé? Est-ce que cette réflexion pourrait aller jusque-là, que ce serait l'indépendance pure et simple? Les Québécois tiennent un peu à savoir cela.

M. Lévesque (Taillon): À notre congrès du mois de juin, c'est évident, comme c'est normal dans n'importe quel parti qui a une sorte de démocratie interne suffisante pour lui permettre - parfois, cela vieillit en cours de route - d'avoir une sorte de feuille de route qui propose à nos concitoyens, c'est-à-dire un programme écrit... Si le programme ne change pas, il prévoit en ce moment - le programme de notre parti - la souveraineté, bien sûr, c'est-à-dire l'acquisition de ce qu'on définissait déjà pour 1979 - 1980 et depuis que le parti existe, c'est-à-dire l'acquisition des pouvoirs essentiels d'un État qui prend ses propres décisions sans être manipulé de l'extérieur, et une offre d'association. Si le programme ne change pas, c'est évident qu'il faudra de nouveau définir, au moins dans ses grandes lignes, ce que serait cette offre. Si le programme ne change pas - je ne vois pas de raison qu'il change pour l'essentiel - il faudra travailler là-dessus, c'est sûr.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le premier ministre avait mis sur pied deux comités l'automne dernier. Il avait même fermé le Parlement tellement il avait attaché d'importance aux travaux de ces deux comités. L'un de ces comités était sur la question nationale. Le premier ministre nous avait dit qu'à la fin de l'année ou avant la fin de l'année - si ma mémoire est fidèle - le comité pourrait faire rapport. Est-ce que le comité a terminé ses travaux? Qu'attend-il dans ce cas-là pour faire rapport?

M. Lévesque (Taillon): II y avait deux comités, en effet. Celui qui a le plus intensément travaillé - pendant plusieurs semaines jusqu'au mois de novembre - c'est celui qui s'occupait de la reprise ou de la relance économique. Le moment nous semblait venu - on sentait que la reprise commençait à s'amorcer - parce qu'on avait littéralement travaillé comme des pompiers et essayé de mettre des filets de sauvetage en dessous du plus grand nombre...

M. Levesque (Bonaventure): ...

M. Lévesque (Taillon): Attendez un petit peu. J'ai quand même le droit de reprendre votre question pour donner les réponses qui me paraissent les plus indiquées. Ce ne sera pas très long. C'est ce comité qui a travaillé le plus fort. Au-delà de simplement des choses à court terme, à partir de l'expérience acquise pendant plusieurs années dans l'administration du gouvernement et à partir de la conjoncture telle qu'on la voyait se développer, on a essayé de bâtir, non seulement un plan à court terme, mais un plan qu'on peut appeler un plan de développement à partir de certaines lignes de force et de certaines urgences du développement du Québec. Je pense que les résultats sont en train de confirmer qu'on avait quand même utilement travaillé et qu'on avait bien fait de retarder de deux ou trois semaines - trois semaines,

un mois, je ne sais pas trop - la reprise parlementaire, qui n'en a pas souffert du tout, pour mettre au point cette feuille de route.

L'autre comité, qui était en fait un comité interministériel sur l'avenir national, qui était forcément un comité beaucoup plus politique au sens des options politiques qui sont dans le paysage. J'ai bien dit dès le départ qu'il n'y aurait pas de rapport en tant que tel, que ce comité ne serait - ah! oui, je m'excuse; écoutez, j'ai quand même une assez bonne mémoire! - pas appelé à faire rapport, que des choses émaneraient éventuellement de ce comité. Je donne un exemple simplement, c'est qu'au mois de mai il y aura une première étape d'une conférence ou d'un sommet - comme on dit dans le jargon courant - sur la présence internationale du Québec axée surtout sur la présence économique internationale qui se développe de plus en plus; une première étape, parce que je pense que cela devrait se répercuter l'automne prochain aussi - pas seulement au mois de mai de cette année, mais aussi l'automne prochain comme deuxième étape. C'est là un exemple. Il y a aussi eu des discussions autour de l'opportunité - entre nous, c'est encore pendant - d'une sorte de commission. Vous savez, vous avez la commission Macdonald -très politique Dieu sait'. - qui a été mise sur pied par le gouvernement fédéral et dont le mandat est essentiellement de voir à quel point on pourrait centraliser davantage les décisions économiques au Canada, ce qui nous paraît contre-indiqué dans l'intérêt du Québec.

Alors, il a été question - il peut encore en être question éventuellement - d'une commission qui serait, non pas une réplique de la commission Macdonald, mais qui serait un peu comme la commission Tremblay qu'il y a eu au Québec au moment où il y avait M. Raoul Sirois, par exemple. Autrement dit, qu'on aille voir à partir de nos données québécoises à quel point on devrait contrer éventuellement cette tendance que non seulement la commission Macdonald, mais que tout le travail du gouvernement fédéral sous M. Trudeau depuis des années a accentuée sans arrêt vers une centralisation qui est souvent en porte à faux par rapport aux intérêts du Québec et qui nous dessert à beaucoup de points de vue plutôt que d'aider au développement québécois. Ce comité a travaillé sur des sujets comme ceux-là et, maintenant, c'est relayé par l'ensemble du Conseil des ministres. C'est normal.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que ce comité continue ses travaux?

M. Lévesque (Taillon): Non.

M. Rivest: Si le premier ministre me le permet, j'ai une dernière question. Je suppose que le manifeste que vous allez publier va être modelé dans sa structure sur la position actuelle du Parti québécois, c'est-à-dire souveraineté et offre d'association. C'est parce que l'équivoque...

M. Lévesque (Taillon): Le manifeste va essayer de traiter de nouveau en fonction de l'évolution de la réalité depuis surtout ces dernières années, avec la crise, les enseignements qu'on en a retirés et maintenant la capacité qui, à mon humble avis - c'est visible de plus en plus - est exceptionnelle de développement du Québec. Je commence par les ressources humaines; ensuite, il y a toute l'accumulation du patrimoine matériel qu'on doit développer dans le monde tel qu'il a évolué.

On partirait de cette idée que, même si le développement du Québec, au moment de la relance économique, est quand même encourageant, au-delà de cela, si on avait l'ensemble des instruments principaux de décision, l'ensemble des juridictions essentielles qui encadrent le développement d'une société, cela irait sacrement plus vite et sacrement mieux. On partirait aussi - je pense; je ne vois pas de raison de ne pas le faire - du bon sens le plus évident et de ce qu'il y a dans notre programme pour dire qu'il devrait aussi y avoir une offre d'association qu'il s'agit peut-être de redéfinir à nouveau en partie, comme je l'ai dit tout à l'heure.

M. Rivest: Évidemment, cela intéresse au premier chef les membres du Parti québécois, c'est leur affaire, mais l'opinion publique ne peut s'en désintéresser non plus. Si le congrès du Parti québécois laissait tomber le pan de l'association, à ce moment, j'imagine que vous reprendriez l'ensemble de la démarche et on irait vers...

M. Lévesque (Taillon): Je crois que c'est fort improbable, d'abord.

M. Rivest: Oui.

M. Lévesque (Taillon): Deuxièmement, cela ne changerait pas la réalité qui nous entoure qui est qu'il y a des provinces atlantiques et qu'il y a des intégrations qui, de toute façon, existent plus ou moins serrées entre, par exemple, des grands centres économiques comme Montréal et Toronto.

M. Rivest: Dans la mesure où c'est improbable, substantiellement, finalement, ce serait cela qui serait proposé comme démarche centrale, c'est-à-dire la nouvelle entente Québec-Canada. Peut-être que les mots souveraineté et indépendance apparaîtraient.

M. Lévesque (Taillon): Bien, les grandes lignes...

M. Rivest: Mais ce seraient là les grandes lignes.

M. Lévesque (Taillon): Forcément, les grandes lignes ressembleront à cela parce qu'on n'inventera pas le monde. La souveraineté, cela veut dire la même chose aujourd'hui que cela voulait dire il y a quelques années et la même chose que cela veut dire dans le monde entier. Je ne vois pas...

M. Levesque (Bonaventure): La séparation.

M. Lévesque (Taillon): Pardon?

M. Levesque (Bonaventure): La séparation.

M. Lévesque (Taillon): Si vous tenez à ce mot.

M. Levesque (Bonaventure): Le temps passe et on aimerait bien pouvoir continuer, mais on en aura certainement l'occasion. Comme le temps est limité, je vais passer à ce moment-ci à quelques questions sur les crédits et sur certaines dépenses qui ont été effectuées à l'intérieur du budget. Je vois ici: Secrétariat à la réforme électorale, M. Raymond Doré, recherche et participation à la rédaction de projets de loi. Je vois que vous auriez versé 17 900,75 $ pour la recherche et la participation à la rédaction de projets de loi relatifs à la réforme électorale. Le premier ministre pourrait-il nous dire de quels projets de loi il s'agit? (12 h 15)

M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il s'agit de recherches qui impliquaient aussi des rédactions d'avant-projets de loi autour de la question de la réforme du mode de scrutin parce qu'il faut tout de même pouvoir... Même si on est obligé de se dire: Avec le rapport de la commission Côté, on pourrait évaluer cela, on se donne encore quelques jours ou quelques semaines pour faire ce travail, en cours de route il a bien fallu qu'on développe des formules qui, je crois, méritaient au moins d'être rédigées de façon législative potentielle.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre peut-il m'expliquer pourquoi il consacre des fonds publics à la préparation et à la recherche autour d'un projet de loi, alors qu'il contribue à mettre sur pied une commission sur la réforme du mode de scrutin? C'est ce que je ne comprends pas: Pourquoi préparer un projet de loi avant même d'avoir les résultats des travaux de la commission?

M. Lévesque (Taillon): Je pense que le chef de l'Opposition est mieux placé que quiconque pour savoir pourquoi on a demandé à la commission présidée par M. Côté de faire ce travail. Il n'y avait pas d'entente, ni du côté de l'Opposition et ni, jusqu'à un certain point, dans notre propre caucus, sur la façon dont on devait voir l'avenir dans ce domaine. Il y avait des formules sur la table, y compris le statu quo qui en est une. Je n'apprendrai rien au chef de l'Opposition en disant que, devant cette espèce de fouillis où on a l'impression des fois que nous, les parlementaires, sommes tous exposés à cela, on a le nez sur la vitre et on ne voit pas au-delà... Il était normal, avant que la commission Côté soit nommée - c'était avant - que du travail d'approche se fasse parce qu'on n'arrive pas tout nu avec des formules éventuelles de remplacement d'un mode de scrutin. C'est très délicat et très complexe et il faut quand même qu'il y ait des gens qui y aient pensé.

M. Levesque (Bonaventure): Alors, cela veut dire que, jusqu'au 31 décembre 1983, tel qu'indiqué ici, des gens ont travaillé à un projet de loi relatif à la réforme du mode de scrutin pendant qu'une commission s'occupait de recueillir...

M. Lévesque (Taillon): II s'agit de contractuels.

M. Levesque (Bonaventure): ...certains témoignages à ce sujet. C'est assez curieux qu'on dépense de l'argent pour un projet de loi et qu'en même temps... Le premier ministre ne trouve-t-il pas que c'est un peu curieux?

M. Lévesque (Taillon): Je ne trouve absolument pas cela curieux. Il s'agit d'un engagement contractuel pour quelqu'un qui travaillait et qui doit avoir la compétence pour le faire. Il faudrait le demander à mon collègue de la réforme électorale, mais je suis sûr que oui puisque cela allait jusqu'à la rédaction de préprojets ou d'avant-projets de loi, mais, encore une fois, je le répète: De quoi aurions-nous eu l'air? De quoi aurait l'air n'importe quel gouvernement? Entre nous, c'est toujours facile d'être pour la vertu et la maternité. Tous les partis actuels, y compris le Parti libéral, sont pour une réforme du mode de scrutin. Enfin, je ne suis pas sûr que M. Bourassa soit encore du même avis, mais c'était dans votre programme et dans vos déclarations publiques. Quelle sorte de réforme? Il fallait bien étudier les possibles réformes.

M. Levesque (Bonaventure): Si cela avait été une question d'étude, mais, lorsque les travaux sont reliés à un projet de loi, tel qu'indiqué ici par votre propre ministère...

M. Lévesque (Taillon): La réforme électorale comprend d'abord forcément des amendements, qui doivent venir périodiquement, à la loi électorale elle-même. Il y a des gens qui sont obligés d'étudier cela. Il y en a quand même eu un certain nombre ces dernières années. Il y avait cette question du mode de scrutin qui est encore devant nous. Je ne vois pas pourquoi on fait un plat avec cela, il n'y a rien d'anormal à ce que les gens soient chargés de travailler concrètement là-dessus.

M. Levesque (Bonaventure): Nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que je peux poser la question suivante au premier ministre, relativement à son budget de subventions discrétionnaires?

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Levesque (Bonaventure): Ce ne sont que des renseignements que j'aimerais avoir. Il y a ici, par exemple: groupe IMAJ 85, 50 000 $. Qu'est-ce que c'est?

M. Lévesque (Taillon): Par 85, on vous donne déjà l'essentiel de la réponse. C'est un groupe qui a été mis sur pied essentiellement par des jeunes en vue de prévoir le mieux possible dans le milieu ce qui pourrait souligner l'Année internationale de la jeunesse en 1985, ici, sur le plan québécois. Je ne sais pas si on a plus de détails.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que c'est un transfert de 50 000 $? Est-ce qu'il y a des pièces justificatives? Qu'est-ce que c'est?

M. Lévesque (Taillon): Je pense que ce genre de subventions suit les règles normales. C'est la deuxième année. D'ailleurs, c'est la deuxième fois parce que cela va être quand même assez important, l'Année internationale de la jeunesse. On sait que tout le monde se préoccupe des problèmes des jeunes. C'est la deuxième année qu'ils ont ce genre de subventions qui les mènent à des projets ou à des présences mieux organisées en 1985. Ils sont censés faire un rapport. Je suppose que cela a dû être vérifié. C'est en fonction de la Loi sur l'administration financière, sauf erreur. Ils sont censés faire un rapport certifié par comptable.

M. Tremblay (Gilles-R.): C'est la deuxième année qu'il y a une aide financière de 50 000 $, à chaque année. Ici, j'ai le rapport de l'année financière qui se terminait le 31 mars 1983, qui est certifié par des comptables agréés et qui donne le détail de l'utilisation de la subvention. C'est en vue de l'Année internationale de la jeunesse en 1985.

M. Levesque (Bonaventure): Vous avez un autre élément: Opération nettoyage de l'environnement territorial: 5000 $.

M. Lévesque (Taillon): II s'agit d'une étude; 5000 $, je pense que vous comprendrez que cela n'ira pas loin dans le nettoyage, concrètement, mais c'est plus intéressant que cela peut sembler au départ. Avec l'appui d'un petit groupe de gens très très spécialisés... J'ai ici une lettre qui m'a été envoyée qui, probablement, justifie la subvention: Une corporation sans but lucratif a été récemment formée dans le but de réaliser un emballant projet de nettoyage des berges du fleuve Saint-Laurent du 15 au 31 juillet 1985, avec l'aide de 100 000 jeunes bénévoles, dans le cadre de l'Année internationale de la jeunesse et de la décennie de l'eau. Il y a deux choses qui se répercutent conjointement. Il nous a semblé que, pour la préfaisabilité, c'était quand même justifiable. Ah? C'est chez vous, cela? Donc, c'est au-dessus de tout soupçon.

M. Levesque (Bonaventure): II y a ici également ici... Si cet élément est dans le comté de Jean-Talon...

Une voix: C'est bon.

M. Levesque (Bonaventure): ...et que le premier ministre a dit que c'était bon, est-ce qu'il pense également que... Peut-être que cela serait dans le comté du premier ministre, je ne le sais pas. Je vois ici: Fabrique Saint-Antoine-de-Padoue de

Longueuil: 2000 $. Je vois également: La table de concertation de Longueuil: 5000 $.

Est-ce que le premier ministre est au courant de ces subventions? Cela ne doit pas être loin de son comté?

M. Rivest: II est rendu comme le fédéral.

M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si c'est chez moi ou dans Marie-Victorin parce que Longueuil, c'est divisé en deux comtés. On aura l'occasion de reparler de Marie-Victorin bientôt. Je ne sais pas dans quel comté c'est en ce moment, il faudrait que je regarde à nouveau, mais je pense qu'il s'agissait d'une petite subvention qu'on pourrait appeler presque morale pour aider la reconstruction ou la remise à point des équipements paroissiaux. Ce sont des vitraux de la cathédrale Saint-Antoine-de-Padoue.

Pour la table de concertation, il ne faut pas oublier une chose - il y a des gens qui l'oublient - c'est que la rive sud immédiate de Montréal centrée sur la ville

de Longueuil, cela représente une population urbanisée avec des problèmes à n'en plus finir parce que cela a été jeté dans le paysage sans aucune planification, sans urbanisme, pendant des années et des années, comme une espèce de déversoir de population métropolitaine et, aujourd'hui, cela représente au-delà de 500 000 d'habitants. Quand on est arrivé, je me souviens, il y avait des problèmes d'adduction d'eau, des problèmes de coordination de certains morceaux ou certains tronçons routiers qui ne se connectaient pas ensemble. Enfin, cela avait été vraiment fait de bric et de broc, au hasard des promotions et des développeurs. On est donc obligé de reprendre ce tissu avec les autorités municipales, avec des citoyens. Là-dedans se profilent toute une série de problèmes, y compris les problèmes de délinquance juvénile qui sont assez sérieux et des tables de concertation, cela doit être autour de certains organismes qui ont besoin de se réunir pour essayer de traiter certains de ces problèmes.

La même chose, par exemple, on ce qui concerne une table de concertation à Drummondville. Enfin, il y en a plusieurs de ces tables qui se sont établies, surtout en ce qui concerne les problèmes des jeunes, depuis ces dernières années.

Secrétariat à la jeunesse

M. Levesque (Bonaventure): Je vois ici un programme de sensibilisation de la jeunesse de 300 000 $. Est-ce que le premier ministre pourrait m'en dire un mot?

M. Lévesque (Taillon): C'est un gros morceau. Attendez un peu! Ah! C'est essentiellement... Vous arrivez au Secrétariat à la jeunesse que j'ai évoqué comme une des choses qui ont été mises sur pied pendant l'année 1983-1984 et le détail, c'est ceci: Publicité pour le Secrétariat à la jeunesse lui-même, pour qu'il commence à être connu maintenant qu'il a commencé à fonctionner régulièrement: 125 000 $; 75 000 $ pour la production et la recherche autour de la publicité de base. Donc, un total de 200 000 $, la première année, pour lui permettre d'émerger un peu et de faire savoir qu'il existe. Et 100 000 $ pour radio, imprimés, production, etc., en ce qui concerne le programme qui s'appelle jeunes volontaires, qui a démarré il y a quelques mois.

M. Levesque (Bonaventure): Je vois ici que, sur le montant de 300 000 $, il y aurait eu une somme de 160 000 $ qui serait imputée au budget du ministère des Communications pour le volet des placements médias.

M. Lévesque (Taillon): C'est parce que c'est normal que cela passe par le ministère des Communications. C'était un placement média.

M. Levesque (Bonaventure): Mais, s'agit-il à ce moment-là de publicité?

M. Lévesque (Taillon): Oui, oui.

M. Tremblay (Gilles-R.): C'est le message du secrétariat...

M. Lévesque (Taillon): C'est cela, c'est un message du Secrétariat à la jeunesse qui devait passer, parce que, sinon, les gens ne savaient pas qu'il existait.

M. Rivest: Si on peut disposer très rapidement... Mon collègue de Marquette, qui assiste à une autre commission, m'a demandé de poser quelques questions au premier ministre sur le Secrétariat à la jeunesse. L'impression générale qu'on en a, c'est que c'est devenu, par rapport à ce que le premier ministre nous indiquait lors de l'étude des crédits l'an dernier, assez moribond. On ne sait pas du tout, finalement... Le budget, au moment où on a étudié les crédits la dernière fois, n'avait pas été adopté. On parlait d'une somme de 655 000 $. Finalement, cela a été combien?

M. Lévesque (Taillon): C'était combien le budget? De 500 000 $ ou de 650 000 $?

M. Rivest: Et cette année, il est de combien?

M. Lévesque (Taillon): C'est autour de 900 000 $, je pense, n'est-ce pas?

M. Tremblay (Gilles-R.): Oui, dont toujours 300 000 $ qui sont prévus pour les fins de placements médias et des choses comme cela.

M. Rivest: Oui. Combien... C'est-à-dire... D'accord.

M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez, Mme Danièle Bouchard qui est directrice générale...

M. Rivest: Combien de...

M. Lévesque (Taillon): Vous connaissez M. Tremblay, bien sûr...

M. Rivest: Oui, très bien.

M. Lévesque (Taillon): ...et M. Boivin que je n'ai pas à présenter.

M. Rivest: Non.

Le Président (M. Vaugeois): M. le premier ministre, est-ce que je peux vous faire remarquer que, s'il y a des réponses qui viennent de vos collaborateurs, ils parlent en leur nom à ce moment-là?

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Rivest: Si mes références sont exactes, il y avait une douzaine de personnes au Secrétariat à la jeunesse l'an dernier. Combien y en a-t-il maintenant?

Mme Bouchard (Danièle): Au Secrétariat à la jeunesse, il y a environ encore une dizaine de personnes qui travaillent à Québec et à Montréal et une vingtaine qui travaillent au projet des jeunes volontaires.

M. Rivest: D'accord. Laissons de côté, si vous voulez, pour l'instant... Je m'adresse au premier ministre cette fois-ci: Comment cela s'articule-t-il maintenant que l'adjoint parlementaire, M. le député de Verchères, n'est plus là? Est-ce que le Secrétariat à la jeunesse ne relève plus, techniquement, de l'exécutif? Oui?

M. Lévesque (Taillon): Cela s'articule... M. Charbonneau, comme vous le savez, qui était adjoint parlementaire a été élu tout récemment président d'une des commissions permanentes. Alors, comme il est prévu qu'il ne doit pas y avoir de cumul, il a cessé d'être adjoint parlementaire. Pendant les derniers mois - y compris quelques voyages qui étaient quand même importants parce qu'il fallait se tenir au courant de l'évolution des choses - il a surtout fouillé le dossier préparatoire de l'Année internationale de la jeunesse en 1985 dont on a parlé. Alors, la liaison est toujours avec... Autrement dit, le Secrétariat à la jeunesse est, de toute façon, relié comme l'un des organismes qui appartiennent au ministère du Conseil exécutif. M. Laliberté et le secrétaire général, M. Bernard, s'occupent de la partie administrative avec Mme Bouchard. Et, au point de vue politique, j'ai une attachée politique qui est Mme Sylvie Perron, ce qui me permet de me tenir au courant de cette dimension.

M. Rivest: Concernant les programmes, étant donné les montants qui sont engagés, de 600 000 $ et de 900 000 $, cette année, à ce qu'on nous dit... Le programme de publicité que j'ai vu à la télévision était bien sympathique, mais franchement, ne trouvez-vous pas qu'il y aurait eu moyen de dépenser cet argent à des choses peut-être un peu plus concrètes?

M. Lévesque (Taillon): C'est vraiment une question d'évaluation et de jugement...

M. Rivest: Non, c'est... (12 h 30)

M. Lévesque (Taillon): Les échos que j'en ai eus: D'abord, le Secrétariat à la jeunesse était tout nouveau et il avait - il a encore, d'ailleurs - des difficultés d'organisation. On ne crée pas en criant ciseau une espèce de plaque tournante pour les jeunes où ce sont essentiellement, d'ailleurs, des jeunes qui sont des contractuels, qui forment le personnel, sans qu'il n'y ait du rodage, c'est sûr. Une des premières choses qui paraissaient évidentes, c'est que, pour que les jeunes eux-mêmes, sur le terrain, un peu partout au Québec, sachent qu'il y avait cet organisme qui était à leur disposition, il fallait tout de même qu'il se fasse connaître un peu. Il y a eu, entre autres, cette publicité à la télévision très différente - parce qu'il s'agissait d'une carte de visite, en fait, pour que les gens sachent de quoi il s'agissait - de ce qu'on fait lorsqu'on dit: Voici tel programme, tel programme ou tel autre programme. Les échos qu'on en a eus - c'est peut-être qu'on n'est pas en bon contact avec les générations montantes, ceux qui ne le sentent pas - c'est que non seulement c'était très sympathique, mais que cela avait rejoint ceux qui nous ont donné leurs réactions.

M. Rivest: Le problème ou la perception, c'est que c'est probablement sympathique, mais pas tellement plus, parce que, finalement, à moins que je ne fasse erreur, à part le programme jeunes volontaires dont on me dit, d'ailleurs, que c'est loin d'être... Est-ce que cela a une bonne performance? Le programme jeunes volontaires est-il à votre satisfaction? Avez-vous des chiffres sur la participation?

Mme Bouchard: J'aimerais seulement passer un commentaire sur le budget de la publicité, parce qu'il a aussi aidé le Secrétariat à la jeunesse à être présent au Salon de la jeunesse, à Expo-Québec, et, de façon continue, dans des colloques, par exemple, sur le décrochage scolaire, sur l'emploi, les problèmes de l'emploi chez les jeunes. Il nous a permis de produire des documents nécessaires à notre présence à ces colloques.

Quant au programme jeunes volontaires, il y a actuellement 1000 jeunes présents dans les programmes. Il y a une trentaine de comités locaux en formation. Il y a une cinquantaine de projets qui sont en attente et qui sont à l'étude auprès de ces comités locaux. Compte tenu du fait que le programme a démarré un peu en retard, parce qu'il nécessitait une gestion décentralisée et le bénévolat d'organismes communautaires et de jeunes au sein de ses comités locaux, je pense que c'est un programme pour lequel on a eu une très

bonne réponse. Il a démarré à un mauvais moment, en hiver. Les organismes communautaires étaient un peu désorganisés par rapport à une participation comme celle qu'on leur demandait. Il fallait aussi obtenir la collaboration soit des directeurs d'école, soit de directeurs de CLSC, soit des directeurs des services sociaux ou des foyers d'accueil pour référer des jeunes. On a réussi, à des tables de consultation locales, à amener des jeunes à embarquer dans un programme nouveau, innovateur, où un aspect formation était à expérimenter, n'était pas acquis du tout. Je peux vous assurer que les projets en cours actuellement sont très valables et que les jeunes qui sont embarqués dans le programme ont l'intention d'y rester jusqu'à la fin du projet.

M. Lévesque (Taillon): Je pourrais confirmer ce qu'on dit. Je n'ai pas pu faire de tournée exhaustive, mais, au hasard des tournées que j'ai faites, j'ai rencontré un des groupes que mentionne Mme Bouchard à Matane. Ces derniers jours, j'en rencontrais un à Longueuil - c'est dans le comté de Taillon - qui avait certaines réticences au départ. Là, il y a maintenant un projet qui a été accepté et deux ou trois qui sont sur le point de se mettre en branle. Je pense que c'est très valable; enfin, c'est l'impression que cela m'a donnée.

M. Rivest: M. le Président, je remercie... On n'en est pas, de toute façon, encore à un ministère de la jeunesse...

M. Lévesque (Taillon): Non.

M. Rivest: ...comme dirait ma collègue, la députée de Jonquière.

M. Lévesque (Taillon): Ne recommencez pas...

Le Président (M. Vaugeois): Mesdames, messieurs, je comprends que nous dépassons un peu l'ordre que nous avait donné la Chambre, mais les deux groupes sont d'accord. M. le député de Mont-Royal, vous avez quelques questions à poser, je crois?

M. Ciaccia: Oui, M. le Président, j'ai quelques questions à poser sur les affaires amérindiennes et inuites.

Réforme du mode de scrutin

M. Rivest: Si mon collègue me laissait la parole, j'aurais une question à poser concernant la réforme du mode de scrutin. Le premier ministre et son groupe parlementaire, si j'ai bien compris, se donnent quinze jours ou trois semaines avant d'en arriver à une orientation. Peu importe la décision, dans l'échéancier le premier ministre a-t-il tenu compte, si le gouvernement et, éventuellement, l'Assemblée nationale adoptaient le mode de scrutin proposé par M. Côté ou un autre, de l'importance ou du délai pour inscrire les partis politiques dont toutes les structures sont basées sur la délimitation des comtés actuels, des statuts autant du Parti québécois que du Parti libéral? Cela ne peut être changé par une loi. Compte tenu du fait que la réforme électorale dont on a parlé depuis fort longtemps en arrive au moment décisionnel à quelque 18 mois de l'échéance électorale, est-ce que le premier ministre mesure bien en ce moment toutes les contraintes et les exigences que cela peut comporter sur le plan du financement, sur le plan de l'organisation électorale, sur le plan du fonctionnement des partis politiques, sur le plan de la désignation et du choix des candidats? Et, est-ce que l'échéancier dans lequel on est placé lui apparaît comporter des risques, à mon avis, terribles sur la possibilité de le faire pour la prochaine élection?

M. Lévesque (Taillon): II est évident que la seule réponse que je puisse faire au député de Jean-Talon c'est que, bien sûr, c'est une des préoccupations centrales avec lesquelles on doit aborder le rapport de la commission Côté ou toute autre formule. Je ne peux faire autrement que déplorer qu'on ait perdu tant de temps, de part et d'autre d'ailleurs, en ce qui concerne, je crois, une réforme essentielle quand on sait à quel point il y a eu des distorsions dans le passé - et il peut y en avoir encore - entre la volonté collective des électeurs et les résultats tels qu'ils se présentent au Parlement, comme représentation parlementaire.

Je crois que... C'est écrit pressé. Il y a des gens qui disent: Bon, un bon vieux système britannique, le statu quo, etc. Vous avez vu ce qui s'est passé en Angleterre. Je vous jure qu'on se pose de sérieuses questions parce que même l'Angleterre évolue. C'est un des derniers pays au monde qui gardent le système uninominal à un tour, comme on dit dans le jargon, et où aux dernières élections, sur la lancée des Falkland le parti de Mme Thatcher a eu 144 de majorité avec à peine 41% des votes, si j'ai bonne mémoire, c'est-à-dire une distorsion assez dramatique de la volonté même des électeurs.

Pour revenir à la question du député de Jean-Talon, tout ce que je peux dire, c'est que je déplore - je fais ma part de mea culpa si je dois la faire - qu'on ait taponné et traîné si longtemps face à une chose qui me semble tomber sous le sens dans une démocratie. Si c'est possible... On va voir si le temps nous le permet; c'est pour cela qu'on travaille. Il y a des gens qui

travaillent là-dessus pour évaluer non seulement le rapport de la commission Côté mais aussi les contraintes que vient d'évoquer le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Une des contraintes que je veux mettre particulièrement en relief, c'est qu'à mon avis - je ne suis pas familier avec les statuts du Parti québécois mais avec les statuts du Parti libéral - cela comporterait, entre autres, la nécessité, avec les aléas d'un congrès général, de convoquer un congrès pour modifier profondément les structures de notre formation et de la vôtre éventuellement. Je vous jure qu'il s'agit là d'avoir un peu l'expérience des congrès politiques pour savoir que de refaire de fond en comble et, à mon avis - j'émets un avis personnel - le délai, peu importent les responsabilités... Je trouve qu'on est placé dans une situation quasi impossible.

M. Lévesque (Taillon): On s'est placé dans une situation quasi impossible, mais quasi. On travaille sur le quasi.

Une voix: Bonne chance!

Affaires amérindiennes et inuites

M. Ciaccia: M. le Président, dans les affaires amérindiennes et inuites. Je comprends que le gouvernement et les autochtones procèdent maintenant à une étude ou un examen des obligations du gouvernement et des autochtones. Les responsabilités...

M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez, je vais demander à M. Gourdeau de vous répondre sur ce genre de question parce qu'il suit cela de plus près que moi. Cela va?

M. Ciaccia: Certainement. Sur les aspects non pécuniaires, il ne semble pas y avoir trop de difficultés entre les autochtones et le gouvernement, mais sur les aspects de développement économique, sur les infrastructures, les questions d'égouts, les questions de services sanitaires, tout l'aspect du chapitre XXVIII de l'entente, on m'informe qu'il y a vraiment peu, sinon pas, de progrès. Il y a l'aspect du développement des activités forestières. On vous a fait des propositions dans les matières de transport, on vous a fait des propositions dans la compagnie de construction des Cris, on vous a demandé de contribuer aux infrastructures dans les différentes communautés. C'était aussi une obligation dans l'entente. Les chiffres n'étaient pas inclus mais c'était une obligation du gouvernement de s'assurer que des sommes seraient disponibles pour ces services essentiels aux communautés amérindiennes de la Baie James et du Grand-Nord.

Pour venir au point spécifique, parce que cela traîne, cela fait des mois que cela traîne, même des années, est-ce que ce serait possible d'avoir des projets pilotes -six communautés des Cris ont demandé des centres communautaires et des arénas avec toutes les raisons qu'elles ont évoquées pour leur population - premièrement, pour un centre communautaire et, deuxièmement, pour les activités forestières? Par exemple, à Waswanipi, à Mistassini, les gens vont faire des coupes de bois mais ils ont besoin des routes pour se rendre aux endroits pour effectuer ces activités. Aussi, le troisième projet pilote serait la compagnie de construction des Cris, parce que c'est un employeur majeur dans la région. Plutôt que de continuer les discussions qui ne semblent aboutir vraiment à rien, que le gouvernement prenne un engagement maintenant qu'il va financer ou aider trois projets pilotes et, selon les résultats dans ces trois projets, cela pourrait former la base pour une coopération et une solution au chapitre XXVIII de l'entente.

M. Gourdeau (Éric): Je voudrais d'abord rappeler que l'évaluation, que l'on fait conjointement avec les Cris, de la mise en application de la convention de la Baie James a débuté au mois d'avril l'année dernière parce que ce n'est pas avant cela que les Cris ont accepté l'offre que M. Lévesque avait faite, au mois de décembre 1980, que cette évaluation se fasse. Ils ont jugé préférable de discuter d'abord avec le gouvernement fédéral de ses propres responsabilités et cela a abouti à un résultat où le gouvernement fédéral leur a remis ou est censé leur remettre entre les mains une bonne somme d'argent de 32 000 000 $ pour les infrastructures du côté de l'habitation, du côté des égouts et du côté des aqueducs. La révision est commencée depuis le mois de juin de l'année dernière et elle se fait de la façon suivante: Les Cris déposent sur chacun des chapitres ce qu'ils trouvent en souffrance au point de vue de la mise en application de ce chapitre. Le ministère concerné dépose également sa réponse ou ses commentaires. Là, ils se réunissent avec le SAGMAI comme témoin qui prend des notes et ils s'expliquent entre eux.

Alors, il y a eu un programme de fait. On espérait faire tout le tour avant le début de novembre, mais les Cris vous diront que cela leur a été impossible qu'on suive l'échéancier. Ils ont un nombre limité de personnes sur lesquelles ils peuvent compter pour discuter de chacune de ces questions. Ce sont souvent les mêmes, parmi les Cris. De plus, ils étaient aussi pris avec toutes sortes d'autres choses, comme les questions constitutionnelles à Ottawa, etc. Si bien que la question du chapitre XXVIII dont vous parlez, au mois de septembre on a décidé

qu'on allait la traiter d'une certaine façon; alors, les Cris ont exigé que je sois de la partie et, non pas un ministère en particulier seulement et de leur côté aussi, Billy Diamond et les autres représentants.

Alors, ils ont préparé un mémoire qu'ils nous ont remis le 3 mars dernier. C'est un mémoire daté du 3 mars dernier. On a fait une première réunion sur la chapitre XXVIII à la fin de janvier où ils nous ont annoncé que leur mémoire était en préparation. Cela fait deux réunions qu'on a à ce sujet. Ils nous ont soumis une série de projets particuliers se référant au chapitre XXVIII, dont les infrastructures auxquelles vous avez fait allusion, les questions forestières, etc. C'est maintenant bien engagé, mais cela ne fait pas longtemps que cela dure, la revue du chapitre XXVIII. En fait, ils n'avaient jamais voulu en discuter avec nous, ni avec le gouvernement fédéral et nous conjointement. Ils avaient refusé de venir au comité tripartite qui a été créé par la convention de la Baie James. Ils ont refusé pendant trois ans de faire cela; alors, on n'a pas pu en discuter, c'est bien sûr, avec eux. Maintenant, on en discute d'une façon très ouverte.

Au sujet de la question des projets pilotes, il y en a un qui est bien en cours et auquel vous avez fait allusion, c'est celui de la forêt à Chisasibi. Ils l'intitulent eux-mêmes un projet pilote. REXFOR est impliquée dans cela; l'administration régionale crie aussi, SODAB l'a été un peu aussi et c'est tout centralisé dans la bande même de Waswanipi, sauf que la semaine dernière, la bande de Waswanipi a demandé aussi à l'administration régionale crie de s'impliquer au point de vue des discussions à avoir à ce sujet. Alors, on a établi un comité qui va aboutir très très vite pour répondre à certaines de leurs demandes. Mais, leurs demandes sont doubles. Il y en a pour l'avenir immédiat. Il n'y a pas de problème dans cela, sur la question des sommes d'argent impliquées au point de vue de l'aide à apporter à leurs routes. (12 h 45)

II y a cependant un problème qui est très difficile à régler pour le ministère de l'Énergie et des Ressources, c'est concernant les travaux de chemins qu'ils ont faits en se disant, sur la foi, apparemment, de certaines discussions qu'ils avaient eues avec les représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources, que cela pourrait probablement entrer dans un programme qui a déjà cours à l'intérieur du ministère de l'Énergie et des Ressources. Ils ont fait des travaux sans attendre la réponse et ils demandent à être remboursés pour une partie de ces travaux. C'est un cas un peu plus difficile mais, pour l'avenir, parce qu'il faut changer des règles du programme pour les aider à faire leurs chemins plus loin, c'est très bien engagé. Je pense bien que, d'ici très peu, il y aura des réponses très favorables d'apportées au ministère de l'Énergie et des Ressources. De toute façon, là, nous sommes impliqués dans cela.

Pour les autres questions, vous mentionnez les infrastructures et la question des expériences pilotes, M. Ciaccia. Il n'y a plus d'expériences pilotes à faire dans cela. Ils ont l'aqueduc et les égouts partout. Ils n'ont pas des arénas partout, c'est évident, mais à Wemindji, ils viennent de s'en construire une de 1 500 000 $. Il y a une population de 700 personnes. C'est un petit colisée comme il y a ici à Québec. Ils sont sûrement très bien. Ils ont pris l'argent qu'ils ont reçu de la société d'énergie à l'occasion de l'entente avec Lac Sakami. Mais, ce n'est pas un projet pilote, il est question d'aréna; une question de centre communautaire, ou bien on embarque ou bien on n'embarque pas dans cela. Il n'est pas question de projet pilote dans cela, je pense bien. Par ailleurs, la question de construction aux Cris, il n'y a pas de contrat à l'heure actuelle qui échappe à la compagnie de construction crie. Il les ont tous, pour l'entretien des routes, pour l'entretien de la route de Chisasibi à LG 2, pour l'entretien de la majeure partie de la route de Matagami à LG 2. Ils ont la préférence pour les contrats. Ils engagent, à l'heure actuelle, 300 personnes. C'est un très gros employeur, comme vous dites. Et HydroQuébec doit finaliser; ils ont aussi été amenés à la table dans la revue de la mise en application de la convention. Ils ont été mis à la table en face des Cris, selon la procédure employée et ils sont censés nous fournir une formule d'octroi de contrat qui privilégierait les Cris, ainsi qu'un programme de formation de main-d'oeuvre pour les emplois permanents sur lesquels HydroQuébec doit pouvoir compter pour le maintien de ses lignes de transport et pour l'entretien de ses barrages, etc.

Dans d'autres domaines, comme celui des forêts, il y aurait moyen de faire des programmes expérimentaux mais ils sont rendus plus loin que cela, les Cris, M. Ciaccia. Je veux dire, ils arrivent avec des projets précis et il n'y a pas beaucoup besoin d'expérimentation dans cela. Il s'agit de savoir si ces projets peuvent être financés, de quelle façon ils seront financés. C'est ce qu'on étudie à l'heure actuelle. Dans les projets très spécifiques qu'ils nous ont soumis, pour répondre à leurs problèmes au plan de la communauté, dans le rapport qu'ils nous ont remis, daté du 3 mars, il y a une série de projets qu'étudient actuellement le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et l'administration régionale crie, avec l'idée très ferme que, d'ici à la fin de mai, il y ait au moins certains de ces projets qui soient financés, ceux qu'ils auront

jugés prioritaires parmi toute la série qu'ils ont soumise.

M. Ciaccia: Malheureusement, on n'a pas tout l'après-midi. Il nous reste seulement quelques minutes mais je trouve cela très frustrant, et je peux comprendre la frustration des autochtones parce que je leur ai parlé aussi récemment que ce matin. Je leur ai parlé de ce que vous venez de soulever maintenant. Je leur ai parlé aussi récemment qu'à 10 heures ce matin et le tableau que vous brossez de toutes les discussions, ils disent la même chose: La seule chose qu'on fait, on se fait donner de bonnes et belles paroles. Il semble y avoir une volonté que, dans l'avenir, tout va bien aller mais, quand on arrive avec des suggestions spécifiques, on se fait toujours remettre d'un jour au lendemain, d'une semaine à l'autre.

Vous avez mentionné les infrastructures qui sont là. C'est vrai qu'elles sont là, mais ils ont payé à même leur poche...

M. Gourdeau: Je regrette, M. Ciaccia, mais ce n'est pas vrai qu'ils ont payé de leur poche.

M. Ciaccia: Un instant, les infrastructures ont été payées par l'argent des Cris qui ont été payés de compensations. Dans l'entente, c'est clair que vous vous êtes engagés, le gouvernement, pour la construction et la fourniture d'un centre communautaire dans chaque communauté crie. On pourrait tourner en rond et dire: Oui, c'est vrai ou: Non, ce n'est pas vrai. Je vous le demande spécifiquement: Est-ce que vous êtes prêt à financer des projets pilotes - j'en demande seulement trois - à prendre l'engagement, premièrement, pour un centre communautaire ou une aréna? Cela ne sert à rien de me dire oui, qu'il n'y a que 500 personnes et qu'une aréna coûte 1 500 000 $. C'est vrai et on le savait quand l'entente a été signée. Les normes ne sont pas les mêmes dans les régions nordiques, dans la ville de Québec. Êtes-vous prêts à faire un projet pilote pour un centre communautaire, un projet pilote pour une des activités forestières qui vous a été soumise, que ce soit à Waswanipi ou ailleurs? Limitons-nous seulement à ces deux projets-là?

M. Gourdeau: La réponse sur le plan administratif, M. Ciaccia, c'est oui pour la question forestière et il est en cours. C'est oui pour l'expérience pilote.

M. Ciaccia: Alors, vous êtes prêts.

M. Gourdeau: Oui, il est en cours. Oui, mais qu'est-ce que vous voulez?

M. Ciaccia: S'il est en cours, je vais prendre votre parole mais ce n'est pas cela qu'on m'a dit ce matin. Alors, si vous nous dites qu'on a tort...

M. Gourdeau: Ce que ces gens vous disent, c'est qu'il y a des problèmes qui restent à régler au point de vue financier mais le programme est en cours. Les gens ont été formés. Ils ont acheté la machinerie. Donc, il est en cours, ce projet-là, actuellement. Ils coupent du bois.

M. Ciaccia: Oui, ils le font exactement mais il faut qu'ils le fassent avec les montants qui ont été payés pour la compensation d'avoir l'extinction de leurs droits. Ce n'était jamais l'intention. C'est vrai qu'ils ont reçu 225 000 000 $ qui sont payables sur une base de 20 ans, selon les échéanciers. Il y avait des obligations pour du développement économique, pour la construction de certains éléments très spécifiques. C'est vrai qu'à Waswanipi ils ont commencé à faire ces travaux. Il se trouve maintenant qu'au lieu d'utiliser les sommes qui avaient été payées pour les fins auxquelles elles devaient servir, ils sont obligés de prendre ces montants. S'ils continuent à faire cela, il ne leur restera plus grand argent des compensations qui leur ont été allouées. L'intention n'était pas d'utiliser tous les montants des compensations pour faire tous les projets qui étaient nécessaires. Il y avait des obligations spécifiques mises de côté de la part du gouvernement. C'est exactement cela, ces sommes n'ont pas été dépensées. Le gouvernement du Québec n'a dépensé aucun montant d'argent pour les infrastructures, malgré qu'il s'est engagé à le faire. Le gouvernement du Québec n'a dépensé aucun montant d'argent pour les centres communautaires, malgré qu'il s'était engagé à le faire. Le gouvernement du Québec a encore traîné les pattes sur la société de développement des autochtones de la Baie James. Il devait y avoir une capitalisation de 15 000 000 $ et on ne l'a pas, la capitalisation de 15 000 000 $, pour cette société. Il y a même d'autres problèmes et j'y reviendrai à la question de la Société de développement de la Baie James.

Je voudrais savoir...

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous avez une question?

M. Ciaccia: La question spécifique que je poserais au premier ministre: Êtes-vous prêt à engager les fonds du gouvernement du Québec pour - pas augmenter - satisfaire aux obligations auxquelles le gouvernement s'est engagé, juste pour trois projets pilotes, soit un centre communautaire, une des activités dans le secteur forestier?

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez laissé tomber la troisième?

M. Ciaccia: La troisième, c'est la compagnie de construction crie. Je reçois différentes réponses mais je suis prêt à essayer de réexaminer avec les...

M. Lévesque (Taillon): M. Ciaccia, je m'excuse. Vu que le temps passe assez vite, j'aimerais que M. Gourdeau puisse d'abord donner des précisions. Vous êtes à quelques reprises revenu sur certaines choses, y compris le fait que, à toutes fins utiles, cela reviendrait à dire que le gouvernement du Québec n'a rien payé au-delà des compensations. J'aimerais que M. Gourdeau précise certaines choses.

M. Gourdeau: D'abord, au cours de la révision de la mise en application de la convention de la Baie James, je dois vous dire que les Cris ont présenté un plan. C'est ce qu'on a décidé de faire, qu'un plan quinquennal soit présenté touchant les infrastructures au point de vue sanitaire. Cela a été fait et accepté entre les deux parties.

M. Ciaccia: Est-ce que le gouvernement a payé pour les infrastructures sanitaires dans ces communautés?

M. Gourdeau: Le gouvernement paie tout, M. Ciaccia.

M. Ciaccia: Non, ce n'est pas les informations qu'on me donne, absolument pas.

M. Gourdeau: Oui, je regrette, mais vos informations...

M. Ciaccia: Oui, mais...

M. Gourdeau: Quand même, je pourrais vous donner quelques explications. Les infrastructures dont vous parlez sont les égouts et les aqueducs. Ce n'est pas seulement pour l'hôpital, pas seulement pour l'école pas seulement pour toutes les résidences des médecins, des infirmières, des professeurs que le Québec paie. Le Québec paie tout cela et il paie aussi sa part pour l'entretien des égouts et des aqueducs parce que c'est chargé par la bande indienne aux institutions scolaires ou aux institutions de santé. Je dis que, en plus de cela, il y a eu des problèmes pour rétablir des nouveaux "nursing stations" et des choses comme cela; ils se sont entendus, le ministère et les autres. C'est cela.

M. Ciaccia: Je veux juste comprendre. Vous me dites que c'est le gouvernement et ce matin on m'a informé que le gouvernement... Écoutez, si on se trompe, on va le vérifier.

Gourdeau: Au point de vue de construire les aqueducs et les égouts, c'est correct, ce n'est pas le Québec qui fait cela parce que c'est le ministère fédéral des Affaires indiennes qui dit: Cela nous regarde, c'est sur des terres de réserve, c'est sur les terres 1-A et il a toujours prétendu cela, le gouvernement fédéral, et c'est lui qui fournit les fonds. Quand les Cris disent: On prend nos fonds pour cela, cela se peut, parce que le gouvernement fédéral les laisse libres, leur dit: Vous avez tant et vous bâtissez l'égout et l'aqueduc. Et, si cela leur coûte plus cher, cela se peut qu'à ce moment ils soient obligés de prendre leurs fonds.

M. Ciaccia: Un instant, je ne veux pas... parce que, dans cinq minutes, les travaux vont être suspendus. Le gouvernement du Québec s'est engagé à fournir les services d'hygiène essentiels dans chaque communauté crie.

M. Gourdeau: Le gouvernement du Québec fournit tout cela à l'heure actuelle.

M. Ciaccia: Je ne pense pas qu'on puisse dire: C'est le gouvernement fédéral, parce qu'on ne voudrait pas embarquer dans cette chicane. C'était un engagement du gouvernement du Québec.

M. Gourdeau: II n'y a pas de chicane là-dedans, on s'entend. Le fédéral, c'est lui qui leur fournit. Il ne se fait pas tirer la langue pour fournir, il fournit toutes les infrastructures. Il n'est pas question qu'il ne les fournisse pas.

M. Ciaccia: II n'y avait pas de contribution du gouvernement du Québec à ces infrastructures.

M. Gourdeau: II n'est pas question qu'il ne les fournisse pas.

M. Ciaccia: II n'y avait pas de contribution du gouvernement du Québec à ces infrastructures.

M. Gourdeau: C'est comme si vous disiez, M. Ciaccia: On doit fournir tous les services sanitaires dans la ville de Québec. On ne fournit pas les égouts et les aqueducs pour toute la ville de Québec.

M. Ciaccia: Je ne parle pas de la ville de Québec.

M. Gourdeau: On fournit un hôpital et tout ce qu'il faut. Et il y a un autre gouvernement qui fournit - parce que c'est chez lui - ces infrastructures qui servent à tout.

M. Ciaccia: D'accord. Je n'irai pas dans cette interprétation parce que ce n'est pas l'interprétation que les Cris lui donnent, et moi non plus. Cela n'a rien à faire, vous ne prenez pas le bon exemple. Dans la ville de Québec où il y a une municipalité, ce n'est pas du tout la même situation que les engagements que le Québec avait pris vis-à-vis de ces communautés en ce qui concerne les infrastructures: l'hygiène, l'eau et les égouts. C'était une obligation du gouvernement du Québec. Vous dites que cela a été payé, mais que cela ne l'a pas été avec l'argent du gouvernement du Québec.

Le deuxième projet, les centres communautaires. Êtes-vous prêts à vous engager...

M. Gourdeau: Là, il y a un problème.

M. Ciaccia: ...pour un centre communautaire comme projet pilote?

M. Gourdeau: Franchement, je ne vois pas... Projet pilote pourquoi? Ils ont un gros centre communautaire qui existe à Chisasibi, il y en a d'autres qui existent ailleurs, on n'a pas besoin d'un programme pilote là-dedans. Si on décide d'embarquer dans la construction d'un centre communautaire, cela n'est pas pilote, cela répond à un besoin.

M. Ciaccia: Est-ce que vous vous engagez à embarquer et à construire les centres communautaires comme vous vous êtes engagés à le faire dans l'entente: la construction, la fourniture d'un centre communautaire dans chaque communauté?

M. Gourdeau: Voici. Là-dessus, il y a un problème, c'est-à-dire que, comme les infrastructures sur les terres 1-A, elles ont été transférées au point de vue de leur administration au gouvernement fédéral, tout le monde semblait s'entendre que c'était au fédéral à subventionner cela, que c'était de matière fédérale.

Dans la question des centres communautaires, cela pose un problème particulier parce que c'est mentionné. Ce que le bureau de coordination de l'entente a dit en 1977 - et on est toujours pris avec cela - c'est: Les centres communautaires, c'est comme les autres infrastructures, le Québec s'est engagé à construire cela mais sur les terres 1-B et non pas sur les terres 1-A; ce qui est ridicule parce que les terres 1-B ne sont pas habitées. Je ne sais pas si quelqu'un y avait pensé, cela aurait dû, peut-être...

M. Ciaccia: L'entente ne parle pas de construire les centres sur les terres 1-B, elle parle de construire dans les communautés...

M. Gourdeau: Non, mais on parle du domaine des responsabilités de chacun des gouvernements. Alors, ces infrastructures, ce sont les responsabilités du fédéral sur les terres 1-A. C'est à cause de cela que cette interprétation a été donnée.

M. Ciaccia: Je ne parle pas des infrastructures, je parle d'un centre communautaire. Ce n'est pas...

M. Lévesque (Taillon): Cela s'appelle une infrastructure.

M. Gourdeau: C'est une infrastructure importante.

M. Ciaccia: Un instant! Chaque fois qu'on soulève une obligation d'après l'entente, il est trop facile de dire: C'est le gouvernement fédéral, parce que c'est vrai que, à l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'était le gouvernement fédéral qui avait la charge des Indiens et des terres indiennes. Mais, on a fait des amendements dans cette entente et le gouvernement du Québec a entrepris certaines obligations dont une était la construction d'un centre communautaire. Ce n'est pas le gouvernement fédéral, c'est le gouvernement du Québec.

M. Gourdeau: Cela se peut - comme je vous dis - que vous ayez raison. Je vous dis juste de quelle opinion...

M. Ciaccia: Est-ce que vous êtes prêt à le faire au nom...

M. Gourdeau: ...on a hérité. On est après...

M. Ciaccia: Est-ce que vous êtes prêt à le faire au non...

M. Gourdeau: On ne le fera pas tout seul. On est en train d'étudier cela avec eux, non pas en vertu de la convention de la Baie James, parce que c'est encore devant les tribunaux. Alors, il faudrait faire cela sans préjudice, etc., mais on a convenu ensemble d'étudier cela d'après leurs besoins. C'est vers cela qu'on s'achemine; il se peut très bien que, là, il y ait de l'argent qui soit mis dans les centres communautaires sur les terres 1-A. Mais, cela ne sera pas pilote. Ce sera un programme de cinq ans pour des centres communautaires

M. Ciaccia: D'après votre réponse, ce ne serait rien du tout; non seulement ce ne serait pas pilote, mais... J'essayais d'en avoir un, j'essayais de réduire un peu l'obligation, pour maintenant, d'avoir quelque chose de concret.

M. Gourdeau: Oui, mais c'est cela.

M. Ciaccia: Non, vous ne voulez pas en construire un maintenant, vous voulez en construire six, jamais. C'est d'accord, j'ai compris votre réponse.

M. Gourdeau: Non, ce n'est pas cela.

M. Ciaccia: Avant de terminer, juste une autre question au premier ministre: La résolution pour la protection des droits des autochtones dans la constitution, à quel point en êtes-vous rendu avec le contenu, l'adoption et la présentation d'une telle résolution à l'Assemblée?

M. Lévesque (Taillon): Je pense que le contenu préliminaire - si ma mémoire est fidèle - le député de Mont-Royal avait été mis au courant du projet du contenu. À cause de ce qu'on peut appeler l'échec, jusqu'à nouvel ordre, des pourparlers constitutionnels récents, il est évident que le climat est un peu changé, dans le sens qu'il peut devenir plus indiqué pour nos interlocuteurs inuits et amérindiens d'accepter - enfin, on peut le faire de toute façon - ou d'être d'accord qu'on aille devant l'Assemblée nationale avec une résolution de ce genre. Il y a eu des rencontres ou des échanges d'opinions qui semblent être positifs avec nos principaux interlocuteurs, mais ce n'est pas encore finalisé. J'espère que, d'ici au mois de juin, avant l'ajournement, on puisse arriver avec cela en Chambre et que ce soit d'accord avec les principaux interlocuteurs, en tout cas.

Le Président (M. Vaugeois): Mesdames et messieurs, est-ce que je peux vous demander si le programme 1 qui concerne le Bureau du lieutenant-gouverneur et le programme 2 qui concerne les services de soutien auprès du premier ministre et du Conseil exécutif sont adoptés?

M. Lévesque (Taillon): Cela va.

Le Président (M. Vaugeois): Ils sont adoptés. Je vous remercie et la commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise de la séance à 15 h 37)

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre, MM. les fonctionnaires, j'ouvre présentement la séance pour l'étude des crédits du ministère des Relations internationales. Nous en étions rendus, je pense, ce midi, au programme 2, Affaires internationales.

Je demanderais au secrétaire s'il y a des remplacements.

Relations internationales

Le Secrétaire: J'annonce les remplacements suivants: M. Baril (Rouyn-No-randa-Témiscamingue) est remplacé par M. Laplante (Bourassa), M. Levesque (Bonaventure) est remplacé par M. Lincoln (Nel-Iigan).

M. Chevrette: ...quoi?

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Programme 2.

Une voix: Programme 3.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Programme 3.

M. Rivest: Ce ne sera pas très long, M. le Président, il y a un excellent ministre qui est responsable. Lorsque c'est un bon ministre, ce n'est jamais long.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): La parole est à M. le ministre.

Office franco-québécois pour la jeunesse

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais très brièvement introduire l'office comme tel. Vous savez que c'est dans le cadre de l'entente qui a été signée en 1965 entre les deux gouvernements d'alors. L'office fut concrétisé en 1968 dans les lois du Québec. Depuis lors, 23 000 jeunes Français et Québécois, donc, tout près de 11 500 jeunes de chacun des pays, 11 500 Québécois et 11 500 Français ont pu bénéficier de ces échanges qui, au départ, bien sûr, étaient plutôt axés vers le sport. Par la suite, les relations du travail ont primé au niveau des sélections et, de plus en plus, cela a permis autant à des groupes sociaux et à des groupes culturels de bénéficier de ce type d'échange.

Cette année, en 1984, je voudrais vous dire qu'il y aura encore des échanges de groupes dans les priorités des deux gouvernements, à savoir la révolution technologique, également l'insertion des jeunes à l'emploi. Il y aura toujours les programmes d'échange, au niveau de l'exploration, qui persisteront, des groupes de dialogue, d'échange ou de jumelage et, également, les programmes de soutien à la coopération. Donc, je pense bien qu'il y aura encore 1500 jeunes Québécois qui bénéficieront de ce voyage, cette année. Et, en particulier, pour souligner, d'une façon peut-être plus grandiose, le 450e anniversaire du pied français au Québec, nous avons un programme spécial qui s'appelle Cap sur l'avenir qui sera réalisé; c'est un échange de

600 jeunes Québécois-Français, 300 de chacun des pays, qui prendront le Mermoz à Québec, pour un débarquement à Saint-Malo. Et, pour réaliser tout cela, les programmes réguliers -vous l'avez vu dans les crédits - c'est 2 016 000 $, pour la réalisation du tout. Je préfère laisser la parole, étant donné qu'on s'est entendu pour que ce soit un court laps de temps, aux membres de la commission et les laisser m'interroger. Je peux vous dire que cela va bien, que cela baigne dans l'huile, comme on dit en bon québécois.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: M. le Président, j'aimerais poser au ministre une question qui va peut-être le surprendre, mais qu'il comprenne qu'elle vient d'un ancien fonctionnaire du ministère des Affaires intergouvernementales qui, pendant longtemps, a été d'ailleurs très concerné par les faits que le ministre vient d'évoquer, en particulier par la Direction générale des relations internationales où le principal défi était de réussir un travail de coordination.

J'aimerais savoir comment l'office est resté la responsabilité de son ministère ou de lui-même. Je ne sais pas si c'est lui-même comme ministre ou si c'est son ministère qui est concerné. J'aimerais être éclairé là-dessus.

M. Chevrette: C'est une délégation de pouvoirs du ministre des Affaires intergouvernementales qui m'a nommé coprésident de l'office franco-québécois...

M. Vaugeois: D'accord.

M. Chevrette: ...et ma vis-à-vis française est Mme Edwige Avice.

M. Vaugeois: Qui est secrétaire d'État.

M. Chevrette: Qui est maintenant secrétaire d'État, après avoir été ministre des Sports et de la Jeunesse. Elle est maintenant secrétaire d'État au Temps libre, à la Jeunesse et aux Sports.

M. Vaugeois: D'accord. J'aurais peut-être une question pour le ministre des Relations internationales, tout à l'heure.

M. Chevrette: Bien sûr.

M. Vaugeois: Je vous remercie, M. le Président.

M. Chevrette: II se fera un plaisir de vous répondre.

Le Président (M. Lévesque, Kamou-

raska-Témiscouata): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: D'abord, M. le ministre, on va vous féliciter d'avoir réussi à vous entendre avec le ministre des Relations internationales; il vous confie un mandat aussi important, contrairement à son collègue dont nous regrettons tous la disparition inopinée.

M. Vaugeois: Nous davantage.

M. Rivest: Moi aussi, je l'aimais bien, Jacques-Yvan. Je voudrais demander au ministre: Est-ce que les fluctuations au niveau de la monnaie vous ont donné des marges significatives, avec la dévaluation du franc?

M. Chevrette: À notre niveau, c'est bien sûr que cela nous a aidés. Je pourrais vous donner les chiffres précis dans quelques minutes, les montants pour l'année en cours, je crois que cela a représenté aux environs de 200 000 $ pour le Québec.

M. Rivest: Est-ce que, dans l'entente, quand il se produit ce genre de choses, il y a des ajustements automatiques bu si vous réglez ces questions au niveau du conseil d'administration?

M. Chevrette: Non. Il y a une mécanique automatique où les deux secrétaires ont le mandat de régler ces niveaux-là, avec rapport aux conférences; il y a deux conférences par année, une en France, une au Québec. Et on a les rapports détaillés, à ce moment-là, des réajustements qui ont été faits par les deux secrétaires, sur les résultats de l'exercice financier comme tel.

M. Rivest: Vous avez évoqué, M. le ministre, au début, une certaine... J'ai constaté, d'abord, dans les rapports, dans les discussions antérieures qu'on avait eues dans les années, entre autres, que la participation des jeunes filles a été considérablement augmentée, je pense que cela a même dépassé, d'après les chiffres que j'ai vus...; deuxièmement, que, également, une des préoccupations que certains membres de la commission parlementaire avaient, en ce sens que davantage de jeunes travailleurs, c'est-à-dire que l'aspect scolarité... Je pense que, peut-être, M. le ministre, vous pourriez, pour les fins du dossier, simplement donner un peu les résultats...

M. Chevrette: Oui.

M. Rivest: ...que l'office a atteints dans la réalisation de ses objectifs, qui avaient été souhaités, je pense, de part et

d'autre.

M. Chevrette: Oui, vous avez raison et le Québec a fort bien atteint ses objectifs. C'est un peu moins concluant du côté français. Mais ici, au Québec, en 1983, les femmes ont dépassé les hommes. Il y a 55,8% de femmes par rapport à 44,2% des hommes, en 1983.

Pour ce qui est de la scolarité, on a ici une légère hausse pour les onze ans de scolarité et moins. Il s'agit de 10,3% par rapport à 9,4%. Ce n'est pas encore aussi déterminant qu'on le voudrait. Cependant, 39%, comparativement à 41%, ont entre 12 et 14. Cela commence à être plus significatif. Il y a eu une baisse des 15 ans et plus; automatiquement, si on a une hausse au niveau des bas scolarisés, il y a une baisse au niveau des haut scolarisés.

Il y a de plus en plus de jumelages. Par exemple, les employés d'une usine de papier Scott de Crabtree, dans mon comté, ont eu un jumelage avec une usine de papier française, de sorte que ce sont des gens qui se qualifient en fonction de leur travail et non plus en fonction de la scolarité. Cela permet de facto de corriger ce facteur, cet objectif que nous visions.

M. Rivest: Un des grands intérêts de l'office franco-québécois est de permettre à des jeunes Québécois d'avoir accès, peut-être pour la première fois, au continent européen. Un élément qui s'est produit également, - je le sais dans certains cas mais je ne sais pas si à l'office vous avez une idée - c'est qu'une fois que les jeunes Québécois vont en France, ils connaissent, bien sûr, le milieu. Est-ce que vous avez une idée de la durée des séjours? Est-ce qu'il y a plusieurs des coopérants qui, profitant de leur voyage en France, peuvent ou font des voyages dans d'autres pays, c'est-à-dire, qui restent sur le continent européen pour diversifier leur expérience, même si ce n'est qu'à titre de visiteur ou autre?

M. Chevrette: On nous dit que 40% de nos délégués, de nos échanges, de nos participants prolongent sur une durée d'une semaine à trois mois. Comme on a introduit un nouveau programme depuis quelques années, qu'on appelle l'IPG, on planifie pour l'individu seul ou des fort petits groupes des voyages d'une durée de 14 jours ou de 21 jours, selon le cas. Dans plusieurs cas, ils prolongent, une fois sur place, leur voyage.

M. Rivest: Est-ce que vous voulez dire que l'office franco-québécois, en tout cas la partie québécoise, peut fournir un soutien ou un apport technique aux jeunes qui veulent prolonger leur séjour? Non?

M. Chevrette: Non. Il n'y a pas d'apport financier additionnel.

M. Rivest: II n'y a pas d'apport financier additionnel?

M. Chevrette: Non. Il y a un plafond dans la participation financière mais, l'aide technique, oui. Par exemple, pour programmer les retours, oui, quand ils prolongent.

M. Rivest: Un dernier élément, si vous voulez, M. le ministre. Vous avez évoqué qu'au niveau des programmes on connaît les programmes traditionnels. D'ailleurs, il y a eu des modifications sur la structure d'âge, etc. Vous avez parlé des programmes, de deux orientations, dont une, sur l'innovation technologique. J'aimerais savoir de façon précise ce que l'office entend faire dans ce domaine ou ce qu'il a peut-être commencé de faire et, deuxièmement, connaître les programmes d'insertion des jeunes à l'emploi. Quelle est la nature du programme qui est offert?

M. Chevrette: C'est qu'on s'est entendu, au niveau de l'office, pour qu'il y ait un programme particulier qui corresponde à des priorités gouvernementales, autant françaises que québécoises. À la suite de nos discussions en conseil d'administration, on s'est entendu pour que les années 1984 et 1985 portent sur les technologies nouvelles et sur l'insertion des groupes. Donc, notre recrutement vise expressément ces groupes intéressés et, à ce moment, il est bien évident qu'il y a des thèmes précis d'échange qui sont préconisés et les jeunes y adhèrent assez spontanément. Pour chaque stage, on peut dire qu'on a toujours le double de candidats par rapport au nombre reçu, et on n'exagère pas en disant le double. Même, dans certains cas... Je prends pour exemple le Cap sur l'avenir: on a 800 jeunes qui en ont fait la demande pour 270 places. Je peux même vous dire qu'il y a des déceptions; c'est comme dans tout concours organisé, il y a des gagnants et il y a des perdants.

M. Rivest: Exactement, qu'est-ce que le programme d'insertion des jeunes à l'emploi?

M. Chevrette: La question fondamentale qu'on pose aux jeunes cette année est la suivante: Croyez-vous que le jeune a quelque chose à faire comme tel dans l'avenir, face au monde du travail, face à la technologie nouvelle? Son rôle dans l'entreprise? La productivité? Ce sont des questions actuelles qui font l'objet de discussions au sein des deux paliers de gouvernement et qui préoccupent même des étudiants présentement, au niveau du cégep et de l'université, inquiets un peu face à l'avenir. Cela leur permet d'aller voir dans d'autres

milieux quel type de questions se posent les jeunes de même niveau sur leur rôle à jouer dans l'entreprise, dans l'industrie en général et, face aux technologies modernes, sur leur futur rôle en tant que jeunes travailleurs qui, dans bien des cas, n'ont même pas encore accédé au milieu du travail ou y ont accédé, mais qui s'interrogent sur les éventuels changements technologiques susceptibles de leur créer des problèmes majeurs.

Donc, c'est un peu l'ouverture sur le monde, sur des techniques nouvelles, et peut-être aussi qu'en faisant preuve d'imagination les deux pays en retireront des bénéfices sûrs et certains au niveau de chacune de ces entreprises et même au niveau québécois, puisqu'on leur demande un rapport - vous connaissez la technique de l'office - et cette année, nous avons l'intention de publiciser davantage ces rapports de contenu afin de permettre justement à d'autres jeunes de bénéficier de l'expérience de ceux qui auront bénéficié du programme.

M. Rivest: Une dernière ou une avant-dernière question. On avait eu comme préoccupation...

M. Chevrette: Excusez-moi seulement trente secondes. Pour ce qui est de ce programme dit prioritaire, cependant, c'est la technique standard des programmes qui existaient avant, les groupes de 21 personnes pour 14 ou 21 jours.

M. Rivest: Une dernière préoccupation au niveau de la répartition géographique des jeunes Québécois. On avait manifesté cela ici, à la commission. C'est aussi une préoccupation, je pense, de l'office de s'assurer que les jeunes qui demeurent dans les régions périphériques puissent avoir proportionnellement autant de chances que ceux des grands centres de participer à de tels programmes. Je ne demande pas au ministre de nous donner une série de statistiques, mais, est-ce que cette préoccupation, comme je le suppose, a été constante à l'office et les résultats ont-ils été atteints?

M. Chevrette: Deux zones sont vraiment déficitaires. Une est à la baisse; il s'agit de l'Est du Québec.

M. Rivest: Saguenay-Lac-Saint-Jean aussi?

M. Chevrette: La zone du Saguenay-Lac-Saint-Jean est légèrement remontée cette année de 1%, mais Montréal et l'Outaouais sont toujours déficitaires.

M. Rivest: L'Outaouais?

M. Chevrette: Et c'est sans doute dû à la question linguistique.

M. Rivest: Bon, justement c'est une autre question. J'avais déjà soulevé cela...

M. Chevrette: Oui, l'an dernier, je me souviens.

M. Rivest: Au niveau linguistique, est-ce que de jeunes Québécois dont la langue première est l'anglais participent - j'imagine qu'il y en a - et cette participation est-elle significative? À -t-on fait, comme on l'avait évoqué, certains efforts pour que, dans les institutions, les milieux de travail ou, peut-être, dans les coins du Québec où il y a plus de jeunes Québécois de langue anglaise, ceux-ci puissent être associés à ce...

M. Chevrette: On en a eu. On en a encore, non seulement au niveau anglophone, mais même au niveau des Inuits.

M. Rivest: Oui, oui, c'est cela.

M. Chevrette: Le problème majeur, c'est que beaucoup se désistent à la dernière minute, même s'ils en ont fait la demande, par crainte de rencontrer des difficultés. Il y a une insécurité de départ qui n'est pas estompée au moment où l'on se parle.

M. Rivest: Pouvez-vous me donner un ordre de grandeur de la participation des jeunes de langue et de culture autres que françaises?

M. Chevrette: Cela ne dépasse sûrement pas 10%. Je vous le dis sous toutes réserves, parce qu'on n'a pas la compilation ici.

M. Rivest: L'office a-t-il l'intention quand même, malgré les difficultés qu'a évoquées le ministre, de...

M. Chevrette: Oui, on a fait des efforts l'an dernier et on continue nos efforts de recrutement dans ces secteurs. Au niveau ethnique, cela s'améliore beaucoup.

M. Rivest: ...

M. Chevrette: Oui, cela s'améliore, mais cela demande énormément d'efforts, même à ce niveau.

M. Rivest: J'ai constaté dans le rapport annuel, évidemment, sur l'office...

M. Chevrette: On peut vous dire qu'on réussit habituellement au niveau des groupes ethniques, soit au troisième essai, rarement au deuxième, mais il faut s'essayer très régulièrement au niveau du recrutement avant de décider certains groupes qui veulent

participer spontanément.

M. Rivest: En terminant, M. le Président, j'aimerais transmettre l'appréciation des membres de la commission et des milliers de jeunes qui auront l'occasion de participer à ce programme pour le travail accompli avec les fonctionnaires et tous ceux qui participent au programme de l'office. Je voudrais indiquer que, dans le rapport annuel de 1982, l'office est peut-être trop modeste dans un certain sens, parce que j'ai lu dans le premier paragraphe - et cela m'a frappé - qu'en 1982 les objectifs précis de programmation fixés par le conseil d'administration ont tous été atteints. Je me demande si, pour les mots "tous les objectifs ont été atteints", c'est la modestie de vos objectifs ou la qualité de votre performance qui vous permet de faire une telle affirmation. Comme je présume de la qualité de votre performance, arrangez-vous pour que l'office se donne d'autres objectifs et ajoute à ceux-ci, étant donné que c'est un des programmes de la coopération franco-québécoise qui, certainement, a l'un des plus grand mérite.

M. Chevrette: Merci, M. le député de Jean-Talon. Pour terminer, je vous dirai que nous avons une excellente collaboration entre le ministère des affaires intergouvernementales et mon ministère qui a la responsabilité et la coprésidence de cet office. Je peux vous dire que nous allons continuer - peut-être assez modestement - à viser à la réalisation entière de nos projets pour le mieux-être des jeunes Québécois et des jeunes Français également. Je pense que c'est un programme, comme vous le dites, qui en vaut la peine, qui garde toujours un budget fort modeste, mais qui, à mon avis, servira. On a un objectif bien précis cette année: publiciser et faire connaître les résultats de ces voyages. Tant mieux pour la collectivité québécoise comme telle. Merci.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Je vous remercie, M. le ministre, ainsi que les gens qui vous accompagnent.

M. Rivest: C'est facile quand c'est un bon ministre.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): J'appelle le programme 4 des affaires intergouvernementales, Gestion interne et soutien.

M. Rivest: Là, c'est plus compliqué.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): La parole est au ministre.

M. Landry: Bonjour, M. le Président. Bonjour, messieurs les membres de la commission, M. Maranda, le secrétaire.

Je voudrais vous proposer de rouvrir cette étude des crédits du ministère des Relations internationales en déposant certaines informations qui m'ont été demandées, en particulier par le député de Nelligan, dans les séances antérieures.

Un premier dépôt en liasse, pour chacun des membres de la commission, de la répartition, par secteur d'activité, des employés des représentations du Québec aux États-Unis. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui pourrait venir prendre cela et aller les porter?

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): On va demander des photocopies pour les distribuer aux membres de la commission.

M. Landry: II y a des photocopies pour tout le monde, M. le Président.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Elles sont incluses?

M. Landry: C'est déjà fait.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le ministre.

Délégation générale du Québec à Paris

M. Landry: Je fais de même pour une autre question du député de Nelligan: c'est la répartition, par secteur d'activité, des employés de la Délégation générale du Québec à Paris. C'est bien ce que vous vouliez, M. le député? En tout cas, regardez si le format vous convient. Si ce n'est pas tout à fait ce que vous voulez, il n'y a rien qu'on ne ferait pour vous donner toute l'information dont on dispose.

M. Lincoln: Merci.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Avez-vous terminé, M. le ministre?

M. Landry: Je pourrais peut-être commenter. Ces deux feuilles font bien ressortir que la Délégation générale du Québec à Paris est vraiment une délégation polyvalente. Cela ne surprendra personne si on dit cela. Il y a des activités de toute nature. Ma remarque est que les activités les plus importantes et les personnels les plus importants sont des personnels économiques. Par exemple, à part le bureau de la déléguée générale et de l'administration - la déléguée générale a un mandat large qui comprend également beaucoup de questions économiques - nous avons immédiatement le service de la

coopération, et la coopération est largement économique. Dans son personnel, on retrouve un conseiller en coopération technique et économique, précisément, un professionnel, un cadre supérieur qui gère l'ensemble de la coopération, un cadre supérieur qui est conseiller en relations éducatives et culturelles. On a des services classiques de presse et d'information; un service culturel avec un cadre supérieur; et on revient à science-technologie, très reliée à l'activité économique, avec un cadre, un employé de soutien.

Les services économiques proprement dits ont un cadre supérieur, quatre professionnels, quatre employés de soutien.

Le tourisme, qui est également un ministère économique, est représenté par un professionnel, un employé de soutien.

Le centre québécois des coopérations industrielles, qui fait le suivi de l'accord franco-québécois et qui est essentiellement économique, comporte aussi deux professionnels, deux employés de soutien. Enfin, il y a la Délégation aux affaires francophones et multilatérales, parce que vous savez qu'en plus d'un délégué général, nous avons un délégué qui s'occupe des affaires francophones et multilatérales, dans le cadre d'autres accords plus vastes, dont l'Agence de coopération technique et culturelle en particulier. (16 heures)

Voilà le portrait plus détaillé de la Délégation générale du Québec à Paris. C'est tout ce que j'avais à dire comme introduction, M. le Président. Il nous reste quelques heures d'étude des crédits de ce ministère. Je pense que l'Opposition aimerait mieux que je sois à sa disposition pour répondre à ses questions, étant donné que toutes mes déclarations liminaires ont été faites dans les séances antérieures.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan.

Représentation à l'étranger

M. Lincoln: Oui, s'il vous plaît! J'aurais voulu continuer un petit peu sur la ligne où nous avons commencé et qui se rapporte au document déposé par le ministre au sujet de l'étude du personnel des délégations, car cela représente une grosse partie du budget.

J'ai étudié les chiffres des délégations par rapport aux États-Unis et je réalise qu'hier, lors de notre discussion, nous n'étions pas d'accord sur le fait que l'on devrait situer certains critères de comparaison avec quelque chose que l'on puisse comparer assez logiquement. Je crois qu'il est essentiel d'établir ces points afin de savoir si vraiment, question d'efficacité, de coûts-bénéfices, de rendement, on peut avoir des critères. J'ai choisi, par exemple, les délégations aux États-Unis où la question culturelle est la même, sans doute, par rapport au Québec, que par rapport à une autre province canadienne. J'ai choisi l'Ontario; encore une fois, c'est le seul point de comparaison que nous avons. Par exemple, en poste à New York, nous avons au total 29 personnes; l'Ontario en a 11. À Boston, nous en avons 10, l'Ontario en a 3. À Chicago, nous en avons 10, l'Ontario en a 8. À Los Angeles, nous en avons 12 et, à Los Angeles et San Francisco, il réussit à avoir une délégation à San Francisco aussi, il en a 9 en tout. À Atlanta, où nous avons 12 délégués, l'Ontario en a 7. Le seul endroit où l'on a moins de personnel que l'Ontario, c'est Dallas, où l'on a 4 personnes et l'Ontario 7. Au total, l'Ontario semble avoir assez de délégations dans ces villes que j'ai choisies, parce qu'elles sont loin du centre de l'automobile où l'Ontario est fort. À New York, Boston, Chicago, Los Angeles, San Francisco, Dallas et Atlanta, l'Ontario a 45 personnes contre 77 pour nous. Lorsqu'on voit le chiffre d'exportation de l'Ontario, même mis à part le parc automobile, on voit que, par rapport au Québec, son chiffre d'exportation est presque deux fois et demie celui du Québec.

Je me demandais quelle est la raison qui fait que nous avons besoin d'un personnel de presque 30 ou 35% plus nombreux que celui que l'Ontario pour mener nos délégations. Par exemple, à New York, nous avons besoin de plus de deux fois la délégation ontarienne. Il me semble que du point de vue relatif de notre investissement, ou bien nous avons trop de personnel, ou bien le rendement n'est pas suffisant par rapport aux résultats. Il y a sûrement un barème quelconque, il y a sûrement quelque chose qui peut se situer par rapport à nos exportations ou l'amélioration de nos exportations. L'Ontario a l'air de bien faire son affaire aux États-Unis. Même mis à part, disons, tout l'État du Michigan et son parc automobile où le gros des exportations va à l'Ontario, cela resterait au même niveau que le Québec, si on mettait de côté tout le Michigan et l'Ohio. Je me demande comment on peut faire. Qu'est-ce que le ministre peut nous dire par rapport à cela?

M. Landry: Je vais vous dire trois choses. Premièrement, il y a, en Amérique du Nord, une soixantaine de gouvernements anglophones. Il y a, au moins, 50 États américains en Amérique du Nord - il y en a quelques-uns, comme Hawaii, qui ne sont pas anglophones - il y a le gouvernement du Canada et le gouvernement de toutes les provinces du Canada, et il n'y a qu'un gouvernement francophone. Il siège ici à Québec, dans notre capitale. Il représente un peuple très largement minoritaire, un peuple qui a, en plus, une diaspora américaine plus

nombreuse que sa propre population. On dit qu'il y aurait 10 000 000 environ de descendants de Québécois aux États-Unis d'Amérique. Pour cette raison, les gouvernements qui nous ont précédés - parce qu'il y a eu peu de mouvement, en fait, dans ces personnels au cours des dernières années; il y a eu quelques augmentations stratégiques dont j'ai déjà parlé - ont eu raison de mettre plus d'énergie que n'en met l'Ontario, parce que l'Ontario, encore une fois, est un des gouvernements anglophones et ils le sont tous, sauf un, dans toute l'Amérique du Nord, au nord du Rio Grande. C'est la première raison.

La deuxième raison, c'est que les diplomates canadiens sont recrutés selon une certaine proportionnalité à la population du Canada. C'est normal. Nul ne peut contester ce fait. Or, comme il y a au-delà de 8 000 000 d'habitants en Ontario, il y a beaucoup plus de diplomates canadiens qui viennent des universités ontariennes, de la haute fonction publique fédérale située en Ontario. Pour cette raison, ils ont une connaissance beaucoup plus grande de l'économie ontarienne et servent mieux l'économie ontarienne à l'étranger, en particulier aux États-Unis, que la diplomatie canadienne ne saurait le faire, sans que je fasse de reproches à celle-ci, mais c'est dans la nature statistique des choses. Il m'arrive souvent de dire que plusieurs diplomates canadiens ne savent pas vraiment la différence entre Chicoutimi et Rimouski. Ce n'est pas leur faute. Il y a beaucoup de Québécois qui ne savent pas non plus exactement la différence entre Saskatoon et Moose Jaw. En pratique, nous avons le devoir, nous, de compenser par la présence d'un certain nombre d'agents québécois sur le territoire non américain.

Le troisième élément de ma réponse, vous en avez évoqué une grande partie, c'est le Pacte de l'automobile. Les Américains et les Canadiens ont décidé, avant même ou immédiatement après le départ fonctionnel du Marché commun européen, de faire un marché commun entre le Canada et les États-Unis, qui, contrairement au Marché commun européen, ne porte pas sur toutes les productions, mais sur une. Cette production, c'est l'automobile et elle est en Ontario à 95%. Si vous défalquez les produits automobiles exportés par l'Ontario des exportations totales de l'Ontario, vous allez voir que le reste des exportations ontariennes équivaut aux exportations québécoises, mais ils sont 8 000 000.

J'ai entendu vos chiffres et je les crois. Introduisez dans ces chiffres le facteur correction de population si vous voulez avoir une idée des succès de l'Ontario à l'exportation US. Dans ce dernier point, il y a un élément structurel de l'économie ontarienne qui est très différent de la structure économique québécoise. C'est le suivant; un vaste trafic intrafirmes. Pourquoi? Parce que l'économie ontarienne est une économie beaucoup plus dominée que l'économie du Québec par des centres de décision américains. Toute l'automobile, par exemple, a un centre de décision ultime en dehors de l'Ontario. Il n'y a pas une firme ontarienne de l'automobile: même s'ils ont 95% de l'industrie automobile du Canada, ce sont toutes des filiales de multinationales, soit américaines, soit françaises dans le cas de AMC-Renault. Cet exemple ne vaut pas uniquement pour les très grandes firmes. Il vaut aussi pour une grande partie de la PME ontarienne, qui n'est pas vraiment une PME ontarienne, mais qui est simplement un établissement de 200 ou 300 employés - et c'est pour cela qu'on dit PME - filiale d'une entreprise beaucoup plus vaste située au États-Unis.

Dans ces conditions, il devient facile, par le compte à compte et par l'intrafirmes, d'exporter sans effort et sans avoir besoin de personnel ou de délégation dans aucun endroit en plus de ce qu'a déjà l'Ontario, et d'exporter des volumes considérables.

Ce n'est pas le cas pour le Québec. Au Québec, il s'agit d'une économie qui s'appartient beaucoup plus. Il y a beaucoup plus de centres de décisions ultimes à Montréal qu'il n'y en a à Toronto. Les décideurs ultimes de Bombardier sont au Québec. Les décideurs ultimes de GM sont aux États-Unis. Je donne ces deux exemples, je pourrais en donner des milliers d'autres. Vous avez sans doute déjà vu, dans le Financial Post, le Big Five Hundred à tous les ans. J'ignore si c'est une lecture qui vous passionne, moi, je le lis à chaque année. Je vois bien que les centres de décision de l'économie québécoise sont beaucoup plus, de façon générale, ultimement situés au Québec que dans le cas de l'économie ontarienne. Je ne qualifie pas le phénomène, je ne veux pas dire que c'est une catastrophe. L'économie ontarienne fonctionne remarquablement bien, mais c'est une réalité que l'Ontario a moins besoin ou a moins éprouvé le besoin que les gouvernements québécois - le nôtre et ceux qui nous ont précédés - d'avoir une délégation importante aux États-Unis.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Ce que je dis, c'est que même...

M. Landry: M. le Président, ce n'est peut-être pas l'usage et j'ignore si c'est déjà arrivé lors d'une commission, mais on m'annonce un appel téléphonique de toute urgence et l'interlocuteur insiste, même s'il sait que je suis en commission. Est-ce que je peux aller prendre l'appel?

M. Lincoln: Bien oui, mon goglu! M. Landry: Merci infiniment.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise de la séance à 16 h 14)

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelli-gan.

M. Lincoln: En tout cas, M. le ministre, je pense qu'on aurait pu faire un débat sur les raisons. Toutefois, j'ai envie d'arriver beaucoup plus près des chiffres. Cela ressort très clairement. On peut dire: Si on retire le Pacte de l'automobile, nous en sommes arrivés au même stade que l'Ontario.

En fait, j'aurais voulu demander au ministre combien le Pacte de l'automobile ontarien produit d'exportation ontarienne. Je regarde les chiffres. Même si l'on retire le Pacte de l'automobile ontarien, je crois que vous verrez qu'il reste une grande différence, une différence marquée, entre les exportations du Québec et celles de l'Ontario.

M. Landry: Je veux bien vous croire. Je prends vos chiffres pour ce qu'ils sont, mais avez-vous fait votre correction de facteur de population?

M. Lincoln: Non, non, même si vous faites...

M. Landry: Si vous me dites que le PNB de la France est plus élevé que celui du Québec, cela va tomber sous le sens; ils sont 55 000 000 et on est 6 000 000.

M. Lincoln: D'accord. Mais si vous retirez le Pacte de l'automobile de l'Ontario, les exportations ontariennes, si l'on prend l'année 1983 où on a les chiffres totaux, c'était presque 25 000 000 000 $ comparativement à... Excusez-moi d'avoir lu la mauvaise colonne. C'était 35 000 000 000 $ pour les États-Unis comparativement à 10 000 000 000 $ pour le Québec.

M. Landry: Avez-vous retiré le Pacte de l'automobile?

M. Lincoln: D'après les chiffres que je vois dans les statistiques d'exportation par pays, quitte à vérifier, aux voitures automobiles et châssis, il y a 8 570 000 000 $...

M. Landry: Les chiffres de l'Ontario, je les connais à peu près. Oui, c'est plausible.

M. Lincoln: Même si c'est 14 000 000 000 $ et que vous retirez ce montant de 35 000 000 000 $, je pense que les exportations de l'Ontario sont presque le double de celles du Québec aux États-Unis.

M. Landry: Et vous retirez...

M. Lincoln: Sur une population de 36% de plus d'habitants.

M. Landry: Là, je prends cela sous toute réserve, je n'ai pas...

M. Lincoln: Oui, moi aussi, je regarde ces chiffres.

M. Landry: Je vous signale de toute façon que ce que vous dites là ne prouverait pas grand-chose, sinon qu'il faut intensifier notre délégation économique aux États-Unis.

M. Lincoln: Peut-être est-ce une façon de voir cela, c'est sûr, mais deux choses me retiennent. On peut dire qu'il y a l'argument culturel, le fait qu'on soit le seul gouvernement francophone, etc., mais, si on regarde la liste du personnel que vous avez, encore une fois... Le service économique, le service du tourisme...

Une voix: C'est le plus gros.

M. Lincoln: ...le service agro-alimentaire sont de beaucoup les services les plus employés, où il y a le plus de personnel. C'est-à-dire que tous les services sont économiques. Le tourisme, c'est le gros du personnel, et il y a les délégués généraux...

Une voix: Oui.

M. Lincoln: Alors, même avec un facteur quelconque pour le fait qu'il a une présence spéciale, le Québec étant le gouvernement de la francophonie en Amérique du Nord, sûrement qu'il y a une façon d'établir, c'est à cela que je suis en train d'essayer d'arriver, M. le ministre... Peut-être que vous me prouverez par des arguments quelconques qu'à New York on a besoin de 29 personnes contre 11 pour l'Ontario, soit presque trois fois plus, parce que les Ontariens sont anglophones, qu'ils ont une relation beaucoup plus automatique avec les États-Unis du fait de la culture, qu'il y a le gouvernement canadien puis l'ontarien. Mais, en fait, l'autre jour, quand on a discuté de cela en rapport avec Los Angeles et San Francisco, j'ai pris la peine de téléphoner au consul canadien, M. Taylor, à Los Angeles - j'oublie le nom du membre du personnel à San Francisco -...

M. Landry: Non, non, Taylor, c'est à New York.

M. Lincoln: Peut-être qu'il est à New York. Ce n'est pas le même Taylor. Je parle d'un autre Taylor, je ne parle pas de Taylor qui était en Iran. Il y en a un autre qui était le consul général à Los Angeles, si ma mémoire me sert bien, qui lui aussi s'appelait Taylor.

M. Landry: Je pense que votre mémoire vous trompe parce que je connais ce gars-là. En tout cas, je le connaissais il y a deux ou trois ans, au moment où on s'en est parlé.

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Landry: À New York, c'est Ken Taylor, ancien ambassadeur en Iran.

M. Lincoln: Oui, oui, ce n'est pas Ken Taylor, ce n'est pas le même. Je pensais qu'il s'appelait Taylor, peut-être qu'il s'appelle Smith. En tout cas, tout ce que je peux vous dire...

M. Landry: Cela ne nuancera pas beaucoup votre pensée.

M. Lincoln: Oui, ce n'est pas grand-chose. Je lui ai parlé à deux ou trois occasions parce que vous aviez fait la remarque que, par exemple, à Los Angeles... Ce n'était pas vous, c'était le député de Shefford qui avait dit que, en Californie, le personnel ne connaissait rien du Québec, que tous étaient des Ontariens. J'ai téléphoné au consul qui m'a dit que la grande majorité du personnel, en fait, était des Québécois. Il y avait trois Ontariens contre, je pense, sept ou huit Québécois.

M. Landry: À la bonne heure!

M. Lincoln: Je pourrai trouver les références et ce sera intéressant. En fait, je vais suivre la chose pour savoir quelle est la proportion de personnes de langue française dans les délégations. En fait, c'est bien M. D.F.F. Taylor, consul et premier délégué commercial à Los Angeles. C'est bien M. Taylor.

M. Landry: Oui.

M. Lincoln: Alors, je lui ai téléphoné. Il m'a assuré, en fait, que, dans son personnel, la majorité des gens venaient du Québec.

M. Landry: Bravo!

M. Lincoln: II y en avait, je pense... D'accord, peut-être que ce n'est pas le cas partout aux États-Unis. Je suis certain que ce n'est pas le cas partout aux États-Unis.

M. Landry: Si vous...

M. Lincoln: Mais, en tout cas...

M. Landry: ...êtes en train de me dire que la diplomatie canadienne est constituée majoritairement de Québécois, vous allez faire la une de tous les journaux du continent, ce soir même.

M. Lincoln: Vous voyez, M. le ministre, vous ne me laissez jamais finir mes phrases. Vous interrompez les gens à mi-chemin. Tout ce que j'ai essayé de vous dire, c'est que, l'autre jour, vous avez apporté l'exemple de Los Angeles, où le Canada avait dépensé 1 000 000 $ pour sa maison. J'ai téléphoné au consul et il m'a dit que la maison avait coûté 250 000 $. Le député de Shefford a dit qu'il avait visité l'endroit, que ce n'était que des Ontariens. J'ai pris la peine de téléphoner au consul, qui m'a dit que ce n'était pas vrai, qu'il y avait sept Québécois et trois Ontariens. Ce que je veux vous dire, c'est que je suis certain qu'il y a une grosse majorité d'anglophones dans la délégation canadienne. C'est normal.

M. Landry: Bon! Voilà, on s'entend.

M. Lincoln: On est 6 000 000 contre 25 000 000; sur cela, nous sommes d'accord avec vous.

M. Landry: Voilà!

M. Lincoln: Tout ce que je veux vous dire, c'est que ce que je vais essayer d'établir - j'espère qu'on aura une autre occasion de discuter de cela après - c'est que, sûrement, il y a une proportion très forte de francophones, de gens qui parlent très bien le français, qui travaillent au sein des délégations canadiennes aux États-Unis. Je vais développer ces chiffres parce que je me souviens d'avoir parlé aux gens de la Californie qui m'ont expliqué qu'un grand pourcentage des cadres des délégations commerciales étaient des gens bilingues. Je vais le vérifier.

On dit: Pour le Canada, c'est tout à fait normal; il y a la présence canadienne qui est majoritairement anglophone aux États-Unis; l'Ontario, du fait même de sa culture, de la structure de son économie n'a pas besoin de faire le même effort d'exportation. Ce sont tous des arguments qui restent à être prouvés.

Je vois, dans nos industries de pointe -les pâtes et papiers, l'industrie aéronautique avec Pratt & Whitney, l'industrie des communications, l'industrie pharmaceutique où nous sommes encore le leader, toutes sortes de firmes américaines qui oeuvrent ici et qui exportent leurs produits - quelque chose qui reste à démontrer statistiquement

et scientifiquement. Cela peut être démontré. Tout ce que vous avancez au point de vue de la structure de l'économie ontarienne, du Pacte de l'automobile par rapport aux États-Unis fait-il qu'on est satisfait, sans avoir fait une analyse profonde, qu'on doit avoir 77 personnes contre 45 pour l'Ontario quand les exportations sont trois fois plus que les nôtres - 35 000 000 000 $ contre 10 000 000 000 $? Compte tenu du Pacte de l'automobile, cela reste le double. À ce moment-là, tout le monde est satisfait? Ce qu'on vous demande, M. le ministre, c'est de faire cette analyse et, jusqu'à présent, personne n'a l'air de l'avoir faite. On avance des théories qui ne sont pas soutenues par des statistiques, par des faits.

Je trouve que, pour les États-Unis - on peut dire: en France, il y a la question culturelle qui entre en jeu, en Belgique, il y a la question culturelle, peut-être en Italie on va dire: C'est le groupe latin et il y a aussi la question culturelle - il y a sûrement des critères qu'on peut établir, une évaluation pour savoir si, par exemple, on a besoin de 77 membres de personnel pour les États-Unis. Peut-être qu'on a raison d'en avoir 77 mais il faut les répartir avec plus d'efficacité dans, disons, sept centres. On aurait pu avoir les mêmes personnes dans dix centres. Référez-vous aux crédits de 1977-1978. Par la suite, il y a eu des demandes qui ont été faites à ce sujet par mon ancien collègue, le député de Saint-Laurent, M. Forget, qui demandait la même chose. Lui aussi est un économiste de marque au Québec. Il disait qu'il faut une grille d'évaluation, de comparaison. Il posait cette question. Alors, ce n'est pas une question niaiseuse. Je pense que c'est quelque chose de tout à fait valable et peut-être qu'une étude pourrait établir si on dépense de l'argent aussi efficacement qu'on le pourrait. C'est cela, la question. Je ne pense pas que vous m'ayez convaincu.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.

M. Landry: Remarquez que je ne cherche pas tellement à vous convaincre. Je cherche à répondre à vos questions le plus honnêtement possible. Je vais ajouter quelques petits éléments. Permettez-moi d'abord de vous donner modestement un conseil. Peut-être pourriez-vous parler au député de Bonaventure qui est le chef parlementaire de votre formation et qui pourrait vous dire, lui qui a été un des architectes de notre réseau américain à peu près tel qu'il est parce qu'on a ajouté le poste d'Atlanta depuis 1976... Le député de Bonaventure, qui a été l'architecte partiel -parce qu'il y a eu d'autres ministres avant, des ministres libéraux et des ministres de l'Union Nationale - de la construction de ce réseau, pourrait vous dire un mot sur les justifications de l'établissement de ce réseau américain.

Je voudrais aussi établir une petite nuance. Vous pouvez très bien prendre l'annuaire diplomatique canadien et me sortir le nombre de francophones... N'oubliez pas que ce n'est pas de francophones que je vous ai parlé; c'est de Québécois et de Québécoises. Un francophone de Port Coquitlan B.C., ce n'est pas tout à fait évident, lui non plus, qu'il puisse faire la différence entre Chicoutimi et Rimouski, ou en tout cas qu'il connaît bien le parc industriel de Drummondville. On s'entend là-dessus.

Vous avez aussi donné l'exemple de Pratt et Whitney. À mon avis, c'est un mauvais exemple. Ce que je vous ai dit pour la structure économique ontarienne, c'étaient des échanges intrafirmes. Mais Pratt et Whitney, justement, n'est pas un faiseur d'échanges intrafirmes. Pratt et Whitney est un citoyen corporatif québécois qui vend dans tous les marchés du monde suivant une mission mondiale, de la planche à dessin jusqu'au moment où la turbine sort de l'entrepôt et qui assure en plus le service après-vente. C'est une multinationale québécoise travaillant au Québec qui est exemplaire, qui se bat contre la concurrence américaine, qui se bat contre Lycoming, contre General Electric, contre n'importe qui, comme Bombardier le ferait ou comme Domtar le ferait. Ce n'est pas tout à fait la même chose et, en Ontario, on a beaucoup plus d'intrafirmes.

M. Lincoln: Est-ce que vous avez des statistiques pour appuyer cela? Est-ce que vous avez comparé, par exemple, avec l'industrie pharmaceutique ici...

M. Landry: Ah! cela fait 20 ans que j'étudie cela. C'est sûr que j'ai des statistiques. Je ne les ai pas apportées ici cet après-midi, parce que cela m'aurait pris un camion, mais...

M. Lincoln: Oui, mais peut-être sans prendre un camion... Il y a sûrement des statistiques pour démontrer combien les exploitations intrafirmes de l'Ontario se comparent aux exportations intrafirmes du Québec?

M. Landry: II y a des bibliothèques entières sur le sujet, mais ce n'est pas dans mon livre de crédits.

M. Lincoln: Je comprends, M. le ministre. Seulement, vous avancez cela comme une raison pour laquelle nous avons 77 personnes aux États-Unis contre 45... C'est sûrement une raison qui compte. Mais

tout ce que je vous demande, c'est: Est-ce qu'on a besoin de presque 40% plus de gens parce que l'Ontario a des exportations intrafirmes, parce que l'Ontario a un Pacte de l'automobile et parce que l'Ontario est anglophone? Peut-être que ce sont des raisons qui justifient une certaine différence, c'est sûr. Tout ce que je vous demande, c'est de prouver que vraiment on a besoin de tellement de gens en plus pour arriver à un rendement qui est nettement inférieur. C'est cela, la question.

M. Landry: Je vous réitère que la réponse est oui. On a besoin de plus de monde que l'Ontario. Ma réponse est la même que celle qui a été donnée par le gouvernement libéral qui nous a précédés puisque c'est lui qui a établi les délégations. C'est pour les raisons que j'ai dites, plus le fait que, si notre volume exporté n'est pas le même que celui de l'Ontario, on a justement besoin de faire plus d'efforts. On a besoin de tout ce monde-là. Je vais vous dire davantage. Chaque fois qu'il nous semblera important d'élargir nos personnels à l'étranger, aux États-Unis comme ailleurs, nous le ferons après une analyse du cas. Là, à cause d'un courant d'échanges particuliers découlant de l'implantation de Bell Helicopter, on renforce nos personnels dans le secteur Dallas-Fort Worth. Et, chaque fois qu'on aura des cas qui justifient une attitude semblable, nous le ferons. (16 h 30)

M. Lincoln: M. le ministre, on va quitter cela, parce que, à un moment donné, on pourrait tourner en rond sur ce sujet. Tout ce que je veux vous dire, d'abord, puisqu'il y a un rapport aux gouvernements libéraux antérieurs, vraiment ce n'est pas un argument qui me frappe beaucoup, parce que là n'est pas la situation.

Si, par exemple, quand le Parti québécois était à l'Opposition, ils avaient la latitude d'aller questionner M. Levesque et les autres ministres des Affaires intergouvernementales, ils l'ont fait ou ils ne l'ont pas fait pour ne pas changer les choses, c'est très malheureux. Mais, si les libéraux antérieurs avaient fait des choses qu'il fallait mettre en question parce qu'on n'avait pas les barèmes et les critères, je les blâmerais autant que le gouvernement actuel s'il ne l'a pas fait. Ce n'est pas parce que quelque chose n'a pas été fait dans le temps des libéraux qu'il ne faut pas qu'on leur dise de poser la question. Je trouve que cet argument ne tient pas debout.

Aujourd'hui, vous êtes le gouvernement. Vous l'avez été depuis 1976. On pose une question qui, selon moi, est tout à fait logique. Les réponses avancées sont des réponses très simplistes et larges qui disent: La question d'anglophonie, la question d'intrafirmes... Mais, rien, aucune analyse ne démontre...

En fait, votre réponse confirme même le doute, parce que vous dites: On va analyser cas par cas, on va ajouter deux ou trois personnes, une personne à Dallas-Fort Worth si on a Bell Helicopter; on ajoutera une autre personne à Atlanta si une autre industrie américaine s'implante ici, parce qu'on aura plus de contacts.

Je vous demande de revoir toute la chose de base, les critères qui font que nous avons 77 personnes aux États-Unis. Est-ce que la distribution de ce personnel est le plus efficace possible? Est-ce que, si, par exemple, on pouvait économiser du personnel, comme les Ontariens le font, et réduire ce personnel à 67, on aurait 10 autres personnes qu'on pourrait mettre ailleurs aux États-Unis de façon plus efficace, peut-être ouvrir un bureau à San Francisco ou ailleurs, ou bien même les envoyer dans le monde, en Amérique latine ou ailleurs? C'est la question qu'on se pose.

On dit: C'est comme cela. Les libéraux ont commencé cela et on continue la même chose, que ce soit bon ou mauvais. On se réfugie alors dans ces prétextes qu'on entend chaque année: Ahl les Ontariens sont anglophones, il y a le Pacte de l'automobile, sans faire une analyse qui démontre clairement que ces faits sont établis; tant que les faits ne seront pas établis, on répétera exactement la même chose...

M. Landry: Moi, M. le Président, je considère qu'il est établi que les Ontariens sont anglophones. Je ne déclencherai pas de recherches inutiles au gouvernement pour vérifier ce fait.

M. Lincoln: Je pense que c'est une réponse qui explique pourquoi on aura toujours 77 personnes et que l'année prochaine on en aura 79. Je pourrais poser exactement la même question jusqu'aux élections...

M. Landry: On en aura peut-être 100 l'année prochaine.

M. Lincoln: ...mais j'espère que d'ici là les choses vont peut-être changer. Dans l'article de M. Jacques-Yvan Morin dans lequel il a fait une espèce de testament politique, sans doute pour exprimer ses points de vue par rapport aux relations internationales après avoir quitté le ministère en claquant la porte, il a dit que, selon lui, l'objectif du Québec est de savoir ce qui se passe dans le monde et ne pas se contenter de subir les décisions, le gouvernement fédéral se montrant fort jaloux des renseignements qu'il cueille et se servant plutôt des conférences internationales comme autant de prétextes pour envahir graduellement les compétences provinciales.

Êtes-vous d'accord avec cette justification d'une politique de présence directe dans le monde? Est-ce la motivation centrale pour les délégations?

M. Landry: Tout à fait. J'ai lu les articles de mon collègue, moi aussi, et je les ai trouvés très bien faits. Je suis d'accord avec ce qu'il a écrit. Il écrit bien, sa pensée est claire, profondément québécoise et je la partage.

M. Lincoln: Voyez-vous dans cet article une approche qui indique une coopération essentielle avec le niveau fédéral tant qu'on y sera?

M. Landry: Ah oui! Je l'ai dit hier. J'ai répondu à cela longuement: "law-abiding country".

M. Lincoln: Non, mais il y a plus que le "law-abiding", une question de coopération. Il y a une coopération négative et une positive. Croyez-vous que le gouvernement fédéral se montre jaloux des renseignements qu'il y cueille, se servant plutôt des conférences internationales comme autant de prétextes pour envahir graduellement les compétences provinciales? Ne trouvez-vous pas plutôt que cette déclaration indique la contre-offensive dont on parlait hier et que je citais de la lettre de M. Michaud, une espèce de politique de confrontation, de dialogue de sourds, au lieu d'une politique de coopération avec le niveau fédéral?

M. Landry: Je ne sais pas où était le sourd, parce que ce n'est pas cela que j'ai dit hier. J'ai dit qu'à Paris...

M. Lincoln: Je n'ai pas dit que vous aviez dit cela. Je vous pose la question.

M. Landry: Ah bon! Ah bon! J'ai dit qu'en France la situation est spéciale, c'est un cas d'espèce. Le Québec ne reculera pas et il me semble que j'ai été extrêmement clair là-dessus. J'ai aussi dit que, à peu près dans tous les coins de la planète où nous avons des délégations et où le Canada est représenté, il y a un niveau variable de coopération mais, en général, très intéressant entre les diplomates québécois et les diplomates canadiens. Et c'est la règle. J'en ai été témoin moi-même. J'ai visité presque la plupart des postes. Et j'ai toujours vu un niveau de coopération élevé. Des fois, il y a des intérêts objectifs. Par exemple, quand l'Ontario réussit à placer ses De Havilland à décollage court, les turbines sont québécoises. Alors, je me fais le promoteur de la vente des De Havilland à décollage court parce que, à chaque coup, on vend deux turbines du Québec plus les pièces de rechange pendant 20 ans et le service. Alors, cela dépend.

M. Lincoln: II a dit aussi que, n'eût été la modicité des moyens et les obstacles suscités par le gouvernement fédéral, le Québec aurait débarqué sur tous les continents. Est-ce que, sans les contraintes financières, vous pourriez nous dire votre philosophie, où vous seriez présents, est-ce que vous auriez envahi tous les continents, dans combien de pays? Si, demain matin, l'argent était là, qu'est-ce que vous voyez comme votre philosophie d'implantation du Québec à l'étranger?

M. Landry: D'abord, vous savez que je suis un homme de calcul. Tant que le Québec sera partie de la fédération canadienne dans son état juridique actuel, je serais réticent à doter le Québec d'une diplomatie qui couvrirait tous les pays et tous les continents étant donné que le contribuable québécois paie déjà pour toute la diplomatie canadienne. La diplomatie canadienne joue des rôles auxquels le Québec n'a nullement accès. Toutes les questions de chancellerie, de passeport, de visa, vous payez, M. le député de Nelligan, pour cela et je paie aussi; on ne va pas aller faire payer nos contribuables deux fois, et ni vous, et ni moi.

Alors dans le contexte constitutionnel présent, s'il n'y avait pas l'entrave fédérale dans nombre de cas de développement du réseau de délégations du Québec, nous continuerions le développement, mais pas pour atteindre le niveau que le Québec aurait s'il était souverain étant donné que toutes les questions de chancellerie sont assumées par le gouvernement du Canada avec nos taxes.

Alors, mon objectif, c'est d'étendre la représentation québécoise avec les moyens modestes dont nous disposons, sans créer d'injustice pour nos contribuables et en étant toujours certains - cela, j'en ai la conviction profonde - que nos délégations à l'étranger rapportent beaucoup plus qu'elles nous coûtent. Il y a eu des études de faites là-dessus. Il y a aussi un très grand nombre de cas, de témoignages d'entreprises. Tant que les délégations sont payantes, je veux qu'on les élargisse. Mais je veux qu'on les élargisse en tenant compte que le Québec n'est pas un pays souverain et que, par conséquent, il y a plusieurs parties de l'appareil diplomatique classique dont il n'a pas besoin, parce que ce n'est pas sa juridiction. Encore une fois, je le déplore mais je l'accepte.

M. Lincoln: Si je ne me trompe, à Abidjan, le représentant du Québec oeuvre à travers l'ambassade canadienne, n'est-ce pas?

M. Landry: C'est exact.

M. Lincoln: Et, d'après ce que je comprends de gens qui ont fait des affaires à Abidjan, qui ont eu affaire au délégué du Québec à Abidjan, cet arrangement semble marcher très bien, il y a sûrement une harmonie dans le travail, il n'y a aucun problème. Les gens qui ont eu affaire au délégué du Québec ou au représentant du Québec n'ont eu aucun problème de ce côté. Est-ce que, par exemple - je sais que cela fait rire, tout cela...

M. Landry: Pas moi, M. le député. M. Lincoln: Oui.

M. Landry: Je suis votre collègue, je ne ris jamais quand vous parlez.

M. Lincoln: Oui, je sais. Je sais que le sous-ministre trouve cela très amusant.

M. Landry: Mais, si vous faites rire les experts, méfiez-vous.

M. Lincoln: Ah oui! Les experts!

M. Landry: Je suis un profane, c'est peut-être parce que je n'ai pas compris le sens drôle de vos propos.

M. Lincoln: Si les experts rient, cela ne m'impressionne pas beaucoup. Ils ne m'impressionnent pas comme experts, sûrement!. S'il faut qu'ils rient... Ce sont des questions tout à fait légitimes. Là, il y a quelqu'un qui est à Abidjan, qui travaille à la délégation canadienne. Est-ce qu'il n'y a pas des endroits, dans le monde, où on est juxtaposés aux ambassades canadiennes et où on pourrait se servir du même système pour économiser et peut-être élargir notre représentation, économiquement parlant?

M. Landry: Écoutez!

M. Lincoln: Est-ce qu'il ne serait pas temps de commencer à penser à des solutions où on peut avoir une action beaucoup plus efficace? Vous parlez de décupler notre action. Qu'est-ce qui nous empêcherait - vous parlez d'aller peut-être au Brésil, à Singapour - s'il y a là une ambassade canadienne, au lieu d'aller ouvrir à côté pour mettre notre drapeau, de travailler à travers l'ambassade canadienne?

M. Landry: La réponse est non. Si votre formation politique veut réduire le réseau diplomatique du Québec, je ne pense pas qu'elle ait jamais le pouvoir avec des idées aussi absurdes mais, si jamais elle l'avait, elle le fera. Tant que nous serons là, nous ne ferons pas moins que l'Ontario. Si ce que vous dites est vrai, est-ce que le gouvernement de M. Bill Davis est un gouvernement si souverainiste qu'il a décidé d'ouvrir lui-même ses propres délégations ontariennes? C'est parce qu'il a compris que, dans l'intérêt de sa population, il y avait des intérêts spécifiques qui devaient être défendus. Si c'est vrai pour l'Ontario, c'est dix fois plus vrai encore pour le Québec, à cause des différences culturelles, des différences politiques, du désir du Québec de décentraliser depuis que le Québec est le Québec. Cette salle où nous nous trouvons a entendu, pendant un siècle, des propos constants où le Québec voulait de plus en plus d'autonomie, de décentralisation des pouvoirs. Nous allons continuer dans ce sens, vous pouvez être absolument certains de cela.

Qu'il y ait des arrangements de commodité, des fois, pour que cela coûte moins cher aux contribuables, on l'a dans le domaine de l'immigration, par exemple. On a des officiers d'immigration dans plusieurs ambassades du Canada. Sauf que, pour ce qui est de l'action spécifique du Québec en matière économique en particulier, comme l'AIberta et l'Ontario ont décidé de le faire - ils sont présents à Hong Kong - le Québec fera la même chose. Je ne sais quel a été le raisonnement des Albertains, mais nous agirons pour des raisons analogues, plus des raisons tenant à la spécificité québécoise.

M. Lincoln: M. le ministre, vous parlez de l'Ontario. Vous devriez peut-être faire des comparaisons; l'Ontario a des délégations dans six pays, surtout dans les grandes villes: Paris, Londres, Bruxelles, Francfort, Tokyo et Hong Kong, je crois.

L'Ontario avait une délégation à Milan. Ils ont fait un calcul quelconque: ils ont décidé que Milan n'était pas profitable comme délégation séparée. Ils l'ont fermée et travaillent à travers la délégation canadienne. Ils avaient une délégation au Mexique: ils ont trouvé qu'elle n'était pas rentable. Ils l'ont fermée. Ils avaient une délégation au Brésil: ils ont trouvé qu'elle n'était pas rentable. Ils l'ont fermée. Ici, on a l'air de prendre pour principe: Si on en a une, on la garde coûte que coûte. Si on en a une, il faut qu'on en ait deux; si on en a deux, il faut qu'on en ait trois.

Tout ce que je vous ai dit, c'est qu'il y a sûrement des endroits où, pour des questions de rentabilité, de coûts, et des questions pratiques, pragmatiques, on pourrait s'implanter à travers les délégations canadiennes. En Italie, par exemple, nous avons deux délégations: nous en avons une à Rome et une à Milan. Est-ce que c'est la façon la plus efficace de travailler au sein de l'Italie? Est-ce que nous n'aurions pas pu travailler à travers Rome et fermer notre délégation à Milan et utiliser notre argent ailleurs? C'est ce genre de question que je vous pose.

M. Landry: Même le Canada a une ambassade près le Saint-Siège, près le Quirinal et des consulats dans toutes les villes importantes de l'Italie. Qu'y a-t-il d'étonnant à ce que le Québec soit présent à Rome, surtout en raison des événements des dernières années, où le Québec, par exemple, a toujours joué un rôle très grand dans les cérémonies de béatification, canonisation où de nombreux Québécois et Québécoises sont allés et ont profité des services qui y sont présents? À Milan, se trouve concentré l'essentiel de l'activité économique de la péninsule italienne. Les services y sont carrément économiques sinon exclusivement; pas exclusivement parce que le siège officiel du délégué est quand même à Milan. (16 h 45)

Nous ne sommes pas du tout portés vers ce mouvement de réduction du Québec sur le plan diplomatique, sauf que, pour des raisons de conjoncture, si un poste nous apparaît moins intéressant, on va le comprimer. On avait comprimé Dallas à une personne et on l'a remonté à trois parce que la conjoncture était plus favorable. Mais je trahirais la philosophie de mon gouvernement - et, à mon avis, de tous les gouvernements du Québec qui nous ont précédé - si je vous disais que, pour des raisons purement mercantiles, on va réduire le rôle international du Québec.

Là, je puise aux auteurs les plus orthodoxes, les plus libéraux. Je pense à Paul Gérin-Lajoie, par exemple, à Georges Lapalme, pas des péquistes, qui ont compris que le gouvernement du Québec représente une nation et que cette nation a besoin, comme de l'oxygène nécessaire pour faire respirer les êtres vivants, de contacts internationaux qui lui sont propres. Cette maison, ici, s'appelle l'Assemblée nationale, M. le député de Nelligan. Vous vous êtes fait élire à l'Assemblée nationale. J'espère que cela ne vous choque pas. En Ontario, cela s'appelle la Législature. Et, dans toutes les autres provinces, cela s'appelle la Législature.

M. Lincoln: M. le Président...

M. Landry: Qui dit Assemblée nationale dit nation, qui dit nation dit contact avec les autres nations.

M. Lincoln: M. le Président, excusez-moi. Je ne sais pas s'il y a des questions de règlement. On ne peut pas accepter les espèces de déclarations pieuses du ministre qui trône toujours sur son grand siège, qui fait l'important. Je suis député au même titre que lui. J'ai été élu par des électeurs au même titre que lui. Je suis très fier d'être député à l'Assemblée nationale; je travaille à l'Assemblée nationale. Je suis très conscient de mes responsabilités comme député du Québec. Et toutes ces histoires d'Assemblée nationale et sa "pompeusité", il n'a qu'à garder cela pour lui, aller trôner en France ou ailleurs, cela ne m'impressionne pas du tout.

Une voix: M. le Président....

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan, c'est possiblement une opinion que le ministre émettait.

M. Lincoln: Moi aussi, j'émets une opinion.

M. Landry: Certainement que c'est une opinion, M. le Président.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Alors...

M. Landry: C'est même une conviction.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): ...il faudrait faire attention, M. le ministre et MM. les députés, pour les fins du journal des Débats, de ne pas intervenir deux sur la même piste. Alors, vous vous adressez toujours au président. Le président partage le temps et partage le droit de parole.

Alors, je demanderais au député de Trois-Rivières d'intervenir.

M. Vaugeois: D'apporter un peu de sérénité dans ce débat.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): S'il veut intervenir.

Bilan de nos rapports avec l'étranger

M. Vaugeois: Oui. Ce serait un peu sous forme de questions au ministre et peut-être, également, pour ajouter aux préoccupations du député de Nelligan, préoccupations, pour certains aspects, que je partage. La rentabilité des délégations, cela me paraît devoir être une de nos préoccupations. Cela me paraît devoir être une préoccupation constante des gens qui entourent le ministre et du ministre lui-même.

Il y a des considérations qui ne sont pas faciles à expliquer et je vais donner un exemple dont je me souviens. J'aimerais que le ministre me dise si, récemment, il y a eu des exemples semblables ou si cela évoque quelque chose chez lui. Nous venions de rouvrir la délégation générale du Québec à Bruxelles. Nous venions de rouvrir parce que nous avions déjà eu une délégation, avant la dernière guerre, qui avait été fermée pendant la guerre et qui avait rouvert après la guerre, pour finalement fermer. Donc, dans le cours de l'histoire du Québec, il y a

eu ce jeu d'ouverture et de fermeture. Donc, on ouvrait une nouvelle délégation générale à Bruxelles et les gens, très motivés, s'étaient mis au travail. Ils avaient identifié une entreprise dans le domaine du verre, qui était intéressée à investir en Amérique. Finalement, nos fonctionnaires avaient persuadé cette entreprise de s'intéresser à un site le long du Saint-Laurent, précisément à Bécancour, qui est un site industriel qui avait été destiné à devenir un site sidérurgique et, finalement, qui s'était recyclé en parc industriel provincial. Et l'entreprise en question a été séduite par le lieu, par les conditions faites par le gouvernement du Québec et tout. Mais, rapidement, on a fait savoir que le gouvernement fédéral avait, également, ses attraits et que celui-ci pouvait contribuer aux investissements d'implantation.

Alors, on a mis en contact cette entreprise avec des fonctionnaires fédéraux. Les fonctionnaires fédéraux ont dit: Nous voulons bien vous aider à vous implanter au Canada, mais notre responsabilité, c'est de vous faire visiter le Canada, on va vous amener ailleurs. Là, on a commencé à promener les représentants de l'entreprise un peu partout au Canada, en faisant valoir les mérites d'autres sites. À ce point, d'ailleurs, qu'on les avait entraînés ailleurs qu'à Bécancour. Là, vous devinez ce qui est arrivé. C'est que les fonctionnaires québécois se sont inquiétés de la chose, les ministres s'en sont mêlés - des ministres libéraux à l'époque - et je me souviens que c'est M. Jean Marchand, ministre fédéral, qui avait usé de son poids et de son autorité pour dire aux fonctionnaires fédéraux - il était, je crois, ministre de l'Expansion économique régionale à l'époque: Écoutez, laissez aller cette entreprise où elle avait décidé d'aller et ne faites pas de chantage avec les subventions que vous ajoutez. Je donne cet exemple. Cela nous frappait. Cela arrivait souvent. Si l'entreprise avait été identifiée, au départ, par des fonctionnaires d'une ambassade canadienne, je pense qu'il faut le dire, il n'y avait pas d'enthousiasme particulier à essayer d'entraîner cette entreprise au Québec; on se faisait un devoir de la promener dans tout le Canada. Souvent, ces fonctionnaires fédéraux, qui viennent de partout dans le Canada, ont des raisons personnelles, émotives et autres d'insister pour qu'on aille voir, comme il faut, dans un coin ou tel autre.

Nos fonctionnaires, sans partisanerie politique, travaillent toujours pour le Québec. Ça ne rate pas. Ils travaillent pour le Québec et leurs arguments sont en fonction du Québec.

J'avais, un jour, questionné un homme d'affaires d'origine juive qui brasse des affaires dans une petite ville du Québec et qui avait accepté de venir dans une de nos foires aux États-Unis. On ouvrait, à ce moment-là, plusieurs bureaux aux États-Unis nous sommes toujours sous un gouvernement libéral, entre 1970 et 1976. On voulait être certains que cela valait quelque chose. J'aime bien les gens de la communauté juive, j'ai beaucoup de relations avec eux et j'avais demandé à cet homme d'affaires juif, d'une petite ville du Québec: Est-ce que vous venez avec nous? Est-ce que, dans quinze jours, vous iriez à une foire organisée par le consulat canadien? Et ainsi de suite. Il m'a dit: Non, je n'y vais plus avec le consulat canadien parce qu'ils me mettent en compétition avec des gens qui fabriquent mon produit partout au Canada. Quand je réussis à dénicher une commande, avant de mettre solidement la main dessus, je me rends compte qu'il y a des fonctionnaires qui disent: Ça, c'est fait au Canada, c'est produit à tel endroit, la qualité est telle, et ainsi de suite. Quand je vais dans un événement organisé par le Québec, je suis assuré d'être en compétition avec des entreprises québécoises, point.

Je pourrais, comme cela, évoquer un certain nombre d'exemples qui, j'en conviens, ont un certain âge. Je douterais que le gouvernement fédéral, par ses services à l'étranger, ait pu corriger des choses qui sont un peu dans la nature des choses. Je n'attribue pas de mauvaise foi, je constate que c'est lié à la nature des services qu'ils offrent. Leurs services sont faits pour l'ensemble du Canada et ils ont la responsabilité de promener l'entreprise un peu partout au Canada.

Historiquement, il y a des cas où nous savons - ce fut peut-être le cas de Michelin et d'autres - que la pression était très forte pour lier les subventions fédérales à une implantation dans certains coins du pays. Quoi qu'il en soit, cette évaluation aura toujours été faite. J'espère qu'elle continue à être faite. Le ministre me signale d'ailleurs que ça peut amener des effectifs, à la hausse ou à la baisse.

Je terminerai cette intervention à laquelle je voudrais voir réagir le ministre en disant une chose; quand j'étais dans ce ministère, nous avions constaté qu'il suffisait d'un bon dossier en cinq ans pour finalement régler la note pour bien des années. C'est assez extraordinaire. On a pris beaucoup de temps pour faire la démonstration des résultats obtenus dans nos délégations à l'étranger. Je ne sais pourquoi, d'ailleurs. Peut-être, à certains moments, l'action avait plus d'apparat. Il reste que, à partir du moment où on l'a calculé, on a commencé à suivre un dossier et à voir la différence que la délégation avait faite sur le dossier, on s'est rendu compte qu'on payait, bien des fois, les effectifs de cette délégation, parce qu'on a toujours exagéré, au fond, le coût des services à l'étranger. Les coûts sont

relativement peu élevés et je trouve qu'on remet en question avec beaucoup plus d'insistance le coût de ces services à l'étranger que ceux que nous avons à Québec. À mon avis, si on devait pratiquer des économies, c'est peut-être plus à Québec qu'à l'étranger qu'on devrait les pratiquer. Je ne vise pas nécessairement le ministère qui est devant nous. Je trouve qu'à Québec il y a toujours eu beaucoup de personnes, dans les mêmes ministères, pour s'occuper des mêmes dossiers. À l'étranger, les gens sont beaucoup moins bien équipés, plus démunis et un de leurs problèmes, d'ailleurs, c'est d'avoir bien des interlocuteurs à Québec. Il n'y a pas grand monde qui prend des décisions.

Étant donné la démarche indépendantiste ou souverainiste du gouvernement actuel et le point de vue de nos adversaires politiques en ces matières, je comprends qu'il y ait toujours une forme d'agacement à voir la représentation québécoise à l'étranger, le drapeau, etc. On sait très bien que la souveraineté d'un pays passe par la reconnaissance à l'étranger, sur le plan international.

Au fond, on mêle un peu les cartes en considérant des actions d'échange, des activités commerciales extérieures en les associant à des démarches plus politiques qu'elles ne le sont. Il me semble qu'il faille apprendre à mettre ça de côté et aller dans le sens que suggère M. le député de Nelligan, c'est-à-dire, procéder à des évaluations rigoureuses de nos délégations et accepter les faits pour ce qu'ils valent. Nous devons reconnaître les mérites d'une délégation ou d'un bureau à l'étranger. Si l'Ontario en ferme quelques-uns, vous me permettrez de dire, parce que je -le pense, que l'Ontario est mieux servi que nous par les services canadiens à l'étranger. C'est une réalité, à mon avis, que tous les gouvernements sont obligés d'admettre. J'ai travaillé avec votre chef parlementaire de l'Opposition et nous avions, ensemble, souvent à constater qu'il y avait des affinités naturelles, sinon des complicités, qui jouaient entre certains fonctionnaires du gouvernement ontarien et certains fonctionnaires fédéraux: les mêmes grandes familles, les mêmes écoles, l'origine, les mêmes liens, les mêmes connaissances, les mêmes points de référence, ainsi de suite. Ces choses-là sont connues. C'est un avantage dont nous ne profitons pas vraiment quand nous sommes servis par des services canadiens. Nous sommes un peu obligés de nous occuper de nos affaires à l'étranger. Je regrette que cela ait des connotations politiques alors que ce devrait être évalué sur une base de rendement économique en particulier.

Je terminerai en disant autre chose. Le développement du Québec, au cours des dernières années, doit beaucoup à l'étranger. Indépendamment des dossiers strictement économiques, si on faisait l'évaluation des grandes réformes du gouvernement du Québec, depuis 20 ans par exemple, il n'y en a pas beaucoup qui ne s'inspirent pas d'une expérience étrangère. Il n'y a pas, aujourd'hui, de pays qui se développe sans échange, il n'y a pas de groupes qui se développent sans échange, il n'y a pas de régions, il n'y a pas de villes qui renoncent aux échanges. Que l'on prenne les grandes réformes de l'État québécois, qu'on prenne la caisse de dépôt, les grandes structures comme SOQUIP, etc., qu'on a mises en place, toutes ces expériences québécoises avaient, à un moment donné, une évaluation qui s'était faite en fonction d'une expérience étrangère. Nos délégations ont contribué à ouvrir les frontières, à aérer. Ce que nos amis d'en face souhaitent souvent, c'est qu'on ne se replie pas sur nous-mêmes mais qu'on s'ouvre. Je pense que les délégations du Québec sont une façon de s'ouvrir et de ne pas se replier sur nous-mêmes, d'organiser nos échanges, de dire ce que l'on fait de bon de temps en temps et de se faire dire que ce que l'on croyait faire de bien bon n'est pas si bon que ça, ou que d'autres ailleurs sont en avance, de se dépêcher, de. rattraper le retard dans certains domaines, de faire profiter les autres de nos avances dans certains domaines, etc. Les échanges sont fondamentaux et l'aération que constitue, pour les Québécois, l'existence d'un réseau à l'étranger, on l'a vu, c'est une chose absolument fondamentale. Et il y a un regret - je termine - il y a un regret, c'est que ce soit perçu de façon parfois partisane, ou lié à nos objectifs propres de partis politiques. Ce qu'on ne devrait jamais perdre de vue, c'est que les beaux moments des relations internationales sont souvent ceux où nous n'étions pas au pouvoir. Il faut bien le dire, il y a eu de beaux grands moments dans les années 1960 à 1966, de beaux moments dans les années 1966 à 1970 et de très beaux moments de 1970 à 1976. Le gouvernement actuel, sur ce plan, a été dans la lignée des prédécesseurs et, si sa performance, je me permets de le dire, n'est pas meilleure que celle que nous constatons, c'est que cette fois-ci, le gouvernement a été surveillé comme aucun autre ne l'avait été précédemment à cause des doubles intentions qu'on peut lui prêter à chaque fois qu'il pose un geste à l'étranger. Cela, je pense que, si nous l'avons senti dans l'action à l'étranger, on peut se dire qu'au niveau des dossiers il n'y avait pas d'enthousiasme particulier à aider le Québec ces dernières années, parce que ce Québec était entre les mains d'un gouvernement dont on se méfiait, un gouvernement qui a des objectifs que l'on n'aime pas. Je me doute bien que l'action de nos bureaux à l'étranger ces dernières années

était encore plus nécessaire que jamais auparavant.

Je voudrais vous inviter, M. le ministre, à nous dire si, récemment, il y a eu d'autres cas comme le cas Glaverbel que j'évoquais tout à l'heure. Je vous laisse réagir là-dessus, si le coeur vous en dit. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre. (17 heures)

M. Landry: Je suis d'accord avec l'exposé du député de Trois-Rivières presque mot à mot. J'aurais peut-être mis l'éclairage sur autre chose parce que mes expériences sont différentes. Mais le député de Trois-Rivières a quand même l'avantage d'avoir servi sous plusieurs gouvernements dans l'équipe internationale du Québec. Il peut faire des comparaisons et il peut aussi témoigner du continuum de tous les gouvernements québécois dans l'élargissement et l'intensification des relations internationales.

Est-ce qu'il y a eu des cas Glaverbel? Oui, il y a eu des cas Glaverbel qui ne se sont pas faits dans le secret; ils se sont faits au grand jour. Le secrétaire d'État du Canada, M. Joyal, est allé déblatérer contre le Québec à New York en disant qu'il avait voulu payer les Allemands pour qu'ils viennent investir au Québec et que les Allemands étaient allés investir en Ontario. Cela montre bien, il me semble, la nécessité d'une diplomatie québécoise pour servir les intérêts du Québec puisqu'un ministre fédéral, payé par nos taxes, plus que ne l'est le premier ministre du Québec - le salaire d'un ministre fédéral, c'est quelque chose à voir - avec nos taxes va tirer dans le dos de notre économie en allant dire à l'étranger: N'allez pas au Québec. Il y a eu un editorial extraordinaire de M. Jean-Louis Roy, directeur du Devoir, qui avait vertement remis M. Joyal à sa place. Quand on fait de l'action internationale, quand on fait des prospections d'investissements à l'étranger, ce n'est pas pour que des porte-parole autorisés de la puissance du Canada, pays dont nous faisons partie, nous tirent dans le dos.

M. Lumley a tenu des propos analogues en disant, par exemple, que la question linguistique nuit au développement économique du Québec. Je voudrais qu'on m'explique d'abord comment il se fait qu'en plein contexte de loi 101 qui arrive à sa maturité, nos investissements industriels augmentent de 35% et ceux du Canada baissent de 2% en 1984. Ce serait à démontrer. Mais ce n'est pas le propos. Le propos, c'est que des porte-parole autorisés du gouvernement du Canada vont dire à l'étranger des choses négatives à l'endroit du Québec. Donc, il faut qu'on compense par notre action diplomatique, par nos propres déclarations, par de l'information, par des faits, par des gestes. Tel est le destin du Québec, de faire cela.

Du temps de M. Bourassa, c'était autre chose: c'était le rapport Fantus, c'était ceci, c'était cela et pas au Québec, c'est la dernière place où il faut aller alors qu'il n'y a rien de vrai là-dedans. Le taux de chômage en Colombie britannique est de 20% et ce n'est pas parce qu'elle a la loi 101 ou parce que les gens parlent le gaélique. Ils chôment en anglais, à 20%. Ce sont des ajustements que les gouvernements du Québec ont toujours dû faire. C'est pour cela qu'on a été obligé de se donner des instruments et des moyens pour faire cela. Cela ne veut pas dire - et je ne pense pas que ce soit la pensée du député de Trois-Rivières - que toute la machine diplomatique du Canada travaille à temps plein contre le Québec. Ce n'est pas cela qu'on a en tête, pas une sacrée miette. Cela procède surtout d'une connaissance moindre que ces gens ont des dossiers québécois, d'un enthousiasme moindre qui est dans la nature des choses. À contrario, plusieurs diplomates canadiens d'origine québécoise font des pieds et des mains pour servir le Québec. Ce serait faire l'autruche que de le nier. Mais ils ne vont pas servir, évidemment, les intérêts institutionnels du gouvernement du Québec, à moins d'être à six mois de la retraite, parce qu'ils vont être rappelés, comme on dit dans le jargon, "right and left". Le portrait idéal de l'ambassadeur du Canada de ce point de vue, du point de vue des intérêts du Québec, ce serait une personne née au Québec, formée au Québec, connaissant l'économie du Québec et étant à deux mois de la retraite, parce que là, elle pourrait se permettre d'y aller et de faire...

M. Vaugeois: Le premier ministre seul avec le pape.

M. Landry: Dans ma position, je ne peux pas faire les allusions que le député de Trois-Rivières vient de faire. Et, aussi, on a évoqué souvent le contexte de collaboration avec le ministre d'État au Commerce international du Canada. C'est vrai. J'ai été obligé de me servir de lui quelquefois et des relations que nous avons - il ne se gêne pas pour faire l'inverse, d'ailleurs - pour compenser l'action intempestive de technocrates fédéraux qui posaient des gestes nuisibles à notre commerce et nuisibles à nos ventes. Je donne un exemple. J'avais développé des liens particuliers avec un ministre d'un pays X que j'avais invité à venir au Québec, voulant profiter de cette occasion pour reconnaître dans un protocole une coopération que nous avions dessinée. Le gouvernement du Canada a dit: Non, ce neserait pas souhaitable que vous veniez au Québec. Il faut venir au Canada et visiter

telle ou telle ville de l'Ouest et aussi, évidemment, aller voir M. Landry à Québec. Sauf que mon collègue étranger disposait de 24 heures. Il était à Washington et il était prêt à faire le saut de Washington à Montréal pour qu'on discute de nos affaires, des affaires extrêmement importantes, des ventes québécoises importantes dans son pays. Mais, dans 24 heures, il ne peut pas se taper Winnipeg, Vancouver, Ottawa et Montréal. Donc, je n'ai pas vu le collègue en question et nul ne pourra jamais dire si nous aurions conclu des ententes ou pas.

J'ai évidemment prévenu M. Regan, ministre d'État au Commerce international du Canada, qui m'a dit que les fonctionnaires fédéraux avaient mal agi, qu'ils avaient mal interprété les directives, qu'ils n'étaient pas là pour nuire au commerce international du Québec; mais, en pratique, c'est ce qu'ils ont fait.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Est-ce que le ministre pourrait prendre note de deux questions au sujet de montants qui sont sortis du fonds de suppléance 1983-1984? Il s'agit du CT no 144358, projet CPU Bénin pour 284 000 $...

M. Landry: Projet CPU Bénin, 284 000 $.

M. Lincoln: Oui. La date est le 9 mai 1983.

M. Landry: Oui.

M. Lincoln: II y a aussi le CT no 10147887 du 13 décembre 1983, projet spécial, Commémoration de la venue de Jacques Cartier en Amérique pour 207 180 $. Si on pouvait avoir les renseignements plus tard à ce sujet.

M. Landry: Je pense qu'on pourrait vous les donner tout de suite, M. le député, au moins pour la question du Bénin. CPU, cela veut dire d'abord Collège polytechnique universitaire au Bénin. C'est un projet que nous menons conjointement avec l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI. Cet argent est pris à même le fonds de suppléance parce que cet argent reviendra. C'est une avance, cet argent reviendra même à 120% dans les coffres du gouvernement. Ce n'est donc pas une vraie dépense.

On est plus ou moins contractuel avec l'ACDI avec cela.

Quant à l'autre CT... Étiez-vous ici quand mon collègue, M. Chevrette, est venu défendre les crédits de l'OFQJ?

M. Lincoln: Non, je suis arrivé en retard.

M. Landry: M. Chevrette a parlé de cela. Il y a un projet qui s'appelle Cap sur l'avenir, un projet de coopération franco-québécoise où un navire, le Jean-Mermoz, sera utilisé pour faire voyager dans les deux sens des Québécois et des Français. Ce CT s'applique à l'opération Cap sur l'avenir, Mermoz. Il s'agit de l'office franco-québécois, c'était dans l'autre partie des crédits.

M. Lincoln: C'est-à-dire que ce n'était pas prévu dans le budget; c'est pourquoi cela va au fonds de suppléance en tant que subvention directe.

M. Landry: C'est un budget spécial pour toute l'opération 1534.

M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu passer à la coopération économique, scientifique et technique, le volet...

M. Landry: Oui, comme vous voulez.

M. Lincoln: Si on va à la page 23. Le programme soutien et développement économique, le programme transport, les dossiers en câblodistribution et microinformatique, la biotechnologie, la recherche industrielle et l'innovation technologique. Est-ce qu'on pourrait avoir les détails là-dessus?

M. Landry: Oui.

M. Lincoln: II y a sûrement des états de rapports de firmes impliquées, les montants, etc. Est-ce qu'on pourrait avoir quelque chose de plus détaillé là-dessus?

M. Landry: Ce sont des travaux qui sont faits dans le cadre de la Commission permanente de la coopération franco-québécoise. On me dit qu'on n'a pas les détails avec nous ici, mais ces détails existent. Ce sont des noms de firmes et des missions. On va vous les faire parvenir, si vous le voulez, avec le plus grand degré de ventilation possible.

M. Lincoln: Merci. Concernant le volet des investissements, les investissements français, on parle de Pechiney à la première ligne. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu des investissements faits par les firmes québécoises et par le Québec en France? C'est un programme mutuel d'investissements dans les deux pays. On parle de l'exploration de projets conjoints. Est-ce qu'en retour, pour les investissements français au Québec, la mutualité s'exerce? Est-ce qu'il y a, de la part du Québec, l'implantation de firmes industrielles québécoises en France?

M. Landry: Oui.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner...

M. Landry: II y a un début de mutualité, mais qui doit être gardé en proportion. Le PNB français est à peu près dix fois le PNB québécois.

M. Lincoln: Oui.

M. Landry: II est bien entendu que les investissements québécois en France sont toujours beaucoup plus modestes, globalement, que l'inverse, mais, effectivement, il y a des investisseurs québécois, soit dans des investissements croisés ou des opérations uniques. Vous savez que Power Corporation, par exemple, a une grande participation dans Paribas. Vous savez que des compagnies d'assurances québécoises ont acquis des compagnies d'assurances françaises et les ont développées. On peut dire que c'est un mouvement bilatéral, avec la réserve que le volume du Québec vers la France est beaucoup plus petit.

M. Lincoln: Je parlais surtout des implantations industrielles, de la dissémination de la technologie là-bas, etc. Je réalise que les investissements dans le secteur financier, dans le secteur bancaire, existent; nos grandes banques... Je parlais surtout du secteur industriel, du secteur technologique. Est-ce qu'il y a un mouvement quelconque? Est-ce qu'on peut avoir des détails sur le genre d'implantation qui se fait? Quel genre d'apport donne-t-on à ces firmes pour investir en France? Est-ce qu'il y a eu des percées d'investissements québécois dans ce domaine?

M. Landry: Oui. On pourrait vous fournir des listes. J'ai ici la liste par sujets, mais ce serait plus intéressant si vous aviez la liste par firmes, et nous l'avons, mais nous ne l'avons pas présentement. Je pense en particulier à une chose qui va être inaugurée dans les semaines qui viennent. On m'avait même invité à le faire et je ne le pourrai pas. C'est dans le département des Alpes-Maritimes, quelque part dans ce coin-là, où une technologie de construction de maisons importée du Québec est utilisée pour édifier, je crois, un village de vacances. C'est un exemple.

M. Lincoln: Alors, il existe un inventaire de projets conjoints Québec-France.

M. Landry: Oui.

M. Lincoln: Cela couvre tous les domaines, scientifique, technique, écono- mique.

M. Landry: On a le détail de toutes les missions. On a des rapports de ces missions. On sait exactement de quoi il s'agit et on pourrait vous en faire parvenir des listes.

M. Lincoln: Est-ce que vous pensez à établir des projets conjoints similaires avec d'autres pays européens ou autres?

M. Landry: On en a déjà.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous dire, par exemple, dans quels pays le même genre de projets conjoints sont établis, où il y a un éventail de firmes qui s'établissent et qui ont des relations sur une base de plans conjoints, d'investissement mutuel?

M. Landry: Pour rester en Europe de l'Ouest, on a des groupes de travail analogues, quoique moins importants, avec les deux communautés belges: les Wallons et les Flamands. On a un flot de coopération non négligeable avec des entreprises de la République fédérale d'Allemagne. Par exemple, la présence des frères Kunz dans la vallée de la Matapédia; un investissement extraordinaire dans les panneaux. L'usine est en production et déjà les frères Kunz que j'ai rencontrés lors de mon dernier voyage en Allemagne pensent à une expansion de l'usine en question. Il y a aussi de nombreux investissements italiens au Québec, comme vous le savez. Il y a de nombreux investissements britanniques; on en faisait encore l'inventaire récemment avec l'ambassadeur qui quitte le Canada, Lord Moran et M. Elam, le Consul général de Grande-Bretagne à Montréal. Cette coopération n'est aucunement exclusive avec la République française. Elle a un volume plus grand pour des raisons historiques, oui, mais déjà nous avons reproduit le même modèle avec d'autres États et nous avons l'intention de l'élargir, dans toute la mesure du possible, avec les pays développés et les pays en voie de développement. (17 h 15)

M. Lincoln: S'il y a des chiffres, des rapports, des listes de firmes disponibles, est-ce que ce serait possible de les avoir pour les pays autres que la France aussi?

M. Landry: Oui, très certainement. Je vous ferai remarquer aussi qu'à l'étude des crédits du Commerce extérieur où vous serez présent on sera en mesure de vous donner beaucoup d'information. J'ai déposé cela au Commerce extérieur plutôt qu'aux Relations internationales, mais il y en a aux deux ministères.

M. Lincoln: Par exemple, est-ce que

vous avez des programmes, des échanges avec les organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux du Québec dans le secteur économique? Par exemple, la SDI et son vis-à-vis français, les caisses de dépôt; est-ce que cela existe, des programmes dans ce secteur?

M. Landry: Oui, de tels programmes existent. Le CRIQ aussi a des ententes avec l'ANVAR, la Caisse de dépôt et placement, que vous avez mentionnée, commence à avoir des contacts avec son vis-à-vis français qui est la Caisse de dépôt et de consignation, qui a servi de modèle, d'ailleurs, à la naissance de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Une constituante de l'Université du Québec, l'Institut Armand-Frappier de la ville de Laval, a des contacts suivis avec l'Institut Pasteur depuis 50 ans, avec l'Institut Mérieux. Il y a beaucoup de coopération institutionnelle.

M. Lincoln: Dans les projets conjoints, l'inventaire que vous allez nous soumettre indiquera des montants de contribution respective dans ces projets, du Québec à la France et vice versa.

M. Landry: Oui, c'est la ventilation de l'enveloppe globale de coopération. C'est sûrement possible de le faire.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan, on va permettre quelques questions au député de Lac-Saint-Jean et on revient ou si...

M. Brassard: C'est sur un autre sujet pour moi. Il peut finir sur ce sujet et j'aurai un autre sujet.

M. Lincoln: Sur ce sujet, oui. D'accord. On parle, dans l'évolution de la coopération économique avec la France, du besoin ressenti par la France et le Québec de développer encore des projets de copar-ticipation des pays du tiers monde. Pouvez-vous indiquer les secteurs et les pays qui sont prioritaires dans ce projet de coparticipation? Est-ce qu'il y a déjà des projets qui ont été développés en ce sens?

M. Landry: Parlez-vous uniquement du monde économique?

M. Lincoln: Oui, c'est la coopération économique. Cela fait partie de la...

M. Landry: Le secteur géographique où on travaille le plus dans ce domaine, c'est en Afrique, coopération conjointe en pays tiers, et cela vise surtout, pour l'instant, les produits éducatifs. C'est normal que, dans les pays en voie de développement, nos efforts de coopération soient axés sur les priorités de ces pays et, pour la plupart d'entre eux, ces priorités sont éducationnelles.

M. Lincoln: Est-ce qu'il y a des projets qui sont en cours? Est-ce qu'il y a des projets de développés dans certains pays qui sont en cours maintenant? À quel stade?

M. Landry: M. le député, je vais devoir retenir certaines informations parce que les fonctionnaires me font valoir à bon droit que nous sommes en concurrence avec beaucoup d'autres pays et ces projets sont en voie de discussion et d'élaboration et il ne serait pas dans l'intérêt public de les publier maintenant. On vous le dira quand on aura obtenu les contrats.

M. Lincoln: II n'y a pas de projets où on a obtenu déjà des contrats?

M. Landry: Dans les pays tiers, non. On parle toujours de coopération en pays tiers. Il n'y a pas de contrat franco-québécois d'obtenu. Des contrats québécois, il y en a en masse, vous le savez. Notre coopération en pays tiers est à l'état de projet et il ne serait pas sage de vous communiquer ces projets. On le fera avec joie, vous pensez bien, dès que ce sera réalisé.

M. Lincoln: Dans votre cahier, on parle aussi de projets de coopération économique avec la France qui concernent les besoins d'accès en français aux outils de progrès; est-ce que vous pouvez nous dire quel marché on vise dans le cadre de ces projets? Quelle est actuellement la situation de ces projets des besoins d'accès en français aux outils de progrès? Quels secteurs vise-t-on? Est-ce très général ou spécifique? Est-ce qu'il y a des secteurs prioritaires? Lesquels?

M. Landry: C'est surtout le matériel informatique "software", c'est-à-dire, les logiciels qui sont disponibles en langue française. Ce sont également les banques de terminologie. L'université de Montréal, en particulier, en a une très importante. L'Office de la langue française a de nombreux contacts avec plusieurs pays pour le développement de la langue française dans ces mêmes pays, sur le plan de la terminologie.

M. Lincoln: Est-ce que la France nous donne autant d'accès à ses marchés, du point de vue de l'accès au marché que nous donnons aux produits français au Québec? Ou bien, est-ce le problème éternel du protectionnisme de l'Élysée qui se passe et nos produits n'y ont pas accès?

M. Landry: Non, on peut dire que, pour les produits spécifiques qui tiennent de la culture commune, la culture française, on a

un large accès au marché français. Il y a des petits contentieux, évidemment. Les Français sont de redoutables négociateurs. Nous aussi, d'ailleurs. Mais, notre marché est de 6 500 000 habitants.

Hier, j'ai évoqué, je pense, à une autre séance le quasi-envahissement des produits culturels québécois actuellement sur le marché français. J'ai déjeuné ce matin avec un collègue français qui m'a nommé une demi-douzaine de vedettes québécoises travaillant dans le marché français qu'il connaît très bien. Ce ne sont plus les exemples isolés des grands ancêtres. Il y a eu Félix Leclerc, oui. Mais à l'époque, il y avait lui et il y a eu Raymond Lévesque un peu après mais, présentement, ce sont six par semaine.

Hier soir, Jean Lapointe - vous avez peut-être vu les rapports de presse - a eu un triomphe dans un music-hall français. Je pense que c'était à Bobino. Ce n'est plus un phénomène exceptionnel que la pénétration massive du marché francophone de France par des créateurs québécois.

M. Lincoln: Je vais passer la parole à mon collègue de Lac-Saint-Jean.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Sur un autre sujet, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Participation du Québec à des organismes internationaux

M. Brassard: Ma question porterait sur la participation du Québec aux organismes internationaux. Entre autres, à la page 65, on mentionne que le Québec a participé aux conférences générales de l'Organisation mondiale de la santé, d'une part, et de l'Organisation panaméricaine de la santé. On parle aussi un peu plus loin, d'ailleurs, de la participation du Québec à l'UNESCO et aux diverses conférences organisées sous l'égide de l'UNESCO.

Il est mentionné en guise d'intention, en quelque sorte, que, par exemple, votre ministère veut élargir - et je cite - la participation du Québec à chacune de ces conférences générales, en faisant accepter par Ottawa le principe de son droit à définir lui-même l'ampleur raisonnable de sa présence en fonction des thèmes discutés et de ses besoins.

On dit sensiblement la même chose, peut-être en d'autres termes, à propos de l'UNESCO. Là aussi, on veut élargir la présence du Québec pour pouvoir mieux couvrir les multiples comités siégeant au cours de cette conférence, etc. On mentionne même également, toujours à la page 65, que d'autres organisations internationales ont été identifiées comme présentant un intérêt certain pour le Québec et que le ministère tentera d'établir, pour ces organisations, l'impact d'une présence québécoise.

J'aurais une question à deux volets. D'abord, est-ce qu'il y a des discussions qui ont été amorcées avec le gouvernement fédéral dans le but d'élargir la participation du Québec à ces diverses organisations internationales? Quel est l'état de ces négociations? Quelle est l'attitude du gouvernement fédéral face à cela? Est-ce la même que celle que vous avez décrite hier, lors de vos remarques préliminaires?

Deuxièmement, quand vous parlez d'autres organisations internationales identifiées où vous souhaiteriez voir le Québec y participer, y assurer une présence, de quelles organisations s'agit-il?

M. Landry: Je réponds de façon générale à la question que ce que nous recherchons, c'est de donner à nos juridictions et nos souverainetés internes leur pleine extension internationale. L'Organisation mondiale de la santé, cela va de soi: la santé, les affaires sociales sont de juridiction québécoise. Même chose pour l'Organisation panaméricaine de la santé; même chose pour l'essentiel de tout ce qui touche au droit du travail, donc, Bureau international du travail, etc. La position fédérale en ce domaine est constante; elle comporte un haut niveau de jalousie. Ces gens disent: Juridiction interne ou non, nous avons la juridiction internationale et cela nous donne le droit de parler au nom de tout le Canada dans toutes ces instances internationales.

On me demande s'il y a des négociations. Les fonctionnaires me disent qu'il y a des négociations, des demandes perpétuelles avec le gouvernement du Canada, qui ne datent d'ailleurs pas de 1976, mais bien avant...

M. Brassard: Mais qui n'aboutissent pas.

M. Landry: ...avec des fortunes diverses. Parfois, on a des Québécois membres de la délégation canadienne; parfois, on a des observateurs; parfois, on participe directement. Tout cela se fait dans un contexte de marchandage au compte-gouttes. Le gouvernement du Canada ne reconnaît pas la réalité juridique et factuelle que le meilleur interlocuteur, par exemple, à l'Organisation mondiale de la santé est le ministre de la santé du Québec parce qu'il a un vrai ministère de la santé, il a des hôpitaux, des dispensaires, des CLSC et c'est lui qui connaît cela et ce sont ses fonctionnaires qui connaissent cela. Il aime mieux faire des grands chapeaux de délégation canadienne où des fonctionnaires fédéraux qui ne connaissent pas la question, parce qu'ils n'ont pas la juridiction sur ces matières, vont affirmer la souveraineté

exclusive et jalouse du Canada en matière internationale.

On essaie de se faufiler dans ce barrage tatillon établi par le ministère des Affaires étrangères du Canada. Les gouvernements qui nous ont précédés faisaient la même chose et, encore une fois, avec des fortunes diverses. On vous rapporte le bilan de ce qu'on a pu faire. Est-ce qu'il y a d'autres organisations dont on voudrait faire partie? Il y en a une qui nous apparaît prépondérante, c'est l'OCDE où sont évoquées toutes les grandes questions de politique économique. Il y a un appareil statistique comparatif extraordinaire qui tient compte du particularisme québécois; les statistiques de l'OCDE souvent font des ventilations parce qu'elle a bien compris que l'éducation est de juridiction québécoise. Il faut des statistiques ventilées pour le Québec si on veut tenir compte des cégeps qui sont un modèle qui est envié et même copié dans le monde.

M. Brassard: Avez-vous entamé des discussions avec Ottawa à ce sujet, au sujet de l'OCDE?

M. Landry: On a beaucoup de difficultés à accéder à quelque forum économique que ce soit. Le gouvernement du Canada, jalousement...

M. Brassard: Si je comprends bien, le gouvernement fédéral se refuse à une présence permanente et stable du Québec au sein d'organisations internationales, même quand celui-ci est concerné directement puisque cela touche à ses propres juridictions internes. Il préfère faire du cas par cas. C'est comme cela qu'il procède.

M. Landry: Oui, remarquez qu'on ne demande pas le statut d'un pays souverain dans toutes ces matières. On demande la projection externe de nos souverainetés internes tout simplement, quitte à être inclus dans une délégation canadienne. Même cela nous est refusé dans la plupart des cas. Il me semble qu'il serait simple, avec un peu de bonne foi, que le gouvernement du Canada se présente devant une organisation internationale et dise: Dans notre pays, la santé relève des provinces. Le Québec et une ou deux autres provinces ont manifesté l'intérêt d'être membres de ce forum. Voici le ministre de la santé du Québec. C'est lui qui connaît le dossier et laissez-le faire son travail, mais malheureusement, on n'est pas arrivé à ce statut, sauf exception. (17 h 30)

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Pourriez-vous nous parler du rôle de SEREQ au sein de la coopération économique France-Québec dans le domaine de l'éducation et de la technologie? Quelles sont les activités internationales de SEREQ? Est-ce que cela s'est fait au sein du ministère des Relations internationales? Quelle est la coordination qui se fait entre le ministère de l'Éducation et vous-même, et comment tout cela s'agence-t-il au point de vue international?

M. Landry: D'abord, SEREQ, comme vous le savez, est une société d'État...

M. Lincoln: Oui.

M. Landry: ...dont le ministère de tutelle est le ministère de l'Éducation. Le détail des crédits de l'Éducation serait plus approprié, mais, effectivement, une coordination se fait et il y a des interfaces entre SEREQ, le ministère des Relations internationales et le ministère du Commerce extérieur, pour vous donner les deux cas que je connais bien. Nous traitons SEREQ comme une entreprise puisque c'est une entreprise et que le rôle de SEREQ et le but de SEREQ sont d'arriver à la rentabilité en vendant des produits éducatifs québécois à l'étranger, ce qui veut dire que SEREQ peut être incluse dans des missions comme n'importe quelle autre entreprise privée. SEREQ peut avoir accès au programme APEX du ministère du Commerce extérieur et on applique à SEREQ les mêmes critères qu'on appliquerait à Cégir, par exemple, ou à Lavalin, ou à SNC.

M. Lincoln: Dans les projets conjoints...

M. Landry: La même philosophie s'applique aux deux ministères. On considère SEREQ comme une entreprise et on la traite comme telle.

M. Lincoln: Mais est-ce que SEREQ, au sein des projets de coopération économique France-Québec, dans le domaine de l'éducation, agit en un sens comme un agent particulier du gouvernement du Québec? Agit-elle comme le moteur du gouvernement du Québec?

M. Landry: Non, pas du tout. Elle agit comme un intervenant qui a des produits culturels à vendre et, là, il y a des questions de concurrence: Cégir aussi est dans le marché. Un certain nombre d'autres entreprises privées, certaines librairies et certains éditeurs sont dans le marché. Ce serait déplacé pour nous de faire de SEREQ le moteur de cette coopération, parce que ce serait au détriment ou il y aurait possibilité d'un conflit d'intérêts avec tous les agents privés qui oeuvrent dans le domaine.

M. Lincoln: Au point de vue de la coopération dans la culture, l'éducation, les

communications, etc., pourriez-vous nous faire parvenir la liste des artistes québécois, justement, qui ont reçu des subventions du gouvernement québécois pour des tournées internationales dans le cadre de la coopération sur la culture, avec les montants et services rendus?

M. Landry: Je peux vous la faire parvenir, mais je pense que, malheureusement, on ne l'a pas avec nous.

M. Lincoln: Non, non, mais il n'y a rien qui presse. Si on pouvait avoir les subventions...

M. Landry: Tout cela doit être passé et déposé aux engagements financiers.

M. Lincoln: Est-ce que cela passe aux engagements financiers?

M. Landry: Pardon? On pourrait leur envoyer copie de ce CT. Il y a un CT qui représentait l'ensemble de ces opérations de spectacles qui a été déposé à la commission des engagements financiers, mais, si vous voulez qu'on vous l'envoie, on vous en enverra une copie avec joie.

M. Lincoln: D'accord. Auriez-vous aussi le coût et les détails de la réalisation de la Place du Québec à Saint-Malo, combien cela a coûté, où on en est avec cela? Est-ce que c'est sorti directement des budgets des Relations internationales?

M. Landry: Ce n'est pas fini. La place n'est pas ouverte. Les renseignements vont être disponibles, mais ce qu'on vous donnerait maintenant serait incomplet. On prend note de votre commande.

M. Lincoln: Avez-vous une note du budget? On parle de combien d'argent? Est-ce qu'on parle de 100 000 $, 300 000 $, 400 000 $ ou 500 000 $? C'est de quel ordre?

M. Landry: Je pense qu'on parle de moins de 100 000 $, mais je ne peux pas vous le dire exactement. Pour toutes les activités en France, autour de Saint-Malo, il y a un budget de 100 000 $. La place est comprise dedans.

M. Lincoln: Quand les travaux ont-ils commencé à la Place du Québec?

M. Landry: J'espère qu'ils ont commencé à temps parce que le premier ministre s'en va en faire l'inauguration la semaine prochaine, je crois. C'est la partie française qui fait cela; évidemment, ce n'est pas nous qui faisons les travaux, c'est la municipalité de Saint-Malo. J'ai vu le maire il n'y a pas longtemps et il m'a dit que tout allait bon train. Il est venu nous rencontrer il y a quelques semaines.

M. Lincoln: Quand ce projet a-t-il commencé? Le savez-vous?

M. Landry: II y a trois mois environ.

M. Lincoln: Votre prédécesseur disait dans son article que les liens entre scientifiques français et québécois se distendent. Partagez-vous cette opinion?

M. Landry: Bien, c'est une question d'interprétation. La part budgétaire a diminué pour la recherche universitaire. Il se peut que, sur le plan budgétaire, mon collègue ait raison. Cela m'étonnerait qu'il ait raison dans l'absolu parce que c'est un mouvement très dynamique. Les échanges de scientifiques dans le monde n'attendent pas toujours que le budget de l'État s'en mêle. Il y a de nombreux congrès scientifiques qui ont lieu au Québec, qui ont lieu en France. Les grandes institutions se connaissent. L'Université de Montréal a ses correspondants, ainsi que l'Université du Québec et l'Université Laval. Il y a des circuits traditionnels. Il serait imprudent de dire que les liens se distendent en ne prenant que l'aune budgétaire.

M. Lincoln: Pourquoi aurait-on diminué l'apport budgétaire?

M. Landry: Pour le reporter sur des programmes de technologie de pointe. On a reporté sur nos priorités la biotechnologie, la bureautique, l'informatique et nos priorités telles qu'exprimées au cahier des crédits. Comme les budgets ne sont pas illimités, si on veut vraiment mettre le paquet sur certaines priorités, il faut diminuer ailleurs.

Relations Québec-États-Unis

M. Lincoln: Par rapport aux États-Unis... Je cite beaucoup votre prédécesseur, mais c'est un point de référence parce qu'il a fait un compte rendu de ce qu'il pensait -il y a pas mal d'articles écrits par lui - dans lequel il disait qu'il y a lieu de redouter l'incompréhension mutuelle des deux cultures de l'Amérique, celle des États-Unis et la nôtre. Est-ce que c'est un des objectifs du ministère de donner une meilleure image, de redorer l'image du Québec aux États-Unis? Partagez-vous son interprétation de cette incompréhension mutuelle quelconque, relative? Croyez-vous que cela existe?

M. Landry: Oui, je pense que cela existe et cela découle, d'une part, de la nature des choses. Déjà, dès qu'une différence est constatée, il y a un effort de

compréhension à faire. La culture québécoise et la culture américaine sont deux choses différentes, mais, au-delà de la nature des choses, il y a aussi - je regrette de le dire, mais j'en ai été témoin 100 fois et mon collègue Godin aussi - certains porte-parole du Canada anglais qui ne comprennent pas bien la réalité québécoise - je ne leur en veux pas pour cela, je ne prétends pas connaître non plus parfaitement la réalité canadienne-anglaise - ont répandu aux États-Unis par voie d'écrits ou autrement, par le téléphone arabe, des faussetés sur le Québec. Il y en a qui traînaient dans les journaux. Vous vous souvenez de ces touristes américains à qui on disait: N'allez pas à Québec, si vous ne parlez pas français, vous serez refoulés aux frontières. Ces folies ont circulé; c'est dans la nature des choses. Les deux exemples que j'ai donnés: M. Lumley, payé par vos taxes et les miennes, qui fait des commentaires négatifs sur le Québec; M. Joyal, payé par vos taxes et les miennes, qui se permet la même chose. Il faut qu'on comprenne la situation, d'une part, et il faut qu'on essaie de la compenser, d'autre part. C'est pour cela qu'on a des agents d'information dans nos délégations. L'Ontario n'a pas besoin de faire cela. M. Lumley n'a jamais déblatéré contre l'Ontario à New York et M. Joyal non plus. Nous avons cette pente à remonter, créée malheureusement par des gens qui, en principe, sont supposés défendre nos intérêts. Alors, on le fait. On a des programmes d'études américaines au Québec et québécoises aux États-Unis. Nous participons fréquemment à des séminaires, à des conférences; il y en a encore une qui aura lieu au mois de mai à New York. J'ai souvent participé, avant même d'entrer à cette Assemblée nationale, avant d'être élu, à des séminaires, à des conférences aux États-Unis pour expliquer la réalité québécoise qui est plus difficile à percevoir que si c'était une réalité, pour eux, conventionnelle et anglo-saxonne.

M. Lincoln: Ne pensez-vous pas que des déclarations comme celles du premier ministre au début de son mandat, alors qu'il avait presque fait une déclaration d'indépendance à New York, une déclaration sur la souveraineté du Québec, celle que votre prédécesseur a faite à San Francisco, votre déclaration sur le marché commun Québec-États-Unis, sur laquelle il y a eu un malentendu et le Département d'État a dû vous faire une remontrance à ce sujet, ne pensez-vous pas que cela a contribué à ce malaise?

M. Landry: Vous dites cela dans une optique libérale fédéraliste.

M. Lincoln: Oui, naturellement.

M. Landry: Si vous prétendez que, parce que je suis souverainiste, je suis un malaise, je regrette, mais la démocratie vous force à respecter mes opinions comme je respecte les vôtres. Je ne dis pas qu'être libéral, c'est un malaise, malgré que je trouve que c'est une très mauvaise option, mais je ne peux supporter que, parce que le premier ministre du Québec, donnant le fond de sa pensée très honnêtement, comme il le fait toujours, a dit aux Américains que le Québec est en quête de sa souveraineté et que notre parti, élu deux fois et avec 50% des voix la dernière fois, le préconise, vous appeliez cela un malaise; moi, j'appelle cela du travail politique honnête. C'est ce que mon collègue Morin a fait et c'est ce que j'ai fait aussi.

M. Lincoln: M. le ministre, excusez-moi, mais vous avez l'art de prendre des mots et de changer les propos. Je n'ai jamais dit que vous étiez un malaise, que ce que le premier ministre a dit était un malaise, quoique je puisse le penser. J'ai demandé si le fait de faire de telles déclarations avant même le fait, alors que vous êtes toujours un gouvernement au sein de la fédération canadienne, si le fait d'aller à New York, comme le premier ministre l'a fait, faire une déclaration presque ouverte d'indépendance devant tous les hommes d'affaires qui étaient là...

M. Landry: Vous n'avez pas le droit de dire cela.

M. Lincoln: Attendez un instant, laissez-moi finir! Ne pensez-vous pas que la déclaration sur la souveraineté prochaine du Québec qu'a faite M. Jacques-Yvan Morin à San Francisco et même votre déclaration sur le marché commun, sur laquelle le Département d'État des États-Unis - ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est le Département d'État des États-Unis - vous a réprouvé, ne pensez-vous pas que cela a contribué à créer un malaise puisque vous avez admis vous-même qu'il y a une espèce d'incompréhension mutuelle et qu'il faut se donner une meilleure image?

M. Landry: On va essayer de prendre les éléments de votre question un par un. Revenons à l'affaire du "State Department". Je m'en suis expliqué très souvent. Voyons ce que j'ai dit, d'abord, et qui a été très bien rapporté par la Presse canadienne, à l'époque. J'ai dit que je pensais que les échanges nord-sud et une plus grande fluidité de ces échanges, après le "Tokyo Round", constituaient l'avenir économique de ce continent et qu'il serait souhaitable que le Canada, dont le Québec fait partie, établisse un mécanisme institutionnel pour favoriser ces relations. Dans la réalité des choses,

qu'est-il arrivé? Un certain nombre de mois plus tard, le gouvernement du Canada lui-même a publié 55 pages sur le libre échange sectoriel entre le Canada et les États-Unis, me donnant de facto raison.

Le "State Department", dans une communication qui est venue un peu plus tard, m'a imputé avoir dit que je voulais une entente spéciale entre le Québec, province du Canada, et le gouvernement des États-Unis, et que le gouvernement des États-Unis ne voulait pas conclure d'entente spéciale entre une province du Canada et le gouvernement américain. Je suis totalement d'accord avec cela, sauf que ce n'est jamais ce que j'ai préconisé de ma vie. Je ne comprends pas - et je n'ai pas à me l'expliquer non plus - pourquoi cette note non signée, émise à partir du consulat de Québec, comportait une telle incompréhension de mes propos. Peut-être, ai-je pensé, qu'il y avait une composante linguistique, d'interprétation et de traduction, mais le meilleur texte là-dessus est celui de la Presse canadienne qui rapportait convenablement mes propos. (17 h 45)

Je reviens maintenant à ce que vous appelez - et c'est là que je trouve que vous n'avez pas le droit de faire cela - une quasi-déclaration d'indépendance que le premier ministre serait allé faire à New York. C'est absurde de dire cela. Le Québec déclarera son indépendance, non pas quasiment, mais la déclarera quand la population aura voté majoritairement pour cela. Nous n'avons pas de preuve de démocratie à faire. Il est connu que nous sommes des démocrates. Le peuple l'a tellement cru qu'il a voté pour nous à 50% la dernière fois, ou presque; il nous manquait zéro virgule quelques poussières. N'est-ce pas l'honnêteté même pour un homme politique d'aller dire, à l'intérieur comme à l'extérieur et urbi et orbi, quels sont ses vrais objectifs et l'objectif de son parti? C'est ce qu'a fait M. Morin...

M. Brassard: Sans cachette.

M. Landry: ...sans cachette. C'est ce que j'ai fait moi-même...

M. Lincoln: C'était durant les élections.

M. Landry: ...et M. Bourassa, lui, qui préconisait la souveraineté culturelle, il ne se gênait pas pour dire qu'il préconisait la souveraineté culturelle. Il ne l'a jamais fait de sa vie, évidemment, mais il le disait. Et, nous, on préconise la souveraineté tout court et on le dit aussi.

M. Lincoln: Sauf pour l'élection de 1981 où vous l'avez mise en veilleuse, parce que cela faisait votre affaire.

M. Landry: On venait de consulter le peuple huit ou dix mois avant, on venait de faire un référendum en 1980.

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Landry: Je n'ai pas tout à fait fini avec votre question. Revenons à ce qu'a dit le "State Department". Le "State Department" en a justement profité pour réitérer que ces questions devraient être réglées entre Canadiens. Alors, cela va à l'inverse de votre argumentation que notre recherche de la souveraineté crée un malaise. Le "State Department" a justement exprimé une attitude très démocratique, plus démocratique que la vôtre, à mon avis, en disant: Ces questions se régleront à l'intérieur du Canada par les Canadiens. Cela tombe bien, parce que c'est aussi la position de notre parti.

Quand ce groupe de Canadiens qui habite le Québec aura décidé majoritairement de se donner la souveraineté politique, la chose se fera, aux grands applaudissements de toutes les nations démocratiques de la terre, y compris, vraisemblablement, les États-Unis d'Amérique.

M. Lincoln: Est-ce que vous partagez les déclarations de votre prédécesseur qu'il faut minimiser les inconvénients que comporte le voisinage trop prévenant des sociétés américaines et canadiennes?

M. Landry: Pardon? Je n'ai pas bien compris votre question.

M. Lincoln: Le ministre disait dans son article aussi qu'il faudrait minimiser les inconvénients que comporte le voisinage trop prévenant des sociétés américaines et canadiennes.

M. Landry: Là, premièrement, vous dites: le ministre. C'est l'ancien ministre.

M. Lincoln: L'ex-ministre, l'ancien ministre, oui.

M. Landry: Deuxièmement, je ne comprends pas bien. Il faudrait que je lise l'article de nouveau. Je ne comprends pas bien le sens de votre question. Ou lisez-en plus que je voie le contexte; je ne sais pas ce qu'il veut dire.

M. Lincoln: C'est ce qu'il a dit. Il a parlé des inconvénients que comporte le voisinage trop prévenant des sociétés américaines et canadiennes, mais je voulais vous demander comment on peut concilier cela, minimiser les inconvénients et, en même temps, accélérer nos échanges, surtout du côté économique, du coté de la coopération technologique et scientifique, et

nous rapprocher davantage des États-Unis.

M. Landry: Je vais vous donner mon opinion personnelle là-dessus. Je ne sais pas si elle recoupe celle de mon prédécesseur. Je pense que c'est une très grande chance pour le peuple québécois que d'avoir une frontière commune avec quatre États américains et de vivre immédiatement au nord de l'une des plus grandes puissances technologiques, scientifiques et culturelles de l'histoire de l'humanité. Il serait absurde de ne pas profiter de cette situation et de ne pas établir avec les États-Unis d'Amérique les plus grands flots possible de coopération et d'influence mutuelle sur le plan culturel et sur le plan économique. D'ailleurs, cela c'est fait. Un très grand nombre de scientifiques québécois, probablement la majorité d'entre eux, ont été formés aux États-Unis d'Amérique.

Nos concitoyens aiment les États-Unis d'Amérique, comme capitale d'hiver en particulier, si on pense à la Floride, ou aux rivages de l'Atlantique l'été, et c'est l'aspect positif des choses, mais tout le monde sait que le voisinage d'un géant peut aussi avoir certains inconvénients qu'il faut tenter de minimiser. Une souris qui participe au même espace vital qu'un éléphant doit prendre certaines précautions parce qu'il peut y avoir des interfaces difficiles pour la bête la plus petite. C'est pour cela, par exemple, qu'on a une loi sur le cinéma. C'est pour cela que le Canada, qui a pourtant au-delà de 20 000 000 d'habitants, a une série de protections culturelles. Vous vous souvenez des lois sur la publicité dans les magazines: Time magazine et tous les grands débats, Sélection du Reader's Digest. Je crois que le bilan est largement excédentaire. Cela peut se concilier, mais il y a des précautions à prendre. Les Américains comprennent très bien que ces précautions soient prises par le Canada ou par le Québec.

M. Lincoln: Pouvez-nous nous informer de la politique de votre ministère ou de votre politique en rapport avec l'aide internationale aux pays du tiers monde? Est-ce qu'il y a une politique au sein de votre ministère?

M. Landry: Oui, il y a une politique et il y en aura une plus consensuelle quand nous aurons terminé les activités du sommet Québec dans le monde, parce que l'une des thématiques est justement l'aide aux pays en voie de développement.

Jusqu'à maintenant, notre philosophie, avec les moyens modestes dont nous disposons, est de respecter les priorités locales. Si j'avais à vous résumer cette philosophie, elle est de respecter les priorités des pays en voie de développement. J'ai reçu deux collègues africains au cours de cette semaine. Les deux m'ont dit que leur priorité numéro un était l'autosuffisance alimentaire. J'ai trouvé que c'était très sage de leur part de commencer par le commencement, de nourrir leur population. Je leur ai immédiatement offert, en accord avec notre philosophie, de coopérer avec eux pour atteindre cet objectif.

Dans d'autres cas, les priorités sont plutôt éducationnelles ou elles vont être plus physiques: irrigation, par exemple, creusage de puits. En d'autres termes, nous ne sommes pas cyniques dans notre coopération avec le tiers monde. L'idée n'est pas tellement de vendre à ces pays tel ou tel produit que nous serions intéressés à vendre, l'idée est d'avoir avec eux des échanges économiques qui servent leurs priorités.

M. Lincoln: Comment expliquez-vous l'article du Devoir du jeudi 1er décembre 1983 qui se lit comme suit: "M. Jacques-Yvan Morin a dû reconnaître, devant l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, que son ministère n'avait pas de politique ni de priorités à l'endroit des pays du tiers monde, malgré les liens multiples que des milliers de Québécois y ont liés depuis des décennies."

Est-ce qu'il y a vraiment une politique? Est-ce qu'il y a vraiment des priorités ou si c'est au stade des paroles? Est-ce qu'il y a quelque chose de concret? Est-ce qu'il y a des ententes? Est-ce qu'il y a des projets? Est-ce qu'il y a une politique définie? Est-ce qu'il y a des priorités définies ou si c'est au stade des voeux pieux?

M. Landry: Si tout était fait, on ne ferait pas le Québec dans le monde, on ne ferait pas le sommet. On l'a justement organisé pour que l'action du Québec soit plus claire, plus nette, plus cohérente et qu'elle s'étende. L'aide aux pays en voie de développement est un des thèmes majeurs de ce sommet.

Cependant, je vous réitère qu'il y a une philosophie et que celle-ci consiste à respecter les priorités locales, les demandes locales et aider, dans toute la mesure des moyens québécois, le développement des pays du tiers monde. On aide évidemment beaucoup les organismes de coopération privés. On les subventionne pour 400 000 $ par année.

M. Lincoln: Est-ce qu'il y a des ententes ou des projets de coopération France-Québec pour l'aide internationale? Est-ce qu'il y a des ententes qui existent, des projets définis actuellement?

M. Landry: Je vous ai dit qu'il y a des projets en voie d'élaboration, en voie de négociation pour les actions en pays tiers. Je vous ai dit que je ne pouvais pas les rendre

publics présentement.

M. Lincoln: Ah oui! Je pensais que vous parliez des projets de technologie, mais là, je parle de projets d'aide, de subventions, de...

M. Landry: En commun avec la France? M. Lincoln: ...communs avec la France. M. Landry: Non.

M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu avoir une liste des subventions versées aux organismes de coopération internationale, des montants?

M. Landry: Oui. On donne cela à leur fédération et ils se répartissent les montants. On a l'information, sans doute, mais ce n'est pas l'information de première main. L'information de première main, c'est le regroupement qui s'appelle l'ACOSI; c'est un sigle, ACOSI. Non, AQOCI.

M. Lincoln: Une dernière question que j'aurais pour le ministre: En décembre 1983, il y a eu un contrat - on a vu cela dans les engagements financiers - de services accordé pour la réalisation d'une étude sur les besoins des ministères sectoriels québécois relativement à la définition, la réorientation et l'interprétation des dossiers majeurs à développer auprès des organisations internationales pour une période de deux ans. C'était un montant de 87 640 $. Est-ce qu'on pourrait avoir des détails sur cette étude? Où est-ce que cela se passe et qui fait l'étude? Qu'est-ce que c'est, vraiment?

M. Landry: À première vue, je n'ai personne dans mon équipe qui est en mesure d'identifier l'étude dont vous parlez. C'est un contrat?

M. Lincoln: C'est un contrat de services qui a paru dans les engagements financiers, sous la rubrique du ministère, accordé pour la réalisation d'une étude sur les besoins des ministères sectoriels québécois relativement à la définition, la réorientation et l'interprétation des dossiers majeurs à développer auprès des organisations internationales pour une période de deux ans.

M. Landry: Qui sont les cocontractants? Avez-vous le nom des cocontractants?

Une voix: Je pense que c'est un individu de Sainte-Foy; je me souviens de...

M. Lincoln: Fournisseur, Luc Bergeron.

M. Landry: C'est l'engagement d'un contractuel qui est en train de faire ce travail-là. Est-ce qu'il y a des rapports d'étape ou est-ce que... Il est en train de le faire. Il a commencé son travail en janvier. Alors, c'est peut-être un peu prématuré de lui demander de nous produire des rapports, mais, effectivement, ce contractuel travaille au ministère.

M. Lincoln: Est-ce que la sous-ministre pourrait nous indiquer ce qui a provoqué ce rapport? Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui a incité à ce rapport spécial? Est-ce que cela ne pouvait pas se faire au sein du ministère, considérant que vous aviez tous les cadres, toute l'organisation en place pour faire ce genre de travail? Est-ce que M. Bergeron a des spécialités qui ne se retrouvent pas au sein du ministère?

M. Landry: II s'agit d'un avocat spécialisé en droit international, qui a une maîtrise de l'Université d'Ottawa; il l'a obtenue en novembre 1981. Il a aussi une session de cours, troisième cycle, en droit international et relations internationales à l'Université d'Aix-Marseille. Alors, c'est un expert dont on avait besoin pour comprendre le système juridique et en déduire les voies que le ministère pourrait prendre face aux institutions internationales.

M. Lincoln: Est-ce que ces rapports vont être disponibles lorsqu'ils seront...

M. Landry: Oui, très certainement.

M. Lincoln: Une dernière question, parce qu'on parlait de curriculum vitae, cela m'a fait me rappeler. Est-ce que vous avez eu l'occasion ou vous aurez l'occasion de revoir le curriculum vitae de M. Jean Morin et nous dire si...

M. Landry: On vous l'a dit, il a été déposé aux engagements financiers.

M. Lincoln: Non, non, je le sais, je l'ai avec moi, mais hier, quand on en a discuté, je pensais que vous ne l'aviez pas vu. Vous avez dit que vous ne l'aviez pas vu. Je pensais qu'on s'était mis d'accord que vous alliez le regarder pour voir si vous pensiez...

M. Landry: Oui. Est-ce qu'on l'a ici?

M. Lincoln: ...que cela cadrait dans le genre de critères dont vous vous servez pour les délégués généraux. Il n'a pas l'air très étoffé.

M. Landry: Alors, si j'ai bien compris, ce qui fatiguait l'Opposition là-dedans, c'est que M. Jean Morin était péquiste. Est-ce cela?

M. Lincoln: Non, non, c'était beaucoup

plus que cela.

M. Landry: Ah!

M. Lincoln: On s'est posé la question parce que, vraiment, dans le curriculum vitae, il n'y avait pas grand-chose qui nous montrait une spécialisation pour quelqu'un qui allait être délégué général à Atlanta.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, vu l'heure tardive, il va falloir mettre fin à nos travaux. Avant d'y mettre fin, je prends en considération qu'il faudrait savoir si les programmes 2, 3 et 4 sont adoptés. S'ils sont adoptés...

M. Vaugeois: Adopté.

M. Lincoln: Adopté, oui, l'ensemble des programmes.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Sauf le programme 1? Je voudrais remercier les membres de la commission, ainsi que le ministre et les gens qui l'accompagnent. Je pense que la commission, ayant rempli le mandat qui lui a été confié, ajourne ses travaux sine die.

M. Landry: M. le Président, avant que ces paroles fatidiques soient prononcées, pourriez-vous me permettre, à moi aussi, de remercier les participants à cette commission?

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Certainement.

M. Landry: Je remercie en particulier le député de Nelligan. Ses questions sont souvent pénétrantes, en tout cas, il a souvent le don de me faire hausser le ton, ce qui est déjà un hommage indirect à lui rendre.

M. Lincoln: C'est mutuel, comme vous voyez.

M. Landry: II y a déjà quelques années que nous nous affrontons dans ce genre de commission et à l'Assemblée et je dois dire que, malgré ces accrochages un peu vifs, nos relations personnelles n'ont jamais été entamées. C'est un bon exemple de la vie parlementaire.

Je félicite également mes collègues de la partie gouvernementale qui posent des questions extrêmement pénétrantes, avec un ton qui, je dois le dire, me convient davantage.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le ministre. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 2)

Document(s) associé(s) à la séance