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(Onze heures huit minutes)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre! La
commission permanente des institutions se réunit pour étudier les
crédits budgétaires de la présidence du Conseil
exécutif pour l'année financière 1984-1985. Il y a
quelques remplacements, entre autres, M. Baril (Arthabaska) qui remplace M.
Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); Mme Lachapelle (Dorion) qui
remplace M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Gagnon (Champlain) qui
remplace M. Dussault (Châteauguay). De votre côté, est-ce
qu'il y a des remplacements?
Présidence du Conseil exécutif
Une voix: Non.
M. Levesque (Bonaventure): M. Ciaccia va se joindre à nous
pour la question des Amérindiens.
Le Président (M. Vaugeois): II n'y a pas de
problème, il a toujours le droit de parole. Cela va? Alors, on m'a
précisé qu'il y a une partie des crédits que nous
pourrions étudier aujourd'hui, d'autres reviendront à l'occasion,
à d'autres séances, comme, par exemple, ce qui regarde la
promotion des droits des femmes, l'OPDQ, l'Office des services de garde
à l'enfance et ainsi de suite. Nous allons donc, formellement, avoir
à approuver les éléments de programme qui concernent le
Bureau du lieutenant-gouverneur et les services de soutien auprès du
premier ministre et du Conseil exécutif. Je comprends que, finalement,
ces deux éléments de programme seront l'occasion, principalement
pour l'Opposition et sans doute pour quelques députés de la
majorité ministérielle, d'interroger, de façon
générale, M. le premier ministre.
M. le premier ministre, vous avez d'abord la parole, si vous avez le
désir de nous présenter, d'une façon
générale, ce qu'on vous demande de défendre devant cette
commission ce matin.
Remarques préliminaires M. René
Levesque
M. Lévesque (Taillon): Je vais être très
bref, M. le Président, mesdames et messieurs de la commission. Je veux
simplement souligner certains changements qui, selon l'évolution,
arrivent périodiquement, et même régulièrement, au
ministère du Conseil exécutif, qui a toujours été
une salade de budgets, d'organismes au-delà de mon cabinet et des coins
qui sont plus statutaires, parce qu'il y a du va-et-vient sans arrêt
à cause de l'évolution même du gouvernement et de
l'administration.
Alors, par rapport aux crédits qui avaient été
votés en 1983-1984, évidemment, il y a eu un transfert des
crédits qui étaient destinés à un ministre
délégué, celui de la Science et la Technologie, puisqu'il
y a eu un ministère de créé; donc, cela a
été viré de ce côté-là. La même
chose du côté des analyses économiques, l'organisme de
statistiques qui est allé rejoindre le ministre des Finances en avril
1983.
Par ailleurs, des choses qui sont entrées, si vous voulez, en
cours d'année, il y a le relogement - enfin, on pourra voir cela tout
à l'heure avec un de vos collègues - des Inuits de
Poste-de-la-Baleine. C'est un gros morceau, c'était à peu
près 1 000 000 $ et plus l'an dernier et, cette année, cela va
être très important comme chiffre qui change les estimations
budgétaires. Est apparu, pendant l'année, le Secrétariat
à la jeunesse, qui est relié au ministère du Conseil
exécutif, avec un programme qui, jusqu'à nouvel ordre, en tout
cas, relève du Secrétariat à la jeunesse, donc, qui est
budgétisé chez nous, c'est-à-dire le programme des jeunes
volontaires, comme on l'appelle. Maintenant, dans les nouveaux crédits,
il y a les indemnités de l'Exécutif - c'était, je pense,
la Loi sur l'Assemblée nationale où c'était prévu -
et, à cause de changements qui ont été approuvés,
les indemnités ministérielles, à commencer par celles de
votre serviteur, se trouvent maintenant au budget du Conseil exécutif.
Dans les semaines ou les mois qui viennent, on ajoutera, forcément par
transfert, des crédits pour le ministre délégué
à la Réforme électorale et, aussi, il faudra virer la part
du budget des ex-Affaires intergouvernementales qui sera confié au
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes plus spécifiquement.
J'ajouterai seulement deux choses. Je ne sais pas si vous l'avez, vous
le trouverez dans les renseignements supplémentaires,
comme on les appelle, qui accompagnent le budget. Il y a eu un
changement important des crédits concernant le Bureau du
lieutenant-gouverneur, enfin, l'ensemble qui concerne le lieutenant-gouverneur,
c'est-à-dire à peu près 36% ou 37% de diminution à
la suite de "négociations", entre guillemets, avec nos interlocuteurs
fédéraux qui vont diminuer d'environ 200 000 $ à peu
près, en tout - il reste 312 000 $ - les crédits qui sont
affectés au lieutenant-gouverneur. Là, je rejoins la question des
Inuits, parce que vous allez voir qu'il y a quand même une augmentation
d'à peu près 27% de l'ensemble de ce budget relativement modeste.
Vous trouverez cela à la page 36 des informations
supplémentaires. Il y a un ajout de 4 500 000 $ cette année,
1984-1985, en vue de mettre en place les infrastructures du village Inukjuak,
c'est-à-dire un nouveau village où on va transférer une
population inuite qui était jusqu'à maintenant à
Poste-de-la-Baleine; c'est en fonction d'accords qui avaient été
passés avec elle. Il a fallu relocaliser cette population et la
relocalisation est en marche. Cette année, cela peut impliquer environ 4
500 000 $. En gros, en ce qui concerne les chiffres comme en ce qui concerne le
va-et-vient, si vous voulez, des organismes qui relèvent du Conseil
exécutif, c'est à peu près l'essentiel de ce qu'on peut
souligner.
Le Président (M. Vaugeois): M. le chef de
l'Opposition.
Bureau du lieutenant-gouverneur
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, l'an dernier,
lorsque nous nous sommes rencontrés pour l'étude des
crédits du Conseil exécutif, l'un des premiers sujets qui avaient
été abordés, c'était l'élément Bureau
du lieutenant-gouverneur. À ce moment-là, le premier ministre a
fait une déclaration un peu spectaculaire qui a semblé faire les
manchettes.
Le Président (M. Vaugeois): Qui a fait les manchettes.
M. Levesque (Bonaventure): Oui, et qui faisait suite à une
phrase non équivoque de la part du premier ministre, et je cite: "II n'y
aura plus de résidence officielle fournie par le gouvernement du
Québec." Or, M. le Président, quelques mois après, nous
nous retrouvons, et je crois que ce n'est pas le cas d'après les
renseignements que nous avons... Le premier ministre pourrait-il nous faire
part de ce qui l'avait amené à faire cette déclaration,
quelle est la situation aujourd'hui et quel est le lien entre la
déclaration du premier ministre et la situation actuelle? (11 h 15)
M. Lévesque (Taillon): Le lien, c'est que les choses
évoluent en cours de route. La raison pour laquelle j'avais fait une
déclaration comme celle-là, au fond de ma pensée, cela
voulait dire que le poste de lieutenant-gouverneur et tout ce qui l'entoure
traditionnellement comme soutien, c'est excessif, surtout dans une
période où on ne doit pas faire du "somptuarisme"
exagéré, sauf tout le respect que l'on doit à la monarchie
constitutionnelle. Alors, il a été entendu que l'on devait
réduire cela de beaucoup. Je pensais que l'on devait ou que l'on
pourrait se débarrasser de la résidence elle-même, parce
qu'il y a d'autres provinces où les lieutenants-gouverneurs sont
logés avec, je crois, des compléments budgétaires
jusqu'à un certain point par les provinces, mais ils sont logés
comme tout le monde dans le logement qu'ils peuvent trouver. Mais, au cours
d'une négociation rapide qui s'est faite par téléphone
avec M. Trudeau, on a convenu que, puisque la maison est payée, le
nouveau lieutenant-gouverneur, qui est d'ailleurs québécois,
l'ancien maire de Québec, M. Gilles Lamontagne, aurait l'intention - ce
n'est pas lui qui me l'a dit -puisque ses enfants sont maintenant
élevés, de mettre sur le marché sa propre maison qui avait
été quelque peu négligée. Alors, on laissait la
résidence, mais, par ailleurs, n coupait radicalement les services
connexes, c'est-à-dire essentiellement le personnel. Il y avait onze ou
douze personnes de tout genre qui servaient de personnel domestique, de
personnel de transport et de tout ce que vous voudrez au Bureau du
lieutenant-gouverneur. Alors, on l'a réduit de onze ou douze personnes
à deux personnes. On a également réduit - enfin, c'est un
détail -les deux limousines à une seule. À partir de
là, avec environ 200 000 $ d'économie, cela nous paraît
convenable.
Soit dit en passant, la résidence, qui est payée,
coûte en entretien, taxes municipales comprises, environ 27 500 $ par
année. Il faut évidemment ajouter ce chiffre à ce
que...
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela rassure le
chef de l'Opposition?
M. Levesque (Bonaventure): C'est-à-dire que nous n'avons
jamais réclamé, en aucune façon, que la résidence
du lieutenant-gouverneur lui soit enlevée. C'est le premier ministre qui
a décidé de faire cette déclaration.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, cela me
paraissait...
M. Levesque (Bonaventure): N'aurait-il pas été plus
normal qu'avant de faire une déclaration comme celle-là le
premier ministre ait fait ses consultations plutôt que
d'être dans la situation où il se trouve aujourd'hui?
M. Lévesque (Taillon); J'avais averti M. Trudeau que telle
était notre intention. Je n'ai pas la lettre ici, mais je l'ai averti
tout de suite après - au besoin, on peut la sortir - que telle
était notre intention de départ. Je ne pouvais faire davantage
et, comme M. Trudeau a pris beaucoup de temps avant, parce que vous savez qu'il
y a une tradition qui veut que, quand on arrive à la fin du mandat d'un
lieutenant-gouverneur, il y a, appelons cela des consultations, entre
guillemets, parce que c'est une décision fédérale, mais on
est mis au courant, en tout cas, des intentions du gouvernement
fédéral pour la nomination suivante. C'est à ce moment que
cela s'est un peu compliqué de la façon dont je l'ai dit. Alors,
on a essayé de trouver une forme de compromis qui est celle dont vous
voyez le reflet dans les estimations budgétaires.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que ce compromis est
arrivé à la suite de représentations faites par le premier
ministre du Canada voulant qu'il y ait des obligations de la part du
Québec de maintenir cette résidence lorsque l'on songe à
des ententes qui auraient pu exister autrefois?
M. Lévesque (Taillon): Sauf erreur... D'abord, pour
préciser un peu ce que j'ai dit l'an dernier, parce qu'on a ici le
texte, je disais simplement ceci: Nous avons conclu que le meilleur moyen -
comme on le voyait à ce moment - d'obtenir le résultat
recherché - c'est-à-dire de diminuer ce qui nous paraissait trop
somptuaire comme dépenses - était de cesser de mettre une
résidence à la disposition du lieutenant-gouverneur.
Soit dit en passant, pour les raisons que j'ai données - il ne
sert à rien de se répéter indéfiniment - je crois
encore que ç'aurait pu être la meilleure solution parce qu'il y
avait un choix, soit de réduire en partant de la résidence, soit
de réduire le personnel en gardant la résidence, mais au point
où il est réduit, j'ai l'impression que cela va être dur
à entretenir, mais ce ne sont pas là nos problèmes. Pour
ce qui est des engagements, je pense - je n'ai pas le texte près de moi,
mais il est facile de vous le fournir - que les seuls engagements du
gouvernement du Québec, c'était d'assurer de façon
raisonnable ou d'aider à assurer de façon raisonnable - il y
avait un mot "raisonnable" dans cela - le logement des éventuels
lieutenants-gouverneurs. Cela remonte assez loin.
M. Rivest: Vous n'avez pas eu, parce que vous vous rappelez que
c'était le député d'Arthabaska qui avait fait un plat et
qui vous avait amené à faire cette déclaration un peu
définitive, en tout cas, à première vue.
M. Levesque (Bonaventure): À moins que ce soit le premier
ministre qui ait amené le député à poser la
question.
M. Rivest: Non, je n'oserais jamais dire cela.
M. Lévesque (Taillon): Vous n'avez pas le droit de nous
prêter des intentions.
M. Rivest: Mais vous n'avez pas eu de difficulté à
convaincre le député d'Arthabaska de cette volte-face.
Le Président (M. Vaugeois): II devrait le dire
lui-même, mais il n'est pas là.
M. Lévesque (Taillon): II m'avait solennellement promis
qu'il viendrait aujourd'hui me dire sa façon de penser, mais s'il n'est
pas là, on se reverra. Pouvez-vous vous dépêcher d'adopter
cet...
M. Levesque (Bonaventure): II ne faut pas oublier que le premier
ministre est allé un peu plus loin lorsqu'il parle de ce qu'il a dit
l'an dernier, au mois de juin 1983. Il parlait de la mise en vente de
l'immeuble. Il disait: "Très rapidement on avisera de la façon
soit de s'en départir ou soit de l'utiliser autrement..." Il n'y avait
pas de doute à ce moment. Ce n'était pas une question de savoir
si on allait avoir plus ou moins de personnel, c'était: La maison, c'est
fini! D'ailleurs, on n'a qu'à regarder les journaux du temps et on n'a
qu'à regarder aussi les réactions de la population,
particulièrement de la région métropolitaine de
Québec, qui s'inquiétait de cette décision du premier
ministre, mais le premier ministre a fait les manchettes et, aujourd'hui, il
arrive avec des explications plus ou moins boiteuses en disant: Bien, c'est
à la suite d'une conversation avec le premier ministre du Canada. Bien
voilà, on ne le fait pas, c'est tout. Est-ce que ce n'est pas un peu de
l'improvisation? C'est la question que je veux poser.
M. Lévesque (Taillon): À ce moment, cela
l'était un petit peu, sauf que le fond de la question, ce n'est pas du
tout une résidence, pas de résidence, la maison ou pas de maison,
un logement, etc. Le fond de la question, c'est que cela coûtait trop
cher et que cela coûte encore peut-être un peu trop cher. En tout
cas, d'avoir réduit de pas loin de 40% le budget consacré au
lieutenant-gouverneur, il me semble que ce n'est pas si mal pour une
année.
Le député de Bonaventure, le chef de l'Opposition, se
souviendra qu'il était entendu
qu'on attendrait, et il a fallu attendre - on est donc resté un
peu dans l'incertitude pendant quelques mois - qu'on attendrait la fin, par un
minimum de décence ou de courtoisie, la fin du mandat de M. Jean-Pierre
Côté avant de finaliser les choses. Puis, est intervenue cette
discussion avec le premier ministre fédéral et on a trouvé
un compromis qui nous semblait acceptable de part et d'autre.
M. Rivest: Sur la désignation du successeur de M.
Côté, est-ce que depuis le mois de juin 1983, il y a eu, pour
désigner M. Lamontagne, avec le premier ministre du Canada des
consultations usuelles, c'est-à-dire qu'on vous a soumis des noms ou que
vous avez donné votre avis?
M. Lévesque (Taillon): Non, très peu. M. Rivest:
Non, très peu.
M. Lévesque (Taillon): Je vous donne une impression. C'est
arrivé à la dernière minute - cela devenait un secret de
polichinelle que M. Lamontagne était plus ou moins
prédésigné - à peine une semaine avant sa promenade
dans le tempête - M. Trudeau - j'ai eu l'impression que cela faisait
partie des dossiers qu'il voulait régler avant de partir - m'a
téléphoné pour me demander si je serais d'accord pour que
ce soit M. Lamontagne, etc. Il y avait seulement un nom et on ne voyait pas de
raison de s'opposer. La décision ne nous appartient pas et ce sont
plutôt des formalités, ce genre de consultation, puisque,
finalement, c'est à eux de décider.
M. Levesque (Bonaventure): Alors, pour le Bureau du
lieutenant-gouverneur, s'il n'y a pas d'autres questions...
Le Président (M. Vaugeois): M. le chef de l'Opposition,
seriez-vous intéressé à prendre connaissance de la lettre?
C'est un beau document. M. Lévesque a dit qu'il avait écrit au
premier ministre du Canada pour aborder la question. Je souhaiterais bien que
la lettre soit déposée, surtout que je viens de la lire.
M. Lévesque (Taillon): Attends un peu que je la lise.
Le Président (M. Vaugeois): La lettre est claire.
M. Lévesque (Taillon): Cela correspondait à peu
près à ce qu'on disait.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, nous passons au
deuxième programme.
M. Levesque (Bonaventure): C'est...
Le Président (M. Vaugeois): Deuxième sujet.
M. Levesque (Bonaventure): Le deuxième sujet...
Le Président (M. Vaugeois): Ah! vous procédez par
sujet.
Action intentée contre le journal La
Presse
M. Levesque (Bonaventure): Si je retourne au journal des
Débats, simplement pour vider ces questions, je vois l'une des
premières questions, sinon la première, qui avait
été abordée à l'étude des crédits de
1983 avec le premier ministre était une mise en demeure au journal La
Presse et qui aurait été suivie de très près d'une
action qui aurait été prise par le premier ministre contre le
journal La Presse. Je pense que cela avait affaire à une cause
célèbre. Le premier ministre peut-il nous renseigner sur les
développements dans cette affaire?
M. Lévesque (Taillon): Comment voulez-vous qu'on commence
à vous renseigner? Sauf erreur, c'est devant les tribunaux.
M. Levesque (Bonaventure): Je comprends, mais...
M. Lévesque (Taillon): Les roues de la justice tournent
à leur rythme normal.
M. Rivest: Vous n'avez pas fait de requête de façon
que les causes soient entendues plus rapidement, compte tenu de l'importance,
aux yeux du public et à votre...
M. Lévesque (Taillon): II y a eu des amorces de
procédure, mais je ne sais pas exactement où c'est rendu.
M. Rivest: Vous n'avez pas demandé à vos procureurs
de faire une demande au tribunal, étant donné l'importance de la
cause, les enjeux, enfin, tous les problèmes qui sont soulevés
par cela, l'impact que cet événement a eu sur l'opinion publique?
Est-ce qu'il ne serait pas de l'intérêt, autant du premier
ministre que du journal La Presse, que le premier ministre prenne l'initiative
de demander que la cause soit entendue et non pas qu'elle suive le rôle
normal? On sait que, malheureusement, l'administration de la justice au
Québec est très lente, malgré les engagements que votre
ancien ministre de la Justice avait pris pour accélérer les
procédures.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que là il y a
toutes sortes d'acteurs qui sont impliqués dans ces lenteurs...
M. Rivest: Vous avez le droit.
M. Lévesque (Taillon): ...y compris les tribunaux
eux-mêmes. Enfin, je...
M. Rivest: Mais pourquoi...
M. Lévesque (Taillon): ...pense qu'il y a quand même
la séparation des pouvoirs. Pour revenir au fond de la question, parce
que les méchancetés du député de Jean-Talon, cela
est l'accessoire...
M. Rivest: Cela ne s'adressait pas à vous.
M. Lévesque (Taillon): Pour revenir au fond de la
question, il y a eu motion pour détail, comme on dit dans le jargon, et
il y a eu jugement là-dessus. Cela suit son cours. Qu'est-ce que vous
voulez que je vous dise de plus?
M. Rivest: Mais pourquoi ne pas demander un procès plus
rapide, que la cause ait préséance sur le rôle, d'une
manière ou de l'autre? Vous n'y voyez pas d'intérêt? Parce
que nous, je vais vous dire bien franchement - évidemment, dans la
mesure où, comme parlementaire, cela contribuerait à lever le sub
judice - on pourrait peut-être recouvrer nos droits parlementaires.
M. Lévesque (Taillon): Oui. Remarquez que l'on peut
toujours y penser parce que cela permettrait, de nouveau, d'évoquer ce
qu'avait été le saccage de la Baie James. Je trouve cela
drôle, des fois, quand je lis dans les médias d'information que
j'aurais été impliqué, avec certains membres de mon
entourage, dans le saccage de la Baie James. Le saccage de la Baie James,
c'était vous. C'était un des héritages de "vos" six
années, qui nous ont menés... Vous étiez au courant un
petit peu parce que vous étiez quand même...
M. Rivest: Je n'étais pas là-dedans.
M. Lévesque (Taillon): ...dans le sérail! Quand
c'est arrivé, c'était vraiment une retombée d'une
terrible, d'une effroyable administration de tout le domaine de la
construction, qui, d'ailleurs, a amené très rapidement - parce
qu'il fallait bien, on était acculé au pied du mur - la
commission Cliche. Nous avons hérité de cela, et c'est à
partir des retombées de ce saccage, qui était arrivé avant
notre arrivée au gouvernement, qu'il a fallu voir comment on pouvait
arriver à un règlement. D'accord, cela a
dégénéré en ce que l'on sait, parce que vous
vouliez bloquer la nomination du président de l'Assemblée
nationale. Alors, on vous a offert une commission parlementaire, qui devait
durer, dans notre esprit, en tout cas - c'est comme cela qu'on l'avait compris
-quelques jours, et vous avez trouvé bon de l'étirer aussi
longtemps que possible. Finalement, s'est enchaînée
là-dessus, comme vous le dites, une mise en demeure et c'est maintenant
quelque chose devant les tribunaux. Alors, est-ce qu'on peut penser de demander
d'accélérer? Peut-être.
M. Rivest: Peut-être?
M. Lévesque (Taillon): Je ne l'exclus pas. Pour l'instant,
je ne vous donnerai pas de réponse additionnelle.
M. Rivest: Mais, M. le premier ministre, dans la mesure où
vous avez fait des déclarations là-dessus, auxquelles vous
attachez une très grande importance, je pense que ce serait non
seulement dans l'intérêt public, au sens le plus large, mais aussi
dans l'intérêt particulier et personnel que vous avez
là-dedans, et aussi dans l'intérêt de la Presse, que ce
débat soit vidé le plus rapidement possible.
M. Lévesque (Taillon): Je n'aurais pas...
M. Rivest: Et la procédure vous permet de demander
d'être entendu par préséance.
M. Lévesque (Taillon): Oui, je n'aurais pas la moindre
objection sauf que, entre nous, il y a d'autres...
M. Rivest: Pardon?
M. Lévesque (Taillon): Je dis que je n'aurais pas la
moindre objection sauf que, entre nous...
M. Rivest: Oui.
M. Lévesque (Taillon): ...je veux bien qu'on rebrasse le
passé, y compris celui du Parti libéral, mais, franchement, on
verra dans le temps comme dans le temps. Entre-temps, je vais y penser.
D'accord?
M. Levesque (Bonaventure): Mais chose certaine, c'est que,
pendant que le premier ministre...
M. Lévesque (Taillon): On a d'autres sujets, actuellement,
qui nous préoccupent davantage.
M. Levesque (Bonaventure): ...y pense, M. le
Président...
M. Rivest: II y a des gens qui ont des doutes. (11 h 30)
M. Levesque (Bonaventure): ...il existe un fait, c'est que toute
cette question a pris la voie du sub judice. Si c'était un cas
unique, mais il semble que ce soit une sorte de procédure qui va
devenir assez générale. Là, on est dans le sub judice pour
le saccage de la Baie James, on est dans le sub judice pour la question de la
SHQ, avec les nouvelles procédures qui ont été prises par
l'ancien ministre de la Justice et leader du gouvernement, par le chef de
cabinet du premier ministre, et, finalement, ce que nous remarquons, c'est que
vous ne prenez pas avantage, qu'on sache, à moins que vous nous
contredisiez, de la procédure civile qui vous permet de demander, par
exemple, qu'une cause soit entendue en préséance et vous n'exigez
même pas - apparemment, du moins - si vous me contredisez, je vais
écouter avec grande attention - que les délais prévus par
le code de procédure soient respectés. Ce n'est pas parce que
c'est inédit. C'est que, souvent, l'on voit que les avocats n'exigent
pas que les délais soient respectés d'une façon
rigide.
Dans un cas comme celui-là, où nous sommes dans des
questions très publiques et qui sont un peu différentes à
causes des personnages impliqués, comment se fait-il que vous ne preniez
pas avantage ou que vous ne donniez pas les instructions à vos
procureurs de faire en sorte qu'on dispose de ces causes le plus rapidement
possible?
M. Lévesque (Taillon): Encore une fois, pour la
nième fois - cela me fait penser à une certaine commission
parlementaire - il me semble que les délais, autant qu'on sache, sont
respectés. On n'a pas fait de demande de préférence.
Peut-être qu'on pourra y penser. Que voulez-vous que je vous dise de
plus?
J'ai toujours un peu de méfiance quand j'arrive sur ce terrain
parce qu'on ne sait jamais où se trouve la pelure de banane.
M. Rivest: Mais là c'est un article du Code de
procédure civile. Ce n'est pas glissant bien gros et cela fait
accélérer les causes.
Le Président (M. Vaugeois): Que dit-il, pour notre
information, cet article?
M. Rivest: On peut faire une requête au tribunal simplement
pour demander qu'une cause, pour des motifs sérieux, soit entendue plus
rapidement qu'une autre.
M. Lévesque (Taillon): Oui.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Champlain, vous avez quelque chose sur le même sujet?
M. Gagnon: Sur les dépenses du lieutenant-gouverneur.
Est-ce possible?
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous permettez
qu'un député de la majorité s'inquiète de la
question?
M. Gagnon: Je présume que...
M. Levesque (Bonaventure): II me semble qu'il aurait
été normal que, lorsque nous avons discuté de cette
question...
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez raison.
M. Levesque (Bonaventure): ...on en ait parlé. On a
même invité des gens qui n'étaient pas ici à venir.
Je pense qu'on a d'autres sujets à aborder, M. le Président,
à ce moment-ci.
M. Gagnon: M. le chef de l'Opposition...
M. Levesque (Bonaventure): À moins que ce soit une
question très courte.
M. Gagnon: Je présume que ce ne sera pas long. C'est pour
mon éclairage et j'ai aussi le droit, comme membre de cette commission,
d'avoir des informations.
Je vois que pour le Bureau du lieutenant-gouverneur il y a une somme de
312 000 $, je pense, soit une variation de 36%, une diminution de 36%. Ce
programme vise à permettre au lieutenant-gouverneur d'assurer les
fonctions qui lui sont dévolues par la loi. Est-ce que ces 312 000 $
sont pour du personnel? Et, quand on parle de fonctions du
lieutenant-gouverneur, est-ce qu'on peut résumer ces fonctions pour 312
000 $? Est-ce que c'est du personnel à son bureau? Est-ce que c'est en
plus de la résidence?
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, l'essentiel de ce
que cela représente... Bien, les fonctions du lieutenant-gouverneur sont
les signatures, sanctionner des projets de loi, faire certaines
présences protocolaires. Enfin, j'avoue humblement que cela pourrait
tenir dans une feuille de papier, je pense bien.
L'essentiel des changements, pour ce qui est des chiffres, c'est que le
personnel permanent - il y avait un occasionnel qui est encore là -
comprenant et le bureau et la résidence, est passé de quinze
à sept personnes. De ces sept personnes, il y en a deux maintenant au
lieu de ce qu'il y avait avant, onze, qui sont attachées à la
résidence. Les autres font partie normalement du personnel de cabinet du
lieutenant-gouverneur.
M. Gagnon: Vous voulez dire que dans l'effort de compression qui
se fait régulièrement, on pourrait éventuellement voir ces
sommes diminuer, comme on le fait, par exemple, dans d'autres secteurs?
M. Lévesque (Taillon): Ah oui! Il n'y a absolument rien
qui exclue cela. Les compressions, cela peut passer par là.
M. Gagnon: Sans mettre la population en danger.
M. Lévesque (Taillon): Je ne pense pas que cela mettrait
la patrie en danger, en aucune façon.
M. Gagnon: Ce ne serait pas considéré comme un
service essentiel, quoi?
Une voix: Ah oui!
M. Lévesque (Taillon): Constitutionnel-lement, je pense
bien que ça l'est tant qu'on est dans le régime actuel.
Le Président (M. Vaugeois): La réponse, c'est
oui.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre est-il au courant
- on revient sur cette question - que, lorsqu'on parle des dépenses
somptuaires... Je lisais justement et je vais citer la Presse du 6 mars: "Le
Manitoba offre pour sa part un manoir de 34 pièces à son
lieutenant-gouverneur et la Colombie britannique...
M. Lévesque (Taillon): Au Manitoba, vous savez, il se
passe toutes sortes de choses là.
M. Levesque (Bonaventure): ...un petit château de 102
pièces. Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse offrent toutes deux des
résidences deux fois plus grandes que celle du Québec." Alors,
peut-être que ce serait bon que ce soit au moins entré dans le
dossier.
M. Lévesque (Taillon): II faudrait que je
revérifie.
M. Levesque (Bonaventure): Je prends la parole du journal La
Presse que vous connaissez bien.
M. Rivest: C'est la Presse.
M. Lévesque (Taillon): Oui, justement. J'étais en
Colombie britannique...
M. Levesque (Bonaventure): Et cela vient du correspondant
d'Ottawa,
M. Lévesque (Taillon): ...il y a trois ans à peu
près où on avait une rencontre des premiers ministres des
provinces, comme chaque année. Le château dont vous parlez, ou
dont parle la Presse, soi-disant, de 102 pièces est en fait un vaste
édifice provincial où le lieutenant-gouverneur a une petite suite
de bureaux - c'était comme cela, en tout cas, quand on y est allé
- et se loge en ville comme n'importe quel autre citoyen. Tout ce qu'il a dans
cet édifice, où on a eu des réceptions offertes par le
gouvernement de la Colombie britannique pour nous expliquer toute une
série de choses, c'est une sorte d'édifice administratif
provincial, admirablement situé, à l'intérieur duquel -
à ce moment-là, en tout cas - il y avait deux ou trois bureaux
pour le lieutenant-gouverneur. Alors, il ne faut pas charrier.
M. Levesque (Bonaventure): Dans les...
M. Lévesque (Taillon): Pour autant que je sache,
l'Ontario, qui est la plus grande province au point de vue de la population et
au point de vue du poids budgétaire, en Ontario, si cela n'a pas
changé, le lieutenant-gouverneur se loge. La province donne un coup de
main pour le logement, mais il se loge lui-même et il a un certain nombre
de bureaux, c'est tout. Alors, cela dépend des provinces.
M. Levesque (Bonaventure): Oui. Évidemment, c'est...
Le Président (M. Vaugeois): Si vous me le permettez, M. le
chef de l'Opposition, je rappellerai que la lettre qu'adressait M.
Lévesque à M. Trudeau en avril 1983 disait bien: "L'an dernier,
lors de l'étude à l'Assemblée nationale des crédits
budgétaires relatifs au Bureau du lieutenant-gouverneur, j'ai fait part
de l'intention du gouvernement d'étudier attentivement les moyens que
nous pourrions prendre pour réduire, là comme ailleurs, la
dépense des fonds publics. À la suite de cet engagement, nous
avons analysé les dépenses encourues à cet égard
par les autres provinces - donc, cela a été fait - et nous avons
conclu que le meilleur moyen d'obtenir le résultat recherché
était de cesser de mettre une résidence à la disposition
du lieutenant-gouverneur, suivant ainsi l'exemple de l'Ontario et de la
Saskatchewan." Cela ne clarifie pas tout, mais en tout cas.
M. Lévesque (Taillon): Oui, c'est vrai. Ah non!
M. Rivest: Ce n'est plus vrai, de toute façon, cette
lettre-là.
M. Lévesque (Taillon): Plutôt que de tourner en rond
autour de cela sans arrêt, cela me paraît encore que cela aurait
peut-être été la meilleure façon de le faire.
L'essentiel, c'était de réduire les dépenses parce qu'avec
deux personnes et une assez grande maison, il faudra que le
lieutenant-gouverneur actuel se débrouille. Je ne sais pas si Ottawa lui
donnera un coup de main
pour maintenir le train de vie, mais, enfin, ce n'est pas notre
problème.
M. Levesque (Bonaventure): ...il me semble que c'était
court votre affaire.
Le Président (M. Vaugeois): M. le chef de
l'Opposition.
M. Lévesque (Taillon): J'essaie d'être le plus court
possible.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Champlain, allez-y.
M. Gagnon: On a parlé de châteaux à la
disposition des lieutenants-gouverneurs dans d'autres provinces. Quel est le
château que nous offrons? On a parlé de 102 pièces à
certains endroits. Notre château...
M. Rivest: C'est modeste, c'est dans le comté de
Jean-Talon.
M. Gagnon: ...qu'on offre au lieutenant-gouverneur, c'est quoi,
comparativement?
M. Rivest: C'est une ancienne maison privée.
M. Gagnon: D'une valeur de?
M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas l'évaluation.
Vous pouvez peut-être faire le calcul. J'avais les taxes. C'est...
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez donné 26 000
$ tout à l'heure en tout.
M, Levesque (Bonaventure): Le premier ministre ne s'est-il jamais
rendu là, quoi?
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Oui? Alors...
M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas compté les
pièces. Je me serais senti indiscret. C'est 3640 $ par année de
taxes.
Le Président (M. Vaugeois): Cela ne fait pas une grosse
résidence à Québec.
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas énorme.
M. Rivest: Dans Jean-Talon...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si on me le
permet maintenant...
Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui.
Manifeste sur l'avenir politique du
Québec
M. Levesque (Bonaventure): ...dans l'autre sujet qu'on avait
discuté l'an dernier et qui me semble avoir encore été mis
à l'ordre du jour par le premier ministre, après avoir
été en veilleuse, c'est ce qu'on appelle ici l'avenir politique
du Québec, mais, lorsque l'on regarde à l'intérieur des
propos, il s'agit toujours de l'option indépendantiste,
séparatiste du gouvernement actuel. À cet effet, je ne suis pas
sans suivre le débat politique qui se fait beaucoup à
l'intérieur des instances du parti du premier ministre. Il est question
maintenant d'un manifeste, préparé conjointement par le Conseil
des ministres et l'Exécutif du Parti québécois. Est-ce que
le premier ministre pourrait nous donner des renseignements sur ce fameux
manifeste? Où en est-on maintenant?
M. Lévesque (Taillon): Où on en est? On en est
à ceci: c'est que, très récemment, en février, au
moment où on a senti que la reprise économique s'accentuait, on
s'est rendu compte que pendant tout l'essentiel des trois dernières
années, depuis les élections de 1981, on n'avait pas eu le loisir
de reprendre un peu le chemin, le bâton du pèlerin, comme dirait
l'autre, pour aller expliquer de notre mieux et "pousser", entre guillemets, de
notre mieux notre option politique fondamentale, qui est la souveraineté
du Québec et, éventuellement une offre d'association, le jour
venu, au reste du Canada.
La décision a d'abord été prise, après
discussion, par le Conseil des ministres, ensuite, par le caucus
ministériel. Finalement, cela s'est répercuté à
l'intérieur du parti, comme le dit le député de
Bonaventure, c'est-à-dire qu'il y a eu des congrès. On a
régulièrement des congrès. À la veille d'un
congrès national qui doit avoir lieu à Montréal au mois de
juin, on a des congrès régionaux en particulier et c'est devenu,
à toutes fins utiles, l'unanimité que, désormais,
c'est-à-dire pendant le temps qui reste jusqu'aux prochaines
élections, y compris les prochaines élections, le premier sujet
d'action politique, de persuasion politique auquel on doit revenir - et cela
presse - c'est cette option qui, quant à nous, demeure la solution la
meilleure pour l'avenir collectif du Québec, en particulier du
Québec français.
Il est évident que, comme gouvernement, on doit continuer - et on
le fait -comme on l'a fait avant la crise, comme on l'a fait pendant la crise
et, d'arrache-pied, comme on le fait maintenant, de nous occuper de
développement économique - en ce moment, le mot à la mode,
c'est relance de relance économique par tous les programmes qu'on peut
mettre sur pied et qui donnent des résultats. Cela reste la
préoccupation presque exclusive du gouvernement, sauf les choses qu'on
ne peut prévoir et qui arrivent, mais au point de vue politique, au
point de vue de notre action politique comme parti, il est entendu que le
premier sujet, le sujet qui est, au fond, la raison d'être de
notre parti, doit revenir en surface et très activement.
Pour aider, non pas à changer le fond de la question... Vous
savez, chez tous les peuples normaux, la souveraineté et
l'indépendance, cela veut dire la même chose et cela veut dire la
même chose pour nous, mais il y a eu une évolution des esprits. La
crise elle-même nous a donné des leçons, je pense, à
tout le monde, la crise qu'on vient de traverser. Dans ce contexte, il y a une
sorte de remaniement de la présentation ou du discours qui nous
paraît s'imposer. Alors, cela va prendre la forme d'un manifeste.
Ce manifeste est à l'ébauche, évidemment, une
ébauche qui devrait, fin avril, début mai, aboutir à un
texte - on sait ce que c'est qu'un manifeste - pas trop long, autant que
possible ajusté à la conjoncture et qui nous servirait de
discours central en ce qui concerne le travail de persuasion qu'on doit essayer
de faire.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le manifeste est fait en
vue du congrès du Parti québécois du mois de juin?
M. Lévesque (Taillon): Si possible. Oui, ce serait bon
qu'il soit expédié à notre congrès. Je pense que
c'est normal dans n'importe quel parti démocratique, mais s'il est
prêt.
M. Levesque (Bonaventure): S'il est préparé non
seulement par l'Exécutif du parti, mais également par le
gouvernement, est-ce à dire que le gouvernement finance la
préparation de ce manifeste?
M. Lévesque (Taillon): II n'y a pas de financement
là-dedans. C'est normal... Écoutez, il y a des cabinets
politiques - vous en avez aussi à l'Opposition - où il y a des
gens qui font de la politique. Alors, c'est la même chose au
gouvernement. Il ne s'agit pas d'impliquer là-dedans des fonctionnaires
ou l'administration publique, mais chose certaine, c'est qu'après sept
ans et plus maintenant d'expérience gouvernementale, de connaissance des
dossiers, il serait complètement baroque qu'on ne se serve pas de cette
expérience acquise pour enrichir notre pensée et notre analyse
des faits qui sont pertinents.
Alors, cela se fait forcément à partir d'un certain nombre
de gens qui sont dans les cabinets politiques et qui, par conséquent -
ce n'est pas pour rien qu'ils s'appellent cabinets politiques - sont
autorisés à réfléchir politiquement. C'est la
contribution essentielle qu'on peut faire à ce niveau.
M. Levesque (Bonaventure): Je dois conclure des propos du premier
ministre qu'il n'y a pas de fonctionnaires, de contractuels ou d'autres qui
sont payés par le gouvernement.
M. Lévesque (Taillon): Des contractuels dans un cabinet
politique, c'est possible. Après tout, c'est admis, c'est
autorisé, mais au point de vue des fonctionnaires, non. Que je sache,
non.
M. Levesque (Bonaventure): Et il n'y a aucuns fonds publics en
dehors des budgets des cabinets utilisés à ces fins. (11 h
45)
M. Lévesque (Taillon): Absolument pas.
M. Levesque (Bonaventure): Ni même aux affaires
intergouvernementales, c'est-à-dire aux affaires canadiennes?
M. Lévesque (Taillon): Non. Bien, en ce moment, quand
même qu'on imaginerait des choses comme cela, vu qu'il y a tout un
va-et-vient qui se fait pour mettre en ordre, d'une part, les Relations
internationales et, d'autre part, les Affaires intergouvernementales
canadiennes, même le cabinet ne contribue pas beaucoup, jusqu'à
nouvel ordre, parce qu'on est en train de mettre les affaires en ordre.
M. Levesque (Bonaventure): Je me permets une parenthèse
puisque le premier ministre a parlé de mettre de l'ordre
là-dedans. N'est-il pas exact que le premier ministre avait dit, il y a
un an environ, qu'il ne s'agissait là que d'une question de rodage entre
les ministres Jacques-Yvan Morin et Bernand Landry et que le Commerce
extérieur et les questions du ministère des Affaires
intergouvernementales, c'était simplement une question de rodage, qu'il
n'y avait rien là?
M. Rivest: II y en a un qui s'est fait drôlement
rodé.
M. Lévesque (Taillon): J'espérais que cela soit
seulement une question de rodage, mais on a frappé le même genre
de... Pardon?
Le Président (M. Vaugeois): "Ridé", tu veux
dire.
M. Lévesque (Taillon): ...de difficulté qui s'est
vue ailleurs. À Ottawa, je pense que cela fait deux ou trois fois qu'on
change de place l'"External Trade"; la même chose en France. Dans la
plupart des pays que je connais, qui sont assez proches de nous pour qu'on
puisse suivre ce qui se passe, c'est assez difficile d'ajuster ces nouvelles...
C'est relativement nouveau partout l'idée du
commerce extérieur comme une responsabilité
ministérielle.
Donc, comment coordonner les relations internationales ou
extérieures de façon générale? Il y a dans cela de
la coopération, qui n'est pas uniquement, exclusivement,
économique, il y a des préoccupations culturelles, il y a
forcément des préoccupations politiques et il y a une sorte de
prédominance qui s'est développée - avant la crise,
c'était déjà un peu vrai, mais pendant la crise - pour les
relations économiques. Alors, c'est ce qui nous a amenés à
créer le ministère du Commerce extérieur, comme
d'autres.
M. Levesque (Bonaventure): Mais, continuant ma
parenthèse...
M. Lévesque (Taillon): Non, mais je reviens à
l'essentiel de la question: pour ajuster cela, ce n'est pas tellement une
question d'hommes, je ne pense pas. Cela finit toujours par marquer tout le
monde quand il y a des tiraillements. C'était aussi qu'il y avait deux
groupes qui se formaient qui, tous les deux, étaient orientés
vers l'extérieur: celui, traditionnel, des Affaires
intergouvernementales et le nouveau groupe, tout le nouveau cabinet et le
nouveau personnel reliés au ministère du Commerce
extérieur. Or, cela a créé des tiraillements, je pense que
c'est un secret de polichinelle. Puis, hélas, il a fallu prendre des
décisions à un certain moment qui ont donné les
résultats que vous connaissez au moment du remaniement
récent.
M. Levesque (Bonaventure): Mais, continuant cette
parenthèse, et c'est probablement la dernière question de la
parenthèse, comment peut-on expliquer ce qui se passe? On a l'exemple de
M. Jacques-Yvan Morin qui a été précédé de
l'exemple de M. Pierre Marois, cette succession de démissions qui se
font presque en fin de semaine, un soir ou à un moment donné. On
n'a même pas le droit de les saluer avant qu'ils partent. Qu'est-ce qui
se passe dans ce gouvernement que les ministres disparaissent en quelques
minutes et c'est complété? Est-ce qu'il y a des tiraillements
comme cela qui se poursuivent? Je pense que vous êtes rendu à
avoir perdu une vingtaine de ministres depuis 1976, si je ne m'abuse. Qu'est-ce
qui se passe?
M. Lévesque (Taillon): Si vous voulez, on reprendra...
M. Levesque (Bonaventure): Oh! Excusez.
M. Rivest: II n'y a que lui qu'on a pu saluer.
M. Lévesque (Taillon): ...l'évolution du
gouvernement de M. Bourassa, de 1970 à 1976, pour voir combien il y en a
qui ont filé...
M. Levesque (Bonaventure): Non, non.
M. Rivest: II y a M. Léger aussi... Nous, on n'en a pas
perdu.
M. Lévesque (Taillon): C'est peut-être là que
vous avez eu tort, mais enfin! Et aussi comment M. le député de
Marguerite-Bourgeois, M. le député de Saint-Laurent vous ont
quittés, et M. le député d'Outremont. Qu'est-ce que vous
voulez, cela fait partie... Bien franchement, cela fait partie...
M. Levesque (Bonaventure): Ils ont quitté d'une
façon normale et ils ont expliqué pourquoi ils quittaient. Ils
l'ont fait à l'Assemblée nationale. N'est-il pas un peu
surprenant ou un peu étonnant... II me semble que cela déroge un
peu de la procédure ordinaire que les ministres disparaissent dans une
nuit ou un matin, avant le déjeûner. Qu'est-ce qui se passe
à ce moment?
M. Lévesque (Taillon): Quand quelqu'un a
décidé qu'il a suffisamment fourni son apport à la vie
publique, à l'administration publique, je ne vois pas pourquoi il
s'éterniserait pour qu'on fasse une série de discours, comme j'en
ai vus en Chambre, qui sont essentiellement "de mortuis nil nisi bonum".
M. Levesque (Bonaventure): Quelques jours avant le départ
de ces deux ministres -prenons seulement ces deux-là - M. Marois, par
exemple, arrivait d'Ottawa, il avait eu une entente extrêmement
intéressante et fructueuse avec Mme Bégin. On a pensé que,
pour une fois, il y avait eu d'excellentes relations
fédérales-provinciales. Il avait l'air tout heureux. Deux jours
plus tard, il n'est plus là. Dans le cas de M. Jacques-Yvan Morin, le
premier ministre a fait son éloge et il avait tellement besoin de lui
pour encore je ne sais combien de temps et cela, deux ou trois semaines avant
que cela arrive. Tout d'un coup, il disparaît. On se dit: Qu'est-ce qui
se passe dans ce gouvernement?
M. Lévesque (Taillon): Ce qui se passe, c'est que vient un
moment où des gens... Dans le cas de M. Marois, il avait ses raisons et
elles antécédaient son départ et, aussi, la rencontre
qu'il avait eue avec Mme Bégin, qui, d'ailleurs...
M. Levesque (Bonaventure): J'écoute.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je peux vous
répondre rapidement?
M. Levesque (Bonaventure): J'écoute.
M. Lévesque (Taillon): Non, le départ de M. Marois,
je pouvais le prévoir depuis un certain temps pour des raisons qui lui
appartiennent et qui n'ont rien à voir avec les questions que peut poser
le chef de l'Opposition. C'est vrai qu'à la toute dernière minute
il y a eu une rencontre assez fructueuse qui brisait un peu la glace avec Mme
Bégin, son homologue fédérale. D'ailleurs, cela a
continué puisque, avec la successeure de M. Marois, qui est Mme Marois,
cela a fini par se concrétiser par une entente. Il y avait d'autres
raisons pour lesquelles M. Marois - après tant d'années d'action
politique et d'administration publique, pendant presque sept ans au
gouvernement - a découvert qu'il voulait s'en aller. Qu'est-ce qu'il y a
d'anormal que des gens partent à l'occasion?
M. Levesque (Bonaventure): Comment se fait-il...
M. Lévesque (Taillon): On dit que c'est souvent plus
difficile de sortir de la politique que d'y entrer. Que des gens donnent
l'exemple à l'occasion quand ils croient que le moment est
arrivé, pourquoi pas?
M. Levesque (Bonaventure): II y a deux façons: il y a les
ministres qui disparaissent d'une façon assez saugrenue, puis il y a les
chefs de cabinet qui démissionnent et qui restent. Alors, cela fait
curieux.
M. Lévesque (Taillon): Je ne vois pas pourquoi vous faites
ce genre de remarque.
M. Levesque (Bonaventure): C'est parce que là on a le
temps de lui dire bonjour, le temps de le saluer un peu, tandis que dans le cas
des autres ministres ils sont partis sans même revenir en Chambre.
M. Lévesque (Taillon): S'ils passent faire un tour,
j'appellerai le chef de l'Opposition et on s'arrangera pour les rencontrer.
Quand même!
Le Président (M. Vaugeois): Que le chef de l'Opposition en
profite pour saluer et être amical avec ceux qui sont restés,
comme mon collègue Marcel Léger et moi.
M. Rivest: On pourrait vous interroger, M. le premier ministre,
sur le remplacement de M. Boivin. J'ai toujours l'habitude d'avoir un candidat
et j'aimerais voir M. Simard. Est-ce que c'est une bonne suggestion?
M. Lévesque (Taillon): De toute façon,
Me Boivin et moi, on s'est entendu -probablement dans les semaines qui
suivront l'intersession pascale - pour se consulter et on verra la suite.
M. Rivest: M. le premier ministre...
M. Lévesque (Taillon): Je dois vous dire une chose, c'est
que je ne trouve pas cela facile du tout de penser à le remplacer. Que
voulez-vous, il le faut bien'.
M. Rivest: M. le premier ministre...
M. Lévesque (Taillon): Je retiens la suggestion du
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Merci, et M. Simard l'appréciera, j'en suis
sûr. M. le premier ministre, je voudrais revenir quand vous nous avez
parlé - après cette parenthèse - de l'option et de la
démarche que poursuivent actuellement et le gouvernement, et le Parti
québécois - il semble que ce soit un peu la même chose. En
réponse aux questions du chef de l'Opposition, vous avez indiqué
qu'en aucune manière les fonctionnaires ou l'appareil administratif de
l'État ne contribuerait ou ne participerait d'une façon ou de
l'autre à étayer ou à articuler la thèse de la
souveraineté ou de l'indépendance véhiculée par le
Parti québécois.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que je peux dire cela,
oui. Autant que je sache, il n'est pas question d'aller chercher dans
l'administration publique permanente des gens qui vont s'embarquer dans des
travaux partisans.
M. Rivest: Parce que le...
M. Lévesque (Taillon): II y a les cabinets politiques qui
sont là pour cela.
M. Rivest: Oui, la dernière... Dans les années
1979-1980 qui ont précédé le référendum, il
y avait eu - vous vous le rappellerez, M. le premier ministre - toute une
série d'études, de monographies qui avaient été
payées par les fonds publics, dont l'objet portait essentiellement sur
l'articulation de la thèse de l'association, les travaux sur l'union
monétaire, et cela avait été fait à même les
fonds publics.
M. Lévesque (Taillon): Non, je m'excuse. Il faudrait
revenir en 1979-1980 et essayer de vérifier tout cela en détail,
si vous y tenez. De mémoire, ce que je peux dire - je pense que vous
vous référez en particulier à des sondages qui avaient
été faits ou des études...
M. Rivest: Non, M. le premier ministre. J'en ai une valise pleine
ici d'études: la
sensibilité des industries au commerce interrégional, le
cas du Québec, l'union monétaire qui avait été
payée par le ministère des Affaires intergouvernementales.
M. Lévesque (Taillon): Attendez un peul Passez-le-moi une
seconde pour que je puisse...
M. Rivest: Attendez, celui-là n'est peut-être pas le
meilleur.
M. Lévesque (Taillon): Non, juste une seconde.
M. Rivest: Les expériences d'intégration
économique.
M. Lévesque (Taillon): Oui, n'essayez pas d'escamoter le
sujet.
M. Rivest: Peut-être celui-là, si vous voulez?
M. Lévesque (Taillon): On est dans un régime
fédéral. Écoutez, cela va suffire comme cela.
M. Rivest: L'union monétaire, les monnaies nationales.
M. Lévesque (Taillon): On a beau être des
provinciaux, M. le député de Jean-Talon... Le régime a
fait de nous des provinciaux, c'est vrai, mais il n'est pas nécessaire
de faire semblant qu'on n'appartient pas au monde qui évolue autour de
nous.
M. Rivest: Oui...
M. Lévesque (Taillon): II y a des unions
économiques qui se sont développées dans le monde. Je
pense que le Québec a intérêt à être au
courant de tout ce qui se passe dans le monde. On est dans un régime
fédéral; on sait qu'il y a une centralisation non seulement
constitutionnelle, mais économique qui s'est développée du
côté d'Ottawa, surtout dans les derniers milles du régime
de M. Trudeau. C'était déjà largement entamé avant
les années 1979 et 1980. Qu'il y ait des gens qui aient
étudié la sensibilité des industries au commerce
interrégional, le cas du Québec, de l'Ontario et du reste du
Canada, quelques expériences étrangères
d'intégration économique... On n'est pas obligé,
même dans un gouvernement provincial, de rester des primaires qui
ignorent ce qui se passe dans le monde, parce que cela peut affecter notre
propre évolution. Quand même!
M. Rivest: M. le premier ministre, comme par hasard, dans le
document - c'est un document qui est collé directement à votre
option - ces études et ces monographies, qui ont peut-être une
perspective plus large, j'en conviens, se traduisaient d'une façon
précise dans un document qui émane du Conseil exécutif,
payé par le gouvernement, collé - vous en conviendrez, M. le
premier ministre - sur la thèse du Parti québécois. On
parlait de la libre circulation des marchandises, de l'union monétaire,
de la libre circulation des personnes; les domaines d'harmonisation auxquels
ces monographies se référaient: le conseil communautaire, la
commission d'experts, la cour de justice, l'autorité monétaire.
À l'époque, M. Ryan avait fait ce débat - vous vous le
rappellerez - ce n'est pas un débat qui est neuf. Quand vous nous dites
que le Parti québécois et le Conseil des ministres vont
préparer un manifeste auquel a référé le chef de
l'Opposition, nous - parce qu'il y a quand même des
Québécois qui ne sont pas d'accord avec vous et qui paient des
taxes au gouvernement du Québec - n'avons aucune espèce
d'objection à ce que le Parti québécois défraie,
articule, réfléchisse son option et essaie de trouver un nouveau
langage et un nouveau discours, mais c'est une différence
considérable, à notre point de vue - et c'est la question que je
pose - que les fonds publics participent à cette activité, qui
est encore, jusqu'à nouvel ordre, l'option sans doute légitime
d'un parti polique. C'est cela la différence.
M. Lévesque (Taillon): Qu'on se soit inspiré de
toutes les études existantes, de toute l'expérience acquise en
1980 pour le référendum, qui était un moment très
officiel - c'est le gouvernement du Québec qui proposait ce
référendum - en fonction d'une loi du Québec, la Loi sur
la consultation populaire, et que, par conséquent, émanant du
Conseil exécutif, comme de l'Opposition qui s'était
regroupée sous la bannière du "non", vienne officiellement un
texte comme celui qui a été notre texte de base au moment du
référendum et que cela ait été inspiré de
toutes les études existantes, je ne vois rien là qui ne soit pas
normal. Il s'agissait d'un référendum organisé en fonction
des lois du Québec. C'était parfaitement orthodoxe de se servir
de tout ce qui pouvait être disponible pour essayer de mettre ensemble ce
texte de base qui a servi à véhiculer la position du "oui".
M. Rivest: M. le Président - le premier ministre sait
qu'on ne s'entendra peut-être pas là-dessus - le premier ministre
exprime son point de vue, nous exprimons le nôtre; on le
réitère. Deuxième élément de la question:
Vous avez, dans vos déclarations comme premier ministre et comme
président et chef du Parti québécois, repris
récemment le thème - d'une façon un peu plus publique,
non pas que vous l'ayez abandonné en cours de route - de
l'indépendance. Vous nous avez dit et vous avez dit à la presse
qu'à l'intérieur du manifeste vous essaieriez de trouver un
nouveau discours qui, d'après ce que j'ai vu dans les journaux,
collerait plus, tel l'indépendance, instrument - selon vous -de
développement économique du Québec, et tout cela. Est-ce
qu'il y a, dans votre esprit et dans l'esprit du Conseil des ministres, des
changements profonds au niveau de l'option en tant que telle? Une fois qu'on a
dit souveraineté et indépendance et qu'on évoque, comme
vous l'avez fait, d'ailleurs, tantôt, les possibilités
d'association, est-ce que la formule proposée - je sais que vous allez
probablement me parler de plomberie... Lorsque vous avez fait l'exercice
référendaire et même pour vos militants à qui vous
allez présenter un manifeste, vous disiez, à la page 59 du
document: La Nouvelle Entente Québec-Canada - les mots ont changé
un peu, c'est probablement l'évolution normale des choses - que, pour
qu'elle soit bien comprise, la formule proposée par le gouvernement du
Québec, etc., comporte la souveraineté, c'est-à-dire les
lois, les impôts, le territoire, la citoyenneté, les
minorités, les tribunaux, etc., et, deuxième volet, l'association
qui était articulée en noir sur blanc: domaine de l'action
commune, libre circulation des marchandises, union monétaire - pour en
prendre un peut-être plus visible - et on lisait ceci: Le dollar sera
maintenu comme seule monnaie ayant cours légal et les avoirs liquides,
etc. Substantiellement, ce n'était pas de la plomberie, c'était
au coeur de l'option parce que vous nous avez dit: pour qu'elle soit bien
comprise. (12 heures)
Or, actuellement et même face à votre congrès et
face à l'opinion publique surtout qui vous suit et qui suit
évidemment avec intérêt la démarche que vous suivez
personnellement et que le gouvernement suit, est-ce que ce document et
l'articulation de la formule de la souveraineté-association et de ses
éléments essentiels - je parle des pages 59, 60 et 61 - cela
tient encore ou si cela peut être remis en cause dans ses
éléments essentiels, les domaines de ce que vous appelez l'action
commune: premièrement, la libre circulation des marchandises;
deuxièmement, l'union monétaire; troisièmement, la libre
circulation des personnes et les domaines d'articulation, c'est-à-dire
les institutions, est-ce que cela tient encore?
M. Lévesque (Taillon): Je ferais une sorte de tout petit
préambule. Je lisais récemment - je ne l'ai pas apporté
parce que cela ne me paraissait pas nécessairement pertinent - la
position du Parti libéral provincial, et provincial, Dieu sait! devant
la commission Macdonald. Je lisais aussi certaines déclarations de M.
Bourassa, le chef libéral, disant des choses aussi invraisemblables que:
Nous allons chercher les moyens. Autrement dit, nous voulons signer les accords
constitutionnels, ceux de 1981, si j'ai bien compris, c'est-à-dire les
accords auxquels le Québec n'a pas participé parce que
c'était réduire les pouvoirs du Québec, c'était
littéralement empiéter sur des domaines, de façon
absolument sans précédent, des domaines de juridiction
québécoise.
Le chef libéral dit: On va chercher les moyens - il ne sait
même pas comment - de signer ces accords constitutionnels qui ont
diminué de façon dramatique les pouvoirs, les juridictions et les
droits du Québec. Je me dis: Vous pouvez essayer de voir la paille dans
l'oeil du voisin, mais, pour l'amour du ciel, dans l'intérêt
public, est-ce que vous ne pourriez pas voir la poutre qui est dans le
vôtre et commencer à être clair?
M. Rivest: Sauf qu'on n'est pas en...
M. Lévesque (Taillon): Parce que c'est quand même
l'intérêt du Québec qui est impliqué.
Cela dit, dans notre cas aussi, on le sait très bien, il y a deux
options légitimes -et il peut y avoir des nuances - qui sont devant la
population du Québec, essentiellement aussi de la nation
française que nous constituons ici. Il y a le fédéralisme
renouvelé, pas renouvelé, évolutif, pas évolutif,
de plus en plus évoluant vers la centralisation. Cela, c'est une option
et puis il y a l'option de s'appartenir normalement comme tous les peuples,
enfin, à peu près tous les peuples le moindrement
cohérents, consistants dans le monde d'aujourd'hui. Vous vous arrangerez
avec votre parti, mais, entre nous, elle baigne dans un flou qui est
plutôt inquiétant depuis un bon bout de temps.
Dans notre cas, quand on dit qu'on va réévaluer notre
discours, il n'est pas question de réévaluer le fond même
de la question. Il s'agit, quand je dis de s'appartenir convenablement, en
termes de profane, cela veut dire la souveraineté. Là, il y a des
choses à réévaluer, c'est sûr, et je n'appelle pas
cela de la plomberie parce qu'il faut aller le plus clairement possible devant
nos concitoyens. J'espère que le manifeste va nous aider à faire
cela et la suite... Par exemple, est-ce qu'on doit réévaluer - on
l'a déjà fait - la question de l'association avec le reste du
Canada? On l'avait mise de bonne foi un peu comme une chose qui allait de soi.
Or, je me souviens que certains de mes éminents homologues du reste du
pays, à commencer par Bill Davis, de l'Ontario et, à
l'époque, M. Blakeney, de la Saskatchewan, qui était premier
ministre à ce moment-là,
sont venus au Québec, d'une façon que je trouve
inqualifiable, sans avoir consulté personne, bien sûr, pas plus
que M. Trudeau quand il a "railroadé" ses changements, sans aucune
consultation démocratique, quelle qu'elle soit, ils sont venus dire aux
Québécois pendant la campagne référendaire,
invités par les messieurs du comité du "non": Vous savez,
espèces de minoritaires que vous êtes et colonisés jusqu'au
trognon - on voyait très bien ce que cela voulait dire dans leur esprit
- l'association, vous pourrez toujours vous la fourrer quelque part - excusez
l'expression - mais vous ne l'aurez pas. Cela nous a forcés à
réévaluer certaines choses. Cela reste une chose que je crois
inévitable le jour où le Québec prendrait sa
décision dans le sens qui, pour nous, serait positif de devenir un
État souverain que, comme il y a les Maritimes qui seront toujours
là d'un côté et l'Ontario de l'autre et si le Canada
anglais veut éviter de se disloquer, il y ait une forme quelconque
d'association, mais c'est sûr qu'il va falloir réévaluer la
façon de la présenter et cela fait partie, non pas de la
plomberie, mais de choses essentielles. Quand je dis plomberie, c'est
simplement que, pas plus que je demanderais au Parti libéral quelle va
être sa stratégie électorale dans un an et demi ou quelque
part par là, pas plus on est obligé, nous, de vous dire quelle
serait notre stratégie électorale ou la façon d'y aller au
moment où cela viendra.
M. Rivest: Excusez...
M. Lévesque (Taillon): Mais des choses aussi importantes
que l'association éventuelle, la question monétaire, etc., il va
falloir les traiter de nouveau, c'est sûr.
M. Rivest: Est-ce que - c'est cela que je veux bien comprendre -
l'on doit comprendre qu'il est possible, dans l'évaluation que vous
allez faire au moment de votre congrès et probablement comme
gouvernement par la suite jusqu'à l'échéance
électorale, est-ce qu'il est effectivement possible que le document que
le gouvernement, s'il veut en faire la question centrale, présentera
à la population soit un document qui sera substantiellement celui-ci,
c'est-à-dire une association et les aspects essentiels de l'association,
ou bien est-ce qu'il n'y aura pas du tout d'élément d'association
qui sera proposé? Est-ce que cette réflexion pourrait aller
jusque-là, que ce serait l'indépendance pure et simple? Les
Québécois tiennent un peu à savoir cela.
M. Lévesque (Taillon): À notre congrès du
mois de juin, c'est évident, comme c'est normal dans n'importe quel
parti qui a une sorte de démocratie interne suffisante pour lui
permettre - parfois, cela vieillit en cours de route - d'avoir une sorte de
feuille de route qui propose à nos concitoyens, c'est-à-dire un
programme écrit... Si le programme ne change pas, il prévoit en
ce moment - le programme de notre parti - la souveraineté, bien
sûr, c'est-à-dire l'acquisition de ce qu'on définissait
déjà pour 1979 - 1980 et depuis que le parti existe,
c'est-à-dire l'acquisition des pouvoirs essentiels d'un État qui
prend ses propres décisions sans être manipulé de
l'extérieur, et une offre d'association. Si le programme ne change pas,
c'est évident qu'il faudra de nouveau définir, au moins dans ses
grandes lignes, ce que serait cette offre. Si le programme ne change pas - je
ne vois pas de raison qu'il change pour l'essentiel - il faudra travailler
là-dessus, c'est sûr.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le premier
ministre avait mis sur pied deux comités l'automne dernier. Il avait
même fermé le Parlement tellement il avait attaché
d'importance aux travaux de ces deux comités. L'un de ces comités
était sur la question nationale. Le premier ministre nous avait dit
qu'à la fin de l'année ou avant la fin de l'année - si ma
mémoire est fidèle - le comité pourrait faire rapport.
Est-ce que le comité a terminé ses travaux? Qu'attend-il dans ce
cas-là pour faire rapport?
M. Lévesque (Taillon): II y avait deux comités, en
effet. Celui qui a le plus intensément travaillé - pendant
plusieurs semaines jusqu'au mois de novembre - c'est celui qui s'occupait de la
reprise ou de la relance économique. Le moment nous semblait venu - on
sentait que la reprise commençait à s'amorcer - parce qu'on avait
littéralement travaillé comme des pompiers et essayé de
mettre des filets de sauvetage en dessous du plus grand nombre...
M. Levesque (Bonaventure): ...
M. Lévesque (Taillon): Attendez un petit peu. J'ai quand
même le droit de reprendre votre question pour donner les réponses
qui me paraissent les plus indiquées. Ce ne sera pas très long.
C'est ce comité qui a travaillé le plus fort. Au-delà de
simplement des choses à court terme, à partir de
l'expérience acquise pendant plusieurs années dans
l'administration du gouvernement et à partir de la conjoncture telle
qu'on la voyait se développer, on a essayé de bâtir, non
seulement un plan à court terme, mais un plan qu'on peut appeler un plan
de développement à partir de certaines lignes de force et de
certaines urgences du développement du Québec. Je pense que les
résultats sont en train de confirmer qu'on avait quand même
utilement travaillé et qu'on avait bien fait de retarder de deux ou
trois semaines - trois semaines,
un mois, je ne sais pas trop - la reprise parlementaire, qui n'en a pas
souffert du tout, pour mettre au point cette feuille de route.
L'autre comité, qui était en fait un comité
interministériel sur l'avenir national, qui était
forcément un comité beaucoup plus politique au sens des options
politiques qui sont dans le paysage. J'ai bien dit dès le départ
qu'il n'y aurait pas de rapport en tant que tel, que ce comité ne serait
- ah! oui, je m'excuse; écoutez, j'ai quand même une assez bonne
mémoire! - pas appelé à faire rapport, que des choses
émaneraient éventuellement de ce comité. Je donne un
exemple simplement, c'est qu'au mois de mai il y aura une première
étape d'une conférence ou d'un sommet - comme on dit dans le
jargon courant - sur la présence internationale du Québec
axée surtout sur la présence économique internationale qui
se développe de plus en plus; une première étape, parce
que je pense que cela devrait se répercuter l'automne prochain aussi -
pas seulement au mois de mai de cette année, mais aussi l'automne
prochain comme deuxième étape. C'est là un exemple. Il y a
aussi eu des discussions autour de l'opportunité - entre nous, c'est
encore pendant - d'une sorte de commission. Vous savez, vous avez la commission
Macdonald -très politique Dieu sait'. - qui a été mise sur
pied par le gouvernement fédéral et dont le mandat est
essentiellement de voir à quel point on pourrait centraliser davantage
les décisions économiques au Canada, ce qui nous paraît
contre-indiqué dans l'intérêt du Québec.
Alors, il a été question - il peut encore en être
question éventuellement - d'une commission qui serait, non pas une
réplique de la commission Macdonald, mais qui serait un peu comme la
commission Tremblay qu'il y a eu au Québec au moment où il y
avait M. Raoul Sirois, par exemple. Autrement dit, qu'on aille voir à
partir de nos données québécoises à quel point on
devrait contrer éventuellement cette tendance que non seulement la
commission Macdonald, mais que tout le travail du gouvernement
fédéral sous M. Trudeau depuis des années a
accentuée sans arrêt vers une centralisation qui est souvent en
porte à faux par rapport aux intérêts du Québec et
qui nous dessert à beaucoup de points de vue plutôt que d'aider au
développement québécois. Ce comité a
travaillé sur des sujets comme ceux-là et, maintenant, c'est
relayé par l'ensemble du Conseil des ministres. C'est normal.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que ce comité continue
ses travaux?
M. Lévesque (Taillon): Non.
M. Rivest: Si le premier ministre me le permet, j'ai une
dernière question. Je suppose que le manifeste que vous allez publier va
être modelé dans sa structure sur la position actuelle du Parti
québécois, c'est-à-dire souveraineté et offre
d'association. C'est parce que l'équivoque...
M. Lévesque (Taillon): Le manifeste va essayer de traiter
de nouveau en fonction de l'évolution de la réalité depuis
surtout ces dernières années, avec la crise, les enseignements
qu'on en a retirés et maintenant la capacité qui, à mon
humble avis - c'est visible de plus en plus - est exceptionnelle de
développement du Québec. Je commence par les ressources humaines;
ensuite, il y a toute l'accumulation du patrimoine matériel qu'on doit
développer dans le monde tel qu'il a évolué.
On partirait de cette idée que, même si le
développement du Québec, au moment de la relance
économique, est quand même encourageant, au-delà de cela,
si on avait l'ensemble des instruments principaux de décision,
l'ensemble des juridictions essentielles qui encadrent le développement
d'une société, cela irait sacrement plus vite et sacrement mieux.
On partirait aussi - je pense; je ne vois pas de raison de ne pas le faire - du
bon sens le plus évident et de ce qu'il y a dans notre programme pour
dire qu'il devrait aussi y avoir une offre d'association qu'il s'agit
peut-être de redéfinir à nouveau en partie, comme je l'ai
dit tout à l'heure.
M. Rivest: Évidemment, cela intéresse au premier
chef les membres du Parti québécois, c'est leur affaire, mais
l'opinion publique ne peut s'en désintéresser non plus. Si le
congrès du Parti québécois laissait tomber le pan de
l'association, à ce moment, j'imagine que vous reprendriez l'ensemble de
la démarche et on irait vers...
M. Lévesque (Taillon): Je crois que c'est fort improbable,
d'abord.
M. Rivest: Oui.
M. Lévesque (Taillon): Deuxièmement, cela ne
changerait pas la réalité qui nous entoure qui est qu'il y a des
provinces atlantiques et qu'il y a des intégrations qui, de toute
façon, existent plus ou moins serrées entre, par exemple, des
grands centres économiques comme Montréal et Toronto.
M. Rivest: Dans la mesure où c'est improbable,
substantiellement, finalement, ce serait cela qui serait proposé comme
démarche centrale, c'est-à-dire la nouvelle entente
Québec-Canada. Peut-être que les mots souveraineté et
indépendance apparaîtraient.
M. Lévesque (Taillon): Bien, les grandes lignes...
M. Rivest: Mais ce seraient là les grandes lignes.
M. Lévesque (Taillon): Forcément, les grandes
lignes ressembleront à cela parce qu'on n'inventera pas le monde. La
souveraineté, cela veut dire la même chose aujourd'hui que cela
voulait dire il y a quelques années et la même chose que cela veut
dire dans le monde entier. Je ne vois pas...
M. Levesque (Bonaventure): La séparation.
M. Lévesque (Taillon): Pardon?
M. Levesque (Bonaventure): La séparation.
M. Lévesque (Taillon): Si vous tenez à ce mot.
M. Levesque (Bonaventure): Le temps passe et on aimerait bien
pouvoir continuer, mais on en aura certainement l'occasion. Comme le temps est
limité, je vais passer à ce moment-ci à quelques questions
sur les crédits et sur certaines dépenses qui ont
été effectuées à l'intérieur du budget. Je
vois ici: Secrétariat à la réforme électorale, M.
Raymond Doré, recherche et participation à la rédaction de
projets de loi. Je vois que vous auriez versé 17 900,75 $ pour la
recherche et la participation à la rédaction de projets de loi
relatifs à la réforme électorale. Le premier ministre
pourrait-il nous dire de quels projets de loi il s'agit? (12 h 15)
M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il s'agit de recherches
qui impliquaient aussi des rédactions d'avant-projets de loi autour de
la question de la réforme du mode de scrutin parce qu'il faut tout de
même pouvoir... Même si on est obligé de se dire: Avec le
rapport de la commission Côté, on pourrait évaluer cela, on
se donne encore quelques jours ou quelques semaines pour faire ce travail, en
cours de route il a bien fallu qu'on développe des formules qui, je
crois, méritaient au moins d'être rédigées de
façon législative potentielle.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre peut-il
m'expliquer pourquoi il consacre des fonds publics à la
préparation et à la recherche autour d'un projet de loi, alors
qu'il contribue à mettre sur pied une commission sur la réforme
du mode de scrutin? C'est ce que je ne comprends pas: Pourquoi préparer
un projet de loi avant même d'avoir les résultats des travaux de
la commission?
M. Lévesque (Taillon): Je pense que le chef de
l'Opposition est mieux placé que quiconque pour savoir pourquoi on a
demandé à la commission présidée par M.
Côté de faire ce travail. Il n'y avait pas d'entente, ni du
côté de l'Opposition et ni, jusqu'à un certain point, dans
notre propre caucus, sur la façon dont on devait voir l'avenir dans ce
domaine. Il y avait des formules sur la table, y compris le statu quo qui en
est une. Je n'apprendrai rien au chef de l'Opposition en disant que, devant
cette espèce de fouillis où on a l'impression des fois que nous,
les parlementaires, sommes tous exposés à cela, on a le nez sur
la vitre et on ne voit pas au-delà... Il était normal, avant que
la commission Côté soit nommée - c'était avant - que
du travail d'approche se fasse parce qu'on n'arrive pas tout nu avec des
formules éventuelles de remplacement d'un mode de scrutin. C'est
très délicat et très complexe et il faut quand même
qu'il y ait des gens qui y aient pensé.
M. Levesque (Bonaventure): Alors, cela veut dire que, jusqu'au 31
décembre 1983, tel qu'indiqué ici, des gens ont travaillé
à un projet de loi relatif à la réforme du mode de scrutin
pendant qu'une commission s'occupait de recueillir...
M. Lévesque (Taillon): II s'agit de contractuels.
M. Levesque (Bonaventure): ...certains témoignages
à ce sujet. C'est assez curieux qu'on dépense de l'argent pour un
projet de loi et qu'en même temps... Le premier ministre ne trouve-t-il
pas que c'est un peu curieux?
M. Lévesque (Taillon): Je ne trouve absolument pas cela
curieux. Il s'agit d'un engagement contractuel pour quelqu'un qui travaillait
et qui doit avoir la compétence pour le faire. Il faudrait le demander
à mon collègue de la réforme électorale, mais je
suis sûr que oui puisque cela allait jusqu'à la rédaction
de préprojets ou d'avant-projets de loi, mais, encore une fois, je le
répète: De quoi aurions-nous eu l'air? De quoi aurait l'air
n'importe quel gouvernement? Entre nous, c'est toujours facile d'être
pour la vertu et la maternité. Tous les partis actuels, y compris le
Parti libéral, sont pour une réforme du mode de scrutin. Enfin,
je ne suis pas sûr que M. Bourassa soit encore du même avis, mais
c'était dans votre programme et dans vos déclarations publiques.
Quelle sorte de réforme? Il fallait bien étudier les possibles
réformes.
M. Levesque (Bonaventure): Si cela avait été une
question d'étude, mais, lorsque les travaux sont reliés à
un projet de loi, tel qu'indiqué ici par votre propre
ministère...
M. Lévesque (Taillon): La réforme électorale
comprend d'abord forcément des amendements, qui doivent venir
périodiquement, à la loi électorale elle-même. Il y
a des gens qui sont obligés d'étudier cela. Il y en a quand
même eu un certain nombre ces dernières années. Il y avait
cette question du mode de scrutin qui est encore devant nous. Je ne vois pas
pourquoi on fait un plat avec cela, il n'y a rien d'anormal à ce que les
gens soient chargés de travailler concrètement
là-dessus.
M. Levesque (Bonaventure): Nous aurons l'occasion d'y
revenir.
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que je peux poser la question
suivante au premier ministre, relativement à son budget de subventions
discrétionnaires?
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Ce ne sont que des renseignements que
j'aimerais avoir. Il y a ici, par exemple: groupe IMAJ 85, 50 000 $. Qu'est-ce
que c'est?
M. Lévesque (Taillon): Par 85, on vous donne
déjà l'essentiel de la réponse. C'est un groupe qui a
été mis sur pied essentiellement par des jeunes en vue de
prévoir le mieux possible dans le milieu ce qui pourrait souligner
l'Année internationale de la jeunesse en 1985, ici, sur le plan
québécois. Je ne sais pas si on a plus de détails.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que c'est un transfert de 50
000 $? Est-ce qu'il y a des pièces justificatives? Qu'est-ce que
c'est?
M. Lévesque (Taillon): Je pense que ce genre de
subventions suit les règles normales. C'est la deuxième
année. D'ailleurs, c'est la deuxième fois parce que cela va
être quand même assez important, l'Année internationale de
la jeunesse. On sait que tout le monde se préoccupe des problèmes
des jeunes. C'est la deuxième année qu'ils ont ce genre de
subventions qui les mènent à des projets ou à des
présences mieux organisées en 1985. Ils sont censés faire
un rapport. Je suppose que cela a dû être vérifié.
C'est en fonction de la Loi sur l'administration financière, sauf
erreur. Ils sont censés faire un rapport certifié par
comptable.
M. Tremblay (Gilles-R.): C'est la deuxième année
qu'il y a une aide financière de 50 000 $, à chaque année.
Ici, j'ai le rapport de l'année financière qui se terminait le 31
mars 1983, qui est certifié par des comptables agréés et
qui donne le détail de l'utilisation de la subvention. C'est en vue de
l'Année internationale de la jeunesse en 1985.
M. Levesque (Bonaventure): Vous avez un autre
élément: Opération nettoyage de l'environnement
territorial: 5000 $.
M. Lévesque (Taillon): II s'agit d'une étude; 5000
$, je pense que vous comprendrez que cela n'ira pas loin dans le nettoyage,
concrètement, mais c'est plus intéressant que cela peut sembler
au départ. Avec l'appui d'un petit groupe de gens très
très spécialisés... J'ai ici une lettre qui m'a
été envoyée qui, probablement, justifie la subvention: Une
corporation sans but lucratif a été récemment
formée dans le but de réaliser un emballant projet de nettoyage
des berges du fleuve Saint-Laurent du 15 au 31 juillet 1985, avec l'aide de 100
000 jeunes bénévoles, dans le cadre de l'Année
internationale de la jeunesse et de la décennie de l'eau. Il y a deux
choses qui se répercutent conjointement. Il nous a semblé que,
pour la préfaisabilité, c'était quand même
justifiable. Ah? C'est chez vous, cela? Donc, c'est au-dessus de tout
soupçon.
M. Levesque (Bonaventure): II y a ici également ici... Si
cet élément est dans le comté de Jean-Talon...
Une voix: C'est bon.
M. Levesque (Bonaventure): ...et que le premier ministre a dit
que c'était bon, est-ce qu'il pense également que...
Peut-être que cela serait dans le comté du premier ministre, je ne
le sais pas. Je vois ici: Fabrique Saint-Antoine-de-Padoue de
Longueuil: 2000 $. Je vois également: La table de concertation de
Longueuil: 5000 $.
Est-ce que le premier ministre est au courant de ces subventions? Cela
ne doit pas être loin de son comté?
M. Rivest: II est rendu comme le fédéral.
M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si c'est chez moi ou
dans Marie-Victorin parce que Longueuil, c'est divisé en deux
comtés. On aura l'occasion de reparler de Marie-Victorin bientôt.
Je ne sais pas dans quel comté c'est en ce moment, il faudrait que je
regarde à nouveau, mais je pense qu'il s'agissait d'une petite
subvention qu'on pourrait appeler presque morale pour aider la reconstruction
ou la remise à point des équipements paroissiaux. Ce sont des
vitraux de la cathédrale Saint-Antoine-de-Padoue.
Pour la table de concertation, il ne faut pas oublier une chose - il y a
des gens qui l'oublient - c'est que la rive sud immédiate de
Montréal centrée sur la ville
de Longueuil, cela représente une population urbanisée
avec des problèmes à n'en plus finir parce que cela a
été jeté dans le paysage sans aucune planification, sans
urbanisme, pendant des années et des années, comme une
espèce de déversoir de population métropolitaine et,
aujourd'hui, cela représente au-delà de 500 000 d'habitants.
Quand on est arrivé, je me souviens, il y avait des problèmes
d'adduction d'eau, des problèmes de coordination de certains morceaux ou
certains tronçons routiers qui ne se connectaient pas ensemble. Enfin,
cela avait été vraiment fait de bric et de broc, au hasard des
promotions et des développeurs. On est donc obligé de reprendre
ce tissu avec les autorités municipales, avec des citoyens.
Là-dedans se profilent toute une série de problèmes, y
compris les problèmes de délinquance juvénile qui sont
assez sérieux et des tables de concertation, cela doit être autour
de certains organismes qui ont besoin de se réunir pour essayer de
traiter certains de ces problèmes.
La même chose, par exemple, on ce qui concerne une table de
concertation à Drummondville. Enfin, il y en a plusieurs de ces tables
qui se sont établies, surtout en ce qui concerne les problèmes
des jeunes, depuis ces dernières années.
Secrétariat à la jeunesse
M. Levesque (Bonaventure): Je vois ici un programme de
sensibilisation de la jeunesse de 300 000 $. Est-ce que le premier ministre
pourrait m'en dire un mot?
M. Lévesque (Taillon): C'est un gros morceau. Attendez un
peu! Ah! C'est essentiellement... Vous arrivez au Secrétariat à
la jeunesse que j'ai évoqué comme une des choses qui ont
été mises sur pied pendant l'année 1983-1984 et le
détail, c'est ceci: Publicité pour le Secrétariat à
la jeunesse lui-même, pour qu'il commence à être connu
maintenant qu'il a commencé à fonctionner
régulièrement: 125 000 $; 75 000 $ pour la production et la
recherche autour de la publicité de base. Donc, un total de 200 000 $,
la première année, pour lui permettre d'émerger un peu et
de faire savoir qu'il existe. Et 100 000 $ pour radio, imprimés,
production, etc., en ce qui concerne le programme qui s'appelle jeunes
volontaires, qui a démarré il y a quelques mois.
M. Levesque (Bonaventure): Je vois ici que, sur le montant de 300
000 $, il y aurait eu une somme de 160 000 $ qui serait imputée au
budget du ministère des Communications pour le volet des placements
médias.
M. Lévesque (Taillon): C'est parce que c'est normal que
cela passe par le ministère des Communications. C'était un
placement média.
M. Levesque (Bonaventure): Mais, s'agit-il à ce
moment-là de publicité?
M. Lévesque (Taillon): Oui, oui.
M. Tremblay (Gilles-R.): C'est le message du
secrétariat...
M. Lévesque (Taillon): C'est cela, c'est un message du
Secrétariat à la jeunesse qui devait passer, parce que, sinon,
les gens ne savaient pas qu'il existait.
M. Rivest: Si on peut disposer très rapidement... Mon
collègue de Marquette, qui assiste à une autre commission, m'a
demandé de poser quelques questions au premier ministre sur le
Secrétariat à la jeunesse. L'impression générale
qu'on en a, c'est que c'est devenu, par rapport à ce que le premier
ministre nous indiquait lors de l'étude des crédits l'an dernier,
assez moribond. On ne sait pas du tout, finalement... Le budget, au moment
où on a étudié les crédits la dernière fois,
n'avait pas été adopté. On parlait d'une somme de 655 000
$. Finalement, cela a été combien?
M. Lévesque (Taillon): C'était combien le budget?
De 500 000 $ ou de 650 000 $?
M. Rivest: Et cette année, il est de combien?
M. Lévesque (Taillon): C'est autour de 900 000 $, je
pense, n'est-ce pas?
M. Tremblay (Gilles-R.): Oui, dont toujours 300 000 $ qui sont
prévus pour les fins de placements médias et des choses comme
cela.
M. Rivest: Oui. Combien... C'est-à-dire... D'accord.
M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez, Mme
Danièle Bouchard qui est directrice générale...
M. Rivest: Combien de...
M. Lévesque (Taillon): Vous connaissez M. Tremblay, bien
sûr...
M. Rivest: Oui, très bien.
M. Lévesque (Taillon): ...et M. Boivin que je n'ai pas
à présenter.
M. Rivest: Non.
Le Président (M. Vaugeois): M. le premier ministre, est-ce
que je peux vous faire remarquer que, s'il y a des réponses qui viennent
de vos collaborateurs, ils parlent en leur nom à ce
moment-là?
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Rivest: Si mes références sont exactes, il y
avait une douzaine de personnes au Secrétariat à la jeunesse l'an
dernier. Combien y en a-t-il maintenant?
Mme Bouchard (Danièle): Au Secrétariat à la
jeunesse, il y a environ encore une dizaine de personnes qui travaillent
à Québec et à Montréal et une vingtaine qui
travaillent au projet des jeunes volontaires.
M. Rivest: D'accord. Laissons de côté, si vous
voulez, pour l'instant... Je m'adresse au premier ministre cette fois-ci:
Comment cela s'articule-t-il maintenant que l'adjoint parlementaire, M. le
député de Verchères, n'est plus là? Est-ce que le
Secrétariat à la jeunesse ne relève plus, techniquement,
de l'exécutif? Oui?
M. Lévesque (Taillon): Cela s'articule... M. Charbonneau,
comme vous le savez, qui était adjoint parlementaire a été
élu tout récemment président d'une des commissions
permanentes. Alors, comme il est prévu qu'il ne doit pas y avoir de
cumul, il a cessé d'être adjoint parlementaire. Pendant les
derniers mois - y compris quelques voyages qui étaient quand même
importants parce qu'il fallait se tenir au courant de l'évolution des
choses - il a surtout fouillé le dossier préparatoire de
l'Année internationale de la jeunesse en 1985 dont on a parlé.
Alors, la liaison est toujours avec... Autrement dit, le Secrétariat
à la jeunesse est, de toute façon, relié comme l'un des
organismes qui appartiennent au ministère du Conseil exécutif. M.
Laliberté et le secrétaire général, M. Bernard,
s'occupent de la partie administrative avec Mme Bouchard. Et, au point de vue
politique, j'ai une attachée politique qui est Mme Sylvie Perron, ce qui
me permet de me tenir au courant de cette dimension.
M. Rivest: Concernant les programmes, étant donné
les montants qui sont engagés, de 600 000 $ et de 900 000 $, cette
année, à ce qu'on nous dit... Le programme de publicité
que j'ai vu à la télévision était bien sympathique,
mais franchement, ne trouvez-vous pas qu'il y aurait eu moyen de
dépenser cet argent à des choses peut-être un peu plus
concrètes?
M. Lévesque (Taillon): C'est vraiment une question
d'évaluation et de jugement...
M. Rivest: Non, c'est... (12 h 30)
M. Lévesque (Taillon): Les échos que j'en ai eus:
D'abord, le Secrétariat à la jeunesse était tout nouveau
et il avait - il a encore, d'ailleurs - des difficultés d'organisation.
On ne crée pas en criant ciseau une espèce de plaque tournante
pour les jeunes où ce sont essentiellement, d'ailleurs, des jeunes qui
sont des contractuels, qui forment le personnel, sans qu'il n'y ait du rodage,
c'est sûr. Une des premières choses qui paraissaient
évidentes, c'est que, pour que les jeunes eux-mêmes, sur le
terrain, un peu partout au Québec, sachent qu'il y avait cet organisme
qui était à leur disposition, il fallait tout de même qu'il
se fasse connaître un peu. Il y a eu, entre autres, cette
publicité à la télévision très
différente - parce qu'il s'agissait d'une carte de visite, en fait, pour
que les gens sachent de quoi il s'agissait - de ce qu'on fait lorsqu'on dit:
Voici tel programme, tel programme ou tel autre programme. Les échos
qu'on en a eus - c'est peut-être qu'on n'est pas en bon contact avec les
générations montantes, ceux qui ne le sentent pas - c'est que non
seulement c'était très sympathique, mais que cela avait rejoint
ceux qui nous ont donné leurs réactions.
M. Rivest: Le problème ou la perception, c'est que c'est
probablement sympathique, mais pas tellement plus, parce que, finalement,
à moins que je ne fasse erreur, à part le programme jeunes
volontaires dont on me dit, d'ailleurs, que c'est loin d'être... Est-ce
que cela a une bonne performance? Le programme jeunes volontaires est-il
à votre satisfaction? Avez-vous des chiffres sur la participation?
Mme Bouchard: J'aimerais seulement passer un commentaire sur le
budget de la publicité, parce qu'il a aussi aidé le
Secrétariat à la jeunesse à être présent au
Salon de la jeunesse, à Expo-Québec, et, de façon
continue, dans des colloques, par exemple, sur le décrochage scolaire,
sur l'emploi, les problèmes de l'emploi chez les jeunes. Il nous a
permis de produire des documents nécessaires à notre
présence à ces colloques.
Quant au programme jeunes volontaires, il y a actuellement 1000 jeunes
présents dans les programmes. Il y a une trentaine de comités
locaux en formation. Il y a une cinquantaine de projets qui sont en attente et
qui sont à l'étude auprès de ces comités locaux.
Compte tenu du fait que le programme a démarré un peu en retard,
parce qu'il nécessitait une gestion décentralisée et le
bénévolat d'organismes communautaires et de jeunes au sein de ses
comités locaux, je pense que c'est un programme pour lequel on a eu une
très
bonne réponse. Il a démarré à un mauvais
moment, en hiver. Les organismes communautaires étaient un peu
désorganisés par rapport à une participation comme celle
qu'on leur demandait. Il fallait aussi obtenir la collaboration soit des
directeurs d'école, soit de directeurs de CLSC, soit des directeurs des
services sociaux ou des foyers d'accueil pour référer des jeunes.
On a réussi, à des tables de consultation locales, à
amener des jeunes à embarquer dans un programme nouveau, innovateur,
où un aspect formation était à expérimenter,
n'était pas acquis du tout. Je peux vous assurer que les projets en
cours actuellement sont très valables et que les jeunes qui sont
embarqués dans le programme ont l'intention d'y rester jusqu'à la
fin du projet.
M. Lévesque (Taillon): Je pourrais confirmer ce qu'on dit.
Je n'ai pas pu faire de tournée exhaustive, mais, au hasard des
tournées que j'ai faites, j'ai rencontré un des groupes que
mentionne Mme Bouchard à Matane. Ces derniers jours, j'en rencontrais un
à Longueuil - c'est dans le comté de Taillon - qui avait
certaines réticences au départ. Là, il y a maintenant un
projet qui a été accepté et deux ou trois qui sont sur le
point de se mettre en branle. Je pense que c'est très valable; enfin,
c'est l'impression que cela m'a donnée.
M. Rivest: M. le Président, je remercie... On n'en est
pas, de toute façon, encore à un ministère de la
jeunesse...
M. Lévesque (Taillon): Non.
M. Rivest: ...comme dirait ma collègue, la
députée de Jonquière.
M. Lévesque (Taillon): Ne recommencez pas...
Le Président (M. Vaugeois): Mesdames, messieurs, je
comprends que nous dépassons un peu l'ordre que nous avait donné
la Chambre, mais les deux groupes sont d'accord. M. le député de
Mont-Royal, vous avez quelques questions à poser, je crois?
M. Ciaccia: Oui, M. le Président, j'ai quelques questions
à poser sur les affaires amérindiennes et inuites.
Réforme du mode de scrutin
M. Rivest: Si mon collègue me laissait la parole, j'aurais
une question à poser concernant la réforme du mode de scrutin. Le
premier ministre et son groupe parlementaire, si j'ai bien compris, se donnent
quinze jours ou trois semaines avant d'en arriver à une orientation. Peu
importe la décision, dans l'échéancier le premier ministre
a-t-il tenu compte, si le gouvernement et, éventuellement,
l'Assemblée nationale adoptaient le mode de scrutin proposé par
M. Côté ou un autre, de l'importance ou du délai pour
inscrire les partis politiques dont toutes les structures sont basées
sur la délimitation des comtés actuels, des statuts autant du
Parti québécois que du Parti libéral? Cela ne peut
être changé par une loi. Compte tenu du fait que la réforme
électorale dont on a parlé depuis fort longtemps en arrive au
moment décisionnel à quelque 18 mois de l'échéance
électorale, est-ce que le premier ministre mesure bien en ce moment
toutes les contraintes et les exigences que cela peut comporter sur le plan du
financement, sur le plan de l'organisation électorale, sur le plan du
fonctionnement des partis politiques, sur le plan de la désignation et
du choix des candidats? Et, est-ce que l'échéancier dans lequel
on est placé lui apparaît comporter des risques, à mon
avis, terribles sur la possibilité de le faire pour la prochaine
élection?
M. Lévesque (Taillon): II est évident que la seule
réponse que je puisse faire au député de Jean-Talon c'est
que, bien sûr, c'est une des préoccupations centrales avec
lesquelles on doit aborder le rapport de la commission Côté ou
toute autre formule. Je ne peux faire autrement que déplorer qu'on ait
perdu tant de temps, de part et d'autre d'ailleurs, en ce qui concerne, je
crois, une réforme essentielle quand on sait à quel point il y a
eu des distorsions dans le passé - et il peut y en avoir encore - entre
la volonté collective des électeurs et les résultats tels
qu'ils se présentent au Parlement, comme représentation
parlementaire.
Je crois que... C'est écrit pressé. Il y a des gens qui
disent: Bon, un bon vieux système britannique, le statu quo, etc. Vous
avez vu ce qui s'est passé en Angleterre. Je vous jure qu'on se pose de
sérieuses questions parce que même l'Angleterre évolue.
C'est un des derniers pays au monde qui gardent le système uninominal
à un tour, comme on dit dans le jargon, et où aux
dernières élections, sur la lancée des Falkland le parti
de Mme Thatcher a eu 144 de majorité avec à peine 41% des votes,
si j'ai bonne mémoire, c'est-à-dire une distorsion assez
dramatique de la volonté même des électeurs.
Pour revenir à la question du député de Jean-Talon,
tout ce que je peux dire, c'est que je déplore - je fais ma part de mea
culpa si je dois la faire - qu'on ait taponné et traîné si
longtemps face à une chose qui me semble tomber sous le sens dans une
démocratie. Si c'est possible... On va voir si le temps nous le permet;
c'est pour cela qu'on travaille. Il y a des gens qui
travaillent là-dessus pour évaluer non seulement le
rapport de la commission Côté mais aussi les contraintes que vient
d'évoquer le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Une des contraintes que je veux mettre
particulièrement en relief, c'est qu'à mon avis - je ne suis pas
familier avec les statuts du Parti québécois mais avec les
statuts du Parti libéral - cela comporterait, entre autres, la
nécessité, avec les aléas d'un congrès
général, de convoquer un congrès pour modifier
profondément les structures de notre formation et de la vôtre
éventuellement. Je vous jure qu'il s'agit là d'avoir un peu
l'expérience des congrès politiques pour savoir que de refaire de
fond en comble et, à mon avis - j'émets un avis personnel - le
délai, peu importent les responsabilités... Je trouve qu'on est
placé dans une situation quasi impossible.
M. Lévesque (Taillon): On s'est placé dans une
situation quasi impossible, mais quasi. On travaille sur le quasi.
Une voix: Bonne chance!
Affaires amérindiennes et inuites
M. Ciaccia: M. le Président, dans les affaires
amérindiennes et inuites. Je comprends que le gouvernement et les
autochtones procèdent maintenant à une étude ou un examen
des obligations du gouvernement et des autochtones. Les
responsabilités...
M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez, je vais demander
à M. Gourdeau de vous répondre sur ce genre de question parce
qu'il suit cela de plus près que moi. Cela va?
M. Ciaccia: Certainement. Sur les aspects non pécuniaires,
il ne semble pas y avoir trop de difficultés entre les autochtones et le
gouvernement, mais sur les aspects de développement économique,
sur les infrastructures, les questions d'égouts, les questions de
services sanitaires, tout l'aspect du chapitre XXVIII de l'entente, on
m'informe qu'il y a vraiment peu, sinon pas, de progrès. Il y a l'aspect
du développement des activités forestières. On vous a fait
des propositions dans les matières de transport, on vous a fait des
propositions dans la compagnie de construction des Cris, on vous a
demandé de contribuer aux infrastructures dans les différentes
communautés. C'était aussi une obligation dans l'entente. Les
chiffres n'étaient pas inclus mais c'était une obligation du
gouvernement de s'assurer que des sommes seraient disponibles pour ces services
essentiels aux communautés amérindiennes de la Baie James et du
Grand-Nord.
Pour venir au point spécifique, parce que cela traîne, cela
fait des mois que cela traîne, même des années, est-ce que
ce serait possible d'avoir des projets pilotes -six communautés des Cris
ont demandé des centres communautaires et des arénas avec toutes
les raisons qu'elles ont évoquées pour leur population -
premièrement, pour un centre communautaire et, deuxièmement, pour
les activités forestières? Par exemple, à Waswanipi,
à Mistassini, les gens vont faire des coupes de bois mais ils ont besoin
des routes pour se rendre aux endroits pour effectuer ces activités.
Aussi, le troisième projet pilote serait la compagnie de construction
des Cris, parce que c'est un employeur majeur dans la région.
Plutôt que de continuer les discussions qui ne semblent aboutir vraiment
à rien, que le gouvernement prenne un engagement maintenant qu'il va
financer ou aider trois projets pilotes et, selon les résultats dans ces
trois projets, cela pourrait former la base pour une coopération et une
solution au chapitre XXVIII de l'entente.
M. Gourdeau (Éric): Je voudrais d'abord rappeler que
l'évaluation, que l'on fait conjointement avec les Cris, de la mise en
application de la convention de la Baie James a débuté au mois
d'avril l'année dernière parce que ce n'est pas avant cela que
les Cris ont accepté l'offre que M. Lévesque avait faite, au mois
de décembre 1980, que cette évaluation se fasse. Ils ont
jugé préférable de discuter d'abord avec le gouvernement
fédéral de ses propres responsabilités et cela a abouti
à un résultat où le gouvernement fédéral
leur a remis ou est censé leur remettre entre les mains une bonne somme
d'argent de 32 000 000 $ pour les infrastructures du côté de
l'habitation, du côté des égouts et du côté
des aqueducs. La révision est commencée depuis le mois de juin de
l'année dernière et elle se fait de la façon suivante: Les
Cris déposent sur chacun des chapitres ce qu'ils trouvent en souffrance
au point de vue de la mise en application de ce chapitre. Le ministère
concerné dépose également sa réponse ou ses
commentaires. Là, ils se réunissent avec le SAGMAI comme
témoin qui prend des notes et ils s'expliquent entre eux.
Alors, il y a eu un programme de fait. On espérait faire tout le
tour avant le début de novembre, mais les Cris vous diront que cela leur
a été impossible qu'on suive l'échéancier. Ils ont
un nombre limité de personnes sur lesquelles ils peuvent compter pour
discuter de chacune de ces questions. Ce sont souvent les mêmes, parmi
les Cris. De plus, ils étaient aussi pris avec toutes sortes d'autres
choses, comme les questions constitutionnelles à Ottawa, etc. Si bien
que la question du chapitre XXVIII dont vous parlez, au mois de septembre on a
décidé
qu'on allait la traiter d'une certaine façon; alors, les Cris ont
exigé que je sois de la partie et, non pas un ministère en
particulier seulement et de leur côté aussi, Billy Diamond et les
autres représentants.
Alors, ils ont préparé un mémoire qu'ils nous ont
remis le 3 mars dernier. C'est un mémoire daté du 3 mars dernier.
On a fait une première réunion sur la chapitre XXVIII à la
fin de janvier où ils nous ont annoncé que leur mémoire
était en préparation. Cela fait deux réunions qu'on a
à ce sujet. Ils nous ont soumis une série de projets particuliers
se référant au chapitre XXVIII, dont les infrastructures
auxquelles vous avez fait allusion, les questions forestières, etc.
C'est maintenant bien engagé, mais cela ne fait pas longtemps que cela
dure, la revue du chapitre XXVIII. En fait, ils n'avaient jamais voulu en
discuter avec nous, ni avec le gouvernement fédéral et nous
conjointement. Ils avaient refusé de venir au comité tripartite
qui a été créé par la convention de la Baie James.
Ils ont refusé pendant trois ans de faire cela; alors, on n'a pas pu en
discuter, c'est bien sûr, avec eux. Maintenant, on en discute d'une
façon très ouverte.
Au sujet de la question des projets pilotes, il y en a un qui est bien
en cours et auquel vous avez fait allusion, c'est celui de la forêt
à Chisasibi. Ils l'intitulent eux-mêmes un projet pilote. REXFOR
est impliquée dans cela; l'administration régionale crie aussi,
SODAB l'a été un peu aussi et c'est tout centralisé dans
la bande même de Waswanipi, sauf que la semaine dernière, la bande
de Waswanipi a demandé aussi à l'administration régionale
crie de s'impliquer au point de vue des discussions à avoir à ce
sujet. Alors, on a établi un comité qui va aboutir très
très vite pour répondre à certaines de leurs demandes.
Mais, leurs demandes sont doubles. Il y en a pour l'avenir immédiat. Il
n'y a pas de problème dans cela, sur la question des sommes d'argent
impliquées au point de vue de l'aide à apporter à leurs
routes. (12 h 45)
II y a cependant un problème qui est très difficile
à régler pour le ministère de l'Énergie et des
Ressources, c'est concernant les travaux de chemins qu'ils ont faits en se
disant, sur la foi, apparemment, de certaines discussions qu'ils avaient eues
avec les représentants du ministère de l'Énergie et des
Ressources, que cela pourrait probablement entrer dans un programme qui a
déjà cours à l'intérieur du ministère de
l'Énergie et des Ressources. Ils ont fait des travaux sans attendre la
réponse et ils demandent à être remboursés pour une
partie de ces travaux. C'est un cas un peu plus difficile mais, pour l'avenir,
parce qu'il faut changer des règles du programme pour les aider à
faire leurs chemins plus loin, c'est très bien engagé. Je pense
bien que, d'ici très peu, il y aura des réponses très
favorables d'apportées au ministère de l'Énergie et des
Ressources. De toute façon, là, nous sommes impliqués dans
cela.
Pour les autres questions, vous mentionnez les infrastructures et la
question des expériences pilotes, M. Ciaccia. Il n'y a plus
d'expériences pilotes à faire dans cela. Ils ont l'aqueduc et les
égouts partout. Ils n'ont pas des arénas partout, c'est
évident, mais à Wemindji, ils viennent de s'en construire une de
1 500 000 $. Il y a une population de 700 personnes. C'est un petit
colisée comme il y a ici à Québec. Ils sont sûrement
très bien. Ils ont pris l'argent qu'ils ont reçu de la
société d'énergie à l'occasion de l'entente avec
Lac Sakami. Mais, ce n'est pas un projet pilote, il est question
d'aréna; une question de centre communautaire, ou bien on embarque ou
bien on n'embarque pas dans cela. Il n'est pas question de projet pilote dans
cela, je pense bien. Par ailleurs, la question de construction aux Cris, il n'y
a pas de contrat à l'heure actuelle qui échappe à la
compagnie de construction crie. Il les ont tous, pour l'entretien des routes,
pour l'entretien de la route de Chisasibi à LG 2, pour l'entretien de la
majeure partie de la route de Matagami à LG 2. Ils ont la
préférence pour les contrats. Ils engagent, à l'heure
actuelle, 300 personnes. C'est un très gros employeur, comme vous dites.
Et HydroQuébec doit finaliser; ils ont aussi été
amenés à la table dans la revue de la mise en application de la
convention. Ils ont été mis à la table en face des Cris,
selon la procédure employée et ils sont censés nous
fournir une formule d'octroi de contrat qui privilégierait les Cris,
ainsi qu'un programme de formation de main-d'oeuvre pour les emplois permanents
sur lesquels HydroQuébec doit pouvoir compter pour le maintien de ses
lignes de transport et pour l'entretien de ses barrages, etc.
Dans d'autres domaines, comme celui des forêts, il y aurait moyen
de faire des programmes expérimentaux mais ils sont rendus plus loin que
cela, les Cris, M. Ciaccia. Je veux dire, ils arrivent avec des projets
précis et il n'y a pas beaucoup besoin d'expérimentation dans
cela. Il s'agit de savoir si ces projets peuvent être financés, de
quelle façon ils seront financés. C'est ce qu'on étudie
à l'heure actuelle. Dans les projets très spécifiques
qu'ils nous ont soumis, pour répondre à leurs problèmes au
plan de la communauté, dans le rapport qu'ils nous ont remis,
daté du 3 mars, il y a une série de projets qu'étudient
actuellement le ministère de l'Énergie et des Ressources, le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et l'administration
régionale crie, avec l'idée très ferme que, d'ici à
la fin de mai, il y ait au moins certains de ces projets qui soient
financés, ceux qu'ils auront
jugés prioritaires parmi toute la série qu'ils ont
soumise.
M. Ciaccia: Malheureusement, on n'a pas tout l'après-midi.
Il nous reste seulement quelques minutes mais je trouve cela très
frustrant, et je peux comprendre la frustration des autochtones parce que je
leur ai parlé aussi récemment que ce matin. Je leur ai
parlé de ce que vous venez de soulever maintenant. Je leur ai
parlé aussi récemment qu'à 10 heures ce matin et le
tableau que vous brossez de toutes les discussions, ils disent la même
chose: La seule chose qu'on fait, on se fait donner de bonnes et belles
paroles. Il semble y avoir une volonté que, dans l'avenir, tout va bien
aller mais, quand on arrive avec des suggestions spécifiques, on se fait
toujours remettre d'un jour au lendemain, d'une semaine à l'autre.
Vous avez mentionné les infrastructures qui sont là. C'est
vrai qu'elles sont là, mais ils ont payé à même leur
poche...
M. Gourdeau: Je regrette, M. Ciaccia, mais ce n'est pas vrai
qu'ils ont payé de leur poche.
M. Ciaccia: Un instant, les infrastructures ont été
payées par l'argent des Cris qui ont été payés de
compensations. Dans l'entente, c'est clair que vous vous êtes
engagés, le gouvernement, pour la construction et la fourniture d'un
centre communautaire dans chaque communauté crie. On pourrait tourner en
rond et dire: Oui, c'est vrai ou: Non, ce n'est pas vrai. Je vous le demande
spécifiquement: Est-ce que vous êtes prêt à financer
des projets pilotes - j'en demande seulement trois - à prendre
l'engagement, premièrement, pour un centre communautaire ou une
aréna? Cela ne sert à rien de me dire oui, qu'il n'y a que 500
personnes et qu'une aréna coûte 1 500 000 $. C'est vrai et on le
savait quand l'entente a été signée. Les normes ne sont
pas les mêmes dans les régions nordiques, dans la ville de
Québec. Êtes-vous prêts à faire un projet pilote pour
un centre communautaire, un projet pilote pour une des activités
forestières qui vous a été soumise, que ce soit à
Waswanipi ou ailleurs? Limitons-nous seulement à ces deux
projets-là?
M. Gourdeau: La réponse sur le plan administratif, M.
Ciaccia, c'est oui pour la question forestière et il est en cours. C'est
oui pour l'expérience pilote.
M. Ciaccia: Alors, vous êtes prêts.
M. Gourdeau: Oui, il est en cours. Oui, mais qu'est-ce que vous
voulez?
M. Ciaccia: S'il est en cours, je vais prendre votre parole mais
ce n'est pas cela qu'on m'a dit ce matin. Alors, si vous nous dites qu'on a
tort...
M. Gourdeau: Ce que ces gens vous disent, c'est qu'il y a des
problèmes qui restent à régler au point de vue financier
mais le programme est en cours. Les gens ont été formés.
Ils ont acheté la machinerie. Donc, il est en cours, ce
projet-là, actuellement. Ils coupent du bois.
M. Ciaccia: Oui, ils le font exactement mais il faut qu'ils le
fassent avec les montants qui ont été payés pour la
compensation d'avoir l'extinction de leurs droits. Ce n'était jamais
l'intention. C'est vrai qu'ils ont reçu 225 000 000 $ qui sont payables
sur une base de 20 ans, selon les échéanciers. Il y avait des
obligations pour du développement économique, pour la
construction de certains éléments très spécifiques.
C'est vrai qu'à Waswanipi ils ont commencé à faire ces
travaux. Il se trouve maintenant qu'au lieu d'utiliser les sommes qui avaient
été payées pour les fins auxquelles elles devaient servir,
ils sont obligés de prendre ces montants. S'ils continuent à
faire cela, il ne leur restera plus grand argent des compensations qui leur ont
été allouées. L'intention n'était pas d'utiliser
tous les montants des compensations pour faire tous les projets qui
étaient nécessaires. Il y avait des obligations
spécifiques mises de côté de la part du gouvernement. C'est
exactement cela, ces sommes n'ont pas été
dépensées. Le gouvernement du Québec n'a
dépensé aucun montant d'argent pour les infrastructures,
malgré qu'il s'est engagé à le faire. Le gouvernement du
Québec n'a dépensé aucun montant d'argent pour les centres
communautaires, malgré qu'il s'était engagé à le
faire. Le gouvernement du Québec a encore traîné les pattes
sur la société de développement des autochtones de la Baie
James. Il devait y avoir une capitalisation de 15 000 000 $ et on ne l'a pas,
la capitalisation de 15 000 000 $, pour cette société. Il y a
même d'autres problèmes et j'y reviendrai à la question de
la Société de développement de la Baie James.
Je voudrais savoir...
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous avez une
question?
M. Ciaccia: La question spécifique que je poserais au
premier ministre: Êtes-vous prêt à engager les fonds du
gouvernement du Québec pour - pas augmenter - satisfaire aux obligations
auxquelles le gouvernement s'est engagé, juste pour trois projets
pilotes, soit un centre communautaire, une des activités dans le secteur
forestier?
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez laissé tomber
la troisième?
M. Ciaccia: La troisième, c'est la compagnie de
construction crie. Je reçois différentes réponses mais je
suis prêt à essayer de réexaminer avec les...
M. Lévesque (Taillon): M. Ciaccia, je m'excuse. Vu que le
temps passe assez vite, j'aimerais que M. Gourdeau puisse d'abord donner des
précisions. Vous êtes à quelques reprises revenu sur
certaines choses, y compris le fait que, à toutes fins utiles, cela
reviendrait à dire que le gouvernement du Québec n'a rien
payé au-delà des compensations. J'aimerais que M. Gourdeau
précise certaines choses.
M. Gourdeau: D'abord, au cours de la révision de la mise
en application de la convention de la Baie James, je dois vous dire que les
Cris ont présenté un plan. C'est ce qu'on a décidé
de faire, qu'un plan quinquennal soit présenté touchant les
infrastructures au point de vue sanitaire. Cela a été fait et
accepté entre les deux parties.
M. Ciaccia: Est-ce que le gouvernement a payé pour les
infrastructures sanitaires dans ces communautés?
M. Gourdeau: Le gouvernement paie tout, M. Ciaccia.
M. Ciaccia: Non, ce n'est pas les informations qu'on me donne,
absolument pas.
M. Gourdeau: Oui, je regrette, mais vos informations...
M. Ciaccia: Oui, mais...
M. Gourdeau: Quand même, je pourrais vous donner quelques
explications. Les infrastructures dont vous parlez sont les égouts et
les aqueducs. Ce n'est pas seulement pour l'hôpital, pas seulement pour
l'école pas seulement pour toutes les résidences des
médecins, des infirmières, des professeurs que le Québec
paie. Le Québec paie tout cela et il paie aussi sa part pour l'entretien
des égouts et des aqueducs parce que c'est chargé par la bande
indienne aux institutions scolaires ou aux institutions de santé. Je dis
que, en plus de cela, il y a eu des problèmes pour rétablir des
nouveaux "nursing stations" et des choses comme cela; ils se sont entendus, le
ministère et les autres. C'est cela.
M. Ciaccia: Je veux juste comprendre. Vous me dites que c'est le
gouvernement et ce matin on m'a informé que le gouvernement...
Écoutez, si on se trompe, on va le vérifier.
Gourdeau: Au point de vue de construire les aqueducs et les
égouts, c'est correct, ce n'est pas le Québec qui fait cela parce
que c'est le ministère fédéral des Affaires indiennes qui
dit: Cela nous regarde, c'est sur des terres de réserve, c'est sur les
terres 1-A et il a toujours prétendu cela, le gouvernement
fédéral, et c'est lui qui fournit les fonds. Quand les Cris
disent: On prend nos fonds pour cela, cela se peut, parce que le gouvernement
fédéral les laisse libres, leur dit: Vous avez tant et vous
bâtissez l'égout et l'aqueduc. Et, si cela leur coûte plus
cher, cela se peut qu'à ce moment ils soient obligés de prendre
leurs fonds.
M. Ciaccia: Un instant, je ne veux pas... parce que, dans cinq
minutes, les travaux vont être suspendus. Le gouvernement du
Québec s'est engagé à fournir les services
d'hygiène essentiels dans chaque communauté crie.
M. Gourdeau: Le gouvernement du Québec fournit tout cela
à l'heure actuelle.
M. Ciaccia: Je ne pense pas qu'on puisse dire: C'est le
gouvernement fédéral, parce qu'on ne voudrait pas embarquer dans
cette chicane. C'était un engagement du gouvernement du
Québec.
M. Gourdeau: II n'y a pas de chicane là-dedans, on
s'entend. Le fédéral, c'est lui qui leur fournit. Il ne se fait
pas tirer la langue pour fournir, il fournit toutes les infrastructures. Il
n'est pas question qu'il ne les fournisse pas.
M. Ciaccia: II n'y avait pas de contribution du gouvernement du
Québec à ces infrastructures.
M. Gourdeau: II n'est pas question qu'il ne les fournisse
pas.
M. Ciaccia: II n'y avait pas de contribution du gouvernement du
Québec à ces infrastructures.
M. Gourdeau: C'est comme si vous disiez, M. Ciaccia: On doit
fournir tous les services sanitaires dans la ville de Québec. On ne
fournit pas les égouts et les aqueducs pour toute la ville de
Québec.
M. Ciaccia: Je ne parle pas de la ville de Québec.
M. Gourdeau: On fournit un hôpital et tout ce qu'il faut.
Et il y a un autre gouvernement qui fournit - parce que c'est chez lui - ces
infrastructures qui servent à tout.
M. Ciaccia: D'accord. Je n'irai pas dans cette
interprétation parce que ce n'est pas l'interprétation que les
Cris lui donnent, et moi non plus. Cela n'a rien à faire, vous ne prenez
pas le bon exemple. Dans la ville de Québec où il y a une
municipalité, ce n'est pas du tout la même situation que les
engagements que le Québec avait pris vis-à-vis de ces
communautés en ce qui concerne les infrastructures: l'hygiène,
l'eau et les égouts. C'était une obligation du gouvernement du
Québec. Vous dites que cela a été payé, mais que
cela ne l'a pas été avec l'argent du gouvernement du
Québec.
Le deuxième projet, les centres communautaires. Êtes-vous
prêts à vous engager...
M. Gourdeau: Là, il y a un problème.
M. Ciaccia: ...pour un centre communautaire comme projet
pilote?
M. Gourdeau: Franchement, je ne vois pas... Projet pilote
pourquoi? Ils ont un gros centre communautaire qui existe à Chisasibi,
il y en a d'autres qui existent ailleurs, on n'a pas besoin d'un programme
pilote là-dedans. Si on décide d'embarquer dans la construction
d'un centre communautaire, cela n'est pas pilote, cela répond à
un besoin.
M. Ciaccia: Est-ce que vous vous engagez à embarquer et
à construire les centres communautaires comme vous vous êtes
engagés à le faire dans l'entente: la construction, la fourniture
d'un centre communautaire dans chaque communauté?
M. Gourdeau: Voici. Là-dessus, il y a un problème,
c'est-à-dire que, comme les infrastructures sur les terres 1-A, elles
ont été transférées au point de vue de leur
administration au gouvernement fédéral, tout le monde semblait
s'entendre que c'était au fédéral à subventionner
cela, que c'était de matière fédérale.
Dans la question des centres communautaires, cela pose un
problème particulier parce que c'est mentionné. Ce que le bureau
de coordination de l'entente a dit en 1977 - et on est toujours pris avec cela
- c'est: Les centres communautaires, c'est comme les autres infrastructures, le
Québec s'est engagé à construire cela mais sur les terres
1-B et non pas sur les terres 1-A; ce qui est ridicule parce que les terres 1-B
ne sont pas habitées. Je ne sais pas si quelqu'un y avait pensé,
cela aurait dû, peut-être...
M. Ciaccia: L'entente ne parle pas de construire les centres sur
les terres 1-B, elle parle de construire dans les communautés...
M. Gourdeau: Non, mais on parle du domaine des
responsabilités de chacun des gouvernements. Alors, ces infrastructures,
ce sont les responsabilités du fédéral sur les terres 1-A.
C'est à cause de cela que cette interprétation a
été donnée.
M. Ciaccia: Je ne parle pas des infrastructures, je parle d'un
centre communautaire. Ce n'est pas...
M. Lévesque (Taillon): Cela s'appelle une
infrastructure.
M. Gourdeau: C'est une infrastructure importante.
M. Ciaccia: Un instant! Chaque fois qu'on soulève une
obligation d'après l'entente, il est trop facile de dire: C'est le
gouvernement fédéral, parce que c'est vrai que, à
l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'était
le gouvernement fédéral qui avait la charge des Indiens et des
terres indiennes. Mais, on a fait des amendements dans cette entente et le
gouvernement du Québec a entrepris certaines obligations dont une
était la construction d'un centre communautaire. Ce n'est pas le
gouvernement fédéral, c'est le gouvernement du Québec.
M. Gourdeau: Cela se peut - comme je vous dis - que vous ayez
raison. Je vous dis juste de quelle opinion...
M. Ciaccia: Est-ce que vous êtes prêt à le
faire au nom...
M. Gourdeau: ...on a hérité. On est
après...
M. Ciaccia: Est-ce que vous êtes prêt à le
faire au non...
M. Gourdeau: On ne le fera pas tout seul. On est en train
d'étudier cela avec eux, non pas en vertu de la convention de la Baie
James, parce que c'est encore devant les tribunaux. Alors, il faudrait faire
cela sans préjudice, etc., mais on a convenu ensemble d'étudier
cela d'après leurs besoins. C'est vers cela qu'on s'achemine; il se peut
très bien que, là, il y ait de l'argent qui soit mis dans les
centres communautaires sur les terres 1-A. Mais, cela ne sera pas pilote. Ce
sera un programme de cinq ans pour des centres communautaires
M. Ciaccia: D'après votre réponse, ce ne serait
rien du tout; non seulement ce ne serait pas pilote, mais... J'essayais d'en
avoir un, j'essayais de réduire un peu l'obligation, pour maintenant,
d'avoir quelque chose de concret.
M. Gourdeau: Oui, mais c'est cela.
M. Ciaccia: Non, vous ne voulez pas en construire un maintenant,
vous voulez en construire six, jamais. C'est d'accord, j'ai compris votre
réponse.
M. Gourdeau: Non, ce n'est pas cela.
M. Ciaccia: Avant de terminer, juste une autre question au
premier ministre: La résolution pour la protection des droits des
autochtones dans la constitution, à quel point en êtes-vous rendu
avec le contenu, l'adoption et la présentation d'une telle
résolution à l'Assemblée?
M. Lévesque (Taillon): Je pense que le contenu
préliminaire - si ma mémoire est fidèle - le
député de Mont-Royal avait été mis au courant du
projet du contenu. À cause de ce qu'on peut appeler l'échec,
jusqu'à nouvel ordre, des pourparlers constitutionnels récents,
il est évident que le climat est un peu changé, dans le sens
qu'il peut devenir plus indiqué pour nos interlocuteurs inuits et
amérindiens d'accepter - enfin, on peut le faire de toute façon -
ou d'être d'accord qu'on aille devant l'Assemblée nationale avec
une résolution de ce genre. Il y a eu des rencontres ou des
échanges d'opinions qui semblent être positifs avec nos principaux
interlocuteurs, mais ce n'est pas encore finalisé. J'espère que,
d'ici au mois de juin, avant l'ajournement, on puisse arriver avec cela en
Chambre et que ce soit d'accord avec les principaux interlocuteurs, en tout
cas.
Le Président (M. Vaugeois): Mesdames et messieurs, est-ce
que je peux vous demander si le programme 1 qui concerne le Bureau du
lieutenant-gouverneur et le programme 2 qui concerne les services de soutien
auprès du premier ministre et du Conseil exécutif sont
adoptés?
M. Lévesque (Taillon): Cela va.
Le Président (M. Vaugeois): Ils sont adoptés. Je
vous remercie et la commission ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise de la séance à 15 h 37)
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le ministre, MM. les fonctionnaires, j'ouvre présentement la
séance pour l'étude des crédits du ministère des
Relations internationales. Nous en étions rendus, je pense, ce midi, au
programme 2, Affaires internationales.
Je demanderais au secrétaire s'il y a des remplacements.
Relations internationales
Le Secrétaire: J'annonce les remplacements suivants: M.
Baril (Rouyn-No-randa-Témiscamingue) est remplacé par M. Laplante
(Bourassa), M. Levesque (Bonaventure) est remplacé par M. Lincoln
(Nel-Iigan).
M. Chevrette: ...quoi?
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Programme 2.
Une voix: Programme 3.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Programme 3.
M. Rivest: Ce ne sera pas très long, M. le
Président, il y a un excellent ministre qui est responsable. Lorsque
c'est un bon ministre, ce n'est jamais long.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): La parole est à M. le ministre.
Office franco-québécois pour la
jeunesse
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais
très brièvement introduire l'office comme tel. Vous savez que
c'est dans le cadre de l'entente qui a été signée en 1965
entre les deux gouvernements d'alors. L'office fut concrétisé en
1968 dans les lois du Québec. Depuis lors, 23 000 jeunes Français
et Québécois, donc, tout près de 11 500 jeunes de chacun
des pays, 11 500 Québécois et 11 500 Français ont pu
bénéficier de ces échanges qui, au départ, bien
sûr, étaient plutôt axés vers le sport. Par la suite,
les relations du travail ont primé au niveau des sélections et,
de plus en plus, cela a permis autant à des groupes sociaux et à
des groupes culturels de bénéficier de ce type
d'échange.
Cette année, en 1984, je voudrais vous dire qu'il y aura encore
des échanges de groupes dans les priorités des deux
gouvernements, à savoir la révolution technologique,
également l'insertion des jeunes à l'emploi. Il y aura toujours
les programmes d'échange, au niveau de l'exploration, qui persisteront,
des groupes de dialogue, d'échange ou de jumelage et, également,
les programmes de soutien à la coopération. Donc, je pense bien
qu'il y aura encore 1500 jeunes Québécois qui
bénéficieront de ce voyage, cette année. Et, en
particulier, pour souligner, d'une façon peut-être plus grandiose,
le 450e anniversaire du pied français au Québec, nous avons un
programme spécial qui s'appelle Cap sur l'avenir qui sera
réalisé; c'est un échange de
600 jeunes Québécois-Français, 300 de chacun des
pays, qui prendront le Mermoz à Québec, pour un
débarquement à Saint-Malo. Et, pour réaliser tout cela,
les programmes réguliers -vous l'avez vu dans les crédits - c'est
2 016 000 $, pour la réalisation du tout. Je préfère
laisser la parole, étant donné qu'on s'est entendu pour que ce
soit un court laps de temps, aux membres de la commission et les laisser
m'interroger. Je peux vous dire que cela va bien, que cela baigne dans l'huile,
comme on dit en bon québécois.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: M. le Président, j'aimerais poser au ministre
une question qui va peut-être le surprendre, mais qu'il comprenne qu'elle
vient d'un ancien fonctionnaire du ministère des Affaires
intergouvernementales qui, pendant longtemps, a été d'ailleurs
très concerné par les faits que le ministre vient
d'évoquer, en particulier par la Direction générale des
relations internationales où le principal défi était de
réussir un travail de coordination.
J'aimerais savoir comment l'office est resté la
responsabilité de son ministère ou de lui-même. Je ne sais
pas si c'est lui-même comme ministre ou si c'est son ministère qui
est concerné. J'aimerais être éclairé
là-dessus.
M. Chevrette: C'est une délégation de pouvoirs du
ministre des Affaires intergouvernementales qui m'a nommé
coprésident de l'office franco-québécois...
M. Vaugeois: D'accord.
M. Chevrette: ...et ma vis-à-vis française est Mme
Edwige Avice.
M. Vaugeois: Qui est secrétaire d'État.
M. Chevrette: Qui est maintenant secrétaire d'État,
après avoir été ministre des Sports et de la Jeunesse.
Elle est maintenant secrétaire d'État au Temps libre, à la
Jeunesse et aux Sports.
M. Vaugeois: D'accord. J'aurais peut-être une question pour
le ministre des Relations internationales, tout à l'heure.
M. Chevrette: Bien sûr.
M. Vaugeois: Je vous remercie, M. le Président.
M. Chevrette: II se fera un plaisir de vous répondre.
Le Président (M. Lévesque,
Kamou-
raska-Témiscouata): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: D'abord, M. le ministre, on va vous féliciter
d'avoir réussi à vous entendre avec le ministre des Relations
internationales; il vous confie un mandat aussi important, contrairement
à son collègue dont nous regrettons tous la disparition
inopinée.
M. Vaugeois: Nous davantage.
M. Rivest: Moi aussi, je l'aimais bien, Jacques-Yvan. Je voudrais
demander au ministre: Est-ce que les fluctuations au niveau de la monnaie vous
ont donné des marges significatives, avec la dévaluation du
franc?
M. Chevrette: À notre niveau, c'est bien sûr que
cela nous a aidés. Je pourrais vous donner les chiffres précis
dans quelques minutes, les montants pour l'année en cours, je crois que
cela a représenté aux environs de 200 000 $ pour le
Québec.
M. Rivest: Est-ce que, dans l'entente, quand il se produit ce
genre de choses, il y a des ajustements automatiques bu si vous réglez
ces questions au niveau du conseil d'administration?
M. Chevrette: Non. Il y a une mécanique automatique
où les deux secrétaires ont le mandat de régler ces
niveaux-là, avec rapport aux conférences; il y a deux
conférences par année, une en France, une au Québec. Et on
a les rapports détaillés, à ce moment-là, des
réajustements qui ont été faits par les deux
secrétaires, sur les résultats de l'exercice financier comme
tel.
M. Rivest: Vous avez évoqué, M. le ministre, au
début, une certaine... J'ai constaté, d'abord, dans les rapports,
dans les discussions antérieures qu'on avait eues dans les
années, entre autres, que la participation des jeunes filles a
été considérablement augmentée, je pense que cela a
même dépassé, d'après les chiffres que j'ai vus...;
deuxièmement, que, également, une des préoccupations que
certains membres de la commission parlementaire avaient, en ce sens que
davantage de jeunes travailleurs, c'est-à-dire que l'aspect
scolarité... Je pense que, peut-être, M. le ministre, vous
pourriez, pour les fins du dossier, simplement donner un peu les
résultats...
M. Chevrette: Oui.
M. Rivest: ...que l'office a atteints dans la réalisation
de ses objectifs, qui avaient été souhaités, je pense, de
part et
d'autre.
M. Chevrette: Oui, vous avez raison et le Québec a fort
bien atteint ses objectifs. C'est un peu moins concluant du côté
français. Mais ici, au Québec, en 1983, les femmes ont
dépassé les hommes. Il y a 55,8% de femmes par rapport à
44,2% des hommes, en 1983.
Pour ce qui est de la scolarité, on a ici une
légère hausse pour les onze ans de scolarité et moins. Il
s'agit de 10,3% par rapport à 9,4%. Ce n'est pas encore aussi
déterminant qu'on le voudrait. Cependant, 39%, comparativement à
41%, ont entre 12 et 14. Cela commence à être plus significatif.
Il y a eu une baisse des 15 ans et plus; automatiquement, si on a une hausse au
niveau des bas scolarisés, il y a une baisse au niveau des haut
scolarisés.
Il y a de plus en plus de jumelages. Par exemple, les employés
d'une usine de papier Scott de Crabtree, dans mon comté, ont eu un
jumelage avec une usine de papier française, de sorte que ce sont des
gens qui se qualifient en fonction de leur travail et non plus en fonction de
la scolarité. Cela permet de facto de corriger ce facteur, cet objectif
que nous visions.
M. Rivest: Un des grands intérêts de l'office
franco-québécois est de permettre à des jeunes
Québécois d'avoir accès, peut-être pour la
première fois, au continent européen. Un élément
qui s'est produit également, - je le sais dans certains cas mais je ne
sais pas si à l'office vous avez une idée - c'est qu'une fois que
les jeunes Québécois vont en France, ils connaissent, bien
sûr, le milieu. Est-ce que vous avez une idée de la durée
des séjours? Est-ce qu'il y a plusieurs des coopérants qui,
profitant de leur voyage en France, peuvent ou font des voyages dans d'autres
pays, c'est-à-dire, qui restent sur le continent européen pour
diversifier leur expérience, même si ce n'est qu'à titre de
visiteur ou autre?
M. Chevrette: On nous dit que 40% de nos
délégués, de nos échanges, de nos participants
prolongent sur une durée d'une semaine à trois mois. Comme on a
introduit un nouveau programme depuis quelques années, qu'on appelle
l'IPG, on planifie pour l'individu seul ou des fort petits groupes des voyages
d'une durée de 14 jours ou de 21 jours, selon le cas. Dans plusieurs
cas, ils prolongent, une fois sur place, leur voyage.
M. Rivest: Est-ce que vous voulez dire que l'office
franco-québécois, en tout cas la partie québécoise,
peut fournir un soutien ou un apport technique aux jeunes qui veulent prolonger
leur séjour? Non?
M. Chevrette: Non. Il n'y a pas d'apport financier
additionnel.
M. Rivest: II n'y a pas d'apport financier additionnel?
M. Chevrette: Non. Il y a un plafond dans la participation
financière mais, l'aide technique, oui. Par exemple, pour programmer les
retours, oui, quand ils prolongent.
M. Rivest: Un dernier élément, si vous voulez, M.
le ministre. Vous avez évoqué qu'au niveau des programmes on
connaît les programmes traditionnels. D'ailleurs, il y a eu des
modifications sur la structure d'âge, etc. Vous avez parlé des
programmes, de deux orientations, dont une, sur l'innovation technologique.
J'aimerais savoir de façon précise ce que l'office entend faire
dans ce domaine ou ce qu'il a peut-être commencé de faire et,
deuxièmement, connaître les programmes d'insertion des jeunes
à l'emploi. Quelle est la nature du programme qui est offert?
M. Chevrette: C'est qu'on s'est entendu, au niveau de l'office,
pour qu'il y ait un programme particulier qui corresponde à des
priorités gouvernementales, autant françaises que
québécoises. À la suite de nos discussions en conseil
d'administration, on s'est entendu pour que les années 1984 et 1985
portent sur les technologies nouvelles et sur l'insertion des groupes. Donc,
notre recrutement vise expressément ces groupes intéressés
et, à ce moment, il est bien évident qu'il y a des thèmes
précis d'échange qui sont préconisés et les jeunes
y adhèrent assez spontanément. Pour chaque stage, on peut dire
qu'on a toujours le double de candidats par rapport au nombre reçu, et
on n'exagère pas en disant le double. Même, dans certains cas...
Je prends pour exemple le Cap sur l'avenir: on a 800 jeunes qui en ont fait la
demande pour 270 places. Je peux même vous dire qu'il y a des
déceptions; c'est comme dans tout concours organisé, il y a des
gagnants et il y a des perdants.
M. Rivest: Exactement, qu'est-ce que le programme d'insertion des
jeunes à l'emploi?
M. Chevrette: La question fondamentale qu'on pose aux jeunes
cette année est la suivante: Croyez-vous que le jeune a quelque chose
à faire comme tel dans l'avenir, face au monde du travail, face à
la technologie nouvelle? Son rôle dans l'entreprise? La
productivité? Ce sont des questions actuelles qui font l'objet de
discussions au sein des deux paliers de gouvernement et qui préoccupent
même des étudiants présentement, au niveau du cégep
et de l'université, inquiets un peu face à l'avenir. Cela leur
permet d'aller voir dans d'autres
milieux quel type de questions se posent les jeunes de même niveau
sur leur rôle à jouer dans l'entreprise, dans l'industrie en
général et, face aux technologies modernes, sur leur futur
rôle en tant que jeunes travailleurs qui, dans bien des cas, n'ont
même pas encore accédé au milieu du travail ou y ont
accédé, mais qui s'interrogent sur les éventuels
changements technologiques susceptibles de leur créer des
problèmes majeurs.
Donc, c'est un peu l'ouverture sur le monde, sur des techniques
nouvelles, et peut-être aussi qu'en faisant preuve d'imagination les deux
pays en retireront des bénéfices sûrs et certains au niveau
de chacune de ces entreprises et même au niveau québécois,
puisqu'on leur demande un rapport - vous connaissez la technique de l'office -
et cette année, nous avons l'intention de publiciser davantage ces
rapports de contenu afin de permettre justement à d'autres jeunes de
bénéficier de l'expérience de ceux qui auront
bénéficié du programme.
M. Rivest: Une dernière ou une avant-dernière
question. On avait eu comme préoccupation...
M. Chevrette: Excusez-moi seulement trente secondes. Pour ce qui
est de ce programme dit prioritaire, cependant, c'est la technique standard des
programmes qui existaient avant, les groupes de 21 personnes pour 14 ou 21
jours.
M. Rivest: Une dernière préoccupation au niveau de
la répartition géographique des jeunes Québécois.
On avait manifesté cela ici, à la commission. C'est aussi une
préoccupation, je pense, de l'office de s'assurer que les jeunes qui
demeurent dans les régions périphériques puissent avoir
proportionnellement autant de chances que ceux des grands centres de participer
à de tels programmes. Je ne demande pas au ministre de nous donner une
série de statistiques, mais, est-ce que cette préoccupation,
comme je le suppose, a été constante à l'office et les
résultats ont-ils été atteints?
M. Chevrette: Deux zones sont vraiment déficitaires. Une
est à la baisse; il s'agit de l'Est du Québec.
M. Rivest: Saguenay-Lac-Saint-Jean aussi?
M. Chevrette: La zone du Saguenay-Lac-Saint-Jean est
légèrement remontée cette année de 1%, mais
Montréal et l'Outaouais sont toujours déficitaires.
M. Rivest: L'Outaouais?
M. Chevrette: Et c'est sans doute dû à la question
linguistique.
M. Rivest: Bon, justement c'est une autre question. J'avais
déjà soulevé cela...
M. Chevrette: Oui, l'an dernier, je me souviens.
M. Rivest: Au niveau linguistique, est-ce que de jeunes
Québécois dont la langue première est l'anglais
participent - j'imagine qu'il y en a - et cette participation est-elle
significative? À -t-on fait, comme on l'avait évoqué,
certains efforts pour que, dans les institutions, les milieux de travail ou,
peut-être, dans les coins du Québec où il y a plus de
jeunes Québécois de langue anglaise, ceux-ci puissent être
associés à ce...
M. Chevrette: On en a eu. On en a encore, non seulement au niveau
anglophone, mais même au niveau des Inuits.
M. Rivest: Oui, oui, c'est cela.
M. Chevrette: Le problème majeur, c'est que beaucoup se
désistent à la dernière minute, même s'ils en ont
fait la demande, par crainte de rencontrer des difficultés. Il y a une
insécurité de départ qui n'est pas estompée au
moment où l'on se parle.
M. Rivest: Pouvez-vous me donner un ordre de grandeur de la
participation des jeunes de langue et de culture autres que
françaises?
M. Chevrette: Cela ne dépasse sûrement pas 10%. Je
vous le dis sous toutes réserves, parce qu'on n'a pas la compilation
ici.
M. Rivest: L'office a-t-il l'intention quand même,
malgré les difficultés qu'a évoquées le ministre,
de...
M. Chevrette: Oui, on a fait des efforts l'an dernier et on
continue nos efforts de recrutement dans ces secteurs. Au niveau ethnique, cela
s'améliore beaucoup.
M. Rivest: ...
M. Chevrette: Oui, cela s'améliore, mais cela demande
énormément d'efforts, même à ce niveau.
M. Rivest: J'ai constaté dans le rapport annuel,
évidemment, sur l'office...
M. Chevrette: On peut vous dire qu'on réussit
habituellement au niveau des groupes ethniques, soit au troisième essai,
rarement au deuxième, mais il faut s'essayer très
régulièrement au niveau du recrutement avant de décider
certains groupes qui veulent
participer spontanément.
M. Rivest: En terminant, M. le Président, j'aimerais
transmettre l'appréciation des membres de la commission et des milliers
de jeunes qui auront l'occasion de participer à ce programme pour le
travail accompli avec les fonctionnaires et tous ceux qui participent au
programme de l'office. Je voudrais indiquer que, dans le rapport annuel de
1982, l'office est peut-être trop modeste dans un certain sens, parce que
j'ai lu dans le premier paragraphe - et cela m'a frappé - qu'en 1982 les
objectifs précis de programmation fixés par le conseil
d'administration ont tous été atteints. Je me demande si, pour
les mots "tous les objectifs ont été atteints", c'est la modestie
de vos objectifs ou la qualité de votre performance qui vous permet de
faire une telle affirmation. Comme je présume de la qualité de
votre performance, arrangez-vous pour que l'office se donne d'autres objectifs
et ajoute à ceux-ci, étant donné que c'est un des
programmes de la coopération franco-québécoise qui,
certainement, a l'un des plus grand mérite.
M. Chevrette: Merci, M. le député de Jean-Talon.
Pour terminer, je vous dirai que nous avons une excellente collaboration entre
le ministère des affaires intergouvernementales et mon ministère
qui a la responsabilité et la coprésidence de cet office. Je peux
vous dire que nous allons continuer - peut-être assez modestement -
à viser à la réalisation entière de nos projets
pour le mieux-être des jeunes Québécois et des jeunes
Français également. Je pense que c'est un programme, comme vous
le dites, qui en vaut la peine, qui garde toujours un budget fort modeste, mais
qui, à mon avis, servira. On a un objectif bien précis cette
année: publiciser et faire connaître les résultats de ces
voyages. Tant mieux pour la collectivité québécoise comme
telle. Merci.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Je vous remercie, M. le ministre, ainsi
que les gens qui vous accompagnent.
M. Rivest: C'est facile quand c'est un bon ministre.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): J'appelle le programme 4 des affaires
intergouvernementales, Gestion interne et soutien.
M. Rivest: Là, c'est plus compliqué.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): La parole est au ministre.
M. Landry: Bonjour, M. le Président. Bonjour, messieurs
les membres de la commission, M. Maranda, le secrétaire.
Je voudrais vous proposer de rouvrir cette étude des
crédits du ministère des Relations internationales en
déposant certaines informations qui m'ont été
demandées, en particulier par le député de Nelligan, dans
les séances antérieures.
Un premier dépôt en liasse, pour chacun des membres de la
commission, de la répartition, par secteur d'activité, des
employés des représentations du Québec aux
États-Unis. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui pourrait venir prendre cela
et aller les porter?
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): On va demander des photocopies pour les
distribuer aux membres de la commission.
M. Landry: II y a des photocopies pour tout le monde, M. le
Président.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Elles sont incluses?
M. Landry: C'est déjà fait.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le ministre.
Délégation générale du
Québec à Paris
M. Landry: Je fais de même pour une autre question du
député de Nelligan: c'est la répartition, par secteur
d'activité, des employés de la Délégation
générale du Québec à Paris. C'est bien ce que vous
vouliez, M. le député? En tout cas, regardez si le format vous
convient. Si ce n'est pas tout à fait ce que vous voulez, il n'y a rien
qu'on ne ferait pour vous donner toute l'information dont on dispose.
M. Lincoln: Merci.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Avez-vous terminé, M. le
ministre?
M. Landry: Je pourrais peut-être commenter. Ces deux
feuilles font bien ressortir que la Délégation
générale du Québec à Paris est vraiment une
délégation polyvalente. Cela ne surprendra personne si on dit
cela. Il y a des activités de toute nature. Ma remarque est que les
activités les plus importantes et les personnels les plus importants
sont des personnels économiques. Par exemple, à part le bureau de
la déléguée générale et de l'administration
- la déléguée générale a un mandat large qui
comprend également beaucoup de questions économiques - nous avons
immédiatement le service de la
coopération, et la coopération est largement
économique. Dans son personnel, on retrouve un conseiller en
coopération technique et économique, précisément,
un professionnel, un cadre supérieur qui gère l'ensemble de la
coopération, un cadre supérieur qui est conseiller en relations
éducatives et culturelles. On a des services classiques de presse et
d'information; un service culturel avec un cadre supérieur; et on
revient à science-technologie, très reliée à
l'activité économique, avec un cadre, un employé de
soutien.
Les services économiques proprement dits ont un cadre
supérieur, quatre professionnels, quatre employés de soutien.
Le tourisme, qui est également un ministère
économique, est représenté par un professionnel, un
employé de soutien.
Le centre québécois des coopérations industrielles,
qui fait le suivi de l'accord franco-québécois et qui est
essentiellement économique, comporte aussi deux professionnels, deux
employés de soutien. Enfin, il y a la Délégation aux
affaires francophones et multilatérales, parce que vous savez qu'en plus
d'un délégué général, nous avons un
délégué qui s'occupe des affaires francophones et
multilatérales, dans le cadre d'autres accords plus vastes, dont
l'Agence de coopération technique et culturelle en particulier. (16
heures)
Voilà le portrait plus détaillé de la
Délégation générale du Québec à
Paris. C'est tout ce que j'avais à dire comme introduction, M. le
Président. Il nous reste quelques heures d'étude des
crédits de ce ministère. Je pense que l'Opposition aimerait mieux
que je sois à sa disposition pour répondre à ses
questions, étant donné que toutes mes déclarations
liminaires ont été faites dans les séances
antérieures.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan.
Représentation à
l'étranger
M. Lincoln: Oui, s'il vous plaît! J'aurais voulu continuer
un petit peu sur la ligne où nous avons commencé et qui se
rapporte au document déposé par le ministre au sujet de
l'étude du personnel des délégations, car cela
représente une grosse partie du budget.
J'ai étudié les chiffres des délégations par
rapport aux États-Unis et je réalise qu'hier, lors de notre
discussion, nous n'étions pas d'accord sur le fait que l'on devrait
situer certains critères de comparaison avec quelque chose que l'on
puisse comparer assez logiquement. Je crois qu'il est essentiel
d'établir ces points afin de savoir si vraiment, question
d'efficacité, de coûts-bénéfices, de rendement, on
peut avoir des critères. J'ai choisi, par exemple, les
délégations aux États-Unis où la question
culturelle est la même, sans doute, par rapport au Québec, que par
rapport à une autre province canadienne. J'ai choisi l'Ontario; encore
une fois, c'est le seul point de comparaison que nous avons. Par exemple, en
poste à New York, nous avons au total 29 personnes; l'Ontario en a 11.
À Boston, nous en avons 10, l'Ontario en a 3. À Chicago, nous en
avons 10, l'Ontario en a 8. À Los Angeles, nous en avons 12 et, à
Los Angeles et San Francisco, il réussit à avoir une
délégation à San Francisco aussi, il en a 9 en tout.
À Atlanta, où nous avons 12 délégués,
l'Ontario en a 7. Le seul endroit où l'on a moins de personnel que
l'Ontario, c'est Dallas, où l'on a 4 personnes et l'Ontario 7. Au total,
l'Ontario semble avoir assez de délégations dans ces villes que
j'ai choisies, parce qu'elles sont loin du centre de l'automobile où
l'Ontario est fort. À New York, Boston, Chicago, Los Angeles, San
Francisco, Dallas et Atlanta, l'Ontario a 45 personnes contre 77 pour nous.
Lorsqu'on voit le chiffre d'exportation de l'Ontario, même mis à
part le parc automobile, on voit que, par rapport au Québec, son chiffre
d'exportation est presque deux fois et demie celui du Québec.
Je me demandais quelle est la raison qui fait que nous avons besoin d'un
personnel de presque 30 ou 35% plus nombreux que celui que l'Ontario pour mener
nos délégations. Par exemple, à New York, nous avons
besoin de plus de deux fois la délégation ontarienne. Il me
semble que du point de vue relatif de notre investissement, ou bien nous avons
trop de personnel, ou bien le rendement n'est pas suffisant par rapport aux
résultats. Il y a sûrement un barème quelconque, il y a
sûrement quelque chose qui peut se situer par rapport à nos
exportations ou l'amélioration de nos exportations. L'Ontario a l'air de
bien faire son affaire aux États-Unis. Même mis à part,
disons, tout l'État du Michigan et son parc automobile où le gros
des exportations va à l'Ontario, cela resterait au même niveau que
le Québec, si on mettait de côté tout le Michigan et
l'Ohio. Je me demande comment on peut faire. Qu'est-ce que le ministre peut
nous dire par rapport à cela?
M. Landry: Je vais vous dire trois choses. Premièrement,
il y a, en Amérique du Nord, une soixantaine de gouvernements
anglophones. Il y a, au moins, 50 États américains en
Amérique du Nord - il y en a quelques-uns, comme Hawaii, qui ne sont pas
anglophones - il y a le gouvernement du Canada et le gouvernement de toutes les
provinces du Canada, et il n'y a qu'un gouvernement francophone. Il
siège ici à Québec, dans notre capitale. Il
représente un peuple très largement minoritaire, un peuple qui a,
en plus, une diaspora américaine plus
nombreuse que sa propre population. On dit qu'il y aurait 10 000 000
environ de descendants de Québécois aux États-Unis
d'Amérique. Pour cette raison, les gouvernements qui nous ont
précédés - parce qu'il y a eu peu de mouvement, en fait,
dans ces personnels au cours des dernières années; il y a eu
quelques augmentations stratégiques dont j'ai déjà
parlé - ont eu raison de mettre plus d'énergie que n'en met
l'Ontario, parce que l'Ontario, encore une fois, est un des gouvernements
anglophones et ils le sont tous, sauf un, dans toute l'Amérique du Nord,
au nord du Rio Grande. C'est la première raison.
La deuxième raison, c'est que les diplomates canadiens sont
recrutés selon une certaine proportionnalité à la
population du Canada. C'est normal. Nul ne peut contester ce fait. Or, comme il
y a au-delà de 8 000 000 d'habitants en Ontario, il y a beaucoup plus de
diplomates canadiens qui viennent des universités ontariennes, de la
haute fonction publique fédérale située en Ontario. Pour
cette raison, ils ont une connaissance beaucoup plus grande de
l'économie ontarienne et servent mieux l'économie ontarienne
à l'étranger, en particulier aux États-Unis, que la
diplomatie canadienne ne saurait le faire, sans que je fasse de reproches
à celle-ci, mais c'est dans la nature statistique des choses. Il
m'arrive souvent de dire que plusieurs diplomates canadiens ne savent pas
vraiment la différence entre Chicoutimi et Rimouski. Ce n'est pas leur
faute. Il y a beaucoup de Québécois qui ne savent pas non plus
exactement la différence entre Saskatoon et Moose Jaw. En pratique, nous
avons le devoir, nous, de compenser par la présence d'un certain nombre
d'agents québécois sur le territoire non américain.
Le troisième élément de ma réponse, vous en
avez évoqué une grande partie, c'est le Pacte de l'automobile.
Les Américains et les Canadiens ont décidé, avant
même ou immédiatement après le départ fonctionnel du
Marché commun européen, de faire un marché commun entre le
Canada et les États-Unis, qui, contrairement au Marché commun
européen, ne porte pas sur toutes les productions, mais sur une. Cette
production, c'est l'automobile et elle est en Ontario à 95%. Si vous
défalquez les produits automobiles exportés par l'Ontario des
exportations totales de l'Ontario, vous allez voir que le reste des
exportations ontariennes équivaut aux exportations
québécoises, mais ils sont 8 000 000.
J'ai entendu vos chiffres et je les crois. Introduisez dans ces chiffres
le facteur correction de population si vous voulez avoir une idée des
succès de l'Ontario à l'exportation US. Dans ce dernier point, il
y a un élément structurel de l'économie ontarienne qui est
très différent de la structure économique
québécoise. C'est le suivant; un vaste trafic intrafirmes.
Pourquoi? Parce que l'économie ontarienne est une économie
beaucoup plus dominée que l'économie du Québec par des
centres de décision américains. Toute l'automobile, par exemple,
a un centre de décision ultime en dehors de l'Ontario. Il n'y a pas une
firme ontarienne de l'automobile: même s'ils ont 95% de l'industrie
automobile du Canada, ce sont toutes des filiales de multinationales, soit
américaines, soit françaises dans le cas de AMC-Renault. Cet
exemple ne vaut pas uniquement pour les très grandes firmes. Il vaut
aussi pour une grande partie de la PME ontarienne, qui n'est pas vraiment une
PME ontarienne, mais qui est simplement un établissement de 200 ou 300
employés - et c'est pour cela qu'on dit PME - filiale d'une entreprise
beaucoup plus vaste située au États-Unis.
Dans ces conditions, il devient facile, par le compte à compte et
par l'intrafirmes, d'exporter sans effort et sans avoir besoin de personnel ou
de délégation dans aucun endroit en plus de ce qu'a
déjà l'Ontario, et d'exporter des volumes
considérables.
Ce n'est pas le cas pour le Québec. Au Québec, il s'agit
d'une économie qui s'appartient beaucoup plus. Il y a beaucoup plus de
centres de décisions ultimes à Montréal qu'il n'y en a
à Toronto. Les décideurs ultimes de Bombardier sont au
Québec. Les décideurs ultimes de GM sont aux États-Unis.
Je donne ces deux exemples, je pourrais en donner des milliers d'autres. Vous
avez sans doute déjà vu, dans le Financial Post, le Big Five
Hundred à tous les ans. J'ignore si c'est une lecture qui vous
passionne, moi, je le lis à chaque année. Je vois bien que les
centres de décision de l'économie québécoise sont
beaucoup plus, de façon générale, ultimement situés
au Québec que dans le cas de l'économie ontarienne. Je ne
qualifie pas le phénomène, je ne veux pas dire que c'est une
catastrophe. L'économie ontarienne fonctionne remarquablement bien, mais
c'est une réalité que l'Ontario a moins besoin ou a moins
éprouvé le besoin que les gouvernements québécois -
le nôtre et ceux qui nous ont précédés - d'avoir une
délégation importante aux États-Unis.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Ce que je dis, c'est que même...
M. Landry: M. le Président, ce n'est peut-être pas
l'usage et j'ignore si c'est déjà arrivé lors d'une
commission, mais on m'annonce un appel téléphonique de toute
urgence et l'interlocuteur insiste, même s'il sait que je suis en
commission. Est-ce que je peux aller prendre l'appel?
M. Lincoln: Bien oui, mon goglu! M. Landry: Merci
infiniment.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): La commission suspend ses travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise de la séance à 16 h 14)
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Nelli-gan.
M. Lincoln: En tout cas, M. le ministre, je pense qu'on aurait pu
faire un débat sur les raisons. Toutefois, j'ai envie d'arriver beaucoup
plus près des chiffres. Cela ressort très clairement. On peut
dire: Si on retire le Pacte de l'automobile, nous en sommes arrivés au
même stade que l'Ontario.
En fait, j'aurais voulu demander au ministre combien le Pacte de
l'automobile ontarien produit d'exportation ontarienne. Je regarde les
chiffres. Même si l'on retire le Pacte de l'automobile ontarien, je crois
que vous verrez qu'il reste une grande différence, une différence
marquée, entre les exportations du Québec et celles de
l'Ontario.
M. Landry: Je veux bien vous croire. Je prends vos chiffres pour
ce qu'ils sont, mais avez-vous fait votre correction de facteur de
population?
M. Lincoln: Non, non, même si vous faites...
M. Landry: Si vous me dites que le PNB de la France est plus
élevé que celui du Québec, cela va tomber sous le sens;
ils sont 55 000 000 et on est 6 000 000.
M. Lincoln: D'accord. Mais si vous retirez le Pacte de
l'automobile de l'Ontario, les exportations ontariennes, si l'on prend
l'année 1983 où on a les chiffres totaux, c'était presque
25 000 000 000 $ comparativement à... Excusez-moi d'avoir lu la mauvaise
colonne. C'était 35 000 000 000 $ pour les États-Unis
comparativement à 10 000 000 000 $ pour le Québec.
M. Landry: Avez-vous retiré le Pacte de l'automobile?
M. Lincoln: D'après les chiffres que je vois dans les
statistiques d'exportation par pays, quitte à vérifier, aux
voitures automobiles et châssis, il y a 8 570 000 000 $...
M. Landry: Les chiffres de l'Ontario, je les connais à peu
près. Oui, c'est plausible.
M. Lincoln: Même si c'est 14 000 000 000 $ et que vous
retirez ce montant de 35 000 000 000 $, je pense que les exportations de
l'Ontario sont presque le double de celles du Québec aux
États-Unis.
M. Landry: Et vous retirez...
M. Lincoln: Sur une population de 36% de plus d'habitants.
M. Landry: Là, je prends cela sous toute réserve,
je n'ai pas...
M. Lincoln: Oui, moi aussi, je regarde ces chiffres.
M. Landry: Je vous signale de toute façon que ce que vous
dites là ne prouverait pas grand-chose, sinon qu'il faut intensifier
notre délégation économique aux États-Unis.
M. Lincoln: Peut-être est-ce une façon de voir cela,
c'est sûr, mais deux choses me retiennent. On peut dire qu'il y a
l'argument culturel, le fait qu'on soit le seul gouvernement francophone, etc.,
mais, si on regarde la liste du personnel que vous avez, encore une fois... Le
service économique, le service du tourisme...
Une voix: C'est le plus gros.
M. Lincoln: ...le service agro-alimentaire sont de beaucoup les
services les plus employés, où il y a le plus de personnel.
C'est-à-dire que tous les services sont économiques. Le tourisme,
c'est le gros du personnel, et il y a les délégués
généraux...
Une voix: Oui.
M. Lincoln: Alors, même avec un facteur quelconque pour le
fait qu'il a une présence spéciale, le Québec étant
le gouvernement de la francophonie en Amérique du Nord, sûrement
qu'il y a une façon d'établir, c'est à cela que je suis en
train d'essayer d'arriver, M. le ministre... Peut-être que vous me
prouverez par des arguments quelconques qu'à New York on a besoin de 29
personnes contre 11 pour l'Ontario, soit presque trois fois plus, parce que les
Ontariens sont anglophones, qu'ils ont une relation beaucoup plus automatique
avec les États-Unis du fait de la culture, qu'il y a le gouvernement
canadien puis l'ontarien. Mais, en fait, l'autre jour, quand on a
discuté de cela en rapport avec Los Angeles et San Francisco, j'ai pris
la peine de téléphoner au consul canadien, M. Taylor, à
Los Angeles - j'oublie le nom du membre du personnel à San Francisco
-...
M. Landry: Non, non, Taylor, c'est à New York.
M. Lincoln: Peut-être qu'il est à New York. Ce n'est
pas le même Taylor. Je parle d'un autre Taylor, je ne parle pas de Taylor
qui était en Iran. Il y en a un autre qui était le consul
général à Los Angeles, si ma mémoire me sert bien,
qui lui aussi s'appelait Taylor.
M. Landry: Je pense que votre mémoire vous trompe parce
que je connais ce gars-là. En tout cas, je le connaissais il y a deux ou
trois ans, au moment où on s'en est parlé.
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Landry: À New York, c'est Ken Taylor, ancien
ambassadeur en Iran.
M. Lincoln: Oui, oui, ce n'est pas Ken Taylor, ce n'est pas le
même. Je pensais qu'il s'appelait Taylor, peut-être qu'il s'appelle
Smith. En tout cas, tout ce que je peux vous dire...
M. Landry: Cela ne nuancera pas beaucoup votre pensée.
M. Lincoln: Oui, ce n'est pas grand-chose. Je lui ai parlé
à deux ou trois occasions parce que vous aviez fait la remarque que, par
exemple, à Los Angeles... Ce n'était pas vous, c'était le
député de Shefford qui avait dit que, en Californie, le personnel
ne connaissait rien du Québec, que tous étaient des Ontariens.
J'ai téléphoné au consul qui m'a dit que la grande
majorité du personnel, en fait, était des
Québécois. Il y avait trois Ontariens contre, je pense, sept ou
huit Québécois.
M. Landry: À la bonne heure!
M. Lincoln: Je pourrai trouver les références et ce
sera intéressant. En fait, je vais suivre la chose pour savoir quelle
est la proportion de personnes de langue française dans les
délégations. En fait, c'est bien M. D.F.F. Taylor, consul et
premier délégué commercial à Los Angeles. C'est
bien M. Taylor.
M. Landry: Oui.
M. Lincoln: Alors, je lui ai téléphoné. Il
m'a assuré, en fait, que, dans son personnel, la majorité des
gens venaient du Québec.
M. Landry: Bravo!
M. Lincoln: II y en avait, je pense... D'accord, peut-être
que ce n'est pas le cas partout aux États-Unis. Je suis certain que ce
n'est pas le cas partout aux États-Unis.
M. Landry: Si vous...
M. Lincoln: Mais, en tout cas...
M. Landry: ...êtes en train de me dire que la diplomatie
canadienne est constituée majoritairement de Québécois,
vous allez faire la une de tous les journaux du continent, ce soir
même.
M. Lincoln: Vous voyez, M. le ministre, vous ne me laissez jamais
finir mes phrases. Vous interrompez les gens à mi-chemin. Tout ce que
j'ai essayé de vous dire, c'est que, l'autre jour, vous avez
apporté l'exemple de Los Angeles, où le Canada avait
dépensé 1 000 000 $ pour sa maison. J'ai
téléphoné au consul et il m'a dit que la maison avait
coûté 250 000 $. Le député de Shefford a dit qu'il
avait visité l'endroit, que ce n'était que des Ontariens. J'ai
pris la peine de téléphoner au consul, qui m'a dit que ce
n'était pas vrai, qu'il y avait sept Québécois et trois
Ontariens. Ce que je veux vous dire, c'est que je suis certain qu'il y a une
grosse majorité d'anglophones dans la délégation
canadienne. C'est normal.
M. Landry: Bon! Voilà, on s'entend.
M. Lincoln: On est 6 000 000 contre 25 000 000; sur cela, nous
sommes d'accord avec vous.
M. Landry: Voilà!
M. Lincoln: Tout ce que je veux vous dire, c'est que ce que je
vais essayer d'établir - j'espère qu'on aura une autre occasion
de discuter de cela après - c'est que, sûrement, il y a une
proportion très forte de francophones, de gens qui parlent très
bien le français, qui travaillent au sein des délégations
canadiennes aux États-Unis. Je vais développer ces chiffres parce
que je me souviens d'avoir parlé aux gens de la Californie qui m'ont
expliqué qu'un grand pourcentage des cadres des
délégations commerciales étaient des gens bilingues. Je
vais le vérifier.
On dit: Pour le Canada, c'est tout à fait normal; il y a la
présence canadienne qui est majoritairement anglophone aux
États-Unis; l'Ontario, du fait même de sa culture, de la structure
de son économie n'a pas besoin de faire le même effort
d'exportation. Ce sont tous des arguments qui restent à être
prouvés.
Je vois, dans nos industries de pointe -les pâtes et papiers,
l'industrie aéronautique avec Pratt & Whitney, l'industrie des
communications, l'industrie pharmaceutique où nous sommes encore le
leader, toutes sortes de firmes américaines qui oeuvrent ici et qui
exportent leurs produits - quelque chose qui reste à démontrer
statistiquement
et scientifiquement. Cela peut être démontré. Tout
ce que vous avancez au point de vue de la structure de l'économie
ontarienne, du Pacte de l'automobile par rapport aux États-Unis fait-il
qu'on est satisfait, sans avoir fait une analyse profonde, qu'on doit avoir 77
personnes contre 45 pour l'Ontario quand les exportations sont trois fois plus
que les nôtres - 35 000 000 000 $ contre 10 000 000 000 $? Compte tenu du
Pacte de l'automobile, cela reste le double. À ce moment-là, tout
le monde est satisfait? Ce qu'on vous demande, M. le ministre, c'est de faire
cette analyse et, jusqu'à présent, personne n'a l'air de l'avoir
faite. On avance des théories qui ne sont pas soutenues par des
statistiques, par des faits.
Je trouve que, pour les États-Unis - on peut dire: en France, il
y a la question culturelle qui entre en jeu, en Belgique, il y a la question
culturelle, peut-être en Italie on va dire: C'est le groupe latin et il y
a aussi la question culturelle - il y a sûrement des critères
qu'on peut établir, une évaluation pour savoir si, par exemple,
on a besoin de 77 membres de personnel pour les États-Unis.
Peut-être qu'on a raison d'en avoir 77 mais il faut les répartir
avec plus d'efficacité dans, disons, sept centres. On aurait pu avoir
les mêmes personnes dans dix centres. Référez-vous aux
crédits de 1977-1978. Par la suite, il y a eu des demandes qui ont
été faites à ce sujet par mon ancien collègue, le
député de Saint-Laurent, M. Forget, qui demandait la même
chose. Lui aussi est un économiste de marque au Québec. Il disait
qu'il faut une grille d'évaluation, de comparaison. Il posait cette
question. Alors, ce n'est pas une question niaiseuse. Je pense que c'est
quelque chose de tout à fait valable et peut-être qu'une
étude pourrait établir si on dépense de l'argent aussi
efficacement qu'on le pourrait. C'est cela, la question. Je ne pense pas que
vous m'ayez convaincu.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.
M. Landry: Remarquez que je ne cherche pas tellement à
vous convaincre. Je cherche à répondre à vos questions le
plus honnêtement possible. Je vais ajouter quelques petits
éléments. Permettez-moi d'abord de vous donner modestement un
conseil. Peut-être pourriez-vous parler au député de
Bonaventure qui est le chef parlementaire de votre formation et qui pourrait
vous dire, lui qui a été un des architectes de notre
réseau américain à peu près tel qu'il est parce
qu'on a ajouté le poste d'Atlanta depuis 1976... Le député
de Bonaventure, qui a été l'architecte partiel -parce qu'il y a
eu d'autres ministres avant, des ministres libéraux et des ministres de
l'Union Nationale - de la construction de ce réseau, pourrait vous dire
un mot sur les justifications de l'établissement de ce réseau
américain.
Je voudrais aussi établir une petite nuance. Vous pouvez
très bien prendre l'annuaire diplomatique canadien et me sortir le
nombre de francophones... N'oubliez pas que ce n'est pas de francophones que je
vous ai parlé; c'est de Québécois et de
Québécoises. Un francophone de Port Coquitlan B.C., ce n'est pas
tout à fait évident, lui non plus, qu'il puisse faire la
différence entre Chicoutimi et Rimouski, ou en tout cas qu'il
connaît bien le parc industriel de Drummondville. On s'entend
là-dessus.
Vous avez aussi donné l'exemple de Pratt et Whitney. À mon
avis, c'est un mauvais exemple. Ce que je vous ai dit pour la structure
économique ontarienne, c'étaient des échanges intrafirmes.
Mais Pratt et Whitney, justement, n'est pas un faiseur d'échanges
intrafirmes. Pratt et Whitney est un citoyen corporatif québécois
qui vend dans tous les marchés du monde suivant une mission mondiale, de
la planche à dessin jusqu'au moment où la turbine sort de
l'entrepôt et qui assure en plus le service après-vente. C'est une
multinationale québécoise travaillant au Québec qui est
exemplaire, qui se bat contre la concurrence américaine, qui se bat
contre Lycoming, contre General Electric, contre n'importe qui, comme
Bombardier le ferait ou comme Domtar le ferait. Ce n'est pas tout à fait
la même chose et, en Ontario, on a beaucoup plus d'intrafirmes.
M. Lincoln: Est-ce que vous avez des statistiques pour appuyer
cela? Est-ce que vous avez comparé, par exemple, avec l'industrie
pharmaceutique ici...
M. Landry: Ah! cela fait 20 ans que j'étudie cela. C'est
sûr que j'ai des statistiques. Je ne les ai pas apportées ici cet
après-midi, parce que cela m'aurait pris un camion, mais...
M. Lincoln: Oui, mais peut-être sans prendre un camion...
Il y a sûrement des statistiques pour démontrer combien les
exploitations intrafirmes de l'Ontario se comparent aux exportations
intrafirmes du Québec?
M. Landry: II y a des bibliothèques entières sur le
sujet, mais ce n'est pas dans mon livre de crédits.
M. Lincoln: Je comprends, M. le ministre. Seulement, vous avancez
cela comme une raison pour laquelle nous avons 77 personnes aux
États-Unis contre 45... C'est sûrement une raison qui compte.
Mais
tout ce que je vous demande, c'est: Est-ce qu'on a besoin de presque 40%
plus de gens parce que l'Ontario a des exportations intrafirmes, parce que
l'Ontario a un Pacte de l'automobile et parce que l'Ontario est anglophone?
Peut-être que ce sont des raisons qui justifient une certaine
différence, c'est sûr. Tout ce que je vous demande, c'est de
prouver que vraiment on a besoin de tellement de gens en plus pour arriver
à un rendement qui est nettement inférieur. C'est cela, la
question.
M. Landry: Je vous réitère que la réponse
est oui. On a besoin de plus de monde que l'Ontario. Ma réponse est la
même que celle qui a été donnée par le gouvernement
libéral qui nous a précédés puisque c'est lui qui a
établi les délégations. C'est pour les raisons que j'ai
dites, plus le fait que, si notre volume exporté n'est pas le même
que celui de l'Ontario, on a justement besoin de faire plus d'efforts. On a
besoin de tout ce monde-là. Je vais vous dire davantage. Chaque fois
qu'il nous semblera important d'élargir nos personnels à
l'étranger, aux États-Unis comme ailleurs, nous le ferons
après une analyse du cas. Là, à cause d'un courant
d'échanges particuliers découlant de l'implantation de Bell
Helicopter, on renforce nos personnels dans le secteur Dallas-Fort Worth. Et,
chaque fois qu'on aura des cas qui justifient une attitude semblable, nous le
ferons. (16 h 30)
M. Lincoln: M. le ministre, on va quitter cela, parce que,
à un moment donné, on pourrait tourner en rond sur ce sujet. Tout
ce que je veux vous dire, d'abord, puisqu'il y a un rapport aux gouvernements
libéraux antérieurs, vraiment ce n'est pas un argument qui me
frappe beaucoup, parce que là n'est pas la situation.
Si, par exemple, quand le Parti québécois était
à l'Opposition, ils avaient la latitude d'aller questionner M. Levesque
et les autres ministres des Affaires intergouvernementales, ils l'ont fait ou
ils ne l'ont pas fait pour ne pas changer les choses, c'est très
malheureux. Mais, si les libéraux antérieurs avaient fait des
choses qu'il fallait mettre en question parce qu'on n'avait pas les
barèmes et les critères, je les blâmerais autant que le
gouvernement actuel s'il ne l'a pas fait. Ce n'est pas parce que quelque chose
n'a pas été fait dans le temps des libéraux qu'il ne faut
pas qu'on leur dise de poser la question. Je trouve que cet argument ne tient
pas debout.
Aujourd'hui, vous êtes le gouvernement. Vous l'avez
été depuis 1976. On pose une question qui, selon moi, est tout
à fait logique. Les réponses avancées sont des
réponses très simplistes et larges qui disent: La question
d'anglophonie, la question d'intrafirmes... Mais, rien, aucune analyse ne
démontre...
En fait, votre réponse confirme même le doute, parce que
vous dites: On va analyser cas par cas, on va ajouter deux ou trois personnes,
une personne à Dallas-Fort Worth si on a Bell Helicopter; on ajoutera
une autre personne à Atlanta si une autre industrie américaine
s'implante ici, parce qu'on aura plus de contacts.
Je vous demande de revoir toute la chose de base, les critères
qui font que nous avons 77 personnes aux États-Unis. Est-ce que la
distribution de ce personnel est le plus efficace possible? Est-ce que, si, par
exemple, on pouvait économiser du personnel, comme les Ontariens le
font, et réduire ce personnel à 67, on aurait 10 autres personnes
qu'on pourrait mettre ailleurs aux États-Unis de façon plus
efficace, peut-être ouvrir un bureau à San Francisco ou ailleurs,
ou bien même les envoyer dans le monde, en Amérique latine ou
ailleurs? C'est la question qu'on se pose.
On dit: C'est comme cela. Les libéraux ont commencé cela
et on continue la même chose, que ce soit bon ou mauvais. On se
réfugie alors dans ces prétextes qu'on entend chaque
année: Ahl les Ontariens sont anglophones, il y a le Pacte de
l'automobile, sans faire une analyse qui démontre clairement que ces
faits sont établis; tant que les faits ne seront pas établis, on
répétera exactement la même chose...
M. Landry: Moi, M. le Président, je considère qu'il
est établi que les Ontariens sont anglophones. Je ne déclencherai
pas de recherches inutiles au gouvernement pour vérifier ce fait.
M. Lincoln: Je pense que c'est une réponse qui explique
pourquoi on aura toujours 77 personnes et que l'année prochaine on en
aura 79. Je pourrais poser exactement la même question jusqu'aux
élections...
M. Landry: On en aura peut-être 100 l'année
prochaine.
M. Lincoln: ...mais j'espère que d'ici là les
choses vont peut-être changer. Dans l'article de M. Jacques-Yvan Morin
dans lequel il a fait une espèce de testament politique, sans doute pour
exprimer ses points de vue par rapport aux relations internationales
après avoir quitté le ministère en claquant la porte, il a
dit que, selon lui, l'objectif du Québec est de savoir ce qui se passe
dans le monde et ne pas se contenter de subir les décisions, le
gouvernement fédéral se montrant fort jaloux des renseignements
qu'il cueille et se servant plutôt des conférences internationales
comme autant de prétextes pour envahir graduellement les
compétences provinciales.
Êtes-vous d'accord avec cette justification d'une politique de
présence directe dans le monde? Est-ce la motivation centrale pour les
délégations?
M. Landry: Tout à fait. J'ai lu les articles de mon
collègue, moi aussi, et je les ai trouvés très bien faits.
Je suis d'accord avec ce qu'il a écrit. Il écrit bien, sa
pensée est claire, profondément québécoise et je la
partage.
M. Lincoln: Voyez-vous dans cet article une approche qui indique
une coopération essentielle avec le niveau fédéral tant
qu'on y sera?
M. Landry: Ah oui! Je l'ai dit hier. J'ai répondu à
cela longuement: "law-abiding country".
M. Lincoln: Non, mais il y a plus que le "law-abiding", une
question de coopération. Il y a une coopération négative
et une positive. Croyez-vous que le gouvernement fédéral se
montre jaloux des renseignements qu'il y cueille, se servant plutôt des
conférences internationales comme autant de prétextes pour
envahir graduellement les compétences provinciales? Ne trouvez-vous pas
plutôt que cette déclaration indique la contre-offensive dont on
parlait hier et que je citais de la lettre de M. Michaud, une espèce de
politique de confrontation, de dialogue de sourds, au lieu d'une politique de
coopération avec le niveau fédéral?
M. Landry: Je ne sais pas où était le sourd, parce
que ce n'est pas cela que j'ai dit hier. J'ai dit qu'à Paris...
M. Lincoln: Je n'ai pas dit que vous aviez dit cela. Je vous pose
la question.
M. Landry: Ah bon! Ah bon! J'ai dit qu'en France la situation est
spéciale, c'est un cas d'espèce. Le Québec ne reculera pas
et il me semble que j'ai été extrêmement clair
là-dessus. J'ai aussi dit que, à peu près dans tous les
coins de la planète où nous avons des délégations
et où le Canada est représenté, il y a un niveau variable
de coopération mais, en général, très
intéressant entre les diplomates québécois et les
diplomates canadiens. Et c'est la règle. J'en ai été
témoin moi-même. J'ai visité presque la plupart des postes.
Et j'ai toujours vu un niveau de coopération élevé. Des
fois, il y a des intérêts objectifs. Par exemple, quand l'Ontario
réussit à placer ses De Havilland à décollage
court, les turbines sont québécoises. Alors, je me fais le
promoteur de la vente des De Havilland à décollage court parce
que, à chaque coup, on vend deux turbines du Québec plus les
pièces de rechange pendant 20 ans et le service. Alors, cela
dépend.
M. Lincoln: II a dit aussi que, n'eût été la
modicité des moyens et les obstacles suscités par le gouvernement
fédéral, le Québec aurait débarqué sur tous
les continents. Est-ce que, sans les contraintes financières, vous
pourriez nous dire votre philosophie, où vous seriez présents,
est-ce que vous auriez envahi tous les continents, dans combien de pays? Si,
demain matin, l'argent était là, qu'est-ce que vous voyez comme
votre philosophie d'implantation du Québec à
l'étranger?
M. Landry: D'abord, vous savez que je suis un homme de calcul.
Tant que le Québec sera partie de la fédération canadienne
dans son état juridique actuel, je serais réticent à doter
le Québec d'une diplomatie qui couvrirait tous les pays et tous les
continents étant donné que le contribuable
québécois paie déjà pour toute la diplomatie
canadienne. La diplomatie canadienne joue des rôles auxquels le
Québec n'a nullement accès. Toutes les questions de chancellerie,
de passeport, de visa, vous payez, M. le député de Nelligan, pour
cela et je paie aussi; on ne va pas aller faire payer nos contribuables deux
fois, et ni vous, et ni moi.
Alors dans le contexte constitutionnel présent, s'il n'y avait
pas l'entrave fédérale dans nombre de cas de développement
du réseau de délégations du Québec, nous
continuerions le développement, mais pas pour atteindre le niveau que le
Québec aurait s'il était souverain étant donné que
toutes les questions de chancellerie sont assumées par le gouvernement
du Canada avec nos taxes.
Alors, mon objectif, c'est d'étendre la représentation
québécoise avec les moyens modestes dont nous disposons, sans
créer d'injustice pour nos contribuables et en étant toujours
certains - cela, j'en ai la conviction profonde - que nos
délégations à l'étranger rapportent beaucoup plus
qu'elles nous coûtent. Il y a eu des études de faites
là-dessus. Il y a aussi un très grand nombre de cas, de
témoignages d'entreprises. Tant que les délégations sont
payantes, je veux qu'on les élargisse. Mais je veux qu'on les
élargisse en tenant compte que le Québec n'est pas un pays
souverain et que, par conséquent, il y a plusieurs parties de l'appareil
diplomatique classique dont il n'a pas besoin, parce que ce n'est pas sa
juridiction. Encore une fois, je le déplore mais je l'accepte.
M. Lincoln: Si je ne me trompe, à Abidjan, le
représentant du Québec oeuvre à travers l'ambassade
canadienne, n'est-ce pas?
M. Landry: C'est exact.
M. Lincoln: Et, d'après ce que je comprends de gens qui
ont fait des affaires à Abidjan, qui ont eu affaire au
délégué du Québec à Abidjan, cet arrangement
semble marcher très bien, il y a sûrement une harmonie dans le
travail, il n'y a aucun problème. Les gens qui ont eu affaire au
délégué du Québec ou au représentant du
Québec n'ont eu aucun problème de ce côté. Est-ce
que, par exemple - je sais que cela fait rire, tout cela...
M. Landry: Pas moi, M. le député. M. Lincoln:
Oui.
M. Landry: Je suis votre collègue, je ne ris jamais quand
vous parlez.
M. Lincoln: Oui, je sais. Je sais que le sous-ministre trouve
cela très amusant.
M. Landry: Mais, si vous faites rire les experts,
méfiez-vous.
M. Lincoln: Ah oui! Les experts!
M. Landry: Je suis un profane, c'est peut-être parce que je
n'ai pas compris le sens drôle de vos propos.
M. Lincoln: Si les experts rient, cela ne m'impressionne pas
beaucoup. Ils ne m'impressionnent pas comme experts, sûrement!. S'il faut
qu'ils rient... Ce sont des questions tout à fait légitimes.
Là, il y a quelqu'un qui est à Abidjan, qui travaille à la
délégation canadienne. Est-ce qu'il n'y a pas des endroits, dans
le monde, où on est juxtaposés aux ambassades canadiennes et
où on pourrait se servir du même système pour
économiser et peut-être élargir notre
représentation, économiquement parlant?
M. Landry: Écoutez!
M. Lincoln: Est-ce qu'il ne serait pas temps de commencer
à penser à des solutions où on peut avoir une action
beaucoup plus efficace? Vous parlez de décupler notre action. Qu'est-ce
qui nous empêcherait - vous parlez d'aller peut-être au
Brésil, à Singapour - s'il y a là une ambassade
canadienne, au lieu d'aller ouvrir à côté pour mettre notre
drapeau, de travailler à travers l'ambassade canadienne?
M. Landry: La réponse est non. Si votre formation
politique veut réduire le réseau diplomatique du Québec,
je ne pense pas qu'elle ait jamais le pouvoir avec des idées aussi
absurdes mais, si jamais elle l'avait, elle le fera. Tant que nous serons
là, nous ne ferons pas moins que l'Ontario. Si ce que vous dites est
vrai, est-ce que le gouvernement de M. Bill Davis est un gouvernement si
souverainiste qu'il a décidé d'ouvrir lui-même ses propres
délégations ontariennes? C'est parce qu'il a compris que, dans
l'intérêt de sa population, il y avait des intérêts
spécifiques qui devaient être défendus. Si c'est vrai pour
l'Ontario, c'est dix fois plus vrai encore pour le Québec, à
cause des différences culturelles, des différences politiques, du
désir du Québec de décentraliser depuis que le
Québec est le Québec. Cette salle où nous nous trouvons a
entendu, pendant un siècle, des propos constants où le
Québec voulait de plus en plus d'autonomie, de décentralisation
des pouvoirs. Nous allons continuer dans ce sens, vous pouvez être
absolument certains de cela.
Qu'il y ait des arrangements de commodité, des fois, pour que
cela coûte moins cher aux contribuables, on l'a dans le domaine de
l'immigration, par exemple. On a des officiers d'immigration dans plusieurs
ambassades du Canada. Sauf que, pour ce qui est de l'action spécifique
du Québec en matière économique en particulier, comme
l'AIberta et l'Ontario ont décidé de le faire - ils sont
présents à Hong Kong - le Québec fera la même chose.
Je ne sais quel a été le raisonnement des Albertains, mais nous
agirons pour des raisons analogues, plus des raisons tenant à la
spécificité québécoise.
M. Lincoln: M. le ministre, vous parlez de l'Ontario. Vous
devriez peut-être faire des comparaisons; l'Ontario a des
délégations dans six pays, surtout dans les grandes villes:
Paris, Londres, Bruxelles, Francfort, Tokyo et Hong Kong, je crois.
L'Ontario avait une délégation à Milan. Ils ont
fait un calcul quelconque: ils ont décidé que Milan
n'était pas profitable comme délégation
séparée. Ils l'ont fermée et travaillent à travers
la délégation canadienne. Ils avaient une
délégation au Mexique: ils ont trouvé qu'elle
n'était pas rentable. Ils l'ont fermée. Ils avaient une
délégation au Brésil: ils ont trouvé qu'elle
n'était pas rentable. Ils l'ont fermée. Ici, on a l'air de
prendre pour principe: Si on en a une, on la garde coûte que coûte.
Si on en a une, il faut qu'on en ait deux; si on en a deux, il faut qu'on en
ait trois.
Tout ce que je vous ai dit, c'est qu'il y a sûrement des endroits
où, pour des questions de rentabilité, de coûts, et des
questions pratiques, pragmatiques, on pourrait s'implanter à travers les
délégations canadiennes. En Italie, par exemple, nous avons deux
délégations: nous en avons une à Rome et une à
Milan. Est-ce que c'est la façon la plus efficace de travailler au sein
de l'Italie? Est-ce que nous n'aurions pas pu travailler à travers Rome
et fermer notre délégation à Milan et utiliser notre
argent ailleurs? C'est ce genre de question que je vous pose.
M. Landry: Même le Canada a une ambassade près le
Saint-Siège, près le Quirinal et des consulats dans toutes les
villes importantes de l'Italie. Qu'y a-t-il d'étonnant à ce que
le Québec soit présent à Rome, surtout en raison des
événements des dernières années, où le
Québec, par exemple, a toujours joué un rôle très
grand dans les cérémonies de béatification, canonisation
où de nombreux Québécois et Québécoises sont
allés et ont profité des services qui y sont présents?
À Milan, se trouve concentré l'essentiel de l'activité
économique de la péninsule italienne. Les services y sont
carrément économiques sinon exclusivement; pas exclusivement
parce que le siège officiel du délégué est quand
même à Milan. (16 h 45)
Nous ne sommes pas du tout portés vers ce mouvement de
réduction du Québec sur le plan diplomatique, sauf que, pour des
raisons de conjoncture, si un poste nous apparaît moins
intéressant, on va le comprimer. On avait comprimé Dallas
à une personne et on l'a remonté à trois parce que la
conjoncture était plus favorable. Mais je trahirais la philosophie de
mon gouvernement - et, à mon avis, de tous les gouvernements du
Québec qui nous ont précédé - si je vous disais
que, pour des raisons purement mercantiles, on va réduire le rôle
international du Québec.
Là, je puise aux auteurs les plus orthodoxes, les plus
libéraux. Je pense à Paul Gérin-Lajoie, par exemple,
à Georges Lapalme, pas des péquistes, qui ont compris que le
gouvernement du Québec représente une nation et que cette nation
a besoin, comme de l'oxygène nécessaire pour faire respirer les
êtres vivants, de contacts internationaux qui lui sont propres. Cette
maison, ici, s'appelle l'Assemblée nationale, M. le député
de Nelligan. Vous vous êtes fait élire à l'Assemblée
nationale. J'espère que cela ne vous choque pas. En Ontario, cela
s'appelle la Législature. Et, dans toutes les autres provinces, cela
s'appelle la Législature.
M. Lincoln: M. le Président...
M. Landry: Qui dit Assemblée nationale dit nation, qui dit
nation dit contact avec les autres nations.
M. Lincoln: M. le Président, excusez-moi. Je ne sais pas
s'il y a des questions de règlement. On ne peut pas accepter les
espèces de déclarations pieuses du ministre qui trône
toujours sur son grand siège, qui fait l'important. Je suis
député au même titre que lui. J'ai été
élu par des électeurs au même titre que lui. Je suis
très fier d'être député à l'Assemblée
nationale; je travaille à l'Assemblée nationale. Je suis
très conscient de mes responsabilités comme député
du Québec. Et toutes ces histoires d'Assemblée nationale et sa
"pompeusité", il n'a qu'à garder cela pour lui, aller
trôner en France ou ailleurs, cela ne m'impressionne pas du tout.
Une voix: M. le Président....
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan,
c'est possiblement une opinion que le ministre émettait.
M. Lincoln: Moi aussi, j'émets une opinion.
M. Landry: Certainement que c'est une opinion, M. le
Président.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Alors...
M. Landry: C'est même une conviction.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): ...il faudrait faire attention, M. le
ministre et MM. les députés, pour les fins du journal des
Débats, de ne pas intervenir deux sur la même piste. Alors, vous
vous adressez toujours au président. Le président partage le
temps et partage le droit de parole.
Alors, je demanderais au député de Trois-Rivières
d'intervenir.
M. Vaugeois: D'apporter un peu de sérénité
dans ce débat.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): S'il veut intervenir.
Bilan de nos rapports avec l'étranger
M. Vaugeois: Oui. Ce serait un peu sous forme de questions au
ministre et peut-être, également, pour ajouter aux
préoccupations du député de Nelligan,
préoccupations, pour certains aspects, que je partage. La
rentabilité des délégations, cela me paraît devoir
être une de nos préoccupations. Cela me paraît devoir
être une préoccupation constante des gens qui entourent le
ministre et du ministre lui-même.
Il y a des considérations qui ne sont pas faciles à
expliquer et je vais donner un exemple dont je me souviens. J'aimerais que le
ministre me dise si, récemment, il y a eu des exemples semblables ou si
cela évoque quelque chose chez lui. Nous venions de rouvrir la
délégation générale du Québec à
Bruxelles. Nous venions de rouvrir parce que nous avions déjà eu
une délégation, avant la dernière guerre, qui avait
été fermée pendant la guerre et qui avait rouvert
après la guerre, pour finalement fermer. Donc, dans le cours de
l'histoire du Québec, il y a
eu ce jeu d'ouverture et de fermeture. Donc, on ouvrait une nouvelle
délégation générale à Bruxelles et les gens,
très motivés, s'étaient mis au travail. Ils avaient
identifié une entreprise dans le domaine du verre, qui était
intéressée à investir en Amérique. Finalement, nos
fonctionnaires avaient persuadé cette entreprise de s'intéresser
à un site le long du Saint-Laurent, précisément à
Bécancour, qui est un site industriel qui avait été
destiné à devenir un site sidérurgique et, finalement, qui
s'était recyclé en parc industriel provincial. Et l'entreprise en
question a été séduite par le lieu, par les conditions
faites par le gouvernement du Québec et tout. Mais, rapidement, on a
fait savoir que le gouvernement fédéral avait, également,
ses attraits et que celui-ci pouvait contribuer aux investissements
d'implantation.
Alors, on a mis en contact cette entreprise avec des fonctionnaires
fédéraux. Les fonctionnaires fédéraux ont dit: Nous
voulons bien vous aider à vous implanter au Canada, mais notre
responsabilité, c'est de vous faire visiter le Canada, on va vous amener
ailleurs. Là, on a commencé à promener les
représentants de l'entreprise un peu partout au Canada, en faisant
valoir les mérites d'autres sites. À ce point, d'ailleurs, qu'on
les avait entraînés ailleurs qu'à Bécancour.
Là, vous devinez ce qui est arrivé. C'est que les fonctionnaires
québécois se sont inquiétés de la chose, les
ministres s'en sont mêlés - des ministres libéraux à
l'époque - et je me souviens que c'est M. Jean Marchand, ministre
fédéral, qui avait usé de son poids et de son
autorité pour dire aux fonctionnaires fédéraux - il
était, je crois, ministre de l'Expansion économique
régionale à l'époque: Écoutez, laissez aller cette
entreprise où elle avait décidé d'aller et ne faites pas
de chantage avec les subventions que vous ajoutez. Je donne cet exemple. Cela
nous frappait. Cela arrivait souvent. Si l'entreprise avait été
identifiée, au départ, par des fonctionnaires d'une ambassade
canadienne, je pense qu'il faut le dire, il n'y avait pas d'enthousiasme
particulier à essayer d'entraîner cette entreprise au
Québec; on se faisait un devoir de la promener dans tout le Canada.
Souvent, ces fonctionnaires fédéraux, qui viennent de partout
dans le Canada, ont des raisons personnelles, émotives et autres
d'insister pour qu'on aille voir, comme il faut, dans un coin ou tel autre.
Nos fonctionnaires, sans partisanerie politique, travaillent toujours
pour le Québec. Ça ne rate pas. Ils travaillent pour le
Québec et leurs arguments sont en fonction du Québec.
J'avais, un jour, questionné un homme d'affaires d'origine juive
qui brasse des affaires dans une petite ville du Québec et qui avait
accepté de venir dans une de nos foires aux États-Unis. On
ouvrait, à ce moment-là, plusieurs bureaux aux États-Unis
nous sommes toujours sous un gouvernement libéral, entre 1970 et 1976.
On voulait être certains que cela valait quelque chose. J'aime bien les
gens de la communauté juive, j'ai beaucoup de relations avec eux et
j'avais demandé à cet homme d'affaires juif, d'une petite ville
du Québec: Est-ce que vous venez avec nous? Est-ce que, dans quinze
jours, vous iriez à une foire organisée par le consulat canadien?
Et ainsi de suite. Il m'a dit: Non, je n'y vais plus avec le consulat canadien
parce qu'ils me mettent en compétition avec des gens qui fabriquent mon
produit partout au Canada. Quand je réussis à dénicher une
commande, avant de mettre solidement la main dessus, je me rends compte qu'il y
a des fonctionnaires qui disent: Ça, c'est fait au Canada, c'est produit
à tel endroit, la qualité est telle, et ainsi de suite. Quand je
vais dans un événement organisé par le Québec, je
suis assuré d'être en compétition avec des entreprises
québécoises, point.
Je pourrais, comme cela, évoquer un certain nombre d'exemples
qui, j'en conviens, ont un certain âge. Je douterais que le gouvernement
fédéral, par ses services à l'étranger, ait pu
corriger des choses qui sont un peu dans la nature des choses. Je n'attribue
pas de mauvaise foi, je constate que c'est lié à la nature des
services qu'ils offrent. Leurs services sont faits pour l'ensemble du Canada et
ils ont la responsabilité de promener l'entreprise un peu partout au
Canada.
Historiquement, il y a des cas où nous savons - ce fut
peut-être le cas de Michelin et d'autres - que la pression était
très forte pour lier les subventions fédérales à
une implantation dans certains coins du pays. Quoi qu'il en soit, cette
évaluation aura toujours été faite. J'espère
qu'elle continue à être faite. Le ministre me signale d'ailleurs
que ça peut amener des effectifs, à la hausse ou à la
baisse.
Je terminerai cette intervention à laquelle je voudrais voir
réagir le ministre en disant une chose; quand j'étais dans ce
ministère, nous avions constaté qu'il suffisait d'un bon dossier
en cinq ans pour finalement régler la note pour bien des années.
C'est assez extraordinaire. On a pris beaucoup de temps pour faire la
démonstration des résultats obtenus dans nos
délégations à l'étranger. Je ne sais pourquoi,
d'ailleurs. Peut-être, à certains moments, l'action avait plus
d'apparat. Il reste que, à partir du moment où on l'a
calculé, on a commencé à suivre un dossier et à
voir la différence que la délégation avait faite sur le
dossier, on s'est rendu compte qu'on payait, bien des fois, les effectifs de
cette délégation, parce qu'on a toujours exagéré,
au fond, le coût des services à l'étranger. Les coûts
sont
relativement peu élevés et je trouve qu'on remet en
question avec beaucoup plus d'insistance le coût de ces services à
l'étranger que ceux que nous avons à Québec. À mon
avis, si on devait pratiquer des économies, c'est peut-être plus
à Québec qu'à l'étranger qu'on devrait les
pratiquer. Je ne vise pas nécessairement le ministère qui est
devant nous. Je trouve qu'à Québec il y a toujours eu beaucoup de
personnes, dans les mêmes ministères, pour s'occuper des
mêmes dossiers. À l'étranger, les gens sont beaucoup moins
bien équipés, plus démunis et un de leurs
problèmes, d'ailleurs, c'est d'avoir bien des interlocuteurs à
Québec. Il n'y a pas grand monde qui prend des décisions.
Étant donné la démarche indépendantiste ou
souverainiste du gouvernement actuel et le point de vue de nos adversaires
politiques en ces matières, je comprends qu'il y ait toujours une forme
d'agacement à voir la représentation québécoise
à l'étranger, le drapeau, etc. On sait très bien que la
souveraineté d'un pays passe par la reconnaissance à
l'étranger, sur le plan international.
Au fond, on mêle un peu les cartes en considérant des
actions d'échange, des activités commerciales extérieures
en les associant à des démarches plus politiques qu'elles ne le
sont. Il me semble qu'il faille apprendre à mettre ça de
côté et aller dans le sens que suggère M. le
député de Nelligan, c'est-à-dire, procéder à
des évaluations rigoureuses de nos délégations et accepter
les faits pour ce qu'ils valent. Nous devons reconnaître les
mérites d'une délégation ou d'un bureau à
l'étranger. Si l'Ontario en ferme quelques-uns, vous me permettrez de
dire, parce que je -le pense, que l'Ontario est mieux servi que nous par les
services canadiens à l'étranger. C'est une réalité,
à mon avis, que tous les gouvernements sont obligés d'admettre.
J'ai travaillé avec votre chef parlementaire de l'Opposition et nous
avions, ensemble, souvent à constater qu'il y avait des affinités
naturelles, sinon des complicités, qui jouaient entre certains
fonctionnaires du gouvernement ontarien et certains fonctionnaires
fédéraux: les mêmes grandes familles, les mêmes
écoles, l'origine, les mêmes liens, les mêmes connaissances,
les mêmes points de référence, ainsi de suite. Ces
choses-là sont connues. C'est un avantage dont nous ne profitons pas
vraiment quand nous sommes servis par des services canadiens. Nous sommes un
peu obligés de nous occuper de nos affaires à l'étranger.
Je regrette que cela ait des connotations politiques alors que ce devrait
être évalué sur une base de rendement économique en
particulier.
Je terminerai en disant autre chose. Le développement du
Québec, au cours des dernières années, doit beaucoup
à l'étranger. Indépendamment des dossiers strictement
économiques, si on faisait l'évaluation des grandes
réformes du gouvernement du Québec, depuis 20 ans par exemple, il
n'y en a pas beaucoup qui ne s'inspirent pas d'une expérience
étrangère. Il n'y a pas, aujourd'hui, de pays qui se
développe sans échange, il n'y a pas de groupes qui se
développent sans échange, il n'y a pas de régions, il n'y
a pas de villes qui renoncent aux échanges. Que l'on prenne les grandes
réformes de l'État québécois, qu'on prenne la
caisse de dépôt, les grandes structures comme SOQUIP, etc., qu'on
a mises en place, toutes ces expériences québécoises
avaient, à un moment donné, une évaluation qui
s'était faite en fonction d'une expérience
étrangère. Nos délégations ont contribué
à ouvrir les frontières, à aérer. Ce que nos amis
d'en face souhaitent souvent, c'est qu'on ne se replie pas sur nous-mêmes
mais qu'on s'ouvre. Je pense que les délégations du Québec
sont une façon de s'ouvrir et de ne pas se replier sur nous-mêmes,
d'organiser nos échanges, de dire ce que l'on fait de bon de temps en
temps et de se faire dire que ce que l'on croyait faire de bien bon n'est pas
si bon que ça, ou que d'autres ailleurs sont en avance, de se
dépêcher, de. rattraper le retard dans certains domaines, de faire
profiter les autres de nos avances dans certains domaines, etc. Les
échanges sont fondamentaux et l'aération que constitue, pour les
Québécois, l'existence d'un réseau à
l'étranger, on l'a vu, c'est une chose absolument fondamentale. Et il y
a un regret - je termine - il y a un regret, c'est que ce soit perçu de
façon parfois partisane, ou lié à nos objectifs propres de
partis politiques. Ce qu'on ne devrait jamais perdre de vue, c'est que les
beaux moments des relations internationales sont souvent ceux où nous
n'étions pas au pouvoir. Il faut bien le dire, il y a eu de beaux grands
moments dans les années 1960 à 1966, de beaux moments dans les
années 1966 à 1970 et de très beaux moments de 1970
à 1976. Le gouvernement actuel, sur ce plan, a été dans la
lignée des prédécesseurs et, si sa performance, je me
permets de le dire, n'est pas meilleure que celle que nous constatons, c'est
que cette fois-ci, le gouvernement a été surveillé comme
aucun autre ne l'avait été précédemment à
cause des doubles intentions qu'on peut lui prêter à chaque fois
qu'il pose un geste à l'étranger. Cela, je pense que, si nous
l'avons senti dans l'action à l'étranger, on peut se dire qu'au
niveau des dossiers il n'y avait pas d'enthousiasme particulier à aider
le Québec ces dernières années, parce que ce Québec
était entre les mains d'un gouvernement dont on se méfiait, un
gouvernement qui a des objectifs que l'on n'aime pas. Je me doute bien que
l'action de nos bureaux à l'étranger ces dernières
années
était encore plus nécessaire que jamais auparavant.
Je voudrais vous inviter, M. le ministre, à nous dire si,
récemment, il y a eu d'autres cas comme le cas Glaverbel que
j'évoquais tout à l'heure. Je vous laisse réagir
là-dessus, si le coeur vous en dit. J'ai terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre. (17 heures)
M. Landry: Je suis d'accord avec l'exposé du
député de Trois-Rivières presque mot à mot.
J'aurais peut-être mis l'éclairage sur autre chose parce que mes
expériences sont différentes. Mais le député de
Trois-Rivières a quand même l'avantage d'avoir servi sous
plusieurs gouvernements dans l'équipe internationale du Québec.
Il peut faire des comparaisons et il peut aussi témoigner du continuum
de tous les gouvernements québécois dans l'élargissement
et l'intensification des relations internationales.
Est-ce qu'il y a eu des cas Glaverbel? Oui, il y a eu des cas Glaverbel
qui ne se sont pas faits dans le secret; ils se sont faits au grand jour. Le
secrétaire d'État du Canada, M. Joyal, est allé
déblatérer contre le Québec à New York en disant
qu'il avait voulu payer les Allemands pour qu'ils viennent investir au
Québec et que les Allemands étaient allés investir en
Ontario. Cela montre bien, il me semble, la nécessité d'une
diplomatie québécoise pour servir les intérêts du
Québec puisqu'un ministre fédéral, payé par nos
taxes, plus que ne l'est le premier ministre du Québec - le salaire d'un
ministre fédéral, c'est quelque chose à voir - avec nos
taxes va tirer dans le dos de notre économie en allant dire à
l'étranger: N'allez pas au Québec. Il y a eu un editorial
extraordinaire de M. Jean-Louis Roy, directeur du Devoir, qui avait vertement
remis M. Joyal à sa place. Quand on fait de l'action internationale,
quand on fait des prospections d'investissements à l'étranger, ce
n'est pas pour que des porte-parole autorisés de la puissance du Canada,
pays dont nous faisons partie, nous tirent dans le dos.
M. Lumley a tenu des propos analogues en disant, par exemple, que la
question linguistique nuit au développement économique du
Québec. Je voudrais qu'on m'explique d'abord comment il se fait qu'en
plein contexte de loi 101 qui arrive à sa maturité, nos
investissements industriels augmentent de 35% et ceux du Canada baissent de 2%
en 1984. Ce serait à démontrer. Mais ce n'est pas le propos. Le
propos, c'est que des porte-parole autorisés du gouvernement du Canada
vont dire à l'étranger des choses négatives à
l'endroit du Québec. Donc, il faut qu'on compense par notre action
diplomatique, par nos propres déclarations, par de l'information, par
des faits, par des gestes. Tel est le destin du Québec, de faire
cela.
Du temps de M. Bourassa, c'était autre chose: c'était le
rapport Fantus, c'était ceci, c'était cela et pas au
Québec, c'est la dernière place où il faut aller alors
qu'il n'y a rien de vrai là-dedans. Le taux de chômage en Colombie
britannique est de 20% et ce n'est pas parce qu'elle a la loi 101 ou parce que
les gens parlent le gaélique. Ils chôment en anglais, à
20%. Ce sont des ajustements que les gouvernements du Québec ont
toujours dû faire. C'est pour cela qu'on a été
obligé de se donner des instruments et des moyens pour faire cela. Cela
ne veut pas dire - et je ne pense pas que ce soit la pensée du
député de Trois-Rivières - que toute la machine
diplomatique du Canada travaille à temps plein contre le Québec.
Ce n'est pas cela qu'on a en tête, pas une sacrée miette. Cela
procède surtout d'une connaissance moindre que ces gens ont des dossiers
québécois, d'un enthousiasme moindre qui est dans la nature des
choses. À contrario, plusieurs diplomates canadiens d'origine
québécoise font des pieds et des mains pour servir le
Québec. Ce serait faire l'autruche que de le nier. Mais ils ne vont pas
servir, évidemment, les intérêts institutionnels du
gouvernement du Québec, à moins d'être à six mois de
la retraite, parce qu'ils vont être rappelés, comme on dit dans le
jargon, "right and left". Le portrait idéal de l'ambassadeur du Canada
de ce point de vue, du point de vue des intérêts du Québec,
ce serait une personne née au Québec, formée au
Québec, connaissant l'économie du Québec et étant
à deux mois de la retraite, parce que là, elle pourrait se
permettre d'y aller et de faire...
M. Vaugeois: Le premier ministre seul avec le pape.
M. Landry: Dans ma position, je ne peux pas faire les allusions
que le député de Trois-Rivières vient de faire. Et, aussi,
on a évoqué souvent le contexte de collaboration avec le ministre
d'État au Commerce international du Canada. C'est vrai. J'ai
été obligé de me servir de lui quelquefois et des
relations que nous avons - il ne se gêne pas pour faire l'inverse,
d'ailleurs - pour compenser l'action intempestive de technocrates
fédéraux qui posaient des gestes nuisibles à notre
commerce et nuisibles à nos ventes. Je donne un exemple. J'avais
développé des liens particuliers avec un ministre d'un pays X que
j'avais invité à venir au Québec, voulant profiter de
cette occasion pour reconnaître dans un protocole une coopération
que nous avions dessinée. Le gouvernement du Canada a dit: Non, ce neserait pas souhaitable que vous veniez au Québec. Il faut venir au
Canada et visiter
telle ou telle ville de l'Ouest et aussi, évidemment, aller voir
M. Landry à Québec. Sauf que mon collègue étranger
disposait de 24 heures. Il était à Washington et il était
prêt à faire le saut de Washington à Montréal pour
qu'on discute de nos affaires, des affaires extrêmement importantes, des
ventes québécoises importantes dans son pays. Mais, dans 24
heures, il ne peut pas se taper Winnipeg, Vancouver, Ottawa et Montréal.
Donc, je n'ai pas vu le collègue en question et nul ne pourra jamais
dire si nous aurions conclu des ententes ou pas.
J'ai évidemment prévenu M. Regan, ministre d'État
au Commerce international du Canada, qui m'a dit que les fonctionnaires
fédéraux avaient mal agi, qu'ils avaient mal
interprété les directives, qu'ils n'étaient pas là
pour nuire au commerce international du Québec; mais, en pratique, c'est
ce qu'ils ont fait.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Est-ce que le ministre pourrait prendre note de deux
questions au sujet de montants qui sont sortis du fonds de suppléance
1983-1984? Il s'agit du CT no 144358, projet CPU Bénin pour 284 000
$...
M. Landry: Projet CPU Bénin, 284 000 $.
M. Lincoln: Oui. La date est le 9 mai 1983.
M. Landry: Oui.
M. Lincoln: II y a aussi le CT no 10147887 du 13 décembre
1983, projet spécial, Commémoration de la venue de Jacques
Cartier en Amérique pour 207 180 $. Si on pouvait avoir les
renseignements plus tard à ce sujet.
M. Landry: Je pense qu'on pourrait vous les donner tout de suite,
M. le député, au moins pour la question du Bénin. CPU,
cela veut dire d'abord Collège polytechnique universitaire au
Bénin. C'est un projet que nous menons conjointement avec l'Agence
canadienne de développement international, l'ACDI. Cet argent est pris
à même le fonds de suppléance parce que cet argent
reviendra. C'est une avance, cet argent reviendra même à 120% dans
les coffres du gouvernement. Ce n'est donc pas une vraie dépense.
On est plus ou moins contractuel avec l'ACDI avec cela.
Quant à l'autre CT... Étiez-vous ici quand mon
collègue, M. Chevrette, est venu défendre les crédits de
l'OFQJ?
M. Lincoln: Non, je suis arrivé en retard.
M. Landry: M. Chevrette a parlé de cela. Il y a un projet
qui s'appelle Cap sur l'avenir, un projet de coopération
franco-québécoise où un navire, le Jean-Mermoz, sera
utilisé pour faire voyager dans les deux sens des
Québécois et des Français. Ce CT s'applique à
l'opération Cap sur l'avenir, Mermoz. Il s'agit de l'office
franco-québécois, c'était dans l'autre partie des
crédits.
M. Lincoln: C'est-à-dire que ce n'était pas
prévu dans le budget; c'est pourquoi cela va au fonds de
suppléance en tant que subvention directe.
M. Landry: C'est un budget spécial pour toute
l'opération 1534.
M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu passer à la
coopération économique, scientifique et technique, le
volet...
M. Landry: Oui, comme vous voulez.
M. Lincoln: Si on va à la page 23. Le programme soutien et
développement économique, le programme transport, les dossiers en
câblodistribution et microinformatique, la biotechnologie, la recherche
industrielle et l'innovation technologique. Est-ce qu'on pourrait avoir les
détails là-dessus?
M. Landry: Oui.
M. Lincoln: II y a sûrement des états de rapports de
firmes impliquées, les montants, etc. Est-ce qu'on pourrait avoir
quelque chose de plus détaillé là-dessus?
M. Landry: Ce sont des travaux qui sont faits dans le cadre de la
Commission permanente de la coopération franco-québécoise.
On me dit qu'on n'a pas les détails avec nous ici, mais ces
détails existent. Ce sont des noms de firmes et des missions. On va vous
les faire parvenir, si vous le voulez, avec le plus grand degré de
ventilation possible.
M. Lincoln: Merci. Concernant le volet des investissements, les
investissements français, on parle de Pechiney à la
première ligne. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu des
investissements faits par les firmes québécoises et par le
Québec en France? C'est un programme mutuel d'investissements dans les
deux pays. On parle de l'exploration de projets conjoints. Est-ce qu'en retour,
pour les investissements français au Québec, la mutualité
s'exerce? Est-ce qu'il y a, de la part du Québec, l'implantation de
firmes industrielles québécoises en France?
M. Landry: Oui.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner...
M. Landry: II y a un début de mutualité, mais qui
doit être gardé en proportion. Le PNB français est à
peu près dix fois le PNB québécois.
M. Lincoln: Oui.
M. Landry: II est bien entendu que les investissements
québécois en France sont toujours beaucoup plus modestes,
globalement, que l'inverse, mais, effectivement, il y a des investisseurs
québécois, soit dans des investissements croisés ou des
opérations uniques. Vous savez que Power Corporation, par exemple, a une
grande participation dans Paribas. Vous savez que des compagnies d'assurances
québécoises ont acquis des compagnies d'assurances
françaises et les ont développées. On peut dire que c'est
un mouvement bilatéral, avec la réserve que le volume du
Québec vers la France est beaucoup plus petit.
M. Lincoln: Je parlais surtout des implantations industrielles,
de la dissémination de la technologie là-bas, etc. Je
réalise que les investissements dans le secteur financier, dans le
secteur bancaire, existent; nos grandes banques... Je parlais surtout du
secteur industriel, du secteur technologique. Est-ce qu'il y a un mouvement
quelconque? Est-ce qu'on peut avoir des détails sur le genre
d'implantation qui se fait? Quel genre d'apport donne-t-on à ces firmes
pour investir en France? Est-ce qu'il y a eu des percées
d'investissements québécois dans ce domaine?
M. Landry: Oui. On pourrait vous fournir des listes. J'ai ici la
liste par sujets, mais ce serait plus intéressant si vous aviez la liste
par firmes, et nous l'avons, mais nous ne l'avons pas présentement. Je
pense en particulier à une chose qui va être inaugurée dans
les semaines qui viennent. On m'avait même invité à le
faire et je ne le pourrai pas. C'est dans le département des
Alpes-Maritimes, quelque part dans ce coin-là, où une technologie
de construction de maisons importée du Québec est utilisée
pour édifier, je crois, un village de vacances. C'est un exemple.
M. Lincoln: Alors, il existe un inventaire de projets conjoints
Québec-France.
M. Landry: Oui.
M. Lincoln: Cela couvre tous les domaines, scientifique,
technique, écono- mique.
M. Landry: On a le détail de toutes les missions. On a des
rapports de ces missions. On sait exactement de quoi il s'agit et on pourrait
vous en faire parvenir des listes.
M. Lincoln: Est-ce que vous pensez à établir des
projets conjoints similaires avec d'autres pays européens ou autres?
M. Landry: On en a déjà.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous dire, par exemple, dans
quels pays le même genre de projets conjoints sont établis,
où il y a un éventail de firmes qui s'établissent et qui
ont des relations sur une base de plans conjoints, d'investissement mutuel?
M. Landry: Pour rester en Europe de l'Ouest, on a des groupes de
travail analogues, quoique moins importants, avec les deux communautés
belges: les Wallons et les Flamands. On a un flot de coopération non
négligeable avec des entreprises de la République
fédérale d'Allemagne. Par exemple, la présence des
frères Kunz dans la vallée de la Matapédia; un
investissement extraordinaire dans les panneaux. L'usine est en production et
déjà les frères Kunz que j'ai rencontrés lors de
mon dernier voyage en Allemagne pensent à une expansion de l'usine en
question. Il y a aussi de nombreux investissements italiens au Québec,
comme vous le savez. Il y a de nombreux investissements britanniques; on en
faisait encore l'inventaire récemment avec l'ambassadeur qui quitte le
Canada, Lord Moran et M. Elam, le Consul général de
Grande-Bretagne à Montréal. Cette coopération n'est
aucunement exclusive avec la République française. Elle a un
volume plus grand pour des raisons historiques, oui, mais déjà
nous avons reproduit le même modèle avec d'autres États et
nous avons l'intention de l'élargir, dans toute la mesure du possible,
avec les pays développés et les pays en voie de
développement. (17 h 15)
M. Lincoln: S'il y a des chiffres, des rapports, des listes de
firmes disponibles, est-ce que ce serait possible de les avoir pour les pays
autres que la France aussi?
M. Landry: Oui, très certainement. Je vous ferai remarquer
aussi qu'à l'étude des crédits du Commerce
extérieur où vous serez présent on sera en mesure de vous
donner beaucoup d'information. J'ai déposé cela au Commerce
extérieur plutôt qu'aux Relations internationales, mais il y en a
aux deux ministères.
M. Lincoln: Par exemple, est-ce que
vous avez des programmes, des échanges avec les organismes
gouvernementaux ou paragouvernementaux du Québec dans le secteur
économique? Par exemple, la SDI et son vis-à-vis français,
les caisses de dépôt; est-ce que cela existe, des programmes dans
ce secteur?
M. Landry: Oui, de tels programmes existent. Le CRIQ aussi a des
ententes avec l'ANVAR, la Caisse de dépôt et placement, que vous
avez mentionnée, commence à avoir des contacts avec son
vis-à-vis français qui est la Caisse de dépôt et de
consignation, qui a servi de modèle, d'ailleurs, à la naissance
de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Une
constituante de l'Université du Québec, l'Institut
Armand-Frappier de la ville de Laval, a des contacts suivis avec l'Institut
Pasteur depuis 50 ans, avec l'Institut Mérieux. Il y a beaucoup de
coopération institutionnelle.
M. Lincoln: Dans les projets conjoints, l'inventaire que vous
allez nous soumettre indiquera des montants de contribution respective dans ces
projets, du Québec à la France et vice versa.
M. Landry: Oui, c'est la ventilation de l'enveloppe globale de
coopération. C'est sûrement possible de le faire.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan, on
va permettre quelques questions au député de Lac-Saint-Jean et on
revient ou si...
M. Brassard: C'est sur un autre sujet pour moi. Il peut finir sur
ce sujet et j'aurai un autre sujet.
M. Lincoln: Sur ce sujet, oui. D'accord. On parle, dans
l'évolution de la coopération économique avec la France,
du besoin ressenti par la France et le Québec de développer
encore des projets de copar-ticipation des pays du tiers monde. Pouvez-vous
indiquer les secteurs et les pays qui sont prioritaires dans ce projet de
coparticipation? Est-ce qu'il y a déjà des projets qui ont
été développés en ce sens?
M. Landry: Parlez-vous uniquement du monde économique?
M. Lincoln: Oui, c'est la coopération économique.
Cela fait partie de la...
M. Landry: Le secteur géographique où on travaille
le plus dans ce domaine, c'est en Afrique, coopération conjointe en pays
tiers, et cela vise surtout, pour l'instant, les produits éducatifs.
C'est normal que, dans les pays en voie de développement, nos efforts de
coopération soient axés sur les priorités de ces pays et,
pour la plupart d'entre eux, ces priorités sont
éducationnelles.
M. Lincoln: Est-ce qu'il y a des projets qui sont en cours?
Est-ce qu'il y a des projets de développés dans certains pays qui
sont en cours maintenant? À quel stade?
M. Landry: M. le député, je vais devoir retenir
certaines informations parce que les fonctionnaires me font valoir à bon
droit que nous sommes en concurrence avec beaucoup d'autres pays et ces projets
sont en voie de discussion et d'élaboration et il ne serait pas dans
l'intérêt public de les publier maintenant. On vous le dira quand
on aura obtenu les contrats.
M. Lincoln: II n'y a pas de projets où on a obtenu
déjà des contrats?
M. Landry: Dans les pays tiers, non. On parle toujours de
coopération en pays tiers. Il n'y a pas de contrat
franco-québécois d'obtenu. Des contrats québécois,
il y en a en masse, vous le savez. Notre coopération en pays tiers est
à l'état de projet et il ne serait pas sage de vous communiquer
ces projets. On le fera avec joie, vous pensez bien, dès que ce sera
réalisé.
M. Lincoln: Dans votre cahier, on parle aussi de projets de
coopération économique avec la France qui concernent les besoins
d'accès en français aux outils de progrès; est-ce que vous
pouvez nous dire quel marché on vise dans le cadre de ces projets?
Quelle est actuellement la situation de ces projets des besoins d'accès
en français aux outils de progrès? Quels secteurs vise-t-on?
Est-ce très général ou spécifique? Est-ce qu'il y a
des secteurs prioritaires? Lesquels?
M. Landry: C'est surtout le matériel informatique
"software", c'est-à-dire, les logiciels qui sont disponibles en langue
française. Ce sont également les banques de terminologie.
L'université de Montréal, en particulier, en a une très
importante. L'Office de la langue française a de nombreux contacts avec
plusieurs pays pour le développement de la langue française dans
ces mêmes pays, sur le plan de la terminologie.
M. Lincoln: Est-ce que la France nous donne autant d'accès
à ses marchés, du point de vue de l'accès au marché
que nous donnons aux produits français au Québec? Ou bien, est-ce
le problème éternel du protectionnisme de l'Élysée
qui se passe et nos produits n'y ont pas accès?
M. Landry: Non, on peut dire que, pour les produits
spécifiques qui tiennent de la culture commune, la culture
française, on a
un large accès au marché français. Il y a des
petits contentieux, évidemment. Les Français sont de redoutables
négociateurs. Nous aussi, d'ailleurs. Mais, notre marché est de 6
500 000 habitants.
Hier, j'ai évoqué, je pense, à une autre
séance le quasi-envahissement des produits culturels
québécois actuellement sur le marché français. J'ai
déjeuné ce matin avec un collègue français qui m'a
nommé une demi-douzaine de vedettes québécoises
travaillant dans le marché français qu'il connaît
très bien. Ce ne sont plus les exemples isolés des grands
ancêtres. Il y a eu Félix Leclerc, oui. Mais à
l'époque, il y avait lui et il y a eu Raymond Lévesque un peu
après mais, présentement, ce sont six par semaine.
Hier soir, Jean Lapointe - vous avez peut-être vu les
rapports de presse - a eu un triomphe dans un music-hall français. Je
pense que c'était à Bobino. Ce n'est plus un
phénomène exceptionnel que la pénétration massive
du marché francophone de France par des créateurs
québécois.
M. Lincoln: Je vais passer la parole à mon collègue
de Lac-Saint-Jean.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Sur un autre sujet, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Participation du Québec à des organismes
internationaux
M. Brassard: Ma question porterait sur la participation du
Québec aux organismes internationaux. Entre autres, à la page 65,
on mentionne que le Québec a participé aux conférences
générales de l'Organisation mondiale de la santé, d'une
part, et de l'Organisation panaméricaine de la santé. On parle
aussi un peu plus loin, d'ailleurs, de la participation du Québec
à l'UNESCO et aux diverses conférences organisées sous
l'égide de l'UNESCO.
Il est mentionné en guise d'intention, en quelque sorte, que, par
exemple, votre ministère veut élargir - et je cite - la
participation du Québec à chacune de ces conférences
générales, en faisant accepter par Ottawa le principe de son
droit à définir lui-même l'ampleur raisonnable de sa
présence en fonction des thèmes discutés et de ses
besoins.
On dit sensiblement la même chose, peut-être en d'autres
termes, à propos de l'UNESCO. Là aussi, on veut élargir la
présence du Québec pour pouvoir mieux couvrir les multiples
comités siégeant au cours de cette conférence, etc. On
mentionne même également, toujours à la page 65, que
d'autres organisations internationales ont été identifiées
comme présentant un intérêt certain pour le Québec
et que le ministère tentera d'établir, pour ces organisations,
l'impact d'une présence québécoise.
J'aurais une question à deux volets. D'abord, est-ce qu'il y a
des discussions qui ont été amorcées avec le gouvernement
fédéral dans le but d'élargir la participation du
Québec à ces diverses organisations internationales? Quel est
l'état de ces négociations? Quelle est l'attitude du gouvernement
fédéral face à cela? Est-ce la même que celle que
vous avez décrite hier, lors de vos remarques préliminaires?
Deuxièmement, quand vous parlez d'autres organisations
internationales identifiées où vous souhaiteriez voir le
Québec y participer, y assurer une présence, de quelles
organisations s'agit-il?
M. Landry: Je réponds de façon
générale à la question que ce que nous recherchons, c'est
de donner à nos juridictions et nos souverainetés internes leur
pleine extension internationale. L'Organisation mondiale de la santé,
cela va de soi: la santé, les affaires sociales sont de juridiction
québécoise. Même chose pour l'Organisation
panaméricaine de la santé; même chose pour l'essentiel de
tout ce qui touche au droit du travail, donc, Bureau international du travail,
etc. La position fédérale en ce domaine est constante; elle
comporte un haut niveau de jalousie. Ces gens disent: Juridiction interne ou
non, nous avons la juridiction internationale et cela nous donne le droit de
parler au nom de tout le Canada dans toutes ces instances internationales.
On me demande s'il y a des négociations. Les fonctionnaires me
disent qu'il y a des négociations, des demandes perpétuelles avec
le gouvernement du Canada, qui ne datent d'ailleurs pas de 1976, mais bien
avant...
M. Brassard: Mais qui n'aboutissent pas.
M. Landry: ...avec des fortunes diverses. Parfois, on a des
Québécois membres de la délégation canadienne;
parfois, on a des observateurs; parfois, on participe directement. Tout cela se
fait dans un contexte de marchandage au compte-gouttes. Le gouvernement du
Canada ne reconnaît pas la réalité juridique et factuelle
que le meilleur interlocuteur, par exemple, à l'Organisation mondiale de
la santé est le ministre de la santé du Québec parce qu'il
a un vrai ministère de la santé, il a des hôpitaux, des
dispensaires, des CLSC et c'est lui qui connaît cela et ce sont ses
fonctionnaires qui connaissent cela. Il aime mieux faire des grands chapeaux de
délégation canadienne où des fonctionnaires
fédéraux qui ne connaissent pas la question, parce qu'ils n'ont
pas la juridiction sur ces matières, vont affirmer la
souveraineté
exclusive et jalouse du Canada en matière internationale.
On essaie de se faufiler dans ce barrage tatillon établi par le
ministère des Affaires étrangères du Canada. Les
gouvernements qui nous ont précédés faisaient la
même chose et, encore une fois, avec des fortunes diverses. On vous
rapporte le bilan de ce qu'on a pu faire. Est-ce qu'il y a d'autres
organisations dont on voudrait faire partie? Il y en a une qui nous
apparaît prépondérante, c'est l'OCDE où sont
évoquées toutes les grandes questions de politique
économique. Il y a un appareil statistique comparatif extraordinaire qui
tient compte du particularisme québécois; les statistiques de
l'OCDE souvent font des ventilations parce qu'elle a bien compris que
l'éducation est de juridiction québécoise. Il faut des
statistiques ventilées pour le Québec si on veut tenir compte des
cégeps qui sont un modèle qui est envié et même
copié dans le monde.
M. Brassard: Avez-vous entamé des discussions avec Ottawa
à ce sujet, au sujet de l'OCDE?
M. Landry: On a beaucoup de difficultés à
accéder à quelque forum économique que ce soit. Le
gouvernement du Canada, jalousement...
M. Brassard: Si je comprends bien, le gouvernement
fédéral se refuse à une présence permanente et
stable du Québec au sein d'organisations internationales, même
quand celui-ci est concerné directement puisque cela touche à ses
propres juridictions internes. Il préfère faire du cas par cas.
C'est comme cela qu'il procède.
M. Landry: Oui, remarquez qu'on ne demande pas le statut d'un
pays souverain dans toutes ces matières. On demande la projection
externe de nos souverainetés internes tout simplement, quitte à
être inclus dans une délégation canadienne. Même cela
nous est refusé dans la plupart des cas. Il me semble qu'il serait
simple, avec un peu de bonne foi, que le gouvernement du Canada se
présente devant une organisation internationale et dise: Dans notre
pays, la santé relève des provinces. Le Québec et une ou
deux autres provinces ont manifesté l'intérêt d'être
membres de ce forum. Voici le ministre de la santé du Québec.
C'est lui qui connaît le dossier et laissez-le faire son travail, mais
malheureusement, on n'est pas arrivé à ce statut, sauf exception.
(17 h 30)
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Pourriez-vous nous parler du rôle de SEREQ au
sein de la coopération économique France-Québec dans le
domaine de l'éducation et de la technologie? Quelles sont les
activités internationales de SEREQ? Est-ce que cela s'est fait au sein
du ministère des Relations internationales? Quelle est la coordination
qui se fait entre le ministère de l'Éducation et vous-même,
et comment tout cela s'agence-t-il au point de vue international?
M. Landry: D'abord, SEREQ, comme vous le savez, est une
société d'État...
M. Lincoln: Oui.
M. Landry: ...dont le ministère de tutelle est le
ministère de l'Éducation. Le détail des crédits de
l'Éducation serait plus approprié, mais, effectivement, une
coordination se fait et il y a des interfaces entre SEREQ, le ministère
des Relations internationales et le ministère du Commerce
extérieur, pour vous donner les deux cas que je connais bien. Nous
traitons SEREQ comme une entreprise puisque c'est une entreprise et que le
rôle de SEREQ et le but de SEREQ sont d'arriver à la
rentabilité en vendant des produits éducatifs
québécois à l'étranger, ce qui veut dire que SEREQ
peut être incluse dans des missions comme n'importe quelle autre
entreprise privée. SEREQ peut avoir accès au programme APEX du
ministère du Commerce extérieur et on applique à SEREQ les
mêmes critères qu'on appliquerait à Cégir, par
exemple, ou à Lavalin, ou à SNC.
M. Lincoln: Dans les projets conjoints...
M. Landry: La même philosophie s'applique aux deux
ministères. On considère SEREQ comme une entreprise et on la
traite comme telle.
M. Lincoln: Mais est-ce que SEREQ, au sein des projets de
coopération économique France-Québec, dans le domaine de
l'éducation, agit en un sens comme un agent particulier du gouvernement
du Québec? Agit-elle comme le moteur du gouvernement du
Québec?
M. Landry: Non, pas du tout. Elle agit comme un intervenant qui a
des produits culturels à vendre et, là, il y a des questions de
concurrence: Cégir aussi est dans le marché. Un certain nombre
d'autres entreprises privées, certaines librairies et certains
éditeurs sont dans le marché. Ce serait déplacé
pour nous de faire de SEREQ le moteur de cette coopération, parce que ce
serait au détriment ou il y aurait possibilité d'un conflit
d'intérêts avec tous les agents privés qui oeuvrent dans le
domaine.
M. Lincoln: Au point de vue de la coopération dans la
culture, l'éducation, les
communications, etc., pourriez-vous nous faire parvenir la liste des
artistes québécois, justement, qui ont reçu des
subventions du gouvernement québécois pour des tournées
internationales dans le cadre de la coopération sur la culture, avec les
montants et services rendus?
M. Landry: Je peux vous la faire parvenir, mais je pense que,
malheureusement, on ne l'a pas avec nous.
M. Lincoln: Non, non, mais il n'y a rien qui presse. Si on
pouvait avoir les subventions...
M. Landry: Tout cela doit être passé et
déposé aux engagements financiers.
M. Lincoln: Est-ce que cela passe aux engagements financiers?
M. Landry: Pardon? On pourrait leur envoyer copie de ce CT. Il y
a un CT qui représentait l'ensemble de ces opérations de
spectacles qui a été déposé à la commission
des engagements financiers, mais, si vous voulez qu'on vous l'envoie, on vous
en enverra une copie avec joie.
M. Lincoln: D'accord. Auriez-vous aussi le coût et les
détails de la réalisation de la Place du Québec à
Saint-Malo, combien cela a coûté, où on en est avec cela?
Est-ce que c'est sorti directement des budgets des Relations
internationales?
M. Landry: Ce n'est pas fini. La place n'est pas ouverte. Les
renseignements vont être disponibles, mais ce qu'on vous donnerait
maintenant serait incomplet. On prend note de votre commande.
M. Lincoln: Avez-vous une note du budget? On parle de combien
d'argent? Est-ce qu'on parle de 100 000 $, 300 000 $, 400 000 $ ou 500 000 $?
C'est de quel ordre?
M. Landry: Je pense qu'on parle de moins de 100 000 $, mais je ne
peux pas vous le dire exactement. Pour toutes les activités en France,
autour de Saint-Malo, il y a un budget de 100 000 $. La place est comprise
dedans.
M. Lincoln: Quand les travaux ont-ils commencé à la
Place du Québec?
M. Landry: J'espère qu'ils ont commencé à
temps parce que le premier ministre s'en va en faire l'inauguration la semaine
prochaine, je crois. C'est la partie française qui fait cela;
évidemment, ce n'est pas nous qui faisons les travaux, c'est la
municipalité de Saint-Malo. J'ai vu le maire il n'y a pas longtemps et
il m'a dit que tout allait bon train. Il est venu nous rencontrer il y a
quelques semaines.
M. Lincoln: Quand ce projet a-t-il commencé? Le
savez-vous?
M. Landry: II y a trois mois environ.
M. Lincoln: Votre prédécesseur disait dans son
article que les liens entre scientifiques français et
québécois se distendent. Partagez-vous cette opinion?
M. Landry: Bien, c'est une question d'interprétation. La
part budgétaire a diminué pour la recherche universitaire. Il se
peut que, sur le plan budgétaire, mon collègue ait raison. Cela
m'étonnerait qu'il ait raison dans l'absolu parce que c'est un mouvement
très dynamique. Les échanges de scientifiques dans le monde
n'attendent pas toujours que le budget de l'État s'en mêle. Il y a
de nombreux congrès scientifiques qui ont lieu au Québec, qui ont
lieu en France. Les grandes institutions se connaissent. L'Université de
Montréal a ses correspondants, ainsi que l'Université du
Québec et l'Université Laval. Il y a des circuits traditionnels.
Il serait imprudent de dire que les liens se distendent en ne prenant que
l'aune budgétaire.
M. Lincoln: Pourquoi aurait-on diminué l'apport
budgétaire?
M. Landry: Pour le reporter sur des programmes de technologie de
pointe. On a reporté sur nos priorités la biotechnologie, la
bureautique, l'informatique et nos priorités telles qu'exprimées
au cahier des crédits. Comme les budgets ne sont pas illimités,
si on veut vraiment mettre le paquet sur certaines priorités, il faut
diminuer ailleurs.
Relations Québec-États-Unis
M. Lincoln: Par rapport aux États-Unis... Je cite beaucoup
votre prédécesseur, mais c'est un point de
référence parce qu'il a fait un compte rendu de ce qu'il pensait
-il y a pas mal d'articles écrits par lui - dans lequel il disait qu'il
y a lieu de redouter l'incompréhension mutuelle des deux cultures de
l'Amérique, celle des États-Unis et la nôtre. Est-ce que
c'est un des objectifs du ministère de donner une meilleure image, de
redorer l'image du Québec aux États-Unis? Partagez-vous son
interprétation de cette incompréhension mutuelle quelconque,
relative? Croyez-vous que cela existe?
M. Landry: Oui, je pense que cela existe et cela découle,
d'une part, de la nature des choses. Déjà, dès qu'une
différence est constatée, il y a un effort de
compréhension à faire. La culture québécoise
et la culture américaine sont deux choses différentes, mais,
au-delà de la nature des choses, il y a aussi - je regrette de le dire,
mais j'en ai été témoin 100 fois et mon collègue
Godin aussi - certains porte-parole du Canada anglais qui ne comprennent pas
bien la réalité québécoise - je ne leur en veux pas
pour cela, je ne prétends pas connaître non plus parfaitement la
réalité canadienne-anglaise - ont répandu aux
États-Unis par voie d'écrits ou autrement, par le
téléphone arabe, des faussetés sur le Québec. Il y
en a qui traînaient dans les journaux. Vous vous souvenez de ces
touristes américains à qui on disait: N'allez pas à
Québec, si vous ne parlez pas français, vous serez
refoulés aux frontières. Ces folies ont circulé; c'est
dans la nature des choses. Les deux exemples que j'ai donnés: M. Lumley,
payé par vos taxes et les miennes, qui fait des commentaires
négatifs sur le Québec; M. Joyal, payé par vos taxes et
les miennes, qui se permet la même chose. Il faut qu'on comprenne la
situation, d'une part, et il faut qu'on essaie de la compenser, d'autre part.
C'est pour cela qu'on a des agents d'information dans nos
délégations. L'Ontario n'a pas besoin de faire cela. M. Lumley
n'a jamais déblatéré contre l'Ontario à New York et
M. Joyal non plus. Nous avons cette pente à remonter,
créée malheureusement par des gens qui, en principe, sont
supposés défendre nos intérêts. Alors, on le fait.
On a des programmes d'études américaines au Québec et
québécoises aux États-Unis. Nous participons
fréquemment à des séminaires, à des
conférences; il y en a encore une qui aura lieu au mois de mai à
New York. J'ai souvent participé, avant même d'entrer à
cette Assemblée nationale, avant d'être élu, à des
séminaires, à des conférences aux États-Unis pour
expliquer la réalité québécoise qui est plus
difficile à percevoir que si c'était une réalité,
pour eux, conventionnelle et anglo-saxonne.
M. Lincoln: Ne pensez-vous pas que des déclarations comme
celles du premier ministre au début de son mandat, alors qu'il avait
presque fait une déclaration d'indépendance à New York,
une déclaration sur la souveraineté du Québec, celle que
votre prédécesseur a faite à San Francisco, votre
déclaration sur le marché commun Québec-États-Unis,
sur laquelle il y a eu un malentendu et le Département d'État a
dû vous faire une remontrance à ce sujet, ne pensez-vous pas que
cela a contribué à ce malaise?
M. Landry: Vous dites cela dans une optique libérale
fédéraliste.
M. Lincoln: Oui, naturellement.
M. Landry: Si vous prétendez que, parce que je suis
souverainiste, je suis un malaise, je regrette, mais la démocratie vous
force à respecter mes opinions comme je respecte les vôtres. Je ne
dis pas qu'être libéral, c'est un malaise, malgré que je
trouve que c'est une très mauvaise option, mais je ne peux supporter
que, parce que le premier ministre du Québec, donnant le fond de sa
pensée très honnêtement, comme il le fait toujours, a dit
aux Américains que le Québec est en quête de sa
souveraineté et que notre parti, élu deux fois et avec 50% des
voix la dernière fois, le préconise, vous appeliez cela un
malaise; moi, j'appelle cela du travail politique honnête. C'est ce que
mon collègue Morin a fait et c'est ce que j'ai fait aussi.
M. Lincoln: M. le ministre, excusez-moi, mais vous avez l'art de
prendre des mots et de changer les propos. Je n'ai jamais dit que vous
étiez un malaise, que ce que le premier ministre a dit était un
malaise, quoique je puisse le penser. J'ai demandé si le fait de faire
de telles déclarations avant même le fait, alors que vous
êtes toujours un gouvernement au sein de la fédération
canadienne, si le fait d'aller à New York, comme le premier ministre l'a
fait, faire une déclaration presque ouverte d'indépendance devant
tous les hommes d'affaires qui étaient là...
M. Landry: Vous n'avez pas le droit de dire cela.
M. Lincoln: Attendez un instant, laissez-moi finir! Ne
pensez-vous pas que la déclaration sur la souveraineté prochaine
du Québec qu'a faite M. Jacques-Yvan Morin à San Francisco et
même votre déclaration sur le marché commun, sur laquelle
le Département d'État des États-Unis - ce n'est pas moi
qui l'ai fait, c'est le Département d'État des États-Unis
- vous a réprouvé, ne pensez-vous pas que cela a contribué
à créer un malaise puisque vous avez admis vous-même qu'il
y a une espèce d'incompréhension mutuelle et qu'il faut se donner
une meilleure image?
M. Landry: On va essayer de prendre les éléments de
votre question un par un. Revenons à l'affaire du "State Department". Je
m'en suis expliqué très souvent. Voyons ce que j'ai dit, d'abord,
et qui a été très bien rapporté par la Presse
canadienne, à l'époque. J'ai dit que je pensais que les
échanges nord-sud et une plus grande fluidité de ces
échanges, après le "Tokyo Round", constituaient l'avenir
économique de ce continent et qu'il serait souhaitable que le Canada,
dont le Québec fait partie, établisse un mécanisme
institutionnel pour favoriser ces relations. Dans la réalité des
choses,
qu'est-il arrivé? Un certain nombre de mois plus tard, le
gouvernement du Canada lui-même a publié 55 pages sur le libre
échange sectoriel entre le Canada et les États-Unis, me donnant
de facto raison.
Le "State Department", dans une communication qui est venue un peu plus
tard, m'a imputé avoir dit que je voulais une entente spéciale
entre le Québec, province du Canada, et le gouvernement des
États-Unis, et que le gouvernement des États-Unis ne voulait pas
conclure d'entente spéciale entre une province du Canada et le
gouvernement américain. Je suis totalement d'accord avec cela, sauf que
ce n'est jamais ce que j'ai préconisé de ma vie. Je ne comprends
pas - et je n'ai pas à me l'expliquer non plus - pourquoi cette note non
signée, émise à partir du consulat de Québec,
comportait une telle incompréhension de mes propos. Peut-être,
ai-je pensé, qu'il y avait une composante linguistique,
d'interprétation et de traduction, mais le meilleur texte
là-dessus est celui de la Presse canadienne qui rapportait
convenablement mes propos. (17 h 45)
Je reviens maintenant à ce que vous appelez - et c'est là
que je trouve que vous n'avez pas le droit de faire cela - une
quasi-déclaration d'indépendance que le premier ministre serait
allé faire à New York. C'est absurde de dire cela. Le
Québec déclarera son indépendance, non pas quasiment, mais
la déclarera quand la population aura voté majoritairement pour
cela. Nous n'avons pas de preuve de démocratie à faire. Il est
connu que nous sommes des démocrates. Le peuple l'a tellement cru qu'il
a voté pour nous à 50% la dernière fois, ou presque; il
nous manquait zéro virgule quelques poussières. N'est-ce pas
l'honnêteté même pour un homme politique d'aller dire,
à l'intérieur comme à l'extérieur et urbi et orbi,
quels sont ses vrais objectifs et l'objectif de son parti? C'est ce qu'a fait
M. Morin...
M. Brassard: Sans cachette.
M. Landry: ...sans cachette. C'est ce que j'ai fait
moi-même...
M. Lincoln: C'était durant les élections.
M. Landry: ...et M. Bourassa, lui, qui préconisait la
souveraineté culturelle, il ne se gênait pas pour dire qu'il
préconisait la souveraineté culturelle. Il ne l'a jamais fait de
sa vie, évidemment, mais il le disait. Et, nous, on préconise la
souveraineté tout court et on le dit aussi.
M. Lincoln: Sauf pour l'élection de 1981 où vous
l'avez mise en veilleuse, parce que cela faisait votre affaire.
M. Landry: On venait de consulter le peuple huit ou dix mois
avant, on venait de faire un référendum en 1980.
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Landry: Je n'ai pas tout à fait fini avec votre
question. Revenons à ce qu'a dit le "State Department". Le "State
Department" en a justement profité pour réitérer que ces
questions devraient être réglées entre Canadiens. Alors,
cela va à l'inverse de votre argumentation que notre recherche de la
souveraineté crée un malaise. Le "State Department" a justement
exprimé une attitude très démocratique, plus
démocratique que la vôtre, à mon avis, en disant: Ces
questions se régleront à l'intérieur du Canada par les
Canadiens. Cela tombe bien, parce que c'est aussi la position de notre
parti.
Quand ce groupe de Canadiens qui habite le Québec aura
décidé majoritairement de se donner la souveraineté
politique, la chose se fera, aux grands applaudissements de toutes les nations
démocratiques de la terre, y compris, vraisemblablement, les
États-Unis d'Amérique.
M. Lincoln: Est-ce que vous partagez les déclarations de
votre prédécesseur qu'il faut minimiser les inconvénients
que comporte le voisinage trop prévenant des sociétés
américaines et canadiennes?
M. Landry: Pardon? Je n'ai pas bien compris votre question.
M. Lincoln: Le ministre disait dans son article aussi qu'il
faudrait minimiser les inconvénients que comporte le voisinage trop
prévenant des sociétés américaines et
canadiennes.
M. Landry: Là, premièrement, vous dites: le
ministre. C'est l'ancien ministre.
M. Lincoln: L'ex-ministre, l'ancien ministre, oui.
M. Landry: Deuxièmement, je ne comprends pas bien. Il
faudrait que je lise l'article de nouveau. Je ne comprends pas bien le sens de
votre question. Ou lisez-en plus que je voie le contexte; je ne sais pas ce
qu'il veut dire.
M. Lincoln: C'est ce qu'il a dit. Il a parlé des
inconvénients que comporte le voisinage trop prévenant des
sociétés américaines et canadiennes, mais je voulais vous
demander comment on peut concilier cela, minimiser les inconvénients et,
en même temps, accélérer nos échanges, surtout du
côté économique, du coté de la coopération
technologique et scientifique, et
nous rapprocher davantage des États-Unis.
M. Landry: Je vais vous donner mon opinion personnelle
là-dessus. Je ne sais pas si elle recoupe celle de mon
prédécesseur. Je pense que c'est une très grande chance
pour le peuple québécois que d'avoir une frontière commune
avec quatre États américains et de vivre immédiatement au
nord de l'une des plus grandes puissances technologiques, scientifiques et
culturelles de l'histoire de l'humanité. Il serait absurde de ne pas
profiter de cette situation et de ne pas établir avec les
États-Unis d'Amérique les plus grands flots possible de
coopération et d'influence mutuelle sur le plan culturel et sur le plan
économique. D'ailleurs, cela c'est fait. Un très grand nombre de
scientifiques québécois, probablement la majorité d'entre
eux, ont été formés aux États-Unis
d'Amérique.
Nos concitoyens aiment les États-Unis d'Amérique, comme
capitale d'hiver en particulier, si on pense à la Floride, ou aux
rivages de l'Atlantique l'été, et c'est l'aspect positif des
choses, mais tout le monde sait que le voisinage d'un géant peut aussi
avoir certains inconvénients qu'il faut tenter de minimiser. Une souris
qui participe au même espace vital qu'un éléphant doit
prendre certaines précautions parce qu'il peut y avoir des interfaces
difficiles pour la bête la plus petite. C'est pour cela, par exemple,
qu'on a une loi sur le cinéma. C'est pour cela que le Canada, qui a
pourtant au-delà de 20 000 000 d'habitants, a une série de
protections culturelles. Vous vous souvenez des lois sur la publicité
dans les magazines: Time magazine et tous les grands débats,
Sélection du Reader's Digest. Je crois que le bilan est largement
excédentaire. Cela peut se concilier, mais il y a des précautions
à prendre. Les Américains comprennent très bien que ces
précautions soient prises par le Canada ou par le Québec.
M. Lincoln: Pouvez-nous nous informer de la politique de votre
ministère ou de votre politique en rapport avec l'aide internationale
aux pays du tiers monde? Est-ce qu'il y a une politique au sein de votre
ministère?
M. Landry: Oui, il y a une politique et il y en aura une plus
consensuelle quand nous aurons terminé les activités du sommet
Québec dans le monde, parce que l'une des thématiques est
justement l'aide aux pays en voie de développement.
Jusqu'à maintenant, notre philosophie, avec les moyens modestes
dont nous disposons, est de respecter les priorités locales. Si j'avais
à vous résumer cette philosophie, elle est de respecter les
priorités des pays en voie de développement. J'ai reçu
deux collègues africains au cours de cette semaine. Les deux m'ont dit
que leur priorité numéro un était l'autosuffisance
alimentaire. J'ai trouvé que c'était très sage de leur
part de commencer par le commencement, de nourrir leur population. Je leur ai
immédiatement offert, en accord avec notre philosophie, de
coopérer avec eux pour atteindre cet objectif.
Dans d'autres cas, les priorités sont plutôt
éducationnelles ou elles vont être plus physiques: irrigation, par
exemple, creusage de puits. En d'autres termes, nous ne sommes pas cyniques
dans notre coopération avec le tiers monde. L'idée n'est pas
tellement de vendre à ces pays tel ou tel produit que nous serions
intéressés à vendre, l'idée est d'avoir avec eux
des échanges économiques qui servent leurs priorités.
M. Lincoln: Comment expliquez-vous l'article du Devoir du jeudi
1er décembre 1983 qui se lit comme suit: "M. Jacques-Yvan Morin a
dû reconnaître, devant l'Association québécoise des
organismes de coopération internationale, que son ministère
n'avait pas de politique ni de priorités à l'endroit des pays du
tiers monde, malgré les liens multiples que des milliers de
Québécois y ont liés depuis des décennies."
Est-ce qu'il y a vraiment une politique? Est-ce qu'il y a vraiment des
priorités ou si c'est au stade des paroles? Est-ce qu'il y a quelque
chose de concret? Est-ce qu'il y a des ententes? Est-ce qu'il y a des projets?
Est-ce qu'il y a une politique définie? Est-ce qu'il y a des
priorités définies ou si c'est au stade des voeux pieux?
M. Landry: Si tout était fait, on ne ferait pas le
Québec dans le monde, on ne ferait pas le sommet. On l'a justement
organisé pour que l'action du Québec soit plus claire, plus
nette, plus cohérente et qu'elle s'étende. L'aide aux pays en
voie de développement est un des thèmes majeurs de ce sommet.
Cependant, je vous réitère qu'il y a une philosophie et
que celle-ci consiste à respecter les priorités locales, les
demandes locales et aider, dans toute la mesure des moyens
québécois, le développement des pays du tiers monde. On
aide évidemment beaucoup les organismes de coopération
privés. On les subventionne pour 400 000 $ par année.
M. Lincoln: Est-ce qu'il y a des ententes ou des projets de
coopération France-Québec pour l'aide internationale? Est-ce
qu'il y a des ententes qui existent, des projets définis
actuellement?
M. Landry: Je vous ai dit qu'il y a des projets en voie
d'élaboration, en voie de négociation pour les actions en pays
tiers. Je vous ai dit que je ne pouvais pas les rendre
publics présentement.
M. Lincoln: Ah oui! Je pensais que vous parliez des projets de
technologie, mais là, je parle de projets d'aide, de subventions,
de...
M. Landry: En commun avec la France? M. Lincoln:
...communs avec la France. M. Landry: Non.
M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu avoir une liste des
subventions versées aux organismes de coopération internationale,
des montants?
M. Landry: Oui. On donne cela à leur
fédération et ils se répartissent les montants. On a
l'information, sans doute, mais ce n'est pas l'information de première
main. L'information de première main, c'est le regroupement qui
s'appelle l'ACOSI; c'est un sigle, ACOSI. Non, AQOCI.
M. Lincoln: Une dernière question que j'aurais pour le
ministre: En décembre 1983, il y a eu un contrat - on a vu cela dans les
engagements financiers - de services accordé pour la réalisation
d'une étude sur les besoins des ministères sectoriels
québécois relativement à la définition, la
réorientation et l'interprétation des dossiers majeurs à
développer auprès des organisations internationales pour une
période de deux ans. C'était un montant de 87 640 $. Est-ce qu'on
pourrait avoir des détails sur cette étude? Où est-ce que
cela se passe et qui fait l'étude? Qu'est-ce que c'est, vraiment?
M. Landry: À première vue, je n'ai personne dans
mon équipe qui est en mesure d'identifier l'étude dont vous
parlez. C'est un contrat?
M. Lincoln: C'est un contrat de services qui a paru dans les
engagements financiers, sous la rubrique du ministère, accordé
pour la réalisation d'une étude sur les besoins des
ministères sectoriels québécois relativement à la
définition, la réorientation et l'interprétation des
dossiers majeurs à développer auprès des organisations
internationales pour une période de deux ans.
M. Landry: Qui sont les cocontractants? Avez-vous le nom des
cocontractants?
Une voix: Je pense que c'est un individu de Sainte-Foy; je me
souviens de...
M. Lincoln: Fournisseur, Luc Bergeron.
M. Landry: C'est l'engagement d'un contractuel qui est en train
de faire ce travail-là. Est-ce qu'il y a des rapports d'étape ou
est-ce que... Il est en train de le faire. Il a commencé son travail en
janvier. Alors, c'est peut-être un peu prématuré de lui
demander de nous produire des rapports, mais, effectivement, ce contractuel
travaille au ministère.
M. Lincoln: Est-ce que la sous-ministre pourrait nous indiquer ce
qui a provoqué ce rapport? Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui a
incité à ce rapport spécial? Est-ce que cela ne pouvait
pas se faire au sein du ministère, considérant que vous aviez
tous les cadres, toute l'organisation en place pour faire ce genre de travail?
Est-ce que M. Bergeron a des spécialités qui ne se retrouvent pas
au sein du ministère?
M. Landry: II s'agit d'un avocat spécialisé en
droit international, qui a une maîtrise de l'Université d'Ottawa;
il l'a obtenue en novembre 1981. Il a aussi une session de cours,
troisième cycle, en droit international et relations internationales
à l'Université d'Aix-Marseille. Alors, c'est un expert dont on
avait besoin pour comprendre le système juridique et en déduire
les voies que le ministère pourrait prendre face aux institutions
internationales.
M. Lincoln: Est-ce que ces rapports vont être disponibles
lorsqu'ils seront...
M. Landry: Oui, très certainement.
M. Lincoln: Une dernière question, parce qu'on parlait de
curriculum vitae, cela m'a fait me rappeler. Est-ce que vous avez eu l'occasion
ou vous aurez l'occasion de revoir le curriculum vitae de M. Jean Morin et nous
dire si...
M. Landry: On vous l'a dit, il a été
déposé aux engagements financiers.
M. Lincoln: Non, non, je le sais, je l'ai avec moi, mais hier,
quand on en a discuté, je pensais que vous ne l'aviez pas vu. Vous avez
dit que vous ne l'aviez pas vu. Je pensais qu'on s'était mis d'accord
que vous alliez le regarder pour voir si vous pensiez...
M. Landry: Oui. Est-ce qu'on l'a ici?
M. Lincoln: ...que cela cadrait dans le genre de critères
dont vous vous servez pour les délégués
généraux. Il n'a pas l'air très étoffé.
M. Landry: Alors, si j'ai bien compris, ce qui fatiguait
l'Opposition là-dedans, c'est que M. Jean Morin était
péquiste. Est-ce cela?
M. Lincoln: Non, non, c'était beaucoup
plus que cela.
M. Landry: Ah!
M. Lincoln: On s'est posé la question parce que, vraiment,
dans le curriculum vitae, il n'y avait pas grand-chose qui nous montrait une
spécialisation pour quelqu'un qui allait être
délégué général à Atlanta.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, vu l'heure tardive, il va
falloir mettre fin à nos travaux. Avant d'y mettre fin, je prends en
considération qu'il faudrait savoir si les programmes 2, 3 et 4 sont
adoptés. S'ils sont adoptés...
M. Vaugeois: Adopté.
M. Lincoln: Adopté, oui, l'ensemble des programmes.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Sauf le programme 1? Je voudrais remercier
les membres de la commission, ainsi que le ministre et les gens qui
l'accompagnent. Je pense que la commission, ayant rempli le mandat qui lui a
été confié, ajourne ses travaux sine die.
M. Landry: M. le Président, avant que ces paroles
fatidiques soient prononcées, pourriez-vous me permettre, à moi
aussi, de remercier les participants à cette commission?
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Certainement.
M. Landry: Je remercie en particulier le député de
Nelligan. Ses questions sont souvent pénétrantes, en tout cas, il
a souvent le don de me faire hausser le ton, ce qui est déjà un
hommage indirect à lui rendre.
M. Lincoln: C'est mutuel, comme vous voyez.
M. Landry: II y a déjà quelques années que
nous nous affrontons dans ce genre de commission et à l'Assemblée
et je dois dire que, malgré ces accrochages un peu vifs, nos relations
personnelles n'ont jamais été entamées. C'est un bon
exemple de la vie parlementaire.
Je félicite également mes collègues de la partie
gouvernementale qui posent des questions extrêmement
pénétrantes, avec un ton qui, je dois le dire, me convient
davantage.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le ministre. La commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 2)