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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 19 juin 1984 - Vol. 27 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen d'une proposition au sujet de la constitution du Québec


Étude détaillée du projet de loi 80 - Loi sur l'Ordre national du Québec


Journal des débats

 

(Douze heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous commençons les travaux de la commission des institutions qui se réunit pour discuter de l'organisation des travaux de la commission, quant au mandat d'initiative.

Je demande au secrétaire de nommer les membres présents.

Le Secrétaire: Les membres présents sont: M. Brassard, (Lac-Saint-Jean), M. Dussault (Châteauguay), M. Payne (Vachon), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière).

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le secrétaire. Je demande maintenant à M. le député de Vachon de prendre la parole.

M. Rivest: Juste un mot avant. Je tiens d'abord à m'excuser auprès des membres de la commission. Il y a eu toutes sortes de problèmes au sujet de cette réunion. Des élections partielles - cela c'est notre responsabilité - ont malheureusement fait que la première réunion n'a pas eu lieu, car on était dans les comtés. Ce matin on avait convoqué finalement une réunion.

Malheureusement, j'étais pris à l'Assemblée nationale avec une loi, mais on a fini par se rendre ici. Je tiens au moins à ce que les gens sachent que nous le regrettons. Comme on le disait encore récemment, on ne le fera plus.

Le Président (M. Dussault): Nous constatons vos regrets, M. le député de Jean-Talon.

M. le député de Vachon, si j'ai bien compris, vous avez une motion a soumettre à la commission. Je vous demande donc de le faire.

Motion proposant de former une sous-commission sur la constitution du Québec

M. David Payne

M. Payne: M. le Président, je fais motion qu'une sous-commission de la commission parlementaire des institutions soit constituée en vue de rassembler en un seul texte les éléments essentiels de la constitution du Québec, notamment concernant l'organisation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, les droits et libertés fondamentales des personnes et une procédure appropriée de modification.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que la composition de cette commission fait partie de votre motion?

M. Payne: On pourrait discuter de cela dans un deuxième temps, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Alors, vous me dites donc qu'il y aura deux motions?

M. Payne: Je dépose une motion, pour le moment.

Le Président (M. Dussault): D'accord. Cette motion est reçue. On peut maintenant en débattre. Y a-t-il des intervenants? M. le député de Vachon.

M. Payne: Si l'initiative proposée aujourd'hui vient d'un député du côté ministériel, ce n'est pas depuis hier que le Québec, par son Assemblée nationale, milite pour fonder et façonner ses propres institutions. Rappelons que, quels que soient les partis, traditionnellement, nos dirigeants ont de tout temps fait valoir notre caractère distinct, nos besoins et notre volonté constante d'autonomie institutionnelle. Je me permettrai, pendant quelques minutes, de signaler les raisons propres à notre parti. J'aimerais d'abord rappeler très rapidement l'intervention faite par M. Jean-Jacques Bertrand, en 1963. À ce moment-là, comme député de l'Opposition, il faisait motion pour qu'un comité soit formé. Cela a été adopté à l'unanimité par la Chambre. On est quand même parvenu, après l'audition de plusieurs témoins, à un consensus - on se situe bien à l'époque - sur des points comme: 1. le contrôle de la sécurité sociale par le Québec, ce qui n'était pas une chose acquise à ce moment-là; 2. l'extension des échanges culturels avec les pays francophones; 3. la mise sur pied d'un tribunal constitutionnel; 4. l'élaboration d'une politique de main-d'oeuvre; 5. l'élaboration d'une politique de l'immigration - on en connaît l'évolution par

la suite; 6. la mise sur pied d'une politique de la langue française.

En 1966, juste avant de prendre le pouvoir, le chef de l'Union Nationale, Daniel Johnson, réaffirme la nécessité d'une constitution proprement québécoise. Il dit: "Le Québec n'a pas besoin d'attendre des réformes dans la constitution canadienne pour refaire sa propre constitution et y intégrer une charte des droits de l'homme. Rien ne l'empêche, par conséquent, d'édicter toutes les mesures et de créer toutes les institutions qui lui sont nécessaires pour protéger efficacement les droits de la personne humaine et des minorités ethniques."

Il précise, dans le même article, que cette charte ne serait pas une simple loi, mais une partie de la constitution. M. Johnson est revenu pendant les mois suivants sur la même question. On se souvient qu'à ce moment-là il y a eu des tentatives - pour ne pas dire des menaces - de la part du gouvernement d'Ottawa de rapatrier la constitution. C'est justement à ce moment-là qu'il a proposé que le Québec convoque une assemblée constituante pour déterminer à quelles conditions les Canadiens français peuvent conclure, disait-il, une nouvelle alliance d'égal à égal. Il précisait même que les conditions pourraient être ratifiées par un référendum. Là, il proposait que, à la suite de l'adoption d'une constitution, le Québec pourrait négocier ensuite un nouveau pacte entre les deux nations canadiennes.

Je ferai remarquer qu'à ce moment-là les négociations étaient faussées parce que l'interprétation que donnait la constitution faisait de l'État national des Québécois une province comme les autres et les Québécois se trouvaient perpétuellement en minorité. Ce que M. Johnson proposait, c'est que les négociations se poursuivent sur l'égalité des deux nations aux conditions déterminées par l'assemblée constituante que je viens de mentionner. II disait que cette constitution révisée devrait porter une formule d'amendement: "Un mécanisme d'amendement consacrant la souveraineté du peuple québécois et son droit d'être consulté par voie de référendum sur toute matière qui met en cause la maîtrise de son destin."

Même après sa venue au pouvoir, le premier ministre Johnson fait revivre le comité de la constitution avec un mandat un peu plus précis en quatre points. Je n'abuserai pas de votre temps, je ne prendrai que quelques minutes. Il recommandait "qu'un comité spécial de 14 membres soit institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de siéger même les jours où la Chambre ne tient pas de séance et après la prorogation pour: "a) préciser les objectifs du Québec et de la nation canadienne-française dans l'élaboration d'un nouveau régime constitutionnel canadien; "b) prendre charge des travaux nécessaires pour rassembler en un tout harmonieux les divers éléments de la constitution interne du Québec et proposer les dispositions nouvelles qui pourraient y être incluses, notamment en ce qui concerne les modifications futures de ladite constitution et les garanties des minorités; "c) d'étudier l'opportunité d'établir, à la place du Conseil législatif un organisme représentatif des corps intermédiaires, des minorités du Québec, des agents de l'économie et des professions avec des structures et des pouvoirs conformes aux besoins de notre époque; "d) faire des recommandations à la Chambre sur les meilleurs moyens de former et de convoquer une assemblée constituante qui puisse parler au nom du peuple québécois en ce qui concerne la constitution interne du Québec et la négociation du nouvel ordre constitutionnel canadien. "Que ledit comité prenne possession de toute la documentation recueillie et des travaux déjà exécutés ou commencés par le comité de la constitution créé au cours de la dernière Législature."

C'est à remarquer que la motion a été adoptée - comme sous l'époque de M. Bertrand lorsqu'il était dans l'Opposition - à l'unanimité le 23 février 1967, ce qui nous mène chronologiquement à la position du Parti libéral du Québec et ce que j'appelle le comité de 67 dont le député de Jean-Talon se souviendra, bien sûr.

C'est dans ce contexte que je viens de décrire que le Parti libéral du Québec met sur pied son propre comité constitutionnel. Dans le journal Le Devoir, c'est le 13 octobre 1967 qu'on peut lire le rapport du comité du Parti libéral qui déclare que le Québec doit se donner une nouvelle constitution qu'il puisse modifier à sa guise.

On y trouve, entre autres, les idées suivantes: D'abord, la nécessité de réunir dans un document strictement québécois les règles fondamentales devant régir l'organisation et le fonctionnement de l'État du Québec, article 58. Ensuite, l'établissement d'un système judiciaire complexe, article 63. Troisièmement, le Québec doit exiger une nouvelle constitution du Canada et une nouvelle constitution du Québec, article 66. Quatrièmement, la tâche d'élaborer une nouvelle constitution interne du Québec - je m'excuse c'est plutôt une affirmation - appartenant, je dirais, exclusivement au Québec, article 70. Finalement, s'attaquer à la tâche de rédiger une nouvelle constitution du Québec sans délai, article 71.

Le comité mis sur pied sous l'administration Johnson s'est réuni deux fois en 1968 et une fois en 1969, mais sûrement

- comme on vient de le voir - n'a pas abouti à l'élaboration de la constitution du Québec. Parallèlement aux événements qui se déroulent en mars 1969, les états généraux du Canada français réclament également, sans succès, la convocation d'une assemblée constituante. On pourrait continuer mais nos souvenirs sont plus frais. Il ne me reste qu'à souligner la préoccupation constante de tous les parlementaires de chaque côté de la Chambre, peu importe les couleurs, de bien insister sur la spécificité, au niveau politique et au niveau institutionnel, du Québec. (12 h 45)

Je pense que chaque membre de la commission est en mesure d'évaluer l'importance et l'urgence de la motion qui n'est pas - je vous le dis - l'initiative de l'Exécutif, donc du Conseil des ministres, mais au contraire une initiative partagée par mes collègues ici. Je pense que c'est quelque chose qui peut logiquement faire suite en toute urgence à la situation qui prévaut actuellement au Canada. En concluant, on peut rappeler une motion unanime adoptée par l'Assemblée nationale après les événements malheureux qu'on connaît tous, au moment du rapatriement de la constitution.

Les historiens pourraient discuter, analyser ad nauseam la situation qui prévalait au moment du rapatriement de la constitution. Je considère que c'est primordial que dans cette discussion on mette avant tout de l'avant les priorités du Québec et que comme parlementaires on adopte cette motion. Je propose qu'elle soit adoptée à l'unanimité pour lui donner le poids qu'elle mérite.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Vachon. M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, je pense que tout le monde en convient volontiers. Je pense que les membres de la commission ont eu l'occasion déjà de...

Le Président (M. Dussault): Auparavant, si vous permettez, je voudrais constater la présence du M. le député de D'Arcy McGee. Excusez-moi encore.

M. Rivest: M. le Président, je pense que tous les membres de la commission et ceux de la presse en général ont déjà pris connaissance du document qui a été préparé par le député de Vachon qui fait un relevé assez systématique et extrêmement intéressant de l'ensemble de la démarche qui, effectivement, a été suivie sur les questions constitutionnelles, au sens large, au Québec depuis le début des années soixante et en particulier sur le plan parlementaire, ce qui soutient bien la résolution ou la motion que le député formule à l'intention de la commission ce matin.

La réserve fondamentale que j'ai sur la motion du député, c'est qu'à tort ou à raison, quand il évoque... D'abord, auparavant, je voudrais dire une chose. Il y a une ambiguïté qui demeure dans le texte de la motion du député de Vachon et d'ailleurs dans son argumentation et dans le document qu'il a produit au soutien de son' argumentation. Lorsqu'on parle de la constitution du Québec et qu'on fait référence à la Loi constitutionnelle canadienne de 1982 ou à la loi antérieure, ou lorsqu'on fait référence aux multiples et très nombreuses représentations qui ont été formulées par les divers gouvernements du Québec afin d'en arriver à une révision constitutionnelle canadienne, cela, c'est une chose. La révision constitutionnelle au Canada, c'est-à-dire du régime fédéral, c'est une chose où le Québec a, dans ce cadre, des revendications historiques qui sont évoquées dans le document du député et qu'il a lui-même rappelées ici. Cela, c'est une chose.

L'autre chose, c'est la constitution proprement interne du Québec, c'est-à-dire l'organisation de ses pouvoirs, judiciaire, législatif et exécutif, mais dans le cadre du régime fédéral. Cette démarche n'implique aucunement une révision ou une recherche de pouvoirs additionnels pour le gouvernement du Québec dans le domaine judiciaire, dans le domaine social, dans le domaine de l'éducation, parce que ces choses relèvent de la révision constitutionnelle canadienne.

L'ambiguïté, lorsqu'on parle de la constitution du Québec, c'est qu'on arriverait avec un texte qui ferait comme si la constitution canadienne n'existait pas. Cela est une des ambiguïtés de son document. D'ailleurs, dans les conversations privées qu'on a eues, que j'ai eues, que d'autres membres de la commission ont eues avec le député de Vachon, on a souvent évoqué cette ambiguïté fondamentale. Je vous dis tout de suite que, très certainement, c'est une objection majeure.

D'autant plus, et c'est mon deuxième argument, que les citations justes, les préoccupations d'un certain nombre de personnes dans l'Union Nationale à l'époque, dans le Parti libéral - je pense entre autres à M. Paul Gérin-Lajoie qui s'est exprimé à de multiples reprises sur la question, à M. Bertrand également... Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que pour les fins de l'histoire, cette commission parlementaire sur la constitution était composée de parlementaires, bien sûr, mais aussi d'un secrétaire qui était, à l'époque, sous-ministre, M. Claude Morin. J'ai eu l'insigne privilège d'être secrétaire adjoint de cette

commission, c'est-à-dire l'adjoint de M. Morin, et c'est une excellente façon de commencer une carrière que d'avoir à travailler avec M. Claude Morin.

Je dois vous dire que le contexte politique général faisait que lorsque M. Bertrand, M. Paul Gérin-Lajoie, M. Johnson, premier ministre, parlaient de ces choses, ils en parlaient dans un contexte qui était très particulier: c'est que ni l'un ni l'autre ne remettait en cause l'existence même du régime fédéral. Il s'agissait de raffermir, de rassembler les institutions québécoises mais sans aucune velléité de contestation fondamentale du régime. Or, à tort ou à raison, la société québécoise, sur cette question, a évolué. En fait, un parti politique, en l'occurrence le Parti québécois, a réuni les gens qui voulaient désengager le Québec du régime fédéral. Ce parti a été fondé là-dessus. Le Parti libéral a toujours maintenu une position contraire, c'est-à-dire que le Québec devait rester.

Il y a eu l'épisode référendaire. Encore tout récemment, selon les orientations du Parti Québécois - c'est vraiment la raison profonde de la difficulté très sérieuse que nous avons dans le respect des opinions véhiculées par le Parti québécois, qui exprime une réalité - dans le contexte actuel, si la commission devait s'engager dans ces questions sur la méthode, chaque chose deviendrait un instrument politique, c'est-à-dire du combat politique. Vous le menez pour la souveraineté et nous le menons pour le régime fédéral. Je ne pense pas, honnêtement, malgré toute la bonne volonté des membres de cette commission qui ont eu maintes fois à le constater, de part et d'autre, que cela nous permettrait de passer outre aux divergences fondamentales et d'arriver à produire un document ou un travail qui serait utile, parce que, en fin de compte, en bout de ligne, on arriverait à exprimer et à traduire nos opinions profondes. Ce n'est probablement pas ce combat ou ces divergences que nous exprimerions ni même les consensus que nous pourrions faire sur un certain nombre de sujets qui régleraient nécessairement la question, parce qu'elle est inscrite profondément dans l'état de l'opinion québécoise. Que nous ne puissions pas prendre l'initiative que nous suggère le député de Vachon, sans doute faut-il le regretter, mais c'est un prix à payer pour un débat qui est beaucoup plus profond.

C'est pourquoi, M. le Président, compte tenu du contexte, je pense qu'il serait plus prudent, dans l'exercice des responsabilités qui sont nôtres à la commission des institutions, de trouver des sujets qui prêtent moins au contentieux politique, dans le sens le plus noble du terme, parce que, encore une fois, les mérites respectifs de chacune de nos options, on les connaît et on est prêt à les reconnaître, sauf qu'à partir du moment où l'on embarque dans une démarche, inévitablement, les antagonismes, les réflexes vont s'exprimer. À la lecture même de cette proposition, il n'y a aucune référence au fait que ce soit la constitution interne du Québec, aucune référence à l'existence du régime fédéral, aucune référence à l'existence de la Loi constitutionnelle de 1982 sur laquelle vous avez par rapport à nous, M. le député de Vachon, et on le comprend, des divergences fondamentales, dirais-je, et où nous avons, de notre côté, des réserves. Il y a quand même une différence assez appréciable. D'ailleurs, ce sujet même va devoir faire l'objet, au cours des prochains mois et des prochaines années, de débats politiques au niveau du Parti libéral du Québec. Tout cela fait que, même en regardant le texte de la motion, en nous donnant ou en nous prêtant réciproquement, ce que je n'ai aucune hésitation à faire, la meilleure volonté du monde, je suis convaincu que si l'on devait s'embarquer dans cela, on devrait discuter de la forme de la table, comme lors d'une célèbre conférence dans un autre domaine, puisque la forme de la table, les questions de forme et de procédure auront une importance ou prendront toujours une importance très grande par rapport au fond de la question. Sur le fond de la question, nous savons très bien que nous ne pouvons en aucune façon faire l'unanimité.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous avez terminé votre intervention? Y a-t-il d'autres intervenants?

M. le député de Vachon.

M. Payne: II est vrai qu'il n'y a pas de mention dans la motion de la constitution du Canada. Je ne nie pas son existence mais je nie sa reconnaissance par l'Assemblée nationale. D'ailleurs cela a fait l'objet, la reconnaissance ou la non-reconnaissance, d'une motion presque unanime de l'Assemblée nationale. Effectivement, le Québec ne l'a pas signée comme gouvernement mais l'Assemblée nationale aussi a pris une position sans ambiguïté sur cela. Donc, je ne vois pas de pertinence dans le débat sur la constitution du Canada. Il y a d'autres constitutions. La Colombie britannique a sa propre constitution. Cela me surprend que le député de Jean-Talon ne se reconnaisse pas plus dans la motion parce que j'aurais pu croire que cela reflétait fidèlement certaines de ses préoccupations sur le plan constitutionnel.

Dépôt d'un document intitulé "Pour une constitution du Québec"

Je terminerai mon plaidoyer si vous voulez, M. le Président, en vous demandant

si je peux déposer un document auquel fait référence le député de Jean-Talon avec une certaine délicatesse. J'aimerais demander le consentement pour déposer le fruit de quelques mois d'étude sur ce sujet. Je maintiens ma conviction la plus profonde qu'il s'agit d'une importante possibilité pour que l'Assemblée nationale puisse aller de l'avant avec le flambeau qui a toujours lié les partis en matière constitutionnelle. Je le dépose pour les membres de la commission.

Le Président (M. Dussault): Pourriez-vous identifier clairement le document que vous voulez déposer de façon que je puisse me prononcer sur la pertinence de le déposer ou pas?

M. Payne: Ce document s'appelle "Pour une constitution du Québec".

Le Président (M. Dussault): D'accord. J'autorise le dépôt de ce document.

M. Payne: Merci.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous avez terminé votre intervention, M. le député de Vachon?

M. Payne: Je ferais une toute dernière suggestion, soit que les membres de l'Opposition appuient la motion. J'aimerais bien demander le vote si cela m'est permis.

Le Président (M. Dussault): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion présentée par M. le député de Vachon? Avant que nous passions au vote, puisque le temps le permet encore, je voudrais bien m'assurer du ou des proposeurs de la motion. Le papier que j'ai devant les yeux, le mandat d'initiative, indique que la proposition de motion a été faite par M. le député de Vachon, tout à l'heure. Est-ce que les deux noms qui apparaissent là sont ceux des proposeurs?

M. Payne: Non, c'était tel que lu, M. le Président.

M. Rivest: C'est moi qui étais le plus tenté.

M. Payne: II n'y a pas de valeur...

Le Président (M. Dussault): Vous êtes l'unique proposeur de la motion, M. le député de Vachon.

M. Payne: Mon collègue m'appuie.

Le Président (M. Dussault): On n'a pas besoin de secondeur en commission pour les motions, ni à l'Assemblée nationale d'ailleurs. Nous n'avons pas le code Morin ici à l'Assemblée nationale. À moins que l'on exige l'appel nominal nous allons passer au vote selon la méthode de la main levée.

M. Rivest: Ou, s'il n'y a pas d'accord, on peut dire... D'accord. Allez-y. (13 heures)

Le Président (M. Dussault): Comme l'adoption d'une telle motion exige une double majorité je suis forcé de constater. Je vais d'abord commencer du côté du proposeur. Je voudrais que lèvent la main ceux qui sont d'accord avec cette motion.

M. Payne: J'ai une question d'information: Pour les fins du vote et suivant le règlement, cela exige une double majorité?

Le Président (M. Dussault): C'est ce que je disais, M. le député de Vachon: Un mandat d'intiative exige une double majorité.

M. Payne: Si je peux terminer sur ce sujet, est-ce que cela exclut un vote de l'ensemble de la commission?

Le Président (M. Dussault): Cela exclut un vote de l'ensemble. Il faut que je regarde d'un côté de la table et qu'ensuite je regarde de l'autre. Je demande donc, du côté ministériel, quels sont ceux qui sont pour cette motion.

Des voix: Oui. Oui.

Le Président (M. Dussault): Étant donné que le président a le droit de voter, je veux préciser que je m'abstiens. Il y a donc deux voix pour et une abstension du côté ministériel.

Je regarde maintenant du côté de l'Opposition. Quels sont ceux qui sont pour cette motion? Quels sont ceux qui sont contre?

Il y a trois contre. Je dois donc constater que cette motion est rejetée.

Ceci met fin au débat sur cette motion. Y a-t-il d'autres propositions?

M. Marx: M. le Président, je suis prêt à faire une proposition, quitte à la discuter à un autre moment, étant donné que le temps est déjà écoulé.

Le Président (M. Dussault): Je vous écoute.

Proposition d'un mandat d'initiative sur les corps de police

M. Marx: J'aimerais proposer qu'on donne un mandat d'initiative à la commission en ce qui concerne le rôle et le fonctionnement des corps de police.

Le Président (M. Dussault): En ce qui concerne le rôle et le fonctionnement des corps de police. Pouvez-vous me remettre un texte de cette motion?

M. Marx: C'est le texte.

Le Président (M. Dussault): D'accord. Avez-vous bien entendu, M. le secrétaire? Vous n'avez pas besoin d'un texte écrit?

M. Marx: Le rôle et le fonctionnement des corps de police.

Le Président (M. Dussault): Si je comprends bien, votre proposition consiste à mettre cette question en débat lors d'une prochaine réunion?

M. Marx: C'est cela.

Le Président (M. Dussault): Compte tenu que nous avons déjà épuisé le temps à notre disposition aujourd'hui?

M. Marx: C'est cela, M. le Président.

Condoléances à M. Denis Vaugeois

M. Rivest: Avant d'ajourner, il conviendrait peut-être que l'on adresse au président de notre commission nos condoléances.

Des voix: Oui.

M. Rivest: II a perdu son père aujourd'hui ou hier.

Le Président (M. Dussault): Pour qu'on comprenne bien et pour le journal des Débats, il s'agit du père du président de la commission, M. Denis Vaugeois. Ces condoléances sont exprimées à l'unanimité des membres de cette commission.

M. le député de Vachon, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Payne: Non. Au moment où vous avez exprimé les vôtres, je voulais simplement exprimer nos condoléances à notre collègue, le président.

Le Président (M. Dussault): Nous ferons part de l'expression de ces condoléances à M. Vaugeois.

M. Payne: Peut-être que le secrétaire de la commission pourrait envoyer une note.

M. Marx: Un télégramme au nom des membres de la commission pour exprimer nos condoléances.

Le Président (M. Dussault): D'accord. Je présume que c'est adopté à l'unanimité.

Puisqu'il n'y a rien d'autre à ajouter, j'ajourne les travaux de cette commission sine die.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

(Reprise de la séance à 15 h 21)

Étude détaillée du projet de loi 80

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des institutions, dont le mandat est de faire l'étude détaillée du projet de loi 80, Loi sur l'Ordre national du Québec, commence ses travaux.

Les membres présents sont: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Payne (Vachon), M. Rivest (Jean-Talon), M. Johnson (Anjou)...

M. Johnson (Anjou): Présent.

Le Président (M. Dauphin): Le secrétaire donnera la liste des remplacements.

Le Secrétaire: Je vais maintenant lire la liste des remplacements. M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) est remplacé par M. Champagne (Mille-Îles) et M. Vaugeois (Trois-Rivières) est remplacé par M. Laplante (Bourassa).

Le Président (M. Dauphin): Le président de la commission des institutions étant absent, nous allons nommer un rapporteur. Est-ce que quelqu'un se propose comme rapporteur?

Une voix: Le député de Mille-Îles, peut-être.

Le Président (M. Dauphin): Le député de Mille-Îles sera le rapporteur. Avant d'aborder l'étude détaillée article par article, je demanderais au ministre de la Justice s'il a des remarques préliminaires à faire.

M. Johnson (Anjou): Oui, brièvement, M. le Président. Je pense qu'on a évoqué l'essentiel des axes contenus dans ce projet de loi lors du discours sur l'étude du principe du projet de loi. Je dis simplement que nous aurons un certain nombre d'amendements que je peux regrouper en deux catégories. D'une part, des amendements de forme qui touchent tous la même notion: plutôt que "médaille", c'est "médaille du mérite", pour être plus rigoureusement exact, et c'est la notion qu'on va introduire à travers une demi-douzaine d'articles ou un peu plus. D'autre part, des amendements que j'ai annoncés lors de la deuxième lecture, qui

font suite à certains compromis que nous avons établis avec le critique de l'Opposition, notamment au sujet du caractère public des avis du conseil dans le cas de la nomination de certaines personnes; deuxièmement, la création du conseil provisoire et, troisièmement, l'élection qui suit le premier conseil après le conseil provisoire.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Est-ce que le porte-parole de l'Opposition, M. le député de Jean-Talon, a des remarques préliminaires?

M. Rivest: Non, M. le Président, je pense qu'on a pas mal tout dit.

Création et composition

Le Président (M. Dauphin): D'accord. À ce moment-ci, j'appelle donc l'article 1 du projet de loi.

M. Johnson (Anjou): "Est créé l'Ordre national du Québec."

Une voix: Adopté.

M. Rivest: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le ministre, vous n'avez pas le sentiment - je m'intéresse au vocable "national" - qu'il y a un abus flagrant depuis passablement longtemps, hélas! du mot "national". Je ne citerai qu'un cas illustrant cet abus: la Société nationale de l'amiante. Il me semble qu'au Canada, en France, en Angleterre, aux États-Unis il y a moyen de dire les choses sans mettre à chaque fois le mot "national" comme si c'était... Je m'accommoderais très bien - pour ne pas vous cacher le fond de ma pensée - comme il existe l'Ordre du Canada, que l'Ordre du Québec existe. Je conçois volontiers, M. le ministre, que vous ne soyez pas sensible à mes réserves. Dans la mesure où une institution comme celle-ci doit rallier - je pense que c'est le sens de la démarche du gouvernement et aussi de l'Opposition au niveau de ce qu'on a dit à l'Assemblée nationale - l'ensemble des Québécois, le mot "national" risque, pour une certaine partie de nos concitoyens... Je comprends très bien ici que le mot "national" réfère au territoire où une société distincte sur le continent nord-américain vit et s'exprime. Je comprends très bien également aussi l'historicité qu'il y a derrière cela, non seulement la réalité. À tort et à raison, dans l'opinion publique québécoise c'est un fait qu'il y a un certain nombre de gens que l'expression va gêner. D'autant plus que, je le répète, au Canada on n'a pas l'Ordre du Canada national ou l'Ordre national du Canada. Les décorations, en France, ce n'est pas la Légion d'honneur nationale de la France, etc. Vous savez à peu près ce que je veux dire. Je vous le suggère comme représentation non pas dans la perspective de vous enlever un mot ou d'enlever un mot au projet de loi, mais dans la perspective d'obtenir de la part des Québécois - je pense que c'est cela le sens -une adhésion spontanée. D'autant plus que pour nos concitoyens de langue anglaise, évidemment... Encore en fin de semaine on a vu l'expression "one nation" revenir chez certains interlocuteurs à Ottawa. Donc, ce serait réintroduire ce débat qui a très largement divisé dans le passé la société québécoise en tant que telle. Ce sont les remarques, M. le ministre, que je voulais vous faire sur cette expression en vous invitant à peut-être... Il me semble que cela refléterait la réalité que de dire l'Ordre du Québec, comme on dit l'Ordre du Canada. Je pense qu'on atteindrait notre objectif et qu'on éviterait des réserves, des blocages que certaines personnes ont pour des raisons qu'on peut très bien comprendre.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais revenir à la définition de base qu'on retrouve dans le dictionnaire de ce qu'est une nation. Le dictionnaire, le petit Larousse illustré de 1982...

M. Rivest: Je pensais que vous alliez prendre le petit Robert.

M. Johnson (Anjou): Non, non, pas le petit Robert. Que le petit Robert vienne, s'il veut parler. Au mot "nation" on dit: "Grande communauté humaine, le plus souvent installée sur un même territoire, et qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique plus ou moins forte." Cela m'apparaît être une définition de base qui correspond à ce qu'est le Québec et qui recèle en elle-même certaines ambiguïtés, la confusion du territoire et des langues sur le territoire du Québec. Par contre, on peut avoir une vision pancanadienne de la nation comme étant la nation canadienne-française. Je ne dis pas que c'est sans ambiguïté.

Je pense que d'affirmer qu'il y a au Québec des aspirations de caractère national plutôt que régional... Je pense que le territoire québécois se distingue pas mal de n'importe quelle autre province ou regroupement de provinces au Canada. Deuxièmement, il y a le caractère historique; on a la Bibliothèque nationale; on a l'Assemblée nationale. C'est un mot qu'on a utilisé pour décrire certaines institutions qui nous sont plus particulières et plus propres. Encore une fois, je ne dis pas que le mot

n'a pas donné lieu à des abus ou à des utilisations un peu "mithridatisantes" - si on me passe l'expression - du mot. Il reste que pour un ordre, il n'est pas inconséquent et anormal d'utiliser l'expression "national" dans le cas du Québec, encore une fois, en se référant au caractère historique, au fait que certaines institutions d'une certaine importance sont associées au mot "national". (15 h 30)

Finalement, je dirais au député qu'on aurait bien pu dire l'Ordre du Québec alors qu'on dit l'Ordre du Canada. La raison pour laquelle on ne dit pas l'Ordre national du Canada vient du fait que l'entourage juridique et constitutionnel plus récent, plus contemporain qu'on connaît au Canada ne fait pas douter du caractère de la souveraineté territoriale du Canada sur le plan international. On sait que la nation peut exister, peut s'exprimer sans pour autant qu'elle ait un caractère de souveraineté territoriale reconnu sur le plan international. On le sait, et nous croyons, nous, que la nation québécoise existe. Nous croyons qu'elle a des prolongements à l'extérieur de son territoire; je pense ici aux minorités francophones hors Québec. Nous sommes cependant conscients que ce territoire n'a pas les attributs de la souveraineté sur le plan international; il n'en a pas tous les attributs même s'il en a certains, dans certains de ses rapports, notamment, dans le monde de la francophonie.

Si nous les avions ces attributs, donc, si le Québec était un territoire souverain au sens où il est reconnu par les Nations Unies et par l'histoire des textes internationaux, probablement qu'on ne dirait pas Ordre national du Québec. On dirait peut-être simplement Ordre du Québec parce que ce serait dans l'ordre des choses. Mais tant et aussi longtemps que le Québec n'aura pas la plénitude en cette personnalité internationale, je pense qu'il sera toujours justifié, quelles que soient les options constitutionnelles des uns ou des autres, de rappeler à l'occasion -surtout à des moments législatifs particuliers comme celui qui crée un ordre - cette notion assez centrale, finalement, de notre existence collective, pas seulement quant au passé mais également quant aux aspirations légitimes que peuvent avoir de nombreux Québécois à cet égard.

Dans les circonstances, tout en étant conscients de certaines réserves que cela pourrait soulever chez certains, nous croyons qu'il faut maintenir cette notion.

M. Rivest: M. le Président, je pense que la réponse du ministre ne dispose pas de l'objection. Je suis parfaitement d'accord, pour des facteurs de spécificité tout à fait réels, historiques, présents et sans doute futurs de la société québécoise, qu'on puisse convenir du sens du dictionnaire pour prendre un langage neutre qui puisse nous unir et aplanir nos différences politiques. Par exemple, prenons un citoyen québécois, le Dr Selye, une personne qui nous venait de l'étranger, ou même une personnalité de langue et de culture anglaises au Québec qui pourrait être reconnue comme telle au sens de la définition du mot "nation" parce qu'elle appartient à une famille linguistique existant au Québec, ou même parce qu'elle vient... Je parle surtout de ceux qui sont nés ici, qui sont québécois autant que vous et moi. Ils savent, ils sont identifiés, ils travaillent au progrès du Québec, ils sont intéressés dans le présent et dans l'avenir du Québec, mais ils ont aussi leur place et la notion de "nation" ou la référence de "national", leur donne l'impression que, au fond, ce qu'on leur ferait, ce serait que la nation québécoise leur ferait un honneur en leur disant: Oui, vous avez contribué à l'avancement du Québec, alors que la décoration qu'ils seraient appelés à recevoir, à mon avis, ils devraient la recevoir dans toute la plénitude de notre reconnaissance de leur statut de Québécois, sans égard à leur dénomination linguistique, pour prendre cette différenciation qu'on a.

La notion, finalement, de nation, de l'Ordre national du Québec, pour les fins propres du Québec à l'intérieur de la société québécoise, c'est plus qu'une ambiguïté, je pense. C'est ambigu en anglais, en français, avec l'appartenance canadienne, le peuple canadien, le peuple québécois, etc., et tout cela crée ou peut créer à l'intérieur même du Québec une certaine difficulté. Les récipiendaires des décorations seront sans doute très heureux, qu'ils soient de langue anglaise, par exemple, de la recevoir en tant que Québécois, mais, face à leur communauté, à la communauté anglophone ou même face aux communautés culturelles, au sens large, autres que françaises, compte tenu de notre historicité récente sur le plan des batailles linguistiques qu'on a eues, sur le plan de l'avenir même constitutionnel du Québec, sur le plan de la bataille que les gens font au niveau de la protection de leurs institutions et, enfin, de ce qu'ils croient à bien des égards être une cause juste, il me semble qu'il y a une difficulté, que - je ne veux pas prolonger indûment le débat avec le ministre sur cela - encore une fois, dans la perspective d'obtenir l'adhésion spontanée de tous les Québécois à l'Ordre du Québec, il vaudrait mieux que l'article 1 se lise: "Est créé l'Ordre du Québec", comme l'Ordre du Canada ou la Légion d'honneur.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Mille-Îles avait demandé la parole.

M. Champagne: Oui, M. le Président. Je ne comprends pas les scrupules du député de Jean-Talon. Le député de Jean-Talon parle

d'adhésion spontanée. Je pense que le député de Jean-Talon n'a jamais refusé d'entrer à l'Assemblée nationale depuis qu'on a changé le nom de l'Assemblée législative en 1968 pour l'appeler l'Assemblée nationale et je pense qu'il se trouve très bien dans cette Assemblée. Il arrive cet après-midi un peu en contradiction avec le député d'Argenteuil qui a dit ce matin effectivement que le Québec formait une société distincte et qu'il formait une nation. Il faudrait savoir qui on devrait écouter autour de cette table, le député de Jean-Talon ou le député d'Argenteuil, à ce sujet. Sûrement que le Québec est une société distincte, et on parlait de notion de nation. Je pense que la nation, c'est basé sur un territoire donné, et nous l'avons. Nous avons une langue et une culture très identifiées, c'est un autre élément. Nous avons un passé historique. Peut-être que la seule chose qui nous manque, c'est l'adhésion majoritaire au projet collectif. C'est peut-être là que j'avoue avec le député de Jean-Talon qu'il peut y avoir une certaine restriction parce que le projet collectif n'est pas endossé par la majorité de la population. Je crois que dans l'évolution des choses on parle de l'Assemblée nationale, on parle de fête nationale, on parle de bibliothèque nationale et dans l'ordre normal des choses on devrait accepter que l'ordre soit qualifié "national du Québec."

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député.

M. le député de Jean-Talon est-ce que vous en faisiez un amendement tantôt ou...

Motion d'amendement

M. Rivest: Oui, M. le Président. Formellement, que l'article 1 soit modifié en retranchant le mot "national". J'ai écouté le plaidoyer du député de Mille-Îles même si j'étais à la recherche d'un document, sauf que ma raison fondamentale et la raison pour laquelle je fais un amendement formel, c'est que l'adhésion spontanée, il me semble, serait meilleure, surtout pour les Québécois québécois au sens plein du terme. Je pense que nulle part dans les interventions du ministre ou du député on n'a voulu indiquer qu'un Québécois de langue anglaise est moins Québécois que les autres, mais au niveau de leur perception et compte tenu de l'état de l'opinion, appelons cela comme cela, quant à toutes les difficultés de la société québécoise, présentes ou futures, je propose un amendement pour retrancher effectivement le mot "national" à l'article 1.

Le Président (M. Dauphin): L'amendement dit ceci: Que l'article 1 soit modifié en retranchant le mot "national". Il se lirait: "Est créé l'Ordre du Québec". Les députés ou le ministre auraient-ils des observations sur cet amendement?

M. Johnson (Anjou): J'aurai simplement une observation très brève, M. le Président, en comprenant encore une fois la recherche de ce qu'il appelle l'adhésion spontanée chez le député de Jean-Talon. Je dirai néanmoins que pour moi il y a quelque chose d'un peu conjoncturel là-dedans. Je ne parle pas de l'avenir. Je ne le connais pas et on verra bien. Ce qu'on connaît un peu mieux, c'est le passé.

Le mot "national" est l'idée de créer, par exemple, une société nationale qui est devenue ce qu'elle est aujourd'hui, mais qui était autre chose au moment où elle a été créée, il y a 150 ans. Il faut savoir qu'il n'y avait pas de clivage linguistique. Lorsque ces avocats et commerçants montréalais, qui étaient d'origine écossaise, irlandaise et française, se sont réunis en compagnie de MM. Duvernay, Viger et Lafontaine, formant une bonne partie de ce groupe, dans les jardins de MacDonald pour créer une société nationale, il n'y avait pas de clivage linguistique" dans cette aspiration. Il y avait de fait un certain clivage linguistique dans la réalité et on sait que ces choses-là ne sont pas terminées et ne se termineront peut-être jamais, finalement.

L'appartenance à une communauté linguistique de base pour une minorité sur un continent est une chose qui reste au coeur des débats et qui l'anime toujours, à moins qu'elle ne décide de se renier elle-même. Cela peut générer à un certain nombre de frictions, mais avec lesquelles, finalement, comme société on finit par vivre avec un minimum de tolérance. Il reste néanmoins que, pour moi, l'appellation "national", ce n'est pas nécessairement canadien-français, c'est québécois. La réalité québécoise est majoritairement francophone; il est vrai que les francophones ont un prolongement chez les minorités hors Québec, mais l'appellation "national" fait aussi appel à une certaine identification au territoire. C'était le cas de ces Écossais, de ces Irlandais et de ces "Canadiens français" il y a 150 ans au moment où ils ont créé une société nationale, qui était la Société Saint-Jean-Baptiste.

En ce sens, pour moi, si je comprends qu'un certain nombre de personnes voient cette perception alimentée par des gens qui ont des idées bien arrêtées à l'égard de la reconnaissance du "one" ou du "two nations" au nord du 45e parallèle, il n'en reste pas moins que c'est d'être fidèle, je pense, non seulement à ce que nous sommes, mais à ce que nous avons été que de réitérer cette appellation. Je pense qu'il n'est pas inutile, à l'occasion - encore une fois, pas à toutes les sauces, mais à l'occasion, surtout quand on parle de la création d'un ordre - de rappeler cette notion face à nous-mêmes et aussi

face à l'extérieur. Appartenir à l'Ordre du Québec ou au "Order of..." en Colombie britannique - c'est l'ordre du cèdre ou quelque chose comme ça, il me semble que c'est le nom d'un arbre - appartenir à un ordre qui est qualifié de "national" met en évidence le caractère territorial et aussi une certaine spécificité, alors que dire l'Ordre du Québec ne mettrait en évidence que le caractère géographique et non pas le caractère spécifique et le caractère historique, je pense, qu'il y a dans notre existence sur ce continent.

M. le Président, je voterai donc contre l'amendement proposé par le député de Jean-Talon.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent intervenir sur l'amendement? Est-ce que l'amendement du député de Jean-Talon est adopté?

M. Johnson (Anjou): Rejeté. M. Rivest: Sur division.

Le Président (M. Dauphin): Sur division. On revient maintenant à l'article 1 du projet de loi. (15 h 45)

M. Rivest: À l'article 1, je vais régler - on pourra procéder plus rapidement -l'autre sujet d'inquiétude qui a été soulevé au niveau de l'Assemblée nationale. Comment est-ce que ça va se passer en termes concrets - c'est une crainte que j'ai moi-même évoquée et je pense que M. Ryan en a également parlé - l'existence de deux ordres, l'Ordre du Canada et l'Ordre du Québec, compte tenu, encore une fois, du contexte qu'on peut déplorer, mais dont vous êtes probablement aussi responsables que nous le sommes. Finalement, on représente l'opinion publique, c'est l'état de l'opinion au Québec.

Je vois Gaétan Boucher, pour prendre un exemple, qui gagne des médailles sur le plan international dans sa discipline sportive. Est-ce qu'on va assister à une course, de nature non olympique celle-là, entre les gens de l'Ordre du Canada et de l'Ordre du Québec pour savoir lequel va aller le premier reconnaître ses mérites? Je ne dis pas cela à cause du caractère dérisoire auquel donnent lieu ces scènes qu'on a déjà connues et qu'on va probablement connaître encore, du moins pour un certain temps. Je trouve, supposons que je suis à la place de Gaétan Boucher, qu'au lendemain d'avoir reçu des médailles olympiques, je reçoive un appel de Québec me disant: Venez, nous allons reconnaître vos mérites, et que je reçoive un appel d'Ottawa ne disant: Venez, que là, le "chamaillage" entre Ottawa et Québec va se produire. Dans quelle position... Vous ne trouvez pas que cela risque de placer un peu... Avez-vous l'intention avec les gens de l'Ordre du Canada... D'abord, avez-vous établi des contacts avec les gens de l'Ordre du Canada?

Deuxièmement, il me semble que c'est un domaine où on devrait essayer, face aux récipiendaires, en fonction de cela et surtout en fonction de ce qu'ils représentent, d'établir un modus vivendi qui soit respectueux de l'exploit ou de la carrière et des mérites qu'on veut souligner, que ce soit à Québec ou à Ottawa.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, encore une fois qu'on l'appelle Ordre national ou Ordre du Québec, tout court, la situation que soulève le député pourrait se présenter, je pense qu'il le reconnaît. On ne peut pas mettre cela dans la loi, c'est bien évident. On se comprend sur le plan des attitudes. Je pense qu'effectivement il faut... L'objectif d'un ordre c'est de reconnaître, au plein sens du terme, la valeur exceptionnelle d'une carrière, d'une personne, de sa contribution ou d'un geste. À l'occasion, cela peut être un geste très particulier. Encore une fois, je pense que ce serait plutôt dans la minorité des cas. Il y a habituellement des distinctions spécifiques pour reconnaître un geste ou un fait.

Dans la mesure où l'objectif c'est cette reconnaissance, je vois mal quelque gouvernement que ce soit finalement mettre les gens dans l'eau bouillante entre ces deux ordres, celui du Canada et celui du Québec. Je ne dis pas qu'à l'occasion il n'y aura pas... Je suis sûr qu'il va y avoir des situations où les gens vont accepter les deux. Je n'ai pas de peine à croire cela.

M. Rivest: Pour les gouvernements, ce sera de savoir lequel va arriver le premier.

M. Johnson (Anjou): Voilà, ce sera le problème des gouvernements, justement.

M. Rivest: Non, mon point c'est que ce ne sera pas le problème...

M. Johnson (Anjou): Je ne pense pas que ce soit le problème des récipiendaires.

M. Rivest: ...des gouvernements, mais le problème des gens qui se demandent s'ils acceptent l'invitation à Québec ou à Ottawa avant.

M. Johnson (Anjou): Je pense que ce sera au gouvernement, comme je le dis, de ne pas mettre les gens dans l'eau bouillante le cas échéant. Je ne pense pas qu'on assiste à des courses folles dans ce sens-là. Je n'écarte pas la possibilité qu'à l'occasion cela puisse arriver. C'est bien possible.

Finalement, au niveau canadien il faut le reconnaître, la distribution - pourrait-on dire - pas nécessairement très parcimonieuse de certaines des décorations depuis trois ans a donné lieu, peut-être, à des réflexes de surenchère, etc. Je pense que c'est un écueil qu'on peut éviter. Quand on regarde s'insérer cela dans le temps, adoption de la loi, création du comité provisoire, mise en place d'un certain nombre de choses, éventuellement choix d'un premier groupe qui lui-même va réélire le groupe permanent, il faut quand même penser à plusieurs mois, peut-être un an ou quelque chose comme cela. Je pense que tout le monde se comprend, d'autant plus que je réitère ici que le premier ministre a pris l'engagement, même si nous ne le mettons pas dans la loi, de consulter le chef de l'Opposition sur les premières nominations au sujet desquelles il sera conseillé par un comité provisoire. On peut donc s'attendre que les personnes qui feront l'objet d'une telle distinction fassent l'objet d'un très très large consensus. Je ne vois pas, dans un premier temps, ces choses-là se produire. Pour l'avenir, la seule garantie qu'on a c'est la garantie du jugement des gouvernements qui, en général, s'exerce dans notre société d'une façon - je pense que c'est admis généralement - assez parcimonieuse dans un certain nombre de choses qui touchent notre identité. Il se pourrait fort bien que ce soit un autre gouvernement que celui-ci qui ait à procéder aux nominations du deuxième groupe en 1986, ou en 1995...

M. Rivest: Correction rapide. Quel aveu! Je retiens surtout de la réponse du ministre son aveu qui m'a fait énormément plaisir et surtout le fait que le ministre... Son expression est très juste et c'est l'objectif de soulever cet élément-là. Effectivement, tout gouvernement, que ce soit à Québec ou à Ottawa, devrait avoir comme règle de comportement de ne pas placer les récipiendaires dans l'eau bouillante, dans ce "chamaillage". Cela devrait être un terrain neutre.

Dernière remarque sur l'article 1. L'Assemblée nationale va conserver les décorations qu'elle remet? Je pense, entre autres, à Gilles Villeneuve qui en a reçu et à Gaétan Boucher, les deux qui me viennent à l'esprit. Est-ce que la création d'un Ordre du Québec ou d'un Ordre national du Québec - pour être très légaliste et pour respecter la décision de notre commission à laquelle je n'ai pu concourir - n'aurait pas pour conséquence de ramener les décorations de l'Assemblée nationale uniquement à des fins parlementaires? Dans l'évolution des choses, est-ce que cela n'est pas... Je ne sais pas ce que le président de l'Assemblée en dirait... Je me demande si cela n'a pas cette signification-là ultimement. Par exemple,

Gilles Villeneuve, même à titre posthume, pourrait recevoir l'Ordre du Québec. Je me demande si cela n'aurait pas pour effet de ramener les décorations de l'Assemblée nationale, qui suppléait dans le passé au fait que nous n'avions pas cette institution-là, de donner ces décorations à des gens dont les mérites sont liés à l'activité législative ou parlementaire. Par exemple, un député, ce matin, suggérait le cas de M. Bellemare qui est récipiendaire de l'Ordre du Canada. Il pourrait très certainement recevoir l'Ordre du Québec. Il a déjà reçu une décoration de l'Assemblée nationale. Comment le ministre voit-il l'évolution des choses face à l'Assemblée nationale.

M. Johnson (Anjou): Je pense que le député comprendra bien que tout ce que je peux faire c'est exprimer une opinion personnelle et un avis comme parlementaire, non pas que je pense que je puisse pour autant infléchir le cours des événements. Je pense que cette juridiction ou ce domaine d'attribution du président de l'Assemblée nationale relève de celui-ci. Je crois que la création d'un tel ordre et les nominations qui s'ensuivront pourraient avoir un effet sur le jugement d'opportunité que posera le président. Possiblement, cela aura pour effet de restreindre en partie le champ d'attribution de cette décoration de l'Assemblée.

M. Rivest: Dernier élément de la question qui vous a été posée par le député d'Argenteuil. Dans la mesure où l'ordre sera utilisé au mérite, comme vous l'a indiqué le député d'Argenteuil à l'Assemblée, ce serait un excellent test puisque l'Exécutif conserve le privilège de nommer... Peut-être qu'un des premiers Québécois qui jouit d'un grand prestige au Québec, au Canada et à l'échelle internationale, M. Pierre-Elliott Trudeau, pourrait être nommé, pour souligner les mérites d'un grand Québécois. Peut-être que ce serait un premier test que vous pourriez faire pour montrer que cette institution va être complètement politique .

Le Président (M. Dauphin): Avez-vous des commentaires, M. le ministre?

M. Johnson (Anjou): Pas vraiment. Sinon...

M. Rivest: M. le Président, est-ce que le journal des Débats enregistre les silences? J'ai posé une question et cela fait cinq minutes qu'il y pense. Il me semble que ce devrait être facile. M. Trudeau a quand même... On peut être d'accord ou ne pas être d'accord, mais quand même, comme Québécois, je pense qu'il a réalisé des choses extrêmement... et le gouvernement...

M. Johnson (Anjou): Son oeuvre à Cité libre, je pense, a effectivement marqué une bonne partie de la vie québécoise au départ. Deuxièmement...

M. Rivest: Vous voyez, c'est symptomatique. Votre réticence est elle-même symptomatique.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense qu'il ne faut...

M. Rivest: Pour les fins du journal des Débats, nouveau silence!

M. Johnson (Anjou): ...quand même pas être ironique à ce point.

M. Rivest: Ce n'est pas ironique, c'est très....

M. Johnson (Anjou): Alors, je ne sais pas pourquoi le député de Jean-Talon s'esclaffe.

M. Rivest: C'est votre embarras qui m'incite à cela. Vous qui êtes un homme de consensus et de compromis...

M. Johnson (Anjou): C'est peut-être dans la définition du mot "apolitique". Cela ne veut pas dire qu'il faut être antithétique constamment pour être apolitique. Je ne pense pas que cet ordre soit marqué, à ses débuts, par des gestes de nature politique. Je pense que ce qu'on l'on recherchera, c'est ce qui ferait l'objet d'un consensus. Je n'ai pas à m'exprimer parce que je n'ai pas vu l'initiative venir. La loi n'est pas adoptée. Si l'initiative vient, on verra bien. Mais je comprends que les personnes...

M. Rivest: Si le conseil vous fait la recommandation sur M. Trudeau, je pense que vous pouvez dire publiquement que cela fera plaisir au premier ministre du Québec et au gouvernement du Québec de reconnaître les mérites de M. Trudeau.

M. Johnson (Anjou): Je ne peux pas parler pour le premier ministre du Québec...

M. Rivest: Non.

M. Johnson (Anjou): ...et je ne peux pas parler pour le gouvernement, tant et aussi longtemps que celui-ci n'a pas pris une décision.

M. Rivest: Oui, mais c'est vous qui présentez le projet de loi. J'imagine que vous êtes en mesure de parler pour quelqu'un.

M. Johnson (Anjou): Non, non, je dois vous dire qu'on n'a pas inclus une annexe au projet de loi quant aux candidats possibles.

M. Rivest: Le député a suggéré M. Bellemare, qui est également un personnage politique qui a ses mérites.

M. Laplante: J'ai un nom à suggérer, M. Gérard-D. Levesque; il paraît qu'il s'en va!

M. Rivest: Non, il ne s'en va pas. En tout cas, je n'ai pas eu de réponse. De toute façon, M. Trudeau est encore en poste jusqu'à la fin du mois. Peut-être que la réponse du ministre eût été prématurée.

M. Johnson (Anjou): Voilà!

M. Rivest: Vous auriez pu vous en sortir très facilement comme cela!

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Mille-Îles.

M. Rivest: J'ai pensé que c'était ce que vous me diriez. Puisque vous vous êtes aventuré à donner une réponse qui n'en est pas une, je considère, M. le Président, l'article...

M. Johnson (Anjou): Puisque la question n'en était pas une!

M. Rivest: L'article 1, on l'a adopté sur division.

M. Johnson (Anjou): Adopté.

M. Rivest: Article 2, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Messieurs, je m'excuse.

M. Champagne: Si je comprends bien...

M. Johnson (Anjou): Amendement, M. le Président.

M. Champagne: ...le député de Jean-Talon ne préside pas cette commission pour appeler l'article 2. J'avais demandé le droit de parole, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je m'excuse auprès du député de Mille-Îles.

Le Président (M. Dauphin): La parole est au député de Mille-Îles.

M. Champagne: Je pense qu'il présume trop des intentions du comité de sélection. Je pense qu'on sera lié, de bonne foi, au comité de sélection dans la décision.

M. Rivest: Si le conseil donne l'avis que Pierre-Elliott Trudeau devrait être un

récipiendaire, est-ce que le premier ministre ou l'Exécutif suivra cet avis?

M. Champagne: D'accord. Alors...

M. Rivest: Ma réponse aurait été spontanée. Je peux vous dire que lorsque nous serons au gouvernement, d'ici une dizaine de mois, je présume, bien avant 1986, si cette recommandation nous est faite, nous l'accepterons.

M. Champagne: D'accord.

M. Rivest: Parce que nous considérons cette affaire absolument apolitique.

M. Champagne: Alors, dans un comité de sélection...

M. Rivest: Malgré que nous ayons eu nos difficultés avec M. Trudeau...

M. Champagne: Si je comprends bien, M. le Président, le comité de sélection...

Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, messieurs.

M. Johnson (Anjou): Je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris les derniers propos du député de Jean-Talon. Est-ce qu'il pourrait répéter?

M. Rivest: Je parlais des difficultés que nous avons eues avec M. Trudeau. Cela n'entrerait pas en ligne de compte, quant à nous, si le conseil retenait la candidature de M. Trudeau. Je vous donne un avis personnel, je ne suis pas le premier ministre comme vous, je verrais mal que votre gouvernement soit réticent à ce genre de nomination. Mais, M. le Président, avant qu'il me demande si l'on accepterait la candidature de René Lévesque, je considère l'article adopté. (16 heures)

Le Président (M. Dauphin): Ah! bon.

M. Rivest: On passe à l'article 2.

Le Président (M. Dauphin): La parole était au député de Mille-Îles, est-ce que vous avez terminé votre intervention?

M. Rivest: Moi, je l'accepterais.

M. Champagne: Si le député de Jean-Talon peut nous laisser la parole, même si on l'écoute très attentivement... C'est simplement pour dire que le député de Jean-Talon, je ne sais pas s'il serait mal à l'aise si, dans dix ou quinze ans, on l'honorerait de l'Ordre du Canada et qu'ici, le Québec l'oubliait? Je parlais ce matin de M. Maurice Bellemare, qui a passé une très grande partie de sa vie ici au Québec, à l'Assemblée nationale, et qui est honoré à l'extérieur du Québec de l'Ordre du Canada. C'est pour cela, je pense, que c'est une bonne chose qu'on ait des distinctions spécifiques pour les gens qui ont fait quelque chose de spécifique ici au Québec. J'espère que le député de Jean-Talon sera un récipiendaire dans plusieurs années.

M. Rivest: Des deux?

M. Champagne: On prendra les devants, j'espère.

M. Rivest: Vous présumez, à ce moment-là, que dans plusieurs années, le Québec sera encore dans le Canada. Je vous remercie.

L'article 1 est adopté, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Johnson (Anjou): Article 2.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Johnson (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté sur division?

M. Rivest: Non, l'article 1 est adopté. C'est la constitution de l'ordre, je pense qu'il ne conviendrait pas qu'on l'adopte sur division, malgré ma réserve sur le mot national. Adopté comme cela.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle maintenant l'article 2.

M. Rivest: Adopté.

M. Johnson (Anjou): Nous avons un projet d'amendement à l'article 2.

Le Président (M. Dauphin): Le ministre propose que l'article 2 soit modifié par l'addition, au paragraphe 3, après le mot "médaille", des mots "du mérite".

M. Johnson (Anjou): Je dirai, pour une dizaine d'autres articles, qu'il y a concondance, les autres amendements allant exactement dans ce sens.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il des interventions sur l'amendement?

M. Rivest: Vous savez que le chroniqueur Gilles Lesage, sur un ton ironique j'en conviens, a signalé dans un article du Devoir... ou c'est Lysiane Gagnon. Je ne sais trop lequel des deux a soulevé le problème de quelqu'un qui est au premier

niveau et qui se demande ce qu'il faut faire pour gagner le deuxième niveau. Le récipiendaire de la médaille se dit: Moi, je voudrais devenir officier, comment cela se fait-il que je ne sois pas officier? Celui qui sera officier se dit: Franchement, comment aurais-je bien pu devenir grand officier?

Comment cela se jouera-t-il? Je comprends que, selon le projet de loi, il est possible d'avoir des promotions à un moment donné.

M. Johnson (Anjou): Voilà, on peut passer d'un niveau à l'autre par ordre croissant, par définition. Je pense que la réponse viendra avec la sélection du premier groupe. Si on prend la plupart des ordres, que ce soit la Légion d'honneur, l'Ordre du Canada ou un certain nombre d'autres décorations qui peuvent exister en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, il y a des grades. Je dois vous dire qu'on a eu une discussion qui a duré un certain temps autour de cette notion à savoir s'il doit y avoir des grades ou pas, etc.

Je pense qu'il faut retenir la notion de grade, même si en général elle répugne, au sens juridique du terme répugner, aux réflexes habituels que nous avons dans la législation québécoise. Nous avons, en général, une approche très égalitaire des choses dans notre société.

Il n'en demeure pas moins que, sans pouvoir cerner dans le texte de loi la différence entre des services éminents, des services essentiels, remarquables, extraordinaires, par le fait de retenir une gradation dans les mérites qui sont conférés et ensuite faire comme cela se fait dans la plupart des autres sociétés, on reconnaît que le caractère éminent d'une carrière, des gestes posés ou des choses faites, peut varier selon le moment, selon les répercussions sur les gens, sur l'ensemble. Je ne pense pas que cela fasse l'objet d'une jalousie, mais que déjà le fait d'appartenir à cet ordre signifiera une certaine notoriété. Le fait d'obtenir la distinction de grand officier de l'ordre reviendra sans doute à des personnes qui feront vraiment l'objet d'un énorme consensus dans la société.

Par exemple, la contribution d'une personne à un domaine d'activité spécifique où il y a eu un certain nombre de répercussions sur d'autres domaines. Je pense, par exemple, à certaines découvertes scientifiques... Je vais utiliser des exemples du passé, car je pense que c'est délicat d'utiliser des exemples du présent. Bethune avait, en tant que médecin, non seulement une dose d'humanisme remarquable, non seulement était-il un excellent chirurgien, mais, en plus d'aller en Chine et de venir en aide littéralement à des milliers de personnes et d'en former des centaines d'autres qui allaient alléger la souffrance de millions d'autres, Bethune a aussi eu une réflexion et une pensée quant à ce qu'on appelle aujourd'hui la médecine sociale.

Cette répercussion dépassait son domaine. Sa contribution, à la fois en tant que chirurgien et humaniste, lui aurait valu une distinction vraiment remarquable. Cette contribution allait au-delà des répercussions sur le plan humanitaire, au-delà du domaine scientifique; elle avait également amené une réflexion dans la société autour de ce qu'était la médecine sociale. J'ai relu récemment des textes de Bethune et j'ai été frappé de voir la notion d'un système universel, accessible et gratuit, la notion même de l'absence totale de contraintes sur le plan financier - on pense au débat sur le ticket modérateur qui fait l'objet d'un consensus des structures politiques - des choses à grande répercussion.

Si l'ordre avait existé à l'époque, Bethune aurait sans doute été décoré et se serait vu décerner probablement la plus haute distinction, alors qu'un autre médecin de son époque, ayant fait une découverte importante avec des répercussions pour toute la société, mais n'ayant pas débordé sur d'autres domaines, aurait pu être du second grade. Un autre ayant fait une découverte ponctuelle, importante et majeure, mais pas nécessairement comme un couronnement de carrière, aurait pu se voir conférer un titre de membre. Je comprends que tous les exemples clochent, mais c'est un peu ainsi que je le vois.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. Est-ce que l'article 2, paragraphes 1°,2° et 3° , tel qu'amendé est adopté?

M. Rivest: Une dernière question.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député.

M. Rivest: Pourquoi ajoutez-vous le mot "mérite"?

M. Johnson (Anjou): Pour reprendre une terminologie qu'on retrouve dans certains ordres existants, notamment dans le cas de la Légion d'honneur.

M. Rivest: D'accord.

Nomination

Le Président (M. Dauphin): L'article 2 tel qu'amendé est adopté. J'appelle

maintenant l'article 3.

M. Johnson (Anjou): Amendement de même nature, M. le Président, de concordance avec l'article 2 sur la médaille du mérite.

Le Président (M. Dauphin): On propose que l'article 3 soit modifié par l'addition, à la quatrième ligne du premier alinéa, après le mot "médaille", des mots "du mérite". Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement?

M. Rivest: Non, cela va. À l'article 3, c'est le rôle du lieutenant-gouverneur. J'aimerais entendre le ministre, car, comme je l'ai signalé au cours de mon intervention de deuxième lecture, contrairement aux lois qui existent, la loi sur les concours, la Loi sur le mérite agricole et la Loi visant à favoriser le civisme, qui reconnaît les actes de bravoure, il reste que l'ordre, au Canada et en France, est une décoration d'État. La difficulté se pose à savoir... Ici, on donne cela finalement au premier ministre. Dans quelle mesure, étant donné que, bien sûr, selon l'opinion québécoise, le rôle du lieutenant-gouverneur ou même celui du gouverneur général au niveau du Canada, parce qu'il représente la souveraine, qui a des opinions divergentes, j'en conviens volontiers... Néanmoins, dans la mesure où on veut en faire une affaire d'État et lui donner toute la dimension et le niveau que cela comporte, le lieutenant-gouverneur est une institution qui existe, du moins jusqu'à nouvel ordre, mais elle existe.

Le gouvernement lui-même le reconnaît, je ne dirais pas pleinement. Des montants sont votés chaque année pour le lieutenant-gouverneur. Toutes les lois que le gouvernement adopte sont sanctionnées par le lieutenant-gouverneur. Le domaine de l'administration de la justice, l'institution... pas le lieutenant-gouverneur, mais l'institution qu'elle représente, c'est-à-dire le caractère monarchique de notre constitution est reconnu. Cela fait partie de l'institution, c'est-à-dire de la désignation complète d'un État au sens que cela a.

J'aimerais connaître les raisons qui ont amené le gouvernement ou le ministre à faire comme si le lieutenant-gouverneur n'existait pas. On sait très bien qu'à Ottawa les nominations sont faites par un instrument qui est signé par le gouverneur général du Canada, à qui d'ailleurs on a confié l'ensemble de l'administration, ce qui le place, étant donné que l'institution est là, dans un endroit qui est vraiment l'endroit central de l'État dans notre régime constitutionnel actuel, je le précise. Je voudrais poser la question au ministre à savoir pourquoi on fait comme si le lieutenant-gouverneur n'existait pas cette fois-ci, alors que dans d'autres cas - je cherche où est la cohérence - quand il s'agit de la sanction des lois, le lieutenant-gouverneur est inscrit dans le processus et qui on respecte cela? Je me rappelle d'un vieux débat quant à l'institution monarchique. Je pense que tous les membres de cette Assemblée, quelles que soient les réserves qu'ils peuvent avoir sur le système monarchique, sauf erreur, ont prêté serment d'allégeance à Sa Majesté la reine Elizabeth II.

Voilà! Silence, pour les fins du journal les Débats.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, on nage dans un océan de recherche de cohérence, océan auquel d'ailleurs ajoute son sel le député de Jean-Talon. Je dirai, et encore une fois très concrètement que parmi ces choses qui distinguent le Québec des autres provinces canadiennes, même si c'est rarement reconnu formellement, mais c'est vécu comme cela et cela a toujours été vécu comme cela depuis le XVIIIe siècle, à toutes fins utiles, la monarchie n'a jamais fait l'objet d'une vénération particulière dans notre peuple. Je ne dis pas qu'il n'y a pas un certain nombre de personnes au Québec... Je pense qu'il y a encore une maison "Daughters of the Empire", si je ne me trompe pas, mais disons que cela ne représente pas un vaste consensus dans la société québécoise, le culte monarchique qui existe dans la plupart des pays anglos-saxons de type britannique et faisant partie du Commonwealth, plus particulièrement dans le reste du territoire canadien où il est resté -malgré une tendance républicaine qu'on voit se manifester depuis une quinzaine d'années, disons - un consensus d'attachement aux institutions monarchiques. Or, le Québec a toujours été historiquement en marge de cela.

Encore une fois cela n'a rien à voir avec les qualités remarquables qu'on a connues à tous nos lieutenants-gouverneurs du Québec. Donc, historiquement, le lieutenant-gouverneur, et avant lui le gouverneur, à l'époque du Bas-Canada, et avant lui le représentant direct du roi d'Angleterre ou de la reine d'Angleterre étaient perçus comme étant une présence impériale, une présence impériale qui a donné lieu aux affrontements sanglants de 1837-1838, raison des revendications nombreuses sur le plan politique, raisons qui ont expliqué l'évolution des partis politiques jusqu'à la Confédération. Par la suite, à partir de la Confédération, le lieutenant-gouverneur, en tant qu'institution encore une fois, indépendamment des personnes, est devenu également un symbole de l'intrusion de l'État fédéral dans les choses de juridiction provinciale. Je m'explique. Ce n'est pas pour rien que le droit de désaveu et de veto est tombé en

désuétude constitutionnelle. Avant l'arrêt Maritime Bark, avec la notion de la séparation des onze couronnes au Canada, il y a eu un certain nombre d'événements où le pouvoir exécutif du Québec, à travers la personne du lieutenant-gouverneur et son rôle, a combattu non seulement la présence impériale symbolique à laquelle notre population n'était pas particulièrement attachée mais également la présence de l'État fédéral en tant qu'État central, en tant que gouvernement central, d'où le cheminement vers la désuétude tranquille du pouvoir de désaveu et de veto. Depuis, au Québec, plus particulièrement à la fin des années 50, on se souvient d'abord de l'épisode qui a commencé sous Maurice Duplessis quand le premier ministre, alors, avait dit à ses ministres et à ses députés: Cette année - je pense que c'était en 1956 -quand le lieutenant-gouverneur fera le discours du trône il ne dira pas "mon gouvernement", il dira "le gouvernement". (16 h 15)

M. Rivest: C'était du Duplessis, ça.

M. Johnson (Anjou): Par la suite...

M. Rivest: Vous donnez une signification au-delà...

M. Johnson (Anjou): Par la suite, il faut se rappeler que...

M. Rivest: M. Lesage disait "mon gouvernement", vous vous rappelez?

M. Johnson (Anjou): Mais c'était le chef de l'Exécutif qui disait "mon gouvernement", dans ce qu'on appelait le discours du trône. Ce discours du trône est devenu, par la suite, dans les années 60, le discours inaugural fait par le chef de l'Exécutif et non pas par le lieutenant-gouverneur. On a assisté également, à cette époque, à la création de l'Assemblée nationale du Québec, au changement de nom de l'Assemblée en même temps qu'à la création du ministère des Affaires intergouvernementales, etc. On a assisté, sur les armoiries du Québec qui étaient reproduites sur la papeterie, à l'effacement de la couronne.

M. Rivest: En quelle année?

M. Johnson (Anjou): Dans les années 60. Je m'en souviens, je pense que c'est en 1967 ou en 1968 que, du jour au lendemain, la papeterie gouvernementale a été remplacée et il n'y avait plus de couronne sur les armoiries. Par la suite, on a remplacé même ces armoiries qui avaient également, encore une fois...

M. Rivest: Il y a des boiseries, ici, qui vous contredisent magistralement.

M. Johnson (Anjou): Oui, il y a des boiseries qui sont magnifiques, d'ailleurs.

M. Rivest: Mais elles vous contredisent magistralement.

M. Johnson (Anjou): Ces boiseries sont magnifiques. Mais on voit aussi, sur ces boiseries, qu'il y a une fleur de lys, là où elle doit être, c'est-à-dire en dessous de l'horloge...

M. Rivest: Le lion...

M. Johnson (Anjou): ...et que cette fleur de lys prend beaucoup de place à côté des couronnes impériales.

M. Rivest: Mais il y a quatre couronnes impériales contre une fleur de lys.

M. Johnson (Anjou): Je dis donc qu'au niveau d'un ensemble de petits signes qui, encore une fois, ne changent pas la vie quotidienne des gens, on en est bien conscient -. cela ne crée pas beaucoup d'emplois sauf dans les imprimeries - on a pris une série de mesures depuis une quarantaine d'années, dans notre société, pour faire apparaître un certain nombre de symboles qui étaient ceux auxquels s'identifiaient les Québécois, notamment à partir de l'adoption, à l'époque de M. Chalout, du drapeau du Québec. Au Canada cela a été un peu la même chose, avec le drapeau du Canada par opposition aux armoiries impériales.

Finalement, on a conféré un rôle de plus en plus réduit sur le plan de l'appareil protocolaire au lieutenant-gouverneur. C'est le chef de l'Exécutif qui préside les dîners d'État chez nous. Il y a toujours une cérémonie. Je me souviens, depuis 1967, l'année où il y a eu, je pense, 53 visites de chefs de gouvernement, dont une trentaine étaient également des chefs d'État, qu'il y avait, bien évidemment, le circuit des hommages qu'allait rendre le chef de gouvernement au chef d'État étranger à la Citadelle, au lieutenant-gouverneur, mais dès qu'il en ressortait, les dîners d'État étaient présidés par le chef du Conseil exécutif et non par le lieutenant-gouverneur.

En d'autres termes, nous n'inventons pas une marginalisation du lieutenant-gouverneur à travers ce projet de loi. Nous pensons, au contraire, que cela reflète, en pratique, un certain nombre de gestes et de pas qui ont été posés depuis, plus clairement, l'Acte d'Union, par les Québécois et par les habitants de ce territoire, les citoyens de ce territoire à l'égard de ce qui représentait tantôt la présence de l'État impérial et, deuxièmement, un peu plus tard, après la Confédération, l'instrument du gouvernement central pour agir à l'égard d'un certain

nombre de choses politiques relevant de la juridiction des provinces.! Nous croyons que nous nous inscrivons dans ce cheminement et, encore une fois, cela n'implique aucunement qu'il y ait là quelque attitude cavalière à l'égard des personnes qui occupent ces postes. De fait, le Québec se distingue aussi par le fait qu'il considère, même si ce n'est pas formalisé, que le chef du gouvernement a ici à peu près les rôles du chef d'État qu'on retrouve ailleurs.

M. Rivest: C'est intéressant cette perspective historique. Je constate que le ministre était très informé de l'historicité du lieutenant-gouverneur et du gouverneur général. Pourquoi, Grand Dieul - comme disait l'ancien député de Sauvé - faites-vous sanctionner vos lois par le lieutenant-gouverneur?

M. Johnson (Anjou): Je pense que, dans certains cas, on risquerait d'avoir des actions en nullité qui pourraient être prises par des avocats de pratique privée et qu'on nous annoncerait que nos lois ne s'appliquent pas à cause des textes constitutionnels qui nous régissent. Je doute fort qu'on assiste un jour à une injonction pour enlever la médaille du mérite, le titre de grand officier à un récipiendaire.

M. Rivest: Le lieutenant-gouverneur existe ou il n'existe pas, comme dirait Shakespeare. Existe-il?

M. Johnson (Anjou): Je dirai qu'à l'égard de M. Lamontagne, sûrement il existe et il est là.

M. Rivest: Peu importe M. Lamontagne, mais la fonction.

M. Johnson (Anjou): En tant que fonction, je dirais que notre société - je ne veux pas aller plus loin qu'il ne faut - a toléré cette existence... ■

M. Rivest: Oh!

M. Johnson (Anjou): ...sur le plan politique, a réussi un modus vivendi qui lui a permis d'exprimer de plus en plus, par l'appareil symbolique, par les relations avec les autres États, le rôle prépondérant du chef du gouvernement qui, ici, assume souvent, à l'égard de l'étranger et de l'extérieur, les fonctions qui, ailleurs, sont dévolues aux chefs d'État.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 3?

M. Rivest: Je regrette... Je trouve que les explications sont intéressantes, mais je regrette... L'institution du lieutenant- gouverneur ou du gouverneur général peut évoluer. D'ailleurs, il y a déjà eu des textes de notre formation politique qui tendaient à faire évoluer la fonction dans le sens signalé par le ministre. Le premier ministre du Canada, M. Trudeau, au moment de la révision constitutionnelle, avait déclaré à la Chambre des communes - non pas son intention, parce qu'il constatait que l'opinion publique canadienne n'était pas suffisamment prête à accepter cela; il y avait trop de résistance - qu'il maintenait le caractère monarchique. Cela donna lieu à un débat.

Dans la mesure où il existe, où la fonction existe et qu'on fait des lois, il me semble que cela aurait donné à la décoration un statut... Là, c'est le premier ministre qui remet les décorations; le premier ministre est, par définition, un personnage politique. Il y a peut-être des gens - à tort ou à raison -qui peuvent, à cause de leur histoire personnelle ou de leurs opinions, être embarassés. Cela pourra arriver, quel que soit le premier ministre; je ne fais aucune référence au premier ministre actuel. Je trouve que, si le lieutenant-gouverneur était là, cela deviendrait une décoration d'État. Par contre, d'autres - remarquez que c'est un problème un peu inextricable dont nous avons parfois le secret au Québec - qui ont des opinions très arrêtées sur le caractère monarchique pourraient éventuellement refuser parce qu'ils sont contre cela.

Le ministre a choisi une voie; nous n'allons pas en faire un amendement formel, mais néanmoins j'aurais préféré qu'au niveau des convenances et de la courtoisie... Est-ce que vous avez discuté de cet aspect avec le lieutenant-gouverneur?

M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas eu l'occasion de parler au lieutenant-gouverneur de cette question.

M. Rivest: II me semble que cela aurait été un minimum, au moins l'en informer.

M. Johnson (Anjou): II a pris connaissance du projet de loi et en a recommandé l'adoption à l'Assemblée nationale.

M. Rivest: Sauf erreur, vous ne l'avez pas dit ce matin à l'Assemblée. Vous avez osé le dire? Vous venez de nous dire que ce que vous aviez dit est faux, puisque vous ne l'avez pas consulté; là, vous avez affirmé, protocolairement parlant, que le lieutenant-gouverneur avait pris connaissance du projet de loi et vous me dites qu'il n'est pas au courant.

M. Johnson (Anjou): Le cheminement normal d'un projet de loi est intervenu. Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi et en a recommandé l'adoption

à l'Assemblée nationale. Cela et une conversation de nature privée entre un membre de l'Exécutif et le représentant du souverain, c'est autre chose.

M. Rivest: Vous ne l'avez pas fait?

M. Johnson (Anjou): Vous avez pris connaissance du projet de loi?

M. Rivest: Non, mais vous n'avez pas discuté de ce projet de loi avec le lieutenant-gouverneur, pour demander... par simple courtoisie?

M. Johnson (Anjou): Non, pas autrement que par la voie normale.

M. Rivest: Je peux vous dire que, si nous avions retenu la voie que vous nous proposez à l'article 3, je pense, M. le Président, qui nous connaissez bien, que nous aurions sûrement, au moins, sauvegardé les règles de courtoisie élémentaires. Vous ne l'avez pas fait. Après cela, ils sont surpris, M. le Président, que, dans les élections partielles, ils se fassent battre.

Je ne sais pas pourquoi on rit dans l'assistance, M. le Président; il me semble qu'il y a un lien de cause à effet assez évident, qui semble échapper aux journalistes de la Presse canadienne.

M. le Président, on peut continuer, s'il vous plaît!

Le Président (M. Dauphin): L'amendement ayant été adopté, est-ce que l'article 3 tel qu'amendé est adopté?

M. Rivest: Un instant; oui, cela va. M. Johnson (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle maintenant l'article 4.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, même amendement.

Le Président (M. Dauphin): Même amendement. On propose de modifier l'article 4 par l'addition, à la cinquième ligne, après le mot "médaille", des mots "du mérite".

Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement?

M. Rivest: Sur l'amendement, non.

M. Johnson (Anjou): L'amendement est adopté, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): L'amendement est adopté. Est-ce que l'article 4 tel qu'amendé est adopté?

M. Rivest: Oui, cela est pour les personnes qui ne résident pas au Québec.

Il y a une différence: elles ne passent par le conseil, sur l'avis du conseil, c'est un privilège du premier ministre.

M. Johnson (Anjou): Privilège de l'Exécutif, en matière de "politique étrangère", politique extérieure, je devrais dire. On sait que la politique extérieure, dans la tradition que nous avons toujours adoptée ici, comme dans la plupart des parlements de type britannique, est vraiment un privilège de l'Exécutif. Il y a un privilège de nature quasi absolue de l'Exécutif.

M. Rivest: C'est le même privilège qui a amené, par exemple, M. le délégué du Québec à Paris à recevoir une décoration. M. Chapdelaine, je pense, avait eu la Légion d'honneur et M. Michaud.

M. Johnson (Anjou): M. Chapdelaine l'a eue aussi.

M. Rivest: M. Michaud aussi, je crois.

M. Johnson (Anjou): M. Michaud aussi, je crois.

M. Rivest: C'est Yves Michaud, je crois.

M. Johnson (Anjou): C'est bien cela.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle maintenant l'article 5.

Une voix: Adopté.

M. Johnson (Anjou): L'article 5, M. le Président.

M. Rivest: II n'y a pas d'amendement.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 5, est adopté?

M. Rivest: M. le Président. Je note que le premier ministre doit, sauf dans les cas de non-résidents, demander l'avis du conseil. Alors, le premier ministre conserve une initiative si ces personnes-là, ce que je comprends de l'article, ne lui sont pas recommandées, c'est-à-dire formellement recommandées. Et quand il prend l'initiative lui-même pour signaler... Probablement que ce sera surtout utilisé dans les cas d'un exploit particulier. À ce moment-là, il doit demander l'avis du conseil. C'est cela?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je m'excuse, il y a effectivement un amendement. C'est à l'article 5 qu'on fait l'amendement. Je m'excuse, car je croyais que nous étions rendus à... J'étais encore à l'article 4.

À l'article 5, M. le Président, et nous aurons l'occasion de nous en reparler, je dépose le projet d'amendement. L'article 5 est modifié par l'addition, à la fin de l'article, de l'alinéa suivant: "L'avis favorable du conseil de l'ordre concernant cette nomination est annexé au décret pris en vertu de l'article 3." Ce que nous visons à régler ici, conformément à ce que j'ai évoqué en Chambre ce matin, c'est la chose suivante...

M. Rivest: Est-ce que cela s'applique uniquement dans le cas où les nominations sont faites par l'initiative du premier ministre, c'est-à-dire que l'avis disant...

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.

M. Rivest: Mais, dans le cours normal -j'extrapole, c'est plus loin, je sais que ce n'est pas à l'article que nous étudions - dans le cours normal des fonctions, le conseil se réunit, le premier ministre n'est pas obligé de nommer les personnes qui lui sont recommandées par le conseil, à sa réunion annuelle, par exemple. À cette occasion-là, est-ce qu'effectivement, lorsque le premier ministre choisit d'autres personnes, il y aura aussi le dépôt des recommandations usuelles? (16 h 30)

M. Johnson (Anjou): Les documents qui sont rendus publics dans les circonstances sont les suivants. Par définition, pour devenir membre de l'ordre, il faut être sujet d'un décret. Ce décret sera accompagné en annexe de la recommandation favorable, s'il y en a une, du conseil; et si un décret était déposé sans annexe, il faut donc en conclure que l'avis n'était pas favorable, c'est-à-dire que le premier ministre, en fait le gouvernement puisque c'est le Conseil des ministres qui nomme, a pris sa décision en dépit de ce qui serait une recommandation défavorable.

M. Rivest: D'accord.

M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est très clair. La visibilité qui était recherchée à cet égard est assurée par cela.

M. Rivest: C'est cela qu'on visait. On visait finalement à ce que...

M. Johnson (Anjou): ...on puisse faire le partage, le cas échéant.

M. Rivest: ...le premier ministre puisse, pour des raisons d'État qui lui appartiennent...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Rivest: ...choisir, mais néanmoins qu'à ce moment on sache d'une manière ou d'une autre...

M. Johnson (Anjou): ...qu'il n'y a pas eu d'avis favorable.

M. Rivest: ...par une technique qui est suffisamment discrète, pour ne pas multiplier... C'est assez ingénieux d'ailleurs comme technique, je trouve cela bien. Très bien, M. le ministre.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 5 tel qu'amendé est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle maintenant l'article 6.

M. Johnson (Anjou): C'est le même amendement au sujet du mérite.

Le Président (M. Dauphin): Que l'article 6 soit modifié par l'addition, à la première ligne du premier alinéa, après le mot "médaille", des mots "du mérite". Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Rivest: Adopté. À l'article 6, qu'est-ce qui va être le déclencheur? Qu'est-ce que cela pourrait être comme situation pour obtenir une promotion?

M. Johnson (Anjou): Prenons l'exemple du passé. Quelqu'un dans la trentaine ou dans la quarantaine a déjà fait une oeuvre exceptionnelle et refait des choses aussi exceptionnelles; il a été nommé membre et devient donc officier ou grand officier, à toutes fins utiles.

M. Rivest: Le conseil peut-il recommander une promotion?

M. Johnson (Anjou): De sa propre initiative, rien ne l'empêche de le faire, effectivement. Évidemment, si le premier ministre recommande une promotion, il doit prendre avis et donc...

M. Rivest: Mais si l'éventuel - je vais vraiment à la limite - promu qui risque d'être membre du conseil est élu par la suite... J'imagine que cela ne se passera pas; cela serait assez saugrenu que des gens se donnent des promotions.

M. Johnson (Anjou): L'exemple est le suivant: Une personne qui serait membre et qui par la suite deviendrait membre de l'Assemblée nationale, deviendrait un élu, ne

pourrait pas, alors qu'elle est élue, connaître une promotion.

M. Rivest: Bon!

M. Johnson (Anjou): De la même façon qu'aucun élu siégeant au Parlement, à l'Assemblée nationale, ne peut être nommé. Il ne peut être ni nommé, ni promu. Évidemment, le fait d'accéder à l'Assemblée nationale n'est pas a priori une démotion en général, cela dépend du point de vue où on se place, je présume, dans certains cas.

M. Rivest: Moi, j'ai été dans un cabinet de premier ministre.

M. Johnson (Anjou): Pardon!

M. Rivest: J'ai été au cabinet du premier ministre. J'ai recommencé à la base, mais enfin c'est une autre question.

M. Johnson (Anjou): Donc, c'est cela. Il n'y a pas de nomination ni de promotion à l'égard des élus.

M. Rivest: Ce que je veux dire, c'est que quelqu'un qui fait partie du conseil...

M. Johnson (Anjou): Ah, du conseil!

M. Rivest: ...parce qu'ils sont membres de l'ordre...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Rivest: Donc, ils élisent un conseil.

M. Johnson (Anjou): Ah bon! D'accord.

M. Rivest: Tout à coup, les membres du conseil...

M. Johnson (Anjou): II ne peut pas être promu non plus.

M. Rivest: Non! Il n'y a rien qui empêche cela. Mais, en pratique, remarquez que, connaissant la nature des gens qui seront là, je sais bien qu'ils ne feront pas cela. Mais, juridiquement parlant, M. le député de Lac-Saint-Jean, il faut préciser. On ne vous a pas appris cela quand vous avez fait des études en pédagogie? En pratique... Remarquez que ma question est hautement théorique.

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, vous avez parfaitement raison. Je vous ai peut-être induit en erreur par la dernière phrase. Rien n'empêcherait qu'un membre de l'ordre qui est membre du conseil des neuf obtienne une promotion. D'abord, a priori, on peut tenir pour acquis que les membres du conseil de l'ordre, de leur propre initiative, ne recommanderont pas cela, s'il s'agit d'un des leurs. Par ailleurs, ce serait une initiative du gouvernement dans les circonstances.

M. Rivest: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 6 tel qu'amendé est adopté?

M. Rivest: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle maintenant l'article 7.

M. Rivest: Même chose.

M. Johnson (Anjou): Oui, le même amendement au sujet du mérite.

Le Président (M. Dauphin): Même amendement. L'article 7 est modifié par l'addition, à la troisième ligne, après le mot "médaille", des mots "du mérite". Est-ce qu'il y a des interventions?

M. Johnson (Anjou): Est-ce que l'amendement est adopté, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'amendement est adopté? Adopté.

M. Rivest: Oui. Un membre - le ministre y a référé - de l'Assemblée nationale ne peut pas être-Une voix: Pourquoi?

Une voix: C'est ce que le ministre a dit.

M. Johnson (Anjou): Je pense que, pour des raisons...

M. Laplante: ...à un moment donné, un membre de l'Assemblée nationale...

M. Johnson (Anjou): Non, je pense que, si des privilèges découlent d'être membres de l'Assemblée - d'ailleurs de toute nature, et qu'on voit d'une semaine à l'autre - il m'apparaît normal, dans les circonstances, que, dans la mesure où l'exécutif et le législatif dans notre système sont reliés par la notion de gouvernement responsable devant l'Assemblée, on exclue totalement les élus de telles nominations.

M. Laplante: Je pense au député chez nous, à un moment donné... Vous lui donnez la charge d'un comté et il gagne une partielle.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rivest: Grand officier, à mon avis!

Mais où avez-vous pris cela? Est-ce que, en vertu de la proclamation royale à Ottawa qui a institué l'Ordre du Canada, un membre de la Chambre des communes peut être nommé? J'ai le texte ici et je ne l'ai pas retrouvé.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il n'y a pas de...

M. Rivest: Mais d'où vous est venue cette idée pour les membres de l'Assemblée nationale?

M. Johnson (Anjou): Du fait que c'est l'Exécutif qui nomme. C'est la cohérence avec ce qu'on disait tout à l'heure sur le rôle de l'Exécutif là-dedans.

M. Rivest: C'est vrai qu'on n'aurait pas beaucoup de chances, nous, de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Voilà. On veut être sûr qu'on est sur un pied d'égalité.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 7 tel qu'amendé...

M. Rivest: Ce qui est encourageant pour moi, c'est qu'un membre de la Chambre des communes à Ottawa peut être nommé membre de l'Ordre du Québec.

M. Johnson (Anjou): Oui. C'est possible, techniquement.

M. Rivest: Alors, j'aviserai. J'aviserai, M. le Président, nos amis.

Le Président (M. Dauphin): Pas d'autres interventions? Est-ce que l'article 7 tel qu'amendé est adopté?

M. Rivest: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 8.

M. Rivest: L'article 8: "Une personne cesse..." Je trouve cela un peu raide. Le 2°: "à compter de la date de sa radiation par le gouvernement, sur la recommandation du premier ministre", c'est un pouvoir assez bizarre. À un moment donné, quelqu'un ne plaît pas au premier ministre...

M. Johnson (Anjou): Dans le décret de l'Ordre du Canada, mais mutatis mutandis, compte tenu des rôles de chacun...

M. Rivest: Ils ont cela à Ottawa? Alors, s'ils ont cela à Ottawa, M. le Président, je retire ma question. J'ai confiance. Cela veut dire que c'est bon.

M. Johnson (Anjou): ...à Ottawa. Alors, "mutatis mutandis", c'est ce qu'on retrouve dans le décret de 1972.

M. Rivest: À quel article du décret?

M. Johnson (Anjou): 23. "Une personne cesse d'être membre ou membre honoraire de l'ordre lors de son décès, lors de sa démission par écrit de l'ordre, laquelle entre en vigueur à compter de la date où elle est acceptée par le gouverneur général, ou lorsque sa nomination à l'ordre prend fin sur ordonnance."

M. Rivest: Ordonnance de qui?

M. Johnson (Anjou): Du gouverneur général dans ce cas-là...

M. Rivest: Ah! Voilà comment...

M. Johnson (Anjou): ...ordonnance ici du pouvoir exécutif.

M. Rivest: C'est cela. Voyez-vous l'utilité de mettre le "lieutenant-gouverneur", ce dont je parlais? Ce ne serait pas le premier ministre, un personnage politique...

M. le Président, nous allons adopter cet article en demandant au premier ministre actuel d'utiliser son pouvoir avec énormément de parcimonie, lorsqu'il se mettra en frais d'enlever les décorations et les médailles.

M. Laplante: Au décès, qu'arrive-t-il? Garde-t-il la médaille?

M. Johnson (Anjou): Oui, la famille peut la conserver. Cependant, le trafic des décorations est interdit par la loi. C'est l'article 24.

M. Rivest: Cela veut dire qu'il a le droit de la léguer par succession, mais pas...

M. Johnson (Anjou): Seulement.

M. Rivest: ...et à titre gratuit, je suppose. Alors, avisez vos descendants, M. le député de Bourassa. Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Pas d'autres interventions? Est-ce que l'article 8 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 9.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 9, paradoxalement peut-être pour certains... Je comprends son caractère formel, mais c'est quand même un article substantiel. Ce que confère comme privilège,

et le seul privilège que confère le fait d'être membre de l'Ordre national du Québec, c'est celui d'un rang prédéterminé dans le rang protocolaire. Je pense que le protocole est au fonctionnement démocratique ce que le langage non verbal est à la parole...

M. Rivest: Ce que le langage?

M. Johnson (Anjou): Non verbal est à la parole.

M. Rivest: C'est André Patry qui vous a sans doute déjà expliqué cela.

M. Laplante: Mais avez-vous l'intention de lui donner le même ordre protocolaire que la Croix Victoria?

M. Rivest: Bien oui, j'ai remarqué que l'Ordre du Canada était après la Croix Victoria. Avez-vous vu? Où est-ce qu'on se situe dans l'ordre protocolaire...

M. Johnson (Anjou): Les députés, au dernier rang!

M. Rivest: ...avec l'Ordre national du Québec?

Une voix: Non, non, avec...

M. Johnson (Anjou): Au dernier rang. Au fédéral, nous sommes vraiment au dernier rangî

M. Rivest: Non, pas nous comme députés, mais dans l'ordre protocolaire... J'ai vu, dans un document fédéral... Est-ce qu'on va faire partie de l'ordre protocolaire canadien ou fédéral?

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous parlez de l'ordre protocolaire actuel au gouvernement du Canada?

Une voix: Du Québec.

M. Johnson (Anjou): Si je me souviens bien... Dans le cas du gouvernement du Canada, l'ordre protocolaire occupé par un premier ministre provincial est quelque part derrière le ministre du Revenu fédéral, je pense.

M. Rivest: Non, non, non.

M. Johnson (Anjou): Effectivement, il y a une préséance...

M. Rivest: Je suis convaincu que ce n'est pas vrai.

M. Johnson (Anjou): ...parfois étonnante quand on regarde l'ordre protocolaire canadien. Les élus provinciaux, y compris les chefs de l'Exécutif provincial, ont un rang qui étonne un peu. Mais il y a sûrement une cohérence à cela au niveau d'Ottawa.

M. Rivest: Alors, est-ce que vous pourriez me l'indiquer d'une façon précise? Là, vous parlez de l'ordre protocolaire canadien.

M. Johnson (Anjou): Oui, on va vous donner cela. Je ne l'ai pas.

M. Rivest: M. le Président, le ministre ne l'a pas. Ne vous dérangez pas. Je vais prendre, comme le règlement m'y oblige, la parole du ministre, bien que j'aie de forts doutes sur son affirmation.

M. Johnson (Anjou): Les premiers ministres provinciaux occupent un rang étonnamment bas dans...

M. Rivest: Ce serait récent, M. le Président.

M. Johnson (Anjou): Autour du vingt-troisième.

M. Rivest: Parce que j'ai trouvé que, du temps où nous étions là, c'était tout à fait convenable. À moins que, depuis 1976, il se soit passé des choses qui m'aient échappé, bien sûr.

M. Brassard: Vous vous contentiez de peu.

M. Rivest: Pardon?

M. Brassard: Vous vous contentiez de peu.

M. Rivest: Non. Les premiers rangs, parce qu'un ministre fédéral, qu'est-ce que vous voulez, c'est un Québécois, un Canadien; il n'y a aucun problème pour nous.

M. le Président, adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 9 est adopté. J'appelle l'article 10.

Le conseil de l'ordre

M. Rivest: À l'article 10, est-ce que vous avez un amendement, M. le ministre?

M. Johnson (Anjou): Non, cela va.

M. Rivest: Je vais en parler tout de suite. M. Ryan a exprimé, lors du débat en deuxième lecture - cela est dans le chapitre de l'article 10... Je sais que le ministre a l'intention, comme il l'a indiqué, pour ce qui est des dispositions transitoires, c'est-à-dire le premier groupe qui va être constitué... Au lieu de la rédaction de l'actuel article 25, où

c'est le gouvernement qui nommait des gens, enfin sans référence aucune, le ministre a un amendement à l'article 25...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Rivest: ...qui fait que le premier conseil sera constitué de personnes qui occupent des fonctions, mettant davantage l'accent sur la fonction que sur la personne, sur le président de l'Université du Québec, etc.

À l'Assemblée nationale, M. Ryan a indiqué qu'il préférerait que ces personnes, qui occupent des fonctions, dans l'esprit du projet de loi, puissent se perpétuer, c'est-à-dire rester en poste, ce qui enlèverait à peu près tout l'essentiel de la mécanique du conseil. Les raisons, c'était que les nominations des personnes risquent normalement, enfin, c'est possible - dans un premier plan, d'être uniquement d'une discipline, d'un genre d'activités humaines. Cela peut être le domaine de la science par rapport au domaine des arts, etc. Il risque, face aux différents genres d'activités humaines, de se créer un déséquilibre et que ce soient les membres de l'ordre qui, par la suite, devront nommer les futurs récipiendaires. M. Ryan, à l'Assemblée nationale, évoquait la possibilité - je crois que c'est un assez bon argument - qu'on fasse en sorte que cela continue d'être des personnes dont la fonction est plus importante. D'ailleurs en ce qui concerne l'Ordre du Canada, le conseil de l'ordre, tout simplement pour référence, est exactement conçu sur le modèle évoqué par M. Ryan. Je cite simplement un article pour les fins de l'argumentation. (16 h 45)

Est institué un conseil de l'ordre, appelé le conseil... Il se compose du juge en chef du Canada, du greffier du Conseil privé, du secrétaire d'État, du président du Conseil des arts, du président de la Société royale, etc. C'est ce conseil, on le voit par la suite, qui évalue les nominations, qui dresse les listes. Le gouvernement a choisi que ce soient les membres récipiendaires de l'ordre qui administrent par la suite l'ordre. Sans en faire, encore une fois, pour ne pas allonger le débat inutilement... J'aimerais savoir, dans l'esprit du ministre, quels sont les avantages ou les inconvénients de l'une ou de l'autre formule. Je dois dire que les arguments de M. Ryan, à première vue - c'est la première fois qu'il les invoquait - m'apparaissaient assez justes.

M. Johnson (Anjou): En fait, c'est de tenter de maintenir une certaine cohérence. Je dis bien une certaine cohérence, car cela ne peut jamais être absolu dans un régime de confusion de pouvoirs et dans un système aussi ambigu que le nôtre.

Dans le cas d'Ottawa, c'est le chef de l'État qui assume la responsabilité, en l'occurence le représentant de Sa Majesté. On a expliqué tout à l'heure que ceci était écarté, pour les raisons que j'ai évoquées.

Or, le Conseil exécutif, à Ottawa, s'assure d'une présence au niveau du conseil de l'ordre, notamment par la présence, à titre permanent, du greffier du Conseil exécutif.

M. Rivest: Je vous signale là-dessus, M. le ministre - je ne veux pas vous interrompre - que, dans les amendements que vous allez proposer, je pense qu'il y a le secrétaire général du Conseil exécutif.

M. Johnson (Anjou): Oui. Mais, encore une fois, c'est évidemment au niveau des mesures transitoires. Conférer un caractère permanent aux personnes qui occupent les postes qu'on énumère ou certaines d'entre elles, ce serait confier un caractère permanent à la présence de personnes qui émanent de postes de l'Exécutif, alors que ce que nous voulons, c'est que l'Exécutif assume sa responsabilité et consulte d'autres.

Cependant, au titre des mesures provisoires, nous nommons ces personnes avec leur titre, étant donné qu'il y a là, pour la formation du premier groupe... Je pense qu'il faut bien commencer quelque part, avec un minimum d'assurances, puisqu'il s'agit là d'institutions d'État, dans tous les cas, et les plus représentatives possible de la réalité que nous tentons de cerner.

M. Rivest: Est-ce que dans la liste, M. le ministre, que vous allez suggérer à l'article 25, ce sont toutes des personnes dont la nomination relève du pouvoir exécutif du Québec?

M. Johnson (Anjou): À une exception près...

M. Rivest: II y a l'ombudsman qui relève de l'Assemblée nationale.

M. Johnson (Anjou): Oui. C'est-à-dire non, à deux exceptions près pour l'essentiel: l'ombudsman évidemment, le secrétaire général de la Conférence des évêques du Québec.

M. Rivest: Vous ne les nommez pas encore!

M. Johnson (Anjou): C'est quand même l'Église. Finalement, les deux personnes nommées... Évidemment, le président du Conseil de la magistrature.

M. Rivest: C'est l'Exécutif qui le nomme.

M. Johnson (Anjou): Non. M. Rivest: Non!

M. Johnson (Anjou): Sauf que la loi prévoit que c'est le juge en chef de la Cour provinciale; mais ce dernier est nommé par l'Exécutif...

M. Rivest: D'accord.

M. Johnson (Anjou): ...en tant que juge en chef. Il reste les deux autres personnes nommées par le gouvernement, mais on sait la réalité que l'on veut cerner. On veut...

M. Rivest: Donc, votre argument... D'ailleurs, en regardant la liste... Il y a le président de l'Association des universités et des collèges du Canada, je n'ai pas l'impression que cela va être le gouvernement qui le nomme...

M. Johnson (Anjou): Non.

M. Rivest: ...mais les autres, le président du Conseil des arts, la Société royale...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Rivest: ...le juge en chef du Canada, c'est effectivement...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Rivest: Votre argument est que vous voulez éviter que se perpétue, au niveau de l'administration de l'ordre et...

M. Johnson (Anjou): Et au niveau du processus des avis...

M. Rivest: ...au niveau du processus de sélection des avis, une présence de l'Exécutif...

M. Johnson (Anjou): L'Exécutif ayant déjà l'initiative, je pense que c'est suffisant.

M. Rivest: Oui. M. le Président, je pense que... Évidemment, le ministre - je ne sais pas s'il l'a évoqué dans sa réplique, je l'ai manquée - la difficulté soulevée par M. Ryan, pour essayer de voir dans la pratique des choses, c'est toujours un peu impondérable et aléatoire, mais que les membres nommés viennent un peu de tous les horizons de l'activité humaine: sportive, artistique, scientifique, sociale, économique, etc.

Nous sommes prêts à examiner article par article...

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Johnson (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 11.

M. Rivest: Est-ce qu'il s'agit bien de neuf membres?

M. Johnson (Anjou): Oui, neuf membres, et en pratique au moins un membre de chacune des catégories: grand officier, officier et récipiendaire de la médaille.

M. Rivest: Pourquoi neuf, pourquoi pas sept? Cela vous paraît raisonnable.

M. Johnson (Anjou): On peut dire que cela peut être trois membres de chaque niveau, mais pas nécessairement. Il faut qu'il y en ait au moins un de chaque niveau.

M. Rivest: Est-ce que cela est dit dans la loi?

M. Johnson (Anjou): II est dit dans la loi qu'il y a au moins une personne de chaque grade qui est présente au conseil.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que, du consentement des membres, le député d'Outremont pourrait se joindre à notre commission?

M. Johnson (Anjou): Oui.

Une voix: Il n'avait rien à faire! Il s'ennuyait!

Le Président (M. Dauphin): En remplacement de M. Mailloux, député de Charlevoix

M. Fortier: Cela m'intéressait de venir entendre le ministre et mon collègue. Je n'aime pas laisser mon collègue de Jean-Talon seul.

M. Rivest: Vous n'avez pas confiance?

Le Président (M. Dauphin): En remplacement de M. Mailloux, député de Charlevoix.

M. Fortier: Les comtés de Jean-Talon et d'Outremont sont les deux piliers du Québec.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 11.

M. Johnson (Anjou): L'article 11, c'est l'amendement sur la médaille du mérite, encore une fois, comme les autres.

M. Rivest: C'est quoi, à l'article 11? ...

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'amendement est adopté? Adopté.

M. Rivest: Adopté, M. le Président.

Quels sont les sujets sur lesquels... "Le premier ministre peut solliciter son avis sur tout autre sujet qu'il juge opportun." Pourquoi inscrivez-vous cela?

M. Johnson (Anjou): On peut penser qu'avec les années il y aura là un certain aréopage représentatif de la diversité du Québec, et peut-être aussi la réunion d'une certaine sagesse à travers les personnes. Il pourrait être utile un jour au chef de l'Exécutif de demander avis à un tel organisme sur un sujet...

M. Rivest: Mais vous n'avez rien de précis en tête?

M. Johnson (Anjou): Non, absolument rien de précis. Vous auriez pu penser que je pensais à une réforme constitutionnelle. Absolument pas, il m'apparaît normal qu'en plus d'obtenir une reconnaissance publique, en plus d'obtenir un rang dans l'ordre protocolaire, l'on confère à ce conseil la possibilité, un jour, d'être consulté formellement sur une chose substantielle, compte tenu de l'aréopage que cela représentera.

M. Rivest: Mais le conseil ne peut pas, de sa propre initiative, donner des avis sur n'importe quel sujet.

M. Johnson (Anjou): Non, mais remarquez que cela n'est pas interdit, en soi, dans la loi. Ce n'est pas interdit, donc...

M. Rivest: Je comprends la réponse du ministre. Le premier ministre, sur des questions qui intéressent l'ensemble de la collectivité, il prend des avis de son Conseil des ministres; il y a beaucoup de gens qui donnent des avis au premier ministre. Par contre, on dit: Là, il y aura une réunion, un rassemblement de personnalités extrêmement marquantes. Enfin, je comprends...

M. Johnson (Anjou): Qu'on se comprenne bien. Il ne s'agit pas de créer une deuxième Chambre. Il s'agit de dire qu'il y aura sans doute là accumulation d'expertise, d'expérience.

M. Rivest: Mais il n'a pas à le dire non plus; personne ne saura qu'il a demandé un avis sur telle question au conseil. Ses avis ne seront pas publics. Pourquoi le met-on dans la loi?

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je trouve que cela semble anodin, mais cela ouvre la porte à toutes sortes d'abus. D'une part, les gens qui seront nommés, la plupart du temps, ne prendront pas la peine de vérifier la loi. Ils accepteront d'être élus au conseil. Le premier ministre va leur dire qu'il a l'intention de les nommer à tel poste au conseil de l'Ordre national du Québec, et ces gens accepteront.

Par la suite, cela pourrait donner des situations politiquement assez difficiles pour ces gens. Le premier ministre pourrait dire qu'il a consulté la majorité des membres du conseil et ceux-ci m'ont dit que... À ce moment, la personne qui est nommée, qui en faisait partie, qui a accepté parce que c'était l'Ordre du Québec, qui se voit demander son opinion et s'aperçoit que le premier ministre fait état d'une opinion du conseil de l'ordre, cela pourrait être embarrassant pour ces personnes.

C'est la raison pour laquelle cela m'inquiète. En fait, cela devient un espèce de conseil privé québécois, un conseil de la reine du Québec...

M. Rivest: Sans la reine.

M. Fortier: ...sans la reine, un conseil républicain du conseil privé républicain. Moi, cela m'inquiète, d'une part, parce que le premier ministre pourrait exploiter indirectement les gens qui ont été nommés sans qu'eux aient été conscients, lors de leur nomination, qu'ils pourraient se faire demander leur opinion sur un sujet tout à fait politique, comme consulter les membres de l'ordre pour savoir si c'est bien le temps de déclarer des élections générales, ou sur tout autre sujet politique controversé. Est-ce que le ministre est d'accord avec moi que, sur un sujet controversé, ces gens, qui n'auront pas pris la peine de lire la projet de loi, vont être tout à fait surpris de constater que le premier ministre peut en faire état ou leur demander un avis là-dessus?

M. Rivest: Le député de Bourassa se demandait tantôt: Comment gagner une élection partielle? Mais sérieusement, M. le ministre, je pense que le député d'Outremont soulève une question... Prenons une question vraiment d'intérêt national, au-dessus de toute considération. Il le consulte et, à un moment donné, le premier ministre dit: Écoutez, j'ai consulté ceux qui sont les sommités, finalement, de la société et elles m'ont dit cela. Cela devient... Un premier ministre, c'est un être politique par définition. Qu'il l'échappe ou n'importe quoi. Il peut placer les gens. On n'a aucune espèce de contrôle à savoir est-ce que c'est vrai qu'il a consulté, est-ce que c'est bien... Parce que le premier ministre, quel qu'il

soit, pourra toujours donner une interprétation, de bonne ou de mauvaise foi, et les gens vont se retrouver là-dessus. L'idée évoquée par mon collègue, une espèce de conseil privé sans le dire ou un conseil privé sans la reine... D'abord, d'où cela est-il venu, cette histoire? Est-ce que cela existe ailleurs dans les autres ordres? Ils sont bizarres, il faut les surveiller, tu as raison. Voilà la victoire moralei

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): On a reproduit une notion qui existe pour tous les organismes créés par législation et qui relèvent de l'Exécutif. C'est une notion qu'on retrouve dans tous les organismes qui ont un caractère consultatif. Ici, ils ont un caractère consultatif sur les nominations de ceux qui vont appartenir à leur ordre et cette clause, cette disposition revient dans l'ensemble de ces conseils. Je me souviens, par exemple, du conseil consultatif des Affaires sociales et de la famille où on donne spécifiquement des mandats; on introduit dans la législation la notion de l'avis et on introduit également cette notion qu'on peut solliciter l'avis sur tout autre sujet jugé opportun.

M. Rivest: Mais est-ce faux qu'il y a une différence de nature entre ce que vient de dire le ministre et ce qui est écrit là? C'est vrai que les membres de l'ordre vont donner l'avis simplement sur les nominations. Si on veut que le premier ministre puisse leur demander un avis sur tout autre sujet, c'est élargir... D'autant plus que c'est absolument contradictoire avec l'article 9 qu'on vient d'adopter. Car l'article 9 dit qu'une nomination faite à la présente loi ne confère aucun autre privilège qu'un rang protocolaire. Alors, effectivement, les personnes qui risquent d'être là, vont avoir un autre privilège, c'est-à-dire que, de par la loi, elles vont être consultées sur tout autre sujet. C'est un privilège extrêmement important dans notre société et ce, vraiment, ça n'existe pas, du moins d'après ce que le ministre...

Je n'ai pas vérifié cet aspect particulier parce que c'est vraiment quand le député d'Outremont l'a soulevé que j'en ai saisi le sens. M. le ministre, je l'enlèverais du projet de loi. Cela n'empêche pas, si on ne le met pas dans la loi, le premier ministre, lorsqu'il rencontrera ces gens, de faire un type de consultation informelle. Il peut très bien faire cela. Mais, à partir du moment où on le met dans la loi, on donne un statut juridique et cela exige plus qu'une simple phrase comme cela, c'est-à-dire comment cela se fait-il, quand cela se fait-il, est-ce que ces avis doivent être privés ou publics? Je pense qu'en l'enlevant purement et simplement, cela n'empêcherait pas le premier ministre, qui rencontrrait les membres de l'ordre, de leur dire: Écoutez, il y a telle question qui est une question extrêmement importante, qu'est-ce que vous en pensez? Cela serait informel, mais, quand on le met dans la loi, je trouve que cela confère... Le député d'Outremont a parfaitement raison. (17 heures)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, afin de faire avancer nos travaux et pour démontrer, une fois de plus à nos collègues d'en face, que nous sommes disposés à collaborer très bien, si cela porte tant de soucis à nos collègues, on pourrait retirer ce paragraphe.

Je ferais l'amendement, M. le Président, à l'effet de supprimer le paragraphe deuxième de l'article 11.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Rivest: Adopté.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que l'article Il est adopté, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Tel qu'amendé?

M. Rivest: Tel qu'amendé.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 12.

M. Johnson (Anjou): L'article 12. C'est trois ans.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a des interventions sur l'article 12?

M. Rivest: Trois ans, c'est régulier et compatible avec ce qui se fait ailleurs?

M. Johnson (Anjou): Oui. C'est-à-dire qu'on ne pourrait pas le comparer à l'Ordre du Canada, dans la mesure où ce sont des fonctions permanentes reliées au titre. Trois ans, cela nous apparaît a priori raisonnable. Je pense que deux ans, ce serait vraiment trop court; plus que cela, dans la mesure où l'on prévoit qu'il y a quand même un certain nombre de nominations par année, pour permettre un minimum de rotation...

M. Rivest: Sauf que le président, je vois à l'article 13 que c'est deux ans.

M. Johnson (Anjou): Pardon?

M. Rivest: Le président du conseil, lui, est élu pour deux ans.

M. Johnson (Anjou): Oui, de telle sorte qu'on puisse présumer que le Conseil peut préparer une transition pour l'année suivante.

M. Fortier: Est-ce qu'il est dit qu'il faut être membre du conseil pour être nommé président?

M. Rivest: Oui. "Les membres du conseil élisent un président parmi eux."

M. Fortier: Oui, très bien, je n'avais pas vu, merci beaucoup.

M. Rivest: Cela va. C'est là d'ailleurs, M. le ministre, qu'effectivement chaque niveau doit avoir deux représentants.

M. Johnson (Anjou): Un représentant.

M. Rivest: Un représentant pour chaque grade.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 12 est adopté?

M. Johnson (Anjou): Adopté. M. Rivest: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 13.

M. Rivest: Cela va.

M. Johnson (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Aucun amendement à l'article 13. Est-ce que l'article 13 est adopté?

M. Rivest: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 14.

M. Rivest: C'est standard.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 15. Aucune intervention? L'article 15 est adopté?

M. Rivest: C'est conformément aux règles de pratique qui pourront se donner à l'intérieur de cela.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 16.

M. Rivest: Au moins une fois par année.

M. Fortier: C'est cela, adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 16 est adopté.

J'appelle l'article 17.

M. Rivest: Article 16, M. le Président. Je reviens à l'article 16, si vous le permettez.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député.

M. Rivest: II peut tenir ses séances à tout endroit du Québec. M. le Président, dois-je faire, comme député de la région de Québec, un vibrant plaidoyer auprès du ministre pour lui rappeler que la capitale nationale est Québec et que nous assistons, depuis quelque temps...

M. Fortier: ...à une érosion.

M. Rivest: ...à une érosion de nos privilèges dans la région de Québec où l'on voit des organismes, des institutions transférer leurs pénates à Montréal? Nous n'avons rien contre les gens de Montréal, sauf en période des séries de la coupe Stanley; néanmoins, M. le Président, je tiens à m'inscrire en faux, et le député d'Outremont se rangera sans doute de mon côté...

M. Fortier: Je n'ai rien dit.

M. Rivest: ...à l'effet que le conseil doit tenir ses réunions à Québec et j'ai l'appui en cela, j'en suis convaincu, du maire de Québec, M. Jean Pelletier.

M. le Président, c'est une institution très importante, on a même évoqué l'Assemblée nationale, qui identifie le Québec, et je pense, que c'est très important que ce soit une institution qui a son siège -et enfin qui tienne ses réunions - social, ici à Québec, dans la capitale. Il me semble que cela fait partie de la nature de l'institution.

M. Fortier: M. le Président, je crois que ce qui est important, et mon collègue de Jean-Talon devrait le reconnaître, c'est lors de la remise des médailles que l'événement sera le plus marquant et je suis assuré que la remise des médailles se fera toujours dans le haut-lieu qui est le nôtre ici, à l'Assemblée nationale.

M. Rivest: On ne sait jamais avec le Conseil des ministres montréalais, celui qu'on a actuellement et celui qui se dessine, j'ai des craintes.

M. Fortier: J'aurais cru qu'une simple décision pour convenir d'un nom à suggérer au premier ministre pourrait être faite au meilleur endroit possible, et que la remise des médailles - je ne sais pas si cela est indiqué ici - devrait se faire à Québec même; mais ici il s'agit des réunions de

travail.

M. Rivest: Pourquoi cette histoire d'aller... Vous ne croyez pas que c'est une institution gouvernementale au titre le plus fort du terme et que le conseil devra se réunir à Québec, dans le territoire de la Communauté urbaine de Québec. C'est dans la capitale que cela doit se faire. L'Ordre du Canada ne se promène pas à Saskatoon, à Moose Jaw ou à L'Abord-à-Plouffe; ils sont à Ottawa.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, voilà bien un débat cosmique. Je suis sûr que le député d'Outremont, situé dans la Communauté urbaine de Montréal, est extrêmement sensible aux propos de son collègue de Jean-Talon. Je cherche en vain depuis tout à l'heure du regard, chez mes conseillers qui sont tous des résidents de la capitale, des arguments qu'on me fournirait mais on ne m'en fournit pas. Cependant...

M. Rivest: Je trouve que cela ne convient pas... Excusez-moi, M. le ministre. C'est purement une affaire de convenance, de protocole puisque le seul privilège... Je trouve que cela ne convient pas que l'Ordre national du Québec se réunisse quelque part dans un hôtel à Montréal. C'est purement protocolaire; il me semble que c'est dans la nature de l'institution que cela se fasse au siège du gouvernement du Québec; il me semble que cela s'impose. Ne venez pas nous dire que cela va avoir lieu à Laval.

M. Fortier: Le député de Jean-Talon prépare son envoi sans adresse et il voulait avoir une déclaration à mettre dans son prochain envoi sans adresse.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Champagne: Je vois d'un point de vue... Supposons qu'on décide de remettre des décorations en dehors de la capitale, que ce soit à Montréal à l'occasion - je ne dis pas d'une façon systématique - on ne dit pas dans le projet de loi qu'on remet les décorations à tel ou tel endroit. Si on les remet à une occasion quelconque et que cela se fait à Montréal, pourquoi pas, à ce moment-là, le conseil d'administration ne se réunirait-il pas à cette occasion-là? Je voyais cela comme cela.

M. Rivest: Prenez par exemple - je suis convaincu que c'est la même chose en France - pour ce qui est de l'Ordre du Canada, c'est toujours - il me semble que cela a de la signification pour le récipiendaire - à la résidence du gouverneur général. Ici, cela pourrait être dans l'Hôtel du Parlement. Il me semble que le lieu... Je ne veux pas en faire un débat cosmique comme disait le ministre, mais en termes de convenance, c'est un projet de loi de convenance, de protocole, respectons cela.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je maintiens malgré tout le libellé de l'article 16 tel qu'il est. Il faut bien voir que l'ensemble des registres et des documents afférents seront consignés au Conseil exécutif qui est dans la capitale. Je présume qu'on assistera au moins à une réunion annuelle dans la capitale et que si, pour une raison ou pour une autre, le conseil devait décider de se réunir une autre fois, pourquoi ne pas lui permettre de se réunir ailleurs puisque, justement, la nation, le Québec n'est pas que la capitale. Évidemment, le Québec sans la capitale ce n'est plus le Québec mais le Québec est plus que la capitale. En ce sens, dans la mesure où il s'agit d'un ordre national pour tout le Québec, je dis qu'il pourrait y avoir des circonstances particulières. Je pense, par exemple, à quelqu'un qui pourrait être désigné comme récipiendaire de l'ordre à un des trois grades et qui serait une personne grabataire à un endroit, il m'apparaîtrait possible que la distinction puisse lui être remise là où il est et, qu'à cette occasion, le conseil de l'ordre décide de se réunir...

M. Rivest: Je vais faire un compromis dans l'esprit que vous me connaissez; ne le dites pas dans la loi. Le conseil pourra régler cela comme étant une disposition de régie interne et faire tout ce qu'on lui permet. Vous voyez, je...

M. Fortier: La conseillère acquiesce. M. Rivest: Très affirmative.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, nous pourrions encore une fois, dans un second compromis historique autour de la loi 80, accepter de retirer sans autre débat le deuxième alinéa de l'article 16. Je fais donc motion, M. le Président, pour que l'amendement suivant soit adopté en ce sens de retirer les mots "il peut tenir ses séances à tout endroit du Québec".

M. Rivest: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Moi qui ai malheureusement manqué ma bataille autour du mot "national" à l'article 1, je remercie le ministre d'abord de son ouverture d'esprit et je dois dire que c'est une immense victoire morale pour moi,

celle que je viens de remporter. C'est ma deuxième dans le même projet de loi. Vous en avez combien? 21.

M. Johnson (Anjou): 21.

M. Rivest: 21 victoires, bon!

M. Johnson (Anjou): 21. C'est-à-dire 18.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'amendement est adopté? Est-ce que l'article 16 tel qu'amendé est adopté?

M. Fortier: Adopté, tel qu'amendé.

Le Président (M. Dauphin): On procède à l'article 17.

M. Fortier: Adopté.

M. Rivest: Attendez, on ne sait jamais il peut y avoir d'autres affaires. Oui, cela va.

Le Président (M. Dauphin): L'article 17 est adopté.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 18.

M. Fortier: Sur l'article 18, j'aimerais poser une question au ministre. Ce qui me fatigue toujours dans ces genres de clauses qui permettent une rémunération c'est qu'il pourrait arriver qu'on nomme des gens qui sont fonctionnaires, ou des gens qui sont recteurs d'université, des gens qui remplissent des fonctions pour lesquelles Ils reçoivent déjà une rémunération du gouvernement, directement ou indirectement. J'ai posé la question l'autre jour à savoir s'il y avait une directive du Conseil du trésor. On m'a dit que non. Il semblerait que c'est une espèce de "gentleman's agreement" en ce sens que ceux qui sont membres de la fonction publique ne perçoivent pas une allocation de présence. Je me demande, étant donné que ce genre de clauses se répètent à l'infini dans tous les projets de loi, s'il ne serait pas sage que le Conseil du trésor, sans en faire un amendement ici, donne des directives bien précises à cet effet. À mon avis, cela donne lieu à toutes sortes d'abus. Une personne qui est recteur ou qui est membre de la fonction publique ou qui a une fonction qui lui donne une rémunération très adéquate, il me semblerait que ce n'est pas parce que la personne devient membre d'un tel organisme, d'un conseil ici, qu'elle devrait avoir droit à une rémunération additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Dans la mesure où on prévoit que c'est selon des conditions fixées par le gouvernement, on peut tenir pour acquis que nous allons tenir compte de cette approche normalisée.

M. Rivest: Il devrait y avoir un règlement du Conseil du trésor qui rencontrerait le point soulevé par le député d'Outremont, bien que le débat ici s'applique bien sûr, mais étant donné de la nature de l'institution, il s'agit d'une fois par année. Le débat est réel, par exemple, sur un paquet de commissions, de comités gouvernementaux où les gens ont toutes sortes de...

M. Fortier: ...professeurs d'université.

M. Rivest: ...divers statuts dans la fonction publique et finalement reçoivent...

M. Fortier: Je vais plus loin que membres de la fonction publique, je veux dire, des professeurs qui reçoivent déjà des rémunérations payées indirectement par l'État. En tout cas, c'était un commentaire, M. le Président.

M. Rivest: De là l'importance d'essayer de nommer les gens récipiendaires de l'ordre qui restent à Québec surtout.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a d'autres observations sur l'article 18? Est-ce que l'article 18 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 19.

M. Rivest: Adopté, M. le Président. Je constate que dans la mesure où les crédits du lieutenant-gouverneur sont votés par le ministère du Conseil exécutif, si d'aventure il nous apparaissait nécessaire et convenable de réintroduire le lieutenant-gouverneur, on n'aurait pas besoin de modifier l'article 19. Alors, on va l'adopter, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): L'article 19 est adopté. J'appelle l'article 20.

M. Rivest: J'ai une question sur l'article 20 puisque à l'amendement, je comprends que le dépositaire c'est le secrétaire général du Conseil exécutif. D'abord, est-ce que le secrétaire général du Conseil exécutif a un statut ou une référence quelconque dans nos lois? Oui? Dans la loi de l'Exécutif?

M. Johnson (Anjou): Au niveau de la loi du Conseil exécutif.

M. Rivest: Bon, c'est cela. D'accord. Il

y a un statut juridique bien...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Rîvest: Les membres du conseil provisoire, par contre...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Rivest: II n'y a pas d'incompatibilité?

M. Johnson (Anjou): Pour le conseil provisoire je n'en vois pas.

M. Rivest: Non. Le dépositaire au fond c'est un secrétariat.

M. Johnson (Anjou): Voilà.

M. Rivest: Mais sans être secrétaire de l'ordre et comme il ne survivra pas au caractère transitoire de sa nomination.

Une voix: Pas d'objection.

M. Rivest: D'autant plus que le secrétaire général actuellement est une personne hautement estimée par le député de Jean-Talon et tellement d'autres.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

Les insignes

M. Fortier: Est-ce que le ministre peut me dire si le ministre ou le premier ministre ou le secrétaire général ont l'intention d'organiser un concours pour déterminer la forme ou l'emblème d'insigne lui-même? De quelle façon allez-vous procéder?

M. Johnson (Anjou): De concours, pas nécessairement. Cela dépendra peut-être du temps.

M. Fortier: Vous deviez engager un artiste quand même.

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela. Je pense qu'il faudra... (17 h 15)

M. Fortier: Je me posais la question à savoir s'il y aurait un concours.

M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas exactement. Je vais consulter un certain nombre de collègues. Sans doute à la demande du premier ministre, qui est responsable de l'application de la loi, je pense qu'il faut rechercher - les critères sont relativement simples - qu'il y ait dans ces insignes, à toutes fins utiles, un reflet de ce qu'on retrouve à l'intérieur de la symbolique québécoise depuis de nombreuses années. Le caractère de sobriété de ces insignes est extrêmement important. Son caractère relativement neutre sur le plan esthétique est également important. L'idée de lancer un concours public m'apparaît une dépense d'énergie considérable et, a priori, disons que je ne l'envisage pas. Ce n'est pas totalement exclu.

M. Fortier: Mais le ministre sera quand même d'accord avec moi que beaucoup d'artistes québécois voudraient s'exprimer. On l'a vu, d'ailleurs, pour le timbre commémoratif de 1534-1984, où - je ne sais pas comment le gouvernement fédéral a procédé - je crois que ce n'était pas un concours.

Finalement, il fallait incorporer un nombre très complexe de traditions héraldiques. Je crois que cela a permis d'arriver avec un produit qui était bien. En tout cas, j'alerte le ministre, car j'oserais penser, connaissant certains de ces gens-là, qu'ils n'aimeraient pas beaucoup que, d'office, le premier ministre ou le ministre choisisse un artiste en particulier, sans que les autres artistes aient eu leur mot à dire.

M. Johnson (Anjou): Non. J'ai l'impression qu'on peut penser, en pratique, à un certain nombre d'esquisses et à un certain nombre de présentations, mais sur invitation probablement. Habituellement, on pense à quatre, cinq ou six.

M. Fortier: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): J'ai l'impression que c'est ce à quoi...

M. Fortier: Je voulais simplement alerter - je n'en fais pas un amendement -le ministre sur peut-être l'opportunité, la nécessité ou la désidérabilité d'organiser un concours limité, mais un concours...

M. Johnson (Anjou): On me dit qu'en 1967, le projet était suffisamment avancé pour qu'on ait déjà trouvé, à cette époque, ce que pourraient être les insignes. Maintenant, je n'ai pas eu l'occasion de les voir. J'essaie de les retracer. Ce n'est pas facile. On a quelques difficultés à voir où ces choses ont été consignées, aux archives ou ailleurs. À moins que celle-là ne soit éclatante et sous une signature qui ferait l'unanimité a priori, je pense qu'on peut penser qu'il y aura un concours, sur invitation, d'un certain nombre d'artistes.

M. Rivest: À l'alinéa 3°... M. Fortier: Quel article? M. Rivest: 21.

M. Johnson (Anjou): Nous sommes à 20. M. Fortier: Nous sommes à 20. Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Pas d'autres commentaires sur l'article 20? L'article 20 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 21.

M. Johnson (Anjou): L'amendement sur la médaille du mérite, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): L'article 20, sur proposition du ministre, est modifié par l'addition, à la troisième ligne du paragraphe 1 du premier alinéa, après le mot "médaille", des mots "du mérite". Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

M. Rivest: M. le Président, à l'article 21 "déterminer les insignes..." - c'est un peu ce que le ministre vient d'évoquer, la forme des insignes - est-ce bien important que le gouvernement fasse cela?

M. Johnson (Anjou): Je pense que...

M. Rivest: "...déterminer la procédure de leur attribution et de leur remise." Il me semble que le conseil pourrait faire cela. Pourquoi le gouvernement lui dirait-il comment et dans quelles circonstances cela devrait être fait?

M. Johnson (Anjou): C'est la jonction avec le rang protocolaire, entre autres, qui est importante à faire ici.

M. Rivest: Pardon?

M. Johnson (Anjou): Comme vous le savez, les cérémonies qui relèvent du Conseil exécutif sont, de fait... Certaines d'entre elles relèvent de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales, mais, de fait, l'ensemble des activités de cette nature qui relèvent de l'Exécutif est au service du protocole du gouvernement du Québec qui sert de ressource, d'ailleurs, pour une multitude de ministères.

Deuxièmement, on connaît le statut un peu particulier du chef du protocole dans notre système qui...

M. Rivest: Est-ce qu'il y en a, actuellement, un chef du protocole?

M. Johnson (Anjou): Oui. M. Jolicoeur est toujours là.

M. Rivest: Non.

M. Johnson (Anjou): M. Jolicoeur est toujours là ou il n'a pas été remplacé? Est-il encore là?

M. Rivest: II n'y en a pas. Quel gouvernement on a!

M. Johnson (Anjou): Enfin, je sais qu'il y avait un chef du protocole il y a quelques semaines.

M. Rivest: II n'y a plus de chef du protocole! Où allons-nous?

M. Johnson (Anjou): Oui, oui, le chef du protocole est toujours là. Quelqu'un occupe le poste. Je sais que...

M. Rivest: M. Jolicoeur...

M. Johnson (Anjou): On spécule. J'ai entendu des rumeurs, comme tout le monde sur le fait qu'il y aurait possiblement des changements au service du protocole - je lis Normand Girard comme tout le monde, de temps en temps...

M. Rivest: Oui?

M. Johnson (Anjou): Oui, de temps en temps.

M. Rivest: Écoutez-vous André Arthur? Écoutez-vous André Arthur?

M. Fortier: Le regard était éloquent. Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rivest: Est-ce que vous endossez les propos du premier ministre sur André Arthur, M. le ministre?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, pour ces raisons, l'article...

M. Rivest: Je remarque que le ministre vient de désavouer son premier ministre.

Je retire mes dernières paroles qui sont antiréglementaires. Vous auriez dû, M. le Président, me rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Dauphin): C'est bien dit, M. le député. Est-ce que l'article 21 est adopté tel qu'amendé?

Je m'excuse, est-ce que vous aviez terminé vos commentaires?

Une voix: Cela va.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 22.

M. Johnson (Anjou): L'amendement est sur la médaille du mérite à l'article 22.

Le Président (M. Dauphin): L'article 22 est modifié par l'addition à la deuxième ligne après le mot "médaille" des mots "du mérite". Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Rivest: II faut ajouter le mot "mérite" après le mot "Ordre".

M. Fortier: De l'Ordre du mérite.

Le Président (M. Dauphin): Il faut ajouter le mot "médaille" les mots "médaille du mérite".

M. Fortier: Médaille du mérite ou médaille de l'Ordre du mérite?

Le Président (M. Dauphin): Médaille du mérite.

M. Fortier: Médaille du mérite. Avec un grand M ou un petit m?

Le Président (M. Dauphin): Avec un petit m.

M. Rivest: Mon Dieu, quel perfectionnisme.

M. Fortier: Vous avez toujours su que les ingénieurs sont perfectionnistes.

M. Rivest: Oui et c'est pour cela que les ponts s'écroulent parfois.

Le Président (M. Dauphin): L'article 22 tel qu'amendé est adopté. J'appelle l'article 23. Il n'y a aucune intervention sur l'article 23?

M. Rivest: Vous vous laissez la possibilité d'abandonner la propriété.

M. Fortier: Je crois que c'est le ministre des Finances qui veut garder les actifs pour ne pas que les actifs du gouvernement baissent trop.

M. Rivest: Au point où nous en sommes, cela ne m'étonnerait pas.

M. Fortier: ...des médailles d'or.

M. Rivest: Lorsqu'on évoquait plus tôt que les insignes demeurent la propriété du gouvernement, on parlait qu'il y avait possibilité de les transmettre par succession. Où est-ce que cela est écrit?

M. Johnson (Anjou): À l'article 24.

M. Rivest: Autrement que par décès.

Mais est-ce que le gouvernement demeure propriétaire des insignes? Parce qu'il est toujours propriétaire des insignes tant que la personnne les porte. C'est bien ce que dit la loi 23.

M. Johnson (Anjou): Sauf dans les cas déterminés par règlement. Or, le principe de la transmission par succession est là. Cependant, l'interdiction que les gens portent... En d'autres termes, quelqu'un pourrait transmettre les insignes par succession, je présume que cela irait dans un écrin quelque part au-dessus du foyer, il serait interdit pour d'autres de les porter, sauf celui qui les a reçus. Par ailleurs, le gouvernement pourrait faire des exceptions dans le cas possiblement de la transmission au deuxième niveau de succession. Il va falloir cerner l'ensemble des circonstances par règlement en vertu de l'article 23.

M. Fortier: II va falloir un autre fonctionnaire pour...

M. Rivest: On réglera cela, on sera là quand ce sera en deuxième succession.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 23 est adopté?

M. Fortier: À quel article êtes-vous rendu, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 23 est adopté?

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 24.

M. Johnson (Anjou): II y a amendement. Encore une fois l'introduction...

Le Président (M. Dauphin): L'article 24 est modifié par l'addition à la deuxième ligne, après le mot "médaille" des mots "du mérite". L'amendement est-il adopté?

Adopté. Est-ce que l'article 24 tel qu'amendé est adopté?

Une voix: Adopté.

Dispositions transitoires et finales

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 25.

M. Johnson (Anjou): Je dépose l'amendement suivant pour ce qui est de l'article 25. Je vais faire lecture: L'article 25 est remplacé par le suivant: "25. Le gouvernement nomme, sur la recommandation du premier ministre, les premiers grands officiers et officiers de l'ordre et les

récipiendaires de la médaille de l'ordre en nombre suffisant pour permettre l'élection du premier conseil de l'ordre. "Avant de recommander au gouvernement une nomination en vertu du présent article, le premier ministre doit demander l'avis d'un comité consultatif composé des membres suivants: le secrétaire général du Conseil exécutif, le sous-ministre de la Justice, le président du Conseil de la magistrature du Québec, le président de l'Université du Québec, le secrétaire général de l'Assemblée des évêques du Québec, le Protecteur du citoyen, la présidente du Conseil du statut de la femme et deux autres personnes nommées par le gouvernement."

Il s'agit donc pour l'essentiel de la formation de ce groupe transitoire ou provisoire qui fournira avis au premier ministre, que celui-ci devra consulter afin de nommer les premiers membres officiers et grands officiers de l'ordre qui, eux-mêmes par la suite, verront à l'élection du conseil tel que prévu dans l'article précédent de la loi. L'objectif est de répondre à des préoccupations, je pense, que nous partageons de se donner un univers de référence qui donne un minimum de garanties au moment de la création de l'ordre, quant au choix des personnes. Les personnes que nous énumérons ici sont toutes, à deux exceptions près, des personnes qui relèvent directement de l'Exécutif et qui font l'objet d'une nomination par l'Exécutif, les deux exceptions étant le Protecteur du citoyen qui, lui, est nommé par l'Assemblée nationale et le secrétaire général de l'Assemblée des évêques du Québec qui est nommé par les évêques du Québec.

M. Fortier: Le président de l'Université du Québec?

M. Johnson (Anjou): Il est nommé par décret. C'est un arrêté en conseil qui le nomme.

M. Rivest: Je pense aux autres dénominations religieuses...

M. Johnson (Anjou): Je ne dis pas d'autant qu'il relève du Conseil exécutif, mais il est nommé, son acte nominatif est un décret.

M. Fortier: Je m'inquiétais du fait que le chancelier de l'Université de Montréal, ne soit pas ici en particulier. Je vais reprendre l'argumentation de mon collègue de Jean-Talon.

M. Johnson (Anjou): II y aurait eu une autre solution qui aurait consisté à référer au Conseil des universités, ou à la Conférence des recteurs ou quelque chose comme cela, mais nous avons choisi le président de l'Université du Québec parce que, encore une fois, c'est quelqu'un dont la nomination découlait de l'Exécutif - c'était cela la cohérence qu'il y avait à l'exception de l'ombudsman - et deuxièmement, le fait que l'Université du Québec est présente sur l'ensemble du territoire.

M. Rivest: Je pense que pour les deux autres personnes nommées par le gouvernement, le ministre a des intentions.

M. Johnson (Anjou): Je pourrais peut-être préciser que nous avons prévu deux autres personnes nommées par le gouvernement, essentiellement parce que nous ne pouvions pas trouver une appellation ou un organisme spécifique où nous aurions pu trouver quelqu'un qui représente le monde des arts en général - nous n'avons pas l'équivalent du Conseil des arts ou de la Société royale ici, par exemple - et également une personne qui aurait représenté formellement, comment dirais-je, les allophones ou les non-francophones du Québec, notre objectif étant de nommer deux personnes, dont une en pratique représentera les communautés non francophones du Québec et l'autre personne, quelqu'un qui fait l'objet d'un vaste consensus, dans le domaine des arts en général.

M. Rivest: Le ministre dans ses propositions de départ, à un moment donné, prévoit sans que l'on doive l'inscrire dans la loi, bien sûr, une consultation à laquelle il s'est engagé...

M. Johnson (Anjou): C'est cela, M. le Président. Le conseil transitoire sera donc formé, une fois la loi adoptée, et le premier ministre m'a donné l'assurance et l'a donnée, je crois, au chef de l'Opposition, m'a demandé de transmettre l'assurance à l'effet qu'il consulterait le chef de l'Opposition, sur la nomination de la première série de membres de l'ordre proprement dit, en plus de consulter l'organisme que nous mettons sur pied.

M. Rivest: M. le Président, s'il y avait des changements majeurs qui survenaient, je suis autorisé par le chef du Parti libéral à vous dire que lorsqu'il sera le prochain premier ministre du Québec, il respectera cet engagement qu'a pris le premier ministre actuel, si Opposition il y a à ce moment-là, bien sûr.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce qu'il y a d'autres interventions, sur l'amendement?

M. Fortier: Je voulais simplement comprendre le sens de l'article 25. Il s'agit d'un conseil provisoire. Si je comprends bien,

ces gens-là seront en nomination jusqu'à ce que le conseil nommé...

M. Johnson (Anjou): Jusqu'à ce que le premier conseil de neuf membres soit élu en vertu de l'article 11. Donc, en pratique, il y aura un certain nombre de nominations. Ces gens se réuniront, éliront le conseil, donc celui-là sera dissous automatiquement.

M. Fortier: Au fur et à mesure, cela veut dire qu'il y aura assez de nominations pour s'assurer du nombre de personnes voulues.

M. Johnson (Anjou): Pour qu'un minimum de neuf, en pratique.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'amendement est adopté?

Est-ce que l'article 25, tel qu'amendé est adopté?

M. Rivest: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 26.

M. Rivest: L'article 25.1, M. le ministre, vous avez un autre amendement.

M. Johnson (Anjou): Nous ajoutons un article 25.1, M. le Président, avant l'article 26, qui se lirait comme suit: le projet de loi est modifié par l'insertion après l'article 25 de l'article suivant: "25.1. Le premier conseil de l'ordre est composé comme suit: 3 personnes élues pour un mandat de 3 ans, 3 personnes élues pour un mandat de 2 ans, 3 personnes élues pour un mandat d'un an." Donc, le premier conseil, M. le Président, sera formé, en vertu de l'article 11 sauf que les mandats ne seront pas d'une durée de trois ans, mais on y assurera, au départ, une transition par année pour chacune des catégories.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'article 25.1 est adopté?

Des voix: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 26. Est-ce que l'article 26 est adopté?

M. Rivest: Adopté, M. le Président, à condition bien sûr puisque c'est le financement, qu'il reste encore dans les coffres de l'État les deniers nécessaires.

M. Johnson (Anjou): L'article 26 est-il adopté, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): L'article 26 est-il adopté?

M. Rivest: On ne le sait pas. M. Parizeau...

Le Président (M. Dauphin): L'article 26 est adopté. J'appelle l'article 27.

Des voix: Adopté.

Une voix: Ah! 27? Oui, cela va.

Le Président (M. Dauphin): L'article 27 est adopté. J'appelle l'article 28.

M. Fortier: Sur division.

M. Rivest: L'article 28, M. le Président, je m'oppose à cet article avec la dernière des énergies. Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): L'article 28 est adopté sur division. J'appelle l'article 29.

M. Rivest: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

Avant de terminer, est-ce que les intitulés des sections et des sous-sections du projet de loi 80 sont adoptés?

Des voix: Adopté.

M. Fortier: Le titre est-il adopté?

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Rivest: Non, j'ai toujours ma réserve sur le titre. Le titre, malheureusement, sur division.

Le Président (M. Dauphin): Sur division. Est-ce qu'il y a une recommandation de la part du ministre pour une renumérotation du projet de loi?

M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, je ferais une recommandation pour que la renumérotation, conséquente aux amendements que nous avons adoptés, soit effectuée par le secrétariat.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que l'ensemble du projet de loi tel qu'amendé est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): La commission ayant donc rempli son mandat ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 32)

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