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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Vaugeois): Tout le monde a l'air bien en
forme. Je pense qu'avec l'intervention du député de Westmount on
va pouvoir terminer ce qu'on a considéré, hier, comme une
approche méthodologique qui permet de tirer un peu tous azimuts. Ce
matin, M. French va terminer cette première partie avec la même
liberté que celle qu'on a accordée à ses collègues
hier. Après, si vous êtes d'accord, on pourrait essayer... Alors,
il y aura également le député de Charlevoix.
M. French: On pourrait permettre au député de
Charlevoix de commencer, M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Oui. Permettez-moi d'ajouter
que, tout de suite après, si vous étiez d'accord, on pourrait
s'arrêter de façon plus particulière au mode de scrutin,
disons le chapitre trois, le mode de scrutin actuel et les différentes
formules proposées. Cela nous permettrait de traiter un peu en
même temps, également, de l'évaluation de la situation
où on trouve d'autres modes de scrutin qui sont abordés comme la
représentation proportionnelle régionale modérée ou
la compensatoire. Une fois faites les premières interventions qu'on
vient de rappeler - celle du député de Charlevoix et celle du
député de Westmount on pourrait après cela s'arrêter
aux différents modes de scrutin étudiés pour arriver
à celui qui a été proposé.
Pour la composition de la commission, ce matin, c'est la même
qu'hier avec les mêmes remplacements, etc., à une
différence près, si vous êtes d'accord, le
député de Chauveau pourrait s'ajouter à nous comme membre
de la commission, d'autant plus qu'il est porteur d'une proposition
intéressante.
Une voix: Est-ce qu'il va arriver...
M. Duhaime: Oui, il est arrivé à Québec,
hier, il habite la banlieue.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Charlevoix, vous avez la parole.
M. Mailloux: M. le Président, je voudrais simplement
corriger un mot que j'avais prêté au ministre de l'Énergie
et des
Ressources dans son allocution; j'avais dit à ce moment-là
que le ministre de l'Énergie avait dit ceci: "Voici votre mandat - en
parlant de la commission - allez dans la population chercher ce qui vous
paraîtrait une majorité" alors que le ministre avait dit: "Allez
dans la population rechercher ce qui vous paraîtrait une volonté
quelconque". La correction étant faite, M. le Président...
Une voix: Pour moi c'est la même chose.
M. Duhaime: Si c'est majoritaire, tant mieux.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Westmount.
Analyse du sondage
M. French: Merci, M. le Président de la commission des
institutions. On se rappellera qu'hier le député de Gatineau a
soulevé une question importante quant à une affirmation
très catégorique contenue dans les commentaires
préliminaires du président de la Commission de la
représentation et le président a peut-être aujourd'hui des
renseignements qui pourraient nous éclairer là-dessus. Il s'est
engagé à ce faire. Vous avez eu un échange, hier, avec le
député de Gatineau; de cet échange nous avons conclu que
vous ne pouviez pas expliquer une affirmation quant aux renseignements, dans
quelques commentaires que vous avez faits au début, c'est-à-dire
les renseignements qui touchaient la proportion de personnes au Québec
qui voulaient qu'un changement dans le mode de scrutin soit fait avant le
prochain scrutin. Je me demandais - dans l'intérêt de la
commission - puisque vous vous êtes engagé à nous
éclairer là-dessus, si vous êtes prêt à le
faire.
M. Côté (Pierre-F.): Oui, effectivement, M. le
député. Cette remarque de M. le député de Gatineau
avait trait, non seulement aux chiffres qui apparaissaient dans la
déclaration, mais également dans le sondage lui-même. C'est
une analyse qui portait sur le sondage.
Hier, on a révélé une confusion dans le calcul
statistique de la question no 15 de notre sondage. Je dois vous dire que votre
remarque était judicieuse; un examen des
résultats a permis de confirmer le malentendu dont vous avez fait
état. L'interprétation de cette question aurait dû se lire
ainsi: "des 51,5% des répondants qui se disaient en accord avec des
changements, 64% de ces personnes souhaitaient ces changements avant les
prochaines élections"; au lieu de lire à la page 43 le chiffre
705, il aurait fallu lire 366, ceci conformément au tableau de la page
33 pour ce dernier chiffre.
Ceci étant dit, je me permettrais de souligner les faits
suivants: cette confusion statistique n'a nullement eu d'incidence sur la
démarche de la commission - il faut se rappeler que cette question a
été posée au mois de juillet 1983 - et n'a eu aucune suite
dans notre rapport puisque, nulle part, nous n'établissons de relation
de cause à effet entre l'urgence d'une réforme du mode de scrutin
actuel avant les prochaines élections et notre référence,
soit la proportionnelle territoriale.
Le mandat que nous confiait l'Assemblée nationale consistait,
entre autres, à mener une consultation auprès de la population.
Pour ce faire, la commission a jugé utile, sur les conseils d'une firme
spécialisée, de procéder à l'élaboration
d'un sondage qui visait à mesurer le degré de connaissance de la
population et à établir les moyens, en termes de communication,
que la commission devait mettre en oeuvre en vue de réaliser
efficacement son mandat de consultation.
J'ai avec moi, évidemment, la correspondance qui avait
été échangée avec la firme en question sur l'objet
du mandat parce qu'hier, également, on a, si j'ai bien compris,
laissé entendre qu'on avait en quelque sorte dicté à cette
firme dans quel sens nous désirions que le mandat soit accompli. (10 h
15)
Donc, je reprends cette dernière phrase, pour être plus
précis: "Pour ce faire, la commission a jugé utile, sur les
conseils d'une firme spécialisée, de procéder à
l'élaboration d'un sondage qui visait à mesurer le degré
de connaissance de la population et à établir les moyens, en
termes de communication, que la commission devait mettre en oeuvre en vue de
réaliser efficacement son mandat de consultation." Par exemple, une des
choses que révèle ce sondage, c'est le peu de familiarité
des électeurs à cette époque avec toute question
électorale. Les résultats de ce sondage pour nous justifiaient
donc la façon dont nous avons accompli notre travail par la suite,
à savoir d'informer le plus possible de la situation. Il y a par
ailleurs une chose consolante dans ce sondage, vous l'avez évidemment
relevée, c'est que des personnes interrogées ont une très
haute opinion du rôle que jouent les députés. Il faut donc
voir ce sondage dans cette perspective et considérer le fait que, pour
nous, il ne constituait à toutes fins utiles qu'un outil de travail
préliminaire parmi tant d'autres.
D'ailleurs la commission a jugé utile, comme dans le cas de
l'ensemble de ses travaux, de rendre publiques toutes les données du
sondage et des les diffuser très largement. Vous en avez tous eu des
copies ainsi que les membres des médias d'information. Dans ce contexte,
on ne saurait taxer qui que ce soit de mauvaise foi dans cette affaire. C'est
probablement parce que cette coquille était trop évidente qu'elle
a échappé aux centaines de personnes qui ont examiné les
résultats du sondage depuis quinze mois. À notre connaissance,
c'est la première fois qu'elle est relevée. Il importe, certes,
que la correction soit faite mais, encore une fois, la réponse à
la question 15 du sondage en question n'a rigoureusement aucune incidence sur
les conclusions proposées par la commission, pas plus que l'ensemble du
sondage lui-même. Ces conclusions reposent sur la consultation
menée par la suite.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Vaugeois): Un instant, si vous le
permettez. Évidemment, on pourrait repartir sur cette question ce matin.
Je pense que cela vaut quand même la peine d'autoriser des interventions
sur la question, mais, je me permettrai de vous rappeler personnellement, M. le
président, que j'avais évoqué cette question à
Trois-Rivières en mettant en évidence ce qui était
intéressant pour nous, que la population de la région de
Trois-Rivières se disait plus satisfaite du travail des
députés que la moyenne provinciale et moins désireuse d'un
changement que la moyenne provinciale. J'avais mis en relief le fait que...
M. Gratton: Le ministre en est très heureux...
Le Président (M. Vaugeois): II est très heureux.
Nous, de la Mauricie, ici surreprésentée, sommes très
heureux évidemment. Mais j'oserais dire que la population ne se dit pas
satisfaite de nous, la population se dit satisfaite du travail des
députés dans le comté et cela faisait abstraction des
individus à ce moment-ci en poste. Cela pouvait aussi influencer bien
sûr. Mais, quoi qu'il en soit, je pense que le problème - je le
répète aujourd'hui après l'avoir dit hier - c'est que
votre mandat vous limitait à quelques questions et cela aurait
été intéressant de savoir le degré de connaissance
et d'appréciation des électeurs sur l'entièreté du
rôle des députés et des parlementaires. Je vais laisser le
député de Gatineau tirer ses conclusions ou faire ses
commentaires sur les précisions que vous venez de nous
apporter.
M. Gratton: Oui, je vous remercie, M. le Président,
très brièvement. Vous me permettez sans doute de vous dire que
dans la région de Trois-Rivières, si je ne m'abuse, le dernier
sondage SORECOM qui a paru en fin de semaine dénotait une certaine
remontée de l'Union Nationale. Je ne sais comment vous
l'interprétez...
Le Président (M. Vaugeois): C'est lié, les deux
sont liés.
M. Gratton: ...mais on pourra en discuter. Oui, d'accord, merci.
M. le président de la commission...
M. Duhaime: ...Duplessis.
M. Gratton: ...je vous remercie de la précision que vous
avez apportée ce matin. On sait qu'hier on en avait fait état.
D'ailleurs je dis tout de suite, et le président vient de le mentionner,
que lui-même dans un premier temps avait soulevé cette coquille.
Moi, je l'ai relevée à la page 6 de votre déclaration
d'hier, mais il faut bien dire qu'elle apparaît textuellement dans les
mêmes termes au chapitre 1 du rapport de la commission sur la
proportionnelle territoriale où on lit au chapitre 1.1 sous le titre
"Sondage", au bas de la page: "Par ailleurs, près de 65% des personnes
interrogées considéraient que les changements envisagés
devraient être réalisés avant les prochaines
élections générales". Or, vous nous confirmez ce matin ce
que nous avions compris hier, que ce ne sont pas 65% de toutes les personnes
interrogées qui souhaitaient ces changements et que ces changements se
fassent avant l'élection générale, mais bien 64% de ceux
qui s'étaient dits en accord avec les changements. Donc, 64% de 51,5%,
cela fait 33%. Cela donne, à toutes fins utiles, la moitié de ce
que votre affirmation contenait. Je voudrais bien qu'on se comprenne. Je n'ai
jamais allégué que vous avez voulu tromper qui que ce soit en
faisant cette affirmation à deux reprises: dans le rapport et dans votre
déclaration d'hier. Ce que je relève, M. Côté, c'est
qu'une fois que la commission a pris sa décision de faire une
recommandation d'une forme de scrutin proportionnel il est tout à fait
normal que la commission veuille la justifier avec tous les
éléments d'information, toutes les données qui sont
à sa disposition. Cela peut parfois amener les gens de la commission,
qui sont des humains comme tous les autres, à extrapoler. C'est comme
cela qu'on se retrouve avec une affirmation qui est tout à fait
saugrenue. On ne peut pas imaginer qu'il y ait plus de gens qui veuillent des
changements avant l'élection qu'il y en ait qui veuillent des
changements tout court. Je vous soumets très respectueusement que ce
n'est pas la seule des affirmations du genre qu'on retrouve dans le rapport
aussi bien que dans votre déclaration. On y reviendra sûrement au
cours des travaux de cette commission, mais on a nettement l'impression, en
lisant votre rapport, en lisant votre déclaration, que vous avez fait ce
qu'il était tout à fait normal de faire, c'est-à-dire de
trouver tous les arguments, toutes les données qui vous permettaient de
justifier la recommandation que vous faisiez, à savoir de mettre de
côté le régime actuel de mode de scrutin pour le remplacer
par celui que vous recommandez. Là où cela me chicote... Le
député de Gouin nous reprochait hier de faire des débats
sur des sondages; on ne gouverne pas par sondages. Bien sûr que non, mais
on a nettement l'impression que la commission a réussi à
convaincre un certain nombre d'observateurs - et mon collègue de
Charlesbourg en fera la preuve manifeste tantôt à l'aide de
documents - de personnes au Québec qu'effectivement il n'y a
peut-être pas une majorité de la population qui souhaite un
changement du mode de scrutin, mais il y en a un bon paquet. Il y a un paquet
de gens qui ne sont pas satisfaits et, quand on informe ces gens, on a
l'impression qu'ils souhaiteraient des changements. Les gens qui sont venus
devant la commission -57%, nous dit-on - quand on fait la ventilation comme l'a
fait le député de Charlevoix hier, on s'aperçoit que les
57% tiennent à plusieurs qualifications, à plusieurs conditions
et que, finalement, ce n'est pas une expression très valable de la
volonté même de ceux qui ont pris la peine de rencontrer les
membres de votre commission qui veulent un changement. C'est la même
chose quand le service de recherche de la commission a fait dire que, parmi
ceux qui avaient présenté des mémoires à la
commission, il y en avait environ 36% qui appuyaient la formule de M.
Bédard. Je pense que le député de Charlesbourg pourra
faire la preuve au cours de nos travaux que ce n'est pas 36%; c'est environ
20%. Finalement, 20%, c'est seulement une personne sur cinq.
M. le Président, c'était le but de mon propos d'hier et,
n'en déplaise au député de Gouin... Je suis sûr que,
maintenant, il comprend - d'ailleurs, il a compris hier -qu'on n'est pas
là pour dire qu'il faudrait que le gouvernement ou que quelque
gouvernement que ce soit n'agisse qu'en fonction des sondages. Au contraire, ce
que je dis, c'est qu'il ne faudrait pas que ni la commission, ni le
gouvernement, ni l'Opposition, ni personne, interprète des sondages de
façon à créer de fausses impressions. C'est nettement dans
ce sens qu'allait l'affirmation qu'on retrouvait à la
page 6 de votre déclaration d'hier qui était d'ailleurs
une copie conforme de ce qu'on retrouvait dans le rapport de votre
commission.
M. Duhaime: Je voudrais éclaircir un point, M. le
Président. J'ai écouté attentivement hier les propos du
député de Gatineau et ce que je voudrais qu'il nous dise ici
à la commisison parlementaire... Je voudrais être certain
d'être en mesure de suivre le fil conducteur de ces propos, parce qu'il a
fait un parallèle avec le travail de M. le président de la
Commission de la représentation et des commissaires et son propre
travail à titre de professionnel à l'époque où il
exerçait son métier d'ingénieur. Je crois comprendre que
la théorie sur la résistance des matériaux ne doit pas
varier d'un bureau d'ingénieurs-conseils à l'autre; c'est la
même. Par voie de conséquence, je demanderais au
député de Gatineau de nous dire si on doit comprendre par ses
propos qu'il s'en prend à la crédibilité, au
professionnalisme et à l'intégrité des membres de la
commission ou si c'est simplement une divergence d'opinions.
M. Gratton: Avec plaisir, M. le Président, je vais le dire
très clairement, de façon que tout le monde comprenne bien.
Cossette & Associés, que je sache, n'est pas un ennemi voué
du gouvernement actuel, du gouvernement péquiste, cette firme est
devenue la plus grosse agence de publicité au Québec grâce
aux nombreux contrats que le gouvernement du Québec lui a
accordés et notamment celui que le Directeur général des
élections, président de la commission, lui a accordé.
Cossette & Associés a eu le mandat de faire un sondage. Je
pense bien que cette firme devait se douter un peu que le gouvernement du Parti
québécois souhaitait une réforme du mode de scrutin.
Est-ce que cela a du bons sens de penser que Cossette & Associés,
qui est formée d'experts à sonder l'opinion, était
peut-être informée que le gouvernement du Québec souhaitait
des changements au mode de scrutin? Je réponds à ma question, oui
elle le savait. Et ayant constaté, à partir des chiffres qu'on a
vus, qu'on a épluchés hier, que la population n'était
absolument pas intéressée, n'appuyait absolument pas la
réforme du mode de scrutin, Cossette & Associés a
décidé d'interpréter à sa façon les
chiffres. Et c'est comme cela qu'on retrouve des phrases dont certaines ont
été reprises par le président de la commission ou par la
commission dans son rapport. On fait dire qu'une personne sur deux est d'accord
pour changer le mode de scrutin, est plutôt d'accord pour faire changer
le mode de scrutin, alors qu'on aurait pu dire qu'il y a une personne sur deux
qui n'est pas d'accord. C'est ce que M. Côté me reprochait hier,
de faire mon interprétation et qu'il fallait plutôt prendre
l'interprétation de Cossette &. Associés. Je dis que
l'interprétation de Cossette & Associés est tout aussi
partisane que la mienne peut l'être, mais dans le sens inverse.
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, allez-y donc.
M. Duhaime: Je n'ai pas posé de question au sujet de la
firme Cossette & Associés. Si cela plaît à
l'Opposition, on peut faire déposer ici, devant la commission
parlementaire, l'ensemble des contrats de publicité qui ont
été accordés à différentes firmes depuis que
nous sommes au gouvernement. Vous allez constater que ces firmes ont eu des
contrats de sondage et de publicité à travers un système
de rotation, puisque, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement en
1976, on a décidé de sortir le patronage dans l'attribution des
contrats de publicité, c'est bien connu. Je peux le faire.
M. Marx: Voyons donc, cela n'est pas vrai.
M. Duhaime: M. le Président, j'ai posé une question
très claire et cela m'apparaît être une échappatoire,
la réponse du député de Gatineau. Ma question est: Est-ce
que vos propos vont dans le sens d'attaquer la crédibilité, le
professionnalisme et l'intégrité, non pas de la firme Cossette
& Associés, mais du Directeur général des
élections et des commissaires qui, sur un mandat unanime de
l'Assemblée nationale, ont fait un travail, ont produit un rapport
qu'aujourd'hui on est en train de débattre? C'est cela qui est ma
question.
M. Gratton: M. le ministre, ce sera très clair si vous me
demandez si je mets en cause l'intégrité de la commission ou des
membres de la commission. Non. Si vous me demandez si je mets en cause la
crédibilité de la commission, des membres de la commission
à partir des affirmations que je retrouve dans leurs documents, la
réponse est clairement oui. Est-ce clair?
M. Duhaime: M. le Président, si cela pouvait satisfaire
tout le monde, je pense que ce serait peut-être intéressant qu'on
fasse venir devant notre commission les dirigeants de la firme Cossette &
Associés aux fins de vérifier. J'avoue que cela me trouble
profondément, à savoir que la Commission de la
représentation aurait engagé une firme pour effectuer un
sondage
et, suivant le mot-à-mot de ce que vient de dire le
député de Gatineau, le gouvernement, je présume, ou la
commission avait une réponse toute faite d'avance et cette firme
professionnelle se serait pliée en quelque sorte en fricotant de toutes
pièces un sondage. Cela me paraît énorme. Si tel
était le cas, M. le Président, je pense qu'il y aurait lieu de
prendre des dispositions à cet égard. Si l'Opposition est
d'accord, on va demander à la firme Cossette & Associés de
venir. Êtes-vous d'accord?
M. Gratton: Allez-y!
M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, la
crédibilité de Cossette & Associés est bien plus en
publicité qu'en sondage. Il y aurait peut-être d'autres firmes en
sondage qui auraient été plus indiquées.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous me permettez, j'aurais
une question à poser à M. Côté. Le choix de Cossette
& Associés a-t-il été le choix de votre commission?
(10 h 30)
M. Côté (Pierre-F.): Oui et c'est inscrit dans un
contrat que nous avons avec Cossette & Associés depuis quelques
années, contrat qui a suivi les règles habituelles en semblable
matière, à savoir que cela a été à la suite
d'un concours et il y avait, de mémoire, cinq personnes dans le jury
dont la majorité n'étaient pas des membres de mon bureau. Il y
avait un avocat de Montréal, je pourrais vous donner les noms des
personnes. Au moment où le choix s'est fait il y a un certain nombre de
firmes, il va de soi, qui ont été envisagées. Vous savez
que, par exemple, à l'occasion du présent recensement, il y a un
grand nombre de "messages de communication", comme on les appelle; il nous faut
faire affaires avec une firme spécialisée en la matière.
Alors, dans le cas du mandat qui nous avait été confié, le
travail qu'on a demandé à Cossette & Associés
s'inscrivait dans le travail qu'ils ont accompli par la suite sur le plan des
communications. Par exemple, ils nous ont évidemment donné un bon
coup de main dans la brochure qu'on a distribuée, le vidéo qu'on
a fait fabriquer à cette occasion et c'est tout naturellement qu'on leur
a demandé -de ce que je comprends de Cossette &. Associés, il
y a une section de cette firme qui a un service apte à faire des
sondages et qui fait effectivement des sondages. Je ne sais pas, ce n'est pas
à moi de l'évaluer, on peut peut-être dire qu'ils n'ont pas
la qualification pour faire des sondages, moi, je crois qu'ils l'ont mais
là c'est une question d'appréciation.
Écoutez, je voudrais souligner un point on peut demander chez
Cossette &
Associés de venir - qui est assez clair. Dans le contrat que j'ai
signé avec eux, il faudrait voir de quelle façon eux, ils
l'interprètent et le mettent en application, mais cela se lit de la
façon suivante: ils s'engagent à ne participer ni directement ni
indirectement à quelque activité que ce soit, ni accepter quelque
contrat que ce soit de nature à manifester une prise de position de
caractère politique et/ou partisan pendant la durée du
présent contrat. Cette clause est toujours en vigueur.
Le Président (M. Vaugeois): M. Côté, il y a
eu une proposition de la part du ministre. Ce midi, avec le
vice-président et le secrétaire, le bureau de la commission
pourra considérer cet aspect et faire quelques consultations et on vous
dira cet après-midi si nous donnons suite. Il y a une chose qui est
claire c'est que cela a été le choix de la commission de recourir
à cette firme. D'aucune façon, je pense - vous pouvez me le
confirmer - le gouvernement n'est intervenu pour vous suggérer une firme
plutôt qu'une autre. Vous aviez déjà une entente avec
Cossette & Associés.
M. Côté (Pierre-F.): D'aucune façon le
gouvernement n'est intervenu. C'est la décision de la commission, cela
s'est inscrit dans le travail qui est confié depuis quelques
années à cette firme.
Le Président (M. Vaugeois): Là, j'entends murmurer
à ma gauche. Il n'y a pas seulement votre crédibilité qui
va finir par être touchée, il va y avoir la mienne aussi.
M. Gratton: Non, non.
Le Président (M. Vaugeois): Non, un instant, j'ai la
parole.
M. Gratton: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): J'ai été
ministre des Communications pendant un certain temps et j'ai vécu la
période référendaire qui est une période où
il y a eu pas mal de contrats de publicité de donnés, non pas
surtout par le gouvernement du Québec mais par le gouvernement
fédéral. Je serais bien plus intéressé à
savoir comment les contrats de publicité du gouvernement
fédéral se sont donnés et sur quelle base, mais je sais
une chose, c'est que ceux qui furent donnés au niveau
québécois, à cette époque - j'ai pu les surveiller
tous, c'est un domaine que je connaissais un peu et qui m'intéressait
beaucoup - ont été donnés avec les règles qui sont
connues de tout le monde. Cela est pour la partie que je connais. Quant au
mandat que la commission a eu à remplir, elle a travaillé avec
une firme qu'elle a choisie. S'il y a lieu de poser des questions à
cette firme, je pense que cela dépasserait un
peu le mandat qu'on a reçu de l'Assemblée nationale. Je ne
dis pas que cela serait sans intérêt, mais cela dépasserait
un peu le mandat qu'on a reçu de l'Assemblée nationale. On a des
problèmes avec nos mandats comme vous avez eu un problème avec
votre mandat. À mon avis, on vous a donné un mauvais mandat au
mois de juin 1983 et vous avez travaillé à l'intérieur
d'un mandat restreint et incomplet. Il aurait fallu, en fait, en
débattre de ce mandat et l'élargir; cela est ma conviction
personnelle et profonde, elle n'a pas besoin d'être partagée par
personne et peut-être qu'elle l'est. Mais, pour l'instant, je vais
revenir au député de Westmount et l'inviter à revenir au
mandat que nous avons reçu. Cet après-midi nous vous dirons ce
que nous faisons, ce que nous vous proposons de faire pour cet aspect qui a
été abordé précédemment. M. French.
Mode de scrutin et consensus
M. French: Je vous remercie, M. le Président de la
commission des institutions. Vous avez mentionné le mandat de la
commission que M. Côté a présidée. Cela a
été un mandat extrêmement difficile à remplir et
cela a exigé l'étude ou l'évaluation du mode de scrutin
actuel et des solutions possibles de rechange. Entre autres, cela a
exigé - si je le lis - que la commission prenne les mesures
nécessaires pour informer la population, consulte et recueille ses
opinions publiquement ou à huis clos - on vient de discuter un des
aspects ou un des outils utilisés pour recueillir les opinions - tienne
des auditions publiques, étudie les représentations qui sont
faites à ce sujet. C'est sur le volet de prendre les mesures
nécessaires pour informer la population que je voudrais commencer.
Pendant ce travail dans tout le Québec, vous avez eu une
responsabilité importante, et je parle surtout au président,
comme porte-parole de la commission d'étude. Quelqu'un avait
avancé des chiffres comme 114 entrevues. Est-ce que ce sont les chiffres
de la commission? Qui était responsable au sein de la commission
d'étude de ces 114 entrevues?
M. Côté (Pierre-F.): Enfin, je pourrais vous donner
le relevé exact, mais la majorité de ces entrevues a
été donnée par moi.
M. French: Il y a un danger chaque fois qu'une personne dans la
vie publique prend la parole. On l'a vu de tous les côtés de la
Chambre, il y a longtemps comme récemment. Il est toujours possible que
parfois on s'avance trop et qu'on dise quelque chose qu'on n'aurait pas
dû formuler. Je me demande si pendant ces 114 entrevues il n'y aurait pas
eu quelques pépins de ce genre. Entre autres, je veux faire
référence à la question qui revient trop souvent - c'est
peut-être l'effet du hasard - comment une Assemblée nationale ou
un Parlement pourrait entreprendre une réforme de l'ampleur de celle que
vous prônez dans le rapport? Je voudrais vous demander si vous n'avez pas
fait publiquement à plus d'une reprise le commentaire qu'un gouvernement
pourrait à la limite décider d'imposer une réforme de mode
de scrutin semblable à celle que vous proposez.
M. Côté (Pierre-F.): Je crois avoir davantage,
pendant ces entrevues, insisté sur la tradition qui était en
train de s'établir, mais qui est très récente à
l'Assemblée nationale, à savoir que des modifications -ce que
j'ai mentionné hier - majeures à la législation
électorale... Il y a une tradition, et je vais vous donner des exemples
concrets que nous vivons présentement, à savoir que dans toute la
mesure du possible cela se fait par voie de consensus. Ce à quoi vous
faites référence et ce que je comprends de nos institutions et la
façon dont le Parlement fonctionne, c'est qu'il y a possibilité
qu'un gouvernement fasse adopter une loi en se prévalant en quelque
sorte de la majorité qu'il détient en Chambre. Pour illustrer ce
que je mentionne sur le plan de l'atteinte du plus large consensus possible, il
y a présentement en marche des comités, à la suite de
suggestions - j'espère que les gens du conseil consultatif ne m'en
voudront pas de le révéler, mais ce n'est pas un secret dont je
ne puisse pas faire part - et d'une entente au sein du conseil consultatif et
où se retrouvent des représentants des deux partis politiques. On
a construit des groupes de travail pour revoir certaines dispositions de la Loi
électorale, de la Loi régissant le financement des partis
politiques et de la Loi sur les listes électorales.
Cette façon de procéder me semble s'être
imposée depuis un certain temps et là cela se fait de
façon un peu plus formelle avec la collaboration et avec l'aide des
membres du conseil consultatif.
M. French: M. le Président, je n'ai pas réussi
à savoir si, oui ou non, vous avez laissé tomber, pas une fois
mais au moins deux ou trois fois, soit sur les ondes radiophoniques ou à
la presse écrite, que ce serait toujours possible que le gouvernement ou
une majorité adopte non seulement n'importe quelle loi mais une loi
chambardant et changeant d'une façon fondamentale le mode de scrutin du
Parlement même dont il est question.
M. Côté (Pierre-F.): Il est possible que je l'aie
dit, mais, à votre avis, est-ce une hérésie ou est-ce
quelque chose d'absolument impossible dans le système parlementaire
qui
existe actuellement?
M. French: Je voudrais discuter de cela. Il est possible... Je
suis convaincu que vous l'avez dit puisque cela m'a été
rapporté. Entre autres, j'ai un coupure de presse ici, un article de
Pierre Vincent, le 29 mars 1984, où vous dites, et je cite: "La coutume
veut, répond M. Côté, que lorsqu'on touche au mode de
fonctionnement électoral on cherche à obtenir un consensus mais
il est toujours loisible au gouvernement d'user de sa majorité". Je le
répète "mais il est toujours loisible au gouvernement d'user de
sa majorité". Je n'ai pas à donner mon opinion, c'est vous qui
êtes ici pour répondre, moi je veux savoir d'abord si vous vous
êtes basé sur des études en faisant cette affirmation?
M. Côté (Pierre-F.): Bien, l'étude est
relativement simple. Ce que j'ai dit, ce que je réponds à votre
question, c'est que l'adoption d'une loi par l'Assemblée nationale
requiert la majorité des votes. S'il y a un changement en profondeur
d'un mode de scrutin cela suppose qu'il y a une loi qui va être
adoptée et cela suppose que cette loi est adoptée par une
majorité, à tout le moins.
M. French: Bon, pendant que vous êtes le président
d'une commission qui fait l'étude de la forme du mode de scrutin vous
affirmez pour le bénéfice et l'information des
Québécois que cela prend une majorité pour adopter une
loi. C'est ce que vous affirmez, vous n'affirmez pas que dans ce cas-ci cela
peut se faire, vous affirmez seulement de façon générale
qu'il faut une majorité pour adopter une loi dans un Parlement. Est-ce
cela que je dois comprendre?
M. Côté (Pierre-F.): Bien oui, c'est ce que je viens
de vous dire.
M. French: Mais je vous suggère que c'est une construction
qui est très simpliste d'une situation qui est très complexe et
que c'est démontrer un manque de compréhension de votre situation
extrêmement sensible face à un électorat qui se doit de
vous voir comme une personne ayant suffisamment de rigueur. Lorsque vous dites
quelque chose en réponse à une question - et je vais vous lire la
question - lorsque vous dites quelque chose en ce sens vous faites une
affirmation qui sera interprétée de façon beaucoup plus
spécifique, beaucoup plus importante, beaucoup plus profonde, beaucoup
plus précise que le sens que vous voulez lui donner aujourd'hui.
Le paragraphe de Pierre Vincent dans la Presse du 29 mars 1984 est le
suivant: "Dans de telles circonstances, la volonté d'une petite
poignée de députés, même s'ils ont le premier
ministre à leur tête et même s'ils sont convaincus d'avoir
l'opinion publique de leur côté, peut-elle avoir raison de la
résistance d'une majorité de députés?" Question.
Point d'interrogation. Citation: "La coutume veut, répond M.
Côté, que lorsqu'on touche au mode de fonctionnement
électoral on cherche à obtenir un consensus mais il est toujours
loisible au gouvernement d'user de sa majorité". Je vous demande, dans
une situation comme celle-là, pourquoi avez-vous fait une telle
affirmation. Non pas une fois mais à plusieurs reprises. Pourquoi
l'avez-vous faite?
M. Côté (Pierre-F.): Parce que c'est vrai.
M. French: Ah bon!
M. Côté (Pierre-F.): Parce qu'il s'agit d'une loi.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous réponde? Il s'agit de l'adoption
d'une loi. Que vous décidiez, l'Assemblée nationale, à
l'égard de certaines questions d'avoir une autre procédure,
c'est-à-dire une autre façon de procéder, ce n'est pas de
mon ressort. Ce que je sais, à moins que je comprenne mal le
parlementarisme dans lequel nous vivons, c'est que l'adoption d'une loi
requiert une majorité.
M. French: Je remercie le président de la commission
d'étude pour sa leçon de première année en science
politique à l'université, mais je voudrais lui poser la question
suivante. Connaît-il un précédent à de telles
réformes? Connaît-il des précédents en pays
démocratiques où ils ont changé de façon
fondamentale le système électoral au cours du vingtième
siècle sans avoir l'accord des deux principaux partis politiques en
lice?
M. Côté (Pierre-F.): En Belgique, le 29
décembre 1899, ce fut adopté par un vote de 70 pour et de 63
contre. C'est la proportionnelle territoriale, pardon, le mode de scrutin
proportionnel. C'est le premier qu'on retrouve dans un pays européen et
il est toujours en vigueur.
M. French: Et vous vous êtes basé sur ce
précédent pour faire vos affirmations?
M. Côté (Pierre-F.): Non j'essaie de répondre
à la question que vous venez de me poser; si vous me le permettez je
pourrais peut-être ajouter d'autres exemples. C'est cela que vous m'avez
demandé si j'en connaissais? Vous permettez que je continue?
En Irlande, la représentation proportionnelle a été
introduite en 1921 par les leaders du mouvement pour l'indépendance et
par l'influence du gouvernement britannique évidemment.
(10 h 45)
En Suisse, la représentation proportionnelle fut introduite en
1919 à la suite d'une initiative populaire faite en 1978 par le parti
catholique et le parti socialiste. En Suisse, l'expression "initiative
populaire" signifie également un référendum. La
différence c'est que l'initiative populaire provient de la population et
le référendum, du gouvernement.
M. French: C'est en se basant sur ces cas que vous avez fait
l'affirmation dont il est question?
M. Côté (Pierre-F.): Non.
M. French: C'était une opinion que vous émettiez
comme cela.
M. Côté (Pierre-F.): Ce n'est pas une opinion, c'est
une constatation du système dans lequel nous vivons. De deux choses
l'une: ou il est possible pour l'Assemblée nationale, dans le
système où nous vivons, d'adopter une loi en le faisant par voie
de majorité, ou cela n'est pas possible. Je ne connais pas, dans notre
système parlementaire actuel, de règle ou de coutume qui
détermine que certains domaines doivent être
réservés pour que l'adoption d'une loi requière
l'unanimité de la Chambre, les deux tiers ou les trois quarts. On
corrigera mes connaissances sur le plan parlementaire. Incidemment, je pense
que vous avez fait référence à des études que j'ai
faites en sciences sociales. C'est ce que vous avez mentionné tout
à l'heure, si j'ai bien compris.
M. French: M. le Président, hier... Excusez-moi.
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez posé votre
question...
M. Côté (Pierre-F.): Si vous faites
référence à mes études, je peux vous faire part de
mes diplômes, j'ai fait quatre années en sciences sociales et
quatre en droit.
Le Président (M. Vaugeois): Je pense que les gens sont
très... Cela va bien. Les questions du député de Westmount
ont été posées; vous vouliez les poser, vous les avez
posées. Vous provoquez une certaine nervosité autour de vous, M.
le député.
M. French: M. le Président...
Le Président (M. Vaugeois): Je ne voudrais pas ramener les
gens au mandat de la commission, ce matin, je veux bien laisser une certaine
liberté quant aux questions, mais vous êtes allé à
la limite, je pense.
M. French: Non, pas du tout, M. le Président, je n'ai pas
terminé.
Le Président (M. Vaugeois): C'est votre opinion. Le
ministre a demandé la parole, on va en parler. Le ministre a
demandé la parole et le député...
M. French: M. le Président...
Le Président (M. Vaugeois): Un instant, s'il vous
plaît. Le ministre a demandé la parole là-dessus.
M. French: M. le Président, je demande la parole, s'il
vous plaît, j'aimerais savoir si j'ai utilisé mes dix minutes tel
que stipulé dans l'entente. Je rappellerai aux députés que
c'est un droit de parole de dix minutes, non pas un échange de dix
minutes.
Des voix: Oh!
Le Président (M. Vaugeois): Allez-y.
M. French: M. le Président, si vous m'assurez que j'aurai
le loisir d'y revenir et le loisir d'explorer la question...
Le Président (M. Vaugeois): Bien sûr que vous aurez
tout le loisir, il ne s'agissait pas de vous priver de votre droit de
parole.
M. French: II me semble que vous m'avez interrompu pendant mon
intervention.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous interromps
après avoir consulté mon collègue vice-président
qui a présidé la séance quelques minutes pendant mon
absence et qui m'a confirmé que vous aviez peut-être
disposé suffisamment de cette question.
M. French: Ou vous prenez la décision ou le
vice-président la prend.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous insistez... Je pense
que nous vous rendons service en vous signalant que la question a
été posée et que vous avez eu une réponse. Si vous
voulez profiter des deux minutes qui restent pour continuer à poser la
même question, c'est à la limite de ce que nous avons comme
mandat. Que voulez-vous?
M. French: M. le Président, en toute
honnêteté, j'ai posé une question, j'ai donné
l'occasion au président de répondre, j'ai tenté d'explorer
une question qui est, pour moi, très fondamentale, soit le comportement
d'un président d'une commission d'étude sur la réforme du
mode de scrutin qui est en même temps le Directeur général
des élections du Québec.
Le Président (M. Vaugeois): Le
président de la commission des institutions vous autorise
à continuer. Il vous reste deux minutes.
M. French: M. Côté, vous avez dit hier, en
répondant au député de Charlevoix: "Vous devinez
facilement qu'il ne m'appartient pas du tout de dire aux membres de
l'Assemblée nationale que dans de tels cas vous devez procéder
à la majorité simple." C'est une affirmation avec laquelle je
suis tout à fait d'accord, mais comment conciliez-vous les deux
affirmations? Ou il vous est loisible de vous prononcer dans une situation
délicate et d'informer les Québécois de votre opinion de
ce qui pourrait être fait ou ne pas être fait à
l'Assemblée nationale, ou, comme vous avez dit hier: "Vous devinez
facilement qu'il ne m'appartient pas du tout de dire aux membres de
l'Assemblée nationale que dans de tels cas vous devez procéder
à la majorité simple".
M. Côté (Pierre-F.): Ce que je dis en somme, c'est
que - et je vais peut-être essayer de clarifier la réponse que
j'ai donnée hier - les règles du jeu actuel veulent que
l'adoption d'une loi se fasse à la majorité. Si vous
décidez - c'est à vous de décider, l'Assemblée
nationale, et non pas à moi, c'est ce que j'ai dit hier - d'adopter une
autre façon de procéder, à savoir d'exiger, au lieu de la
majorité simple pour l'adoption d'une loi, une autre façon de
procéder, c'est à vous d'en décider et non pas à
moi. M. Bonenfant a déjà déclaré que le Parlement
peut tout faire, sauf changer un homme en femme. Vous avez tous les pouvoirs,
c'est à vous d'en décider, ce n'est pas à moi. C'est ce
que j'ai dit hier.
M. French: C'est plus que cela, M. le Président. Ce n'est
non seulement à vous de décider, ce n'est pas à vous de
dire.
Le Président (M. Vaugeois): On va reprendre notre calme
tout le monde. J'ai deux demandes du côté droit de la table. Le
ministre, sur une question de règlement et le député de
Rousseau, sur le sujet qui vient d'être abordé je crois.
M. Marx: M. le Président, je m'excuse, mais il n'y a pas
de question de règlement en commission.
Le Président (M. Vaugeois): II n'y en a peut-être
plus maintenant.
M. Marx: II n'y a pas de question règlement en commission
et...
Le Président (M. Vaugeois): Mais le ministre a le droit
d'intervenir sur les questions qui ont été posées. On va
commencer par le député de Rousseau.
M. Blouin: Très rapidement, M. le Président, je
voudrais faire un bref commentaire sur l'intervention un peu ratée du
député de Westmount. Parce qu'au-delà de la
réalité qu'a évoquée le Directeur
général des élections je crois que l'intervention du
député de Westmount est un peu injuste pour la raison suivante:
Je suis allé témoigner devant la Commission de la
représentation et dans mon intervention j'ai pris la peine de
préciser - puisque cela s'était produit dans la semaine
précédente - que je trouvais intéressante la suggestion
qu'avait faite publiquement le Directeur général des
élections, le président de la Commission de la
représentation, M. Côté, soit que cette loi ne suive pas
les règles habituelles d'adoption à la majorité simple,
mais qu'elle requière une majorité des deux tiers des membres de
l'Assemblée nationale, cette éventuelle loi sur le mode de
scrutin, pour être adoptée et pour changer cette institution
fondamentale.
Ce que je voudrais demander à M. Côté très
rapidement, c'est non seulement comme le disait le député de
Westmount -de nous rappeler qu'il n'a pas suggéré, au-delà
de rappeler comment fonctionne notre institution parlementaire, que
formellement cela s'applique dans le cas présent, mais bien davantage,
selon ce que j'ai en mémoire, qu'il avait plutôt
suggéré une majorité des deux tiers pour adopter une loi
aussi importante que celle-là.
M. Côté (Pierre-F.): Oui, cela rejoint l'expression
que j'ai utilisée tout à l'heure quand je parlais d'un plus large
consensus possible. Là aussi, il y a une question
d'interprétation. Le plus large consensus possible, cela peut être
fait par voie de compromis. Un moment donné, il y a des projets de loi -
c'est ce qu'on vit, ce que j'ai vécu depuis que je suis Directeur
général des élections - qui ont pour effet de modifier les
dispositions de la Loi électorale. Alors, il y a habituellement à
ce moment des échanges entre les leaders des deux formations politiques
et on en arrive à un consensus, on en arrive à une entente. Donc,
ce peut être par voie de consensus. Habituellement, le résultat
d'un consensus comme celui-là se manifeste par l'adoption à
l'unanimité d'un amendement.
Que cette question soit importante et que vous décidiez que cela
requiert les deux tiers, les trois quarts ou l'unanimité, les
règles du jeu ne m'appartiennent pas. Tout ce que je dis, et je pense
que c'est important, jusqu'à quel degré ou comment devez-vous
procéder? c'est à vous de décider. Comme vous pouvez
procéder à la majorité simple, vous pouvez le faire. Je
dis qu'il est souhaitable qu'il y ait le plus large consensus possible.
Incidemment, il y a une recherche qu'il faudrait peut-être faire pour
essayer de trouver de quelle façon le mode de scrutin actuel a
été adopté à l'origine. Cela éclairerait
peut-être ce qui a été fait par voie de majorité et
ce qui a été fait par voie de consensus, le mode qu'on a
présentement.
Le Président (M. Vaugeois): Je trouve cela bien
intéressant indépendamment du ton qu'on a pris, on est vraiment
dans le fonctionnement du parlementarisme et Dieu sait que cela me passionne,
mais c'est une autre question. Je tiens à dire une chose, sans
dévoiler des résultats, mais le genre de question qu'on aborde
actuellement a fait l'objet d'une consultation auprès des parlementaires
et il y a un nombre considérable de parlementaires, sans dévoiler
de chiffres, qui considèrent qu'on ne touche pas aux institutions et
à la réforme du mode de scrutin sans de larges consensus. Et nous
souffrons déjà suffisamment de certains vices du parlementarisme
pour accepter que des choses aussi importantes fassent l'objet d'ententes entre
leaders sans débat au Parlement, etc. Déjà, on vit avec un
mandat qui a fait l'objet d'ententes comme cela sans débat, il me semble
que ce n'est pas le genre de choses à souhaiter. Il n'y a rien qui
m'horripile plus que des ententes entre leaders qui font l'objet après
cela d'un vote unanime en Chambre. Ce n'est pas pour cela qu'on est élu
et ce n'est pas pour cela que fonctionne le Parlement, ce n'est pas vers cela
qu'on tend à faire évoluer l'institution. Mais, cela nous
ramène toujours à la même question. On essaie
d'étudier le mode de scrutin en faisant fi de l'institution pour
laquelle ces gens sont recrutés et choisis. Il va falloir reprendre
cela. La commission des institutions a dans ses attributions le pouvoir de
reprendre cette question là où elle aurait dû être
prise. Je vois un parlementaire d'expérience, à ma gauche, le
député de Charlevoix, qui acquiesce. Il me semble que tôt
ou tard il faudrait reprendre comme cela cette question. Mais, pour l'instant,
le mandat que nous avons c'est sur la réforme du mode de scrutin. Le
député de Westmount a techniquement épuisé son
temps. J'avais cette rigueur, étant donné la nature de
l'intervention, mais je veux bien me montrer à son endroit aussi large
que nous l'avons été hier pour les autres intervenants qui ont
généralement dépassé la dizaine de minutes. Donc,
si vous vouliez revenir, M. le député de Westmount, vous avez
encore le droit de parole. Sur la question que vous avez posée, le
ministre a demandé la parole; s'il la veut toujours, je la lui accorde
volontiers. Pour la poursuite des travaux, je signale qu'après votre
intervention nous reviendrons à ce que nous nous étions
fixé. Vous pouvez le faire vous-mêmes, un peu comme
déroulement de travaux. C'est le député de Deux-Montagnes
qui aura la parole.
M. le ministre.
M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je pense que je me dois
d'intervenir sur la question qui est posée par le député
de Westmount, pour une raison assez simple. D'abord, j'ai lu, comme tout le
monde, l'entrevue qu'avait accordée le Directeur général
des élections à un journaliste de la Presse et c'est quelque
chose qui m'a paru parfaitement normal que nos lois dans notre système
parlementaire sont adoptées à la majorité simple, sauf
exception, sauf erreur, pour la nomination de certaines personnes où le
Parlement a décidé dans des lois que la majorité des deux
tiers des voix à l'Assemblée était requise, le
Vérificateur général, le Protecteur du citoyen et le
Directeur général des élections. Dans le cas du Directeur
général des élections, si mon souvenir est bon, nous
avions voté sa nomination à l'unanimité, ce qui exige au
départ, sinon un minimum de politesse, je dirais un minimum de
déférence à son endroit.
M. French: Cela c'est un chemin à deux sens, M. le
ministre.
M. Duhaime: M. le Président, deuxièmement, ce que
je voudrais dire c'est que dans certains pays de démocratie
parlementaire, que ce soit sous des régimes de monarchie
constitutionnelle ou encore sous des régimes républicains,
très souvent le mode électoral fait partie d'une constitution
qui, elle, a été adoptée, ou bien à la
majorité simple dans un Parlement, ou encore à la majorité
simple par un référendum. Je ne me laisserai pas entraîner
dans les voies que nous indique le député de Westmount, ce qui
consisterait à dire: Le gouvernement ne peut pas toucher au mode de
scrutin sans que l'Opposition ne soit d'accord. Je voudrais que vous laissiez
tomber vos illusions sur cela pour une raison très simple. D'abord, vous
êtes assez mal placé pour en parler puisque vous appartenez
à une formation politique qui, de 1973 à 1976, avait 94% des
sièges à l'Assemblée nationale et, avec le rappel que j'ai
fait hier sur les engagements de M. Bourassa qui était premier ministre
et que vous avez eu l'idée d'aller chercher à nouveau pour
être votre porte-parole, vous n'avez pas touché au mode de scrutin
avec 94% des sièges à l'Assemblée nationale. Alors, vous
ne venez pas de la bonne formation politique pour venir parler du genre de
majorité qui serait utile pour réformer le mode de scrutin.
M. le Président, un dernier point, je n'aime pas beaucoup
l'attitude de l'Opposition libérale depuis le début de nos
travaux. Si vous n'avez pas de confiance, si vous n'avez pas de
crédibilité et si vous regrettez votre vote de juin 1983 qui
a
donné un mandat à la commission, voulez-vous, s'il vous
plaît, nous le dire et je vais proposer l'ajournement de nos travaux tout
de suite. Voulez-vous nous le dire tout de suite? Le député de
Charlesbourg, le député de Gatineau, le député de
Louis-Hébert et, ce matin, le député de Westmount,
à moins de ne rien comprendre ce qui se passe ici, c'est
systématiquement, non pas un désir de travailler sur le fond du
dossier, mais plutôt de tenter de discréditer le travail qui a
été fait par la commission. (11 heures)
Qu'est-ce qui ne fait pas votre affaire? Est-ce la recommandation ou la
façon de travailler? Si vous n'avez pas confiance en des hommes qui ont
été nommés à des postes à l'unanimité
des voix de l'Assemblée nationale et qui ont reçu un mandat
unanime de l'Assemblée nationale et si vous avez des directives de votre
chef, faites-le venir à votre place. Je suis prêt à donner
mon consentement pour qu'on l'entende sur ce sujet. Puisqu'il ne veut pas aller
en commission, il ne veut pas aller en élection...
Une voix: Vous perdez votre temps.
M. Duhaime: II est à l'extérieur de
l'Assemblée nationale dans une espèce de mépris des
travaux de l'Assemblée et de ses commissions. Je suis prêt
à donner mon consentement. Faites-le venir ici, on va se parler. On va
au moins savoir le fond de l'histoire, mais, en attendant que vous
réfléchissiez sur cette proposition, je vous demanderais: De
grâce, ayez au moins un minimum de déférence à
l'endroit de M. Côté et des commissaires qui sont ici pour donner
des explications sur le rapport et cessez ce genre de chinoiseries que vous
avez commencées depuis hier.
M. French: M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Un instant! M. le
député de Westmount, souhaitez-vous profiter de la même
largesse que celle que nous avons accordée hier à vos
collègues pour prolonger un peu vos dix minutes?
M. French: Oui, cependant j'ai bien compris que je ne pourrai
pas...
Le Président (M. Vaugeois): Avez-vous envie de vous lancer
dans un débat avec le ministre?
M. French: Non, absolument pas. J'ai bien compris que je ne
pourrai pas...
Le Président (M. Vaugeois}: Ni répondre à sa
question.
M. French: Voilà! Je ne pourrai même pas
répondre au ministre, malheureusement. J'aurais aimé cela, mais,
que voulez-vous, la présidence ne veut pas, et je pense que, pour la
bonne marche des travaux en général, la présidence a
raison.
Le Président (M. Vaugeois): En général.
M. French: Non, mais les travaux en général, pas en
général a raison.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Alors, M. le
député, vous avez la parole.
Indépendance des porte-parole
M. French: M. le président de la commission, je voudrais
avoir une autre interprétation d'une de vos affirmations qui
m'intéressent hautement. C'est l'affirmation à la page 5 de vos
commentaires préliminaires d'hier dans laquelle vous vous attribuez une
certaine objectivité et neutralité devant les questions qui nous
intéressent. Vous dites, et je cite - pour être très
précis, je vais indiquer où je commence à vous citer -
qu'on se doit, et je commence à citer: "de se considérer -
parlant de vous-mêmes - en quelque sorte et jusqu'à un certain
point les porte-parole - vous et vos deux collègues - les plus
indépendants possible des électeurs dans les circonstances
présentes". Fin de la citation. Je voudrais vous inviter à
m'expliquer de quelle manière vous vous voyez les plus
indépendants des intervenants dans ce dossier et plus
particulièrement plus indépendants que les députés
de l'Assemblée nationale. Cela pourrait par exemple être une
interprétation constitutionnelle, mais j'ai de la misère à
suivre quelle serait cette explication constitutionnelle lorsqu'on sait que
vous êtes nommés, par exemple, par les deux tiers de
l'Assemblée nationale qui est la plus haute expression de la
démocratie et de la volonté des citoyens. Comment
constitutionnellement pourriez-vous par délégation, pour ainsi
dire, prétendre à une plus grande objectivité et
indépendance, non par rapport à l'application d'une loi à
une situation de fait, mais devant une question aussi chargée, aussi
complexe et aussi centrale que la question de la réforme du mode de
scrutin? Est-ce une interprétation constitutionnelle de ce genre
d'indépendance que vous voulez vous attribuer?
M. Côté (Pierre-F.): J'avoue que je ne saisis pas
très bien le sens de votre question. Cela me fait penser à une
phrase assez célèbre de Voltaire: "Donnez-moi deux lignes d'une
personne et je me charge de vous la faire pendre". Je voudrais bien comprendre
votre question.
M. French: M. le président, vous
considérez-vous plus indépendant que les
députés de l'Assemblée nationale sur le sujet de la
réforme du scrutin? C'est ce que j'ai compris de votre page 5, c'est
peut-être une autre mauvaise interprétation de ma part, mais cela
soulève une question qui est pour moi assez importante. Quelqu'un me dit
qu'il est plus neutre et plus objectif par rapport à une question
importante que les élus du peuple. J'aimerais savoir pourquoi vous avez
dit cela.
M. Côté (Pierre-F.): Je vais demander à M.
Bourassa de fournir des éléments de réponse à votre
question si vous le permettez.
M. Bourassa (Guy): Très brièvement, M. le
Président, je pense que ce paragraphe qui est cité et qui touche
un point très important de notre démarche était
relié au paragraphe précédent; c'est toujours ce qu'il est
important de faire dans des citations. Il est dit dans l'énoncé
d'hier de M. le président de la commission que le devoir qui vous
incombe est un devoir de décider, et ce n'est pas sûrement notre
rôle. Au paragraphe suivant, ce qui est dit c'est en définitive
-un peu, semble-t-il, et même beaucoup - le mandat qui nous a
été confié sur une base neutre, indépendante, non
partisane de consulter, d'étudier, d'analyser, d'informer et de
tâcher, si le cas se présentait, d'arriver à une
recommandation. Il y a une certaine division des tâches, c'est de
l'indépendance, c'est une espèce de neutralité à
laquelle on est en droit de s'attendre de nous - je pense - et c'est
précisément ce qui a été beaucoup soulevé
depuis la séance de ce matin. Ce sont les deux niveaux que nous avons
beaucoup voulu respecter et dans tout le rapport, je pense, ils
prédominent, marquent l'ensemble de la démarche.
L'indépendance, elle est surtout au niveau de l'étude, au niveau
de l'analyse du problème, de ce que nous avons entendu, de ce que nous
avons tenté de recueillir et de la recommandation que nous avons faite.
On peut la juger bonne, plus ou moins bonne ou mauvaise mais elle a
été faite en toute rigueur et en toute indépendance
d'esprit autant que nous le pouvions.
M. French: M. Bourassa, je suis très sensible au fait que
l'indépendance et la neutralité dans l'étude, la
confection et l'écriture du rapport aient été importantes.
J'accepte d'emblée votre assurance que ce fut le cas mais je ne crois
pas que c'est ce que vous dites à la page 5. Je crois que vous dites
plus que cela. Je crois que vous dites en effet que, puisque vous n'êtes
pas des élus, vous êtes plus indépendants que les
élus quant à cette question. N'est-ce pas, par son contexte, par
son libellé même, une affirmation à cet effet? Elle est
peut-être vraie mais j'aimerais savoir quels sont les motifs qui vous
amènent à dire cela.
M. Lessard (André): Il n'y a aucune comparaison qui est
faite entre la crédibilité ou l'indépendance des
députés et la nôtre dans ce paragraphe. Si vous lisez bien,
on parle de la plus grande indépendance possible mais il n'y a pas de
comparaison avec les députés.
M. French: Excusez-moi, vous dites "les plus indépendants
possible", et vous mentionnez dans la même phrase les membres de
l'Assemblée nationale.
M. Lessard: Dans un autre sens. On demande aux membres de
l'Assemblée nationale de ne pas nous tenir rigueur de vouloir être
les plus indépendants possible. On ne fait pas de comparaison.
M. French: Ah! Non pas de vouloir être les plus... de se
considérer les plus...
M. Lessard: Ou de se considérer.
M. French: Ah! Bien il y a une différence de taille.
M. Lessard: On ne se compare pas à eux. Il n'y a pas de
comparaison. Le mot "possible" élimine toute comparaison parce qu'on se
réfère à un critère extérieur de
comparaison, c'est le possible, ce n'est pas le député de
l'Assemblée nationale.
M. French: On doit alors tout simplement considérer
qu'à la page 5 vous ne jetez aucune, mais aucune, critique ou aucun
commentaire sur la neutralité possible des élus face à
cette question. Pour vous, vous voulez tout simplement dire: Nous voulons
être le plus indépendants possible, c'est cela, pas plus que
cela.
M. Lessard: Bien, parce qu'un peu comme tout le monde dans la
société notre limite c'est le possible. Qu'est-ce que vous
voulez?
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que...?
M. Lessard: On veut bien être des héros de temps en
temps mais qui l'est tous les jours?
Le Président (M. Vaugeois): Puisque nous avons
coprésidé ensemble une commission spéciale, M. le
député de Westmount, je me permettrai une petite malice à
votre endroit. Je vous trouve bien courageux d'aborder la question que vous
venez d'aborder parce qu'au fond c'est un peu vrai que les
députés qui veulent demeurer députés sont un peu
mal placés
pour juger du mode de scrutin, encore que c'est leur
responsabilité, et puis il arrive très souvent dans des lois que
nous sommes un peu embarrassés compte tenu de nos démarches
personnelles, nos expériences personnelles, etc.
Quand arrive la question du mode de scrutin, c'est
particulièrement embarrassant. L'idéal, ce serait probablement de
le demander à une assemblée d'anciens parlementaires ou encore
à une assemblée de parlementaires qui décident de mettre
un terme à leur carrière de parlementaire. Mais quand on est un
parlementaire représentant une circonscription comme la vôtre,
alors qu'il devient évident qu'aussi longtemps que le mode de scrutin se
perpétuera vous serez éternellement réélu aussi
longtemps que vous le voudrez bien, il me semble que vous êtes
particulièrement dans une mauvaise position pour débattre cette
question. Dans un comté plus risqué comme le mien,
déjà, la crédibilité est plus grande.
Il reste que c'est un peu vrai que c'est embarrassant pour nous, ce qui
fait, d'ailleurs, qu'indépendamment de ce que le ministre a dit tout
à l'heure c'est certain que la très grande majorité, sinon
la totalité des parlementaires souhaiterait qu'une réforme du
mode de scrutin s'appuie sur une véritable unanimité sans entente
particulière, si vous voulez, pour que l'institution garde sa
crédibilité. Si vous voulez ajouter quelque chose
là-dessus, je sais que le député de Nicolet, avant que
nous changions de sujet, avait une petite remarque à faire, mais vous
avez bien le droit de réagir à ce que je viens de dire.
M. French: Oui, je suis content que vous ayez émis ces
commentaires. Ce que vous avez dit, c'est exactement ce que j'avais
décelé dans ce paragraphe du rapport de la commission. C'est
exactement ce que j'avais compris de ces propos.
Le Président (M. Vaugeois): Je n'ai pas cherché
à interpréter ce qu'eux avaient écrit.
M. French: J'ai bien compris que vous n'êtes pas d'accord
avec eux. Ils ne disent pas cela, eux, mais c'est ce que j'avais compris de
leurs propos, c'est drôle. C'est sûr que c'est un débat
important et intéressant quant à savoir qui est le plus apte
à prendre cette décision. Je regrette que la commission semble
ouvrir la porte à cela, mais ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.
Le Président (M. Vaugeois): Merci.
M. French: J'aurais une question sur un autre sujet, mais...
Le Président (M. Vaugeois): Sur l'aspect que vous avez
abordé, j'autorise le député de Nicolet à poser une
petite question.
M. Beaumier: Merci, M. le Président. M. le
président Côté, dans la présentation que vous avez
faite, hier, au nom de votre commission devant la nôtre, vous avez
signalé la question de juges et parties que nous pourrions être.
Cela pose tout le problème du droit, de la sagesse, du bien-fondé
ou de la légitimité que nous aurions comme membres de
l'Assemblée nationale de procéder à une réforme du
mode de scrutin qui, dans un sens, installe cette propre
légitimité.
Je voudrais bien comprendre, en bas de la page 3 et à la page 4,
une phrase que vous y dites et j'aimerais que vous l'expliquiez davantage. Vous
dites: "Nous comprenons que vous ressentiez - en nous parlant - une
appréhension bien compréhensible à être
appelés non seulement à étudier mais à vous
prononcer pour ou contre un nouveau mode de scrutin - et c'est là que
c'est important - question qui touche les droits fondamentaux de la personne en
matière politique." Est-ce que ça pourrait vouloir dire que,
finalement, ces droits fondamentaux de la personne en matière politique
sur un sujet de cette dimension impliqueraient que les personnes, donc la
population, soient consultées sur une réforme qui concerne le
mode de scrutin?
M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, je n'ai pas
d'opinion, M. le député, c'est aux membres de l'Assemblée
nationale de décider, cela n'entre pas dans le cadre comme tel du mandat
qu'on nous a confié.
M. Beaumier: Vous n'avez pas d'opinion.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, tout le monde. Sur le
même sujet, M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Sur votre intervention, M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Bien sûr!
M. Rochefort: J'aurai besoin de trois minutes. Je voudrais
simplement me dissocier des propos que vous avez tenus. J'avoue personnellement
que je suis plus qu'agacé, je dirais heurté qu'on utilise depuis
le tout début du cheminement de ce dossier des arguments comme ceux
qu'on entend trop souvent à savoir que, finalement, les
députés ont de gros jobs à protéger et, dans le
fond, ils calculent cela en fonction de leurs intérêts
électoraux. Est-ce que tel mode de scrutin me permettra de
protéger ma carrière au moins pour trois mandats à venir,
donc la possibilité de peut-être, un jour,
devenir ministre? La réaction de tel autre député
qui est contre probablement parce qu'il voit qu'il ne sera peut-être pas
favorisé par tel type de mode de scrutin ou l'autre. (11 h 15)
Je pense, M. le Président, encore là, que c'est une
façon d'éviter de faire un débat de fond, un débat
sur le contenu de la ou des différentes propositions qui sont sur la
table. J'ai hâte que nous abordions le contenu de ces propositions, de
l'ensemble des propositions qui ont été présentées
devant les membres de la commission et que nous les analysions au
mérite, que nous les analysions en fonction des connaissances, des
recherches, des études, des lectures que nous avons faites et,
après coup, en fonction des opinions que nous pourrons exprimer sur
chacune d'entre elles. Quant à moi, l'idée que les
députés sont peut-être en conflit d'intérêts
par rapport à cela, ils sont juges et parties, finalement, quant
à moi, tout le monde, sans aucune exception dans la
société, qui s'est prononcé sur cette question est, au
même niveau, en conflit d'intérêts comme les
députés. Quand les groupes comme, par exemple, le mouvement
socialiste ou certaines centrales syndicales viennent s'exprimer en
recommandant qu'il faut y aller le plus possible vers une proportionnelle pure,
c'est bien évident que c'est dans le sens des intérêts
politiques qu'ils défendent parce qu'ils sont conscients qu'à une
prochaine élection à laquelle ils se présenteront ils ne
feront pas 40% des voix, donc qu'avec un mode de scrutin qui irait le plus
près possible d'une proportionnelle pure ils auront des chances de faire
élire un certain nombre de députés, et c'est
légitime de penser ainsi.
Je pense qu'il faut cesser de dire qu'il n'y a que les
députés qui sont en conflit d'intérêts; tout le
monde dans cette société est de la même façon, quant
à moi, en conflit d'intérêts si on veut aborder cette
question sous cet angle. Pour moi, il me semble que ce sont des constats, des
arguments, des réflexions que nous devrions tous, dans la
société, parlementaires des deux côtés de la
Chambre, membres de la commission, membres de la presse, mettre de
côté et aborder une fois pour toutes le contenu du dossier,
aborder une fois pour toutes cette étude sérieuse et rigoureuse
d'un sujet qui mérite du sérieux, de la rigueur, un débat
d'idées, qui est en fait un débat de société entre
nous puisque nous sommes réunis pour cela. Au bout du compte, les
historiens pourront se permettre un jour de dire: "Peut-être que ou
peut-être que" mais il me semble que c'est la bonne façon de rater
le débat que de prétendre qu'il y a des gens qui, eux, sont en
conflit d'intérêts, qu'il y en a d'autres qui ne le sont pas,
sinon on va fermer la discussion et plus personne dans la
société, quant à moi, ne pourra s'exprimer sur ce sujet
parce que je pense que tout le monde a un intérêt à
protéger. J'aurais même le goût de citer, par exemple, un
éditorialiste d'un journal bien connu, mon Dieu je pense que je vais le
faire. Quand Jean-Claude Leclerc s'est exprimé très favorablement
à ce qu'on pousse le plus loin possible pour une proportionnelle, on
sait - et c'est bien qu'il en soit ainsi - que Jean-Claude Leclerc est un gars
très près des milieux populaires, des groupes populaires, de
certaines associations, de certains organismes qui souhaitent que leurs
tendances politiques auxquelles je référais, hier, soient mieux
représentées à l'Assemblée nationale.
Or, il est clair qu'étant près, se sentant assez proche
idéologiquement de ces groupes il ne peut pas faire autrement que de
souhaiter que la réforme vienne, et c'est bien qu'il en soit ainsi et
c'est légitime. Il a le droit d'écrire cela dans une page
éditoriale d'un journal aussi sérieux que le Devoir. Il n'y a
personne, le lendemain matin, qui a dit: "On sait bien, il nous dit cela parce
que lui pense que cela pourrait donner tel ou tel résultat." Il me
semble que c'est fausser totalement le débat et je souhaite que nous
sortions de ce corridor dans lequel nous nous sommes enfoncés, hier, et
dans lequel nous nous enfonçons de plus en plus profondément et
qui a pour conséquence qu'après une journée
complète environ de travaux de la commission on a à peine
effleuré le fond de la question.
Je fais un appel, M. le Président, à tous les membres de
la commission, pour que nous abordions le fond de la question et que nous
laissions tomber tout ce qui peut tourner autour et alentour. On laissera cela
aux historiens.
Le Président (M. Vaugeois): II ne faudrait pas insister
trop sur ce que vous laissez aux historiens. Les historiens savent fort bien
que tout le monde est pour la vertu, ou à peu près, et que peu de
gens réussissent à la pratiquer continuellement. Nous en
étions maintenant au député de Deux-Montagnes qui, je
pense, va répondre à vos attentes, va nous permettre d'entrer
dans le coeur, le vif du sujet lui-même.
M. le député, beaucoup d'espoirs sont fondés sur
vous.
Mode de scrutin actuel et formules
proposées
M. de Bellefeuille: Merci de cette présentation, M. le
Président Vaugeois. Je suis d'accord avec mon collègue de Gouin
sur au moins une question. Il est souhaitable que nous entrions le plus
possible dans le coeur du sujet.
Je voudrais tenter de le faire, M. le Président Vaugeois, en
m'inspirant, en partie,
de certains des propos que vous avez tenus hier. Il a été
question hier, non seulement de la réforme du mode de scrutin mais, dans
vos propos en particulier, il a été question aussi de la
réforme parlementaire.
Je crois que, par ces deux réformes, nous voulons favoriser
l'émergence de ce qu'on pourrait appeler des députés
libres. Evidemment, des députés libres sont libres de s'associer
librement à un parti. Ils sont libres d'adhérer librement
à une ligne de parti. Mais, s'ils sont libres, ils sont libres de ne pas
le faire aussi. Ils sont libres de mesurer le degré de leur
adhésion et de leur acceptation de la ligne de parti.
Je crois que vous avez eu tout à fait raison, M. le
Président Vaugeois, d'indiquer que nous devons chercher les moyens par
lesquels la population puisse se choisir un Parlement au moyen du mode de
scrutin plutôt que de se choisir un gouvernement. Il y a là des
choses à clarifier dans nos esprits et ce Parlement, je le
répète, doit dans mon esprit être composé de
députés libres même s'ils appartiennent tous à des
partis, s'ils devaient tous appartenir à des partis.
Je voudrais vous parler un peu des partis. Les partis politiques sont
une institution fort bien connue dans notre société et dans les
autres sociétés occidentales. Un parti politique, et là je
parle en connaissance de cause - je ne sais pas si mon collègue de Gouin
a raison d'affirmer que nous ne sommes pas, en quelque sorte, en conflit
d'intérêts, mais il y a une chose que je sais, par exemple, c'est
que nous sommes des autorités en la matière lorsqu'il s'agit de
parler de partis.
Et les partis dans mon esprit, après un certain nombre
d'années d'expérience, c'est une chose à la fois
merveilleuse et affreuse. C'est une chose merveilleuse parce que, pour
travailler à l'amélioration de la société, on a
besoin de travailler en équipe. Qu'est-ce que c'est l'équipe?
C'est le parti. Alors, il y a une vie de parti qui est une vie d'équipe
qui, même à certains égards, est comme une espèce de
grande famille spirituelle et je pense qu'il y a peu de gens qui
réussirait à soutenir longtemps une action isolée dans des
matières qui sont, par définition, collectives, qui touchent la
société. Je sais que nous avons deux collègues
indépendants, mais ils le sont devenus pas nécessairement par
choix et je ne suis pas du tout sûr qu'en fin de compte ils soient plus
libres que nous ou que nous pourrions l'être même membres de parti.
Je pense qu'il y a des considérations aussi auxquelles nous devrions
réfléchir.
Le parti, c'est une chose merveilleuse. Je sais que quand je vais
à une réunion du parti, que ce soit le congrès national
tous les deux ans ou, comme lundi soir dernier, une rencontre avec mon
exécutif de comté, c'est une chose qui me stimule beaucoup. Et
justement lundi soir dernier - je le signale en particulier à
l'attention du ministre - mon exécutif de comté s'est
prononcé sur la question de la réforme du mode de scrutin et,
parce que j'avais dit à cette équipe de gens que je m'en venais
en commission parlementaire discuter de la réforme du mode de scrutin,
il m'a donné un mandat, en quelque sorte. Évidemment, ce n'est
pas un mandat très contraignant parce que notre véritable mandat
vient des électeurs, il ne vient pas de l'exécutif du parti dans
le comté, mais c'est quand même un des éléments
parce que notre mandat il est complexe, il vient de plusieurs sources.
Le mandat qu'il m'a donné, c'est de favoriser, M. le ministre,
une réforme qui serait choisie maintenant, mais mise en vigueur
après les prochaines élections. Ce qui coïncide avec une
proposition que le député de Sainte-Marie a faite hier et
à laquelle, VI. le ministre, vous avez mal réagi. Je vous
mentionne la chose tout simplement pour vous signaler qu'il faudra
peut-être se pencher de nouveau sur cette question et non pas
l'écarter immédiatement. C'est, en tout cas, ce que souhaite mon
exécutif de comté. Alors, un parti c'est cela, c'est une source
de réflexion politique et en même temps un instrument d'action
politique et les deux sont très étroitement liés.
Mais je vous ai dit que, dans mon esprit, un parti c'est une chose
merveilleuse et en même temps une chose affreuse. C'est une chose
affreuse dans la mesure où cela devient - et le langage courant consacre
bien la chose - une machine. On parle de machine politique. On en est parfois
très fier. La "Big blue machine" qui a porté M. Mulroney au
pouvoir, je suis sûr que les conservateurs en sont très fiers,
mais quand on y réfléchit, qu'une organisation composée
d'êtres humains soit une machine, cela a quelque chose d'affreux, cela a
quelque chose d'inhumain.
Et, ce qu'on appelle la ligne de parti, cela aussi, c'est un
phénomène "mécanistique" qui fait qu'on a des
réactions, des réflexes, des attitudes, des gestes, des
comportements qui sont commandés de façon parfois quasi
mystérieuse. On ne sait pas très bien au fond pourquoi la ligne
de parti, à tel moment donné, c'est de faire ceci ou cela. Il
existe une ligne de parti et je pense qu'il y a peu de députés,
qui, au fond, en sont heureux. Il y a beaucoup de députés qui
acceptent cet état de faits, mais il y a peu de députés
qui en sont heureux. La nature de nos débats depuis hier, la
façon dont nous avons discuté ces questions résultent en
bonne partie de l'affrontement de deux lignes de parti. Je suis aussi coupable
que les autres. Je vous avoue qu'hier soir quand j'ai apostrophé le
député de Louis-Hébert, je jouissais d'une jouissance
partisane. Je suis aussi touché par le phénomène que
n'importe quel d'entre nous autour de cette table. C'est l'affrontement de deux
partis, de deux
lignes de parti. Ce que le député de Gouin vient de dire
c'est peut-être qu'il faut savoir s'élever au-dessus de cela et je
suis d'accord qu'il faut savoir s'élever au-dessus de cela. L'ancien
député, M. Claude Forget, qui était, à mon avis, un
des plus partisans des députés de l'Opposition pendant qu'il
siégeait à l'Assemblée nationale, a fait une
déclaration qui m'a beaucoup étonné, au moment où
il a démissionné et qui montrait qu'au fond ce comportement
partisan ne correspondait pas à ses goûts, à sa nature,
à ce qu'il aurait voulu faire. Il a déploré le fait que
l'affrontement entre les partis nous force à attaquer continuellement
l'adversaire, à toujours dire du bien d'un côté, le
nôtre, et du mal de l'autre côté. Je crois que c'est cela le
côté affreux de ce que devient plus ou moins fatalement un parti
politique.
Tout ceci pour en venir au principe qui semble vous avoir guidés,
messieurs les trois commissaires. Cela me paraît extrêmement
important que la réforme du mode de scrutin aille dans le sens d'une
plus grande liberté des députés et non pas dans le sens
inverse. Or, je considère que ce que vous nous recommandez, la
proportionnelle territoriale, à cet égard va dans le sens d'une
moindre liberté des députés, va dans le sens d'un plus
grand rôle pour les machines de parti, dans le sens de
l'établissement de ce que j'ai déjà appelé dans un
autre contexte des baronnies, les baronnies territoriales, c'est-à-dire
les organisations de parti dans chacun des territoires dont vous envisagez la
création, dirigées par les poids lourds - je parle de poids
politique et non pas de poids physique - du parti dans chacun de ces
territoires. Alors, les poids moyens et les poids plumes auraient bien du mal
à tirer leur épingle du jeu et cela deviendrait plus ou moins
fatalement des députés plus ou moins importants, des
députés qui seraient non seulement d'arrière-ban à
l'Assemblée nationale mais qui seraient d'arrière-ban dans leur
structure régionale. (11 h 30)
D'autre part, ces territoires remplaceraient les comtés. Nous
avons toujours organisé nos élections en fonction de
comtés. Ce sont des comtés qui sont représentés
à l'Assemblée nationale. Je considère que les
comtés sont un élément de notre vie politique qui ne fait
nullement problème et que nous n'avons aucune raison d'écarter.
Dans vos notes préliminaires, hier, M. le président
Côté, au haut de la page 21, vous avez dit: "Un attachement indu
à la tradition et aux coutumes peut risquer un jour de bloquer
l'évolution de toute société." Une belle affirmation
à laquelle beaucoup de gens sûrement voudront se rallier. Moi, je
m'en méfie puisque vous parlez d'un attachement indu. Alors, qu'est-ce
que c'est un attachement indu? Qui juge, qui décide que, par exemple,
mon attachement à l'existence, au maintien du comté comme
élément de notre régime électoral est un
attachement indu? Je ne vous reconnais pas le droit de le faire et je
prétends que c'est un attachement qui n'est pas indu. Qui, dans la
société conteste le comté comme élément de
notre régime électoral? Avant vous et avant l'auteur de la RPRM,
personne ne réclamait l'abolition des comtés. Il n'y a même
personne qui réclame l'abolition de la monarchie, sauf peut-être
depuis hier M. le ministre qui a été appuyé par le
député de Gouin. Mais si on peut tolérer qu'il y ait
encore la monarchie et que personne ne s'élève contre cela, il me
semble qu'on puisse encore tolérer bien plus longtemps que la base de
notre régime électoral quant aux territoires soit non pas les
territoires que vous proposez mais que cela continue d'être le
comté électoral. Il y a un élément de tradition
tout à fait valable, pas du tout contesté et c'est pour cela que
je favorise un type de réforme où on conserve le comté,
dans la mesure où on trouvera le moyen efficace de le faire en ajoutant
un élément de proportionnelle capable de corriger les distorsions
dans une certaine mesure. Mais bazarder complètement les comtés,
je m'oppose à cela.
Je note, comme tout le monde l'a noté, que votre projet aurait
deux effets en particulier qui, quant à moi, sont totalement
inacceptables: l'un est l'abolition des élections partielles et l'autre
est l'impossibilité pour un député élu sous le
régime que vous proposez de changer d'allégeance en cours de
mandat et de continuer à siéger.
Je commence par le deuxième point. Hier à notre
séance - ils vont peut-être revenir - il y avait deux
députés indépendants: les députés de
Sainte-Marie et de Frontenac. Si le régime que vous proposez avait
déjà été en vigueur, ces deux collègues ne
seraient plus parmi nous. Votre régime les aurait évincés
du Parlement. Je sais que dans le cas du député de Frontenac, il
y a des gens qui réclament sa démission, mais c'est pour d'autres
raisons qui n'ont absolument rien à voir avec le mode de scrutin. Dans
le cas du député de Sainte-Marie, il n'y a personne, je pense,
qui a la moindre objection à ce que le député de
Sainte-Marie continue de siéger parmi nous et je ne vois pas pourquoi
nous adopterions une réforme qui aurait pour effet de le renvoyer chez
lui avant la fin de son mandat. Cela m'est tout à fait inacceptable.
J'ai parlé de cet autre aspect qui m'est inacceptable,
l'abolition des élections partielles. Les élections partielles -
est-ce de ma part un attachement indu aux traditions? - il me semble, sont un
indice de la volonté de la population, et nous, de ce
côté-ci, sommes très bien placés pour le dire,
n'est-ce pas? Nous en avons perdu 21 sur 21
depuis huit ans. Vous-même, M. le président
Côté, avez insisté sur la nécessité de
respecter la volonté populaire. Est-ce respecter la volonté
populaire, quatre ou quatre ans et demi après des élections
générales, s'il se produit une vacance au Parlement, que d'aller
chercher quelqu'un qui, quatre ans et demi auparavant, faisait partie d'une
liste et à ce moment-là même n'a pas réussi à
se faire élire et de l'asseoir au Parlement? Vous considérez que
c'est respecter la volonté populaire? M. le président
Côté, je vous dis que non; c'est se moquer, à mon avis, de
la volonté populaire. Je considère qu'il est extrêmement
important que le régime que nous choisirons conserve, sauf dans la
mesure où il y aurait un nombre restreint de députés de
liste à qui cela ne s'appliquerait pas, les élections partielles.
Je crois que ce que je dis est cohérent. Je considère qu'il faut
conserver le comté électoral et conserver, dans le cas d'une
vacance, du décès, de la démission ou du départ du
député représentant un comté électoral, la
règle selon laquelle dans cette éventualité-là il y
a une élection partielle. Cela m'apparaît un élément
de notre régime que nous n'avons aucune raison d'écarter. Je
pense bien que les gens d'en face, dans la mesure où ils ont le nez
collé sur les huit dernières années, vont être
d'accord avec cela, que les partielles c'est à conserver. Bon! Cela
révèle, c'est important, non seulement pour eux... Pour les
libéraux cela fut très important parce que cela leur aura
apporté 21 députés, mais ce fut malgré tout
important pour le gouvernement qui apprenait à chaque fois quelque chose
sur le sentiment de la population. À chacune de ces torgnoles que la
population nous envoyait à la face, je vous assure que nous
réagissions parce que nous ne sommes pas plus insensibles que d'autres.
Cela nous faisait réexaminer certaines choses, cela nous faisait poser
certaines questions et, lorsqu'on est au pouvoir, on sait l'effet que le
pouvoir tend à avoir sur les gens. Alors, le fait de recevoir de temps
en temps comme cela, mais assez souvent 21 fois - une torgnole de la part de la
population a un effet plutôt salutaire, un effet plutôt
désirable, plutôt souhaitable. J'ai voulu ainsi esquisser
rapidement, M. le président Côté, mes trois objections de
fond à votre recommandation: l'abolition du comté, je suis
contre; l'abolition des partielles, je suis contre; l'abolition de la
possibilité pour un député de changer d'allégeance
en cours de mandat et de conserver son siège, je suis également
contre. J'ai l'impression qu'en étant contre ces trois aspects je suis
contre la représentation territoriale, à moins que vous ne
recommandiez, à moins que vous ne puissiez faire la démonstration
que le régime que vous proposez, que votre proposition puisse être
modifiée de façon à tenir compte de mes objections, mais
je n'ai pas l'impression que c'est le cas. Merci M. le Président.
M. Côté (Pierre-F.): M. le député,
vous soulevez évidemment un certain nombre de questions. Je vaudrais
seulement faire une remarque préliminaire et demander à mes
collègues de collaborer à apporter des réponses parce que
vous soulevez des points qui sont quand même assez d'envergure. Vous
dites en avoir soulevé trois mais vous en avez en fait soulevé
quatre avec le rôle des partis politiques, mais je comprends que vous
laissez tomber cet aspect.
La principale observation que je dois vous faire, et nous avons
insisté énormément là-dessus, c'est que nous
soumettons une recommandation pour changer le mode de scrutin pour avoir un
mode de scrutin proportionnel territorial. Nous insistons constamment
là-dessus dans tout le rapport, même si on le prend avec un
sourire, même si on l'interprète différemment, mais je
reviens là-dessus, cela me semble très important, cela fut le
sens de notre démarche, dans tout le reste nous n'exprimons que des
suggestions ou des préférences. Par exemple, quand il s'agit - je
prends cet exemple et je pourrais revenir plus longuement sur la façon
dont on est arrivé à cette suggestion - de la suggestion de
l'abolition des partielles, je disais, à l'occasion de l'étude
des crédits où cette question avait été
soulevée, que vous pourriez, vous, les députés, en arriver
à la conclusion que la recommandation à la commission doit
être retenue mais qu'il faut maintenir des élections, la tenue
d'élections partielles.
Nous, dans les propositions ou les suggestions que nous faisons, le
mérite qu'on pense que ces suggestions ont en relation avec la
recommandation fondamentale que nous faisons, c'est qu'elles ont une certaine
cohérence, c'est qu'elles se tiennent avec la proposition. Il y a une
certaine cohérence. Cependant, nous n'y tenons pas mordicus. Nous nous
disons: Qu'il soit impossible pour un député de devenir, en cours
de mandat, candidat indépendant ou d'adhérer à un autre
parti politique, cela a la cohérence suivante en relation avec la
proportionnelle territoriale - il pourrait peut-être y avoir d'autres
solutions - que, fondamentalement, la proportionnelle territoriale s'appuie,
évidemment, sur le rôle et l'importance du rôle que jouent
les partis politiques puisqu'il s'agit de scrutin de liste. Évidemment,
l'un des éléments qu'il faut rechercher - Dieu sait si l'on a
suffisamment insisté là-dessus -c'est celui de la
stabilité gouvernementale. Comme réflexion que nous nous faisons,
s'il était loisible à n'importe quel député,
à supposer qu'un gouvernement soit élu avec une majorité
qui n'est pas très forte mais
qui soit quand même une majorité - et c'est la raison pour
laquelle cette règle existe dans les pays où on applique le mode
de scrutin proportionnel - de changer d'allégeance ou de devenir
député indépendant, on pourrait faire ce qu'on voudrait de
la stabilité gouvernementale. Je pense que c'est une question assez
sérieuse sur laquelle il faut se pencher et se demander si c'est
là la bonne solution ou s'il y en a d'autres.
Quant à la question de l'abolition des élections
partielles, on n'a pas trouvé de solution pratique; je n'en connais pas
d'autres dans d'autres pays, peut-être pourriez-vous m'éclairer
là-dessus. Quand on a un scrutin de liste dans une circonscription dont
le territoire est assez vaste, quand une personne décède, par
exemple, est-ce que dans cette circonscription on devrait tenir une
élection pour l'ensemble de la circonscription? Est-ce que cette
élection devrait être tenue selon le mode de scrutin proportionnel
ou selon le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour? Ce qui est
la coutume, ce qui s'est implanté dans les pays où on a
adopté un mode de scrutin proportionnel, c'est d'avoir ce qu'on appelle
des suppléants.
Ce que nous suggérons - c'est une proposition - c'est qu'une fois
que les candidats de liste d'un parti politique sont connus, les
suppléants soient connus à ce moment-là, manifestent leur
accord pour agir à titre de suppléants et, évidemment, au
moment où la suppléance doit s'exercer, donnent leur consentement
à jouer ce rôle.
Ceci étant dit, si vous me permettez, je passerai la parole
à M. Bourassa qui va certainement compléter les
éléments de réponse que je viens de vous donner.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous me permettez
auparavant, M. Côté, je voudrais parler dans le sens de ce que
vient de souligner le député de Deux-Montagnes et de ce que
soulèverait sans doute le président de l'Assemblée
nationale s'il était avec nous. Je ne veux pas parler à sa place,
mais je sais qu'il a déjà proposé - vous le savez sans
doute aussi - que la ligne de parti, par exemple, ne s'applique pas
nécessairement pour tous les votes pris en Chambre. Il reste quand
même que c'est une des données qui imposent des contraintes
terribles à l'évolution de nos Parlements. La question à
cet égard est une question absolument fondamentale - vous l'avez
traitée comme telle - et tout ce qui renforce la ligne de parti, dans la
perspective où la ligne de parti s'applique constamment à
l'Assemblée nationale, c'est évident que ça peut
contribuer à créer un attachement indu au statu quo
parlementaire, pour reprendre un peu des termes qui vous sont chers.
Je me réfère également au professeur
Léon Dion qui, dans un beau texte, soulignait que les trois
grandes contraintes à l'évolution de nos Parlements,
c'étaient la responsabilité ministérielle, la
solidarité ministérielle et la ligne de parti. Je continue de
répéter qu'une réflexion sur ces trois dimensions doit
être associée à une réflexion sur la réforme
du mode de scrutin. La question de la ligne de parti mériterait qu'on
s'y attache parce que tout mode de scrutin qui contribuerait à la
renforcer nécessite une évaluation de la définition ou de
l'importance qu'on attache à l'application de la ligne de parti pour les
débats et pour les votes à la Chambre.
Encore une fois, là-dessus, les suggestions du président
de l'Assemblée nationale seraient extrêmement intéressantes
si on pouvait les considérer à ce moment-là. Mais
là, on déborderait encore un peu notre mandat.
M. Bourassa, vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Bourassa: Oui. Il y a quelques remarques que j'aimerais
ajouter à ce qu'a dit M. Côté à la suite d'une
intervention de M. le député de Deux-Montagnes. Je pense, d'une
part, qu'il faut bien préciser que ce rapport repose sur un choix
très précis, c'est-à-dire qu'il y a, grosso modo, dans les
grandes lignes, deux types de scrutin: l'un proportionnel et l'autre
majoritaire à un ou deux tours. Dès que l'on parle de
système proportionnel, il faut faire référence à
une unité d'élection, qu'elle soit intégrale, comme
certains cas très rares, ou des régions. (11 h 45)
Donc, je pense que ce premier point est important. Dans toute la
démarche que nous avons adoptée, nous avons opté pour un
tel mode de scrutin. Ce choix - il est peut-être bon de le rappeler,
justement, en revenant au rapport lui-même - nous a été
suggéré par les réactions, par l'information et par les
avis que nous avons entendus de façon très diverse d'un bout
à l'autre de la province, comme quoi l'idée de dépasser
bien souvent les vues du comté s'imposait et qu'il fallait penser en
termes de structures plus vastes que ces unités. Cette structure plus
vaste, est-ce que c'est la région naturelle que certains
prétendent? Nous n'avons pas pensé que c'était vraiment le
cas; nous avons opté pour le mot "territoire" qui est un mot plus neutre
et qui peut recouvrir bien des choses très diverses. Chose certaine, il
existe des courants dans ce sens-là, dépassant la
définition classique du comté. Il existe aussi même dans
l'évolution de nos structures administratives et politiques - le rapport
a voulu en tenir compte - des données importantes de ce
côté. Qu'on pense, par exemple, à l'implantation de
structures comme les MRC depuis quelques années ou comme les
communautés urbaines.
Donc, qu'on remette en cause des structures qui ont été
créées et mises sur pied il y a maintenant plus d'un
siècle, qu'on s'interroge en tout cas sur cela, je pense que la question
méritait d'être posée. Je dis donc que, pour nous, la
réponse elle est dans le sens d'une structure plus vaste que le
comté, quel que soit le nom qu'on lui donne. Je pense qu'on pourrait
même aller jusque-là.
C'est ce que M. le président de la commission vient de rappeler.
Nous recommandons ceci. Quant au reste, il s'agit très largement de
préférences... pas très largement, il s'agit exclusivement
de préférences et de maintenir la discussion.
Si vous me permettez, par ailleurs, dans ce que vous avez soulevé
il y a bien des aspects avec lesquels je serais assez d'accord avec vous dans
la mesure où on peut aussi bien prendre ces diverses questions du bon
côté ou du mauvais côté. Par exemple, l'influence des
partis politiques, que vous connaissez sûrement beaucoup mieux que moi,
sur le choix des candidats et sur la vie interne de ces partis, que
deviendrait-elle dans un système proportionnel? On peut croire qu'elle
s'accentuerait mais on peut croire aussi, et c'est ce que nous avons
indiqué dans le rapport, que certaines notions comme, par exemple,
l'idée d'un travail d'équipe, l'idée d'une conception plus
vaste du rôle du député, de son action en termes de
définition de politique dans son territoire et au niveau de
l'Assemblée nationale, méritaient aussi d'être
étudiées, proposées. Cela revient à un des aspects
que vous avez soulevés, je pense, donner, stimuler à
l'Assemblée nationale - je reprends vos propres mots je crois ou
à peu près - une participation plus intense et plus dynamique de
l'ensemble des élus.
Donc, on pourrait voir une mainmise des machines de partis qui devient
inquiétante sur les listes dans un système proportionnel ou on
peut aussi voir le résultat d'un travail d'équipe.
Je vous signale aussi que dans la fabrication de ces listes, nous avons
bien pris la peine, dans le rapport, de dire que les partis devaient donc le
faire, mais qu'il y a quand même des contraintes sociologiques
extrêmement importantes qui interviennent, que les partis
n'établiront pas leurs listes en vase clos, si je puis dire, ou
strictement à partir des préférences de certains
dirigeants, de certains leaders, qu'il faudra tenir compte des appuis à
recueillir dans l'ensemble des régions. Aussi nous avons, dans le
rapport, indiqué qu'on pourrait - là je crois que cela
rejoindrait peut-être une de vos préoccupations - avoir des listes
ouvertes et même des listes, certains pourraient nous le reprocher,
où le panachage est possible.
Donc l'électeur se retrouve en définitive devant des choix
d'assez grande envergure. Il y a toujours un certain prix à payer, je
vous le concède, le mode proportionnel représente sûrement
un certain nombre de transformations qui nous paraissent - et c'est là
notre conviction par ailleurs - valoir le coup, dans tous les sens du mot, pour
un meilleur fonctionnement de la démocratie.
Deux remarques, peut-être pour conclure, ce que j'ai à dire
pour l'instant sur la question. Vous avez dit que personne, avant celui qui a
inventé la RPRM - je crois que c'est un eminent collègue de Laval
- et nous ne s'est préoccupé beaucoup de la proportionnelle.
Il n'en reste pas moins, je pense, que les deux grands partis du
Québec, dans leur programme, ont fait état de ces
préoccupations. Je crois que c'est un aspect intéressant à
relever et aussi la commission a pu entendre, de façon très
objective - je reviens à cette rigueur que nous avons voulu toujours
maintenir - bon nombre d'interventions où la dimension ou la mise en
place des structures proportionnelles devenait un impératif, en tout
cas, qui méritait un examen très sérieux.
Donc, ce n'est pas un débat, me semble-t-il, que nous avons
complètement créé, j'ose le croire. Finalement, il y a
peut-être une dernière remarque que j'ajouterais à vos
propos et que vous avez peut-être un peu suscitée mais sans
l'aborder comme thème et qui m'apparaît importante,
c'est-à-dire que vous avez parlé des partis politiques, de
l'influence de notre proposition sur les partis politiques, mais vous n'avez
pas parlé, me semble-t-il en tout cas, comme telle de l'influence de ce
mode de scrutin ou du mode de scrutin actuel sur le nombre des partis
politiques, et cela est une question qui nous a intéressés au
plus haut point. Le mode de scrutin actuel, je pense que je n'apprends rien
à personne en disant qu'il favorise un bipartisme assez rigide où
les tiers partis n'émergent pas facilement, c'est le moins qu'on puisse
dire, et on pourrait citer bien des exemples ici ou ailleurs.
Il y a quand même une autre dimension, à part celle
très importante, je vous le concède tout à fait, de la vie
interne des partis politiques, qui est celle du nombre de ces partis et de leur
capacité de représenter l'ensemble de l'opinion sans qu'on tombe,
c'est vous-même je pense, hier soir, qui avez posé la question
très justement, dans l'excès contraire où on se
retrouverait avec une multitude de petits partis qui, en fait, ne seraient que
paralysés et ne feraient que paralyser l'action gouvernementale.
C'est peut-être un autre aspect de la vie des partis que ceux
auxquels vous aviez songé dans votre intervention, mais je pense que
dans ce que nous proposons on ne peut pas négliger ces réflexions
sur la vie interne des partis politiques dont nous sommes les
premiers, et je pense que beaucoup de passages de ce texte le montrent,
à constater que ceux qui sont dans cette action des partis - et ce n'est
sûrement pas notre cas - auront à en tirer des conséquences
importantes. Il y a quand même allié à cela, me
semble-t-il, d'autres considérations sur les partis pris en tant
qu'organismes et la diversité de ces organismes dans une
démocratie véritable.
Une dernière remarque, peut-être, je m'excuse, M. le
Président, c'est la deuxième dernière remarque, sur la
nature de ce qui est indu et aussi des respects indus ou non indus. Je pense
que c'est un débat qui pourrait nous entraîner très loin.
En tout cas, en tant que membre de cette commission, je ne voudrais surtout pas
m'engager dans ces discussions, à savoir où est le seuil de ce
qui est un attachement indu. Je respecte les attachements de chacun, quels
qu'ils soient. Voilà: Merci.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais commenter
brièvement les réponses de M. Côté et de M. Guy
Bourassa. Lorsque, M. Guy Bourassa, j'ai dit qu'avant vous et les personnes qui
avaient proposé la RPRM, personne n'avait jamais proposé, je n'ai
pas dit "la proportionnelle". J'ai dit: qu'on n'avait jamais proposé
l'abolition des comtés et leur remplacement par des régions ou
des territoires, c'est cela que je voulais dire. Je sais que la proportionnelle
est un débat plus ancien et plus vaste.
Quant au nombre des partis, je partage votre préoccupation
à ce sujet. Je crois que le régime que nous cherchons est un
régime qui va mieux que le régime actuel favoriser la
multiplicité des partis mais seulement jusqu'à un certain point.
C'est comme la proportionnelle; vous ne recommandez pas la proportionnelle
pure. Vous ne voulez pas favoriser absolument la multiplication des partis mais
vous voulez que le régime favorise un peu plus que le régime
actuel les tiers partis, et je partage cette préoccupation. Je vous
signale d'ailleurs que la réforme dite compensatoire aurait cela pour
effet, dans une certaine mesure, de favoriser l'émergence ou les
conditions faites aux tiers partis.
Quant à vous, M. le président Côté, vous avez
indiqué que la raison pour laquelle vous avez opté pour
l'impossibilité de changer d'allégeance en cours de mandat, c'est
de favoriser la stabilité gouvernementale.
Je voudrais vous dire que je ne partage pas votre avis. Je voudrais vous
dire qu'il n'est pas souhaitable de favoriser la stabilité
gouvernementale plus qu'elle n'est déjà favorisée par le
régime actuel.
Vous avez dit qu'il y aurait des risques pour la stabilité
gouvernementale si un certain nombre de députés pouvaient quitter
le parti gouvernemental. À mon avis, M. le président
Côté, c'est la situation dans le régime actuel et il est
très souhaitable qu'il en soit ainsi. Si vous supprimez cette
possibilité pour le député de changer de parti, et en
particulier pour les députés ministériels la
possibilité d'aller siéger dans l'Opposition, vous affaiblissez
le député, vous enlevez du poids au député. Or, je
crois vous avoir expliqué que ce qui est important c'est de donner plus
de poids aux députés, non pas par des avantages personnels ou des
choses comme cela, mais je parle du député comme membre du
Parlement, comme élément composant, fondamental du Parlement.
Qu'est-ce que le Parlement? C'est une assemblée de
députés. Ce que nous voulons, c'est... je crois que le
président Vaugeois a dit "valoriser le Parlement", donc il faut
valoriser le député institution, pas le député
personne, mais le député institution. Et si on lui enlève
la possibilité de quitter son parti, parce qu'on accepte la ligne de
parti tant qu'elle est acceptable et quand elle devient inacceptable, on s'en
va... Mais si le geste de s'en aller signifie qu'on s'en va non seulement du
parti, mais qu'on s'en va du Parlement aussi, on risque d'hésiter encore
plus à le faire ce geste. Donc, vous ajoutez à la ligne de parti.
Par ce mécanisme, vous rendez encore plus rigide une ligne de parti qui
l'est déjà trop. Un des problèmes fondamentaux de notre
parlementarisme, c'est la trop grande rigidité des lignes de parti et
vous compliquez cette situation, vous ajoutez à la rigidité de la
ligne de parti en supprimant cette espèce - je m'excuse de l'expression
- de pouvoir de chantage que le député, membre d'une formation
politique, a de dire à son caucus ou à son chef: Si vous allez
au-delà d'un certain seuil de ma tolérance, je plie bagage. Plier
bagage, ce n'est pas une décision facile à prendre. Je regrette
que le député de Sainte-Marie ne soit pas là, il l'a fait
lui. Ce n'est pas une décision facile à prendre. C'est une
décision très lourde, très dure; c'est une cassure, c'est
une rupture, c'est extrêmement difficile à prendre. Si vous exigez
de ce député que non seulement il accepte cette cassure, mais
qu'il renonce à son siège de député, vous le mettez
dans une situation où jamais plus il n'y aura des députés
qui changeront d'allégeance. Là vous exagérez la
statiblité gouvernementale, vous donnez encore beaucoup plus de
rigidité à la ligne de parti.
Je crois, M. le président Côté, que sur cette
question de statiblité gouvernementale, ce que nous recherchons, c'est -
et là je choisis bien mes mots - le régime qui va nous permettre
d'éviter une trop grande instabilité. C'est un peu comme votre
"indu" de tout à l'heure à propos de l'attachement aux
traditions, qui va juger qu'elle est trop grande? C'est cela que nous avons
à faire.
Juger de ce que c'est une trop grande instabilité
gouvernementale. Ce que je cherche à vous dire, c'est qu'à
l'heure actuelle, à mon avis, l'instabilité gouvernementale n'est
pas trop grande et qu'il faudrait rechercher un régime qui
n'augmenterait pas la stabilité gouvernementale parce qu'il n'y a pas de
problème de ce côté à l'heure actuelle.
D'autre part, je ne veux pas parler de l'exemple d'Israël et de
l'exemple de l'Italie parce que, en général, ayant examiné
un peu ce qui se passe dans d'autres pays, je serais plutôt porté
à me dire que les Israéliens s'arrangent avec leur régime
et les Italiens avec le leur et que nous, on va chercher à régler
le nôtre ayant cherché à digérer ce qui se passe
ailleurs. Ce n'est pas par des considérations sur l'instabilité
gouvernementale en Israël ou en Italie qu'on va en fin de compte
régler notre problème à nous. Il est très bien
d'avoir bien étudié ce qui se passe ailleurs, mais il faut le
digérer. Il ne faut pas le régurgiter, il faut le
digérer.
Un dernier point. L'expérience canadienne - le
député de Louis-Hébert sera heureux que je parle de cela -
à Ottawa, l'expérience de la population par rapport au Parlement
d'Ottawa, au cours du dernier quart de siècle, c'est, je crois, au moins
à certains égards, que les meilleurs gouvernements ont
été les gouvernements minoritaires. Je pense qu'il faut
réfléchir à cela. Il y a une raison pour cela. C'est qu'un
gouvernement minoritaire il faut qu'il se fende en quatre bien plus pour faire
accepter ses lois, ses décisions par le Parlement, donc, il travaille
plus fort et, au moins à certains égards, il travaille mieux.
Là, je ne veux pas exagérer la portée de cet argument
parce qu'on risque de tomber dans la trop grande instabilité. Mais c'est
cela que nous avons à faire. C'est de décider ce qui est trop
grand. À l'heure actuelle, c'est plutôt la stabilité qui
est trop grande que l'instabilité, à mon avis.
Le Président (M. Rivest): Merci. Est-ce qu'il y a... (12
heures)
M. Côté (Pierre-F.): Un très bref
commentaire, M. le Président. Je suis très heureux des
observations de M. le député de Bellefeuille. En fait c'est
exactement ce que nous envisagions quand on a préféré
soumettre ce qu'on a appelé des préférences ou des
suggestions. Cela amène ce genre de réflexions et de
débats. Je m'en voudrais et cela serait tout à fait
incompréhensible à tout le moins que je vous dise: Vous avez tort
et j'ai raison. Je ne crois pas que je pourrais faire une telle affirmation.
Tout ce que je peux vous dire c'est que les points que vous soulevez sont non
seulement extrêmement intéressants mais, pour un certain nombre
d'entre eux, méritent d'être fouillés et discutés
à fond. Il y a des éléments de réflexion qui
doivent être pris en très sérieuse considération. Je
dois vous dire que nous-mêmes, quand nous avons rédigé ces
parties de notre rapport, nous avons eu de très grosses discussions
à ce sujet et nous sommes arrivés avec ces propositions. Mais une
des raisons principales pour lesquelles nous avons procédé de
cette façon c'est qu'il nous a semblé - évidemment il y
avait une question aussi de disponibilité et de temps - que pour un
certain nombre d'éléments comme ceux que vous avez
soulignés: la question des élections partielles, la question de
la possibilité de changer de siège, il y avait matière
à discussion, il y avait matière à échange, il y
avait matière à trouver des solutions, peut-être
certainement autres, peut-être les nôtres, peut-être celles
que l'on suggère, mais peut-être d'autres aussi. Je reviens encore
à l'essentiel de notre rapport qui est de dire: Bien, nous croyons qu'il
faut que ce soit un mode de scrutin proportionnel. Je ne dis pas que le reste
c'est de la cuisine, je ne dis pas que le reste ne doit pas être
considéré. Tout au contraire, les propos que vous venez de tenir
sont extrêmement sérieux et intéressants et
extrêmement graves dans les conséquences que vous en tirez. Je dis
qu'il y a matière à essayer de trouver réponse à un
certain nombre de questions, une fois que la décision est prise d'un
changement de mode de scrutin. Il y a des modes de scrutin qui imposent
certaines contraintes. Alors, est-ce qu'on doit écarter ces contraintes?
Est-ce qu'on doit trouver d'autres réponses? Est-ce qu'on doit trouver
des réponses qui soient différentes de celles que nous
suggérons? Nous ne croyons pas, et loin de là, être en
possession tranquille de la vérité. Tout ce que nous avons
essayé de faire c'est au mieux possible notre travail et surtout de
soumettre une recommandation qui est le fruit de la consultation et des travaux
que nous avons faits.
Le Président (M. Rivest): Merci, M. le
président.
La parole est au député de Charlesbourg, par la suite elle
sera au député de Gouin et le député de
Châteauguay m'a demandé la parole.
M. le député de Charlesbourg.
Conversation privée entre MM. Pierre-F.
Côté et Sylvio Dumas
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, M.
Côté, le mandat que vous avez reçu de l'Assemblée
nationale date du 22 juin 1983. On a entendu à quelques reprises que
c'était huit ou neuf mois qui avaient été donnés
à la commission pour analyser toutes les répercussions de la
réforme d'un mode de scrutin. Je ne pense pas révéler de
secret en disant qu'il y a quand même eu chez vous,
au niveau du service de la recherche, des recherches préalables.
Je ne pense pas révéler de secret, finalement, en disant que vous
m'aviez remis, en octobre, ou novembre 1982, un document qui s'intitulait "Les
modes de scrutin." C'était vers la mi-octobre, je crois, et
c'était un document d'une rare qualité. Il y avait eu une
tentative de faire l'historique de ce qui s'était passé comme
évolution des changements sur le plan électoral au niveau de tout
le Québec. Pour en arriver à ce document, il y avait certainement
eu des discussions préalables au niveau de la commission. J'ai
réussi à mettre la main sur une conversation que vous aviez eue
avec M. Sylvio Dumas en date du 1er juin 1981, laquelle traitait de plusieurs
sujets et où, entre autres, vous posiez à ce moment les bonnes
questions. M. Sylvio Dumas, je crois, était responsable du service de la
recherche chez vous?
M. Côté (Pierre-F.): Il est directeur du service de
la recherche pour le Directeur général des élections.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un document d'une
douzaine de pages qui...
M. Duhaime: Est-ce qu'on peut en avoir des copies pour suivre
l'échange?
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Est-ce qu'il y a des
copies? C'est un document de dix pages.
M. Duhaime: Ce ne sont pas des documents secrets, ce ne sont pas
des documents de l'État?
M. Côté (Charlesbourg): Celui-ci je ne pense pas
qu'il soit à plusieurs exemplaires. C'est la transcription d'une
conversation de M. Côté avec M. Dumas.
M. Rochefort: Si c'est la transcription d'une conversation, cela
a été fait comment, où et à quelle occasion?
M. Côté (Charlesbourg): Cela m'est arrivé
dans les mains comme cela, je l'ai.
M. Côté (Pierre-F.): J'en ai, M. le
député. C'est une conversation privée, je ne comprends pas
que...
M. Rochefort: Les conversations au bureau du Directeur
général des élections sont transcrites? C'est quoi cette
affaire-là?
M. Côté (Charlesbourg): C'est comme bien des
documents qui à un moment donné tombent sur des tables. C'est
aussi simple que cela.
M. Rochefort: Oui, mais un instant! Entre tomber sur une table et
la transcription d'une conversation...
M. Côté (Charlesbourg): Un instant là!
M. Dussault: C'est de l'écoute électronique ou
quoi?
M. Côté (Charlesbourg): Non, ce n'est pas de
l'écoute électronique du tout, vous pourrez le juger.
M. Duhaime: Je voudrais savoir dans quoi on s'en va. Des
documents sur ma table de travail il en est tombé plusieurs tonnes
depuis les dernières années. Je voudrais qu'on établisse
d'abord quelle relation existe entre M. Sylvio Dumas et M. Pierre-F.
Côté. Est-ce un de vos employés ou quoi? Est-ce un
employé du président?
M. Côté (Charlesbourg): Il vient de le dire, c'est
le directeur...
M. Côté (Pierre-F.): C'est un de mes
employés. C'est l'employé du Directeur général des
élections. C'est mon employé qui est le directeur de la recherche
chez moi. Je ne comprends pas du tout qu'on ait transcrit une conversation que
j'ai pu avoir avec un de mes employés et qu'on en fasse état
publiquement. Je ne comprends pas.
M. Rochefort: M. le Président...
M. Duhaime: M. le Président, j'avoue honnêtement
qu'un document comme celui-là, à mon sens, ne peut pas être
reçu à la commission, même s'il circule déjà.
Je demande à la présidence de rendre une décision
là-dessus, à savoir si une conversation dont j'ignore
complètement le contenu, quel qu'il soit, entre le Directeur
général des élections et un de ses employés, si un
document comme celui-ci peut se retrouver entre les mains des parlementaires,
d'une part, et ensuite faire l'objet d'une publication et être
discuté publiquement ici à notre commission parlementaire. Sans
vouloir tomber dans les grands secrets d'État, si vous voulez mon
sentiment très personnel, je réagirais assez drôlement si
un de ces bons matins une conversation entre moi-même et un membre de mon
cabinet était discutée en commission parlementaire. Alors,
lorsqu'il s'agit d'un des hauts officiers de l'État comme le Directeur
général des élections, cette conversation a eu lieu
à quel moment, dans quelles circonstances, etc., on l'ignore
complètement, mais, sur le fond, notre institution qui s'appelle
commission parlementaire de l'Assemblée nationale peut-elle recevoir un
tel document et celui-ci faire l'objet d'une discussion?
Le Président (M. Rivest): Avant d'entendre les
représentations des autres
députés, je veux simplement indiquer que la
préoccupation de la présidence de la commission est certainement
de ne pas accepter le dépôt d'un document sans qu'au
préalable on ait à tout le moins établi la nature de ce
document, sa véracité et son exactitude, surtout. À cet
égard, je demanderais au député de Charlesbourg ou
à tout autre député d'essayer d'indiquer à tout le
moins aux membres de la commission et certainement au Directeur
général des élections quelle est la nature exacte de ce
document.
M. Gratton: M. le Président, si vous me permettez de
répondre à votre demande...
Le Président (M. Rivest): Je signale qu'il n'y a pas eu de
demande de dépôt formelle. La seule règle
écrite...
M. Côté (Pierre-F.): Pardon, M. le Président.
Force est de constater que le document en question circule, ce que je
regrette.
M. Gratton: Mais oui. M. le Président, c'est justement
à cela que je veux répondre.
Le Président (M. Rivest): Je ne pense pas que la
présidence... Je n'accepterai pas que ce document soit
déposé comme tel à la commission. De plus, si le
document...
Une voix: ...déposé.
Le Président (M. Rivest): Non, je veux d'abord savoir
exactement ce qu'il en est de ce document...
M. Duhaime: Non, s'il n'est pas déposé il ne sera
pas discuté, je regrette. Il aura beau faire les grimaces qu'il
voudra... Franchement:
Le Président (M. Rivest): J'en suis là pour
l'instant.
M. Gratton: M. le Président, si vous me le permettez.
Le Président (M. Rivest): Oui.
M. Gratton: Au moment où le député de
Charlesbourg voulait aborder une série de questions sur des
conversations et des affirmations qu'a pu faire M. Côté, le
Directeur général des élections, il y a un
député de l'autre côté - je pense que c'est le
député de Gouin ou le député de Châteauguay -
qui a demandé, à partir d'un document qui est maintenant devant
la commission, qu'on le dépose et a dit: Avez-vous des copies pour qu'on
puisse suivre avec vous? Le député de Charlesbourg s'est
exécuté et il en a fait distribuer.
Ce que je voudrais vous dire, M. le Président, c'est que, si la
commission ne consent pas au dépôt du document, il n'y a pas de
problème, qu'on le reprenne et voyons, à la lumière des
questions que posera le député de Charlesbourg, s'il y a
matière à s'insurger contre la distribution de ce document ou
pas. Mais il faudrait quand même donner au député de
Charlesbourg le loisir de poser des questions qui, comme il l'a lui-même
expliqué dans son préambule, sont soulevées à
partir d'un document que lui a remis M. Côté à une date
antérieure et à la suite de conversations et d'affirmations qu'il
a pu faire.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Gatineau, le problème c'est que la présidence de la commission ne
peut permettre des questions à partir d'un document si ce document n'est
pas authentifié d'une façon quelconque.
M. Gratton: La façon de l'authentifier c'est, pour le
député de Charlesbourg, de demander à M. Côté
s'il a effectivement tenu les propos que le document lui prête. Il faut
quand même lui donner la chance de poser cette question et, du
côté du gouvernement, on n'a pas voulu le laisser faire
encore.
M. Duhaime: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Rivest): Sur une question de
règlement, M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, j'en fais une question de
règlement.
Des voix: II n'y a pas de questions de règlement...
M. Marx: II y a seulement des questions de privilège, pas
des questions de règlement.
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je donne la parole au ministre.
M. Duhaime: Si on a besoin de grands constitutionnalistes, on
pourra vous le dire, M. le député. Écoutez, M. le
Président, on est dans une situation pour le moins très bizarre.
Voici un document que j'ai en main, qui porte la date du 1er juin 1981:
"Discussion entre Pierre-F. Côté et Sylvio Dumas". Est-ce que
c'est un sténographe officiel qui a pris cela? Est-ce que c'est une
déclaration qui a été faite sous serment? Est-ce que c'est
un document qui constitue un procès-verbal, un document de travail
à l'interne au bureau du Directeur général des
élections? Je l'ignore complètement.
Ce que je vous ai posé comme question tantôt, en soulevant
la première question de
règlement, c'est que je pense que concernant la règle
parlementaire, le minimum, le "minimorum" consiste à dire qu'avant de
pouvoir poser des questions sur un document quelconque, il faut que son
dépôt ait d'abord été accepté formellement
par la commission.
Des voix: Ah!
M. Duhaime: Si j'écoute les savants constitutionnalistes
de l'autre côté, cela voudrait dire que sans qu'un document ait
été formellement déposé devant la commission, alors
que ce serait un document non admis, on pourrait interroger là-dessus
des heures durant. Cela n'a aucun bon sens.
M. Marx: Il n'y a pas de règlement...
M. Duhaime: J'ai l'impression que vous avez dû plaider
à peu près au niveau de la Cour du recorder pour tenir des propos
semblables. Je vous demande un minimum de bon sens.
M. Marx: Il n'y a pas de règlement qui prévoit un
dépôt de document en commission.
M. Duhaime: II faudrait d'abord que le député de
Charlesbourg établisse...
M. Gratton: Pas de commentaire personnel, voyons donc!
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous
plaît! La parole est au ministre.
M. French: Une question...
Le Président (M. Rivest): J'ai donné la parole au
ministre.
M. French: Demandez-lui de s'en tenir à la matière
et non pas à la personnalité du député.
Le Président (M. Rivest): Pour l'instant, les propos du
ministre étaient parfaitement pertinents.
M. Duhaime: Si le poulailler peut cesser un peu, on va se
comprendre, franchement! M. le Président, cela m'apparaît
important, c'est un document dont j'ignore la teneur, qui a une dizaine de
pages, qui porte la date du 1er juin 81... C'est peut-être le
1er juin 1970, 1991, je ne sais pas du tout, il faut d'abord
établir quel est ce document. Ne faisons pas de drame avec rien. Si tout
le monde veut être de bonne foi, peut-être que M. Côté
peut nous donner des informations sur ses façons de travailler.
Quant à moi, je m'opposerai formellement à ce qu'un
document de travail, que ce soit au bureau du Directeur général
des élections, au bureau du
Vérificateur général du gouvernement ou encore chez
le Protecteur du citoyen, à ce qu'une discussion entre employeur et
employé se retrouve entre les mains d'une commission parlementaire.
Là-dessus, je demanderais que la présidence statue sur la
recevabilité de ce document et, deuxièmement, sur les droits que
les parlementaires ont d'en discuter à ce stade de nos travaux.
Le Président (M. Rivest): Je répète ce que
j'ai dit. La présidence n'acceptera certainement pas le
dépôt d'un document ni non plus, si ce document n'est pas
déposé, qu'on y réfère spécifiquement durant
les débats s'il n'y a pas au préalable - encore une fois, je ne
préjuge pas de la décision à savoir si ce document pourra
être déposé en regard de sa nature - un minimum
d'éléments établissant son authenticité et,
jusqu'à maintenant, la présidence n'a reçu aucune
indication dans ce sens. (12 h 15)
M. Marx: M. le Président, juste un mot.
Le Président (M. Rivest): J'accorde la parole...
M. Marx: J'ai une question...
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'accorde la parole au député de D'Arcy McGee et
ensuite au député de Gouin.
M. Marx: J'aimerais savoir si les règles de
procédure de l'Assemblée nationale permettent le
dépôt d'un document devant une commission parlementaire. Je pense
qu'il n'y a rien dans les règles de procédure qui permet un tel
dépôt, mais s'il y a quelque chose, j'aimerais...
Le Président (M. Rivest): L'article 158 que je voudrais
rappeler à la commission se lit comme suit: "Un document ne peut
être déposé en commission qu'avec la permission de son
président". Le président, je l'ai déjà
indiqué, jusqu'à maintenant, ne permettra pas le
dépôt d'un document s'il n'y a pas un minimum d'informations
préalables qui soient transmises à la commission sur
l'authenticité d'un tel document. Or, je n'ai aucune indication dans ce
sens jusqu'à maintenant.
M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez de...
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Gouin et ensuite M. le député de Gatineau.
M. Rochefort: M. le Président, je souhaiterais dans un
premier temps que -avant que nous allions plus loin dans le débat de
procédure qui semble vouloir s'engager -
nous ayons une réponse à la demande de la
présidence de cette commission, que vous avez formulée
tantôt: Est-ce que quelqu'un autour de cette table peut nous dire quel
est ce document, quelle en est la nature, d'où il provient et comment il
se fait qu'il se retrouve entre ses mains? Ensuite, M. le Président, on
pourra ouvrir un débat de procédure...
Le Président (M. Rivest): Exactement.
M. Rochefort: Mais là j'ai peur que la question que vous
avez posée aux membres de la commission, et plus directement à
celui qui en a fait état, nous fasse perdre le fil et nous fasse tomber
dans un débat de procédure plutôt que nous donner les
réponses essentielles auxquelles nous sommes en droit de nous
attendre.
Le Président (M. Rivest): Ce que vous avez dit, M. le
député de Gouin, c'est exactement la démarche qu'entend
suivre la présidence.
M. Rochefort: M. le Président, c'est parce que le
député de D'Arcy McGee a soulevé des questions de
règlement, le député de Gatineau s'est annoncé. Moi
aussi j'aurai des questions de règlement, mais au préalable je
souhaite entendre le député de Charlesbourg pour qu'il
réponde aux questions que vous avez exprimées.
Le Président (M. Rivest): C'est exactement la
démarche que je vais suivre. Cela ne préjuge pas de
l'intervention préalable du député de D'Arcy McGee qui,
j'espère, n'élargira pas le débat parce que je n'ai pas
l'intention de m'avancer au-delà de ce que j'ai indiqué et de ce
que le député de Gouin vient de signifier.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Rivest): La parole est au
député de D'Arcy McGee.
M. Gratton: II avait terminé.
M. Marx: Je veux juste poser une question au président.
Est-ce que quelqu'un a demandé que le document soit
déposé?
Le Président (M. Rivest): Non.
M. Marx: Si personne n'a demandé que le document soit
déposé en commission, pourquoi fait-on ce débat?
M. Rochefort: M. le Président...
Le Président (M. Rivest): Je ne peux quand même pas
permettre qu'on interroge le président de la Commission de la
représentation à partir d'un document dont on n'a aucune
espèce d'indication à savoir d'où il provient, ce qu'il
contient, etc. Ce que je demande au préalable avant toute autre
discussion, c'est qu'on l'établisse. Et ensuite, la présidence -
s'il y a demande de dépôt ou s'il a même simplement demande
de l'invoquer - prendra une décision à savoir si ce document est
"invocable" ou est "déposable". Mais, pour l'instant, je demande
à celui qui l'a, c'est-à-dire le député de
Charlesbourg, d'établir, pour la présidence et pour les membres
de la commission, un minimum de crédibilité,
d'authenticité de ce document parce que la présidence
là-dessus va faire respecter le règlement tel qu'il est, non
seulement à la lettre, mais également sur le plan de
l'équité pour tout le monde.
M. Gratton: M. le Président, c'est à mon tour,
j'espère.
Le Président (M. Rivest): Je voudrais bien qu'on
réserve le droit de parole au député de Charlesbourg
à qui j'ai posé une question.
M. Gratton: Mais, avant que le député de
Charlesbourg réponde à votre question, je voudrais que ce soit
clair. Le député de Charlesbourg n'a jamais demandé
à la commission la permission de déposer un document quelconque.
Il s'apprêtait à poser un certain nombre de questions et il a eu
le malheur de se référer à un document qu'il a en sa
possession - je pense bien qu'il n'y a personne qui peut l'empêcher
d'avoir un document en sa possession - et un député de l'autre
côté a demandé que le document lui soit fourni pour qu'il
puisse le suivre.
Le Président (M. Rivest): Mais le problème, M. le
député... Vous me permettez?
M. Gratton: Si vous me laissiez finir la phrase, je ne
reviendrais plus après.
Le Président (M. Rivest): Je veux vous indiquer une chose.
Si le document en question émanait du député de
Charlesbourg, je n'aurais aucune objection à ce qu'il se
réfère à ce document. Le député de
Charlesbourg a indiqué que ce document émanait des services du
président de la commission. Alors, il me semble que comme minimum on
doit indiquer exactement la nature de ce document. Si c'était des notes
personnelles du député de Charlesbourg, il pourrait très
bien poser les questions qu'il voudrait, mais comme c'est un document qui
émane de la présidence de la Commission de la
représentation je pense que la demande invoquée par certains
membres de la commission est tout à fait légitime. La
présidence a adressé la même demande
depuis le début de cet incident et elle insiste pour que...
M. Dussault: M. le Président...
Le Président (M. Rivest): II y a toujours le
député de Charlesbourg qui est en suspens, mais je vais accorder
une dernière intervention au député de
Châteauguay.
M. Dussault: Cela va être court. Oui, cela fait longtemps
que je l'attends, M. le Président. J'aurais aimé qu'elle vienne
dès le début, j'ai été le premier à demander
la parole sur ce qui se passait.
Le Président (M. Rivest): Je m'excuse, M. le
député.
M. Dussault: M. le Président, le député de
Gatineau a essayé de me récupérer et je n'aime pas qu'on
essaie de me récupérer. Il a dit tout à l'heure que
j'étais possiblement celui qui avait demandé qu'on dépose
le document. C'est inexact. Premièrement, j'ai demandé qui
était Sylvio Dumas. Deuxièmement, j'ai demandé: Est-ce
qu'il s'agissait d'écoute électronique? Et cela a effectivement
semé le doute sur ce qui se passait. Si j'ai posé la question
c'est à la suite de ce qu'a dit le député de Charlesbourg.
Il a dit: La transcription d'une conversation...
M. Rochefort: J'ai entre les mains la transcription d'une
conversation...
M. Dussault: J'ai entre les mains la transcription d'une
conversation entre telle personne et telle personne. C'est cela qui a
semé le doute, M. le Président, et c'est pour cela qu'on tient
tellement à savoir vraiment ce que c'est cette question.
M. Rochefort: On veut que soit établie la nature du
document...
Le Président (M. Rivest): Vous avez la même
impatience. Alors, là je donne la parole au député de
Charlesbourg.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, mon
collègue de Gatineau a dit que malheureusement je me
référais au document. Cela a été fait
intentionnellement. J'aurais pu - si on veut me laisser terminer - poser des
questions à partir du document et ne le sortir qu'après. On
s'entend bien. Ce que j'ai préféré, c'est d'y aller
beaucoup plus ouvertement en disant que j'avais entre les mains un document qui
pourrait... Au préalable, j'avais dit que le 15 octobre 1982, un
document m'avait été remis, une étude très
exhaustive de toutes les réformes qui ont été faites au
niveau du Québec, une étude exhaustive sur le mode de scrutin,
qui découlait très certainement d'une commande qui avait
été passée antérieurement. C'est là que j'ai
fait allusion, bien sûr, à...
M. Duhaime: Que voulez-vous dire par une commande passée
antérieurement?
M. Côté (Charlesbourg): Un instant là: Si le
député de Saint-Maurice veut jouer au procureur comme au
temps...
M. Duhaime: Non, non, mais vous êtes bien parti.
Une voix: Attendez votre tour.
M. Côté (Charlesbourg): Non, un instant.
Le Président (M. Rivest): Qu'on laisse le
député de Charlesbourg répondre et ensuite...
M. Gratton: II y a toujours bien des limites:
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que dans les
circonstances il est tout à fait normal que le Directeur
général des élections ait confié un mandat à
son service de recherche pour étudier certains points et se poser des
questions. Je pense que j'ai entre les mains actuellement la copie d'un travail
et si, à la lecture de cela, il m'apparaît très
évident que c'est une secrétaire qui a fait le relevé
à partir d'un enregistrement, ce n'est pas une technique nouvelle. Hier
soir, M. Côté nous disait, ayant été en Europe, et
je cite les épreuves R-723-CI à la page 1, dans le bas de la
page: "Je me suis efforcé, avec la permission des personnes que j'ai
rencontrées, d'enregistrer les conversations pour ne pas avoir à
prendre des notes constamment". Or, c'est possiblement la même technique
qui a été employée. Maintenant, si vous voulez me tordre
un bras, le cou et m'enlever ma chemise pour me faire dire qui est ma source et
de quelle manière j'ai obtenu le document, je dirai que ce serait
farfelu de prêter quelque crédibilité à
l'affirmation que cela pourrait être de l'écoute
électronique. Cela est complètement farfelu, les moyens ne sont
pas à notre disposition dans ce sens.
M. Rochefort: Si on demandait à la Sûreté du
Québec de nous dire...
M. de Bellefeuille: C'est un document volé.
Une voix: Vous ne connaissez pas ça, vous autres!
Le Président (M. Rivest): Un instant, on n'en est pas
rendu là.
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): Cela ne m'inquiète
nullement et cela ne me dérange pas du tout.
Une voix: ...des tables d'écoute, et des vols de
documents, cela n'est pas acceptable, M. le Président.
M. Rochefort: Voyons donc! Vous autres, les grands protecteurs
des libertés individuelles, des droits de la personne, vous trouvez cela
normal? Vous trouvez cela normal ce qui se passe?
M. Gratton: M. le Président, on pose une question au
député de Charlesbourg, est-ce qu'on va lui laisser fournir la
réponse?
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
pense que, pour régler le problème de l'authenticité du
document, c'est possiblement M. Côté lui-même qui pourrait
nous répondre, et s'il n'est pas authentique le document, on va le
reserrer. S'il est authentique, bien coudon! je pense que c'est un document
dont on va se servir.
M. Duhaime: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Rivest): M. le ministre.
M. Duhaime: Je pense que nos collègues de l'Opposition ne
comprennent pas, j'allais dire ne veulent pas comprendre. On est en commission
parlementaire pour étudier le rapport du Directeur général
des élections, à la suite d'un mandat de l'Assemblée
nationale qui lui a été confié le 21 ou le 22 juin 1983.
Voici que, ce matin, le député de Charlesbourg, en posant
quelques questions au Directeur général des élections, se
réfère à un soi-disant document du 1er juin 81.
Ce que je vous dis, M. le Président, et c'était dans ce sens que
je faisais ma demande de directive, c'est que je ne pense pas qu'il soit
correct et admissible, suivant nos règlements en commission
parlementaire, de permettre de se référer de quelque
manière que ce soit à quelque document que ce soit qui ne soit
pas un document officiel déposé, recevable et admissible à
la table de la commission parlementaire. Je maintiens ce point de vue et je
vais m'opposer à toute référence qu'on pourrait faire
à ce document.
M. Gratton: M. le Président, est-ce que je pourrais
répondre au ministre?
Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: Le député de Charlesbourg l'a dit
clairement, il aurait tout simplement pu poser ses questions sans faire aucune
référence à l'existence du document et...
M. Duhaime: L'a-t-il fait?
M. Gratton: Va-t-il nous laisser terminer nos phrases, le
ministre, ou si c'est seulement lui qui doit parler sans être interrompu,
M. le Président? S'il ne l'a pas fait, c'est qu'il a voulu que soit tout
à fait claire, au vu et au su de tous, sa source d'information. Le
ministre s'insurge contre cela, comme si, par exemple, on n'aurait pas pu
à une autre commission poser des questions à des gens qui avaient
assisté à une réunion, notamment, avec le premier ministre
et lui poser la question: Qu'est-ce que vous vous êtes dit? Qui a dit
quoi? Qu'est-ce qu'on a répondu et obtenu comme réponses? Alors,
si vous insistez pour que nous fassions cela, le député de
Charlesbourg - je ne parlerai pas pour lui - j'en suis convaincu, va poser ses
questions. Le ministre, quelles que soient les entourloupettes qu'il voudra
faire, n'empêchera personne de ce côté-ci de poser les
questions qu'on veut bien poser au président. Si vous voulez laisser le
député de Charlesbourg poser ses questions, on va y
procéder. Mais je répète que le document en question,
existe toujours et, si la commission ne veut pas en être saisie - libre
à elle - on n'y fera tout simplement pas référence.
Le Président (M. Rivest): J'ai une dernière... Y
a-t-il d'autres commentaires des membres de la commission?
M. Duhaime: Non, j'ai demandé une directive. On va
attendre la décision.
Le Président (M. Rivest): J'ai une question à
adresser au président. Je ne sais pas si le président, au cours
de cette discussion, a eu l'occasion de prendre connaissance du document qui
n'est pas déposé, mais qui a circulé. Je voudrais avoir un
commentaire du président de la commission.
M. Côté (Pierre-F.): Non, M. le Président. Je
demanderais l'autorisation de vous formuler mes commentaires seulement à
la reprise tout à l'heure parce que j'ai peur que les remarques que je
pourrais faire à ce stade-ci dépassent ma pensée tellement
je suis bouleversé par le procédé qu'on utilise.
Le Président (M. Rivest): Alors, sur le fond de la
question posée par le ministre, la présidence va prendre en
délibéré cette question et dans la mesure où on a
une demande de la part du président de la Commission de la
représentation d'ajouter peut-être, à sa convenance, s'il
le veut
bien... La présidence acceptera également si le
président n'a pas d'autre commentaire lors de la reprise des travaux. Je
vais suspendre la commission jusqu'à 15 heures en accordant cependant
aux députés qui auraient des commentaires additionnels à
ajouter le privilège de le faire.
M. le député de Rousseau et M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Blouin: M. le Président, je tiens à vous
signaler tout simplement, puisque vous aurez sans doute une décision
à rendre, comme le prévoit l'article 158 qui précise que
c'est vous qui permettez ou ne permettez pas que soit déposé un
document, que le député de Charlesbourg a voulu passer à
côté du règlement pour la raison suivante. Il est
arrivé ici avec un document qu'il a au moins en 50 copies. Il a pris
soin, avec une espèce d'attitude irrespectueuse à l'égard
de la présidence, de le faire distribuer alors que personne n'en avait
demandé la distribution. Il a pris soin également de faire en
sorte que les journalistes l'aient en leur possession, et maintenant vous aurez
à rendre votre décision à l'égard du
dépôt ou de l'absence de dépôt de ce document. Je
vous signale tout simplement que cette attitude de l'Opposition est
particulièrement non seulement méprisante à l'égard
des gens concernés, mais également méprisante à
l'égard du rôle du président de la commission et à
l'égard de tous les membres de cette commission. Si nous
commençons à procéder de cette façon-ci en
commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale, je crois que
cela va nous entraîner dans des débats qui n'auront plus aucune
espèce de respect pour qui que ce soit. Je croyais que cette attitude de
l'Opposition, qui lui a causé du tort dans les années
passées et qui a détruit sa crédibilité
auprès d'un grand nombre d'organismes et de personnes significatives
dans notre société, était une attitude qu'ils avaient
décidé de ranger au placard mais je m'aperçois que ces
procédés parfaitement inacceptables sont encore actifs et je me
permets de dire que c'est une attitude qui est méprisante à
l'égard de tous ceux et celles, non seulement qui suivent nos
débats, mais de tous ceux et celles qui sont au coeur de nos
débats et particulièrement de vous, M. le Président.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je partage tout
à fait l'avis que mon collègue de Rousseau vient d'exprimer. Je
crois que nous venons d'assister à un détournement de commission
parlementaire qu'on cherche à transformer en "Kangaroo Court", une
espèce de tribunal policier de bas étage. On a eu recours
à un document obtenu de façon inconnue à partir d'une
table d'écoute, ce qui est un procédé absolument indigne
lorsque nous invitons une personne à se présenter devant nous en
commission parlementaire. Je n'en dirai pas plus pour le moment, M. le
Président, mais je voudrais vous demander de donner instruction au
personnel de la commission de reprendre, de retirer tous les exemplaires de ce
texte qui ont été distribués.
Le Président (M. Rivest): C'est un peu difficile dans la
mesure où la présidence ne sait même pas s'il y a des
documents qui sont en dehors de cette enceinte. Tantôt le
député de Rousseau indiquait que le document aurait
été transmis, ce que la présidence ignore, à la
Tribune de la presse. Je vois mal comment la présidence de la commission
pourrait aller récupérer les documents. Là, je ne sais pas
comment...
M. de Bellefeuille: Ici dans la salle, M. le
Président.
Le Président (M. Rivest): Ah bien, certainement, si les
membres de la commission... Bien, il y a des membres de la commission qui ont
fait la demande de document. Moi je n'ai pas d'objection à ce que, au
moins jusqu'à la décision de la présidence, ces documents
effectivement soient consignés au secrétariat ou je ne sais
trop.
M. Duhaime: M. le Président, si vous voulez avoir mon avis
là-dessus, il n'y a rien qui peut empêcher les polycopieuses du
Parti libéral de fonctionner.
Le Président (M. Rivest): Bien, c'est la
préoccupation de la présidence. Je vois mal comment je pourrais
me rendre à la demande du député.
M. Gratton: M. le Président... Le Président (M.
Rivest): Oui.
M. Gratton: Très brièvememnt, pour répondre
aux affirmations du député de Deux-Montagnes et à celles
du député de Rousseau, le premier qui disait que le
député de Charlesbourg avait procédé à un
détournement des travaux de la commission est le député de
Rousseau qui prétendait que personne n'avait demandé la
distribution du document, je regrette de faire remarquer aux deux que le
député de Charlesbourg n'a fait distribuer le document
qu'après que soit le député de Gouin, soit le
député de Châteauguay ou peut-être bien les deux en
même temps l'aient demandé. Tout ce que je conseillerais au
député de Rousseau de même qu'au député de
Deux-Montagnes de faire, c'est de consulter les épreuves du journal
des
Débats pour constater que c'est à la demande de
députés péquistes que le document a été
distribué. Alors, si les députés péquistes veulent
maintenant que ces documents soient repris, bien, libre à eux de le
faire.
Le Président (M. Rivest): Deux dernières
interventions, le ministre et le député de Gouin. Ensuite, je
pense que la présidence sera suffisamment informée et va
délibérer. Non, M. le député de Rousseau. Deux
dernières interventions.
Une voix: On vous connaît, on vous connaît...
M. Duhaime: M. le Président, ce que je veux dire, c'est
que...
Le Président (M. Rivest): Deux très courtes
interventions. M. le ministre et M. le député de Gouin.
M. Duhaime: Je vais essayer d'aller rapidement si on me laisse
parler. Je fais mon possible moi aussi pour vous écouter très
patiemment. Il n'y a rien qui interdit au Parti libéral, à
l'Opposition officielle de faire ses propres évaluations. Ce matin j'ai
parlé de politesse, j'ai parlé de déférence et ce
que je viens de vivre ici en commission parlementaire est un
procédé que je qualifierais de grossier. Je vais m'expliquer
là-dessus. Vous n'avez aucune permission à demander à
quiconque pour que votre machine politique publie les documents qu'elle voudra
bien publier, mais mon point, M. le Président, ici en commission, c'est
qu'un document ne peut pas être discuté en commission et faire
l'objet d'échange avec qui que ce soit à la table d'une
commission parlementaire à moins que ce document n'ait été
reçu et ne soit admissible conformément à nos
règlements. Cela c'est notre point et c'est là-dessus qu'on a
demandé une décision. Maintenant, sur le premier volet...
Le Président (M. Rivest): M. le ministre, si vous me le
permettez, vous conviendrez qu'il n'y a pas eu de discussion pour
l'instant.
M. Duhaime: ...qu'une formation politique décide
d'utiliser les procédés qu'elle voudra, je pense que les gens
pourront en juger.
Le Président (M. Rivest): Vous conviendrez, M. le
ministre, que je n'ai pas permis et que la présidence n'aura pas permis
et n'a pas l'intention de permettre de discussion avant qu'il y ait eu une
décision. Il n'y en a pas eu à partir du document. Cela, c'est
une chose. Dernière intervention, M. le député de
Gouin.
M. Duhaime: C'est cela, là-dessus vous êtes
correct.
M. Rochefort: Oui, M. le Président. À la suite de
l'intervention du député de Gatineau,
répétée à deux ou trois reprises, selon laquelle
j'aurais demandé le dépôt du document, à ma
connaissance, je n'ai pas demandé le dépôt du document ni
sa distribution... Vous permettez? Oui, merci. Quand le député de
Charlesbourg a dit: J'ai entre les mains un document reprenant la transcription
d'une conversation du Directeur général des élections et
de M. Sylvio Dumas, j'ai dit: "Quel est ce document? Quelle en est la
nature?"
Effectivement, quand des gens autour d'une table font allusion à
un texte qui reproduit une conversation privée entre deux personnes, je
m'interroge sur la nature et la provenance du texte et sur les raisons qui font
en sorte que ce texte, de nature privée, se retrouve sur la table d'un
membre d'une commission parlementaire. Je répète que je
considère que le président doit aussi nous rendre une
décision sur cet aspect de la question.
Le Président (M. Vaugeois): La commission ajourne ses
travaux en réservant le droit de parole à 15 heures au
président de la Commission de la représentation.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Rivest): Lorsque nous avons suspendu nos
travaux en fin de matinée, j'avais réservé la parole au
président de la Commission de la représentation au cas où
il aurait, à son choix, un commentaire à faire ou enfin quelques
informations à apporter à la commission sur le problème
que nous avons. Un instant, M. le Président, le ministre voudrait dire
quelque chose.
M. Duhaime: C'est un peu une suggestion que je ferais. J'avais
formulé un point de règlement et une demande à la
présidence. Je me demande si cela ne serait pas approprié que
l'on commence d'abord par ce point et qu'on entende votre décision.
Le Président (M. Rivest): Si vous voulez. Le point de
règlement du ministre se référait spécifiquement
à l'article 158 de notre règlement, dans le sens qu'un document
ne peut être déposé en commission qu'avec la permission de
son président. En fait, le ministre soutenait dans son argument qu'on ne
pouvait discuter d'un document sans qu'il ait été au
préalable déposé. La décision de la
présidence est dans le sens que non, il
peut être discuté, on peut invoquer un document, de quelque
nature qu'il soit, sans que son dépôt formel soit fait devant la
commission parce qu'une des raisons principales de la disposition de l'article,
c'est que le dépôt de document, le geste de déposer le
document a, entre autres, une signification d'archives. C'est qu'on veut que ce
document soit conservé par les archives de l'Assemblée nationale,
si bien qu'une pratique courante au niveau des commissions parlementaires comme
au niveau de l'Assemblée nationale veut qu'un député
puisse se référer à des notes personnelles, à un
éditorial, à quelque écrit, de quelque nature qu'il soit,
sans que ce document fasse nécessairement l'objet d'un
dépôt formel.
M. Rochefort: Même un document qui reprend la transcription
d'une conversation privée entre deux personnes?
Le Président (M. Rivest): Absolument, sans égard
à la nature.
M. Rochefort: Vous êtes formel là-dessus?
Le Président (M. Rivest): Oui.
M. Blouin: Est-ce qu'on doit comprendre aussi, M. le
Président, de votre décision que, puisque ce document n'est pas
officiellement déposé, il ne bénéficie donc pas de
l'immunité parlementaire et que, par conséquent, il est
vulnérable?
Le Président (M. Rivest): Je vais traiter de cette
question dans la décision sur le fond que je m'apprête à
rendre, en accordant le droit de commentaires ou d'intervention que j'ai
réservé au président de la Commission de la
représentation.
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président. J'essaie de
suivre. Vous venez juste de nous donner une indication que la commission
parlementaire ou un membre de la commission parlementaire, devrais-je dire,
pourrait se référer à ou discuter d'un document qui,
formellement, n'aurait pas fait l'objet d'un dépôt devant la
commission parlementaire et vous nous dites également: Je
m'apprête à rendre ma décision sur le fond. C'est
drôle, j'aurais plutôt l'idée de vous suggérer que
vous rendiez votre décision sur le fond, puisque vous vous
apprêtiez à le faire. Je ne crois pas, peu importe ce que pourrait
dire le Directeur général des élections sur cette
question, que ses propos à venir pourraient influencer la
décision que vous avez déjà à l'esprit. J'imagine
qu'on devrait d'abord entendre votre décision sur le fond. Je vous dis
tout de suite que je vous demanderai la parole après avoir entendu votre
décision sur le fond, quitte à utiliser ce droit de parole ou
non, selon la décision que vous rendrez.
Le Président (M. Rivest): Laissant au président la
liberté de déterminer...
M. Duhaime: ...si j'ai un droit de parole. Absolument, M. le
Président.
Le Président (M. Rivest): Très bien. Alors, la
décision essentielle de la présidence de la commission relative
au problème qui a été soulevé est la suivante.
Premièrement, peut-être devons-nous nous référer au
mandat de la commission. Il s'agit "de procéder - et je relis le mandat
de façon que tout le monde comprenne bien - à une consultation
particulière pour étudier le rapport et les recommandations de la
Commission de la représentation sur la réforme du mode de scrutin
déposés à l'Assemblée nationale le 28 mars 1984".
Donc, tout document, toute question, toute intervention des membres de
l'Assemblée doivent se rapporter au mandat de la commission,
c'est-à-dire doivent être liés au problème ou
à la question du mode de scrutin. C'est la première exigence.
Un deuxième élément extrêmement important est
que, dans notre droit parlementaire, tout député au niveau de
l'Assemblée nationale comme à celui de ses commissions jouit d'un
droit illimité de parole. Ce droit illimité de parole et
d'action, bien sûr, dans le cadre des activités d'une commission
parlementaire ou au niveau de l'Assemblée nationale, n'a dans notre
règlement et dans notre droit parlementaire qu'une limite qui est celle
imposée à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée
nationale, entre autres, et en l'occurrence, lorsqu'il s'agit d'un document
spécifiquement, aux paragraphes 3 et 4 que je lis, en attirant
l'attention des membres de la commission sur cet article de la Loi sur
l'Assemblée nationale: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de
l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de
l'Assemblée le fait de - c'est le troisième alinéa - 3
présenter à l'Assemblée, à une commission ou
à une sous-commission un document faux dans le dessein de tromper;
4° contrefaire, falsifier ou altérer, dans le dessein de tromper, un
document de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission ou un
document présenté ou produit devant elles."
Sur la base des droits et des privilèges illimités des
députés, leur droit de parole et leur droit d'action au niveau de
l'Assemblée nationale et des sanctions qui sont prévus en
l'occurrence - puisqu'il s'agit d'un document - à l'article 55,3° et
4°, la présidence de la commission estime que, d'une part, le
document en question n'a pas besoin d'être déposé, comme je
l'ai indiqué antérieurement, au niveau de la commission.
D'autre part, le député de Charlesbourg peut, pour
interroger le président de la Commission de la représentation,
invoquer un document ou le document dont il est question, avec la limite
expresse que toute et chacune des questions qu'il adressera à la
présidence devront se situer dans le cadre très strict du mandat
de notre commission. C'est la décision que la présidence rend en
l'occurrence.
J'accorde, évidemment, le droit au président de la
Commission de la représentation de formuler le commentaire qu'il voudra
bien faire et, par la suite, j'accorderai la parole au député de
Charlesbourg, de façon que les travaux de la commission puissent se
poursuivre.
M. Côté (Pierre-F.): Merci, M. le Président.
Évidemment, la décision que vous venez de rendre relève,
quant à moi, d'un problème de procédure parlementaire qui
est assez spécialisé. Je ne pense pas qu'il soit de mon ressort
de m'aventurer sur ce terrain. Votre décision est votre
privilège, mais si vous m'aviez demandé auparavant si j'avais un
avis à formuler à savoir si je suis d'accord ou pas d'accord,
évidemment que je vous aurais plutôt dit que je n'étais pas
d'accord, mais je vais vous dire pour quelle raison.
Le Président (M. Rivest): C'est la raison pour laquelle je
vous ai demandé vos commentaires antérieurement.
M. Côté (Pierre-F.): Oui, c'est ce que je vous
souligne présentement. Quelle est la nature de ce document? Je pense
bien que c'est la question fondamentale qu'il faut d'abord se poser. Il s'agit
de la transcription d'une conversation privée que j'ai effectivement eue
avec M. Sylvio Dumas, le 1er juin 1981. Pour ma part, je ne me rappelais pas ce
document pour la raison suivante. Je ne me souviens pas de l'avoir eu entre les
mains, à l'époque, parce que M. Dumas, à l'occasion, et
plutôt rarement, lorsque nous nous rencontrons, plutôt que de
prendre des notes de notre conversation -vous savez que j'ai le défaut
de parler très vite et que je suis aussi passablement occupé -
enregistre parfois et rarement, mais il l'a fait le 1er juin. Cette
conversation qui pour moi est de nature évidemment privée, il l'a
enregistrée pour les fins de son travail professionnel. Il a fait
transcrire cette conversation et seul son service en possédait un
exemplaire. Pour moi, le fait que ce document soit entre les mains de M. le
député de Charlesbourg n'a pu se produire qu'en dehors, je
l'affirme catégoriquement, de l'accord de M. Dumas et de moi-même.
À ce moment-ci, l'hypothèse la plus vraisemblable qui me vient
à l'esprit, c'est qu'il y a eu vol de document.
C'est une conversation privée de nature confidentielle que j'ai
eue dans le cours normal de mes fonctions et je ne suis même pas
obligé, en vertu de la loi sur l'accès à l'information, de
la rendre accessible à qui que ce soit. Je conserve le privilège
d'utiliser tous les recours dont je dispose en vertu des lois pour tout usage
qu'on peut faire de ce texte que je considère ma propriété
privée.
Le Président (M. Rivest): M. le Président, la
présidence de la commission et sans doute les membres de la commission
comprennent la nature des commentaires que vous venez de formuler. D'ailleurs,
je me permets d'ajouter, au nom de la présidence de la commission et de
l'Assemblée, que précisément, dans les tout prochains
jours, compte tenu de la situation que nous connaissons au niveau de cette
Assemblée et d'autres situations antérieures analogues et de
même nature, l'Assemblée nationale et la présidence de
l'Assemblée nationale sont sur le point d'achever la rédaction de
règles de pratique qui vont essayer de préciser la nature des
droits et des privilèges des personnes qui viennent, qui sont
invitées ou qui sont assignées à comparaître -
invitées comme vous l'êtes, vous n'êtes pas assigné
-devant une commission parlementaire, de manière que les droits des uns
et des autres soient pleinement assurés et que les gens qui viennent ici
n'aient pas à vivre des situations comme celle que nous connaissons. En
particulier, une des hypothèses qui sont retenues - ces règles,
malheureusement, sont encore à l'état d'élaboration -
c'est que la présidence de l'Assemblée nationale et les membres
de l'Assemblée nationale songent à indiquer à l'avance aux
invités les documents, les éléments qu'ils devraient
apporter avec eux et sur lesquels ils seront éventuellement
interrogés.
Je sais que ce commentaire n'est pas de nature aujourd'hui, compte tenu
de la situation, à répondre au sentiment que vous avez
exprimé, mais la présidence de l'Assemblée et celle de la
commission tiennent à vous indiquer cette intention et à exprimer
la conscience que les membres de l'Assemblée nationale et la
présidence ont de cette difficulté qui s'est produite avec le
développement des commissions parlementaires, avec la multiplication des
invités et avec la nature des sujets qui sont étudiés par
une commission parlementaire. Donc, il y a plus qu'une conscience, il y a une
volonté politique d'essayer d'apporter des correctifs à ce genre
de situation, mais nous devons procéder à cette commission selon
l'état actuel du droit et de la pratique. C'est dans ce sens-là
que j'ai eu, comme vous l'avez souligné vous-même, à rendre
une décision qui est de faire au meilleur de ma connaissance du droit
parlementaire actuel. Y
a-t-il...
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député
de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: ...je ne voudrais pas soulever des aspects
relatifs au règlement, que vous connaissez bien. D'ailleurs, vous avez
déjà rendu votre décision; alors, ce ne serait pas tout
à fait régulier, en quelque sorte, de la mettre de nouveau en
doute. Ce n'est donc pas ce que je veux faire. Je voudrais plutôt tenir
quelques propos à un autre point de vue qui est beaucoup plus
général, celui du sens commun, des bonnes moeurs, de la
gentilhommerie, si vous voulez. Mme la députée de
Jonquière n'étant pas avec nous, je peux parler de
gentilhommerie; autrement, il faudrait que je parle de "gentilpersonnerie". Ce
mot n'existe pas encore.
Il me semble que, vu la nature du mandat dont vous nous avez
donné lecture, nous sommes ici pour chercher à nous
éclairer les uns et les autres, à échanger des points de
vue et à approfondir le contenu du rapport que M. Côté et
ses collaborateurs nous ont présenté pour essayer de nous aider
à nous faire nous-mêmes une idée plus précise sur ce
que nous voulons appuyer comme projet de réforme du mode de scrutin.
Pour faire cela, rien ne nous oblige à nous écarter des
règles ordinaires de la courtoisie, rien ne nous empêche de
manifester la plus grande courtoisie envers M. Côté et les deux
autres commissaires qui sont devant nous. À ce point de vue, j'ai
l'impression qu'utiliser sans avis préalable une transcription qui a
été faite d'une conversation de M. Côté avec une
autre personne il y a trois ans sans avoir obtenu l'assentiment de M.
Côté, cela s'écarte de cette ligne de courtoisie et de
gentilhommerie. Cela étant, je considère qu'il n'est pas
souhaitable que les propos à venir du député de
Charlesbourg s'inspirent de ce document.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui, j'aimerais faire seulement un commentaire sur la
nature du document. Le président de la commission dit que c'était
une conversation privée, de nature confidentielle, que c'était
donc, j'extrapole là, peut-être un document privé, mais en
même temps il a dit que c'était une conversation au cours de
laquelle il donnait à son directeur de la recherche le mandat de faire
un certain travail professionnel. Ce n'est pas la première fois qu'on a
une fuite de document à l'Assemblée nationale. Je pense qu'on
peut déplorer le fait qu'il y ait des fuites de documents, mais les gens
qui sont aujourd'hui au gouvernement ont aidé à beaucoup de
fuites de documents pendant au moins six ans et de 1970 à 1976 il
pleuvait des documents privés.
Une voix: Toutes les semaines.
M. Marx: D'après le document que je vois, c'est un
procès-verbal assez détaillé d'une réunion entre
deux fonctionnaires d'un organisme public tenue à l'intérieur de
leurs fonctions. Si je me souviens de la conversation de ce matin ou d'hier, on
a établi que le président, lorsqu'il est allé en Europe, a
consulté des experts et qu'il a aussi fait des enregistrements lors de
ces consultations en vue, j'imagine, d'obtenir des documents. Je suppose que
tous ces documents font partie de la documentation de la commission et que
peut-être un jour tout cela sera envoyé aux archives du
gouvernement du Québec. Ce n'est pas une conversation privée dans
le sens qu'il y a une conversation privée entre époux et
épouse ou entre père et fils. Ce n'est pas un document
privé de cette nature. Pensant aux fuites récentes, je penserais
tout de suite aux documents du ministère du Revenu en ce qui concerne
l'impôt des députés. Cela était une fuite de
documents de nature assez privée et il n'y a pas beaucoup de
députés qui ont déchiré leur chemise à
l'Assemblée nationale lorsqu'ils ont pris connaissance de cette fuite.
Donc, en somme, je trouve que le document est de nature publique dans le sens
que c'est un procès-verbal détaillé d'une réunion
de deux fonctionnaires d'un organisme public du gouvernement du Québec
où tous deux étaient à l'intérieur de leurs
fonctions. On peut déplorer le fait que...
Le Président (M. Rivest): M. le député de
D'Arcy McGee, je ne voudrais pas qu'on s'engage sur une discussion quant
à la nature du document. La décision de la présidence est
très simple et très stricte: elle ne fait que permettre au
député de Charlesbourg d'utiliser le document pour adresser des
questions au président de la Commission de la représentation et
dans le cadre très strict du mandat de la commission. Chacun peut avoir
son opinion sur la situation ou sur la nature du document, mais ce n'est
absolument pas pertinent aux travaux de la présente commission.
M. Duhaime: M. le Président... (15 h 30)
Le Président (M. Rivest): M. le ministre et mon
collègue président...
M. Vaugeois: Le député de
Trois-Rivières.
Le Président (M. Rivest): ...le député
de Trois-Rivières, à titre de député.
M. Duhaime: M. le Président, j'aiécouté avec beaucoup d'attention la décision que vous
venez de rendre sur cette question. J'ai pris des notes et je voudrais, dans un
premier temps, vous faire part de mes inquiétudes et, dans un
deuxième temps, m'adresser à nouveau à la
présidence pour demander une directive sur les travaux de cette
commission.
Si j'ai bien saisi le sens de votre décision, vous nous dites
qu'un document, quel qu'il soit, qui se retrouve entre les mains d'un membre de
la commission parlementaire peut être discuté, donc servir de
référence, sans que, pour autant, il ait été
déposé formellement comme document de la commission selon les
règles qui régissent nos commissions parlementaires. Si telle est
votre décision, tout en la respectant, je vous avoue que, sur le plan
des droits et des libertés, cela me chagrine énormément et
ça m'inquiète aussi, comme citoyen, d'abord, et comme
parlementaire ensuite, qu'un député membre de la commission
parlementaire se retrouve aujourd'hui avec, en sa possession, un document qui
vient d'être qualifié par le Directeur général des
élections comme étant un document privé et de nature
confidentielle.
Je ne crois pas abuser des mots, mais le Directeur général
des élections, dans les remarques qu'il vient tout juste de faire, a
plutôt l'impression que ce document a été subtilisé,
pour ne pas dire volé, à son bureau et qu'il se retrouve
aujourd'hui entre les mains d'un membre d'une commission parlementaire qui, ici
à cette table, bénéficie de l'immunité
parlementaire. Je vous avoue que je trouve le procédé ignoble,
pour ne pas dire davantage, et que je suis en quelque sorte un peu
gêné d'être un parlementaire et de pouvoir
bénéficier des mêmes droits. Dieu me garde d'en abuser
jamais!
Ceci étant dit, je me demande si l'Opposition pourrait nous dire
combien de documents elle a en main sur les discussions qui ont eu lieu
à l'intérieur même du bureau du Directeur
général des élections et nous le dire tout de suite parce
que nous allons nous mettre à la tâche de lire ces documents
puisque, si j'ai bien compris votre décision, ils peuvent être
utilisés comme documents de référence. J'avoue ne pas
comprendre très bien la logique rationnelle puisque notre
règlement nous dit, aux articles 48 et 49, que, lorsque des documents
font partie intégrante des travaux de l'Assemblée nationale ou
d'une commission parlementaire, ils peuvent être publiés par
différents médias d'information et bénéficier de
l'immunité parlementaire.
Or, on se trouve dans la situation assez cocasse qu'un document qui
n'est pas déposé, qui, donc, ne bénéficierait pas
de l'immunité parlementaire pour ceux qui voudraient en faire une
diffusion ultérieure, peut être discuté. J'avoue ne pas
comprendre. De deux choses l'une: ou bien un document est déposé,
est admis devant une commission parlementaire ou devant l'Assemblée
nationale et tous ceux qui peuvent en parler ont droit à
l'immunité parlementaire, ou bien il n'est pas admissible en preuve
suivant le texte même des articles de notre règlement et, à
partir de ce moment-là, personne ne peut en parler.
Le Président (M. Rivest): Le ministre soulève une
question. J'ai indiqué que, selon notre droit parlementaire, à
tort ou à raison - chacun peut avoir son opinion à ce sujet -le
député jouit... Ma décision est très précise
et je veux qu'elle soit interprétée en tant que telle, elle est
limitée au niveau de l'Assemblée nationale, en l'occurrence aux
travaux de cette commission, et au droit du député de
Charlesbourg, en l'occurrence, d'utiliser un document. C'est ça, le sens
de la décision. Elle est limitée là. Cette décision
est rattachée à la notion que l'on a du droit de parole et
d'action, dans le cadre des travaux parlementaires, qui est illimité et
qui n'est sanctionné... On peut avoir, chacun, une opinion sur tel ou
tel procédé, sur telle ou telle déclaration, sur tel ou
tel geste qu'un député pose, mais ma décision est
simplement au niveau du droit parlementaire. La sanction aux abus est celle
prévue à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale,
en l'occurrence aux paragraphes 3 et 4 que j'ai cités. C'est dans ce
cadre très strict que ma décision doit être prise et doit
être interprétée et la présidence, comme vous l'avez
indiqué vous-même dans vos remarques, s'en tient à cette
décision.
Maintenant, j'ai une demande de droit de parole sur la question de
règlement du ministre par le député de Gatineau et,
ensuite, quelques commentaires, peut-être plus larges, par le
député de Rousseau, M. le député de
Châteauguay et mon collègue, le député de
Trois-Rivières.
S'il vous plaît, je comprends l'intérêt que les
députés portent à la question, mais, sans vouloir
restreindre indûment le droit de parole des membres de la commission, la
décision de la présidence de l'Assemblée est rendue; je
voudrais qu'on procède aux travaux qui, je vous le rappelle, consistent
à étudier le rapport de la Commission de la
représentation. S'il vous plaît, des interventions courtes.
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Contrairement au
ministre, je ne contesterai pas votre décision, comme il a semblé
vouloir le faire indirectement.
Le Président (M. Rivest): M. le député, la
présidence n'a pas interprété les propos du ministre comme
étant une contestation de la décision.
M. Gratton: D'accord, mais vous me permettrez sans doute
d'appuyer votre décision, M. le Président, en vous citant
l'article 207 de nos règles de pratique qui se lit comme suit:
"Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout
député peut lui demander de le déposer
immédiatement". Par inférence, on doit donc conclure qu'un
ministre ou tout autre député peut citer un document sans que
celui-ci ait été formellement déposé devant la
commission ou devant l'Assemblée. Cela va de soi et cela me surprend que
le ministre en fasse encore tout un plat.
Le ministre nous dit: Le Directeur général des
élections nous a dit: C'est un document privé et confidentiel.
Nous respectons le point de vue du Directeur général des
élections là-dessus, comme celui du ministre, mais nous ne le
partageons pas. Je pense que le député de D'Arcy McGee l'a dit
très clairement: Quant à nous - et je ne reprendrai pas son
argumentation - le document n'est ni un document privé, ni un document
confidentiel. En tout cas, il est sûrement moins confidentiel que la
liste des députés fédéraux qui payaient leurs
impôts ailleurs qu'au Québec.
M, Rochefort: Dites cela en dehors... M. Gratton: Cela va venir.
M. Rochefort: Oui.
M. Gratton: Oui, pressez-vous pas, cela va venir.
M. Rochefort: Sans que vous ayez la couverture de
l'immunité parlementaire, vous êtes prêt à porter des
accusations sur ces listes qui ont été diffusées dans les
médias d'information? Êtes-vous prêt à le faire?
M. Marx: Je suis prêt à le dire que...
M. Rochefort: Vous êtes prêt à le faire, vous
aussi, en dehors de l'immunité parlementaire? Vous mettez votre
siège en jeu?
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Rochefort: Vous mettez votre siège en jeu sur cela?
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, messieurs!
M. Gratton: Est-ce que j'ai la parole?
Le Président (M. Rivest): Je demanderais la collaboration
des députés, s'il vous plaît! La parole est au
député de Gatineau que j'inviterais, si c'est possible, à
conclure ses remarques. Il y a d'autres députés qui veulent
intervenir et nous avons un mandat qui est d'étudier le rapport du
président de la Commission de la représentation.
M. Gratton: M. le Président, le ministre faisait
référence à un document qui a été
volé. Je le prierais de croire que personne de ce côté-ci
n'a volé aucun document.
M. Duhaime: Du recel.
M. Gratton: Que le ministre nous accuse de recel en badinant, je
l'accepte fort bien, on connaît son sens de l'humour proverbial, mais le
fait demeure - je m'en tiens à ma déclaration - qu'on n'a
volé aucun document à personne.
Finalement, M. le Président, le ministre commençait
à nous dire: On ne peut pas permettre - et c'était la
contestation de votre décision, selon moi, à laquelle il se
prêtait - de citer des parties de document ou de poser des questions
à partir d'un document qui n'a pas été
déposé parce qu'on pourrait mal le citer et cela pourrait induire
la commission en erreur. La façon d'éviter cela, M. le ministre,
c'est tout simplement de donner votre consentement et on va le déposer
formellement...
M. Duhaime: Jamais!
M. Gratton: Bien, alors, si c'est jamais, décidez-vous,
branchez-vous, mais laissez l'Opposition faire son travail.
Le Président (M. Rivest): Sur cette question
précise, la présidence voudrait intervenir sur le
dépôt du document. La présidence pose la question à
la commission: Dans la mesure où la sanction prévue à
l'article 55 du règlement, qui est la limite du droit de parole, du
droit d'agir d'un député dans le cadre de nos travaux, s'il
s'avérait qu'effectivement les dispositions de l'article 55, paragraphes
3 et 4, puissent s'appliquer, je signale à la commission qu'il serait
peut-être préférable que le document en question ait, en
l'occurrence, été déposé à la commission -
je ne demande pas le consentement de la commission - parce que la commission,
comme l'Assemblée nationale, en aurait une connaissance parlementaire.
Je signale simplement cela.
M. Duhaime: Est-ce que l'on peut répondre à votre
demande? Est-ce une demande que vous faites?
Une voix: Vous ne m'oublierez pas,
n'est-ce pas?
Une voix: Non.
Le Président (M. Rivest): Bien, si vous voulez.
M. Duhaime: Alors, M. le Président, puisque vous nous
demandez de consentir au dépôt, je vous réponds
formellement: Non, nous ne consentirons pas à ce dépôt
parce que je ne veux pas et mon groupe parlementaire, non plus, cautionner, ni
être complices d'un pareil procédé ignoble...
Une voix: Immoral.
M. Duhaime: ...à propos d'un document qui a
été, sinon subtilisé, du moins volé et qui se
trouve aujourd'hui entre les mains de parlementaires qui se complaisent
joyeusement à nous plaider les droits et les libertés de la
personne. Je pense que la moindre des choses, la moindre des décences,
M. le Président, ce serait que l'on respecte au moins ce qui a
été qualifié par le Directeur général des
élections comme étant un document confidentiel, de nature
privée et qui ne devrait pas se retrouver ici, sur cette table, et
encore moins faire l'objet d'une discussion.
Si la présidence de la commission décide de permettre le
dépôt - M. le Président, Dieu vous en garde, c'est à
vous de prendre la décision - notre consentement, il vous est
refusé et nous ne consentirons pas à ce que j'appellerais...
J'aime autant ne pas dire ce que je pense, M. le Président.
Une voix: C'est celai
Le Président (M. Rivest): M. le ministre, je veux
simplement ajouter que, si la présidence décidait de permettre le
dépôt, elle n'a pas à chercher ou à obtenir le
consentement en vertu des dispositions de l'article 158; elle n'a pas besoin du
consentement de quiconque de la commission, c'est à la discrétion
du président. J'ai simplement voulu attirer l'attention des membres de
la commission sur l'intérêt qu'il pouvait y avoir à ce
qu'il y ait dépôt, j'en reste là, je n'ai rien d'autre
à ajouter.
Alors, s'il vous plaît, rapidement parce que chacun peut livrer
ses états d'âme qui sont extrêmement pertinents au
débat, mais je voudrais que l'on revienne au mandat de la commission au
plus tôt.
Une voix: À quelle heure on va être...
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Châteauguay, M. le député de Rousseau et M. le
député de Trois-Rivières, président de la
commission, d'ailleurs.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Si on m'avait
accordé la parole quand je l'ai demandée, ce serait
déjà terminé et ce serait surtout bien pertinent aux
propos sur lesquels je voulais d'abord réagir, c'est-à-dire sur
ceux du Directeur général des élections.
Je voudrais savoir de la part de M. Côté si c'est sa
politique de faire transcrire automatiquement la cassette aussitôt que
c'est terminé, après qu'il y a eu enregistrement d'une
séance de travail ou d'une conversation avec quelqu'un. Cela
m'éclairerait beaucoup sur le fonctionnement et peut-être sur le
sens que l'on doit accorder à la démarche qui est faite
présentement par le député de Charlesbourg. Est-ce une
initiative de quelqu'un de votre personnel de l'avoir transcrite, cette
cassette, ou si c'est automatique que cela se passe comme cela,
c'est-à-dire qu'aussitôt qu'il y a eu un enregistrement on en fait
la transcription?
M. Côté (Pierre-F.): Dans l'exemple dont on discute
présentement, les conversations que j'ai avec M. Dumas, j'ai dit
tantôt que cela s'est produit à quelques occasions. Il faudrait
que je demande à M. Dumas s'il les a transcrites automatiquement. Il est
reparti avec l'appareil enregistreur et, dans ce cas-là, il la fait
retranscrire. M. Dumas me répond que c'est non.
M. Dussault: Vous étiez volontaire à cette
transcription, est-ce cela que je dois comprendre?
M. Côté (Pierre-F.): Pardon?
M. Dussault: Est-ce que vous étiez volontaire à
cette transcription?
M. Côté (Pierre-F.): Si j'étais d'accord pour
qu'il y ait...
M. Dussault: Oui?
M. Côté (Pierre-F.): Oui, oui.
M. Dussault: Vous étiez d'accord pour que ce soit
transcrit.
M. Côté (Pierre-F.): Oui.
M. Dussault: Bon. Donc, il y avait un risque inhérent
à votre fonctionnement.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Rousseau.
M. Dussault: Deuxièmement...
Le Président (M. Rivest): Pardon, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: ...je voudrais...
M. Doyon: Qu'est-ce qu'il y a...
M. Dussault: Vous, M. le député de
Louis-Hébert, avec ce que l'on a entendu hier, vous devriez vous
taire.
M. Doyon: Continuez, continuez, vous allez bien.
M. Dussault: Vous avez eu tellement honte que vous êtes
parti immédiatement.
M. Doyon: Continuez, on vous écoute.
M. Dussault: Cela me fait de la peine de parler à nouveau.
Je sais que je fais beaucoup de peine à M. le député de
Gatineau quand je prends la parole, mais cela ne fait rien.
Le Président (M. Rivest): Si vous continuez, vous allez
faire de la peine à la présidence!
M. Dussault: Cela va vous en faire aussi! Cela va être
encore plus triste!
M. le Président, étant donné que, quand même,
ce document n'est pas volontairement rendu public par le Directeur
général des élections, il ne m'apparaît pas
souhaitable qu'on l'utilise ici, aujourd'hui. Bien sûr qu'à partir
du moment où M. le député de Charlesbourg va citer des
extraits de ce document nous pourrons, tous ici - cela va être notre
droit - demander qu'il soit déposé. (15 h 45)
Personnellement, ce n'est pas mon intention, loin de là, de
demander le dépôt de ce document parce que moi aussi, je
considère qu'utiliser ce document ici alors que le propriétaire
du document n'est pas d'accord, que c'est un document privé, ça
peut faire l'objet de démarches judiciaires par la suite. J'appelle le
député de Charlesbourg au sens des responsabilités qui
doit être celui des parlementaires à l'Assemblée nationale.
Je fais donc appel pour qu'il n'utilise pas ce document aujourd'hui, pour faire
en sorte que cette histoire se termine.
Je sais que ce ne sera pas facile de mettre fin à cette fuite et
à ses conséquences puisque - je l'ai su de bonne source à
midi - vous aviez à peine commencé à dire que vous aviez
en main la transcription d'une conversation - pas le procès-verbal,
comme le député de D'Arcy McGee l'a dit, mais une transcription
d'une conversation - que cela commençait déjà à
être distribué aux journalistes. Cela démontre bien que
vous aviez fomenté votre action, que vous l'aviez pesée d'un bout
à l'autre.
Malgré tout, je vous demande à vous, M. le
député de Charlesbourg, de ne pas utiliser un document qui est
à caractère privé parce que le propriétaire ne vous
en donne pas la permission. Je demande aussi aux journalistes de ne pas rendre
public le contenu de cela pour une raison supplémentaire à tout
ce qui a été dit, M. le Président. C'est que, quand on
regarde ce document, il n'est pas "travaillable". À tout bout de champ,
on n'est pas capable de saisir ce qui est écrit pour la raison qu'il
manque de grands bouts. On ne peut pas attacher la crédibilité
qu'on voudrait à un tel document parce que ce n'est pas un document qui
est fait pour pouvoir y attacher la crédibilité qu'on voudrait,
nous, lui donner, ici en commission parlementaire. Pour ces raisons, en plus de
celles qui ont été données par mes collègues tout
à l'heure, je demande au député de Charlesbourg
d'être assez responsable ici à cette commission pour ne pas
utiliser le contenu de ce document.
Le Président (M. Rivest): Merci, M. le
député de Châteauguay. M. le député de
Rousseau renonce à son droit de parole pour l'instant, en tout cas. M.
le député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Au début des travaux, je me suis permis de
rappeler le mémoire que je vous avais présenté à
Trois-Rivières. Je vais y faire référence à
nouveau. Je m'étais permis un peu malicieusement de rappeler le mandat
qui était celui du Directeur général des élections
et les fonctions du Directeur général des élections.
J'avais rappelé que, pour vous donner le nouveau mandat, celui dont vous
rendez compte actuellement, il avait fallu amender la loi vous visant. Je ne
suis pas un expert dans toutes ces matières, mais on vient de me sortir
la Loi électorale qui rappelle quels sont vos fonctions et vos pouvoirs.
À l'article 183, on dit bien que le Directeur général des
élections a pour fonction de veiller à l'application de la
présente loi, de la Loi sur les listes électorales et de la Loi
régissant le financement des partis politiques.
À première vue, je ne trouve nulle part, si vous voulez,
une responsabilité qui serait la vôtre de changer les lois ou de
les faire évoluer. Vous avez à veiller à leur
application.
Le document qui a circulé remonte à juin 1981, alors que
vous êtes Directeur général des élections. Vous vous
entretenez avec un directeur de la recherche qui travaille dans le cadre de
l'application des lois existant à ce moment. Bien sûr que vous
avez le droit d'avoir des opinions sur le fonctionnement des lois
électorales dans le monde, de la Loi électorale au Québec,
du mode de scrutin que nous pratiquons ici. Vous vous préoccupez,
à ce moment, de la fabrication des listes électorales, c'est
évident et c'est normal, c'est souhaitable.
Que vous ayez des idées sur l'évolution
du mode de scrutin, je trouve cela assez normal et sain de la part d'une
personne qui a les responsabilités que vous avez à ce moment.
Mais vous n'êtes pas, dans le cadre des fonctions de président de
la Commission de la représentation, chargé de remplir le mandat
donné en juin 1983 par l'Assemblée nationale. Je le rappelle,
nous avons dû modifier la loi vous donnant existence pour pouvoir vous
donner le mandat dont vous avez rendu compte dans le document que nous
étudions actuellement ou que nous devrions étudier
actuellement.
Je trouve que le plus qu'on pourrait faire, en toute logique, c'est de
savoir ce que vous pensiez personnellement, plus de deux ans avant que
l'Assemblée nationale décide de vous demander de remplir le
mandat qu'on vous a précisé en juin 1983. Donc, dans une
conversation privée que vous avez avec votre directeur de recherche,
essayer de voir quelles étaient vos idées, deux ans à
l'avance, sur un mandat que personne n'avait prévu qu'on vous donnerait,
tellement que le législateur, au moment où il a adopté la
loi qui vous concerne, n'avait même pas pensé à vous donner
le pouvoir, le mandat ou les fonctions de faire ce qu'on vous a demandé
de faire en juin 1983.
Je trouve que faire un grand usage de ce document... En tout cas, je ne
vois pas tellement comment on peut me demander, à moi personnellement,
alors que j'ai écrit des choses dans le cadre d'une autre fonction, d'en
rendre compte dans le cadre d'un mandat que je remplirai d'une autre
façon. Si on me donne le mandat, je remplis mon mandat et même
au-delà de mes opinions personnelles pendant un bon bout de temps.
Je pense que le mandat qu'on vous a donné était de vous
tourner vers la population, vers les experts et vers des observateurs. On ne
vous a pas demandé, à vous personnellement, de donner vos
états d'âme dans le rapport que nous avons à
étudier. On vous a demandé de faire une étude aussi
objective que possible, alors que, dans la conversation que vous avez, vous
débordez le cadre du mandat que vous aviez à l'époque et
vous ne pouvez pas tenir des propos objectifs. Vous tenez des propos subjectifs
et privés.
C'est une opinion personnelle que je donne en tant que membre de la
commission. Je ne veux pas entrer dans le débat que mes collègues
ont soulevé, mais, en tout cas, je sais, puisqu'on a fait allusion
à des gens qui pratiquaient le métier d'historien, que si j'avais
à utiliser, comme historien, le document de 1981, j'en tiendrais compte
comme d'un document de juin 1981.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Rivest): Alors... Non...
M. Marx: ...parce qu'il a contredit quelque chose que j'ai dit et
implicitement il veut dire que...
Le Président (M. Rivest): Je pense que c'est l'objet d'une
commission parlementaire. Il est possible qu'il y ait contradiction. Si, chaque
fois qu'il y a contradiction, les gens demandent la parole... Si c'est
simplement le point que vous voulez établir, non.
M. Marx: Mais, premièrement, M. le Président,
je...
Le Président (M. Rivest): Quelle est la nature de...
Est-ce que vous voulez simplement engager un débat avec le
député de Trois-Rivières?
M. Marx: Non, non.
Le Président (M. Rivest): Je ne permettrai pas ces
interventions-là. Il faut revenir au mandat de la commission.
M. Marx: M. le Président, quand...
Le Président (M. Rivest): II me semble qu'on a... Il y a
le député de Gouin qui m'a demandé la parole. Je suis
prêt à lui accorder la parole, mais si vous voulez simplement
engager un débat sur certains aspects évoqués par le
député de Trois-Rivières, je ne peux pas permettre cela.
Il faut quand même être raisonnable...
M. Marx: Non, je veux seulement...
Le Président (M. Rivest): ...et en arriver au mandat. La
parole est au député de Gouin.
M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. Je ferai une
courte intervention pour rappeler à tous les membres de la commission et
particulièrement au député de D'Arcy McGee, qui aurait
peut-être avantage à m'écouter pour quelques instants,
qu'il y a une chose fondamentale dans la Loi électorale au
Québec, qui s'appelle l'indépendance de l'institution que
représente et que constitue en même temps le Directeur
général des élections et le président de la
Commission de la représentation. Dans votre intervention tantôt,
vous nous disiez qu'on ne pouvait prétendre qu'il s'agissait d'un
document privé ou d'une discussion privée parce que, disiez-vous,
il s'agissait d'une conversation entre deux fonctionnaires du
gouvernement...
M. Marx: À l'intérieur de leurs fonctions.
M. Rochefort: ...et c'est faux. Ce ne sont pas deux
fonctionnaires du gouvernement
du Québec. Ce sont deux fonctionnaires, deux titulaires de
responsabilités qui relèvent d'une nomination de
l'Assemblée nationale du Québec et qui jouissent d'une
indépendance totale dans les actions et les gestes qu'ils ont à
poser. J'espère que vous allez en tenir compte. C'est fondamental dans
le débat qui s'est engagé avec l'erreur, avec l'immoralité
commise par le député de Charlesbourg tantôt. Le Directeur
général des élections jouit, comme individu, non pas
à cause de sa personne, mais à cause des fonctions qu'il assume,
qui lui ont été déléguées par
l'Assemblée nationale du Québec, d'une indépendance totale
que nous devons être les premiers à respecter. C'est fondamental.
Si vous ne tenez pas compte de cela, je comprends difficilement comment vous
faites pour siéger à l'Assemblée nationale et participer
au choix du Directeur général des élections et aux
décisions quant au contenu des législations qui concerne la Loi
électorale et la Loi de la représentation électorale. En
conséquence, l'argumentation que vous avez développée
tantôt est absolument fausse et erronée. Elle ne peut nous amener
à conclure qu'il s'agit d'un document public ou d'une conversation
publique.
Le Président (M. Rivest): M. le...
M. Rochefort: Je conclurai, M. le Président...
Le Président (M. Rivest): Oui.
M. Rochefort: ...sur le geste qu'a posé le
député de Charlesbourg que, si son chef, Robert Bourassa, a dit
que vouloir changer le mode de scrutin à ce moment-ci relevait d'une
grande immoralité publique de la part du gouvernement, j'ai aujourd'hui
un exemple beaucoup plus éloquent, beaucoup plus précis et
beaucoup plus grave d'immoralité qu'un homme public peut poser.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député
de D'Arcy McGee et, par la suite, M. le député de Sainte-Marie.
Vous êtes trop tranquille, M. le député de Sainte-Marie!
Faites-vous remarquer. Suivez l'exemple de vos collègues.
M. Marx: Le moins que je puisse dire, M. le Président,
c'est que j'ai été aussi pertinent que le député de
Gouin. Je veux juste prendre 30 secondes pour clarifier certaines remarques que
j'ai faites ou qu'il a faites. Premièrement, quand j'ai parlé de
fonctionnaires, j'ai parlé au sens large du terme, c'est-à-dire
des employés du gouvernement. Je pense que ce n'était pas sur
une...
M. Rochefort: Je ne suis pas ici pour interpréter ce que
vous dites. Je suis ici pour entendre ce que vous dites.
M. Marx: Bon! S'il est tellement nerveux, il peut...
M. Rochefort: Je ne suis pas nerveux. Au contraire.
Une voix: C'est depuis qu'il est fédéraliste!
M. Marx: Bon! Le député de Trois-Rivières a
parlé d'un document privé. Dans le document, on voit que le
directeur général a donné un mandat au directeur de la
recherche. Ce n'était pas un mandat pour faire du "moonlighting";
c'était un mandat à l'intérieur de sa fonction. Dans ce
sens, ce n'était pas privé.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
D'Arcy McGee, je ne veux pas que vous fassiez des commentaires sur le contenu
du document et j'insiste là-dessus. La parole est au
député de Sainte-Marie. Ensuite, promettez-moi tous de revenir au
mandat de la commission.
Des voix: Promis.
Le Président (M. Rivest): Merci.
M. Bisaillon: M. le Président, moi, c'était pour
poser des questions au directeur de la commission sur son rapport. Est-ce qu'on
est rendu là?
Le Président (M. Rivest): J'ai fait une demande pressante
à cet effet. M. le député de Sainte-Marie, si vous voulez
procéder de la sorte, vous allez faire le plus grand bonheur et combler
la présidence. Cependant, vous poserez vos questions à la suite
du député de Charlesbourg puisque c'est lui qui a la parole.
Immédiatement après le député de Charlesbourg, M.
le député de Sainte-Marie.
Mode de scrutin actuel et formules proposées
(suite)
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
trois heures et demie plus tard, j'ai encore les deux mêmes questions que
j'avais à 12 h 5. Donc, je vous remercie de me donner la parole et de me
donner l'occasion de les poser à M. Côté.
Je prends bonne note des propos du président de la commission, le
député de Trois-Rivières, à savoir qu'on se
référait à un document de 1981 et que c'étaient des
opinions de 1981. D'ailleurs, si on avait pu engager la conversation ou
l'échange plus tôt, comme c'est exactement aujourd'hui
trois heures et demie plus tard les mêmes questions que j'ai, on
aurait pu régler le problème assez vite.
On s'est dit, ce matin ou ce midi lorsqu'on a commencé, que vous
avez eu un mandat en 1983. Je ne pense pas, comme je l'ai dit ce matin,
révéler de secret en disant que le cartable noir qui est devant,
en octobre 1982, était une étude exhaustive de ce qui s'est
passé en termes de réforme au Canada et à travers le monde
sur les changements du mode de scrutin: une très bonne étude, un
très bon document de référence. À mes yeux, pour
que ce document arrive un de ces jours, il a fallu qu'on passe une commande
quelque part, d'où tout le débat qui s'est déroulé
en termes de procédure par la suite et qui faisait
référence à un document qui n'est pas
déposé.
À quel moment a-t-il été question de la formation
soit d'une commission ou d'un comité pour étudier l'ensemble du
problème du mode du scrutin? C'est ma première question.
M. Côté (Pierre-F.): Voulez-vous dire à mon
bureau?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, chez vous.
M. Côté (Pierre-F.): Il faudrait que je fouille dans
mes souvenirs pour savoir à quel moment. Ce que je peux vous donner
comme élément de réponse à ce stade-ci, c'est que,
dans l'exercice normal de mes fonctions, il me revient d'être au courant
de ce qui s'exprime et de ce qui se dit au niveau des questions
électorales. Le mode de scrutin est, évidemment, une de ces
questions.
M. le député de Trois-Rivières a, tout à
l'heure, lu l'article 181; il faudrait peut-être lire également la
première ligne du deuxième alinéa qui se lit comme suit:
"À l'égard de ces lois, il peut procéder à
l'étude et à l'évaluation des mécanismes
électoraux". Or, j'ai une opinion qui m'a été
exprimée à un moment donné, à savoir que cela avait
une signification assez large, les mécanismes électoraux. J'ai
une autre opinion qui m'a également été donnée,
à savoir que ma première responsabilité, comme vous l'avez
souligné, c'est, évidemment, de voir à l'application des
lois qui sont adoptées. Mais je pense qu'on me reprocherait de ne pas
avoir une certaine prévision à l'avenir à l'égard
de lois ou de modifications qui pourraient être apportées au
système électoral.
Je vous signale qu'à l'égard du mode du scrutin
lui-même, si mon souvenir est exact, pas très longtemps
après mon entrée en fonctions, je me suis posé des
questions à ce sujet. Je suis entré en fonctions en 1978 et,
comme il en était question depuis un certain nombre d'années
déjà, je me suis, évidemment, posé des questions.
De là à vous dire de façon très précise le
mandat que j'ai pu donner au directeur de la recherche de faire tels, tels ou
tels travaux en rapport avec cette question, il faudrait vraiment que je
recoure à mes archives ou à mes dossiers personnels pour vous
donner la date précise ou le moment précis. (16 heures)
Les travaux qui ont été faits et les conversations que
j'ai eues avec le directeur de la recherche étaient des échanges
que je qualifierais de préparatoires à une meilleure connaissance
de ce dossier. Vous savez, par exemple, que la petite histoire du mandat qui a
été confié à la Commission de la
représentation - peut-être certains ne s'en souviennent-ils pas -
a originé de la façon suivante: le premier ministre a
envisagé la constitution d'une commission parlementaire, ce qui a
été refusé à l'époque par le leader de
l'Opposition. La suggestion qu'a faîte M. Gérard D. Levesque
à l'époque a été de confier cette
responsabilité au Directeur général des élections.
Cela a abouti au conseil consultatif. Or, cela a été une des
façons. Parmi les cheminements qu'il y a eu, vous savez,
évidemment, qu'au conseil consultatif il y a eu une impasse et que,
subséquemment, au mois de juin 1983, ce mandat a été
confié à la Commission de la représentation. Il va de soi
qu'à partir de ce moment-là nous avons travaillé à
fond sur cette question.
M. Côté (Charlesbourg): Ma deuxième question
est celle-ci: Mettons-nous dans l'hypothèse où une formule, que
ce soit la RPRM, la RPC, la RPT ou une autre formule qui pourrait être
déposée, ferait l'objet d'un consensus de la part du gouvernement
et serait finalement adoptée. On serait devant l'application de cette
formule et de toute la mécanique que cela nécessite sur le plan
électoral.
Le 22 mai 1984, lorsqu'on s'est rencontré à l'étude
des crédits qui vous concernent, vous aviez dit, à ce
moment-là: "La dernière observation que je voudrais soumettre,
c'est que je crois les Québécois assez intelligents et assez
ouverts pour être capables de comprendre rapidement les changements qui
pourraient intervenir dans un mode de scrutin. Je pense que là-dessus il
ne faut pas douter de leur facilité de compréhension. Je crois,
par ailleurs, que pour les députés c'est un problème qui
est extrêmement délicat et difficile." Vous allez voir que ma
question va dans le sens que l'a souhaité tantôt le
président de la commission. Je pense qu'à un certain moment vous
avez eu des opinions contraires qui étaient inspirées du
vécu, de la réforme de la carte électorale au niveau des
comtés de Jean-Talon et de Louis-Hébert où les gens
avaient eu beaucoup de difficultés à se
retrouver parce que cela impliquait des changements de territoire et des
changements d'habitudes pour qui y votait. À ce moment-là, vous
aviez été à même de constater qu'il y avait des
difficultés à faire comprendre à l'ensemble de la
population les changements de territoire dans ce cas-là. Je pense que
les changements qu'on propose dans la réforme du mode de scrutin sont de
nature beaucoup plus importante et, donc, nécessitent un niveau de
compréhension de la part de la population ou un effort
supplémentaire pour comprendre l'application de tout cela et mener
à terme cette réforme.
J'aimerais savoir ceci: Entre cette position et celle que vous nous avez
donnée en mai 1984, qu'est-ce qui vous a permis, finalement, de changer
d'idée, de croire qu'un changement aussi majeur pouvait facilement
être applicable au Québec?
M. Côté (Pierre-F.): C'est la tournée que
nous avons faite dans toute la province. Ce sont les 19 jours d'audiences que
nous avons tenues dans dix ou onze villes. Je me suis même fait la
réflexion, à la suite de cette tournée éclair qu'on
a faite, qu'il serait souhaitable pour un grand nombre de hauts fonctionnaires
- je ne veux pas viser d'autres catégories de personnes - de faire une
semblable tournée pour prendre le pouls de la population comme nous
l'avons fait.
Entre le premier fait que vous avez mentionné et le
deuxième, il y a eu cette consultation qui, pour ma part, m'a
confirmé dans l'opinion que je vous ai exprimée, soit -et je
continue à le croire - que je considère que les
Québécois sont assez intelligents pour absorber rapidement des
modifications majeures.
M. Côté (Charlesbourg): Dans ce cas précis,
c'est la tournée qui vous a permis de changer votre idée
là-dessus?
M. Côté (Pierre-F.): Je n'ai pas changé
d'idée. Je comprends mal votre question.
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire, pour
qu'on se situe très bien, que lors de la réforme de la carte
électorale pour l'élection de 1981, une partie de
Louis-Hébert s'est retrouvée dans le comté de Jean-Talon.
Vous auriez déclaré à l'époque que des gens
réussissaient difficilement à se retrouver dans le changement de
la carte électorale, en ce sens que la partie de Saint-Louis-de-France
qui était auparavant dans Louis-Hébert était maintenant
dans Jean-Talon et que les gens avaient de la difficulté: certains
allaient voter pour Jean-Claude Rivest, alors que d'autres voulaient voter pour
un autre candidat dans Louis-Hébert; les gens étaient
mêlés. Vous auriez déclaré cela, finalement, que les
gens avaient donc une certaine difficulté à absorber ces
changements et à les comprendre. C'est un changement de nature
territoriale au niveau de deux comtés. Par contre, ce que je vous dis,
c'est que le changement de mode de scrutin, lui, est beaucoup plus substantiel
et va demander une mécanique - on l'a vu par le bulletin de vote - qui
est, quand même, passablement difficile. Je tirais ceci comme conclusion;
elle peut être erronée, vous aurez le droit de me contester.
J'avais cru déceler que chez vous, au niveau de la carte
électorale, vous aviez eu des difficultés de compréhension
de la part des gens et qu'il y avait eu donc, dans ce sens-là, chez vous
une évolution dans votre pensée vis-à-vis de la
capacité des Québécois d'absorber des changements. En ce
sens-là, je me demandais ce qui chez vous avait provoqué ce
changement d'opinion. Vous m'avez répondu tantôt que
c'était par les auditions ou la tournée dans tout le
Québec.
M. Côté (Pierre-F.): Non, je vais préciser ma
réponse. Je comprends mieux votre question. C'est exact que j'ai dit, au
moment de la modification de la carte, qu'il pouvait pour certaines personnes
être difficile de se retrouver dans tel territoire. On peut encore dire,
par exemple, que des électeurs sur l'île de Montréal ne
savent même pas dans quelle circonscription ils sont situés. C'est
un peu la même chose dans certains coins de la région de
Québec. Les électeurs, on fait des efforts pour essayer de les
informer de la circonscription de leur domicile, mais ce n'est pas toujours
facile pour eux. Mais, entre cette difficulté, le fait que ce ne soit
pas toujours facile, et le fait qu'on doive se poser la question: Est-ce une
difficulté ou est-ce une objection absolument insurmontable, avant de
dire: Eh bien, écoutez, les Québécois ne seront pas
capables ou ce sera trop difficile pour eux de s'adapter à un nouveau
mode de scrutin ou de le comprendre, il y a là un pas à franchir
et l'opinion de l'un est aussi bonne que celle de l'autre. Je vous exprime mon
opinion, que je pense que les gens sont capables, mais on peut diverger
d'opinion à ce sujet.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez droit à
votre opinion et j'ai droit à la mienne, et je pense que, dans ce
sens-là, une opinion vaut l'autre.
M. le Président, c'étaient, tout simplement, les deux
questions que j'avais à poser à ce moment-ci.
Le Président (M. Rivest): Alors, M. le
député de Sainte-Marie.
Sort réservé aux députés
indépendants
M. Bisaillon: M. le Président, vous vous
doutez bien que je voudrais interroger les membres de la commission sur
le sort qu'ils ont ou, plutôt qu'ils n'ont pas réservé aux
députés indépendants dans leur rapport, à deux
égards, d'une part, au niveau des candidatures indépendantes et,
d'autre part, en termes de changement en cours de mandat. Si vous me le
permettez, je vais commencer par la situation faite aux candidatures
indépendantes dans la formule que vous proposez. Vous avez
distribué hier un bulletin de vote et j'ai remarqué que, sur le
bulletin de vote, vous indiquez aux citoyens dans les notes explicatives
qu'à partir du moment où ils votent pour un candidat
indépendant, le candidat étant assimilé à un parti
politique, ils ne font ultérieurement que dix choix de candidats. Je ne
me trompe pas jusque-là, M. le Président?
Une voix: Sur onze.
M. Bisaillon: Sur onze, oui. Dans l'exemple qu'on avait hier, il
y a onze sièges à combler et vous indiquez dans les notes
explicatives qu'à partir du moment où quelqu'un votait pour un
candidat indépendant il ne faisait ultérieurement que dix choix;
le candidat indépendant étant assimilé à un parti
politique.
Ma question est: Pourquoi la commission a-t-elle pris cette solution au
niveau du vote et pourquoi jusqu'à un certain point les commissaires
ont-ils accepté que, par rapport à d'autres candidatures, le
candidat indépendant soit désavantagé?
Est-ce que je dois poser toutes mes questions en même temps?
Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député.
À moins que pour les fins de convenance... Allez-y plutôt une
à une. Prenez le temps, M. le directeur.
M. Côté (Pierre-F.): Je vais demander à M.
Bourassa de donner un début de réponse et, s'il y a lieu, je
compléterai.
M. Bourassa: Si vous permettez, M. le député de
Sainte-Marie, cette question avait été abordée, entre
autres, ce matin. Je peux y revenir brièvement. Vous soulevez un
problème que nous avons beaucoup discuté au sein de la commission
lors de la rédaction de ce rapport. Nous avons aussi dit ce matin que,
dans ce rapport, il y avait une recommandation et des
préférences. Je vous avouerai que c'est un des points sur
lesquels les préférences étaient assez variées, si
l'on peut dire.
Pourquoi, par ailleurs, avons-nous, finalement, adopté ce point
de vue? C'est matière à opinion et à discussion. C'est en
fonction d'une recherche qu'on pourra trouver excessive en certains milieux -
je pense que c'est votre opinion - de la stabilité. Tout en voulant
donner dans un nouveau mode de scrutin des moyens d'ouverture à des
courants idéologiques qui, jusque-là, n'arrivaient pas à
s'exprimer et aussi, assouplir en quelque sorte toute notre mécanique
politique, il y avait quand même un certain nombre d'autres
mécanismes que nous voulions préserver pour éviter un peu
ce que l'on pourrait considérer comme une forme d'émiettement.
C'est essentiellement pour des raisons qui touchent à la
stabilité et à une certaine cohérence dans le choix
politique, aussi - opinion à laquelle nous nous sommes ralliés -
parce que le vote que donne le citoyen est quand même très
généralement lié, bien sûr, à un individu,
à une personnalité, mais aussi à un parti et qu'il y
avait, donc, une espèce de filière à suivre dans
l'évolution d'un mandat.
Je vous donne là, disons, les deux grandes raisons de ce choix,
mais je pense qu'il serait, encore une fois, très honnête et
très important de vous souligner que c'est un sujet sur lequel il y a
sûrement à discuter.
M. Côté (Pierre-F.): J'ajouterais une
précision technique, si vous le permettez. Le vote pour un candidat
indépendant est assimilé à celui d'un parti politique.
Cependant, ce vote se fait pour une personne, pour un individu et non pas pour
un parti, de sorte qu'il faut que, dans les autres votes, il y ait un vote de
moins pour une personne. C'est si manifeste que sur le modèle, on a
à votre disposition une des façons dont le bulletin de vote
pourrait être fait.
M. Bisaillon: Je comprends cela, M. Côté, mais
j'aurais compris qu'on me serve l'argument de la stabilité
gouvernementale dans l'autre cas dont je vais parler tantôt plutôt
qu'au moment du vote. Je comprends fort bien ce que vous me dites, soit que le
candidat indépendant est assimilé à un parti. Par
ailleurs, le citoyen qui vote, mettons, pour le Parti libéral peut
décider par la suite, une fois qu'il a accordé son vote au Parti
libéral, de voter, à l'intérieur de l'ensemble des
candidats, de l'ensemble des partis, par exemple, pour toutes les femmes, peu
importe de quel parti elles sont. Est-ce que je me trompe?
Un citoyen pourrait-il accorder son vote au Parti libéral et, par
la suite, dans un deuxième temps, voter, s'il y a onze sièges
à combler, pour onze femmes, cinq du Parti libéral, cinq du Parti
québécois et une du parti socialiste, mettons?
M. Lessard: Je vais reprendre ce que M. Côté disait
tout à l'heure. Lorsque l'indépendant vote indépendant, il
vote en même temps pour un candidat indépendant, ce qui fait un.
D'accord? Il y a onze sièges à combler. Si on en ajoutait onze
autres,
cela en ferait douze.
M. Bisaillon: On s'entend jusque-là, mais le contraire
n'est pas vrai. Par la façon de voter que vous présentez,
à la fois dans le rapport et dans le bulletin de vote, le contraire
n'est pas vrai. Moi, comme citoyen, je ne peux pas accorder un vote au Parti
libéral et choisir par la suite dans les onze candidatures celle du
candidat indépendant. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus aussi?
Vous le permettez, par exemple, pour des femmes au niveau de l'ensemble des
partis politiques, mais vous interdisez au citoyen d'accorder le vote à
un parti reconnu, mais vous l'empêchez de choisir un individu parce qu'il
est candidat indépendant. Voulez-vous que je me répète?
(16 h 15)
M. Côté (Pierre-F.): J'ai bien compris votre
question. Je pense que j'ai la réponse. Je vais essayer d'être le
plus clair possible. On a passablement discuté de cela, mais il s'agit
de l'exprimer le plus clairement possible. Le vote pour un candidat
indépendant, c'est le premier vote. Il y a deux votes dans notre
façon de procéder. Ce n'est que par le premier vote qu'un
candidat indépendant peut être élu.
M. Bisaillon: Et c'est le seul. M. Côté
(Pierre-F.): Oui.
M. Bisaillon: Une fois qu'il a reçu un vote, soit celui
assimilable au parti, c'est terminé pour lui.
M. Côté (Pierre-F.): Oui.
M. Bisaillon: Mais si le citoyen vote pour le Parti
libéral, pour le Parti québécois ou pour l'Union
Nationale...
M. Côté (Pierre-F.): À ce moment-là,
ce deuxième vote...
M. Bisaillon: ...vous n'interdisez pas au candidat... Ne parlons
plus du candidat. Vous interdisez au citoyen, parmi les onze postes sur
lesquels vous l'autorisez à voter, de voter pour une candidature
indépendante alors que, dans le cas des femmes l'exemple que je donnais
tantôt - vous allez lui permettre d'aller piger dans l'ensemble des
listes des partis politiques.
M. Côté (Pierre-F.): Nous croyons que c'est la
façon...
M. Bisaillon: Voulez-vous que j'aille plus loin, M.
Côté? Si moi, comme citoyen, après avoir accordé mon
vote au parti de mon choix, soit le Parti libéral, soit le Parti
québécois, soit l'Union Nationale, semble-t-il de plus en plus,
je décide que je vais voter pour toutes les femmes qui seront
candidates, peu importe leur appartenance, s'il y avait une femme candidate
indépendante, je ne pourrais pas voter pour elle. Non, je ne pourrais
pas voter pour elle parce que, lorsque le citoyen vote pour un candidat
indépendant, il doit diminuer d'un au niveau des choix de candidats.
Autrement dit, le vote de candidats...
Je suis très libre pour parler de cette question-là parce
que je ne suis pas candidat indépendant et fort probablement que je ne
serai pas candidat indépendant à la prochaine élection. Je
ne suis pas en conflit d'intérêts du tout, sauf que je trouve que,
dans la logique du rapport de la commission, dans son ouverture à
laisser le citoyen le plus libre possible du choix non seulement des partis
politiques, mais des personnes à l'intérieur d'une région,
il y a une incohérence à ce niveau-là qui devrait, selon
moi, être corrigée. Dans certains cas, vous laissez le choix
complètement libre au citoyen et, dans l'autre cas, celui des
candidatures indépendantes, vous le bloquez.
M. Côté (Pierre-F.): Remarquez qu'il y a
peut-être une autre solution. Notre raisonnement est que, le candidat
indépendant n'ayant pas de liste, il est considéré comme
étant l'équivalent d'un parti politique. Or, le premier vote,
dans le système que nous proposons, est un vote accordé à
un parti politique qui permet par la suite l'attribution d'un nombre de
sièges.
M. Bisaillon: Mais ce que vous laissez pour compte, à ce
moment-là, M. Côté, c'est au départ tous les gens
qui ont décidé de ne pas voter pour les grands partis en cause.
Vous ne laissez pour compte que cette catégorie d'électeurs, mais
vous m'empêchez et vous empêchez des électeurs - on a
parlé beaucoup de la relation électeurs-élus - qui
voudraient manifester leur choix de gouvernement, par exemple, en indiquant
leur choix du Parti libéral ou du Parti québécois, vous
leur interdisez de considérer possible que moi, qui suis
indépendant, qui ne suis relié à aucune des formations
politiques, je puisse quand même être un des représentants
élus dans leur région.
M. Côté (Pierre-F.): D'abord, je rappelle ce que
vous venez de dire. Le premier vote, c'est pour l'ensemble des
représentants, pour former le Parlement dont, évidemment, un
candidat indépendant, à la limite, peut également faire
partie. Le deuxième vote, c'est pour le choix des candidats.
Le problème que vous soulevez est un problème réel.
La solution que nous proposons, c'est - je répète ce que j'ai dit
ce matin à l'occasion d'une autre question -une suggestion que nous
faisons. Si, à la
suite de l'échange qu'on a présentement ou
subséquemment, il vous vient à l'esprit une solution, une
façon de procéder qui soit dans la ligne des exigences d'un vote
proportionnel, je n'y verrais aucune objection. La formule qu'on propose n'est
pas une formule à laquelle nous tenons mordicus. C'est dans la
catégorie des suggestions que nous faisons. Si on peut la bonifier, j'en
serais très heureux.
M. Bisaillon: Un dernier commentaire, M. le Président, si
c'est toujours intéressant. Étant donné qu'on est sur le
contenu, je pense que cela perd un peu de son intérêt, mais si
c'est toujours intéressant, j'aurais un autre point à traiter
toujours sur les candidatures.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Sainte-Marie, vous avez la parole.
M. Bisaillon: Merci. En terminant sur cette question-là,
je veux juste vous souligner que peut-être la solution serait de ne pas
interdire, une fois qu'on a fait le choix d'un parti politique, le choix d'une
candidature indépendante parmi le total des choix à faire.
Autrement dit, si le vote de parti est un vote indépendant - ce que vous
soulignez sur votre bulletin de vote - bien sûr, ça diminue le
nombre de choix à faire par la suite de un. Mais, si le premier vote, le
vote de parti, n'est pas un vote indépendant, mais un vote pour un parti
reconnu, que l'on permette quand même au citoyen de choisir parmi
l'ensemble des candidats ou des candidates présentes, celles qui peuvent
être des candidatures indépendantes. Cela pourrait être la
solution.
M. Côté (Pierre-F.): Si je vous comprends bien, dans
ces cas, ça voudrait dire que l'électeur voterait pour onze
candidats dont le candidat indépendant. C'est une hypothèse qui
n'est pas à rejeter; il faudrait que le bulletin de vote soit
très explicite à ce moment-là.
M. Bisaillon: Ma deuxième question concerne les
changements en cours de mandat. La commission s'est permis d'adresser une
suggestion dans son rapport recommandant d'interdire les changements
d'allégeance en cours de mandat. Je signale aux membres de la commission
qu'ils n'ont pas parlé nécessairement de changements
d'allégeance, à moins que je ne me trompe; ils ont plutôt
parlé de gens qui allaient siéger comme indépendants. Mais
les changements d'allégeance complets... Est-ce que vous avez tout
couvert? Autrement dit, avez-vous couvert le cas d'un membre du Parti
libéral qui va siéger avec le Parti québécois?
Avez-vous couvert cela? Ou d'un membre du Parti québécois qui va
siéger avec le Parti libéral? C'est tellement ressemblant
aujourd'hui, M. le Président, qu'on s'y perd.
Le Président (M. Rivest): Est-ce qu'on posait la question
à la présidence?
M. Bisaillon: Je ne pense pas.
Le Président (M. Rivest): Effectivement, pour la
présidence, le Parti Québécois et le Parti libéral,
pour les fins des travaux parlementaires...
M. Bisaillon: C'est le premier aspect que j'aimerais faire
préciser par les membres de la commission: est-ce qu'on couvrait
l'ensemble des changements d'allégeance? Si oui, quels étaient
les motifs des membres de la commission? Est-ce que leur seul motif
était celui de la stabilité gouvernementale? Auquel cas, je leur
demanderais pourquoi ils n'ont pas imaginé d'autres mécanismes
pour assurer la stabilité gouvernementale. La stabilité
gouvernementale, c'est relié à la notion de responsabilité
gouvernementale, une notion qu'on a appliquée ici à tort, parce
que, constitutionnellement, je ne pense pas que la responsabilité
gouvernementale soit attaquée par le fait qu'on repousse une
décision gouvernementale au Parlement. Il n'existe que deux cas dans la
constitution, c'est l'adoption des crédits et un vote de non-confiance.
Dans ces deux cas, le gouvernement est obligé de démissionner,
mais, dans les autres cas, constitutionnellement, le gouvernement ne serait pas
tenu de démissionner. Par tradition, par coutume, on a toujours dit
qu'un gouvernement qui était défait au vote à
l'Assemblée nationale était automatiquement obligé de
démissionner. Je vois dans cette coutume beaucoup plus un
intérêt des membres de l'exécutif, peu importe à
quelle époque ils sont passés au pouvoir, de maintenir bien en
main leur aile parlementaire. Avec les années, cet élément
s'est développé de sorte que les députés ont
l'impression, s'ils sont ministériels, que, chaque fois qu'ils disent
non au gouvernement, ils vont le faire tomber. De là la triste
nécessité d'être toujours en accord avec le
gouvernement.
De la même façon, dans l'Opposition, les gens se disent:
Comme on doit présenter l'image d'un groupe uni étant
donné qu'on veut arriver au pouvoir, on doit forcément donner
l'impression qu'on pense tous pareil, même quand ce n'est pas vrai. On
sait que ce n'est pas le cas, ni dans l'Opposition, ni au parti
ministériel, ni quand on est au pouvoir. Si c'est uniquement l'argument
de la stabilité gouvernementale qui a servi de base à cette
recommandation, pourquoi n'avez-vous pas envisagé d'autres
hypothèses?
La dernière partie de ma question sur
les changements d'allégeance. Est-ce que ça ne va pas
à rencontre du mode de scrutin que vous proposez? Si j'avais à
voter comme citoyen uniquement pour des partis politiques, si le seul choix
qu'on me demandait de faire était de choisir entre le Parti
québécois et le Parti libéral, il est évident
à ce moment-là que la stabilité du gouvernement et le
choix de l'électorat résident dans le nombre de
représentants que l'un et l'autre vont obtenir en bout de course.
Autrement dit, si je vote pour le Parti libéral, je ne vote pas pour les
candidats qui sont là; c'est le parti qui me les indique. C'est cela, un
vote de parti, s'il n'y avait que cela.
Or, vous, dans votre rapport, vous ne proposez pas qu'un vote de parti.
Vous proposez, d'abord, que les électeurs manifestent leur choix pour un
parti politique et, ensuite, qu'ils manifestent un choix pour des personnes.
Vous allez même jusqu'à dire que ce choix de personnes n'est pas
limitatif. Ils peuvent sauter d'une liste à l'autre, c'est-à-dire
qu'ils peuvent choisir des candidats. Je peux voter pour le Parti
libéral et dire: J'ai onze choix à faire, j'en fais dix dans les
candidats du Parti libéral, mais je vais chercher le candidat du Parti
québécois ou la candidate du Parti québécois qui me
semble intéressant ou intéressante dans l'autre liste qui m'est
présentée. Donc, je choisis onze personnes après avoir
choisi un parti.
Le Parlement serait différent. Je dois vous avouer
qu'actuellement il y a une ambiguïté. On ne sait pas tellement ce
pourquoi les gens votent. Votent-ils pour les partis, pour les hommes ou les
femmes? Votent-ils pour les chefs? Ce n'est pas clair. Ce n'est tellement pas
clair que la coutume a fait que, quand il y avait des changements
d'allégeance, on considérait la personne comme étant
élue et pouvant continuer son mandat.
Dans votre système cela me semble clair que les personnes qui
sont élues l'ont été parce que, comme personnes, elles
avaient fait l'objet d'un choix de la population au-delà du vote de
parti, ce vote servant uniquement pour faire le contrepoids ou
l'équilibre entre les manifestations d'intentions de la population.
Pouvez-vous me faire un portrait de ce que vous avez pensé, de ce que
vous avez dit là-dessus et me corriger si je me suis trompé?
M. Côté (Pierre-F.): Je vais essayer d'être le
plus bref et le plus clair possible, mais il y a un élément qui
m'échappe dans votre argumentation. C'est que dans un mode de scrutin
proportionnel, dans celui que nous proposons, il y a deux votes possibles. Ce
qu'il faut se rappeler, c'est que le premier vote est celui qui porte, comme
vous le mentionniez, sur un parti politique. Laissons, pour le moment, la
question des indépendants. Ce premier vote a quoi comme
conséquence? C'est, en fait, ce premier vote qui est déterminant
pour la formation du gouvernement, pour savoir quel parti politique va
constituer le gouvernement? Donc, il est primordial.
Par la suite, vous savez que le calcul des votes se fait selon la
méthode d'Hondt, ce qu'on appelle la méthode d'Hondt, du nom d'un
mathématicien qui a inventé la formule. On divise par un, deux,
trois et quatre les résultats et on détermine combien de
sièges chacun des partis politiques va se voir attribuer. Une fois qu'on
a attribué, par exemple, dans le cas d'une circonscription où il
y a cinq sièges à pourvoir, qu'un parti politique a obtenu 60%
des votes, il a donc droit à trois députés élus.
Comment se fait le choix ou la décision de ces trois
députés élus? Elle se fait - et là c'est la
deuxième opération - par le plus grand nombre de choix qu'ont
fait les électeurs pour l'un ou l'autre des députés.
M. Bisaillon: Donc, ce sont vraiment les électeurs qui les
ont choisis. Parce que celui qui est arrivé quatrième dans votre
exemple ne serait pas élu.
M. Côté (Pierre-F.): Actuellement, il y a deux
façons de procéder; nous suggérons la deuxième dans
ce genre de mode de scrutin. Mais nous laissons également le choix
à l'électeur de voter de deux façons. Il peut voter
seulement pour le parti; à ce moment, il vote pour toute la liste. Il
peut voter pour le parti et voter également pour des candidats. À
ce moment, il y a ce qu'on appelle le panachage, c'est-à-dire que
l'électeur a le choix de voter pour le candidat de son choix qui
apparaît sur le bulletin de vote. Mais le vote déterminant, le
premier vote, c'est le vote pour le parti.
M. Bisaillon: Mais vous admettez avec moi, et vous me l'avez
expliqué, que le vote pour le parti sert à déterminer, sur
un territoire, le nombre de sièges qui seront attribués aux
membres de ce parti, mais que les personnes membres de ce parti vont être
automatiquement choisies. Si votre calcul nous fait arriver à trois, ce
n'est pas le parti qui va décider qui seront les trois. Ce sont les
trois de ce parti qui auront obtenu le plus de votes de la part des
électeurs.
M. Côté (Pierre-F.): Oui, parce qu'il y a d'autres
façons de procéder dans d'autres...
M. Bisaillon: Donc, les personnes élues le sont parce
qu'elles ont reçu, personnellement et en leur nom, le maximum de votes
des électeurs.
M. Côté (Pierre-F.): Oui, c'est ce que nous
proposons effectivement.
M. Bisaillon: Cela veut dire que ce sont elles comme personnes
qui ont été élues. (16 h 30)
M. Côté (Pierre-F): C'est une des
caractéristiques de la proposition que nous faisons. Dans d'autres pays
ou dans d'autres modes de scrutin proportionnel, si on reprend le même
exemple que tout à l'heure, pour un parti politique qui aurait droit
à trois députés sur cinq, les trois seraient ceux qui
apparaissent, selon l'ordre d'apparition sur la liste. C'est une des
façons de procéder et cette décision de l'ordre
d'apparition sur la liste revient, dans les pays où cela existe, aux
partis politiques; ce sont eux qui déterminent si c'est M. Untel ou M.
Untel et l'ordre dans lequel ils vont apparaître sur la liste.
Nous, nous disons que cela semble favoriser davantage le choix
démocratique des électeurs que l'électeur puisse faire son
choix sur la liste. Je reprends toujours le même exemple: selon le plus
grand nombre de votes qu'auront obtenus les cinq candidats, bien, ce sont les
trois premières personnes qui auront le plus grand nombre de votes qui
seront les trois députés élus pour ce parti.
M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais juste terminer
en disant que, selon moi, dans le rapport cet aspect...
M. Côté (Pierre-F): Je m'excuse, est-ce que je
pourrais apporter juste une précision, M. le député?
M. Bisaillon: Oui.
M. Côté (Pierre-F): C'est juste un court point, une
autre précision. On attire mon attention sur une nuance à ce que
je viens de dire: L'ordre de liste est quand même important dans le cas
où l'électeur décide de voter seulement une fois.
M. Bisaillon: D'accord.
M. Côté (Pierre-F): Parce qu'à ce moment il
vote pour l'ensemble de la liste. Je voulais juste apporter cette nuance dans
le mode que nous proposons.
Le Président (M. Rivest): Merci, M. le
député de Sainte-Marie. Un dernier commentaire?
M. Bisaillon: Non, cela va, je reviendrai.
Le Président (M. Rivest): L'ordre des intervenants vu que
plusieurs députés demandent à intervenir. Le
député de Gouin parle immédiatement après, suivi du
député de Châteauguay, du député de Gatineau,
du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et du
député de Louis-Hébert.
Refus de discuter des modalités
d'application
M. Rochefort: Je voudrais, M. le Président, revenir un peu
à l'aspect qu'a soulevé le député de Sainte-Marie
dans son intervention et l'élargir juste un peu parce que, quant
à moi, on est au coeur de la recommandation. Je voudrais être bien
certain qu'on se comprend bien.
Vous nous dites partout dans vos documents, dans votre rapport, dans les
communiqués de presse que vous avez émis pour présenter
votre rapport, dans les quelques interventions publiques que vous avez
accordées pour expliquer et présenter votre rapport: Nous faisons
une recommandation; nous recommandons à l'Assemblée nationale du
Québec d'adopter un mode de scrutin de type proportionnel. Par la suite,
nous dressons une liste de suggestions - comment appelez-vous cela? -"des
préférences plutôt que des recommandations, quelques
applications simples opérationnelles". Même ce matin, le directeur
général, le président de la Commission de la
représentation, nous a dit: Ce qu'il faut, c'est prendre une
décision sur le type de mode de scrutin qu'on choisit et, une fois que
nous aurons décidé, par exemple, de retenir un mode de scrutin de
type proportionnel, une fois cette décision prise, nous regarderons par
la suite les modalités d'application.
J'avoue que je crois que ce n'est pas possible de tenir un discours
comme celui-là. De deux choses l'une: ou on recommande un mode de
scrutin de type proportionnel. Auquel cas, retenir un mode de scrutin
proportionnel par rapport à un mode de scrutin uninominal à un
tour comme celui que nous avons actuellement, c'est donc viser et atteindre
l'objectif de diminuer considérablement les distorsions ou les
écarts qui existent entre les voix obtenues par un parti politique et
les sièges qui constituent sa représentation à
l'Assemblée nationale.
À partir du moment où on réduit
considérablement l'écart, on réduit en même temps la
prime au vainqueur qui constitue le pouvoir politique du gouvernement à
l'Assemblée nationale, la majorité ministérielle, prime au
vainqueur, finalement, qu'on appelle souvent une forme de stabilité
gouvernementale. À partir du moment où on réduit cela
considérablement, il est évident que, si nous sommes
préoccupés de stabilité gouvernementale - je le suis et
j'ai cru comprendre que vous l'étiez - une fois qu'on a élu un
Parlement, qu'on a constitué un gouvernement à partir de ce
Parlement, puisqu'il ne détient qu'une faible majorité des
sièges à l'Assemblée nationale, il ne faut plus qu'il se
passe quoi que ce soit qui
pourrait changer en cours de mandat, donc en dehors d'une
élection générale, le gouvernement à
l'Assemblée nationale par des démissions, par des
décès, donc par des élections partielles ou par le fait
que des députés, d'un côté ou de l'autre de la
Chambre, mais particulièrement du côté ministériel,
deviennent des députés indépendants. C'est là que
je dis que nous ne pouvons débattre, dans un premier temps, de votre
recommandation première qui est celle de retenir un mode de scrutin de
type proportionnel sans tenir compte, sans débattre en même temps
et prendre une décision en même temps sur les modalités
d'application. Je voudrais que vous me disiez un peu comment vous recevez ce
que je dis par rapport au discours que vous avez tenu jusqu'à
maintenant.
M. Côté (Pierre-F.): Écoutez, ma
première réaction, si vous me le permettez, ce serait simplement
de vous lire les quelques paragraphes du rapport qui donnent des
précisions sur cela et peut-être de les compléter par un ou
deux mots d'explication. C'est aux pages 116 et 117 du rapport. "Une fois le
choix arrêté en faveur d'un mode de scrutin proportionnel
territorial qui soit propre au Québec, les modalités peuvent
varier considérablement dans l'application du nouveau mode
recommandé. Il faut d'abord reconnaître que peu de mémoires
ou de commentaires reçus par la commission ont analysé dans le
détail tous les mécanismes inhérents au fonctionnement
d'un mode de scrutin, de sorte qu'il a été impossible de
dégager des orientations claires sur la base de la consultation
entreprise." De plus, - et c'est là mon principal point, c'est le
principal regret que je veux vous exprimer cet après-midi - les courts
délais impartis pour la réalisation d'un si vaste mandat ne nous
ont pas permis de pousser aussi à fond qu'il aurait été
souhaitable l'analyse des conséquences des différents
mécanismes sur l'ensemble du système électoral et
politique québécois. "La commission a, cependant, jugé
opportun d'exprimer certaines préférences relativement aux
modalités de fonctionnement de la formule dont elle recommande
l'adoption." Pourquoi disons-nous qu'il s'agit bien de
préférences exprimées en tenant compte de l'état du
dossier au moment de la rédaction du présent rapport? Parce que -
et je pense qu'on vient d'en avoir un exemple assez clair ou quelques exemples
depuis les échanges qu'on a sur le mode de scrutin - il y a des
possibilités de modalités différentes. Prenons simplement
l'exemple suivant: déterminer si le vote devrait se faire selon une
liste bloquée ou une liste ouverte. Nous aurions pu exprimer de
façon formelle et définitive que c'est telle sorte de liste.
Pourquoi nous le disons plutôt sous une forme de
préférence? Il n'est pas loisible dans un mode de scrutin
proportionnel d'avoir autre chose qu'un scrutin de liste. C'est certain, il y a
un scrutin de liste. Mais, comme il y a différentes sortes de scrutins
de liste, comme il y a différentes façons de voter, nous avons
cru préférable de dire: Bien, voici ce qui, dans l'état
actuel du dossier, devrait ou pourrait être adopté, pourrait
être suggéré, pourrait être
considéré.
Je pense que ce sont les travaux d'une commission comme celle que nous
vivons aujourd'hui qui peuvent faire avancer le dossier. Il faudrait
sûrement, par la suite, avec peut-être d'autres
spécialistes, d'autres personnes ou vous-mêmes les parlementaires,
déterminer: Bien voici! Nous sommes d'accord, c'est telle sorte de
liste, par exemple, qu'il faut adopter. Vis-à-vis des élections
partielles, ce que vous suggérez, non, il faudrait prendre une autre
formule.
En somme, nous ne disposions pas, d'abord, du temps pour approfondir
jusqu'au bout chacune des propositions et surtout il nous a semblé tout
à fait primordial de refléter les opinions, les impressions qu'on
a eues et le résultat de nos réflexions en vue évidemment,
on peut diverger d'opinion avec nous, cela va de soi - de changer de mode de
scrutin afin que ce mode de scrutin soit de type proportionnel, qu'on a
appelé proportionnel territorial.
M. Bourassa.
M. Bourassa: J'aimerais revenir sur ce thème et je vois
mal l'objection, semble-t-il, fondamentale que vous posez entre ce que nous
avançons comme un mode de scrutin proportionnel et territorial et le
choix des modalités que nous ouvrons. Il me semble que la réforme
du mode de scrutin dans ce rapport est, entre autres choses, et peut-être
particulièrement animée par deux pôles: d'une part, une
meilleure représentation, comme vous l'avez dit, et aussi la
stabilité. La meilleure représentation, on l'obtient par la
proportionnelle et par un découpage territorial qui, nous semble-t-il,
est plus proche de la réalité démocratique et la
stabilité, on l'obtient par un certain nombre de modalités qui
peuvent aller de la grandeur des circonscriptions aux détails techniques
du vote.
Encore une fois, je ne sais pas si j'ai mal compris l'objection que vous
posez, mais je ne vois pas en quoi il y aurait impossibilité, d'une
part, de proposer un mode du scrutin proportionnel et territorial où,
là, beaucoup de questions d'importance seraient à
résoudre, comme celles qu'on a évoquées et comme d'autres
qu'on n'a pas encore abordées, par exemple, le découpage de la
carte électorale. On peut imaginer bien des solutions à ce sujet,
mais je pense que, néanmoins, le principe fondamental que nous
avons voulu mettre de l'avant serait respecté. J'aimerais bien
qu'on puisse clarifier cet aspect pour voir si l'objection que j'ai comprise
est bien celle que vous avez évoquée.
M. Côté (Pierre-F.): Si vous le permettez, M. le
député, je voudrais ajouter une courte réflexion. Je
trouve que vous avez raison quand vous dites qu'il existe une relation entre la
recommandation que nous faisons et les modalités. Cependant, ce que nous
disons, c'est qu'une fois adopté le principe de la recommandation que
l'on fait de la proportionnelle territoriale, il nous semble que ce sera plus
facile et qu'on pourra davantage définir dans le détail toutes
les modalités.
M. Rochefort: Non, nous ne partageons pas le même point de
vue. Je pense qu'un mode du scrutin, c'est quelque chose de complet en soi. Il
faut que nous acceptions un mode de scrutin avec l'ensemble de ses
modalités ou que nous ne décidions pas de retenir ce mode du
scrutin. Vous avez dit que c'est un scrutin de liste et qu'on peut y aller par
listes blocs. C'est vraiment une modalité qui n'intervient pas dans le
coeur de la recommandation et dans ce que sont les bases mêmes d'un mode
du scrutin de type proportionnel. Ce qui constitue la base même d'un mode
de scrutin de type proportionnel, c'est que, dès que c'est une
proportionnelle, il faut, pour des raisons de stabilité gouvernementale
- je l'exprime en langage populaire - qu'on barre les portes. Il ne faut plus
qu'il se passe rien qui pourrait changer les forces numériques en
présence à l'intérieur du Parlement.
Je vais vous poser ma question autrement: Croyez-vous qu'il serait
possible et réaliste pour le Québec de se doter d'un mode de
scrutin territorial de type proportionnel comme celui que vous nous recommandez
tout en maintenant les élections partielles telles que nous les
connaissons actuellement et tout en maintenant la possibilité pour un
député de devenir indépendant en tout temps?
M. Lessard: Je répondrais à ceci que, quand on
choisit un certain principe comme la proportionnelle, on bloque certaines
possibilités et on en garde d'autres. On laisse largement des champs
ouverts. À preuve, si vous prenez le livre de Cadart puisqu'on en a
parlé et que tout le monde connaît, vous allez voir la description
d'une multitude de proportionnelles où on trouve des variations dans
tous les domaines.
L'exemple que vous donniez tout à l'heure: La Chambre doit-elle
être bloquée, c'est-à-dire la répartition des
sièges en Chambre doit-elle être bloquée après
l'élection? Ce n'est pas impliqué par l'idée de
proportion. On pourrait accepter un système où il y ait une
modification de la Chambre: des gens qui deviennent indépendants, des
gens qui changent de parti; il faudrait prévoir des modalités.
(16 h 45)
II y a des choses qui pourraient devenir difficiles. Comment fait-on une
élection partielle dans un système proportionnel quand
l'élection se fait sur une liste? Autrement dit, reprend-on
l'élection dans l'ensemble de la région? Par exemple, dans une
région où il y a onze députés, s'il y en a un qui
meurt, on remet en question toute la région, les onze
députés, et on recommence ou si on fait une élection
uninominale? Il y a peut-être des modalités à trouver, je
n'en sais rien. C'est assez difficile de trouver une réponse à
cela, je vous l'accorde. Seulement, c'est une difficulté, mais une fois
la proportionnelle acceptée, toutes les avenues de modifications ou de
choix partiels ne sont pas bloqués et même des difficultés
comme celles-là pourraient peut-être être surmontées.
Nous n'avons pas trouvé de solutions mais cela pourrait être
surmonté et - ma foi - je ne connais pas en détail tous les
systèmes qu'il y a à travers le monde, il y a peut-être
déjà quelqu'un qui a trouvé une solution à
cela.
M. Rochefort: Mais je vous repose ma question, seriez-vous
prêt à recommander à l'Assemblée nationale du
Québec un mode de scrutin de type proportionnel territorial dans lequel
un député pourrait devenir indépendant en cours de mandat
et dans lequel nous retrouverions le système d'élections
partielles tel que nous le connaissons actuellement pour remplacer un
député qui quitte ou qui décède?
M. Lessard: Je vous dirai vis-à-vis de ceci qu'il ne
m'appartient pas du tout de faire une recommandation à
l'Assemblée nationale.
M. Rochefort: Bien, c'est pour cela qu'on vous paie là, je
m'excuse, c'est le mandat que vous avez reçu.
M. Lessard: Ah! Si vous voulez, oui.
M. Rochefort: Mais, c'est pour cela que vous êtes ici.
M. Lessard: Oui, dans ce sens que la commission fait une
recommandation.
M. Rochefort: C'est cela, on utilise vos recommandations.
M. Lessard: J'ai transposé votre proposition, je pensais
que vous me demandiez d'agir plus ou moins comme député.
D'accord?
M. Rochefort: Non, non, non.
M. Lessard: Non. Ce n'est pas de mes affaires.
M. Rochefort: Si cela vous intéresse un jour, il y a des
occasions disons au moins par quatre années, vous y aviez droit comme
tous les autres mais non, non, je vous le demande à titre de membre de
la Commission de la représentation.
M. Lessard: Non merci.
M. Rochefort: II y a encore des partielles.
M. Lessard: Première réponse à ceci, c'est
qu'après avoir étudié la question, la meilleure
proposition qui nous a semblé possible était celle-ci: Vous
vouliez en discuter, vous trouvez une autre solution. Si vous en trouvez
d'autres qui sont intéressantes, vous nous le dites, on peut en
parler...
M. Rochefort: Mais vous m'avez dit non.
M. Lessard: Bien, puisque nous avons préféré
ceci, bon alors nous...
M. Rochefort: Oui mais, M. Lessard, il ne faut pas
s'écarter. Vous nous dites tout à coup: Écoutez, je vous
dis non puisque nous vous avons recommandé ceci mais en même temps
vous nous dites souvent que l'essentiel c'est de retenir l'idée d'un
mode de scrutin de type proportionnel. L'idée des partielles, des
indépendants et tout cela peut être gardée, on peut trouver
des solutions. Moi, ce que je vous dis, cela forme un tout ou pas dans votre
esprit.
M. Lessard: Ma réponse est très simple. Si je dis
non c'est parce qu'avant de répondre ceci ou de signer ce mémoire
nous avons eu un certain temps pour réfléchir et analyser la
question et, quand vous me posez une question si subitement, je n'ai pas le
même temps, alors je ne peux pas vous renverser ma première
décision par quelque chose qui est tout à fait subit. C'est ma
réponse.
M. Rochefort: Mais, M. Lessard, je ne vous demande pas de la
renverser, je vous demande de nous la confirmer, de ne plus faire la
distinction entre la recommandation principale et les quelques
éléments de référence comme modalités
d'application. Je vous demande si vous en faites un tout ou pas sur l'aspect
des partielles et des indépendants...
M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, si vous me le
permettez d'être...
M. Rochefort: Non, il n'y a pas de piège et on n'est pas
devant un tribunal, je veux qu'on se comprenne, qu'on fasse avancer le dossier
pour peut-être en arriver un jour à un nouveau mode de
scrutin.
M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, notre rapport
est très clair et je réexprime en d'autres mots, si vous le
voulez, ce qu'on a dit dans notre rapport et pourquoi nous l'avons dit de cette
façon-là. Nous soumettons dans notre rapport, et nous insistons
sur ce point, une recommandation. Pourquoi procédons-nous de cette
façon? Et on arrive ensuite à des préférences qu'on
a appelées des préférences ou des suggestions. Je pense
que c'est cela le fond de votre question ou, si je la repose autrement, vous me
direz si je l'ai bien comprise. Est-ce que nous serions disposés
aujourd'hui à dire: Nous soumettons une recommandation qui inclut toutes
les préférences que nous avons suggérées?
M. Rochefort: Non, ce n'est pas cela ma question. Ma question,
c'est de dire si je vous demandais - pas si "je", je ne veux pas me prendre
pour un autre - si la commission, si le Parlement vous demandait de nous
rédiger un projet de loi qui décrive de a à z un nouveau
mode de scrutin de type proportionnel territorial, est-ce que vous
considérez, comme experts dans la matière, à la suite des
travaux que vous avez menés, des rencontres, et ainsi de suite, qu'il
serait possible, opportun, faisable, sain, souhaitable qu'on se retrouve avec
un mode de scrutin de type proportionnel territorial en maintenant les
élections partielles telles que nous les connaissons actuellement et en
maintenant la possibilité pour un député de devenir
député indépendant? Au fond, maintenez-vous qu'on pourrait
ne retenir que votre recommandation première et tout chambarder le reste
de vos suggestions ou de vos préférences?
M. Côté (Pierre-F.): Non, la réponse que je
ferais à cela - et mes collègues pourront peut-être me
corriger - si je comprends bien votre question, c'est que nous avons
exprimé des préférences mais, je l'ai mentionné
tout à l'heure, il y a une cohérence dans nos
préférences. Je veux dire il y a une certaine logique dans nos
préférences mais, cependant, ce pourquoi nous insistons pour dire
que quand même ce sont des préférences, c'est qu'il nous
est apparu essentiel que vous décidiez d'abord s'il doit y avoir un
changement en profondeur ou non du mode de scrutin. Est-ce qu'il doit y avoir
un changement en profondeur ou non du mode de scrutin? Est-ce qu'il vous
apparaît une bonne solution
d'abandonner le mode de scrutin majoritaire et nominal à un tour
pour un mode de scrutin de type proportionnel? Ceci nous apparaît la
première démarche, la première décision.
Évidemment, il y a des conséquences très
importantes et sérieuses; je vais en nommer deux. Pour pouvoir modifier
la préférence qu'on exprime à l'égard des
élections partielles et des candidats indépendants qui
abandonnent en cours de mandat, à mon avis, il faudrait que la solution
qu'on propose à la place de la suggestion que l'on fait soit elle aussi
cohérente et n'aille pas à l'encontre des principes fondamentaux
d'un mode de scrutin proportionnel.
M. Rochefort: Je crois qu'on se rapproche un peu. Puisque je suis
préoccupé par la stabilité gouvernementale, je vous dis
qu'on ne peut pas, quant à moi, adopter un mode de scrutin de type
proportionnel sans retenir vos recommandations quant aux élections
partielles et quant aux députés indépendants. Auquel cas,
je pense que c'est un obstacle majeur. Je vous donnerai un exemple. Je me suis
amusé à faire des statistiques rapides quand je me suis
présenté devant vous, le printemps dernier. C'est au printemps
dernier que vous avez tenu vos audiences?
M. Côté (Pierre-F.): À l'automne, aux mois
d'octobre et novembre.
M. Rochefort: Ah oui, à l'automne.
M. Côté (Pierre-F.): Il y a près d'un an.
M. Rochefort: Donc, mes statistiques sont peut-être...
Pardon?
M. Bisaillon: Vous avez laissé passer un an.
M. Rochefort: Je ne croyais pas qu'une fois ma comparution
terminée le rapport était rédigé, M. le
député de Sainte-Marie. Il ne s'est pas écoulé un
an entre les deux.
M. Bisaillon: Le rapport, ça fait déjà six
mois.
M. Rochefort: On lit au moins.
M. Bisaillon: De toute façon, vous avez laissé
passer six mois.
M. Rochefort: Si on regarde les deux dernières
Législatures, la présente et celle qui a
précédé, de 1976 à 1981, treize
députés ont démissionné et quatre ont changé
d'allégeance. Cela représente 7% de changements entre le
résultat de l'élection générale du 15 novembre 1976
et la nouvelle composition de l'Assemblée nationale qui en a
découlé. Compte tenu que la prime au vainqueur de 1976 à
1981 qu'avait obtenue le Parti québécois était, je pense,
de 5% ou 7%, par le biais d'élections partielles et de changements
d'allégeance, il aurait pu se produire un changement de gouvernement au
Québec. Je ne suis pas contre les changements de gouvernement, mais je
veux qu'ils soient décidés par l'ensemble des citoyens et non pas
par des accidents de parcours tels que des élections partielles ou parce
qu'un député dit, à un moment donné: Je ne me sens
plus à l'aise dans la majorité, je traverse de l'autre
côté de la Chambre. La même chose s'est produite... Comme je
vous l'ai dit, j'ai arrêté mes statistiques au moment où je
suis allé vous rencontrer.
M. Bisaillon: Je ne voudrais pas que le député
traite un changement d'allégeance comme un changement de parcours, c'est
beaucoup plus qu'un changement de parcours.
M. Rochefort: Je ne veux pas l'expliquer à votre place, M.
le député de Sainte-Marie, vous pourriez sûrement le faire
avec plus d'éloquence que moi. Mais de 1981 à 1983 - j'ai
arrêté là mes statistiques et je suis convaincu que
ça ne s'est pas amélioré -il y avait dix
députés qui avaient démissionné ou qui avaient
changé d'allégeance, dont neuf du Parti québécois,
ce qui représentait Il ,3% de changements dans le rapport de forces.
Sauf erreur, dans la représentation proportionnelle territoriale, la
prime au vainqueur, maximum à trois partis, est de 9% environ. C'est le
cas?
M. Côté (Pierre-F.): À peu près,
oui.
M. Rochefort: Donc, dans les faits, à mi-mandat, dans
votre mode de scrutin où vous nous recommandez la représentation
proportionnelle territoriale, si nous avions maintenu la possibilité de
tenir des élections partielles et pour un député de
devenir indépendant, le gouvernement en place serait tombé non
pas par une consultation de l'ensemble des citoyens et des citoyennes du
Québec dans le cadre d'une élection générale, mais
par une addition d'accidents de parcours ou d'incidents isolés les uns
des autres. Auquel cas, je pense qu'il faut qu'on revienne à l'essence
de la recommandation que vous nous avez faite et que nous retenions très
bien que s'il y a proportionnelle territoriale, à partir du moment
où nous sommes préoccupés par la stabilité
gouvernementale, il ne faut pas qu'il y ait d'élections partielles et
qu'un député puisse devenir indépendant, auquel cas, votre
recommandation n'est plus simple, mais triple parce qu'elle constitue un tout
en soi. Je souhaiterais que vous y repensiez ce soir,
que vous retravailliez cela avec vos équipes et que demain vous
nous rendiez une réponse là-dessus, mais je vous dis, quant
à moi, jusqu'à nouvel ordre, je ne comprends pas qu'on puisse
prétendre qu'il y a une recommandation avec une série de
préférences, je pense qu'il y a une recommandation triple qui
constitue un tout qui est un mode de scrutin proportionnel de type territorial
n'incluant pas d'élection partielle, pas de possibilité pour un
député de devenir indépendant et ensuite, effectivement,
il peut y avoir des préférences, listes bloquées ou pas,
la façon de choisir les députés indépendants et
quand on vote pour un député indépendant peut-on aussi
voter dans les listes?
Cela d'accord, ce sont les modalités, mais je pense qu'il faut
vraiment qu'on s'entende, qu'on se comprenne bien parce que c'est fondamental,
ce n'est accessoire, c'est aussi essentiel que la recommandation
elle-même d'y aller dans un mode de scrutin de type proportionnel
territorial.
M. Côté (Pierre-F.): M. Bourassa.
M. Bourassa: Oui. J'aimerais, si vous permettez, tout simplement
souligner que cette défense que vous faites de la triple recommandation,
vous vous faites l'avocat par excellence... Les trois points que vous voudriez
voir appuyer par la commission, proportionnelle avec absence d'élection
partielle et de candidature indépendante et ensuite, là, de
préférence...
M. Rochefort: Je veux bien qu'on se comprenne quand vous dites
que "vous voudriez voir appuyer par la commission", non au contraire. Mais ce
que je veux, c'est que vous nous disiez si oui ou non cela constitue un tout.
Je comprends, je décode que cela ne peut faire autrement que de
constituer un tout. Ce que je vous pose comme question, est-ce que vous
partagez mon interprétation?
M. Bourassa: J'aime bien la dernière phrase, si vous me
permettez. Vous dites: Selon moi, cela ne peut pas faire autrement que de
constituer un tout. Je vous avouerai que jusqu'à maintenant, dans
l'état de nos réflexions, cela ne va pas aussi loin. Tout cela
peut faire autrement que de constituer un tout et, justement, au nom d'autres
valeurs, d'une part, qui ont été défendues cet
après-midi et ce matin, par exemple, les élections partielles,
les changements d'allégeance peuvent être des
phénomènes qu'on ne peut pas, pour des raisons de
stabilité... Ceci est une valeur parmi plusieurs mais c'est très
difficile, je pense que vous serez le premier à l'admettre, de trancher
entre les valeurs laquelle doit nettement l'emporter.
Aussi, vous avez fait allusion à un autre aspect
extrêmement important qui est celui des calculs que l'on peut faire, des
expériences et des cas sur lesquels on peut s'appuyer. Il est fort
probable que dans certains cas des calculs montrent qu'avec des
résultats assez catastrophiques on se retrouve dans des situations
complètement différentes de ce que l'on avait prévu. Mais,
avant que ce que nous appelons maintenant des préférences
devienne un tout logique et absolument cohérent, cela demanderait, si on
veut être rigoureux et sérieux, une analyse plus attentive.
Et, pour l'instant, je pense que sur beaucoup de ces points que vous
avez abordés et qui constituent le point 5.6 de notre rapport, à
la page 116, il s'agit beaucoup plus d'énoncer que nous nous engageons
dans la voie à peu près que vous dessinez, mais cela ne nous
paraît pas aussi net et définitif que vous semblez l'entendre,
quitte encore une fois à ce qu'on approfondisse ces choses et qu'on
arrive à des vues plus précises dans un avenir
rapproché.
M. Rochefort: Un seul commentaire pour conclure notre discussion
sur cette question qui, à mon sens, est fondamentale. Si vous me dites
que selon votre idée, pas complètement faite, pour vous, pour
l'instant, cela ne constitue pas nécessairement un tout, je vous dirai
que je ne peux sûrement pas retenir votre rapport comme une solution
souhaitable pour le Québec. Je souhaite que, quand il y a changement de
gouvernement au Québec, tous les citoyens qui ont droit de vote puissent
participer à cette décision de changer de gouvernement.
Ce que je comprends de ce que vous nous dites pour l'instant, je
comprends que vous pourrez y réfléchir par la suite, c'est qu'on
pourrait très bien se retrouver avec un mode de scrutin de type
proportionnel territorial et peut-être maintenir les élections
partielles; il y a une possibilité pour un député de
devenir indépendant. Je vous dis, sur l'expérience basée
des deux dernières Législatures, que le gouvernement aurait
été changé en Chambre sans que l'ensemble des
Québécois et des Québécoises ait été
appelé à se prononcer sur ce changement de gouvernement et
là, quant à moi, on est très loin d'un système
démocratique.
M. Bourassa: À ce moment, si vous me permettez, une
question peut-être pour compléter ceci: Est-ce que pour atteindre
l'objectif dont vous parlez, c'est-à-dire d'un changement de
gouvernement où tous les citoyens seraient appelés à se
prononcer, le prix à payer doit être d'empêcher tout
changement de choix ou toute évolution des opinions entre deux
élections.
(17 heures)
M. Rochefort: Au contraire, si vous voulez mon opinion
personnelle, jamais je n'accepterai qu'un député ne puisse
devenir indépendant au cours d'un mandat ou qu'un député
nouvellement élu puisse arriver à l'Assemblée nationale
seulement parce qu'il était le premier sur la liste de ceux qui n'ont
pas été élus il y a quatre ans ou quatre ans et demi. Je
pense, et je pourrais citer des cas très précis, cas par exemple
de ma circonscription électorale; en quatre ans il peut se produire
beaucoup de choses pour un individu. Ce n'est pas parce que tu as fini le
premier sur la liste de ceux qui n'ont pas été élus qu'en
quatre ans il ne se passe rien dans ta vie sur le plan personnel, professionnel
ou politique qui fasse en sorte que les citoyens n'aient pas à se poser
à nouveau la question si oui ou non ils souhaitent que tu deviennes
député.
Deuxièmement, pour la possibilité de devenir
indépendant, je reprendrai un peu l'argumentation du
député de Deux-Montagnes, du député de
Sainte-Marie. Je pense que s'il y a une chose fondamentale dans les travaux que
nous menons tous actuellement, c'est qu'il ne faut pas accroître la force
des partis politiques; il ne faut pas accroître les lignes et les
disciplines de parti.
Dans quelle situation cela nous mène-t-il si un
député ne peut devenir indépendant en cours de mandat?
Cela peut nous mener à une situation que nous décrivait le
député de Deux-Montagnes qui disait que, finalement, le
député va toujours être obligé de se solidariser.
Cela peut aussi nous mener à l'inverse, qu'un chef de gouvernement ou
qu'un gouvernement ou que la direction d'un parti politique, sachant
très bien qu'un député, sur deux questions
précises, ne partage pas les vues du gouvernement et qu'il y tient
mordicus, qu'on présente deux projets de loi concernant ces questions
pour s'assurer qu'on pourra, par la suite, expulser le député de
l'Assemblée nationale. Là, il ne reste qu'un pas à
franchir entre avoir un gouvernement, une Assemblée nationale qui
détient des procurations dans ses poches plutôt que d'avoir des
hommes et des femmes qui représentent des citoyens et des citoyennes et
qui y vont au mérite sur chaque question. Pour moi, c'est fondamental et
je ne pourrai jamais souscrire à toute proposition de réforme
d'institution ou de réforme du mode de scrutin qui éliminerait
ces deux possibilités. Cela c'est clair, quant à moi. Si vous
maintenez cela pour moi, on ferme le livre et puis c'est fini, on en reparlera
une autre fois ou sous une autre forme ou avec une autre proposition.
Cela dit avec tout le respect que je voue aux membres de la commission.
On étudie sérieusement un rapport; je vous fais valoir mes
opinions et je pense appuyer sur un certain nombre d'arguments peut-être
pas plus valables que d'autres, mais qui pour moi ont une grande valeur.
M. Bourassa: Si vous me permettez, simplement une toute petite
remarque. Vous dites: "Si vous maintenez cela..." Justement, je pense que ce
que l'on cherche, il faut bien le préciser, c'est qu'il y a pas mal de
points auxquels on ne tient pas mordicus.
M. Rochefort: M. Bourassa, c'est que pour moi on ne peut parler
de proportionnelle sans parler de la question des élections partielles
et des députés indépendants, sinon on se dote d'un mode de
scrutin où c'est la boîte à surprise entre deux
élections. Tout peut se produire sans que tous les
Québécois et les Québécoises soient appelés
à participer à cette décision de changer.
Je ne suis pas contre les changements de gouvernement à tous les
ans, si les Québécois le veulent, mais ce sont les
Québécois qui vont en prendre la décision, ce n'est pas
l'addition de résultats d'élections partielles ou de changements
d'orientation plutôt que de parcours de certains députés en
cours de mandat.
M. Côté (Pierre-F): M. Rochefort, vous soulevez des
points qui sont primordiaux, qui sont très importants.
M. Rochefort: Pour moi c'est fondamental.
M. Côté (Pierre-F): Non, je tiens à le
souligner. Cependant, ils sont reliés à la décision
fondamentale du changement du mode de scrutin. Si vous en arrivez à la
conclusion, les membres de l'Assemblée nationale, qu'on doit avoir un
mode de scrutin de type proportionnel, il y a toute une dynamique, une
façon nouvelle de procéder à laquelle vous faites
référence. Il y en a d'autres qui sont également
très importantes, que vous auriez pu invoquer, qui sont celles, par
exemple, du changement que cela va introduire dans la vie et le fonctionnement
des partis politiques.
M. Rochefort: Oui, je croyais l'avoir vu.
M. Côté (Pierre-F): II y a l'importance, dans un
mode de scrutin proportionnel, que prend un parti politique à tous
égards, et ceci, c'est relié au choix fondamental du mode de
scrutin lui-même.
Ceci étant dit, je suis très heureux de voir la
réflexion que vous nous soumettez. Quant à nous, la seule chose
qu'on peut vous dire ce soir, c'est qu'on va certainement
réfléchir à vos observations. Je ne vous promets pas des
réponses d'une façon
immédiate, mais je pense que ce sont des points qui
méritent réflexion.
Le Président (M. Rivest): Merci, M. le
député de Gouin. M. le député de Châteauguay.
Par la suite, M. le député de Gatineau; M. le
député de Rouyn-Noranda et M. le député de
Louis-Hébert.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Mon intervention
aurait été davantage dans la ligne du débat qu'a
amorcé ce matin le député de Deux-Montagnes, quand il a
parlé de la ligne de parti. On doit comprendre qu'il la trouve trop
forte et que, à travers les changements qu'on essaie d'accomplir, il y
aurait lieu de chercher à diminuer cette ligne de parti.
Cependant, avant d'aborder cette question de la ligne de parti, je
voudrais continuer à l'aborder et dire - et c'est une conclusion que
nous tirions, le député de Deux-Montagnes et moi, tout à
l'heure, pendant que le député de Gouin prenait la parole - c'est
qu'il a l'air d'assimiler les notions de perte de majorité pour un
gouvernement et le fait de tomber de ce gouvernement. Je ne pense pas que le
fait qu'un gouvernement perde la majorité cela le fasse tomber
automatiquement, parce qu'il pourrait très bien compter sur d'autres
appuis comme sur celui des députés indépendants, par
exemple, sur des mesures que choisirait le gouvernement et faire en sorte de ne
jamais en choisir qui l'amènerait à tomber, ce qui veut dire
qu'il pourrait se maintenir jusqu'à la prochaine élection.
Je pense aussi qu'il y a un corollaire à ce qu'il dit. Si
effectivement on doit empêcher le député de changer
d'allégeance, il faudrait peut-être amener l'idée qu'on
devrait remettre en question certains députés en cours de mandat.
Si à un moment on constate qu'un député ne répond
plus tout à fait à nos aspirations et aux orientations qu'on
croyait les siennes et qu'on épousait au moment où on l'a
élu, il faudrait peut-être à ce moment se poser la question
de savoir si là, on ne peut pas le remettre en question.
De toute façon, d'un changement de mode de scrutin, il ne faut
pas tout attendre, à mon point de vue. On ne peut pas en même
temps vouloir faire disparaître les distorsions, ce qui est le lot du
travail que l'on fait présentement, c'est l'objectif fondamental. Il y a
une injustice profonde à l'égard de l'électeur en terme de
représentativité et en terme de services de son
représentant et c'est cela fondamentalement qu'on doit changer. Si l'on
veut tout faire, cela risque de donner lieu à un joli
méli-mélo, et je pense que ce n'est pas cela qu'on doit chercher.
C'est un fait qu'il existe une ligne de parti qui est forte au Québec.
Quand les gens vont voter le jour du scrutin ils assument à toutes fins
utiles cette ligne de parti de par le mode de scrutin que nous connaissons
présentement. Les gens ne peuvent pas choisir et le gouvernement et les
hommes ou les femmes qu'ils veulent élire. Ils sont obligés,
à travers une personne, de choisir un gouvernement, ce qui les
amène fatalement à choisir une couleur ou un candidat
indépendant. Je pense bien qu'on peut s'accorder pour dire que
jusqu'à maintenant et depuis très longtemps, au Québec, le
mode de scrutin a mené à l'élection de candidats
reliés à une couleur politique, très peu à des
candidats indépendants. Ce sont des accidents de tous ordres qui ont
amené des candidats indépendants à l'Assemblée
nationale, sans faire de référence plus particulière au
député de Sainte-Marie. Je pense que par le mode de scrutin
actuel, c'est cela la réalité c'est qu'il y a une ligne de parti
qui s'installe.
Est-ce que le mode de scrutin à la proportionnelle, c'est mon
choix? J'ai une propension plus facilement pour un mode de scrutin à la
proportionnelle de type territorial ou régional en faisant en sorte que
les territoires soient plus convenables, parce que là-dessus j'aurais
des réticences; je pourrais revenir sur cela un peu plus tard lors de
nos travaux. Mais, pour le moment je pense que le mode de scrutin proportionnel
avec le bulletin de vote que nous avons identifié à la condition
qu'il y ait panachage permet effectivement, dorénavant, aux citoyens de
pouvoir diminuer la ligne de parti, faire en sorte de pouvoir élire des
candidats indépendants s'ils le souhaitent. Cela ne sera pas tellement
plus facile que maintenant mais cela va l'être quand même plus et
cela va surtout permettre aux électeurs de pouvoir faire ce que l'on
entend très souvent de la part des Québécois,
c'est-à-dire de dire: Je suis pour tel parti mais j'aimerais bien avoir
une bonne Opposition. Alors, cela ne veut pas dire que tout le monde va se
mettre à voter pour un bon nombre de candidats d'un parti et pour un
nombre X de candidats de l'Opposition, mais il y a certains électeurs
qui vont le faire. Il est tout à fait sain que, dans le mode de scrutin
auquel nous songeons, on donne cette possibilité aux électeurs.
Comme on l'a déjà dit quelque part, cela serait
intéressant de pouvoir permettre aux électeurs de tous gagner
leurs élections. Cela est une façon d'en parler. Bien sûr,
on ne peut pas prendre cette expression d'une façon très absolue
mais il reste quand même qu'on pourrait permettre à tous les
électeurs de gagner leurs élections.
Au niveau du service aux électeurs, j'en ai parlé
déjà, il y aurait aussi une grande amélioration. Comme je
disais, il ne faut pas tout attendre d'un mode de scrutin et
particulièrement sur le plan de la ligne de parti. Je pense que ceux qui
préconisent qu'on utilise profondément le nouveau mode
du scrutin pour diminuer les effets de la ligne de parti devraient
davantage regarder du côté d'un changement qui, d'après
moi, s'impose et qu'on devrait faire, un jour, au Québec - sans doute
que les circonstances ne sont pas très appropriées pour le moment
-c'est le régime présidentiel. Si véritablement on veut
donner aux élus québécois la possibilité de se
distancer du gouvernement, de se distancer du pouvoir c'est davantage dans un
changement de régime comme en s'en allant vers un régime
présidentiel qu'on y arrivera. À l'intérieur d'un
changement de mode de scrutin, on pourra peut-être donner des indications
quant aux personnes qu'on veut là mais on n'arrivera jamais à
contrôler chacun des individus dans son fonctionnement de tous les jours.
On pourra toujours améliorer les choses par la réforme
parlementaire. On l'a fait récemment; cela a donné comme
résultat qu'on est aujourd'hui en commission parlementaire à
vivre des choses d'une façon un peu différente de ce qu'on vivait
avant. Cela n'est pas le summum de qualité de résultats, mais
c'est quand même mieux que ce que l'on vivait avant.
Sans doute que le régime présidentiel nous permettra
d'arriver à de meilleurs résultats. Ce n'est pas le mode du
scrutin qui va donner ce résultat-là, d'après moi, et cela
amène fatalement une question: Est-ce compatible d'avoir un
régime présidentiel avec un mode de scrutin proportionnel? On me
dit qu'en Finlande, on a un régime présidentiel et une
proportionnelle, donc les deux réalités peuvent vivre côte
à côte. Sans doute que c'est le meilleur résultat de la
ligne de parti.
Pour conclure, je dirais: II ne faut pas tout demander à ce
changement. Il y a cependant un objectif important à viser pour le
moment et c'est la disparition de distorsions parce que c'est une injustice
effrayante à l'égard des électeurs et c'est un accident
qui peut arriver à chacune des élections. Comme je le disais
à une émission de télévision récemment: Pour
prévenir les accidents on a le devoir de toujours prendre les moyens
pour les prévenir. Il faudra donc prévenir l'accident qui
pourrait arriver à la prochaine élection. Mais il faudra quand
même être bien réaliste et penser qu'on ne pourra pas
atteindre tous les objectifs louables, mais qu'on pourrait identifier.
J'aimerais que vous réagissiez un peu à ce que je viens de dire.
C'est mon point de vue.
M. Bourassa: Pour ma part, je vous dirai que vos commentaires sur
la place des partis dans la vie politique m'apparaissent très justes et
encore me semble-t-il plus juste de dire que ce n'est pas un mode de scrutin
qui va régler toutes les questions et que vous avez évoqué
un très grave problème qui déborde sûrement notre
mandat, qui est celui du régime présidentiel et de la
transformation fondamentale et radicale du système politique qui est
nôtre. Cela dit, donc avec cet accord qui est entier, je pense, pour les
trois membres de la commission avec vos propos.
Pour ce qui est de la ligne de parti, dans notre démarche vous
avez évoqué une chose, et j'aimerais peut-être en rappeler
une autre qui nous a préoccupés dans la mesure où cela
pouvait faciliter dans cette perspective la situation de l'électeur.
Nous avons souvent dit qu'une de nos préoccupations les plus importantes
était, dans une réforme du mode du scrutin, le droit des
électeurs. Eh bien, le droit des électeurs, il nous semble
qu'entre autres façons, la possibilité d'indiquer dans une liste
ouverte un certain nombre choix et de panacher même était aussi
une manière de briser les lignes de parti. Il y a un autre aspect dans
notre rapport qui est évoqué et qu'on pourrait peut-être
longuement débattre qui est celui, en vertu des nouvelles
circonscriptions électorales, que comporterait un tel mode de scrutin,
des équipes de députés élus au niveau de chacune
des circonscriptions territoriales. À ce moment-là, je pense, de
nouveau les lignes de partis seraient sûrement affectées au sein
de la circonscription elle-même. Je pense même, comme on discutait
un peu ce matin, au niveau même de l'Assemblée nationale.
Si une vingtaine ou vingt-cinq circonscriptions électorales
élisent l'ensemble de nos représentants, au niveau de chacune
d'entre elles il y aura des collaborations et il y aura en fait des liens qui
s'établiront plus ou moins harmonieusement et plus ou moins facilement
entre les représentants de divers partis, au niveau de ces
circonscriptions elles-mêmes, de ces territoires, et, je pense, par une
espèce de force d'entratnement, au niveau national de la même
façon. Il y a, si vous voulez, un germe de transformation de la ligne de
parti qui est aujourd'hui, au fond, beaucoup plus simple au meilleur sens du
terme, mais aussi peut-être un peu simplifié. Alors, ce sont deux
éléments. (17 h 15)
Du point de vue des électeurs, notre rapport a
véritablement privilégié cet aspect: Comment peut-on
améliorer ou rendre plus dynamique cette existence partisane ou cette
affiliation partisane dans un mode de scrutin renouvelé? Mais il est
très certain, là je m'excuse de le répéter mais je
l'avais indiqué dès le départ, qu'il y a d'autres
dimensions peut-être encore plus graves et qui ont plus de
conséquences qui se situent au niveau du système politique comme
tel, notamment d'un régime présidentiel, et pour terminer, quand
vous posez la question à savoir si l'on pourrait concevoir un
régime
présidentiel et un mode de scrutin proportionnel, je ne vois en
aucune façon une objection de principe à un tel
aménagement. Vous citez le cas de la Finlande. Je pense, qu'il n'y a
rien dans le régime présidentiel, qu'il soit à la
française ou à l'américaine comme les deux que nous
connaissons, qui empêche une telle chose. C'est d'autant plus vrai que
l'on dit que le système français actuel est en train de cogiter
une réforme du mode de scrutin qui irait du côté de la
proportionnelle d'ici à très peu de temps dans le cadre actuel du
régime français. Donc, de ce côté, des
possibilités sont grandes et pour ma part je rejoins tout à fait
vos préoccupations.
M. Dussault: M. le président. M. Côté (Pierre-F.)
Oui.
M. Dussault: Dans un autre ordre d'idées, en revenant sur
la question des élections partielles, je dois vous dire que je suis un
peu déçu que vous n'ayez pas vraiment répondu, en tout cas
pas à ma satisfaction et sans doute pas à la satisfaction du
député de Gouin non plus. Moi, je ne suis pas satisfait parce que
je pense que sur le plan des élections partielles, si l'on applique la
proportionnelle territoriale telle que vous l'avez préconisée,
c'est sûr qu'il serait logique qu'il n'y ait pas d'élections
partielles. J'en conviens de cela. Je pense que c'est inhérent à
toute proportionnelle qu'on fasse disparaître les élections
partielles. Je suis quand même conscient qu'au Québec, faire
disparaître des élections partielles, pour le parti qui aurait
idée de mettre cela dans la législation, cela pourrait être
un peu difficile à vivre parce que je vois très bien nos
adversaires laisser croire à la population que le seul objectif d'un
gouvernement qui ferait disparaître les élections partielles
serait de se mettre en meilleure posture dorénavant avec la population
sur le plan électoral, alors qu'il n'en est rien.
La raison bien profonde pour laquelle il serait logique de faire
disparaître les élections partielles est effectivement que lorsque
les gens votent avec un mode de scrutin à la proportionnelle, ils ont
établi une Assemblée nationale pour un temps X jusqu'à la
prochaine élection et on est censé avoir fait voir tout le
résultat qu'on voulait faire ressortir d'une élection à ce
moment là. Mais je pense que ce ne serait pas une anicroche effrayante
à une proportionnelle de type territorial ou régional, selon les
mots qu'on emploiera quand on en fera la législation, si l'on y arrive.
Je pense qu'un mode d'élection, un mode de scrutin, cela devrait
être bien relatif à un contexte. Prenons par exemple en
Israël. S'ils se sont donné une proportionnelle pure,
intégrale, c'est parce que, historiquement, ils avaient besoin de vivre
de telles choses parce qu'ils avaient même une unité très
grande pour passer à travers les difficultés qui étaient
les leurs, historiquement, à ce moment-là. Dans notre cas, il y a
un autre contexte. Si l'on devait passer par une période de transition
d'un mode de scrutin uninominal à un tour actuel à une
proportionnelle telle que vous la décrivez, ce ne serait peut-être
pas dramatique pour un certain temps de vivre des élections partielles
qui seraient une anicroche, mais pas effrayante quand même. Cela voudrait
dire qu'on assumerait, pas une contradiction, mais une sorte de voie
d'évitement, un certain temps, à un problème qui est
particulièrement conjoncturel. Je pense que c'est comme cela qu'on
pourrait voir les choses. Ce serait vraiment de le voir pour un certain temps.
Mais c'est sûr qu'à la longue, la logique d'une proportionnelle,
c'est qu'il n'y a plus d'élections partielles. Je ne sais pas ce que
vous en pensez.
M. Côté (Pierre-F.) Si vous me permettez une
remarque sur votre dernier point, cela illustre très bien la
démarche qu'on a suivie et la façon dont le débat sur
cette question doit se faire. Vous dites qu'on pourrait peut-être
envisager une solution intermédiaire qui, pendant un certain temps,
permettrait de tenir par exemple des élections partielles pendant une
certaine période de temps pour s'ajuster complètement au fait
qu'à la fin, il n'y en aurait pas d'élections partielles.
Ce qui nous a frappé, ce qui nous frappe nous, c'est -
peut-être qu'on n'a pas suffisamment fouillé, peut-être
qu'on pourrait nous donner des informations supplémentaires - que je ne
crois pas qu'il existe de pays où il y a un mode de scrutin dans lequel
on retrouve une solution facile à ce problème des
élections partielles mais une des caractéristiques de notre
position, si vous me le permettez je voudrais juste faire une
parenthèse, je voudrais insister sur l'un des points qui nous semble
assez important. Je ne voudrais pas qu'on oublie de le mentionner. On a
appuyé notre démarche sur ce qu'on a appelé des
caractéristiques québécoises. Vous soulignez que c'est une
des longues traditions et que ça peut prêter à beaucoup
d'interprétation. Vous faites vous-même une ouverture, vous
évoquez une espèce de possibilité d'explorer à
savoir s'il n'y aurait pas une solution, au moins interne, qui pourrait
être entreprise pendant un certain temps.
Je crois que vous réalisez parfaitement, par vos propos, le sens
de la démarche que nous suggérons dans notre rapport, à
savoir qu'il y a une recommandation et des suggestions. Ce sur quoi je voudrais
revenir -ça n'a pas du tout de rapport avec ce que
vous avez dit, je m'en excuse - c'est qu'il y a un élément
qui est quand même assez important pour nous. J'en ai fait état
à des étrangers à plusieurs reprises et ils étaient
passablement renversés de cette situation. C'est lorsque nous
suggérons dans notre rapport que dans l'hypothèse du
découpage électoral avec un mode de scrutin proportionnel, on
ajoute un facteur tout à fait nouveau, inédit, qui n'existe nulle
part ailleurs au monde, qu'on a appelé le facteur plus un qui
découle de la relation entre la faible densité de la population
et l'immensité du territoire. On ne l'a retrouvé nulle part
ailleurs au monde.
Ce n'est pas un facteur déterminant dans la détermination
du nombre de députés dans les circonscriptions. Partout ailleurs
où on a des modes de scrutin proportionnels, c'est basé sur le
nombre d'électeurs. Là, tout à coup, parce que nous avons
une caractéristique très particulière qui est cette
relation, cet aspect entre une faible densité sur un très vaste
territoire, une très grande distance, nous avons imaginé cette
solution.
Je le donne à titre d'exemple parce que ce que vous
suggérez, c'est ceci. À mon avis, il y a peut-être à
imaginer des solutions ou des façons de procéder qui n'existent
pas ailleurs, mais qui pourraient s'adapter chez nous tout en atteignant
l'objectif premier qu'il nous semble devoir retenir et que vous avez
souligné: celui d'aboutir à une plus juste équation entre
la volonté exprimée par les électeurs, le pourcentage du
vote et le pourcentage de personnes élues à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Rivest): Merci. M. le
député de Gatineau.
Le rejet du mode de scrutin actuel
M. Gratton: Merci, M. le Président. Si vous me permettez,
j'aimerais aborder la partie du rapport qui touche le mode de scrutin actuel.
Vous dites, à la page 10 de votre texte d'hier: "L'analyse de la
consultation a incité la commission à rejeter le mode actuel et
à proposer une réforme." À la page 15, on constate que
vous avez procédé "à l'analyse de certains thèmes
rattachés à l'étude de tout mode de scrutin en fonction,
bien sûr, de leurs conséquences prévisibles et possibles",
et les termes retenus ont été les suivants: représentation
des électeurs, délimitation territoriale, rôle du
député et du parlementaire, stabilité gouvernementale et,
enfin, le rôle des partis politiques.
J'aimerais qu'on regarde chacun de ces éléments, chacun de
ces thèmes et qu'on identifie quels désavantages ou avantages du
mode de scrutin actuel on retrouve pour chacun de ces thèmes vous ont
amenés à rejeter le mode actuel et à opter pour le mode
proportionnel.
D'abord, la délimitation territoriale. J'affirme - vous pourrez
me corriger si vous sentez que c'est nécessaire - que la
délimitation territoriale, que ce soit le mode de scrutin actuel ou le
mode de scrutin que vous proposez, mis à part le fait qu'il y a des
territoires plus vastes, donc qui sont moins nombreux dans votre proposition,
que ça ne représente pas un élément à partir
duquel on peut opter pour un ou pour l'autre. Ce n'est pas un
élément majeur. En tout cas, le mode de scrutin actuel - je
l'affirme sans ambages - ne comporte pas de désavantage marqué
sur le plan du thème "délimitation territoriale." D'ailleurs,
dans votre déclaration d'hier, vous n'y faites absolument aucune
référence sauf pour le mentionner comme un des thèmes.
La stabilité gouvernementale: Vous avez voulu parler de cela et
vous le faites à la page 23 en donnant votre opinion voulant qu'un mode
de scrutin proportionnel n'équivaut pas nécessairement et
automatiquement à: instabilité gouvernementale et vous affirmez
que le mode de scrutin actuel n'est pas non plus garant à lui seul de
stabilité gouvernementale. Il me semble que, en supposant qu'il est vrai
que le mode de scrutin actuel n'est pas à lui seul garant de
stabilité gouvernementale, je doute que vous contestiez qu'il le
garantit un peu mieux que n'importe quel autre système. Et j'attire
votre attention sur l'affirmation que vous faites à la page 23 où
vous dites: "Si on se réfère à la
périodicité des élections comme critère de
stabilité, on se rend compte que la durée de vie des
gouvernements élus, sur la base d'un mode de scrutin proportionnel, est
à peu près égale sinon légèrement
supérieure à celle de ceux qui sont élus sur la base d'un
mode de scrutin majoritaire. Vous pourriez peut-être m'en convaincre
à l'aide d'un certain nombre d'exemples, mais je vous dirai simplement
que la périodicité des élections, ce n'est pas le seul
critère et c'est probablement même pas le critère le plus
important pour mesurer la stabilité gouvernementale.
On a, par exemple, c'est le cas d'Israël, un Parlement qui n'aura
peut-être pas d'élection avant terme, mais qui va avoir deux
premiers ministres diamétralement opposés l'un à l'autre.
Cela, si ce n'est pas un facteur d'instabilité gouvernementale, c'est
tout au moins un facteur qui amène plusieurs gens à se poser des
questions sur ce qui va se passer. Transposons le cas ici. Je comprends que
vous ne préconisez pas un mode de scrutin proportionnel complet, mais si
on devait demander à MM. René Lévesque et Robert Bourassa
d'alterner comme premier ministre au Québec pour une période de
deux ans, j'ai l'impression qu'on aurait plusieurs personnes qui se poseraient
des questions sur la stabilité.
Cette parenthèse étant fermée, sur le plan de la
stabilité gouvernementale, je tiens pour acquis que vous ne dites pas
nulle part que le système que vous proposez l'assurerait mieux que le
système actuel. Donc, il n'y a pas d'avantage marqué et encore
vous me corrigerez tantôt si je me trompe.
Le troisième thème ou un des troisièmes
thèmes, le rôle des partis politiques. Et vous n'abordez pas
directement ce thème dans votre document hier, mais ce qui est curieux,
c'est que vous l'abordez à plusieurs occasions indirectement aux pages
27 et 28 quand vous parlez de la relation électeurs-élus qui est
un quatrième thème dont on parlera tantôt. Parce que aux
pages 26 et 27, vous nous expliquez que la relation
électeurs-élus pourra être sensiblement aussi avantageuse
que celle qu'on a présentement, à la condition que les partis
politiques le veuillent bien. À la page 27 vous dites: "D'abord, il nous
est apparu très improbable que dans un mode de scrutin proportionnel, un
parti politique présente une liste de candidats qui ne colle d'aucune
façon, quant à la profession, le sexe ou l'âge, à la
réalité du vécu de la clientèle susceptible
d'assurer son élection." Je soumets que cela dépend du parti
politique. Plus loin vous dites: "Nous croyons que dans un mode de scrutin
proportionnel, les partis voudront s'assurer, par voie de réglementation
interne ou autre, de présenter des listes de candidats qui soient
représentatives, etc." Encore là, une décision des partis
politiques. Au dernier paragraphe, vous dites: "Les partis politiques devront
s'ajuster par voie de règlement de régie interne." En parlant
toujours de la qualité de la relation électeurs-élus.
Encore là, ce sont les partis politiques. À la page 28, c'est la
même chose: "La commission est donc consciente que le mode, dont elle
propose l'adoption, tranformerait en profondeur la dynamique des partis
politiques. Effectivement, mais on doit reconnaître que pour le
rôle des partis politiques, en supposant que nous visons tous et c'est le
cas semble-t-il, c'est un des rares points sur lesquels on s'entend des deux
côtés de cette commission... (17 h 30)
Quand on dit qu'on doit donner plus d'initiatives ou enlever les
initiatives aux partis politiques, je ne trouve rien dans votre proposition qui
nous permette d'espérer qu'on améliorerait la situation au niveau
de l'importance des partis politiques. Au contraire, il me semble que le
système, le mode de scrutin actuel, on peut lui reprocher de donner trop
d'importance aux partis politiques, mais je suggère respectueusement que
la proposition que vous faites empirerait la situation plutôt que de
l'améliorer.
Le quatrième élément ou thème, c'est le
rôle du député et la vie parlementaire. Vous le dites
vous-même à la page 26: "II est certain que, avec l'implantation
d'un mode de scrutin proportionnel au Québec, la relation
électeurs-élus serait différente". J'ai fait mention
tantôt de la façon que la commission entrevoit une relation
électeurs-élus d'égale qualité à celle qu'on
a présentement avec le mode actuel, à la condition, bien entendu,
que les partis politiques s'ajustent.
Je vous soumets le cas du comté de Gatineau. Dans la
région de l'Outaouais, on aurait la grande région qui
élirait un certain nombre de députés. Présentement,
je suis député du comté de Gatineau; je représente
un comté qui a 300 milles de long, qui part des limites de la ville de
Hull au sud et qui va rejoindre la barrière nord du parc La
Vérendrye; je pense que je suis à 26 milles de Val d'Or. Cela
vous donne une idée de l'ampleur du territoire. La principale ville dans
mon comté est Maniwaki qui compte 8000 de population, environ 5000
électeurs; elle se situe à 90 milles de l'endroit où je
réside, dans le sud du comté, et déjà, les gens de
Maniwaki se plaignent qu'ils ne voient pas le député assez
souvent. J'entends déjà mes amis du Parti québécois
dire: Il n'y va pas assez souvent. Évidemment, on ne peut pas être
à Québec et à Maniwaki en même temps.
M. Rochefort: On n'a rien dit. On prend bonne note que vous vous
sentez coupable. Jamais on n'aurait pensé cela, mais vous devez vous
sentir coupable.
M. Gratton: Quand vous en serez rendus à quatre
élections avec des majorités, on s'en reparlera.
M. de Bellefeuille: J'ai déjà moi-même
rencontré le député de Gatineau à Maniwaki.
Le Président (M. Rivest): À l'ordre!
M. Rochefort: Quatre élections, dont deux se sont faites
rapidement.
Le Président (M. Rivest): À l'ordre:
M. Gratton: Les gens de Maniwaki, de cette
région-là, trouvent qu'ils ne voient pas le député
assez souvent et pourtant je suis à 90 milles. Dans votre
système, vous me proposez de me faire élire par l'ensemble de la
région de l'Outaouais. Je ne veux pas aborder cet article parce que
c'est mon collègue qui le fera tantôt. J'estime que la relation
électeurs-élus va en souffrir énormément. Vous
dites qu'elle va changer; elle va changer pour le pire.
Je conviens que les partis voudront se donner des candidats qui sont le
plus représentatifs possible, mais représentatifs de qui? De la
population? La population, ce n'est pas à Maniwaki qu'on la retrouve,
ce
n'est pas à Ferme-Neuve dans le comté de
Laurentides-Labelle, ce n'est pas à Bristol dans le comté de
Pontiac, c'est plutôt dans les villes de Hull, de Gatineau, d'Aylmer qui,
à elles seules, totalisent probablement 80% de l'ensemble de la
population de l'Outaouais.
Pour que les partis se choisissent des candidats représentatifs,
que vont-ils faire? Vont-ils choisir des candidats de Maniwaki? J'imagine
qu'ils vont se choisir des candidats avec lesquels les gens, 80% de la
population, vont plus facilement s'identifier. La relation
électeurs-élus est déjà assez difficile, dans
certains comtés aussi vastes que le mien, compte tenu que quand on a 25
municipalités, c'est évident que le député ne peut
être résident des 25 municipalités. Elle est
déjà assez difficile dans les comtés ruraux, je vous fais
observer qu'avec votre proposition, il n'y aura plus de relation
électeurs-élus, surtout pour les régions
périphériques. Je vous dis que du côté du
thème "relation électeurs-élus", je ne peux concevoir que
vous allez me dire tantôt: La proposition que nous faisons
améliore la situation par rapport à la situation actuelle.
Il reste le cinquième thème, celui de la
représentation des électeurs, les distorsions. Quand je lis, par
exemple, la déclaration que vous faisiez, M. Côté, lors de
l'étude des crédits en mai dernier: "Cette décision, la
commission l'a prise dès l'instant où il nous est apparu
clairement que le mode de scrutin actuel souffre d'une grande carence, soit les
distorsions", je comprends à cela et à l'analyse des cinq
thèmes qui ont présidé à votre étude que,
finalement, ce sont les distorsions et presque exclusivement les distorsions
sur le plan de la représentation qui vous ont incités à
rejeter le mode de scrutin actuel. Si vous acceptez cela - et peut-être
que ce serait le moment de me dire si oui ou non vous êtes d'accord avec
ce que j'ai énoncé jusqu'à maintenant - dans un
deuxième temps, j'aimerais qu'on en parle des distorsions et qu'on parle
d'exemples concrets et qu'on m'indique à quel moment il y a eu des
distorsions à ce point graves que sur la base de la
représentation de l'électeur il y a eu injustice flagrante. J'en
connais déjà quelques-uns des exemples. Je pense qu'en 1973, il y
a sûrement eu quelque chose qui n'a pas marché avec notre
système. Mais, j'estime que la correction est venue vite en 1976 par
exemple. Si vous me parlez des autres exemples de 1956, de 1966, ceux-là
je pense qu'on pourrait gratter ensemble et peut-être convenir que
finalement, ce n'était pas le mode de scrutin du tout qui était
à la base de ces distorsions mais plutôt une carte
électorale qui était inadéquate et qui a depuis
été corrigée. Alors, ma question se résume à
cela. Est-ce que je me trompe quand je dis que la raison principale, sinon la
seule raison, qui vous a amenés à rejeter le mode de scrutin
actuel c'est les distorsions? Et à partir des quatre autres
thèmes, soit la délimitation territoriale, le rôle du
député et la vie parlementaire, la stabilité
gouvernementale, le rôle des partis politiques, finalement le mode de
scrutin actuel est au moins égal et dans certains cas supérieur
au mode qui est contenu dans votre proposition. Si vous êtes d'accord
avec cela, est-ce qu'on peut ensuite aborder la question spécifique des
distorsions?
M. Côté (Pierre-F.): M. le député, je
crois que vous avez posé un très grand nombre de questions. Si
vous le permettez, nous allons nous partager la tâche pour essayer d'y
répondre le mieux possible. Je demanderais à M. Lessard de faire
une première intervention et ensuite de cela, M. Bourassa.
M. Lessard: II y a un très grand nombre de questions
évidemment, c'est même presque toute la question qui est
posée. Ma première réaction ce serait pour vous dire ceci:
Les thèmes que vous mentionnez sont pour nous, dans un premier temps, la
façon de classer la réaction des électeurs. Vous trouverez
cela entre les pages 25 et 53 du rapport, où nous analysons chacun de
ces thèmes en faisant le bilan des interventions des électeurs.
Il ressort de ces thèmes que les plus importants sont celui de la
représentativité par exemple, à savoir qu'on mentionne le
plus souvent les distorsions et l'absence de représentation des tiers
partis ou la possibilité d'apparition des partis et tous les autres
suivent. Ceci étant dit, nous avons donc un certain nombre de
thèmes qui sont importants pour la population. Nous avons analysé
le contenu et ensuite nous les avons utilisés comme critères.
Comme vous dites, il nous a fallu choisir des critères premiers, des
critères quant auxquels le choix était fondamental. Il nous a
semblé que le problème de la représentativité
était ce thème. Ce qui nous a fait opter dans un premier temps
pour la proportionnelle. Mais tous les autres critères sont
entrés en ligne de compte par la suite pour vérifier si cette
proportionnelle qui nous semblait la plus vraisemblable était aussi
acceptable du point de vue des autres thèmes.
Je vous dirai pour vous rejoindre, si vous voulez, que, dans beaucoup de
cas, nous avons hésité parce qu'il y a vraiment un choix à
faire entre la réalisation de la représentativité, la
meilleure proportion de sièges à la Chambre par rapport au nombre
de votes et la meilleure situation du député dans son
comté. On a analysé ces questions. On a fait une espèce
d'équivalence entre les deux et on arrive à une proposition comme
la nôtre. Quant à moi, je vous laisse amplement le droit, à
partir de votre expérience et de vos connaissances, si vous
le voulez, d'évaluer la situation autrement. Mais, nous avons
fait une évaluation à partir de regroupements des interventions
de la population, ce qui a donné nos thèmes et ce qui a
donné ensuite des critères. Je pense que M. Bourassa...
M. Bourassa: Oui. Eh bien, je voudrais expliquer ceci. En
reprenant précisément la question qui a terminé votre
exposé, où vous disiez: Finalement, est-ce que le principal
motif, sinon le seul motif pour rejeter le mode de scrutin actuel, n'est pas la
distorsion? Je pense que je peux vous répondre très nettement et
très clairement: Ce n'est pas le seul motif ni le principal motif, parce
que nous avons déjà introduit dans nos débats une
distinction que je pense très importante entre ces distorsions
réelles dont on pourrait longuement parler et que personne ne conteste,
même sur une période relativement courte ou longue. Ce qui nous a
beaucoup plus préoccupés - quand vous faisiez allusion aux divers
thèmes que nous avons retenus, il me vient en tête - c'est la
représentation des électeurs.
Dans les caractéristiques de la société
québécoise que nous décrivons dans le rapport aux pages 93
et suivantes, nous faisons état d'un pluralisme, à la fois d'une
concentration et d'une dispersion des électeurs. Ces
caractéristiques, nous avons cru les noter aussi bien à travers
la tournée et la consultation que nous avons faites qu'à travers
des études qui ont été menées. Donc, un des
principaux pôles de la proposition que nous faisons, ce n'est pas
strictement d'éliminer des distorsions. Il y aurait sans doute des
moyens beaucoup plus simples de le faire et qui chambarderaient beaucoup moins
de choses. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Mais,
encore une fois, c'est de permettre à un pluralisme
québécois, à une société en évolution
et à des courants d'idées divers de s'exprimer et d'arriver, en
fait, à se faire entendre par les mécanismes les plus officiels,
donc à l'Assemblée nationale, à travers les institutions
politiques. C'est une première chose qui m'apparaît
extrêmement importante.
Parmi les autres thèmes qui nous ont beaucoup influencés -
et là encore, cela m'amène à vous dire que les distorsions
sont loin d'avoir été la seule raison de notre choix - il y a
tout ce qui touche à la délimitation territoriale. En fait, il y
a deux pôles ici, si je puis un peu simplifier les choses, pour les fins
du débat: il y a la circonscription telle que nous la connaissons qui a
été définie avec la modification de la carte
électorale mais, tout de même, selon un pattern
hérité du siècle passé et il y a de plus en plus
dans nos régimes politiques et administratifs des unités plus
vastes: communautés urbaines, municipalités régionales de
comté, structures de toutes sortes qui englobent nettement des
entités plus grandes que les comtés électoraux que nous
connaissons maintenant. Je pense que vous le savez beaucoup mieux que moi. Je
pense qu'on peut très bien affirmer que c'est plus qu'une
hypothèse que de dire qu'il y a vraiment des regroupements
d'entités pour le bon fonctionnement de l'État moderne où
le comté n'est qu'un des éléments parmi plusieurs.
Nous avons donc, dans cette réflexion sur le mode du scrutin,
cherché à coller d'aussi près ces nouvelles structures.
Est-ce que cela prendra nécessairement le courant de ces
municipalités de comté? Je ne dis pas oui. Est-ce que cela
devrait se faire aussi du côté des villes et des
communautés urbaines? Je n'en suis pas certain non plus. Ce qui nous
paraît certain, par ailleurs, et c'est là que la proportionnelle
devient territoriale, c'est qu'il faut dépasser un certain cadre
géographique qui a été jusqu'ici caractéristique du
mode électoral et du mode du scrutin québécois.
À ce sujet, vous avez évoqué - et je suis bien
d'accord avec vous - le cas d'Israël qui est un cas limite où la
stabilité se mesure - vous avez bien raison de le dire, à
d'autres facteurs qu'au nombre d'élections -à la
longévité des Parlements élus. Mais, je pense que le cas
d'Israël - et je pense que vous l'admettrez aussi - est
particulièrement difficile. Je lisais encore hier un article d'un
spécialiste sur ces questions. Il y a une crise économique
très grave. Il y a une guerre qui coûte à l'État
d'Israël des milliards. Il y a une crise morale et culturelle. Nulle part
dans l'article en question il n'est question du mode du scrutin comme
étant la cause des problèmes de l'État d'Israël.
Enfin, je fais une brève parenthèse parce qu'il est assez
difficile, si vous voulez, de comparer ces choses.
Quant à la stabilité qui est aussi un des thèmes
sur lesquels nous avons voulu beaucoup nous arrêter dans la proposition
que nous avons faite et qui est ma troisième raison, si vous me le
permettez, je dois dire aussi que notre choix n'est pas commandé que par
la distorsion, j'insiste, c'est que de la stabilité gouvernementale,
nous en sommes très préoccupés mais nous sommes aussi
convaincus que la stabilité peut être sur le plan gouvernemental
de diverses manières. Elle peut être, disons, sous la forme la
plus évidente qui est celle que nous connaissons maintenant. À
des coûts assez élevés, la stabilité est claire. Un
parti est élu avec un nombre très élevé de
députés par rapport aux voix qu'il a obtenues en
général et cela donne des règles du jeu très
claires. Mais il y a, je pense, des coûts très
élevés à cela et il y a aussi, et cela dans notre
consultation et dans nos réflexions c'est un point important, ce qu'on
pourrait appeler la
stabilité sociale qui revient aussi à la
représentation.
(17 h 45)
Si un gouvernement si stable empêche par ailleurs des mouvements
d'opinions de s'exprimer ou en tout cas de se faire entendre par les
mécanismes politiques normaux, on est bien sûr devant un monument
de stabilité, mais nous - je caricature un peu, vous me le permettrez
-sommes convaincus aussi qu'à ce moment-là, la stabilité
gouvernementale, la stabilité politique même est peut-être
un peu faussée au détriment de ce que serait une stabilité
sociale où des appareils de coalition, éventuellement, des
gouvernements moins forts. Par exemple, on a beaucoup parlé du
gouvernement minoritaire et du danger que la proportionnelle peut
entraîner de ce côté. Je pense qu'on peut aussi très
bien dire que sans aller du côté des gouvernements minoriraires,
des gouvernements plus faibles, en terme de majorité, donnent
d'excellents résultats dans bien des cas pour des raisons assez
évidentes; ils se sentent davantage talonnés, si vous me
permettez l'expression.
Sur le plan de la stabilité, peut-être avons-nous surtout
voulu démystifier une idée très répandue et que
nous avions, je pense en tout cas pour ma part, un peu au départ sur ces
matières, c'est-à-dire que la stabilité c'est le
majoritaire à un tour que nous connaissons, proportionnelle majoritaire
à deux tours selon les degrés divers, j'ai appris cela il y a
déjà environ trente ans, c'est l'instabilité, c'est le
chaos, c'est la France, c'est l'Italie et c'est Israël alors qu'on sait
qu'il y a autour de nous, en tout cas si l'on traverse l'océan
Atlantique, bien des pays où il y une très grande
stabilité gouvernementale à la fois par la
longévité des gouvernements en place mais aussi par le climat
social qui s'est instauré et les mesures qui sont votées, qui
font qu'à travers un mode de scrutin différent du nôtre et
des régimes passablement plus souples, on a quand même
conservé des structures de gouvernement qui sont valables.
Voilà donc. Si vous voulez, j'insisterais pour ma part sur ces
quatre thèmes qui ont - et là je ne pense pas fausser l'opinion
de mes collègues et ils me corrigeront ou me compléteront si
c'est nécessaire - vraiment amené notre rejet ou notre refus du
mode de scrutin actuel et notre réflexion vers un nouveau mode de
scrutin. Je vous avoue que lorsque vous touchez par ailleurs à la vie
des partis politiques et à la relation électeurs-élus,
cela a représenté des considérations très
importantes et qui nous ont passablement préoccupés mais
où il était peut-être moins facile pour nous, et là
ce n'est pas, je pense, vous renvoyer la balle que de vous dire que pour ce qui
est de la vie politique, de la vie interne d'un parti politique, le mode de
scrutin actuel par rapport à un mode de scrutin comme celui que nous
proposons a des avantages mais aussi peut avoir des inconvénients. De ce
que nous avons entendu en tout cas sur ce plan là, il ne nous est pas
apparu qu'il y avait des obstacles majeurs dirimants, pourrait-on dire, qui
font qu'un mode proportionnel territorial serait inapplicable pour les partis
politiques en place.
Et finalement pour la relation électeurs-élus, là
encore je ne prétendrai et nous ne prétendrons sûrement pas
occuper une place que vous connaissez mieux que nous mais on peut s'interroger
et on peut se poser sérieusement la question de savoir si, par un
nouveau mode de scrutin, par un type de représentants qui seraient
peut-être en mesure de représenter des intérêts et
des enjeux plus vastes dans une aire donnée du Québec, il n'y
aurait pas des relations et à la fois entre... On parle d'ailleurs
toujours de la relation électeurs-élus mais j'aimerais bien qu'on
parle peut-être aussi des relations que vous connaissez sans doute
très bien aussi entre les groupes et l'élu et peut-être que
ce sont moins des relations d'individus, de citoyens individuels et de son
député ou de sa députée que des relations entre des
groupements, des associations et des élus. Et cela je pense que plus
nous donnerons une assise véritable où seront choisis ces
représentants, d'où sortiront ces représentants,
meilleures pourraient être les relations. Enfin, c'est une
hypothèse que nous faisons mais donc sur ce cinquième
thème, si je puis les unir: partis politiques et
électeurs-élus, cela a soulevé chez nous des
préoccupations qui trouvaient ce genre de réponse, qui ne nous
paraissaient pas soulever d'obstacles majeurs et qui pourraient peut-être
être sûrement être complétées par vos propres
expériences. Disons pour l'essentiel, pour conclure cette longue
réponse, que quand vous nous demandez: Votre rejet et votre proposition
s'appuient-ils sur un seul motif? Je crois qu'il est nécessaire et
indispensable à nos yeux de regrouper ces quatre éléments
pour avoir une vue juste de ce que nous avons voulu faire depuis le
début de la consultation jusqu'à la rédaction du
rapport.
Le Président (M. Vaugeois): Je voudrais poser une question
à M. Bourassa sur sa dernière réponse. Je trouve cela
intéressant, vous avez fait des distinctions. La question était
peut-être un peu piégée, on a parlé de distorsion,
je trouve que M. Bourassa a bien répondu là-dessus.
M. Gratton: Ma question était mal formulée, je
l'admets, je n'aurais pas dû parler de distorsion comme étant le
principal ou le seul facteur, j'aurais dû parler de la
représentation. Je m'en excuse parce que, effectivement, vous avez
complètement
raison. C'est cela, non pas seulement la distorsion.
Le Président (M. Vaugeois): On s'entend bien tous les
trois, c'est formidable. Puis-je vous demander, pourquoi à vos yeux, il
serait important - malgré tout, il semble que c'est important -
d'éviter la distorsion et d'assurer la
représentativité?
M. Bourassa: Pourquoi c'est important d'assurer la
représentativité?
Le Président (M. Vaugeois): D'essayer d'éliminer le
plus possible la distorsion et d'assurer la plus grande
représentativité possible? Quel effet ça donne? Pourquoi
est-ce important?
M. Bourassa: II semble que c'est une des valeurs
démocratiques les plus fondamentales du système dans lequel nous
vivons. Les opinions importantes ont toutes le droit d'être
représentées. Justement, j'ai pris la peine d'ajouter
l'épithète "importante". Toutes les opinions qui ont un certain
poids, une certaine envergure dans une société, il me semble que
c'est la base même de notre système politique.
Le Président (M. Vaugeois): Qu'est-ce que ça aurait
changé au cours des dix dernières années, par exemple,
puisqu'on a vécu des distorsions importantes depuis quinze ans?
Qu'est-ce qui aurait été changé dans l'histoire du
Québec et par quel mécanisme cela aurait-il été
changé?
M. Côté (Pierre-F.): Évidemment, ce qui se
serait passé est un peu difficile à évaluer
complètement.
Le Président (M. Vaugeois): Évidemment, ma question
n'est pas très bonne.
M. Côté (Pierre-F.): Si je peux résumer dans
une capsule la réponse à votre question, je dirais qu'un mode de
scrutin proportionnel a de fortes chances de rendre davantage justice à
la démocratie.
Le Président (M. Vaugeois): Comment? C'est ce que je ne
comprends pas.
M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, je voudrais
apporter un complément de réponse à ce qu'a dit M.
Bourassa tout à l'heure. Il a dit, en réponse à une
question du député de Gatineau, que pour répondre aux
distorsions - j'ouvre seulement une parenthèse et je reviendrai à
votre question parce que je ne voudrais pas oublier ce point-là - il y a
différents modes de scrutin - si j'ai bien compris, il faudrait que je
revoie le texte - qui pourraient répondre peut-être de meilleure
façon que ce que nous proposons. Ce n'est pas ce que nous disons dans
notre rapport. Nous disons que la meilleure façon de répondre aux
distorsions, à notre avis, c'est un mode de scrutin proportionnel.
Pourquoi? Parce qu'un mode de scrutin proportionnel, la façon
dont ça procède, est celui qui a le plus de chance, qui est le
plus près, à cause de sa façon de procéder, de son
mode de calcul, la façon dont le vote se fait, d'une plus juste
équation entre le pourcentage de vote, l'expression d'opinion des
électeurs et la représentativité, le nombre de
représentants. Reprenons l'exemple que j'ai cité hier pour la
Grande-Bretagne, par exemple, pour ne pas en prendre d'autres. Quand on dit
qu'il y a 43% des votes qui portent au pouvoir le gouvernement actuel et que la
majorité des sièges est de 145, il y a entre l'expression
d'opinion et la réalité parlementaire une distorsion assez
importante.
Le Président (M. Vaugeois): Je vais quand même
réagir à cela. Cela ne vous gêne pas? Les plus grandes
compagnies du monde voient les décisions prises par un capital qui n'est
pas majoritaire; à 30% ou 35%, on contrôle. Dans un régime
politique, vous êtes à 40% ou 45%. Si le reste est divisé
entre plusieurs groupes... En tout cas, on va revenir là-dessus. M.
Bourassa.
M. Bourassa: Ce que j'aimerais dire à propos de votre
intervention, si j'en saisis bien l'essentiel, c'est que ce que ça
pourrait changer - c'est difficile de réécrire l'histoire, vous
le savez mieux que moi...
Le Président (M. Vaugeois): C'est difficile de
l'écrire.
M. Bourassa: Oui, déjà. Ce que ça pourrait
changer, je pense qu'on peut bien l'imaginer, c'est une Assemblée
nationale où seraient représentés dans les débats
davantage de courants et davantage de mouvements d'idée importants et de
pluralisme. Prenons deux exemples bien simples dont on parle beaucoup: les
femmes et les jeunes. On peut croire que certaines mesures, que certains
débats à l'Assemblée nationale - je le dis de façon
très générale et je n'ai vraiment aucun cas à
l'esprit -auraient eu une coloration, auraient pris une allure
différente et sans doute plus proche de la réalité
démocratique.
Le Président (M. Vaugeois): Cela nous fera de bons sujets
pour demain, parce qu'on approche de la limite. Nous, les parlementaires,
à l'exception peut-être de M. le ministre, on ne peut
s'empêcher d'évaluer vos propos à la lumière - en
tout cas, moi je le fais - des pouvoirs réels du
parlementaire et du Parlement où nous siégeons. Nous ne
pouvons guère faire plus que des discours. Mon ami Baril, qui
représente assez bien les jeunes, peut à la limite faire un
discours sur les jeunes au Parlement avec l'espoir que les journalistes seront
là. Il seront sans doute là demain matin pour votre intervention,
cher collègue.
C'est seulement dans la mesure où le Parlement a une
activité qui rejoint l'opinion publique que ça peut être
important d'avoir quelqu'un qui représente les femmes ou les verts, les
jeunes ou d'autres tendances. Autrement, le parlementaire parle, d'où le
mot parlementaire, d'ailleurs, et c'est terminé. Il ne faut pas
confondre. Le mode de scrutin ne désigne pas les membres du
gouvernement, il désigne les membres du Parlement. Toute votre affaire
suppose que le Parlement a des pouvoirs. C'est pour cela que je vous demandais:
Qu'est-ce que ça change? En quoi c'est important? Il y a un
prérequis dans toute votre affaire, c'est qu'il y aurait des pouvoirs
attribués au Parlement.
Les pouvoirs sur le budget, quels sont-ils? Avez-vous déjà
vu le Parlement changer le budget, après 250 heures de débat,
déplacer une virgule dans le budget? Quel est le pouvoir réel du
Parlement sur les lois dans le système actuel?
M. Tardif: Je vais répondre à cela, moi.
Le Président (M. Vaugeois): Le ministre a
évidemment une réponse, mais c'est à vous que j'ai
posé la question.
M. Bourassa: Je vais tenter non pas de répondre,
mais...
Le Président (M. Vaugeois): On va aller dormir
là-dessus, après.
M. Bourassa: ...de dire quand même des choses.
Peut-être est-ce naïf pour nous de croire que le Parlement a des
pouvoirs et que l'Assemblée nationale est un instrument politique
important.
Le Président (M. Vaugeois): C'en est un. Il s'agit
de savoir lequel.
M. Bourassa: C'en est un, bon. D'autre part, je pense que ce que
vous soulignez, c'est tout le débat que vous avez déjà mis
de l'avant et avec lequel nous sommes entièrement d'accord: unir
réforme du mode de scrutin et d'autres réformes politiques. Je ne
crois pas que nous puissions régler cela ici, au sein de cette
commission, mais je m'empresse de vous dire que je suis entièrement
d'accord avec vous pour dire que les deux sont aussi très intimement
unies et qu'on ne saurait faire l'une sans l'autre. Cela me paraît aller
de soi.
Le Président (M.Vaugeois): M. Côté.
M. Côté (Pierre F.): M. le Président, juste
une parenthèse, si vous permettez, je comprends qu'on va bientôt
ajourner. Je veux seulement vous faire part qu'on nous a fait une demande,
hier, pour avoir un prototype de bulletin de vote avec 19 candidats. Puis-je
vous dire que nous les avons et si nous reprenons la séance, je ne sais
trop à quel moment, il sera à la disposition des membres.
Le Président (M. Vaugeois): Merci beaucoup, M. le
président. Je pense que plutôt que de vous obliger à les
rapporter demain matin, peut-être qu'on pourrait en prendre des
exemplaires en partant. M. le député de Gouin.
M. Rochefort: L'horaire pour demain, M. le Président?
Le Président (M. Vaugeois): Nous allons ajourner nos
travaux jusqu'à demain matin, 10 heures. Je soulignerai, pour
l'information des gens qui doivent planifier leur journée, qu'il est
vraisemblable que l'avant-midi nous suffise, mais il n'y a pas d'engagement
là-dessus. Il est vraisemblable, si ça se déroule bien,
que nous puissions terminer nos travaux à 13 heures, demain, mais tout
est imprévisible au Parlement. La seule chose sûre concernant le
Parlement, c'est que c'est imprévisible, sauf quand le gouvernement
prend l'initiative, et même là! Alors, à demain, 10
heures.
M. Gratton: Pourrais-je vous signifier que je n'avais pas
terminé mes questions?
Le Président (M. Vaugeois): Demain matin, à 10
heures, le député de Gatineau aura la parole. Il sera suivi du
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et du
député de Louis-Hébert.
(Fin de la séance à 17 h 59)