L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 10 octobre 1984 - Vol. 27 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière pour étudier le rapport de la Commission de la représentation sur la réforme du mode de scrutin


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Vaugeois): Tout le monde a l'air bien en forme. Je pense qu'avec l'intervention du député de Westmount on va pouvoir terminer ce qu'on a considéré, hier, comme une approche méthodologique qui permet de tirer un peu tous azimuts. Ce matin, M. French va terminer cette première partie avec la même liberté que celle qu'on a accordée à ses collègues hier. Après, si vous êtes d'accord, on pourrait essayer... Alors, il y aura également le député de Charlevoix.

M. French: On pourrait permettre au député de Charlevoix de commencer, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Oui. Permettez-moi d'ajouter que, tout de suite après, si vous étiez d'accord, on pourrait s'arrêter de façon plus particulière au mode de scrutin, disons le chapitre trois, le mode de scrutin actuel et les différentes formules proposées. Cela nous permettrait de traiter un peu en même temps, également, de l'évaluation de la situation où on trouve d'autres modes de scrutin qui sont abordés comme la représentation proportionnelle régionale modérée ou la compensatoire. Une fois faites les premières interventions qu'on vient de rappeler - celle du député de Charlevoix et celle du député de Westmount on pourrait après cela s'arrêter aux différents modes de scrutin étudiés pour arriver à celui qui a été proposé.

Pour la composition de la commission, ce matin, c'est la même qu'hier avec les mêmes remplacements, etc., à une différence près, si vous êtes d'accord, le député de Chauveau pourrait s'ajouter à nous comme membre de la commission, d'autant plus qu'il est porteur d'une proposition intéressante.

Une voix: Est-ce qu'il va arriver...

M. Duhaime: Oui, il est arrivé à Québec, hier, il habite la banlieue.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Charlevoix, vous avez la parole.

M. Mailloux: M. le Président, je voudrais simplement corriger un mot que j'avais prêté au ministre de l'Énergie et des

Ressources dans son allocution; j'avais dit à ce moment-là que le ministre de l'Énergie avait dit ceci: "Voici votre mandat - en parlant de la commission - allez dans la population chercher ce qui vous paraîtrait une majorité" alors que le ministre avait dit: "Allez dans la population rechercher ce qui vous paraîtrait une volonté quelconque". La correction étant faite, M. le Président...

Une voix: Pour moi c'est la même chose.

M. Duhaime: Si c'est majoritaire, tant mieux.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Westmount.

Analyse du sondage

M. French: Merci, M. le Président de la commission des institutions. On se rappellera qu'hier le député de Gatineau a soulevé une question importante quant à une affirmation très catégorique contenue dans les commentaires préliminaires du président de la Commission de la représentation et le président a peut-être aujourd'hui des renseignements qui pourraient nous éclairer là-dessus. Il s'est engagé à ce faire. Vous avez eu un échange, hier, avec le député de Gatineau; de cet échange nous avons conclu que vous ne pouviez pas expliquer une affirmation quant aux renseignements, dans quelques commentaires que vous avez faits au début, c'est-à-dire les renseignements qui touchaient la proportion de personnes au Québec qui voulaient qu'un changement dans le mode de scrutin soit fait avant le prochain scrutin. Je me demandais - dans l'intérêt de la commission - puisque vous vous êtes engagé à nous éclairer là-dessus, si vous êtes prêt à le faire.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, effectivement, M. le député. Cette remarque de M. le député de Gatineau avait trait, non seulement aux chiffres qui apparaissaient dans la déclaration, mais également dans le sondage lui-même. C'est une analyse qui portait sur le sondage.

Hier, on a révélé une confusion dans le calcul statistique de la question no 15 de notre sondage. Je dois vous dire que votre remarque était judicieuse; un examen des

résultats a permis de confirmer le malentendu dont vous avez fait état. L'interprétation de cette question aurait dû se lire ainsi: "des 51,5% des répondants qui se disaient en accord avec des changements, 64% de ces personnes souhaitaient ces changements avant les prochaines élections"; au lieu de lire à la page 43 le chiffre 705, il aurait fallu lire 366, ceci conformément au tableau de la page 33 pour ce dernier chiffre.

Ceci étant dit, je me permettrais de souligner les faits suivants: cette confusion statistique n'a nullement eu d'incidence sur la démarche de la commission - il faut se rappeler que cette question a été posée au mois de juillet 1983 - et n'a eu aucune suite dans notre rapport puisque, nulle part, nous n'établissons de relation de cause à effet entre l'urgence d'une réforme du mode de scrutin actuel avant les prochaines élections et notre référence, soit la proportionnelle territoriale.

Le mandat que nous confiait l'Assemblée nationale consistait, entre autres, à mener une consultation auprès de la population. Pour ce faire, la commission a jugé utile, sur les conseils d'une firme spécialisée, de procéder à l'élaboration d'un sondage qui visait à mesurer le degré de connaissance de la population et à établir les moyens, en termes de communication, que la commission devait mettre en oeuvre en vue de réaliser efficacement son mandat de consultation.

J'ai avec moi, évidemment, la correspondance qui avait été échangée avec la firme en question sur l'objet du mandat parce qu'hier, également, on a, si j'ai bien compris, laissé entendre qu'on avait en quelque sorte dicté à cette firme dans quel sens nous désirions que le mandat soit accompli. (10 h 15)

Donc, je reprends cette dernière phrase, pour être plus précis: "Pour ce faire, la commission a jugé utile, sur les conseils d'une firme spécialisée, de procéder à l'élaboration d'un sondage qui visait à mesurer le degré de connaissance de la population et à établir les moyens, en termes de communication, que la commission devait mettre en oeuvre en vue de réaliser efficacement son mandat de consultation." Par exemple, une des choses que révèle ce sondage, c'est le peu de familiarité des électeurs à cette époque avec toute question électorale. Les résultats de ce sondage pour nous justifiaient donc la façon dont nous avons accompli notre travail par la suite, à savoir d'informer le plus possible de la situation. Il y a par ailleurs une chose consolante dans ce sondage, vous l'avez évidemment relevée, c'est que des personnes interrogées ont une très haute opinion du rôle que jouent les députés. Il faut donc voir ce sondage dans cette perspective et considérer le fait que, pour nous, il ne constituait à toutes fins utiles qu'un outil de travail préliminaire parmi tant d'autres.

D'ailleurs la commission a jugé utile, comme dans le cas de l'ensemble de ses travaux, de rendre publiques toutes les données du sondage et des les diffuser très largement. Vous en avez tous eu des copies ainsi que les membres des médias d'information. Dans ce contexte, on ne saurait taxer qui que ce soit de mauvaise foi dans cette affaire. C'est probablement parce que cette coquille était trop évidente qu'elle a échappé aux centaines de personnes qui ont examiné les résultats du sondage depuis quinze mois. À notre connaissance, c'est la première fois qu'elle est relevée. Il importe, certes, que la correction soit faite mais, encore une fois, la réponse à la question 15 du sondage en question n'a rigoureusement aucune incidence sur les conclusions proposées par la commission, pas plus que l'ensemble du sondage lui-même. Ces conclusions reposent sur la consultation menée par la suite.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Vaugeois): Un instant, si vous le permettez. Évidemment, on pourrait repartir sur cette question ce matin. Je pense que cela vaut quand même la peine d'autoriser des interventions sur la question, mais, je me permettrai de vous rappeler personnellement, M. le président, que j'avais évoqué cette question à Trois-Rivières en mettant en évidence ce qui était intéressant pour nous, que la population de la région de Trois-Rivières se disait plus satisfaite du travail des députés que la moyenne provinciale et moins désireuse d'un changement que la moyenne provinciale. J'avais mis en relief le fait que...

M. Gratton: Le ministre en est très heureux...

Le Président (M. Vaugeois): II est très heureux. Nous, de la Mauricie, ici surreprésentée, sommes très heureux évidemment. Mais j'oserais dire que la population ne se dit pas satisfaite de nous, la population se dit satisfaite du travail des députés dans le comté et cela faisait abstraction des individus à ce moment-ci en poste. Cela pouvait aussi influencer bien sûr. Mais, quoi qu'il en soit, je pense que le problème - je le répète aujourd'hui après l'avoir dit hier - c'est que votre mandat vous limitait à quelques questions et cela aurait été intéressant de savoir le degré de connaissance et d'appréciation des électeurs sur l'entièreté du rôle des députés et des parlementaires. Je vais laisser le député de Gatineau tirer ses conclusions ou faire ses

commentaires sur les précisions que vous venez de nous apporter.

M. Gratton: Oui, je vous remercie, M. le Président, très brièvement. Vous me permettez sans doute de vous dire que dans la région de Trois-Rivières, si je ne m'abuse, le dernier sondage SORECOM qui a paru en fin de semaine dénotait une certaine remontée de l'Union Nationale. Je ne sais comment vous l'interprétez...

Le Président (M. Vaugeois): C'est lié, les deux sont liés.

M. Gratton: ...mais on pourra en discuter. Oui, d'accord, merci. M. le président de la commission...

M. Duhaime: ...Duplessis.

M. Gratton: ...je vous remercie de la précision que vous avez apportée ce matin. On sait qu'hier on en avait fait état. D'ailleurs je dis tout de suite, et le président vient de le mentionner, que lui-même dans un premier temps avait soulevé cette coquille. Moi, je l'ai relevée à la page 6 de votre déclaration d'hier, mais il faut bien dire qu'elle apparaît textuellement dans les mêmes termes au chapitre 1 du rapport de la commission sur la proportionnelle territoriale où on lit au chapitre 1.1 sous le titre "Sondage", au bas de la page: "Par ailleurs, près de 65% des personnes interrogées considéraient que les changements envisagés devraient être réalisés avant les prochaines élections générales". Or, vous nous confirmez ce matin ce que nous avions compris hier, que ce ne sont pas 65% de toutes les personnes interrogées qui souhaitaient ces changements et que ces changements se fassent avant l'élection générale, mais bien 64% de ceux qui s'étaient dits en accord avec les changements. Donc, 64% de 51,5%, cela fait 33%. Cela donne, à toutes fins utiles, la moitié de ce que votre affirmation contenait. Je voudrais bien qu'on se comprenne. Je n'ai jamais allégué que vous avez voulu tromper qui que ce soit en faisant cette affirmation à deux reprises: dans le rapport et dans votre déclaration d'hier. Ce que je relève, M. Côté, c'est qu'une fois que la commission a pris sa décision de faire une recommandation d'une forme de scrutin proportionnel il est tout à fait normal que la commission veuille la justifier avec tous les éléments d'information, toutes les données qui sont à sa disposition. Cela peut parfois amener les gens de la commission, qui sont des humains comme tous les autres, à extrapoler. C'est comme cela qu'on se retrouve avec une affirmation qui est tout à fait saugrenue. On ne peut pas imaginer qu'il y ait plus de gens qui veuillent des changements avant l'élection qu'il y en ait qui veuillent des changements tout court. Je vous soumets très respectueusement que ce n'est pas la seule des affirmations du genre qu'on retrouve dans le rapport aussi bien que dans votre déclaration. On y reviendra sûrement au cours des travaux de cette commission, mais on a nettement l'impression, en lisant votre rapport, en lisant votre déclaration, que vous avez fait ce qu'il était tout à fait normal de faire, c'est-à-dire de trouver tous les arguments, toutes les données qui vous permettaient de justifier la recommandation que vous faisiez, à savoir de mettre de côté le régime actuel de mode de scrutin pour le remplacer par celui que vous recommandez. Là où cela me chicote... Le député de Gouin nous reprochait hier de faire des débats sur des sondages; on ne gouverne pas par sondages. Bien sûr que non, mais on a nettement l'impression que la commission a réussi à convaincre un certain nombre d'observateurs - et mon collègue de Charlesbourg en fera la preuve manifeste tantôt à l'aide de documents - de personnes au Québec qu'effectivement il n'y a peut-être pas une majorité de la population qui souhaite un changement du mode de scrutin, mais il y en a un bon paquet. Il y a un paquet de gens qui ne sont pas satisfaits et, quand on informe ces gens, on a l'impression qu'ils souhaiteraient des changements. Les gens qui sont venus devant la commission -57%, nous dit-on - quand on fait la ventilation comme l'a fait le député de Charlevoix hier, on s'aperçoit que les 57% tiennent à plusieurs qualifications, à plusieurs conditions et que, finalement, ce n'est pas une expression très valable de la volonté même de ceux qui ont pris la peine de rencontrer les membres de votre commission qui veulent un changement. C'est la même chose quand le service de recherche de la commission a fait dire que, parmi ceux qui avaient présenté des mémoires à la commission, il y en avait environ 36% qui appuyaient la formule de M. Bédard. Je pense que le député de Charlesbourg pourra faire la preuve au cours de nos travaux que ce n'est pas 36%; c'est environ 20%. Finalement, 20%, c'est seulement une personne sur cinq.

M. le Président, c'était le but de mon propos d'hier et, n'en déplaise au député de Gouin... Je suis sûr que, maintenant, il comprend - d'ailleurs, il a compris hier -qu'on n'est pas là pour dire qu'il faudrait que le gouvernement ou que quelque gouvernement que ce soit n'agisse qu'en fonction des sondages. Au contraire, ce que je dis, c'est qu'il ne faudrait pas que ni la commission, ni le gouvernement, ni l'Opposition, ni personne, interprète des sondages de façon à créer de fausses impressions. C'est nettement dans ce sens qu'allait l'affirmation qu'on retrouvait à la

page 6 de votre déclaration d'hier qui était d'ailleurs une copie conforme de ce qu'on retrouvait dans le rapport de votre commission.

M. Duhaime: Je voudrais éclaircir un point, M. le Président. J'ai écouté attentivement hier les propos du député de Gatineau et ce que je voudrais qu'il nous dise ici à la commisison parlementaire... Je voudrais être certain d'être en mesure de suivre le fil conducteur de ces propos, parce qu'il a fait un parallèle avec le travail de M. le président de la Commission de la représentation et des commissaires et son propre travail à titre de professionnel à l'époque où il exerçait son métier d'ingénieur. Je crois comprendre que la théorie sur la résistance des matériaux ne doit pas varier d'un bureau d'ingénieurs-conseils à l'autre; c'est la même. Par voie de conséquence, je demanderais au député de Gatineau de nous dire si on doit comprendre par ses propos qu'il s'en prend à la crédibilité, au professionnalisme et à l'intégrité des membres de la commission ou si c'est simplement une divergence d'opinions.

M. Gratton: Avec plaisir, M. le Président, je vais le dire très clairement, de façon que tout le monde comprenne bien. Cossette & Associés, que je sache, n'est pas un ennemi voué du gouvernement actuel, du gouvernement péquiste, cette firme est devenue la plus grosse agence de publicité au Québec grâce aux nombreux contrats que le gouvernement du Québec lui a accordés et notamment celui que le Directeur général des élections, président de la commission, lui a accordé.

Cossette & Associés a eu le mandat de faire un sondage. Je pense bien que cette firme devait se douter un peu que le gouvernement du Parti québécois souhaitait une réforme du mode de scrutin. Est-ce que cela a du bons sens de penser que Cossette & Associés, qui est formée d'experts à sonder l'opinion, était peut-être informée que le gouvernement du Québec souhaitait des changements au mode de scrutin? Je réponds à ma question, oui elle le savait. Et ayant constaté, à partir des chiffres qu'on a vus, qu'on a épluchés hier, que la population n'était absolument pas intéressée, n'appuyait absolument pas la réforme du mode de scrutin, Cossette & Associés a décidé d'interpréter à sa façon les chiffres. Et c'est comme cela qu'on retrouve des phrases dont certaines ont été reprises par le président de la commission ou par la commission dans son rapport. On fait dire qu'une personne sur deux est d'accord pour changer le mode de scrutin, est plutôt d'accord pour faire changer le mode de scrutin, alors qu'on aurait pu dire qu'il y a une personne sur deux qui n'est pas d'accord. C'est ce que M. Côté me reprochait hier, de faire mon interprétation et qu'il fallait plutôt prendre l'interprétation de Cossette &. Associés. Je dis que l'interprétation de Cossette & Associés est tout aussi partisane que la mienne peut l'être, mais dans le sens inverse.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Oui, allez-y donc.

M. Duhaime: Je n'ai pas posé de question au sujet de la firme Cossette & Associés. Si cela plaît à l'Opposition, on peut faire déposer ici, devant la commission parlementaire, l'ensemble des contrats de publicité qui ont été accordés à différentes firmes depuis que nous sommes au gouvernement. Vous allez constater que ces firmes ont eu des contrats de sondage et de publicité à travers un système de rotation, puisque, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement en 1976, on a décidé de sortir le patronage dans l'attribution des contrats de publicité, c'est bien connu. Je peux le faire.

M. Marx: Voyons donc, cela n'est pas vrai.

M. Duhaime: M. le Président, j'ai posé une question très claire et cela m'apparaît être une échappatoire, la réponse du député de Gatineau. Ma question est: Est-ce que vos propos vont dans le sens d'attaquer la crédibilité, le professionnalisme et l'intégrité, non pas de la firme Cossette & Associés, mais du Directeur général des élections et des commissaires qui, sur un mandat unanime de l'Assemblée nationale, ont fait un travail, ont produit un rapport qu'aujourd'hui on est en train de débattre? C'est cela qui est ma question.

M. Gratton: M. le ministre, ce sera très clair si vous me demandez si je mets en cause l'intégrité de la commission ou des membres de la commission. Non. Si vous me demandez si je mets en cause la crédibilité de la commission, des membres de la commission à partir des affirmations que je retrouve dans leurs documents, la réponse est clairement oui. Est-ce clair?

M. Duhaime: M. le Président, si cela pouvait satisfaire tout le monde, je pense que ce serait peut-être intéressant qu'on fasse venir devant notre commission les dirigeants de la firme Cossette & Associés aux fins de vérifier. J'avoue que cela me trouble profondément, à savoir que la Commission de la représentation aurait engagé une firme pour effectuer un sondage

et, suivant le mot-à-mot de ce que vient de dire le député de Gatineau, le gouvernement, je présume, ou la commission avait une réponse toute faite d'avance et cette firme professionnelle se serait pliée en quelque sorte en fricotant de toutes pièces un sondage. Cela me paraît énorme. Si tel était le cas, M. le Président, je pense qu'il y aurait lieu de prendre des dispositions à cet égard. Si l'Opposition est d'accord, on va demander à la firme Cossette & Associés de venir. Êtes-vous d'accord?

M. Gratton: Allez-y!

M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, la crédibilité de Cossette & Associés est bien plus en publicité qu'en sondage. Il y aurait peut-être d'autres firmes en sondage qui auraient été plus indiquées.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous me permettez, j'aurais une question à poser à M. Côté. Le choix de Cossette & Associés a-t-il été le choix de votre commission? (10 h 30)

M. Côté (Pierre-F.): Oui et c'est inscrit dans un contrat que nous avons avec Cossette & Associés depuis quelques années, contrat qui a suivi les règles habituelles en semblable matière, à savoir que cela a été à la suite d'un concours et il y avait, de mémoire, cinq personnes dans le jury dont la majorité n'étaient pas des membres de mon bureau. Il y avait un avocat de Montréal, je pourrais vous donner les noms des personnes. Au moment où le choix s'est fait il y a un certain nombre de firmes, il va de soi, qui ont été envisagées. Vous savez que, par exemple, à l'occasion du présent recensement, il y a un grand nombre de "messages de communication", comme on les appelle; il nous faut faire affaires avec une firme spécialisée en la matière. Alors, dans le cas du mandat qui nous avait été confié, le travail qu'on a demandé à Cossette & Associés s'inscrivait dans le travail qu'ils ont accompli par la suite sur le plan des communications. Par exemple, ils nous ont évidemment donné un bon coup de main dans la brochure qu'on a distribuée, le vidéo qu'on a fait fabriquer à cette occasion et c'est tout naturellement qu'on leur a demandé -de ce que je comprends de Cossette &. Associés, il y a une section de cette firme qui a un service apte à faire des sondages et qui fait effectivement des sondages. Je ne sais pas, ce n'est pas à moi de l'évaluer, on peut peut-être dire qu'ils n'ont pas la qualification pour faire des sondages, moi, je crois qu'ils l'ont mais là c'est une question d'appréciation.

Écoutez, je voudrais souligner un point on peut demander chez Cossette &

Associés de venir - qui est assez clair. Dans le contrat que j'ai signé avec eux, il faudrait voir de quelle façon eux, ils l'interprètent et le mettent en application, mais cela se lit de la façon suivante: ils s'engagent à ne participer ni directement ni indirectement à quelque activité que ce soit, ni accepter quelque contrat que ce soit de nature à manifester une prise de position de caractère politique et/ou partisan pendant la durée du présent contrat. Cette clause est toujours en vigueur.

Le Président (M. Vaugeois): M. Côté, il y a eu une proposition de la part du ministre. Ce midi, avec le vice-président et le secrétaire, le bureau de la commission pourra considérer cet aspect et faire quelques consultations et on vous dira cet après-midi si nous donnons suite. Il y a une chose qui est claire c'est que cela a été le choix de la commission de recourir à cette firme. D'aucune façon, je pense - vous pouvez me le confirmer - le gouvernement n'est intervenu pour vous suggérer une firme plutôt qu'une autre. Vous aviez déjà une entente avec Cossette & Associés.

M. Côté (Pierre-F.): D'aucune façon le gouvernement n'est intervenu. C'est la décision de la commission, cela s'est inscrit dans le travail qui est confié depuis quelques années à cette firme.

Le Président (M. Vaugeois): Là, j'entends murmurer à ma gauche. Il n'y a pas seulement votre crédibilité qui va finir par être touchée, il va y avoir la mienne aussi.

M. Gratton: Non, non.

Le Président (M. Vaugeois): Non, un instant, j'ai la parole.

M. Gratton: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): J'ai été ministre des Communications pendant un certain temps et j'ai vécu la période référendaire qui est une période où il y a eu pas mal de contrats de publicité de donnés, non pas surtout par le gouvernement du Québec mais par le gouvernement fédéral. Je serais bien plus intéressé à savoir comment les contrats de publicité du gouvernement fédéral se sont donnés et sur quelle base, mais je sais une chose, c'est que ceux qui furent donnés au niveau québécois, à cette époque - j'ai pu les surveiller tous, c'est un domaine que je connaissais un peu et qui m'intéressait beaucoup - ont été donnés avec les règles qui sont connues de tout le monde. Cela est pour la partie que je connais. Quant au mandat que la commission a eu à remplir, elle a travaillé avec une firme qu'elle a choisie. S'il y a lieu de poser des questions à cette firme, je pense que cela dépasserait un

peu le mandat qu'on a reçu de l'Assemblée nationale. Je ne dis pas que cela serait sans intérêt, mais cela dépasserait un peu le mandat qu'on a reçu de l'Assemblée nationale. On a des problèmes avec nos mandats comme vous avez eu un problème avec votre mandat. À mon avis, on vous a donné un mauvais mandat au mois de juin 1983 et vous avez travaillé à l'intérieur d'un mandat restreint et incomplet. Il aurait fallu, en fait, en débattre de ce mandat et l'élargir; cela est ma conviction personnelle et profonde, elle n'a pas besoin d'être partagée par personne et peut-être qu'elle l'est. Mais, pour l'instant, je vais revenir au député de Westmount et l'inviter à revenir au mandat que nous avons reçu. Cet après-midi nous vous dirons ce que nous faisons, ce que nous vous proposons de faire pour cet aspect qui a été abordé précédemment. M. French.

Mode de scrutin et consensus

M. French: Je vous remercie, M. le Président de la commission des institutions. Vous avez mentionné le mandat de la commission que M. Côté a présidée. Cela a été un mandat extrêmement difficile à remplir et cela a exigé l'étude ou l'évaluation du mode de scrutin actuel et des solutions possibles de rechange. Entre autres, cela a exigé - si je le lis - que la commission prenne les mesures nécessaires pour informer la population, consulte et recueille ses opinions publiquement ou à huis clos - on vient de discuter un des aspects ou un des outils utilisés pour recueillir les opinions - tienne des auditions publiques, étudie les représentations qui sont faites à ce sujet. C'est sur le volet de prendre les mesures nécessaires pour informer la population que je voudrais commencer.

Pendant ce travail dans tout le Québec, vous avez eu une responsabilité importante, et je parle surtout au président, comme porte-parole de la commission d'étude. Quelqu'un avait avancé des chiffres comme 114 entrevues. Est-ce que ce sont les chiffres de la commission? Qui était responsable au sein de la commission d'étude de ces 114 entrevues?

M. Côté (Pierre-F.): Enfin, je pourrais vous donner le relevé exact, mais la majorité de ces entrevues a été donnée par moi.

M. French: Il y a un danger chaque fois qu'une personne dans la vie publique prend la parole. On l'a vu de tous les côtés de la Chambre, il y a longtemps comme récemment. Il est toujours possible que parfois on s'avance trop et qu'on dise quelque chose qu'on n'aurait pas dû formuler. Je me demande si pendant ces 114 entrevues il n'y aurait pas eu quelques pépins de ce genre. Entre autres, je veux faire référence à la question qui revient trop souvent - c'est peut-être l'effet du hasard - comment une Assemblée nationale ou un Parlement pourrait entreprendre une réforme de l'ampleur de celle que vous prônez dans le rapport? Je voudrais vous demander si vous n'avez pas fait publiquement à plus d'une reprise le commentaire qu'un gouvernement pourrait à la limite décider d'imposer une réforme de mode de scrutin semblable à celle que vous proposez.

M. Côté (Pierre-F.): Je crois avoir davantage, pendant ces entrevues, insisté sur la tradition qui était en train de s'établir, mais qui est très récente à l'Assemblée nationale, à savoir que des modifications -ce que j'ai mentionné hier - majeures à la législation électorale... Il y a une tradition, et je vais vous donner des exemples concrets que nous vivons présentement, à savoir que dans toute la mesure du possible cela se fait par voie de consensus. Ce à quoi vous faites référence et ce que je comprends de nos institutions et la façon dont le Parlement fonctionne, c'est qu'il y a possibilité qu'un gouvernement fasse adopter une loi en se prévalant en quelque sorte de la majorité qu'il détient en Chambre. Pour illustrer ce que je mentionne sur le plan de l'atteinte du plus large consensus possible, il y a présentement en marche des comités, à la suite de suggestions - j'espère que les gens du conseil consultatif ne m'en voudront pas de le révéler, mais ce n'est pas un secret dont je ne puisse pas faire part - et d'une entente au sein du conseil consultatif et où se retrouvent des représentants des deux partis politiques. On a construit des groupes de travail pour revoir certaines dispositions de la Loi électorale, de la Loi régissant le financement des partis politiques et de la Loi sur les listes électorales.

Cette façon de procéder me semble s'être imposée depuis un certain temps et là cela se fait de façon un peu plus formelle avec la collaboration et avec l'aide des membres du conseil consultatif.

M. French: M. le Président, je n'ai pas réussi à savoir si, oui ou non, vous avez laissé tomber, pas une fois mais au moins deux ou trois fois, soit sur les ondes radiophoniques ou à la presse écrite, que ce serait toujours possible que le gouvernement ou une majorité adopte non seulement n'importe quelle loi mais une loi chambardant et changeant d'une façon fondamentale le mode de scrutin du Parlement même dont il est question.

M. Côté (Pierre-F.): Il est possible que je l'aie dit, mais, à votre avis, est-ce une hérésie ou est-ce quelque chose d'absolument impossible dans le système parlementaire qui

existe actuellement?

M. French: Je voudrais discuter de cela. Il est possible... Je suis convaincu que vous l'avez dit puisque cela m'a été rapporté. Entre autres, j'ai un coupure de presse ici, un article de Pierre Vincent, le 29 mars 1984, où vous dites, et je cite: "La coutume veut, répond M. Côté, que lorsqu'on touche au mode de fonctionnement électoral on cherche à obtenir un consensus mais il est toujours loisible au gouvernement d'user de sa majorité". Je le répète "mais il est toujours loisible au gouvernement d'user de sa majorité". Je n'ai pas à donner mon opinion, c'est vous qui êtes ici pour répondre, moi je veux savoir d'abord si vous vous êtes basé sur des études en faisant cette affirmation?

M. Côté (Pierre-F.): Bien, l'étude est relativement simple. Ce que j'ai dit, ce que je réponds à votre question, c'est que l'adoption d'une loi par l'Assemblée nationale requiert la majorité des votes. S'il y a un changement en profondeur d'un mode de scrutin cela suppose qu'il y a une loi qui va être adoptée et cela suppose que cette loi est adoptée par une majorité, à tout le moins.

M. French: Bon, pendant que vous êtes le président d'une commission qui fait l'étude de la forme du mode de scrutin vous affirmez pour le bénéfice et l'information des Québécois que cela prend une majorité pour adopter une loi. C'est ce que vous affirmez, vous n'affirmez pas que dans ce cas-ci cela peut se faire, vous affirmez seulement de façon générale qu'il faut une majorité pour adopter une loi dans un Parlement. Est-ce cela que je dois comprendre?

M. Côté (Pierre-F.): Bien oui, c'est ce que je viens de vous dire.

M. French: Mais je vous suggère que c'est une construction qui est très simpliste d'une situation qui est très complexe et que c'est démontrer un manque de compréhension de votre situation extrêmement sensible face à un électorat qui se doit de vous voir comme une personne ayant suffisamment de rigueur. Lorsque vous dites quelque chose en réponse à une question - et je vais vous lire la question - lorsque vous dites quelque chose en ce sens vous faites une affirmation qui sera interprétée de façon beaucoup plus spécifique, beaucoup plus importante, beaucoup plus profonde, beaucoup plus précise que le sens que vous voulez lui donner aujourd'hui.

Le paragraphe de Pierre Vincent dans la Presse du 29 mars 1984 est le suivant: "Dans de telles circonstances, la volonté d'une petite poignée de députés, même s'ils ont le premier ministre à leur tête et même s'ils sont convaincus d'avoir l'opinion publique de leur côté, peut-elle avoir raison de la résistance d'une majorité de députés?" Question. Point d'interrogation. Citation: "La coutume veut, répond M. Côté, que lorsqu'on touche au mode de fonctionnement électoral on cherche à obtenir un consensus mais il est toujours loisible au gouvernement d'user de sa majorité". Je vous demande, dans une situation comme celle-là, pourquoi avez-vous fait une telle affirmation. Non pas une fois mais à plusieurs reprises. Pourquoi l'avez-vous faite?

M. Côté (Pierre-F.): Parce que c'est vrai.

M. French: Ah bon!

M. Côté (Pierre-F.): Parce qu'il s'agit d'une loi. Qu'est-ce que vous voulez que je vous réponde? Il s'agit de l'adoption d'une loi. Que vous décidiez, l'Assemblée nationale, à l'égard de certaines questions d'avoir une autre procédure, c'est-à-dire une autre façon de procéder, ce n'est pas de mon ressort. Ce que je sais, à moins que je comprenne mal le parlementarisme dans lequel nous vivons, c'est que l'adoption d'une loi requiert une majorité.

M. French: Je remercie le président de la commission d'étude pour sa leçon de première année en science politique à l'université, mais je voudrais lui poser la question suivante. Connaît-il un précédent à de telles réformes? Connaît-il des précédents en pays démocratiques où ils ont changé de façon fondamentale le système électoral au cours du vingtième siècle sans avoir l'accord des deux principaux partis politiques en lice?

M. Côté (Pierre-F.): En Belgique, le 29 décembre 1899, ce fut adopté par un vote de 70 pour et de 63 contre. C'est la proportionnelle territoriale, pardon, le mode de scrutin proportionnel. C'est le premier qu'on retrouve dans un pays européen et il est toujours en vigueur.

M. French: Et vous vous êtes basé sur ce précédent pour faire vos affirmations?

M. Côté (Pierre-F.): Non j'essaie de répondre à la question que vous venez de me poser; si vous me le permettez je pourrais peut-être ajouter d'autres exemples. C'est cela que vous m'avez demandé si j'en connaissais? Vous permettez que je continue?

En Irlande, la représentation proportionnelle a été introduite en 1921 par les leaders du mouvement pour l'indépendance et par l'influence du gouvernement britannique évidemment.

(10 h 45)

En Suisse, la représentation proportionnelle fut introduite en 1919 à la suite d'une initiative populaire faite en 1978 par le parti catholique et le parti socialiste. En Suisse, l'expression "initiative populaire" signifie également un référendum. La différence c'est que l'initiative populaire provient de la population et le référendum, du gouvernement.

M. French: C'est en se basant sur ces cas que vous avez fait l'affirmation dont il est question?

M. Côté (Pierre-F.): Non.

M. French: C'était une opinion que vous émettiez comme cela.

M. Côté (Pierre-F.): Ce n'est pas une opinion, c'est une constatation du système dans lequel nous vivons. De deux choses l'une: ou il est possible pour l'Assemblée nationale, dans le système où nous vivons, d'adopter une loi en le faisant par voie de majorité, ou cela n'est pas possible. Je ne connais pas, dans notre système parlementaire actuel, de règle ou de coutume qui détermine que certains domaines doivent être réservés pour que l'adoption d'une loi requière l'unanimité de la Chambre, les deux tiers ou les trois quarts. On corrigera mes connaissances sur le plan parlementaire. Incidemment, je pense que vous avez fait référence à des études que j'ai faites en sciences sociales. C'est ce que vous avez mentionné tout à l'heure, si j'ai bien compris.

M. French: M. le Président, hier... Excusez-moi.

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez posé votre question...

M. Côté (Pierre-F.): Si vous faites référence à mes études, je peux vous faire part de mes diplômes, j'ai fait quatre années en sciences sociales et quatre en droit.

Le Président (M. Vaugeois): Je pense que les gens sont très... Cela va bien. Les questions du député de Westmount ont été posées; vous vouliez les poser, vous les avez posées. Vous provoquez une certaine nervosité autour de vous, M. le député.

M. French: M. le Président...

Le Président (M. Vaugeois): Je ne voudrais pas ramener les gens au mandat de la commission, ce matin, je veux bien laisser une certaine liberté quant aux questions, mais vous êtes allé à la limite, je pense.

M. French: Non, pas du tout, M. le Président, je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Vaugeois): C'est votre opinion. Le ministre a demandé la parole, on va en parler. Le ministre a demandé la parole et le député...

M. French: M. le Président...

Le Président (M. Vaugeois): Un instant, s'il vous plaît. Le ministre a demandé la parole là-dessus.

M. French: M. le Président, je demande la parole, s'il vous plaît, j'aimerais savoir si j'ai utilisé mes dix minutes tel que stipulé dans l'entente. Je rappellerai aux députés que c'est un droit de parole de dix minutes, non pas un échange de dix minutes.

Des voix: Oh!

Le Président (M. Vaugeois): Allez-y.

M. French: M. le Président, si vous m'assurez que j'aurai le loisir d'y revenir et le loisir d'explorer la question...

Le Président (M. Vaugeois): Bien sûr que vous aurez tout le loisir, il ne s'agissait pas de vous priver de votre droit de parole.

M. French: II me semble que vous m'avez interrompu pendant mon intervention.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous interromps après avoir consulté mon collègue vice-président qui a présidé la séance quelques minutes pendant mon absence et qui m'a confirmé que vous aviez peut-être disposé suffisamment de cette question.

M. French: Ou vous prenez la décision ou le vice-président la prend.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous insistez... Je pense que nous vous rendons service en vous signalant que la question a été posée et que vous avez eu une réponse. Si vous voulez profiter des deux minutes qui restent pour continuer à poser la même question, c'est à la limite de ce que nous avons comme mandat. Que voulez-vous?

M. French: M. le Président, en toute honnêteté, j'ai posé une question, j'ai donné l'occasion au président de répondre, j'ai tenté d'explorer une question qui est, pour moi, très fondamentale, soit le comportement d'un président d'une commission d'étude sur la réforme du mode de scrutin qui est en même temps le Directeur général des élections du Québec.

Le Président (M. Vaugeois): Le

président de la commission des institutions vous autorise à continuer. Il vous reste deux minutes.

M. French: M. Côté, vous avez dit hier, en répondant au député de Charlevoix: "Vous devinez facilement qu'il ne m'appartient pas du tout de dire aux membres de l'Assemblée nationale que dans de tels cas vous devez procéder à la majorité simple." C'est une affirmation avec laquelle je suis tout à fait d'accord, mais comment conciliez-vous les deux affirmations? Ou il vous est loisible de vous prononcer dans une situation délicate et d'informer les Québécois de votre opinion de ce qui pourrait être fait ou ne pas être fait à l'Assemblée nationale, ou, comme vous avez dit hier: "Vous devinez facilement qu'il ne m'appartient pas du tout de dire aux membres de l'Assemblée nationale que dans de tels cas vous devez procéder à la majorité simple".

M. Côté (Pierre-F.): Ce que je dis en somme, c'est que - et je vais peut-être essayer de clarifier la réponse que j'ai donnée hier - les règles du jeu actuel veulent que l'adoption d'une loi se fasse à la majorité. Si vous décidez - c'est à vous de décider, l'Assemblée nationale, et non pas à moi, c'est ce que j'ai dit hier - d'adopter une autre façon de procéder, à savoir d'exiger, au lieu de la majorité simple pour l'adoption d'une loi, une autre façon de procéder, c'est à vous d'en décider et non pas à moi. M. Bonenfant a déjà déclaré que le Parlement peut tout faire, sauf changer un homme en femme. Vous avez tous les pouvoirs, c'est à vous d'en décider, ce n'est pas à moi. C'est ce que j'ai dit hier.

M. French: C'est plus que cela, M. le Président. Ce n'est non seulement à vous de décider, ce n'est pas à vous de dire.

Le Président (M. Vaugeois): On va reprendre notre calme tout le monde. J'ai deux demandes du côté droit de la table. Le ministre, sur une question de règlement et le député de Rousseau, sur le sujet qui vient d'être abordé je crois.

M. Marx: M. le Président, je m'excuse, mais il n'y a pas de question de règlement en commission.

Le Président (M. Vaugeois): II n'y en a peut-être plus maintenant.

M. Marx: II n'y a pas de question règlement en commission et...

Le Président (M. Vaugeois): Mais le ministre a le droit d'intervenir sur les questions qui ont été posées. On va commencer par le député de Rousseau.

M. Blouin: Très rapidement, M. le Président, je voudrais faire un bref commentaire sur l'intervention un peu ratée du député de Westmount. Parce qu'au-delà de la réalité qu'a évoquée le Directeur général des élections je crois que l'intervention du député de Westmount est un peu injuste pour la raison suivante: Je suis allé témoigner devant la Commission de la représentation et dans mon intervention j'ai pris la peine de préciser - puisque cela s'était produit dans la semaine précédente - que je trouvais intéressante la suggestion qu'avait faite publiquement le Directeur général des élections, le président de la Commission de la représentation, M. Côté, soit que cette loi ne suive pas les règles habituelles d'adoption à la majorité simple, mais qu'elle requière une majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale, cette éventuelle loi sur le mode de scrutin, pour être adoptée et pour changer cette institution fondamentale.

Ce que je voudrais demander à M. Côté très rapidement, c'est non seulement comme le disait le député de Westmount -de nous rappeler qu'il n'a pas suggéré, au-delà de rappeler comment fonctionne notre institution parlementaire, que formellement cela s'applique dans le cas présent, mais bien davantage, selon ce que j'ai en mémoire, qu'il avait plutôt suggéré une majorité des deux tiers pour adopter une loi aussi importante que celle-là.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, cela rejoint l'expression que j'ai utilisée tout à l'heure quand je parlais d'un plus large consensus possible. Là aussi, il y a une question d'interprétation. Le plus large consensus possible, cela peut être fait par voie de compromis. Un moment donné, il y a des projets de loi - c'est ce qu'on vit, ce que j'ai vécu depuis que je suis Directeur général des élections - qui ont pour effet de modifier les dispositions de la Loi électorale. Alors, il y a habituellement à ce moment des échanges entre les leaders des deux formations politiques et on en arrive à un consensus, on en arrive à une entente. Donc, ce peut être par voie de consensus. Habituellement, le résultat d'un consensus comme celui-là se manifeste par l'adoption à l'unanimité d'un amendement.

Que cette question soit importante et que vous décidiez que cela requiert les deux tiers, les trois quarts ou l'unanimité, les règles du jeu ne m'appartiennent pas. Tout ce que je dis, et je pense que c'est important, jusqu'à quel degré ou comment devez-vous procéder? c'est à vous de décider. Comme vous pouvez procéder à la majorité simple, vous pouvez le faire. Je dis qu'il est souhaitable qu'il y ait le plus large consensus possible. Incidemment, il y a une recherche qu'il faudrait peut-être faire pour

essayer de trouver de quelle façon le mode de scrutin actuel a été adopté à l'origine. Cela éclairerait peut-être ce qui a été fait par voie de majorité et ce qui a été fait par voie de consensus, le mode qu'on a présentement.

Le Président (M. Vaugeois): Je trouve cela bien intéressant indépendamment du ton qu'on a pris, on est vraiment dans le fonctionnement du parlementarisme et Dieu sait que cela me passionne, mais c'est une autre question. Je tiens à dire une chose, sans dévoiler des résultats, mais le genre de question qu'on aborde actuellement a fait l'objet d'une consultation auprès des parlementaires et il y a un nombre considérable de parlementaires, sans dévoiler de chiffres, qui considèrent qu'on ne touche pas aux institutions et à la réforme du mode de scrutin sans de larges consensus. Et nous souffrons déjà suffisamment de certains vices du parlementarisme pour accepter que des choses aussi importantes fassent l'objet d'ententes entre leaders sans débat au Parlement, etc. Déjà, on vit avec un mandat qui a fait l'objet d'ententes comme cela sans débat, il me semble que ce n'est pas le genre de choses à souhaiter. Il n'y a rien qui m'horripile plus que des ententes entre leaders qui font l'objet après cela d'un vote unanime en Chambre. Ce n'est pas pour cela qu'on est élu et ce n'est pas pour cela que fonctionne le Parlement, ce n'est pas vers cela qu'on tend à faire évoluer l'institution. Mais, cela nous ramène toujours à la même question. On essaie d'étudier le mode de scrutin en faisant fi de l'institution pour laquelle ces gens sont recrutés et choisis. Il va falloir reprendre cela. La commission des institutions a dans ses attributions le pouvoir de reprendre cette question là où elle aurait dû être prise. Je vois un parlementaire d'expérience, à ma gauche, le député de Charlevoix, qui acquiesce. Il me semble que tôt ou tard il faudrait reprendre comme cela cette question. Mais, pour l'instant, le mandat que nous avons c'est sur la réforme du mode de scrutin. Le député de Westmount a techniquement épuisé son temps. J'avais cette rigueur, étant donné la nature de l'intervention, mais je veux bien me montrer à son endroit aussi large que nous l'avons été hier pour les autres intervenants qui ont généralement dépassé la dizaine de minutes. Donc, si vous vouliez revenir, M. le député de Westmount, vous avez encore le droit de parole. Sur la question que vous avez posée, le ministre a demandé la parole; s'il la veut toujours, je la lui accorde volontiers. Pour la poursuite des travaux, je signale qu'après votre intervention nous reviendrons à ce que nous nous étions fixé. Vous pouvez le faire vous-mêmes, un peu comme déroulement de travaux. C'est le député de Deux-Montagnes qui aura la parole.

M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je pense que je me dois d'intervenir sur la question qui est posée par le député de Westmount, pour une raison assez simple. D'abord, j'ai lu, comme tout le monde, l'entrevue qu'avait accordée le Directeur général des élections à un journaliste de la Presse et c'est quelque chose qui m'a paru parfaitement normal que nos lois dans notre système parlementaire sont adoptées à la majorité simple, sauf exception, sauf erreur, pour la nomination de certaines personnes où le Parlement a décidé dans des lois que la majorité des deux tiers des voix à l'Assemblée était requise, le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen et le Directeur général des élections. Dans le cas du Directeur général des élections, si mon souvenir est bon, nous avions voté sa nomination à l'unanimité, ce qui exige au départ, sinon un minimum de politesse, je dirais un minimum de déférence à son endroit.

M. French: Cela c'est un chemin à deux sens, M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, deuxièmement, ce que je voudrais dire c'est que dans certains pays de démocratie parlementaire, que ce soit sous des régimes de monarchie constitutionnelle ou encore sous des régimes républicains, très souvent le mode électoral fait partie d'une constitution qui, elle, a été adoptée, ou bien à la majorité simple dans un Parlement, ou encore à la majorité simple par un référendum. Je ne me laisserai pas entraîner dans les voies que nous indique le député de Westmount, ce qui consisterait à dire: Le gouvernement ne peut pas toucher au mode de scrutin sans que l'Opposition ne soit d'accord. Je voudrais que vous laissiez tomber vos illusions sur cela pour une raison très simple. D'abord, vous êtes assez mal placé pour en parler puisque vous appartenez à une formation politique qui, de 1973 à 1976, avait 94% des sièges à l'Assemblée nationale et, avec le rappel que j'ai fait hier sur les engagements de M. Bourassa qui était premier ministre et que vous avez eu l'idée d'aller chercher à nouveau pour être votre porte-parole, vous n'avez pas touché au mode de scrutin avec 94% des sièges à l'Assemblée nationale. Alors, vous ne venez pas de la bonne formation politique pour venir parler du genre de majorité qui serait utile pour réformer le mode de scrutin.

M. le Président, un dernier point, je n'aime pas beaucoup l'attitude de l'Opposition libérale depuis le début de nos travaux. Si vous n'avez pas de confiance, si vous n'avez pas de crédibilité et si vous regrettez votre vote de juin 1983 qui a

donné un mandat à la commission, voulez-vous, s'il vous plaît, nous le dire et je vais proposer l'ajournement de nos travaux tout de suite. Voulez-vous nous le dire tout de suite? Le député de Charlesbourg, le député de Gatineau, le député de Louis-Hébert et, ce matin, le député de Westmount, à moins de ne rien comprendre ce qui se passe ici, c'est systématiquement, non pas un désir de travailler sur le fond du dossier, mais plutôt de tenter de discréditer le travail qui a été fait par la commission. (11 heures)

Qu'est-ce qui ne fait pas votre affaire? Est-ce la recommandation ou la façon de travailler? Si vous n'avez pas confiance en des hommes qui ont été nommés à des postes à l'unanimité des voix de l'Assemblée nationale et qui ont reçu un mandat unanime de l'Assemblée nationale et si vous avez des directives de votre chef, faites-le venir à votre place. Je suis prêt à donner mon consentement pour qu'on l'entende sur ce sujet. Puisqu'il ne veut pas aller en commission, il ne veut pas aller en élection...

Une voix: Vous perdez votre temps.

M. Duhaime: II est à l'extérieur de l'Assemblée nationale dans une espèce de mépris des travaux de l'Assemblée et de ses commissions. Je suis prêt à donner mon consentement. Faites-le venir ici, on va se parler. On va au moins savoir le fond de l'histoire, mais, en attendant que vous réfléchissiez sur cette proposition, je vous demanderais: De grâce, ayez au moins un minimum de déférence à l'endroit de M. Côté et des commissaires qui sont ici pour donner des explications sur le rapport et cessez ce genre de chinoiseries que vous avez commencées depuis hier.

M. French: M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Un instant! M. le député de Westmount, souhaitez-vous profiter de la même largesse que celle que nous avons accordée hier à vos collègues pour prolonger un peu vos dix minutes?

M. French: Oui, cependant j'ai bien compris que je ne pourrai pas...

Le Président (M. Vaugeois): Avez-vous envie de vous lancer dans un débat avec le ministre?

M. French: Non, absolument pas. J'ai bien compris que je ne pourrai pas...

Le Président (M. Vaugeois}: Ni répondre à sa question.

M. French: Voilà! Je ne pourrai même pas répondre au ministre, malheureusement. J'aurais aimé cela, mais, que voulez-vous, la présidence ne veut pas, et je pense que, pour la bonne marche des travaux en général, la présidence a raison.

Le Président (M. Vaugeois): En général.

M. French: Non, mais les travaux en général, pas en général a raison.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Alors, M. le député, vous avez la parole.

Indépendance des porte-parole

M. French: M. le président de la commission, je voudrais avoir une autre interprétation d'une de vos affirmations qui m'intéressent hautement. C'est l'affirmation à la page 5 de vos commentaires préliminaires d'hier dans laquelle vous vous attribuez une certaine objectivité et neutralité devant les questions qui nous intéressent. Vous dites, et je cite - pour être très précis, je vais indiquer où je commence à vous citer - qu'on se doit, et je commence à citer: "de se considérer - parlant de vous-mêmes - en quelque sorte et jusqu'à un certain point les porte-parole - vous et vos deux collègues - les plus indépendants possible des électeurs dans les circonstances présentes". Fin de la citation. Je voudrais vous inviter à m'expliquer de quelle manière vous vous voyez les plus indépendants des intervenants dans ce dossier et plus particulièrement plus indépendants que les députés de l'Assemblée nationale. Cela pourrait par exemple être une interprétation constitutionnelle, mais j'ai de la misère à suivre quelle serait cette explication constitutionnelle lorsqu'on sait que vous êtes nommés, par exemple, par les deux tiers de l'Assemblée nationale qui est la plus haute expression de la démocratie et de la volonté des citoyens. Comment constitutionnellement pourriez-vous par délégation, pour ainsi dire, prétendre à une plus grande objectivité et indépendance, non par rapport à l'application d'une loi à une situation de fait, mais devant une question aussi chargée, aussi complexe et aussi centrale que la question de la réforme du mode de scrutin? Est-ce une interprétation constitutionnelle de ce genre d'indépendance que vous voulez vous attribuer?

M. Côté (Pierre-F.): J'avoue que je ne saisis pas très bien le sens de votre question. Cela me fait penser à une phrase assez célèbre de Voltaire: "Donnez-moi deux lignes d'une personne et je me charge de vous la faire pendre". Je voudrais bien comprendre votre question.

M. French: M. le président, vous

considérez-vous plus indépendant que les députés de l'Assemblée nationale sur le sujet de la réforme du scrutin? C'est ce que j'ai compris de votre page 5, c'est peut-être une autre mauvaise interprétation de ma part, mais cela soulève une question qui est pour moi assez importante. Quelqu'un me dit qu'il est plus neutre et plus objectif par rapport à une question importante que les élus du peuple. J'aimerais savoir pourquoi vous avez dit cela.

M. Côté (Pierre-F.): Je vais demander à M. Bourassa de fournir des éléments de réponse à votre question si vous le permettez.

M. Bourassa (Guy): Très brièvement, M. le Président, je pense que ce paragraphe qui est cité et qui touche un point très important de notre démarche était relié au paragraphe précédent; c'est toujours ce qu'il est important de faire dans des citations. Il est dit dans l'énoncé d'hier de M. le président de la commission que le devoir qui vous incombe est un devoir de décider, et ce n'est pas sûrement notre rôle. Au paragraphe suivant, ce qui est dit c'est en définitive -un peu, semble-t-il, et même beaucoup - le mandat qui nous a été confié sur une base neutre, indépendante, non partisane de consulter, d'étudier, d'analyser, d'informer et de tâcher, si le cas se présentait, d'arriver à une recommandation. Il y a une certaine division des tâches, c'est de l'indépendance, c'est une espèce de neutralité à laquelle on est en droit de s'attendre de nous - je pense - et c'est précisément ce qui a été beaucoup soulevé depuis la séance de ce matin. Ce sont les deux niveaux que nous avons beaucoup voulu respecter et dans tout le rapport, je pense, ils prédominent, marquent l'ensemble de la démarche. L'indépendance, elle est surtout au niveau de l'étude, au niveau de l'analyse du problème, de ce que nous avons entendu, de ce que nous avons tenté de recueillir et de la recommandation que nous avons faite. On peut la juger bonne, plus ou moins bonne ou mauvaise mais elle a été faite en toute rigueur et en toute indépendance d'esprit autant que nous le pouvions.

M. French: M. Bourassa, je suis très sensible au fait que l'indépendance et la neutralité dans l'étude, la confection et l'écriture du rapport aient été importantes. J'accepte d'emblée votre assurance que ce fut le cas mais je ne crois pas que c'est ce que vous dites à la page 5. Je crois que vous dites plus que cela. Je crois que vous dites en effet que, puisque vous n'êtes pas des élus, vous êtes plus indépendants que les élus quant à cette question. N'est-ce pas, par son contexte, par son libellé même, une affirmation à cet effet? Elle est peut-être vraie mais j'aimerais savoir quels sont les motifs qui vous amènent à dire cela.

M. Lessard (André): Il n'y a aucune comparaison qui est faite entre la crédibilité ou l'indépendance des députés et la nôtre dans ce paragraphe. Si vous lisez bien, on parle de la plus grande indépendance possible mais il n'y a pas de comparaison avec les députés.

M. French: Excusez-moi, vous dites "les plus indépendants possible", et vous mentionnez dans la même phrase les membres de l'Assemblée nationale.

M. Lessard: Dans un autre sens. On demande aux membres de l'Assemblée nationale de ne pas nous tenir rigueur de vouloir être les plus indépendants possible. On ne fait pas de comparaison.

M. French: Ah! Non pas de vouloir être les plus... de se considérer les plus...

M. Lessard: Ou de se considérer.

M. French: Ah! Bien il y a une différence de taille.

M. Lessard: On ne se compare pas à eux. Il n'y a pas de comparaison. Le mot "possible" élimine toute comparaison parce qu'on se réfère à un critère extérieur de comparaison, c'est le possible, ce n'est pas le député de l'Assemblée nationale.

M. French: On doit alors tout simplement considérer qu'à la page 5 vous ne jetez aucune, mais aucune, critique ou aucun commentaire sur la neutralité possible des élus face à cette question. Pour vous, vous voulez tout simplement dire: Nous voulons être le plus indépendants possible, c'est cela, pas plus que cela.

M. Lessard: Bien, parce qu'un peu comme tout le monde dans la société notre limite c'est le possible. Qu'est-ce que vous voulez?

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que...?

M. Lessard: On veut bien être des héros de temps en temps mais qui l'est tous les jours?

Le Président (M. Vaugeois): Puisque nous avons coprésidé ensemble une commission spéciale, M. le député de Westmount, je me permettrai une petite malice à votre endroit. Je vous trouve bien courageux d'aborder la question que vous venez d'aborder parce qu'au fond c'est un peu vrai que les députés qui veulent demeurer députés sont un peu mal placés

pour juger du mode de scrutin, encore que c'est leur responsabilité, et puis il arrive très souvent dans des lois que nous sommes un peu embarrassés compte tenu de nos démarches personnelles, nos expériences personnelles, etc.

Quand arrive la question du mode de scrutin, c'est particulièrement embarrassant. L'idéal, ce serait probablement de le demander à une assemblée d'anciens parlementaires ou encore à une assemblée de parlementaires qui décident de mettre un terme à leur carrière de parlementaire. Mais quand on est un parlementaire représentant une circonscription comme la vôtre, alors qu'il devient évident qu'aussi longtemps que le mode de scrutin se perpétuera vous serez éternellement réélu aussi longtemps que vous le voudrez bien, il me semble que vous êtes particulièrement dans une mauvaise position pour débattre cette question. Dans un comté plus risqué comme le mien, déjà, la crédibilité est plus grande.

Il reste que c'est un peu vrai que c'est embarrassant pour nous, ce qui fait, d'ailleurs, qu'indépendamment de ce que le ministre a dit tout à l'heure c'est certain que la très grande majorité, sinon la totalité des parlementaires souhaiterait qu'une réforme du mode de scrutin s'appuie sur une véritable unanimité sans entente particulière, si vous voulez, pour que l'institution garde sa crédibilité. Si vous voulez ajouter quelque chose là-dessus, je sais que le député de Nicolet, avant que nous changions de sujet, avait une petite remarque à faire, mais vous avez bien le droit de réagir à ce que je viens de dire.

M. French: Oui, je suis content que vous ayez émis ces commentaires. Ce que vous avez dit, c'est exactement ce que j'avais décelé dans ce paragraphe du rapport de la commission. C'est exactement ce que j'avais compris de ces propos.

Le Président (M. Vaugeois): Je n'ai pas cherché à interpréter ce qu'eux avaient écrit.

M. French: J'ai bien compris que vous n'êtes pas d'accord avec eux. Ils ne disent pas cela, eux, mais c'est ce que j'avais compris de leurs propos, c'est drôle. C'est sûr que c'est un débat important et intéressant quant à savoir qui est le plus apte à prendre cette décision. Je regrette que la commission semble ouvrir la porte à cela, mais ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

Le Président (M. Vaugeois): Merci.

M. French: J'aurais une question sur un autre sujet, mais...

Le Président (M. Vaugeois): Sur l'aspect que vous avez abordé, j'autorise le député de Nicolet à poser une petite question.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. M. le président Côté, dans la présentation que vous avez faite, hier, au nom de votre commission devant la nôtre, vous avez signalé la question de juges et parties que nous pourrions être. Cela pose tout le problème du droit, de la sagesse, du bien-fondé ou de la légitimité que nous aurions comme membres de l'Assemblée nationale de procéder à une réforme du mode de scrutin qui, dans un sens, installe cette propre légitimité.

Je voudrais bien comprendre, en bas de la page 3 et à la page 4, une phrase que vous y dites et j'aimerais que vous l'expliquiez davantage. Vous dites: "Nous comprenons que vous ressentiez - en nous parlant - une appréhension bien compréhensible à être appelés non seulement à étudier mais à vous prononcer pour ou contre un nouveau mode de scrutin - et c'est là que c'est important - question qui touche les droits fondamentaux de la personne en matière politique." Est-ce que ça pourrait vouloir dire que, finalement, ces droits fondamentaux de la personne en matière politique sur un sujet de cette dimension impliqueraient que les personnes, donc la population, soient consultées sur une réforme qui concerne le mode de scrutin?

M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, je n'ai pas d'opinion, M. le député, c'est aux membres de l'Assemblée nationale de décider, cela n'entre pas dans le cadre comme tel du mandat qu'on nous a confié.

M. Beaumier: Vous n'avez pas d'opinion.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, tout le monde. Sur le même sujet, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Sur votre intervention, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Bien sûr!

M. Rochefort: J'aurai besoin de trois minutes. Je voudrais simplement me dissocier des propos que vous avez tenus. J'avoue personnellement que je suis plus qu'agacé, je dirais heurté qu'on utilise depuis le tout début du cheminement de ce dossier des arguments comme ceux qu'on entend trop souvent à savoir que, finalement, les députés ont de gros jobs à protéger et, dans le fond, ils calculent cela en fonction de leurs intérêts électoraux. Est-ce que tel mode de scrutin me permettra de protéger ma carrière au moins pour trois mandats à venir, donc la possibilité de peut-être, un jour,

devenir ministre? La réaction de tel autre député qui est contre probablement parce qu'il voit qu'il ne sera peut-être pas favorisé par tel type de mode de scrutin ou l'autre. (11 h 15)

Je pense, M. le Président, encore là, que c'est une façon d'éviter de faire un débat de fond, un débat sur le contenu de la ou des différentes propositions qui sont sur la table. J'ai hâte que nous abordions le contenu de ces propositions, de l'ensemble des propositions qui ont été présentées devant les membres de la commission et que nous les analysions au mérite, que nous les analysions en fonction des connaissances, des recherches, des études, des lectures que nous avons faites et, après coup, en fonction des opinions que nous pourrons exprimer sur chacune d'entre elles. Quant à moi, l'idée que les députés sont peut-être en conflit d'intérêts par rapport à cela, ils sont juges et parties, finalement, quant à moi, tout le monde, sans aucune exception dans la société, qui s'est prononcé sur cette question est, au même niveau, en conflit d'intérêts comme les députés. Quand les groupes comme, par exemple, le mouvement socialiste ou certaines centrales syndicales viennent s'exprimer en recommandant qu'il faut y aller le plus possible vers une proportionnelle pure, c'est bien évident que c'est dans le sens des intérêts politiques qu'ils défendent parce qu'ils sont conscients qu'à une prochaine élection à laquelle ils se présenteront ils ne feront pas 40% des voix, donc qu'avec un mode de scrutin qui irait le plus près possible d'une proportionnelle pure ils auront des chances de faire élire un certain nombre de députés, et c'est légitime de penser ainsi.

Je pense qu'il faut cesser de dire qu'il n'y a que les députés qui sont en conflit d'intérêts; tout le monde dans cette société est de la même façon, quant à moi, en conflit d'intérêts si on veut aborder cette question sous cet angle. Pour moi, il me semble que ce sont des constats, des arguments, des réflexions que nous devrions tous, dans la société, parlementaires des deux côtés de la Chambre, membres de la commission, membres de la presse, mettre de côté et aborder une fois pour toutes le contenu du dossier, aborder une fois pour toutes cette étude sérieuse et rigoureuse d'un sujet qui mérite du sérieux, de la rigueur, un débat d'idées, qui est en fait un débat de société entre nous puisque nous sommes réunis pour cela. Au bout du compte, les historiens pourront se permettre un jour de dire: "Peut-être que ou peut-être que" mais il me semble que c'est la bonne façon de rater le débat que de prétendre qu'il y a des gens qui, eux, sont en conflit d'intérêts, qu'il y en a d'autres qui ne le sont pas, sinon on va fermer la discussion et plus personne dans la société, quant à moi, ne pourra s'exprimer sur ce sujet parce que je pense que tout le monde a un intérêt à protéger. J'aurais même le goût de citer, par exemple, un éditorialiste d'un journal bien connu, mon Dieu je pense que je vais le faire. Quand Jean-Claude Leclerc s'est exprimé très favorablement à ce qu'on pousse le plus loin possible pour une proportionnelle, on sait - et c'est bien qu'il en soit ainsi - que Jean-Claude Leclerc est un gars très près des milieux populaires, des groupes populaires, de certaines associations, de certains organismes qui souhaitent que leurs tendances politiques auxquelles je référais, hier, soient mieux représentées à l'Assemblée nationale.

Or, il est clair qu'étant près, se sentant assez proche idéologiquement de ces groupes il ne peut pas faire autrement que de souhaiter que la réforme vienne, et c'est bien qu'il en soit ainsi et c'est légitime. Il a le droit d'écrire cela dans une page éditoriale d'un journal aussi sérieux que le Devoir. Il n'y a personne, le lendemain matin, qui a dit: "On sait bien, il nous dit cela parce que lui pense que cela pourrait donner tel ou tel résultat." Il me semble que c'est fausser totalement le débat et je souhaite que nous sortions de ce corridor dans lequel nous nous sommes enfoncés, hier, et dans lequel nous nous enfonçons de plus en plus profondément et qui a pour conséquence qu'après une journée complète environ de travaux de la commission on a à peine effleuré le fond de la question.

Je fais un appel, M. le Président, à tous les membres de la commission, pour que nous abordions le fond de la question et que nous laissions tomber tout ce qui peut tourner autour et alentour. On laissera cela aux historiens.

Le Président (M. Vaugeois): II ne faudrait pas insister trop sur ce que vous laissez aux historiens. Les historiens savent fort bien que tout le monde est pour la vertu, ou à peu près, et que peu de gens réussissent à la pratiquer continuellement. Nous en étions maintenant au député de Deux-Montagnes qui, je pense, va répondre à vos attentes, va nous permettre d'entrer dans le coeur, le vif du sujet lui-même.

M. le député, beaucoup d'espoirs sont fondés sur vous.

Mode de scrutin actuel et formules proposées

M. de Bellefeuille: Merci de cette présentation, M. le Président Vaugeois. Je suis d'accord avec mon collègue de Gouin sur au moins une question. Il est souhaitable que nous entrions le plus possible dans le coeur du sujet.

Je voudrais tenter de le faire, M. le Président Vaugeois, en m'inspirant, en partie,

de certains des propos que vous avez tenus hier. Il a été question hier, non seulement de la réforme du mode de scrutin mais, dans vos propos en particulier, il a été question aussi de la réforme parlementaire.

Je crois que, par ces deux réformes, nous voulons favoriser l'émergence de ce qu'on pourrait appeler des députés libres. Evidemment, des députés libres sont libres de s'associer librement à un parti. Ils sont libres d'adhérer librement à une ligne de parti. Mais, s'ils sont libres, ils sont libres de ne pas le faire aussi. Ils sont libres de mesurer le degré de leur adhésion et de leur acceptation de la ligne de parti.

Je crois que vous avez eu tout à fait raison, M. le Président Vaugeois, d'indiquer que nous devons chercher les moyens par lesquels la population puisse se choisir un Parlement au moyen du mode de scrutin plutôt que de se choisir un gouvernement. Il y a là des choses à clarifier dans nos esprits et ce Parlement, je le répète, doit dans mon esprit être composé de députés libres même s'ils appartiennent tous à des partis, s'ils devaient tous appartenir à des partis.

Je voudrais vous parler un peu des partis. Les partis politiques sont une institution fort bien connue dans notre société et dans les autres sociétés occidentales. Un parti politique, et là je parle en connaissance de cause - je ne sais pas si mon collègue de Gouin a raison d'affirmer que nous ne sommes pas, en quelque sorte, en conflit d'intérêts, mais il y a une chose que je sais, par exemple, c'est que nous sommes des autorités en la matière lorsqu'il s'agit de parler de partis.

Et les partis dans mon esprit, après un certain nombre d'années d'expérience, c'est une chose à la fois merveilleuse et affreuse. C'est une chose merveilleuse parce que, pour travailler à l'amélioration de la société, on a besoin de travailler en équipe. Qu'est-ce que c'est l'équipe? C'est le parti. Alors, il y a une vie de parti qui est une vie d'équipe qui, même à certains égards, est comme une espèce de grande famille spirituelle et je pense qu'il y a peu de gens qui réussirait à soutenir longtemps une action isolée dans des matières qui sont, par définition, collectives, qui touchent la société. Je sais que nous avons deux collègues indépendants, mais ils le sont devenus pas nécessairement par choix et je ne suis pas du tout sûr qu'en fin de compte ils soient plus libres que nous ou que nous pourrions l'être même membres de parti. Je pense qu'il y a des considérations aussi auxquelles nous devrions réfléchir.

Le parti, c'est une chose merveilleuse. Je sais que quand je vais à une réunion du parti, que ce soit le congrès national tous les deux ans ou, comme lundi soir dernier, une rencontre avec mon exécutif de comté, c'est une chose qui me stimule beaucoup. Et justement lundi soir dernier - je le signale en particulier à l'attention du ministre - mon exécutif de comté s'est prononcé sur la question de la réforme du mode de scrutin et, parce que j'avais dit à cette équipe de gens que je m'en venais en commission parlementaire discuter de la réforme du mode de scrutin, il m'a donné un mandat, en quelque sorte. Évidemment, ce n'est pas un mandat très contraignant parce que notre véritable mandat vient des électeurs, il ne vient pas de l'exécutif du parti dans le comté, mais c'est quand même un des éléments parce que notre mandat il est complexe, il vient de plusieurs sources.

Le mandat qu'il m'a donné, c'est de favoriser, M. le ministre, une réforme qui serait choisie maintenant, mais mise en vigueur après les prochaines élections. Ce qui coïncide avec une proposition que le député de Sainte-Marie a faite hier et à laquelle, VI. le ministre, vous avez mal réagi. Je vous mentionne la chose tout simplement pour vous signaler qu'il faudra peut-être se pencher de nouveau sur cette question et non pas l'écarter immédiatement. C'est, en tout cas, ce que souhaite mon exécutif de comté. Alors, un parti c'est cela, c'est une source de réflexion politique et en même temps un instrument d'action politique et les deux sont très étroitement liés.

Mais je vous ai dit que, dans mon esprit, un parti c'est une chose merveilleuse et en même temps une chose affreuse. C'est une chose affreuse dans la mesure où cela devient - et le langage courant consacre bien la chose - une machine. On parle de machine politique. On en est parfois très fier. La "Big blue machine" qui a porté M. Mulroney au pouvoir, je suis sûr que les conservateurs en sont très fiers, mais quand on y réfléchit, qu'une organisation composée d'êtres humains soit une machine, cela a quelque chose d'affreux, cela a quelque chose d'inhumain.

Et, ce qu'on appelle la ligne de parti, cela aussi, c'est un phénomène "mécanistique" qui fait qu'on a des réactions, des réflexes, des attitudes, des gestes, des comportements qui sont commandés de façon parfois quasi mystérieuse. On ne sait pas très bien au fond pourquoi la ligne de parti, à tel moment donné, c'est de faire ceci ou cela. Il existe une ligne de parti et je pense qu'il y a peu de députés, qui, au fond, en sont heureux. Il y a beaucoup de députés qui acceptent cet état de faits, mais il y a peu de députés qui en sont heureux. La nature de nos débats depuis hier, la façon dont nous avons discuté ces questions résultent en bonne partie de l'affrontement de deux lignes de parti. Je suis aussi coupable que les autres. Je vous avoue qu'hier soir quand j'ai apostrophé le député de Louis-Hébert, je jouissais d'une jouissance partisane. Je suis aussi touché par le phénomène que n'importe quel d'entre nous autour de cette table. C'est l'affrontement de deux partis, de deux

lignes de parti. Ce que le député de Gouin vient de dire c'est peut-être qu'il faut savoir s'élever au-dessus de cela et je suis d'accord qu'il faut savoir s'élever au-dessus de cela. L'ancien député, M. Claude Forget, qui était, à mon avis, un des plus partisans des députés de l'Opposition pendant qu'il siégeait à l'Assemblée nationale, a fait une déclaration qui m'a beaucoup étonné, au moment où il a démissionné et qui montrait qu'au fond ce comportement partisan ne correspondait pas à ses goûts, à sa nature, à ce qu'il aurait voulu faire. Il a déploré le fait que l'affrontement entre les partis nous force à attaquer continuellement l'adversaire, à toujours dire du bien d'un côté, le nôtre, et du mal de l'autre côté. Je crois que c'est cela le côté affreux de ce que devient plus ou moins fatalement un parti politique.

Tout ceci pour en venir au principe qui semble vous avoir guidés, messieurs les trois commissaires. Cela me paraît extrêmement important que la réforme du mode de scrutin aille dans le sens d'une plus grande liberté des députés et non pas dans le sens inverse. Or, je considère que ce que vous nous recommandez, la proportionnelle territoriale, à cet égard va dans le sens d'une moindre liberté des députés, va dans le sens d'un plus grand rôle pour les machines de parti, dans le sens de l'établissement de ce que j'ai déjà appelé dans un autre contexte des baronnies, les baronnies territoriales, c'est-à-dire les organisations de parti dans chacun des territoires dont vous envisagez la création, dirigées par les poids lourds - je parle de poids politique et non pas de poids physique - du parti dans chacun de ces territoires. Alors, les poids moyens et les poids plumes auraient bien du mal à tirer leur épingle du jeu et cela deviendrait plus ou moins fatalement des députés plus ou moins importants, des députés qui seraient non seulement d'arrière-ban à l'Assemblée nationale mais qui seraient d'arrière-ban dans leur structure régionale. (11 h 30)

D'autre part, ces territoires remplaceraient les comtés. Nous avons toujours organisé nos élections en fonction de comtés. Ce sont des comtés qui sont représentés à l'Assemblée nationale. Je considère que les comtés sont un élément de notre vie politique qui ne fait nullement problème et que nous n'avons aucune raison d'écarter. Dans vos notes préliminaires, hier, M. le président Côté, au haut de la page 21, vous avez dit: "Un attachement indu à la tradition et aux coutumes peut risquer un jour de bloquer l'évolution de toute société." Une belle affirmation à laquelle beaucoup de gens sûrement voudront se rallier. Moi, je m'en méfie puisque vous parlez d'un attachement indu. Alors, qu'est-ce que c'est un attachement indu? Qui juge, qui décide que, par exemple, mon attachement à l'existence, au maintien du comté comme élément de notre régime électoral est un attachement indu? Je ne vous reconnais pas le droit de le faire et je prétends que c'est un attachement qui n'est pas indu. Qui, dans la société conteste le comté comme élément de notre régime électoral? Avant vous et avant l'auteur de la RPRM, personne ne réclamait l'abolition des comtés. Il n'y a même personne qui réclame l'abolition de la monarchie, sauf peut-être depuis hier M. le ministre qui a été appuyé par le député de Gouin. Mais si on peut tolérer qu'il y ait encore la monarchie et que personne ne s'élève contre cela, il me semble qu'on puisse encore tolérer bien plus longtemps que la base de notre régime électoral quant aux territoires soit non pas les territoires que vous proposez mais que cela continue d'être le comté électoral. Il y a un élément de tradition tout à fait valable, pas du tout contesté et c'est pour cela que je favorise un type de réforme où on conserve le comté, dans la mesure où on trouvera le moyen efficace de le faire en ajoutant un élément de proportionnelle capable de corriger les distorsions dans une certaine mesure. Mais bazarder complètement les comtés, je m'oppose à cela.

Je note, comme tout le monde l'a noté, que votre projet aurait deux effets en particulier qui, quant à moi, sont totalement inacceptables: l'un est l'abolition des élections partielles et l'autre est l'impossibilité pour un député élu sous le régime que vous proposez de changer d'allégeance en cours de mandat et de continuer à siéger.

Je commence par le deuxième point. Hier à notre séance - ils vont peut-être revenir - il y avait deux députés indépendants: les députés de Sainte-Marie et de Frontenac. Si le régime que vous proposez avait déjà été en vigueur, ces deux collègues ne seraient plus parmi nous. Votre régime les aurait évincés du Parlement. Je sais que dans le cas du député de Frontenac, il y a des gens qui réclament sa démission, mais c'est pour d'autres raisons qui n'ont absolument rien à voir avec le mode de scrutin. Dans le cas du député de Sainte-Marie, il n'y a personne, je pense, qui a la moindre objection à ce que le député de Sainte-Marie continue de siéger parmi nous et je ne vois pas pourquoi nous adopterions une réforme qui aurait pour effet de le renvoyer chez lui avant la fin de son mandat. Cela m'est tout à fait inacceptable.

J'ai parlé de cet autre aspect qui m'est inacceptable, l'abolition des élections partielles. Les élections partielles - est-ce de ma part un attachement indu aux traditions? - il me semble, sont un indice de la volonté de la population, et nous, de ce côté-ci, sommes très bien placés pour le dire, n'est-ce pas? Nous en avons perdu 21 sur 21

depuis huit ans. Vous-même, M. le président Côté, avez insisté sur la nécessité de respecter la volonté populaire. Est-ce respecter la volonté populaire, quatre ou quatre ans et demi après des élections générales, s'il se produit une vacance au Parlement, que d'aller chercher quelqu'un qui, quatre ans et demi auparavant, faisait partie d'une liste et à ce moment-là même n'a pas réussi à se faire élire et de l'asseoir au Parlement? Vous considérez que c'est respecter la volonté populaire? M. le président Côté, je vous dis que non; c'est se moquer, à mon avis, de la volonté populaire. Je considère qu'il est extrêmement important que le régime que nous choisirons conserve, sauf dans la mesure où il y aurait un nombre restreint de députés de liste à qui cela ne s'appliquerait pas, les élections partielles. Je crois que ce que je dis est cohérent. Je considère qu'il faut conserver le comté électoral et conserver, dans le cas d'une vacance, du décès, de la démission ou du départ du député représentant un comté électoral, la règle selon laquelle dans cette éventualité-là il y a une élection partielle. Cela m'apparaît un élément de notre régime que nous n'avons aucune raison d'écarter. Je pense bien que les gens d'en face, dans la mesure où ils ont le nez collé sur les huit dernières années, vont être d'accord avec cela, que les partielles c'est à conserver. Bon! Cela révèle, c'est important, non seulement pour eux... Pour les libéraux cela fut très important parce que cela leur aura apporté 21 députés, mais ce fut malgré tout important pour le gouvernement qui apprenait à chaque fois quelque chose sur le sentiment de la population. À chacune de ces torgnoles que la population nous envoyait à la face, je vous assure que nous réagissions parce que nous ne sommes pas plus insensibles que d'autres. Cela nous faisait réexaminer certaines choses, cela nous faisait poser certaines questions et, lorsqu'on est au pouvoir, on sait l'effet que le pouvoir tend à avoir sur les gens. Alors, le fait de recevoir de temps en temps comme cela, mais assez souvent 21 fois - une torgnole de la part de la population a un effet plutôt salutaire, un effet plutôt désirable, plutôt souhaitable. J'ai voulu ainsi esquisser rapidement, M. le président Côté, mes trois objections de fond à votre recommandation: l'abolition du comté, je suis contre; l'abolition des partielles, je suis contre; l'abolition de la possibilité pour un député de changer d'allégeance en cours de mandat et de conserver son siège, je suis également contre. J'ai l'impression qu'en étant contre ces trois aspects je suis contre la représentation territoriale, à moins que vous ne recommandiez, à moins que vous ne puissiez faire la démonstration que le régime que vous proposez, que votre proposition puisse être modifiée de façon à tenir compte de mes objections, mais je n'ai pas l'impression que c'est le cas. Merci M. le Président.

M. Côté (Pierre-F.): M. le député, vous soulevez évidemment un certain nombre de questions. Je vaudrais seulement faire une remarque préliminaire et demander à mes collègues de collaborer à apporter des réponses parce que vous soulevez des points qui sont quand même assez d'envergure. Vous dites en avoir soulevé trois mais vous en avez en fait soulevé quatre avec le rôle des partis politiques, mais je comprends que vous laissez tomber cet aspect.

La principale observation que je dois vous faire, et nous avons insisté énormément là-dessus, c'est que nous soumettons une recommandation pour changer le mode de scrutin pour avoir un mode de scrutin proportionnel territorial. Nous insistons constamment là-dessus dans tout le rapport, même si on le prend avec un sourire, même si on l'interprète différemment, mais je reviens là-dessus, cela me semble très important, cela fut le sens de notre démarche, dans tout le reste nous n'exprimons que des suggestions ou des préférences. Par exemple, quand il s'agit - je prends cet exemple et je pourrais revenir plus longuement sur la façon dont on est arrivé à cette suggestion - de la suggestion de l'abolition des partielles, je disais, à l'occasion de l'étude des crédits où cette question avait été soulevée, que vous pourriez, vous, les députés, en arriver à la conclusion que la recommandation à la commission doit être retenue mais qu'il faut maintenir des élections, la tenue d'élections partielles.

Nous, dans les propositions ou les suggestions que nous faisons, le mérite qu'on pense que ces suggestions ont en relation avec la recommandation fondamentale que nous faisons, c'est qu'elles ont une certaine cohérence, c'est qu'elles se tiennent avec la proposition. Il y a une certaine cohérence. Cependant, nous n'y tenons pas mordicus. Nous nous disons: Qu'il soit impossible pour un député de devenir, en cours de mandat, candidat indépendant ou d'adhérer à un autre parti politique, cela a la cohérence suivante en relation avec la proportionnelle territoriale - il pourrait peut-être y avoir d'autres solutions - que, fondamentalement, la proportionnelle territoriale s'appuie, évidemment, sur le rôle et l'importance du rôle que jouent les partis politiques puisqu'il s'agit de scrutin de liste. Évidemment, l'un des éléments qu'il faut rechercher - Dieu sait si l'on a suffisamment insisté là-dessus -c'est celui de la stabilité gouvernementale. Comme réflexion que nous nous faisons, s'il était loisible à n'importe quel député, à supposer qu'un gouvernement soit élu avec une majorité qui n'est pas très forte mais

qui soit quand même une majorité - et c'est la raison pour laquelle cette règle existe dans les pays où on applique le mode de scrutin proportionnel - de changer d'allégeance ou de devenir député indépendant, on pourrait faire ce qu'on voudrait de la stabilité gouvernementale. Je pense que c'est une question assez sérieuse sur laquelle il faut se pencher et se demander si c'est là la bonne solution ou s'il y en a d'autres.

Quant à la question de l'abolition des élections partielles, on n'a pas trouvé de solution pratique; je n'en connais pas d'autres dans d'autres pays, peut-être pourriez-vous m'éclairer là-dessus. Quand on a un scrutin de liste dans une circonscription dont le territoire est assez vaste, quand une personne décède, par exemple, est-ce que dans cette circonscription on devrait tenir une élection pour l'ensemble de la circonscription? Est-ce que cette élection devrait être tenue selon le mode de scrutin proportionnel ou selon le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour? Ce qui est la coutume, ce qui s'est implanté dans les pays où on a adopté un mode de scrutin proportionnel, c'est d'avoir ce qu'on appelle des suppléants.

Ce que nous suggérons - c'est une proposition - c'est qu'une fois que les candidats de liste d'un parti politique sont connus, les suppléants soient connus à ce moment-là, manifestent leur accord pour agir à titre de suppléants et, évidemment, au moment où la suppléance doit s'exercer, donnent leur consentement à jouer ce rôle.

Ceci étant dit, si vous me permettez, je passerai la parole à M. Bourassa qui va certainement compléter les éléments de réponse que je viens de vous donner.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous me permettez auparavant, M. Côté, je voudrais parler dans le sens de ce que vient de souligner le député de Deux-Montagnes et de ce que soulèverait sans doute le président de l'Assemblée nationale s'il était avec nous. Je ne veux pas parler à sa place, mais je sais qu'il a déjà proposé - vous le savez sans doute aussi - que la ligne de parti, par exemple, ne s'applique pas nécessairement pour tous les votes pris en Chambre. Il reste quand même que c'est une des données qui imposent des contraintes terribles à l'évolution de nos Parlements. La question à cet égard est une question absolument fondamentale - vous l'avez traitée comme telle - et tout ce qui renforce la ligne de parti, dans la perspective où la ligne de parti s'applique constamment à l'Assemblée nationale, c'est évident que ça peut contribuer à créer un attachement indu au statu quo parlementaire, pour reprendre un peu des termes qui vous sont chers.

Je me réfère également au professeur

Léon Dion qui, dans un beau texte, soulignait que les trois grandes contraintes à l'évolution de nos Parlements, c'étaient la responsabilité ministérielle, la solidarité ministérielle et la ligne de parti. Je continue de répéter qu'une réflexion sur ces trois dimensions doit être associée à une réflexion sur la réforme du mode de scrutin. La question de la ligne de parti mériterait qu'on s'y attache parce que tout mode de scrutin qui contribuerait à la renforcer nécessite une évaluation de la définition ou de l'importance qu'on attache à l'application de la ligne de parti pour les débats et pour les votes à la Chambre.

Encore une fois, là-dessus, les suggestions du président de l'Assemblée nationale seraient extrêmement intéressantes si on pouvait les considérer à ce moment-là. Mais là, on déborderait encore un peu notre mandat.

M. Bourassa, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Bourassa: Oui. Il y a quelques remarques que j'aimerais ajouter à ce qu'a dit M. Côté à la suite d'une intervention de M. le député de Deux-Montagnes. Je pense, d'une part, qu'il faut bien préciser que ce rapport repose sur un choix très précis, c'est-à-dire qu'il y a, grosso modo, dans les grandes lignes, deux types de scrutin: l'un proportionnel et l'autre majoritaire à un ou deux tours. Dès que l'on parle de système proportionnel, il faut faire référence à une unité d'élection, qu'elle soit intégrale, comme certains cas très rares, ou des régions. (11 h 45)

Donc, je pense que ce premier point est important. Dans toute la démarche que nous avons adoptée, nous avons opté pour un tel mode de scrutin. Ce choix - il est peut-être bon de le rappeler, justement, en revenant au rapport lui-même - nous a été suggéré par les réactions, par l'information et par les avis que nous avons entendus de façon très diverse d'un bout à l'autre de la province, comme quoi l'idée de dépasser bien souvent les vues du comté s'imposait et qu'il fallait penser en termes de structures plus vastes que ces unités. Cette structure plus vaste, est-ce que c'est la région naturelle que certains prétendent? Nous n'avons pas pensé que c'était vraiment le cas; nous avons opté pour le mot "territoire" qui est un mot plus neutre et qui peut recouvrir bien des choses très diverses. Chose certaine, il existe des courants dans ce sens-là, dépassant la définition classique du comté. Il existe aussi même dans l'évolution de nos structures administratives et politiques - le rapport a voulu en tenir compte - des données importantes de ce côté. Qu'on pense, par exemple, à l'implantation de structures comme les MRC depuis quelques années ou comme les communautés urbaines.

Donc, qu'on remette en cause des structures qui ont été créées et mises sur pied il y a maintenant plus d'un siècle, qu'on s'interroge en tout cas sur cela, je pense que la question méritait d'être posée. Je dis donc que, pour nous, la réponse elle est dans le sens d'une structure plus vaste que le comté, quel que soit le nom qu'on lui donne. Je pense qu'on pourrait même aller jusque-là.

C'est ce que M. le président de la commission vient de rappeler. Nous recommandons ceci. Quant au reste, il s'agit très largement de préférences... pas très largement, il s'agit exclusivement de préférences et de maintenir la discussion.

Si vous me permettez, par ailleurs, dans ce que vous avez soulevé il y a bien des aspects avec lesquels je serais assez d'accord avec vous dans la mesure où on peut aussi bien prendre ces diverses questions du bon côté ou du mauvais côté. Par exemple, l'influence des partis politiques, que vous connaissez sûrement beaucoup mieux que moi, sur le choix des candidats et sur la vie interne de ces partis, que deviendrait-elle dans un système proportionnel? On peut croire qu'elle s'accentuerait mais on peut croire aussi, et c'est ce que nous avons indiqué dans le rapport, que certaines notions comme, par exemple, l'idée d'un travail d'équipe, l'idée d'une conception plus vaste du rôle du député, de son action en termes de définition de politique dans son territoire et au niveau de l'Assemblée nationale, méritaient aussi d'être étudiées, proposées. Cela revient à un des aspects que vous avez soulevés, je pense, donner, stimuler à l'Assemblée nationale - je reprends vos propres mots je crois ou à peu près - une participation plus intense et plus dynamique de l'ensemble des élus.

Donc, on pourrait voir une mainmise des machines de partis qui devient inquiétante sur les listes dans un système proportionnel ou on peut aussi voir le résultat d'un travail d'équipe.

Je vous signale aussi que dans la fabrication de ces listes, nous avons bien pris la peine, dans le rapport, de dire que les partis devaient donc le faire, mais qu'il y a quand même des contraintes sociologiques extrêmement importantes qui interviennent, que les partis n'établiront pas leurs listes en vase clos, si je puis dire, ou strictement à partir des préférences de certains dirigeants, de certains leaders, qu'il faudra tenir compte des appuis à recueillir dans l'ensemble des régions. Aussi nous avons, dans le rapport, indiqué qu'on pourrait - là je crois que cela rejoindrait peut-être une de vos préoccupations - avoir des listes ouvertes et même des listes, certains pourraient nous le reprocher, où le panachage est possible.

Donc l'électeur se retrouve en définitive devant des choix d'assez grande envergure. Il y a toujours un certain prix à payer, je vous le concède, le mode proportionnel représente sûrement un certain nombre de transformations qui nous paraissent - et c'est là notre conviction par ailleurs - valoir le coup, dans tous les sens du mot, pour un meilleur fonctionnement de la démocratie.

Deux remarques, peut-être pour conclure, ce que j'ai à dire pour l'instant sur la question. Vous avez dit que personne, avant celui qui a inventé la RPRM - je crois que c'est un eminent collègue de Laval - et nous ne s'est préoccupé beaucoup de la proportionnelle.

Il n'en reste pas moins, je pense, que les deux grands partis du Québec, dans leur programme, ont fait état de ces préoccupations. Je crois que c'est un aspect intéressant à relever et aussi la commission a pu entendre, de façon très objective - je reviens à cette rigueur que nous avons voulu toujours maintenir - bon nombre d'interventions où la dimension ou la mise en place des structures proportionnelles devenait un impératif, en tout cas, qui méritait un examen très sérieux.

Donc, ce n'est pas un débat, me semble-t-il, que nous avons complètement créé, j'ose le croire. Finalement, il y a peut-être une dernière remarque que j'ajouterais à vos propos et que vous avez peut-être un peu suscitée mais sans l'aborder comme thème et qui m'apparaît importante, c'est-à-dire que vous avez parlé des partis politiques, de l'influence de notre proposition sur les partis politiques, mais vous n'avez pas parlé, me semble-t-il en tout cas, comme telle de l'influence de ce mode de scrutin ou du mode de scrutin actuel sur le nombre des partis politiques, et cela est une question qui nous a intéressés au plus haut point. Le mode de scrutin actuel, je pense que je n'apprends rien à personne en disant qu'il favorise un bipartisme assez rigide où les tiers partis n'émergent pas facilement, c'est le moins qu'on puisse dire, et on pourrait citer bien des exemples ici ou ailleurs.

Il y a quand même une autre dimension, à part celle très importante, je vous le concède tout à fait, de la vie interne des partis politiques, qui est celle du nombre de ces partis et de leur capacité de représenter l'ensemble de l'opinion sans qu'on tombe, c'est vous-même je pense, hier soir, qui avez posé la question très justement, dans l'excès contraire où on se retrouverait avec une multitude de petits partis qui, en fait, ne seraient que paralysés et ne feraient que paralyser l'action gouvernementale.

C'est peut-être un autre aspect de la vie des partis que ceux auxquels vous aviez songé dans votre intervention, mais je pense que dans ce que nous proposons on ne peut pas négliger ces réflexions sur la vie interne des partis politiques dont nous sommes les

premiers, et je pense que beaucoup de passages de ce texte le montrent, à constater que ceux qui sont dans cette action des partis - et ce n'est sûrement pas notre cas - auront à en tirer des conséquences importantes. Il y a quand même allié à cela, me semble-t-il, d'autres considérations sur les partis pris en tant qu'organismes et la diversité de ces organismes dans une démocratie véritable.

Une dernière remarque, peut-être, je m'excuse, M. le Président, c'est la deuxième dernière remarque, sur la nature de ce qui est indu et aussi des respects indus ou non indus. Je pense que c'est un débat qui pourrait nous entraîner très loin. En tout cas, en tant que membre de cette commission, je ne voudrais surtout pas m'engager dans ces discussions, à savoir où est le seuil de ce qui est un attachement indu. Je respecte les attachements de chacun, quels qu'ils soient. Voilà: Merci.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais commenter brièvement les réponses de M. Côté et de M. Guy Bourassa. Lorsque, M. Guy Bourassa, j'ai dit qu'avant vous et les personnes qui avaient proposé la RPRM, personne n'avait jamais proposé, je n'ai pas dit "la proportionnelle". J'ai dit: qu'on n'avait jamais proposé l'abolition des comtés et leur remplacement par des régions ou des territoires, c'est cela que je voulais dire. Je sais que la proportionnelle est un débat plus ancien et plus vaste.

Quant au nombre des partis, je partage votre préoccupation à ce sujet. Je crois que le régime que nous cherchons est un régime qui va mieux que le régime actuel favoriser la multiplicité des partis mais seulement jusqu'à un certain point. C'est comme la proportionnelle; vous ne recommandez pas la proportionnelle pure. Vous ne voulez pas favoriser absolument la multiplication des partis mais vous voulez que le régime favorise un peu plus que le régime actuel les tiers partis, et je partage cette préoccupation. Je vous signale d'ailleurs que la réforme dite compensatoire aurait cela pour effet, dans une certaine mesure, de favoriser l'émergence ou les conditions faites aux tiers partis.

Quant à vous, M. le président Côté, vous avez indiqué que la raison pour laquelle vous avez opté pour l'impossibilité de changer d'allégeance en cours de mandat, c'est de favoriser la stabilité gouvernementale.

Je voudrais vous dire que je ne partage pas votre avis. Je voudrais vous dire qu'il n'est pas souhaitable de favoriser la stabilité gouvernementale plus qu'elle n'est déjà favorisée par le régime actuel.

Vous avez dit qu'il y aurait des risques pour la stabilité gouvernementale si un certain nombre de députés pouvaient quitter le parti gouvernemental. À mon avis, M. le président Côté, c'est la situation dans le régime actuel et il est très souhaitable qu'il en soit ainsi. Si vous supprimez cette possibilité pour le député de changer de parti, et en particulier pour les députés ministériels la possibilité d'aller siéger dans l'Opposition, vous affaiblissez le député, vous enlevez du poids au député. Or, je crois vous avoir expliqué que ce qui est important c'est de donner plus de poids aux députés, non pas par des avantages personnels ou des choses comme cela, mais je parle du député comme membre du Parlement, comme élément composant, fondamental du Parlement. Qu'est-ce que le Parlement? C'est une assemblée de députés. Ce que nous voulons, c'est... je crois que le président Vaugeois a dit "valoriser le Parlement", donc il faut valoriser le député institution, pas le député personne, mais le député institution. Et si on lui enlève la possibilité de quitter son parti, parce qu'on accepte la ligne de parti tant qu'elle est acceptable et quand elle devient inacceptable, on s'en va... Mais si le geste de s'en aller signifie qu'on s'en va non seulement du parti, mais qu'on s'en va du Parlement aussi, on risque d'hésiter encore plus à le faire ce geste. Donc, vous ajoutez à la ligne de parti. Par ce mécanisme, vous rendez encore plus rigide une ligne de parti qui l'est déjà trop. Un des problèmes fondamentaux de notre parlementarisme, c'est la trop grande rigidité des lignes de parti et vous compliquez cette situation, vous ajoutez à la rigidité de la ligne de parti en supprimant cette espèce - je m'excuse de l'expression - de pouvoir de chantage que le député, membre d'une formation politique, a de dire à son caucus ou à son chef: Si vous allez au-delà d'un certain seuil de ma tolérance, je plie bagage. Plier bagage, ce n'est pas une décision facile à prendre. Je regrette que le député de Sainte-Marie ne soit pas là, il l'a fait lui. Ce n'est pas une décision facile à prendre. C'est une décision très lourde, très dure; c'est une cassure, c'est une rupture, c'est extrêmement difficile à prendre. Si vous exigez de ce député que non seulement il accepte cette cassure, mais qu'il renonce à son siège de député, vous le mettez dans une situation où jamais plus il n'y aura des députés qui changeront d'allégeance. Là vous exagérez la statiblité gouvernementale, vous donnez encore beaucoup plus de rigidité à la ligne de parti.

Je crois, M. le président Côté, que sur cette question de statiblité gouvernementale, ce que nous recherchons, c'est - et là je choisis bien mes mots - le régime qui va nous permettre d'éviter une trop grande instabilité. C'est un peu comme votre "indu" de tout à l'heure à propos de l'attachement aux traditions, qui va juger qu'elle est trop grande? C'est cela que nous avons à faire.

Juger de ce que c'est une trop grande instabilité gouvernementale. Ce que je cherche à vous dire, c'est qu'à l'heure actuelle, à mon avis, l'instabilité gouvernementale n'est pas trop grande et qu'il faudrait rechercher un régime qui n'augmenterait pas la stabilité gouvernementale parce qu'il n'y a pas de problème de ce côté à l'heure actuelle.

D'autre part, je ne veux pas parler de l'exemple d'Israël et de l'exemple de l'Italie parce que, en général, ayant examiné un peu ce qui se passe dans d'autres pays, je serais plutôt porté à me dire que les Israéliens s'arrangent avec leur régime et les Italiens avec le leur et que nous, on va chercher à régler le nôtre ayant cherché à digérer ce qui se passe ailleurs. Ce n'est pas par des considérations sur l'instabilité gouvernementale en Israël ou en Italie qu'on va en fin de compte régler notre problème à nous. Il est très bien d'avoir bien étudié ce qui se passe ailleurs, mais il faut le digérer. Il ne faut pas le régurgiter, il faut le digérer.

Un dernier point. L'expérience canadienne - le député de Louis-Hébert sera heureux que je parle de cela - à Ottawa, l'expérience de la population par rapport au Parlement d'Ottawa, au cours du dernier quart de siècle, c'est, je crois, au moins à certains égards, que les meilleurs gouvernements ont été les gouvernements minoritaires. Je pense qu'il faut réfléchir à cela. Il y a une raison pour cela. C'est qu'un gouvernement minoritaire il faut qu'il se fende en quatre bien plus pour faire accepter ses lois, ses décisions par le Parlement, donc, il travaille plus fort et, au moins à certains égards, il travaille mieux. Là, je ne veux pas exagérer la portée de cet argument parce qu'on risque de tomber dans la trop grande instabilité. Mais c'est cela que nous avons à faire. C'est de décider ce qui est trop grand. À l'heure actuelle, c'est plutôt la stabilité qui est trop grande que l'instabilité, à mon avis.

Le Président (M. Rivest): Merci. Est-ce qu'il y a... (12 heures)

M. Côté (Pierre-F.): Un très bref commentaire, M. le Président. Je suis très heureux des observations de M. le député de Bellefeuille. En fait c'est exactement ce que nous envisagions quand on a préféré soumettre ce qu'on a appelé des préférences ou des suggestions. Cela amène ce genre de réflexions et de débats. Je m'en voudrais et cela serait tout à fait incompréhensible à tout le moins que je vous dise: Vous avez tort et j'ai raison. Je ne crois pas que je pourrais faire une telle affirmation. Tout ce que je peux vous dire c'est que les points que vous soulevez sont non seulement extrêmement intéressants mais, pour un certain nombre d'entre eux, méritent d'être fouillés et discutés à fond. Il y a des éléments de réflexion qui doivent être pris en très sérieuse considération. Je dois vous dire que nous-mêmes, quand nous avons rédigé ces parties de notre rapport, nous avons eu de très grosses discussions à ce sujet et nous sommes arrivés avec ces propositions. Mais une des raisons principales pour lesquelles nous avons procédé de cette façon c'est qu'il nous a semblé - évidemment il y avait une question aussi de disponibilité et de temps - que pour un certain nombre d'éléments comme ceux que vous avez soulignés: la question des élections partielles, la question de la possibilité de changer de siège, il y avait matière à discussion, il y avait matière à échange, il y avait matière à trouver des solutions, peut-être certainement autres, peut-être les nôtres, peut-être celles que l'on suggère, mais peut-être d'autres aussi. Je reviens encore à l'essentiel de notre rapport qui est de dire: Bien, nous croyons qu'il faut que ce soit un mode de scrutin proportionnel. Je ne dis pas que le reste c'est de la cuisine, je ne dis pas que le reste ne doit pas être considéré. Tout au contraire, les propos que vous venez de tenir sont extrêmement sérieux et intéressants et extrêmement graves dans les conséquences que vous en tirez. Je dis qu'il y a matière à essayer de trouver réponse à un certain nombre de questions, une fois que la décision est prise d'un changement de mode de scrutin. Il y a des modes de scrutin qui imposent certaines contraintes. Alors, est-ce qu'on doit écarter ces contraintes? Est-ce qu'on doit trouver d'autres réponses? Est-ce qu'on doit trouver des réponses qui soient différentes de celles que nous suggérons? Nous ne croyons pas, et loin de là, être en possession tranquille de la vérité. Tout ce que nous avons essayé de faire c'est au mieux possible notre travail et surtout de soumettre une recommandation qui est le fruit de la consultation et des travaux que nous avons faits.

Le Président (M. Rivest): Merci, M. le président.

La parole est au député de Charlesbourg, par la suite elle sera au député de Gouin et le député de Châteauguay m'a demandé la parole.

M. le député de Charlesbourg.

Conversation privée entre MM. Pierre-F. Côté et Sylvio Dumas

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, M. Côté, le mandat que vous avez reçu de l'Assemblée nationale date du 22 juin 1983. On a entendu à quelques reprises que c'était huit ou neuf mois qui avaient été donnés à la commission pour analyser toutes les répercussions de la réforme d'un mode de scrutin. Je ne pense pas révéler de secret en disant qu'il y a quand même eu chez vous,

au niveau du service de la recherche, des recherches préalables. Je ne pense pas révéler de secret, finalement, en disant que vous m'aviez remis, en octobre, ou novembre 1982, un document qui s'intitulait "Les modes de scrutin." C'était vers la mi-octobre, je crois, et c'était un document d'une rare qualité. Il y avait eu une tentative de faire l'historique de ce qui s'était passé comme évolution des changements sur le plan électoral au niveau de tout le Québec. Pour en arriver à ce document, il y avait certainement eu des discussions préalables au niveau de la commission. J'ai réussi à mettre la main sur une conversation que vous aviez eue avec M. Sylvio Dumas en date du 1er juin 1981, laquelle traitait de plusieurs sujets et où, entre autres, vous posiez à ce moment les bonnes questions. M. Sylvio Dumas, je crois, était responsable du service de la recherche chez vous?

M. Côté (Pierre-F.): Il est directeur du service de la recherche pour le Directeur général des élections.

M. Côté (Charlesbourg): C'est un document d'une douzaine de pages qui...

M. Duhaime: Est-ce qu'on peut en avoir des copies pour suivre l'échange?

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Est-ce qu'il y a des copies? C'est un document de dix pages.

M. Duhaime: Ce ne sont pas des documents secrets, ce ne sont pas des documents de l'État?

M. Côté (Charlesbourg): Celui-ci je ne pense pas qu'il soit à plusieurs exemplaires. C'est la transcription d'une conversation de M. Côté avec M. Dumas.

M. Rochefort: Si c'est la transcription d'une conversation, cela a été fait comment, où et à quelle occasion?

M. Côté (Charlesbourg): Cela m'est arrivé dans les mains comme cela, je l'ai.

M. Côté (Pierre-F.): J'en ai, M. le député. C'est une conversation privée, je ne comprends pas que...

M. Rochefort: Les conversations au bureau du Directeur général des élections sont transcrites? C'est quoi cette affaire-là?

M. Côté (Charlesbourg): C'est comme bien des documents qui à un moment donné tombent sur des tables. C'est aussi simple que cela.

M. Rochefort: Oui, mais un instant! Entre tomber sur une table et la transcription d'une conversation...

M. Côté (Charlesbourg): Un instant là!

M. Dussault: C'est de l'écoute électronique ou quoi?

M. Côté (Charlesbourg): Non, ce n'est pas de l'écoute électronique du tout, vous pourrez le juger.

M. Duhaime: Je voudrais savoir dans quoi on s'en va. Des documents sur ma table de travail il en est tombé plusieurs tonnes depuis les dernières années. Je voudrais qu'on établisse d'abord quelle relation existe entre M. Sylvio Dumas et M. Pierre-F. Côté. Est-ce un de vos employés ou quoi? Est-ce un employé du président?

M. Côté (Charlesbourg): Il vient de le dire, c'est le directeur...

M. Côté (Pierre-F.): C'est un de mes employés. C'est l'employé du Directeur général des élections. C'est mon employé qui est le directeur de la recherche chez moi. Je ne comprends pas du tout qu'on ait transcrit une conversation que j'ai pu avoir avec un de mes employés et qu'on en fasse état publiquement. Je ne comprends pas.

M. Rochefort: M. le Président...

M. Duhaime: M. le Président, j'avoue honnêtement qu'un document comme celui-là, à mon sens, ne peut pas être reçu à la commission, même s'il circule déjà. Je demande à la présidence de rendre une décision là-dessus, à savoir si une conversation dont j'ignore complètement le contenu, quel qu'il soit, entre le Directeur général des élections et un de ses employés, si un document comme celui-ci peut se retrouver entre les mains des parlementaires, d'une part, et ensuite faire l'objet d'une publication et être discuté publiquement ici à notre commission parlementaire. Sans vouloir tomber dans les grands secrets d'État, si vous voulez mon sentiment très personnel, je réagirais assez drôlement si un de ces bons matins une conversation entre moi-même et un membre de mon cabinet était discutée en commission parlementaire. Alors, lorsqu'il s'agit d'un des hauts officiers de l'État comme le Directeur général des élections, cette conversation a eu lieu à quel moment, dans quelles circonstances, etc., on l'ignore complètement, mais, sur le fond, notre institution qui s'appelle commission parlementaire de l'Assemblée nationale peut-elle recevoir un tel document et celui-ci faire l'objet d'une discussion?

Le Président (M. Rivest): Avant d'entendre les représentations des autres

députés, je veux simplement indiquer que la préoccupation de la présidence de la commission est certainement de ne pas accepter le dépôt d'un document sans qu'au préalable on ait à tout le moins établi la nature de ce document, sa véracité et son exactitude, surtout. À cet égard, je demanderais au député de Charlesbourg ou à tout autre député d'essayer d'indiquer à tout le moins aux membres de la commission et certainement au Directeur général des élections quelle est la nature exacte de ce document.

M. Gratton: M. le Président, si vous me permettez de répondre à votre demande...

Le Président (M. Rivest): Je signale qu'il n'y a pas eu de demande de dépôt formelle. La seule règle écrite...

M. Côté (Pierre-F.): Pardon, M. le Président. Force est de constater que le document en question circule, ce que je regrette.

M. Gratton: Mais oui. M. le Président, c'est justement à cela que je veux répondre.

Le Président (M. Rivest): Je ne pense pas que la présidence... Je n'accepterai pas que ce document soit déposé comme tel à la commission. De plus, si le document...

Une voix: ...déposé.

Le Président (M. Rivest): Non, je veux d'abord savoir exactement ce qu'il en est de ce document...

M. Duhaime: Non, s'il n'est pas déposé il ne sera pas discuté, je regrette. Il aura beau faire les grimaces qu'il voudra... Franchement:

Le Président (M. Rivest): J'en suis là pour l'instant.

M. Gratton: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Rivest): Oui.

M. Gratton: Au moment où le député de Charlesbourg voulait aborder une série de questions sur des conversations et des affirmations qu'a pu faire M. Côté, le Directeur général des élections, il y a un député de l'autre côté - je pense que c'est le député de Gouin ou le député de Châteauguay - qui a demandé, à partir d'un document qui est maintenant devant la commission, qu'on le dépose et a dit: Avez-vous des copies pour qu'on puisse suivre avec vous? Le député de Charlesbourg s'est exécuté et il en a fait distribuer.

Ce que je voudrais vous dire, M. le Président, c'est que, si la commission ne consent pas au dépôt du document, il n'y a pas de problème, qu'on le reprenne et voyons, à la lumière des questions que posera le député de Charlesbourg, s'il y a matière à s'insurger contre la distribution de ce document ou pas. Mais il faudrait quand même donner au député de Charlesbourg le loisir de poser des questions qui, comme il l'a lui-même expliqué dans son préambule, sont soulevées à partir d'un document que lui a remis M. Côté à une date antérieure et à la suite de conversations et d'affirmations qu'il a pu faire.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Gatineau, le problème c'est que la présidence de la commission ne peut permettre des questions à partir d'un document si ce document n'est pas authentifié d'une façon quelconque.

M. Gratton: La façon de l'authentifier c'est, pour le député de Charlesbourg, de demander à M. Côté s'il a effectivement tenu les propos que le document lui prête. Il faut quand même lui donner la chance de poser cette question et, du côté du gouvernement, on n'a pas voulu le laisser faire encore.

M. Duhaime: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Rivest): Sur une question de règlement, M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, j'en fais une question de règlement.

Des voix: II n'y a pas de questions de règlement...

M. Marx: II y a seulement des questions de privilège, pas des questions de règlement.

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous plaît! Je donne la parole au ministre.

M. Duhaime: Si on a besoin de grands constitutionnalistes, on pourra vous le dire, M. le député. Écoutez, M. le Président, on est dans une situation pour le moins très bizarre. Voici un document que j'ai en main, qui porte la date du 1er juin 1981: "Discussion entre Pierre-F. Côté et Sylvio Dumas". Est-ce que c'est un sténographe officiel qui a pris cela? Est-ce que c'est une déclaration qui a été faite sous serment? Est-ce que c'est un document qui constitue un procès-verbal, un document de travail à l'interne au bureau du Directeur général des élections? Je l'ignore complètement.

Ce que je vous ai posé comme question tantôt, en soulevant la première question de

règlement, c'est que je pense que concernant la règle parlementaire, le minimum, le "minimorum" consiste à dire qu'avant de pouvoir poser des questions sur un document quelconque, il faut que son dépôt ait d'abord été accepté formellement par la commission.

Des voix: Ah!

M. Duhaime: Si j'écoute les savants constitutionnalistes de l'autre côté, cela voudrait dire que sans qu'un document ait été formellement déposé devant la commission, alors que ce serait un document non admis, on pourrait interroger là-dessus des heures durant. Cela n'a aucun bon sens.

M. Marx: Il n'y a pas de règlement...

M. Duhaime: J'ai l'impression que vous avez dû plaider à peu près au niveau de la Cour du recorder pour tenir des propos semblables. Je vous demande un minimum de bon sens.

M. Marx: Il n'y a pas de règlement qui prévoit un dépôt de document en commission.

M. Duhaime: II faudrait d'abord que le député de Charlesbourg établisse...

M. Gratton: Pas de commentaire personnel, voyons donc!

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au ministre.

M. French: Une question...

Le Président (M. Rivest): J'ai donné la parole au ministre.

M. French: Demandez-lui de s'en tenir à la matière et non pas à la personnalité du député.

Le Président (M. Rivest): Pour l'instant, les propos du ministre étaient parfaitement pertinents.

M. Duhaime: Si le poulailler peut cesser un peu, on va se comprendre, franchement! M. le Président, cela m'apparaît important, c'est un document dont j'ignore la teneur, qui a une dizaine de pages, qui porte la date du 1er juin 81... C'est peut-être le 1er juin 1970, 1991, je ne sais pas du tout, il faut d'abord établir quel est ce document. Ne faisons pas de drame avec rien. Si tout le monde veut être de bonne foi, peut-être que M. Côté peut nous donner des informations sur ses façons de travailler.

Quant à moi, je m'opposerai formellement à ce qu'un document de travail, que ce soit au bureau du Directeur général des élections, au bureau du

Vérificateur général du gouvernement ou encore chez le Protecteur du citoyen, à ce qu'une discussion entre employeur et employé se retrouve entre les mains d'une commission parlementaire. Là-dessus, je demanderais que la présidence statue sur la recevabilité de ce document et, deuxièmement, sur les droits que les parlementaires ont d'en discuter à ce stade de nos travaux.

Le Président (M. Rivest): Je répète ce que j'ai dit. La présidence n'acceptera certainement pas le dépôt d'un document ni non plus, si ce document n'est pas déposé, qu'on y réfère spécifiquement durant les débats s'il n'y a pas au préalable - encore une fois, je ne préjuge pas de la décision à savoir si ce document pourra être déposé en regard de sa nature - un minimum d'éléments établissant son authenticité et, jusqu'à maintenant, la présidence n'a reçu aucune indication dans ce sens. (12 h 15)

M. Marx: M. le Président, juste un mot.

Le Président (M. Rivest): J'accorde la parole...

M. Marx: J'ai une question...

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous plaît! J'accorde la parole au député de D'Arcy McGee et ensuite au député de Gouin.

M. Marx: J'aimerais savoir si les règles de procédure de l'Assemblée nationale permettent le dépôt d'un document devant une commission parlementaire. Je pense qu'il n'y a rien dans les règles de procédure qui permet un tel dépôt, mais s'il y a quelque chose, j'aimerais...

Le Président (M. Rivest): L'article 158 que je voudrais rappeler à la commission se lit comme suit: "Un document ne peut être déposé en commission qu'avec la permission de son président". Le président, je l'ai déjà indiqué, jusqu'à maintenant, ne permettra pas le dépôt d'un document s'il n'y a pas un minimum d'informations préalables qui soient transmises à la commission sur l'authenticité d'un tel document. Or, je n'ai aucune indication dans ce sens jusqu'à maintenant.

M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez de...

Le Président (M. Rivest): M. le député de Gouin et ensuite M. le député de Gatineau.

M. Rochefort: M. le Président, je souhaiterais dans un premier temps que -avant que nous allions plus loin dans le débat de procédure qui semble vouloir s'engager -

nous ayons une réponse à la demande de la présidence de cette commission, que vous avez formulée tantôt: Est-ce que quelqu'un autour de cette table peut nous dire quel est ce document, quelle en est la nature, d'où il provient et comment il se fait qu'il se retrouve entre ses mains? Ensuite, M. le Président, on pourra ouvrir un débat de procédure...

Le Président (M. Rivest): Exactement.

M. Rochefort: Mais là j'ai peur que la question que vous avez posée aux membres de la commission, et plus directement à celui qui en a fait état, nous fasse perdre le fil et nous fasse tomber dans un débat de procédure plutôt que nous donner les réponses essentielles auxquelles nous sommes en droit de nous attendre.

Le Président (M. Rivest): Ce que vous avez dit, M. le député de Gouin, c'est exactement la démarche qu'entend suivre la présidence.

M. Rochefort: M. le Président, c'est parce que le député de D'Arcy McGee a soulevé des questions de règlement, le député de Gatineau s'est annoncé. Moi aussi j'aurai des questions de règlement, mais au préalable je souhaite entendre le député de Charlesbourg pour qu'il réponde aux questions que vous avez exprimées.

Le Président (M. Rivest): C'est exactement la démarche que je vais suivre. Cela ne préjuge pas de l'intervention préalable du député de D'Arcy McGee qui, j'espère, n'élargira pas le débat parce que je n'ai pas l'intention de m'avancer au-delà de ce que j'ai indiqué et de ce que le député de Gouin vient de signifier.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Rivest): La parole est au député de D'Arcy McGee.

M. Gratton: II avait terminé.

M. Marx: Je veux juste poser une question au président. Est-ce que quelqu'un a demandé que le document soit déposé?

Le Président (M. Rivest): Non.

M. Marx: Si personne n'a demandé que le document soit déposé en commission, pourquoi fait-on ce débat?

M. Rochefort: M. le Président...

Le Président (M. Rivest): Je ne peux quand même pas permettre qu'on interroge le président de la Commission de la représentation à partir d'un document dont on n'a aucune espèce d'indication à savoir d'où il provient, ce qu'il contient, etc. Ce que je demande au préalable avant toute autre discussion, c'est qu'on l'établisse. Et ensuite, la présidence - s'il y a demande de dépôt ou s'il a même simplement demande de l'invoquer - prendra une décision à savoir si ce document est "invocable" ou est "déposable". Mais, pour l'instant, je demande à celui qui l'a, c'est-à-dire le député de Charlesbourg, d'établir, pour la présidence et pour les membres de la commission, un minimum de crédibilité, d'authenticité de ce document parce que la présidence là-dessus va faire respecter le règlement tel qu'il est, non seulement à la lettre, mais également sur le plan de l'équité pour tout le monde.

M. Gratton: M. le Président, c'est à mon tour, j'espère.

Le Président (M. Rivest): Je voudrais bien qu'on réserve le droit de parole au député de Charlesbourg à qui j'ai posé une question.

M. Gratton: Mais, avant que le député de Charlesbourg réponde à votre question, je voudrais que ce soit clair. Le député de Charlesbourg n'a jamais demandé à la commission la permission de déposer un document quelconque. Il s'apprêtait à poser un certain nombre de questions et il a eu le malheur de se référer à un document qu'il a en sa possession - je pense bien qu'il n'y a personne qui peut l'empêcher d'avoir un document en sa possession - et un député de l'autre côté a demandé que le document lui soit fourni pour qu'il puisse le suivre.

Le Président (M. Rivest): Mais le problème, M. le député... Vous me permettez?

M. Gratton: Si vous me laissiez finir la phrase, je ne reviendrais plus après.

Le Président (M. Rivest): Je veux vous indiquer une chose. Si le document en question émanait du député de Charlesbourg, je n'aurais aucune objection à ce qu'il se réfère à ce document. Le député de Charlesbourg a indiqué que ce document émanait des services du président de la commission. Alors, il me semble que comme minimum on doit indiquer exactement la nature de ce document. Si c'était des notes personnelles du député de Charlesbourg, il pourrait très bien poser les questions qu'il voudrait, mais comme c'est un document qui émane de la présidence de la Commission de la représentation je pense que la demande invoquée par certains membres de la commission est tout à fait légitime. La présidence a adressé la même demande

depuis le début de cet incident et elle insiste pour que...

M. Dussault: M. le Président...

Le Président (M. Rivest): II y a toujours le député de Charlesbourg qui est en suspens, mais je vais accorder une dernière intervention au député de Châteauguay.

M. Dussault: Cela va être court. Oui, cela fait longtemps que je l'attends, M. le Président. J'aurais aimé qu'elle vienne dès le début, j'ai été le premier à demander la parole sur ce qui se passait.

Le Président (M. Rivest): Je m'excuse, M. le député.

M. Dussault: M. le Président, le député de Gatineau a essayé de me récupérer et je n'aime pas qu'on essaie de me récupérer. Il a dit tout à l'heure que j'étais possiblement celui qui avait demandé qu'on dépose le document. C'est inexact. Premièrement, j'ai demandé qui était Sylvio Dumas. Deuxièmement, j'ai demandé: Est-ce qu'il s'agissait d'écoute électronique? Et cela a effectivement semé le doute sur ce qui se passait. Si j'ai posé la question c'est à la suite de ce qu'a dit le député de Charlesbourg. Il a dit: La transcription d'une conversation...

M. Rochefort: J'ai entre les mains la transcription d'une conversation...

M. Dussault: J'ai entre les mains la transcription d'une conversation entre telle personne et telle personne. C'est cela qui a semé le doute, M. le Président, et c'est pour cela qu'on tient tellement à savoir vraiment ce que c'est cette question.

M. Rochefort: On veut que soit établie la nature du document...

Le Président (M. Rivest): Vous avez la même impatience. Alors, là je donne la parole au député de Charlesbourg.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, mon collègue de Gatineau a dit que malheureusement je me référais au document. Cela a été fait intentionnellement. J'aurais pu - si on veut me laisser terminer - poser des questions à partir du document et ne le sortir qu'après. On s'entend bien. Ce que j'ai préféré, c'est d'y aller beaucoup plus ouvertement en disant que j'avais entre les mains un document qui pourrait... Au préalable, j'avais dit que le 15 octobre 1982, un document m'avait été remis, une étude très exhaustive de toutes les réformes qui ont été faites au niveau du Québec, une étude exhaustive sur le mode de scrutin, qui découlait très certainement d'une commande qui avait été passée antérieurement. C'est là que j'ai fait allusion, bien sûr, à...

M. Duhaime: Que voulez-vous dire par une commande passée antérieurement?

M. Côté (Charlesbourg): Un instant là: Si le député de Saint-Maurice veut jouer au procureur comme au temps...

M. Duhaime: Non, non, mais vous êtes bien parti.

Une voix: Attendez votre tour.

M. Côté (Charlesbourg): Non, un instant.

Le Président (M. Rivest): Qu'on laisse le député de Charlesbourg répondre et ensuite...

M. Gratton: II y a toujours bien des limites:

M. Côté (Charlesbourg): Je pense que dans les circonstances il est tout à fait normal que le Directeur général des élections ait confié un mandat à son service de recherche pour étudier certains points et se poser des questions. Je pense que j'ai entre les mains actuellement la copie d'un travail et si, à la lecture de cela, il m'apparaît très évident que c'est une secrétaire qui a fait le relevé à partir d'un enregistrement, ce n'est pas une technique nouvelle. Hier soir, M. Côté nous disait, ayant été en Europe, et je cite les épreuves R-723-CI à la page 1, dans le bas de la page: "Je me suis efforcé, avec la permission des personnes que j'ai rencontrées, d'enregistrer les conversations pour ne pas avoir à prendre des notes constamment". Or, c'est possiblement la même technique qui a été employée. Maintenant, si vous voulez me tordre un bras, le cou et m'enlever ma chemise pour me faire dire qui est ma source et de quelle manière j'ai obtenu le document, je dirai que ce serait farfelu de prêter quelque crédibilité à l'affirmation que cela pourrait être de l'écoute électronique. Cela est complètement farfelu, les moyens ne sont pas à notre disposition dans ce sens.

M. Rochefort: Si on demandait à la Sûreté du Québec de nous dire...

M. de Bellefeuille: C'est un document volé.

Une voix: Vous ne connaissez pas ça, vous autres!

Le Président (M. Rivest): Un instant, on n'en est pas rendu là.

À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg): Cela ne m'inquiète nullement et cela ne me dérange pas du tout.

Une voix: ...des tables d'écoute, et des vols de documents, cela n'est pas acceptable, M. le Président.

M. Rochefort: Voyons donc! Vous autres, les grands protecteurs des libertés individuelles, des droits de la personne, vous trouvez cela normal? Vous trouvez cela normal ce qui se passe?

M. Gratton: M. le Président, on pose une question au député de Charlesbourg, est-ce qu'on va lui laisser fournir la réponse?

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je pense que, pour régler le problème de l'authenticité du document, c'est possiblement M. Côté lui-même qui pourrait nous répondre, et s'il n'est pas authentique le document, on va le reserrer. S'il est authentique, bien coudon! je pense que c'est un document dont on va se servir.

M. Duhaime: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Rivest): M. le ministre.

M. Duhaime: Je pense que nos collègues de l'Opposition ne comprennent pas, j'allais dire ne veulent pas comprendre. On est en commission parlementaire pour étudier le rapport du Directeur général des élections, à la suite d'un mandat de l'Assemblée nationale qui lui a été confié le 21 ou le 22 juin 1983. Voici que, ce matin, le député de Charlesbourg, en posant quelques questions au Directeur général des élections, se réfère à un soi-disant document du 1er juin 81. Ce que je vous dis, M. le Président, et c'était dans ce sens que je faisais ma demande de directive, c'est que je ne pense pas qu'il soit correct et admissible, suivant nos règlements en commission parlementaire, de permettre de se référer de quelque manière que ce soit à quelque document que ce soit qui ne soit pas un document officiel déposé, recevable et admissible à la table de la commission parlementaire. Je maintiens ce point de vue et je vais m'opposer à toute référence qu'on pourrait faire à ce document.

M. Gratton: M. le Président, est-ce que je pourrais répondre au ministre?

Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Le député de Charlesbourg l'a dit clairement, il aurait tout simplement pu poser ses questions sans faire aucune référence à l'existence du document et...

M. Duhaime: L'a-t-il fait?

M. Gratton: Va-t-il nous laisser terminer nos phrases, le ministre, ou si c'est seulement lui qui doit parler sans être interrompu, M. le Président? S'il ne l'a pas fait, c'est qu'il a voulu que soit tout à fait claire, au vu et au su de tous, sa source d'information. Le ministre s'insurge contre cela, comme si, par exemple, on n'aurait pas pu à une autre commission poser des questions à des gens qui avaient assisté à une réunion, notamment, avec le premier ministre et lui poser la question: Qu'est-ce que vous vous êtes dit? Qui a dit quoi? Qu'est-ce qu'on a répondu et obtenu comme réponses? Alors, si vous insistez pour que nous fassions cela, le député de Charlesbourg - je ne parlerai pas pour lui - j'en suis convaincu, va poser ses questions. Le ministre, quelles que soient les entourloupettes qu'il voudra faire, n'empêchera personne de ce côté-ci de poser les questions qu'on veut bien poser au président. Si vous voulez laisser le député de Charlesbourg poser ses questions, on va y procéder. Mais je répète que le document en question, existe toujours et, si la commission ne veut pas en être saisie - libre à elle - on n'y fera tout simplement pas référence.

Le Président (M. Rivest): J'ai une dernière... Y a-t-il d'autres commentaires des membres de la commission?

M. Duhaime: Non, j'ai demandé une directive. On va attendre la décision.

Le Président (M. Rivest): J'ai une question à adresser au président. Je ne sais pas si le président, au cours de cette discussion, a eu l'occasion de prendre connaissance du document qui n'est pas déposé, mais qui a circulé. Je voudrais avoir un commentaire du président de la commission.

M. Côté (Pierre-F.): Non, M. le Président. Je demanderais l'autorisation de vous formuler mes commentaires seulement à la reprise tout à l'heure parce que j'ai peur que les remarques que je pourrais faire à ce stade-ci dépassent ma pensée tellement je suis bouleversé par le procédé qu'on utilise.

Le Président (M. Rivest): Alors, sur le fond de la question posée par le ministre, la présidence va prendre en délibéré cette question et dans la mesure où on a une demande de la part du président de la Commission de la représentation d'ajouter peut-être, à sa convenance, s'il le veut

bien... La présidence acceptera également si le président n'a pas d'autre commentaire lors de la reprise des travaux. Je vais suspendre la commission jusqu'à 15 heures en accordant cependant aux députés qui auraient des commentaires additionnels à ajouter le privilège de le faire.

M. le député de Rousseau et M. le député de Deux-Montagnes.

M. Blouin: M. le Président, je tiens à vous signaler tout simplement, puisque vous aurez sans doute une décision à rendre, comme le prévoit l'article 158 qui précise que c'est vous qui permettez ou ne permettez pas que soit déposé un document, que le député de Charlesbourg a voulu passer à côté du règlement pour la raison suivante. Il est arrivé ici avec un document qu'il a au moins en 50 copies. Il a pris soin, avec une espèce d'attitude irrespectueuse à l'égard de la présidence, de le faire distribuer alors que personne n'en avait demandé la distribution. Il a pris soin également de faire en sorte que les journalistes l'aient en leur possession, et maintenant vous aurez à rendre votre décision à l'égard du dépôt ou de l'absence de dépôt de ce document. Je vous signale tout simplement que cette attitude de l'Opposition est particulièrement non seulement méprisante à l'égard des gens concernés, mais également méprisante à l'égard du rôle du président de la commission et à l'égard de tous les membres de cette commission. Si nous commençons à procéder de cette façon-ci en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale, je crois que cela va nous entraîner dans des débats qui n'auront plus aucune espèce de respect pour qui que ce soit. Je croyais que cette attitude de l'Opposition, qui lui a causé du tort dans les années passées et qui a détruit sa crédibilité auprès d'un grand nombre d'organismes et de personnes significatives dans notre société, était une attitude qu'ils avaient décidé de ranger au placard mais je m'aperçois que ces procédés parfaitement inacceptables sont encore actifs et je me permets de dire que c'est une attitude qui est méprisante à l'égard de tous ceux et celles, non seulement qui suivent nos débats, mais de tous ceux et celles qui sont au coeur de nos débats et particulièrement de vous, M. le Président.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je partage tout à fait l'avis que mon collègue de Rousseau vient d'exprimer. Je crois que nous venons d'assister à un détournement de commission parlementaire qu'on cherche à transformer en "Kangaroo Court", une espèce de tribunal policier de bas étage. On a eu recours à un document obtenu de façon inconnue à partir d'une table d'écoute, ce qui est un procédé absolument indigne lorsque nous invitons une personne à se présenter devant nous en commission parlementaire. Je n'en dirai pas plus pour le moment, M. le Président, mais je voudrais vous demander de donner instruction au personnel de la commission de reprendre, de retirer tous les exemplaires de ce texte qui ont été distribués.

Le Président (M. Rivest): C'est un peu difficile dans la mesure où la présidence ne sait même pas s'il y a des documents qui sont en dehors de cette enceinte. Tantôt le député de Rousseau indiquait que le document aurait été transmis, ce que la présidence ignore, à la Tribune de la presse. Je vois mal comment la présidence de la commission pourrait aller récupérer les documents. Là, je ne sais pas comment...

M. de Bellefeuille: Ici dans la salle, M. le Président.

Le Président (M. Rivest): Ah bien, certainement, si les membres de la commission... Bien, il y a des membres de la commission qui ont fait la demande de document. Moi je n'ai pas d'objection à ce que, au moins jusqu'à la décision de la présidence, ces documents effectivement soient consignés au secrétariat ou je ne sais trop.

M. Duhaime: M. le Président, si vous voulez avoir mon avis là-dessus, il n'y a rien qui peut empêcher les polycopieuses du Parti libéral de fonctionner.

Le Président (M. Rivest): Bien, c'est la préoccupation de la présidence. Je vois mal comment je pourrais me rendre à la demande du député.

M. Gratton: M. le Président... Le Président (M. Rivest): Oui.

M. Gratton: Très brièvememnt, pour répondre aux affirmations du député de Deux-Montagnes et à celles du député de Rousseau, le premier qui disait que le député de Charlesbourg avait procédé à un détournement des travaux de la commission est le député de Rousseau qui prétendait que personne n'avait demandé la distribution du document, je regrette de faire remarquer aux deux que le député de Charlesbourg n'a fait distribuer le document qu'après que soit le député de Gouin, soit le député de Châteauguay ou peut-être bien les deux en même temps l'aient demandé. Tout ce que je conseillerais au député de Rousseau de même qu'au député de Deux-Montagnes de faire, c'est de consulter les épreuves du journal des

Débats pour constater que c'est à la demande de députés péquistes que le document a été distribué. Alors, si les députés péquistes veulent maintenant que ces documents soient repris, bien, libre à eux de le faire.

Le Président (M. Rivest): Deux dernières interventions, le ministre et le député de Gouin. Ensuite, je pense que la présidence sera suffisamment informée et va délibérer. Non, M. le député de Rousseau. Deux dernières interventions.

Une voix: On vous connaît, on vous connaît...

M. Duhaime: M. le Président, ce que je veux dire, c'est que...

Le Président (M. Rivest): Deux très courtes interventions. M. le ministre et M. le député de Gouin.

M. Duhaime: Je vais essayer d'aller rapidement si on me laisse parler. Je fais mon possible moi aussi pour vous écouter très patiemment. Il n'y a rien qui interdit au Parti libéral, à l'Opposition officielle de faire ses propres évaluations. Ce matin j'ai parlé de politesse, j'ai parlé de déférence et ce que je viens de vivre ici en commission parlementaire est un procédé que je qualifierais de grossier. Je vais m'expliquer là-dessus. Vous n'avez aucune permission à demander à quiconque pour que votre machine politique publie les documents qu'elle voudra bien publier, mais mon point, M. le Président, ici en commission, c'est qu'un document ne peut pas être discuté en commission et faire l'objet d'échange avec qui que ce soit à la table d'une commission parlementaire à moins que ce document n'ait été reçu et ne soit admissible conformément à nos règlements. Cela c'est notre point et c'est là-dessus qu'on a demandé une décision. Maintenant, sur le premier volet...

Le Président (M. Rivest): M. le ministre, si vous me le permettez, vous conviendrez qu'il n'y a pas eu de discussion pour l'instant.

M. Duhaime: ...qu'une formation politique décide d'utiliser les procédés qu'elle voudra, je pense que les gens pourront en juger.

Le Président (M. Rivest): Vous conviendrez, M. le ministre, que je n'ai pas permis et que la présidence n'aura pas permis et n'a pas l'intention de permettre de discussion avant qu'il y ait eu une décision. Il n'y en a pas eu à partir du document. Cela, c'est une chose. Dernière intervention, M. le député de Gouin.

M. Duhaime: C'est cela, là-dessus vous êtes correct.

M. Rochefort: Oui, M. le Président. À la suite de l'intervention du député de Gatineau, répétée à deux ou trois reprises, selon laquelle j'aurais demandé le dépôt du document, à ma connaissance, je n'ai pas demandé le dépôt du document ni sa distribution... Vous permettez? Oui, merci. Quand le député de Charlesbourg a dit: J'ai entre les mains un document reprenant la transcription d'une conversation du Directeur général des élections et de M. Sylvio Dumas, j'ai dit: "Quel est ce document? Quelle en est la nature?"

Effectivement, quand des gens autour d'une table font allusion à un texte qui reproduit une conversation privée entre deux personnes, je m'interroge sur la nature et la provenance du texte et sur les raisons qui font en sorte que ce texte, de nature privée, se retrouve sur la table d'un membre d'une commission parlementaire. Je répète que je considère que le président doit aussi nous rendre une décision sur cet aspect de la question.

Le Président (M. Vaugeois): La commission ajourne ses travaux en réservant le droit de parole à 15 heures au président de la Commission de la représentation.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Rivest): Lorsque nous avons suspendu nos travaux en fin de matinée, j'avais réservé la parole au président de la Commission de la représentation au cas où il aurait, à son choix, un commentaire à faire ou enfin quelques informations à apporter à la commission sur le problème que nous avons. Un instant, M. le Président, le ministre voudrait dire quelque chose.

M. Duhaime: C'est un peu une suggestion que je ferais. J'avais formulé un point de règlement et une demande à la présidence. Je me demande si cela ne serait pas approprié que l'on commence d'abord par ce point et qu'on entende votre décision.

Le Président (M. Rivest): Si vous voulez. Le point de règlement du ministre se référait spécifiquement à l'article 158 de notre règlement, dans le sens qu'un document ne peut être déposé en commission qu'avec la permission de son président. En fait, le ministre soutenait dans son argument qu'on ne pouvait discuter d'un document sans qu'il ait été au préalable déposé. La décision de la présidence est dans le sens que non, il

peut être discuté, on peut invoquer un document, de quelque nature qu'il soit, sans que son dépôt formel soit fait devant la commission parce qu'une des raisons principales de la disposition de l'article, c'est que le dépôt de document, le geste de déposer le document a, entre autres, une signification d'archives. C'est qu'on veut que ce document soit conservé par les archives de l'Assemblée nationale, si bien qu'une pratique courante au niveau des commissions parlementaires comme au niveau de l'Assemblée nationale veut qu'un député puisse se référer à des notes personnelles, à un éditorial, à quelque écrit, de quelque nature qu'il soit, sans que ce document fasse nécessairement l'objet d'un dépôt formel.

M. Rochefort: Même un document qui reprend la transcription d'une conversation privée entre deux personnes?

Le Président (M. Rivest): Absolument, sans égard à la nature.

M. Rochefort: Vous êtes formel là-dessus?

Le Président (M. Rivest): Oui.

M. Blouin: Est-ce qu'on doit comprendre aussi, M. le Président, de votre décision que, puisque ce document n'est pas officiellement déposé, il ne bénéficie donc pas de l'immunité parlementaire et que, par conséquent, il est vulnérable?

Le Président (M. Rivest): Je vais traiter de cette question dans la décision sur le fond que je m'apprête à rendre, en accordant le droit de commentaires ou d'intervention que j'ai réservé au président de la Commission de la représentation.

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président. J'essaie de suivre. Vous venez juste de nous donner une indication que la commission parlementaire ou un membre de la commission parlementaire, devrais-je dire, pourrait se référer à ou discuter d'un document qui, formellement, n'aurait pas fait l'objet d'un dépôt devant la commission parlementaire et vous nous dites également: Je m'apprête à rendre ma décision sur le fond. C'est drôle, j'aurais plutôt l'idée de vous suggérer que vous rendiez votre décision sur le fond, puisque vous vous apprêtiez à le faire. Je ne crois pas, peu importe ce que pourrait dire le Directeur général des élections sur cette question, que ses propos à venir pourraient influencer la décision que vous avez déjà à l'esprit. J'imagine qu'on devrait d'abord entendre votre décision sur le fond. Je vous dis tout de suite que je vous demanderai la parole après avoir entendu votre décision sur le fond, quitte à utiliser ce droit de parole ou non, selon la décision que vous rendrez.

Le Président (M. Rivest): Laissant au président la liberté de déterminer...

M. Duhaime: ...si j'ai un droit de parole. Absolument, M. le Président.

Le Président (M. Rivest): Très bien. Alors, la décision essentielle de la présidence de la commission relative au problème qui a été soulevé est la suivante. Premièrement, peut-être devons-nous nous référer au mandat de la commission. Il s'agit "de procéder - et je relis le mandat de façon que tout le monde comprenne bien - à une consultation particulière pour étudier le rapport et les recommandations de la Commission de la représentation sur la réforme du mode de scrutin déposés à l'Assemblée nationale le 28 mars 1984". Donc, tout document, toute question, toute intervention des membres de l'Assemblée doivent se rapporter au mandat de la commission, c'est-à-dire doivent être liés au problème ou à la question du mode de scrutin. C'est la première exigence.

Un deuxième élément extrêmement important est que, dans notre droit parlementaire, tout député au niveau de l'Assemblée nationale comme à celui de ses commissions jouit d'un droit illimité de parole. Ce droit illimité de parole et d'action, bien sûr, dans le cadre des activités d'une commission parlementaire ou au niveau de l'Assemblée nationale, n'a dans notre règlement et dans notre droit parlementaire qu'une limite qui est celle imposée à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale, entre autres, et en l'occurrence, lorsqu'il s'agit d'un document spécifiquement, aux paragraphes 3 et 4 que je lis, en attirant l'attention des membres de la commission sur cet article de la Loi sur l'Assemblée nationale: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée le fait de - c'est le troisième alinéa - 3 présenter à l'Assemblée, à une commission ou à une sous-commission un document faux dans le dessein de tromper; 4° contrefaire, falsifier ou altérer, dans le dessein de tromper, un document de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission ou un document présenté ou produit devant elles."

Sur la base des droits et des privilèges illimités des députés, leur droit de parole et leur droit d'action au niveau de l'Assemblée nationale et des sanctions qui sont prévus en l'occurrence - puisqu'il s'agit d'un document - à l'article 55,3° et 4°, la présidence de la commission estime que, d'une part, le document en question n'a pas besoin d'être déposé, comme je l'ai indiqué antérieurement, au niveau de la commission.

D'autre part, le député de Charlesbourg peut, pour interroger le président de la Commission de la représentation, invoquer un document ou le document dont il est question, avec la limite expresse que toute et chacune des questions qu'il adressera à la présidence devront se situer dans le cadre très strict du mandat de notre commission. C'est la décision que la présidence rend en l'occurrence.

J'accorde, évidemment, le droit au président de la Commission de la représentation de formuler le commentaire qu'il voudra bien faire et, par la suite, j'accorderai la parole au député de Charlesbourg, de façon que les travaux de la commission puissent se poursuivre.

M. Côté (Pierre-F.): Merci, M. le Président. Évidemment, la décision que vous venez de rendre relève, quant à moi, d'un problème de procédure parlementaire qui est assez spécialisé. Je ne pense pas qu'il soit de mon ressort de m'aventurer sur ce terrain. Votre décision est votre privilège, mais si vous m'aviez demandé auparavant si j'avais un avis à formuler à savoir si je suis d'accord ou pas d'accord, évidemment que je vous aurais plutôt dit que je n'étais pas d'accord, mais je vais vous dire pour quelle raison.

Le Président (M. Rivest): C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé vos commentaires antérieurement.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, c'est ce que je vous souligne présentement. Quelle est la nature de ce document? Je pense bien que c'est la question fondamentale qu'il faut d'abord se poser. Il s'agit de la transcription d'une conversation privée que j'ai effectivement eue avec M. Sylvio Dumas, le 1er juin 1981. Pour ma part, je ne me rappelais pas ce document pour la raison suivante. Je ne me souviens pas de l'avoir eu entre les mains, à l'époque, parce que M. Dumas, à l'occasion, et plutôt rarement, lorsque nous nous rencontrons, plutôt que de prendre des notes de notre conversation -vous savez que j'ai le défaut de parler très vite et que je suis aussi passablement occupé - enregistre parfois et rarement, mais il l'a fait le 1er juin. Cette conversation qui pour moi est de nature évidemment privée, il l'a enregistrée pour les fins de son travail professionnel. Il a fait transcrire cette conversation et seul son service en possédait un exemplaire. Pour moi, le fait que ce document soit entre les mains de M. le député de Charlesbourg n'a pu se produire qu'en dehors, je l'affirme catégoriquement, de l'accord de M. Dumas et de moi-même. À ce moment-ci, l'hypothèse la plus vraisemblable qui me vient à l'esprit, c'est qu'il y a eu vol de document.

C'est une conversation privée de nature confidentielle que j'ai eue dans le cours normal de mes fonctions et je ne suis même pas obligé, en vertu de la loi sur l'accès à l'information, de la rendre accessible à qui que ce soit. Je conserve le privilège d'utiliser tous les recours dont je dispose en vertu des lois pour tout usage qu'on peut faire de ce texte que je considère ma propriété privée.

Le Président (M. Rivest): M. le Président, la présidence de la commission et sans doute les membres de la commission comprennent la nature des commentaires que vous venez de formuler. D'ailleurs, je me permets d'ajouter, au nom de la présidence de la commission et de l'Assemblée, que précisément, dans les tout prochains jours, compte tenu de la situation que nous connaissons au niveau de cette Assemblée et d'autres situations antérieures analogues et de même nature, l'Assemblée nationale et la présidence de l'Assemblée nationale sont sur le point d'achever la rédaction de règles de pratique qui vont essayer de préciser la nature des droits et des privilèges des personnes qui viennent, qui sont invitées ou qui sont assignées à comparaître - invitées comme vous l'êtes, vous n'êtes pas assigné -devant une commission parlementaire, de manière que les droits des uns et des autres soient pleinement assurés et que les gens qui viennent ici n'aient pas à vivre des situations comme celle que nous connaissons. En particulier, une des hypothèses qui sont retenues - ces règles, malheureusement, sont encore à l'état d'élaboration - c'est que la présidence de l'Assemblée nationale et les membres de l'Assemblée nationale songent à indiquer à l'avance aux invités les documents, les éléments qu'ils devraient apporter avec eux et sur lesquels ils seront éventuellement interrogés.

Je sais que ce commentaire n'est pas de nature aujourd'hui, compte tenu de la situation, à répondre au sentiment que vous avez exprimé, mais la présidence de l'Assemblée et celle de la commission tiennent à vous indiquer cette intention et à exprimer la conscience que les membres de l'Assemblée nationale et la présidence ont de cette difficulté qui s'est produite avec le développement des commissions parlementaires, avec la multiplication des invités et avec la nature des sujets qui sont étudiés par une commission parlementaire. Donc, il y a plus qu'une conscience, il y a une volonté politique d'essayer d'apporter des correctifs à ce genre de situation, mais nous devons procéder à cette commission selon l'état actuel du droit et de la pratique. C'est dans ce sens-là que j'ai eu, comme vous l'avez souligné vous-même, à rendre une décision qui est de faire au meilleur de ma connaissance du droit parlementaire actuel. Y

a-t-il...

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: ...je ne voudrais pas soulever des aspects relatifs au règlement, que vous connaissez bien. D'ailleurs, vous avez déjà rendu votre décision; alors, ce ne serait pas tout à fait régulier, en quelque sorte, de la mettre de nouveau en doute. Ce n'est donc pas ce que je veux faire. Je voudrais plutôt tenir quelques propos à un autre point de vue qui est beaucoup plus général, celui du sens commun, des bonnes moeurs, de la gentilhommerie, si vous voulez. Mme la députée de Jonquière n'étant pas avec nous, je peux parler de gentilhommerie; autrement, il faudrait que je parle de "gentilpersonnerie". Ce mot n'existe pas encore.

Il me semble que, vu la nature du mandat dont vous nous avez donné lecture, nous sommes ici pour chercher à nous éclairer les uns et les autres, à échanger des points de vue et à approfondir le contenu du rapport que M. Côté et ses collaborateurs nous ont présenté pour essayer de nous aider à nous faire nous-mêmes une idée plus précise sur ce que nous voulons appuyer comme projet de réforme du mode de scrutin. Pour faire cela, rien ne nous oblige à nous écarter des règles ordinaires de la courtoisie, rien ne nous empêche de manifester la plus grande courtoisie envers M. Côté et les deux autres commissaires qui sont devant nous. À ce point de vue, j'ai l'impression qu'utiliser sans avis préalable une transcription qui a été faite d'une conversation de M. Côté avec une autre personne il y a trois ans sans avoir obtenu l'assentiment de M. Côté, cela s'écarte de cette ligne de courtoisie et de gentilhommerie. Cela étant, je considère qu'il n'est pas souhaitable que les propos à venir du député de Charlesbourg s'inspirent de ce document.

Le Président (M. Rivest): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui, j'aimerais faire seulement un commentaire sur la nature du document. Le président de la commission dit que c'était une conversation privée, de nature confidentielle, que c'était donc, j'extrapole là, peut-être un document privé, mais en même temps il a dit que c'était une conversation au cours de laquelle il donnait à son directeur de la recherche le mandat de faire un certain travail professionnel. Ce n'est pas la première fois qu'on a une fuite de document à l'Assemblée nationale. Je pense qu'on peut déplorer le fait qu'il y ait des fuites de documents, mais les gens qui sont aujourd'hui au gouvernement ont aidé à beaucoup de fuites de documents pendant au moins six ans et de 1970 à 1976 il pleuvait des documents privés.

Une voix: Toutes les semaines.

M. Marx: D'après le document que je vois, c'est un procès-verbal assez détaillé d'une réunion entre deux fonctionnaires d'un organisme public tenue à l'intérieur de leurs fonctions. Si je me souviens de la conversation de ce matin ou d'hier, on a établi que le président, lorsqu'il est allé en Europe, a consulté des experts et qu'il a aussi fait des enregistrements lors de ces consultations en vue, j'imagine, d'obtenir des documents. Je suppose que tous ces documents font partie de la documentation de la commission et que peut-être un jour tout cela sera envoyé aux archives du gouvernement du Québec. Ce n'est pas une conversation privée dans le sens qu'il y a une conversation privée entre époux et épouse ou entre père et fils. Ce n'est pas un document privé de cette nature. Pensant aux fuites récentes, je penserais tout de suite aux documents du ministère du Revenu en ce qui concerne l'impôt des députés. Cela était une fuite de documents de nature assez privée et il n'y a pas beaucoup de députés qui ont déchiré leur chemise à l'Assemblée nationale lorsqu'ils ont pris connaissance de cette fuite. Donc, en somme, je trouve que le document est de nature publique dans le sens que c'est un procès-verbal détaillé d'une réunion de deux fonctionnaires d'un organisme public du gouvernement du Québec où tous deux étaient à l'intérieur de leurs fonctions. On peut déplorer le fait que...

Le Président (M. Rivest): M. le député de D'Arcy McGee, je ne voudrais pas qu'on s'engage sur une discussion quant à la nature du document. La décision de la présidence est très simple et très stricte: elle ne fait que permettre au député de Charlesbourg d'utiliser le document pour adresser des questions au président de la Commission de la représentation et dans le cadre très strict du mandat de la commission. Chacun peut avoir son opinion sur la situation ou sur la nature du document, mais ce n'est absolument pas pertinent aux travaux de la présente commission.

M. Duhaime: M. le Président... (15 h 30)

Le Président (M. Rivest): M. le ministre et mon collègue président...

M. Vaugeois: Le député de Trois-Rivières.

Le Président (M. Rivest): ...le député

de Trois-Rivières, à titre de député.

M. Duhaime: M. le Président, j'aiécouté avec beaucoup d'attention la décision que vous venez de rendre sur cette question. J'ai pris des notes et je voudrais, dans un premier temps, vous faire part de mes inquiétudes et, dans un deuxième temps, m'adresser à nouveau à la présidence pour demander une directive sur les travaux de cette commission.

Si j'ai bien saisi le sens de votre décision, vous nous dites qu'un document, quel qu'il soit, qui se retrouve entre les mains d'un membre de la commission parlementaire peut être discuté, donc servir de référence, sans que, pour autant, il ait été déposé formellement comme document de la commission selon les règles qui régissent nos commissions parlementaires. Si telle est votre décision, tout en la respectant, je vous avoue que, sur le plan des droits et des libertés, cela me chagrine énormément et ça m'inquiète aussi, comme citoyen, d'abord, et comme parlementaire ensuite, qu'un député membre de la commission parlementaire se retrouve aujourd'hui avec, en sa possession, un document qui vient d'être qualifié par le Directeur général des élections comme étant un document privé et de nature confidentielle.

Je ne crois pas abuser des mots, mais le Directeur général des élections, dans les remarques qu'il vient tout juste de faire, a plutôt l'impression que ce document a été subtilisé, pour ne pas dire volé, à son bureau et qu'il se retrouve aujourd'hui entre les mains d'un membre d'une commission parlementaire qui, ici à cette table, bénéficie de l'immunité parlementaire. Je vous avoue que je trouve le procédé ignoble, pour ne pas dire davantage, et que je suis en quelque sorte un peu gêné d'être un parlementaire et de pouvoir bénéficier des mêmes droits. Dieu me garde d'en abuser jamais!

Ceci étant dit, je me demande si l'Opposition pourrait nous dire combien de documents elle a en main sur les discussions qui ont eu lieu à l'intérieur même du bureau du Directeur général des élections et nous le dire tout de suite parce que nous allons nous mettre à la tâche de lire ces documents puisque, si j'ai bien compris votre décision, ils peuvent être utilisés comme documents de référence. J'avoue ne pas comprendre très bien la logique rationnelle puisque notre règlement nous dit, aux articles 48 et 49, que, lorsque des documents font partie intégrante des travaux de l'Assemblée nationale ou d'une commission parlementaire, ils peuvent être publiés par différents médias d'information et bénéficier de l'immunité parlementaire.

Or, on se trouve dans la situation assez cocasse qu'un document qui n'est pas déposé, qui, donc, ne bénéficierait pas de l'immunité parlementaire pour ceux qui voudraient en faire une diffusion ultérieure, peut être discuté. J'avoue ne pas comprendre. De deux choses l'une: ou bien un document est déposé, est admis devant une commission parlementaire ou devant l'Assemblée nationale et tous ceux qui peuvent en parler ont droit à l'immunité parlementaire, ou bien il n'est pas admissible en preuve suivant le texte même des articles de notre règlement et, à partir de ce moment-là, personne ne peut en parler.

Le Président (M. Rivest): Le ministre soulève une question. J'ai indiqué que, selon notre droit parlementaire, à tort ou à raison - chacun peut avoir son opinion à ce sujet -le député jouit... Ma décision est très précise et je veux qu'elle soit interprétée en tant que telle, elle est limitée au niveau de l'Assemblée nationale, en l'occurrence aux travaux de cette commission, et au droit du député de Charlesbourg, en l'occurrence, d'utiliser un document. C'est ça, le sens de la décision. Elle est limitée là. Cette décision est rattachée à la notion que l'on a du droit de parole et d'action, dans le cadre des travaux parlementaires, qui est illimité et qui n'est sanctionné... On peut avoir, chacun, une opinion sur tel ou tel procédé, sur telle ou telle déclaration, sur tel ou tel geste qu'un député pose, mais ma décision est simplement au niveau du droit parlementaire. La sanction aux abus est celle prévue à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale, en l'occurrence aux paragraphes 3 et 4 que j'ai cités. C'est dans ce cadre très strict que ma décision doit être prise et doit être interprétée et la présidence, comme vous l'avez indiqué vous-même dans vos remarques, s'en tient à cette décision.

Maintenant, j'ai une demande de droit de parole sur la question de règlement du ministre par le député de Gatineau et, ensuite, quelques commentaires, peut-être plus larges, par le député de Rousseau, M. le député de Châteauguay et mon collègue, le député de Trois-Rivières.

S'il vous plaît, je comprends l'intérêt que les députés portent à la question, mais, sans vouloir restreindre indûment le droit de parole des membres de la commission, la décision de la présidence de l'Assemblée est rendue; je voudrais qu'on procède aux travaux qui, je vous le rappelle, consistent à étudier le rapport de la Commission de la représentation. S'il vous plaît, des interventions courtes.

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Contrairement au ministre, je ne contesterai pas votre décision, comme il a semblé vouloir le faire indirectement.

Le Président (M. Rivest): M. le député, la présidence n'a pas interprété les propos du ministre comme étant une contestation de la décision.

M. Gratton: D'accord, mais vous me permettrez sans doute d'appuyer votre décision, M. le Président, en vous citant l'article 207 de nos règles de pratique qui se lit comme suit: "Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer immédiatement". Par inférence, on doit donc conclure qu'un ministre ou tout autre député peut citer un document sans que celui-ci ait été formellement déposé devant la commission ou devant l'Assemblée. Cela va de soi et cela me surprend que le ministre en fasse encore tout un plat.

Le ministre nous dit: Le Directeur général des élections nous a dit: C'est un document privé et confidentiel. Nous respectons le point de vue du Directeur général des élections là-dessus, comme celui du ministre, mais nous ne le partageons pas. Je pense que le député de D'Arcy McGee l'a dit très clairement: Quant à nous - et je ne reprendrai pas son argumentation - le document n'est ni un document privé, ni un document confidentiel. En tout cas, il est sûrement moins confidentiel que la liste des députés fédéraux qui payaient leurs impôts ailleurs qu'au Québec.

M, Rochefort: Dites cela en dehors... M. Gratton: Cela va venir. M. Rochefort: Oui.

M. Gratton: Oui, pressez-vous pas, cela va venir.

M. Rochefort: Sans que vous ayez la couverture de l'immunité parlementaire, vous êtes prêt à porter des accusations sur ces listes qui ont été diffusées dans les médias d'information? Êtes-vous prêt à le faire?

M. Marx: Je suis prêt à le dire que...

M. Rochefort: Vous êtes prêt à le faire, vous aussi, en dehors de l'immunité parlementaire? Vous mettez votre siège en jeu?

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rochefort: Vous mettez votre siège en jeu sur cela?

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, messieurs!

M. Gratton: Est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Rivest): Je demanderais la collaboration des députés, s'il vous plaît! La parole est au député de Gatineau que j'inviterais, si c'est possible, à conclure ses remarques. Il y a d'autres députés qui veulent intervenir et nous avons un mandat qui est d'étudier le rapport du président de la Commission de la représentation.

M. Gratton: M. le Président, le ministre faisait référence à un document qui a été volé. Je le prierais de croire que personne de ce côté-ci n'a volé aucun document.

M. Duhaime: Du recel.

M. Gratton: Que le ministre nous accuse de recel en badinant, je l'accepte fort bien, on connaît son sens de l'humour proverbial, mais le fait demeure - je m'en tiens à ma déclaration - qu'on n'a volé aucun document à personne.

Finalement, M. le Président, le ministre commençait à nous dire: On ne peut pas permettre - et c'était la contestation de votre décision, selon moi, à laquelle il se prêtait - de citer des parties de document ou de poser des questions à partir d'un document qui n'a pas été déposé parce qu'on pourrait mal le citer et cela pourrait induire la commission en erreur. La façon d'éviter cela, M. le ministre, c'est tout simplement de donner votre consentement et on va le déposer formellement...

M. Duhaime: Jamais!

M. Gratton: Bien, alors, si c'est jamais, décidez-vous, branchez-vous, mais laissez l'Opposition faire son travail.

Le Président (M. Rivest): Sur cette question précise, la présidence voudrait intervenir sur le dépôt du document. La présidence pose la question à la commission: Dans la mesure où la sanction prévue à l'article 55 du règlement, qui est la limite du droit de parole, du droit d'agir d'un député dans le cadre de nos travaux, s'il s'avérait qu'effectivement les dispositions de l'article 55, paragraphes 3 et 4, puissent s'appliquer, je signale à la commission qu'il serait peut-être préférable que le document en question ait, en l'occurrence, été déposé à la commission - je ne demande pas le consentement de la commission - parce que la commission, comme l'Assemblée nationale, en aurait une connaissance parlementaire. Je signale simplement cela.

M. Duhaime: Est-ce que l'on peut répondre à votre demande? Est-ce une demande que vous faites?

Une voix: Vous ne m'oublierez pas,

n'est-ce pas?

Une voix: Non.

Le Président (M. Rivest): Bien, si vous voulez.

M. Duhaime: Alors, M. le Président, puisque vous nous demandez de consentir au dépôt, je vous réponds formellement: Non, nous ne consentirons pas à ce dépôt parce que je ne veux pas et mon groupe parlementaire, non plus, cautionner, ni être complices d'un pareil procédé ignoble...

Une voix: Immoral.

M. Duhaime: ...à propos d'un document qui a été, sinon subtilisé, du moins volé et qui se trouve aujourd'hui entre les mains de parlementaires qui se complaisent joyeusement à nous plaider les droits et les libertés de la personne. Je pense que la moindre des choses, la moindre des décences, M. le Président, ce serait que l'on respecte au moins ce qui a été qualifié par le Directeur général des élections comme étant un document confidentiel, de nature privée et qui ne devrait pas se retrouver ici, sur cette table, et encore moins faire l'objet d'une discussion.

Si la présidence de la commission décide de permettre le dépôt - M. le Président, Dieu vous en garde, c'est à vous de prendre la décision - notre consentement, il vous est refusé et nous ne consentirons pas à ce que j'appellerais... J'aime autant ne pas dire ce que je pense, M. le Président.

Une voix: C'est celai

Le Président (M. Rivest): M. le ministre, je veux simplement ajouter que, si la présidence décidait de permettre le dépôt, elle n'a pas à chercher ou à obtenir le consentement en vertu des dispositions de l'article 158; elle n'a pas besoin du consentement de quiconque de la commission, c'est à la discrétion du président. J'ai simplement voulu attirer l'attention des membres de la commission sur l'intérêt qu'il pouvait y avoir à ce qu'il y ait dépôt, j'en reste là, je n'ai rien d'autre à ajouter.

Alors, s'il vous plaît, rapidement parce que chacun peut livrer ses états d'âme qui sont extrêmement pertinents au débat, mais je voudrais que l'on revienne au mandat de la commission au plus tôt.

Une voix: À quelle heure on va être...

Le Président (M. Rivest): M. le député de Châteauguay, M. le député de Rousseau et M. le député de Trois-Rivières, président de la commission, d'ailleurs.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Si on m'avait accordé la parole quand je l'ai demandée, ce serait déjà terminé et ce serait surtout bien pertinent aux propos sur lesquels je voulais d'abord réagir, c'est-à-dire sur ceux du Directeur général des élections.

Je voudrais savoir de la part de M. Côté si c'est sa politique de faire transcrire automatiquement la cassette aussitôt que c'est terminé, après qu'il y a eu enregistrement d'une séance de travail ou d'une conversation avec quelqu'un. Cela m'éclairerait beaucoup sur le fonctionnement et peut-être sur le sens que l'on doit accorder à la démarche qui est faite présentement par le député de Charlesbourg. Est-ce une initiative de quelqu'un de votre personnel de l'avoir transcrite, cette cassette, ou si c'est automatique que cela se passe comme cela, c'est-à-dire qu'aussitôt qu'il y a eu un enregistrement on en fait la transcription?

M. Côté (Pierre-F.): Dans l'exemple dont on discute présentement, les conversations que j'ai avec M. Dumas, j'ai dit tantôt que cela s'est produit à quelques occasions. Il faudrait que je demande à M. Dumas s'il les a transcrites automatiquement. Il est reparti avec l'appareil enregistreur et, dans ce cas-là, il la fait retranscrire. M. Dumas me répond que c'est non.

M. Dussault: Vous étiez volontaire à cette transcription, est-ce cela que je dois comprendre?

M. Côté (Pierre-F.): Pardon?

M. Dussault: Est-ce que vous étiez volontaire à cette transcription?

M. Côté (Pierre-F.): Si j'étais d'accord pour qu'il y ait...

M. Dussault: Oui?

M. Côté (Pierre-F.): Oui, oui.

M. Dussault: Vous étiez d'accord pour que ce soit transcrit.

M. Côté (Pierre-F.): Oui.

M. Dussault: Bon. Donc, il y avait un risque inhérent à votre fonctionnement.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Rousseau.

M. Dussault: Deuxièmement...

Le Président (M. Rivest): Pardon, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ...je voudrais...

M. Doyon: Qu'est-ce qu'il y a...

M. Dussault: Vous, M. le député de Louis-Hébert, avec ce que l'on a entendu hier, vous devriez vous taire.

M. Doyon: Continuez, continuez, vous allez bien.

M. Dussault: Vous avez eu tellement honte que vous êtes parti immédiatement.

M. Doyon: Continuez, on vous écoute.

M. Dussault: Cela me fait de la peine de parler à nouveau. Je sais que je fais beaucoup de peine à M. le député de Gatineau quand je prends la parole, mais cela ne fait rien.

Le Président (M. Rivest): Si vous continuez, vous allez faire de la peine à la présidence!

M. Dussault: Cela va vous en faire aussi! Cela va être encore plus triste!

M. le Président, étant donné que, quand même, ce document n'est pas volontairement rendu public par le Directeur général des élections, il ne m'apparaît pas souhaitable qu'on l'utilise ici, aujourd'hui. Bien sûr qu'à partir du moment où M. le député de Charlesbourg va citer des extraits de ce document nous pourrons, tous ici - cela va être notre droit - demander qu'il soit déposé. (15 h 45)

Personnellement, ce n'est pas mon intention, loin de là, de demander le dépôt de ce document parce que moi aussi, je considère qu'utiliser ce document ici alors que le propriétaire du document n'est pas d'accord, que c'est un document privé, ça peut faire l'objet de démarches judiciaires par la suite. J'appelle le député de Charlesbourg au sens des responsabilités qui doit être celui des parlementaires à l'Assemblée nationale. Je fais donc appel pour qu'il n'utilise pas ce document aujourd'hui, pour faire en sorte que cette histoire se termine.

Je sais que ce ne sera pas facile de mettre fin à cette fuite et à ses conséquences puisque - je l'ai su de bonne source à midi - vous aviez à peine commencé à dire que vous aviez en main la transcription d'une conversation - pas le procès-verbal, comme le député de D'Arcy McGee l'a dit, mais une transcription d'une conversation - que cela commençait déjà à être distribué aux journalistes. Cela démontre bien que vous aviez fomenté votre action, que vous l'aviez pesée d'un bout à l'autre.

Malgré tout, je vous demande à vous, M. le député de Charlesbourg, de ne pas utiliser un document qui est à caractère privé parce que le propriétaire ne vous en donne pas la permission. Je demande aussi aux journalistes de ne pas rendre public le contenu de cela pour une raison supplémentaire à tout ce qui a été dit, M. le Président. C'est que, quand on regarde ce document, il n'est pas "travaillable". À tout bout de champ, on n'est pas capable de saisir ce qui est écrit pour la raison qu'il manque de grands bouts. On ne peut pas attacher la crédibilité qu'on voudrait à un tel document parce que ce n'est pas un document qui est fait pour pouvoir y attacher la crédibilité qu'on voudrait, nous, lui donner, ici en commission parlementaire. Pour ces raisons, en plus de celles qui ont été données par mes collègues tout à l'heure, je demande au député de Charlesbourg d'être assez responsable ici à cette commission pour ne pas utiliser le contenu de ce document.

Le Président (M. Rivest): Merci, M. le député de Châteauguay. M. le député de Rousseau renonce à son droit de parole pour l'instant, en tout cas. M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: Au début des travaux, je me suis permis de rappeler le mémoire que je vous avais présenté à Trois-Rivières. Je vais y faire référence à nouveau. Je m'étais permis un peu malicieusement de rappeler le mandat qui était celui du Directeur général des élections et les fonctions du Directeur général des élections. J'avais rappelé que, pour vous donner le nouveau mandat, celui dont vous rendez compte actuellement, il avait fallu amender la loi vous visant. Je ne suis pas un expert dans toutes ces matières, mais on vient de me sortir la Loi électorale qui rappelle quels sont vos fonctions et vos pouvoirs. À l'article 183, on dit bien que le Directeur général des élections a pour fonction de veiller à l'application de la présente loi, de la Loi sur les listes électorales et de la Loi régissant le financement des partis politiques.

À première vue, je ne trouve nulle part, si vous voulez, une responsabilité qui serait la vôtre de changer les lois ou de les faire évoluer. Vous avez à veiller à leur application.

Le document qui a circulé remonte à juin 1981, alors que vous êtes Directeur général des élections. Vous vous entretenez avec un directeur de la recherche qui travaille dans le cadre de l'application des lois existant à ce moment. Bien sûr que vous avez le droit d'avoir des opinions sur le fonctionnement des lois électorales dans le monde, de la Loi électorale au Québec, du mode de scrutin que nous pratiquons ici. Vous vous préoccupez, à ce moment, de la fabrication des listes électorales, c'est évident et c'est normal, c'est souhaitable.

Que vous ayez des idées sur l'évolution

du mode de scrutin, je trouve cela assez normal et sain de la part d'une personne qui a les responsabilités que vous avez à ce moment. Mais vous n'êtes pas, dans le cadre des fonctions de président de la Commission de la représentation, chargé de remplir le mandat donné en juin 1983 par l'Assemblée nationale. Je le rappelle, nous avons dû modifier la loi vous donnant existence pour pouvoir vous donner le mandat dont vous avez rendu compte dans le document que nous étudions actuellement ou que nous devrions étudier actuellement.

Je trouve que le plus qu'on pourrait faire, en toute logique, c'est de savoir ce que vous pensiez personnellement, plus de deux ans avant que l'Assemblée nationale décide de vous demander de remplir le mandat qu'on vous a précisé en juin 1983. Donc, dans une conversation privée que vous avez avec votre directeur de recherche, essayer de voir quelles étaient vos idées, deux ans à l'avance, sur un mandat que personne n'avait prévu qu'on vous donnerait, tellement que le législateur, au moment où il a adopté la loi qui vous concerne, n'avait même pas pensé à vous donner le pouvoir, le mandat ou les fonctions de faire ce qu'on vous a demandé de faire en juin 1983.

Je trouve que faire un grand usage de ce document... En tout cas, je ne vois pas tellement comment on peut me demander, à moi personnellement, alors que j'ai écrit des choses dans le cadre d'une autre fonction, d'en rendre compte dans le cadre d'un mandat que je remplirai d'une autre façon. Si on me donne le mandat, je remplis mon mandat et même au-delà de mes opinions personnelles pendant un bon bout de temps.

Je pense que le mandat qu'on vous a donné était de vous tourner vers la population, vers les experts et vers des observateurs. On ne vous a pas demandé, à vous personnellement, de donner vos états d'âme dans le rapport que nous avons à étudier. On vous a demandé de faire une étude aussi objective que possible, alors que, dans la conversation que vous avez, vous débordez le cadre du mandat que vous aviez à l'époque et vous ne pouvez pas tenir des propos objectifs. Vous tenez des propos subjectifs et privés.

C'est une opinion personnelle que je donne en tant que membre de la commission. Je ne veux pas entrer dans le débat que mes collègues ont soulevé, mais, en tout cas, je sais, puisqu'on a fait allusion à des gens qui pratiquaient le métier d'historien, que si j'avais à utiliser, comme historien, le document de 1981, j'en tiendrais compte comme d'un document de juin 1981.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Rivest): Alors... Non...

M. Marx: ...parce qu'il a contredit quelque chose que j'ai dit et implicitement il veut dire que...

Le Président (M. Rivest): Je pense que c'est l'objet d'une commission parlementaire. Il est possible qu'il y ait contradiction. Si, chaque fois qu'il y a contradiction, les gens demandent la parole... Si c'est simplement le point que vous voulez établir, non.

M. Marx: Mais, premièrement, M. le Président, je...

Le Président (M. Rivest): Quelle est la nature de... Est-ce que vous voulez simplement engager un débat avec le député de Trois-Rivières?

M. Marx: Non, non.

Le Président (M. Rivest): Je ne permettrai pas ces interventions-là. Il faut revenir au mandat de la commission.

M. Marx: M. le Président, quand...

Le Président (M. Rivest): II me semble qu'on a... Il y a le député de Gouin qui m'a demandé la parole. Je suis prêt à lui accorder la parole, mais si vous voulez simplement engager un débat sur certains aspects évoqués par le député de Trois-Rivières, je ne peux pas permettre cela. Il faut quand même être raisonnable...

M. Marx: Non, je veux seulement...

Le Président (M. Rivest): ...et en arriver au mandat. La parole est au député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. Je ferai une courte intervention pour rappeler à tous les membres de la commission et particulièrement au député de D'Arcy McGee, qui aurait peut-être avantage à m'écouter pour quelques instants, qu'il y a une chose fondamentale dans la Loi électorale au Québec, qui s'appelle l'indépendance de l'institution que représente et que constitue en même temps le Directeur général des élections et le président de la Commission de la représentation. Dans votre intervention tantôt, vous nous disiez qu'on ne pouvait prétendre qu'il s'agissait d'un document privé ou d'une discussion privée parce que, disiez-vous, il s'agissait d'une conversation entre deux fonctionnaires du gouvernement...

M. Marx: À l'intérieur de leurs fonctions.

M. Rochefort: ...et c'est faux. Ce ne sont pas deux fonctionnaires du gouvernement

du Québec. Ce sont deux fonctionnaires, deux titulaires de responsabilités qui relèvent d'une nomination de l'Assemblée nationale du Québec et qui jouissent d'une indépendance totale dans les actions et les gestes qu'ils ont à poser. J'espère que vous allez en tenir compte. C'est fondamental dans le débat qui s'est engagé avec l'erreur, avec l'immoralité commise par le député de Charlesbourg tantôt. Le Directeur général des élections jouit, comme individu, non pas à cause de sa personne, mais à cause des fonctions qu'il assume, qui lui ont été déléguées par l'Assemblée nationale du Québec, d'une indépendance totale que nous devons être les premiers à respecter. C'est fondamental. Si vous ne tenez pas compte de cela, je comprends difficilement comment vous faites pour siéger à l'Assemblée nationale et participer au choix du Directeur général des élections et aux décisions quant au contenu des législations qui concerne la Loi électorale et la Loi de la représentation électorale. En conséquence, l'argumentation que vous avez développée tantôt est absolument fausse et erronée. Elle ne peut nous amener à conclure qu'il s'agit d'un document public ou d'une conversation publique.

Le Président (M. Rivest): M. le...

M. Rochefort: Je conclurai, M. le Président...

Le Président (M. Rivest): Oui.

M. Rochefort: ...sur le geste qu'a posé le député de Charlesbourg que, si son chef, Robert Bourassa, a dit que vouloir changer le mode de scrutin à ce moment-ci relevait d'une grande immoralité publique de la part du gouvernement, j'ai aujourd'hui un exemple beaucoup plus éloquent, beaucoup plus précis et beaucoup plus grave d'immoralité qu'un homme public peut poser.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député de D'Arcy McGee et, par la suite, M. le député de Sainte-Marie. Vous êtes trop tranquille, M. le député de Sainte-Marie! Faites-vous remarquer. Suivez l'exemple de vos collègues.

M. Marx: Le moins que je puisse dire, M. le Président, c'est que j'ai été aussi pertinent que le député de Gouin. Je veux juste prendre 30 secondes pour clarifier certaines remarques que j'ai faites ou qu'il a faites. Premièrement, quand j'ai parlé de fonctionnaires, j'ai parlé au sens large du terme, c'est-à-dire des employés du gouvernement. Je pense que ce n'était pas sur une...

M. Rochefort: Je ne suis pas ici pour interpréter ce que vous dites. Je suis ici pour entendre ce que vous dites.

M. Marx: Bon! S'il est tellement nerveux, il peut...

M. Rochefort: Je ne suis pas nerveux. Au contraire.

Une voix: C'est depuis qu'il est fédéraliste!

M. Marx: Bon! Le député de Trois-Rivières a parlé d'un document privé. Dans le document, on voit que le directeur général a donné un mandat au directeur de la recherche. Ce n'était pas un mandat pour faire du "moonlighting"; c'était un mandat à l'intérieur de sa fonction. Dans ce sens, ce n'était pas privé.

Le Président (M. Rivest): M. le député de D'Arcy McGee, je ne veux pas que vous fassiez des commentaires sur le contenu du document et j'insiste là-dessus. La parole est au député de Sainte-Marie. Ensuite, promettez-moi tous de revenir au mandat de la commission.

Des voix: Promis.

Le Président (M. Rivest): Merci.

M. Bisaillon: M. le Président, moi, c'était pour poser des questions au directeur de la commission sur son rapport. Est-ce qu'on est rendu là?

Le Président (M. Rivest): J'ai fait une demande pressante à cet effet. M. le député de Sainte-Marie, si vous voulez procéder de la sorte, vous allez faire le plus grand bonheur et combler la présidence. Cependant, vous poserez vos questions à la suite du député de Charlesbourg puisque c'est lui qui a la parole. Immédiatement après le député de Charlesbourg, M. le député de Sainte-Marie.

Mode de scrutin actuel et formules proposées (suite)

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, trois heures et demie plus tard, j'ai encore les deux mêmes questions que j'avais à 12 h 5. Donc, je vous remercie de me donner la parole et de me donner l'occasion de les poser à M. Côté.

Je prends bonne note des propos du président de la commission, le député de Trois-Rivières, à savoir qu'on se référait à un document de 1981 et que c'étaient des opinions de 1981. D'ailleurs, si on avait pu engager la conversation ou l'échange plus tôt, comme c'est exactement aujourd'hui

trois heures et demie plus tard les mêmes questions que j'ai, on aurait pu régler le problème assez vite.

On s'est dit, ce matin ou ce midi lorsqu'on a commencé, que vous avez eu un mandat en 1983. Je ne pense pas, comme je l'ai dit ce matin, révéler de secret en disant que le cartable noir qui est devant, en octobre 1982, était une étude exhaustive de ce qui s'est passé en termes de réforme au Canada et à travers le monde sur les changements du mode de scrutin: une très bonne étude, un très bon document de référence. À mes yeux, pour que ce document arrive un de ces jours, il a fallu qu'on passe une commande quelque part, d'où tout le débat qui s'est déroulé en termes de procédure par la suite et qui faisait référence à un document qui n'est pas déposé.

À quel moment a-t-il été question de la formation soit d'une commission ou d'un comité pour étudier l'ensemble du problème du mode du scrutin? C'est ma première question.

M. Côté (Pierre-F.): Voulez-vous dire à mon bureau?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, chez vous.

M. Côté (Pierre-F.): Il faudrait que je fouille dans mes souvenirs pour savoir à quel moment. Ce que je peux vous donner comme élément de réponse à ce stade-ci, c'est que, dans l'exercice normal de mes fonctions, il me revient d'être au courant de ce qui s'exprime et de ce qui se dit au niveau des questions électorales. Le mode de scrutin est, évidemment, une de ces questions.

M. le député de Trois-Rivières a, tout à l'heure, lu l'article 181; il faudrait peut-être lire également la première ligne du deuxième alinéa qui se lit comme suit: "À l'égard de ces lois, il peut procéder à l'étude et à l'évaluation des mécanismes électoraux". Or, j'ai une opinion qui m'a été exprimée à un moment donné, à savoir que cela avait une signification assez large, les mécanismes électoraux. J'ai une autre opinion qui m'a également été donnée, à savoir que ma première responsabilité, comme vous l'avez souligné, c'est, évidemment, de voir à l'application des lois qui sont adoptées. Mais je pense qu'on me reprocherait de ne pas avoir une certaine prévision à l'avenir à l'égard de lois ou de modifications qui pourraient être apportées au système électoral.

Je vous signale qu'à l'égard du mode du scrutin lui-même, si mon souvenir est exact, pas très longtemps après mon entrée en fonctions, je me suis posé des questions à ce sujet. Je suis entré en fonctions en 1978 et, comme il en était question depuis un certain nombre d'années déjà, je me suis, évidemment, posé des questions. De là à vous dire de façon très précise le mandat que j'ai pu donner au directeur de la recherche de faire tels, tels ou tels travaux en rapport avec cette question, il faudrait vraiment que je recoure à mes archives ou à mes dossiers personnels pour vous donner la date précise ou le moment précis. (16 heures)

Les travaux qui ont été faits et les conversations que j'ai eues avec le directeur de la recherche étaient des échanges que je qualifierais de préparatoires à une meilleure connaissance de ce dossier. Vous savez, par exemple, que la petite histoire du mandat qui a été confié à la Commission de la représentation - peut-être certains ne s'en souviennent-ils pas - a originé de la façon suivante: le premier ministre a envisagé la constitution d'une commission parlementaire, ce qui a été refusé à l'époque par le leader de l'Opposition. La suggestion qu'a faîte M. Gérard D. Levesque à l'époque a été de confier cette responsabilité au Directeur général des élections. Cela a abouti au conseil consultatif. Or, cela a été une des façons. Parmi les cheminements qu'il y a eu, vous savez, évidemment, qu'au conseil consultatif il y a eu une impasse et que, subséquemment, au mois de juin 1983, ce mandat a été confié à la Commission de la représentation. Il va de soi qu'à partir de ce moment-là nous avons travaillé à fond sur cette question.

M. Côté (Charlesbourg): Ma deuxième question est celle-ci: Mettons-nous dans l'hypothèse où une formule, que ce soit la RPRM, la RPC, la RPT ou une autre formule qui pourrait être déposée, ferait l'objet d'un consensus de la part du gouvernement et serait finalement adoptée. On serait devant l'application de cette formule et de toute la mécanique que cela nécessite sur le plan électoral.

Le 22 mai 1984, lorsqu'on s'est rencontré à l'étude des crédits qui vous concernent, vous aviez dit, à ce moment-là: "La dernière observation que je voudrais soumettre, c'est que je crois les Québécois assez intelligents et assez ouverts pour être capables de comprendre rapidement les changements qui pourraient intervenir dans un mode de scrutin. Je pense que là-dessus il ne faut pas douter de leur facilité de compréhension. Je crois, par ailleurs, que pour les députés c'est un problème qui est extrêmement délicat et difficile." Vous allez voir que ma question va dans le sens que l'a souhaité tantôt le président de la commission. Je pense qu'à un certain moment vous avez eu des opinions contraires qui étaient inspirées du vécu, de la réforme de la carte électorale au niveau des comtés de Jean-Talon et de Louis-Hébert où les gens avaient eu beaucoup de difficultés à se

retrouver parce que cela impliquait des changements de territoire et des changements d'habitudes pour qui y votait. À ce moment-là, vous aviez été à même de constater qu'il y avait des difficultés à faire comprendre à l'ensemble de la population les changements de territoire dans ce cas-là. Je pense que les changements qu'on propose dans la réforme du mode de scrutin sont de nature beaucoup plus importante et, donc, nécessitent un niveau de compréhension de la part de la population ou un effort supplémentaire pour comprendre l'application de tout cela et mener à terme cette réforme.

J'aimerais savoir ceci: Entre cette position et celle que vous nous avez donnée en mai 1984, qu'est-ce qui vous a permis, finalement, de changer d'idée, de croire qu'un changement aussi majeur pouvait facilement être applicable au Québec?

M. Côté (Pierre-F.): C'est la tournée que nous avons faite dans toute la province. Ce sont les 19 jours d'audiences que nous avons tenues dans dix ou onze villes. Je me suis même fait la réflexion, à la suite de cette tournée éclair qu'on a faite, qu'il serait souhaitable pour un grand nombre de hauts fonctionnaires - je ne veux pas viser d'autres catégories de personnes - de faire une semblable tournée pour prendre le pouls de la population comme nous l'avons fait.

Entre le premier fait que vous avez mentionné et le deuxième, il y a eu cette consultation qui, pour ma part, m'a confirmé dans l'opinion que je vous ai exprimée, soit -et je continue à le croire - que je considère que les Québécois sont assez intelligents pour absorber rapidement des modifications majeures.

M. Côté (Charlesbourg): Dans ce cas précis, c'est la tournée qui vous a permis de changer votre idée là-dessus?

M. Côté (Pierre-F.): Je n'ai pas changé d'idée. Je comprends mal votre question.

M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire, pour qu'on se situe très bien, que lors de la réforme de la carte électorale pour l'élection de 1981, une partie de Louis-Hébert s'est retrouvée dans le comté de Jean-Talon. Vous auriez déclaré à l'époque que des gens réussissaient difficilement à se retrouver dans le changement de la carte électorale, en ce sens que la partie de Saint-Louis-de-France qui était auparavant dans Louis-Hébert était maintenant dans Jean-Talon et que les gens avaient de la difficulté: certains allaient voter pour Jean-Claude Rivest, alors que d'autres voulaient voter pour un autre candidat dans Louis-Hébert; les gens étaient mêlés. Vous auriez déclaré cela, finalement, que les gens avaient donc une certaine difficulté à absorber ces changements et à les comprendre. C'est un changement de nature territoriale au niveau de deux comtés. Par contre, ce que je vous dis, c'est que le changement de mode de scrutin, lui, est beaucoup plus substantiel et va demander une mécanique - on l'a vu par le bulletin de vote - qui est, quand même, passablement difficile. Je tirais ceci comme conclusion; elle peut être erronée, vous aurez le droit de me contester. J'avais cru déceler que chez vous, au niveau de la carte électorale, vous aviez eu des difficultés de compréhension de la part des gens et qu'il y avait eu donc, dans ce sens-là, chez vous une évolution dans votre pensée vis-à-vis de la capacité des Québécois d'absorber des changements. En ce sens-là, je me demandais ce qui chez vous avait provoqué ce changement d'opinion. Vous m'avez répondu tantôt que c'était par les auditions ou la tournée dans tout le Québec.

M. Côté (Pierre-F.): Non, je vais préciser ma réponse. Je comprends mieux votre question. C'est exact que j'ai dit, au moment de la modification de la carte, qu'il pouvait pour certaines personnes être difficile de se retrouver dans tel territoire. On peut encore dire, par exemple, que des électeurs sur l'île de Montréal ne savent même pas dans quelle circonscription ils sont situés. C'est un peu la même chose dans certains coins de la région de Québec. Les électeurs, on fait des efforts pour essayer de les informer de la circonscription de leur domicile, mais ce n'est pas toujours facile pour eux. Mais, entre cette difficulté, le fait que ce ne soit pas toujours facile, et le fait qu'on doive se poser la question: Est-ce une difficulté ou est-ce une objection absolument insurmontable, avant de dire: Eh bien, écoutez, les Québécois ne seront pas capables ou ce sera trop difficile pour eux de s'adapter à un nouveau mode de scrutin ou de le comprendre, il y a là un pas à franchir et l'opinion de l'un est aussi bonne que celle de l'autre. Je vous exprime mon opinion, que je pense que les gens sont capables, mais on peut diverger d'opinion à ce sujet.

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez droit à votre opinion et j'ai droit à la mienne, et je pense que, dans ce sens-là, une opinion vaut l'autre.

M. le Président, c'étaient, tout simplement, les deux questions que j'avais à poser à ce moment-ci.

Le Président (M. Rivest): Alors, M. le député de Sainte-Marie.

Sort réservé aux députés indépendants

M. Bisaillon: M. le Président, vous vous

doutez bien que je voudrais interroger les membres de la commission sur le sort qu'ils ont ou, plutôt qu'ils n'ont pas réservé aux députés indépendants dans leur rapport, à deux égards, d'une part, au niveau des candidatures indépendantes et, d'autre part, en termes de changement en cours de mandat. Si vous me le permettez, je vais commencer par la situation faite aux candidatures indépendantes dans la formule que vous proposez. Vous avez distribué hier un bulletin de vote et j'ai remarqué que, sur le bulletin de vote, vous indiquez aux citoyens dans les notes explicatives qu'à partir du moment où ils votent pour un candidat indépendant, le candidat étant assimilé à un parti politique, ils ne font ultérieurement que dix choix de candidats. Je ne me trompe pas jusque-là, M. le Président?

Une voix: Sur onze.

M. Bisaillon: Sur onze, oui. Dans l'exemple qu'on avait hier, il y a onze sièges à combler et vous indiquez dans les notes explicatives qu'à partir du moment où quelqu'un votait pour un candidat indépendant il ne faisait ultérieurement que dix choix; le candidat indépendant étant assimilé à un parti politique.

Ma question est: Pourquoi la commission a-t-elle pris cette solution au niveau du vote et pourquoi jusqu'à un certain point les commissaires ont-ils accepté que, par rapport à d'autres candidatures, le candidat indépendant soit désavantagé?

Est-ce que je dois poser toutes mes questions en même temps?

Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député. À moins que pour les fins de convenance... Allez-y plutôt une à une. Prenez le temps, M. le directeur.

M. Côté (Pierre-F.): Je vais demander à M. Bourassa de donner un début de réponse et, s'il y a lieu, je compléterai.

M. Bourassa: Si vous permettez, M. le député de Sainte-Marie, cette question avait été abordée, entre autres, ce matin. Je peux y revenir brièvement. Vous soulevez un problème que nous avons beaucoup discuté au sein de la commission lors de la rédaction de ce rapport. Nous avons aussi dit ce matin que, dans ce rapport, il y avait une recommandation et des préférences. Je vous avouerai que c'est un des points sur lesquels les préférences étaient assez variées, si l'on peut dire.

Pourquoi, par ailleurs, avons-nous, finalement, adopté ce point de vue? C'est matière à opinion et à discussion. C'est en fonction d'une recherche qu'on pourra trouver excessive en certains milieux - je pense que c'est votre opinion - de la stabilité. Tout en voulant donner dans un nouveau mode de scrutin des moyens d'ouverture à des courants idéologiques qui, jusque-là, n'arrivaient pas à s'exprimer et aussi, assouplir en quelque sorte toute notre mécanique politique, il y avait quand même un certain nombre d'autres mécanismes que nous voulions préserver pour éviter un peu ce que l'on pourrait considérer comme une forme d'émiettement. C'est essentiellement pour des raisons qui touchent à la stabilité et à une certaine cohérence dans le choix politique, aussi - opinion à laquelle nous nous sommes ralliés - parce que le vote que donne le citoyen est quand même très généralement lié, bien sûr, à un individu, à une personnalité, mais aussi à un parti et qu'il y avait, donc, une espèce de filière à suivre dans l'évolution d'un mandat.

Je vous donne là, disons, les deux grandes raisons de ce choix, mais je pense qu'il serait, encore une fois, très honnête et très important de vous souligner que c'est un sujet sur lequel il y a sûrement à discuter.

M. Côté (Pierre-F.): J'ajouterais une précision technique, si vous le permettez. Le vote pour un candidat indépendant est assimilé à celui d'un parti politique. Cependant, ce vote se fait pour une personne, pour un individu et non pas pour un parti, de sorte qu'il faut que, dans les autres votes, il y ait un vote de moins pour une personne. C'est si manifeste que sur le modèle, on a à votre disposition une des façons dont le bulletin de vote pourrait être fait.

M. Bisaillon: Je comprends cela, M. Côté, mais j'aurais compris qu'on me serve l'argument de la stabilité gouvernementale dans l'autre cas dont je vais parler tantôt plutôt qu'au moment du vote. Je comprends fort bien ce que vous me dites, soit que le candidat indépendant est assimilé à un parti. Par ailleurs, le citoyen qui vote, mettons, pour le Parti libéral peut décider par la suite, une fois qu'il a accordé son vote au Parti libéral, de voter, à l'intérieur de l'ensemble des candidats, de l'ensemble des partis, par exemple, pour toutes les femmes, peu importe de quel parti elles sont. Est-ce que je me trompe?

Un citoyen pourrait-il accorder son vote au Parti libéral et, par la suite, dans un deuxième temps, voter, s'il y a onze sièges à combler, pour onze femmes, cinq du Parti libéral, cinq du Parti québécois et une du parti socialiste, mettons?

M. Lessard: Je vais reprendre ce que M. Côté disait tout à l'heure. Lorsque l'indépendant vote indépendant, il vote en même temps pour un candidat indépendant, ce qui fait un. D'accord? Il y a onze sièges à combler. Si on en ajoutait onze autres,

cela en ferait douze.

M. Bisaillon: On s'entend jusque-là, mais le contraire n'est pas vrai. Par la façon de voter que vous présentez, à la fois dans le rapport et dans le bulletin de vote, le contraire n'est pas vrai. Moi, comme citoyen, je ne peux pas accorder un vote au Parti libéral et choisir par la suite dans les onze candidatures celle du candidat indépendant. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus aussi? Vous le permettez, par exemple, pour des femmes au niveau de l'ensemble des partis politiques, mais vous interdisez au citoyen d'accorder le vote à un parti reconnu, mais vous l'empêchez de choisir un individu parce qu'il est candidat indépendant. Voulez-vous que je me répète? (16 h 15)

M. Côté (Pierre-F.): J'ai bien compris votre question. Je pense que j'ai la réponse. Je vais essayer d'être le plus clair possible. On a passablement discuté de cela, mais il s'agit de l'exprimer le plus clairement possible. Le vote pour un candidat indépendant, c'est le premier vote. Il y a deux votes dans notre façon de procéder. Ce n'est que par le premier vote qu'un candidat indépendant peut être élu.

M. Bisaillon: Et c'est le seul. M. Côté (Pierre-F.): Oui.

M. Bisaillon: Une fois qu'il a reçu un vote, soit celui assimilable au parti, c'est terminé pour lui.

M. Côté (Pierre-F.): Oui.

M. Bisaillon: Mais si le citoyen vote pour le Parti libéral, pour le Parti québécois ou pour l'Union Nationale...

M. Côté (Pierre-F.): À ce moment-là, ce deuxième vote...

M. Bisaillon: ...vous n'interdisez pas au candidat... Ne parlons plus du candidat. Vous interdisez au citoyen, parmi les onze postes sur lesquels vous l'autorisez à voter, de voter pour une candidature indépendante alors que, dans le cas des femmes l'exemple que je donnais tantôt - vous allez lui permettre d'aller piger dans l'ensemble des listes des partis politiques.

M. Côté (Pierre-F.): Nous croyons que c'est la façon...

M. Bisaillon: Voulez-vous que j'aille plus loin, M. Côté? Si moi, comme citoyen, après avoir accordé mon vote au parti de mon choix, soit le Parti libéral, soit le Parti québécois, soit l'Union Nationale, semble-t-il de plus en plus, je décide que je vais voter pour toutes les femmes qui seront candidates, peu importe leur appartenance, s'il y avait une femme candidate indépendante, je ne pourrais pas voter pour elle. Non, je ne pourrais pas voter pour elle parce que, lorsque le citoyen vote pour un candidat indépendant, il doit diminuer d'un au niveau des choix de candidats. Autrement dit, le vote de candidats...

Je suis très libre pour parler de cette question-là parce que je ne suis pas candidat indépendant et fort probablement que je ne serai pas candidat indépendant à la prochaine élection. Je ne suis pas en conflit d'intérêts du tout, sauf que je trouve que, dans la logique du rapport de la commission, dans son ouverture à laisser le citoyen le plus libre possible du choix non seulement des partis politiques, mais des personnes à l'intérieur d'une région, il y a une incohérence à ce niveau-là qui devrait, selon moi, être corrigée. Dans certains cas, vous laissez le choix complètement libre au citoyen et, dans l'autre cas, celui des candidatures indépendantes, vous le bloquez.

M. Côté (Pierre-F.): Remarquez qu'il y a peut-être une autre solution. Notre raisonnement est que, le candidat indépendant n'ayant pas de liste, il est considéré comme étant l'équivalent d'un parti politique. Or, le premier vote, dans le système que nous proposons, est un vote accordé à un parti politique qui permet par la suite l'attribution d'un nombre de sièges.

M. Bisaillon: Mais ce que vous laissez pour compte, à ce moment-là, M. Côté, c'est au départ tous les gens qui ont décidé de ne pas voter pour les grands partis en cause. Vous ne laissez pour compte que cette catégorie d'électeurs, mais vous m'empêchez et vous empêchez des électeurs - on a parlé beaucoup de la relation électeurs-élus - qui voudraient manifester leur choix de gouvernement, par exemple, en indiquant leur choix du Parti libéral ou du Parti québécois, vous leur interdisez de considérer possible que moi, qui suis indépendant, qui ne suis relié à aucune des formations politiques, je puisse quand même être un des représentants élus dans leur région.

M. Côté (Pierre-F.): D'abord, je rappelle ce que vous venez de dire. Le premier vote, c'est pour l'ensemble des représentants, pour former le Parlement dont, évidemment, un candidat indépendant, à la limite, peut également faire partie. Le deuxième vote, c'est pour le choix des candidats.

Le problème que vous soulevez est un problème réel. La solution que nous proposons, c'est - je répète ce que j'ai dit ce matin à l'occasion d'une autre question -une suggestion que nous faisons. Si, à la

suite de l'échange qu'on a présentement ou subséquemment, il vous vient à l'esprit une solution, une façon de procéder qui soit dans la ligne des exigences d'un vote proportionnel, je n'y verrais aucune objection. La formule qu'on propose n'est pas une formule à laquelle nous tenons mordicus. C'est dans la catégorie des suggestions que nous faisons. Si on peut la bonifier, j'en serais très heureux.

M. Bisaillon: Un dernier commentaire, M. le Président, si c'est toujours intéressant. Étant donné qu'on est sur le contenu, je pense que cela perd un peu de son intérêt, mais si c'est toujours intéressant, j'aurais un autre point à traiter toujours sur les candidatures.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Sainte-Marie, vous avez la parole.

M. Bisaillon: Merci. En terminant sur cette question-là, je veux juste vous souligner que peut-être la solution serait de ne pas interdire, une fois qu'on a fait le choix d'un parti politique, le choix d'une candidature indépendante parmi le total des choix à faire. Autrement dit, si le vote de parti est un vote indépendant - ce que vous soulignez sur votre bulletin de vote - bien sûr, ça diminue le nombre de choix à faire par la suite de un. Mais, si le premier vote, le vote de parti, n'est pas un vote indépendant, mais un vote pour un parti reconnu, que l'on permette quand même au citoyen de choisir parmi l'ensemble des candidats ou des candidates présentes, celles qui peuvent être des candidatures indépendantes. Cela pourrait être la solution.

M. Côté (Pierre-F.): Si je vous comprends bien, dans ces cas, ça voudrait dire que l'électeur voterait pour onze candidats dont le candidat indépendant. C'est une hypothèse qui n'est pas à rejeter; il faudrait que le bulletin de vote soit très explicite à ce moment-là.

M. Bisaillon: Ma deuxième question concerne les changements en cours de mandat. La commission s'est permis d'adresser une suggestion dans son rapport recommandant d'interdire les changements d'allégeance en cours de mandat. Je signale aux membres de la commission qu'ils n'ont pas parlé nécessairement de changements d'allégeance, à moins que je ne me trompe; ils ont plutôt parlé de gens qui allaient siéger comme indépendants. Mais les changements d'allégeance complets... Est-ce que vous avez tout couvert? Autrement dit, avez-vous couvert le cas d'un membre du Parti libéral qui va siéger avec le Parti québécois? Avez-vous couvert cela? Ou d'un membre du Parti québécois qui va siéger avec le Parti libéral? C'est tellement ressemblant aujourd'hui, M. le Président, qu'on s'y perd.

Le Président (M. Rivest): Est-ce qu'on posait la question à la présidence?

M. Bisaillon: Je ne pense pas.

Le Président (M. Rivest): Effectivement, pour la présidence, le Parti Québécois et le Parti libéral, pour les fins des travaux parlementaires...

M. Bisaillon: C'est le premier aspect que j'aimerais faire préciser par les membres de la commission: est-ce qu'on couvrait l'ensemble des changements d'allégeance? Si oui, quels étaient les motifs des membres de la commission? Est-ce que leur seul motif était celui de la stabilité gouvernementale? Auquel cas, je leur demanderais pourquoi ils n'ont pas imaginé d'autres mécanismes pour assurer la stabilité gouvernementale. La stabilité gouvernementale, c'est relié à la notion de responsabilité gouvernementale, une notion qu'on a appliquée ici à tort, parce que, constitutionnellement, je ne pense pas que la responsabilité gouvernementale soit attaquée par le fait qu'on repousse une décision gouvernementale au Parlement. Il n'existe que deux cas dans la constitution, c'est l'adoption des crédits et un vote de non-confiance. Dans ces deux cas, le gouvernement est obligé de démissionner, mais, dans les autres cas, constitutionnellement, le gouvernement ne serait pas tenu de démissionner. Par tradition, par coutume, on a toujours dit qu'un gouvernement qui était défait au vote à l'Assemblée nationale était automatiquement obligé de démissionner. Je vois dans cette coutume beaucoup plus un intérêt des membres de l'exécutif, peu importe à quelle époque ils sont passés au pouvoir, de maintenir bien en main leur aile parlementaire. Avec les années, cet élément s'est développé de sorte que les députés ont l'impression, s'ils sont ministériels, que, chaque fois qu'ils disent non au gouvernement, ils vont le faire tomber. De là la triste nécessité d'être toujours en accord avec le gouvernement.

De la même façon, dans l'Opposition, les gens se disent: Comme on doit présenter l'image d'un groupe uni étant donné qu'on veut arriver au pouvoir, on doit forcément donner l'impression qu'on pense tous pareil, même quand ce n'est pas vrai. On sait que ce n'est pas le cas, ni dans l'Opposition, ni au parti ministériel, ni quand on est au pouvoir. Si c'est uniquement l'argument de la stabilité gouvernementale qui a servi de base à cette recommandation, pourquoi n'avez-vous pas envisagé d'autres hypothèses?

La dernière partie de ma question sur

les changements d'allégeance. Est-ce que ça ne va pas à rencontre du mode de scrutin que vous proposez? Si j'avais à voter comme citoyen uniquement pour des partis politiques, si le seul choix qu'on me demandait de faire était de choisir entre le Parti québécois et le Parti libéral, il est évident à ce moment-là que la stabilité du gouvernement et le choix de l'électorat résident dans le nombre de représentants que l'un et l'autre vont obtenir en bout de course. Autrement dit, si je vote pour le Parti libéral, je ne vote pas pour les candidats qui sont là; c'est le parti qui me les indique. C'est cela, un vote de parti, s'il n'y avait que cela.

Or, vous, dans votre rapport, vous ne proposez pas qu'un vote de parti. Vous proposez, d'abord, que les électeurs manifestent leur choix pour un parti politique et, ensuite, qu'ils manifestent un choix pour des personnes. Vous allez même jusqu'à dire que ce choix de personnes n'est pas limitatif. Ils peuvent sauter d'une liste à l'autre, c'est-à-dire qu'ils peuvent choisir des candidats. Je peux voter pour le Parti libéral et dire: J'ai onze choix à faire, j'en fais dix dans les candidats du Parti libéral, mais je vais chercher le candidat du Parti québécois ou la candidate du Parti québécois qui me semble intéressant ou intéressante dans l'autre liste qui m'est présentée. Donc, je choisis onze personnes après avoir choisi un parti.

Le Parlement serait différent. Je dois vous avouer qu'actuellement il y a une ambiguïté. On ne sait pas tellement ce pourquoi les gens votent. Votent-ils pour les partis, pour les hommes ou les femmes? Votent-ils pour les chefs? Ce n'est pas clair. Ce n'est tellement pas clair que la coutume a fait que, quand il y avait des changements d'allégeance, on considérait la personne comme étant élue et pouvant continuer son mandat.

Dans votre système cela me semble clair que les personnes qui sont élues l'ont été parce que, comme personnes, elles avaient fait l'objet d'un choix de la population au-delà du vote de parti, ce vote servant uniquement pour faire le contrepoids ou l'équilibre entre les manifestations d'intentions de la population. Pouvez-vous me faire un portrait de ce que vous avez pensé, de ce que vous avez dit là-dessus et me corriger si je me suis trompé?

M. Côté (Pierre-F.): Je vais essayer d'être le plus bref et le plus clair possible, mais il y a un élément qui m'échappe dans votre argumentation. C'est que dans un mode de scrutin proportionnel, dans celui que nous proposons, il y a deux votes possibles. Ce qu'il faut se rappeler, c'est que le premier vote est celui qui porte, comme vous le mentionniez, sur un parti politique. Laissons, pour le moment, la question des indépendants. Ce premier vote a quoi comme conséquence? C'est, en fait, ce premier vote qui est déterminant pour la formation du gouvernement, pour savoir quel parti politique va constituer le gouvernement? Donc, il est primordial.

Par la suite, vous savez que le calcul des votes se fait selon la méthode d'Hondt, ce qu'on appelle la méthode d'Hondt, du nom d'un mathématicien qui a inventé la formule. On divise par un, deux, trois et quatre les résultats et on détermine combien de sièges chacun des partis politiques va se voir attribuer. Une fois qu'on a attribué, par exemple, dans le cas d'une circonscription où il y a cinq sièges à pourvoir, qu'un parti politique a obtenu 60% des votes, il a donc droit à trois députés élus. Comment se fait le choix ou la décision de ces trois députés élus? Elle se fait - et là c'est la deuxième opération - par le plus grand nombre de choix qu'ont fait les électeurs pour l'un ou l'autre des députés.

M. Bisaillon: Donc, ce sont vraiment les électeurs qui les ont choisis. Parce que celui qui est arrivé quatrième dans votre exemple ne serait pas élu.

M. Côté (Pierre-F.): Actuellement, il y a deux façons de procéder; nous suggérons la deuxième dans ce genre de mode de scrutin. Mais nous laissons également le choix à l'électeur de voter de deux façons. Il peut voter seulement pour le parti; à ce moment, il vote pour toute la liste. Il peut voter pour le parti et voter également pour des candidats. À ce moment, il y a ce qu'on appelle le panachage, c'est-à-dire que l'électeur a le choix de voter pour le candidat de son choix qui apparaît sur le bulletin de vote. Mais le vote déterminant, le premier vote, c'est le vote pour le parti.

M. Bisaillon: Mais vous admettez avec moi, et vous me l'avez expliqué, que le vote pour le parti sert à déterminer, sur un territoire, le nombre de sièges qui seront attribués aux membres de ce parti, mais que les personnes membres de ce parti vont être automatiquement choisies. Si votre calcul nous fait arriver à trois, ce n'est pas le parti qui va décider qui seront les trois. Ce sont les trois de ce parti qui auront obtenu le plus de votes de la part des électeurs.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, parce qu'il y a d'autres façons de procéder dans d'autres...

M. Bisaillon: Donc, les personnes élues le sont parce qu'elles ont reçu, personnellement et en leur nom, le maximum de votes des électeurs.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, c'est ce que nous proposons effectivement.

M. Bisaillon: Cela veut dire que ce sont elles comme personnes qui ont été élues. (16 h 30)

M. Côté (Pierre-F): C'est une des caractéristiques de la proposition que nous faisons. Dans d'autres pays ou dans d'autres modes de scrutin proportionnel, si on reprend le même exemple que tout à l'heure, pour un parti politique qui aurait droit à trois députés sur cinq, les trois seraient ceux qui apparaissent, selon l'ordre d'apparition sur la liste. C'est une des façons de procéder et cette décision de l'ordre d'apparition sur la liste revient, dans les pays où cela existe, aux partis politiques; ce sont eux qui déterminent si c'est M. Untel ou M. Untel et l'ordre dans lequel ils vont apparaître sur la liste.

Nous, nous disons que cela semble favoriser davantage le choix démocratique des électeurs que l'électeur puisse faire son choix sur la liste. Je reprends toujours le même exemple: selon le plus grand nombre de votes qu'auront obtenus les cinq candidats, bien, ce sont les trois premières personnes qui auront le plus grand nombre de votes qui seront les trois députés élus pour ce parti.

M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais juste terminer en disant que, selon moi, dans le rapport cet aspect...

M. Côté (Pierre-F): Je m'excuse, est-ce que je pourrais apporter juste une précision, M. le député?

M. Bisaillon: Oui.

M. Côté (Pierre-F): C'est juste un court point, une autre précision. On attire mon attention sur une nuance à ce que je viens de dire: L'ordre de liste est quand même important dans le cas où l'électeur décide de voter seulement une fois.

M. Bisaillon: D'accord.

M. Côté (Pierre-F): Parce qu'à ce moment il vote pour l'ensemble de la liste. Je voulais juste apporter cette nuance dans le mode que nous proposons.

Le Président (M. Rivest): Merci, M. le député de Sainte-Marie. Un dernier commentaire?

M. Bisaillon: Non, cela va, je reviendrai.

Le Président (M. Rivest): L'ordre des intervenants vu que plusieurs députés demandent à intervenir. Le député de Gouin parle immédiatement après, suivi du député de Châteauguay, du député de Gatineau, du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et du député de Louis-Hébert.

Refus de discuter des modalités d'application

M. Rochefort: Je voudrais, M. le Président, revenir un peu à l'aspect qu'a soulevé le député de Sainte-Marie dans son intervention et l'élargir juste un peu parce que, quant à moi, on est au coeur de la recommandation. Je voudrais être bien certain qu'on se comprend bien.

Vous nous dites partout dans vos documents, dans votre rapport, dans les communiqués de presse que vous avez émis pour présenter votre rapport, dans les quelques interventions publiques que vous avez accordées pour expliquer et présenter votre rapport: Nous faisons une recommandation; nous recommandons à l'Assemblée nationale du Québec d'adopter un mode de scrutin de type proportionnel. Par la suite, nous dressons une liste de suggestions - comment appelez-vous cela? -"des préférences plutôt que des recommandations, quelques applications simples opérationnelles". Même ce matin, le directeur général, le président de la Commission de la représentation, nous a dit: Ce qu'il faut, c'est prendre une décision sur le type de mode de scrutin qu'on choisit et, une fois que nous aurons décidé, par exemple, de retenir un mode de scrutin de type proportionnel, une fois cette décision prise, nous regarderons par la suite les modalités d'application.

J'avoue que je crois que ce n'est pas possible de tenir un discours comme celui-là. De deux choses l'une: ou on recommande un mode de scrutin de type proportionnel. Auquel cas, retenir un mode de scrutin proportionnel par rapport à un mode de scrutin uninominal à un tour comme celui que nous avons actuellement, c'est donc viser et atteindre l'objectif de diminuer considérablement les distorsions ou les écarts qui existent entre les voix obtenues par un parti politique et les sièges qui constituent sa représentation à l'Assemblée nationale.

À partir du moment où on réduit considérablement l'écart, on réduit en même temps la prime au vainqueur qui constitue le pouvoir politique du gouvernement à l'Assemblée nationale, la majorité ministérielle, prime au vainqueur, finalement, qu'on appelle souvent une forme de stabilité gouvernementale. À partir du moment où on réduit cela considérablement, il est évident que, si nous sommes préoccupés de stabilité gouvernementale - je le suis et j'ai cru comprendre que vous l'étiez - une fois qu'on a élu un Parlement, qu'on a constitué un gouvernement à partir de ce Parlement, puisqu'il ne détient qu'une faible majorité des sièges à l'Assemblée nationale, il ne faut plus qu'il se passe quoi que ce soit qui

pourrait changer en cours de mandat, donc en dehors d'une élection générale, le gouvernement à l'Assemblée nationale par des démissions, par des décès, donc par des élections partielles ou par le fait que des députés, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, mais particulièrement du côté ministériel, deviennent des députés indépendants. C'est là que je dis que nous ne pouvons débattre, dans un premier temps, de votre recommandation première qui est celle de retenir un mode de scrutin de type proportionnel sans tenir compte, sans débattre en même temps et prendre une décision en même temps sur les modalités d'application. Je voudrais que vous me disiez un peu comment vous recevez ce que je dis par rapport au discours que vous avez tenu jusqu'à maintenant.

M. Côté (Pierre-F.): Écoutez, ma première réaction, si vous me le permettez, ce serait simplement de vous lire les quelques paragraphes du rapport qui donnent des précisions sur cela et peut-être de les compléter par un ou deux mots d'explication. C'est aux pages 116 et 117 du rapport. "Une fois le choix arrêté en faveur d'un mode de scrutin proportionnel territorial qui soit propre au Québec, les modalités peuvent varier considérablement dans l'application du nouveau mode recommandé. Il faut d'abord reconnaître que peu de mémoires ou de commentaires reçus par la commission ont analysé dans le détail tous les mécanismes inhérents au fonctionnement d'un mode de scrutin, de sorte qu'il a été impossible de dégager des orientations claires sur la base de la consultation entreprise." De plus, - et c'est là mon principal point, c'est le principal regret que je veux vous exprimer cet après-midi - les courts délais impartis pour la réalisation d'un si vaste mandat ne nous ont pas permis de pousser aussi à fond qu'il aurait été souhaitable l'analyse des conséquences des différents mécanismes sur l'ensemble du système électoral et politique québécois. "La commission a, cependant, jugé opportun d'exprimer certaines préférences relativement aux modalités de fonctionnement de la formule dont elle recommande l'adoption." Pourquoi disons-nous qu'il s'agit bien de préférences exprimées en tenant compte de l'état du dossier au moment de la rédaction du présent rapport? Parce que - et je pense qu'on vient d'en avoir un exemple assez clair ou quelques exemples depuis les échanges qu'on a sur le mode de scrutin - il y a des possibilités de modalités différentes. Prenons simplement l'exemple suivant: déterminer si le vote devrait se faire selon une liste bloquée ou une liste ouverte. Nous aurions pu exprimer de façon formelle et définitive que c'est telle sorte de liste. Pourquoi nous le disons plutôt sous une forme de préférence? Il n'est pas loisible dans un mode de scrutin proportionnel d'avoir autre chose qu'un scrutin de liste. C'est certain, il y a un scrutin de liste. Mais, comme il y a différentes sortes de scrutins de liste, comme il y a différentes façons de voter, nous avons cru préférable de dire: Bien, voici ce qui, dans l'état actuel du dossier, devrait ou pourrait être adopté, pourrait être suggéré, pourrait être considéré.

Je pense que ce sont les travaux d'une commission comme celle que nous vivons aujourd'hui qui peuvent faire avancer le dossier. Il faudrait sûrement, par la suite, avec peut-être d'autres spécialistes, d'autres personnes ou vous-mêmes les parlementaires, déterminer: Bien voici! Nous sommes d'accord, c'est telle sorte de liste, par exemple, qu'il faut adopter. Vis-à-vis des élections partielles, ce que vous suggérez, non, il faudrait prendre une autre formule.

En somme, nous ne disposions pas, d'abord, du temps pour approfondir jusqu'au bout chacune des propositions et surtout il nous a semblé tout à fait primordial de refléter les opinions, les impressions qu'on a eues et le résultat de nos réflexions en vue évidemment, on peut diverger d'opinion avec nous, cela va de soi - de changer de mode de scrutin afin que ce mode de scrutin soit de type proportionnel, qu'on a appelé proportionnel territorial.

M. Bourassa.

M. Bourassa: J'aimerais revenir sur ce thème et je vois mal l'objection, semble-t-il, fondamentale que vous posez entre ce que nous avançons comme un mode de scrutin proportionnel et territorial et le choix des modalités que nous ouvrons. Il me semble que la réforme du mode de scrutin dans ce rapport est, entre autres choses, et peut-être particulièrement animée par deux pôles: d'une part, une meilleure représentation, comme vous l'avez dit, et aussi la stabilité. La meilleure représentation, on l'obtient par la proportionnelle et par un découpage territorial qui, nous semble-t-il, est plus proche de la réalité démocratique et la stabilité, on l'obtient par un certain nombre de modalités qui peuvent aller de la grandeur des circonscriptions aux détails techniques du vote.

Encore une fois, je ne sais pas si j'ai mal compris l'objection que vous posez, mais je ne vois pas en quoi il y aurait impossibilité, d'une part, de proposer un mode du scrutin proportionnel et territorial où, là, beaucoup de questions d'importance seraient à résoudre, comme celles qu'on a évoquées et comme d'autres qu'on n'a pas encore abordées, par exemple, le découpage de la carte électorale. On peut imaginer bien des solutions à ce sujet, mais je pense que, néanmoins, le principe fondamental que nous

avons voulu mettre de l'avant serait respecté. J'aimerais bien qu'on puisse clarifier cet aspect pour voir si l'objection que j'ai comprise est bien celle que vous avez évoquée.

M. Côté (Pierre-F.): Si vous le permettez, M. le député, je voudrais ajouter une courte réflexion. Je trouve que vous avez raison quand vous dites qu'il existe une relation entre la recommandation que nous faisons et les modalités. Cependant, ce que nous disons, c'est qu'une fois adopté le principe de la recommandation que l'on fait de la proportionnelle territoriale, il nous semble que ce sera plus facile et qu'on pourra davantage définir dans le détail toutes les modalités.

M. Rochefort: Non, nous ne partageons pas le même point de vue. Je pense qu'un mode du scrutin, c'est quelque chose de complet en soi. Il faut que nous acceptions un mode de scrutin avec l'ensemble de ses modalités ou que nous ne décidions pas de retenir ce mode du scrutin. Vous avez dit que c'est un scrutin de liste et qu'on peut y aller par listes blocs. C'est vraiment une modalité qui n'intervient pas dans le coeur de la recommandation et dans ce que sont les bases mêmes d'un mode du scrutin de type proportionnel. Ce qui constitue la base même d'un mode de scrutin de type proportionnel, c'est que, dès que c'est une proportionnelle, il faut, pour des raisons de stabilité gouvernementale - je l'exprime en langage populaire - qu'on barre les portes. Il ne faut plus qu'il se passe rien qui pourrait changer les forces numériques en présence à l'intérieur du Parlement.

Je vais vous poser ma question autrement: Croyez-vous qu'il serait possible et réaliste pour le Québec de se doter d'un mode de scrutin territorial de type proportionnel comme celui que vous nous recommandez tout en maintenant les élections partielles telles que nous les connaissons actuellement et tout en maintenant la possibilité pour un député de devenir indépendant en tout temps?

M. Lessard: Je répondrais à ceci que, quand on choisit un certain principe comme la proportionnelle, on bloque certaines possibilités et on en garde d'autres. On laisse largement des champs ouverts. À preuve, si vous prenez le livre de Cadart puisqu'on en a parlé et que tout le monde connaît, vous allez voir la description d'une multitude de proportionnelles où on trouve des variations dans tous les domaines.

L'exemple que vous donniez tout à l'heure: La Chambre doit-elle être bloquée, c'est-à-dire la répartition des sièges en Chambre doit-elle être bloquée après l'élection? Ce n'est pas impliqué par l'idée de proportion. On pourrait accepter un système où il y ait une modification de la Chambre: des gens qui deviennent indépendants, des gens qui changent de parti; il faudrait prévoir des modalités. (16 h 45)

II y a des choses qui pourraient devenir difficiles. Comment fait-on une élection partielle dans un système proportionnel quand l'élection se fait sur une liste? Autrement dit, reprend-on l'élection dans l'ensemble de la région? Par exemple, dans une région où il y a onze députés, s'il y en a un qui meurt, on remet en question toute la région, les onze députés, et on recommence ou si on fait une élection uninominale? Il y a peut-être des modalités à trouver, je n'en sais rien. C'est assez difficile de trouver une réponse à cela, je vous l'accorde. Seulement, c'est une difficulté, mais une fois la proportionnelle acceptée, toutes les avenues de modifications ou de choix partiels ne sont pas bloqués et même des difficultés comme celles-là pourraient peut-être être surmontées. Nous n'avons pas trouvé de solutions mais cela pourrait être surmonté et - ma foi - je ne connais pas en détail tous les systèmes qu'il y a à travers le monde, il y a peut-être déjà quelqu'un qui a trouvé une solution à cela.

M. Rochefort: Mais je vous repose ma question, seriez-vous prêt à recommander à l'Assemblée nationale du Québec un mode de scrutin de type proportionnel territorial dans lequel un député pourrait devenir indépendant en cours de mandat et dans lequel nous retrouverions le système d'élections partielles tel que nous le connaissons actuellement pour remplacer un député qui quitte ou qui décède?

M. Lessard: Je vous dirai vis-à-vis de ceci qu'il ne m'appartient pas du tout de faire une recommandation à l'Assemblée nationale.

M. Rochefort: Bien, c'est pour cela qu'on vous paie là, je m'excuse, c'est le mandat que vous avez reçu.

M. Lessard: Ah! Si vous voulez, oui.

M. Rochefort: Mais, c'est pour cela que vous êtes ici.

M. Lessard: Oui, dans ce sens que la commission fait une recommandation.

M. Rochefort: C'est cela, on utilise vos recommandations.

M. Lessard: J'ai transposé votre proposition, je pensais que vous me demandiez d'agir plus ou moins comme député. D'accord?

M. Rochefort: Non, non, non.

M. Lessard: Non. Ce n'est pas de mes affaires.

M. Rochefort: Si cela vous intéresse un jour, il y a des occasions disons au moins par quatre années, vous y aviez droit comme tous les autres mais non, non, je vous le demande à titre de membre de la Commission de la représentation.

M. Lessard: Non merci.

M. Rochefort: II y a encore des partielles.

M. Lessard: Première réponse à ceci, c'est qu'après avoir étudié la question, la meilleure proposition qui nous a semblé possible était celle-ci: Vous vouliez en discuter, vous trouvez une autre solution. Si vous en trouvez d'autres qui sont intéressantes, vous nous le dites, on peut en parler...

M. Rochefort: Mais vous m'avez dit non.

M. Lessard: Bien, puisque nous avons préféré ceci, bon alors nous...

M. Rochefort: Oui mais, M. Lessard, il ne faut pas s'écarter. Vous nous dites tout à coup: Écoutez, je vous dis non puisque nous vous avons recommandé ceci mais en même temps vous nous dites souvent que l'essentiel c'est de retenir l'idée d'un mode de scrutin de type proportionnel. L'idée des partielles, des indépendants et tout cela peut être gardée, on peut trouver des solutions. Moi, ce que je vous dis, cela forme un tout ou pas dans votre esprit.

M. Lessard: Ma réponse est très simple. Si je dis non c'est parce qu'avant de répondre ceci ou de signer ce mémoire nous avons eu un certain temps pour réfléchir et analyser la question et, quand vous me posez une question si subitement, je n'ai pas le même temps, alors je ne peux pas vous renverser ma première décision par quelque chose qui est tout à fait subit. C'est ma réponse.

M. Rochefort: Mais, M. Lessard, je ne vous demande pas de la renverser, je vous demande de nous la confirmer, de ne plus faire la distinction entre la recommandation principale et les quelques éléments de référence comme modalités d'application. Je vous demande si vous en faites un tout ou pas sur l'aspect des partielles et des indépendants...

M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, si vous me le permettez d'être...

M. Rochefort: Non, il n'y a pas de piège et on n'est pas devant un tribunal, je veux qu'on se comprenne, qu'on fasse avancer le dossier pour peut-être en arriver un jour à un nouveau mode de scrutin.

M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, notre rapport est très clair et je réexprime en d'autres mots, si vous le voulez, ce qu'on a dit dans notre rapport et pourquoi nous l'avons dit de cette façon-là. Nous soumettons dans notre rapport, et nous insistons sur ce point, une recommandation. Pourquoi procédons-nous de cette façon? Et on arrive ensuite à des préférences qu'on a appelées des préférences ou des suggestions. Je pense que c'est cela le fond de votre question ou, si je la repose autrement, vous me direz si je l'ai bien comprise. Est-ce que nous serions disposés aujourd'hui à dire: Nous soumettons une recommandation qui inclut toutes les préférences que nous avons suggérées?

M. Rochefort: Non, ce n'est pas cela ma question. Ma question, c'est de dire si je vous demandais - pas si "je", je ne veux pas me prendre pour un autre - si la commission, si le Parlement vous demandait de nous rédiger un projet de loi qui décrive de a à z un nouveau mode de scrutin de type proportionnel territorial, est-ce que vous considérez, comme experts dans la matière, à la suite des travaux que vous avez menés, des rencontres, et ainsi de suite, qu'il serait possible, opportun, faisable, sain, souhaitable qu'on se retrouve avec un mode de scrutin de type proportionnel territorial en maintenant les élections partielles telles que nous les connaissons actuellement et en maintenant la possibilité pour un député de devenir député indépendant? Au fond, maintenez-vous qu'on pourrait ne retenir que votre recommandation première et tout chambarder le reste de vos suggestions ou de vos préférences?

M. Côté (Pierre-F.): Non, la réponse que je ferais à cela - et mes collègues pourront peut-être me corriger - si je comprends bien votre question, c'est que nous avons exprimé des préférences mais, je l'ai mentionné tout à l'heure, il y a une cohérence dans nos préférences. Je veux dire il y a une certaine logique dans nos préférences mais, cependant, ce pourquoi nous insistons pour dire que quand même ce sont des préférences, c'est qu'il nous est apparu essentiel que vous décidiez d'abord s'il doit y avoir un changement en profondeur ou non du mode de scrutin. Est-ce qu'il doit y avoir un changement en profondeur ou non du mode de scrutin? Est-ce qu'il vous apparaît une bonne solution

d'abandonner le mode de scrutin majoritaire et nominal à un tour pour un mode de scrutin de type proportionnel? Ceci nous apparaît la première démarche, la première décision.

Évidemment, il y a des conséquences très importantes et sérieuses; je vais en nommer deux. Pour pouvoir modifier la préférence qu'on exprime à l'égard des élections partielles et des candidats indépendants qui abandonnent en cours de mandat, à mon avis, il faudrait que la solution qu'on propose à la place de la suggestion que l'on fait soit elle aussi cohérente et n'aille pas à l'encontre des principes fondamentaux d'un mode de scrutin proportionnel.

M. Rochefort: Je crois qu'on se rapproche un peu. Puisque je suis préoccupé par la stabilité gouvernementale, je vous dis qu'on ne peut pas, quant à moi, adopter un mode de scrutin de type proportionnel sans retenir vos recommandations quant aux élections partielles et quant aux députés indépendants. Auquel cas, je pense que c'est un obstacle majeur. Je vous donnerai un exemple. Je me suis amusé à faire des statistiques rapides quand je me suis présenté devant vous, le printemps dernier. C'est au printemps dernier que vous avez tenu vos audiences?

M. Côté (Pierre-F.): À l'automne, aux mois d'octobre et novembre.

M. Rochefort: Ah oui, à l'automne.

M. Côté (Pierre-F.): Il y a près d'un an.

M. Rochefort: Donc, mes statistiques sont peut-être... Pardon?

M. Bisaillon: Vous avez laissé passer un an.

M. Rochefort: Je ne croyais pas qu'une fois ma comparution terminée le rapport était rédigé, M. le député de Sainte-Marie. Il ne s'est pas écoulé un an entre les deux.

M. Bisaillon: Le rapport, ça fait déjà six mois.

M. Rochefort: On lit au moins.

M. Bisaillon: De toute façon, vous avez laissé passer six mois.

M. Rochefort: Si on regarde les deux dernières Législatures, la présente et celle qui a précédé, de 1976 à 1981, treize députés ont démissionné et quatre ont changé d'allégeance. Cela représente 7% de changements entre le résultat de l'élection générale du 15 novembre 1976 et la nouvelle composition de l'Assemblée nationale qui en a découlé. Compte tenu que la prime au vainqueur de 1976 à 1981 qu'avait obtenue le Parti québécois était, je pense, de 5% ou 7%, par le biais d'élections partielles et de changements d'allégeance, il aurait pu se produire un changement de gouvernement au Québec. Je ne suis pas contre les changements de gouvernement, mais je veux qu'ils soient décidés par l'ensemble des citoyens et non pas par des accidents de parcours tels que des élections partielles ou parce qu'un député dit, à un moment donné: Je ne me sens plus à l'aise dans la majorité, je traverse de l'autre côté de la Chambre. La même chose s'est produite... Comme je vous l'ai dit, j'ai arrêté mes statistiques au moment où je suis allé vous rencontrer.

M. Bisaillon: Je ne voudrais pas que le député traite un changement d'allégeance comme un changement de parcours, c'est beaucoup plus qu'un changement de parcours.

M. Rochefort: Je ne veux pas l'expliquer à votre place, M. le député de Sainte-Marie, vous pourriez sûrement le faire avec plus d'éloquence que moi. Mais de 1981 à 1983 - j'ai arrêté là mes statistiques et je suis convaincu que ça ne s'est pas amélioré -il y avait dix députés qui avaient démissionné ou qui avaient changé d'allégeance, dont neuf du Parti québécois, ce qui représentait Il ,3% de changements dans le rapport de forces. Sauf erreur, dans la représentation proportionnelle territoriale, la prime au vainqueur, maximum à trois partis, est de 9% environ. C'est le cas?

M. Côté (Pierre-F.): À peu près, oui.

M. Rochefort: Donc, dans les faits, à mi-mandat, dans votre mode de scrutin où vous nous recommandez la représentation proportionnelle territoriale, si nous avions maintenu la possibilité de tenir des élections partielles et pour un député de devenir indépendant, le gouvernement en place serait tombé non pas par une consultation de l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec dans le cadre d'une élection générale, mais par une addition d'accidents de parcours ou d'incidents isolés les uns des autres. Auquel cas, je pense qu'il faut qu'on revienne à l'essence de la recommandation que vous nous avez faite et que nous retenions très bien que s'il y a proportionnelle territoriale, à partir du moment où nous sommes préoccupés par la stabilité gouvernementale, il ne faut pas qu'il y ait d'élections partielles et qu'un député puisse devenir indépendant, auquel cas, votre recommandation n'est plus simple, mais triple parce qu'elle constitue un tout en soi. Je souhaiterais que vous y repensiez ce soir,

que vous retravailliez cela avec vos équipes et que demain vous nous rendiez une réponse là-dessus, mais je vous dis, quant à moi, jusqu'à nouvel ordre, je ne comprends pas qu'on puisse prétendre qu'il y a une recommandation avec une série de préférences, je pense qu'il y a une recommandation triple qui constitue un tout qui est un mode de scrutin proportionnel de type territorial n'incluant pas d'élection partielle, pas de possibilité pour un député de devenir indépendant et ensuite, effectivement, il peut y avoir des préférences, listes bloquées ou pas, la façon de choisir les députés indépendants et quand on vote pour un député indépendant peut-on aussi voter dans les listes?

Cela d'accord, ce sont les modalités, mais je pense qu'il faut vraiment qu'on s'entende, qu'on se comprenne bien parce que c'est fondamental, ce n'est accessoire, c'est aussi essentiel que la recommandation elle-même d'y aller dans un mode de scrutin de type proportionnel territorial.

M. Côté (Pierre-F.): M. Bourassa.

M. Bourassa: Oui. J'aimerais, si vous permettez, tout simplement souligner que cette défense que vous faites de la triple recommandation, vous vous faites l'avocat par excellence... Les trois points que vous voudriez voir appuyer par la commission, proportionnelle avec absence d'élection partielle et de candidature indépendante et ensuite, là, de préférence...

M. Rochefort: Je veux bien qu'on se comprenne quand vous dites que "vous voudriez voir appuyer par la commission", non au contraire. Mais ce que je veux, c'est que vous nous disiez si oui ou non cela constitue un tout. Je comprends, je décode que cela ne peut faire autrement que de constituer un tout. Ce que je vous pose comme question, est-ce que vous partagez mon interprétation?

M. Bourassa: J'aime bien la dernière phrase, si vous me permettez. Vous dites: Selon moi, cela ne peut pas faire autrement que de constituer un tout. Je vous avouerai que jusqu'à maintenant, dans l'état de nos réflexions, cela ne va pas aussi loin. Tout cela peut faire autrement que de constituer un tout et, justement, au nom d'autres valeurs, d'une part, qui ont été défendues cet après-midi et ce matin, par exemple, les élections partielles, les changements d'allégeance peuvent être des phénomènes qu'on ne peut pas, pour des raisons de stabilité... Ceci est une valeur parmi plusieurs mais c'est très difficile, je pense que vous serez le premier à l'admettre, de trancher entre les valeurs laquelle doit nettement l'emporter.

Aussi, vous avez fait allusion à un autre aspect extrêmement important qui est celui des calculs que l'on peut faire, des expériences et des cas sur lesquels on peut s'appuyer. Il est fort probable que dans certains cas des calculs montrent qu'avec des résultats assez catastrophiques on se retrouve dans des situations complètement différentes de ce que l'on avait prévu. Mais, avant que ce que nous appelons maintenant des préférences devienne un tout logique et absolument cohérent, cela demanderait, si on veut être rigoureux et sérieux, une analyse plus attentive.

Et, pour l'instant, je pense que sur beaucoup de ces points que vous avez abordés et qui constituent le point 5.6 de notre rapport, à la page 116, il s'agit beaucoup plus d'énoncer que nous nous engageons dans la voie à peu près que vous dessinez, mais cela ne nous paraît pas aussi net et définitif que vous semblez l'entendre, quitte encore une fois à ce qu'on approfondisse ces choses et qu'on arrive à des vues plus précises dans un avenir rapproché.

M. Rochefort: Un seul commentaire pour conclure notre discussion sur cette question qui, à mon sens, est fondamentale. Si vous me dites que selon votre idée, pas complètement faite, pour vous, pour l'instant, cela ne constitue pas nécessairement un tout, je vous dirai que je ne peux sûrement pas retenir votre rapport comme une solution souhaitable pour le Québec. Je souhaite que, quand il y a changement de gouvernement au Québec, tous les citoyens qui ont droit de vote puissent participer à cette décision de changer de gouvernement.

Ce que je comprends de ce que vous nous dites pour l'instant, je comprends que vous pourrez y réfléchir par la suite, c'est qu'on pourrait très bien se retrouver avec un mode de scrutin de type proportionnel territorial et peut-être maintenir les élections partielles; il y a une possibilité pour un député de devenir indépendant. Je vous dis, sur l'expérience basée des deux dernières Législatures, que le gouvernement aurait été changé en Chambre sans que l'ensemble des Québécois et des Québécoises ait été appelé à se prononcer sur ce changement de gouvernement et là, quant à moi, on est très loin d'un système démocratique.

M. Bourassa: À ce moment, si vous me permettez, une question peut-être pour compléter ceci: Est-ce que pour atteindre l'objectif dont vous parlez, c'est-à-dire d'un changement de gouvernement où tous les citoyens seraient appelés à se prononcer, le prix à payer doit être d'empêcher tout changement de choix ou toute évolution des opinions entre deux élections.

(17 heures)

M. Rochefort: Au contraire, si vous voulez mon opinion personnelle, jamais je n'accepterai qu'un député ne puisse devenir indépendant au cours d'un mandat ou qu'un député nouvellement élu puisse arriver à l'Assemblée nationale seulement parce qu'il était le premier sur la liste de ceux qui n'ont pas été élus il y a quatre ans ou quatre ans et demi. Je pense, et je pourrais citer des cas très précis, cas par exemple de ma circonscription électorale; en quatre ans il peut se produire beaucoup de choses pour un individu. Ce n'est pas parce que tu as fini le premier sur la liste de ceux qui n'ont pas été élus qu'en quatre ans il ne se passe rien dans ta vie sur le plan personnel, professionnel ou politique qui fasse en sorte que les citoyens n'aient pas à se poser à nouveau la question si oui ou non ils souhaitent que tu deviennes député.

Deuxièmement, pour la possibilité de devenir indépendant, je reprendrai un peu l'argumentation du député de Deux-Montagnes, du député de Sainte-Marie. Je pense que s'il y a une chose fondamentale dans les travaux que nous menons tous actuellement, c'est qu'il ne faut pas accroître la force des partis politiques; il ne faut pas accroître les lignes et les disciplines de parti.

Dans quelle situation cela nous mène-t-il si un député ne peut devenir indépendant en cours de mandat? Cela peut nous mener à une situation que nous décrivait le député de Deux-Montagnes qui disait que, finalement, le député va toujours être obligé de se solidariser. Cela peut aussi nous mener à l'inverse, qu'un chef de gouvernement ou qu'un gouvernement ou que la direction d'un parti politique, sachant très bien qu'un député, sur deux questions précises, ne partage pas les vues du gouvernement et qu'il y tient mordicus, qu'on présente deux projets de loi concernant ces questions pour s'assurer qu'on pourra, par la suite, expulser le député de l'Assemblée nationale. Là, il ne reste qu'un pas à franchir entre avoir un gouvernement, une Assemblée nationale qui détient des procurations dans ses poches plutôt que d'avoir des hommes et des femmes qui représentent des citoyens et des citoyennes et qui y vont au mérite sur chaque question. Pour moi, c'est fondamental et je ne pourrai jamais souscrire à toute proposition de réforme d'institution ou de réforme du mode de scrutin qui éliminerait ces deux possibilités. Cela c'est clair, quant à moi. Si vous maintenez cela pour moi, on ferme le livre et puis c'est fini, on en reparlera une autre fois ou sous une autre forme ou avec une autre proposition.

Cela dit avec tout le respect que je voue aux membres de la commission. On étudie sérieusement un rapport; je vous fais valoir mes opinions et je pense appuyer sur un certain nombre d'arguments peut-être pas plus valables que d'autres, mais qui pour moi ont une grande valeur.

M. Bourassa: Si vous me permettez, simplement une toute petite remarque. Vous dites: "Si vous maintenez cela..." Justement, je pense que ce que l'on cherche, il faut bien le préciser, c'est qu'il y a pas mal de points auxquels on ne tient pas mordicus.

M. Rochefort: M. Bourassa, c'est que pour moi on ne peut parler de proportionnelle sans parler de la question des élections partielles et des députés indépendants, sinon on se dote d'un mode de scrutin où c'est la boîte à surprise entre deux élections. Tout peut se produire sans que tous les Québécois et les Québécoises soient appelés à participer à cette décision de changer.

Je ne suis pas contre les changements de gouvernement à tous les ans, si les Québécois le veulent, mais ce sont les Québécois qui vont en prendre la décision, ce n'est pas l'addition de résultats d'élections partielles ou de changements d'orientation plutôt que de parcours de certains députés en cours de mandat.

M. Côté (Pierre-F): M. Rochefort, vous soulevez des points qui sont primordiaux, qui sont très importants.

M. Rochefort: Pour moi c'est fondamental.

M. Côté (Pierre-F): Non, je tiens à le souligner. Cependant, ils sont reliés à la décision fondamentale du changement du mode de scrutin. Si vous en arrivez à la conclusion, les membres de l'Assemblée nationale, qu'on doit avoir un mode de scrutin de type proportionnel, il y a toute une dynamique, une façon nouvelle de procéder à laquelle vous faites référence. Il y en a d'autres qui sont également très importantes, que vous auriez pu invoquer, qui sont celles, par exemple, du changement que cela va introduire dans la vie et le fonctionnement des partis politiques.

M. Rochefort: Oui, je croyais l'avoir vu.

M. Côté (Pierre-F): II y a l'importance, dans un mode de scrutin proportionnel, que prend un parti politique à tous égards, et ceci, c'est relié au choix fondamental du mode de scrutin lui-même.

Ceci étant dit, je suis très heureux de voir la réflexion que vous nous soumettez. Quant à nous, la seule chose qu'on peut vous dire ce soir, c'est qu'on va certainement réfléchir à vos observations. Je ne vous promets pas des réponses d'une façon

immédiate, mais je pense que ce sont des points qui méritent réflexion.

Le Président (M. Rivest): Merci, M. le député de Gouin. M. le député de Châteauguay. Par la suite, M. le député de Gatineau; M. le député de Rouyn-Noranda et M. le député de Louis-Hébert.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Mon intervention aurait été davantage dans la ligne du débat qu'a amorcé ce matin le député de Deux-Montagnes, quand il a parlé de la ligne de parti. On doit comprendre qu'il la trouve trop forte et que, à travers les changements qu'on essaie d'accomplir, il y aurait lieu de chercher à diminuer cette ligne de parti.

Cependant, avant d'aborder cette question de la ligne de parti, je voudrais continuer à l'aborder et dire - et c'est une conclusion que nous tirions, le député de Deux-Montagnes et moi, tout à l'heure, pendant que le député de Gouin prenait la parole - c'est qu'il a l'air d'assimiler les notions de perte de majorité pour un gouvernement et le fait de tomber de ce gouvernement. Je ne pense pas que le fait qu'un gouvernement perde la majorité cela le fasse tomber automatiquement, parce qu'il pourrait très bien compter sur d'autres appuis comme sur celui des députés indépendants, par exemple, sur des mesures que choisirait le gouvernement et faire en sorte de ne jamais en choisir qui l'amènerait à tomber, ce qui veut dire qu'il pourrait se maintenir jusqu'à la prochaine élection.

Je pense aussi qu'il y a un corollaire à ce qu'il dit. Si effectivement on doit empêcher le député de changer d'allégeance, il faudrait peut-être amener l'idée qu'on devrait remettre en question certains députés en cours de mandat. Si à un moment on constate qu'un député ne répond plus tout à fait à nos aspirations et aux orientations qu'on croyait les siennes et qu'on épousait au moment où on l'a élu, il faudrait peut-être à ce moment se poser la question de savoir si là, on ne peut pas le remettre en question.

De toute façon, d'un changement de mode de scrutin, il ne faut pas tout attendre, à mon point de vue. On ne peut pas en même temps vouloir faire disparaître les distorsions, ce qui est le lot du travail que l'on fait présentement, c'est l'objectif fondamental. Il y a une injustice profonde à l'égard de l'électeur en terme de représentativité et en terme de services de son représentant et c'est cela fondamentalement qu'on doit changer. Si l'on veut tout faire, cela risque de donner lieu à un joli méli-mélo, et je pense que ce n'est pas cela qu'on doit chercher. C'est un fait qu'il existe une ligne de parti qui est forte au Québec. Quand les gens vont voter le jour du scrutin ils assument à toutes fins utiles cette ligne de parti de par le mode de scrutin que nous connaissons présentement. Les gens ne peuvent pas choisir et le gouvernement et les hommes ou les femmes qu'ils veulent élire. Ils sont obligés, à travers une personne, de choisir un gouvernement, ce qui les amène fatalement à choisir une couleur ou un candidat indépendant. Je pense bien qu'on peut s'accorder pour dire que jusqu'à maintenant et depuis très longtemps, au Québec, le mode de scrutin a mené à l'élection de candidats reliés à une couleur politique, très peu à des candidats indépendants. Ce sont des accidents de tous ordres qui ont amené des candidats indépendants à l'Assemblée nationale, sans faire de référence plus particulière au député de Sainte-Marie. Je pense que par le mode de scrutin actuel, c'est cela la réalité c'est qu'il y a une ligne de parti qui s'installe.

Est-ce que le mode de scrutin à la proportionnelle, c'est mon choix? J'ai une propension plus facilement pour un mode de scrutin à la proportionnelle de type territorial ou régional en faisant en sorte que les territoires soient plus convenables, parce que là-dessus j'aurais des réticences; je pourrais revenir sur cela un peu plus tard lors de nos travaux. Mais, pour le moment je pense que le mode de scrutin proportionnel avec le bulletin de vote que nous avons identifié à la condition qu'il y ait panachage permet effectivement, dorénavant, aux citoyens de pouvoir diminuer la ligne de parti, faire en sorte de pouvoir élire des candidats indépendants s'ils le souhaitent. Cela ne sera pas tellement plus facile que maintenant mais cela va l'être quand même plus et cela va surtout permettre aux électeurs de pouvoir faire ce que l'on entend très souvent de la part des Québécois, c'est-à-dire de dire: Je suis pour tel parti mais j'aimerais bien avoir une bonne Opposition. Alors, cela ne veut pas dire que tout le monde va se mettre à voter pour un bon nombre de candidats d'un parti et pour un nombre X de candidats de l'Opposition, mais il y a certains électeurs qui vont le faire. Il est tout à fait sain que, dans le mode de scrutin auquel nous songeons, on donne cette possibilité aux électeurs. Comme on l'a déjà dit quelque part, cela serait intéressant de pouvoir permettre aux électeurs de tous gagner leurs élections. Cela est une façon d'en parler. Bien sûr, on ne peut pas prendre cette expression d'une façon très absolue mais il reste quand même qu'on pourrait permettre à tous les électeurs de gagner leurs élections.

Au niveau du service aux électeurs, j'en ai parlé déjà, il y aurait aussi une grande amélioration. Comme je disais, il ne faut pas tout attendre d'un mode de scrutin et particulièrement sur le plan de la ligne de parti. Je pense que ceux qui préconisent qu'on utilise profondément le nouveau mode

du scrutin pour diminuer les effets de la ligne de parti devraient davantage regarder du côté d'un changement qui, d'après moi, s'impose et qu'on devrait faire, un jour, au Québec - sans doute que les circonstances ne sont pas très appropriées pour le moment -c'est le régime présidentiel. Si véritablement on veut donner aux élus québécois la possibilité de se distancer du gouvernement, de se distancer du pouvoir c'est davantage dans un changement de régime comme en s'en allant vers un régime présidentiel qu'on y arrivera. À l'intérieur d'un changement de mode de scrutin, on pourra peut-être donner des indications quant aux personnes qu'on veut là mais on n'arrivera jamais à contrôler chacun des individus dans son fonctionnement de tous les jours. On pourra toujours améliorer les choses par la réforme parlementaire. On l'a fait récemment; cela a donné comme résultat qu'on est aujourd'hui en commission parlementaire à vivre des choses d'une façon un peu différente de ce qu'on vivait avant. Cela n'est pas le summum de qualité de résultats, mais c'est quand même mieux que ce que l'on vivait avant.

Sans doute que le régime présidentiel nous permettra d'arriver à de meilleurs résultats. Ce n'est pas le mode du scrutin qui va donner ce résultat-là, d'après moi, et cela amène fatalement une question: Est-ce compatible d'avoir un régime présidentiel avec un mode de scrutin proportionnel? On me dit qu'en Finlande, on a un régime présidentiel et une proportionnelle, donc les deux réalités peuvent vivre côte à côte. Sans doute que c'est le meilleur résultat de la ligne de parti.

Pour conclure, je dirais: II ne faut pas tout demander à ce changement. Il y a cependant un objectif important à viser pour le moment et c'est la disparition de distorsions parce que c'est une injustice effrayante à l'égard des électeurs et c'est un accident qui peut arriver à chacune des élections. Comme je le disais à une émission de télévision récemment: Pour prévenir les accidents on a le devoir de toujours prendre les moyens pour les prévenir. Il faudra donc prévenir l'accident qui pourrait arriver à la prochaine élection. Mais il faudra quand même être bien réaliste et penser qu'on ne pourra pas atteindre tous les objectifs louables, mais qu'on pourrait identifier. J'aimerais que vous réagissiez un peu à ce que je viens de dire. C'est mon point de vue.

M. Bourassa: Pour ma part, je vous dirai que vos commentaires sur la place des partis dans la vie politique m'apparaissent très justes et encore me semble-t-il plus juste de dire que ce n'est pas un mode de scrutin qui va régler toutes les questions et que vous avez évoqué un très grave problème qui déborde sûrement notre mandat, qui est celui du régime présidentiel et de la transformation fondamentale et radicale du système politique qui est nôtre. Cela dit, donc avec cet accord qui est entier, je pense, pour les trois membres de la commission avec vos propos.

Pour ce qui est de la ligne de parti, dans notre démarche vous avez évoqué une chose, et j'aimerais peut-être en rappeler une autre qui nous a préoccupés dans la mesure où cela pouvait faciliter dans cette perspective la situation de l'électeur. Nous avons souvent dit qu'une de nos préoccupations les plus importantes était, dans une réforme du mode du scrutin, le droit des électeurs. Eh bien, le droit des électeurs, il nous semble qu'entre autres façons, la possibilité d'indiquer dans une liste ouverte un certain nombre choix et de panacher même était aussi une manière de briser les lignes de parti. Il y a un autre aspect dans notre rapport qui est évoqué et qu'on pourrait peut-être longuement débattre qui est celui, en vertu des nouvelles circonscriptions électorales, que comporterait un tel mode de scrutin, des équipes de députés élus au niveau de chacune des circonscriptions territoriales. À ce moment-là, je pense, de nouveau les lignes de partis seraient sûrement affectées au sein de la circonscription elle-même. Je pense même, comme on discutait un peu ce matin, au niveau même de l'Assemblée nationale.

Si une vingtaine ou vingt-cinq circonscriptions électorales élisent l'ensemble de nos représentants, au niveau de chacune d'entre elles il y aura des collaborations et il y aura en fait des liens qui s'établiront plus ou moins harmonieusement et plus ou moins facilement entre les représentants de divers partis, au niveau de ces circonscriptions elles-mêmes, de ces territoires, et, je pense, par une espèce de force d'entratnement, au niveau national de la même façon. Il y a, si vous voulez, un germe de transformation de la ligne de parti qui est aujourd'hui, au fond, beaucoup plus simple au meilleur sens du terme, mais aussi peut-être un peu simplifié. Alors, ce sont deux éléments. (17 h 15)

Du point de vue des électeurs, notre rapport a véritablement privilégié cet aspect: Comment peut-on améliorer ou rendre plus dynamique cette existence partisane ou cette affiliation partisane dans un mode de scrutin renouvelé? Mais il est très certain, là je m'excuse de le répéter mais je l'avais indiqué dès le départ, qu'il y a d'autres dimensions peut-être encore plus graves et qui ont plus de conséquences qui se situent au niveau du système politique comme tel, notamment d'un régime présidentiel, et pour terminer, quand vous posez la question à savoir si l'on pourrait concevoir un régime

présidentiel et un mode de scrutin proportionnel, je ne vois en aucune façon une objection de principe à un tel aménagement. Vous citez le cas de la Finlande. Je pense, qu'il n'y a rien dans le régime présidentiel, qu'il soit à la française ou à l'américaine comme les deux que nous connaissons, qui empêche une telle chose. C'est d'autant plus vrai que l'on dit que le système français actuel est en train de cogiter une réforme du mode de scrutin qui irait du côté de la proportionnelle d'ici à très peu de temps dans le cadre actuel du régime français. Donc, de ce côté, des possibilités sont grandes et pour ma part je rejoins tout à fait vos préoccupations.

M. Dussault: M. le président. M. Côté (Pierre-F.) Oui.

M. Dussault: Dans un autre ordre d'idées, en revenant sur la question des élections partielles, je dois vous dire que je suis un peu déçu que vous n'ayez pas vraiment répondu, en tout cas pas à ma satisfaction et sans doute pas à la satisfaction du député de Gouin non plus. Moi, je ne suis pas satisfait parce que je pense que sur le plan des élections partielles, si l'on applique la proportionnelle territoriale telle que vous l'avez préconisée, c'est sûr qu'il serait logique qu'il n'y ait pas d'élections partielles. J'en conviens de cela. Je pense que c'est inhérent à toute proportionnelle qu'on fasse disparaître les élections partielles. Je suis quand même conscient qu'au Québec, faire disparaître des élections partielles, pour le parti qui aurait idée de mettre cela dans la législation, cela pourrait être un peu difficile à vivre parce que je vois très bien nos adversaires laisser croire à la population que le seul objectif d'un gouvernement qui ferait disparaître les élections partielles serait de se mettre en meilleure posture dorénavant avec la population sur le plan électoral, alors qu'il n'en est rien.

La raison bien profonde pour laquelle il serait logique de faire disparaître les élections partielles est effectivement que lorsque les gens votent avec un mode de scrutin à la proportionnelle, ils ont établi une Assemblée nationale pour un temps X jusqu'à la prochaine élection et on est censé avoir fait voir tout le résultat qu'on voulait faire ressortir d'une élection à ce moment là. Mais je pense que ce ne serait pas une anicroche effrayante à une proportionnelle de type territorial ou régional, selon les mots qu'on emploiera quand on en fera la législation, si l'on y arrive. Je pense qu'un mode d'élection, un mode de scrutin, cela devrait être bien relatif à un contexte. Prenons par exemple en Israël. S'ils se sont donné une proportionnelle pure, intégrale, c'est parce que, historiquement, ils avaient besoin de vivre de telles choses parce qu'ils avaient même une unité très grande pour passer à travers les difficultés qui étaient les leurs, historiquement, à ce moment-là. Dans notre cas, il y a un autre contexte. Si l'on devait passer par une période de transition d'un mode de scrutin uninominal à un tour actuel à une proportionnelle telle que vous la décrivez, ce ne serait peut-être pas dramatique pour un certain temps de vivre des élections partielles qui seraient une anicroche, mais pas effrayante quand même. Cela voudrait dire qu'on assumerait, pas une contradiction, mais une sorte de voie d'évitement, un certain temps, à un problème qui est particulièrement conjoncturel. Je pense que c'est comme cela qu'on pourrait voir les choses. Ce serait vraiment de le voir pour un certain temps. Mais c'est sûr qu'à la longue, la logique d'une proportionnelle, c'est qu'il n'y a plus d'élections partielles. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Côté (Pierre-F.) Si vous me permettez une remarque sur votre dernier point, cela illustre très bien la démarche qu'on a suivie et la façon dont le débat sur cette question doit se faire. Vous dites qu'on pourrait peut-être envisager une solution intermédiaire qui, pendant un certain temps, permettrait de tenir par exemple des élections partielles pendant une certaine période de temps pour s'ajuster complètement au fait qu'à la fin, il n'y en aurait pas d'élections partielles.

Ce qui nous a frappé, ce qui nous frappe nous, c'est - peut-être qu'on n'a pas suffisamment fouillé, peut-être qu'on pourrait nous donner des informations supplémentaires - que je ne crois pas qu'il existe de pays où il y a un mode de scrutin dans lequel on retrouve une solution facile à ce problème des élections partielles mais une des caractéristiques de notre position, si vous me le permettez je voudrais juste faire une parenthèse, je voudrais insister sur l'un des points qui nous semble assez important. Je ne voudrais pas qu'on oublie de le mentionner. On a appuyé notre démarche sur ce qu'on a appelé des caractéristiques québécoises. Vous soulignez que c'est une des longues traditions et que ça peut prêter à beaucoup d'interprétation. Vous faites vous-même une ouverture, vous évoquez une espèce de possibilité d'explorer à savoir s'il n'y aurait pas une solution, au moins interne, qui pourrait être entreprise pendant un certain temps.

Je crois que vous réalisez parfaitement, par vos propos, le sens de la démarche que nous suggérons dans notre rapport, à savoir qu'il y a une recommandation et des suggestions. Ce sur quoi je voudrais revenir -ça n'a pas du tout de rapport avec ce que

vous avez dit, je m'en excuse - c'est qu'il y a un élément qui est quand même assez important pour nous. J'en ai fait état à des étrangers à plusieurs reprises et ils étaient passablement renversés de cette situation. C'est lorsque nous suggérons dans notre rapport que dans l'hypothèse du découpage électoral avec un mode de scrutin proportionnel, on ajoute un facteur tout à fait nouveau, inédit, qui n'existe nulle part ailleurs au monde, qu'on a appelé le facteur plus un qui découle de la relation entre la faible densité de la population et l'immensité du territoire. On ne l'a retrouvé nulle part ailleurs au monde.

Ce n'est pas un facteur déterminant dans la détermination du nombre de députés dans les circonscriptions. Partout ailleurs où on a des modes de scrutin proportionnels, c'est basé sur le nombre d'électeurs. Là, tout à coup, parce que nous avons une caractéristique très particulière qui est cette relation, cet aspect entre une faible densité sur un très vaste territoire, une très grande distance, nous avons imaginé cette solution.

Je le donne à titre d'exemple parce que ce que vous suggérez, c'est ceci. À mon avis, il y a peut-être à imaginer des solutions ou des façons de procéder qui n'existent pas ailleurs, mais qui pourraient s'adapter chez nous tout en atteignant l'objectif premier qu'il nous semble devoir retenir et que vous avez souligné: celui d'aboutir à une plus juste équation entre la volonté exprimée par les électeurs, le pourcentage du vote et le pourcentage de personnes élues à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Rivest): Merci. M. le député de Gatineau.

Le rejet du mode de scrutin actuel

M. Gratton: Merci, M. le Président. Si vous me permettez, j'aimerais aborder la partie du rapport qui touche le mode de scrutin actuel. Vous dites, à la page 10 de votre texte d'hier: "L'analyse de la consultation a incité la commission à rejeter le mode actuel et à proposer une réforme." À la page 15, on constate que vous avez procédé "à l'analyse de certains thèmes rattachés à l'étude de tout mode de scrutin en fonction, bien sûr, de leurs conséquences prévisibles et possibles", et les termes retenus ont été les suivants: représentation des électeurs, délimitation territoriale, rôle du député et du parlementaire, stabilité gouvernementale et, enfin, le rôle des partis politiques.

J'aimerais qu'on regarde chacun de ces éléments, chacun de ces thèmes et qu'on identifie quels désavantages ou avantages du mode de scrutin actuel on retrouve pour chacun de ces thèmes vous ont amenés à rejeter le mode actuel et à opter pour le mode proportionnel.

D'abord, la délimitation territoriale. J'affirme - vous pourrez me corriger si vous sentez que c'est nécessaire - que la délimitation territoriale, que ce soit le mode de scrutin actuel ou le mode de scrutin que vous proposez, mis à part le fait qu'il y a des territoires plus vastes, donc qui sont moins nombreux dans votre proposition, que ça ne représente pas un élément à partir duquel on peut opter pour un ou pour l'autre. Ce n'est pas un élément majeur. En tout cas, le mode de scrutin actuel - je l'affirme sans ambages - ne comporte pas de désavantage marqué sur le plan du thème "délimitation territoriale." D'ailleurs, dans votre déclaration d'hier, vous n'y faites absolument aucune référence sauf pour le mentionner comme un des thèmes.

La stabilité gouvernementale: Vous avez voulu parler de cela et vous le faites à la page 23 en donnant votre opinion voulant qu'un mode de scrutin proportionnel n'équivaut pas nécessairement et automatiquement à: instabilité gouvernementale et vous affirmez que le mode de scrutin actuel n'est pas non plus garant à lui seul de stabilité gouvernementale. Il me semble que, en supposant qu'il est vrai que le mode de scrutin actuel n'est pas à lui seul garant de stabilité gouvernementale, je doute que vous contestiez qu'il le garantit un peu mieux que n'importe quel autre système. Et j'attire votre attention sur l'affirmation que vous faites à la page 23 où vous dites: "Si on se réfère à la périodicité des élections comme critère de stabilité, on se rend compte que la durée de vie des gouvernements élus, sur la base d'un mode de scrutin proportionnel, est à peu près égale sinon légèrement supérieure à celle de ceux qui sont élus sur la base d'un mode de scrutin majoritaire. Vous pourriez peut-être m'en convaincre à l'aide d'un certain nombre d'exemples, mais je vous dirai simplement que la périodicité des élections, ce n'est pas le seul critère et c'est probablement même pas le critère le plus important pour mesurer la stabilité gouvernementale.

On a, par exemple, c'est le cas d'Israël, un Parlement qui n'aura peut-être pas d'élection avant terme, mais qui va avoir deux premiers ministres diamétralement opposés l'un à l'autre. Cela, si ce n'est pas un facteur d'instabilité gouvernementale, c'est tout au moins un facteur qui amène plusieurs gens à se poser des questions sur ce qui va se passer. Transposons le cas ici. Je comprends que vous ne préconisez pas un mode de scrutin proportionnel complet, mais si on devait demander à MM. René Lévesque et Robert Bourassa d'alterner comme premier ministre au Québec pour une période de deux ans, j'ai l'impression qu'on aurait plusieurs personnes qui se poseraient des questions sur la stabilité.

Cette parenthèse étant fermée, sur le plan de la stabilité gouvernementale, je tiens pour acquis que vous ne dites pas nulle part que le système que vous proposez l'assurerait mieux que le système actuel. Donc, il n'y a pas d'avantage marqué et encore vous me corrigerez tantôt si je me trompe.

Le troisième thème ou un des troisièmes thèmes, le rôle des partis politiques. Et vous n'abordez pas directement ce thème dans votre document hier, mais ce qui est curieux, c'est que vous l'abordez à plusieurs occasions indirectement aux pages 27 et 28 quand vous parlez de la relation électeurs-élus qui est un quatrième thème dont on parlera tantôt. Parce que aux pages 26 et 27, vous nous expliquez que la relation électeurs-élus pourra être sensiblement aussi avantageuse que celle qu'on a présentement, à la condition que les partis politiques le veuillent bien. À la page 27 vous dites: "D'abord, il nous est apparu très improbable que dans un mode de scrutin proportionnel, un parti politique présente une liste de candidats qui ne colle d'aucune façon, quant à la profession, le sexe ou l'âge, à la réalité du vécu de la clientèle susceptible d'assurer son élection." Je soumets que cela dépend du parti politique. Plus loin vous dites: "Nous croyons que dans un mode de scrutin proportionnel, les partis voudront s'assurer, par voie de réglementation interne ou autre, de présenter des listes de candidats qui soient représentatives, etc." Encore là, une décision des partis politiques. Au dernier paragraphe, vous dites: "Les partis politiques devront s'ajuster par voie de règlement de régie interne." En parlant toujours de la qualité de la relation électeurs-élus. Encore là, ce sont les partis politiques. À la page 28, c'est la même chose: "La commission est donc consciente que le mode, dont elle propose l'adoption, tranformerait en profondeur la dynamique des partis politiques. Effectivement, mais on doit reconnaître que pour le rôle des partis politiques, en supposant que nous visons tous et c'est le cas semble-t-il, c'est un des rares points sur lesquels on s'entend des deux côtés de cette commission... (17 h 30)

Quand on dit qu'on doit donner plus d'initiatives ou enlever les initiatives aux partis politiques, je ne trouve rien dans votre proposition qui nous permette d'espérer qu'on améliorerait la situation au niveau de l'importance des partis politiques. Au contraire, il me semble que le système, le mode de scrutin actuel, on peut lui reprocher de donner trop d'importance aux partis politiques, mais je suggère respectueusement que la proposition que vous faites empirerait la situation plutôt que de l'améliorer.

Le quatrième élément ou thème, c'est le rôle du député et la vie parlementaire. Vous le dites vous-même à la page 26: "II est certain que, avec l'implantation d'un mode de scrutin proportionnel au Québec, la relation électeurs-élus serait différente". J'ai fait mention tantôt de la façon que la commission entrevoit une relation électeurs-élus d'égale qualité à celle qu'on a présentement avec le mode actuel, à la condition, bien entendu, que les partis politiques s'ajustent.

Je vous soumets le cas du comté de Gatineau. Dans la région de l'Outaouais, on aurait la grande région qui élirait un certain nombre de députés. Présentement, je suis député du comté de Gatineau; je représente un comté qui a 300 milles de long, qui part des limites de la ville de Hull au sud et qui va rejoindre la barrière nord du parc La Vérendrye; je pense que je suis à 26 milles de Val d'Or. Cela vous donne une idée de l'ampleur du territoire. La principale ville dans mon comté est Maniwaki qui compte 8000 de population, environ 5000 électeurs; elle se situe à 90 milles de l'endroit où je réside, dans le sud du comté, et déjà, les gens de Maniwaki se plaignent qu'ils ne voient pas le député assez souvent. J'entends déjà mes amis du Parti québécois dire: Il n'y va pas assez souvent. Évidemment, on ne peut pas être à Québec et à Maniwaki en même temps.

M. Rochefort: On n'a rien dit. On prend bonne note que vous vous sentez coupable. Jamais on n'aurait pensé cela, mais vous devez vous sentir coupable.

M. Gratton: Quand vous en serez rendus à quatre élections avec des majorités, on s'en reparlera.

M. de Bellefeuille: J'ai déjà moi-même rencontré le député de Gatineau à Maniwaki.

Le Président (M. Rivest): À l'ordre!

M. Rochefort: Quatre élections, dont deux se sont faites rapidement.

Le Président (M. Rivest): À l'ordre:

M. Gratton: Les gens de Maniwaki, de cette région-là, trouvent qu'ils ne voient pas le député assez souvent et pourtant je suis à 90 milles. Dans votre système, vous me proposez de me faire élire par l'ensemble de la région de l'Outaouais. Je ne veux pas aborder cet article parce que c'est mon collègue qui le fera tantôt. J'estime que la relation électeurs-élus va en souffrir énormément. Vous dites qu'elle va changer; elle va changer pour le pire.

Je conviens que les partis voudront se donner des candidats qui sont le plus représentatifs possible, mais représentatifs de qui? De la population? La population, ce n'est pas à Maniwaki qu'on la retrouve, ce

n'est pas à Ferme-Neuve dans le comté de Laurentides-Labelle, ce n'est pas à Bristol dans le comté de Pontiac, c'est plutôt dans les villes de Hull, de Gatineau, d'Aylmer qui, à elles seules, totalisent probablement 80% de l'ensemble de la population de l'Outaouais.

Pour que les partis se choisissent des candidats représentatifs, que vont-ils faire? Vont-ils choisir des candidats de Maniwaki? J'imagine qu'ils vont se choisir des candidats avec lesquels les gens, 80% de la population, vont plus facilement s'identifier. La relation électeurs-élus est déjà assez difficile, dans certains comtés aussi vastes que le mien, compte tenu que quand on a 25 municipalités, c'est évident que le député ne peut être résident des 25 municipalités. Elle est déjà assez difficile dans les comtés ruraux, je vous fais observer qu'avec votre proposition, il n'y aura plus de relation électeurs-élus, surtout pour les régions périphériques. Je vous dis que du côté du thème "relation électeurs-élus", je ne peux concevoir que vous allez me dire tantôt: La proposition que nous faisons améliore la situation par rapport à la situation actuelle.

Il reste le cinquième thème, celui de la représentation des électeurs, les distorsions. Quand je lis, par exemple, la déclaration que vous faisiez, M. Côté, lors de l'étude des crédits en mai dernier: "Cette décision, la commission l'a prise dès l'instant où il nous est apparu clairement que le mode de scrutin actuel souffre d'une grande carence, soit les distorsions", je comprends à cela et à l'analyse des cinq thèmes qui ont présidé à votre étude que, finalement, ce sont les distorsions et presque exclusivement les distorsions sur le plan de la représentation qui vous ont incités à rejeter le mode de scrutin actuel. Si vous acceptez cela - et peut-être que ce serait le moment de me dire si oui ou non vous êtes d'accord avec ce que j'ai énoncé jusqu'à maintenant - dans un deuxième temps, j'aimerais qu'on en parle des distorsions et qu'on parle d'exemples concrets et qu'on m'indique à quel moment il y a eu des distorsions à ce point graves que sur la base de la représentation de l'électeur il y a eu injustice flagrante. J'en connais déjà quelques-uns des exemples. Je pense qu'en 1973, il y a sûrement eu quelque chose qui n'a pas marché avec notre système. Mais, j'estime que la correction est venue vite en 1976 par exemple. Si vous me parlez des autres exemples de 1956, de 1966, ceux-là je pense qu'on pourrait gratter ensemble et peut-être convenir que finalement, ce n'était pas le mode de scrutin du tout qui était à la base de ces distorsions mais plutôt une carte électorale qui était inadéquate et qui a depuis été corrigée. Alors, ma question se résume à cela. Est-ce que je me trompe quand je dis que la raison principale, sinon la seule raison, qui vous a amenés à rejeter le mode de scrutin actuel c'est les distorsions? Et à partir des quatre autres thèmes, soit la délimitation territoriale, le rôle du député et la vie parlementaire, la stabilité gouvernementale, le rôle des partis politiques, finalement le mode de scrutin actuel est au moins égal et dans certains cas supérieur au mode qui est contenu dans votre proposition. Si vous êtes d'accord avec cela, est-ce qu'on peut ensuite aborder la question spécifique des distorsions?

M. Côté (Pierre-F.): M. le député, je crois que vous avez posé un très grand nombre de questions. Si vous le permettez, nous allons nous partager la tâche pour essayer d'y répondre le mieux possible. Je demanderais à M. Lessard de faire une première intervention et ensuite de cela, M. Bourassa.

M. Lessard: II y a un très grand nombre de questions évidemment, c'est même presque toute la question qui est posée. Ma première réaction ce serait pour vous dire ceci: Les thèmes que vous mentionnez sont pour nous, dans un premier temps, la façon de classer la réaction des électeurs. Vous trouverez cela entre les pages 25 et 53 du rapport, où nous analysons chacun de ces thèmes en faisant le bilan des interventions des électeurs. Il ressort de ces thèmes que les plus importants sont celui de la représentativité par exemple, à savoir qu'on mentionne le plus souvent les distorsions et l'absence de représentation des tiers partis ou la possibilité d'apparition des partis et tous les autres suivent. Ceci étant dit, nous avons donc un certain nombre de thèmes qui sont importants pour la population. Nous avons analysé le contenu et ensuite nous les avons utilisés comme critères. Comme vous dites, il nous a fallu choisir des critères premiers, des critères quant auxquels le choix était fondamental. Il nous a semblé que le problème de la représentativité était ce thème. Ce qui nous a fait opter dans un premier temps pour la proportionnelle. Mais tous les autres critères sont entrés en ligne de compte par la suite pour vérifier si cette proportionnelle qui nous semblait la plus vraisemblable était aussi acceptable du point de vue des autres thèmes.

Je vous dirai pour vous rejoindre, si vous voulez, que, dans beaucoup de cas, nous avons hésité parce qu'il y a vraiment un choix à faire entre la réalisation de la représentativité, la meilleure proportion de sièges à la Chambre par rapport au nombre de votes et la meilleure situation du député dans son comté. On a analysé ces questions. On a fait une espèce d'équivalence entre les deux et on arrive à une proposition comme la nôtre. Quant à moi, je vous laisse amplement le droit, à partir de votre expérience et de vos connaissances, si vous

le voulez, d'évaluer la situation autrement. Mais, nous avons fait une évaluation à partir de regroupements des interventions de la population, ce qui a donné nos thèmes et ce qui a donné ensuite des critères. Je pense que M. Bourassa...

M. Bourassa: Oui. Eh bien, je voudrais expliquer ceci. En reprenant précisément la question qui a terminé votre exposé, où vous disiez: Finalement, est-ce que le principal motif, sinon le seul motif pour rejeter le mode de scrutin actuel, n'est pas la distorsion? Je pense que je peux vous répondre très nettement et très clairement: Ce n'est pas le seul motif ni le principal motif, parce que nous avons déjà introduit dans nos débats une distinction que je pense très importante entre ces distorsions réelles dont on pourrait longuement parler et que personne ne conteste, même sur une période relativement courte ou longue. Ce qui nous a beaucoup plus préoccupés - quand vous faisiez allusion aux divers thèmes que nous avons retenus, il me vient en tête - c'est la représentation des électeurs.

Dans les caractéristiques de la société québécoise que nous décrivons dans le rapport aux pages 93 et suivantes, nous faisons état d'un pluralisme, à la fois d'une concentration et d'une dispersion des électeurs. Ces caractéristiques, nous avons cru les noter aussi bien à travers la tournée et la consultation que nous avons faites qu'à travers des études qui ont été menées. Donc, un des principaux pôles de la proposition que nous faisons, ce n'est pas strictement d'éliminer des distorsions. Il y aurait sans doute des moyens beaucoup plus simples de le faire et qui chambarderaient beaucoup moins de choses. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Mais, encore une fois, c'est de permettre à un pluralisme québécois, à une société en évolution et à des courants d'idées divers de s'exprimer et d'arriver, en fait, à se faire entendre par les mécanismes les plus officiels, donc à l'Assemblée nationale, à travers les institutions politiques. C'est une première chose qui m'apparaît extrêmement importante.

Parmi les autres thèmes qui nous ont beaucoup influencés - et là encore, cela m'amène à vous dire que les distorsions sont loin d'avoir été la seule raison de notre choix - il y a tout ce qui touche à la délimitation territoriale. En fait, il y a deux pôles ici, si je puis un peu simplifier les choses, pour les fins du débat: il y a la circonscription telle que nous la connaissons qui a été définie avec la modification de la carte électorale mais, tout de même, selon un pattern hérité du siècle passé et il y a de plus en plus dans nos régimes politiques et administratifs des unités plus vastes: communautés urbaines, municipalités régionales de comté, structures de toutes sortes qui englobent nettement des entités plus grandes que les comtés électoraux que nous connaissons maintenant. Je pense que vous le savez beaucoup mieux que moi. Je pense qu'on peut très bien affirmer que c'est plus qu'une hypothèse que de dire qu'il y a vraiment des regroupements d'entités pour le bon fonctionnement de l'État moderne où le comté n'est qu'un des éléments parmi plusieurs.

Nous avons donc, dans cette réflexion sur le mode du scrutin, cherché à coller d'aussi près ces nouvelles structures. Est-ce que cela prendra nécessairement le courant de ces municipalités de comté? Je ne dis pas oui. Est-ce que cela devrait se faire aussi du côté des villes et des communautés urbaines? Je n'en suis pas certain non plus. Ce qui nous paraît certain, par ailleurs, et c'est là que la proportionnelle devient territoriale, c'est qu'il faut dépasser un certain cadre géographique qui a été jusqu'ici caractéristique du mode électoral et du mode du scrutin québécois.

À ce sujet, vous avez évoqué - et je suis bien d'accord avec vous - le cas d'Israël qui est un cas limite où la stabilité se mesure - vous avez bien raison de le dire, à d'autres facteurs qu'au nombre d'élections -à la longévité des Parlements élus. Mais, je pense que le cas d'Israël - et je pense que vous l'admettrez aussi - est particulièrement difficile. Je lisais encore hier un article d'un spécialiste sur ces questions. Il y a une crise économique très grave. Il y a une guerre qui coûte à l'État d'Israël des milliards. Il y a une crise morale et culturelle. Nulle part dans l'article en question il n'est question du mode du scrutin comme étant la cause des problèmes de l'État d'Israël. Enfin, je fais une brève parenthèse parce qu'il est assez difficile, si vous voulez, de comparer ces choses.

Quant à la stabilité qui est aussi un des thèmes sur lesquels nous avons voulu beaucoup nous arrêter dans la proposition que nous avons faite et qui est ma troisième raison, si vous me le permettez, je dois dire aussi que notre choix n'est pas commandé que par la distorsion, j'insiste, c'est que de la stabilité gouvernementale, nous en sommes très préoccupés mais nous sommes aussi convaincus que la stabilité peut être sur le plan gouvernemental de diverses manières. Elle peut être, disons, sous la forme la plus évidente qui est celle que nous connaissons maintenant. À des coûts assez élevés, la stabilité est claire. Un parti est élu avec un nombre très élevé de députés par rapport aux voix qu'il a obtenues en général et cela donne des règles du jeu très claires. Mais il y a, je pense, des coûts très élevés à cela et il y a aussi, et cela dans notre consultation et dans nos réflexions c'est un point important, ce qu'on pourrait appeler la

stabilité sociale qui revient aussi à la représentation.

(17 h 45)

Si un gouvernement si stable empêche par ailleurs des mouvements d'opinions de s'exprimer ou en tout cas de se faire entendre par les mécanismes politiques normaux, on est bien sûr devant un monument de stabilité, mais nous - je caricature un peu, vous me le permettrez -sommes convaincus aussi qu'à ce moment-là, la stabilité gouvernementale, la stabilité politique même est peut-être un peu faussée au détriment de ce que serait une stabilité sociale où des appareils de coalition, éventuellement, des gouvernements moins forts. Par exemple, on a beaucoup parlé du gouvernement minoritaire et du danger que la proportionnelle peut entraîner de ce côté. Je pense qu'on peut aussi très bien dire que sans aller du côté des gouvernements minoriraires, des gouvernements plus faibles, en terme de majorité, donnent d'excellents résultats dans bien des cas pour des raisons assez évidentes; ils se sentent davantage talonnés, si vous me permettez l'expression.

Sur le plan de la stabilité, peut-être avons-nous surtout voulu démystifier une idée très répandue et que nous avions, je pense en tout cas pour ma part, un peu au départ sur ces matières, c'est-à-dire que la stabilité c'est le majoritaire à un tour que nous connaissons, proportionnelle majoritaire à deux tours selon les degrés divers, j'ai appris cela il y a déjà environ trente ans, c'est l'instabilité, c'est le chaos, c'est la France, c'est l'Italie et c'est Israël alors qu'on sait qu'il y a autour de nous, en tout cas si l'on traverse l'océan Atlantique, bien des pays où il y une très grande stabilité gouvernementale à la fois par la longévité des gouvernements en place mais aussi par le climat social qui s'est instauré et les mesures qui sont votées, qui font qu'à travers un mode de scrutin différent du nôtre et des régimes passablement plus souples, on a quand même conservé des structures de gouvernement qui sont valables.

Voilà donc. Si vous voulez, j'insisterais pour ma part sur ces quatre thèmes qui ont - et là je ne pense pas fausser l'opinion de mes collègues et ils me corrigeront ou me compléteront si c'est nécessaire - vraiment amené notre rejet ou notre refus du mode de scrutin actuel et notre réflexion vers un nouveau mode de scrutin. Je vous avoue que lorsque vous touchez par ailleurs à la vie des partis politiques et à la relation électeurs-élus, cela a représenté des considérations très importantes et qui nous ont passablement préoccupés mais où il était peut-être moins facile pour nous, et là ce n'est pas, je pense, vous renvoyer la balle que de vous dire que pour ce qui est de la vie politique, de la vie interne d'un parti politique, le mode de scrutin actuel par rapport à un mode de scrutin comme celui que nous proposons a des avantages mais aussi peut avoir des inconvénients. De ce que nous avons entendu en tout cas sur ce plan là, il ne nous est pas apparu qu'il y avait des obstacles majeurs dirimants, pourrait-on dire, qui font qu'un mode proportionnel territorial serait inapplicable pour les partis politiques en place.

Et finalement pour la relation électeurs-élus, là encore je ne prétendrai et nous ne prétendrons sûrement pas occuper une place que vous connaissez mieux que nous mais on peut s'interroger et on peut se poser sérieusement la question de savoir si, par un nouveau mode de scrutin, par un type de représentants qui seraient peut-être en mesure de représenter des intérêts et des enjeux plus vastes dans une aire donnée du Québec, il n'y aurait pas des relations et à la fois entre... On parle d'ailleurs toujours de la relation électeurs-élus mais j'aimerais bien qu'on parle peut-être aussi des relations que vous connaissez sans doute très bien aussi entre les groupes et l'élu et peut-être que ce sont moins des relations d'individus, de citoyens individuels et de son député ou de sa députée que des relations entre des groupements, des associations et des élus. Et cela je pense que plus nous donnerons une assise véritable où seront choisis ces représentants, d'où sortiront ces représentants, meilleures pourraient être les relations. Enfin, c'est une hypothèse que nous faisons mais donc sur ce cinquième thème, si je puis les unir: partis politiques et électeurs-élus, cela a soulevé chez nous des préoccupations qui trouvaient ce genre de réponse, qui ne nous paraissaient pas soulever d'obstacles majeurs et qui pourraient peut-être être sûrement être complétées par vos propres expériences. Disons pour l'essentiel, pour conclure cette longue réponse, que quand vous nous demandez: Votre rejet et votre proposition s'appuient-ils sur un seul motif? Je crois qu'il est nécessaire et indispensable à nos yeux de regrouper ces quatre éléments pour avoir une vue juste de ce que nous avons voulu faire depuis le début de la consultation jusqu'à la rédaction du rapport.

Le Président (M. Vaugeois): Je voudrais poser une question à M. Bourassa sur sa dernière réponse. Je trouve cela intéressant, vous avez fait des distinctions. La question était peut-être un peu piégée, on a parlé de distorsion, je trouve que M. Bourassa a bien répondu là-dessus.

M. Gratton: Ma question était mal formulée, je l'admets, je n'aurais pas dû parler de distorsion comme étant le principal ou le seul facteur, j'aurais dû parler de la représentation. Je m'en excuse parce que, effectivement, vous avez complètement

raison. C'est cela, non pas seulement la distorsion.

Le Président (M. Vaugeois): On s'entend bien tous les trois, c'est formidable. Puis-je vous demander, pourquoi à vos yeux, il serait important - malgré tout, il semble que c'est important - d'éviter la distorsion et d'assurer la représentativité?

M. Bourassa: Pourquoi c'est important d'assurer la représentativité?

Le Président (M. Vaugeois): D'essayer d'éliminer le plus possible la distorsion et d'assurer la plus grande représentativité possible? Quel effet ça donne? Pourquoi est-ce important?

M. Bourassa: II semble que c'est une des valeurs démocratiques les plus fondamentales du système dans lequel nous vivons. Les opinions importantes ont toutes le droit d'être représentées. Justement, j'ai pris la peine d'ajouter l'épithète "importante". Toutes les opinions qui ont un certain poids, une certaine envergure dans une société, il me semble que c'est la base même de notre système politique.

Le Président (M. Vaugeois): Qu'est-ce que ça aurait changé au cours des dix dernières années, par exemple, puisqu'on a vécu des distorsions importantes depuis quinze ans? Qu'est-ce qui aurait été changé dans l'histoire du Québec et par quel mécanisme cela aurait-il été changé?

M. Côté (Pierre-F.): Évidemment, ce qui se serait passé est un peu difficile à évaluer complètement.

Le Président (M. Vaugeois): Évidemment, ma question n'est pas très bonne.

M. Côté (Pierre-F.): Si je peux résumer dans une capsule la réponse à votre question, je dirais qu'un mode de scrutin proportionnel a de fortes chances de rendre davantage justice à la démocratie.

Le Président (M. Vaugeois): Comment? C'est ce que je ne comprends pas.

M. Côté (Pierre-F.): Là-dessus, je voudrais apporter un complément de réponse à ce qu'a dit M. Bourassa tout à l'heure. Il a dit, en réponse à une question du député de Gatineau, que pour répondre aux distorsions - j'ouvre seulement une parenthèse et je reviendrai à votre question parce que je ne voudrais pas oublier ce point-là - il y a différents modes de scrutin - si j'ai bien compris, il faudrait que je revoie le texte - qui pourraient répondre peut-être de meilleure façon que ce que nous proposons. Ce n'est pas ce que nous disons dans notre rapport. Nous disons que la meilleure façon de répondre aux distorsions, à notre avis, c'est un mode de scrutin proportionnel.

Pourquoi? Parce qu'un mode de scrutin proportionnel, la façon dont ça procède, est celui qui a le plus de chance, qui est le plus près, à cause de sa façon de procéder, de son mode de calcul, la façon dont le vote se fait, d'une plus juste équation entre le pourcentage de vote, l'expression d'opinion des électeurs et la représentativité, le nombre de représentants. Reprenons l'exemple que j'ai cité hier pour la Grande-Bretagne, par exemple, pour ne pas en prendre d'autres. Quand on dit qu'il y a 43% des votes qui portent au pouvoir le gouvernement actuel et que la majorité des sièges est de 145, il y a entre l'expression d'opinion et la réalité parlementaire une distorsion assez importante.

Le Président (M. Vaugeois): Je vais quand même réagir à cela. Cela ne vous gêne pas? Les plus grandes compagnies du monde voient les décisions prises par un capital qui n'est pas majoritaire; à 30% ou 35%, on contrôle. Dans un régime politique, vous êtes à 40% ou 45%. Si le reste est divisé entre plusieurs groupes... En tout cas, on va revenir là-dessus. M. Bourassa.

M. Bourassa: Ce que j'aimerais dire à propos de votre intervention, si j'en saisis bien l'essentiel, c'est que ce que ça pourrait changer - c'est difficile de réécrire l'histoire, vous le savez mieux que moi...

Le Président (M. Vaugeois): C'est difficile de l'écrire.

M. Bourassa: Oui, déjà. Ce que ça pourrait changer, je pense qu'on peut bien l'imaginer, c'est une Assemblée nationale où seraient représentés dans les débats davantage de courants et davantage de mouvements d'idée importants et de pluralisme. Prenons deux exemples bien simples dont on parle beaucoup: les femmes et les jeunes. On peut croire que certaines mesures, que certains débats à l'Assemblée nationale - je le dis de façon très générale et je n'ai vraiment aucun cas à l'esprit -auraient eu une coloration, auraient pris une allure différente et sans doute plus proche de la réalité démocratique.

Le Président (M. Vaugeois): Cela nous fera de bons sujets pour demain, parce qu'on approche de la limite. Nous, les parlementaires, à l'exception peut-être de M. le ministre, on ne peut s'empêcher d'évaluer vos propos à la lumière - en tout cas, moi je le fais - des pouvoirs réels du

parlementaire et du Parlement où nous siégeons. Nous ne pouvons guère faire plus que des discours. Mon ami Baril, qui représente assez bien les jeunes, peut à la limite faire un discours sur les jeunes au Parlement avec l'espoir que les journalistes seront là. Il seront sans doute là demain matin pour votre intervention, cher collègue.

C'est seulement dans la mesure où le Parlement a une activité qui rejoint l'opinion publique que ça peut être important d'avoir quelqu'un qui représente les femmes ou les verts, les jeunes ou d'autres tendances. Autrement, le parlementaire parle, d'où le mot parlementaire, d'ailleurs, et c'est terminé. Il ne faut pas confondre. Le mode de scrutin ne désigne pas les membres du gouvernement, il désigne les membres du Parlement. Toute votre affaire suppose que le Parlement a des pouvoirs. C'est pour cela que je vous demandais: Qu'est-ce que ça change? En quoi c'est important? Il y a un prérequis dans toute votre affaire, c'est qu'il y aurait des pouvoirs attribués au Parlement.

Les pouvoirs sur le budget, quels sont-ils? Avez-vous déjà vu le Parlement changer le budget, après 250 heures de débat, déplacer une virgule dans le budget? Quel est le pouvoir réel du Parlement sur les lois dans le système actuel?

M. Tardif: Je vais répondre à cela, moi.

Le Président (M. Vaugeois): Le ministre a évidemment une réponse, mais c'est à vous que j'ai posé la question.

M. Bourassa: Je vais tenter non pas de répondre, mais...

Le Président (M. Vaugeois): On va aller dormir là-dessus, après.

M. Bourassa: ...de dire quand même des choses. Peut-être est-ce naïf pour nous de croire que le Parlement a des pouvoirs et que l'Assemblée nationale est un instrument politique important.

Le Président (M. Vaugeois): C'en est un. Il s'agit de savoir lequel.

M. Bourassa: C'en est un, bon. D'autre part, je pense que ce que vous soulignez, c'est tout le débat que vous avez déjà mis de l'avant et avec lequel nous sommes entièrement d'accord: unir réforme du mode de scrutin et d'autres réformes politiques. Je ne crois pas que nous puissions régler cela ici, au sein de cette commission, mais je m'empresse de vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que les deux sont aussi très intimement unies et qu'on ne saurait faire l'une sans l'autre. Cela me paraît aller de soi.

Le Président (M.Vaugeois): M. Côté.

M. Côté (Pierre F.): M. le Président, juste une parenthèse, si vous permettez, je comprends qu'on va bientôt ajourner. Je veux seulement vous faire part qu'on nous a fait une demande, hier, pour avoir un prototype de bulletin de vote avec 19 candidats. Puis-je vous dire que nous les avons et si nous reprenons la séance, je ne sais trop à quel moment, il sera à la disposition des membres.

Le Président (M. Vaugeois): Merci beaucoup, M. le président. Je pense que plutôt que de vous obliger à les rapporter demain matin, peut-être qu'on pourrait en prendre des exemplaires en partant. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: L'horaire pour demain, M. le Président?

Le Président (M. Vaugeois): Nous allons ajourner nos travaux jusqu'à demain matin, 10 heures. Je soulignerai, pour l'information des gens qui doivent planifier leur journée, qu'il est vraisemblable que l'avant-midi nous suffise, mais il n'y a pas d'engagement là-dessus. Il est vraisemblable, si ça se déroule bien, que nous puissions terminer nos travaux à 13 heures, demain, mais tout est imprévisible au Parlement. La seule chose sûre concernant le Parlement, c'est que c'est imprévisible, sauf quand le gouvernement prend l'initiative, et même là! Alors, à demain, 10 heures.

M. Gratton: Pourrais-je vous signifier que je n'avais pas terminé mes questions?

Le Président (M. Vaugeois): Demain matin, à 10 heures, le député de Gatineau aura la parole. Il sera suivi du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et du député de Louis-Hébert.

(Fin de la séance à 17 h 59)

Document(s) associé(s) à la séance