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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 11 octobre 1984 - Vol. 27 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière pour étudier le rapport de la Commission de la représentation sur la réforme du mode de scrutin


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, mesdames et messieurs. Nous allons entreprendre ce qui pourrait être une dernière séance, dans le cadre du mandat actuel. Il est évident, déjà, que nous n'aurons pas vidé la question et que notre commission des institutions aura à s'interroger elle-même, puisque c'est nettement dans le cadre de son champ de réflexion, sur l'opportunité de poursuivre la réflexion sous l'angle restreint qui a été abordé jusqu'à maintenant, c'est-à-dire le mode de scrutin comme tel, soit sous celui d'élargir la question dans le sens de plusieurs interventions qu'on a entendues jusqu'à présent. Revoir les vieilles notions de ligne de parti, ce qui a été abordé par le député de Deux-Montagnes; des notions qu'on n'a pas nécessairement abordées, mais qui sont étroitement liées comme celle de la responsabilité ministérielle, de la solidarité ministérielle, de l'indépendance du Parlement, de son rôle sur le plan législatif, de ses responsabilités de contrôle de l'administration et des gestes de l'exécutif, etc. Il y a eu plusieurs remarques dans ce sens et il appartiendra à la commission de s'interroger sur les suites à y donner au niveau de la commission elle-même.

Pour l'instant, nous travaillons sur une proposition du leader du gouvernement et nous devons, autant que possible, profiter de cette dernière séance pour cerner d'aussi près que possible le rapport qui est devant nous. Ce document contient une réflexion importante, en plus de contenir une recommandation précise. J'aimerais que cette dernière séance nous permette d'étudier plus à fond les mérites, avantages et inconvénients de la proposition qui est dégagée, mais aussi des autres qui ont été esquissées ou qui auraient pu l'être. Parfois, dans le rapport, on glisse assez rapidement sur certaines autres formules de mode de scrutin. Il me semble que la circonstance est bonne pour les regarder. Je connais des collègues, autour de cette table, qui ont personnellement réfléchi, au-delà de ce qui est esquissé, sur certaines modalités possibles. Je les invite à les aborder parce que le rôle d'une commission comme celle-ci est, évidemment, d'alerter l'opinion publique ou de sensibiliser l'opinion publique. Il n'est pas certain que l'opinion publique, à ce moment-ci, réclame à grands cris une réforme du mode de scrutin. Ce n'est peut-être pas souhaitable. L'opinion publique manifeste ce qu'elle veut manifester et c'est le bon sens populaire.

Ce qui est important, c'est de saisir chaque occasion qui est offerte de mieux expliquer le mode de scrutin, la signification d'un mode de scrutin, les inconvénients et avantages d'un mode pratiqué et d'autres modes pratiqués ailleurs ou d'autres modes possibles chez nous. Chacune de ces occasions doit être saisie.

Un certain nombre d'incidents sont survenus dans cette commission, qui ont au moins l'avantage d'avoir attiré un peu l'attention sur notre commission qui est en compétition avec deux ou trois autres commissions; c'est un problème d'aménagement de travaux dont nous souffrons. Nous avons, cette semaine, trois commissions importantes qui siègent simultanément. Je n'en suis pas à souhaiter des incidents au niveau d'une commission pour retenir l'attention sur elle, mais je comprends une chose, c'est que le sujet que nous abordons ici a son mérite et qu'il est extrêmement important en régime démocratique. Il y a au moins une chose, c'est que nous avons retenue l'attention et nous devons profiter de ce contexte pour, ce matin, dans le peu de temps qu'il nous reste, aller au coeur de la question.

Je pense qu'hier quelqu'un de l'Opposition voulait intervenir; M. Gratton a encore quelques minutes à sa disposition; après quoi, ce pourrait être le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il est avec nous.

Quant à la composition de la commission, elle demeure ce qu'elle a été jusqu'à présent.

J'invite M. le député de Gatineau à terminer son intervention d'hier.

Distorsions corrigées par la carte électorale

M. Gratton: Merci, M. le Président. Je tâcherai de le faire brièvement. En fait, c'est une conclusion que j'aimerais tirer et qui appellera peut-être un commentaire de la part de nos invités sur l'échange que nous avions eu hier au sujet des critères, de l'analyse des thèmes qui ont amené la commission à rejeter le mode de scrutin

actuel pour proposer un mode de scrutin proportionnel que l'on connaît.

Des réponses que j'ai obtenues hier, bien sûr, je fais tout de suite - je l'avais fait hier, d'ailleurs - la différence entre uniquement les distorsions et tout l'aspect de la représentation des électeurs. Effectivement, c'est la question que j'aurais dû poser. J'ai dit hier que le principal, sinon le seul thème réellement important qui a pesé dans la décision de rejeter le mode de scrutin actuel, c'est la représentation des électeurs avec, bien entendu, des incidences des quatre autres.

Je persiste à croire qu'en ce qui concerne la délimitation territoriale, la stabilité gouvernementale, le rôle des partis politiques, on pourrait très facilement faire la démonstration, si on s'en donnait la peine et si surtout on en avait le temps, que le mode actuel de scrutin sert beaucoup mieux ces thèmes, comporte beaucoup plus d'avantages que de désavantages qu'un mode de scrutin proportionnel.

J'aimerais attirer l'attention des commissaires sur le fait que, quand on dit qu'un mode de scrutin proportionnel a des effets bénéfiques au point de vue de la qualité de la représentation, ce n'est pas toujours vrai. Évidemment, je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que plus la circonscription, plus l'électorat est large dans un mode de scrutin proportionnel, mieux vraiment la représentativité est assurée.

Donc, en Israël, si on prend cet exemple, on devrait avoir une représentation exacte ou aussi exacte que possible au Parlement des intentions de vote. J'attire votre attention sur un article du Time Magazine d'il y a quelques semaines, le 3 septembre; pendant qu'on discutait et qu'on négociait la coalition entre le Likud et le Labor Party en Israël, on faisait état de tractations qui, vous allez le voir, ont des incidences plutôt négatives sur la qualité de la représentation. On y lit que l'ancien ministre de la Défense, M. Ezer Weizman, avait été à l'origine de plusieurs rencontres entre les deux chefs des principaux partis. M. Weizman était un des trois députés. On y lit ce qui suit: "Weizman support of Labor carried a large price tag. Peres promised him his choice of becoming either Foreign Minister or Finance Minister, along with safe seats for Weizman and the two other Yahad members in the next Knesset election."

Alors, on voit que non seulement on s'engage à faire des espèces de négociations en ce qui a rapport à un Parlement, mais on engage déjà l'électorat à ne pas avoir la représentation qu'il a choisie nécessairement. On fait des "deals", en d'autres mots, pour assurer des sièges plus confortables, en meilleure sécurité, pourquoi? Pour en arriver à cette coalition qu'on recherche. Je conviens que c'est un exemple qu'on va chercher loin, mais il illustre bien que, même au niveau de la représentation, la proportionnelle n'est pas une garantie de qualité en soi.

M. le Président, je termine en disant que si, effectivement, finalement les distorsions sont un problème majeur et probablement, en ce qui me concerne, le problème majeur que l'on rencontre avec le mode de scrutin actuel, on ne retrouve pas d'exemples en très grand nombre dans l'histoire du Québec qui nous permettent de conclure que le mode de scrutin est à l'origine de ces distorsions. Nous avons fait l'exercice et je pourrai vous faire distribuer le résultat des travaux qu'on a faits, par exemple, en reportant les résultats de l'élection de 1966. On se rappelle qu'en 1966, plusieurs l'ont souligné, l'Union Nationale, avec seulement 40,8% du vote populaire, s'était accaparé de 51,6% des sièges; en d'autres mots, elle avait obtenu le pouvoir avec une minorité du vote populaire.

Justement, quand on fait l'analyse, on s'aperçoit que, si l'élection de 1966 avait eu lieu à partir de la carte électorale qui a ensuite été adoptée - et je pense que la commission a, d'ailleurs, fait le même exercice - effectivement les distorsions auraient été beaucoup moins grandes, en tout cas, on n'aurait pas eu un gouvernement qui jouissait d'un appui minoritaire de la population. Au contraire, avec une carte électorale qui aurait été celle de l'élection suivante, c'est-à-dire après la réforme de la carte, 110 sièges au lieu de 108, on aurait eu 53,6% des députés qui auraient appartenu au Parti libéral et 44% au parti de l'Union Nationale. Donc, le gouvernemennt aurait été libéral, le parti qui avait obtenu le plus de voix, et les distorsions qui étaient de l'ordre de 12% avec la carte électorale de 108 circonscriptions auraient été de moitié, c'est-à-dire seulement de 6,3%.

Je ne veux pas entrer dans les détails, le temps nous presse, M. le Président, mais je vous fais remarquer qu'on a fait le même exercice pour l'élection de 1956, le même exercice également pour l'élection de 1944. Dans les trois cas, on s'aperçoit qu'effectivement la carte électorale mieux remaniée, comme elle existe maintenant grâce à la Commission de la représentation qui en fait une révision après chaque élection, sans éliminer les distorsions complètement, les aurait atténuées au point où on ne peut plus parler de distorsions inacceptables. Il reste toujours l'exemple de 1973, un exemple flagrant de distorsion, mais, comme je le disais hier, le moins qu'on puisse dire, c'est que la correction est venue très rapidement à l'élection de 1976. C'est terminé.

Le Président (M. Vaugeois): Je suis encore sous l'effet de vos propos, M. le député.

M. Gratton: Cela se voit.

Le Président (M. Vaugeois): Je donne maintenant la parole au député de Gouin. Est-ce que vous voulez répondre? Je m'excuse.

M. Bourassa (Guy): Si vous le permettez, oui, peut-être très brièvement.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous voulez nous parler d'Israël? Non!

Une voix: Voyons donc!

Le Président (M. Vaugeois): Allez-y, M. Bourassa.

M. Bourassa: Merci. En tant que membre de la commission, je tiens beaucoup à remercier le député de Gatineau de ses observations, maintenant et hier, parce que cela fait partie très précisément de l'ensemble de nos réflexions. Vous avez émis un certain nombre d'opinions pour lesquelles nous avons le plus grand respect et nous sommes, justement, là pour en discuter. Je voudrais peut-être tout simplement rappeler, pour les fins du débat et de l'amélioration des mécanismes politiques, que nous avons voulu, dans cette proposition, discuter d'un certain nombre de critères qui, pour nous, sont intimement reliés. Alors, quand vous soulevez à juste titre les problèmes de distorsion qui peuvent être corrigés par la carte électorale, nous sommes entièrement d'accord. Mais, sans revenir sur tout ce que j'ai dit hier et que nous avons déjà assez longuement discuté, si on déborde et si on dépasse le problème de la distorsion pour aller au problème plus important de la représentation et de l'Assemblée nationale comme miroir de l'opinion publique, nous pensons que la carte électorale ne peut pas être le seul mécanisme. C'est une conclusion à laquelle nous sommes parvenus. Aussi, j'aimerais ajouter que, dans cette réflexion sur le mode de scrutin, il s'agit d'arriver aussi à tenir compte de la stabilité gouvernementale, donc, à mettre ensemble un certain nombre de facteurs qui, forcément amènent des tiraillements.

Un dernier commentaire, peut-être, par rapport à cette intervention, si vous me le permettez, sur le cas d'Israël. Je pense que c'est un aspect extrêmement important, mais qu'il serait peut-être dangereux d'axer une discussion par rapport à ce cas qui est un cas, je vous le concède, extrêmement difficile et peut-être le cas qui est le plus inquiétant. Beaucoup des aspects que vous soulevez et que l'on pourrait soulever seraient, à mon avis, très justement débattus, mais ils sont, je pense, très éloignés et très différents de notre situation. Je pense que nous avons déjà assez de difficultés avec les mécanismes que nous avons sans tenter de transposer peut-être le débat dans un contexte autre.

J'ajouterais aussi que c'est pourquoi, dans ce rapport - et c'est vraiment ma dernière remarque - plutôt que de parler de proportionnelle intégrale comme c'est le cas en Israël, nous avons longuement réfléchi, à travers toute la démarche de la commission, sur la notion de région que nous avons été amenés à remettre sérieusement en question pour insister sur celle de territoire pour assurer une meilleure représentation idéologique et pour assurer un gouvernement efficace. Je ne voudrais pas que cet aspect -d'ailleurs, le député de Deux-Montagnes l'a abordé hier - soit laissé de côté, c'est-à-dire, pour nous, la nécessité d'élargir la base traditionnelle du choix des élus. C'est l'essentiel de mes propos pour l'instant.

M. Gratton: Je veux remercier M. Bourassa. J'aimerais bien qu'on puisse continuer la discussion, mais je me sens bousculé un peu, tant par la présidence que par mes collègues. Je les comprends, ils veulent intervenir, eux aussi. Là, où on diffère d'opinion, finalement, c'est sur la conclusion qu'on en tire. Sur la représentation, j'ai cité le cas d'Israël simplement pour vous démontrer que là, justement, où c'est le miroir parfait, c'est le summun au point de vue de la proportionnelle, on peut encore jouer et faire des jeux de tractations qui, finalement, aboutissent à un résultat contraire à celui qu'on recherche. Vous le disiez vous-même hier et, au niveau de la relation électeurs et élus, par exemple, on est bien placés pour savoir que ce que vous proposez comporterait des désavantages assez importants. La même chose quant à l'influence des partis politiques.

La conclusion que je tire, c'est que ces désavantages par rapport à ces éléments ne m'amènent pas à dire: II faut les accepter pour se débarrasser des inconvénients sur le plan de la représentation, surtout que les distorsions, qu'on cite souvent comme exemple des problèmes de représentation qu'on a avec le mode de scrutin actuel, ont souvent été causées non pas par le mode de scrutin, mais par la carte électorale. Mais, je conviens avec vous que votre conclusion est aussi légitime que la mienne. Je regrette tout simplement qu'on ne puisse pas se convaincre l'un ou l'autre du bien-fondé de notre point de vue. J'ai terminé.

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président, j'ajouterais juste un point. Il me semble très important que l'on distingue clairement quand

on parle de différents modes de scrutin proportionnel. Pour reprendre l'exemple qui a été donné, quand on invoque le cas d'Israël, à mon avis, il n'y a pas de mesure entre ce que nous proposons et la situation qui est vécue en Israël. Je me permettrai peut-être, pour illustrer ma pensée, de prendre une comparaison, une analogie. Comme toute analogie, cela peut clocher, mais je veux juste illustrer ma pensée. À mon avis, il y a un très grand nombre de modes de communication: du cheval à l'avion à réaction en passant par la bicyclette et jusqu'à la marche. Pour les modes de scrutin proportionnel, c'est la même chose. Il y en a de toutes les variétés. Quand on regarde la façon dont ils sont appliqués à travers le monde et dans tous les pays où il y en a, il y a une très grande variété.

Le sens même de la proportionnelle, c'est la façon de répartir les résultats, c'est la façon d'équilibrer le pourcentage de votes afin que cela se reflète le plus possible dans le pourcentage de sièges accordés. Nous disons très clairement que prétendre ou laisser entendre que le mode de scrutin proportionnel que nous proposons est semblable ou a une relation avec celui d'Israël est tout à fait inexact. Cela n'est pas du tout notre façon de concevoir les choses. (10 h 30)

Le Président (M. Vaugeois): Y a-t-il d'autres interventions sur l'exemple donné? Sinon, je donnerai la parole au député de Gouin. Cela va? Merci, M. Côté.

Effets de la proportionnelle territoriale à Montréal

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Je voudrais aborder, puisque c'est probablement la dernière occasion que j'ai d'intervenir au cours des travaux de cette commission, deux aspects additionnels à ceux que j'ai abordés jusqu'à maintenant. D'abord, en bon Montréalais, j'aimerais qu'on discute quelques instants ensemble de l'application de la proposition qui nous est faite par la commission à Montréal.

Dans un premier temps, on sait que le mode du scrutin actuel et les règles retenues par la Commission de la représentation quant à la délimitation des territoires des circonscriptions électorales jusqu'à maintenant ont eu pour effet - et c'est une volonté affirmée avec laquelle j'étais entièrement d'accord et que je partageais -de faire en sorte que les comtés en milieu semi-urbain et même en milieu rural, compte tenu des grandes distances à parcourir, soient un peu moins populeux quant au nombre d'électeurs, alors qu'on retrouvait un plus grand nombre d'électeurs dans les circonscriptions montréalaises. C'était quelque chose qui était bien accepté, d'abord compte tenu, comme je le disais, des distances que cela implique pour un député, pour une collectivité et, d'autre part aussi, quant à moi, puisque nous avions un mode du scrutin qui, de toute façon, générait des distorsions ce n'était pas un drame que, dans la façon de découper la carte électorale, nous convenions tous ensemble, par un consensus qu'on retrouve dans la loi d'ailleurs, je crois, qu'on pouvait aussi créer des écarts pour permettre à un député d'avoir un peu moins de contraintes en milieu semi-rural ou semi-urbain compte tenu des contraintes géographiques qui étaient déjà très importantes pour lui.

Toutefois, à partir du moment où on nous propose un mode du scrutin dont l'objectif avoué est d'éliminer les distorsions, j'avoue que, tout en étant d'accord pour respecter ce qui se faisait jusqu'à maintenant, je pense qu'il faut qu'il y ait cohérence à la fois dans le discours et dans la pratique. Qu'on nous propose un mode de scrutin à la proportionnelle qui a pour objet premier d'éliminer des distorsions, mais dont l'aboutissement sera de créer des écarts en faisant en sorte qu'un électeur montréalais ait moins de poids politique quant à sa représentation à l'Assemblée nationale qu'un électeur en milieu semi-urbain ou rural, là, j'avoue que je ne m'y retrouve pas et je dis: Soyons cohérents. Ou on élimine les distorsions avec les problèmes que cela engendre qui, quant à moi, sont considérables.

Je suis très à l'aise comme Montréalais pour dire que, le jour où l'on décidera qu'un député en milieu semi-urbain ou rural le même nombre d'électeurs qu'un député en milieu fortement urbanisé comme Montréal ou certains coins de Québec, effectivement, cela posera des problèmes. À partir du moment où l'on dit: On élimine les distorsions, c'est notre objectif premier, puisque c'est cela, l'objectif premier de la proportionnelle, là j'avoue que j'ai de la difficulté à accepter que ceux qui ont à payer le prix de cette distorsion, qui est la seule distorsion qu'on accepte, soient les citoyens montréalais. J'avoue que j'ai de la difficulté à l'accepter. Puisque j'ai un mandat de citoyens et de citoyennes montréalais pour les représenter ici et défendre ici leurs intérêts et non pas les miens uniquement, je pense qu'il y a un problème de cohérence et qu'il faut trouver une solution autre que celle de faire payer le prix aux Montréalais de cette nouvelle distorsion qu'on crée en voulant abolir les distorsions.

M. Lessard (André): Ma première réaction est la suivante: II n'y a rien qui soit aussi strict que cela dans notre proposition. Nous ne disons pas: Le seul critère et le critère absolu de notre

proposition, c'est d'éliminer les distorsions. Nous avons essayé de trouver la meilleure formule pour produire la meilleure représentation possible. La représentation peut être considérée, disons, sous trois angles: l'angle des distorsions, comme on l'appelle, c'est-à-dire le rapport entre le nombre de sièges et le nombre de votes. La représentation aussi porte sur la possibilité des partis d'entrer en Chambre, d'être représentés en Chambre. Le problème de la représentation se pose à un autre niveau, celui où vous le posez précisément, c'est-à-dire la valeur relative des votes. Est-ce qu'un vote vaut 15 000 personnes à une place et 5000 à l'autre, disons? D'accord?

Ce que nous avons tenté - et je crois que personne ne peut prétendre autre chose -cela a été de faire un compromis, le plus heureux possible. On vous laisse en juger. Si nous avions voulu, un peu selon votre logique que j'admire, c'est-à-dire une logique de simplicité et d'absolu...

M. Rochefort: Moi, je dirais de rigueur, mais, en tout cas, j'accepte votre raisonnement.

M. Lessard: Oui. Si nous avions voulu pousser cette logique à la limite, nous aurions, sans considération de la réalité, proposé une proportionnelle intégrale de type Israël. C'est la seule logique. Il faut aller au bout. Or, tout le problème - et c'est le centre du débat avec M. Gratton depuis hier - c'est de faire des pondérations entre une multitude de critères. D'accord? Or, notre proposition, elle n'est pas absolue, elle ne vise pas à réduire de façon absolue, à éliminer les distorsions, pas plus qu'à être parfaite quant à la représentation des partis. J'arrive au point que vous soulevez, l'inégalité de la valeur des votes entre le rural et l'urbain. Bon. C'est une option qu'on vous laisse aussi. Oui, nous avons...

M. Rochefort: Je n'ai pas entendu. C'est une option qu'on?

M. Lessard: Qu'on laisse à l'Assemblée nationale.

M. Rochefort: Vous avez une proposition?

M. Lessard: Oui.

M. Rochefort: Bon, alors, parlez-nous de votre proposition.

M. Lessard: Nous proposons la proportionnelle et nous suggérons, nous présentons cette proposition sur la base de deux hypothèses, et nous disons bien "des hypothèses". Un des arguments, c'est que, étant la commission qui fait la carte électorale nous ne voulons pas, en faisant une carte que nous voudrions absolue tout de suite, lier tout le monde avec cela et nous-mêmes après. D'accord? Nous faisons deux hypothèses pour illustrer le fonctionnement de notre proposition principale et des diverses préférences que nous manifestons.

Or, voici une des suggestions que nous faisons: parce que nous voulons tenir compte du double rôle du député, son rôle de législateur et son rôle de représentant de ses électeurs, nous disons: Si nous valorisons seulement le rôle de législateur, nous poussons à la limite l'égalité de représentation en Chambre et nous faisons des territoires où la relation entre députés et électeurs va être absolument irréalisable. Il faut arriver à un compromis. D'accord? Il faut arriver à faire que certains territoires aient au moins les trois députés nécessaires pour une proportionnelle. Nous disons donc qu'il faut peut-être en arriver à faire une distinction entre la valeur d'un vote en milieur rural à cause des difficultés de fonctionnement et la valeur d'un vote en milieu urbain. C'est, si je me souviens bien, notre première hypothèse à vingt-deux représentants, c'est-à-dire à vingt-deux circonscriptions. Nous disons explicitement: Au rural, ce sera environ 35 000 ou 36 000 par représentant et, en milieu urbain, autour de 40 000. Je pense que c'est plutôt 35 000.

Mais, dans l'autre proposition, nous tentons d'appliquer le 36 000 partout, c'est-à-dire le critère actuel. Autrement dit, nous disons: Si, face au problème que nous rencontrons, de la pondération entre le rôle de législateur du député et son rôle de représentant, vous voulez prendre la solution de favoriser un peu celui qui a le plus de difficulté sur le terrain, la première hypothèse peut vous donner une idée de ce que cela donne. Si vous préférez ne pas tenir compte de cette distinction entre les députés ruraux et urbains, bien, la deuxième hypothèse pourrait vous servir. En gros, c'est notre raisonnement et, au fond, nous vous posons un problème en vous faisant des suggestions.

Mais je reviens à l'idée fondamentale de tout mon propos, c'est qu'il est strictement impossible, dans cet ordre de problèmes, de vouloir être absolument conséquent par rapport à un principe simple. On va arriver à des contradictions épouvantables. Il faut être conséquent avec un principe en faisant toute une série de compromis. Je pense que l'exposé de M. Bourassa a été très clair là-dessus, hier.

M. Rochefort: Oui, mais il faut s'assurer qu'en fin de compte la série de compromis ne soit pas plus grande et avec des effets plus importants que les solutions qu'on a voulu apporter aux problèmes.

M. Lessard: Je pense...

M. Rochefort: Par exemple, dans un de vos arguments, vous dites: Oui, mais on est un peu forcé d'arriver à cela, entre autres, parce qu'il faut s'assurer de pouvoir faire de la proportionnelle partout sur le territoire et, pour pouvoir arriver à des circonscriptions d'au moins trois députés dans certains coins du Québec, la conséquence qui est répercutée sur les milieux fortement urbanisés est celle-là. Je vous dis: Écoutez, vous nous avez dit que vous aviez trouvé un modèle qui s'appliquait au Québec, qui pouvait lui être propre, qui corresponde à ses caractéristiques, à ses situations particulières. Vous êtes en train de me dire que parce que, justement, ça ne s'applique pas aux situations particulières, on est obligé dès le départ de créer une entorse pour réussir à avoir des comtés d'au moins trois députés partout sur le territoire, alors qu'il n'y a peut-être pas suffisamment de densité de population pour le faire. Auquel cas, je vous dis: Écoutez, ce n'est peut-être pas vrai que vous avez trouvé le modèle qui s'applique le mieux aux caractéristiques géographiques et démographiques du Québec. Il faut être conscient de cela.

D'autre part, je vous le dis, j'ai toujours accepté, jusqu'à maintenant, qu'un électeur urbain ait un peu moins de poids qu'un électeur en milieu rural à cause des contraintes que nous connaissons tous et que, je crois, nous partageons. Toutefois, dans cette formule de représentation proportionnelle territoriale, que les

Montréalais soient les seuls - ce qui n'est pas le cas dans le mode de scrutin actuel et dans la carte électorale actuelle - à payer le coût du compromis de l'écart et de la distorsion que vous créez à cause des contraintes que vous vous êtes posées, j'avoue qu'il y a une question à se poser et une question de franchise. Je crois qu'il faudra un jour que la commission aille à Montréal pour expliquer aux Montréalais qu'ils auront moins de poids politique que partout ailleurs au Québec quant au vieux principe un homme, un vote.

Vous me dites que les distorsions, ce n'est pas le seul critère, ce n'est pas le seul objectif. Écoutez, tous ceux qui parlent de proportionnelle et de distorsions nous parlent avant toute chose d'établir la proportion la plus proche, la plus parfaite possible entre le nombre de voix et le nombre de sièges au point qu'on nous dit: C'est la seule solution. Le ministre nous citait hier ou il y a deux jours un éditorial de Claude Ryan en 1972 qui disait: La proportionnelle est ce qui nous permet le mieux d'arriver à un homme, un vote. C'est difficile à accepter que des citoyens d'une région soient les seuls à payer une facture de cet ordre.

Regardons concrètement, pratiquement ce que cela veut dire. Il faut voir ce que c'est dans la pratique politique. Prenons la situation actuelle du parti ministériel. Aujourd'hui, nous avons peut-être 70, 72 députés. Seulement dix sont de Montréal et, au Conseil des ministres, il y en a six ou sept sur trente, environ. Déjà là...

Une voix: Six, ce n'est pas beaucoup.

M. Rochefort: C'est pour cela que je dis six ou sept, d'ailleurs. Avant, c'était encore pire. Six ou sept sur une trentaine et une dizaine de députés sur 70 ou 72 dans un caucus ministériel. Déjà là, il y a une disproportion considérable par rapport au poids relatif de la population, alors que l'île de Montréal, la communauté urbaine, c'est un Québécois sur trois. Déjà là, on a un problème de poids et je ne suis pas en train de faire porter le blâme à mes collègues, au contraire, ils ont au moins autant de légitimité que nous en avons, mais c'est une situation de fait. Ce n'est pas facile de défendre les intérêts proprement montréalais à l'Assemblée nationale du Québec à l'intérieur des caucus ministériels, au Conseil des ministres et dans l'ensemble de l'appareil politique et administratif, alors que souvent les députés de plusieurs circonscriptions de type rural ou de type semi-urbain, sans être de la même région, ont des vécus, des situations assez comparables les unes aux autres et pour lesquelles ils peuvent s'associer tous ensemble pour défendre une certaine préoccupation, un certain nombre d'aspirations, un certain nombre de situations que leurs concitoyens et concitoyennes vivent. Si vous me dites qu'en fin de compte un seul groupe paiera l'addition, moi, je dis: Non, revoyez votre travail quant à cet aspect de la question. (10 h 45)

J'ajouterais un autre volet. Vous nous dites - et je crois que c'est un des objectifs visés par la commission - que l'objectif premier n'est sûrement pas de renforcer les partis politiques, mais, au contraire, de donner encore plus de force dans la mesure du possible aux citoyens et - je vais en avoir besoin - en même temps au député. Il faut donner la plus grande légitimité politique au député pour qu'il ait la meilleure marge de manoeuvre quand il arrive à l'Assemblée nationale quant à son parti ou quant à toutes les questions de ligne de parti. D'ailleurs, je crois que vous le dites à la page 68: "Par ailleurs, on pense que la discipline de parti, très rigide en scrutin majoritaire, s'exercerait sous une forme moins stricte." C'est dans cette logique.

Je pense qu'effectivement avoir des circonscriptions à trois, cinq ou même sept sièges où la population à la fois vote pour le parti et peut se permettre de magasiner quant au candidat ou aux candidats qu'elle

souhaite voir la représenter au-delà des partis, c'est une façon de donner, en tout cas, plus de poids, plus de légitimité politique au député qu'il n'en avait dans le mode de scrutin actuel. Sauf qu'on conviendra facilement tous ensemble que, quand on se retrouve dans une circonscription, par exemple, à 19 sièges, comme ce que vous proposez dans une de vos deux propositions pour Montréal, il n'est pas vrai qu'on va se retrouver avec une situation où les élus auront un poids important.

Certains diront que c'est de la démagogie. Je pense que c'est une façon de regarder l'application concrète de la situation. Quand on se retrouve devant un tel bulletin sur lequel on retrouve environ 65 candidats de différentes allégeances politiques, il est évident qu'il est beaucoup plus facile pour un citoyen de choisir le parti et de ne pas se mettre à aller voir... Le temps que cela prendrait. En plus, il faut qu'il les connaisse, ces députés, pour aller choisir et, donc, donner une meilleure légitimité à un élu plutôt qu'à un autre.

Deuxièmement, dans une circonscription de 19 sièges où on retrouve environ 60 à 70 candidats au cours d'une élection générale, comment faire en sorte qu'un, deux ou trois ou un certain nombre de candidats ou de députés sortants aient réussi à faire un travail tel qu'ils aient fait leur marque dans toute la circonscription régionale de l'Est de Montréal qui comprend l'équivalent de 19 circonscriptions actuelles? Il est clair que ce ne sera pas en faisant du bureau de comté et en faisant des rencontres particulières avec des électeurs au cours de tournées de comté ou en obtenant des choses comme un CL5C ou une subvention pour une maison de jeunes qu'un député va pouvoir faire sa marque pour aller chercher des dividendes électoraux, pour être certain d'être celui de tout son groupe politique qui aura marqué des points plus que les autres pour se faire élire à l'élection générale. Il est certain que la priorité, ce sera de délaisser cela et de plutôt s'organiser pour avoir une attitude qui nous permette de faire les médias, de pouvoir atteindre 19 circonscriptions électorales, donc près de 1 000 000 000 d'électeurs et ce n'est pas en faisant du bureau de comté qu'on atteint cela.

Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on renforce le régime des partis, on augmente la force des partis et on renforce le vedettariat en politique au détriment d'un service à l'électeur, au détriment d'une relation intense, d'une relation étroite entre le député et ses électeurs quant à l'accessibilité à sa disponibilité et pas seulement pour des intérêts électoraux. C'est souvent une "moses" de bonne façon de faire notre travail. Souvent, on nous dit: Vous allez dans les épluchettes de blé d'Inde, dans les remises de trophée de baseball, etc., simplement pour vous faire tirer le portrait dans le journal local la semaine suivante. Certainement que c'est un des effets du geste. Mais je peux vous dire que c'est une façon très profitable de rencontrer les électeurs que de leur donner une possibilité très simple, très facile de venir faire des commentaires, des critiques, des suggestions ou d'exposer un problème à un député au cours d'une soirée. C'est ce qui fait que, lorsqu'on arrive ici à l'Assemblée nationale, plutôt que de parler théoriquement ou à partir des recommandations des fonctionnaires d'un certain nombre de problèmes, on peut en parler, à partir d'un vécu très particulier, très précis, très profond que ressentent, que subissent les citoyens et les citoyennes.

Avec ce qui nous est proposé là, pour Montréal, ce n'est pas vrai qu'un député va pouvoir percer par son bon travail auprès des électeurs. La seule façon de percer dans une circonscription de 19 députés où on se retrouvera avec 60 à 70 candidats, c'est de faire de la télévision. Pendant que tu fais de la télévision, que tu fais des déclarations fracassantes et que tu montes des dossiers pour faire des grands discours en Chambre, tu n'es pas en train de faire un travail à la base.

Le Président (M. Rivest): Juste une remarque, si vous me le permettez. Étant donné que c'est la dernière séance, je demanderais à tous les collègues peut-être de restreindre la longueur de leurs questions parce que la présidence a beaucoup de demandes - je ne dis pas cela en particulier pour le député de Gouin - et les députés voudraient profiter au maximum du temps.

M. Lessard: M. le député de Gouin a émis plusieurs points de vue sur divers aspects en particulier du rôle du député. Je ne reviendrai pas immédiatement sur cela. Ce que je voudrais noter au point de départ, pour rectifier la chose, c'est que l'argument de départ non pas sur les distorsions, mais sur la valeur du vote, c'est très différent.

M. Rochefort: Je m'excuse, M. Lessard, c'est la même chose.

M. Lessard: Non.

M. Rochefort: Bien là, je souhaite que vous nous fassiez une démonstration. Expliquez-moi c'est quoi, la différence. N'apprendrais-je que cela pendant la commission, j'aurais été heureux, j'aurais appris beaucoup.

M. Lessard: La distorsion, c'est le phénomène qui fait que, lorsqu'on arrive à constituer l'Assemblée après l'élection, les

partis n'ont pas un nombre de sièges proportionnel au nombre de votes qu'ils ont obtenus.

M. Rochefort: Comment atteint-on cet objectif? En donnant le plus possible la même valeur à tous les votes, voyons donc! Écoutez, là, on va réinventer le bouton à quatre trous.

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président...

Le Président (M. Rivest): Pardon, excusez.

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président, je voudrais qu'on comprenne bien de notre côté les règles du jeu. Est-ce qu'on donne des observations ou des réponses à la suite de commentaires ou est-ce qu'on échange constamment avec les députés? Je voudrais qu'on comprenne bien de quelle façon on procède.

Le Président (M. Rivest): La prérogative de la présidence, c'est de donner, justement, l'occasion à nos invités, c'est-à-dire à votre commission, M. le directeur, de fournir les explications au complet. Je demanderais aux collègues de laisser la chance, lorsqu'ils ont fait leur intervention, aux membres de la Commission de la représentation d'expliquer leur point de vue.

M. Rochefort: Mais vous me permettrez aussi, M. le Président, d'ajouter à ce que vous dites, que je respecte et à quoi je me conformerai, que l'objectif aussi de la commission, c'est de nous permettre de mieux comprendre le dossier puisque la décision nous reviendra ultimement.

Le Président (M. Rivest): Oui, je comprends.

M. Rochefort: Merci.

M. Côté (Pierre-F.): Je crois que la remarque du député de Gouin est tout à fait pertinente. Tout ce que je veux dire en vous demandant cette précision, c'est qu'il nous semble qu'il faudrait qu'il nous soit loisible, à tout le moins, de terminer nos phrases.

Le Président (M. Rivest): Pardon?

M. Côté (Pierre-F.): Il faudrait qu'il nous soit loisible, à tout le moins, de terminer nos phrases.

Le Président (M. Rivest): Oui, c'est ce que j'aurais voulu.

M. Lessard: Ce que je voulais dire de plus, c'est que, pour que le débat se déroule un peu clairement, il faut distinguer des choses. Il est certain que la valeur qu'on donne ou vote, c'est-à-dire qu'il vaut 36 000 électeurs ou qu'il en vaut 40 000, ce n'est pas tout à fait sans effet avec le rapport qu'il va y avoir entre le nombre de votes obtenus par les partis et le nombre de sièges obtenus en Chambre. Mais les deux choses sont des phénomènes suffisamment différents, très différents, pour qu'on les distingue et qu'on ne parle pas de distorsions en croyant couvrir les deux. Nous avons essayé de faire la distinction autour de phénomènes qui sont différents et c'est tout ce que je voulais rappeler.

Quant au débat sur la représentation de l'île de Montréal, je vais laisser la parole au...

M. Rochefort: ...à un Montréalais.

M. Lessard: ...Montréalais de la commission.

M. Rochefort: Là, je ne veux pas vous interrompre, mais vous voyez, il est un sur trois.

M. Bourassa: Si vous me le permettez, justement, le Montréalais de la commission voudrait bien parler. Je ne sais pas à quelle règle mathématique cela répond, mais je partage tout à fait les opinions, les vues et les préoccupations que vous avez. Sans retourner bien loin dans mon curriculum vitae, j'ai déjà fait un bon nombre de travaux sur la politique montréalaise à tous les niveaux. Je partage aussi votre souci de rigueur et de représentation des Montréalais. Je pense que c'est fondamental et que dans toute réforme du mode de scrutin il faut en tenir compte et que les remarques que vous avez soulevées montrent des problèmes très réels. Je vous accorde qu'il y a dans ce que nous proposons des difficultés qui demeurent, mais nous prétendons que cette proposition de réforme du mode de scrutin, tel qu'elle divise Montréal présentement selon les deux hypothèses que nous avons suggérées, réduit les écarts existant jusqu'à maintenant de la moyenne acceptée par la loi de plus ou moins 25%.

Si on se réfère aux termes mêmes du rapport aux pages 193 et 199, on voit que, pour ce qui est de Montréal, ces écarts joueront autour, si vous me permettez de ne pas m'en tenir aux décimales, de 15% ou 16%. Il y a sûrement, donc, un écart qui reste important. Au nom de la stricte démocratie, je vous accorde qu'il est très regrettable, mais il est, me semble-t-il - non seulement me semble-t-il, les chiffres sont là pour le démontrer - moins fort que dans la situation actuelle. C'est une première chose.

Vous disiez tout à l'heure, je pense, qu'on ne peut pas accepter que les Montréalais paient le prix d'une

démocratisation, d'une modernisation de nos institutions politiques. Là aussi - ce n'est pas de ma part une position de principe inutile -je suis tout à fait d'accord avec vous. Je crois que la proposition que nous faisons fait payer aux Montréalais un prix moindre, mais je vois mal dans le système où nous vivons comment ce prix ne pourrait pas exister. L'égalité parfaite est impossible et je pense que votre souci de rigueur, que je partage entièrement, est aussi à concilier - et, pour nous, c'est un problème sérieux - avec la perfection et ce qui est faisable. Pour représenter de façon intégrale et totale les Montréalais et la diversité des opinions, il faudrait aller beaucoup plus loin, mais je pense que là on tomberait dans d'autres pièges qu'on a évoqués tout à l'heure: proportionnelle intégrale et tout ce que l'on voudra.

Finalement, sur la grandeur des circonscriptions montréalaises que vous avez évoquée et les problèmes que cela soulève: 19 élus par circonscription, c'est, comme dans beaucoup de ces choses-là, le mauvais côté d'une médaille qui, selon nous a aussi un très bon côté, c'est-à-dire de laisser au pluralisme des idéologies, dans une région comme dans celle de Montréal, qui est, quand même, un lieu important d'opinions et de mouvements divers, la possibilité de s'exprimer. Une des meilleures façons de le faire, nous a-t-il paru, c'est de permettre dans une équipe assez vaste à des représentants de courants pas minoritaires, mais, qui, quand même, sont plus ou moins importants d'être élus.

Finalement, donc, il y a quelque chose qui, nous paraît-il, améliore la situation actuelle par rapport aux écarts, qui l'améliore en termes de représentation des mouvements d'opinion, mais qui pose des problèmes réels en termes d'égalité démocratique. Mais je ne crois pas qu'il existe nulle part, ni dans les traités de sciences politiques, ni dans les observations des analystes, une solution parfaite à ce problème. Elle est sûrement améliorable; nous avons proposé deux hypothèses. Je pense qu'il y a beaucoup de matières à discuter, mais je crois que, de ce côté-là, il y a des éléments d'une réponse qui satisferaient à la fois vos exigences et les miennes de Montréalais et les exigences de rigueur que nous partageons, semble-t-il.

Oui, bien sûr, M. le directeur me souligne qu'une des façons dont on aurait pu aussi aborder et dont on pourrait aussi discuter du problème, c'est d'augmenter le nombre total des députés de l'Assemblée nationale pour augmenter le nombre de députés montréalais. Mais là cela pose une autre question qui n'est peut-être pas de notre ressort ou, en tout cas, la décision devient hautement politique. Nous en sommes, pour l'instant, restés autant que possible aux aspects techniques et c'était notre mandat.

M. Côté (Pierre-F.): M. le Président, si vous me le permettez, juste une très brève remarque à la suite du dernier point que vient de soulever M. Bourassa. Il relève effectivement de la Commission de la représentation de déterminer le nombre de sièges et de députés. Je voyais tout de suite l'objection que vous étiez pour soulever.

M. Rochefort: On se connaît bien.

M. Côté (Pierre-F.): Alors, je veux seulement préciser ce point.

Ce pourquoi nous nous en sommes tenus, dans les hypothèses de cartes - parce que, évidemment, cela ne pouvait pas être des cartes définitives; ce sont des hypothèses de cartes qu'il faudra étudier, analyser et consulter - à 122 - nous nous sommes imposé cette obligation de ne pas dépasser le chiffre 122, sauf, évidemment, les deux exceptions: les Îles-de-la-Madeleine et les Amérindiens -c'est que, tout au long de la consultation qu'on a faite et dont on a fait état constamment hier, la très grande majorité des intervenants nous ont dit: N'augmentez pas le nombre de députés. On a assez de députés à l'Assemblée nationale. À partir de là, on s'est dit: Si nous arrivons avec une proposition - prenons un exemple flagrant, je passe à l'autre extrême - de solution selon le mode de scrutin allemand où on aurait dit: Doublons le nombre de députés, les gens nous auraient dit: Vous n'êtes pas sérieux! Qu'est-ce que cela veut dire et qu'est-ce que cela coûte? Tous les arguments que les gens apportent toutes les fois qu'il est question d'augmenter le nombre de députés.

Je ne dis pas qu'à partir de là la solution pour la région de Montréal ne serait pas, en définitive, d'augmenter le nombre de députés, si, finalement, c'était là l'expression d'opinion d'un très grand nombre de gens. Vous vous souvenez comment nous avons procédé en 1980. C'est à la suite de consultations et d'une analyse de la situation. Là, ce sont des hypothèses de travail qu'on a faites sans formellement consulter les gens sur les cartes qu'on propose. Pourquoi a-t-on procédé comme cela? C'est qu'on voulait surtout s'assurer, quant à nous, et démontrer que la formule que nous proposons, elle est transposable en quelque sorte et applicable sur la carte du Québec. Je sais que vous divergez d'opinion avec moi là-dessus, mais, encore une fois, ce sont des hypothèses et des préférences, ce ne sont pas des recommandations formelles, ces hypothèses de cartes. (Il heures)

M. Rochefort: M. le Président, j'ai deux commentaires à faire - ensuite, je laisserai la parole à un de mes collègues - à la suite

des réponses des trois commissaires, notamment de celles que m'a fournies M. Bourassa, Guy de son prénom. La première des choses, oui, je reconnais effectivement que la proposition qui nous est faite réduit les écarts et la sous-représentation que les Montréalais et les Montréalaises connaissaient. Mais il faut bien voir que cette sous-représentation dans le mode de scrutin actuel n'était pas un phénomène exclusif aux Montréalais et aux Montréalaises. Il était partagé par d'autres régions du Québec, alors qu'actuellement c'est vraiment là, tout en l'ayant réduit, qu'on le retrouve le plus fort, le plus solidement créé par rapport aux autres régions du Québec. C'est là que je me dis: Qu'on soit plusieurs à se partager une facture, cela passe; qu'on soit ceux qui prennent le plus gros morceau de la facture, pour moi, c'est une autre question, tout en reconnaissant qu'on réduit effectivement les écarts.

Quant à la question du pluralisme des idéologies, pour vous montrer que je ne suis pas chauvin, loin de là, là aussi je ne partage pas complètement les vues de la commission. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres régions du Québec où il y a un foisonnement, une dynamique, une animation idéologique importante. Effectivement, je pense qu'une des conséquences des deux propositions de cartes que vous nous faites, c'est qu'on oriente spécifiquement sur Montréal l'éclatement de la représentation pour permettre une meilleure représentation des différentes tendances idéologiques, comme si on partait d'un postulat ou d'un constat que c'est à peu près seulement là qu'il y en a. Là aussi, il me semble qu'il y aurait des correctifs à apporter de façon qu'on permette aux groupes, aux tendances idéologiques qu'on retrouve dans plusieurs autres régions du Québec d'avoir la même possibilité de se voir un jour représentés à l'Assemblée nationale, ce qui, quant à moi, amène là aussi des correctifs importants, majeurs, aux propositions de cartes qui nous sont faites.

C'est, d'ailleurs, un des effets des petites circonscriptions. Plus les circonscriptions sont petites - et c'est le cas, notamment, des circonscriptions à trois ou à cinq députés et même un peu à sept députés - à partir du moment où on utilise la méthode d'Hondt pour faire la répartition des sièges, il est clair qu'on favorise grandement, largement, les grandes formations politiques, les formations politiques très bien établies. Encore là, on n'atteint pas l'un des objectifs visés, avoués, qui est celui de favoriser une meilleure représentation de l'ensemble des tendances politiques, d'ouvrir l'Assemblée nationale à toutes les formations politiques qui ont une certaine base électorale plutôt que de la réserver aux formations qui ont des bases électorales considérables.

Ce sont les derniers commentaires que je ferai, évidemment. J'aurais aimé, M. le Président, aborder un aspect de la question qui m'est très cher, qui est la proposition que j'ai faite à la commission. Je ne crois pas que j'aurai l'occasion de le faire ce matin. Je souhaite qu'au moins un jour on aura l'occasion d'en reparler puisqu'il me semble que l'uninominal à deux tours serait probablement la proposition qui, selon moi, serait la plus facilement faisable et la plus facilement assimilable par la population du Québec, par les partis et par les élus. Elle aurait aussi comme avantage de maintenir les acquis, de maintenir ce que les citoyens souhaitent voir maintenu dans leur mode de scrutin. Elle aurait aussi pour effet d'assurer une meilleure représentation des tendances politiques à l'Assemblée nationale et d'atteindre d'une certaine façon l'objectif de diminuer les distorsions, les écarts, mais là, plutôt que de confier cela à une mécanique de répartition des sièges, on confierait ce rôle aux citoyens et aux citoyennes du Québec à l'occasion d'un vote dans un deuxième tour de scrutin.

J'aurais souhaité qu'on retrouve plus d'éléments qui auraient eu pour effet de me convaincre de la non-pertinence ou de la pertinence de ma proposition dans le rapport. Je vois que cela a été regardé rapidement. Je vois aussi que, dans les rencontres qui ont été effectuées par le directeur de la Commission de la représentation, notamment en France - finalement, c'est un constat, ce n'est pas un reproche - on a surtout rencontré des universitaires, des intellectuels, des spécialistes. On n'a pas rencontré de gens qui vivent, qui travaillent dans les modes de scrutin, je dirais, au jour le jour, qui auraient peut-être pu aussi nous apporter un éclairage différent et nous permettre de saisir mieux l'ensemble des avantages et aussi, évidemment, des inconvénients d'une telle formule. Mais j'avoue que ma déception quant au sort qui est fait à la proposition de l'uninominal à deux tours, c'est que, finalement, j'ai crainte, j'ai peur que cela ait pour effet qu'on ne soit pas en mesure de réaliser une réforme d'ici au prochain scrutin général, que, quant à moi, la proposition de l'uninominal à deux tours pourrait être applicable dès le prochain scrutin sans rendre la vie difficile à personne et qui marquerait un pas important en avant quant au du mode de scrutin que nous connaissons actuellement.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le député de Gouin. Je ne doute pas que beaucoup de personnes auraient des commentaires à faire sur cette dernière remarque. Une chose est certaine, c'est qu'elle mériterait d'être débattue. Il y a une

dynamique propre aux deux tours et, si nous partons d'une situation de fait, les gens disent: Il y a seulement deux partis politiques ou généralement deux partis politiques ici, donc, pourquoi deux tours? Cela se décide au premier tour. Le député de Charlesbourg évoquait que le scrutin de 1981 avait donné 106 députés sur 122 avec une majorité absolue, mais cela est fondé sur le mode de scrutin que nous avons actuellement. Je suis de ceux qui croient que deux tours, cela crée une dynamique différente. Mais nous ne pouvons pas aller plus loin, M. le député.

M. Rochefort: Je veux simplement ajouter un commentaire, M. le Président, à vos propos. C'est vrai qu'en 1981 cela a été la situation. Je dirai deux choses. D'abord, quand on dit: Les deux tours devront être appliqués une fois qu'il y aura plusieurs partis politiques, c'est faux; c'est cela qui va générer la création d'autres partis politiques.

Deuxièmement, quand on regarde les résultats de 1970, de 1973 et de 1976, c'est un nombre pas si important que cela qui a été élu majoritairement au premier tour. Même en 1973, la pire distorsion qu'on a connue, il restait 37 députés à élire dans un deuxième tour, ce qui aurait permis de rééquilibrer passablement les tendances et les distorsions. Et, pas par une mécanique, mais par les électeurs; donc, en leur conservant une pleine souveraineté politique jusqu'au bout du processus.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Gouin, on va vous inviter à joindre les rangs de la commission pour la suite de ses travaux parce que cela ne se terminera pas tout à fait aujourd'hui, même si nous cherchons à terminer pour 13 heures. Nous croyons opportun de réserver environ une demi-heure pour des porte-parole de chaque côté et peut-être aussi aux députés indépendants. La présidence aura ensuite quelques commentaires à faire. Donc,

Il faut réussir, si on veut terminer à 13 heures, à loger nos interventions d'ici 12 h 30. Il ne s'agit pas de limiter le droit de parole de quiconque, mais si ensemble on en tient compte, il me semble que, compte tenu des demandes d'intervention que j'ai notées, on devrait y parvenir.

Dans l'ordre, il y aurait le député de Louis-Hébert, qui serait suivi du député de Deux-Montagnes. Ensuite, le député de D'Arcy McGee pour quelques interventions et le député de Chauveau. Pour l'horizon immédiat, c'est ceci: le député de Châteauguay s'ajouterait à la liste et le député de Westmount que j'allais oublier qui est d'ailleurs avant le député de D'Arcy McGee. Exactement. Pourtant, je ne devrais pas vous oublier.

M. le député de Louis-Hébert, vous y allez.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Les travaux de cette commission, à mesure qu'ils procèdent et avancent, nous font nous rendre compte que ce que nous sommes en train d'étudier, ce que nous sommes en train de regarder de très près, c'est quelle sorte de choix nous devons faire en ce qui concerne le modèle qui doit être celui que nous adopterons pour faire fonctionner le parlementarisme ici au Québec. Il faut bien réaliser que le choix auquel nous avons à faire face n'est pas un choix moral, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de bien et de mauvais là-dedans. Il y a, tout simplement, une question de valorisation de certaines valeurs, de maximisation de certaines valeurs plutôt que d'autres. Selon qu'on privilégie une valeur plutôt qu'une autre, on arrive à certains choix.

J'ai été frappé - et je me permets de dire que je ne suis pas d'accord - par exemple, si ma mémoire est exacte, quand M. Côté, le directeur de la commission, à une question qui lui était posée, où on lui demandait: Quelle est, finalement, la raison fondamentale qui fait que l'écart, la distorsion que vous voulez faire disparaître doivent disparaître et ne doivent plus se reproduire dans la majorité des cas à l'Assemblée nationale a répondu, d'après les notes que j'ai prises, que, finalement, cela rendrait une plus grande justice à la démocratie. Ici, on se trouve, parlant de plus grande justice pour la démocratie, à assimiler le choix qui va être le nôtre à un choix moral, à un choix entre le bien et le mal, à un choix entre ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, entre ce qui est bon pour la démocratie et ce qui est mauvais pour la démocratie. Je ne pense pas que ce choix soit basé sur une telle dichotomie du bien et du mal. On a à décider et je vous soumets que c'est finalement nous, les élus, avec ce qu'on a de limitations, avec ce qu'on a de connaissances et aussi avec ce qu'on a de défauts, qui allons devoir prendre cette décision parce que c'est une décision qui nous appartient.

Nous sommes prêts à nous faire éclairer au besoin par des experts, mais nous ne sommes pas prêts à nous faire dire que nous ne sommes pas en position de prendre la décision, que d'autres sont mieux placés que nous et que les conflits d'intérêts qu'on semble vouloir trouver chez nous ne se retrouvent pas ailleurs. Qu'on le veuille ou pas, on est presque toujours en conflit d'intérêts et, très souvent, c'est une simple question de degré. Les députés de l'Assemblée nationale doivent voter leur salaire, doivent voter leur fonds de retraite, doivent voter la façon dont ils vont organiser leurs travaux. Ce sont là des circonstances qui nous mettent possiblement en conflit

d'intérêts, sauf que c'est une décision qu'il nous appartient de prendre et que nous ne référons pas à d'autres.

Donc, selon que nous maximisons certaines valeurs plutôt que d'autres, on en arrive à des choix qui ne sont pas des choix moraux. Si, par exemple, et c'est fort défendable, on décide de maximiser la question de la stabilité gouvernementale, de maximiser l'efficacité des gouvernements, de maximiser la responsabilité des législateurs ou du lien qui existe entre l'opinion des partis politiques et l'opinion publique et le gouvernement, on peut arriver à certaines autres formes de propositions concernant le mode de scrutin qu'on devrait adopter.

On se rendra jamais assez compte que le problème fondamental qu'on pose ici, c'est la capacité d'être représenté en tant que citoyen. À la limite, si on pousse le raisonnement, personne ne peut être représenté adéquatement par personne parce que nous avons tous des intérêts qui sont divergents, nous avons tous des intérêts qui ne sont pas les mêmes que ceux de notre voisin. À la limite, on devrait revenir à la démocratie athénienne où les gens votaient directement, mais cela avait des limites en soi parce qu'on ne pouvait pas gouverner adéquatement ce qui était une ville à l'époque, mais qui est devenu un empire quand les gens ne pouvaient pas se rendre à l'Agora et voter directement. Finalement, le problème fondamental, c'est celui-ci: est-ce qu'on peut, oui ou non, être représentés? Si l'on accepte qu'on doit être représentés, finalement, parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de s'en sortir, la façon de le faire acceptable est celle qui est considérée comme légitime par la population, est celle qui donne des résultats qui sont acceptés et qui permet d'atteindre le but de cette représentation, c'est-à-dire la mise en place d'un gouvernement qui fonctionne, qui prend des décisions responsables et dont la responsabilité peut être directement attachée à telle ou telle personne, à telle ou telle formation politique.

Je me permets d'attirer l'attention de la commission sur la très grande importance de la décision que nous serons appelés à prendre éventuellement. Nous sommes un peu dans le cas des généticiens; nous jouons avec des éléments essentiels de ce qui est notre système démocratique. Une fois qu'on aura accepté un changement de la nature de celui qui est proposé par la commission, il serait à toutes fins utiles impossible de faire marche arrière puisque de la façon dont les engrenages sont faits pour un tel système de représentation, il est très probablement impossible de faire machine arrière, même si à l'usage vous vous apercevez rapidement qu'il ne fonctionne pas. C'est très simple à comprendre. Comment pourrait-on espérer que des partis politiques qui seraient entrés ensemble au Parlement grâce à la proportionnelle alors que, sans la proportionnelle, ils ne sont plus au Parlement, ils ne sont pas représentés se fassent hara-kiri en acceptant de faire machine arrière et de revenir à un système majoritaire uninominal à un tour, par exemple?

Il faut bien se rendre compte - et on n'a peut-être pas assez insisté sur cela -que, tout comme on peut trouver pour le système uninominal à un tour des vices qui sont intrinsèques à ce système, dont possiblement certains incidents de parcours de surreprésentation, d'écart entre la proportion du vote et la proportion qu'on retrouve à l'Assemblée nationale, il y a aussi un certain nombre de vices qui sont intrinsèques à la proportionnelle. (11 h 15)

Problèmes créés par la prolifération des petits partis

II faut se rendre compte qu'un de ceux-là, c'est de favoriser, qu'on le veuille ou pas, par la force même du système, de ce qu'il est, la naissance de petits partis qui, pour exister, n'ont pas avantage à se regrouper à l'intérieur d'un grand parti qui, lui, doit faire toutes sortes de compromis, doit accepter toutes sortes d'intérêts divergents pour pouvoir survivre et pouvoir espérer prendre le pouvoir. Mais le représentant d'un parti minoritaire, composé de personnes qui ont des objectifs et des intérêts déterminés à défendre, il faut le réaliser, n'a absolument aucun avantage à s'intégrer à l'intérieur d'une grande politique générale dans laquelle il serait noyé, pour la bonne et simple raison que, ce faisant, il renonce à ses partisans, leur déplaît et cesse d'être la personne qui, selon eux, peut les représenter adéquatement.

On se retrouve donc dans une situation où, pour survivre, les petits partis qui, grâce à la proportionnelle, réussissent à entrer au Parlement, à l'Assemblée nationale, doivent envoyer des représentants qui, eux, ne sont aucunement motivés, à moins d'être suicidaires, à faire des compromis de nature à les intégrer à l'intérieur d'une grande politique générale qui ne serait sûrement pas, compte tenu des intérêts particuliers qu'ils défendent, en accord avec ceux du parti majoritaire ou du parti qui représente la plus grande partie de la population. très rapidement nous aurons un foisonnement de partis qui procéderont de cette façon et qui pourront espérer survivre en cultivant d'une façon continuelle une clientèle qui leur est propre, qui leur est acquise, une clientèle de personnes qui ont des intérêts soit économiques soit sociaux bien spécialisés et bien déterminés, ces personnes permettant à ce parti de survivre et d'être représenté à

l'Assemblée nationale.

En fin de compte, le gouvernement devra être composé de représentants de ces petits partis et les arrangements devront se faire non sur une plate-forme politique connue sur laquelle les gens auront voté, mais sur une série d'arrangements, de compromis, de maquignonnages qui se feront entre les chefs de parti, entre les têtes de file des partis, chacun mettant de l'eau dans son vin, chacun trahissant son programme électoral ou se retrouvant dans la situation où la seule chose sur laquelle on pourra s'entendre dans un tel gouvernement de coalition, la seule décision qu'on pourra prendre, ce sera la décision de ne rien faire.

Quand on nous amène comme exemple, à la suite du voyage qui a été fait en Allemagne, qu'il y a eu peu de changements dans le système fiscal, il faudrait voir et évaluer tout cela. Est-ce vraiment le signe de ce que l'on recherche: peu de changements radicaux, d'après les renseignements contenus dans le rapport sur le voyage? La question que je me pose: N'est-ce pas finalement, le signe que les coalitions ont tout simplement empêché le gouvernement d'agir? Il est peut-être vrai qu'avec le système qui est le nôtre, en Angleterre, il y a eu beaucoup de changements concernant la fiscalité, mais n'est-ce pas attribuable au fait que la population a eu à se prononcer sur des programmes électoraux qui ont mis au pouvoir un parti majoritaire qui a été en mesure de les exécuter, de les réaliser, de les mettre en oeuvre?

Donc, il faut bien se rendre compte que la proportionnelle est loin de n'avoir que des qualités. Elle contient des germes de difficultés futures qui sont considérables. Quand on se met le doigt dans cet engrenage, il faut savoir où on peut aboutir. C'est important d'être réaliste et d'avoir les yeux ouverts en ce qui concerne cela. Ce sont des inquiétudes que j'ai personnellement et qui continuent malgré les explications qui m'ont été fournies par nos invités.

Il y a aussi toute la question du rôle des partis politiques avec une proportionnelle qui serait en place. Tout comme les partis politiques existeront parce qu'ils cultivent une clientèle bien spéciale, ce seront les gens qui sont les plus actifs dans ce groupement politique, qui sont les plus présents, qui sont là depuis longtemps, les têtes d'affiche, qui auront le dernier mot et qui verront qui sera sur la liste. Peut-on concevoir, à titre d'exemple, dans la région de Québec, une convention qui choisirait les candidats du Parti libéral dans une circonscription qui comprendrait 450 000 électeurs? Qui, donc, va décider qui sera sur la liste du Parti libéral? Pourra-t-on faire une convention électorale qui pourra faire appel aux militants de toute la région de

Québec, qui sont des dizaines de milliers, et les inviter à venir choisir les 9, 10, 11 candidats qui seront sur la liste? C'est impensablel Étant donné qu'il y a une seule circonscription électorale, comment se fera le choix? Est-ce qu'il se fera par le parti qui décidera d'autorité que la liste est de telle nature et comporte tel nom dans tel rang? Vous me direz: Ce sera aux partis politiques de s'organiser, ce sera à eux de voir à faire peut-être des miniconventions ici et là pour choisir un représentant du coin de Sainte-Foy, un représentant peut-être du coin de Charlevoix. Comment pourrait-on procéder? Est-ce que le système qui est le nôtre actuellement est tellement mauvais qu'un changement drastique de cette nature s'impose? Je pense qu'il faut être très très prudent, être très averti des dangers que cela comporte.

En terminant, M. le Président, vous me permettrez de lire le dernier paragraphe d'un article - il y en a eu plusieurs qui sont dévastateurs pour les propositions de la commission - qui a paru dans le Devoir du 16 septembre 1982. Vous me direz qu'eux, ils n'ont pas eu l'avantage de la tournée provinciale, etc., mais, quand même, c'est un article par M. Gérard Loriot, professeur en sciences politiques et chargé de cours à l'UQAM. Il dit: "Le meilleur mode de scrutin est celui que les citoyens ont parfaitement intégré, qu'ils utilisent à leur gré, qu'ils contrôlent efficacement, qui est simple et qui leur permet de communiquer en direct avec ceux qui les guident temporairement. Ce mode de scrutin est encore bonifié lorsque le résultat des élections qu'il organise est considéré comme légitime, mais il devient supérieur quand il permet d'identifier les véritables responsables de la gouverne politique sans intermédiaire, sans camouflage ni coalition artificielle d'intérêts contradictoires."

Ce dernier point, c'est une remarque que je me permets en terminant, est extrêmement important. Actuellement, avec le système qui est le nôtre, au moins quand cela ne fonctionne pas, on sait de qui c'est la faute, on sait qui blâmer et on sait à qui faire porter la responsabilité. Dans un système où le gouvernement sera formé avec des coalitions de personnes, des coalitions de chefs de parti et de membres de partis différents, la responsabilité sera nécessairement diluée. On sait très bien que, lorsque la responsabilité est diluée, ce n'est la responsabilité de personne. Le programme gouvernemental, la politique gouvernementale devra être le fruit de compromis continuels entre des intérêts divergents et des programmes opposés de partis politiques. Quand viendra le temps de savoir comment il se fait que le gouvernement n'a pas posé tel ou tel geste, pourquoi il n'a pas agi dans telle ligne, pourquoi cela ne fonctionne pas

dans tel domaine, chacun des partis aura beau jeu de dire: Moi, j'aurais bien voulu faire quelque chose, mais je devais composer avec les autres membres du gouvernement et je n'avais pas le choix. On sait très bien qu'à ce compte-là la population, par voie de conséquence, se désintéressera du processus démocratique parce qu'elle dira: Ce n'est jamais la faute à personne. On se renvoie la balle continuellement et, à ce moment, qu'est-ce que cela donne d'élire quelqu'un puisque, finalement, on n'élit personne? Si cette proposition devait nous amener dans un tel cul-de-sac, il faudrait être très prudents avant de se prononcer de quelque façon que ce soit et de jouer les apprentis sorciers.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, vous voulez réagir sur cette intervention?

M. Duhaime: Oui, M. le Président.

M. de Bellefeuille: Vous aviez annoncé...

Le Président (M. Vaugeois): J'ai annoncé...

M. de Bellefeuille: ...un ordre de parole.

Le Président (M. Vaugeois): On a aussi comme principe que, quand un sujet est abordé, on peut faire un échange sur le sujet. Alors, si je comprends, M. le ministre, ce serait bref, que ce serait une question.

M. de Bellefeuille: II arrive, dans les circonstances, que cet échange ressemble à un droit de parole privilégié du ministre. Je croyais que nous avions dans la réforme parlementaire écarté cette habitude.

M. French: Je voudrais appuyer avec enthousiasme l'intervention du député de Deux-Montagnes. Je ne vois aucun besoin d'avoir une intervention du ministre. Un député s'est exprimé. Nous avons ici des gens dont le temps est important et limité. Si tout le monde peut s'exprimer, c'est parfait. Que le ministre se donne le pouvoir de commenter tout et chacun, je trouve cela ridicule.

Le Président (M. Vaugeois): Écoutez, moi, je ne tomberai pas dans le piège de faire un débat sur cette intervention possible et de se priver du temps que nous voulons pour autre chose. Mais je me permettrais de faire remarquer, tout de même, que, depuis le début, ce n'est pas arrivé. S'il y a des gens qui sont intervenus sur des questions qui étaient abordées, c'est à peu près tout le monde, sauf le ministre. Je vous donne raison sur le fond de la chose, mais, jusqu'à maintenant, nous avons laissé n'importe qui intervenir sur une question qui était abordée pour une question ou pour un commentaire.

M. French: Ni le député de Deux-Montagnes, ni moi-même n'avons fait cela.

M. de Bellefeuille: M. le Président, ce n'est pas exact. Tout à l'heure, après l'intervention du député de Gouin, j'avais plusieurs points que j'aurais voulu soulever immédiatement. Je ne l'ai pas fait parce que je me conforme aux nouvelles règles.

Le Président (M. Vaugeois): Bien. Je vous donne raison et vous avez la parole.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Vaugeois): Vous voulez commenter?

M. Côté (Pierre-F.): Non, je voudrais apporter une seule précision aux observations qui viennent d'être faites par le député de Louis-Hébert, quand il a fait référence à l'article de M. Loriot. Je veux juste rappeler que M. Loriot est un spécialiste du mode de scrutin actuel. Immédiatement après la publication de l'article auquel on a fait référence, nous lui avons demandé de venir devant la commission et il nous a exposé son point de vue. Évidemment, si on veut citer plusieurs articles de journaux, on pourrait en invoquer un certain nombre qui vont dans un sens ou dans l'autre, mais je ne voudrais pas argumenter de cette façon. Tout ce que je veux dire, c'est que les considérations du député sont sérieuses et nous amènent, nous, également, à des réflexions.

Le Président (M. Vaugeois): Je me souviens de la parution de M. Loriot. La presse, d'ailleurs, avait réagi à ce moment, ce qui n'est pas toujours le cas. Cela voulait dire, quand même, qu'il y avait une pensée assez articulée dans cette intervention.

M. Côté (Pierre-F.): Il est évident qu'on diverge fondamentalement d'opinion avec le député de Louis-Hébert sur le problème de la représentativité du pluralisme de la société québécoise. C'est une question d'opinion.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Duhaime: Je voudrais simplement dire ceci. Il y a beaucoup de gens qui ont dit que, dans un mode de scrutin nouveau ou en modifiant le mode de scrutin actuel, on aurait peut-être deux sortes de députés. Je me sens dans une catégorie assez spéciale. Je ne sais pas si le fait d'être membre du Conseil des ministres...

Une voix: Vous êtes à part.

M. Duhaime: Bon. Je ne demande pas un droit de parole privilégié, en aucune façon. Mais je n'accepterai pas, non plus, de ne rien dire à la suite d'une intervention que le député de Louis-Hébert vient de faire où, à mon sens, il y aurait, au moins, deux choses importantes à relever. Mais je prendrai la parole cet après-midi, M. le Président. Alors, si vous voulez m'inscrire en pied de liste, je vais attendre mon tour.

Le Président (M. Vaugeois): Vous êtes déjà inscrit, M. le ministre. Je constate avec vous qu'il y a maintenant déjà deux catégories de députés dans ce Parlement. M. le député de Deux-Montagnes, s'il vous plaît, et en essayant de vous en tenir comme les autres, au sujet.

M. de Bellefeuille: Ce qui vient de se passer là, je trouve cela très désagréable. Je ne veux pas faire l'empêcheur de danser en rond. Je veux être bon collègue. Mais il me semble que ce n'est pas seulement à moi d'être bon collègue. Il me semble que la réforme parlementaire va se faire quand tout le monde acceptera les nouvelles règles et s'y conformera. Moi, j'ai pris des notes pendant des interventions. C'est à partir de cela que je vais intervenir maintenant. Je crois que c'est la façon normale de faire.

Je voulais d'abord dire: Puisque, du côté ministériel, nous avons manifesté des avis parfois divergents, cela vaut peut-être la peine d'indiquer, des fois, que des députés ministériels sont d'accord sur certains points. Je voudrais indiquer que je suis tout à fait d'accord avec le député de Gouin sur le sens général de l'intervention qu'il a faite ce matin et sur deux points en particulier. (11 h 30)

Respect de nos habitudes politiques

Le premier point, c'est au sujet de la représentation des électeurs de la région de Montréal, enfin de Montréal comme territoire électoral. Il me semble que cela ne vaut pas la peine de faire une réforme si, dès le départ, dans cette réforme, nous acceptons comme règle ou comme principe en quelque sorte que les électeurs de Montréal vont avoir moins de poids que les autres électeurs. Cela me paraît absolument inacceptable. Il me semble que, si on se donne le mal de faire une réforme - et il est évident qu'on se donne du mal pour la faire - il faut accepter, au départ, que les électeurs de Montréal auront exactement le même poids que les autres électeurs du Québec. C'est le premier point que je voulais indiquer où je suis tout à fait d'accord avec le député de Gouin.

Le deuxième point, c'est lorsque le député de Gouin a dit, à propos de la composition des listes territoriales de candidats pour chaque parti, que ce que la Commission de la représentation nous recommande aurait pour effet "d'encourager et de stimuler le vedettariat en politique au détriment de la relation député-électeurs". Je suis tout à fait d'accord avec cela. L'expression que j'avais employée dans mon intervention, c'est que cela créée des baronnies territoriales et cela a l'effet de créer une nouvelle hiérarchie parmi les députés d'un parti. Je pense qu'on n'a pas besoin, à notre époque moderne où nous avons accepté un certain nombre de concepts plus égalitaires, de ces nouvelles hiérarchies.

Cela dit, je voudrais en quelque sorte -mon intervention ne sera pas beaucoup plus longue que cela - compléter celle que j'ai faite hier. Hier, j'ai expliqué qu'il faut éviter que la réforme du mode de scrutin n'ait pour effet de rendre la ligne de parti et l'esprit de parti plus rigides qu'ils ne le sont déjà. En particulier, je me suis élevé contre un aspect de la recommandation qui nous est faite qui aurait pour effet d'empêcher un député de changer d'allégeance, c'est-à-dire qu'un député, en vertu des recommandations qui nous sont faites, ne pourrait pas quitter son parti et siéger comme indépendant. Il y a une notion philosophique et je ne m'étendrai pas longtemps là-dessus, parce que, au fond, je ne suis pas plus philosophe que vous, M. Côté, M. Bourassa et M. Lessard, mais il me semble qu'un député avant tout, c'est une personne. Ce n'est pas une étiquette. Les électeurs, en principe, en tout cas, n'élisent pas une étiquette; ils élisent une personne. Le fait pour cette personne de perdre l'étiquette partisane, cela n'abolit pas la personne. La personne reste là. La personne député doit rester là.

Il y a une chose que je voulais dire hier, mais que j'ai oublié de dire parce qu'on cherche toujours à raccourcir nos interventions. J'ai insisté sur le fait que, même s'il faut digérer les expériences étrangères, il faut trouver quelque chose qui correspond vraiment à nos moeurs et, jusqu'à un certain point, à nos habitudes politiques. Je voulais rappeler un événement de la vie politique québécoise qui a été extrêmement important, qui a été un point tournant dans notre vie politique des quinze dernières annnées et qui n'aurait pas eu lieu si la représentation proportionnelle territoriale avait été en vigueur. Cet incident, c'est, en octobre 1969, l'opposition circonstantielle -c'est comme cela que cela s'est appelé à l'époque - au projet de loi 63 sur la politique linguistique au Québec. Cela a été le début en quelque sorte de ce très long débat. L'opposition circonstantielle était composée de cinq membres de l'Assemblée nationale du Québec, de cinq députés. Elle

s'appelait, à ce moment-là déjà, l'Assemblée nationale du Québec. Elle ne s'appelait plus la Législature ni l'Assemblée législative, c'était l'Assemblée nationale. Ces cinq membres de l'Assemblée nationale étaient M. René Lévesque, qui en est toujours membre; M. Jérôme Proulx, qui en est également toujours membre; M. Yves Michaud - je pense que tout le monde connaît M. Michaud M. Antonio Flamand et M. Gaston Tremblay. Deux de ces députés avaient quitté le Parti libéral et trois députés, à ce moment-là, ont quitté l'Union Nationale.

Si, à ce moment-là, en octobre 1969, je le répète, la proportionnelle territoriale avait été en vigueur, ces cinq députés n'auraient plus été membres de l'Assemblée nationale, ayant quitté leur parti, et n'auraient pas pu constituer cette opposition circonstancielle. Je répète que cela a été un moment extrêmement important dans notre histoire politique. Cela a été un point tournant. Je pense que personne ne peut mettre en doute que cela a été très important dans notre histoire.

Je cherche à vous montrer, MM. Côté, Bourassa et Lessard, par cet exemple historique, qu'il est important de ne pas modifier notre régime électoral d'une façon qui ne correspond pas à certaines de nos habitudes politiques qui sont valables. Cet exemple montre bien, je crois, que non seulement au plan des principes, mais au plan des circonstances politiques il peut être extrêmement méritoire, en quelque sorte, pour un député de quitter son parti. Il ne faudrait pas que, parce qu'il quitte son parti, je le répète, il perde automatiquement, de ce seul fait, sa condition de député. Cela me paraît, je le répète, absolument fondamental et je tiendrai à ce que toute réforme du mode de scrutin maintienne cette possibilité pour la personne député de continuer à siéger ayant été choisi par ses électrices et ses électeurs même si il ou elle décide d'écarter une étiquette partisane. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie, M. le député.

M. le député de Westmount.

M. French: Merci, M. le Président. Je voudrais, aussi étrange que cela puisse paraître, revenir au directeur et à ses collègues pour leur poser quelques questions. On sait que le directeur de la commission a fait un voyage en Europe pour examiner un certain nombre de modes de scrutin. Si le temps nous le permet, nous aimerions aborder plus précisément ce qu'il a retiré de ce voyage. D'abord, il y a une question que je crois important de poser. Quand le voyage en Europe a-t-il été effectué? Entre quelle date et quelle date?

M. Côté (Pierre-F.): Il a duré trois semaines. C'est du 6 ou 7 janvier ou 21 janvier, je pense.

M. French: Merci.

M. Côté (Pierre-F.): C'est dans mon rapport.

M. French: C'est parce que vous avez eu un mois de janvier assez mouvementé. Je crois que vous avez rencontré le premier ministre au mois de janvier 1984. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en était?

M. Côté (Pierre-F.): J'ai rencontré le premier ministre à quelle période, dites-vous?

M. French: En janvier 1984, en tout cas autour de Noël 1983.

M. Côté (Pierre-F.): C'est possible que je l'aie fait. Je le rencontre à l'occasion dans l'exercice de mes fonctions. À quelle date, de façon précise?

M. French: Dans l'exercice de quelles fonctions? Est-ce dans celles de Directeur général des élections que vous auriez rencontré le premier ministre?

M. Côté (Pierre-F.): Je ne fais pas la relation. Possiblement, très probablement. Habituellement, c'est dans l'exercice de ces fonctions-là que je le rencontre.

M. French: M. le premier ministre a dit qu'il vous a rencontré au début de janvier 1984 pour discuter des affaires de la commission d'étude et non pas, si on se fie à ce que le premier ministre a dit, des affaires qui avaient trait aux fonctions que vous exercez depuis quelques années comme Directeur général des élections.

M. Côté (Pierre-F.): Comme il m'est arrivé de rencontrer M. Gérard D. Lévesque aussi.

M. French: Est-ce qu'à ce moment-là vous avez rencontré M. Gérard D. Lévesque?

M. Côté (Pierre-F.): À cette période-là ou à d'autres, mais j'ai rencontré M. Lévesque à quelques reprises, oui.

M. French: On parle en plein milieu de la commission d'étude.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, en plein milieu de la commission d'étude, je me souviens de l'avoir rencontré. Il faudrait que je le retrouve dans mes dossiers. Je me souviens d'avoir rencontré le leader de l'Opposition également.

M. French: Quelle était la date précise de vos rencontres?

M. Côté (Pierre-F.): Écoutez! Il faudrait que je fasse la recherche dans mes dossiers, parce que vous posez une question... Je ne vois pas, évidemment, la relation que vous faites entre ces rencontres et le rapport de la commission. Je voudrais que vous précisiez.

M. French: Je ne vois pas la relation, non plus, sauf que je m'interroge sur le fait que le premier ministre a fait part publiquement d'une rencontre avec vous et je me demande ce qui s'est passé. Je voulais vous donner l'occasion de nous l'expliquer. M. Lévesque dit, entre autres, que vous avez discuté des travaux de la commission. Vous l'avez informé que la commission ferait des recommandations. Vous l'avez informé que vous seriez prêt en mars. La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'à ce moment-là vous avez rencontré Gérard D. Lévesque pour lui faire part des mêmes informations, des mêmes renseignements?

M. Côté (Pierre-F.): Comme je vous le dis, il faudrait que je vérifie si c'est exactement à la même période. Tout ce que je peux vous dire, de mémoire, c'est que j'ai également rencontré M. Lévesque.

M. Gratton: M. Côté, pourriez-vous nous assurer que vous allez nous fournir l'information parce qu'effectivement les vérifications qu'on a faites auprès de M. Lévesque nous indiquent qu'il n'y a pas eu de rencontre à ce moment-là, sauf erreur? Si vous pouvez nous faire parvenir l'information plus tard parce que la commission terminera ses travaux ce midi.

M. Côté (Pierre-F.): Je vais essayer de retracer ce que vous dites. Ce que je veux bien préciser, c'est que, dans l'exercice normal de mes fonctions, il m'arrive - c'est tout à fait normal et régulier; mon prédécesseur l'a toujours fait avec onze premiers ministres - de rencontrer le premier ministre. Qu'il ait été, à l'occasion de cette rencontre, question des travaux que nous effectuons, qu'il y ait eu quelques échanges là-dessus, si M. Lévesque dit qu'il y en a eu, il y en a probablement eu. Moi, je ne me rappelle pas cela de façon précise parce qu'il y a d'autres sujets que j'ai abordés avec lui.

Je dis que j'ai également rencontré M. Gérard D. Lévesque non pas nécessairement avant, après ou immédiatement à ce moment, mais je l'ai rencontré au sujet des travaux de la commission sur certains sujets. Et nous avons également, les trois commissaires, rencontré M. Gérard D. Lévesque avant d'entreprendre nos travaux, comme on a également rencontré le premier ministre.

M. French: Je vais retenir, M. le Président, mon droit de revenir lorsqu'on aura des informations précises, d'abord, sur la date de la rencontre avec M. Lévesque de janvier 1984 et deuxièmement, des renseignements...

M. Blouin: Parlez-vous de la rencontre avec M. Gérard D. Lévesque ou avec M. René Lévesque? De quelle rencontre s'agit-il, de la rencontre avec M. Gérard D. Lévesque ou avec M. René Lévesque?

M. Gratton: II n'y en a pas eu.

M. French: Si vous me permettiez de finir, vous l'apprendriez peut-être, M. le député.

M. Blouin: Ah bon! J'ai hâte.

M. French: Non seulement la date de la rencontre avec M. René Lévesque, mais aussi les dates des rencontres que vous avez tenues avec M. Gérard D. Lévesque et on pourra continuer si le besoin se fait sentir.

M. Côté (Pierre-F.): M. le député, la seule chose que je veux vous dire, c'est que j'espère avoir conservé cela. Je n'ai pas toujours l'habitude de conserver en note toutes les rencontres, toutes les heures et les dates. J'espère être capable de le retrouver; c'est tout ce que je peux vous dire pour le moment.

M. French: M. le Président, je ne peux que vous demander qu'au meilleur de vos connaissances et de vos renseignements vous nous informiez de ce qu'il en était.

Représentation des femmes et des minorités

Maintenant, je voudrais parler d'une autre question et c'est celle de la représentation des femmes et des minorités à partir de vos recommandations. En effet, je ne réussis pas à saisir précisément pourquoi certains groupes vous ont informé de leur appui à votre proposition ou, en tout cas, à un système semblable parce qu'ils croyaient que cela favorisait une meilleure représentation des femmes ou des groupes minoritaires. Je ne réussis pas, non plus, à comprendre pourquoi vous avez accepté qu'une telle réforme serait susceptible de favoriser ce genre d'amélioration de notre système. Je pense que tout le monde sera d'accord pour dire que ce serait une amélioration.

M. Côté (Pierre-F.): M. Bourassa.

M. Bourassa: Si je comprends bien, l'essentiel de votre question, c'est pourquoi nous avons accepté de rencontrer et d'entendre ces groupes.

M. French: Pas du tout. Je m'excuse, je n'ai pas demandé pourquoi vous les avez rencontrés, mais pourquoi vous avez accepté. Vous auriez pu dire: On accepte que c'est une bonne idée, mais le système ne fonctionne pas comme cela. Ce n'est pas du tout pourquoi vous les avez rencontrés.

M. Bourassa: D'accord. Je vais vous répondre en revenant à un aspect qui a été beaucoup discuté et c'est une ligne de préoccupation majeure de ce rapport; il s'agit de trouver le mécanisme le plus souple qui permette à des groupes divers d'être représentés. Parmi les principaux intervenants, puisque vous avez évoqué ce cas, plusieurs groupes représentant les femmes - je n'ai pas fait le décompte - sont intervenus et de façon à peu près unanime -je ne voudrais pas faire d'erreur - en tout cas de façon très majoritaire, ces groupes nous ont dit: Nous souhaiterions que le mode de scrutin soit transformé et, dans les propositions de transformation et de modification que nous voyons - je répète encore les propos que tenaient ces groupes -un mode proportionnel nous paraîtrait valable. Il est même arrivé, toujours en référence aux groupes représentant les femmes, si on peut s'exprimer ainsi, que certains de ces groupes émettent des réserves sérieuses même sur la proportionnelle en disant: Ce n'est pas certain que cela va améliorer autant la situation qu'on le souhaiterait, mais il est certain que, pour nous - c'est ce qui s'est dégagé, je résume à grands traits la démarche - ce serait une étape et un pas importants. (11 h 45)

Alors, ces remarques concernant les femmes, donc, souvent répétées, qui semblaient émaner de groupes divers qui avaient réfléchi à la question, qui ont déposé des mémoires, à quelques occasions, extrêmement bien faits, si vous voulez, se sont ajoutés à d'autres remarques. Par exemple - vous avez parlé aussi des minorités, mais je ne pense pas qu'on puisse les qualifier de minorités - les jeunes ont été un autre groupe social, si je puis dire, qui est intervenu de la même manière pour nous dire: Nous pensons que le mode de scrutin devrait être assoupli, renouvelé pour nous laisser une voix au chapitre.

Alors, pourquoi, donc, avons-nous accepté cela? C'est qu'il nous a semblé que ces propositions, que ces suggestions et recommandations venant de leur part s'ajoutaient fort bien à d'autres recommandations et à d'autres suggestions qu'on entendait dans les diverses régions, qu'on entendait venant de divers groupes représentant aussi bien des maires de municipalités que des chambres de commerce, que des centrales syndicales. En définitive, c'est donc dans cette espèce de courant très global que les représentations des groupes féminins et des minorités ont été considérées par nous-mêmes et incorporées dans ce rapport.

M. French: Oui, M. Bourassa, cela, j'en suis. C'est sûr qu'un certain nombre de groupes vous ont dit cela. La question que je pose: Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment c'est supposé bénéficier à ces groupes? Non pas qu'ils croient que cela va leur être bénéfique, j'accepte qu'ils croient cela. Mon problème, c'est que vous, vous êtes des experts, vous avez étudié toute une série de choses, vous avez voyagé, vous avez utilisé les sondages comme d'autres outils, vous avez fait toute une série de recherches et vous avez consulté des experts. J'aimerais faire la lumière sur le mécanisme à l'intérieur du principe de la proportionnelle qui va aider ces groupes; c'est cela que je ne saisis pas.

M. Bourassa: Je pense qu'on peut y répondre en mettant l'accent sur un point très précis. Le mode de scrutin que nous proposons, la proportionnelle territoriale, s'appuyant essentiellement - et c'est un des éléments clés - sur le scrutin de liste et de liste ouverte où les choix peuvent même être panachés d'un parti à l'autre, permettra aux électeurs, justement, de faire le départage entre les candidatures féminines qui pourraient leur paraître intéressantes ou les candidatures des jeunes ou les candidatures d'autres groupements sociaux. Alors, une des techniques à la base même de tout ce système qui est la liste constituée au niveau d'une circonscription plurinominale - nous avons, justement, recommandé, sans en faire une proposition absolument intouchable, loin de là, qu'elle soit ouverte et même que l'électeur puisse, encore une fois, panacher d'une liste à l'autre - est à peu près la réponse à la question que vous posez, me semble-t-il. Par ce mécanisme, nous pensions offrir, nous pensions avoir en main un élément qui permettait cette expression des différents groupes.

M. French: Alors, l'argument se résume à ceci et je ne veux pas le déformer. Je vais vous inviter à commenter mon résumé très sommaire. Les comtés dans le système actuel ne permettent pas l'expression de candidatures féminines ou de groupes particuliers de la société, mais les centrales des partis vont être plus susceptibles de favoriser de telles candidatures. Est-ce qu'on peut le résumer comme cela puisque les

centrales auront un rôle déterminant dans la confection des listes?

M. Bourassa: Les centrales?

M. French: Le parti comme expression d'un chef et d'une permanence et d'une prise sur la confection de la liste?

M. Bourassa: Dans le résumé que vous faites, il y a un élément que j'ajouterais qui est très important: ce sont les membres des partis et les électeurs qui auront, à travers ces listes, des choix qu'ils n'ont pas maintenant et on nous l'a beaucoup souligné. Dans le mode de scrutin actuel - vous le savez sûrement beaucoup mieux que moi - il y a un certain type de candidatures, par exemple, dit-on, les candidatures féminines qui - en tout cas, les statistiques le montrent - n'ont pas été prédominantes et si nombreuses que cela; la même chose pour d'autres catégories. Mais, dans la technique dont je viens de parler, ce ne sont pas que les centrales des partis, loin de là, ce sont les membres des partis eux-mêmes qui auront leur mot à dire dans la fabrication de ces listes. Je pense qu'il faut bien conserver à l'esprit que les listes, ce n'est pas un exercice intellectuel qui se fait dans un bureau d'universitaires, sûrement pas, et cela aussi, vous le savez mieux que moi. Ce sont les dirigeants et les leaders des divers partis qui, dans tous les cas qu'on peut examiner où un mode de scrutin semblable existe, ont cette responsabilité de la fabrication d'une liste qui rencontre les besoins de la population. Donc, il y a - je vous l'accorde -l'action déterminante de ces dirigeants, mais il y a aussi le poids très grand des membres du parti dans le choix des membres de cette liste. Troisièmement, il y a - ce qui est aussi un autre élément très important dans la démocratie - le choix des électeurs qui, dans l'ensemble de ces listes, ont un plus grand éventail de possibilités que maintenant. C'est, je pense, l'essentiel de ce que l'on peut fournir sur cette question.

M. French: M. Bourassa, ce sont les membres du parti qui choisissent les candidats dans les comtés respectifs; alors à l'intérieur d'une convention comment ces membres d'un parti vont-ils se comporter autrement compte tenu de votre proposition?

M. Bourassa: J'accepte votre postulat que ce sont les membres d'un parti. Je ne suis pas là pour discuter qui choisissent leur candidat. Ce que nous pensons c'est qu'à partir du moment où il s'agit dans un scrutin de liste de choisir plusieurs candidats pour une seule circonscription c'est un peu une vérité mathématique élémentaire, dès que le choix est plus que pour une personne on peut se permettre de la variété. Je m'excuse de le dire aussi simplement que cela.

M. French: Qui est la personne qui décide: Eh bien, je peux me permettre de la variété?

M. Bourassa: L'électeur, c'est-à-dire le membre du parti.

M. French: Oui, mais si les personnes ne sont pas sur la liste du parti, alors le choix de l'électeur se trouverait insatisfait.

M. Bourassa: Si vous me le permettez, prenons l'exemple qu'on a beaucoup évoqué d'une circonscription dans la région de Montréal où il y a 19 candidats à choisir. On a élevé contre cela des difficultés qui peuvent être très importantes, mais il m'apparaît évident que dans une circonscription comme celle-là sur la liste il y a un bon nombre de groupes, de représentants des femmes, de jeunes et de divers mouvements qui peuvent arriver à se faire représenter sur la liste en bonne position et obtenir donc une plus grande chance d'être élus alors qu'aujourd'hui la règle du jeu dans le mode du scrutin où nous sommes est beaucoup plus tranchée, si je puis dire. Il y a un candidat et encore une fois là cela n'est pas une opinion personnelle l'expérience montre bien que le choix de ce candidat a été fait de façon qu'il n'y ait pas de lendemain, si on veut. C'est un choix unique et ensuite l'élection donne des résultats très stricts, très précis et pas mal rigides. Ce qui veut dire, et les statistiques le montrent, qu'il y a un certain nombre de femmes. C'est vous-même qui avez évoqué la représentation des femmes. Il y a 52% de l'électorat qui viennent nous dire: Nous ne sommes à peu près pas représentées.

M. French: Personne ne remet en question le problème que nous avons dans la démocratie actuelle de la représentation féminine. C'est parce que je suis intéressé à avancer cette cause que je me pose des questions sur la légitimité de l'argument avancé pour la proportionnelle à savoir que cela va augmenter le nombre de femmes en politique.

M. Bourassa: Si vous me le permettez, je pourrais peut-être tout simplement tâcher de vous résumer la position d'un certain nombre de ces groupements qui nous disaient: Quand il s'agira de fabriquer dans un mode proportionnel une liste, nous serons en meilleure position, nous groupements féminins, sur une liste d'environ dix candidats de réclamer qu'il y ait trois candidates féminines en bonne position, alors qu'actuellement où il y a un seul candidat à choisir nous sommes défavorisées par le système.

M. French: Où cette pression va-t-elle s'exercer lorsque les listes sont en train de se faire confectionner? Auprès de qui?

M. Bourassa: Auprès de la direction des partis, auprès...

M. French: Ah voilà! M. Bourassa: Pardon? M. French: Voilà, c'est cela.

M. Bourassa: Mais ma réponse n'était pas terminée, auprès des membres du parti. Il y a toute une dynamique interne dans les partis politiques. Je n'ai pas la prétention de réduire strictement à la tête du parti. Quand arrivera la convention où seraient choisis ces dix candidats parmi lesquels il y aurait tant de candidates, cela ne sera pas que la direction du parti qui aura droit de parole, me semble-t-il.

M. French: M. Bourassa, je voudrais le croire.

M. Bourassa: J'espère vous en convaincre.

M. French: Excusez-moi.

M. Bourassa: J'espère justement vous en convaincre.

M. French: D'accord. Je voudrais vous donner ma réaction très honnête face à cela parce que j'aimerais bien que ce soit le cas et si c'était le cas cela me motiverait d'être très intéressé par une réforme qui ferait en sorte que surtout les femmes soient mieux représentées, mais malheureusement il faut une prise quelque part sur le processus. Il faut une place où les femmes seraient en mesure d'aller et il faut des gens à qui s'adresser et que ces gens-là aient aussi une prise sur le processus interne de chaque parti. Je ne peux qu'imaginer que ce point de pression serait la centrale des partis politiques. J'ai beaucoup de difficulté à voir pourquoi ces centrales seraient dans la réelle politique de tous les jours avec toutes les pressions qu'on y connaît et pas seulement dans l'empire où on exprime nos souhaits et nos désirs. La liste ferait-elle en sorte qu'il y aurait une plus grande possibilité et les gens à la direction du parti ou les gens avec une prise importante sur la confection des listes seraient-ils nécessairement plus intéressés à écouter qu'ils ne le sont aujourd'hui? Après tout, il y a probablement plus de 52% des femmes; malheureusement le processus est ainsi fait qu'une bonne proportion de ces femmes préfèrent appuyer, à l'intérieur du parti, un homme comme elles en ont nommé un depuis cent ans à

Westmount. Je peux regretter cela mais je ne vois pas pourquoi le système va changer cette réalité de base et je ne vois pas pourquoi les féministes auraient un meilleur auditoire, plus réceptif, dans le nouveau système.

M. Bourassa: Je respecte tout à fait votre opinion. Tout ce que je puis ajouter, c'est que nous pensons que cette proposition a plus de chance d'ouvrir un certain nombre de possibilités que le système actuel; lui, on voit bien comment il fonctionne, donne des résultats quand même très évidents.

M. French: Je dirai tout simplement que cela dépend ultimement d'une volonté à la direction des partis.

Une voix: Tout à fait.

Le Président (M. Dussault): C'est maintenant au tour de M. le député de Chauveau.

Proposition d'un système mixte

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Messieurs de la commission, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui pour la première fois au cours de ces travaux. Si je n'ai pu le faire avant c'est que j'étais présent à la commission de l'éducation concernant le problème de financement des universités.

Le mode du scrutin m'intéresse assez vivement depuis quelques mois et j'ai tenu à prendre quelque temps pour vous faire part de mes observations. Il est entendu que lorsque nous abordons cette question de la réforme du mode de scrutin notre grande préoccupation à tous c'est de tenter d'améliorer la qualité de la vie démocratique au Québec. Je crois qu'il y a deux éléments très importants dont nous devons tenir compte, dont vous avez d'ailleurs tenu compte et dont l'ensemble des intervenants tiennent compte aussi. Pour avoir une bonne qualité de démocratie, cela prend une bonne représentation de l'ensemble de la population au niveau de l'Assemblée nationale, au niveau des élus. Mais il y a un autre aspect qui est très important, c'est l'aspect de la qualité de la relation entre l'électeur et l'élu. Cela, je crois que vous l'avez très bien reconnu dans votre mémoire. C'est accepté par tous, je pense bien.

Je dirais que le premier élément, la bonne représentation, c'est un élément plutôt d'ordre quantitatif et l'autre, à mon sens, la qualité de la relation, c'est un élément spécifiquement d'ordre qualitatif. Personnellement, j'ai plutôt tendance, tout en assurant une certaine représentation proportionnelle, une certaine proportion d'élus par rapport au nombre d'électeurs - c'est entendu qu'il faut respecter cela - à croire

que la dimension de la qualité de la relation pour une qualité de la démocratie, c'est peut-être à mon sens la dimension la plus importante. C'est à la lumière, je pense bien, de ces deux éléments essentiels constitutifs - si vous voulez - d'une mode de scrutin en vue d'une qualité de démocratie qu'il faut juger un peu les différents systèmes, juger des avantages et des inconvénients. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait, je pense, dans votre travail. Je n'ai pas l'intention de poursuivre la dissection. Cela fait plusieurs jours qu'il se fait de la dissection des systèmes, dissection du système actuel et dissection de votre proposition "la proportionnelle territoriale".

Je vais seulement résumer un peu certains éléments qui ont été dégagés de cette dissection pour me lancer dans une autre voie. Pour moi le temps de la dissection achève et disons que dans mon cas je l'ai terminée il y a quelque quinze jours, trois semaines, un mois et j'ai essayé de penser une formule pour tenter de sortir de l'imbroglio et de l'impasse où nous nous retrouvons. Je pense que la commission présente montre que finalement, si l'on reste sur le statu quo ou sur la proposition que vous avez avancée, la "proportionnelle territoriale", nous sommes dans une impassse. Je me risquerai tantôt, sans prétention, à énumérer certains éléments d'une proposition de réforme qui, j'ose le dire, rallierait les membres de l'Opposition libérale. Ils sont un peu distraits là, ils n'ont pas réagi, mais j'espère qu'ils suivront quand même un peu la représentation que je ferai plus tard. J'aimerais connaître leur réaction à cela après et probablement celle de l'ensemble des citoyens du Québec. (12 heures)

J'aimerais venir un peu à: Pourquoi je suis contre le statu quo et pourquoi je suis contre la proportionnelle? Dans le statu quo, le régime actuel, il y a des avantages et à mon sens la qualité de la relation entre l'électeur et l'élu, elle est avantagée dans le système actuel. Il y a une difficulté au niveau de la représentation, d'où les distorsions possibles et, aussi, le fait qu'il y ait des groupes, des tendances minoritaires qui ne peuvent pas être présenté. Ce sont les deux inconvénients majeurs.

Maintenant, si on prend la proportionnelle territoriale, je crois réellement - il y a eu beaucoup d'interventions qui se sont faites dans ce sens aujourd'hui, je ne veux pas reprendre ces arguments - que la relation de l'électeur et l'élu va en prendre un coup. Et l'argumentation tantôt du vedettariat à l'encontre du contact beaucoup plus personnel entre l'électeur et l'élu, c'est une menace à mon sens majeure de votre système. Et c'est surtout pour cela que je m'oppose à la proportionnelle.

Vous parlez que cela va créer une nouvelle dynamique dans les partis politiques - c'est vrai - et vous faites allusion à la nécessité d'un travail d'équipe et d'un partage des responsabilités. Mais quand on connaît la logique du comportement et de l'agir d'un homme politique, qui finalement détient son mandat par une majorité de votes qu'il va chercher dans la population, je crois que le système de la proportionnelle introduit un élément de dissension à l'intérieur des membres d'une même équipe dans une même région. Je suis convaincu de cela et cela ne servira pas les intérêts de la population. Déjà, ce genre de rapport partisan entre deux partis de l'Opposition, très souvent, ne sert pas toujours les intérêts de la population. Et si vous introduisez à l'intérieur même des membres d'une même équipe, même parti, cette même rivalité, cette même concurrence face à l'électorat, dans un immense territoire, vous allez avoir tout un système de compétition. Vous allez peut-être me dire: La concurrence, cela peut être sain, mais dans un certain niveau la compétition d'un homme politique ne sert pas toujours les intérêts de la population. Et le gigantisme des territoires nuit à cette présence et cette qualité de la relation. On en a fait allusion tantôt. Je trouve que c'est un inconvénient.

Au niveau de la réforme du Code municipal ou enfin le système des élections au niveau municipal, on a justement voulu améliorer la qualité en réintroduisant les quartiers, en généralisant le système des quartiers pour rapprocher l'électeur de l'élu, assurer une présence et une identification de la personne aussi. Dans les immenses territoires, il ne faut pas penser que cela va être facile de reconnaître et d'identifier qui va être notre député. On a de la difficulté dans les circonscriptions qui sont relativement petites aujourd'hui. Au niveau de la qualité de la relation, j'ai des objections considérables à cette position.

Maintenant, il n'y a rien d'absolu là-dedans, c'est évident. Il s'agit de faire la somme des avantages et des inconvénients. Comme je vous ai dit que je privilégiais l'élément qualité de la relation, c'est sur cette base que j'ai essayé de conserver les avantages du système actuel qui privilégie la qualité de la relation en apportant quelques correctifs au fait que ce système peut engendrer une disproportion dans la représentation. Et je pense qu'on peut arriver avec quelque chose qui ne brusquera pas les traditions électorales de notre milieu, qui va permettre aux gens de se reconnaître beaucoup plus facilement dans le système et de s'identifier beaucoup plus facilement à un candidat.

Je me permets de vous énumérer les principaux éléments et peut-être qu'après coup on pourra venir préciser les avantages

au passage et peut-être revenir sur les inconvénients à la fin, je suppose. Je n'ai pas la prétention que... Il n'y a aucun système qui n'a pas d'inconvénient. Il s'agit de faire la somme et de choisir celui qui en a le moins et qui conserve les avantages. Je conserverais simplement la base actuelle des 122 circonscriptions uninominales. Déjà, si vous voulez, à partir de là on peut se rallier beaucoup de personnes.

Et je prévoirais un certain nombre de sièges pour qu'il y ait une compensation, si nécessaire. On veut réformer parce que le système actuel engendre des distorsions, mais il n'y a pas toujours des distorsions. Il y a beaucoup de résultats d'élections sur la base uninominale qui ne nécessitent pas des correctifs. Pourquoi vouloir à tout prix corriger des distorsions alors que souvent il n'y en a pas de distorsion? Donc, je prévoirais un certain nombre de sièges qui pourraient être éventuellement occupés par l'un ou l'autre des partis, s'il y a lieu de corriger et s'il y a distorsion. Prenons comme hypothèse qu'on pense à dix régions, ou le regroupement dans le territoire du Québec de l'ensemble des 122 comtés en dix régions qui devraient regrouper autour de dix - je vous dirai tantôt pourquoi - il faudrait que cela gravite autour de douze, il ne faut pas que cela s'écarte beaucoup de la moyenne de douze par région - et qu'on prévoie deux sièges dans chacune de ces grandes régions et qu'on fasse jouer la compensation au niveau de la région. On pourrait établir des règles pour faire jouer la compensation. Prenons la règle suivante: Pour qu'un parti puisse prétendre occuper éventuellement les deux sièges, il faudrait tout d'abord que dans la région il ait obtenu 30% du vote populaire et que deuxièmement le fait d'occuper un ou les deux sièges ne fait pas en sorte que le pourcentage de sièges qu'il occupe dans la région outrepasse le pourcentage du vote populaire qu'il a obtenu. Si un des sièges est laissé vacant et qu'un parti dans la région a obtenu 15% du vote populaire, il pourrait prétendre occuper ce siège, toujours à la condition que le fait d'occuper ce siège ne fasse pas en sorte que le pourcentage de sièges occupés dépasse le pourcentage du vote populaire qu'il a obtenu, ce qui est fort peu probable parce que, lorsqu'on obtient 15% du vote populaire en deçà de 30%, c'est assez rare qu'on fait élire un député dans une région, et cela si nécessaire! II y a beaucoup de régions qu'il n'y a pas de distorsions, donc cela ne joue pas. L'avantage c'est qu'on corrige ce qui existe actuellement, c'est qu'il y a des régions qui n'ont que des députés d'un seul et même parti. Là, on s'assure qu'au niveau de chacune des régions il y a la possibilité, si nécessaire, d'avoir au moins un ou deux députés du parti qui ne sera pas au pouvoir. Maintenant je ferais jouer une compensation au niveau national. Une fois qu'on a fait jouer la compensation au niveau régional on se pose la question: Est-ce qu'il y a encore sur le plan national une grande distorsion? S'il y avait distorsion au-delà de 10%... Encore là je ne suis pas de ceux qui disent qu'il faut que la représentation soit absolument proportionnelle et soit une égalité mathématique. Ce n'est pas là que la qualité de la démocratie se retrouve, ce n'est pas là, vous savez, c'est sûr. Pourvu qu'il y ait une représentation significative des différentes tendances, une représentation significative du parti qui joue le rôle de l'Opposition, cela assure la représentation des tendances dans notre société. Il n'est pas nécessaire d'avoir une représentation comme on a dit tantôt de chaque individu et de chaque petite nuance ou tendance, ou de chaque petite opinion particulière. À ce moment-là il faudrait aller comme tantôt, revenir à la démocratie agorienne de la Grèce et on sait ce que cela a donné. C'est impossible à réaliser dans notre système. Alors, si au niveau national une fois qu'a joué la compensation régionale, il y a un écart encore, une distorsion d'environ 10% entre le nombre de sièges, là il y aurait deux sièges de disponibles pour le parti qui jouera le rôle de l'Opposition.

Au niveau national, j'introduis un autre élément pour introduire les tendances minoritaires. On pourrait prévoir facilement que tout parti qui au niveau national obtient 5% du vote aura droit d'occuper un siège. Maintenant qui va occuper ces sièges? Comment désigner les personnes qui vont occuper ces sièges? Je laisserais encore au jeu du vote uninominal de désigner qui va occuper le siège. Ne pas compliquer le système, ne pas dire que cela va être une autre instance qui va décider d'avance qui occuperait ce siège-là, non! On laisse au jeu du vote uninominal de décider qui va l'occuper. Vous avez une région donnée, il y a un parti qui a droit d'occuper un ou deux des sièges, le candidat qui n'a pas obtenu dans le tour de vote la majorité dans son comté mais qui a obtenu dans la région le plus haut taux du vote populaire occupe ce siège. C'est la population qui décide lors d'un vote uninominal finalement. La légitimité du siège occupé par cette personne se fonde sur le pourcentage du vote que son parti qui défend des tendances idéologiques dans le milieu a obtenu dans la région. Parmi ceux qui n'ont pas obtenu la majorité dans la circonscription, c'est celui qui a obtenu le plus haut taux de votes populaires parmi les autres candidats.

Là on évite le problème des deux classes de députés, parce que, si vous laissez à un parti politique de désigner finalement qui va occuper ces sièges, vous introduisez deux classes de députés. En même temps cela crée une dynamique parce que ceux qui

peuvent occuper un siège doivent s'embarquer dans la lutte électorale sur un territoire relativement limité à la mesure humaine d'un homme. On évite ce qu'on a dit tantôt: la course au vedettariat par le biais des médias et de négliger le contact avec les gens.

Le système actuel force le candidat à aller vers les gens et à établir un contact personnel. Tous les candidats qui peuvent prétendre occuper un siège devront s'engager dans cette forme d'activité politique et devront apprendre à être près des gens et aller vers les gens et non pas faire de la politique, si vous voulez, seulement dans les corridors et à travers les médias.

De plus, l'objection est que là vous parlez d'augmenter le nombre de députés. Théoriquement, cela pourrait peut-être aller à vingt, plus deux ou trois, parce qu'avant qu'il y ait plus de deux ou trois partis qui obtiennent 5% du vote, disons trois, on pourrait aller théoriquement à un maximum de 145, mais théoriquement. En pratique ce ne sera pas cela. Il y a toujours dans l'une ou l'autre des régions le respect de la proportion. Il n'y aura pas de distorsion selon les règles établies qui jouera. Il pourrait y avoir entre cinq, dix ou quinze sièges qui seront occupés: jamais le maximum et rarement le minimum, entre cela. Pour contrer l'objection du coût, pourquoi ne déciderions-nous pas dans la loi sur la carte électorale de figer mais de laisser monter la moyenne? Actuellement elle est de 36 000, parce que là il y a quand même d'autres dimensions. La valeur relative du vote de chaque individu, il faut en tenir compte. On ne peut pas avoir de circonscriptions avec le double du nôtre en électeurs avec le même nombre de députés. Il faut éviter cela.

Déjà on a prévu une moyenne par comté avec un maximum et un minimum. Pourquoi on ne déciderait pas de laisser monter la moyenne de 36 000 à 40 000, 42 000, 43 000 en ajustant les minima et les maxima en conséquence? Ce qui nécessiterait quelques petits ajustements de frontières durant les dix ou quinze prochaines années aux comtés actuels parce que la démographie n'évolue pas au même rythme partout, mais on n'aurait pas ces chambardements qu'on a assez régulièrement.

Il y a encore actuellement des électeurs qui étaient à la dernière élection dans le comté de Charlesbourg, qui se trouvent dans le comté de Chauveau et qui se pensent encore dans le comté de Charlesbourg et vice versa pour La Peltrie et pour... Cela prend du temps et ce sont des...

Alors, le gros avantage est qu'on assure une stabilité de la carte électorale. On pare aux inconvénients de laisser gonfler le nombre des députés en disant: Bien oui, on va laisser monter la moyenne parce que vous savez qu'on a augmenté de députés avec le système actuel depuis dix ans. Là on change la règle pour que les circonscriptions demeurent à 122 malgré l'augmentation de la population globale du Québec, en laissant augmenter la moyenne. Le tour est joué en un sens, si vous voulez.

Je me permets d'avancer cette formule et je crois que le parti de l'Opposition pourrait être assez ouvert sur cette formule-là et je crois aussi que les membres de notre parti le pourraient. La population se retrouverait, je crois, avec cela. On répondrait à un besoin que tous ressentent. Distorsion possible pour éviter que cela se reproduise dans certains cas, de ne pas compliquer le système alors que cela n'est pas nécessaire. Vouloir absolument trouver une distorsion alors qu'il n'y en a pas et quand il n'y en a pas.

On garde le système actuel de ces circonscriptions relativement petites où la qualité électeur-élu est sauvegardée et en même temps je crois qu'on pourrait rallier dans une réforme qui ne chambarde pas nos traditions une majorité de personnes.

Alors, je vous lance cela comme cela. Je crois qu'il faut penser à l'autre voie que le statu quo et la proportionnelle, parce que je crois qu'on s'en va dans une impasse si on reste sur ces deux formules. J'ose lancer cette proposition que j'ai cogitée et dont j'ai discuté avec quelques autres et que j'ai remise au comité des neuf qui l'a analysée. Je ne sais pas ce que cela va donner, mais je pensais que ce serait peut-être utile de lancer cette formule. Merci bien et j'aimerais entendre vos commentaires. (12 h 15)

M. Côté (Pierre-F.): Je demanderais à M. Lessard de faire quelques observations sur votre suggestion.

M. Lessard: Tout ceci nous semble très intéressant et cela nous semble aussi effectivement simple, mais n'attendez-vous pas que nous donnions un avis rapide là-dessus parce que recevoir une proposition comme cela tout d'un coup verbalement et rendre rapidement une réponse verbale, cela demande un peu de prudence.

Je vois rapidement deux ou trois problèmes. Il y a toujours ce problème des catégories de députés, des députés élus directement et choisis comme tels et des députés qui passent par la proportion. Il y a peut-être une réponse rapide à cela, c'est effectivement qu'ils sont tous tirés du scrutin mais ils ne sont pas tous tirés de la même façon. Il faudrait, je pense, analyser cela. Il faudrait aussi analyser le problème qui se pose pour la carte. On peut dire qu'on garde la carte actuelle pour la base, il y aura la carte des régions, c'est à voir, et aussi il faudrait étudier - là c'est beaucoup plus compliqué je pense - quelle est la possibilité effective offerte aux nouveaux

partis et aux groupes qui par ces nouveaux partis pourraient s'introduire plus facilement dans la politique. À première vue, ce sont les aspects les plus importants que je voudrais étudier et considérer avant de donner une réponse. Pour le moment je n'irais pas plus loin.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Chauveau, est-ce que vous avez eu l'occasion de déposer ces documents?

M. Brouillet: Où, à quel endroit?

Le Président (M. Vaugeois): Ici devant la commission?

M. Brouillet: Ici, non.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'on peut vous inviter à le faire?

M. Brouillet: Bien certainement. C'est ma copie, il faudrait en faire faire des photocopies, j'en ai une ici.

Le Président (M. Vaugeois): Nous comprenons donc que vous déposez le document...

M. Brouillet: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): ...et nous nous occuperons de le faire parvenir aux membres de la commission.

M. Brouillet: Très brièvement, pour la question des catégories des députés, je suis convaincu que le système de la proportionnelle est de nature à introduire des catégories de députés bien plus facilement que le système que je viens de proposer.

Le Président (M. Vaugeois): On ne commencera pas de débat sur cela. M. Côté, vous vouliez...

M. Côté (Pierre-F.): Oui, je voulais seulement ajouter qu'il aurait été également très intéressant que la prise de position du député ait été présentée devant la commission.

Le Président (M. Vaugeois): M. Côté, vous aurez compris que nous nous continuons et que ce que dégage...

M. Côté (Pierre-F.): Non, je fais cette observation juste pour signaler que je rejoins la remarque de M. Lessard que, pour nous, il est très difficile de dire cela a tels avantages, tels mérites, d'en discuter plus à fond. Tout ce que je veux signaler, c'est que je trouve que les suggestions que vient de faire M. le député méritent d'être étudiées. Ce sont des considérations qui sont très sérieuses et méritent d'être approfondies.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Et, comme le suggère le vice-président, nous devons maintenant amorcer progressivement les manoeuvres d'atterrissage. Nous allons demander au pilote de D'Arcy McGee de nous aider si l'on veut réussir à poser le train d'atterrissage sur la piste vers les 12 h 25 ou 12 h 30 et il va nous falloir votre collaboration.

Mode uninominal ou plurinominal

M. Marx: Merci, M. le Président. On va atterrir bien tranquillement...

Le Président (M. Vaugeois): En douceur.

M. Marx: ...et en douceur, c'est cela. En lisant les documents de la commission avec beaucoup d'intérêt j'ai trouvé que vous avez étudié pas mal en détail le système électoral de la Belgique. Je trouve cela tout à fait normal et logique que vous ayez étudié la Belgique étant donné qu'elle a une population de 10 000 000, c'est une monarchie constitutionnelle. Qu'on le veuille ou non, nous avons aussi au Québec une monarchie constitutionnelle. Il y a deux groupes linguistiques en Belgique et ainsi de suite. Et même après avoir fait lecture de ces documents et du travail du professeur Bernard, j'ai eu l'impression que vous vous êtes inspirés du système de la Belgique dans la proposition que vous avez faite sur la proportionnelle territoriale parce qu'en Belgique, par exemple, il y trente circonscriptions avec en moyenne sept sièges par circonscription et on élit deux cent douze représentants et ainsi de suite. Est-ce que j'ai raison de dire que vous vous êtes inspirés beaucoup du système de la Belgique dans votre proposition?

M. Côté (Pierre-F.): En partie, M. le député, parce que dans ce domaine il n'y a rien de nouveau sous le soleil, je dirais et, dans le domaine d'un mode de scrutin proportionnel, il y a des expériences qui, évidemment, sont vécues et ont été expérimentées dans d'autres pays. Ce fut d'ailleurs une des raisons de l'accomplissement de cette mission. Vous allez voir sur place comment cela se suffit, comment se formule un mode de scrutin proportionnel.

Cependant, une des différences qui est manifeste dans notre rapport c'est que, si nous avions cru que le système belge devait être transposé intégralement au Québec, nous l'aurions dit très clairement. Nous disons, dans notre proposition, qu'il faut tenir compte de caractéristiques très québécoises et nous les énumérons, comme vous le savez.

Évidemment, en Belgique, il y a un

problème dont il faut tenir compte et qui est très complexe, c'est le problème des relations entre les deux groupes culturels qui a une grande importance dans la vie politique.

Si je ne me trompe pas le mode d'allocation des sièges en Belgique est différent de celui qu'on propose et le vote aussi est différent de celui que l'on propose.

M. Marx: C'est sûr que c'est différent puisque dans vos propositions il y a des ajustements pour le Québec. C'est assez proche du système proportionnel qu'ils ont en Belgique. Il y a des différences, bien sûr, parce que là-bas ils ont deux Chambres, ils ont un Sénat; nous n'avons pas de Chambre haute au Québec. En passant j'ai trouvé aussi que le système en Belgique ne fonctionne pas bien. J'ai lu dans le livre de Cadart que l'électeur peut voter de sept façons valables: un vote en tête de liste; un vote de préférence pour un candidat effectif; un vote de préférence pour un candidat successeur; un votre de préférence pour un candidat effectif et un candidat successeur de la même liste; une combinaison de l'une des trois dernières façons de voter avec un vote en tête de liste pour le même parti. Cela devient assez compliqué, mais je ne veux pas vous faire part de tous les problèmes en Belgique. J'ai ici le compte-rendu que vous avez rendu public vous-même, l'interview accordé par M. Francis Delpérée. On voit par exemple qu'en Belgique le système ne favorise pas beaucoup les femmes. Il y a très peu de députées femmes en Belgique, entre autres.

M. Côté (Pierre-F): Je m'excuse de vous interrompre, M. le député. Si vous me permettez, à ce sujet, pour moi c'est un gros point d'interrogation parce que je ne suis pas très sûr qu'il y ait quelque mode de scrutin que ce soit qui ait, comme vertu immédiate, de favoriser les candidatures féminines. Je pense que c'est avant tout le contexte social et la volonté des partis politiques pour y arriver.

M. Marx: C'est cela. Tout cela pour dire que mon collègue, le député de Westmount, a raison. Il a dit que le système proposé ne favorise pas, n'a pas d'influence...

M. Côté (Pierre-F): Cependant, ce que nous disons dans notre rapport, et je vais être plus précis aussi là-dessus, c'est que nous croyons que le mode de scrutin proportionnel favorise davantage l'arrivée, la participation ou les candidatures, devrais-je dire, des femmes ou d'autres groupes, par exemple, des jeunes, sur un scrutin de liste que... C'est ce que nous croyons; on peut diverger d'opinions là-dessus, mais c'est ce que M. Bourassa a explicité tout à l'heure et je le rejoins là-dessus.

M. Marx: Tout ce que je peux dire sur cette intervention, ce n'est pas appuyé dans la recherche que vous avez faite, c'est-à-dire que M. Delpérée n'est pas d'accord et dans d'autres documents on voit que les gens ne sont pas d'accord avec une telle prise de position. Aussi on voit que M. Delpérée a dit que la représentation proportionnelle n'a pas la garantie de protection des minorités. Il existe toujours une possibilité de les noyer. S'il y a cette possibilité de noyer les minorités, c'est la même possibilité en ce qui concerne les jeunes ou les femmes.

Ce n'est pas pire que dans le système actuel et peut-être que même c'est pire...

M. Côté (Pierre-F.): Remarquez que celle de M. Delpérée est une opinion. On en retrouve d'autres...

M. Marx: C'est cela. J'ai cité une opinion. Cela n'est pas toute la vérité de donner une opinion, mais si on me donne le temps je peux en citer beaucoup d'autres qui disent la même chose et qui se trouvent dans les documents que vous avez rendus publics. Je n'ai pas sorti beaucoup de documents que vous avez rendus publics parce que j'ai trouvé que la pile était assez grande et que vous avez fait des études assez étoffées.

Pour passer à un autre sujet, c'est très simple, cela m'a beaucoup frappé que vous n'ayez pas fait d'étude sur ce qui s'est passé ailleurs au Canda. Depuis 60 ans, sauf le Québec, dans toutes les autres Législatures provinciales, on avait un système plurinominal - je pense que c'est cela le mot. Par exemple, j'ai ici et je suis sûr que que vous avez déjà consulté et vous êtes au courant de ce qu'il y a dans ce livre "The Election Process in Canada", by Terence H. Qualtur. À la page 118 et aux suivantes, il parle de "single and multimember constituencies". Si on regarde cela, on voit qu'il y avait des régions de plus d'un député en Colombie britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, dans l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve et dans toutes les Législatures provinciales, sauf au Québec. Cela m'a frappé qu'on n'ait jamais fait l'expérience au Québec d'avoir des régions où il y avait plus d'un député. Mais, dans votre rapport, vous ne faites pas état de cela dans d'autres provinces canadiennes, quoique vous ayez étudié le système dans les pays européens.

M. Bourassa: On peut très bien répondre à cela. C'est un fait qu'il y a eu plusieurs cas dans les provinces canadiennes et je pense même à l'échelle canadienne globale des circonscriptions plurinominales qui

élisaient plusieurs députés. D'une part, c'est un phénomène qu'on retrouve à quelques reprises. Cela n'est plus tout à fait ce que vous venez d'affirmer à ce sujet. Je pense par ailleurs que ces cas-là étaient explicables par des raisons... C'étaient des cas assez particuliers. Pour des raisons très particulières on laissait dans quelques circonscriptions la possibilité d'élire deux ou trois députés, c'était en référence à des circonstances particulières.

De plus, je pense aussi qu'on a quand même largement corrigé ces situations au cours des années. De toute manière, et ce qui me paraît peut-être essentiel dans le propos que vous avez soulevé, ma première réaction, en tout cas, est de dire que dans l'ensemble des provinces qui forment le Canada le mode du scrutin dans ses lignes fondamentales est le même que le nôtre. Ce que vous soulevez est, me semble-t-il, au niveau d'une technicité qui permet à certaines circonscriptions pour des raisons encore une fois particulières d'avoir droit à un certain nombre de sièges, soit parce qu'elles étaient très éloignées ou soit parce qu'elles étaient trop petites. Enfin, on voulait assurer une certaine représentation numérique. Alors, dans ces cas-là on a plutôt corrigé. D'ailleurs, nous proposons une technique en quelque sorte avec le facteur plus un qui est d'accorder à certains territoires un surplus de représentation, si l'on peut dire, en termes mathématiques, parce qu'on juge que soit l'éloignement ou soit la faible densité de la population créent des situations très particulières. Mais je pense que le cas des circonscriptions plurinominales dont vous parlez s'explique presque toujours, sinon toujours, par des facteurs très particuliers, mais qui n'ont rien à voir, me semble-t-il, avec le mode du scrutin comme tel de façon globale. (12 h 30)

M. Marx: J'ai oublié d'ajouter cela avant, toutes les provinces, sauf peut-être l'Île-du-Prince-Édouard, ont abandonné les circonscriptions plurinominales. Dans certaines provinces, c'était très important et je pense qu'en Nouvelle-Écosse 65% des députés étaient élus dans les comtés plurinominaux - je cite le livre de Qualtu. En Colombie britannique plus de 25% des députés étaient élus dans les régions, les comtés ou les districts plurinoninaux; c'était seulement en 1966, donc il n'y a pas si longtemps. J'imagine qu'il y a encore des députés vivants en Colombie britannique, en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick qui pourraient vous renseigner, par exemple, sur le rôle d'un député dans un comté plurinominal. Quel est le problème? Est-ce que c'est meilleur, qui représente qui dans le comté ou dans une telle région? Ils pourraient peut-être vous renseigner sur la confection des listes électorales et ainsi de suite. Ce sont tous des problèmes auxquels vous faites état dans votre rapport d'une façon très détaillée. Vous n'avez pas, il me semble, étudié ces problèmes dans le contexte des autres provinces qui ont déjà fait cette expérience.

M. Bourassa: Je suis bien d'accord avec vous dans l'ensemble, ce serait d'autant plus possible d'explorer cette piste qu'il existe encore en Colombie britannique des circonscriptions plurinominales.

M. Marx: Cela existe encore en Colombie britannique?

M. Bourassa: Oui.

M. Marx: Dans le document qu'on vous a soumis dans un mémoire, le professeur - je pense que c'est un professeur - Louis Massicotte disait que cela n'existait qu'à l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Bourassa: Oui.

M. Marx: On ne va pas...

M. Bourassa: Que cela existe ou que cela ait existé récemment, ce à quoi vous faites allusion m'apparaît très intéressant, c'est-à-dire d'aller examiner avec ceux qui ont vécu ces expériences ce que cela a pu donner comme type de travail, avantages et inconvénients; je pense que c'est une piste à approfondir et à explorer très valablement mais, encore une fois, cela me paraît important de bien distinguer le cas de ces circonscriptions qui étaient au fond des circonscriptions d'exception. C'était l'exception à la règle, la circonscription plurinominale, alors que ce que nous proposons c'est plutôt un mode de scrutin où la règle sera que toutes les circonscriptions seront plurinominales. Au Québec, par exemple, d'après l'historique que j'ai devant les yeux, depuis 1867, et peut-être même un peu plus tôt, nous n'élisons plus qu'un député par comté. Auparavant nous avions des circonscriptions que l'on pourrait qualifier, au meilleur sens du terme, d'exception mais il y a peut-être deux types de circonscriptions plurinominales. Il y en a qui le sont par exception alors que pour d'autres le mode proportionnel en fait la règle, au contraire, la plus générale. Mais cela ne m'empêche pas, je me permets de le répéter, que...

M. Marx: C'est cela mais, M. Bourassa, j'ai lu quelque part qu'il y a trois cents systèmes de proportionnelles. Il me semble donc que tout est exceptionnel, que chaque système proportionnel est exceptionnel. Vous dites que les comtés, les districts ou régions plurinominales au Canada étaient des exceptions mais tout est une exception. Le

député de Chauveau a soulevé une autre possibilité qui serait une exception, c'est-à-dire que je comprends ce que vous voulez dire et j'accepte votre observation, mais je pense que la commission a manqué une dimension en n'ayant pas fait une étude de ce qui s'était passé dans d'autres provinces et même au Québec parce que nous avons vécu cette situation, je pense, au dix-septième siècle. On va chercher loin ce qu'on fait, en Europe ou en Nouvelle-Zélande, par exemple dans l'étude du professeur Bernard, mais on n'a pas fait l'étude comme on aurait dû faire, il me semble, des problèmes qu'on a déjà vécus soit au Québec ou ailleurs où que les gens ont vécus dans d'autres provinces, c'est tout.

M. Bourassa: On peut très bien admettre qu'on peut invoquer le temps mais aussi peut-être que d'autres raisons d'organisation du travail ont fait que cet aspect n'ait pas été abordé, je vous l'accorde entièrement, mais j'aimerais bien souligner, encore une fois, que tous ces éléments auxquels vous faites allusion relevaient quand même d'un mode de scrutin uninominal à un tour qui est celui que nous avons. Cela n'empêche pas que le débat pourrait sûrement être élargi.

M. Marx: Une dernière remarque par analogie, je veux souligner aussi que les villes de Montréal, Laval et Québec utilisaient le système plurinominal pour l'élection des conseillers municiaux jusqu'en 1978, et ça a été aboli par le gouvernement en place.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, tout cela était bien intéressant. Le député de Châteauguay, qui a demandé la parole, nous dit qu'en deux ou trois minutes il va régler ses questions.

M. Dussault: Ce sera bref, M. le Président. En fait, je voulais intervenir sur deux questions qui ont été l'objet d'un débat tout à l'heure. Je regrette de ne pas avoir pu le faire à ce moment-là, je suis sûr que la commission aurait gagné plus de temps si on avait généralisé cette pratique. C'est pour cela, M. le Président, que vous allez vous occuper activement de faire triompher le point de vue qu'il serait préférable de fonctionner ainsi plutôt que de compartimenter.

Le Président (M. Vaugeois): Cela aurait donné satisfaction au ministre également, tout à l'heure.

M. Dussault: C'est cela. C'est l'esprit de la réforme parlementaire, c'est pour ça que c'est important.

Le Président (M. Vaugeois): Je le crois comme vous, M. le député.

M. Dussault: M. le Président, une question était celle des femmes. Je n'aurai pas à parler longuement là-dessus parce qu'elle a été amenée sur le tapis par M. le député de Westmount avec un intérêt certain. Cependant, je pense qu'il y a un petit aspect qu'on aurait pu faire ressortir et qui aurait peut-être permis de réconcilier davantage les membres de la commission et M. le député de Westmount, c'est la question de savoir qui va choisir les candidats à l'élection et la lutte qui va exister au moment où ça va se passer. C'est évident que ce sont les militants des partis qui vont faire le choix des candidats. La variété dont parlait M. Bourassa tout à l'heure, c'est une réalité avec laquelle on va travailler quand les militants choisiront les candidats.

C'est évident, cependant, qu'à la prochaine élection où s'appliquerait un tel système ce n'est pas ce qu'on vivrait, c'est évident. À partir du moment où il y a encore 122 députés qui sont connus, ce sont les gens qui ont plus de chances, évidemment, de se faire valoir auprès des militants des partis que de nouveaux candidats. C'est évident qu'à cette élection les femmes qui comptent beaucoup, pour un très grand nombre - on l'a vu dans les mémoires - sur un changement du mode de scrutin, sur une proportionnelle, particulièrement pour arriver à des résultats, ne seront pas aussi favorisées qu'elles le souhaiteraient. À la longue - c'est comme ça qu'il faut le voir, il ne faut pas penser qu'on va atteindre tous les objectifs d'un coup sec - c'est un résultat qu'on va atteindre. Cela m'apparaissait important de faire valoir cela.

Ma deuxième question, c'était sur la carte électorale. J'ai écouté bien attentivement le député de Gouin expliquer son point de vue, tout à l'heure, où il faisait valoir que les territoires tels que découpés par la commission étaient trop grands et que ça aurait un effet négatif sur le rôle des députés. J'ai tendance à penser qu'avec les territoires tels que découpés, en tout cas, ceux qui donnent 19 députés à élire dans une circonscription régionale territoriale, ce n'est pas là l'objectif à atteindre, je ne peux pas être tout à fait d'accord avec la commission là-dessus.

D'un autre côté, je pense qu'un argument que le député de Gouin n'a pas fait valoir, ce qu'il faudrait faire ressortir, c'est que les députés seront appelés à jouer un rôle de plus en plus différent à mesure que le temps va passer. Tout le monde parle de décentralisation - les milieux le souhaitent - et les pouvoirs rattachés à cela, on dit qu'il faudrait qu'ils soient accompagnés d'argent, mais tôt ou tard l'Assemblée nationale aura à déléguer des

pouvoirs davantage plus grands aux milieux.

À partir de ce moment-là, le rôle des députés va changer inévitablement. Les députés de la région de Montréal, du fait qu'ils sont dans une ville, dans un territoire où il y a une grande municipalité - plusieurs députés sont de la région de Montréal -n'ont pas à jouer le rôle que l'on joue dans une circonscription comme la mienne. Dans les petites circonscriptions où il y a 42 municipalités, le député joue un rôle un peu semblable au mien, mais bien différent de celui joué par les députés montréalais. Je me dis que, déjà, la tendance est à l'effet que le député de la région de Montréal n'a pas à s'impliquer dans de petits dossiers, il a davantage à s'impliquer dans des orientations. C'est le rôle d'avenir du député. Dans ce sens, je me dis que, quand vous aurez retouché votre territoire électoral, la formule sera devenue beaucoup plus acceptable pour le député montréalais. C'est ce que je voulais dire, M. le Président.

Conclusions

Le Président (M. Vaugeois): M. le président Côté, si vous voulez réagir à cette intervention ou si vous voulez réagir aux travaux de la commission, c'est la dernière occasion que vous avez de le faire. À partir de maintenant, nous donnerons le droit de parole aux députés des deux partis.

M. Pierre-F. Côté

M. Côté (Pierre-F.): Non, je ne crois pas, M. le Président, que j'aie des commentaires particuliers à faire, sauf ceux de remercier les membres de la commission des débats que nous avons eus. Nous croyons avoir reçu, comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, un mandat de l'Assemblée nationale, un mandat qui a été accordé à l'unanimité des membres. Nous l'avons réalisé au meilleur de notre connaissance. On nous a fait certaines observations qui, pour certaines d'entre elles, sont exactes, sur la façon, par exemple, dont nous avons accompli le travail; en particulier on a fait des commentaires sur les missions d'étude ou d'autres missions d'étude qu'on devrait entreprendre. Je pense que, si jamais il y a d'autres d'entreprises, ce serait intéressant de se faire accompagner d'un certain nombre de députés pour n'oublier aucun coin de la planète, mais, ceci étant dit, je crois que pour notre part nous avons accompli le travail de façon consciencieuse, avec toute l'intégrité dont nous sommes capables, de façon responsable également. Nous avons soumis un rapport qui est le résultat de nos travaux. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, dès le début des séances de la commission, la responsabilité ultime ne nous appartient évidemment pas. C'est la vôtre. Il s'agit maintenant pour les députés de décider quelle suite ils entendent donner, s'il y en a une, au rapport que nous avons soumis là-dessus. Je vous remercie.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, au terme des travaux de cette commission, je voudrais indiquer aux membres de la commission que peu importe l'évaluation qu'on pouvait faire de certains points de leur rapport... J'ai eu l'occasion de souligner, par exemple, que j'étais en désaccord avec ce qui touchait la partie des candidats ou des députés indépendants. J'aurais pu aussi mentionner le fait que j'aurais préféré qu'une compensation se fasse au niveau national plutôt qu'au niveau régional, mais, peu importe tout cela, j'aurais été prêt personnellement à endosser un projet de loi qui se serait inspiré largement de la proposition de la commission à partir de l'évaluation que je faisais que cela nous sortait au moins du système actuel et que cela nous permettait d'entrer dans un système nouveau où on tenait davantage compte des électeurs et des électrices et aussi des besoins nouveaux du Québec. On pourra sûrement, un jour, trouver une formule qui, non seulement corrige les distorsions et les injustices du système actuel, mais qui, en plus, tienne compte de besoins nouveaux et différents, une formule qui soit amenée de façon peut-être plus positive. Je pense que le mérite de la commission aura été au moins de souligner les difficultés qu'on vit dans le régime actuel. Le mérite de la commission aura été aussi, non seulement de consulter les groupes et les citoyens intéressés, mais en plus de sensibiliser aussi une autre partie de la population au problème que pose notre mode de scrutin actuel.

Pour avoir dirigé une commission spéciale comme vous l'avez déjà fait vous aussi, j'ai cependant beaucoup de sympathie envers les membres de la commission parce que je pense qu'ils ont pu prendre conscience pendant les travaux de cette commission que ce n'est pas pour demain et que leur rapport, malheureusement, va passer à l'histoire, mais je doute fort qu'il soit appliqué dans les délais qui nous permettraient de tenir une prochaine élection dans un système différent et même une élection ultérieure. Je pense que c'est réaliste de le comprendre. On demande aux administrateurs d'être imputables de leurs gestes; je pense qu'il faudrait aussi demander aux hommes politiques de l'être. Le gouvernement est très fautif sur cette question. Près de six mois après avoir reçu le rapport de la commission à partir d'un

mandat - il n'est pas inutile de le répéter -un peu arraché à l'Assemblée nationale dans les négociations de fin de session, après deux engagements à l'intérieur de messages inauguraux, près de six mois après le dépôt du rapport de la commission, on n'a pas eu de proposition gouvernementale. On a même la nette impression qu'il n'y a pas de position de prise et la seule position nouvelle qui nous est venue du côté ministériel nous est venue du député de Chauveau et même pas du ministre à qui on avait imposé la tâche de représenter le gouvernement à cette commission. Je trouve cela déplorable et j'espère que, lors du message inaugural de la semaine prochaine, le premier ministre fera sur cette question ce qu'il a déjà fait sur d'autres et qu'il mettra le poing sur la table. Il l'a déjà fait sur des questions qui étaient, à mon sens, beaucoup moins importantes que la question qu'on discute actuellement. (12 h 45)

Je ne comprends pas le premier ministre - qui a acquis depuis longtemps cette réputation et qui a fait, effectivement, de l'amélioration de notre système politique et de la démocratie au Québec son cheval de bataille - de ne pas nous donner à nous, Québécois, ce dernier élément qui nous manque. Après avoir corrigé le financement des partis politiques, après avoir amélioré la Loi électorale, après avoir fait en sorte qu'on ait des mécanismes plus normaux et décents de détermination de la carte électorale, il nous manque ce morceau pour vraiment aller de l'avant et répondre aux besoins futurs du Québec. Je pense que toute la responsabilité, maintenant que les commissaires ont eu l'occasion de nous présenter en commission leur rapport, repose dans les mains du gouvernement. On ne peut demander, ni à l'Opposition, ni à des tiers, même mandatés par l'Assemblée nationale pour étudier une question, de prendre en charge une responsabilité qui, jusqu'à nouvel ordre, demeure la responsabilité du gouvernement.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Frontenac, vous voulez une minute ou deux, si j'ai bien compris?

M. Gilles Grégoire

M. Grégoire: Deux minutes, M. le Président. Je ne suis pas intervenu dans le débat, parce que j'ai cru comprendre dès le départ que, ni l'Opposition, ni le gouvernement ne voulait se ranger du côté de la proposition formulée par la commission qui nous a fait son rapport avec la proportionnelle territoriale. Au contraire, j'ai même senti chez les députés du parti au pouvoir de nombreuses réticences, de nombreuses objections que je crois valables.

Comme le disait le député de Sainte-Marie, à la toute dernière minute, on a eu un commencement de proposition par le député de Chauveau. Je me demande si cela n'aurait pas dû être fait avant et si le gouvernement n'aurait pas avancé beaucoup plus en faisant sa proposition avant, de telle sorte qu'on aurait pu l'étudier, sachant d'avance que l'autre n'était pas acceptée, puisque le ministre n'a pas cru bon de la défendre lui-même en aucune occasion et que les députés du parti au pouvoir l'ont même critiquée à maintes reprises. Alors, je n'ai pas cru bon d'intervenir pendant cette commission parce que je voyais bien que les jeux étaient faits, que c'était un refus global de la recommandation qui nous était soumise. Fort heureusement, à la dernière minute, le député de Chauveau nous a proposé une nouvelle solution. S'il y a une réforme à faire, il faudra que le gouvernement prenne des décisions à un moment donné.

Le Président (M. Vaugeois): Vous me permettrez de vous faire remarquer, M. le député, que vous êtes parlementaire depuis assez longtemps pour avoir vous-même des opinions là-dessus et vous n'en avez pas exprimé. Vous avez exprimé des commentaires sur le comportement des autres, mais ce serait intéressant aussi de vous entendre un jour vous exprimer sur le mode de scrutin. Mais ce ne sera pas aujourd'hui.

M. Grégoire: Non, j'ai cru comprendre...

Le Président (M. Vaugeois): Mais si la commission continue ses travaux, par exemple, nous vous invitons, d'ores et déjà, à venir nous faire part de votre expérience et de votre point de vue personnel sur le sujet.

M. Grégoire: J'ai cru comprendre, d'ailleurs, que le but de la commission était d'étudier le rapport qui nous était présenté.

Le Président (M. Vaugeois): C'est ce que nous avons fait.

M. Grégoire: Et sachant qu'il était condamné, je n'ai pas cru bon d'y ajouter quoi que ce soit.

Le Président (M. Vaugeois): Très bien. Mais on vous invite déjà aux travaux de la commission qui continuera certainement à réfléchir sur cette question. M. le député de Charlesbourg.

M. Marc-André Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. La motion adoptée le 22 juin 1983 confiait, notamment, à la Commission de la représentation le mandat de soumettre un

rapport comportant l'évaluation détaillée de l'actuel mode de scrutin et l'analyse des différentes formules proposées et, le cas échéant, ses recommandations. La commission n'était donc pas tenue de formuler ses recommandations. Elle a jugé bon de le faire après les discussions qu'on a eues, principalement - et peut-être pas uniquement - en se basant sur la tournée effectuée au Québec.

À l'analyse des 5404 pages du relevé de la tournée, je pense qu'il y a des constatations à faire. La commission a définitivement rempli admirablement son mandat en informant la population, puisqu'une brochure a été expédiée ou déposée en 500 000 exemplaires dans 2500 points de chute environ. Il a été adressé 7000 lettres d'invitation à des organismes dans le but d'entendre leur opinion sur la réforme du mode de scrutin. Vous avez donné 114 entrevues à la presse et 29 rencontres de presse qui ont donc permis de sensibiliser l'ensemble de la population du Québec dans les différentes régions du Québec au travail ou à la réforme du mode de scrutin. Je pense que de ce côté-là le travail a été tout à fait exemplaire. Vous l'avez fort bien dit au début de la commission, si le budget avait été supérieur, il y aurait peut-être eu autre chose à faire dans ce sens-là.

Lorsqu'on regarde les résultats de la tournée je pense qu'il faut le faire à partir de deux moyens: sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. Effectivement, sur le plan quantitatif, force nous est d'admettre que 202 expressions d'opinion sur 500 000 brochures distribuées dans tout le Québec, c'est quand même peu d'intérêt; 185 intervenants sur 7000 invitations à part celles lancées sur le plan public, c'est quand même aussi un pourcentage assez faible. Dans les coupures de presse on constatait que les lignes ouvertes auxquelles vous avez participé n'attiraient pas non plus une grande foule. À titre d'exemple, à Sept-Îles, dans 75 minutes d'émission, cinq personnes ont cru bon appeler pour traiter de la réforme du mode de scrutin.

Sur le plan qualitatif je pense qu'il faut regarder un élément où la représentation proportionnelle modérée était la proposition retenue par le Conseil des ministres. À l'analyse et après lecture des 185 mémoires on peut s'entendre sur le fait qu'effectivement au départ on avait dit qu'il y avait 33% des gens intervenus qui étaient pour, avec réticence dans plusieurs cas, la formule RPRM. Pour notre part, on en concluait, après analyse, que 20% et 13% avaient des réserves, quand même de taille dans certains cas. J'ai retenu quelques exemples un petit peu partout dans la province. Par exemple, dans le cas de M. Bruno Jean, de Rimouski, le 18 octobre, à la page 171, il disait: "Ce ne sera pas pire que le système métrique, on est en train de s'y habituer." Je pense que les sondages nous démontrent très bien que le système métrique a beaucoup de difficultés à être absorbé par la population.

À Gaspé, M. Jocelyn Lachance nous disait à la page 65 du mémoire, le 17 octobre: "Compte tenu du temps que j'ai eu pour réfléchir au mode électoral, j'ai essayé de m'en tenir à des principes. La mécanique des modalités. J'avais tendance à faire confiance à toute l'équipe qui vous supporte."

À Trois-Rivières, M. Quintin nous disait le 8 novembre, à la page 130: "Beaucoup d'entre nous ou d'autres ont été obligés de se préparer à la dernière minute."

Quant à Chicoutimi, en date du 1er novembre 1983, à la page 179, M. Eric Jacques, même s'il dit appuyer le projet sans réserve, précise: "Disons qu'on pourrait mettre certaines petites réserves parce que, évidemment, c'est un peu complexe et la période de temps qu'on a eue pour disséquer tout ça ne nous permettait peut-être pas d'aller en profondeur autant qu'on aurait voulu."

Enfin, deux autres petites citations qui démontrent que des gens ont été aussi actifs. Je voudrais vous citer les propos tenus par M. J. Fernand Tremblay, le 1er novembre 1983 à Chicoutimi, que l'on retrouve à la page 7: "Ici je voudrais remercier M. Michel Patenaude pour avoir pris la peine de venir nous rencontrer pour exposer le projet gouvernemental et répondre à nos questions. Ces réponses nous ont permis d'enrichir nos connaissances et notre dossier. Nous aurions aimé, comme nous le faisons habituellement, prendre le temps de consulter nos 232 membres corporatifs sur la question. L'échéancier proposé par la commission ne nous a pas permis de faire l'excercice."

De Mme Jocelyne Murray, de l'AFEAS, de Sept-Îles: "Nous avons été contactées à l'AFEAS par M. Patenaude au niveau du ministère pour venir donner notre idée sur la proportionnelle électorale. Si je ne m'abuse, M. Patenaude travaille au secrétariat de la réforme électorale."

Vous vous êtes donc basé sur cette tournée, sur ces résultats, pour tenter de conclure à la nécessité d'un changement. Je pense qu'il y avait aussi d'autres moyens. Dans un premier temps vous en avez employé un autre, celui des sondages qui témoignaient très bien - dans le cas du sondage que vous avez fait - que 75% des gens étaient assez satisfaits du système actuel et que 66% n'étaient pas au courant des changements envisagés.

Comme l'a évoqué aussi mon collègue de Charlevoix hier, il y a le fait que les députés circulent, parlent avec des gens et, très rarement, des gens sont venus aux bureaux des députés ou à des rencontres

sociales nous dire: Oui, on veut une réforme du mode de scrutin. En parcourant tout ce qui a pu être publié dans les journaux depuis belle lurette, on constate une chose. C'est que très peu de gens se sont servis de l'opinion du lecteur pour exprimer leur opinion, que ce soit positivement ou négativement, sur la réforme du mode de scrutin.

Devant tout cela, la commission a quand même - c'était son droit - décidé de nous proposer une formule qui est la représentation proportionnelle territoriale. Après analyse, il nous apparaissait assez évident que c'était une formule qui avait comme base d'inspiration la formule utilisée en Belgique, à l'exception, comme vous l'avez fort bien dit tout à l'heure, de la méthode de vote et du décompte des votes, l'attribution des sièges. Il faut se rappeler qu'en Belgique, de 1919 à 1984, sauf en 1950, cela a été dans tous les cas des gouvernements de coalition. Je pense qu'on a fait état des difficultés que rencontrent des gouvernements et des obligations que cela comporte face au gouvernement de coalition. De 1944 à 1977, la moyenne de vie des gouvernements est de seize mois incluant la période de 1950 à 1954 d'un gouvernement majoritaire. Ce qui veut dire que seize mois, cela peut provoquer une certaine instabilité au niveau gouvernemental et c'est là, selon nous, des points quand même très importants.

Force nous est donc d'admettre, puisque d'autres l'ont fait auparavant, qu'il n'y a pas de consensus sur le rejet du système uninominal. Force nous est d'admettre également qu'il n'y a pas de consensus sur la formule de remplacement. Je souligne l'initiative du député de Chauveau qui a déposé ce matin une proposition qui mérite certainement qu'on s'y arrête et on pourra ultérieurement en discuter et échanger concernant cette formule qui, je pense, est quand même très neuve et différente de ce qu'on a vu jusqu'à maintenant.

Quant à nous, on l'a clairement exprimé par une résolution qui a été adoptée par notre conseil général il y a peu de temps, nous ne souscrivons pas à une réforme du mode de scrutin avant les prochaines élections. Je pense que c'est suffisamment clair qu'on puisse le répéter et vous le redire. Au moment où nous en sommes rendus, je suis d'avis, avec le député de Sainte-Marie, que c'est maintenant au gouvernement de poser les prochains gestes. Là-dessus, je pense que la parole lui appartient.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Yves Duhaime M. Duhaime: M. le Président, brièvement, vous allez me permettre de noter que, ce matin, les travaux de notre commission ont pris une allure parlementaire et que nous aurions très bien pu fonctionner sur ces lignes qui traduisent le sérieux de nos travaux ce matin à partir du début de nos travaux parlementaires jusqu'à la fin.

Je ne peux pas passer sous silence l'incident d'hier où, malheureusement, à mon point de vue, le député de Charlesbourg, le porte-parole officiel de l'Opposition, pour marquer un point, j'imagine, nous a mené une charge de cavalerie sur ce que j'appellerais l'intégrité et la crédibilité d'une de nos institutions importantes dans notre démocratie parlementaire. La méthode utilisée, avec des documents qui sont, à mon point de vue, de nature privée, qui viennent - je suis prêt à parier qu'on ne saura jamais comment... Il y a une chose qu'on sait de la bouche du Directeur général des élections. C'est qu'il a l'impression que ce document lui a été volé. Je pense que vous avez bien fait de vous raviser. Ce que je veux souligner, cependant, c'est que nous vivons dans un contexte nouveau de commission parlementaire. Quand je parle de raviser, je parle de vous raviser dans vos attitudes. C'est ce que je veux dire. (13 heures)

Une voix: C'est votre conclusion.

M. Duhaime: Je considère que c'est un procédé très dangereux, parce que, d'une part, tout membre d'une commission parlementaire, comme député élu, tire partie de l'immunité parlementaire. On parle beaucoup de scrutin. On parle de la réforme parlementaire. Je vous soumets, M. le Président, que cela pourrait faire partie de nos réflexions également, afin qu'on réussisse à cadrer ce que que j'appellerais les effets exagérés de l'utilisation de l'immunité parlementaire en commission.

Je veux faire un deuxième point, M. le Président. Je pense que nous avons franchi, depuis ces deux derniers jours, une étape très importante dans nos réflexions sur un dossier qui est très difficile - tout le monde le reconnaît - et que nous avons pris connaissance du rapport. Personne ne pourra blâmer le gouvernement d'avoir pris beaucoup de place à cette commission parlementaire. C'était bien intentionnel également de laisser toute la latitude possible aux parlementaires des deux côtés de l'Assemblée nationale de s'exprimer sur cette question et de non pas venir en commission, parce que, d'abord, ce n'était pas le moment, avec une proposition.

Je pense pouvoir dire, M. le Président, sans qu'un grand débat ne soit suscité, qu'autant le Parti libéral du Québec que le Parti québécois ne s'entendent pas non pas depuis hier, mais depuis de très longues années sur deux choses. Nos deux formations politiques reconnaissent que nous vivons un

mode de scrutin qui crée des distorsions énormes qui, certaines années, ont même fait en sorte qu'une formation politique qui n'avait pas une majorité de voix s'est retrouvée avec une majorité de sièges. Les distorsions, je pense bien que cela a meublé toujours le discours depuis quinze ans. C'est un fait. Je suis prêt à me rallier là-dessus et à dire: C'est vrai que le mode de scrutin, à l'heure actuelle, crée des distorsions.

La deuxième chose que j'ai cru sentir dans les déclarations des députés des deux côtés, des chefs de l'Opposition, aussi bien que des chefs de gouvernement, c'était cette volonté de corriger les distorsions. La question c'est: Comment? Je voudrais faire référence aux notes sténographiques du 21 décembre 1983, devant la Commission de la représentation. Il y avait trois porte-parole de l'Opposition effectivement, M. Mailloux, M. Pagé et M. Côté. À la page 20 de la transcription, on lit ceci: C'est M. Pagé qui parle. Je vais le citer à partir de la ligne 12 de la page 20. "Nous avons effectivement dans le programme de notre formation politique - c'est le 21 décembre 1983 -l'intention d'intervenir dans le sens d'un mode de scrutin beaucoup plus représentatif de la volonté des électeurs et des électrices. Alors, essentiellement, notre parti continue à s'activer à cet égard. Vous devez constater, de plus, que des événements importants ont été vécus dans notre parti au cours de l'année 1983. Il en découlera évidemment une interaction assez vigoureuse des différentes commissions et des différents groupes qui travaillent au niveau de la commission politique. Et je suis persuadé qu'au moment du prochain congrès plénier conviant les membres de notre parti, un peu plus tard dans l'année 1984, nous serons en mesure d'adopter une position définitive, tant qu'à nous à cet égard."

Je crois déceler là, M. le Président, une volonté manifeste que ce dossier de la réforme du mode de scrutin doit demeurer un dossier vivant, un dossier ouvert et un dossier actif. Je voudrais dire aux membres de cette commission que, dans les prochains jours, le gouvernement fera connaître son point de vue sur les séquences futures. Ce sera bien sûr le point de vue du gouvernement avec ce dossier. Je pense que le discours inaugural pourrait être une excellente occasion pour que le chef du gouvernement donne la position du parti ministériel.

Il me reste, M. le Président, à remercier M. Côté, de même que MM. les commissaires Bourassa et Lessard d'abord d'avoir fait cette tournée, d'avoir accepter ce mandat unanime de l'Assemblée nationale, d'avoir rédigé un rapport, d'y avoir fait des recommandations comme le mandat de l'Assemblée nationale les y invitait et de s'être prêtés à cet exercice, parfois difficile, de venir rencontrer les parlementaires en commission. Je vous remercie, M. le Président.

M. Denis Vaugeois

Le Président (M. Vaugeois): Merci. Il me reste quelques mots à ajouter. Tout à l'heure, dans un échange, M. Bourassa a fait allusion à notre mode de scrutin depuis les débuts et à certaines modifications qui y avaient été apportées. Entre autres, il y a des circonscriptions qui ont déjà élu deux députés, etc. Cela m'amenait à me rappeler que, au fond, notre mode de scrutin a environ l'âge de notre Parlement. Pour l'essentiel, on vit avec le même mode de scrutin depuis 1792. Curieusement, si on s'arrête à l'observer, il a évolué sans lui-même évoluer. Ce qui est arrivé, c'est que des partis politiques sont nés et ont développé un rôle qui s'est toujours accentué et qui a donné naissance à la ligne des partis, ce qui n'existait pas en 1792, en 1830 et qui existait à peine à la fin du XVlIIe siècle. La montée de l'administration publique est une autre donnée importante qui va modifier d'ailleurs la naissante responsabilité ministérielle. Je pourrais continuer comme cela, mais je veux seulement suggérer qu'au fond le mode de scrutin peut rester le même mais que d'autres éléments peuvent évoluer et faire changer sa portée.

En 1792, en 1800, en 1830 et en 1850, on ne pouvait parler de distorsion. La distorsion n'est pas inhérente au mode de scrutin. D'autres facteurs provoquent les problèmes dont nous héritons. On s'est attaqué à réévaluer le mode de scrutin pour corriger des effets qui ne sont pas strictement liés au mode de scrutin, mais qui sont liés à d'autres éléments qui sont apparus et qui se sont développés depuis l'exercice de la vie parlementaire que nous menons dans ce pays. Il y a là des avenues à explorer pour la commission des institutions. Déjà, nous avons indiqué notre désir de regarder des choses comme la ligne de parti, la notion de solidarité ministérielle, la notion de responsabilité ministérielle. On pourrait s'attarder également à examiner notre mode de scrutin qui, à travers le temps, donnait des effets différents parce que d'autres choses changeaient autour. Pour ma part, je vais suggérer que notre commission des institutions puisse peut-être prendre le temps d'examiner ces questions et de chercher à éclairer l'Assemblée nationale.

On a fait reproche tout à l'heure au gouvernement de ne pas avoir réagi en dedans de X mois. Je veux bien qu'on fasse tous les reproches possibles au gouvernement sauf que, de temps en temps, on revendique pour l'Assemblée nationale le pouvoir d'initiative, des droits, des privilèges et des

pouvoirs. Alors que nous sommes très nettement en face d'un mandat qui venait de l'Assemblée nationale, quelles que soient les circonstances que j'ai moi-même déplorées, il reste quand même un fait, c'est que cela venait de l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale a cette capacité et ce pouvoir d'initiative qui se précise toujours. Nous allons devoir apprendre, comme parlementaires, à exercer notre pouvoir d'initiative et à ne pas toujours attendre tout du gouvernement. On ne peut guère espérer que l'Exécutif cède, malgré ces pressions, des pouvoirs à l'Assemblée nationale. C'est une lutte de pouvoirs entre deux institutions de notre régime politique. L'Assemblée nationale doit prendre sa place, elle doit affirmer sa place. Je souffre mal d'entendre un reproche pur et simple, encore qu'on peut le formuler, j'en conviens, mais il reste qu'il ne faudrait pas s'en laver les mains. Nous avons à faire face à nos propres responsabilités à cet égard.

L'expression "s'en laver les mains" me ramène au début de notre commission alors que je reprochais pratiquement à la commission qu'a présidée M. Côté de s'être lavé les mains d'une partie importante de la question, celle de la réforme et de l'évolution du Parlement. Nous ne reviendrons pas au point de départ, mais j'en profite pour remercier la commission que vous avez présidée, vos collègues et ceux qui vous ont soutenus dans votre travail; quelle que soit l'issue qui guette votre recommandation, votre travail d'animation et d'information de la population, qui était une partie de votre mandat, aura été accompli.

Il est certain que nos institutions ont vieilli, que nos institutions ont mal vieilli. Suffisamment de gens autorisés le disent, le pensent. Ce qui arrive chez nous, au Québec, est vrai à Ottawa, est vrai dans la plupart des Parlements du monde. Votre tournée a dû vous amener à constater que plusieurs Parlements dans le monde sont malades. Nous avons à veiller à la santé des Parlements, du nôtre en particulier. À cet égard, vous avez joué un rôle très important en contribuant à attirer l'attention de la population sur l'institution parlementaire qui est la base de notre vie démocratique.

Je remercie tout le monde et je donne rendez-vous aux membres de cette commission à une date qui reste à déterminer.

(Fin de la séance à 13 h 10)

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