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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
se réunit ce matin aux fins de procéder à l'étude
des crédits budgétaires du ministère du Conseil
exécutif, au programme 7, Affaires intergouvernementales canadiennes,
pour l'année financière 1985-1986.
M. le secrétaire, il n'y a pas de remplacement ce matin dans les
membres de la commission?
Pour les remarques préliminaires, M. le ministre, en vous
demandant de nous présenter les gens qui vous accompagnent.
Remarques préliminaires M. Pierre-Marc
Johnson
M. Johnson (Anjou): Oui. M. le Président, à ma
droite immédiate, M. Pierre Le François, sous-ministre
responsable du Secrétariat aux affaires intergouvernementales
canadiennes au Conseil exécutif et tous les gens de son équipe
qui pourraient au fur et à mesure se présenter si nous devons
avoir besoin d'eux. Il y a donc essentiellement les dirigeants du
ministère, que ce soit dans le secteur institutionnel, le secteur
économique, le secteur des ententes, la mission sociale, la
coopération avec l'extérieur, la liaison avec les bureaux du
Québec sur le territoire, les communications et le personnel-staff du
bureau du sous-ministre ainsi qu'un certain nombre de membres de mon cabinet
dont mon chef de cabinet, M. Versailles, à ma gauche.
M. le Président, au moment où nous abordons l'étude
des crédits du ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, je vais peut-être faire un tour de
piste, en termes généraux. Les questions de mon collègue
de Jean-Talon définiront passablement l'objet de nos discussions plus
qu'autre chose. J'ai relativement peu de remarques à faire, sinon que de
dire qu'on peut constater d'emblée, comme notre exercice est un exercice
de crédits, que nous sommes passés de 47 à 74 personnes,
dans notre effectif au secrétariat, comparé à ce
qu'était la section des relations intergouvernementales canadiennes au
ministère des Relations intergouvernementales avant qu'on ne scinde ces
deux ministères.
Deuxièmement, le budget a été augmenté de
quelque chose de l'ordre de 32 % par rapport à l'année
précédente. Essentiellement, il faut bien voir cependant que ces
augmentations d'effectif et de budget se sont faites non pas tellement par
l'addition de sommes d'argent très importantes mais, entre autres, en ce
qui concerne l'effectif, par du recrutement interne pour l'essentiel et aussi
par des transferts dans les effectifs, compte tenu des nouvelles
responsabilités du ministère et, notamment, d'une bonne partie
des ressources qui étaient à l'OPDQ et qui sont passées
chez nous dans le domaine des ententes.
Essentiellement, l'année qui se termine a été
marquée d'abord et avant tout par un changement de climat dans les
relations fédérales-provinciales et sur lequel on aura
peut-être l'occasion de revenir mais qui a eu des effets sur le
ministère et les relations fédérales-provinciales
proprement dites.
Ce changement de climat provient essentiellement, nous l'avons
déjà dit, d'un changement de gouvernement à Ottawa. Une
espèce d'obsession centralisatrice, les incursions systématiques,
qu'on pense à S-31, C-3, le domaine de l'éducation, les
interventions directes auprès des organismes municipaux, etc.? Le
blocage systématique en matière d'ententes de
développement économique, tout cela avait
caractérisé et passablement teinté les relations
fédérales-provinciales, donc, entre le gouvernement du
Québec et celui d'Ottawa.
Le changement de gouvernement n'implique pas une lune de miel, il
n'implique pas que ces dossiers, notamment dans le domaine économique et
institutionnel, seront faciles dans nos relations avec le gouvernement
fédéral, mais au moins un climat propice qui permette d'envisager
de nous atteler de façon résolue à l'égard des
problèmes de l'emploi, une sorte de pragmatisme économique qui
fait partie de la préoccupation du gouvernement du Québec,
particulièrement depuis les débuts de la récession. Nous
espérons que ce nouveau climat permettra sur le plan économique
que la relation qui existe entre Ottawa et Québec soit centrée
sur ces préoccupations de nature économique pour les fins de
créer de l'emploi. Il continuera d'y avoir des divergences importantes,
sans doute, entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa
sur les moyens pour parvenir à la solution de certains problèmes
économiques
et d'emploi. Je n'en doute pas. Cela se traduit non seulement sur le
plan de la conception qu'on peut avoir du rôle de l'État, cela
peut se traduire par des affrontements extrêmement durs dans des
décisions, par exemple, que l'État fédéral pourrait
prendre en matière de commerce ou en matière d'investissement et
qui pourraient affecter le Québec au détriment des emplois ici.
Comme cela peut se traduire aussi, dans les politiques budgétaires de
l'État fédéral, dans sa vision du mode de partage de la
richesse et des moyens de partage de la richesse à l'égard des
transferts directs aux citoyens, mais aussi, évidemment, à
l'égard des transferts au gouvernement, ce qui nous amène
notamment au dossier de la péréquation et à certains
autres qui touchent le financement, par exemple, des programmes conjoints et
à l'insatisfaction relative que le gouvernement du Québec a fait
connaître quant à certains de ces dossiers.
Néanmoins, la dernière année a quand même
été marquée par des progrès extrêmement
sensibles qui ont permis au Québec de faire des gains dans ce contexte
et dans un climat qui, il faut bien le dire, est relié à deux
acteurs. D'abord, le nouvel acteur fédéral étant moins
braqué idéologi-quement, il est peut-être un peu plus
prêt à remettre en cause un certain nombre d'intérêts
que par, je dirais presque, force d'inertie pendant seize ans il avait
affirmés partout sur le territoire. Tout cela s'est
concrétisé depuis un an par des déblocages importants.
D'abord, du côté fédéral, une sensibilité
à ce qui avait été des revendications
québécoises depuis longtemps quant à la
nécessité pour le fédéral de remettre en question
certaines de ses interventions structurantes en matière de santé
et d'éducation, certaines de ses interventions en matière de
dépenses dans le secteur du développement économique et
des choses comme les loteries, par exemple, au niveau canadien qui ont plus ou
moins d'importance, mais qui restent des exemples de difficulté comme
Mirabel, le centre de l'unité canadienne, la reconnaissance du
caractère légitime, de la part de l'État
fédéral, des relations de nature particulière que le
Québec entretient, entre autres, avec la France. Tout cela, ce sont des
choses sur lesquelles il y a eu, objectivement, des déblocages
importants. Et c'étaient des choses qui traînaient dans la nature,
dans bien des cas, depuis des années.
Avant de revenir sur ces contenus, je voudrais évoquer un certain
nombre d'événements qui ont eu lieu au cours de l'année.
D'abord, la rencontre entre le premier ministre du Canada et le premier
ministre du Québec; deuxièmement, la conférence des
premiers ministres sur l'économie qui a eu lieu à Regina;
troisièmement, une rencontre des premiers ministres, à laquelle
le premier ministre du Québec avait délégué M.
Duhaime, ministre des Finances, au moment de ce sommet économique
national qui mettait en vis-à-vis différents groupes syndicaux,
organisations patronales, organisations financières, etc., du Canada,
mais où les gouvernements canadiens n'ont pas siégé, le
tout ayant été suivi d'une rencontre en tète à
tête des dix premiers ministres du Canada ou de leurs
délégués avec M. Mulroney.
Il y a également eu la conférence sur les droits des
autochtones qui est un problème qui dure et perdure au Canada et qui va
continuer probablement durant un certain temps. La participation du
Québec à cette conférence a été, je crois,
remarquée, parce que remarquable comme dans les deux conférences
antérieures où le Québec avait introduit cette notion
d'une participation directe des communautés autochtones pouvant parler
à partir du siège de la délégation
québécoise.
Sur d'autres aspects, évidemment, il y a le dossier
constitutionnel, mais sur cette question le premier ministre aura l'occasion,
au nom du gouvernement, éventuellement, de rendre publiques un certain
nombre de choses et, comme il l'a dit en Chambre récemment, il n'entend
pas que ces choses soient commentées par bribes, tant et aussi longtemps
qu'il n'aura pas pris un certain nombre de décisions à
l'égard de ce dossier, qu'il n'aura pas choisi de le rendre public.
Probablement qu'un des dossiers qui a fait couler le plus d'encre
récemment, c'est celui des ententes de développement
économique régional. Nous avons signé, l'automne dernier,
avec le gouvernement fédéral, une entente-cadre qui a
donné lieu à des ententes auxiliaires. Cette entente-cadre a,
entre autres caractéristiques, qu'elle est de dix ans, mais qu'elle
prévoit la participation fédérale pour les cinq
premières années. Cette participation fédérale pour
les cinq premières années est, pour l'essentiel, à peu
près l'équivalent de la participation fédérale sur
les dix années antérieures. Cette entente-cadre a donné
lieu à la signature d'ententes auxiliaires qui n'ont pas seulement
permis au Québec d'affirmer clairement la priorité de ses
orientations ou de sa maîtrise d'oeuvre ou de dispensation ou de
"delivery" - comme on dit en anglais - des résultats. Elle permet le
financement conjoint de projets, elle prévoit aussi des ententes
d'harmonisation qui visent, au-delà des textes juridiques, è
amener une approche et une attitude, à la haute direction de certains
ministères fédéraux, qui visent à avoir des actions
qui tiennent compte les unes des autres dans le champ. II faut dire cela pour
l'avoir vécu pendant trois ans au moins, et je pense que cela a
duré plus longtemps. Les trois dernières années du
gouvernement libéral fédéral ont été
marquées entre autres
dans le champ, pour les intervenants économiques ou même
municipaux dans certains cas, ce qui était une aberration, par
l'indifférence totale de la structure fédérale de ce que
pouvaient être les priorités ou les projets
québécois. Le tout a connu son sommet d'aberration par l'annonce
qu'avait faite M. Lalonde de 111 000 000 $, ce qui s'est traduit tantôt
par des toits d'églises, dans d'autres cas par des arénas dans
des municipalités qui n'avaient pas les moyens de les entretenir, par
des clubs d'âge d'or à qui on donnait des équipements
absolument considérables et, finalement, le tout ne tenant compte ni des
principes d'équité fiscale qu'on a introduits dans la
réforme de la fiscalité ni, évidemment, du respect des
attributions constitutionnelles du Québec dans ce domaine et ni
même du gros bon sens dans bien des cas; que l'on pense à des
arénas dont le coût pour 3000 ou 4000 habitants est absolument
faramineux, et sans compter d'autres aspects de cette intervention directe qui
avait été marquée par ce qu'on a appelé longtemps
le patronage.
Donc, l'ouverture qui est faite sur des ententes d'harmonisation,
même si elle ne se traduit pas dans tous les secteurs par l'existence
d'ententes d'harmonisation, est génératrice d'un climat qui, dans
le champ, dans les secteurs d'activité ou même, dans certains cas,
dans les régions, oblige les intervenants qui ont beaucoup d'importance,
qu'ils soient directeurs de section du MEIR ou du ministère de
l'Industrie et du Commerce ou de l'OPDQ du Québec, à tenir compte
de l'existence l'un de l'autre et parfois peut les mettre dans une situation
où ils peuvent constater que, s'ils bousillent le climat, ils peuvent
être sanctionnés par le haut, ce qui n'existait pas avant
étant donné qu'il y avait une littérale incitation du
gouvernement libéral fédéral de l'époque à
faire une guerre de tranchées sur le terrain. Je crois que ces choses
sont réduites. Je ne dis pas qu'elles sont totalement parties, encore
une fois, elles sont largement réduites pour le grand
bénéfice du développement économique de grands
secteurs industriels qui sont importants pour le Québec et sa traduction
en investissements, en emplois, évidemment, dans des régions mais
aussi en emplois dans des secteurs qui, nous l'espérons, seront
structurants pour l'économie du Québec et ses régions.
D'autres dossiers ont marqué cette période, notamment le
dossier de Domtar, un dossier délicat et complexe où une
très grande entreprise faisant affaires au Québec et visant des
marchés d'exportation, et parfois et souvent même en concurrence
avec d'autres industries canadiennes, voulait le soutien de l'État pour
les fins de non seulement se maintenir mais également de connaître
une certaine expansion. Dans ce dossier, nous nous sommes assez rapidement
heurtés à une notion qui était, dirais-je, de
caractère idéologique et qui démontre qu'il y a
peut-être une différence, et là comme dans d'autres
secteurs, entre la vision que peuvent avoir les gens du gouvernement
fédéral et nous quant au rôle et à l'intervention de
l'État. Ce dossier, finalement, nous sommes parvenus à le
régler par des acrobaties, sur le plan de la formule utilisée
pour les fins du financement, qui était très habile mais, en fin
de compte, cela a donné le résultat qu'il fallait que cela donne.
Cela a permis, dans la région de l'Estrie, à Windsor, de nous
assurer non seulement du maintien, je crois, de près de 700 emplois
directement reliés à l'entreprise qui autrement auraient
été perdus parce que cette entreprise s'en allait en
désuétude mais également de nous assurer d'une croissance
assez phénoménale de l'emploi dans ce qui est relié
à l'industrie qui fournit la matière première à
l'usine, l'industrie de la coupe de feuillus qui, par ailleurs, sont
très peu utilisés.
C'est un dossier, je crois, qui est un exemple de la partie de bras de
fer qu'il faut jouer dans ce type d'activité quand on recherche une
meilleure consolidation de l'économie de nos régions, la
croissance de l'emploi et quand on sait très bien que les
intérêts du Québec sont parfois différents sur le
plan de l'orientation que j'appellerai idéologique ou de la philosophie
d'intervention de l'État, comme sont parfois des intérêts
dans lesquels le Québec affronte par ses intérêts d'autres
régions du Canada en termes de création d'emplois. Nous sommes
parvenus à le régler encore une fois.
Ce qui reste à venir, M. le Président, c'est
évidemment le dossier de la péréquation, les
réactions et l'analyse que nous ferons de l'éventuel budget de M.
Wilson et ses conséquences possibles sur le Québec, tout le
secteur de la formation de la main-d'oeuvre, les politiques fiscales et
monétaires, la stabilisation des revenus agricoles, les pêches
maritimes, la coordination et l'harmonisation des politiques gouvernementales
en matière de recherche et de développement, de modernisation des
entreprises, de création d'emplois proprement dite, d'aide à
l'entreprise, de soutien à l'exportation.
Dans le domaine constitutionnel, j'ai eu l'occasion de le dire, le
premier ministre rendra un certain nombre de décisions publiques une
fois qu'elles seront prises.
M. le Président, je crois que pour l'essentiel on peut dire que
cette année a été marquée par un changement
extrêmement important de climat. Du côté
québécois, nous avons un ministère qui s'est bâti
à partir de ressources existantes un peu partout au Conseil
exécutif, qui s'est donné des orientations, qui s'est doté
de structures de
coordination interministérielle et qui permet de faire avancer,
je crois, avec une certaine cohérence l'ensemble de ses dossiers.
Également, dans le domaine de la coopération nous avons
commencé à réévaluer et nous serons d'ici à
quelques semaines prêts à annoncer une politique nouvelle de
soutien du gouvernement québécois aux minorités
francophones hors Québec, car je crois qu'il y a un lien
extrêmement important à établir entre ces minorités
et le Québec à partir du principe suivant: que le Québec
forme lui-même une minorité objective sur ce continent et dans le
Canada, que le seul territoire qu'il contrôle, qu'il maîtrise, au
moins sur le plan de certaines institutions politiques, c'est celui du
Québec et qu'è ce titre - je termine, M. le Président,
là-dessus - ...
Le Président (M. Gagnon): Oui, vous devez.
M. Johnson (Anjou): ...le Québec a une
responsabilité à l'égard des minorités francophones
hors Québec. M. le Président, puisque vous me dites que mon temps
est terminé, je présume que je devrai attendre les interventions
de mes autres collègues pour répliquer.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre, vous
aurez sûrement des occasions de revenir sur le dossier. M. le
député de Jean-Talon. (10 h 30)
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, j'ai, comme mes
collègues, écouté le ministre. Dans le domaine des
affaires canadiennes, je dois vous dire d'entrée de jeu, M. le ministre,
que finalement, en termes de politique, je trouve qu'il y a une carence
fondamentale dans les démarches. Je comprends que le ministre a fait
état de l'évolution d'un certain nombre de dossiers sectoriels
avec l'arrivée du nouveau gouvernement conservateur. Mais une des choses
que je trouve que le Québec n'a pas et qu'il devrait avoir, c'est une
politique en matière de relations canadiennes, une politique qui serait
autre chose que l'attitude actuelle qui est celle de régler les dossiers
au jour le jour, selon les circonstances, avec la meilleure volonté du
monde.
À nulle part, sur le plan de la révision constitutionnelle
en tant que telle - je comprends qu'il y a actuellement une démarche en
cours extrêmement importante sur le plan de ce que vous appelez la
réparation à l'égard de la Loi constitutionnelle de 1982 -
n'y a-t-il une politique de révision constitutionnelle de la part du
gouvernement du Québec, pour la première fois, à ma
connaissance, depuis vingt ou vingt-cinq ans. À nulle part le
gouvernement n'a-t-il songé à articuler d'une façon
sérieuse dans le domaine de la révision constitutionnelle une
position cohérente, complète et systématique qui situe
chacun des éléments d'une telle politique de révision
constitutionnelle dans un contexte plus large et qui permette de
l'évaluer pour faire avancer et faire évoluer le
fédéralisme. Cette politique n'existe pas.
Même chose dans le domaine des relations
fédérales-provinciales. À nulle part n'a-t-on entendu de
la part du ministre ou du premier ministre un exposé un tant soit peucohérent qui établisse la politique du gouvernement du
Québec en matières suivantes: quels sont ses objectifs, quel est
son plan d'action, quelles sont les modalités de ce plan d'action, quels
sont ses priorités dans ce domaine, quelles sont les initiatives qu'il
entend pousser, son échéancier? On est à peu près
devant rien. C'est pour cela, M. le Président, que le ministre me
trouvera sévère. Mais je trouve que la direction politique du
ministère des Affaires canadiennes, depuis que je suis ce dossier,
m'apparaît comme extrêmement faible, extrêmement
incohérente et, en plus, très secrète, parce qu'on n'a pas
de déclarations publiques de la part du ministre ou du premier ministre
qui nous indiquent exactement quelles sont les orientations.
Je comprends que le ministre a d'autres responsabilités.
D'ailleurs, j'ai dit au moment du remaniement ministériel que je
doutais, compte tenu de l'importance objective du domaine des affaires
canadiennes, qu'on puisse avoir un ministre selon la formule maintenant
consacrée - et qui plaît au ministre actuel - de mon
collègue le député de D'Arcy McGee, c'est-à-dire
qu'on puisse se payer le luxe d'un ministre à temps partiel aux Affaires
intergouvernementales canadiennes.
Le ministère de la Justice est un ministère
extrêmement lourd et extrêmement accaparant et, là, que le
ministre, dans ses responsabilités, soit un peu... J'ai l'impression que
les Affaires canadiennes, pour lui, c'est une espèce d'appendice
à ses responsabilités ministérielles premières qui
sont au ministère de la Justice. Je regrette que le ministre et le
gouvernement n'aient pas l'air de se rendre compte que l'absence même
d'une politique sur le plan de la révision constitutionnelle est
extrêmement dangereuse pour le Québec.
Le ministre et le gouvernement nous ont dit, au cours des
dernières semaines et des derniers mois, qu'ils mettaient en veilleuse
ou en réserve, peu importe, leurs convictions souverainistes et qu'ils
acceptaient, au nom de la société québécoise, de
jouer pleinement le jeu du fédéralisme. Une fois qu'on a dit
cela, à
mon avis, on ne peut pas se contenter de simplement essayer
d'établir, avec toute la meilleure volonté du monde, les
conditions d'une adhésion éventuelle du Québec à la
Loi constitutionnelle de 1982 sans avoir réfléchi aux
conséquences des conditions que l'on va exiger - souhaitons-le - et
obtenir de la part du gouvernement canadien pour adhérer à la loi
constitutionnelle, sans mesurer et évaluer toutes ces
conséquences. On ne sait si ce virage fédéraliste est vrai
et pas une chose purement éphémère dans la période
préélectorale, si c'est une conviction profonde de la part du
gouvernement de respecter, finalement, la volonté des
Québécois exprimée au moment du référendum
quant à leur adhésion à l'ensemble fédéral
canadien. Je ne pense pas que le gouvernement puisse, sans que cela coûte
très cher au Québec, s'abstenir d'exploiter et de définir
un plan complet de révision du fédéralisme, parce que,
simplement sur le plan technique, c'est très difficile. Par exemple, si
vous proposez des choses en ce qui concerne le pouvoir de dépenser - je
pense que vous l'avez déjà indiqué publiquement - du
gouvernement fédéral, qui est un problème majeur de la
fédération canadienne, vous ne pouvez pas, en ce faisant, ne pas
avoir une idée assez précise de la nature du partage des pouvoirs
que vous voulez avoir ou que vous vous proposez d'avoir. Je le dis
également pour exprimer notre point de vue, c'est que dans notre dernier
document, "Maîtriser l'avenir", on pose un certain nombre de conditions,
qui ont été acceptées par notre parti. Cela aussi est un
aspect extrêmement important. C'est que je ne pense pas qu'un
gouvernement du Québec peut s'avancer sérieusement dans ce
domaine de la révision constitutionnelle ou de l'adhésion sans
qu'il ait obtenu l'aval et l'appui de son parti par les moyens
démocratiques qui existent actuellement, pour éviter que cette
chose-là soit laissée au gré des volontés
gouvernementales ou ministérielles qui peuvent évoluer. Je pense
que c'est un dossier suffisamment important pour qu'il faille accepter de faire
une démarche profonde au niveau des institutions mêmes du
parti.
Pour revenir au chapitre du pouvoir de dépenser, nous en parlons
dans notre dernier document, mais notre document fait également
référence à un plan complet de révision du
fédéralisme qui a été consigné dans ce qu'on
a appelé le livre beige du Parti libéral du Québec.
M. de Bellefeuille: Cela existe encore?
M. Rivest: Oui, certainement. D'ailleurs, comme mon
collègue me demande si cela existe, à la page 45 du document
"Maîtriser l'avenir", parlant du livre beige, on dit: "Toujours valable
aujourd'hui".
M. de Bellefeuille: II fallait le dire, sans cela on ne l'aurait
pas su.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre. M. le
député de Jean-Talon, vous avez la parole. Ne vous laissez pas
distraire.
M. Rivest: Le livre beige est toujours, M. le
député de Deux-Montagnes, la politique du Parti libéral du
Québec. On y fait référence à la
problématique du pouvoir de dépenser. On dit: Le pouvoir de
dépenser est l'objet de critiques vigoureuses et presque unanimes de la
part des gouvernements provinciaux. Les programmes de subventions
conditionnelles voulaient corriger le déséquilibre fiscal et
permettre aux provinces, sans effort financier disproportionné de leur
population respective, de fournir dans tout le Canada un niveau de service
comparable dans plusieurs domaines essentiels. À l'occasion, ils ont du
même coup placé le gouvernement central dans une position de
domination sur des terrains de compétences strictement provinciales,
comme l'éducation, la santé, le bien-être et
l'habitation.
Or, quand on affirme cela, face à une question comme le pouvoir
de dépenser - et nos interlocuteurs fédéraux le savent -
en ce qui concerne l'éducation, la santé, le bien-être et
l'habitation, il y a des propositions quant au partage des pouvoirs et on peut
les ajuster face à cela. Tandis que là vous allez vous avancer
dans des propositions pour corriger les erreurs qui ont pu être commises
au moment de la négociation constitutionnelle sans que nulle part vous
ne soyez en mesure d'évaluer ou que même vos interlocuteurs
puissent évaluer les conséquences qu'une telle démarche va
avoir sur d'autres aspects du fonctionnement du fédéralisme
canadien qui sont en eux-mêmes aussi importants que les quatre ou cinq
choses que vous allez négocier. Dans ce sens-là, je pense que
l'on peut dire que c'est extrêmement dangereux pour le gouvernement,
actuellement, de fonctionner sur la base sur laquelle il fonctionne et d'autant
plus dangereux que même pour le pouvoir de dépenser... Dans notre
livre beige, on a des propositions au chapitre du pouvoir de dépenser.
C'est sûr qu'on cherche à le limiter pour sauvegarder les
juridictions du Québec, mais en plus on l'a évalué non
seulement dans la perspective de la question d'un partage éventuel des
juridictions qu'on voudrait avoir ou qu'on estimerait nécessaires pour
le Québec, mais également dans l'évolution des
institutions mêmes du fédéralisme canadien où, vous
vous souviendrez, au chapitre des institutions on proposait la constitution
d'un conseil fédéral basé sur la dualité canadienne
où le Québec aurait un pouvoir quasi de veto dans le
fonctionnement même du régime fédéral au
niveau d'un conseil fédéral. C'est cela que nous
proposions: que le mode de compensation approprié au chapitre du pouvoir
de dépenser pour les provinces devrait avoir obtenu le consentement du
conseil fédéral ou du Sénat, enfin, c'est la formule.
Seulement cet exemple pour vous indiquer que l'absence actuelle d'un plan
complet et cohérent de révision du fédéralisme
canadien ne satisfait absolument pas aux exigences fondamentales de
l'adhésion pleine et entière du Québec à lafédération canadienne que vous dites maintenant accepter en
tant que gouvernement.
En écoutant les propos que vous avez eus au départ ainsi
qu'en regardant les déclarations que vous-même ou le premier
ministre avez faites dans ce domaine-là, je pense qu'on peut très
certainement affirmer au moment où on se parle que ce soi-disant virage
fédéraliste que vous auriez fait n'est - peut-être que mes
collègues de Rosemont et de Deux-Montagnes vont être très
heureux d'apprendre cela - à mes yeux qu'un virage formel, qu'un virage
stratégique parce que vous vous refusez comme gouvernement d'assumer la
première conséquence de ce virage fédéraliste que
vous dites avoir fait. Cette première conséquence, si vous avez
à coeur les intérêts du Québec, à
l'intérieur de la fédération canadienne, c'est de
définir pour le Québec non seulement un programme de correction
des choses qui ont été faites au moment de la loi de 1982, mais
un programme cohérent et complet de révision du
fédéralisme canadien, chose que vous n'avez pas faite au Conseil
des ministres; vous ne l'avez pas fait non plus ni même amorcé
dans les structures de votre formation politique qui constitue dans ces
questions, comme dans tellement d'autres, la base normale, légitime et
naturelle du fonctionnement de notre système démocratique. Je
pense qu'on doit regretter cela d'une façon très sérieuse.
En tant que Québécois qui croit en l'avenir du Québec
à l'intérieur du Canada, comme l'immense majorité des
Québécois, je pense que la démarche du gouvernement actuel
est en porte-à-faux avec les intérêts véritables du
Québec. C'est le premier point.
Le deuxième point. Je trouve finalement cette attitude
irresponsable de la part du ministre ou du gouvernement. Elle est exactement la
même au titre des relations politiques, économiques et sociales
qui existent entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral. Comme je l'indiquais tantôt, pour moi il est tout
à fait inconcevable qu'on doive se contenter dans ce domaine-là
de déclarations assez superficielles qui nous indiquent que le
Québec est une société... Superficielles,
c'est-à-dire qui n'assument pas les pleines conséquences de cette
réalité. On dit: Le
Québec a des besoins particuliers sur les plans
économique, social et culturel. Cela, on y croit. Il y a le territoire,
tout le refrain que le ministre reprend à gauche et à droite et
qui est tout fait juste: Le Québec est un peuple, etc., il a doit
à tout cela. Mais, quand il s'agit d'articuler des relations
fédérales-provinciales sérieuses qui témoignent
d'une conviction de faire fonctionner le régime fédéral
dans une perspective canadienne, mais en ayant à coeur les
intérêts premiers du Québec, je pense bien qu'un ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ne
peut pas se contenter de ces généralités auxquelles tout
le monde adhère, mais qu'il doit définir, comme ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
une politique québécoise de relations
fédérales-provinciales qui établit les objectifs du
Québec, autrement dit qui arrime les objectifs internes du gouvernement
avec la dimension fédérale. Où a-t-on entendu une
déclaration du ministre qui nous a dit: Voici, au cours de cette
année ou l'an prochain ou pour deux, trois ou quatre ans, les objectifs
prioritaires du Québec c'est ceci, c'est cela dans le domaine de la
création d'emplois, dans le domaine de l'aide au développement
régional, etc.? Voici la manière dont on entend appuyer ces
objectifs d'une participation du gouvernement fédéral, voici les
dossiers prioritaires, voici quel va être notre plan d'action avec le
gouvernement canadien, quels vont être les dossiers prioritaires que nous
allons essayer de développer, voici des projets précis qui se
situent dans le cadre de ce plan d'action et voici... Chose que vous ne faites
absolument pas comme gouvernement souverainiste et encore moins depuis que vous
vous dites devenus fédéralistes, aucune espèce
d'initiative pour vraiment articuler le fonctionnement du régime
fédéral canadien sur les priorités
québécoises. (10 h 45)
Encore là, je pense qu'on peut dire qu'il n'y en a pas dans le
domaine de la révision constitutionnelle, il n'y en a pas non plus dans
le domaine des relations fédérales, nulle part il n'y a une
politique québécoise dans le domaine des affaires canadiennes. Au
moment où on aborde l'étude des crédits de votre
ministère, à tout le moins, si vous voulez que, comme
Québécois qui croient en l'avenir du Québec à
l'intérieur du Canada, on vous croie véritablement sur le virage
que vous dites avoir fait, je pense que vous devriez commencer par l'ABC de ce
qu'est une adhésion pleine et sans arrière-pensée du
Québec au Canada, c'est-à-dire définir pour le
Québec - il me semble que c'est votre première tâche - en
matière de révision constitutionnelle comme en matière de
pratique de relations fédérales-provinciales, au moins ce qui
serait le commencement
d'une politique.
A cet égard, parlant de notre formation politique, je pense que
nos documents, les attitudes que l'on a et les efforts que l'on a
déployés au niveau de notre commission politique vont exactement
dans ce sens. Si vous dites partager notre ambition au niveau du fonctionnement
du fédéralisme, commencez au moins par doter le Québec
d'une politique.
Cela m'amène, en troisième lieu, dans mes remarques
d'introduction, à vous indiquer qu'au niveau des dossiers sectoriels -
parce que vous n'avez pas de politique au niveau de la révision
constitutionnelle, non plus qu'au niveau des relations
fédérales-provinciales - le "day today" du fonctionnement du
fédéralisme canadien, c'est incohérent, on ne voit aucune
espèce de conduite. Tantôt vous avez énuméré
quatre ou cinq dossiers: les loteries, la déclaration du premier
ministre du Canada sur les liens directs et privilégiés avec la
France, le nouveau climat, dossiers au sujet desquels les anciens irritants de
nos ex-amis libéraux fédéraux, paraît-il, n'existent
plus, mais il y a des dossiers très importants.
M. le ministre, comment se fait-il que vous-même et le
gouvernement n'ayez à peu près rien dit sur les
conséquences pour le Québec de l'énoncé
budgétaire du ministre Wilson au moment où il l'a fait le 13
novembre 1984? Il y a là un secret stratégique absolument
déplorable. Encore que dans certaines de ces coupures - au moins vous
auriez pu le dire au gouvernement canadien, si vous aviez à coeur les
intérêts du Québec - il y en avait qui frappaient moins
durement - parce qu'il y en avait toute une série - le Québec,
mais il y en avait qui frappaient très durement le Québec.
Je prends simplement l'exemple de l'assurance-chômage. Compte tenu
de notre situation dans l'emploi, les coupures de l'assurance-chômage ont
fait plus mal à la société québécoise et aux
travailleurs québécois qu'ailleurs dans le Canada. Comment se
fait-il, d'une façon assez étonnante, qu'il ne s'est pas
trouvé quelqu'un au gouvernement du Québec pour dire: Si vous
voulez couper l'assurance-chômage, attention messieurs du gouvernement
fédéral, quand vous faites cela, le chômage n'est pas le
même à l'échelle canadienne? Vous essayez de ne pas
meurtrir, même pas une représentation, même pas une
protestationl
Même chose pour l'aide au développement régional. Je
ne sais pas quelle est la part du Québec dans ces programmes, je pense
que c'est au-delà de 30 % ou 40 %. Le fait de couper, par le
gouvernement canadien, dans ce domaine, cela a fait plus mal au Québec
et jamais le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, qui doit
avoir à coeur les intérêts québécois, ne
s'est levé publiquement, pas un appel téléphonique
à quelqu'un au bureau du premier ministre à Ottawa pour dire:
Oui, mais... Non, non, ce n'est pas de même que cela doit se faire. Cela
doit se faire publiquement et vous ne l'avez pas fait.
Même chose pour la libéralisation pour les secteurs mous du
textile, de la chaussure etc., qui sont des secteurs fragiles au Québec.
Les coupures risquent d'affecter plus durement là-dessus. Est-ce que,
quelque part, M. le ministre, d'une façon publique, au moment où
cela s'est fait, vous avez fait des représentations auprès du
gouvernement canadien? Pas du tout. Vous parlerez, un instant on y reviendra,
il me reste cinq minutes... Donnez-moi encore deux minutes.
Le Président (M. Gagnon): Deux minutes.
M. Rivest: Quant aux ententes de développement, je
regardais un arrêté en conseil qui a été
publié. Vous avez pris pour le règlement de Domtar des sommes qui
étaient dans le cadre des ententes de développement. Non pas que
je suis contre le règlement de Domtar, mais ces sommes que vous avez
prises en vertu d'un arrêté en conseil que j'ai vu, que je vais
essayer de retrouver pendant la discussion, c'est de l'argent qui était
disponible pour d'autres régions, qui ne sera pas là, parce que
vous aviez le problème de Domtar à régler.
Sur les ententes de développement, à part cela, au
ministre lui-même j'avais posé ' la question en Chambre. Je sais
que le ministre est prêt à me répondre, mais le ministre
fédéral de la Consommation et des Corporations lui-même, M.
Michel Côté, a dit exactement, publiquement - cela a
été rapporté dans le Devoir - ce que j'avais dit par ma
question, que dans votre entente de 1 000 000 000 $, dont mon collègue,
M. Paquette, d'ailleurs, a évalué l'importance en ce qui regarde
l'inflation par rapport à l'entente antérieure, dans cette
entente, ce n'est pas vrai qu'il y a 1 000 000 000 $ d'argent neuf, comme la
chose a été présentée, pour soutenir
l'économie actuellement. Il y a moins que ça, parce que
c'étaient déjà des programmes. Il y avait
déjà des ententes là-dedans. Nulle part, cela ne nous a
été dit, ces choses, d'une façon claire, d'une
façon ouverte. Je pense que, quand on conçoit bien le
fonctionnement du fédéralisme, c'est une chose qu'il faut dire
publiquement et il faut que ce soit dit par les gens qui sont en charge.
Je comprends, sans prêter d'intentions au ministre, qu'il peut y
avoir des raisons. On est dans le "spleen" du nouveau climat avec le nouveau
gouvernement fédéral et on veut bien arriver quelque part
à signer l'entente et ne pas déplaire. Mais, à travers
cela, il y a du monde, il y a de l'argent et il y a les
intérêts du Québec qui comptent et on n'a plus personne
pour les défendre, même à l'intérieur du
fédéralisme. Vous avez fait tout un bout de chemin depuis les
discours que vous teniez au moment du référendum, je tiens
à vous le dire.
Je vous signale un dernier aspect que je voulais indiquer au ministre.
Les dossiers que je veux aborder - je m'excuse, monsieur - le C-3, vous avez
gueulé contre cela en masse. Cela été appliqué et
on n'en entend plus parler. On s'apprête à réformer les
pouvoirs du Sénat. Aucune déclaration de la part du gouvernement
du Québec. Le dossier de la formation professionnelle, la
réduction de l'argent disponible pour la rénovation de logements,
tout le problème de la condition féminine et des visées du
fédéral en ce qui concerne les garderies, l'harmonisation des
programmes de création d'emplois, quand est-ce qu'on entend le ministre
des Affaires intergouvernementales canadiennes parler de cela? Jamais.
Le ministre est beaucoup trop silencieux, à mon avis, beaucoup
trop faible dans sa conduite. Surtout, je trouve qu'il agit d'une façon
irresponsable, parce qu'il ne définit pas pour le Québec - lui
qui se dit maintenant fédéraliste - une véritable
politique complète et cohérente en matière de
révision constitutionnelle, non plus qu'une politique complète et
cohérente sur les objectifs véritables du gouvernement en ce qui
concerne les relations fédérales-provinciales.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. La parole est au ministre et, après, je vous
reconnaîtrai, M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Si vous me permettez, M. le Président,
le député de Rosernont et moi devrons malheureusement vous
quitter pour un moment. Je sais que cela créera beaucoup de regret du
côté ministériel, mais nous devrons vous quitter 6 11
heures, pour vous revenir plus tard. Est-ce que je pourrais avoir les sept
minutes qui restent avant 11 heures?
Le Président (M. Gagnon): Si les membres de la commission
sont d'accord. Normalement, le règlement dit que le ministre doit
intervenir après chaque intervenant, mais, si vous êtes d'accord,
vous interviendrez par la suite.
M. de Bellefeuille: Mais le ministre y consent.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Pierre de Bellefeuille M. de Bellefeuille: Merci beaucoup, M.
le Président. Merci, M. le ministre et merci, chers collègues.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du
député de Jean-Talon et vous comprendrez que ce sont des points
de vue que je ne partage qu'en partie, parce que la critique qu'il fait du
gouvernement est un peu à l'inverse de la mienne - je devrais
peut-être dire de la nôtre. Il trouve que le ministre n'est pas
assez fédéraliste et, moi, je trouve que le ministre est trop
fédéraliste. Mais, quel que soit le point de vue, je pense que le
député de Jean-Talon et moi pourrions nous mettre d'accord sur un
phénomène beaucoup plus grave que ces différences de
perspective. C'est un phénomène qu'on pourrait décrire
comme étant la déliquescence du gouvernement, pour ne pas dire
l'effondrement. Quand j'ai employé l'expression l'effondrement national,
il y a des éditorialistes qui ont trouvé que j'y allais un peu
fort. J'invite ces éditorialistes à continuer d'observer la
situation et je pense qu'ils vont bientôt se rallier à mon
jugement.
Ce qu'on peut observer, M. le Président, de la part de ce
gouvernement à propos des Affaires intergouvernementales canadiennes,
comme à propos d'autres aspects de sa politique, c'est un
phénomène pénible qu'on pourrait appeler la fuite dans le
passé. Ce gouvernement n'a rien à dire ou, soyons de bon compte,
n'a pas grand-chose à dire pour ce qui est du présent et surtout
pas pour ce qui est de l'avenir. Le ministre, ce matin, nous a parlé du
gouvernement fédéral qui a été battu en 1984. Il a
aussi fait allusion au dossier Domtar, ce qui est curieux dans ce
contexte-là, puisque, dans le dossier Domtar, c'est le gouvernement
fédéral qui a été battu en 1984 qui proposait
d'aider cette entreprise québécoise, alors que c'est le nouveau
gouvernement élu en 1984 à Ottawa et, nous dit-on, très
ami de l'actuel gouvernement du Québec qui, lui, a supprimé cette
offre de subvention, mais passons vite là-dessus.
La fuite dans le passé, elle se remarque aussi dans cette manie
qu'ont les porte-parole du gouvernement, le premier ministre en tête, de
parler constamment du gouvernement du Québec de 1970 à 1976,
comme si c'était une question actuelle pour le Québec, comme si
c'était un enjeu d'élection. Puisqu'il y a des élections
partielles, il y a des membres de ce gouvernement, et très
éminents, puisqu'il s'agit en particulier du premier ministre, qui
semblent penser que la population québécoise va prendre ses
décisions à partir de ce qui s'est passé au Québec
de 1970 à 1976. Cela ne me paraît pas du tout pertinent aux
préoccupations actuelles des Québécois et des
Québécoises.
Hier, à l'Assemblée nationale, le vice-premier ministre,
interrogé sur la situation du premier ministre, a voulu le justifier
une
fois encore par le passé. On fait du premier ministre un
monument. On a fait allusion à son rôle passé. Je ne pense
pas que la population québécoise soit intéressée en
ce qui concerne la conduite des affaires de l'État à des
conceptions qui sont entièrement axées sur le passé et qui
sont apparemment indifférentes devant le présent et devant
l'avenir.
Je pense que c'est une situation très grave, M. le
Président, qui s'illustre très bien dans le domaine des relations
fédérales-provinciales comme dans le domaine des relations
internationales. Dans le domaine des relations
fédérales-provinciales, nous allons nous employer à faire
le bilan du coût du beau risque. On peut déjà dans les
crédits, puisque nous étudions les crédits, noter ceci au
sujet du beau risque proposé par le premier ministre dès le mois
de septembre dernier - et, d'ailleurs, cela avait déjà
été soufflé au premier ministre par l'actuel ministre des
Affaires intergouvernementales canadiennes dans un texte qui avait paru dans
les journaux - on peut voir, au Secrétariat aux affaires
intergouvernementales canadiennes, une augmentation de 50 % de ses
crédits de l'année dernière à cette année.
J'arrondis, c'est 48,4 %, mais c'est presque 50 %. Alors, le beau risque, on
peut déjà constater que cela coûte 50 % d'augmentation des
crédits de ce morceau de gouvernement.
Mais, M. le Président, on est dans ce que le ministre pourrait
être tenté de décrire comme de petits budgets, n'est-ce
pas? C'est modeste. Cela passe, si je regarde les bons chiffres, de 4 592 100 $
à 6 799 900 $. Ce sont peut-être, puisque ce gouvernement
administre un budget qui est dans les milliards, des sommes que le ministre va
considérer comme modestes. Il aura raison de dire que ce n'est pas le
principal coût, quelle que soit l'importance de ces chiffres-là,
il aura raison de dire que ce n'est pas le principal coût du beau risque.
Le principal coût du beau risque, j'y ai fait allusion aux Relations
internationales, je ne m'étendrai pas là-dessus parce que ce
n'est pas pertinent à nos travaux ce matin, mais, en une phrase, un des
coûts du beau risque, c'est que le Québec n'apparaît plus
à la face du monde - je reviendrai à la situation canadienne
parce que c'est le même phénomène - comme une
société en voie d'émancipation, mais comme une province
contente qui renonce à sa vocation internationale. C'est ça le
Québec, et le voyage que le premier ministre prépare en France
devient un peu ridicule parce qu'alors qu'il n'y a pas tellement longtemps le
chef du gouvernement du Québec était accueilli à Paris
comme un chef d'État, maintenant, il ne pourra convenablement,
diplomatiquement, être accueilli que comme le chef du gouvernement d'une
province contente qui a renoncé à la vocation internationale
du
Québec.
(11 heures)
Là-dessus, je rejoins en partie les propos de notre
collègue de Jean-Talon. Dans le concert fédéral-provincial
- si on peut appeler cette cacophonie un concert - la voix du Québec
devient insignifiante. La provincialisation du Québec que l'actuel
gouvernement est en train de réaliser, cela veut dire que le
Québec ne compte guère.
Tout à l'heure, cela m'amusait beaucoup d'entendre le
député de Jean-Talon reprocher au gouvernement que
l'élaboration de ses positions constitutionnelles soit très
secrète. Je ne sais pas où le député de Jean-Talon
a passé les deux dernières semaines, parce que ce n'est pas
secret, pas une miette. Le premier ministre a déjà dit qu'il ne
fallait pas discuter de cela, parce que c'était de la plomberie. On a vu
combien il y a de maîtres plombiers dans ce gouvernement. Chacun arrive
avec son bout de tuyau.
M. Rivest: Ils travaillent au sous-sol, par exemple,
M. de Bellefeuille: Oui. Ils sont encore dans la fondation,
apparemment, dans la cave, oui, et c'est la saison des inondations; la
plomberie n'est pas très efficace.
Il y a beaucoup de plombiers qui raboudinent leur bout de tuyau:
plusieurs clauses Canada, une clause Québec, une clause
québécoise. On ne sait plus du tout où cela s'en va; c'est
la confusion la plus totale à propos d'un dossier absolument vital pour
le Québec. Même si ce gouvernement réussissait à
définir ses positions, ce qu'il va forcément faire avant la
Trinité, puisque le premier ministre en a pris l'engagement formel, ce
gouvernement n'a jamais fait la démonstration qu'avec sa politique de
provincialisation accélérée le Québec aura le
moindre pouvoir de négociation. Il est évident, M. le
Président, que le Québec n'aura pas de pouvoir de
négociation et qu'il va être dans une position de très
grande faiblesse dans toute discussion constitutionnelle. Contrairement
à ce que le ministre a déjà affirmé l'année
dernière, que les circonstances étaient propices, il est
évident que les circonstances ne sont pas propices du tout, que le
Québec est en position de très grande faiblesse. Le gouvernement
semble ne s'être jamais posé une question absolument fondamentale
quand on parle de questions constitutionnelles. C'est la question de savoir si
le Canada va consentir à modifier, de façon appréciable,
de façon substantielle, une constitution qu'il s'est donnée au
prix de très lourds efforts, de très grands efforts
répartis sur une période de plusieurs années.
Cela a été, pour le Canada, un
processus pénible et difficile d'élaborer cette
constitution dont il est satisfait et, en plus d'en être satisfait, le
Canada en est extrêmement fier, parce que vous aurez beau - les
péquistes convertis au néo-fédéralisme -faire
toutes sortes de reproches à l'ancien gouvernement
fédéral, à l'administration Trudeau, vous ne pourrez
jamais nier le rôle historique, puisque vous vous préoccupez de
rôles historiques, vous ne pourrez jamais nier le rôle historique
de Pierre Trudeau qui a donné une nouvelle conscience au Canada, une
nouvelle conscience de lui-même, qui a suscité au Canada
l'émergence d'un nouveau nationalisme, d'un nouveau patriotisme. C'est
un fait historique que vous ne pourrez jamais nier.
Face à ce fait, dans ce contexte d'ensemble, il est
évident, M. le Président, que le Canada n'est pas du tout
disposé à porter atteinte à ce monument, à cet
édifice qu'est la nouvelle constitution canadienne. Des changements de
substance à la nouvelle constitution canadienne, il n'en est pas
question dans le contexte actuel. Il ne pourrait en être question que si
le Québec était dans une position de plus grande force que sa
position de plus grande force réalisée jusqu'ici.
Or, c'est exactement le contraire qui arrive. Le Québec est dans
sa position de plus grande faiblesse des temps modernes. C'est cela l'oeuvre du
gouvernement qui est devant nous. C'est un rapetissement du Québec,
c'est la provincialisation du Québec, c'est l'archiprovincialisation du
Québec. Dans cette situation, vous pourrez fignoler les positions
constitutionnelles que vous voudrez, vous pourrez bricoler ce que le premier
ministre appelle la plomberie et la tuyauterie tant que vous voudrez, vous
allez vous heurter, malgré tous les sourires du pensionnaire du 24 rue
Sussex à Ottawa, à une fin de non-recevoir et vous allez humilier
le Québec. Vous allez arriver à Ottawa avec des propositions
indignes et qui ne feront pas la part de ce que le Québec doit jouer
comme rôle historique et vous allez vous heurter, même avec cette
vente à rabais, à un refus. Le Québec sera doublement
humilié et doublement rapetissé. C'est cela l'oeuvre à
laquelle le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes convie la population du Québec. C'est
pour cette oeuvre-là qu'il veut dépenser des crédits
augmentés de 48,4 %.
M. le Président, je pense qu'il y a une conclusion à tirer
de l'étude des crédits de ce secrétariat ou de ce morceau
de gouvernement, c'est que c'est indigne et honteux de réclamer des
crédits augmentés de presque 50 % pour accélérer le
rapetissement du Québec et accentuer la provincialisation du
Québec, pour mettre fin non seulement à la vocation
internationale du Québec, mais au rôle fondamental que le
Québec aurait pu jouer dans la fédération
canadienne s'il y avait eu pour nous diriger un gouvernement conscient de sa
mission et de ses responsabilités. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le ministre, vous avez maintenant 20 minutes pour
chacune des interventions.
M. Johnson (Anjou): Oui. Je ne sais pas si le
député de Rosemont veut intervenir, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rosemont, immédiatement.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, très
brièvement. Je pense qu'au moment de l'étude des crédits
du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes il faut,
comme mon collègue vient de le faire, se poser des questions d'ensemble,
quelle est la force de négociation du Québec? Pour ma part, j'ai
l'intention de soulever une autre question. J'en suis rendu à ne
même pas demander à ce gouvernement d'être un grand
défenseur des droits et des intérêts du Québec et
à me demander tout simplement s'il poursuit une politique un tantinet
autonomiste. On regarde la trajectoire du gouvernement depuis le début
de l'automne et on se rend compte que, tant sur le plan des dossiers concrets
que sur le plan des ententes-cadres, il y a à peu près 1 000 000
000 $ en moins que dans les ententes signées sous le gouvernement
précédent. Quelle a été l'attitude du gouvernement?
Présenter cela comme une énorme victoire du Québec,
c'était tellement extraordinaire de pouvoir signer des ententes. Or, il
y aura moins d'argent pour le développement économique du
Québec dans ces ententes.
L'automne dernier, le gouvernement fédéral a
commencé à couper dans ses programmes. Après avoir
mentionné que sur le plan, par exemple, de la recherche scientifique il
allait doubler les crédits, on a commencé à couper dans
les centres de recherche, dans les programmes du Conseil national de recherche
et cette attitude est en train d'annuler complètement les efforts du
gouvernement québécois. Le gouvernement québécois
investit de l'argent dans la recherche et le gouvernement fédéral
en retire. Est-ce qu'on a eu une déclaration du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou
de son collègue, le ministre de la Science et de la Technologie, pour
réclamer l'application des engagements du gouvernement
fédéral ou, au moins, le respect des priorités du
Québec. Pas un mot, M. le Président.
Récemment, en ce qui concerne l'habitation, on se rend compte que
le Québec est la province qui a été la plus coupée
dans les programmes d'habitation. A-t-on entendu le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou
le ministre de l'Habitation protester et réclamer un réalignement
des politiques fédérales? Pour ce qui est de
l'assurance-chômage également, le Québec a
été parmi les plus pénalisés. A-t-on entendu le
ministre de l'Emploi, ou la ministre de la Main-d'Oeuvre, ou le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
protester contre ces coupures inacceptables qui touchent le Québec
où sévit le taux de chômage parmi les plus hauts des
provinces canadiennes? C'est l'administration au jour le jour. Est-ce
l'attitude même d'un gouvernement autonomiste? Certainement pas, M. le
Président. C'est la population du Québec qui en pâtit.
On nous annonce des négociations constitutionnelles qui
'viendront bientôt. Je vais passer par-dessus les divergences d'opinions
qui s'expriment dans le gouvernement. Le secret dans les négociations
constitutionnelles ne m'inquiète pas tellement. Il est normal que le
gouvernement ne dévoile pas ses batteries, s'il en a. Ce qui est
inquiétant, c'est plutôt ce qu'on sait, ce n'est pas ce qu'on ne
sait pas; c'est ce qu'on sait. Ce qu'on sait, c'est que lors de la visite de
Mulroney à l'automne le gouvernement du Québec n'avait toujours
pas de position constitutionnelle. Actuellement, on a l'impression qu'il y a
des bribes de position constitutionnelle et que le gouvernement commence
à négocier en cédant des choses et des positions
traditionnelles du Québec, même dans la perspective d'un
gouvernement autonomiste, avant même d'avoir commencé à
négocier.
Le premier ministre dit: La balle est dans notre camp. Je regrette, M.
le Président, mais la balle n'est pas dans notre camp. Le Québec
a refusé à bon droit de signer l'accord constitutionnel et c'est
son seul pouvoir de négociation actuellement. C'est au gouvernement
fédéral de présenter les offres qu'il compte faire pour
rapatrier le Québec, comme a dit le premier ministre canadien à
un moment donné. Or, qu'est-ce qu'on constate? Un gouvernement
québécois qui, en plus de passer sous le tapis toutes les
coupures, toutes ces restrictions à la possibilité pour notre
société de faire face au défi de l'emploi et de la
technologie... Non seulement on le passe sous silence, mais on commence par
dire que la balle est dans notre camp et on va nous-mêmes
présenter les premières offres en reculant sur les positions de
l'Assemblée nationale, lors des discussions du "Canada Bill", et en
commençant à céder sur des choses comme la question
linguistique, sur la question du droit à l'autodétermination qui
n'est pas censée faire partie des négociations. On se demande
même ce qu'il y a d'autonomiste. On est très loin des positions
traditionnelles du Québec en matière de constitution.
M. le Président, j'attends du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
qu'il nous précise quelle est son attitude, qu'est-ce qu'il
espère obtenir dans cette position de faiblesse où se trouve le
gouvernement du Québec et si on peut espérer un changement
d'attitude. Est-ce qu'on peut espérer avoir, pour les mois qui viennent,
un gouvernement du Québec qui va au moins défendre les droits
fondamentaux du Québec et sa capacité de faire face au
défi de l'avenir? On aura des questions un peu précises vers la
fin de la matinée.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Rosemont. M. le ministre, contrairement è ce que
j'ai dit tantôt, je ne voudrais pas vous induire en erreur, vous avez un
droit de parole de vingt minutes.
M. Pierre-Marc Johnson (réplique)
M. Johnson (Anjou): Cela va, M. le Président, je pense que
cela va être suffisant pour répondre à deux choses de
nature matérielle. D'abord, l'augmentation du budget du ministère
qu'heureusement le député de Deux-Montagnes, dans sa tirade qui
relève d'un splendide isolement qui s'autosuffit, n'attribue pas, je
crois, au grand coût du fédéralisme. Essentiellement, il
s'agit de transferts d'effectif; 80 %, 85 % de cette somme, ce sont des
transferts d'effectif qui relevaient d'autres postes budgétaires dans
d'autres ministères, notamment ceux du Conseil exécutif à
l'OPDQ.
Deuxièmement, quant aux ententes de développement
régional, on a tenté de concilier les chiffres qu'avait
évoqués le député de Rosemont avec ce que nous
possédons. On ne parvient pas à le faire parce qu'on ne sait pas
où il a pris ses chiffres. Tout ce qu'on peut vous dire, c'est qu'en
cinq ans, d'argent réellement déboursé par l'État
fédéral dans le développement économique
régional, on va retrouver une somme équivalente à celle
des dix dernières années. On peut bien chinoiser tant qu'on
voudra sur des morceaux à gauche, à droite, les crédits
périmés et le reste; on dit simplement que ce qui va faire
l'objet et ce qui est en train de faire l'objet des ententes auxiliaires et ce
qui a fait l'objet de l'entente-cadre, ce sont des dépenses
fédérales dans ces secteurs, dans un contexte où on a des
ententes qui nous permettent d'harmoniser plus intelligemment les
priorités de tout le monde, non sans difficulté. On a
l'équivalent des sommes d'argent qui ont été mises dans
les dix années précédentes. Il peut bien faire la
gymnastique qu'il voudra
avec cela, ce sont les faits. (II h 15)
Sur le reste, j'ai été frappé par un certain nombre
d'incohérences, M. le Président, d'abord chez nos
collègues de Deux-Montagnes et de Rosemont, qui nous ont malheureusement
déjà quittés, dont l'opposition circonstancielle semble
avoir du ciment pas mal mouillé. On a, d'une part, le
député de Deux-Montagnes qui commence ses propos en disant qu'on
n'est pas assez séparatiste ou on est trop fédéraliste et
qui les termine en disant qu'il faut augmenter le poids spécifique du
Québec dans les négociations constitutionnelles. On a le
député de Rosemont qui essaie de tenir le discours tourné
vers le passé, comme disait son collègue, le traditionnel
discours indépendantiste et qui termine en disant qu'on devrait
être un peu plus autonomiste dans nos revendications. Je pense que ces
incohérences, M. le Président, sont probablement un reflet d'un
malaise assez profond chez ses collègues, mais qui traduit aussi, il
faut bien le dire, le malaise d'un certain nationalisme au Québec depuis
quelques années.
Ce qui est en question, M. le Président, c'est d'abord et avant
tout l'évaluation de la réalité qui nous entoure.
J'entends, dans l'analyse du député de Deux-Montagnes, qu'il
s'est développé un nouveau nationalisme au Canada auquel
participent une partie des Québécois, c'est vrai, et que cela
fait qu'ils ne toucheront jamais au "Canada Bill".
À côté de cela, j'entends le député de
Jean-Talon qui nous parle du fédéralisme idéal du livre
beige... Pardon!
M. Rivest: C'est celui de M. Mulroney, notre ami commun.
M. Johnson (Anjou): ...et qui nous parle de cette énergie
extraordinaire qu'il faut déployer pour faire des schémas
théoriques comme on le fait depuis vingt ans au Québec chaque
fois qu'il est question de relations fédérales-provinciales. On
oublie une chose: chaque fois que le Québec a gagné quelque chose
depuis qu'il est dans la Confédération ou depuis qu'il vit dans
des institutions dans lesquelles notre population est devenue minoritaire
graduellement sur cette partie du continent, c'est parce que,
premièrement, on s'est battu pour le faire; deuxièmement, on l'a
fait en amenant des consensus de ceux et celles que cela intéressait et,
troisièmement, notre population se retrouvait dans ces
revendications.
Le Parti libéral nous offre un modèle idéal au nom
de son acte de foi dans un Canada qui n'a pas hésité à
planter le Québec en 1982, plutôt que de se concentrer sur ce que
constituerait, pour l'immédiat, compte tenu des conséquences du
"Canada Bill" dans son application sur notre territoire, non seulement une
façon pour le Québec de se défendre contre les abus qui
peuvent découler de l'interprétation judiciaire du "Canada Bill",
mais également la nécessité pour le Québec, alors
qu'il est lui-même en train de se remettre en cause quant au rôle
de l'État, quant aux changements et aux mutations profondes qui touchent
notre société, de redéfinir plus clairement le rapport
très pragmatique que le Québec doit avoir avec l'ensemble
canadien.
C'est très beau de nous dire avec un trémolo, comme le
fait le député de Jean-Talon, qu'il est québécois
et canadien. C'est très beau de dire, dans les rares questions qu'il
pose en Chambre sur ces sujets... Malgré son intérêt, nous
dit-il, pour ce sujet, il est pourtant très silencieux à
l'Assemblée nationale, en tout cas à la période de
questions. C'est très beau pour lui de nous dire avec trémolo:
Mon pays, le Canada. Mais le Canada a tassé le Québec en 1982 et
d'une façon qui nous permet, premièrement, de constater que cela
a été fait cyniquement et, deuxièmement, que cela n'a pas
été sans conséquences.
Il est du rôle de tout gouvernement du Québec de s'assurer,
d'une part, que ces conséquences soient les moins néfastes
possible pour le territoire québécois, ses institutions, sa
Législature et, deuxièmement, de tenter d'amorcer un minimum de
dynamique qui permette au Québec d'occuper le plus de place possible, de
faire triompher le mieux possible ses intérêts. Cela n'a rien
à voir avec les actes de foi trémolo. Cela a à voir avec
la réalité qui nous touche, cela a à voir avec la
réalité qui touche quotidiennement nos concitoyens qui, c'est
vrai, ont un taux de chômage plus élevé qu'en Ontario
maintenant, comme cela a toujours été le cas, bien que la
différence soit réduite, je crois, grâce à l'action
énergique du gouvernement dans beaucoup de domaines.
Il faut s'occuper de ces problèmes. Il faut se préoccuper
non pas de la définition d'un fédéralisme idéal
qui, à tout jamais, prétendrait satisfaire l'opinion d'un
gouvernement qui considère qu'il n'a pas eu un mandat en 1980 de
réaliser la souveraineté-association ou de l'enclencher, mais il
faut nous assurer que l'essentiel est préservé pour le moment et,
deuxièmement, que l'avenir n'est pas mis en cause.
Le Parti libéral préfère, lui, plutôt se
concentrer encore une fois sur la définition d'un
fédéralisme idéal, se préoccupant de ce qui peut se
passer à Moose Jaw comme à Vancouver ou à Halifax, alors
que ce qui nous préoccupe - oui, c'est vrai - ce sont largement des
préoccupations immédiates dans le secteur économique. Je
considère qu'il n'y a aucun mal à cela, c'est notre rôle en
ce moment de nous assurer que les effets de la reprise se manifestent le
plus
clairement possible pour le Québec.
M. le Président, le député de Jean-Talon savait
très bien ce matin qu'il me mettait dans une position où je ne
pourrais pas ouvrir comme je l'aurais souhaité devant sa
réplique, puisqu'il savait et puisque j'ai eu l'occasion de dire dans
mes propos préliminaires que tout ce qu'il y a à dire sur le
dossier constitutionnel sera évoqué en temps et lieu par le
premier ministre.
Sur les questions spécifiques d'absence de réaction du
Québec, par exemple, à l'énoncé de politique de M.
Wilson, je lui dirai trois choses. La première, c'est que quand M.
Wilson a fait son énoncé de politique il semblait qu'un certain
nombre de choses ne soient pas arrêtées dans le processus
décisionnel à Ottawa et on a eu bien raison de croire qu'un
certain nombre de choses n'étaient pas arrêtées quand on a
vu le débat qui s'est ensuivi sur la question de l'universalité
des programmes. J'ai eu l'occasion de rencontrer des intervenants des milieux
sociaux ou d'ailleurs qui m'ont dit: Allez-vous dénoncer la position
fédérale à l'égard de l'universalité des
programmes? J'ai eu l'occasion de leur répondre: Quelle position
fédérale sur l'universalité des programmes? Parce qu'il
n'y en avait pas de position fédérale sur l'universalité
des programmes et sur les transferts aux citoyens. D'une part, vous avez un
ministre de la 5anté à Ottawa qui évoque que cela ne sera
jamais touché, une révision qui est censée être
faite par un ministre, M. Neilsen, pour les fins de répondre à la
problématique budgétaire et administrative, qui semble laisser
entendre le contraire, les engagements du premier ministre Mulroney voulant que
les programmes sociaux soient "sacred trust" et, finalement, on n'a pas de
politique à cet égard. On ne réagira pas à un res
nullius; quand ils en auront une, on réagira.
Deuxièmement, le budget de M. Wilson, il s'en vient, cela va
être le 23 et je présume que dans la semaine ou dans les jours qui
suivront mon collègue des Finances aura un certain nombre de choses
à dire.
Troisièmement, quand j'entends le député de
Jean-Talon me parler du silence du Québec devant certaines coupures
fédérales, il a raison sur un certain nombre de choses. Il faut
bien voir que ce néocanadianisme que nous décrivait le
député de Deux-Montagnes et auquel semble adhérer
spontanément le député de Jean-Talon, il s'est bâti
par une administration des fonds publics à Ottawa totalement
irresponsable sur une période d'au moins six ans. Le problème du
Canada en ce moment et, donc, du Québec, c'est celui de savoir si c'est
le Fonds monétaire international qui va venir gérer la baraque ou
s'il va y avoir moyen, sur le plan économique, de faire une place
à l'État et aux États qui permette ici les bases d'un
développement économique qui soit sain et créateur
d'emplois sur une base permanente et qu'on puisse continuer de
transférer de la richesse dans cette société, ce qui
présuppose qu'on en a à transférer.
Je ne peux pas être insensible, malgré le fait que cela
semble impopulaire aux yeux du député qui, lui, reprend les
rengaines des 20 dernières années. On ne peut pas dire: Oui, on
veut participer à un effort de développement économique,
on veut vivre le fédéralisme comme une contrainte, pas comme une
vertu et pas comme un objet qui nous empêche de dormir tous les soirs,
pour parler d'un autre député, on veut vivre cela comme une
contrainte.
Je ne peux pas me fermer les yeux sur le fait qu'on n'a pas le droit de
se lever et de dénoncer un certain nombre de mesures exactement comme on
le faisait à l'époque. Ou bien il y avait des ressources
illimitées pour régler les problèmes sociaux, ou bien
à l'époque le gouvernement fédéral se permettait de
dépenser comme il le voulait, quand il pouvait et comme cela lui
tentait. Cela a donné 35 000 000 000 $ de déficit. Cela a
donné un taux d'endettement de la population québécoise,
comme de la population canadienne, qui est énorme. On aura beau se
mettre la tête dans le sable, pour reprendre l'expression d'un
député de l'Opposition, cela fait partie de l'environnement
politique et réel du Québec, cela fait partie de l'environnement
dans lequel on va essayer d'avoir des politiques économiques qui vont
nous permettre de structurer ici une économie viable qui donne . des
emplois. Puis, la théorie à côté de cela, que ce
soit celle du fédéralisme idéal ou celle du splendide
isolement du député de Deux-Montagnes, autosuffisant et
théorique, elle ne peut pas se frotter de façon adéquate
à la réalité. La réalité est aussi interne
au Québec. Ce n'est peut-être pas le lieu pour en parler, j'aurai
sans doute d'autres occasions et mes collègues aussi auront d'autres
occasions d'en parler, mais c'est aussi de considérer qu'avant de parler
de l'édification théorique du fédéralisme ou avant
de parler du splendide isolement du député de Deux-Montagnes il
faut peut-être vivre très concrètement les années
qui viennent.
Encore une fois, il faut considérer que l'appartenance
québécoise au fédéralisme tel qu'il est
vécu, c'est une contrainte de notre réalité de
développement et, quand c'est une contrainte, tu n'as pas le droit de
fermer les yeux dessus; quand c'est une contrainte, tu n'as pas le droit de
fermer les yeux pour décrire une édification idéale ou
pour décrire une chose inexistante.
Pour le moment, il faut faire fonctionner les choses. Pour le moment, il
faut donner au Québec sur le plan institutionnel cet espace essentiel
dont il a
besoin, parce qu'il est le seul territoire où notre peuple
contrôle un certain nombre d'institutions et où, au sens large, ce
qui relève de la langue, de l'éducation, de
l'intégrité, du caractère majoritairement francophone du
territoire québécois doit être défendu, mais il faut
aussi gagner des choses.
Le Parti libéral nous offre dans sa cohérence une
exposition du Québec en termes de faiblesse qui est aussi significative
que la faiblesse relative dans laquelle le Québec s'est mis
lui-même en 1980. Si nous avons vécu le rapatriement de la
constitution, avec les fausses promesses qui ont été faites par
les alliés de mon collègue dans le comité du non, ce non
qui devait signifier un oui au fédéralisme renouvelé et
qui s'est traduit par un rapetissement du Québec, par une diminution de
son espace et de sa marge de manoeuvre dans la fédération
canadienne, c'est que nous nous sommes nous-mêmes, comme
société, mis en position de relative faiblesse. Et c'est à
partir de cette constatation de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons
être que nous avons à agir. Encore une fois, les mois qui
viennent, quant è moi, seront caractérisés par une
définition des intérêts du Québec qui passe à
travers les éléments de sa spécificité qui doivent
être reconnus, qui nous permette de diminuer les effets les plus nocifs
du "Canada Bill" sur notre territoire et qui nous permette aussi non seulement
de préserver l'avenir dans une action qui implique la coopération
mais aussi, avec des parties de bras de fer avec l'État
fédéral, dans une action énergique dans le domaine du
développement et particulièrement le développement
économique. (11 h 30)
Discussion générale
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Avant
d'aborder l'étude des programmes un par un, je voudrais savoir s'il y a
d'autres remarques préliminaires de la part des autres collègues.
M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, le ministre a
répété un peu son attitude. Mais je note que ses propos -
je pense qu'il en conviendra avec moi - ne constituent pas ce que j'ai
demandé. Il ne veut pas parler du dossier constitutionnel ou enfin des
cas...
M. Johnson (Anjou): Vous n'allez tout de même pas faire de
moi un rouge, voyons donc.
M. Rivest: Non, mais je vous ai demandé d'évaluer
vos propositions constitutionnelles, les quatre ou cinq conditions
d'acceptation de ta Loi constitutionnelle de 1982, en regard des
conséquences nouvelles, des conséquences très
concrètes qu'il pourra y avoir à l'égard de la poursuite
éventuelle du processus de négociation, c'est-à-dire
évaluées dans le cadre d'une politique générale de
réforme du fédéralisme canadien, mais je ne suis devant
rien. Vous dites que vous vous êtes consacré à
l'essentiel.
Justement, l'essentiel, ce ne sont pas seulement les quatre ou cinq
éléments -c'est ce que j'ai essayé de vous exprimer en
matière de révision constitutionnelle société
distincte, dualité canadienne, partenaire majeur de la
fédération canadienne - je suppose que vous allez accepter cela
dans le préambule - le pouvoir de dépenser, les questions
linguistiques et ces choses-là. Mais, une fois que vous aurez fait cela,
il y a tout l'appareil fédéral, toute la structure
fédérale du pays. Vous pouvez ne pas y croire au
fédéralisme ou faire semblant d'y croire pour les fins de
l'exercice préélectoral actuel. Là-dessus, vous n'avez
absolument rien répondu.
L'autre aspect, je ne vous demande pas de faire les crises plus ou moins
"hystérico-préréférendaires" que vous faisiez
à l'époque contre les libéraux fédéraux; je
vous demande sobrement de défendre les intérêts du
Québec lorsqu'il s'agit, comme mon collègue de Rosemont l'a
évoqué et comme moi-même je l'avais évoqué,
de coupures sur l'assurance-chômage, d'écrire et de dire
publiquement au gouvernement fédéral: Voici les
conséquences que cela a pour le Québec. Je vous demande de le
dire sobrement et publiquement. C'est tout ce que je vous demande.
Formule de péréquation
Je vais vous donner un exemple concret et vous poser une question, par
exemple au sujet du dossier de la péréquation. J'ai
été étonné, alors que en 1982, année de la
loi sur les arrangements fiscaux, et les trois années suivantes il y
avait des garanties compensatoires, qu'une proposition ferme de la part du
gouvernement du Québec au sujet de la formule de
péréquation n'ait été transmise au gouvernement
canadien - non pas des intentions de principe - que le 22 février 1985,
soit plus de six mois après l'élection, où vous aviez
demandé une réduction de 2 % des paiements en vertu de la loi sur
les arrangements fiscaux. Comment se fait-il que cette proposition, d'une part,
n'ait pas été rendue publique? À ma connaissance, elle n'a
pas été rendue publique à ce moment-là. D'autre
part, comment se fait-il qu'elle n'ait été transmise au
gouvernement canadien qu'au début de février? Pour un dossier
important, pourquoi ne l'avez-vous pas dit publiquement que vous vouliez
cela?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si le
député le permet, avant de lancer des accusations, je lui ferai
remarquer que...
M. Rivest: Ce ne sont pas des accusations, ce sont des faits.
M. Johnson (Anjou): Alors, il en manque un morceau.
M. Rivest: Oui.
M. Johnson (Anjou): II y a eu une rencontre, au mois de
décembre, entre les deux premiers ministres et le dossier de la
péréquation était un dossier central dans ces
discussions.
M. Rivest: Je vais être plus précis dans ma
question. Comment se fait-il que... Je comprends qu'il y a eu une rencontre
où les premiers ministres ont évoqué des
possibilités. Comment...
Le Président (M. Gagnon): Si vous me le permettez, M. le
député de Jean-Talon -avant de continuer dans cette
foulée, dans ce genre de discussion - entreprenons-nous l'étude
des programmes ou si vous vous entendez pour que, pendant les cinq
heures...
M. Rivest: On discute d'un certain nombre...
Le Président (M. Gagnon): ...allouées à
l'étude des crédits, on entende ce genre de remarques?
M. Rivest: Si vous me permettez, j'ai indiqué au ministre
que je soulèverais peut-être une dizaine de dossiers environ. Une
fois qu'on aura fait cela dans le peu de temps qui nous est imparti, à
ce moment-là on adoptera les crédits. À moins que les
collègues aient des... Si le ministre consent.
Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le ministre? Donc,
on laisse aller la discussion largement, mais je veux faire adopter les
programmes pour 17 heures.
M. Rivest: Je vous dis que dans une note de M. Louis Bernard,
secrétaire général du Conseil exécutif, à M.
Bernard Roy, du cabinet du premier ministre, c'est là que la proposition
ferme - le 22 février - a été transmise. Moi, je vous dis
deux choses. Je ne dis pas que la proposition n'est pas sereine, ni bonne, pour
régler un problème comme la péréquation, mais je
vous pose deux questions. Sachant que de toute façon ce dossier
était sur la table depuis 1982, comment se fait-il qu'on attende le 22
février, six mois après l'élection d'un gouvernement
canadien et qu'on ne dise pas publiquement que c'est cela la position du
Québec? Il me semble qu'on aurait pu au moins...
Un ministre aurait pu faire une conférence de presse et dire:
Voici, la péréquation, cela nous enlève tant. Voici, la
proposition qu'on a transmise au gouvernement canadien, on va la discuter.
C'est 2 % de diminution par rapport è ce qui avait été
versé selon l'ancienne formule; c'est cela qu'on a recommandé. On
disait que la perte du Québec, au lieu d'être 750 000 000 $,
serait réduite à 450 000 000 $.
C'est là le type de question, dans le fonctionnement de votre
attitude avec le gouvernement canadien, que je déplore. J'en ai cinq,
dix et quinze exemples. C'est cela que je conteste.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, avant que le
député continue avec ce type d'exemple, je vais le prendre.
D'abord, le contenu du dossier de péréquation est connu depuis
1982.
M. Rivest: La proposition du Canada.
M. Johnson (Anjou): Le ministre des Finances du Québec
d'alors a fait à peu près une demi-douzaine de conférences
de presse, de déclarations publiques, de déclarations
ministérielles, reprises par la suite par d'autres membres du
gouvernement, que ce soit le Conseil du trésor, que ce soit le premier
ministre lui-même. Donc, qu'on ne vienne pas me dire que les enjeux
n'étaient pas connus. Cela faisait trois ans qu'on en parlait sur la
place publique.
M. Rivest: Les enjeux du Québec. La proposition du...
M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, au moment où il y
a eu l'élection du nouveau gouvernement, on pensait, le Québec
s'étant fait tasser comme il s'était fait tasser sur le plan de
la péréquation, en 1982, par la loi qui est
"euphémistiquement" appelée la Loi sur les accords
fédéraux-provinciaux en matière de transfert, qu'il y
aurait peut-être une chance d'aller chercher quelque chose. On a ressorti
notre dossier. Des pourparlers ont eu lieu entre les fonctionnaires des deux
ministères des Finances. Des pourparlers ont eu lieu entre un certain
nombre de mes collègues et d'autres collègues
fédéraux intéressés à ce dossier. Je pense,
notamment, au président du Conseil du trésor; je pense aux
discussions que j'ai eues avec le ministre des Finances fédéral
à une occasion, avec le ministre du Développement régional
aussi, dont ce n'était pas le dossier mais qui fait partie du
comité des priorités. Et ensuite, après ces
échanges au niveau des ministères sectoriels, le premier ministre
du Canada a décidé de se saisir du dossier et en a
parlé
avec le premier ministre du Québec au mois de décembre.
Par la suite, il y a eu transmission de la proposition dont on parle. Il
faudrait peut-être donner le portrait au complet.
M. Rivest: Pourquoi, è ce moment-lè, l'opinion
publique, l'Assemblée nationale, sur une question aussi fondamentale que
celle-là... Cela a coûté énormément cher au
Québec. Je comprends que vous admettiez, dans la note, que le
gouvernement fédéral avait des difficultés
financières; c'était raisonnable de le faire. Mais, mon point de
vue, ce n'est pas que la proposition que vous avez formulée était
déraisonnable, n'avait pas été préparée, ce
n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire que l'opinion publique...
Je vous parlais du secret et des cachettes; je vous dis que ce n'est pas
sain. Il me semble qu'on le transmet - il y a des moyens - au gouvernement
canadien, on s'entend avec lui pour le rendre public. Car le juge de tout cela,
ce n'est ni M. Mulroney, ni vous-même à Québec, c'est
l'opinion publique. Sur un dossier comme celui-là, on ne dit rien. Et,
finalement, la solution arrive et on entend les commentaires et la
réaction au discours sur le budget. Il me semble quel'Assemblée nationale et l'opinion publique avaient le droit de
savoir que la proposition ferme du gouvernement du Québec était
une réduction de 2 %; au lieu de nous faire perdre 750 000 000 $, cela
nous aurait fait perdre des centaines de millions de moins - enfin,
c'était raisonnable - plus l'ouverture éventuelle, ce que vous
proposiez... Il me semble qu'on avait le droit d'obtenir cela. Je plaide pour
cela et c'est cela que je reproche comme attitude au gouvernement.
Entente-cadre
Je peux donner un autre exemple. Dans l'affaire de Domtar... Je vous le
signale, parce que j'ai trouvé cela assez étonnant. Cela a
été publié dans la Gazette officielle du 2 mai. Quand je
constate, à la publication... Il me semble que cela n'a pas
été dit nulle part, mais il me semble que les autres
régions... Comme mon collègue M. Paquette l'a signalé,
l'ancien gouvernement libéral avait promis la subvention et le nouveau
gouvernement, pour des raisons qui lui sont propres et particulières,
refuse. Il y a une négociation qui s'engage et c'est un très
grave problème pour les employés de Domtar. On trouve une
solution, mais il me semble qu'on a le droit, ailleurs que quelque part dans le
fond de la Gazette officielle du 1er mai 1985, de trouver que les
intérêts d'un prêt de quelque 150 000 000 $ consentis par la
Société de développement industriel vont être
remboursés à même l'entente-cadre Québec-Canada,
entente-cadre qui devait initialement servir, au moment où elle a
été signée, pour toute autre fin et probablement toute
autre région que celle-là. Pourquoi ne l'établit-on pas
clairement? Cela est un autre exemple que je vous indique.
M. Johnson (Anjou): D'abord, on n'était pas sûr,
jusqu'au moment de la signature de l'entente-cadre avec Ottawa, au mois de
décembre de ce que couvrait la réalité de l'action
fédérale depuis deux ans dans le domaine du développement
économique régional. C'est de là qu'on partait, il faut
bien le voir. Quand Marc Lalonde est allé annoncer qu'il allait mettre
111 000 000 $ au Québec, les 111 000 000 $ dont il parlait et avec
lesquels il a réussi à rénover des toits d'église,
en même temps qu'à faire des centres d'accueil et à
installer des PME -cela allait dans toutes les directions et cela se
décidait, la moitié du temps, dans le bureau du
député libéral - on ne savait pas exactement ce que cela
recouvrait comme réalité. Est-ce que c'étaient des
programmes réguliers du fédéral? Est-ce que c'était
de l'argent nouveau? Est-ce que cela émargeait au MEIR? Est-ce que cela
allait directement au fonds consolidé? On a même découvert
en cours de route, nous a dit le -président du Conseil du trésor
à Ottawa, que le fonds La Prade, c'était une espèce
d'entité dont les fondements étaient un communiqué de
presse. Et le Vérificateur général a eu un peu de
difficulté à se retrouver dans cela.
On partait de loin, là. Quand on dit que, pour la période
de dix ans qui a précédé notre entente, le
fédéral a mis pas tout à fait 1 000 000 000 $ et qu'il va
mettre 1 000 000 000 $ dans les cinq prochaines années dans le 1 000 000
000 $ dont on parle des ententes précédentes, des ententes
auxiliaires et notamment de celles de 1974 et de 1978, on est assez sûr
des montants et de leur affectation pour la période qui va
jusqu'à 1981 et 1982; une partie du reste que le fédéral
imputait à sa présence en matière de développement
économique régional n'était pas identifié
-l'expression en anglais, c'est "tagged" spécifiée. On a
découvert pourquoi il dépensait de l'argent de "monopoly". Ce
n'est pas compliqué. C'était branché directement sur le
fonds consolidé à Ottawa. Ce n'est pas vrai qu'il y avait des
programmes. Il donnait un nom à du discrétionnaire qui s'appelait
du développement économique régional.
Quand on a signé avec le fédéral, avec M. Sinclair
Stevens - et on a eu l'occasion de le dire publiquement à ce moment - on
s'est assurés de donner un cadre précis aux dépenses
fédérales dans ces domaines, de se donner des instruments qui
s'appellent des ententes auxiliaires, technique que le député
connaît bien et qui avait été utilisée
anté-
rieurernent, et de tenir pour acquis qu'on introduirait là-dedans
la souplesse nécessaire pour régler des problèmes que les
gouvernements considéraient comme prioritaires. Et on le sait, il y a
une partie de ces crédits qui sont l'équivalent d'un financement
fédéral à des programmes de l'État
québécois, comme cela a toujours été le cas dans le
passé, et où il s'agit pour l'essentiel d'avoir une participation
fédérale à ce que sont vraiment des priorités et
des activités qui, dans certains cas, sont de la juridiction exclusive
du Québec et, dans d'autres cas, sont quelque part dans le flottement
des juridictions.
Dans le cas de Domtar, parce que c'est un dossier prioritaire pour le
gouvernement du Québec et parce que nous avions l'impression... Je vais
vous le dire bien simplement: C'est vrai que les libéraux avaient promis
Domtar, au fédéral, comme ils ont promis tellement d'autres
affaires sur lesquelles ils n'ont pas livré la marchandise. Je regrette,
je ne considère pas qu'on partait d'un Domtar qui était fait et
qu'on a été obligé de se battre parce que le nouveau
gouvernement fédéral a décidé d'y mettre fin. On
est parti, d'un Domtar qui ne s'en allait nulle part et on a réussi
à faire Domtar. On a laissé jouer les intervenants comme cela
devait se faire. On n'est pas grimpé dans les rideaux, mais on a fait
notre boulot et cela a réussi. Si le reproche que nous fait le
député, c'est un reproche de style, bien, peut-être. (11 h
45)
M. Rivest: Je vais vous donner trois autres exemples concrets
où il me semble qu'on a le droit de savoir - c'est dans une note sur la
rencontre entre M. Clark et M. Landry - premièrement, les maisons du
Québec; deuxièmement, le sommet de la francophonie et
troisièmement, la participation du Québec aux conférences
internationales.
N'est-il pas vrai que le gouvernement canadien a souligné au
gouvernement du Québec, dans le renouveau, qu'il était inquiet de
la multiplicité des maisons du Québec à l'étranger
et qu'à cet effet il proposait la formule des condominiums, dans
lesquels certaines maisons du Québec feraient partie des ambassades
canadiennes?
Deuxièmement, n'est-il pas vrai que le ministre Landry a
affirmé - à mon avis, c'est très grave quand je vous dis
que vous n'avez pas de politique sur le plan des relations
fédérales-provincales - au ministre Clark, en ce qui concerne la
participation du Québec au GATT, par exemple, chose que, en
l'occurrence, je trouve correcte pour ce qui est du GATT - j'ai une note ici -
que le MAE, le ministère des Affaires...
Une voix: Étrangères.
Une voix: Affaires extérieures. M. Rivest: Affaires
étrangères... Une voix: ...
M. Rivest: ...extérieures peut être assuré
que le Québec admet le principe de l'unicité de la voix en ce qui
concerne la délégation canadienne et que le cabinet
fédéral donne les mandats?
Je n'ai pas d'objection à ce qu'on fasse un tel virage dans les
attitudes du Québec. Quand un ministre québécois admet
cela, première chose, l'opinion publique, il me semble, a le droit de
savoir que c'est maintenant la position du gouvernement du Québec.
Deuxièmement, je me demande si, en tant que ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, vous avez évalué les
conséquences d'une telle attitude en ce qui concerne la participation du
Québec à des organismes, par exemple, dans le domaine du travail,
dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé
où on a un intérêt particulier.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si le
député le permet, je vais tout de suite jeter un peu d'eau sur sa
mèche. D'abord, le procès-verbal dont il parle, c'est au chapitre
2, Participation au dialogue économique international.
M. Rivest: Oui.
M. Johnson (Anjou): Pas le Bureau international du travail, pas
l'UNESCO: le dialogue économique international. Ce que dit le
procès-verbal: "Le ministre québécois - en l'occurrence
mon collègue des Relations internationales - affirme que le
ministère des Affaires extérieures peut être assuré
que le Québec admet le principe de l'unicité de la voix et que le
cabinet fédéral donne les mandats (GATT)."
M. Rivest: Pourquoi ne dites-vous pas cela publiquement?
M. Johnson (Anjou): "Son approche en est une d'équipe
axée autour du partage des compétences." Autour du partage des
compétences. "La présence de représentants des provinces
rehausse, compte tenu du système politique, la crédibilité
de la délégation politique canadienne". Ce dont on parle, ce sont
les accords multilatéraux. On ne parle pas de l'UNESCO et ni du BIT. Le
député sait fort bien que cela fait des années que le
Québec - non seulement il le revendique, mais il le fait - s'organise
pour avoir une représentation, qui ne peut pas être autonome dans
certains organismes internationaux parce qu'on n'a pas obtenu la
reconnaissance, qui soit clairement identifiée
dans les domaines de sa juridiction. La théorie du prolongement
des compétences en matière internationale constitue un des
fondements de l'action internationale du Québec depuis vingt ans et elle
continue de former un de ses fondements.
M. Rivest: Je ne suis pas contre. C'est toujours le même
point que je vais souligner, et j'en ai des exemples. Je suis devenu presque
l'agent d'information du ministère.
M. Johnson (Anjou): Jusqu'à maintenant, ils ne sont pas
forts forts parce qu'il manque des faits ou alors les choses sont
tronquées.
M. Rivest: D'une part, pourquoi ne dites-vous pas publiquement
que c'est maintenant cela, la politique du gouvernement du Québec? Je
pense qu'on a le droit de le savoir. Deuxièmement, je comprends que
c'est limité au domaine économique. Mais je vous disais
tantôt qu'en y allant ad hoc comme cela on n'a aucune idée de la
position du gouvernement du Québec.
Vous me dites que, dans le domaine de l'éducation, vous n'adoptez
pas la même position que lorsqu'il s'agit du domaine économique
comme les accords du GATT. Très bien, mais c'est la première
fois... Là, vous le dites. Nulle part on n'a un point de
référence là-dessus.
Ce que je vous demande, c'est que vous en arriviez à dire
publiquement ce que sont les attitudes du gouvernement du Québec
à ce sujet. Quand j'ai fait le même débat avec notre
collègue Landry, des gens comme de Bellefeuille et les autres, qui ont
une tout autre conception de ce genre de dossier... Pierre de Bellefeuille, je
pense, l'a souligné au ministre Landry quand il vous accusait
tantôt d'abandonner ce que vous disiez antérieurement lorsque vous
étiez souverainiste. Enfin, vous l'êtes encore, mais vous le
disiez à l'époque; maintenant vous ne le dites plus.
M. de Bellefeuille: Ne m'embarquez pas là-dedans!
M. Rivest: Mais ça c'est une question de sémantique
dans laquelle je me débrouille très mal. Souvent, j'ai peur de
l'accuser d'être fédéraliste. Vous avez raison, M. le
député de Deux-Montagnes, de me mettre en garde contre cela.
Je demande qu'on le dise, je demande d'abord que ces positions soient
publiques et qu'on les évalue dans la perspective des
conséquences que cela peut avoir. Or, vous n'en avez pas, de politique.
J'ai un troisième exemple qui est dans la même note. J'ai
été étonné...
M. Johnson (Anjou): Est-ce que je peux répondre à
celui-là M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui, certainement, allez-y!
M. Johnson (Anjou): D'abord, essentiellement, je comprends de
l'attitude du député qu'il voudrait que les ministres sectoriels
fassent des conférences de presse. Très bien, je ne
considère pas que c'est le rôle du...
M. Rivest: ...le hockey, cela ne me fait rien.
M. Johnson (Anjou): ...Secrétariat aux Affaires
intergouvernementales canadiennes que l'incitation systématique aux
conférences de presse des ministres sectoriels, mais si c'est ce que
pense le député, j'espère qu'il ne sera pas
étonné l'an prochain de voir une légère
augmentation du budget des communications dans ces ministères. Ce qu'il
veut et ce dont il parle, c'est: Écoutez! Rendez donc public, par voie
de communiqué ou autrement, ce que vous faites.
M. Rivest: N'ayez pas peur de vos convictions. C'est le point que
j'essaie de souligner.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! II ne faudrait pas parler deux ensemble. M. le ministre, vous avez
la parole.
M. Johnson (Anjou): On le fait, mais, effectivement, je pense que
le ministre des Relations internationales, M. le Président, a fait
état de ces questions et de ces choses là où cela devait
se faire.
M. Rivest: Non.
M. Johnson (Anjou): Non! Alors, vous lui poserez la question.
Comme, d'ailleurs, le député de Jean-Talon ne devrait pas se
gêner, je suis en Chambre trois jours par semaine à la
période des questions. S'il a des questions au fur et à mesure
que ces dossiers-là se présentent, qu'il nous en parle.
M. Rivest: Bien, dites ça à mon leader. Michel
Bergeron, lui, règle ça.
M. Johnson (Anjou): C'est lui qui ne veut pas?
M. Rivest: Je ne peux pas prendre plus de glace qu'il ne m'en
accorde. Troisième exemple: N'est-il pas vrai, M. le ministre, toujours
dans la belle ouverture du gouvernement canadien, qu'au sujet du sommet de la
francophonie - c'est toujours dans la même note - la position du
gouvernement canadien, c'est que le premier
ministre du Canada, entre autres, à l'ouverture de la
conférence parlerait à ce sommet de la francophonie au nom du
Québec, du Nouveau Brunswick d'ailleurs qu'on adjoint à cet
exercice, et du gouvernement canadien? - Est-ce que cette position-là
satisfait le ministre des Affaires intergouvemementales canadiennes? Le
Québec causerait, lui, dans... Imaginez-vous, ils ont fait une
distinction entre la séance formelle, c'est-à-dire là
où ça compte, et les séances informelles où le
Québec pourrait parler.
Ce type de proposition qui est dans la note - je ne l'invente pas, c'est
une note du 16 janvier 1985 que j'ai ici, c'est marqué en toutes lettres
- est-ce que l'opinion publique n'a pas le droit de le savoir? Il en a
été tellement question avec l'un de vos
prédécesseurs prestigieux, M. Jacques-Yvan Morin, qui a
parlé à de multiples occasions du sommet de la
francophonie...
Voilà un développement. On ne le sait pas, le ministre
n'en parle pas, on fait du fédéralisme par en dessous de la
table.
M. Johnson (Anjou): D'une part, M. le Président, pour le
passé et le présent et les problèmes de style que voit le
député de Jean-Talon dans ce qui se passe, je pourrais lui dire
que, dans le passé, le Québec a crié beaucoup et a souvent
obtenu peu. Dans le cas présent - notamment, je pense aux relations avec
la France - le Québec n'a pas crié fort et a obtenu plus. Car
c'est ça, entendre le premier ministre du Canada qui dit devant le
premier ministre français: Le gouvernement canadien considère
qu'il est légitime et normal que le Québec ait des relations
directes et privilégiées avec la France.
M. Rivest: C'est très bien, cela.
M. Johnson (Anjou): Oui. Je ne me mettrai pas à dire que
cela règle tous les problèmes, mais je vais vous dire que c'est
comme un certain changement depuis quinze ans. Le député se le
rappelle, il a déjà été au gouvernement à
titre de non-élu, il a déjà travaillé au
gouvernement du Québec. Il se souvient de ces dépenses
d'énergie absolument incroyables en querelles entre l'ambassade et la
délégation; il se souvient des gens qui étaient
prêts à faire n'importe quoi dans les aéroports, y compris
au passage à l'immigration, pour écoeurer les
délégués -je m'excuse de l'expression - pour ennuyer,
pardon, les représentants québécois dans certaines
conférences, etc.
M. Rivest: Michaud.
M. Johnson (Anjou): C'était devenu caricatural. Chaque
fois le Québec déchirait sa chemise et disait: Cela n'a pas
d'allure.
Et il avait raison sur le fond. Ce que vous nous reprochez, c'est de ne
pas déchirer notre chemise? Fondamentalement, c'est ça!
M. Rivest: Non, ce n'est pas cela que je vous dis.
M. Johnson (Anjou): Alors qu'en fait...
M. Rivest: Ce n'est pas ça que je vous dis. De toute
façon, je me demande si vous en avez encore une sur le dos!
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): Dans le cas, notamment, de cette
reconnaissance de principe qui est très importante sur le plan des
relations du Québec et de la France, que le gouvernement canadien, par
la voix du premier ministre du Canada, reconnaisse le caractère
légitime et normal des relations directes et privilégiées
entre l'État québécois et la France, je regrette, cela a
un sens. Cela a une portée dans le climat et le développement de
la coopération entre le Québec et la France.
M. Rivest: Pas au point d'empêcher que le premier ministre
du Canada ne parle au nom du Québec au sommet de la francophonie.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Jean-Talon! M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Johnson (Anjou): Par ailleurs, en ce qui concerne
l'éventuel sommet de la francophonie, la position du Québec dans
ce dossier est celle que nous acceptons un modèle analogue à
celui de l'Agence de coopération culturelle et technique.
M. Rivest: Là, vous avez du front, par exemple!
M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est sur cette base
que nous avons discuté avec les représentants
fédéraux, que mon collègue des Relations internationales a
eu des pourparlers avec son collègue des Affaires extérieures
à Ottawa. Nous considérons, effectivement, que le Québec
doit s'abstenir dans de tels sommets de traiter des questions de guerre et de
paix, si on veut, mais, par ailleurs, dans la mesure où nous pouvons
avoir une place qui est l'équivalent de celle que nous avons à
l'Agence de coopération culturelle et technique.
M. Rivest: Qui a été négociée par M.
Bourassa, d'ailleurs. C'est dans le bilan de 1970-1976, que vous vous
apprêtez à faire,
j'espère.
Le Président (M. Gagnon): Vous n'aviez pas la parole, M.
le député de Jean-Talon; est-ce que vous la demandez?
M. Rivest: Non, il terminait; c'était ma transition.
Le Président (M. Gagnon): Parce que le
député de Rosemont voudrait aussi parler.
M. Rivest: Me permettez-vous de finir juste une petite
série? Parce que, là, j'ai évoqué, pour la gouverne
du député de Rosemont, le caractère secret de la
transmission de la proposition du Québec le 22 février sur la
péréquation.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Rosemont pourra lire le Journal des débats, si vous voulez.
M. Rivest: L'absence d'entente, le fait qu'on apprend que c'est
l'entente Québec-Canada...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous vous adressez au
président ou à un autre collègue?
M. Rivest: Oui, au président. Trois cas dans le domaine
international d'évolution de la politique du Québec où on
n'a pas eu un mot du ministre. Le quatrième cas, je l'ai soulevé
en Chambre et je pense que mon collègue de Rosemont s'est
intéressé au dossier. Je lis ceci dans un document -attendez un
instant, peut-être que le sous-ministre va trouver la même note que
moi -du mois de mars 1985 et je le cite au ministre... C'est pour montrer
toujours que le ministre ne donne pas une direction politique solide, ouverte a
son ministère, qu'il n'a pas de politique, qu'on ne sait rien. On a un
nouveau style de fédéralisme par-dessous la table.
Alors qu'on annonce à grand renfort de publicité qu'on
signe une entente de développement - je reviens aux ententes de
développement - de 1 000 000 000 $, je lis ceci: "Les fonctionnaires du
ministère de l'Expansion industrielle régionale, responsables des
ententes, viennent nous faire part que le 1 000 000 000 $ dont on a tant
parlé sous les caméras comprend 290 000 000 $ qui sont des
engagements antérieurs du gouvernement fédéral. Le plan de
l'Est du Québec - où je pense qu'il n'y avait pas trop d'argent
à dépenser là-dedans, de toute façon et les
montants nécessaires pour la liquidation des anciennes ententes, 80 000
000 $, composent en grande partie ce montant. De plus, 80 000 000 $
proviendraient du fonds La Prade dont le ministre a parlé et devraient
faire l'objet d'une entente particulière dont nous sommes en train de...
Ainsi, seulement 170 000 000 $ de fonds fédéraux en plus des 465
000 000 $ engagés seraient disponibles pour des ententes dans les
secteurs énumérés précédemment. Donc, dans
les faits, ce sont 635 000 000 $ et non pas 1 000 000 000 $ que le gouvernement
fédéral investirait pour les cinq prochaines années dans
les ententes de développement économique et régional."
Là, c'est vraiment suave - je l'ai montré à M.
Bourassa pour le consoler de toutes les attaques dont il est victime - on dit:
"C'est à peine plus élevé que les montants
dépensés au cours des cinq dernières années," les
cinq dernières années de l'ancienne entente, alors que l'entente
était de dix ans.
C'est une information objective. Quand je lis dans le Devoir que cela
m'est confirmé par le ministre fédéral de la Consommation
et des Corporations, je dis ceci au ministre d'une façon très
simple: Voici des centaines de millions de dollars qui sont là pour des
jobs, qui sont là pour des régions. On s'en sert par la bande,
d'un arrêté en conseil pour régler l'affaire de Domtar,
même si ce n'est pas la majeure partie, j'en conviens.
M. Johnson (Anjou): C'est en jobs, c'est direct.
M. Rivest: Oui, je le sais, mais cet argent était
initialement disponible pour les autres régions et cela, on ne le sait
pas. Là, on signe une entente sur la forêt. Mon souvenir, c'est
que les ententes auxiliaires de développement se faisaient à
60-40. Là, c'est rendu à 50-50. Pourquoi le gouvernement du
Québec a-t-il accepté cela? Il n'y a pas un ministre
québécois, nulle part, qui nous l'explique, qui explique au monde
la réalité. Je termine ce chapitre: j'ai d'autres cas pour le
reste de la séance. (12 heures)
Quand je vous ai dit dans ma déclaration d'ouverture que
c'était inadmissible, la façon dont vous dirigiez le
ministère, je pense que je l'ai simplement illustré d'exemples
concrets et pratiques. On veut savoir ce qui se passe. Vous êtes
tellement mal à l'aise dans votre virage fédéraliste
où vous ne pouvez même pas avoir le minimum de décence de
défendre certains intérêts très légitimes et
très particuliers du Québec, eh bien, mon Dieu, au plus vite pour
le plus grand plaisir de mes collègues de Rosemont et de Deux-Montagnes,
redevenez indépendantistes. Au moins, même si vous criiez
très fort, à l'occasion vous accrochiez, j'en conviens, certains
intérêts du Québec qui étaient tout à fait
légitimes. Mais arrêtez de jouer comme cela en dessous de la
table.
Une voix: Bravo!
M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre. Après, je reconnaîtrai M. le
député de Rosemont.
M. Johnson (Anjou): D'abord, M. le Président, cela vient
tard. J'attends cela depuis trois mois à la période des
questions. Deuxièmement, aux 635 000 000 $ dont parle le
député, il faut ajouter le solde du plan de l'Est de 179 000 000
$, le solde des ententes non dépensées de 1984 de 111 000 000 $
au 1er avril 1984. Il faut également ajouter les sommes, que nous
tentons d'identifier dans la mesure où ces choses-là sont
identifiables, de ce qui était le fonds La Prade. Si vous faites le
total, cela fait 1 000 000 000 $. Alors, c'est plus de dépensé en
cinq ans pour des fins de développement régional et de
création d'emplois sur le territoire du Québec que dans les dix
ans qui ont précédé. Vous pouvez bien le présenter
comme vous voudrez en faisant les pirouettes que vous voudrez...
M. Rivest: C'est le ministère qui a fait cela.
M. Johnson (Anjou): ...il faut ajouter à ces 635 000 000 $
ce qui fait l'objet de discussions avec les fédéraux, notamment
sur le plan de l'Est du Québec, sur le solde des ententes
précédentes, - cela se règle - et sur ce qu'on appelait le
fonds La Prade.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'ai combien de temps?
Le Président (M. Gagnon): Si vous parlez sur un
élément, vous avez droit à 20 minutes.
M. Paquette: Enfin, j'ai deux questions à soulever, M. le
Président.
M. de Bellefeuille: On est sur le débat initial?
Le Président (M. Gagnon): Jusqu'à maintenant, on
est toujours dans les remarques préliminaires, on s'est entendu
là-dessus. Mais si vous parlez sur un élément... On m'a
demandé le temps. Pour les remarques préliminaires, le temps est
fini, mais sur entente de la commission on continue.
M. de Bellefeuille: Par consentement, on peut continuer.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Johnson (Anjou): Juste une parenthèse peut-être
avant.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Dans le cas des 635 000 000 $, c'est sur une
base de 50-50. Dans d'autres cas, cela peut être beaucoup plus que cela
de la part du fédéral.
M. Rivest: Je vous ai demandé, pourquoi 50-50 sur la
forêt.
M. Johnson (Anjou): Parce que c'est une décision...
Peut-être que le député n'était pas là
à la période des questions.
M. Rivest: Est-ce que ce n'était pas 60-40?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le
permettez, peut-être que le député n'était pas
là à la période des questions au moment où cela a
été déposé par la députée des
Îles-de-la-Madeleine, qui était ministre à l'époque.
Cela a été une décision du Conseil des ministres avec
laquelle elle était entièrement d'accord que ces
ententes-là devaient être signées sur une base de
55-50.
M. Rivest: Antérieurement?
M. Johnson (Anjou): C'était 60-40, effectivement.
M. Rivest: On progresse! Le beau risque
fédéral.
M. Johnson (Anjou): Non, c'était un choix du Québec
de faire en sorte que, quand il prétend pouvoir "prioriser"...
M. de Bellefeuille: Toujours le beau risque.
M. Johnson (Anjou): ...quand il prétend pouvoir comme
État infléchir le développement économique, quand
on prétend que l'État québécois est capable...
M. Rivest: Vous êtes en porte à faux.
M. Johnson (Anjou): ...d'insuffler des orientations en
matière de développement économique, plutôt que de
se conduire de façon "bébête" dans un contexte où on
laisse définir cela par des directions régionales ou
sous-régionales de l'État fédéral, effectivement
c'est à 50-50. C'est aussi simple que cela.
M. de Bellefeuille: Bravo!
Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît! Je vais
suspendre les travaux si on continue de parler... Non, mais il ne s'agit pas de
parler tout le monde en même temps. Vous demandez la parole et vous avez
le droit de parole. M. le député de Rosemont a maintenant le
droit de parole.
M. Paquette: M. le Président, j'ai deux questions à
soulever. Je vais commencer, justement, par cette question des ententes cadres
qui viennent d'être signées en les comparant aux ententes qui
avaient été signées en 1974 sous les gouvernements
Bourassa et Trudeau. D'abord, je m'étonne de la réaction que
vient d'avoir le ministre. On ne voit pas comment, lorsqu'il y a un
comité conjoint pour gérer l'entente-cadre, cela va donner plus
de pouvoir au Québec d'orienter les fonds s'il paye 50 % de la note
que s'il paye 40 % de la note. La seule chose que cela fait, c'est qu'il
y a moins d'argent provenant du fédéral sous contrôle
conjoint en vertu de l'entente cadre. Je pense que le ministre peut
difficilement nier cet aspect.
M. Johnson (Anjou): Je vais le nier.
M. Paquette: Sur le plan des fonds, si on regarde l'entente de
1974-1979, on avait une entente de 1 800 000 000 $. Le ministre pourra
peut-être nous dire de façon précise combien a
été dépensé dans la première période
de cinq ans, 1974-1979, et combien a été dépensé
dans la période de 1979-1984. Je fais une approximation que les
dépenses ont été à peu près égales.
Je me rappelle que le ministre de l'Aménagement en avait signé
pas mal avant 1979 et il en a probablement signé plus que
l'hypothèse que je vais faire. L'hypothèse que je vais faire,
c'est qu'il y a eu 900 000 000 $ dans la première période de cinq
ans, si on veut comparer une période de cinq ans avec une période
de cinq ans, comparer des pommes avec des pommes et non des pommes avec des
oranges. Je suppose qu'il y a eu 900 000 000 $ de dépensés dans
l'entente-cadre de 1974-1979. C'est probablement plus que cela. La part du
gouvernement fédéral était de 60 %: 540 000 000 $; la part
du gouvernement du Québec était de 40 %: 360 000 000 $. M. le
Président, le ministre ne tient pas compte de l'inflation. Le
développement économique coûte plus cher qu'en 1974, comme
la pinte de lait, comme le pain, comme n'importe quoi qu'on a à acheter;
il y a eu de l'inflation depuis.
Une voix: La cigarette.
M. Paquette: La cigarette aussi.
M. de Bellefeuille: M. le Président, question de
règlement. Je voudrais que nous reconnaissions le droit de parole du
député de Saint-Jean.
Le Président (M. Gagnon): II faudrait, d'abord, qu'il
s'approche de la table des délibérations.
M. de Bellefeuille: Venez, M. le député.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Jean n'a pas le droit de parole lorsqu'il est dans l'assistance. M. le
député de Rosemont, vous avez toujours la parole.
M. Paquette: M. le Président, si on applique la hausse de
l'indice des prix à la consommation, on se retrouve, en dollars de 1984,
avec - toujours pour l'entente de 1974-1979, la première période
de cinq ans de l'entente signée sous les gouvernements Bourassa et
Trudeau - 1 251 000 000 $, qui était la part du gouvernement
fédéral, et 834 000 000 $, la part du gouvernement du
Québec, pour un total de 2 085 000 000 $. Voila le coût
très raisonnable, en faisant l'hypothèse qu'il n'y a eu que 900
000 000 $ de signés en 1974-1979, de ce que cela veut dire maintenant en
1984: 1 200 000 000 $ du fédéral et 834 000 000 $ du
Québec.
M. Johnson (Anjou): Bon. Alors...
M. Paquette: Je n'ai pas terminé le raisonnement.
M. Johnson (Anjou): Pardon!
M. Paquette: Pour l'entente de cinq ans qui vient d'être
signée, 1984-1989, le ministre vient de nous dire qu'il y a 635 000 000
$ du Québec et 635 000 000 $ du fédéral, et qu'il y aura
peut-être un autre montant de 365 000 000 $ dont on ne sait pas s'il sera
assumé totalement ou en partie par le fédéral; cela reste
à voir et on a hâte de le voir. Je vais faire l'hypothèse
la plus généreuse pour le ministre, je vais supposer que le
fédéral l'assume en totalité, ce qui ferait que le
fédéral mettrait 1 000 000 000 $ dans l'entente et le
gouvernement du Québec, 635 000 000 $. On se retrouve avec un manque
à gagner pour le gouvernement fédéral de 251 000 000 $; 1
251 000 000 $, le coût de l'entente pour le fédéral de
1974-1979, en dollars de 1984, et le coût de l'entente du gouvernement
fédéral, dans la nouvelle entente, qui est de 1 000 000 000 $. En
faisant l'hypothèse la plus généreuse, j'ai un manque
à gagner de 251 000 000 $ pour le fédéral. Si ce n'est pas
le cas, comme on peut le supposer, si ce sont des fonds déjà
promis au Québec, et pas de l'argent neuf, à ce moment-là,
c'est seulement 635 000 000 $ et il y a 616 000 000 $ de manque à
gagner.
M. Rivest: Par rapport à l'entente de
1974-1979?
M. Paquette: Par rapport à l'entente de 1974-1979.
M. Rivest: M. Bourassa n'était pas si pire que cela.
M. Paquette: Du côté du gouvernement du
Québec, dans les deux cas, il y a 199 000 000 $ de moins. Au total, il y
a entre 450 000 000 $ et 815 000 000 $ de moins dans l'entente globale. Est-ce
que le ministre peut m'expliquer pourquoi le gouvernement du Québec a
crié victoire en signant une telle entente qui place sous son
contrôle moins d'argent qu'avant dans l'entente-cadre? Non seulement
cela, mais cette entente-cadre est un pourcentage minime, évidemment,
des dépenses fédérales que fait le Québec. Il y a
tous les autres fonds que le fédéral dépense dans le
développement industriel, dans le développement scientifique et
dans le développement général, qu'il dépense sans
consultation du gouvernement du Québec, parfois à l'encontre de
ses priorités et parfois en retirant, comme c'est le cas dans la
recherche scientifique, des sommes que le gouvernement du Québec essaie
de dépenser avec un résultat de somme nulle pour le
développement du Québec.
Est-ce qu'on peut parler de fédéralisme coopératif?
Est-ce qu'on peut parler d'un système et d'une entente - d'entente-cadre
en particulier - qui aident vraiment, qui améliorent, qui accroissent
l'effort que les gouvernements doivent consentir, même dans une optique
strictement fédéraliste, parce que je ne demande rien d'autre
maintenant au ministre et au gouvernement? Même dans cette optique,
est-ce que c'est une position autonomiste?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il y a un certain
nombre de choses. D'abord, l'article 4 de l'entente prévoit le plein
respect des compétences des deux ordres de gouvernement, ce qui
n'existait pas dans la précédente.
Une voix: Où est la preuve?
M. Johnson (Anjou): C'est un fait. C'est un fait.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, elle prévoit
également que les projets financés conjointement seront pris en
charge par le Québec, à l'article 6.2, ce qui n'existait pas dans
la précédente. Le problème avec l'hypothèse du
député, c'est que c'est une hypothèse. Les montants
réels dépensés, c'était 543 000 000 $ par le
fédéral. C'était cela, l'argent réel
dépensé.
M. Paquette: De quelle année à quelle
année?
M. Johnson (Anjou): Pardon, l'argent total. C'était 326
000 000 $ dans la première partie, 1974-1975, 1978-1979, par le
fédéral et 217 000 000 $ par le Québec, pour un total de
543 000 000 $. Qu'il ne vienne pas nous dire qu'il y avait 900 000 000 $. C'est
543 000 000 $ qui ont réellement été
dépensés pour cette période. M. le Président, il
peut bien faire toutes les hypothèses actualisées qu'il veut pour
déboucher sur le type de raisonnement qui est celui qu'il vient
d'adopter et faire des gorges chaudes comme il voudra, ce ne sont pas là
les chiffres. On a cherché les chiffres au ministère à
partir de l'émission de son communiqué. On a tourné tous
les papiers à l'envers. On a consulté à peu près
tous les ministères possibles et imaginables et on est incapable de
concilier les chiffres que le député évoque; on est
incapable de les concilier avec les données de l'argent réel
dépensé dans le cadre de ces ententes. Il en met à peu
près 50 % de plus pour les fins de sa démonstration qu'il n'y en
a eu réellement de dépensé.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rosemont.
M. Johnson (Anjou): Dans le cas de l'entente actuelle, M. le
Président, nous avons assis ces principes qui permettent une meilleure
gestion, d'une part; deuxièmement, moins de frictions administratives
et, troisièmement, une plus grande pertinence en fonction des objectifs
de développement économique établis ici au Québec.
Si cela a coûté le fait que ce soit 50-50, je suis d'accord avec
cela. On ne peut pas manger son gâteau et, en même temps,
s'imaginer qu'on va le garder. Il y a une expression qui s'appelle "accepter de
se responsabiliser". Si on prétend que le Québec, au point de vue
du développement économique, doit effectivement, de façon
prioritaire, se doter de mécanismes de concertation ou de
mécanismes d'administration conjointe en matière d'ententes
fédérales-provinciales, cela ne lui sera pas donné pour le
plaisir de le lui donner. Je préfère une approche comme celle qui
dit que le gouvernement du Québec fonctionne à 50-50 et qu'il
s'assure qu'un certain nombre de priorités économiques et de
développement régional sont les siennes. Il se donne des
mécanismes,
en tout cas, pour que ce soit plus sûr qu'on atteigne un certain
nombre d'objectifs, plutôt que de laisser toute l'administration
fédérale, comme cela a été le cas pendant tant
d'années, se donner bonne bouche sur le territoire
québécois, partout en disant: Nous autres, on paie 60-40,
sacrez-nous patience avec vos priorités!
Je préfère bien plus un mécanisme comme
celui-là qui nous permet d'être plus précis, de mieux
cibler les objectifs et, je pense, d'être beaucoup plus efficaces en
termes de développement économique régional, en termes des
répercussions qu'on considère être celles qu'on doit voir
sur la création d'emplois dans les régions et dans les secteurs
visés. Que ce soit les programmes du ministère de
l'Énergie et des Ressources dans sa section forêt, que ce soit les
programmes remarquables mis sur pied par le ministère de l'Industrie et
du Commerce depuis trois ans, je préfère que cela aille
là, parce que cela a fait ses preuves. Si ce que cela coûte, c'est
d'accepter le 50-50, dans ce contexte, oui, monsieur, je suis d'accord avec
cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense que l'avenir dira
si l'entente qui vient d'être signée est plus efficace en termes
de mécanismes que la précédente. Chose certaine, il y a un
coût pour le Québec. Le ministre l'a admis. Il a dit: Je
préfère payer 50 % de l'entente et espérer avoir des
mécanismes plus efficaces. L'avenir dira si les mécanismes sont
plus efficaces. (12 h 15)
Cependant, je prétends que le ministre compare des pommes avec
des oranges. Il nous a donné des chiffres pour 1974-1979 d'argent
réellement dépensé. J'aimerais qu'il nous donne, en
passant, les sommes qui ont été réellement
dépensées de 1979 à 1984. J'aimerais lui dire que, dans ma
comparaison, j'ai utilisé des prévisions avec des
prévisions. Je me rappelle très bien du moment, en 1978,
où le ministre responsable de l'entente-cadre avait annoncé une
signature d'ententes pour environ 1 200 000 000 $ et il y en a eu d'autres. Les
chiffres qui ont été répandus partout, c'est qu'il y avait
pour 1 800 000 000 $ d'ententes signées de 1974 à 1979. C'est
normal, il peut y en avoir eu un peu moins de dépensé en
1974-1979 qu'il n'y en a eu en 1979-1984.
Pour l'entente-cadre qui vient d'être signée, tout l'argent
qui est là n'est pas encore dépensé, lui non plus. On ne
sait pas si tout l'argent qui est prévu dans l'entente-cadre va
être dépensé dans la période 1984-1989. Donc, il
faut comparer des sommes prévues avec des sommes prévues. Il y
avait 1 800 000 000 $ et lorsque le gouvernement a annoncé - je me le
rappelle - en 1978 la signature de 1 200 000 000 $, c'était
présenté comme une entente où on allait dépenser
l'argent, de la même façon que le ministre nous présente
aujourd'hui son entente comme une entente où il va dépenser
l'argent. Et comparaison pour comparaison - encore une fois, l'avenir nous le
dira si les fonds prévus vont bien être entièrement
dépensés - si on compare entente signée à entente
signée, au niveau de la signature et donc des prévisions, des
projets et non pas des dépenses réelles, il y a entre 400 000 000
$ et 800 000 000 $ de moins dans l'entente qui vient d'être signée
par rapport à celle qui l'a été en 1974, si on compare les
deux sur une période de cinq ans.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Alors, M. le Président, ce que je
constate, c'est qu'il y a eu 543 000 000 $ de dépensés sur la
période qui est visée, si on prend la première
section...
M. Paquette: Sur une période de dix ans ou de cinq
ans?
M. Johnson (Anjou): ...1974-1979. M. Paquette:
1974-1979.
M. Johnson (Anjou): Cela a été 580 000 000 $ de la
part du fédéral pour la période suivante.
M. Paquette: Ah!
M. Johnson (Anjou): D'accord?
M. Paquette: Oui. Et celle du Québec, les chiffres que
vous avez.
M. Johnson (Anjou): Alors, 326 000 000 $ plus 580 000 000 $, cela
donne 906 000 000 $. Cela ne donne pas 1 800 000 000 $. Cela donne 906 000 000
$. Bon. Et au total, compte tenu de la part du Québec dans ces ententes,
c'est 217 000 000 $ plus 385 000 000 $, c'est-à-dire 502 000 000 $ pour
la même période pour le Québec au lieu de 906 000 000 $.
C'est de cela qu'on parle.
M. Paquette: Ce que le ministre veut...
M. Johnson (Anjou): Alors, quand... M. le Président, si le
député me le permet, il a posé ses questions...
Le Président (M. Gagnon): C'est cela. M. le
député de Rosemont, vous allez attendre que le ministre termine
sa réponse
et vous pourrez continuer après.
M. Johnson (Anjou): Le député - et c'est un biais
que je lui connais aussi dans d'autres secteurs - me dit: Écoutez, il
faut comparer de la théorie avec de la théorie. Je ne compare pas
de la théorie, je compare de la pratique. Je dis: Ce qui s'est
dépensé d'argent fédéral dans cette période,
ce n'est pas les chiffres qu'il nous donne. Nous, on regarde ce qui s'est
dépensé...
M. Paquette: Ah! Je n'ai pas dit...
M. Johnson (Anjou): ...et on dit: II va se dépenser autant
dans les cinq prochaines années...
M. Paquette: Mais, je n'ai jamais dit...
M. Johnson (Anjou): ...qu'on en a dépensé dans les
dix antérieures. C'est déjà commencé à
s'engager, M. le Président.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais donner...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rosemont. Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre?
M. Paquette: ...une précision là-dessus. J'aimerais
dire que je n'ai jamais affirmé que 1 800 000 000 $ avait
été dépensés.
M. Johnson (Anjou): Ah Bon!
M. Paquette: ...dans la période 1974-1984. J'ai dit que
les prévisions étaient de 1 800 000 000 $, qu'à ma
connaissance ces ententes avaient été effectivement
annoncées sous le gouvernement du Parti québécois,
puisque, même si l'entente avait été signée avant,
beaucoup d'ententes auxiliaires ont été effectivement
signées en 1978-1979 et dans les années suivantes. Par
conséquent, si on comparait l'argent qu'il y avait officiellement dans
l'entente et l'argent qu'il y a officiellement dans l'entente maintenant, il y
avait une diminution des fonds consacrés à l'entente-cadre.
Ma dernière question, puisque le ministre nous dit que, sous
l'entente de 1974, il y a seulement environ 1 000 000 000 $ sur 1 800 000 000 $
qui ont été dépensés, qu'est-ce qui lui fait croire
qu'une proportion plus grande va être dépensée sous la
nouvelle entente?
M. Johnson (Anjou): Alors, on se comprend bien. Ce que le
député nous dit maintenant, contrairement à ce qu'il avait
évoqué antérieurement...
M. Paquette: Je m'excuse, M. le Président.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le
permettez...
M. Paquette: Quand même!
M. de Bellefeuille: II faut que vous vous habituiez, c'est comme
cela qu'il se comporte tout le temps.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le
député compare de l'argent officiel avec de l'argent réel.
Nous, ce qui nous intéresse, c'est l'argent réel. Pour le
passé, on peut l'évaluer clairement. On dit simplement qu'il ne
faut pas s'imaginer que l'argent officiel, pour reprendre son expression, qu'on
retrouvait dans les ententes de 1974 à 1984... Il faut apprécier
ce qui s'est passé. Ce qui s'est passé, M. le Président,
c'est qu'il s'est dépensé, pour cette période, à
peu près 1 000 000 000 $. C'est un fait. "Hard fact", comme on dit.
M. Paquette: Je vais prendre les chiffres du ministre. On part de
là.
M. Johnson (Anjou): Ce que nous avons signé avec les
fédéraux, dans une entente qui prévoit des dépenses
en cinq ans, pas en dix ans, en deux fois moins de temps, c'est 635 000 000 $,
plus le solde antérieur, plus le résidu du plan de l'Est, plus
l'évaluation qu'on fait de ce res nullius qui est La Prade, au sujet
desquels on a des discussions et qui, dans bien des cas, pourront
présumer une participation fédérale supérieure
à 50 %. Dans d'autres cas, on pourrait prévoir que le
Québec y participe aussi aux fins d'augmenter les crédits dans
certains secteurs. Si je regarde, sur une période de cinq ans, cela
devrait donner 1 000 000 000 $.
Deuxièmement, je constate que les ententes auxiliaires, d'abord
elles se signent à un rythme relativement accéléré
et, à partir du jour de leur signature, on peut carrément les
imputer à des engagements. On n'a pas de période de rodage, etc.,
à avoir. On les a, les projets. On en a, des comités dans le
champ. On a des engagements financiers qui sont en train de se faire. J'ai
toutes les raisons de croire que, sur cette période, on n'aura pas de
difficulté à dépenser le montant de 1 000 000 000 $ parce
qu'il y a des besoins pour encore plus que cela. Alors que, sous les ententes
précédentes, on constate qu'il ne s'est pas dépensé
ce qu'on avait pensé qui pourrait se dépenser de la part du
fédéral.
Une des raisons à cela - je le dis et, pour moi, c'est un facteur
très important -au-delà du rodage normal des machines, c'est
cette capacité et cette volonté, bien qu'il restera un certain
nombre de frictions, de ne
pas s'engager dans un maquis à l'égard des engagements qui
a été ce qui a caractérisé les trois
dernières années des ententes.
Le Président (M. Gagnon): M. le député.
M. Johnson (Anjou): Et je pense qu'il y a des conditions qui sont
réunies qui font qu'on devrait assister à une dépense
d'environ 1 000 000 000 $ sur la période de cinq ans, alors qu'en
pratique on a eu, sur une prévision qui était presque 50 % plus
élevée que cela sur dix ans, essentiellement le même
montant.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Simplement pour clore cette question, je maintiens
que, lorsqu'on signe une entente ou lorsqu'on fait des prévisions
budgétaires d'ailleurs, on sait très bien et cela s'explique
très bien aussi... Quand on a annoncé le plan de relance à
Compton, on était, comme l'a dit le président du Conseil du
trésor à ce moment, très enthousiaste et on a prévu
les premières années plus d'argent que la machine n'a pu
dépenser parce que cela prend du temps à bouger les choses et
tout cela. Dans le plan de relance annoncé, sur deux ans, il s'est
dépensé 100 000 000 $ de moins. On voit cela dans les
études des crédits. Uniquement au niveau du gouvernement du
Québec, dans son plan de relance, celui-ci dépense moins que ce
qu'il nous avait annoncé il y a deux ans et ce qu'il nous annonce
maintenant, cela va peut-être être au-delà de ce qu'il va
pouvoir dépenser. C'est toujours plus lent qu'on ne le voudrait quand on
est au gouvernement. C'est un fait; c'est malheureusement une loi de la nature
qu'on peut essayer de changer.
Qu'on ait réussi à dépenser moins d'argent que
prévu dans l'entente 1974-1984, rien de surprenant. Cela m'étonne
qu'on ait seulement 1 000 000 000 $ de dépensés sur 1 800 000 000
$. C'est une performance particulièrement médiocre, il faut bien
le constater. Cela dit, on peut prévoir que le même genre de
difficulté risque de se présenter avec la nouvelle entente. Quand
on doit évaluer la performance d'un gouvernement et le fait que celui-ci
doit chanter la victoire au nom du fédéralisme coopératif,
il faut regarder à sa face même la qualité des deux
ententes au moment où elles ont été signées.
Manifestement, l'entente qui vient d'être signée est moins
généreuse que celle qui l'avait été. Si la
réalité est aussi mauvaise maintenant qu'elle l'a
été pour l'entente précédente, on va se retrouver
avec le même genre de comparaison que je faisais.
Je tiens à souligner au ministre que je maintiens que le
coût du beau risque, depuis septembre, a été d'au moins 1
000 000 000 $. Il y a 640 000 000 $ dans la péréquation. Il y
aura probablement une couple de centaines de millions - on a
précisé cela un peu ensemble maintenant -dans l'entente-cadre. Et
je n'ai même pas compté là-dedans toutes les coupures que
le fédéral a faites sur le dos du Québec dans son budget
d'automne et celles qu'il doit faire dans le prochain budget.
Le gouvernement fédéral est en train de passer son
déficit sur le dos du Québec et le ministre et le gouvernement ne
réagissent pas. Cela passe comme du beurre dans la poêle parce que
le ministre veut garder ses chances absolument minimes, infimes, d'obtenir quoi
que ce soit dans les négociations constitutionnelles, où il s'en
va en position de faiblesse, où il s'en va se frapper le nez au mur,
où il s'en va dans une impasse.
Je pense qu'on a raison de dire que le coût du beau risque pour
maintenant s'élève au bas mot à 1 000 000 000 $. Je vais
réviser mes positions lors du budget fédéral et on pourra
voir à quel point la politique de préparer les
négociations constitutionnelles en faisant le moins de vagues possible
se dégonfle comme un ballon. Le Québec se retrouve Gros-Jean
comme devant sans accord constitutionnel substantiel et en ayant obtenu
énormément moins d'argent pour le développement
économique, pour la création d'emplois au Québec.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): D'une part, je prends acte du fait que le
député de Rosemont trouve qu'il faut qu'on aille chercher un
accord constitutionnel substantiel. Je trouve cela intéressant.
M. Ri vest: Je suis d'accord avec cela.
M. Johnson (Anjou): Moi aussi, je suis d'accord avec cela...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! La parole est
au ministre.
M. Johnson (Anjou): Je trouve cela excellent et je trouve, M. le
Président, que c'est un virage important auquel on vient d'assister de
la part du RDI. La notion de trouver un accord constitutionnel substantiel -
cela me fera plaisir de faire sortir la transcription - je trouve que c'est
très important. Dans la mesure où le député de
Rosemont et son collègue incarnent une certaine tendance en ce moment au
Québec, dans la mesure où ils incarnent une telle tendance, cela
m'apparaît fondamental. Et je suis entièrement d'accord avec eux
qu'il faut enclencher un processus qui permette
d'aller chercher quelque chose de substantiel pour le Québec. Je
pense que c'est comme ça que le Québec doit évoluer,
compte tenu du contexte.
Maintenant, lui, il pense qu'on ne pourra pas l'obtenir, mais il le
souhaite. J'ai cru voir dans son exposé...
M. de Bellefeuille: On est pour le Québec, nous
autres.
M. Paquette: On ne peut pas être contre tout progrès
du Québec.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Vous avez eu votre droit de parole. Maintenant, c'est au ministre
d'avoir le droit de parole.
M. Johnson (Anjou): Alors, il le souhaite, semble-t-il, M. le
Président, il le souhaite, je dirais, presque avec enthousiasme. Il dit:
Cela devrait; ce que je trouve déplorable, c'est que le Québec
soit en position de faiblesse et peut-être que cela ne marchera pas. Je
trouve que c'est important comme affirmation.
Deuxièmement, je regrette, mais avant, entre guillemets, "le beau
risque", pour reprendre la période telle qu'il la qualifie en utilisant
les expressions du premier ministre, je dirai que les 100 000 000 $ dans la
péréquation, qui ne sont pas assez, on est allé les
chercher et ils n'étaient pas là. "We never promised you a roses
garden".
Troisièmement, en matière de développement
économique, M. le Président, je peux affirmer ici raisonnablement
que les 635 000 000 $, auxquels il faut ajouter les autres
éléments pour faire à peu près 1 000 000 000 $ du
fédéral sur cinq ans, seront dépensés. Les projets
sont déjà là pour l'essentiel dans l'ensemble des
secteurs...
M. Rivest: Que le ministre nous fasse confiance.
M. Johnson (Anjou): ...en matière auxiliaire, les besoins
sont là, les moyens sont là. Quant à la friction
bureaucratique à laquelle on a assisté pendant trois ans, qui a
été l'une des raisons du retardement de ces dépenses,
parce que le monde se battait sur le terrain entre les équipes
fédérales et les équipes du Québec, même s'il
va rester des éléments de cela, même s'il va rester des
dossiers, j'en suis sûr, qui vont être extrêmement
contentieux dans certaines régions, pour l'essentiel on a sans doute mis
sur pied ce qui nous permettra de dépenser de façon efficace dans
ces secteurs-là rapidement. (12 h 30)
J'en conclus donc, M. le Président, que oui, l'entente-cadre de
développement économique a des effets positifs pour le
Québec. Si les députés d'un côté ou de
l'autre de l'Opposition, du côté libéral ou du
côté de mes deux collègues, veulent absolument partir de
cela pour savoir si, oui ou non, cela veut dire que le beau risque est bon ou
que le fédéralisme est assez ou pas assez, moi, je leur dirai
qu'à cet égard ce qui nous intéresse pour le moment, c'est
que l'argent soit dépensé et qu'il y ait des jobs
créés et que cela se fasse efficacement. C'est comme cela qu'on
travaille, parce qu'on a peut-être sur nos épaules et dans nos
responsabilités des choses dont n'a pas à se préoccuper le
député de Rosemont.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Oui, une dernière question sur les ententes de
développement. Est-ce que le ministre est en mesure d'affirmer
publiquement - pour une fois qu'il peut parler publiquement - qu'il est
toujours hors de question que... Dans le domaine du développement
régional, le Québec, traditionnellement, a toujours
contesté vigoureusement la formule des ententes sectorielles - je pense
que c'est le terme technique qu'on employait - ou, dans l'administration et la
mise en oeuvre des ententes, dès lors qu'il s'agissait d'une
responsabilité constitutionnelle fédérale, le fait que le
fédéral puisse, dans les domaines de sa compétence,
opérer sur le terrain.
Ce que le Québec a toujours dit, c'est que le
développement régional, c'est une responsabilité
première des États membres de la fédération et que,
même lorsque le gouvernement fédéral a de l'argent
disponible dans les juridictions qui lui sont propres, c'est au Québec
d'administrer cet argent en fonction des priorités
québécoises.
Est-ce qu'il est tout à fait exclu que le gouvernement du
Québec renonce à cette position traditionnelle du Québec
et accepte maintenant, dans l'administration de certaines ententes, que le
gouvernement fédéral, dans les domaines de sa juridiction
lorsqu'il y a des morceaux d'ententes, il opère lui-même sur le
terrain...
M. Johnson (Anjou): De la juridiction de l'État
fédéral.
M. Rivest: ...en dehors de toute espèce
d'établissement de droit de veto ou de... Vous comprenez ce que je veux
dire.
M. Johnson (Anjou): Oui, je vais essayer.
M. Rivest: Parce que j'ai eu écho, figurez-vous, que vous
vous apprêtiez également à reculer sur ce plan.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Rivest: Ce n'est pas vrai?
M. Johnson (Anjou): Vous avez des problèmes
d'écho.
M. Rivest: Faites attention à votre réponse.
M. Johnson (Anjou): Vous avez des problèmes
d'écho.
M. Rivest: Je peux vous citer.
M. Johnson (Anjou): II y a bien des choses dans ce
qu'évoque le député de Jean-Talon. Je pense que, d'abord,
il mélange la notion de sectoriel et de régional, d'une part. Une
des positions du Québec, c'est de dire: On ne veut pas des ententes qui
font qu'il y a une administration fédérale dans ce qui pour le
fédéral est une sous-région. Pour le
fédéral, pour le MER et pour la plupart de ces grands
ministères, une région, c'est les Maritimes, le Québec,
l'Ontario, les Prairies et la Colombie britannique.
C'est en général comme cela, sauf que sur le terrain, dans
le cas du Québec - pour des raisons qu'on connaît, qui sont
politiques et qui se traduisaient par la recherche de la visibilité et
à cause de toute la période préréférendaire
et du reste - il s'est développé sur le territoire
québécois un certain nombre de niveaux d'intervention des
fonctionnaires fédéraux, notamment dans certaines régions
où, pour des raisons qu'on peut comprendre, même si on ne les
accepte pas, il se fait des batailles de légitimité, il se fait
des batailles d'empires, il se fait des batailles de pouvoir, pour pouvoir
décider où va tel argent, etc.
Ce que le Québec a toujours fait, c'est qu'il considère
qu'on ne doit pas, dans le domaine du développement économique
régional, reconnaître la notion d'intervention du
fédéral dans la priorisation économique dans les
régions.
M. Rivest: II est hors de question que vous admettiez cela?
M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, dans le cas des
interventions, c'est pour cela qu'on insiste tant pour que les ententes
auxiliaires qu'on signe soient des ententes auxiliaires sectorielles. Par
exemple, on dit la forêt. Or, le ministère québécois
de l'Énergie et des Ressources, dans sa Direction générale
des forêts, établit ses grandes priorités. Ses
priorités touchent certains types d'intervention, que ce soit la
forêt privée plutôt que la forêt publique, que ce soit
l'Abitibi-Témiscamingue plutôt que le Bas-du-Fleuve, etc.
Ses priorités en termes de développement sont dans le type
d'intervention, dans les clientèles visées selon que ce soient
les feuillus, les conifères ou autre chose, etc. C'est pour cela qu'on
fait des ententes sectorielles, parce qu'on considère que cela sert
mieux les intérêts de priorisation du développement
régional.
Les fédéraux reviennent et ils vont sans doute revenir
avec une demande d'ententes régionales.
M. Rivest: Ils sont même revenus. Allez, dites la
vérité.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon!
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas nouveau;
cela fait des années que c'est comme cela.
M. Rivest: Mais, pourquoi ne le dites-vous pas?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon, voulez-vous écouter la réponse du ministre? Vous
aurez le droit de parole après, s'il vous plaît: La parole est au
ministre.
M. Johnson (Anjou): Encore une fois, M. le Président, il
n'y a rien de nouveau là-dedans. Quant à la capacité de
l'État fédéral de dépenser dans les domaines de sa
juridiction, je n'ai pas le souvenir qu'on ait considéré que
l'État fédéral ne pouvait pas dépenser pour les
quais et pour les pêcheries dans le secteur maritime.
M. Rivest: On a interdit aux libéraux
fédéraux de faire cela.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce sont des domaines
d'intervention qui constitutionnellement relèvent de l'État
fédéral. On n'est toujours bien pas pour dire aux
fédéraux que la garde côtière ne fera rien sur le
fleuve, batêche! Ce sont eux, la garde côtière; ce n'est pas
nous. Alors, il ne faudrait quand même pas travestir ce qu'a
été la revendication du Québec. Cela dit, et j'ai eu
l'occasion d'en discuter récemment avec le ministre
fédéral responsable, nous sommes ouverts à la notion et a
l'idée d'une espèce d'entente d'harmonisation qui permettrait au
Québec, à partir de l'entente-cadre qu'on a signée en
décembre et cela va peut-être se matérialiser dans les mois
qui viennent, d'avoir quelque chose à dire quand le gouvernement
fédéral dépense dans un domaine d'intervention
unilatéralement.
De fait, il le fait depuis des années. Et il se réclame de
deux choses en le faisant: d'une part, de ses attributions constitutionnelles
et, deuxièmement, d'une
pratique sur le territoire depuis des années. Ce dont le ministre
Stevens - que j'ai eu l'occasion de rencontrer - et moi avons convenu, c'est
qu'on va tenter - et je ne me fais pas d'illusions sur les difficultés
que cela représente - quand nous, on a des projets sur le plan des
aménagements, par exemple, d'infrastructures régionales, que ce
soit dans le tourisme ou ailleurs ou même dans le secteur routier, de
faire en sorte que les fédéraux tiennent compte de cela quand ils
dépensent d'une façon unilatérale dans des domaines de
leur juridiction.
L'alternative est de s'asseoir et de dire: Savez-vous? Cela fait
quatorze ans qu'on dit que... Bien oui, cela fait quatorze ans qu'on dit que,
puis cela n'a pas changé. Il faut que cela change. Et la façon de
l'amener à le changer, eh bien, c'est d'accepter de collaborer dans
certains domaines, en échange de quoi on peut obtenir du
fédéral des interventions qui sont plus pertinentes à nos
plans de développement régional.
M. Rivest: Avant de passer la parole au député,
est-ce que le ministre m'autoriserait, simplement pour leur satisfaction
personnelle, à ce que j'envoie sa dernière déclaration
-car ce n'était pas possible l'harmonisation avec les
députés libéraux - juste pour leur gouverne, à M.
Marc Lalonde et à M. Jean Chrétien? Cela leur ferait tellement
plaisir d'entendre ce que vous venez de dire. Car ce que vous venez de dire,
quand c'était l'ancien gouvernement libéral c'était la
catastrophe des juridictions! Puis là, envoie donc, on laisse le
fédéral dépenser dans les régions. C'est ce que
cela veut dire. Encore une fois, recul.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, 6.1 de
l'entente-cadre: "Lorsque les ministres ont décidé d'une mesure
à mettre en oeuvre qui ne nécessite pas d'engagements financiers
de la part du gouvernement du Canada ni du gouvernement du Québec, mais
qui nécessite des mesures de concertation et d'harmonisation à
l'égard d'une politique, d'un programme ou d'une activité, les
ministres peuvent signer une entente de concertation et d'harmonisation en
décrivant la procédure ou les moyens qu'ils ont l'intention de
prendre à l'égard de cette mesure." Cela, M. le Président,
s'appelle un gain pour le Québec.
M. Rivest: Félicitations! Félicitations pour votre
beau programme!
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
vous signaler, pour l'édification du ministre, qu'harmoniser veut dire
se mettre au diapason de... Alors, le sens de ce message-là est assez
clair. Oui, oui, deux diapasons différents, ce n'est pas comme
ça. Vous n'avez pas beaucoup accordé de pianos dans votre vie,
mais cela ne se fait pas avec deux diapasons.
M. Johnson (Anjou): Vous, vous avez l'air d'en jouer pas mal.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, c'est le
député de Deux-Montagnes qui a la parole.
M. de Bellefeuille: Si c'était vrai, j'en serais fier, M.
le Président. Mon collègue de Rosemont a essuyé tout
à l'heure l'attitude fréquemment méprisante du ministre
envers les députés. Le ministre s'est arrangé pour faire
d'une façon qu'il croit subtile allusion au fait que le
député de Rosemont n'est plus ministre. Cela fait partie de
l'arrogance de beaucoup de ministres.
M. Johnson (Anjou): Quand est-ce que j'ai fait cela?
M. de Bellefeuille: Vous relèverez cela dans le Journal
des débats.
M. Johnson (Anjou): Bien, voyons donc! Quand est-ce que j'ai fait
cela?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de...
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): Mais vous êtes complètement
susceptible, mon pauvre Pierre!
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Deux-Montagnes, allez-y si vous avez
des questions à poser sur le programme ou, en fait, sur ce qui fait
l'objet de discussions depuis 10 heures ce matin. Mais il ne faudrait pas faire
le procès des réponses et des questions. Alors...
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ...si le député me le permet,
je dirai qu'il n'y a rien de plus vicieux que de qualifier les autres de
méprisants.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes, vous avez la parole.
M. de Bellefeuille: Hier, j'ai eu une petite passe d'armes avec
le même ministre, mais dans un autre dossier, celui de la justice. Alors,
je pourrais lui rendre la monnaie de sa pièce.
M. Blais: Question de règlement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne, question de règlement.
M. Blais: M. le Président, je suis persuadé que le
ministre n'a pas voulu faire allusion à cela. Et s'il l'a fait,
malgré lui, à son insu, je suis persuadé qu'il s'en
excuserait. Je demanderais au député...
M. Johnson (Anjou): Oui, mais si je ne l'ai pas fait.
M. Blais: II ne l'a pas fait, mais si...
M. de Bellefeuille: Je prends l'assurance du ministre, M. le
Président.
M. Blais: Si M. le député de Deux-Montagnes pense
qu'il l'a fait, qu'il dise les paroles qu'il a prononcées. Je suis
persuadé que, si c'est vrai, le ministre s'en excusera. Et j'aimerais
que cela soit fait.
M. de Bellefeuille: J'ai déjà accepté
l'assurance du ministre, M. le Président.
M. Blais: Alors, voilà. Vous retirez votre accusation?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes a dit qu'il acceptait l'assurance du ministre. Revenons à
la pertinence du débat.
M. Rivest: C'est une assurance qui n'est pas taxée.
Le Président (M. Gagnon): Ce n'est pas le débat
d'hier, c'est le débat d'aujourd'hui. On étudie les
crédits.
Augmentation des crédits
M. de Bellefeuille: Je voudrais revenir aux crédits, M. le
Président, avec, j'en suis sûr, l'assentiment de tout le monde.
Nous avons déjà noté que les crédits des Affaires
intergouvernementales canadiennes, pour l'année qui vient de commencer,
sont augmentés de 48,4 % par rapport à l'année
précédente. J'ai affirmé tout à l'heure que
l'action du gouvernement a pour effet de rapetisser le Québec. Or, ce
que nous pouvons observer, M. le Président, c'est que, bien sûr,
le Québec rapetisse à cause de l'action du gouvernement, mais
cela ne veut pas dire que le gouvernement rapetisse, lui. Le gouvernement
s'arrange pour grossir, quand même. Pendant que le Québec
rapetisse sous l'action du gouvernement, le gouvernement lui, grossit.
Regardons un peu le détail de ces crédits. On voit, dans
le résumé, cela commence par Conseil exécutif. Programme
7, Affaires intergouvernementales canadiennes. C'est à la page 9-9. Il y
a trois éléments. Premier élément: cabinet du
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes: 624 800 000 $. Il est concevable qu'un ministre ayant deux
portefeuilles ait deux cabinets. Deuxièmement, Secrétariat aux
affaires intergouvernementales canadiennes: 4 942 400 $, en comparaison de 3
324 400 $, ce qui représente une forte augmentation. Donc, les deux
premiers éléments, qui sont gouvernementaux tous les deux: le
cabinet du ministre et le Secrétariat aux affaires intergouvernementales
canadiennes, eux, ils grossissent beaucoup.
Quel est le troisième élément, M. le
Président? Le troisième élément, c'est la
coopération interprovinciale et la francophonie. Est-ce que cela aussi
augmente de - je ne sais pas - 48,4 %, comme on pourrait s'y attendre? Dans le
cadre de ce néo-fédéralisme que pratique le gouvernement,
on pourrait s'imaginer très naïvement que la coopération
interprovinciale et la francophonie, c'est important. Pour l'actuel
gouvernement, c'est moins important. Cela perd de l'importance, M. le
Président. Puisque le Québec rapetisse, la coopération
interprovinciale et la francophonie ont un budget rapetissant. Ce n'est pas une
grosse diminution; c'est une diminution d'environ 3 %. Le budget affecté
à la coopération interprovinciale et à la francophonie,
qui était l'année dernière de 1 267 700 $, est cette
année de 1 232 700 $, ce qui représente une diminution d'environ
3 %. Alors qu'il y a une augmentation générale des
dépenses du gouvernement, alors qu'il y a une augmentation du programmes
7, Affaires intergouvernementales canadiennes, de 48,4 %, cet
élément, qui est celui parmi les trois qui n'est pas
gouvernemental, qui devrait plutôt refléter la politique du
gouvernement dans ses relations avec le reste du Canada, coopération
interprovinciale et francophonie, diminue. Je trouve cela étonnant. Je
ne comprends pas les priorités de ce gouvernement.
Je n'ai pas besoin d'insister pour dire que je ne comprends pas le
néo-fédéralisme de ce gouvernement, mais, à
l'intérieur d'une optique fédéraliste - peut-être
que mon collègue de Jean-Talon pourrait réussir à
m'expliquer cela - comment se fait-il qu'on augmente les crédits des
Affaires intergouvernementales canadiennes de 48,4 % et que toute
l'augmentation, et même plus que toute l'augmentation, aille du
côté gouvernemental alors que ce qui compte, la coopération
interprovinciale et la francophonie, cela diminue? J'aimerais, M. le
Président, qu'on cherche à m'expliquer cela. (12 h 45)
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui, cela s'explique et fort simplement.
D'une part, si on prend le total d'augmentation des crédits du
ministère, c'est 31 % et non pas 48 %.
Une voix: C'est quoi?
M. Johnson (Anjou): 31,82 %, et non pas 48 %.
M. de Bellefeuille: Quels sont les deux chiffres que vous
comparez?
M. Johnson (Anjou): C'est que vous, vous avez pris
secrétariat, vous avez mis coopération et cabinet
séparés. Le budget global du ministère des Affaires
intergouvernementales canadiennes est augmenté de 31 %. Il se ventile de
la façon suivante: 10 % pour le cabinet du ministre, mais, comme vous le
dites, il y a un ministre qui a deux ministères et deux cabinets. Par
ailleurs, on a périmé 250 000 $ sur le budget. Donc, il n'y a pas
trop de monde au cabinet en ce sens-là. Deuxièmement, en ce qui a
trait au Secrétariat aux affaires intergouvernementales, la variation
est de 48 %, c'est la plus importante. Je pense que vous avez eu l'autre cahier
qui a été envoyé è la commission.
M. de Bellefeuille: M. le Président, ce que nous
étudions, c'est cela ici. C'est ce document...
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, ainsi que...
M. de Bellefeuille: ...public.
M. Johnson (Anjou): ...les documents qui ont été
envoyés aux députés.
M. de Bellefeuille: Que je n'ai pas reçus.
M. Johnson (Anjou): Bon, ils sont à la commission, M. le
Président. Les députés, je crois, savent qu'à
toutes les périodes des crédits ils n'ont qu'à s'adresser
au secrétariat qui donne des ventilations plus poussées que le
livre des crédits.
M. de Bellefeuille: M. le Président, le ministre est-il en
train de dire que les documents qui ont été distribués
contredisent ce document-ci?
M. Johnson (Anjou): Mais non, voyons donc'.
Le Président (M. Gagnon): M. le député, vous
avez posé deux questions au ministre. Le ministre est en train d'y
répondre. Si vous voulez faire des commentaires additionnels sur ses
réponses, vous aurez le droit de reprendre la parole. En ce qui concerne
les documents qui ont été envoyés au secrétariat de
la commission, ces mêmes documents ont été envoyés
à chacun des membres de la commission. M. le ministre, vous avez
toujours la parole.
M. Johnson (Anjou): Alors, comme cela se fait dans tousles ministères depuis toujours, è ma connaissance depuis que
je siège au Parlement, au moment des crédits, je pensais que les
membres de la commission auraient eu l'occasion, puisqu'ils viennent ici comme
critiques, de jeter un coup d'oeil sur les documents additionnels qui sont des
ventilations plus précises apportées à ces documents et
qui sont souvent des explications aux questions que se pose le
député. Mais je les lui donnerai ici viva voce.
D'une part, dans ce cahier, il remarquera que l'augmentation globale est
de 31,82 % dont 10 % au cabinet. Je répète que 250 000 $ ont
été périmés. Deuxièmement, c'est 48,67 % au
secrétariat lui-même. Et la diminution de 2,76 % à la
coopération et à la francophonie est essentiellement un transfert
de postes budgétaires qui étaient inadéquats à la
suite des remarques du Vérificateur général ou de je ne
sais pas quoi. Les sommes dépensées sont exactement les
mêmes que l'année précédente. C'est juste un
transfert de postes budgétaires.
Deuxièmement, je dirai que le gros de l'augmentation provient
effectivement du secrétariat. Il est composé essentiellement de
l'ajout d'effectifs. L'ajout d'effectifs n'est pas une augmentation de la
machine gouvernementale, je dirai essentiellement, à une exception
près. D'une part, il y a cinq postes qui ont été
créés pour le bureau du Québec à Ottawa. C'est
évident qu'il fallait les créer, les postes... on a ouvert un
bureau qui, à nos yeux, est d'une grande utilité. D'autre part,
il y a cinq postes qui sont reliés à la mise sur pied du
secrétariat lui-même et à l'adoption du plan d'organisation
de l'administration supérieure du ministère. Cinq postes
constituent des transferts qui proviennent du ministère des Relations
internationales et auxquels il faut ajouter les postes qui nous viennent de
l'OPDQ, qui sont des postes...
Or, tout cela s'autofinance. C'est un transfert de postes et
d'effectifs. Ce n'est pas la machine gouvernementale qui grossit. Pour
l'essentiel, on a cinq postes de plus qu'on n'en avait avec le bureau d'Ottawa.
On a des postes à l'organisation supérieure et une partie,
d'ailleurs, du recrutement se fait à l'intérieur des
secrétariats, que ce soit au Trésor, au Conseil exécutif
ou ailleurs.
Donc, présenter cela comme étant un exemple des monstres
tentaculaires
bureaucratiques, non, non. L'équipe est formée de 74
personnes. C'est, à toutes fins utiles, l'équivalent d'un
organisme central qui a des fonctions de coordination
interministérielle, qui a des fonctions d'analyse. Le degré, par
exemple, de cadres et de professionnels est, évidemment, plus
élevé que dans la plupart des autres ministères,
étant donné que ce sont des fonctions d'analyse qui sont faites,
comme on en retrouve, par exemple, au secrétariat du Conseil du
trésor.
En ce sens, dans le budget global du gouvernement, la création du
secrétariat représente vraiment, pour l'essentiel,
peut-être la création de ces cinq postes à Ottawa. Pour
l'essentiel, c'est cela. C'est vrai que le budget augmente, parce qu'il y a des
transferts d'effectifs et de postes. Maintenant, le budget de l'OPDQ sera
réduit d'autant qu'il n'y aura plus d'effectifs à l'OPDQ pour
s'occuper de cela. Ces effectifs sont rendus au ministère des Affaires
intergouvernementales canadiennes. Pour l'essentiel, c'est ainsi que cela
s'explique.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je note un certain
nombre de choses. D'abord, le ministre a parlé de monstre tentaculaire
et bureaucratique. Je n'ai jamais employé d'expression comme cela.
Deuxièmement, je reconnais l'intérêt de certaines des
explications du ministre quant à des transferts de personnel.
Troisièmement, je note que le ministre reconnaît que la partie de
ses crédits qui doit être affectée à la
coopération interprovinciale et à la francophonie diminue cette
année par rapport à l'année précédente.
M. Johnson (Anjou): Elle ne diminue pas, elle est la même
que celle de l'année dernière, sauf que, si elle diminue dans le
livre des crédits, c'est simplement parce qu'il y a un transfert de 35
000 $ cette année. Les 2,76 %, c'est un transfert, c'est une imputation
budgétaire qui est différente. Les sommes dépensées
dans le secteur de la coopération sont exactement les mêmes
à ce stade-ci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Oui. De toute façon, même si tel
est le cas, il n'y a pas d'augmentation...
M. Johnson (Anjou): C'est vrai dans les crédits à
ce stade-ci.
M. de Bellefeuille: ...alors que la partie gouvernementale des
crédits augmente d'à peu près la moitié, d'à
peu près 50 %.
M. Johnson (Anjou): Je peux vous donner un exemple. On a, dans le
plan d'organisation supérieure, par exemple, un poste qui a
été créé. La personne a été
recrutée à même la fonction publique. Donc, cela augmente
le budget du secrétariat. La fonction de cette personne a
été de revoir, pendant une période de cinq mois, toute la
coopération avec les francophones hors Québec. Cela a
impliqué des rencontres avec l'ensemble des groupes. Cela a
impliqué 250 rencontres de cette personne avec les groupes francophones
hors Québec et différentes interventions dans le cadre de la
réévaluation de la coopération avec les francophones hors
Québec. Cela va se traduire éventuellement par une politique qui
risque d'impliquer des budgets supplémentaires.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes, on va vous laisser terminer votre question.
M. de Bellefeuille: Cela va être très bref, M. le
Président. Les dernières observations du ministre ne manquent pas
d'intérêt non plus.
Mon dernier point, c'est pour signaler qu'il y a des contradictions
entre le document qui compte et les ajouts, ce qui n'est pas régulier.
Avant que le ministre me le signale, je connaissais l'existence de ce genre de
document. M. le ministre, je savais qu'on publiait ce genre de document, mais
j'insiste sur le fait que le document qui compte, c'est celui-ci, et je vous
signale qu'au premier élément du programme 7...
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. de Bellefeuille: ...le document qui compte indique, pour
1984-1985, zéro.
M. Johnson (Anjou): Où? À quelle...
Le Président (M. Gagnon): Le premier élément
du programme 7.
M. de Bellefeuille: À la page 9-9.
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, c'est parce
qu'il n'y avait pas de cabinet du ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes l'an passé pour la simple
raison qu'il n'y avait pas de ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes. Donc, il n'y avait pas de
cabinet.
M. de Bellefeuille: M. le Président, le ministre
m'interrompt, je n'avais pas terminé.
M. Johnson (Anjou): Voyons donc!
Le Président (M. Gagnon): Terminez votre question.
M. de Bellefeuille: Dans l'autre document, pour le même
élément, cabinet du ministre, pour 1984-1985, on donne une somme
de 566 200 $.
M. Johnson (Anjou): D'une part...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député?
M. Johnson (Anjou): ...dans le document en question - je pense
que le député cherche des réponses et j'essaie de lui en
donner -comme cela se fait dans tous les ministères depuis toujours lors
de l'étude des crédits, oui, il y a une masse salariale
prévue pour le cabinet qui n'existait pas avant. Elle n'existait pas
avant, il n'y avait pas de ministre. Je dirai que, sur ce montant d'environ 500
000 $, plus de 250 000 $ ont été périmés.
C'étaient des prévisions, parce que mon cabinet aux Affaires
intergouvernementales canadiennes n'est pas une très grosse
équipe. Il y a quatre personnes qui sont des attachés politiques
et qui sont très efficaces.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Mais je n'ai toujours pas d'explication,
à savoir comment il se fait que les deux documents ne mentionnent pas ce
chiffre de 566 200 $. Pourquoi n'est-ce pas ici?
Le Président (M. Gagnon): M. le député, je
pense avoir eu la réponse. Il a expliqué que, pour l'année
1984-1985, alors qu'on étudie les crédits de 1985-1986, cela
n'existait pas.
M. Johnson (Anjou): C'est parce que cela appartenait au Conseil
exécutif au moment de l'impression des crédits. C'est aussi
simple que cela. C'est juste un transfert. C'est à cause des
arrêtés en conseil qui ont suivi, notamment l'adoption de la loi
qui scinde les deux. C'est juste un problème de transfert
budgétaire. Les gens de mon cabinet sont avec moi depuis que je suis au
ministère. Ce sont des gens qui travaillent très fort, mais ils
ne travaillent pas sans salaire, on leur paie un salaire. Dans le livre des
crédits, c'est écrit zéro parce qu'ils émargeaient
au Conseil exécutif. Dans le document additionnel qu'on vous fournit
pour mieux vous renseigner, plutôt que d'y voir des contradictions ou
bien de soupçonner qu'il y a des manipulations épouvantables, on
vous dit simplement que, oui, cela va être maintenant affecté au
secrétariat des affaires canadiennes.
M. dé Bellefeuille: J'ai effectivement parlé de
contradictions, M. le Président; je n'ai pas parlé de
manipulations. Je pense qu'il y a là le même problème que
tantôt, une certaine tendance à comparer des prévisions
à des dépenses réelles. Je dois donc conclure que, dans ce
document-ci, qui n'est pas le document principal qui est confié à
notre étude, on compare, sous la colonne 1984-1985, des dépenses
réelles à des prévisions sous la colonne 1985-1986.
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. de Bellefeuille: Je prétends, M. le Président,
que ce genre de comparaison est très dangereux, cela peut induire en
erreur. Il y avait cette même difficulté tout à l'heure,
quand nous discutions des ententes-cadres et que le ministre parlait des
dépenses réelles pour une certaine période et des
prévisions pour les ententes actuellement négociées. Je
prétends, M. le Président, qu'il faut beaucoup se méfier
de cette comparaison de pommes et d'oranges.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: L'ancien député de Jean-Talon maintenant
député à Ottawa, M. Raymond Garneau...
M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous aviez un plan de
carrière?
M. Rivest: Oui, j'en ai un, effectivement. Vous allez être
surpris, M. le ministre. Est-ce que je peux vous demander le vôtre?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon, vous avez la parole.
M. Rivest: II n'y a pas de réponse, je le remarque.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez avoir une
réponse, est-ce que votre question est terminée?
M. Rivest: Non, je n'ai pas commencé ma question. Demain,
nous allons poursuivre l'étude des crédits. On a parlé de
beaucoup de choses, mais, entre autres, pour parler de ce qui existe, parce
qu'on prépare maintenant le budget fédéral, et voir son
impact sur le Québec... La volonté politique va peut-être
exister cette fois-ci, étant donné qu'on a tellement
demandé, ce matin, au ministre de défendre les
intérêts légitimes du Québec, même si les
libéraux fédéraux ne sont plus là. Mais M. Garneau
est là et il a
chiffré à 700 000 000 $ les conséquences directes
des coupures budgétaires fédérales sur le Québec;
700 000 000 $ pour un an, pas pour cinq: 1 000 000 000 $ ou 635 000 000
$, mais pour un an. C'est assez fort! Pas de réaction du Québec.
Je voudrais que le ministre, pour demain... Je peux lui poser des questions
précises.
M. Johnson (Anjou): Vous ne parlez pas de transferts au
Québec.
M. Rivest: Non.
M. Johnson (Anjou): Vous parlez des sommes d'argent du
fédéral dépensées dans différents
services.
M. Rivest: C'est cela, l'impact des coupures,
l'énoncé de M. Wilson. Je voudrais que le ministre, si c'est
possible, nous dise publiquement pour une fois, à l'occasion de
l'étude des crédits demain, combien, effectivement, ont
coûté au Québec les coupures fédérales. Vous
pourrez prendre la déclaration de M. Garneau qui a fait l'exercice
à Ottawa. Peut-être ses chiffres sont-ils imprécis, mais il
chiffrait cela à 600 000 000 $ ou 700 000 000 $. Par exemple, je veux
qu'on nous dise, pour illustrer ma question - étant donné qu'il
est maintenant 13 heures, je vais y aller brièvement - combien ont
coûté en pertes, au Québec, les coupures au titre de l'aide
au développement régional et à l'assurance-chômage,
les transferts fédéraux, les risques difficilement
évaluables - j'en conviens - de la libéralisation des secteurs
mous de l'économie et, dans la mesure où cela peut avoir une
importance sans doute moindre sur le plan de l'universalité - ces
politiques ne sont pas encore tout à fait claires, c'est peut-être
difficile à évaluer - l'aide a l'agriculture. Sur la nouvelle
politique de l'énergie - c'est intéressant - y a-t-il quelqu'un,
quelque part dans le gouvernement du Québec, un ministre qui a
analysé cela et qui a dit publiquement combien c'était pour
coûter au Québec?
J'imagine que vous l'avez fait. Si vous ne l'avez pas fait, ce serait -
ce n'est pas ce que je veux dire, mais enfin cela veut dire ce que je veux dire
- épouvantable! Après tout ce qu'on a fait ce matin comme
débat, je vous demande de le dire publiquement - pas de prendre votre
discours que j'ai qualifié tantôt
"d'hystérico-préréférendaire", quand vous parliez
des libéraux fédéraux - et sobrement ce que cela a
impliqué comme impact budgétaire pour le gouvernement du
Québec, comme impact économique également et en termes
d'emplois. Est-ce que le ministre pense être en mesure de nous fournir
une indication raisonnable, de ces impacts comme M. Garneau l'a fait d'une
façon raisonnable, puisque cela n'a même pas été
contesté par le ministre fédéral, M. Wilson, les chiffres
que M. Garneau avait avancés selon lesquels cela coûterait a peu
près 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ au Québec? Est-ce possible
d'avoir cela pour demain?
Le Président (M. Gagnon): Une courte réponse du
ministre.
M. Johnson (Anjou): Selon les énoncés politiques,
ayant l'impression que sans doute le budget fédéral va être
un gros train qui va entrer en gare dans la mesure où les
fédéraux veulent diminuer leur déficit sans faire de
ponction fiscale additionnelle, il est bien évident que cela va se
traduire par moins de dépenses partout sur le territoire canadien - ce
n'est pas bien compliqué - y compris au Québec.
Il y a un certain nombre de dossiers qui ont été
évoqués par le député. On pourra sûrement
faire une appréciation assez globale de cela; on a des chiffres sur cela
et on vous les donnera demain. Il y a peut-être un certain nombre de
dossiers spécifiques qui flottent un peu plus, que ce soit celui de
l'énergie, par exemple, ou celui de la libéralisation des
secteurs mous où les impacts sont plus difficiles à
évaluer. Ce n'est pas pour rien qu'on a tenu un sommet récemment
dans ce domaine où a convié les fédéraux,
d'ailleurs, à venir expliquer au monde ce qu'ils avaient l'intention de
faire. Oui, on fournira tout ce qu'on peut fournir demain.
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 2)