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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 8 mai 1985 - Vol. 28 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions se réunit ce matin aux fins de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif, au programme 7, Affaires intergouvernementales canadiennes, pour l'année financière 1985-1986.

M. le secrétaire, il n'y a pas de remplacement ce matin dans les membres de la commission?

Pour les remarques préliminaires, M. le ministre, en vous demandant de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Oui. M. le Président, à ma droite immédiate, M. Pierre Le François, sous-ministre responsable du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes au Conseil exécutif et tous les gens de son équipe qui pourraient au fur et à mesure se présenter si nous devons avoir besoin d'eux. Il y a donc essentiellement les dirigeants du ministère, que ce soit dans le secteur institutionnel, le secteur économique, le secteur des ententes, la mission sociale, la coopération avec l'extérieur, la liaison avec les bureaux du Québec sur le territoire, les communications et le personnel-staff du bureau du sous-ministre ainsi qu'un certain nombre de membres de mon cabinet dont mon chef de cabinet, M. Versailles, à ma gauche.

M. le Président, au moment où nous abordons l'étude des crédits du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, je vais peut-être faire un tour de piste, en termes généraux. Les questions de mon collègue de Jean-Talon définiront passablement l'objet de nos discussions plus qu'autre chose. J'ai relativement peu de remarques à faire, sinon que de dire qu'on peut constater d'emblée, comme notre exercice est un exercice de crédits, que nous sommes passés de 47 à 74 personnes, dans notre effectif au secrétariat, comparé à ce qu'était la section des relations intergouvernementales canadiennes au ministère des Relations intergouvernementales avant qu'on ne scinde ces deux ministères.

Deuxièmement, le budget a été augmenté de quelque chose de l'ordre de 32 % par rapport à l'année précédente. Essentiellement, il faut bien voir cependant que ces augmentations d'effectif et de budget se sont faites non pas tellement par l'addition de sommes d'argent très importantes mais, entre autres, en ce qui concerne l'effectif, par du recrutement interne pour l'essentiel et aussi par des transferts dans les effectifs, compte tenu des nouvelles responsabilités du ministère et, notamment, d'une bonne partie des ressources qui étaient à l'OPDQ et qui sont passées chez nous dans le domaine des ententes.

Essentiellement, l'année qui se termine a été marquée d'abord et avant tout par un changement de climat dans les relations fédérales-provinciales et sur lequel on aura peut-être l'occasion de revenir mais qui a eu des effets sur le ministère et les relations fédérales-provinciales proprement dites.

Ce changement de climat provient essentiellement, nous l'avons déjà dit, d'un changement de gouvernement à Ottawa. Une espèce d'obsession centralisatrice, les incursions systématiques, qu'on pense à S-31, C-3, le domaine de l'éducation, les interventions directes auprès des organismes municipaux, etc.? Le blocage systématique en matière d'ententes de développement économique, tout cela avait caractérisé et passablement teinté les relations fédérales-provinciales, donc, entre le gouvernement du Québec et celui d'Ottawa.

Le changement de gouvernement n'implique pas une lune de miel, il n'implique pas que ces dossiers, notamment dans le domaine économique et institutionnel, seront faciles dans nos relations avec le gouvernement fédéral, mais au moins un climat propice qui permette d'envisager de nous atteler de façon résolue à l'égard des problèmes de l'emploi, une sorte de pragmatisme économique qui fait partie de la préoccupation du gouvernement du Québec, particulièrement depuis les débuts de la récession. Nous espérons que ce nouveau climat permettra sur le plan économique que la relation qui existe entre Ottawa et Québec soit centrée sur ces préoccupations de nature économique pour les fins de créer de l'emploi. Il continuera d'y avoir des divergences importantes, sans doute, entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa sur les moyens pour parvenir à la solution de certains problèmes économiques

et d'emploi. Je n'en doute pas. Cela se traduit non seulement sur le plan de la conception qu'on peut avoir du rôle de l'État, cela peut se traduire par des affrontements extrêmement durs dans des décisions, par exemple, que l'État fédéral pourrait prendre en matière de commerce ou en matière d'investissement et qui pourraient affecter le Québec au détriment des emplois ici. Comme cela peut se traduire aussi, dans les politiques budgétaires de l'État fédéral, dans sa vision du mode de partage de la richesse et des moyens de partage de la richesse à l'égard des transferts directs aux citoyens, mais aussi, évidemment, à l'égard des transferts au gouvernement, ce qui nous amène notamment au dossier de la péréquation et à certains autres qui touchent le financement, par exemple, des programmes conjoints et à l'insatisfaction relative que le gouvernement du Québec a fait connaître quant à certains de ces dossiers.

Néanmoins, la dernière année a quand même été marquée par des progrès extrêmement sensibles qui ont permis au Québec de faire des gains dans ce contexte et dans un climat qui, il faut bien le dire, est relié à deux acteurs. D'abord, le nouvel acteur fédéral étant moins braqué idéologi-quement, il est peut-être un peu plus prêt à remettre en cause un certain nombre d'intérêts que par, je dirais presque, force d'inertie pendant seize ans il avait affirmés partout sur le territoire. Tout cela s'est concrétisé depuis un an par des déblocages importants. D'abord, du côté fédéral, une sensibilité à ce qui avait été des revendications québécoises depuis longtemps quant à la nécessité pour le fédéral de remettre en question certaines de ses interventions structurantes en matière de santé et d'éducation, certaines de ses interventions en matière de dépenses dans le secteur du développement économique et des choses comme les loteries, par exemple, au niveau canadien qui ont plus ou moins d'importance, mais qui restent des exemples de difficulté comme Mirabel, le centre de l'unité canadienne, la reconnaissance du caractère légitime, de la part de l'État fédéral, des relations de nature particulière que le Québec entretient, entre autres, avec la France. Tout cela, ce sont des choses sur lesquelles il y a eu, objectivement, des déblocages importants. Et c'étaient des choses qui traînaient dans la nature, dans bien des cas, depuis des années.

Avant de revenir sur ces contenus, je voudrais évoquer un certain nombre d'événements qui ont eu lieu au cours de l'année. D'abord, la rencontre entre le premier ministre du Canada et le premier ministre du Québec; deuxièmement, la conférence des premiers ministres sur l'économie qui a eu lieu à Regina; troisièmement, une rencontre des premiers ministres, à laquelle le premier ministre du Québec avait délégué M. Duhaime, ministre des Finances, au moment de ce sommet économique national qui mettait en vis-à-vis différents groupes syndicaux, organisations patronales, organisations financières, etc., du Canada, mais où les gouvernements canadiens n'ont pas siégé, le tout ayant été suivi d'une rencontre en tète à tête des dix premiers ministres du Canada ou de leurs délégués avec M. Mulroney.

Il y a également eu la conférence sur les droits des autochtones qui est un problème qui dure et perdure au Canada et qui va continuer probablement durant un certain temps. La participation du Québec à cette conférence a été, je crois, remarquée, parce que remarquable comme dans les deux conférences antérieures où le Québec avait introduit cette notion d'une participation directe des communautés autochtones pouvant parler à partir du siège de la délégation québécoise.

Sur d'autres aspects, évidemment, il y a le dossier constitutionnel, mais sur cette question le premier ministre aura l'occasion, au nom du gouvernement, éventuellement, de rendre publiques un certain nombre de choses et, comme il l'a dit en Chambre récemment, il n'entend pas que ces choses soient commentées par bribes, tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas pris un certain nombre de décisions à l'égard de ce dossier, qu'il n'aura pas choisi de le rendre public.

Probablement qu'un des dossiers qui a fait couler le plus d'encre récemment, c'est celui des ententes de développement économique régional. Nous avons signé, l'automne dernier, avec le gouvernement fédéral, une entente-cadre qui a donné lieu à des ententes auxiliaires. Cette entente-cadre a, entre autres caractéristiques, qu'elle est de dix ans, mais qu'elle prévoit la participation fédérale pour les cinq premières années. Cette participation fédérale pour les cinq premières années est, pour l'essentiel, à peu près l'équivalent de la participation fédérale sur les dix années antérieures. Cette entente-cadre a donné lieu à la signature d'ententes auxiliaires qui n'ont pas seulement permis au Québec d'affirmer clairement la priorité de ses orientations ou de sa maîtrise d'oeuvre ou de dispensation ou de "delivery" - comme on dit en anglais - des résultats. Elle permet le financement conjoint de projets, elle prévoit aussi des ententes d'harmonisation qui visent, au-delà des textes juridiques, è amener une approche et une attitude, à la haute direction de certains ministères fédéraux, qui visent à avoir des actions qui tiennent compte les unes des autres dans le champ. II faut dire cela pour l'avoir vécu pendant trois ans au moins, et je pense que cela a duré plus longtemps. Les trois dernières années du gouvernement libéral fédéral ont été marquées entre autres

dans le champ, pour les intervenants économiques ou même municipaux dans certains cas, ce qui était une aberration, par l'indifférence totale de la structure fédérale de ce que pouvaient être les priorités ou les projets québécois. Le tout a connu son sommet d'aberration par l'annonce qu'avait faite M. Lalonde de 111 000 000 $, ce qui s'est traduit tantôt par des toits d'églises, dans d'autres cas par des arénas dans des municipalités qui n'avaient pas les moyens de les entretenir, par des clubs d'âge d'or à qui on donnait des équipements absolument considérables et, finalement, le tout ne tenant compte ni des principes d'équité fiscale qu'on a introduits dans la réforme de la fiscalité ni, évidemment, du respect des attributions constitutionnelles du Québec dans ce domaine et ni même du gros bon sens dans bien des cas; que l'on pense à des arénas dont le coût pour 3000 ou 4000 habitants est absolument faramineux, et sans compter d'autres aspects de cette intervention directe qui avait été marquée par ce qu'on a appelé longtemps le patronage.

Donc, l'ouverture qui est faite sur des ententes d'harmonisation, même si elle ne se traduit pas dans tous les secteurs par l'existence d'ententes d'harmonisation, est génératrice d'un climat qui, dans le champ, dans les secteurs d'activité ou même, dans certains cas, dans les régions, oblige les intervenants qui ont beaucoup d'importance, qu'ils soient directeurs de section du MEIR ou du ministère de l'Industrie et du Commerce ou de l'OPDQ du Québec, à tenir compte de l'existence l'un de l'autre et parfois peut les mettre dans une situation où ils peuvent constater que, s'ils bousillent le climat, ils peuvent être sanctionnés par le haut, ce qui n'existait pas avant étant donné qu'il y avait une littérale incitation du gouvernement libéral fédéral de l'époque à faire une guerre de tranchées sur le terrain. Je crois que ces choses sont réduites. Je ne dis pas qu'elles sont totalement parties, encore une fois, elles sont largement réduites pour le grand bénéfice du développement économique de grands secteurs industriels qui sont importants pour le Québec et sa traduction en investissements, en emplois, évidemment, dans des régions mais aussi en emplois dans des secteurs qui, nous l'espérons, seront structurants pour l'économie du Québec et ses régions.

D'autres dossiers ont marqué cette période, notamment le dossier de Domtar, un dossier délicat et complexe où une très grande entreprise faisant affaires au Québec et visant des marchés d'exportation, et parfois et souvent même en concurrence avec d'autres industries canadiennes, voulait le soutien de l'État pour les fins de non seulement se maintenir mais également de connaître une certaine expansion. Dans ce dossier, nous nous sommes assez rapidement heurtés à une notion qui était, dirais-je, de caractère idéologique et qui démontre qu'il y a peut-être une différence, et là comme dans d'autres secteurs, entre la vision que peuvent avoir les gens du gouvernement fédéral et nous quant au rôle et à l'intervention de l'État. Ce dossier, finalement, nous sommes parvenus à le régler par des acrobaties, sur le plan de la formule utilisée pour les fins du financement, qui était très habile mais, en fin de compte, cela a donné le résultat qu'il fallait que cela donne. Cela a permis, dans la région de l'Estrie, à Windsor, de nous assurer non seulement du maintien, je crois, de près de 700 emplois directement reliés à l'entreprise qui autrement auraient été perdus parce que cette entreprise s'en allait en désuétude mais également de nous assurer d'une croissance assez phénoménale de l'emploi dans ce qui est relié à l'industrie qui fournit la matière première à l'usine, l'industrie de la coupe de feuillus qui, par ailleurs, sont très peu utilisés.

C'est un dossier, je crois, qui est un exemple de la partie de bras de fer qu'il faut jouer dans ce type d'activité quand on recherche une meilleure consolidation de l'économie de nos régions, la croissance de l'emploi et quand on sait très bien que les intérêts du Québec sont parfois différents sur le plan de l'orientation que j'appellerai idéologique ou de la philosophie d'intervention de l'État, comme sont parfois des intérêts dans lesquels le Québec affronte par ses intérêts d'autres régions du Canada en termes de création d'emplois. Nous sommes parvenus à le régler encore une fois.

Ce qui reste à venir, M. le Président, c'est évidemment le dossier de la péréquation, les réactions et l'analyse que nous ferons de l'éventuel budget de M. Wilson et ses conséquences possibles sur le Québec, tout le secteur de la formation de la main-d'oeuvre, les politiques fiscales et monétaires, la stabilisation des revenus agricoles, les pêches maritimes, la coordination et l'harmonisation des politiques gouvernementales en matière de recherche et de développement, de modernisation des entreprises, de création d'emplois proprement dite, d'aide à l'entreprise, de soutien à l'exportation.

Dans le domaine constitutionnel, j'ai eu l'occasion de le dire, le premier ministre rendra un certain nombre de décisions publiques une fois qu'elles seront prises.

M. le Président, je crois que pour l'essentiel on peut dire que cette année a été marquée par un changement extrêmement important de climat. Du côté québécois, nous avons un ministère qui s'est bâti à partir de ressources existantes un peu partout au Conseil exécutif, qui s'est donné des orientations, qui s'est doté de structures de

coordination interministérielle et qui permet de faire avancer, je crois, avec une certaine cohérence l'ensemble de ses dossiers.

Également, dans le domaine de la coopération nous avons commencé à réévaluer et nous serons d'ici à quelques semaines prêts à annoncer une politique nouvelle de soutien du gouvernement québécois aux minorités francophones hors Québec, car je crois qu'il y a un lien extrêmement important à établir entre ces minorités et le Québec à partir du principe suivant: que le Québec forme lui-même une minorité objective sur ce continent et dans le Canada, que le seul territoire qu'il contrôle, qu'il maîtrise, au moins sur le plan de certaines institutions politiques, c'est celui du Québec et qu'è ce titre - je termine, M. le Président, là-dessus - ...

Le Président (M. Gagnon): Oui, vous devez.

M. Johnson (Anjou): ...le Québec a une responsabilité à l'égard des minorités francophones hors Québec. M. le Président, puisque vous me dites que mon temps est terminé, je présume que je devrai attendre les interventions de mes autres collègues pour répliquer.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre, vous aurez sûrement des occasions de revenir sur le dossier. M. le député de Jean-Talon. (10 h 30)

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, j'ai, comme mes collègues, écouté le ministre. Dans le domaine des affaires canadiennes, je dois vous dire d'entrée de jeu, M. le ministre, que finalement, en termes de politique, je trouve qu'il y a une carence fondamentale dans les démarches. Je comprends que le ministre a fait état de l'évolution d'un certain nombre de dossiers sectoriels avec l'arrivée du nouveau gouvernement conservateur. Mais une des choses que je trouve que le Québec n'a pas et qu'il devrait avoir, c'est une politique en matière de relations canadiennes, une politique qui serait autre chose que l'attitude actuelle qui est celle de régler les dossiers au jour le jour, selon les circonstances, avec la meilleure volonté du monde.

À nulle part, sur le plan de la révision constitutionnelle en tant que telle - je comprends qu'il y a actuellement une démarche en cours extrêmement importante sur le plan de ce que vous appelez la réparation à l'égard de la Loi constitutionnelle de 1982 - n'y a-t-il une politique de révision constitutionnelle de la part du gouvernement du Québec, pour la première fois, à ma connaissance, depuis vingt ou vingt-cinq ans. À nulle part le gouvernement n'a-t-il songé à articuler d'une façon sérieuse dans le domaine de la révision constitutionnelle une position cohérente, complète et systématique qui situe chacun des éléments d'une telle politique de révision constitutionnelle dans un contexte plus large et qui permette de l'évaluer pour faire avancer et faire évoluer le fédéralisme. Cette politique n'existe pas.

Même chose dans le domaine des relations fédérales-provinciales. À nulle part n'a-t-on entendu de la part du ministre ou du premier ministre un exposé un tant soit peucohérent qui établisse la politique du gouvernement du Québec en matières suivantes: quels sont ses objectifs, quel est son plan d'action, quelles sont les modalités de ce plan d'action, quels sont ses priorités dans ce domaine, quelles sont les initiatives qu'il entend pousser, son échéancier? On est à peu près devant rien. C'est pour cela, M. le Président, que le ministre me trouvera sévère. Mais je trouve que la direction politique du ministère des Affaires canadiennes, depuis que je suis ce dossier, m'apparaît comme extrêmement faible, extrêmement incohérente et, en plus, très secrète, parce qu'on n'a pas de déclarations publiques de la part du ministre ou du premier ministre qui nous indiquent exactement quelles sont les orientations.

Je comprends que le ministre a d'autres responsabilités. D'ailleurs, j'ai dit au moment du remaniement ministériel que je doutais, compte tenu de l'importance objective du domaine des affaires canadiennes, qu'on puisse avoir un ministre selon la formule maintenant consacrée - et qui plaît au ministre actuel - de mon collègue le député de D'Arcy McGee, c'est-à-dire qu'on puisse se payer le luxe d'un ministre à temps partiel aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Le ministère de la Justice est un ministère extrêmement lourd et extrêmement accaparant et, là, que le ministre, dans ses responsabilités, soit un peu... J'ai l'impression que les Affaires canadiennes, pour lui, c'est une espèce d'appendice à ses responsabilités ministérielles premières qui sont au ministère de la Justice. Je regrette que le ministre et le gouvernement n'aient pas l'air de se rendre compte que l'absence même d'une politique sur le plan de la révision constitutionnelle est extrêmement dangereuse pour le Québec.

Le ministre et le gouvernement nous ont dit, au cours des dernières semaines et des derniers mois, qu'ils mettaient en veilleuse ou en réserve, peu importe, leurs convictions souverainistes et qu'ils acceptaient, au nom de la société québécoise, de jouer pleinement le jeu du fédéralisme. Une fois qu'on a dit cela, à

mon avis, on ne peut pas se contenter de simplement essayer d'établir, avec toute la meilleure volonté du monde, les conditions d'une adhésion éventuelle du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982 sans avoir réfléchi aux conséquences des conditions que l'on va exiger - souhaitons-le - et obtenir de la part du gouvernement canadien pour adhérer à la loi constitutionnelle, sans mesurer et évaluer toutes ces conséquences. On ne sait si ce virage fédéraliste est vrai et pas une chose purement éphémère dans la période préélectorale, si c'est une conviction profonde de la part du gouvernement de respecter, finalement, la volonté des Québécois exprimée au moment du référendum quant à leur adhésion à l'ensemble fédéral canadien. Je ne pense pas que le gouvernement puisse, sans que cela coûte très cher au Québec, s'abstenir d'exploiter et de définir un plan complet de révision du fédéralisme, parce que, simplement sur le plan technique, c'est très difficile. Par exemple, si vous proposez des choses en ce qui concerne le pouvoir de dépenser - je pense que vous l'avez déjà indiqué publiquement - du gouvernement fédéral, qui est un problème majeur de la fédération canadienne, vous ne pouvez pas, en ce faisant, ne pas avoir une idée assez précise de la nature du partage des pouvoirs que vous voulez avoir ou que vous vous proposez d'avoir. Je le dis également pour exprimer notre point de vue, c'est que dans notre dernier document, "Maîtriser l'avenir", on pose un certain nombre de conditions, qui ont été acceptées par notre parti. Cela aussi est un aspect extrêmement important. C'est que je ne pense pas qu'un gouvernement du Québec peut s'avancer sérieusement dans ce domaine de la révision constitutionnelle ou de l'adhésion sans qu'il ait obtenu l'aval et l'appui de son parti par les moyens démocratiques qui existent actuellement, pour éviter que cette chose-là soit laissée au gré des volontés gouvernementales ou ministérielles qui peuvent évoluer. Je pense que c'est un dossier suffisamment important pour qu'il faille accepter de faire une démarche profonde au niveau des institutions mêmes du parti.

Pour revenir au chapitre du pouvoir de dépenser, nous en parlons dans notre dernier document, mais notre document fait également référence à un plan complet de révision du fédéralisme qui a été consigné dans ce qu'on a appelé le livre beige du Parti libéral du Québec.

M. de Bellefeuille: Cela existe encore?

M. Rivest: Oui, certainement. D'ailleurs, comme mon collègue me demande si cela existe, à la page 45 du document "Maîtriser l'avenir", parlant du livre beige, on dit: "Toujours valable aujourd'hui".

M. de Bellefeuille: II fallait le dire, sans cela on ne l'aurait pas su.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre. M. le député de Jean-Talon, vous avez la parole. Ne vous laissez pas distraire.

M. Rivest: Le livre beige est toujours, M. le député de Deux-Montagnes, la politique du Parti libéral du Québec. On y fait référence à la problématique du pouvoir de dépenser. On dit: Le pouvoir de dépenser est l'objet de critiques vigoureuses et presque unanimes de la part des gouvernements provinciaux. Les programmes de subventions conditionnelles voulaient corriger le déséquilibre fiscal et permettre aux provinces, sans effort financier disproportionné de leur population respective, de fournir dans tout le Canada un niveau de service comparable dans plusieurs domaines essentiels. À l'occasion, ils ont du même coup placé le gouvernement central dans une position de domination sur des terrains de compétences strictement provinciales, comme l'éducation, la santé, le bien-être et l'habitation.

Or, quand on affirme cela, face à une question comme le pouvoir de dépenser - et nos interlocuteurs fédéraux le savent - en ce qui concerne l'éducation, la santé, le bien-être et l'habitation, il y a des propositions quant au partage des pouvoirs et on peut les ajuster face à cela. Tandis que là vous allez vous avancer dans des propositions pour corriger les erreurs qui ont pu être commises au moment de la négociation constitutionnelle sans que nulle part vous ne soyez en mesure d'évaluer ou que même vos interlocuteurs puissent évaluer les conséquences qu'une telle démarche va avoir sur d'autres aspects du fonctionnement du fédéralisme canadien qui sont en eux-mêmes aussi importants que les quatre ou cinq choses que vous allez négocier. Dans ce sens-là, je pense que l'on peut dire que c'est extrêmement dangereux pour le gouvernement, actuellement, de fonctionner sur la base sur laquelle il fonctionne et d'autant plus dangereux que même pour le pouvoir de dépenser... Dans notre livre beige, on a des propositions au chapitre du pouvoir de dépenser. C'est sûr qu'on cherche à le limiter pour sauvegarder les juridictions du Québec, mais en plus on l'a évalué non seulement dans la perspective de la question d'un partage éventuel des juridictions qu'on voudrait avoir ou qu'on estimerait nécessaires pour le Québec, mais également dans l'évolution des institutions mêmes du fédéralisme canadien où, vous vous souviendrez, au chapitre des institutions on proposait la constitution d'un conseil fédéral basé sur la dualité canadienne où le Québec aurait un pouvoir quasi de veto dans le fonctionnement même du régime fédéral au

niveau d'un conseil fédéral. C'est cela que nous proposions: que le mode de compensation approprié au chapitre du pouvoir de dépenser pour les provinces devrait avoir obtenu le consentement du conseil fédéral ou du Sénat, enfin, c'est la formule. Seulement cet exemple pour vous indiquer que l'absence actuelle d'un plan complet et cohérent de révision du fédéralisme canadien ne satisfait absolument pas aux exigences fondamentales de l'adhésion pleine et entière du Québec à lafédération canadienne que vous dites maintenant accepter en tant que gouvernement.

En écoutant les propos que vous avez eus au départ ainsi qu'en regardant les déclarations que vous-même ou le premier ministre avez faites dans ce domaine-là, je pense qu'on peut très certainement affirmer au moment où on se parle que ce soi-disant virage fédéraliste que vous auriez fait n'est - peut-être que mes collègues de Rosemont et de Deux-Montagnes vont être très heureux d'apprendre cela - à mes yeux qu'un virage formel, qu'un virage stratégique parce que vous vous refusez comme gouvernement d'assumer la première conséquence de ce virage fédéraliste que vous dites avoir fait. Cette première conséquence, si vous avez à coeur les intérêts du Québec, à l'intérieur de la fédération canadienne, c'est de définir pour le Québec non seulement un programme de correction des choses qui ont été faites au moment de la loi de 1982, mais un programme cohérent et complet de révision du fédéralisme canadien, chose que vous n'avez pas faite au Conseil des ministres; vous ne l'avez pas fait non plus ni même amorcé dans les structures de votre formation politique qui constitue dans ces questions, comme dans tellement d'autres, la base normale, légitime et naturelle du fonctionnement de notre système démocratique. Je pense qu'on doit regretter cela d'une façon très sérieuse. En tant que Québécois qui croit en l'avenir du Québec à l'intérieur du Canada, comme l'immense majorité des Québécois, je pense que la démarche du gouvernement actuel est en porte-à-faux avec les intérêts véritables du Québec. C'est le premier point.

Le deuxième point. Je trouve finalement cette attitude irresponsable de la part du ministre ou du gouvernement. Elle est exactement la même au titre des relations politiques, économiques et sociales qui existent entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Comme je l'indiquais tantôt, pour moi il est tout à fait inconcevable qu'on doive se contenter dans ce domaine-là de déclarations assez superficielles qui nous indiquent que le Québec est une société... Superficielles, c'est-à-dire qui n'assument pas les pleines conséquences de cette réalité. On dit: Le

Québec a des besoins particuliers sur les plans économique, social et culturel. Cela, on y croit. Il y a le territoire, tout le refrain que le ministre reprend à gauche et à droite et qui est tout fait juste: Le Québec est un peuple, etc., il a doit à tout cela. Mais, quand il s'agit d'articuler des relations fédérales-provinciales sérieuses qui témoignent d'une conviction de faire fonctionner le régime fédéral dans une perspective canadienne, mais en ayant à coeur les intérêts premiers du Québec, je pense bien qu'un ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ne peut pas se contenter de ces généralités auxquelles tout le monde adhère, mais qu'il doit définir, comme ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, une politique québécoise de relations fédérales-provinciales qui établit les objectifs du Québec, autrement dit qui arrime les objectifs internes du gouvernement avec la dimension fédérale. Où a-t-on entendu une déclaration du ministre qui nous a dit: Voici, au cours de cette année ou l'an prochain ou pour deux, trois ou quatre ans, les objectifs prioritaires du Québec c'est ceci, c'est cela dans le domaine de la création d'emplois, dans le domaine de l'aide au développement régional, etc.? Voici la manière dont on entend appuyer ces objectifs d'une participation du gouvernement fédéral, voici les dossiers prioritaires, voici quel va être notre plan d'action avec le gouvernement canadien, quels vont être les dossiers prioritaires que nous allons essayer de développer, voici des projets précis qui se situent dans le cadre de ce plan d'action et voici... Chose que vous ne faites absolument pas comme gouvernement souverainiste et encore moins depuis que vous vous dites devenus fédéralistes, aucune espèce d'initiative pour vraiment articuler le fonctionnement du régime fédéral canadien sur les priorités québécoises. (10 h 45)

Encore là, je pense qu'on peut dire qu'il n'y en a pas dans le domaine de la révision constitutionnelle, il n'y en a pas non plus dans le domaine des relations fédérales, nulle part il n'y a une politique québécoise dans le domaine des affaires canadiennes. Au moment où on aborde l'étude des crédits de votre ministère, à tout le moins, si vous voulez que, comme Québécois qui croient en l'avenir du Québec à l'intérieur du Canada, on vous croie véritablement sur le virage que vous dites avoir fait, je pense que vous devriez commencer par l'ABC de ce qu'est une adhésion pleine et sans arrière-pensée du Québec au Canada, c'est-à-dire définir pour le Québec - il me semble que c'est votre première tâche - en matière de révision constitutionnelle comme en matière de pratique de relations fédérales-provinciales, au moins ce qui serait le commencement

d'une politique.

A cet égard, parlant de notre formation politique, je pense que nos documents, les attitudes que l'on a et les efforts que l'on a déployés au niveau de notre commission politique vont exactement dans ce sens. Si vous dites partager notre ambition au niveau du fonctionnement du fédéralisme, commencez au moins par doter le Québec d'une politique.

Cela m'amène, en troisième lieu, dans mes remarques d'introduction, à vous indiquer qu'au niveau des dossiers sectoriels - parce que vous n'avez pas de politique au niveau de la révision constitutionnelle, non plus qu'au niveau des relations fédérales-provinciales - le "day today" du fonctionnement du fédéralisme canadien, c'est incohérent, on ne voit aucune espèce de conduite. Tantôt vous avez énuméré quatre ou cinq dossiers: les loteries, la déclaration du premier ministre du Canada sur les liens directs et privilégiés avec la France, le nouveau climat, dossiers au sujet desquels les anciens irritants de nos ex-amis libéraux fédéraux, paraît-il, n'existent plus, mais il y a des dossiers très importants.

M. le ministre, comment se fait-il que vous-même et le gouvernement n'ayez à peu près rien dit sur les conséquences pour le Québec de l'énoncé budgétaire du ministre Wilson au moment où il l'a fait le 13 novembre 1984? Il y a là un secret stratégique absolument déplorable. Encore que dans certaines de ces coupures - au moins vous auriez pu le dire au gouvernement canadien, si vous aviez à coeur les intérêts du Québec - il y en avait qui frappaient moins durement - parce qu'il y en avait toute une série - le Québec, mais il y en avait qui frappaient très durement le Québec.

Je prends simplement l'exemple de l'assurance-chômage. Compte tenu de notre situation dans l'emploi, les coupures de l'assurance-chômage ont fait plus mal à la société québécoise et aux travailleurs québécois qu'ailleurs dans le Canada. Comment se fait-il, d'une façon assez étonnante, qu'il ne s'est pas trouvé quelqu'un au gouvernement du Québec pour dire: Si vous voulez couper l'assurance-chômage, attention messieurs du gouvernement fédéral, quand vous faites cela, le chômage n'est pas le même à l'échelle canadienne? Vous essayez de ne pas meurtrir, même pas une représentation, même pas une protestationl

Même chose pour l'aide au développement régional. Je ne sais pas quelle est la part du Québec dans ces programmes, je pense que c'est au-delà de 30 % ou 40 %. Le fait de couper, par le gouvernement canadien, dans ce domaine, cela a fait plus mal au Québec et jamais le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, qui doit avoir à coeur les intérêts québécois, ne s'est levé publiquement, pas un appel téléphonique à quelqu'un au bureau du premier ministre à Ottawa pour dire: Oui, mais... Non, non, ce n'est pas de même que cela doit se faire. Cela doit se faire publiquement et vous ne l'avez pas fait.

Même chose pour la libéralisation pour les secteurs mous du textile, de la chaussure etc., qui sont des secteurs fragiles au Québec. Les coupures risquent d'affecter plus durement là-dessus. Est-ce que, quelque part, M. le ministre, d'une façon publique, au moment où cela s'est fait, vous avez fait des représentations auprès du gouvernement canadien? Pas du tout. Vous parlerez, un instant on y reviendra, il me reste cinq minutes... Donnez-moi encore deux minutes.

Le Président (M. Gagnon): Deux minutes.

M. Rivest: Quant aux ententes de développement, je regardais un arrêté en conseil qui a été publié. Vous avez pris pour le règlement de Domtar des sommes qui étaient dans le cadre des ententes de développement. Non pas que je suis contre le règlement de Domtar, mais ces sommes que vous avez prises en vertu d'un arrêté en conseil que j'ai vu, que je vais essayer de retrouver pendant la discussion, c'est de l'argent qui était disponible pour d'autres régions, qui ne sera pas là, parce que vous aviez le problème de Domtar à régler.

Sur les ententes de développement, à part cela, au ministre lui-même j'avais posé ' la question en Chambre. Je sais que le ministre est prêt à me répondre, mais le ministre fédéral de la Consommation et des Corporations lui-même, M. Michel Côté, a dit exactement, publiquement - cela a été rapporté dans le Devoir - ce que j'avais dit par ma question, que dans votre entente de 1 000 000 000 $, dont mon collègue, M. Paquette, d'ailleurs, a évalué l'importance en ce qui regarde l'inflation par rapport à l'entente antérieure, dans cette entente, ce n'est pas vrai qu'il y a 1 000 000 000 $ d'argent neuf, comme la chose a été présentée, pour soutenir l'économie actuellement. Il y a moins que ça, parce que c'étaient déjà des programmes. Il y avait déjà des ententes là-dedans. Nulle part, cela ne nous a été dit, ces choses, d'une façon claire, d'une façon ouverte. Je pense que, quand on conçoit bien le fonctionnement du fédéralisme, c'est une chose qu'il faut dire publiquement et il faut que ce soit dit par les gens qui sont en charge.

Je comprends, sans prêter d'intentions au ministre, qu'il peut y avoir des raisons. On est dans le "spleen" du nouveau climat avec le nouveau gouvernement fédéral et on veut bien arriver quelque part à signer l'entente et ne pas déplaire. Mais, à travers

cela, il y a du monde, il y a de l'argent et il y a les intérêts du Québec qui comptent et on n'a plus personne pour les défendre, même à l'intérieur du fédéralisme. Vous avez fait tout un bout de chemin depuis les discours que vous teniez au moment du référendum, je tiens à vous le dire.

Je vous signale un dernier aspect que je voulais indiquer au ministre. Les dossiers que je veux aborder - je m'excuse, monsieur - le C-3, vous avez gueulé contre cela en masse. Cela été appliqué et on n'en entend plus parler. On s'apprête à réformer les pouvoirs du Sénat. Aucune déclaration de la part du gouvernement du Québec. Le dossier de la formation professionnelle, la réduction de l'argent disponible pour la rénovation de logements, tout le problème de la condition féminine et des visées du fédéral en ce qui concerne les garderies, l'harmonisation des programmes de création d'emplois, quand est-ce qu'on entend le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes parler de cela? Jamais.

Le ministre est beaucoup trop silencieux, à mon avis, beaucoup trop faible dans sa conduite. Surtout, je trouve qu'il agit d'une façon irresponsable, parce qu'il ne définit pas pour le Québec - lui qui se dit maintenant fédéraliste - une véritable politique complète et cohérente en matière de révision constitutionnelle, non plus qu'une politique complète et cohérente sur les objectifs véritables du gouvernement en ce qui concerne les relations fédérales-provinciales.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. La parole est au ministre et, après, je vous reconnaîtrai, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Si vous me permettez, M. le Président, le député de Rosernont et moi devrons malheureusement vous quitter pour un moment. Je sais que cela créera beaucoup de regret du côté ministériel, mais nous devrons vous quitter 6 11 heures, pour vous revenir plus tard. Est-ce que je pourrais avoir les sept minutes qui restent avant 11 heures?

Le Président (M. Gagnon): Si les membres de la commission sont d'accord. Normalement, le règlement dit que le ministre doit intervenir après chaque intervenant, mais, si vous êtes d'accord, vous interviendrez par la suite.

M. de Bellefeuille: Mais le ministre y consent.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille M. de Bellefeuille: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. le ministre et merci, chers collègues. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du député de Jean-Talon et vous comprendrez que ce sont des points de vue que je ne partage qu'en partie, parce que la critique qu'il fait du gouvernement est un peu à l'inverse de la mienne - je devrais peut-être dire de la nôtre. Il trouve que le ministre n'est pas assez fédéraliste et, moi, je trouve que le ministre est trop fédéraliste. Mais, quel que soit le point de vue, je pense que le député de Jean-Talon et moi pourrions nous mettre d'accord sur un phénomène beaucoup plus grave que ces différences de perspective. C'est un phénomène qu'on pourrait décrire comme étant la déliquescence du gouvernement, pour ne pas dire l'effondrement. Quand j'ai employé l'expression l'effondrement national, il y a des éditorialistes qui ont trouvé que j'y allais un peu fort. J'invite ces éditorialistes à continuer d'observer la situation et je pense qu'ils vont bientôt se rallier à mon jugement.

Ce qu'on peut observer, M. le Président, de la part de ce gouvernement à propos des Affaires intergouvernementales canadiennes, comme à propos d'autres aspects de sa politique, c'est un phénomène pénible qu'on pourrait appeler la fuite dans le passé. Ce gouvernement n'a rien à dire ou, soyons de bon compte, n'a pas grand-chose à dire pour ce qui est du présent et surtout pas pour ce qui est de l'avenir. Le ministre, ce matin, nous a parlé du gouvernement fédéral qui a été battu en 1984. Il a aussi fait allusion au dossier Domtar, ce qui est curieux dans ce contexte-là, puisque, dans le dossier Domtar, c'est le gouvernement fédéral qui a été battu en 1984 qui proposait d'aider cette entreprise québécoise, alors que c'est le nouveau gouvernement élu en 1984 à Ottawa et, nous dit-on, très ami de l'actuel gouvernement du Québec qui, lui, a supprimé cette offre de subvention, mais passons vite là-dessus.

La fuite dans le passé, elle se remarque aussi dans cette manie qu'ont les porte-parole du gouvernement, le premier ministre en tête, de parler constamment du gouvernement du Québec de 1970 à 1976, comme si c'était une question actuelle pour le Québec, comme si c'était un enjeu d'élection. Puisqu'il y a des élections partielles, il y a des membres de ce gouvernement, et très éminents, puisqu'il s'agit en particulier du premier ministre, qui semblent penser que la population québécoise va prendre ses décisions à partir de ce qui s'est passé au Québec de 1970 à 1976. Cela ne me paraît pas du tout pertinent aux préoccupations actuelles des Québécois et des Québécoises.

Hier, à l'Assemblée nationale, le vice-premier ministre, interrogé sur la situation du premier ministre, a voulu le justifier une

fois encore par le passé. On fait du premier ministre un monument. On a fait allusion à son rôle passé. Je ne pense pas que la population québécoise soit intéressée en ce qui concerne la conduite des affaires de l'État à des conceptions qui sont entièrement axées sur le passé et qui sont apparemment indifférentes devant le présent et devant l'avenir.

Je pense que c'est une situation très grave, M. le Président, qui s'illustre très bien dans le domaine des relations fédérales-provinciales comme dans le domaine des relations internationales. Dans le domaine des relations fédérales-provinciales, nous allons nous employer à faire le bilan du coût du beau risque. On peut déjà dans les crédits, puisque nous étudions les crédits, noter ceci au sujet du beau risque proposé par le premier ministre dès le mois de septembre dernier - et, d'ailleurs, cela avait déjà été soufflé au premier ministre par l'actuel ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes dans un texte qui avait paru dans les journaux - on peut voir, au Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, une augmentation de 50 % de ses crédits de l'année dernière à cette année. J'arrondis, c'est 48,4 %, mais c'est presque 50 %. Alors, le beau risque, on peut déjà constater que cela coûte 50 % d'augmentation des crédits de ce morceau de gouvernement.

Mais, M. le Président, on est dans ce que le ministre pourrait être tenté de décrire comme de petits budgets, n'est-ce pas? C'est modeste. Cela passe, si je regarde les bons chiffres, de 4 592 100 $ à 6 799 900 $. Ce sont peut-être, puisque ce gouvernement administre un budget qui est dans les milliards, des sommes que le ministre va considérer comme modestes. Il aura raison de dire que ce n'est pas le principal coût, quelle que soit l'importance de ces chiffres-là, il aura raison de dire que ce n'est pas le principal coût du beau risque. Le principal coût du beau risque, j'y ai fait allusion aux Relations internationales, je ne m'étendrai pas là-dessus parce que ce n'est pas pertinent à nos travaux ce matin, mais, en une phrase, un des coûts du beau risque, c'est que le Québec n'apparaît plus à la face du monde - je reviendrai à la situation canadienne parce que c'est le même phénomène - comme une société en voie d'émancipation, mais comme une province contente qui renonce à sa vocation internationale. C'est ça le Québec, et le voyage que le premier ministre prépare en France devient un peu ridicule parce qu'alors qu'il n'y a pas tellement longtemps le chef du gouvernement du Québec était accueilli à Paris comme un chef d'État, maintenant, il ne pourra convenablement, diplomatiquement, être accueilli que comme le chef du gouvernement d'une province contente qui a renoncé à la vocation internationale du

Québec.

(11 heures)

Là-dessus, je rejoins en partie les propos de notre collègue de Jean-Talon. Dans le concert fédéral-provincial - si on peut appeler cette cacophonie un concert - la voix du Québec devient insignifiante. La provincialisation du Québec que l'actuel gouvernement est en train de réaliser, cela veut dire que le Québec ne compte guère.

Tout à l'heure, cela m'amusait beaucoup d'entendre le député de Jean-Talon reprocher au gouvernement que l'élaboration de ses positions constitutionnelles soit très secrète. Je ne sais pas où le député de Jean-Talon a passé les deux dernières semaines, parce que ce n'est pas secret, pas une miette. Le premier ministre a déjà dit qu'il ne fallait pas discuter de cela, parce que c'était de la plomberie. On a vu combien il y a de maîtres plombiers dans ce gouvernement. Chacun arrive avec son bout de tuyau.

M. Rivest: Ils travaillent au sous-sol, par exemple,

M. de Bellefeuille: Oui. Ils sont encore dans la fondation, apparemment, dans la cave, oui, et c'est la saison des inondations; la plomberie n'est pas très efficace.

Il y a beaucoup de plombiers qui raboudinent leur bout de tuyau: plusieurs clauses Canada, une clause Québec, une clause québécoise. On ne sait plus du tout où cela s'en va; c'est la confusion la plus totale à propos d'un dossier absolument vital pour le Québec. Même si ce gouvernement réussissait à définir ses positions, ce qu'il va forcément faire avant la Trinité, puisque le premier ministre en a pris l'engagement formel, ce gouvernement n'a jamais fait la démonstration qu'avec sa politique de provincialisation accélérée le Québec aura le moindre pouvoir de négociation. Il est évident, M. le Président, que le Québec n'aura pas de pouvoir de négociation et qu'il va être dans une position de très grande faiblesse dans toute discussion constitutionnelle. Contrairement à ce que le ministre a déjà affirmé l'année dernière, que les circonstances étaient propices, il est évident que les circonstances ne sont pas propices du tout, que le Québec est en position de très grande faiblesse. Le gouvernement semble ne s'être jamais posé une question absolument fondamentale quand on parle de questions constitutionnelles. C'est la question de savoir si le Canada va consentir à modifier, de façon appréciable, de façon substantielle, une constitution qu'il s'est donnée au prix de très lourds efforts, de très grands efforts répartis sur une période de plusieurs années.

Cela a été, pour le Canada, un

processus pénible et difficile d'élaborer cette constitution dont il est satisfait et, en plus d'en être satisfait, le Canada en est extrêmement fier, parce que vous aurez beau - les péquistes convertis au néo-fédéralisme -faire toutes sortes de reproches à l'ancien gouvernement fédéral, à l'administration Trudeau, vous ne pourrez jamais nier le rôle historique, puisque vous vous préoccupez de rôles historiques, vous ne pourrez jamais nier le rôle historique de Pierre Trudeau qui a donné une nouvelle conscience au Canada, une nouvelle conscience de lui-même, qui a suscité au Canada l'émergence d'un nouveau nationalisme, d'un nouveau patriotisme. C'est un fait historique que vous ne pourrez jamais nier.

Face à ce fait, dans ce contexte d'ensemble, il est évident, M. le Président, que le Canada n'est pas du tout disposé à porter atteinte à ce monument, à cet édifice qu'est la nouvelle constitution canadienne. Des changements de substance à la nouvelle constitution canadienne, il n'en est pas question dans le contexte actuel. Il ne pourrait en être question que si le Québec était dans une position de plus grande force que sa position de plus grande force réalisée jusqu'ici.

Or, c'est exactement le contraire qui arrive. Le Québec est dans sa position de plus grande faiblesse des temps modernes. C'est cela l'oeuvre du gouvernement qui est devant nous. C'est un rapetissement du Québec, c'est la provincialisation du Québec, c'est l'archiprovincialisation du Québec. Dans cette situation, vous pourrez fignoler les positions constitutionnelles que vous voudrez, vous pourrez bricoler ce que le premier ministre appelle la plomberie et la tuyauterie tant que vous voudrez, vous allez vous heurter, malgré tous les sourires du pensionnaire du 24 rue Sussex à Ottawa, à une fin de non-recevoir et vous allez humilier le Québec. Vous allez arriver à Ottawa avec des propositions indignes et qui ne feront pas la part de ce que le Québec doit jouer comme rôle historique et vous allez vous heurter, même avec cette vente à rabais, à un refus. Le Québec sera doublement humilié et doublement rapetissé. C'est cela l'oeuvre à laquelle le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes convie la population du Québec. C'est pour cette oeuvre-là qu'il veut dépenser des crédits augmentés de 48,4 %.

M. le Président, je pense qu'il y a une conclusion à tirer de l'étude des crédits de ce secrétariat ou de ce morceau de gouvernement, c'est que c'est indigne et honteux de réclamer des crédits augmentés de presque 50 % pour accélérer le rapetissement du Québec et accentuer la provincialisation du Québec, pour mettre fin non seulement à la vocation internationale du Québec, mais au rôle fondamental que le

Québec aurait pu jouer dans la fédération canadienne s'il y avait eu pour nous diriger un gouvernement conscient de sa mission et de ses responsabilités. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le ministre, vous avez maintenant 20 minutes pour chacune des interventions.

M. Johnson (Anjou): Oui. Je ne sais pas si le député de Rosemont veut intervenir, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rosemont, immédiatement.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, très brièvement. Je pense qu'au moment de l'étude des crédits du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes il faut, comme mon collègue vient de le faire, se poser des questions d'ensemble, quelle est la force de négociation du Québec? Pour ma part, j'ai l'intention de soulever une autre question. J'en suis rendu à ne même pas demander à ce gouvernement d'être un grand défenseur des droits et des intérêts du Québec et à me demander tout simplement s'il poursuit une politique un tantinet autonomiste. On regarde la trajectoire du gouvernement depuis le début de l'automne et on se rend compte que, tant sur le plan des dossiers concrets que sur le plan des ententes-cadres, il y a à peu près 1 000 000 000 $ en moins que dans les ententes signées sous le gouvernement précédent. Quelle a été l'attitude du gouvernement? Présenter cela comme une énorme victoire du Québec, c'était tellement extraordinaire de pouvoir signer des ententes. Or, il y aura moins d'argent pour le développement économique du Québec dans ces ententes.

L'automne dernier, le gouvernement fédéral a commencé à couper dans ses programmes. Après avoir mentionné que sur le plan, par exemple, de la recherche scientifique il allait doubler les crédits, on a commencé à couper dans les centres de recherche, dans les programmes du Conseil national de recherche et cette attitude est en train d'annuler complètement les efforts du gouvernement québécois. Le gouvernement québécois investit de l'argent dans la recherche et le gouvernement fédéral en retire. Est-ce qu'on a eu une déclaration du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou de son collègue, le ministre de la Science et de la Technologie, pour réclamer l'application des engagements du gouvernement fédéral ou, au moins, le respect des priorités du Québec. Pas un mot, M. le Président.

Récemment, en ce qui concerne l'habitation, on se rend compte que le Québec est la province qui a été la plus coupée dans les programmes d'habitation. A-t-on entendu le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou le ministre de l'Habitation protester et réclamer un réalignement des politiques fédérales? Pour ce qui est de l'assurance-chômage également, le Québec a été parmi les plus pénalisés. A-t-on entendu le ministre de l'Emploi, ou la ministre de la Main-d'Oeuvre, ou le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes protester contre ces coupures inacceptables qui touchent le Québec où sévit le taux de chômage parmi les plus hauts des provinces canadiennes? C'est l'administration au jour le jour. Est-ce l'attitude même d'un gouvernement autonomiste? Certainement pas, M. le Président. C'est la population du Québec qui en pâtit.

On nous annonce des négociations constitutionnelles qui 'viendront bientôt. Je vais passer par-dessus les divergences d'opinions qui s'expriment dans le gouvernement. Le secret dans les négociations constitutionnelles ne m'inquiète pas tellement. Il est normal que le gouvernement ne dévoile pas ses batteries, s'il en a. Ce qui est inquiétant, c'est plutôt ce qu'on sait, ce n'est pas ce qu'on ne sait pas; c'est ce qu'on sait. Ce qu'on sait, c'est que lors de la visite de Mulroney à l'automne le gouvernement du Québec n'avait toujours pas de position constitutionnelle. Actuellement, on a l'impression qu'il y a des bribes de position constitutionnelle et que le gouvernement commence à négocier en cédant des choses et des positions traditionnelles du Québec, même dans la perspective d'un gouvernement autonomiste, avant même d'avoir commencé à négocier.

Le premier ministre dit: La balle est dans notre camp. Je regrette, M. le Président, mais la balle n'est pas dans notre camp. Le Québec a refusé à bon droit de signer l'accord constitutionnel et c'est son seul pouvoir de négociation actuellement. C'est au gouvernement fédéral de présenter les offres qu'il compte faire pour rapatrier le Québec, comme a dit le premier ministre canadien à un moment donné. Or, qu'est-ce qu'on constate? Un gouvernement québécois qui, en plus de passer sous le tapis toutes les coupures, toutes ces restrictions à la possibilité pour notre société de faire face au défi de l'emploi et de la technologie... Non seulement on le passe sous silence, mais on commence par dire que la balle est dans notre camp et on va nous-mêmes présenter les premières offres en reculant sur les positions de l'Assemblée nationale, lors des discussions du "Canada Bill", et en commençant à céder sur des choses comme la question linguistique, sur la question du droit à l'autodétermination qui n'est pas censée faire partie des négociations. On se demande même ce qu'il y a d'autonomiste. On est très loin des positions traditionnelles du Québec en matière de constitution.

M. le Président, j'attends du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qu'il nous précise quelle est son attitude, qu'est-ce qu'il espère obtenir dans cette position de faiblesse où se trouve le gouvernement du Québec et si on peut espérer un changement d'attitude. Est-ce qu'on peut espérer avoir, pour les mois qui viennent, un gouvernement du Québec qui va au moins défendre les droits fondamentaux du Québec et sa capacité de faire face au défi de l'avenir? On aura des questions un peu précises vers la fin de la matinée.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Rosemont. M. le ministre, contrairement è ce que j'ai dit tantôt, je ne voudrais pas vous induire en erreur, vous avez un droit de parole de vingt minutes.

M. Pierre-Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): Cela va, M. le Président, je pense que cela va être suffisant pour répondre à deux choses de nature matérielle. D'abord, l'augmentation du budget du ministère qu'heureusement le député de Deux-Montagnes, dans sa tirade qui relève d'un splendide isolement qui s'autosuffit, n'attribue pas, je crois, au grand coût du fédéralisme. Essentiellement, il s'agit de transferts d'effectif; 80 %, 85 % de cette somme, ce sont des transferts d'effectif qui relevaient d'autres postes budgétaires dans d'autres ministères, notamment ceux du Conseil exécutif à l'OPDQ.

Deuxièmement, quant aux ententes de développement régional, on a tenté de concilier les chiffres qu'avait évoqués le député de Rosemont avec ce que nous possédons. On ne parvient pas à le faire parce qu'on ne sait pas où il a pris ses chiffres. Tout ce qu'on peut vous dire, c'est qu'en cinq ans, d'argent réellement déboursé par l'État fédéral dans le développement économique régional, on va retrouver une somme équivalente à celle des dix dernières années. On peut bien chinoiser tant qu'on voudra sur des morceaux à gauche, à droite, les crédits périmés et le reste; on dit simplement que ce qui va faire l'objet et ce qui est en train de faire l'objet des ententes auxiliaires et ce qui a fait l'objet de l'entente-cadre, ce sont des dépenses fédérales dans ces secteurs, dans un contexte où on a des ententes qui nous permettent d'harmoniser plus intelligemment les priorités de tout le monde, non sans difficulté. On a l'équivalent des sommes d'argent qui ont été mises dans les dix années précédentes. Il peut bien faire la gymnastique qu'il voudra

avec cela, ce sont les faits. (II h 15)

Sur le reste, j'ai été frappé par un certain nombre d'incohérences, M. le Président, d'abord chez nos collègues de Deux-Montagnes et de Rosemont, qui nous ont malheureusement déjà quittés, dont l'opposition circonstancielle semble avoir du ciment pas mal mouillé. On a, d'une part, le député de Deux-Montagnes qui commence ses propos en disant qu'on n'est pas assez séparatiste ou on est trop fédéraliste et qui les termine en disant qu'il faut augmenter le poids spécifique du Québec dans les négociations constitutionnelles. On a le député de Rosemont qui essaie de tenir le discours tourné vers le passé, comme disait son collègue, le traditionnel discours indépendantiste et qui termine en disant qu'on devrait être un peu plus autonomiste dans nos revendications. Je pense que ces incohérences, M. le Président, sont probablement un reflet d'un malaise assez profond chez ses collègues, mais qui traduit aussi, il faut bien le dire, le malaise d'un certain nationalisme au Québec depuis quelques années.

Ce qui est en question, M. le Président, c'est d'abord et avant tout l'évaluation de la réalité qui nous entoure. J'entends, dans l'analyse du député de Deux-Montagnes, qu'il s'est développé un nouveau nationalisme au Canada auquel participent une partie des Québécois, c'est vrai, et que cela fait qu'ils ne toucheront jamais au "Canada Bill".

À côté de cela, j'entends le député de Jean-Talon qui nous parle du fédéralisme idéal du livre beige... Pardon!

M. Rivest: C'est celui de M. Mulroney, notre ami commun.

M. Johnson (Anjou): ...et qui nous parle de cette énergie extraordinaire qu'il faut déployer pour faire des schémas théoriques comme on le fait depuis vingt ans au Québec chaque fois qu'il est question de relations fédérales-provinciales. On oublie une chose: chaque fois que le Québec a gagné quelque chose depuis qu'il est dans la Confédération ou depuis qu'il vit dans des institutions dans lesquelles notre population est devenue minoritaire graduellement sur cette partie du continent, c'est parce que, premièrement, on s'est battu pour le faire; deuxièmement, on l'a fait en amenant des consensus de ceux et celles que cela intéressait et, troisièmement, notre population se retrouvait dans ces revendications.

Le Parti libéral nous offre un modèle idéal au nom de son acte de foi dans un Canada qui n'a pas hésité à planter le Québec en 1982, plutôt que de se concentrer sur ce que constituerait, pour l'immédiat, compte tenu des conséquences du "Canada Bill" dans son application sur notre territoire, non seulement une façon pour le Québec de se défendre contre les abus qui peuvent découler de l'interprétation judiciaire du "Canada Bill", mais également la nécessité pour le Québec, alors qu'il est lui-même en train de se remettre en cause quant au rôle de l'État, quant aux changements et aux mutations profondes qui touchent notre société, de redéfinir plus clairement le rapport très pragmatique que le Québec doit avoir avec l'ensemble canadien.

C'est très beau de nous dire avec un trémolo, comme le fait le député de Jean-Talon, qu'il est québécois et canadien. C'est très beau de dire, dans les rares questions qu'il pose en Chambre sur ces sujets... Malgré son intérêt, nous dit-il, pour ce sujet, il est pourtant très silencieux à l'Assemblée nationale, en tout cas à la période de questions. C'est très beau pour lui de nous dire avec trémolo: Mon pays, le Canada. Mais le Canada a tassé le Québec en 1982 et d'une façon qui nous permet, premièrement, de constater que cela a été fait cyniquement et, deuxièmement, que cela n'a pas été sans conséquences.

Il est du rôle de tout gouvernement du Québec de s'assurer, d'une part, que ces conséquences soient les moins néfastes possible pour le territoire québécois, ses institutions, sa Législature et, deuxièmement, de tenter d'amorcer un minimum de dynamique qui permette au Québec d'occuper le plus de place possible, de faire triompher le mieux possible ses intérêts. Cela n'a rien à voir avec les actes de foi trémolo. Cela a à voir avec la réalité qui nous touche, cela a à voir avec la réalité qui touche quotidiennement nos concitoyens qui, c'est vrai, ont un taux de chômage plus élevé qu'en Ontario maintenant, comme cela a toujours été le cas, bien que la différence soit réduite, je crois, grâce à l'action énergique du gouvernement dans beaucoup de domaines.

Il faut s'occuper de ces problèmes. Il faut se préoccuper non pas de la définition d'un fédéralisme idéal qui, à tout jamais, prétendrait satisfaire l'opinion d'un gouvernement qui considère qu'il n'a pas eu un mandat en 1980 de réaliser la souveraineté-association ou de l'enclencher, mais il faut nous assurer que l'essentiel est préservé pour le moment et, deuxièmement, que l'avenir n'est pas mis en cause.

Le Parti libéral préfère, lui, plutôt se concentrer encore une fois sur la définition d'un fédéralisme idéal, se préoccupant de ce qui peut se passer à Moose Jaw comme à Vancouver ou à Halifax, alors que ce qui nous préoccupe - oui, c'est vrai - ce sont largement des préoccupations immédiates dans le secteur économique. Je considère qu'il n'y a aucun mal à cela, c'est notre rôle en ce moment de nous assurer que les effets de la reprise se manifestent le plus

clairement possible pour le Québec.

M. le Président, le député de Jean-Talon savait très bien ce matin qu'il me mettait dans une position où je ne pourrais pas ouvrir comme je l'aurais souhaité devant sa réplique, puisqu'il savait et puisque j'ai eu l'occasion de dire dans mes propos préliminaires que tout ce qu'il y a à dire sur le dossier constitutionnel sera évoqué en temps et lieu par le premier ministre.

Sur les questions spécifiques d'absence de réaction du Québec, par exemple, à l'énoncé de politique de M. Wilson, je lui dirai trois choses. La première, c'est que quand M. Wilson a fait son énoncé de politique il semblait qu'un certain nombre de choses ne soient pas arrêtées dans le processus décisionnel à Ottawa et on a eu bien raison de croire qu'un certain nombre de choses n'étaient pas arrêtées quand on a vu le débat qui s'est ensuivi sur la question de l'universalité des programmes. J'ai eu l'occasion de rencontrer des intervenants des milieux sociaux ou d'ailleurs qui m'ont dit: Allez-vous dénoncer la position fédérale à l'égard de l'universalité des programmes? J'ai eu l'occasion de leur répondre: Quelle position fédérale sur l'universalité des programmes? Parce qu'il n'y en avait pas de position fédérale sur l'universalité des programmes et sur les transferts aux citoyens. D'une part, vous avez un ministre de la 5anté à Ottawa qui évoque que cela ne sera jamais touché, une révision qui est censée être faite par un ministre, M. Neilsen, pour les fins de répondre à la problématique budgétaire et administrative, qui semble laisser entendre le contraire, les engagements du premier ministre Mulroney voulant que les programmes sociaux soient "sacred trust" et, finalement, on n'a pas de politique à cet égard. On ne réagira pas à un res nullius; quand ils en auront une, on réagira.

Deuxièmement, le budget de M. Wilson, il s'en vient, cela va être le 23 et je présume que dans la semaine ou dans les jours qui suivront mon collègue des Finances aura un certain nombre de choses à dire.

Troisièmement, quand j'entends le député de Jean-Talon me parler du silence du Québec devant certaines coupures fédérales, il a raison sur un certain nombre de choses. Il faut bien voir que ce néocanadianisme que nous décrivait le député de Deux-Montagnes et auquel semble adhérer spontanément le député de Jean-Talon, il s'est bâti par une administration des fonds publics à Ottawa totalement irresponsable sur une période d'au moins six ans. Le problème du Canada en ce moment et, donc, du Québec, c'est celui de savoir si c'est le Fonds monétaire international qui va venir gérer la baraque ou s'il va y avoir moyen, sur le plan économique, de faire une place à l'État et aux États qui permette ici les bases d'un développement économique qui soit sain et créateur d'emplois sur une base permanente et qu'on puisse continuer de transférer de la richesse dans cette société, ce qui présuppose qu'on en a à transférer.

Je ne peux pas être insensible, malgré le fait que cela semble impopulaire aux yeux du député qui, lui, reprend les rengaines des 20 dernières années. On ne peut pas dire: Oui, on veut participer à un effort de développement économique, on veut vivre le fédéralisme comme une contrainte, pas comme une vertu et pas comme un objet qui nous empêche de dormir tous les soirs, pour parler d'un autre député, on veut vivre cela comme une contrainte.

Je ne peux pas me fermer les yeux sur le fait qu'on n'a pas le droit de se lever et de dénoncer un certain nombre de mesures exactement comme on le faisait à l'époque. Ou bien il y avait des ressources illimitées pour régler les problèmes sociaux, ou bien à l'époque le gouvernement fédéral se permettait de dépenser comme il le voulait, quand il pouvait et comme cela lui tentait. Cela a donné 35 000 000 000 $ de déficit. Cela a donné un taux d'endettement de la population québécoise, comme de la population canadienne, qui est énorme. On aura beau se mettre la tête dans le sable, pour reprendre l'expression d'un député de l'Opposition, cela fait partie de l'environnement politique et réel du Québec, cela fait partie de l'environnement dans lequel on va essayer d'avoir des politiques économiques qui vont nous permettre de structurer ici une économie viable qui donne . des emplois. Puis, la théorie à côté de cela, que ce soit celle du fédéralisme idéal ou celle du splendide isolement du député de Deux-Montagnes, autosuffisant et théorique, elle ne peut pas se frotter de façon adéquate à la réalité. La réalité est aussi interne au Québec. Ce n'est peut-être pas le lieu pour en parler, j'aurai sans doute d'autres occasions et mes collègues aussi auront d'autres occasions d'en parler, mais c'est aussi de considérer qu'avant de parler de l'édification théorique du fédéralisme ou avant de parler du splendide isolement du député de Deux-Montagnes il faut peut-être vivre très concrètement les années qui viennent.

Encore une fois, il faut considérer que l'appartenance québécoise au fédéralisme tel qu'il est vécu, c'est une contrainte de notre réalité de développement et, quand c'est une contrainte, tu n'as pas le droit de fermer les yeux dessus; quand c'est une contrainte, tu n'as pas le droit de fermer les yeux pour décrire une édification idéale ou pour décrire une chose inexistante.

Pour le moment, il faut faire fonctionner les choses. Pour le moment, il faut donner au Québec sur le plan institutionnel cet espace essentiel dont il a

besoin, parce qu'il est le seul territoire où notre peuple contrôle un certain nombre d'institutions et où, au sens large, ce qui relève de la langue, de l'éducation, de l'intégrité, du caractère majoritairement francophone du territoire québécois doit être défendu, mais il faut aussi gagner des choses.

Le Parti libéral nous offre dans sa cohérence une exposition du Québec en termes de faiblesse qui est aussi significative que la faiblesse relative dans laquelle le Québec s'est mis lui-même en 1980. Si nous avons vécu le rapatriement de la constitution, avec les fausses promesses qui ont été faites par les alliés de mon collègue dans le comité du non, ce non qui devait signifier un oui au fédéralisme renouvelé et qui s'est traduit par un rapetissement du Québec, par une diminution de son espace et de sa marge de manoeuvre dans la fédération canadienne, c'est que nous nous sommes nous-mêmes, comme société, mis en position de relative faiblesse. Et c'est à partir de cette constatation de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons être que nous avons à agir. Encore une fois, les mois qui viennent, quant è moi, seront caractérisés par une définition des intérêts du Québec qui passe à travers les éléments de sa spécificité qui doivent être reconnus, qui nous permette de diminuer les effets les plus nocifs du "Canada Bill" sur notre territoire et qui nous permette aussi non seulement de préserver l'avenir dans une action qui implique la coopération mais aussi, avec des parties de bras de fer avec l'État fédéral, dans une action énergique dans le domaine du développement et particulièrement le développement économique. (11 h 30)

Discussion générale

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Avant d'aborder l'étude des programmes un par un, je voudrais savoir s'il y a d'autres remarques préliminaires de la part des autres collègues. M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, le ministre a répété un peu son attitude. Mais je note que ses propos - je pense qu'il en conviendra avec moi - ne constituent pas ce que j'ai demandé. Il ne veut pas parler du dossier constitutionnel ou enfin des cas...

M. Johnson (Anjou): Vous n'allez tout de même pas faire de moi un rouge, voyons donc.

M. Rivest: Non, mais je vous ai demandé d'évaluer vos propositions constitutionnelles, les quatre ou cinq conditions d'acceptation de ta Loi constitutionnelle de 1982, en regard des conséquences nouvelles, des conséquences très concrètes qu'il pourra y avoir à l'égard de la poursuite éventuelle du processus de négociation, c'est-à-dire évaluées dans le cadre d'une politique générale de réforme du fédéralisme canadien, mais je ne suis devant rien. Vous dites que vous vous êtes consacré à l'essentiel.

Justement, l'essentiel, ce ne sont pas seulement les quatre ou cinq éléments -c'est ce que j'ai essayé de vous exprimer en matière de révision constitutionnelle société distincte, dualité canadienne, partenaire majeur de la fédération canadienne - je suppose que vous allez accepter cela dans le préambule - le pouvoir de dépenser, les questions linguistiques et ces choses-là. Mais, une fois que vous aurez fait cela, il y a tout l'appareil fédéral, toute la structure fédérale du pays. Vous pouvez ne pas y croire au fédéralisme ou faire semblant d'y croire pour les fins de l'exercice préélectoral actuel. Là-dessus, vous n'avez absolument rien répondu.

L'autre aspect, je ne vous demande pas de faire les crises plus ou moins "hystérico-préréférendaires" que vous faisiez à l'époque contre les libéraux fédéraux; je vous demande sobrement de défendre les intérêts du Québec lorsqu'il s'agit, comme mon collègue de Rosemont l'a évoqué et comme moi-même je l'avais évoqué, de coupures sur l'assurance-chômage, d'écrire et de dire publiquement au gouvernement fédéral: Voici les conséquences que cela a pour le Québec. Je vous demande de le dire sobrement et publiquement. C'est tout ce que je vous demande.

Formule de péréquation

Je vais vous donner un exemple concret et vous poser une question, par exemple au sujet du dossier de la péréquation. J'ai été étonné, alors que en 1982, année de la loi sur les arrangements fiscaux, et les trois années suivantes il y avait des garanties compensatoires, qu'une proposition ferme de la part du gouvernement du Québec au sujet de la formule de péréquation n'ait été transmise au gouvernement canadien - non pas des intentions de principe - que le 22 février 1985, soit plus de six mois après l'élection, où vous aviez demandé une réduction de 2 % des paiements en vertu de la loi sur les arrangements fiscaux. Comment se fait-il que cette proposition, d'une part, n'ait pas été rendue publique? À ma connaissance, elle n'a pas été rendue publique à ce moment-là. D'autre part, comment se fait-il qu'elle n'ait été transmise au gouvernement canadien qu'au début de février? Pour un dossier important, pourquoi ne l'avez-vous pas dit publiquement que vous vouliez cela?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si le député le permet, avant de lancer des accusations, je lui ferai remarquer que...

M. Rivest: Ce ne sont pas des accusations, ce sont des faits.

M. Johnson (Anjou): Alors, il en manque un morceau.

M. Rivest: Oui.

M. Johnson (Anjou): II y a eu une rencontre, au mois de décembre, entre les deux premiers ministres et le dossier de la péréquation était un dossier central dans ces discussions.

M. Rivest: Je vais être plus précis dans ma question. Comment se fait-il que... Je comprends qu'il y a eu une rencontre où les premiers ministres ont évoqué des possibilités. Comment...

Le Président (M. Gagnon): Si vous me le permettez, M. le député de Jean-Talon -avant de continuer dans cette foulée, dans ce genre de discussion - entreprenons-nous l'étude des programmes ou si vous vous entendez pour que, pendant les cinq heures...

M. Rivest: On discute d'un certain nombre...

Le Président (M. Gagnon): ...allouées à l'étude des crédits, on entende ce genre de remarques?

M. Rivest: Si vous me permettez, j'ai indiqué au ministre que je soulèverais peut-être une dizaine de dossiers environ. Une fois qu'on aura fait cela dans le peu de temps qui nous est imparti, à ce moment-là on adoptera les crédits. À moins que les collègues aient des... Si le ministre consent.

Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le ministre? Donc, on laisse aller la discussion largement, mais je veux faire adopter les programmes pour 17 heures.

M. Rivest: Je vous dis que dans une note de M. Louis Bernard, secrétaire général du Conseil exécutif, à M. Bernard Roy, du cabinet du premier ministre, c'est là que la proposition ferme - le 22 février - a été transmise. Moi, je vous dis deux choses. Je ne dis pas que la proposition n'est pas sereine, ni bonne, pour régler un problème comme la péréquation, mais je vous pose deux questions. Sachant que de toute façon ce dossier était sur la table depuis 1982, comment se fait-il qu'on attende le 22 février, six mois après l'élection d'un gouvernement canadien et qu'on ne dise pas publiquement que c'est cela la position du

Québec? Il me semble qu'on aurait pu au moins...

Un ministre aurait pu faire une conférence de presse et dire: Voici, la péréquation, cela nous enlève tant. Voici, la proposition qu'on a transmise au gouvernement canadien, on va la discuter. C'est 2 % de diminution par rapport è ce qui avait été versé selon l'ancienne formule; c'est cela qu'on a recommandé. On disait que la perte du Québec, au lieu d'être 750 000 000 $, serait réduite à 450 000 000 $.

C'est là le type de question, dans le fonctionnement de votre attitude avec le gouvernement canadien, que je déplore. J'en ai cinq, dix et quinze exemples. C'est cela que je conteste.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, avant que le député continue avec ce type d'exemple, je vais le prendre. D'abord, le contenu du dossier de péréquation est connu depuis 1982.

M. Rivest: La proposition du Canada.

M. Johnson (Anjou): Le ministre des Finances du Québec d'alors a fait à peu près une demi-douzaine de conférences de presse, de déclarations publiques, de déclarations ministérielles, reprises par la suite par d'autres membres du gouvernement, que ce soit le Conseil du trésor, que ce soit le premier ministre lui-même. Donc, qu'on ne vienne pas me dire que les enjeux n'étaient pas connus. Cela faisait trois ans qu'on en parlait sur la place publique.

M. Rivest: Les enjeux du Québec. La proposition du...

M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, au moment où il y a eu l'élection du nouveau gouvernement, on pensait, le Québec s'étant fait tasser comme il s'était fait tasser sur le plan de la péréquation, en 1982, par la loi qui est "euphémistiquement" appelée la Loi sur les accords fédéraux-provinciaux en matière de transfert, qu'il y aurait peut-être une chance d'aller chercher quelque chose. On a ressorti notre dossier. Des pourparlers ont eu lieu entre les fonctionnaires des deux ministères des Finances. Des pourparlers ont eu lieu entre un certain nombre de mes collègues et d'autres collègues fédéraux intéressés à ce dossier. Je pense, notamment, au président du Conseil du trésor; je pense aux discussions que j'ai eues avec le ministre des Finances fédéral à une occasion, avec le ministre du Développement régional aussi, dont ce n'était pas le dossier mais qui fait partie du comité des priorités. Et ensuite, après ces échanges au niveau des ministères sectoriels, le premier ministre du Canada a décidé de se saisir du dossier et en a parlé

avec le premier ministre du Québec au mois de décembre. Par la suite, il y a eu transmission de la proposition dont on parle. Il faudrait peut-être donner le portrait au complet.

M. Rivest: Pourquoi, è ce moment-lè, l'opinion publique, l'Assemblée nationale, sur une question aussi fondamentale que celle-là... Cela a coûté énormément cher au Québec. Je comprends que vous admettiez, dans la note, que le gouvernement fédéral avait des difficultés financières; c'était raisonnable de le faire. Mais, mon point de vue, ce n'est pas que la proposition que vous avez formulée était déraisonnable, n'avait pas été préparée, ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire que l'opinion publique...

Je vous parlais du secret et des cachettes; je vous dis que ce n'est pas sain. Il me semble qu'on le transmet - il y a des moyens - au gouvernement canadien, on s'entend avec lui pour le rendre public. Car le juge de tout cela, ce n'est ni M. Mulroney, ni vous-même à Québec, c'est l'opinion publique. Sur un dossier comme celui-là, on ne dit rien. Et, finalement, la solution arrive et on entend les commentaires et la réaction au discours sur le budget. Il me semble quel'Assemblée nationale et l'opinion publique avaient le droit de savoir que la proposition ferme du gouvernement du Québec était une réduction de 2 %; au lieu de nous faire perdre 750 000 000 $, cela nous aurait fait perdre des centaines de millions de moins - enfin, c'était raisonnable - plus l'ouverture éventuelle, ce que vous proposiez... Il me semble qu'on avait le droit d'obtenir cela. Je plaide pour cela et c'est cela que je reproche comme attitude au gouvernement.

Entente-cadre

Je peux donner un autre exemple. Dans l'affaire de Domtar... Je vous le signale, parce que j'ai trouvé cela assez étonnant. Cela a été publié dans la Gazette officielle du 2 mai. Quand je constate, à la publication... Il me semble que cela n'a pas été dit nulle part, mais il me semble que les autres régions... Comme mon collègue M. Paquette l'a signalé, l'ancien gouvernement libéral avait promis la subvention et le nouveau gouvernement, pour des raisons qui lui sont propres et particulières, refuse. Il y a une négociation qui s'engage et c'est un très grave problème pour les employés de Domtar. On trouve une solution, mais il me semble qu'on a le droit, ailleurs que quelque part dans le fond de la Gazette officielle du 1er mai 1985, de trouver que les intérêts d'un prêt de quelque 150 000 000 $ consentis par la Société de développement industriel vont être remboursés à même l'entente-cadre Québec-Canada, entente-cadre qui devait initialement servir, au moment où elle a été signée, pour toute autre fin et probablement toute autre région que celle-là. Pourquoi ne l'établit-on pas clairement? Cela est un autre exemple que je vous indique.

M. Johnson (Anjou): D'abord, on n'était pas sûr, jusqu'au moment de la signature de l'entente-cadre avec Ottawa, au mois de décembre de ce que couvrait la réalité de l'action fédérale depuis deux ans dans le domaine du développement économique régional. C'est de là qu'on partait, il faut bien le voir. Quand Marc Lalonde est allé annoncer qu'il allait mettre 111 000 000 $ au Québec, les 111 000 000 $ dont il parlait et avec lesquels il a réussi à rénover des toits d'église, en même temps qu'à faire des centres d'accueil et à installer des PME -cela allait dans toutes les directions et cela se décidait, la moitié du temps, dans le bureau du député libéral - on ne savait pas exactement ce que cela recouvrait comme réalité. Est-ce que c'étaient des programmes réguliers du fédéral? Est-ce que c'était de l'argent nouveau? Est-ce que cela émargeait au MEIR? Est-ce que cela allait directement au fonds consolidé? On a même découvert en cours de route, nous a dit le -président du Conseil du trésor à Ottawa, que le fonds La Prade, c'était une espèce d'entité dont les fondements étaient un communiqué de presse. Et le Vérificateur général a eu un peu de difficulté à se retrouver dans cela.

On partait de loin, là. Quand on dit que, pour la période de dix ans qui a précédé notre entente, le fédéral a mis pas tout à fait 1 000 000 000 $ et qu'il va mettre 1 000 000 000 $ dans les cinq prochaines années dans le 1 000 000 000 $ dont on parle des ententes précédentes, des ententes auxiliaires et notamment de celles de 1974 et de 1978, on est assez sûr des montants et de leur affectation pour la période qui va jusqu'à 1981 et 1982; une partie du reste que le fédéral imputait à sa présence en matière de développement économique régional n'était pas identifié -l'expression en anglais, c'est "tagged" spécifiée. On a découvert pourquoi il dépensait de l'argent de "monopoly". Ce n'est pas compliqué. C'était branché directement sur le fonds consolidé à Ottawa. Ce n'est pas vrai qu'il y avait des programmes. Il donnait un nom à du discrétionnaire qui s'appelait du développement économique régional.

Quand on a signé avec le fédéral, avec M. Sinclair Stevens - et on a eu l'occasion de le dire publiquement à ce moment - on s'est assurés de donner un cadre précis aux dépenses fédérales dans ces domaines, de se donner des instruments qui s'appellent des ententes auxiliaires, technique que le député connaît bien et qui avait été utilisée anté-

rieurernent, et de tenir pour acquis qu'on introduirait là-dedans la souplesse nécessaire pour régler des problèmes que les gouvernements considéraient comme prioritaires. Et on le sait, il y a une partie de ces crédits qui sont l'équivalent d'un financement fédéral à des programmes de l'État québécois, comme cela a toujours été le cas dans le passé, et où il s'agit pour l'essentiel d'avoir une participation fédérale à ce que sont vraiment des priorités et des activités qui, dans certains cas, sont de la juridiction exclusive du Québec et, dans d'autres cas, sont quelque part dans le flottement des juridictions.

Dans le cas de Domtar, parce que c'est un dossier prioritaire pour le gouvernement du Québec et parce que nous avions l'impression... Je vais vous le dire bien simplement: C'est vrai que les libéraux avaient promis Domtar, au fédéral, comme ils ont promis tellement d'autres affaires sur lesquelles ils n'ont pas livré la marchandise. Je regrette, je ne considère pas qu'on partait d'un Domtar qui était fait et qu'on a été obligé de se battre parce que le nouveau gouvernement fédéral a décidé d'y mettre fin. On est parti, d'un Domtar qui ne s'en allait nulle part et on a réussi à faire Domtar. On a laissé jouer les intervenants comme cela devait se faire. On n'est pas grimpé dans les rideaux, mais on a fait notre boulot et cela a réussi. Si le reproche que nous fait le député, c'est un reproche de style, bien, peut-être. (11 h 45)

M. Rivest: Je vais vous donner trois autres exemples concrets où il me semble qu'on a le droit de savoir - c'est dans une note sur la rencontre entre M. Clark et M. Landry - premièrement, les maisons du Québec; deuxièmement, le sommet de la francophonie et troisièmement, la participation du Québec aux conférences internationales.

N'est-il pas vrai que le gouvernement canadien a souligné au gouvernement du Québec, dans le renouveau, qu'il était inquiet de la multiplicité des maisons du Québec à l'étranger et qu'à cet effet il proposait la formule des condominiums, dans lesquels certaines maisons du Québec feraient partie des ambassades canadiennes?

Deuxièmement, n'est-il pas vrai que le ministre Landry a affirmé - à mon avis, c'est très grave quand je vous dis que vous n'avez pas de politique sur le plan des relations fédérales-provincales - au ministre Clark, en ce qui concerne la participation du Québec au GATT, par exemple, chose que, en l'occurrence, je trouve correcte pour ce qui est du GATT - j'ai une note ici - que le MAE, le ministère des Affaires...

Une voix: Étrangères.

Une voix: Affaires extérieures. M. Rivest: Affaires étrangères... Une voix: ...

M. Rivest: ...extérieures peut être assuré que le Québec admet le principe de l'unicité de la voix en ce qui concerne la délégation canadienne et que le cabinet fédéral donne les mandats?

Je n'ai pas d'objection à ce qu'on fasse un tel virage dans les attitudes du Québec. Quand un ministre québécois admet cela, première chose, l'opinion publique, il me semble, a le droit de savoir que c'est maintenant la position du gouvernement du Québec. Deuxièmement, je me demande si, en tant que ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, vous avez évalué les conséquences d'une telle attitude en ce qui concerne la participation du Québec à des organismes, par exemple, dans le domaine du travail, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé où on a un intérêt particulier.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si le député le permet, je vais tout de suite jeter un peu d'eau sur sa mèche. D'abord, le procès-verbal dont il parle, c'est au chapitre 2, Participation au dialogue économique international.

M. Rivest: Oui.

M. Johnson (Anjou): Pas le Bureau international du travail, pas l'UNESCO: le dialogue économique international. Ce que dit le procès-verbal: "Le ministre québécois - en l'occurrence mon collègue des Relations internationales - affirme que le ministère des Affaires extérieures peut être assuré que le Québec admet le principe de l'unicité de la voix et que le cabinet fédéral donne les mandats (GATT)."

M. Rivest: Pourquoi ne dites-vous pas cela publiquement?

M. Johnson (Anjou): "Son approche en est une d'équipe axée autour du partage des compétences." Autour du partage des compétences. "La présence de représentants des provinces rehausse, compte tenu du système politique, la crédibilité de la délégation politique canadienne". Ce dont on parle, ce sont les accords multilatéraux. On ne parle pas de l'UNESCO et ni du BIT. Le député sait fort bien que cela fait des années que le Québec - non seulement il le revendique, mais il le fait - s'organise pour avoir une représentation, qui ne peut pas être autonome dans certains organismes internationaux parce qu'on n'a pas obtenu la reconnaissance, qui soit clairement identifiée

dans les domaines de sa juridiction. La théorie du prolongement des compétences en matière internationale constitue un des fondements de l'action internationale du Québec depuis vingt ans et elle continue de former un de ses fondements.

M. Rivest: Je ne suis pas contre. C'est toujours le même point que je vais souligner, et j'en ai des exemples. Je suis devenu presque l'agent d'information du ministère.

M. Johnson (Anjou): Jusqu'à maintenant, ils ne sont pas forts forts parce qu'il manque des faits ou alors les choses sont tronquées.

M. Rivest: D'une part, pourquoi ne dites-vous pas publiquement que c'est maintenant cela, la politique du gouvernement du Québec? Je pense qu'on a le droit de le savoir. Deuxièmement, je comprends que c'est limité au domaine économique. Mais je vous disais tantôt qu'en y allant ad hoc comme cela on n'a aucune idée de la position du gouvernement du Québec.

Vous me dites que, dans le domaine de l'éducation, vous n'adoptez pas la même position que lorsqu'il s'agit du domaine économique comme les accords du GATT. Très bien, mais c'est la première fois... Là, vous le dites. Nulle part on n'a un point de référence là-dessus.

Ce que je vous demande, c'est que vous en arriviez à dire publiquement ce que sont les attitudes du gouvernement du Québec à ce sujet. Quand j'ai fait le même débat avec notre collègue Landry, des gens comme de Bellefeuille et les autres, qui ont une tout autre conception de ce genre de dossier... Pierre de Bellefeuille, je pense, l'a souligné au ministre Landry quand il vous accusait tantôt d'abandonner ce que vous disiez antérieurement lorsque vous étiez souverainiste. Enfin, vous l'êtes encore, mais vous le disiez à l'époque; maintenant vous ne le dites plus.

M. de Bellefeuille: Ne m'embarquez pas là-dedans!

M. Rivest: Mais ça c'est une question de sémantique dans laquelle je me débrouille très mal. Souvent, j'ai peur de l'accuser d'être fédéraliste. Vous avez raison, M. le député de Deux-Montagnes, de me mettre en garde contre cela.

Je demande qu'on le dise, je demande d'abord que ces positions soient publiques et qu'on les évalue dans la perspective des conséquences que cela peut avoir. Or, vous n'en avez pas, de politique. J'ai un troisième exemple qui est dans la même note. J'ai été étonné...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je peux répondre à celui-là M. le Président?

Le Président (M. Gagnon): Oui, certainement, allez-y!

M. Johnson (Anjou): D'abord, essentiellement, je comprends de l'attitude du député qu'il voudrait que les ministres sectoriels fassent des conférences de presse. Très bien, je ne considère pas que c'est le rôle du...

M. Rivest: ...le hockey, cela ne me fait rien.

M. Johnson (Anjou): ...Secrétariat aux Affaires intergouvernementales canadiennes que l'incitation systématique aux conférences de presse des ministres sectoriels, mais si c'est ce que pense le député, j'espère qu'il ne sera pas étonné l'an prochain de voir une légère augmentation du budget des communications dans ces ministères. Ce qu'il veut et ce dont il parle, c'est: Écoutez! Rendez donc public, par voie de communiqué ou autrement, ce que vous faites.

M. Rivest: N'ayez pas peur de vos convictions. C'est le point que j'essaie de souligner.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! II ne faudrait pas parler deux ensemble. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): On le fait, mais, effectivement, je pense que le ministre des Relations internationales, M. le Président, a fait état de ces questions et de ces choses là où cela devait se faire.

M. Rivest: Non.

M. Johnson (Anjou): Non! Alors, vous lui poserez la question. Comme, d'ailleurs, le député de Jean-Talon ne devrait pas se gêner, je suis en Chambre trois jours par semaine à la période des questions. S'il a des questions au fur et à mesure que ces dossiers-là se présentent, qu'il nous en parle.

M. Rivest: Bien, dites ça à mon leader. Michel Bergeron, lui, règle ça.

M. Johnson (Anjou): C'est lui qui ne veut pas?

M. Rivest: Je ne peux pas prendre plus de glace qu'il ne m'en accorde. Troisième exemple: N'est-il pas vrai, M. le ministre, toujours dans la belle ouverture du gouvernement canadien, qu'au sujet du sommet de la francophonie - c'est toujours dans la même note - la position du gouvernement canadien, c'est que le premier

ministre du Canada, entre autres, à l'ouverture de la conférence parlerait à ce sommet de la francophonie au nom du Québec, du Nouveau Brunswick d'ailleurs qu'on adjoint à cet exercice, et du gouvernement canadien? - Est-ce que cette position-là satisfait le ministre des Affaires intergouvemementales canadiennes? Le Québec causerait, lui, dans... Imaginez-vous, ils ont fait une distinction entre la séance formelle, c'est-à-dire là où ça compte, et les séances informelles où le Québec pourrait parler.

Ce type de proposition qui est dans la note - je ne l'invente pas, c'est une note du 16 janvier 1985 que j'ai ici, c'est marqué en toutes lettres - est-ce que l'opinion publique n'a pas le droit de le savoir? Il en a été tellement question avec l'un de vos prédécesseurs prestigieux, M. Jacques-Yvan Morin, qui a parlé à de multiples occasions du sommet de la francophonie...

Voilà un développement. On ne le sait pas, le ministre n'en parle pas, on fait du fédéralisme par en dessous de la table.

M. Johnson (Anjou): D'une part, M. le Président, pour le passé et le présent et les problèmes de style que voit le député de Jean-Talon dans ce qui se passe, je pourrais lui dire que, dans le passé, le Québec a crié beaucoup et a souvent obtenu peu. Dans le cas présent - notamment, je pense aux relations avec la France - le Québec n'a pas crié fort et a obtenu plus. Car c'est ça, entendre le premier ministre du Canada qui dit devant le premier ministre français: Le gouvernement canadien considère qu'il est légitime et normal que le Québec ait des relations directes et privilégiées avec la France.

M. Rivest: C'est très bien, cela.

M. Johnson (Anjou): Oui. Je ne me mettrai pas à dire que cela règle tous les problèmes, mais je vais vous dire que c'est comme un certain changement depuis quinze ans. Le député se le rappelle, il a déjà été au gouvernement à titre de non-élu, il a déjà travaillé au gouvernement du Québec. Il se souvient de ces dépenses d'énergie absolument incroyables en querelles entre l'ambassade et la délégation; il se souvient des gens qui étaient prêts à faire n'importe quoi dans les aéroports, y compris au passage à l'immigration, pour écoeurer les délégués -je m'excuse de l'expression - pour ennuyer, pardon, les représentants québécois dans certaines conférences, etc.

M. Rivest: Michaud.

M. Johnson (Anjou): C'était devenu caricatural. Chaque fois le Québec déchirait sa chemise et disait: Cela n'a pas d'allure.

Et il avait raison sur le fond. Ce que vous nous reprochez, c'est de ne pas déchirer notre chemise? Fondamentalement, c'est ça!

M. Rivest: Non, ce n'est pas cela que je vous dis.

M. Johnson (Anjou): Alors qu'en fait...

M. Rivest: Ce n'est pas ça que je vous dis. De toute façon, je me demande si vous en avez encore une sur le dos!

Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): Dans le cas, notamment, de cette reconnaissance de principe qui est très importante sur le plan des relations du Québec et de la France, que le gouvernement canadien, par la voix du premier ministre du Canada, reconnaisse le caractère légitime et normal des relations directes et privilégiées entre l'État québécois et la France, je regrette, cela a un sens. Cela a une portée dans le climat et le développement de la coopération entre le Québec et la France.

M. Rivest: Pas au point d'empêcher que le premier ministre du Canada ne parle au nom du Québec au sommet de la francophonie.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Jean-Talon! M. le ministre, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): Par ailleurs, en ce qui concerne l'éventuel sommet de la francophonie, la position du Québec dans ce dossier est celle que nous acceptons un modèle analogue à celui de l'Agence de coopération culturelle et technique.

M. Rivest: Là, vous avez du front, par exemple!

M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est sur cette base que nous avons discuté avec les représentants fédéraux, que mon collègue des Relations internationales a eu des pourparlers avec son collègue des Affaires extérieures à Ottawa. Nous considérons, effectivement, que le Québec doit s'abstenir dans de tels sommets de traiter des questions de guerre et de paix, si on veut, mais, par ailleurs, dans la mesure où nous pouvons avoir une place qui est l'équivalent de celle que nous avons à l'Agence de coopération culturelle et technique.

M. Rivest: Qui a été négociée par M. Bourassa, d'ailleurs. C'est dans le bilan de 1970-1976, que vous vous apprêtez à faire,

j'espère.

Le Président (M. Gagnon): Vous n'aviez pas la parole, M. le député de Jean-Talon; est-ce que vous la demandez?

M. Rivest: Non, il terminait; c'était ma transition.

Le Président (M. Gagnon): Parce que le député de Rosemont voudrait aussi parler.

M. Rivest: Me permettez-vous de finir juste une petite série? Parce que, là, j'ai évoqué, pour la gouverne du député de Rosemont, le caractère secret de la transmission de la proposition du Québec le 22 février sur la péréquation.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Rosemont pourra lire le Journal des débats, si vous voulez.

M. Rivest: L'absence d'entente, le fait qu'on apprend que c'est l'entente Québec-Canada...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous vous adressez au président ou à un autre collègue?

M. Rivest: Oui, au président. Trois cas dans le domaine international d'évolution de la politique du Québec où on n'a pas eu un mot du ministre. Le quatrième cas, je l'ai soulevé en Chambre et je pense que mon collègue de Rosemont s'est intéressé au dossier. Je lis ceci dans un document -attendez un instant, peut-être que le sous-ministre va trouver la même note que moi -du mois de mars 1985 et je le cite au ministre... C'est pour montrer toujours que le ministre ne donne pas une direction politique solide, ouverte a son ministère, qu'il n'a pas de politique, qu'on ne sait rien. On a un nouveau style de fédéralisme par-dessous la table.

Alors qu'on annonce à grand renfort de publicité qu'on signe une entente de développement - je reviens aux ententes de développement - de 1 000 000 000 $, je lis ceci: "Les fonctionnaires du ministère de l'Expansion industrielle régionale, responsables des ententes, viennent nous faire part que le 1 000 000 000 $ dont on a tant parlé sous les caméras comprend 290 000 000 $ qui sont des engagements antérieurs du gouvernement fédéral. Le plan de l'Est du Québec - où je pense qu'il n'y avait pas trop d'argent à dépenser là-dedans, de toute façon et les montants nécessaires pour la liquidation des anciennes ententes, 80 000 000 $, composent en grande partie ce montant. De plus, 80 000 000 $ proviendraient du fonds La Prade dont le ministre a parlé et devraient faire l'objet d'une entente particulière dont nous sommes en train de... Ainsi, seulement 170 000 000 $ de fonds fédéraux en plus des 465 000 000 $ engagés seraient disponibles pour des ententes dans les secteurs énumérés précédemment. Donc, dans les faits, ce sont 635 000 000 $ et non pas 1 000 000 000 $ que le gouvernement fédéral investirait pour les cinq prochaines années dans les ententes de développement économique et régional."

Là, c'est vraiment suave - je l'ai montré à M. Bourassa pour le consoler de toutes les attaques dont il est victime - on dit: "C'est à peine plus élevé que les montants dépensés au cours des cinq dernières années," les cinq dernières années de l'ancienne entente, alors que l'entente était de dix ans.

C'est une information objective. Quand je lis dans le Devoir que cela m'est confirmé par le ministre fédéral de la Consommation et des Corporations, je dis ceci au ministre d'une façon très simple: Voici des centaines de millions de dollars qui sont là pour des jobs, qui sont là pour des régions. On s'en sert par la bande, d'un arrêté en conseil pour régler l'affaire de Domtar, même si ce n'est pas la majeure partie, j'en conviens.

M. Johnson (Anjou): C'est en jobs, c'est direct.

M. Rivest: Oui, je le sais, mais cet argent était initialement disponible pour les autres régions et cela, on ne le sait pas. Là, on signe une entente sur la forêt. Mon souvenir, c'est que les ententes auxiliaires de développement se faisaient à 60-40. Là, c'est rendu à 50-50. Pourquoi le gouvernement du Québec a-t-il accepté cela? Il n'y a pas un ministre québécois, nulle part, qui nous l'explique, qui explique au monde la réalité. Je termine ce chapitre: j'ai d'autres cas pour le reste de la séance. (12 heures)

Quand je vous ai dit dans ma déclaration d'ouverture que c'était inadmissible, la façon dont vous dirigiez le ministère, je pense que je l'ai simplement illustré d'exemples concrets et pratiques. On veut savoir ce qui se passe. Vous êtes tellement mal à l'aise dans votre virage fédéraliste où vous ne pouvez même pas avoir le minimum de décence de défendre certains intérêts très légitimes et très particuliers du Québec, eh bien, mon Dieu, au plus vite pour le plus grand plaisir de mes collègues de Rosemont et de Deux-Montagnes, redevenez indépendantistes. Au moins, même si vous criiez très fort, à l'occasion vous accrochiez, j'en conviens, certains intérêts du Québec qui étaient tout à fait légitimes. Mais arrêtez de jouer comme cela en dessous de la table.

Une voix: Bravo!

M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre. Après, je reconnaîtrai M. le député de Rosemont.

M. Johnson (Anjou): D'abord, M. le Président, cela vient tard. J'attends cela depuis trois mois à la période des questions. Deuxièmement, aux 635 000 000 $ dont parle le député, il faut ajouter le solde du plan de l'Est de 179 000 000 $, le solde des ententes non dépensées de 1984 de 111 000 000 $ au 1er avril 1984. Il faut également ajouter les sommes, que nous tentons d'identifier dans la mesure où ces choses-là sont identifiables, de ce qui était le fonds La Prade. Si vous faites le total, cela fait 1 000 000 000 $. Alors, c'est plus de dépensé en cinq ans pour des fins de développement régional et de création d'emplois sur le territoire du Québec que dans les dix ans qui ont précédé. Vous pouvez bien le présenter comme vous voudrez en faisant les pirouettes que vous voudrez...

M. Rivest: C'est le ministère qui a fait cela.

M. Johnson (Anjou): ...il faut ajouter à ces 635 000 000 $ ce qui fait l'objet de discussions avec les fédéraux, notamment sur le plan de l'Est du Québec, sur le solde des ententes précédentes, - cela se règle - et sur ce qu'on appelait le fonds La Prade.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'ai combien de temps?

Le Président (M. Gagnon): Si vous parlez sur un élément, vous avez droit à 20 minutes.

M. Paquette: Enfin, j'ai deux questions à soulever, M. le Président.

M. de Bellefeuille: On est sur le débat initial?

Le Président (M. Gagnon): Jusqu'à maintenant, on est toujours dans les remarques préliminaires, on s'est entendu là-dessus. Mais si vous parlez sur un élément... On m'a demandé le temps. Pour les remarques préliminaires, le temps est fini, mais sur entente de la commission on continue.

M. de Bellefeuille: Par consentement, on peut continuer.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Johnson (Anjou): Juste une parenthèse peut-être avant.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Dans le cas des 635 000 000 $, c'est sur une base de 50-50. Dans d'autres cas, cela peut être beaucoup plus que cela de la part du fédéral.

M. Rivest: Je vous ai demandé, pourquoi 50-50 sur la forêt.

M. Johnson (Anjou): Parce que c'est une décision... Peut-être que le député n'était pas là à la période des questions.

M. Rivest: Est-ce que ce n'était pas 60-40?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le permettez, peut-être que le député n'était pas là à la période des questions au moment où cela a été déposé par la députée des Îles-de-la-Madeleine, qui était ministre à l'époque. Cela a été une décision du Conseil des ministres avec laquelle elle était entièrement d'accord que ces ententes-là devaient être signées sur une base de 55-50.

M. Rivest: Antérieurement?

M. Johnson (Anjou): C'était 60-40, effectivement.

M. Rivest: On progresse! Le beau risque fédéral.

M. Johnson (Anjou): Non, c'était un choix du Québec de faire en sorte que, quand il prétend pouvoir "prioriser"...

M. de Bellefeuille: Toujours le beau risque.

M. Johnson (Anjou): ...quand il prétend pouvoir comme État infléchir le développement économique, quand on prétend que l'État québécois est capable...

M. Rivest: Vous êtes en porte à faux.

M. Johnson (Anjou): ...d'insuffler des orientations en matière de développement économique, plutôt que de se conduire de façon "bébête" dans un contexte où on laisse définir cela par des directions régionales ou sous-régionales de l'État fédéral, effectivement c'est à 50-50. C'est aussi simple que cela.

M. de Bellefeuille: Bravo!

Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît! Je vais suspendre les travaux si on continue de parler... Non, mais il ne s'agit pas de parler tout le monde en même temps. Vous demandez la parole et vous avez le droit de parole. M. le député de Rosemont a maintenant le droit de parole.

M. Paquette: M. le Président, j'ai deux questions à soulever. Je vais commencer, justement, par cette question des ententes cadres qui viennent d'être signées en les comparant aux ententes qui avaient été signées en 1974 sous les gouvernements Bourassa et Trudeau. D'abord, je m'étonne de la réaction que vient d'avoir le ministre. On ne voit pas comment, lorsqu'il y a un comité conjoint pour gérer l'entente-cadre, cela va donner plus de pouvoir au Québec d'orienter les fonds s'il paye 50 % de la note que s'il paye 40 % de la note. La seule chose que cela fait, c'est qu'il y a moins d'argent provenant du fédéral sous contrôle conjoint en vertu de l'entente cadre. Je pense que le ministre peut difficilement nier cet aspect.

M. Johnson (Anjou): Je vais le nier.

M. Paquette: Sur le plan des fonds, si on regarde l'entente de 1974-1979, on avait une entente de 1 800 000 000 $. Le ministre pourra peut-être nous dire de façon précise combien a été dépensé dans la première période de cinq ans, 1974-1979, et combien a été dépensé dans la période de 1979-1984. Je fais une approximation que les dépenses ont été à peu près égales. Je me rappelle que le ministre de l'Aménagement en avait signé pas mal avant 1979 et il en a probablement signé plus que l'hypothèse que je vais faire. L'hypothèse que je vais faire, c'est qu'il y a eu 900 000 000 $ dans la première période de cinq ans, si on veut comparer une période de cinq ans avec une période de cinq ans, comparer des pommes avec des pommes et non des pommes avec des oranges. Je suppose qu'il y a eu 900 000 000 $ de dépensés dans l'entente-cadre de 1974-1979. C'est probablement plus que cela. La part du gouvernement fédéral était de 60 %: 540 000 000 $; la part du gouvernement du Québec était de 40 %: 360 000 000 $. M. le Président, le ministre ne tient pas compte de l'inflation. Le développement économique coûte plus cher qu'en 1974, comme la pinte de lait, comme le pain, comme n'importe quoi qu'on a à acheter; il y a eu de l'inflation depuis.

Une voix: La cigarette.

M. Paquette: La cigarette aussi.

M. de Bellefeuille: M. le Président, question de règlement. Je voudrais que nous reconnaissions le droit de parole du député de Saint-Jean.

Le Président (M. Gagnon): II faudrait, d'abord, qu'il s'approche de la table des délibérations.

M. de Bellefeuille: Venez, M. le député.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Jean n'a pas le droit de parole lorsqu'il est dans l'assistance. M. le député de Rosemont, vous avez toujours la parole.

M. Paquette: M. le Président, si on applique la hausse de l'indice des prix à la consommation, on se retrouve, en dollars de 1984, avec - toujours pour l'entente de 1974-1979, la première période de cinq ans de l'entente signée sous les gouvernements Bourassa et Trudeau - 1 251 000 000 $, qui était la part du gouvernement fédéral, et 834 000 000 $, la part du gouvernement du Québec, pour un total de 2 085 000 000 $. Voila le coût très raisonnable, en faisant l'hypothèse qu'il n'y a eu que 900 000 000 $ de signés en 1974-1979, de ce que cela veut dire maintenant en 1984: 1 200 000 000 $ du fédéral et 834 000 000 $ du Québec.

M. Johnson (Anjou): Bon. Alors...

M. Paquette: Je n'ai pas terminé le raisonnement.

M. Johnson (Anjou): Pardon!

M. Paquette: Pour l'entente de cinq ans qui vient d'être signée, 1984-1989, le ministre vient de nous dire qu'il y a 635 000 000 $ du Québec et 635 000 000 $ du fédéral, et qu'il y aura peut-être un autre montant de 365 000 000 $ dont on ne sait pas s'il sera assumé totalement ou en partie par le fédéral; cela reste à voir et on a hâte de le voir. Je vais faire l'hypothèse la plus généreuse pour le ministre, je vais supposer que le fédéral l'assume en totalité, ce qui ferait que le fédéral mettrait 1 000 000 000 $ dans l'entente et le gouvernement du Québec, 635 000 000 $. On se retrouve avec un manque à gagner pour le gouvernement fédéral de 251 000 000 $; 1 251 000 000 $, le coût de l'entente pour le fédéral de 1974-1979, en dollars de 1984, et le coût de l'entente du gouvernement fédéral, dans la nouvelle entente, qui est de 1 000 000 000 $. En faisant l'hypothèse la plus généreuse, j'ai un manque à gagner de 251 000 000 $ pour le fédéral. Si ce n'est pas le cas, comme on peut le supposer, si ce sont des fonds déjà promis au Québec, et pas de l'argent neuf, à ce moment-là, c'est seulement 635 000 000 $ et il y a 616 000 000 $ de manque à gagner.

M. Rivest: Par rapport à l'entente de

1974-1979?

M. Paquette: Par rapport à l'entente de 1974-1979.

M. Rivest: M. Bourassa n'était pas si pire que cela.

M. Paquette: Du côté du gouvernement du Québec, dans les deux cas, il y a 199 000 000 $ de moins. Au total, il y a entre 450 000 000 $ et 815 000 000 $ de moins dans l'entente globale. Est-ce que le ministre peut m'expliquer pourquoi le gouvernement du Québec a crié victoire en signant une telle entente qui place sous son contrôle moins d'argent qu'avant dans l'entente-cadre? Non seulement cela, mais cette entente-cadre est un pourcentage minime, évidemment, des dépenses fédérales que fait le Québec. Il y a tous les autres fonds que le fédéral dépense dans le développement industriel, dans le développement scientifique et dans le développement général, qu'il dépense sans consultation du gouvernement du Québec, parfois à l'encontre de ses priorités et parfois en retirant, comme c'est le cas dans la recherche scientifique, des sommes que le gouvernement du Québec essaie de dépenser avec un résultat de somme nulle pour le développement du Québec.

Est-ce qu'on peut parler de fédéralisme coopératif? Est-ce qu'on peut parler d'un système et d'une entente - d'entente-cadre en particulier - qui aident vraiment, qui améliorent, qui accroissent l'effort que les gouvernements doivent consentir, même dans une optique strictement fédéraliste, parce que je ne demande rien d'autre maintenant au ministre et au gouvernement? Même dans cette optique, est-ce que c'est une position autonomiste?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il y a un certain nombre de choses. D'abord, l'article 4 de l'entente prévoit le plein respect des compétences des deux ordres de gouvernement, ce qui n'existait pas dans la précédente.

Une voix: Où est la preuve?

M. Johnson (Anjou): C'est un fait. C'est un fait.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, elle prévoit également que les projets financés conjointement seront pris en charge par le Québec, à l'article 6.2, ce qui n'existait pas dans la précédente. Le problème avec l'hypothèse du député, c'est que c'est une hypothèse. Les montants réels dépensés, c'était 543 000 000 $ par le fédéral. C'était cela, l'argent réel dépensé.

M. Paquette: De quelle année à quelle année?

M. Johnson (Anjou): Pardon, l'argent total. C'était 326 000 000 $ dans la première partie, 1974-1975, 1978-1979, par le fédéral et 217 000 000 $ par le Québec, pour un total de 543 000 000 $. Qu'il ne vienne pas nous dire qu'il y avait 900 000 000 $. C'est 543 000 000 $ qui ont réellement été dépensés pour cette période. M. le Président, il peut bien faire toutes les hypothèses actualisées qu'il veut pour déboucher sur le type de raisonnement qui est celui qu'il vient d'adopter et faire des gorges chaudes comme il voudra, ce ne sont pas là les chiffres. On a cherché les chiffres au ministère à partir de l'émission de son communiqué. On a tourné tous les papiers à l'envers. On a consulté à peu près tous les ministères possibles et imaginables et on est incapable de concilier les chiffres que le député évoque; on est incapable de les concilier avec les données de l'argent réel dépensé dans le cadre de ces ententes. Il en met à peu près 50 % de plus pour les fins de sa démonstration qu'il n'y en a eu réellement de dépensé.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rosemont.

M. Johnson (Anjou): Dans le cas de l'entente actuelle, M. le Président, nous avons assis ces principes qui permettent une meilleure gestion, d'une part; deuxièmement, moins de frictions administratives et, troisièmement, une plus grande pertinence en fonction des objectifs de développement économique établis ici au Québec. Si cela a coûté le fait que ce soit 50-50, je suis d'accord avec cela. On ne peut pas manger son gâteau et, en même temps, s'imaginer qu'on va le garder. Il y a une expression qui s'appelle "accepter de se responsabiliser". Si on prétend que le Québec, au point de vue du développement économique, doit effectivement, de façon prioritaire, se doter de mécanismes de concertation ou de mécanismes d'administration conjointe en matière d'ententes fédérales-provinciales, cela ne lui sera pas donné pour le plaisir de le lui donner. Je préfère une approche comme celle qui dit que le gouvernement du Québec fonctionne à 50-50 et qu'il s'assure qu'un certain nombre de priorités économiques et de développement régional sont les siennes. Il se donne des mécanismes,

en tout cas, pour que ce soit plus sûr qu'on atteigne un certain nombre d'objectifs, plutôt que de laisser toute l'administration fédérale, comme cela a été le cas pendant tant d'années, se donner bonne bouche sur le territoire québécois, partout en disant: Nous autres, on paie 60-40, sacrez-nous patience avec vos priorités!

Je préfère bien plus un mécanisme comme celui-là qui nous permet d'être plus précis, de mieux cibler les objectifs et, je pense, d'être beaucoup plus efficaces en termes de développement économique régional, en termes des répercussions qu'on considère être celles qu'on doit voir sur la création d'emplois dans les régions et dans les secteurs visés. Que ce soit les programmes du ministère de l'Énergie et des Ressources dans sa section forêt, que ce soit les programmes remarquables mis sur pied par le ministère de l'Industrie et du Commerce depuis trois ans, je préfère que cela aille là, parce que cela a fait ses preuves. Si ce que cela coûte, c'est d'accepter le 50-50, dans ce contexte, oui, monsieur, je suis d'accord avec cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je pense que l'avenir dira si l'entente qui vient d'être signée est plus efficace en termes de mécanismes que la précédente. Chose certaine, il y a un coût pour le Québec. Le ministre l'a admis. Il a dit: Je préfère payer 50 % de l'entente et espérer avoir des mécanismes plus efficaces. L'avenir dira si les mécanismes sont plus efficaces. (12 h 15)

Cependant, je prétends que le ministre compare des pommes avec des oranges. Il nous a donné des chiffres pour 1974-1979 d'argent réellement dépensé. J'aimerais qu'il nous donne, en passant, les sommes qui ont été réellement dépensées de 1979 à 1984. J'aimerais lui dire que, dans ma comparaison, j'ai utilisé des prévisions avec des prévisions. Je me rappelle très bien du moment, en 1978, où le ministre responsable de l'entente-cadre avait annoncé une signature d'ententes pour environ 1 200 000 000 $ et il y en a eu d'autres. Les chiffres qui ont été répandus partout, c'est qu'il y avait pour 1 800 000 000 $ d'ententes signées de 1974 à 1979. C'est normal, il peut y en avoir eu un peu moins de dépensé en 1974-1979 qu'il n'y en a eu en 1979-1984.

Pour l'entente-cadre qui vient d'être signée, tout l'argent qui est là n'est pas encore dépensé, lui non plus. On ne sait pas si tout l'argent qui est prévu dans l'entente-cadre va être dépensé dans la période 1984-1989. Donc, il faut comparer des sommes prévues avec des sommes prévues. Il y avait 1 800 000 000 $ et lorsque le gouvernement a annoncé - je me le rappelle - en 1978 la signature de 1 200 000 000 $, c'était présenté comme une entente où on allait dépenser l'argent, de la même façon que le ministre nous présente aujourd'hui son entente comme une entente où il va dépenser l'argent. Et comparaison pour comparaison - encore une fois, l'avenir nous le dira si les fonds prévus vont bien être entièrement dépensés - si on compare entente signée à entente signée, au niveau de la signature et donc des prévisions, des projets et non pas des dépenses réelles, il y a entre 400 000 000 $ et 800 000 000 $ de moins dans l'entente qui vient d'être signée par rapport à celle qui l'a été en 1974, si on compare les deux sur une période de cinq ans.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Alors, M. le Président, ce que je constate, c'est qu'il y a eu 543 000 000 $ de dépensés sur la période qui est visée, si on prend la première section...

M. Paquette: Sur une période de dix ans ou de cinq ans?

M. Johnson (Anjou): ...1974-1979. M. Paquette: 1974-1979.

M. Johnson (Anjou): Cela a été 580 000 000 $ de la part du fédéral pour la période suivante.

M. Paquette: Ah!

M. Johnson (Anjou): D'accord?

M. Paquette: Oui. Et celle du Québec, les chiffres que vous avez.

M. Johnson (Anjou): Alors, 326 000 000 $ plus 580 000 000 $, cela donne 906 000 000 $. Cela ne donne pas 1 800 000 000 $. Cela donne 906 000 000 $. Bon. Et au total, compte tenu de la part du Québec dans ces ententes, c'est 217 000 000 $ plus 385 000 000 $, c'est-à-dire 502 000 000 $ pour la même période pour le Québec au lieu de 906 000 000 $. C'est de cela qu'on parle.

M. Paquette: Ce que le ministre veut...

M. Johnson (Anjou): Alors, quand... M. le Président, si le député me le permet, il a posé ses questions...

Le Président (M. Gagnon): C'est cela. M. le député de Rosemont, vous allez attendre que le ministre termine sa réponse

et vous pourrez continuer après.

M. Johnson (Anjou): Le député - et c'est un biais que je lui connais aussi dans d'autres secteurs - me dit: Écoutez, il faut comparer de la théorie avec de la théorie. Je ne compare pas de la théorie, je compare de la pratique. Je dis: Ce qui s'est dépensé d'argent fédéral dans cette période, ce n'est pas les chiffres qu'il nous donne. Nous, on regarde ce qui s'est dépensé...

M. Paquette: Ah! Je n'ai pas dit...

M. Johnson (Anjou): ...et on dit: II va se dépenser autant dans les cinq prochaines années...

M. Paquette: Mais, je n'ai jamais dit...

M. Johnson (Anjou): ...qu'on en a dépensé dans les dix antérieures. C'est déjà commencé à s'engager, M. le Président.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais donner...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rosemont. Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre?

M. Paquette: ...une précision là-dessus. J'aimerais dire que je n'ai jamais affirmé que 1 800 000 000 $ avait été dépensés.

M. Johnson (Anjou): Ah Bon!

M. Paquette: ...dans la période 1974-1984. J'ai dit que les prévisions étaient de 1 800 000 000 $, qu'à ma connaissance ces ententes avaient été effectivement annoncées sous le gouvernement du Parti québécois, puisque, même si l'entente avait été signée avant, beaucoup d'ententes auxiliaires ont été effectivement signées en 1978-1979 et dans les années suivantes. Par conséquent, si on comparait l'argent qu'il y avait officiellement dans l'entente et l'argent qu'il y a officiellement dans l'entente maintenant, il y avait une diminution des fonds consacrés à l'entente-cadre.

Ma dernière question, puisque le ministre nous dit que, sous l'entente de 1974, il y a seulement environ 1 000 000 000 $ sur 1 800 000 000 $ qui ont été dépensés, qu'est-ce qui lui fait croire qu'une proportion plus grande va être dépensée sous la nouvelle entente?

M. Johnson (Anjou): Alors, on se comprend bien. Ce que le député nous dit maintenant, contrairement à ce qu'il avait évoqué antérieurement...

M. Paquette: Je m'excuse, M. le Président.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le permettez...

M. Paquette: Quand même!

M. de Bellefeuille: II faut que vous vous habituiez, c'est comme cela qu'il se comporte tout le temps.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le député compare de l'argent officiel avec de l'argent réel. Nous, ce qui nous intéresse, c'est l'argent réel. Pour le passé, on peut l'évaluer clairement. On dit simplement qu'il ne faut pas s'imaginer que l'argent officiel, pour reprendre son expression, qu'on retrouvait dans les ententes de 1974 à 1984... Il faut apprécier ce qui s'est passé. Ce qui s'est passé, M. le Président, c'est qu'il s'est dépensé, pour cette période, à peu près 1 000 000 000 $. C'est un fait. "Hard fact", comme on dit.

M. Paquette: Je vais prendre les chiffres du ministre. On part de là.

M. Johnson (Anjou): Ce que nous avons signé avec les fédéraux, dans une entente qui prévoit des dépenses en cinq ans, pas en dix ans, en deux fois moins de temps, c'est 635 000 000 $, plus le solde antérieur, plus le résidu du plan de l'Est, plus l'évaluation qu'on fait de ce res nullius qui est La Prade, au sujet desquels on a des discussions et qui, dans bien des cas, pourront présumer une participation fédérale supérieure à 50 %. Dans d'autres cas, on pourrait prévoir que le Québec y participe aussi aux fins d'augmenter les crédits dans certains secteurs. Si je regarde, sur une période de cinq ans, cela devrait donner 1 000 000 000 $.

Deuxièmement, je constate que les ententes auxiliaires, d'abord elles se signent à un rythme relativement accéléré et, à partir du jour de leur signature, on peut carrément les imputer à des engagements. On n'a pas de période de rodage, etc., à avoir. On les a, les projets. On en a, des comités dans le champ. On a des engagements financiers qui sont en train de se faire. J'ai toutes les raisons de croire que, sur cette période, on n'aura pas de difficulté à dépenser le montant de 1 000 000 000 $ parce qu'il y a des besoins pour encore plus que cela. Alors que, sous les ententes précédentes, on constate qu'il ne s'est pas dépensé ce qu'on avait pensé qui pourrait se dépenser de la part du fédéral.

Une des raisons à cela - je le dis et, pour moi, c'est un facteur très important -au-delà du rodage normal des machines, c'est cette capacité et cette volonté, bien qu'il restera un certain nombre de frictions, de ne

pas s'engager dans un maquis à l'égard des engagements qui a été ce qui a caractérisé les trois dernières années des ententes.

Le Président (M. Gagnon): M. le député.

M. Johnson (Anjou): Et je pense qu'il y a des conditions qui sont réunies qui font qu'on devrait assister à une dépense d'environ 1 000 000 000 $ sur la période de cinq ans, alors qu'en pratique on a eu, sur une prévision qui était presque 50 % plus élevée que cela sur dix ans, essentiellement le même montant.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Simplement pour clore cette question, je maintiens que, lorsqu'on signe une entente ou lorsqu'on fait des prévisions budgétaires d'ailleurs, on sait très bien et cela s'explique très bien aussi... Quand on a annoncé le plan de relance à Compton, on était, comme l'a dit le président du Conseil du trésor à ce moment, très enthousiaste et on a prévu les premières années plus d'argent que la machine n'a pu dépenser parce que cela prend du temps à bouger les choses et tout cela. Dans le plan de relance annoncé, sur deux ans, il s'est dépensé 100 000 000 $ de moins. On voit cela dans les études des crédits. Uniquement au niveau du gouvernement du Québec, dans son plan de relance, celui-ci dépense moins que ce qu'il nous avait annoncé il y a deux ans et ce qu'il nous annonce maintenant, cela va peut-être être au-delà de ce qu'il va pouvoir dépenser. C'est toujours plus lent qu'on ne le voudrait quand on est au gouvernement. C'est un fait; c'est malheureusement une loi de la nature qu'on peut essayer de changer.

Qu'on ait réussi à dépenser moins d'argent que prévu dans l'entente 1974-1984, rien de surprenant. Cela m'étonne qu'on ait seulement 1 000 000 000 $ de dépensés sur 1 800 000 000 $. C'est une performance particulièrement médiocre, il faut bien le constater. Cela dit, on peut prévoir que le même genre de difficulté risque de se présenter avec la nouvelle entente. Quand on doit évaluer la performance d'un gouvernement et le fait que celui-ci doit chanter la victoire au nom du fédéralisme coopératif, il faut regarder à sa face même la qualité des deux ententes au moment où elles ont été signées. Manifestement, l'entente qui vient d'être signée est moins généreuse que celle qui l'avait été. Si la réalité est aussi mauvaise maintenant qu'elle l'a été pour l'entente précédente, on va se retrouver avec le même genre de comparaison que je faisais.

Je tiens à souligner au ministre que je maintiens que le coût du beau risque, depuis septembre, a été d'au moins 1 000 000 000 $. Il y a 640 000 000 $ dans la péréquation. Il y aura probablement une couple de centaines de millions - on a précisé cela un peu ensemble maintenant -dans l'entente-cadre. Et je n'ai même pas compté là-dedans toutes les coupures que le fédéral a faites sur le dos du Québec dans son budget d'automne et celles qu'il doit faire dans le prochain budget.

Le gouvernement fédéral est en train de passer son déficit sur le dos du Québec et le ministre et le gouvernement ne réagissent pas. Cela passe comme du beurre dans la poêle parce que le ministre veut garder ses chances absolument minimes, infimes, d'obtenir quoi que ce soit dans les négociations constitutionnelles, où il s'en va en position de faiblesse, où il s'en va se frapper le nez au mur, où il s'en va dans une impasse.

Je pense qu'on a raison de dire que le coût du beau risque pour maintenant s'élève au bas mot à 1 000 000 000 $. Je vais réviser mes positions lors du budget fédéral et on pourra voir à quel point la politique de préparer les négociations constitutionnelles en faisant le moins de vagues possible se dégonfle comme un ballon. Le Québec se retrouve Gros-Jean comme devant sans accord constitutionnel substantiel et en ayant obtenu énormément moins d'argent pour le développement économique, pour la création d'emplois au Québec.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): D'une part, je prends acte du fait que le député de Rosemont trouve qu'il faut qu'on aille chercher un accord constitutionnel substantiel. Je trouve cela intéressant.

M. Ri vest: Je suis d'accord avec cela.

M. Johnson (Anjou): Moi aussi, je suis d'accord avec cela...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! La parole est au ministre.

M. Johnson (Anjou): Je trouve cela excellent et je trouve, M. le Président, que c'est un virage important auquel on vient d'assister de la part du RDI. La notion de trouver un accord constitutionnel substantiel - cela me fera plaisir de faire sortir la transcription - je trouve que c'est très important. Dans la mesure où le député de Rosemont et son collègue incarnent une certaine tendance en ce moment au Québec, dans la mesure où ils incarnent une telle tendance, cela m'apparaît fondamental. Et je suis entièrement d'accord avec eux qu'il faut enclencher un processus qui permette

d'aller chercher quelque chose de substantiel pour le Québec. Je pense que c'est comme ça que le Québec doit évoluer, compte tenu du contexte.

Maintenant, lui, il pense qu'on ne pourra pas l'obtenir, mais il le souhaite. J'ai cru voir dans son exposé...

M. de Bellefeuille: On est pour le Québec, nous autres.

M. Paquette: On ne peut pas être contre tout progrès du Québec.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Vous avez eu votre droit de parole. Maintenant, c'est au ministre d'avoir le droit de parole.

M. Johnson (Anjou): Alors, il le souhaite, semble-t-il, M. le Président, il le souhaite, je dirais, presque avec enthousiasme. Il dit: Cela devrait; ce que je trouve déplorable, c'est que le Québec soit en position de faiblesse et peut-être que cela ne marchera pas. Je trouve que c'est important comme affirmation.

Deuxièmement, je regrette, mais avant, entre guillemets, "le beau risque", pour reprendre la période telle qu'il la qualifie en utilisant les expressions du premier ministre, je dirai que les 100 000 000 $ dans la péréquation, qui ne sont pas assez, on est allé les chercher et ils n'étaient pas là. "We never promised you a roses garden".

Troisièmement, en matière de développement économique, M. le Président, je peux affirmer ici raisonnablement que les 635 000 000 $, auxquels il faut ajouter les autres éléments pour faire à peu près 1 000 000 000 $ du fédéral sur cinq ans, seront dépensés. Les projets sont déjà là pour l'essentiel dans l'ensemble des secteurs...

M. Rivest: Que le ministre nous fasse confiance.

M. Johnson (Anjou): ...en matière auxiliaire, les besoins sont là, les moyens sont là. Quant à la friction bureaucratique à laquelle on a assisté pendant trois ans, qui a été l'une des raisons du retardement de ces dépenses, parce que le monde se battait sur le terrain entre les équipes fédérales et les équipes du Québec, même s'il va rester des éléments de cela, même s'il va rester des dossiers, j'en suis sûr, qui vont être extrêmement contentieux dans certaines régions, pour l'essentiel on a sans doute mis sur pied ce qui nous permettra de dépenser de façon efficace dans ces secteurs-là rapidement. (12 h 30)

J'en conclus donc, M. le Président, que oui, l'entente-cadre de développement économique a des effets positifs pour le Québec. Si les députés d'un côté ou de l'autre de l'Opposition, du côté libéral ou du côté de mes deux collègues, veulent absolument partir de cela pour savoir si, oui ou non, cela veut dire que le beau risque est bon ou que le fédéralisme est assez ou pas assez, moi, je leur dirai qu'à cet égard ce qui nous intéresse pour le moment, c'est que l'argent soit dépensé et qu'il y ait des jobs créés et que cela se fasse efficacement. C'est comme cela qu'on travaille, parce qu'on a peut-être sur nos épaules et dans nos responsabilités des choses dont n'a pas à se préoccuper le député de Rosemont.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Oui, une dernière question sur les ententes de développement. Est-ce que le ministre est en mesure d'affirmer publiquement - pour une fois qu'il peut parler publiquement - qu'il est toujours hors de question que... Dans le domaine du développement régional, le Québec, traditionnellement, a toujours contesté vigoureusement la formule des ententes sectorielles - je pense que c'est le terme technique qu'on employait - ou, dans l'administration et la mise en oeuvre des ententes, dès lors qu'il s'agissait d'une responsabilité constitutionnelle fédérale, le fait que le fédéral puisse, dans les domaines de sa compétence, opérer sur le terrain.

Ce que le Québec a toujours dit, c'est que le développement régional, c'est une responsabilité première des États membres de la fédération et que, même lorsque le gouvernement fédéral a de l'argent disponible dans les juridictions qui lui sont propres, c'est au Québec d'administrer cet argent en fonction des priorités québécoises.

Est-ce qu'il est tout à fait exclu que le gouvernement du Québec renonce à cette position traditionnelle du Québec et accepte maintenant, dans l'administration de certaines ententes, que le gouvernement fédéral, dans les domaines de sa juridiction lorsqu'il y a des morceaux d'ententes, il opère lui-même sur le terrain...

M. Johnson (Anjou): De la juridiction de l'État fédéral.

M. Rivest: ...en dehors de toute espèce d'établissement de droit de veto ou de... Vous comprenez ce que je veux dire.

M. Johnson (Anjou): Oui, je vais essayer.

M. Rivest: Parce que j'ai eu écho, figurez-vous, que vous vous apprêtiez également à reculer sur ce plan.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Rivest: Ce n'est pas vrai?

M. Johnson (Anjou): Vous avez des problèmes d'écho.

M. Rivest: Faites attention à votre réponse.

M. Johnson (Anjou): Vous avez des problèmes d'écho.

M. Rivest: Je peux vous citer.

M. Johnson (Anjou): II y a bien des choses dans ce qu'évoque le député de Jean-Talon. Je pense que, d'abord, il mélange la notion de sectoriel et de régional, d'une part. Une des positions du Québec, c'est de dire: On ne veut pas des ententes qui font qu'il y a une administration fédérale dans ce qui pour le fédéral est une sous-région. Pour le fédéral, pour le MER et pour la plupart de ces grands ministères, une région, c'est les Maritimes, le Québec, l'Ontario, les Prairies et la Colombie britannique.

C'est en général comme cela, sauf que sur le terrain, dans le cas du Québec - pour des raisons qu'on connaît, qui sont politiques et qui se traduisaient par la recherche de la visibilité et à cause de toute la période préréférendaire et du reste - il s'est développé sur le territoire québécois un certain nombre de niveaux d'intervention des fonctionnaires fédéraux, notamment dans certaines régions où, pour des raisons qu'on peut comprendre, même si on ne les accepte pas, il se fait des batailles de légitimité, il se fait des batailles d'empires, il se fait des batailles de pouvoir, pour pouvoir décider où va tel argent, etc.

Ce que le Québec a toujours fait, c'est qu'il considère qu'on ne doit pas, dans le domaine du développement économique régional, reconnaître la notion d'intervention du fédéral dans la priorisation économique dans les régions.

M. Rivest: II est hors de question que vous admettiez cela?

M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, dans le cas des interventions, c'est pour cela qu'on insiste tant pour que les ententes auxiliaires qu'on signe soient des ententes auxiliaires sectorielles. Par exemple, on dit la forêt. Or, le ministère québécois de l'Énergie et des Ressources, dans sa Direction générale des forêts, établit ses grandes priorités. Ses priorités touchent certains types d'intervention, que ce soit la forêt privée plutôt que la forêt publique, que ce soit l'Abitibi-Témiscamingue plutôt que le Bas-du-Fleuve, etc.

Ses priorités en termes de développement sont dans le type d'intervention, dans les clientèles visées selon que ce soient les feuillus, les conifères ou autre chose, etc. C'est pour cela qu'on fait des ententes sectorielles, parce qu'on considère que cela sert mieux les intérêts de priorisation du développement régional.

Les fédéraux reviennent et ils vont sans doute revenir avec une demande d'ententes régionales.

M. Rivest: Ils sont même revenus. Allez, dites la vérité.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Jean-Talon!

M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas nouveau; cela fait des années que c'est comme cela.

M. Rivest: Mais, pourquoi ne le dites-vous pas?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Jean-Talon, voulez-vous écouter la réponse du ministre? Vous aurez le droit de parole après, s'il vous plaît: La parole est au ministre.

M. Johnson (Anjou): Encore une fois, M. le Président, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Quant à la capacité de l'État fédéral de dépenser dans les domaines de sa juridiction, je n'ai pas le souvenir qu'on ait considéré que l'État fédéral ne pouvait pas dépenser pour les quais et pour les pêcheries dans le secteur maritime.

M. Rivest: On a interdit aux libéraux fédéraux de faire cela.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce sont des domaines d'intervention qui constitutionnellement relèvent de l'État fédéral. On n'est toujours bien pas pour dire aux fédéraux que la garde côtière ne fera rien sur le fleuve, batêche! Ce sont eux, la garde côtière; ce n'est pas nous. Alors, il ne faudrait quand même pas travestir ce qu'a été la revendication du Québec. Cela dit, et j'ai eu l'occasion d'en discuter récemment avec le ministre fédéral responsable, nous sommes ouverts à la notion et a l'idée d'une espèce d'entente d'harmonisation qui permettrait au Québec, à partir de l'entente-cadre qu'on a signée en décembre et cela va peut-être se matérialiser dans les mois qui viennent, d'avoir quelque chose à dire quand le gouvernement fédéral dépense dans un domaine d'intervention unilatéralement.

De fait, il le fait depuis des années. Et il se réclame de deux choses en le faisant: d'une part, de ses attributions constitutionnelles et, deuxièmement, d'une

pratique sur le territoire depuis des années. Ce dont le ministre Stevens - que j'ai eu l'occasion de rencontrer - et moi avons convenu, c'est qu'on va tenter - et je ne me fais pas d'illusions sur les difficultés que cela représente - quand nous, on a des projets sur le plan des aménagements, par exemple, d'infrastructures régionales, que ce soit dans le tourisme ou ailleurs ou même dans le secteur routier, de faire en sorte que les fédéraux tiennent compte de cela quand ils dépensent d'une façon unilatérale dans des domaines de leur juridiction.

L'alternative est de s'asseoir et de dire: Savez-vous? Cela fait quatorze ans qu'on dit que... Bien oui, cela fait quatorze ans qu'on dit que, puis cela n'a pas changé. Il faut que cela change. Et la façon de l'amener à le changer, eh bien, c'est d'accepter de collaborer dans certains domaines, en échange de quoi on peut obtenir du fédéral des interventions qui sont plus pertinentes à nos plans de développement régional.

M. Rivest: Avant de passer la parole au député, est-ce que le ministre m'autoriserait, simplement pour leur satisfaction personnelle, à ce que j'envoie sa dernière déclaration -car ce n'était pas possible l'harmonisation avec les députés libéraux - juste pour leur gouverne, à M. Marc Lalonde et à M. Jean Chrétien? Cela leur ferait tellement plaisir d'entendre ce que vous venez de dire. Car ce que vous venez de dire, quand c'était l'ancien gouvernement libéral c'était la catastrophe des juridictions! Puis là, envoie donc, on laisse le fédéral dépenser dans les régions. C'est ce que cela veut dire. Encore une fois, recul.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, 6.1 de l'entente-cadre: "Lorsque les ministres ont décidé d'une mesure à mettre en oeuvre qui ne nécessite pas d'engagements financiers de la part du gouvernement du Canada ni du gouvernement du Québec, mais qui nécessite des mesures de concertation et d'harmonisation à l'égard d'une politique, d'un programme ou d'une activité, les ministres peuvent signer une entente de concertation et d'harmonisation en décrivant la procédure ou les moyens qu'ils ont l'intention de prendre à l'égard de cette mesure." Cela, M. le Président, s'appelle un gain pour le Québec.

M. Rivest: Félicitations! Félicitations pour votre beau programme!

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais vous signaler, pour l'édification du ministre, qu'harmoniser veut dire se mettre au diapason de... Alors, le sens de ce message-là est assez clair. Oui, oui, deux diapasons différents, ce n'est pas comme ça. Vous n'avez pas beaucoup accordé de pianos dans votre vie, mais cela ne se fait pas avec deux diapasons.

M. Johnson (Anjou): Vous, vous avez l'air d'en jouer pas mal.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, c'est le député de Deux-Montagnes qui a la parole.

M. de Bellefeuille: Si c'était vrai, j'en serais fier, M. le Président. Mon collègue de Rosemont a essuyé tout à l'heure l'attitude fréquemment méprisante du ministre envers les députés. Le ministre s'est arrangé pour faire d'une façon qu'il croit subtile allusion au fait que le député de Rosemont n'est plus ministre. Cela fait partie de l'arrogance de beaucoup de ministres.

M. Johnson (Anjou): Quand est-ce que j'ai fait cela?

M. de Bellefeuille: Vous relèverez cela dans le Journal des débats.

M. Johnson (Anjou): Bien, voyons donc! Quand est-ce que j'ai fait cela?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de... À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): Mais vous êtes complètement susceptible, mon pauvre Pierre!

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Deux-Montagnes, allez-y si vous avez des questions à poser sur le programme ou, en fait, sur ce qui fait l'objet de discussions depuis 10 heures ce matin. Mais il ne faudrait pas faire le procès des réponses et des questions. Alors...

M. Johnson (Anjou): M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): ...si le député me le permet, je dirai qu'il n'y a rien de plus vicieux que de qualifier les autres de méprisants.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes, vous avez la parole.

M. de Bellefeuille: Hier, j'ai eu une petite passe d'armes avec le même ministre, mais dans un autre dossier, celui de la justice. Alors, je pourrais lui rendre la monnaie de sa pièce.

M. Blais: Question de règlement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Terrebonne, question de règlement.

M. Blais: M. le Président, je suis persuadé que le ministre n'a pas voulu faire allusion à cela. Et s'il l'a fait, malgré lui, à son insu, je suis persuadé qu'il s'en excuserait. Je demanderais au député...

M. Johnson (Anjou): Oui, mais si je ne l'ai pas fait.

M. Blais: II ne l'a pas fait, mais si...

M. de Bellefeuille: Je prends l'assurance du ministre, M. le Président.

M. Blais: Si M. le député de Deux-Montagnes pense qu'il l'a fait, qu'il dise les paroles qu'il a prononcées. Je suis persuadé que, si c'est vrai, le ministre s'en excusera. Et j'aimerais que cela soit fait.

M. de Bellefeuille: J'ai déjà accepté l'assurance du ministre, M. le Président.

M. Blais: Alors, voilà. Vous retirez votre accusation?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes a dit qu'il acceptait l'assurance du ministre. Revenons à la pertinence du débat.

M. Rivest: C'est une assurance qui n'est pas taxée.

Le Président (M. Gagnon): Ce n'est pas le débat d'hier, c'est le débat d'aujourd'hui. On étudie les crédits.

Augmentation des crédits

M. de Bellefeuille: Je voudrais revenir aux crédits, M. le Président, avec, j'en suis sûr, l'assentiment de tout le monde. Nous avons déjà noté que les crédits des Affaires intergouvernementales canadiennes, pour l'année qui vient de commencer, sont augmentés de 48,4 % par rapport à l'année précédente. J'ai affirmé tout à l'heure que l'action du gouvernement a pour effet de rapetisser le Québec. Or, ce que nous pouvons observer, M. le Président, c'est que, bien sûr, le Québec rapetisse à cause de l'action du gouvernement, mais cela ne veut pas dire que le gouvernement rapetisse, lui. Le gouvernement s'arrange pour grossir, quand même. Pendant que le Québec rapetisse sous l'action du gouvernement, le gouvernement lui, grossit.

Regardons un peu le détail de ces crédits. On voit, dans le résumé, cela commence par Conseil exécutif. Programme 7, Affaires intergouvernementales canadiennes. C'est à la page 9-9. Il y a trois éléments. Premier élément: cabinet du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes: 624 800 000 $. Il est concevable qu'un ministre ayant deux portefeuilles ait deux cabinets. Deuxièmement, Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes: 4 942 400 $, en comparaison de 3 324 400 $, ce qui représente une forte augmentation. Donc, les deux premiers éléments, qui sont gouvernementaux tous les deux: le cabinet du ministre et le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, eux, ils grossissent beaucoup.

Quel est le troisième élément, M. le Président? Le troisième élément, c'est la coopération interprovinciale et la francophonie. Est-ce que cela aussi augmente de - je ne sais pas - 48,4 %, comme on pourrait s'y attendre? Dans le cadre de ce néo-fédéralisme que pratique le gouvernement, on pourrait s'imaginer très naïvement que la coopération interprovinciale et la francophonie, c'est important. Pour l'actuel gouvernement, c'est moins important. Cela perd de l'importance, M. le Président. Puisque le Québec rapetisse, la coopération interprovinciale et la francophonie ont un budget rapetissant. Ce n'est pas une grosse diminution; c'est une diminution d'environ 3 %. Le budget affecté à la coopération interprovinciale et à la francophonie, qui était l'année dernière de 1 267 700 $, est cette année de 1 232 700 $, ce qui représente une diminution d'environ 3 %. Alors qu'il y a une augmentation générale des dépenses du gouvernement, alors qu'il y a une augmentation du programmes 7, Affaires intergouvernementales canadiennes, de 48,4 %, cet élément, qui est celui parmi les trois qui n'est pas gouvernemental, qui devrait plutôt refléter la politique du gouvernement dans ses relations avec le reste du Canada, coopération interprovinciale et francophonie, diminue. Je trouve cela étonnant. Je ne comprends pas les priorités de ce gouvernement.

Je n'ai pas besoin d'insister pour dire que je ne comprends pas le néo-fédéralisme de ce gouvernement, mais, à l'intérieur d'une optique fédéraliste - peut-être que mon collègue de Jean-Talon pourrait réussir à m'expliquer cela - comment se fait-il qu'on augmente les crédits des Affaires intergouvernementales canadiennes de 48,4 % et que toute l'augmentation, et même plus que toute l'augmentation, aille du côté gouvernemental alors que ce qui compte, la coopération interprovinciale et la francophonie, cela diminue? J'aimerais, M. le Président, qu'on cherche à m'expliquer cela. (12 h 45)

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Oui, cela s'explique et fort simplement. D'une part, si on prend le total d'augmentation des crédits du ministère, c'est 31 % et non pas 48 %.

Une voix: C'est quoi?

M. Johnson (Anjou): 31,82 %, et non pas 48 %.

M. de Bellefeuille: Quels sont les deux chiffres que vous comparez?

M. Johnson (Anjou): C'est que vous, vous avez pris secrétariat, vous avez mis coopération et cabinet séparés. Le budget global du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes est augmenté de 31 %. Il se ventile de la façon suivante: 10 % pour le cabinet du ministre, mais, comme vous le dites, il y a un ministre qui a deux ministères et deux cabinets. Par ailleurs, on a périmé 250 000 $ sur le budget. Donc, il n'y a pas trop de monde au cabinet en ce sens-là. Deuxièmement, en ce qui a trait au Secrétariat aux affaires intergouvernementales, la variation est de 48 %, c'est la plus importante. Je pense que vous avez eu l'autre cahier qui a été envoyé è la commission.

M. de Bellefeuille: M. le Président, ce que nous étudions, c'est cela ici. C'est ce document...

M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, ainsi que...

M. de Bellefeuille: ...public.

M. Johnson (Anjou): ...les documents qui ont été envoyés aux députés.

M. de Bellefeuille: Que je n'ai pas reçus.

M. Johnson (Anjou): Bon, ils sont à la commission, M. le Président. Les députés, je crois, savent qu'à toutes les périodes des crédits ils n'ont qu'à s'adresser au secrétariat qui donne des ventilations plus poussées que le livre des crédits.

M. de Bellefeuille: M. le Président, le ministre est-il en train de dire que les documents qui ont été distribués contredisent ce document-ci?

M. Johnson (Anjou): Mais non, voyons donc'.

Le Président (M. Gagnon): M. le député, vous avez posé deux questions au ministre. Le ministre est en train d'y répondre. Si vous voulez faire des commentaires additionnels sur ses réponses, vous aurez le droit de reprendre la parole. En ce qui concerne les documents qui ont été envoyés au secrétariat de la commission, ces mêmes documents ont été envoyés à chacun des membres de la commission. M. le ministre, vous avez toujours la parole.

M. Johnson (Anjou): Alors, comme cela se fait dans tousles ministères depuis toujours, è ma connaissance depuis que je siège au Parlement, au moment des crédits, je pensais que les membres de la commission auraient eu l'occasion, puisqu'ils viennent ici comme critiques, de jeter un coup d'oeil sur les documents additionnels qui sont des ventilations plus précises apportées à ces documents et qui sont souvent des explications aux questions que se pose le député. Mais je les lui donnerai ici viva voce.

D'une part, dans ce cahier, il remarquera que l'augmentation globale est de 31,82 % dont 10 % au cabinet. Je répète que 250 000 $ ont été périmés. Deuxièmement, c'est 48,67 % au secrétariat lui-même. Et la diminution de 2,76 % à la coopération et à la francophonie est essentiellement un transfert de postes budgétaires qui étaient inadéquats à la suite des remarques du Vérificateur général ou de je ne sais pas quoi. Les sommes dépensées sont exactement les mêmes que l'année précédente. C'est juste un transfert de postes budgétaires.

Deuxièmement, je dirai que le gros de l'augmentation provient effectivement du secrétariat. Il est composé essentiellement de l'ajout d'effectifs. L'ajout d'effectifs n'est pas une augmentation de la machine gouvernementale, je dirai essentiellement, à une exception près. D'une part, il y a cinq postes qui ont été créés pour le bureau du Québec à Ottawa. C'est évident qu'il fallait les créer, les postes... on a ouvert un bureau qui, à nos yeux, est d'une grande utilité. D'autre part, il y a cinq postes qui sont reliés à la mise sur pied du secrétariat lui-même et à l'adoption du plan d'organisation de l'administration supérieure du ministère. Cinq postes constituent des transferts qui proviennent du ministère des Relations internationales et auxquels il faut ajouter les postes qui nous viennent de l'OPDQ, qui sont des postes...

Or, tout cela s'autofinance. C'est un transfert de postes et d'effectifs. Ce n'est pas la machine gouvernementale qui grossit. Pour l'essentiel, on a cinq postes de plus qu'on n'en avait avec le bureau d'Ottawa. On a des postes à l'organisation supérieure et une partie, d'ailleurs, du recrutement se fait à l'intérieur des secrétariats, que ce soit au Trésor, au Conseil exécutif ou ailleurs.

Donc, présenter cela comme étant un exemple des monstres tentaculaires

bureaucratiques, non, non. L'équipe est formée de 74 personnes. C'est, à toutes fins utiles, l'équivalent d'un organisme central qui a des fonctions de coordination interministérielle, qui a des fonctions d'analyse. Le degré, par exemple, de cadres et de professionnels est, évidemment, plus élevé que dans la plupart des autres ministères, étant donné que ce sont des fonctions d'analyse qui sont faites, comme on en retrouve, par exemple, au secrétariat du Conseil du trésor.

En ce sens, dans le budget global du gouvernement, la création du secrétariat représente vraiment, pour l'essentiel, peut-être la création de ces cinq postes à Ottawa. Pour l'essentiel, c'est cela. C'est vrai que le budget augmente, parce qu'il y a des transferts d'effectifs et de postes. Maintenant, le budget de l'OPDQ sera réduit d'autant qu'il n'y aura plus d'effectifs à l'OPDQ pour s'occuper de cela. Ces effectifs sont rendus au ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes. Pour l'essentiel, c'est ainsi que cela s'explique.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je note un certain nombre de choses. D'abord, le ministre a parlé de monstre tentaculaire et bureaucratique. Je n'ai jamais employé d'expression comme cela. Deuxièmement, je reconnais l'intérêt de certaines des explications du ministre quant à des transferts de personnel. Troisièmement, je note que le ministre reconnaît que la partie de ses crédits qui doit être affectée à la coopération interprovinciale et à la francophonie diminue cette année par rapport à l'année précédente.

M. Johnson (Anjou): Elle ne diminue pas, elle est la même que celle de l'année dernière, sauf que, si elle diminue dans le livre des crédits, c'est simplement parce qu'il y a un transfert de 35 000 $ cette année. Les 2,76 %, c'est un transfert, c'est une imputation budgétaire qui est différente. Les sommes dépensées dans le secteur de la coopération sont exactement les mêmes à ce stade-ci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Oui. De toute façon, même si tel est le cas, il n'y a pas d'augmentation...

M. Johnson (Anjou): C'est vrai dans les crédits à ce stade-ci.

M. de Bellefeuille: ...alors que la partie gouvernementale des crédits augmente d'à peu près la moitié, d'à peu près 50 %.

M. Johnson (Anjou): Je peux vous donner un exemple. On a, dans le plan d'organisation supérieure, par exemple, un poste qui a été créé. La personne a été recrutée à même la fonction publique. Donc, cela augmente le budget du secrétariat. La fonction de cette personne a été de revoir, pendant une période de cinq mois, toute la coopération avec les francophones hors Québec. Cela a impliqué des rencontres avec l'ensemble des groupes. Cela a impliqué 250 rencontres de cette personne avec les groupes francophones hors Québec et différentes interventions dans le cadre de la réévaluation de la coopération avec les francophones hors Québec. Cela va se traduire éventuellement par une politique qui risque d'impliquer des budgets supplémentaires.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes, on va vous laisser terminer votre question.

M. de Bellefeuille: Cela va être très bref, M. le Président. Les dernières observations du ministre ne manquent pas d'intérêt non plus.

Mon dernier point, c'est pour signaler qu'il y a des contradictions entre le document qui compte et les ajouts, ce qui n'est pas régulier. Avant que le ministre me le signale, je connaissais l'existence de ce genre de document. M. le ministre, je savais qu'on publiait ce genre de document, mais j'insiste sur le fait que le document qui compte, c'est celui-ci, et je vous signale qu'au premier élément du programme 7...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. de Bellefeuille: ...le document qui compte indique, pour 1984-1985, zéro.

M. Johnson (Anjou): Où? À quelle...

Le Président (M. Gagnon): Le premier élément du programme 7.

M. de Bellefeuille: À la page 9-9.

M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, c'est parce qu'il n'y avait pas de cabinet du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes l'an passé pour la simple raison qu'il n'y avait pas de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Donc, il n'y avait pas de cabinet.

M. de Bellefeuille: M. le Président, le ministre m'interrompt, je n'avais pas terminé.

M. Johnson (Anjou): Voyons donc!

Le Président (M. Gagnon): Terminez votre question.

M. de Bellefeuille: Dans l'autre document, pour le même élément, cabinet du ministre, pour 1984-1985, on donne une somme de 566 200 $.

M. Johnson (Anjou): D'une part...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez terminé, M. le député?

M. Johnson (Anjou): ...dans le document en question - je pense que le député cherche des réponses et j'essaie de lui en donner -comme cela se fait dans tous les ministères depuis toujours lors de l'étude des crédits, oui, il y a une masse salariale prévue pour le cabinet qui n'existait pas avant. Elle n'existait pas avant, il n'y avait pas de ministre. Je dirai que, sur ce montant d'environ 500 000 $, plus de 250 000 $ ont été périmés. C'étaient des prévisions, parce que mon cabinet aux Affaires intergouvernementales canadiennes n'est pas une très grosse équipe. Il y a quatre personnes qui sont des attachés politiques et qui sont très efficaces.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Mais je n'ai toujours pas d'explication, à savoir comment il se fait que les deux documents ne mentionnent pas ce chiffre de 566 200 $. Pourquoi n'est-ce pas ici?

Le Président (M. Gagnon): M. le député, je pense avoir eu la réponse. Il a expliqué que, pour l'année 1984-1985, alors qu'on étudie les crédits de 1985-1986, cela n'existait pas.

M. Johnson (Anjou): C'est parce que cela appartenait au Conseil exécutif au moment de l'impression des crédits. C'est aussi simple que cela. C'est juste un transfert. C'est à cause des arrêtés en conseil qui ont suivi, notamment l'adoption de la loi qui scinde les deux. C'est juste un problème de transfert budgétaire. Les gens de mon cabinet sont avec moi depuis que je suis au ministère. Ce sont des gens qui travaillent très fort, mais ils ne travaillent pas sans salaire, on leur paie un salaire. Dans le livre des crédits, c'est écrit zéro parce qu'ils émargeaient au Conseil exécutif. Dans le document additionnel qu'on vous fournit pour mieux vous renseigner, plutôt que d'y voir des contradictions ou bien de soupçonner qu'il y a des manipulations épouvantables, on vous dit simplement que, oui, cela va être maintenant affecté au secrétariat des affaires canadiennes.

M. dé Bellefeuille: J'ai effectivement parlé de contradictions, M. le Président; je n'ai pas parlé de manipulations. Je pense qu'il y a là le même problème que tantôt, une certaine tendance à comparer des prévisions à des dépenses réelles. Je dois donc conclure que, dans ce document-ci, qui n'est pas le document principal qui est confié à notre étude, on compare, sous la colonne 1984-1985, des dépenses réelles à des prévisions sous la colonne 1985-1986.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. de Bellefeuille: Je prétends, M. le Président, que ce genre de comparaison est très dangereux, cela peut induire en erreur. Il y avait cette même difficulté tout à l'heure, quand nous discutions des ententes-cadres et que le ministre parlait des dépenses réelles pour une certaine période et des prévisions pour les ententes actuellement négociées. Je prétends, M. le Président, qu'il faut beaucoup se méfier de cette comparaison de pommes et d'oranges.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: L'ancien député de Jean-Talon maintenant député à Ottawa, M. Raymond Garneau...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous aviez un plan de carrière?

M. Rivest: Oui, j'en ai un, effectivement. Vous allez être surpris, M. le ministre. Est-ce que je peux vous demander le vôtre?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Jean-Talon, vous avez la parole.

M. Rivest: II n'y a pas de réponse, je le remarque.

Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez avoir une réponse, est-ce que votre question est terminée?

M. Rivest: Non, je n'ai pas commencé ma question. Demain, nous allons poursuivre l'étude des crédits. On a parlé de beaucoup de choses, mais, entre autres, pour parler de ce qui existe, parce qu'on prépare maintenant le budget fédéral, et voir son impact sur le Québec... La volonté politique va peut-être exister cette fois-ci, étant donné qu'on a tellement demandé, ce matin, au ministre de défendre les intérêts légitimes du Québec, même si les libéraux fédéraux ne sont plus là. Mais M. Garneau est là et il a

chiffré à 700 000 000 $ les conséquences directes des coupures budgétaires fédérales sur le Québec; 700 000 000 $ pour un an, pas pour cinq: 1 000 000 000 $ ou 635 000 000 $, mais pour un an. C'est assez fort! Pas de réaction du Québec. Je voudrais que le ministre, pour demain... Je peux lui poser des questions précises.

M. Johnson (Anjou): Vous ne parlez pas de transferts au Québec.

M. Rivest: Non.

M. Johnson (Anjou): Vous parlez des sommes d'argent du fédéral dépensées dans différents services.

M. Rivest: C'est cela, l'impact des coupures, l'énoncé de M. Wilson. Je voudrais que le ministre, si c'est possible, nous dise publiquement pour une fois, à l'occasion de l'étude des crédits demain, combien, effectivement, ont coûté au Québec les coupures fédérales. Vous pourrez prendre la déclaration de M. Garneau qui a fait l'exercice à Ottawa. Peut-être ses chiffres sont-ils imprécis, mais il chiffrait cela à 600 000 000 $ ou 700 000 000 $. Par exemple, je veux qu'on nous dise, pour illustrer ma question - étant donné qu'il est maintenant 13 heures, je vais y aller brièvement - combien ont coûté en pertes, au Québec, les coupures au titre de l'aide au développement régional et à l'assurance-chômage, les transferts fédéraux, les risques difficilement évaluables - j'en conviens - de la libéralisation des secteurs mous de l'économie et, dans la mesure où cela peut avoir une importance sans doute moindre sur le plan de l'universalité - ces politiques ne sont pas encore tout à fait claires, c'est peut-être difficile à évaluer - l'aide a l'agriculture. Sur la nouvelle politique de l'énergie - c'est intéressant - y a-t-il quelqu'un, quelque part dans le gouvernement du Québec, un ministre qui a analysé cela et qui a dit publiquement combien c'était pour coûter au Québec?

J'imagine que vous l'avez fait. Si vous ne l'avez pas fait, ce serait - ce n'est pas ce que je veux dire, mais enfin cela veut dire ce que je veux dire - épouvantable! Après tout ce qu'on a fait ce matin comme débat, je vous demande de le dire publiquement - pas de prendre votre discours que j'ai qualifié tantôt "d'hystérico-préréférendaire", quand vous parliez des libéraux fédéraux - et sobrement ce que cela a impliqué comme impact budgétaire pour le gouvernement du Québec, comme impact économique également et en termes d'emplois. Est-ce que le ministre pense être en mesure de nous fournir une indication raisonnable, de ces impacts comme M. Garneau l'a fait d'une façon raisonnable, puisque cela n'a même pas été contesté par le ministre fédéral, M. Wilson, les chiffres que M. Garneau avait avancés selon lesquels cela coûterait a peu près 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ au Québec? Est-ce possible d'avoir cela pour demain?

Le Président (M. Gagnon): Une courte réponse du ministre.

M. Johnson (Anjou): Selon les énoncés politiques, ayant l'impression que sans doute le budget fédéral va être un gros train qui va entrer en gare dans la mesure où les fédéraux veulent diminuer leur déficit sans faire de ponction fiscale additionnelle, il est bien évident que cela va se traduire par moins de dépenses partout sur le territoire canadien - ce n'est pas bien compliqué - y compris au Québec.

Il y a un certain nombre de dossiers qui ont été évoqués par le député. On pourra sûrement faire une appréciation assez globale de cela; on a des chiffres sur cela et on vous les donnera demain. Il y a peut-être un certain nombre de dossiers spécifiques qui flottent un peu plus, que ce soit celui de l'énergie, par exemple, ou celui de la libéralisation des secteurs mous où les impacts sont plus difficiles à évaluer. Ce n'est pas pour rien qu'on a tenu un sommet récemment dans ce domaine où a convié les fédéraux, d'ailleurs, à venir expliquer au monde ce qu'ils avaient l'intention de faire. Oui, on fournira tout ce qu'on peut fournir demain.

Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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