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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des institutions se réunit ce matin et a pour
mandat de procéder à une consultation générale sur
le projet de règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité, en vertu du paragraphe b de l'article 86.8, de la
Charte des droits et libertés de la personne.
Sont membres de cette commission: MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blais (Terrebonne), Blouin (Rousseau), de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Gagnon
(Champlain), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Fabre), Levesque
(Bonaventure), Mailloux (Charlevoix), Marx (D'Arcy McGee), Paquette (Rosemont),
Payne (Vachon), Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon) et Mme Saint-Amand
(Jonquière).
Avant de demander au secrétaire de nous annoncer les
remplacements de ce matin, je dois vous dire que ces mêmes remplacements
prévaudront pendant les quatre jours d'audition que nous aurons. M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
M. Marx: M. le Président, est-ce qu'il sera possible
d'apporter des changements aux remplacements, le cas échéant?
Le Président (M. Gagnon): Oui, avec l'unanimité de
la commission.
M. Marx: Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus dès
maintenant?
Le Président (M. Gagnon): Je suis obligé de vous
dire que les remplacements qui se font ce matin sont pour toute la durée
de la commission. Mais on pourra peut-être y revenir un peu plus
tard?
M. Marx: Très bien. Pour en revenir aux remplacements, M.
Dauphin va remplacer M. Mailloux et M. Viau va remplacer M. Levesque. Cela
va?
Le Président (M. Gagnon): Cela va. Je dois vous dire qu'en
vertu de l'article 130 de notre règlement, effectivement, les
remplacements doivent être annoncés au début de la
séance de la commission.
M. Marx: M. le Président, nous n'avons pas objection s'il
y a d'autres députés qui aimeraient siéger à la
commission.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Je voudrais proposer que mon collègue le
député d'Iberville, M. Jacques Beauséjour, remplace M.
Leduc, député de Fabre, s'il vous plaît!
Le Président (M. Gagnon): Très bien. Est-ce que
vous pouvez nous faire connaître les remplacements, M. le
secrétaire?
Le Secrétaire: D'accord. Les remplacements sont les
suivants: M. Leduc (Fabre) est remplacé par M. Beauséjour
(Iberville); M. Levesque (Bonaventure) est remplacé par M. Viau
(Saint-Jacques); M. Mailloux (Charlevoix) est remplacé par M. Dauphin
(Marquette).
Le Président (M. Gagnon): L'ordre du jour d'aujourd'hui.
Nous commencerons dans quelques minutes avec le Comité ad hoc de
concertation pour l'accès à l'égalité. Il sera
suivi de la Coalition des femmes pour l'accès à
l'égalité, du Collectif des femmes immigrantes de
Montréal, du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail Inc., de la Fédération des femmes du Québec, de
l'Action travail des femmes, du Comité de condition féminine du
Réveil des assistés sociaux de Longueuil.
Nous accorderons 55 minutes par mémoire, soit 20 minutes pour
entendre les mémoires et 35 minutes d'échange de points de vue
avec les membres de la commission. Une suspension de 5 minutes devrait
permettre aux groupes de changer de siège.
M. le député de Vachon.
Motion proposant d'entendre le ministre de la Justice
M. Payne: M. le Président, étant donné que
le ministre responsable de la rédaction du projet de règlement
est le ministre de la Justice, est-ce que je pourrais proposer que, suivant une
tradition, on puisse l'entendre afin qu'il fasse un survol de la situation et
ceci, dans une période assez restreinte, une période assez
limitée?
Le Président (M. Gagnon): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, les traditions ont
changé, mais nous sommes tout à fait d'accord avec cela. Si le
ministre veut aller à la table des témoins et se faire entendre
par la commission, cela nous ferait bien plaisir d'entendre le ministre.
Le Président (M. Gagnon): La demande du
député de Vachon, si je comprends bien, est de permettre au
ministre de siéger à cette table avec droit de parole mais sans
droit de vote, n'est-ce pas? Cela s'est déjà fait dans le cadre
de certaines commissions mais, pour accepter cette demande, je dois obtenir
l'unanimité des membres de la commission.
M. Payne: L'esprit de la question est tout simplement que l'on
puisse l'entendre sur un sujet aussi névralgique que les programmes
d'accès à l'égalité, que ce soit comme
témoin à la barre ou ici...
M. Marx: Nous sommes prêts, comme je viens de le dire,
à entendre le ministre comme témoin à la table. Cela nous
fera un grand plaisir de l'entendre soit aujourd'hui, soit demain, soit jeudi,
soit vendredi. À n'importe quel moment, je pense que la commission sera
prête à entendre le ministre et, même, s'il y a d'autres
ministres qui veulent se faire entendre, je ne crois pas qu'on ait des
objections.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Iberville.
M. Beauséjour: M. le Président, je m'interroge.
Quand il s'agit d'un projet de loi, ordinairement, le ministre siège
à la table ici. Quand il s'agit d'un projet de règlement, cela
découle en réalité d'un projet de loi. Ce que je voudrais
savoir, c'est ceci. Selon le règlement, est-ce que cela donnerait aussi
le droit au ministre de siéger à notre table?
Le Président (M. Gagnon): Une autre intervention, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, c'est dans le même
esprit. Généralement, quand il s'agit d'un projet de loi ou d'un
règlement qui, en fait, est de la législation
déléguée, tous les membres de la commission consentent
à ce que le ministre concerné, responsable, s'assoie avec nous
afin, lut aussi, de poser des questions à ceux qui viennent donner leur
point de vue sur le projet de loi ou la réglementation. Pourquoi,
aujourd'hui, enverrait-on le ministre s'asseoir là-bas pour quelques
minutes alors qu'il pourrait, lui aussi, faire oeuvre utile avec nous en
entendant et en posant des questions à ceux qui sont invités?
Dans ce sens, je ne vois pas pourquoi tous les membres de la commission,
à l'unanimité, ne donneraient pas leur consentement pour que le
ministre puisse s'asseoir avec nous et faire le travail avec nous.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: ...il me semble que le député de
Châteauguay n'a pas tenu compte de la réforme parlementaire que
nous avons faite. On a voulu donner plus de responsabilités, plus de
pouvoirs aux simples députés, au législatif. C'est
pourquoi nous avons fait cette réforme parlementaire.
Le règlement est très clair sur ce point. Le ministre n'a
pas le droit de siéger à cette commission. Je vais vous lire les
articles 124 et 125 de notre règlement. L'article 124: "Un ministre peut
être membre d'une commission pour la durée d'un mandat si la
motion d'envoi adoptée par l'Assemblée l'indique." Il n'y a pas
de telle motion. L'article 125: "Le ministre ou le député qui
présente un projet de loi est membre de plein droit de la commission qui
l'étudie" Il ne s'agit pas d'un projet de loi ici. Il y a aussi les
articles 119 et 120 qui font la distinction entre un projet de loi et un projet
de règlement. À l'article 119 on peut lire: "À la demande
de l'Assemblée, les commissions étudient: 1° les projets de
loi; 2° les crédits budgétaires; 3° toute autre
matière qui leur est confiée." À l'article 120 il est dit:
"De leur propre initiative, les commissions étudient: 1° les projets
de règlement et les règlements; 2° les orientations, les
activités et la gestion des organismes oubliés; 3° les
engagements financiers; 4° toute autre matière
d'intérêt public." Donc, on a fait cette distinction entre un
projet de loi et un projet de règlement. Nous avons devant nous
aujourd'hui un projet de règlement.
D'autre part, le mandat que nous avons aujourd'hui vient de la Charte
des droits et libertés de la personne. J'aimerais vous lire le premier
alinéa de l'article 86.9: "Le gouvernement, après consultation de
la commission, publie le projet de règlement à la Gazette
officielle du Québec avec un avis indiquant le délai après
lequel ce projet sera déposé devant la commission parlementaire
élue de la justice et indiquant qu'il pourra être adopté
après l'expiration des trente jours suivant le dépôt du
rapport de cette commission devant l'Assemblée nationale."
Je continue le deuxième alinéa: "Le gouvernement peut, par
la suite, modifier le projet de règlement. Il doit alors, dans ce cas,
publier le projet modifié à la Gazette officielle du
Québec avec un avis indiquant
qu'il sera adopté sans modification à l'expiration des 30
jours suivant cette publication." Vous voyez que le mandat vient directement de
la charte des droits à la commission.
J'ajoute, M. le Président, que le mandat de cette commission est
aussi un mandat d'initiative, parce que c'est la commission qui a
décidé d'entendre les groupes qui sont ici aujourd'hui. Cela
n'est pas exigé par la charte des droits; cela n'est pas exigé
par notre règlement; c'est un mandat d'initiative de la commission. Vous
savez bien que, lorsqu'il s'agit d'un mandat d'initiative, le ministre ne
siège jamais à la commission.
Je souligne aussi que le gouvernement peut bien modifier le
règlement à son gré. C'est donc une autre raison pour
laquelle ce n'est pas nécessaire que le ministre fasse partie de la
commission.
J'aimerais aussi faire remarquer que le gouvernement peut consulter tout
le monde. Effectivement, le gouvernement a consulté presque tout le
monde à deux ou trois reprises. Si je me fie au mémoire qui a
été déposé par la Commission des droits de la
personne du Québec, on voit bien que le gouvernement, sur ces projets de
règlement, a consulté beaucoup d'organismes au Québec.
Malheureusement, l'Opposition n'a pas été consultée, mais
tout le monde, à part l'Opposition, a été consulté.
Lorsque nous avons fait la réforme parlementaire, la question de la
consultation a été soulevée et il a été dit,
à cette époque, que le gouvernement aurait le loisir de consulter
qui il voudrait, que le ministre pourrait faire une tournée de la
province pour consulter des groupes. J'imagine que le ministre a
déjà consulté - pas lui, mais son
prédécesseur qui est maintenant le premier ministre - et a
déjà reçu des mémoires de beaucoup d'associations
et de groupes du Québec. Comme je l'ai dit, il y a quelques minutes,
nous sommes tout à fait prêts à entendre le ministre s'il
veut nous entretenir soit aujourd'hui, soit demain, soit jeudi, ou vendredi; ou
encore à tout autre moment.
En conclusion, je trouve que ce serait un précédent
très dangereux de permettre à un membre de l'exécutif de
siéger à la commission, étant donné que nous sommes
en train de donner suite à un mandat d'initiative de la commission. Cela
serait un précédent très dangereux, parce qu'on a fait la
réforme parlementaire, précisément pour exclure les
membres de l'exécutif de ces travaux des commissions. Je ne vois pas
pourquoi il serait nécessaire de faire des modifications aujourd'hui.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: J'ai bien écouté le
député de D'Arcy McGee et cela me fait sourire un peu parce que
le règlement dit bien que l'on peut permettre, à la suite du
consentement de la commission, à n'importe quel député de
s'ajouter aux travaux d'une commission parlementaire. Le ministre de la Justice
est d'abord et avant tout député de Sherbrooke. M. le
député de D'Arcy McGee nous dit que le gouvernement, donc, le
ministre aura le pouvoir de corriger le règlement. Justement, si on veut
qu'il soit bien à l'aise de le corriger selon la volonté des gens
qui sont concernés, pourquoi ne lui donnerait-on pas la
possibilité de s'installer à la table ici et de poser toutes les
questions que lui aussi il lui semble bon de poser pour qu'il soit en mesure de
faire les meilleures corrections possible au règlement.
Bien sûr que nous avons connu une réforme parlementaire.
Cette réforme parlementaire a surtout maintenant l'avantage pour nous
parlementaires de nous permettre des initiatives. Nous avons pris l'initiative.
Qu'est-ce qui nous empêche, à l'intérieur de cette
initiative, de permettre au ministre de venir lui aussi poser des questions
à nos invités? M. le Président, si cela continue comme
ça, je vais me demander s'il n'y a pas de la mauvaise foi quelque part?
Il n'y aura pas de précédent de créé parce qu'on
aura permis au ministre de la Justice de s'installer à la table pour
poser des questions lui aussi. Voyons donc! Puisque le règlement
prévoit qu'on peut donner, à la suite d'un consentement, ce droit
à un ministre, arrêtons de faire du chichi ce matin. Permettons au
ministre de s'installer ici pour poser des questions lui aussi.
Autrement, ce qui va arriver, M. le Président, on va lui
permettre quelques minutes pour s'asseoir à la table ici. Il va
répondre à quelques questions. Après ça,
taisez-vous, M. le ministre, et écoutez-nous, lisez les journaux, lisez
le Journal des débats, vous pourrez ensuite faire des corrections au
règlement. Cela n'a aucun bon sens. Honnêtement, on le fait
habituellement, pourquoi ne le ferait-on pas ce matin? Permettons au ministre
de s'asseoir à la table et de poser des questions exactement comme nous.
Je ne pense pas que cela donne de mauvais résultats. Au contraire, on
peut s'attendre que cela donne de meilleurs résultats. Pourquoi ne
ferait-on pas ce qu'on fait très souvent?
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee, après ce sera le
député de Vachon.
M. Marx: J'ai écouté attentivement le
député de Châteauguay. Il a bien dit ce qu'il a voulu dire,
mais il ne s'est pas appuyé sur le règlement et sur la
réforme parlementaire. Je lis à l'article 163: "Toute commission
doit entendre un ministre qui
demande à s'exprimer dans le cadre de l'examen d'une affaire."
Donc, en vertu de l'article 163 on est prêt à l'entendre.
Deuxièmement, M. le Président, je pense que...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de D'Arcy McGee, c'est parce que cela fait au moins deux
ou trois fois que vous vous appuyez sur le règlement pour dire que le
ministre ne doit pas être entendu ou ne doit pas siéger à
de cette table.
M. Marx: II n'a pas le droit.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez parfaitement raison
tant que la commission ne lui donne pas la permission. La commission peut - et
c'est là-dessus qu'on plaide actuellement - permettre au ministre de
siéger ici sans droit de vote et sans droit de présenter des
motions, mais peut lui permettre de siéger ici.
M. Marx: M. le Président, je ne suis pas sûr que la
commission pourrait donner la permission au ministre de siéger, mais
à part cela le gouvernement...
Le Président (M. Gagnon): L'article 132.
M. Marx: ...est en train de consulter la commission. Si le
gouvernement a l'intention de consulter la commission, comme c'est prévu
dans la charte, le gouvernement ne doit pas faire partie du groupe qui est
consulté. Il y a un conflit. Le ministre veut nous consulter et il veut
faire partie de cette commission. Ce sont deux rôles qui sont
incompatibles et c'est la raison pour laquelle nous ne voyons pas pourquoi le
ministre siégerait comme membre de cette commission.
Le député de Châteauguay a dit que cela
s'était toujours fait. Je ne sais pas ce qu'on a fait avant la
réforme parlementaire, mais maintenant il y a la réforme
parlementaire qui est intervenue et qui a changé les règles du
jeu. Nous voulons respecter cette réforme parlementaire et les nouvelles
règles du jeu.
Le Président (M. Gagnon): Maintenant, je...
M. Dussauit: M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai
dit. Ce que j'ai dit, c'est que nous avons fait souvent ce que je demande qu'on
fasse ce matin dans le sens de donner la permission à un ministre de
s'asseoir à la table ici pour poser des questions. C'est tout simplement
ce que je dis.
M. Marx: ...la réforme parlementaire. M. Dussauit:
C'est simple, c'est le bâillon qu'on veut imposer au ministre ce
matin, c'est clair.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le
député de Vachon.
M. Payne: On n'en fera pas un plat, on peut clore la discussion
là s'il n'y a pas de consentement. Je rappellerais au
député de l'Opposition que - il parle de la tradition
parlementaire - la tradition parlementaire est fabriquée de toutes
sortes de précédents. Je pourrais peut-être lui rappeler
que, le 29 août, c'était cette même commission qui avait
consenti à entendre avec nous le député de Bertrand, le
chef de l'Opposition. Il est venu et il a fait son exposé. Je ne vois
pas ce que le député de D'Arcy McGee a à craindre du
ministre de la Justice.
On comprend qu'il a préparé un petit exposé
à la suite d'une tradition. C'est lui qui était responsable de
préparer l'avis è la Gazette officielle... ou son
prédécesseur. Il m'apparaissait très normal qu'il prenne
quelques minutes pour faire un exposé. C'est en vertu de l'article 132.
On n'a pas besoin de faire un plat, ou c'est oui ou c'est non. Sinon, on le
laisse tomber.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes. Après, ce sera au député de Terrebonne,
puis je reviendrai à vous. M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je m'étonne de
l'attitude des ministériels qui sont en train de faire une espèce
de "filibuster" qui nous empêche d'aborder rapidement l'étude du
projet de règlement. Je crois constater que les ministériels
n'ont pas compris ou ne veulent pas maintenir la réforme parlementaire.
Ils veulent revenir ' aux habitudes antérieures, à ce qui se
passait avant la réforme parlementaire. Je déplore cette
situation. Je demande, de façon très pressante, à tous nos
collègues d'accepter de fonctionner conformément au
règlement tel qu'il a été modifié au moment de la
réforme parlementaire afin que nous abordions, le plus rapidement
possible, la tâche qui nous a été confiée.
Le Président (M. Gagnon): Dernier intervenant.
Une voix: Non, M. le...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Puisque,
effectivement, je me rends compte qu'il n'y a pas de consentement pour entendre
le ministre, je ne vois pourquoi on passerait une heure à discuter de
cela. Oui, M. le député de Rousseau.
M. Blouin: II y a des points de loi, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): D'abord, j'aimerais
reconnaître le député de Terrebonne qui m'a demandé
la parole tantôt et je reviendrai à vous.
M. Blais: Merci, M. le Président. Je trouve très
curieux, très vexant et très blessant pour tous ceux qui vont
présenter un mémoire ici de ne pouvoir s'adresser à celui
qui verra à faire respecter ce règlement et que cette personne,
qui est le ministre, ne puisse pas poser des questions et demander des
explications à ceux qui vont présenter des mémoires. Je
trouve cela terrible de la part de l'Opposition de ne pas permettre à
tous les groupes qui sont ici ce matin ou à ceux qui seront ici durant
les jours qui viennent de" s'adresser au responsable de l'application de ces
règlements qui viendront et surtout que celui-ci ne puisse pas poser de
questions aux gens qui viennent. Je trouve cela déplorable.
Ces gens ne sont pas ici pour entendre les deux côtés de la
table discuter d'une telle chose. Il me semble que cela va de soi que le
responsable devrait être à la table pour poser des questions. Je
ne veux pas éterniser le débat, mais je trouve cela
déplorable, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau. Je reviendrai à vous après.
M. Blouin: M. le Président, je dois d'abord
préciser au député de D'Arcy McGee qu'il y a des
précédents, contrairement à ce qu'il disait. Tout
récemment, en fait au mois de septembre de cette année, il y a
quelques semaines, une commission parlementaire s'est également
donné un mandat d'initiative et elle a accepté, comme le
prévoit l'article 132, c'est pour cela qu'il est dans nos
règlements - que le ministre - en l'occurrence il s'agissait du ministre
des Finances - fasse partie de la commission et puisse participer aux travaux
de cette commission.
M. le Président, deuxièmement, je suis sûr que le
député de D'Arcy McGee n'a pas examiné en détail
l'article 86.9 de la Charte des droits et libertés de la personne et qui
en se comportant comme il le fait il contrevient à cet article de la
loi, à son esprit et à son essence même. Au moment
où la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec a été adoptée, l'article 86.9
prévoyait la tenue de cette commission parlementaire et, comme la
réforme parlementaire n'avait pas été adoptée
à ce moment, elle prévoyait aussi que le ministre de la Justice,
qui sera chargé de parrainer cette réglementation et ensuite de
la faire appliquer, puisse en toute logique venir rencontrer les groupes et
entendre ce qu'ils ont à dire et ensuite échanger avec eux.
Je suis persuadé que le député de D'Arcy McGee, qui
généralement est un bon joueur, à la lumière de ce
que je viens de lui dire et conformément à l'article 86.9 de la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec, pourrait
probablement réviser sa position. Conformément à
l'intention et à la lettre de cette loi il pourrait permettre - comme il
se doit me semble-t-il - au ministre de la Justice d'être entendu. Je
rappelle aussi au député de D'Arcy McGee qu'il y a à peine
quelques semaines nous avons permis, comme l'article 132 nous en donne la
possibilité, au chef de l'Opposition, M. Bourassa de faire partie d'une
commission parlementaire, alors que nous aurions bien pu utiliser ces articles
de règlement et cette procédure un peu tatillonne pour lui
refuser l'accès à une commission. Nous n'avons pas fait cela.
Nous avons accueilli le chef de l'Opposition et nous lui avons permis de
s'exprimer. Conformément à l'article de la loi que j'ai
évoqué tout à l'heure et à la gentilhommerie
habituelle du député de D'Arcy McGee, je souhaite donc que le
ministre puisse de plein droit - comme la commission a le droit de le faire -
participer aux travaux de cette commission, ce qui m'apparaît normal.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, les députés de
Vachon et de Rousseau ont oublié que le chef de l'Opposition, le
député de Bertrand, ne fait pas encore partie de
l'Exécutif; ce sera bientôt, mais à ce moment-ci il n'est
pas membre de l'Exécutif, il n'est pas encore le premier ministre du
Québec. Donc, quand il a siégé à cette commission
il a siégé comme simple député. Nous sommes
d'accord pour que n'importe quel député ministériel puisse
siéger à cette commission et nous sommes tout à fait
d'accord pour permettre au ministre de se faire entendre. Mais qu'est-ce que le
député veut dire?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Puisque le député de D'Arcy McGee
désire des précisions je le réfère - je crois qu'il
n'a pas lu la charte récemment -à l'article 86.9 de la charte,
qui précise que le ministre participe à une consultation -celle
que nous sommes en train de tenir -qu'il rencontre les groupes qui ont des
choses à dire, qu'il peut leur poser des questions et que c'est à
la suite de cette consultation que le règlement est adopté et mis
en application. Ce qu'est en train de faire le député de D'Arcy
McGee c'est de priver le ministre, à cause d'une procédure
parlementaire - et pourtant l'article 132 lui permettrait de passer au-dessus
de ce tatillonnage - ce que le député de D'Arcy McGee est en
train de faire c'est de priver
et les groupes et le ministre d'une consultation essentielle qui est
prévue dans la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec. Par son attitude, il veut tout simplement annuler une bonne
partie, une partie importante et substantielle de cette consultation pour en
faire une consultation qui limiterait la présence des intervenants aux
seuls membres députés de la commission. Cette attitude politique,
M. le Président, je laisse à ceux et celles qui nous
écoutent le soin de la qualifier. (10 h 30)
M. Marx: M. le Président, le député de
Rousseau me fait un procès d'intention. Tout ce que je veux, c'est qu'on
respecte la réforme parlementaire, qu'on respecte notre
règlement.
J'ajoute, en terminant, que le député de Rousseau est
arrivé en retard. Donc, il a manqué toute l'argumentation que
j'ai faite au début. L'article B6.9 est un article que j'ai lu à
haute voix avant son arrivée. Il est bien écrit que le
gouvernement va consulter la commission. Le ministre est membre du
gouvernement, il ne peut pas à la fois consulter la commission et
siéger en tant que membre de la commission. C'est de mêler les
rôles de l'exécutif et c'est ne pas respecter la réforme
parlementaire comme l'a dit le député de Deux-Montagnes.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse! Je veux juste
revenir sur un point. Je ne voudrais pas que le public soit induit en erreur.
La commission respecterait son règlement en permettant au ministre de
siéger à cette table. Le nouveau règlement est clair
là-dessus. On peut permettre au ministre, si on est d'accord à
l'unanimité, de siéger à cette table. Il ne faut pas dire
que ce serait un irrespect du règlement.
M. Blouin: M. le Président, je crois que le
député est sur le point de nous donner raison parce qu'à
l'article 86.9, lorsqu'on parle de consultation de la commission, on parle de
la Commission des droits de la personne et non de la commission parlementaire.
On précise justement, dans la deuxième partie de cet article, que
la commission parlementaire élue permanente de la justice, dont faisait
partie le ministre au moment où la loi a été
adoptée, procède à cette consultation. Dans l'article 86.9
de la loi, le ministre consulte la Commission des droits de la personne;
ensuite, il participe à cette commission pour rencontrer les groupes qui
ont des choses à dire. Comme vous pouvez le voir, M. le
député de D'Arcy McGee, vous n'êtes pas sur la bonne
longueur d'onde.
M. Marx: M. le Président, le député de
Rousseau a oublié une des premières règles de droit, c'est
que la dernière loi fait foi.
Le règlement de l'Assemblée nationale fait foi dans le
sens que ce qu'on a fait avant la réforme parlementaire était
modifié par la réforme parlementaire. Je pense que c'est bien
clair.
J'ajoute une autre fois que, si le ministre veut se faire entendre, cela
ferait plaisir à la commission de l'entendre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay, en terminant.
M. Dussault: Très brièvement, M. le
Président. Je voudrais demander au député de D'Arcy McGee
et à ses collègues, au nom de la courtoisie, d'une certaine
politesse, au nom d'une courtoisie à l'égard des personnes qui
viennent nous parier ce matin, de permettre au ministre de s'asseoir avec nous
pour pouvoir leur poser des questions, de façon qu'on atteigne le
meilleur résultat possible concernant ce projet-là. C'est une
question de courtoisie. Cela nous étonne, ce matin, que cela nous soit
refusé par le député de D'Arcy McGee. Ce n'est pas son
habitude, M. le Président. Je le supplie de nous faire cette preuve de
courtoisie qu'il est capable de donner habituellement à l'égard
des personnes qui sont là. Pour une dernière fois, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Une voix: Un vote nominal, s'il vous plaît!
Le Président (M. Gagnon): II n'y a pas de vote nominal,
cela prend l'unanimité. Si un membre s'y oppose...
M. Blais: Pour savoir qui s'y oppose.
M. Marx: II n'y a pas d'unanimité, M. le Président,
pour toutes les raisons que j'ai données.
Le Président (M. Gagnon): Voilà!
M. Blais: M. le député de D'Arcy McGee, vous
êtes contre le fait que le ministre vienne parler aux groupes.
M. Marx: ...le député de me dire ce que je veux
dire.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'appelle donc le Comité ad hoc de concertation pour
l'accès à l'égalité et lui demande de prendre
place, s'il vous plaît!
M. Blouin: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: ...juste un petit point de droit puisque le
député de D'Arcy McGee, semble-t-il, est un expert en droit.
Est-ce qu'il réalise qu'il vient de donner priorité à un
règlement sur une loi? Est-ce qu'il réalise cela?
M. Marx: Quel règlement? Une voix: C'est
incroyablel
M. Blouin: Le règlement de l'Assemblée.
M. Marx: Bien, je ne vois pas la pertinence de cette
question.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je crois me souvenir
qu'au tout début de notre séance le député de
Vachon a suggéré que le ministre pourrait se présenter
à la barre de la commission pour tenir quelques propos d'introduction
à cette consultation.
Quant à moi, je ne m'oppose pas à cette suggestion du
député de Vachon.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Blouin: M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Nous allons entendre le premier groupe?
M. de Bellefeuille: Est-ce que je dois comprendre que le ministre
refuse d'adresser quelques mots à la commission?
M. Blais: Vous refusez de l'entendre!
M. de Bellefeuille: Non, c'est la suggestion du
député de Vachon.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez fait une suggestion
pour que M. le ministre, s'il en ressent le besoin, aille a la...
M. de Bellefeuille: C'était la suggestion du
député de Vachon, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez les sièges des
témoins. Ce que j'ai à situer, c'est: Est-ce que le ministre est
ici, autour de la table, avec nous? Vous avez dit non, même si le
règlement le permettait, pour autant qu'on soit unanime ou qu'on soit
d'accord. Il n'y a pas d'unanimité, donc, présentement, nous
allons entreprendre l'audition des mémoires.
M. le député de D'Arcy McGee, vous avez des mots
d'introduction?
M. Marx: Oui, j'ai une déclaration préliminaire, M.
le Président.
M. Blouin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Je ne comprends pas à quel jeu joue le
député de D'Arcy McGee. Nous sommes ici et le mandat de la
commission est d'entendre des groupes, ce n'est pas d'entendre le
député de D'Arcy McGee. Je demande, donc, M. le Président,
que nous procédions en entendant dès à présent les
groupes qui sont venus se faire entendre aujourd'hui.
Des voix: C'est cela.
M. Marx: M. le Président, l'usage de toute commission, en
tout temps, c'est d'avoir permis des remarques préliminaires.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député. Effectivement, nous avons un horaire. Vous avez l'horaire
devant vous, et cela prend le consentement unanime pour modifier cet horaire.
L'horaire des travaux dit que, à 10 heures, 11 heures et ainsi de suite,
nous avons des gens à entendre.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne crois pas que
le député de Rousseau ait soulevé cette objection au
moment où son collègue, le député de Vachon, a
proposé que le ministre se présente à la barre de la
commission pour tenir quelques propos d'introduction. Le fait que les
ministériels aient changé d'idée et que le ministre ait
choisi de se retirer ne prive pas, je crois, le porte-parole de l'Opposition
officielle du privilège qu'il a, en vertu de nos habitudes, de nos
traditions, de dire quelques mots d'introduction.
Une voix: Je m'oppose...
Le Président (M. Gagnon): Je dois vous dire...
M. de Bellefeuille: Cela ne prend pas un consentement.
Une voix: Le procès-verbal, M. le Président...
M. Payne: Je pense qu'il serait dans l'ordre que je
précise que j'avais dit que cela soit ici, soit à la barre. Je
n'ai pas précisé exclusivement que ce soit à la barre.
M. Marx: M. le Président, est-ce que vous allez me priver
de quelques mots d'introduction. Ce sera la première fois...
Le Président (M. Gagnon); Je dois vous dire, M. le
député de D'Arcy McGee, que vous aurez à faire votre
introduction tantôt, avant de commencer à poser des questions
à nos invités. On a soulevé le fait que je devais faire
respecter l'ordre du jour et que, pour modifier l'ordre du jour, cela prend
l'unanimité, ce qui ne me semble pas être acquis.
M. de Beliefeuille: M. le Président, j'ai l'impression que
les députés ministériels veulent m'empêcher de
prononcer quelques mots d'introduction, parce qu'ils n'ont rien à dire
sur le fond.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: lis n'ont rien à dire et s'ils veulent faire
des...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'invite maintenant notre premier groupe d'invités à
prendre la parole et à se présenter ainsi que ceux qui les
accompagnent. Juste avant, je voudrais vous dire que vous avez environ vingt
minutes pour livrer votre mémoire et, après, environ trente-cinq
minutes de discussions avec les membres de la commission. Merci.
Auditions
Comité ad hoc de concertation pour
l'accès à l'égalité
M. Delgado (Pascual): Premièrement, j'aimerais demander
si, dans la salle, il y a un autre collègue de la ville de
Québec, M. Kakinsky, de la Confédération des associations
linguistiques et culturelles du Québec. Il est invité à
siéger avec nous, mais je ne suis pas certain s'il est arrivé.
S'il y a quelqu'un ici de la CALCQ, j'aimerais qu'il siège à
notre droite.
Nous aimerions tout d'abord remercier le gouvernement de nous donner
l'occasion de participer activement à la formulation du règlement
qui régira éventuellement les programmes d'accès à
l'égalité dans la province.
Mon nom est Pascual Delgado, je suis le coordonnateur du comité
ad hoc pour les programmes d'accès à l'égalité. Me
Djihanian est aussi président de la Ligue des organisations
arméniennes de Montréal; c'est une ligue de la communuauté
arménienne.
Le comité ad hoc, comme vous pouvez le voir dans notre
mémoire, est un réseau libre, apolitique, non partisan
d'associations ethnoculturelles et d'organismes non gouvernementaux
situés dans la province de Québec. La liste des membres que vous
avez à la page 6 de votre copie représente la liste totale des
associations. Mais, pour vous donner une idée du nombre de personnes
réellement représentées, le no 3, le Conseil de
la communauté noire, en effet, est une fédération de dix
groupes, rejoignant à peu près 1000 personnes; la Ligue des
organisations arméniennes, c'est cinq associations. La CALCQ, la
Confédération des associations linguistiques et culturelles du
Québec, représente à peu près 22 associations. On
calcule que c'est un mémoire qui représente le point de vue
d'à peu près 60 000 citoyens du pays de différents groupes
ethniques dont les Chinois québécois, les Noirs
québécois, les Haïtiens québécois, les
Africains québécois, Portugais, Laotiens, Vietnamiens
québécois, Arméniens, Helléniques, Indiens,
Italo-Canadiens, Pakistanais, etc.
Vous avez aussi la liste des principes de base de notre association, les
objectifs du comité: l'avancement des droits civiques et politiques des
Canadiens d'origine autre que celle des deux cultures majoritaires; la
promotion de l'égalité intégrale par rapport à
l'accès et les opportunités pour les Canadiens d'origine ethnique
à travers des actions légales et des programmes positifs et
dynamiques dans tous les secteurs de la vie sociale et économique du
pays, comprenant les programmes d'accès à l'égalité
dans l'emploi, l'accessibilité égale aux institutions et services
publics, l'accessibilité égalitaire à l'éducation,
l'amélioration de la représentation des Canadiens d'origine
ethnique dans la grande presse, les médias, la publicité, et les
activités innovatrices comme le lobbying, campagnes de presse et autres;
servir de forum pour discuter toutes les questions qui concernent les
associations membres dans le but d'unifier leur action; et aussi
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ethnique
ou religieuse de notre société.
Je ne veux pas lire tout le mémoire, je comprends bien que vous
avez déjà eu l'occasion de le lire. Je passe simplement au
troisième paragraphe de la page 2. On a constaté certaines
anomalies dans les déclarations de l'ancien ministre de la Justice,
Pierre Marc Johnson, du 13 juin 1985. Cela concerne la discussion du projet de
règlement actuellement à l'étude qui, selon nous, doit
être clarifié afin d'éviter toute confusion et tout autre
délai.
Premièrement, le ministre avait promis que des mesures seraient
prises concernant la mise en oeuvre des programmes s'adressant à un seul
des quatre groupes cibles, soit celui des femmes. En effet, on est totalement
d'accord avec les programmes pour les femmes, on n'est pas contre, on les
appuie fortement, mais cet oubli de la part du ministre Johnson pourrait
être interprété comme un refus de facto de
reconnaître que les trois autres groupes ont le droit de
bénéficier de ces programmes, conformément à
l'article 10 de la charte, stipulant qu'on ne
doit pas être victime de discrimination en vertu de la race, de la
couleur, de l'origine ethnique ou nationale, de handicap ou de l'utilisation
d'un moyen pour pallier ce handicap. En d'autres termes, on parle des
Autochtones, des personnes handicapées et des minorités ethniques
du Québec.
Deuxième chose, en n'appliquant pas le premier alinéa de
l'article 86.2, avec l'intention délibérée de favoriser
les programmes volontaires du secteur privé -c'est une erreur dans le
texte, je m'excuse -les mécanismes appropriés de mise en
application et de surveillance des lois dont est investie la Commission des
droits de la personne du Québec ont été effectivement
éliminés d'un trait de stylo. Nous estimons que ces pouvoirs
doivent être restaurés dans la loi. (10 h 45)
Troisième chose, la déclaration du ministre Johnson
confirme la dissociation du gouvernement, pratiquement, de toute la section III
par la ratification de l'article 86.7, deuxième alinéa, où
il est stipulé que "les articles 86.2 à 86.6 ne s'appliquent pas
aux programmes visés dans le présent article",
c'est-à-dire au sein des ministères et des organismes
d'État. Ce désaveu, ajouté au fait que le gouvernement
manque de règlements similaires détaillés régissant
ses propres programmes dans l'ensemble de la fonction publique, jette un
certain doute quant à l'issue de ces programmes.
Les groupes cibles ont raison de se tenir sur leurs gardes car il n'y a
pas eu beaucoup de progrès réalisés dans le passé
en ce qui a trait aux programmes d'accès à
l'égalité, bien qu'on les ait promis maintes fois aux femmes, aux
handicapés physiques depuis 1978 et aux communautés culturelles
depuis 1981. Ces dernières, qui comptent pour 20 % de la population du
Québec, craignent particulièrement d'être une fois de plus
négligées ou oubliées dans l'élaboration des
programmes d'égalité d'accès à l'emploi. Nous nous
souvenons bien de l'échec lamentable du plan d'action à
l'intention des communautés culturelles. Annoncé au printemps
1981, ce plan promettait de rehausser la proportion des membres des
communautés culturelles dans la fonction publique du Québec de
2,7 % jusqu'à 9,5 % en 1985, année où nous sommes
aujourd'hui. En fait, il semble qu'il se soit plutôt produit une
diminution jusqu'à 2,5 % pendant la période en question. Cela
veut dire une discrimination négative plutôt que positive.
Cet état de choses, jumelé avec les catégories
contradictoires utilisées par le gouvernement pour définir les
groupes cibles (la définition contenue dans le plan d'action est
différente de celle mentionnée à l'article 10 de la
charte) pourrait donner lieu à beaucoup de confusion et retarder
indéfiniment l'accès à l'égalité pour les
minorités ethniques du Québec. Pour notre comité, les
communautés culturelles doivent être définies comme
étant toutes les populations autres que canadienne française et
britannique. 4. Enfin, dans la déclaration du 13 juin du ministre
Johnson, l'actuel premier ministre du Québec, il n'est fait mention
d'aucun mécanisme de contrôle qui surveillerait la mise en
application de l'obligation contractuelle. Nous croyons que cette obligation
constituerait l'outil idéal du gouvernement pour aider les
minorités à obtenir l'égalité complète en
allouant des subventions et des contrats aux entreprises privées
à la condition qu'elles fournissent la preuve que leurs processus
d'embauche ne sont pas préjudiciables aux minorités. Mais pour
mener à bien cette initiative, il faut veiller à sa mise en
application et définir des lignes directrices bien précises. Il
est difficile d'imaginer comment le gouvernement pourrait faire respecter
efficacement l'obligation contractuelle sans adopter une série de
règlements semblables à ceux qui sont à l'étude
aujourd'hui - ou bien une mesure qui ferait le lien avec la politique
déjà énoncée par le gouvernement - ni affecter un
organisme indépendant qui veillerait à ce que l'obligation
contractuelle soit remplie (comme c'est le cas aux États-Unis avec
l'O.F.C.C.P., Office of Federal Contract Compliance Programs).
Les recommandations qui touchent le projet de règlements. 1. Pour
ce qui est de la section IV du projet de règlement, l'article 86.7 de la
charte devrait comprendre une définition plus claire du terme
"organisme". En effet, on parle de la charte, pas du projet de loi comme tel.
Tel que défini en ce moment par l'article 17 du projet de
règlement - l'article 17 parle d'un organisme comme étant "un
établissement offrant des servivces de santé ou tout autre
service ordinairement offert au public" - il est accepté selon les
dispositions de la section II du projet de règlement et, par
conséquent, conforme aux programmes d'égalité
d'accès à l'emploi. Toutefois, comme certains organismes publics
et parapublics offrent de tels services, (par exemple, les CLSC, les centres
locaux de services communautaires), la définition du terme "organisme"
devrait être amendée de façon à englober "tout
organisme dont la loi ordonne que les fonctionnaires ou employés soient
nommés et rémunérés en vertu de la Loi sur la
fonction publique". 2. Dans le cas de l'article 10 du projet de
règlement, nous sommes d'avis que l'expression "un employé en
autorité" n'est pas assez forte pour laisser entendre que la personne
responsable des programmes d'accès à l'égalité dans
une entreprise doit relever directement de la plus haute instance. Cette
personne doit aussi posséder tous les pouvoirs
et les ressources nécessaires pour assurer que les objectifs et
les échéances du programme soient respectés. Nous
suggérons de remplacer "un employé en autorité" par "un
employé occupant un poste de cadre supérieur". Ce changement
permettra à tous les niveaux de l'entreprise en question de faire montre
de l'importance que donnent ses dirigeants à l'égalité
d'accès à l'emploi. 3. L'une des recommandations émises
par la Commission des droits de la personne, qui est absente du projet de
règlement, consiste en l'inclusion d'un article obligeant l'employeur
à créer un comité spécial chargé de la mise
en application du programme. Nous approuvons entièrement cette
idée ainsi que la citation tirée de l'étude
présentée par la commission à ce sujet en date du 24
novembre 1983, à savoir les commentaires de la Commission des droits sur
le projet de règlement concernant les programmes d'accès à
l'égalité. On cite directement le texte qui est émis par
la commission: "L'employeur doit créer un comité de
développement et de coordination du programme ayant notamment pour
fonctions: d'effectuer ou coordonner les diverses analyses nécessaires
à l'élaboration du programme, de faire les recommandations
découlant de ces analyses et de coordonner les mesures de mise en
application du programme dans le cadre de l'échéancier
prévu."
Nous croyons aussi très fermement qu'un tel comité,
créé dans le but de mettre en application un programme dans une
entreprise donnée, devra être composé non seulement
d'employés de ladite entreprise, mais aussi de représentants du
syndicat ou de l'association d'employés et, plus important encore, de
quelques porte-parole des groupes cibles ou de groupes
bénéficiaires de ces programmes. La création de ce
comité pourrait, selon l'article 10, constituer l'une des
responsabilités de l'employé chargé de la supervision du
programme en question. 4. Notre comité est d'avis que l'article 4
devrait comprendre d'autres critères plus précis sur la phase de
mise en oeuvre de l'analyse des effectifs. Plus précisément, nous
estimons que l'article 4, paragraphe 2, devrait mentionner, à propos des
conditions de travail, les salaires et avantages sociaux; et au paragraphe 3 du
même article, il faudrait préciser, en ce qui a trait au terme
formation, la scolarité préalable à l'emploi et aussi la
formation et le perfectionnement reçus en cours d'emploi.
Il y a d'autres recommandations qui dépassent un peu le projet de
règlement, mais que nous voulons toucher. Notamment, nous recommandons
que le gouvernement accepte de colliger et de publier toutes les données
statistiques et de les rendre accessibles aux groupes visés par le
programme. Cela va aider énormément aux entreprises pour pouvoir
interpréter quel est le bassin dans un marché de travail, dans
une région spécifique, par rapport à chaque groupe
cible.
Et finalement, bien que cette dernière recommandation
déborde le cadre du présent règlement, nous croyons que la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec renferme
certaines lacunes qui pourraient restreindre la prépondérance des
droits civiques, qui devraient prévaloir sur toute autre loi du pays.
Nous faisons référence aux articles 51 et 52 de la charte qui,
sous la forme actuelle, pourraient atténuer l'efficacité de toute
tentative de redressement des inégalités par le simple ajout de
la clause suivante: "...à moins que cette loi n'énonce
expressément que cette disposition s'applique malgré la charte".
Nous demandons l'abrogation de ces articles afin de faire de la charte
québécoise la loi la plus importante de toutes leslois
passées, présentes et futures de la province de
Québec.
Enfin, le comité désire offrir son entière
collaboration et ses services de consultation au gouvernement pour aider
à la mise en oeuvre de tout programme touchant les minorités
ethniques dans la province. Nous tenons aussi à souligner que, sans
collaboration étroite, tout programme d'accès à
l'égalité est voué à l'échec. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: J'aimerais remercier M. Delgado, au nom de notre
formation, d'avoir contribué d'une manière aussi significative
à la réflexion de la commission. J'aurais deux questions à
vous poser. D'abord, une question générale parce que cela
touche... c'est dans l'intérêt de chaque groupe, je pense, de se
poser cette même question, comme nous d'ailleurs. Relativement à
la collectivité ethnoculturelle que vous représentez, quelles
sont les situations de discrimination systémique que vous avez
constatées? Et plus spécifiquement, avez-vous constaté
notamment de telles situations en matière de services de santé et
en matière d'autres services offerts au public?
M. Oelgado: En effet - si mon collègue veut aussi
souligner quelques exemples, je lui donnerai la parole - au niveau de la
discrimination systémique au pays, on voit cela partout sur le
marché du travail. Un très bon exemple de cela au Québec
c'est le cas actuel des médecins qui sont diplômés à
l'étranger. Il y en a une centaine, à peu près 150, qui ne
peuvent pas pratiquer leur profession, même s'ils sont des
médecins, simplement à cause d'une mauvaise interprétation
de la période de stage à l'intérieur des hôpitaux et
cliniques du Québec. Le Conseil régional de Montréal a
essayé plusieurs fois de résoudre cela, mais
il y a eu une espèce de conflit à l'intérieur de la
bureaucratie et cela n'a pas pu marcher. Mais il y a encore plusieurs
professionnels, à cause du statut rigide demandé par les
corporations professionnelles du Québec, soit par le ministère,
soit par les syndicats qui, de façon systémique, empêche un
professionnel né à l'étranger d'entrer au Québec
pour pratiquer sa profession. Parfois, ce sont des citoyens du pays qui ne
peuvent pas pratiquer leur profession.
Au niveau de la santé, j'ai moi-même beaucoup
d'expérience en ce qui concerne les problèmes du réseau
public et parapublic du Québec. Il y a un manque flagrant
d'accessibilité dans tous les CLSC et les CSS de la région de
Montréal où je pratique. En général, c'est de
façon systémique dans tout le système de santé et
des services sociaux du Québec. Je veux dire que ce n'est pas
délibéré ou de façon volontaire, mais il y a des
institutions qui essaient par tous les moyens d'empêcher la
rentrée de clients qui proviennent d'une origine autre que francophone
et dans certaines parties, d'origine anglophone.
Cela veut dire qu'il y a plusieurs groupes d'immigrants dans la
région de Montréal, soit 25 % d'immigrants qui n'ont pas
d'accès réel aux centres de services sociaux ou aux centres
locaux de services communautaires. Ce sont deux exemples de ce qui se passe au
sujet de la santé. Je ne sais pas si cela répond à votre
question, M. le député.
M. Payne: Sans entrer trop dans les détails, pourriez-vous
indiquer avec un peu plus de précision la nature de la discussion
systémique au sujet des médecins venant de l'étranger?
M. Delgado: Oui. En effet, ce qui se passe selon ma
compréhension, c'est que l'internat est demandé pour les
médecins au même titre que pour les stagiaires, les jeunes qui
sortent des cégeps et qui veulent pratiquer la profession. Il y a un
quota numérique limité dans toute la province qui empêche
effectivement que les médecins pratiquent. C'est seulement une
proportion de ces médecins qui peuvent passer par l'internat. Donc, il y
a une liste d'attente très longue qui empêche un médecin
né à l'étranger d'entrer à l'internat. L'internat
se pratique pendant une couple d'années avant d'avoir droit à un
diplôme d'équivalence.
Au sujet de l'Office des professions, du Collège des
médecins, je pense qu'il y a là aussi d'autres sortes de blocages
par rapport aux équivalences dans les crédits des diplômes
qui sont émis pour un étranger.
M. Payne: Est-ce l'office ou la corporation?
M. Delgado: En effet, il y a les deux...
M. Payne: Parce qu'il y a l'Office des professions et la
corporation des médecins; lequel?
M. Delgado: Je ne peux pas dire exactement lequel des deux. Mais
je pense que c'est un problème qui touche les professions, enfin l'un
des deux, l'Office des professions ou la corporation qui empêche de
donner des équivalences pour les médecins.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Une autre question. Pourriez-vous nous décrire
quelques actions concrètes entreprises par le comité ad hoc au
cours des dernières années de votre existence, afin
d'améliorer la situation des membres des communautés culturelles?
Vous n'êtes pas seulement les conseillers car je pense que vous
êtes aussi présents dans les communautés. Voulez-vous nous
en indiquer les façons?
M. Delgado: On n'a pas fait d'actions publiques très
concrètes, simplement parce que nous pensons que la meilleure
façon de résoudre les problèmes est par la
négociation. On a présenté des mémoires à
plusieurs reprises au gouvernement fédéral. Il y a aussi des
mémoires qui ont été présentés au sujet de
l'affaire du quartier chinois à Montréal, où il y avait un
problème assez grave pour la communauté chinoise. On a aussi
présenté des mémoires pour défendre les droits des
Chinois québécois afin d'avoir un petit quartier où ils
pourraient faire leurs affaires.
En effet, depuis deux ans d'existence, notre comité a fait
plusieurs représentations devant les gouvernements canadien et
québécois. On a aussi participé activement aux audiences
publiques de la Communauté urbaine de Montréal en ce qui concerne
le sujet de la police et la sous-représentation des personnes d'origine
immigrante dans la police de Montréal, où on a fait des
représentations à deux différentes reprises. Par les
audiences publiques et par les délégations qui visitent les
ministères, on essaie de voir au meilleur avancement (11 heures)
M. Payne: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M.
Delgado et Me Djihanian d'être venus nous présenter ce
mémoire pour le Comité ad hoc de concertation pour l'accès
à l'égalité. J'ai quelques
mots d'introduction, M. le Président.
Le Québec a toujours été à la recherche de
l'égalité. Si on remonte dans l'histoire, on retrouve une loi de
grande importance qui a été adoptée en 1832. Elle porte
comme titre: Acte pour déclarer que les personnes qui professent le
judaïsme...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Rousseau, question de règlement.
M. Blouin: Oui, M. le Président. Je croyais que nous
étions ici pour entendre le Comité ad hoc de concertation pour
l'accès à l'égalité et je constate que le
député de D'Arcy McGee est en train de nous livrer une
épître.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Rousseau, mais il a été entendu qu'on
avait 55 minutes par mémoire, soit environ 20 minutes pour nos
invités et 35 minutes pour dialoguer avec les membres de la commission.
Jusqu'à présent, M. le député de D'Arcy McGee a
à peine employé trente secondes des quelque 14 minutes qu'il peut
utiliser.
M. Blouin: M. le Président, oui, je vais laisser la parole
au député de D'Arcy McGee, puisque c'est son droit de s'exprimer
en commission, mais je veux lui dire, à titre d'information, que
malgré l'attitude qu'il a adoptée ce matin et conformément
à la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne, le ministre a pris l'initiative de rencontrer tous les groupes qui
veulent le rencontrer et qui veulent lui faire part de leur point de vue.
M. Marx: Malheureusement, M. le Président, le
député de Rousseau n'a rien à dire sur le fond.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, vous avez maintenant la parole.
M. Marx: Je reprends, M. le Président, merci. Le
Québec a toujours été à la recherche de
l'égalité. Si on remonte dans l'histoire, on retrouve une loi de
grande importance qui a été adoptée en 1832. Elle porte
comme titre "Acte pour déclarer que les personnes qui professent le
judaïsme ont le bénéfice de tous les droits et
privilèges des autres sujets de Sa Majesté en cette
province".
En effet, cette loi a reconnu les droits religieux et politiques des
citoyens juifs du Québec. De plus, cette loi québécoise de
1832 est le fondement de nos lois et chartes provinciales et
fédérale protectrices des droits et libertés de la
personne. Il faut noter par contre que c'est 27 ans plus tard, en 1859, que le
Royaume-Uni a adopté une loi semblable à celle du
Québec.
En 1975, le Québec a une autre fois pris les devants en
matière des droits et libertés avec l'adoption de la Charte des
droits et libertés de la personne. L'article 10 de cette charte rend
illégale dans le domaine de l'emploi toute discrimination "fondée
sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle,
l'état civil, l'âge sauf dans la mesure, prévue par la loi,
la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou
nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation de moyens pour
pallier ce handicap".
Il y a bientôt trois ans, l'Assemblée nationale du
Québec modifiait de nouveau la Charte des droits et libertés de
la personne afin de permettre la mise sur pied de programmes d'accès
à l'égalité. Ces derniers programmes visent à
améliorer la situation de personnes faisant partie de groupes victimes
de discrimination (femmes, personnes handicapées, minorités
culturelles et ethniques, autochtones) en s'assurant qu'elles puissent avoir
accès aux mêmes possibilités d'emploi que les autres
membres de la société. Même si la notion
d'égalité implique que des individus différents doivent
être traités de la même façon, elle n'empêche
certainement pas le respect de leurs différences et de leurs
particularités. C'est pourquoi ne pas vouloir reconnaître ces
différences peut parfois conduire à nier l'accès à
l'égalité des chances et déboucher sur une attitude
discriminatoire non intentionnelle.
Nous avons déjà soulevé à plusieurs reprises
la question de certains critères d'embauche qui ne tiennent pas compte
des caractéristiques physiques des femmes et des membres de certaines
communautés culturelles et qui ont parfois pour effet de les
empêcher d'avoir accès à la carrière qu'ils
souhaiteraient poursuivre. Les exigences de taille au sein de la police en sont
un exemple très concret.
Au cours des 25 dernières années, la société
québécoise a évolué.
L'homogénéité qui la caractérisait a fait place
à une plus grande diversité ethnique, culturelle et religieuse.
Ce nouveau pluralisme n'a toutefois pas trouvé un très grand
écho au sein des institutions gouvernementales et paragouvernementales
puisque les individus appartenant à nos diverses communautés
culturelles y sont toujours peu nombreux.
La situation des femmes est très semblable puisqu'elles
souffrent, elles aussi, d'une sous-représentation presque chronique au
niveau des postes de commande dans l'administration publique et
parapublique.
Il est vrai que certains progrès ont été
réalisés ces dernières années mais beaucoup reste
à faire. Cette absence ou sous-représentation de ces divers
groupes résulte
de ce que certains appellent la discrimination systémique. La
discrimination systémique peut être définie comme non
intentionnelle ou institutionnalisée.
Pensons par exemple aux méthodes d'embauche ou aux conditions
d'admissibilité qui peuvent avoir pour effet d'exclure certaines
personnes. Â ce propos mentionnons, premièrement, que l'exigence
de taille pour être policier ou policière, 5 pieds 7 pouces pour
un homme et 5 pieds 3 pouces pour une femme, a nécessairement comme
effet d'exclure un bon nombre de femmes de même que des candidats
asiatiques.
Deuxièmement, la mauvaise évaluation d'un diplôme
obtenu ailleurs qu'au Canada peut avoir pour résultat d'exclure des
professionnels de certains emplois.
Troisièmement, le fait de chercher des emplois dans les milieux
qu'on connaît, "old boy networks", joue contre l'engagement des membres
de groupes minoritaires.
Il y a aussi l'effet de dissuasion, le "chill factor". Il s'agit d'une
situation où une personne ne pose pas sa candidature parce qu'elle
craint d'être mal reçue dans ce milieu de travail. Cette crainte
se manifeste surtout lorsque le milieu de travail ne compte aucun
employé de son groupe.
La recherche de l'égalité dans l'emploi n'implique pas
qu'il faille nécessairement appliquer à tout le monde les
mêmes solutions. On doit plutôt chercher d'abord à
déterminer et à éliminer autant que possible les obstacles
qui empêchent tous les membres de notre société,
particulièrement les femmes, les handicapés, les minorités
visibles et les autochtones, d'avoir accès à un grand nombre de
possibilités d'emploi permettant à chacun et à chacune de
développer au mieux ses talents.
Voilà donc définie de façon générale
la philosophie sous-jacente au programme d'accès à
l'égalité. Nous croyons qu'elle fait l'objet d'un large consensus
au sein de notre société.
Par ailleurs, il faut une véritable volonté politique
d'implanter ces programmes pour que ces grands principes s'incarnent
réellement au sein de notre société. S'il y a un endroit
qui devrait servir de modèle afin de produire un quelconque effet
d'entraînement, c'est bien au sein des organismes publics et parapublics.
C'est là, à notre avis, que l'implantation des programmes
d'accès à l'égalité devrait se réaliser en
priorité.
La Charte des droits et libertés de la personne prévoit
que le projet de règlement ne s'appliquera pas au gouvernement.
Toutefois, la charte fait obligation au gouvernement d'implanter des programmes
d'accès à l'égalité.
Au-delà des mesures prises, il faut regarder les
résultats. C'est bien beau de dire que les programmes d'accès
à l'égalité englobent, outre l'embauche, les processus de
promotion et de formation, voire les processus de recyclage, mais compte tenu
de la limitation des effectifs au sein de la fonction publique et du peu de
personnes qui s'y trouvent et qui proviennent des communautés
culturelles, on peut à juste titre se demander qui l'on va promouvoir ou
recycler.
Pour recycler et promouvoir, encore faut-il qu'il existe des
représentants de ces groupes culturels. Il faut que les programmes
d'accès à l'égalité à l'intérieur du
gouvernement cessent d'être un exercice de propagande.
Rien présentement n'empêche le secteur privé
d'implanter des programmes d'accès à l'égalité.
Même si la Commission des droits de la personne peut prêter son
assistance, elle n'est pas obligée d'approuver les programmes
élaborés par le secteur privé sur une base volontaire
puisque le premier alinéa de l'article 86.2 n'est pas en vigueur.
Mais pour susciter l'instauration sur une base volontaire de programmes
d'accès à l'égalité dans le secteur privé,
quitte par la suite à les rendre obligatoires s'il n'y a pas de
résultats, il faut, à notre avis, que les organismes
gouvernementaux et paragouvernementaux soient les premiers à faire la
preuve du bien-fondé et de l'efficacité de tels programmes.
La question plus particulière des programmes d'accès
à l'égalité dans l'emploi pour les femmes semble avoir
récemment retenu l'attention du gouvernement lorsqu'il avançait
l'hypothèse que la meilleure façon d'atteindre cet objectif
d'égalité serait de forcer les entreprises qui font affaires avec
le gouvernement à s'obliger contractuelle-ment à avoir un tel
programme d'accès à l'égalité. Mais, avant que de
tels programmes soient ainsi imposés aux entreprises contractant avec le
gouvernement, il faudrait, à notre avis, que ce dernier donne
l'exemple.
La commission des institutions aborde, aujourd'hui, l'étude du
projet de règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité. Longuement attendu, ce règlement, comme le
souligne son premier article, s'appliquera à toute personne qui
implantera un programme d'accès à l'égalité sur
recommandation de la Commission des droits de la personne ou à la suite
d'une ordonnance de tribunal lorsque la demande de la commission n'aura pas
été acceptée. La charte spécifie, à son
article 86.3, que la commission peut recommander l'implantation d'un tel
programme lorsqu'elle constate une situation de discrimination. Si une telle
recommandation n'est pas suivie, les tribunaux pourront intervenir. C'est donc
dire que, dans un premier temps, les programmes ne sont pas obligatoires mais
qu'ils le deviendront uniquement lorsqu'une situation de discrimination sera
constatée. Mais, dans les faits, l'impact de ce règlement sera
probablement plus important car
les entreprises voudront sans doute se mettre à l'heure de
l'égalité.
Une lecture attentive du projet de règlement suggère
quelques remarques. J'aimerais vous en faire part afin que les
différents intervenants que nous allons entendre puissent clarifier ou
répondre à ces interrogations. D'abord, rappelons que ce
règlemnent veut remédier à des situations de
discrimination systémique envers des groupes, c'est-à-dire que,
pour déterminer s'il y a eu discrimination, il faut examiner les
répercussions de certains comportements plutôt que de chercher
l'intention de leurs auteurs. Alors, pourquoi ne pas préciser ce concept
de discrimination systémique afin de bien cerner cette notion qui est au
coeur même du projet de règlement?
Le programme d'accès à l'égalité doit
également, selon l'article 2 du règlement, comprendre des
mécanismes de contrôle afin de vérifier si les objectifs du
programme ont été atteints. Quels seront ces mécanismes?
Pourquoi ne pas les avoir précisés dans le projet de
règlement?
Les objectifs d'égalité devront, selon l'article 3,
être exprimés en nombre et en pourcentage pour chaque
catégorie d'emploi. Soulignons ici qu'une étude du gouvernement
fédéral, le rapport Abella, s'est opposée à
l'imposition d'un système de quotas, "notamment parce qu'on a tendance
à fixer des quotas trop peu élevés en disant qu'ils sont
des minimums et qu'ils finissent par être considérés comme
des objectifs maximums, parce que ces quotas peuvent engendrer de la
résistance, de la condescendance ou du ressentiment dans le milieu de
travail et, enfin, parce qu'ils peuvent être perçus comme
insultants pour les personnes qui sont embauchées ou promues en raison
de ces quotas, lesquels peuvent ainsi contribuer à dévaloriser
les intéressés. L'article 3 du projet de règlement, en
prévoyant que les objectifs doivent obligatoirement être
exprimés en nombre et en pourcentage avec, possiblement, des marges,
serait-il de nature à engendrer les effets négatifs
appréhendés par le rapport Abella?
Les objectifs d'égalité doivent être établis
après que des analyses d'effectifs, du système d'emploi et de
disponibilité ont été effectuées. L'analyse du
système d'emploi est au coeur même de tout le processus
puisqu'elle permet d'examiner des pratiques apparemment neutres, mais qui ont
un effet discriminatoire dans la gestion de l'entreprise. Cependant, l'article
6 du projet de règlement ajoute, si l'on comprend bien son
libellé, que des exigences de sécurité ou
d'efficacité administrative pourront, à titre d'exception,
justifier ou fonder certaines pratiques dites discriminatoires. Mais, que
faut-il entendre par "efficacité administrative" ou "exigences de
sécurité"?
Ne devrait-on pas préciser ce que l'on veut vraiment autoriser?
Il va de soi que la notion d'efficacité administrative au sein d'une
entreprise peut recevoir une interprétation plutôt large!
L'analyse de disponibilité énoncée à
l'article 5 du projet de règlement cherche à indiquer combien de
personnes au sein d'un groupe cible ont la compétence ou les aptitudes
pour accéder à des emplois où, présentement, la
représentation du groupe est faible. L'analyse doit également
indiquer dans quelle mesure les personnes appartenant au groupe cible sont
disponibles sur le marché du travail pour tel type d'emploi. Le
gouvernement veut englober non seulement l'embauche, mais aussi le processus de
formation et le processus de recyclage, mais, comme nous l'avons
déjà souligné, le recyclage et la formation ne sont
possibles que pour autant qu'il existe au sein de l'entreprise un bassin de
personnes représentant les groupes cibles. Si, dans le cas des femmes,
cette question de présence au sein de l'entreprise se pose avec moins
d'acuité, dans le cas des minorités culturelles, il en va souvent
autrement. Pour ce3 dernières, le premier problème, c'est
l'embauche, mais là encore faut-il qu'il y ait ouverture de postes. (11
h 15)
L'article 7 aborde la question des mesures qui doivent être
entreprises à l'intérieur d'un programme d'accès à
l'égalité. Ainsi, un tel programme doit nécessairement
prévoir des mesures d'égalité et des mesures de
redressement.
Les mesures d'égalité des chances, comme nous le savons,
consistent à modifier et à rectifier des procédures
d'embauche et de promotion afin d'éliminer la discrimination
systémique. Par contre, les mesures de redressement vont plus loin en ce
qu'elles permettent d'accorder temporairement des avantages
préférentiels aux personnes faisant partie des groupes cibles.
Aux États-Unis, une certaine controverse s'est élevée au
sujet de ce genre de mesures de redressement que certains opposants ont
qualifiées de discrimination à rebours.
Les principaux reproches faits à ce genre de mesures viennent du
fait que les bénéficiaires de ces mesures le sont en tant que
membres d'un groupe cible, mais ils n'ont pas nécessairement
été victimes de discrimination. De plus, le fardeau de ce
traitement préférentiel est supporté par des individus
qui, parfois, ne sont en rien responsables de la situation.
La Cour suprême des États-Unis, comme on le sait, a
plutôt repoussé ces critiques en déclarant que lorsqu'il
s'agissait d'implanter une mesure pour réparer l'effet d'une
discrimination antérieure, il n'était pas défendu de faire
supporter par des tiers une part du fardeau même s'ils n'étaient
pas
directement responsables de la situation discriminatoire (voir
l'arrêt Fullilove c. Klutznick qui se trouve à la page 448 des US
Reports)
Cependant, il faut que la mesure entreprise soit bien circonscrite.
Voilà pourquoi, encore une fois, il nous semble que c'est d'abord dans
les secteurs public et parapublic que l'on devra roder de telles mesures pour
ensuite être capable de les transposer dans d'autres secteurs tout en
connaissant leur impact véritable. De plus, il nous semble que les
mesures de redressement ne devraient peut-être devenir obligatoires que
lorsque les mesures d'égalité des chances se sont
avérées insuffisantes, ceci afin d'éviter autant que
possible que des tiers ne soient inutilement pénalisés. Nous
croyons qu'il vaut mieux adopter une démarche...
M. Beauséjour: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je suis à la fin.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Iberville, une question de règlement.
M. Beauséjour: Je veux savoir, pour protéger les
droits des gens qui sont ici aujourd'hui, si l'intervention du
député leur enlève du temps.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, vous avez, chaque
côté de cette table, quatorze minutes au Parti
québécois, quatorze minutes aux libéraux et sept minutes
aux députés indépendants pour dialoguer. Si vous prenez
les quatorze minutes pour faire votre introduction, il ne vous restera plus de
temps pour poser des questions.
M. Marx: J'ai terminé.
Le Président (M. Gagnon): Voilà.
M. Marx: Merci. Nous croyons qu'il vaut mieux adopter une
démarche plus flexible et qui évite d'engendrer d'inutiles
résistances, tout en prévoyant une alternative lorsqu'il n'y a
pas eu amélioration. Bref, nous sommes favorables aux mesures
d'égalité et de redressement, le cas échéant.
Cependant, le règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité tel que déposé par le gouvernement nous
semble difficilement applicable. Il faut qu'il soit revu afin qu'il puisse
être opérationnel d'une façon efficace. De plus, avant de
rendre les programmes d'accès à l'égalité
obligatoires, peut-être serait-il souhaitable de les appliquer d'abord
dans les secteurs public et parapublic afin de bien roder leur
élaboration et leur implantation. On pense ainsi aux ministères,
aux organismes d'État, aux communautés urbaines, aux
administrations municipales, aux corps de police, aux commissions scolaires,
aux centres hospitaliers, ainsi qu'aux sociétés
d'État.
Cependant, rien ne devrait empêcher la Commission des droits de la
personne d'aider le secteur privé à instaurer des programmes
d'accès à l'égalité sur une base volontaire. Par la
suite, ces programmes devraient également s'imposer obligatoirement au
secteur privé, le cas échéant.
Mr Chairman, we are in favour of affirmative action programs. However,
we believe that the government and paragovernmental institutions should take
the lead in implementing these programs. These institutions include government
departments, government agencies, urban communities, municipal administrations,
police services, school commissions, hospital centers as well as Crown
corporations.
Nothing however should prevent the Québec human rights commission
from assisting the private sector from voluntarily implementing such
affirmative action programs. Such programs could later be made compulsory in
the public sector as well.
But what the Government is saying today, the government is telling the
private sector: Do as we tell you to do, do not do as we are doing. We think it
is up to the government to take the lead in this whole area of affirmative
action programs and start the ball rolling.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, vous avez largement dépassé votre temps. Est-ce que
vous voulez réagir...
M. Marx: Sur ma dernière proposition en ce qui concerne
qui doit commencer...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez
réagir brièvement aux propos du député de D'Arcy
McGee?
M. Delgado: II y a certains points que M. Marx a apportés
que je trouve personnellement - je ne parle pas maintenant au nom de la
coalition, mais en mon nom personnel - assez intéressants et que nous
appuyons en essence. Il faut préciser le sens de discrimination
systémique. Dans la charte et dans le projet de règlement, il n'y
a aucune mention claire de la discrimination systémique, ce n'est pas
défini. Semble-t-il que cela nous amène aux tribunaux pour
prouver qu'il y a eu une discrimination volontaire dans chacun des cas.
Cela s'ajoute aussi au cas de la définition de la
communauté culturelle dont on parle dans notre mémoire. Les
groupes
ethniques ne sont pas définis clairement par la loi comme groupes
cibles, et cela nous amène à une situation où il va
falloir qu'on passe chaque fois par la commission si nous voulons faire un
programme d'accès à l'égalité. Un exemple de cela,
ce serait le cas des chauffeurs de taxi, des compagnies de taxi à
Montréal où la commission a déclaré qu'il y a eu
discrimination concernant les races.
Est-ce qu'à ce moment il y a déjà des
mécanismes pour mettre sur pied des programmes d'accès à
l'égalité dans l'industrie du taxi? On ne sait pas si c'est
déjà commencé, mais au moins la base existe, parce qu'il y
a une audition à la commission présentement. Est-ce qu'en ce
moment cela s'applique aussi et cela va s'appliquer de la même
façon à la communauté chinoise, à la
communauté indienne ou à la communauté
latin-américaine? Non! C'est une seule décision qui touche une
seule communauté, la communauté noire francophone. Au moins qu'il
y ait un changement là-dessus! À mon avis, il faut qu'il y ait
une catégorie plus claire, plus large qui regroupe toutes les
minorités ethniques désavantagées dans un seul groupe.
M. Marx a bien constaté aussi le fait que les mécanismes
dans l'article 2 ne sont pas très clairs. Il va falloir que dans le
projet de loi les mécanismes soient vraiment définis.
Notamment, à cela j'ajouterais qu'il manque aussi de pouvoir de
sanction au niveau de la phraséologie. Â aucun endroit on
n'utilise le verbe "doit": l'entreprise doit faire cela. On explique simplement
de façon déclarative qu'une entreprise fait un tel programme:
l'entreprise engage une telle personne. Ce n'est pas obligatoire, il n'y a pas
l'utilisation du verbe devoir là-dedans. L'utiliser serait un moyen pour
donner plus de dents, plus de force à l'argument.
À l'article 3, concernant les critiques de M. Marx, franchement
je ne vois pas comment on pourrait échapper à la mention d'un
nombre d'une certaine catégorie quantitative. Il va falloir qu'à
un moment donné on se donne un certain plafond quantitatif; sinon, il
n'y a aucun moyen de mesurer le progrès dans l'embauche des personnes.
Je comprends bien votre logique. Quand même, les nombres doivent
être explicites à un moment; pas un quota, mais un certain plafond
quantitatif, sinon il n'y aura aucun moyen de mesurer le progrès du
programme.
Finalement, concernant l'article 6, je suis absolument d'accord que les
questions de sécurité et d'efficacité ne doivent pas
entrer dans des arguments pour empêcher qu'il y ait un programme mis sur
pied dans une entreprise. C'est un peu dangereux, dans l'article 6, de
mentionner autre chose comme l'efficacité administrative. Pour nous,
c'est un peu comme la question de l'expérience canadienne, qui peut
s'utiliser comme mesure administrative pour empêcher la rentrée
des personnes immigrantes.
C'est simplement un dialogue en termes égaux avec M. Marx
là-dessus. Je ne sais pas si tu veux ajouter...
M. Djihanian (Hrair): Je n'ai rien à ajouter à ce
que mon collègue M. Delgado a dit. Je me souviens, étant
étudiant en histoire au cégep, que mon professeur m'a dit:
Lorsque Staline a préparé la constitution de l'Union
soviétique, apparemment, c'était la plus avancée au monde
à cette époque. Au lieu de vouloir couper un cheveu ici-dans la
rédaction des règlements, je veux voir l'action. On parle, on
parle, on parle, mais je veux voir l'action. Cela fait plusieurs années
qu'on sait qu'il y a un problème quant à l'accès à
l'égalité en emploi. En tant qu'avocat, je pratique à
Montréal et sais très bien qu'au palais de justice de
Montréal, il y seulement deux fonctionnaires qui, à ma
connaissance, sont d'origine autre que canadienne-française. J'ai
hâte de voir l'accès à l'égalité dans la
fonction publique. Je pense que si le gouvernement commence il va créer
l'atmosphère et le secteur privé va suivre. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Marx: Nous sommes tout à fait d'accord avec cette prise
de position.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie le
Comité ad hoc de concertation pour l'accès à
l'égalité.
Je demande donc maintenant à la Coalition des femmes pour
l'accès à l'égalité de se présenter à
la table. Nous allons suspendre nos travaux pendant cinq minutes, le temps de
changer de sièges.
(Suspension de la séance à 11 h 27)
(Reprise à 11 h 30)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! Nous allons
maintenant entendre la Coalition des femmes pour l'accès à
l'égalité. À l'ordre, s'il vous plaît! Je
demanderais à la porte-parole de se présenter et de
présenter les gens qui l'accompagnent. Vous pouvez rester assise.
Coalition des femmes pour l'accès à
l'égalité
Mme Novak (Liza): Mon nom est Liza
Novak. M. le Président, Mmes et MM. les députés,
avec votre permission, pour la présentation de notre mémoire,
nous
aimerions procéder de la façon suivante: d'abord,
l'introduction de la Coalition des femmes pour l'accès à
l'égalité sera faite par Mme Asselin, de l'R des Centres de
femmes du Québec, qui est à ma gauche; ensuite, la
présentation du mémoire se fera par moi-même, Mme Liza
Novak, du groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au
travail; finalement, nous passerons à l'étape des commentaires,
des questions et des réponses avec Dominique Leclercq, du groupe Action
travail des femmes, qui est à ma droite, Lyse Leduc, du Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail Inc., Denise B.
Rochon, de la Fédération des femmes du Québec, Michelle
Asselin et moi-même. Cela va?
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Je voudrais
rappeler à votre groupe, comme on le fait régulièrement,
que pour la bonne marche de nos travaux nous disposons de 55 minutes,
c'est-à-dire environ 20 minutes pour vous entendre et 35 minutes
d'échange de propos avec les membres de la commission. Je vous laisse la
parole immédiatement.
Mme Asselin (Michèle): Je vais commencer par vous
présenter la Coalition des femmes pour l'accès à
l'égalité. C'est une coalition formée de 172 groupes de
femmes, comités de femmes de syndicats et de groupes populaires et qui
représente au-delà de 350 000 femmes provenant de toutes les
régions du Québec. Vous pourrez consulter la liste des groupes
qui nous ont appuyées qui est incluse dans le mémoire qu'on vous
a déjà présenté.
Nous nous sommes mobilisées au printemps dernier pour
réclamer l'entrée en vigueur des articles de la Charte des droits
et libertés de la personne permettant la mise en place des programmes
d'accès à l'égalité. Nous nous sommes
mobilisées aussi pour l'adoption d'une réglementation
adéquate telle que celle qui est contenue dans le présent projet
de règlement qui définit ce qu'est un véritable programme
d'accès à l'égalité et donne les outils suivants
à la Commission des droits de la personne du Québec lorsqu'elle
recommande ou s'adresse au tribunal pour obtenir un programme d'accès
à l'égalité: des objectifs quantifiables, des mesures de
redressement, un échancier et des mécanismes de
contrôle.
Nous désirons aussi l'obligation contractuelle,
c'est-à-dire l'obligation de mettre en place un programme d'accès
à l'égalité pour les entreprises obtenant un contrat du
gouvernement. Déjà, en octobre 1981, un certain nombre d'entre
nous a présenté des mémoires à la commission
permanente de la justice chargée de réviser et d'amender la
Charte des droits et libertés de la personne pour y inclure les
programmes d'accès à l'égalité comme remède
à la discrimination systémique.
En juin 1982, le projet de loi 86 a été
déposé à l'Assemblée nationale et les groupes de
femmes se sont réjouis d'y retrouver une réponse à leur
requête en matière d'accès à l'égalité
dans le chapitre III de la charte traitant des programmes d'accès
à l'égalité. Cependant, ce chapitre n'allait pas
être mis en vigueur tant et aussi longtemps qu'une réglementation
n'allait pas en définir les règles: c'était une
demi-victoire, il fallait encore être "patientes".
Pendant les quarante mois de cette longue "gestation", plusieurs
démarches ont été faites afin d'accélérer
"l'accouchement": lettres, pressions diverses, interventions multiples...
etc.
Or, nous voici réunies dans la "chambre des naissances" ...et
nous voulons croire que l'enfant à naître sera fort et en
santé, qu'il aura tous ses moyens et tous ses membres et qu'il pourra
faire son chemin dans la société québécoise.
En effet, pour les femmes que nous représentons, une action
énergique en matière d'égalité s'impose aujourd'hui
afin que nous possédions des outils efficaces nous permettant
d'améliorer notre situation sur le marché du travail.
Je vais passer la parole pour quelques instants à Mme Denise
Rochon.
Le Président (M. Gagnon): Mme Rochon.
Mme Rochon (Denise B.): Je dois dire au nom de la Coalition des
femmes pour l'accès à l'égalité que nous regrettons
vivement l'absence de M. Fréchette, ministre de la Justice, qui aura
à mettre en vigueur le programme d'accès à
l'égalité.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Est-ce que la Coalition des femmes pour l'accès
à l'égalité ou d'autres groupes de femmes ont
été consultés par le ministre, non pas M. Chevrette, mais
M. Johnson ou M. Bédard? Est-ce qu'ils ont été
consultés en ce qui concerne le règlement? Est-ce que vous avez
eu des projets de règlement avant?
Le Président (M. Gagnon): Nous allons laisser Mme Rochon
livrer le message et vous pourrez poser cette question-là tantôt
lorsqu'on sera à la période des questions. Mme Rochon.
Mme Rochon: Le regret a été exprimé et je
passe la parole à Mme Novak qui va vous faire la présentation du
mémoire.
Le Président (M. Gagnon): Mme Novak?
Mme Rochon: Oui.
Mme Novak: Avant de vous faire part de nos recommandations
concernant le projet de règlement à l'étude, il nous
apparaît essentiel de rappeler à la commission parlementaire
certains faits concernant la situation spécifique des femmes: 46 % des
femmes sont sur le marché du travail salarié; les femmes
constituent 41 % de la main-d'oeuvre active et salariée et leur nombre
est en progression constante. D'ici l'an 2000, on prévoit qu'un
travailleur sur deux sera une travailleuse; deux femmes sur trois occupant un
emploi salarié le sont dans des ghettos d'emploi où
prévalent généralement de moins bonnes conditions de
travail (salaire, avancement, formation, et même accès difficile
à la syndicalisation); de plus, parmi les autres groupes-cibles
concernés par le programme d'accès à
l'égalité - handicapés, minorités culturelles,
Amérindiens, Inuit - environ 50 % sont des femmes.
Le fait d'avoir inclus dans la charte un chapitre sur l'accès
à l'égalité constitue une reconnaissance, de la part du
législateur, de l'existence de cette discrimination systémique.
L'intention doit maintenant être concrétisée.
Nous considérons effectivement qu'une réglementation
adéquate sur les programmes d'accès à
l'égalité constitue un premier pas indispensable vers un
changement des conditions de vie des femmes dans le sens de
l'égalité.
Cette réglementation, étant directement reliée aux
articles spécifiques de la Charte des droits et libertés de la
personne, sert de dernier recours qui, selon nous, aura un effet incitatif pour
les employeurs d'assurer le respect du principe d'égalité dans
leur pratique. Sans une réglementation adéquate contenant des
directives spécifiques essentielles de base, l'obligation contractuelle
risque elle aussi d'être inefficace.
Nous traiterons maintenant plus en détail de ces divers sujets en
commençant par le projet de règlement de juin 1985. Ensuite, nous
aborderons la question de l'obligation contractuelle, les mesures incitatives
et les programmes volontaires.
Je me situe à la page 11 du mémoire: le projet de
règlement du 26 juin 1985. D'une manière générale,
la Coalition des femmes pour l'accès à l'égalité
est satisfaite de ce projet de règlement puisqu'il reprend les
éléments, pour nous essentiels, contenus dans le
précédent, celui d'octobre 1984. Nous allons successivement
commenter chaque article et recommander quelques modifications.
Concernant l'article 1, disposition générale portant sur
l'application du règle- ment, étant donné qu'il s'agit, en
effet, d'un recours de dernière instance qui assurera que le
remède proposé mène à un véritable
changement de la situation des femmes discriminées, il faut donc garder
toutes les "dents" au niveau du règlement. Nous recommandons. donc
l'adoption de cet article tel quel.
Concernant l'article 2 de la section II, on ne pourra jamais insister
assez sur l'importance et la nécessité que la
réglementation prévoie les quatre éléments
essentiels que doit contenir un vrai programme d'accès à
l'égalité, c'est-à-dire objectifs quantifiables, mesures
de redressement, échéancier et mécanismes de
contrôle. Nous recommandons l'adoption de cet article tel quel.
Concernant l'article 3, cet article fait référence
à des objectifs quantifiables, ce qui est absolument nécessaire
pour obtenir un résultat. Nous recommandons l'adoption de cet article
tel quel.
Concernant l'article 4, cet article cerne bien ce qui doit ressortir
d'une analyse d'effectifs, tant dans les éléments
identifiés que dans le rapport comparatif qui est nécessaire pour
illustrer la situation des employés du groupe-cible. Nous recommandons
que cet article soit adopté tel que formulé.
En ce qui a trait à l'article 5, l'analyse de
disponibilité à laquelle se réfère cet article est
bien. En effet, on y a précisé non seulement le critère de
compétence, mais aussi l'aptitude à l'acquérir dans un
délai raisonnable.
Cet aspect est essentiel lorsque l'on songe à briser la
discrimination systémique. De plus, le fait d'avoir à
considérer, dans une analyse de disponibilité, le bassin de
main-d'oeuvre extérieur de l'entreprise possédant les
caractéristiques du groupe-cible est capital pour les femmes qui sont
nombreuses à vouloir accéder à des emplois.
C'est pourquoi nous recommandons l'adoption de cet article avec l'ajout
suivant: "Dans le cas où Statistique Canada n'aurait pas les
statistiques nécessaires, il faudrait procéder par approximation
d'experts e/s".
Je me situe à la page 13 de ce mémoire, concernant
l'article 6, portant sur la définition de l'analyse du système
d'emploi. Nous recommandons l'adoption de cet article tel quel. Concernant
l'article 7, cet article est un des plus importants du règlement parce
qu'il introduit les mesures de redressement, mesures essentielles à un
réel programme d'accès à l'égalité. Les deux
types de mesures décrites dans cet article sont bien formulés et
sont à conserver intégralement. Donc, nous recommandons
l'adoption de cet article intégralement.
Concernant l'article 8, des mesures de soutien peuvent s'avérer
nécessaires pour permettre aux femmes de surmonter certains
obstacles à l'emploi et le fait que ces mesures soient
accessibles à l'ensemble des travailleuses et travailleurs est
important. Alors, nous recommandons l'adoption de cet article tel quel.
Concernant l'article 9, portant sur la transmission des informations du
programme d'accès à l'égalité recommandé par
la commission ou imposé par le tribunal, il est important que les
employé e/s d'une entreprise prennent connaissance de l'ensemble des
éléments que constitue le programme. Nous recommandons donc que
soit ajouté à cet article: "ainsi que l'ensemble des
éléments du programme d'accès à
l'égalité spécifiés à l'article 2."
Concernant l'article 10 portant sur la responsabilité de
l'implantation du programme, puisqu'il s'agit de cas où la
discrimination systémique a été prouvée, il nous
apparaît essentiel que l'implantation du programme d'accès
à l'égalité soit sous la responsabilité
entière de l'employeur mis en cause, puisqu'il aura des comptes à
rendre, conformément à l'article 11 qui suit.
Il est donc indispensable qu'une personne en autorité dans
l'entreprise reçoive un mandat clair en matière d'accès
à l'égalité. Selon nous, ce sera à cette personne
en autorité de s'assurer de la collaboration souhaitable des syndicats
dans l'entreprise, s'il y a lieu, des employés en général
et, le cas échéant, de postulants externes ou de
personnes-ressources. Donc nous recommandons l'adoption de cet article tel
quel.
Concernant l'article 11, portant sur le rapport de l'employeur auquel
s'applique un programme, nous recommandons l'adoption cet article avec l'ajout
suivant, c'est-à-dire, après le terme "à la commission" et
avant le terme "un rapport écrit", des mots: "et à la ou les
plaignante(s)". Puisqu'il s'agit de remédier à une situation
jugée discriminatoire subie par la ou les plaignante(s), il est
important et normal qu'elle(s) prenne(nt) connaissance de l'évolution de
l'implantation du programme.
Je me situe à la page 15 de la section III du règlement
portant sur l'égalité dans les services d'éducation
offerts au public. Nous recommandons l'adoption des articles 12 à 16
tels que formulés. Il est important que les programmes puissent
être mis en place dans les réseaux éducatifs, car la
discrimination systémique vécue par les femmes sur le
marché du travail prend racine dans le système d'éducation
et de formation professionnelle.
En ce qui a trait à la section IV portant sur
l'égalité dans les services de santé et les autres
services offerts au public, nous recommandons l'adoption de l'article 17 tel
quel. En ce qui a trait à l'article 18, nous avons assez attendu
l'adoption d'un tel règlement. C'est pourquoi celui-ci doit entrer en
vigueur le plus rapidement possible maintenant, en tout cas, avant
d'éventuelles élections.
Nous recommandons que cet article soit libellé comment suit: "Le
présent règlement entre en vigueur à la date de sa
publication à la Gazette officielle dans les délais les plus
courts."
En tant que coalition représentant plus de 350 000
Québécoises, nous n'accepterons rien de moins que le contenu de
ce projet de règlement qui constitue pour nous un instrument
garantissant que nous pourrons défendre nos droits. D'ailleurs, nous
remarquons que nous avons eu l'appui inconditionnel de M. Herbert Marx par
rapport à notre position sur la réglementation, et nous l'en
remercions. (11 h 45)
Nous avons donc des recommandations à vous faire, qui sont
très importantes pour assurer un véritable accès à
l'égalité pour les femmes. Il est bien connu que les
procédures pour les causes de discrimination sont
particulièrement onéreuses financièrement. Il nous
apparaît donc indispensable que le gouvernement mette sur pied un fonds
d'aide financière en vue de financer toutes les femmes et tout groupe de
femmes voulant porter plainte pour discrimination en emploi, comme l'a
annoncé le ministre de la Justice dans un communiqué de presse
émis le 23 juin 85, à la suite de l'annonce du plan
gouvernemental du 17 mai 1985 lors du colloque sur la sécurité
économique québécoise. Nous recommandons donc que soit
créé un fonds d'aide financière afin de payer les frais
des femmes et groupes de femmes voulant porter plainte pour discrimination en
emploi.
Je vais passer à la page 17. C'est le rôle du gouvernement
de s'assurer que les entreprises auxquelles il octroie des contrats ne
perpétuent pas la discrimination. C'est par le biais de l'obligation
contractuelle que le gouvernement assurera que les entreprises qui auront des
contrats gouvernementaux mettront sur pied de véritables programmes
d'accès à l'égalité conformes à ceux qui
sont décrits dans le projet de règlement.
Afin d'éviter tout délai, nous recommandons qu'un
décret instaure au plus vite l'obligation contractuelle et que, pour la
définition et les critères d'application du programme
d'accès à l'égalité, il se réfère
à la section II du projet de règlement du 26 juin 1985 qui sera
alors, nous l'espérons, adopté.
Ensuite, à la conférence sur la sécurité
économique des Québécoises, le 17 mai, le gouvernement
s'est engagé à établir l'obligation de mettre sur pied des
programmes d'accès à l'égalité pour les femmes pour
les entreprises de 100 employés ou plus qui ont des contrats
gouvernementaux d'une valeur de 200 000 $. Ce montant ne correspond
pas, selon nous, à la réalité de la structure des
entreprises québécoises qui sont, pour la plupart, des petites et
moyennes entreprises. C'est pourquoi nous recommandons que ce montant soit
abaissé afin qu'une quantité appréciable de programmes
d'accès à l'égalité puissent voir le jour au
Québec par le biais de l'obligation contractuelle.
Maintenant, nous passons aux mesures incitatives telles que la mise sur
pied d'un comité aviseur. La création d'un tel comité,
annoncée par le gouvernement le 17 mai 1985, nous apparaît comme
une initiative intéressante. Néanmoins, la composition
proposée ne nous satisfait pas du tout. Nous recommandons que ce
comité soit composé de quatre personnes représentant les
employeurs, quatre représentant les syndicats et quatre
représentant les femmes à raison d'une représentante des
non syndiqués, deux femmes représentant les groupes de femmes et
une femme représentant les minorités visibles.
De plus, il serait souhaitable que le gouvernement encourage la
création de comités consultatifs dans les entreprises afin
d'assurer une participation des représentant e/s des employé e/s
sur les questions d'égalité. En outre, nous trouverions
très positif que soient associées à cette consultation des
femmes de la communauté impliquées dans l'intégration des
femmes au marché du travail. Plusieurs groupes de femmes sont actifs sur
ces questions et leur expertise pourrait apporter une précieuse
contribution.
Par ailleurs, afin de guider toutes les entreprises et d'avoir une vue
globale de la situation des travailleuses, nous recommandons que le
gouvernement rende obligatoire la remise par toutes les entreprises d'un
formulaire type, une fois par année, dans lequel serait consignée
une analyse d'effectifs, telle que celle qui est spécifiée
à l'article 4 du projet de règlement. Nous trouvons important que
ces données soient accessibles au public, comme dans le projet
fédéral d'équité en matière d'emploi. En
effet, les femmes pourront ainsi suivre de près l'évolution de
leur situation dans les entreprises.
Finalement, concernant les programmes volontaires, il est clair pour
nous que ces programmes volontairement mis en place par les entreprises n'iront
pas aussi loin que ceux qui sont détaillés dans le projet de
règlement. Toutefois, nous souhaiterions que les entreprises qui
prendront de telles initiatives prennent le projet de règlement comme
modèle.
Au nom de la Coalition des femmes pour l'accès à
l'égalité, je vous remercie de votre écoute attentive. On
est prêtes à répondre à vos questions et à
entendre vos commentaires.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Novak. M. le
député de Vachon.
M. Payne: M. le Président, il s'agit d'un document
remarquable. Je voudrais remercier les membres de la coalition qui se sont
présentées ce matin: Mme Rochon, Mme Leclercq, Mme Novak, Mme
Asselin et Mme Leduc.
En ce qui concerne la remarque de Mme Rochon il y a quelques minutes,
nous déplorons également l'absence du ministre ce matin.
D'ailleurs, j'avais moi-même proposé au début de la
séance, selon une certaine tradition, qu'on entende le ministre
responsable de la rédaction du projet de règlement. Il devrait
être en mesure de faire un survol de la situation depuis l'adoption de la
loi et savoir quels objectifs il se donne pour que, justement, on puisse
être mieux renseignés avant de vous entendre comme témoins.
Peut-être n'étiez-vous pas ici à ce moment-là, mais
nous le déplorons également. Je pense que le ministre est encore
disponible pour venir avec nous.
Vous avez d'ailleurs mentionné - d'une certaine façon,
nous sommes d'accord - qu'il a fallu du temps pour préparer le
règlement. Ce n'est pas à moi de défendre le délai
du ministère mais, d'une certaine manière, c'est justifiable
compte tenu du fait que les modalités relatives à l'implantation
des programmes d'accès n'avaient pas fait l'objet d'un débat
global avant 1982 et compte tenu de l'importance que pourraient avoir, sur le
plan pratique, toute cette question et le contenu de ce règlement. Je
considère qu'il est justifiable que l'entrée en vigueur des
dispositions des programmes d'accès à l'égalité
soit suspendue pendant une certaine période en attendant, justement,
qu'il puisse y avoir un certain consensus. Je vois cela dans un esprit positif,
c'est donc un délai nécessaire.
J'aurais une couple de questions qui touchent le rôle de la
personne en autorité, comme on y fait référence, par
exemple, à l'article 11 du règlement. On dit: "L'employeur auquel
s'applique un programme fait parvenir annuellement à la commission un
rapport écrit comprenant une description." Et la description suit. C'est
une question générale: Comment voyez-vous le rôle de la
personne en autorité qui serait responsable ou chargée de
l'implantation des programmes d'accès a l'égalité par
rapport à l'employé et, bien sûr, par rapport aux
syndicats? Concrètement, comment cela serait-il actualisé?
Le Président (M. Gagnon): Mme
Leclercq.
Mme Leclercq (Dominique): J'aimerais répondre à
cette question. Premièrement, je voudrais rappeler, par rapport à
ce que vous avez
dit avant, qu'il s'agit d'un recours en justice. Demain matin, en
admettant que le projet de règlement soit en vigueur, on ne va pas se
mettre à poursuivre en justice tous les employeurs du Québec. On
est bien clair là-dessus. On est très pressées d'avoir ce
projet de règlement afin qu'il y ait des changements et, comme l'a dit
ma collègue, que cela incite c'est-à-dire que, demain matin,
effectivement, on puisse poursuivre un employeur qui exerce de la
discrimination afin que cela serve de pôle d'entraînement pour les
autres. Donc, ce n'est pas grand-chose qu'on vous demande aujourd'hui, c'est un
minimum et il ne s'agit pas de rendre cela obligatoire du jour au lendemain au
Québec. Soyons bien clairs là-dessus.
En ce qui concerne l'employé en autorité, effectivement,
quand la Commission des droits de la personne va recommander, à la suite
d'une preuve de discrimination, qu'un programme soit implanté dans une
entreprise ou qu'un tribunal va le faire, il est évident que le tribunal
ou la commission auront affaire à un employé en autorité
pour qu'il se passe quelque chose dans l'entreprise pour que les
recommandations et le jugement du tribunal soient appliqués. C'est cela
qu'on veut dire. Ce ne sera pas si compliqué. Actuellement, le seul
exemple qu'on ait au Canada - on est obligé de traverser une
frontière - c'est le cas du CN. Il y a eu un employé en
autorité de nommé qui doit faire quelque chose qui a rapport avec
le tribunal.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: En ce qui concerne l'obligation de mettre sur pied des
programmes d'accès à l'égalité pour les femmes,
pour les entreprises de 100 employés et plus qui ont des contrats
gouvernementaux d'une valeur supérieur à 200 000 $, vous dites
que ce montant de 200 000 $ ne correspond pas à la réalité
de la structure des entreprises québécoises. Selon vous, à
combien devrait être fixé le montant de l'obligation contractuelle
à laquelle vous faites référence à la page 17?
Le Président (M. Gagnon): Mme Rochon.
Mme Rochon: Nous nous gardons bien à ce moment-ci
d'établir un chiffre, sauf qu'on pourrait peut-être vous dire
qu'aux États-Unis, c'est 50 000 $. Cela fait une très grande
différence. Je ne sais pas si on irait jusque-là, mais on se
réserve de parler de ce montant pour le moment, parce que si vous
comprenez aussi, les grandes entreprises au-dessus de 200 000 $ de contrats
touchent très peu les femmes parce que les femmes sont réparties
dans les petites et moyennes entreprises, dans les commerces et dans
l'industrie manufacturière. C'est là qu'elles sont les plus
nombreuses. Donc, elles ne seraient pas touchées par un "plancher"
-entre guillemets - de 200 000 $.
M. Payne: Je pense que c'est à noter, cette objection. Ce
n'était pas, à ma connaissance, soulevé au sommet...
Une voix: ...
M. Payne: Non, la question générale, mais la raison
spécifique en ce qui concerne en bas de 200 000 $ n'était pas
soulevée. Par contre, c'est une excellente objection de fond au niveau
du montant de 200 000 $ qui devrait être prise en considération.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de D'Arcy McGee,
suivi du député de Deux-Montagnes.
M. Marx: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
Mmes Rochon, Leclercq, Novak, Asselin et Leduc pour leur présentation
qui est fort intéressante et fort pertinente. Je retiens les derniers
mots de la présentation, à savoir qu'il faut arrêter de
parler et qu'il faut commencer à agir. Qu'on pense, par exemple,
qu'à la Commission de transport de la Communauté urbaine de
Montréal, il n'y a que huit chauffeurs qui sont des femmes sur environ
3500 chauffeurs d'autobus; 8 sur 3500. À Chicago, c'est 30 %; à
Buffalo, c'est 18 %. Je pense que les Québécoises peuvent
conduire des autobus aussi bien que les femmes à Chicago, à
Buffalo ou ailleurs. Qu'on pense qu'à la Commission de police du
Québec, nous n'avons jamais eu une femme comme membre de la commission
depuis 1968. À travers un bon nombre de gouvernements, on n'a jamais
trouvé une femme pour siéger comme membre de cette commission.
Donc, il y a beaucoup de choses à faire.
La question que j'aimerais vous poser, c'est que... Deux questions,
plutôt. Admettons que le règlement est adopté, vous savez
que la Commission des droits de la personne aurait un personnel d'environ 40
personnes pour donner suite à ce règlement. Où est-ce
qu'on va commencer? Est-ce qu'on va commencer par le secteur public ou par le
secteur parapublic? Est-ce qu'on va commencer par la Commission de transport de
la Communauté urbaine de Montréal ou si on va commencer par une
entreprise privée?
Et ma deuxième question - j'aimerais poser les deux en même
temps - porte sur l'obligation contractuelle que je trouve très
intéressante et que vous avez bien présentée. Je pense
qu'il sera nécessaire de tenir compte de cette question, mais le
fédéral a déjà pris en quelque sorte les devants
dans cette question d'obligation contractuelle, parce qu'il va obliger des
personnes avec qui
il contracte de respecter les programmes d'accès à
l'égalité. Est-ce qu'il y a un danger qu'il y ait une
incompatibilité entre la réglementation du Québec et celle
du fédéral qui s'applique aux mêmes entreprises? On peut
prévoir que l'une exige un comité et l'autre n'en exige pas. Une
réglementation exige un comité particulier et l'autre exige un
comité formé d'une autre façon, et ainsi de suite... Vous
comprenez ce que je veux dire? Parce que aux États-Unis, comme l'a bien
souligné Mme Rochon - j'ai cela devant moi: "Government Regulations" -
au niveau fédéral, c'est uniforme dans tous les
États-Unis. (12 heures)
Le Président (M. Gagnon): Mme Leduc.
Mme Leduc (Lyse): Oui. Je répondrai à la
première question de M. Marx, quand il nous demande par où nous
allons commencer? Je verrais bien idéalement que nous ne commencions pas
toujours par le même secteur public. Je pense qu'avec 40 personnes, il
serait normal que la Commission des droits de la personne essaie de
créer des modèles tout autant dans l'entreprise privée que
dans le secteur public. Je ne pense pas qu'on devrait se cantonner dans un
endroit pour commencer parce qu'il y a des modèles à créer
partout. Je laisserais à Dominique le soin de répondre sur le
sujet du fédéral.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Leclercq.
Mme Leclercq: Je voulais aussi dire que ce sera aux femmes de
décider par où elles veulent que cela commence puisque nous
serons les plaignantes.
M. Marx: C'est cela; les femmes à la commission des
droits.
Mme Leclercq: Non, les plaignantes... M. Marx: Oui, oui,
je comprends.
Mme Leclercq: ...qui vont encourager la commission à aller
dans un sens ou dans l'autre.
En tout cas, en ce qui concerne le projet d'équité en
emploi du fédéral, on parle ici d'accès à
l'égalité et on veut garder ce terme-là. Au
fédéral, on parle d'équité en emploi; ce n'est pas
la même chose. Le projet fédérai pour l'obligation
contractuelle n'a rien à voir avec le projet de règlement qu'on a
ici, parce qu'il n'a pas les dents. Nous, nous voulons les dents,
c'est-à-dire les échéanciers, les mesures de redressement
objectives, quantifiables. Donc, ce projet de règlement est bien
supérieur au projet fédéral. De toute façon, comme
le disait ma collègue Denise, au fédéral, c'est un projet;
ici, on en est à un règlement qui peut être adopté
très vite.
En ce qui concerne les entreprises, d'abord il y a une question de
juridiction. Je pense que cela va quand même jouer dans ce cas-là,
même dans la question de l'obligation contractuelle. Vous pensez que cela
ne jouera pas puisque ce seront des contrats?
M. Marx: C'est cela, ce seront des contrats. Le Québec
peut exiger de n'importe quelle compagnie ou même d'une banque qui n'est
pas sous sa juridiction, de se conformer d'une façon contractuelle. Je
pense que cela sera possible.
Mme Leclercq: Alors, à ce moment-là, ce qui
va se produire, c'est que, effectivement, si le projet de règlement est
adopté, au niveau du Québec ce sera plus fort qu'au niveau du
fédéral. Mais vous avez vu qu'on a quand même
recommandé la question du formulaire type. En fait, c'est ce que dit le
projet fédéral. C'est simplement un formulaire type. Je ne vois
pas en quoi cela pourrait être contradictoire. Il y aura un formulaire
type si on suit notre recommandation pour le Québec et pour le
fédéral, mais il y aura au niveau du Québec quelque chose
de plus fort: c'est le projet de règlement. On va essayer de l'avoir
aussi au niveau du fédéral. Soyez-en sûrs.
M. Marx: Mais dans le règlement que nous avons devant nous
aujourd'hui, l'obligation contractuelle n'est pas prévue. Les "Contract
compliances" ne sont pas prévues dans le règlement actuel du
gouvernement.
Mme Leclercq: Non, mais il faudra une nouvelle loi ou un
décret pour l'obligation contractuelle. Ce qu'on demande c'est, lorsque
ce décret ou cette loi sera adopté, qu'il se reporte au projet de
règlement que nous avons à l'étude en ce moment.
M. Marx: Tout à fait d'accord.
Mme Leclercq: Que cela soit lié, voyez-vous.
M. Marx: Mais oui, d'accord.
Mme Leclercq: Sinon, l'obligation contractuelle reviendra, comme
au fédéral, à l'équité en emploi. Nous
disons, comme nous avons l'expérience américaine et qu'ils ont eu
des règlements qui n'avaient pas de dents jusqu'en 1972, que rien ne
s'est fait au plan de l'accès à l'égalité de par
l'obligation contractuelle. À partir de 1972, ils ont eu un projet de
règlement très fort et avec des dents; là, il y a eu des
changements. Je vous en dirai plus long ce soir, à 17 heures, quand le
groupe Action travail des femmes se fera entendre.
M. Marx: Nous pourrons reprendre cette discussion, mais nous
sommes tout à fait d'accord sur le fait que si le gouvernement
décide de procéder avec l'obligation contractuelle, cela soit
fait d'une façon efficace et qu'on ait des progrès et non
seulement des décrets. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci M. le Président. Quand vous avez
suspendu nos travaux pour quelques instants, je me suis retiré. Quand je
suis revenu, Mme Novak avait déjà commencé. J'ai entendu
une allusion que le député de Vachon a faite aux paroles tenues
par Mme Rochon, que je n'ai par conséquent pas eu l'avantage d'entendre.
Mme Rochon aurait dit quelques mots au sujet de l'absence du ministre.
J'espère que tout le monde a bien compris que si le ministre est
actuellement absent, c'est parce qu'il a décidé de se retirer. Il
était présent ce matin. Il y a eu une discussion quant à
savoir à quel titre il pourrait participer à nos travaux et,
à la suite de cette discussion, le ministre a décidé de se
retirer.
M. Blouin: M. le Président... M. de Bellefeuille:
Je voudrais...
Le Président (M. Gagnon): Un instant, M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Oui, M. le Président, pour que le
député de Deux-Montagnes...
Le Président (M. Gagnon): Sur une question de
règlement?
M. Blouin: Oui, M. le Président.
M. de Bellefeuille: À votre tour, M. le
député.
M. Blouin: Pour que le député de Deux-Montagnes
soit bien informé...
M. de Bellefeuille: Selon quel article du règlement?
M. Blouin: Je vais le lui dire. Je lui signifie que le ministre
est en train de rencontrer les groupes au moment où nous nous parlons,
justement afin d'avoir des échanges avec eux, ce qui lui a
été refusé ici, M. le député.
M. de Bellefeuille: Vous avez un talent remarquable...
M. Blouin: Soyez honnête.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes, vous avez la parole, mais je ne voudrais quand même pas
créer de rumeur. Lorsque le ministre s'est retiré, c'est parce
qu'on ne lui a pas permis - ce qu'on aurait pu faire selon notre
règlement -de prendre place ici, à cette table, sans droit de
vote et sans droit de faire motion. Lorsqu'on dit "se retirer", il faudrait
ajouter qu'il était simplement dans l'assistance, ici.
M. le député de Deux-Montagnes, vous avez la parole.
M. de Bellefeuille: Bon. Je trouve que le député de
Rousseau a un talent remarquable pour se mettre les pieds dans les plats parce
qu'il manifeste une fois de plus son incompréhension totale de l'esprit
et du sens de la réforme parlementaire. L'esprit et le sens de la
réforme parlementaire est que les commissions permanentes de
l'Assemblée nationale étudient de leur propre initiative les
projets de règlement et les règlements.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, mais nous avons des
invités à qui on doit poser des questions. Cette discussion a eu
lieu ce matin et on a décidé de ne pas accepter que le ministre
prenne part à cette commission. Cette discussion a eu lieu ce matin.
Nous devons maintenant nous adresser à nos invités. Entre autres,
Mme Rochon, je pense, a quelque chose à ajouter. Il faudrait leur poser
des questions sur leur mémoire. Mme Rochon.
M. de Bellefeuille: M. le Président, il me semble que
c'est tout à fait régulier, ce que je suis en train de faire.
Une voix: ...
Le Président (M. Gagnon): Un instant, c'est moi qui
préside, s'il vous plaît!
M. de Bellefeuille: Le député de Vachon a fait
allusion à des propos tenus par Mme Rochon. J'ai quelques petites
remarques à faire sur ces propos. Cela me paraît absolument et
totalement conforme au règlement de le faire. Libre au ministre de
rencontrer les groupes de son côté, c'est parfaitement son droit.
Je tiens à assurer Mme Rochon et nos autres invités que ce qui
compte ici, c'est que les mémoires soient présentés,
entendus, discutés par les membres de la commission parlementaire. C'est
le sens de ce qui se passe ici. Ce que le ministre décide de faire de
son côté, mot, cela ne me fait ni chaud ni froid, c'est son
affaire. La commission doit continuer ses travaux comme si de rien
n'était puisque c'est le mandat qu'elle a en vertu de notre
règlement.
Ceci dit, je voudrais...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Deux-Montages...
M. de Bellefeuille: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): ...mais à cette
première partie, je pense que Mme Rochon veut réagir.
Mme Rochon: Je pense qu'il est absolument essentiel que M.
Fréchette, dans son nouveau rôle de ministre de la Justice, puisse
nous poser des questions et puisse entendre tout le débat. C'est vrai
que nous pouvons le rencontrer par la suite et lui faire nos
représentations, mais je pense que les questions et les réponses
qui seront exprimées par ces messieurs et ces dames de la commission
offriront un climat très différent de ce que nous aurons à
vivre avec lui. Je pense que, pour nous, c'était d'une extrême
importance qu'il soit ici. Nous déplorons encore une fois son
absence.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
Une voix: II est toujours temps de changer d'idée.
M. de Bellefeuille: Mme Rochon, un autre jour, dans d'autre3
circonstances, j'essaierai peut-être de m'entretenir avec vous du sens de
la réforme parlementaire; là, on a autre chose à faire que
de discuter des caprices des ministres, de leur absence ou de leur
présence et de tout cela; c'est autre chose.
Des voix: Oh!Oh! Oh!
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Deux-Montagnes, mais je vais devoir encore une fois
vous couper la parole. Le sens de la réforme parlementaire
n'était pas en cause. Comme ce débat est
télévisé, il ne faudrait pas induire la population en
erreur. On avait parfaitement le droit, dans le cadre de la réforme
parlementaire, d'accepter que le ministre soit ici à titre d'intervenant
à cette commission, mais cela prenait l'appui unanime des membres de la
commission, ce qui lui a été refusé.
M. Marx: M. le Président, question de règlement.
Vous avez votre opinion, le député de Deux-Montagnes a son
opinion...
Le Président (M. Gagnon): Voilà,
excepté...
M. Marx: II ne faut pas dire que votre opinion fait foi et que
son opinion n'est pas bonne.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. À l'ordre!
Je m'excuse, c'est moi qui préside la commission et j'ai le devoir de
faire respecter le règlement. Chaque fois qu'on tentera d'induire la
population en erreur en disant qu'on n'a pas respecté le
règlement ou qu'on ne connaissait pas le règlement, je vais
prendre sur moi de replacer les faits.
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je n'ai jamais
soutenu que la réforme parlementaire empêchait le ministre
d'être présent. Je n'ai pas parlé de ces
questions-là. Votre mise au point me paraît mal venue. Je
déplore ce qui semble être chez vous un empressement excessif
à intervenir lorsque nous mettons le ministre en cause.
Ceci dit, je voudrais en venir à notre mandat et à ce que
nous sommes censés faire ici, M. le Président. Je félicite
Mme Novak et le groupe qu'elle représente pour avoir
préparé un mémoire clair, précis, direct et
vigoureux. Je voudrais simplement relever quelques aspects de ce
mémoire. Par exemple, à la page 15 du mémoire, à
propos de la section 5, l'article 18. La Coalition des femmes pour
l'accès à l'égalité exprime le voeu ou l'avis que
le règlement doit entrer en vigueur le plus rapidement possible,
maintenant, en tout cas avant d'éventuelles élections.
Il est de notoriété publique que certains groupes dans la
population s'opposent à l'adoption de ce règlement. Nous verrons
au cours de la suite de nos travaux que des groupes importants, du
côté patronal par exemple, s'opposent à l'adoption de ce
règlement et s'opposent à l'idée même, pour employer
l'expression qu'emploient certains groupes, de la discrimination positive.
Vous pourrez, vous, mesdames, et tous les électeurs et toutes les
électrices pourront juger de l'attitude que choisira le gouvernement
à savoir s'il doit s'empresser, comme vous le souhaitez, avant les
élections d'adopter ce règlement qui est ardemment
souhaité par des éléments très importants dans la
population. J'oserais même dire que, pour les grandes lignes tout au
moins, ce projet de règlement fait consensus dans la population.
Le gouvernement a donc à choisir entre agir conformément
à ce consensus ou bien agir conformément aux réticences de
certains groupes d'intérêt dans la société. C'est le
choix qui se pose au gouvernement. J'ai pu observer, quant à moi, comme
vous au cours des derniers mois, que, pour dire le moins, le gouvernement n'a
pas manifesté un empressement excessif dans la préparation ou la
publication de ce projet de règlement. Cela me porte à craindre
que votre voeu ne soit pas exaucé, que ce règlement ne soit pas
adopté avant les élections, parce que le gouvernement aurait eu
amplement le temps
de le faire s'il avait voulu envisager ces questions avec plus
d'empressement.
D'autre part, à la page 16, je voudrais juste vous faire une
petite suggestion. Vous recommandez que soit créé un fonds d'aide
financière afin de payer les frais des femmes et groupes de femmes
voulant porter plainte pour discrimination en emploi. Est-ce qu'il serait exact
de dire que vous parlez au nom des femmes parce que c'est ce pourquoi votre
coalition a été créé mais que vous n'auriez pas
d'objection à ce que ce fonds d'aide financière puisse payer les
frais de toute personne et de tout groupe qui voudrait porter plainte pour
discrimination en emploi?
Mme Novak: Nous n'avons pas d'objection. Absolument pas!
Mme Leclercq: Les femmes sont quand même une
majorité et nous vous le rappelons quand même. Même dans les
autres groupes, la moitié est des femmes. Donc, nous sommes une grosse
majorité. Alors, on veut le gros du fonds.
M. de Beliefeuille: Vous n'avez pas d'objection à ce que
les autres personnes et groupes...
Mme Leclercq: Non.
M. de Bellefeuille: ...puissent aussi profiter de l'existence
éventuelle de ce fonds?
Mme Novak: Non. Le ministre de la Justice avait
déjà présenté son intention de débloquer un
fonds d'aide financière pour les femmes, pour porter plainte au niveau
de la discrimination. On le reprend ici, c'est un besoin. C'est sûr qu'on
n'a pas d'objection à ce qu'on réponde à ce besoin pour
d'autres aussi qui vivent le même genre de problèmes. (12 h
15)
Le Président (M. Gagnon): Mme Rochon avait
manifesté le désir de...
Mme Rochon: Je vais passer. Je voulais continuer sur le sujet de
l'obligation contractuelle, mais je pense qu'actuellement, ce sont les
réponses à M. de Bellefeuille...
M. de Bellefeuille: Ah non! Allez, allez.
Mme Rochon: Bon. M. le député de D'Arcy McGee
s'inquiétait tout à l'heure des difficultés qu'on pourrait
avoir entre l'application fédérale et l'application provinciale
des obligations contractuelles. Si le gouvernement se hâte de mettre en
vigueur ce règlement, nous serons les premiers, c'est-à-dire que
nous serons avant le gouvernement fédéral, et nous nous chargeons
aussi de faire un gros lobbying au niveau fédéral et de
défendre les mêmes positions qu'ici, de sorte que le gouvernement
fédéral pourrait, je pense, se raviser et faire à peu
près les mêmes propositions ou, en fait, s'ajuster au
Québec. Ce serait peut-être préférable que de faire
le contraire.
Le Président (M. Gagnon): Mme Leclercq.
Mme Leclercq: Si vous le permettez, j'aurais un commentaire
à faire à propos des employeurs qui s'opposent au projet de
règlement. Est-ce que je peux?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Leclercq: Peut-être connaissez-vous... Enfin, nous
savons que les employeurs au Québec, depuis longtemps, s'y opposent. Ils
n'aiment pas les objectifs numériques, ils n'aiment pas les
échéanciers. Mais, vous avez vu, comme nous, un article dans
Fortune récemment, qui est quand même un grand journal
américain pour les hommes d'affaires - les 500 plus grosses compagnies,
vous connaissez cela; j'ai un exemplaire ici - dans lequel on dit que les
employeurs étaient très contents des programmes d'accès
à l'égalité institués en vertu de l'obligation
contractuelle. Ils s'en réjouissaient et ne voulaient pas que M. Reagan
mette la hache là-dedans. Pourquoi s'en réjouissent-ils? Parce
qu'il y a un meilleur moral des employés -je ne veux pas faire du
sexisme, mais je trouve que c'est bien qu'on soit une société
mixte - et j'imagine que c'est pour cela. Il y a aussi une meilleure
productivité dans les entreprises grâce à ces programmes
d'accès à l'égalité et d'autres avantages encore
qu'ils n'ont cessé de démontrer. Moi, je pense que les employeurs
du Québec pourraient aller faire de petits stages auprès de leurs
confrères américains. Peut-être qu'ils apprendraient des
choses.
M. de Bellefeuille: Avez-vous la référence?
Mme Leclercq: Volontiers, je l'ai ici. Je ne vais pas mettre trop
de temps...
M. de Bellefeuille: Est-ce qu'on peut avoir la
référence?
Mme Leclercq: Oui, oui. Je vais vous la donner tout de suite.
Le Président (M. Gagnon): Alors, vous aurez sûrement
l'occasion de le faire.
M. le député de Saint-Jacques a demandé la parole
tout à l'heure.
M. Viau: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier, d'une part, la coalition
des femmes d'avoir présenté ce mémoire très
positif et, d'autre part, je profite de l'occasion pour saluer Mme Asselin, du
Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal avec qui
j'ai eu l'occasion de travailler. Je tiens à témoigner ici du
travail remarquable qui est fait par ce groupe, entre autres, dans un quartier
populaire où les conditions de vie des femmes sont l'une de ses
préoccupations majeures. Ce qui m'a intéressé, entre
autres, c'est votre proposition de modification de l'article 5. J'aimerais que
vous me donniez des explications. Comment percevez-vous l'application ou le
contrôle à exercer quand on définit l'aptitude à
acquérir la compétence? Je pense plus particulièrement aux
femmes en milieu populaire et surtout aux jeunes femmes car, souvent, on
associe la compétence à l'expérience. Quand on doit
appliquer cet article où il y a une carence, j'aimerais que vous
m'expliquiez comment vous voyez l'application de l'expression "aptitude
à acquérir cette compétence" et comment on peut vraiment
l'appliquer.
Le Président (M. Gagnon): Mme Asselin.
Mme Asselin: Oui. Le centre que je représente dans la
coalition, aujourd'hui, c'est l'R des centres de femmes du Québec. On va
présenter un mémoire demain. Mais je pourrais dire tout de suite
que nous sommes très préoccupées par les femmes qui n'ont
pas accès à l'emploi, qui ne sont pas dans les statistiques de
chômage, qui ne sont nulle part et qui n'ont pas accès à
l'autonomie non plus. C'est pour cela qu'à l'article 5, on veut tenir
compte des années d'expérience et de service que les femmes ont
données dans leur famille ou ont accomplies comme
bénévoles dans des organismes bénévoles. C'est un
peu à ce niveau qu'on voudrait que le projet de règlement ait des
mesures incitatives pour qu'on puisse tenir compte de cela. Par exemple, on
tient toujours compte du fait que, culturellement, les hommes ont des
aptitudes. Par exemple, s'ils ont travaillé avec leur père dans
l'électricité... Cela se fait: on va engager un homme à la
maintenance sans qu'il ait nécessairement un diplôme. On tient
compte de son expérience à cause d'une certaine culture. On
voudrait qu'on fasse la même chose avec les femmes, parce qu'elles ont
une expérience valable. On voudrait que ce soit reconnu.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci. Brièvement, il a été
abordé tout à l'heure, mais très expressément, la
question du rôle de la Commission des droits de la personne. On en a
parlé en relation un peu avec les priorités, mais j'aimerais
savoir si d'une façon générale vous avez des attentes plus
larges quant au rôle de la commission à l'égard de ces
programmes d'accès à l'égalité?
Mme Leclercq: Ce qu'on souhaite, je pense parler au nom de mes
compagnes, c'est que cela fonctionne, que cet organisme administratif
fonctionne le mieux possible, le plus rapidement possible surtout. On va faire
ce qu'on peut pour que ce soit une réalité. C'est sûr
qu'aux États-Unis aussi, ils ont des problèmes avec cela. Les
organismes administratifs, les employeurs, les plaignants se sont plaints que
c'était un peu trop lent. Alors cela va être un problème
auquel il va falloir qu'on veille et vous aussi en tant que
députés. Le gouvernement aussi devra veiller à ce que la
commission agisse dans les meilleurs délais. Je crois que cela va
surtout être une question de délai puisque, d'après notre
expérience à nous, plusieurs d'entre nous ont déjà
déposé des plaintes à la commission, et nous nous sommes
heurtés à ces questions de délais très longs.
M. Dussault: Votre message sera déjà entendu.
Mme Leclercq: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Iberville.
M. Beauséjour: À la page 16, il est question d'un
fonds d'aide financière. Est-ce qu'à d'autres endroits vous
connaissez l'existence d'un fonds d'aide? En gros j'ai l'impression que c'est
un aspect qui est important pour aider à l'évolution. Est-ce que
cela existe ailleurs?
Mme Rochon: Cela existe. Il y a un programme de ce genre qui a
été lancé par des femmes au Canada anglais, qui s'appelle
"Leaf", et elles ont déjà fait des collectes d'argent. Elles ont
demandé une subvention fédérale de 20 000 000 $. Nous
avons toutes signé une pétition par rapport à cela. Il y a
déjà des causes très importantes qui vont coûter
très cher, qui sont entendues et qui sont soutenues par ces groupes de
femmes. M. Mulroney, dernièrement, a mis à la disposition des
groupes, pas seulement de femmes, mais comme on nous le demandait tout à
l'heure, des groupes de toutes les minorités visées, je crois que
c'est 2 000 000 $ actuellement. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est quand
même une promesse qu'il avait faite pendant les élections. Donc,
il a mis cela immédiatement à la disposition des groupes, et
j'espère qu'avec notre lobbying, on va pouvoir le faire augmenter
progressivement.
M. Beauséjour: Vous souhaitez que le Québec ait
aussi un fonds.
Mme Rochon: Absolument parce que cela coûte
extrêmement cher; et comme les femmes ne sont pas responsables de leur
situation de discrimination, ce n'est pas à elles de payer ces
poursuites.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Leclercq avait...
Mme Leclercq: Un petit complément. Vous savez qu'il existe
le fonds de défense pour les droits linguistiques. C'est un fonds qui a
quand même beaucoup d'argent au niveau fédéral. Les causes
pour les droits linguistiques coûtent moins cher que les causes de
discrimination. Donc, on voudrait un fonds - je ne me souviens plus du montant
pour les causes linguistiques, mais enfin un fonds bien plus important au
niveau fédéral - qui soit un montant suffisant aussi au niveau du
Québec. Il y a quand même cet exemple qui est très
important, soit la défense des droits linguistiques.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Jonquière.
Mme Saint-Amand: J'aimerais, comme l'ensemble de mes
collègues l'a fait tout à l'heure ajouter mes
félicitations au groupe que nous venons d'entendre sur le mémoire
qui a été déposé, surtout sur certains points qui
ont été mentionnés et qui retiennent l'attention
inévitablement. J'aimerais poser quelques questions sur les
propositions, les remarques que vous apportez à l'article 9, à la
page 13 de votre mémoire. Lorsque vous demandez, lorsque vous dites, par
exemple, qu'on devrait porter à la connaissance des employés,
l'ensemble des éléments du programme d'accès à
l'égalité, je m'inquiète, à ce moment-ci, des
futurs employés, d'éventuels employés, de femmes ou de
minorités qui aimeraient avoir accès à un emploi dans une
entreprise donnée. Est-ce qu'à l'intérieur de votre groupe
quelqu'un en particulier s'est penché sur - je n'oserais pas dire
l'obligation - la nécessité que les entreprises mettant en
vigueur un programme d'accès à l'égalité, disons,
d'une manière volontaire... Est-ce qu'on a examiné la
façon dont on pourrait les inciter à faire part à
d'éventuels employés de l'existence au sein de leur entreprise
d'un tel programme d'accès à l'égalité?
Lorsqu'un employeur affiche un poste, par exemple, à
l'extérieur du cadre de son entreprise actuelle et que des femmes ou
d'autres groupes minoritaires désirent postuler un emploi à
l'intérieur de cette entreprise, avez-vous pensé à une
façon de prévenir ces éventuels employés de
l'existence de ces programmes?
Mme Leclercq: II y a deux choses. Il y a le projet de
règlement qui est quand même une question, après preuve en
justice, de discrimination, et le programme volontaire. Les choses sont quand
même différentes. Je dois dire que, depuis qu'il a
été question de ce projet de règlement, à Action
travail des femmes, on a commencé à en discuter un peu et aussi,
depuis que nous avons eu cette victoire contre les Chemins de fer nationaux du
Canada, un certain nombre d'employeurs nous ont pressenties, nous ont
téléphoné en nous disant qu'ils souhaitaient
élargir leur bassin de femmes employées. J'aime mieux vous dire
qu'on a été très contentes. C'est très facile. Les
gens connaissent notre numéro. Il est public. Les employeurs peuvent
nous faire signe. Il y a aussi d'autres groupes de femmes qui sont là,
qui sont connus et qui s'occupent justement des femmes qui veulent avoir
accès à de meilleurs emplois et des emplois bien payés
dans les grosses compagnies ou dans les entreprises qui ont du travail bien
payé.
Le Président (M. Gagnon): Le mot de la fin. Mme
Novak.
Mme Novak: Vous dites que c'est le mot de la fin?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Novak: C'est cela, je veux seulement ajouter qu'il y a une
entreprise au nord du Québec, SIDBEC-Normines, qui, actuellement, est
prise avec une cause de discrimination. Qu'est-ce qui s'est passé? En
1977, elle a fait de la publicité dans les journaux pour recruter des
femmes pour travailler dans des milieux non traditionnels. C'est sûr que
ce n'était pas un programme d'accès à
l'égalité, mais c'était une volonté d'ouvrir les
métiers non traditionnels à des femmes. Elle a publicise cela et
des femmes ont postulé. C'est une question de trouver les
véhicules de transmission d'information et, s'ils n'existent pas, de les
créer. Je pense qu'il n'y a pas de problème là-dessus et
qu'on a de l'imagination et que des façons de faire existent
déjà.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, Mmes Rochon,
Leclercq, Novak, Asselin et Leduc qui ont parlé au nom de La Coalition
des femmes pour l'accès à l'égalité. Nous
entendrons maintenant le Collectif des femmes immigrantes de Montréal.
Je suspends nos travaux pendant au plus cinq minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
(Reprise à 12 h 33)
Le Président (M. Gagnon): A l'ordre, s'il vous
plaît! Souhaitons la bienvenue au
Collectif des femmes immigrantes de Montréal. Je demande à
la porte-parole de s'identifier et de nous présenter les gens qui
l'accompagnent.
Collectif des femmes immigrantes du
Québec
Mme Bizzari (Aoura): Je m'appelle Aoura Bizzari. Je suis membre
fondateur du collectif et coordonnatrice. Â ma droite il y a Martha Lopez
qui est membre de l'exécutif du Collectif des femmes immigrantes et
Agnès Beaulieu qui est membre du collectif et agent de recherche.
Le Président (M. Gagnon): Juste avant de vous céder
la parole à nouveau, je veux vous rappeler, comme on l'a fait
précédemment, que nous disposons d'une période de temps de
55 minutes, soit 20 minutes environ pour vous entendre sur votre mémoire
et 35 minutes d'échange de propos avec les membres de la commission.
Comme le règlement veut que nous terminions à 13 heures, je
demande immédiatement aux membres de la commission si vous êtes
d'accord pour qu'on prolonge afin de terminer avec ce groupe?
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes d'accord.
Madame, je vous cède la parole.
M. de Beliefeuille: Je suis d'une collaboration que nous
manifestons toujours, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Madame, je vous cède la
parole.
Mme Bizzari: Comme nous sommes un groupe relativement jeune,
j'aimerais parler un peu de notre organisme: le pourquoi de notre existence,
qui sommes-nous et qu'est-ce qu'on fait. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a
des femmes immigrantes au Québec, mais presque personne ne s'est jamais
intéressé à nous. Jusqu'à tout récemment,
nous étions considérées comme faisant partie du bagage des
hommes.
Au départ, nous voulions travailler avec des femmes immigrantes,
ce qui veut dire: femmes nouvellement arrivées au pays. Par la suite,
nous nous sommes aperçu que les problèmes étaient bien
plus vastes que cela. Même les femmes immigrées depuis longtemps
avaient des difficultés d'adaptation ou étaient
discriminées. Par exemple, une femme noire qui naît au
Québec est souvent considérée immigrante et pas
nécessairement une Québécoise.
Nous avons gardé notre nom: Collectif des femmes immigrantes de
Montréal, mais nous travaillons avec les femmes des communautés
culturelles, ce qui veut dire: femmes nouvellement arrivées au pays;
femmes de la vieille immigration qui pourraient être des citoyennes
canadiennes, mais qui ne sont pas nécessairement plus
intégrées, qui ne parlent pas nécessairement le
français; femmes des minorités visibles ou raciales, comme vous
voudrez.
Brièvement l'histoire du collectif. En 1982, un groupe
d'intervenantes qui travaillaient dans des organismes d'aide aux immigrants ont
senti le besoin de se regrouper. Nous voulions briser l'isolement dans lequel
on travaillait pour développer de la solidarité entre nous, cela
sans distinction d'ethnie, et pour avoir aussi un lien d'action permanente.
L'idée du collectif a germé, a fait son chemin. Et en
août 1983 une réunion de fondation rassemblait environ 75 femmes
issues d'organismes et de communautés différentes. C'est à
partir de ces 75 femmes que le noyau s'est développé. Nous avons
appris à nous connaître, à identifier nos objectifs et
à entreprendre différentes réalisations.
Aujourd'hui le Collectif des femmes immigrantes de Montréal est
un organisme multi-ethnique voué à la promotion des femmes des
communautés culturelles et à la défense de leurs droits.
Il jouit d'une bonne représentativité au sein des milieux
ethniques puisqu'il regroupe des femmes de divers âges, milieux
socio-économiques, origines ethniques, nombre d'années de
résidence au Québec.
Qu'est-ce qu'on fait? Le collectif offre principalement des services de
formation et d'information et, ceux-là, on les offre aux groupes
intervenant auprès des communautés culturelles. Il mène
également des actions en concertation avec d'autres organismes
immigrants et québécois, afin d'améliorer les conditions
de vie et de travail des femmes.
Il participe régulièrement à des rencontres de
consultation où il est appelé à représenter les
intérêts des femmes des communautés culturelles du
Québec. À titre d'exemple, ces derniers mois, nous avons
participé à la Conférence sur la sécurité
économique des Québécoises (Décisions 85), à
la Conférence sur les femmes immigrantes à Ottawa en juin 1985,
où 45 femmes venant des provinces canadiennes ont rencontré
quatre ministres fédéraux, et au Forum des organismes non
gouvernementaux à Nairobi, toujours en 1985.
Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur l'importance des
programmes d'accès à l'égalité pour les femmes des
communautés culturelles.
Les femmes des communautés culturelles sont présentes en
grand nombre sur le marché du travail québécois. Ainsi, le
recensement de 1981 indique que 119 315 femmes immigrées font partie de
la main-d'oeuvre active, ce qui représente 9 % de
l'ensemble des travailleuses québécoises.
Pourtant, elles sont concentrées dans certains secteurs
d'activité et certains emplois, alors qu'elles sont fortement
sous-représentées dans d'autres. Près des trois quarts
d'entre elles se retrouvent dans les activités manufacturières et
les services, bien souvent aux échelons les plus bas des emplois dits
féminins. Par exemple, 22 % des femmes immigrées travaillent dans
l'industrie manufacturière du textile, du vêtement et de la
bonneterie, comparativement à moins de 6 % des femmes
québécoises nées au Canada. Il s'agit là d'un
secteur où les conditions de travail sont très dures: bas
salaires, cadences rapides, risques pour la santé et la
sécurité, instabilité d'emploi.
Par contre, dans un secteur plus intéressant, comme celui de
l'administration publique, on retrouve à peine 2 % d'entre elles. Dans
la fonction publique québécoise, les femmes des
communautés culturelles représentent moins de 1 % de l'effectif
total.
Donc, parce qu'elles sont à la fois femmes et membres de
minorités ethniques ou raciales, les femmes des communautés
culturelles sont victimes d'une double discrimination qui leur confère
un statut largement inférieur au sein de la société
québécoise. Celles qui sont plus scolarisées se voient
parfois refuser un emploi à cause de la discrimination ethnique ou
raciale, ou de la non-reconnaissance de leurs acquis académiques et
"expérientiels".
L'absence de mesures de soutien adéquates, telle une formation
linguistique et professionnelle accessible, contribue à maintenir dans
des ghettos d'emploi celles qui sont moins scolarisées et souvent
allophones.
Les femmes des communautés culturelles ont
particulièrement besoin de programmes d'accès à
l'égalité solides pour avoir accès au marché du
travail dans tous les secteurs et à tous les échelons d'emploi et
ce, proportionnellement à leur nombre réel. On n'en demande pas
plus. Des mesures permettant l'amélioration de la situation d'emploi des
femmes en général n'entraîneront pas nécessairement
des effets positifs pour les femmes des communautés culturelles si les
difficultés spécifiques de celles-ci ne sont pas reconnues.
J'aimerais aussi parler des éléments de cohérence
pour l'application du projet de règlement, c'est-à-dire
l'obligation contractuelle et le comité aviseur annoncés dans le
plan d'action gouvernemental en mai dernier. Nous sommes conscients que cela ne
fait pas partie du projet de règlement comme tel, mais nous trouvons
qu'il est important tout de même de présenter notre position
à ce sujet.
Nous savons tous très bien que les entreprises avec plus de 100
employés ou des contrats de plus de 200 000 $, il n'y en a pas beaucoup
au Québec. Donc, notre recommandation en ce qui concerne l'obligation
contractuelle est la suivante:
Pour que l'obligation contractuelle constitue une mesure incitative
vraiment efficace, elle doit tenir compte de la structure du marché du
travail québécois composée majoritairement de petites et
moyennes entreprises. Donc, l'obligation contractuelle ne doit pas toucher
seulement les grandes entreprises; autrement, cela ne donnera pas
grand-chose.
En ce qui concerne le comité-conseil, au Québec, 32 % des
travailleuses sont syndiquées. On ne connaît pas le nombre de
femmes des communautés culturelles qui sont syndiquées parce
qu'il n'y a aucune statistique qui a été faite, aucune recherche,
mais si on tient compte des emplois qu'elles occupent dans de petites
manufactures, dans les services, etc., on peut bien supposer que les femmes des
communautés culturelles syndiquées représentent bien moins
que 32 %. C'est pour cela qu'on recommande que le comité-conseil soit
formé comme suit: Compte tenu du fait que la majorité des femmes
des communautés culturelles n'est pas syndiquée, nous
recommandons la création d'un comité-conseil sur l'accès
à l'égalité composé de douze membres
répartis de la façon suivante: quatre personnes
désignées par les organismes patronaux, quatre personnes
désignées par les organismes syndicaux, quatre personnes
représentant les travailleuses non syndiquées, dont deux
désignées par des organismes de femmes des communautés
culturelles.
Je vais terminer ma présentation en parlant de nos
réactions au projet de règlement. Nous souhaitons - je pense que
c'est presque inutile de le dire - qu'un projet de règlement soit
adopté et ce, le plus vite possible, afin de permettre enfin que des
programmes d'accès à l'égalité puissent voir le
jour. Nous croyons que ce projet est bon pour la majorité des femmes du
Québec mais, comme les femmes des communautés culturelles sont
plus touchées par la discrimination, nous estimons que le projet de
règlement dans sa forme actuelle n'améliorera pas vraiment notre
situation qui est déjà défavorisée sur le
marché du travail. Donc, pour augmenter l'efficacité, nous
proposons les modifications suivantes.
Section I - Disposition générale. L'article 1 se lit comme
suit: "Le présent règlement s'applique à toute personne
qui élabore, implante ou applique un programme d'accès à
l'égalité sur recommandation de la commission ou à la
suite d'une ordonnance du tribunal."
Notre recommandation. Afin qu'il touche un nombre plus
considérable de femmes des communautés culturelles, le
règlement devrait s'appliquer également à toute
entreprise, institution ou tout établissement décidant de mettre
sur pied un programme d'accès à l'égalité de sa
propre initiative, à toute entreprise soumise à l'obligation
contractuelle, aux ministères et organismes gouvernementaux.
Section II - Égalité dans l'emploi. "Un programme
d'accès à l'égalité contient notamment les
éléments suivants: 1. Les objectifs poursuivis quant à
l'amélioration de la représentation des membres du groupe
cible."
Notre commentaire: II n'y a pas de définition de groupe cible
dans ce projet de règlement. Donc, les groupes cibles possibles
devraient être clairement définis et les femmes des
communautés culturelles devraient être identifiées comme
constituant un groupe cible, vu la situation particulière et
spécifique qu'on connaît au sein du marché du travail.
Un programme d'accès à l'égalité
destiné aux femmes sans distinction n'améliorera pas beaucoup la
situation d'emploi des femmes des communautés culturelles, car nous
serons toujours les dernières engagées et toujours les
dernières promues.
Article 8, toujours dans la même section: "Un programme peut
également prévoir des mesures de soutien."
Notre commentaire est le suivant: Si l'on veut que les femmes des
communautés culturelles jouissent d'un accès réel et non
uniquement théorique à de nouveaux postes dans les entreprises,
un programme d'accès à l'égalité doit
obligatoirement prévoir des mesures de soutien.
Article 10. "L'employeur confie la responsabilité de
l'implantation du programme à un employé en autorité.
Celui-ci a notamment pour fonction de coordonner les mesures de mise en
application et les mécanismes de contrôle du programme et de
veiller au respect de l'échéancier prévu."
Notre position. Pour s'assurer la participation des employées, du
syndicat et des membres des groupes cibles dans la mise en oeuvre d'un
programme d'accès à l'égalité, l'employeur devrait
confier la responsabilité de l'implantation du programme à un
comité tripartite. Celui-ci serait composé d'une employée
en autorité, d'une employée représentant les groupes
victimes de discrimination et d'une employée représentant les
syndicats, s'il y a lieu. (12 h 45)
J'ai terminé mon exposé, merci de votre attention.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Bizzari. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Merci, M. le Président. Je veux également
remercier Mme Lopez, Mme
Bizzari et Mme Beaulieu pour un exposé qui est clair et simple.
Vous avez participé aux discussions à Nairobi, vous avez
été consultées dans le passé, et je pense aussi que
vous avez collaboré un peu à préparer le mémoire du
Conseil des communautés culturelles, Mme Lopez et Mme Beaulieu.
D'abord, quelques commentaires, et ensuite une question. La question de
la présence des communautés culturelles dans la fonction
publique, c'est quelque chose qui a créé beaucoup de
difficultés de toutes sortes, dans un contexte où on a
vécu, jusqu'à tout dernièrement, une récession
assez incroyable en Occident. Et le Québec n'y a pas
échappé. Là où la croissance est de moins deux pour
cent annuellement, ça fait en sorte que, effectivement, c'est de plus en
plus difficile, dans un certain sens, de recruter pour la fonction publique que
ce l'est à l'extérieur d'un certain bassin traditionnel. Toute
tentative devrait être entreprise, c'est clair! Mais, en
réalité, lorsque la croissance est de moins deux pour cent, c'est
plus difficile que ce ne l'était il y a même cinq ans, et je pense
que tous les partis politiques le reconnaissent.
En plus, il y a aussi le fait que, souvent, on exagère le nombre
de demandes que le gouvernement reçoit de l'ancien Office de recrutement
et de sélection du personnel. Souvent, on voit ça dans le milieu
des journaux des communautés culturelles, aussi dans les journaux
anglophones, on déplore l'absence des minorités dans la fonction
publique. C'est à déplorer, mais, en réalité, il ne
faut pas exagérer le fait que les demandes ne sont pas excessives non
plus. De plus, il y a beaucoup de représentants des membres des
communautés culturelles qui ne voudraient pas, pour toutes sortes de
raisons valables, se déplacer à l'extérieur de la grande
région de Montréal. Or, le bassin, pour la fonction publique,
c'est bien sûr la capitale nationale.
D'après votre expérience, les problèmes
rencontrés par les femmes des communautés culturelles sont-ils
davantage d'ordre systémique, comme, par exemple, l'intégration,
l'adaptation à un nouveau contexte socio-économique ou
peut-être le fruit d'une discrimination résultant directement de
certaines caractéristiques visibles comme, par exemple, la couleur de la
peau, ou, comme c'est souvent le cas, la difficulté à
maîtriser le français? Est-ce que c'est plutôt
systémique ou si c'est plutôt pour d'autres raisons
subjectives?
Le Président (M. Gagnon): Mme
Beaulieu?
Mme Beaulieu (Agnès): Oui, d'accord. Je pense qu'il y a un
peu des deux, évidemment. Si on regarde la situation des femmes
immigrées, c'est plus facile de
parler de femmes immigrées, parce qu'à ce
moment-là, on a des statistiques claires. Quand on parle des femmes des
communautés culturelles, c'est plus difficile d'obtenir des statistiques
claires, mais on reconnaît quand même une division assez radicale
entre, d'une part, une proportion d'environ 25 % ou 26 % de femmes qui sont
scolarisées et qui ont la capacité d'occuper des postes
professionnels ou techniques importants et, d'autre part, un large bassin de
femmes qui sont moins scolarisées, qui ont effectivement des
problèmes avec la connaissance du français et qui ont parfois des
problèmes de scolarité ou même d'analphabétisme.
Nous reconnaissons qu'il y a une large dichotomie, si vous voulez, entre
les deux groupes. C'est très clair. D'une part, les femmes qui sont
instruites, qui sont scolarisées et qui ont une capacité et,
éventuellement, une expérience de travail déjà dans
leur pays d'origine, il y a des problèmes qui relèvent beaucoup
de la discrimination, je dirais cas par cas, du fait qu'on n'est pas
intéressé à recevoir un curriculum vitae d'une femme qui
est noire, même si elle est scolarisée. Je pense que c'est
très clair. Il n'y a pas beaucoup d'employeurs qui oseraient dire le
contraire.
D'autre part, il y a vraiment une discrimination qu'on appellerait
systémique et qui est la plus importante, qui est celle contre laquelle
on veut lutter le plus: c'est le fait que les femmes immigrées ont
vraiment des obstacles difficiles à franchir, au-delà de la bonne
volonté de certains groupes, au-delà de la bonne volonté
de certains ministères. C'est un fait. Il y a des problèmes qui
relèvent de la formation professionnelle; il y a des problèmes
qui relèvent de la reconnaissance de leurs acquis académiques et
de leur expérience; il y a des problèmes qui relèvent de
la difficulté d'accès à des cours de français pour
les femmes qui arrivent ici. Il y a des problèmes qui relèvent
aussi, comme pour toutes les femmes, des services de garde, des horaires de
travail inadéquats. On pourrait vraiment parler de deux types de
discrimination sans se tromper. C'est ma réponse.
Le Président (M. Gagnon): Mme Bizzari.
Mme Bizzari: Oui, j'aimerais ajouter quelque chose que je trouve
assez positif, parce qu'on a quand même la preuve qu'il est possible
d'augmenter la présence des femmes provenant des communautés
culturelles dans la fonction publique ou dans n'importe quel autre endroit. La
preuve, c'est que lorsque le gouvernement fédéral a voulu
augmenter la représentation des Canadiens français dans la
fonction publique il s'est donné des objectifs et des
échéanciers précis. Les Canadiens français sont
alors passés de 12,25 %, qu'ils étaient en 1946, à 26,4 %
en 1981, soit un pourcentage correspondant à leur importance
numérique proportionnelle à la population canadienne.
Donc, pourquoi ne pourrais-je pas ajouter cela? Comme les familles
nées hors du Canada représentent environ 4 % de la main-d'oeuvre
totale au Québec, elles devraient peut-être représenter 4 %
de la fonction publique et pas nécessairement le maigre 0,7 % de
l'effectif total qu'elles représentent maintenant. Si cela s'est
déjà fait, pourquoi ne pourrait-on pas le refaire ici? Même
s'il y a deux sortes de problèmes, je veux dire...
Le Président (M. Gagnon): Mme Lopez, vous voulez ajouter
quelque chose?
Mme Lopez (Martha): Oui, au sujet de ce que vous avez dit quant
au manque de représentativité des membres des communautés
culturelles dans la fonction publique. Vous avez ajouté qu'il n'y a pas
beaucoup de demandes des communautés culturelles. Il serait important
d'analyser pourquoi il n'y a pas beaucoup de demandes qui se font. En grande
partie, je pense que c'est parce qu'il n'existe pas de mesures de soutien
véritables pour les membres des communautés culturelles, afin
d'avoir une meilleure préparation pour pouvoir postuler des postes comme
cela. Donc, on revient à des mesures de soutien qui s'offrent aux
membres des communautés culturelles et aux femmes des communautés
culturelles.
M. Payne: II y a eu quelques tentatives intéressantes
proposées, par exemple, dans le plan d'action adopté comme
politique du gouvernement il y a maintenant quatre ou cinq ans: par exemple,
l'accès à un poste en ce qui. concerne les prérequis
linguistiques. On a laissé tomber les prérequis linguistiques
pour faire en sorte que quelqu'un puisse montrer ses compétences
linguistiques après une période de travail comme fonctionnaire,
qu'il puisse, par la suite, montrer ses compétences linguistiques et,
dans un premier temps, être jugé par le jury exclusivement et
seulement sur ses compétences professionnelles. Ce sont les mesures que
le gouvernement a préconisées jusqu'à ce moment-ci.
Mais vous, si je vous comprends bien, vous préconisez davantage
les quotas avec des échéanciers précis. Qu'est-ce que ce
serait exactement? On ne peut pas dire cela en deux mots mais, grosso modo,
quels seraient les quotas que vous voudriez voir?
Le Président (M. Gagnon): Mme Bizzari. M. Payne: Si
je vous comprends bien. Le Président (M. Gagnon): Mme
Beaulieu.
Mme Bizzari: Je ne trouve pas le mot en français.
Une voix: C'est cela, le problème.
Mme Bizzari: Les quotas, c'est le nombre réel, qu'on ait
la proportion. On n'en demande pas plus ni moins, on demande la proportion,
qu'on ait les 4 % ou les 5 %, qu'on soit 5 % dans la fonction publique. C'est
cela, le quota qu'on demande.
M. Payne: Je comprends bien la notion de contingentement ou de
quota, mais ce serait quoi, effectivement? Dès que vous décidez
que vous allez avoir 5 % de la communauté culturelle portugaise, un
autre 2 %, ce sont des chiffres absolus et derrière tout cela, il y a
tout un débat. Je pense qu'on devrait être un peu plus
précis au niveau de ce qu'on revendique; pensez-vous?
Mme Beaulieu: J'aimerais répondre à cela. Je pense
qu'on n'est pas ici aujourd'hui... En tout cas, notre groupe n'a certainement
pas la capacité, en termes de financement et en termes de personnel,
pour calculer tous les quotas. Je pense qu'il faut être bien clair. On ne
dispose pas d'un large service de recherche. Il faudrait au moins être
conscient de cela. D'autre part, on ne parle pas de la communauté
portugaise et on ne parle pas de la communauté grecque ou italienne. On
a été très clairs au niveau de notre mémoire: on a
traité ensemble, en bloc, les femmes des communautés culturelles
justement pour arrêter de diviser les communautés.
On revient toujours à ce problème de définition de
communauté culturelle. Je vous dirais que même le ministère
des Communautés culturelles et de l'Immigration lui-même a de la
difficulté avec sa définition. Donc, nous ne sommes pas les
premiers à avoir des difficultés là-dessus.
D'autre part, quand on dit "femmes des communautés culturelles",
pour nous, la clientèle cible qu'on privilégie, ce qu'on
considère comme étant le groupe cible, ce sont d'abord les femmes
qui sont nées à l'extérieur du Canada et dont la langue
maternelle, c'est-à-dire la première langue apprise et encore
comprise, n'est pas le français ou l'anglais; de plus, ce sont les
femmes des minorités visibles, même si elles sont de la
deuxième génération, c'est-à-dire même si
elles sont nées ici. Pour nous, c'est clair que ce sont là les
groupes de femmes les plus défavorisées sur le marché du
travail.
Si vous voulez des statistiques, on peut vous en fournir largement pour
le prouver. Quand on parle, en tout cas, que les femmes immigrées
constituent 4 % de l'ensemble de la main-d'oeuvre, c'est bien clair aussi qu'on
ne demande pas que l'an prochain, il y ait 4 % de représentation des
femmes des communautés culturelles dans la fonction publique. Je pense
cependant que c'est possible d'améliorer la situation progressivement.
Je dirais que, quand il y a des possibilités d'emploi qui sont offertes,
le gouvernement ne manifeste pas nécessairement l'ouverture
nécessaire aux femmes des communautés culturelles. Je citerai
à titre d'exemple le Conseil des communautés culturelles, qui a
été créé tout récemment: sur quinze membres
nommés, il ne comporte que deux femmes issues des communautés
culturelles. Je pense que c'est un bon exemple. C'est vrai qu'il y a peu de
postes qui sont créés dans la fonction publique, mais quand il y
en a, on ne fait certainement pas preuve d'accès à
l'égalité, en tout cas. C'est un exemple, je pense, qui peut
faire réfléchir.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais remercier Mmes Lopez,
Bizzari et Beaulieu pour avoir fait une présentation un peu unique parce
que c'est un son de cloche qu'on entend rarement à l'Assemblée
nationale. Il faut l'entendre plus souvent et plus fort. Sur la question des
femmes immigrantes dans la fonction publique, je pense que cela prend une
certaine volonté politique. Il ne faut pas dire que tous les
fonctionnaires travaillent à Québec, que toutes les personnes qui
travaillent dans les sociétés d'État, dans les commissions
scolaires, dans tous les organismes publics et parapublics sont à
Québec. Il y en a un bon nombre qui sont à Montréal, et je
pense que ce serait possible, si on a un programme spécifique d'engager
des femmes immigrantes dans ces organismes publics et parapublics. Je pense
qu'il y a une certaine volonté politique qui manquait jusqu'à ce
moment-ci, au moins.
En ce qui concerne les programmes d'intégration des femmes,
supposons qu'une femme immigrante vienne au Québec aujourd'hui, est-ce
qu'il y a une gamme de programmes d'intégration au niveau de la langue,
au niveau du travail, au niveau du soutien? Je pense que ce qu'il faut faire
tout de suite, c'est d'avoir des programmes pour intégrer ces femmes
dans la société québécoise pour leur permettre de
prendre leur place a tous les niveaux.
Le Président (M. Gagnon): Oui?
Mme Beaulieu: Je peux répondre encore.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Beaulieu.
Mme Beaulieu: Oui. Il y a évidemment quelques programmes
qui sont prévus. Je pense, entre autres, aux COFI qui sont les centres
d'orientation et de formation pour les immigrants. Ce sont en gros des cours de
langue d'une durée de 30 semaines qui sont offerts aux nouveaux
arrivants. Je précise cependant que ce sont des nouveaux arrivants qui
se destinent au marché du travail, ce qui limite parfois des femmes qui,
au départ, ont de jeunes enfants donc, ne se destinaient pas
nécessairement à cela à leur arrivée. Par la suite,
elles ont des difficultés à entrer dans ces programmes. Donc,
dès le départ, les femmes ont des problèmes particuliers.
(13 heures)
On n'entrera pas dans le détail de la Loi sur l'immigration, je
pense que ce n'est pas l'endroit, mais il y a quand même des statuts
différents qui sont donnés au sens de la Loi sur l'immigration et
les femmes plus souvent que les hommes sont admises dans la catégorie
que l'on appelle parrainée. Donc, les gens qui font partie de cette
catégorie ne reçoivent aucune allocation de formation pour aller
suivre des cours de français dans les COFI. C'est donc difficile pour
quelqu'un qui arrive au Québec, ne recevant aucune allocation, de vivre
de l'air du temps et d'aller suivre des cours de français. Vous
reconnaîtrez que c'est un handicap qui est assez sérieux.
Il existe des programmes, mais cela ne touche pas plus - c'est un gros
maximum -de 15 % des femmes qui sont admises au Québec qui passent par
les COFI à un moment ou à un autre. Je précise que les
statistiques montrent que parmi les femmes qui ont été admises au
Québec depuis 1968, il y en a quand même 68 % qui ne parlaient pas
français à leur arrivée, ce qui est quand même
énorme, vous en conviendrez. Il y en a aussi 26 % qui n'ont aucune
scolarité. C'est quand même énorme aussi,
l'analphabétisme est assez présent, comme vous pouvez le
constater, surtout dans certaines communautés. On n'ira pas dans les
détails là-dessus.
Le problème, c'est que cela ne s'est pas tellement
amélioré par la suite. On se rend compte que les mesures ne sont
sans doute pas adéquates, puisque le recensement de 1981 indiquait que
8,6 % des femmes vivant au Québec en ce moment - donc en 1981 - qui
étaient nées à l'étranger ne parlaient pas le
français. Ce qui est plus que le double de la population masculine dans
les mêmes circonstances. Donc, on peut se demander si les femmes vivent
des handicaps particuliers quant à l'accès aux cours de
français ou si elles travaillent dans des ghettos d'emplois, dans des
enclaves ethniques qui sont vraiment les positions les plus basses du
marché du travail, qui sont des emplois féminins mais
féminins et ethniques, donc les postes les plus bas: les manufactures de
textile, de vêtement, la bonneterie. Je n'irai pas dans les
détails là-dessus, je pense que vous connaissez, en gros, quelles
sont leurs conditions de travail; ce ne sont certainement pas des conditions de
travail qui favorisent l'apprentissage du français, qui favorisent
l'accès à de nouveaux métiers. Je pense qu'il y a peu de
mesures concrètes qui sont vraiment offertes aux femmes dans ce
sens.
La formation professionnelle est difficile, elle est difficilement
accessible aux femmes qui viennent de l'étranger parce que les
prérequis ne correspondent pas nécessairement aux
prérequis qu'elles ont. Je sais que la formation professionnelle est
surtout de la compétence fédérale, quant à
l'accès aux cours offerts par le Centre de main-d'oeuvre mais, quand
même, il faut reconnaître qu'il y a très peu de candidatures
qui sont acceptées. Les femmes n'ont pas nécessairement les
prérequis linguistiques, n'ont pas les équivalences de
diplômes qui leur permettent d'avoir accès à ces cours
indispensables. Je termine là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'entends souvent
l'argument, notamment de la part du ministre ou de son adjoint - je crois que
le député de Vachon est l'adjoint du ministre - que les membres
des communautés culturelles, autant de sexe féminin que masculin,
ne sont pas intéressés à venir vivre à
Québec. Je me demande - c'est la question que je vous pose - si le
gouvernement du Québec déploie tous ses efforts pour publiciser
les offres d'emplois dans les secteurs public et parapublic. Est-ce qu'il
utilise les médias ethniques pour publiciser les offres d'emplois? On
sait que le ministère est situé à Montréal, et pour
cause. Ce serait intéressant de savoir, dans le ministère
même des Communautés culturelles, quel est le pourcentage des
membres des communautés culturelles...
Mme Beaulieu: 7 %.
M. Dauphin: ...7 %. Malheureusement, le député de
Vachon est absent. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. On parle
de volonté politique, est-ce que le gouvernement a effectivement la
volonté politique? On se souvient très bien de son plan d'action
en 1981. Nous sommes au courant des résultats, cinq ans plus tard. Le
CIPACC, dont certains membres sont ici, en a fait état dans ses deux
rapports. Le même plan d'action disait qu'en 1985 il faudrait prendre des
mesures draconiennes si jamais la situa-
tion ne s'améliorait pas. Il y a des membres ministériels
ici, les mesures draconiennes, ce sera quoi? J'aimerais avoir une
réponse à ma première question.
Le Président (M. Gagnon): Mme Bizzari.
Mme Bizzari: Quant aux médias, la réponse est que,
au cours des deux dernières années, il y a eu trois avis dans le
journal ethnique de postes dans la fonction publique quand il y en a eu 200
dans les journaux français ou anglais. Cela vous donne quand même
une idée.
Une voix: ...
Mme Bizzari: C'est cela. M. Dauphin: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le
député de Marquette? Mme Beaulieu.
Mme Beaulieu: Juste une petite chose par rapport à la
question. Un poste a été créé au ministère
des Communautés culturelles, celui d'une responsable de la condition
féminine émigrée, et c'est malheureusement une femme
d'origine québécoise qui a été nommée.
M. Dauphin: ...communautés culturelles avait
été accordé également à des
Québécois de vieille souche. D'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
demander à Mme Bizzari et à ses collègues si elles
seraient d'accord avec l'idée qui a été avancée
plus tôt ce matin par la Coalition des femmes pour l'accès
à l'égalité, de créer un fonds d'aide
financière afin de payer les frais des femmes et des groupes de femmes
voulant porter plainte pour discrimination en emploi. En discussion, tout
à l'heure, je pense qu'on a consenti à élargir cela
à toute personne, tout groupe qui voudrait porter plainte pour
discrimination en emploi. Ce serait un instrument... Je me rends compte,
évidemment, que ce fonds d'aide ne règle pas les problèmes
fondamentaux, mais est-ce que cela ne pourrait pas être un outil utile
dans les cas où vous avez vraiment mis la main sur un cas patent de
discrimination et où il vous manque le financement pour intenter des
poursuites?
Mme Bizzari: Oui, en effet, ce serait quelque chose d'utile. Ce
n'est pas l'Amérique, mais cela nous aiderait. Comme les femmes
ont...
M. de Bellefeuille: On dit: Ce n'est pas le Pérou.
Mme Bizzari: Moi, je viens d'Italie et on disait: Ce n'est pas
l'Amérique. Nous sommes d'accord sur les principes de base que la
coalition a présentés et sur ce point, où on demande un
fonds d'aide, parce que cela nous aiderait, même s'il n'est pas
spécifié que le fonds d'aide est pour les femmes. Mais, comme
elles l'ont déjà dit, cela sera majoritairement pour nous puisque
nous serons les plaidantes. Nous sommes d'accord, on les appuie fortement.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'iberville.
M. Beauséjour: En page 4, quand vous complétez le
thème: Importance des programmes d'accès à
l'égalité pour les femmes des communautés culturelles...
J'ai vu Mme Bizzari qui a semblé y mettre beaucoup d'importance; je
dirais même qu'on sentait dans sa respiration que cela semblait
important. Les femmes des communautés culturelles ont
particulièrement besoin de solides programmes d'accès à
l'égalité. Est-ce que vous avez certaines idées quant
à ces programmes qui n'ont peut-être pas été mis en
place et qui, d'après vous, devraient être mis au profit des
femmes immigrées?
Mme Bizzarri: C'est ce qu'on a proposé ici. C'est la
même réponse que ce qu'on a mis dans notre mémoire. C'est
ce qu'on souhaite.
Mme Beaulieu: ...d'élargir non seulement aux entreprises
qui le font par voie obligatoire, c'est-à-dire par un jugement du
tribunal ou sur recommandation de la commission, mais également au
gouvernement lui-même qui ne se soustrairait pas à un projet de
règlement qu'il présente lui-même. Nous recommandons aussi
qu'un jour - enfin, nous le souhaitons - l'obligation contractuelle soit enfin
adoptée et que cela soit élargi également à ces
entreprises, pour que ce soit vraiment un moyen d'incitation important pour les
entreprises. Nous souhaitons donc l'élargir, comme vous l'avez vu, aux
entreprises sur une base volontaire, les entreprises qui veulent mettre sur
pied un véritable programme d'accès à
l'égalité, c'est-à-dire un programme avec des dents, un
programme qui prévoit des objectifs, des moyens de contrôle et
également des mesures de soutien. Que des programmes de ce
type-là soient adoptés par les entreprises et non pas uniquement
de petits programmes qui font leur affaire pour soigner leur image de marque,
c'est ce que nous souhaitons, c'est ce qu'on entend par des programmes
plus solides.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Viau: M. le Président, je tiens, d'une part, à
remercier votre collectif. Je pense que c'est extrêmement
intéressant de voir qu'on a une préoccupation particulière
pour les femmes immigrantes qui vivent des conditions de travail, il faut le
dire, souvent extrêmement difficiles, en bas d'une moyenne acceptable. Je
pense qu'un programme d'accès à l'égalité, selon
vos propositions, améliorera d'une certaine façon la
qualité de vie générale des femmes immigrantes. Ce que
j'ai trouvé de particulier dans votre intervention, c'est que, lorsque
vous parlez des programmes d'accès à l'égalité,
vous faites une distinction entre les femmes de communautés culturelles
ou ethniques nées au Canada et celles qui sont nées a
l'extérieur du pays. On peut comprendre par là des femmes de
deuxième génération qui sont, en moyenne, beaucoup plus
jeunes, j'imagine. Est-ce que vous voyez des problèmes particuliers pour
ces femmes de la deuxième génération, ou pour des femmes
immigrées plus jeunes, à trouver des emplois ou à percer
sur le marché du travail à l'extérieur des emplois
traditionnels?
Le Président (M. Gagnon): Mme Beaulieu.
Mme Beaulieu: Oui. Je pense qu'on en a parlé en parlant
des femmes des minorités visibles. Des femmes de la deuxième
génération, c'est assez clair, on en a parlé au
début lorsqu'on a dit qu'elles sont considérées toute leur
vie comme immigrantes et que leurs petites-filles se feront encore demander:
D'où viens-tu? Tu viens de Notre-Dame-Grâce? Non. Alors, je pense
que c'est assez clair à ce niveau-là. Il y a, évidemment,
je crois, des problèmes particuliers qu'on pourrait peut-être
qualifier d'ordre culturel, d'accès au système d'enseignement,
etc. Mais nous avons choisi au sein de notre groupe de traiter de ce qu'on
trouve le plus urgent, soit des femmes nées à l'extérieur
du Canada et qui sont les femmes des minorités visibles. Pour nous,
c'est vraiment la priorité, même si nous sommes conscientes que
les femmes de la deuxième génération, que ce soient les
femmes d'origine italienne ou portugaise, peuvent avoir des handicaps
particuliers sur le marché du travail.
M. Viau: Une autre petite question qui me paraît
importante. On a à déterminer un critère
d'employabilité pour tout individu en ce qui a trait à son
accès potentiel au marché du travail. Est-ce que vous pourriez
nous donner des statistiques sur le niveau d'employabilité des femmes
nées au Canada? Est-ce que, pour vous, un programme d'accès
à l'égalité pourrait facilement être combiné
avec un programme de formation particulier pour les femmes pour augmenter leur
niveau d'employabilité?
Mme Beaulieu: Comme je l'ai dit au début, il y a quand
même une proportion d'une femme immigrée sur quatre qui a une
formation universitaire ou de niveau collégial. Donc, je pense que ce
sont des femmes qui ont un bon niveau d'employabilité dès le
départ. On parle d'une femme sur quatre qui est compétente, qui
n'a pas de problèmes particuliers d'accès au marché du
travail, sinon la discrimination qu'elle doit vivre. Je pense qu'à ce
niveau ce ne sont pas des femmes qui auraient beaucoup de difficulté
à s'insérer dans des postes décents. Pour les autres
femmes, je crois que des mesures de soutien, si on peut parler en ces termes,
ce serait certainement, un accès plus large aux programmes de recyclage.
J'ai parlé tout à l'heure des difficultés qu'elles avaient
quant à l'accès à la formation professionnelle. Cela
pourrait être aussi des cours de français en milieu de travail. Il
y a eu des expériences qui ont été faites. Je peux vous
dire que cela a été fait à Toronto, à Vancouver,
également, dans des usines de textile, avec de très bons
résultats, autant pour les employées elles-mêmes que pour
l'employeur qui voyait à améliorer le rendement et la
capacité de promotion de ses employées. Tout le monde s'en
portait beaucoup mieux. Donc, on ne demande pas la lune en demandant des
mesures de soutien.
C'est aussi pour cela qu'on dit qu'un programme d'accès à
l'égalité doit, obligatoirement, comporter des mesures de
soutien. Si on laisse cela à la bonne volonté de l'employeur,
nous craignons qu'il n'y ait jamais de mesures de soutien et que, par la suite,
l'employeur dise: Eh bien, nous n'avons pas de femmes compétentes pour
ces postes, parce qu'il ne fait lui-même aucun effort pour aller chercher
cette compétence qui existe et qui ne demande qu'à s'exprimer
avec un certain soutien. Nous pensons que ce n'est pas normal que les femmes
nées à l'étranger qui sont ici, parfois, depuis 20 ou 30
ans soient encore, dans une proportion d'une sur quatre, dans les entreprises
de textile, de vêtement, de bonneterie. Nous pensons que ce n'est pas
normal que les femmes qui travaillent le fassent dans une proportion d'à
peu près trois sur quatre dans ces entreprises. Nous pensons qu'il y a
beaucoup de phénomènes comme ceux-là qui ne sont pas
normaux. Il y a vraiment du travail à faire et c'est possible de le
faire. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est
notre position.
Le Président (M. Gagnon): Alors, merci
à Mmes Lopez, Bizzari et Beaulieu, ainsi qu'au Collectif des
femmes immigrantes de Montréal. Je vous donne rendez-vous à 15
heures précises, alors que nous entendrons le Conseil d'intervention
pour l'accès des femmes au travail Inc. Les travaux sont suspendus
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 15)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions se réunit afin de procéder
à une consultation générale sur le projet de
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité.
Lorsque nous avons suspendu nos travaux nous avions invité le
groupe Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail Inc. Je
demanderais à Mme Berthiaume et à Mme Leduc - c'est cela?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Je vous laisse la parole en vous
rappelant que vous avez 55 minutes, soit environ 20 minutes pour nous livrer
votre message et 35 minutes de discussion avec les membres de la commission.
Bienvenue.
CIAFT
Mme Leduc: M. le Président, on constate que la
qualité est quand même la mais on trouve cela un peu bizarre de
s'adresser à des sièges vides. Pardon?
Une voix: ...
Mme Leduc: J'ai dit: La qualité est là, mais il me
semble qu'il y a petit défaut de quantité à quelque part
dans la formation de la commission.
Le Président (M. Gagnon): Je dois vous dire que vous... On
peut attendre un peu.
M. Blouin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): J'ai constaté le quorum
et effectivement vous avez raison, Madame, il y a un manque.
M. Blouin: M. le Président, peut-être à titre
d'information, ce que je pourrais dire à nos invités c'est que le
député de D'Arcy McGee a eu ce matin la même méprise
que celle que vous faites maintenant puisque j'écoutais dans mon bureau
le début des échanges. Je suis descendu par la suite. Il est
très plausible et très probable que la plupart des membres sont
à l'écoute de la commission actuellement.
Le Président (M. Gagnon): Je dois tout simplement vous
dire que dans la minute qui suit probablement qu'il y a d'autres
députés qui vont arriver. Nous allons quand même commencer
immédiatement. Le député de Rousseau a dit que des fois on
écoutait de notre bureau. Je pense que cela doit être le cas, mais
très, très bientôt les membres de cette commission vont
être au complet ici.
Mme Leduc: D'accord. M. le Président, MM. les
députés, s'il existe encore chez certains des doutes quant
à l'existence de la discrimination systémique, je crois que ce
court préliminaire est une preuve éclatante. Je veux dire que les
résultats de la discrimination systémique se font sentir un peu
partout puisque, actuellement, nous sommes des deux côtés de la
barrière en tant que femmes et on constate que de ce côté
il n'y en a pas beaucoup.
Je me présente. Je suis Lyse Leduc, coordonnatrice au Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Je suis
impliquée dans le dossier de l'accès à
l'égalité. Je l'ai défendu lors de Décisions 85, la
Conférence nationale sur la situation économique des femmes au
Québec.
Le deuxième porte-parole est Mme Madeleine Berthiaume, qui est
membre du conseil d'administration du CIAFT à titre de
trésorière et porteuse du dossier accès à
l'égalité pour le CIAFT. Mme Berthiaume est conseillère en
formation au projet Travail non traditionnel qui vise l'intégration des
femmes dans des emplois non traditionnels.
Notre organisme est un organisme à but non lucratif dont les
principaux objectifs sont de faire des interventions dans le but de favoriser
l'accès des femmes au travail, de créer un mécanisme de
concertation entre les groupes de femmes préoccupées par le
retour au travail, de faciliter le processus de référence
d'information et de consultation entre les groupes de femmes, de permettre le
développement d'expertises reliées aux programmes de retour au
travail et de faire les recommandations qui s'imposent auprès des
différents paliers gouvernementaux afin d'amener les changements ou les
réajustements politiques qui répondent davantage aux besoins des
femmes en matière de formation, de recyclage ou d'accès au
travail.
Notre organisme a deux genres de membres. Nous avons des membres
individuels et des groupes. Dans les membres individuels, ce sont des
intervenantes qui sont en contact quotidien et direct avec des femmes qui
désirent accéder au monde du travail, c'est-à-dire que ces
femmes désirent passer de la population active potentielle à la
population active tout court. Dans la tranche de la population active, elles
veulent passer de la tranche des chômeuses à la
tranche des travailleuses. À travers nos membres individuels,
nous sommes en contact annuellement avec environ 10 000 femmes qui ont des
problèmes à accéder au marché du travail.
Ceci nous a permis de développer une bonne expertise quant aux
besoins des femmes désirant accéder au marché du travail
ainsi qu'une connaissance approfondie des difficultés et des
barrières qu'elles rencontrent souvent. Cette connaissance nous a
amenées à considérer les programmes d'accès
à l'égalité comme un dossier prioritaire pour notre
association et ce, depuis les tout débuts de sa fondation en janvier
1983. Nos interventions dans ce dossier se sont situées tant dans le
cadre de la commission Beaudry que dans celui de la Conférence nationale
sur la situation économique des femmes au Québec, tant dans le
cadre de la conférence sur l'électronique et l'informatique que
dans celui de la rencontre nationale de la concertation sur l'éducation
des adultes. Nous croyons donc en l'absolue nécessité des
programmes d'accès à l'égalité, que ce soit au
niveau de la formation ou au niveau de l'emploi si nous ne voulons pas que
l'autonomie financière des femmes par l'accès au travail ne soit
encore une utopie en l'an 2000.
Un des moyens privilégiés pour permettre l'implantation ou
l'instauration des programmes d'accès à l'égalité
est pour nous l'obligation contractuelle. Nous sommes conscientes que
l'obligation contractuelle ne fait pas partie de ce règlement. Elle ne
faisait pas partie du contexte au moment de la dernière version de ce
projet de règlement qui, rappelons-le - l'avant-dernière, avant
celle de juin 1985 - date d'octobre 1983 et encore moins en décembre
1982, lors de la présentation de la loi 86.
Cependant, depuis, il y a eu Décisions 85. À ce moment, le
présent gouvernement, par la bouche de son premier ministre actuel, M.
Pierre-Marc Johnson, s'est engagé à instaurer l'obligation
contractuelle. Par cette mesure, rappelons-le, le gouvernement oblige les
entreprises qui auront des contrats gouvernementaux à mettre sur pied
des programmes d'accès à l'égalité. Rappelons aussi
que c'est une mesure semblable qui a permis les gains en emploi pour les femmes
et les minorités aux États-Unis et qu'elle est sensiblement bien
acceptée par les employeurs chez nos voisins du Sud - comme on a
l'habitude de dire - d'où l'importance que nous accordons à sa
mise en vigueur de façon adéquate. C'est pourquoi nous avons
cherché un moyen rapide et efficace de soumettre au présent
règlement les programmes d'accès à l'égalité
qui seront mis sur pied dans le cadre de l'obligation contractuelle.
Nous croyons qu'un amendement ou des modifications à la Loi sur
l'administration financière, qui détermine les conditions
nécessaires afin qu'une entreprise puisse contracter avec le
gouvernement, pourraient être ce moyen.
Quant aux critères qui ont été définis
à Décisions 85, soit des contrats de 200 000 $ et des entreprises
de 200 employés et plus, nous les croyons élevés. Et les
premières estimations qui nous sont parvenues nous démontrent
qu'avec ces critères et ces barèmes il y aurait à peu
près une cinquantaine d'entreprises de touchées au Québec.
Cela nous semble peu. Nous préférerions que ces critères
soient un peu diminués; disons, des contrats de 100 000 $ et des
entreprises de 100 employés, ce qui permettrait peut-être de
toucher plus d'entreprises au Québec.
Cependant, ce qui est important pour nous, c'est que les
modalités d'application de l'obligation contractuelle se retrouvent
quelque part. Nous attendons des décisions concrètes en ce sens
pour la deuxième tranche de Décisions 85 qui se tiendra en
décembre prochain.
Quant au comité aviseur, autre mesure annoncée à
Décisions 85, ayant très peu d'information sur le
mécanisme de sélection des participantes et des participants,
nous ne pouvons que répéter que nous souhaitons y retrouver
quatre femmes représentant les travailleuses non syndiquées.
Mme Berthiaume vous fera part de nos représentations sur chacun
des articles du projet de règlement.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Berthiaume.
Mme Berthiaume (Madeleine); J'aimerais d'abord dire à
cette commission que, dans l'ensemble, ce projet de règlement satisfait
nos revendications et nos critères d'un véritable programme
d'accès à l'égalité. Pour cette raison, nous ne
pourrions tolérer qu'il ne soit amputé en aucune façon
à la suite de pressions d'autres groupes socio-économiques. En
fait, ce sont des ajouts que nous voudrions voir apporter au projet de
règlement et que nous allons justifier en repassant chacun des
articles.
Pour ce qui est de l'article 1 de la disposition générale,
vous remarquerez que la portée de cet article a été fort
restreinte par rapport aux projets de règlement précédant
juin 1985. Comme on nous l'avait annoncé a Décisions 85, les
programmes volontaires des entreprises échappent au présent
règlement. Nous avons accepté cette situation, mais nous
insistons pour que ce projet de règlement s'applique dans le cas des
programmes volontaires des institutions publiques, du gouvernement et aussi
dans le cas de l'obligation contractuelle.
Comme l'a mentionné le Conseil du
statut de la femme dans son mémoire, cet article est le plus
important du règlement du fait qu'il fixe la portée des articles
suivants. Nous considérons que le ministère de la Justice devrait
absolument le revoir.
Par ailleurs, même si cet article libère les entreprises du
contrôle a priori de la Commission des droits de la personne, nous
croyons qu'elles auraient avantage à adopter des programmes volontaires
qui soient conformes à ce règlement si elles veulent
éviter que la commission n'exige des modalités par la suite.
L'article 2 porte sur les éléments essentiels d'un
programme d'accès à l'égalité. Cet article
correspond entièrement aux attentes du CIAFT. Les quatre points qu'on y
retrouve sont les quatre conditions prioritaires pour qu'on puisse parler d'un
véritable programme d'accès à l'égalité.
Nous sommes satisfaites que les pressions faites par la coalition des groupes
de femmes et les pressions aussi faites lors de Décisions 85 aient
porté fruits à cet égard. Nous recommandons donc que cet
article soit adopté tel que proposé.
L'article 3 porte sur les objectifs numériques. Nous
espérons qu'il est clair pour tous que les objectifs numériques
sont fixés par l'employeur lui-même et non pas, comme certains le
pensent encore aujourd'hui, qu'il s'agit de quotas imposés de
l'extérieur. Cette façon, à notre avis, de procéder
respecte entièrement la culture interne de l'entreprise. Nous souhaitons
donc que l'article 3 soit adopté tel quel.
L'article 4 porte sur l'analyse des effectifs. Le CIAFT est
entièrement d'accord avec une telle analyse qui démontre une vue
réelle de la répartition des emplois à l'intérieur
d'une entreprise donnée. Nous souhaitons que cet article soit
adopté dans sa forme actuelle.
À l'article 5, on parle de l'analyse de disponibilité.
Nous sommes tout à fait favorables à une analyse de
disponibilité qui permette d'identifier le potentiel des femmes à
l'intérieur de l'entreprise et, finalement, de mieux utiliser leur
compétence. Rappelons qu'une meilleure utilisation de la main-d'oeuvre
est un facteur d'accroissement de la productivité. (15 h 15)
Quant à une analyse de disponibilité à
l'extérieur de l'entreprise, nous croyons, pour éviter des frais
à l'entreprise, que le gouvernement devrait l'assumer. Par exemple, on
pourrait utiliser le Bureau de la statistique du Québec à cet
effet.
Le CIAFT recommande donc qu'un alinéa soit ajouté à
l'article 5 précisant que le gouvernement du Québec fournira les
informations relatives à la main-d'oeuvre disponible sur le
marché du travail.
À l'article 6, le CIAFT se réjouit de trouver une
définition juste de la discrimina- tion sytémique. Nous
recommandons que l'article 6 soit adopté tel que formulé.
L'article 7 est un article très important qui permet de voir une
distinction claire entre les mesures d'égalité des chances et les
mesures de redressement. Notre regroupement recommande aussi l'adoption de
l'article 7.
À l'article 8, il est prévu qu'un programme peut
comprendre des mesures de soutien. Comme groupe travaillant avec des femmes
intégrant le marché du travail, nous considérons que cet
article est capital et nous espérons que le législateur a
véritablement l'intention d'encourager ces mesures. Le CIAFT recommande
donc l'adoption de l'article 8.
À l'article 9, qui porte sur l'information qui est
véhiculée pour les employé(e)s au sujet des mesures
appliquées à l'intérieur de l'entreprise, tel que le
recommande le Conseil du statut de la femme, nous recommandons aussi que non
seulement les employé(e)s soient informé(e)s des mesures
adoptées par l'entreprise, mais également de l'ensemble des
mesures de l'article 2 de ce présent règlement.
L'expérience américaine a prouvé que plus les
employés sont impliqués, plus c'est rentable pour la gestion de
l'entreprise.
À l'article 10, on parle de la responsabilité de la
personne en autorité à l'intérieur de l'entreprise
concernant les programmes d'accès à l'égalité. Nous
sommes d'accord avec le contenu de cet article, mais nous souhaiterions y voir
ajouter un alinéa précisant également la
nécessité d'un comité tripartite qui verrait à
assister l'employé en autorité dans la mise en oeuvre des
programmes d'accès à l'égalité. Ce comité
serait composé d'un représentant de la partie syndicale, de la
partie patronale et des groupes cibles.
L'article 11 concerne le rapport annuel qui doit être
déposé lors des programmes d'accès à
l'égalité. Le CIAFT recommande l'adoption de cet article tel que
formulé en y ajoutant l'obligation pour l'employeur d'y inclure des
données annuelles sur les taux d'activité de leur main-d'oeuvre
par sexe, par catégorie professionnelle, quartile salarial et
échelle salariale. Ces informations permettraient à la Commission
des droits de la personne d'évaluer s'il y a vraiment des pratiques
discriminatoires et cela pourrait se faire à l'aide du formulaire
unique.
Un article supplémentaire serait donc nécessaire
précisant que la Commission des droits de la personne, en collaboration
avec le Bureau de la statistique du Québec, est responsable de la
collecte standardisée de ces données, leur compilation, leur
analyse, et du dépôt annuel du rapport à l'Assemblée
nationale.
Pour la section III concernant les articles 12 à 16 qui ont trait
au monde de
l'éducation, le CIAFT appuie l'adoption de ces articles. Il n'est
pas suffisant de vouloir changer les règles du jeu du marché du
travail. Il faut aussi changer celles du monde scolaire où la formation
professionnelle, entre autres, reste encore très sexualisée. Les
cinq articles de cette section démontrent une volonté de voir
modifier ces réalités et le CIAFT s'en réjouit.
D'ailleurs, je pense que des changements importants et significatifs à
ce niveau-là pourraient peut-être empêcher qu'on se
débatte autour de programmes d'accès à
l'égalité.
Mme Leduc: Nous remercions les membres de cette commission de
l'intérêt soutenu qu'ils et elles ont accordé à
notre présentation. Nous les remercions aussi surtout du rapport qu'ils
et elles présenteront au gouvernement car, selon l'assurance que nous
avons reçue de représentants tant du parti au pouvoir que de
l'Opposition, il existe une réelle volonté politique d'adopter le
présent règlement. Donc, ce rapport et ses conclusions ne
pourront qu'être en conformité avec nos demandes justes et
équitables.
Le CIAFT insiste surtout sur l'urgence d'adopter ce règlement
avant les prochaines élections générales au Québec.
Si les femmes ont été patientes jusqu'ici, il ne faut pas oublier
que la patience est un bien maigre menu qui ne remplit pas les assiettes.
Nous souhaitons que le gouvernement fasse la démonstration de sa
réelle volonté quant à la mise en oeuvre des programmes
d'accès à l'égalité en tant qu'employeur -
là, je vais rejoindre M. Marx - autant que législateur. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Leduc. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Je remercie Mme Leduc et
Mme Berthiaume d'être venues présenter ce mémoire qui est
fort intéressant, surtout en ce qui touche l'obligation
contractuelle.
Il ne faut pas oublier qu'il y a des compagnies américaines qui
ont des filiales au Québec. Quand les Québécois
achètent de ces compagnies aux États-Unis, elles ont un programme
d'accès à l'égalité. Quand ils achètent de
ces compagnies au Québec, ils n'ont pas de programme d'accès
à l'égalité en vigueur. Je pense que cela démontre
qu'il y a un peu d'inégalité d'un côté et de l'autre
de la frontière.
Je trouve intéressante l'obligation contractuelle parce que nous
avons l'expérience américaine qui peut être utile pour la
mise en oeuvre de tels programmes, ici au Québec. J'ai deux questions
sur ce point. Le gouvernement peut-il exiger que les compagnies avec lesquelles
il fait affaires aient des programmes d'accès à
l'égalité, alors que, en même temps, le gouvernement n'a
pas ces programmes d'accès à l'égalité en vigueur
dans ses propres institutions? Je vois mal que le ministère de la
Justice demande à la compagnie XYZ d'instaurer un programme
d'accès à l'égalité pour avoir un contrat de 100
000 $, alors qu'il n'y a aucun programme d'accès à
l'égalité au ministère de la Justice. Ce serait une
injustice. Est-ce que vous êtes d'accord avec...
Mme Berthiaume: C'est pour ça qu'on demande qu'il y ait
aussi, à l'intérieur du gouvernement, des programmes
d'accès à l'égalité.
M. Marx: Je pense que c'est un des problèmes aux
États-Unis, ils demandent aux compagnies d'instaurer des programmes
qu'ils n'ont pas.
Mme Berthiaume: Il y a deux mesures.
M. Marx: Mais, quand on parle du gouvernement, de l'obligation
contractuelle, le "contract compliance", est-ce que vous voulez dire juste les
ministères, les organismes d'État ou si on peut inclure les
communautés urbaines, les administrations municipales, les corps de
police, les commissions scolaires, les centres hospitaliers? Au niveau
fédéral, le gouvernement n'a pas la juridiction sur les
institutions locales; l'Assemblée nationale a juridiction sur ses
institutions locales. Quand on parle de l'obligation contractuelle, est-ce
qu'on veut parler seulement du gouvernement et de ses ministères ou si
on veut élargir cette idée pour couvrir aussi les hôpitaux,
les sociétés d'État et ainsi de suite? Pourquoi laisser
échapper les sociétés d'État qui font souvent le
commerce, comme la Société des alcools du Québec, et
exiger que la compagnie qui produit le vin ait un programme d'accès
à l'égalité?
Mme Leduc: À votre première question, nous sommes
d'accord. Nous disons, à la page 7 de notre mémoire, que nous
acceptons que les programmes volontaires ne soient pas soumis au présent
règlement, à part les programmes volontaires en ce qui a trait au
gouvernement et aux institutions publiques et l'obligation contractuelle. Je
pense que cela répond. Nous pensons que le gouvernement doit, en premier
lieu, les instaurer et soumettre ses propres programmes d'accès à
l'égalité au projet de règlement qui sera adopté
ici.
Maintenant, pour l'obligation contractuelle, ce qui est défini,
c'est toute entreprise contractant avec le gouvernement. Y aurait-il lieu
d'élargir cela? Évidemment, pour nous, plus il y aura
d'entreprises qui seront touchées, mieux ce sera. Cette
définition comprend-elle, comme vous l'avez dit, les commissions
scolaires et les
hôpitaux? Je pense que cela restera à définir lors
de la mise en oeuvre de l'obligation contractuelle.
M. Marx: Parce que, entre le ministère de
l'Éducation et une commission scolaire qui donne un contrat, je ne vois
pas beaucoup de différence, l'argent vient de la même poche. Je ne
vois pourquoi l'une devrait y échapper et l'autre non. C'est à
penser, à revoir...
Mme Leduc: Oui, à définir.
M. Marx: ...à définir. Ma deuxième question
traite, en ce qui concerne l'article 3, des quotas, des pourcentages. J'ai
posé des questions ce matin - je n'ai pas pris position - parce qu'elles
étaient soulevées dans le rapport Abella et dans d'autres
études. Maintenant, j'aimerais savoir comment vous voyez le
problème sous son aspect assez pratique. Si on prend la
Sûreté du Québec, on voit qu'il y a moins de 1 % de femmes
dans ce corps policier, ce n'est pas énorme, quoique dans les
cégeps, en techniques policières, il y en a peut-être 25 %,
30 % et même 40 % qui sont là ou qui font aussi leurs
études à l'Institut de police de Nicolet. Si on prend un autre
corps de police, la police fédérale, si vous voulez, la
Gendarmerie royale du Canada, qui avait déjà des programmes pour
intégrer plus de femmes dans son service, il a environ 3,5 % de femmes
policiers. Supposons que le gouvernement décide d'avoir un programme
d'accès à l'égalité pour les femmes dans la
Sûreté du Québec, en vertu de l'article 3, qu'est-ce qu'on
va inclure comme quotas? Que va-t-on inclure comme... Les objectifs sont
exprimés en nombre et en pourcentage. Comment va-t-on exprimer cela en
nombre et en pourcentage pour la Sûreté du Québec? Est-ce
que ce serait 3 %, 3,5 %, 10 %, 15 % ou 20 %?
Mme Berthiaume: Ce n'est pas comme cela qu'on voit cela. On a
bien dit que l'objectif doit être établi par l'entreprise,
l'employeur ou l'institution en question. D'accord?
M. Marx: Donc, c'est la Sûreté du Québec.
Une voix: Avec un comité tripartite.
Mme Berthiaume: Oui, c'est cela. D'ailleurs, le comité
tripartite pourrait aussi ajouter à ce niveau-là.
M. Marx: Vous dites que ce sera au gouvernement ou à la
Sûreté du Québec.
Mme Berthiaume: Cela dépend, c'est l'entreprise
elle-même.
M. Marx: Ici, l'entreprise, c'est la Sûreté du
Québec.
Mme Berthiaume: Ah! Alors, c'est la Sûreté du
Québec.
Une voix: Mais...
Mme Berthiaume: Mais avec le comité tripartite.
Mme Leduc: Vous permettez? M. Marx: Oui.
Mme Leduc: Quand on parle de l'implantation des programmes
d'accès à l'égalité, je pense que, dans le
règlement, on dit! Il y aura un ou une employée en
autorité qui, à l'intérieur - à ce
moment-là, vous me diriez de la Sûreté du Québec -
de l'entreprise ou de l'organisme, devra s'occuper de l'implantation de ces
programmes-là. Dans notre mémoire nous recommandons qu'en plus de
cela il y ait un comité tripartite qui puisse conseiller cet
employé-là, justement, pour établir les mécanismes
qui seront à déterminer pour cette entreprise. Il n'y a pas de
règles générales. C'est traité à la
pièce pour chaque entreprise. D'accord?
M. Marx: D'accord. En ce qui concerne la Sûreté du
Québec, premièrement - Comment dirais-je - il faut avoir un
programme d'égalité parce qu'il y a des barrières
maintenant comme la taille. C'est une barrière. Une fois qu'on
enlève ces barrières pour permettre aux femmes d'accéder
au poste de policier d'une façon égale avec les hommes, si on n'a
pas assez de femmes policiers, il faut avoir un programme de redressement et,
donc, il faut établir des chiffres et des pourcentages. Ce comité
tripartite va se référer à quoi pour établir ces
chiffres?
Mme Berthiaume: II pourrait, entre autres, faire une analyse des
effectifs à l'intérieur et à l'extérieur du
marché du travail.
M. Marx: Mais si on enlève les barrières...
Mme Berthiaume: Je pense que si on a une volonté...
M. Marx: Oui, mais si on enlève les barrières qui
existent maintenant, étant donné qu'il n'y a pas de
discrimination dans les cégeps en ce qui concerne les cours de
techniques policières, les femmes vont accéder au poste de
policier. Je pense que quand on a enlevé les barrières dans les
facultés de droit et dans les facultés de
médecine... Je pense qu'à la faculté de droit
à Laval il y a 52 % de femmes. Donc, s'il y a des redressements à
faire, ce n'est pas du côté des femmes. Comprenez-vous ce que je
veux dire? Si on enlève les barrières, les femmes vont
accéder d'une façon normale et naturelle à ces postes.
Mme Berthiaume: Je pense que c'est un peu plus compliqué
que cela.
M. Marx: Plus compliqué que cela?
Mme Berthiaume: Oui. Je vois cela d'une façon un peu plus
compliquée. D'abord, vous avez dit qu'au cégep il n'y a pas de
barrière, etc., mais vous savez que, quand on parle des perspectives
d'emploi, je ne pense pas qu'on cite beaucoup le corps policier comme un
débouché intéressant.
M. Marx: II y a maintenant beaucoup de femmes qui trouvent cela
très intéressant et qui font... (15 h 30)
Mme Berthiaume: Je suis sûre que celles qui y sont trouvent
cela intéressant, mais je pense que pour y accéder il y a un
problème ici au niveau de l'orientation...
M. Marx: D'accord.
Mme Berthiaume: ...parce qu'on décourage carrément
les étudiantes et les étudiants d'y accéder de
façon générale. Il y a des débouchés dont on
tient compte et...
M. Marx: II y a un fort pourcentage de femmes dans les
cégeps en techniques policières et cela a augmenté depuis
quelques années. Oui?
Mme Leduc: C'est vrai. Si je prends ce que vous dites comme
réel - je ne mets pas cela en doute - il y a une forte proportion de
femmes. Il y a certainement une raison pour laquelle elles n'ont pas
accès aux emplois. Si elles désirent y aller, elles sont
formées et c'est cela, l'illustration de la discrimination
systémique.
M. Marx: C'est sûr.
Mme Leduc: C'est évident.
M. Marx: Ah, c'est sû!
Le Président (M. Gagnon): Attention!
M. Marx: On est d'accord.
Mme Leduc: On est d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Je veux bien vous laisser parler
comme cela, mais la télévision veut vous suivre et le Journal des
débats aussi et, quand on est deux à parler en même temps,
c'est difficile d'enregistrer tout ce qu'on doit enregistrer.
Je vous laisse la parole encore une fois.
Mme Leduc: Je pense que le fait d'enlever les barrières
était, si vous voulez, ce qu'on appelle l'égalité des
chances. Il ne faut pas oublier qu'un programme d'accès à
l'égalité est un programme qui préconise des mesures de
redressement temporaires pour justement arriver au résultat qu'on
souhaite, avoir une juste représentation des femmes dans la force
policière, la Sûreté du Québec. Les barrières
étant enlevées, comme vous me dites, cela a été
l'égalité des chances. Les femmes sont formées. Donc, il y
a un autre problème, vu qu'elles n'ont pas accès aux emplois et
cet autre problème, nous, on pense que les programmes d'accès
à l'égalité sont des mesures temporaires qui vont
permettre d'éliminer ce deuxième problème.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur
cette discrimination systémique. Je pense, pour être juste, que
les corps de police ont réagi, ces derniers mois surtout. À la
Communauté urbaine de Montréal nous voyons, chaque fois qu'un
groupe de policiers est engagé, qu'il y a toujours quelques femmes de
plus qu'autrefois.
Une dernière question. J'aimerais vous faire part d'une
expérience avec la Commission de transport de la Communauté
urbaine de Montréal. J'ai soulevé, ce matin, la situation qu'il
n'y a que 8 femmes chauffeurs d'autobus à Montréal sur 3400.
À Chicago, il y a 30 % de chauffeurs féminins, 18 % à
Buffalo. Je n'ai pas les statistiques pour toutes les villes mais, même
à Toronto, il y a 3,5 %; c'est encore mieux qu'à Montréal
où c'est 0,2 %.
C'est dans la Gazette du 20 novembre 1984 que l'on pouvait lire que la
Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal
cherchait 150 femmes comme chauffeurs d'autobus afin d'avoir un noyau, afin de
pouvoir dire: Ici, on engage des femmes. Je pense que c'est une des raisons
pour lesquelles on n'a pas de femmes dans beaucoup d'institutions,
d'organismes: les femmes ne font même pas la demande. Elles regardent et
se disent: II n'y a pas de femmes qui sont engagées là, donc ce
serait inutile que je pose ma candidature. Cela s'appelle l'effet de
dissuasion, the "chilling factor". Les femmes ne se voient pas dans ces
institutions.
Est-ce que vous croyez que le but de l'article 3 est, par exemple, de
dire: On va engager 150 femmes maintenant, c'est notre
premier objectif? Ce n'est pas parler d'un pourcentage, ce n'est pas
décider d'un quota de femmes; on va chercher un certain nombre et on
commence comme cela.
Le Président (M. Gagnon): Mme Berthiaume.
Mme Berthiaume: C'est vraiment une mesure quantitative,
effectivement, qui est mise de l'avant.
M. Marx: Et vous pensez que cela entre dans le cadre de l'article
3, plus ou moins?
Mme Leduc: C'est un objectif numérique que la compagnie
elle-même s'est fixé.
M. Marx: Ce n'est pas un quota, ce n'est pas dire qu'il faut 10
%, 5 % ou 3 %. On dit: On va en chercher un certain nombre et, après
cela, on va voir. Je pense que cela fait moins peur aux gens que l'on fasse
cela de cette façon. Dire 10 %, 5 %, 3 %, c'est bien difficile.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Vachon.
M. Payne: Merci, Mme Leduc et Mme Berthiaume, pour votre
mémoire étoffé et fort intéressant. Pour en venir
tout de suite, à l'essentiel, j'ai bien remarqué vos
réserves quant à la définition du mot "organisme" et je
partage cette préoccupation mais peut-être pas pour les
mêmes raisons, par contre. Si on regarde la charte telle quelle, si on
regarde l'article 86.7, le gouvernement doit exiger de ses ministères et
organismes l'implantation de programmes d'accès à
l'égalité dans les délais qu'il fixe. C'est donc une
obligation. C'est sûr que ce n'est pas défini. Vous seriez
peut-être d'accord avec moi lorsqu'on voit tout de suite qu'il s'agit
là d'une obligation et, d'autre part, si on retourne en arrière
à 86.3 - je suis encore dans la partie III sur les programmes
d'accès à l'égalité - la commission peut - on parle
de la commission, non pas du gouvernement -après enquête, si elle
constate une situation de discrimination prévue par l'article 86.1,
recommander l'implantation, dans un délai qu'elle fixe, d'un programme
d'accès à l'égalité. Je pense qu'il y a une
certaine complémentarité entre le rôle, le devoir,
l'obligation du gouvernement, d'une part -vous serez peut-être d'accord
avec moi - et le privilège de droit de la part de la commission qui peut
élargir cette notion d'organisme.
Mme Leduc: Est-ce un commentaire ou une question, M. Payne?
M. Payne: C'est une réflexion que je porte dans le sens
que je partage le fond de votre préoccupation, mais je pense que cela
peut être nuancé avec cette interprétation de la loi que je
vous propose. Qu'en pensez-vous?
Mme Berthiaume: Vous pensez que notre préoccupation n'est
pas justifiée, que les dispositions...
M. Payne: Dans le fond c'est justifié; mais je pense
qu'une interprétation positive pourrait effectivement... C'est clair
dans la loi et dans mon esprit que la commission peut décider à
toutes fins utiles ce qu'est un organisme.
Mme Leduc: On serait d'accord que quelqu'un le
définisse.
M. Payne: Un autre point, très brièvement,
concernant le plan d'action du gouvernement. Le conseil pose plusieurs
interrogations - cela m'a frappé, c'est intéressant - concernant
l'obligation contractuelle et préconise que le règlement s'y
applique. Le conseil demande aussi que quatre femmes, et non pas une seule,
représentent les non-syndiqués. J'imagine, et si c'est le cas je
serai entièrement d'accord avec vous, que ceux qui sont les plus
démunis pour se défendre devraient être les plus
armés pour faire des représentations à qui de droit.
Mme Berthiaume: C'est dans ce sens-là qu'on a
évidemment demandé qu'il y ait quatre personnes des milieux non
syndiqués.
Mme Leduc: Je voudrais faire une certaine précision. Quand
on parle du comité aviseur cela ne s'applique pas à l'obligation
contractuelle, quant à nous. Ce qui s'appliquerait à l'obligation
contractuelle, c'est le comité tripartite qui est dans l'entreprise.
M. Payne: Non, c'est ça.
Mme Leduc: D'accord. On ne demande pas quatre personnes au
comité tripartite. Je me suis peut-être trompée en parlant
des quatre personnes, en ce qui concerne le comité aviseur.
Mme Berthiaume: C'était pour le comité aviseur
effectivement. Le chiffre "quatre" c'était vraiment pour le
comité aviseur. Le comité qui conseillera le gouvernement.
M. Payne: Un peu plus tard dans votre discussion sur l'article 11
qui fait partie de la section Il, là où on parle du rapport
annuel, j'aurais une question à vous poser. Comment allez-vous
répondre - je n'ai pas
de parti pris mais cela m'intéresse - au patronat lorsqu'il dira:
II s'agit là de données confidentielles? Vous parlez d'embauche,
de départs, de mises à pied. Nous vivons au Québec, comme
en Amérique du Nord, dans un monde hautement concurrentiel. On n'est pas
d'accord pour faire en sorte d'élargir cet aspect-là dans le
règlement. Avez-vous une bonne réponse pour eux?
Mme Berthiaume: Oui. Je pense que ce serait surtout au niveau de
l'échelle salariale que les entreprises pourraient être un peu
plus pointilleuses.
M. Payne: C'est cela.
Mme Berthiaume: Écoutez, on pourrait s'en tenir à
mettre l'écart entre les salaires et ne pas indiquer l'échelle
salariale. On pourrait juste parler de l'écart entre les femmes et les
hommes. Ce serait suffisant, on aurait un vrai portrait et on n'attaquerait pas
la culture interne de l'entreprise. Ce serait un moyen
détourné.
M. Payne: Oui, mais...
Mme Berthiaume: Je pense que, si on le veut, on peut très
bien trouver des solutions dans ce sens. On est conscientes qu'il faut
respecter la culture interne de l'entreprise. On l'a déjà
mentionné. Je comprends votre objection ici.
M. Payne: Je me mets dans leur esprit. Mme Berthiaume:
Oui.
M. Payne: Parlons des promotions, des départs, des
transferts temporaires d'une compagnie voulant concurrencer une compagnie de
Toronto située ici au Québec. Si la même loi, de toute
évidence, ne s'applique pas dans les deux provinces, il y a une
concurrence artificielle et inégale d'une compagnie par rapport à
une autre qui est obligée de dire combien de personnes elle a mises
à pied, de combien elle a augmenté sa masse salariale pour X, Y,
Z personnes, ou qu'elle a promu 20 % de ses cadres l'an passé.
Mme Berthiaume: De là la nécessité d'un
comité tripartite pour appuyer la personne en autorité et qui
pourrait régler ce genre de problèmes. On a dit que le
comité tripartite pourrait être composé de la partie
syndicale, de la partie patronale et des employés. A ce
moment-là, on pourrait régler ce problème à
l'intérieur et s'assurer que la culture interne de l'entreprise soit
protégée.
M. Payne: On les voit venir...
Mme Berthiaume: Oui, oui.
M. Payne: Le Conseil du patronat va venir...
Mme Berthiaume: Bien sûr.
M. Payne: ...et il va sauter là-dessus tout de suite.
Mme Berthiaume: Oui, c'est cela. Moi aussi, j'en suis
persuadée.
M. Payne: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Il n'y a pas
d'autres questions? Cela va? Merci à Mmes Leduc et Berthiaume et au
groupe que vous représentez.
Nous allons maintenant inviter l'organisme Action travail des femmes
à prendre place. Nous allons suspendre nos travaux durant cinq minutes,
le temps que ces personnes prennent place.
(Suspension de la séance à 15 h 42)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaîtl La commission des institutions poursuit ses travaux. Avant la
suspension je me suis trompé de groupe. J'avais appelé Action
travail des femmes alors que nous entendrons la Fédération des
femmes du Québec avec Mme Rochon et Mme Couture.
Fédération des femmes du
Québec
Je vous souhaite la bienvenue. Je vous fais le même commentaire
qu'aux autres groupes. On vous accorde, théoriquement, un maximum de 55
minutes, soit environ 20 minutes pour faire lecture de votre rapport et 35
minutes de dialogue avec les membres de la commission. Je vous cède la
parole immédiatement.
Mme Rochon: C'est le mémoire sur le projet de
règlement concernant les programmes d'accès a
l'égalité de la Fédération des femmes du
Québec. La Fédération des femmes du Québec
représente des membres individuels regroupés en cinq conseils
régionaux et 42 "associations pour un total de 80 000 membres dont une
très grande majorité sont des travailleuses
rémunérées.
Notre organisme a pour mission de travailler solidairement, dans une
perspective féministe, à l'accès des femmes à
l'égalité dans tous les domaines. Ses objectifs visent à
promouvoir et défendre les droits des femmes, assurer un rôle de
critique et de
consultation, de concertation et de pression, et devenir
représentatif du plus grand nombre de femmes possible. Vous comprendrez
alors que, pour nous, de véritables programmes d'accès à
l'égalité s'imposent pour les travailleuses
québécoises.
Les participantes à Décisions 85 ont décrit aussi
ce que doit comprendre minima-lement un programme d'accès à
l'égalité: une analyse d'effectifs et de disponibilité
ainsi qu'une analyse du système d'emploi, des objectifs et un
échéancier pour réaliser l'égalité en
emploi, des mesures de redressement pour corriger la situation présente
et un mécanisme de contrôle des résultats. Le projet de
règlement déposé le 26 juin dernier est un garde-fou qui
tient compte de ces recommandations.
La Fédération des femmes du Québec appuie
globalement la position du Conseil du statut de la femme concernant ce projet
de règlement. Nous avons, cependant, quelques observations et ajouts
à faire. En ce qui concerne l'article 1, par exemple, nous en
déplorons la portée limitée. Nous regrettons instamment
que la fonction publique ne figure pas explicitement au titre de "personne qui
élabore, implante ou applique un programme d'accès à
l'égalité".
Ensuite, nous proposons que les entreprises qui obtiennent un contrat
gouvernemental ou des subventions du Trésor québécois
soient soumises à l'obligation contractuelle de mettre sur pied un
programme d'accès à l'égalité conforme au
règlement.
Dans les modalités d'application, nous déplorons le
barème trop élevé suggéré à
Décisions 85, c'est-à-dire l'obligation contractuelle pour les
contrats de 200 000 $ et plus. Pour la province de Québec, cela veut
dire qu'un très petit nombre d'entreprises seraient touchées.
Nous suggérons donc de baisser le barème pour que les femmes
entrent en force, non seulement dans les grandes entreprises, mais aussi dans
les moyennes entreprises et, éventuellement, les PME.
D'autre part, la Fédération des femmes du Québec
regrette que l'élaboration, l'implantation ou l'application d'un
programme d'accès à l'égalité soient
conditionnées à l'expression d'un aveu ou d'un constat de
discrimination, c'est-à-dire les programmes recommandés et
imposés. Elle souhaite que l'élaboration, l'implantation et
l'application d'un programme d'accès à l'égalité
puissent se faire selon le règlement mais sans un tel constat et donc
viser les programmes volontaires mis en place au gouvernement et issus de
l'obligation contractuelle.
La Fédération des femmes du Québec
s'intéresse de près à la reconnaissance des acquis pour
les femmes dans l'accessibilité aux études et aussi au
marché du travail.
Nous souhaitons donc qu'à l'article 4, en particulier au point 3,
et dans l'article 5 l'expérience de travail et les années de
service ne se limitent pas à celles acquises ou prestées dans
l'entreprise mais que soient également prises en compte
l'expérience acquise et les années de service prestées
dans le cadre du travail domestique et dans le cadre du travail
bénévole. Nous souhaitons des programmes de formation, donc, dans
un délai court pour que les femmes puissent postuler un emploi et
ensuite se perfectionner après l'embauche.
Afin de le rendre plus précis et plus explicite en matière
de sujets à retenir pour effectuer l'analyse du système d'emploi,
la Fédération des femmes du Québec propose d'ajouter au
point 1 de l'article 6 ce qui suit: "les outils de base de l'évaluation
et de la classification des emplois". Parmi les caractéristiques de la
discrimination systémique, il y a l'inadéquation
d'équipement, la sécurité, les conventions collectives.
Nous proposons donc d'ajouter au même article, en point 9,
l'équipement requis pour la tâche, en point 10, les exigences de
sécurité et, en point 11, les conventions collectives ou
décrets.
Depuis longtemps, la Fédération des femmes du
Québec souhaite le partage des responsabilités familiales. Il est
donc logique que l'article 8 se lise comme suit: "Un programme doit
également prévoir des mesures de soutien", et d'ajouter, à
la fin du deuxième paragraphe, que les mesures de soutien tiennent
compte des responsabilités familiales. Par conséquent, les mots
"s'il y a lieu" doivent être omis dans l'article 9. Il nous
apparaît que la proposition, à l'article 10, de confier la
responsabilité de l'implantation du programme à un employé
ou employée en autorité risque de mettre cet employé ou
employée en situation de conflit d'intérêts entre sa
tâche habituelle et sa fonction relative au programme d'accès
à l'égalité.
Il faudrait donc s'assurer de l'objectivité dans le choix de cet
employé ou employée qui aurait pour mandat d'exécuter la
décision d'un comité dont nous proposons la composition. Nous
insistons donc pour qu'à cet article soit prévue, dès
l'élaboration d'un programme d'accès à
l'égalité, la création d'un comité composé
de représentants et représentantes patronaux et patronales, de
représentants et représentantes syndicaux et syndicales ainsi que
des représentants et représentantes des non-syndiquées
tout en prévoyant une représentation des groupes cibles.
L'article 10 doit préciser la composition et le mandat de ce
comité. Un modèle semblable à celui qui est prévu
par la Loi sur la santé et la sécurité du travail pour les
comités de santé et sécurité pourrait être
retenu.
La Fédération des femmes du Québec
recommande qu'à l'article 11 il soit prévu que les
employeurs rédigent un rapport sur un formulaire unique
confectionné par la commission afin de garantir la collecte
complète des informations pertinentes. L'article doit aussi
prévoir la possibilité pour les employés d'obtenir copie
dudit rapport. Nous nous inquiétons de plus qu'aucun mécanisme de
contestation ne soit prévu à l'encontre d'un employeur qui
n'aurait pas respecté le programme prévu. Cette lacune nous
paraît devoir être levée au risque de voir cette nouvelle
politique rester sans effet.
Il y a dans notre mémoire une petite erreur à la page 6,
au bas de la page, où il faudrait lire section III, article 13,
plutôt qu'article III. En matière d'éducation, la
Fédération des femmes du Québec propose qu'en plus des
analyses d'effectifs et de disponibilité le règlement
prévoie l'analyse des outils de base d'évaluation des
étudiants et des étudiantes, notamment les tests d'aptitude.
À l'article 14, ajouter en point 4 la reconnaissance des acquis, comme
cela a été proposé précédemment aux articles
4 et 5. Quant à l'article 17, la Fédération des femmes du
Québec ne peut se prononcer sur cet article tant qu'une réponse
ne sera pas donnée sur la portée de l'article 86.1 de la loi. Qui
est visé par cet article? S'agit-il du personnel? S'agit-il des
bénéficiaires? S'il s'agit des bénéficiaires, une
réserve analogue à celle exprimée dans la section III
semble s'imposer.
En conclusion, il est vraisemblable de prévoir que l'application
de l'article 86 de la Charte des droits et libertés de la personne, en
vigueur depuis juin dernier, permettra une accélération du
changement des mentalités des employeurs québécois et,
nous l'espérons, facilitera la mise en évidence des effets
bénéfiques des programmes d'accès à
l'égalité, ce que l'obligation contractuelle mise en vigueur
permettra de vérifier. Il faut savoir que l'obligation contractuelle aux
États-Unis - vous avez eu un exemplaire, ce matin, d'un article de la
revue Fortune qui date du 16 septembre 1985 - a eu force de loi sous la
présidence de Richard Nixon, en 1970, et que, même si le
président Reagan veut y mettre un terme, la plupart des grandes
compagnies américaines vont continuer leurs programmes d'action positive
et appliquer les objectifs numériques et les
échéanciers.
Je vous cite, entre autres témoignages, comme je le disais ce
matin et je le répète, celui de la compagnie Merck,
c'est-à-dire du président de la compagnie: "Nous continuerons nos
objectifs numériques, indépendamment de ce que le gouvernement
fera. Cela fait maintenant partie de notre culture et de nos façons
d'administrer." Je trouve cette réflexion extrêmement importante.
Il existe de nombreux rapports qui nous prouvent que non seulement les
programmes d'accès à l'égalité et l'obligation
contractuelle sont faisables, mais qu'ils sont rentables pour les
entrepreprises. Tout ceci ne sera possible, cependant, que si le
règlement est un véritable encadrement à la mise en place
des programmes d'accès à l'égalité.
Il est urgent pour le gouvernement actuel d'en faire l'adoption avant
les prochaines élections. Ce serait pour lui une autre
réalisation importante pour l'amélioration de la condition
féminine et des autres groupes cibles. Si le projet n'est pas
adopté, il vous en sera demandé des comptes lors de la prochaine
campagne électorale.
Nous sommes déjà très en arrière des
États-Unis dans ce domaine. Quinze ans, c'est beaucoup. Alors, le temps
presse.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de vous laisser la
parole, M. le député de D'Arcy McGee, je voudrais seulement vous
demander de faire attention lors des interventions. Tantôt, j'ai
remarqué que, souvent, deux personnes parlaient ensemble. C'est
difficile pour la télévision et pour le Journal des débats
de suivre les débats. C'est important de demander la parole avant de la
prendre. Ainsi, on est certain que le focus est au bon endroit. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Seulement pour
répondre à cette exigence, j'étais tellement excité
par certaines des remarques des autres intervenants qu'il m'a été
difficile de m'empêcher de dire que j'étais d'accord. Je vous
remercie, Mmes Couture et Rochon, pour votre excellente présentation.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, on parle beaucoup
de la discrimination systémique, mais personne n'a vraiment
décrit ce qu'elle était dans le secteur privé, dans les
compagnies. Pouvez-vous nous décrire une situation où il y a de
la discrimination systémique dans le secteur privé, dans
l'industrie privée? Vous pourriez peut-être nous donner un
exemple.
Mme Rochon: Considérez-vous la SAQ comme une industrie
privée présentement? J'avais un exemple de la SAQ.
M. Marx: Oui, on peut prendre cela, parce que c'est en vente.
Mme Rochon: C'est parce que les discriminations
systémiques sont très subtiles, dans le sens qu'elles sont
neutres. Personne ne s'en rend compte habituellement. Par exemple, pour
accéder au poste de caissier à la SAQ, il fallait avoir
passé par l'entrepôt. Comme on n'acceptait jamais de femmes dans
les entrepôts, elles ne pouvaient donc pas, logiquement, accéder
au poste de caissier. Il paraît que c'est corrigé. C'est un
exemple...
M. Marx: Très bon.
Mme Rochon: ...qu'on retrouve facilement. Par exemple, la hauteur
des instruments, des appareils, qui sont plus hauts que normal pour la grandeur
des femmes par rapport à celle des hommes qui, habituellement, les
utilisent. Ce sont des barrières, comme vous le disiez tout à
l'heure au groupe du CIAFT, mises sans vouloir faire de mal à personne;
cela a été établi parce que les employés sont des
hommes, en majorité. (16 heures)
M. Marx: D'accord. Je vous remercie pour cet exemple parce que je
voulais qu'il y ait un certain nombre d'exemples dans les Débats et pour
nos spectateurs afin qu'ils comprennent les problèmes; autrement, on
parle en théorie...
Mme Rochon: Oui.
M. Marx: ...et les gens ne peuvent pas coller cela à
quelque chose de pratique.
Une deuxième question. Aux articles 4 et 5, vous dites que dans
l'analyse de disponibilité, on tienne compte de l'expérience des
femmes acquise "dans le cadre du travail domestique et dans le cadre du travail
bénévole." Comment concilier qu'on tienne compte du travail
domestique et du travail bénévole avec la compétence qui
est exigée par l'article 5 où on demande que les femmes soient
aussi compétentes que les hommes? Je vous pose cette question: Comment
concilier les deux idées?
Mme Rochon: Si vous me le permettez, lorsqu'on a commencé
à demander pour l'accessibilité aux études des femmes qui
sont restées à la maison, pour aller à
l'université, au cégep et tout cela, la reconnaissance des acquis
pendant ces années de retraite, si on peut dire, du marché
extérieur, on nous avait répondu à ce moment-là
qu'il n'était pas possible d'évaluer cela. Maintenant, on le fait
au niveau de la reconnaissance des acquis pour l'accessibilité aux
études. Je crois que c'est assez facile de faire des grilles semblables.
Je prends, par exemple, le cas d'une femme... Pardon?
M. Marx: Non, non, cela va.
Mme Rochon: ...d'une bénévole qui a
travaillé pendant de nombreuses années dan3 l'administration d'un
projet bénévole. Elle a pris une certaine
compétence...
M. Marx: Cela va, oui.
Mme Rochon: ...de gestion et d'administration. On dit toujours:
On fait l'éducation sur le tas. J'en suis un exemple: cela fait
longtemps que je fais l'éducation sur le tas. Je crois qu'on peut
évaluer ses connaissances de gestion tout aussi bien que les
connaissances de gestion d'un étudiant qui arrive, par exemple, d'une
école d'administration.
M. Marx: D'accord.
Mme Rochon: Pour le travail domestique, il y a beaucoup de choses
que les femmes font à l'intérieur de la maison. Elles sont
infirmières - je n'ai pas besoin de vous les énumérer, je
pense que tout le monde le sait - et, en même temps, les femmes
continuent en général à se perfectionner par leurs
lectures, par toutes sortes de choses! comité de parents, enfin toutes
sortes de choses dans lesquelles elles acquièrent une certaine
compétence.
M. Marx: D'accord. Je vous remercie. C'était très
explicite et très convaincant.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Vachon.
M. Payne: Je voudrais remercier la Fédération des
femmes du Québec et, particulièrement, Mme Rochon et Mme Couture.
Je pense qu'on commence cet après-midi à engager le vrai
débat. Moi aussi, je suis intrigué, d'ailleurs depuis fort
longtemps, par l'expérience américaine. On se souvient il y a dix
ans qu'effectivement il y avait beaucoup de discussions. M. Lyndon Johnson
était parmi les premiers présidents à vraiment aborder
cette question-là. Souvent, les hommes d'affaires américains
avaient peur, soit sur les ondes de la télévision et même
lors de rencontres, des programmes d'accès à
l'égalité. Cela m'a fait penser à ce truisme: souvent,
l'appréhension avant une opération chirurgicale est plus
traumatisante que l'opération elle-même. Si on lit un remarquable
article de Fortune Magazine d'il y a quelques mois, on peut constater que,
même l'ultra-conservatisme - j'embarque dans une certaine partisanerie -
de M. Reagan n'a pas beaucoup d'effet sur les 500 plus grandes entreprises des
États-Unis qui, elles, semblent croire de toute évidence qu'il
vaut mieux se donner des buts, des objectifs, des "goals" comme elles disent
plutôt que des quotas. C'est cela qui fonctionne beaucoup mieux.
Je disais à ceux qui vous ont précédées
qu'il serait intéressant d'engager le débat avec le Conseil du
patronat, les chambres de commerce dans cette salle, à savoir si,
véritablement, ils sont convaincus que quelques aspects du programme
vont être aussi pénibles qu'ils voudraient nous le laisser croire.
C'est le devoir de notre commission
de bien trancher cette question en toute objectivité, dans la
mesure du possible.
J'aurais une question. Votre fédération dit regretter que
l'implantation des programmes d'accès à l'égalité
soit conditionnée à un aveu ou un constat de discrimination.
D'après vous, qu'est-ce qui pourrait justifier l'implantation des
programmes d'égalité là où il n'y a même pas
de suggestion de discrimination? Je pourrais peut-être imaginer. Vous
pourrez me dire si je me trompe. Est-ce que c'est parce que vous croyez qu'il
vaut mieux prévenir que corriger par la suite?
Mme Rochon; C'est exactement cela. C'est ce qu'on espère.
Au fond, quand on veut... Par exemple, s'il y a une cause de discrimination
à l'intérieur d'une entreprise, la poursuite qui va être
intentée, les délais considérables que cela suppose par
l'évaluation de la commission, les recommandations de la commission et
l'implantation... Comme on l'a évoqué ce matin avec la coalition,
on espère que les compagnies seront assez intéressées,
mais aussi comprendront tout le programme d'accès à
l'égalité - je pense qu'il y a énormément
d'incompréhension à ce niveau - et qu'elles pourront instaurer
les programmes d'accès à l'égalité.
Lors d'un colloque que l'Association des manufacturiers canadiens a tenu
le printemps dernier, il était évident qu'il y avait beaucoup de
leurs clients qui étaient prêts à mettre en oeuvre les
programmes d'accès à l'égalité. Lorsque cela a
été mis en vigueur le 26, tout de suite, la directrice
générale a fait une déclaration disant: Maintenant, nous
pouvons les mettre sur pied. Ce qui est dommage, c'est qu'ils les mettent sur
pied sans aucun cadre de référence, sans aucun règlement.
Donc, il est impossible par la suite de faire une vérification des
progrès obtenus parce qu'il faudrait avec des objectifs
numériques et avec un échéancier pouvoir déterminer
si les objectifs sont atteints ou s'il y a une rectification, par exemple,
à l'intérieur des compagnies.
Nous avons lu le mémoire du Conseil du patronat. Il y a de
grandes discussions, je pense, à avoir avec eux. Cela fait
déjà deux ans que nous en parlons avec le Conseil du patronat
autour des tables de conférence et nous nous rendons compte qu'ils n'ont
fait aucune démarche de réflexion autre que celle qu'ils avaient
entreprise, il y a quelques années. Il y a toujours la confusion des
quotas et des objectifs numériques qu'ils mettent tous sous le
même vocable. Nous aimerions bien qu'ils prennent connaissance non
seulement, comme ils le disent dans leur mémoire, des procès qui
ont lieu aux États-Unis actuellement, mais des choses
intéressantes qui sont dites dans l'article de Fortune. Donc, ils
pourraient voir aussi les effets bénéfiques et le
côté bénéfique.
M. Payne: Une petite question. Vous appuyez, bien sûr,
globalement, la position du Conseil du statut de la femme qui est un de nos
partenaires, disons, comme vous. En toute objectivité, que
pensez-vous... Il m'apparaît qu'il y a quelque chose qui, en toute
honnêteté, est à remarquer, sinon à déplorer.
Le gouvernement se montre très lent à appliquer les normes qu'on
a préconisées depuis des années, les objectifs qu'on a
préconisés depuis des années.
Mme Rochon: Vous voulez dire à l'intérieur...
M. Payne: Est-ce que vous êtes en discussion avec le
Conseil du trésor? Avez-vous des expériences ou des suggestions
que vous pouvez apporter à la commission, pourquoi c'est aussi difficile
et pénible?
Le Président (M. Gagnon): Mme Rochon.
Mme Rochon: Vous voulez dire à l'intérieur de la
fonction publique?
M. Payne: Oui.
Mme Rochon: Bon! Je ne sais pas pourquoi c'est aussi difficile
ici. Je sais qu'il y avait eu des propositions de faites il y a trois ans, je
pense, par rapport à des programmes à mettre en place. Cela s'est
arrêté; pour quelle raison? on ne le sait pas. Ce que je peux vous
dire, c'est que je fais partie du comité aviseur fédéral
sur les programmes d'accès à l'égalité à
l'intérieur de la fonction publique et c'est fort intéressant de
voir les programmes qui ne sont pas encore nécessairement tous en
fonction, mais toutes les investigations qu'ils ont faites par rapport aux
objectifs à atteindre, par rapport aux disponibilités, par
rapport aussi à la récession qui fait qu'il n'y a pas beaucoup de
mobilité à l'intérieur de l'emploi et tout cela. Ils sont
beaucoup plus avancés qu'au Québec et j'aimerais que ce soit le
contraire, mais...
M. Payne: Est-ce que je peux juste vous interrompre deux
secondes?
Mme Rochon: Oui.
M. Payne: Entre parenthèses, oui et non, dans le sens que
le programme, c'est plutôt... C'est l'équité. Il insiste
beaucoup sur l'équité qui a une connotation beaucoup...
Mme Rochon: Oui.
M. Payne: ...plus floue que la notion d'égalité,
n'est-ce pas?
Mme Rochon: C'est-à-dire... Je
m'excuse, mais la notion d'équité, c'est pour le programme
que Mme MacDonald va mettre sur pied par rapport aux obligations
contractuelles. Ce dont je vous parle, c'est strictement à
l'intérieur de la fonction publique. Il y a des mesures de redressement
et non pas seulement d'équité en emploi.
M. Payne: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
m'assurer que nous donnons tous un même sens aux mots que nous employons.
Le député de D'Arcy McGee vous a interrogée, Mme Rochon,
sur le sens du mot "systémique" et vous avez donné des exemples
très clairs où il s'agit, par exemple, de l'exigence d'avoir
travaillé dans l'entrepôt pour pouvoir devenir caissier. Comme on
n'engageait jamais de femmes en entrepôt, il n'y avait jamais de femmes
qui devenaient caissières. Cela a dû changer.
Mme Rochon: Oui, cela a changé.
M. de Bellefeuille: Je pense qu'il y a des caissières,
quelques-unes.
Mme Rochon: Oui.
M. de Bellefeuille: Bon. Je voudrais savoir si vous incluez les
stéréotypes dans votre définition de la discrimination
systémique. Par exemple, le député de D'Arcy McGee parlait
ce matin du très faible nombre de femmes chauffeurs d'autobus à
la CTCUM. J'ai oublié les chiffres, mais cela concerne le nombre de
femmes chauffeurs d'autobus.
M. Marx: À Montréal, il y en avait 8 sur 3400.
M. de Bellefeuille: Bon, 8 sur 3400. Il y a sûrement
quelque chose quelque part qui appartient sans doute au domaine des
stéréotypes. Est-ce que vous incluez les
stéréotypes? Les gens se disent spontanément: Ce n'est pas
un métier pour les femmes. Est-ce que vous incluez cela dans votre
définition de discrimination systémique?
Mme Rochon: La conséquence des stéréotypes
millénaires font que l'on n'emploie pas des femmes où les femmes
ne veulent pas aller, où les hommes n'acceptent pas que les femmes
aillent dans un métier ou une profession. On pense, par exemple,
à des femmes mécaniciennes de voiture; il n'y en a pas beaucoup,
il y en a quelques-unes, mais elles ont énormément de
difficultés à se faire accepter parce qu'il y a encore des
stéréotypes, comme vous le dites. Donc, le produit des
stéréotypes fait qu'on ne va pas vers cette embauche parce qu'on
a des difficultés à continuer. Il faut beaucoup de force aux
filles pour ce faire et les hommes ne veulent pas que les femmes soient
employées parce que des stéréotypes ont été
culturellement transmis.
M. de Bellefeuille: D'accord, mais ce que je vous demande, c'est
si, quand vous parlez de discrimination systémique, vous incluez le
phénomène des stéréotypes.
Mme Rochon: Oui, oui, c'est cela, c'est un peu la réponse
que je vous ai donnée.
M. de Bellefeuille: Bon, merci.
Mme Rochon: Culturellement, c'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Oui, M. le
député de Saint-Jacques.
M. Viau: Merci, M. le Président. Mme Rochon, il y a
quelque chose qui m'intéresse plus particulièrement quand on
parle de programme d'accès a l'égalité ou de programme
d'emploi pour les femmes. Je viens d'un comté où il y a une
grande proportion de femmes qui sont très peu autonomes ou ont peu de
formation académique mais elles ont un vécu assez exceptionnel
à la suite de leur travail bénévole, etc.
J'aimerais connaître de votre part quel genre d'impact
l'implantation d'un programme comme celui-là pourrait avoir sur les
quartiers que j'appelle populaires où la moyenne de scolarité et
l'âge des femmes, l'expérience pratique, l'employabilité,
un terme que l'on emploie souvent... Comment peut-on s'assurer d'une plus
grande représentation de ce type de femmes qui veulent s'intégrer
au marché du travail mais qui, à cause de toutes sortes de
barrières que l'on mentionnait tantôt - le peu
d'accessibilité et, encore là, peut-être une culture de
quartier - font souvent face à l'impossible? Comment percevez-vous la
réaction de ce genre de femmes ou comment percevez-vous l'implantation,
pour cette clientèle type, de programmes d'accès à
l'égalité?
Mme Rochon: L'implantation pourrait se faire par la
conscientisation des organismes, c'est-à-dire des employeurs à
l'intérieur de votre comté. J'imagine qu'il y a des entreprises
à l'intérieur de votre comté. Je crois aussi qu'il faut
faire de l'éducation auprès des femmes elles-mêmes, les
conscientiser, par exemple, à aller prouver qu'elles ont un potentiel X
pour un travail X quand on demande un employé quelque part. L'impact que
cela pourrait avoir, c'est qu'on
utiliserait intelligemment la main-d'oeuvre féminine qui est
sous-utilisée. Je pense qu'au Québec on sous-utilise la
main-d'oeuvre des femmes, l'intelligence et la créativité des
femmes. Je pense qu'elles pourraient très bien être
employées. Ce serait un impact... Je ne sais pas si c'est à ce
niveau que vous pensez. Au niveau social ou au niveau économique?
M. Viau: Les deux, j'imagine... Mme Rochon: Les deux.
M. Viau: ...parce que quand il y a un impact économique,
nécessairement, il y a un impact social.
Mme Rochon: L'impact social serait d'abord que les femmes en
prennent conscience et qu'elles aillent prouver à tout le monde qu'elles
sont capables de faire certaines choses; l'impact économique serait le
résultat que l'on a aux États-Unis, une plus grande
productivité, un absentéisme moindre quand les femmes y sont en
plus grand nombre. Je pense que cela pourrait être un impact de ce
genre-là. Je ne sais pas s'il y a des choses à rajouter
là-dessus.
Mme Couture (Louiselle): Je me permettrais juste une remarque
supplémentaire. Dans votre comté, par exemple, on doit finalement
habituer les femmes à évaluer différemment leur
expérience, c'est-à-dire non pas à la comptabiliser mais
à tenter de monnayer l'expérience acquise antérieurement.
Souvent une femme qui, pour tout un ensemble de raisons fort respectables, ne
s'est jamais présentée sur le marché du travail et qui
désire le faire à un moment donné doit finalement jeter
sur sa propre expérience antérieure un regard différent.
Finalement c'est une activité, à certains égards, de
formation que des organisations font.
M. Viau: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a une
conscientisation personnelle à faire quand on décide d'entrer sur
le marché du travail, mais la reconnaissance comme telle du travail
domestique et du travail bénévole, j'en suis totalement. Il reste
que je crois qu'on devrait ou on peut peut-être, c'est vous qui allez me
le dire, tenter d'aller plus loin que de dire qu'on inclut ce
travail-là, il faut le reconnaître. Avez-vous des façons de
permettre à une société comme la nôtre de
reconnaître d'une façon ou d'une autre le travail
bénévole, le travail des femmes? Quand vous allez postuler un
emploi, vous déposez votre curriculum vitae. L'acquis qu'on a
d'expérience de travail en milieu familial ou en milieu d'organismes
bénévoles ou populaires, comment voyez-vous la reconnaissance de
ce travail-là? Comment cela pourrait-il se manifester pour une
femme?
Mme Couture: Pour moi, cela pourrait être
comptabilisé tout simplement. Si une femme essayait de traduire
l'expérience qu'elle fait tous les jours dans sa maison, par exemple, en
gestion du temps... Il y a quand même un travail d'organisation dans la
tenue d'une maison. Souvent, ce n'est pas reconnu sur le marché du
travail et ce n'est pas traduit dans un langage que les employeurs comprennent
ou valorisent. Il y a une globalisation du travail domestique ou du travail
fait à l'intérieur de la maison qu'on qualifie globalement de
travail de la reine du foyer ou de la maîtresse de maison. Ce n'est
jamais divisé et ce n'est jamais comptabilisé. Je pense qu'une
femme qui se présente sur le marché de l'emploi, c'est
évident qu'un employeur sera intéressé, en regardant sa
fiche d'emploi ou son curriculum vitae, à voir concrètement dans
des termes qu'il comprend ce qu'elle a fait. Si elle a géré un
budget, cela arrive bien souvent, cela se dit finalement, toute la gestion que
les femmes font de leur temps, de l'argent de la famille. Certaines font des
placements, beaucoup font de la recherche. Finalement, c'est la façon de
le traduire qui ne se fait pas souvent. C'est-à-dire le traduire dans un
langage qu'un employeur comprend et dans un langage qu'il va accepter. Il faut
être clair là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député d'Iberville.
M. Beauséjour: C'est à la page 6 concernant
l'article 11, où vous signalez que vous avez une inquiétude
qu'aucun mécanisme de contestation ne soit prévu à
l'encontre d'un employeur qui n'aurait pas respecté le programme
prévu. Je voudrais savoir si votre inquiétude est vraiment
fondée.
Mme Rochon: Je pense qu'au fond c'est peut-être une chose
que j'aurais dû enlever, parce que je pense que dans la charte on
prévoit qu'il y a un mécanisme de recours non seulement pour la
discrimination systémique ou la discrimination au départ, mais
aussi pour le non-respect de l'employeur vis-à-vis d'un programme
déjà établi. Je pense qu'il y a un recours
déjà, que j'ai appris tout à l'heure. J'ai passé
sur ma phrase alors que j'aurais dû la supprimer. Je m'en excuse.
M. Beauséjour: D'accord, cela vient expliquer mon
interrogation.
Mme Rochon: Vous étiez très au courant.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M.
Beauséjour: Oui. Merci.
Le Président (M. Gagnon): II n'y a pas d'autres questions?
Je remercie Mme Denise Rochon ainsi que Mme Louiselle Couture et la
Fédération des femmes du Québec pour leur excellent
mémoire.
J'invite maintenant le groupe Action travail des femmes,
représenté par Mme Dominique Leclercq. Nous allons suspendre nos
travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 26)
Action travail des femmes
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des institutions poursuit ses travaux. Lors de la
suspension, j'avais invité à prendre place le groupe Action
travail des femmes, représenté par Mme Dominique Leclercq ainsi
que par Mme Liza Nova? C'est cela?
Une voix: Novak.
Le Président (M. Gagnon): Mme Novak, excusez-moi.
Mme Leclercq: Oui. Justement, ma compagne va m'asssiter au cas
où je perdrais la voix. C'est pour cela qu'elle est à
côté de moi, aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): Alors, je n'ai pas à vous
rappeler que vous avez 55 minutes. Vous êtes déjà des
habituées de la commission. Je vous cède la parole
immédiatement.
Mme Leclercq: Oui. Je vous remercie beaucoup. Donc, je suis
d'Action travail des femmes, permanente dans l'organisme, qui est un groupe de
femmes d'environ 500 membres et qui s'adresse, depuis 1976, aux femmes à
la recherche d'un emploi. Notre travail auprès des femmes qui se
heurtent à la discrimination systémique quand elles veulent
pénétrer des secteurs d'emplois traditionnellement
réservés aux hommes, parce que mieux payés, offrant
sécurité d'emploi et possibilités de promotion, nous a
amenées à réclamer depuis plusieurs années que le
Québec adopte une législation efficace pour remédier,
précisément, à cette discrimination.
Je suis contente que M. le député de D'Arcy McGee soit
revenu, parce que je voudrais lui dire qu'à la CTCUM ce n'est plus 8
chauffeuses d'autobus qu'il y a, mais de 24 à 30. Nous, on le voit comme
l'un des premiers fruits de notre victoire contre le Canadien National
où on a obtenu, comme vous le savez, pour la première fois au
Canada, un programme d'accès à l'égalité
imposé par un tribunal à une compagnie. Quelque temps
après, on a reçu un appel de la CTCUM qui nous a dit qu'elle
voulait engager plus de femmes chauffeurs d'autobus. Nous avons dirigé
beaucoup de femmes à la CTCUM, dont une bonne proportion a
été sélectionnée. La CTCUM nous en a, d'ailleurs,
félicitées. C'est vous dire l'impact que peut avoir sur des
compagnies un programme imposé. Ce n'est pas la seule, d'ailleurs, qui
nous ait contactées. C'est tout de même quelque chose
d'important.
Nous avons présenté des mémoires à chaque
commission parlementaire sur l'accès à l'égalité.
Je dois dire que nous espérons que celui-ci soit le dernier. Ce n'est
pas qu'on n'aime pas venir à Québec, mais cela nous fait quand
même énormément de travail et cela nous coûte cher,
finalement, et vous savez qu'on n'a pas tellement d'argent.
En adoptant ce projet de règlement du 26 juin 1985, que nous
recommandons fortement, ce que nous voulons dire ici, c'est que le
Québec serait loin de faire cavalier seul en Amérique du Nord en
matière d'accès à l'égalité. C'est ce que
nous allons essayer de démontrer dans ce petit mémoire qui est
très court, mais qu'on veut comme une espèce de bibliographie sur
les rapports que, peut-être, vous aimeriez lire et surtout que ces
personnes du Conseil du patronat, de l'Association des manufacturiers, que vous
allez rencontrer demain, auraient peut-être intérêt à
parcourir plus attentivement. En tout cas, cela ne leur ferait pas de mal.
Nous n'allons pas reprendre les points soulevés ce matin par
rapport au projet de règlement, puisque nous avons participe à la
rédaction du mémoire de la Coalition des femmes pour
l'accès à l'égalité et que nous le soutenons tout
à fait. Mais ce mémoire est, dans le fond, un complément
à la contribution que nous avons présentée avec nos
compagnes, ce matin.
Une fois de plus, nous voulons insister sur la nécessité
d'avoir, dans une définition des programmes d'accès à
l'égalité, des objectifs numériques et un
échéancier, comme c'est le cas du projet de règlement.
Sinon il n'y a pas de programmes d'accès à
l'égalité. On peut les appeler autrement. On peut les appeler
programmes d'équité, on peut les appeler programmes de toutes
sortes mais ce ne sont plus des programmes d'accès à
l'égalité, voyez-vous?
Alors, notre présentation. L'expérience américaine.
Il y a le fameux Titre VII et les cours de justice, le "contract compliance
program" qui est l'obligation contractuelle aux États-Unis. Nous allons
vous mentionner l'étude du Potomak Institute, le rapport Crump, le
rapport Hatch, l'enquête du
Center for National Policy - vous allez excuser mon anglais mais je
pense que c'est presque du français dans ce cas. Ensuite, nous verrons
la Loi canadienne sur les droits de la personne, ce qu'elle prévoit, les
programmes spéciaux en matière d'emploi et ses critères de
mise en application. Nous dirons quelques mots sur l'ordonnance du Tribunal
canadien des droits de la personne dans la cause Action travail des femmes
contre les Chemins de fer nationaux du Canada. Nous allons mentionner la
Saskatchewan Human Rights Code et ses règlements qui sont aussi
très, très bons. Enfin, nous avons repris en résumé
les recommandations sur le projet de règlement et sur l'obligation
contractuelle qui sont les mêmes que celles que vous ont faites la
Coalition des femmes pour l'accès à l'égalité.
L'expérience américaine. Donc, comme peut-être tout
le monde ne le sait pas, il existe deux sortes d'action positive aux
États-Unis: celle qui découle du Titre VII du Civil Rights Act,
qui a été adopté en 1967, et celle qui découle du
décret du président Lyndon Johnson de 1965 dont parlait ma
collègue de la Fédération des femmes du Québec tout
à l'heure, mais toutes les deux, ces deux types d'action positive
aboutissent à des résultats très tangibles pour les femmes
et les minorités visibles.
Donc, cette expérience américaine confirme, en effet,
l'importance de l'imposition de programmes d'accès à
l'égalité par les tribunaux. Nous citons à ce propos MM.
Peter Robertson et Daniel Leach, qui sont tous deux des anciens directeurs de
la commission américaine chargée de l'application de la loi
antidiscriminatoire aux États-Unis. Ces deux personnes disent que ce
n'est qu'à cause de l'imposition de programmes par les tribunaux et de
menaces de poursuites judiciaires que les employeurs mettent sur pied
maintenant des programmes d'accès à l'égalité. Vous
avez les deux citations au bas de la page.
De plus, les cours de justice américaines ont choisi d'imposer
des objectifs numériques et des échéanciers car elles ont
constaté que c'était le seul remède efficace à la
discrimination. De nombreux cas de jurisprudence sont cités à ce
propos dans le volume "Employment Discrimination Law", qui est un volume comme
cela, qui est vert, que je ne vous ai pas apporté aujourd'hui parce
qu'il est quand même assez lourd. Je pense que ce serait quand même
intéressant de le consulter étant donné que je vous ai
indiqué ici les pages bien pertinentes à la question des
objectifs numériques et des échéanciers, qui vous disent
à quel point cela a été jugé important par les
tribunaux et quelle abondante jurisprudence il y a aux États-Unis
à ce propos. Il a été publié par l'American Bar
Association. Je vous passe les pages.
Maintenant, nous arrivons au décret présidentiel,
l'"executive order" 11246 et qui est le fondement de l'obligation contractuelle
aux États-Unis. Depuis 1965 et depuis 1968, alors qu'on y a inclus le
critère du sexe, parce qu'avant c'était seulement la race, "tout
employeur américain qui utilise les services de plus de 50
employés et qui veut soumissionner pour l'obtention d'un contrat
gouvernemental valant 50 000 $ ou plus doit démontrer qu'il a
adopté une politique de non-discrimination dans l'emploi et qu'il a mis
sur pied un programme d'action positive conforme aux instructions
détaillées émises par le ministère du Travail. Ce
programme doit être en opération si un soumissionnaire
désire obtenir un contrat gouvernemental". Ceci est cité à
la page 139 de l'Ordonnance du Tribunal canadien des droits de la personne dans
la cause Action travail des femmes contre CN. Ce qui est bien important, et je
le souligne ici, ce soir, c'est que depuis 1972 ces fameuses instructions
détaillées stipulent que ces programmes doivent comporter entre
autres des objectifs numériques et un échéancier. C'est
cela qui a fait toute la différence; à partir de 1972 dans les
programmes d'accès à l'égalité, on a vu qu'il y
avait une amélioration absolument incroyable de la situation des femmes
dans les entreprises. C'est dans le fond ce que disent les rapports que je vous
ai mentionnés tout à l'heure et que je mentionne ici. Vous avez
d'abord le premier dans "A decade of new opportunity"... Si tu veux, tu peux
peut-être lire cela.
Mme Novak: Il a été publié par le Potomac
Institute en 1984. Herbert Hammerman y constate que jusqu'en 1972 les
programmes d'accès à l'égalité alors existants
n'ont rien changé pour les populations cibles, alors qu'après
1972, année où on a introduit des objectifs quantifiables et un
échéancier dans les programmes d'accès à
l'égalité imposés par l'obligation contractuelle, cela a
fait une différence pour les groupes visés. Je continue?
Le rapport Crump publié en avril 1983 par l'Office of Federal
Contract Compliance Programs est une étude faite sur la période
de 1974 à 1980 pour comparer la performance des entreprises ayant un
contrat avec le gouvernement fédéral couvertes par le "contract
compliance program" et celle des autres entreprises.
Et on cite: "Les résultats des analyses montrent que les
établissements couverts par l'"executive order" ont fait des gains
considérablement plus grands dans l'emploi et la promotion des
minorités et des femmes que ceux non couverts et les ont fait dans
toutes les catégories d'emploi spécialement
étudiées"; c'est la page 7. Nous ne donnerons ici qu'un seul
exemple chiffré, tiré de la
page 8 du rapport: "La participation des femmes dans la main-d'oeuvre
des entreprises contractantes a augmenté de 15,2 % alors qu'elle n'a
augmenté que de 2,2 % dans les cas des non-contractants."
Mme Leclercq: Vous voyez la différence là, 15.2 %
des entreprises avec obligation contractuelle et 2.2 % dans les entreprises qui
ne l'avaient pas. Je crois que les chiffres parlent d'eux-mêmes. C'est un
rapport intéressant à lire si vous voulez le lire.
Mme Novak: Je continue? Mme Leclercq: Oui.
Mme Novak: Rapport de la commission Hatch (Committee on labor and
human resources, United States Senate) d'avril 1982. Ce rapport a
été fait à la suite d'une année d'étude,
lancée en avril 1981, incluant cinq jours d'auditions avec des
témoins représentant les femmes, les minorités et les
milieux d'affaires, de manière équilibrée. "Les auditions
ont révélé un attachement profond des Américains
(an "inspiring commitment") de tout milieu à l'intention première
de l"'executive order" 11246 d'éliminer les barrières de la
discrimination en emploi et d'augmenter les possibilités d'emploi des
minorités et des femmes. Ce qui a été l'objet des
débats n'a pas été de savoir si l'investissement
fédéral dans les chances égales d'emploi ou dans l'action
positive devait continuer ou non. Les deux ont reçu un fort appui.
L'objet du débat a été l'efficacité de l'Office of
Federal Contract Compliance Programs à réaliser l'intention de
l'"'executive order" 11246."
Il s'agit donc d'un problème d'efficacité administrative
et non d'une remise en cause du bien-fondé des programmes d'accès
à l'égalité avec objectifs quantitatifs et
échéancier.
Mme Leclercq: Donc, cela est un rapport très important
puisque les employeurs aussi bien que les groupes de femmes et de
minorités visibles ont été unanimes en disant que
c'était vraiment important d'avoir cette obligation contractuelle et ces
programmes d'accès à l'égalité, ce qui est tout de
même assez intéressant.
Mme Novak: Je continue?
Mme Leclercq: Tu continues, oui.
Mme Novak: Une enquête, publiée en 1983 par le
prestigieux Centre pour la politique nationale à Washington, a
été faite auprès des 50 entreprises ayant les plus gros
contrats avec le gouvernement et sélectionnées au hasard dans 11
villes américaines. On a demandé à la direction de ces
entreprises d'évaluer l'obligation contractuelle. Ces employeurs ont
attribué la baisse du taux de roulement de la main-d'oeuvre, un meilleur
moral du personnel et une productivité accrue aux programmes
d'accès à l'égalité qui doivent être mis sur
pied comme conditions pour avoir des contrats du gouvernement
fédéral. La même étude a aussi
démontré que l'obligation contractuelle a permis une
amélioration significative de l'emploi des femmes et des
minorités dans les 50 entreprises faisant l'objet de
l'enquête.
Mme Leclercq: Maintenant, on va changer de pays. Donc, la loi
canadienne, entrée en vigueur en 1978, tient largement compte de la
jurisprudence américaine. Elle fait état des programmes
spéciaux dans ses articles 15.1, 15.2 et 41.2a. Je le dis tout de suite,
la loi canadienne prévoit que la discrimination à rebours n'est
pas possible, c'est-à-dire que cela n'existe pas au Canada et que cela
n'existe pas non plus au Québec avec la fameuse charte, puisque c'est
prévu à l'article 86.1: Tout programme d'accès à
l'égalité n'est pas discriminatoire. Cela veut dire que la
discrimination à rebours n'existe pas au Canada. C'est très
important. Aux États-Unis, on a dû aller devant les tribunaux pour
remédier à ce problème qui n'avait pas été
prévu au départ, mais nous ne l'avons pas. Je vous donne cela
comme argument à donner demain aux employeurs.
Donc, il n'y a pas de règlement, à proprement parler, pour
la loi canadienne, mais il y a un guide qui s'intitule "Programmes
spéciaux en matière d'emploi: critères de mise en
application", guide très précis dans lequel on décrit...
Je vais te laisser lire, parce que...
Mme Novak: ...dans lequel la Commission canadienne des droits de
la personne décrit les trois éléments essentiels d'un
programme spécial, c'est-à-dire "visant à améliorer
les chances des intéressés en rendant l'effectif plus
représentatif". À la page 15, on peut lire que "les objectifs
doivent être quantitatifs, c'est-à-dire qu'ils doivent faire
état, en termes mesurables, des changements qu'on vise à apporter
à la composition de l'effectif; que les objectifs doivent pouvoir
être atteints dans des délais précis et raisonnables" et
que des mesures doivent être "élaborées et
appliquées pour en arriver à une représentation
équitable" des groupes cibles désignés.
Enfin, pour évaluer le programme spécial, on essaie de
déterminer dans quelle mesure, il a atteint ses objectifs dans les
délais prescrits. C'est à la page 16.
Comme vous le savez sans doute, Action travail des femmes a obtenu, pour
la première fois au Canada, en vertu de la Loi canadienne sur les droits
de la personne,
qu'un véritable programme d'accès à
l'égalité pour les femmes soit imposé à une
compagnie et non des moindres, puisqu'il s'agit des Chemins de fer nationaux du
Canada.
Voici ce que dit le Tribunal canadien des droits de la personne pour
justifier sa décision rendue le 22 août 1984: "...il sera
difficile dans le cas du CN de remédier à la disproportion
marquée qui résulte des pratiques suivies depuis des
années. Il faut espérer qu'avec le temps, le
déséquilibre sera réduit, mais il nous apparaît que
la chose ne sera pas possible sans l'imposition d'un programme d'action
positive dans le cas qui nous occupe..."
 la page suivante, parce que c'était cité à
la page 166, le Tribunal cite EEOC versus Cook Paint and Varnish Co., pages
2104 et 2105, pour expliquer l'imposition temporaire d'un quota, moyen
considéré comme le plus efficace pour contrebalancer les effets
nocifs du système discriminatoire identifié. (16 h 45)
Nous terminons notre exposé avec un dernier exemple d'une loi
accompagnée de règlements forts. Il s'agit du Code des droits de
la personne de la Saskatchewan, lequel prévoit des programmes dans son
article 47.1 très similaires à l'article 15.1 de la loi
canadienne. Les règlements datent de juillet 1979 et sont aussi
précis que le projet de règlement que nous examinons
présentement au Québec, quant à la mise en oeuvre et au
suivi des programmes d'accès à l'égalité.
Finalement, à la dernière page du mémoire d'Action
Travail des femmes vous trouverez les recommandations qui ont été
soumises ce matin par la Coalition des femmes pour l'accès à
l'égalité. Voilà.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Mme Leclercq:
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, Mme Leclerq.
Même si vous avez une gorge comme la mienne...
Mme Leclercq: Oui.
Le Président (M. Gagnon): ...un peu grippée, cela a
bien été. Je passe immédiatement la parole... Pardon?
M. Marx: ...moi, après cela...
Le Président (M. Gagnon): Voilà. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Merci, Mme Leclercq.
Le Président (M. Gagnon): Excusez, M. le
député de Vachon, c'est le député de D'Arcy McGee,
je reviens à vous immédiatement après.
M. Payne: Ah bon!
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mmes
Leclercq et Novak pour une très intéressante présentation.
J'aimerais aussi féliciter l'Action Travail des femmes pour la cause
qu'elles ont gagnée avec les chemins de fer du Canadien National. J'ai
lu la décision un peu en diagonale parce que c'était assez
volumineux. J'aimerais vous demander ce que vous avez retiré de cette
décision en conclusion. Est-ce que cela vous inspire à
procéder de la même façon? Qu'est-ce que cela
démontre?
Mme Leclercq: Bien oui. Comme je vous ai dit, naturellement,
c'est une procédure très longue d'aller en justice...
M. Marx: C'est cela.
Mme Leclercq: ...mais c'est la seule façon de produire un
entraînement des autres compagnies, cela fournit un pool
d'entraînement. Quand je vous disais tout à l'heure qu'on a
été approchées quand même par la STCUM - ce n'est
pas rien - et par d'autres compagnies, et non des moins importantes, à
cause de notre victoire... Je crois que c'est directement lié à
notre victoire, parce que les compagnies se sont dit: Cela va nous arriver
à nous aussi. La preuve de la discrimination systémique, c'est la
statistique. Quand on a zéro femme chauffeur, ce n'est pas
compliqué à prouver, n'est-ce pas?
M. Marx: C'est cela.
Mme Leclercq: Quand on a zéro femme mécanicien,
zéro femme... C'est vite fait. C'est cela, la discrimination
systémique.
Évidemment, le fait que les compagnies sachent que les groupes de
femmes peuvent aller en justice contre eux, cela ne leur fait pas une
très bonne image publique, cela ne leur fait pas une bonne
publicité. Nous pensons que c'est pour cela qu'il nous faut cet
instrument dans le projet de règlement. C'est sûr qu'on ne va pas
pouvoir poursuivre toutes les compagnies. On va en poursuivre seulement
quelques-unes, mais cela encouragera les autres à faire quelque chose.
C'est donc pour cela qu'il nous faut un projet de règlement très
fort, comme celui qui est présentement devant nous. Nous non plus
n'accepterons rien de moins.
M. Marx: Donc, si je comprends bien, les compagnies qui vous ont
contactées sont plutôt favorables à faire des
démarches dans
ce sens c'est-à-dire des programmes d'accès à
l'égalité, et de s'y diriger...
Mme Leclercq: C'est cela, elles peuvent le faire puisque
l'article 86.1 est maintenant entré en vigueur.
M. Marx: C'est cela.
Mme Leclercq: Donc les programmes volontaires...
M. Marx: Mais les...
Mme Leclercq: Elles peuvent le faire...
M. Marx: Oui.
Mme Leclerccp Ce qu'il y a, c'est que vous voyez l'importance
d'avoir quand même le projet de règlement parce qu'elles
pourraient bien...
M. Marx: Bien oui.
Mme Leclercq: ...demain ou même déjà
maintenant s'arrêter si elles voient que la volonté politique
gouvernementale flanche.
M. Marx: Mais s'il n'y a pas de règlement, qu'est-ce que
sera un programme d'accès à l'égalité? Si on ne
suit rien, il n'y a pas de programme. Je pense qu'il faut avoir un...
Mme Leclercq: C'est cela.
M. Marx: ...modèle quelque part.
Mme Leclercq: Si vous voulez, c'est pour cela qu'il est
très important que le gouvernement et vous-même mainteniez votre
volonté politique de l'adopter, sinon les compagnies vont dire: Bon,
ça y est, on n'a pas besoin de femmes. À nouveau, on repart en
arrière.
M. Marx: D'accord. Vous avez parlé des États-Unis
et j'ai ici une feuille, qui fait partie de tout contrat où il faut
suivre les programmes d'accès à l'égalité, par
exemple, l'article 1: "Affirmative action for disabled veterans and veterans of
the Vietnam era..." Je ne vais pas citer le paragraphe qui suit, mais il fait
référence à un certain nombre de lois et de
règlements. Après cela, il y a l'article 2: "Affirmative action
for handicapped workers..." On fait référence une autre
fois à des lois et des règlements. Après cela, l'article
3: "Equal opportunity clause..." L'article 4: "Compliance with affirmative
action, reports and programs..." Vous avez déjà cité cet
article qui touche ceux qui veulent faire affaire avec le gouvernement ayant
des contrats de 50 000 $ et plus, et ainsi de suite. Donc, effectivement,
quelqu'un qui veut faire affaires avec les gouvernements aux États-Unis
doit se mettre à l'heure de l'égalité. Il n'y apas
de question, et ainsi de suite. Et je trouve que c'est très bon et
très intéressant que vous ayez dressé ce bilan de ce qu'on
fait aux États-Unis. Cela n'a pas fait couler les États-Unis et
cela n'a pas forcé les compagnies à faire faillite non plus.
Mme Leclercq: Et dans les autres provinces canadiennes aussi, en
Ontario, vous avez la possibilité d'avoir des programmes d'accès
à l'égalité. Il n'y a qu'une seule province qui ne l'a
pas. C'est Terre-Neuve.
M. Marx: D'accord, et vous avez souligné qu'en
Saskatchewan, il existe un règlement semblable au règlement qui
est devant cette commission.
En parlant des États-Unis, j'aimerais vous demander quelles sont
les faiblesses des programmes aux États-Unis, de la législation
américaine, de la réglementation. Est-ce qu'il y a certaines
faiblesses qu'il faut éviter ici?
Mme Leclercq: Je pense qu'on les a évitées. J'en ai
cité une tout à l'heure, la discrimination à rebours, par
exemple. Donc, on n'a pas ce problème au Canada ni au Québec.
M. Marx: Cela a été réglé. Oui, c'est
cela.
Mme Leclercq: C'est quand même un exemple, parce qu'il a
fallu aller beaucoup au tribunal aux États-Unis pour en arriver...
M. Marx: Oui, c'était à cause de la constitution
américaine. Ici, on a réglé cela par le biais de la
charte.
Mme Leclercq: Oui, c'est cela. Ici, c'est
réglé.
M. Marx: D'accord.
Mme Leclercq: La charte canadienne et aussi la loi canadienne
prévoit... La charte, la Loi canadienne des droits de la personne et la
charte du Québec prévoient toutes que ces programmes ne soient
pas discriminatoires. Donc, cela veut dire que la discrimination à
rebours n'existe pas dans ces trois lois.
M. Marx: Oui, d'accord. Donc, au Québec, il serait
impossible de contester la constitutionnalité d'un programme...
Mme Leclercq: Exactement.
M. Marx: ...d'accès à l'égalité. Vous
êtes tout à fait d'accord et c'est dans nos
deux chartes.
Mme Leclercq: D'accord. Comme je le disais tout à l'heure,
pour en revenir au problème aux États-Unis, cela semble
être quand môme d'ordre administratif, un peu ce que disait le
rapport que j'ai cité tout à l'heure, c'est-à-dire que
l'"Office of Federal Contract Compliance" mettait du temps; il y avait des
délais administratifs, etc. Je pense qu'on aura le même genre de
problème avec la Commission des droits de la personne, sauf si elle
décide - et cela pourrait être décidé après
tout - de bien fonctionner. Nous l'espérons très fortement et
nous le souhaitons, naturellement. Mais pas de problème d'ordre
juridique proprement dit. Je pense que si on a ce projet de règlement,
on a déjà au Québec une bonne base pour aller chercher des
programmes d'accès à l'égalité, quelques programmes
d'accès à l'égalité qui vont être des
exemples, et on peut commencer à bâtir à partir de
là.
M. Marx: Oui. Étant donné que je suis un ancien
commissaire de la Commission des droits de la personne du Québec, je
sais que la commission essaie de faire un bon travail et y réussit la
plupart du temps, presque toujours. Mais la commission a 40 personnes qui vont
s'occuper de ces programmes d'accès à l'égalité.
Est-ce que ce serait possible, d'après vos expériences et
d'après vos connaissances de l'administration de ces lois aux
États-Unis, que 40 personnes fassent tout ce travail pour tous les
programmes d'accès à l'égalité au
Québec?
Mme Leclercq: Nous, on est très réalistes. On va
commencer avec cela. On n'a pas tellement le choix. On ne va pas commencer
à dire: On voudrait 1000 personnes.
M. Marx: Oui.
Mme Leclercq: Peut-être qu'on en voudrait 1000.
M. Marx: Non, mais cela...
Mme Leclercq:. On va commencer avec 40. Allons-y et on verra
bien, parce que, finalement, si on n'a même pas ce projet de
règlement, il faut d'abord avoir cela et ensuite, on verra ce qui ne
fonctionne pas.
M. Marx: Oui, mais pour qu'un programme d'accès à
l'égalité devienne obligatoire, il faut que la commission prouve
qu'il y a une situation de discrimination il faut qu'il y ait une situation de
discrimination...
Mme Leclercq: Je m'excuse, mais je n'aime pas tellement que l'on
utilise le terme "obligatoire" parce que c'est un terme très ambigu. Il
vaut mieux dire un programme imposé par un tribunal...
M. Marx: Imposé, d'accord.
Mme Leclercq: Ou recommandé par la commission.
M. Marx: D'accord, imposé.
Mme Leclercq: Parce qu'il y a eu beaucoup de confusion, à
un tel point que des employeurs croyaient que si le règlement
était adopté demain, par exemple, ce serait obligatoire dans
toutes les compagnies du Québec.
M. Marx: Pour moi, obligatoire veut dire imposé.
Mme Leclercq: Ah bon! Si on s'entend sur le terme, il n'y
a pas de problème.
M. Marx: D'accord. Mais avant que ce soit imposé, il faut
que la commission constate une situation de discrimination.
Mme Leclercq: Oui.
M. Marx: Donc, cela prendra du temps avant que tout cela
fonctionne bien.
Mme Leclercq: Oui.
M. Marx: Parce que les compagnies vont peut-être contester
les décisions de la commission, elles vont aller en cour et avant que
l'on ait une jurisprudence et tout cela...
Mme Leclercq: Alors, c'est pour cela...
M. Marx: Adopter le règlement, ce n'est pas la fin de la
bataille, c'est le début d'une autre époque.
Mme Leclercq: Non, c'est un début et c'est pour cela que
l'on demande aussi l'obligation contractuelle qui permettrait d'aller beaucoup
plus vite. Mais voyez-vous, on ne peut pas brûler les étapes. Aux
États-Unis, il a fallu que les femmes - les Noires aussi - aillent
devant les tribunaux afin qu'il y ait après des programmes volontaires
qui aient un peu d'allure. On ne peut pas brûler les étapes, il
faut d'abord passer par les tribunaux. Après, quand on a l'obligation
contractuelle, viennent les programmes volontaires.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Marx: Pour que ce soit un programme en vertu d'une obligation
contractuelle, est-ce qu'il faut que la discrimination soit constatée
aussi?
Mme Leclercq: Bien non, puisque c'est le gouvernement qui va
décréter ou faire une nouvelle loi.
M. Marx: D'accord.
Mme Leclercq: Enfin, un décret est plus rapide, je
pense...
M. Marx: D'accord.
Mme Leclercq: ...qui va dire que ceux qui contractent avec le
gouvernement ou des organismes gouvernementaux devront avoir un programme
d'accès à l'égalité, comme c'est le cas
américain. Voyez-vous?
M. Marx: Oui.
Mme Leclercq: À ce moment-là, ce sera
différent.
M. Marx: Un dernier mot.
Mme Leclercq: J'ai une question pour vous aussi.
M. Marx: Je vois l'avantage. Cela veut dire qu'il y a une
auto-application du règlement, cela veut dire que chaque compagnie qui
fait affaires avec le gouvernement applique le règlement par
elle-même. "It is self-enforcing".
Mme Leclercq: C'est-à-dire que c'est le gouvernement qui
va lui dire: Si vous voulez avoir un contrat avec nous, il faut que vous
mettiez sur pied, comme on l'a dit tout à l'heure, un programme
d'accès à l'égalité.
M. Marx: C'est cela, donc, c'est "self-enforcing".
Mme Leclercq: C'est cela.
M. Marx: Et chacun, automatiquement, le fera. Il ne sera pas
nécessaire de faire toutes ces démarches.
Mme Leclercq: On n'ira pas en justice, non. C'est pour cela que
c'est plus rapide, voyez-vous?
M. Marx: C'est plus efficace.
Mme Leclercq: Mais il faut que ce soit avec le projet de
règlement quand même, c'est-à-dire qu'il faut que les deux
soient liés; le projet de règlement, dans le sens qu'il
définit ce qu'est un programme d'accès à
l'égalité, parce qu'on ne veut pas se retrouver, comme je le
disais ce matin, avec un programme d'équité en emploi.
M. Marx: Si je comprends bien, pour conclure, pour vous,
l'obligation contractuelle est tout à fait essentielle et même au
coeur d'un vrai programme d'accès à l'égalité
à l'échelle du Québec.
Mme Leclercq: Pour nous, ce qui est essentiel, c'est l'adoption
du projet de règlement du mois de juin tel qu'il est; ensuite,
l'obligation contractuelle et, ensuite, les mesures incitatrices dont le
mémoire de la coalition fait état. Mais l'essentiel - c'est
l'objet de notre présence aujourd'hui - c'est le projet de
règlement.
M. Marx: Oui. Il nous faut le règlement pour que les
autres éléments se tiennent.
Mme Leclercq: Exactement, pour obtenir les autres choses.
M. Marx: II faut que ce soit fondé sur quelque chose.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Mmes Leclercq et Novak, je vous remercie pour votre
mémoire de Action travail des femmes. C'est fort intéressant
d'analyser l'expérience américaine. Leur réflexion n'est
pas terminée non plus, on lit leur réflexion chaque jour dans les
journaux américains. En passant, je n'ai pas lu "A Decade of
Opportunity", en avez-vous une copie?
Mme Leclercq: Lequel, monsieur?
M. Payne: A Decade of Opportunity. C'est une étude faite
par le Potomac Institute, il y a deux ans.
Mme Leclercq: Je ne l'ai pas ici, mais vous pouvez l'avoir
à la Commission des droits de la personne du Québec. Vous
pourriez en obtenir une copie. (17 heures)
M. Payne: II serait intéressant de le déposer parce
que c'était un commentaire assez sérieux...
Mme Leclercq: Oui.
M. Payne: ...sur la situation. Cela pourrait peut-être
remettre en question quelques idées que j'avais moi-même. Cela
n'empêche pas que je suis encore persuadé par l'école de
pensée qui préfère les objectifs et les
échéanciers plutôt que les quotas. D'ailleurs, vous faites
amplement référence dans votre mémoire à la
nécessité d'avoir les objectifs
énumérés.
J'aurais quelques considérations politiques sur lesquelles je
voudrais demander votre réaction. Ayant à l'esprit l'arrêt
Stotts aux États-Unis, lequel risque d'avoir l'effet de remettre en
cause beaucoup de nos
objectifs, et plus récemment la décision du juge en chef
de la Cour fédérale qui a invalidé l'ordonnance du
Tribunal canadien des droits de la personne, cela nous indique que si on suit
ce chemin-là on aura des batailles politiques et législatives
énormes devant les tribunaux. On sait ce que cela donne.
Mme Leclercq: Vous parlez de l'arrêt Stotts et les
pompiers?
M. Payne: Je parle de l'ensemble. Si on s'engage vers une
approche plutôt par quotas, avec les objections qu'on a vues ailleurs,
que ce soit aux États-Unis ou au Canada, on risque de trouver des
embûches et des retards devant les tribunaux. En plus, une autre
considération, c'est que là où on a les quotas avec des
règlements bien détaillés, cela présume pour le
législateur ou pour l'exécutif au moins que vous avez
l'obligation de les contrôler. Par exemple, avec la loi 101, une
expérience assez comparable avec la situation qu'on voit ici, on avait
deux approches possibles. Une qui était excessivement dure, qu'on n'a
pas adoptée, pour enquêter sur chaque petite entreprise, pour
faire en sorte qu'on puisse vraiment scruter à la loupe chaque geste
posé pour faire en sorte que les PME ou les plus grandes entreprises
puissent laisser la possibilité aux travailleurs de s'exprimer en
français au travail. On n'a pas adopté cette approche-là.
C'est plutôt par incitation, dans l'ensemble, parce qu'on n'a pas le
moyen de contrôler le règlement.
Si on adopte l'approche par quotas on risque de tomber dans les
mêmes situations. Avez-vous des considérations à ce
sujet-là?
Mme Leclercq: Dans le projet de règlement on parle
d'objectifs numériques. On n'a pas parlé de quotas. Donc, on
appuie le projet de règlement. On parle d'objectifs
numériques.
Dans l'affaire Stotts dont vous parlez, avec les pompiers, c'est quelque
chose qui sera possible aux États-Unis mais qui ne sera pas possible au
Québec ou au Canada. Ce sera une chose différente à cause
de la manière dont justement les lois sont rédigées. Un
programme d'accès à l'égalité n'est pas
discriminatoire, comme je le disais tout à l'heure, alors qu'aux
États-Unis ils n'ont pas cela. C'est pour cela qu'ils ont en ce moment
un petit problème par rapport à l'ancienneté. Nous ne
l'aurions pas puisque dans nos lois, charte canadienne, loi canadienne des
droits de la personne et charte québécoise, auxquelles les
règlements s'attachent, on n'a pas ce problème-là. L'autre
chose...
M. Payne: D'accord, on s'entend, parce qu'à un moment
donné j'avais compris que vous visiez également les quotas en
plus des objectifs numériques.
Mme Leclercq: On a parlé d'objectifs numériques.
D'accord?
M. Payne: D'accord.
Mme Leclercq: Dans la décision - je crois que c'est de
cette décision-là dont vous parliez - de la Cour d'appel par
rapport à la cause ATF contre le CN... Est-ce de cette décision
dont vous parliez?
M. Payne: Oui. Action travail des femmes versus CN.
Mme Leclercq: Les trois juges n'étaient pas d'accord, mais
c'est le jugement Hugessen... Ce n'est pas qu'il remet en cause la question du
contingentement, c'est que c'est une autre question en fait. C'était la
question de la prévention versus le rattrapage. Ce n'était pas
qu'il remettait en cause... Il a appelé cela le contingentement
plutôt que les quotas. Ce qu'il voulait, c'était que cela soit mis
pour de la prévention et non pour du rattrapage. Donc, c'est une autre
question juridique et je ne pense pas qu'on veuille s'embarquer
là-dedans aujourd'hui. Mais il n'a pas vraiment remis en cause la
question des quotas, comme il le dit, qui avaient été
imposés dans le cas du premier jugement. Vous voyez, je trouve cela
quand même important de bien faire la différence à ce
sujet.
La dernière chose dont vous parliez, c'était des petites
entreprises. C'est sûr qu'on ne pourra pas avoir des programmes
d'accès à l'égalité pour les entreprises de moins
de 50 employés. Cela n'a aucun sens. Il faudra que ce soit des
entreprises ayant un minimum de 50 employés. Je pense qu'on n'a pas trop
de problèmes avec les PME.
M. Payne: Oui. Le problème, c'est toujours avec les
très petites.
Mme Leclercq: Oui, c'est cela. Mais on ne pourra pas mettre des
programmes d'accès à l'égalité.
M. Payne: C'est sûr. Que pensez-vous des 200 000 $... Je
pense que, pour les Américains, c'est plutôt 50 000 $.
Mme Leclercq: C'est cela, oui. J'ai même vu dans un texte
le montant de 10 000 $ aussi.
M. Payne: Ah oui?
Mme Leclercq: Enfin, disons que c'est 50 000 $. Au Québec,
je pense que 200 000 $, c'est quand même beaucoup. Il faudra s'attendre
à un petit peu moins. Je
vais redire ce qu'on a dit ce matin à ce propos...
M. Payne: Plusieurs ont...
Mme Leclercq: On dit qu'il faut le diminuer, mais on ne sait pas.
Il faudrait voir cela de plus près, effectivement.
M. Payne: Plusieurs groupes, ce matin -deux ou trois, je pense,
c'est-à-dire trois avec vous - ont suggéré que cela
devrait diminuer.
Mme Leclercq: Oui. Nous aussi, on est d'accord.
M. Payne: Ce serait peut-être, d'ailleurs, une
manière subtile de contrôler davantage les PME, en diminuant les
200 000 $ jusqu'à 100 000 $ ou un autre chiffre, n'est-ce pas?
Mme Leclercq: Cela voudrait dire qu'il y aurait plus d'employeurs
qui seraient obligés d'avoir des programmes d'accès à
l'égalité.
M. Payne: Voilà!
Mme Leclercq: Cela irait plus bas que les grosses compagnies,
effectivement...
M. Payne: Donc, vous...
Mme Leclercq: ...mais sans arriver aux petites, petites
entreprises. Cela, c'est sûr.
M. Payne: Donc, a fortiori, on pourrait, de cette manière,
toucher plus de petites compagnies.
Mme Leclercq: Absolument. Oui, oui. M. Payne: Je vous
remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de D'Arcy McGee,
suivi du député de Rousseau.
M. Marx: J'aimerais souligner qu'aux États-Unis, c'est
bien 50 000 $ pour les programmes d'accès à
l'égalité. Mais ils ont un autre programme...
Une voix: ...
M. Marx: C'est 50 000 $. Je m'excuse. Il y a un autre programme
aussi: "Utilization of Women Owned Business Concerns", c'est-à-dire des
entreprises qui appartiennent aux femmes; c'est 500 000 $. J'ai seulement un
paragraphe... C'est intéressant aussi, parce que ce n'est pas seulement
un programme d'accès à l'égalité mais
également pour les entreprises qui appartiennent aux femmes.
Admettons qu'on adopte ce règlement avec des modifications pour
le rendre plus fort...
Mme Leclercq: ...II est bien.
M. Marx: D'accord. Admettons qu'on adopte le règlement,
admettons que le gouvernement dépose un décret en ce qui concerne
l'obligation contractuelle et qu'on applique le règlement à ces
compagnies. D'accord? On va rester avec l'article 7, paragraphe 3, qui stipule:
"Les mesures de redressement visent à éliminer la discrimination
subie par un groupe de personnes en accordant temporairement à ses
membres certains avantages préférentiels". C'est-à-iiire
éliminer la discrimination subie par un groupe. Il serait donc
nécessaire de prouver qu'il y a eu discrimination envers ce groupe avant
que le programme de redressement soit appliqué. Il y a toute une
démarche. Ce n'est pas comme...
Mme Leclercq: Une démarche juridique. M. Marx:
C'est cela.
Mme Leclercq: Il va falloir aller en cour pour...
M. Marx: II va falloir aller en cour, le cas
échéant.
Mme Leclercq: ...faire la preuve... Mais la preuve
3ystémique, vous savez qu'elle est très facile à faire,
dans le fond. Les statistiques parlent.
M. Marx: Est-ce qu'aux États-Unis, c'est très
facile à prouver?
Mme Leclercq: Ce sont les statistiques... C'est cela. Pour les
tribunaux américains, ce sont les statistiques qui parlent.
M. Marx: Supposons que je vous dise -je pense que c'est vrai -
qu'il y a peu d'hommes qui sont infirmiers. Est-ce que vous allez dire que
c'est de la discrimination systémique à cause des chiffres?
Mme Leclercq: Bon. Là, on ne va pas... M. Marx:
À cause des...
Mme Leclercq: Attention, parce que là on dit: Les groupes
victimes de discrimination. Les hommes blancs en Amérique du Nord...
M. Marx: Dans la profession d'infirmier...
Mme Leclercq: ...ne sont pas des groupes victimes.
Une voix: Ou de secrétaire.
M. Marx: ...ou de secrétaire. Parce qu'il n'y a pas
d'homme secrétaire à l'Assemblée nationale, est-ce qu'on
va dire qu'à cause des statistiques il y a de la discrimination? Je
pense que non.
Mme Leclercq: Non. Des groupes victimes de discrimination en
général dans la société.
M. Marx: Non, mais je pense que ce n'est pas assez juste de
prendre les statistiques. Peut-être que dans certains cas ce sera assez
mais dans d'autres cela prendra une preuve plus concluante, il me semble.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Leclercq.
Mme Leclercq: Quand des femmes vont déposer des plaintes
parce qu'elles n'ont pas accès au travail dans une compagnie, si elles
prouvent qu'il n'y avait pas de femmes dans cette compagnie cela va être
suffisant pour un tribunal pour décider d'imposer un programme
d'accès à l'égalité. Ce n'est pas plus
compliqué que cela, n'est-ce pas?
M. Marx: Je ne suis pas sûr que nos tribunaux seront aussi
libéraux que vous dans l'interprétation de ce
règlement. C'est à voir.
Mme Leclercq: Je ne dis pas que ce n'est pas une question mais on
va les encourager si on peut.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Rousseau.
M. Blouin: Merci. Mme Leclercq ou Mme Novak, si j'ai compris
l'approche que vous nous soumettez, vous souhaitez, que chaque fois qu'une
entreprise contracte avec le gouvernement, elle soit dans l'obligation
d'implanter un programme d'accès à l'égalité. Vous
postulez donc que dans la presque totalité des cas les entreprises ont
des problèmes de discrimination systémique. Est-ce que vous
seriez en totale contradiction avec une autre approche qui aurait pour effet de
dire: Si on observe de la discrimination systémique on exigera un
programme d'accès à l'égalité. Mais, dans le cas
contraire, pour des entreprises qui sont à leur face même
correctes dans leur gestion et dans leur embauche, on n'exigera pas inutilement
de programme d'accès à l'égalité.
Mme Leclercq: Vous voulez dire au niveau de l'obligation de
contracter avec le gouvernement. C'est sûr que si une entreprise va dire
au gouvernement: Écoutez, j'ai tant de femmes dans tel métier et
tant de femmes là, le gouvernement va dire, c'est très bien,
c'est parfait. Vous pouvez contracter. C'est ce qui se passe aux
États-Unis. Si l'entreprise dit qu'elle a un certain nombre de femmes
dans les métiers non traditionnels, par exemple, cela va être
acceptable. C'est cela un programme d'accès à
l'égalité. Cela veut dire qu'ils l'ont déjà fait
avant. C'est parfait. Il n'ont qu'à montrer leurs statistiques, c'est
tout.
M. Blouin: Autrement dit, dans la mesure où des
entreprises agiraient, entre guillemets, "correctement", elles ne seraient pas
tenues de multiplier les...
Mme Leclercq: Mais non. C'est sûr que cela va être
regardé. C'est cela l'obligation contractuelle. C'est de demander:
Avez-vous déjà des femmes - enfin, si on prend le cas des femmes
- dans les métiers? Quelle est la répartition des femmes dans
votre entreprise? Si on juge que c'est bien, que c'est conforme à ce que
cela doit être minimalement, cela ira.
M. Blouin: Et qui devrait déceler ces corrections ou ces
incorrections?
Mme Leclercq: C'est le gouvernement, avant de contracter. C'est
comme cela que cela se fait aux États-Unis. Ils ont cet Office of
Federal Contract Compliance qui est chargé de vérifier si les
compagnies ont mis en place, dans le cas où c'était
nécessaire, des programmes d'accès à
l'égalité ou si elles ont assez de minorité visible ou de
femmes dans la compagnie.
M. Blouin: Cela va. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Rousseau. Mme la députée de
Jonquière.
Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Lors de
l'intervention du groupe qui vous a précédées, Mme
Leclercq et Mme Novak, c'est-à-dire la Fédération des
femmes du Québec, on avait élargi la notion d'obligation
contractuelle jusqu'à des entreprises subventionnées. C'est le
seul groupe qui a mentionné l'obligation pour des entreprises
subventionnées. Est-ce que vous avez étudié cette
éventualité ou si vous l'avez tout simplement
écartée?
Mme Leclercq: Je ne peux pas vous dire qu'on l'a vraiment
étudiée mais c'est certain que nous avons déjà
mentionné à quel point il y avait beaucoup d'argent des
contribuables qui allait dans les subventions. Alors, on ne serait certainement
pas en désaccord avec ce genre d'approche de nos collègues, parce
qu'on a déjà mentionné à
plusieurs reprises que les subventions données pour installer de
la microtechnologie, etc., c'est l'argent des contribuables et qu'on pourrait
le vouloir ailleurs, dans les hôpitaux, par exemple. C'est une approche
avec laquelle on ne serait pas en désaccord.
Mme Saint-Amand: Êtes-vous informée si cette mesure
est en application aux États-Unis?
Mme Leclercq: Pour les...
Mme Saint-Amand: Pour les entreprises subventionnées.
Mme Leclercq: Je ne le sais pas. Je ne pourrais pas vous
répondre aujourd'hui mais on peut le savoir très facilement. Je
pense que la Commission des droits de la personne pourrait le savoir. Sinon, je
peux m'informer et vous répondre.
Mme Saint-Amand: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Madame. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Très brièvement, M. le
Président, je voudrais demander à Mme Leclercq et à Mme
Novak si elles sont d'accord avec l'idée de la création d'un
fonds d'aide pour faciliter le recours aux tribunaux. (17 h 15)
Mme Leclercq: Absolument. Nous étions partie à part
entière à la démarche de la coalition et bien sûr
que nous sommes absolument d'accord. Nous le réclamons au
fédéral aussi, comme vous le savez, parce que, sinon...
d'ailleurs, on n'aurait jamais pu payer notre cause en appel pour aller
à la Cour suprême contre le Canadien National si on n'avait pas
eu... Bon, là le gouvernement fédéral a accordé un
fonds pour nous, sinon on n'aurait jamais pu aller en Cour...
M. de Bellefeuille: C'était une décision ad hoc, je
crois.
Mme Leclercq: Oui, quant au fonds qui nous a été
octroyé. Mais nous l'avons toujours réclamé pour les
autres groupes aussi. Nous l'avons réclamé depuis notre
première victoire, mais depuis que le CN a décidé d'aller
en appel, nous avons réclamé un fonds pour tous les groupes
victimes de discrimination.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, pour une demi phrase, semble-t-il.
Mme Leclercq: J'ai une dernière question à vous
poser à vous, s'il vous plaît.
M. Marx: Je voudrais juste dire que quelqu'un m'a informé
qu'en Suède les compagnies qui sont subventionnées doivent avoir
des programmes d'accès à l'égalité. Donc, il faut
peut-être se mettre à l'heure de la Suède.
Mme Leclercq: Oui, j'aurais pu vous parler de l'Europe. Je ne
l'ai pas fait aujourd'hui. Je pensais qu'on avait assez de matière en
Amérique du Nord, mais, effectivement, c'est intéressant aussi,
bien sûr.
Le Président (M. Gagnon): Alors, vous avez le mot de la
fin.
Mme Leclercq: Cela ne va pas être très long. Je vous
remercie d'abord de m'avoir écoutée. La question, c'est ce projet
de règlement. Quand va-t-il entrer en vigueur et comment, au sujet des
délais, cela peut-il se passer? Est-ce que le gouvernement peut
décider de l'entrée en vigueur tout de suite?
Le Président (M. Gagnon): J'aimerais pouvoir
répondre à votre question, comme président de la
commission, mais je pourrais peut-être vous apporter une réponse
plus tard. Ce qu'on sait, c'est que, lorsque le travail de la commission sera
terminé, on a un rapport à faire, et, par la suite, le
règlement devrait entrer en vigueur. Peut-être que demain on
pourrait préciser pour donner une réponse plus claire.
Mme Leclercq: Nous la souhaitons fortement parce que si nous
avons des élections très bientôt, nous voulons avoir ce
projet de règlement avant les élections et je me permets de vous
rappeler encore cet après-midi que les femmes sont pressées
d'entrer dans les compagnies, d'avoir des meilleurs salaires, des conditions de
travail acceptables et une sécurité d'emploi pour pouvoir
élever leurs enfants décemment.
Le Président (M. Gagnon): Vous savez, je n'ai pas de
pouvoir sur la date des élections. Juste sur la commission
parlementaire... Oui, M. le député de Rousseau.
M. Blouin: Peut-être à titre d'information pour Mme
Leclercq, qu'on soit ou non en période électorale, le
gouvernement peut continuer à adopter des règlements, à
les mettre en vigueur. Qu'on soit ou non en période électorale,
le processus de réglementation n'arrête pas.
Mme Leclercq: Je trouve cela très important ce que vous me
dites aujourd'hui et j'espère bien que cela va être le cas,
que
le gouvernement ne s'arrêtera pas dans ce processus
entamé.
M. Blouin: Cependant, cela ne signifie pas nécessairement
que le programme, théoriquement - ce n'est pas moi qui vais prendre la
décision, mais je vous donne des informations techniques - sera
accepté avant les élections. Ce que cela signifie, c'est qu'une
période électorale n'enraye pas la procédure d'adoption
des différents règlements.
Mme Leclercq: Vous voulez dire que si la procédure est
entamée, même s'il y a des élections...
M. Blouin: On peut continuer.
Mme Leclercq: ...que cela pourrait être adopté juste
après les élections quel que soit le gouvernement en place, du
moment que la procédure a été entamée avant.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui, un instant. M. le
député de Vachon, un petit mot aussi, semble-t-il.
M. Payne: Si je vous comprends bien, vous dites que, si
l'inimaginable nous arrivait et que c'était, le parti de l'Opposition
qui accédait au pouvoir, vous craignez peut-être que cela ne soit
pas adopté?
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes, d'abord.
M. de Bellefeuille: Je veux seulement suggérer que le
rapport de la commission fasse état de l'intervention extrêmement
importante que le député de Rousseau vient de faire. Puisqu'il y
a cette possibilité d'élections qui flotte, il faudrait que la
commission recommande au gouvernement d'agir même s'il est en campagne
électorale.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais apporter une certaine correction parce que je
pense que le député de Rousseau était mal renseigné
sur cette question de l'adoption et de la mise en vigueur du règlement.
Je demande au député de Rousseau de lire l'article 86.9: "Le
gouvernement...
M. Blouin: L'article que vous...
Le Président (M. Gagnon): Attention!
M. Marx: Puis-je terminer, M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Rousseau!
M. Blouin: Oui, M. le Président. Est-ce qu'il s'agit de
l'article que vous ne compreniez pas ce matin?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau! M. le député de D'Arcy McGee, vous avez la parole.
M. Marx: Article "86.9. Le gouvernement, après
consultation de la commission -c'est la Commission des droits de la personne -
publie le projet de règlement à la Gazette officielle du
Québec avec un avis indiquant le délai après lequel ce
projet sera déposé devant la commission parlementaire élue
de la justice et indiquant qu'il pourra être adopté après
l'expiration des trente jours suivant le dépôt du rapport de cette
commission devant l'Assemblée nationale." Donc, M. le Président,
il faut que cette commission dépose le rapport devant l'Assemblée
nationale avant que le règlement soit adopté.
Donc, s'il y a des élections, il n'y aura pas de
dépôt devant l'Assemblée nationale, parce que je ne pense
pas qu'elle siège lors des élections. Donc, ce que le
député de Rousseau a dit, qu'on peut même adopter un
règlement durant la période électorale, ce n'est pas exact
dans le sens qu'il faut que le rapport soit déposé devant
l'Assemblée nationale et, si les élections sont
déclenchées, elle ne siège pas.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: M. le Président, le député de
D'Arcy McGee a beaucoup de difficulté avec l'article 86.9. Ce matin, il
confondait la Commission des droits de la personne avec la commission
parlementaire et...
M. Marx: Pas du tout, M. le Président.
M. Blouin: ... cet après-midi, ce que j'ai expliqué
simplement à nos intervenants, c'est que le gouvernement avait la
possibilité, en campagne électorale, évidemment, de
procéder selon les prescriptions de la loi.
M. Marx: II faut que ce soit déposé devant
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi!
M. Blouin: Ce que je peux vous expliquer à nouveau, c'est
que lorsque la commission termine ses travaux, elle dépose
son rapport à l'Assemblée nationale et le gouvernement,
qu'il soit ou non en période électorale, peut continuer les
procédures prévues dans la loi. Voilà!
M. Marx: Si les élections sont déclenchées
la semaine prochaine, l'Assemblée nationale ne siégera pas.
M. Blouin: Mais ce n'est pas vous qui déclenchez les
élections.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! C'est à cause de cela, madame, que je
vous disais que je vais demander plus d'information et que je pourrai vous
donner plus de détails demain. Je vous remercie, d'abord, de votre
apport à la commission, Mme Leclercq, ainsi que Action travail des
femmes. Je vais maintenant inviter le Comité de condition
féminine du réveil des assistés sociaux de Longueuil
à venir à la table. Nous allons suspendre les travaux pendant
cinq minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 23)
(Reprise à 17 h 28)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons maintenant entendre le comité de condition
féminine du Réveil des assistés sociaux de Longueuil
représenté ici par Mme Danielle Perron.
Juste avant de vous laisser la parole, vous êtes ici depuis le
matin, donc vous savez qu'on consacre 55 minutes par mémoire, soit
environ 20 minutes pour entendre votre mémoire et 35 minutes
d'échanges de propos avec les membres de la commission. Je voudrais
aussi demander immédiatement aux membres de la commission la permission
de poursuivre après 18 heures pour qu'on puisse terminer les travaux
avec ce comité. Vous êtes d'accord?
M. Marx: Consentement.
Le Président (M. Gagnon): En vous souhaitant la bienvenue,
je vous laisse le micro immédiatement.
CCFRASL
Mme Perron (Danielle): Bonjour. Je viens me joindre à
toutes les femmes, aux organismes de femmes qui ont présenté un
mémoire à la commission et aussi aux femmes qui n'ont pas pu
venir, souvent par manque de fonds, et qui n'ont pas pu se rendre à
Québec. Elles ont quand même présenté un
mémoire. J'imagine que plus on est d'organismes qui appuient une telle
recommandation, plus cela peut avoir d'impact.
Je viens rendre compte d'un mémoire sur ce projet de
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité. Je représente, comme vous avez dit
tantôt, le comité de la condition féminine du Réveil
des assistés sociaux de Longueuil. Nous sommes un organisme à but
non lucratif qui regroupe des assistés sociaux grâce aux
programmes de relance d'aide à l'emploi du gouvernement. Nous nous
occupons principalement de défendre les droits des assistés
sociaux, mais en fin de compte, nous sommes des assistés sociaux qui
défendons les droits d'autres assistés sociaux en plus de leur
fournir une formation, formation dans le sens personnel et social. On les aide
a monter des dossiers pour défendre leurs droits, à devenir
maîtres d'eux, si vous voulez. On les aide dans une démarche vers
l'autonomie, vers une réinsertion sociale afin de leur faire
découvrir des moyens de s'en sortir. Si on les aide à trouver des
moyens de s'en sortir, on aimerait bien que les futurs employeurs les aident
aussi dans leur cheminement parce que, pour nous autres, c'est
déjà notre façon de penser. On aimerait que cela continue
après, lorsqu'ils vont se trouver de l'emploi et que ce soit facilement
accessible pour eux.
Par ce mémoire, nous voulons transmettre à la commission
parlementaire notre position spécifique face au projet de
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité. Notre position a été discutée
avec des groupes de femmes de Montréal et des groupes de femmes de la
Table régionale de la Montérégie qui regroupe environ 20
groupes de femmes; on a aussi reçu des lettres d'appui de ces
groupes-là.
En tant qu'organisme défendant les droits des assistés
sociaux et en tant que comité de la condition féminine au sein de
cet organisme, nous représentons principalement les femmes
assistées sociales monoparentales inscrites dans des programmes de
relance du gouvernement.
Notre comité de la condition féminine se dit
entièrement d'accord avec le mémoire du CSF,
particulièrement les modifications proposées aux articles 1, 5,
9, 10 et 11. Je n'ai pas l'intention de faire tout ce que mes consoeurs ont
fait ce matin et cet après-midi par rapport à chaque article. Je
crois que vous étiez tous là pour en prendre connaissance. Pour
nous, une relève de l'équité sociale, c'est effectivement
que s'établisse un programme d'action concrète afin d'abolir les
injustices. C'est pour cette raison que nous appuyons fermement la mise en
application d'un tel projet de règlement. On n'a pas à faire non
plus le consensus; je crois que le consensus est déjà
établi sur la nécessité d'un tel programme.
Donc, à partir de notre situation, nous proposons que
l'accès à l'égalité soit appliqué par toutes
les personnes ou organismes qui
soumettent des projets dans le cadre des programmes de relance, pas
seulement dans l'emploi régulier ou dans les études. Peu
importent les modalités d'application, notre objectif est clair; c'est
plutôt de couvrir les programmes de relance du gouvernement ainsi que les
autres programmes de formation de la main-d'oeuvre par les programmes
d'accès à l'égalité. Déjà, la loi 86
prévoit que le gouvernement mettra en place de tels programmes dans ses
ministères. Pour nous, il est essentiel que le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu applique ces programmes
dans les programmes de relance. Donc, en tant que Comité de la condition
féminine du Réveil des assistés sociaux, nous recommandons
que l'ensemble du projet de règlement sur l'accès à
l'égalité s'applique également au niveau des programmes de
relance du gouvernement offerts aux assistés sociaux comme les stages en
milieu de travail, les travaux communautaires et j'en passe - il y en a
beaucoup - les bourses d'affaires, outils de gestion, soutien à l'emploi
et tout cela. C'est un peu tout. Si vous avez des questions...
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: J'aime cela. C'est court, c'est succinct, c'est simple
et clair. Mme Perron, je vous remercie. C'est clair aussi
particulièrement en ce qui concerne les programmes de relance du
gouvernement. Je pense que c'est une remarquable suggestion qui devrait
être prise en considération sérieusement. Cela pourrait
même être discuté dans le cadre de l'ensemble des
suggestions apportées aujourd'hui qui touchent, par exemple, tous les
programmes d'aide de la part du gouvernement. Il y a d'autres manières
de subventionner une entreprise que dans le cadre d'un programme direct de
création d'emplois et peut-être que ces entreprises devraient
avoir leurs propres conditions d'admissibilité aux programmes.
J'aurais une question, en particulier. Peut-être pouvez-vous, dans
l'intérêt de la commission, nous indiquer, relativement au groupe
que vous représentez... À propos des femmes assistées
sociales monoparentales inscrites aux programmes de relance du gouvernement,
quelles sont précisément -vous avez donné quelques
indications, mais pas trop - les situations de discrimination que vous avez
constatées? Vous avez dit que les chefs de familles monoparentales ne
peuvent pas bénéficier des mêmes privilèges que les
personnes seules pour un travail équivalent.
Mme Perron: D'accord. Dans le mémoire envoyé, on a
peut-être charrié, on en a peut-être mis un peu trop; il
porte plutôt sur l'accès à l'égalité des
chances prévue par la charte et ce n'est peut-être pas tout
à fait pertinent pour votre projet de règlement, mais...
M. Payne: Non. C'est un exemple légitime.
Mme Perron: C'est un exemple? Ah, d'accord. Je vais l'apporter.
C'est cela. Les chefs de familles monoparentales, en étant sur un
travail quasi bénévole d'un projet de formation ou un projet
Déclic, en tout cas, un projet de relance, sont moins
rémunérés que les assistés sociaux sans enfant, les
assistés sociaux inaptes au travail. On sait que la grosse
majorité des adultes aptes au travail, mais non disponibles, est
composée de femmes chefs de famille. Donc, elles sont moins
rémunérées pour un travail équivalent. Cela rentre
dans le cadre du travail égal, salaire égal.
M. Payne: C'est donc en partie à cause de la prise en
considération de leurs frais de garde dans la
rémunération. Est-ce exact?
Mme Perron: Oui, c'est cela, si facilement déduits de
leurs revenus.
M. Payne: Donc, c'est une discrimination.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mme
Perron pour être venue aujourd'hui présenter ce mémoire.
L'effet des programmes d'accès à l'égalité pourrait
bien être de permettre aux femmes qui sont des assistées sociales
de trouver de l'emploi comme le mentionnent les travaux d'Action travail des
femmes. Si on peut avoir ces programmes d'accès à
l'égalité, cela pourra ouvrir un certain nombre de postes aux
femmes. Je pense que ce serait une excellente chose, étant donné
que les femmes qui sont assistées sociales... Il n'y a pas le seul fait
d'être assistée sociale, il y a aussi le problème de la
discrimination systémique qui les empêche de trouver de
l'emploi.
Dans votre mémoire, vous avez écrit que vous voulez que le
règlement s'applique également aux programmes de relance du
gouvernement offerts aux assistés sociaux. Est-ce que cela veut dire que
vous voulez que les femmes assistées sociales soient avantagées
par rapport aux hommes, par exemple, qui sont assistés sociaux?
Mme Perron: Non, mais qu'elles soient couvertes au même
titre que si elles travaillaient dans une entreprise, ou qu'elles
aient le droit à l'accès autant que dans une entreprise.
C'est dans ce sens.
M. Marx: D'accord. Que l'entreprise soit couverte par le
règlement.
Mme Perron: Oui, que les gens qui sont engagés par une
entreprise sur un projet de relance soient couverts par le règlement sur
l'accès à l'égalité.
M. Marx: Oui, cela rejoint ce que la députée de
Jonquière a soulevé, que si une entreprise est
subventionnée, il faut faire en sorte que cette entreprise soit soumise
au règlement? Cela a été soulevé par la
députée de Jonquière...
Mme Perron: C'est au même titre.
M. Marx: Oui, c'est cela, c'est une idée à
considérer. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le député de
Saint-Jacques.
M. Viau: Je tiens à remercier Mme Perron de sa
présentation. Première question, est-ce que vous faites partie du
regroupement l'OPDS?
Mme Perron: Non.
M. Viau: Vous ne faites pas partie de l'Organisme populaire de
défense des droits sociaux?
Mme Perron: Non, mais c'est à peu près dans le
même sens que l'on travaille.
M. Viau: Je tiens à féliciter le Réveil des
assistés sociaux de Longueuil d'avoir décidé de participer
à cette commission. On mentionne là-dedans une chose
extrêmement importante, on parle de certains programmes qui ne
s'adressent souvent qu'aux jeunes; les programmes Déclic-Jeunesse ne
s'adressent qu'aux assistés de moins de 30 ans. Il y a plusieurs
interprétations quant à l'évaluation que l'on peut faire
de ces programmes afin, d'une part, d'augmenter vraiment l'employabilité
et, d'autre part, les motifs qui font que ceux qui en bénéficient
veulent vraiment augmenter leur employabilité.
Maintenant, j'aimerais poser une question; cela a constitué l'une
de mes préoccupations toute la journée: Quand on a parlé
d'assistés sociaux, on a mentionné au cours de la journée
des expériences pertinentes connexes pour permettre à une
assistée sociale ou à un assisté social - une
assistée sociale dans notre cas - de pouvoir se faire accréditer
une certaine expérience, soit de travail bénévole en
organismes ou encore du travail à la maison. C'est reconnaître le
travail ou l'expérience à la maison. Est-ce qu'il est facile pour
l'instant de voir dans le milieu une volonté de pouvoir
reconnaître justement ce travail-là a la maison ou dans des
organismes communautaires?
Mme Perron: On aide justement les gens qui ont recours à
notre organisme et qui doivent faire un curriculum vitae pour envoyer aux
employeurs. On les aide à faire valoir leur acquis. Tout ce qu'ils ont
acquis par le passé par du bénévolat ou par des actions,
on leur demande de le mentionner dans un curriculum vitae. On les aide à
faire cela pour éventuellement chercher de l'emploi et mettre en valeur
leur expérience pour montrer qu'ils n'ont pas niaisé tout le
temps.
Les assistés sociaux qui reçoivent des prestations d'aide
sociale depuis cinq ans, c'est peut-être un préjugé de dire
qu'ils n'ont rien fait pendant cinq ans. Ils sont souvent discriminés au
niveau de l'entreprise quand un employeur voit que le gars qui arrive
reçoit du bien-être social depuis cinq ans. Tout de suite il est
mal vu. Si on essaie de mettre en valeur ses acquis pendant cinq ans, ce qu'il
a fait: il n'a peut-être pas trouvé de l'emploi - c'est
peut-être deux ans - il n'a peut-être pas trouvé d'emploi
mais il a peut-être fait quelque chose d'important. On peut mettre cela
en valeur.
M. Viau: Vous avez répondu un peu à ma
deuxième question mais je vais vous la poser quand même. Est-ce
qu'on peut dire qu'une assistée sociale fait face à une double
discrimination, sa condition de femme qui fait en sorte qu'elle se voit
confrontée entre autres à des discriminations systémiques
et sa condition d'assistée sociale; cela fait en sorte qu'elle a un
double handicap pour ce qui est de trouver de l'emploi.
Mme Perron: C'est cela.
M. Viau: Quand on parlait de ces programmes d'accès
à l'emploi ou à l'employabilité vous avez mentionné
aussi quelque chose d'extrêmement intéressant au niveau des
familles monoparentales, c'est-à-dire d'avoir les ressources pour
permettre une plus grande autonomie pour permettre justement la recherche
d'emploi ou l'intégration sur le marché du travail. Pour vous,
est-ce qu'on pourrait pratiquement quantifier cela d'un droit, le droit
à l'autonomie? Est-ce qu'on pourrait tirer la ligne et aller
jusqu'à dire que la garderie, pour un chef de famille monoparentale
vivant sur l'aide sociale, ne compterait pas dans les droits acquis ou droits
connexes, faisant partie pour le développement de ces
personnes-là de programmes connexes ou de programmes d'appui?
Mme Perron: Oui mais vous pariez de garderie. Est-ce
considéré comme un revenu, la garderie?
M. Viau: Non. On parle depuis tantôt de permettre à
la femme ou au chef de famille monoparentale de pouvoir avoir accès au
travail. Une des barrières les plus importantes pour les chefs de
famille monoparentale c'est l'autonomie. C'est une question de pouvoir disposer
ou de pouvoir avoir la ressource de faire garder ses enfants ou d'avoir un
service de garde qui lui permette d'être autonome. Est-ce qu'on pourrait
considérer cela dans les programmes d'accès à
l'égalité? Est-ce qu'on pourrait lever ce voile et dire
que...
Mme Perron: C'est un programme de soutien, cela fait partie
justement du projet de règlement. Puisqu'on parle d'un programme de
soutien c'est exactement ce qu'on peut faire valoir.
M. Viau: Quand on parle d'un programme de soutien dans le
règlement on pourrait parler entre autres de services de garderie.
Mme Perron: Bien oui. On a passé le temps d'avoir six ou
sept enfants. Les femmes ont un, deux ou trois enfants. Donc, elles sont plus
sur le marché du travail. Elles ont droit à plus d'accès.
Autrefois, quand tu avais huit enfants, ce n'était pas la même
situation. On ne peut pas comparer avec un, deux ou trois enfants, surtout
quand ils vont à l'école. Il y a seulement peut-être au
niveau de la garderie... Cela se fait bien d'avoir un programme de soutien. Tu
n'en as pas huit à faire garder; tu en as un ou deux.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je vous remercie
beaucoup, Mme Danielle Perron, du mémoire que vous avez
présenté à la commission. Cela termine nos travaux pour
aujourd'hui.
Avant de vou9 donner rendez-vous demain, à 10 heures, je voudrais
vous mentionner que, demain, nous entendrons le Congrès juif canadien,
région du Québec, le Conseil du patronat du Québec, le
Centre de recherche-action sur les relations raciales, le Barreau du
Québec, l'Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, Centro Donne
Montréal, L'R des centres de femmes du Québec. Nous ajournons nos
travaux à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 45)