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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 9 octobre 1985 - Vol. 28 N° 23

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité


Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des institutions se réunit avec le mandat de procéder à une consultation générale sur le projet de règlement sur le programme d'accès à l'égalité. Nous entendrons aujourd'hui le Congrès juif canadien, région du Québec, le Conseil du patronat du Québec, le Centre de recherche-action sur les relations raciales, le Barreau du Québec, l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, Centro Donne Montréal, l'R des centres de femmes du Québec.

Les premiers invités sont le Congrès juif canadien. Je demanderais donc au porte-parole de s'identifier et de nous présenter celui qui l'accompagne. Mais juste avant, je voudrais vous mentionner que, depuis le début de la commission, nous accordons 55 minutes par mémoire, soit environ 20 minutes pour nous livrer votre message et 35 minutes pour permettre aux membres de la commission de dialoguer avec vous. Je vous laisse la parole immédiatement.

Congrès juif canadien, région du Québec

M. Shlesinger (Frank): Merci. Je tiens à nous présenter. Je m'appelle Me Frank Shlesinger du Congrès juif canadien. Mon titre est vice-président national et président sortant de la région de Québec. À ma gauche, M. Jeff Kushner qui est le nouveau directeur exécutif du Congrès juif canadien, région du Québec. Malheureusement, les autres membres du comité n'ont pas pu se présenter aujourd'hui à cause d'engagements qu'ils ont pris ailleurs. Ils offrent leurs excuses. D'autre part, je tiens à vous remercier de l'occasion que nous avons de vous adresser la parole aujourd'hui. Je ne vais pas lire au complet l'aide mémoire, à moins que vous vouliez que je le fasse. Je crois qu'il serait mieux que je résume en quelques mots ce que nous avons dit dans notre aide-mémoire afin de laisser plus de temps pour les questions par la suite.

Comme vous le savez peut-être, le Congrès juif canadien est le porte-parole de la communauté juive canadienne depuis 60 ans. Nous avons toujours eu un grand souci pour les questions de droit humain, que ce soit au niveau de l'individu, que ce soit au niveau des groupes. Nous avons vu avec plaisir, au début dans la charte, et par la suite dans les règlements, qu'il y a un souci pour les droits des individus et des groupes et que, par les programmes d'accès à la légalité, on essaie de résoudre ce problème. D'autre part, il faut que ce soit fait dans l'optique d'aider les gens et de ne pas créer d'autres problèmes. Nous sommes conscients de la difficulté et de l'envergure du problème et que ce n'est pas une chose simple à faire.

Pour ces raisons, nous avons étudié en comité les projets de règlement et nous avons divisé nos commentaires en trois sections. La première section parle des données et des statistiques; la deuxième section parle de l'effet ou de l'exclusion du secteur public dans l'application des règlements; et la troisième section parle de la question de justice et des règles du jeu pour savoir comment les problèmes seront réglés. Nous avons regardé et nous avons vu que, apparemment, il n'y a pas de statistiques ou de données adéquates pour déterminer quels sont les groupes cibles, ce qu'on appelle des "target groups".

Dans les règlements, on parle de discrimination systémique. D'autre part, dans la charte même, on ne parle pas de discrimination systémique, mais on parle de groupes. Nous croyons qu'il sera loisible d'avoir des données plus approfondies afin de déterminer dans les règlements quels sont les groupes cibles qu'on va essayer d'aider. Est-ce que ce sont les femmes, les groupes culturels ou les ethnies? Qui sont les personnes qu'on veut aider et qui sont les personnes qui ont le plus besoin d'aide?

Il paraît que, selon l'article 86.3 de la charte, on va procéder par étapes. On va trouver un employeur qui fait de la discrimation dite systémique, et, par la suite, pour chaque plainte individuelle, on va essayer de cette façon de bâtir les statistiques. Nous croyons que c'est peut-être mettre la charrue devant les boeufs. N'est-il pas nécessaire d'avoir les statistiques avant pour savoir, par la suite, à qui on va s'adresser?

De plus, on ne définit pas quels sont les employeurs à qui la loi va s'appliquer, quelle est la taille de ces entreprises. Est-ce qu'elles doivent être des entreprises

d'envergure? Est-ce que ce sont de petits commerces de deux ou trois employés? Est-ce que c'est pour des entreprises d'un minimum de 50 employés? Qui sera affecté par les programmes d'accès à l'égalité?

D'autre part, s'il y a une plainte, on ne définit pas qui peut la porter. Est-ce que tout le monde a un statut légal devant la commission ou est-ce seulement la commission elle-même qui peut porter plainte? Si un employeur est trouvé coupable de discrimination systémique, est-ce seulement pour celui-ci que s'appliqueront les programmes d'accès à l'égalité ou est-ce que ce sera toute l'industrie qui sera affectée? Normalement, si un employeur fait de la discrimination systémique, généralement, on pense que cela devrait s'appliquer à d'autres employeurs dans la même industrie. Autrement, on risque de pénaliser un employeur au détriment de sa capacité de faire de la concurrence dans le marché, tandis que ses concurrents envers qui on n'a pas porté une plainte formelle sont peut-être libres de continuer à faire ce qu'ils font sans eux-mêmes respecter le même programme d'accès à l'égalité. Je crois que c'est quelque chose à examiner.

De plus, il y a une appréciation subjective de la part de ceux qui administrent la loi et les règlements. Au Congrès juif canadien, nous avons toujours pris position dans le sens qu'il ne faut pas donner trop de discrétion aux bureaucrates; ils sont là pour administrer une loi, mais la politique et les directions politiques doivent provenir des personnes élues et des personnes responsables envers le public. Je crois qu'il y a lieu de déterminer plus adéquatement les données, les "guide-lines" et les critères qui doivent être suivis par les bureaucrates.

En ce qui concerne son application pour le secteur public, le mot "organisme" n'est pas défini. Je sais qu'il est très difficile de définir limitativement tous les organismes qui seront visés par la loi ou par les règlements. D'autre part, on pourrait avoir un genre de clause qui dirait que, sans limiter la généralité de ce qui précède, pour plus de clarté, compris dans cette définition sont les corps ou organismes suivants. On aurait au moins un exemple des organismes qui sont visés par la loi.

Dans l'article 54 de la charte, il est écrit que la charte s'applique également à la couronne. Mais dans la charte et dans les règlements, la couronne s'est exemptée de l'application des règlements. De plus, on remarque que même si le gouvernement donne suite aux programmes d'accès à l'égalité, il n'est pas assujetti à la juridiction de la Commission des droits de la personne. Alors, le gouvernement sera lui-même l'organisme qui prononce et promulgue ses lois et qui juge si les programmes sont adéquats. Je crois plutôt que le gouverne- ment devrait servir d'exemple à la population. C'est au sein du gouvernement et du secteur public qu'on a plus de données. On sait qu'il y a un très faible pourcentage de non-francophones ou de non-Canadiens français dans le secteur public. C'est à ce niveau que le gouvernement devrait donner l'exemple à la population sur la façon dont la société doit s'aménager. Il devrait donner l'exemple sur l'accès à l'égalité à la population et ne pas s'exempter de l'application de la loi. Je crois que cela risque de diminuer la portée et le respect de la loi dans le secteur privé. On va se dire: Si le gouvernement ne se croit pas lié et qu'il ne croit pas que c'est nécessaire bien qu'il connaisse le problème et l'envergure du problème, comment veut-il que ce soit fait sur notre dos, le secteur privé?

Maintenant, au sujet de la justice naturelle, des enquêtes et les questions en ce qui concerne la manière que la loi est mise en vigueur, vous savez que l'article 23 de la charte dit clairement que toute personne a le droit d'être entendue devant un tribunal. C'est la règle générale de audi alteram partem qui est toujours mise en jeu. Comme avocat et comme personne qui a eu assez d'expérience devant ces commissions parlementaires, je dois avouer que nous avons toujours exprimé les mêmes commentaires que je vais exprimer aujourd'hui. C'est en ce sens que tout le monde a le droit de savoir quelles sont les accusations portées contre lui, il doit avoir le droit de s'exprimer en pleine cour ou en pleine enquête contre son adversaire et il doit avoir accès à un tribunal d'appel en cas d'un jugement défavorable.

Je ne vois rien dans la loi qui donne ce droit, sauf peut-être par implication, aux individus. On peut peut-être parler des accusés devant la commission, mais cela soulève un autre problème.

La commission est à la fois récepteur des plaintes, initiateur des plaintes, enquêteur, juge et juré, et le corps qui met en application les décisions auxquelles elle arrive. Cela veut dire que tout est mis dans le même organisme. Je me demande si c'est possible pour celui-ci d'agir sans être biaisé. Car si on arrive à une décision, c'est difficile par après de dire que notre décision est mal formée ou qu'on a fait une erreur. (10 h 15)

C'est loin d'être certain qu'un individu ou un employeur a le droit lui-même d'aller devant les tribunaux. D'après les règlements, il paraît que c'est seulement la commission qui a le droit d'accès au tribunal, c'est uniquement quand il y a un changement des conditions qui ont été données dans un plan d'accès à l'égalité que le corps en question ou l'employeur peut avoir accès aux tribunaux. Je crois qu'il serait loisible d'élargir et de mettre un peu plus de

précision dans les règlements donnant le droit aux employeurs ou aux personnes qui feront l'objet d'un programme d'accès à l'égalité, d'avoir accès aux tribunaux et à leur recours.

J'ai écouté hier à la radio, et c'est pour cette raison que je ne suis pas armé de plus de détails, j'ai écouté hier que la Cour d'appel de l'Ontario, si je ne m'abuse, vient dans l'affaire McBain de déterminer que la Commission des droits de la personne en Ontario - je ne sais pas le nom équivalent: "Human Rights Commission", quelque chose du genre - apparemment ne devrait pas siéger en même temps comme enquêteur et comme juge. La Cour d'appel, apparemment, a infirmé la décision des cours inférieures -je regrette d'être aussi vague parce que c'est un rapport à la radio que j'ai écouté, mais je vais essayer d'obtenir une copie du jugement. - et apparemment il doit y avoir un nouveau procès, parce que la commission est nécessairement biaisée, vu qu'elle agit comme enquêteur et juge. Je crois qu'il y a lieu pour nous de nous instruire d'une expérience vécue par une autre province et d'essayer peut-être d'éviter le même genre de problème.

Alors, pour résumer, il ne faut pas, parce qu'on suggère des améliorations aux règlements, croire qu'on veut mettre des obstacles ou des bâtons dans les roues. On est très conscients des problèmes; on veut absolument que les programmes d'accès à l'égalité soient une réussite, et qu'on remédie aux problèmes et aux discriminations qui existent. D'autre part, on veut que cela se fasse efficacement et que la loi ait le respect de toute la population.

I hope that this commission will understand that it is our devout hope that the programs of affirmative action will be a success. And it is for this reason and in this point of view that we come before you today in order to suggest some improvements, not in any way to request any delays or to diminish the effects of the law or the regulations.

Je reste à votre disposition pour les questions que vous pourriez vouloir poser.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de laisser la parole au député de D'Arcy McGee, je voudrais vous présenter les membres de la commission: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Blais

(Terrebonne), M. Blouin (Rousseau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Gagnon (Champlain), Mme Harel (Maisonneuve), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Paquette (Rosemont), M. Payne (Vachon), M. Perron (Duplessis), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière). Et M. Beauséjour (Iberville), M. Viau (Saint-Jacques) et M. Dauphin (Marquette) remplacent, pour la durée de la commission parlementaire, M. Leduc (Fabre), M. Levesque (Bonaventure) et M. Mailloux (Charlevoix).

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais, premièrement, remercier les représentants du Congrès juif canadien, région du Québec, M. Shlesinger et M. Kushner pour avoir présenté le mémoire du Congrès juif canadien. Il faut dire tout de suite que beaucoup d'intervenants étaient d'accord pour que le gouvernement donne l'exemple ou que le gouvernement s'implique et qu'il ait des programmes d'accès à l'égalité. Beaucoup de gens sont d'accord et je suis d'accord aussi que, en gros, le règlement est bien fait, quoiqu'il faille que ce soit revu et corrigé, le cas échéant. La commission, j'imagine, va faire des recommandations au gouvernement, après avoir entendu tous les groupes qui viennent présenter des mémoires.

J'aimerais vous poser des questions sur deux points: sur les définitions et sur le droit d'appel. Sur les définitions, par exemple, vous avez souligné que la discrimination systémique n'est pas définie dans le règlement. On peut ajouter toutes les mesures de contrôle ne sont pas définies dans le règlement. Est-ce que le gouvernement a voulu que ce soit précisé par la Commission des droits de la personne et peut-être, ultérieurement, par les tribunaux? C'est une question.

Une deuxième question concerne le droit d'appel. Qu'est-ce que vous envisagez comme droit d'appel des décisions de la commission? J'aimerais juste, entre parenthèses, faire remarquer que cette question des rôles possiblement contradictoires de la Commission des droits de la personne a déjà été soulevée. J'ai soulevé ce problème à maintes reprises, même qu'on a révisé la charte en 1982, mais le gouvernement n'a pas agi dans ce dossier.

Donc, ce sont deux questions sur les définitions et sur le droit d'appel.

M. Shlesinger: Je crois que vous avez même soulevé un autre problème parce que si, maintenant, la commission est aussi appelée à définir ce qu'est la discrimination, on ajoute même une autre tâche. Alors, je crois qu'il s'agit, pour commencer, d'avoir les données spécifiques qui s'appliquent à la province de Québec qui déterminent quelle est la discrimination à laquelle il faut s'attaquer. Je ne crois pas que c'est l'enquêteur et la commission elle-même qui doivent le déterminer, à moins qu'on ne veuille créer une sous-commission ou une commission qui aura pour tâche de déterminer quelle est la discrimination systémique à laquelle il faut s'attaquer. Je

ne crois pas qu'on puisse tout régler dans une môme commission; je pense que vous demandez une tâche énorme à la commission, ce qui va peut-être lui créer beaucoup de problèmes.

En ce qui concerne le droit d'appel, je crois qu'il y a quand même ici un aspect du système qui est contraire. On a une commission qui fait une enquête et qui détermine que quelqu'un pratique la discrimination. Là, il y a une détermination quasi juridique, au moins, et cette personne doit suivre le programme. Si le programme n'est pas suivi, la commission peut s'adresser au tribunal pour forcer la personne à suivre le programme. Mais dans la détermination de sa culpabilité, il n'y a aucun appel, à ce que je vois ici. Un ou deux enquêteurs peut-être - on ne sait pas - parce qu'il n'y a pas de définition à savoir si c'est un tribunal de trois personnes qui détermine, si c'est une division séparée, mais quelqu'un détermine qu'il y a de la discrimination et il y a un jugement final. Y a-t-il un appel de cette décision? Peut-on amener des témoins devant quelqu'un pour dire: Écoutez, ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de discrimination. C'est cela la nature même de notre système juridique, de pouvoir se défendre et avoir un appel à un tribunal supérieur.

M. Marx: On veut respecter les règles de la justice naturelle. L'Assemblée nationale a toujours le souci que ces règles de justice naturelle soient respectées. Si la Commission des droits de la personne essaie d'appliquer le règlement tel quel, une compagnie qui est insatisfaite des décisions de la commission: où est la discrimination, les méthodes d'enquête et tout cela, la compagnie pourrait prendre des brefs d'évocation l'un après l'autre et il faudra des années avant qu'on ait une décision. Ce serait à cause de ce que vous avez dit: le manque de définition, le manque de... Mais d'autre part, si on a des programmes d'obligation contractuelle, "contract compliance", cela éviterait peut-être beaucoup de ces contestations parce qu'une compagnie va de plein gré suivre certaines politiques, donc ce ne sera pas vraiment possible pour la compagnie de contester. Mais si on applique le règlement, après enquête et tout cela, j'ai peur qu'on ait beaucoup de contestations, je ne dirais pas inutiles, mais qui vont permettre a tout le monde de traîner les affaires pendant des années devant les tribunaux, en effet, pour ne pas se soumettre à la réglementation. Il y a toujours ce danger.

M. Shlesinger: Pour la question du bref d'évocation et tout cela, vous avez raison parce que s'il n'y a pas de critères stricts, alors c'est le seul recours qui est ouvert à quelqu'un, le bref d'évocation. Alors c'est beaucoup mieux d'avoir au début des critères qui prévoient un processus normal que, comme vous dites, d'aller devant les tribunaux avec des brefs d'évocation qui peuvent ou ne peuvent pas être accordés. Comment peut-on déterminer si on a excédé la juridiction si la juridiction même n'est pas définie? On risque vraiment d'être devant la Cour d'appel pour chaque décision et devant la Cour suprême pour déterminer non pas le cas spécifique, mais la juridiction de la commission. Je crois qu'il est mieux de définir la juridiction de la commission pour commencer et ne pas aller devant les tribunaux pendant 50 ans pour déterminer quelle est sa juridiction. Cela va être justement le genre de choses qui va annuler, résilier l'effet voulu de la loi. Ce n'est pas ce qu'on veut.

Deuxièmement, lorsque vous parlez de la question de "contract compliance", de demander que les gens aient des programmes d'accès à l'égalité pour avoir un contrat avec le gouvernement, oui, cela peut comporter des avantages et il faut voir de quelle façon ce sera appliqué, mais seulement si le gouvernement lui-même se force à respecter les mêmes critères. On ne peut pas demander au secteur privé de mener la société dans la question des droits humains. Si on veut que le secteur privé respecte les droits des individus et des groupes, il faut absolument que le gouvernement dise: Nous le faisons et nous exigeons que vous le fassiez de la même façon. C'est la seule façon. Autrement, je crains qu'il y ait un manque de respect énorme pour la loi et si le gouvernement n'est pas prêt à la respecter, le secteur privé ne va pas la respecter non plus.

M. Marx: C'est cela. Je suis d'accord avec ce dernier point, à savoir que ce sera difficile pour le gouvernement de dire aux compagnies, au secteur privé: Faites comme on vous demande de faire, mais ne faites pas comme nous faisons. Et de toute façon, le gouvernement est dans le secteur commercial. J'ai une liste ici de plus de 200 organismes qu'on trouve au gouvernement -la Société des alcools du Québec fait le même commerce qu'une compagnie privée -mais j'essaie de chercher, parce qu'il y a d'autres organismes d'État qui sont vraiment dans le commerce d'un produit ou un autre.

M. Shlesinger: Mais je crois que le gouvernement du Québec est le plus grand employeur au Québec dans le moment.

M. Marx: Voici des sociétés d'État: la Raffinerie de sucre du Québec, SIDBEC - si cela existe encore - la Société de développement de la Baie James, la Société des loteries et courses du Québec, la Société générale de financement du Québec, la Société nationale de l'amiante, la Société québécoise d'exploration minière, la Société

québécoise d'initiatives agro-alimentaires, la Société québécoise d'initiatives pétrolières, la Société québécoise des transports, la Société immobilière du Québec et ainsi de suite.

M. Shlesinger: Mais il ne faut pas oublier...

M. Marx: II y a même une Société d'économie mixte, les Entreprises Bussières Ltée, mais je me demande: Pourquoi ne pas soumettre ces organismes, parmi beaucoup d'autres, à une réglementation comme le règlement que nous avons devant nous?

M. Shlesinger: Il ne faut pas oublier non plus le service civil, la bureaucratie. (10 h 30)

M. Marx: La fonction publique? Non, mais j'ai seulement donné la liste de certains organismes. Il y en a beaucoup d'autres. Je ne veux pas lire la liste des 280 ou des 235 - je ne sais pas combien il y en a - mais je pense que c'est un point important et nous allons, j'imagine, soulever ce point, que les secteurs public et parapublic devraient donner l'exemple. On peut même ajouter dans le secteur parapublic les centres hospitaliers, les municipalités, les communautés urbaines, les commissions de transport...

M. Shlesinger:Les corps policiers.

M. Marx: Oui, c'est cela, les corps policiers et ainsi de suite. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Vachon.

M. Payne: M. Shlesinger, M. Kushner, je vous remercie pour votre mémoire. C'est bien que cela arrive aujourd'hui parce que cela nous permet de continuer quelques discussions intéressantes qu'on a eues hier.

On note, c'est sûr, votre appui général au projet et on ne peut oublier de souligner le travail remarquable du congrès depuis des années. Par la force de votre communauté, beaucoup de générations ont travaillé contre la discrimination dans le monde; on vous en félicite formellement et chaleureusement.

Là où je voudrais reprendre la discussion, en ce qui me concerne ce matin, ce serait au sujet de l'organisme. Mais d'abord, je voudrais bien savoir si je vous ai bien compris. Vous préférez, je crois, avoir dans la définition du mot "organisme", à l'article 86.7 de la Charte des droits et libertés de la personne, une portée plus large. Est-ce exact?

M. Shlesinger: Je veux que ce soit défini, parce qu'il y a toujours un problème de standing dans le "common law" ou ce que l'on appelle l'intérêt juridique à Québec. Qui a l'intérêt juridique de se plaindre? Qui a la responsabilité d'implanter des programmes d'égalité? Qui sont les personnes qui ont les droits et les obligations? Je sais que le mot "organisme" a différentes portées dans chaque loi que l'on retrouve ici, dans la province de Québec. Il y a le mot "organisme" dans la Charte de la langue française, qui a peut-être une portée différente; il y a le mot "organisme" dans d'autres lois, et cela ne signifie pas la même chose. Nous voulons éviter le genre de litige dont le député de D'Arcy McGee a parlé, avec un bref d'évocation. Est-ce que vous avez un intérêt juridique ou non? Définissons-le.

M. Payne: Oui, mais je voudrais m'assurer que nous parlons du même problème. La façon dont je vois les choses est la suivante. Le gouvernement pourrait, et va dans le cours normal du processus, sûrement définir quels sont les organismes couverts par l'article 86.7. C'est sûr qu'à ce moment-ci, c'est un peu vague. C'est une longue discussion pour savoir si on va impliquer là-dedans toutes les sociétés d'Etat, si on va impliquer les CLSC et le plus petit hôpital de Gaspé; c'est une discussion importante parce qu'il y a des coûts inhérents à cette implantation.

Plus on élargit la portée de cet article, pour comprendre toute l'administration parapublique, les organismes parapublics à travers le Québec, plus on limite la portée ou, pourrais-je dire - je cherche le mot en français - la juridiction de la commission en vertu de l'article 86.3, là où "la commission - je cite - après enquête peut, si elle constate une situation de discrimination prévue à l'article, recommander l'implantation"; toute cette partie de la loi, de l'article 86.2 à 86.6, serait à ce moment-là limitée aux organismes qui ne sont pas des organismes parapublics. Donc, je prônerais plutôt l'établissement d'une liste assez limitée plutôt qu'assez élargie. Mais si je comprends bien, vous préféreriez une définition plus large, une plus longue liste.

M. Shlesinger: Oui. Pour commencer, je dois avouer que je ne comprends pas comment vous pouvez parler de l'article 86.3 dans la même optique que l'article 86.7 parce que l'article 86.7, deuxième alinéa, exclut l'obligation de l'article 86.3 du gouvernement.

M. Payne: Je dis que vous êtes plus intéressé à demander une interprétation limitative du mot "organismes" à l'article 86.7, c'est-à-dire limiter les organismes qui sont couverts par la loi pour faire en sorte que justement le plus grand nombre d'organismes ailleurs puissent tomber sous l'empire de 86.3.

M. Shlesinger: Alors là, c'est un genre de...

M. Payne: D'ailleurs j'apporterais à mon appui l'avis de la Commission des droits de la personne elle-même dans son mémoire.

M. Shlesinger: À l'école de droit, je crois que c'est l'argument qu'on appelle inclusio unius est exclusio alterius. Si on en inclut un dans une liste, on exclut les autres de l'autre liste. Je ne crois pas que ce soit nécessairement le cas. C'est une remarque personnelle, mais je crois qu'on aimerait que la loi s'applique au plus grand nombre d'institutions et organismes possible. Comme c'est le gouvernement et que le gouvernement a le plus de ressources possible pour l'implanter, la liste doit s'étendre au plus grand nombre "d'organismes" possible du gouvernement.

Je ne crois pas que cela va délimiter le secteur privé. La commission peut toujours, selon les critères ici, déterminer n'importe quel organisme dans le secteur privé.

M. Payne: C'est ce que je dis. Si vous voulez élargir le nombre d'organismes - je vous comprends bien? - couverts par l'article 86.7, vous allez, par le fait même, limiter le mandat de la commission parce que suivant l'alinéa...

M. Shlesinger: Ah oui!

M. Payne: ...ils ne peuvent pas.

M. Shlesinger: Mais, dans le contexte de notre autre point, nous voulons que la restriction imposée à la commission, selon laquelle la commission n'a pas juridiction, soit enlevée. Cela prendra probablement un amendement à la charte parce que ce n'est pas la réglementation, c'est la loi. Évidemment je suis d'accord avec vous sur le fait que, si la commission continue d'être exclue de l'application aux organismes gouvernementaux, à ce moment-là, on veut que ce soit dans le secteur privé.

On demande que le gouvernement ne soit pas exclu de l'application de la commission et, par la suite, que le gouvernement soit lui-même tenu de respecter la loi.

M. Payne: Là, c'est plus clair. On s'entend.

M. Shlesinger: Je m'excuse de mon ambiguïté.

M. Payne: En vertu de la Loi sur la fonction publique même, le Conseil du trésor est chargé d'établir le programme d'accès à l'égalité en vue de corriger une situation de discrimination. C'est clair dans son mandat.

En réalité, le travail qu'il doit normalement accomplir, s'il est étendu à tout organisme public et parapublic, le Conseil du trésor va avoir un drôle de mandat élargi.

M. Shlesinger: Je suis entièrement d'accord avec vous. C'est dans cette optique qu'on a dit qu'il faut avoir des critères. Imaginez! Vous venez de dire que le gouvernement aurait beaucoup de difficultés, à cause des ressources financières que cela prendra, à élargir cela à toutes les entreprises. D'autre part, dans le secteur privé, il n'y a aucune limite. On ne définit pas si une toute petite entreprise de deux ou trois personnes doit avoir les mêmes obligations qu'une entreprise de 200 ou 500 employés. Sur cela vous avez entièrement raison. Ce ne sont peut-être pas toutes les petites entreprises qui ont les ressources de le mettre en vigueur. C'est pour cette raison qu'on peut peut-être exclure certains organismes. On peut peut-être exclure les organismes gouvernementaux de moins de quelques employés.

M» Payne: Dans le même ordre d'idées, l'expérience américaine a démontré que c'étaient les grandes compagnies, par exemple Fortune 500, qui étaient les plus aptes, les plus disposées, les plus ouvertes à un programme d'accès à l'égalité. C'est sûr qu'elles ont les ressources, et, souvent, ce sont les PME qui n'ont pas de ressources financières pour embarquer dans un programme d'accès à l'égalité. C'est un autre problème bien important.

J'ai évoqué hier la situation semblable qu'on avait avec la loi 101. C'étaient souvent les grandes compagnies qui voulaient se franciser rapidement pour ne jamais être en retard parce qu'elles disaient: On veut battre notre concurrent pour atteindre les objectifs de la loi. L'Américain dit: "What is the bottom line?" Il veut savoir quel est l'objectif du gouvernement. Dès que c'est clair, il veut battre ses concurrents pour arriver à respecter cet objectif. La même situation pourrait se produire, comme c'est arrivé aux États-Unis depuis le décret de Johnson... Les grandes compagnies vont être beaucoup plus avancées que les PME, mais c'est chez les PME, là où 80 % ou plus de la population travaille... Ce sont les enjeux de la question.

M. Shlesinger: Dans ma pratique, je travaille actuellement à la construction d'un "ofshore oilrig" en Californie. L'une des annexes à ce contrat est une page de format légal comportant à peu près 20 différentes lois que l'entrepreneur doit respecter pour assurer l'accès à l'égalité: non-discrimination envers les handicapés, les aveugles, les sourds-muets et toute une liste de choses qu'il faut respecter. Toutes les personnes ou

les différentes compagnies de cette industrie doivent accepter - autrement, elles ne peuvent pas être concurrentielles - d'être liées par ces différents programmes. Peut-être que c'est un moyen de le faire mais, comme nous l'avons souligné, il faut que cela s'applique à toute l'industrie.

M. Payne: ...

M. Shlesinger: Mais si on trouve une discrimination systémique, cette industrie doit être attaquée. Autrement, on risque de pénaliser une compagnie qui deviendra non concurrentielle. Pour la question des PME, peut-être qu'il y a lieu d'avoir un genre de programme de subventions pour les aider à pouvoir donner effet à ces programmes d'égalité. C'est sûr et certain que les ressources financières sont limitées et qu'il faut agir avec réalisme. Mais ce qu'on ne veut pas, c'est qu'à cause de la faiblesse de l'économie ou d'un manque de fonds, le programme tombe à l'eau complètement. Peut-être qu'il faut commencer lentement, mais y aller avec un esprit réaliste.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Juste un petit point, M. le Président. Pour que cela soit bien clair, je pense que les précisions, les définitions qui sont demandées sont pour renforcer le règlement, pour rendre le règlement plus efficace. Je pense aussi qu'il faut que le règlement soit revu, qu'il soit renforcé non pas pour diminuer la portée du règlement, au contraire, mais pour qu'il n'y ait pas de contestation inutile par la suite et pour ne pas que les compagnies puissent tergiverser et traîner le dossier devant les tribunaux éternellement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Cela va? Il n'y a pas d'autre question. Je remercie le Congrès juif canadien, région du Québec, pour l'éclairage qu'il a apporté à cette commission.

Je demanderais... Est-ce que vous avez...

M. Shlesinger: Je voulais tout simplement dire que c'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Gagnon): Je demanderais aux représentants du Conseil du patronat du Québec de prendre place. Nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 43)

(Reprise à 10 h 49)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons maintenant entendre le Conseil du patronat du Québec. M. Denis Beauregard et M. Pierre Gauthier, comme on a fait pour les autres groupes, on vous accorde 55 minutes, soit 20 minutes pour livrer votre message et le reste du temps pour dialoguer avec les membres de la commission. Je vous laisse la parole immédiatement.

Conseil du patronat du Québec

M. Beauregard (Denis): Merci. Merci aussi d'avoir permis au Conseil du patronat de présenter son mémoire devant les membres de la commission. Je résumerai le mémoire de façon très brève afin de permettre le plus d'échange de propos possible par la suite avec les membres de la commission.

D'abord, le mémoire du Conseil du patronat amorce l'étude de la question à partir d'un principe de base, principe qu'on retrouve tout le long du mémoire partout et c'est le suivant: Le Conseil du patronat s'oppose de façon énergique, sans aucun équivoque à toute espèce de forme de discrimination soit au niveau de l'embauche dans l'entreprise comme, également, au niveau de la promotion des individus dans l'entreprise. La proposition de principe est très claire. On y reviendra tout au long tant du mémoire que des échanges de propos que nous aurons par la suite.

Le Conseil du patronat aborde la question de la lutte contre la discrimination à partir d'une approche qui est devenue, dans le vocabulaire des gens qui traitent de ces questions, une approche d'accès à l'égalité et non pas une approche qui s'accrocherait plus à de la discrimination positive, de l'"affermative action", ou peu importe la façon dont on l'appelle, mais d'une façon qui, quant à nous, est difficile à accepter parce que génératrice d'une forme de discrimination... Donc, au point de départ, il y a un problème à régler effectivement et réglons-le en solutionnant le problème et non pas en en créant d'autres. Le moyen pour le faire, c'est de mettre en place dans les entreprises, comme d'ailleurs dans les organismes publics, qui ne sont pas non plus à l'abri de ce problème, les moyens nécessaires pour que tout le monde ait un accès égal à l'emploi de même qu'à la promotion dans l'entreprise.

Pour défendre cette position nous nous fondons, en partie, sur l'expérience vécue aux États-Unis. Nos voisins américains ont essayé les deux approches dont je viens de parler, celle basée sur l'accès à l'égalité et celle qui a une tendance vers la discrimination positive. Ils ont essayé cela en deux temps bien identifiés, c'est facile à voir.

Jusqu'au début des années soixante-dix, les Américains ont tenté de régler le problème de discrimination, dans leur cas surtout, problème posé aux Noirs et aux membres d'autres groupes ethniques - c'est surtout cela le problème à régler à ce moment - en essayant de mettre en place des mesures dites d'accès à l'égalité. Les résultats obtenus pendant cette période, selon divers auteurs que nous citons dans notre mémoire, sont des résultats quand même intéressants et qui méritent d'être étudiés par les gens qui veulent mettre en place des mesures de ce type.

La période qui a suivi le début des années soixante-dix a donné lieu à un virage qui a amené les entreprises américaines, dans plusieurs cas, à être obligées de mettre en application des quotas d'embauche. Les gens qui ont fait les études dont je parlais tantôt sont à peu près unanimes pour affirmer que les résultats obtenus sous l'empire de ces mesures sont de loin inférieurs aux résultats obtenus pendant la période précédente, soit celle où on essayait de mettre en place des mesures d'accès à l'égalité.

Je ne parle pas de tous les problèmes qu'a causés l'imposition de quotas. Je pense que ces problèmes sont connus et on pourra y revenir pendant la période de discussions.

Quant au règlement lui-même qui est à l'étude actuellement, disons tout de suite que le Conseil du patronat du Québec est d'accord avec l'orientation générale du document. Il n'y a pas là d'opposition de fond à ce règlement. Notamment, à l'article 6, on parle d'une analyse du système d'emploi qui permettrait d'identifier un tas de choses qu'il faut absolument faire sauter là où cela existe, c'est-à-dire toutes les espèces de barrières discriminatoires. Il faut les trouver, les identifier et trouver les moyens pour les faire sauter. On est tout à fait d'accord avec cette partie du projet de règlement.

Là où on est moins d'accord, c'est essentiellement sur un point. Il y a d'autres désaccords plus mineurs, mais il y a un désaccord de fond. C'est toute la question à savoir comment on va mettre en place des mesures qui vont permettre aux membres des groupes cibles - comme le disent les auteurs du projet de règlement - d'avoir leur place dans l'entreprise. La lecture que l'on fait de ces moyens - surtout si on se réfère aux articles 3 et 4 du projet de règlement -c'est que sous un vocabulaire recherché on parle d'imposition de quotas dans les entreprises visées par le projet de règlement. On ne peut pas être d'accord avec cette orientation si - je le répète, c'est important - telle est l'intention du législateur. C'est la compréhension qu'on a du texte. Maintenant, si telle n'est pas l'intention du législateur, on invite les rédacteurs du projet de règlement à revoir le texte parce que, quant à nous, ce texte peut mener directement à l'imposition de quotas.

Je passe rapidement les autres discussions sur d'autres articles parce que le point central, l'essentiel c'est cela. On note, entre autres choses - je vous le dis en passant - que dans la mesure où le projet de règlement constituerait une solution efficace dans cette hypothèse aux problèmes de discrimination, on conçoit mal pourquoi le gouvernement ne se soumet pas à la juridiction de la commission des droits pour appliquer chez lui ce qu'il veut voir appliquer dans les entreprises privées.

Je vais céder, pendant les quelques minutes qui viennent, la parole à Me Gauthier pour un peu faire le tour d'une question extrêmement importante concernant ce projet de règlement. C'est tout le volet constitutionnel du règlement qui, quant à nous, risque de poser un problème si la compréhension qu'on en a, encore une fois, est la bonne.

Le Président (M. Gagnon): Me Gauthier.

M. Gauthier (Pierre): J'aimerais vous entretenir de la probable inconstitutionnalité de la discrimination positive. Par discrimination positive, nous entendons une préférence accordée à des membres d'un groupe dit défavorisé par rapport à des membres d'un groupe dit favorisé. J'aimerais vous soumettre que les victimes de la discrimination positive pourront probablement, comme ils l'ont fait aux États-Unis récemment, la faire déclarer inconstitutionnelle. Je répète ici qu'il s'agit bien de discrimination positive, il ne s'agit pas de mesures qui relèvent de l'égalité des chances comme, par exemple, compenser les femmes pour les inconvénients de la maternité - ce n'est pas cela qu'on vise - ou rendre les lieux plus accessibles pour des personnes handicapées. Ce sont là des mesures relevant de l'accès à l'égalité et nous sommes d'accord avec ces mesures.

Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que les victimes de discrimination positive -je vais vous donner des exemples vécus aux États-Unis - vont probablement pouvoir réussir à combattre une telle loi si cela se traduit par des quotas précis. Pourquoi l'expérience américaine est-elle intéressante? Comme la constitution canadienne et la charte québécoise, la constitution américaine, par le quatorzième amendement, prévoit un droit à l'égalité devant la loi. On voit comment la Cour suprême des États-Unis a réagi face à des situations concrètes qui peuvent se présenter ici.

Dans notre mémoire, je mentionne l'arrêt Bakke. L'arrêt Bakke, c'est un étudiant qui a essayé de se faire admettre à une Faculté de médecine qui n'avait que cent places disponibles. Seize places étaient

réservées à des membres de groupes minoritaires. Malgré des résultats supérieurs à ceux des seize membres de groupes ethniques qui y ont été admis, M. Bakke a été refusé deux fois. Il a pris des procédures pour se faire admettre. Je parle de résultats nettement supérieurs. Évidemment, l'objectif visé par l'université était fort louable. Il s'agissait de faire grimper la proportion de médecins issus de groupes ethniques. C'était louable. Mais, par contre, il y avait une victime qui s'appelait M. Bakke qui n'était pas admis. La Cour suprême américaine a amorcé un virage, qu'elle a complété par la suite par l'arrêt Stotts, et elle a dit: Ce n'est pas à M. Bakke de payer pour les erreurs des générations passées.

Dans l'arrêt Stotts, l'autre arrêt que l'on mentionne dans le mémoire, il s'agissait d'un conflit entre l'ancienneté et un traitement préférentiel qu'on voulait accorder aux Noirs. On avait embauché beaucoup de Noirs pour faire grimper la proportion de Noirs au service des incendies de la ville de Memphis. Or, survient une mise à pied. Évidemment, les derniers arrivés, selon la règle de l'ancienneté, sont les premiers partis lors d'une procédure de mise à pied. Qu'est-ce qui devait primer? La protection qu'on voulait accorder aux Noirs ou l'ancienneté? La Cour suprême américaine, à ce moment-là, a pris une position claire. Elle a dit: C'est l'ancienneté qui doit primer. (11 heures)

Encore une fois, on voit l'idée - c'est exprimé clairement par les juges, la majorité en tout cas - qu'on ne pouvait pas faire payer à des employés plus anciens le prix de la discrimination passée. Le juge Blackmun, qui est un juge dissident, a même déclaré que l'arrêt Stotts, c'était la fin aux États-Unis de l"'affirmative action". On est d'accord avec le juge Blackmun, mais, par contre, on dirait plutôt que c'est la fin de la discrimination positive. D'ailleurs, aux États-Unis, un décret présidentiel est en préparation, qui n'est pas encore signé par le président américain, qui rend les quotas illégaux. Des poursuites ont également été amorcées par le Département de la justice des États-Unis. Il a même ordonné ou suggéré fortement aux villes, aux comtés et aux municipalités d'abandonner les quotas et les objectifs numériques. Il y a même une ville, Indianapolis, qui a été poursuivie devant les tribunaux par le Département de la justice américain.

Ce qu'on dit, c'est que les victimes de la discrimination positive, qui, selon la Cour suprême américaine, équivaut à de la discrimination tout court, pourront probablement avoir des recours. Je me demande comment la Cour suprême canadienne réagirait devant des cas moraux comme l'arrêt Bakke ou l'arrêt Stotts? C'est un peu cela, on a voulu mettre en garde la com- mission parlementaire ou le législateur contre cette forme de discrimination qui s'appelle la discrimination positive. On estime qu'elle est probablement inconstitutionnelle.

Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. Beauregard.

M. Beauregard: Si vous me le permettez, M. le Président, je termine avec un dernier point. Même si, dans le projet de règlement, on ne retrouve pas de trace du "contract compliance", il semblerait maintenant évident que le projet de règlement va couvrir des entreprises qui veulent faire affaires avec l'État dans une mesure, qui, semble-t-il, n'est pas encore déterminée. Est-ce qu'on parle de contrats de 200 000 $ et plus ou de moins de 200 000 $? Il semble que ce n'est pas déterminé, mais les entreprises seraient couvertes, c'est-à-dire celles qui veulent faire affaires avec l'État. On a une section sur cela et je crois qu'elle est importante. À partir du moment où on parle de ces entreprises, comme c'est le cas dans le reste du projet de règlement, on ne parle plus d'entreprises qui ont été reconnues coupables de discrimination. Mais, pourtant, la méthode suivie est exactement la même, c'est-à-dire qu'on part avec une présomption de discrimination en imposant des objectifs numériques, que nous pensons être des quotas, à des gens qui, pour faire affaires avec le gouvernement, devront peut-être par la suite être obligés d'exercer de la discrimination envers d'autres personnes, ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord.

Très rapidement, les conclusions du mémoire, c'est non à toute espèce de forme de discrimination, même celles qui seraient imposées par règlement. Non aux exigences déraisonnables dans les entreprises ou ailleurs, que ce soit pour l'admission à l'embauche ou encore la promotion. Et c'est pourquoi, à l'intérieur de l'étude du projet, on est d'accord avec toutes les dispositions qui demandent que l'entreprise fasse l'analyse de tout son processus d'embauche et de promotion de façon à faire sauter toutes ces barrières. On dit non aux quotas comme à la discrimination, même si on l'appelle positive. Enfin, on suggère un certain nombre de moyens. C'est une indication de voies à suivre et non pas une énumération exhaustive de moyens. Nous croyons que, dans plusieurs secteurs, là où on veut s'approcher d'une meilleure répartition du nombre d'employés féminins et masculins, il y a des gestes à poser avant de passer à l'embauche. Par exemple, dans plusieurs secteurs que l'on qualifie de très majoritairement masculins, on se rend compte que, dans les secteurs de formation professionnelle, que ce soit au secondaire, au collégial ou même universitaire, il n'y a pas de femmes inscrites. De toute façon, ce ne serait pas la

solution que d'imposer des quotas dans des secteurs comme ça puisqu'il n'y a pas de candidates.

En résumé, oui à l'accès à l'égalité, mais non à la discrimination.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le député de Vachon.

M. Payne: Je remercie le Conseil du patronat du Québec qui contribue toujours d'une manière positive à ce genre de délibérations. Je viendrai tout de suite au vif du sujet en passant par un court commentaire. À la page 9 de votre mémoire, vous demandez: "...comment peut-on songer sérieusement à exiger d'une entreprise qu'elle discute sur la place publique de toute la planification stratégique de sa main-d'oeuvre?..." Je pourrais suggérer que le projet de règlement en ce qui concerne l'analyse du système d'emploi est assez conservateur, c'est-à-dire que c'est assez limité dans la liste de sujets qui font partie de l'analyse. Il faut aussi souligner que c'est le gouvernement fédéral dans son propre projet de loi, le bill C-62, qui prévoyait la publication de données semblables.

Ma préoccupation principale serait d'aller plus loin. Vous faites grand état de l'expérience américaine, basant vos préoccupations sur l'étude de Nathan Glazer, "Affirmative Discrimination". Par contre, lorsque le président Lyndon B. Johnson, en 1965 je pense, a émis la directive 11246, c'est bien sûr qu'il y a eu beaucoup d'opposition de la part du patronat, spécialement le grand patronat, c'est-à-dire les grandes entreprises. Vous êtes d'accord? Par contre, ce qu'on a vu par la suite, ce n'était pas tout à fait ce qu'on avait envisagé. Souvent, je pense, comme je le disais hier, la crainte, la préoccupation qui précède l'opération chirurgicale est pire que l'opération elle-même et le traumatisme est d'autant plus pénible avant que la réalité.

C'est effectivement le cas. Cela m'étonne un petit peu... Dans votre analyse de la situation américaine vous auriez peut-être pu nuancer un petit peu les quelques réticences du grand patronat. Je pourrais vous référer, par exemple, à quelqu'un, un grand homme, John Hulck qui est le "chairman" de Merck et qui, suivant la tentative - je ne vous fais pas la leçon parce que vous êtes au courant - du président Reagan de reculer dans les programmes d'accès à l'égalité avec la directive qu'il a émise dernièrement, qui n'est pas signée encore mais qui est à l'état de projet... La réaction de la part du patronat a été bien intéressante. Merck, par exemple, a dit: Nous allons continuer. En ce qui concerne les rapports avec le gouvernement, cette société a dit et je fais la traduction: On va continuer vers les objectifs et les échéanciers, peu importe ce que le gouvernement fait. Ils font partie maintenant de notre culture et de nos procédures coopératives (our co-operate policy), de notre politique de coopération.

Stafford qui est le président de CEO, de Pillsbury a dit: II nous est devenu évident qu'un "Agressive Affirmative Action Program", c'est-à-dire un programme d'action positive agressif, est plein de bon sens (full of sense).

Lorsqu'on voit le résultat de Fortune 500, qui représente 500 grandes entreprises aux États-Unis, la plupart d'entre elles, 90 %, c'est-à-dire 116 sur 128, ont répondu, disant que les objectifs numériques de leur politique étaient pleins de bon sens aussi. Mais, plus intéressante que cela et encore plus significative a été la réponse à une question demandant: Est-ce que vous prévoyez poursuivre les objectifs numériques pour faire un bilan du progrès réel des femmes et des minorités dans votre coopération, peu importe les règlements du gouvernement? Sur 128 qui ont répondu, il y en a 122 qui ont dit oui. C'est un peu plus de 95 %.

Je dirais en concluant que les adversaires de l'action positive parfois disent que les objectifs et les échéanciers, c'est-à-dire les "goals and timetables", sont à toutes fins utiles les quotas. Quelles sont vos réactions à cela?

M. Beauregard: Ma première réaction, c'est que je suis heureux de constater qu'on lit la même chose. L'article de Fortune a fait le tour et est bien connu. Il tombe pile. Je pense qu'il apporte un éclairage dans un débat au bon moment et c'est intéressant de constater cela.

L'article de Fortune relate effectivement la réaction de la très grande entreprise américaine. On parle de 200 parmi les 500 plus grandes classées par Fortune. La très grande entreprise américaine réagit comme vous le dites à cette éventualité encore maintenant, mais qui est en train de devenir une réalité. Le président Reagan a peut-être signé, ce matin, l'équivalent d'un décret pour les Américains qui dirait, grosso modo, que...

M. Payne: Ce matin?

M. Beauregard: II va le faire. C'est peut-être fait au moment où on se parle, sinon, cela va se faire.

M. Payne: Non!

M. Beauregard: Enfin, on va laisser faire. Ce qu'il est important de relever là-dedans, c'est que la réaction de la grande entreprise américaine et la réaction de l'entreprise qui, après quelques années, ou même plusieurs années, d'administration de

ce genre de chose, en arrive à la conclusion que, après avoir mis des ressources absolument considérables là-dedans pendant des années, après avoir organisé notre gestion des ressources humaines en fonction de tout cela, après avoir traversé tous les problèmes que cela cause - parce que cela en a causé - il n'est plus question de revenir en arrière, c'est hors de question... Ils ont dépensé des fortunes là-dedans. Ils ont affiché sur la place publique des façons de faire qui, maintenant, ont développé des attentes énormes parmi certains segments de leur personnel.

Alors, ce n'est pas étonnant, aujourd'hui, que les mêmes entreprises disent: Écoutez, il n'est pas question qu'on revienne là-dessus; c'est en place et on a appris à vivre avec cela. Le même article de la même revue dit aussi, de façon très claire, sans aucune exception, parmi tous les gens interviewés - là, on ne parle plus de 80 % -il n'y a pas une seule exception, tous sont fermement opposés à l'imposition de quotas, que ces quotas soient basés sur le sexe ou sur la race.

Alors, la réaction est très claire quand il est question de quotas. Nous, ce qu'on dit, pour revenir à notre mémoire et à notre position sur le projet de règlement, c'est: D'accord, il y a des problèmes à régler et il y a des entreprises qui déjà ont commencé à mettre des programmes d'accès à l'égalité en place. D'abord, cela peut poser un problème d'ordre constitutionnel. Il y a un problème à régler et on invite le législateur à regarder cela de près.

Même ceux qui, volontairement, décideraient de le faire - il y en a qui ont décidé de le faire - c'est loin d'être sûr qu'il n'y aura pas de problèmes devant les tribunaux. Par ailleurs, ce qu'on dit aussi, c'est l'interprétation qu'on fait du projet de règlement, peut-être à tort; si c'est à tort, tant mieux, jusqu'à maintenant, c'est que cela mène à des quotas.

Là, on rejoint tout à fait la réaction de la grande entreprise américaine là-dessus, parce que l'imposition de quotas, au sens où on l'entend habituellement, mène à de la discrimination, ce qu'on ne peut accepter et parce que, surtout, cela mène l'entreprise, en termes d'échéanciers, à possiblement devoir embaucher sur une base autre que la compétence. Pour nous, c'est extrêmement difficile à accepter. Tout le monde va comprendre, je pense bien.

M. Paynes Une petite nuance. Je pense que c'est important de souligner que, à ma connaissance, du moins, il est peu probable que le président Reagan signe. Ce n'est certainement pas ce matin qu'il a signé...

M. Beauregard: Quand je suis ici...

M. Payne: Je pense que c'était le "long shot", comme on dit en politique. Vous avez dit qu'il n'y a pas une seule compagnie américaine qui accepterait le principe des quotas. Moi aussi, je pense qu'on pourrait faire une nuance importante entre les objectifs et échéanciers d'une part et, d'autre part, les quotas. Mais j'aimerais accepter le défi que vous nous lancez, parce que quand vous dites "pas un seul", il y a une expérience...

J'étais à Washington la semaine passée où on a discuté de plusieurs exemples. Hewlett-Packard a adopté un programme qui s'appelle le "Seed Program". Elle embauche, à chaque année, 500 hispaniques, Noirs, femmes. C'est pas mal près de la discrimination positive. Cette dernière a répondu à la question qui était posée dans le questionnaire auquel on a fait référence tout à l'heure. C'est une exception.

Je pourrais aussi vous parler de l'expérience d'IBM. Je pourrais aussi vous parler... Je n'ai pas le temps de parler de l'expérience de AT & T qui a un programme pas mal près d'un programme de "Affirmative Action and Positive Discrimination". Je pense qu'on pourrait enclencher une discussion assez intéressante à ce sujet. (11 h 15)

M. Beauregard: Si vous permettez, M. le Président, juste une réaction. D'abord, quand je dis qu'il y a... Enfin, ce n'est pas moi qui lance le défi, je suis trop prudent pour cela. Je lis le même article que vous lisiez tantôt, et ce que ça dit - excusez mon accent: "Without exception, those interviewed Hewlett-Packard est là-dedans - were opposed to quotas on the basis of race or sex"; "without exceptions". C'est dans le même article dont on parle depuis tantôt.

Hewlett-Packard, ce qu'ils font, c'est ceci. À la fin de l'année académique, ils invitent 500 - c'est le chiffre que j'avais lu aussi - personnes membres de groupes cibles à effectuer dans l'entreprise un stage d'une période qui est quand même assez longue. À la fin de la période de stage, ils procèdent à des embauches et, habituellement, en embauchent un bon nombre, mais ce n'est pas un quota de 500.

M. Payne: Je ne suis pas d'accord, mais on va s'entendre pour être en désaccord.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Payne: Oui, cela va, merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Vachon. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M. Beauregard et M. Gauthier, du Conseil du patronat du Québec,

d'avoir présenté leur mémoire. Juste deux points avant que je pose des questions. Premièrement, tout le monde est d'accord avec vous, je pense, sur le fait qu'il faut que le secteur public donne l'exemple. Pourquoi exclure la Société des alcools du Québec? Mme Rochon, de la Coalition des femmes, hier, a donné l'exemple de la discrimination systémique à la Société des alcools du Québec. Je ne vois pas pourquoi il faudrait exclure cette société qui, en effet, fait des affaires commerciales. Ce n'est pas une société administrative, elle fait des affaires commerciales, il ne faut pas l'exclure.

Une deuxième point que j'aimerais soulever, c'est que nous avons entendu des groupes, hier, des femmes et des communautés culturelles, et je pense qu'elles étaient très convaincantes en ce qui concerne leurs demandes et elles étaient aussi très réalistes, très responsables. Elles ont demandé, non pas de tout changer du jour au lendemain, mais de commencer, de faire des choses, et je trouve qu'elles étaient très réalistes. Vous avez parlé de la discrimination à rebours et vous avez cité la jurisprudence américaine qui dit que c'est inconstitutionnel, ainsi de suite. Vous avez bien plaidé votre cause, mais il y a d'autres jurisprudences où la Cour suprême des États-Unis a dit que cette discrimination n'est pas inconstitutionnelle. En effet, elle a dit que c'était constitutionnel.

Je vous cite seulement deux arrêts: L'arrêt Weber contre Kaiser Aluminium and Chemical Corporation, qui se trouve au 443 United States Report, à la page 193. Il y a aussi l'arrêt Fullilove qui se trouve à 448, United States Report, à la page 448. Cela, c'est en passant.

De toute façon, au Canada, étant donné que l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit qu'on peut avoir des programmes d'accès à l'égalité, ce serait bien difficile de contester la constitutionnalité d'un programme d'accès à l'égalité, mais comme vous le savez - vous êtes avocat - tout se plaide et tout se dit devant les tribunaux. On ne gagne pas chaque fois, mais on peut contester. C'est le droit de tout citoyen de dépenser son argent, d'engager un avocat et de se présenter devant les tribunaux. Mais je pense que ce n'est pas la même chose au Canada qu'aux États-Unis étant donné que l'article 15 de la charte canadienne, le paragraphe 2 de cet article prévoit qu'on peut instaurer des programmes d'accès à l'égalité. En ce qui concerne la charte québécoise, il n'y a aucun problème étant donné que nous avons la partie 3 de la charte québécoise.

Je ne veux pas vraiment faire un débat constitutionnel ici, je ne pense pas que ça va ajouter beaucoup, mais je veux juste souligner ces deux points.

J'aimerais demander au Conseil du patronat s'il est d'accord avec le "contract compliance" qu'on a aux États-Unis, c'est-à-dire l'obligation contractuelle pour les compagnies de se soumettre à un programme d'accès à l'égalité, si c'était exigé par le gouvernement du Québec.

M. Beauregard: M. le Président, je vais laisser Me Gauthier répondre à la première partie, non pas de la question parce que c'est plutôt un commentaire, mais réagir à ce commentaire-là et je répondrai à la question de M. Marx.

Le Président (M. Gagnon): Me Gauthier.

M. Gauthier (Pierre): Évidemment, sans entrer dans un débat constitutionnel et sans plaider l'affaire sur le fond, la réaction d'un juge dissident, l'honorable juge Blackmun de la Cour suprême, face à l'arrêt Stotts, qui est le dernier arrêt de la Cour suprême là-dessus... d'après le juge Blackmun c'est la fin de "l'affirmative action" aux États-Unis. Son opinion est aussi partagée par le Département de la justice américain qui a ordonné aux municipalités de laisser tomber les quotas. Évidemment, je partage l'opinion du juge Blackmun et celle du Département de la justice américain sur ce point-là.

Évidemment, vous parlez de l'article 15 aussi, je pense que vous raison. Mais l'article 15, pour moi, couvrirait ou légaliserait - et le juge Hugessen l'a dit d'ailleurs dans l'arrêt du CN - les programmes d'accès à l'égalité. Mais cela ne légaliserait pas -évidemment tout se plaide - la discrimination positive. Autrement dit, ce qui m'inquiète ou ce qui inquiète le Conseil du patronat, ce sont les victimes de la discrimination positive, qui pourraient possiblement avoir un recours, mais je reconnais que le professeur Marx est un expert en constitution, je ne veux pas entrer dans un débat. Mais quand même, c'est...

M. Marx: Vous êtes bien généreux, vous êtes bien généreux.

Une voix: Ah oui!

M. Gauthier (Pierre): Je laisserai la parole à M. Beauregard pour la deuxième partie.

Le Président (M. Gagnon): M.

Beauregard.

M. Beauregard: Pour la question du "contract compliance", l'accord du Conseil du patronat avec cette procédure-là est conditionnelle - cela aura l'air prétentieux de dire cela... Il est évident que si la loi le prévoit, les entreprises vont s'y soumettre.

M. Marx: Êtes-vous d'accord? Je pense que...

M. Beauregard: Au plan de l'accord -c'est cela - je pense qu'on n'aurait pas de problème si le "contract compliance" s'appliquait, par exemple, à l'intérieur de mesures semblables, comparables à ce qu'on risque de retrouver au niveau fédéral, où les obligations de l'entreprise - évidemment, vous allez me dire que la réglementation n'est pas encore sortie, alors il est difficile de comparer - mais ce qu'on en voit venir semble une avenue dans laquelle on pourrait s'engager. Là où on ne pourrait pas être d'accord, c'est si, pour faire affaires avec l'État, les entreprises devaient remplir des quotas. Là, on revient à la discussion de départ.

M. Marx: D'accord. On va faire abstraction des quotas pour le moment. Vous dites que le Conseil du patronat serait d'accord avec l'obligation contractuelle des compagnies de faire appliquer un programme d'accès à l'égalité, si c'était prévu dans le règlement ou dans la loi comme cela l'est aux États-Unis. Je ne parle pas des détails de la réglementation, je parle du principe. Vous êtes d'accord avec le principe.

M. Beauregard: Avec le principe qui reposerait sur des pratiques d'accès à l'égalité.

M. Marx: Je trouve qu'il y a une certaine inégalité aujourd'hui. Par exemple -et je prends une compagnie au hasard -quand Bombardier fait affaires avec le gouvernement américain ou peut-être d'autres gouvernements aux États-Unis, dans l'état de New York ou dans l'état du Vermont, Bombardier doit accepter de respecter cette réglementation qui prévoit la mise en place de programmes d'accès à l'égalité. Mais quand Bombardier fait la même chose au Québec, il n'y a pas de programme. Si, au Québec, on achète des produits que Bombardier a manufacturés aux États-Unis, les femmes américaines bénéficient de toute cette réglementation américaine dans l'état de New York; quand on achète ici, les Québécoises ne bénéficient pas de ces programmes d'accès à l'égalité. Je trouve qu'il y a deux poids, deux mesures. Si des compagnies canadiennes, qui sont des filiales des compagnies américaines, ou des multinationales qui font affaires partout, y compris aux États-Unis, peuvent se soumettre à une telle réglementation aux États-Unis, je ne vois pas pourquoi on n'imposerait pas la même chose ici, pour que les femmes québécoises ou les communautés culturelles bénéficient de la même protection que les personnes dans la même situation aux États-Unis. On est d'accord sur cela; vous êtes d'accord en principe.

Maintenant, on arrive aux quotas. Je n'aime pas le mot "quota". Je suis d'accord avec vous. Je n'aime pas ce mot, mais il faut avoir un objectif numérique. Si on veut avoir un programme d'accès à l'égalité, on ne peut pas travailler dans le vide. Il faut avoir un objectif quelconque. Comment allez-vous établir les objectifs? Je vais prendre l'exemple de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal. L'autre jour, j'ai dit qu'il y avait huit chauffeurs d'autobus femmes sur 3400 chauffeurs. On m'a fait savoir hier que cela a maintenant augmenté à 23 chauffeurs femmes. Supposons qu'on a un programme d'accès à l'égalité à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Qu'est-ce qu'on fait en ce qui concerne les objectifs? Si on n'a pas d'objectifs, je ne sais pas comment on va avoir un programme efficace.

Le Président (M. Gagnon): M. Beauregard.

M. Beauregard: Oui. Je crois que quand on parle d'objectifs, c'est évident que dans tout programme à l'intérieur d'une entreprise - qu'on parle d'accès à l'égalité ou de quelque autre domaine de management de l'entreprise - il y a toujours des objectifs à atteindre. Je pense que le problème réside dans la façon dont on établit des objectifs, en fonction de quoi, et en fonction de quoi on évalue par la suite les objectifs. Je disais tantôt, par exemple, que dans certains domaines l'entreprise qui ouvre des postes ne reçoit que des candidatures masculines. C'est ainsi dans plusieurs domaines, particulièrement dans les secteurs les plus techniques, et cela risque d'être comme cela longtemps, parce que dans toute la machine d'éducation, que ce soit au secondaire, au collégial ou même à l'universitaire, il n'y a pas de filles inscrites là. À ce moment-là, je pense que le problème n'est pas de fixer des objectifs. Le problème est d'amener des femmes dans ces secteurs et les quotas, les objectifs numériques - ou qu'on les appelle autrement - ne régleront jamais ce problème. Donc, on peut être d'accord avec le fait que l'entreprise se fixe des objectifs et qu'elle se les fixe en tenant compte de sa réalité. Aux États-Unis, c'est comme cela que cela se vit. Dans la législation fédérale qui est déposée, c'est comme cela que c'est prévu.

M. Marx: Maintenant, si je comprends bien, vous n'êtes pas contre les objectifs numériques, mais vous êtes pour des objectifs numériques raisonnables, où cela est faisable.

M. Beauregard: On est contre des objectifs numériques qui sont des quotas, si on veut appeler les choses par leur nom. Viser à atteindre un quota, c'est

entreprendre une démarche qui nous mène obligatoirement à l'atteinte de tel pourcentage, de tel nombre d'employés, de tel groupe et à telle date. Il n'en est pas question. C'est aller à l'encontre de toute espèce de saine gestion.

M. Marx: Je vais vous donner un exemple. La Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal a décidé de mettre en place un programme pour engager 150 femmes comme chauffeurs. Ce n'est pas énorme, parce que, comme je l'ai déjà dit, il y a 30 % de femmes à Chicago qui sont des chauffeurs d'autobus, 18 % à Buffalo et ainsi de suite. Bon! Est-ce que vous êtes d'accord avec un tel programme où on dit: On va en engager un certain nombre? C'est un objectif numérique. Ce n'est pas un quota, mais...

M. Beauregard: Voilà...

Le Président (M. Gagnon): Rapidement.

M. Beauregard: Oui. Dans un exemple comme celui-là, je pense que la première chose extrêmement importante, c'est que c'est la CTCUM elle-même qui se fixe son objectif. Donc, elle se le fixe en pleine connaissance de cause et en sachant fort bien ce qu'elle peut atteindre comme objectif.

Deuxième élément extrêmement important. Au moment de l'évaluation du chemin parcouru, si par hypothèse, pendant la période de temps prévue, la CTCUM a embauché 70 nouveaux employés, comment va-t-on évaluer l'atteinte de son objectif? Si on ne tient pas compte des accidents de parcours et des conditions particulières qui ont été vécues pendant cette période, on ne peut pas être d'accord avec cela. Si on en tient compte - et il faudra vraiment, à ce moment-là, en tenir compte - c'est regardable.

M. Marx: Mais si... Est-ce que je peux tirer la conclusion que vous n'êtes pas contre les objectifs numériques si c'est bien fait?

M. Beauregard: Fixés par l'entreprise et évaluables en tenant compte des critères précis qui sont propres à l'entreprise.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le...

(11 h 30)

M. Marx: Je tire cette conclusion parce que je veux que l'on sorte avec quelque chose pour que je puisse vous citer en exemple à d'autres groupes.

M. Beauregard: II n'y a vraiment pas de problème de ce côté-là.

M. Marx: C'est parce qu'au début, vous avez parlé contre les quotas. Je n'aime pas le mot "quota", cela me fait peur, mais quand on parle des objectifs numériques et quand on le fait d'une façon raisonnable, si l'entreprise est d'accord et que tout le monde est d'accord, cela me fait moins peur et, en fait, cela ne me fait pas peur. Je pense que cela ne vous fait pas peur non plus.

M. Beauregard: Je voudrais m'assurer que, quand vous me citerez, vous qualifierez comme je viens de le faire les objectifs numériques.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuiile: Merci, M. le Président. Je suis émerveillé de tous ces efforts de bonne volonté pour se mettre d'accord mais, au-delà de cet. émerveillement, je n'en crois pas grand-chose parce que je crois, M. Beauregard, que vous contredisez votre propre mémoire. Votre mémoire est fondé sur l'idée qu'il faut favoriser les programmes d'égalité des chances qui protègent la personne, en vertu desquels l'individu est considéré comme tel, et vous rejetez ce que vous appelez la discrimination positive. Vous rejetez toute approche qui vise à protéger des groupes et qui considère l'individu comme membre d'un groupe cible.

Je ne vois pas, dans ce contexte, comment vous pouvez dire que vous êtes en faveur non pas de quotas mais d'objectifs, parce que ces objectifs seraient par rapport à des groupes et non pas par rapport à des individus. Il me semble que vous êtes en contradiction avec votre propre mémoire.

M. Beauregard: Pour moi, il n'y a pas de contradiction. Quand je dis que nous sommes d'accord avec le fait que l'entreprise puisse se fixer ce que l'on a appelé tantôt des objectifs numériques - dans ce genre de débat, il faut faire attention aux mots - je n'ai pas dit que l'entreprise, par la suite, devra obligatoirement respecter l'objectif fixé indépendamment de ce qui s'est vécu pendant ce temps.

Deuxièmement, comme on le disait tantôt, le Conseil du patronat reconnaît que l'entreprise doit faire un effort pour en arriver à équilibrer, dans la mesure du possible et là où c'est possible, les effectifs en termes de groupes cibles. Les façons pour le faire, pour y arriver, ce n'est pas précisément de fixer des quotas, mais de prendre les moyens pour que les gens qui appartiennent à ces groupes, d'abord, se présentent à l'embauche - c'est une première

chose - et présentent à l'embauche les qualifications requises pour que, lorsque l'on sélectionnera sur la base de la compétence les candidats, le meilleur soit retenu. C'est extrêmement important et il faut le retenir.

Dans ce sens, je reviens un peu a l'exemple que nous avons utilisé tantôt: si l'objectif qui a été fixé est d'embaucher, par hypothèse, 50 personnes de tel groupe, si l'entreprise a dit qu'elle ferait les efforts pour y arriver et qu'au bout de la période prévue, malgré les efforts qui ont été faits pour amener à un niveau de compétence égal et donc justifié une embauche de ces personnes, cela ne s'est pas réalisé, il n'est pas question de les embaucher strictement parce qu'il y avait un objectif. Ce ne doit être que la compétence, au moment de l'embauche, qui prévale et absolument pas l'appartenance à quelque groupe que ce soit. C'est ce que dit le mémoire.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais citer à M. Beauregard un extrait de la page 7 du mémoire qu'il nous présente. "Le Conseil du patronat du Québec s'oppose à ce qu'une personne soit traitée différemment du seul fait de son appartenance à un soi-disant groupe cible". Mais traiter une personne différemment du fait de son appartenance à un groupe, ce n'est pas seulement l'engager ou ne pas l'engager, c'est l'inclure ou ne pas l'inclure dans un objectif. Ou bien vous êtes en train de nous dire que ces objectifs sont des choses de parade et de façade qui n'ont aucune espèce d'importance et que, si l'entreprise ne les atteint pas, tant pis.

D'ailleurs, j'ai l'impression que... Je vais vous citer une autre phrase de votre mémoire: "Le Conseil du patronat du Québec réprouve toute forme de discrimination à l'égard des personnes, que ce soit à cause de leur race, de leur nationalité, de leur sexe, de leur couleur, de leur âge ou de toute autre caractéristique propre à un groupe de personnes, dans l'emploi comme dans les autres secteurs de l'activité humaine". C'est une admirable position de départ, mais je n'ai pas l'impression que vous la soutenez parce que - je reviens à la page 7 - vous dites: "II croit plutôt que, dans les cas de discrimination démontrés, il faut identifier les victimes d'une situation discriminante particulière - ce n'est pas fixer des objectifs, cela, c'est identifier des personnes - et réparer les torts qu'elles ont subis".

On nous a donné, hier, l'exemple de certaines pratiques d'embauche à la Société des alcools du Québec. On nous a dit - je n'ai pas vérifié cela, apparemment c'est changé mais cela a déjà été comme cela a ce qu'on nous a dit - que pour devenir caissier il fallait avoir travaillé à l'entrepôt. On engageait à l'entrepôt, peut-être pour des raisons de musculature, que des hommes.

Cela voulait dire que les femmes n'avaient pas accès à des postes de caissière. C'est un cas patent, si c'est réel, de discrimination qu'on pourrait décrire comme une discrimination systémique.

Je cherche à appliquer ce que vous dites à la page 7 à ce genre de situation. Il faut identifier les victimes d'une situation discriminante particulière. Autrement dit, on va faire une enquête à peu près impossible à faire, c'est l'aiguille dans une botte de foin, pour trouver des femmes qui n'ont pas été engagées comme employées d'entrepôt à la Société des alcools du Québec. Tant qu'on n'aura pas en main une liste de femmes qu'on aura refusé d'engager parce qu'elles sont des femmes et aller faire la preuve que c'est parce qu'elles sont femmes qu'on ne les a pas engagées, on ne fera rien. C'est ce que vous dites.

M. Beauregard: Absolument pas. Si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. Beauregard.

M. de Bellefeuille: Alors dites-moi, dans votre optique et plus fidèlement à votre mémoire, ce que vous considérez que vous pouvez faire dans ce cas-là.

Le Président (M. Gagnon): M. Beauregard.

M. Beauregard: Merci. Ce que le mémoire dit, c'est précisément ceci: Que toute pratique à l'embauche fondée sur des attitudes discriminatoires doit être trouvée et doit sauter. Il n'est pas question de maintenir cela dans les pratiques d'embauche.

Je reprends l'exemple que vous donnez, celui de la SAQ. En supposant que cela se passe comme cela, je n'en ai aucune idée, si, par exemple, pour pouvoir avoir accès à un poste de caissier, il faut passer par un autre emploi et qu'il n'est pas question d'embaucher des femmes dans cet autre emploi, c'est cela qu'il faut faire sauter. Il n'est pas question de maintenir cela et on ne sera jamais d'accord avec ce genre de pratique-là. C'est très clair. C'est cela que veut dire le texte du mémoire. Cela veut dire non pas que le gouvernement vienne identifier dans les entreprises les pratiques discriminatoires. Ce n'est pas cela du tout. On est d'ailleurs dans une section où c'est l'entreprise qui passe au peigne fin son processus d'embauche et tout son système de dotation de personnel. Quand on se rend compte de ce genre de chose, c'est là que l'entreprise doit intervenir et corriger ces situations.

Dans un deuxième temps, quelqu'un pose sa candidature, disons à un poste de magasinier, et est refusé. On a de bonnes

raisons de croire que c'est parce qu'elle est femme qu'elle est refusée. Tous les moyens sont disponibles actuellement pour renverser une telle décision. Quant à nous, c'est de la discrimination et cela ne doit pas exister. À moins, évidemment, que les exigences d'emploi qui prévalent dans telle fonction, dans tel poste, soient pleinement justifiées. Si ce n'est pas justifié, il n'est pas question de maintenir cela. Pour répondre à cette objection.

Quant à la première partie de votre commentaire...

Le Président (M. Gagnon): Rapidement s'il vous plaît:

M. Beauregard: Très rapidement. Je n'ai pas dit à M. Marx que l'entreprise court après les quotas. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que l'entreprise peut, si elle croit raisonnable de le faire et c'est un peu ce qui va se passer au niveau fédéral... Avec ce volet-là, on est d'accord au fédéral. On a un autre mémoire qui ne vous a pas été déposé bien sûr. Dans la mesure où l'entreprise connaît bien sa réalité, connaît bien ses contraintes, connaît bien son avenir immédiat, dans la mesure où c'est possible, elle peut possiblement, en respectant toujours les critères de compétence à l'embauche et la plus grande compétence parmi les candidats disponibles, atteindre tel nombre de personnes et s'engager à le faire.

Quand j'ai parlé de marge aussi cela voulait dire qu'au bout de cette période-là on évalue tout le processus. Il n'est pas question de pénaliser l'entreprise parce que cela s'est passé différemment.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. de Bellefeuille: Je n'ai pas terminé, M. le Président. Nous avons jusqu'à midi.

Le Président (M. Gagnon): J'ai des quotas à faire respecter en termes de temps.

M. de Bellefeuille: Non mais nous avons jusqu'à midi n'est-ce pas?

Le Président (M. Gagnon): Vous avez quand même dépassé votre temps.

M. de Bellefeuille: Je revendique mon droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Allez-y!

M. de Bellefeuille: Merci. Je voudrais en venir maintenant à cette distinction entre les quotas d'une part et, d'autre part, les objectifs et les échéanciers. Vous nous avez dit que les objectifs et les échéanciers mènent à des quotas.

M. Beauregard: Cela peut y mener.

M. de Bellefeuille: Ah bon! Là, vous ajoutez "cela peut".

M. Beauregard: Non, non, non, c'est ce qu'on dit là-dedans.

M. de Bellefeuille: J'ai noté cela au moment où vous l'avez dit: Cela mène à des quotas ou cela peut mener à des quotas Boni C'est vous qui le dites, n'est-ce pas? Vous nous dites cela à un moment où on parle de l'expérience américaine à partir d'une citation d'un article du magazine Fortune. Vous nous avez cité trois lignes: "Without exception, those interviewed were opposed to quotas on the basis of race or sex." Vous avez cité cela. Mais la citation, si vous me permettez de vous le dire, est incomplète. Le ou la journaliste de Fortune cite ce rapport après avoir affirmé ceci: "Opponents of affirmative action sometimes argue that, in effect, goals and timetables amount to quotas but much of corporate America disagrees." L'auteur de l'article est en train de faire la démonstration qu'aux États-Unis l'opinion chez les dirigeants de grandes entreprises indique très clairement qu'on maintient la distinction entre, d'une part, les objectifs et les échéanciers et, d'autre part, les quotas. C'est donc une citation incomplète que de dire que ces gens s'opposent aux quotas. Ils s'opposent aux quotas, bien sûr, mais ils sont très majoritairement, comme le député de Vachon l'a démontré tout à l'heure, favorables au maintien de ce qu'ils ont déjà mis en place: les objectifs et les échéanciers. Vous avez expliqué tout à l'heure pourquoi, à votre avis, aux États-Unis, dans les grandes entreprises, on accepte le maintien des objectifs et des échéanciers: parce qu'on a fait beaucoup de dépenses pour cela, parce que cela a été toute une affaire que de mettre cela en place dans l'entreprise. On a dépensé beaucoup d'argent, cela a été toute une affaire, mais on a atteint des résultats. Je crois que toute personne... Ce n'est pas parfait, mais il y a des progrès et on atteint des résultats. S'il n'y avait pas eu de résultats, tout le monde abandonnerait cela. La raison pour laquelle on veut conserver ces programmes, c'est qu'ils ont permis d'atteindre des résultats et que les entreprises trouvent que c'est avantageux d'atteindre des résultats dans la lutte contre la discrimination. J'aurais aimé entendre le Conseil du patronat du Québec nous proposer des moyens concrets, sérieux et efficaces d'atteindre des résultats plutôt que de nous donner un voeu pieux d'opposition à la discrimination et, à partir de cela, dire: II faut réparer les torts faits aux victimes sur une base individuelle et ne pas s'occuper des groupes. Ce sont des groupes qu'il s'agit, M.

Beauregard. Quand on parle de discrimination à cause de la couleur ou du sexe, il s'agit de groupes. Si vous ne faites pas face à cette réalité, vous ne pourrez pas nous aider beaucoup dans l'élaboration d'un règlement efficace. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M.

Beauregard. Ensuite, ce sera Mme la députée de Maisonneuve.

M. Beauregard: Je veux seulement compléter en disant que, oui, on s'oppose aux quotas et on va continuer à le faire, parce que ce n'est pas le moyen pour régler des problèmes. Ce que j'ai dit tout à l'heure en citant - et je pense que ma citation était complète dans la mesure où on cite une phrase complète - c'est que les hommes d'affaires américains interviewés, à l'unanimité, ne veulent pas entendre parler de quotas. Ce avec quoi ils sont d'accord, c'est avec ce qu'on a dit tout à l'heure et je ne reprendrai pas toute l'explication. Mais le Conseil du patronat est tout à fait d'avis semblable.

Par ailleurs, quand vous parlez des moyens qu'on préconise, je pense que le moyen pour régler le problème là où il existe, c'est précisément d'amener les gens dont la répartition de la main-d'oeuvre dans l'entreprise est trop faible par rapport à ce qu'ils représentent à avoir ce qu'il faut pour y aller. C'est-à-dire que, par exemple, si on ne retrouve pas de femmes dans les secteurs de mécanique d'ajustage des entreprises -Bon Dieu! - formons-en avant d'imposer des quotas. On aura beau imposer tous les quotas du monde, s'il n'y en a pas, qu'est-ce qu'on sera obligé de faire? On va laisser tomber les quotas ou, encore, on va embaucher des femmes seulement parce que cela nous permet d'atteindre un quota. À ce moment-là, on n'aura rendu service à personne. Je pense que c'est, d'abord et avant tout, une question de formation dans bien des secteurs. Je ne dis pas que c'est le cas partout. Mais, dans bien des cas, c'est là qu'est le problème de base.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve. Deux minutes.

Mme Harel: Deux minutes et demie.

Le Président (M. Gagnon): Deux minutes et demie.

M. Marx: Trois minutes. (11 h 45)

Mme Harel: Bon. M. le Président, j'aimerais revenir à ce que vous considérez être la toile de fond. D'ailleurs, c'est le titre de la page 2 de votre mémoire: "Oui à l'égalité des chances, non à la discrimination positive". J'aurais espéré un titre qui dise: "Oui à l'égalité des chances et non à la discrimination systémique". On ne retrouve aucune référence dans votre mémoire à la réalité de la discrimination systémique. Est-ce parce que vous considérez que cette discrimination systémique n'existe pas? Vous faites abondamment état des victimes appréhendées de discrimination positive. Moi, en fait, présentement, ce qui m'intéresse ce sont les victimes de la discrimination systémique, celle qui est actuellement en usage. Justement, dans cette toile de fond que vous décrivez, vous nous donnez comme un choix entre l'égalité des chances et la discrimination puis le rejet de la discrimination positive, en confondant les quotas avec des objectifs numériques qui dans le règlement sont assez relatifs dans le temps selon la disponibilité, selon les effectifs, selon le système d'emploi, comme s'il fallait rejeter les objectifs numériques parce qu'on rejette les quotas.

D'abord, je pense qu'il y a une confusion qu'il ne faut pas faire entre les deux. Vous nous faites comme un choix entre égalité des chances, d'une part, et discrimination positive, d'autre part. Où est-ce qu'on peut rejeter la discrimination systémique? Dans la nomenclature que vous faites de ce qui décrit l'égalité des chances, par exemple, je ne vois aucune présomption de discrimination. Alors, s'il n'y a pas de présomption de discrimination, c'est parce que vous ne faites aucun cas de ce qu'est la discrimination systémique. Est-ce que, à ce moment, implicitement, vous considérez qu'il s'agit là de choix personnels qui feraient, par exemple, que des groupes, par des choix individuels, seraient amenés à vivre dans des emplois où ils sont moins bien rémunérés, où ils ont moins de chances de promotion? Tout cela serait le résultat de choix personnels?

Le Président (M. Gagnon): M.

Beauregard.

M. Beauregard: Je dirais que - je commence par la toute dernière partie de votre question - la situation qu'on constate actuellement sur le marché du travail est le résultat d'une évolution sociale qui a été la nôtre et qui a été celle d'à peu près tous les autres pays occidentaux. Comment se fait-il qu'on retrouve en si grand nombre des femmes dans tels types de profession ou de métier? Je pense que c'est l'évolution de ce qui s'est passé. C'est là justement qu'il faut briser cette espèce de tendance qui est donnée par la formation dont je parlais tantôt. Je ne reprendrai pas ce que j'ai dit sur la formation. Si on ne forme pas des femmes pour aller ailleurs que là où elles vont depuis 100 ans, elles vont continuer à y aller, semble-t-il. Je vous réfère aux propos de Mme MacKenzie, présidente du Conseil du statut de la femme, qui, lors du lancement

d'un document gouvernemental qui s'appelle: Explorons de nouveaux espaces, ou quelque chose comme ça, déplorait elle-même qu'il y a, dans les secteurs au niveau professionnel dominés par les hommes, à peu près 2 % d'inscriptions de femmes seulement. Il n'y en a pas qui y vont. Mme McKenzie disait: II faut d'abord commencer par envoyer des femmes là, ce qui ne se passe pas actuellement. Ce n'est pas un choix personnel au plan d'individus, actuellement, en 1985, qui décide que... Mais c'est un choix personnel historique, si on veut, qui a fait que les femmes se sont retrouvées dans ces professions.

Pour revenir à la deuxième partie de votre question, on ne fait pas état nommément du problème de la discrimination systémique parce que, croyons-nous, quand on passe en revue les actions que l'entreprise doit prendre - c'est quand on parle de l'article 6, je crois, du projet de règlement -s'il y a des pratiques discriminatoires qui mettent en place de la discrimination systémique, on va les trouver dans ce processus et on devra les corriger. Maintenant, il faut faire attention, encore là. Aux États-Unis, ils ont commencé avant nous et c'est normal qu'on fasse référence à eux parce qu'ils ont déjà certains résultats. Dans certains États américains, dans l'État de Washington, par exemple, on s'est lancé dans ce qu'on a cru être des redressements de vieille discrimination systémique. Or, il y a une décision assez récente des tribunaux - je pense que cela date de deux ou trois semaines - qui met un frein à tout ce processus parce qu'on est en train de causer plus de problèmes qu'on essayait d'en régler.

Pour résumer là-dessus, à partir du moment où l'entreprise relève et le fait bien, dans tout son processus de dotation et de gestion de ses ressources humaines, les pratiques qui peuvent être discriminatoires, on devrait aussi, par ce biais, s'attaquer à la discrimination systémique.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

Mme Harel: Rapidement, M. le Président. Vous avez un souci intéressant sur le plan de la formation et de l'orientation. Il est maintenant prouvé, - puisqu'il y a 20 ans derrière nous de présence de femmes, particulièrement dans les milieux de l'enseignement supérieur - qu'à diplôme égal les femmes n'occupent pas les emplois dans les centres de décision. Elles n'ont pas des revenus équivalents à ceux qui sont détenus par leurs confrères.

J'aimerais que vous me disiez ceci. Par exemple, le programme du ministère de l'Industrie et du Commerce qui s'appelle Entrepreneurship au féminin, programme qui ne s'adresse spécifiquement et exclusivement qu'à des femmes qui veulent se lancer en affaires, jugez-vous que c'est de la discrimination positive qui devrait être abandonnée?

M. Beauregard: Je pense que dans un contexte comme celui-là les tribunaux, si jamais il y a quelqu'un qui s'en donnait la peine sérieusement, trancheraient la question. Effectivement, cela en est.

Mme Harel: Cela a amené de la discrimination positive. Vous considérez que ce type de discrimination doit être écarté.

M. Beauregard: Dans l'état actuel du dossier, comme on l'a dit tantôt - Me Gauthier a expliqué un peu pourquoi - on pense que cela serait de la discrimination. C'est vous qui rappeliez tantôt que la base de notre position est simple. Il faut que la compétence des personnes qui ont souffert soi-disant de discrimination soit portée au même niveau que celle des autres, de façon qu'elles aient un accès aux professions et aux emplois. Là-dessus, je ne veux pas passer l'heure à nous citer des études, mais il y a une très bonne étude qui a été faite par le Conseil économique du Canada, que je vous conseille, qui démontre que la discrimination dont on parle beaucoup... Cela s'intitule "Évolution de la situation économique des femmes." Cela a été fait par le Conseil économique du Canada l'an passé.

L'étude démontre qu'après avoir raffiné les statistiques... Si on prend les femmes et les hommes de façon globale et qu'on compare les salaires, c'est bien évident, on le sait, c'est à peu près les deux tiers du salaire des hommes qui sont versés aux femmes. Si on raffine la statistique et qu'on regarde qui fait partie de quel groupe, quelles sont les qualifications et qu'on descend la statistique jusqu'à son dernier raffinement, les auteurs de cette étude en arrivent à la conclusion qu'à peine 10 % des écarts pourraient éventuellement être imputables à de la discrimination mais n'affirment pas que 10 % des écarts sont imputables.

Mme Harel: II ne faut pas s'attendre à des programmes de discrimination positive de la part du Conseil du patronat pour accroître le nombre de femmes dans les milieux d'affaires ou au Conseil du patronat alors.

M. Beauregard: Si vous me parlez de programmes de discrimination positive, la réponse serait très claire, c'est non.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Jonquière, très rapidement.

Mme Saint-Amand: M. le Président, je veux qu'on reste sur le sujet des métiers non

traditionnels exercés par les femmes. Je suis d'accord avec une affirmation de votre mémoire lorsque vous dites qu'une orientation professionnelle de meilleure qualité particulièrement pour les filles des secteurs professionnel et secondaire - et une publicité efficace et de bon goût devraient inciter les filles à se diriger davantage vers des carrières qui leur sont encore inconnues.

D'autre part, par une affirmation que vous faisiez tout à l'heure, je ne sentais pas chez vous le désir de voir très bientôt beaucoup plus de femmes accéder à ces métiers. Lorsque vous dites qu'il n'y en a pas de femmes qui s'inscrivent dans ces métiers, vous me permettrez de ne pas partager votre avis là-dessus parce qu'il y a de nombreuses femmes, maintenant, qui suivent des cours de formation professionnelle à différents niveaux dans des métiers non traditionnels.

Ce que j'aimerais vous entendre dire, ce que j'aimerais savoir de la part du Conseil du patronat, c'est si vous seriez prêts à recommander aux entreprises d'abord de travailler en collaboration avec nos institutions qui forment ces filles dans des métiers non traditionnels, à vous associer à ces campagnes de publicité, à faire connaître les métiers non traditionnels où des filles pourraient maintenant exercer une carrière et si vous iriez jusqu'à recommander qu'un certain nombre de postes soient gardés disponibles pour des filles ou des femmes qui aimeraient faire carrière dans ces métiers.

M. Beauregard: II y a plusieurs choses dans votre question. À l'ensemble des éléments de votre question, la réponse est oui, sauf à un. Quand vous dites: Garder un certain nombre de postes pour ces gens, la réponse à cela c'est non. C'est vite dit, maintenant j'explique tout cela.

D'abord, quand je vous disais tantôt qu'on constate qu'il n'y a pas de femmes ou très très peu dans certains métiers, je citais Mme McKenzie, du Conseil du statut de la femme, qui déclarait cela très récemment. On était la semaine dernière - c'est à un niveau seulement - avec les responsables de la Commission de formation professionnelle au niveau collégial au Conseil des collèges. On nous confirmait la même chose. C'est infime. C'est en bas de 2 % dans l'ensemble des cas. Il y en a quelques-unes, mais il n'y en a pas qui s'inscrivent là de façon significative. Oui, on le suggère. On s'est même associé au sommet sur les conditions économiques des Québécoises au mois de mai. On s'est associé à une volonté de mettre sur pied une campagne, de diffuser de la publicité pour inciter les femmes à aller dans ces secteurs. Il n'y a aucune doute là-dessus. On en arrive toujours à ce qu'on considère être le principe de fond de notre mémoire. Qu'on s'organise avant le moment où il y a un poste disponible dans une entreprise pour ramener là-dedans les membres des groupes cibles et l'embauche se fera strictement sur la compétence.

Je termine en faisant un parallèle avec une autre façon de faire qui a été établie pour essayer de favoriser l'embauche de membres de groupes cibles. C'est celle qui a été mise sur pied par l'Office des personnes handicapées du Québec. C'est un programme d'embauche fait par l'entreprise d'après ce qu'elle connaît de ses possibilités. Il n'y a pas d'obligation là-dedans en termes d'objectifs numériques vus au sens des quotas, mais c'est un programme qui, d'après l'OPHQ, actuellement, fonctionnerait assez bien. C'est peut-être une voie qui serait plus acceptable.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse auprès du député de Saint-Jacques de ne pas pouvoir le reconnaître. Notre temps est passé. Il reste trente secondes seulement au député de Vachon pour le mot de la fin.

M. Payne: Juste une petite mise au point, parce que c'est la crédibilité de la commission, je pense, qui est en jeu. Lorsque M. Beauregard a voulu nous faire croire que des 500 plus grandes compagnies américaines - je cite - "pas une seule sans exception n'appuie les quotas", il s'est basé, dit-il, sur le questionnaire de 1984 précité. Or, sa citation était une réponse à un sondage de la Ford Foundation de 1984 fait auprès de seulement 49 fournisseurs du gouvernement américain. Le point est qu'elle est contre les quotas - on s'entend là-dessus - mais qu'elle est implicitement pour les objectifs numériques et les échéanciers. On a dit: Aucune ne croit que les politiques des objectifs numériques et des échéanciers adoptés nécessitent des quotas. Je pense qu'il ne faut pas induire la population en erreur.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Beauregard: Je veux seulement rassurer le député de Vachon, je n'ai absolument pas voulu induire la commission en erreur. J'ai cité cette phrase qui est au coeur de l'article dont on parlait tantôt.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, MM. Beauregard et Gauthier ainsi que le Conseil du patronat du Québec. Nous allons maintenant entendre le Centre de recherche-action sur les relations raciales. Nous suspendons les travaux pendant cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 12 h 5)

Centre de recherche-action sur les relations raciales

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant le groupe Centre de recherche-action sur les relations raciales. Je demanderais aux gens qui sont ici, aux porte-parole de s'identifier et d'identifier les gens qui les accompagnent.

M. Malik (Waheed): M. le Président, je m'appelle Waheed Malik, je suis président de cette organisation. Je suis accompagné de Mme Brenda Lee, vice-présidente, et de M. Fo Niemi, directeur de l'organisation.

Le Président (M. Gagnon): Comme à tous les groupes - je le mentionnne - nous vous accordons 55 minutes, soit 20 minutes environ pour résumer votre mémoire et 35 minutes de dialogue avec les membres de la commission. Je vous cède la parole immédiatement.

M. Malik: Si vous permettez nous allons lire le mémoire puisque c'est assez court. Nous allons le lire en trois parties. Je vais commencer avec la première partie, M. Niemi suivra avec la deuxième partie et Mme Brenda Lee, avec la conclusion.

Avant de faire la lecture du mémoire j'aimerais quand même consacrer quelques minutes à l'organisation Centre de recherche-action sur les relations raciales.

C'est un organisme de sensibilisation du public à but non lucratif, actif dans la promotion de relations raciales harmonieuses et de l'accès à l'égalité pour les minorités au Québec et dans le reste du Canada. Son objectif principal est de favoriser la participation entière et égale des membres des groupes minoritaires ethniques et raciaux aux affaires publiques canadiennes et québécoises et de les encourager à se prévaloir de leurs droits, de leurs privilèges, de leurs avantages et de leurs devoirs de citoyens.

Le CRARR se préoccupe de l'accès à l'égalité des minorités dans nos institutions sociales, économiques, légales et éducatives. Sa priorité est la discrimination raciale institutionnelle, c'est-à-dire les barrières structurelles qui ont pour effet d'exclure les minorités des institutions clés, comme la fonction publique, les affaires et l'industrie, le système judiciaire, les médias d'information, les écoles, etc.

Le CRARR se préoccupe aussi des droits civiques des minorités tels qu'ils sont protégés par la constitution canadienne et les différentes législations des droits et libertés de la personne.

Son principal intérêt est de s'assurer que les minorités soient au courant de leurs droits et les utilisent afin d'améliorer leur bien-être.

Le Centre de recherche-action sur les relations raciales a le plaisir de soumettre ce mémoire à la commission des institutions sur les programmes d'accès à l'égalité. La commission qui est chargée d'étudier le projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité a invité le public québécois (individus et organismes) à présenter son point de vue sur ce projet de règlement. Cependant, le CRARR croit qu'une approche globale est nécessaire, voire impérative, compte tenu de la nature même du sujet et de son impact sur la société québécoise. Dans cette perspective globale, le projet de règlement sera couvert en tant que partie intégrale de notre mémoire.

Pour nous, l'action positive n'est pas une question de traitement préférentiel, de discrimination à rebours ou de système de quotas. Il s'agit plutôt de l'équité économique et de l'utilisation maximale de nos ressources les plus riches et les plus précieuses, c'est-à-dire nos ressources humaines.

Étant une organisation vouée à la promotion des droits socio-économiques de toutes les minorités du Québec, le CRARR vous demande de voir et d'accepter deux réalités fondamentales de la société québécoise: 1) le Québec a toujours été une province multiculturelle et multiraciale composée de communautés de diverses origines, y compris les nations aborigènes; 2) les institutions québécoises (politiques, économiques, juridiques et sociales) n'ont jamais reflété cette réalité.

Pour nous, la société québécoise s'est développée à partir des inégalités structurelles et de la discrimination systémique où la race, l'origine ethnique, le sexe et la productivité en sont les facteurs déterminants. Toutes ces formes d'inégalités sont bien documentées dans maints rapports et études, pour n'en citer que quelques-uns: 1) Le rapport de la Commission Royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, 1985. 2) L'Égalité en matière d'emploi, rapport d'une Commission Royale présidée par le juge Mme Rosalie Abella, 1984. 3) L'Égalité ça presse!, 1984. 4) CIPACC, le Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles, Rapport d'activités de 1982-1984. 5) Autant de façons d'être Québécois, 1981. 6) Groupe de travail parlementaire sur les perspectives d'emploi dans les années 80, publié en 1981.

Toutes ces études proposent des mesures concrètes d'accès à l'égalité dans le domaine de l'emploi. Ce qui manque c'est la volonté politique pour les mettre en applica-

tion. Mais, avant d'agir, il faudra d'abord éliminer tous les obstacles idéologiques et les mauvaises perceptions qu'on a au sujet de l'équité en matière d'emploi.

Nous vous invitons à observer trois principes directeurs: 1) éviter de se comparer au modèle américain, surtout en ce qui concerne ses aspects négatifs. Le modèle américain se situe dans un cadre de référence basé sur un système de quotas, de confrontation et de litige; 2) situer l'action positive (ou programme d'accès à l'égalité) dans une perspective de planification et de développement des ressources humaines, surtout dans la conjoncture économique actuelle, où il y a, d'une part, un taux élevé de chômage et, d'autre part, une concentration de la demande de main-d'oeuvre dans les secteurs spécialisés; 3) traiter les membres des groupes minoritaires dans la société québécoise comme des citoyens à part entière. Il est temps qu'on cesse de les étiquetter "les immigrants" et de les marginaliser en conséquence.

Je passe la parole à M. Niemi pour la deuxième partie du mémoire.

M. Niemi (Fo): La charte québécoise est l'outil clef qui permettra à ce projet de règlement de devenir opérationnel. Il est clair que tout règlement, quelle que soit sa formulation, ne peut être efficace que si la loi qui le sous-tend est précise et ne comporte aucune contradiction.

C'est pour cette raison que nous croyons nécessaire de faire quelques commentaires préalables sur la charte, particulièrement sur les articles 86.2 et 86.7 qui, eux-mêmes, limitent sérieusement la mise en place des programmes d'accès à l'égalité. Pour le mémoire, on va dire PAE qui signifie programme d'accès à l'égalité.

Premièrement, il faut se rappeler que c'est seulement le deuxième paragraphe de l'article 86.2 qui a été mis en vigueur. Il se lit, comme vous le savez: "La commission, lorsqu'elle en est requise, doit prêter son assistance à l'élaboration d'un tel programme." Il est prévu, d'après cet article, que toute entreprise qui adopte volontairement un PAE n'est pas forcée de se prévaloir des services de la commission pour la mise en place d'un tel programme. Il est possible, donc, qu'un PAE adopté par une entreprise diffère de celui adopté ailleurs. Cela comme tel ne pose pas vraiment de problème pour nous. Cependant, il n'existe dans cet outil aucune référence se rapportant aux normes minimales que l'entreprise devrait prendre en considération si elle adopte un PAE.

Pour cette raison, nous recommandons donc que des normes minimales, telles qu'inscrits dans les règlements, soient incluses dans les programmes volontaires et que ces programmes soient approuvés par la commission.

Deuxièmement, le deuxième article qui devrait être modifié est l'article 86.7 qui se lit ainsi, comme vous le savez: "Le gouvernement doit exiger de ses ministères et organismes l'implantation de programmes d'accès à l'égalité dans le délai qu'il fixe. Les articles 86.2 à 86.6 ne s'appliquent pas aux programmes visés dans le présent article. Ceux-ci doivent toutefois faire l'objet d'une consultation auprès de la commission avant d'être implantés." Il est clair d'après l'article 86.7 que les ministères et organismes du gouvernement ne sont pas assujettis aux règlements présentement étudiés. Cela veut dire simplement que le traitement différentiel que le gouvernement s'accorde ne peut pas être acceptable et est discriminatoire dans la mesure où le secteur privé lui-même est aussi assujetti aux règlements prévus dans cette loi. Au CRARR, nous sommes d'avis que le concept d'universalité soit aussi retenu en ce qui concerne l'application des règlements du PAE au sein du gouvernement et pour ses organismes.

Le gouvernement - nous aimerions le souligner - a l'obligation d'être le modèle pour les PAE et, pour cela, il est important que les obligations, les objectifs et les politiques qu'il développe suscitent la promotion des PAE. Pour qu'un climat positif puisse promouvoir l'acceptation des PAE dans la société québécoise, il faut que les échéanciers dans l'implantation des PAE au sein du gouvernement lui-même soient clairement identifiés, et aussitôt que possible. Il est aussi important que la définition du mot "organismes" dans l'article 86.7 inclue tous les services du gouvernement, y compris le secteur parapublic, qui relèvent directement des fonds publics. Dans le cas du secteur des affaires sociales, cela implique la grande majorité des employé(e)s et services de ce ministère. (12 h 15)

En résumé, nous avons quelques recommandations claires: 1) que la définition du mot "organismes" dans l'article 86.7 inclue tous les services et secteurs public et parapublic; 2) que les PAE prévus pour le gouvernement soient conformes aux règlements prévus dans l'article 86.8; 3) que les délais prévus dans l'article 86.7 soient identifiés, par exemple, deux, trois ou cinq ans; et 4) qu'un comité de consultation et de vérification des PAE au sein du gouvernement, qui inclura des représentants des groupes cibles et de la Commission des droits de la personne, soit mis en place pour l'application de ces programmes.

Nous avons aussi une autre partie dans notre mémoire qui traite des articles du

projet de règlement de façon individuelle et séparée. Ce serait trop long de la citer ici, mais j'aimerais juste souligner quelques points importants: 1) l'importance et la nécessité d'avoir une clause, que ce soit dans le projet de règlement ou dans la charte, pour promouvoir la question de l'obligation contractuelle qui, en anglais, est plus reconnue comme "contract compliance" pour promouvoir l'égalité dans le secteur privé; 2) le besoin d'avoir des mesures de soutien pratiques et concrètes pour les membres des groupes cibles, que ce soit dans le secteur public ou privé, pour servir comme mesures supplémentaires aux mesures d'accès à l'égalité; 3) la chose fondamentale, en ce qui nous concerne, c'est le besoin d'avoir des données statistiques et des informations précises basées sur la race, l'origine ethnique des gens, afin que nous puissions faire l'analyse, que ce soit en fonction des politiques sociales ou des politiques économiques, des conditions de ces groupes cibles, surtout les groupes qu'on appelle les minorités visibles ou les groupes des communautés culturelles qui, jusqu'à présent, souffrent de ce que nous appelons une sorte de manque de couleur dans les statistiques du gouvernement concernant, par exemple, leur taux de participation sur le marché du travail. On n'a aucune idée de la participation des minorités visibles là-dedans, même quant au taux de chômage ou au taux de sous-formation des membres de ces groupes minoritaires.

J'aimerais passer la parole à notre vice-présidente pour la conclusion et, ensuite, nous répondrons à vos questions.

Le Président (M. Gagnon): Mme Brenda Lee, n'est-ce pas?

Mme Lee (Brenda): It is unfortunate that those individuals and/or groups who are opposed to the employment equity regulations have perceived those as one more set of bureaucratic intervention into the natural order of the marketplace.

However, as stated earlier, the problem of equitable participation and access of women, the disabled, Native people and cultural minorities is also a question of fighting discrimination and racism. Those two social phenomena are not organic elements of the economic rationale of our society. We cannot accept that any other element besides fair play enter in the negotiation between buyers and sellers of goods and/or services.

It is therefore, in our view, totally within the logic of and the right of a pluralistic and democratic society such as ours to ensure that all citizens have a guarantee of equal opportunity.

It is fitting that we conclude this brief with an extract from a speech delivered by the Honourable Judge Rosalie Abella on the 21st of March 1985, at a banquet organized by our agency in Montreal: "People are disadvantaged for many reasons and may be disadvantaged in a variety of ways: economically, socially, politically or educationally. Not all disadvantages derive from discrimination. Those that do demand their own particular policy responses. "To create equality of opportunity, we have to do different things for different people. We have to systematically eradicate the impediments to these options according to the actual needs of the different groups, not according to what we think their needs should be. And we have to give individuals an opportunity to use their abilities according to their potential and not according to what we think their potential should be. The object of the process is to prevent the denial of access to society's benefits because of distinctions that are invalid. "Unless we reject arbitrary distinctions, economically and socially disadvantaged groups will remain unjustifiably in perpetual slow motion. The objectives of breathing life into the notion of equality are to rectify as quickly as possible the results of parochial perspectives which unfairly restrict women, Native people, disabled persons and ethnic and racial minorities. "If we do not act positively to remove barriers, we will wait indefinitely for them to be removed. This would mean that we are prepared in the interim to tolerate prejudice and discrimination. By not acting, we unfairly ignore how inherently invalid these exclusionary distinctions are, and we signal our acceptance as a society that stereotypical attributes assigned to disadvantaged groups are appropriate justifications for their disproportionate disadvantages. "If they are not appropriate, and intrinsically they are not, we have an obligation as a society to remedy this inequity. It is in the act of remedying the inequity that we show our commitment to equality. In this sense, inactivity, however it is translated into defensive public or private rhetoric, is an acceptance of inequality. No exigency, economic or political, can justify the knowing perpetuation of inequality in Canada. If we fail to rectify it, we guarantee its survival." Comme cela, il faut agir.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M. Niemi, M. Malik et Mme Lee du Centre de recherche-action sur les relations raciales pour la présentation de leur mémoire très intéressant.

Il y a un certain nombre de choses. Je pense qu'il y a un certain consensus au

moins en ce qui concerne les groupes qui se sont présentés devant la commission, c'est-à-dire que tout le monde pense que le gouvernement doit se lier, donner l'exemple dans ce domaine des programmes d'accès à l'égalité et qu'il faut préciser le règlement pour le rendre plus efficace ou, comme on dit en anglais, "to make it workable" parce qu'il y a peut-être des articles qui seront difficilement applicables.

Je cite à la page 3 de votre mémoire, le premier des trois principes directeurs: "Nous vous invitons à observer trois principes directeurs: 1. éviter de se comparer au modèle américain, surtout en ce qui concerne ses aspects négatifs. Le modèle américain se situe dans un cadre de référence basé sur un système de quotas, de confrontation et de litige."

Vous êtes favorables à l'obligation contractuelle. D'accord? Aux États-Unis, ils ont beaucoup d'expérience avec le "contract compliance", l'obligation contractuelle. Ma question est celle-ci: Quels sont les aspects négatifs aux États-Unis? Est-ce que vous trouvez que les quotas sont négatifs? Qu'est-ce que c'est la confrontation? Et le litige? Je comprends que tout le monde pourrait aller en cour le cas échéant mais c'est difficile d'éviter cela.

M. Malik: On va diviser la réponse en deux parties. Je vais essayer de situer cela dans un contexte historique. C'est sûr qu'aux États-Unis, au départ, il y a une vingtaine d'années, on a essayé de faire monter les membres des groupes qui étaient vraiment victimes de discrimination au niveau de l'emploi. Dans ce sens-là, un système de quotas a été imposé. Cela a commencé avec les Noirs et ensuite avec d'autres groupes qui ont été identifiés au fur et à mesure que le programme avançait.

On est maintenant en train de regarder en arrière, c'est-à-dire "hindsight". À ce moment-là on réalise qu'il y a eu des confrontations parce qu'il y a des groupes qui commencent à contester. Le cas Bakke est un exemple flagrant des groupes qui ont contesté le système de quotas. Il y a d'autres exemples aussi. Pour moi, il faut situer cela dans un contexte historique pour voir quels sont les aspects négatifs et quels sont les aspects positifs.

Je pense que je vais demander à Fo de donner une réponse pertinente.

M. Niemi: Pour ce qui est du système de quotas, je pense que tout le monde est d'accord sur le fait que le système de quotas possède beaucoup plus de choses négatives que de choses positives. C'est un système plus rigide qui favorise lui-même, dans un sens, une sorte d'inégalité dans la question du "fair play". Je pense qu'il n'y a pas de doute là-dessus.

Quant à la confrontation et aux litiges, quand on parle d'exemples américains, il faut toujours nous souvenir que nous sommes au Canada. Surtout au Québec, nous avons, premièrement, une culture politique différente: nos institutions politiques et juridiques sont différentes. Deuxièmement, nous n'avons pas, comme M. le président vient de le dire, d'excuse historique pour justifier l'action positive envers les groupes de minorités au Canada, sauf pour les groupes autochtones du pays et pour les Noirs en Nouvelle-Écosse. Aux États-Unis, à cause de l'esclavage, le système de quotas est perçu depuis plusieurs décennies comme une méthode justifiée pour corriger les injustices du passé. "We are different, here."

Au chapitre des litiges, je pense qu'avec la charte des droits on commence à entrer dans une ère où toute dispute, qu'elle soit privée, publique ou politique, va être portée devant la cour. Cela peut être néfaste dans le sens que cela va coûter beaucoup d'argent, que cela va prendre beaucoup de temps et que, selon notre tradition parlementaire, les tribunaux n'ont pas le même pouvoir de légiférer qu'aux États-Unis. C'est dans ce sens que nous voyons l'aspect négatif du modèle américain.

M. Marx: Je trouve cela très intéressant, parce qu'il y a des groupes qui sont venus et qui ont louange le modèle américain, mais ils n'ont pas - comment dirais-je? - dépisté les aspects négatifs, comme vous l'avez fait. Je pense qu'on peut envisager de suivre, jusqu'à un certain point, le modèle américain, mais il faut éviter ses problèmes et ses aspects négatifs. Vous êtes contre les quotas. D'accord. Mais est-ce que vous êtes pour un objectif numérique? Faut-il avoir un...

M. Niemi: On devrait clarifier ceci: les objectifs numériques ne sont pas des quotas. Dans les autres provinces, surtout en Saskatchewan, c'est grâce à ces objectifs numériques que beaucoup de compagnies de la couronne et d'organismes parapublics ont pu améliorer la représentation, au sein de la fonction publique, des groupes autochtones, surtout, ainsi que celle des personnes handicapées.

M. Marx: En Saskatchewan, vous dites qu'il y a des objectifs numériques...

M. Niemi: Des objectifs numériques.

M. Marx: Pourriez-vous nous donner un exemple?

M. Niemi: Je n'ai pas les chiffres ici, mais l'une des compagnies, la Saskatchewan Potash Corporation...

M. Marx: Ah oui, oui, pour les autochtones.

M. Niemi: ...a dit que, dans dix ans, on aura un nombre important de membres de groupes aborigènes dans ce genre de système d'emploi.

M. Marx: D'accord. Oui, je me souviens de ce cas.

M. Niemi: Oui.

M. Marx: Ils auront un certain nombre d'employés qui viendront des peuples autochtones.

M. Niemi: Au Québec, je pense que le plan d'action à l'intention des communautés culturelles est aussi une forme d'objectif numérique, bien que cela soit traduit en termes de pourcentage. Mais, avec les objectifs numériques, on a beaucoup plus de flexibilité pour faire la gestion des ressources humaines et pour planifier a très long terme - je parle de cinq à dix ans -dans le but d'atteindre la représentation nécessaire ou équitable.

M. Marx: D'accord. Vous représentez surtout les communautés culturelles.

M. Niemi: On ne représente pas les communautés culturelles.

M. Marx: Pas les communautés...

M. Niemi: On parle des questions qui touchent...

M. Marx: Vous parlez, c'est cela...

M. Niemi: Oui.

M. Marx: Je m'excuse, je...

M. Malik: Disons que l'organisation est "issue oriented".

M. Marx: C'est cela. Vous ne représentez pas, mais vous faites des études... Pardon?

Mme Harel: Vous êtes préoccupés.

M. Marx: Vous êtes préoccupés. Voilà! La députée de Maisonneuve m'a donné le mot que je cherchais. Vous êtes préoccupés par les problèmes des communautés culturelles. Cela va pour Montréal ou pour la région métropolitaine. Mais, quand on arrive à Jonquière, il n'y a pas de problème pour les communautés culturelles étant donné qu'il y a très peu de personnes qui sont issues de ces communautés culturelles.

Mme Lee: On peut parler de problèmes de justice. Je ne sens pas que je représente une communauté culturelle comme telle.

M. Marx: Oui, d'accord.

Mme Lee: Nous sommes plus reliés aux questions de justice...

M. Marx: Aux questions de justice, oui.

Mme Lee: ...qu'à telle ou telle communauté ethnique ou culturelle. (12 h 30)

M. Marx: Aux questions de justice, d'accord. Si on a des programmes d'accès à l'égalité pour des membres des communautés culturelles, c'est fort probable que de tels programmes s'appliqueront surtout dans la région montréalaise et très peu ou peut-être pas dans l'Estrie, au Lac-Saint-Jean, dans la Gaspésie parce que...

M. Niemi: Je pense que dans ces cas on parlera peut-être de représentation équitable des femmes ou, dans les milieux ruraux, des personnes aborigènes.

M. Marx: C'est ça. En ce qui concerne les communautés culturelles, ce sera centré surtout sur la région montréalaise. Quand on parle des programmes d'accès à l'égalité, c'est évident qu'il sera nécessaire d'avoir un programme, disons, à Jonquière, d'où vient le député à ma gauche, mais ce ne sera pas nécessaire d'avoir tel programme pour des gens des communautés culturelles parce qu'il n'y a pas de problème. On va avoir un "checker board system" dans tout le Québec.

M. Malik: C'est ça. Juste pour clarifier ce que vous êtes en train de dire, on ne veut pas imposer une espèce de programme pour toute la province. Il y a des endroits, il y a des régions où il y a une certaine surreprésentation ou sous-représentation des membres des communautés culturelles ou des membres des groupes cibles. Dans ce contexte, il faut aussi voir la mobilité. Rien n'empêche que dans un programme à Montréal, avec l'utilisation des ressources humaines... Une personne peut quand même fonctionner sans barrière, sans obstacle et aller travailler dans n'importe quelle région du Québec. C'est dans ce sens. C'est l'utilisation des ressources humaines. Puisque Montréal a 40 % des personnes qui sont issues de Québécois de vieille souche, on va favoriser 40 % des programmes dans ce contexte... C'est pour faire une planification des ressources humaines dans toute la province avec, bien sûr, des objectifs régionaux et des objectifs numériques.

M. Marx: Ma dernière question: Nous sommes d'accord sur les objectifs numériques

pour les membres des communautés culturelles. Comment est-ce qu'on va établir cela? Il y a 80 communautés culturelles à Montréal. Comment va-t-on établir des objectifs? Il me semble que cela ne sera pas facile parce qu'il y a aussi, je dirais, des membres de certaines communautés culturelles qui n'ont pas besoin d'aide et qui n'ont pas besoin d'un programme d'accès à l'égalité.

M. Niemi: Oui, cela est un problème...

M. Marx: Ils ont gravi assez vite l'échelle et ils sont au-dessus, maintenant. Je ne veux pas les citer, mais vous comprenez ce que je veux dire.

M. Niemi: Je pense que vous avez devant vous une situation assez délicate comme législateur. Vous devez faire face d'un côté à la pression politique. Les groupes de communautés culturelles les plus forts, les plus organisés demanderont certainement cette représentation équitable dans les institutions québécoises, quels que soient les besoins, quelles que soient les nécessités réelles économiques. D'autre part, vous avez aussi des besoins économiques concrets, réels des groupes. Dans certains groupes, le taux de chômage est plus élevé, le taux de pauvreté est plus élevé que le taux provincial; peut-être à' cause de leur situation historique dans notre société, ils sont désavantagés. C'est pour cela qu'on a parlé tantôt de la nécessité d'avoir des statistiques, des données très précises basées sur la race et l'origine ethnique des gens pour mesurer leur condition sociale économique.

Maintenant, comme vous le savez, si on voulait parler du modèle américain, on pourrait dire qu'aux États-Unis il y a beaucoup de groupes de minorités raciales, les Noirs, les hispanophones et les Asiatiques. On serait très surpris de voir que les Asiatiques, comme minorité raciale aux États-Unis, ont une condition sociale économique plus élevée que les autres groupes. Pour ce groupe, l'action positive l'accès équitable aux institutions n'est pas aussi important que pour le groupe noir. Il faut avoir des indices basés sur la condition socio-économique des groupes pour mesurer. Comme législateurs, vous avez toujours les pressions des groupes qui, à cause de leur nombre, à cause de leur puissance économique, peuvent exercer beaucoup de pression sur vous, pour obtenir des mesures qui parfois devraient être octroyées aux personnes plus désavantagées. C'est aussi simple que cela.

M. Marx: M. le Président, en terminant, j'aimerais aviser tout le monde que les pressions devront être exercées auprès de la

Commission des droits de la personne parce que c'est elle qui va appliquer le règlement...

M. Niemi: Je suis content que vous ayez soulevé cette question, parce que la Commission des droits de la personne - il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont mentionné cela - est responsable de l'application de la Charte des droits et libertés de. la personne et des problèmes des PAE. En ce qui nous concerne, nous aimerions savoir quels sont les critères pour nommer les gens à la commission. Actuellement, à la Commission des droits de la personne, il y a trop d'avocats, il y a trop de personnes provenant du milieu syndical et, en ce qui concerne les droits de la personne pour la promotion de la justice économique pour les groupes cibles désavantagés, ce ne sont pas seulement des avocats qui vont faire appliquer la loi. C'est absolument nécessaire, surtout que, maintenant, à la commission, il y a un commissaire qui est strictement et absolument contre le programme d'accès à l'égalité. Je ne sais pas comment il a été nommé à la commission, sur quelle base, sur quel critère, mais c'est très "reckless" que d'avoir ce genre de personne à la commission, parce que ces personnes sont responsables de la charte et elles doivent s'identifier à l'esprit de la charte.

M. Marx: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vachon. Après, ce sera le tour du député de Saint-Jacques.

M. Payne: Merci, Mme Lee, M. Malik, M. Niemi. Cela m'a fait plaisir de vous rencontrer à nouveau, ainsi que le Centre de recherche-action sur les relations raciales. Vous recommandez - c'est fort intéressant -dans votre mémoire que les normes minimales prévues dans le projet de règlement devraient s'appliquer également aux projets volontaires et que le programme volontaire soit approuvé par la Commission des droits de la personne. Ce qui est aussi intéressant - je vais aborder cela dans un instant - c'est que le règlement devrait s'appliquer également aux organismes gouvernementaux et que le gouvernement -vous êtes d'accord là-dessus - devrait adopter l'obligation contractuelle et aussi que l'ensemble des éléments d'un programme d'accès à l'égalité soit porté à la connaissance des employés d'une entreprise. On a eu une discussion intéressante tout à l'heure là-dessus avec le Conseil du patronat. C'est un débat qui va continuer pendant plusieurs mois et même durant les années à venir, j'en suis certain. Mais me vais m'orienter sur une de vos préoccupations,

celle qui concerne plutôt le rôle et le devoir du gouvernement dans l'administration publique comme leader en ce qui concerne l'accès et les programmes d'égalité des chances. Je vais commencer d'abord par quelques réflexions personnelles. Je pense que c'est clair qu'il s'agit d'un défi de taille que le gouvernement assume en se soustrayant...

Le Président (M. Gagnon): Substituant? Soustrayant.

M. Payne: ...de l'application du règlement. Je dis que c'est clair. Oui, effectivement, c'est clair, c'est M. Clair, ministre responsable du Conseil du trésor, qui va être dans le "hot seat", comme on dit en anglais.

M. Marx: Non, pas pendant longtemps.

M. Payne: C'est une projection de la part du député de D'Arcy McGee. Je le vois là pendant très longtemps, c'est clair.

M. Marx: Je vois M. "pain" ou Payne dans sa chaise.

M. Payne: La question que je vous pose est celle-ci: Si le gouvernement tient à se soustraire de l'application du règlement, tout en se soumettant - c'est un élément important à préciser - à une consultation auprès de la Commission des droits de la personne, tel que mentionné dans l'article 86.7, et je cite: "...ceux-ci doivent toutefois faire l'objet d'une consultation auprès de la commission avant d'être implantés." Si le gouvernement s'y soustrait, malgré cette nuance ou cette précision, préférez-vous une liste d'organismes limitée ou exhaustive?

M. Malik: Est-ce que vous voulez dire le secteur privé ou le secteur public?

M. Payne: Je parle de l'ensemble des organismes. Vous dites que vous voulez l'élargir a tous les organismes publics et parapublics, je crois.

M. Malik: Non. Ce qu'on propose, c'est que le gouvernement, puisque le gouvernement est le plus grand employeur ici en ce qui concerne les services publics, parapublics et les sociétés d'État... Si le gouvernement ne peut pas se présenter comme un modèle et dire au secteur privé: Voilà! De cette façon, nous pouvons appliquer tel ou tel programme d'accès à l'égalité avec les objectifs numériques, avec les objectifs régionaux et aussi avec le fait que le gouvernement offre ses contrats au secteur privé, ce qu'on appelle l'obligation contractuelle. Avec l'ensemble de ces programmes, je pense que le gouvernement a un rôle primordial à jouer pour faire la promotion de ce qu'il croit, j'espère.

M. Payne: Oui, mais vous dites qu'il est important que les organismes soient des modèles, mais ma question est plus précise. Si le gouvernement s'y soustrait - ce qui est prévu, d'accord, malgré les nuances que j'ai apportées - si c'est le cas, préférez-vous que le gouvernement dresse une bonne liste, une longue liste exhaustive qu'il voudrait couvrir ou préférez-vous une liste limitée? La question est capitale parce que, si on donne au mot "organismes" son extension la plus grande, couvrant les secteurs public et parapublic, beaucoup plus d'organismes seront soumis au décret gouvernemental et obligés d'implanter les programmes d'accès à l'égalité, mais beaucoup moins, par conséquent, seraient soumis à la juridiction de la commission même. D'accord? C'est ce que je veux dire. Si, par contre, on donne au mot "organismes" son extension la plus restrictive, c'est-à-dire dresser une petite liste, disons, beaucoup plus d'organismes seront soumis à la juridiction de la commission, mais par conséquent, beaucoup moins d'organismes seront obligés par décret du gouvernement d'implanter les programmes d'accès à l'égalité. Quand vous dites en anglais: "What is good for the gander is good for the goose"...

M. Malik: It should be the other way around.

M. Paynes ...en réalité, en anglais, ce n'est pas cela. On dit: "What is good for the goose is good for the gander."

M. Malik: C'est exact, "is good for the gander", yes.

M. Payne: Voyez-vous? C'est un dilemme. Et si je dis: Étant donné que le gouvernement va se soustraire, laquelle des deux hypothèses préférez-vous?

M. Malik: C'est une question hypothétique. Je vais tenter de comprendre ce que vous avez expliqué tout à l'heure. D'après vous, si on soustrait les organismes gouvernementaux, les sociétés d'État, et, aussi, un autre objectif dont vous n'avez pas parlé, ce sont les industries qui ont plus de 200 employés. À ce moment-là, vous avez une liste...

M. Payne: Non, non, je m'excuse! Il faut couper le gâteau quelque part. Laissons l'entreprise privée de côté. Ce n'est pas dans mes préoccupations. On parle des secteurs public et parapublic étendus, si vous voulez. Parlons de cela pour le moment.

M. Malik: Ce serait l'ensemble des organismes?

M. Payne: Si vous voulez inclure tout

cela, c'est-à-dire son extension la plus large, à ce moment-là, vous allez soustraire ces organismes de la juridiction de la Commission des droits de la personne.

M. Malik: D'accord. Vas-y.

Le Président (M. Gagnon): M. Niemi.

M. Niemi: Si je comprends bien, c'est le principe que la couronne n'est pas assujettie à la commission et tout cela. Je pense qu'on devrait tirer une ligne quelque part. On a des institutions gouvernementales dans le sens large du mot. Par exemple, les ministères, etc. Et on a les organismes parapublics où on offre des services parapublics, par exemple, dans notre cas, services sociaux et de la santé, la justice, etc. Pour faire l'application pratique de ces PAE, je pense qu'on devrait être pratique et réaliste. Il faut déterminer où, premièrement, il y a besoin, où il y a la plus grande nécessité, le plus grand besoin d'avoir des personnes membres de groupes afin d'améliorer l'accès de ces groupes à ces services. Il faut regarder la question du besoin et la nécessité de représentation dans des services clés, des services parapublics; je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. C'est clair. (12 h 45)

M. Payne: Dans votre mémoire, vous dites et je vous cite: "II est aussi important que la définition d'organismes dans l'article 86.7 inclue tous les services du gouvernement, y compris le secteur parapublic, qui relèvent directement des fonds publics."

M. Niemi: Oui.

M. Payne: Ma préoccupation est la suivante, je viens de la décrire. Si on adopte cette position, cela va donner ce qui suit: si le gouvernement veut soustraire ses ministères et organismes du règlement, il me paraît évident qu'il devrait le faire de la manière la plus restreinte possible afin de donner plus d'ampleur, plus d'importance à la Commission des droits de la personne. Si je ne m'abuse, c'est aussi la position de la Commission des droits de la personne elle-même.

M. Niemi: C'est-à-dire que vous proposez des programmes par étapes, par tranches.

M. Payne: Non, non.

M. Niemi: Je ne suis pas votre ligne de pensée.

M. Payne: Dans l'article 86.7, vous dites qu'il est important que la définition du mot "organismes" inclue tous les services publics et parapublics. Je dis que si vous faites cela, selon la loi même, vous allez soustraire ces organismes de la juridiction de la Commission des droits de la personne. Sommes-nous d'accord?

M. Niemi: Mais c'est prévu...

M. Payne: Si vous le faites, cela va à l'encontre du principe selon lequel vous voulez que la commission puisse avoir la plus grande juridiction possible. Cela me paraît un peu contradictoire.

M. Niemi: Ce n'est pas contradictoire dans ce sens. Ce que nous recommandons, c'est ceci: l'essentiel est de s'assurer que le gouvernement ainsi que ses ministères et organismes parapublics soient aussi assujettis à la charte en termes de non-discrimination et aussi en termes de promotion des programmes d'accès à l'égalité. Je pense que c'est l'essentiel.

M. Payne: Oui, c'est important. Je vais peut-être ajouter quelque chose, vous avez peut-être mal compris.

M. Niemi: Je crois détecter chez vous une sorte...

M. Payne: Laissez-moi finir. Si je tiens pour acquis que le gouvernement maintient sa position de se soustraire du règlement, dans ce cas - c'est donc une hypothèse réaliste - est-ce que vous préféreriez une liste de l'administration et des organismes plus étendue, plus longue ou quelque chose de moindre?

M. Niemi: II ne restera pas grand chose si le gouvernement soustrait tous ses organismes publics et parapublics et sociétés d'État. Qu'est-ce qui reste? Le secteur privé. Avez-vous des sociétés qui vont faire partie de cette liste?

M. Payne: Je pense que l'idée est que le gouvernement devrait dresser la liste. Cela, c'est clair de par l'article même. Il s'agit de définir quels seront les organismes qui seront couverts. Il y a deux approches possibles, comme le dit la Commission des droits de la personne elle-même: vous pouvez avoir une longue liste ou une liste plutôt restreinte. Il y a des inconvénients à faire une liste complète. Si vous faites une liste complète et que, par la loi même, le gouvernement n'est pas soumis au règlement, c'est au désavantage de la juridiction de la commission.

M. Niemi: Je peux essayer de démontrer une autre situation. Prenons le cas de la condition féminine. Le gouvernement a déjà dit que ses organismes publics et

parapublics sont en voie d'appliquer les programmes d'accès à l'égalité des femmes. Peut-être que je me trompe, mais je pense que c'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement se soustrait à ce projet de règlement parce que le gouvernement pense que ses ministères sont déjà en voie d'application de ces programmes en ce qui concerne les femmes. Notre mémoire dit que le gouvernement a peut-être fait quelque chose pour les femmes mais, en ce qui concerne les minorités, les minorités visibles, elles sont complètement exclues de ces programmes. Et si le projet de règlement touche uniquement le secteur privé et qu'il ne comprend pas le gouvernement, l'État, en tant que plus grand employeur, à ce moment-là la raison pour laquelle nous sommes ici est contradictoire.

M. Payne: Je pourrai conclure en vous donnant un simple exemple. Dans l'hypothèse que je viens de souligner, croyez-vous que le gouvernement devrait inclure les CLSC et les petits hôpitaux privés dans la liste des organismes ou croyez-vous qu'ils devraient tomber sous l'égide de la Commission des droits de la personne? Il y a des inconvénients. Vous dites dans votre mémoire qu'on devrait inclure tout le service du parapublic. Si vous faites cela vous allez, a fortiori, soustraire les CLSC et Ies petits hôpitaux privés de la juridiction de la commission. C'est cela l'inconvénient de votre argumentation.

M. Malik: Si vous lisez la page 7, quatrièmement, on dit: "Qu'un comité de consultation et de vérification des PAE au sein du gouvernement, incluant les représentants des groupes cibles et de la Commission des droits de la personne soit mis en place." Nous avons quand même la représentation des gouvernements, des groupes cibles et aussi de la commission. On n'exclut pas la commission en ce qui concerne l'application de ces programmes. On a dit que d'après le projet de règlement, la commission a une certaine fonction, un certain objectif. Nous ne voulons pas exclure la commission de ces objectifs, mais il faut élargir le projet de règlement pour inclure nos préoccupations.

M. Payne: Je dirais, en concluant, que je préfère que les organismes comme, par exemple, les sociétés d'État, SOQUIP et d'autres ou, dans le secteur parapublic, les CLSC, soient en mesure d'élaborer eux-mêmes les programmes d'égalité des chances ne faisant pas partie des organismes publics tels que définis ou tels que dressés par le gouvernement, pour faire en sorte que la Commission des droits de la personne puisse surveiller la mise en application.

Il y a des arguments pour et contre.

M. Malik: C'est cela.

M. Payne: Vous êtes d'accord?

M. Malik: Oui.

M. Payne: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Jacques.

M. Viau: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier votre groupe d'avoir témoigné. Je n'irai pas d'une gymnastique compliquée comme celle du député de Vachon. On comprend très bien ses préoccupations mais il reste que je vais m'attacher plutôt à la base ou au fondement même du projet de règlement.

On a eu, hier, le témoignage d'un groupe extrêmement intéressant, le Collectif des femmes immigrantes de Montréal qui nous disait, entre autres, que ce qui était acceptable... Vous écrivez ici, en page 11, que dans la mesure où on ne peut pas avoir les résultats des études démographiques, la commission et les tribunaux devraient formuler des objectifs numériques en se fondant sur les estimations raisonnables de cette population sur le marché du travail. Le Collectif des femmes immigrantes de Montréal nous disait que quand on connaît les proportions - je pense que vous connaissez déjà les proportions face à la population active des représentants de vos groupes - cela peut quand même être fait... Eux le connaissait en tout cas pour les femmes immigrantes et être capable d'arriver...

M. Niemi: Elles se sont basées sur les données de l'immigration.

M. Malik: C'est facile de déterminer qui est immigrant à partir des trois dernières années, les gens qui viennent ici et qui s'installent au Québec ou au Canada comme immigrants. En ce qui concerne la présence des membres des minorités culturelles et des groupes cibles, c'est très difficile. Même les enfants des minorités qui sont nés ici sont considérés comme des immigrants ou exclus.

M. Viau: II restait que la démonstration qu'on nous a faite hier... Sans faire la répartition de la disproportion entre les Italiens, les Grecs, etc., on disait hier, entre autres, que la présence des femmes immigrantes dans la fonction publique québécoise se situait à 0,7 % quand il y a une représentativité dans la population de 4 %. Les représentantes du Collectif des femmes immigrantes de Montréal nous disaient que pour elles, un objectif valable et intéressant, un objectif numérique pourrait être une parité, c'est-à-dire 4 %. On

devrait, comme gouvernement, en ce qui a trait à l'implantation des mesures d'accès à l'égalité dans les structures gouvernementales, sans faire la définition... Pour moi, tout ce que j'appelle gouvernement c'est tout ce qui a une relation avec le gouvernement et peut-être même l'obligation contractuelle... Est-ce que cela vous apparaît, sans faire une dénomination de ce que pourraient être les pourcentages pour les communautés culturelles spécifiques, comme des objectifs numériques raisonnables de retrouver une parité? Si on parle de 4 % de femmes immigrantes dans la population et qu'on n'en retrouve que 0,7 % dans la fonction publique québécoise ou dans l'appareil gouvernemental, est-ce que pour vous les 4 % seraient un objectif réel et raisonnable?

M. Niemi: Quand on parle de pourcentage d'un tel groupe dans la population, on devrait souligner qu'en ce qui nous concerne au niveau technique, au niveau spécifique des questions des relations industrielles ou économiques, on parle de la population active.

M. Viau: Vu qu'on parlait...

M. Niemi: C'est différent de la population en général, parce que si vous vous dites: On ne compte pas la population... Je pense que beaucoup de groupes ont mal entendu en ce qui concerne leur représentation au sein de la population; on veut dire au sein de la population active.

M. Viau: C'est ce que le collectif des femmes nous disait. Parmi les 4 % de femmes actives immigrantes dans la population 0,7 % se retrouvent dans la fonction publique. Toutes les variables étant stables, considérez-vous qu'avoir 4 % de femmes immigrantes dans la fonction publique serait, pour vous, un objectif raisonnable?

M. Malik: Si c'est un objectif d'étape, mais pas un plafonnement. Par exemple, si on dit: Écoutez, maintenant, nous avons atteint notre chiffre de 4 %, fini pour les prochaines dix ou quinze années! Si c'est un objectif pour franchir une étape, d'accord. Maintenant, on va favoriser un groupe qui n'a pas de moyens ou qui n'a pas de possibilités à cause de toutes sortes de barrières et d'obstacles qu'on vient d'énumérer. Il y en a d'autres aussi; on peut faire des tests là-dessus. À ce moment, cela peut être intéressant.

Mais il ne faut pas qu'on se plafonne à ces chiffres, parce que le système de quotas ou les chiffres, cela nous plafonne. C'est bien au départ, pour nous situer dans un contexte global, mais si on utilise cela pour plafonner, pour bloquer l'avancement, je pense qu'on va à l'encontre de notre position.

M. Viau: Je pense qu'on a eu un consensus là-dessus hier, M. le Président. Souvent, les quotas sont perçus comme des objectifs maximaux à atteindre. Tous les groupes qui ont passé ici, ainsi que moi-même, je pense que notre interprétation, c'est de rétablir une équité. Je pense à un droit, celui à l'équité, à la parité, dans ces cas. Je pense qu'on s'entend tous là-dessus et la démonstration d'ouverture de notre société va nous faire la preuve que ce ne sera qu'un rétablissement de droit et de fait.

On dit aussi dans votre mémoire - je me suis arrêté beaucoup à cela hier, entre autres, sur le sujet des femmes immigrantes et des femmes en général - à l'article 8 qu"'un programme peut également prévoir des mesures de soutien". On nous en a donné une définition qui aurait trait aux besoins des communautés ethniques et raciales. Pouvez-vous nous faire un petit exposé sur ce que vous percevez, vous, comme programme de soutien - qui, à moi, apparaît souvent comme essentiel - pour faire en sorte qu'un programme d'accès à l'égalité puisse être opérationnel et donner des résultats concrets?

Mme Lee: Avant de continuer, je voudrais, si vous permettez, attirer votre attention sur vos définitions. Si vous parlez des femmes immigrantes, vous ne parlez pas de moi, parce que je suis immigrée d'une manière très naturelle, comme ma mère, et je ne suis pas incluse dans les femmes des communautés culturelles ni dans les femmes immigrantes.

M. Viau: Mais vous en faites quand même partie, on peut vous considérer comme faisant partie d'une minorité ethnique ou raciale et la femme immigrante... Je vais peut-être revenir là-dessus - en fait, le collectif s'appelle comme cela - mais on faisait aussi allusion aux problèmes des communautés ethniques et raciales, parce que je pense qu'on l'a établi, il y a une discrimination de fait. Cette discrimination est systémique ou elle est tout simplement pure. Même si vous n'êtes pas immigrante, mais Canadienne reçue ou Canadienne d'origine, il reste qu'on a pu constater, à compétence égale, qu'il y avait quand même une discrimination auprès des communautés culturelles et ethniques. Je m'excuse de ce lapsus de définition.

M. Niemi: Excusez-moi, nous débutons sur les mesures de soutien.

M. Viau: Ah, les mesures de soutienl M. Niemi: Concernant les mesures de

soutien, je passe à la page 13 de notre mémoire, où je cite quelques exemples en ce qui concerne les femmes, surtout les femmes monoparentales. Il y a une mesure de soutien qui, d'ailleurs, est recommandée par le rapport Abella. C'est une forme de service de garderie dans l'entreprise même, parce que pour les femmes monoparentales en général qui ont des enfants, sans ce genre de mesures de soutien spéciales, ce serait très difficile d'avoir accès au marché du travail ou à une entreprise pour un travail

C'est un exemple très clair de mesure de soutien. Pour les autres couples, en ce qui concerne leur compétence et leur formation, il y aurait des mesures de soutien dans les cours de langues, par exemple. On est au courant du fait qu'à la Commission des droits de la personne, il y a un poste de directeur ou de directrice d'ouvert de l'éducation. Il y avait une candidate exceptionnellement qualifiée, une candidate idéale. Cette candidate a beaucoup de diplômes et beaucoup d'expérience, mais son désavantage, c'est le fait qu'elle est anglophone.

M. Viau: Elle ne parle pas le français?

M. Niemi: Elle ne parle pas français, mais elle comprend bien au niveau conceptuel et fonctionnel. C'est à cause de cela qu'elle ne peut pas avoir le job et je pense qu'à cause de cela la commission va aussi manquer ses services. Une sorte de mesure de soutien serait peut-être de discuter avec cette candidate anglophone qui, d'ailleurs, est une noire. Une mesure de soutien serait qu'on la mette en poste pour une période d'essai de six mois à un an durant laquelle vous devez faire l'apprentissage du français pour démontrer, à la fin de cette période d'essai, que vous êtes capable de fonctionner, de travailler en français au niveau verbal et au niveau écrit.

Sans cette mesure de soutien, un candidat n'a pas eu la chance d'avoir un poste extrêmement intéressant et nécessaire. C'est une forme de mesure de soutien concrète.

M. Viau: Peut-être une dernière question. On a soulevé hier, aussi, la possibilité de la création d'un fonds, dans la mesure où la commission ou tout autre organisme déterminerait une certaine discrimination dans une entreprise, dans un organisme quelconque, et ce fonds pourrait être mis à la disposition des plaignants ou des plaignantes, les plaignants étant les représentants des communautés culturelles, ethniques et raciales et pour les groupes de femmes, parce que ce n'est pas aux comités ethniques, raciaux ou aux femmes de porter le fardeau d'une discrimination qui est faite depuis un certain temps. Que pensez-vous de la création de ce fonds pour défendre, entre autres...

M. Malik: C'est déjà fait au niveau fédéral, il y a un crédit de 9 000 000 $ qui a été accordé au Conseil de développement social du Canada, par l'article 15 de la charte canadienne, l'article qui traite de l'égalité.

M. Niemi: C'est la recommandation qu'on a faite au comité parlementaire à Ottawa, sur l'article 15, l'acquisition d'un fonds de litige accessible aux membres des groupes cibles, non seulement pour les femmes et les minorités, mais aussi pour les personnes handicapées parce que en Ontario, il y a une coaliltion des organismes de personnes handicapées qui a fait ce genre d'action de litige.

M. Viau: Comme cela, vous seriez favorable à la création d'un tel fonds.

M. Niemi: Oui.

Le Président (M. Gagnon): C'est la réponse qu'on a donnée. Je vous remercie infiniment pour votre participation à cette commission. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures. Je vous donne rendez-vous à 14 h 55, et nous entendrons le Barreau du Québec.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions se réunit afin de procéder à une consultation générale sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité en vertu du paragraphe b) de l'article 86.8 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cet après-midi nous commencerons avec le Barreau du Québec. Je voudrais demander aux membres de la commission s'ils sont consentants à ce que le député de Fabre redevienne membre de la commission puisqu'il avait été remplacé par le député d'Iberville.

M. Marx: Oui, M. le Président. J'espère que les députés ministériels seront consentants quand nous voudrons remplacer quelqu'un.

Le Président (M. Gagnon): Pardon?

M. Payne: ...sur l'égalité des chances.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je suis tout à fait d'accord, mais cela n'aura pas pour effet d'augmenter le nombre de membres ministériels?

Le Président (M. Gagnon); Non, puisque c'était le député d'Iberville, cet avant-midi, qui remplaçait le député de Fabre.

Une voix: Très bien.

Le Président (M. Gagnon): J'invite donc immédiatement le Barreau du Québec, en vous précisant, comme on l'a mentionné à tous les autres groupes, qu'on accorde 55 minutes, soit environ 20 minutes pour livrer votre mémoire et à peu près 35 minutes de dialogue avec les membres de la commission. En vous souhaitant la bienvenue, Me Vadboncoeur, je vous cède le micro.

Barreau du Québec

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord présenter mon confrère qui m'accompagne, Me Jean-Pierre Lussier, avocat en pratique privée à Montréal. Sans qu'ils soient présents, j'aimerais quand même mentionner le nom des membres du comité du Barreau sur la Charte des droits et libertés de la personne qui ont travaillé à la préparation de ce mémoire: le président du comité, Me André Tremblay, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, lequel, malheureusement, n'a pas pu être ici aujourd'hui; Me François Aquin, avocat de pratique privée de Montréal, qui est assez connu également; Me Raymond Clair, avocat de pratique privée de Drummondville; Me Michel Décary, avocat de pratique privée de Montréal et ancien sous-ministre adjoint - je crois qu'à l'époque on les appellait les adjoints - au ministère de la Justice, et je crois qu'il était aux affaires civiles et pénales; Me Guy Lafrance, avocat de la police de la CUM; finalement, mon confrère qui est à ma gauche et moi-même.

Vous avez reçu le mémoire ce matin, donc, j'imagine que peu d'entre vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. Je le résumerai assez en détail. Il se divise en deux parties. La première concerne des éléments de fond, des discussions de fond particulièrement sur la partie III de la charte. La deuxième partie concerne le projet de règlement proprement dit.

Je dois vous mentionner en introduction que les réflexions du comité du Barreau ont dû déborder le projet de règlement, puisque ce projet de règlement était greffé à la partie III de la charte récemment entrée en vigueur à l'exception d'un alinéa. Cette partie III pose certains problèmes, contient certaines lacunes et crée une situation d'incertitude juridique que le Barreau doit dénoncer puisque cette situation va sûrement créer des problèmes juridiques très sérieux. Elle va créer des problèmes aux avocats eux-mêmes qui seront dans l'impossibilité de conseiller adéquatement leurs clients en matière de programmes d'accès.

Le projet de règlement comporte deux points majeurs pour le Barreau. Il s'agit des mesures d'égalité des chances et des mesures de redressement. Les mesures d'égalité des chances sont fort bien accueillies par le Barreau, mais les secondes, les mesures de redressement, suscitent encore quelques réserves.

Nous avons, dans les années passées, publié et présenté quelques mémoires sur la Charte des droits et libertés de la personne, et on vous réfère particulièrement à nos mémoires d'octobre 1981 et de décembre 1982 où on s'était prononcé assez longuement sur la partie III du projet de loi 86, si je ne m'abuse.

Cette position qu'on avait prise à ce moment, en résumé, était la suivante. Étant donné que les programmes d'accès, qui sont finalement de la discrimination à rebours, étaient des choix de société que le législateur avait faits et avait insérés dans une de ses législations fondamentales qui est la Charte des droits et libertés de la personne, ces choix de société avaient été assumés par le législateur et notre position était qu'ils devaient être appliqués également par le législateur et soumis à la surveillance de celui-ci. L'Assemblée nationale a plutôt décidé de donner un rôle prépondérant aux tribunaux en matière de programmes d'accès et nous nous plions a cette volonté législative. Par ailleurs, on doit signaler tout de suite que ce rôle des tribunaux sera considérablement accru du fait de la non-promulgation du premier alinéa de l'article 86.2 qui prévoit que tout programme d'accès à l'égalité doit être approuvé par la commission à moins qu'il ne soit imposé par le tribunal. On y reviendra un petit peu plus loin dans le mémoire.

En dernière remarque préliminaire, nous constatons, tant dans la loi que dans le projet de règlement, certaines lacunes qui non seulement seront de nature à susciter des problèmes pour l'avocat qui doit conseiller ses clients, mais également risquent de décevoir les personnes qui ont fondé des attentes depuis fort longtemps sur cette partie III et sur ces programmes.

L'incertitude qui entoure la législation actuelle - quand je parle de législation, je l'emploie en termes génériques - tant la charte que les règlements, donc, ces lacunes qui y sont risquent de faire s'effondrer tout l'encadrement légal qui entoure les programmes d'accès dès la première contestation. On suppose qu'il y en aura, des contestations judiciaires.

Enfin, on doit aussi suggérer comme

remarque préliminaire que les mesures de redressement risquent de susciter énormément de problèmes juridiques dans les entreprises dont les relations du travail sont régies par une convention collective. Vous savez comme moi tout l'appui et toute l'importance que les conventions collectives ont dans notre milieu du droit du travail et vous savez aussi que le principe de l'ancienneté constitue un élément majeur en matière d'avancement, par exemple. Les programmes d'accès non seulement risquent d'être, mais seront sûrement incompatibles, à bien des égards, avec les dispositions de la convention collective. Donc, on assistera à des débats judiciaires et à des griefs absolument innombrables.

Je commence la première partie du mémoire qui touche plus précisément les principes de base que nous croyons nécessaires à une juste législation. Dans l'état actuel du droit, nous ignorons quelles seront l'utilité et l'application de la charte québécoise par rapport à la charte canadienne, ici, au Québec, tant et aussi longtemps que le jugement de la Cour suprême du Canada ne sera pas rendu dans l'affaire de l'Alliance des professeurs.

Vous n'êtes pas sans savoir, j'imagine, que la Cour d'appel a rendu son jugement dans cette cause en juin dernier et le jugement de la Cour d'appel était dans le sens que la charte canadienne recevait application au Québec, donc, la fameuse loi dérogatoire 62 était considérée comme invalide.

Actuellement, nous sommes dans un climat d'incertitude en ce qui concerne le secteur public parce que, comme vous le savez, le secteur public est visé par la charte canadienne. Si la charte canadienne s'appliquait au Québec, si le jugement de la Cour suprême du Canada confirmait celui de la Cour d'appel, ce qui est une hypothèse vraisemblable, plausible, la présomption de validité contenue à l'article 15.2 de la charte canadienne s'appliquerait, ici, au Québec, au secteur public et nous ferions face à deux régimes différents. (15 h 15)

En ce qui a trait au secteur public, pour le moment, on ne sait pas si on doit l'assujettir aux normes prévues dans la charte québécoise ou à celles de la charte canadienne. Précisément, à cause de la différence des présomptions de validité contenues à la charte canadienne et à la charte québécoise, il nous semble qu'on devrait attendre ce jugement de la Cour suprême avant d'appliquer le projet de règlement, de même que la partie III en elle-même, parce que, à ce moment, on ne sait vraiment pas laquelle des deux chartes s'applique au Québec.

Juridiquement parlant, il nous semble un peu étrange, dans l'hypothèse où la charte canadienne s'appliquerait au Québec, d'assujettir l'exercice d'un droit constitutionnel, soit celui qui est prévu à la charte canadienne, à des normes statutaires québécoises. Elles sont québécoises en l'occurrence, mais cela pourrait être à des normes statutaires de n'importe quelle autre province. Cela nous semble un peu curieux, juridiquement, d'assujettir l'exercice d'un droit constitutionnel à des normes statutaires provinciales.

Pour le moment, en ce qui concerne le secteur public, nous recommandons aux législateurs d'attendre que le jugement soit rendu avant de faire quoi que ce soit en matière de programmes d'accès, mais, encore une fois, dans le secteur public.

Le deuxième principe, c'est l'application des mêmes normes aux secteurs public et privé. Dans l'hypothèse où ce jugement de la Cour suprême confirmerait celui de la Cour d'appel, on ferait face à deux régimes différents selon qu'on est dans le secteur public ou dans le secteur privé. Je m'explique. Le secteur public serait soumis aux normes de la charte canadienne, donc tous ses programmes d'accès implantés volontairement seraient présumés valides, alors que dans le secteur privé les programmes d'accès mis sur pied volontairement ne seraient présumés valides que s'ils sont établis conformément à la charte québécoise. Qu'est-ce que c'est être "établi conformément à la charte"? Est-ce que c'est être établi conformément à la méthodologie prévue? Est-ce que c'est être établi selon l'esprit de la charte? Est-ce que c'est être établi en s'inspirant du projet de règlement qui, par ailleurs, ne s'applique pas aux programmes volontaires? On ne sait pas trop ce que c'est. Ce sont des normes qui sont un peu floues à ce stade-ci; donc, on voit tout de suite la différence de régime qui s'appliquerait au secteur privé et au secteur public.

Le comité du Barreau est d'avis qu'il serait souhaitable que les mêmes normes s'appliquent au secteur privé et au secteur public et en conséquence recommande que le deuxième alinéa de l'article 86.1 de la charte soit amendé afin que la présomption de validité des programmes dans la charte québécoise soit analogue à celle qui est prévue dans la charte canadienne. Donc, à la page 9 du mémoire, vous voyez l'amendement qui est suggéré. On suggère que ce deuxième alinéa se lise comme suit: "Un tel programme est réputé non discriminatoire." On enlève la référence à la charte elle-même.

Troisième point: corriger l'incertitude juridique de la législation dans son état actuel. La décision du gouvernement de ne pas promulguer le premier alinéa de l'article 86.2 a suscité chez nous plusieurs interrogations. On s'est d'abord demandé si le gouvernement désirait exclure par ce biais la

mise sur pied de programmes volontaires.

En effet, il n'y a absolument aucun critère, à l'heure actuelle, qui peut guider une entreprise quelle qu'elle soit dans l'établissement de programmes d'accès. Il ne faut pas oublier que cet aliéna qui est l'élément charnière de cette partie III donne un critère de validité aux programmes d'accès, soit en l'occurrence l'approbation par la commission ou une ordonnance du tribunal. Étant donné qu'il n'y a pas d'approbation par la commission à l'heure actuelle, le programme d'accès qui est mis sur pied volontairement par une entreprise pourrait être attaqué très facilement par qui que ce soit devant les tribunaux étant donné que, par essence même, les programmes d'accès contiennent des éléments discriminatoires ou des éléments de discrimination. Donc, si cela contient des éléments de discrimination, on ne peut pas dire que le programme est établi conformément à la charte. Alors, ce serait un programme qui serait soumis à des contestations judiciaires immédiates et ce serait également une porte ouverte à n'importe laquelle entreprise, sous le couvert d'un programme d'accès, pour pratiquer effectivement de la discrimination dans son sein ou dans son organisation. Ce serait très facile. Son programme serait valide, donc sa discrimination serait valide tant et aussi longtemps qu'il n'y aurait pas de contestation devant les tribunaux. Cet alinéa de l'article 86.2 n'est pas en vigueur, il est vrai, mais il existe dans la loi et il ne faut pas l'oublier. Il s'agit quand même de la volonté du législateur de soumettre les programmes d'accès à l'approbation de la commission. On ne peut pas ignorer ce mécanisme qui est prévu pour l'implantation régulière - et j'insiste sur le mot "régulière" - des programmes d'accès. Donc, on est vraiment dans un climat d'incertitude pour les programmes volontaires.

Une autre question que l'on peut se poser également, c'est: Est-ce que les programmes volontaires établis sans approbation par la commission sont réputés discriminatoires parce que non établis conformément à la charte? On ne le sait pas. C'est ce qui va donner ouverture à des contestations. Les mêmes interrogations et les mêmes commentaires s'appliquent d'ailleurs aux programmes qui sont implantés à la suite d'une recommandation à cet effet par la commission.

Actuellement, admettons que la commission enquête sur une prétendue situation discriminatoire dans une entreprise. Elle constate qu'effectivement il y a une certaine discrimination et recommande l'implantation de programmes d'accès. Encore une fois, l'entreprise qui se voit recommander l'élaboration d'un programme d'accès n'a absolument aucun critère pour s'assurer de la validité de son programme à cause de la non mise en vigueur du fameux alinéa. Le programme ne sera pas approuvé. Il est ouvert, encore une fois, à toute contestation judiciaire. Il n'y a aucun critère qui peut assurer à cette entreprise-là de la validité de son programme.

Cela nous amène à conclure que l'unique certitude qu'on a, à l'heure actuelle, c'est le programme d'accès qui est implanté par ordonnance du tribunal. L'article 86.3 nous dit que l'entreprise revient devant le tribunal après avoir élaboré son programme et le tribunal peut lui apporter des changements. Donc, le tribunal donne son imprimatur, si je peux dire, à ces programmes d'accès. C'est vraiment l'unique moyen que l'on a, dans l'état actuel de la loi, de savoir que le programme est effectivement valide.

Le quatrième point de fond de notre mémoire concerne les pouvoirs décisionnels donnés à la commission. Nous avons tout à l'heure souligné l'incertitude juridique qui régnait à cause de la non-promulgation du premier alinéa de l'article 86.2 de la charte. Cependant, le Barreau du Québec maintient sa position là-dessus de ne pas conférer à la commission, ou à n'importe quelle commission administrative d'ailleurs, des pouvoirs décisionnels. On nous dira: Mais, quoi? il n'y en a pas. La commission n'a pas de pouvoir décisionnel, elle n'a que des pouvoirs de recommandation. Sauf qu'approuver des programmes c'est décider de leur validité effectivement. Donc, on assimile ces pouvoirs d'approbation à des pouvoirs décisionnels, ce qu'en aucun cas une commission administrative ne doit avoir.

On répète ici notre choix premier. Il s'agit d'un choix de société et l'application de ce choix n'appartient ni à des fonctionnaires ni même, à la limite, aux tribunaux.

Donc, on recommande l'abrogation pure et simple de ce premier alinéa de l'article 86.2, étant donné le choix politique du législateur de laisser, finalement, le tribunal décider de la validité des programmes et d'imposer des programmes à certaines entreprises.

La deuxième partie du mémoire soumet une analyse du projet de règlement. Je me limiterai à certains commentaires un peu plus importants quant au fond. Il s'agit de l'article 5, d'abord, qui, d'après nous, suggère une démarche beaucoup trop étendue en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises.

Je vous lis particulièrement le passage qui nous a un peu effrayés. Il s'agit de la dernière phrase de l'article 5, qui se lit comme suit: "Cette analyse - qui est l'analyse de disponibilité - indique aussi dans quelle mesure des personnes possédant les caractéristiques du groupe cible sont disponibles sur le marché du travail." Vous

vous imaginez quelle étude de marché cela peut impliquer ou que cela va impliquer, effectivement, pour les PME. C'est absolument disproportionné avec leurs moyens financiers et leurs capacités. Elles seront obligées de s'engager des experts à des prix exorbitants et je pense que c'est absolument irréaliste d'imposer une telle démarche aux petites et moyennes entreprises.

Un commentaire analogue, d'ailleurs, peut s'appliquer à l'article 15 qui comporte une exigence aussi disproportionnée dans le secteur de l'éducation, étant donné que l'analyse, encore une fois, doit déterminer, parmi les membres du groupe cible, le nombre de personnes à l'intérieur et à l'extérieur du système scolaire qui pourraient accéder au programme d'études de l'institution. Encore une fois, cela requiert une étude de marché qui est absolument inaccessible à la majorité.

On nous a dit que la commission, en vertu de l'article 86.2, deuxième alinéa, devait prêter son assistance à l'élaboration d'un programme lorsqu'elle en est requise. Je veux bien. Il s'agit d'une obligation, mais on est limité quand même par les effectifs qu'on a. On a mentionné que la commission s'était vue dotée d'effectifs nouveaux pour remplir ses fonctions d'assistance, mais s'ils sont débordés par les enquêtes, par les recommandations, par leurs tâches d'assistance, par les approbations, si jamais le premier alinéa reste là, il n'y aura plus de disponibilité des effectifs de la commission pour aider les entreprises à effectuer ces fameuses études et analyses de marché.

Le deuxième commentaire - on peut passer rapidement - à l'article 6, on suggère de remplacer le paragraphe 5° par celui-ci: "les mesures disciplinaires et non disciplinaires" au lieu de "les mesures disciplinaires et administratives". Là-dessus, mon collègue, Jean-Pierre Lussier, pourra peut-être préciser davantage les motifs de cette recommandation.

L'article 7 est probablement l'article le plus fondamental du projet de règlement et celui qui a suscité également, au Barreau, le plus de problèmes. D'abord, les mesures d'égalité des chances et les mesures de redressement sont, d'après nous, des concepts contradictoires. On peut difficilement parler d'égalité des chances au sein d'une entreprise qui applique, par ailleurs, des mesures de redressement. Cela nous apparaît contradictoire.

Deuxièmement, un élément qui nous fait douter de la validité de ces mesures de redressement, c'est ceci: Ces mesures de redressement qui constituent de la discrimination à rebours et des avantages préférentiels sont-elles permises par la loi habilitante? Il ne faut pas oublier qu'on est au niveau d'un règlement, on n'est pas au niveau d'une loi. La loi habilitante, qui est la charte, est-elle suffisamment claire et précise pour permettre ce genre de mesures de redressement et de discrimination à rebours? (15 h 30)

Vous allez sans doute me référer à l'article 86.1 de la charte qui donne l'objet des programmes d'accès. Cet article, de l'avis du comité du Barreau, donne sûrement ouverture à des mesures d'égalité des chances, mais peut-être pas à des mesures de redressement. Le troisième alinéa de l'article 7 du projet de règlement pourrait donc être susceptible d'être déclaré un jour ultra vires par les tribunaux.

 l'article 8, on s'est demandé ce que le gouvernement visait par les mesures de soutien. On a pensé que, notamment, les programmes de formation pouvaient être de telles mesures de soutien mais, étant donné qu'on a pris l'expression "mesures de soutien", on a voulu viser autre chose que les programmes de formation et on s'est demandé quelles autres mesures de soutien on pouvait viser. Je ne sais pas si des membres de la commission peuvent nous répondre là-dessus.

L'article 15, j'en ai parlé. Finalement, on arrive à la conclusion qui se veut une boucle de tout ce qui précède. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Me Vadboncoeur et Me Lussier pour ce mémoire très légaliste, dirais-je. J'ai lu le mémoire et je me suis posé la question suivante: Est-ce que le Barreau est pour ou contre les programmes d'accès à l'égalité?

Mme Vadboncoeur: Le Barreau...

M. Marx: Je n'ai pas trouvé la réponse.

Mme Vadboncoeur: De toute façon, on a répondu à cette question dans les mémoires antérieurs. Le Barreau est pour les programmes d'accès volontaires, notamment, sans l'ombre d'un doute, mais, quant aux mesures de redressement, on a de grosses réserves. Des programmes d'accès qui contiendraient tout ce qui est dans le projet de règlement, y compris les mesures d'égalité des chances, oui, parfait, cela va. Mais, quant aux mesures de redressement, on a quand même beaucoup de réserves. C'est difficile pour nous de donner notre bénédiction à des mesures qui se veulent elles-mêmes discriminatoires.

M. Marx: Bon, cela va. C'est un peu plus clair. Ce n'est pas tout à fait clair, mais quand même.

M. Lussier (Jean-Pierre): En fait, pour le Barreau, la discrimination positive reste de la discrimination même si on l'appelle positive.

M. Marx: Oui. Donc, vous n'êtes pas pour les programmes d'accès à l'égalité.

M. Lussier: Nous sommes pour les programmes d'accès à l'égalité des chances. Mais quant à des mesures de redressement, cela dépend ce qu'on entend par des mesures de redressement. En fait, si on veut mettre sur pied des mesures pour permettre, par exemple... Admettons que, dans une compagnie, les femmes aient subi une discrimination, on est d'accord avec toute formule qui va permettre aux femmes d'avoir les mêmes chances que les hommes.

M. Marx: Mais je... Oui, je comprends.

M. Lussier: Mais ce qui nous crée des difficultés, c'est si, par exemple, sous le couvert de mesures d'égalité des chances, on créait des avantages préférentiels pour une période de temps qui feraient en sorte que d'autres groupes dans cette même compagnie - pas nécessairement des hommes, mais une communauté culturelle ou je ne sais trop -seraient discriminés. C'est ce qui nous cause le plus de difficultés.

M. Marx: Oui, mais vous comprenez que... Je prends le même exemple que j'ai utilisé hier, à savoir qu'à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal il y a une vingtaine de chauffeurs d'autobus féminins sur 3400 chauffeurs. La Commission de transport de la CUM a maintenant un programme pour l'engagement de 150 femmes chauffeurs d'autobus. Est-ce que vous êtes d'accord ou non avec une telle mesure?

M. Lussier: Encore une fois, cela dépend des... C'est difficile de répondre à cette question.

M. Marx: Pas pour moi.

M. Lussier: On est d'accord en principe, mais cela dépend, évidemment, de la compétence exigée. Si on exige de ces femmes moins de compétence que pour les hommes...

M. Marx: Mais non.

M. Lussier: ...on ne sera pas d'accord. C'est dans cette optique qu'on vous souligne les difficultés qu'impliquent non pas des mesures favorisant l'égalité des chances, mais des mesures de redressement. 11 peut très bien arriver que, dans une certaine entreprise, pour des raisons ou, à cause de l'historique de cette entreprise, des groupes aient été défavorisés. Si on veut donner des avantages préférentiels à ces groupes, toutes choses étant égales, toutes les autres conditions étant égales, on est parfaitement d'accord avec cela, mais à condition que toutes les autres choses soient égales aussi.

M. Marx: Oui, mais...

M. Lussier: Pour répondre clairement à cette question, si les autres critères de compétence sont les mêmes, c'est certain que le Barreau est d'accord avec cela.

M. Marx: Les autres critères de compétence, on les tient pour acquis. Je pense que c'est même stipulé dans le règlement à l'article 5, c'est cela. On ne veut pas de chauffeurs d'autobus féminins incompétents parce qu'on ne veut pas avoir d'accidents. Or, il s'avère qu'elles sont aussi compétentes que les hommes, parce qu'à Chicago il y a 30 % de chauffeurs d'autobus féminins et il n'y a pas plus d'accidents qu'à Montréal. Donc, on peut être assuré... Je suis sûr que Me Vadboncoeur est d'accord sur le fait que les femmes sont compétentes quand elles sont chauffeurs d'autobus.

Mais passons aux questions peut-être plus juridiques. À la page 5, vous avez écrit: "Le comité du Barreau considère que la législation et la réglementation dans leur facture actuelle comportent de très sérieuses lacunes, à un point tel que l'imprécision et l'incertitude règnent." L'autre jour, j'ai lu un commentaire sur le travail des avocats quant aux lois et l'auteur disait que les lois sont rédigées par les avocats d'une façon imprécise pour donner du travail à d'autres avocats.

Mme Vadboncoeur: C'est de moins en moins vrai que les lois sont rédigées par des avocats.

M. Marx: Je pense que ce règlement était bien rédigé par des avocats. Cela m'amène à la page 8. Vous avez écrit: "En conséquence, à cause de ce climat d'incertitude juridique, nous vous recommandons, en ce qui concerne le secteur public, de suspendre l'application de votre législation et de votre réglementation." Peut-être que cela plaide... mais je ne suis pas d'accord du tout parce que je ne vois pas la différence entre le secteur public et le secteur privé.

Pour avoir un programme d'accès à l'égalité, on peut avoir une loi. Cela prend une loi. L'article 15, paragraphe 2, de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit qu'on peut avoir des lois qui prévoient des programmes d'accès à l'égalité. Cela ne serait pas à l'encontre de la charte. Supposons qu'on a une loi québécoise qui

s'applique au secteur public et au secteur privé; je ne vois pas la distinction entre secteur public et secteur privé que vous avez faite en vous basant sur la décision de la Cour d'appel dans l'Alliance des professeurs. Tout ce que l'Alliance des professeurs a dit c'est que la loi 62 adoptée par l'Assemblée nationale est inconstitutionnelle parce que l'Assemblée nationale n'a pas suivi la procédure voulue par la charte canadienne qui permet des dérogations. C'est ça.

M. Lussier: Ce qu'on voulait souligner, nous, ce sont les différences au niveau de la présomption qui existe à l'article 15 de la charte canadienne et celle qui existe dans la charte québécoise à l'article 86.1. Dans la charte canadienne on comprend, nous, qu'un programme est réputé non discriminatoire tout simplement. Dans la charte québécoise, pour qu'un programme d'accès à l'égalité soit réputé non discriminatoire, il doit être établi conformément à la charte. C'est le premier problème qu'on s'est posé. Qu'est-ce que cela veut dire pour un programme d'être établi conformément à la charte, surtout lorsque le premier alinéa de l'article 86.2 n'est pas en application, c'est-à-dire que ce premier alinéa dit que le programme d'accès à l'égalité doit être approuvé par la commission?

À l'heure actuelle, un programme d'accès à l'égalité n'a pas à être approuvé par la commission pour être en vigueur, à moins qu'il soit imposé par le tribunal. Nous prenons pour hypothèse qu'il n'est pas imposé par le tribunal. Donc, un programme d'accès à l'égalité n'a pas à être approuvé par la commission. Est-ce qu'un programme d'accès à l'égalité non approuvé par la commission et non imposé par le tribunal est un programme établi conformément à la charte? C'est une question qu'on se pose. On n'a pas de réponse à cette question. On ne peut pas savoir ce que le législateur a impliqué lorsqu'il écrit "s'il est établi conformément à la charte; dans la mesure où il n'a pas mis en vigueur l'alinéa qui dit que cela doit être approuvé par la commission. Ce qu'on serait porté à comprendre à première vue, c'est qu'un programme non discriminatoire établi conformément à la charte, ce serait un programme établi en suivant une méthodologie qui est contenue à la charte. Or, il n'y en a plus de méthodologie contenue à la charte dans la mesure où la commission n'a pas à donner d'approbation.

Là, j'arrive à la distinction entre le secteur public et le secteur privé. Si la décision sur l'Alliance de la Cour d'appei est maintenue par la Cour suprême, on va devoir tenir pour acquis que la charte canadienne s'applique à tous les organismes publics. Peut-être que...

M. Marx: Non, ce n'est pas cela.

M. Lussier: Bien, peut-être que...

M. Marx: Si la décision est maintenue, on va dire que le Québec ne peut pas se soustraire à certains articles de la charte canadienne, sauf en suivant une certaine procédure que le Québec n'a pas suivie dans la loi 62. On va laisser ce côté légaliste pour les juristes de la couronne qui sont ici aujourd'hui. On ne va jamais terminer cette discussion. On va réfléchir et je suis sûr que les juristes des ministères vont faire une réflexion sur vos interventions sur ces points très précis. À la page 11, vous avez dit: "Le comité du Barreau veut rappeler son opposition à ce qu'une agence administrative exerce des pouvoirs décisionnels en matière de programmes d'accès à l'égalité." Il y a beaucoup d'organismes administratifs qui exercent des pouvoirs décisionnels au Québec, au Canada et partout. Même le Barreau, qui n'est pas un organisme administratif gouvernemental, exerce des pouvoirs décisionnels en ce qui concerne la discipline des membres du Barreau. Qui voulez-vous...? On ne peut pas permettre, chaque fois qu'il y a une décision à prendre, de laisser cela aux tribunaux. Ce sera "unworkable".

Mme Vadboncoeur: Je pense que le point n'était pas de soumettre tout programme d'accès au tribunal. Effectivement, on assisterait à un engorgement des tribunaux qui n'aurait pas de sens. Sauf qu'on ne veut pas que ce soit la Commission des droits de la personne qui approuve le programme, c'est-à-dire qui décide de sa validité ou de sa non-validité. Ce n'est pas à la commission de faire cela. D'autant plus que la commission aura elle-même fait enquête dans certains cas et elle en sera venue à la conclusion qu'il y avait effectivement une situation de discrimination et aurait recommandé des programmes.

M. Marx: Quelle est la différence entre cela et décider quelles sont les normes de travail, appliquer toute autre loi? On a une foule de lois où il y a des organismes administratifs qui appliquent, qui décident, qui refusent et accordent des permis et qui disent: Si vous voulez un permis, vous devez élargir votre restaurant; vous devez mettre un escalier ici ou là. Cela est tout à fait dans notre culture juridique.

Mme Vadboncoeur: Avec tout le respect que je vous dois, les exemples ne sont pas du tout comparables. Décider en matière de permis et décider sur les droits fondamentaux des gens, ce n'est pas tout à fait la même chose. (15 h 45)

M. Lussier: Le problème vient aussi du fait qu'on parle de mesures de redressement par opposition aux mesures d'égalité des

chances. Dans la mesure où des programmes d'accès vont consister principalement en des mesures de redressement, donc davantage préférentielles, donc de ce qu'on appelle de la discrimination positive, il y a certaines autres personnes qui, justement pour favoriser les uns, seront forcément défavorisées. Alors, pour les droits de ces gens, on pense que cela ne devrait pas être le même organisme qui fasse enquête, qui suggère l'élaboration d'un programme et qui ensuite l'approuve. À un moment donné, c'est le même organisme qui est enquêteur, qui est juge, qui est partie et qui est tout ce qu'on veut. Nous, au Barreau, n'avons jamais été favorables à une situation comme celle-là.

M. Marx: Oui, mais cela n'est pas la même chose que ce qui est écrit à la page 11. J'ai déjà soulevé ce problème à la Commission des droits de la personne que c'est souvent la même personne qui fait le travail d'enquêteur, d'arbitre et ainsi de suite. On cumule un certain nombre de fonctions bien que dans d'autres commissions cela fonctionne différemment.

Mais, le pouvoir décisionnel, il faut que ce soit logé quelque part. Où est-ce qu'on va le loger ce pouvoir? Qui va prendre des décisions?

Mme Vadboncoeur: S'il y a une contestation...

M. Lussier: C'est cela. S'il y a une contestation, cela devrait être le tribunal. Pour nous, on ne voit pas pourquoi cela serait différent dans ce domaine, et encore plus dans ce domaine que dans les autres parce que cela touche les droits fondamentaux.

Notre système de justice est fondé sur l'organisation des tribunaux de droit commun. Advenant une contestation, surtout en matière de droit fondamental, nous estimerions préférable que ce soient les tribunaux de droit commun qui tranchent ces litiges plutôt que la commission administrative qui, comme je le soulignais tout à l'heure, est entrée dans le processus dès le début par ses enquêteurs, etc.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous avons eu votre mémoire ce matin mais votre performance devant les commissions parlementaires est toujours la même, Me Vadboncoeur. J'ai eu la chance de suivre les cours de Me Lussier mais il me semble...

M. Marx: Elle est bien formée.

Mme Harel: Oui. J'ai bien compris que l'objectif du Barreau était de réduire l'incertitude juridique, n'est-ce pas? D'une certaine façon, la démonstration que vous faites m'a amenée à la même question que le député de D'Arcy McGee. En fin de compte, est-ce que ce mémoire ne dit pas une chose et son contraire? Vous nous dites que le premier alinéa de l'article 86.2 c'est une disposition charnière. Sa non mise en vigueur produit de l'incertitude, crée des difficultés d'interprétation, accentue l'incohérence. Vous faites une démonstration puis après vous proposez l'abrogation de ce même article.

M. Lussier: C'est vrai que cela semble contradictoire.

Mme Harel: Vous permettez? M. Lussier: Pardon.

Mme Harel: À ce moment, en proposant l'abrogation, vous nous ramenez à l'article 86.1, donc à des programmes laissés entièrement à l'initiative de l'entreprise. Là, il me semble que le danger que vous soulignez est encore beaucoup plus considérable que ces programmes ne soient pas ceux qu'on souhaite mais aient les aspects que vous décrivez qui peuvent parfois, dites-vous, dans certaines entreprises, mener à de la véritable discrimination parce qu'il n'y aurait plus de conditions minimales, ils ne seraient plus approuvés. Finalement, ce serait laissé entièrement à l'initiative de l'entreprise. Vous proposez même qu'on abroge "s'il est établi conformément à la charte" en disant: "Un tel programme est réputé non discriminatoire", quel qu'il soit parce qu'il serait laissé entièrement à l'initiative de l'entreprise, si j'ai bien compris votre recommandation.

Est-ce que l'intérêt ne serait pas finalement, en suivant votre démonstration, d'en arriver à des conditions minimales, comme l'ont recommandé beaucoup d'organismes, de groupes qui vous ont précédés, des conditions minimales qui, à ce moment, seraient introduites dans tous les programmes, qu'ils soient volontaires ou non?

Le Président (M. Gagnon): Me

Vadboncoeur.

Mme Vadboncoeur: D'abord, quand vous dites que la conséquence de notre recommandation quant à l'abrogation des mots "s'il est établi conformément à la charte" va laisser, finalement, tout programme à l'initiative des entreprises...

Mme Harel: L'abrogation du premier alinéa de 86.2.

Mme Vadboncoeur: De toute façon, mon

raisonnement est le même. Ce n'est pas tout à fait juste parce qu'il y aura toujours les programmes qui seront élaborés sur recommandation de la commission et l'article 86.2, deuxième alinéa, donne à la commission le devoir, l'obligation de prêter son assistance dans l'élaboration de tels programmes. Donc, il y aura déjà là des critères. Deuxièmement, il y aura aussi les programmes qui seront élaborés sur ordonnance du tribunal. Évidemment, dans ces deux cas que je viens de mentionner, ils devront se plier au règlement qui est devant nous, enfin, qui sera adopté éventuellement. Les balises sont là. Ce qu'on veut, nous, c'est qu'en matière de programmes volontaires uniquement on laisse, effectivement, le caractère purement volontaire, mais sous toutes ses formes comme, d'ailleurs, le prévoit la charte canadienne à cet égard.

Il n'y a pas de normes, il n'y a pas de balises, il n'y a pas de critères en ce qui concerne les programmes volontaires établis conformément à la charte canadienne, à l'article 15 de la charte. Ce serait exactement la même chose. On suppose que l'entreprise privée ou publique qui voudrait mettre sur pied volontairement un programme d'accès le fera et il pourra être contesté judiciairement, c'est clair. Éventuellement, il y aura sûrement une jurisprudence qui s'établira autour de certains critères de base, j'imagine, à remplir par les entreprises voulant mettre sur pied des programmes d'accès.

Mme Harel: II reste quand même peu de possibilités entre programme coercitif... Vous nous référez à la possibilité pour la commission d'imposer, après enquête, un programme à 86.3. Il reste...

Mme Vadboncoeur: Pas la commission.

Mme Harel: Le tribunal, voilà. Donc, il reste soit coercitif par le tribunal et après recommandation de la commission ou bien c'est entièrement à l'initiative. Vous n'étiez pas satisfaite des exemples que le député de D'Arcy McGee vous avait apportés tantôt. Je pense à un très bon exemple. C'est celui de l'Office de la langue française et des certificats de francisation, c'est un très bon exemple. Il s'agit là aussi de mesures de redressement non seulement au sens de l'égalité des chances pour les individus, mais dans une situation qui était systémique. Je crois que c'est là, en fait, un mandat qui a été donné à une commission, enfin, à un office.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

Mme Harel: Je ne sais pas. Je reviendrai peut-être, s'il y a autre chose.

Mme Vadboncoeur: Enfin, pour apporter une petite précision, il y a trois sortes de programmes, finalement. Il y a les programmes volontaires, il y a les programmes établis à la suite d'une recommandation de la commission et il y a les programmes établis à la suite d'une ordonnance du tribunal. Les deux dernières sortes, les deux derniers types de programmes sont visés par le règlement. Donc, ces deux là comportent des critères, des balises, enfin, il y a quand même ce règlement qui est très précis quant aux exigences du contenu du programme. On ne peut pas dire que tous les programmes, à cause de l'abolition de l'approbation de la commission, seront laissés à la libre initiative des entreprises, pas du tout.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, Me Vadboncoeur a soulevé un point très important. Quelles seront les règles qu'une compagnie qui met sur pied un programme d'accès à l'égalité volontaire va suivre? Cela a déjà été demandé que, même si c'est sur une base volontaire, on suive les procédures ou les règles qui sont contenues dans le règlement. Il faut avoir un cadre quelconque ou bien on va avoir des programmes d'accès à l'égalité partout d'une façon très... Comment dirais-je? Des programmes inégaux et différents.

M. Lussier: Le Barreau n'a certainement pas d'objection à ce que les programmes volontaires soient soumis à une réglementation. Cependant, il veut souligner le fait que le règlement est très exigeant quant aux conditions qui devront être remplies et ce n'est pas de nature à susciter - en tout cas, à notre avis - l'émergence de beaucoup de programmes volontaires, d'autant plus que leur validité pourrait - plus facilement que les autres types de programmes -être mise en péril.

M. Marx: Vous avez parlé de contestations, de litiges. C'est sûr que si on adopte ce règlement on va avoir un certain nombre de litiges parce que c'est cela "the name of the game", mais pensez-vous que ce serait une façon d'éviter des litiges d'avoir... Pardon?

Mme Harel: Des normes minimales?

M. Marx: Non, pas des normes, mais d'avoir des obligations contractuelles? C'est-à-dire une compagnie qui veut faire affaires avec le gouvernement doit s'obliger contractuellement à suivre un certain programme d'accès à l'égalité - c'est le cas aux États-Unis - "contract compliance" pour

éviter une certaine contestation, parce que les compagnies qui veulent faire affaires s'y soumettent. Donc, il y a moins de problèmes. Les compagnies - je peux vous montrer un contrat américain sur ce point - sont d'accord pour accepter de mettre en place un programme d'accès à l'égalité. Donc, il n'y a pas de contestation.

M. Lussier: C'est sûrement une bonne suggestion parce que, évidemment, dans la mesure où toutes les parties impliquées consentent, on ne voit pas pourquoi il y aurait des litiges qui naîtraient. C'est sûr que cela peut être une suggestion utile, mais je ne crois pas que dans le fond, ce règlement ait eu cela derrière la tête lorsqu'il a été bâti. On peut réfléchir à des possibilités comme celle-ci qui, finalement, sont limitées aux organismes avec lesquels le gouvernement pourrait contracter, mais, tout de même, c'est sûrement une formule qui empêcherait que des litiges naissent au moins dans ce secteur.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Cela va.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le député de Vachon. Cela va?

M. Payne: Non. Quand vous dites à la page 11: "Dans la mesure où ces programmes conduisent à des contingents obligatoires", comment pouvez-vous inférer cela du règlement? Où est-il question de contingent?

Mme Vadboncoeur: Les mesures de redressement, il me semble, visent des contingents obligatoires.

M. Payne: Non. Pourquoi pensez-vous ou pouvez-vous suggérer cela?

Mme Vadboncoeur: En fait, je pense que le raisonnement a été le suivant. Si le programme d'accès comporte des mesures de redressement et qu'à partir de là on dit: Une telle entreprise, historiquement, a pratiqué de la discrimination systémique à l'égard d'un groupe cible et qu'on suggère des mesures de redressement, c'est dans le but de rétablir un certain équilibre face à ce groupe cible par opposition au reste des employés de l'entreprise. Donc, on peut s'attendre également que le programme dise: Dans les cinq prochaines années, la compagnie devra engager dans une proportion de 80 % uniquement des personnes faisant partie du groupe cible.

M. Payne: Non. Il faut faire une distinction ici. Si on veut couper les cheveux en deux comme vous semblez vouloir le faire, il faut distinguer entre un objectif et un quota. Ce n'est pas la même chose et on ne parle pas de quota. On ne parle pas de contingentement, mais je pense qu'on pourrait peut-être trouver une explication de notre différend dans le sens que pour une entreprise, maintenant... On parle de plus en plus depuis quelques années de "management by objectives". Je ne sais pas comment on dit cela en français, "gestion par objectifs". Là où, par exemple, une entreprise se donne - et je souligne les mots "se donne" -suivant les ententes nécessaires, les objectifs qui sont là pour être évalués et réévalués, modifiés, ajustés à la réalité, il ne s'agit pas là d'un contingent obligatoire, à mon sens. Je ne pense pas que cela vous donne raison, si on le prend à la lettre. (16 heures)

Le Président (M. Gagnon): Me Vadboncoeur.

Mme Vadboncoeur: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de diverger d'opinions avec vous. Je pense que la lecture du règlement nous démontre qu'effectivement le programme doit contenir des objectifs. C'est l'article 3 qui le suggère. Ensuite, les articles 4, 5 et 6 donnent la façon de procéder. Mais l'article 7, lui, fait référence aux mesures d'égalité des chances et aux mesures de redressement. L'article 2 du projet de règlement dit qu'un programme contient notamment: 1° les objectifs poursuivis et 2° les mesures nécessaires pour corriger les effets de la situation de discrimination constatée.

Le premièrement, les objectifs, ce sont les articles 3, 4, 5 et 6 qui les expliquent. Le deuxièmement de cet article 2 est précisé par les articles 7 et 8 du projet de règlement qui visent les mesures d'égalité des chances, les mesures de redressement et les mesures de soutien. Dans les mesures de redressement, on dit qu'elles "visent à éliminer la discrimination subie par un groupe de personnes en accordant temporairement à ses membres certains avantages préférentiels." Si cela ne se réfère pas à des contingents obligatoires dans certaines entreprises, je ne sais pas à quoi cela peut se référer.

M. Payne: Une mesure de redressement ne fait pas référence ipso facto aux contingents obligatoires. Deuxièmement, vous dites un peu plus loin: "À la limite, le comité accepte l'intervention du pouvoir judiciaire pour approuver et décréter des programmes d'accès à l'égalité." Eh bien! mon Dieu, on fait cela depuis des années avec plusieurs organismes. Ma collègue a parlé de l'Office de la langue française. On en a discuté longuement ce matin, et d'autres exemples existent.

M. Marx: La CSST.

M. Payne: La CSST est un autre exemple. Il y a plusieurs régies qui adoptent des mesures pour qu'on puisse redresser les injustices de la société. Mais si, sur le plan politique, on suggère que les tribunaux, qui sont eux-mêmes très lourds, devraient remplacer la volonté du peuple comme infrastructure, l'infrastructure judiciaire, qu'on devrait appeler le judiciaire chaque fois que l'on voudrait approuver ou décréter des mesures de redressement, je ne pense pas qu'on irait bien loin.

Mme Vadboncoeur: Ce n'est pas ce qu'on dit. On ne dit pas que chaque fois, que pour chaque programme il y aura l'approbation judiciaire. D'ailleurs, le député de D'Arcy McGee faisait cette remarque tout à l'heure, et je pense y avoir répondu. Ce n'est pas ce qu'on dit.

M. Payne: Ce que vous dites, c'est que le comité accepte l'intervention du pouvoir judiciaire pour approuver et décréter des programmes d'accès. C'est ce que vous dites.

Mme Vadboncoeur: Quand il y aura contestation, forcément.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à une affirmation de Me Vadboncoeur qui nous a dit qu'à son avis il y a contradiction entre l'égalité des chances et les mesures de redressement. Il me semble qu'il n'y a pas contradiction, madame. Si on met en place des programmes d'égalité des chances, c'est parce qu'elle n'existe pas, c'est parce qu'il y a inégalité. Donc, on est dans une situation d'inégalité et on entend redresser cette inégalité pour s'approcher mieux, plus, de l'égalité. 11 est donc très compatible d'user de mesures de redressement pour se rapprocher de l'égalité des chances.

Mais peut-être que la difficulté que vous avez avec ces notions est du même ordre que celle que je trouve dans un auteur que je ne connais pas mais qui semble être un juriste de tendance libérale, ce qui veut dire, dans ce contexte, conservatrice. Le député de D'Arcy McGee s'est montré cet après-midi assez peu libéral, justement, dans le même sens. Il s'agit de Michel Krauss. C'est un article qui est paru dans la revue L'Analyste et qui doit paraître aussi dans la Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, ce qui le rend sans doute très sérieux. M. Krauss dit: La version moderne de l'"affirmative action" est philosophiquement incompatible avec l'idée d'une société libérale. Sa justification devra donc surmonter ce lourd obstacle moral, possiblement en invoquant des motifs axés sur les conséquences. En anglais j'aurais dit "compelling consequentialist reasons". Je ne prétends pas qu'il soit impossible de trouver de tels motifs pour justifier l'action positive dans certains cas particuliers. J'en fournirai même une illustration plus loin.

Je vous cite cela pour montrer que, même de l'intérieur d'une pensée juridique tout à fait libérale, on admet que, si les raisons sont assez "compelling", assez fortes, cela peut être moralement justifié. Je pense que c'est effectivement le cas, le scandale que représente la discrimination systémique dans l'emploi et dans plusieurs domaines, c'est justement ta raison "compelling" qui justifie, même dans une pensée libérale, ce genre d'intervention.

M. Lussier: Tout ce qu'on voulait souligner c'est que vous avez raison quand vous dites qu'en soi une mesure de redressement ne va pas à l'encontre d'une mesure d'égalité des chances. Mais, telle que définie dans le projet de règlement, une mesure de redressement a pour objet de conférer à un certain groupe des avantages préférentiels. Une mesure d'égalité des chances a pour objet - selon moi - de conférer à un groupe des avantages égaux, non pas des avantages mais un statut égal, une possibilité égale d'accéder à une même chose, alors que des mesures de redressement, on va préférer les donner à certains plutôt qu'à d'autres. Ce qui fait que si vous arrivez et que vous ne faites pas partie du groupe qui se voyait accorder des avantages préférentiels pendant un certain temps donné, vous allez être défavorisés par rapport à ce groupe, défavorisés seulement parce qu'on a décidé d'accorder des avantages préférentiels à un groupe, cible ou non. Selon nous, c'est en ce sens qu'on peut avoir une mesure de redressement qui donne une préférence à un groupe par rapport à un autre. Ce n'est pas une mesure d'égalité des chances qui, par définition, selon nous, voudrait être une mesure qui donne la même chance à tout le monde. C'est simplement ça que nous avons voulu souligner.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee, pour le dernier mot, le mot de la fin.

M. Marx: M. le Président, je me souviens quand Me Lussier et moi étions étudiants en première année à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, il y avait très peu d'étudiantes, une dizaine peut-être. Mais, je me souviens aussi, parce que j'ai été professeur de droit dans cette même faculté... Cette année il y en a peut-être 50 % ou 60 %. Tant mieux, 60 % sont des étudiantes, 60 % des futures avocates sont à

la Faculté de droit et des notaires aussi.

La question que j'aimerais poser à Me Vadboncoeur est la suivante: Étant donné qu'il y a beaucoup plus de membres du Barreau aujourd'hui qui sont des femmes, est-ce que les femmes ont la place qui leur revient au Barreau du Québec?

Le Président (M. Gagnon): Me

Vadboncoeur.

M. Marx: ...un programme d'accès à l'égalité pour les femmes au Barreau.

M. Payne: Est-ce qu'il y a des mesures de redressement?

Mme Vadboncoeur; Écoutez, au Barreau cela dépend à quel point de vue. Je pourrais en parler jusqu'à demain matin de cela. Effectivement, depuis peut-être environ 1970, la proportion des étudiants féminins a énormément augmenté à la faculté. Comme je le soulignais tout à l'heure, certains ou certaines se dirigent vers le Barreau et d'autres vers la Chambre des notaires. En 1985, on est rendu à environ 20 % de femmes avocates au Barreau sur un total d'à peu près 10 200 avocats. On assiste également de plus en plus à une implication des femmes avocates au sein de leur section respective. On a des femmes bâtonniers de section. On n'a pas encore une femme bâtonnier général, mais on a des femmes bâtonniers de section. Le directeur général du Barreau du Québec est une femme. Moi, j'y suis également depuis cinq ans et demi. Je pense qu'effectivement les femmes prennent leur place de plus en plus au sein du Barreau.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Vadboncoeur et Me Lussier. Merci au Barreau du Québec pour cet apport à la commission. J'invite l'Association des manufacturiers canadiens - division du Québec - à prendre place et je suspens les travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Gagnon): Nous accueillons maintenant l'Association des manufacturiers canadiens, division Québec. Mme Louise Fecteau, je vous cède la parole. Juste avant, je vous mentionne la même chose qu'on a dite aux autres groupes qu'on a entendus jusqu'à maintenant. Nous vous accordons 55 minutes, c'est-à-dire 20 minutes pour nous livrer votre mémoire et 35 minutes de discussion avec les membres de la commission. En vous souhaitant la bienvenue, je vous cède le micro. Veuillez nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Association des manufacturiers canadiens, division Québec

Mme Fecteau (Louise): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs les députés. Nous n'avons pas l'intention de lire le mémoire, puisqu'il est fort simple. Vous l'avez tous eu, à moins que vous ne l'ayez pas reçu. Vous l'avez reçu. On demanderait que ce présent mémoire fasse partie des minutes de la présente commission. Je vais vous présenter mes deux collègues, M. Thomas Lavoie, ainsi que M. Gaby Poulin, à ma gauche, qui sont tous deux membres du comité de législation de notre association. Ce sont des représentants d'entreprises membres de notre association.

Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez...

Mme Fecteau: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Le mémoire est déposé aux archives, mais n'est pas transcrit dans le Journal des débats.

Mme Fecteaus Serait-il préférable de le lire?

Le Président (M. Gagnon): Au moins, de le résumer.

Mme Fecteau: D'accord. Je vais quand même vous dire qu'on va s'attaquer à deux aspects et je laisserai mes collègues vous résumer le mémoire. Le premier aspect sera le projet de règlement lui-même, quant à son contenu et sa formulation. Le deuxième aspect qu'on touchera sera relatif à la volonté du gouvernement de vouloir étendre le présent projet de règlement aux entreprises voulant avoir des programmes d'accès chez elles, ainsi qu'aux entreprises qui contractent ou auront à contracter avec le gouvernement. Ce seront les deux seuls aspects qu'on touchera.

Je laisse la parole à mon confrère de droite, M. Thomas Lavoie.

M. Lavoie (Thomas): Bonjour. Le mémoire présenté par notre association reflète la vision des membres de notre association qui est d'encourager le gouvernement à adopter une approche flexible, plutôt que coercitive vis-à-vis de l'implantation des programmes d'accès à l'égalité. Nos commentaires ont pour objet d'éviter, pour les entreprises visées par l'éventuel règlement, d'être aux prises avec d'interminables difficultés d'adaptation et de fonctionnement. 11 n'est pas nécessaire, selon nous, pour atteindre le but fixé, d'exiger des employeurs

des données telles qui nuiraient à la saine administration de l'entreprise. Si le gouvernement veut encourager les entreprises à emboîter le pas en matière d'égalité en emploi, évitons, par ailleurs, des gestes qui pourraient être interprétés comme excessifs et décourageants.

L'une des initiatives les plus importantes que ce gouvernement ait prises à la conférence Décisions 85 est son engagement pour encourager les entreprises à emboîter le pas en matière d'égalité dans l'emploi.

En effet, la décision du gouvernement de faire adopter par l'Assemblée nationale, le 26 juin dernier, les articles 86 et suivants de la Charte des droits et libertés de la personne rend dorénavant légale l'implantation de programmes d'accès à l'égalité au sein d'une entreprise.

Le gouvernement s'est également engagé, lors de la conférence Décisions 85, à exiger que les sociétés de juridiction provinciale, ainsi que les sociétés qui contractent avec le gouvernement, déclarent leur engagement à l'égalité à l'emploi. Bien que le présent projet de règlement ne traite point de ces derniers aspects énumérés, nous sommes convaincus que tous ces changements représentent une toute nouvelle approche qui comporte de vastes conséquences économiques et sociales.

Le gouvernement, le 27 juin dernier, déposait un projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité qui s'appliquent, une fois adopté - c'est souligné dans notre mémoire - à "toute personne qui élabore, implante ou applique un programme d'accès à l'égalité sur recommandation de la commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal."

Les commentaires qui suivent porteront uniquement sur le fondement même de ce projet de règlement et sont issus de discussions qui émanent de responsables d'entreprises membres de notre association. Ces entreprises sont désireuses d'aider le gouvernement à atteindre le but avoué qu'il s'est fixé, de réaliser un équilibre optimal de justice, d'efficacité dans son approche d'égalité dans l'emploi pour les Québécois, les Québécoises et les autres.

Sur la charte des droits, l'AMC félicite le gouvernement d'adopter une approche flexible et orientée vers les résultats. En effet, l'adoption des articles de la charte, rendant légaux les programmes d'accès tout en évitant de les rendre obligatoires, permet ainsi à l'entreprise une flexibilité qui sera un élément essentiel d'un programme réussi. Une emphase sur les résultats, permettant aux employeurs d'adopter des programmes sur mesure répondant à leur propre culture corporative et au mélange employés et industrie, suscitera plus de créativité dans leur approche.

Au sujet de l'article 2 du projet de règlement, le paragraphe 4 devrait être supprimé car le rapport annuel que doit faire parvenir l'employeur à la commission en vertu de l'article 11 comportera les mécanismes de contrôle visés audit paragraphe.

Au sujet de l'article 3 du projet de règlement, pour faciliter à l'entreprise l'atteinte des objectifs décrits à cet article, c'est le gouvernement qui devrait fournir a cette dernière la compilation de statistiques relatives à la disponibilité des groupes cibles sur le travail.

Sur ce point particulier, nous avons eu l'occasion d'entendre les membres du Barreau tantôt. J'aimerais souligner le fait que les entreprises, les employeurs ont une grande crainte des quotas. Justement, la formulation de cet article 3 nous porte à croire qu'il est imposé. Nous croyons que, s'il y a suggestions à faire, la rédaction de cet article devrait être plus grande pour permettre une flexibilité autant des quotas ou, comme c'est exprimé ici, nombre et pourcentage, que d'autres objectifs plus flexibles et plus généraux. On pourra revenir sur le sujet plus tard, si vous le voulez.

Au sujet des articles 4, 5 et 6 du projet de règlement, il serait contraire à l'objectif fondamental d'inclure des éléments précis d'un programme d'égalité dans l'emploi dans le cadre d'une définition réglementaire. En effet, les articles 4, 5 et 6 du projet de règlement devraient, selon nous, pouvoir se limiter aux directives d'ordre général en vue d'aider l'entreprise jugée discriminatoire par la commission ou le tribunal à établir un programme significatif. Imposer une liste de critères spécifiques au sein de ces articles détruit le but et les avantages d'une approche flexible.

Je vais me passer de certains commentaires que nous avions faits sur les articles comme tels. Je dirai seulement, en rapport avec l'article 6, que l'imposition d'une collecte de données normalisées et excessives et les obligations de divulgation par les entreprises sont à la fois inutiles et antiproductives. Il n'est pas nécessaire, selon nous, pour atteindre le but fixé, d'exiger des employeurs de retracer et de divulguer des données de mouvement, telles des statistiques sur l'embauche, la fin d'un emploi et l'avancement. En plus du fardeau administratif additionnel, il en résulterait des conséquences préjudiciables. Par exemple, les entreprises sont légitimement préoccupées par le fait que leurs concurrents pourraient découvrir de nouvelles stratégies ou initiatives par le biais des données sur le mouvement d'embauche. De la même façon, les données sur le mouvement de roulement pourraient indiquer des secteurs en difficulté au sein d'une entreprise et les concurrents pourraient utiliser des renseignements à leur

propre avantage lors du recrutement de personnel dans ces secteurs.

Il peut être très précieux pour un employeur d'utiliser à l'interne des données sur le mouvement. Cependant, la collecte et la divulgation de ces données ne devraient absolument pas être des éléments obligatoires d'un programme d'égalité dans l'emploi. La divulgation publique de ces renseignements entraînerait une intervention gouvernementale non désirée dans la gestion de l'entreprise.

Toute obligation de divulguer les échelles de salaires présente aussi de sérieux problèmes car les concurrents connaîtraient celles-ci. Ce problème pourrait être en grande partie évité en faisant état de résultats en fonction de quartiles de salaires sans toutefois rattacher à chaque quartile un montant exprimé en dollars. Cela donnerait une indication de la distribution des membres au sein des groupes cibles parmi les groupes deprofessionnels, sans divulguer des renseignements privés d'une grande importance concurrentielle.

En conclusion, les présentes initiatives du gouvernement sont, pour le monde des employeurs, des indications claires pour que ceux-ci s'ajustent et facilitent les grands changements de société qui ont lieu actuellement. Dans la mesure où les employeurs peuvent influencer le changement, l'AMC encourage activement et appuie les mesures d'égalité dans l'emploi parmi ses membres.

Bien qu'il ne soit pas question à ce stade-ci de programmes obligatoires pour toute entreprise, excepté pour celles déclarées discriminatoires par la commission ou le tribunal, nous tenons toutefois à souligner devant cette commission que la rédaction du texte (ou plus précisément l'absence d'exclusion) peut faire croire à certains que le contexte contient des quotas qui seraient alors perçus péjorativement.

Les commentaires que l'AMC vient de vous énoncer ont pour objet d'éviter justement que l'on interprète les programmes ainsi mis de l'avant par ce règlement comme étant excessifs et antiproductifs et risquant même de devenir la norme pour demain. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci beaucoup, Mme Fecteau, M. Lavoie, M. Poulin, pour votre mémoire qui est éloquent par sa modération, ce qui, à mon avis, a d'ailleurs été l'attitude du gouvernement dans la rédaction du règlement. Je voudrais souligner le fait que l'Association des manufacturiers canadiens, qui a toujours participé aux grands débats, voudrait apporter un appui important, nuancé mais important, à notre réflexion. Vous dites que vous voulez que le gouvernement adopte une attitude flexible en matière d'accès à l'égalité, de façon à encourager les employés à adhérer à de tel3 programmes. D'ailleurs, je pense que vous vous réjouissez du fait que ces programmes ne soient pas obligatoires, sauf, évidemment, pour les entreprises où il est prouvé qu'on exerce de la discrimination. Vous avez quelques craintes en ce qui concerne les statistiques relatives à la disponibilité. D'abord - je m'excuse - vous appuyez le fait que les statistiques relatives à la disponibilité des groupes cibles devraient être fournies par le gouvernement. Par contre, vous avez quelques réserves, si je comprends bien, en ce qui concerne l'information qui est normalement confidentielle. Hier, on a discuté avec d'autres groupes qui voulaient qu'on aille plus loin dans le sens de l'analyse à préparer. On pourrait signaler, en passant, que le gouvernement fédéral avait, d'ailleurs, une attitude semblable à la nôtre en ce qui concerne le C-62. Également, en Amérique du Nord... Si on avait plus de temps, on pourrait analyser la situation en Europe. Mais on en a discuté longuement, depuis deux jours, parce que la situation nord-américaine est peut-être plus pertinente depuis deux jours, quand j'ai pris la directive numéro 1126.4, je pense, la fameuse directive exécutive du président Johnson. Il y a quand même un grand mouvement, un consensus aux États-Unis sur la nécessité d'adopter le programme d'égalité des chances et de redressement. (16 h 30)

On ne reviendra pas là-dessus mais ce matin on a invoqué beaucoup d'exemples de la part des grandes entreprises d'appuyer le principe de l'égalité des changes. Aussi, je pense que le député de D'Arcy McGee a soulevé quelques exemples concrets qui existent ici actuellement au Québec, là où je pense qu'on s'entend qu'on devrait faire une approche de redressement.

La question que j'aimerais vous poser est la suivante: Ne croyez-vous pas que, même si on élimine la mention de certains éléments du règlement concernant, par exemple, quelques aspects de l'analyse, ce sont quand même des éléments qui devraient être pris en considération par la commission des droits si elle désire effectuer des analyses d'effectifs, de disponibilité, de système d'emploi qui soient sérieuses. Il faut que ce soit analysé de toute façon. Comment pensez-vous qu'on pourrait atteindre les objectifs du règlement sans qu'il y ait un certain échange d'information de base?

Le Président (M. Gagnon): Madame...

M. Lavoie: Nous voulons souligner que nous ne sommes pas contre les éléments comme tels. Ce à quoi nous avons une certaine objection c'est à la définition si détaillée et précise de certains de ses élé-

ments. Nos craintes sont basées sur le fait que, malgré la mention au règlement qui ne s'appliquerait pas à une entreprise qui veut imposer un programme volontaire, il ne faut pas se leurrer: viendra le temps où, lorsqu'on cherchera quel critère utiliser, on regardera le texte du projet de règlement. Un des points que nous avons soulignés, c'est que nous voulons encourager les entreprises à adopter des programmes qui sont non imposés et des programmes flexibles.

Nous sommes d'accord avec le point qu'il faut certainement avoir les informations, que la commission va avoir besoin de statistiques pour pouvoir imposer un programme. Cependant, il ne faut pas oublier que le programme de redressement va avoir identifié d'abord qu'il y a un mal quelque part. La commission ou le tribunal, à la suite de plaintes ou de son propre gré, se sera rendu compte qu'une entreprise fait de la discrimination ou a besoin de redresser une situation discriminatoire. À ce moment et dans ce contexte, on peut comprendre que le règlement veuille utiliser des informations.

Ce qu'on reproche surtout c'est que le règlement est régi de façon très catégorique. Dans tous les cas sans exception, un employeur qui est obligé d'imposer un programme va être obligé de fournir ces informations.

Nous avons souligné la crainte de la confidentialité, mais il faut se rappeler que notre association est composée de petites et moyennes entreprises. Ce n'est pas tout employeur qui aura les gens ni les moyens de tabuler ou de ramasser toutes les informations demandées.

Une autre chose aussi. On ne croit pas qu'un employeur doive se dévoiler devant la place publique pour répondre à un plan de redressement.

Le problème avec le projet comme tel c'est qu'il ne permet pas de flexibilité. On reconnaît que dans certains cas il sera nécessaire d'avoir beaucoup d'informations, dans d'autres moins. Mais, puisque le règlement est régi comme applicable dans tous les cas, nous avons des objections au détail qui est demandé.

M. Payne: En ce qui concerne l'article 6...

Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, Mme Fecteau, je pense, voulait ajouter quelque chose.

Mme Fecteau: Oui. Les commentaires de M. Lavoie sont encore plus importants lorsqu'on sait que ce projet de règlement, le gouvernement a l'intention de l'étendre aux entreprises qui veulent volontairement imposer des programmes d'accès dans leur entreprise. Egalement le gouvernement veut étendre ce projet de règlement aux entreprises qui vont contracter avec le gouvernement. Or, les arguments de Me Lavoie sont d'autant plus importants. Nous allons traiter l'entreprise volontaire, nous allons traiter l'entreprise qui va contracter avec le gouvernement de la même façon qu'une entreprise qui sera jugée discriminatoire. Alors, pour nous c'est un paradoxe.

M. Payne: En passant, que pensez-vous de la norme de 200 000 $? Il y a quelques groupes qui ont suggéré que c'était trop élevé.

Mme Fecteau: Écoutez, moi, j'ai l'impression que la structure, de toute façon, de nos entreprises au Québec, ce sont des PME; 75 %, je crois, de nos entreprises sont des PME, regroupant entre 10 et 1000 employés. À mon avis, les grandes entreprises sont beaucoup plus en mesure d'élaborer des programmes d'accès à l'égalité, leurs structures le leur permettant beaucoup plus que les petites et moyennes entreprises. Or, à mon avis, la norme de 100 employés et de 200 000 $, c'est le maximum qui devrait être imposé, si jamais le gouvernement imposait une directive dans ce sens. Mais vous comprenez le maximum dans le même sens que moi, d'accord? Il ne faudrait pas baisser les 200 000 $.

M. Payne: À l'article 6, vous dites que l'on parle d'un effet discriminatoire injustifié. Pouvez-vous suggérer quelques exemples?

Mme Fecteau: La raison pour laquelle nous avons ajouté cet élément, c'est qu'à l'article 6 vous dites: "Les pratiques même apparemment neutres qui ont un effet discriminatoire"... Nous trouvions que le fait d'ajouter un effet discriminatoire, c'était un peu péjoratif. C'est tout simplement une question de vocabulaire. C'est interprété, pour nous, de façon péjorative...

M. Payne: Ah bon!

Mme Fecteau: ...que de traiter des pratiques même apparemment neutres comme discriminatoires. C'est la seule raison.

M. Payne: D'accord. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci. J'aimerais remercier Mme Fecteau et MM. Lavoie et Poulin d'avoir présenté ce mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec. Dans leur mémoire, ils encouragent le gouvernement à adopter une approche flexible plutôt que coercitive. Les groupes de femmes qui sont venus nous présenter des

mémoires nous ont dit qu'elles sont d'accord que ce soit flexible, mais elles aimeraient que ce soit un peu coercitif parce que, s'il n'y a pas de coercition, rien ne va se faire. Je pense que l'expérience que nous avons au Québec, c'est que si rien n'est imposé, rien ne se fait.

Mme Fecteau: L'Assemblée nationale a choisi, en adoptant la loi et les articles relatifs aux programmes d'accès à l'égalité, d'éviter l'article 86.2.

M. Marx: Cela n'est pas fait encore. Le gouvernement pense le faire de cette façon pour le moment.

Mme Fecteau: La loi a été adoptée. On a mis de côté l'article...

M. Marx: Cela veut dire qu'on n'a pas mis en vigueur à ce moment-ci...

Mme Fecteau: À ce moment-ci.

M. Marx: ...ce paragraphe de cet article, mais cela peut changer d'une minute à l'autre.

Mme Fecteau: Pourquoi? Enfin, je cherche. Le but avoué de l'Assemblée nationale quand elle a adopté cette loi, c'était d'avoir une approche flexible. Alors, est-ce qu'on va, par règlement, décider d'avoir une approche coercitive, maintenant? Est-ce qu'on va faire par règlement ce qu'on ne peut pas faire ou ce qu'on a décidé de ne pas faire par la loi?

M. Marx: Dans l'application de la partie III de la charte, le gouvernement, dans la mise en application de ses articles - je ne suis pas d'accord avec une telle façon de mettre en vigueur des articles. De toute façon, ils sont dans la loi. Le gouvernement peut choisir de mettre un article en vigueur, un autre en vigueur; il peut même choisir de le faire par paragraphes. Le gouvernement a choisi de ne pas mettre ce premier paragraphe de l'article 82 en vigueur. Mais cela peut changer d'un moment à l'autre. M. Johnson peut, demain, en décider autrement. Vous comprenez pourquoi. Je pense qu'il faut avoir une certaine coercition pour que cela marche parce que c'est rêver que de penser que les gens vont faire des choses parce que... Est-ce que j'ai manqué le point que vous avez...

M. Poulin (Gaby): J'aimerais faire un commentaire, si vous me permettez. Je comprends la difficulté. Il y a des revendications, d'un côté, de gens qui veulent faire changer des choses; on pense toujours que les employeurs ne veulent rien faire. Lorsqu'on s'est réuni, nous, pour étudier le projet de règlement, on était un groupe assez considérable de représentants de l'employeur et surtout des employeurs très importants au Québec et on s'est rendu compte que tous autour de la table avaient déjà chez eux des programmes visant à améliorer la situation qui ressemblent bien souvent... reposant sur des analyses comme celles qui sont proposées ici. Mais ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est qu'on semble conclure qu'il ne se fait rien. Je le remets en question. Il se fait des choses, mais cela ne fait pas longtemps. C'est un phénomène nouveau. Tantôt, on parlait de ce qui s'est passé aux États-Unis. Il y a plusieurs sociétés au Québec qui ont des filiations américaines et qui sont très influencées dans leur management par les valeurs américaines où, comme vous disiez, par exemple, le "contract compliance" existe déjà et très volontiers. C'est déjà transmis ici. C'est pour cela qu'on se dit, nous: II faut être flexible. Il y a ces grandes compagnies, en tout cas, celles qu'on connaît, nous, qui ont manifesté déjà beaucoup de bonne volonté, qui font des choses. Les résultats sont à venir, parce qu'on parle de changement de mentalité, de changement d'attitude, ce que la législation ne fera pas, soit dit en passant. Je ne le pense pas, en tout cas. C'est plutôt par influence et en travaillant fort tout le temps que cela va se faire.

Le point fondamental que je voulais souligner, c'est qu'avant de vouloir imposer la même médecine à tout le monde, il faudrait peut-être voir ce qui existe réellement chez les employeurs. Je pense que cela vaudrait la peine d'être retenu.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de D'Arcy McGee, mais Mme Fecteau voulait ajouter quelque chose.

M. Marx: D'accord.

Mme Fecteau: Si vous décidiez d'étendre ce projet de règlement aux entreprises voulant adopter de plein gré les programmes d'accès à l'égalité, cela veut dire que l'entreprise volontaire devra aller rencontrer la commission et dire: Voici, mon programme est là. Est-il bon? Est-ce qu'il est bon? La commission se retourne de bord. Elle dit: ton programme, pour qu'il soit bon, il faut qu'il soit conforme à ce projet de règlement. Qui croyez-vous, MM. et Mme les députés, iront contacter la commission, les entreprises volontaires, j'entends, pour demander si leur programme d'accès a l'égalité est conforme? Pas une ou peu. Et je pense qu'à ce moment-là, l'objectif avoué du gouvernement, l'intention, c'est d'inciter les entreprises à emboîter le pas. Je pense que l'objectif du gouvernement ne sera pas

atteint dans cinq ans et là, on va dire: Nos objectifs ne sont pas atteints. On légifère demain matin et on impose cela à toutes les entreprises.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je pense que les groupes de femmes seront surpris d'apprendre que M. Poulin a dit qu'il y a des programmes d'accès à l'égalité en marche dans les entreprises au Québec. On commence et cela va bien. Personne ne nous a dit cela. Vous êtes les premiers et tant mieux si cela se fait, mais je pense que c'est à prouver aux groupes de femmes. Vous aurez peut-être l'occasion à un autre moment de prouver cela aux groupes de femmes, qu'on est sur la bonne voie. Elles ne sont pas convaincues. Voici ma question. Vous avez bien dit, M. Poulin, que vous avez des multinationales dans votre association, c'est-à-dire des compagnies qui font affaires au Québec et aux États-Unis en même temps. D'accord? Mais ces compagnies qui font affaires aux États-Unis, si elles veulent faire affaires avec des gouvernements, elles sont soumises au "contract compliance", aux obligations contractuelles, en vertu de lois américaines, mais pourquoi ne pas les soumettre aux mêmes choses au Québec? Pourquoi, quand elles sont dans l'État de New York, doivent-elles se soumettre, doivent-elles accepter les obligations contractuelles en ce qui concerne les New-Yorkaises, mais quand elles sont ici à Québec pour les Québécois, ce n'est pas nécessaire de se soumettre aux mêmes règles qu'aux États-Unis.

M. Poulin: Je faisais surtout allusion à des sociétés qui sont des filiales de compagnies américaines plutôt que des multinationales d'origine québécoise. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Marx: Celles qu'il y a ici et qu'il y a aux États-Unis, par exemple. (16 h 45)

M. Poulin: D'accord, oui. Mais ce qui serait intéressant de voir, c'est jusqu'à quel point - et là, j'avoue mon ignorance - aux États-Unis, on prescrit dans les détails de quelle manière le programme doit être conçu, analysé... Est-ce comme cela? Oui?

M. Marx: C'est plus détaillé qu'ici même. J'ai - comment dirais-je - toute une page de toutes les lois auxquelles une compagnie doit se conformer. Ce que nous avons ici, ce n'est rien en comparaison des États-Unis. Je reviens avec la même question: Seriez-vous d'accord avec un projet de loi, un projet de règlement ou une disposition dans le règlement actuel qui viserait des obligations contractuelles, "contract compliance", pour des compagnies qui veulent faire affaires avec les organismes québécois?

Le Président (M. Gagnon): M. Lavoie.

M. Lavoie: Non, je vais laisser Me Fecteau répondre à cette dernière question.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Fecteau.

Mme Fecteau: Sur ce point, justement, l'Association des manufacturiers c'est déclarée en accord lors de Décisions 85 avec cet objectif que poursuivait le gouvernement sur le "contract compliance". Cependant, je veux faire une distinction. C'est bien beau, on s'est dit d'accord avec le principe, cependant, tout en ne connaissant pas le contenu du projet de règlement. Si vous me dites aujourd'hui que c'est celui qui s'appliquera au "contract compliance", ma position doit être justifiée.

M. Marx: D'accord.

Mme Fecteau: Justifiée dans le sens que nous avons indiqué dans notre mémoire.

M. Marx: Donc, je comprends que l'Association des manufacturiers canadiens est d'accord avec un projet qui comportera des obligations contractuelles pour des entreprises, mais qu'il faut revoir, retoucher le règlement en question, si c'est ce règlement qui va s'appliquer. Mais vous n'êtes pas pour deux poids deux mesures, une pour les gens qui font affaires aux États-Unis et une autre pour ici. Vous êtes pour revoir le règlement, et je pense que tout le monde est d'accord pour retoucher le règlement, le cas échéant. Vous êtes d'accord avec le principe qui sera coercitif, dans un certain sens.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Fecteau.

Mme Fecteau: Je veux bien me faire comprendre. Nous sommes d'accord avec le principe, mais nous ne sommes pas d'accord avec une approche coercitive, nous sommes d'accord avec une approche flexible.

M. Marx: Maintenant, une entreprise des États-Unis qui veut faire affaires avec le gouvernement doit signer un contrat qui comporte un certain nombre de choses que la compagnie devra faire. C'est de la coercition.

Mme Fecteau: Non, une directive peut être une directive, mais une directive peut être coercitive et une directive peut avoir une approche tout à fait flexible.

M. Marx: Aux États-Unis, les compagnies doivent respecter des lois, des règlements, des "executive orders", etc.

Mme Fecteau: Mais, mais... c'est selon le langage que l'on utilise dans la directive ou dans le projet de règlement. Dans un article, vous pouvez avoir des mots comme "peut" qui font que cette approche est drôlement plus flexible qu'une approche coercitive où on va employer des termes comme "doit".

M. Marx: Aux États-Unis, c'est "doit". Ce sont des "doit".

Mme Fecteau: Alors, on n'est plus d'accord.

M. Marx: Parce que si on utilise des "peut", on laisse les gens faire ce qu'ils veulent et, donc, il n'y a pas de programme. Si on dit "vous pouvez si vous voulez mais ce n'est pas nécessaire, vous faites comme vous voulez", on n'a rien.

Mme Fecteau: Non, ce n'est pas cela. M. Marx: Ce n'est pas cela?

Mme Fecteau: Ce n'est pas cela du tout.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon.

M. Payne: C'est intéressant de constater...

Le Président (M. Gagnon): M. Poulin, vous aviez quelque chose à ajouter? Je m'excuse.

M. Poulin: Oui.

M. Payne: S'il vous plaît, vous ne pouvez pas me donner la parole et me la retirer!

Le Président (M. Gagnon): Oui, je peux le faire parce que M. Poulin avait demandé la parole avant vous. M. Poulin.

M. Poulin: Je peux vous la céder, si vous voulez.

M. Payne: Pas du tout.

M. Poulin: Je voulais distinguer les trois situations que le député de D'Arcy McGee semblait couvrir du même coup. Le besoin de corriger des situations courantes, où on découvre qu'il y a discrimination, fait qu'il faut instaurer un programme, un suivi et tout cela. On dit: Oui, cela prend un encadrement très strict, mais même cet encadrement doit être flexible parce qu'il y a des cas qui demandent une action rapide et fondamentale et d'autres où c'est moins impératif.

Il y a le cas des sociétés qui veulent faire affaire avec le gouvernement. C'est le cas dont M. le député de D'Arcy McGee parlait. Par contre, il y a aussi celui dont Mme Fecteau parlait, toutes ces autres entreprises qui ne font partie ni de l'un ni de l'autre et qui veulent bien aussi faire quelque chose. Pourquoi leur imposer une camisole de force avec des formulaires édictés, ce qui va requérir des masses de papier à tous les ans pour faire rapport que la même chose que l'an passé existe cette année? C'est cela dans le fond. C'est une question d'efficacité. De l'incitation d'abord, suivi après coup, si cela ne marche pas, de coercition dans l'ordre.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Je pense qu'il y a une certaine pédagogie populaire à entreprendre, c'est-à-dire que l'Assemblée nationale devrait entreprendre une certaine pédagogie populaire: que cela soit interprété comme coercitif ou comme flexible ou même ultra flexible il y a quand même un rôle que le gouvernement a, de vraiment essayer d'inculquer un esprit d'ouverture, le cas échéant, sur le sujet d'égalité des chances et de redressement des injustices.

Pour aller un peu plus loin que le député de D'Arcy McGee, il ne faut pas oublier qu'en 1965, aux États-Unis, la directive, "the executive order", était quand même assez coercitive. C'est cela qui a déclenché un mouvement de prise de conscience de la part de beaucoup d'Américains, de sorte que maintenant la vaste majorité d'entre eux accueillent cela du fait que cela a été adopté. Avant, on était porté à croire, d'après toutes les consultations préalables - si on a un bon souvenir des journaux de l'époque - que toute tentative de légiférer d'une manière coercitive était hautement contesté.

Maintenant, en ce qui concerne l'obligation contractuelle, si on peut parler d'un certain consensus, il y a beaucoup de gens qui sont venus ici pour appuyer cela. Là encore, on peut souligner le fait qu'aux États-Unis cela fait référence spécifiquement à tous ceux - et il y en a beaucoup - qui font affaires avec l'administration centrale. Tous ceux qui faisaient affaires avec eux devaient avoir les contraintes obligatoires. Au Québec, au moins dans un avenir rapproché, si on pouvait élargir la notion d'obligation contractuelle ce serait pour le mieux.

J'ai une autre question. On était un peu sur le même sujet. Ma question est sur le sujet des quotas. Là, encore les

Américains font une distinction très nette entre les quotas et les objectifs numériques. Vous, dans votre mémoire, vous dites que la rédaction du texte peut faire croire à certains que le contexte contient des quotas qui seraient alors perçus péjorativement. Je suis entièrement d'accord sur cela en passant. Mais le Barreau, lui, voulait nous faire croire - c'est leur interprétation, peut-être pas la vôtre - qu'il y avait effectivement l'imposition des quotas.

M. Poulin: Cela peut être lu comme cela dans le texte. Parce qu'on demande des renseignements, c'est-à-dire de tracer des objectifs très chiffrés. On dit: exprimés en nombres et en pourcentage pour chaque catégorie d'emplois. Une fois, qu'on a dit: Nous aurons 50 personnes de sexe féminin ou 250 handicapés en l'année 1987 dans telle catégorie d'emploi, cela devient un quota.

M. Payne: À notre avis, il y a une distinction majeure, une distinction qui est soulignée par les Américains aussi. Vous, je pense, vous seriez sensible à cela. En management, en gestion d'une affaire, on parle plutôt d'objectifs. C'est cela l'esprit du règlement et c'est cela la flexibilité dans le règlement. Un objectif numérique, même si c'est numérique, c'est justement un objectif. Par exemple, si on dit que ce serait normal si cette année on pouvait atteindre une accroissement d'effectifs féminins de 20 %, et qu'on arrivait à la fin de l'année en disant qu'il y a eu une grève pendant six mois, à ce moment on pourrait peut-être modifier l'objectif. À ce moment on peut dire que l'objectif numérique n'est pas une norme absolue mais que le quota est une norme absolue. C'est cela la nuance. Peut-être qu'un juriste, peut l'apprécier moins qu'un homme d'affaires ou une femme d'affaires comme vous, ce qu'on appelle "management by objectives".

Le Président (M. Gagnon): M. Lavoie.

M. Lavoie: Ce qu'on essaie de faire comprendre aux membres, ici, aujourd'hui, c'est qu'on représente une vaste gamme d'entreprises: le petit employeur, le moyen et le gros. Si c'était uniquement pour les multinationales qu'on est ici aujourd'hui, on pourrait toujours s'adapter à la loi. Mais parmi les petites et moyennes entreprises qui sont débordées de documents ou de rapports d'études qu'elles doivent faire, il y en a qui ne peuvent pas se permettre des employés pour faire ce travail, parce qu'elles ont des handicapés, parce q'elles ont sorti ou ont encore des programmes de francisation. Honnêtement, elles en ont plein leur casque. Elles ne sont pas capables...

Nous, ce qu'on essaie de faire, c'est d'encourager nos membres à faire quelque chose de positif. On ne les encourage pas seulement par des programmes de redressement. Ce qu'on essaie d'encourager, c'est qu'ils se rendent à l'évidence que tout le monde est créé égal. C'est peut-être facile à dire, mais il y a une mentalité à changer qui ne changera pas demain.

Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a des gens qui abusent, mais si la commission veut les déceler, veut les identifier, avec l'aide des groupes qui sont venus vous faire part qu'il y avait de la discrimination à plusieurs endroits, que la commission impose un règlement comme cela.

On essaie de vendre l'idée à nos membres que le temps est venu d'embarquer dans un processus qui est là et qu'on ne pourra pas éviter, d'embarquer à leur rythme, s'il le faut, et que si cela ne se fait pas, il y a de la législation comme celle-ci qui va leur être imposée.

On demande simplement une autre chance pour les gens de s'adapter et de leur dire: Écoutez, ce n'est pas si mauvais que cela. Faites un geste positif. Vous connaissez votre entreprise. Dites-nous que vous allez essayer d'augmenter le nombre sans vous donner un chiffre dans un an, dans cinq ans, parce que effectivement, ce n'est pas dans un an que cela va changer. C'est dans cinq ans ou dans dix ans.

Il y a des endroits où cela peut changer dès l'année prochaine. Mais il y a d'autres petites et moyennes entreprises qui ont besoin de s'adapter à tout ce processus; elles ont besoin du temps; elles ont besoin de flexibilité.

Si on avait à faire une suggestion, vous n'auriez qu'à enlever le mot "sont" de la première ligne de l'article 3 et dire "peuvent être exprimés". Ceci permettrait à certains employeurs de vous donner des objectifs qui sont vagues peut-être, mais ils seraient obligés de remplir ces objectifs. Tout ce qu'on demande, c'est de n'être pas catégorique dans la phraséologie du règlement pour permettre aux gens d'avoir de l'initiative, d'utiliser leur imagination pour augmenter ou pour éliminer la discrimination qui peut se faire à l'intérieur de leur entreprise et même s'il n'y en a pas, d'améliorer la situation. C'est tout ce qu'on vous demande.

M. Payne: Tout ce qu'on dit là-dessus, c'est que les objectifs sont exprimés et je pense que c'est un mot souvent utilisé dans les entreprises, c'est-à-dire qu'on se donne un objectif. Ce n'est pas une norme absolue, cela. Justement, je pense que cela correspond parfaitement à ce que vous cherchez.

M. Lavoie: Je m'excuse, mais le législateur veut que lorsqu'on utilise le mot "doit", c'est obligatoire, alors que si on

utilise le mot "peut", comme à l'article 8, vous avez une flexibilité. Si on met le mot "pouvoir" ou "peuvent" être exprimés, cela permet de faire autre chose. C'est finalement la commission qui va avoir le dernier mot. Tout ce qu'on demande, c'est que le programme n'impose pas automatiquement des nombres ou des pourcentages. Le fonctionnaire pourra le faire, lui, quand il recevra le programme; c'est tout.

M. Paynes Je vous comprends très bien, mais je suis d'accord avec la formulation. Les objectifs sont exprimés. Je suis d'accord avec vous que le principe est coercitif, mais lorsqu'on parle d'objectifs, ce n'est pas une norme absolue. On veut tout simplement que l'entreprise, peu importe la personne visée, se donne une politique. C'est exactement cela que vous avez exprimé tout à l'heure. Vous êtes d'accord qu'il devrait avoir une attitude positive. Si on dit qu'elles devront se donner des objectifs, bien sûr, l'objectif est de définir. C'est cela la gestion par objectifs. Ce n'est pas du tout un quota absolu. On est d'accord avec vous.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Fecteau.

Mme Fecteau: Mais lorsque les objectifs sont exprimés en nombres et en pourcentages, selon nous, c'est plus loin que des objectifs.

M. Payne: Mais ils devront être établis par l'entreprise en question. Les objectifs peuvent être déterminés. Ils peuvent changer de jour en jour, de mois en mois, d'année en année. C'est flexible.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais juste ajouter que nous avons aussi demandé que ce soit le gouvernement, les organismes gouvernementaux et paragouvernementaux qui donnent l'exemple. Dans l'état actuel des choses, le gouvernement demande aux entreprises de faire des choses, mais le gouvernement n'est pas vraiment prêt à foncer dans la même direction, lui-même. Je pense que cela est à revoir. (17 heures)

Je pense que la dernière intervention de Me Lavoie était très claire. L'association veut qu'on ait le temps de faire l'implantation. Je pense que les groupes de femmes et des communautés culturelles sont très sensibles à cela aussi. Ils étaient très réalistes. Les groupes de femmes qui sont venus présenter des mémoires savent qu'on ne changera pas le monde du jour au lendemain; cela prendra du temps, des années même. Je pense que, dans ce sens, tout le monde se rejoint. Il faut peut-être faire des retouches au règlement, je pense que tout le monde est sensible à cela. Ce n'est pas la dernière rédaction du règlement. Je suis sûr qu'il y a des juristes du ministère de la Justice qui nous écoutent et qui sont en train de préparer des amendements pour le ministre, cela est évident.

Je comprends bien ce que vous voulez dire concernant les entreprises. Elles remplissent tellement de paperasse, elles ont tellement de comités sur place qu'un autre comité fera peut-être déborder le vase. Je pense que l'intention, ici, n'est pas de faire déborder le vase, mais de faire en sorte qu'il y ait des programmes d'accès à l'égalité qui fonctionnent. On veut faire des progrès dans l'ordre et on veut que les entreprises puissent continuer de fonctionner de façon efficace. Je pense que c'est l'objectif de tout le monde.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Merci, Mme Fecteau, M. Lavoie et M. Poulin ainsi que l'Association des manufacturiers canadiens, division de Québec.

Nous allons maintenant entendre la Centrale de l'enseignement du Québec. Nous suspendons nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous accueillons maintenant la Centrale de l'enseignement du Québec. C'est cela? Mme Gagnon, je vous cède la parole en vous disant que nous disposons habituellement de 55 minutes, soit environ 20 minutes pour entendre votre mémoire et 35 minutes pour dialoguer avec les membres de la commission. En vous laissant la parole, vous voudrez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent.

CEQ et SPPGQ

Mme Gagnon (Alice): II me fait plaisir, M. le Président, messieurs et mesdames de la commission, de vous présenter la délégation de la Centrale de l'enseignement du Québec et du Syndicat de professionnels et professionnelles du gouvernement du Québec: Mme Rosette Côté, responsable du dossier de la condition des femmes à la centrale; Mme Francine Lemay, vice-présidente du Syndicat de professionnels et professionnelles du gouvernement du Québec; M. Jean-Marcel Lapierre, employé à la centrale au secteur juridique; moi-même, Alice Gagnon, première vice-présidente de la centrale.

Nous vous avons fait parvenir, ce

matin, des exemplaires de notre mémoire. Nous nous excusons. C'était vraiment parce qu'il était prêt très tôt que nous avons oublié de vous le faire parvenir. Je pense, cependant, que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance, le mémoire n'étant pas très volumineux. Comme on vous le rappelle, l'essentiel de notre point de vue a déjà été donné dans le mémoire à la commission Beaudry, la commission du travail. C'est dans ce cadre que nous avons, ici, résumé l'ensemble de nos positions.

C'est important pour nous de nous présenter devant la commission parlementaire qui étudie la réglementation sur les programmes d'accès à l'égalité, parce que cela aborde également l'un des éléments importants, l'un des droits fondamentaux de ceux qui sont contenus dans la charte québécoise. Nous aborderons l'ensemble du dossier en cinq parties. Ce sont vraiment les éléments sur lesquels on voudrait insister.

D'abord, c'est toute la question de la portée de l'article 1 du règlement qui nous semble insuffisante; deuxièmement, la question de la négociabilité des programmes d'accès à l'égalité; troisièmement, la question des droits des non syndiqués; quatrièmement, celle des obligations contractuelles; cinquièmement, la question de la fonction publique ou de la soustraction du gouvernement comme organisme comme tel à la réglementation des programmes d'accès à l'égalité.

C'est Mme Rosette Côté et Mme Francine Lemay qui vont, dans le temps que vous nous allouez, faire la présentation. Pour ma part, je m'excuse auprès des membres de la commission mais il est possible que j'aie à m'absenter si on dépasse les 55 minutes prévues, ayant un avion à prendre et des obligations en soirée. Autour de 18 heures, si ce n'est pas terminé, personnellement, je devrai m'absenter.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Côté.

Mme Côté (Rosette): Lorsque nous avons étudié le projet de règlement, nous nous sommes trouvés entièrement satisfaits de la définition d'un programme. C'est-à-dire que lorsque nous avons vu qu'il contenait des objectifs, des mécanismes, des échéanciers, des mécanismes de contrôle, une analyse du système d'emploi, une analyse de la disponibilité, nous avons vu que les balises de ce projet de règlement répondaient à nos revendications sur ce qu'est un programme d'accès à l'égalité. Là où nous sommes déçus, c'est lorsque nous voyons la portée du programme d'accès à l'égalité, laquelle est limitée à un programme recommandé par la commission ou par ordonnance du tribunal.

Nous nous sommes demandé à quoi servait un projet de règlement qui définit très bien ce qu'est un programme et qui nous dit qu'il y a de la discrimination systémique lorsqu'il y a des effets d'exclusion et qu'il faut regarder toute l'organisation du travail et que ces belles balises de définition ne sont contenues que lorsque les programmes ont été recommandés. À la CEQ, nous n'avons jamais revendiqué que ce soit obligatoire, sauf que nous croyons que tout programme doit reprendre les balises que les règlements indiquent et qu'il doit les respecter en faisant les analyses demandées.

Deuxièmement, nous avons été surpris de voir que ce n'est que l'employeur qui est responsable des programmes d'accès à l'égalité. Nous croyons que toute entreprise doit mettre à profit ses syndiqués ou ses salariés à l'intérieur d'un processus d'élaboration de programmes d'accès à l'égalité, ce qui fait que à la page 2 nous revendiquons que tout programme d'accès à l'égalité fasse l'objet d'une négociation entre les parties, que cela provienne d'un employeur, que ce soit venant d'un syndicat ou par l'intervention de la commission, parce que nous croyons que, lorsqu'un programme d'accès à l'égalité est négocié, il a plus de chances de corriger la discrimination, ce pour quoi il est fait.

Par contre, là où il n'y a pas de syndi-calisation, nous croyons qu'il faut un processus et un mécanisme qui permet là aussi aux non syndiqués d'être associés à l'élaboration du programme, d'où l'obligation pour nous de constituer un comité d'accès à l'égalité paritaire, où les représentations pourraient être nommées par leurs pairs élus sous la surveillance du commissaire du travail. Et, s'il y a un désaccord, un médiateur arbitre pourrait intervenir.

Tout cela parce que nous posons comme objectif et comme hypothèse que tout programme d'accès à l'égalité doit faire reculer petit à petit la discrimination et qu'il doit être élaboré, et par les gens qui sont concernés, et par les groupes cibles qu'on veut voir vivre des situations meilleures.

Par contre, nous nous demandons comment il se fait que le gouvernement s'est servi de son pouvoir de proclamation pour légiférer plutôt que de retourner devant le Parlement et de faire en sorte d'abolir le deuxième alinéa de l'article 86.2.

Nous n'avons jamais été d'accord avec le fait que la CDPQ contrôle, sauf pour les lieux où il n'y a pas de syndicat. Nous croyons que le gouvernement devrait retourner devant le Parlement pour faire modifier l'article, dans le sens de la page 4 en haut, pour que l'intervention de la CDPQ se limite aux entreprises non syndiquées pour éviter l'intervention d'un tiers dans un processus de négociation.

Par contre, lorsqu'on regarde... Même si

je vous disais tout à l'heure que l'ensemble des éléments qui sont là nous satisfont, nous nous sommes arrêtés un peu à l'élément du recrutement. Nous croyons que recrutement n'est pas le bon terme - Quant à vouloir faire de belles balises, autant en profiter -et qu'on serait mieux de parler de sélection du personnel. Pour cela, on s'est servi du Dictionnaire canadien des relations du travail pour montrer qu'entre autres la sélection du personnel toucherait plus les pratiques qui sont souvent apparemment neutres mais qui ont des effets discriminatoires.

Nous proposons aussi - je pense que cela est compris dans la charte mais nous le redisons - que le soutien de la commission est important là où c'est demandé. Nous pensons que, lorsqu'il est question de discrimination systémique, cela peut porter à confusion. Il faudrait préciser les groupes cibles. La charte ne les prévoit pas et le règlement non plus.

Par contre, dans les lieux où il n'y a pas de syndicat, il est important de prévoir un mécanisme pour protéger les salariés contre les représailles de l'employeur, ce qui fait que nous proposons que le gouvernement adopte des dispositions législatives qui interdisent toute forme de représailles pour des salariés qui voudraient soit travailler à élaborer ou à implanter un programme d'accès à l'égalité.

Par contre, à la page 6, nous avons assisté à Décisions 85. Il était question de l'obligation contractuelle. Nous n'avons rien vu dans le projet de règlement. Nous demandons donc, pour être sûr que le gouvernement réponde à ses intentions et fasse ce qu'il dit, d'adopter un décret ou un règlement qui oblige les entreprises qui obtiennent une subvention ou un contrat du gouvernement à élaborer et implanter un programme d'accès à l'égalité.

Enfin, nous croyons que la syndicalisa-tion est un moyen pour l'ensemble des salariés de réussir à défendre leurs droits et qu'une véritable politique d'accès à l'égalité devrait favoriser la syndicalisation multipa-tronale, tel que nous l'avons revendiqué lors de la commission Beaudry.

Enfin, nous sommes d'accord avec l'égalité dans les services d'éducation et de la santé, mais s'il arrivait que des modalités d'implantation de programme viennent faire interférence avec des conditions de travail, nous voudrions bien être consultés et négocier, s'il y a lieu, de telles mesures.

C'est en gros l'ensemble des éléments que nous avons mis de l'avant. Comme vous le remarquez, on a beaucoup tablé sur une analyse critique des différents articles, plutôt que de reprendre l'ensemble du discours que vous pouvez retrouver dans notre mémoire sur la charte. Nous avions un très grand volet sur la discrimination systémique et l'obligation d'intervenir pour l'enrayer.

Le Président (M. Gagnon): Mme Lemay.

Mme Lemay (Francine): Si vous me permettez, oui. Deux éléments supplémentaires en ce qui concerne... Comme l'a dit Mme Côté, le règlement semble intéressant avec certaines modifications qu'on trouve, certaines précisions qui devraient y être apportées. C'est la question de la portée du règlement qu'on met beaucoup en cause, puisqu'il ne s'appliquera à peu près à aucun organisme. Ce que je veux souligner en particulier, c'est que pour les ministères et organismes du gouvernement, le règlement ne s'appliquerait pas au programme d'accès à l'égalité qui serait établi dans le ministère. Il nous semble tout à fait incorrect que le gouvernement dans ses ministères et organismes se soustraie au contenu du règlement dans ses programmes d'accès à l'égalité.

D'autre part, nous croyons également, comme l'a dit Mme Côté toujours, que c'est par la négociation des programmes qu'on va arriver véritablement au succès. Nous avons à faire des débats, dans nos organisations et à arriver à des éléments pour les programmes d'accès à l'égalité. Ce que je veux souligner, c'est que la Loi sur la fonction publique exclut des matières du champ négociable, ce qui veut dire que dans la fonction publique il y a une autre contrainte puisque tout ce qui concerne le recrutement, la classification et d'autres matières n'est pas négociable. Ce qui fait que nous revendiquons la négociabilité pleine et entière de ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité; et cela inclut donc aussi ces matières.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mme Côté, qui a présenté le mémoire; Mme Lemay, Mme Gagnon de même que M. Lapierre, pour ce mémoire que je trouve assez intéressant. Vous avez touché un point qui n'avait pas été touché par d'autres intervenants, et je pense que c'est un point central pour vous: vous avez dit qu'il faut que ce soient les syndicats qui négocient les programmes d'accès à l'égalité avec l'employeur. Vous savez qu'il y a des entreprises où les hommes sont en grande majorité. Est-ce que les femmes peuvent se fier aux hommes pour négocier pour elles?

Mme Côté: À l'intérieur des organisations syndicales, je pense qu'il est de notre devoir de voir à ce qu'il y ait un processus qui fasse en sorte qu'il y ait une représentation des groupes cibles, et je pense que l'action des femmes dans les syndicats le prouve. À ce moment, lorsqu'on dit que le

processus de négociation... pour nous il est clair qu'un programme négocié a des chances d'assurer une réussite. Ce qu'on veut, femmes et hommes des syndicats, même si on 3ait qu'il y a des débats à faire, comme le disait Mme Lemay, c'est que la discrimination s'en aille. Pour qu'elle s'en aille, il faut qu'on puisse faire des analyses, des diagnostics de discrimination et ensuite apporter des correctifs appropriés.

Je pense que dans les syndicats, nous sommes capables de faire les débats. Nous avons du chemin à faire, c'est vrai, il y a des débats qui ne sont pas faciles, mais nous croyons que nous sommes capables de les faire.

M. Marx: Supposons qu'il y ait une entreprise avec 1000 employés, 900 hommes, 100 femmes. Le syndicat serait contrôlé par les hommes. Je pense qu'il y a quelque chose là, parce que les hommes gouvernent depuis des années et ils n'ont rien fait pour les femmes. Je pense que... Bon. Le syndicat va avoir les intérêts de la majorité de ses membres comme priorité, dirais-je. Cela est déjà arrivé. Si on a un programme d'accès à l'égalité dans cette entreprise, il est fort possible que cela nuise aux hommes. Parce que si on permet aux femmes d'être promues plus vite, comme c'est prévu dans le règlement, c'est sûr qu'il y a des hommes qui ne seront pas promus. Ils vont donner une certaine préférence aux femmes, c'est-à-dire que c'est bien possible que les hommes dans ce syndicat ne soient pas tout à fait d'accord avec les femmes et ce sont les hommes qui contrôlent le syndicat. Ne voyez-vous pas un tel danger?

Mme Côté: Premièrement, je dois vous dire qu'avec le projet de règlement tel qu'il est fait là, c'est à l'employeur que vous donnez tous ces pouvoirs et je crois que les employeurs actuellement ont...

M. Marx: C'est un autre problème.

Mme Côté: C'est le même problème, parce que nous disons: Actuellement, le projet dit que l'employeur est chargé d'implanter tout cela. Il a autant, lui, de "préjugés systémiques", entre guillemets, que n'importe quel membre du syndicat. Deuxièmement, nous croyons que nous sommes capables d'arriver à un consensus à l'intérieur des organisations syndicales et je pense que... Il est clair que quand on parle de discrimination systémique, s'il y en a qui ont été discriminés, c'est qu'il y en a qui en ont effectivement "profité", entre guillemets, sauf que d'un point de vue démocratique, la discrimination est illicite. Elle est aussi illicite dans une organisation syndicale qu'elle est illicite dans la société, ce qui fait que la force des femmes à l'intérieur des organisa- tions est le fait que les mentalités évoluent autant chez les hommes que chez les femmes et que les femmes poussent. Nous croyons qu'un processus de négociation va apporter plus, mais c'est clair qu'il peut arriver que dans certains syndicats, le problème se pose, mais est-ce que c'est parce qu'il y a sur 152 syndicats, 41 qui ne sont pas capables de tenir compte des intérêts de la majorité ou de la minorité que nous allons pouvoir penser que l'intervention d'un tiers va être plus efficace? À mon sens, il y a des questions à se poser là-dessus.

M. Marx: Mais pour les fins de la discussion, on peut avoir un comité où ce sont les employeurs qui sont représentés et les membres des groupes cibles.

Mme Côté: Mais quand on négocie, les employeurs sont représentés.

M. Marx: Mais est-ce que cela veut dire que le syndicat ne sera pas là? Les personnes qui font partie des groupes cibles seraient là pour défendre leur propre raisonnement. Prenons un autre... Comprenez-vous ce que je veux dire? Vous dites que c'est l'employeur seul, mais on peut former un comité autrement qu'avec le syndicat et l'employeur.

Mme Côté: Nous, quand on élabore des revendications à l'intérieur de l'ensemble des chapitres d'une convention collective, ce n'est jamais le syndicat qui fait l'élaboration des... Il y a des groupes de travail avec des personnes qui sont expertes sur la question. Nous élaborons le programme. Ensuite, il est négocié. Quand il est négocié, c'est le produit de l'ensemble des cheminements, des processus et des consensus qui ont été faits et vous me dites qu'il est possible qu'on fasse des comités d'employeurs. Nous croyons que c'est par le biais du processus de négociation qu'on peut éviter l'arbitrage et qu'on peut faire en sorte qu'on ait des programmes qui répondent à leur objectif qui est l'élimination de la discrimination systémique.

M. Marx: Je reviens à mon point du début. Je ne suis pas sûr et certain. Peut-être que dans votre syndicat... Je ne parle pas de votre centrale ou du syndicat dont vous faites partie, mais je ne suis pas sûr que le syndicat va toujours travailler et travailler fort pour faire en sorte que les programmes d'accès à l'égalité favorisent les femmes et les minorités ethniques quand le syndicat est contrôlé par des hommes blancs. Je pense qu'il y a un problème là. Disons que dans mon entreprise de 1000 personnes -900 hommes et 100 femmes - on veut engager, par exemple, 50 autres femmes. Par la suite, s'il y a une mise à pied. Qui est-ce

qu'on va mettre à la porte en premier? Je pense qu'il y a toutes sortes de problèmes; un syndicat contrôlé par des hommes, qui doit négocier un programme d'accès à l'égalité pour les femmes, peut être dans un certain conflit d'intérêts. J'ai déjà vu cela.

Le Président (M. Gagnon): Mme Gagnon.

Mme Gagnon: On est conscient qu'il y a certains problèmes, mais on se dit que c'est par le biais de débats et par l'implication des gens et par le changement de mentalité... On prétend qu'il y a un changement de mentalité qui s'est amorcé. Ce n'est pas facile et il n'est pas rendu à sa phase la plus grande, ce changement de mentalité chez les hommes. Il se pratique davantage chez les hommes syndiqués que chez les hommes non syndiqués, parce que le questionnement se fait depuis très longtemps sur ces choses-là. Il y a encore des gens qui jettent les questions qu'on pose ou les instruments qu'on produit à la poubelle et d'autres qui, de plus en plus, se questionnent sur le cheminement. Donc, on se dit que c'est par là que cela se fera et les gens qui posent ces questions-là, les groupes cibles qui sont minoritaires, demanderont aussi d'être représentés à ce niveau. C'est comme cela qu'on pense qu'il y a une meilleure chance d'avoir gain de cause là-dessus.

Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.

M. Lapierre (Jean-Marcel): La plupart et même la totalité des aspects qu'on retrouve dans un programme d'accès à l'égalité sont reliés à des conditions de travail et font donc partie du régime de travail d'une entreprise.

Le régime de détermination de ces conditions de travail a toujours été la négociation. C'est un régime de démocratie industrielle qui est largement accepté dans notre société. Si on prend l'exemple que vous donniez, c'est-à-dire une entreprise de 1000 employés où il y a 100 représentants du groupe cible, si vous formez un comité avec le groupe cible, vous aurez une situation où les 900 autres personnes qui font partie de ce milieu de travail se verront imposer des conditions sans avoir pu y participer d'aucune façon. Est-ce une meilleure situation que la situation où on permet à l'ensemble du groupe d'évoluer pour éliminer la discrimination?

M. Marx: C'est ce que veulent dire les programmes d'accès à l'égalité. Même les gens qui n'ont pas subi la discrimination, dans l'entreprise où on fera un programme d'accès à l'égalité, pourront en profiter. C'est-à-dire que, même si l'individu n'a pas subi la discrimination, il pourra profiter d'un programme d'accès à l'égalité. Comprenez- vous ce que je veux dire?

Mme Côté: Voulez-vous répéter cela?

M. Marx: Une femme qui n'était pas soumise à la discrimination - personne n'a fait de discrimination contre elle en tant que femme - pourrait peut-être profiter d'un programme d'accès à l'égalité.

Mme Gagnon: Oui, mais je pense...

M. Marx: Dans la jurisprudence américaine, c'est toujours décrit comme cela. Ce qui m'a surpris dans ce que M. Lapierre a dit, c'est qu'un grand nombre d'aspects qu'on trouve dans le règlement font déjà partie des régimes de travail.

Mme Gagnon: Que sous-tend un programme d'accès à l'égalité? Cela interrogera l'organisation du travail, la promotion, la sélection et toutes ces choses-là qui sont déjà couvertes par la négociation dans une convention collective.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Marx: Ces aspects qu'on trouve dans le règlement ne font pas maintenant partie des régimes de travail.

Mme Côté: C'est-à-dire que si vous vous interrogez sur la formation et le perfectionnement, il y a dans certaines conventions collectives des mesures. Si vous vous interrogez sur les salaires, vous devrez regarder les échelles salariales à l'intérieur d'une convention collective. Si vous parlez des mesures disciplinaires administratives, vous allez devoir regarder ce qui se passe et s'il y a des mesures à l'intérieur d'une convention qui interviennent là-dessus.

Un programme d'accès à l'égalité, je pense que c'est là qu'on ne se comprend pas parce que, d'après votre intervention de tout à l'heure, vous dites qu'une personne se verra gracieusement offrir un programme d'accès à l'égalité sans l'avoir voulu alors que, pour nous, un programme... (17 h 30)

M. Marx: Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit, mais ce n'est pas grave.

Mme Côté: J'ai traduit un peu. Ce n'est pas une gracieuseté, mais cela arrive comme cela. Un programme d'accès à l'égalité. Lorsqu'il y a un diagnostic de discrimination systémique, la discrimination systémique, c'est une analyse collective à partir d'un groupe qui vit des situations d'exclusion mais comme groupe. Il est possible que ce soit quelques personnes dans une entreprise qui se plaignent que les outils de travail ne sont pas adaptés aux deux sexes, mais lorsqu'il y aura une analyse de

l'organisation de travail incluant les outils de travail et qu'il y aura des correctifs, la totalité des femmes du groupe cible vont en profiter.

M. Marx: Une dernière question.

Le Président (M. Gagnon): Très courte, M. le député, parce que d'autres personnes ont demandé la parole.

M. Marx: Parmi les groupes de femmes qui sont venus ici, j'ai demandé à Mme Rochon, de la Coalition des femmes, de nous donner un exemple de la discrimination systémique. Elle a dit qu'à la Société des alcools, pour devenir caissière, il faut passer par l'entrepôt et dans l'entrepôt, on n'engage pas de femme. Donc, il y a très peu de caissières. Qu'est-ce que le syndicat de la Société des alcools du Québec a fait pour permettre aux femmes d'accéder à ces postes? Qu'est-ce que le syndicat a fait jusqu'à maintenant?

Mme Côté: Pour empêcher la discrimination?

M. Marx: Oui, pour aider les femmes à accéder à ces postes. Qu'est-ce que les syndicats ont fait dans d'autres entreprises pour permettre aux femmes d'accéder à un certain nombre de postes? Peut-être y a-t-il des syndicats qui ont fait des choses mais dans d'autres cas, non. À la Société des alcools du Québec, j'imagine que cela avantage les hommnes, donc, personne n'a bougé.

Mme Côté: Je peux vous dire qu'actuellement, on constate une situation de discrimination, sauf que si la Société des alcools était soumise aux balises qui sont là, il y aurait...

M. Marx: Mais pourquoi ne pas l'avoir inclus dans leur convention collective?

Mme Côté: Mais écoutez, le concept de discrimination systémique, ce n'est pas quelque chose qui date de 25 ans, c'est à la lumière de la lutte des femmes et de certains mécanismes d'analyse que nous avons vu qu'il y a deux façons de traiter les hommes et les femmes dans notre société, c'est à partir de cela que nous avons cherché certains mécanismes correctifs. Ce n'est pas de la discrimination intentionnelle. Je suis sûre que le syndicat ne veut pas faire de la discrimination intentionnelle, c'est systématique, ce sont les règles d'organisation qu'il faut revoir à la mesure des revendications et à partir de pratiques qu'on a cru neutres pendant longtemps mais qui ne le sont plus.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Fabre et, après, le député de Deux-Montagnes.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais également remercier les représentantes de la Centrale de l'enseignement du Québec pour leur présentation. Voilà un mémoire qui invite fortement à la réflexion, qui ouvre des voies nouvelles sur la question de l'accessibilité.

Mes questions porteront d'abord sur le premier volet que vous avez mentionné. Vous parlez d'élargir le champ d'application du règlement. Vous dites: "La portée d'application du projet de règlement ramène l'accès à l'égalité au rang de voeu pieux." Il me semble que - je ne sais pas si c'est volontairement - vous poussez un peu loin quand même. Ce n'est quand même pas un voeu pieux, le fait que quelqu'un, un organisme ou une personne, puisse porter plainte. Il y a donc enquête de la part de la commission et recommandation. Pouvez-vous nous éclairer sur le sens que vous accordez à "rang de voeu pieux". Ne forcez-vous pas un peu trop la note?

Le Président (M. Gagnon): Mme Côté.

Mme Côté: Nous croyons que lorsqu'il y a un programme d'accès à l'égalité qui est discuté, ce programme, quelle que soit sa provenance, doit respecter l'ensemble des balises qui existent. Quand on regarde l'article 1, ces balises vont s'appliquer à partir du moment où il y aura une recommandation ou une ordonnance en tribunal. Cela veut donc dire que c'est dans le temps, c'est seulement par un étirage du temps, lorsqu'il y aura eu un programme et que le programme sera non conforme, lorsqu'il y aura eu une plainte et qu'il y aura eu une enquête, une ordonnance ou une recommandation.

Pourquoi attendre que la commission ait recommandé ou ait demandé une ordonnance pour que ces balises s'appliquent? Ce que nous demandons, ce n'est pas que les programmes soient obligatoires partout, c'est que lorsque, quelque part, une entreprise ou un syndicat, un groupe de travailleuses veut implanter un programme, les balises pour l'implanter, les questions à poser soient celles qui sont indiquées dans le projet de règlement. C'est pour cela qu'on dit que c'est un voeu pieux; finalement, on retarde le correctif. On le retarde et on attend que la commission ait une plainte ou ait fait une enquête et ait recommandé une solution. Ce qui fait qu'on peut bien penser qu'avant qu'il y ait eu un programme qui soit soumis à ces balises, cela va bien prendre deux ans, entre nous.

M. Leduc (Fabre): J'avoue que vous

soulevez là un argument qui m'apparaît de taille. Par contre, il y a des entreprises qui peuvent appliquer un programme qui ne suit pas nécessairement à la lettre les balises qui sont là. C'est fort possible qu'il y ait des entreprises - et il y en aura sûrement - qui vont avoir des programmes d'accès et qui ne suivront pas tout à fait ce modèle. Là, on leur impose un modèle. Cela veut dire aussi le contrôle du modèle... Ce n'est pas tout de dire: Bon, toutes les entreprises doivent passer par le même moule. C'est quelque chose à contrôler. Cela veut dire qu'il faut aller vérifier, qu'il faut aller enquêter si toutes les entreprises ont effectivement appliqué les balises qui sont là. L'application de ce contrôle à je ne sais pas combien de milliers d'entreprises au Québec m'apparaît être l'aspect le plus difficile dans votre proposition.

Mme Côté: Dans notre compréhension, on ne peut pas penser à des mécanismes correctifs sans avoir fait l'analyse des effectifs, du portrait et des éléments discriminatoires. On ne peut pas penser qu'une entreprise - et ce n'est pas juste nous qui le disons mais l'ensemble de la documentation sur la question - puisse songer à des mécanismes correctifs sans s'être interrogé sur son organisation du travail et sur les pratiques de sélection pour ensuite apporter les correctifs appropriés. Peut-être qu'effectivement vous avez raison. Certaines entreprises vont pouvoir intervenir strictement sur l'embauche, mais si les pratiques à l'embauche n'interviennent pas et si les femmes sont cantonnées quand même aux ghettos d'emplois qu'on connaît, en quoi cela va-t-il changer quelque chose? Cela va avoir permis aux femmes d'accéder à l'emploi mais sous quelles conditions? C'est à cela que nous pensons comme processus d'analyse.

Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.

M. Lapierre: Vous dites que cela pourrait amener la commission à avoir trop de programmes à surveiller. À mon avis, c'est déjà le cas avec l'article 86.4 de la loi qui dit que la commission surveille l'application des programmes d'accès à l'égalité. L'application de l'article 86.4 n'est pas restreinte aux programmes visés par le règlement.

M. Leduc (Fabre): En fait, vous soulevez une question... Peut-être. Mais si on se fie au règlement, là où il y aura eu plainte, il pourra y avoir imposition de ce modèle de règlement. C'est ce que je comprends.

Puisque le temps passe, je voudrais continuer. Vous introduisez une idée intéressante: qu'on puisse négocier les programmes d'accès à l'égalité. Avec cela, il y aura sûrement moyen d'éviter ce que j'appelle les risques d'un énorme contrôle bureaucratique sur des milliers d'entreprises. Je vous avoue que cela me fait peur. Par contre, par la voie de la négociation, il y aurait peut-être lieu d'éviter cet énorme contrôle. Je comprends, vous vous dites... Ma question est: Qu'est-ce qui empêche que ce soit négocié présentement? Il n'y a rien qui empêche que ce soit négocié. Vous ajoutez un élément visant à ce que cela fasse obligatoirement l'objet d'une négociation, mais, en fait, cela peut se faire obligatoirement, à mon sens, s'il y a un rapport de force ou s'il y a une volonté syndicale de le négocier et que cela devienne aussi important que de négocier la question salariale, par exemple, ou la question des régimes de retraite. Si on en fait un élément aussi important, cela devient automatiquement négociable. Je ne vois pas exactement ce que votre "obligatoirement l'objet d'une négociation"... En plus, du fait que cela oblige, votre idée est intéressante parce que cela oblige les syndicats à faire des consensus. Ce qu'on peut craindre souvent, c'est que la règle de l'ancienneté prenne le dessus sur les questions comme l'accès à l'égalité. Cela est un danger réel. Donc, cela obligerait les syndicats à faire des consensus. Je crois que, pour que ce soit véritablement appliqué, il faut qu'il y ait absolument des consensus du côté syndical. Mais n'est-ce pas une voie un peu facile de dire qu'il faut que ce soit obligatoirement l'objet d'une négociation? D'autre part, qu'est-ce qui va être obligatoirement l'objet de la négociation? Les règlements qui sont là?

Quant à moi, je considère que ces règlements sont un minimum qui s'applique partout. Dès qu'il y a plainte il y a enquête et cela peut s'appliquer. La négociation permet d'aller plus loin. Mais moi, il m'apparaît que c'est possible, actuellement, de négocier. Au fond, je ne vois pas exactement ce que vous demandez de plus, même si vous ajoutez "obligatoirement".

Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.

M. Lapierre: En fait, la loi, actuellement, ne mentionne pas la négociation. Elle est absolument silencieuse au sujet de la négociation. L'articulation n'est pas prévue entre le régime de négociation et le programme d'accès à l'égalité. Ce qui veut dire que, en vertu des articles de la charte, un employeur peut établir un programme d'accès à l'égalité en vertu de ses droits de gérance même s'il y a un syndicat dans son entreprise.

On ne sait pas, compte tenu des articles actuels de la loi, quelles sont les conséquences d'un tel programme, ce qui l'emporterait s'il y avait un conflit entre Ies deux. Est-ce que ce serait la convention

collective ou est-ce que ce serait les programmes d'accès à l'égalité? On n'a pas de réponse à cette question et je pense que la réponse n'est pas claire. En vertu, par exemple, d'un arrêt qui a été rendu aux États-Unis, l'arrêt Stotts, ce serait plutôt la convention qui l'emporterait. Mais, d'un autre côté, il y a une grande différence entre le régime d'accès à l'égalité qui est dans la charte et les conditions de l'arrêt Stotts.

Mais, si c'est le programme d'accès à l'égalité qui l'emporte, ce serait au détriment de la convention collective et vice versa. L'articulation n'est pas prévue. Alors, on pense qu'il faut qu'il y ait une articulation. Cette articulation, pour nous, doit se faire par la négociation des programmes d'accès à l'égalité; l'obligation pour les syndicats de négocier dans le cadre du règlement, en allant plus loin si nécessaire, mais en pouvant au moins exiger que le règlement soit respecté.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes, suivi de Mme la députée de Maisonneuve.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Il me semble que ce que les porte-parole de la CEQ sont en train de nous dire, c'est que là où il y a un syndicat bien implanté, la mise en place d'un programme d'accès à l'égalité fonctionnera mieux si le syndicat est impliqué dans cette mise en place. Je pense que c'est une proposition avec laquelle, quant à moi, je serais d'accord; d'autant plus qu'il y a un certain nombre de cas où ce sont les syndicats qui ont milité en faveur des programmes d'égalité et qui ont permis de réaliser un certain nombre d'étapes de progrès vers l'établissement de ces programmes.

Est-ce que, dans l'état actuel du règlement, en supposant que le règlement soit adopté tel quel, l'implication du syndicat ne pourrait pas, justement, être considérée comme matière à négociation? C'est-à-dire, est-ce que les syndicats intéressés aux programmes d'accès à l'égalité ne pourraient pas, en négociations, dire à l'employeur Nous, on veut, on entend, être impliqués là-dedans?

Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.

M. Lapierre: Je pense qu'ils ne pourraient pas exiger de l'employeur qu'il négocie un programme d'accès à l'égalité en respectant les conditions qui sont dans le règlement. Ils pourraient sans doute, par un rapport de forces, amener l'employeur à négocier des éléments de programmes d'accès à l'égalité, mais ils ne pourraient pas exiger que soit négocié un programme, conformément aux balises qu'il y a dans ce règlement.

M. de Bellefeuille: Alors, vous voulez que le règlement, explicitement, ouvre la porte à cette possibilité.

M. Lapierre: Et si c'est nécessaire de modifier la loi, que la loi soit modifiée en conséquence.

M. de Bellefeuille: J'avais une autre question à poser, mais je ne veux pas priver

Mme la députée de Maisonneuve du temps qui lui est alloué.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez le temps.

M. de Bellefeuille: C'est une question à laquelle la réponse n'est peut-être pas simple. Je voulais vous demander quelles sont les formes de discrimination systémique qui existent et qu'on peut observer dans le monde de l'enseignement. À première vue, on a l'impression qu'il y a beaucoup de femmes dans l'enseignement. Donc, on pourrait croire, à première vue, qu'il n'y a pas de discrimination envers les femmes, sauf que c'est peut-être une question de niveau dans le régime scolaire. Il y a peut-être des niveaux où les femmes sont victimes de discrimination. On peut se demander s'il n'y a pas d'autres niveaux où les hommes seraient victimes de discrimination, quoique cela paraisse peu probable. Mais il y a aussi les groupes minoritaires, les groupes ethniques. Est-ce que les personnes, membres des groupes ethniques, occupent leur juste place dans l'enseignement au Québec? Il me semble que c'est une question à laquelle vous pourriez nous apporter un éclairage. (17 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Mme Côté.

Mme Côté: Des exemples de discrimination, celui qui fait consensus et qui paraît dans les études du CSF, c'est tout simplement le portrait de la représentation des femmes. Quand on constate qu'au secondaire, le nombre des femmes est inférieur à celui des hommes et que, dans les cégeps, le taux de mise en disponibilité des femmes est supérieur à leur représentation, c'est une forme de discrimination. Chez le personnel de soutien, on peut constater qu'il y a souvent des tâches équivalentes n'ayant pas nécessairement un salaire équivalent. Du côté des professionnels du réseau scolaire, ce dont on se rend compte souvent, c'est que les femmes sont concentrées dans certaines disciplines à caractère humain plutôt que dans des disciplines à caractère plus rationnel. Je vous dis tout cela, sous réserve de mon pif. Nous aussi, on est en train de faire une analyse systémique et, nous aussi, on va faire une analyse de l'organisation du travail, on va être capable de poser certains

diagnostics de discrimination et de trouver les correctifs appropriés. Par contre, votre première question me dit que ce n'est pas pour rien qu'on demande que les groupes cibles soient inscrits dans le projet de règlement. Pour nous, les groupes cibles, ce sont ceux qu'on appelle "femmes", "minorités culturelles" et tout cela, et ce sont ceux qui ont vécu historiquement une forme d'exclusion ou un traitement différent.

Une voix: II ne s'agit pas de ghettos d'emplois.

Mme Côté: Non, il ne s'agit pas de ghettos d'emplois; ce n'est pas de la ségrégation professionnelle. Celle-ci est un élément de sexisme dans l'organisation du travail. Mais il n'y a pas seulement les ghettos d'emplois à considérer. Il y a le sale travail, la rémunération, comme je le disais tout à l'heure, les pratiques d'embauche, de sélection, de perfectionnement, etc. Par rapport aux minorités ethniques, je ne sais pas s'il y en a qui ont des réponses là-dessus.

Mme Gagnon: On a des minorités ethniques au niveau des autochtones, là où ils sont. Effectivement, on a été obligé, depuis les deux dernières conventions, d'avoir des mesures pour leur permettre de prendre charge de l'enseignement, entre autres, de leur langue et de leur culture. Les mesures sont les suivantes: Si, par exemple, un enseignant autochtone veut enseigner et veut garder sa place, la personne qui est mise en disponibilité, même si l'enseignant autochtone est la personne la moins ancienne, c'est l'enseignant blanc qui, lui, est mis en disponibilité et relocalisé dans le "sud", entre guillemets, dans une autre commission scolaire. Mais nous n'avons effectivement pas, dans les autres secteurs, au niveau des minorités ethniques dites culturelles, des mesures autres que pour les enseignants autochtones. Cela va faire partie de l'ensemble de la problématique et des solutions à apporter à ce genre de problèmes chez nous également.

M. de Beliefeuille: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve, suivie de Mme la députée de Jonquière.

Mme Harel: M. le Président, c'est un peu dans la suite de l'intervention du député de Deux-Montagnes. Je voulais un peu examiner avec vous toutes les difficultés liées à la présence d'enseignants provenant de communautés culturelles ou de groupes ethniques, dont l'absence est assez chronique actuellement dans le milieu de l'enseignement, compte tenu, comme vous le disiez très bien tantôt, de votre définition de la discrimination systémique et, donc, de l'objectif qui est de l'éliminer. Vous le disiez, ce n'était pas intentionnel: La discrimination systémique ne se fait pas intentionnellement, bien qu'on doive conclure qu'il va de soi qu'il y a des membres d'un groupe qui en profitent. Cela se fait à leur avantage et cela se fait au détriment de membres de certains autres groupes.

J'imagine que, lorsqu'on est à la CEQ et qu'on a un syndicat qui est quand même majoritairement composé de femmes... Les effectifs actuels de la CEQ démontrent que c'est une majorité ou pas loin...

Mme Gagnon: Deux tiers, pas loin.

Mme Harel: De deux tiers. Bon, de deux tiers. Les consensus dont vous parliez tantôt, en réponse aux questions du député de D'Arcy McGee, sont peut-être des consensus plus faciles à faire, justement, quand on est une majorité, même si on est traité en minorité. Mais là où le problème peut se poser, c'est quand il y a des membres de groupes cibles - je trouve votre suggestion excellente de les identifier dans le projet de règlement - qui ne seront pas partie prenante au débat parce qu'ils ne sont tout simplement pas là.

Il y a une étude qui date d'il y a peut-être deux ans maintenant du Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui était passionnante, sur les difficultés d'apprentissage des enfants d'immigration de première souche, de première génération. Parmi les recommandations, il y avait la nécessité d'avoir des modèles performants, valorisants, c'est-à-dire des modèles du même milieu, de la même origine ethnique ou culturelle à l'école pour justement projeter une image positive de sa communauté, ce qui n'est pas toujours le cas chez les enfants de l'école. Cela supposerait, évidemment, qu'à ce moment-là il y ait... Au niveau de l'embauche, vous allez me dire que, pour tout de suite, il n'y a pas beaucoup de solutions à envisager de ce côté-là, mais il y en aura éventuellement. Même là, il faudrait qu'il y ait déjà des mesures au niveau de la sélection, au niveau de l'embauche et systématiquement pour compenser l'absence chronique avec l'arrivée massive, depuis la loi 101, d'une population étudiante ethnique dans les écoles francophones. Alors, comment le débat va-t-il se faire au sein de la CEQ, ce consensus très large que vous souhaitez mais avec, finalement, des membres de groupes qui ne seront pas là pour le faire?

Mme Côté: C'est là un gros problème effectivement, mais je pense que pour nous, la discrimination systémique, quand on identifie les groupes, on fait la même analyse. Cela veut donc dire qu'on va devoir

faire pour les minorités culturelles le même type d'analyses systémiques qu'on fait pour les femmes. Je pense - une petite farce en passant - qu'on soit minoritaires ou majoritaires, nous, les femmes, la reconnaissance sociale, on se bat avec. Cela étant dit, je pense qu'on va être capable, à la suite d'une analyse systémique, même si les gens ne sont pas là, de trouver des moyens de les consulter et d'aller voir avec eux ce qui serait bien pour eux. Un peu comme l'expérience que j'ai dans la tête, lorsqu'on est intervenu avec les handicapés et qu'on voulait savoir ce qu'on allait mettre dans notre mémoire, on a rencontré des handicapés et on leur a dit: Ce serait quoi qu'on pourrait faire comme proposition pour faire en sorte que vous soyez servis par un type de loi comme cela?

Maintenant, une chose qui serait peut-être à regarder aussi, c'est que s'il y a de l'embauche, c'est clair que si on veut augmenter la représentation, s'il y a de l'embauche, il va falloir intervenir au niveau de mesures préférentielles à l'embauche. Cela est clair.

Mme Gagnon: Ce ne sera pas des débats simples, on le sait, mais comme dans tous les autres secteurs, je pense que l'ouverture d'esprit est assez bonne à cet égard.

Le Président (M. Gagnon): Sur le même sujet, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je vais poursuivre la question posée par la députée de Maisonneuve, parce que j'ai déjà posé cette question des syndicats qui vont négocier avec les employeurs. Prenons un exemple concret. L'an dernier, à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, il y avait sept femmes chauffeurs d'autobus et 3400 hommes chauffeurs d'autobus. Donc, c'étaient des hommes blancs à presque 99 % et je ne sais pas combien, et c'étaient des francophones. Il va de soi que le syndicat est contrôlé par ces 3400 hommes blancs francophones et pas par les sept femmes qui sont là. Quoique les femmes puissent être très fortes dans le syndicat, sept ne donnent pas beaucoup de poids.

Si le syndicat négocie le programme d'accès à l'égalité avec l'employeur, le syndicat est juge et partie; les 3400 hommes sont des juges et ils font partie de cette entreprise en même temps. Il pourrait y avoir un conflit d'intérêts. C'est la même chose à la Sûreté du Québec, en ce qui concerne le syndicat des policiers de la Sûreté du Québec... la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, le syndicat des pompiers. Pour le syndicat des pompiers, cela devrait être à presque 100 % des hommes blancs francophones. Comment vont-ils négocier un programme d'accès à l'égalité pour les femmes, pour les membres des communautés culturelles? Il pourrait y avoir un conflit d'intérêts. C'est comme demander aux États-Unis, aux Blancs, un syndicat où les membres sont seulement des hommes blancs, de négocier un programme d'accès à l'égalité pour les Noirs. Je pense qu'il pourrait y avoir un conflit d'intérêts et un conflit quant à la compréhension de la situation.

Le Président (M. Gagnon): Mme Côté.

Mme Côté: Si votre entreprise est soumise au règlement tel que libellé là, je pense que les problèmes que vous soulevez vont être amoindris, parce qu'il y a... On dit dans le projet de règlement ce qu'une entreprise syndiquée ou non syndiquée doit faire pour réellement instaurer ou implanter un programme d'accès à l'égalité. C'est marqué là. Je pense que le syndicat, que vous lui prêtiez les intentions les plus...

M. Marx: Je ne parle pas d'intentions, je parle des possibilités, pas dans votre syndicat.

Mme Côté: À raison! À raison! Je dis "à raison" que vous les prêtez. Cela va? S'il est soumis à cela et si vous pouviez faire sauter le bout de l'article 1 qui dit que c'est seulement quand il y a des programmes de recommandés, ces gens-là qui vont élaborer un programme vont demander l'aide de la CDPQ, vont demander l'aide de personnes qui ont des expertises sur la question, vont respecter l'ensemble des balises et ne pourront sûrement pas négocier des affaires qui ne sont pas là-dedans ou qui sont toutes croches, parce que la CDPQ va leur dire: Là-dessus, ce n'est vraiment pas de la discrimination systémique. Ce ne sera pas conforme, et c'est pour cela que, nous, on dit que, si l'article 1 est modifié et oblige tout programme à suivre ces balises partout, que ce soit syndiqué ou pas, l'employeur avec les salariés non syndiqués ou l'employeur avec son syndicat va être obligé de respecter des balises, ce qui va faire en sorte que, dans la société québécoise, on va concevoir la discrimination systémique de la même façon et qu'on va vouloir collectivement la faire bouger pour s'en débarrasser.

Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre, vous vouliez ajouter.

M. Lapierre: Également, s'il y a une discrimination systémique de ce type, je pense qu'il peut y avoir une plainte à la commission, et, à la suite d'une enquête, la commission fera des recommandations, de telle sorte que la négociation se fera à

partir de recommandations de la commission. C'est déjà, au départ, un encadrement qui peut être important.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Jonquière.

Mme Saînt-Amand: Merci, M. le Président. Je m'inquiétais un peu. Les propos que vous venez de tenir, Mme Côté, me rassurent parce que j'étais inquiète de voir reposer uniquement sur le syndicat la possibilité de défendre les intérêts des personnes faisant l'objet de discrimination. Il me venait à l'esprit immédiatement, bien sûr, nos PME où la force des syndicats n'a pas celle de la Centrale de l'enseignement du Québec, où les femmes sont encore d'autant plus minoritaires. Les groupes culturels sont très peu représentés également. Les communautés culturelles sont très peu représentées. Et je voyais mal comment ces personnes, à un ou deux "exemplaires", entre guillemets, par entreprise, arriveraient à revendiquer et à être reconnues. Si vous me dites que les individus ne seront pas obligés de compter uniquement sur leur syndicat... Il faut se rappeler que dans le processus de préparation d'un projet de convention collective, si on inclut tout programme d'accès à l'égalité à l'intérieur de nos conventions collectives, il faut d'abord que le projet de convention soit présenté à l'ensemble des travailleuses et des travailleurs qui doivent l'accepter majoritairement ou le rejeter en tout ou en partie. Dans un syndicat très majoritairement masculin, il serait extrêmement difficile pour deux, trois ou même cinq femmes d'essayer d'y faire inclure de tels programmes. De ce côté, ce que vous avez dit tout à l'heure me rassure.

Maintenant, j'ai une autre question. J'aimerais connaître votre opinion à cet effet parce que hier, avec certains groupes, on a discuté du fonds spécial pour soutenir les personnes discriminées qui seraient forcées d'intenter des poursuites judiciaires contre un employeur. Est-ce que les syndicats voudraient prendre à leur charge le soutien de leurs membres discriminés ou s'ils voudraient qu'ils soient partie intégrante de ce fonds spécial qui serait mis sur pied?

Mme Côté: Je vous avoue qu'on n'a pas regardé cette question. Je me rappelle qu'à Décisions 85 on avait pris une position dans le sens que vous énoncez. Jean-Marcel, vitement, es-tu bon pour regarder cela? Cela ne te dit rien?

M. Lapierre: Je pense que c'est une question qu'il faudrait étudier.

Mme Côté: II faudrait la regarder. On ne l'a pas regardée sous un angle vraiment précis, mais on pourrait le faire et communiquer avec vous autrement qu'ici, parce que le temps ne nous le permet pas.

Mme Saint-Amand: II semblait important de prévoir la création d'un tel fonds parce que les personnes discriminées sont essentiellement seules, faibles et bien souvent sans aucune autre source de revenu. Il faudrait prévoir un fonds de soutien pour les personnes discriminées qui devraient être forcées d'intenter des poursuites judicaires.

Mme Côté: Je voulais répondre à ce que vous disiez au début tout à l'heure lors de votre première intervention. Du point de vue humain de l'organisation, il faut dire aussi que pour les travailleuses, qu'elles soient minoritaires ou majoritaires, ce n'est pas très facile non plus si elles se voient implanter un programme par l'employeur. Elles vont se retrouver avec ces salariés. Cela va faire des climats de travail beaucoup plus détériorés si, collectivement, il y a eu des batailles entre les deux groupes, comme vous le dites. À ce moment, il y aura un consensus. Après que le programme d'accès à l'égalité est implanté par quelque mesure que ce soit, s'il l'est "par décret", entre guillemets, les femmes vont être prises à l'intérieur de l'organisation pour se défendre contre les salariés qui vont être enragés contre elles. Je pense que le climat de travail est important à sauvegarder aussi. On pense que la négociation nous donne plus de chances.

Le Président (M. Gagnon): Mme Lemay.

Mme Lemay: C'est simplement pour rappeler, pour ce qui est du règlement -parce qu'on a beaucoup parlé de l'enseignement dans l'entreprise privée - que le gouvernement, dans ses ministères et organismes, se soutrait de l'application de ce règlement. J'en ai parlé au début et cela nous semble tout à fait incorrect. Le règlement prévoit des balises intéressantes, ce qu'est un programme d'accès à l'égalité, et cela devrait être aussi en force en ce qui concerne les ministères et organismes, toujours dans le cadre de la négociabilité. Il nous semble que le règlement devra s'appliquer là aussi.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie mesdames Lemay, Côté, Gagnon et M. Lapierre. Mme Gagnon, finalement, vous allez être libre pour prendre votre avion.

Mme Gagnon: C'est cela, je suis juste à l'heure.

Le Président (M. Gagnon): Je remercie la Centrale de l'enseignement du Québec et je vous donne rendez-vous à 20 heures alors

que nous entendrons Centro Donne Montréal ainsi que l'R des centres de femmes du Québec. Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 7)

Centro Donne

Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions poursuit ses travaux. Nous recevons le Centro Donne, de Montréal. Mesdames, je vous laisse le micro en vous soulignant que nous accordons 55 minutes par mémoire. C'est-à-dire que vous avez environ 20 minutes pour nous faire lecture de votre mémoire et 35 minutes d'échanges possibles avec les membres de la commission. Je vous laisse le micro en vous demandant de vous présenter, s'il vous plaît!

Mme Nucciarone (Victoria): D'accord. Victoria Nucciarone, membre du Centro Donne, Centre des femmes italiennes de Montréal.

Mme Zumstein (Johanna): Johanna Zumstein, membre du Centre des femmes italiennes.

Mme Nucciarone: M. le Président, madame et messieurs les membres de la commission parlementaire, Johanna Zumstein va vous présenter le cadre général de notre position et, moi-même, je vais reprendre les points sur lesquels notre organisme a des réserves quant au règlement sur les programmes d'accès à l'égalité. C'est très important pour nous de présenter notre position à la commission parlementaire car notre groupe est le porte-parole des femmes italiennes de Montréal. On représente la communauté culturelle la plus importante après les francophones et les anglophones. Le Centre des femmes italiennes est le porte-parole pour environ 125 000 femmes d'origine italienne. Un programme d'accès à l'égalité est très important pour nous car nous sommes victimes de discrimination, pas seulement en tant que femmes, mais aussi comme représentantes d'une communauté culturelle minoritaire.

Mme Zumstein: Pour situer notre position face au projet de règlement, j'aimerais donner quelques caractéristiques des femmes immigrantes sur le marché du travail. Selon une étude de Sheila McLeod Arnopoulos, de 1979, un tiers des femmes immigrantes occupe des emplois peu rémunérés, surtout dans le secteur des services et le secteur manufacturier, comparativement à un cinquième seulement des femmes canadiennes. Donc deux fois plus de femmes immigrantes dans ces emplois peu rémunérés. II est bien connu aussi que ce sont, depuis des décennies, surtout les femmes italiennes qui travaillent, par exemple, dans le secteur du textile. Or, les raisons fondamentales qui déterminent l'attitude de ces femmes immigrantes sur le marché du travail sont le peu de scolarité, des valeurs culturelles différentes des valeurs québécoises, une vie familiale traditionaliste, des problèmes de communication et, surtout, je dirais une insécurité fondamentale face à leur milieu de travail que l'on pourrait qualifier de traumatisme de l'immigration.

Les femmes immigrantes se sentent en marge de la société québécoise. Elles manquent surtout d'information et elles ne savent pas se protéger contre la discrimination dans leur milieu de travail. Elles ont peur de perdre leur emploi, le peu qu'elles ont - c'est-à-dire n'importe quel emploi -quand elles s'opposent à leur employeur. C'est surtout dans le secteur manufacturier et le secteur des services que les femmes immigrantes sont discriminées et ont le plus besoin de la protection du règlement.

Or, nous, du Centro Donne, nous croyons que le règlement, sous sa forme actuelle, ne protégera pas les femmes immigrantes, surtout dans les secteurs où elles ont le plus besoin de protection.

Mme Nucciarone: Nous allons traiter des six points sur lesquels nous désirons exprimer des réserves. Le premier point, c'est la portée de l'article 1 du règlement; le deuxième point, c'est l'analyse de disponibilité décrite à l'article 5 du règlement; le troisième point, la responsabilité d'implantation du programme d'accès à l'égalité à l'article 10; le quatrième point, l'échéancier pour la mise en application du règlement prévu à l'article 11; cinquièmement, la lacune du règlement quant à y inclure la fonction publique et, finalement, la lacune du règlement quant aux sanctions.

Le Centre des femmes italiennes déplore la portée trop limitée de l'article 1 du projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité et propose que le règlement s'applique à tout employeur, entreprise, lieu de travail, organisme, etc. De plus, nous proposons que le règlement devrait recevoir application indépendamment de la recommandation de la commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal et devrait plutôt être d'ordre public.

Nous proposons que des sanctions pénales et civiles strictes soient prévues dans le règlement pour toute infraction au règlement afin d'éviter que les droits et les garanties contenus dans celui-ci ne deviennent qu'illusoires. Nous proposons que l'analyse de disponibilité décrite à l'article 5 du règlement soit effectuée par le gouverne-

ment et non pas par l'employeur, celui-ci ayant plus facilement accès à ces informations.

Le troisième point. Nous proposons que l'article 10 soit modifié pour que la responsabilité de l'implantation du programme soit confiée à un comité tripartite. Le nombre de personnes dans le comité devrait être déterminé en proportion des employés dans l'entreprise et la composition devrait refléter les différents secteurs de l'entreprise. Il devrait aussi y avoir une représentation gouvernementale à ce comité. La tâche de celui-ci serait, entre autres, de fournir l'analyse dé disponibilité, d'établir l'échéancier pour la réalisation des objectifs à atteindre et de s'assurer que le programme d'accès à l'égalité est appliqué dans l'entreprise.

Quant au quatrième point, nous appuyons l'article 11 du règlement avec la réserve que l'échéancier prévu, auquel on se réfère à l'alinéa 2 de l'article, soit établi par le représentant gouvernemental siégeant au comité au sein de l'entreprise et non par l'employeur.

De plus, nous proposons que le secteur de la fonction publique soit également soumis au règlement sur les programmes à l'égalité. Finalement, nous proposons un ajout au règlement, soit un article qui traiterait des sanctions pénales et civiles pour toute infraction au règlement. Entre autres, nous suggérons un recours en réintégration à l'emploi pour toute personne lésée par la non-application du règlement; un recours en dommages et intérêts pour toute personne victime de discrimination ou de traitement contraire au règlement; un recours pénal contre tout employeur qui passerait outre aux dispositions du règlement; un article qui pourrait porter sur une amende pour une infraction au règlement, par exemple, une amende de base conséquente, en plus d'une amende proportionnelle au chiffre d'affaires de l'employeur qui déroge, passe outre à ou ne respecte pas une disposition ou exigence du règlement.

Nous proposons, de plus, que le règlement soit proclamé d'ordre public et qu'aucune clause nonobstant dans une loi ne puisse déroger aux dispositions du règlement. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Merci. M. le député de D'Arcy McGee. (20 h 15)

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mmes Nucciarone et Zumstein de Centro Donne de Montréal pour la présentation qu'elles ont faite. En parlant des immigrants ou des immigrantes, je pense que vous êtes le deuxième groupe qui nous parle des problèmes des femmes immigrantes. Moi aussi, je suis ici pour représenter les femmes italiennes, mais je pense qu'il y a une différence entre les femmes italiennes immigrantes et les femmes italiennes canadiennes, et je m'explique.

Une nouvelle immigrante qui arrive au Québec aujourd'hui a un certain nombre de problèmes. Il faut aider cette personne à s'intégrer dans la société québécoise par des cours de langue, l'aider à trouver un emploi et ainsi de suite. Une nouvelle immigrante qui arrivera demain ne sera pas aidée par un programme d'accès à l'égalité. Je ne vois pas comment cette personne sera aidée par un programme d'accès à l'égalité, l'immigrante qui viendra demain.

Pourquoi? Parce que l'immigrante doit être intégrée, doit apprendre la langue, etc. Je pense qu'il est irréaliste de penser que cette personne sera aidée tout de suite par un programme d'accès à l'égalité. Pour cette personne, il faut des programmes qui lui permettent de s'intégrer dans la société québécoise. À un moment donné, elle pourra peut-être bénéficier d'un programme d'accès à l'égalité. D'accord?

Mme Zumstein: Si vous parlez d'un certain moment, d'un moment donné, est-ce que vous pouvez fixer un délai?

M. Marx: Cela dépend de la personne. Pour certaines, ce peut être un an, pour une autre, deux ans, pour d'autres, trois ans avant de pouvoir bénéficier d'un programme d'accès à l'égalité. Mais venons-en aux femmes italiennes qui sont ici depuis un certain nombre d'années et qui sont probablement des Canadiennes. Vous avez dit que ces femmes subissent de la discrimination. Voulez-vous dire de la discrimination ouverte? Est-ce que ces femmes sont bloquées si elles veulent faire des études dans certaines universités ou si elles veulent avoir certains emplois? Est-ce qu'elles sont bloquées à cause, disons, de leur nom? Parce que je ne vois pas la différence entre ces femmes et d'autres femmes, sauf leur nom, peut-être.

Mme Zumstein: Non, je ne dirais pas cela. Je ferais plutôt la distinction entre les femmes qui ont un niveau d'éducation secondaire et d'autres femmes qui ne l'ont pas. Je crois que les femmes qui sont scolarisées, universitaires ou qui font un travail de col blanc, ne sont pas toutes, au départ, discriminées officiellement; je crois que le blocage se retrouve dans leurs contraintes familiales et dans les contraintes que, en quelque sorte, elles s'imposent elles-mêmes, qui viennent de leur culture et surtout aussi du manque d'information. C'est un très grave problème, je crois, parmi les femmes moins scolarisées, surtout. Elles ne savent même pas qu'elles ont des droits.

Quand je parlais tout à l'heure du traumatisme de l'immigration, c'est que ce

sont des femmes qui se sentent déracinées. Même si elles sont ici depuis vingt ou trente ans, elles ne se sentent pas le droit d'exiger, surtout les femmes qui sont dans les usines.

M. Marx: Donc, vous avez mis l'accent sur trois éléments: la formation, la culture et le troisième...

Mme Zumstein: Le traumatisme.

M. Marx: ...le traumatisme. L'Assemblée nationale ne pourra pas les aider du côté du traumatisme et sur la culture, je ne pense pas. Ce serait difficile d'intervenir d'une façon législative.

Mme Zumstein: Et pourtant, si, parce que, si le règlement est "mandatoire" pour l'employeur, les femmes n'ont pas à s'opposer; en tant qu'individu, elles ont un droit, elles sont protégées par le règlement. Si le règlement n'est pas "mandatoire", s'il est laissé à la bonne volonté de l'employeur, ces femmes ne sont pas protégées.

M. Marx: Si c'est une question de traumatisme, c'est un autre problème. Au sujet de la question de la formation, le gouvernement pourrait offrir des cours et des possibilités de formation pour ces femmes. Si la culture d'un groupe veut que les femmes de ce groupe ne poseront jamais leur candidature comme femmes policiers et femmes pompiers, un programme d'accès à l'égalité au sein des services de la police de la Communauté urbaine de Montréal ne va pas les aider. Quant à la question culturelle, je pense qu'il faut traiter de cette question d'une façon autre que par la législation qui vient de l'Assemblée nationale.

Mme Zumstein: Moi, je le voyais surtout dans le contexte du travail dans les manufactures et dans les services: les femmes domestiques, par exemple.

M. Marx: Je comprends les problèmes des femmes qui travaillent dans les services domestiques et les femmes qui travaillent dans certaines industries, mais comment voulez-vous qu'on les assiste?

Mme Zumstein: En changeant le premier article du règlement, en le faisant obligatoire, en faisant obligation à l'employeur. Par exemple, dans les industries, les hommes, après deux ou trois ans dans une usine de textile, deviennent coupeurs ou contremaîtres. Les femmes restent couturières pendant 20 ans, 25 ans.

M. Marx: Oui. Cela est un point très important. Je connais cela. D'accord, cela est un point important.

Mme Zumstein: Et les femmes ne peuvent pas se défendre.

M. Marx: À ce sujet, elles peuvent avoir effectivement un programme d'accès à l'égalité pour leur permettre d'accéder à ces postes qui sont beaucoup mieux rémunérés. Cela est un bon exemple. Est-ce que vous avez quelque chose concernant d'autres industries?

Mme Zumstein: Dans les services aussi, les serveuses qui ne... qui restent plongeuses. Enfin, les plongeuses qui n'accèdent pas au poste d'hôtesse dans un restaurant, par exemple.

M. Marx: Et vous pensez que, fréquemment, c'est à cause de leurs origines ethniques ou nationales.

Mme Zumstein: À cause de leur manque d'information, leur manque de scolarité, leur manque de savoir se débrouiller. C'est un ensemble pour moi.

M. Marx: D'accord. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon.

M. Payne: II me fait plaisir de vous rencontrer ce soir et de saluer Centro Donne de Montréal. Vous existez, je pense, depuis six ou sept ans et êtes actives dans un milieu de la communauté où, je pense, il y a un besoin criant pour certaines gens de se trouver une voie. Et cette voie, je pense que c'est une voie d'espoir que vous représentez, et il me fait plaisir de vous voir ici devant la commission. Je ne suis pas sûr que je suis d'accord avec le député de D'Arcy McGee lorsqu'il suggère qu'on devrait faire une distinction entre les Italiennes citoyennes et les immigrantes, en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité. Au contraire, je considère qu'elles devraient être et sont, selon le but même de la loi, les bénéficiaires des programmes d'accès à l'égalité dans le sens que ces programmes sont préparés pour répondre à une situation objective, et les programmes ne sont pas préparés au bénéfice d'une personne en son nom personnel, mais plutôt pour redresser une situation d'inégalité.

D'ailleurs, il y a eu un jugement récent d'un tribunal fédéral qui a fait en sorte qu'un réfugié puisse exiger de se faire entendre par une commission - j'oublie le nom exact - pour revendiquer ses droits et expliquer sa position et cela, en vertu de la charte des droits adoptée il y une couple d'années par le Canada. C'est sûr qu'il y a quelques règlements ad hoc en ce qui concerne l'accès à certains corps de police, là où on exige que quelqu'un soit citoyen

canadien. Là, la discrimination est faite en ce qui a trait ou non à la citoyenneté, mais où vous êtes les plus touchées, c'est-à-dire quant aux intérêts de vos membres, d'après mon expérience, c'est plutôt dans les industries tertiaires, les industries manufacturières, les industries de services, dans l'industrie du textile particulièrement. C'est là où on préconise, je pense, si on peut être spéculatif, le plus grand nombre de revendications formulées dans les années à venir, et cela ne prend pas un prophète pour le prédire; c'est là que les plus grands programmes d'accès à l'égalité vont être entrepris et exigés, je pense, parce que la commission va vite voir ce qui se constate déjà dans beaucoup de rapports documentés comme celui de Sheila McLeod Arnopoulos et d'autres avant et après. C'est une situation dramatique et scandaleuse qui n'est pas limitée au Québec, d'ailleurs. Si quelqu'un, comme immigrant, veut s'intégrer dans un milieu de travail, si le législateur peut tout faire pour diminuer les effets d'une discrimination systémique, tant mieux. Mais, s'il existe une discrimination dans les faits, c'est sûr, entre les Canadiens italiens, d'une part, et les immigrants, il faut nuancer la remarque, je pense.

Peut-être qu'il serait intéressant pour vous de nous expliquer davantage comment vous voyez évoluer la situation auprès de vos membres, comme par exemple les femmes italiennes-québécoises. Est-ce que vous avez des ressources en termes de votre structure, en termes de votre clientèle, pour aider la Commission des droits de la personne à se préparer pour monter les programmes d'accès à l'égalité en nous décrivant la situation qui existe dans vos milieux de vie?

Mme Zumstein: Voulez-vous dire les ressources, ce que nous pouvons apporter pour ce problème spécifique ou ce que nous avons déjà fait dans le milieu?

M. Payne: Par exemple, après l'adoption du règlement, la commission va être en face d'une situation. Là où la situation est la plus dramatique, il y aura des dispositions entreprises pour faire en sorte que certaines entreprises, par exemple, vont être obligées d'adopter des programmes d'accès à l'égalité. Dans quelle mesure, vous et votre association, serez-vous intéressées à vous associer à la commission et, deuxièmement, à offrir des ressources techniques pour l'aider?

Mme Zumstein: Nous avons actuellement déjà une structure d'établie, c'est-à-dire des séances de débats, un café-rencontre, par exemple, à toutes les semaines, où les femmes se rencontrent et le Centro Donne a un bulletin mensuel qui est distribué à 300 exemplaires pour l'instant, à cause de nos ressources limitées, mais qu'on pourrait facilement étendre à plus d'éditions. (20 h 30)

Mme Nucciarone: J'aimerais seulement ajouter qu'en plus on a un système d"'information and referral" et on a mis sur pied un système de consultation où les femmes italiennes peuvent appeler le Centro Donne si elles ont un problème en particulier. S'il s'agit d'une situation de discrimination, par exemple, on peut les aider à "follow up the problem", à faire le suivi du problème, et à les orienter vers les organismes qui existent pour les aider dans ce type de situations. Nous avons aussi un programme juridique. On donne des sessions d'information juridique collectives et on donne des services juridiques individuels, des consultations individuelles pour les femmes qui ont un problème. C'est ce genre de services que nous offrons aux femmes italiennes.

M. Payne: Cela me fait penser à la naissance, il y a des années, des institutions et des associations qui sont maintenant mondialement connues. Par exemple, Amnistie internationale, c'est reconnu, c'est respecté. Avec l'aide apportée à différentes instances, aux leaders, aux politiciens, aux commissions à travers le monde, elle peut maintenant offrir des ressources d'aide si, parfois, il faut défendre les bénéficiaires anonymement. Je pense que votre association, si petite qu'elle puisse être, est un exemple modèle d'un regroupement qui peut s'associer avec la Commission des droits de la personne pour l'alimenter, la documenter sur la situation qui existe au Québec. Dans ce sens, je pense que votre apport est potentiellement crucial pour la bonne mise en vigueur des dispositions du règlement.

Vous avez mentionné la recherche, vous avez mentionné la documentation, vous avez mentionné le service juridique que vous pouvez offrir...

Le Président (M. Gagnon): Ça va? M. Payne: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Jonquière. Est-ce que vous aviez quelque chose à ajouter?

Mme Nucciarone: Nous travaillons dans la communauté italienne avec les femmes italiennes, alors on a vraiment un contact direct avec ces femmes. On peut apporter à la commission nos expériences de sept ans de travail dans la communauté, les problèmes du vécu des femmes italiennes. On a tout ce bagage qu'on peut apporter.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon, vous vouliez ajouter...

M. Payne: Particulièrement parce que beaucoup de vos cas concernent des femmes qui ne sont pas syndiquées, par exemple, qui n'ont pas les défenses traditionnelles des travailleurs non plus - souvent c'est la peur qui est la règle dans ces milieux - il est d'autant plus important que votre Centro Donne puisse offrir une certaine couverture, une certaine protection pour vos membres. De par leur nature même, souvent, les commissions et les institutions gouvernementales ou paragouvernementales - le cas échéant, la Commission des droits de la personne - ne sont pas toujours en mesure - ce n'est d'ailleurs pas vraiment son mandat - d'être dans le milieu, sur la première ligne.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. J'aimerais connaître de votre part si vous tenez des statistiques, par exemple, sur les femmes immigrantes en emploi. Vous nous avez dit tout à l'heure que la majorité occupait des postes dans l'industrie manufacturière, dans les services. Maintenant, pour celles qui occupent des postes syndiqués, comparativement à celles qui occupent des postes non syndiqués, est-ce que vous avez des statistiques là-dessus?

Mme Zumstein: Nous avons fait une enquête au Centro Donne, il y a deux ans, sur les membres du Centro Donne. Ce n'est peut-être pas très représentatif, statistiquement, l'échantillon, la clientèle du Centro... Nous avons trouvé que 45 % des femmes italiennes du Centro sont des femmes à la maison qui travaillaient surtout dans les manufactures, que 25 % sont actuellement dans les manufactures, et il y en a seulement 6 % qui sont des professionnelles. Les autres se situent... Maintenant, il y a peut-être un problème ici parce que la clientèle du Centro est constituée de la première et de la deuxième génération mélangées: les femmes qui sont nées ici et les femmes qui sont nées en Italie. Statistiquement, je vous le donne pour ce que c'est, mais je ne sais pas ce que cela vaut.

Mme Saint-Amand: Les 25 % de femmes immigrantes qui sont dans l'industrie manufacturière occupent des postes syndiqués ou non syndiqués?

Mme Zumstein: La plupart, même s'il y a un syndicat, ne se réfèrent pas au syndicat. Elles ont trop peur.

Mme Saint-Amand: Elles ont peur de se confier à leur syndicat. À la suite de la discussion que nous avons eue avec un autre groupe en fin d'après-midi, qui semblait croire qu'un syndicat serait mieux placé pour aider à mettre en vigueur un programme d'accès à l'égalité, en ce qui vous concerne, est-ce que vous croyez que le syndicat serait bien placé pour le faire ou, sinon, de quelle façon serait-il souhaitable pour une communauté comme la vôtre de... Avec quel groupe devriez-vous travailler pour le mettre en vigueur?

Mme Zumstein: Avec le comité tripartite que nous avons proposé.

Mme Saint-Amand: Oui.

Mme Zumstein: Pour nous, ce serait... Je ne crois pas que les femmes italiennes ont très confiance au syndicat comme tel, dans l'ensemble. Mais, en ayant un comité tripartite à l'intérieur d'une entreprise avec un contrôle du gouvernement, je crois qu'elles se sentiraient plus appuyées.

Mme Saint-Amand: Tout à l'heure, vous parliez également du manque d'information dont sont, jusqu'à un certain point, victimes les femmes immigrantes. Iriez-vous jusqu'à proposer que l'information qui leur sera donnée sur les programmes d'accès à l'égalité le soit dans leur langue d'origine?

Mme Zumstein: Ah oui, pas seulement parce que... C'est peut-être un fait qui n'est pas très connu, mais on dit toujours que les femmes italiennes ne parlent ni anglais ni français. C'était la génération des grand-mères. Aujourd'hui, ce n'est plus vrai. Beaucoup de femmes italiennes parlent français. Elles parlent un français qu'elles ont appris à l'usine, mais elles se débrouillent très bien.

Qu'est-ce que je pourrais dire de plus? Dans le contexte du Centro Donne, le bulletin est en italien, sauf pour des communications qui viennent de l'extérieur. Une information en italien serait préférable, mais ce n'est pas essentiel.

Mme Saint-Amand: Est-ce qu'on a déjà porté à votre connaissance des cas de femmes immigrantes qui auraient été victimes de discrimination et qui auraient voulu tenter des poursuites judiciaires contre un employeur?

Mme Nucciarone: Oui, je crois qu'à notre service de consultation il y a beaucoup de femmes immigrantes italiennes qui se sont plaintes de discrimination et auxquelles on a expliqué les recours qui existaient, c'est-à-dire un recours à la commission. Mais la plupart, je crois, n'ont pas très confiance en la Commission des droits de la personne à cause des délais, à cause de beaucoup de choses, à cause de l'accessibilité qu'elles ont.

On a eu beaucoup de cas de

discrimination envers des femmes italiennes qui ont été portés à notre attention. La majorité n'a pas abouti à une ordonnance juridique ou à une recommandation de la commission.

Mme Saint-Amand: Financièrement, qui les a soutenues dans leur démarche?

Mme Nucciarone: Financièrement, le Centro Donne n'est pas organisé pour soutenir la démarche financière ou les coûts juridiques pour une femme. On peut apporter un soutien en ce qui concerne l'information, clarifier quelles ressources existent et les diriger, mais, côté financier, c'est individuel; elles doivent assumer les frais.

Mme Saint-Amand: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je connais le Centro Donne. Cela veut dire "centre de femmes" en italien. Il a existé bien avant que les Québécoises francophones se donnent des centres de femmes. J'ai eu l'occasion d'aller vous visiter, à l'époque où Mme Iasenza y militait activement.

Pendant combien de temps reste-t-on immigrante? On parle des femmes immigrantes. Dans le cas de la communauté italienne, maintenant, on en sera bientôt à la troisième et peut-être à la quatrième génération. Cela m'amène à vous demander si vous avez des relations avec le Collectif des femmes immigrantes, des relations suivies, j'imagine...

Mme Zumstein: Oui.

Mme Harel: ...organisationnelles, si vous êtes partie prenante au collectif, parce que la discrimination... Tantôt, vous expliquiez bien ce qui se passait dans les manufactures. Je me rappelle les représentations d'ouvrières de l'est de Montréal qui ne parlent que le français et qui sont venues me voir dans le bas de la ville pour m'expliquer que pour obtenir des emplois dans les manufactures de la rue Chabanel il leur fallait se présenter aux employeurs en prétendant ne parler ni français ni anglais. C'était comme une condition d'embauche. J'imagine que pour plusieurs employeurs cela signifiait que ces personnes ne connaissaient aucune des lois en vigueur ou en usage et ne pouvaient revendiquer aucun droit. Les phrases usuelles qu'elles avaient apprises étaient: No parla inglese, no parla francese. Cela devenait plus facile à ce moment-là de se faire embaucher.

On voit, d'une certaine façon, jusqu'où peut mener la discrimination systémique. L'absence d'information joue finalement sur les droits, sur les normes minimales chez la population immigrante et amène très souvent même la majorité francophone à ne pas avoir accès à des emplois qui lui sont refusés parce qu'elle pourrait revendiquer.

Je reviens à la question. Vous êtes membres d'une communauté culturelle. Là où j'imagine une difficulté, c'est que ce n'est pas une minorité visible, n'est-ce pas? Les minorités visibles, on peut très bien statistiquement avoir des données très précises sur leur absence ou leur présence dans les postes de décision, dans les centres de direction. Comment percevez-vous toute cette question de membres de communautés culturelles qui, après une ou deux générations, sont au même titre que la majorité? Vous sentez-vous, par exemple, proche du Conseil du statut de la femme? Sentez-vous que ses revendications sont également les vôtres?

Mme Zumstein: Je voudrais d'abord répondre à votre question: Jusqu'à quand est-on immigrante? C'est une opinion tout à fait personnelle, je dirais. Je crois qu'à la première génération, c'est clair, on est immigrant. Pour moi, il y a la deuxième génération, c'est-à-dire les enfants nés ici; c'est ce que j'appelle les gens assis entre deux chaises parce qu'ils ne pourraient plus retourner au pays d'origine et ils ne sont quand même pas québécois. À la troisième génération, il y a à mon avis beaucoup moins de problèmes parce que le lien avec le pays d'origine des grands-parents est coupé. Mais il y a comme une génération charnière entre les deux où le problème est très ressenti et il est très pénible pour les jeunes.

Si mes informations sont bonnes, je crois qu'il y a actuellement une certaine augmentation de la délinquance juvénile dans les communautés culturelles de vieille date qui est plus forte que chez les Québécois. C'est justement ce phénomène de la deuxième génération, des gens qui sont assis entre deux chaises. Ils ne savent pas où ils appartiennent.

Vous avez demandé: Est-ce que vous vous sentez concernées par le Conseil du statut de la femme? Je ferais une différence très nette entre les femmes scolarisées et les femmes qui n'ont pas un haut niveau scolaire. Les femmes qui savent se débrouiller le mieux, qui savent se défendre, ce sont les femmes scolarisées. Le handicap des femmes italiennes et grecques, c'est la même chose: le manque d'éducation à la base.

Mme Nucciarone: Est-ce que je peux répondre? J'aimerais ajouter quelque chose sur votre première question: Pendant combien de temps reste-t-on immigrante? Le terme "immigrante", naturellement, est un terme juridique. Dès que l'on acquiert un statut de

"landed immigrant" ou de citoyenne canadienne, après trois ans ou cinq ans, on n'est plus considérée comme immigrante. Cela, c'est la réalité juridique. Par contre, il y a la réalité de tous les jours. Dans la mentalité des gens, tant qu'on ne s'appelle pas Tremblay ou Smith, on nous demande: Tu t'appelles Nucciarone, d'où viens-tu? Où es-tu née? Déjà, là, on peut dire qu'on reste immigrante tant que dans la conception des gens on nous traite d'une manière différente parce qu'on ne porte pas un nom anglophone ou francophone ou tant qu'on nous traite d'une façon qu'on ne traiterait pas quelqu'un qui est francophone ou anglophone.

M. Marx: Est-ce que vous vous sentez immigrante, Mme Nucciarone, pour commencer?

Mme Nucciarone: Moi je me sens immigrante parfois, oui.

M. Marx: Parfois.

Mme Nucciarone: Parfois.

M. Marx: Quand?

Mme Nucciarone: Moi, je me sens immigrante quand on me fait sentir que je ne peux pas participer à ce qui se fait dans la société, parce que ce n'est pas ma place même si j'ai...

M. Marx: Vous ne pouvez pas...

Mme Nucciarone: Moi, je me sens immigrante quand on me demande, par exemple: D'où viens-tu? Moi, je suis canadienne, je suis québécoise, je suis née ici. C'est que tant que les gens ont une conception parce que tu portes un nom différent, tu es d'une classe de personnes différentes; c'est là la réponse, dans la perception qu'on a.

M, Marx: Juste pour vous dire mon expérience, l'autre jour, quelqu'un me téléphone d'un poste de radio et veut faire une interview avec des membres des communautés culturelles; il a dit: Je vous téléphone parce que je voulais interviewer un Néo-Canadien. Je lui ai dit qu'il s'est trompé de personne.

La personne qui me dit: Un immigrant qui est ici depuis seulement un an, quoiqu'il parle français mieux que moi, pourquoi a-t-il un statut de Québécois après un an et moi je n'ai pas de statut de Québécois, étant donné que je suis né à Montréal... Je pense que cela dépend comment on se sent soi-même. Je pense que c'est facile de se sentir bien au Québec. C'est une société plus tolérante que beaucoup d'autres. Je pense que cela dépend de nous aussi. Voilà M.

David Payne qui vient de l'Angleterre, il ne se sent pas Anglais. Il s'est intégré tout de suite dans la société québécoise et se sent très bien. On ne parle jamais de M. Payne comme immigrant. On parle de lui comme député à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous mettez l'accent sur des programmes d'élimination de la discrimination à l'égard des femmes ou à l'égard des femmes que vous représentez, les femmes italiennes? En d'autres termes, vous considérez avoir identifié une forme de discrimination particulière à l'égard des femmes italiennes ou si cela n'est pas des manifestations de discrimination à l'égard des femmes, quelles qu'elles soient, dans notre société?

Mme Nucciarone: Moi, je crois que comme femmes immigrantes on est doublement discriminées. Il y a deux fois plus de discrimination. Il y a la discrimination envers les femmes et la discrimination en plus envers la femme immigrante.

Mme Harel: Dans son propre milieu?

Mme Nucciarone: Dans son propre milieu, je dirais. Le Centro travaille dans la communauté italienne, donc, c'est la discrimination envers les femmes dans leur propre milieu d'abord. La conscientisation que le Centro fait se situe dans la communauté italienne.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Bien. On vous remercie infiniment pour votre apport à cette commission. Je vous souhaite un bon retour à Montréal.

Mme Nucciarone: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Nous allons maintenant accueillir L'R des centres de femmes du Québec; pendant que vous allez changer de sièges, nous allons suspendre les travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 49)

(Reprise à 20 h 50)

L'R des centres de femmes du Québec

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!. Nous allons maintenant accueillir l'R des centres de femmes du Québec, avec mesdames Asselin, Séguin et Allard. C'est cela? Je vous souhaite la bienvenue et je vous dis aussi que nous vous consacrerons 55 minutes, soit 20 minutes à

entendre ce que vous avez à nous dire par votre mémoire et environ 35 minutes d'échange de propos avec les membres de la commission. Je vous laisse la parole immédiatement.

Mme Asselin (Michèle): Mesdames, messieurs, je vais vous dire tout de suite que la position qu'on vous présente ce soir va être courte étant donné qu'on a appuyé fortement, en y collaborant, le mémoire que la Coalition des femmes pour l'accès à l'égalité a présenté hier matin.

Je vais tout d'abord vous présenter les trois déléguées. À ma droite, il y a Mme Danielle Allard qui est membre du conseil d'administration de l'R des centres de femmes du Québec et qui est de la Maison des femmes du Grand-Portage de Rivière-du-Loup; à ma gauche, Michèle Séguin qui est coordonnatrice et administratrice de l'R des centres de femmes et moi-même, qui suis déléguée de l'R à la coalition et qui travaille au Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal.

En juin dernier, 64 centres de femmes représentant toutes les régions du Québec étaient réunis en congrès de fondation. Ainsi naissait l'R des centres de femmes du Québec.

Les centres de femmes - on en compte plus de 100 dans la province - sont des lieux autogérés où des femmes se regroupent et se donnent ensemble les moyens de conquérir leur autonomie. Est-il nécessaire de souligner que la sécurité économique et l'autonomie financière sont au coeur des actions que nous devons mener pour atteindre l'autonomie des femmes?

L'R des centres de femmes du Québec soutient qu'une action énergique en matière d'égalité s'impose afin que nous disposions d'outils efficaces nous permettant d'améliorer notre situation économique. C'est pourquoi nous avons soutenu activement la Coalition des femmes pour l'accès à l'égalité. Nous avons participé à l'élaboration du mémoire qu'elle a présenté hier. Nous appuyons fermement la position de la coalition. Nous entérinons les remarques qu'elle formule et les modifications qu'elle propose.

L'R des centres de femmes du Québec veut saisir l'occasion qui lui est donnée ici pour insister sur le fait suivant: les programmes d'accès à l'égalité ne doivent pas se limiter aux seules personnes ayant déjà un emploi rémunéré. Nous préconisons que soit reconnue l'expérience acquise par les femmes qui assurent le travail domestique, le travail d'éducation des enfants et le travail de gestion au sein de leur famille. Nous préconisons que les années de service qu'y consacrent les femmes soient également prises en compte dans l'analyse des effectifs et des disponibilités. Nous préconisons que l'expérience et la formation acquises par le biais du travail bénévole en dehors de la famille soient créditées.

En conséquence, nous proposons de modifier les articles suivants. Le point 3 de l'article 4 devrait être rédigé de manière à tenir compte de l'expérience acquise et des années de service accumulées en dehors de l'entreprise. L'article 5 devrait être modifié afin de prendre en considération la disponibilité des femmes qui ne sont pas sur le marché du travail rémunéré, mais qui désirent y accéder. C'est là l'essentiel du message qu'on a à vous livrer ce soir.

Le Président (M. Gagnon); Je vous remercie, Mme Asselin. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier mesdames Asselin, Séguin et Allard pour ce mémoire qu'elles ont présenté. Je note tout de suite que vous appuyez la coalition. Nous avons accueilli la coalition et nous avons eu un long débat avec elle. Je ne vais donc pas reprendre les mêmes sujets que nous avons discutés avec la coalition. À la page 2, vous voulez que le travail bénévole en dehors de la famille soit crédité. Mais quel genre de travail bénévole en dehors de la famille? Bon, par exemple, j'ai beaucoup de bénévoles qui travaillent dans mon comté, avant, durant et après les élections. Est-ce qu'on peut créditer le travail qu'ils font? Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y a certains travaux qui peuvent être crédités. D'autres, je me demande s'ils valent d'être crédités.

Mme Asselin: Dans les centres, on accueille des femmes qui soutiennent les centres par leur bénévolat. Elles acquièrent des connaissances. Quand on parle de travail en dehors de la famille, il y a tout ce travail qu'on considère comme une formation valable et qui devrait être crédité. On sait que le bénévolat est beaucoup assumé par les femmes.

M. Marx: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit quant au travail que vous avez décrit. Je suis tout à fait d'accord. Cela vaut une expérience dans une entreprise ou dans un bureau, c'est sûr. Vous m'avez donné un exemple. Avez-vous d'autres exemples de travail bénévole qui devrait ou pourrait être crédité? Le travail des bénévoles dans mon comté, cela ne compte pas. Je ne le pense pas.

Une voix: Ce sont des spécialistes du porte-à-porte.

M. Marx: Ce sont des spécialistes du porte-à-porte. Après cela?

Mme Asselin: Le travail dans n'importe

quel groupe où on a à assurer du travail de tenue de livres, bénévolement, de trésorière, dans tous les secteurs, je ne fais pas de discrimination au sujet des secteurs de bénévolat. Aussitôt qu'on a une expérience valable, pourquoi ne pas la reconnaître?

M. Marx: D'accord. Je suis d'accord, parce qu'il y a beaucoup de bénévoles qui travaillent dans les hôpitaux, dans les bibliothèques, par exemple, à temps partiel. Il y a des bénévoles dans les écoles et nous sommes d'accord avec le fait que cela soit crédité. Est-ce qu'on dit la même chose pour l'expérience acquise par les femmes qui assurent le travail domestique?

Mme Asselin: Oui.

M. Marx: Le travail d'éducation des enfants? Éduquer ses enfants ne fait pas nécessairement devenir enseignante.

Mme Asselin: Pas nécessairement, mais c'est un travail. Là-dessus, on rejoint ce que va dire l'AFEAS pour qu'on reconnaisse que les femmes qui travaillent à la maison, qui y effectuent un travail y acquièrent une expérience. On n'a pas essayé de nommer toutes les balises, de nommer cette expérience. Mais nous, ici ce soir, on veut qu'on en tienne compte quand on va faire des analyses d'effectifs, quand on va chercher une clientèle. On veut qu'on tienne compte de ces expériences parce que les femmes ont des formations à certains niveaux. Qu'on reconnaisse celles qu'elles ont. C'est à peu près cela.

M. Marx: Oui, le problème que je vois, c'est qu'il faut trouver une façon de qualifier ce travail et de le mesurer pour que cela puisse être crédité. Je pense que c'est une idée intéressante qui n'a pas été beaucoup développée par d'autres groupes avant vous. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Je voudrais d'abord remercier L'R des centras de femmes du Québec de sa présentation. À moins de me tromper, je crois que l'article 3 répond à ce que vous demandez du point de vue de l'expérience acquise et des années de service accumulées en dehors de l'entreprise, sauf qu'il faudrait peut-être qu'il soit rédigé autrement pour que ce soit plus clair. Mais quand on dit qu'on doit tenir compte de leur formation, de leur expérience, de leurs années de service et de leur mobilité au sein de l'entreprise, à mon avis, la formation d'une personne ne peut pas se limiter à l'entreprise. Donc, je ne crois pas qu'on doive relier la formation et l'entreprise, ni l'expérience. On ne peut pas limiter l'expérience d'une personne uniquement à une entreprise; ce serait un non-sens.

La formulation - je vous l'avoue - il me semble, pourrait être plus claire, de façon qu'il soit clairement établi que cette formation et cette expérience puissent forcément être acquises à l'extérieur de l'entreprise. Là-dessus, vous avez tout à fait raison de le demander. À mon sens, il s'agit d'une question de clarification du point de vue de la formulation et de la syntaxe. Pour moi, c'est une question de langue. D'après moi, le 3° de l'article 4 a ce sens.

Par contre, quand vous dites que "l'article 5 devrait êtremodifié afin de prendre en considération la disponibilité des femmes qui ne sont pas sur le marché du travail rémunéré mais qui désirent y accéder", je vous avoue ne pas comprendre votre demande. L'article 5 s'adresse à l'entreprise. Donc, je ne vois pas comment cela pourrait s'adresser aux femmes qui ne sont pas sur le marché du travail.

C'est une analyse de disponibilité en fonction des gens qui se situent à l'intérieur de l'entreprise. Si elles ne se situent pas à l'intérieur de l'entreprise, je ne vois pas comment le règlement peut s'appliquer. Peut-être pouriez-vous clarifier vos commentaires à ce sujet. Peut-être que vous voyez cela autrement. Mais moi, je ne vois pas comment cela peut s'appliquer, parce que le cadre du règlement, c'est l'entreprise.

Le Président (M. Gagnon): Mme Asselin.

Mme Asseiin: Je suis d'accord avec M. le député de Fabre sur l'article 4.3°. Nous aussi, on veut une meilleure formulation de cet article pour inclure ce qu'on mentionne. Quant à l'article 5, notre interprétation, en ce qui concerne les employés du groupe cible, c'est que si le groupe cible, à l'intérieur de l'entreprise, doit, pour répondre aux exigences d'un programme d'accès à l'égalité, aller à l'extérieur de l'entreprise pour répondre à ses objectifs, les femmes qui ne sont pas sur le marché du travail soient incluses. C'est dans ce sens qu'on interprétait l'article 5. Je ne sais pas si c'est clair.

M. Leduc (Fabre): Comment interprétez-vous la dernière phrase: "Cette analyse indique aussi dans quelle mesure des personnes possédant les caractéristiques du groupe cible sont disponibles sur le marché du travail"?

Mme Asselin: Nous, en disant cela, on sent peut-être une intention derrière, mais ce n'est pas clair. "Disponibles sur le marché du travail", est-ce que cela va vouloir dire, par exemple, être officiellement sur les listes du chômage? Donc, on n'y retrouverait

pas les femmes qui ne sont pas sur le marché du travail et qui ne sont pas dans les statistiques de chômeuses. C'est pour cela qu'on voudrait que ce soit un peu comme l'article 4, mieux défini, que ce soit plus clair, que cela touche aussi celles qui ne sont pas sur le marché du travail et qui n'y ont pas accès. C'est pour cela que les programmes sont là; c'est pour donner l'accès à celles qui n'y ont pas accès.

M. Marx: Si elles veulent travailler, elles sont disponibles sur le marché du travail. Je pense que c'est déjà couvert.

M. Leduc (Fabre): C'est pour celles qui veulent travailler. Il y aurait peut-être lieu de clarifier davantage, mais je pense que cette dernière phrase comprendrait les femmes à l'extérieur de l'entreprise, mais qui sont disponibles sur le marché du travail, c'est-à-dire qui désirent avoir accès à ce type d'entreprise, à ce type de travail.

Mme Asselin: On est très heureuses de voir que c'est ce qui est sous-entendu, mais on aimerait que ce soit clairement compris par tout le monde pour que les femmes qui ne sont pas sur le marché du travail, qui ne sont pas sur des listes de chômage ne soient pas oubliées dans cet article.

M. Marx: Ce serait mieux qu'elles soient inscrites quelque part afin qu'on puisse les trouver. Si vous êtes à la maison et que vous êtes disponible pour travailler, mais que vous n'êtes pas inscrite nulle part, comment va-t-on vous trouver? Comment savoir que vous êtes disponible? Il faut que tout le monde manifeste sa disponibilité.

Mme Asselin: C'est peut-être là que des groupes comme l'R. des centres de femmes entrent en jeu. Les femmes qui veulent accéder au marché du travail, qui veulent faire une démarche d'autonomie entrent dans les centres de femmes. Nous leur offrons toute une série d'activités, de modes d'implication pour atteindre une certaine autonomie et on se heurte au fait qu'à un moment donné on n'a pas accè3 à l'emploi. Donc, nous rencontrons ces femmes. Elles se retrouvent quelque part. Il resterait à voir comment on pourrait travailler ensemble là-dessus.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. Mmes Asselin, Séguin et Allard, merci pour votre apport à la commission.

Avant de suspendre nos travaux jusqu'à demain, 10 heures, je voudrais vous faire part de l'ordre du jour de demain. Nous entendrons le Conseil du statut de la femme, la Ligue pour les droits de l'homme de B'Nai Brith Canada, région de l'Est, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec, la Chambre de commerce du Québec, la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec et la Confédération des syndicats nationaux.

Oui, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Est-ce la Ligue des droits et libertés de la personne ou la Ligue pour les droits de l'homme?

M. Payne: C'est la Ligue pour les droits de l'homme de B'Nai Brith.

M. Marx: Ils n'ont pas changé leur titre.

Le Président (M. Gagnon): La Ligue pour les droits de l'homme.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 9))

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