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(Dix heures deux minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions se réunit avec le mandat de
procéder à une consultation générale sur le projet
de règlement sur le programme d'accès à
l'égalité. Nous entendrons aujourd'hui le Congrès juif
canadien, région du Québec, le Conseil du patronat du
Québec, le Centre de recherche-action sur les relations raciales, le
Barreau du Québec, l'Association des manufacturiers canadiens, division
du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, Centro Donne
Montréal, l'R des centres de femmes du Québec.
Les premiers invités sont le Congrès juif canadien. Je
demanderais donc au porte-parole de s'identifier et de nous présenter
celui qui l'accompagne. Mais juste avant, je voudrais vous mentionner que,
depuis le début de la commission, nous accordons 55 minutes par
mémoire, soit environ 20 minutes pour nous livrer votre message et 35
minutes pour permettre aux membres de la commission de dialoguer avec vous. Je
vous laisse la parole immédiatement.
Congrès juif canadien, région du
Québec
M. Shlesinger (Frank): Merci. Je tiens à nous
présenter. Je m'appelle Me Frank Shlesinger du Congrès juif
canadien. Mon titre est vice-président national et président
sortant de la région de Québec. À ma gauche, M. Jeff
Kushner qui est le nouveau directeur exécutif du Congrès juif
canadien, région du Québec. Malheureusement, les autres membres
du comité n'ont pas pu se présenter aujourd'hui à cause
d'engagements qu'ils ont pris ailleurs. Ils offrent leurs excuses. D'autre
part, je tiens à vous remercier de l'occasion que nous avons de vous
adresser la parole aujourd'hui. Je ne vais pas lire au complet l'aide
mémoire, à moins que vous vouliez que je le fasse. Je crois qu'il
serait mieux que je résume en quelques mots ce que nous avons dit dans
notre aide-mémoire afin de laisser plus de temps pour les questions par
la suite.
Comme vous le savez peut-être, le Congrès juif canadien est
le porte-parole de la communauté juive canadienne depuis 60 ans. Nous
avons toujours eu un grand souci pour les questions de droit humain, que ce
soit au niveau de l'individu, que ce soit au niveau des groupes. Nous avons vu
avec plaisir, au début dans la charte, et par la suite dans les
règlements, qu'il y a un souci pour les droits des individus et des
groupes et que, par les programmes d'accès à la
légalité, on essaie de résoudre ce problème.
D'autre part, il faut que ce soit fait dans l'optique d'aider les gens et de ne
pas créer d'autres problèmes. Nous sommes conscients de la
difficulté et de l'envergure du problème et que ce n'est pas une
chose simple à faire.
Pour ces raisons, nous avons étudié en comité les
projets de règlement et nous avons divisé nos commentaires en
trois sections. La première section parle des données et des
statistiques; la deuxième section parle de l'effet ou de l'exclusion du
secteur public dans l'application des règlements; et la troisième
section parle de la question de justice et des règles du jeu pour savoir
comment les problèmes seront réglés. Nous avons
regardé et nous avons vu que, apparemment, il n'y a pas de statistiques
ou de données adéquates pour déterminer quels sont les
groupes cibles, ce qu'on appelle des "target groups".
Dans les règlements, on parle de discrimination
systémique. D'autre part, dans la charte même, on ne parle pas de
discrimination systémique, mais on parle de groupes. Nous croyons qu'il
sera loisible d'avoir des données plus approfondies afin de
déterminer dans les règlements quels sont les groupes cibles
qu'on va essayer d'aider. Est-ce que ce sont les femmes, les groupes culturels
ou les ethnies? Qui sont les personnes qu'on veut aider et qui sont les
personnes qui ont le plus besoin d'aide?
Il paraît que, selon l'article 86.3 de la charte, on va
procéder par étapes. On va trouver un employeur qui fait de la
discrimation dite systémique, et, par la suite, pour chaque plainte
individuelle, on va essayer de cette façon de bâtir les
statistiques. Nous croyons que c'est peut-être mettre la charrue devant
les boeufs. N'est-il pas nécessaire d'avoir les statistiques avant pour
savoir, par la suite, à qui on va s'adresser?
De plus, on ne définit pas quels sont les employeurs à qui
la loi va s'appliquer, quelle est la taille de ces entreprises. Est-ce qu'elles
doivent être des entreprises
d'envergure? Est-ce que ce sont de petits commerces de deux ou trois
employés? Est-ce que c'est pour des entreprises d'un minimum de 50
employés? Qui sera affecté par les programmes d'accès
à l'égalité?
D'autre part, s'il y a une plainte, on ne définit pas qui peut la
porter. Est-ce que tout le monde a un statut légal devant la commission
ou est-ce seulement la commission elle-même qui peut porter plainte? Si
un employeur est trouvé coupable de discrimination systémique,
est-ce seulement pour celui-ci que s'appliqueront les programmes d'accès
à l'égalité ou est-ce que ce sera toute l'industrie qui
sera affectée? Normalement, si un employeur fait de la discrimination
systémique, généralement, on pense que cela devrait
s'appliquer à d'autres employeurs dans la même industrie.
Autrement, on risque de pénaliser un employeur au détriment de sa
capacité de faire de la concurrence dans le marché, tandis que
ses concurrents envers qui on n'a pas porté une plainte formelle sont
peut-être libres de continuer à faire ce qu'ils font sans
eux-mêmes respecter le même programme d'accès à
l'égalité. Je crois que c'est quelque chose à
examiner.
De plus, il y a une appréciation subjective de la part de ceux
qui administrent la loi et les règlements. Au Congrès juif
canadien, nous avons toujours pris position dans le sens qu'il ne faut pas
donner trop de discrétion aux bureaucrates; ils sont là pour
administrer une loi, mais la politique et les directions politiques doivent
provenir des personnes élues et des personnes responsables envers le
public. Je crois qu'il y a lieu de déterminer plus adéquatement
les données, les "guide-lines" et les critères qui doivent
être suivis par les bureaucrates.
En ce qui concerne son application pour le secteur public, le mot
"organisme" n'est pas défini. Je sais qu'il est très difficile de
définir limitativement tous les organismes qui seront visés par
la loi ou par les règlements. D'autre part, on pourrait avoir un genre
de clause qui dirait que, sans limiter la généralité de ce
qui précède, pour plus de clarté, compris dans cette
définition sont les corps ou organismes suivants. On aurait au moins un
exemple des organismes qui sont visés par la loi.
Dans l'article 54 de la charte, il est écrit que la charte
s'applique également à la couronne. Mais dans la charte et dans
les règlements, la couronne s'est exemptée de l'application des
règlements. De plus, on remarque que même si le gouvernement donne
suite aux programmes d'accès à l'égalité, il n'est
pas assujetti à la juridiction de la Commission des droits de la
personne. Alors, le gouvernement sera lui-même l'organisme qui prononce
et promulgue ses lois et qui juge si les programmes sont adéquats. Je
crois plutôt que le gouverne- ment devrait servir d'exemple à la
population. C'est au sein du gouvernement et du secteur public qu'on a plus de
données. On sait qu'il y a un très faible pourcentage de
non-francophones ou de non-Canadiens français dans le secteur public.
C'est à ce niveau que le gouvernement devrait donner l'exemple à
la population sur la façon dont la société doit
s'aménager. Il devrait donner l'exemple sur l'accès à
l'égalité à la population et ne pas s'exempter de
l'application de la loi. Je crois que cela risque de diminuer la portée
et le respect de la loi dans le secteur privé. On va se dire: Si le
gouvernement ne se croit pas lié et qu'il ne croit pas que c'est
nécessaire bien qu'il connaisse le problème et l'envergure du
problème, comment veut-il que ce soit fait sur notre dos, le secteur
privé?
Maintenant, au sujet de la justice naturelle, des enquêtes et les
questions en ce qui concerne la manière que la loi est mise en vigueur,
vous savez que l'article 23 de la charte dit clairement que toute personne a le
droit d'être entendue devant un tribunal. C'est la règle
générale de audi alteram partem qui est toujours mise en jeu.
Comme avocat et comme personne qui a eu assez d'expérience devant ces
commissions parlementaires, je dois avouer que nous avons toujours
exprimé les mêmes commentaires que je vais exprimer aujourd'hui.
C'est en ce sens que tout le monde a le droit de savoir quelles sont les
accusations portées contre lui, il doit avoir le droit de s'exprimer en
pleine cour ou en pleine enquête contre son adversaire et il doit avoir
accès à un tribunal d'appel en cas d'un jugement
défavorable.
Je ne vois rien dans la loi qui donne ce droit, sauf peut-être par
implication, aux individus. On peut peut-être parler des accusés
devant la commission, mais cela soulève un autre problème.
La commission est à la fois récepteur des plaintes,
initiateur des plaintes, enquêteur, juge et juré, et le corps qui
met en application les décisions auxquelles elle arrive. Cela veut dire
que tout est mis dans le même organisme. Je me demande si c'est possible
pour celui-ci d'agir sans être biaisé. Car si on arrive à
une décision, c'est difficile par après de dire que notre
décision est mal formée ou qu'on a fait une erreur. (10 h 15)
C'est loin d'être certain qu'un individu ou un employeur a le
droit lui-même d'aller devant les tribunaux. D'après les
règlements, il paraît que c'est seulement la commission qui a le
droit d'accès au tribunal, c'est uniquement quand il y a un changement
des conditions qui ont été données dans un plan
d'accès à l'égalité que le corps en question ou
l'employeur peut avoir accès aux tribunaux. Je crois qu'il serait
loisible d'élargir et de mettre un peu plus de
précision dans les règlements donnant le droit aux
employeurs ou aux personnes qui feront l'objet d'un programme d'accès
à l'égalité, d'avoir accès aux tribunaux et
à leur recours.
J'ai écouté hier à la radio, et c'est pour cette
raison que je ne suis pas armé de plus de détails, j'ai
écouté hier que la Cour d'appel de l'Ontario, si je ne m'abuse,
vient dans l'affaire McBain de déterminer que la Commission des droits
de la personne en Ontario - je ne sais pas le nom équivalent: "Human
Rights Commission", quelque chose du genre - apparemment ne devrait pas
siéger en même temps comme enquêteur et comme juge. La Cour
d'appel, apparemment, a infirmé la décision des cours
inférieures -je regrette d'être aussi vague parce que c'est un
rapport à la radio que j'ai écouté, mais je vais essayer
d'obtenir une copie du jugement. - et apparemment il doit y avoir un nouveau
procès, parce que la commission est nécessairement
biaisée, vu qu'elle agit comme enquêteur et juge. Je crois qu'il y
a lieu pour nous de nous instruire d'une expérience vécue par une
autre province et d'essayer peut-être d'éviter le même genre
de problème.
Alors, pour résumer, il ne faut pas, parce qu'on suggère
des améliorations aux règlements, croire qu'on veut mettre des
obstacles ou des bâtons dans les roues. On est très conscients des
problèmes; on veut absolument que les programmes d'accès à
l'égalité soient une réussite, et qu'on remédie aux
problèmes et aux discriminations qui existent. D'autre part, on veut que
cela se fasse efficacement et que la loi ait le respect de toute la
population.
I hope that this commission will understand that it is our devout hope
that the programs of affirmative action will be a success. And it is for this
reason and in this point of view that we come before you today in order to
suggest some improvements, not in any way to request any delays or to diminish
the effects of the law or the regulations.
Je reste à votre disposition pour les questions que vous pourriez
vouloir poser.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de laisser la
parole au député de D'Arcy McGee, je voudrais vous
présenter les membres de la commission: M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Blais
(Terrebonne), M. Blouin (Rousseau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes),
M. Dussault (Châteauguay), M. Gagnon (Champlain), Mme Harel
(Maisonneuve), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Paquette (Rosemont), M. Payne
(Vachon), M. Perron (Duplessis), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand
(Jonquière). Et M. Beauséjour (Iberville), M. Viau
(Saint-Jacques) et M. Dauphin (Marquette) remplacent, pour la durée de
la commission parlementaire, M. Leduc (Fabre), M. Levesque (Bonaventure) et M.
Mailloux (Charlevoix).
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais,
premièrement, remercier les représentants du Congrès juif
canadien, région du Québec, M. Shlesinger et M. Kushner pour
avoir présenté le mémoire du Congrès juif canadien.
Il faut dire tout de suite que beaucoup d'intervenants étaient d'accord
pour que le gouvernement donne l'exemple ou que le gouvernement s'implique et
qu'il ait des programmes d'accès à l'égalité.
Beaucoup de gens sont d'accord et je suis d'accord aussi que, en gros, le
règlement est bien fait, quoiqu'il faille que ce soit revu et
corrigé, le cas échéant. La commission, j'imagine, va
faire des recommandations au gouvernement, après avoir entendu tous les
groupes qui viennent présenter des mémoires.
J'aimerais vous poser des questions sur deux points: sur les
définitions et sur le droit d'appel. Sur les définitions, par
exemple, vous avez souligné que la discrimination systémique
n'est pas définie dans le règlement. On peut ajouter toutes les
mesures de contrôle ne sont pas définies dans le règlement.
Est-ce que le gouvernement a voulu que ce soit précisé par la
Commission des droits de la personne et peut-être, ultérieurement,
par les tribunaux? C'est une question.
Une deuxième question concerne le droit d'appel. Qu'est-ce que
vous envisagez comme droit d'appel des décisions de la commission?
J'aimerais juste, entre parenthèses, faire remarquer que cette question
des rôles possiblement contradictoires de la Commission des droits de la
personne a déjà été soulevée. J'ai
soulevé ce problème à maintes reprises, même qu'on a
révisé la charte en 1982, mais le gouvernement n'a pas agi dans
ce dossier.
Donc, ce sont deux questions sur les définitions et sur le droit
d'appel.
M. Shlesinger: Je crois que vous avez même soulevé
un autre problème parce que si, maintenant, la commission est aussi
appelée à définir ce qu'est la discrimination, on ajoute
même une autre tâche. Alors, je crois qu'il s'agit, pour commencer,
d'avoir les données spécifiques qui s'appliquent à la
province de Québec qui déterminent quelle est la discrimination
à laquelle il faut s'attaquer. Je ne crois pas que c'est
l'enquêteur et la commission elle-même qui doivent le
déterminer, à moins qu'on ne veuille créer une
sous-commission ou une commission qui aura pour tâche de
déterminer quelle est la discrimination systémique à
laquelle il faut s'attaquer. Je
ne crois pas qu'on puisse tout régler dans une môme
commission; je pense que vous demandez une tâche énorme à
la commission, ce qui va peut-être lui créer beaucoup de
problèmes.
En ce qui concerne le droit d'appel, je crois qu'il y a quand même
ici un aspect du système qui est contraire. On a une commission qui fait
une enquête et qui détermine que quelqu'un pratique la
discrimination. Là, il y a une détermination quasi juridique, au
moins, et cette personne doit suivre le programme. Si le programme n'est pas
suivi, la commission peut s'adresser au tribunal pour forcer la personne
à suivre le programme. Mais dans la détermination de sa
culpabilité, il n'y a aucun appel, à ce que je vois ici. Un ou
deux enquêteurs peut-être - on ne sait pas - parce qu'il n'y a pas
de définition à savoir si c'est un tribunal de trois personnes
qui détermine, si c'est une division séparée, mais
quelqu'un détermine qu'il y a de la discrimination et il y a un jugement
final. Y a-t-il un appel de cette décision? Peut-on amener des
témoins devant quelqu'un pour dire: Écoutez, ce n'est pas vrai.
Il n'y a pas de discrimination. C'est cela la nature même de notre
système juridique, de pouvoir se défendre et avoir un appel
à un tribunal supérieur.
M. Marx: On veut respecter les règles de la justice
naturelle. L'Assemblée nationale a toujours le souci que ces
règles de justice naturelle soient respectées. Si la Commission
des droits de la personne essaie d'appliquer le règlement tel quel, une
compagnie qui est insatisfaite des décisions de la commission: où
est la discrimination, les méthodes d'enquête et tout cela, la
compagnie pourrait prendre des brefs d'évocation l'un après
l'autre et il faudra des années avant qu'on ait une décision. Ce
serait à cause de ce que vous avez dit: le manque de définition,
le manque de... Mais d'autre part, si on a des programmes d'obligation
contractuelle, "contract compliance", cela éviterait peut-être
beaucoup de ces contestations parce qu'une compagnie va de plein gré
suivre certaines politiques, donc ce ne sera pas vraiment possible pour la
compagnie de contester. Mais si on applique le règlement, après
enquête et tout cela, j'ai peur qu'on ait beaucoup de contestations, je
ne dirais pas inutiles, mais qui vont permettre a tout le monde de
traîner les affaires pendant des années devant les tribunaux, en
effet, pour ne pas se soumettre à la réglementation. Il y a
toujours ce danger.
M. Shlesinger: Pour la question du bref d'évocation et
tout cela, vous avez raison parce que s'il n'y a pas de critères
stricts, alors c'est le seul recours qui est ouvert à quelqu'un, le bref
d'évocation. Alors c'est beaucoup mieux d'avoir au début des
critères qui prévoient un processus normal que, comme vous dites,
d'aller devant les tribunaux avec des brefs d'évocation qui peuvent ou
ne peuvent pas être accordés. Comment peut-on déterminer si
on a excédé la juridiction si la juridiction même n'est pas
définie? On risque vraiment d'être devant la Cour d'appel pour
chaque décision et devant la Cour suprême pour déterminer
non pas le cas spécifique, mais la juridiction de la commission. Je
crois qu'il est mieux de définir la juridiction de la commission pour
commencer et ne pas aller devant les tribunaux pendant 50 ans pour
déterminer quelle est sa juridiction. Cela va être justement le
genre de choses qui va annuler, résilier l'effet voulu de la loi. Ce
n'est pas ce qu'on veut.
Deuxièmement, lorsque vous parlez de la question de "contract
compliance", de demander que les gens aient des programmes d'accès
à l'égalité pour avoir un contrat avec le gouvernement,
oui, cela peut comporter des avantages et il faut voir de quelle façon
ce sera appliqué, mais seulement si le gouvernement lui-même se
force à respecter les mêmes critères. On ne peut pas
demander au secteur privé de mener la société dans la
question des droits humains. Si on veut que le secteur privé respecte
les droits des individus et des groupes, il faut absolument que le gouvernement
dise: Nous le faisons et nous exigeons que vous le fassiez de la même
façon. C'est la seule façon. Autrement, je crains qu'il y ait un
manque de respect énorme pour la loi et si le gouvernement n'est pas
prêt à la respecter, le secteur privé ne va pas la
respecter non plus.
M. Marx: C'est cela. Je suis d'accord avec ce dernier point,
à savoir que ce sera difficile pour le gouvernement de dire aux
compagnies, au secteur privé: Faites comme on vous demande de faire,
mais ne faites pas comme nous faisons. Et de toute façon, le
gouvernement est dans le secteur commercial. J'ai une liste ici de plus de 200
organismes qu'on trouve au gouvernement -la Société des alcools
du Québec fait le même commerce qu'une compagnie privée
-mais j'essaie de chercher, parce qu'il y a d'autres organismes d'État
qui sont vraiment dans le commerce d'un produit ou un autre.
M. Shlesinger: Mais je crois que le gouvernement du Québec
est le plus grand employeur au Québec dans le moment.
M. Marx: Voici des sociétés d'État: la
Raffinerie de sucre du Québec, SIDBEC - si cela existe encore - la
Société de développement de la Baie James, la
Société des loteries et courses du Québec, la
Société générale de financement du Québec,
la Société nationale de l'amiante, la Société
québécoise d'exploration minière, la
Société
québécoise d'initiatives agro-alimentaires, la
Société québécoise d'initiatives
pétrolières, la Société québécoise
des transports, la Société immobilière du Québec et
ainsi de suite.
M. Shlesinger: Mais il ne faut pas oublier...
M. Marx: II y a même une Société
d'économie mixte, les Entreprises Bussières Ltée, mais je
me demande: Pourquoi ne pas soumettre ces organismes, parmi beaucoup d'autres,
à une réglementation comme le règlement que nous avons
devant nous?
M. Shlesinger: Il ne faut pas oublier non plus le service civil,
la bureaucratie. (10 h 30)
M. Marx: La fonction publique? Non, mais j'ai seulement
donné la liste de certains organismes. Il y en a beaucoup d'autres. Je
ne veux pas lire la liste des 280 ou des 235 - je ne sais pas combien il y en a
- mais je pense que c'est un point important et nous allons, j'imagine,
soulever ce point, que les secteurs public et parapublic devraient donner
l'exemple. On peut même ajouter dans le secteur parapublic les centres
hospitaliers, les municipalités, les communautés urbaines, les
commissions de transport...
M. Shlesinger:Les corps policiers.
M. Marx: Oui, c'est cela, les corps policiers et ainsi de suite.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Vachon.
M. Payne: M. Shlesinger, M. Kushner, je vous remercie pour votre
mémoire. C'est bien que cela arrive aujourd'hui parce que cela nous
permet de continuer quelques discussions intéressantes qu'on a eues
hier.
On note, c'est sûr, votre appui général au projet et
on ne peut oublier de souligner le travail remarquable du congrès depuis
des années. Par la force de votre communauté, beaucoup de
générations ont travaillé contre la discrimination dans le
monde; on vous en félicite formellement et chaleureusement.
Là où je voudrais reprendre la discussion, en ce qui me
concerne ce matin, ce serait au sujet de l'organisme. Mais d'abord, je voudrais
bien savoir si je vous ai bien compris. Vous préférez, je crois,
avoir dans la définition du mot "organisme", à l'article 86.7 de
la Charte des droits et libertés de la personne, une portée plus
large. Est-ce exact?
M. Shlesinger: Je veux que ce soit défini, parce qu'il y a
toujours un problème de standing dans le "common law" ou ce que l'on
appelle l'intérêt juridique à Québec. Qui a
l'intérêt juridique de se plaindre? Qui a la responsabilité
d'implanter des programmes d'égalité? Qui sont les personnes qui
ont les droits et les obligations? Je sais que le mot "organisme" a
différentes portées dans chaque loi que l'on retrouve ici, dans
la province de Québec. Il y a le mot "organisme" dans la Charte de la
langue française, qui a peut-être une portée
différente; il y a le mot "organisme" dans d'autres lois, et cela ne
signifie pas la même chose. Nous voulons éviter le genre de litige
dont le député de D'Arcy McGee a parlé, avec un bref
d'évocation. Est-ce que vous avez un intérêt juridique ou
non? Définissons-le.
M. Payne: Oui, mais je voudrais m'assurer que nous parlons du
même problème. La façon dont je vois les choses est la
suivante. Le gouvernement pourrait, et va dans le cours normal du processus,
sûrement définir quels sont les organismes couverts par l'article
86.7. C'est sûr qu'à ce moment-ci, c'est un peu vague. C'est une
longue discussion pour savoir si on va impliquer là-dedans toutes les
sociétés d'Etat, si on va impliquer les CLSC et le plus petit
hôpital de Gaspé; c'est une discussion importante parce qu'il y a
des coûts inhérents à cette implantation.
Plus on élargit la portée de cet article, pour comprendre
toute l'administration parapublique, les organismes parapublics à
travers le Québec, plus on limite la portée ou, pourrais-je dire
- je cherche le mot en français - la juridiction de la commission en
vertu de l'article 86.3, là où "la commission - je cite -
après enquête peut, si elle constate une situation de
discrimination prévue à l'article, recommander l'implantation";
toute cette partie de la loi, de l'article 86.2 à 86.6, serait à
ce moment-là limitée aux organismes qui ne sont pas des
organismes parapublics. Donc, je prônerais plutôt
l'établissement d'une liste assez limitée plutôt qu'assez
élargie. Mais si je comprends bien, vous préféreriez une
définition plus large, une plus longue liste.
M. Shlesinger: Oui. Pour commencer, je dois avouer que je ne
comprends pas comment vous pouvez parler de l'article 86.3 dans la même
optique que l'article 86.7 parce que l'article 86.7, deuxième
alinéa, exclut l'obligation de l'article 86.3 du gouvernement.
M. Payne: Je dis que vous êtes plus intéressé
à demander une interprétation limitative du mot "organismes"
à l'article 86.7, c'est-à-dire limiter les organismes qui sont
couverts par la loi pour faire en sorte que justement le plus grand nombre
d'organismes ailleurs puissent tomber sous l'empire de 86.3.
M. Shlesinger: Alors là, c'est un genre de...
M. Payne: D'ailleurs j'apporterais à mon appui l'avis de
la Commission des droits de la personne elle-même dans son
mémoire.
M. Shlesinger: À l'école de droit, je crois que
c'est l'argument qu'on appelle inclusio unius est exclusio alterius. Si on en
inclut un dans une liste, on exclut les autres de l'autre liste. Je ne crois
pas que ce soit nécessairement le cas. C'est une remarque personnelle,
mais je crois qu'on aimerait que la loi s'applique au plus grand nombre
d'institutions et organismes possible. Comme c'est le gouvernement et que le
gouvernement a le plus de ressources possible pour l'implanter, la liste doit
s'étendre au plus grand nombre "d'organismes" possible du
gouvernement.
Je ne crois pas que cela va délimiter le secteur privé. La
commission peut toujours, selon les critères ici, déterminer
n'importe quel organisme dans le secteur privé.
M. Payne: C'est ce que je dis. Si vous voulez élargir le
nombre d'organismes - je vous comprends bien? - couverts par l'article 86.7,
vous allez, par le fait même, limiter le mandat de la commission parce
que suivant l'alinéa...
M. Shlesinger: Ah oui!
M. Payne: ...ils ne peuvent pas.
M. Shlesinger: Mais, dans le contexte de notre autre point, nous
voulons que la restriction imposée à la commission, selon
laquelle la commission n'a pas juridiction, soit enlevée. Cela prendra
probablement un amendement à la charte parce que ce n'est pas la
réglementation, c'est la loi. Évidemment je suis d'accord avec
vous sur le fait que, si la commission continue d'être exclue de
l'application aux organismes gouvernementaux, à ce moment-là, on
veut que ce soit dans le secteur privé.
On demande que le gouvernement ne soit pas exclu de l'application de la
commission et, par la suite, que le gouvernement soit lui-même tenu de
respecter la loi.
M. Payne: Là, c'est plus clair. On s'entend.
M. Shlesinger: Je m'excuse de mon ambiguïté.
M. Payne: En vertu de la Loi sur la fonction publique même,
le Conseil du trésor est chargé d'établir le programme
d'accès à l'égalité en vue de corriger une
situation de discrimination. C'est clair dans son mandat.
En réalité, le travail qu'il doit normalement accomplir,
s'il est étendu à tout organisme public et parapublic, le Conseil
du trésor va avoir un drôle de mandat élargi.
M. Shlesinger: Je suis entièrement d'accord avec vous.
C'est dans cette optique qu'on a dit qu'il faut avoir des critères.
Imaginez! Vous venez de dire que le gouvernement aurait beaucoup de
difficultés, à cause des ressources financières que cela
prendra, à élargir cela à toutes les entreprises. D'autre
part, dans le secteur privé, il n'y a aucune limite. On ne
définit pas si une toute petite entreprise de deux ou trois personnes
doit avoir les mêmes obligations qu'une entreprise de 200 ou 500
employés. Sur cela vous avez entièrement raison. Ce ne sont
peut-être pas toutes les petites entreprises qui ont les ressources de le
mettre en vigueur. C'est pour cette raison qu'on peut peut-être exclure
certains organismes. On peut peut-être exclure les organismes
gouvernementaux de moins de quelques employés.
M» Payne: Dans le même ordre d'idées,
l'expérience américaine a démontré que
c'étaient les grandes compagnies, par exemple Fortune 500, qui
étaient les plus aptes, les plus disposées, les plus ouvertes
à un programme d'accès à l'égalité. C'est
sûr qu'elles ont les ressources, et, souvent, ce sont les PME qui n'ont
pas de ressources financières pour embarquer dans un programme
d'accès à l'égalité. C'est un autre problème
bien important.
J'ai évoqué hier la situation semblable qu'on avait avec
la loi 101. C'étaient souvent les grandes compagnies qui voulaient se
franciser rapidement pour ne jamais être en retard parce qu'elles
disaient: On veut battre notre concurrent pour atteindre les objectifs de la
loi. L'Américain dit: "What is the bottom line?" Il veut savoir quel est
l'objectif du gouvernement. Dès que c'est clair, il veut battre ses
concurrents pour arriver à respecter cet objectif. La même
situation pourrait se produire, comme c'est arrivé aux États-Unis
depuis le décret de Johnson... Les grandes compagnies vont être
beaucoup plus avancées que les PME, mais c'est chez les PME, là
où 80 % ou plus de la population travaille... Ce sont les enjeux de la
question.
M. Shlesinger: Dans ma pratique, je travaille actuellement
à la construction d'un "ofshore oilrig" en Californie. L'une des annexes
à ce contrat est une page de format légal comportant à peu
près 20 différentes lois que l'entrepreneur doit respecter pour
assurer l'accès à l'égalité: non-discrimination
envers les handicapés, les aveugles, les sourds-muets et toute une liste
de choses qu'il faut respecter. Toutes les personnes ou
les différentes compagnies de cette industrie doivent accepter -
autrement, elles ne peuvent pas être concurrentielles - d'être
liées par ces différents programmes. Peut-être que c'est un
moyen de le faire mais, comme nous l'avons souligné, il faut que cela
s'applique à toute l'industrie.
M. Payne: ...
M. Shlesinger: Mais si on trouve une discrimination
systémique, cette industrie doit être attaquée. Autrement,
on risque de pénaliser une compagnie qui deviendra non concurrentielle.
Pour la question des PME, peut-être qu'il y a lieu d'avoir un genre de
programme de subventions pour les aider à pouvoir donner effet à
ces programmes d'égalité. C'est sûr et certain que les
ressources financières sont limitées et qu'il faut agir avec
réalisme. Mais ce qu'on ne veut pas, c'est qu'à cause de la
faiblesse de l'économie ou d'un manque de fonds, le programme tombe
à l'eau complètement. Peut-être qu'il faut commencer
lentement, mais y aller avec un esprit réaliste.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste un petit point, M. le Président. Pour que
cela soit bien clair, je pense que les précisions, les
définitions qui sont demandées sont pour renforcer le
règlement, pour rendre le règlement plus efficace. Je pense aussi
qu'il faut que le règlement soit revu, qu'il soit renforcé non
pas pour diminuer la portée du règlement, au contraire, mais pour
qu'il n'y ait pas de contestation inutile par la suite et pour ne pas que les
compagnies puissent tergiverser et traîner le dossier devant les
tribunaux éternellement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Cela va? Il n'y a pas
d'autre question. Je remercie le Congrès juif canadien, région du
Québec, pour l'éclairage qu'il a apporté à cette
commission.
Je demanderais... Est-ce que vous avez...
M. Shlesinger: Je voulais tout simplement dire que c'est nous qui
vous remercions.
Le Président (M. Gagnon): Je demanderais aux
représentants du Conseil du patronat du Québec de prendre place.
Nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 43)
(Reprise à 10 h 49)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons maintenant entendre le Conseil du patronat du Québec.
M. Denis Beauregard et M. Pierre Gauthier, comme on a fait pour les autres
groupes, on vous accorde 55 minutes, soit 20 minutes pour livrer votre message
et le reste du temps pour dialoguer avec les membres de la commission. Je vous
laisse la parole immédiatement.
Conseil du patronat du Québec
M. Beauregard (Denis): Merci. Merci aussi d'avoir permis au
Conseil du patronat de présenter son mémoire devant les membres
de la commission. Je résumerai le mémoire de façon
très brève afin de permettre le plus d'échange de propos
possible par la suite avec les membres de la commission.
D'abord, le mémoire du Conseil du patronat amorce l'étude
de la question à partir d'un principe de base, principe qu'on retrouve
tout le long du mémoire partout et c'est le suivant: Le Conseil du
patronat s'oppose de façon énergique, sans aucun équivoque
à toute espèce de forme de discrimination soit au niveau de
l'embauche dans l'entreprise comme, également, au niveau de la promotion
des individus dans l'entreprise. La proposition de principe est très
claire. On y reviendra tout au long tant du mémoire que des
échanges de propos que nous aurons par la suite.
Le Conseil du patronat aborde la question de la lutte contre la
discrimination à partir d'une approche qui est devenue, dans le
vocabulaire des gens qui traitent de ces questions, une approche d'accès
à l'égalité et non pas une approche qui s'accrocherait
plus à de la discrimination positive, de l'"affermative action", ou peu
importe la façon dont on l'appelle, mais d'une façon qui, quant
à nous, est difficile à accepter parce que
génératrice d'une forme de discrimination... Donc, au point de
départ, il y a un problème à régler effectivement
et réglons-le en solutionnant le problème et non pas en en
créant d'autres. Le moyen pour le faire, c'est de mettre en place dans
les entreprises, comme d'ailleurs dans les organismes publics, qui ne sont pas
non plus à l'abri de ce problème, les moyens nécessaires
pour que tout le monde ait un accès égal à l'emploi de
même qu'à la promotion dans l'entreprise.
Pour défendre cette position nous nous fondons, en partie, sur
l'expérience vécue aux États-Unis. Nos voisins
américains ont essayé les deux approches dont je viens de parler,
celle basée sur l'accès à l'égalité et celle
qui a une tendance vers la discrimination positive. Ils ont essayé cela
en deux temps bien identifiés, c'est facile à voir.
Jusqu'au début des années soixante-dix, les
Américains ont tenté de régler le problème de
discrimination, dans leur cas surtout, problème posé aux Noirs et
aux membres d'autres groupes ethniques - c'est surtout cela le problème
à régler à ce moment - en essayant de mettre en place des
mesures dites d'accès à l'égalité. Les
résultats obtenus pendant cette période, selon divers auteurs que
nous citons dans notre mémoire, sont des résultats quand
même intéressants et qui méritent d'être
étudiés par les gens qui veulent mettre en place des mesures de
ce type.
La période qui a suivi le début des années
soixante-dix a donné lieu à un virage qui a amené les
entreprises américaines, dans plusieurs cas, à être
obligées de mettre en application des quotas d'embauche. Les gens qui
ont fait les études dont je parlais tantôt sont à peu
près unanimes pour affirmer que les résultats obtenus sous
l'empire de ces mesures sont de loin inférieurs aux résultats
obtenus pendant la période précédente, soit celle
où on essayait de mettre en place des mesures d'accès à
l'égalité.
Je ne parle pas de tous les problèmes qu'a causés
l'imposition de quotas. Je pense que ces problèmes sont connus et on
pourra y revenir pendant la période de discussions.
Quant au règlement lui-même qui est à l'étude
actuellement, disons tout de suite que le Conseil du patronat du Québec
est d'accord avec l'orientation générale du document. Il n'y a
pas là d'opposition de fond à ce règlement. Notamment,
à l'article 6, on parle d'une analyse du système d'emploi qui
permettrait d'identifier un tas de choses qu'il faut absolument faire sauter
là où cela existe, c'est-à-dire toutes les espèces
de barrières discriminatoires. Il faut les trouver, les identifier et
trouver les moyens pour les faire sauter. On est tout à fait d'accord
avec cette partie du projet de règlement.
Là où on est moins d'accord, c'est essentiellement sur un
point. Il y a d'autres désaccords plus mineurs, mais il y a un
désaccord de fond. C'est toute la question à savoir comment on va
mettre en place des mesures qui vont permettre aux membres des groupes cibles -
comme le disent les auteurs du projet de règlement - d'avoir leur place
dans l'entreprise. La lecture que l'on fait de ces moyens - surtout si on se
réfère aux articles 3 et 4 du projet de règlement -c'est
que sous un vocabulaire recherché on parle d'imposition de quotas dans
les entreprises visées par le projet de règlement. On ne peut pas
être d'accord avec cette orientation si - je le répète,
c'est important - telle est l'intention du législateur. C'est la
compréhension qu'on a du texte. Maintenant, si telle n'est pas
l'intention du législateur, on invite les rédacteurs du projet de
règlement à revoir le texte parce que, quant à nous, ce
texte peut mener directement à l'imposition de quotas.
Je passe rapidement les autres discussions sur d'autres articles parce
que le point central, l'essentiel c'est cela. On note, entre autres choses - je
vous le dis en passant - que dans la mesure où le projet de
règlement constituerait une solution efficace dans cette
hypothèse aux problèmes de discrimination, on conçoit mal
pourquoi le gouvernement ne se soumet pas à la juridiction de la
commission des droits pour appliquer chez lui ce qu'il veut voir appliquer dans
les entreprises privées.
Je vais céder, pendant les quelques minutes qui viennent, la
parole à Me Gauthier pour un peu faire le tour d'une question
extrêmement importante concernant ce projet de règlement. C'est
tout le volet constitutionnel du règlement qui, quant à nous,
risque de poser un problème si la compréhension qu'on en a,
encore une fois, est la bonne.
Le Président (M. Gagnon): Me Gauthier.
M. Gauthier (Pierre): J'aimerais vous entretenir de la probable
inconstitutionnalité de la discrimination positive. Par discrimination
positive, nous entendons une préférence accordée à
des membres d'un groupe dit défavorisé par rapport à des
membres d'un groupe dit favorisé. J'aimerais vous soumettre que les
victimes de la discrimination positive pourront probablement, comme ils l'ont
fait aux États-Unis récemment, la faire déclarer
inconstitutionnelle. Je répète ici qu'il s'agit bien de
discrimination positive, il ne s'agit pas de mesures qui relèvent de
l'égalité des chances comme, par exemple, compenser les femmes
pour les inconvénients de la maternité - ce n'est pas cela qu'on
vise - ou rendre les lieux plus accessibles pour des personnes
handicapées. Ce sont là des mesures relevant de l'accès
à l'égalité et nous sommes d'accord avec ces mesures.
Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que les victimes de
discrimination positive -je vais vous donner des exemples vécus aux
États-Unis - vont probablement pouvoir réussir à combattre
une telle loi si cela se traduit par des quotas précis. Pourquoi
l'expérience américaine est-elle intéressante? Comme la
constitution canadienne et la charte québécoise, la constitution
américaine, par le quatorzième amendement, prévoit un
droit à l'égalité devant la loi. On voit comment la Cour
suprême des États-Unis a réagi face à des situations
concrètes qui peuvent se présenter ici.
Dans notre mémoire, je mentionne l'arrêt Bakke.
L'arrêt Bakke, c'est un étudiant qui a essayé de se faire
admettre à une Faculté de médecine qui n'avait que cent
places disponibles. Seize places étaient
réservées à des membres de groupes minoritaires.
Malgré des résultats supérieurs à ceux des seize
membres de groupes ethniques qui y ont été admis, M. Bakke a
été refusé deux fois. Il a pris des procédures pour
se faire admettre. Je parle de résultats nettement supérieurs.
Évidemment, l'objectif visé par l'université était
fort louable. Il s'agissait de faire grimper la proportion de médecins
issus de groupes ethniques. C'était louable. Mais, par contre, il y
avait une victime qui s'appelait M. Bakke qui n'était pas admis. La Cour
suprême américaine a amorcé un virage, qu'elle a
complété par la suite par l'arrêt Stotts, et elle a dit: Ce
n'est pas à M. Bakke de payer pour les erreurs des
générations passées.
Dans l'arrêt Stotts, l'autre arrêt que l'on mentionne dans
le mémoire, il s'agissait d'un conflit entre l'ancienneté et un
traitement préférentiel qu'on voulait accorder aux Noirs. On
avait embauché beaucoup de Noirs pour faire grimper la proportion de
Noirs au service des incendies de la ville de Memphis. Or, survient une mise
à pied. Évidemment, les derniers arrivés, selon la
règle de l'ancienneté, sont les premiers partis lors d'une
procédure de mise à pied. Qu'est-ce qui devait primer? La
protection qu'on voulait accorder aux Noirs ou l'ancienneté? La Cour
suprême américaine, à ce moment-là, a pris une
position claire. Elle a dit: C'est l'ancienneté qui doit primer. (11
heures)
Encore une fois, on voit l'idée - c'est exprimé clairement
par les juges, la majorité en tout cas - qu'on ne pouvait pas faire
payer à des employés plus anciens le prix de la discrimination
passée. Le juge Blackmun, qui est un juge dissident, a même
déclaré que l'arrêt Stotts, c'était la fin aux
États-Unis de l"'affirmative action". On est d'accord avec le juge
Blackmun, mais, par contre, on dirait plutôt que c'est la fin de la
discrimination positive. D'ailleurs, aux États-Unis, un décret
présidentiel est en préparation, qui n'est pas encore
signé par le président américain, qui rend les quotas
illégaux. Des poursuites ont également été
amorcées par le Département de la justice des États-Unis.
Il a même ordonné ou suggéré fortement aux villes,
aux comtés et aux municipalités d'abandonner les quotas et les
objectifs numériques. Il y a même une ville, Indianapolis, qui a
été poursuivie devant les tribunaux par le Département de
la justice américain.
Ce qu'on dit, c'est que les victimes de la discrimination positive, qui,
selon la Cour suprême américaine, équivaut à de la
discrimination tout court, pourront probablement avoir des recours. Je me
demande comment la Cour suprême canadienne réagirait devant des
cas moraux comme l'arrêt Bakke ou l'arrêt Stotts? C'est un peu
cela, on a voulu mettre en garde la com- mission parlementaire ou le
législateur contre cette forme de discrimination qui s'appelle la
discrimination positive. On estime qu'elle est probablement
inconstitutionnelle.
Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. Beauregard.
M. Beauregard: Si vous me le permettez, M. le Président,
je termine avec un dernier point. Même si, dans le projet de
règlement, on ne retrouve pas de trace du "contract compliance", il
semblerait maintenant évident que le projet de règlement va
couvrir des entreprises qui veulent faire affaires avec l'État dans une
mesure, qui, semble-t-il, n'est pas encore déterminée. Est-ce
qu'on parle de contrats de 200 000 $ et plus ou de moins de 200 000 $? Il
semble que ce n'est pas déterminé, mais les entreprises seraient
couvertes, c'est-à-dire celles qui veulent faire affaires avec
l'État. On a une section sur cela et je crois qu'elle est importante.
À partir du moment où on parle de ces entreprises, comme c'est le
cas dans le reste du projet de règlement, on ne parle plus d'entreprises
qui ont été reconnues coupables de discrimination. Mais,
pourtant, la méthode suivie est exactement la même,
c'est-à-dire qu'on part avec une présomption de discrimination en
imposant des objectifs numériques, que nous pensons être des
quotas, à des gens qui, pour faire affaires avec le gouvernement,
devront peut-être par la suite être obligés d'exercer de la
discrimination envers d'autres personnes, ce avec quoi nous ne sommes pas
d'accord.
Très rapidement, les conclusions du mémoire, c'est non
à toute espèce de forme de discrimination, même celles qui
seraient imposées par règlement. Non aux exigences
déraisonnables dans les entreprises ou ailleurs, que ce soit pour
l'admission à l'embauche ou encore la promotion. Et c'est pourquoi,
à l'intérieur de l'étude du projet, on est d'accord avec
toutes les dispositions qui demandent que l'entreprise fasse l'analyse de tout
son processus d'embauche et de promotion de façon à faire sauter
toutes ces barrières. On dit non aux quotas comme à la
discrimination, même si on l'appelle positive. Enfin, on suggère
un certain nombre de moyens. C'est une indication de voies à suivre et
non pas une énumération exhaustive de moyens. Nous croyons que,
dans plusieurs secteurs, là où on veut s'approcher d'une
meilleure répartition du nombre d'employés féminins et
masculins, il y a des gestes à poser avant de passer à
l'embauche. Par exemple, dans plusieurs secteurs que l'on qualifie de
très majoritairement masculins, on se rend compte que, dans les secteurs
de formation professionnelle, que ce soit au secondaire, au collégial ou
même universitaire, il n'y a pas de femmes inscrites. De toute
façon, ce ne serait pas la
solution que d'imposer des quotas dans des secteurs comme ça
puisqu'il n'y a pas de candidates.
En résumé, oui à l'accès à
l'égalité, mais non à la discrimination.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Je remercie le Conseil du patronat du Québec qui
contribue toujours d'une manière positive à ce genre de
délibérations. Je viendrai tout de suite au vif du sujet en
passant par un court commentaire. À la page 9 de votre mémoire,
vous demandez: "...comment peut-on songer sérieusement à exiger
d'une entreprise qu'elle discute sur la place publique de toute la
planification stratégique de sa main-d'oeuvre?..." Je pourrais
suggérer que le projet de règlement en ce qui concerne l'analyse
du système d'emploi est assez conservateur, c'est-à-dire que
c'est assez limité dans la liste de sujets qui font partie de l'analyse.
Il faut aussi souligner que c'est le gouvernement fédéral dans
son propre projet de loi, le bill C-62, qui prévoyait la publication de
données semblables.
Ma préoccupation principale serait d'aller plus loin. Vous faites
grand état de l'expérience américaine, basant vos
préoccupations sur l'étude de Nathan Glazer, "Affirmative
Discrimination". Par contre, lorsque le président Lyndon B. Johnson, en
1965 je pense, a émis la directive 11246, c'est bien sûr qu'il y a
eu beaucoup d'opposition de la part du patronat, spécialement le grand
patronat, c'est-à-dire les grandes entreprises. Vous êtes
d'accord? Par contre, ce qu'on a vu par la suite, ce n'était pas tout
à fait ce qu'on avait envisagé. Souvent, je pense, comme je le
disais hier, la crainte, la préoccupation qui précède
l'opération chirurgicale est pire que l'opération elle-même
et le traumatisme est d'autant plus pénible avant que la
réalité.
C'est effectivement le cas. Cela m'étonne un petit peu... Dans
votre analyse de la situation américaine vous auriez peut-être pu
nuancer un petit peu les quelques réticences du grand patronat. Je
pourrais vous référer, par exemple, à quelqu'un, un grand
homme, John Hulck qui est le "chairman" de Merck et qui, suivant la tentative -
je ne vous fais pas la leçon parce que vous êtes au courant - du
président Reagan de reculer dans les programmes d'accès à
l'égalité avec la directive qu'il a émise
dernièrement, qui n'est pas signée encore mais qui est à
l'état de projet... La réaction de la part du patronat a
été bien intéressante. Merck, par exemple, a dit: Nous
allons continuer. En ce qui concerne les rapports avec le gouvernement, cette
société a dit et je fais la traduction: On va continuer vers les
objectifs et les échéanciers, peu importe ce que le gouvernement
fait. Ils font partie maintenant de notre culture et de nos procédures
coopératives (our co-operate policy), de notre politique de
coopération.
Stafford qui est le président de CEO, de Pillsbury a dit: II nous
est devenu évident qu'un "Agressive Affirmative Action Program",
c'est-à-dire un programme d'action positive agressif, est plein de bon
sens (full of sense).
Lorsqu'on voit le résultat de Fortune 500, qui représente
500 grandes entreprises aux États-Unis, la plupart d'entre elles, 90 %,
c'est-à-dire 116 sur 128, ont répondu, disant que les objectifs
numériques de leur politique étaient pleins de bon sens aussi.
Mais, plus intéressante que cela et encore plus significative a
été la réponse à une question demandant: Est-ce que
vous prévoyez poursuivre les objectifs numériques pour faire un
bilan du progrès réel des femmes et des minorités dans
votre coopération, peu importe les règlements du gouvernement?
Sur 128 qui ont répondu, il y en a 122 qui ont dit oui. C'est un peu
plus de 95 %.
Je dirais en concluant que les adversaires de l'action positive parfois
disent que les objectifs et les échéanciers, c'est-à-dire
les "goals and timetables", sont à toutes fins utiles les quotas.
Quelles sont vos réactions à cela?
M. Beauregard: Ma première réaction, c'est que je
suis heureux de constater qu'on lit la même chose. L'article de Fortune a
fait le tour et est bien connu. Il tombe pile. Je pense qu'il apporte un
éclairage dans un débat au bon moment et c'est intéressant
de constater cela.
L'article de Fortune relate effectivement la réaction de la
très grande entreprise américaine. On parle de 200 parmi les 500
plus grandes classées par Fortune. La très grande entreprise
américaine réagit comme vous le dites à cette
éventualité encore maintenant, mais qui est en train de devenir
une réalité. Le président Reagan a peut-être
signé, ce matin, l'équivalent d'un décret pour les
Américains qui dirait, grosso modo, que...
M. Payne: Ce matin?
M. Beauregard: II va le faire. C'est peut-être fait au
moment où on se parle, sinon, cela va se faire.
M. Payne: Non!
M. Beauregard: Enfin, on va laisser faire. Ce qu'il est important
de relever là-dedans, c'est que la réaction de la grande
entreprise américaine et la réaction de l'entreprise qui,
après quelques années, ou même plusieurs années,
d'administration de
ce genre de chose, en arrive à la conclusion que, après
avoir mis des ressources absolument considérables là-dedans
pendant des années, après avoir organisé notre gestion des
ressources humaines en fonction de tout cela, après avoir
traversé tous les problèmes que cela cause - parce que cela en a
causé - il n'est plus question de revenir en arrière, c'est hors
de question... Ils ont dépensé des fortunes là-dedans. Ils
ont affiché sur la place publique des façons de faire qui,
maintenant, ont développé des attentes énormes parmi
certains segments de leur personnel.
Alors, ce n'est pas étonnant, aujourd'hui, que les mêmes
entreprises disent: Écoutez, il n'est pas question qu'on revienne
là-dessus; c'est en place et on a appris à vivre avec cela. Le
même article de la même revue dit aussi, de façon
très claire, sans aucune exception, parmi tous les gens
interviewés - là, on ne parle plus de 80 % -il n'y a pas une
seule exception, tous sont fermement opposés à l'imposition de
quotas, que ces quotas soient basés sur le sexe ou sur la race.
Alors, la réaction est très claire quand il est question
de quotas. Nous, ce qu'on dit, pour revenir à notre mémoire et
à notre position sur le projet de règlement, c'est: D'accord, il
y a des problèmes à régler et il y a des entreprises qui
déjà ont commencé à mettre des programmes
d'accès à l'égalité en place. D'abord, cela peut
poser un problème d'ordre constitutionnel. Il y a un problème
à régler et on invite le législateur à regarder
cela de près.
Même ceux qui, volontairement, décideraient de le faire -
il y en a qui ont décidé de le faire - c'est loin d'être
sûr qu'il n'y aura pas de problèmes devant les tribunaux. Par
ailleurs, ce qu'on dit aussi, c'est l'interprétation qu'on fait du
projet de règlement, peut-être à tort; si c'est à
tort, tant mieux, jusqu'à maintenant, c'est que cela mène
à des quotas.
Là, on rejoint tout à fait la réaction de la grande
entreprise américaine là-dessus, parce que l'imposition de
quotas, au sens où on l'entend habituellement, mène à de
la discrimination, ce qu'on ne peut accepter et parce que, surtout, cela
mène l'entreprise, en termes d'échéanciers, à
possiblement devoir embaucher sur une base autre que la compétence. Pour
nous, c'est extrêmement difficile à accepter. Tout le monde va
comprendre, je pense bien.
M. Paynes Une petite nuance. Je pense que c'est important de souligner
que, à ma connaissance, du moins, il est peu probable que le
président Reagan signe. Ce n'est certainement pas ce matin qu'il a
signé...
M. Beauregard: Quand je suis ici...
M. Payne: Je pense que c'était le "long shot", comme on
dit en politique. Vous avez dit qu'il n'y a pas une seule compagnie
américaine qui accepterait le principe des quotas. Moi aussi, je pense
qu'on pourrait faire une nuance importante entre les objectifs et
échéanciers d'une part et, d'autre part, les quotas. Mais
j'aimerais accepter le défi que vous nous lancez, parce que quand vous
dites "pas un seul", il y a une expérience...
J'étais à Washington la semaine passée où on
a discuté de plusieurs exemples. Hewlett-Packard a adopté un
programme qui s'appelle le "Seed Program". Elle embauche, à chaque
année, 500 hispaniques, Noirs, femmes. C'est pas mal près de la
discrimination positive. Cette dernière a répondu à la
question qui était posée dans le questionnaire auquel on a fait
référence tout à l'heure. C'est une exception.
Je pourrais aussi vous parler de l'expérience d'IBM. Je pourrais
aussi vous parler... Je n'ai pas le temps de parler de l'expérience de
AT & T qui a un programme pas mal près d'un programme de
"Affirmative Action and Positive Discrimination". Je pense qu'on pourrait
enclencher une discussion assez intéressante à ce sujet. (11 h
15)
M. Beauregard: Si vous permettez, M. le Président, juste
une réaction. D'abord, quand je dis qu'il y a... Enfin, ce n'est pas moi
qui lance le défi, je suis trop prudent pour cela. Je lis le même
article que vous lisiez tantôt, et ce que ça dit - excusez mon
accent: "Without exception, those interviewed Hewlett-Packard est
là-dedans - were opposed to quotas on the basis of race or sex";
"without exceptions". C'est dans le même article dont on parle depuis
tantôt.
Hewlett-Packard, ce qu'ils font, c'est ceci. À la fin de
l'année académique, ils invitent 500 - c'est le chiffre que
j'avais lu aussi - personnes membres de groupes cibles à effectuer dans
l'entreprise un stage d'une période qui est quand même assez
longue. À la fin de la période de stage, ils procèdent
à des embauches et, habituellement, en embauchent un bon nombre, mais ce
n'est pas un quota de 500.
M. Payne: Je ne suis pas d'accord, mais on va s'entendre pour
être en désaccord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Payne: Oui, cela va,
merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Vachon. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M.
Beauregard et M. Gauthier, du Conseil du patronat du Québec,
d'avoir présenté leur mémoire. Juste deux points
avant que je pose des questions. Premièrement, tout le monde est
d'accord avec vous, je pense, sur le fait qu'il faut que le secteur public
donne l'exemple. Pourquoi exclure la Société des alcools du
Québec? Mme Rochon, de la Coalition des femmes, hier, a donné
l'exemple de la discrimination systémique à la
Société des alcools du Québec. Je ne vois pas pourquoi il
faudrait exclure cette société qui, en effet, fait des affaires
commerciales. Ce n'est pas une société administrative, elle fait
des affaires commerciales, il ne faut pas l'exclure.
Une deuxième point que j'aimerais soulever, c'est que nous avons
entendu des groupes, hier, des femmes et des communautés culturelles, et
je pense qu'elles étaient très convaincantes en ce qui concerne
leurs demandes et elles étaient aussi très réalistes,
très responsables. Elles ont demandé, non pas de tout changer du
jour au lendemain, mais de commencer, de faire des choses, et je trouve
qu'elles étaient très réalistes. Vous avez parlé de
la discrimination à rebours et vous avez cité la jurisprudence
américaine qui dit que c'est inconstitutionnel, ainsi de suite. Vous
avez bien plaidé votre cause, mais il y a d'autres jurisprudences
où la Cour suprême des États-Unis a dit que cette
discrimination n'est pas inconstitutionnelle. En effet, elle a dit que
c'était constitutionnel.
Je vous cite seulement deux arrêts: L'arrêt Weber contre
Kaiser Aluminium and Chemical Corporation, qui se trouve au 443 United States
Report, à la page 193. Il y a aussi l'arrêt Fullilove qui se
trouve à 448, United States Report, à la page 448. Cela, c'est en
passant.
De toute façon, au Canada, étant donné que
l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés
prévoit qu'on peut avoir des programmes d'accès à
l'égalité, ce serait bien difficile de contester la
constitutionnalité d'un programme d'accès à
l'égalité, mais comme vous le savez - vous êtes avocat -
tout se plaide et tout se dit devant les tribunaux. On ne gagne pas chaque
fois, mais on peut contester. C'est le droit de tout citoyen de dépenser
son argent, d'engager un avocat et de se présenter devant les tribunaux.
Mais je pense que ce n'est pas la même chose au Canada qu'aux
États-Unis étant donné que l'article 15 de la charte
canadienne, le paragraphe 2 de cet article prévoit qu'on peut instaurer
des programmes d'accès à l'égalité. En ce qui
concerne la charte québécoise, il n'y a aucun problème
étant donné que nous avons la partie 3 de la charte
québécoise.
Je ne veux pas vraiment faire un débat constitutionnel ici, je ne
pense pas que ça va ajouter beaucoup, mais je veux juste souligner ces
deux points.
J'aimerais demander au Conseil du patronat s'il est d'accord avec le
"contract compliance" qu'on a aux États-Unis, c'est-à-dire
l'obligation contractuelle pour les compagnies de se soumettre à un
programme d'accès à l'égalité, si c'était
exigé par le gouvernement du Québec.
M. Beauregard: M. le Président, je vais laisser Me
Gauthier répondre à la première partie, non pas de la
question parce que c'est plutôt un commentaire, mais réagir
à ce commentaire-là et je répondrai à la question
de M. Marx.
Le Président (M. Gagnon): Me Gauthier.
M. Gauthier (Pierre): Évidemment, sans entrer dans un
débat constitutionnel et sans plaider l'affaire sur le fond, la
réaction d'un juge dissident, l'honorable juge Blackmun de la Cour
suprême, face à l'arrêt Stotts, qui est le dernier
arrêt de la Cour suprême là-dessus... d'après le juge
Blackmun c'est la fin de "l'affirmative action" aux États-Unis. Son
opinion est aussi partagée par le Département de la justice
américain qui a ordonné aux municipalités de laisser
tomber les quotas. Évidemment, je partage l'opinion du juge Blackmun et
celle du Département de la justice américain sur ce
point-là.
Évidemment, vous parlez de l'article 15 aussi, je pense que vous
raison. Mais l'article 15, pour moi, couvrirait ou légaliserait - et le
juge Hugessen l'a dit d'ailleurs dans l'arrêt du CN - les programmes
d'accès à l'égalité. Mais cela ne
légaliserait pas -évidemment tout se plaide - la discrimination
positive. Autrement dit, ce qui m'inquiète ou ce qui inquiète le
Conseil du patronat, ce sont les victimes de la discrimination positive, qui
pourraient possiblement avoir un recours, mais je reconnais que le professeur
Marx est un expert en constitution, je ne veux pas entrer dans un débat.
Mais quand même, c'est...
M. Marx: Vous êtes bien généreux, vous
êtes bien généreux.
Une voix: Ah oui!
M. Gauthier (Pierre): Je laisserai la parole à M.
Beauregard pour la deuxième partie.
Le Président (M. Gagnon): M.
Beauregard.
M. Beauregard: Pour la question du "contract compliance",
l'accord du Conseil du patronat avec cette procédure-là est
conditionnelle - cela aura l'air prétentieux de dire cela... Il est
évident que si la loi le prévoit, les entreprises vont s'y
soumettre.
M. Marx: Êtes-vous d'accord? Je pense que...
M. Beauregard: Au plan de l'accord -c'est cela - je pense qu'on
n'aurait pas de problème si le "contract compliance" s'appliquait, par
exemple, à l'intérieur de mesures semblables, comparables
à ce qu'on risque de retrouver au niveau fédéral,
où les obligations de l'entreprise - évidemment, vous allez me
dire que la réglementation n'est pas encore sortie, alors il est
difficile de comparer - mais ce qu'on en voit venir semble une avenue dans
laquelle on pourrait s'engager. Là où on ne pourrait pas
être d'accord, c'est si, pour faire affaires avec l'État, les
entreprises devaient remplir des quotas. Là, on revient à la
discussion de départ.
M. Marx: D'accord. On va faire abstraction des quotas pour le
moment. Vous dites que le Conseil du patronat serait d'accord avec l'obligation
contractuelle des compagnies de faire appliquer un programme d'accès
à l'égalité, si c'était prévu dans le
règlement ou dans la loi comme cela l'est aux États-Unis. Je ne
parle pas des détails de la réglementation, je parle du principe.
Vous êtes d'accord avec le principe.
M. Beauregard: Avec le principe qui reposerait sur des pratiques
d'accès à l'égalité.
M. Marx: Je trouve qu'il y a une certaine inégalité
aujourd'hui. Par exemple -et je prends une compagnie au hasard -quand
Bombardier fait affaires avec le gouvernement américain ou
peut-être d'autres gouvernements aux États-Unis, dans
l'état de New York ou dans l'état du Vermont, Bombardier doit
accepter de respecter cette réglementation qui prévoit la mise en
place de programmes d'accès à l'égalité. Mais quand
Bombardier fait la même chose au Québec, il n'y a pas de
programme. Si, au Québec, on achète des produits que Bombardier a
manufacturés aux États-Unis, les femmes américaines
bénéficient de toute cette réglementation
américaine dans l'état de New York; quand on achète ici,
les Québécoises ne bénéficient pas de ces
programmes d'accès à l'égalité. Je trouve qu'il y a
deux poids, deux mesures. Si des compagnies canadiennes, qui sont des filiales
des compagnies américaines, ou des multinationales qui font affaires
partout, y compris aux États-Unis, peuvent se soumettre à une
telle réglementation aux États-Unis, je ne vois pas pourquoi on
n'imposerait pas la même chose ici, pour que les femmes
québécoises ou les communautés culturelles
bénéficient de la même protection que les personnes dans la
même situation aux États-Unis. On est d'accord sur cela; vous
êtes d'accord en principe.
Maintenant, on arrive aux quotas. Je n'aime pas le mot "quota". Je suis
d'accord avec vous. Je n'aime pas ce mot, mais il faut avoir un objectif
numérique. Si on veut avoir un programme d'accès à
l'égalité, on ne peut pas travailler dans le vide. Il faut avoir
un objectif quelconque. Comment allez-vous établir les objectifs? Je
vais prendre l'exemple de la Commission de transport de la Communauté
urbaine de Montréal. L'autre jour, j'ai dit qu'il y avait huit
chauffeurs d'autobus femmes sur 3400 chauffeurs. On m'a fait savoir hier que
cela a maintenant augmenté à 23 chauffeurs femmes. Supposons
qu'on a un programme d'accès à l'égalité à
la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal.
Qu'est-ce qu'on fait en ce qui concerne les objectifs? Si on n'a pas
d'objectifs, je ne sais pas comment on va avoir un programme efficace.
Le Président (M. Gagnon): M. Beauregard.
M. Beauregard: Oui. Je crois que quand on parle d'objectifs,
c'est évident que dans tout programme à l'intérieur d'une
entreprise - qu'on parle d'accès à l'égalité ou de
quelque autre domaine de management de l'entreprise - il y a toujours des
objectifs à atteindre. Je pense que le problème réside
dans la façon dont on établit des objectifs, en fonction de quoi,
et en fonction de quoi on évalue par la suite les objectifs. Je disais
tantôt, par exemple, que dans certains domaines l'entreprise qui ouvre
des postes ne reçoit que des candidatures masculines. C'est ainsi dans
plusieurs domaines, particulièrement dans les secteurs les plus
techniques, et cela risque d'être comme cela longtemps, parce que dans
toute la machine d'éducation, que ce soit au secondaire, au
collégial ou même à l'universitaire, il n'y a pas de filles
inscrites là. À ce moment-là, je pense que le
problème n'est pas de fixer des objectifs. Le problème est
d'amener des femmes dans ces secteurs et les quotas, les objectifs
numériques - ou qu'on les appelle autrement - ne régleront jamais
ce problème. Donc, on peut être d'accord avec le fait que
l'entreprise se fixe des objectifs et qu'elle se les fixe en tenant compte de
sa réalité. Aux États-Unis, c'est comme cela que cela se
vit. Dans la législation fédérale qui est
déposée, c'est comme cela que c'est prévu.
M. Marx: Maintenant, si je comprends bien, vous n'êtes pas
contre les objectifs numériques, mais vous êtes pour des objectifs
numériques raisonnables, où cela est faisable.
M. Beauregard: On est contre des objectifs numériques qui
sont des quotas, si on veut appeler les choses par leur nom. Viser à
atteindre un quota, c'est
entreprendre une démarche qui nous mène obligatoirement
à l'atteinte de tel pourcentage, de tel nombre d'employés, de tel
groupe et à telle date. Il n'en est pas question. C'est aller à
l'encontre de toute espèce de saine gestion.
M. Marx: Je vais vous donner un exemple. La Commission de
transport de la Communauté urbaine de Montréal a
décidé de mettre en place un programme pour engager 150 femmes
comme chauffeurs. Ce n'est pas énorme, parce que, comme je l'ai
déjà dit, il y a 30 % de femmes à Chicago qui sont des
chauffeurs d'autobus, 18 % à Buffalo et ainsi de suite. Bon! Est-ce que
vous êtes d'accord avec un tel programme où on dit: On va en
engager un certain nombre? C'est un objectif numérique. Ce n'est pas un
quota, mais...
M. Beauregard: Voilà...
Le Président (M. Gagnon): Rapidement.
M. Beauregard: Oui. Dans un exemple comme celui-là, je
pense que la première chose extrêmement importante, c'est que
c'est la CTCUM elle-même qui se fixe son objectif. Donc, elle se le fixe
en pleine connaissance de cause et en sachant fort bien ce qu'elle peut
atteindre comme objectif.
Deuxième élément extrêmement important. Au
moment de l'évaluation du chemin parcouru, si par hypothèse,
pendant la période de temps prévue, la CTCUM a embauché 70
nouveaux employés, comment va-t-on évaluer l'atteinte de son
objectif? Si on ne tient pas compte des accidents de parcours et des conditions
particulières qui ont été vécues pendant cette
période, on ne peut pas être d'accord avec cela. Si on en tient
compte - et il faudra vraiment, à ce moment-là, en tenir compte -
c'est regardable.
M. Marx: Mais si... Est-ce que je peux tirer la conclusion que
vous n'êtes pas contre les objectifs numériques si c'est bien
fait?
M. Beauregard: Fixés par l'entreprise et évaluables
en tenant compte des critères précis qui sont propres à
l'entreprise.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le...
(11 h 30)
M. Marx: Je tire cette conclusion parce que je veux que l'on
sorte avec quelque chose pour que je puisse vous citer en exemple à
d'autres groupes.
M. Beauregard: II n'y a vraiment pas de problème de ce
côté-là.
M. Marx: C'est parce qu'au début, vous avez parlé
contre les quotas. Je n'aime pas le mot "quota", cela me fait peur, mais quand
on parle des objectifs numériques et quand on le fait d'une façon
raisonnable, si l'entreprise est d'accord et que tout le monde est d'accord,
cela me fait moins peur et, en fait, cela ne me fait pas peur. Je pense que
cela ne vous fait pas peur non plus.
M. Beauregard: Je voudrais m'assurer que, quand vous me citerez,
vous qualifierez comme je viens de le faire les objectifs
numériques.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuiile: Merci, M. le Président. Je suis
émerveillé de tous ces efforts de bonne volonté pour se
mettre d'accord mais, au-delà de cet. émerveillement, je n'en
crois pas grand-chose parce que je crois, M. Beauregard, que vous contredisez
votre propre mémoire. Votre mémoire est fondé sur
l'idée qu'il faut favoriser les programmes d'égalité des
chances qui protègent la personne, en vertu desquels l'individu est
considéré comme tel, et vous rejetez ce que vous appelez la
discrimination positive. Vous rejetez toute approche qui vise à
protéger des groupes et qui considère l'individu comme membre
d'un groupe cible.
Je ne vois pas, dans ce contexte, comment vous pouvez dire que vous
êtes en faveur non pas de quotas mais d'objectifs, parce que ces
objectifs seraient par rapport à des groupes et non pas par rapport
à des individus. Il me semble que vous êtes en contradiction avec
votre propre mémoire.
M. Beauregard: Pour moi, il n'y a pas de contradiction. Quand je
dis que nous sommes d'accord avec le fait que l'entreprise puisse se fixer ce
que l'on a appelé tantôt des objectifs numériques - dans ce
genre de débat, il faut faire attention aux mots - je n'ai pas dit que
l'entreprise, par la suite, devra obligatoirement respecter l'objectif
fixé indépendamment de ce qui s'est vécu pendant ce
temps.
Deuxièmement, comme on le disait tantôt, le Conseil du
patronat reconnaît que l'entreprise doit faire un effort pour en arriver
à équilibrer, dans la mesure du possible et là où
c'est possible, les effectifs en termes de groupes cibles. Les façons
pour le faire, pour y arriver, ce n'est pas précisément de fixer
des quotas, mais de prendre les moyens pour que les gens qui appartiennent
à ces groupes, d'abord, se présentent à l'embauche - c'est
une première
chose - et présentent à l'embauche les qualifications
requises pour que, lorsque l'on sélectionnera sur la base de la
compétence les candidats, le meilleur soit retenu. C'est
extrêmement important et il faut le retenir.
Dans ce sens, je reviens un peu a l'exemple que nous avons
utilisé tantôt: si l'objectif qui a été fixé
est d'embaucher, par hypothèse, 50 personnes de tel groupe, si
l'entreprise a dit qu'elle ferait les efforts pour y arriver et qu'au bout de
la période prévue, malgré les efforts qui ont
été faits pour amener à un niveau de compétence
égal et donc justifié une embauche de ces personnes, cela ne
s'est pas réalisé, il n'est pas question de les embaucher
strictement parce qu'il y avait un objectif. Ce ne doit être que la
compétence, au moment de l'embauche, qui prévale et absolument
pas l'appartenance à quelque groupe que ce soit. C'est ce que dit le
mémoire.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais citer
à M. Beauregard un extrait de la page 7 du mémoire qu'il nous
présente. "Le Conseil du patronat du Québec s'oppose à ce
qu'une personne soit traitée différemment du seul fait de son
appartenance à un soi-disant groupe cible". Mais traiter une personne
différemment du fait de son appartenance à un groupe, ce n'est
pas seulement l'engager ou ne pas l'engager, c'est l'inclure ou ne pas
l'inclure dans un objectif. Ou bien vous êtes en train de nous dire que
ces objectifs sont des choses de parade et de façade qui n'ont aucune
espèce d'importance et que, si l'entreprise ne les atteint pas, tant
pis.
D'ailleurs, j'ai l'impression que... Je vais vous citer une autre phrase
de votre mémoire: "Le Conseil du patronat du Québec
réprouve toute forme de discrimination à l'égard des
personnes, que ce soit à cause de leur race, de leur nationalité,
de leur sexe, de leur couleur, de leur âge ou de toute autre
caractéristique propre à un groupe de personnes, dans l'emploi
comme dans les autres secteurs de l'activité humaine". C'est une
admirable position de départ, mais je n'ai pas l'impression que vous la
soutenez parce que - je reviens à la page 7 - vous dites: "II croit
plutôt que, dans les cas de discrimination démontrés, il
faut identifier les victimes d'une situation discriminante particulière
- ce n'est pas fixer des objectifs, cela, c'est identifier des personnes - et
réparer les torts qu'elles ont subis".
On nous a donné, hier, l'exemple de certaines pratiques
d'embauche à la Société des alcools du Québec. On
nous a dit - je n'ai pas vérifié cela, apparemment c'est
changé mais cela a déjà été comme cela a ce
qu'on nous a dit - que pour devenir caissier il fallait avoir travaillé
à l'entrepôt. On engageait à l'entrepôt,
peut-être pour des raisons de musculature, que des hommes.
Cela voulait dire que les femmes n'avaient pas accès à des
postes de caissière. C'est un cas patent, si c'est réel, de
discrimination qu'on pourrait décrire comme une discrimination
systémique.
Je cherche à appliquer ce que vous dites à la page 7
à ce genre de situation. Il faut identifier les victimes d'une situation
discriminante particulière. Autrement dit, on va faire une enquête
à peu près impossible à faire, c'est l'aiguille dans une
botte de foin, pour trouver des femmes qui n'ont pas été
engagées comme employées d'entrepôt à la
Société des alcools du Québec. Tant qu'on n'aura pas en
main une liste de femmes qu'on aura refusé d'engager parce qu'elles sont
des femmes et aller faire la preuve que c'est parce qu'elles sont femmes qu'on
ne les a pas engagées, on ne fera rien. C'est ce que vous dites.
M. Beauregard: Absolument pas. Si vous permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Gagnon): M. Beauregard.
M. de Bellefeuille: Alors dites-moi, dans votre optique et plus
fidèlement à votre mémoire, ce que vous considérez
que vous pouvez faire dans ce cas-là.
Le Président (M. Gagnon): M. Beauregard.
M. Beauregard: Merci. Ce que le mémoire dit, c'est
précisément ceci: Que toute pratique à l'embauche
fondée sur des attitudes discriminatoires doit être trouvée
et doit sauter. Il n'est pas question de maintenir cela dans les pratiques
d'embauche.
Je reprends l'exemple que vous donnez, celui de la SAQ. En supposant que
cela se passe comme cela, je n'en ai aucune idée, si, par exemple, pour
pouvoir avoir accès à un poste de caissier, il faut passer par un
autre emploi et qu'il n'est pas question d'embaucher des femmes dans cet autre
emploi, c'est cela qu'il faut faire sauter. Il n'est pas question de maintenir
cela et on ne sera jamais d'accord avec ce genre de pratique-là. C'est
très clair. C'est cela que veut dire le texte du mémoire. Cela
veut dire non pas que le gouvernement vienne identifier dans les entreprises
les pratiques discriminatoires. Ce n'est pas cela du tout. On est d'ailleurs
dans une section où c'est l'entreprise qui passe au peigne fin son
processus d'embauche et tout son système de dotation de personnel. Quand
on se rend compte de ce genre de chose, c'est là que l'entreprise doit
intervenir et corriger ces situations.
Dans un deuxième temps, quelqu'un pose sa candidature, disons
à un poste de magasinier, et est refusé. On a de bonnes
raisons de croire que c'est parce qu'elle est femme qu'elle est
refusée. Tous les moyens sont disponibles actuellement pour renverser
une telle décision. Quant à nous, c'est de la discrimination et
cela ne doit pas exister. À moins, évidemment, que les exigences
d'emploi qui prévalent dans telle fonction, dans tel poste, soient
pleinement justifiées. Si ce n'est pas justifié, il n'est pas
question de maintenir cela. Pour répondre à cette objection.
Quant à la première partie de votre commentaire...
Le Président (M. Gagnon): Rapidement s'il vous
plaît:
M. Beauregard: Très rapidement. Je n'ai pas dit à
M. Marx que l'entreprise court après les quotas. Ce n'est pas ce que
j'ai dit. J'ai dit que l'entreprise peut, si elle croit raisonnable de le faire
et c'est un peu ce qui va se passer au niveau fédéral... Avec ce
volet-là, on est d'accord au fédéral. On a un autre
mémoire qui ne vous a pas été déposé bien
sûr. Dans la mesure où l'entreprise connaît bien sa
réalité, connaît bien ses contraintes, connaît bien
son avenir immédiat, dans la mesure où c'est possible, elle peut
possiblement, en respectant toujours les critères de compétence
à l'embauche et la plus grande compétence parmi les candidats
disponibles, atteindre tel nombre de personnes et s'engager à le
faire.
Quand j'ai parlé de marge aussi cela voulait dire qu'au bout de
cette période-là on évalue tout le processus. Il n'est pas
question de pénaliser l'entreprise parce que cela s'est passé
différemment.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. de Bellefeuille: Je n'ai pas terminé, M. le
Président. Nous avons jusqu'à midi.
Le Président (M. Gagnon): J'ai des quotas à faire
respecter en termes de temps.
M. de Bellefeuille: Non mais nous avons jusqu'à midi
n'est-ce pas?
Le Président (M. Gagnon): Vous avez quand même
dépassé votre temps.
M. de Bellefeuille: Je revendique mon droit de parole, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Allez-y!
M. de Bellefeuille: Merci. Je voudrais en venir maintenant
à cette distinction entre les quotas d'une part et, d'autre part, les
objectifs et les échéanciers. Vous nous avez dit que les
objectifs et les échéanciers mènent à des
quotas.
M. Beauregard: Cela peut y mener.
M. de Bellefeuille: Ah bon! Là, vous ajoutez "cela
peut".
M. Beauregard: Non, non, non, c'est ce qu'on dit
là-dedans.
M. de Bellefeuille: J'ai noté cela au moment où
vous l'avez dit: Cela mène à des quotas ou cela peut mener
à des quotas Boni C'est vous qui le dites, n'est-ce pas? Vous nous dites
cela à un moment où on parle de l'expérience
américaine à partir d'une citation d'un article du magazine
Fortune. Vous nous avez cité trois lignes: "Without exception, those
interviewed were opposed to quotas on the basis of race or sex." Vous avez
cité cela. Mais la citation, si vous me permettez de vous le dire, est
incomplète. Le ou la journaliste de Fortune cite ce rapport après
avoir affirmé ceci: "Opponents of affirmative action sometimes argue
that, in effect, goals and timetables amount to quotas but much of corporate
America disagrees." L'auteur de l'article est en train de faire la
démonstration qu'aux États-Unis l'opinion chez les dirigeants de
grandes entreprises indique très clairement qu'on maintient la
distinction entre, d'une part, les objectifs et les échéanciers
et, d'autre part, les quotas. C'est donc une citation incomplète que de
dire que ces gens s'opposent aux quotas. Ils s'opposent aux quotas, bien
sûr, mais ils sont très majoritairement, comme le
député de Vachon l'a démontré tout à
l'heure, favorables au maintien de ce qu'ils ont déjà mis en
place: les objectifs et les échéanciers. Vous avez
expliqué tout à l'heure pourquoi, à votre avis, aux
États-Unis, dans les grandes entreprises, on accepte le maintien des
objectifs et des échéanciers: parce qu'on a fait beaucoup de
dépenses pour cela, parce que cela a été toute une affaire
que de mettre cela en place dans l'entreprise. On a dépensé
beaucoup d'argent, cela a été toute une affaire, mais on a
atteint des résultats. Je crois que toute personne... Ce n'est pas
parfait, mais il y a des progrès et on atteint des résultats.
S'il n'y avait pas eu de résultats, tout le monde abandonnerait cela. La
raison pour laquelle on veut conserver ces programmes, c'est qu'ils ont permis
d'atteindre des résultats et que les entreprises trouvent que c'est
avantageux d'atteindre des résultats dans la lutte contre la
discrimination. J'aurais aimé entendre le Conseil du patronat du
Québec nous proposer des moyens concrets, sérieux et efficaces
d'atteindre des résultats plutôt que de nous donner un voeu pieux
d'opposition à la discrimination et, à partir de cela, dire: II
faut réparer les torts faits aux victimes sur une base individuelle et
ne pas s'occuper des groupes. Ce sont des groupes qu'il s'agit, M.
Beauregard. Quand on parle de discrimination à cause de la
couleur ou du sexe, il s'agit de groupes. Si vous ne faites pas face à
cette réalité, vous ne pourrez pas nous aider beaucoup dans
l'élaboration d'un règlement efficace. Merci.
Le Président (M. Gagnon): M.
Beauregard. Ensuite, ce sera Mme la députée de
Maisonneuve.
M. Beauregard: Je veux seulement compléter en disant que,
oui, on s'oppose aux quotas et on va continuer à le faire, parce que ce
n'est pas le moyen pour régler des problèmes. Ce que j'ai dit
tout à l'heure en citant - et je pense que ma citation était
complète dans la mesure où on cite une phrase complète -
c'est que les hommes d'affaires américains interviewés, à
l'unanimité, ne veulent pas entendre parler de quotas. Ce avec quoi ils
sont d'accord, c'est avec ce qu'on a dit tout à l'heure et je ne
reprendrai pas toute l'explication. Mais le Conseil du patronat est tout
à fait d'avis semblable.
Par ailleurs, quand vous parlez des moyens qu'on préconise, je
pense que le moyen pour régler le problème là où il
existe, c'est précisément d'amener les gens dont la
répartition de la main-d'oeuvre dans l'entreprise est trop faible par
rapport à ce qu'ils représentent à avoir ce qu'il faut
pour y aller. C'est-à-dire que, par exemple, si on ne retrouve pas de
femmes dans les secteurs de mécanique d'ajustage des entreprises -Bon
Dieu! - formons-en avant d'imposer des quotas. On aura beau imposer tous les
quotas du monde, s'il n'y en a pas, qu'est-ce qu'on sera obligé de
faire? On va laisser tomber les quotas ou, encore, on va embaucher des femmes
seulement parce que cela nous permet d'atteindre un quota. À ce
moment-là, on n'aura rendu service à personne. Je pense que
c'est, d'abord et avant tout, une question de formation dans bien des secteurs.
Je ne dis pas que c'est le cas partout. Mais, dans bien des cas, c'est
là qu'est le problème de base.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve. Deux minutes.
Mme Harel: Deux minutes et demie.
Le Président (M. Gagnon): Deux minutes et demie.
M. Marx: Trois minutes. (11 h 45)
Mme Harel: Bon. M. le Président, j'aimerais revenir
à ce que vous considérez être la toile de fond. D'ailleurs,
c'est le titre de la page 2 de votre mémoire: "Oui à
l'égalité des chances, non à la discrimination positive".
J'aurais espéré un titre qui dise: "Oui à
l'égalité des chances et non à la discrimination
systémique". On ne retrouve aucune référence dans votre
mémoire à la réalité de la discrimination
systémique. Est-ce parce que vous considérez que cette
discrimination systémique n'existe pas? Vous faites abondamment
état des victimes appréhendées de discrimination positive.
Moi, en fait, présentement, ce qui m'intéresse ce sont les
victimes de la discrimination systémique, celle qui est actuellement en
usage. Justement, dans cette toile de fond que vous décrivez, vous nous
donnez comme un choix entre l'égalité des chances et la
discrimination puis le rejet de la discrimination positive, en confondant les
quotas avec des objectifs numériques qui dans le règlement sont
assez relatifs dans le temps selon la disponibilité, selon les
effectifs, selon le système d'emploi, comme s'il fallait rejeter les
objectifs numériques parce qu'on rejette les quotas.
D'abord, je pense qu'il y a une confusion qu'il ne faut pas faire entre
les deux. Vous nous faites comme un choix entre égalité des
chances, d'une part, et discrimination positive, d'autre part. Où est-ce
qu'on peut rejeter la discrimination systémique? Dans la nomenclature
que vous faites de ce qui décrit l'égalité des chances,
par exemple, je ne vois aucune présomption de discrimination. Alors,
s'il n'y a pas de présomption de discrimination, c'est parce que vous ne
faites aucun cas de ce qu'est la discrimination systémique. Est-ce que,
à ce moment, implicitement, vous considérez qu'il s'agit
là de choix personnels qui feraient, par exemple, que des groupes, par
des choix individuels, seraient amenés à vivre dans des emplois
où ils sont moins bien rémunérés, où ils ont
moins de chances de promotion? Tout cela serait le résultat de choix
personnels?
Le Président (M. Gagnon): M.
Beauregard.
M. Beauregard: Je dirais que - je commence par la toute
dernière partie de votre question - la situation qu'on constate
actuellement sur le marché du travail est le résultat d'une
évolution sociale qui a été la nôtre et qui a
été celle d'à peu près tous les autres pays
occidentaux. Comment se fait-il qu'on retrouve en si grand nombre des femmes
dans tels types de profession ou de métier? Je pense que c'est
l'évolution de ce qui s'est passé. C'est là justement
qu'il faut briser cette espèce de tendance qui est donnée par la
formation dont je parlais tantôt. Je ne reprendrai pas ce que j'ai dit
sur la formation. Si on ne forme pas des femmes pour aller ailleurs que
là où elles vont depuis 100 ans, elles vont continuer à y
aller, semble-t-il. Je vous réfère aux propos de Mme MacKenzie,
présidente du Conseil du statut de la femme, qui, lors du lancement
d'un document gouvernemental qui s'appelle: Explorons de nouveaux
espaces, ou quelque chose comme ça, déplorait elle-même
qu'il y a, dans les secteurs au niveau professionnel dominés par les
hommes, à peu près 2 % d'inscriptions de femmes seulement. Il n'y
en a pas qui y vont. Mme McKenzie disait: II faut d'abord commencer par envoyer
des femmes là, ce qui ne se passe pas actuellement. Ce n'est pas un
choix personnel au plan d'individus, actuellement, en 1985, qui décide
que... Mais c'est un choix personnel historique, si on veut, qui a fait que les
femmes se sont retrouvées dans ces professions.
Pour revenir à la deuxième partie de votre question, on ne
fait pas état nommément du problème de la discrimination
systémique parce que, croyons-nous, quand on passe en revue les actions
que l'entreprise doit prendre - c'est quand on parle de l'article 6, je crois,
du projet de règlement -s'il y a des pratiques discriminatoires qui
mettent en place de la discrimination systémique, on va les trouver dans
ce processus et on devra les corriger. Maintenant, il faut faire attention,
encore là. Aux États-Unis, ils ont commencé avant nous et
c'est normal qu'on fasse référence à eux parce qu'ils ont
déjà certains résultats. Dans certains États
américains, dans l'État de Washington, par exemple, on s'est
lancé dans ce qu'on a cru être des redressements de vieille
discrimination systémique. Or, il y a une décision assez
récente des tribunaux - je pense que cela date de deux ou trois semaines
- qui met un frein à tout ce processus parce qu'on est en train de
causer plus de problèmes qu'on essayait d'en régler.
Pour résumer là-dessus, à partir du moment
où l'entreprise relève et le fait bien, dans tout son processus
de dotation et de gestion de ses ressources humaines, les pratiques qui peuvent
être discriminatoires, on devrait aussi, par ce biais, s'attaquer
à la discrimination systémique.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
Mme Harel: Rapidement, M. le Président. Vous avez un souci
intéressant sur le plan de la formation et de l'orientation. Il est
maintenant prouvé, - puisqu'il y a 20 ans derrière nous de
présence de femmes, particulièrement dans les milieux de
l'enseignement supérieur - qu'à diplôme égal les
femmes n'occupent pas les emplois dans les centres de décision. Elles
n'ont pas des revenus équivalents à ceux qui sont détenus
par leurs confrères.
J'aimerais que vous me disiez ceci. Par exemple, le programme du
ministère de l'Industrie et du Commerce qui s'appelle Entrepreneurship
au féminin, programme qui ne s'adresse spécifiquement et
exclusivement qu'à des femmes qui veulent se lancer en affaires,
jugez-vous que c'est de la discrimination positive qui devrait être
abandonnée?
M. Beauregard: Je pense que dans un contexte comme
celui-là les tribunaux, si jamais il y a quelqu'un qui s'en donnait la
peine sérieusement, trancheraient la question. Effectivement, cela en
est.
Mme Harel: Cela a amené de la discrimination positive.
Vous considérez que ce type de discrimination doit être
écarté.
M. Beauregard: Dans l'état actuel du dossier, comme on l'a
dit tantôt - Me Gauthier a expliqué un peu pourquoi - on pense que
cela serait de la discrimination. C'est vous qui rappeliez tantôt que la
base de notre position est simple. Il faut que la compétence des
personnes qui ont souffert soi-disant de discrimination soit portée au
même niveau que celle des autres, de façon qu'elles aient un
accès aux professions et aux emplois. Là-dessus, je ne veux pas
passer l'heure à nous citer des études, mais il y a une
très bonne étude qui a été faite par le Conseil
économique du Canada, que je vous conseille, qui démontre que la
discrimination dont on parle beaucoup... Cela s'intitule "Évolution de
la situation économique des femmes." Cela a été fait par
le Conseil économique du Canada l'an passé.
L'étude démontre qu'après avoir raffiné les
statistiques... Si on prend les femmes et les hommes de façon globale et
qu'on compare les salaires, c'est bien évident, on le sait, c'est
à peu près les deux tiers du salaire des hommes qui sont
versés aux femmes. Si on raffine la statistique et qu'on regarde qui
fait partie de quel groupe, quelles sont les qualifications et qu'on descend la
statistique jusqu'à son dernier raffinement, les auteurs de cette
étude en arrivent à la conclusion qu'à peine 10 % des
écarts pourraient éventuellement être imputables à
de la discrimination mais n'affirment pas que 10 % des écarts sont
imputables.
Mme Harel: II ne faut pas s'attendre à des programmes de
discrimination positive de la part du Conseil du patronat pour accroître
le nombre de femmes dans les milieux d'affaires ou au Conseil du patronat
alors.
M. Beauregard: Si vous me parlez de programmes de discrimination
positive, la réponse serait très claire, c'est non.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Jonquière, très rapidement.
Mme Saint-Amand: M. le Président, je veux qu'on reste sur
le sujet des métiers non
traditionnels exercés par les femmes. Je suis d'accord avec une
affirmation de votre mémoire lorsque vous dites qu'une orientation
professionnelle de meilleure qualité particulièrement pour les
filles des secteurs professionnel et secondaire - et une publicité
efficace et de bon goût devraient inciter les filles à se diriger
davantage vers des carrières qui leur sont encore inconnues.
D'autre part, par une affirmation que vous faisiez tout à
l'heure, je ne sentais pas chez vous le désir de voir très
bientôt beaucoup plus de femmes accéder à ces
métiers. Lorsque vous dites qu'il n'y en a pas de femmes qui
s'inscrivent dans ces métiers, vous me permettrez de ne pas partager
votre avis là-dessus parce qu'il y a de nombreuses femmes, maintenant,
qui suivent des cours de formation professionnelle à différents
niveaux dans des métiers non traditionnels.
Ce que j'aimerais vous entendre dire, ce que j'aimerais savoir de la
part du Conseil du patronat, c'est si vous seriez prêts à
recommander aux entreprises d'abord de travailler en collaboration avec nos
institutions qui forment ces filles dans des métiers non traditionnels,
à vous associer à ces campagnes de publicité, à
faire connaître les métiers non traditionnels où des filles
pourraient maintenant exercer une carrière et si vous iriez
jusqu'à recommander qu'un certain nombre de postes soient gardés
disponibles pour des filles ou des femmes qui aimeraient faire carrière
dans ces métiers.
M. Beauregard: II y a plusieurs choses dans votre question.
À l'ensemble des éléments de votre question, la
réponse est oui, sauf à un. Quand vous dites: Garder un certain
nombre de postes pour ces gens, la réponse à cela c'est non.
C'est vite dit, maintenant j'explique tout cela.
D'abord, quand je vous disais tantôt qu'on constate qu'il n'y a
pas de femmes ou très très peu dans certains métiers, je
citais Mme McKenzie, du Conseil du statut de la femme, qui déclarait
cela très récemment. On était la semaine dernière -
c'est à un niveau seulement - avec les responsables de la Commission de
formation professionnelle au niveau collégial au Conseil des
collèges. On nous confirmait la même chose. C'est infime. C'est en
bas de 2 % dans l'ensemble des cas. Il y en a quelques-unes, mais il n'y en a
pas qui s'inscrivent là de façon significative. Oui, on le
suggère. On s'est même associé au sommet sur les conditions
économiques des Québécoises au mois de mai. On s'est
associé à une volonté de mettre sur pied une campagne, de
diffuser de la publicité pour inciter les femmes à aller dans ces
secteurs. Il n'y a aucune doute là-dessus. On en arrive toujours
à ce qu'on considère être le principe de fond de notre
mémoire. Qu'on s'organise avant le moment où il y a un poste
disponible dans une entreprise pour ramener là-dedans les membres des
groupes cibles et l'embauche se fera strictement sur la compétence.
Je termine en faisant un parallèle avec une autre façon de
faire qui a été établie pour essayer de favoriser
l'embauche de membres de groupes cibles. C'est celle qui a été
mise sur pied par l'Office des personnes handicapées du Québec.
C'est un programme d'embauche fait par l'entreprise d'après ce qu'elle
connaît de ses possibilités. Il n'y a pas d'obligation
là-dedans en termes d'objectifs numériques vus au sens des
quotas, mais c'est un programme qui, d'après l'OPHQ, actuellement,
fonctionnerait assez bien. C'est peut-être une voie qui serait plus
acceptable.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse auprès
du député de Saint-Jacques de ne pas pouvoir le
reconnaître. Notre temps est passé. Il reste trente secondes
seulement au député de Vachon pour le mot de la fin.
M. Payne: Juste une petite mise au point, parce que c'est la
crédibilité de la commission, je pense, qui est en jeu. Lorsque
M. Beauregard a voulu nous faire croire que des 500 plus grandes compagnies
américaines - je cite - "pas une seule sans exception n'appuie les
quotas", il s'est basé, dit-il, sur le questionnaire de 1984
précité. Or, sa citation était une réponse à
un sondage de la Ford Foundation de 1984 fait auprès de seulement 49
fournisseurs du gouvernement américain. Le point est qu'elle est contre
les quotas - on s'entend là-dessus - mais qu'elle est implicitement pour
les objectifs numériques et les échéanciers. On a dit:
Aucune ne croit que les politiques des objectifs numériques et des
échéanciers adoptés nécessitent des quotas. Je
pense qu'il ne faut pas induire la population en erreur.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Beauregard: Je veux seulement rassurer le député
de Vachon, je n'ai absolument pas voulu induire la commission en erreur. J'ai
cité cette phrase qui est au coeur de l'article dont on parlait
tantôt.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, MM. Beauregard
et Gauthier ainsi que le Conseil du patronat du Québec. Nous allons
maintenant entendre le Centre de recherche-action sur les relations raciales.
Nous suspendons les travaux pendant cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 59)
(Reprise à 12 h 5)
Centre de recherche-action sur les relations
raciales
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous accueillons maintenant le groupe Centre de recherche-action
sur les relations raciales. Je demanderais aux gens qui sont ici, aux
porte-parole de s'identifier et d'identifier les gens qui les accompagnent.
M. Malik (Waheed): M. le Président, je m'appelle Waheed
Malik, je suis président de cette organisation. Je suis
accompagné de Mme Brenda Lee, vice-présidente, et de M. Fo Niemi,
directeur de l'organisation.
Le Président (M. Gagnon): Comme à tous les groupes
- je le mentionnne - nous vous accordons 55 minutes, soit 20 minutes environ
pour résumer votre mémoire et 35 minutes de dialogue avec les
membres de la commission. Je vous cède la parole
immédiatement.
M. Malik: Si vous permettez nous allons lire le mémoire
puisque c'est assez court. Nous allons le lire en trois parties. Je vais
commencer avec la première partie, M. Niemi suivra avec la
deuxième partie et Mme Brenda Lee, avec la conclusion.
Avant de faire la lecture du mémoire j'aimerais quand même
consacrer quelques minutes à l'organisation Centre de recherche-action
sur les relations raciales.
C'est un organisme de sensibilisation du public à but non
lucratif, actif dans la promotion de relations raciales harmonieuses et de
l'accès à l'égalité pour les minorités au
Québec et dans le reste du Canada. Son objectif principal est de
favoriser la participation entière et égale des membres des
groupes minoritaires ethniques et raciaux aux affaires publiques canadiennes et
québécoises et de les encourager à se prévaloir de
leurs droits, de leurs privilèges, de leurs avantages et de leurs
devoirs de citoyens.
Le CRARR se préoccupe de l'accès à
l'égalité des minorités dans nos institutions sociales,
économiques, légales et éducatives. Sa priorité est
la discrimination raciale institutionnelle, c'est-à-dire les
barrières structurelles qui ont pour effet d'exclure les
minorités des institutions clés, comme la fonction publique, les
affaires et l'industrie, le système judiciaire, les médias
d'information, les écoles, etc.
Le CRARR se préoccupe aussi des droits civiques des
minorités tels qu'ils sont protégés par la constitution
canadienne et les différentes législations des droits et
libertés de la personne.
Son principal intérêt est de s'assurer que les
minorités soient au courant de leurs droits et les utilisent afin
d'améliorer leur bien-être.
Le Centre de recherche-action sur les relations raciales a le plaisir de
soumettre ce mémoire à la commission des institutions sur les
programmes d'accès à l'égalité. La commission qui
est chargée d'étudier le projet de règlement sur les
programmes d'accès à l'égalité a invité le
public québécois (individus et organismes) à
présenter son point de vue sur ce projet de règlement. Cependant,
le CRARR croit qu'une approche globale est nécessaire, voire
impérative, compte tenu de la nature même du sujet et de son
impact sur la société québécoise. Dans cette
perspective globale, le projet de règlement sera couvert en tant que
partie intégrale de notre mémoire.
Pour nous, l'action positive n'est pas une question de traitement
préférentiel, de discrimination à rebours ou de
système de quotas. Il s'agit plutôt de l'équité
économique et de l'utilisation maximale de nos ressources les plus
riches et les plus précieuses, c'est-à-dire nos ressources
humaines.
Étant une organisation vouée à la promotion des
droits socio-économiques de toutes les minorités du
Québec, le CRARR vous demande de voir et d'accepter deux
réalités fondamentales de la société
québécoise: 1) le Québec a toujours été une
province multiculturelle et multiraciale composée de communautés
de diverses origines, y compris les nations aborigènes; 2) les
institutions québécoises (politiques, économiques,
juridiques et sociales) n'ont jamais reflété cette
réalité.
Pour nous, la société québécoise s'est
développée à partir des inégalités
structurelles et de la discrimination systémique où la race,
l'origine ethnique, le sexe et la productivité en sont les facteurs
déterminants. Toutes ces formes d'inégalités sont bien
documentées dans maints rapports et études, pour n'en citer que
quelques-uns: 1) Le rapport de la Commission Royale sur l'union
économique et les perspectives de développement du Canada, 1985.
2) L'Égalité en matière d'emploi, rapport d'une Commission
Royale présidée par le juge Mme Rosalie Abella, 1984. 3)
L'Égalité ça presse!, 1984. 4) CIPACC, le Comité
d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés
culturelles, Rapport d'activités de 1982-1984. 5) Autant de
façons d'être Québécois, 1981. 6) Groupe de travail
parlementaire sur les perspectives d'emploi dans les années 80,
publié en 1981.
Toutes ces études proposent des mesures concrètes
d'accès à l'égalité dans le domaine de l'emploi. Ce
qui manque c'est la volonté politique pour les mettre en applica-
tion. Mais, avant d'agir, il faudra d'abord éliminer tous les
obstacles idéologiques et les mauvaises perceptions qu'on a au sujet de
l'équité en matière d'emploi.
Nous vous invitons à observer trois principes directeurs: 1)
éviter de se comparer au modèle américain, surtout en ce
qui concerne ses aspects négatifs. Le modèle américain se
situe dans un cadre de référence basé sur un
système de quotas, de confrontation et de litige; 2) situer l'action
positive (ou programme d'accès à l'égalité) dans
une perspective de planification et de développement des ressources
humaines, surtout dans la conjoncture économique actuelle, où il
y a, d'une part, un taux élevé de chômage et, d'autre part,
une concentration de la demande de main-d'oeuvre dans les secteurs
spécialisés; 3) traiter les membres des groupes minoritaires dans
la société québécoise comme des citoyens à
part entière. Il est temps qu'on cesse de les étiquetter "les
immigrants" et de les marginaliser en conséquence.
Je passe la parole à M. Niemi pour la deuxième partie du
mémoire.
M. Niemi (Fo): La charte québécoise est l'outil
clef qui permettra à ce projet de règlement de devenir
opérationnel. Il est clair que tout règlement, quelle que soit sa
formulation, ne peut être efficace que si la loi qui le sous-tend est
précise et ne comporte aucune contradiction.
C'est pour cette raison que nous croyons nécessaire de faire
quelques commentaires préalables sur la charte, particulièrement
sur les articles 86.2 et 86.7 qui, eux-mêmes, limitent
sérieusement la mise en place des programmes d'accès à
l'égalité. Pour le mémoire, on va dire PAE qui signifie
programme d'accès à l'égalité.
Premièrement, il faut se rappeler que c'est seulement le
deuxième paragraphe de l'article 86.2 qui a été mis en
vigueur. Il se lit, comme vous le savez: "La commission, lorsqu'elle en est
requise, doit prêter son assistance à l'élaboration d'un
tel programme." Il est prévu, d'après cet article, que toute
entreprise qui adopte volontairement un PAE n'est pas forcée de se
prévaloir des services de la commission pour la mise en place d'un tel
programme. Il est possible, donc, qu'un PAE adopté par une entreprise
diffère de celui adopté ailleurs. Cela comme tel ne pose pas
vraiment de problème pour nous. Cependant, il n'existe dans cet outil
aucune référence se rapportant aux normes minimales que
l'entreprise devrait prendre en considération si elle adopte un PAE.
Pour cette raison, nous recommandons donc que des normes minimales,
telles qu'inscrits dans les règlements, soient incluses dans les
programmes volontaires et que ces programmes soient approuvés par la
commission.
Deuxièmement, le deuxième article qui devrait être
modifié est l'article 86.7 qui se lit ainsi, comme vous le savez: "Le
gouvernement doit exiger de ses ministères et organismes l'implantation
de programmes d'accès à l'égalité dans le
délai qu'il fixe. Les articles 86.2 à 86.6 ne s'appliquent pas
aux programmes visés dans le présent article. Ceux-ci doivent
toutefois faire l'objet d'une consultation auprès de la commission avant
d'être implantés." Il est clair d'après l'article 86.7 que
les ministères et organismes du gouvernement ne sont pas assujettis aux
règlements présentement étudiés. Cela veut dire
simplement que le traitement différentiel que le gouvernement s'accorde
ne peut pas être acceptable et est discriminatoire dans la mesure
où le secteur privé lui-même est aussi assujetti aux
règlements prévus dans cette loi. Au CRARR, nous sommes d'avis
que le concept d'universalité soit aussi retenu en ce qui concerne
l'application des règlements du PAE au sein du gouvernement et pour ses
organismes.
Le gouvernement - nous aimerions le souligner - a l'obligation
d'être le modèle pour les PAE et, pour cela, il est important que
les obligations, les objectifs et les politiques qu'il développe
suscitent la promotion des PAE. Pour qu'un climat positif puisse promouvoir
l'acceptation des PAE dans la société québécoise,
il faut que les échéanciers dans l'implantation des PAE au sein
du gouvernement lui-même soient clairement identifiés, et
aussitôt que possible. Il est aussi important que la définition du
mot "organismes" dans l'article 86.7 inclue tous les services du gouvernement,
y compris le secteur parapublic, qui relèvent directement des fonds
publics. Dans le cas du secteur des affaires sociales, cela implique la grande
majorité des employé(e)s et services de ce ministère. (12
h 15)
En résumé, nous avons quelques recommandations claires: 1)
que la définition du mot "organismes" dans l'article 86.7 inclue tous
les services et secteurs public et parapublic; 2) que les PAE prévus
pour le gouvernement soient conformes aux règlements prévus dans
l'article 86.8; 3) que les délais prévus dans l'article 86.7
soient identifiés, par exemple, deux, trois ou cinq ans; et 4) qu'un
comité de consultation et de vérification des PAE au sein du
gouvernement, qui inclura des représentants des groupes cibles et de la
Commission des droits de la personne, soit mis en place pour l'application de
ces programmes.
Nous avons aussi une autre partie dans notre mémoire qui traite
des articles du
projet de règlement de façon individuelle et
séparée. Ce serait trop long de la citer ici, mais j'aimerais
juste souligner quelques points importants: 1) l'importance et la
nécessité d'avoir une clause, que ce soit dans le projet de
règlement ou dans la charte, pour promouvoir la question de l'obligation
contractuelle qui, en anglais, est plus reconnue comme "contract compliance"
pour promouvoir l'égalité dans le secteur privé; 2) le
besoin d'avoir des mesures de soutien pratiques et concrètes pour les
membres des groupes cibles, que ce soit dans le secteur public ou privé,
pour servir comme mesures supplémentaires aux mesures d'accès
à l'égalité; 3) la chose fondamentale, en ce qui nous
concerne, c'est le besoin d'avoir des données statistiques et des
informations précises basées sur la race, l'origine ethnique des
gens, afin que nous puissions faire l'analyse, que ce soit en fonction des
politiques sociales ou des politiques économiques, des conditions de ces
groupes cibles, surtout les groupes qu'on appelle les minorités visibles
ou les groupes des communautés culturelles qui, jusqu'à
présent, souffrent de ce que nous appelons une sorte de manque de
couleur dans les statistiques du gouvernement concernant, par exemple, leur
taux de participation sur le marché du travail. On n'a aucune
idée de la participation des minorités visibles là-dedans,
même quant au taux de chômage ou au taux de sous-formation des
membres de ces groupes minoritaires.
J'aimerais passer la parole à notre vice-présidente pour
la conclusion et, ensuite, nous répondrons à vos questions.
Le Président (M. Gagnon): Mme Brenda Lee, n'est-ce
pas?
Mme Lee (Brenda): It is unfortunate that those individuals and/or
groups who are opposed to the employment equity regulations have perceived
those as one more set of bureaucratic intervention into the natural order of
the marketplace.
However, as stated earlier, the problem of equitable participation and
access of women, the disabled, Native people and cultural minorities is also a
question of fighting discrimination and racism. Those two social phenomena are
not organic elements of the economic rationale of our society. We cannot accept
that any other element besides fair play enter in the negotiation between
buyers and sellers of goods and/or services.
It is therefore, in our view, totally within the logic of and the right
of a pluralistic and democratic society such as ours to ensure that all
citizens have a guarantee of equal opportunity.
It is fitting that we conclude this brief with an extract from a speech
delivered by the Honourable Judge Rosalie Abella on the 21st of
March 1985, at a banquet organized by our agency in Montreal: "People are
disadvantaged for many reasons and may be disadvantaged in a variety of ways:
economically, socially, politically or educationally. Not all disadvantages
derive from discrimination. Those that do demand their own particular policy
responses. "To create equality of opportunity, we have to do different things
for different people. We have to systematically eradicate the impediments to
these options according to the actual needs of the different groups, not
according to what we think their needs should be. And we have to give
individuals an opportunity to use their abilities according to their potential
and not according to what we think their potential should be. The object of the
process is to prevent the denial of access to society's benefits because of
distinctions that are invalid. "Unless we reject arbitrary distinctions,
economically and socially disadvantaged groups will remain unjustifiably in
perpetual slow motion. The objectives of breathing life into the notion of
equality are to rectify as quickly as possible the results of parochial
perspectives which unfairly restrict women, Native people, disabled persons and
ethnic and racial minorities. "If we do not act positively to remove barriers,
we will wait indefinitely for them to be removed. This would mean that we are
prepared in the interim to tolerate prejudice and discrimination. By not
acting, we unfairly ignore how inherently invalid these exclusionary
distinctions are, and we signal our acceptance as a society that stereotypical
attributes assigned to disadvantaged groups are appropriate justifications for
their disproportionate disadvantages. "If they are not appropriate, and
intrinsically they are not, we have an obligation as a society to remedy this
inequity. It is in the act of remedying the inequity that we show our
commitment to equality. In this sense, inactivity, however it is translated
into defensive public or private rhetoric, is an acceptance of inequality. No
exigency, economic or political, can justify the knowing perpetuation of
inequality in Canada. If we fail to rectify it, we guarantee its survival."
Comme cela, il faut agir.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M.
Niemi, M. Malik et Mme Lee du Centre de recherche-action sur les relations
raciales pour la présentation de leur mémoire très
intéressant.
Il y a un certain nombre de choses. Je pense qu'il y a un certain
consensus au
moins en ce qui concerne les groupes qui se sont présentés
devant la commission, c'est-à-dire que tout le monde pense que le
gouvernement doit se lier, donner l'exemple dans ce domaine des programmes
d'accès à l'égalité et qu'il faut préciser
le règlement pour le rendre plus efficace ou, comme on dit en anglais,
"to make it workable" parce qu'il y a peut-être des articles qui seront
difficilement applicables.
Je cite à la page 3 de votre mémoire, le premier des trois
principes directeurs: "Nous vous invitons à observer trois principes
directeurs: 1. éviter de se comparer au modèle américain,
surtout en ce qui concerne ses aspects négatifs. Le modèle
américain se situe dans un cadre de référence basé
sur un système de quotas, de confrontation et de litige."
Vous êtes favorables à l'obligation contractuelle.
D'accord? Aux États-Unis, ils ont beaucoup d'expérience avec le
"contract compliance", l'obligation contractuelle. Ma question est celle-ci:
Quels sont les aspects négatifs aux États-Unis? Est-ce que vous
trouvez que les quotas sont négatifs? Qu'est-ce que c'est la
confrontation? Et le litige? Je comprends que tout le monde pourrait aller en
cour le cas échéant mais c'est difficile d'éviter
cela.
M. Malik: On va diviser la réponse en deux parties. Je
vais essayer de situer cela dans un contexte historique. C'est sûr qu'aux
États-Unis, au départ, il y a une vingtaine d'années, on a
essayé de faire monter les membres des groupes qui étaient
vraiment victimes de discrimination au niveau de l'emploi. Dans ce
sens-là, un système de quotas a été imposé.
Cela a commencé avec les Noirs et ensuite avec d'autres groupes qui ont
été identifiés au fur et à mesure que le programme
avançait.
On est maintenant en train de regarder en arrière,
c'est-à-dire "hindsight". À ce moment-là on réalise
qu'il y a eu des confrontations parce qu'il y a des groupes qui commencent
à contester. Le cas Bakke est un exemple flagrant des groupes qui ont
contesté le système de quotas. Il y a d'autres exemples aussi.
Pour moi, il faut situer cela dans un contexte historique pour voir quels sont
les aspects négatifs et quels sont les aspects positifs.
Je pense que je vais demander à Fo de donner une réponse
pertinente.
M. Niemi: Pour ce qui est du système de quotas, je pense
que tout le monde est d'accord sur le fait que le système de quotas
possède beaucoup plus de choses négatives que de choses
positives. C'est un système plus rigide qui favorise lui-même,
dans un sens, une sorte d'inégalité dans la question du "fair
play". Je pense qu'il n'y a pas de doute là-dessus.
Quant à la confrontation et aux litiges, quand on parle
d'exemples américains, il faut toujours nous souvenir que nous sommes au
Canada. Surtout au Québec, nous avons, premièrement, une culture
politique différente: nos institutions politiques et juridiques sont
différentes. Deuxièmement, nous n'avons pas, comme M. le
président vient de le dire, d'excuse historique pour justifier l'action
positive envers les groupes de minorités au Canada, sauf pour les
groupes autochtones du pays et pour les Noirs en Nouvelle-Écosse. Aux
États-Unis, à cause de l'esclavage, le système de quotas
est perçu depuis plusieurs décennies comme une méthode
justifiée pour corriger les injustices du passé. "We are
different, here."
Au chapitre des litiges, je pense qu'avec la charte des droits on
commence à entrer dans une ère où toute dispute, qu'elle
soit privée, publique ou politique, va être portée devant
la cour. Cela peut être néfaste dans le sens que cela va
coûter beaucoup d'argent, que cela va prendre beaucoup de temps et que,
selon notre tradition parlementaire, les tribunaux n'ont pas le même
pouvoir de légiférer qu'aux États-Unis. C'est dans ce sens
que nous voyons l'aspect négatif du modèle américain.
M. Marx: Je trouve cela très intéressant, parce
qu'il y a des groupes qui sont venus et qui ont louange le modèle
américain, mais ils n'ont pas - comment dirais-je? -
dépisté les aspects négatifs, comme vous l'avez fait. Je
pense qu'on peut envisager de suivre, jusqu'à un certain point, le
modèle américain, mais il faut éviter ses problèmes
et ses aspects négatifs. Vous êtes contre les quotas. D'accord.
Mais est-ce que vous êtes pour un objectif numérique? Faut-il
avoir un...
M. Niemi: On devrait clarifier ceci: les objectifs
numériques ne sont pas des quotas. Dans les autres provinces, surtout en
Saskatchewan, c'est grâce à ces objectifs numériques que
beaucoup de compagnies de la couronne et d'organismes parapublics ont pu
améliorer la représentation, au sein de la fonction publique, des
groupes autochtones, surtout, ainsi que celle des personnes
handicapées.
M. Marx: En Saskatchewan, vous dites qu'il y a des objectifs
numériques...
M. Niemi: Des objectifs numériques.
M. Marx: Pourriez-vous nous donner un exemple?
M. Niemi: Je n'ai pas les chiffres ici, mais l'une des
compagnies, la Saskatchewan Potash Corporation...
M. Marx: Ah oui, oui, pour les autochtones.
M. Niemi: ...a dit que, dans dix ans, on aura un nombre important
de membres de groupes aborigènes dans ce genre de système
d'emploi.
M. Marx: D'accord. Oui, je me souviens de ce cas.
M. Niemi: Oui.
M. Marx: Ils auront un certain nombre d'employés qui
viendront des peuples autochtones.
M. Niemi: Au Québec, je pense que le plan d'action
à l'intention des communautés culturelles est aussi une forme
d'objectif numérique, bien que cela soit traduit en termes de
pourcentage. Mais, avec les objectifs numériques, on a beaucoup plus de
flexibilité pour faire la gestion des ressources humaines et pour
planifier a très long terme - je parle de cinq à dix ans -dans le
but d'atteindre la représentation nécessaire ou
équitable.
M. Marx: D'accord. Vous représentez surtout les
communautés culturelles.
M. Niemi: On ne représente pas les communautés
culturelles.
M. Marx: Pas les communautés...
M. Niemi: On parle des questions qui touchent...
M. Marx: Vous parlez, c'est cela...
M. Niemi: Oui.
M. Marx: Je m'excuse, je...
M. Malik: Disons que l'organisation est "issue oriented".
M. Marx: C'est cela. Vous ne représentez pas, mais vous
faites des études... Pardon?
Mme Harel: Vous êtes préoccupés.
M. Marx: Vous êtes préoccupés. Voilà!
La députée de Maisonneuve m'a donné le mot que je
cherchais. Vous êtes préoccupés par les problèmes
des communautés culturelles. Cela va pour Montréal ou pour la
région métropolitaine. Mais, quand on arrive à
Jonquière, il n'y a pas de problème pour les communautés
culturelles étant donné qu'il y a très peu de personnes
qui sont issues de ces communautés culturelles.
Mme Lee: On peut parler de problèmes de justice. Je ne
sens pas que je représente une communauté culturelle comme
telle.
M. Marx: Oui, d'accord.
Mme Lee: Nous sommes plus reliés aux questions de
justice...
M. Marx: Aux questions de justice, oui.
Mme Lee: ...qu'à telle ou telle communauté ethnique
ou culturelle. (12 h 30)
M. Marx: Aux questions de justice, d'accord. Si on a des
programmes d'accès à l'égalité pour des membres des
communautés culturelles, c'est fort probable que de tels programmes
s'appliqueront surtout dans la région montréalaise et très
peu ou peut-être pas dans l'Estrie, au Lac-Saint-Jean, dans la
Gaspésie parce que...
M. Niemi: Je pense que dans ces cas on parlera peut-être de
représentation équitable des femmes ou, dans les milieux ruraux,
des personnes aborigènes.
M. Marx: C'est ça. En ce qui concerne les
communautés culturelles, ce sera centré surtout sur la
région montréalaise. Quand on parle des programmes d'accès
à l'égalité, c'est évident qu'il sera
nécessaire d'avoir un programme, disons, à Jonquière,
d'où vient le député à ma gauche, mais ce ne sera
pas nécessaire d'avoir tel programme pour des gens des
communautés culturelles parce qu'il n'y a pas de problème. On va
avoir un "checker board system" dans tout le Québec.
M. Malik: C'est ça. Juste pour clarifier ce que vous
êtes en train de dire, on ne veut pas imposer une espèce de
programme pour toute la province. Il y a des endroits, il y a des
régions où il y a une certaine surreprésentation ou
sous-représentation des membres des communautés culturelles ou
des membres des groupes cibles. Dans ce contexte, il faut aussi voir la
mobilité. Rien n'empêche que dans un programme à
Montréal, avec l'utilisation des ressources humaines... Une personne
peut quand même fonctionner sans barrière, sans obstacle et aller
travailler dans n'importe quelle région du Québec. C'est dans ce
sens. C'est l'utilisation des ressources humaines. Puisque Montréal a 40
% des personnes qui sont issues de Québécois de vieille souche,
on va favoriser 40 % des programmes dans ce contexte... C'est pour faire une
planification des ressources humaines dans toute la province avec, bien
sûr, des objectifs régionaux et des objectifs
numériques.
M. Marx: Ma dernière question: Nous sommes d'accord sur
les objectifs numériques
pour les membres des communautés culturelles. Comment est-ce
qu'on va établir cela? Il y a 80 communautés culturelles à
Montréal. Comment va-t-on établir des objectifs? Il me semble que
cela ne sera pas facile parce qu'il y a aussi, je dirais, des membres de
certaines communautés culturelles qui n'ont pas besoin d'aide et qui
n'ont pas besoin d'un programme d'accès à
l'égalité.
M. Niemi: Oui, cela est un problème...
M. Marx: Ils ont gravi assez vite l'échelle et ils sont
au-dessus, maintenant. Je ne veux pas les citer, mais vous comprenez ce que je
veux dire.
M. Niemi: Je pense que vous avez devant vous une situation assez
délicate comme législateur. Vous devez faire face d'un
côté à la pression politique. Les groupes de
communautés culturelles les plus forts, les plus organisés
demanderont certainement cette représentation équitable dans les
institutions québécoises, quels que soient les besoins, quelles
que soient les nécessités réelles économiques.
D'autre part, vous avez aussi des besoins économiques concrets,
réels des groupes. Dans certains groupes, le taux de chômage est
plus élevé, le taux de pauvreté est plus
élevé que le taux provincial; peut-être à' cause de
leur situation historique dans notre société, ils sont
désavantagés. C'est pour cela qu'on a parlé tantôt
de la nécessité d'avoir des statistiques, des données
très précises basées sur la race et l'origine ethnique des
gens pour mesurer leur condition sociale économique.
Maintenant, comme vous le savez, si on voulait parler du modèle
américain, on pourrait dire qu'aux États-Unis il y a beaucoup de
groupes de minorités raciales, les Noirs, les hispanophones et les
Asiatiques. On serait très surpris de voir que les Asiatiques, comme
minorité raciale aux États-Unis, ont une condition sociale
économique plus élevée que les autres groupes. Pour ce
groupe, l'action positive l'accès équitable aux institutions
n'est pas aussi important que pour le groupe noir. Il faut avoir des indices
basés sur la condition socio-économique des groupes pour mesurer.
Comme législateurs, vous avez toujours les pressions des groupes qui,
à cause de leur nombre, à cause de leur puissance
économique, peuvent exercer beaucoup de pression sur vous, pour obtenir
des mesures qui parfois devraient être octroyées aux personnes
plus désavantagées. C'est aussi simple que cela.
M. Marx: M. le Président, en terminant, j'aimerais aviser
tout le monde que les pressions devront être exercées
auprès de la
Commission des droits de la personne parce que c'est elle qui va
appliquer le règlement...
M. Niemi: Je suis content que vous ayez soulevé cette
question, parce que la Commission des droits de la personne - il n'y a pas
beaucoup de personnes qui ont mentionné cela - est responsable de
l'application de la Charte des droits et libertés de. la personne et des
problèmes des PAE. En ce qui nous concerne, nous aimerions savoir quels
sont les critères pour nommer les gens à la commission.
Actuellement, à la Commission des droits de la personne, il y a trop
d'avocats, il y a trop de personnes provenant du milieu syndical et, en ce qui
concerne les droits de la personne pour la promotion de la justice
économique pour les groupes cibles désavantagés, ce ne
sont pas seulement des avocats qui vont faire appliquer la loi. C'est
absolument nécessaire, surtout que, maintenant, à la commission,
il y a un commissaire qui est strictement et absolument contre le programme
d'accès à l'égalité. Je ne sais pas comment il a
été nommé à la commission, sur quelle base, sur
quel critère, mais c'est très "reckless" que d'avoir ce genre de
personne à la commission, parce que ces personnes sont responsables de
la charte et elles doivent s'identifier à l'esprit de la charte.
M. Marx: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon. Après, ce sera le tour du
député de Saint-Jacques.
M. Payne: Merci, Mme Lee, M. Malik, M. Niemi. Cela m'a fait
plaisir de vous rencontrer à nouveau, ainsi que le Centre de
recherche-action sur les relations raciales. Vous recommandez - c'est fort
intéressant -dans votre mémoire que les normes minimales
prévues dans le projet de règlement devraient s'appliquer
également aux projets volontaires et que le programme volontaire soit
approuvé par la Commission des droits de la personne. Ce qui est aussi
intéressant - je vais aborder cela dans un instant - c'est que le
règlement devrait s'appliquer également aux organismes
gouvernementaux et que le gouvernement -vous êtes d'accord
là-dessus - devrait adopter l'obligation contractuelle et aussi que
l'ensemble des éléments d'un programme d'accès à
l'égalité soit porté à la connaissance des
employés d'une entreprise. On a eu une discussion intéressante
tout à l'heure là-dessus avec le Conseil du patronat. C'est un
débat qui va continuer pendant plusieurs mois et même durant les
années à venir, j'en suis certain. Mais me vais
m'orienter sur une de vos préoccupations,
celle qui concerne plutôt le rôle et le devoir du
gouvernement dans l'administration publique comme leader en ce qui concerne
l'accès et les programmes d'égalité des chances. Je vais
commencer d'abord par quelques réflexions personnelles. Je pense que
c'est clair qu'il s'agit d'un défi de taille que le gouvernement assume
en se soustrayant...
Le Président (M. Gagnon): Substituant? Soustrayant.
M. Payne: ...de l'application du règlement. Je dis que
c'est clair. Oui, effectivement, c'est clair, c'est M. Clair, ministre
responsable du Conseil du trésor, qui va être dans le "hot seat",
comme on dit en anglais.
M. Marx: Non, pas pendant longtemps.
M. Payne: C'est une projection de la part du député
de D'Arcy McGee. Je le vois là pendant très longtemps, c'est
clair.
M. Marx: Je vois M. "pain" ou Payne dans sa chaise.
M. Payne: La question que je vous pose est celle-ci: Si le
gouvernement tient à se soustraire de l'application du règlement,
tout en se soumettant - c'est un élément important à
préciser - à une consultation auprès de la Commission des
droits de la personne, tel que mentionné dans l'article 86.7, et je
cite: "...ceux-ci doivent toutefois faire l'objet d'une consultation
auprès de la commission avant d'être implantés." Si le
gouvernement s'y soustrait, malgré cette nuance ou cette
précision, préférez-vous une liste d'organismes
limitée ou exhaustive?
M. Malik: Est-ce que vous voulez dire le secteur privé ou
le secteur public?
M. Payne: Je parle de l'ensemble des organismes. Vous dites que
vous voulez l'élargir a tous les organismes publics et parapublics, je
crois.
M. Malik: Non. Ce qu'on propose, c'est que le gouvernement,
puisque le gouvernement est le plus grand employeur ici en ce qui concerne les
services publics, parapublics et les sociétés d'État... Si
le gouvernement ne peut pas se présenter comme un modèle et dire
au secteur privé: Voilà! De cette façon, nous pouvons
appliquer tel ou tel programme d'accès à l'égalité
avec les objectifs numériques, avec les objectifs régionaux et
aussi avec le fait que le gouvernement offre ses contrats au secteur
privé, ce qu'on appelle l'obligation contractuelle. Avec l'ensemble de
ces programmes, je pense que le gouvernement a un rôle primordial
à jouer pour faire la promotion de ce qu'il croit, j'espère.
M. Payne: Oui, mais vous dites qu'il est important que les
organismes soient des modèles, mais ma question est plus précise.
Si le gouvernement s'y soustrait - ce qui est prévu, d'accord,
malgré les nuances que j'ai apportées - si c'est le cas,
préférez-vous que le gouvernement dresse une bonne liste, une
longue liste exhaustive qu'il voudrait couvrir ou préférez-vous
une liste limitée? La question est capitale parce que, si on donne au
mot "organismes" son extension la plus grande, couvrant les secteurs public et
parapublic, beaucoup plus d'organismes seront soumis au décret
gouvernemental et obligés d'implanter les programmes d'accès
à l'égalité, mais beaucoup moins, par conséquent,
seraient soumis à la juridiction de la commission même. D'accord?
C'est ce que je veux dire. Si, par contre, on donne au mot "organismes" son
extension la plus restrictive, c'est-à-dire dresser une petite liste,
disons, beaucoup plus d'organismes seront soumis à la juridiction de la
commission, mais par conséquent, beaucoup moins d'organismes seront
obligés par décret du gouvernement d'implanter les programmes
d'accès à l'égalité. Quand vous dites en anglais:
"What is good for the gander is good for the goose"...
M. Malik: It should be the other way around.
M. Paynes ...en réalité, en anglais, ce n'est pas cela. On
dit: "What is good for the goose is good for the gander."
M. Malik: C'est exact, "is good for the gander", yes.
M. Payne: Voyez-vous? C'est un dilemme. Et si je dis:
Étant donné que le gouvernement va se soustraire, laquelle des
deux hypothèses préférez-vous?
M. Malik: C'est une question hypothétique. Je vais tenter
de comprendre ce que vous avez expliqué tout à l'heure.
D'après vous, si on soustrait les organismes gouvernementaux, les
sociétés d'État, et, aussi, un autre objectif dont vous
n'avez pas parlé, ce sont les industries qui ont plus de 200
employés. À ce moment-là, vous avez une liste...
M. Payne: Non, non, je m'excuse! Il faut couper le gâteau
quelque part. Laissons l'entreprise privée de côté. Ce
n'est pas dans mes préoccupations. On parle des secteurs public et
parapublic étendus, si vous voulez. Parlons de cela pour le moment.
M. Malik: Ce serait l'ensemble des organismes?
M. Payne: Si vous voulez inclure tout
cela, c'est-à-dire son extension la plus large, à ce
moment-là, vous allez soustraire ces organismes de la juridiction de la
Commission des droits de la personne.
M. Malik: D'accord. Vas-y.
Le Président (M. Gagnon): M. Niemi.
M. Niemi: Si je comprends bien, c'est le principe que la couronne
n'est pas assujettie à la commission et tout cela. Je pense qu'on
devrait tirer une ligne quelque part. On a des institutions gouvernementales
dans le sens large du mot. Par exemple, les ministères, etc. Et on a les
organismes parapublics où on offre des services parapublics, par
exemple, dans notre cas, services sociaux et de la santé, la justice,
etc. Pour faire l'application pratique de ces PAE, je pense qu'on devrait
être pratique et réaliste. Il faut déterminer où,
premièrement, il y a besoin, où il y a la plus grande
nécessité, le plus grand besoin d'avoir des personnes membres de
groupes afin d'améliorer l'accès de ces groupes à ces
services. Il faut regarder la question du besoin et la nécessité
de représentation dans des services clés, des services
parapublics; je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. C'est
clair. (12 h 45)
M. Payne: Dans votre mémoire, vous dites et je vous cite:
"II est aussi important que la définition d'organismes dans l'article
86.7 inclue tous les services du gouvernement, y compris le secteur parapublic,
qui relèvent directement des fonds publics."
M. Niemi: Oui.
M. Payne: Ma préoccupation est la suivante, je viens de la
décrire. Si on adopte cette position, cela va donner ce qui suit: si le
gouvernement veut soustraire ses ministères et organismes du
règlement, il me paraît évident qu'il devrait le faire de
la manière la plus restreinte possible afin de donner plus d'ampleur,
plus d'importance à la Commission des droits de la personne. Si je ne
m'abuse, c'est aussi la position de la Commission des droits de la personne
elle-même.
M. Niemi: C'est-à-dire que vous proposez des programmes
par étapes, par tranches.
M. Payne: Non, non.
M. Niemi: Je ne suis pas votre ligne de pensée.
M. Payne: Dans l'article 86.7, vous dites qu'il est important que
la définition du mot "organismes" inclue tous les services publics et
parapublics. Je dis que si vous faites cela, selon la loi même, vous
allez soustraire ces organismes de la juridiction de la Commission des droits
de la personne. Sommes-nous d'accord?
M. Niemi: Mais c'est prévu...
M. Payne: Si vous le faites, cela va à l'encontre du
principe selon lequel vous voulez que la commission puisse avoir la plus grande
juridiction possible. Cela me paraît un peu contradictoire.
M. Niemi: Ce n'est pas contradictoire dans ce sens. Ce que nous
recommandons, c'est ceci: l'essentiel est de s'assurer que le gouvernement
ainsi que ses ministères et organismes parapublics soient aussi
assujettis à la charte en termes de non-discrimination et aussi en
termes de promotion des programmes d'accès à
l'égalité. Je pense que c'est l'essentiel.
M. Payne: Oui, c'est important. Je vais peut-être ajouter
quelque chose, vous avez peut-être mal compris.
M. Niemi: Je crois détecter chez vous une sorte...
M. Payne: Laissez-moi finir. Si je tiens pour acquis que le
gouvernement maintient sa position de se soustraire du règlement, dans
ce cas - c'est donc une hypothèse réaliste - est-ce que vous
préféreriez une liste de l'administration et des organismes plus
étendue, plus longue ou quelque chose de moindre?
M. Niemi: II ne restera pas grand chose si le gouvernement
soustrait tous ses organismes publics et parapublics et sociétés
d'État. Qu'est-ce qui reste? Le secteur privé. Avez-vous des
sociétés qui vont faire partie de cette liste?
M. Payne: Je pense que l'idée est que le gouvernement
devrait dresser la liste. Cela, c'est clair de par l'article même. Il
s'agit de définir quels seront les organismes qui seront couverts. Il y
a deux approches possibles, comme le dit la Commission des droits de la
personne elle-même: vous pouvez avoir une longue liste ou une liste
plutôt restreinte. Il y a des inconvénients à faire une
liste complète. Si vous faites une liste complète et que, par la
loi même, le gouvernement n'est pas soumis au règlement, c'est au
désavantage de la juridiction de la commission.
M. Niemi: Je peux essayer de démontrer une autre
situation. Prenons le cas de la condition féminine. Le gouvernement a
déjà dit que ses organismes publics et
parapublics sont en voie d'appliquer les programmes d'accès
à l'égalité des femmes. Peut-être que je me trompe,
mais je pense que c'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement se
soustrait à ce projet de règlement parce que le gouvernement
pense que ses ministères sont déjà en voie d'application
de ces programmes en ce qui concerne les femmes. Notre mémoire dit que
le gouvernement a peut-être fait quelque chose pour les femmes mais, en
ce qui concerne les minorités, les minorités visibles, elles sont
complètement exclues de ces programmes. Et si le projet de
règlement touche uniquement le secteur privé et qu'il ne comprend
pas le gouvernement, l'État, en tant que plus grand employeur, à
ce moment-là la raison pour laquelle nous sommes ici est
contradictoire.
M. Payne: Je pourrai conclure en vous donnant un simple exemple.
Dans l'hypothèse que je viens de souligner, croyez-vous que le
gouvernement devrait inclure les CLSC et les petits hôpitaux
privés dans la liste des organismes ou croyez-vous qu'ils devraient
tomber sous l'égide de la Commission des droits de la personne? Il y a
des inconvénients. Vous dites dans votre mémoire qu'on devrait
inclure tout le service du parapublic. Si vous faites cela vous allez, a
fortiori, soustraire les CLSC et Ies petits hôpitaux privés de la
juridiction de la commission. C'est cela l'inconvénient de votre
argumentation.
M. Malik: Si vous lisez la page 7, quatrièmement, on dit:
"Qu'un comité de consultation et de vérification des PAE au sein
du gouvernement, incluant les représentants des groupes cibles et de la
Commission des droits de la personne soit mis en place." Nous avons quand
même la représentation des gouvernements, des groupes cibles et
aussi de la commission. On n'exclut pas la commission en ce qui concerne
l'application de ces programmes. On a dit que d'après le projet de
règlement, la commission a une certaine fonction, un certain objectif.
Nous ne voulons pas exclure la commission de ces objectifs, mais il faut
élargir le projet de règlement pour inclure nos
préoccupations.
M. Payne: Je dirais, en concluant, que je préfère
que les organismes comme, par exemple, les sociétés
d'État, SOQUIP et d'autres ou, dans le secteur parapublic, les CLSC,
soient en mesure d'élaborer eux-mêmes les programmes
d'égalité des chances ne faisant pas partie des organismes
publics tels que définis ou tels que dressés par le gouvernement,
pour faire en sorte que la Commission des droits de la personne puisse
surveiller la mise en application.
Il y a des arguments pour et contre.
M. Malik: C'est cela.
M. Payne: Vous êtes d'accord?
M. Malik: Oui.
M. Payne: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Viau: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier votre groupe d'avoir témoigné. Je n'irai pas d'une
gymnastique compliquée comme celle du député de Vachon. On
comprend très bien ses préoccupations mais il reste que je vais
m'attacher plutôt à la base ou au fondement même du projet
de règlement.
On a eu, hier, le témoignage d'un groupe extrêmement
intéressant, le Collectif des femmes immigrantes de Montréal qui
nous disait, entre autres, que ce qui était acceptable... Vous
écrivez ici, en page 11, que dans la mesure où on ne peut pas
avoir les résultats des études démographiques, la
commission et les tribunaux devraient formuler des objectifs numériques
en se fondant sur les estimations raisonnables de cette population sur le
marché du travail. Le Collectif des femmes immigrantes de
Montréal nous disait que quand on connaît les proportions - je
pense que vous connaissez déjà les proportions face à la
population active des représentants de vos groupes - cela peut quand
même être fait... Eux le connaissait en tout cas pour les femmes
immigrantes et être capable d'arriver...
M. Niemi: Elles se sont basées sur les données de
l'immigration.
M. Malik: C'est facile de déterminer qui est immigrant
à partir des trois dernières années, les gens qui viennent
ici et qui s'installent au Québec ou au Canada comme immigrants. En ce
qui concerne la présence des membres des minorités culturelles et
des groupes cibles, c'est très difficile. Même les enfants des
minorités qui sont nés ici sont considérés comme
des immigrants ou exclus.
M. Viau: II restait que la démonstration qu'on nous a
faite hier... Sans faire la répartition de la disproportion entre les
Italiens, les Grecs, etc., on disait hier, entre autres, que la présence
des femmes immigrantes dans la fonction publique québécoise se
situait à 0,7 % quand il y a une représentativité dans la
population de 4 %. Les représentantes du Collectif des femmes
immigrantes de Montréal nous disaient que pour elles, un objectif
valable et intéressant, un objectif numérique pourrait être
une parité, c'est-à-dire 4 %. On
devrait, comme gouvernement, en ce qui a trait à l'implantation
des mesures d'accès à l'égalité dans les structures
gouvernementales, sans faire la définition... Pour moi, tout ce que
j'appelle gouvernement c'est tout ce qui a une relation avec le gouvernement et
peut-être même l'obligation contractuelle... Est-ce que cela vous
apparaît, sans faire une dénomination de ce que pourraient
être les pourcentages pour les communautés culturelles
spécifiques, comme des objectifs numériques raisonnables de
retrouver une parité? Si on parle de 4 % de femmes immigrantes dans la
population et qu'on n'en retrouve que 0,7 % dans la fonction publique
québécoise ou dans l'appareil gouvernemental, est-ce que pour
vous les 4 % seraient un objectif réel et raisonnable?
M. Niemi: Quand on parle de pourcentage d'un tel groupe dans la
population, on devrait souligner qu'en ce qui nous concerne au niveau
technique, au niveau spécifique des questions des relations
industrielles ou économiques, on parle de la population active.
M. Viau: Vu qu'on parlait...
M. Niemi: C'est différent de la population en
général, parce que si vous vous dites: On ne compte pas la
population... Je pense que beaucoup de groupes ont mal entendu en ce qui
concerne leur représentation au sein de la population; on veut dire au
sein de la population active.
M. Viau: C'est ce que le collectif des femmes nous disait. Parmi
les 4 % de femmes actives immigrantes dans la population 0,7 % se retrouvent
dans la fonction publique. Toutes les variables étant stables,
considérez-vous qu'avoir 4 % de femmes immigrantes dans la fonction
publique serait, pour vous, un objectif raisonnable?
M. Malik: Si c'est un objectif d'étape, mais pas un
plafonnement. Par exemple, si on dit: Écoutez, maintenant, nous avons
atteint notre chiffre de 4 %, fini pour les prochaines dix ou quinze
années! Si c'est un objectif pour franchir une étape, d'accord.
Maintenant, on va favoriser un groupe qui n'a pas de moyens ou qui n'a pas de
possibilités à cause de toutes sortes de barrières et
d'obstacles qu'on vient d'énumérer. Il y en a d'autres aussi; on
peut faire des tests là-dessus. À ce moment, cela peut être
intéressant.
Mais il ne faut pas qu'on se plafonne à ces chiffres, parce que
le système de quotas ou les chiffres, cela nous plafonne. C'est bien au
départ, pour nous situer dans un contexte global, mais si on utilise
cela pour plafonner, pour bloquer l'avancement, je pense qu'on va à
l'encontre de notre position.
M. Viau: Je pense qu'on a eu un consensus là-dessus hier,
M. le Président. Souvent, les quotas sont perçus comme des
objectifs maximaux à atteindre. Tous les groupes qui ont passé
ici, ainsi que moi-même, je pense que notre interprétation, c'est
de rétablir une équité. Je pense à un droit, celui
à l'équité, à la parité, dans ces cas. Je
pense qu'on s'entend tous là-dessus et la démonstration
d'ouverture de notre société va nous faire la preuve que ce ne
sera qu'un rétablissement de droit et de fait.
On dit aussi dans votre mémoire - je me suis arrêté
beaucoup à cela hier, entre autres, sur le sujet des femmes immigrantes
et des femmes en général - à l'article 8 qu"'un programme
peut également prévoir des mesures de soutien". On nous en a
donné une définition qui aurait trait aux besoins des
communautés ethniques et raciales. Pouvez-vous nous faire un petit
exposé sur ce que vous percevez, vous, comme programme de soutien - qui,
à moi, apparaît souvent comme essentiel - pour faire en sorte
qu'un programme d'accès à l'égalité puisse
être opérationnel et donner des résultats concrets?
Mme Lee: Avant de continuer, je voudrais, si vous permettez,
attirer votre attention sur vos définitions. Si vous parlez des femmes
immigrantes, vous ne parlez pas de moi, parce que je suis immigrée d'une
manière très naturelle, comme ma mère, et je ne suis pas
incluse dans les femmes des communautés culturelles ni dans les femmes
immigrantes.
M. Viau: Mais vous en faites quand même partie, on peut
vous considérer comme faisant partie d'une minorité ethnique ou
raciale et la femme immigrante... Je vais peut-être revenir
là-dessus - en fait, le collectif s'appelle comme cela - mais on faisait
aussi allusion aux problèmes des communautés ethniques et
raciales, parce que je pense qu'on l'a établi, il y a une discrimination
de fait. Cette discrimination est systémique ou elle est tout simplement
pure. Même si vous n'êtes pas immigrante, mais Canadienne
reçue ou Canadienne d'origine, il reste qu'on a pu constater, à
compétence égale, qu'il y avait quand même une
discrimination auprès des communautés culturelles et ethniques.
Je m'excuse de ce lapsus de définition.
M. Niemi: Excusez-moi, nous débutons sur les mesures de
soutien.
M. Viau: Ah, les mesures de soutienl M. Niemi: Concernant les
mesures de
soutien, je passe à la page 13 de notre mémoire, où
je cite quelques exemples en ce qui concerne les femmes, surtout les femmes
monoparentales. Il y a une mesure de soutien qui, d'ailleurs, est
recommandée par le rapport Abella. C'est une forme de service de
garderie dans l'entreprise même, parce que pour les femmes monoparentales
en général qui ont des enfants, sans ce genre de mesures de
soutien spéciales, ce serait très difficile d'avoir accès
au marché du travail ou à une entreprise pour un travail
C'est un exemple très clair de mesure de soutien. Pour les autres
couples, en ce qui concerne leur compétence et leur formation, il y
aurait des mesures de soutien dans les cours de langues, par exemple. On est au
courant du fait qu'à la Commission des droits de la personne, il y a un
poste de directeur ou de directrice d'ouvert de l'éducation. Il y avait
une candidate exceptionnellement qualifiée, une candidate idéale.
Cette candidate a beaucoup de diplômes et beaucoup d'expérience,
mais son désavantage, c'est le fait qu'elle est anglophone.
M. Viau: Elle ne parle pas le français?
M. Niemi: Elle ne parle pas français, mais elle comprend
bien au niveau conceptuel et fonctionnel. C'est à cause de cela qu'elle
ne peut pas avoir le job et je pense qu'à cause de cela la commission va
aussi manquer ses services. Une sorte de mesure de soutien serait
peut-être de discuter avec cette candidate anglophone qui, d'ailleurs,
est une noire. Une mesure de soutien serait qu'on la mette en poste pour une
période d'essai de six mois à un an durant laquelle vous devez
faire l'apprentissage du français pour démontrer, à la fin
de cette période d'essai, que vous êtes capable de fonctionner, de
travailler en français au niveau verbal et au niveau écrit.
Sans cette mesure de soutien, un candidat n'a pas eu la chance d'avoir
un poste extrêmement intéressant et nécessaire. C'est une
forme de mesure de soutien concrète.
M. Viau: Peut-être une dernière question. On a
soulevé hier, aussi, la possibilité de la création d'un
fonds, dans la mesure où la commission ou tout autre organisme
déterminerait une certaine discrimination dans une entreprise, dans un
organisme quelconque, et ce fonds pourrait être mis à la
disposition des plaignants ou des plaignantes, les plaignants étant les
représentants des communautés culturelles, ethniques et raciales
et pour les groupes de femmes, parce que ce n'est pas aux comités
ethniques, raciaux ou aux femmes de porter le fardeau d'une discrimination qui
est faite depuis un certain temps. Que pensez-vous de la création de ce
fonds pour défendre, entre autres...
M. Malik: C'est déjà fait au niveau
fédéral, il y a un crédit de 9 000 000 $ qui a
été accordé au Conseil de développement social du
Canada, par l'article 15 de la charte canadienne, l'article qui traite de
l'égalité.
M. Niemi: C'est la recommandation qu'on a faite au comité
parlementaire à Ottawa, sur l'article 15, l'acquisition d'un fonds de
litige accessible aux membres des groupes cibles, non seulement pour les femmes
et les minorités, mais aussi pour les personnes handicapées parce
que en Ontario, il y a une coaliltion des organismes de personnes
handicapées qui a fait ce genre d'action de litige.
M. Viau: Comme cela, vous seriez favorable à la
création d'un tel fonds.
M. Niemi: Oui.
Le Président (M. Gagnon): C'est la réponse qu'on a
donnée. Je vous remercie infiniment pour votre participation à
cette commission. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures. Je vous
donne rendez-vous à 14 h 55, et nous entendrons le Barreau du
Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des institutions se réunit afin de
procéder à une consultation générale sur le projet
de règlement concernant les programmes d'accès à
l'égalité en vertu du paragraphe b) de l'article 86.8 de la
Charte des droits et libertés de la personne. Cet après-midi nous
commencerons avec le Barreau du Québec. Je voudrais demander aux membres
de la commission s'ils sont consentants à ce que le député
de Fabre redevienne membre de la commission puisqu'il avait été
remplacé par le député d'Iberville.
M. Marx: Oui, M. le Président. J'espère que les
députés ministériels seront consentants quand nous
voudrons remplacer quelqu'un.
Le Président (M. Gagnon): Pardon?
M. Payne: ...sur l'égalité des chances.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je suis tout à
fait d'accord, mais cela n'aura pas pour effet d'augmenter le nombre de membres
ministériels?
Le Président (M. Gagnon); Non, puisque c'était le
député d'Iberville, cet avant-midi, qui remplaçait le
député de Fabre.
Une voix: Très bien.
Le Président (M. Gagnon): J'invite donc
immédiatement le Barreau du Québec, en vous précisant,
comme on l'a mentionné à tous les autres groupes, qu'on accorde
55 minutes, soit environ 20 minutes pour livrer votre mémoire et
à peu près 35 minutes de dialogue avec les membres de la
commission. En vous souhaitant la bienvenue, Me Vadboncoeur, je vous
cède le micro.
Barreau du Québec
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le Président.
J'aimerais tout d'abord présenter mon confrère qui m'accompagne,
Me Jean-Pierre Lussier, avocat en pratique privée à
Montréal. Sans qu'ils soient présents, j'aimerais quand
même mentionner le nom des membres du comité du Barreau sur la
Charte des droits et libertés de la personne qui ont travaillé
à la préparation de ce mémoire: le président du
comité, Me André Tremblay, professeur à la Faculté
de droit de l'Université de Montréal, lequel, malheureusement,
n'a pas pu être ici aujourd'hui; Me François Aquin, avocat de
pratique privée de Montréal, qui est assez connu
également; Me Raymond Clair, avocat de pratique privée de
Drummondville; Me Michel Décary, avocat de pratique privée de
Montréal et ancien sous-ministre adjoint - je crois qu'à
l'époque on les appellait les adjoints - au ministère de la
Justice, et je crois qu'il était aux affaires civiles et pénales;
Me Guy Lafrance, avocat de la police de la CUM; finalement, mon confrère
qui est à ma gauche et moi-même.
Vous avez reçu le mémoire ce matin, donc, j'imagine que
peu d'entre vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. Je le
résumerai assez en détail. Il se divise en deux parties. La
première concerne des éléments de fond, des discussions de
fond particulièrement sur la partie III de la charte. La deuxième
partie concerne le projet de règlement proprement dit.
Je dois vous mentionner en introduction que les réflexions du
comité du Barreau ont dû déborder le projet de
règlement, puisque ce projet de règlement était
greffé à la partie III de la charte récemment
entrée en vigueur à l'exception d'un alinéa. Cette partie
III pose certains problèmes, contient certaines lacunes et crée
une situation d'incertitude juridique que le Barreau doit dénoncer
puisque cette situation va sûrement créer des problèmes
juridiques très sérieux. Elle va créer des
problèmes aux avocats eux-mêmes qui seront dans
l'impossibilité de conseiller adéquatement leurs clients en
matière de programmes d'accès.
Le projet de règlement comporte deux points majeurs pour le
Barreau. Il s'agit des mesures d'égalité des chances et des
mesures de redressement. Les mesures d'égalité des chances sont
fort bien accueillies par le Barreau, mais les secondes, les mesures de
redressement, suscitent encore quelques réserves.
Nous avons, dans les années passées, publié et
présenté quelques mémoires sur la Charte des droits et
libertés de la personne, et on vous réfère
particulièrement à nos mémoires d'octobre 1981 et de
décembre 1982 où on s'était prononcé assez
longuement sur la partie III du projet de loi 86, si je ne m'abuse.
Cette position qu'on avait prise à ce moment, en
résumé, était la suivante. Étant donné que
les programmes d'accès, qui sont finalement de la discrimination
à rebours, étaient des choix de société que le
législateur avait faits et avait insérés dans une de ses
législations fondamentales qui est la Charte des droits et
libertés de la personne, ces choix de société avaient
été assumés par le législateur et notre position
était qu'ils devaient être appliqués également par
le législateur et soumis à la surveillance de celui-ci.
L'Assemblée nationale a plutôt décidé de donner un
rôle prépondérant aux tribunaux en matière de
programmes d'accès et nous nous plions a cette volonté
législative. Par ailleurs, on doit signaler tout de suite que ce
rôle des tribunaux sera considérablement accru du fait de la
non-promulgation du premier alinéa de l'article 86.2 qui prévoit
que tout programme d'accès à l'égalité doit
être approuvé par la commission à moins qu'il ne soit
imposé par le tribunal. On y reviendra un petit peu plus loin dans le
mémoire.
En dernière remarque préliminaire, nous constatons, tant
dans la loi que dans le projet de règlement, certaines lacunes qui non
seulement seront de nature à susciter des problèmes pour l'avocat
qui doit conseiller ses clients, mais également risquent de
décevoir les personnes qui ont fondé des attentes depuis fort
longtemps sur cette partie III et sur ces programmes.
L'incertitude qui entoure la législation actuelle - quand je
parle de législation, je l'emploie en termes génériques -
tant la charte que les règlements, donc, ces lacunes qui y sont risquent
de faire s'effondrer tout l'encadrement légal qui entoure les programmes
d'accès dès la première contestation. On suppose qu'il y
en aura, des contestations judiciaires.
Enfin, on doit aussi suggérer comme
remarque préliminaire que les mesures de redressement risquent de
susciter énormément de problèmes juridiques dans les
entreprises dont les relations du travail sont régies par une convention
collective. Vous savez comme moi tout l'appui et toute l'importance que les
conventions collectives ont dans notre milieu du droit du travail et vous savez
aussi que le principe de l'ancienneté constitue un élément
majeur en matière d'avancement, par exemple. Les programmes
d'accès non seulement risquent d'être, mais seront sûrement
incompatibles, à bien des égards, avec les dispositions de la
convention collective. Donc, on assistera à des débats
judiciaires et à des griefs absolument innombrables.
Je commence la première partie du mémoire qui touche plus
précisément les principes de base que nous croyons
nécessaires à une juste législation. Dans l'état
actuel du droit, nous ignorons quelles seront l'utilité et l'application
de la charte québécoise par rapport à la charte
canadienne, ici, au Québec, tant et aussi longtemps que le jugement de
la Cour suprême du Canada ne sera pas rendu dans l'affaire de l'Alliance
des professeurs.
Vous n'êtes pas sans savoir, j'imagine, que la Cour d'appel a
rendu son jugement dans cette cause en juin dernier et le jugement de la Cour
d'appel était dans le sens que la charte canadienne recevait application
au Québec, donc, la fameuse loi dérogatoire 62 était
considérée comme invalide.
Actuellement, nous sommes dans un climat d'incertitude en ce qui
concerne le secteur public parce que, comme vous le savez, le secteur public
est visé par la charte canadienne. Si la charte canadienne s'appliquait
au Québec, si le jugement de la Cour suprême du Canada confirmait
celui de la Cour d'appel, ce qui est une hypothèse vraisemblable,
plausible, la présomption de validité contenue à l'article
15.2 de la charte canadienne s'appliquerait, ici, au Québec, au secteur
public et nous ferions face à deux régimes différents. (15
h 15)
En ce qui a trait au secteur public, pour le moment, on ne sait pas si
on doit l'assujettir aux normes prévues dans la charte
québécoise ou à celles de la charte canadienne.
Précisément, à cause de la différence des
présomptions de validité contenues à la charte canadienne
et à la charte québécoise, il nous semble qu'on devrait
attendre ce jugement de la Cour suprême avant d'appliquer le projet de
règlement, de même que la partie III en elle-même, parce
que, à ce moment, on ne sait vraiment pas laquelle des deux chartes
s'applique au Québec.
Juridiquement parlant, il nous semble un peu étrange, dans
l'hypothèse où la charte canadienne s'appliquerait au
Québec, d'assujettir l'exercice d'un droit constitutionnel, soit celui
qui est prévu à la charte canadienne, à des normes
statutaires québécoises. Elles sont québécoises en
l'occurrence, mais cela pourrait être à des normes statutaires de
n'importe quelle autre province. Cela nous semble un peu curieux,
juridiquement, d'assujettir l'exercice d'un droit constitutionnel à des
normes statutaires provinciales.
Pour le moment, en ce qui concerne le secteur public, nous recommandons
aux législateurs d'attendre que le jugement soit rendu avant de faire
quoi que ce soit en matière de programmes d'accès, mais, encore
une fois, dans le secteur public.
Le deuxième principe, c'est l'application des mêmes normes
aux secteurs public et privé. Dans l'hypothèse où ce
jugement de la Cour suprême confirmerait celui de la Cour d'appel, on
ferait face à deux régimes différents selon qu'on est dans
le secteur public ou dans le secteur privé. Je m'explique. Le secteur
public serait soumis aux normes de la charte canadienne, donc tous ses
programmes d'accès implantés volontairement seraient
présumés valides, alors que dans le secteur privé les
programmes d'accès mis sur pied volontairement ne seraient
présumés valides que s'ils sont établis
conformément à la charte québécoise. Qu'est-ce que
c'est être "établi conformément à la charte"? Est-ce
que c'est être établi conformément à la
méthodologie prévue? Est-ce que c'est être établi
selon l'esprit de la charte? Est-ce que c'est être établi en
s'inspirant du projet de règlement qui, par ailleurs, ne s'applique pas
aux programmes volontaires? On ne sait pas trop ce que c'est. Ce sont des
normes qui sont un peu floues à ce stade-ci; donc, on voit tout de suite
la différence de régime qui s'appliquerait au secteur
privé et au secteur public.
Le comité du Barreau est d'avis qu'il serait souhaitable que les
mêmes normes s'appliquent au secteur privé et au secteur public et
en conséquence recommande que le deuxième alinéa de
l'article 86.1 de la charte soit amendé afin que la présomption
de validité des programmes dans la charte québécoise soit
analogue à celle qui est prévue dans la charte canadienne. Donc,
à la page 9 du mémoire, vous voyez l'amendement qui est
suggéré. On suggère que ce deuxième alinéa
se lise comme suit: "Un tel programme est réputé non
discriminatoire." On enlève la référence à la
charte elle-même.
Troisième point: corriger l'incertitude juridique de la
législation dans son état actuel. La décision du
gouvernement de ne pas promulguer le premier alinéa de l'article 86.2 a
suscité chez nous plusieurs interrogations. On s'est d'abord
demandé si le gouvernement désirait exclure par ce biais la
mise sur pied de programmes volontaires.
En effet, il n'y a absolument aucun critère, à l'heure
actuelle, qui peut guider une entreprise quelle qu'elle soit dans
l'établissement de programmes d'accès. Il ne faut pas oublier que
cet aliéna qui est l'élément charnière de cette
partie III donne un critère de validité aux programmes
d'accès, soit en l'occurrence l'approbation par la commission ou une
ordonnance du tribunal. Étant donné qu'il n'y a pas d'approbation
par la commission à l'heure actuelle, le programme d'accès qui
est mis sur pied volontairement par une entreprise pourrait être
attaqué très facilement par qui que ce soit devant les tribunaux
étant donné que, par essence même, les programmes
d'accès contiennent des éléments discriminatoires ou des
éléments de discrimination. Donc, si cela contient des
éléments de discrimination, on ne peut pas dire que le programme
est établi conformément à la charte. Alors, ce serait un
programme qui serait soumis à des contestations judiciaires
immédiates et ce serait également une porte ouverte à
n'importe laquelle entreprise, sous le couvert d'un programme d'accès,
pour pratiquer effectivement de la discrimination dans son sein ou dans son
organisation. Ce serait très facile. Son programme serait valide, donc
sa discrimination serait valide tant et aussi longtemps qu'il n'y aurait pas de
contestation devant les tribunaux. Cet alinéa de l'article 86.2 n'est
pas en vigueur, il est vrai, mais il existe dans la loi et il ne faut pas
l'oublier. Il s'agit quand même de la volonté du
législateur de soumettre les programmes d'accès à
l'approbation de la commission. On ne peut pas ignorer ce mécanisme qui
est prévu pour l'implantation régulière - et j'insiste sur
le mot "régulière" - des programmes d'accès. Donc, on est
vraiment dans un climat d'incertitude pour les programmes volontaires.
Une autre question que l'on peut se poser également, c'est:
Est-ce que les programmes volontaires établis sans approbation par la
commission sont réputés discriminatoires parce que non
établis conformément à la charte? On ne le sait pas. C'est
ce qui va donner ouverture à des contestations. Les mêmes
interrogations et les mêmes commentaires s'appliquent d'ailleurs aux
programmes qui sont implantés à la suite d'une recommandation
à cet effet par la commission.
Actuellement, admettons que la commission enquête sur une
prétendue situation discriminatoire dans une entreprise. Elle constate
qu'effectivement il y a une certaine discrimination et recommande
l'implantation de programmes d'accès. Encore une fois, l'entreprise qui
se voit recommander l'élaboration d'un programme d'accès n'a
absolument aucun critère pour s'assurer de la validité de son
programme à cause de la non mise en vigueur du fameux alinéa. Le
programme ne sera pas approuvé. Il est ouvert, encore une fois, à
toute contestation judiciaire. Il n'y a aucun critère qui peut assurer
à cette entreprise-là de la validité de son programme.
Cela nous amène à conclure que l'unique certitude qu'on a,
à l'heure actuelle, c'est le programme d'accès qui est
implanté par ordonnance du tribunal. L'article 86.3 nous dit que
l'entreprise revient devant le tribunal après avoir
élaboré son programme et le tribunal peut lui apporter des
changements. Donc, le tribunal donne son imprimatur, si je peux dire, à
ces programmes d'accès. C'est vraiment l'unique moyen que l'on a, dans
l'état actuel de la loi, de savoir que le programme est effectivement
valide.
Le quatrième point de fond de notre mémoire concerne les
pouvoirs décisionnels donnés à la commission. Nous avons
tout à l'heure souligné l'incertitude juridique qui
régnait à cause de la non-promulgation du premier alinéa
de l'article 86.2 de la charte. Cependant, le Barreau du Québec
maintient sa position là-dessus de ne pas conférer à la
commission, ou à n'importe quelle commission administrative d'ailleurs,
des pouvoirs décisionnels. On nous dira: Mais, quoi? il n'y en a pas. La
commission n'a pas de pouvoir décisionnel, elle n'a que des pouvoirs de
recommandation. Sauf qu'approuver des programmes c'est décider de leur
validité effectivement. Donc, on assimile ces pouvoirs d'approbation
à des pouvoirs décisionnels, ce qu'en aucun cas une commission
administrative ne doit avoir.
On répète ici notre choix premier. Il s'agit d'un choix de
société et l'application de ce choix n'appartient ni à des
fonctionnaires ni même, à la limite, aux tribunaux.
Donc, on recommande l'abrogation pure et simple de ce premier
alinéa de l'article 86.2, étant donné le choix politique
du législateur de laisser, finalement, le tribunal décider de la
validité des programmes et d'imposer des programmes à certaines
entreprises.
La deuxième partie du mémoire soumet une analyse du projet
de règlement. Je me limiterai à certains commentaires un peu plus
importants quant au fond. Il s'agit de l'article 5, d'abord, qui,
d'après nous, suggère une démarche beaucoup trop
étendue en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises.
Je vous lis particulièrement le passage qui nous a un peu
effrayés. Il s'agit de la dernière phrase de l'article 5, qui se
lit comme suit: "Cette analyse - qui est l'analyse de disponibilité -
indique aussi dans quelle mesure des personnes possédant les
caractéristiques du groupe cible sont disponibles sur le marché
du travail." Vous
vous imaginez quelle étude de marché cela peut impliquer
ou que cela va impliquer, effectivement, pour les PME. C'est absolument
disproportionné avec leurs moyens financiers et leurs capacités.
Elles seront obligées de s'engager des experts à des prix
exorbitants et je pense que c'est absolument irréaliste d'imposer une
telle démarche aux petites et moyennes entreprises.
Un commentaire analogue, d'ailleurs, peut s'appliquer à l'article
15 qui comporte une exigence aussi disproportionnée dans le secteur de
l'éducation, étant donné que l'analyse, encore une fois,
doit déterminer, parmi les membres du groupe cible, le nombre de
personnes à l'intérieur et à l'extérieur du
système scolaire qui pourraient accéder au programme
d'études de l'institution. Encore une fois, cela requiert une
étude de marché qui est absolument inaccessible à la
majorité.
On nous a dit que la commission, en vertu de l'article 86.2,
deuxième alinéa, devait prêter son assistance à
l'élaboration d'un programme lorsqu'elle en est requise. Je veux bien.
Il s'agit d'une obligation, mais on est limité quand même par les
effectifs qu'on a. On a mentionné que la commission s'était vue
dotée d'effectifs nouveaux pour remplir ses fonctions d'assistance, mais
s'ils sont débordés par les enquêtes, par les
recommandations, par leurs tâches d'assistance, par les approbations, si
jamais le premier alinéa reste là, il n'y aura plus de
disponibilité des effectifs de la commission pour aider les entreprises
à effectuer ces fameuses études et analyses de marché.
Le deuxième commentaire - on peut passer rapidement - à
l'article 6, on suggère de remplacer le paragraphe 5° par celui-ci:
"les mesures disciplinaires et non disciplinaires" au lieu de "les mesures
disciplinaires et administratives". Là-dessus, mon collègue,
Jean-Pierre Lussier, pourra peut-être préciser davantage les
motifs de cette recommandation.
L'article 7 est probablement l'article le plus fondamental du projet de
règlement et celui qui a suscité également, au Barreau, le
plus de problèmes. D'abord, les mesures d'égalité des
chances et les mesures de redressement sont, d'après nous, des concepts
contradictoires. On peut difficilement parler d'égalité des
chances au sein d'une entreprise qui applique, par ailleurs, des mesures de
redressement. Cela nous apparaît contradictoire.
Deuxièmement, un élément qui nous fait douter de la
validité de ces mesures de redressement, c'est ceci: Ces mesures de
redressement qui constituent de la discrimination à rebours et des
avantages préférentiels sont-elles permises par la loi
habilitante? Il ne faut pas oublier qu'on est au niveau d'un règlement,
on n'est pas au niveau d'une loi. La loi habilitante, qui est la charte,
est-elle suffisamment claire et précise pour permettre ce genre de
mesures de redressement et de discrimination à rebours? (15 h 30)
Vous allez sans doute me référer à l'article 86.1
de la charte qui donne l'objet des programmes d'accès. Cet article, de
l'avis du comité du Barreau, donne sûrement ouverture à des
mesures d'égalité des chances, mais peut-être pas à
des mesures de redressement. Le troisième alinéa de l'article 7
du projet de règlement pourrait donc être susceptible d'être
déclaré un jour ultra vires par les tribunaux.
 l'article 8, on s'est demandé ce que le gouvernement
visait par les mesures de soutien. On a pensé que, notamment, les
programmes de formation pouvaient être de telles mesures de soutien mais,
étant donné qu'on a pris l'expression "mesures de soutien", on a
voulu viser autre chose que les programmes de formation et on s'est
demandé quelles autres mesures de soutien on pouvait viser. Je ne sais
pas si des membres de la commission peuvent nous répondre
là-dessus.
L'article 15, j'en ai parlé. Finalement, on arrive à la
conclusion qui se veut une boucle de tout ce qui précède. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Me
Vadboncoeur et Me Lussier pour ce mémoire très légaliste,
dirais-je. J'ai lu le mémoire et je me suis posé la question
suivante: Est-ce que le Barreau est pour ou contre les programmes
d'accès à l'égalité?
Mme Vadboncoeur: Le Barreau...
M. Marx: Je n'ai pas trouvé la réponse.
Mme Vadboncoeur: De toute façon, on a répondu
à cette question dans les mémoires antérieurs. Le Barreau
est pour les programmes d'accès volontaires, notamment, sans l'ombre
d'un doute, mais, quant aux mesures de redressement, on a de grosses
réserves. Des programmes d'accès qui contiendraient tout ce qui
est dans le projet de règlement, y compris les mesures
d'égalité des chances, oui, parfait, cela va. Mais, quant aux
mesures de redressement, on a quand même beaucoup de réserves.
C'est difficile pour nous de donner notre bénédiction à
des mesures qui se veulent elles-mêmes discriminatoires.
M. Marx: Bon, cela va. C'est un peu plus clair. Ce n'est pas tout
à fait clair, mais quand même.
M. Lussier (Jean-Pierre): En fait, pour le Barreau, la
discrimination positive reste de la discrimination même si on l'appelle
positive.
M. Marx: Oui. Donc, vous n'êtes pas pour les programmes
d'accès à l'égalité.
M. Lussier: Nous sommes pour les programmes d'accès
à l'égalité des chances. Mais quant à des mesures
de redressement, cela dépend ce qu'on entend par des mesures de
redressement. En fait, si on veut mettre sur pied des mesures pour permettre,
par exemple... Admettons que, dans une compagnie, les femmes aient subi une
discrimination, on est d'accord avec toute formule qui va permettre aux femmes
d'avoir les mêmes chances que les hommes.
M. Marx: Mais je... Oui, je comprends.
M. Lussier: Mais ce qui nous crée des difficultés,
c'est si, par exemple, sous le couvert de mesures d'égalité des
chances, on créait des avantages préférentiels pour une
période de temps qui feraient en sorte que d'autres groupes dans cette
même compagnie - pas nécessairement des hommes, mais une
communauté culturelle ou je ne sais trop -seraient discriminés.
C'est ce qui nous cause le plus de difficultés.
M. Marx: Oui, mais vous comprenez que... Je prends le même
exemple que j'ai utilisé hier, à savoir qu'à la Commission
de transport de la Communauté urbaine de Montréal il y a une
vingtaine de chauffeurs d'autobus féminins sur 3400 chauffeurs. La
Commission de transport de la CUM a maintenant un programme pour l'engagement
de 150 femmes chauffeurs d'autobus. Est-ce que vous êtes d'accord ou non
avec une telle mesure?
M. Lussier: Encore une fois, cela dépend des... C'est
difficile de répondre à cette question.
M. Marx: Pas pour moi.
M. Lussier: On est d'accord en principe, mais cela dépend,
évidemment, de la compétence exigée. Si on exige de ces
femmes moins de compétence que pour les hommes...
M. Marx: Mais non.
M. Lussier: ...on ne sera pas d'accord. C'est dans cette optique
qu'on vous souligne les difficultés qu'impliquent non pas des mesures
favorisant l'égalité des chances, mais des mesures de
redressement. 11 peut très bien arriver que, dans une certaine
entreprise, pour des raisons ou, à cause de l'historique de cette
entreprise, des groupes aient été défavorisés. Si
on veut donner des avantages préférentiels à ces groupes,
toutes choses étant égales, toutes les autres conditions
étant égales, on est parfaitement d'accord avec cela, mais
à condition que toutes les autres choses soient égales aussi.
M. Marx: Oui, mais...
M. Lussier: Pour répondre clairement à cette
question, si les autres critères de compétence sont les
mêmes, c'est certain que le Barreau est d'accord avec cela.
M. Marx: Les autres critères de compétence, on les
tient pour acquis. Je pense que c'est même stipulé dans le
règlement à l'article 5, c'est cela. On ne veut pas de chauffeurs
d'autobus féminins incompétents parce qu'on ne veut pas avoir
d'accidents. Or, il s'avère qu'elles sont aussi compétentes que
les hommes, parce qu'à Chicago il y a 30 % de chauffeurs d'autobus
féminins et il n'y a pas plus d'accidents qu'à Montréal.
Donc, on peut être assuré... Je suis sûr que Me Vadboncoeur
est d'accord sur le fait que les femmes sont compétentes quand elles
sont chauffeurs d'autobus.
Mais passons aux questions peut-être plus juridiques. À la
page 5, vous avez écrit: "Le comité du Barreau considère
que la législation et la réglementation dans leur facture
actuelle comportent de très sérieuses lacunes, à un point
tel que l'imprécision et l'incertitude règnent." L'autre jour,
j'ai lu un commentaire sur le travail des avocats quant aux lois et l'auteur
disait que les lois sont rédigées par les avocats d'une
façon imprécise pour donner du travail à d'autres
avocats.
Mme Vadboncoeur: C'est de moins en moins vrai que les lois sont
rédigées par des avocats.
M. Marx: Je pense que ce règlement était bien
rédigé par des avocats. Cela m'amène à la page 8.
Vous avez écrit: "En conséquence, à cause de ce climat
d'incertitude juridique, nous vous recommandons, en ce qui concerne le secteur
public, de suspendre l'application de votre législation et de votre
réglementation." Peut-être que cela plaide... mais je ne suis pas
d'accord du tout parce que je ne vois pas la différence entre le secteur
public et le secteur privé.
Pour avoir un programme d'accès à l'égalité,
on peut avoir une loi. Cela prend une loi. L'article 15, paragraphe 2, de la
Charte canadienne des droits et libertés prévoit qu'on peut avoir
des lois qui prévoient des programmes d'accès à
l'égalité. Cela ne serait pas à l'encontre de la charte.
Supposons qu'on a une loi québécoise qui
s'applique au secteur public et au secteur privé; je ne vois pas
la distinction entre secteur public et secteur privé que vous avez faite
en vous basant sur la décision de la Cour d'appel dans l'Alliance des
professeurs. Tout ce que l'Alliance des professeurs a dit c'est que la loi 62
adoptée par l'Assemblée nationale est inconstitutionnelle parce
que l'Assemblée nationale n'a pas suivi la procédure voulue par
la charte canadienne qui permet des dérogations. C'est ça.
M. Lussier: Ce qu'on voulait souligner, nous, ce sont les
différences au niveau de la présomption qui existe à
l'article 15 de la charte canadienne et celle qui existe dans la charte
québécoise à l'article 86.1. Dans la charte canadienne on
comprend, nous, qu'un programme est réputé non discriminatoire
tout simplement. Dans la charte québécoise, pour qu'un programme
d'accès à l'égalité soit réputé non
discriminatoire, il doit être établi conformément à
la charte. C'est le premier problème qu'on s'est posé. Qu'est-ce
que cela veut dire pour un programme d'être établi
conformément à la charte, surtout lorsque le premier
alinéa de l'article 86.2 n'est pas en application, c'est-à-dire
que ce premier alinéa dit que le programme d'accès à
l'égalité doit être approuvé par la commission?
À l'heure actuelle, un programme d'accès à
l'égalité n'a pas à être approuvé par la
commission pour être en vigueur, à moins qu'il soit imposé
par le tribunal. Nous prenons pour hypothèse qu'il n'est pas
imposé par le tribunal. Donc, un programme d'accès à
l'égalité n'a pas à être approuvé par la
commission. Est-ce qu'un programme d'accès à
l'égalité non approuvé par la commission et non
imposé par le tribunal est un programme établi
conformément à la charte? C'est une question qu'on se pose. On
n'a pas de réponse à cette question. On ne peut pas savoir ce que
le législateur a impliqué lorsqu'il écrit "s'il est
établi conformément à la charte; dans la mesure où
il n'a pas mis en vigueur l'alinéa qui dit que cela doit être
approuvé par la commission. Ce qu'on serait porté à
comprendre à première vue, c'est qu'un programme non
discriminatoire établi conformément à la charte, ce serait
un programme établi en suivant une méthodologie qui est contenue
à la charte. Or, il n'y en a plus de méthodologie contenue
à la charte dans la mesure où la commission n'a pas à
donner d'approbation.
Là, j'arrive à la distinction entre le secteur public et
le secteur privé. Si la décision sur l'Alliance de la Cour
d'appei est maintenue par la Cour suprême, on va devoir tenir pour acquis
que la charte canadienne s'applique à tous les organismes publics.
Peut-être que...
M. Marx: Non, ce n'est pas cela.
M. Lussier: Bien, peut-être que...
M. Marx: Si la décision est maintenue, on va dire que le
Québec ne peut pas se soustraire à certains articles de la charte
canadienne, sauf en suivant une certaine procédure que le Québec
n'a pas suivie dans la loi 62. On va laisser ce côté
légaliste pour les juristes de la couronne qui sont ici aujourd'hui. On
ne va jamais terminer cette discussion. On va réfléchir et je
suis sûr que les juristes des ministères vont faire une
réflexion sur vos interventions sur ces points très
précis. À la page 11, vous avez dit: "Le comité du Barreau
veut rappeler son opposition à ce qu'une agence administrative exerce
des pouvoirs décisionnels en matière de programmes d'accès
à l'égalité." Il y a beaucoup d'organismes administratifs
qui exercent des pouvoirs décisionnels au Québec, au Canada et
partout. Même le Barreau, qui n'est pas un organisme administratif
gouvernemental, exerce des pouvoirs décisionnels en ce qui concerne la
discipline des membres du Barreau. Qui voulez-vous...? On ne peut pas
permettre, chaque fois qu'il y a une décision à prendre, de
laisser cela aux tribunaux. Ce sera "unworkable".
Mme Vadboncoeur: Je pense que le point n'était pas de
soumettre tout programme d'accès au tribunal. Effectivement, on
assisterait à un engorgement des tribunaux qui n'aurait pas de sens.
Sauf qu'on ne veut pas que ce soit la Commission des droits de la personne qui
approuve le programme, c'est-à-dire qui décide de sa
validité ou de sa non-validité. Ce n'est pas à la
commission de faire cela. D'autant plus que la commission aura elle-même
fait enquête dans certains cas et elle en sera venue à la
conclusion qu'il y avait effectivement une situation de discrimination et
aurait recommandé des programmes.
M. Marx: Quelle est la différence entre cela et
décider quelles sont les normes de travail, appliquer toute autre loi?
On a une foule de lois où il y a des organismes administratifs qui
appliquent, qui décident, qui refusent et accordent des permis et qui
disent: Si vous voulez un permis, vous devez élargir votre restaurant;
vous devez mettre un escalier ici ou là. Cela est tout à fait
dans notre culture juridique.
Mme Vadboncoeur: Avec tout le respect que je vous dois, les
exemples ne sont pas du tout comparables. Décider en matière de
permis et décider sur les droits fondamentaux des gens, ce n'est pas
tout à fait la même chose. (15 h 45)
M. Lussier: Le problème vient aussi du fait qu'on parle de
mesures de redressement par opposition aux mesures d'égalité
des
chances. Dans la mesure où des programmes d'accès vont
consister principalement en des mesures de redressement, donc davantage
préférentielles, donc de ce qu'on appelle de la discrimination
positive, il y a certaines autres personnes qui, justement pour favoriser les
uns, seront forcément défavorisées. Alors, pour les droits
de ces gens, on pense que cela ne devrait pas être le même
organisme qui fasse enquête, qui suggère l'élaboration d'un
programme et qui ensuite l'approuve. À un moment donné, c'est le
même organisme qui est enquêteur, qui est juge, qui est partie et
qui est tout ce qu'on veut. Nous, au Barreau, n'avons jamais été
favorables à une situation comme celle-là.
M. Marx: Oui, mais cela n'est pas la même chose que ce qui
est écrit à la page 11. J'ai déjà soulevé ce
problème à la Commission des droits de la personne que c'est
souvent la même personne qui fait le travail d'enquêteur, d'arbitre
et ainsi de suite. On cumule un certain nombre de fonctions bien que dans
d'autres commissions cela fonctionne différemment.
Mais, le pouvoir décisionnel, il faut que ce soit logé
quelque part. Où est-ce qu'on va le loger ce pouvoir? Qui va prendre des
décisions?
Mme Vadboncoeur: S'il y a une contestation...
M. Lussier: C'est cela. S'il y a une contestation, cela devrait
être le tribunal. Pour nous, on ne voit pas pourquoi cela serait
différent dans ce domaine, et encore plus dans ce domaine que dans les
autres parce que cela touche les droits fondamentaux.
Notre système de justice est fondé sur l'organisation des
tribunaux de droit commun. Advenant une contestation, surtout en matière
de droit fondamental, nous estimerions préférable que ce soient
les tribunaux de droit commun qui tranchent ces litiges plutôt que la
commission administrative qui, comme je le soulignais tout à l'heure,
est entrée dans le processus dès le début par ses
enquêteurs, etc.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous avons eu votre
mémoire ce matin mais votre performance devant les commissions
parlementaires est toujours la même, Me Vadboncoeur. J'ai eu la chance de
suivre les cours de Me Lussier mais il me semble...
M. Marx: Elle est bien formée.
Mme Harel: Oui. J'ai bien compris que l'objectif du Barreau
était de réduire l'incertitude juridique, n'est-ce pas? D'une
certaine façon, la démonstration que vous faites m'a
amenée à la même question que le député de
D'Arcy McGee. En fin de compte, est-ce que ce mémoire ne dit pas une
chose et son contraire? Vous nous dites que le premier alinéa de
l'article 86.2 c'est une disposition charnière. Sa non mise en vigueur
produit de l'incertitude, crée des difficultés
d'interprétation, accentue l'incohérence. Vous faites une
démonstration puis après vous proposez l'abrogation de ce
même article.
M. Lussier: C'est vrai que cela semble contradictoire.
Mme Harel: Vous permettez? M. Lussier: Pardon.
Mme Harel: À ce moment, en proposant l'abrogation, vous
nous ramenez à l'article 86.1, donc à des programmes
laissés entièrement à l'initiative de l'entreprise.
Là, il me semble que le danger que vous soulignez est encore beaucoup
plus considérable que ces programmes ne soient pas ceux qu'on souhaite
mais aient les aspects que vous décrivez qui peuvent parfois,
dites-vous, dans certaines entreprises, mener à de la véritable
discrimination parce qu'il n'y aurait plus de conditions minimales, ils ne
seraient plus approuvés. Finalement, ce serait laissé
entièrement à l'initiative de l'entreprise. Vous proposez
même qu'on abroge "s'il est établi conformément à la
charte" en disant: "Un tel programme est réputé non
discriminatoire", quel qu'il soit parce qu'il serait laissé
entièrement à l'initiative de l'entreprise, si j'ai bien compris
votre recommandation.
Est-ce que l'intérêt ne serait pas finalement, en suivant
votre démonstration, d'en arriver à des conditions minimales,
comme l'ont recommandé beaucoup d'organismes, de groupes qui vous ont
précédés, des conditions minimales qui, à ce
moment, seraient introduites dans tous les programmes, qu'ils soient
volontaires ou non?
Le Président (M. Gagnon): Me
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: D'abord, quand vous dites que la
conséquence de notre recommandation quant à l'abrogation des mots
"s'il est établi conformément à la charte" va laisser,
finalement, tout programme à l'initiative des entreprises...
Mme Harel: L'abrogation du premier alinéa de 86.2.
Mme Vadboncoeur: De toute façon, mon
raisonnement est le même. Ce n'est pas tout à fait juste
parce qu'il y aura toujours les programmes qui seront élaborés
sur recommandation de la commission et l'article 86.2, deuxième
alinéa, donne à la commission le devoir, l'obligation de
prêter son assistance dans l'élaboration de tels programmes. Donc,
il y aura déjà là des critères.
Deuxièmement, il y aura aussi les programmes qui seront
élaborés sur ordonnance du tribunal. Évidemment, dans ces
deux cas que je viens de mentionner, ils devront se plier au règlement
qui est devant nous, enfin, qui sera adopté éventuellement. Les
balises sont là. Ce qu'on veut, nous, c'est qu'en matière de
programmes volontaires uniquement on laisse, effectivement, le caractère
purement volontaire, mais sous toutes ses formes comme, d'ailleurs, le
prévoit la charte canadienne à cet égard.
Il n'y a pas de normes, il n'y a pas de balises, il n'y a pas de
critères en ce qui concerne les programmes volontaires établis
conformément à la charte canadienne, à l'article 15 de la
charte. Ce serait exactement la même chose. On suppose que l'entreprise
privée ou publique qui voudrait mettre sur pied volontairement un
programme d'accès le fera et il pourra être contesté
judiciairement, c'est clair. Éventuellement, il y aura sûrement
une jurisprudence qui s'établira autour de certains critères de
base, j'imagine, à remplir par les entreprises voulant mettre sur pied
des programmes d'accès.
Mme Harel: II reste quand même peu de possibilités
entre programme coercitif... Vous nous référez à la
possibilité pour la commission d'imposer, après enquête, un
programme à 86.3. Il reste...
Mme Vadboncoeur: Pas la commission.
Mme Harel: Le tribunal, voilà. Donc, il reste soit
coercitif par le tribunal et après recommandation de la commission ou
bien c'est entièrement à l'initiative. Vous n'étiez pas
satisfaite des exemples que le député de D'Arcy McGee vous avait
apportés tantôt. Je pense à un très bon exemple.
C'est celui de l'Office de la langue française et des certificats de
francisation, c'est un très bon exemple. Il s'agit là aussi de
mesures de redressement non seulement au sens de l'égalité des
chances pour les individus, mais dans une situation qui était
systémique. Je crois que c'est là, en fait, un mandat qui a
été donné à une commission, enfin, à un
office.
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
Mme Harel: Je ne sais pas. Je reviendrai peut-être, s'il y
a autre chose.
Mme Vadboncoeur: Enfin, pour apporter une petite
précision, il y a trois sortes de programmes, finalement. Il y a les
programmes volontaires, il y a les programmes établis à la suite
d'une recommandation de la commission et il y a les programmes établis
à la suite d'une ordonnance du tribunal. Les deux dernières
sortes, les deux derniers types de programmes sont visés par le
règlement. Donc, ces deux là comportent des critères, des
balises, enfin, il y a quand même ce règlement qui est très
précis quant aux exigences du contenu du programme. On ne peut pas dire
que tous les programmes, à cause de l'abolition de l'approbation de la
commission, seront laissés à la libre initiative des entreprises,
pas du tout.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, Me Vadboncoeur a soulevé
un point très important. Quelles seront les règles qu'une
compagnie qui met sur pied un programme d'accès à
l'égalité volontaire va suivre? Cela a déjà
été demandé que, même si c'est sur une base
volontaire, on suive les procédures ou les règles qui sont
contenues dans le règlement. Il faut avoir un cadre quelconque ou bien
on va avoir des programmes d'accès à l'égalité
partout d'une façon très... Comment dirais-je? Des programmes
inégaux et différents.
M. Lussier: Le Barreau n'a certainement pas d'objection à
ce que les programmes volontaires soient soumis à une
réglementation. Cependant, il veut souligner le fait que le
règlement est très exigeant quant aux conditions qui devront
être remplies et ce n'est pas de nature à susciter - en tout cas,
à notre avis - l'émergence de beaucoup de programmes volontaires,
d'autant plus que leur validité pourrait - plus facilement que les
autres types de programmes -être mise en péril.
M. Marx: Vous avez parlé de contestations, de litiges.
C'est sûr que si on adopte ce règlement on va avoir un certain
nombre de litiges parce que c'est cela "the name of the game", mais pensez-vous
que ce serait une façon d'éviter des litiges d'avoir...
Pardon?
Mme Harel: Des normes minimales?
M. Marx: Non, pas des normes, mais d'avoir des obligations
contractuelles? C'est-à-dire une compagnie qui veut faire affaires avec
le gouvernement doit s'obliger contractuellement à suivre un certain
programme d'accès à l'égalité - c'est le cas aux
États-Unis - "contract compliance" pour
éviter une certaine contestation, parce que les compagnies qui
veulent faire affaires s'y soumettent. Donc, il y a moins de problèmes.
Les compagnies - je peux vous montrer un contrat américain sur ce point
- sont d'accord pour accepter de mettre en place un programme d'accès
à l'égalité. Donc, il n'y a pas de contestation.
M. Lussier: C'est sûrement une bonne suggestion parce que,
évidemment, dans la mesure où toutes les parties
impliquées consentent, on ne voit pas pourquoi il y aurait des litiges
qui naîtraient. C'est sûr que cela peut être une suggestion
utile, mais je ne crois pas que dans le fond, ce règlement ait eu cela
derrière la tête lorsqu'il a été bâti. On peut
réfléchir à des possibilités comme celle-ci qui,
finalement, sont limitées aux organismes avec lesquels le gouvernement
pourrait contracter, mais, tout de même, c'est sûrement une formule
qui empêcherait que des litiges naissent au moins dans ce secteur.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Cela va.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Vachon. Cela va?
M. Payne: Non. Quand vous dites à la page 11: "Dans la
mesure où ces programmes conduisent à des contingents
obligatoires", comment pouvez-vous inférer cela du règlement?
Où est-il question de contingent?
Mme Vadboncoeur: Les mesures de redressement, il me semble,
visent des contingents obligatoires.
M. Payne: Non. Pourquoi pensez-vous ou pouvez-vous
suggérer cela?
Mme Vadboncoeur: En fait, je pense que le raisonnement a
été le suivant. Si le programme d'accès comporte des
mesures de redressement et qu'à partir de là on dit: Une telle
entreprise, historiquement, a pratiqué de la discrimination
systémique à l'égard d'un groupe cible et qu'on
suggère des mesures de redressement, c'est dans le but de
rétablir un certain équilibre face à ce groupe cible par
opposition au reste des employés de l'entreprise. Donc, on peut
s'attendre également que le programme dise: Dans les cinq prochaines
années, la compagnie devra engager dans une proportion de 80 %
uniquement des personnes faisant partie du groupe cible.
M. Payne: Non. Il faut faire une distinction ici. Si on veut
couper les cheveux en deux comme vous semblez vouloir le faire, il faut
distinguer entre un objectif et un quota. Ce n'est pas la même chose et
on ne parle pas de quota. On ne parle pas de contingentement, mais je pense
qu'on pourrait peut-être trouver une explication de notre
différend dans le sens que pour une entreprise, maintenant... On parle
de plus en plus depuis quelques années de "management by objectives". Je
ne sais pas comment on dit cela en français, "gestion par objectifs".
Là où, par exemple, une entreprise se donne - et je souligne les
mots "se donne" -suivant les ententes nécessaires, les objectifs qui
sont là pour être évalués et
réévalués, modifiés, ajustés à la
réalité, il ne s'agit pas là d'un contingent obligatoire,
à mon sens. Je ne pense pas que cela vous donne raison, si on le prend
à la lettre. (16 heures)
Le Président (M. Gagnon): Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: Merci, M. le Président. Vous me
permettrez de diverger d'opinions avec vous. Je pense que la lecture du
règlement nous démontre qu'effectivement le programme doit
contenir des objectifs. C'est l'article 3 qui le suggère. Ensuite, les
articles 4, 5 et 6 donnent la façon de procéder. Mais l'article
7, lui, fait référence aux mesures d'égalité des
chances et aux mesures de redressement. L'article 2 du projet de
règlement dit qu'un programme contient notamment: 1° les objectifs
poursuivis et 2° les mesures nécessaires pour corriger les effets de
la situation de discrimination constatée.
Le premièrement, les objectifs, ce sont les articles 3, 4, 5 et 6
qui les expliquent. Le deuxièmement de cet article 2 est
précisé par les articles 7 et 8 du projet de règlement qui
visent les mesures d'égalité des chances, les mesures de
redressement et les mesures de soutien. Dans les mesures de redressement, on
dit qu'elles "visent à éliminer la discrimination subie par un
groupe de personnes en accordant temporairement à ses membres certains
avantages préférentiels." Si cela ne se réfère pas
à des contingents obligatoires dans certaines entreprises, je ne sais
pas à quoi cela peut se référer.
M. Payne: Une mesure de redressement ne fait pas
référence ipso facto aux contingents obligatoires.
Deuxièmement, vous dites un peu plus loin: "À la limite, le
comité accepte l'intervention du pouvoir judiciaire pour approuver et
décréter des programmes d'accès à
l'égalité." Eh bien! mon Dieu, on fait cela depuis des
années avec plusieurs organismes. Ma collègue a parlé de
l'Office de la langue française. On en a discuté longuement ce
matin, et d'autres exemples existent.
M. Marx: La CSST.
M. Payne: La CSST est un autre exemple. Il y a plusieurs
régies qui adoptent des mesures pour qu'on puisse redresser les
injustices de la société. Mais si, sur le plan politique, on
suggère que les tribunaux, qui sont eux-mêmes très lourds,
devraient remplacer la volonté du peuple comme infrastructure,
l'infrastructure judiciaire, qu'on devrait appeler le judiciaire chaque fois
que l'on voudrait approuver ou décréter des mesures de
redressement, je ne pense pas qu'on irait bien loin.
Mme Vadboncoeur: Ce n'est pas ce qu'on dit. On ne dit pas que
chaque fois, que pour chaque programme il y aura l'approbation judiciaire.
D'ailleurs, le député de D'Arcy McGee faisait cette remarque tout
à l'heure, et je pense y avoir répondu. Ce n'est pas ce qu'on
dit.
M. Payne: Ce que vous dites, c'est que le comité accepte
l'intervention du pouvoir judiciaire pour approuver et décréter
des programmes d'accès. C'est ce que vous dites.
Mme Vadboncoeur: Quand il y aura contestation,
forcément.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir à une affirmation de Me Vadboncoeur qui nous a dit qu'à
son avis il y a contradiction entre l'égalité des chances et les
mesures de redressement. Il me semble qu'il n'y a pas contradiction, madame. Si
on met en place des programmes d'égalité des chances, c'est parce
qu'elle n'existe pas, c'est parce qu'il y a inégalité. Donc, on
est dans une situation d'inégalité et on entend redresser cette
inégalité pour s'approcher mieux, plus, de
l'égalité. 11 est donc très compatible d'user de mesures
de redressement pour se rapprocher de l'égalité des chances.
Mais peut-être que la difficulté que vous avez avec ces
notions est du même ordre que celle que je trouve dans un auteur que je
ne connais pas mais qui semble être un juriste de tendance
libérale, ce qui veut dire, dans ce contexte, conservatrice. Le
député de D'Arcy McGee s'est montré cet après-midi
assez peu libéral, justement, dans le même sens. Il s'agit de
Michel Krauss. C'est un article qui est paru dans la revue L'Analyste et qui
doit paraître aussi dans la Revue de droit de l'Université de
Sherbrooke, ce qui le rend sans doute très sérieux. M. Krauss
dit: La version moderne de l'"affirmative action" est philosophiquement
incompatible avec l'idée d'une société libérale. Sa
justification devra donc surmonter ce lourd obstacle moral, possiblement en
invoquant des motifs axés sur les conséquences. En anglais
j'aurais dit "compelling consequentialist reasons". Je ne prétends pas
qu'il soit impossible de trouver de tels motifs pour justifier l'action
positive dans certains cas particuliers. J'en fournirai même une
illustration plus loin.
Je vous cite cela pour montrer que, même de l'intérieur
d'une pensée juridique tout à fait libérale, on admet que,
si les raisons sont assez "compelling", assez fortes, cela peut être
moralement justifié. Je pense que c'est effectivement le cas, le
scandale que représente la discrimination systémique dans
l'emploi et dans plusieurs domaines, c'est justement ta raison "compelling" qui
justifie, même dans une pensée libérale, ce genre
d'intervention.
M. Lussier: Tout ce qu'on voulait souligner c'est que vous avez
raison quand vous dites qu'en soi une mesure de redressement ne va pas à
l'encontre d'une mesure d'égalité des chances. Mais, telle que
définie dans le projet de règlement, une mesure de redressement a
pour objet de conférer à un certain groupe des avantages
préférentiels. Une mesure d'égalité des chances a
pour objet - selon moi - de conférer à un groupe des avantages
égaux, non pas des avantages mais un statut égal, une
possibilité égale d'accéder à une même chose,
alors que des mesures de redressement, on va préférer les donner
à certains plutôt qu'à d'autres. Ce qui fait que si vous
arrivez et que vous ne faites pas partie du groupe qui se voyait accorder des
avantages préférentiels pendant un certain temps donné,
vous allez être défavorisés par rapport à ce groupe,
défavorisés seulement parce qu'on a décidé
d'accorder des avantages préférentiels à un groupe, cible
ou non. Selon nous, c'est en ce sens qu'on peut avoir une mesure de
redressement qui donne une préférence à un groupe par
rapport à un autre. Ce n'est pas une mesure d'égalité des
chances qui, par définition, selon nous, voudrait être une mesure
qui donne la même chance à tout le monde. C'est simplement
ça que nous avons voulu souligner.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee, pour le dernier mot, le mot de la
fin.
M. Marx: M. le Président, je me souviens quand Me Lussier
et moi étions étudiants en première année à
la Faculté de droit de l'Université de Montréal, il y
avait très peu d'étudiantes, une dizaine peut-être. Mais,
je me souviens aussi, parce que j'ai été professeur de droit dans
cette même faculté... Cette année il y en a peut-être
50 % ou 60 %. Tant mieux, 60 % sont des étudiantes, 60 % des futures
avocates sont à
la Faculté de droit et des notaires aussi.
La question que j'aimerais poser à Me Vadboncoeur est la
suivante: Étant donné qu'il y a beaucoup plus de membres du
Barreau aujourd'hui qui sont des femmes, est-ce que les femmes ont la place qui
leur revient au Barreau du Québec?
Le Président (M. Gagnon): Me
Vadboncoeur.
M. Marx: ...un programme d'accès à
l'égalité pour les femmes au Barreau.
M. Payne: Est-ce qu'il y a des mesures de redressement?
Mme Vadboncoeur; Écoutez, au Barreau cela dépend
à quel point de vue. Je pourrais en parler jusqu'à demain matin
de cela. Effectivement, depuis peut-être environ 1970, la proportion des
étudiants féminins a énormément augmenté
à la faculté. Comme je le soulignais tout à l'heure,
certains ou certaines se dirigent vers le Barreau et d'autres vers la Chambre
des notaires. En 1985, on est rendu à environ 20 % de femmes avocates au
Barreau sur un total d'à peu près 10 200 avocats. On assiste
également de plus en plus à une implication des femmes avocates
au sein de leur section respective. On a des femmes bâtonniers de
section. On n'a pas encore une femme bâtonnier général,
mais on a des femmes bâtonniers de section. Le directeur
général du Barreau du Québec est une femme. Moi, j'y suis
également depuis cinq ans et demi. Je pense qu'effectivement les femmes
prennent leur place de plus en plus au sein du Barreau.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Vadboncoeur et Me
Lussier. Merci au Barreau du Québec pour cet apport à la
commission. J'invite l'Association des manufacturiers canadiens - division du
Québec - à prendre place et je suspens les travaux pour cinq
minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 10)
(Reprise à 16 h 17)
Le Président (M. Gagnon): Nous accueillons maintenant
l'Association des manufacturiers canadiens, division Québec. Mme Louise
Fecteau, je vous cède la parole. Juste avant, je vous mentionne la
même chose qu'on a dite aux autres groupes qu'on a entendus
jusqu'à maintenant. Nous vous accordons 55 minutes, c'est-à-dire
20 minutes pour nous livrer votre mémoire et 35 minutes de discussion
avec les membres de la commission. En vous souhaitant la bienvenue, je vous
cède le micro. Veuillez nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
Association des manufacturiers canadiens, division
Québec
Mme Fecteau (Louise): Merci, M. le Président. Mesdames et
messieurs les députés. Nous n'avons pas l'intention de lire le
mémoire, puisqu'il est fort simple. Vous l'avez tous eu, à moins
que vous ne l'ayez pas reçu. Vous l'avez reçu. On demanderait que
ce présent mémoire fasse partie des minutes de la présente
commission. Je vais vous présenter mes deux collègues, M. Thomas
Lavoie, ainsi que M. Gaby Poulin, à ma gauche, qui sont tous deux
membres du comité de législation de notre association. Ce sont
des représentants d'entreprises membres de notre association.
Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez...
Mme Fecteau: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Le mémoire est
déposé aux archives, mais n'est pas transcrit dans le Journal des
débats.
Mme Fecteaus Serait-il préférable de le lire?
Le Président (M. Gagnon): Au moins, de le
résumer.
Mme Fecteau: D'accord. Je vais quand même vous dire qu'on
va s'attaquer à deux aspects et je laisserai mes collègues vous
résumer le mémoire. Le premier aspect sera le projet de
règlement lui-même, quant à son contenu et sa formulation.
Le deuxième aspect qu'on touchera sera relatif à la
volonté du gouvernement de vouloir étendre le présent
projet de règlement aux entreprises voulant avoir des programmes
d'accès chez elles, ainsi qu'aux entreprises qui contractent ou auront
à contracter avec le gouvernement. Ce seront les deux seuls aspects
qu'on touchera.
Je laisse la parole à mon confrère de droite, M. Thomas
Lavoie.
M. Lavoie (Thomas): Bonjour. Le mémoire
présenté par notre association reflète la vision des
membres de notre association qui est d'encourager le gouvernement à
adopter une approche flexible, plutôt que coercitive vis-à-vis de
l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.
Nos commentaires ont pour objet d'éviter, pour les entreprises
visées par l'éventuel règlement, d'être aux prises
avec d'interminables difficultés d'adaptation et de fonctionnement. 11
n'est pas nécessaire, selon nous, pour atteindre le but fixé,
d'exiger des employeurs
des données telles qui nuiraient à la saine administration
de l'entreprise. Si le gouvernement veut encourager les entreprises à
emboîter le pas en matière d'égalité en emploi,
évitons, par ailleurs, des gestes qui pourraient être
interprétés comme excessifs et décourageants.
L'une des initiatives les plus importantes que ce gouvernement ait
prises à la conférence Décisions 85 est son engagement
pour encourager les entreprises à emboîter le pas en
matière d'égalité dans l'emploi.
En effet, la décision du gouvernement de faire adopter par
l'Assemblée nationale, le 26 juin dernier, les articles 86 et suivants
de la Charte des droits et libertés de la personne rend
dorénavant légale l'implantation de programmes d'accès
à l'égalité au sein d'une entreprise.
Le gouvernement s'est également engagé, lors de la
conférence Décisions 85, à exiger que les
sociétés de juridiction provinciale, ainsi que les
sociétés qui contractent avec le gouvernement, déclarent
leur engagement à l'égalité à l'emploi. Bien que le
présent projet de règlement ne traite point de ces derniers
aspects énumérés, nous sommes convaincus que tous ces
changements représentent une toute nouvelle approche qui comporte de
vastes conséquences économiques et sociales.
Le gouvernement, le 27 juin dernier, déposait un projet de
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité qui s'appliquent, une fois adopté - c'est
souligné dans notre mémoire - à "toute personne qui
élabore, implante ou applique un programme d'accès à
l'égalité sur recommandation de la commission ou à la
suite d'une ordonnance du tribunal."
Les commentaires qui suivent porteront uniquement sur le fondement
même de ce projet de règlement et sont issus de discussions qui
émanent de responsables d'entreprises membres de notre association. Ces
entreprises sont désireuses d'aider le gouvernement à atteindre
le but avoué qu'il s'est fixé, de réaliser un
équilibre optimal de justice, d'efficacité dans son approche
d'égalité dans l'emploi pour les Québécois, les
Québécoises et les autres.
Sur la charte des droits, l'AMC félicite le gouvernement
d'adopter une approche flexible et orientée vers les résultats.
En effet, l'adoption des articles de la charte, rendant légaux les
programmes d'accès tout en évitant de les rendre obligatoires,
permet ainsi à l'entreprise une flexibilité qui sera un
élément essentiel d'un programme réussi. Une emphase sur
les résultats, permettant aux employeurs d'adopter des programmes sur
mesure répondant à leur propre culture corporative et au
mélange employés et industrie, suscitera plus de
créativité dans leur approche.
Au sujet de l'article 2 du projet de règlement, le paragraphe 4
devrait être supprimé car le rapport annuel que doit faire
parvenir l'employeur à la commission en vertu de l'article 11 comportera
les mécanismes de contrôle visés audit paragraphe.
Au sujet de l'article 3 du projet de règlement, pour faciliter
à l'entreprise l'atteinte des objectifs décrits à cet
article, c'est le gouvernement qui devrait fournir a cette dernière la
compilation de statistiques relatives à la disponibilité des
groupes cibles sur le travail.
Sur ce point particulier, nous avons eu l'occasion d'entendre les
membres du Barreau tantôt. J'aimerais souligner le fait que les
entreprises, les employeurs ont une grande crainte des quotas. Justement, la
formulation de cet article 3 nous porte à croire qu'il est
imposé. Nous croyons que, s'il y a suggestions à faire, la
rédaction de cet article devrait être plus grande pour permettre
une flexibilité autant des quotas ou, comme c'est exprimé ici,
nombre et pourcentage, que d'autres objectifs plus flexibles et plus
généraux. On pourra revenir sur le sujet plus tard, si vous le
voulez.
Au sujet des articles 4, 5 et 6 du projet de règlement, il serait
contraire à l'objectif fondamental d'inclure des éléments
précis d'un programme d'égalité dans l'emploi dans le
cadre d'une définition réglementaire. En effet, les articles 4, 5
et 6 du projet de règlement devraient, selon nous, pouvoir se limiter
aux directives d'ordre général en vue d'aider l'entreprise
jugée discriminatoire par la commission ou le tribunal à
établir un programme significatif. Imposer une liste de critères
spécifiques au sein de ces articles détruit le but et les
avantages d'une approche flexible.
Je vais me passer de certains commentaires que nous avions faits sur les
articles comme tels. Je dirai seulement, en rapport avec l'article 6, que
l'imposition d'une collecte de données normalisées et excessives
et les obligations de divulgation par les entreprises sont à la fois
inutiles et antiproductives. Il n'est pas nécessaire, selon nous, pour
atteindre le but fixé, d'exiger des employeurs de retracer et de
divulguer des données de mouvement, telles des statistiques sur
l'embauche, la fin d'un emploi et l'avancement. En plus du fardeau
administratif additionnel, il en résulterait des conséquences
préjudiciables. Par exemple, les entreprises sont légitimement
préoccupées par le fait que leurs concurrents pourraient
découvrir de nouvelles stratégies ou initiatives par le biais des
données sur le mouvement d'embauche. De la même façon, les
données sur le mouvement de roulement pourraient indiquer des secteurs
en difficulté au sein d'une entreprise et les concurrents pourraient
utiliser des renseignements à leur
propre avantage lors du recrutement de personnel dans ces secteurs.
Il peut être très précieux pour un employeur
d'utiliser à l'interne des données sur le mouvement. Cependant,
la collecte et la divulgation de ces données ne devraient absolument pas
être des éléments obligatoires d'un programme
d'égalité dans l'emploi. La divulgation publique de ces
renseignements entraînerait une intervention gouvernementale non
désirée dans la gestion de l'entreprise.
Toute obligation de divulguer les échelles de salaires
présente aussi de sérieux problèmes car les concurrents
connaîtraient celles-ci. Ce problème pourrait être en grande
partie évité en faisant état de résultats en
fonction de quartiles de salaires sans toutefois rattacher à chaque
quartile un montant exprimé en dollars. Cela donnerait une indication de
la distribution des membres au sein des groupes cibles parmi les groupes deprofessionnels, sans divulguer des renseignements privés d'une
grande importance concurrentielle.
En conclusion, les présentes initiatives du gouvernement sont,
pour le monde des employeurs, des indications claires pour que ceux-ci
s'ajustent et facilitent les grands changements de société qui
ont lieu actuellement. Dans la mesure où les employeurs peuvent
influencer le changement, l'AMC encourage activement et appuie les mesures
d'égalité dans l'emploi parmi ses membres.
Bien qu'il ne soit pas question à ce stade-ci de programmes
obligatoires pour toute entreprise, excepté pour celles
déclarées discriminatoires par la commission ou le tribunal, nous
tenons toutefois à souligner devant cette commission que la
rédaction du texte (ou plus précisément l'absence
d'exclusion) peut faire croire à certains que le contexte contient des
quotas qui seraient alors perçus péjorativement.
Les commentaires que l'AMC vient de vous énoncer ont pour objet
d'éviter justement que l'on interprète les programmes ainsi mis
de l'avant par ce règlement comme étant excessifs et
antiproductifs et risquant même de devenir la norme pour demain.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Merci beaucoup, Mme Fecteau, M. Lavoie, M. Poulin, pour
votre mémoire qui est éloquent par sa modération, ce qui,
à mon avis, a d'ailleurs été l'attitude du gouvernement
dans la rédaction du règlement. Je voudrais souligner le fait que
l'Association des manufacturiers canadiens, qui a toujours participé aux
grands débats, voudrait apporter un appui important, nuancé mais
important, à notre réflexion. Vous dites que vous voulez que le
gouvernement adopte une attitude flexible en matière d'accès
à l'égalité, de façon à encourager les
employés à adhérer à de tel3 programmes.
D'ailleurs, je pense que vous vous réjouissez du fait que ces programmes
ne soient pas obligatoires, sauf, évidemment, pour les entreprises
où il est prouvé qu'on exerce de la discrimination. Vous avez
quelques craintes en ce qui concerne les statistiques relatives à la
disponibilité. D'abord - je m'excuse - vous appuyez le fait que les
statistiques relatives à la disponibilité des groupes cibles
devraient être fournies par le gouvernement. Par contre, vous avez
quelques réserves, si je comprends bien, en ce qui concerne
l'information qui est normalement confidentielle. Hier, on a discuté
avec d'autres groupes qui voulaient qu'on aille plus loin dans le sens de
l'analyse à préparer. On pourrait signaler, en passant, que le
gouvernement fédéral avait, d'ailleurs, une attitude semblable
à la nôtre en ce qui concerne le C-62. Également, en
Amérique du Nord... Si on avait plus de temps, on pourrait analyser la
situation en Europe. Mais on en a discuté longuement, depuis deux jours,
parce que la situation nord-américaine est peut-être plus
pertinente depuis deux jours, quand j'ai pris la directive numéro
1126.4, je pense, la fameuse directive exécutive du président
Johnson. Il y a quand même un grand mouvement, un consensus aux
États-Unis sur la nécessité d'adopter le programme
d'égalité des chances et de redressement. (16 h 30)
On ne reviendra pas là-dessus mais ce matin on a invoqué
beaucoup d'exemples de la part des grandes entreprises d'appuyer le principe de
l'égalité des changes. Aussi, je pense que le
député de D'Arcy McGee a soulevé quelques exemples
concrets qui existent ici actuellement au Québec, là où je
pense qu'on s'entend qu'on devrait faire une approche de redressement.
La question que j'aimerais vous poser est la suivante: Ne croyez-vous
pas que, même si on élimine la mention de certains
éléments du règlement concernant, par exemple, quelques
aspects de l'analyse, ce sont quand même des éléments qui
devraient être pris en considération par la commission des droits
si elle désire effectuer des analyses d'effectifs, de
disponibilité, de système d'emploi qui soient sérieuses.
Il faut que ce soit analysé de toute façon. Comment pensez-vous
qu'on pourrait atteindre les objectifs du règlement sans qu'il y ait un
certain échange d'information de base?
Le Président (M. Gagnon): Madame...
M. Lavoie: Nous voulons souligner que nous ne sommes pas contre
les éléments comme tels. Ce à quoi nous avons une certaine
objection c'est à la définition si détaillée et
précise de certains de ses élé-
ments. Nos craintes sont basées sur le fait que, malgré la
mention au règlement qui ne s'appliquerait pas à une entreprise
qui veut imposer un programme volontaire, il ne faut pas se leurrer: viendra le
temps où, lorsqu'on cherchera quel critère utiliser, on regardera
le texte du projet de règlement. Un des points que nous avons
soulignés, c'est que nous voulons encourager les entreprises à
adopter des programmes qui sont non imposés et des programmes
flexibles.
Nous sommes d'accord avec le point qu'il faut certainement avoir les
informations, que la commission va avoir besoin de statistiques pour pouvoir
imposer un programme. Cependant, il ne faut pas oublier que le programme de
redressement va avoir identifié d'abord qu'il y a un mal quelque part.
La commission ou le tribunal, à la suite de plaintes ou de son propre
gré, se sera rendu compte qu'une entreprise fait de la discrimination ou
a besoin de redresser une situation discriminatoire. À ce moment et dans
ce contexte, on peut comprendre que le règlement veuille utiliser des
informations.
Ce qu'on reproche surtout c'est que le règlement est régi
de façon très catégorique. Dans tous les cas sans
exception, un employeur qui est obligé d'imposer un programme va
être obligé de fournir ces informations.
Nous avons souligné la crainte de la confidentialité, mais
il faut se rappeler que notre association est composée de petites et
moyennes entreprises. Ce n'est pas tout employeur qui aura les gens ni les
moyens de tabuler ou de ramasser toutes les informations demandées.
Une autre chose aussi. On ne croit pas qu'un employeur doive se
dévoiler devant la place publique pour répondre à un plan
de redressement.
Le problème avec le projet comme tel c'est qu'il ne permet pas de
flexibilité. On reconnaît que dans certains cas il sera
nécessaire d'avoir beaucoup d'informations, dans d'autres moins. Mais,
puisque le règlement est régi comme applicable dans tous les cas,
nous avons des objections au détail qui est demandé.
M. Payne: En ce qui concerne l'article 6...
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, Mme Fecteau, je
pense, voulait ajouter quelque chose.
Mme Fecteau: Oui. Les commentaires de M. Lavoie sont encore plus
importants lorsqu'on sait que ce projet de règlement, le gouvernement a
l'intention de l'étendre aux entreprises qui veulent volontairement
imposer des programmes d'accès dans leur entreprise. Egalement le
gouvernement veut étendre ce projet de règlement aux entreprises
qui vont contracter avec le gouvernement. Or, les arguments de Me Lavoie sont
d'autant plus importants. Nous allons traiter l'entreprise volontaire, nous
allons traiter l'entreprise qui va contracter avec le gouvernement de la
même façon qu'une entreprise qui sera jugée
discriminatoire. Alors, pour nous c'est un paradoxe.
M. Payne: En passant, que pensez-vous de la norme de 200 000 $?
Il y a quelques groupes qui ont suggéré que c'était trop
élevé.
Mme Fecteau: Écoutez, moi, j'ai l'impression que la
structure, de toute façon, de nos entreprises au Québec, ce sont
des PME; 75 %, je crois, de nos entreprises sont des PME, regroupant entre 10
et 1000 employés. À mon avis, les grandes entreprises sont
beaucoup plus en mesure d'élaborer des programmes d'accès
à l'égalité, leurs structures le leur permettant beaucoup
plus que les petites et moyennes entreprises. Or, à mon avis, la norme
de 100 employés et de 200 000 $, c'est le maximum qui devrait être
imposé, si jamais le gouvernement imposait une directive dans ce sens.
Mais vous comprenez le maximum dans le même sens que moi, d'accord? Il ne
faudrait pas baisser les 200 000 $.
M. Payne: À l'article 6, vous dites que l'on parle d'un
effet discriminatoire injustifié. Pouvez-vous suggérer quelques
exemples?
Mme Fecteau: La raison pour laquelle nous avons ajouté cet
élément, c'est qu'à l'article 6 vous dites: "Les pratiques
même apparemment neutres qui ont un effet discriminatoire"... Nous
trouvions que le fait d'ajouter un effet discriminatoire, c'était un peu
péjoratif. C'est tout simplement une question de vocabulaire. C'est
interprété, pour nous, de façon péjorative...
M. Payne: Ah bon!
Mme Fecteau: ...que de traiter des pratiques même
apparemment neutres comme discriminatoires. C'est la seule raison.
M. Payne: D'accord. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci. J'aimerais remercier Mme Fecteau et MM. Lavoie et
Poulin d'avoir présenté ce mémoire de l'Association des
manufacturiers canadiens, division du Québec. Dans leur mémoire,
ils encouragent le gouvernement à adopter une approche flexible
plutôt que coercitive. Les groupes de femmes qui sont venus nous
présenter des
mémoires nous ont dit qu'elles sont d'accord que ce soit
flexible, mais elles aimeraient que ce soit un peu coercitif parce que, s'il
n'y a pas de coercition, rien ne va se faire. Je pense que l'expérience
que nous avons au Québec, c'est que si rien n'est imposé, rien ne
se fait.
Mme Fecteau: L'Assemblée nationale a choisi, en adoptant
la loi et les articles relatifs aux programmes d'accès à
l'égalité, d'éviter l'article 86.2.
M. Marx: Cela n'est pas fait encore. Le gouvernement pense le
faire de cette façon pour le moment.
Mme Fecteau: La loi a été adoptée. On a mis
de côté l'article...
M. Marx: Cela veut dire qu'on n'a pas mis en vigueur à ce
moment-ci...
Mme Fecteau: À ce moment-ci.
M. Marx: ...ce paragraphe de cet article, mais cela peut changer
d'une minute à l'autre.
Mme Fecteau: Pourquoi? Enfin, je cherche. Le but avoué de
l'Assemblée nationale quand elle a adopté cette loi,
c'était d'avoir une approche flexible. Alors, est-ce qu'on va, par
règlement, décider d'avoir une approche coercitive, maintenant?
Est-ce qu'on va faire par règlement ce qu'on ne peut pas faire ou ce
qu'on a décidé de ne pas faire par la loi?
M. Marx: Dans l'application de la partie III de la charte, le
gouvernement, dans la mise en application de ses articles - je ne suis pas
d'accord avec une telle façon de mettre en vigueur des articles. De
toute façon, ils sont dans la loi. Le gouvernement peut choisir de
mettre un article en vigueur, un autre en vigueur; il peut même choisir
de le faire par paragraphes. Le gouvernement a choisi de ne pas mettre ce
premier paragraphe de l'article 82 en vigueur. Mais cela peut changer d'un
moment à l'autre. M. Johnson peut, demain, en décider autrement.
Vous comprenez pourquoi. Je pense qu'il faut avoir une certaine coercition pour
que cela marche parce que c'est rêver que de penser que les gens vont
faire des choses parce que... Est-ce que j'ai manqué le point que vous
avez...
M. Poulin (Gaby): J'aimerais faire un commentaire, si vous me
permettez. Je comprends la difficulté. Il y a des revendications, d'un
côté, de gens qui veulent faire changer des choses; on pense
toujours que les employeurs ne veulent rien faire. Lorsqu'on s'est
réuni, nous, pour étudier le projet de règlement, on
était un groupe assez considérable de représentants de
l'employeur et surtout des employeurs très importants au Québec
et on s'est rendu compte que tous autour de la table avaient déjà
chez eux des programmes visant à améliorer la situation qui
ressemblent bien souvent... reposant sur des analyses comme celles qui sont
proposées ici. Mais ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est qu'on
semble conclure qu'il ne se fait rien. Je le remets en question. Il se fait des
choses, mais cela ne fait pas longtemps. C'est un phénomène
nouveau. Tantôt, on parlait de ce qui s'est passé aux
États-Unis. Il y a plusieurs sociétés au Québec qui
ont des filiations américaines et qui sont très
influencées dans leur management par les valeurs américaines
où, comme vous disiez, par exemple, le "contract compliance" existe
déjà et très volontiers. C'est déjà transmis
ici. C'est pour cela qu'on se dit, nous: II faut être flexible. Il y a
ces grandes compagnies, en tout cas, celles qu'on connaît, nous, qui ont
manifesté déjà beaucoup de bonne volonté, qui font
des choses. Les résultats sont à venir, parce qu'on parle de
changement de mentalité, de changement d'attitude, ce que la
législation ne fera pas, soit dit en passant. Je ne le pense pas, en
tout cas. C'est plutôt par influence et en travaillant fort tout le temps
que cela va se faire.
Le point fondamental que je voulais souligner, c'est qu'avant de vouloir
imposer la même médecine à tout le monde, il faudrait
peut-être voir ce qui existe réellement chez les employeurs. Je
pense que cela vaudrait la peine d'être retenu.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de D'Arcy McGee, mais Mme Fecteau voulait ajouter quelque chose.
M. Marx: D'accord.
Mme Fecteau: Si vous décidiez d'étendre ce projet
de règlement aux entreprises voulant adopter de plein gré les
programmes d'accès à l'égalité, cela veut dire que
l'entreprise volontaire devra aller rencontrer la commission et dire: Voici,
mon programme est là. Est-il bon? Est-ce qu'il est bon? La commission se
retourne de bord. Elle dit: ton programme, pour qu'il soit bon, il faut qu'il
soit conforme à ce projet de règlement. Qui croyez-vous, MM. et
Mme les députés, iront contacter la commission, les entreprises
volontaires, j'entends, pour demander si leur programme d'accès a
l'égalité est conforme? Pas une ou peu. Et je pense qu'à
ce moment-là, l'objectif avoué du gouvernement, l'intention,
c'est d'inciter les entreprises à emboîter le pas. Je pense que
l'objectif du gouvernement ne sera pas
atteint dans cinq ans et là, on va dire: Nos objectifs ne sont
pas atteints. On légifère demain matin et on impose cela à
toutes les entreprises.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, je pense que les groupes de
femmes seront surpris d'apprendre que M. Poulin a dit qu'il y a des programmes
d'accès à l'égalité en marche dans les entreprises
au Québec. On commence et cela va bien. Personne ne nous a dit cela.
Vous êtes les premiers et tant mieux si cela se fait, mais je pense que
c'est à prouver aux groupes de femmes. Vous aurez peut-être
l'occasion à un autre moment de prouver cela aux groupes de femmes,
qu'on est sur la bonne voie. Elles ne sont pas convaincues. Voici ma question.
Vous avez bien dit, M. Poulin, que vous avez des multinationales dans votre
association, c'est-à-dire des compagnies qui font affaires au
Québec et aux États-Unis en même temps. D'accord? Mais ces
compagnies qui font affaires aux États-Unis, si elles veulent faire
affaires avec des gouvernements, elles sont soumises au "contract compliance",
aux obligations contractuelles, en vertu de lois américaines, mais
pourquoi ne pas les soumettre aux mêmes choses au Québec?
Pourquoi, quand elles sont dans l'État de New York, doivent-elles se
soumettre, doivent-elles accepter les obligations contractuelles en ce qui
concerne les New-Yorkaises, mais quand elles sont ici à Québec
pour les Québécois, ce n'est pas nécessaire de se
soumettre aux mêmes règles qu'aux États-Unis.
M. Poulin: Je faisais surtout allusion à des
sociétés qui sont des filiales de compagnies américaines
plutôt que des multinationales d'origine québécoise. Ce
n'est pas tout à fait la même chose.
M. Marx: Celles qu'il y a ici et qu'il y a aux États-Unis,
par exemple. (16 h 45)
M. Poulin: D'accord, oui. Mais ce qui serait intéressant
de voir, c'est jusqu'à quel point - et là, j'avoue mon ignorance
- aux États-Unis, on prescrit dans les détails de quelle
manière le programme doit être conçu, analysé...
Est-ce comme cela? Oui?
M. Marx: C'est plus détaillé qu'ici même.
J'ai - comment dirais-je - toute une page de toutes les lois auxquelles une
compagnie doit se conformer. Ce que nous avons ici, ce n'est rien en
comparaison des États-Unis. Je reviens avec la même question:
Seriez-vous d'accord avec un projet de loi, un projet de règlement ou
une disposition dans le règlement actuel qui viserait des obligations
contractuelles, "contract compliance", pour des compagnies qui veulent faire
affaires avec les organismes québécois?
Le Président (M. Gagnon): M. Lavoie.
M. Lavoie: Non, je vais laisser Me Fecteau répondre
à cette dernière question.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Fecteau.
Mme Fecteau: Sur ce point, justement, l'Association des
manufacturiers c'est déclarée en accord lors de Décisions
85 avec cet objectif que poursuivait le gouvernement sur le "contract
compliance". Cependant, je veux faire une distinction. C'est bien beau, on
s'est dit d'accord avec le principe, cependant, tout en ne connaissant pas le
contenu du projet de règlement. Si vous me dites aujourd'hui que c'est
celui qui s'appliquera au "contract compliance", ma position doit être
justifiée.
M. Marx: D'accord.
Mme Fecteau: Justifiée dans le sens que nous avons
indiqué dans notre mémoire.
M. Marx: Donc, je comprends que l'Association des manufacturiers
canadiens est d'accord avec un projet qui comportera des obligations
contractuelles pour des entreprises, mais qu'il faut revoir, retoucher le
règlement en question, si c'est ce règlement qui va s'appliquer.
Mais vous n'êtes pas pour deux poids deux mesures, une pour les gens qui
font affaires aux États-Unis et une autre pour ici. Vous êtes pour
revoir le règlement, et je pense que tout le monde est d'accord pour
retoucher le règlement, le cas échéant. Vous êtes
d'accord avec le principe qui sera coercitif, dans un certain sens.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Fecteau.
Mme Fecteau: Je veux bien me faire comprendre. Nous sommes
d'accord avec le principe, mais nous ne sommes pas d'accord avec une approche
coercitive, nous sommes d'accord avec une approche flexible.
M. Marx: Maintenant, une entreprise des États-Unis qui
veut faire affaires avec le gouvernement doit signer un contrat qui comporte un
certain nombre de choses que la compagnie devra faire. C'est de la
coercition.
Mme Fecteau: Non, une directive peut être une directive,
mais une directive peut être coercitive et une directive peut avoir une
approche tout à fait flexible.
M. Marx: Aux États-Unis, les compagnies doivent respecter
des lois, des règlements, des "executive orders", etc.
Mme Fecteau: Mais, mais... c'est selon le langage que l'on
utilise dans la directive ou dans le projet de règlement. Dans un
article, vous pouvez avoir des mots comme "peut" qui font que cette approche
est drôlement plus flexible qu'une approche coercitive où on va
employer des termes comme "doit".
M. Marx: Aux États-Unis, c'est "doit". Ce sont des
"doit".
Mme Fecteau: Alors, on n'est plus d'accord.
M. Marx: Parce que si on utilise des "peut", on laisse les gens
faire ce qu'ils veulent et, donc, il n'y a pas de programme. Si on dit "vous
pouvez si vous voulez mais ce n'est pas nécessaire, vous faites comme
vous voulez", on n'a rien.
Mme Fecteau: Non, ce n'est pas cela. M. Marx: Ce n'est pas
cela?
Mme Fecteau: Ce n'est pas cela du tout.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
M. Payne: C'est intéressant de constater...
Le Président (M. Gagnon): M. Poulin, vous aviez quelque
chose à ajouter? Je m'excuse.
M. Poulin: Oui.
M. Payne: S'il vous plaît, vous ne pouvez pas me donner la
parole et me la retirer!
Le Président (M. Gagnon): Oui, je peux le faire parce que
M. Poulin avait demandé la parole avant vous. M. Poulin.
M. Poulin: Je peux vous la céder, si vous voulez.
M. Payne: Pas du tout.
M. Poulin: Je voulais distinguer les trois situations que le
député de D'Arcy McGee semblait couvrir du même coup. Le
besoin de corriger des situations courantes, où on découvre qu'il
y a discrimination, fait qu'il faut instaurer un programme, un suivi et tout
cela. On dit: Oui, cela prend un encadrement très strict, mais
même cet encadrement doit être flexible parce qu'il y a des cas qui
demandent une action rapide et fondamentale et d'autres où c'est moins
impératif.
Il y a le cas des sociétés qui veulent faire affaire avec
le gouvernement. C'est le cas dont M. le député de D'Arcy McGee
parlait. Par contre, il y a aussi celui dont Mme Fecteau parlait, toutes ces
autres entreprises qui ne font partie ni de l'un ni de l'autre et qui veulent
bien aussi faire quelque chose. Pourquoi leur imposer une camisole de force
avec des formulaires édictés, ce qui va requérir des
masses de papier à tous les ans pour faire rapport que la même
chose que l'an passé existe cette année? C'est cela dans le fond.
C'est une question d'efficacité. De l'incitation d'abord, suivi
après coup, si cela ne marche pas, de coercition dans l'ordre.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Je pense qu'il y a une certaine pédagogie
populaire à entreprendre, c'est-à-dire que l'Assemblée
nationale devrait entreprendre une certaine pédagogie populaire: que
cela soit interprété comme coercitif ou comme flexible ou
même ultra flexible il y a quand même un rôle que le
gouvernement a, de vraiment essayer d'inculquer un esprit d'ouverture, le cas
échéant, sur le sujet d'égalité des chances et de
redressement des injustices.
Pour aller un peu plus loin que le député de D'Arcy McGee,
il ne faut pas oublier qu'en 1965, aux États-Unis, la directive, "the
executive order", était quand même assez coercitive. C'est cela
qui a déclenché un mouvement de prise de conscience de la part de
beaucoup d'Américains, de sorte que maintenant la vaste majorité
d'entre eux accueillent cela du fait que cela a été
adopté. Avant, on était porté à croire,
d'après toutes les consultations préalables - si on a un bon
souvenir des journaux de l'époque - que toute tentative de
légiférer d'une manière coercitive était hautement
contesté.
Maintenant, en ce qui concerne l'obligation contractuelle, si on peut
parler d'un certain consensus, il y a beaucoup de gens qui sont venus ici pour
appuyer cela. Là encore, on peut souligner le fait qu'aux
États-Unis cela fait référence spécifiquement
à tous ceux - et il y en a beaucoup - qui font affaires avec
l'administration centrale. Tous ceux qui faisaient affaires avec eux devaient
avoir les contraintes obligatoires. Au Québec, au moins dans un avenir
rapproché, si on pouvait élargir la notion d'obligation
contractuelle ce serait pour le mieux.
J'ai une autre question. On était un peu sur le même sujet.
Ma question est sur le sujet des quotas. Là, encore les
Américains font une distinction très nette entre les
quotas et les objectifs numériques. Vous, dans votre mémoire,
vous dites que la rédaction du texte peut faire croire à certains
que le contexte contient des quotas qui seraient alors perçus
péjorativement. Je suis entièrement d'accord sur cela en passant.
Mais le Barreau, lui, voulait nous faire croire - c'est leur
interprétation, peut-être pas la vôtre - qu'il y avait
effectivement l'imposition des quotas.
M. Poulin: Cela peut être lu comme cela dans le texte.
Parce qu'on demande des renseignements, c'est-à-dire de tracer des
objectifs très chiffrés. On dit: exprimés en nombres et en
pourcentage pour chaque catégorie d'emplois. Une fois, qu'on a dit: Nous
aurons 50 personnes de sexe féminin ou 250 handicapés en
l'année 1987 dans telle catégorie d'emploi, cela devient un
quota.
M. Payne: À notre avis, il y a une distinction majeure,
une distinction qui est soulignée par les Américains aussi. Vous,
je pense, vous seriez sensible à cela. En management, en gestion d'une
affaire, on parle plutôt d'objectifs. C'est cela l'esprit du
règlement et c'est cela la flexibilité dans le règlement.
Un objectif numérique, même si c'est numérique, c'est
justement un objectif. Par exemple, si on dit que ce serait normal si cette
année on pouvait atteindre une accroissement d'effectifs féminins
de 20 %, et qu'on arrivait à la fin de l'année en disant qu'il y
a eu une grève pendant six mois, à ce moment on pourrait
peut-être modifier l'objectif. À ce moment on peut dire que
l'objectif numérique n'est pas une norme absolue mais que le quota est
une norme absolue. C'est cela la nuance. Peut-être qu'un juriste, peut
l'apprécier moins qu'un homme d'affaires ou une femme d'affaires comme
vous, ce qu'on appelle "management by objectives".
Le Président (M. Gagnon): M. Lavoie.
M. Lavoie: Ce qu'on essaie de faire comprendre aux membres, ici,
aujourd'hui, c'est qu'on représente une vaste gamme d'entreprises: le
petit employeur, le moyen et le gros. Si c'était uniquement pour les
multinationales qu'on est ici aujourd'hui, on pourrait toujours s'adapter
à la loi. Mais parmi les petites et moyennes entreprises qui sont
débordées de documents ou de rapports d'études qu'elles
doivent faire, il y en a qui ne peuvent pas se permettre des employés
pour faire ce travail, parce qu'elles ont des handicapés, parce q'elles
ont sorti ou ont encore des programmes de francisation. Honnêtement,
elles en ont plein leur casque. Elles ne sont pas capables...
Nous, ce qu'on essaie de faire, c'est d'encourager nos membres à
faire quelque chose de positif. On ne les encourage pas seulement par des
programmes de redressement. Ce qu'on essaie d'encourager, c'est qu'ils se
rendent à l'évidence que tout le monde est créé
égal. C'est peut-être facile à dire, mais il y a une
mentalité à changer qui ne changera pas demain.
Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a des gens qui abusent, mais si la
commission veut les déceler, veut les identifier, avec l'aide des
groupes qui sont venus vous faire part qu'il y avait de la discrimination
à plusieurs endroits, que la commission impose un règlement comme
cela.
On essaie de vendre l'idée à nos membres que le temps est
venu d'embarquer dans un processus qui est là et qu'on ne pourra pas
éviter, d'embarquer à leur rythme, s'il le faut, et que si cela
ne se fait pas, il y a de la législation comme celle-ci qui va leur
être imposée.
On demande simplement une autre chance pour les gens de s'adapter et de
leur dire: Écoutez, ce n'est pas si mauvais que cela. Faites un geste
positif. Vous connaissez votre entreprise. Dites-nous que vous allez essayer
d'augmenter le nombre sans vous donner un chiffre dans un an, dans cinq ans,
parce que effectivement, ce n'est pas dans un an que cela va changer. C'est
dans cinq ans ou dans dix ans.
Il y a des endroits où cela peut changer dès
l'année prochaine. Mais il y a d'autres petites et moyennes entreprises
qui ont besoin de s'adapter à tout ce processus; elles ont besoin du
temps; elles ont besoin de flexibilité.
Si on avait à faire une suggestion, vous n'auriez qu'à
enlever le mot "sont" de la première ligne de l'article 3 et dire
"peuvent être exprimés". Ceci permettrait à certains
employeurs de vous donner des objectifs qui sont vagues peut-être, mais
ils seraient obligés de remplir ces objectifs. Tout ce qu'on demande,
c'est de n'être pas catégorique dans la phraséologie du
règlement pour permettre aux gens d'avoir de l'initiative, d'utiliser
leur imagination pour augmenter ou pour éliminer la discrimination qui
peut se faire à l'intérieur de leur entreprise et même s'il
n'y en a pas, d'améliorer la situation. C'est tout ce qu'on vous
demande.
M. Payne: Tout ce qu'on dit là-dessus, c'est que les
objectifs sont exprimés et je pense que c'est un mot souvent
utilisé dans les entreprises, c'est-à-dire qu'on se donne un
objectif. Ce n'est pas une norme absolue, cela. Justement, je pense que cela
correspond parfaitement à ce que vous cherchez.
M. Lavoie: Je m'excuse, mais le législateur veut que
lorsqu'on utilise le mot "doit", c'est obligatoire, alors que si on
utilise le mot "peut", comme à l'article 8, vous avez une
flexibilité. Si on met le mot "pouvoir" ou "peuvent" être
exprimés, cela permet de faire autre chose. C'est finalement la
commission qui va avoir le dernier mot. Tout ce qu'on demande, c'est que le
programme n'impose pas automatiquement des nombres ou des pourcentages. Le
fonctionnaire pourra le faire, lui, quand il recevra le programme; c'est
tout.
M. Paynes Je vous comprends très bien, mais je suis
d'accord avec la formulation. Les objectifs sont exprimés. Je suis
d'accord avec vous que le principe est coercitif, mais lorsqu'on parle
d'objectifs, ce n'est pas une norme absolue. On veut tout simplement que
l'entreprise, peu importe la personne visée, se donne une politique.
C'est exactement cela que vous avez exprimé tout à l'heure. Vous
êtes d'accord qu'il devrait avoir une attitude positive. Si on dit
qu'elles devront se donner des objectifs, bien sûr, l'objectif est de
définir. C'est cela la gestion par objectifs. Ce n'est pas du tout un
quota absolu. On est d'accord avec vous.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Fecteau.
Mme Fecteau: Mais lorsque les objectifs sont exprimés en
nombres et en pourcentages, selon nous, c'est plus loin que des objectifs.
M. Payne: Mais ils devront être établis par
l'entreprise en question. Les objectifs peuvent être
déterminés. Ils peuvent changer de jour en jour, de mois en mois,
d'année en année. C'est flexible.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais juste ajouter que nous avons aussi
demandé que ce soit le gouvernement, les organismes gouvernementaux et
paragouvernementaux qui donnent l'exemple. Dans l'état actuel des
choses, le gouvernement demande aux entreprises de faire des choses, mais le
gouvernement n'est pas vraiment prêt à foncer dans la même
direction, lui-même. Je pense que cela est à revoir. (17
heures)
Je pense que la dernière intervention de Me Lavoie était
très claire. L'association veut qu'on ait le temps de faire
l'implantation. Je pense que les groupes de femmes et des communautés
culturelles sont très sensibles à cela aussi. Ils étaient
très réalistes. Les groupes de femmes qui sont venus
présenter des mémoires savent qu'on ne changera pas le monde du
jour au lendemain; cela prendra du temps, des années même. Je
pense que, dans ce sens, tout le monde se rejoint. Il faut peut-être
faire des retouches au règlement, je pense que tout le monde est
sensible à cela. Ce n'est pas la dernière rédaction du
règlement. Je suis sûr qu'il y a des juristes du ministère
de la Justice qui nous écoutent et qui sont en train de préparer
des amendements pour le ministre, cela est évident.
Je comprends bien ce que vous voulez dire concernant les entreprises.
Elles remplissent tellement de paperasse, elles ont tellement de comités
sur place qu'un autre comité fera peut-être déborder le
vase. Je pense que l'intention, ici, n'est pas de faire déborder le
vase, mais de faire en sorte qu'il y ait des programmes d'accès à
l'égalité qui fonctionnent. On veut faire des progrès dans
l'ordre et on veut que les entreprises puissent continuer de fonctionner de
façon efficace. Je pense que c'est l'objectif de tout le monde.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?
Merci, Mme Fecteau, M. Lavoie et M. Poulin ainsi que l'Association des
manufacturiers canadiens, division de Québec.
Nous allons maintenant entendre la Centrale de l'enseignement du
Québec. Nous suspendons nos travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 9)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous accueillons maintenant la Centrale de l'enseignement du
Québec. C'est cela? Mme Gagnon, je vous cède la parole en vous
disant que nous disposons habituellement de 55 minutes, soit environ 20 minutes
pour entendre votre mémoire et 35 minutes pour dialoguer avec les
membres de la commission. En vous laissant la parole, vous voudrez bien nous
présenter les gens qui vous accompagnent.
CEQ et SPPGQ
Mme Gagnon (Alice): II me fait plaisir, M. le Président,
messieurs et mesdames de la commission, de vous présenter la
délégation de la Centrale de l'enseignement du Québec et
du Syndicat de professionnels et professionnelles du gouvernement du
Québec: Mme Rosette Côté, responsable du dossier de la
condition des femmes à la centrale; Mme Francine Lemay,
vice-présidente du Syndicat de professionnels et professionnelles du
gouvernement du Québec; M. Jean-Marcel Lapierre, employé à
la centrale au secteur juridique; moi-même, Alice Gagnon, première
vice-présidente de la centrale.
Nous vous avons fait parvenir, ce
matin, des exemplaires de notre mémoire. Nous nous excusons.
C'était vraiment parce qu'il était prêt très
tôt que nous avons oublié de vous le faire parvenir. Je pense,
cependant, que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance, le
mémoire n'étant pas très volumineux. Comme on vous le
rappelle, l'essentiel de notre point de vue a déjà
été donné dans le mémoire à la commission
Beaudry, la commission du travail. C'est dans ce cadre que nous avons, ici,
résumé l'ensemble de nos positions.
C'est important pour nous de nous présenter devant la commission
parlementaire qui étudie la réglementation sur les programmes
d'accès à l'égalité, parce que cela aborde
également l'un des éléments importants, l'un des droits
fondamentaux de ceux qui sont contenus dans la charte québécoise.
Nous aborderons l'ensemble du dossier en cinq parties. Ce sont vraiment les
éléments sur lesquels on voudrait insister.
D'abord, c'est toute la question de la portée de l'article 1 du
règlement qui nous semble insuffisante; deuxièmement, la question
de la négociabilité des programmes d'accès à
l'égalité; troisièmement, la question des droits des non
syndiqués; quatrièmement, celle des obligations contractuelles;
cinquièmement, la question de la fonction publique ou de la soustraction
du gouvernement comme organisme comme tel à la réglementation des
programmes d'accès à l'égalité.
C'est Mme Rosette Côté et Mme Francine Lemay qui vont, dans
le temps que vous nous allouez, faire la présentation. Pour ma part, je
m'excuse auprès des membres de la commission mais il est possible que
j'aie à m'absenter si on dépasse les 55 minutes prévues,
ayant un avion à prendre et des obligations en soirée. Autour de
18 heures, si ce n'est pas terminé, personnellement, je devrai
m'absenter.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme
Côté.
Mme Côté (Rosette): Lorsque nous avons
étudié le projet de règlement, nous nous sommes
trouvés entièrement satisfaits de la définition d'un
programme. C'est-à-dire que lorsque nous avons vu qu'il contenait des
objectifs, des mécanismes, des échéanciers, des
mécanismes de contrôle, une analyse du système d'emploi,
une analyse de la disponibilité, nous avons vu que les balises de ce
projet de règlement répondaient à nos revendications sur
ce qu'est un programme d'accès à l'égalité.
Là où nous sommes déçus, c'est lorsque nous voyons
la portée du programme d'accès à l'égalité,
laquelle est limitée à un programme recommandé par la
commission ou par ordonnance du tribunal.
Nous nous sommes demandé à quoi servait un projet de
règlement qui définit très bien ce qu'est un programme et
qui nous dit qu'il y a de la discrimination systémique lorsqu'il y a des
effets d'exclusion et qu'il faut regarder toute l'organisation du travail et
que ces belles balises de définition ne sont contenues que lorsque les
programmes ont été recommandés. À la CEQ, nous
n'avons jamais revendiqué que ce soit obligatoire, sauf que nous croyons
que tout programme doit reprendre les balises que les règlements
indiquent et qu'il doit les respecter en faisant les analyses
demandées.
Deuxièmement, nous avons été surpris de voir que ce
n'est que l'employeur qui est responsable des programmes d'accès
à l'égalité. Nous croyons que toute entreprise doit mettre
à profit ses syndiqués ou ses salariés à
l'intérieur d'un processus d'élaboration de programmes
d'accès à l'égalité, ce qui fait que à la
page 2 nous revendiquons que tout programme d'accès à
l'égalité fasse l'objet d'une négociation entre les
parties, que cela provienne d'un employeur, que ce soit venant d'un syndicat ou
par l'intervention de la commission, parce que nous croyons que, lorsqu'un
programme d'accès à l'égalité est
négocié, il a plus de chances de corriger la discrimination, ce
pour quoi il est fait.
Par contre, là où il n'y a pas de syndi-calisation, nous
croyons qu'il faut un processus et un mécanisme qui permet là
aussi aux non syndiqués d'être associés à
l'élaboration du programme, d'où l'obligation pour nous de
constituer un comité d'accès à l'égalité
paritaire, où les représentations pourraient être
nommées par leurs pairs élus sous la surveillance du commissaire
du travail. Et, s'il y a un désaccord, un médiateur arbitre
pourrait intervenir.
Tout cela parce que nous posons comme objectif et comme hypothèse
que tout programme d'accès à l'égalité doit faire
reculer petit à petit la discrimination et qu'il doit être
élaboré, et par les gens qui sont concernés, et par les
groupes cibles qu'on veut voir vivre des situations meilleures.
Par contre, nous nous demandons comment il se fait que le gouvernement
s'est servi de son pouvoir de proclamation pour légiférer
plutôt que de retourner devant le Parlement et de faire en sorte d'abolir
le deuxième alinéa de l'article 86.2.
Nous n'avons jamais été d'accord avec le fait que la CDPQ
contrôle, sauf pour les lieux où il n'y a pas de syndicat. Nous
croyons que le gouvernement devrait retourner devant le Parlement pour faire
modifier l'article, dans le sens de la page 4 en haut, pour que l'intervention
de la CDPQ se limite aux entreprises non syndiquées pour éviter
l'intervention d'un tiers dans un processus de négociation.
Par contre, lorsqu'on regarde... Même si
je vous disais tout à l'heure que l'ensemble des
éléments qui sont là nous satisfont, nous nous sommes
arrêtés un peu à l'élément du recrutement.
Nous croyons que recrutement n'est pas le bon terme - Quant à vouloir
faire de belles balises, autant en profiter -et qu'on serait mieux de parler de
sélection du personnel. Pour cela, on s'est servi du Dictionnaire
canadien des relations du travail pour montrer qu'entre autres la
sélection du personnel toucherait plus les pratiques qui sont souvent
apparemment neutres mais qui ont des effets discriminatoires.
Nous proposons aussi - je pense que cela est compris dans la charte mais
nous le redisons - que le soutien de la commission est important là
où c'est demandé. Nous pensons que, lorsqu'il est question de
discrimination systémique, cela peut porter à confusion. Il
faudrait préciser les groupes cibles. La charte ne les prévoit
pas et le règlement non plus.
Par contre, dans les lieux où il n'y a pas de syndicat, il est
important de prévoir un mécanisme pour protéger les
salariés contre les représailles de l'employeur, ce qui fait que
nous proposons que le gouvernement adopte des dispositions législatives
qui interdisent toute forme de représailles pour des salariés qui
voudraient soit travailler à élaborer ou à implanter un
programme d'accès à l'égalité.
Par contre, à la page 6, nous avons assisté à
Décisions 85. Il était question de l'obligation contractuelle.
Nous n'avons rien vu dans le projet de règlement. Nous demandons donc,
pour être sûr que le gouvernement réponde à ses
intentions et fasse ce qu'il dit, d'adopter un décret ou un
règlement qui oblige les entreprises qui obtiennent une subvention ou un
contrat du gouvernement à élaborer et implanter un programme
d'accès à l'égalité.
Enfin, nous croyons que la syndicalisa-tion est un moyen pour l'ensemble
des salariés de réussir à défendre leurs droits et
qu'une véritable politique d'accès à
l'égalité devrait favoriser la syndicalisation multipa-tronale,
tel que nous l'avons revendiqué lors de la commission Beaudry.
Enfin, nous sommes d'accord avec l'égalité dans les
services d'éducation et de la santé, mais s'il arrivait que des
modalités d'implantation de programme viennent faire interférence
avec des conditions de travail, nous voudrions bien être consultés
et négocier, s'il y a lieu, de telles mesures.
C'est en gros l'ensemble des éléments que nous avons mis
de l'avant. Comme vous le remarquez, on a beaucoup tablé sur une analyse
critique des différents articles, plutôt que de reprendre
l'ensemble du discours que vous pouvez retrouver dans notre mémoire sur
la charte. Nous avions un très grand volet sur la discrimination
systémique et l'obligation d'intervenir pour l'enrayer.
Le Président (M. Gagnon): Mme Lemay.
Mme Lemay (Francine): Si vous me permettez, oui. Deux
éléments supplémentaires en ce qui concerne... Comme l'a
dit Mme Côté, le règlement semble intéressant avec
certaines modifications qu'on trouve, certaines précisions qui devraient
y être apportées. C'est la question de la portée du
règlement qu'on met beaucoup en cause, puisqu'il ne s'appliquera
à peu près à aucun organisme. Ce que je veux souligner en
particulier, c'est que pour les ministères et organismes du
gouvernement, le règlement ne s'appliquerait pas au programme
d'accès à l'égalité qui serait établi dans
le ministère. Il nous semble tout à fait incorrect que le
gouvernement dans ses ministères et organismes se soustraie au contenu
du règlement dans ses programmes d'accès à
l'égalité.
D'autre part, nous croyons également, comme l'a dit Mme
Côté toujours, que c'est par la négociation des programmes
qu'on va arriver véritablement au succès. Nous avons à
faire des débats, dans nos organisations et à arriver à
des éléments pour les programmes d'accès à
l'égalité. Ce que je veux souligner, c'est que la Loi sur la
fonction publique exclut des matières du champ négociable, ce qui
veut dire que dans la fonction publique il y a une autre contrainte puisque
tout ce qui concerne le recrutement, la classification et d'autres
matières n'est pas négociable. Ce qui fait que nous revendiquons
la négociabilité pleine et entière de ce qui concerne les
programmes d'accès à l'égalité; et cela inclut donc
aussi ces matières.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mme
Côté, qui a présenté le mémoire; Mme Lemay,
Mme Gagnon de même que M. Lapierre, pour ce mémoire que je trouve
assez intéressant. Vous avez touché un point qui n'avait pas
été touché par d'autres intervenants, et je pense que
c'est un point central pour vous: vous avez dit qu'il faut que ce soient les
syndicats qui négocient les programmes d'accès à
l'égalité avec l'employeur. Vous savez qu'il y a des entreprises
où les hommes sont en grande majorité. Est-ce que les femmes
peuvent se fier aux hommes pour négocier pour elles?
Mme Côté: À l'intérieur des
organisations syndicales, je pense qu'il est de notre devoir de voir à
ce qu'il y ait un processus qui fasse en sorte qu'il y ait une
représentation des groupes cibles, et je pense que l'action des femmes
dans les syndicats le prouve. À ce moment, lorsqu'on dit que le
processus de négociation... pour nous il est clair qu'un
programme négocié a des chances d'assurer une réussite. Ce
qu'on veut, femmes et hommes des syndicats, même si on 3ait qu'il y a des
débats à faire, comme le disait Mme Lemay, c'est que la
discrimination s'en aille. Pour qu'elle s'en aille, il faut qu'on puisse faire
des analyses, des diagnostics de discrimination et ensuite apporter des
correctifs appropriés.
Je pense que dans les syndicats, nous sommes capables de faire les
débats. Nous avons du chemin à faire, c'est vrai, il y a des
débats qui ne sont pas faciles, mais nous croyons que nous sommes
capables de les faire.
M. Marx: Supposons qu'il y ait une entreprise avec 1000
employés, 900 hommes, 100 femmes. Le syndicat serait
contrôlé par les hommes. Je pense qu'il y a quelque chose
là, parce que les hommes gouvernent depuis des années et ils
n'ont rien fait pour les femmes. Je pense que... Bon. Le syndicat va avoir les
intérêts de la majorité de ses membres comme
priorité, dirais-je. Cela est déjà arrivé. Si on a
un programme d'accès à l'égalité dans cette
entreprise, il est fort possible que cela nuise aux hommes. Parce que si on
permet aux femmes d'être promues plus vite, comme c'est prévu dans
le règlement, c'est sûr qu'il y a des hommes qui ne seront pas
promus. Ils vont donner une certaine préférence aux femmes,
c'est-à-dire que c'est bien possible que les hommes dans ce syndicat ne
soient pas tout à fait d'accord avec les femmes et ce sont les hommes
qui contrôlent le syndicat. Ne voyez-vous pas un tel danger?
Mme Côté: Premièrement, je dois vous dire
qu'avec le projet de règlement tel qu'il est fait là, c'est
à l'employeur que vous donnez tous ces pouvoirs et je crois que les
employeurs actuellement ont...
M. Marx: C'est un autre problème.
Mme Côté: C'est le même problème, parce
que nous disons: Actuellement, le projet dit que l'employeur est chargé
d'implanter tout cela. Il a autant, lui, de "préjugés
systémiques", entre guillemets, que n'importe quel membre du syndicat.
Deuxièmement, nous croyons que nous sommes capables d'arriver à
un consensus à l'intérieur des organisations syndicales et je
pense que... Il est clair que quand on parle de discrimination
systémique, s'il y en a qui ont été discriminés,
c'est qu'il y en a qui en ont effectivement "profité", entre guillemets,
sauf que d'un point de vue démocratique, la discrimination est illicite.
Elle est aussi illicite dans une organisation syndicale qu'elle est illicite
dans la société, ce qui fait que la force des femmes à
l'intérieur des organisa- tions est le fait que les mentalités
évoluent autant chez les hommes que chez les femmes et que les femmes
poussent. Nous croyons qu'un processus de négociation va apporter plus,
mais c'est clair qu'il peut arriver que dans certains syndicats, le
problème se pose, mais est-ce que c'est parce qu'il y a sur 152
syndicats, 41 qui ne sont pas capables de tenir compte des
intérêts de la majorité ou de la minorité que nous
allons pouvoir penser que l'intervention d'un tiers va être plus
efficace? À mon sens, il y a des questions à se poser
là-dessus.
M. Marx: Mais pour les fins de la discussion, on peut avoir un
comité où ce sont les employeurs qui sont
représentés et les membres des groupes cibles.
Mme Côté: Mais quand on négocie, les
employeurs sont représentés.
M. Marx: Mais est-ce que cela veut dire que le syndicat ne sera
pas là? Les personnes qui font partie des groupes cibles seraient
là pour défendre leur propre raisonnement. Prenons un autre...
Comprenez-vous ce que je veux dire? Vous dites que c'est l'employeur seul, mais
on peut former un comité autrement qu'avec le syndicat et
l'employeur.
Mme Côté: Nous, quand on élabore des
revendications à l'intérieur de l'ensemble des chapitres d'une
convention collective, ce n'est jamais le syndicat qui fait
l'élaboration des... Il y a des groupes de travail avec des personnes
qui sont expertes sur la question. Nous élaborons le programme. Ensuite,
il est négocié. Quand il est négocié, c'est le
produit de l'ensemble des cheminements, des processus et des consensus qui ont
été faits et vous me dites qu'il est possible qu'on fasse des
comités d'employeurs. Nous croyons que c'est par le biais du processus
de négociation qu'on peut éviter l'arbitrage et qu'on peut faire
en sorte qu'on ait des programmes qui répondent à leur objectif
qui est l'élimination de la discrimination systémique.
M. Marx: Je reviens à mon point du début. Je ne
suis pas sûr et certain. Peut-être que dans votre syndicat... Je ne
parle pas de votre centrale ou du syndicat dont vous faites partie, mais je ne
suis pas sûr que le syndicat va toujours travailler et travailler fort
pour faire en sorte que les programmes d'accès à
l'égalité favorisent les femmes et les minorités ethniques
quand le syndicat est contrôlé par des hommes blancs. Je pense
qu'il y a un problème là. Disons que dans mon entreprise de 1000
personnes -900 hommes et 100 femmes - on veut engager, par exemple, 50 autres
femmes. Par la suite, s'il y a une mise à pied. Qui est-ce
qu'on va mettre à la porte en premier? Je pense qu'il y a toutes
sortes de problèmes; un syndicat contrôlé par des hommes,
qui doit négocier un programme d'accès à
l'égalité pour les femmes, peut être dans un certain
conflit d'intérêts. J'ai déjà vu cela.
Le Président (M. Gagnon): Mme Gagnon.
Mme Gagnon: On est conscient qu'il y a certains problèmes,
mais on se dit que c'est par le biais de débats et par l'implication des
gens et par le changement de mentalité... On prétend qu'il y a un
changement de mentalité qui s'est amorcé. Ce n'est pas facile et
il n'est pas rendu à sa phase la plus grande, ce changement de
mentalité chez les hommes. Il se pratique davantage chez les hommes
syndiqués que chez les hommes non syndiqués, parce que le
questionnement se fait depuis très longtemps sur ces choses-là.
Il y a encore des gens qui jettent les questions qu'on pose ou les instruments
qu'on produit à la poubelle et d'autres qui, de plus en plus, se
questionnent sur le cheminement. Donc, on se dit que c'est par là que
cela se fera et les gens qui posent ces questions-là, les groupes cibles
qui sont minoritaires, demanderont aussi d'être représentés
à ce niveau. C'est comme cela qu'on pense qu'il y a une meilleure chance
d'avoir gain de cause là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.
M. Lapierre (Jean-Marcel): La plupart et même la
totalité des aspects qu'on retrouve dans un programme d'accès
à l'égalité sont reliés à des conditions de
travail et font donc partie du régime de travail d'une entreprise.
Le régime de détermination de ces conditions de travail a
toujours été la négociation. C'est un régime de
démocratie industrielle qui est largement accepté dans notre
société. Si on prend l'exemple que vous donniez,
c'est-à-dire une entreprise de 1000 employés où il y a 100
représentants du groupe cible, si vous formez un comité avec le
groupe cible, vous aurez une situation où les 900 autres personnes qui
font partie de ce milieu de travail se verront imposer des conditions sans
avoir pu y participer d'aucune façon. Est-ce une meilleure situation que
la situation où on permet à l'ensemble du groupe d'évoluer
pour éliminer la discrimination?
M. Marx: C'est ce que veulent dire les programmes d'accès
à l'égalité. Même les gens qui n'ont pas subi la
discrimination, dans l'entreprise où on fera un programme d'accès
à l'égalité, pourront en profiter. C'est-à-dire
que, même si l'individu n'a pas subi la discrimination, il pourra
profiter d'un programme d'accès à l'égalité.
Comprenez- vous ce que je veux dire?
Mme Côté: Voulez-vous répéter
cela?
M. Marx: Une femme qui n'était pas soumise à la
discrimination - personne n'a fait de discrimination contre elle en tant que
femme - pourrait peut-être profiter d'un programme d'accès
à l'égalité.
Mme Gagnon: Oui, mais je pense...
M. Marx: Dans la jurisprudence américaine, c'est toujours
décrit comme cela. Ce qui m'a surpris dans ce que M. Lapierre a dit,
c'est qu'un grand nombre d'aspects qu'on trouve dans le règlement font
déjà partie des régimes de travail.
Mme Gagnon: Que sous-tend un programme d'accès à
l'égalité? Cela interrogera l'organisation du travail, la
promotion, la sélection et toutes ces choses-là qui sont
déjà couvertes par la négociation dans une convention
collective.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Marx: Ces aspects qu'on trouve dans le règlement ne
font pas maintenant partie des régimes de travail.
Mme Côté: C'est-à-dire que si vous vous
interrogez sur la formation et le perfectionnement, il y a dans certaines
conventions collectives des mesures. Si vous vous interrogez sur les salaires,
vous devrez regarder les échelles salariales à l'intérieur
d'une convention collective. Si vous parlez des mesures disciplinaires
administratives, vous allez devoir regarder ce qui se passe et s'il y a des
mesures à l'intérieur d'une convention qui interviennent
là-dessus.
Un programme d'accès à l'égalité, je pense
que c'est là qu'on ne se comprend pas parce que, d'après votre
intervention de tout à l'heure, vous dites qu'une personne se verra
gracieusement offrir un programme d'accès à
l'égalité sans l'avoir voulu alors que, pour nous, un
programme... (17 h 30)
M. Marx: Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit, mais ce n'est
pas grave.
Mme Côté: J'ai traduit un peu. Ce n'est pas une
gracieuseté, mais cela arrive comme cela. Un programme d'accès
à l'égalité. Lorsqu'il y a un diagnostic de discrimination
systémique, la discrimination systémique, c'est une analyse
collective à partir d'un groupe qui vit des situations d'exclusion mais
comme groupe. Il est possible que ce soit quelques personnes dans une
entreprise qui se plaignent que les outils de travail ne sont pas
adaptés aux deux sexes, mais lorsqu'il y aura une analyse de
l'organisation de travail incluant les outils de travail et qu'il y aura
des correctifs, la totalité des femmes du groupe cible vont en
profiter.
M. Marx: Une dernière question.
Le Président (M. Gagnon): Très courte, M. le
député, parce que d'autres personnes ont demandé la
parole.
M. Marx: Parmi les groupes de femmes qui sont venus ici, j'ai
demandé à Mme Rochon, de la Coalition des femmes, de nous donner
un exemple de la discrimination systémique. Elle a dit qu'à la
Société des alcools, pour devenir caissière, il faut
passer par l'entrepôt et dans l'entrepôt, on n'engage pas de femme.
Donc, il y a très peu de caissières. Qu'est-ce que le syndicat de
la Société des alcools du Québec a fait pour permettre aux
femmes d'accéder à ces postes? Qu'est-ce que le syndicat a fait
jusqu'à maintenant?
Mme Côté: Pour empêcher la discrimination?
M. Marx: Oui, pour aider les femmes à accéder
à ces postes. Qu'est-ce que les syndicats ont fait dans d'autres
entreprises pour permettre aux femmes d'accéder à un certain
nombre de postes? Peut-être y a-t-il des syndicats qui ont fait des
choses mais dans d'autres cas, non. À la Société des
alcools du Québec, j'imagine que cela avantage les hommnes, donc,
personne n'a bougé.
Mme Côté: Je peux vous dire qu'actuellement, on
constate une situation de discrimination, sauf que si la Société
des alcools était soumise aux balises qui sont là, il y
aurait...
M. Marx: Mais pourquoi ne pas l'avoir inclus dans leur convention
collective?
Mme Côté: Mais écoutez, le concept de
discrimination systémique, ce n'est pas quelque chose qui date de 25
ans, c'est à la lumière de la lutte des femmes et de certains
mécanismes d'analyse que nous avons vu qu'il y a deux façons de
traiter les hommes et les femmes dans notre société, c'est
à partir de cela que nous avons cherché certains
mécanismes correctifs. Ce n'est pas de la discrimination intentionnelle.
Je suis sûre que le syndicat ne veut pas faire de la discrimination
intentionnelle, c'est systématique, ce sont les règles
d'organisation qu'il faut revoir à la mesure des revendications et
à partir de pratiques qu'on a cru neutres pendant longtemps mais qui ne
le sont plus.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Fabre et, après, le député de
Deux-Montagnes.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
également remercier les représentantes de la Centrale de
l'enseignement du Québec pour leur présentation. Voilà un
mémoire qui invite fortement à la réflexion, qui ouvre des
voies nouvelles sur la question de l'accessibilité.
Mes questions porteront d'abord sur le premier volet que vous avez
mentionné. Vous parlez d'élargir le champ d'application du
règlement. Vous dites: "La portée d'application du projet de
règlement ramène l'accès à l'égalité
au rang de voeu pieux." Il me semble que - je ne sais pas si c'est
volontairement - vous poussez un peu loin quand même. Ce n'est quand
même pas un voeu pieux, le fait que quelqu'un, un organisme ou une
personne, puisse porter plainte. Il y a donc enquête de la part de la
commission et recommandation. Pouvez-vous nous éclairer sur le sens que
vous accordez à "rang de voeu pieux". Ne forcez-vous pas un peu trop la
note?
Le Président (M. Gagnon): Mme Côté.
Mme Côté: Nous croyons que lorsqu'il y a un
programme d'accès à l'égalité qui est
discuté, ce programme, quelle que soit sa provenance, doit respecter
l'ensemble des balises qui existent. Quand on regarde l'article 1, ces balises
vont s'appliquer à partir du moment où il y aura une
recommandation ou une ordonnance en tribunal. Cela veut donc dire que c'est
dans le temps, c'est seulement par un étirage du temps, lorsqu'il y aura
eu un programme et que le programme sera non conforme, lorsqu'il y aura eu une
plainte et qu'il y aura eu une enquête, une ordonnance ou une
recommandation.
Pourquoi attendre que la commission ait recommandé ou ait
demandé une ordonnance pour que ces balises s'appliquent? Ce que nous
demandons, ce n'est pas que les programmes soient obligatoires partout, c'est
que lorsque, quelque part, une entreprise ou un syndicat, un groupe de
travailleuses veut implanter un programme, les balises pour l'implanter, les
questions à poser soient celles qui sont indiquées dans le projet
de règlement. C'est pour cela qu'on dit que c'est un voeu pieux;
finalement, on retarde le correctif. On le retarde et on attend que la
commission ait une plainte ou ait fait une enquête et ait
recommandé une solution. Ce qui fait qu'on peut bien penser qu'avant
qu'il y ait eu un programme qui soit soumis à ces balises, cela va bien
prendre deux ans, entre nous.
M. Leduc (Fabre): J'avoue que vous
soulevez là un argument qui m'apparaît de taille. Par
contre, il y a des entreprises qui peuvent appliquer un programme qui ne suit
pas nécessairement à la lettre les balises qui sont là.
C'est fort possible qu'il y ait des entreprises - et il y en aura
sûrement - qui vont avoir des programmes d'accès et qui ne
suivront pas tout à fait ce modèle. Là, on leur impose un
modèle. Cela veut dire aussi le contrôle du modèle... Ce
n'est pas tout de dire: Bon, toutes les entreprises doivent passer par le
même moule. C'est quelque chose à contrôler. Cela veut dire
qu'il faut aller vérifier, qu'il faut aller enquêter si toutes les
entreprises ont effectivement appliqué les balises qui sont là.
L'application de ce contrôle à je ne sais pas combien de milliers
d'entreprises au Québec m'apparaît être l'aspect le plus
difficile dans votre proposition.
Mme Côté: Dans notre compréhension, on ne
peut pas penser à des mécanismes correctifs sans avoir fait
l'analyse des effectifs, du portrait et des éléments
discriminatoires. On ne peut pas penser qu'une entreprise - et ce n'est pas
juste nous qui le disons mais l'ensemble de la documentation sur la question -
puisse songer à des mécanismes correctifs sans s'être
interrogé sur son organisation du travail et sur les pratiques de
sélection pour ensuite apporter les correctifs appropriés.
Peut-être qu'effectivement vous avez raison. Certaines entreprises vont
pouvoir intervenir strictement sur l'embauche, mais si les pratiques à
l'embauche n'interviennent pas et si les femmes sont cantonnées quand
même aux ghettos d'emplois qu'on connaît, en quoi cela va-t-il
changer quelque chose? Cela va avoir permis aux femmes d'accéder
à l'emploi mais sous quelles conditions? C'est à cela que nous
pensons comme processus d'analyse.
Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.
M. Lapierre: Vous dites que cela pourrait amener la commission
à avoir trop de programmes à surveiller. À mon avis, c'est
déjà le cas avec l'article 86.4 de la loi qui dit que la
commission surveille l'application des programmes d'accès à
l'égalité. L'application de l'article 86.4 n'est pas restreinte
aux programmes visés par le règlement.
M. Leduc (Fabre): En fait, vous soulevez une question...
Peut-être. Mais si on se fie au règlement, là où il
y aura eu plainte, il pourra y avoir imposition de ce modèle de
règlement. C'est ce que je comprends.
Puisque le temps passe, je voudrais continuer. Vous introduisez une
idée intéressante: qu'on puisse négocier les programmes
d'accès à l'égalité. Avec cela, il y aura
sûrement moyen d'éviter ce que j'appelle les risques d'un
énorme contrôle bureaucratique sur des milliers d'entreprises. Je
vous avoue que cela me fait peur. Par contre, par la voie de la
négociation, il y aurait peut-être lieu d'éviter cet
énorme contrôle. Je comprends, vous vous dites... Ma question est:
Qu'est-ce qui empêche que ce soit négocié
présentement? Il n'y a rien qui empêche que ce soit
négocié. Vous ajoutez un élément visant à ce
que cela fasse obligatoirement l'objet d'une négociation, mais, en fait,
cela peut se faire obligatoirement, à mon sens, s'il y a un rapport de
force ou s'il y a une volonté syndicale de le négocier et que
cela devienne aussi important que de négocier la question salariale, par
exemple, ou la question des régimes de retraite. Si on en fait un
élément aussi important, cela devient automatiquement
négociable. Je ne vois pas exactement ce que votre "obligatoirement
l'objet d'une négociation"... En plus, du fait que cela oblige, votre
idée est intéressante parce que cela oblige les syndicats
à faire des consensus. Ce qu'on peut craindre souvent, c'est que la
règle de l'ancienneté prenne le dessus sur les questions comme
l'accès à l'égalité. Cela est un danger
réel. Donc, cela obligerait les syndicats à faire des consensus.
Je crois que, pour que ce soit véritablement appliqué, il faut
qu'il y ait absolument des consensus du côté syndical. Mais
n'est-ce pas une voie un peu facile de dire qu'il faut que ce soit
obligatoirement l'objet d'une négociation? D'autre part, qu'est-ce qui
va être obligatoirement l'objet de la négociation? Les
règlements qui sont là?
Quant à moi, je considère que ces règlements sont
un minimum qui s'applique partout. Dès qu'il y a plainte il y a
enquête et cela peut s'appliquer. La négociation permet d'aller
plus loin. Mais moi, il m'apparaît que c'est possible, actuellement, de
négocier. Au fond, je ne vois pas exactement ce que vous demandez de
plus, même si vous ajoutez "obligatoirement".
Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.
M. Lapierre: En fait, la loi, actuellement, ne mentionne pas la
négociation. Elle est absolument silencieuse au sujet de la
négociation. L'articulation n'est pas prévue entre le
régime de négociation et le programme d'accès à
l'égalité. Ce qui veut dire que, en vertu des articles de la
charte, un employeur peut établir un programme d'accès à
l'égalité en vertu de ses droits de gérance même
s'il y a un syndicat dans son entreprise.
On ne sait pas, compte tenu des articles actuels de la loi, quelles sont
les conséquences d'un tel programme, ce qui l'emporterait s'il y avait
un conflit entre Ies deux. Est-ce que ce serait la convention
collective ou est-ce que ce serait les programmes d'accès
à l'égalité? On n'a pas de réponse à cette
question et je pense que la réponse n'est pas claire. En vertu, par
exemple, d'un arrêt qui a été rendu aux États-Unis,
l'arrêt Stotts, ce serait plutôt la convention qui l'emporterait.
Mais, d'un autre côté, il y a une grande différence entre
le régime d'accès à l'égalité qui est dans
la charte et les conditions de l'arrêt Stotts.
Mais, si c'est le programme d'accès à
l'égalité qui l'emporte, ce serait au détriment de la
convention collective et vice versa. L'articulation n'est pas prévue.
Alors, on pense qu'il faut qu'il y ait une articulation. Cette articulation,
pour nous, doit se faire par la négociation des programmes
d'accès à l'égalité; l'obligation pour les
syndicats de négocier dans le cadre du règlement, en allant plus
loin si nécessaire, mais en pouvant au moins exiger que le
règlement soit respecté.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes, suivi de Mme la députée de Maisonneuve.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Il me semble
que ce que les porte-parole de la CEQ sont en train de nous dire, c'est que
là où il y a un syndicat bien implanté, la mise en place
d'un programme d'accès à l'égalité fonctionnera
mieux si le syndicat est impliqué dans cette mise en place. Je pense que
c'est une proposition avec laquelle, quant à moi, je serais d'accord;
d'autant plus qu'il y a un certain nombre de cas où ce sont les
syndicats qui ont milité en faveur des programmes
d'égalité et qui ont permis de réaliser un certain nombre
d'étapes de progrès vers l'établissement de ces
programmes.
Est-ce que, dans l'état actuel du règlement, en supposant
que le règlement soit adopté tel quel, l'implication du syndicat
ne pourrait pas, justement, être considérée comme
matière à négociation? C'est-à-dire, est-ce que les
syndicats intéressés aux programmes d'accès à
l'égalité ne pourraient pas, en négociations, dire
à l'employeur Nous, on veut, on entend, être impliqués
là-dedans?
Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre.
M. Lapierre: Je pense qu'ils ne pourraient pas exiger de
l'employeur qu'il négocie un programme d'accès à
l'égalité en respectant les conditions qui sont dans le
règlement. Ils pourraient sans doute, par un rapport de forces, amener
l'employeur à négocier des éléments de programmes
d'accès à l'égalité, mais ils ne pourraient pas
exiger que soit négocié un programme, conformément aux
balises qu'il y a dans ce règlement.
M. de Bellefeuille: Alors, vous voulez que le règlement,
explicitement, ouvre la porte à cette possibilité.
M. Lapierre: Et si c'est nécessaire de modifier la loi,
que la loi soit modifiée en conséquence.
M. de Bellefeuille: J'avais une autre question à poser,
mais je ne veux pas priver
Mme la députée de Maisonneuve du temps qui lui est
alloué.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez le temps.
M. de Bellefeuille: C'est une question à laquelle la
réponse n'est peut-être pas simple. Je voulais vous demander
quelles sont les formes de discrimination systémique qui existent et
qu'on peut observer dans le monde de l'enseignement. À première
vue, on a l'impression qu'il y a beaucoup de femmes dans l'enseignement. Donc,
on pourrait croire, à première vue, qu'il n'y a pas de
discrimination envers les femmes, sauf que c'est peut-être une question
de niveau dans le régime scolaire. Il y a peut-être des niveaux
où les femmes sont victimes de discrimination. On peut se demander s'il
n'y a pas d'autres niveaux où les hommes seraient victimes de
discrimination, quoique cela paraisse peu probable. Mais il y a aussi les
groupes minoritaires, les groupes ethniques. Est-ce que les personnes, membres
des groupes ethniques, occupent leur juste place dans l'enseignement au
Québec? Il me semble que c'est une question à laquelle vous
pourriez nous apporter un éclairage. (17 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Mme Côté.
Mme Côté: Des exemples de discrimination, celui qui
fait consensus et qui paraît dans les études du CSF, c'est tout
simplement le portrait de la représentation des femmes. Quand on
constate qu'au secondaire, le nombre des femmes est inférieur à
celui des hommes et que, dans les cégeps, le taux de mise en
disponibilité des femmes est supérieur à leur
représentation, c'est une forme de discrimination. Chez le personnel de
soutien, on peut constater qu'il y a souvent des tâches
équivalentes n'ayant pas nécessairement un salaire
équivalent. Du côté des professionnels du réseau
scolaire, ce dont on se rend compte souvent, c'est que les femmes sont
concentrées dans certaines disciplines à caractère humain
plutôt que dans des disciplines à caractère plus rationnel.
Je vous dis tout cela, sous réserve de mon pif. Nous aussi, on est en
train de faire une analyse systémique et, nous aussi, on va faire une
analyse de l'organisation du travail, on va être capable de poser
certains
diagnostics de discrimination et de trouver les correctifs
appropriés. Par contre, votre première question me dit que ce
n'est pas pour rien qu'on demande que les groupes cibles soient inscrits dans
le projet de règlement. Pour nous, les groupes cibles, ce sont ceux
qu'on appelle "femmes", "minorités culturelles" et tout cela, et ce sont
ceux qui ont vécu historiquement une forme d'exclusion ou un traitement
différent.
Une voix: II ne s'agit pas de ghettos d'emplois.
Mme Côté: Non, il ne s'agit pas de ghettos
d'emplois; ce n'est pas de la ségrégation professionnelle.
Celle-ci est un élément de sexisme dans l'organisation du
travail. Mais il n'y a pas seulement les ghettos d'emplois à
considérer. Il y a le sale travail, la rémunération, comme
je le disais tout à l'heure, les pratiques d'embauche, de
sélection, de perfectionnement, etc. Par rapport aux minorités
ethniques, je ne sais pas s'il y en a qui ont des réponses
là-dessus.
Mme Gagnon: On a des minorités ethniques au niveau des
autochtones, là où ils sont. Effectivement, on a
été obligé, depuis les deux dernières conventions,
d'avoir des mesures pour leur permettre de prendre charge de l'enseignement,
entre autres, de leur langue et de leur culture. Les mesures sont les
suivantes: Si, par exemple, un enseignant autochtone veut enseigner et veut
garder sa place, la personne qui est mise en disponibilité, même
si l'enseignant autochtone est la personne la moins ancienne, c'est
l'enseignant blanc qui, lui, est mis en disponibilité et
relocalisé dans le "sud", entre guillemets, dans une autre commission
scolaire. Mais nous n'avons effectivement pas, dans les autres secteurs, au
niveau des minorités ethniques dites culturelles, des mesures autres que
pour les enseignants autochtones. Cela va faire partie de l'ensemble de la
problématique et des solutions à apporter à ce genre de
problèmes chez nous également.
M. de Beliefeuille: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve, suivie de Mme la députée de
Jonquière.
Mme Harel: M. le Président, c'est un peu dans la suite de
l'intervention du député de Deux-Montagnes. Je voulais un peu
examiner avec vous toutes les difficultés liées à la
présence d'enseignants provenant de communautés culturelles ou de
groupes ethniques, dont l'absence est assez chronique actuellement dans le
milieu de l'enseignement, compte tenu, comme vous le disiez très bien
tantôt, de votre définition de la discrimination systémique
et, donc, de l'objectif qui est de l'éliminer. Vous le disiez, ce
n'était pas intentionnel: La discrimination systémique ne se fait
pas intentionnellement, bien qu'on doive conclure qu'il va de soi qu'il y a des
membres d'un groupe qui en profitent. Cela se fait à leur avantage et
cela se fait au détriment de membres de certains autres groupes.
J'imagine que, lorsqu'on est à la CEQ et qu'on a un syndicat qui
est quand même majoritairement composé de femmes... Les effectifs
actuels de la CEQ démontrent que c'est une majorité ou pas
loin...
Mme Gagnon: Deux tiers, pas loin.
Mme Harel: De deux tiers. Bon, de deux tiers. Les consensus dont
vous parliez tantôt, en réponse aux questions du
député de D'Arcy McGee, sont peut-être des consensus plus
faciles à faire, justement, quand on est une majorité, même
si on est traité en minorité. Mais là où le
problème peut se poser, c'est quand il y a des membres de groupes cibles
- je trouve votre suggestion excellente de les identifier dans le projet de
règlement - qui ne seront pas partie prenante au débat parce
qu'ils ne sont tout simplement pas là.
Il y a une étude qui date d'il y a peut-être deux ans
maintenant du Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui
était passionnante, sur les difficultés d'apprentissage des
enfants d'immigration de première souche, de première
génération. Parmi les recommandations, il y avait la
nécessité d'avoir des modèles performants, valorisants,
c'est-à-dire des modèles du même milieu, de la même
origine ethnique ou culturelle à l'école pour justement projeter
une image positive de sa communauté, ce qui n'est pas toujours le cas
chez les enfants de l'école. Cela supposerait, évidemment,
qu'à ce moment-là il y ait... Au niveau de l'embauche, vous allez
me dire que, pour tout de suite, il n'y a pas beaucoup de solutions à
envisager de ce côté-là, mais il y en aura
éventuellement. Même là, il faudrait qu'il y ait
déjà des mesures au niveau de la sélection, au niveau de
l'embauche et systématiquement pour compenser l'absence chronique avec
l'arrivée massive, depuis la loi 101, d'une population étudiante
ethnique dans les écoles francophones. Alors, comment le débat
va-t-il se faire au sein de la CEQ, ce consensus très large que vous
souhaitez mais avec, finalement, des membres de groupes qui ne seront pas
là pour le faire?
Mme Côté: C'est là un gros problème
effectivement, mais je pense que pour nous, la discrimination
systémique, quand on identifie les groupes, on fait la même
analyse. Cela veut donc dire qu'on va devoir
faire pour les minorités culturelles le même type
d'analyses systémiques qu'on fait pour les femmes. Je pense - une petite
farce en passant - qu'on soit minoritaires ou majoritaires, nous, les femmes,
la reconnaissance sociale, on se bat avec. Cela étant dit, je pense
qu'on va être capable, à la suite d'une analyse systémique,
même si les gens ne sont pas là, de trouver des moyens de les
consulter et d'aller voir avec eux ce qui serait bien pour eux. Un peu comme
l'expérience que j'ai dans la tête, lorsqu'on est intervenu avec
les handicapés et qu'on voulait savoir ce qu'on allait mettre dans notre
mémoire, on a rencontré des handicapés et on leur a dit:
Ce serait quoi qu'on pourrait faire comme proposition pour faire en sorte que
vous soyez servis par un type de loi comme cela?
Maintenant, une chose qui serait peut-être à regarder
aussi, c'est que s'il y a de l'embauche, c'est clair que si on veut augmenter
la représentation, s'il y a de l'embauche, il va falloir intervenir au
niveau de mesures préférentielles à l'embauche. Cela est
clair.
Mme Gagnon: Ce ne sera pas des débats simples, on le sait,
mais comme dans tous les autres secteurs, je pense que l'ouverture d'esprit est
assez bonne à cet égard.
Le Président (M. Gagnon): Sur le même sujet, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je vais poursuivre la question posée par la
députée de Maisonneuve, parce que j'ai déjà
posé cette question des syndicats qui vont négocier avec les
employeurs. Prenons un exemple concret. L'an dernier, à la Commission de
transport de la Communauté urbaine de Montréal, il y avait sept
femmes chauffeurs d'autobus et 3400 hommes chauffeurs d'autobus. Donc,
c'étaient des hommes blancs à presque 99 % et je ne sais pas
combien, et c'étaient des francophones. Il va de soi que le syndicat est
contrôlé par ces 3400 hommes blancs francophones et pas par les
sept femmes qui sont là. Quoique les femmes puissent être
très fortes dans le syndicat, sept ne donnent pas beaucoup de poids.
Si le syndicat négocie le programme d'accès à
l'égalité avec l'employeur, le syndicat est juge et partie; les
3400 hommes sont des juges et ils font partie de cette entreprise en même
temps. Il pourrait y avoir un conflit d'intérêts. C'est la
même chose à la Sûreté du Québec, en ce qui
concerne le syndicat des policiers de la Sûreté du
Québec... la Fraternité des policiers de la Communauté
urbaine de Montréal, le syndicat des pompiers. Pour le syndicat des
pompiers, cela devrait être à presque 100 % des hommes blancs
francophones. Comment vont-ils négocier un programme d'accès
à l'égalité pour les femmes, pour les membres des
communautés culturelles? Il pourrait y avoir un conflit
d'intérêts. C'est comme demander aux États-Unis, aux
Blancs, un syndicat où les membres sont seulement des hommes blancs, de
négocier un programme d'accès à l'égalité
pour les Noirs. Je pense qu'il pourrait y avoir un conflit
d'intérêts et un conflit quant à la compréhension de
la situation.
Le Président (M. Gagnon): Mme Côté.
Mme Côté: Si votre entreprise est soumise au
règlement tel que libellé là, je pense que les
problèmes que vous soulevez vont être amoindris, parce qu'il y
a... On dit dans le projet de règlement ce qu'une entreprise
syndiquée ou non syndiquée doit faire pour réellement
instaurer ou implanter un programme d'accès à
l'égalité. C'est marqué là. Je pense que le
syndicat, que vous lui prêtiez les intentions les plus...
M. Marx: Je ne parle pas d'intentions, je parle des
possibilités, pas dans votre syndicat.
Mme Côté: À raison! À raison! Je dis
"à raison" que vous les prêtez. Cela va? S'il est soumis à
cela et si vous pouviez faire sauter le bout de l'article 1 qui dit que c'est
seulement quand il y a des programmes de recommandés, ces gens-là
qui vont élaborer un programme vont demander l'aide de la CDPQ, vont
demander l'aide de personnes qui ont des expertises sur la question, vont
respecter l'ensemble des balises et ne pourront sûrement pas
négocier des affaires qui ne sont pas là-dedans ou qui sont
toutes croches, parce que la CDPQ va leur dire: Là-dessus, ce n'est
vraiment pas de la discrimination systémique. Ce ne sera pas conforme,
et c'est pour cela que, nous, on dit que, si l'article 1 est modifié et
oblige tout programme à suivre ces balises partout, que ce soit
syndiqué ou pas, l'employeur avec les salariés non
syndiqués ou l'employeur avec son syndicat va être obligé
de respecter des balises, ce qui va faire en sorte que, dans la
société québécoise, on va concevoir la
discrimination systémique de la même façon et qu'on va
vouloir collectivement la faire bouger pour s'en débarrasser.
Le Président (M. Gagnon): M. Lapierre, vous vouliez
ajouter.
M. Lapierre: Également, s'il y a une discrimination
systémique de ce type, je pense qu'il peut y avoir une plainte à
la commission, et, à la suite d'une enquête, la commission fera
des recommandations, de telle sorte que la négociation se fera
à
partir de recommandations de la commission. C'est déjà, au
départ, un encadrement qui peut être important.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Jonquière.
Mme Saînt-Amand: Merci, M. le Président. Je
m'inquiétais un peu. Les propos que vous venez de tenir, Mme
Côté, me rassurent parce que j'étais inquiète de
voir reposer uniquement sur le syndicat la possibilité de
défendre les intérêts des personnes faisant l'objet de
discrimination. Il me venait à l'esprit immédiatement, bien
sûr, nos PME où la force des syndicats n'a pas celle de la
Centrale de l'enseignement du Québec, où les femmes sont encore
d'autant plus minoritaires. Les groupes culturels sont très peu
représentés également. Les communautés culturelles
sont très peu représentées. Et je voyais mal comment ces
personnes, à un ou deux "exemplaires", entre guillemets, par entreprise,
arriveraient à revendiquer et à être reconnues. Si vous me
dites que les individus ne seront pas obligés de compter uniquement sur
leur syndicat... Il faut se rappeler que dans le processus de
préparation d'un projet de convention collective, si on inclut tout
programme d'accès à l'égalité à
l'intérieur de nos conventions collectives, il faut d'abord que le
projet de convention soit présenté à l'ensemble des
travailleuses et des travailleurs qui doivent l'accepter majoritairement ou le
rejeter en tout ou en partie. Dans un syndicat très majoritairement
masculin, il serait extrêmement difficile pour deux, trois ou même
cinq femmes d'essayer d'y faire inclure de tels programmes. De ce
côté, ce que vous avez dit tout à l'heure me rassure.
Maintenant, j'ai une autre question. J'aimerais connaître votre
opinion à cet effet parce que hier, avec certains groupes, on a
discuté du fonds spécial pour soutenir les personnes
discriminées qui seraient forcées d'intenter des poursuites
judiciaires contre un employeur. Est-ce que les syndicats voudraient prendre
à leur charge le soutien de leurs membres discriminés ou s'ils
voudraient qu'ils soient partie intégrante de ce fonds spécial
qui serait mis sur pied?
Mme Côté: Je vous avoue qu'on n'a pas regardé
cette question. Je me rappelle qu'à Décisions 85 on avait pris
une position dans le sens que vous énoncez. Jean-Marcel, vitement, es-tu
bon pour regarder cela? Cela ne te dit rien?
M. Lapierre: Je pense que c'est une question qu'il faudrait
étudier.
Mme Côté: II faudrait la regarder. On ne l'a pas
regardée sous un angle vraiment précis, mais on pourrait le faire
et communiquer avec vous autrement qu'ici, parce que le temps ne nous le permet
pas.
Mme Saint-Amand: II semblait important de prévoir la
création d'un tel fonds parce que les personnes discriminées sont
essentiellement seules, faibles et bien souvent sans aucune autre source de
revenu. Il faudrait prévoir un fonds de soutien pour les personnes
discriminées qui devraient être forcées d'intenter des
poursuites judicaires.
Mme Côté: Je voulais répondre à ce que
vous disiez au début tout à l'heure lors de votre première
intervention. Du point de vue humain de l'organisation, il faut dire aussi que
pour les travailleuses, qu'elles soient minoritaires ou majoritaires, ce n'est
pas très facile non plus si elles se voient implanter un programme par
l'employeur. Elles vont se retrouver avec ces salariés. Cela va faire
des climats de travail beaucoup plus détériorés si,
collectivement, il y a eu des batailles entre les deux groupes, comme vous le
dites. À ce moment, il y aura un consensus. Après que le
programme d'accès à l'égalité est implanté
par quelque mesure que ce soit, s'il l'est "par décret", entre
guillemets, les femmes vont être prises à l'intérieur de
l'organisation pour se défendre contre les salariés qui vont
être enragés contre elles. Je pense que le climat de travail est
important à sauvegarder aussi. On pense que la négociation nous
donne plus de chances.
Le Président (M. Gagnon): Mme Lemay.
Mme Lemay: C'est simplement pour rappeler, pour ce qui est du
règlement -parce qu'on a beaucoup parlé de l'enseignement dans
l'entreprise privée - que le gouvernement, dans ses ministères et
organismes, se soutrait de l'application de ce règlement. J'en ai
parlé au début et cela nous semble tout à fait incorrect.
Le règlement prévoit des balises intéressantes, ce qu'est
un programme d'accès à l'égalité, et cela devrait
être aussi en force en ce qui concerne les ministères et
organismes, toujours dans le cadre de la négociabilité. Il nous
semble que le règlement devra s'appliquer là aussi.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie mesdames
Lemay, Côté, Gagnon et M. Lapierre. Mme Gagnon, finalement, vous
allez être libre pour prendre votre avion.
Mme Gagnon: C'est cela, je suis juste à l'heure.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie la Centrale de
l'enseignement du Québec et je vous donne rendez-vous à 20 heures
alors
que nous entendrons Centro Donne Montréal ainsi que l'R des
centres de femmes du Québec. Je suspends les travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise à 20 h 7)
Centro Donne
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
poursuit ses travaux. Nous recevons le Centro Donne, de Montréal.
Mesdames, je vous laisse le micro en vous soulignant que nous accordons 55
minutes par mémoire. C'est-à-dire que vous avez environ 20
minutes pour nous faire lecture de votre mémoire et 35 minutes
d'échanges possibles avec les membres de la commission. Je vous laisse
le micro en vous demandant de vous présenter, s'il vous plaît!
Mme Nucciarone (Victoria): D'accord. Victoria Nucciarone, membre
du Centro Donne, Centre des femmes italiennes de Montréal.
Mme Zumstein (Johanna): Johanna Zumstein, membre du Centre des
femmes italiennes.
Mme Nucciarone: M. le Président, madame et messieurs les
membres de la commission parlementaire, Johanna Zumstein va vous
présenter le cadre général de notre position et,
moi-même, je vais reprendre les points sur lesquels notre organisme a des
réserves quant au règlement sur les programmes d'accès
à l'égalité. C'est très important pour nous de
présenter notre position à la commission parlementaire car notre
groupe est le porte-parole des femmes italiennes de Montréal. On
représente la communauté culturelle la plus importante
après les francophones et les anglophones. Le Centre des femmes
italiennes est le porte-parole pour environ 125 000 femmes d'origine italienne.
Un programme d'accès à l'égalité est très
important pour nous car nous sommes victimes de discrimination, pas seulement
en tant que femmes, mais aussi comme représentantes d'une
communauté culturelle minoritaire.
Mme Zumstein: Pour situer notre position face au projet de
règlement, j'aimerais donner quelques caractéristiques des femmes
immigrantes sur le marché du travail. Selon une étude de Sheila
McLeod Arnopoulos, de 1979, un tiers des femmes immigrantes occupe des emplois
peu rémunérés, surtout dans le secteur des services et le
secteur manufacturier, comparativement à un cinquième seulement
des femmes canadiennes. Donc deux fois plus de femmes immigrantes dans ces
emplois peu rémunérés. II est bien connu aussi que ce
sont, depuis des décennies, surtout les femmes italiennes qui
travaillent, par exemple, dans le secteur du textile. Or, les raisons
fondamentales qui déterminent l'attitude de ces femmes immigrantes sur
le marché du travail sont le peu de scolarité, des valeurs
culturelles différentes des valeurs québécoises, une vie
familiale traditionaliste, des problèmes de communication et, surtout,
je dirais une insécurité fondamentale face à leur milieu
de travail que l'on pourrait qualifier de traumatisme de l'immigration.
Les femmes immigrantes se sentent en marge de la société
québécoise. Elles manquent surtout d'information et elles ne
savent pas se protéger contre la discrimination dans leur milieu de
travail. Elles ont peur de perdre leur emploi, le peu qu'elles ont -
c'est-à-dire n'importe quel emploi -quand elles s'opposent à leur
employeur. C'est surtout dans le secteur manufacturier et le secteur des
services que les femmes immigrantes sont discriminées et ont le plus
besoin de la protection du règlement.
Or, nous, du Centro Donne, nous croyons que le règlement, sous sa
forme actuelle, ne protégera pas les femmes immigrantes, surtout dans
les secteurs où elles ont le plus besoin de protection.
Mme Nucciarone: Nous allons traiter des six points sur lesquels
nous désirons exprimer des réserves. Le premier point, c'est la
portée de l'article 1 du règlement; le deuxième point,
c'est l'analyse de disponibilité décrite à l'article 5 du
règlement; le troisième point, la responsabilité
d'implantation du programme d'accès à l'égalité
à l'article 10; le quatrième point, l'échéancier
pour la mise en application du règlement prévu à l'article
11; cinquièmement, la lacune du règlement quant à y
inclure la fonction publique et, finalement, la lacune du règlement
quant aux sanctions.
Le Centre des femmes italiennes déplore la portée trop
limitée de l'article 1 du projet de règlement sur les programmes
d'accès à l'égalité et propose que le
règlement s'applique à tout employeur, entreprise, lieu de
travail, organisme, etc. De plus, nous proposons que le règlement
devrait recevoir application indépendamment de la recommandation de la
commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal et devrait
plutôt être d'ordre public.
Nous proposons que des sanctions pénales et civiles strictes
soient prévues dans le règlement pour toute infraction au
règlement afin d'éviter que les droits et les garanties contenus
dans celui-ci ne deviennent qu'illusoires. Nous proposons que l'analyse de
disponibilité décrite à l'article 5 du règlement
soit effectuée par le gouverne-
ment et non pas par l'employeur, celui-ci ayant plus facilement
accès à ces informations.
Le troisième point. Nous proposons que l'article 10 soit
modifié pour que la responsabilité de l'implantation du programme
soit confiée à un comité tripartite. Le nombre de
personnes dans le comité devrait être déterminé en
proportion des employés dans l'entreprise et la composition devrait
refléter les différents secteurs de l'entreprise. Il devrait
aussi y avoir une représentation gouvernementale à ce
comité. La tâche de celui-ci serait, entre autres, de fournir
l'analyse dé disponibilité, d'établir
l'échéancier pour la réalisation des objectifs à
atteindre et de s'assurer que le programme d'accès à
l'égalité est appliqué dans l'entreprise.
Quant au quatrième point, nous appuyons l'article 11 du
règlement avec la réserve que l'échéancier
prévu, auquel on se réfère à l'alinéa 2 de
l'article, soit établi par le représentant gouvernemental
siégeant au comité au sein de l'entreprise et non par
l'employeur.
De plus, nous proposons que le secteur de la fonction publique soit
également soumis au règlement sur les programmes à
l'égalité. Finalement, nous proposons un ajout au
règlement, soit un article qui traiterait des sanctions pénales
et civiles pour toute infraction au règlement. Entre autres, nous
suggérons un recours en réintégration à l'emploi
pour toute personne lésée par la non-application du
règlement; un recours en dommages et intérêts pour toute
personne victime de discrimination ou de traitement contraire au
règlement; un recours pénal contre tout employeur qui passerait
outre aux dispositions du règlement; un article qui pourrait porter sur
une amende pour une infraction au règlement, par exemple, une amende de
base conséquente, en plus d'une amende proportionnelle au chiffre
d'affaires de l'employeur qui déroge, passe outre à ou ne
respecte pas une disposition ou exigence du règlement.
Nous proposons, de plus, que le règlement soit proclamé
d'ordre public et qu'aucune clause nonobstant dans une loi ne puisse
déroger aux dispositions du règlement. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Merci. M. le
député de D'Arcy McGee. (20 h 15)
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mmes
Nucciarone et Zumstein de Centro Donne de Montréal pour la
présentation qu'elles ont faite. En parlant des immigrants ou des
immigrantes, je pense que vous êtes le deuxième groupe qui nous
parle des problèmes des femmes immigrantes. Moi aussi, je suis ici pour
représenter les femmes italiennes, mais je pense qu'il y a une
différence entre les femmes italiennes immigrantes et les femmes
italiennes canadiennes, et je m'explique.
Une nouvelle immigrante qui arrive au Québec aujourd'hui a un
certain nombre de problèmes. Il faut aider cette personne à
s'intégrer dans la société québécoise par
des cours de langue, l'aider à trouver un emploi et ainsi de suite. Une
nouvelle immigrante qui arrivera demain ne sera pas aidée par un
programme d'accès à l'égalité. Je ne vois pas
comment cette personne sera aidée par un programme d'accès
à l'égalité, l'immigrante qui viendra demain.
Pourquoi? Parce que l'immigrante doit être intégrée,
doit apprendre la langue, etc. Je pense qu'il est irréaliste de penser
que cette personne sera aidée tout de suite par un programme
d'accès à l'égalité. Pour cette personne, il faut
des programmes qui lui permettent de s'intégrer dans la
société québécoise. À un moment
donné, elle pourra peut-être bénéficier d'un
programme d'accès à l'égalité. D'accord?
Mme Zumstein: Si vous parlez d'un certain moment, d'un moment
donné, est-ce que vous pouvez fixer un délai?
M. Marx: Cela dépend de la personne. Pour certaines, ce
peut être un an, pour une autre, deux ans, pour d'autres, trois ans avant
de pouvoir bénéficier d'un programme d'accès à
l'égalité. Mais venons-en aux femmes italiennes qui sont ici
depuis un certain nombre d'années et qui sont probablement des
Canadiennes. Vous avez dit que ces femmes subissent de la discrimination.
Voulez-vous dire de la discrimination ouverte? Est-ce que ces femmes sont
bloquées si elles veulent faire des études dans certaines
universités ou si elles veulent avoir certains emplois? Est-ce qu'elles
sont bloquées à cause, disons, de leur nom? Parce que je ne vois
pas la différence entre ces femmes et d'autres femmes, sauf leur nom,
peut-être.
Mme Zumstein: Non, je ne dirais pas cela. Je ferais plutôt
la distinction entre les femmes qui ont un niveau d'éducation secondaire
et d'autres femmes qui ne l'ont pas. Je crois que les femmes qui sont
scolarisées, universitaires ou qui font un travail de col blanc, ne sont
pas toutes, au départ, discriminées officiellement; je crois que
le blocage se retrouve dans leurs contraintes familiales et dans les
contraintes que, en quelque sorte, elles s'imposent elles-mêmes, qui
viennent de leur culture et surtout aussi du manque d'information. C'est un
très grave problème, je crois, parmi les femmes moins
scolarisées, surtout. Elles ne savent même pas qu'elles ont des
droits.
Quand je parlais tout à l'heure du traumatisme de l'immigration,
c'est que ce
sont des femmes qui se sentent déracinées. Même si
elles sont ici depuis vingt ou trente ans, elles ne se sentent pas le droit
d'exiger, surtout les femmes qui sont dans les usines.
M. Marx: Donc, vous avez mis l'accent sur trois
éléments: la formation, la culture et le troisième...
Mme Zumstein: Le traumatisme.
M. Marx: ...le traumatisme. L'Assemblée nationale ne
pourra pas les aider du côté du traumatisme et sur la culture, je
ne pense pas. Ce serait difficile d'intervenir d'une façon
législative.
Mme Zumstein: Et pourtant, si, parce que, si le règlement
est "mandatoire" pour l'employeur, les femmes n'ont pas à s'opposer; en
tant qu'individu, elles ont un droit, elles sont protégées par le
règlement. Si le règlement n'est pas "mandatoire", s'il est
laissé à la bonne volonté de l'employeur, ces femmes ne
sont pas protégées.
M. Marx: Si c'est une question de traumatisme, c'est un autre
problème. Au sujet de la question de la formation, le gouvernement
pourrait offrir des cours et des possibilités de formation pour ces
femmes. Si la culture d'un groupe veut que les femmes de ce groupe ne poseront
jamais leur candidature comme femmes policiers et femmes pompiers, un programme
d'accès à l'égalité au sein des services de la
police de la Communauté urbaine de Montréal ne va pas les aider.
Quant à la question culturelle, je pense qu'il faut traiter de cette
question d'une façon autre que par la législation qui vient de
l'Assemblée nationale.
Mme Zumstein: Moi, je le voyais surtout dans le contexte du
travail dans les manufactures et dans les services: les femmes domestiques, par
exemple.
M. Marx: Je comprends les problèmes des femmes qui
travaillent dans les services domestiques et les femmes qui travaillent dans
certaines industries, mais comment voulez-vous qu'on les assiste?
Mme Zumstein: En changeant le premier article du
règlement, en le faisant obligatoire, en faisant obligation à
l'employeur. Par exemple, dans les industries, les hommes, après deux ou
trois ans dans une usine de textile, deviennent coupeurs ou
contremaîtres. Les femmes restent couturières pendant 20 ans, 25
ans.
M. Marx: Oui. Cela est un point très important. Je connais
cela. D'accord, cela est un point important.
Mme Zumstein: Et les femmes ne peuvent pas se
défendre.
M. Marx: À ce sujet, elles peuvent avoir effectivement un
programme d'accès à l'égalité pour leur permettre
d'accéder à ces postes qui sont beaucoup mieux
rémunérés. Cela est un bon exemple. Est-ce que vous avez
quelque chose concernant d'autres industries?
Mme Zumstein: Dans les services aussi, les serveuses qui ne...
qui restent plongeuses. Enfin, les plongeuses qui n'accèdent pas au
poste d'hôtesse dans un restaurant, par exemple.
M. Marx: Et vous pensez que, fréquemment, c'est à
cause de leurs origines ethniques ou nationales.
Mme Zumstein: À cause de leur manque d'information, leur
manque de scolarité, leur manque de savoir se débrouiller. C'est
un ensemble pour moi.
M. Marx: D'accord. Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
M. Payne: II me fait plaisir de vous rencontrer ce soir et de
saluer Centro Donne de Montréal. Vous existez, je pense, depuis six ou
sept ans et êtes actives dans un milieu de la communauté
où, je pense, il y a un besoin criant pour certaines gens de se trouver
une voie. Et cette voie, je pense que c'est une voie d'espoir que vous
représentez, et il me fait plaisir de vous voir ici devant la
commission. Je ne suis pas sûr que je suis d'accord avec le
député de D'Arcy McGee lorsqu'il suggère qu'on devrait
faire une distinction entre les Italiennes citoyennes et les immigrantes, en ce
qui concerne les programmes d'accès à l'égalité. Au
contraire, je considère qu'elles devraient être et sont, selon le
but même de la loi, les bénéficiaires des programmes
d'accès à l'égalité dans le sens que ces programmes
sont préparés pour répondre à une situation
objective, et les programmes ne sont pas préparés au
bénéfice d'une personne en son nom personnel, mais plutôt
pour redresser une situation d'inégalité.
D'ailleurs, il y a eu un jugement récent d'un tribunal
fédéral qui a fait en sorte qu'un réfugié puisse
exiger de se faire entendre par une commission - j'oublie le nom exact - pour
revendiquer ses droits et expliquer sa position et cela, en vertu de la charte
des droits adoptée il y une couple d'années par le Canada. C'est
sûr qu'il y a quelques règlements ad hoc en ce qui concerne
l'accès à certains corps de police, là où on exige
que quelqu'un soit citoyen
canadien. Là, la discrimination est faite en ce qui a trait ou
non à la citoyenneté, mais où vous êtes les plus
touchées, c'est-à-dire quant aux intérêts de vos
membres, d'après mon expérience, c'est plutôt dans les
industries tertiaires, les industries manufacturières, les industries de
services, dans l'industrie du textile particulièrement. C'est là
où on préconise, je pense, si on peut être
spéculatif, le plus grand nombre de revendications formulées dans
les années à venir, et cela ne prend pas un prophète pour
le prédire; c'est là que les plus grands programmes
d'accès à l'égalité vont être entrepris et
exigés, je pense, parce que la commission va vite voir ce qui se
constate déjà dans beaucoup de rapports documentés comme
celui de Sheila McLeod Arnopoulos et d'autres avant et après. C'est une
situation dramatique et scandaleuse qui n'est pas limitée au
Québec, d'ailleurs. Si quelqu'un, comme immigrant, veut
s'intégrer dans un milieu de travail, si le législateur peut tout
faire pour diminuer les effets d'une discrimination systémique, tant
mieux. Mais, s'il existe une discrimination dans les faits, c'est sûr,
entre les Canadiens italiens, d'une part, et les immigrants, il faut nuancer la
remarque, je pense.
Peut-être qu'il serait intéressant pour vous de nous
expliquer davantage comment vous voyez évoluer la situation
auprès de vos membres, comme par exemple les femmes
italiennes-québécoises. Est-ce que vous avez des ressources en
termes de votre structure, en termes de votre clientèle, pour aider la
Commission des droits de la personne à se préparer pour monter
les programmes d'accès à l'égalité en nous
décrivant la situation qui existe dans vos milieux de vie?
Mme Zumstein: Voulez-vous dire les ressources, ce que nous
pouvons apporter pour ce problème spécifique ou ce que nous avons
déjà fait dans le milieu?
M. Payne: Par exemple, après l'adoption du
règlement, la commission va être en face d'une situation.
Là où la situation est la plus dramatique, il y aura des
dispositions entreprises pour faire en sorte que certaines entreprises, par
exemple, vont être obligées d'adopter des programmes
d'accès à l'égalité. Dans quelle mesure, vous et
votre association, serez-vous intéressées à vous associer
à la commission et, deuxièmement, à offrir des ressources
techniques pour l'aider?
Mme Zumstein: Nous avons actuellement déjà une
structure d'établie, c'est-à-dire des séances de
débats, un café-rencontre, par exemple, à toutes les
semaines, où les femmes se rencontrent et le Centro Donne a un bulletin
mensuel qui est distribué à 300 exemplaires pour l'instant,
à cause de nos ressources limitées, mais qu'on pourrait
facilement étendre à plus d'éditions. (20 h 30)
Mme Nucciarone: J'aimerais seulement ajouter qu'en plus on a un
système d"'information and referral" et on a mis sur pied un
système de consultation où les femmes italiennes peuvent appeler
le Centro Donne si elles ont un problème en particulier. S'il s'agit
d'une situation de discrimination, par exemple, on peut les aider à
"follow up the problem", à faire le suivi du problème, et
à les orienter vers les organismes qui existent pour les aider dans ce
type de situations. Nous avons aussi un programme juridique. On donne des
sessions d'information juridique collectives et on donne des services
juridiques individuels, des consultations individuelles pour les femmes qui ont
un problème. C'est ce genre de services que nous offrons aux femmes
italiennes.
M. Payne: Cela me fait penser à la naissance, il y a des
années, des institutions et des associations qui sont maintenant
mondialement connues. Par exemple, Amnistie internationale, c'est reconnu,
c'est respecté. Avec l'aide apportée à différentes
instances, aux leaders, aux politiciens, aux commissions à travers le
monde, elle peut maintenant offrir des ressources d'aide si, parfois, il faut
défendre les bénéficiaires anonymement. Je pense que votre
association, si petite qu'elle puisse être, est un exemple modèle
d'un regroupement qui peut s'associer avec la Commission des droits de la
personne pour l'alimenter, la documenter sur la situation qui existe au
Québec. Dans ce sens, je pense que votre apport est potentiellement
crucial pour la bonne mise en vigueur des dispositions du règlement.
Vous avez mentionné la recherche, vous avez mentionné la
documentation, vous avez mentionné le service juridique que vous pouvez
offrir...
Le Président (M. Gagnon): Ça va? M. Payne:
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Jonquière. Est-ce que vous aviez quelque chose à ajouter?
Mme Nucciarone: Nous travaillons dans la communauté
italienne avec les femmes italiennes, alors on a vraiment un contact direct
avec ces femmes. On peut apporter à la commission nos expériences
de sept ans de travail dans la communauté, les problèmes du
vécu des femmes italiennes. On a tout ce bagage qu'on peut apporter.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon, vous vouliez ajouter...
M. Payne: Particulièrement parce que beaucoup de vos cas
concernent des femmes qui ne sont pas syndiquées, par exemple, qui n'ont
pas les défenses traditionnelles des travailleurs non plus - souvent
c'est la peur qui est la règle dans ces milieux - il est d'autant plus
important que votre Centro Donne puisse offrir une certaine couverture, une
certaine protection pour vos membres. De par leur nature même, souvent,
les commissions et les institutions gouvernementales ou paragouvernementales -
le cas échéant, la Commission des droits de la personne - ne sont
pas toujours en mesure - ce n'est d'ailleurs pas vraiment son mandat -
d'être dans le milieu, sur la première ligne.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Jonquière.
Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Bonsoir,
mesdames. J'aimerais connaître de votre part si vous tenez des
statistiques, par exemple, sur les femmes immigrantes en emploi. Vous nous avez
dit tout à l'heure que la majorité occupait des postes dans
l'industrie manufacturière, dans les services. Maintenant, pour celles
qui occupent des postes syndiqués, comparativement à celles qui
occupent des postes non syndiqués, est-ce que vous avez des statistiques
là-dessus?
Mme Zumstein: Nous avons fait une enquête au Centro Donne,
il y a deux ans, sur les membres du Centro Donne. Ce n'est peut-être pas
très représentatif, statistiquement, l'échantillon, la
clientèle du Centro... Nous avons trouvé que 45 % des femmes
italiennes du Centro sont des femmes à la maison qui travaillaient
surtout dans les manufactures, que 25 % sont actuellement dans les
manufactures, et il y en a seulement 6 % qui sont des professionnelles. Les
autres se situent... Maintenant, il y a peut-être un problème ici
parce que la clientèle du Centro est constituée de la
première et de la deuxième génération
mélangées: les femmes qui sont nées ici et les femmes qui
sont nées en Italie. Statistiquement, je vous le donne pour ce que
c'est, mais je ne sais pas ce que cela vaut.
Mme Saint-Amand: Les 25 % de femmes immigrantes qui sont dans
l'industrie manufacturière occupent des postes syndiqués ou non
syndiqués?
Mme Zumstein: La plupart, même s'il y a un syndicat, ne se
réfèrent pas au syndicat. Elles ont trop peur.
Mme Saint-Amand: Elles ont peur de se confier à leur
syndicat. À la suite de la discussion que nous avons eue avec un autre
groupe en fin d'après-midi, qui semblait croire qu'un syndicat serait
mieux placé pour aider à mettre en vigueur un programme
d'accès à l'égalité, en ce qui vous concerne,
est-ce que vous croyez que le syndicat serait bien placé pour le faire
ou, sinon, de quelle façon serait-il souhaitable pour une
communauté comme la vôtre de... Avec quel groupe devriez-vous
travailler pour le mettre en vigueur?
Mme Zumstein: Avec le comité tripartite que nous avons
proposé.
Mme Saint-Amand: Oui.
Mme Zumstein: Pour nous, ce serait... Je ne crois pas que les
femmes italiennes ont très confiance au syndicat comme tel, dans
l'ensemble. Mais, en ayant un comité tripartite à
l'intérieur d'une entreprise avec un contrôle du gouvernement, je
crois qu'elles se sentiraient plus appuyées.
Mme Saint-Amand: Tout à l'heure, vous parliez
également du manque d'information dont sont, jusqu'à un certain
point, victimes les femmes immigrantes. Iriez-vous jusqu'à proposer que
l'information qui leur sera donnée sur les programmes d'accès
à l'égalité le soit dans leur langue d'origine?
Mme Zumstein: Ah oui, pas seulement parce que... C'est
peut-être un fait qui n'est pas très connu, mais on dit toujours
que les femmes italiennes ne parlent ni anglais ni français.
C'était la génération des grand-mères. Aujourd'hui,
ce n'est plus vrai. Beaucoup de femmes italiennes parlent français.
Elles parlent un français qu'elles ont appris à l'usine, mais
elles se débrouillent très bien.
Qu'est-ce que je pourrais dire de plus? Dans le contexte du Centro
Donne, le bulletin est en italien, sauf pour des communications qui viennent de
l'extérieur. Une information en italien serait préférable,
mais ce n'est pas essentiel.
Mme Saint-Amand: Est-ce qu'on a déjà porté
à votre connaissance des cas de femmes immigrantes qui auraient
été victimes de discrimination et qui auraient voulu tenter des
poursuites judiciaires contre un employeur?
Mme Nucciarone: Oui, je crois qu'à notre service de
consultation il y a beaucoup de femmes immigrantes italiennes qui se sont
plaintes de discrimination et auxquelles on a expliqué les recours qui
existaient, c'est-à-dire un recours à la commission. Mais la
plupart, je crois, n'ont pas très confiance en la Commission des droits
de la personne à cause des délais, à cause de beaucoup de
choses, à cause de l'accessibilité qu'elles ont.
On a eu beaucoup de cas de
discrimination envers des femmes italiennes qui ont été
portés à notre attention. La majorité n'a pas abouti
à une ordonnance juridique ou à une recommandation de la
commission.
Mme Saint-Amand: Financièrement, qui les a soutenues dans
leur démarche?
Mme Nucciarone: Financièrement, le Centro Donne n'est pas
organisé pour soutenir la démarche financière ou les
coûts juridiques pour une femme. On peut apporter un soutien en ce qui
concerne l'information, clarifier quelles ressources existent et les diriger,
mais, côté financier, c'est individuel; elles doivent assumer les
frais.
Mme Saint-Amand: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je connais le Centro
Donne. Cela veut dire "centre de femmes" en italien. Il a existé bien
avant que les Québécoises francophones se donnent des centres de
femmes. J'ai eu l'occasion d'aller vous visiter, à l'époque
où Mme Iasenza y militait activement.
Pendant combien de temps reste-t-on immigrante? On parle des femmes
immigrantes. Dans le cas de la communauté italienne, maintenant, on en
sera bientôt à la troisième et peut-être à la
quatrième génération. Cela m'amène à vous
demander si vous avez des relations avec le Collectif des femmes immigrantes,
des relations suivies, j'imagine...
Mme Zumstein: Oui.
Mme Harel: ...organisationnelles, si vous êtes partie
prenante au collectif, parce que la discrimination... Tantôt, vous
expliquiez bien ce qui se passait dans les manufactures. Je me rappelle les
représentations d'ouvrières de l'est de Montréal qui ne
parlent que le français et qui sont venues me voir dans le bas de la
ville pour m'expliquer que pour obtenir des emplois dans les manufactures de la
rue Chabanel il leur fallait se présenter aux employeurs en
prétendant ne parler ni français ni anglais. C'était comme
une condition d'embauche. J'imagine que pour plusieurs employeurs cela
signifiait que ces personnes ne connaissaient aucune des lois en vigueur ou en
usage et ne pouvaient revendiquer aucun droit. Les phrases usuelles qu'elles
avaient apprises étaient: No parla inglese, no parla francese. Cela
devenait plus facile à ce moment-là de se faire embaucher.
On voit, d'une certaine façon, jusqu'où peut mener la
discrimination systémique. L'absence d'information joue finalement sur
les droits, sur les normes minimales chez la population immigrante et
amène très souvent même la majorité francophone
à ne pas avoir accès à des emplois qui lui sont
refusés parce qu'elle pourrait revendiquer.
Je reviens à la question. Vous êtes membres d'une
communauté culturelle. Là où j'imagine une
difficulté, c'est que ce n'est pas une minorité visible, n'est-ce
pas? Les minorités visibles, on peut très bien statistiquement
avoir des données très précises sur leur absence ou leur
présence dans les postes de décision, dans les centres de
direction. Comment percevez-vous toute cette question de membres de
communautés culturelles qui, après une ou deux
générations, sont au même titre que la majorité?
Vous sentez-vous, par exemple, proche du Conseil du statut de la femme?
Sentez-vous que ses revendications sont également les vôtres?
Mme Zumstein: Je voudrais d'abord répondre à votre
question: Jusqu'à quand est-on immigrante? C'est une opinion tout
à fait personnelle, je dirais. Je crois qu'à la première
génération, c'est clair, on est immigrant. Pour moi, il y a la
deuxième génération, c'est-à-dire les enfants
nés ici; c'est ce que j'appelle les gens assis entre deux chaises parce
qu'ils ne pourraient plus retourner au pays d'origine et ils ne sont quand
même pas québécois. À la troisième
génération, il y a à mon avis beaucoup moins de
problèmes parce que le lien avec le pays d'origine des grands-parents
est coupé. Mais il y a comme une génération
charnière entre les deux où le problème est très
ressenti et il est très pénible pour les jeunes.
Si mes informations sont bonnes, je crois qu'il y a actuellement une
certaine augmentation de la délinquance juvénile dans les
communautés culturelles de vieille date qui est plus forte que chez les
Québécois. C'est justement ce phénomène de la
deuxième génération, des gens qui sont assis entre deux
chaises. Ils ne savent pas où ils appartiennent.
Vous avez demandé: Est-ce que vous vous sentez concernées
par le Conseil du statut de la femme? Je ferais une différence
très nette entre les femmes scolarisées et les femmes qui n'ont
pas un haut niveau scolaire. Les femmes qui savent se débrouiller le
mieux, qui savent se défendre, ce sont les femmes scolarisées. Le
handicap des femmes italiennes et grecques, c'est la même chose: le
manque d'éducation à la base.
Mme Nucciarone: Est-ce que je peux répondre? J'aimerais
ajouter quelque chose sur votre première question: Pendant combien de
temps reste-t-on immigrante? Le terme "immigrante", naturellement, est un terme
juridique. Dès que l'on acquiert un statut de
"landed immigrant" ou de citoyenne canadienne, après trois ans ou
cinq ans, on n'est plus considérée comme immigrante. Cela, c'est
la réalité juridique. Par contre, il y a la réalité
de tous les jours. Dans la mentalité des gens, tant qu'on ne s'appelle
pas Tremblay ou Smith, on nous demande: Tu t'appelles Nucciarone, d'où
viens-tu? Où es-tu née? Déjà, là, on peut
dire qu'on reste immigrante tant que dans la conception des gens on nous traite
d'une manière différente parce qu'on ne porte pas un nom
anglophone ou francophone ou tant qu'on nous traite d'une façon qu'on ne
traiterait pas quelqu'un qui est francophone ou anglophone.
M. Marx: Est-ce que vous vous sentez immigrante, Mme Nucciarone,
pour commencer?
Mme Nucciarone: Moi je me sens immigrante parfois, oui.
M. Marx: Parfois.
Mme Nucciarone: Parfois.
M. Marx: Quand?
Mme Nucciarone: Moi, je me sens immigrante quand on me fait
sentir que je ne peux pas participer à ce qui se fait dans la
société, parce que ce n'est pas ma place même si
j'ai...
M. Marx: Vous ne pouvez pas...
Mme Nucciarone: Moi, je me sens immigrante quand on me demande,
par exemple: D'où viens-tu? Moi, je suis canadienne, je suis
québécoise, je suis née ici. C'est que tant que les gens
ont une conception parce que tu portes un nom différent, tu es d'une
classe de personnes différentes; c'est là la réponse, dans
la perception qu'on a.
M, Marx: Juste pour vous dire mon expérience, l'autre
jour, quelqu'un me téléphone d'un poste de radio et veut faire
une interview avec des membres des communautés culturelles; il a dit: Je
vous téléphone parce que je voulais interviewer un
Néo-Canadien. Je lui ai dit qu'il s'est trompé de personne.
La personne qui me dit: Un immigrant qui est ici depuis seulement un an,
quoiqu'il parle français mieux que moi, pourquoi a-t-il un statut de
Québécois après un an et moi je n'ai pas de statut de
Québécois, étant donné que je suis né
à Montréal... Je pense que cela dépend comment on se sent
soi-même. Je pense que c'est facile de se sentir bien au Québec.
C'est une société plus tolérante que beaucoup d'autres. Je
pense que cela dépend de nous aussi. Voilà M.
David Payne qui vient de l'Angleterre, il ne se sent pas Anglais. Il
s'est intégré tout de suite dans la société
québécoise et se sent très bien. On ne parle jamais de M.
Payne comme immigrant. On parle de lui comme député à
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Vous mettez l'accent sur des programmes
d'élimination de la discrimination à l'égard des femmes ou
à l'égard des femmes que vous représentez, les femmes
italiennes? En d'autres termes, vous considérez avoir identifié
une forme de discrimination particulière à l'égard des
femmes italiennes ou si cela n'est pas des manifestations de discrimination
à l'égard des femmes, quelles qu'elles soient, dans notre
société?
Mme Nucciarone: Moi, je crois que comme femmes immigrantes on est
doublement discriminées. Il y a deux fois plus de discrimination. Il y a
la discrimination envers les femmes et la discrimination en plus envers la
femme immigrante.
Mme Harel: Dans son propre milieu?
Mme Nucciarone: Dans son propre milieu, je dirais. Le Centro
travaille dans la communauté italienne, donc, c'est la discrimination
envers les femmes dans leur propre milieu d'abord. La conscientisation que le
Centro fait se situe dans la communauté italienne.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Bien. On vous remercie
infiniment pour votre apport à cette commission. Je vous souhaite un bon
retour à Montréal.
Mme Nucciarone: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Nous allons maintenant
accueillir L'R des centres de femmes du Québec; pendant que vous allez
changer de sièges, nous allons suspendre les travaux pour cinq
minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 49)
(Reprise à 20 h 50)
L'R des centres de femmes du Québec
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!. Nous allons maintenant accueillir l'R des centres de femmes du
Québec, avec mesdames Asselin, Séguin et Allard. C'est cela? Je
vous souhaite la bienvenue et je vous dis aussi que nous vous consacrerons 55
minutes, soit 20 minutes à
entendre ce que vous avez à nous dire par votre mémoire et
environ 35 minutes d'échange de propos avec les membres de la
commission. Je vous laisse la parole immédiatement.
Mme Asselin (Michèle): Mesdames, messieurs, je vais vous
dire tout de suite que la position qu'on vous présente ce soir va
être courte étant donné qu'on a appuyé fortement, en
y collaborant, le mémoire que la Coalition des femmes pour
l'accès à l'égalité a présenté hier
matin.
Je vais tout d'abord vous présenter les trois
déléguées. À ma droite, il y a Mme Danielle Allard
qui est membre du conseil d'administration de l'R des centres de femmes du
Québec et qui est de la Maison des femmes du Grand-Portage de
Rivière-du-Loup; à ma gauche, Michèle Séguin qui
est coordonnatrice et administratrice de l'R des centres de femmes et
moi-même, qui suis déléguée de l'R à la
coalition et qui travaille au Centre d'éducation et d'action des femmes
de Montréal.
En juin dernier, 64 centres de femmes représentant toutes les
régions du Québec étaient réunis en congrès
de fondation. Ainsi naissait l'R des centres de femmes du Québec.
Les centres de femmes - on en compte plus de 100 dans la province - sont
des lieux autogérés où des femmes se regroupent et se
donnent ensemble les moyens de conquérir leur autonomie. Est-il
nécessaire de souligner que la sécurité économique
et l'autonomie financière sont au coeur des actions que nous devons
mener pour atteindre l'autonomie des femmes?
L'R des centres de femmes du Québec soutient qu'une action
énergique en matière d'égalité s'impose afin que
nous disposions d'outils efficaces nous permettant d'améliorer notre
situation économique. C'est pourquoi nous avons soutenu activement la
Coalition des femmes pour l'accès à l'égalité. Nous
avons participé à l'élaboration du mémoire qu'elle
a présenté hier. Nous appuyons fermement la position de la
coalition. Nous entérinons les remarques qu'elle formule et les
modifications qu'elle propose.
L'R des centres de femmes du Québec veut saisir l'occasion qui
lui est donnée ici pour insister sur le fait suivant: les programmes
d'accès à l'égalité ne doivent pas se limiter aux
seules personnes ayant déjà un emploi
rémunéré. Nous préconisons que soit reconnue
l'expérience acquise par les femmes qui assurent le travail domestique,
le travail d'éducation des enfants et le travail de gestion au sein de
leur famille. Nous préconisons que les années de service qu'y
consacrent les femmes soient également prises en compte dans l'analyse
des effectifs et des disponibilités. Nous préconisons que
l'expérience et la formation acquises par le biais du travail
bénévole en dehors de la famille soient
créditées.
En conséquence, nous proposons de modifier les articles suivants.
Le point 3 de l'article 4 devrait être rédigé de
manière à tenir compte de l'expérience acquise et des
années de service accumulées en dehors de l'entreprise. L'article
5 devrait être modifié afin de prendre en considération la
disponibilité des femmes qui ne sont pas sur le marché du travail
rémunéré, mais qui désirent y accéder. C'est
là l'essentiel du message qu'on a à vous livrer ce soir.
Le Président (M. Gagnon); Je vous remercie, Mme Asselin.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
mesdames Asselin, Séguin et Allard pour ce mémoire qu'elles ont
présenté. Je note tout de suite que vous appuyez la coalition.
Nous avons accueilli la coalition et nous avons eu un long débat avec
elle. Je ne vais donc pas reprendre les mêmes sujets que nous avons
discutés avec la coalition. À la page 2, vous voulez que le
travail bénévole en dehors de la famille soit
crédité. Mais quel genre de travail bénévole en
dehors de la famille? Bon, par exemple, j'ai beaucoup de
bénévoles qui travaillent dans mon comté, avant, durant et
après les élections. Est-ce qu'on peut créditer le travail
qu'ils font? Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y a certains travaux qui
peuvent être crédités. D'autres, je me demande s'ils valent
d'être crédités.
Mme Asselin: Dans les centres, on accueille des femmes qui
soutiennent les centres par leur bénévolat. Elles
acquièrent des connaissances. Quand on parle de travail en dehors de la
famille, il y a tout ce travail qu'on considère comme une formation
valable et qui devrait être crédité. On sait que le
bénévolat est beaucoup assumé par les femmes.
M. Marx: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous
avez dit quant au travail que vous avez décrit. Je suis tout à
fait d'accord. Cela vaut une expérience dans une entreprise ou dans un
bureau, c'est sûr. Vous m'avez donné un exemple. Avez-vous
d'autres exemples de travail bénévole qui devrait ou pourrait
être crédité? Le travail des bénévoles dans
mon comté, cela ne compte pas. Je ne le pense pas.
Une voix: Ce sont des spécialistes du
porte-à-porte.
M. Marx: Ce sont des spécialistes du porte-à-porte.
Après cela?
Mme Asselin: Le travail dans n'importe
quel groupe où on a à assurer du travail de tenue de
livres, bénévolement, de trésorière, dans tous les
secteurs, je ne fais pas de discrimination au sujet des secteurs de
bénévolat. Aussitôt qu'on a une expérience valable,
pourquoi ne pas la reconnaître?
M. Marx: D'accord. Je suis d'accord, parce qu'il y a beaucoup de
bénévoles qui travaillent dans les hôpitaux, dans les
bibliothèques, par exemple, à temps partiel. Il y a des
bénévoles dans les écoles et nous sommes d'accord avec le
fait que cela soit crédité. Est-ce qu'on dit la même chose
pour l'expérience acquise par les femmes qui assurent le travail
domestique?
Mme Asselin: Oui.
M. Marx: Le travail d'éducation des enfants?
Éduquer ses enfants ne fait pas nécessairement devenir
enseignante.
Mme Asselin: Pas nécessairement, mais c'est un travail.
Là-dessus, on rejoint ce que va dire l'AFEAS pour qu'on reconnaisse que
les femmes qui travaillent à la maison, qui y effectuent un travail y
acquièrent une expérience. On n'a pas essayé de nommer
toutes les balises, de nommer cette expérience. Mais nous, ici ce soir,
on veut qu'on en tienne compte quand on va faire des analyses d'effectifs,
quand on va chercher une clientèle. On veut qu'on tienne compte de ces
expériences parce que les femmes ont des formations à certains
niveaux. Qu'on reconnaisse celles qu'elles ont. C'est à peu près
cela.
M. Marx: Oui, le problème que je vois, c'est qu'il faut
trouver une façon de qualifier ce travail et de le mesurer pour que cela
puisse être crédité. Je pense que c'est une idée
intéressante qui n'a pas été beaucoup
développée par d'autres groupes avant vous. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je voudrais d'abord remercier L'R des centras
de femmes du Québec de sa présentation. À moins de me
tromper, je crois que l'article 3 répond à ce que vous demandez
du point de vue de l'expérience acquise et des années de service
accumulées en dehors de l'entreprise, sauf qu'il faudrait
peut-être qu'il soit rédigé autrement pour que ce soit plus
clair. Mais quand on dit qu'on doit tenir compte de leur formation, de leur
expérience, de leurs années de service et de leur mobilité
au sein de l'entreprise, à mon avis, la formation d'une personne ne peut
pas se limiter à l'entreprise. Donc, je ne crois pas qu'on doive relier
la formation et l'entreprise, ni l'expérience. On ne peut pas limiter
l'expérience d'une personne uniquement à une entreprise; ce
serait un non-sens.
La formulation - je vous l'avoue - il me semble, pourrait être
plus claire, de façon qu'il soit clairement établi que cette
formation et cette expérience puissent forcément être
acquises à l'extérieur de l'entreprise. Là-dessus, vous
avez tout à fait raison de le demander. À mon sens, il s'agit
d'une question de clarification du point de vue de la formulation et de la
syntaxe. Pour moi, c'est une question de langue. D'après moi, le 3°
de l'article 4 a ce sens.
Par contre, quand vous dites que "l'article 5 devrait êtremodifié afin de prendre en considération la
disponibilité des femmes qui ne sont pas sur le marché du travail
rémunéré mais qui désirent y accéder", je
vous avoue ne pas comprendre votre demande. L'article 5 s'adresse à
l'entreprise. Donc, je ne vois pas comment cela pourrait s'adresser aux femmes
qui ne sont pas sur le marché du travail.
C'est une analyse de disponibilité en fonction des gens qui se
situent à l'intérieur de l'entreprise. Si elles ne se situent pas
à l'intérieur de l'entreprise, je ne vois pas comment le
règlement peut s'appliquer. Peut-être pouriez-vous clarifier vos
commentaires à ce sujet. Peut-être que vous voyez cela autrement.
Mais moi, je ne vois pas comment cela peut s'appliquer, parce que le cadre du
règlement, c'est l'entreprise.
Le Président (M. Gagnon): Mme Asselin.
Mme Asseiin: Je suis d'accord avec M. le député de
Fabre sur l'article 4.3°. Nous aussi, on veut une meilleure formulation de
cet article pour inclure ce qu'on mentionne. Quant à l'article 5, notre
interprétation, en ce qui concerne les employés du groupe cible,
c'est que si le groupe cible, à l'intérieur de l'entreprise,
doit, pour répondre aux exigences d'un programme d'accès à
l'égalité, aller à l'extérieur de l'entreprise pour
répondre à ses objectifs, les femmes qui ne sont pas sur le
marché du travail soient incluses. C'est dans ce sens qu'on
interprétait l'article 5. Je ne sais pas si c'est clair.
M. Leduc (Fabre): Comment interprétez-vous la
dernière phrase: "Cette analyse indique aussi dans quelle mesure des
personnes possédant les caractéristiques du groupe cible sont
disponibles sur le marché du travail"?
Mme Asselin: Nous, en disant cela, on sent peut-être une
intention derrière, mais ce n'est pas clair. "Disponibles sur le
marché du travail", est-ce que cela va vouloir dire, par exemple,
être officiellement sur les listes du chômage? Donc, on n'y
retrouverait
pas les femmes qui ne sont pas sur le marché du travail et qui ne
sont pas dans les statistiques de chômeuses. C'est pour cela qu'on
voudrait que ce soit un peu comme l'article 4, mieux défini, que ce soit
plus clair, que cela touche aussi celles qui ne sont pas sur le marché
du travail et qui n'y ont pas accès. C'est pour cela que les programmes
sont là; c'est pour donner l'accès à celles qui n'y ont
pas accès.
M. Marx: Si elles veulent travailler, elles sont disponibles sur
le marché du travail. Je pense que c'est déjà couvert.
M. Leduc (Fabre): C'est pour celles qui veulent travailler. Il y
aurait peut-être lieu de clarifier davantage, mais je pense que cette
dernière phrase comprendrait les femmes à l'extérieur de
l'entreprise, mais qui sont disponibles sur le marché du travail,
c'est-à-dire qui désirent avoir accès à ce type
d'entreprise, à ce type de travail.
Mme Asselin: On est très heureuses de voir que c'est ce
qui est sous-entendu, mais on aimerait que ce soit clairement compris par tout
le monde pour que les femmes qui ne sont pas sur le marché du travail,
qui ne sont pas sur des listes de chômage ne soient pas oubliées
dans cet article.
M. Marx: Ce serait mieux qu'elles soient inscrites quelque part
afin qu'on puisse les trouver. Si vous êtes à la maison et que
vous êtes disponible pour travailler, mais que vous n'êtes pas
inscrite nulle part, comment va-t-on vous trouver? Comment savoir que vous
êtes disponible? Il faut que tout le monde manifeste sa
disponibilité.
Mme Asselin: C'est peut-être là que des groupes
comme l'R. des centres de femmes entrent en jeu. Les femmes qui veulent
accéder au marché du travail, qui veulent faire une
démarche d'autonomie entrent dans les centres de femmes. Nous leur
offrons toute une série d'activités, de modes d'implication pour
atteindre une certaine autonomie et on se heurte au fait qu'à un moment
donné on n'a pas accè3 à l'emploi. Donc, nous rencontrons
ces femmes. Elles se retrouvent quelque part. Il resterait à voir
comment on pourrait travailler ensemble là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. Mmes Asselin,
Séguin et Allard, merci pour votre apport à la commission.
Avant de suspendre nos travaux jusqu'à demain, 10 heures, je
voudrais vous faire part de l'ordre du jour de demain. Nous entendrons le
Conseil du statut de la femme, la Ligue pour les droits de l'homme de B'Nai
Brith Canada, région de l'Est, le Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration du Québec, la Chambre de commerce du
Québec, la Fédération des associations de professeurs des
universités du Québec et la Confédération des
syndicats nationaux.
Oui, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Est-ce la Ligue des droits et libertés de la
personne ou la Ligue pour les droits de l'homme?
M. Payne: C'est la Ligue pour les droits de l'homme de B'Nai
Brith.
M. Marx: Ils n'ont pas changé leur titre.
Le Président (M. Gagnon): La Ligue pour les droits de
l'homme.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 9))