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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le vendredi 11 octobre 1985 - Vol. 28 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions se réunit avec le mandat de procéder à une consultation générale sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité en vertu du paragraphe b de l'article 86.8 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Sont membres de cette commission: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blais (Terrebonne), Blouin (Rousseau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Gagnon (Champlain), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Fabre), Viau (Saint-Jacques), Dauphin (Marquette), Marx (D'Arcy McGee), Paquette (Rosemont), Payne (Vachon), Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon) et Mme Saint-Amand (Jonquière).

Nous avons reçu des mémoires pour dépôt seulement devant la commission, entre autres, de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, région Abitibi-Témiscamingue, du Centre Emersion Manicouagan Inc. et du Comité de réflexion et d'action positive. Ces trois mémoires sont reçus par la commission pour consultation pour les membres de la commission.

J'invite ce matin...

M. Marx: Est-ce qu'on a reçu copie de ces mémoires?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de D'Arcy McGee. Alors, j'invite ce matin le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc. à prendre place immédiatement, s'il vous plaît!

En vous souhaitant la bienvenue et avant de vous laisser la parole, M. Harguin-deguy, je vous rappelle que nous avons une enveloppe de 55 minutes à notre disposition, soit 20 minutes environ pour livrer votre message et 35 minutes pour dialoguer avec les membres de la commission. Je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Harguindeguy (Jean-Louis): À ma gauche, Mme Danielle-Maude Gosselin, vice- présidente à l'exécutif provincial, qui vous fera la présentation du mémoire et également M. Jean Robert, vice-président à l'exécutif provincial. On va laisser la parole à la vice-présidente.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Le

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc. est très heureux que soit enfin déposé le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité qu'on attend depuis plus de trois ans. Déjà, en octobre 1981, nous avions réclamé à la commission permanente de la justice la mise en place des programmes d'accès négociés et placés sous le contrôle de la Commission des droits de la personne pour l'ensemble des programmes au Québec.

Nous sommes très particulièrement concernés par ces programmes puisque plus de la moitié de nos effectifs fonctionnaires sont des femmes concentrées dans les ghettos d'emplois traditionnels. Majoritaires dans les emplois de soutien administratif, elles n'occupent que 29 % des effectifs du personnel technique. Les emplois où les femmes sont le plus concentrées, que ce soit au niveau du soutien administratif ou du personnel technique, sont moins bien rémunérés que les emplois équivalents dans les mêmes domaines, au même niveau. Dans l'unité "ouvrier" du syndicat, point n'est besoin de rappeler qu'elles sont peu nombreuses et occupent les emplois féminins traditionnels de services, aides dans les cuisines, serveuses, auxiliaires domestiques, etc. Nous croyons que cela démontre, ces exemples, dans la fonction publique, qui est quand même un des plus importants employeurs du Québec, la nécessité d'avoir une approche globale de la discrimination et non pas une approche individuelle.

On peut encore démontrer aujourd'hui, et même à la fonction publique du Québec, que l'arrivée massive des femmes dans un corps d'emploi peut contribuer à le dévaluer. Le meilleur exemple, c'est la proposition de règlement du classement moquette qui nous fut faite par le gouvernement il y a maintenant un an et demi, qui avait comme conséquence de dévaluer l'emploi des agents de bureau, un corps autrefois composé d'hommes, mais où les femmes s'insèrent de plus en plus. Cela démontre quelque chose que l'on voit mondialement lorsque les femmes intègrent massivement un emploi:

cet emploi est dévalué.

C'est parce que nous avions prévu de telles conséquences que dès 1981 nous avions réclamé que même le gouvernement du Québec soit soumis au contrôle de la Commission des droits de la personne en matière de programmes d'accès à l'égalité. Nous déplorons donc une fois de plus que le gouvernement se soit soustrait de l'application des articles 86.2 à 86.6 de la charte.

Nous estimons que le gouvernement devrait être sous le contrôle de la commission, tant pour ce qui est de l'approbation des programmes que des mécanismes de contrôle et de surveillance, parce que cette situation qu'on vit actuellement d'être sous le contrôle uniquement du Conseil du trésor fait que c'est inéquitable pour les employés du secteur public du gouvernement qui n'ont pas le même traitement que l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec.

Nous estimons que le Conseil du trésor agit comme juge et partie dans cette matière et que sa principale raison d'être, à notre connaissance, ne vise pas l'équité pour les employés. On va vous donner d'autres exemples. Je ne reprends pas l'exemple du classement moquette.

Si je parle en matière de rémunération, je vous disais tout à l'heure: que pour des emplois de valeur équivalente il y a encore des rémunérations moins grandes pour les emplois où les femmes sont concentrées, au niveau technique pour les techniciennes en information et les bibliotechniciennes versus les autres corps de technique, ne serait-ce que les employées de secrétariat où on vient de revoir le classement moquette, mais où on n'a pas ajusté la rémunération pour la rendre comparable au corps d'agent de bureau qui demande une exigence de scolarité similaire.

Ensuite, ce même gouvernement qui nous parle d'un programme d'égalité en emploi depuis 1980 n'a pas hésité à proposer aux femmes le temps partiel dans le programme d'égalité en emploi pour les femmes comme mesure d'accès à l'égalité alors qu'on sait que cela consacre plutôt l'inégalité financière et la dépendance économique. Ensuite, on peut même vous dire que malgré des programmes actuellement en vigueur depuis plus de cinq ans nous vivons actuellement au ministère de l'Énergie et des Ressources une situation de discrimination grossière. On vient de mettre à pied toutes les femmes dans une pépinière en conservant à l'emploi les hommes. Nous avons d'ailleurs déposé une plainte à la Commission des droits de la personne là-dessus.

Pour ce qui est des personnes handicapées, nous vivons actuellement les problèmes d'employés, notamment au ministère des Transports, qui deviennent handicapés en cours d'emploi et que l'on révoque, alors que le gouvernement, d'un autre côté, rend public un programme d'égalité en emploi pour les personnes handicapées.

Nous croyons que, dans un premier temps, il faudrait à tout le moins essayer de conserver à l'emploi les personnes qui deviennent handicapées en cours d'emploi et voir à les former pour leur redonner un autre emploi, si elles ne peuvent plus occuper le premier. D'ailleurs, le président du Conseil du trésor, M. Michel Clair, a reconnu ces faits lors de la conférence socio-économique Décisions 85, où il a été obligé de dire que le constat que j'en faisais était exact. C'est la raison pour laquelle on dit que c'est une preuve que, sous le couvert de l'équité, ces programmes servent parfois les exigences administratives de l'employeur au détriment des clientèles cibles.

De plus, la nouvelle loi de la fonction publique, à notre avis, restreint l'application du rangement par niveau en ce sens que celui-ci, autrefois, devait être, dans le premier règlement de rangement par niveau, appliqué lorsque l'on démontrait, par exemple, qu'il n'y avait pas 40 % des femmes dans un corps d'emploi. Maintenant, avec le nouveau règlement, le ministère peut refuser de prendre la personne, s'il le justifie au Conseil du trésor.

Nous estimons que, même s'il s'applique dans tous les concours, il est beaucoup moins fort que ce qui existait autrefois. C'est pourquoi nous réclamons pour la fonction publique les mêmes mécanismes d'application et de contrôle que pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec et, donc, dans un premier temps, l'abolition de l'article 86.7 de la charte.

Nous déplorons aussi que le projet de règlement ne prévoie pas la négociabilité des programmes d'accès à l'égalité. Nous estimons que, pour avoir des chances de succès, ces programmes doivent être négociés. On est conscient que ce sont des mesures qui, parfois, vont bouleverser les mentalités, qui demandent de la préparation que ce soit de la part de l'employeur ou de la part de nos membres, mais nous croyons qu'elles sont vouées à l'échec si elles sont imposées par l'employeur et qu'il n'y a pas eu de discussion et de sensibilisation par le syndicat auprès de ses membres sur l'importance de telles mesures et de tels programmes. D'ailleurs, tous les exemples que je viens de vous donner démontrent que ce sont des situations qui ne se seraient pas produites si ces programmes avaient été négociés.

Nous sommes cependant bien conscients que la majorité des travailleurs et travailleuses du Québec est encore non syndiquée. C'est pourquoi nous demandons de permettre la négociabilité des programmes pour ces personnes représentées aussi par des gens choisis à l'intérieur de l'entreprise, mais

que le Tribunal du travail ait quand même un rôle à jouer pour assurer le choix équitable des personnes afin que ces gens soient protégés en cas de représailles possibles.

Nous déplorons également l'absence d'identification des clientèles cibles dans le projet de règlement. Nous estimons qu'il aurait fallu prévoir quelles étaient les clientèles devant être touchées par les programmes. Dans notre cas, nous identifions les trois clientèles suivantes: les femmes, les membres des communautés culturelles et les personnes handicapées. Autrement, nous craignons que dans la situation actuelle on utilise, sous couvert d'accès à l'égalité, d'autres types de clientèles avec des résultats qui pourraient être contraires. Je pourrais vous donner l'exemple de ce qui se passe dans les hôpitaux, où on commence à dire que, pour ce qui est des soins personnels, il faudrait peut-être que les gens reçoivent des soins personnels de quelqu'un qui est de leur sexe, ce qui est une façon de faire entrer plus d'hommes au niveau du travail. Mais je ne pense pas qu'on ait encore posé des questions sur le fait que les gynécologues sont presque uniquement des hommes. Ou encore, dans l'enseignement primaire, où je ne crois pas que, sous le couvert de l'accès à l'égalité, il faudrait faire entrer tout de suite massivement les hommes; il faut plutôt prévoir des mesures -vu que les femmes sont déjà là - tant qu'on n'aura pas atteint l'égalité ailleurs, pour avoir une certaine protection pour ces niveaux.

Nous estimons que le règlement n'est pas assez clair pour les mesures à prendre concernant le recrutement et la sélection du personnel. Il est nécessaire que, dans les mesures d'égalité des chances, de redressement et de soutien, soient incluses des méthodes spécifiques de recrutement et de sélection pour favoriser les clientèles discriminées. C'est souvent à cette étape qu'il est le plus important d'apporter des correctifs.

Nous réclamons également l'application d'une politique globale d'accès à l'égalité. Nous croyons que la charte aurait dû prévoir l'obligation de mettre en place des programmes d'accès lorsque le diagnostic de l'entreprise établi par la Commission des droits de la personne le justifie. Cependant, le gouvernement a préféré l'approche volontaire. Nous ne croyons pas que cette approche donne beaucoup de résultats. Il est démontré que, notamment à cause des règles de la concurrence, les entreprises se refusent le plus souvent à prendre des mesures pouvant, dans certains cas, comporter quelques coûts. C'est un peu comme si on nous donnait une loi de santé et sécurité d'application volontaire. Je serais curieuse de voir combien d'employeurs l'appliqueraient intégralement et correctement. (10 h 15)

À tout le moins, le règlement devrait prévoir l'obligation contractuelle, pour toutes les entreprises faisant affaires avec le gouvernement, de mettre en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité. De même, toutes les entreprises et tous les organismes recevant des subventions du gouvernement du Québec devraient être tenus d'avoir des programmes.

Nous estimons que les mécanismes de contrôle et de surveillance ne sont pas suffisamment précisés dans le projet de règlement et qu'ils ne permettent pas à la commission de prendre action si une entreprise ou un organisme tarde trop dans l'échéancier d'application du programme ou encore refuse de s'entendre avec les représentant-es des employé-es. Actuellement avec le projet de règlement cela pourrait même prendre deux ou trois ans avant que tout soit réglé, avant qu'un programme puisse s'implanter.

En résumé, l'expérience des programmes d'égalité en emploi vécue dans la fonction publique démontre que ces programmes ont, plus souvent qu'autrement, servi les intérêts de l'employeur au détriment de ceux des employé-es, et ce, sans amélioration sensible de la situation des groupes discriminés. Ces programmes ont souvent semé amertume et désillusion, pourtant dans un milieu fortement syndiqué. Je pourrais d'ailleurs vous donner beaucoup d'exemples de personnes ayant suivi des cours de perfectionnement et ayant retrouvé, après, le même emploi sans aucune amélioration de leur carrière, même si elles avaient donné beaucoup de temps et beaucoup d'énergie pour se perfectionner.

C'est pourquoi nous réclamons pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec l'entière négociabilité des programmes, un plus grand contrôle de la commission et l'obligation de mettre en place des programmes.

Nous exigeons, de plus, pour les travailleurs et travailleuses de la fonction publique, les mêmes droits que pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec, à savoir l'abrogation immédiate de l'article 86.7 de la Charte des droits et libertés et la modification de l'article 80 de la Loi sur la fonction publique, afin de permettre la négociation de tels programmes.

Le Président (M. Gagnon): Ça va?

Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier le président, la vice-présidente et le vice-président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec d'être venus présenter ce mémoire. Ce n'est pas la première fois qu'on a cette discussion. Je pense qu'on l'a déjà eue en 1982.

J'aimerais soulever le point qu'en 1983 l'Assemblée nationale a modifié la Loi sur la fonction publique pour habiliter l'Office des ressources humaines à établir, et je cite la loi, "les programmes d'accès à l'égalité qui visent notamment les femmes, les membres des communautés culturelles, les personnes handicapées ou les autochtones". Fin de la citation de la loi.

Qu'est-ce que le gouvernement a fait depuis 1983? J'espère qu'on n'a pas légiféré pour rien une autre fois.

M. Harguindeguy: Si je peux me permettre de répondre, cela à tout l'air d'avoir été le cas, parce qu'il n'y a pas eu tellement de règlements favorables pour ces personnes-là. Il n'y a absolument rien qui a été fait. Le problème c'est qu'au gouvernement on a peut-être de belles intentions, mais on n'a pas d'argent et, sans argent, il n'y a pas tellement de programmes qui se mettent en place, même pour les femmes. Je pense que dans le mémoire Mme Gosselin vous a relaté la question du classement moquette qui concerne quand même strictement les femmes et la proposition du gouvernement a été d'aller à la baisse plutôt que d'améliorer la carrière de ces personnes. Nous sommes même en arbitrage, actuellement; il y a des objections préliminaires d'ordre juridique et le gouvernement ne veut même pas se plier à la logique de rémunérer ces personnes au même taux que d'autres personnes.

Quant à l'embauche, c'est la même situation qu'on vous a déjà énoncée. Le gouvernement ne procède plus à l'embauche d'employés pratiquement permanents, ce sont strictement des employés occasionnels. Compte tenu, particulièrement, que pour les communautés culturelles la concentration est à Montréal et les effectifs majoritairement à Québec, il n'y a pas de programme qui permette à des employés d'être embauchés dans les communautés culturelles à Montréal et d'être transférés à Québec.

M. Marx: Si je résume, le gouvernement n'a rien fait depuis 1983, même si l'Assemblée nationale a modifié la Loi sur la fonction publique pour permettre des programmes d'accès à l'égalité, parce qu'on se souvient qu'il y avait un jugement des tribunaux qui empêchait le gouvernement d'implanter ces programmes et, donc, on a modifié la loi pour permettre au gouvernement de procéder. Donc, s'il n'y a rien qui...

M. Harguindeguy: On peut même aller plus loin. Le gouvernement a décrété nos conditions de travail en 1983, prévoyant, à l'intérieur, également, l'obligation de négocier des programmes d'égalité. Actuellement, il n'y a encore rien eu qui s'est fait, parce que les représentants du gouvernement n'ont pas de mandat du Conseil du trésor.

Alors, les programmes qui devaient normalement être mis en vigueur et être sanctionnés dans les 18 mois de l'entrée en vigueur de la convention collective, en vertu de l'article 4 de nos décrets, ne sont pas mis en application, puisqu'il n'y a eu, je pense, qu'à peu près deux ou trois rencontres, au maximum, qui ont été strictement exploratoires, le gouvernement n'ayant pas de mandat, compte tenu des implications que cela peut avoir dans les autres secteurs, comme les hôpitaux et les commissions scolaires.

M. Marx: La dernière fois que vous êtes venu en commission parlementaire - du moins, devant cette commission - vous avez dit: En ce qui concerne des programmes d'accès à l'égalité pour les membres des communautés culturelles, cela ne va pas donner grand-chose, parce que le gouvernement n'engage pas de nouveaux effectifs. Donc, ce sont des voeux pieux. C'est encore la même chose, aujourd'hui...

M. Harguindeguy: La situation des employés permanents chez nous, dans un syndicat tel le nôtre, les effectifs permanents diminuent. Cependant, les effectifs occasionnels, eux, augmentent parce que, globalement, il y a autant d'employés, sinon plus, qu'en 1983 - là, c'est une question de chiffre - mais on ne procède pas plus à l'embauche de gens de communautés culturelles qu'à l'embauche d'autres personnes.

D'ailleurs, regardez les médias, en fait, les journaux de fin de semaine, et vous allez constater que les concours de recrutement à l'extérieur sont excessivement limités et sont à des niveaux passablement élevés de la structure hiérarchique.

M. Marx: Mais qu'est-ce qu'on peut faire dans le contexte actuel pour avoir plus de membres des communautés culturelles dans la fonction publique? Supposons que le gouvernement crée un nouvel organisme, où est-ce qu'il trouve les effectifs? Dans la fonction publique actuelle?

M. Harguindeguy: Tout dépend de la création de l'organisme. Si c'est un organisme qui est dégagé d'un ministère actuel, par exemple, la Société immobilière du Québec que vous avez créée à l'Assemblée nationale, cela n'a pas apporté d'embauchage nouveau, puisque ce sont des employés qui appartenaient aux Travaux publics auparavant et qui ont été affectés à cet organisme. Donc, finalement, on n'a recruté personne. On a créé une société avec ce qui existe. La SEPAQ, c'est pareil, les musées, et, enfin, le service d'informatique au réseau. Ce sont tous des organismes qui

ont été dégagés du gouvernement directement pour l'administration, mais qui fonctionnent avec les mêmes employés. Si vous voulez avoir une politique de recrutement de personnel provenant des communautés culturelles, comme la concentration est généralement à Montréal et que des postes s'ouvrent ailleurs qu'à Montréal, il faudrait que des programmes permettent aussi qu'on paie, dans ces situations-là, des frais de déplacement ou des frais de déménagement. Les gens vont-ils vouloir venir s'implanter, à leurs frais, à Québec, à Rimouski, à Matane ou en Abitibi parce qu'ils sont Italiens, Grecs ou autres? Que voulez-vous, de Québec à Rimouski, quand vous procédez... La Loi sur la fonction publique prévoit maintenant que l'Office des ressources humaines ou les ministères peuvent se limiter à déterminer comme étant admissibles à un concours les personnes résidant dans telle ou telle localité du Québec. Donc, les gens qui résident donc ailleurs ne sont pas admissibles à un tel concours. Si vous allez dans le Bas-du-Fleuve où les concours sont réservés aux gens qui demeurent là, comme les communautés culturelles ne sont pas tellement représentées dans ces régions, vous pouvez donc difficilement remodifier la structure actuelle.

M. Marx: D'accord. Les membres des communautés culturelles disent souvent qu'ils ne se sentent pas chez eux dans la fonction publique, comme les femmes dans les entreprises où il y a seulement des hommes; elles se sentent souvent mal à l'aise. Qu'est-ce que votre syndicat est prêt à faire pour les membres des communautés culturelles qui seront engagés par la fonction publique? Êtes-vous prêts à faire quelque chose pour mieux les intégrer dans la fonction publique? Avez-vous pensé à des programmes, à les accueillir d'une façon chaleureuse pour leur dire: Vous êtes chez vous...

M. Harguindeguy: Moi, je me sens bien dans la fonction publique; je suis aussi d'une communauté culturelle. Étant d'origine basque, je ne pense pas qu'on ait beaucoup de Basques dans la province de Québec, mais en tout cas je me sens bien. Je pense qu'essentiellement...

M. Marx: Je ne parle pas des gens comme vous et moi. Je me sentais toujours bien à l'Université de Montréal, même quand j'étais seul à la Faculté de droit, qui n'était pas francophone.

M. Harguindeguy: Sauf que...

M. Marx: Je ne parle pas pour nous autres, je parle pour la masse.

M. Harguindeguy: ...on estime que la solution est dans la négociation parce qu'il va falloir quand même que des accords interviennent avec des groupes syndiqués, ce qui n'est pas le cas parce que, parfois, cela peut aller au détriment de gens qui peuvent être en place. Il a déjà été énoncé de prévoir qu'on ne tienne pas compte de l'ancienneté pour effectuer le rappel, pour pouvoir embaucher des employés occasionnels qui proviennent de communautés culturelles. Vous pouvez difficilement dans un programme volontaire, comme c'est le cas actuellement, où l'employeur pourrait imposer une telle solution... Il y a, par contre, par voie de compromis, bien des choses qu'on peut faire, mais encore faut-il que le gouvernement accepte de négocier, ce qui n'est pas le cas.

M. Marx: Mais si vous voulez négocier ces programmes à l'intérieur d'un règlement, j'aimerais savoir si vous allez tenir compte des intérêts des communautés culturelles.

M. Harguindeguy: Oui.

M. Marx: Vous devez penser à avoir un programme, à les intégrer davantage, et ainsi de suite.

M. Harguindeguy: Oui, nous y sommes disposés, mais encore faut-il qu'on puisse en discuter. Actuellement, c'est le gouvernement . qui décide et nous consulte. Malheureusement, il n'y a pas eu de programme de soumis comme tel de façon formelle.

M. Marx: Mais vous êtes prêts à prendre des mesures, comment dirais-je, positives...

M. Harguindeguy: Oui.

M. Marx: ...c'est-à-dire que votre syndicat est prêt à prendre des mesures positives pour aider les membres des communautés culturelles à bien s'intégrer.

M. Harguindeguy: On ne s'est jamais opposé à de tels programmes en tant que syndicat. C'est dans l'application que l'on voudrait pouvoir intervenir de façon concrète.

M. Marx: Je comprends que vous ne vous êtes pas opposés, mais je veux savoir si vous êtes prêts à prendre des mesures positives, concrètes.

M. Harguindeguy: Oui, assurément.

M. Marx: Oui? Vous êtes prêts à faire quelque chose dans ce domaine.

M. Harguindeguy: Depuis vingt ans que le syndicat des fonctionnaires existe, on a

toujours tenté de tenir compte des besoins de chacun. Il y a des réalités auxquelles ont doit aussi faire face et nous y sommes disposés. Nos membres, je pense, vont comprendre la situation. Se faire imposer des choses par le gouvernement, comme ce peut être le cas à l'heure actuelle, je ne pense pas que ce soit la solution.

M. Marx: D'accord, juste une dernière remarque. Vous avez dit qu'il serait souhaitable de définir la clientèle cible dans le règlement. Est-ce que ce serait une bonne définition, celle que l'on retrouve dans la Loi sur la fonction publique, c'est-à-dire les programmes d'accès à l'égalité qui visent notamment les femmes, les membres des communautés culturelles, les personnes handicapées ou les autochtones? Ainsi, on couvre quatre groupes cibles dans la loi. Est-ce qu'on pourrait intégrer cette définition dans le règlement, quoique avec le mot "notamment" cela donne la possibilité d'avoir d'autres groupes cibles le cas échéant?

M. Harguindeguy; Dans notre mémoire, à la page 5, nous identifions trois clientèles cibles. Pour les autochtones qui sont déjà couverts par la Loi sur la fonction publique, cela ne présente pas de difficulté, même si nous avons des membres autochtones, parce que nous avons des accords qui sont intervenus et qui font en sorte que l'on favorise leur embauche, bien sûr, sur leur territoire. On n'exige pas les mêmes conditions qu'à Québec ou à Montréal. Nous n'avons pas rencontré d'opposition là non plus.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme Gosselin, M. Harguindeguy, je crois que vous êtes accompagnés de M...

M. Robert (Jean): Robert.

Mme Harel: ...Robert, qui est vice-président du syndicat. Mme Gosselin, vous nous dites dans votre mémoire que vous souhaitez que la charte prévoie l'obligation de mettre en place des programmes d'accès à l'égalité lorsque le diagnostic de l'entreprise établi par la Commission des droits de la personne le justifie. Je crois que la commission a besoin d'un peu d'éclaircissement sur cette question parce que justement lorsqu'il y a plainte... En fait, vous faites une distinction entre les programmes volontaires et vous souhaitez ou semblez souhaiter une approche coercitive, dites-vous.

Présentement, avec le projet de règlement tel qu'il est rédigé, lorsqu'il y a plainte de discrimination, la commission peut procéder à des recommandations et peut donc s'adresser au tribunal pour qu'il impose un tel programme. Ce que vous dites dans votre mémoire trouve une réponse positive puisque, lorsqu'il y aurait diagnostic que l'entreprise est le lieu d'une discrimination, la commission pourrait recommander... Est-ce que je dois comprendre que vous souhaitez que la commission puisse imposer?

Mme Gosselin: Actuellement, le règlement prévoit qu'un programme soit implanté si la commission, à la suite d'une plainte individuelle... Nous estimons que c'est en partie voué à l'échec, parce qu'il faut d'abord qu'une personne se plaigne d'une situation de discrimination. Notamment, dans le secteur non syndiqué, j'ai de sérieuses réserves à savoir combien de personnes oseront déposer une plainte à la commission, surtout quand ce n'est pas un cas de discrimination flagrante, formelle, mais quand c'est plutôt une discrimination du système général de l'entreprise. Nous aurions préféré que soit faite une enquête sur l'ensemble des entreprises du Québec et, partout où il y a discrimination, qu'il doive y avoir programme et non pas uniquement sur plainte déposée par des personnes.

Mme Harel: Je pense que c'est une interprétation qui diffère peut-être car, à ma connaissance, le règlement tel que rédigé permet à la commission d'intervenir de sa propre initiative et non pas simplement à la suite d'une plainte individuelle. (10 h 30)

Mme Gosselin: Et systématique, madame.

Mme Harel: De sa propre initiative, la commission peut intervenir lorsqu'il y a diagnostic de discrimination systémique.

Mme Gosselin: Est-ce qu'elle va le faire pour l'ensemble des entreprises du Québec?

Mme Harel: Elle va le faire lorsque le diagnostic de l'entreprise le justifie. Je crois que c'était là l'objet de votre souhait dans le mémoire. Vous nous dites: "Nous estimons que la charte aurait dû prévoir l'obligation de mettre en place des programmes d'accès à l'égalité lorsque le diagnostic de l'entreprise établi par la Commission des droits de la personne le justifie." Si tel est le cas, si le diagnostic d'une entreprise établi par la commission le justifie, de sa propre initiative, la commission pourra recommander un programme d'accès et s'adresser au tribunal pour le voir imposer.

Mme Gosselin: Je dois vous dire que nous avons de sérieux doutes là-dessus,

notamment, à cause de l'effectif de la commission. La commission n'a sûrement pas l'effectif voulu aujourd'hui, même si on le doublait demain matin, pour faire enquête sur l'ensemble des entreprises du Québec. Il y a même des endroits où il n'y a pas de personnel de soutien dans certains bureaux régionaux. On me donne l'exemple de Sherbrooke. Je ne vois vraiment pas comment la commission aujourd'hui... Notre demande va dans le sens que cela soit fait obligatoirement pour l'ensemble des entreprises québécoises. Cela implique donc les ressources nécessaires à la commission pour faire ce travail-là.

Mme Harel: Je dois donc comprendre que vous souscrivez comme moi à l'interprétation que la commission en a le pouvoir et vous souhaitez qu'elle ait les effectifs pour voir à l'exercice de ce pouvoir. Vous souscrivez au fait que la commission, dans le règlement tel que rédigé, a ce pouvoir que vous souhaitez lui voir accorder dans votre mémoire.

Mme Gosselin: Ce n'est pas tout à fait comme cela que j'interprète l'article 1 qui dit que cela s'applique à toute personne qui élabore, implante ou applique un programme sur recommandation de la commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal. Je ne suis pas si sûre que cela, même si on se réfère à la loi, implique que la commission le fera d'elle-même et non pas sur présentation d'une plainte. À mon avis, ce n'est pas assez clair. Peut-être qu'on demande ce qu'on appelle communément une paire de mitaines en québécois mais...

Mme Harel: D'autre part, vous insistez sur le fait que les programmes devraient être négociés. D'autres organismes syndicaux avant vous et également celui qui vous suivra - enfin, on verra - font des recommandations semblables. J'aimerais avoir votre opinion sur la question suivante: Dans les cas où un syndicat pourrait être opposé à un tel programme - il ne faut pas écarter cette hypothèse, on sait que c'est vraisemblable; comme vous le soulignez vous-même, tout cela fait appel à d'énormes changements de mentalités et personne dans la société ne possède la vertu sur ce plan - dans ces cas, est-ce qu'il ne serait pas préférable que, par exemple, des programmes de ce type soient l'oeuvre de comités tripartites: employeur, syndicat et représentants de membres de groupes cibles qui sont absents au sein même, soit de l'entreprise, soit de la fonction publique?

M. Harguindeguy: Cela dépend. On n'a pas évalué cela, mais, au départ, même si on peut avoir des craintes que certaines associations syndicales s'opposent à de tels programmes, on n'est pas encore prêt à faire plus confiance à l'employeur seul, en tout cas, tel que c'est le cas actuellement. Pour ce qui est d'un comité tripartite, je présume que les gens viendraient sans doute d'organisations, de comités culturels ou... Comment le choix se ferait-il? Parmi ceux ou celles qui travaillent dans l'entreprise? Ce serait quoi? Je ne le sais pas.

Mme Harel: Évidemment, cela supposerait une définition des groupes cibles, après une étude de leur absence chronique, soit dans une entreprise, soit dans un milieu de travail. Ce sont ces membres de groupes cibles qui ne seraient pas présents à une négociation employeur-employés-syndicat, puisqu'ils sont absents du milieu de travail.

M. Harguindeguy: On n'a pas inventorié cette question, parce que de notre côté nous sommes favorables à l'implantation de tels programmes. Alors, on n'a pas recommandé de solutions qui tiendraient compte d'une situation qu'on ne vit pas. On a, d'ailleurs, dans nos demandes syndicales déposées la semaine dernière, revendiqué des budgets assez importants précisément pour qu'on puisse en faire effectivement. J'ai l'impression que les employeurs du secteur privé vont agir comme le gouvernement. Quand il y a une question financière en jeu, c'est souvent un motif de refus.

Mme Harel: Je pense que vous disiez, avec raison, dans votre mémoire que "toutes ces mesures vont parfois exiger des changements importants des mentalités". J'imagine - je ne sais pas si c'est Mme Gosselin ou M. Harguindeguy - que vous vous rappelez cette injonction, en 1982. Vous vous attendiez certainement à ce qu'on en reparle ce matin. Vous vous rappelez dans quel contexte tout cela s'était présenté. Le ministère de l'Environnement avait mis en place un programme de perfectionnement qui était accessible aux femmes seulement et qui pouvait donner accès, je crois, à des promotions et à des mutations. Cela se lisait comme ceci: "Offre de libération pour études à temps plein ou à temps partiel avec traitement aux employées à son emploi." Vous vous rappelez que des plaignants masculins avaient soutenu devant les tribunaux que c'était une mesure discriminatoire à leur égard. Je crois qu'à l'époque le syndicat avait soutenu les plaignants.

Mme Gosselin: Oui.

M. Harguindeguy: On est fort aise d'en parler, d'ailleurs.

Mme Harel: J'aimerais bien vous en entendre parler.

Mme Gosselin: Je peux bien en parler aussi.

M. Harguindeguy: En tout cas, vous pouvez répondre en premier et je répondrai après, s'il le faut.

Mme Gosselin: C'est encore là un signe de ce qui se passe quand cela n'est pas négocié. La convention collective qui était alors en vigueur a été signée le 31 janvier 1980. Les programmes ont été annoncés en février 1980. J'estime que l'employeur, comme c'était déjà un document fini, aurait pu en parler avec l'organisation syndicale avant la signature qui a eu lieu moins d'un mois avant et on aurait pu possiblement convenir d'un texte au niveau de la convention collective - c'est une convention collective qu'on avait à ce moment, non un décret -prévoyant des programme d'accès à l'égalité.

Comme il n'y avait rien dans la convention collective, nous nous sommes retrouvés en situation d'avoir des membres qui s'estimaient discriminés en fonction d'un article qui interdisait toute discrimination. On a d'abord essayé de discuter avec ces gens pour leur expliquer le bien-fondé des programmes mais, en tant que syndicat, quand vous avez un membre qui décide de porter un grief sur un article de la convention, vous ne pouvez pas refuser de le défendre parce qu'à ce moment vous allez être passible de poursuites devant le Tribunal du travail. Si cela avait été négocié ou si l'employeur avait planifié l'ensemble de ces choses, on aurait pu prévoir quelque chose pour le protéger. Mais, depuis ce temps, il y a eu quand même beaucoup de discussions à l'intérieur du syndicat. Il y a eu des positions officielles reconnues au niveau de la pertinence, notamment, du rangement par niveaux et des programmes d'accès à l'égalité. Cela a suscité bien des discussions.

Mme Harel: Est-ce qu'on peut conclure qu'il y aurait maintenant appui de la part des plaignants eux-mêmes à de tels programmes?

M. Harguindeguy: Mais les plaignants, eux, en tant qu'individus, on peut difficilement s'engager pour les 45 000... Mais, au niveau des structures syndicales, on peut sûrement prendre des engagements. D'ailleurs, même lors des séances de la commission parlementaire sur la Loi sur la fonction publique, on a revendiqué pratiquement le maintien de l'ancien article permettant justement le rangement par niveaux dans le cas de programmes d'égalité en emploi parce qu'on a estimé que les amendements proposés allaient moins loin, donnaient une plus grande ouverture. Ils ne permettaient pas l'application de tels programmes. Aujourd'hui, les ministères n'ont pas l'obligation de faire le choix, parmi des femmes ou des communautés culturelles, sur des gens qualifiés ou déclarés aptes à un même niveau. La seule obligation qu'ils ont, s'ils ne prennent pas une femme dans tel niveau, c'est d'expliquer pourquoi ils ne l'ont pas prise. C'est la seule obligation qui demeure. Auparavant, quand il y avait des programmes, des concours où la représentativité des femmes - disons qu'on prend cet exemple - n'était pas adéquate, ne correspondait pas aux statistiques québécoises, l'obligation était faite au ministère de prendre parmi les personnes qualifiées dans le premier niveau celles qui correspondaient au sexe. Malheureusement, la loi actuelle va moins loin, a amoindri cette obligation. On s'est opposé ici en commission parlementaire, mais cela n'a pas donné là non plus les résultats escomptés.

Depuis, on a même négocié des distinctions, on a même paraphé dans le décret certains articles qui permettent l'application de tels programmes. On voulait les négocier mais, malheureusement, on est deux parties à cela. Nous demandons des rencontres mais quand l'employeur n'est pas disposé à le faire et n'a pas d'obligation de le faire, comme c'est le cas à l'heure actuelle puisque le gouvernement est soustrait de l'application de la charte, que voulez-vous, on est obligé d'attendre.

Mme Harel: M. le Président, donc je comprends que la recommandation qui est faite maintenant à la suite d'une sélection par niveaux n'est pas nécessairement retenue ni obligatoirement retenue mais, pour qu'elle soit écartée, il faut que le ministère concerné justifie le refus d'adopter cette recommandation.

M. Harguindeguy: C'est cela.

Mme Harel: C'est cela. Et, à votre connaissance, qu'est-ce que cela a donné comme conséquence?

M. Harguindeguy: Bien, on n'est pas dans le secret des dieux pour avoir les résultats des concours pour savoir effectivement, à tel ministère, quel est le motif pour lequel il n'a pas choisi telle ou telle personne. Cela va quand même plus loin aussi. Maintenant, le choix ne se fait plus selon l'ordre du mérite pour les candidats. Maintenant, rangement par niveaux, c'est selon le bon vouloir du gestionnaire. Donc, toutes sortes de critères peuvent entrer en ligne de compte.

Mme Harel: Est-ce que vous êtes, en principe, favorables au rangement par niveaux? C'est son application que vous remettez en cause.

Mme Gosselin: Pour les programmes d'accès à l'égalité.

Mme Harel: Donc, vous êtes favorables.

M. Harguindeguy: On l'a revendiqué. Même aux demandes syndicales déposées la semaine dernière, on veut revenir à l'ancien système pour permettre de favoriser les groupes cibles qu'on a identifiés.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci. Votre mémoire, M. Harguindeguy, Mme Gosselin, M. Robert, est bref, ce qui est sûrement une qualité, mais cela veut dire que vous procédez souvent par allusions. Vous faites allusion à des choses que vous ne décrivez pas parce que vous voulez faire un mémoire bref. On n'arrive pas à tout suivre. Il se passe tellement de choses. Vous faites allusion à des choses que je comprends, que je connais, mais il y en a d'autres que je ne connais pas. J'aimerais vous entendre m'expliquer, le plus brièvement possible, de quoi il s'agit. Quand vous parlez de classement moquette, je sais à peu près de quoi il s'agit. Évidemment, quand vous signalez que le gouvernement se soustrait à l'application des articles 86.2 à 86.6 de la charte, là encore je sais de quoi il s'agit.

Lorsque vous parlez de l'accent mis par le gouvernement sur le travail à temps partiel, là encore je sais de quoi il s'agit. Mais vous faites allusion à l'employeur qui n'a pas hésité à révoquer les employées devenues handicapées, au féminin, en cours d'emploi. Là je ne sais pas de quoi il s'agit. Je voudrais vous demander de m'expliquer cela. Et, deuxièmement, Mme Gosselin, si j'ai bien compris, a parlé d'une pépinière où on a congédié toutes les femmes en gardant tous les hommes. Est-ce que vous auriez l'obligeance de m'expliquer cela un peu plus? Là je ne suis pas au courant.

M. Harguindeguy: D'abord, la première situation, c'est que, selon les dispositions du décret qui régit nos conditions de travail, un employé ou une employée a droit, pendant deux ans, à l'assurance-salaire si elle devient en fait invalide en cours d'emploi. Sauf que ce qui arrive assez régulièrement, c'est que, lorsque les personnes après les deux ans sont encore invalides, les ministères n'hésitent pas à révoquer la nomination de ces personnes en prétendant que, comme elles ne sont plus aptes à faire le travail pour lequel elles ont été embauchées, il n'y a pas d'obligation de les garder à leur emploi, même s'il y a une politique qui prévoit qu'il doit y avoir au moins 2 % de handicapés, en fait, parmi les effectifs. Une bonne façon d'atteindre au moins cette partie d'objectif sur ce programme, ce serait au moins de faire en sorte de former les gens peut-être à occuper d'autres emplois qu'ils ont la capacité physique de remplir, alors qu'à l'heure actuelle il n'y a pas de programmes de cette nature.

Ce qui veut dire que le ministère se contente de payer pendant deux ans l'assurance-salaire, et, après deux ans, c'est fini, bonjour, merci, même si on se retrouve avec des gens qui ont passablement d'années de service et qui, parfois, ne sont pas nécessairement admissibles à une bonne retraite non plus.

M. de Bellefeuille: Est-ce que ces cas sont nombreux et est-ce qu'il y a des cas d'arbitrage ou des causes devant les tribunaux?

M. Harguindeguy: Ils sont assez nombreux, compte tenu du nombre, bien sûr, de personnes qui deviennent invalides. Il y a des causes qui ont été portées jusque devant les tribunaux. J'ai même la situation d'une personne dont le cas a été déclaré accident du travail quelque peu tardivement par la Commission des affaires sociales et que le ministère ne veut même pas reprendre au ministère des Transports. C'est un cas bien récent aussi. Pourtant, il y a un tribunal habilité au Québec à déterminer si une personne est invalide ou non, qui a rendu un jugement, qui déclare que la personne a subi un accident du travail, ce qui impliquerait, nécessairement, pour le ministère de continuer à la payer, en fait, pour elle, de recevoir les prestations. Mais le ministère se refuse à la reprendre à son emploi même si elle ne peut pas travailler physiquement. (10 h 45)

II y a d'autres cas de personnes qui ont subi, qui ont vécu des périodes d'alcoolisme, de toxicomanie, pour lesquelles on a proposé des solutions, d'adhérer à des cliniques, de subir des stages, des traitements, mais le ministère maintient la révocation pure et simple. On est obligé d'aller devant l'arbitre, sauf que l'arbitre est tenu aussi de statuer en fonction du décret qui ne prévoit pas, malheureusement, dans ces cas, l'obligation de garder à son emploi ces personnes. Donc, c'est uniquement par voie de compromis qu'on peut y arriver. Cela arrive dans certains ministères. D'autres, par contre, sont moins réceptifs, parce qu'il y a aussi l'obligation... C'est là qu'on pense que le Conseil du trésor est juge et partie, parce que c'est lui qui autorise les effectifs, qui exige une réduction des effectifs de l'ordre de 1 % par six mois. Comment voulez-vous que le ministère, qui doit réduire les effectifs, ne prenne pas l'occasion toute rêvée qui lui est donnée de réduire un poste lorsque quelqu'un est dans cette situation?

C'est ce qu'on déplore et ce qu'on revendique depuis de nombreuses années déjà. On le revendique à nouveau dans les prochaines négociations, mais ce sont des situations assez fréquentes.

Concernant les personnels des pépinières, ce qu'on appelle nos "piqueuses" et nos "repiqueuses" - en tout cas, je ne sais pas si vous connaissez le système - dans les pépinières du Québec, il y a un certain nombre d'employés qui sont embauchés au printemps, en avril et mai, pour "piquer" les plants et faire un certain travail là-dessus. Après une période de deux ou trois mois, ces gens doivent revenir pour les "repiquer", c'est-à-dire mettre de la terre autour et tout le reste. Généralement, jusqu'à présent, c'étaient des emplois pour les femmes.

Cependant, maintenant, le ministère de l'Énergie et des Ressources, auparavant, le ministère des Terres et Forêts aussi, sous la responsabilité de M. Bérubé, à l'époque, s'est refusé de créer des listes de rappel pour ces personnes qui leur aurait donné un droit de revenir nécessairement au mois de mai et aux mois de juillet et d'août.

M. de Bellefeuille: Comme cela existe dans d'autres ministères?

M. Harguindeguy: C'est cela.

M. de Bellefeuille: Le ministère des Transports et...

M. Harguindeguy: Ces personnes, majoritairement des femmes, auraient donc eu un droit de revenir travailler, sauf que, comme le ministère s'est refusé à l'obligation contractuelle, dans ce cas, c'est le gestionnaire local qui fait son choix des personnes qu'il embauche. Par accident -j'imagine qu'on pourra nous le dire éventuellement - un gestionnaire s'est permis de mettre à pied toutes les femmes, de ne pas les rappeler et d'embaucher des hommes, alors qu'auparavant, depuis de nombreuses années, des femmes travaillaient là. À Rimouski et à Sainte-Luce, c'est un peu la même situation aussi. L'employeur et les gestionnaires gardent une mainmise sur ce personnel féminin, parce que, si ces personnes veulent travailler, elles n'ont pas d'autre choix que d'être soumises. Malgré une revendication pour avoir des listes, comme cela ne concorde pas avec les définitions bien formelles du décret, le ministère dit: Comme cela ne dure pas trois mois par année, je ne fais pas de liste de rappel, même si cela fait pratiquement déjà une décennie que ces personnes sont à l'emploi.

M. de Bellefeuille: Quel est le lieu de travail du gestionnaire dont vous avez parlé ou, en tout cas, sa ville?

M. Harguindeguy: II est local. M. de Bellefeuille: Local.

M. Harguindeguy: Oui, il est là-bas dans les pépinières. En fait, c'est lui qui a donné la dernière directive. Est-ce que l'ordre vient de plus haut? On n'a pas...

M. de Bellefeuille: II y a combien de travailleurs et de travailleuses impliqués?

M. Harguindeguy: Actuellement?

M. de Bellefeuille: Dans ce...

M. Harguindeguy: Dans ce secteur-là?

M. de Bellefeuille: Le fait qu'on n'a pas rappelé des employées femmes et qu'on a engagé, à la place, des hommes.

M. Harguindeguy: Une femme a porté plainte actuellement, mais, globalement, dans l'ensemble des pépinières, cela peut regrouper environ 300 personnes qui sont majoritairement des femmes pour faire ce travail spécifique. C'est peut-être un revenu d'appoint pour ces personnes, localement. En fait, les pépinières sont toutes en région.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président, Mme Gosselin, M. Harguindeguy, M. Robert. Je vais revenir sur certains propos qui ont été traités depuis la présence à la table des groupes. J'aimerais revenir un peu sur les communautés culturelles. On a reçu, depuis le début de la semaine, plusieurs représentants et représentantes de différentes communautés culturelles qui nous ont, entre autres, souligné, lorsqu'on a parlé, justement, de la fonction publique et de la difficulté pour ces personnes d'être intégrées à la fonction publique, qu'il leur est apparu important que les avis de concours de recrutement soient publiés dans leur langue et dans les médias de ces différentes communautés ethniques. Il semble que cela devait se faire et que, malheureusement, cela ne s'est pas fait suffisamment, en tout cas, pour que cela puisse être valable comme recrutement. Ils avaient comme preuve différents postes à d'autres niveaux, à un moment donné, où des avis de concours ont été publiés dans les médias des communautés ethniques. Immédiatement, les effets ont été assez probants en ce sens que de nombreuses candidatures ont été posées. Est-ce que vous partagez cette opinion? Croyez-vous que le gouvernement devrait davantage publier les

avis de concours dans ces médias?

M. Harguindeguy: II le devrait probablement, mais c'est l'Office des ressources humaines qui est responsable de la promotion de ces concours. Nous ne sommes pas présents non plus à l'Office des ressources humaines. C'est un organisme gouvernemental. Cela va de soi que les avis de concours devraient être publiés dans les journaux dans la langue maternelle des candidats potentiels. Quant à nous, on n'yverrait sûrement pas d'objection. On n'est pas partie dans ce processus.

Mme Saint-Amand: Pour eux cela ne semblait pas évident que le problème de partir de Montréal pour venir vivre à Québec c'était pour cela qu'ils n'étaient pas présents à la fonction publique. C'était surtout plutôt qu'ils n'étaient pas informés de la possibilité de...

Mme Gosselin: C'est très possible. Comme on dit aussi en plus: Vous n'avez pas la sécurité d'emploi automatique maintenant et vous pouvez être mis à pied pour un manque de travail si vous n'avez pas deux ans de service, et à quelqu'un d'autre cela implique un déménagement, etc., ils peuvent y penser à deux fois avant de... Il y a quand même des frais assez importants là-dessus. Il faudrait peut-être prévoir des mesures en ce sens aussi.

Mme Saint-Amand: Sauf que, compte tenu de la rareté des postes disponibles aujourd'hui, les gens sont prêts à tout pour avoir un job, même à faire un déménagement.

J'aimerais aussi vous parler des femmes à l'intérieur de la fonction publique. Vous nous avez révélé des choses intéressantes, bien sûr. Voir que les postes d'agent de bureau sont devenus des postes beaucoup moins alléchants maintenant qu'on y retrouve plus de femmes, c'est assez révélateur. Est-ce qu'il y a eu de nombreux cas qui ont été portés à votre connaissance en ce qui concerne des femmes qui auraient pu se sentir discriminées et qui ont été refusées pour une raison ou pour une autre à la fonction publique dans différents postes? Est-ce que vous avez constaté une meilleure information chez les femmes sur la possibilité d'exercer certains recours lorsqu'elles se sentent discriminées ou qu'il y a vraiment discrimination?

Mme Gosselin: Cela dépend. Il faut faire la distinction entre le recrutement et la promotion comme telle. Le recrutement on n'est pas partie sur cela et on n'aura pas d'information comme telle en tant que syndicat. En ce qui concerne la promotion, je crois que graduellement il y a plus de femmes qui postulent, mais, encore là, comme elles sont dans des ghettos d'emploi ce n'est pas toutes les promotions qui leur sont accessibles. Une façon qui serait une mesure de soutien, donc qui favoriserait principalement les femmes mais qui servirait aussi les hommes tout en favorisant la promotion des femmes dans la fonction publique serait de modifier les modes de dotation actuellement en vigueur et de prioriser la promotion, avant d'aller à l'affectation et à la mutation. Actuellement, habituellement les ministères vont d'abord par affectation, mutation et ensuite seulement par promotion. Ce qui fait que le nombre de promotions est limité. Si on procédait en priorité par la promotion, vous auriez probablement beaucoup d'amélioration du plan de carrière des femmes, mais aussi des hommes. C'est quand même une mesure qu'on peut appeler de soutien qui pourrait servir à certains hommes et, pour les femmes actuellement dans des ghettos d'emploi où elles sont majoritaires, ce serait sûrement une mesure intéressante. On l'a réclamée depuis longtemps, d'ailleurs, même lors des dernières négociations ou semblant de négociations, sans succès, et on la réclame évidemment encore pour les prochaines négociations.

Mme Saint-Amand: M. le Président, une dernière question.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Une dernière question. Est-ce que votre syndicat - peut-être que oui, je pose la question - a déjà fait une analyse des postes qui permettraient aux femmes de se sortir de certains ghettos d'emploi et d'avoir accès assez facilement à...

Mme Gosseiin: C'est-à-dire?

Mme Saint-Amand: C'est-à-dire de faire faire l'analyse des postes actuellement au sein de la fonction publique, des possibilités de promotion, comme vous dites, qui sortiraient les femmes des ghettos d'emploi où elles sont actuellement confinées.

Mme Gosseiin: Si l'employeur procédait en priorité par promotion et en tenant compte de l'expérience acquise, même lorsqu'on est employé de secrétariat - dans différents types d'emploi, on en tient d'ailleurs plus compte - ce serait probablement facile d'accéder à plusieurs postes, notamment au niveau technique. Peut-être pas à l'ensemble des techniques très spécifiques mais à plusieurs postes de niveau technique, que ce soit à l'aide socio-économique, que ce soit comme technicien

en information ou en administration. Dans beaucoup d'autres domaines comme cela il y aurait sûrement beaucoup de possibilités actuellement si on y allait d'abord par promotion, par exemple. Avec le système actuel lorsqu'on arrive à la promotion, il ne reste presque rien, c'est quasiment résiduel.

Mme Saint-Amand: Une petite dernière question. Pensez-vous que l'ancienneté est une entrave à l'accession des femmes à certains postes?

Mme Gosselin: Dans notre secteur, c'est un peu différent. Vu que les femmes sont dans des ghettos d'emploi, ce sont toutes des femmes qui ont de l'ancienneté. Ce serait différent si vous étiez au niveau professionnel, où les femmes sont entrées plus tard. Or, sauf dans quelques cas très spécifiques, au niveau technique, pour la plupart, ce sont des femmes à qui on demande une promotion, alors, il n'y a pas de problème.

M. Harguindeguy: Et l'ancienneté n'est pas, non plus, un critère pour la promotion dans la fonction publique.

Mme Saint-Amand: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'arcy McGee, une courte question.

M. Marx: Une courte question, cela demande une courte réponse aussi. J'aimerais vous demander quel est le ministère ou l'organisme gouvernemental qui a la meilleure performance en ce qui concerne l'engagement des membres des communautés culturelles.

M. Harguindeguy: Le ministère de l'Immigration à Montréal, parce qu'il est là seulement. Mais, ailleurs, il y a peut-être l'aide sociale pour la région, mais c'est limité à Montréal quand même en général, actuellement. 11 y a peut-être aussi la Régie de l'assurance automobile, le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marx: La Commission des droits de la personne, il ne faut pas l'oublier.

M. Harguindeguy: Oui, mais ils ne sont pas syndiqués chez nous, non plus. Ils sont non syndicables. Le gouvernement n'a pas voulu de syndicat.

M. Marx: Ils ont leur propre syndicat.

M. Harguindeguy: Oui, c'est ça, mais ils ne sont pas chez nous dans la fonction publique, alors je ne peux pas parler de l'embauche dans ces milieux-là. C'est limité quand même dans bien des ministères, même au ministère des Transports qui, à Montréal, pourrait peut-être faire un effort particulier pour cette clientèle dans certains domaines, dont l'entretien de routes. Il n'en fait pas tellement plus non plus.

Le Préaident (M. Gagnon): Merci, Mme Gosselin, M. Harguindeguy, M. Robert. J'invite maintenant la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) à prendre place. Nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 57)

(Reprise à 11 h 2)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous souhaitons la bienvenue à la Fédération des travailleurs du Québec et, avant de vous laisser la parole, M. Daoust, je tiens à vous rappeler que vous avez une enveloppe de 55 minutes, soit environ 20 minutes pour livrer votre message et 35 minutes de dialogue avec les membres de la commission.

Immédiatement, je vous laisse la parole en vous demandant de nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

FTQ

M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président. La délégation de la FTQ est composée des personnes suivantes: la vice-présidente de la FTQ, Mme Marie Pinson-neault, qui est à ma droite; la présidente du comité de la condition féminine de la FTQ, Mme Carole Robertson; la responsable du service de la condition féminine de la FTQ, Mme Carole Gingras-Larivière et moi-même, Fernand Daoust, secrétaire général.

Je crois, M. le Président, que la meilleure façon de procéder, à ce moment-ci je comprends que nous avons cette enveloppe d'à peu près une heure ou 55 minutes - ce serait bien de vous lire, en y ajoutant peut-être ici et là quelques très brefs commentaires, ce mémoire que nous vous soumettons.

La FTQ, qui représente 450 000 travailleuses et travailleurs répartis dans tous les secteurs d'activité et toutes les régions du Québec, accueille favorablement cette occasion d'exprimer son point de vue devant cette commission parlementaire sur le projet de réglementation lié à la partie III de la Charte des droits et libertés de la personne, concernant les programmes d'accès à l'égalité.

Quand nous mentionnons, dans notre mémoire, que la FTQ représente 450 000 travailleurs et travailleuses, nous n'indiquons pas le nombre de femmes que la FTQ

représente. Voilà déjà cinq ans que la FTQ s'est livrée à un examen rigoureux de son membership à l'égard de la présence des femmes dans ses rangs. Elle a décelé, à ce moment-là, sur un échantillonnage d'environ 300 000 travailleurs et travailleuses syndiqués, qu'il y en avait 100 000 à la FTQ. Nous sommes à ce moment-ci en train de faire le même type d'examen et nous dégagerons dans quelques mois - c'est un exercice qui n'est pas d'une simplicité inouïe - les données pour les rendre publiques à l'égard du nombre de femmes à la FTQ. Mais nous estimons, de façon générale, qu'en gros, le tiers du membership de la FTQ est composé de femmes.

Cependant, nous déplorons - je reviens au mémoire - les délais qui se sont écoulés entre le 18 décembre 1982, au moment où le principe a été reconnu dans la charte et le moment où la réglementation entrera en vigueur et permettra l'application des dispositions contenues dans cette charte. Durant ce temps, plus d'un projet de réglementation a circulé. La FTQ recevait le 5 juillet 1983 un projet de règlement élaboré par le gouvernement, qui devait être soumis à une consultation à l'automne de cette même année. En octobre 1984, nous recevions un second projet où l'on réclamait nos opinions en vue d'un texte à être soumis à la commission parlementaire. Mais ce n'est qu'en mai 1985, lors de la conférence socio-économique sur la sécurité économique des Québécoises, que le ministre de la Justice a proposé une série de mesures pour l'implantation de programmes d'accès à l'égalité. En juin dernier, votre gouvernement annonçait enfin la tenue d'une commission parlementaire sur un projet de règlement qui fournirait les balises aux employeurs dans la mise en place de programmes d'accès à l'égalité. À notre sens, tous ces délais son inacceptables et témoignent des hésitations que le gouvernement manifeste dans ce dossier.

Nous déplorons aussi l'absence d'engagement gouvernemental pour la concrétisation des programmes d'accès à l'égalité. La FTQ est extrêmement déçue du geste qu'a posé le gouvernement en amputant de la charte québécoise le premier alinéa de l'article 86.2 qui soustrait à la réglementation tous les programmes volontaires et tous les programmes gouvernementaux. Il semble que le gouvernement ait été plus sensible aux objections du patronat qu'aux revendications du mouvement syndical et des groupes de femmes.

Notre intervention devant cette commission portera principalement sur l'implication des syndicats à toutes les étapes du programme afin de nous assurer qu'ils répondent aux attentes des travailleurs et des travailleuses.

Notre argumentation s'appuiera sur les principes suivants: Le mouvement syndical a toujours revendiqué et lutté pour la plus grande justice sociale. Notre expérience en matière de négociation a énormément contribué à réduire les inégalités en milieu de travail et a suscité des changements importants dans notre société. Comme le Code du travail reconnaît les syndicats comme partenaires sociaux pour la négociation des conditions de travail, la réglementation sur les programmes d'accès à l'égalité doit en faire autant. C'est pourquoi nous jugeons que, comme centrale syndicale, nous sommes bien placés pour revendiquer la négociation des programmes d'accès à l'égalité et nous n'acceptons pas d'être exclus d'un processus où les travailleuses et les travailleurs sont concernés au plus haut point.

Faisons l'historique de nos positions. Durant toute la période où cette consultation se faisait attendre, la FTQ n'a cessé de travailler sur le dossier des programmes d'accès à l'égalité et ses énergies ont porté spécifiquement sur les problèmes de l'accès à l'égalité pour les femmes en emploi.

Sans exclure les autres groupes cibles, nous considérons que les femmes constituent un groupe majoritairement défavorisé puisqu'elles forment la majorité de notre population et constituent plus de 40 % de la population active. À notre sens, les inclure au même titre que les autres minorités tend à cacher les problèmes spécifiques qu'elles rencontrent et les solutions qui peuvent être différentes de celles qui seraient adéquates pour les autres groupes.

De toute façon, quel que soit le groupe, les femmes en constituent une grande partie et font face à un double handicap social. Nous considérons être bien placés pour revendiquer l'accès à l'égalité dans la société en général et, plus particulièrement, en emploi.

Dès l'automne 1979, la FTQ tenait un colloque sur les femmes et le travail. Nous étions alors la seule organisation syndicale et le seul organisme au Québec à réclamer l'implantation de programmes d'accès à l'égalité volontaires et négociés là où un syndicat est présent dans le milieu de travail. À la suite de ce colloque, nous dégagions la position que nous avons défendue en 1981 lors de la commission parlementaire sur la justice alors que nous avions réclamé, et je cite: "Que la Charte des droits et libertés de la personne soit amendée de sorte que l'établissement de programmes d'action positive visant à promouvoir la main-d'oeuvre discriminée pour une période transitoire soit autorisé, comme dans la législation fédérale. Les programmes d'action positive ne devraient pas être obligatoires mais être négociés librement et appliqués conjointement avec les syndicats, là où ils sont présents."

Depuis, nous avons tenu des activités

sous diverses formes: consultations et colloques sur les programmes d'accès à l'égalité, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, et nous avons voté une déclaration de politique en congrès où nous réclamions l'obligation pour tous les employeurs de négocier les programmes d'accès à l'égalité. La FTQ n'en est donc pas à ses premières armes en cette matière et se sent prête à jouer un rôle important dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.

Le mandat de la commission. C'est sous le prétexte de favoriser une approche volontaire, assurant une soi-disant implantation plus rapide, moins bureaucratique et moins tatillonne, que le gouvernement a choisi de soustraire l'article 86.2 qui stipule que "tout programme d'accès à l'égalité doit être approuvé par la commission à moins qu'il ne soit imposé par le tribunal."

Bien que cette consultation étudie le projet de réglementation proposé par le gouvernement, nous refusons de garder le silence face à ce geste. Nous ne souscrivons pas à cette idée puisqu'il semble que l'objectif visé par le gouvernement est de multiplier l'existence de programmes d'accès à l'égalité sous quelque forme que ce soit, sans se soucier qu'ils répondent nécessairement aux attentes des travailleuses et des travailleurs.

D'autre part, il faut souligner que l'article 86.7 stipulant que, pour les programmes gouvernementaux, les articles 86.2 à 86.6 ne s'appliquent pas aux programmes visés dans le présent article, est carrément inacceptable. Le gouvernement ne donne aucune garantie qu'il assumera le respect des principes qu'il mettra de l'avant et cela constitue une exception qui va totalement à l'encontre de l'esprit de la charte. Comment ne pas douter du gouvernement quand il refuse lui-même la surveillance de la commission? Si le gouvernement refuse lui-même de donner l'exemple, comment espérer que ces programmes s'implanteront dans le secteur privé? Pour la FTQ, les programmes d'accès à l'égalité doivent être mis sur pied à tous les niveaux, y compris au sein de l'administration publique, c'est-à-dire dans tous les ministères et organismes du gouvernement.

À cet effet, nous nous interrogeons sur le sens du mot "organisme" qui apparaît à l'article 86.7 de la charte. À notre avis, il mérite d'être précisé car il laisse place à beaucoup d'ambiguïté. C'est pourquoi nous recommandons que la réglementation inclue une définition précise du mot "organisme" ainsi que la liste des organismes concernés dans une annexe au règlement.

La nécessité de reconnaître les syndicats. À l'examen des expériences tentées sur la scène fédérale, il apparaît clairement que la vaste majorité des programmes a été implantée sur une base volontaire et a été une initiative unilatérale des employeurs. Comme on pouvait s'y attendre, ces programmes ont bien peu modifié la situation qu'ils visent à corriger.

À cet égard, le rapport du juge Abella est très éloquent. Ce rapport fait état des expériences entreprises dans la fonction publique fédérale et fait le constat du peu de changements apportés par ces programmes permis par la Loi canadienne sur les droits de la personne depuis 1978. On peut citer comme exemple qu'en 1983, si 40 % des effectifs de la fonction publique fédérale étaient des femmes, elles n'occupaient que 5,4 % des postes de gestion. Par contre, 82 % des postes de soutien administratif, principalement les postes de commis, étaient occupés par des femmes. Ce qui nous amène à conclure que les employeurs ont une bien mauvaise connaissance du concept de l'action positive. On n'a qu'à regarder les formes qu'ont prises certaines initiatives au sein de quelques sociétés de la couronne: des circulaires, des directives où l'on ne retrouve bien souvent que des déclarations d'intention. Somme toute, ces programmes ont bien peu contribué à améliorer concrètement l'accès des femmes à l'emploi. (11 h 15)

À notre sens, on ne peut dissocier dans le règlement le rôle des syndicats pour chacune des phases du programme. Le contenu des programmes ne pourra se restreindre qu'à un seul aspect d'un problème qui se retrouve dans l'entreprise. Ils doivent être complets et pour cela, ils nécessitent la participation des syndicats dont le rôle fondamental est de combattre les inégalités et d'en rechercher des solutions. Nous réaffirmons la force que constitue un groupe de travailleuses et de travailleurs qui adhèrent à un syndicat. Cette force peut se manifester de différentes façons, compte tenu des réticences manifestées par l'employeur. À ce chapitre, le mouvement syndical a développé une expertise intéressante par le biais de la négociation collective afin de garantir l'amélioration réelle de la situation des travailleuses. Après tout, nos syndicats ne sont-ils pas les mieux placés pour revendiquer des changements au plan des conditions de travail, de l'organisation du travail, de l'aspect salarial et le reste? Pour nous, aucun doute ne subsiste. Il ne faut pas laisser ces programmes uniquement entre les mains des employeurs.

Nous sommes persuadés que la principale faiblesse des programmes résidera dans la marge de manoeuvre qui leur sera laissée. L'élaboration de leur contenu ne doit absolument pas être prise à la légère, d'où l'importance d'impliquer très activement les syndicats dans la réglementation et la nécessité de reconnaître à la Commission

des droits de la personne le droit d'en approuver le contenu et de surveiller l'implantation de ces derniers.

Les conditions à respecter pour l'implication des syndicats: Pour nous, il est impensable que des programmes d'accès à l'égalité s'élaborent en dehors du processus normal de négociation car ils traiteront de matières sujettes à la négociation. Des programmes négociés auraient l'avantage d'avoir fait l'objet de consultations parmi les travailleurs et les travailleuses, d'être mieux connus et mieux reçus. La procédure de griefs ou toute autre procédure de règlement similaire s'appliquerait en cas de difficulté, ce qui permettrait le règlement du problème par les parties intéressées.

C'est pourquoi les conditions suivantes doivent être respectées:

Dans tous les cas où il existe un syndicat présent dans l'entreprise, il doit être reconnu à part égale et entière pour négocier le programme.

Les syndicats doivent être impliqués dans toutes les phases du programme, y compris celle de la planification.

Il faut garantir aux syndicats le droit de négocier le contenu des programmes d'accès à l'égalité à l'intérieur des conventions collectives. ll faut permettre la création de comités d'accès à l'égalité paritaires sur les lieux de travail.

Dans ce sens, le premier article du règlement qui stipule qu'il s'applique à toute personne qui élabore, implante ou applique un programme d'accès à l'égalité sur recommandation de la commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal, nous apparaît déterminant puisqu'il indique dans quelle situation s'applique le règlement. Tel que présenté, il se limite à deux types de cas, soit: les programmes recommandés et ceux imposés par un tribunal. Nous sommes inquiètes et inquiets de la portée de ce règlement car il limite l'application des programmes. À ce chapitre, la FTQ recommande que la réglementation s'applique à toute personne qui élabore, implante, applique un programme d'accès à l'égalité, peu importe qu'il s'agisse de programmes volontaires, recommandés par la commission ou imposés par un tribunal. Dans le cas où un syndicat est en place, le règlement doit prévoir que les programmes soient obligatoirement négociés. De plus, il faudra également que le règlement inclue des dispositions pour les cas de l'administration publique, des contrats gouvernementaux donnés aux entreprises ainsi que dans le cas des subventions gouvernementales.

Nous réitérons l'importance de l'intervention de la Commission des droits de la personne sur le plan de l'approbation de tout programme d'accès à l'égalité. De plus, nous recommandons que la réglementation crée l'obligation pour tout employeur de former un comité paritaire sur l'accès à l'égalité dans chaque milieu de travail. Sa tâche consistera à élaborer le contenu du programme, à voir à son application, à l'évaluation et à la coordination. Sa composition inclura en parts égales des représentantes et représentants de l'employeur et du syndicat, ces derniers seraient choisis par la partie syndicale. Ce comité devra posséder des pouvoirs décisionnels et devra formuler des recommandations à la suite des analyses effectuées.

Les subventions et contrats gouvernementaux. Au terme d'une politique de condition préalable, il faut prévoir pour les entreprises qui obtiendront des contrats du gouvernement ainsi que celles qui recevront des subventions gouvernementales l'obligation contractuelle de se donner de véritables programmes d'accès à l'égalité. Leur contenu devrait recevoir l'approbation de la commission et satisfaire aux lignes directrices de la loi. Ces programmes devraient aussi être négociés entre les parties. La FTQ considère que l'obligation contractuelle est un bon moyen de garantir la mise en application de vrais programmes. À cet effet, nous nous interrogeons sur le fait que le gouvernement ait décidé d'appliquer les mêmes barèmes que sur le plan fédéral. Il aurait mieux valu les adapter à notre structure industrielle pour faire en sorte qu'un bon nombre de petites et moyennes entreprises soient visées. Par conséquent, nous recommandons que cette obligation s'applique à toute entreprise qui contracte avec le gouvernement et à celles qui obtiennent des subventions. Il devra s'agir des entreprises qui embauchent au moins 50 employés(es) et qui obtiennent des subventions ou contrats pour un montant minimum de 100 000 $.

Par ailleurs, sur le plan fédéral, le projet de loi en matière d'équité en emploi prévoit ce type d'obligation contractuelle. Ainsi, plusieurs entreprises présenteront des soumissions au fédéral et au provincial. Or, dans la loi fédérale, il n'est nullement défini de quels types de mesures il s'agira. Les mesures de redressement étant fondamentales dans ce type de programmes, il faudra s'assurer que les entreprises répondent aux exigences de la loi québécoise, d'où l'importance de soumettre l'obligation contractuelle à la réglementation.

Le rôle de la Commission des droits de la personne. Nous reconnaissons pleinement le rôle d'aviseur-conseil et d'organisme-ressource que représente la Commission des droits de la personne, d'autant plus que, depuis sa création, elle a développé une expertise pour reconnaître la discrimination. Nous convenons qu'il revient à cet organisme de jouer un rôle de soutien technique, de recueillir de l'information et d'en interpréter

tout son sens dans le domaine des programmes d'accès à l'égalité. De plus, nous insistons pour que la commission assume la surveillance des programmes car, sans cela, les progrès seront lents et incertains. Pour réaliser ces objectifs, nous soutenons la création d'une direction de l'accès à l'égalité en emploi au sein de la Commission des droits de la personne, qui veillera, entre autres, à approuver le contenu des programmes et à s'assurer que ceux-ci répondent aux lignes directrices de la réglementation.

Avec votre permission, M. le Président, je souhaiterais bien, à moment-ci, que Mme Marie Pinsonneault, vice-présidente de la FTQ, puisse continuer à faire la lecture de notre document. Mme Pinsonneault est aussi membre du comité de la condition féminine.

Le Préaident (M. Gagnon): Mme

Pinsonneault.

Mme Pinsonneault (Marie): Du concept à la réalité: les éléments d'un programme d'accès à l'égalité. Le contenu d'un programme est loin d'être un changement accidentel et instantané. Il doit suivre une démarche planifiée. Il doit permettre l'étude de l'identification des problèmes dans le milieu de travail et fournir les données précises pour établir les objectifs et vérifier les résultats. Cette analyse doit suivre certaines phases fondamentales qui concernent notamment la planification, l'analyse de la situation de l'emploi, la conception du programme, etc.

La partie II du règlement est directement liée à ces éléments. Nous considérons qu'elle répond sensiblement à nos attentes. Nous désirons souligner la précision des termes utilisés dans cette partie. Les commentaires qui suivent porteront sur les aspects techniques qui se retrouvent dans ce chapitre.

La discrimination systémique. Puisque les programmes d'accès à l'égalité s'attaquent à la discrimination systémique, il s'agit de rechercher les effets des pratiques d'emploi sur les femmes collectivement. Pour identifier ce type de discrimination, il faut effectuer le portrait de l'entreprise avant de définir le contenu du programme afin qu'il reflète les attentes des travailleuses et des travailleurs. De cette façon, un diagnostic pourra être posé en vertu de la réalité des inégalités et dégager des solutions pour s'en sortir.

La FTQ accueille favorablement le contenu de l'article 2 qui établit les principes de base d'un programme d'accès à l'égalité. Quant à l'article 6, il traite des effets de la discrimination systémique. Il permet d'identifier les pratiques d'emploi qui ont un caractère discriminatoire, ainsi que les obstacles qui compromettent indirectement l'accès des femmes à certains emplois.

La formulation des sujets mentionnés nous convient, car elle inclut une définition de la discrimination systémique, élément nécessaire pour identifier des solutions qui doivent être adaptées à chaque milieu de travail.

En deuxième lieu, les analyses d'effectif et de disponibilité. Certes, l'analyse du système s'effectue en relation avec une analyse d'effectif et une analyse de disponibilité. Dans ce dernier cas, nous la situons surtout par la détermination des objectifs et de l'échéancier. Nous admettons que tout exercice est nécessaire et se situe dans la phase de la planification des données où, comme on l'a souligné précédemment, les deux parties, en l'occurrence l'employeur et les syndicats, y travaillent conjointement.

Cependant, dans le cas de l'analyse de la disponibilité, nous en contestons le sens. Nous comprenons qu'il s'agit de repérer les femmes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise, qui, en raison de leur compétence, peuvent accéder à des postes ou promotions et inclure celles qui peuvent acquérir la compétence dans un délai raisonnable. Nous espérons que cette façon de procéder ne constituera pas un nouveau moyen pour l'employeur de sélectionner arbitrairement les femmes. Si cela était, nous serions obligés de nous élever contre ce moyen, car notre position vise à favoriser d'abord les femmes qui font déjà partie des effectifs de l'entreprise.

Dans le cas de l'analyse d'effectif, nous soutenons qu'elle vise à déterminer s'il y a sous-utilisation ou surreprésentation des femmes ou des autres groupes cibles dans chaque catégorie d'emplois et dans chaque service. De ce fait, nous acceptons le libellé de l'article 4. Par ailleurs, sachant que les statistiques sur chacun des groupes cibles causeront de sérieux problèmes, soit parce qu'elles ne sont pas disponibles ou difficiles à obtenir ou soit parce qu'elles n'existent pas, il faudra se donner des moyens pour faciliter cette opération. Puisqu'il s'agit d'une étape fort complexe qui exigera beaucoup de ressources humaines et financières, nous recommandons que la Commission des droits de la personne assume cette responsabilité.

Les mesures nécessaires pour corriger la discrimination. Parce que la conception du programme découlera de l'analyse de la situation de l'emploi pour les femmes dans l'entreprise, il faudra définir les mesures pour éliminer les pratiques discriminatoires identifiées. Dès lors, les objectifs et des échéanciers seront déterminés et des mécanismes de contrôle seront définis pour la surveillance des programmes.

Les articles 7 et 8 définissent les mesures d'égalité, de soutien et de redressement. La FTQ endosse la formulation de l'article 7 qui établit la nécessité d'intégrer les mesures d'égalité et de redressement à

l'intérieur d'un programme d'accès à l'égalité. La définition de ces mesures nous semble très acceptable. Dans le cas des mesures de redressement, nous apprécions la justesse des mots utilisés: "éliminer la discrimination subie par un groupe de personnes en accordant temporairement à ses membres certains avantages préférentiels".

Dans le cas de l'article 8 où il est question de mesures de soutien qui visent à faciliter la conciliation du travail rémunéré et les responsabilités familiales pour les femmes et les hommes, nous recommandons qu'elles soient obligatoires dans tout programme. Par conséquent, nous recommandons que le verbe "peut" soit remplacé par "doit" afin que tout programme inclue ces mesures. Il serait également intéressant de préciser que les mesures d'égalité des chances et de soutien constituent des mesures permanentes. De plus, nous recommandons que la liste des mesures choisies se fasse en fonction de chacun des groupes cibles et particulièrement dans le cas des mesures de redressement.

Les programmes d'accès à l'égalité sont-ils une menace à l'ancienneté? Nous aimerions ici apporter un éclairage sur le phénomène de l'ancienneté dans les conventions collectives. Nous tenons à préciser qu'il est possible d'éliminer la discrimination en négociant des programmes d'accès à l'égalité tout en ne mettant pas en péril l'ancienneté. Puisque chaque programme sera adapté à la réalité du milieu du travail, il dépendra de l'évolution de la réflexion des travailleuses et des travailleurs pour procéder à des réajustements en regard des droits liés à l'ancienneté. (11 h 30)

II est également important de signaler que nous désirons, par ce nouveau concept, renforcer les clauses pour assurer aux femmes l'accès à l'égalité. Il peut s'agir du cumul de l'ancienneté durant le congé de maternité, le congé parental qui font souvent partie des revendications qui ont été retenues dans certains cas, malgré l'opposition de l'employeur.

Sur le plan de l'embauche, est-il nécessaire de rappeler que l'ancienneté n'est jamais pertinente? Donc, l'obligation pourrait être faite à l'employeur d'embaucher des femmes sans que cela ne contrevienne en aucune façon aux principes syndicaux. Quant aux promotions, aux chances d'avancement et aux transferts, nous rappelons que les droits reliés à l'ancienneté sont aussi reliés à d'autres critères comme les exigences normales de la tâche, les exigences suffisantes ou les qualifications requises. Ces variables contribuent à définir les prérequis à l'emploi. Nous pourrions continuer dans ce sens et prendre une à une les différentes situations et démontrer toutes les possibilités qui existent sans que l'ancienneté nuise au programme d'accès à l'égalité.

Parce que les clauses d'ancienneté doivent coller à la réalité spécifique de chaque milieu de travail, il est fondamental qu'elles soient négociées. Nous avons la conviction que les clauses d'ancienneté, quelles qu'elles soient, pourront connaître des adaptations, des actualisations qui devront tenir compte des objectifs poursuivis par les programmes. Fondamentalement, il faudrait toujours que ces changements aux clauses d'ancienneté soient l'objet de négociation. Nous croyons tellement au principe de la négociation de ces clauses qu'il ne faudrait pas surtout se surprendre si nous refusions de parler du principe de ces programmes si l'accès à l'égalité apporte des modifications non négociées et arbitraires aux clauses d'ancienneté.

Les objectifs et l'échéancier. Une partie de l'article 2 et de l'article 3 traite des objectifs et de l'échéancier. Il nous apparaît fondamental que dans tout programme figurent les objectifs et les délais visant à délimiter avec précision les buts à atteindre et les moments pour leur réalisation. Nous tenons à préciser que les objectifs se retrouvent au chapitre des mesures de redressement en fonction de l'embauche, des promotions, des transferts, des programmes de formation professionnelle et de recyclage, des mises à pied et de l'insertion par groupe. Nous sommes d'avis qu'ils devront être déterminés à la lumière des analyses précédentes et devront être adaptés à la situation de chaque milieu de travail.

Par conséquent, comme l'indique le libellé de l'article 3, nous soutenons la nécessité d'inclure dans tout programme d'accès à l'égalité les objectifs et les échéanciers.

Nomination d'une personne en autorité. Le nomination d'une personne en autorité dans l'entreprise qui soit rattachée au programme est une phase essentielle. Nous recommandons que cette personne relève des plus hautes instances de l'organisation afin que l'entreprise démontre toute l'importance qu'elle accorde aux programmes d'accès à l'égalité. Cette personne doit posséder tous les pouvoirs et toutes les ressources pour assurer que les engagements de l'entreprise soient respectés. Elle devra accepter d'assister le comité paritaire dans la mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité.

Un rapport annuel à soumettre. Nous sommes d'avis que tout employeur doit soumettre à la Commission des droits de la personne un rapport annuel écrit sur les conditions générales d'emploi comparées entre femmes et hommes. Nous recommandons que son contenu comprenne les objectifs à atteindre au cours de l'année et qu'il inclue le portrait de la situation de l'emploi dans l'entreprise pour chacune des catégories d'emploi, la situation des femmes

et des hommes en matière d'embauche, de formation, de promotion, de qualification, de classification, de conditions de travail et de salaires. Les calendriers au plan de l'embauche, des promotions et des mises à pied devraient être également inclus ainsi que l'évolution du progrès et les solutions envisagées. Une copie du rapport devrait être remise à la partie syndicale. De plus, nous recommandons qu'une pénalité soit imposée à tout employeur qui omettrait de soumettre son rapport annuel. Elle devrait être d'un montant minimum de 50 000 $.

Lien avec d'autres législations. Nous nous attendons que le gouvernement intervienne par l'entremise d'autres législations afin de permettre l'établissement réel de mesures de soutien. Nous souscrivons notamment à l'implantation d'une politique de plein emploi, l'accès massif à la syndicalisation, la mise en place d'un réseau universel et gratuit de garderies, la mise en place d'un congé de maternité payé à 100 %, la définition de mesures de protection accrues pour les travailleurs et les travailleuses à temps partiel, la réduction du temps de travail, et tout le reste.

L'égalité dans les services d'éducation offerts au public. La formation constitue un élément clé pour assurer un véritable accès des femmes au marché du travail ainsi qu'à tous les emplois. Nou3 sommes inquiets et inquiètes de constater que les jeunes femmes continuent à s'orienter massivement dans quelques filières traditionnelles, filières menacées par la situation économique et par l'arrivée à de nouvelles technologies. La FTQ revendique pour les femmes un véritable accès à l'éducation qui inclut le perfectionnement, la formation professionnelle et le recyclage. Il est nécessaire d'inclure ces revendications à l'intérieur des programmes d'accès à l'égalité, soit au chapitre de l'analyse, de la disponibilité ou dans la liste des mesures d'égalité, car ni la formation ni le recyclage ne permettront d'augmenter les possibilités d'emploi des femmes si les employeurs ne sont pas disposés à les embaucher.

Concernant la désexisation de la formation professionnelle, nous sommes satisfaits et satisfaites de constater que cet aspect figure dans le règlement, puisqu'il est question du programme d'accès à l'égalité dans le domaine de l'éducation, ce qui ajoute à l'implantation des programmes d'accès à l'égalité en ce qui concerne l'emploi.

En conclusion, puisque l'égalité constitue un vieux problème, un droit collectif et non un droit individuel, il faut réussir à lui appliquer un nouveau remède qui consiste en une série de moyens touchant plusieurs aspects des conditions de travail. Ces moyens, qui peuvent sembler coercitifs pour les employeurs, sont en réalité à la source d'un nouveau dynamisme venu des femmes, de leurs entreprises. Les programmes d'accès à l'égalité auront certainement leurs limites, s'ils sont implantés unilatéralement par les employeurs sans qu'un organisme indépendant comme la Commission des droits de la personne n'intervienne, d'où l'ultime nécessité de les accompagner de l'action syndicale par l'entremise de la négociation collective, afin d'en garantir les résultats.

Nous refusons d'entrevoir l'avenir de ces programmes par des solutions partielles. Si la discrimination systémique est vraiment reconnue, nous sommes persuadés qu'il sera impensable de ne retrouver que des bribes de programmes. Il ne s'agira pas de soustraire ici et là certains changements, mais plutôt de se donner les moyens de modifier les mentalités.

La FTQ tient à rappeler à quel point elle compte sur l'adoption d'un règlement amendé qui soit le plus complet possible, afin qu'il puisse soutenir notre action syndicale et éviter toute ambiguïté à l'égard des syndicats. En ce sens, nous souhaitons que cette commission retienne nos préoccupations et les commentaires émis dans ce mémoire. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Avant de donner la parole au député de Vachon, je voudrais avertir les membres de cette commission que, compte tenu que l'on a mis quinze minutes de plus pour faire la lecture du mémoire, je devrai amputer un peu sur votre temps. M. le député de Vachon.

M. Paynes On vient tout juste de recevoir le mémoire. Il faut donc réagir assez rapidement. Je voudrais remercier la Fédération des travailleurs du Québec, M. Daoust et ses collègues, Mmes Robertson, Pinsonneault et Gingras-Larivière pour ce document qui est à la hauteur traditionnelle de vos documents devant les nombreuses commissions où vous avez été présents depuis des années.

Vous parlez de plusieurs principes dont ont a discuté depuis une semaine, notamment de l'appui au principe, par exemple, de l'obligation contractuelle. Vous dites que cela devrait être quelque chose de vigoureux comme exigence de la part du gouvernement.

Vous soulignez beaucoup - cela va de soi - la reconnaissance nécessaire du rôle que le syndicat a à jouer. Je pense que c'est évident pour toute personne que, si les syndicats québécois n'étaient pas présents comme partenaires actifs, toute tentative d'adopter des mesures d'égalité de chances ou des mesures de redressement aboutirait rapidement à un échec lamentable. Vous mettez une certaine emphase sur la nécessité au moins temporaire de certains avantages préférentiels et vous abordez la

problématique posée par les objectifs, les échéanciers et la nécessité de se donner ces deux moyens pour atteindre les objectifs du règlement.

J'aurais une question à poser à M. Daoust, peut-être. J'ai été très intéressé par votre argumentation particulièrement en ce qui concerne votre disponibilité en matière d'ancienneté. Je pense que c'est aux pages 17 et 18, n'est-ce pas?

Mme Pinsonneault: C'est cela, pages 17 et 18.

M. Payne: Votre disponibilité à discuter du principe de l'ancienneté est d'ailleurs remarquable. J'oublie comment vous l'expliquiez. Sur le plan de l'embauche, l'ancienneté n'est jamais pertinente, donc, l'obligation pourrait être faite à l'employé d'embaucher des femmes sans que cela ne contrevienne en aucune façon aux principes syndicaux. On peut bien comprendre mais peut-être qu'on n'aborde pas un certain nombre de problèmes. Par exemple, si une entreprise vit une période de récession, si c'est plutôt une question de mise à pied qu'une question d'affectation ou d'embauche de nouveaux travailleurs, malgré votre ouverture qui, bien sûr, est très louable, de remettre en question le principe de l'ancienneté ou de le définir d'une manière plus sophistiquée, est-ce que vous pensez pouvoir, par exemple, contenir une situation là où il y aurait beaucoup plus de femmes en bas de l'échelle, comme parfois les femmes immigrantes qui travaillent dans le secteur manufacturier seraient les premières à être mises à pied? Comment pouvez-vous façonner un modèle qui ferait en sorte que vous puissiez privilégier les femmes immigrantes afin qu'elles puissent bénéficier des avantages du règlement?

Le Président (M. Gagnon): M. Daoust.

M. Payne: Est-ce que je me suis bien expliqué?

M. Daoust: Oui, c'est très bien. Je ne veux pas reprendre et citer de nouveau le texte mais je voudrais l'expliquer un peu. À la page 18, nous mentionnons que les clauses d'ancienneté, quelles qu'elles soient, pourront et devront connaître des adaptations et des "actualisations" qui devront tenir compte des objectifs poursuivis par les programmes d'accès à l'égalité. C'est un des problèmes les plus complexes qu'on puisse imaginer, celui que vous soulevez et que nous abordons, que nous étudions depuis déjà un bout de temps. Un colloque de la FTQ sur le sujet l'abordait, colloque auquel participaient tout près de 500 délégués. Nous l'aborderons de nouveau ce sujet au prochain congrès de la FTQ. Mais au-delà des discussions à l'intérieur du mouvement syndical, votre question et la façon de la résoudre justifient, à mon sens, plus qu'amplement mais substantiellement et fondamentalement la nécessité d'impliquer les syndicats dans tout le processus des programmes d'accès à l'égalité. Ce n'est pas une implication théorique que nous souhaitons. Nous savons d'expérience que des évolutions dans les mentalités sont et seront indispensables pour permettre aux femmes d'avoir accès à des postes en milieu de travail et que d'impliquer le syndicat, ce n'est pas de façon formelle mais c'est de l'impliquer dans toutes ses structures, dans toute sa vie, dans ses assemblées syndicales alors que des sujets comme celui que vous soulevez devront être abordés. C'est entendu qu'il y aura des "actualisations" qui seront essentielles. Au dernier colloque, on a parlé de ce principe que le dernier arrivé doit être le premier mis à pied. (11 h 45)

Inévitablement dans une conjoncture de crise économique, de difficultés économiques, d'emplois qui se perdent et qui se créent, il faut être conscients que cela arrive. Des fermetures d'usines, des licenciements collectifs, des mises à pied temporaires ou permanentes, c'est vécu de façon substantielle et dramatique par l'ensemble des syndicats. Nous disions qu'il va falloir essayer de trouver des façons fort équitables de résoudre ces problèmes. Ce que je vous dis à ce moment, ce sont un peu des généralités et des principes de base. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. L'ancienneté pour le mouvement syndical, c'est quasiment aussi vieux sinon plus vieux que le mouvement syndical. L'ancienneté, c'est l'objet de négociations. Chaque usine, chaque milieu de travail connaît des clauses d'ancienneté; elles sont variables quasiment à l'infini, mais on y retrouve fondamentalement toujours les mêmes principes: la durée de service, les exigences des tâches, les compétences des travailleurs. C'est par l'ancienneté - c'est historique à l'intérieur du mouvement syndical - que l'arbitraire patronal, fatalement, parce que c'est lui qui prend les décisions, le favoritisme là où il n'y a pas de syndicat et qui fait que les gens peuvent à l'intérieur d'une entreprise connaître toutes sortes de mouvements sans qu'on tienne compte de leur durée de service.

Là, où il n'y a pas de syndicat, c'est une source, il faut bien le reconnaître, de frustrations, de favoritisme, de paternalisme et d'injustice. Les syndicats se sont donné des clauses d'ancienneté. Depuis toujours, elles sont séculaires, elles sont modifiées de temps à autre, compte tenu des circonstances et il y a des grands principes qui s'en dégagent. Les promotions sont données aux plus anciens ou aux plus anciennes. Les mises à pied affectent les

travailleurs les plus jeunes dans l'entreprise quels qu'ils soient. C'est eux qui doivent malheureusement, connaître les licenciements.

Je pense que c'est un problème qui va exiger, chez nous - on n'en a pas de solution immédiate - un effort de compréhension, de sensibilisation et d'évolution des mentalités. On ne le surmontera pas facilement. Je ne veux pas mettre un baume sur un problème complexe comme celui-là et vous dires Oui, quand il y aura des mises à pied, s'il y a des gens qui sont plus jeunes et qui sont là parce qu'il y a eu des programmes d'accès à l'égalité, ils resteront à l'emploi, alors que les plus âgés, hommes ou femmes, devront quitter l'entreprise. Je pense que ce n'est pas dans l'immédiat qu'on connaîtra cela. Ce ne le sera peut-être pas, même, à moyen terme. Il y a peut-être d'autres moyens que de pénaliser un travailleur qui détient un emploi - là, cela devient un individu, ce n'est pas un groupe collectivement - de le pénaliser, lui, et de lui faire porter le fardeau de toute la société et de lui dire: Bien, tu vas payer d'un emploi que tu as et qui connaît une certaine stabilité avec toutes les faiblesses que cela représente et tu vas céder l'emploi que tu détiens depuis plus ou moins 4, 5, 6, 7 ans, peu importe, pour permettre à quelqu'un d'avoir accès à un emploi qui, lui, son groupe, a fait l'objet de discrimination. Là, on provoque des luttes, des tensions, des dislocations inouïes à l'intérieur des groupes qui ne nous permettraient peut-être pas d'atteindre les fins pour lesquelles on souhaite l'instauration de programmes d'accès à l'égalité.

En d'autres mots, est-ce que c'est une personne, individuellement, qui doit assumer le coût, le fardeau, d'une politique de discrimination systémique, d'une politique dont la société de façon générale, puis souvent les employeurs de façon particulière, sont responsables en disant à cette personne-là: Vous prenez la porte. Vous avez peut-être l'ancienneté, mais les programmes d'accès à l'égalité font qu'il faut garder les gens plus jeunes que vous?

C'est un problème complexe, mais il ne faut pas l'écarter, il faut l'aborder de front. On l'a déjà abordé quelque peu et on en connaît les limites et les difficultés. Cela n'exclut pas les changements de mentalité, les adaptations dans certains cas et des actualisations. Je pense que pour répondre très précisément à votre question, c'est un des problèmes les plus douloureux à résoudre qu'on va connaître dans notre milieu. Si on veut que les programmes d'accès à l'égalité...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse M. Daoust. Je voudrais juste vous demander de raccourcir un peu parce que je sais que le député de Vachon aurait une autre question à poser et qu'il reste peu de temps. M. Daoust: Je m'excuse.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous pouvez conclure?

M. Daoust: Je vous disais que je pourrais vous donner aux autres questions, les moyens qu'on a envisagés à l'égard de l'ancienneté. Si le problème des mises à pied est complexe, il y a d'autres cas où l'ancienneté pourrait être actualisée. Par exemple, la comptabilisation des congés de maladie et des congés de maternité. Il y a un tas de formules comme cela qui feraient en sorte que les gens ne paient pas, parce que, dans ce cas, ce sont des femmes et qu'elles doivent prendre des congés qui découlent de leur état de femme.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Mon temps est limité, si je comprends. J'ai bien apprécié votre réplique, parce que cela confirme ce que je vous disais tout à l'heure, soit une grande ouverture qui est nécessaire à cet égard.

Je voudrais aborder un petit paragraphe en bas de la page 18, où vous dites: "Nous croyons tellement au principe de la négociation de ces clauses, qu'il ne faudrait pas se surprendre si nous refusions de parler du principe de ces programmes si l'accès à l'égalité apporte des modifications non négociées et arbitraires aux clauses d'ancienneté."

Est-ce que cette position, qui est importante, pourrait compromettre le mouvement vers la reconnaissance ou l'application des programmes d'accès à l'égalité, selon vous?

M. Daoust: Encore une fois, on revient au point de départ. Quant à nous, dans la mesure où c'est négocié, cela implique qu'il y a deux parties qui tombent d'accord sur le contenu d'un programme d'accès à l'égalité. C'est négocié, donc, démocratiquement, c'est accepté en assemblée générale, il se dégage une majorité pour et on surmonte les difficultés.

Mais de se voir imposer des programmes d'accès à l'égalité sans qu'il y ait une négociation et une participation syndicale, programmes, qui, à leur tour, pourraient mettre en danger les clauses d'ancienneté, cela provoquerait sans aucun doute - encore une fois, on ne peut s'en cacher - à l'intérieur du mouvement syndical des perturbations inouïes et des blocages difficilement surmontables. C'est pour cela que nous nous prévenons et nous vous prévenons que c'est un problème avec lequel il ne faudra pas commettre des erreurs

irréparables par la suite.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants de la FTQ de leur mémoire fort intéressant. J'aimerais vous poser une question en ce qui concerne la capacité des entreprises de financer de tels programmes d'accès à l'égalité, parce que nous avons entendu les représentants du patronat et j'ai eu l'impression qu'ils craignent que ce sera difficile de financer les programmes d'accès à l'égalité, surtout dans les PME.

Vous insistez pour qu'il y ait des programmes d'accès à l'égalité dans les PME. Comment voyez-vous ce problème? Parce qu'on ne veut pas mettre qui que ce soit en faillite, cela va de soi.

M. Daoust: Malheureusement, je n'ai pas l'article devant moi, mais je vais vous l'envoyer parce qu'il me semble fort important dans le débat. Si je me souviens bien, c'est un article écrit dans le journal Fortune, j'en suis sûr, du 15 novembre, je crois, fort intéressant...

M. Marx: Oui, nous en avons reçu des copies.

M. Daoust: ...où on voit le patronat américain, dont on dit toutes sortes de choses plus ou moins heureuses, de temps à autre, qui manifeste dans ce domaine un dynamisme, une ouverture d'esprit qui rafraîchit ceux qui ont lu l'article quand on le compare au patronat québécois. On voit que l'immense majorité de ceux qui sont intervenus, dans cet article, par des programmes d'accès à l'égalité, "affirmative action" aux États-Unis, les considèrent comme des choses qui sont là pour rester, indépendamment des tendances du président américain de vouloir atténuer la portée de ces programmes.

Les entreprises disent: Cela fait maintenant partie de la culture de nos entreprises et c'est productif. Il y a un élément de productivité et cela évite des tensions, c'est extrêmement bon. Les entreprises, dans une très forte proportion, disent: C'est même rentable - si je me souviens bien - puisque cela permet, je ne sais trop, d'éviter des conflits sociaux et permet aux gens d'identifier les consommateurs - cela aussi m'a frappé - qui vont acheter des produits d'entreprises où il y a des programmes d'accès à l'égalité, reviens aux PME. Évidement chacun, et à la mesure de sa taille, n'aura pas les mêmes exigences, je pense bien, dans de grandes entreprises comme Alcan, IBM ou General Motors que pour une toute petite entreprise de quelques dizaines d'employés. Mais ce ne sont pas des coûts inouïs non plus que de se donner un programme d'accès à l'égalité. J'ai à la mémoire les programmes sur la francisation des entreprises au Québec. Je pense bien que la preuve est de plus en plus faite que c'est rentable en dépit des hauts cris qu'on a entendus dans certains milieux. C'est rentable. On ne voit pas que les entreprises puissent se servir de cela comme d'une espèce d'épouvantail et dire: Écoutez, ne nous touchez pas, on n'en a pas les moyens. Je pense qu'elles en ont les moyens et ce ne sera pas terriblement coûteux.

M. Marx: Juste une deuxième question. Les représentants du patronat font la distinction entre les multinationales dont on parle dans le journal Fortune et les PME du Québec. Les multinationales, c'est une autre paire de manches et nous avons ici des multinationales. En parlant d'un échéancier pour la mise en place de ces programmes, vous voulez que ce soit la Commission des droits de la personne qui ait la surveillance de tous ces programmes. La Commission des droits de la personne est un service d'environ 30 à 40 personnes. Il serait peut-être impossible de surveiller tout le monde tout de suite. Je me demande si ce serait mieux de commencer avec les multinationales, avec les grosses compagnies et, par la suite, d'introduire des programmes dans les PME. Il faut commencer quelque part. Est-ce qu'on commence avec Alcan et General Motors ou si on commence avec une petite entreprise dans la Beauce. On peut demander à tout le monde de commencer à avoir des programmes, mais on va mettre l'accent, en ce qui concerne la surveillance, sur les grosses compagnies au début.

M. Daoust: Notre choix, à nous, ce serait un programme d'application universelle, sans aucun doute. Les échéanciers vont varier selon le résultat des négociations dans chacune des entreprises. Il est entendu que, compte tenu de la complexité des problèmes... Encore une fois, c'est plus compliqué de faire l'analyse de la réalité des problèmes de discrimination à l'intérieur d'une très grande entreprise que d'une toute petite entreprise de 40, 50 ou 60 personnes. Mais on souhaiterait vraiment une application universelle et qu'il n'y ait pas de secteurs isolés, des espèces de ghettos. Ce serait mauvais pour l'évolution des mentalités parce que c'est un programme qui va s'adresser à l'évolution des mentalités.

Je vais prendre juste une minute parce que je trouve important - on ne l'a peut-être pas souligné dans notre mémoire - que les organismes, les syndicats - les employeurs parleront pour eux, et ils le font bien -soient dotés de moyens adéquats pour faire toutes les tâches qui vont découler de leur

implication dans un tel projet de société. C'est bien beau d'avoir la Commission des droits de la personne avec tout ce qu'elle peut avoir de personnel et de fonds, mais on a toujours été en faveur... Je veux faire une analogie très rapide entre les programmes et les comités de francisation où on a constaté des lacunes parce que les centrales syndicales n'étaient pas équipées financièrement pour encadrer adéquatement les membres syndicaux des comités de francisation. Cela requiert des fonds inouïs. On ne vient pas quémander quoi que ce soit, mais on se dit que les pouvoirs publics, le gouvernement, dans un projet comme celui-là, devrait doter les centrales syndicales de moyens financiers adéquats pour leur permettre d'assumer leur rôle à l'intérieur de ces programmes d'accès à l'égalité.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. M. Daoust, j'aimerais revenir à la page 5 de votre mémoire, à la citation qui se lit comme suit: "Les programmes d'action positive ne devraient pas être obligatoires mais être négociés librement et appliqués conjointement avec les syndicats là où ils sont présents."

Vous avez fait état tout à l'heure des difficultés d'application que pouvaient représenter les règlements en raison d'acquis qui ont été négociés et obtenus, finalement, par des luttes très serrées menées par les syndicats. On parle, bien sûr, de la clause d'ancienneté et de bien d'autres clauses que l'on pourrait nommer, où il y aura sûrement également, comme vous l'avez dit, des débats très virils pour que cela cède quelque part si on veut faire un petit bout de chemin.

La majorité des entreprises n'étant pas syndiquées, comment voyez-vous l'application de ces normes? Il ne faut pas oublier non plus que parmi les groupes cibles - on a parlé uniquement des femmes ensemble, ce matin, ici - il y a aussi les communautés culturelles et les personnes handicapées qui sont visées par tout cela et qui espèrent bien, elles aussi, pouvoir trouver leur place. Comment voyez-vous la mise en place des règlements et leur surveillance?

M. Daoust: Beaucoup plus loin, à la fin du mémoire, on parle de l'accès au syndicalisme. La situation idéale serait un taux de syndicalisation un peu comme celui que l'on retrouve dans certains pays comme la Suède et d'autres pays. Mais disons que ce n'est pas un objectif que nous repoussons. Loin de là, nous le souhaitons et l'appelons de tous nos voeux.

Pour être plus précis et concret, il est vrai qu'il y a un tas d'entreprises au Québec qui ne connaissent pas de syndicat. Je fais encore une analogie avec la Charte de la langue française. Il y a des comités de francisation dans toutes les entreprises qui ont 100 travailleurs ou travailleuses et plus, au sein desquels - comités de francisation -on retrouve le tiers des membres, un minimum de deux personnes, qui représentent les travailleurs et les travailleuses. Quand il n'y a pas de syndicat, elles sont élues par l'ensemble du groupe. On pourrait imaginer la même chose à l'intérieur des entreprises où il n'y a pas de syndicat. On pourrait prévoir une intervention, l'obligation de négocier, avec les travailleurs et les travailleuses qui se retrouvent dans l'usine, les programmes d'accès à l'égalité qui, eux, devront faire l'objet d'une approbation de la part de la Commission des droits de la personne.

Sans aucun doute, on pourrait en faire la démonstration beaucoup plus facilement. Là où il n'y a pas de syndicat, j'ai l'impression que la véritable négociation de programmes d'accès à l'égalité serait un peu plus aléatoire, un peu plus douteuse dans ses résultats que là où il y a des syndicats, mais il ne s'agit pas de priver quelque citoyen et citoyenne que ce soit, les travailleurs et travailleuses dans différents milieux de travail, de pouvoir négocier avec le porte-parole de l'employeur ou l'employeur lui-même les programmes d'accès à l'égalité. C'est une invitation aux gens qui ne sont pas syndiqués à se syndiquer. On le fait aussi dans le domaine de la santé et de la sécurité. Il y a des comités paritaires de santé et de sécurité là où il n'y a pas de syndicat.

La Charte de la langue française, j'en ai parlé fort rapidement. Cela roule tant bien que mal dans ce cas mais, au moins, personne n'est privé de ses droits. Là où il y a des syndicats, ce serait beaucoup plus évident, beaucoup plus percutant et beaucoup plus concluant sur le plan des négociations qui se feraient entre l'employeur et le syndicat.

Mme Saint-Amand: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse, j'ai un rôle qui n'est pas facile à jouer, celui de devoir couper la parole à peu près à tout le monde. J'ai l'impression qu'on aurait pu vous garder deux heures très facilement. Je vous remercie, M. Daoust, ainsi que tous les autres représentants de la Fédération des travailleurs du Québec, pour ce mémoire extrêmement intéressant.

Je demande maintenant à Mme Ginette Legault, chercheur en sciences politiques, de prendre place. Je suspends les travaux non pas pour cinq minutes, mais pour deux minutes; ne vous éloignez pas.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 12 h 10)

Mme Ginette Legault

Le Président (M. Gagnon): Avant de vous céder la parole, Mme Legault, je voudrais demander aux membres de la commission s'ils sont d'accord pour que l'on poursuive, immédiatement après l'audition du mémoire de Mme Legault, avec le mémoire de la Commission des droits de la personne, ce qui veut dire qu'on prolongerait après 13 heures.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Dussault: II y a deux personnes qui viennent à titre personnel.

Le Président (M. Gagnon): Voilà! Il y aurait éventuellement M. Lofti qui ne sera pas ici avant 15 heures. C'est cela? On ne pourra pas l'entendre avant 15 heures, mais on passerait, immédiatement après, la Commission des droits de la personne du Québec.

M. Dussault: Consentement.

Le Président (M. Gagnon): En vous souhaitant la bienvenue, je n'ai peut-être pas à vous répéter ce que j'ai dit à tout le monde: on consacre environ 55 minutes à votre mémoire, soit 20 minutes pour sa présentation et 35 minutes d'échanges de propos avec les membres de la commission.

Je vous cède la parole immédiatement.

Mme Legault (Ginette): Merci, M. le Président. Si vous le permettez, d'abord, un mot pour excuser l'absence de ma collègue, Mme Évelyne Tardy, qui est présentement retenue à l'extérieur du Québec. Bien que nous ayons rédigé conjointement le présent mémoire, je le présenterai seule.

Chercheurs et professeurs en sciences politiques à l'Université du Québec à Montréal, c'est à divers titres que nous voulions faire part de nos avis sur les programmes d'accès à l'égalité et sur le présent projet de règlement. D'abord, d'un point de vue strictement académique, nous avons toutes les deux contribué à mettre sur pied... ou encore nous avons participé à divers cours, conférences et recherches portant sur le sujet. Nos thèses de doctorat ont porté, pour l'une sur l'emploi et le chômage des femmes, pour l'autre sur les enjeux politiques des programmes d'accès à l'égalité au Québec et au Canada, thèse qui est actuellement en cours.

Au plan professionnel, notre contribution récente aux travaux de la commission consultative sur le travail, la commission Beaudry, nous a donné l'occasion de mener une recherche exploratoire et une enquête auprès des différents partenaires socio-économiques impliqués dans l'accès à l'égalité au Québec et au Canada. À ce propos, je voudrais signaler aux membres de cette commission que l'essentiel de l'argumentation qui sous-tend les avis contenus dans notre mémoire se retrouve dans un rapport de recherche que nous avons déposé en juin dernier à la commission Beaudry. Nous vous invitons à y référer pour une argumentation un peu plus étoffée que celle que nous soumettons dans le document que vous avez en main.

Nos travaux d'analyse et de synthèse nous ont permis de saisir toute l'importance des programmes d'accès à l'égalité dans les secteurs de l'emploi et de l'éducation comme outils de rattrapage et de promotion pour les femmes, mais aussi pour les autres groupes cibles, et également comme moteurs d'innovation dans la gestion des ressources humaines au Québec et ailleurs. Entre autres, des entrevues avec des représentants et représentantes de l'entreprise au Québec, avec des conseillers et conseillères en gestion des ressources humaines, avec des officiers syndicaux, avec des groupes de femmes, avec des représentants des gouvernements du Québec et du Canada ont confirmé à nos yeux la nécessité d'assortir les programmes d'accès à l'égalité de normes et de mesures précises pour les rendre rentables et efficaces; efficaces pour les groupes cibles, mais aussi pour les employeurs dans la gestion interne.

Nous croyons à cet égard que le projet de règlement actuellement à l'étude peut contribuer efficacement à la fois à l'amélioration de la situation réelle des femmes sur le marché du travail - également des groupes cibles - mais aussi à une rentabilité accrue dans la gestion des ressources humaines dans les entreprises au Québec. En effet, les entreprises - elles nous l'ont, d'ailleurs, dit lors des entrevues -verront très vite les bénéfices qu'elles peuvent retirer des programmes d'accès à l'égalité: accroissement de la productivité, de la compétitivité, acessibilité à une main-d'oeuvre plus diversifiée, modernisation de leur gestion et le reste.

Avant de passer à l'étude du projet de règlement proprement dit, si vous me le permettez, j'aimerais vous faire part de nos commentaires sur un certain nombre de mesures et de conditions à l'atteinte des objectifs d'égalité et d'innovation, mesures qui devraient accompagner ce projet de règlement, selon nous.

L'ex-ministre de la Justice du Québec annonçait, en mai dernier, les grandes lignes d'un plan d'action gouvernemental en matière

d'accès à l'égalité: programmes d'accès à l'égalité dans la fonction publique, obligation contractuelle, comité aviseur, soutien aux institutions publiques, pairage avec des entreprises françaises et fonds d'aide. Réjouissant en soi, ce plan d'action ne semble pas toutefois, jusqu'à présent, s'inscrire dans le cadre d'une politique globale de mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité. La série de mesures annoncées comporte, en effet, un certain nombre d'imprécisions quant aux modalités d'application. C'est particulièrement le cas de l'obligation contractuelle, mesure qui demeure très importante si l'on se fie toujours à l'expérience américaine. Pierre angulaire d'une politique globale de mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité, cette mesure ne pourra pourtant être efficace qu'à la condition qu'elle soit assortie d'une série de modalités précises faisant foi d'une réelle volonté politique.

Pour ce faire, nous croyons qu'il faut d'abord et avant tout se donner une législation précise en ce sens. À cet effet, nous croyons, à l'instar de plusieurs groupes que vous avez entendus depuis trois jours, que le contenu du projet de règlement actuel devrait être minimalement respecté. Par ailleurs, un amendement ou un règlement afférent à une loi existante, par exemple à la Loi sur l'administration financière du Québec qui fixe actuellement les normes en ce qui concerne les contrats entre le gouvernement du Québec et les fournisseurs de biens, pourrait également fixer l'ensemble des modalités à prévoir.

Toujours en ce qui concerne l'obligation contractuelle, nous nous interrogeons aussi sur la pertinence d'appliquer au Québec les mêmes critères qu'au niveau fédéral pour identifier les entreprises contractantes. L'obligation contractuelle sera d'autant plus efficace qu'elle touchera le plus d'entreprises possible. Quel serait le nombre d'entreprises touchées si on diminuait le montant du contrat à 100 000 $ ou à 50 000 $, surtout lorsqu'on sait qu'aux États-Unis cette mesure a été imposée à partir d'un plancher de 50 000 $?

Un autre point dont il faudrait aussi tenir compte, c'est le nombre total de fournisseurs et d'employés touchés. Pour vous donner un seul exemple, nos recherches à partir de la liste des fournisseurs de biens du gouvernement du Québec provenant du Service des achats du Conseil du trésor établit, pour l'année 1983-1984, en ce qui concerne les contrats de 200 000 $ et plus, un total de 247 contrats, mais seulement 117 fournisseurs différents. Aussi, le fédéral a fixé son barème à 200 000 $, soit environ 100 entreprises pour un total de 300 000 employés. Le nombre total d'entreprises qui ont passé un contrat avec le gouvernement fédéral, en 1980, s'élevait, par ailleurs, à près de 30 000 pour un total de 6 500 000 000 $. Or, les entreprises contractant pour 200 000 $ et plus représentaient précisément 75 % des 6 500 000 000 $ déboursés.

On peut donc s'étonner de la proposition du gouvernement du Québec selon laquelle on avançait, en mai dernier, le chiffre de 355 entreprises contractant avec le gouvernement pour un montant supérieur à 200 000 $ et ayant plus de 100 employés. Non pas que ce chiffre soit invraisemblable en soi, mais, pour nous convaincre du sérieux de ces chiffres, il aurait été utile de révéler le montant total des contrats gouvernementaux, de même que le pourcentage que ces entreprises représentaient du montant total octroyé et, enfin, si possible, le nombre approximatif d'employés touchés. Concernant les chiffres qui ont été avancés jusqu'à présent et qui le seront dans l'avenir, il faudrait aussi prendre soin, comme l'a souligné hier le Conseil du statut de la femme, de spécifier s'il s'agit uniquement d'entreprises privées ou d'entreprises ou d'organismes subventionnés et si les entreprises de construction sont exclues.

Toujours en regard de l'obligation contractuelle, nos interrogations portent aussi sur le type d'évaluation qui sera prévu pour cette mesure. Qui en aura la responsabilité et à partir de quels critères? Quelles pénalités seront prévues s'il y a non respect du règlement, de la loi ou du décret? Quelles informations précises les entreprises devront-elles fournir? À ce sujet, je vous réfère à l'annexe 1 de notre mémoire, aux pages 17 et suivantes: il s'agit d'une grille d'évaluation tirée du rapport Abella qui pourrait, selon nous, être appliquée ici. En l'allégeant un peu, nous croyons qu'elle pourrait servir au gouvernement du Québec pour vérifier si, oui ou non, il y a discrimination dans l'entreprise. Enfin, une dernière question: Par qui, comment et quand seront recueillies les informations demandées?

Bref, plusieurs inconnus ne nous permettent pas de juger de la valeur réelle des propositions gouvernementales en ce qui concerne l'obligation contractuelle. Nous osons espérer que, d'ici peu, dès la fin des audiences de cette commission, le gouvernement actuel ou le prochain aura des réponses à ces questions et enclenchera la mise en vigueur de cette mesure très importante.

Juste avant de passer à l'étude du projet de règlement, j'aimerais aussi suggérer, comme l'ont fait plusieurs autres intervenants et intervenantes, de revoir la composition du comité aviseur. Il nous paraîtrait tout à fait équitable que les femmes non syndiquées se retrouvent en aussi grand nombre que les autres représentants à cette table. À titre d'organismes consultatifs, le Conseil du

statut de la femme et la Commission des droits de la personne pourraient aussi s'y retrouver.

Je passe à l'étude du projet de règlement comme tel. En ce qui concerne l'article 1, de toute évidence, le ministère de la Justice a voulu, cette fois-ci, réduire la portée du règlement. Nous savons, par ailleurs, que le gouvernement du Québec a déjà annoncé son intention de ne pas mettre en vigueur la loi 86 dans son intégralité. Le premier alinéa de l'article 86.2 prévoyant l'approbation préalable de la Commission des droits de la personne n'a pas été retenu. Or, à notre avis, cela ne justifie pas le ministère de restreindre la portée du règlement comme telle. En effet, celui-ci pourrait être respecté en tout point dans le cas des programmes volontaires, des programmes de la fonction publique et des institutions publiques, de même que dans le cas de l'obligation contractuelle...

Même si l'article 1 vise essentiellement à libérer les entreprises du contrôle a priori de la commission des droits, cela ne devrait pas empêcher le respect du règlement par tous les employeurs, car il ne faut pas oublier que ce règlement lui servira de guide, de balise lors de ses enquêtes. Or, les entreprises ont avantage à mettre en place des programmes volontaires qui soient déjà respectueux, sinon de la lettre, du moins de l'esprit de ce règlement si elles veulent éviter que la commission des droits n'exige d'elles des modifications par la suite.

Comme le disait hier, Mme McKenzie, du Conseil du statut de la femme, il s'agit là de protéger les entreprises contre le contrôle a posteriori. Il s'agit aussi d'établir certains barèmes de qualité, de permettre des comparaisons entre les entreprises et, enfin, de se donner dès le départ les outils et les éléments de solution à la mesure de l'ampleur des problèmes de discrimination décelés dans l'entreprise, bref d'éviter l'éventualité du dépôt d'une plainte d'employé.

En ce qui concerne les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, nous croyons que toutes ces mesures sont indispensables à la mise en oeuvre de véritables programmes d'accès à l'égalité. Nous appuyons donc leur adoption.

Par contre, en ce qui concerne l'article 5, nous sommes d'accord avec la définition qui est donnée de l'analyse de disponibilité, sauf qu'en ce qui regarde l'analyse faite à l'extérieur de l'entreprise nous croyons qu'il serait utile, en raison des frais encourus, que cette responsabilité revienne au gouvernement. Celui-ci pourrait simplement fournir les résultats aux entreprises intéressées. Cette responsabilité pourrait revenir à la commission des droits et/ou au Bureau de la statistique du Québec. Elle n'imposerait pas ainsi la création d'une nouvelle structure gouvernementale ni, probablement, l'embauche de personnel nouveau. À cet effet, nous produisons en annexe de notre mémoire, annexe II, des exemples de formulaires qui existent déjà et qui sont utilisés par le Bureau de la statistique du Québec, formulaires qu'il s'agirait simplement de compléter ou de modifier légèrement pour obtenir toutes les informations nécessaires.

Quant à l'article 9, nous nous réjouissons du contenu de cet article à condition toutefois que l'employeur s'engage aussi à faire part à ses employés de l'ensemble des mesures qu'il aura décidé d'appliquer par le biais de l'article 2, c'est-à-dire les objectifs, les mesures, l'échéancier et les mécanismes de contrôle. Encore une fois ici les expériences américaines ont démontré toute l'importance d'impliquer, d'intéresser les employés aux programmes mis en place dans leur entreprise. Cela a eu pour effet le plus souvent aux États-Unis de motiver et d'encourager une plus grande harmonie dans les relations du travail.

En ce qui concerne l'article 10, nous croyons que le contenu de cet article est très important. D'ailleurs, les échanges des derniers jours ici même l'ont démontré. Aussi, à l'instar de la commission Abella, nous souhaitons qu'un autre article ou un alinéa précise également la nécessité de créer, dans les entreprises où existent déjà un ou des syndicats, un comité tripartite qui verrait à assister l'employé en autorité. Ce comité serait composé de représentants et représentantes de la partie patronale, des unités syndicales et des femmes employées ou autres groupes cibles.

Toutefois, à la différence du rapport Abella et de la position de certains groupes que vous avez rencontrés depuis trois jours, nous pensons que ce comité ne devrait avoir droit de regard que sur les éléments qui touchent l'application de la ou des conventions collectives en vigueur dans l'entreprise sans empiéter sur les droits de gérance de l'entreprise. Il s'agit ici essentiellement de préserver la culture organisationnelle ou corporative de l'entreprise et d'encourager par le fait même l'initiative de celle-ci. Le comité tripartite, qui serait consultatif, veillerait surtout à coordonner et à évaluer périodiquement les mesures de mise en application du programme. Là où il n'existe pas de syndicat, il faudrait constituer le même comité, mais avec des représentantes des employés seulement. Et dans les entreprises où il n'y a pas ou peu de femmes - ce qui est le cas dans une très grande proportion d'entreprises au Québec - il faudrait peut-être avoir recours à l'expertise des représentantes de certains groupes de femmes au Québec qui siégeraient au comité consultatif.

En ce qui concerne l'article 11, nous appuyons l'adoption de cet article également, mais en y ajoutant, toutefois, un cinquième

point, soit l'obligation pour les employeurs de faire part de leurs données, c'est-à-dire d'inclure certaines statistiques de main-d'oeuvre, par exemple, des données annuelles sur les taux d'activité de leur main-d'oeuvre par sexe, par catégorie professionnelle, quartile salarial et échelle salariale. Ces données devraient aussi inclure la proportion de femmes dans l'embauche, les promotions, les départs, les mises à pied, le travail à temps partiel, le travail par contrat, les groupes d'étude ou comités, en formation ou en congé d'étude.

Ces informations, qui seraient fournies à l'aide d'un formulaire unique émis par le BSQ ou la commission des droits ou ensemble, permettraient ensuite à la Commission des droits de la personne d'évaluer, sur une base comparative, si les pratiques de l'entreprise sont discriminatoires. Par ailleurs, la Commission des droits de la personne déposerait à son tour un rapport annuel à l'Assemblée nationale faisant état des données fournies par l'entreprise touchée et des résultats constatés. Je porte à votre attention, d'ailleurs, une annexe qui paraît dans le rapport Crump aux États-Unis où paraît effectivement une copie d'un formulaire que les entreprises pourraient remplir ici au Québec, qui existe déjà aux États-Unis, un formulaire très simple qui n'a que quatre pages. Cela pourrait être un exemple à donner, à vérifier pour ce formulaire unique ici au Québec.

Le gouvernement pourrait, à partir de ces données, faire connaître, sur une période de cinq ans, la ou les entreprises assujetties à l'article 1 du présent règlement qui ont le mieux performé dans la mise en place de leur programme. Cela aurait pour effet de créer une certaine stimulation et même une émulation entre les entreprises. La Commission des droits de la personne ou le gouvernement du Québec pourraient même identifier et honorer publiquement l'entreprise qui se serait particulièrement distinguée à l'égard des programmes d'accès à l'égalité en lui décernant une sorte de prix Méritas une fois par année.

Je souligne, à ce sujet, un commentaire de Mme Abella dans son rapport final, qui suggère que ce formulaire soit rempli par toutes les entreprises du Canada. En raison de la simplicité du formulaire, nous croyons que cette mesure pourrait également faciliter le travail de la Commission des droits de la personne et pourrait être appliqué au Québec, c'est-à-dire que toutes les entreprises aient à le remplir.

Pour terminer, nous appuyons fortement l'adoption des articles 12, 13, 14, 15 et 16. Il ne suffit pas de prévoir des mesures de redressement pour les femmes sur le marché du travail. Encore faut-il en prévoir en milieu scolaire, là où la formation professionnelle est encore très basée sur des différences de sexe. Les articles de cette section pourront, à notre avis, contribuer à faire changer un peu les choses. Nous réitérons donc notre souhait, à savoir que soit adopté ce règlement dont la dernière version rencontre le plus les conditions de mise en oeuvre des véritables programmes d'accès à l'égalité. Toutefois, nous espérons vivement voir appliquer ce règlement le plus tôt possible en incluant, bien sûr, les mesures additionnelles suggérées dans ce mémoire.

Pour conclure, si vous voulez bien, j'aimerais vous faire part de quelques suggestions que nous avons soumises aux membres de la commission Beaudry, mesures qui s'inscriraient dans le cadre d'une politique globale de mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité. Ces mesures visent essentiellement, disons, à créer un plus grand intérêt de la part des employeurs et peut-être à multiplier les expériences au Québec, donc, les programmes volontaires.

D'abord, nous savons pertinemment que les grosses entreprises ont les moyens d'assumer les coûts en termes de ressources humaines nécessaires à la mise en place d'un programme d'accès à l'égalité. Par contre, comme nos recherches nous ont permis de le constater, il en est autrement pour les petites et moyennes entreprises. Nous croyons qu'il serait utile de prévoir un support technique et un support en termes de ressources humaines qui soient légers et souples, mais qui contribueraient sans doute à ce que les PME s'impliquent davantage dans l'accès à l'égalité au Québec. Chaque région pourrait assurer cette aide par le biais d'un bureau régional d'une structure déjà existante du gouvernement du Québec par exemple, les bureaux de Travail-Québec. L'important, c'est de garantir la disponibilité d'un ou d'une ou de quelques personnes-ressources en région pour les PME qui auraient recours à leur aide. Un guichet unique serait souhaitable au plan régional, un endroit où on pourrait facilement rejoindre une personne-ressource et où serait centralisée l'information en ce qui concerne la mise en place d'un programme. Ces bureaux pourraient relever du ministère du Travail ou encore du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Deuxièmement, pour les mêmes raisons, la Commission des droits de la personne pourrait également fournir par l'intermédiaire, par exemple, de ses nouveaux bureaux régionaux un guide d'implantation des programmes d'accès à l'égalité du même type, par exemple, que celui qui a été fourni par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, son manuel technique qui est connu par les gestionnaires des ressources humaines qui travaillent sur les programmes d'accès à l'égalité. La Commission des droits de la personne pourrait

aussi fournir des sessions de formation qui s'adressaient tout autant aux syndicats et aux groupes populaires qu'aux PME et aux grosses entreprises. Ces services pourraient être offerts par le personnel de la nouvelle direction de l'accès à l'égalité de la Commission des droits de la personne.

Troisièmement, nous pensons également qu'il serait urgent de faire au Québec une vaste campagne de sensibilisation et d'information sur ce que devrait être un programme d'accès à l'égalité pour, entre autres choses, le démystifier aux yeux de la population, mais aussi aux yeux des employeurs, faire connaître aux employeurs l'aide et le soutien que peuvent offrir le gouvernement et des organismes comme la Commission des droits de la personne, faire une véritable promotion de ces programmes en mettant de l'avant les avantages importants que peuvent retirer les entreprises de tels programmes, c'est-à-dire comme j'en faisais mention tantôt, l'accroissement de l'innovation, de la productivité, un personnel plus compétent et plus motivé, des relations de travail plus harmonieuses, une saine gestion du personnel. En termes de relations publiques aussi, il a été démontré que les profits sont également réels, tout autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise. (12 h 30)

Quatrièmement, une évaluation globale en matière d'accès a l'égalité en emploi dans le secteur privé pourrait être enfin réalisée dans cinq ans. Elle pourrait justifier le passage ou non à des mesures obligatoires pour tous les employeurs du Québec, si c'était le cas. Cette évaluation pourrait être confiée à un comité indépendant de la Commission des droits de la personne et composé de représentants et représentantes de tous les partenaires sociaux et elle serait rendue publique.

Pour terminer, nous croyons, Mme Tardy et moi-même, que miser sur ces programmes signifie plus qu'un changement de mentalités, d'attitudes, de valeurs et de modèles dans la gestion des ressources humaines. Cette mise en place nécessite obligatoirement une série de mesures incitatives. Ces mesures incitatives, entre autres, auraient un effet d'entraînement. Si l'État employeur pouvait commencer par faire ses preuves, cela pourrait avoir un effet sur les entreprises privées au Québec. Nous croyons qu'à très court terme il devrait montrer sa volonté politique et son exemplarité dans sa propre gestion des ressources humaines, s'il veut que les résultats soient encourageants dans quatre ou cinq ans et non en l'an 2000. Cela va.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Legault. Avant de passer la parole au député de Châteauguay, permettez-moi de vous dire que vous faites des suggestions, dans votre mémoire, qui semblent extrêmement intéressantes, mais sûrement que ce sera relevé par les membres de la commission. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais, d'abord, remercier Mme Legault et sa collègue, Mme Tardy, pour la présentation de leur mémoire à la commission et spécifiquement Mme Legault pour sa présentation comme telle. Je voudrais faire remarquer la très grande qualité de ce mémoire. C'est sans doute un mémoire qui fait même l'envie de groupes qui sont venus nous visiter pour nous expliquer des choses. C'est aussi un mémoire qui comporte un grand intérêt relativement aux suggestions que vous avez apportées. Et moi-même, comme adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie et du Commerce, je peux vous dire que les suggestions, particulièrement celles relatives au guichet unique en termes d'information pour aider les petites et moyennes entreprises le guide pour aider à l'implantation, sont fort intéressantes et qu'on devra tenir compte, je pense, dans la mise en place de la politique.

Beaucoup de choses dans votre mémoire recoupent ce que plusieurs groupes de femmes sont venus nous dire, évidemment. C'est sans doute que vous êtes toutes sur la même longueur d'onde. C'est intéressant de le constater.

J'aurais deux questions relativement précises à vous poser. La première concerne l'obligation contractuelle. Vous vous interrogez, dans votre mémoire, sur la pertinence d'appliquer au Québec les mêmes critères qu'au niveau fédéral. Vous en avez un peu parlé dans votre mémoire par quelques ajouts d'information lors de votre lecture. Je voudrais que vous complétiez et que vous alliez plus loin. Selon vous, quels devraient être les critères applicables à l'obligation contractuelle au Québec? J'aimerais vous entendre parler davantage là-dessus, parce que vous l'avez fait un peu.

Mme Legault: Je pense qu'il est assez délicat, à ce stade-ci de l'analyse, en ce qui concerne l'obligation contractuelle, de poser immédiatement un barème, une balise. Il y a des chiffres qui ont été évoqués depuis le début des travaux de cette commission, 50 000 $, 100 000 $, 200 000 $. Ce que je peux vous dire, c'est que, actuellement, Mme Tardy et moi-même travaillons sur les possibilités offertes en se donnant des barèmes effectivement: 100 000 $, cela veut dire combien de contrats, 200 000 $, cela veut dire combien, toujours en tenant compte du nombre d'employés?

De façon générale, en tout cas, toujours en gardant en filigrane le nombre qui a été évoqué depuis Décisions 85, c'est-à-dire 355 entreprises qui auraient des

contrats de 200 000 $ et plus et qui ont plus de 100 employés on dit: En soi, ce chiffre peut être intéressant, sauf que ce qu'il est encore plus important d'aller vérifier, comme on le dit bien dans le mémoire, c'est de savoir combien de fournisseurs, combien d'employeurs différents ce chiffre peut toucher. J'ai des chiffres assez précis. On dit bien, par exempte, qu'en 1983-1984, à partir d'une liste du Service des achats du Conseil du trésor, les 200 000 $ incluaient le service des biens seulement et non les services comme tels, pour un peu plus de 240 contrats, sauf que, lorsqu'on regarde le nombre d'employeurs, cela ne touche que 170 employeurs différents.

Encore là, il faudrait voir si le barème de 100 employés est respecté également. Est-ce que ce sont des PME, est-ce que ce sont, en général, de très grosses entreprises du fait que le montant est assez élevé? Ce sont des choses que l'on ignore jusqu'à présent. Je pense que l'étude doit être faite de façon très sérieuse, à partir des listes gouvernementales du Service des achats, de biens, mais également de services. Encore là, il y a toute la question qui a été évoquée depuis le début, ici, particulièrement par le Conseil du statut de la femme, à savoir: Est-ce qu'on doit retenir les entreprises, les organisations ou les organismes qui sont subventionnés? Je pense que c'est un point très important.

Il m'apparaît très hasardeux, à ce stade-ci, de donner un chiffre. Chose certaine, on se pose la question: Comment se fait-il qu'au Québec, à 200 000 $ et plus, on puisse conserver ce chiffre sur une base comparative avec le fédéral, par exemple? Là, le chiffre est le même et on apprend, par exemple, que 200 000 $, cela touche 75 % des 6 500 000 000 $ qui ont été déboursés auprès du gouvernement du Québec dans les dernières années. Là, le chiffre est parlant au fédéral. Maintenant, est-ce qu'au Québec il l'est autant? C'est une autre chose. Il faudrait vérifier. Je pense qu'on manque d'information à ce stade-ci pour avancer un nombre précis.

M. Dussault: Je vous remercie pour la réponse à cette question. Évidemment, c'est sûr qu'il y a encore à fouiller relativement à ces chiffres qui concernent le Québec.

Mme Legault: Si vous me permettez juste un petit ajout?

M. Dussault: Oui, allez.

Mme Legault: II ne faudrait quand même pas, non plus, oublier qu'entre autres aux États-Unis on a bien vu que le barème est de 50 000 $. Alors, on se dit qu'avec des contrats aussi nombreux et aussi importants qu'il peut y avoir dans un aussi grand pays que les États-Unis, au Québec on ne peut pas faire abstraction de cela et ne pas en tenir compte. Entre 50 000 $ et 200 000 $, il y a une marge importante et je pense qu'il faut vérifier ces chiffres.

M. Dussault: D'accord. Pour ce qui est de ma deuxième question, dans votre mémoire, à la page 11, si je me rappelle bien, vous recommandez que le rapport annuel d'une entreprise contienne des données statistiques concernant sa main-d'oeuvre. On a remarqué que certains organismes représentatifs des employeurs nous soulignent qu'il peut être très dangereux pour une entreprise de révéler à ses concurrents des données relatives à sa planification de main-d'oeuvre. J'ai posé la même question, d'ailleurs, au Conseil du statut de la femme qui reconnaissait aussi qu'il y avait effectivement une question qui se posait de ce côté-là, en disant: Mais, cependant, il y a sûrement moyen de trouver quelque chose qui pourrait satisfaire... Comment réagissez-vous à cette objection? Est-ce que vous avez une façon plus particulière d'envisager cette question-là?

Mme Legault: Deux choses. D'abord, il ne faut pas oublier que ces chiffres-là vont être fournis par les employeurs directement à la commission des droits. Je pense, comme le disait Mme McKenzie, hier, qu'il serait possible de mettre, si vous voulez, une norme de confidentialité sur des chiffres qui sont un peu plus dérangeants, du type échelle salariale, quartile salarial. Pour ce qui est du reste, je ne pense pas qu'on puisse donner un caractère absolument confidentiel à ces données-là, entre autres, la catégorie hommes femmes par profession. Aux États-Unis, cela se fait depuis presque vingt ans déjà. Comme je vous l'ai dit tantôt, il existe déjà là-bas, un formulaire de quatre pages qui est très simple. Les entreprises ont à remplir cela et tout le monde le fait. Donc, à partir du moment où vous dites que tout le monde le fait et pas seulement les entreprises qui ont un programme imposé ou recommandé par la commission, cela met tout le monde sur le même pied, finalement. Cela fait que la notion de concurrence joue un peu moins d'abord et, en plus, surtout si on met un caractère confidentiel sur certaines données, à ce moment-là, il n'y aurait que la commission qui les aurait en main. Il n'y aurait personne qui pourrait obtenir ces données autre que la commission. Je pense que cela règle en partie le problème.

Par ailleurs, je vous dirais très simplement, toujours en me basant sur l'expérience américaine que si cela fait presque vingt ans aux États-Unis que cela existe, à ma connaissance, il n'y a pas une entreprise qui a fait faillite, qui a mis fin à ses affaires en raison de ce formulaire, de ces données.

Je me dis: C'est, encore une fois, jouer sur la compétitivité, mais, évidemment, en mettant un caractère confidentiel sur certaines données. Cela ne m'apparaît pas un problème majeur.

M. Dussault: Effectivement, la question de la compétitivité doit être considérée sérieusement. On sait, par exemple, qu'ici en commission parlementaire il arrive parfois qu'on soit tenté de poser des questions et on doit vraiment faire attention, particulièrement pour les sociétés d'État, parce qu'elles sont aussi en compétition avec l'entreprise privée. La question se pose et je pense qu'il y a une inquiétude, un certain fondement. Si vous dites que la commission devrait garder confidentielles ces données-là, je suis d'accord avec vous que cela ferait diminuer une grande partie de l'inquiétude qui existe.

Mme Legault: La commission aura à déposer elle-même son propre rapport à l'Assemblée nationale, selon nos recommandations et selon ce qui pourrait être fait dans l'avenir. Dans la synthèse qu'elle fait des données qu'elle a en main, elle n'est pas obligée de faire mention de ces données qui sont un peu plus confidentielles, soit toujours, évidemment, la question salariale. Il y a moyen de filtrer cela. Pour le reste, cela ne me paraît pas un problème majeur.

M. Dussault: Pour ma part, j'ai terminé. Je vous remercie énormément de votre apport à la commission.

Mme Legault: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais remercier Mmes Legault et Tardy pour leur mémoire. Malheureusement, votre collègue n'est pas ici aujourd'hui. J'ai essayé de trouver un mot pour qualifier votre mémoire et je pense que le bon mot est "scientifique". Je pense que c'est peut-être le mémoire le plus scientifique et le plus étoffé que nous avons reçu, avec vos explications. Vous avez assisté aux travaux depuis mardi, je pense.

Mme Legault: Oui.

M. Marx: Vous savez donc qu'il y a certaines de vos recommandations qui recoupent des recommandations qui ont déjà été faites; nous n'y reviendrons donc pas. Mais je pense qu'il serait nécessaire que la commission tienne compte de certaines de vos suggestions tout à fait nouvelles, comme les mesures incitatives qui pourraient être très intéressantes.

Étant donné que vous êtes à l'UQAM et puisque, j'imagine, vous avez assisté hier soir à la séance de travail où des représentants des professeurs féminins étaient ici, y a-t-il de la discrimination contre les femmes à l'UQAM?

Mme Legault: En espérant que l'employeur n'écoute pas!

M. Marx: Nous allons vous protéger.

Mme Legault: Merci. Non, je pense que l'UQAM n'est vraiment pas à part des autres universités au Québec. Ce qui nous sauve un peu, c'est peut-être le fait que c'est l'une des universités où il y a encore possibilité, une très petite possibilité de faire de nouveaux engagements. Évidemment, les femmes sont sur les rangs, sauf qu'à ce niveau les problèmes qui ont été évoqués hier par la FAPUQ sont tout à fait présents, c'est-à-dire qu'évidemment, en étant les dernières entrées, en étant les plus récemment diplômées au doctorat, ce n'est pas évident qu'on a les mêmes chances que nos collègues masculins. Il faut bien souvent faire ses preuves, il faut amasser un dossier académique, un dossier de recherche plus important. Dans ce sens, je ne pense pas que ce soit différent à l'UQAM des autres universités au Québec.

M. Marx: Bon. Franchement, je n'ai pas d'autres questions. Je vais relire votre mémoire et je pense qu'il serait bon pour nous tous de le faire avant de soumettre notre rapport à l'Assemblée nationale. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Legault, de cet apport à la commission.

Nous allons maintenant inviter la Commission des droits de la personne du Québec à prendre place. Nous allons suspendre pour au plus deux minutes. Ne quittez pas la salle.

(Suspension de la séance à 12 h 44)

(Reprise à 12 h 46)

Commission des droits de la personne du Québec

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux avec la Commission des droits de la personne du Québec. Je vous souhaite la bienvenue. Juste avant de vous céder le micro, je vous répète ce que j'ai dit depuis mardi, c'est-à-dire que nous disposons d'une enveloppe d'environ 55 minutes, soit 20 minutes pour faire lecture de votre mémoire et 35 minutes pour dialoguer avec les membres de la commission.

M. Jacques Lachapelle, je vous laisse le micro en vous invitant à nous présenter les gens qui vous accompagnent.

M. Lachapelle (Jacques): Merci, M. le Président. MM. les membres de la commission, je voudrais en premier lieu vous présenter les membres de notre délégation: Mme Trudeau-Bérard, vice-présidente de la Commission des droits de la personne du Québec; à ma droite, Mme Louise Caron-Hardy, directrice des programmes d'accès a l'égalité et, à l'extrême gauche, M. Yves Côté, conseiller en programmes d'accès à l'égalité.

Vous me permettrez sûrement en préliminaire, de faire une chose qui n'est peut-être pas très usuelle ici. J'ai remarqué que vous aviez félicité les gens pour la préparation de leur document. J'aimerais, à mon tour, si vous me le permettez, féliciter les membres de cette commission pour le haut degré de préparation qu'ils ont et les connaissances qu'ils ont dû acquérir, j'imagine, en très peu de temps sur un sujet aussi complexe et aussi ardu que les programmes d'accès à l'égalité. Cela nous rend donc très à l'aise pour venir discuter avec vous des programmes d'accès à l'égalité et c'est avec beaucoup de plaisir que nous anticipons de discuter et d'échanger des idées avec vous.

Puisque nous sommes, effectivement, presque les derniers, je pense, à être entendus - je crois que cela avait été voulu par l'organisateur de la commission - nous allons profiter un peu de ce qui a été dit auparavant. Nous aimerions passer peut-être en revue avec vous chacun des articles de ce projet de règlement pour vous faire part finalement de notre point de vue.

La Commission des droits de la personne du Québec est donc heureuse de cette occasion qui lui est offerte de venir devant la commission parlementaire des institutions pour donner ses commentaires sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité. La mise en vigueur de ce règlement viendra rendre vraiment opérationnelle la partie III de la Charte des droits et libertés de la personne, promulguée le 26 juin dernier.

Le projet de règlement actuellement déposé pour étude n'est pas le premier qui a été soumis à la discussion et à la consultation. C'est ainsi qu'en novembre 1983 la Commission des droits de la personne du Québec faisait parvenir au gouvernement un long commentaire où elle exposait sa position en regard du règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité.

Dans son mémoire, la Commission des droits de la personne du Québec ne reprend pas ces commentaires fondamentaux que vous avez à l'annexe IV de notre document. La commission est, en effet, fondamentalement d'accord avec l'économie générale du projet de règlement. Elle souhaite cependant que, conformément au projet de règlement antérieur et même si le premier alinéa de l'article 86.2 n'est pas promulgué, tous les programmes d'accès à l'égalité soient soumis au même règlement. De même, la Commission des droits de la personne recommande que, dans les plus brefs délais, la définition du mot "organisme" qui est contenue à l'article 86.7 de la Charte des droits et libertés de la personne soit précisée.

D'autre part, comme la suggestion en a été faite par plusieurs groupes qui se sont présentés ici, la commission recommande que le gouvernement assume lui-même les analyses de disponibilité pour les différents programmes d'accès à l'égalité et qu'il confie cette responsabilité à la Commission des droits de la personne.

Enfin, la commission recommande que le règlement devrait prévoir la présence de comités de développement et de coordination d'un programme d'accès à l'égalité avec la participation du syndicat ou de l'association des employés et de membres de groupes cibles. Mais il devrait leur attribuer un statut consultatif.

Au terme de cette commission parlementaire et a la suite de l'audition des différents mémoires qui vous ont été présentés, la Commission des droits de la personne voudrait revoir avec vous les principaux éléments de ce règlement et vous indiquer aussi, enfin, puisque beaucoup de questions vous ont été posées et que vous avez également posé beaucoup de questions sur ces éléments, comment elle entend mettre en vigueur ce fameux règlement.

Précisons, pour commencer, que le règlement repose, en fait, sur la théorie des systèmes pour débusquer la discrimination systémique et sur une démarche classique de changement planifié pour apporter un remède. La partie III de la Charte des droits et libertés de la personne se présente, en effet, dans une facture quelque peu différente des autres parties de la charte. Elle n'énonce pas de droits fondamentaux, comme le font les articles 1 à 9. Elle n'interdit pas des actes qui iraient à l'encontre du droit à l'égalité, comme le font les articles 10 à 20. Elle rend légal un nouveau remède contre les effets cumulatifs de la discrimination dans la représentation des groupes victimes de discrimination dans les institutions ou les entreprises. C'est un remède ajouté à ceux qui sont déjà inscrits dans la charte, soit la cessation de l'acte ou de la pratique discriminatoire et la réparation des torts causés aux victimes de discrimination.

Nous vous proposons maintenant nos commentaires sur chacun des articles. L'article 1 est important puisqu'il établit la

portée véritable du règlement. Contrairement au projet de règlement antérieur soumis à la consultation, l'article 1 stipule que le règlement ne s'appliquera qu'aux programmes recommandés par la Commission des droits de la personne ou imposés par les tribunaux. Avec beaucoup de groupes qui se sont exprimés ici, la Commission des droits de la personne est d'avis que le règlement devrait s'appliquer à tous les programmes d'accès à l'égalité, qu'ils soient volontaires, recommandés par la Commission des droits de la personne, imposés par les tribunaux, issus d'un décret gouvernemental pour lesministères et organismes ou issus d'éventuelles obligations contractuelles, parce que, justement, le projet de règlement contient, en fait, les normes essentielles d'élaboration et d'implantation d'un programme d'accès à l'égalité et, par le fait même, il en est aussi un instrument de mesure et de comparaison.

Dès lors, il nous semblerait imprudent que l'utilisation de mesures aussi délicates que les mesures de redressement mettant en oeuvre des traitements préférentiels se fasse sans l'encadrement minimal de cette réglementation. On sait déjà que pour les programmes volontaires aucune approbation préalable ne sera requise à la mise en oeuvre.

L'article 2. Cet article contient, en fait, les quatre éléments essentiels pour tout programme d'accès à l'égalité. Il reprend, en fait, les éléments inhérents à toute démarche de changement planifiée: 1° la fixation d'objectifs; 2° les mesures; 3° un échéancier; 4° les mécanismes de contrôle et de rétroaction.

À l'article 3, on retrouve les énoncés concernant les fameux objectifs numériques. L'article 3 du projet de règlement stipule que "les objectifs sont exprimés en nombre et en pourcentage pour chaque catégorie d'emploi, secteur ou service visé dans une entreprise. Ils peuvent prévoir des marges". Au-delà des querelles sémantiques sur la signification des mots "objectif numérique" et "quota", il importe d'abord de clarifier la signification habituelle qui leur est donnée en regard des programmes d'accès à l'égalité et de l'interprétation qui leur est donnée à la Commission des droits de la personne.

Un quota est habituellement perçu comme un objectif fixé soit arbitrairement, soit objectivement, à l'aide d'une analyse d'utilisation et qui doit être atteint sans égard à certains facteurs inhérents à la gestion du personnel comme la compétence des candidates, les prévisions d'embauche, le taux de roulement du personnel, etc. Un objectif numérique, pour sa part, est toujours fixé à partir d'une analyse d'utilisation qui établit une analyse entre les effectifs et une analyse de disponibilité. Il est aussi fixé à l'intérieur d'un échéancier donné, en tenant compte de la compétence des candidats et des candidates. En aucun temps la pratique des objectifs numériques ne favorise l'embauche de personnes incompétentes. Elle ne fait pas que l'appartenance à un groupe soit le facteur décisif du choix d'un candidat ou d'une candidate. Parmi les personnes compétentes, l'appartenance à un groupe peut être un critère de sélection pour le choix d'un candidat ou d'une candidate.

L'objectif est aussi fixé en tenant compte des prévisions d'embauche et du taux prévu du roulement du personnel dans l'entreprise. L'objectif est aussi révisable en cours d'implantation si des faits nouveaux le justifient, par exemple, des erreurs de prévision sur le rythme de l'embauche ou le taux de roulement du personnel. La pratique de la fixation d'objectifs numériques est bien connue et reconnu dans toute politique de saine gestion d'entreprise et dans toute gestion du personnel. Elle est aussi partie inhérente d'un programme d'accès à l'égalité qui au-delà des mesures d'égalité de chances vise le redressement d'une situation de discrimination systémique à l'intérieur d'une entreprise ou d'une institution.

À l'article 4 - je devrais parler aussi des articles 5 et 6 - on présente les analyses nécessaires au diagnostic de la situation avant l'imposition d'un remède. L'article 4 présente l'analyse d'effectifs d'une entreprise qui devrait révéler, pour chaque poste hiérarchique, la proportion de membres de groupes cibles qui occupent ces postes par rapport aux membres du groupe majoritaire. Je crois que, sur cet article qui est clair, nous n'avons pas de commentaire particulier.

L'analyse de disponibilité. Cette analyse qui est contenue à l'article 5 est, à mon avis, un des plus importants points de ce projet de règlement, en ce sens qu'on parle aussi bien de la disponibilité des membres du groupe cible que de leur compétence pour occuper un poste dans une entreprise. Cette analyse révèle, en fait, la proportion de membres du groupe cible par rapport au groupe majoritaire, d'abord, à l'intérieur de l'entreprise et, ensuite, sur le marché du travail, qui, répétons-le, ont la compétence requise ou sont susceptibles de l'acquérir dans un délai raisonnable pour occuper un poste offert dans une entreprise.

C'est la comparaison ou l'analyse d'effectifs qui révélera s'il y a sous-utilisation du groupe dans l'entreprise et qui sera un élément majeur dans la fixation des objectifs propres à chaque entreprise. Ces analyses de disponibilité externe sont, évidemment, complexes. Elles supposent l'accès à des banques de données et à des études, et des regroupements parfois ardus. Elle sont aussi dispendieues. La CDP suggère donc que le gouvernement les assume et les assure à ceux qui veulent mettre en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité.

La Commission des droits de la personne devra, à ses propres fins d'enquête et d'analyse, préparer de telles analyses. Elle doit aussi prêter son assistance à ceux qui le requerraient. La Commission des droits de la personne suggère donc que le gouvernement lui confie la responsabilité d'effectuer ces analyses externes et de les fournir à ceux qui en auraient besoin pour la préparation de leurs propres programmes.

Les analyses de système, à l'article 6. L'analyse du système constitue la dernière phase du diagnostic. Elle permet de découvrir la cause de la sous-utilisation des membres des groupes cibles qu'auraient révélée les deux analyses précédentes. Elle permet d'identifier s'il y a discrimination inscrite dans le système d'emploi, soit de la discrimination systémique. Elle permet d'identifier, dans ce système, les pratiques, même apparemment neutres, qui auraient un effet d'exclusion discriminatoire sur un groupe cible et qui seraient la cause de la sous-utilisation de ce groupe cible.

Le3 articles 7 et 8 traitent des mesures à apporter pour corriger la situation de discrimination révélée par les analyses précédentes. Les mesures d'égalité de chances visent à éliminer du système de gestion les pratiques qui ont un effet d'exclusion discriminatoire sur les membres d'un groupe cible. L'élimination de ces pratiques constitue donc l'élément essentiel d'un programme d'accès à l'égalité. Il instaure, en fait, un régime d'égalité formelle et prévient la discrimination future. (13 heures)

Pour qu'il y ait effectivement un programme d'accès à l'égalité, le règlement prévoit donc des mesures de redressement. Un programme d'accès à l'égalité vise non seulement à prévenir la discrimination future en rétablissant l'égalité formelle des chances; il entend aussi corriger les effets que des pratiques discriminatoires antérieures ont eus d'une manière cumulative sur les groupes cibles. Si le système discriminatoire a désavantagé pendant un certain temps les membres d'un groupe cible et privilégié par le fait même les membres d'un groupe majoritaire, les mesures de redressement visent à privilégier, pendant un temps limité, les membres d'un groupe cible pour compenser le désavantage que le système discriminatoire leur a fait subir pendant un temps.

L'article 9 stipule que l'employeur porte à la connaissance de ses employés l'ensemble des mesures prévues par le programme. Nous sommes d'accord avec la formulation de cet article qui devrait favoriser la nécessaire participation de tous à la mise en oeuvre de ce programme.

L'article 10 indique que la responsabilité de la mise en oeuvre d'un programme d'accès à l'égalité appartient à l'employeur et que cette responsabilité devrait être confiée à une employée de haut niveau. À l'occasion de cet article, plusieurs points ont été soulevés quant à la participation des syndicats, de même qu'à la participation des employés de groupes cibles à la mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité.

Rappelons que ni la loi, ni le projet de règlement ne prévoient une participation formelle du syndicat, d'une association d'employés ou d'un groupe cible à l'élaboration ou à l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité dans une entreprise. La Commission des droits de la personne a toujours été favorable à la participation du syndicat, de l'association des employés et des représentants de groupes cibles à l'élaboration et à l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.

En effet, la Commission des droits de la personne est d'avis qu'un programme d'accès à l'égalité appelle autre chose que des changements mineurs ou accessoires dans la gestion des ressources humaines. C'est un remède systémique qui touche tout le système et ses sous-systèmes et qui s'inscrit dans une démarche de planification.

La mise sur pied d'un comité devrait permettre, par exemple, d'atténuer les résistances au changement, de profiter de la contribution de tous et chacun, de réduire les sources d'insécurité, d'inspirer confiance aux membres des groupes victimes de discrimination et de permettre aux personnes de s'approprier les changements.

Dans le cadre des audiences sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité, la Commission des droits de la personne n'a pas eu à se prononcer sur les programmes d'accès à l'égalité volontaires ou gouvernementaux, puisqu'ils échappent à la juridiction de la Commission des droits de la personne et ne sont pas couverts par la réglementation.

Il reste donc les cas de programmes d'accès à l'égalité recommandés par la Commission des droits de la personne ou imposés par le tribunal. Le règlement devrait-il prévoir une participation des syndicats, associations d'employés ou groupes cibles à l'intérieur d'un comité et indiquer le statut de ce comité?

Étant donné, d'une part, les bénéfices escomptés de la présence d'un comité a l'intérieur d'une entreprise ou d'une institution, mais étant donné, d'autre part, que seuls les employeurs ou dirigeants d'une institution seront responsables de l'implantation des programmes d'accès à l'égalité et comptables des résultats devant la Commission des droits de la personne; étant donné aussi que les éléments d'un programme d'accès à l'égalité soumis au règlement pourraient faire l'objet de recommandations formelles de la part de la Commission des

droits de la personne ou d'une ordonnance d'un tribunal qui, comme telles, pourraient difficilement faire l'objet de négociations patronales-ouvrières, la Commission des droits de la personne est d'avis que le règlement devrait prévoir la présence d'un comité de développement et de coordination d'un programme d'accès à l'égalité, mais qu'il devrait se voir attribuer un statut consultatif.

L'article 11. Cet article décrit le rapport que doivent faire parvenir les personnes à la Commission des droits de la personne pour la mise en oeuvre des programmes recommandés par la Commission des droits de la personne. Il s'agit, à notre avis, d'un minimum d'information nécessaire pour assurer le suivi de ces programmes. S'il était décidé, d'autre part, que les programmes volontaires soient soumis au règlement, il faudrait également, à notre avis, qu'ils soient exclus de l'application de cet article.

Les articles 12 à 17. La Commission des droits de la personne attache une très grande importance aux programmes d'accès à l'égalité à établir dans le secteur de l'éducation, des services de santé et des services ordinairement offerts au public. Les programmes d'accès à l'égalité peuvent, en effet, corriger des situations de discrimination qui peuvent se manifester dans l'emploi par la suite.

M. le Président, ce sont là les commentaires que nous voulions faire concernant chacun de ces articles du règlement sur les programmes d'accès à l'égalité. Toutefois, certaines autres réflexions de la commission qui ne sont pas contenues dans notre mémoire devraient être portées à la connaissance de cette commission, entre autres la question des coûts-bénéfices. Certaines évaluations des coûts-bénéfices des programmes d'accès à l'égalité et plus généralement des politiques antidiscriminatoires sur le marché du travail ont été effectuées aux États-Unis. Bien que le résultat soit très approximatif, nous pensons qu'il est important de les examiner et d'en tirer certaines implications.

Le premier type de travaux porte sur les dépenses de mise en oeuvre des programmes, ainsi que sur les bénéfices reçus par les membres des groupes cibles. Selon M. Nestor Cruz, membre de la "Equal Employment Opportunity Commission" aux États-Unis, les coûts d'implantation et de contrôle des programmes fédéraux s'élèvent annuellement à près de 10 000 000 000 $. Ces frais recouvrent essentiellement les salaires et honoraires versés à tous ceux qui y participent tant du côté de l'administration publique que de celui des entreprises et des avocats spécialisés dans ce type de causes. Les bénéfices qu'il estime dépassent nettement les coûts et atteignent 15 000 000 000 $ annuellement. Ils correspondent à l'augmentation de salaire que recevraient les travailleurs, membres des groupes cibles, à la suite d'une amélioration de leur statut occupationnel. M. Cruz fait l'hypothèse que cette hausse de salaire serait de l'ordre de 2 % en moyenne, ce qui semble très raisonnable. Les programmes et les politiques contre la discrimination en emploi entraîneraient dans l'ensemble un bénéfice annuel net de l'ordre de 5 000 000 000 $.

Un deuxième type de travaux se propose de comparer les bénéfices reçus par les travailleurs, membres de groupes cibles, aux coûts subis par les travailleurs, membres de la majorité. Les résultats obtenus sont, encore une fois, hypothétiques, mais ils n'en demeurent pas moins très intéressants. À supposer que la ségrégration occupationnelle soit complètement éliminée, ce qui est un cas extrême, les travailleurs masculins membres de la majorité subiraient une réduction de revenus variant de 0,4 % à 9 %. Selon l'auteur de cette estimation, la limite inférieure serait plus susceptible de se vérifier. En d'autres termes, le statut occupationnel de ces travailleurs ne serait que très peu réduit. Par contre, les travailleurs noirs verraient leurs revenus augmenter de 35 % et même davantage. Leur statut occupationnel s'améliorerait donc considérablement. En somme, on assisterait dans les entreprises à une amélioration des postes de travail en général et non simplement à un jeu de chaise musicale où le poste peu intéressant qu'occuperait un travailleur minoritaire ou une femme est pris par un travailleur majoritaire, et réciproquement.

Il est important de souligner ici que ces résultats sont basés sur l'hypothèse selon laquelle le volume total d'emplois reste, bien sûr, constant. Ils seraient plus optimistes ou plus pessimistes selon que l'on postule une expansion ou une contraction du volume d'emplois. En d'autres mots, les administrateurs publics, les entreprises et les travailleurs de la majorité subissent les coûts financiers; les membres des groupes cibles et, dans une moindre mesure, les administrateurs publics reçoivent les bénéfices financiers.

La question qui se pose alors est de savoir comment atténuer l'opposition ou, si l'on est optimiste, entraîner l'adhésion de ceux qui, bien sûr, vont subir les coûts de ces programmes. Deux voies, pour le moment, semblent prometteuses. D'une part, il faut développer les études qui indiquent les bénéfices potentiels pour les entreprises participantes. Aux États-Unis, on a souligné, entre autres, une meilleure gestion du personnel, un accès à un bassin élargi de la main-d'oeuvre, une baisse du risque de poursuites judiciaires subies en vertu des lois antidiscriminatoires. D'autre part, il faut

mettre l'accent sur la nécessité et l'utilité de ces programmes pour la communauté dans son ensemble. D'abord, ils reflètent un choix de société qui est largement partagé, un souci d'équité et de justice sociale. Il est important, dans cette perspective, d'évaluer et de mettre en relief les coûts importants subis aujourd'hui par les membres des groupes cibles.

Ensuite, du point de vue strictement économique, il faut insister sur les bénéfices économiques importants entraînés pas ces programmes non seulement pour les membres des groupes cibles, mais aussi pour la société. Il faut souligner ici que les estimations présentées précédemment n'incluent pas l'augmentation de l'activité économique qui résulterait, par exemple, de la hausse des dépenses de consommation des travailleurs des groupes cibles. Cette hausse consécutive à l'augmentation de leur salaire viendrait amplifier les retombées économiques positives pour l'ensemble de la société.

En conclusion, M. le Président, nous voudrions assurer les membres de cette commission que la Commission des droits de la personne entend jouer, dans l'application de la partie 3 de la Charte des droits et libertés, un rôle actif en assistant les entreprises et les institutions dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité pour ainsi mettre de l'avant une action positive menant à l'élimination de toute forme de discrimination. Pour ce faire, nous sommes actuellement à compléter la mise en place d'une équipe composée, entre autres, de personnes ayant des connaissances pratiques de la gestion des entreprises tant dans le domaine de la main-d'oeuvre que dans celui de la planification stratégique. Nous croyons qu'ainsi nous pourrons efficacement collaborer tant avec les chefs d'entreprises qu'avec les autres intervenants à la recherche de solutions équitables qui pourraient faire appel au sens des responsabilités de tous.

Enfin, vous me permettrez d'ajouter un dernier point concernant la question des obligations contractuelles. Nous estimons, comme d'autres l'ont fait avant nous devant cette commission, que les entreprises faisant affaires avec le gouvernement devraient être soumises à des obligations contractuelles pour la mise en place de programmes d'accès à l'égalité. D'ailleurs, le gouvernement s'est déjà engagé sur cette question. Il faut maintenant, je pense, rendre cette décision opérationnelle. Toutefois, devant le nombre important de questions qui ont été soulevées ici et qui se soulèvent encore dans l'application de tels programmes, nous suggérons qu'un comité formé de décideurs interministériels se voit confier le mandat d'élaborer les directives nécessaires, préalables à la mise en place de ce programme dont l'importance est telle dans le développement des programmes d'accès à l'égalité qu'elle ne saurait reposer sur l'improvisation.

Je vous remercie, M. le Président et membres de cette commission, de votre attention. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Lachapelle. Avant de passer la parole au député de D'Arcy McGee, je dois vous remercier particulièrement pour les paroles encourageantes et élogieuses que vous avez eues à l'endroit de notre commission au début de votre intervention. Je dois vous dire que si, la commission des institutions s'est donné le mandat, justement, de consulter sur les programmes d'accès à l'égalité, cela dénote l'importance que les membres de la commission attachaient à ces programmes-là. Nous espérons aussi que les consultations que nous avons eues vont être utiles à la Commission des droits de la personne qui aura un rôle important à jouer dans l'application de ces programmes. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier le président, Me Lachapelle, la vice-présidente, Me Trudeau-Bérard, la directrice des programmes d'accès à l'égalité, Mme Caron-Hardy, et le conseiller spécial, M. Yves Côté, d'avoir présenté ce mémoire de la Commission des droits de la personne.

Il va sans dire que la Commission des droits de la personne a une expertise tout à fait spéciale en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité. Elle travaille sur ce dossier depuis quelques années maintenant et nous sommes très heureux qu'elle ait vraiment travaillé sur ce dossier et consulté le gouvernement, le cas échéant.

Il semble que vous êtes d'accord avec le règlement actuel sauf en ce qui concerne trois modifications; peut-être que la première et la deuxième sont plus importantes que la troisième, mais vous voulez des modifications aux articles 1, 5 et 10, essentiellement. Donc, je conviens qu'on va étudier vos recommandations, le temps venu. (13 h 15)

J'étais heureux d'apprendre, dans votre conclusion, que ce sera une bonne chose d'avoir des programmes d'accès à l'égalité et que, surtout, ce sera profitable à tout le monde. Une fois qu'on les aura mis en vigueur, ce sera possible pour tous de déposer plus d'argent dans leurs comptes d'épargne et ainsi de suite!

Les questions que j'aimerais vous poser concernent les rôles de la commission. La commission a consulté le gouvernement en ce qui concerne l'élaboration du règlement sur les programmes d'accès à l'égalité. La commission, le cas échéant, va appliquer ce

règlement, une fois qu'il sera adopté. Aujourd'hui, la commission est devant cette commission des institutions afin de lui demander de proposer, dans son rapport au gouvernement, des modifications au projet de règlement. C'est beaucoup de rôles pour une commission. Je me pose la question et je vous pose la question: Est-ce qu'il y a un conflit entre ces rôles?

M. Lachapelle: II me semble, M. le Président, avoir entendu une question quelque peu semblable sur l'ensemble des rôles de la commission, non pas seulement sur la partie III, mais aussi sur le travail qu'effectue la commission dans d'autres domaines, dans la poursuite de la discrimination individuelle. Je crois qu'effectivement la commission a de nombreux rôles à jouer face à l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.

Je voudrais d'abord corriger tout simplement un petit élément. Quand vous dites que la commission a demandé au gouvernement ses avis, c'est plutôt l'inverse.

M. Marx: Je m'excuse.

M. Lachapelle: C'est le gouvernement qui nous a demandé notre opinion. D'ailleurs, c'est tout à fait conforme à la loi.

M. Marx: Vous avez été des conseillers auprès du gouvernement en ce qui concerne l'élaboration du règlement, c'est cela?

M. Lachapelle: Effectivement.

M. Marx: C'est ce que je voulais dire.

M. Lachapelle: Je pense qu'encore aujourd'hui nous devons apporter ce conseil, puisque nous avons élaboré durant de nombreuses années toute la théorie. Nous avons passé à travers et je pense que nous sommes bien placés pour répondre à ces demandes de consultation.

Jusqu'à maintenant, nous nous en sommes tenus à des conseils techniques. Jamais la Commission des droits de la personne n'est intervenue pour dire au gouvernement comment, par la suite, il devait mettre en place des politiques à l'intérieur de la fonction publique ou, également, pour ce qui est des obligations contractuelles. La commission n'a fait que jouer ce rôle d'expertise auprès du gouvernement.

D'autre part, dans l'ensemble du mandat qui lui a été dévolu depuis dix ans, je crois que la commission s'est acquittée avec beaucoup d'indépendance et de compétence de ce mandat. Si, en apparence, il a pu y avoir quelquefois des conflits d'intérêts, la commission a su, lorsque c'était nécessaire, faire connaître son point de vue. Elle l'a fait en toute indépendance et avec toute l'objectivité nécessaire.

Pour ce qui est des programmes d'accès à l'égalité, je ne crois pas - on le verra à l'usage - qu'il y ait de conflit d'intérêts à appliquer le règlement tel que nous venons de le voir et tel qu'il est formulé actuellement.

M. Marx: Je vais reprendre ma question d'une autre façon. Je m'excuse, parce que j'ai effectivement fait une erreur quand j'ai dit "la commission a consulté le gouvernement"} c'est le contraire. L'Assemblée nationale modifie beaucoup de lois et il y a beaucoup de commissions, d'offices qui sont impliqués. Par exemple, quand on modifie la Loi de police, la Commission de police ne vient pas devant l'Assemblée nationale afin de plaider pour certaines modifications de la loi. Quand on a modifié la loi 101 par la loi 57, l'Office de la langue française n'est pas venu devant la commission des institutions demander certaines modifications de la loi et ainsi de suite.

Donc, j'imagine que la Commission des droits de la personne a un rôle tout à fait spécial, tout à fait différent de celui de toute autre commission ou office au Québec, parce que vous venez devant la commission afin de proposer, en public, des modifications à un règlement, à une loi que vous êtes chargés d'appliquer. Là, il peut y avoir un certain conflit de rôles, il me semble. Peut-être que j'ai tort. Ce n'est pas une critique que je fais, c'est une question que je pose.

M. Lachapelle: Je pense qu'effectivement c'est la loi qui prévoit que la commission doit venir, doit être consultée et être consultante sur la question de la réglementation.

M. Marx: Je veux dire devant la commission parlementaire.

M. Lachapelle: Bien sûr.

M. Marx: Ce n'est pas exigé. La loi ou la charte n'exige pas que la Commission des droits de la personne se présente devant la commission des institutions et fasse d'une façon publique une plaidoirie favorable à des modifications au règlement et à la charte qu'elle est appelée à appliquer.

M. Lachapelle: Je pense que l'énoncé que vous venez de faire peut difficilement être contredit. C'est exact que tous ces rôles sont dévolus à la Commission des droits de la personne. Il y a peu ou pas de réponse à l'argumentation que vous venez de tenir. Cependant, ce qu'on peut indiquer, c'est que la commission et les membres de cette commission sont nommés par l'Assemblée nationale, ce qui lui donne cette

indépendance et cette distance par rapport au gouvernement.

M. Marx: Supposons que le gouvernement adopte le règlement tel quel, sans les modifications que vous avez proposées, on saura que la Commission des droits de la personne n'est pas tout à fait heureuse du règlement qu'elle est appelée à appliquer.

M. Lachapelle: Mais la commission se fera tout de même un devoir de le mettre en application rigoureusement.

M. Marx: Oui, c'est évident. Aussi, la commission interprète certains articles qu'elle sera appelée à interpréter dans l'application du règlement auprès de certaines entreprises. Peut-être que l'interprétation d'aujourd'hui ne sera pas celle de demain, après avoir étudié l'article en question dans son application pratique. Il peut y avoir des problèmes de cet ordre.

M. Lachapelle: Je pense que nous sommes ici pour éclairer la commission. Encore une fois, je le répète, lorsque le règlement aura indiqué de façon très précise quelles sont les obligations de la commission, nous ferons ce qui est inscrit dans cette réglementation. Bien sûr, comme à chaque année, nous ferons un rapport à l'Assemblée nationale. Nous sommes redevables, à ce moment-là, nous devons répondre devant l'Assemblée et nous répondrons, bien sûr, de nos interprétations à ce moment-là.

Le Président (M. Gagnon): Mme Trudeau-Bérard, je pense, avait quelque chose à ajouter.

Mme Trudeau-Bérard (Nicole): Je voudrais juste ajouter, M. Marx, qu'essentiellement notre mémoire souligne la nécessité d'un règlement et il indique que ce règlement, tel que rédigé, contient les éléments essentiels et fondamentaux à tout programme d'accès à l'égalité. Maintenant, nous ajoutons quelques remarques qui peuvent être prises en considération, qui ont, d'ailleurs, été traitées par d'autres organismes et qui peuvent bonifier le règlement. Mais, essentiellement, la commission est d'accord avec le règlement qui est présenté.

M. Marx: Comme le président l'a déjà souligné, j'ai critiqué non pas la commission, mais la charte dans le sens que cela donne à la commission des rôles, je ne dirais pas conflictuels, mais qui peuvent avoir l'apparence d'être conflictuels, c'est-à-dire que la commission reçoit des plaintes de discrimination, fait des enquêtes, fait l'arbitrage, poursuit la personne qui n'est pas prête à accepter une recommandation de la commission, propose que les tribunaux imposent des sanctions, etc. Cela peut être conflictuel. C'est un peu comme cela dans d'autres commissions, je pense. Il y a une décision de la cour fédérale sur cette question en ce qui concerne la nomination, par exemple, par la commission fédérale des "boards".

Mme Trudeau-Bérard: Ce qui est bien différent de la Commission des droits de la personne, comme vous le savez.

M. Marx: C'est bien différent. On peut faire des distinctions en droit, ce qu'il faut faire, mais je veux dire: Est-ce qu'on n'a pas voulu donner trop de rôles à la même commission? Maintenant, je vois qu'en vertu du règlement c'est un peu la même chose. La commission va avoir le mandat de faire enquête, la commission peut se donner un mandat d'initiative de faire enquête, la commission va faire l'arbitrage, elle va proposer le programme à suivre, elle va peut-être aller devant les tribunaux pour faire en sorte que l'entreprise soit sanctionnée, etc. Cela a peut-être déjà été soulevé par certains intervenants, ces multiples rôles de la commission qui pourraient avoir l'apparence d'un conflit d'intérêts non pas dans le mauvais sens, mais dans le meilleur sens du mot, en ce sens que la commission, bien sûr, veut promouvoir les droits de la personne, il n'y a pas de doute sur cela.

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Lachapelle: Vous aimeriez qu'on ajoute à vos commentaires?

M. Marx: Si vous le voulez.

M. Lachapelle: On peut étudier différents mécanismes pour essayer de corriger cette situation. De toute façon, dans l'état actuel de la loi, on se rend bien compte qu'on n'en sort pas. Il y aurait peut-être lieu de regarder cette dimension pour pouvoir, justement, peut-être diviser, d'une certaine façon, les rôles de la commission. Il faudrait peut-être créer éventuellement un tribunal et voir comment ces différents rôles pourraient être joués par d'autres organismes et d'autres façons.

M. Marx: Je vois que nous sommes sur la même longueur d'onde. S'il y a faute et s'il y a rôle conflictuel, la faute en revient à l'Assemblée nationale, bien sûr, parce que c'est l'Assemblée nationale qui a adopté la charte.

M. Lachapelle: M. le Président, je dois vous avouer que nous n'étions pas préparés pour nous entretenir avec vous sur cette question qui est éminemment importante, j'en

conviens.

M. Marx: On prend toutes les occasions possibles pour la soulever.

M. Lachapelle: J'en conviens!

M. Marx: Sans vouloir vous presser de nous donner une réponse définitive.

M. Lachapelle: Merci, M. le député.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon.

M. Payne: On a attendu toute la semaine pour écouter la Commission des droits de la personne. Cela me fait plaisir de vous féliciter non seulement pour le mémoire qui est remarquablement étoffé, mais aussi pour le travail monumental que vous avez accompli au cours des années et pour la contribution que vous avez apportée à une large part de notre importante législation québécoise, spécialement depuis les quelques dernières années.

On a enregistré l'appui de la Commission des droits de la personne sur l'ensemble du règlement. On a remarqué aussi vos réserves quant à la non-application aux programmes volontaires et aux programmes gouvernementaux. On a remarqué aussi le fait que la Commission des droits de la personne demande que la notion d'organismes du gouvernement soit mieux définie afin d'éliminer toute incertitude juridique quant aux organismes visés. D'ailleurs, on en a déjà discuté à quelques reprises cette semaine. Vous préféreriez une définition restrictive, si on retient l'hypothèse que le gouvernement se soustrairait à l'application du règlement tel qu'il est.

Vous faites mention aussi de la complexité et du caractère coûteux des analyses de disponibilité à l'article 5 du règlement, lesquels devraient être considérés, et vous demandez que la responsabilité de ces analyses vous revienne, si je comprends bien et qu'à cette fin accès vous soit donné aux banques de données que le gouvernement détient. J'aurais quelques questions moi-même en ce qui concerne la faisabilité de cela face à la loi sur l'accès à l'information. Je suis certain que vous avez déjà quelques idées là-dessus. (13 h 30)

Ma question serait plutôt spéculative. Je regarde l'avenir, d'une part. Comment nos tribunaux vont-ils trancher sur l'application de ce règlement? On s'entend tous pour dire que votre rôle est primordial. On regarde aussi en arrière, on regarde l'expérience américaine, les expériences italiennes et britanniques. Face au développement récent de la jurisprudence américaine sur cette question, pourriez-vous nous faire part - c'est plutôt une discussion politique, philosophique - de la façon dont vous êtes préparés à faire face à ce débat qu'on va enclencher? C'est un choix de société qu'on fait, c'est un choix du gouvernement, dans un premier temps, mais je pense que cela reflète un mouvement de la société. On espère, nous, du côté politique - et tout le monde, je pense - que ce ne soit pas seulement un débat juridique devant les tribunaux, mais aussi un débat de société.

Ma question a deux tranches. Dans quelle mesure êtes-vous préparés à mener ce débat, à être un des principaux leaders de ce débat, mais aussi à promouvoir auprès de la société "at large" les grandes lignes de la loi? Vous me direz tout de suite, j'en suis certain, que vous n'avez pas les ressources que vous voudriez avoir. On serait tous d'accord, mais je pense que la question devrait se poser, à savoir dans quelle mesure la commission voit la possibilité de mener ce débat.

Le Président (M. Gagnon): M. Lachapelle.

M. Lachapelle: Je pense que vous posez là une question extrêmement importante. Les programmes d'accès à l'égalité - je pense que cette commission a réellement élevé le débat à ce niveau, plus qu'à un débat politique sur les mots - c'est véritablement un changement de société face à des minorités, à des gens que systématiquement et systémiquement on a exclu, pour des raisons qu'on n'est souvent pas capable de percevoir. C'est donc un changement de société qu'il faut effectuer.

On ne se fait pas d'illusions en pensant que la partie III de la charte et qu'un règlement à côté viendront modifier tout cela parce que la loi le dit tout simplement. Il ne s'agit pas d'aller dans la société et de dire: Faites cela et vous vivrez. Je pense que c'est une très mauvaise attitude que de penser qu'on pourra aller en missionnaires face à la société. Ce qu'on voudrait tenter de développer auprès des entreprises, c'est d'abord une entreprise de "partnership", de marketing, aller leur démontrer...

On est très heureux. Je ne sais pas si cet article de Fortune a été télécommandé, mais je pense qu'il vient au bon moment pour nous indiquer que, finalement, les entreprises en ont bénéficié. C'est une partie importante. Si on veut mettre sur la route des conseillers en programmes d'accès à l'égalité et aussi quelques enquêteurs, on voudrait faire également des recherches de base sur cette question. Les quelques éléments que je vous ai fournis tantôt sont tirés de ces recherches que nous tentons de faire actuellement.

Les premières personnes que nous avons engagées à la commission ne sont pas des

enquêteurs, ne sont pas des conseillers. Ce sont des personnes qui, dans la recherche, vont, justement, tenter de démontrer ce qui s'est fait ailleurs, quels sont les points positifs, quels sont les points forts, quels sont les éléments qui permettent, justement, de mettre en place ces programmes d'accès à l'égalité sans que, d'une part - c'est la grande crainte du patronat - on crée des faillites. D'autre part, il faut qu'on puisse aussi changer les habitudes d'une bonne partie de la société qui doit apprendre à accepter la présence des groupes minoritaires.

Nous sommes bien conscients que la commission a un rôle majeur et très important à jouer dans la société. Je dois rassurer les membres de cette commission en disant que c'est une de nos grandes préoccupations. Bien sûr, vous nous permettez de vous le dire, les effectifs que nous avons ne nous permettront pas de quadriller la province et d'aller faire le tour de chacune des entreprises. Je pense que ce serait une aventure, d'abord, qui mènerait probablement à la faillite des programmes d'accès à l'égalité, si on devait faire cela. On voudrait plutôt choisir des cibles, aller dans des secteurs particuliers, tenter d'approcher et de faire connaître les résultats positifs que peut apporter une telle entreprise.

M. Paynes Merci. Je suis encouragé que vous assumiez cette vocation de taille. Il serait fascinant de suivre cela de tous les côtés: du côté de l'Assemblée nationale, du côté de tous les élus, du côté de l'administration publique, du côté de l'entreprise, du côté du syndicat. Je pense qu'il est nécessaire que ce soit un débat avec un niveau de discussion très élevé, un débat de toute la collectivité québécoise.

Cela me fait penser aussi à une autre considération qui, j'en suis certain, va être discutée de nouveau. Cela fait partie du tissu québécois. C'est la distinction entre les droits collectifs et les droits individuels. Je me souviens qu'à quelques reprises les membres de la commission sont venus à Québec, il y a deux ans, pour discuter de la question de l'affichage et de la loi 101. Il y avait un éloquent témoignage de la part de la commission sur la notion des droits collectifs. Je ne voudrais pas assumer le risque de déformer ce que la commission prétendait, mais l'argumentation allait dans le sens de suggérer que c'était très difficile de définir les droits collectifs et, effectivement, de légiférer là-dessus.

Ici, on fait face à une pièce de législation, à une réglementation qui va vraiment dans le même sens. Le B'Nai Brith, hier, a souligné l'apport d'un certain Américain qui avait dit à un moment donné, qu'il faut absolument légiférer pour les intérêts des droits collectifs afin de faire avancer la société. Vous connaissez les arguments. Mais, dans quelle mesure la commission est-elle prête à défendre les droits collectifs contenus là-dedans, qui vont effectivement changer, je pense, un peu votre mandat par rapport au passé, au moins votre procédure administrative qui avait plutôt comme but de défendre les intérêts des individus?

M. Lachapelle: Je pense qu'il faut vraiment regarder quels sont les effets pratiques finalement, d'un programme d'accès à l'égalité. Il est sûr que, tout au long de ces rencontres, on a parlé de discrimination systémique, on a parlé de groupes défavorisés et on a semblé les mettre en opposition. C'est un peu la philosophie de la charte de mettre en opposition les individus par rapport aux groupes. Il y a une partie où on parle de discrimination individuelle et, finalement, il y a une autre partie, qui est la partie III, où on parle de discrimination systémique qui s'attache aux groupes. C'est sans doute notre esprit cartésien qui nous fait voir la situation de cette façon.

Mais quand on regarde, comme je le mentionnais tantôt, le résultat pratique d'un programme d'accès à l'égalité, il faut bien comprendre qu'il ira s'attacher ensuite à chacun des individus. C'est chacun des individus, et non pas la collectivité, qui se verra ensuite placé dans une situation plus confortable, lui permettant de monter dans la hiérarchie d'une entreprise de façon plus acceptable socialement.

Bien sûr, on imagine, à la fin, que c'est tout le groupe qui en profitera, quand on refera la tournée et qu'on ira voir quel est le résultat de cette entreprise. Comme je le mentionnais tantôt, c'est tout le groupe des Noirs qui s'est vu attribuer, semble-t-il, une augmentation de quelque 35 %. C'est toute la société et toute la collectivité aussi qui en bénéficieront. Mais c'est aussi chacun des individus. C'est à partir de ces éléments que l'entreprise devra travailler. Elle jugera de la compétence d'un individu et non pas de celle d'une collectivité. Je pense, quant à moi, que c'est probablement la seule façon de faire le lien entre cette dimension des droits collectifs et des droits individuels. Les programmes d'accès à l'égalité, justement, sont peut-être un des éléments qui font le lien entre ces deux notions.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Payne: Merci beaucoup.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je remercie les membres de la Commission des droits de la personne de la qualité de leur mémoire. Il est sûrement à la hauteur de la mission que vous avez. J'ai quelques

questions assez particulières à poser. Par exemple, relativement aux analyses préalables à l'implantation des programmes d'accès à l'égalité, le règlement prévoit qu'elles seront faites par votre commission. Je me fais un peu l'avocat du diable, comme adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie et du Commerce, et je vous pose cette question. Est-ce que le fait que ce soit une mission qui vous sera accordée n'enlèverait pas des droits aux employeurs, d'abord, de contester ces analyses et, ensuite, même de pouvoir faire ces analyses eux-mêmes? J'aimerais avoir votre réaction là-dessus.

M. Lachapelle: II faut, je pense, considérer deux genres d'analyses. Il y a, d'abord, une analyse interne. Je ne pense pas que ce soit de cette analyse que vous parlez. On pense à l'analyse interne des effectifs d'une entreprise qui appartient à l'employeur et qui ne sera pas faite par la Commission des droits de la personne, sauf en cas d'enquête où on devra la faire en demandant la documentation d'une entreprise. On parle, bien sûr, de ces analyses de disponibilité du marché. À ce moment-là, la suggestion faite par la Commission des droits de la personne n'enlèverait pas à chacune des entreprises la possibilité de faire ces analyses. Ce qu'on sait, c'est que ce sont des analyses qui coûtent très cher. Il faut, pour arriver à travailler avec ces données, des systèmes informatiques, des spécialistes dans le domaine, de l'arrimage entre certaines banques de données. Quant à nous, on pense que la Commission des droits de la personne devra les faire pour les fins de ses propres expertises. On pense que c'est à la Commission des droits de la personne qu'on devrait confier cette tâche. Sinon, on les fera faire à deux endroits. Ce serait un peu malheureux de demander à statistique Québec ou à l'Industrie et au Commerce de faire ces mêmes analyses. Chez nous, nous devrons les faire pour les fins de nos propres dossiers.

D'autre part, vous dites: Est-ce qu'une entreprise pourra contester les analyses faites par la commission? Bien sûr, ces analyses pourront être contestées devant un tribunal ou même devant la commission. On ne pense pas avoir le monopole de la vérité en ayant été habilité par quelque règlement que ce soit à faire ces analyses de disponibilité.

M. Dussault: Si je comprends bien, particulièrement en ce qui touche les coûts, ce sera même un service appréciable à rendre à la petite et à la moyenne entreprises que ces analyses soient faites par votre organisme.

Ma deuxième question est relative à l'article 11 et au rapport annuel qui devrait venir des entreprises qui appliquent des programmes d'accès à l'égalité. Ce que vous avez avancé ici, ce matin, que le rapport annuel ne devrait pas être obligatoire en ce qui touche les programmes volontaires, si je ne me trompe pas, ce n'était pas écrit dans votre mémoire. Pourriez-vous me dire pourquoi vous avancez ce point de vue ce matin?

M. Lachapelle: Parce que l'article 86.2 n'est pas en application. Or, lorsqu'on constate que le premier paragraphe de l'article 86.2 n'est pas en vigueur et qu'on lit l'article 11, par la suite: "L'employeur auquel s'applique un programme...", nous disons: Ce sont ceux que la commission recommandera ou demandera à un tribunal. On ne pense pas que cet article... En tout cas, si c'est cela qu'on veut lui faire dire, il faudrait que ce soit très clair; auquel cas, les autres questions qui vont suivre seront sûrement intéressantes. Mais nous pensons que, dans le cadre actuel de cet article 11, il ne s'appliquerait, justement, qu'à l'employeur auquel s'applique un programme. Je ne sais pas s'il y a d'autres interprétations autour de cette table. (13 h 45)

M. Dussault: Mais est-ce qu'il n'y aurait pas un intérêt, justement, à ce que vous les ayez, ces rapports, sans avoir des exigences qui demanderaient un travail effrayant de la part des entreprises? Est-ce qu'il n'y aurait pas un intérêt a ce que vous ayez ces rapports même pour les programmes à caractère volontaire?

M. Lachapelle: II y aurait sûrement un très grand intérêt à ce qu'on connaisse non seulement ce qui existe dans les programmes volontaires, mais également la situation des entreprises face à l'embauche des employés, des groupes minoritaires et des groupes cibles. Nous avons bien l'intention de faire des recommandations au gouvernement en ce sens pour obtenir des données, justement, pour nous permettre de suivre l'évolution de l'accès à l'égalité en l'emploi.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee. Est-ce que vous aviez terminé?

M. Dussault: Est-ce que j'ai encore du temps, M. le Président? Pour diversifier un peu.

M. Marx: Vous n'avez pas de temps, mais on est prêt à vous en accorder.

Le Président (M. Gagnon): Je vous accorde une autre question.

M. Dussault: D'accord. Si j'ai encore du temps, je reviendrai après. Cela va diversifier un peu. Allez, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci. Je suis certain que les gens du patronat seront rassurés d'apprendre que vous avez une approche réaliste et que, le lendemain de l'adoption des règlements, il n'y aura pas d'inspecteur devant leur porte. Souvent, on a cette impression que le monde a peur que le lendemain tout soit bousculé. Ce n'est pas votre approche, c'est évident. Où allez-vous commencer pour l'implantation de ces programmes? Comment pensez-vous implanter ces programmes? Est-ce que vous pensez avoir des modèles? Est-ce que vous allez prendre certaines industries, certaines entreprises d'une certaine taille? Est-ce que vous allez commencer par les PME ou avec les grosses compagnies, les multinationales? Je sais que vous êtes en train de travailler à ces problèmes depuis un an, depuis que nous avons voté des crédits pour vous donner le personnel.

M. Lachapelle: Je dois dire que notre première démarche a été d'embaucher des employés. Actuellement, on en reçoit en entrevue, je pense qu'on a eu quelque 350 candidatures tout récemment. On est en train, justement, de procéder au recrutement. Qu'est-ce qu'on va demander à ces employés, parce qu'ils ne sont pas là? Ce qu'on va leur demander en premier lieu, je pense que c'est, justement, d'établir une stratégie d'intervention de la commission. Vous l'avez mentionné tantôt...

M. Marx: Ce n'est pas fait encore.

M. Lachapelle: Ce n'est pas fait encore parce que les employés ne sont pas là. Il y a deux personnes.

M. Marx: Juste deux personnes.

M. Lachapelle: II y a deux personnes actuellement à notre service.

M. Marx: D'accord. Je pense que nous avons voté 27...

M. Lachapelle: 25 postes.

M. Marx: ...25 postes et vous n'avez engagé que deux personnes.

M. Lachapelle: C'est ça. C'est-à-dire actuellement deux personnes. Il y a trois autres personnes qui sont également au secteur de la recherche qui sont des économistes, qui sont des démographes et qui regardent plutôt cette question dans son ensemble. Les autres personnes devraient commencer à faire des études de stratégie, à savoir comment la commission va intervenir dans le secteur des entreprises.

M. Marx: Par exemple, quand vous aurez terminé vos études sur la stratégie à suivre par la commission, est-ce que vous allez rendre votre stratégie publique pour que tout le monde puisse prendre connaissance des interventions futures de La commission et se préparer, le cas échéant?

M. Lachapelle: C'est là un élément essentiel de cette stratégie qui n'est pas développée. Mais je pense que c'est là un élément essentiel d'avoir cette transparence et de bien indiquer aux employeurs comment nous allons entreprendre des démarches avec eux. Vous avez mentionné tantôt: Est-ce qu'on ira dans toutes les entreprises ou dans quelques entreprises? Je pense qu'au départ les indications montrent qu'on voudrait aller dans des entreprises de pointe qui devraient par la suite inciter d'autres entreprises à continuer et à enclencher un processus semblable.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Châteauguay, une courte question, parce que notre temps est écoulé, qui sera suivie par une autre courte question de la part du député de Vachon.

M. Dussault: Je vais essayer d'être bref. Cela concerne le rôle syndical qui a été évoqué par les dirigeants de la plupart des centrales syndicales. Par contre, le Conseil du statut de la femme a parlé davantage d'un comité paritaire. J'aimerais avoir votre réaction à cet égard. On a dit qu'un rôle formel des syndicats dans l'implantation des programmes pourrait avoir pour effet d'en bloquer l'implantation. J'aimerais savoir ce que vous pensez. C'est l'avantage de vous avoir à la toute fin des travaux puisque cela nous permet de reprendre certains éléments qui ont été avancés pendant les travaux de la commission et de vous faire réagir. J'aimerais avoir votre réaction sur cela.

M. Lachapelle: On en a fait état rapidement dans notre mémoire. C'est intéressant qu'on revienne sur cette question qui, à mon sens, est primordiale. Elle a été soulevée par tous les représentants syndicaux qui sont venus ici et qui, eux, voudraient voir des négociations. Quant à la commission, notre point de vue est le suivant et c'est un point de vue qui est tout à fait juridique. On dit qu'un programme est imposé. On recommande un programme. À partir de ce moment, nous estimons qu'il n'y a pas de négociations possibles entre le syndicat et le patronat parce que cela devient une responsabilité de l'employeur de le mettre en application. Il peut difficilement partager cette responsabilité. Ce que nous disons immédiatement après, c'est que pour le mettre en application - mais c'est une autre question, c'est une question de stratégie d'implantation - cela doit se faire

nécessairement en collaboration avec des comités bipartites ou tripartites suivant le cas. S'il y a un syndicat, on estime qu'il devrait y avoir également des représentants des groupes cibles qui viendraient donner un éclairage un peu particulier à la mise en place de ces programmes.

Nous croyons que l'esprit actuel de la loi ne fait pas que des programmes d'accès à l'égalité doivent être négociés, d'autant plus qu'un programme d'accès à l'égalité, c'est tout de même une politique très précise. Il n'y a pas une grande place à la négociation dans tout cela, encore une fois, à notre avis. Et il est, par ailleurs, temporaire. Il devient peut-être assez difficile de négocier cela dans le cadre d'une convention collective. Qu'on négocie les grandes lignes, qu'on négocie qu'il devrait y avoir dans les meilleurs délais, dans une entreprise un programme d'accès à l'égalité, que le programme d'accès à l'égalité devrait protéger certains droits particuliers, probablement qu'on devrait négocier ces bouts. Mais, est-ce qu'on peut aller négocier l'embauche de tant de personnes, que la promotion devrait se faire de telle et telle façon pour favoriser tel groupe qui a été défavorisé? À notre avis, ce sera une imposition qui sera faite à l'employeur de procéder de telle et telle façon, et on trouve difficile, quant à nous, que cela puisse se négocier par la suite avec le syndicat.

M. Dussault: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Vachon.

M. Payne: Comme mes collègues, en vous remerciant encore une fois pour votre présentation et connaissant votre intérêt durant toute la semaine pour tous les travaux de la commission en écoutant les groupes, les syndicats et les associations, pourrais-je vous suggérer, si vous avez des commentaires particuliers sur les présentations des différents groupes - pour la commission, cela pourrait être intéressant - de nous les faire parvenir avant la prise en considération du rapport? Je vous remercie beaucoup.

M. Lachapelle: Cela nous fera sûrement grandement plaisir de collaborer.

M. Marx: Vous ne serez pas en conflit.

M. Lachapelle: C'est la question que j'allais vous poser.

Le Président (M. Gagnon): M. Côté, Mme Bérard, Mme Hardy et M. Lachapelle, merci infiniment pour l'éclairage que vous avez apporté à cette commission. Nous suspendons nos travaux jusqu'à... Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Nous suspendons. Peut-être qu'on pourrait prendre 30 secondes ou 1 minute pour donner une information. Vous vous rappelez qu'hier ou avant-hier, lors des travaux, on s'était demandé quels étaient les moyens qui étaient pris pour attirer des gens des communautés culturelles dans la fonction publique. À ce moment, on n'était pas sûr que les bons moyens étaient pris. Des gens des ressources humaines, ici, m'ont fourni des informations à savoir qu'il y a un projet pilote qui a commencé il y a quelques semaines et qui va durer trois mois. On va publier dans la Gazette, en anglais, les annonces de postes qui sont à la disposition de gens qui veulent travailler dans la fonction publique. Je crois que c'est important de le dire puisque l'impression qui était restée jusqu'à la fin de cet échange, c'est qu'il ne se passait rien. Il m'apparaissait important qu'on le dise.

M. Marx: Un "move" important par le gouvernement.

Le Président (M. Gagnon): Merci de cet éclairage additionnel, M. le député de Châteauguay. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures, alors que nous entendrons M. Lotfi.

(Suspension de la séance à 13 h 55)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions se réunit afin de terminer son mandat. À la suspension de nos travaux, ce midi, il nous restait à entendre M. Lotfi, c'est cela?

M. Lotfi (Ahmed): C'est bien cela, oui.

Le Président (M. Gagnon): Je vous souhaite la bienvenue. Nous vous avons gardé pour le dessert, voyez-vous? Je vous souhaite la bienvenue et je vous cède le micro immédiatement pour faire lecture de votre mémoire, et, après cela, il y aura une période d'échanges avec les membres de la commission.

M. Ahmed Lotfi

M. Lotfi: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de me présenter devant votre commission, afin de soulever un problème qui touche toutes les minorités ethniques.

Un jour, nous avons été tentés d'immigrer, pour des raisons économiques évidentes, d'autres, pour des raisons

politiques. Mais voilà qu'un jour nous avons tous rêvé vivre ici, libres, égaux et économiquement comparables à la majorité. Mais, grand était l'espoir, arrière est la déception. La présente intervention a pour but d'attirer l'attention de votre honorable commission sur la situation économique, le degré d'appauvrissement et le haut taux de chômage qui touche, de façon dramatique et hors normes, les minorités culturelles au Québec.

Il ne s'agit pas ici d'une analyse détaillée de tous les problèmes des minorités, mais plutôt d'un témoignage sur quelques pratiques intolérables qui handicapent les minorités culturelles et surtout celles du tiers monde. La politique sociale devrait considérer les immigrants du tiers monde comme un seul groupe qui se distingue par des pratiques religieuses différentes, des caractéristiques identifiables visuellement et un niveau de formation spécialisée plus élevé.

Souvent, les preneurs de décisions considèrent les deux premières caractéristiques dans l'évaluation du candidat, d'où résulte une discrimination systémique. Les structures d'accueil, d'information et d'orientation du nouvel immigrant ne répondent pas exactement à ses besoins. L'égalité des chances en emploi ne prévaut pas pour tous les citoyens. Faire partie de la fonction publique et prendre part aux décisions nationales restent la chasse gardée des natifs d'ici.

Dans de telles conditions, l'intégration, l'identification et la solidarité avec la majorité ne sont pas réalisables. Pour faire respecter les droits à l'égalité, des structures existent déjà. Il suffit seulement de bien définir leurs rôles et pouvoirs. L'adaptation sociale de l'immigrant dépend de l'obtention d'un emploi, de certains biens et services avant qu'il ne devienne satisfait de sa vie et s'identifie à sa société d'accueil.

La situation financière d'une personne détermine ce qu'elle mange, où elle vit, sa santé physique, son équilibre mental, son niveau d'éducation et son intégration sociale.

Discriminées et moins protégées, plusieurs des minorités culturelles souffrent de la crise économique et du chômage plus que la moyenne nationale. Selon une étude du MCCI, le chômage atteint 32 % chez les Indochinois. D'autres estimations évaluent le chômage autour de 40 % chez les Maghrébins et de 40 % à 50 % chez les Sud-Américains. Le revenu moyen disponible par famille d'immigrants varie entre 12 000 $ et 13 000 $, alors que la moyenne nationale au Québec est de 25 000 $. Le haut taux de chômage, le bas revenu sont des indices d'un degré de pauvreté évident. La famille ne peut plus subvenir à ses besoins; elle subit plutôt le processus d'appauvrissement qui engendre l'instabilité, le découragement et la démobilisation face aux responsabilités sociales. Cet appauvrissement pousse à la "ghettoïsation" en matière d'emploi, d'habitation, d'activités sociales et du choix de l'école pour nos enfants. De nouveaux ghettos scolaires sont en formation à Montréal, découlant des problèmes d'intégration générale et d'une situation économique déplorable pour les minorités. Les politiques sociales ne répondent pas à nos besoins. La disponibilité des services et leur fonctionnement ne tiennent pas compte de la réalité multiculturelle.

Il y a des problèmes à régler d'urgence au niveau de l'emploi, avant d'aborder tout autre aspect de la situation des immigrants. Laisser pourrir davantage notre situation économique, c'est se préparer à des troubles sociaux semblables à l'occupation des usines Talbo à Paris ou les manifestations violentes actuelles des minorités de Londres.

Le bon sens, la prudence, la volonté de vouloir bâtir une société plus juste et équilibrée doivent guider la majorité à remettre en cause ses attitudes à l'égard des groupes ethniques. Car le Québec est aussi confronté à son tiers monde interne qu'il ne parvient pas à assumer. Surtout en période de crise, quand s'affirment les seuils d'intolérance dans une société qui devient pluri-ethnique sans vouloir le savoir. Encore faut-il que les injustices littéralement suicidaires soient combattues'. Encore faut-il que soit assuré, en toute circonstance, sans distinction d'ethnie, de race, de religion, le droit de vivre décemment!

Marché du travail et discrimination. Sommes-nous inférieurs? Selon le MCCI, 20 % des immigrants n'ont aucune expérience dans l'emploi projeté; 30 % ont de un an à trois ans d'expérience et 48 % ont quatre années et plus. Une autre étude avance que 64,9 % avaient un métier dans leur pays d'origine. L'expérience professionnelle moyenne est de 8,9 années et, pourtant, 41 % ne travaillent pas dans leur métier. Quant au niveau de scolarité collégiale et universitaire des immigrants issus du tiers monde... Je m'excuse'. Il s'agit de tous les immigrants en général: ceux qui proviennent des États-Unis, 42 %; du Royaume-Uni, 46 %; des pays européens, 33 %; des autres pays, 52 %. Ces données nous prouvent que les immigrants du tiers monde ont un niveau de scolarité plus élevé que la moyenne nationale au Québec.

Ces données et les niveaux de revenus nous indiquent qu'il n'y a pas de relation entre le degré de scolarité et les revenus chez les groupes ethniques minoritaires ayant émigré du tiers monde.

Des pratiques intolérables. Les handicaps. Les études les plus récentes indiquent qu'il existe de la discrimination systémique en matière d'emploi. L'une d'elles, rendue publique en janvier 1985,

indiquait qu'un Blanc se voyait offrir trois emplois pour un offert à un Noir. Une autre étude du mois de juin 1983 sur les titulaires de maîtrise en administration (MBA) a démontré que, même si les membres de minorités visibles avaient envoyé plus de demandes et s'étaient présentés à plus d'entrevues, ils ont reçu moins d'offres d'emploi.

Un cas vécu. En 1983, nous étions cinq Néo-Québécois à recevoir le diplôme de MBA parmi vingt-cinq collègues québécois de vieille souche. Ces derniers ont pu sans grande difficulté se trouver un travail, plusieurs dans la fonction publique ou parapublique. J'en suis personnellement ravi pour eux. Là où le bât blesse et la discrimination apparaît, c'est quand quatre, parmi les cinq immigrants, ont été obligés de quitter la province - un pour l'Ontario, trois pour l'étranger - pour pouvoir travailler. Quant au cinquième, il est en chômage en train de vous exposer cette situation intolérable. Mon seul crime, c'est d'avoir choisi de rester au Québec. Jusqu'à quand? Je n'en sais plus rien. Ce seul exemple illustre bien la réalité dans laquelle se débattent la plupart des universitaires immigrants.

De la promotion suivante, il en est sorti un autre MBA néo-québécois. Il semble que depuis 17 mois il a perdu espoir et se prépare à quitter le Québec au mois de décembre 1985. Que dire de cette femme polonaise avec une maîtrise en géographie et qui est en chômage depuis quatre ans?

Les médecins diplômés de l'étranger, après des années de pratique dans leur pays, ne sont même pas acceptés comme internes ici. Au moment où nous faisions venir des anesthésistes de l'extérieur, ne devions-nous pas faciliter le recyclage à ceux qui le désirent?

Il existe des milliers d'exemples similaires. Une telle situation nous pousse à partir ailleurs. Voilà des cadres que la province perd, surtout que leur formation n'a rien coûté à l'État. C'est une perte pour l'économie du Québec qu'il faudra évaluer un jour.

Sélection ou élimination intentionnelle? En onze années vécues au Québec et à partir de centaines de discussions avec des immigrants d'origines diverses, chacun évoque les mêmes raisons qui l'éloignent de son métier et le handicape dans sa vie professionnelle. Son manque d'information sur les réseaux de placement publics et privés, sa connaissance limitée de la langue de travail, le bilinguisme exigé dans plusieurs offres d'emploi, la non-reconnaissance des diplômes obtenus à l'étranger, l'expérience canadienne que l'on exige, la non-reconnaissance de l'expérience acquise à l'étranger, les politiques protectionnistes des corporations professionnelles, la préférence d'avoir des natifs d'ici aux postes de direction, la présomption de rejet du cadre immigrant par les employés syndiqués, les préjugés et la discrimination systémique, autant de handicaps sur lesquels votre honorable commission se doit d'agir et qu'elle doit corriger, sans pour autant diminuer les standards de l'excellence.

Tolérer ceux qui pensent encore que l'intelligence est génétiquement déterminée, ceux qui font un lien direct entre la compétence et la race dans la sélection de leur personnel, c'est dire oui à une idéologie dévastatrice qui ne repose sur aucun fondement.

Selon Albert Jacquard, le plus pédagogue des généticiens, l'intelligence humaine n'est ni conditionnelle ni mesurable et il n'est plus possible à aucun savant de déterminer les critères qui permettent de définir une race.

Quand l'État ne donne pas l'exemple. Pour mieux vous aider à évaluer jusqu'où peut aller la discrimination systémique, examinons le dernier inventaire de la fonction publique publié en mars 1983. Le pourcentage moyen d'employés membres de communautés culturelles est de 2,5 %. Dans 24 ministères ou organismes, ce pourcentage varie de 0 % à 2 %. Ce pourcentage a diminué de 1979 à 1982.

Diminution du nombre d'employés réguliers. Un seul groupe ethnique européen représente à lui seul 36 % des effectifs issus de communautés culturelles. Que reste-t-il des 2,5 % pour les 100 autres groupes ethniques? 1,6 %. À l'Office de recrutement et de sélection du personnel, un négligeable 0,8 %. Là nous sommes en droit de nous poser des questions sur l'équité dans la sélection.

Comment expliquer notre absence totale de plusieurs ministères ou organismes? Ceux qui prétendent que les immigrants ne s'intéressent pas à la fonction publique vous induisent en erreur. En réalité, après quelques refus, l'immigrant ne postule plus, il abandonne. Jusqu'à tout récemment, il était exigé de nous d'avoir l'expérience et la citoyenneté canadiennes. À l'heure actuelle, seul le vocabulaire utilisé dans la justification du refus a changé; quant aux pratiques, elles restent sensiblement les mêmes. Cette situation se retrouve aussi dans les municipalités et sociétés d'État. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'une perte de confiance dans le système se justifie par ces constats dont nous sommes de plus en plus conscients. (15 h 15)

Pour un meilleur équilibre, quelques recommandations. Un plan d'urgence. 1. Des difficultés économiques qui frappent durement les communautés culturelles, la pauvreté déconcertante dans laquelle se débattent plusieurs immigrants et

le haut taux de chômage qui les paralyse nécessitent un plan d'urgence pour atténuer l'injustice et établir un début d'équité. 2. La création d'un fonds financier spécial pour le financement de projets de création d'emplois pour les minorités cibles. 3. Garantir à 100 % les prêts aux membres de groupes discriminés ayant un projet réalisable de création d'emplois. 4. Créer un programme spécial d'intégration au marché du travail qui comprend les stages en entreprises, les stages dans la fonction publique, municipalités et sociétés d'État, la formation d'appoint dans les centres de formation professionnelle, cégeps et universités.

Pendant cette période de recyclage, le candidat reçoit un salaire ou une subvention du gouvernement. 5. Réviser le système de sélection dans la fonction publique. 6. Débloquer le recrutement dans la fonction publique et créer un programme spécial d'embauche pour les membres de groupes cibles. 7. Exiger des municipalités, sociétés d'État et organismes parapublics l'application de la même politique d'embauche que le gouvernement. Elle doit être extrarégionale à l'égard des communautés culturelles. 8. Titularisation de tous les employés occasionnels dans la fonction publique et issus de minorités cibles là où il est possible de le faire.

Quelques solutions à long terme. 9. Les organisations publiques et parapubliques doivent être assujetties à un même système de quotas. 10. L'entreprise privée a aussi une responsabilité sociale. Comme le certificat de francisation, un certificat d'équité pourrait être délivré aux entreprises qui respectent le droit à l'égalité en emploi pour les femmes, les minorités culturelles et les personnes handicapées.

Ce certificat donnera droit aux subventions gouvernementales, aux contrats gouvernementaux, à un dégrèvement d'impôt. 11. Les entreprises qui ne souscrivent pas à ces programmes d'égalité devraient verser un pourcentage de leurs bénéfices à un fonds d'équité. 12. Toute convention collective doit inclure une clause sur l'égalité en emploi pour les minorités culturelles. 13. Toute mise à pied d'un membre de groupes cibles doit être justifiée à l'organisme chargé de l'application des programmes d'accès à l'égalité. 14. Mettre à la disposition des entreprises et des autres agents économiques un service de consultation en matière d'équité en emploi pour les informer, les sensibiliser et les guider dans l'application du programme.

Suggestions d'un autre ordre. 15. Établir une politique globale en matière d'interculturalité à l'école et qui répond aux exigences d'une société en pleine évolution culturelle. 16. Subventionner une semaine de culture où toutes les communautés pourront se faire connaître et apprécier par des activités culturelles.

En conclusion, un programme d'accès à l'égalité en emploi n'est ni un pari, ni une aventure. C'est la réponse nécessaire de notre système économique aux exigences d'une société en pleine évolution multiethnique. Je vous remercie, M. le Président, et je reste à votre disposition pour toutes les questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier M. Lotfi pour le mémoire qu'il a présenté. Je pense qu'il a soulevé beaucoup de problèmes assez importants. Il va sans dire que les immigrants ont un certain nombre de problèmes en ce qui concerne leur intégration dans la société québécoise. Quoique la discrimination à cause de la race, l'origine ethnique, la religion des personnes soit illégale au Québec et que la société québécoise soit beaucoup plus tolérante que beaucoup d'autres sociétés, il y a encore de la discrimination, soit intentionnelle, de temps en temps, soit systémique.

M. Lotfi a soulevé un point important, c'est-à-dire l'absence de membres des communautés culturelles dans les institutions gouvernementales et paragouvernementales. Nous sommes sensibles à ce problème. Même si ce n'est pas dans le cadre de notre mandat, parce que cela n'entre pas dans le projet de règlement qui est à l'étude, je trouve que M. Lotfi a fait un certain nombre de recommandations qui sont très intéressantes si on pense, par exemple, è la recommandation 2 sur la création d'un fonds financier spécial pour le financement de projets de création d'emplois pour les minorités cibles. Je demanderais à l'adjoint parlementaire du ministre de l'Industrie et du Commerce de prendre note de cette recommandation. Peut-être peut-il faire en sorte que le ministre soit mis au courant des recommandations.

La question que j'aimerais vous poser, M. Lotfi, est la suivante. Vous avez dit qu'il faut préciser les groupes cibles dans le règlement. Il y a d'autres intervenants qui ont demandé que l'article en question soit précisé davantage. Comment va-t-on définir toutes les personnes qui viennent du tiers monde?

M. Lotfi: Dans mon mémoire, je dis que les communautés culturelles des pays du

tiers monde se distinguent seulement par trois caractéristiques ci-après énumérées, c'est-à-dire les pratiques religieuses, la couleur de la peau ou le "bridage" des yeux Ce sont des caractéristiques qui les distinguent particulièrement et souvent les employeurs les discriminent pour ces caractéristiques.

M. Marx: ...des immigrants noirs des États-Unis. Ils ne viennent pas du tiers monde, donc...

M. Lotfi: Dans la définition, quand je dis caractéristiques identifiables visuellement, cela pourrait certainement toucher les minorités des États-Unis, effectivement.

M. Marx: Donc, vous voulez qu'on définisse davantage les minorités visibles. Est-ce que les gens subissent de la discrimination à cause de leur religion au Québec?

M. Lotfi: Aussi.

M. Marx: Pouvez-vous me donner des exemples?

M. Lotfi: Je peux vous en citer un.

M. Marx: Si quelqu'un était refusé pour un emploi à cause de sa religion il pourrait déposer une plainte devant la Commission des droits de la personne du Québec.

M. Lotfi: Mais seulement les choses se font de façon très subtile. Une personne qui fait de la discrimination ne vous dira jamais en pleine face, ni devant témoin: Je vous discrimine. Voici un exemple qui est très frappant. Cela se passait à l'été 1983. J'ai postulé à un concours qui avait paru dans la Presse. C'était une firme privée de Montréal qui faisait la sélection. Alors, on m'a avisé que j'étais retenu. J'ai eu une première entrevue à Montréal et quelques jours après on m'a avisé par téléphone que j'étais le premier sur la liste et que je devais me présenter une nouvelle fois pour l'entrevue finale avec l'employeur éventuel. C'était un groupe de municipalités qui se trouvent à 120 milles de Montréal. Je n'aimerais pas vous citer les noms. On va les laisser, ce n'est pas notre but. Donc, je me présente et pendant l'entrevue on me dit: Arrêtez-vous les autobus entre 12 heures et 14 heures pour aller prier?

M. Marx: Ce n'est pas une question pertinente d'après moi.

M. Lotfi: Pertinente par rapport à...

M. Marx: Ce n'est pas une question pertinente. Je ne vois pas pourquoi ils ont posé cette question.

M. Lotfi: Effectivement, j'ai été surpris parce que c'est là que j'ai commencé à me dire: Où est-ce qu'ils veulent en venir? Ils m'avaient demandé: Quelles sont vos origines? J'ai donné mes origines. Comment travaillez-vous? J'ai décrit comment je travaillais. C'était devant une commission de quatre personnes. À un moment, on est arrivé aux habitudes de vie. Là, ils m'ont posé la question. Effectivement, ils pensaient que, pratiquant la religion musulmane, j'allais arrêter tous les employés ou que j'allais arrêter tout le transport d'une région qui est très importante. Il y a une autre question qui a suivi. Ils m'ont demandé si jamais le groupe d'employés syndiqués pouvait m'accepter comme cadre dans cette entreprise. Alors, des questions de ce genre -c'est sûr - m'ont laissé comprendre qu'il y avait une réticence envers mes origines. Après deux ou trois semaines j'ai reçu une lettre dans laquelle on refusait ma candidature alors que j'avais été avisé que j'étais le premier sur la liste. J'ai téléphoné au bureau du ministre. Je me suis dit: Ce sont des municipalités, peut-être que le ministre pourrait faire quelque chose. Un des chefs de cabinet ou un des attachés politiques m'a répondu et m'a dit qu'il n'avait aucune autorité sur ce groupe de municipalités, qu'elles étaient indépendantes, libres de choisir et autonomes dans leur façon de gérer les municipalités.

Finalement, il a téléphoné au président de la commission en question. Deux jours après, je recevais un téléphone. Le président s'excusait pour ce genre de question, mais il était trop tard, le candidat était déjà choisi pour remplir le poste.

M. Marx: C'est arrivé quand?

M. Lotfi: C'est arrivé à l'été 1983. On m'avait dérangé chez moi, à 120 milles, pour entendre des choses comme cela. Je n'ai pas voulu donner l'exemple d'une autre question, parce qu'elle a l'air quand même très stupide. Mais c'étaient des questions dans ce sens, dans ce genre.

M. Marx: Vous savez qu'en vertu de notre Charte des droits et libertés de la personne il est même défendu - telle qu'elle est interprétée - de poser des questions sur la religion ou sur l'origine ethnique des personnes qui posent leur candidature auprès d'une entreprise. Je vois que, dans votre cas, on n'a pas posé la question d'une façon directe, mais d'une façon indirecte. Cela va de soi que c'était une question pas pertinente du tout.

J'aimerais vous conseiller de déposer une plainte auprès de Commission des droits de la personne en ce qui concerne ces

municipalités, parce que je trouve que cela n'a pas de bon sens, franchement! Nous avons des organismes pour s'occuper de ces problèmes.

M. Lotfi: Vous savez très bien, M. le député, que prendre ces recours - comme on le sait - se présenter devant les tribunaux, ce n'est pas chose facile. Ce n'est pas chose facile du tout. Cela vous brûle face 5 des organismes professionnels; cela va vous brûler face à des collègues. Cela crée du remous. Vous préférez quelquefois - vous n'avez pas les moyens financiers non plus de le faire -vous retirer et vous dites; Je me résigne à mon sort. C'est lui, finalement, qui a perdu un bon cadre et non pas moi. C'est sûr que c'est une façon qui n'est pas à déconseiller. (15 h 30)

M. Marx: C'est-à-dire que, quand on dépose une plainte à la Commission des droits de la personne, c'est la commission qui fait l'enquête, qui intente des poursuites, le cas échéant, et le citoyen n'a rien à débourser. Je trouve inacceptable que des institutions publiques fassent de telles interviews. Mais j'aimerais vous remercier de votre mémoire et aussi de votre témoignage personnel qui est vraiment le premier témoignage de cet ordre que nous ayons entendu à cette commission. Je le trouve très intéressant.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Lofti...

M. Lotfi: M. Lotfi.

M. Dussault: Lotfi, c'est le contraire. Je voudrais remercier M. Lotfi de la qualité de son mémoire et particulièrement de la facture de ce mémoire qui fait une description très intéressante de la problématique des personnes issues des communautés culturelles en recherche de travail. l y aussi, bien sûr, des recommandations sur lesquelles il faudra se pencher, parce qu'il y a là aussi, sûrement, beaucoup d'éléments de solution à envisager.

Je remarque cependant que vous avez très peu parlé, à toutes fins utiles, du règlement, celui-là même qui devait provoquer des mémoires et des représentations à la commission que nous sommes. J'aimerais donc vous poser comme première question: Avez-vous regardé et analysé ce règlement? Vous paraît-il satisfaisant, tout au moins pour les préoccupations que vous avez voulu faire valoir à la commission?

M. Lotfi: Le but de mon témoignage et la façon dont les choses se sont déroulées, c'est que j'ai été récemment discriminé dans la fonction publique - un autre exemple -dans le dépôt de ma candidature. En téléphonant à des organismes pour essayer de me plaindre, j'ai atterri au bureau de M. James Maranda. C'est là que j'ai appris qu'il y avait une commission parlementaire. La discussion s'est terminée là. J'ai dit que s'il y avait une commission parlementaire je n'hésiterais en aucune manière à me présenter sur la colline parlementaire et à faire du camping ici parce que le mal est très profond. Je chôme depuis longtemps, pas parce que je manque de compétence, mais pour d'autres raisons. C'est comme cela que je recevais jeudi dernier une lettre par Purolator m'invitant à me présenter pour donner un témoignage sur des cas pratiques de discrimination. Ce qui fait que je n'ai pas eu le temps de faire une analyse approfondie en droit. Je ne suis pas un spécialiste du droit non plus; je suis quelqu'un qui a vécu des situations et j'aimerais les apporter comme éclairage supplémentaire à votre commission pour qu'elle puisse en tenir compte dans les règlements.

M. Dussault: Donc, pour répondre à la question que je vous posais, vous n'avez pas eu le temps de regarder ce que dit le projet de règlement. Vous n'êtes donc pas en mesure de nous dire si ce projet de règlement est susceptible d'aider à régler des problèmes du type de ce que vous avez fait valoir ici.

M. Lotfi: C'est sûr qu'un tel règlement aiderait. Il ne viendrait peut-être pas résoudre le problème d'une façon systémique immédiatement, mais il donnerait des règles de jeu à l'entreprise, à la société pour qu'elle puisse, à l'avenir, fonctionner d'une façon plus équitable.

M. Dussault: D'accord. Relativement à votre cas plus précisément, si je comprends bien vos propos et ce que vous avez écrit dans votre mémoire, vous avez tenté de vous faire engager dans la fonction publique. Vous l'avez fait au moins une fois, si je me fie à ce que vous dites. L'avez-vous fait plus d'une fois?

M. Lotfi: Je peux vous dire que je l'ai fait des centaines de fois. J'achète des enveloppes par paquet de 100.

M. Dussault: Dans votre mémoire, à la page 10, à la recommandation 5, vous préconisez, parmi les solutions envisagées, de "réviser le système de sélection dans la fonction publique." À quoi faites-vous référence plus spécifiquement dans le système en question qui, bien sûr, serait susceptible de régler votre problème et qui vous aurait permis d'être engagé si, par exemple, le système de sélection était mieux

fait selon vos désirs?

M. Lotfi: Voici comment cela se passe. Vous envoyez une formule à la fonction publique qui la reçoit. Il y a des gens qui vont lire un curriculum vitae et qui, quelques semaines après, vous enverront une lettre de refus sans aucune analyse profonde, d'après moi. Donc, la lettre passe de la fonction publique à un ministère concerné et, selon la bonne humeur et le nombre de demandes que le ministère a reçues, c'est sûr qu'il va vous éliminer, surtout, d'après moi encore une fois, si votre expérience est acquise à l'extérieur. Les gens vous diront: Vous ne correspondez pas aux critères de sélection, critères qu'on voudrait avoir. Vous n'avez aucun recours. Vous ne voyez personne, il n'y a pas d'examen de sélection auparavant, il n'y a aucun examen écrit. Il y a sûrement une façon de rencontrer les gens pour montrer ce qu'on est capable de réaliser.

M. Dussault: Une dernière question, si vous me permettez. Je pourrai peut-être revenir plus tard si c'est nécessaire. Est-ce que vous êtes au courant qu'à partir du moment où il y a un refus pour les groupes qu'on vise, particulièrement les minorités, à la suite d'un concours de la fonction publique, le ministère concerné est obligé d'expliquer au Conseil du trésor pourquoi il n'y a pas eu engagement? Si vous êtes au courant, est-ce que vous pensez que cette mesure peut et a pu éliminer beaucoup de cas de discrimination?

M. Lotfi: J'ai essayé d'utiliser cette façon de faire. J'ai téléphoné à des gens qui sont toujours inscrits en. bas de la lettre: responsable du concours, numéro de téléphone. On ne nous donne pas d'explication. Ils ont le dernier mot. Ils ont décidé, d'après ce qu'ils ont jugé sur papier, et vous n'avez aucun recours. J'ai essayé de me plaindre à plusieurs personnes chargées des programmes d'égalité ou, au moins, de sensibiliser les gens dans différents ministères. Aucune personne ne connaissait son rôle précis, même pas ceux de la fonction publique. J'ai discuté avec tous ces gens-là. Chaque fois que j'ai reçu une lettre de refus j'ai téléphoné. Ils me disaient toujours: Si vous n'êtes pas content, allez-y, déposez une plainte devant les tribunaux ou ailleurs. Et c'est cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, M. Lotfi a apparemment des plaintes sérieuses et j'aimerais lui dire tout de suite ici que je suis prêt à appuyer sa demande s'il en fait une auprès du président de la Commission des droits de la personne du Québec pour revoir tout son dossier, tous les problèmes qu'il a soulevés devant cette commission. Cette commission ne peut pas faire vraiment enquête concernant les cas de discrimination que vous avez soulevés, mais je pense que c'est un dossier qui mérite d'être étudié par la Commission des droits de la personne du Québec de façon globale afin de voir ce qu'il y a là-dedans.

Si ce que vous dites est vrai, c'est inacceptable pas seulement pour les membres de cette commission mais, je suis sûr, pour presque toute la population québécoise. Quand des choses comme cela arrivent, ce n'est sûrement pas une situation qu'on, peut tolérer. Encore une fois, je vous dis que je suis prêt à vous appuyer dans n'importe quelle demande que vous êtes prêt à faire auprès de la Commission des droits de la personne du Québec ou auprès du Protecteur du citoyen, qui a aussi une certaine compétence dans ces matières.

M. Lotfi: J'ai déjà déposé devant le Protecteur du citoyen une plainte verbale, sauf qu'il y avait deux concours en cours et je ne voulais pas entacher mes chances de passer ces concours.

Vous devez comprendre une chose, c'est qu'il y a des peurs qui nous freinent d'utiliser la procédure, des peurs d'être encore davantage pénalisé, des peurs d'être jugé par nos collègues professionnels. Cela n'est jamais une chose intéressante pour un professionnel de porter plainte.

M. Marx: Je pense que vous n'aurez pas de raison d'avoir peur maintenant parce que vous avez dit cela devant les caméras, à la télévision. Tout le monde devrait être au courant comment vous voyez les choses, quels sont les problèmes que vous avez soulevés. Je pense qu'une démarche auprès de la Commission des droits de la personne serait souhaitable et très importante non seulement pour vous mais aussi pour les gens qui nous écoutent et disent: Mais qu'est-ce qui arrive au Québec? Qu'est-ce qui arrive dans la fonction publique québécoise? Est-ce qu'il y a des gens qui font vraiment de la discrimination? Si c'est vrai, on aimerait rectifier cette situation. Donc, je vous demande de faire en sorte de déposer votre ou vos plaintes devant la Commission des droits de la personne, non seulement pour vous mais pour tous les Québécois et Québécoises qui peuvent se demander aujourd'hui ce qui arrive dans nos institutions.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. À l'instar de M. le député de D'Arcy McGee, je regrette aussi que notre invité n'ait pas

fait de plainte à la Commission des droits de la personne. Il m'apparaît nettement que dans le cas de la municipalité dont il parlait, sans la nommer, tout à l'heure, il y avait là nettement de quoi porter plainte. Je pense d'ailleurs que, s'il y a des désavantages à porter plainte, il y en a moins en allant devant la Commission des droits de la personne qu'en venant le dire devant les caméras de télévision.

Je suis extrêmement compatissant à l'égard de votre problème. Je pense que, si vous êtes le reflet d'une certaine situation au Québec, il y a vraiment lieu de poser des gestes pour la changer. C'est évident. Mais, quand on va devant la fonction publique pour essayer d'avoir une fonction, je pense qu'il n'est pas facile d'avoir toutes les explications relativement aux raisons pour lesquelles on n'a pas été engagé.

Ce que je voulais vous dire tout à l'heure c'est que, dans le fonctionnement qui l'établit, il y a une protection. C'est pour cela que je voulais vous demander en quoi il fallait réviser le système de sélection. Car il y en a une protection: Au bout du cheminement, le Conseil du trésor doit être avisé des raisons pour lesquelles il y a eu un refus dans le cas des gens issus des communautés culturelles.

Cela veut dire que vous n'avez peut-être pas la raison, mais il y a cette protection pour l'ensemble des personnes qui sont dans votre cas. Dans ce sens, je pense que l'avantage que cela comporte est déjà considérable. M. Lotfi, je compatis beaucoup avec votre situation. Je vous encourage aussi. Je ne dirai pas que je vais suivre votre cas de la même façon que M. le député de D'Arcy McGee, qui se spécialise un peu dans ce genre de questions. Je me spécialise dans d'autres questions. Je peux dire que je vous encourage très fortement à faire la démarche. Il y a vraiment lieu d'y voir clair pour vous et toutes les personnes à qui cela rendrait service par la suite.

M. le Président, je n'ai pas d'autres questions à poser à votre invité.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je vous remercie en vous souhaitant bonne chance, M. Lotfi. Je pense que c'est toujours intéressant d'avoir devant la commission parlementaire des cas particuliers comme celui-là et des témoignages de ce genre. Effectivement, c'est important de prendre les moyens qu'il faut. Au Québec, on a toujours les possibilités de se défendre. Il s'agit de faire valoir nos droits. Je pense que l'offre du député de D'Arcy McGee pourrait peut-être vous faire cheminer vers le bon endroit.

En vous remerciant, je voudrais aussi en profiter pour remercier tous ceux qui ont passé au cours de la semaine, qui sont venus nous rencontrer à la commission des institutions. Je voudrais vous dire que cela a été une semaine fort agréable et fort instructive, je pense bien, pour notre commission. M. le député de Châteauguay, vous...

M. Dussault: M. le Président, je voulais en terminant, sans doute comme le fera mon collègue le député de D'Arcy McGee, me réjouir de la tenue de cette commission, de la façon dont elle s'est passée. Je pense que cela a été extrêmement positif. Bien sûr, nous le faisions pour notre satisfaction de parlementaires, mais je suis convaincu que les résultats seront considérables, puisque cela permettra au ministre responsable de pouvoir ajuster le projet de règlement en fonction de ce que nous avons entendu.

Il arrive de temps en temps que, comme parlementaires, nous ayons ainsi l'occasion de faire un travail bien au-dessus des considérations partisanes. Au-delà des premières minutes des travaux de cette commission, je pense qu'on peut dire que cela a été un travail bien au-delà des questions partisanes, et je pense que c'est la société québécoise qui profitera de notre travail.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier tous les groupes qui sont venus déposer et expliciter leur mémoire devant la commission. En général, les mémoires étaient d'une très haute qualité et cela a beaucoup renseigné les membres de cette commission.

Si je peux le dire, je pense qu'il y a un consensus en ce qui concerne le projet de règlement en question, c'est-à-dire que presque tout le monde a demandé certaines modications. Souvent, c'étaient les mêmes modifications pour rendre le règlement plus applicable, le cas échéant, et je suis sûr que nous allons tenir compte de ces suggestions.

Il y a un deuxième consensus en ce qui concerne les institutions gouvernementales et paragouvernementales. Tout le monde a dit que le gouvernement et ses institutions devront donner l'exemple pour la mise en place des programmes d'accès à l'égalité.

Enfin, je peux assurer tout le monde que ce ne sera pas à cause de la commission si le règlement n'est pas adopté en bonne et due forme de la façon la plus expéditive possible. Comme le député de Châteauguay l'a dit, cette discussion va au-delà de la partisanerie, c'est une question d'adopter un projet de règlement neutre, si je peux dire, pour le profit de tous les Québécois et Québécoises. Je pense que nous avons accompli notre mandat grâce au président.

M. Dussault: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, tout le monde. Je voudrais seulement ajouter des

remerciements personnels à la commission et aussi au personnel de l'Assemblée nationale qui, tout au cours de la semaine, a facilité notre tâche.

La commission ayant rempli le mandat qu'elle s'était donné, nous ajournons donc nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 15 h 48)

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