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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 11 juin 1996 - Vol. 35 N° 29

Étude détaillée du projet de loi n° 20 - Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique


Consultations particulières sur le projet de loi n° 130 - Loi sur la justice administrative


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Table des matières

Projet de loi n° 20 – Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique

Consultations particulières sur le projet de loi n° 130 – Loi sur la justice administrative

Projet de loi n° 20 – Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique


Intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Paul Bégin
M. John Ciaccia
M. Geoffrey Kelley
M. Yvan Bordeleau
Mme Céline Signori
M. Jean-Guy Paré
M. Joseph Facal
M. Thomas J. Mulcair
M. André Boulerice
M. Normand Jutras
Mme Hélène Robert
M. François Beaulne
*M. Yves Lafontaine, CDPDJ
*M. Pierre-Yves Bourdeau, idem
*M. Robert Caron, SPGQ
*M. Alain Tremblay, idem
*M. Éric Ouellet, idem
*Mme Isabelle Albernhe, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, nous allons débuter la séance. Je rappelle le mandat de la commission: procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique.

M. le secrétaire, est-ce que vous pourriez nous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Payne (Vachon) est remplacé par Mme Robert (Deux-Montagnes) et M. Lefebvre (Frontenac) par M. Kelley (Jacques-Cartier).


Projet de loi n° 20


Étude détaillée


Attribution et effet de l'aide juridique


Services juridiques pour lesquels l'aide juridique est accordée (suite)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. Alors, nous en étions à l'étude de l'article 4.6. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Alors, merci, M. le Président. Quand nous avons entendu les différents représentants qui sont venus faire des représentations, qui ont soumis des mémoires à la commission, ils ont tous demandé des changements en indiquant que le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'était pas acceptable.

L'article 4.6, présentement, donne le droit à l'aide juridique quand il y a un appel, et le sous-paragraphe 2° «s'il s'agit d'un appel logé ou d'un recours extraordinaire exercé par l'accusé dans une affaire visée à l'article 4.5 lorsque l'appel ou le recours extraordinaire est raisonnablement fondé».

Les représentations qui avaient été faites par la Coalition étaient à l'effet que ce concept de «raisonnablement fondé» était trop restrictif. Premièrement, la loi actuelle établit la vraisemblance d'un droit. C'est vrai que c'est, des fois, les mêmes mots, mais qui sont dits d'une façon différente. «Vraisemblance d'un droit», c'est un concept qui est connu, qui est dans la loi actuelle, qui donne une certaine protection pour qu'il n'y ait pas d'appels farfelus. Mais, si on va de là au concept de «raisonnablement fondé», là, on devient vraiment restrictif. On met quasiment ceux qui sont responsables de prendre les décisions dans la position, vraiment, de juges. C'est plus restrictif.

Alors, ce qu'on demanderait au ministre, c'est de maintenir le concept actuel. La Coalition l'a suggéré. Ça semble bien fonctionner. Il doit y avoir sûrement une pratique, une jurisprudence sur le concept qu'on doit établir la vraisemblance d'un droit plutôt que le nouveau concept que le ministre vient d'introduire dans le projet le loi; et, à cet effet, M. le Président, je proposerais un amendement: Que le projet de loi soit modifié par le remplacement, dans le deuxième paragraphe de l'article 4.6 tel qu'introduit par l'article 6 du projet de loi, des mots «l'appel ou le recours extraordinaire est raisonnablement fondé» par les mots «celui-ci établit la vraisemblance d'un droit».

Je pense qu'il y a une légère nuance dans les mots, mais, dans leur concept, je pense que ça peut devenir assez important et que ça élimine la restriction qui pourrait être abusive, vraiment, parce qu'on serait dans une situation où on a accordé l'aide juridique, où la personne a perdu le procès et, là, elle perdrait son droit d'aller en appel. Alors, on affecte vraiment le droit de celui qui reçoit l'aide juridique, et on ne voit pas vraiment la raison pour laquelle on devrait changer le concept des mots et les mots qui existent présentement dans la loi.

Ça a été un voeu qui a été exprimé par...

M. Bégin: Quel article?

M. Ciaccia: Pardon?

M. Bégin: Vous référez à quel article?

M. Ciaccia: Dans la loi actuelle, c'est l'article 63, qui dit: «doit accorder l'aide juridique à une personne qui établit la vraisemblance d'un droit». Alors, ce concept-là est déjà...

M. Bégin: Vous la retrouvez à l'article 4.11, la vraisemblance.

M. Ciaccia: Pardon?

M. Bégin: Vous l'avez à l'article 4.11, la vraisemblance.

M. Ciaccia: Un autre... Alors...

M. Bégin: Premier paragraphe.

M. Ciaccia: Bien, une raison de plus d'avoir concordance entre les articles 4.6 et 4.11.

M. Bégin: Si vous me permettez, c'est parce que vous n'êtes pas dans la même hypothèse. Ici, à l'article 4.11, on a la concordance avec l'article 63. C'est dans la même situation, la vraisemblance de droit. On l'a gardée. Dans le cas de l'article 4.6, c'est dans le cadre de recours extraordinaires. On est vraiment dans les recours extraordinaires, l'habeas corpus, enfin, les quatre ou cinq grands cas, là. Alors, on dit «lorsque l'appel ou le recours extraordinaire est raisonnablement fondé»; et je soumets que c'est plus large – en tout cas dans mon esprit, certainement, tout au moins – que «raisonnablement fondé» donne plus d'emprise, plus de possibilités de recours que la vraisemblance du droit. Moi, en tout cas, dans mon esprit à moi, je le comprends comme ça. Je ne sais pas si mes légistes peuvent me donner une articulation différente.

(Consultation)

M. Ciaccia: Ce concept-là ne s'applique pas seulement à des recours extraordinaires. Ça s'applique à tout appel.

M. Bégin: Peut-être, maître...

(Consultation)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Bégin: M. le député de Mont-Royal, on me soumet ici que, à l'article 686 du Code criminel, on parle de pouvoirs de la Cour d'appel et on dit: «Lors de l'audition d'un appel d'une déclaration de culpabilité ou d'un verdict d'inaptitude à subir son procès ou de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, la Cour d'appel: a) peut admettre, si elle est d'avis, selon le cas: i) que le verdict devrait être rejeté pour le motif qu'il est déraisonnable». Et on m'indique que c'est sur cette base de la raisonnabilité déraisonnable que ce mot, en matière criminelle et en matière de recours extraordinaires, se retrouve là de préférence à la vraisemblance du droit.

M. Ciaccia: C'est parce que la Coalition, elle, jugeait que, de la façon dont l'article est présentement rédigé, c'est plus restrictif que le concept de la vraisemblance d'un droit, s'il est raisonnablement fondé, parce que, pour aller plus loin, vous pouvez avoir la vraisemblance d'un droit, mais quelqu'un peut dire: Ce n'est pas raisonnable. Vous pouvez avoir la vraisemblance d'un droit, oui, mais ce n'est pas fondé. Je pense que, avec la vraisemblance d'un droit, il y a moins de discrétion. C'est plus ouvert que de dire «raisonnablement fondé». De toute façon, c'était l'opinion de la Coalition, puis je pense que je suis d'accord avec eux.

Et je le sais que l'article 63 de la loi actuelle réfère plutôt à l'article 4.11, mais, au moins, c'est un concept qui pourrait être cohérent dans toute la loi au lieu de changer. Pour une matière, vous dites «vraisemblance d'un droit», dans l'autre, vous ajoutez «raisonnablement fondé». Il va falloir que quelqu'un l'interprète, ça, qu'il nous dise: Dans un cas, c'est la vraisemblable d'un droit; dans un autre cas, c'est «raisonnablement fondé». Ils ne peuvent pas vouloir dire tous les deux la même chose, parce que, le législateur, quand il parle, il parle pour dire quelque chose, pas pour se répéter avec différentes paroles pour donner le même concept, et, moi, je crois sincèrement que, quand on dit «raisonnablement fondé», c'est plus restrictif, que ça donne moins de droits à celui qui veut avoir le droit à l'appel. D'abord qu'il y a la vraisemblance d'un droit, même, des fois, si ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas raisonnable, mais il y a la vraisemblance d'un droit. Quelqu'un peut juger que ce n'est pas raisonnable, ça, mais, si la vraisemblance existe, il a le droit d'aller en appel.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Bégin: Excusez, je pensais qu'il voulait continuer. Écoutez, je soumets que vous avez cependant, dans les recours autres que criminels et pénaux, que l'on retrouve à 4.11... Le titre c'est: Autres dispositions, et, là, on dit «en toute matière autre que criminelle ou pénale», et, là, je prétends qu'on rejoint ce que le député de Mont-Royal dit. Donc, on revient à cette notion de vraisemblance d'un droit que l'on avait dans L'article 63. Par contre, en matière d'appel, en tout cas, je vous donne l'argument que mon collègue – pardon, comment on te qualifie? – mon spécialiste me donne pour établir cette base juridique pour l'écriture de l'article 4.6, deuxième alinéa.

(11 h 40)

M. Ciaccia: Je comprends que, peut-être, il peut y avoir une différence d'opinion, mais, moi, je vous émets l'opinion de la Coalition, avec laquelle je suis d'accord. Et, si vous l'avez déjà dans l'article 4.11, «la vraisemblance d'un droit», c'est déjà établi, ce concept-là, gardons ce concept-là, mais mettons-le aussi dans l'article 4.6. Comme ça, la loi va être consistante, cohérente.

M. Bégin: On me réfère ici à l'entente fédérale-provinciale en matière de contribution financière du fédéral – c'est l'aide juridique en matière criminelle – et, là, le texte, c'est: «l'organisme provincial estime que l'appel est fondé». C'est beaucoup plus dur. Il faut que ça soit fondé...

M. Ciaccia: Oui.

M. Bégin: ...alors que là, on va raisonnablement... Bon. Bien, là, on a un petit peu élargi; ce n'est peut-être pas l'extension totale. Il faut faire attention aussi. Il ne faut pas tomber dans l'appel automatique, là. Il faut faire attention. Il ne faut pas tomber dans l'appel automatique ou de plano, si vous me permettez cette expression-là.

M. Ciaccia: Non, ce n'est pas ça que je dis.

M. Bégin: Donc, c'est pour ça qu'on dit ici...

M. Ciaccia: Ce n'est pas automatique.

M. Bégin: ...dans l'entente, «fondé», moi, ça m'apparaît trop sévère. Ça veut dire qu'on porte un jugement que la cause est gagnée. C'est pas mal fort. «Raisonnablement», bien, là, il y a une chance importante de gain, et ça m'apparaît être un moyen terme entre ça et l'appel large, large, large.

M. Ciaccia: O.K. Mais alors, pourquoi dans l'article 4.11 – je sais qu'on ne discute pas l'article 4.11 présentement – vous utilisez «vraisemblance d'un droit»?

M. Kelley: C'est quoi la différence?

M. Ciaccia: Dans votre esprit, est-ce que vous voulez donner moins de droits dans l'article 4.11, plus de droits? C'est quoi la nuance? Je pense que vous ouvrez la porte à des genres d'interprétation de celui qui doit prendre la décision, tandis que, si vous avez un concept dans l'article 4.6 qui est le même dans 4.11... Je le sais, vous m'avez cité l'entente, mais ça peut avoir d'autres buts, cette entente-là.

(Consultation)

M. Bégin: C'est parce qu'il faut faire attention quand on compare, là. À l'article 4.11, on est, d'abord, dans d'autres matières que criminelles ou pénales; première chose. Ensuite on dit que «l'affaire ou le recours n'apparaît pas fondé, compte tenu notamment de l'un ou l'autre des facteurs suivants». Alors, on dit «l'affaire ou le recours – c'est les deux dernières lignes du paragraphe introductif – n'apparaît pas fondé – et on le retrouve, le mot "fondé", qu'on avait tout à l'heure dans l'entente fédérale-provinciale – compte tenu notamment de l'un ou l'autre des facteurs suivants:

1° la personne qui demande l'aide ne peut établir la vraisemblance d'un droit».

M. Ciaccia: Oui, mais vous auriez bien pu dire là, M. le ministre, que la personne qui établit l'aide ne peut établir le «raisonnablement fondé». Vous auriez bien pu utiliser ce concept-là, mais vous avez maintenu «la vraisemblance d'un droit», et je pense que c'est bien.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal, je regarde l'article 4.11, et, lorsqu'on dit «n'apparaît pas fondé, compte tenu notamment de l'un ou l'autre des facteurs suivants», la vraisemblance de droit en est un des facteurs.

M. Ciaccia: ...que «la vraisemblance d'un droit» est moins restrictif...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est-à-dire que...

M. Ciaccia: ...parce que, si vous dites «raisonnablement fondé», là, vous injectez plutôt l'aspect discrétionnaire, jugement de celui qui doit porter le jugement, tandis que «la vraisemblance d'un droit», c'est plus large, c'est moins ouvert à la discrétion.

(Consultation)

M. Kelley: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Ici, je veux juste ajouter à ça... C'est juste qu'il y aurait une critique. À travers tous les articles 4.1 à 4.13, il y a beaucoup de ces expressions qui sont imprécises. Alors, qu'est-ce qu'on cherche ici? Est-ce que les deux concepts sont différents? C'est-à-dire est-ce que «raisonnablement fondé» est différent de «vraisemblance de droit»?

M. Ciaccia: Vraisemblance d'un droit.

M. Kelley: «Vraisemblance d'un droit», pardon. Et, si oui, c'est quoi la différence? C'est quoi la nuance qui est cherchée entre les deux? S'ils sont plus ou moins entre le «fondé», que le ministre a discuté, qui vient de la loi fédérale, et un appel «at large», ils sont entre les deux, mais c'est quoi la nuance entre les deux? Peut-être que, pour une raison de clarté, on peut choisir un des deux.

M. Bégin: Je prends ici, dans le dictionnaire courant, «raisonnablement»: «D'une manière raisonnable, conformément aux lois de la raison, à la logique ou au bon sens».

Une voix: C'est ça.

M. Bégin: Bon. Alors que, si on va voir «vraisemblable», on trouve: «Qui est à bon droit considéré comme vrai, qui semble vrai.» Et la vraisemblance, c'est une «apparence de vérité», une apparence. Alors, l'autre, «raisonnablement», c'est plus rationnel que l'autre qui, lui, dit, bon, un sentiment, comme ça...

Une voix: Apparence.

M. Bégin: Des apparences. Donc, je pense que «raisonnable» est plus strict et que «vraisemblance» est plus large.

Une voix: Oui.

M. Bordeleau: Pourquoi faire, M. le ministre, vous disiez le contraire, que «raisonnablement fondé» était plus large?

M. Bégin: Effectivement, je pense que tout à l'heure j'ai...

M. Ciaccia: «Raisonnable» est plus strict.

M. Bordeleau: Vous avez erré en droit.

M. Ciaccia: Vous avez raison, c'est plus strict.

M. Bégin: Je n'ai pas rendu de jugement, j'ai juste donné une opinion.

M. Bordeleau: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, mais, effectivement, tout à l'heure, à la fin de mon intervention, je me suis dit: Est-ce que... Et en revoyant les concepts, là, je me rends compte que j'ai dit tout à fait l'inverse. Seuls les fous ne changent pas d'idée.

M. Ciaccia: Non, mais vous avez raison, et c'est pour ça que, moi, j'ai dit que je n'étais pas d'accord avec votre interprétation, parce que «raisonnablement», c'est plus difficile.

M. Bégin: Plus difficile que «vraisemblable», c'est vrai.

M. Ciaccia: ...tandis que l'autre, c'est une apparence; d'abord qu'il y a une apparence. S'il y a apparence d'un droit, si ce concept-là est bon pour l'article 4.11, je pense qu'il est bon pour celui-ci. Il y a déjà assez de restrictions dans le projet de loi. Tu sais, je ne veux pas porter...

M. Bégin: ...

M. Ciaccia: ... il y a assez de restrictions, sans en ajouter restriction par-dessus restriction. Une fois que vous l'avez accordé en première instance, ne lui enlevez pas, à moins qu'il n'y ait pas la vraisemblance d'un droit, le droit d'aller en appel. S'il n'y a pas la vraisemblance d'un droit, je suis d'accord avec vous, il n'est pas pour aller en appel juste pour gaspiller de l'argent. Mais, d'abord qu'il y a l'apparence d'un droit, si vous avez jugé qu'il avait le droit d'aller à la cour de première instance, n'étouffez pas son droit d'appel. C'est bon, ça, hein: «N'étouffez pas son droit d'appel.»

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: J'aime ça, moi, tu sais.

M. Bégin: Alors, quand on regarde en matière criminelle et pénale – on revient un petit peu à l'article 4.5, le titre – on a vu hier, longuement, que certains actes n'étaient plus dorénavant couverts, et c'était ça. À l'article 4.6, il y a une ouverture, mais il y a quand même une continuité, une logique là-dedans pour regarder de manière un peu plus serrée si, oui ou non, on permet l'appel... qu'on ne le fera en matière civile. C'est logique, en conséquence, qu'à l'article 4.11 on soit plus large qu'à l'article 4.6, puisqu'on est en matière autre que criminelle et pénale.

M. Ciaccia: Vous dites...

M. Bégin: Quand un client vient dans votre bureau pour vous dire: Est-ce que, oui ou non, je peux aller en appel? Compte tenu de la vraisemblance ou selon la raisonnabilité, on n'arrivera pas au même résultat; et, en reprenant l'explication, on se rend compte que la vraisemblance va amener pratiquement une ouverture générale à l'appel et aux autres procédures spéciales.

M. Ciaccia: Est-ce que je vous ai bien compris, M. le ministre? Parce que, avant de...

M. Bégin: Vous vous méfiez. Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: ...faire une remarque, là, je ne veux pas faire des remarques sur quelque chose que je n'ai pas compris. Si j'ai bien compris, vous dites: À l'article 4.11, c'est autre que criminel, alors c'est plus ouvert.

M. Bégin: Oui, c'est vrai.

M. Ciaccia: Et, dans le criminel, vous allez restreindre ça? Moi, j'aurais pensé que c'est l'inverse.

M. Bégin: Non, non.

M. Ciaccia: Dans le criminel, vous devriez être plus ouverts.

M. Bordeleau: Oui.

M. Bégin: Mais, comme je l'ai dit tantôt, en matière...

M. Ciaccia: Bien oui, mais ça ne l'est pas.

M. Bégin: Non, non. En matière criminelle...

M. Ciaccia: Le criminel est plus restrictif.

M. Bégin: Le criminel, il est couvert, c'est-à-dire que, lorsque c'est en vertu d'un acte criminel... Bon. Et les autres, c'est – Ah! c'est ça que je cherchais, là – le paragraphe 4.5, 1°: «à une poursuite pour un acte criminel prévu dans une loi». C'est la couverture automatique.

(11 h 50)

M. Ciaccia: M. le ministre, il me semble que, en matière criminelle, vous devriez donner la plus grande latitude possible pour un droit d'appel. Ce n'est pas dans les matières civiles qu'on dit: On va donner une grande latitude, parce que, dans le droit criminel, vous affectez la liberté de la personne. Alors, s'il y a un argument pour que ce soit ouvert et interprété plus largement, c'est certainement dans le droit criminel. Si vous êtes prêt à interpréter largement dans le droit civil à l'article 4.11, encore plus de raisons de ne pas l'interpréter étroitement en matière criminelle ou pénale.

Je le sais que, quand on rédige une loi ou une législation, on a toujours tendance à avoir droit d'auteur sur les mots et on ne veut pas les changer, mais, tu sais, quand ça peut aider et quand il y a des bonnes raison pour les changer, je pense qu'on devrait être ouvert à ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je dois admettre que je ne comprends pas la résistance du ministre à cet amendement, parce qu'on a déjà les concepts dans ce deuxième alinéa. C'est déjà un recours extraordinaire, alors ce n'est pas quelque chose qu'on fait à tous les jours. Si on fait référence à l'article 4.5, on trouve là le concept des conditions exceptionnelles: la gravité, la complexité. Alors, je pense que, au niveau des balises, au niveau des choses comme ça, on a déjà indiqué que ce n'est pas une affaire banale ici. On parle effectivement d'une circonstance exceptionnelle. Il y a rareté des causes, alors, dans ces circonstances, ça risque d'être quelque chose où je pense qu'on doit avoir un petit peu plus de souplesse. Donc, la vraisemblance du droit serait souhaitable. Ça donne suite aux revendications des coalitions, des personnes qui ont témoigné ici.

Moi, je ne vois pas la crainte du ministre que, peut-être, si c'est trop, la vraisemblance du droit va ouvrir ça trop large. Moi, je ne pense pas, parce que je pense que, avec tous les autres concepts qu'on trouve ici déjà – c'est-à-dire que c'est un recours extraordinaire, dans des circonstances exceptionnelles et qui ont mis en cause la gravité et la complexité des causes – on a déjà une grande liste de restrictions. Alors, je pense que, si on peut ajouter un petit peu de souplesse pour donner suite aux demandes qui ont été faites par les groupes communautaires, on a tout avantage à le faire.

M. Ciaccia: Même, on aurait pu demander, dire: Écoutez, en matière criminelle et pénale, c'est très sérieux pour un accusé, pour celui qui reçoit l'aide juridique, qu'il soit accusé ou non, on devrait avoir un appel automatique, sans restriction. Ce n'est pas ça qu'on vous dit, mais ne mettez pas les restrictions plus que vous les mettez dans une matière civile.

M. Bégin: Je pense qu'on est allé un peu vite ce matin. On a oublié de relire notre article, comme on aurait dû le faire. Si vous lisez bien comme il faut: «En matière criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée en appel ou pour l'exercice d'un recours extraordinaire – et, là, il y a deux hypothèses:

«1° s'il s'agit d'un appel logé ou d'un recours extraordinaire exercé par le poursuivant dans une affaire visée à l'article 4,5», et tous les cas qu'on a vus.

Donc, quand il s'agit d'un appel logé par la couronne: couverture automatique dans tous les cas, sans discussion.

M. Ciaccia: Oui.

M. Bégin: Bien, je pense que c'est important.

M. Ciaccia: C'est important.

M. Bégin: Dans l'autre:

«2° s'il s'agit d'un appel logé ou d'un recours extraordinaire exercé par l'accusé – ah! là, il veut aller en appel ou encore utiliser une procédure extraordinaire – dans une affaire visée à l'article 4.5 – et c'est là qu'on pose une balise, il aura droit à l'aide juridique – lorsque l'appel ou le recours extraordinaire est raisonnablement fondé.»

Donc, on dit à celui ou à celle qui veut utiliser l'aide juridique pour loger un appel – c'est donc qu'il a perdu en première instance; il faut comprendre qu'il a déjà perdu et qu'il veut exercer un recours extraordinaire, qui, en soi, est quelque chose d'assez spécial: Écoutez, on va quand même tamiser, baliser en disant que vous devrez établir que ce que vous voulez faire, qui est assez spécial, est raisonnablement fondé. Pas vraisemblablement fondé, raisonnablement fondé. Et, là, je pense que c'est mieux que ce qu'on retrouvait dans l'entente fédérale-provinciale, mais c'est plus mou.

Et je pense qu'on doit éviter qu'une personne utilise – et c'est là qu'on peut tomber facilement dans des abus – la procédure d'appel ou de recours extraordinaire un peu comme dans n'importe quelle hypothèse. Et je pense que ce ne serait pas cohérent de dire: On va permettre à peu près dans toute circonstance qu'une personne puisse aller en appel et ou avoir un recours extraordinaire, alors que, par hypothèse, il a déjà eu une audition, il y a eu un jugement puis qu'il a perdu.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais comprendre la différence maintenant. Dans l'article 4.6.1°, vous dites «s'il s'agit d'un appel logé ou d'un recours extraordinaire exercé par le poursuivant».

M. Bégin: La couronne.

M. Ciaccia: Alors, eux, vous leur donnez un droit automatique...

M. Bégin: Oui.

M. Ciaccia: ...d'appel à la couronne.

M. Bégin: Attendez un peu. Ce n'est pas à la couronne qu'on donne ça, on donne ça à la personne qui est poursuivie, parce que, par hypothèse, dans ce cas-là, c'est que la couronne a perdu et l'individu a gagné, et on lui dit: On te traîne devant la Cour d'appel...

M. Ciaccia: Bien, ce n'est pas de même que je le lis, moi.

M. Bégin: Bien, il faut le lire comme ça, par exemple, parce que c'est ça qu'il dit, le texte.

M. Ciaccia: Le poursuivant.

M. Bégin: Le poursuivant, c'est la couronne.

M. Ciaccia: Oui.

M. Bégin: Bon. Alors, on dit: Si...

M. Ciaccia: Oui, mais elle peut aller en appel, la couronne, même si elle a perdu, aussi.

M. Bégin: Mais c'est toujours quand ils ont perdu qu'ils vont en appel.

M. Ciaccia: Puis s'ils ont gagné aussi?

M. Bégin: Bien oui, mais écoutez, là...

M. Ciaccia: Qu'est-ce qui va arriver?

M. Kelley: Ils vont en appeler de la sentence.

M. Bégin: Oui, oui, mais...

M. Ciaccia: La sentence, tout le reste?

M. Bégin: ...attendez un peu. Bien, c'est plutôt rare que la couronne va quand elle a gagné. Elle va aller sur les points où elle a perdu. Elle n'ira pas en appel là où elle a gagné. Voyons donc! Non, non, mais écoutez, même sur la... Attendez un peu. Il y a deux aspects. Est-ce que la personne était coupable ou non? Si la couronne a obtenu que la personne était reconnue coupable, elle n'ira pas en appel; certain. S'ils font ça, moi, je vais demander un rapport sur le comportement de ce procureur-là parce que je vais trouver ça assez spécial.

La deuxième chose, c'est que, s'il y a une sentence, la couronne peut avoir eu la culpabilité puis une sentence qu'elle calcule pas suffisante. Dans cette hypothèse-là, elle a, à mon point de vue, perdu, puisqu'elle va en appel. Elle n'a pas eu ce qu'elle voulait. Elle a eu quelque chose, mais ce n'est pas ce qu'elle voulait. Donc, elle va en appel. Alors, c'est elle, la couronne, qui va loger l'appel, même si elle a gagné. Alors, ce n'est pas marqué «lorsque vous avez perdu». C'est marqué «s'il s'agit d'un appel logé par le poursuivant». Quelle que soit la base de ce recours, c'est donc la couronne qui va en poursuite, et, à ce moment-là, l'accusé aura automatiquement droit à un procureur.

M. Ciaccia: Alors, pourquoi restreindre, dans le paragraphe 2°, le droit de l'accusé?

M. Bégin: Parce que c'est autre chose. L'hypothèse est inverse. C'est que, à ce moment-là, la personne a eu un procès, elle a été reconnue coupable et, là, elle veut aller en appel, ce que je peux comprendre très bien. Mais elle a suivi le processus judiciaire et elle a perdu. Là on lui dit: Avant de te donner l'aide juridique là-dessus, on va quand même s'assurer que c'est raisonnablement fondé. Par exemple, toute personne qui a été condamnée pourrait dire: Que je gagne ou que je perde, je m'en sacre, je veux aller en appel. Or, si la couronne sait qu'il a à peu près une chance sur 1 000 000 de gagner, est-ce qu'on ne peut pas dire à la personne: On s'excuse, si tu veux aller devant la Cour d'appel, tu n'auras pas le droit d'aller à l'aide juridique, ce n'est pas les citoyens qui vont payer pour ta folie. Alors, c'est tout à fait dans l'ordre des choses, justement, qu'on exerce ce jugement.

M. Ciaccia: Et je suis d'accord avec vous, avec le principe de dire qu'il faut mettre certaines restrictions au droit à l'appel de l'accusé. Ce qu'on vous dit, c'est que les restrictions que vous mettez sont trop, en termes des droits de l'accusé, en termes du concept de «raisonnablement fondé». Si c'est un concept que vous acceptez, «raisonnablement fondé», pour des matières civiles, ce qu'on vous dit c'est qu'encore, de plus, vous devriez l'accepter pour des matières criminelles ou pénales, dans un droit d'appel, parce que c'est la liberté ou les droits de la personne, de l'accusé qui sont en jeu. Quand vous dites «raisonnablement fondé» – vous l'avez accepté vous-même – c'est beaucoup plus restrictif.

L'autre, d'abord qu'il a l'apparence d'un droit, d'abord que c'est raisonnablement fondé, il peut aller en appel, mais, si c'est une matière pénale ou criminelle, on est d'accord avec la Coalition pour dire: Écoutez, c'est trop restrictif, gardez le concept de «vraisemblance d'un droit». C'est tout ce qu'on vous dit.

(12 heures)

M. Bégin: Alors, à l'article 4.11, d'abord, on n'est pas dans des cas d'appel, et, comme je le dis, quand on est à l'article 4.6, le cas où le critère se pose, c'est que, déjà, on a passé un premier tamis et que la personne a été reconnue coupable. Alors, à ce moment-là, on dit: On veut avoir un plus grand contrôle. Et la raison, il faut la comprendre. Tout en donnant les droits, il faut se rappeler ce que je disais hier, c'est que la courbe, ici, elle n'a pas pu passer, de 1985 à 1996, de 62 000 000 $ à 121 000 000 $, sur 10 ans, uniquement parce qu'il y a eu l'inflation. Puis ce n'est pas basé uniquement sur le nombre de personnes, parce que, au contraire, chaque jour qui passe élimine, en principe, des personnes à l'aide juridique, parce que l'admissibilité financière, la dépréciation de l'argent fait qu'on s'éloigne; 8 870 $ en 1985, puis, en 1996, ça ne vaut pas le même argent, ça, je pense que vous allez le concéder. Donc, en principe, il y a moins de monde qui était admissible à l'aide juridique, le taux de criminalité n'a pas augmenté et l'inflation a existé, mais pas à ce niveau-là, on est passé à une augmentation de 96,6 %, 62 000 000 $ à 121 000 000 $. Comment ça peut arriver? C'est l'utilisation de mots comme on a là: «vraisemblablement», «raisonnablement», «apparence». Et une interprétation...

M. Ciaccia: Avez-vous oublié les frais d'avocat?

M. Bégin: Malheureusement, ça n'a aucun rapport.

M. Ciaccia: Wo! Wo!

M. Bégin: Non, non, parce que c'est des tarifs...

M. Ciaccia: Je veux dire, il y avait des avocats qui se faisaient 500 000 $ par année avec l'aide juridique. Voyons!

M. Bégin: Il y en a un. J'ai tout regardé ça en détail...

M. Ciaccia: Ça, là, il ne faut pas généraliser sur les avocats...

M. Bégin: Une personne.

M. Ciaccia: ...mais il peut y avoir des...

M. Bégin: Il y en avait 11 qui étaient en haut de 150 000 $. Il faut quand même relativiser les choses.

M. Ciaccia: En tout cas, ce n'est pas le but de l'article 4.6, là.

M. Bégin: C'est beaucoup, c'est excessif, mais il ne faut pas généraliser. Onze personnes... Alors qu'il y a eu 3 176 avocats qui ont donné de l'aide juridique l'an passé, il y en a 11 qui sont dans le «bracket» que vous mentionnez. Onze, ça fait une exception et non pas la règle.

M. Ciaccia: Je suis d'accord.

M. Bégin: Donc, il faut quand même s'assurer qu'on obtienne les résultats. Vous seriez les premiers, l'année prochaine, à me dire: M. le ministre, vous nous aviez dit que ça coûterait tant et là ça coûte tant. Qu'est-ce que vous avez fait? Bien, chaque fois que vous demandez d'ouvrir la chantepleure...

M. Ciaccia: Je vous promets de ne pas vous dire ça.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Je m'engage. Avec l'amendement...

M. Bégin: Vous vous engagez.

M. Ciaccia: ...je m'engage à ne pas vous dire ça l'année prochaine.

M. Bégin: M. Kelly ou M. Bordeleau, n'importe qui d'autre. Mais c'est sûr que ça arriverait. C'est justement, une chantepleure qu'on laisse ouverte, qui ne coule pas beaucoup à la fois. Mais, quand on fait le total, ça va ramasser pas mal d'argent. Je vous le dis, là. Regardez 1988-89, c'était 79 000 000 $; 1989-90, 83 000 000 $; 1990-1991, 88 000 000 $; puis – écoutez bien ça – 1991-1992, 100 000 000 $, une augmentation de 12 000 000 $ dans une année; 1992-1993, 114 000 000 $. Après une augmentation de 12 000 000 $, une autre augmentation de 14 000 000 $. Pensez-y, là. Comment pouvez-vous expliquer ça quand l'inflation ne joue pas ou jouait peut-être à 2 % et que vous avez de moins en moins de monde admissible théoriquement et que ça coûte plus cher? C'est parce qu'on interprète plus largement les critères et qu'on donne la chance à du monde. C'est sur des mots comme ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste une question d'information: Les tarifs payés aux avocats n'ont pas changé dans cette période?

M. Bégin: Pas à ma connaissance.

M. Kelley: On paie le même montant à l'heure...

M. Ciaccia: Bien oui. Les tarifs d'il y a 10 ans...

M. Bégin: Écoutez...

M. Ciaccia: ...de 1985?

M. Bégin: ...je vais vérifier. Il y a peut-être quelqu'un ici qui est à l'aide juridique. Est-ce que vous êtes au courant?

Une voix: Quelle année?

Une voix: En 1990.

M. Bégin: 1990. Alors, si on regarde...

Une voix: Le 12 000 000 $, là.

M. Kelley: On commence à expliquer...

M. Bégin: En 1990-1991, non... 1989-1990, c'était 83 000 000 $; 1990-1991, c'était 88 000 000 $, donc on a plus d'une année de faite; et 1991-1992, là c'est à 100 000 000 $. Mais, admettons qu'il ait augmenté, là, qu'on pourrait expliquer une année d'augmentation parce qu'il y a un changement, mais qu'il y en ait une deuxième de 14 000 000 $... Puis ça continue après, hein, on est rendu à 121 000 000 $, là.

M. Kelley: Mais, à partir de 1991, on est tombé dans une récession. Alors, je pense que le bassin potentiel de clientèles a augmenté à partir de 1991. Je suis certain de ça. Il y avait plus de personnes sur l'aide sociale à partir de 1991 aussi.

M. Bégin: On est rendu à 121 000 000 $. L'interprétation... Quand je vous disais hier que l'interprétation de l'article 3 ou 4, je ne me rappelle plus lequel, coûtait 7 000 000 $, c'est-à-dire que, si vous appliquiez la règle, ça coûterait 7 000 000 $ de moins. Bien sûr que tout ça, ce sont des actes de générosité qui ont été posés à l'égard de personnes dans certaines situations, je le comprends. Mais c'est un fait. Chaque fois qu'on dit une phrase comme celle que vous dites, je le comprends très bien, mais je vois aussi le sens des mots et les effets que ça aura sur les finances. Or, il faut faire attention pour contrôler les deux: protéger les droits, mais aussi s'assurer qu'on puisse continuer de donner de l'aide juridique.

M. Kelley: Mais ça...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Kelley... M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je trouve...

M. Bégin: On me donne une indication ici: que le nombre de dossiers, depuis 1991, n'a pas changé. 300 000 dossiers par année depuis 1991. Excusez-moi, M. le député.

M. Kelley: C'est juste que je trouve, en comparaison avec l'article 4.4 que nous avons adopté hier soir... Là on dit au monde: «elle peut être accordée en tout état de cause, en première instance ou en appel». On a établi un genre de principe ici qu'on est en train de miner en 4.6. Le message livré là, si je suis quelqu'un d'admissible à l'aide juridique, je lis: «accordée en tout état de cause, en première instance ou en appel». Non, non. Je sais, les balises sont là.

M. Bégin: Oui.

M. Kelley: Par contre, pourquoi dire ça si on n'avait pas l'intention? Alors, si on avait l'intention de baliser ça deux articles plus loin, je trouve qu'on joue un petit peu... Oui, je comprends...

M. Bégin: C'est la règle.

M. Kelley: ...et, moi, je suis capable de lire les deux. Par contre, on établit cette notion. Moi, je trouve qu'avec toutes les balises qui sont dans l'alinéa 2° déjà... Parce qu'en faisant référence à 4.5... On a fait le débat hier soir sur toutes les restrictions qui sont déjà contenues dans 4.5. Alors, ce doit être une circonstance exceptionnelle. On a déjà fait la preuve que... On a fait la preuve qu'il y a une gravité, une complexité, que ça peut toucher les moyens de vivre. La liste est assez longue. Alors, encore une fois, une autre bouée de sauvetage pour le système «raisonnablement fondé»... Je trouve qu'on en ajoute un petit peu trop.

M. Bégin: À 4.4, on a énoncé le principe et on a dit: Voici comment ça va se produire plus loin. C'est une annonce, en fait, de ce qui va arriver. On dit: «L'aide juridique est accordée – et là, première virgule – dans la mesure déterminée par les dispositions de la présente sous-section – donc on...

M. Kelley: On donne et on reprend après.

M. Bégin: ...ce n'est pas surprenant qu'on les retrouve – et des règlements, pour les affaires dont un tribunal est ou sera saisi; elle peut être accordée en tout état de cause, en première instance – donc, ça veut dire que, même si la cause est commencée, même si on ne l'a pas demandée au départ, elle peut être accordée n'importe quand – ou en appel; elle s'étend, dans la même mesure, aux actes d'exécution.»

C'est un énoncé général que l'on retrouve détaillé à 4.5, 4.6, 4.7, 4.8, 4.9, 4.10 et 4.11. C'est donc un énoncé général, un peu comme une introduction à quelque chose. Moi, je ne suis pas surpris. Au contraire, même, je trouve que le principe est bien campé, là. Après ça, on va voir les exceptions qui se retrouvent dans chacune des autres dispositions.

M. Ciaccia: M. le Président, à 4.11, ce n'est pas seulement les demandes en première instance, ce sont aussi les appels. Quand vous dites: «En toute matière...

M. Bégin: En tout état de cause.

M. Ciaccia: ...autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique peut être refusée ou retirée, selon le cas, en tout état de cause»...

M. Bégin: Oui.

M. Ciaccia: ...ça veut dire en appel aussi. Alors, moi, j'ai de la difficulté à accepter et à comprendre que, pour des matières civiles, vous allez dire «vraissemblance d'un droit», qui est plus large, et pour une affaire pénale, à 4.6, vous allez dire «raisonnablement fondé», qui est plus restrictif. Moi, franchement... Ce n'est pas seulement moi. La Coalition aussi doit avoir une difficulté à accepter que, pour des matières civiles, vous allez élargir les raisons pour aller en appel, puis pour des causes pénales ou criminelles, vous allez les restreindre. Il ne me semble pas y avoir de logique là-dedans.

M. Bégin: Je pense que, de toute façon, quand on arrivera à 4.11, il y a des amendements qui vont être apportés suite aux remarques qui ont été faites. Mais je reste persuadé...

M. Ciaccia: Mais le but de mon intervention...

M. Bégin: Oui.

M. Ciaccia: ...ce n'était pas de réduire 4.11, c'était d'élargir 4.6.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il y a un élément, M. le député de Mont-Royal, quand même...

M. Kelley: Nivelé par le bas.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...à la lecture des articles. L'article 4.7 parle justement des cas où on a l'aide juridique en matière autre que criminelle ou pénale, alors que l'article 4.11 dit: lorsqu'elle peut être refusée...

M. Bégin: Ou retirée.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...ou retirée, le cas échéant. Alors, 4.7 balise effectivement aussi les droits en matière autre que criminelle ou pénale. M. le député de...

M. Ciaccia: Je ne pense pas. Bien non! À 4.6, c'est clair, c'est en matière criminelle ou pénale.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est en... Oui, mais...

M. Ciaccia: Ça ne s'applique pas aux affaires civiles.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non, je vous parle de 4.7. Lorsque vous référez à 4.11, M. le député, on dit les cas où elle est refusée ou retirée. À 4.7, on dit les circonstances dans lesquelles elle est accordée. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais également appuyer la proposition d'amendement de mon collègue de Mont-Royal. Je pense que... Il y a plusieurs éléments que je voudrais souligner, dans les discussions que vient d'avoir le ministre par rapport à ce projet-là.

(12 h 10)

D'abord, cette question-là, disons, de recourir à la formulation «vraisemblable en droit». On a fait référence aux représentations qui avaient été faites par la Coalition. Je pense qu'il y a eu aussi des allusions plus ou moins claires qui ont été faites par les gens de Pointe-Saint-Charles qui sont venus, des Services juridiques communautaires, et aussi par les avocats de la défense. Mais ce sur quoi je voudrais attirer votre attention, M. le Président, c'est que le Protecteur du citoyen, au moment du projet de loi 87... Alors, le Protecteur du citoyen réagissait un peu à cette façon-là de changer les termes. Je veux juste vous lire un extrait du document qui avait été remis dans le cadre de l'étude du projet de loi 87.

Le Protecteur du citoyen mentionnait: «Il y aurait donc lieu d'aborder les matières sur lesquelles le service d'aide juridique sera accordé en termes de vraisemblance du droit plutôt que de nature de la procédure. Même si ce concept est retiré de la Loi sur l'aide juridique par le projet de loi, il serait utile de le conserver et d'en circonscrire l'application de manière à éviter toute forme d'abus. Voilà pourquoi le Protecteur du citoyen propose que la notion de vraisemblance du droit soit maintenue dans la loi d'aide juridique et que des directives soient adoptées pour en cerner l'application.»

Le ministre fait souvent référence à la question de l'abus. Ce n'est pas l'avis du Protecteur du citoyen qu'on ne puisse pas restreindre les abus, s'il y a des abus qu'il faut contrôler, et c'est par le fait d'utiliser l'expression «vraisemblable en droit». Alors, je pense que cet argument-là du ministre de dire: Oui, mais, les abus, il faudrait... Puis je pense qu'encore là, quand on parle d'abus, il faudrait faire attention. Je pense que tout à l'heure on a juste émis quelques hypothèses qui peuvent expliquer l'augmentation des coûts, augmentation que le ministre tente, en tout cas, dans une première réaction, d'expliquer par des abus de... alors qu'il y aurait eu une augmentation au niveau de l'aide juridique à cause du fait des abus. Je ne pense pas que ce soit parce qu'on utilise les termes «vraisemblable en droit» que les abus vont se produire. On a fait référence au fait que ça correspond à des années où la clientèle sur l'aide sociale était beaucoup plus grande, donc des recours plus fréquents à l'aide juridique parce que ces personnes-là n'ont pas les revenus qu'elles avaient antérieurement. Il y a une partie qui peut être expliquée par l'augmentation des honoraires. Il y a également, disons, peut-être un problème d'attitude aussi qui fait qu'on a de plus en plus recours aux tribunaux pour régler des problèmes, alors que, dans le passé, ce n'était pas dans la mentalité des personnes. Mais ce n'est pas nécessairement des abus, ça, là. C'est peut-être un changement de fonctionnement dans la société qui fait qu'on y a plus recours.

Alors, je pense qu'il faudrait faire attention au fait de prétendre que l'augmentation des coûts, c'est directement des abus et que ça s'explique par des abus. Encore là, c'est évident qu'il peut y avoir des abus, un certain nombre, mais le Protecteur du citoyen, lui, considère parfaitement possible de cerner les abus qu'il pourrait y avoir par le biais de directives et qu'on devrait maintenir l'utilisation d'une formulation la plus uniforme possible dans le projet de loi, celle de «vraisemblable en droit».

C'est certain que «vraisemblable en droit», au fond, ça donne la possibilité d'éliminer toutes les demandes qui peuvent être futiles. Je pense qu'on fait référence souvent à ce fait-là d'éliminer les futilités. Bien, il faut rappeler que, d'abord, il y a eu une première acceptation en vertu de l'article 4.5 et qu'au niveau de l'article 4.6 il y a également possibilité, au niveau du critère de «vraisemblable en droit», de faire un certain contrôle à ce niveau-là.

Je pense que la conséquence du... Moi, je regardais tout à l'heure l'article 4.6, 1° et 2°. Je trouve que quand c'est la couronne qui perd, on crée un ensemble de circonstances beaucoup plus favorables et équitables pour permettre à la couronne d'aller en appel et pour permettre, évidemment, à l'accusé de se défendre. On dit automatiquement: L'aide juridique va être accordée parce que c'est la couronne qui n'est pas satisfaite de la décision en première instance et elle va en appel. Quand c'est l'inverse, ce n'est plus la même attitude. Là, c'est l'accusé, lui, qui a perdu. Donc, là, s'il a perdu, il a raison d'avoir perdu parce qu'il y a eu un jugement en première instance. Donc, là, il va falloir qu'on juge le caractère vraisemblable. On devient plus restrictif. Et là, même plus vraisemblable, on veut «raisonnablement fondé». Alors, là, il y a des éléments qui sont beaucoup plus restrictifs encore. Alors, quand c'est le citoyen qui a perdu en première instance et qui, lui, prétend qu'il n'y a pas eu justice rendue, à ce moment-là on encadre ça beaucoup plus serré parce que, lui, il peut abuser. Quand c'est l'autre, la couronne, qui perd, bien, là on favorise un accès plus facile: on lui donne les ressources puis on va en appel.

Il y a comme deux attitudes, là, qui me rendent un peu mal à l'aise à ce niveau-là. C'est comme s'il y avait un peu des préjugés négatifs dans le cas où c'est l'accusé qui désire aller en appel. Là, lui, il a probablement moins raison parce qu'il y a eu une première instance, il a été jugé une première fois et il a perdu. Donc... Et s'il veut aller en appel, là il va probablement abuser. Donc, il faut que ce soit prouvé que c'est «raisonnablement fondé», plutôt que «vraisemblable en droit», parce que c'est évident que «vraisemblable en droit», c'est qu'il s'agit de démontrer que la cause n'est pas futile et que, à ce moment-là, il pourra aller en appel. Puis le Protecteur du citoyen, au fond, qui prend évidemment intérêt pour les citoyens, suggère qu'on garde cette étendue-là au niveau des concepts plutôt que d'aller avec des utilisations de concepts plus restrictifs.

Moi, je pense qu'on devrait, comme l'ont fait les gens de la Coalition, comme l'a fait surtout le Protecteur du citoyen, pas dans le cadre du projet de loi n° 20 mais dans le cadre du projet de loi 87, parce que c'était la même chose qui existait à ce moment-là... Et le fait de restreindre, en utilisant l'idée du «raisonnablement fondé», l'accès du citoyen à l'appel, j'ai l'impression que ça présume aussi d'autre chose. On a déjà vu des appels qui sont négatifs pour le citoyen en première instance et qui sont renversés en deuxième instance. Alors, j'ai l'impression qu'il faut permettre, quand même, le maximum de possibilités parce qu'il y a des conséquences pour l'individu. Il peut y avoir de l'incarcération, il peut y avoir d'autres conséquences qui, je ne sais pas, moi... un casier judiciaire que la personne va traîner toute sa vie par la suite. Je ne sais pas.

Après les balises qu'on a mises dans le 4.5, où il y a déjà eu une évaluation du caractère raisonnable de sa demande, on arrive au niveau de l'appel et, là, on restreint, on restreint beaucoup plus un cas... On rend l'appel beaucoup plus compliqué dans le cas du citoyen que dans le cas de la couronne. Alors, il y a un déséquilibre, là, qui existe. Moi, je suggérerais, comme l'a fait le député de Mont-Royal et comme le souligne le Protecteur du citoyen, d'éviter d'utiliser des mots et de changer la signification des mots, de sorte que j'ai l'impression qu'on ne clarifie pas. On risque de rendre un peu plus ambiguë la compréhension qu'on peut en avoir.

Vous voyez, dans l'article actuel, on parle de «raisonnablement fondé». On fait référence à ce qui existait antérieurement et ce que le Protecteur du citoyen propose de conserver: «vraisemblable en droit». On arrive à l'article 4.11. Là, on parle de «ou le recours n'apparaît pas fondé». On utilise encore le mot «fondé», mais, là, on qualifie «fondé» différemment, parce qu'on le ramène, disons, à la notion de vraisemblable en droit. Par l'alinéa 1°: «la personne qui...» Ça se lirait, en fait: «...le recours n'apparaît pas fondé, compte tenu notamment de l'un ou l'autre des facteurs suivants:

«1° la personne qui demande l'aide ne peut établir la vraisemblance d'un droit.»

Dans ce cas-là, «fondé» veut dire vraisemblance d'un droit. Et, si on ne peut pas établir la vraisemblance d'un droit, ce n'est pas fondé. Dans le cas de la formulation du 4.6, là on ne parle pas de la même chose, on parle de «raisonnablement fondé», et la signification du mot «fondé» n'est pas la même. Alors, moi, je pense, M. le Président, qu'on rend la conception plus ambiguë; on restreint trop dans une matière quand même importante, qui est la matière criminelle ou pénale, on restreint trop l'élément qui va permettre de décider si on accepte ou non l'appel.

(12 h 20)

Alors, je suis tout à fait d'accord avec les représentations qui ont été faites par mes collègues, les députés de Jacques-Cartier et de Mont-Royal. J'espère que le ministre va assurer une certaine cohérence à l'intérieur du projet de loi et permettre quand même, après avoir mis beaucoup de balises dans le 4.5, de ne pas être trop restrictif au niveau des possibilités d'appel, tout en étant bien conscient qu'il y a des abus. Mais, comme le dit le Protecteur du citoyen, le fait de conserver cette expression de «vraisemblable en droit» n'empêche pas de contrôler certains abus par des directives. Alors, je termine mes remarques sur ça, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, je pense que nous avons assez bien cerné le contexte, le contenu de cet article 4.6. Je comprends les interventions des députés de l'opposition. Je pense que c'est très clair également qu'il y a dans cet article une ouverture donnée aux personnes pour avoir droit à l'aide, mais que, d'autre part, il ne faut pas faire une ouverture trop large qui ferait en sorte qu'il se produise des abus. Je pense que c'est facile qu'il y ait des abus à ce niveau-là. Je pense qu'on doit conserver les mots qu'il y a là. On peut ne pas partager les mêmes idées, mais on va se redire les mêmes phrases encore pendant une heure et on n'avancera pas plus, parce que le texte n'est pas... Tout le monde a bien cerné les enjeux de cet article-là, mais je ne crois pas qu'on avancera beaucoup, alors que, dans les articles qui suivent, on a, là où on attribue de manière spécifique, autre qu'en matière criminelle et pénale, le droit, comme en matière familiale, en matière d'obligation alimentaire et ainsi de suite, qu'on va retrouver dans les articles 4.7, 4.8 et 4.9.

M. Ciaccia: Je vais répondre au ministre. Vous venez juste de dire que vous voulez donner une ouverture, mais pas une ouverture trop longue ou trop large. Avec le libellé que vous avez, on peut se trouver dans la situation ridicule, loufoque, où quelqu'un va se faire dire: Bien non, tu n'es pas raisonnablement fondé, tu as perdu. Il va se faire dire ça parce que... Oui. Ce n'est pas raisonnablement fondé. Regarde, tu as déjà une accusation. Même si tu as la vraisemblance d'un droit, ce n'est pas raisonnable. Tu sais, ça, c'est donner l'apparence d'un droit, mais d'enlever le droit complètement, parce que cette...

M. Bégin: Ce n'est pas votre meilleure, ça. Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Bien, ça peut arriver. C'est pour ça... Non, non, ce n'est pas la meilleure, mais c'est une possibilité que vous... Vous avez fermé votre esprit. Vous ne voulez absolument pas modifier cet article-là, mais on doit répéter qu'on ne comprend pas que dans les matières civiles – on va le redire – vous donniez la vraisemblance d'un droit, vous donniez une ouverture plus large, puis, dans une matière pénale, vous donnez moins de droits quand les droits de la personne sont plus affectés. C'est difficile à concilier, le concept de l'article 4.6 et les représentations qui vous ont été faites sur les droits des accusés.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que l'amendement à l'article 4.6, introduit par l'article 6 du projet de loi... le remplacement des mots «l'appel ou le recours extraordinaire est raisonnablement fondé» par «celui-ci établit la vraisemblance d'un droit»...

Une voix: Adopté.

Une voix: Vote nominal.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vote nominal.

Le Secrétaire: M. Kelly (Jacques-Cartier)?

M. Kelley: Pour.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Un bon amendement. Pour.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Il y a des fois où ils sont moins bons. Contre.

Le Secrétaire: Mme Signori (Blainville)?

Mme Signori: Contre.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

M. Paré: Contre.

Le Secrétaire: M. Facal (Fabre)?

M. Facal: Contre.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Contre. L'amendement est rejeté.

Alors, nous revenons à l'article 4.6. Est-ce que l'article 4.6, introduit par l'article 6 du projet de loi n° 20, est adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Vote nominal.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Pour.

Le Secrétaire: Mme Signori (Blainville)?

Mme Signori: Pour.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

M. Paré: Pour.

Le Secrétaire: M. Facal (Fabre)?

M. Facal: Pour, M. Major.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Pour.

Le Secrétaire: M. Kelley (Jacques-Cartier)?

M. Kelley: Contre.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, l'article 4.6 est adopté. Nous en sommes maintenant à l'article 4.7.

M. Bégin: M. le Président, l'article 4.7 est celui qui, en matière autre que criminelle ou pénale, accorde l'aide juridique pour toute affaire dont un tribunal... Lorsqu'il s'agit d'une affaire en matière familiale, dans tous les cas, il n'y a pas de distinction, c'est couvert. Lorsqu'il s'agit d'une affaire relative à la survie de l'obligation alimentaire, encore une fois, c'est couvert totalement. «Lorsqu'il s'agit d'une affaire relative à une tutelle au mineur, à un régime de protection du majeur ou à un mandat donné par une personne en prévision de son inaptitude ou encore d'une affaire fondée sur l'article 865...» Donc, on connaît ces nombreux cas d'inaptitude maintenant, les mandats que les gens donnent, les tutelles, les curatelles, toutes ces questions-là.

«Lorsqu'il s'agit d'une instance qui vise à obtenir, par voie judiciaire, le changement de nom – là, c'est important – d'une personne mineure ou la révision par le tribunal de la décision du directeur de l'état civil relativement à l'attribution ou au changement de nom d'une personne mineure si la demande au tribunal assurerait la sécurité physique ou psychologique de cette personne». Ensuite: «lorsqu'il s'agit d'une affaire à laquelle s'applique la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international...» Encore une fois, bien sûr, les questions internationales et interprovinciales d'enfants. «Lorsqu'il s'agit d'une affaire pour laquelle le tribunal exerce ses attributions en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse». Donc, on voit, là, dans tous les aspects, les jeunes, toujours couverts. «7° lorsqu'il s'agit d'un recours formé devant un tribunal contre une décision administrative d'un ministère ou d'un organisme gouvernemental prise dans le cadre d'un programme de prestations ou d'indemnités désigné par règlement». Alors, ça, ça couvre l'appel devant la CAS, la CALP, les révisions administratives.

Ensuite, on a: «...toute autre affaire – et là on élargit – si la personne à qui l'aide juridique serait accordée subit ou subira vraisemblablement une atteinte grave à sa liberté, notamment une mesure de garde ou de détention». Parce que, même en matière civile, on peut avoir ces questions-là. Quelqu'un qui est interné, par exemple, c'est une matière civile et ce sera couvert.

«9° lorsqu'il s'agit de toute autre affaire, si cette affaire met en cause ou mettra vraisemblablement en cause soit la sécurité physique ou psychologique d'une personne, soit ses moyens de subsistance, soit ses besoins essentiels et ceux de sa famille.» Par exemple, de la Régie du logement, une éviction, c'est couvert par cette disposition.

Alors, voilà, M. le Président, je pense, l'ensemble d'une disposition qui donne l'aide juridique et qui couvre, en matière autre que criminelle ou pénale, un ensemble de situations où l'aide juridique sera accordée.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Questions? Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. On va revenir un petit peu sur... On a huit des neuf alinéas ici, surtout les six premiers alinéas où on identifie des choses très précises dans des domaines très précis. Mais, avec le septième, il y a un genre d'exception par règlement, et c'est là qu'on a ouvert le débat hier soir – on peut le continuer aujourd'hui – qu'il y a beaucoup de choses qui sont exemptées. Si on revient aux listes qui étaient soumises par le Barreau, on touche beaucoup de domaines qui sont très importants. Les lois que le Barreau a indiquées, l'allocation d'aide aux familles, les services de santé et les services sociaux, la protection de la santé publique, la Loi sur l'aide financière aux étudiants, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, la Loi sur les services de garde à l'enfance, la Loi sur les impôts, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur les allocations aux anciens combattants, sont toutes exemptées parce qu'elles ne sont pas parmi les lois touchées par le règlement qui est créé en vertu de l'alinéa 7°.

(12 h 30)

Qu'est-ce qui arrive si des causes qui touchent toutes ces lois qui sont exemptées... Moi, je regarde surtout l'alinéa 9° où il y a beaucoup d'expressions, dans l'alinéa 9°, qui sont très difficiles à comprendre. La sécurité psychologique est une expression qui peut avoir une portée énorme. Je ne peux pas être sécure psychologiquement si je ne peux pas avoir l'aide financière pour envoyer mon enfant dans une garderie. Je ne peux pas être sécure psychologiquement si je n'ai pas le droit accordé aux personnes handicapées. Moi, je peux avoir une atteinte à ma sécurité psychologique si mon enfant n'est pas admissible au programme d'aide financière aux étudiants, etc. Alors, je trouve que ça va être un article, ici, très, très difficile à gérer, et je pense qu'il faut regarder longuement l'arrimage entre les trois derniers alinéas et comment l'un va fonctionner avec l'autre.

Mais je reviens aussi avec 7°. Chaque fois que le ministre des Finances et le Conseil du trésor décident que le régime va coûter trop cher, on va être capables d'éliminer d'autres lois, on va être capables de biffer les lois qu'on retrouve dans l'article 44 du projet de loi sans faire de débat ici, ni devant la commission des institutions ni devant l'Assemblée nationale. Alors, j'aimerais savoir si le ministre a considéré comment il va arrimer 7° et 9°, c'est-à-dire que les personnes qui vont plaider que... Et, ça, je trouve que ce sont des concepts pas très précis. Mettre en cause la sécurité physique ou psychologique d'une personne, comment on va... Parce qu'on peut dire: L'accès aux services de garde peut mettre en cause les moyens de subsistance, parce que, si je n'ai pas de place dans une garderie, je ne peux pas travailler. Il y a un argument que quelqu'un peut faire: C'est quoi, un besoin essentiel d'une famille? Est-ce qu'elle a accès à l'école postsecondaire? Est-ce que, ça, c'est un besoin essentiel pour une famille?

En tout cas, il y a beaucoup de concepts qu'on trouve dans 9°, et, avec la liste et les choix qui sont déjà faits dans 7°, je pense que ça va être très, très difficile à appliquer, parce que je pense qu'il y a effectivement des programmes qui sont essentiels pour les familles québécoises qui sont présentement exclus, et le 9° va ouvrir tout un champ de litiges, de batailles à l'intérieur de nos bureaux de l'aide juridique pour mieux comprendre la portée de ce neuvième alinéa. Je vais m'arrêter là pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Bon. Écoutez, je pense que, M. le Président, les remarques que je voudrais faire, c'est d'abord sur l'alinéa 7°. Effectivement, c'est un alinéa qui touche beaucoup de décisions qui sont amenées devant les tribunaux administratifs. On parle d'un recours formé devant un tribunal contre une décision administrative d'un ministère ou d'un organisme gouvernemental. Alors, il y a beaucoup de ces cas-là qui sont effectivement contestés devant les tribunaux. Mais, ce qu'on mentionne aussi, c'est que ça va être déterminé dans le cadre d'un programme de prestations ou d'indemnités désigné par règlement. Alors, ça veut dire que c'est très facile de changer quand le gouvernement le voudra, de faire en sorte que tel genre de décision gouvernementale, soit d'un organisme ou d'un ministère, n'est plus accepté au niveau de l'aide juridique. Alors, on le sait actuellement trop, et je pense qu'il y a beaucoup de craintes de la part des citoyens par rapport à cette partie du règlement.

On sait que le gouvernement se trouve présentement dans des situations qui sont difficiles au plan budgétaire. On le voit dans tous les secteurs. Dans tous les secteurs, on fixe des objectifs de coupures et on ajuste les programmes en conséquence. On l'a vu dans le domaine de la santé, je pense, avec la fermeture des hôpitaux, on le voit dans le domaine de l'assurance-médicaments avec la récupération des 200 000 000 $ que le gouvernement a déjà inclus dans son budget, on l'a vu dans le domaine des services d'aide aux étudiants, dans le milieu de l'éducation, où des coupures ont leur effet directement à ce niveau-là. Mon collègue, le député de Jacques-Cartier, a eu l'occasion à plusieurs reprises de faire ressortir l'impact des coupures au niveau des services de garderie, et on a vu la même chose au niveau de l'aide sociale. Et on pourrait poursuivre, M. le Président, faire le tour de toutes les décisions gouvernementales des derniers mois, et on va s'apercevoir que, généralement, on a des problèmes économiques, on fixe les moyens, les objectifs budgétaires à atteindre et, ensuite, on ajuste les programmes.

Alors, vous conviendrez que, quand on délimite l'étendue des décisions qui seraient acceptables, décisions venant soit de ministères ou d'organismes gouvernementaux, par règlement, ça peut s'ajuster relativement facilement et sans jamais qu'on ait à en rediscuter au niveau de l'Assemblée nationale ou de la commission parlementaire. Alors, il y a de l'inquiétude très claire qui a été manifestée à de très nombreuses reprises par les gens qui sont venus faire des présentations, et je pense que, de ce côté-là... je pense à la COPHAN, où Mme Lemieux-Brassard y a fait référence. C'est un point qui achoppe et ce n'est pas très, très sécurisant, si on veut, de penser que toute cette dimension-là, qui est une dimension cruciale, va être assujettie essentiellement à des décisions réglementaires. Alors, je pense qu'il y a un point qui est important qu'il faut...

L'autre élément que je voulais faire ressortir par rapport à cet article-là, c'est une remarque qui nous a été faite par les Services juridiques communautaires Pointe-Saint-charles, qui sont venus nous dire... et je voudrais à peu près utiliser les mots qu'ils ont utilisés, parce que je pense que ça collait sur la réalité. Ils parlaient du droit relié à la pauvreté, et c'est une réalité qu'ils vivent dans leur milieu et dans de nombreux autres milieux à Montréal, le droit relié à la pauvreté. Ça faisait référence au droit familial, qui est couvert dans l'article 4.7, mais ça faisait référence aussi à d'autres droits qui sont exclus et qui sont très importants quand on pense au droit relié à la pauvreté. Par exemple, le droit au logement, ça, c'est exclu.

Une voix: ...

M. Bordeleau: Vous me dites non, ça peut être relié tout simplement, au... 9°? Oui, mais c'est beaucoup plus restrictif tel qu'il est formulé là. On dit: «lorsqu'il s'agit de toute autre affaire, si cette affaire met en cause ou mettra vraisemblablement en cause soit la sécurité physique ou psychologique d'une personne – comment déterminer dans quelle mesure ça atteint la sécurité physique ou psychologique d'une personne? – soit ses moyens de subsistance, soit ses besoins essentiels et ceux de sa famille.» Je pense qu'il y a quand même une différence entre la formulation de cette partie de l'article 4.7, qui va être sujet à interprétation, alors, il y a une différence entre ça et avoir intégré dans la loi les décisions, par exemple, de la Régie du logement. C'est très différent. Si on ne l'a pas fait, c'est parce qu'il y a une différence entre les deux. Alors, on en parlait, à ce moment-là, comme un des éléments directement reliés au droit concernant la pauvreté.

Il y avait un autre élément, aussi, qui a été mentionné, c'est la protection des consommateurs. On sait que, dans les milieux populaires, souvent, il y a des abus qui se font là, et cet élément-là est exclu de l'aide juridique, alors que, dans la réalité, les problèmes de consommation, les problèmes de protection, surtout, des consommateurs, sont des problèmes importants dans certains milieux où les gens sont plus pauvres que dans d'autres milieux. Alors, on exclut ça aussi d'une façon... et ça a été noté, entre autres, par les gens de Pointe-Saint-Charles.

(12 h 40)

Quand on regarde le début de l'article 4.7, aussi, un autre point sur lequel je voudrais attirer l'attention, on dit: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi, dans l'un ou l'autre des cas suivants». Une personne, par exemple, reçoit une lettre d'un créancier et doit répondre à cette lettre-là et a besoin de consulter un avocat pour se défendre à ce niveau-là. Est-ce que l'aide juridique peut être accordée à ce moment-là? Parce qu'on dit: «dont un tribunal est», alors, le tribunal n'est pas saisi, «ou sera saisi». Est-ce que, quand on parle de «sera saisi», ça signifie «sera automatiquement»...

M. Bégin: Éventuellement.

M. Bordeleau: Oui, mais le caractère, automatiquement... Il sera certainement saisi s'il n'y a pas de solution apportée au problème, ou si c'est une possibilité? Est-ce que c'est une obligation, que la personne devra démontrer qu'automatiquement le «sera», là, ça va se faire de façon automatique, ou si le «sera» est une notion où on parle de possibilité – pourrait possiblement être saisi – ce qui est différent? Alors, comment une personne peut faire la démonstration qu'effectivement le tribunal va être saisi?

M. Bégin: La nature même de la mise en demeure qu'elle va recevoir.

M. Bordeleau: Oui, mais une personne peut recevoir une lettre et...

M. Bégin: Si une personne, un créancier dit: Vous me devez...

M. Bordeleau: ...ça ne veut pas dire que le créancier, au bout de la ligne, si la personne ne répond pas, va saisir le tribunal effectivement.

M. Bégin: Mais, si la personne envoie une mise en demeure pour dire: «Je vous réclame la somme de 500 $», il y a une forte probabilité qu'il y aura une poursuite éventuellement en cas de non-paiement. Donc, la réponse à cette mise en demeure sera, oui, couverte, parce qu'éventuellement ça devrait être allé devant le tribunal.

M. Bordeleau: C'est ça, c'est que vous répondez en disant: sera probablement, sera éventuellement... Bon. Excepté que...

M. Bégin: Bien, là, je mets la prudence qui est requise dans des causes semblables. Ce n'est pas dans tous les cas, ce n'est pas à 100 %.

M. Bordeleau: Mais c'est parce qu'ici on marque «sera saisi». Ça peut avoir un caractère aussi où on doit démontrer qu'automatiquement la cour va en être saisie. Ce que vous me dites, au fond, c'est comme si on avait écrit «sera probablement saisi»...

M. Bégin: C'est le gros bon sens.

M. Bordeleau: Oui, mais le «probablement» ou le «possiblement», il n'est pas...

M. Bégin: Il n'y a pas de critère, donc c'est plus facile.

M. Bordeleau: Je le sais, mais, je veux dire, il y a une différence entre dire «sera saisi»...

M. Bégin: Ah! c'est vrai.

M. Bordeleau: ...et «sera probablement saisi» ou «sera possiblement saisi».

M. Bégin: Et si j'avais mis «probablement», vous m'auriez dit: Pourquoi vous l'avez mis? Parce que c'est ça, là-dedans, il n'y a pas de mot qui répond à tous les critères. Là, c'est plus large, «sera saisi».

M. Bordeleau: Il y a une différence, quand même, entre faire la démonstration puis, effectivement, le tribunal va en être saisi.

M. Bégin: Non, je ne veux pas faire d'ironie, mais j'aurais pu marquer «vraisemblablement», «raisonnablement»... Bon. Mais...

M. Bordeleau: Mais vous l'avez marqué ailleurs.

M. Bégin: Je comprends, mais, là, on ne le met pas. Alors, s'il vous plaît, ne le mettez pas.

M. Bordeleau: Bon, bien...

M. Bégin: Vous n'aiderez pas votre cause, là.

M. Bordeleau: C'est la remarque que je voulais faire. Je pense que les commentaires que vous faites, je pense, ne répondent pas nécessairement, là, aux réserves que j'avais à ce niveau-là. Alors, moi, c'est l'essentiel des remarques que je voulais faire à ce moment-ci, M. le Président.

M. Ciaccia: Vous vous attendez...

M. Bégin: Non, non, bien, je m'attends, parce que je serais... Je ne croirais pas que, dans 20 minutes, on aura adopté un article, surtout un article qui est généreux comme celui-là.

M. Bordeleau: Ça ne serait pas une étude exhaustive. Si on accepte l'article dans une demi-heure...

M. Bégin: Ça serait un cadeau qui serait donné, là, spécialement. Vingt minutes pour celui-là, ce serait extraordinaire.

M. Ciaccia: Spécialement cet article-là, je pense que cet article-là, c'est vraiment le coeur du projet de loi.

M. Bégin: Non.

M. Ciaccia: Pour les matières autres que criminelles ou pénales...

M. Bégin: C'est un bon volet, important, puis il est généreux.

M. Ciaccia: Si, ça, c'est la définition de générosité de votre part, je ne voudrais pas voir l'autre définition de votre part, parce que ce serait très sérieux. Non, mais, essentiellement, M. le Président, je peux comprendre ceux qui sont venus devant cette commission puis qui ont dit essentiellement: Il n'y en a plus. Il n'y en a plus, d'aide juridique, ça n'existe plus. Non seulement on a pris le criminel et pénal, on a dit: Les causes sommaires, ça ne s'applique pas, mais alors, on a restreint, on a mis toutes sortes de restrictions sur les affaires criminelles. Là, dans les matières civiles, on donne quelques juridictions, quelques cas très précis où l'aide juridique va s'appliquer d'une façon extrêmement restrictive.

En plus de ça – je vais aller sur la question de règlement après – on restreint complètement, on change la philosophie de l'aide juridique totalement. La raison que le ministre nous a donnée, c'est que les budgets commencent à être trop élevés. Avec ces définitions où l'aide juridique pourrait s'appliquer dans des matières civiles, je pense qu'il va sauver plus d'argent qu'il nous l'a indiqué.

On avait eu un long débat, la dernière fois, sur la loi actuelle en termes de règlements et le projet de loi. Le Barreau est venu devant cette commission et il a clairement dit que, contrairement à la loi actuelle... Parce que la loi actuelle, ça ne procède pas par règlement, les règlements sont des exceptions. Contrairement à la loi actuelle, le nouveau projet procède par règlements pour l'identification des lois offrant des prestations d'indemnité en vertu desquelles une personne peut être assistée devant une autorité exerçant une responsabilité administrative. Et quand on sait, de plus en plus, l'importance du droit administratif, de plus en plus, les lois qui sont adoptées à l'Assemblée nationale, les pouvoirs qui sont donnés aux organismes gouvernementaux où les droits des citoyens sont affectés, où ils pourraient avoir un recours... Tu sais, ce n'est pas comme il y a 20 ans auparavant où tous les recours se faisaient devant les tribunaux. Ce n'est plus le cas maintenant. Le droit administratif prend de plus en plus de l'importance et de l'ingérence, je dirais, dans la vie quotidienne des citoyens. On a fait la liste de plusieurs lois qui sont exclues ou qui ne sont pas mentionnées, des lois qui affectent les relations, les droits des citoyens, l'allocation d'aide aux familles, la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Mais l'important, c'est qu'on donne une délégation, on délègue les pouvoirs de l'Assemblée nationale à l'exécutif pour dire: Vous allez déterminer dorénavant quand l'aide juridique va s'appliquer. Et on restreint très, très sérieusement les cas qui ne sont pas affectés par règlement. Quand on fait la liste des matières autres que criminelles ou pénales où l'aide juridique est accordée, dans toute l'économie de notre droit, on voit que ce sont vraiment des causes, des secteurs très restreints; c'est presque des cas exceptionnels. En plus de ça, quand on libelle le libellé de l'article 9... Tu sais, on a l'impression, M. le ministre, que... Vous donnez l'impression que vous continuez l'aide juridique, mais, effectivement, à part certains cas très, très spécifiques, ça n'existe plus. L'aide juridique n'existe plus dans ça. On voit l'adjointe du ministre qui trouve ça un peu... qui sourit ou qui rit quand je fais ça. Mais c'est vrai, quand vous regardez la loi actuelle puis quand vous regardez le projet de loi, ce n'est pas pour rien que les... Il n'y a aucun organisme qui est venu devant cette commission qui n'a pas dit que c'est inacceptable. Il n'y en a pas un. Le libellé actuel est inacceptable, ils l'ont tous... Ils ont même fait une coalition pour vous le dire, M. le ministre. Et un des aspects qui étaient les plus contestés, c'était la question de loi par règlements. Et le Barreau vous l'a dit, les autres organismes vous l'ont dit. Je pense qu'il y avait même... Même les juristes de l'État sont venus devant cette commission pour vous dire que c'est inacceptable. L'Association des juristes de l'État a dit que c'est inacceptable.

(12 h 50)

Le principal reproche que nous faisons à ce projet de loi, c'est que nous y retrouvons trop de dispositions accordant un pouvoir réglementaire susceptible, même, de changer du tout au tout le sens de la loi d'abord adoptée par le législateur. Et c'est ça que vous persistez à continuer à faire dans l'article 4.7, paragraphe 7°. Vous vous donnez tous les droits par règlement, le législateur ne peut plus décider. Et le Barreau a pris la peine de porter à votre attention une série de lois importantes. Eux, ils ont été très diplomates, ils ont été très gentils à votre égard: Des parties, tu sais, ont été oubliées. Ils vous ont donné le bénéfice du doute, ils ont dit: Vous l'avez oublié. C'est une autre façon de vous dire que, contrairement à la loi actuelle, vous procédez maintenant par la réglementation pour décider les droits fondamentaux de ceux qui ont droit à l'aide juridique.

Alors, M. le Président, cet article 4.7 qui définit les cas où l'aide juridique peut être accordée est tellement restrictif que, essentiellement, on change complètement la philosophie et le concept de l'aide juridique.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je veux revenir sur ça, parce que, dans le 9°, prendre comme exemple... Est-ce que, dans l'idée du ministre, un logement propre est essentiel pour une famille?

M. Bégin: Propre?

M. Kelley: Propre.

M. Bégin: Bien, là...

M. Kelley: Non, mais, si on a un démêlé avec un propriétaire à cause de l'absence de salubrité...

M. Bégin: Ah oui! Ça, c'est sûr. C'est sûr que, si quelqu'un a un problème de salubrité... Je n'avais peut-être pas bien saisi votre mot; moi, je pensais plutôt en termes de peinture, mais si vous me parlez de salubrité...

M. Kelley: Salubrité, et tout ça.

M. Bégin: ...il est clair que c'est couvert.

M. Kelley: Mais, je pense, beaucoup des causes qui sont allées à la Régie du logement sont effectivement... Je parle surtout dans la région de Montréal...

M. Bégin: Des problèmes de salubrité.

M. Kelley: ...des personnes qui sont propriétaires de grands blocs d'appartements construits dans les années soixante, qui ont maintenant 25 ans, ont beaucoup moins d'intérêt à les garder, les entretenir, et tout ça. Alors, il y a beaucoup de causes de personnes qui sont dans des situations où on ne peut même pas trouver le propriétaire. Alors, même si on a réussi à passer par la Régie du logement, obtenir une décision contre le propriétaire, même la faire exécuter, ça dépasse les moyens d'un simple citoyen.

Je comprends, dans l'économie de la Régie du logement à l'époque, c'était conçu pour ne pas avoir recours aux avocats. Mais, de plus en plus, pour défendre le droit d'avoir un appartement propre, salubre, il faut aller devant la Régie du logement. Mais, même après ça, de trouver parmi les compagnies numérotées, et tout ça, qui est le vrai propriétaire, il demeure où... Je sais qu'il y avait une série de causes à Montréal il y a deux, trois ans, et c'était une longue série, parce que c'était soit Québec ou Canada 02902990, le siège social était une boîte postale au Luxembourg ou au Liechtenstein ou quelque chose comme ça. Alors, pour retracer ça, pour les familles, ce n'était pas... Les familles à revenu faible, à revenu modeste, pour essayer d'exercer leur droit de vivre sans coquerelles, d'avoir les vidanges qui sont sorties au moins une fois par semaine, etc., c'était toute une longue liste... les tuyaux, dans les murs, qui coulent, la rouille qui était partout, c'était vraiment un désastre. Alors, si oui, et on a toute la jurisprudence, pourquoi on n'a pas mis toute la notion de logement, pourquoi on n'a pas mis les lois qui gouvernent la Régie du logement parmi les choses à considérer?

Deuxième considération, je reviens toujours au complexe dossier de l'aide financière aux parents dans une garderie. Je regarde le tableau du ministre, avec la femme monoparentale avec deux enfants et qui tombe dans le barème... Est-ce que le message que le ministre dit, c'est: Ce n'est pas un besoin essentiel pour la sécurité psychologique d'une femme d'avoir une place dans un service de garde de qualité régi par l'État? Et quelqu'un qui a de la misère à comprendre des règlements, et c'est tout le milieu, à ce moment-ci, parce qu'il y a des compressions massives, catastrophiques dans l'aide aux parents et l'aide aux services de garde en milieu scolaire, c'est très, très difficile... Même les personnes impliquées dans le milieu ne comprennent pas ça. Alors, quelqu'un qui a besoin de ça effectivement pour sa sécurité psychologique, que son enfant soit gardé dans une place sécure au moment où la femme est aux études, elle travaille, c'est quelqu'un qui veut améliorer son sort, est-ce que le message du ministre... Parce qu'on ne veut pas inclure les lois sur les services de garde à l'enfance et rester chez soi sur l'aide sociale. Est-ce que c'est ça, le but recherché? Moi, je ne pense pas. Je ne prête pas cette intention au ministre, mais je pense que, ça, c'est une autre loi administrative de toute importance pour les familles québécoises.

Et, comme je dis, les concepts... J'essaie de comprendre, mieux comprendre c'est quoi exactement, mettre en cause la sécurité physique ou psychologique d'une personne, et c'est quoi les besoins essentiels d'une famille. Ce sont des concepts. On peut avoir de longs débats sur ça. Alors, je pense qu'on a tout intérêt, dans la commission, à essayer de cerner ces expressions, et, moi, je commence avec la notion de la salubrité d'un logement. Je pense à l'accès aux services de garde de qualité pour un citoyen ou une citoyenne qui essaie de comprendre les règlements qui gouvernent l'exonération et l'aide financière aux parents. J'ai eu le plaisir d'être le porte-parole pour notre formation politique pendant 18 mois, et même pour moi, comprendre l'aide financière et l'exonération, les programmes avec les balises, avec les normes, etc., c'est fort compliqué.

Alors, pour la femme monoparentale qui travaille, qui arrive à la maison avec ses deux enfants, pour elle, sans avoir le recours à un avocat pour l'aider à défendre ses droits, pour voir si elle a vraiment... Parce que, comme j'ai dit, la preuve tangible de la complexité de tout ça, c'est que ce gouvernement a été obligé de verser 2 000 000 $ l'année passée pour corriger les erreurs faites dans l'application de règlements. Alors, même pour les fonctionnaires qui travaillent à l'intérieur de l'Office des services de garde à l'enfance, ce n'est pas évident. Et le fait qu'il y a eu la gaffe de 2 000 000 $, je pense que c'est une preuve éloquente du fait qu'il faut donner un coup de main. Mais, dans le projet de règlement qui est déposé, ça, c'est évacué, ce n'est pas couvert. Alors, logement, accès aux services de garde.

Un autre élément qu'on ne trouve pas, ni dans l'article 4.7 tel que formulé ni dans le projet de règlement, c'est tout le domaine de l'accès à l'information. Et, si le gouvernement qui... et nous avons discuté de ça longuement devant la commission de la culture, parce que le président de la Commission d'accès à l'information nous a mis, comme parlementaires, dans son dernier rapport annuel, au fait du grand problème de la banalisation de la protection des renseignements privés et des données personnelles. Et, si on regarde dans plusieurs lois de ce gouvernement, on est en train d'ajouter aux risques qu'il peut y avoir quant à la protection de la vie privée des personnes. Je pense, entre autres, en commençant avec la loi 40, qui était la loi sur la liste électorale, qui a mis en place un système où les renseignements sont partagés entre le Directeur général des élections et la Régie de l'assurance-maladie du Québec. On est en train de débattre le projet de loi n° 32 qui va donner des pouvoirs accrus, mettons énormes, à un ministère délégué au Revenu pour aller dans les fichiers et faire, je pense, une correspondance avec six autres ministères pour aller chercher des renseignements personnels sur les personnes. Le projet de loi n° 36, encore une fois présenté par le ministre des Finances, a soulevé tout un débat devant la commission du budget et de l'administration cette semaine, parce qu'il y avait les avis défavorables, surtout du Protecteur du citoyen, mais également la Commission d'accès à l'information. Dans le projet de loi n° 33, il y avait une mise en garde très importante sur le fichier des médicaments. Le projet de loi du docteur... Je pense qu'il me reste une minute.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vais devoir, M. le député de Jacques-Cartier, vous interrompre pour vous donner certaines directives pour les travaux de cet après-midi...

M. Kelley: O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...et de ce soir...

M. Kelley: O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...mais nous reviendrons ce soir, M. le député de Jacques-Cartier.

Alors, la commission poursuivra ses travaux sur le projet de loi n° 20, l'aide juridique, ce soir, à 20 heures. Entre-temps, de 15 heures à 18 heures, la commission reprendra ses consultations particulières sur le projet de loi n° 130 sur la justice administrative. Alors, nous...

M. Kelley: L'ordre de la Chambre n'était pas 20 h 30?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ah! 20 h 30.

M. Kelley: Je ne sais pas pourquoi, mais il a dit 20 h 30.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez raison.

M. Bégin: Vraiment, ça m'a échappé tout à fait. Est-ce qu'il y a une raison? Comité de législation. Même si je suis juste le vice-président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, c'est de 20 h 30...

M. Kelley: Avec le grand salaire qui va avec.

M. Bégin: On me dit que je préside ce soir, en plus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 15)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On va débuter la séance. Alors, la commission est réunie afin de poursuivre ses consultations particulières sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative.

Alors, M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements cet après-midi?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Payne (Vachon) est remplacé par Mme Robert (Deux-Montagnes) et M. Lefebvre (Frontenac) par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci.

Alors, à l'ordre du jour, nous recevons d'abord, cet après-midi, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous avions prévu, à 16 heures, recevoir la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, mais nous avons reçu une lettre en date d'aujourd'hui où ils nous avisent qu'ils n'entendent pas faire de représentations. Alors, nous suspendrons à ce moment-là les travaux pour reprendre vers 17 heures avec l'audition du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Et nous suspendrons les travaux à 18 heures.

Alors, nous recevons maintenant...

M. Mulcair: ...votre décision sur le temps, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): En fait, on va devoir...

M. Mulcair: Est-ce que le SPGQ ne peut pas être avancé d'une heure? C'est ça?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il ne peut pas être avancé d'une heure, sauf qu'ils essayaient de se présenter un peu plus tôt.

M. Mulcair: Un peu plus tôt. D'accord.

Une voix: Dès qu'ils vont être disponibles.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 130


Auditions

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, on va demander votre collaboration pour pouvoir les entendre aussitôt qu'ils seront disponibles.

Alors, nous recevons donc la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Me Yves Lafontaine, président, et Me Pierre-Yves Bourdeau, conseiller juridique. Alors, messieurs, vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre présentation, laquelle sera suivie d'échanges avec les groupes parlementaires. Vous avez la parole.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Lafontaine (Yves): Merci, M. le Président. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pris connaissance des amendements apportés au projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, de même que sur le projet de loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Dans le mémoire que nous avions déjà présenté à la commission sur le projet n° 130 en janvier 1996, la Commission énonçait deux préoccupations majeures dans son examen du projet de loi: l'amélioration de la justice administrative de première ligne par un respect accru du devoir d'agir équitablement; l'accessibilité à un processus de contestation des décisions d'administration qui soit conforme à l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.

La Commission, tout en donnant son appui au projet de loi n° 130, constatait que le processus de nomination et de renouvellement des mandats des futurs membres du Tribunal administratif du Québec constituait une lacune majeure du projet de loi initial, particulièrement à la lumière de l'avant-projet de règlement déposé par le gouvernement. Pour la Commission, l'équilibre minimal entre l'État et le citoyen rétabli par l'instauration d'un processus adéquat de recrutement et de sélection des membres tendait à se rompre par l'intervention des ministres responsables de l'application des lois dans le processus de nomination et par l'ampleur de la discrétion gouvernementale en matière de renouvellement des mandats. C'est donc avec grande attention que la Commission a examiné les amendements déposés par le ministre de la Justice.

Rationalisation des règles applicables au processus décisionnel. Le souci de clarification des concepts et des règles menant aux décisions de nature administrative ou juridictionnelle s'est poursuivi. La Commission constate que, lors du processus de révision d'une décision administrative, l'autorité administrative ne sera plus tenue d'entendre l'administré mais n'aura qu'à lui donner l'occasion de présenter des observations. La Commission aurait souhaité que l'article 4 du projet de loi soit libellé de façon à imposer une obligation à l'administration de s'assurer que le devoir d'agir équitablement est respecté. Quant aux décisions de nature juridictionnelle, elles seront conduites dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale et une audition publique sera obligatoire. La Commission constate que l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne exige également que les titulaires de fonctions juridictionnelles soient, et je cite, «indépendants et non préjugés». Nous y reviendrons dans nos commentaires sur le statut des membres.

Compétences d'attribution du Tribunal. Des annexes énumérant les compétences d'attribution du Tribunal n'étaient pas jointes aux amendements. Est-ce à dire qu'il y a des modifications? Nous, nous ne le savons pas. Nous avons présumé que ça devait être peut-être les mêmes annexes qui devaient y être indexées.

Sélection et nomination des membres du Tribunal. La Commission se disait d'accord avec la procédure de recrutement et de sélection des membres qui devait être établie par règlement. Est-ce que l'avant-projet de règlement en cette matière est toujours valable? Quoique en accord avec la composition du comité de sélection et les critères de sélection dont le comité tiendra compte pour déterminer l'aptitude d'un candidat, la Commission soumettait que l'avant-projet de règlement posait un grave problème au niveau de l'indépendance institutionnelle des membres. Que les membres soient nommés par le gouvernement sur recommandation des ministres responsables de l'application des lois prévoyant des recours devant la section du Tribunal où un poste doit être comblé portait, selon nous, atteinte à la garantie d'indépendance reconnue à l'article 23 de la Charte.

(15 h 20)

La Commission soulevait déjà un problème de même nature quant à l'article 63 du projet de loi qui permet aux fonctionnaires nommés membres du Tribunal de conserver un lien d'emploi avec le ministère ou l'organisme gouvernemental régi par la section du Tribunal à laquelle il est affecté dans l'acte de nomination. Qu'un tribunal soit lié à l'une ou l'autre des parties par le biais d'un de ses membres soulève des difficultés eu égard à l'exigence d'impartialité institutionnelle prévue à l'article 23 de la Charte des droits et libertés. Au surplus, il était prévu que, en cas d'impossibilité de recommander un candidat parmi la liste des personnes aptes à être nommées membres, il y aurait publication d'un nouvel avis de poste à combler. La Commission considère toujours que le gouvernement doit procéder à la nomination d'un membre à même la liste des personnes déclarées aptes par le comité de sélection, et ce, sans l'intervention des ministres responsables de l'application des lois prévoyant un recours devant la section du Tribunal visée dans le processus de nomination des membres.

Renouvellement des mandats. D'abord, on constate avec plaisir que la limite des deux renouvellements est supprimée. À l'article 52, on dit aussi qu'en matière de renouvellement on s'en remet à la procédure établie par règlement du gouvernement. La Commission relatait, dans son mémoire, que le pouvoir réglementaire confié à l'exécutif par l'article 52 du projet de loi ne permettait pas de conclure que le renouvellement sera à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations. Or, l'avant-projet de règlement sur la procédure de renouvellement du mandat des membres confiait à un comité formé de trois personnes le mandat d'examiner le renouvellement. Le comité devait examiner si les membres satisfaisaient toujours aux critères établis à l'article 16 de l'avant-projet de règlement, c'est-à-dire qualités personnelles et intellectuelles, habilité à exercer les fonctions, capacité de jugement, etc. Il devait, de plus, tenir compte des besoins du Tribunal et de l'opportunité de favoriser la présence de nouveaux membres.

La Commission recommandait, en cette matière, que le renouvellement soit la règle. Or, le fait d'introduire un critère tel que l'opportunité de favoriser la présence de nouveaux membres exposait le processus de renouvellement à l'arbitraire absolu. La Commission ne pouvait d'aucune façon endosser l'octroi d'une telle discrétion au comité chargé d'examiner le renouvellement d'un mandat. Et là on cite – on l'a déjà cité, d'ailleurs – l'arrêt Matsqui à ce sujet, où il est dit, entre autres, que «l'indépendance institutionnelle et le pouvoir discrétionnaire de prévoir cette indépendance ou de ne pas la prévoir sont deux choses bien distinctes. L'indépendance qui repose sur un pouvoir discrétionnaire n'est qu'illusoire».

La Commission concluait, à la lecture de l'avant-projet de règlement, que les processus de nomination et de renouvellement n'étaient aucunement à l'abri d'interventions discrétionnaires et ne satisfaisaient pas à la garantie d'indépendance prévue à l'article 23. Force est de constater que l'article 52 de la loi n'a pas été modifié et qu'il est, entre autres, totalement muet quant à la finalité du rôle du comité d'examen des renouvellements. De plus, aucun recours n'est accordé aux membres recevant un avis de non-renouvellement. Ainsi, le pouvoir discrétionnaire que possède le gouvernement en matière de renouvellement ne nous apparaît pas suffisamment balisé pour satisfaire à une des dimensions essentielles de l'indépendance en matière juridictionnelle, soit l'inamovibilité.

Suspension et fin prématurée des mandats. Une sanction alternative est ajoutée en plus de la réprimande et de la destitution, c'est-à-dire qu'on parle d'une suspension sans rémunération. Pour nous, c'est un ajout positif. On a vu, dans des événements récents, qu'il était commode d'avoir peut-être une sanction intermédiaire.

Rémunération et conditions de travail des membres. À l'article 63, nous suggérions qu'un fonctionnaire nommé membre du Tribunal et en congé sans solde de la fonction publique ne puisse retourner au ministère ou à l'organisme gouvernemental régi par la section du Tribunal à laquelle il a été affecté par l'acte de nomination à la fin de son mandat. Nous constatons que ceci n'a pas été retenu.

Le financement du Tribunal. Nous en avions aussi parlé. La Commission constate que le gouvernement s'attribue un pouvoir de fixer un tarif de droits, honoraires, dépens et autres frais devant chaque section du Tribunal. Par ailleurs, la Commission est heureuse de constater que le ministre de la Sécurité du revenu ne sera plus tenu de verser des sommes pour le financement de la section des affaires sociales.

Au chapitre de la preuve et de la procédure, l'article 116. Nous recommandions que l'article 116 soit modifié afin de consacrer législativement le droit à la divulgation préalable de toute la preuve devant le Tribunal, et ceci n'a pas été retenu. Parce que, en pratique, on constate qu'on n'a pas toute la preuve qui nous est donnée.

Mécanisme de conciliation. L'introduction d'un mécanisme de conciliation avec le consentement des parties, pour nous, est un ajout très positif. On applaudit.

Les audiences. Audition dans les six mois de la requête introductive d'instance: ça nous va; décision rendue dans les trois mois du délibéré. Pour nous, ce sont deux ajouts positifs aussi. Ce sont des ajouts positifs.

Quant au Conseil de la justice administrative, l'article 156.4°, sept autres membres qui ne sont pas membres du Tribunal, dont deux seulement sont avocats et notaires. Au moment où nous étions venus vous rencontrer, nous avions recommandé qu'il y aurait peut-être deux membres qui pourraient être nommés ayant des affinités avec la défense des droits économiques et sociaux. On a vu que vous l'avez porté de cinq à sept. Donc, je présume que, peut-être, on en a tenu compte ou qu'on en tiendra compte lors de ces nominations-là. Nous avions aussi recommandé, à l'article 166, qu'un membre non renouvelé puisse exercer un recours devant le Conseil de la justice administrative, et on remarque que ceci n'a pas été retenu.

Maintenant, quant à la loi d'application de la Loi sur la justice administrative. La Commission a pris connaissance de la loi d'application sur la justice administrative il y a à peine quelques jours. Cette loi comprend 643 articles et modifie près de 75 lois particulières. Essentiellement, nous comprenons que la nature de plusieurs des règles applicables aux décisions individuelles prises à l'égard de l'administré seront modifiées afin de les rendre conformes à la classification générale prévue à la Loi sur la justice administrative, c'est-à-dire selon que les décisions relèvent de l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle.

Par exemple, l'article 113 de la loi d'application modifie l'article 56.1 de la Charte des droits et libertés de la personne. Le mot «tribunal» inclura dorénavant une personne ou un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles. Auparavant, le terme englobait une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires. Or, l'article 23 de la Charte ne pourra donc plus être invoqué lorsqu'une décision sera prise à l'égard d'un administré par l'administration gouvernementale, c'est-à-dire les ministères et organismes dits gouvernementaux. On sait que cette disposition garantissait, entre autres, le droit à une audition impartiale et publique devant un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires. Par contre, on sait que la jurisprudence et la doctrine étaient particulièrement nébuleuses quant au type d'organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires.

Or, la Commission a toujours eu comme préoccupation majeure que cette réforme de la justice administrative garantisse à l'administré l'accessibilité à un processus de contestation des décisions individuelles prises à son égard qui soit conforme à l'article 23 de la Charte. Nous avons déjà parlé de ce sujet lors du mémoire que nous avons présenté originairement sur ce projet de loi. Conséquemment, pour nous, il nous apparaît nécessaire qu'un délai supplémentaire soit accordé afin de vérifier si les modifications apportées dans toutes ces lois particulières garantissent, à une étape ou à une autre du processus décisionnel, l'accès en pleine légalité à un tribunal indépendant et le droit à une audition publique et impartiale lorsqu'il s'agit de la détermination des droits et obligations de chaque administré.

Je dois dire, pour compléter, que, depuis ce temps-là, nous avons fait plusieurs articles dans les 630, c'est-à-dire parmi les 630 articles de la loi d'application, et, à venir jusqu'à présent dans notre lecture, nous n'avons pas trouvé de préjudice quant à la façon nouvelle de procéder sur la loi d'application. Vous comprenez que nous n'avons pas eu le temps de terminer cet exercice-là. Voilà, c'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Lafontaine. M. le ministre.

(15 h 30)

M. Bégin: Je voudrais remercier les membres de la Commission des droits, son président particulièrement, pour cette vue d'ensemble de la loi n° 130, particulièrement par rapport à des commentaires qui avaient été faits à l'époque spécifiquement par rapport au projet de loi comme tel. Je vois qu'à plusieurs reprises vous êtes d'accord par le fait qu'on a tenu en compte ce qui avait été suggéré et proposé par vous, ou par d'autres, ou en conjonction avec d'autres personnes, mais il reste quand même, d'après ce que je peux voir, certaines dispositions qui ne rencontrent pas tout à fait votre adhésion. Il y en a une sur laquelle vous êtes revenu à deux reprises en particulier, je ne voudrais pas donner un ordre de priorité en faisant cela, mais l'article 63. Si je peux retrouver mes notes, j'ai parlé de mémoire. Oui, c'est le fait du retour à la fonction publique.

Je me rappelle que, à l'époque, vous aviez effectivement mentionné ce problème du retour, mais, à la fois, on avait deux problématiques. D'une part, certaines personnes nous disaient: Si vous ne renouvelez pas une personne, vous devriez prévoir une mécanique qui prévoit son retour à la fonction publique pour assurer son indépendance, parce que, sachant qu'elle peut retourner, elle est déjà beaucoup plus sécure. Et ça, on pensait particulièrement aux personnes qui n'étaient pas dans la fonction publique. Certains ont même dit: On devrait prévoir que ceux qui viennent de l'entreprise privée puissent avoir un droit d'aller dans la fonction publique. Donc, pour donner cette indépendance à laquelle on tient tous et toutes. Et là, tout à coup, vous nous dites: D'un autre côté, s'il retourne à l'organisme dont il est originaire, on crée peut-être l'impression – et, des fois, l'impression est aussi importante que la réalité – qu'il va retourner dans un organisme dont il ne voudra jamais, en aucun temps, dire des choses plus ou moins correctes sachant qu'il est là.

J'aimerais que vous me reprécisiez votre opinion, parce que, là, on se retrouve devant l'hypothèse suivante: Bravo pour le retour, parce que ça garantit l'indépendance, mais non au retour à l'endroit d'origine. Alors, quelle est la solution que vous nous proposez pour tenir compte de ces deux volets qui ne sont pas nécessairement contradictoires mais qui comportent certains problèmes?

M. Lafontaine (Yves): Bien, je pense, M. le ministre, qu'il y a plusieurs emplois dans la fonction publique dans plusieurs organismes qu'une personne compétente peut très bien remplir. Il ne lui est pas nécessaire de retourner dans l'organisme d'où elle origine, elle pourrait retourner dans un autre organisme, ailleurs dans la fonction publique où ses services pourraient être autant appréciés sans risque qu'il y ait de conflit d'intérêts ou qu'elle ait préparé une retraite dorée au sein du ministère dont elle venait au préalable.

M. Bégin: Alors, j'ai bien des...

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Nous, ce qui nous embête...

M. Bégin: Oui, allez. Allez.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): ...particulièrement, c'est le fait qu'un fonctionnaire soit en congé sans solde d'un ministère ou d'un organisme qui est régi par la section du Tribunal à laquelle il a été affecté et qu'il puisse, à la fin de son mandat, retourner à ce même ministère ou à ce même organisme gouvernemental dont il a été appelé à trancher des litiges au cours de son mandat. Donc, nous, ce qu'on suggérait, en considérant évidemment que, bon, c'est particulièrement pour les gens qui proviennent de la fonction publique qu'on doit leur assurer une certaine sécurité d'emploi, si vous voulez, à la fin de leur mandat, ce qu'on se disait, c'est qu'un moindre mal, c'est peut-être de leur garantir un retour à la fonction publique, mais dans un organisme ou un ministère qui ne relève pas, finalement, de la section du Tribunal à laquelle ils ont été affectés, pour, finalement, éloigner l'espèce de lien de subordination qui pourrait exister entre les deux.

M. Bégin: Est-ce que vous voyez ça comme étant une période tampon, temporaire? Mettons que la personne pourrait retourner temporairement, trois ans – imaginons ça, là – dans un autre organisme et, par la suite, si le besoin est toujours là et si son désir est toujours là, retourner dans cet organisme? Est-ce que c'est ce genre d'accommodement là auquel vous songez? Parce qu'il faut penser que, d'une part, oui, on est vraiment en face de deux choses un petit peu contradictoires: la garantie d'indépendance est assurée par le fait que la personne est sûre d'avoir un emploi, mais, curieusement – je dis bien: curieusement – ce n'est pas l'emploi qu'elle occupait avant qui constitue ce havre de paix, c'est un autre. Alors, c'est pour ça que je demande: Est-ce qu'il y a moyen d'accommoder en disant: Oui, la personne pourra retourner et sera assurée de retourner dans un emploi à la fonction publique, à niveau égal, j'imagine, en termes de qualification pour son emploi, mais différent et, peut-être, éventuellement, une espèce de purgatoire ayant été purgé – c'est le mot, je pense – pouvoir retourner à son emploi? Est-ce que c'est ça? Je veux bien cerner le concept.

M. Lafontaine (Yves): Oui. Vous avez ajouté un élément additionnel, disons.

M. Bégin: C'est le mot «purgatoire»?

M. Lafontaine (Yves): Oui, oui. C'est correct.

M. Bégin: Ha, ha, ha! Non, mais on se comprend.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): La période tampon, effectivement...

M. Bégin: C'est ça, la période tampon.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): ...ça pourrait être articulé de cette façon-là.

M. Lafontaine (Yves): De toute façon, présentement, il est prévu, au fédéral, que quelqu'un qui obtient une prime pour quitter les ministères ne peut pas être réengagé par le même ministère pendant une période tampon, justement.

M. Bégin: Quant à l'article 23 de la Charte, le Barreau a parlé aussi de l'article 56, l'ensemble de ces concepts du quasi-juridictionnel, l'indépendance, est-ce que vous avez l'impression – je sais que vous n'avez pas terminé votre recherche pour vous assurer que tout est conforme – que, avec les nouveaux principes énoncés aux articles 1 à 12, les garanties que l'on retrouve dans la Charte se retrouvent dans la loi comme telle, ou bien s'il y a des problèmes, mais l'esprit étant de savoir la réalité et non pas de taire des choses qu'on pourrait appréhender?

M. Lafontaine (Yves): Si notre lecture du projet de loi qui est devant nous est correcte, ce projet de loi là donne des règles générales de procédure mais fait une distinction complète entre des organismes administratifs et des organismes juridictionnels. On avait, dans le fond, des garanties dans la Charte au niveau des juridictionnels, si on peut dire. On les appelait quasi judiciaires dans le temps. Mais, bon, là on voudrait savoir si, en allant aux lois elles-mêmes – parce que ce sont quand même les lois elles-mêmes qui sont habilitantes et qui vont créer ces différentes juridictions et tribunaux là qui sont des droits substantifs, c'est dans ces droits-là – si ces lois-là ont priorité, à ce moment-là, sur la loi générale, parce que c'est elle qui donne les droits puis la façon de les exercer. Et, si c'est plus spécifique dans ces lois-là, c'est ces lois-là qui vont s'appliquer.

Nous autres, on dit: Bien, laissez-nous le temps d'aller voir, à moins que vous ne l'ayez fait, vous autres. Je ne sais pas, moi, si vous avez un listing de ça. C'est évident que, si ça débouche dans la loi particulière ou dans les amendements que vous apportez ou suivant les annexes à un recours sur le Tribunal administratif, je n'ai pas de problème parce que c'est exactement les mêmes garanties que je retrouve à l'article 23. Sauf que je n'ai pas eu le temps d'aller voir chacune de ces lois-là, voir si c'est à ça que ça nous mène. Bon, on a pris différents exemples où on a vérifié. Ça nous menait au Tribunal administratif. On dit: Pas de problème si ça nous mène au Tribunal administratif. Mais on n'a pas été capable de voir les 75 lois dans lesquelles...

M. Bégin: En autant que les garanties se retrouvent dans la loi comme telle.

M. Lafontaine (Yves): Évidemment.

M. Bégin: Bon. Alors, nous, on pense effectivement que ces garanties-là se retrouvent dans la loi et qu'on n'enlève rien par rapport à ce qui existait déjà, au contraire. Par rapport au reste, à l'aspect administratif, je pense, par les principes qu'on énonce aux articles 1 à 8, entre autres, qu'on ajoute au processus pour s'assurer que les choses se déroulent de manière à garantir les droits des individus et même à leur redonner plus qu'ils n'en ont dans quelque loi que ce soit actuellement, sur une base généralisée et non pas ponctuelle, si jamais, quelque part, on donnait un droit que d'autres lois ne donnent pas.

M. Lafontaine (Yves): Mais j'aime mieux un droit qui est donné dans la Charte qu'un droit dans une loi comme celle-là.

M. Bégin: Ça, je peux comprendre très bien ça.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Pour résumer, là, peut-être pour simplifier quasiment aussi, là, je dirais, nous, ce dont on veut s'assurer en vérifiant chacune de ces lois particulières là, c'est: Est-ce que chacune de ces lois-là qui, peut-être, accordait un recours devant un tribunal, une protection, une audition publique et impartiale de sa cause... Dans le cas de l'exercice d'un recours, est-ce que les modifications apportées à ces lois particulières là vont faire que cette personne-là, à n'importe quelle étape du processus de contestation...

M. Bégin: Va retrouver la même chose.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): ...va retrouver ça?

M. Bégin: Tout à fait.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Puis c'est ça qu'on veut vérifier, essentiellement.

M. Bégin: Et ça, je vous avoue, là... Écoutez, l'intention va se vérifier par la lecture des textes, et je ne demande pas que vous me croyiez sur parole. Mais il est évident que la loi d'application vise à s'assurer que partout, dans chacune des lois sectorielles, on retrouve exactement cette volonté-là. Mais peut-être me dira-t-on à un moment donné: Wo! On a regardé puis il nous semble que, dans la loi une telle, quand on lit le texte, on n'arrive peut-être pas à ça. Bien, là, je pense qu'on aura à se parler pour s'assurer qu'effectivement on ne tombe pas dans un piège. Et ça, c'est la loi d'application qui nous permettra de savoir pièce par pièce. Vous avez déjà devant vous un projet. Je suis heureux d'entendre que, même si vous n'avez pas terminé, il semble bien que les indications qu'on y retrouve sont positives, et je vois M. le président qui opine.

M. Lafontaine (Yves): Oui.

M. Bégin: Je ne veux pas vous faire parler inutilement, là, mais il reste quand même que c'est important de comprendre que vous ne voyez pas, à date, dans le projet qui est là... Et on n'a pas, comment je dirais, de proposition qui est alternative, on n'a pas de plan A puis de plan B, là. On se comprend bien. Le seul plan qu'on a, vous l'avez entre les mains, et il peut y avoir quelques petites nuances dans les faits, mais pas sur les principes. Alors, ce que vous retrouvez là, c'est ce qu'on veut faire et atteindre les objectifs qui étaient peut-être énoncés dans 23. Mais 23 avait aussi certains problèmes, c'est qu'on ne savait pas ce que ça couvrait réellement. Vous êtes d'accord avec moi...

Une voix: Ah oui, tout à fait.

M. Bégin: ...ce n'était pas clair. Alors, là, on veut le mettre dans toutes les lois. Alors, on va être clair. Peut-être que ça ne sera pas dans la Charte, mais je pense qu'on atteint le même résultat. Allez.

M. Lafontaine (Yves): Mais il faut quand même comprendre aussi que, en tant que gardien de la Charte, parce que c'est le mandat que l'Assemblée nationale nous a donné...

M. Bégin: Ça, je vous comprends.

M. Lafontaine (Yves): ...c'est à nous aussi de faire des vérifications.

(15 h 40)

M. Bégin: Je change complètement de registre, je passe à la question du pouvoir de recommencer une nouvelle liste. Est-ce que c'est plausible d'envisager que, après avoir fait des concours il y a, je ne sais pas, moi, un an, un an et demi, compte tenu des besoins particuliers qu'un organisme peut avoir – on pense à certaines spécialités, par exemple, des personnes qui ont une connaissance particulière d'un milieu ou d'un usage – parmi cette liste qui a été faite de bonne foi un an auparavant, il n'y ait pas des personnes qui rencontrent les critères qui sont là? Est-ce que vous ne pensez pas que ça puisse exister? Et je parle en pure bonne foi, je ne parle pas, là, de choses arbitraires où on voudrait profiter de lacunes ou de trucs pour faire l'inverse de ce qu'on dit.

M. Lafontaine (Yves): C'est sûr que le législateur doit, en faisant ses lois, présumer que tout le monde est de bonne foi et que les choses tombent en place sans aucun parti pris de la part de personne, mais je pense qu'il y a un élément de transparence là-dedans. On a un choix à faire entre dire: Le processus est aussi bon qu'il peut être, ou bien non entrer un élément qui est plus subjectif, de dire: Bon, bien, considération de la liste, je n'ai pas de personnes, disons, qui seraient compétentes dans ce domaine-là, j'aime mieux rouvrir un autre concours. C'est le choix, je pense, que le législateur a à faire.

M. Bégin: Vous avez passé très rapidement sur un élément qui avait fait l'objet de commentaires constants, y compris celui de la commission, c'était la limitation à trois mandats. C'est un peu comme si vous aviez dit: Merci, bonjour, parfait. J'aimerais vous entendre, parce que plusieurs avaient parlé là-dessus, par rapport à l'indépendance qu'on veut donner à l'organisme, aux membres de cet organisme-là. Est-ce que vous croyez que ça change la problématique, le fait qu'on ait enlevé cette incapacité d'être nommé pour plus que deux reprises?

M. Lafontaine (Yves): Disons qu'une habitude qu'on a, c'est de vérifier la discrimination sur l'âge, entre autres. On s'est aperçu que, en faisant enquête sur l'âge, il arrive souvent que des personnes demeurent très compétentes, ce n'est pas une question de temps, ce n'est pas une question d'âge, disons, et...

M. Bégin: Est-ce que je dois comprendre que vous plaidez pour quelqu'un?

M. Lafontaine (Yves): Si quelqu'un a fait l'affaire pendant deux mandats et qu'il est encore capable de le faire, pourquoi se priver d'un élément comme ça? Mais vous vous êtes gardé aussi des soupapes dans la loi, si j'ai bien compris, c'est que le président du Tribunal, lui aussi, peut permettre de vérifier la qualité des personnes et faire des suggestions au moment du renouvellement. Ça, j'ai compris ça aussi.

M. Bégin: Ça m'apparaît...

M. Lafontaine (Yves): Et je comprends aussi que c'est nécessaire, d'une certaine façon, si on veut administrer une boutique de prima donna...

M. Bégin: Je le pense sincèrement.

M. Lafontaine (Yves): ...souvent, à ce moment-là, ça prend aussi certains recours.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Nous, de mémoire, je pense qu'on n'avait pas de position très ferme sur la question des deux mandats lors du projet de loi initial, parce que, selon nous, ce n'était pas tellement une question d'indépendance, c'était plutôt une question de bassin de personnes qui seraient accessibles à cet emploi-là, si on leur dit: Bien, après trois termes, finalement, tu t'en retournes. Particulièrement pour les gens qui ne venaient pas de la fonction publique. Alors, c'est là, nous, qu'on voyait un problème plus qu'au niveau de l'indépendance. Je ne pense pas que, parce que la personne accède à un emploi et qu'elle sait à l'avance qu'elle ne peut pas être là pour plus de trois termes, ça porte atteinte tellement à des garanties d'indépendance. Conséquemment, nous, on n'avait pas de position ferme là-dessus, et c'est pour ça, d'ailleurs, que le fait que vous l'ayez modifié, ça ne nous...

M. Bégin: Pas de chance, pourtant, c'est l'article sur lequel on a entendu le plus de commentaires. Ha, ha, ha!

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Probablement de la part des gens qui siègent sur ces tribunaux-là.

M. Mulcair: C'était quoi, votre commentaire?

M. Lafontaine (Yves): L'intérêt est la mesure des actions.

M. Mulcair: L'intérêt?

M. Lafontaine (Yves): L'intérêt est la mesure des actions. Autrement dit, on agit suivant son intérêt.

M. Bégin: Donnez-moi deux petites secondes, s'il vous plaît, c'est parce que vous avez abordé successivement une série de cas spécifiques, et je n'ai pas eu le temps de prendre nécessairement toutes les notes. Ah oui! Concernant la composition des membres du Conseil de la justice administrative, vous avez énoncé...

M. Lafontaine (Yves): L'article 156.4°?

M. Bégin: L'article 156.4° particulièrement: cinq autres membres qui ne sont pas membres. Vous avez trouvé qu'il y avait une certaine amélioration, mais je ne suis pas sûr d'avoir bien perçu ce que vous voyez comme problématique à ce niveau-là.

M. Lafontaine (Yves): Ce qu'on voyait dans le projet original, c'est que vous aviez fait en sorte qu'il y ait des membres qui venaient d'à peu près tous les milieux.

M. Bégin: Exact.

M. Lafontaine (Yves): Or, il y a une branche qui nous semblait oubliée, c'était celle des mesures sociales, où, là, il n'y a à peu près personne qui était issu... les droits économiques et sociaux, où il n'y avait personne issu de ce milieu-là. Là vous dites: On rajoute deux personnes, mais on ne dit pas de quel milieu elles vont venir. Donc, on dit: Vous avez tranché la poire en deux, vous avez rajouté deux personnes. Peut-être que vous allez les prendre d'autres milieux, peut-être que vous allez les prendre de là aussi.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): C'est parce qu'on disait qu'il y a énormément de litiges, en fait, devant le Tribunal qui sont en matière socioéconomique.

M. Bégin: Pardon?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Il y a énormément de litiges devant le Tribunal qui sont en matière socioéconomique. Conséquemment, on disait: Bon, il y aurait peut-être lieu de prévoir que deux des futurs membres du Conseil de la justice administrative, qui sont appelés évidemment à examiner le fonctionnement de ce Tribunal-là, proviennent de milieux socioéconomiques. C'est pour ça qu'on recommandait que deux de ces membres-là proviennent de ces milieux-là. Maintenant, vous, vous avez décidé d'ajouter et de passer de cinq à sept, là.

M. Bégin: Oui, parce que, d'une part, c'était pour tenir compte de ce que vous venez de mentionner, de laisser une certaine marge. Je suis d'accord avec ce que vous apportez comme point de vue. Cependant, la critique ou la remarque principale à l'égard de la composition du Conseil portait beaucoup plus sur la présidence du Conseil. Plusieurs nous ont dit qu'ils préféreraient que ce ne soit pas le président du Tribunal qui soit le président du Conseil de la magistrature, certains référant même à ce qui se passe au niveau des tribunaux judiciaires, au niveau du Conseil de la magistrature, où le juge en chef de la Cour du Québec est le président. Plusieurs ont fait des remarques là-dessus. Et c'est pour ça que, à la fois, oui, on élargit pour tenir compte un peu de ce que vous avez mentionné, sans peut-être prendre tout à fait une étiquette pour chacune des personnes qui serait nommée là, mais on a tenu compte de l'autre volet qui était de ne pas faire en sorte que, nécessairement, le président du Tribunal administratif soit le président. Alors, il y a ces deux aspects-là qui ont été tenus en compte simultanément. Mais ça n'exclut pas, évidemment, que les personnes émanent des sources que vous mentionniez dans votre mémoire.

Finalement, vous avez la loi de l'application. Vous avez mentionné que, et vous l'avez redit un petit peu tantôt... Est-ce que vous avez été en mesure, compte tenu de ce que vous aviez entre les mains, de faire une étude des principes que l'on retrouve principalement dans le projet de loi n° 130? Est-ce que le document vous permet de vérifier, généralement, je ne dis pas en détail pour chaque cas, ce que l'on vise comme projet de loi par la loi n° 130?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Oui, effectivement, ce qu'on a pu vérifier dans la loi d'application, c'est, en fait, si ces lois-là s'adaptaient à la classification générale qui est élaborée dans la Loi sur la justice administrative, c'est-à-dire à savoir si les décisions relèvent soit de l'exercice d'une fonction administrative ou de l'exercice d'une fonction juridictionnelle, avec les garanties en découlant qui aussi sont... En tout cas, on va se répéter peut-être, mais je pense que ça va prendre un examen particulier. On comprend le principe, on comprend ce que vous visez aussi. Mais, pour bien mesurer l'impact de ça, parce que l'impact est important pour nous, parce que l'article 23 de la Charte est éminemment visé, et c'est une loi qui est quasi constitutionnelle, donc qui a suprématie sur toutes ces législations particulières là, ça va prendre un examen particulier.

M. Bégin: Une commission parlementaire portant...

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Non, non, non.

M. Bégin: Non, mais on pense, nous, à une commission parlementaire...

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Ah oui!

M. Bégin: ...élaborée, générale sur la loi d'application, pour s'assurer des effets spécifiques des principes énoncés dans le projet de loi n° 130, pour s'assurer quels effets ça a et que, effectivement, ce que vous énoncez par rapport à l'article 23 soit bien garanti, parce que, l'idée étant de s'assurer qu'on a au moins autant, il faut que, dans les faits, on l'obtienne. Je pense que ça va être dans le projet de loi d'application, qu'une fois l'expérience faite on va s'assurer, oui, tout est là, tout est bien en place comme tel.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

(15 h 50)

M. Mulcair: Oui. Alors, Me Lafontaine, Me Bourdeau, c'est toujours un plaisir de vous avoir avec nous. Vous avez contribué, à de nombreuses reprises au cours des derniers mois, aux travaux de cette commission. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt vos remarques préliminaires, notamment de la part du président lorsqu'il a dit qu'il avait analysé le projet de loi, les 125 modifications et les 643 articles, mais j'étais aussi content de remarquer, à la fin, que vous êtes arrivés à peu près à la même conclusion que le Barreau. Parce que le Barreau est venu ici hier pour dire: Écoutez, ça ne peut pas se faire si vite, et vous l'avez dit à la fin, que vous n'aviez pas pu, justement, sortir et tous et chacun de ces articles-là. Ça allait de soi, mais j'étais un peu surpris, impressionné, je dois même admettre, que la Commission des droits ait réussi à faire si vite ce que le Barreau, avec toutes ses ressources dans le domaine juridique, n'avait pas pu faire.

J'ai entendu le ministre aussi, à la fin, tenter de dire qu'on va faire une commission parlementaire élaborée sur ce qu'il n'arrête pas d'appeler le projet de loi d'application. Mais je lui rappelle, tout comme je le rappelle aux autres membres de cette commission, que non seulement on n'a même pas un avant-projet de loi, on n'a définitivement pas un projet de loi, on est face à un document de travail. Alors, l'exercice est d'autant plus hasardeux pour cette raison-là.

J'aimerais revenir sur un aspect particulier qui vous intéresse et que vous avez soulevé, ça concerne l'inamovibilité et l'indépendance. Je pense que c'est vous, Me Bourdeau, vous avez vraiment focussé là-dessus, et j'aimerais juste m'assurer d'avoir bien compris votre propos. Vous étiez en train de nous dire que, pour vous, la règle contenue notamment à l'article 51 du projet de loi concernant les mandats de cinq ans renouvelables deux fois, ça, ce n'était pas un si gros problème que ça tant et aussi longtemps que quelqu'un était averti d'avance. Ça, c'est la position de la Commission des droits. Et vous avez, par ailleurs, dit que vous envisagiez un certain problème possible si la personne qui siégeait sur le Tribunal administratif du Québec émanait de l'administration publique et devait la réintégrer. Là, vous craignez une sorte de pression possible, et je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus, on en a discuté longuement. Mais est-ce que la solution n'est pas tout simplement d'exclure toute personne émanant de l'administration publique de toute possibilité de siéger sur ce Tribunal administratif là si on tient à garder le trois fois cinq ans comme règle?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Bien, il y a une chose qui est certaine, en tout cas, c'est qu'il y a beaucoup de compétences... Évidemment, on parle de justice administrative. Il faut bien comprendre, en tout cas, je conçois, moi, qu'il y a une compétence qui existe dans l'appareil gouvernemental qui serait bénéfique au Tribunal. Et, en ce sens-là, j'aurais de la difficulté avec une disposition qui exclurait carrément les gens qui émanent de la fonction publique.

M. Mulcair: Mais, si quelqu'un qui émane du plus grand bureau d'avocats de Toronto est vraiment la meilleure personne pour siéger à la Cour suprême parce qu'il a toutes les compétences requises pour remplir une case, ce n'est pas une réponse que de dire «c'est la personne la plus compétente» si, par ailleurs, la personne risque d'être en conflit et d'enfreindre les règles d'impartialité et d'indépendance. On est au niveau des principes ou on ne l'est pas. Ce n'est pas une réponse, avec respect, de dire: Oui, mais il y a un bassin de population intéressant, dont vous, je suis convaincu. Mais, comme votre collègue l'a dit, l'intérêt est la mesure des actions.

Est-ce que ce n'est pas vrai, si on veut éviter le problème que vous évoquez, que la meilleure manière, c'est de s'assurer que quelqu'un a le choix ou de quitter la fonction publique et d'accepter son trois fois cinq ans, ce qui pourrait être intéressant pour quelqu'un qui est rendu à 40, 45 ans et qui planifie un peu sa carrière comme ça, ou tout simplement d'utiliser l'autre bassin de population, parmi les 17 000 avocats du Québec?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Je ne sais pas. C'est évident que le congé sans solde est problématique. Ça, c'est certain. Le congé sans solde est problématique pour quelqu'un qui émane de la fonction publique. C'est pour ça que, nous, on avait suggéré une solution mitoyenne qui faisait que, à tout le moins, la personne qui, au terme de son mandat, retournait à la fonction publique ne devrait pas retourner avec l'organisme ou le ministère dont elle a été appelée à trancher les litiges lorsqu'elle siégeait au Tribunal.

M. Mulcair: Mais, quand même, si tous les principes dont on a déjà discuté au mois de février continuaient à s'appliquer, à savoir qu'il y a des possibilités de pressions indues si le modèle existe, de personnes qui font le transit une fois, deux fois, trois fois cinq ans à l'intérieur du Tribunal administratif du Québec et que, en sortant, il y a très peu de contrôle où on va atterrir, a fortiori, si ce n'est pas l'endroit d'où on émane et dans le secteur dans lequel on a travaillé, ça aussi, ça peut exercer une certaine pression.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Bon. Là, je pense qu'on s'éloigne un petit peu. Si on adopte une solution comme la nôtre, je pense que les garanties d'indépendance et d'impartialité sont définitivement meilleures lorsque la personne ne retourne pas dans un organisme dont elle a été appelée à trancher les litiges lorsqu'elle siégeait au Tribunal. Moi, ça, ça m'apparaît certain.

M. Mulcair: Et est-ce que l'inverse est également vrai? Une personne qui émane d'un secteur ou d'un endroit ne devrait pas avoir le droit de commencer à décider là-dedans aussi.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Je ne comprends pas votre question.

M. Mulcair: Quelqu'un qui a travaillé comme avocat à la SAAQ, par exemple, est-ce que ça devrait être interdit à cette personne-là de commencer à entendre des causes dans la division du TAQ, dont relève la SAAQ?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Si cette personne-là est membre de la fonction publique, le même problème se pose. Est-ce que cette personne-là est membre de la fonction publique? Je ne le sais pas. Un avocat qui...

M. Mulcair: Je ne sais pas.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Moi non plus, je ne sais pas.

M. Mulcair: Quelqu'un qui a travaillé avec des cas d'invalidité dans un secteur donné, spécifiquement, il était à la SAAQ pendant des années comme avocat, le connaissant, on veut le mettre au Tribunal administratif pour ses grandes connaissances. Est-ce que votre principe ne s'applique pas dans les deux sens?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Oui, mais, si cette personne-là était en... Cette personne-là serait en congé sans solde de la SAAQ?

M. Mulcair: C'est ça, nommée au TAQ.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Oui. À ce moment-là, si elle est membre de la fonction publique, elle pourrait retourner comme procureur dans un autre organisme.

M. Mulcair: Non, non, non. Ma question est son affectation lorsqu'elle siégerait au TAQ. Elle émane de la SAAQ.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Ah! O.K. Lorsqu'elle commence à entendre les causes.

M. Mulcair: Lorsque rendue au TAQ, est-ce que ce n'est pas aussi un problème de lui faire entendre des causes semblables?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Le même problème peut se poser en matière judiciaire. Un avocat qui vient d'être nommé juge à la Cour du Québec et qui siégeait pour un bureau d'avocats, qu'est-ce qui va arriver lorsqu'un membre de ce bureau-là va se présenter devant lui pour trancher un litige?

M. Mulcair: C'est ma question, précisément, M. Bourdeau.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Lorsque l'avocat constatera qu'il n'a pas un état d'esprit lui permettant de juger en toute impartialité cette cause-là, il devra se récuser. C'est probablement comme ça se passe devant la Cour du Québec.

M. Mulcair: Oui. Mais je vous demande de faire l'exercice avec nous de regarder un exemple concret – je vous en ai fourni un, vous pouvez en trouver trois autres – de quelqu'un qui émane d'un endroit spécifique, donne des conseils là-dedans depuis des années et on lui dit: Vous allez maintenant entendre des causes. Est-ce que vous ne trouvez pas que, ipso facto, il y a une chance de préjugés de la part de cette personne-là, que l'impartialité et l'indépendance dont on a besoin risquent de ne pas être là? Est-ce que votre principe, donc, de savoir que, quand on sort, on ne devrait pas retourner dans le même milieu, ne devrait pas s'appliquer a fortiori dans un cas où on émane du milieu?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Bien, c'est parce que vous changez les données, à ce moment-là. Parce que je vous parlais de quelqu'un qui arrive et qui ne peut pas retourner; là, vous me parlez de quelqu'un qui émane et qui siège...

M. Mulcair: Non. Je ne change pas les données. Je vous pose une question, la même depuis quelques minutes. Ha, ha, ha!

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Non, non. C'est parce que je ne peux pas vous répondre la même réponse parce que ce ne sont pas les mêmes données. Vous ne comparez pas...

M. Mulcair: Bien, donnez-moi la vôtre, la réponse. C'est quoi votre réponse?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Ma réponse, c'est que quelqu'un qui émanerait de la SAAQ, par exemple, qui serait nommé au Tribunal et qui serait appelé à trancher des litiges impliquant la SAAQ, si cette personne-là n'est pas en congé sans solde de la SAAQ et prétend avoir un état d'esprit suffisamment impartial pour trancher les litiges, elle pourrait se prononcer. Si cette personne-là, dans un dossier particulier, ne se sent pas suffisamment impartiale pour trancher un litige, elle devrait se récuser, tout simplement. C'est tout.

M. Mulcair: Donc, si je comprends bien votre prémisse, c'est qu'il prend un congé sans solde de la SAAQ. Revenons avec la prémisse qu'il est en congé sans solde de la SAAQ. Cette personne est en congé sans solde. Vous nous dites que cette personne en congé sans solde, il risque d'y avoir des problèmes affectant son impartialité et son indépendance si elle retourne à la SAAQ. Votre solution, c'est de l'envoyer ailleurs à la fin de ses cinq, 10 ou 15 ans. Ma question demeure entière. Je prends vos données. La personne est en congé sans solde à la SAAQ. Elle travaille 15 ans, mais, pendant sa première année ou sa cinquième, peu importe, si la personne est en congé sans solde, est-ce qu'elle devra entendre des causes concernant la SAAQ, même avec votre règle comme quoi elle va être envoyée ailleurs?

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Ah oui. Ah, c'est une bonne question.

M. Mulcair: Merci beaucoup.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Il s'agirait de voir si, effectivement, il n'y a pas un problème d'impartialité lorsqu'une personne émanerait de la SAAQ et serait nommée à la division d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile alors qu'elle a été procureur de la SAAQ pendant 15 ans. Mais, comme je vous dis, ce n'est pas pire qu'un juge qui est nommé juge en cour criminelle et qui a été procureur de la couronne pendant 15 ans. C'est exactement la même chose.

M. Lafontaine (Yves): Des fois, ça fait les meilleurs en défense.

(16 heures)

M. Mulcair: Je me permets de ne pas être d'accord avec vous, parce que votre analogie, à mon sens, comme toute analogie utilisée comme argument, montre ses défauts quand on la pousse. Si vous dites que c'est comme un procureur de la couronne, vous êtes en train de dire, avec raison, que la personne va avoir toute son observation colorée, mais vous me donneriez raison si vous me suiviez, donc, dans mon objection à toute personne de l'administration publique qui siégerait là-dessus. Mais, moi, je me situais dans votre logique, et votre logique, donc...

L'analogie plus appropriée, ce n'est pas celle que vous avez donnée, ce serait l'analogie de quelqu'un qui sort d'un bureau d'avocat en particulier. Et vous savez comme moi que c'est plutôt rare qu'un juge va accepter d'entendre des gens qui étaient ses anciens associés venir plaider. Il va de soi que la personne qui a pratiqué en droit criminel, que ce soit en défense ou en poursuite, va être nommée juge à la Cour du Québec en matière criminelle et pénale. C'est normal qu'on le fasse ainsi, on va utiliser la meilleure expertise.

M. Bourdeau (Pierre-Yves): Bien, je pourrais vous dire qu'il va de soi qu'un avocat qui a travaillé à la SAAQ pendant 15 ans, sa compétence, c'est en matière d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.

M. Mulcair: Moi, je vous soumets que, si c'est une expertise comme vous m'avez dit tantôt, son expertise, c'est dans le droit administratif, il y a un bassin de population. Je suis prêt à être convaincu de vous suivre jusque-là, mais je demeure persuadé que la meilleure manière d'éviter les problèmes, c'est de ne pas les nommer. Mais je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que son expertise, c'est là-dedans, parce qu'il est tellement formé à l'idée de la boîte, sa vision de la chose est tellement informée, imprégnée par et avec ce qu'il a vécu pendant sa période là-bas que je vous soumets respectueusement que ça entache gravement son impartialité et son indépendance. C'est justement pour ça que je dis que la manière d'éviter les problèmes... On ne parle pas de congés sans solde, on ne parle pas de déterminer où la personne va retourner, on fait justement comme un juge dans les tribunaux de droit commun, on les nomme et on les nomme avec les règles du jeu: cinq ans renouvelables deux fois. Et ils vont faire un choix de carrière. Le problème, c'est que ça va avoir un impact négatif sur les 30 à 40 ans, pour qui une carrière de 15 ans finissant là, ça risque de vraiment être un mur de pierre, parce que c'est très difficile de réintégrer la pratique après un tel travail. Mais les 40-50 ans, ça va être «diguidou».

M. Bourdeau (Pierre-Yves): En tout cas, pour clore là-dessus, ce que je peux vous dire, c'est que la Cour d'appel ou la Cour suprême seraient probablement heureuses de vérifier le degré d'impartialité d'une personne qui émanerait de la SAAQ et qui siégerait à la division d'indemnisation.

Une voix: ...aspirer au ministère de la Justice.

M. Mulcair: Vous ouvrez par ailleurs une question fort intéressante concernant la Cour d'appel et la Cour suprême. Est-ce que, à votre sens, ce serait opportun de référer les parties du projet de loi n° 130 concernant l'impartialité et l'indépendance à la Cour d'appel pour enlever toute ambiguïté avant d'entreprendre une démarche d'une telle envergure?

M. Lafontaine (Yves): Moi, je n'ai rien à dire sur le sujet. Je pense que c'est au législateur à déterminer de ce qu'il va faire au niveau politique avec une décision d'aller à la Cour d'appel ou à la Cour suprême sur un projet de loi.

M. Mulcair: Mais Me Bourdeau vient de nous ouvrir cette possibilité, puis je ne peux qu'être d'accord avec lui, parce que je trouve particulièrement hasardeux l'exercice auquel le ministre est en train de se livrer ici.

M. Lafontaine (Yves): Si j'ai bien compris ce que Me Bourdeau a dit, puis je ne voudrais pas interpréter ses paroles, il pourrait toujours me corriger...

M. Mulcair: Mais vous allez le faire quand même.

M. Lafontaine (Yves): Oui, justement. J'ai pensé que ce que Me Bourdeau disait, c'est: Je serais curieux de savoir quelle serait la jurisprudence que la Cour d'appel...

M. Mulcair: Oui, mais pourquoi... Me Lafontaine, vous savez comme moi...

M. Lafontaine (Yves): ...apporterait sur une situation donnée, parce qu'on sait que les tribunaux refusent ordinairement de se prononcer quand ils n'ont pas de cas précis sur lequel se prononcer.

M. Mulcair: Bon, on demande les avis du Protecteur du citoyen, de la Commission des droits de la personne, de la Commission d'accès à l'information sur beaucoup de projets de loi parce que leur expertise, leur expérience nous est très utile. Mais Me Bourdeau vient de le dire très clairement, puis il a raison: Tout ça, malgré toutes leurs grandes qualités, ce ne sont que des avis, la vraie détermination va être faite par les tribunaux.

Alors, plutôt, avant d'entreprendre toutes ces études-là, on pourrait peut-être demander au ministère de la Justice de le référer à la Cour d'appel. Ça va sans doute éviter de faire tomber tout cet édifice que le ministre souhaiterait si vivement construire.

Combien de temps ça vous prendrait pour finir votre analyse, loi par loi?

M. Lafontaine (Yves): C'est deux mois.

M. Bégin: Faites attention, là, on vous demande combien de temps il vous faudrait pour étudier la loi d'application, pas la loi n° 130.

M. Mulcair: M. le Président, je pense que j'ai la parole, est-ce que je peux avoir le droit...

M. Bégin: Parce qu'on essaie de vous en faire...

M. Mulcair: ...de conserver ma parole. Je n'ai pas coupé le ministre pendant qu'il parlait...

M. Bégin: ...une opinion un peu indirecte.

M. Mulcair: ...puis son impolitesse dépasse même ses propres limites habituelles.

M. Boulerice: Il n'est même pas question d'impolitesse, prends tes valium, mon coco, là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs!

M. Boulerice: Il ajoute au débat que tu as lancé, qui était pertinent, en leur demandant combien de temps.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que vous pourriez le ramener à l'ordre? Non, mais vous allez lui demander de retirer ça, il y a une limite à...

M. Boulerice: Coco ou valium?

M. Mulcair: Vous allez lui demander de retirer...

M. Boulerice: Ce sont des paroles affectueuses, puis on s'en offusque.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs!

M. Mulcair: M. le Président.

M. Boulerice: Ce n'est pas antiparlementaire d'être affectueux.

M. Mulcair: M. le Président, c'est antiparlementaire, ce que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques vient de dire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, veuillez retirer.

M. Boulerice: Je ne retire rien.

M. Mulcair: M. le Président, vous venez de lui impartir une demande. Je vous ai fait une demande, il refuse d'obtempérer à votre décision, vous savez ce que vous avez à faire.

M. Bégin: En quoi c'est antiparlementaire, M. le Président, les propos...

M. Mulcair: Non, la décision du président a été rendue.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Une voix: M. le Président, je cherche «coco» dans la table des matières.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, en vertu de 35.7, M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, on vous rappelle la question des propos qui peuvent, le cas échéant, être blessants pour M. le député de Chomedey.

M. Boulerice: C'était blessant?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je comprends qu'il en est ainsi puisqu'il y a eu demande...

M. Boulerice: Je croyais qu'il avait un épiderme plus fort.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...de retrait. Alors, je vous rappelle.

M. Boulerice: Je ne veux pas me brouiller, c'est une amitié qui est tellement sincère, je croyais l'exprimer par ce mot. Je retire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, vous pouvez poursuivre.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, je comprends que le sujet est pris si à la légère par le ministre, ça doit être une indication du fait qu'il s'est rendu aux arguments du Barreau du Québec à l'effet que c'était vraiment non seulement un processus hasardeux auquel on se livrait ici, mais que c'était vraiment contre l'intérêt de l'administration de la justice; sujet, encore une fois, qui est très loin des préoccupations quotidiennes du ministre.

Mais, pour terminer sur cet aspect-là, sur l'aspect du temps que ça vous prendrait, est-ce que vous pouvez nous dire, dans un premier temps, combien de temps ça vous prendrait pour terminer l'analyse du projet de loi – une fois qu'on sera saisi d'un projet de loi d'application, parce qu'on est toujours avec un document de travail – et, par la suite, si vous êtes d'accord avec le Barreau du Québec comme quoi il ne faut pas procéder sur les deux sans avoir eu l'occasion d'être saisi d'un projet de loi?

Une voix: Je m'excuse, là.

M. Mulcair: Allez-y. Négociation syndicale.

(Consultation)

M. Lafontaine (Yves): Pour répondre à la question, ce ne sera certainement pas avant l'ajournement de la présente partie de la session. C'est évident que, d'ici à la Saint-Jean-Baptiste, nous n'avons pas le temps de regarder les implications.

M. Mulcair: Alors, Me Lafontaine et Me Bourdeau, en ce sens, vous rejoignez les propos du Barreau du Québec, et on vous remercie beaucoup.

M. Bégin: Vous avez entendu l'interprétation du député.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Bégin: Non, je n'en ai pas d'autres. Merci infiniment.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Lafontaine, Me Bourdeau, nous vous remercions de votre présentation.

Avant que nous suspendions les travaux, madame, messieurs, je dois vous aviser que la vice-présidente du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec nous a confirmé qu'ils seraient ici à 16 h 45. Alors, nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 16 h 45.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 52)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons maintenant le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec.

Alors, M. Caron, si vous voulez bien nous présenter, pour les fins d'enregistrement de nos échanges, l'équipe du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec qui est avec vous.

Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, ensuite, nous procéderons à des échanges avec les groupes parlementaires.


Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

M. Caron (Robert): Alors, à ma gauche, Mme Isabelle Albernhe, première vice-présidente du SPGQ; à l'extrême gauche, M. Éric Ouellet, membre président de bureau de révision paritaire de la CSST, et, à ma droite, M. Alain Tremblay, qui est aussi président de bureau de révision paritaire à la CSST en région.

Alors, je vous remercie de nous donner l'occasion, encore une fois, de donner notre point de vue concernant les amendements au projet de loi n° 130 sur la justice administrative et sa loi d'application. Tout comme en février 1996, alors que nous faisions part de nos commentaires sur le projet de loi n° 130, le SPGQ entend faire à nouveau une critique positive espérant ainsi contribuer à la mise en place d'une justice administrative qui réponde le mieux possible aux attentes des citoyennes et citoyens du Québec.

Vous comprendrez qu'on a fait ça, ce mémoire-là, dans un délai relativement court. On a reçu les amendements jeudi en fin de journée, le temps de constituer l'équipe. Alors, vous nous excuserez, on a essayé de faire l'analyse la plus fine possible des amendements, il est possible qu'il y ait des choses qu'on n'ait pas vues. Alors, on s'en excuse d'avance.

Nous ne reviendrons pas sur la nécessité d'une réforme de la justice administrative. Je pense qu'on s'est déjà exprimé là-dessus, et à quelques occasions. Maintenant qu'on s'approche de l'aboutissement, après deux commissions parlementaires: l'une sur le rapport Garant et l'autre sur le projet de loi n° 130 en février, il ne faudrait pas prendre prétexte de ces imperfections pour réclamer le report de son adoption. C'est pourquoi il nous apparaît important de commenter les progrès accomplis par l'ajout des quelque 125 derniers amendements qui nous ont été soumis.

À notre point de vue, il est préférable d'adopter un projet de loi qui est certes perfectible que de remettre à plus tard ce qui peut être fait avant la fin de la présente session. D'autant plus qu'on a été heureux de constater la réponse positive faite à plusieurs de nos recommandations, tels l'introduction de la conciliation, le droit à la représentation par une personne de son choix, la diminution sensible du délai pour rendre une décision, l'introduction de règles encadrant mieux le processus décisionnel de l'administration publique.

Toutefois, nous allons faire des commentaires concernant quelques points qui demeurent, à certains égards, à améliorer, entre autres sur la déjudiciarisation du processus décisionnel de certains organismes.

Relativement aux articles 4 à 7 qui encadrent le processus décisionnel de l'administration, le SPGQ constate avec satisfaction que le législateur a permis que l'administré puisse faire valoir ses observations et, s'il y a lieu, puisse produire des documents pour compléter son dossier alors que ce dernier fait face à la possibilité d'une décision défavorable. Nous recommandons cependant de modifier les articles 5.3 et 6 de la loi pour y inclure un délai de 10 jours afin de permettre à l'administré de présenter ses observations, tel que certains articles de la loi d'application y font référence. Ceci permettrait d'uniformiser, d'encadrer et de simplifier les droits prévus à ces articles.

L'autre point sur lequel nous nous permettons d'insister à nouveau concerne la nécessité d'inclure à la loi un article faisant obligation à l'administration de confier de tels recours à un niveau hiérarchique le plus éloigné et le plus indépendant possible de celui du personnel décideur visé par la demande de révision. Il s'agit là d'un élément majeur pour la crédibilité et le bon fonctionnement des recours autres que judiciaires. De toute façon, on le vit déjà. Je suis avec des représentantes et représentants de bureaux de révision paritaire, là, on peut dire que le niveau hiérarchique, il est le plus éloigné possible, parce que les bureaux de révision paritaire relèvent du P.D.G. de la CSST et ne relèvent pas des bureaux régionaux.

Sur le mode de nomination, la durée des mandats et la création d'un corps d'emploi d'adjudicateur. Tout comme les juges des tribunaux judiciaires, il faut octroyer, selon nous, aux membres du Tribunal administratif les attributs de l'indépendance judiciaire nécessaire à l'exercice de leurs fonctions.

Sur cette question, le législateur a introduit l'article 51, qui est, selon nous, un pas dans la bonne direction. Cependant, limiter la fonction d'adjudicateur à la seule profession de juriste, c'est, croyons-nous, judiciariser là où on voulait déjudiciariser. Le SPGQ croit qu'il est impératif que, pour la fonction d'adjudication, un corps d'emploi distinct et uniforme soit créé et que le processus de sélection soit celui prévu à la Loi sur la fonction publique, garantissant ainsi une transparence hors de tout doute.

Je pense que ça tombe bien aussi parce qu'on est dans un contexte de réforme de la classification dans la fonction publique. C'est une petite parenthèse que j'ouvre parce qu'on est actuellement dans ces dossiers-là au Syndicat.

Sur le Tribunal administratif du Québec, tout comme nous l'avions soulevé dans notre précédent mémoire, nous aurions souhaité que la division des lésions professionnelles soit paritaire et rattachée au ministère du Travail. En effet, on a déjà fait valoir, en février, que le paritarisme fait partie de la culture du régime québécois de la santé et de la sécurité au travail. Or, on constate que, dans les amendements, cette caractéristique n'a pas été retenue. Cependant, nous sommes satisfaits de constater que les bureaux de révision sont maintenus et que le paritarisme demeure dans les bureaux de révision de la CSST. Évidemment, on est toujours ouverts pour rediscuter de cet aspect-là, comme le ministre le sait.

Par ailleurs, concernant les délais pour rendre une décision, nous sommes heureux de constater que le législateur a tenu compte de notre recommandation à l'effet de les raccourcir, par un amendement à l'article 141. En effet, les délais sont maintenant de 90 jours plutôt que de 120 jours tel qu'il était prévu dans la première version. Ceci contribuera à n'en pas douter à rencontrer les objectifs d'une justice administrative rendue avec célérité et à accroître la satisfaction des citoyennes et des citoyens.

De même, l'ajout de l'article 125 qui encadre la fixation d'auditions d'une affaire à l'intérieur d'un délai indicatif et non impératif de six mois sera au même effet. Cependant, au chapitre des délais d'appel, le SPGQ souligne leur manque de cohérence et de simplification: ces délais varient entre 10 jours et 60 jours. Il y aurait lieu, à notre avis, pour le bénéfice du citoyen, que le législateur harmonise tous ces délais d'appel afin de les rendre uniformes en reformulant l'article 113. Avec ces modifications, dont certaines ont déjà fait l'objet de commentaires dans notre mémoire précédent, le SPGQ estime que le projet de loi sur la justice administrative, qui demeure perfectible, mérite toutefois d'être adopté.

(17 heures)

Sur la conciliation, le SPGQ est très heureux de constater que sa recommandation de février 1996 concernant l'ajout d'un service de conciliation au Tribunal administratif du Québec a été retenue par le législateur. Par la conciliation, le ministre de la Justice s'assure d'un mécanisme novateur et moderne en matière de résolution des litiges au sein du Tribunal administratif du Québec. Voilà un élément concret, d'ailleurs, de la déjudiciarisation. Toutefois, la conciliation doit pouvoir s'exercer dans un contexte juridique propice, et, à cet effet, le SPGQ formule les recommandations suivantes: d'abord, permettre l'élargissement de l'accès à la conciliation à la demande des parties; ensuite, prévoir que le conciliateur ne peut être contraint de témoigner ni poursuivi en justice, même avec l'accord des parties; enfin, préciser que l'entente de conciliation doit être conforme à la loi. Nous vous suggérons d'ailleurs des articles à la section III, à l'article 141... 121, plutôt, qui font foi de ces modifications.

Finalement, nous nous expliquons mal pourquoi l'article 79 de la loi 130 prévoit un code de déontologie applicable seulement aux conciliateurs et assesseurs de la division des lésions professionnelles alors qu'il y a avantage à ce qu'il s'applique à tous les conciliateurs et assesseurs agissant dans toutes les divisions du Tribunal administratif du Québec. Avec les recommandations proposées pour bonifier la section portant sur la conciliation, le SPGQ estime, pour ce motif additionnel, que le projet de loi n° 130 mérite d'être adopté.

Enfin, sur la régionalisation du Tribunal administratif, le SPGQ constate avec déception que la régionalisation du Tribunal administratif du Québec, tel que recommandé dans notre dernier mémoire, n'a pas été retenue. Nous revenons à la charge en rappelant le discours régionaliste du gouvernement, tout le discours sur la décentralisation, l'accessibilité à la justice, le rapprochement des services aux citoyens. Nous croyons que cette partie-là pourrait être bonifiée. Nous proposons même qu'une étude sérieuse soit faite quant aux coûts qu'engendrerait la déconcentration territoriale de certaines divisions du Tribunal administratif du Québec dans certains régions du Québec afin d'augmenter l'accessibilité de ce Tribunal aux citoyennes et citoyens. Qu'on nous comprenne bien, on ne veut pas en faire une question de coûts, c'est d'abord une question de services. Si on pense qu'il pourrait y avoir une analyse de coûts, c'est qu'on pense qu'effectivement les coûts ne seraient pas très, très importants, ne seraient pas exorbitants. Finalement, en termes de coûts-bénéfices, il nous semble que les bénéfices sont infiniment supérieurs.

Le SPGQ, comme il le recommandait dans son précédent mémoire, aurait préféré que la section lésions professionnelles soit paritaire. C'était, je pense, notre conclusion principale; je ne reprendrai pas ces arguments-là. Enfin, je pense que ça termine, en synthèse, notre mémoire. Ça va nous donner plus de temps pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le président. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Bien, je dois vous dire que je suis très satisfait de votre mémoire. Je le dis parce que nous avons entendu des commentaires à l'effet qu'il n'était pas possible de faire une étude heureuse et avantageuse du projet de loi n° 130 sans qu'on ait pu avoir l'occasion d'étudier de fond en comble le projet de loi d'application, qui fera l'objet d'une commission parlementaire à la fin de l'été ou au début de l'automne prochain. Vous faites, entre autres, deux remarques à l'effet... dans la page d'introduction, la page 3: «Il ne faudrait pas prendre prétexte de ses imperfections pour réclamer le report de son adoption... À notre point de vue, il est souhaitable d'adopter un projet de loi qui est certes perfectible que de remettre à plus tard ce qui doit être fait avant la fin de la présente session.» Et, un peu plus loin dans votre mémoire, vous reprenez cette même idée en disant que vous pensez qu'il devrait être adopté maintenant.

Vous avez aussi des commentaires qui sont extrêmement précis, concrets. J'aimerais commencer peut-être par un qui fait l'objet d'une critique de votre part, c'est celui de la régionalisation. Je vous avoue honnêtement que je croyais quand même que, par le biais de l'article 87, on arrivait à ce résultat-là. Vous me dites non. Par contre, vous tendez une perche en disant qu'on devrait peut-être faire une étude sérieuse pour voir comment ça pourrait se faire, s'aménager, compte tenu de ce que sera le Tribunal administratif du Québec. Je vous avoue honnêtement que j'ai le goût, et je le dis ouvertement, de proposer une telle étude.

Je dois vous avouer que j'ai reçu – je ne peux pas vous dire quand, là, mais ça fait peut-être au maximum deux mois – une proposition qui vient de la région de Joliette. Je ne me rappelle plus qui proposait la chose, mais on disait: Il nous semble qu'il serait possible de faire une régionalisation des tribunaux administratifs. Je pense qu'on pourrait, avec ces deux éléments-là, regarder effectivement comment ça pourrait se faire. Mais, ça, ça ne serait pas pour l'adoption du projet de loi mais pour faire en sorte qu'on puisse établir de quelle façon on pourrait fonctionner. Je suis conscient qu'il y a déjà eu une problématique à l'effet que, par exemple – puis je ne veux pas attaquer le BREF d'aucune façon en disant ça – le BREF, qui siège ici, à Québec, va en région pour faire des auditions. Il y a eu d'autres organismes qui font de telles auditions, mais il y a eu un moment aussi, il n'y a pas si longtemps, où on a dit: Compte tenu des restrictions budgétaires, nous apprécierions que les gens viennent être entendus à Québec, par exemple. Bon. Alors, on comprend que, ça, ça a un impact pour le justiciable. Venir à Québec pour un 124 de la Loi sur les normes du travail, ce n'est pas nécessairement évident. Bon. Alors, je comprends la dynamique. Je vois qu'on n'a pas répondu d'une manière satisfaisante à votre attente et je m'engage... et, ça, on pourra convenir ensemble du temps et de la manière de faire les choses. Bien sûr qu'il faut qu'on arrive à des conclusions qui soient quand même avantageuses. Il ne faut pas qu'on arrive avec des coûts faramineux, parce que, là, on tombe dans une autre problématique; vous la connaissez peut-être mieux que nous, aussi. Alors, pour ça, je voulais vous le dire tout de suite.

Quant aux autres aspects, je vais les reprendre les uns après les autres. Vous mentionnez, à la page 4, entre autres, «un délai de 10 jours – vis-à-vis des articles 5.3 et 6 – afin de permettre à l'administré de présenter ses observations». Je ne sais pas si c'est 10 jours qu'on doit mettre, mais je trouve que l'idée de prévoir un délai est intéressante. Alors, il faudrait qu'on regarde. Les gens qui sont ici, à côté de moi, sont en mesure d'apprécier chaque jour combien il pèse dans la décision, si ça retarde trop, parce que, chaque jour, des fois, c'est un coup aussi, en bout de piste, et on le sait. Quand on dit: Réduire de 120 à 90 jours, ça a un impact financier. Bon, bien, dans 60 jours, il y a la première journée aussi qui compte. Alors, chaque jour que l'on met importe. Mais ça m'apparaît intéressant.

À la même page, vous parlez de «confier de tels recours à un niveau hiérarchique le plus éloigné et le plus indépendant possible». J'aimerais, là-dessus, que vous soyez un petit peu plus précis. Je sais que vous avez référé à vos collègues qui sont autour de vous, mais, de manière concrète, spécifique, dans un exemple, pouvez-vous me dire c'est quoi, le concept que vous couvrez en disant ça?

M. Tremblay (Alain): Effectivement, c'est parce qu'on se rend compte que dans la fonction publique, quand le fonctionnaire a rendu une décision et que le citoyen s'adresse à lui pour revoir cette décision-là, dans un pourcentage très élevé, pour ne pas dire 95 %, la décision est maintenue. Plus vous éloignez le niveau de réexamen ou de révision de ce même niveau là, vous voyez tout de suite une différence dans le pourcentage de décisions qui sont renversées. Alors, plus ce niveau de révision là est éloigné du personnel décideur, plus grande est l'efficacité du mécanisme de révision et, donc, évite d'engorger votre futur Tribunal administratif. C'est essentiel pour la crédibilité des mécanismes de révision et pour ne pas engorger, aussi, je le dis et je le répète, tout tribunal qui entend en appel ces causes-là.

J'ai des exemples en tête d'organismes dont les mécanismes de révision se font par le voisin de bureau. Il y a des aspects humains là-dedans. Renverser son collègue de la porte à côté, c'est plus tannant un peu. Ou encore, les fonctionnaires relèvent du même patron ou du même directeur, ça n'amène pas une grande révision, habituellement. Alors, il est important que ce soit, donc, un niveau le plus éloigné possible. Je prends l'exemple de la CSST, où nous sommes: nous siégeons dans les mêmes bureaux, dans les mêmes directions régionales, mais tout notre personnel des bureaux de révision ne relève pas de la direction régionale mais directement de la présidence du conseil d'administration. Donc, une autonomie complète de fonctionnement sur le plan administratif. Ça, ça m'apparaît très important pour bonifier cet article de loi là, cet aspect-là, de créer cette obligation-là pour les administrations publiques.

M. Bégin: O.K. Je comprends mieux.

(17 h 10)

M. Ouellet (Éric): Si vous permettez, pour illustrer concrètement de quelle façon ça s'applique au gouvernement du Québec, par opposition à l'exemple que mon collègue Alain donnait tout à l'heure, à la Société de l'assurance automobile du Québec, par exemple, où les bureaux de révision relèvent directement de la direction régionale. Alors, ça illustre un peu l'exemple qu'Alain donnait, à savoir que c'est le voisin de bureau qui renverse la décision et il relève du même gestionnaire, comparativement à ce qui se passe, par exemple, à la CSST, actuellement, où on relève directement du président-directeur général et on est complètement indépendant des directions régionales. Chez nous, ce que ça veut dire en termes de statistiques, c'est qu'on maintient environ 60 % des décisions et on en renverse 40 %. À la SAAQ, on parle de statistiques de 90 % ou 92 % de maintien et de 8 % à 10 % de changement. Je pense que ces chiffres-là parlent d'eux-mêmes.

M. Bégin: Je comprends très bien ce que vous venez de mentionner. Je passe à la page 6, le Tribunal administratif, vous parlez du paritarisme qui est maintenu. Alors, je vais profiter de l'occasion pour informer les membres de cette commission et le public en général, puisque la chose ne fait pas encore l'objet de publicité pour le moment, que le projet de loi sera modifié pour faire en sorte que la division des lésions professionnelles ne soit plus partie du TAQ, de telle sorte que la CSST et le bureau de révision paritaire et ce qu'est la CALP aient une vie autonome par rapport au Tribunal administratif du Québec. Donc, il y aura un fonctionnement qui sera à être établi éventuellement par une autre législation qui n'est évidemment pas déposée à ce stade-ci, qui n'est pas connue mais qui, pour le moment, maintient le statu quo quant au fonctionnement de la CSST, le bureau de révision paritaire et la CALP. Donc, ça explique probablement le fait que la FTQ soit moins concernée ou se sente moins concernée aujourd'hui par cette disposition, puisqu'elle considérait que c'était là le noeud, pour elle, de ce projet de loi, touchant le paritarisme. Donc, sans parler pour les autres, là, je suppose qu'il s'agit de cela, ce qui fait que vos commentaires, qui sont à la page 6, trouvent peut-être un terrain d'atterrissage qui n'est pas tout à fait pertinent. Mais je comprends très bien que le projet de loi, tel qu'il était reformulé, laissait croire, effectivement, ces indications que l'on retrouve à la page 6.

M. Caron (Robert): Ça prouve seulement qu'on n'était pas dans les secrets du ministre. On réagit favorablement, d'ailleurs, à cette modification.

M. Bégin: J'en prends bonne note. La conciliation, je n'ai pas eu le temps de lire chacune de vos dispositions, là, par opposition à ce que nous avons dans le projet de loi, mais je considère que, dans l'ensemble, vous êtes assez favorables à ce qui se retrouve là. Là, on est peut-être plus au niveau des modalités. On va regarder ça attentivement et, au moment de l'adoption article par article, on a le temps, on verra à concilier les choses. Mais, à moins que je n'aie mal compris ce que vous disiez tantôt, vous étiez d'accord avec le texte, sujet à quelques modifications, que l'on retrouve aux pages 7 et 8.

M. Caron (Robert): Oui, vous avez bien compris. Oui.

M. Bégin: O.K. Donc, la page 9, nous l'avons regardée, ce qui m'amène à la fin de votre mémoire. Cependant, il y a peut-être un aspect sur lequel j'aimerais avoir votre opinion. Tout à l'heure, nous avons entendu le président de la Commission des droits de la personne de même que quelqu'un de la commission et, dans l'échange qui a eu lieu entre le représentant de l'opposition et les gens de la Commission, j'ai compris que le député de Chomedey disait qu'il serait peut-être préférable que ce ne soient pas des gens émanant de la fonction publique qui exercent des fonctions au niveau du Tribunal administratif, puisqu'ils ont certains, entre guillemets – c'est peut-être un mot fort, mais, en tout cas, c'est l'idée – préjugés ou une orientation trop précise par rapport à ça, donc peuvent être, en quelque sorte, préjugés. Quel est votre point de vue à cet égard?

Mme Albernhe (Isabelle): Bon. Alors, nous, on recommande que ces personnes-là soient sélectionnées et nommées en vertu de la Loi sur la fonction publique. Nous maintenons la même position que nous avons eue à notre dernière comparution. Nous croyons... Écoutez, tous les fonctionnaires, actuellement, dans la fonction publique, sont nommés, sélectionnés via ce processus-là. Il n'y a rien à redire, il me semble, parce que ces personnes-là passent par des processus de concours très sérieux, très rigoureux. Alors, on ne voit pas pourquoi la nomination de ces adjudicateurs-là ou de ces membres du Tribunal administratif du Québec ferait exception. Alors, ce sont des concours publics, affichage, il y a un classement par niveau et on choisit les personnes, chacun des niveaux, selon les résultats obtenus et non via une liste confectionnée dont la nomination est faite à la discrétion du ministre. Alors, on voit, quand on compare les deux processus, que l'un est beaucoup plus transparent et beaucoup plus crédible que l'autre.

M. Bégin: Mais je comprenais – et là le député de Chomedey pourra corriger le tir si je me trompe – qu'il pensait que les membres émanant de la fonction publique auraient, entre guillemets, un préjugé; que ce soit, par exemple, quelqu'un qui a déjà décidé à la SAAQ, qui a déjà été un fonctionnaire à la SAAQ, donc est orienté favorablement à l'égard de la SAAQ ou, dans un autre organisme, à l'égard de cet organisme-là. Donc il n'aurait pas, entre guillemets, cette indépendance ou cette impartialité. Il serait plutôt revêtu d'un certain biais. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Albernhe (Isabelle): Je prends pour exemple les commissaires du travail: Est-ce qu'on peut dire qu'ils ont eu biais dans les décisions qu'ils rendent dans le domaine des relations de travail? Est-ce que des avocats qui proviendraient du secteur privé sont plus exempts de biais que des gens qui sont recrutés par un processus de concours? Je trouve que ces craintes-là sont non fondées.

M. Caron (Robert): D'ailleurs, la question n'est pas théorique, puisque nos présidentes et présidents de bureau de révision paritaire sont sous le couvert de la Loi sur la fonction publique présentement. Alors, il n'y a pas de problème à ce niveau-là.

M. Bégin: Le président, cependant – je déborde un petit peu, je vous passe un autre aspect – de la Commission des droits de la personne disait que quelqu'un qui origine de la fonction publique, qui occupe un poste de décideur pendant un certain nombre d'années, devrait ne pas retourner à son endroit de départ mais plutôt à un autre endroit dans la fonction publique de manière à s'assurer, à son égard, qu'il reste indépendant et impartial jusqu'à la fin de son mandat parce qu'il n'a pas à se préoccuper de son retour éventuel à l'organisme qu'il aurait sanctionné de manière plus ou moins sévère. Qu'est-ce que vous pensez de ce point de vue?

Mme Albernhe (Isabelle): C'est pourquoi notre recommandation de la formation d'un corps d'emploi d'adjudicateur, c'est que tu fais carrière dans cette fonction-là. Ça permet de garantir, justement, cette indépendance-là parce que les gens savent qu'ils ne sont pas à la merci, à chaque renouvellement de leur mandat, du pouvoir ou du décideur politique qui peut les retourner dans leur ministère d'origine. Alors, c'est pour ça que cette création-là, en tout cas, cette recommandation-là nous apparaît importante. C'est que les gens ont l'indépendance qu'il faut pour rendre les décisions.

M. Bégin: Je trouve ça intéressant, parce que je ne suis pas un spécialiste des questions de la fonction publique; je n'ai pas oeuvré moi-même là-dedans. Donc, je ne suis pas toujours à point nommé sur chaque chose, là-dessus. Mais je comprends mieux votre recommandation de la page 5. En voulant créer un corps d'emploi distinct, vous en faites, peu importe l'origine de ces personnes, une fois qu'elles sont entrées là et pour la durée du temps qu'elles s'y trouvent, des membres d'un corps d'emploi distinct. Mais est-ce que ça résout le problème? Nous avons, dans le projet de loi, supprimé le plafond de trois mandats, mais il peut arriver, il va arriver, bien sûr, qu'une personne, après deux mandats, d'autres après trois mandats, ne soit pas renouvelée. Quel est le terrain que vous prévoyez où la personne va aboutir ou atterrir après coup? Est-ce que c'est à l'endroit de son départ, si elle est de la fonction publique, ou, comme le disaient les membres de la commission, et au-delà de la question du corps d'emploi, à moins que je ne saisisse pas bien ce concept-là, à un autre endroit qui serait différent de celui d'où elle est partie?

Mme Albernhe (Isabelle): C'est sûr que l'amendement que vous avez proposé, M. le ministre, est meilleur, en tout cas nous apparaît meilleur que le texte original, où c'était un maximum de deux mandats, même...

M. Bégin: Trois: le mandat original plus deux renouvellements.

Mme Albernhe (Isabelle): ...trois mandats, oui, c'est ça, donc pas plus de 15 ans... nous apparaît meilleur. Mais, encore une fois, on devrait pouvoir faire carrière dans cette fonction-là et être à l'abri de toute pression partisane ou de tout souci, selon le volume ou les décisions qu'on rend, d'un renouvellement ou non de son mandat.

M. Bégin: Mais quelle différence faites-vous, à ce moment-là, entre une personne qui serait dans un corps d'emploi comme celui-là, donc avec une pérennité, versus quelqu'un qui est nommé, comme un juge, par exemple, jusqu'à 65 ou 70 ans, de manière automatique et définitive?

M. Ouellet (Éric): Là-dessus, le moins de différences possible, un peu à la lumière des derniers jugements, entre autres celui sur la bande indienne de Matsqui, où il faut le plus possible donner les attributs de l'indépendance même à ceux qui font des fonctions d'adjudicateurs en justice administrative. Si les différences sont les moins fortes, c'est tant mieux, en ce qui nous concerne. C'est un peu pour ça qu'on suggère la création d'un corps d'emploi d'adjudicateurs, pour que ces adjudicateurs-là soient le plus près de ce que vivent les juges en termes d'indépendance, d'autonomie et, dans le fond, de tous les attributs de la justice.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

(17 h 20)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je suis très heureux de souhaiter à nouveau la bienvenue au Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, M. Caron, Mme Albernhe, M. Tremblay et M. Ouellet.

J'aimerais plonger tout de suite dans la partie de la discussion où le ministre a évoqué une partie de ce que j'ai dit tantôt. Il a raison lorsqu'il dit que j'étais plutôt d'avis qu'une personne qui sortait d'un domaine donné ne devrait pas devenir décideur dans ce domaine précis. Il va sans dire que, si on est en train de prendre dans le bassin de la fonction publique des gens qui ont une expertise et une aptitude en matière de droit administratif, c'est dans le champ très large et c'est donc au TAQ qu'ils vont. Mais l'exemple qu'on donnait avec la Commission des droits, c'est que quelqu'un qui était avocat, qui donnait des conseils à la Société de l'assurance automobile du Québec depuis des années, ce serait une erreur de l'envoyer faire son travail en faisant la détermination des indemnisations pour les accidents de la route. C'est plus dans ce sens-là qu'on le disait.

Par ailleurs, donc, on ne rentre pas dans le même sujet d'où on sort, pour des raisons d'impartialité et d'indépendance. De la même manière, la Commission des droits de la personne avait dit: Il faut faire attention, il ne faut pas les retourner, quand on les retourne dans l'appareil administratif, dans le même domaine d'où ils proviennent. Mais notre propos, Mme Albernhe, rejoignait beaucoup plus le vôtre, parce que ce que nous étions en train de dire à travers notre questionnement de la Commission des droits de la personne, nous sommes en train de dire que, à défaut de respecter l'impartialité et l'indépendance, on est en train d'abord de commencer sur une assise très peu solide pour cette nouvelle loi si importante, et c'est une erreur. On avait même suggéré – c'est la Commission des droits qui a ouvert la porte là-dessus – on avait même suggéré une référence tout de suite à la Cour d'appel pour déterminer si cette partie-là de la loi, notamment l'article 51, si c'est solide. Mais notre propos rejoint passablement le vôtre, Mme Albernhe, parce qu'on dit: On est à ce point en train d'annuler le modèle du tribunal de droit commun qu'on ne peut plus rester avec nos vieilles habitudes de nomination et de reconduction.

Parce que, si on accepte le modèle d'un Tribunal administratif du Québec, il faut qu'on se sorte de la tête qu'on est en train de nommer quelqu'un cinq ans à la Cour d'appel sur les territoires agricoles. Ce n'est plus la même «game», là, ni en termes de responsabilité, ni en termes de carrière, ni en termes de garanties nécessaires d'impartialité et d'indépendance. Alors, c'était vraiment beaucoup plus dans ce sens-là, notre propos. Et, avec la Commission des droits, pour être très clair, en les poussant sur ce questionnement-là, je disais: Bien, à ce moment-là, si vous acceptez le modèle comme quoi on va réintégrer la machine et vu que ça va avoir un effet déterminant sur les gens, la nature humaine étant ce qu'elle est, une personne qui est nommée à un tribunal comme ça, sachant là où elle va atterrir et à quel niveau et dans quelles circonstances, risque d'être grandement affectée. Désolé, ça affecte le comportement du décideur, et c'est pour ça que ça le rend fragile sur le plan des tribunaux supérieurs, qui risquent de regarder ça vraiment avec un oeil... en disant: Écoutez, vous n'offrez plus les mêmes garanties, pas avec une structure comme celle-là, pas avec un modèle comme celui-là. Je trouve que c'est très, très important de retenir ça.

Pour ce qui est du trois fois cinq ans, qui est devenu un nombre variable de fois cinq ans, le problème, à notre sens, demeure entier. Tous les cinq ans ou à une période décidée x dans sa carrière, normalement, sur papier, pour des raisons objectives... mais vous vivez ça... Moi, j'ai été dans votre Syndicat pendant longtemps. Je connais très bien la réalité de la bête. Ce n'est pas comme ça que ça marche dans le vrai monde. C'est pour ça qu'on a tendance à être beaucoup plus en accord avec votre point de vue lorsque vous dites: Attention, là. Si c'est vraiment ça, il faut avoir des garanties beaucoup plus sérieuses d'autonomie et d'indépendance.

Donc, là-dessus, on se rejoint, malgré le fait que le ministre avait raison de dire que je questionnais même la pertinence, avec ce modèle-là, je questionnais même la pertinence de permettre à quelqu'un émanant de l'appareil administratif. Parce que c'est à ce point-là nécessaire de garantir l'autonomie et l'indépendance. Je ne pense pas que ça prenne une analyse approfondie pour comprendre que le citoyen, déjà face à l'appareil de l'État, avec tout le scepticisme et tout le cynisme, même, à l'occasion, que, malheureusement, ça suscite, si, en plus, la personne se rend compte que le décideur sort d'une carrière de 17 ans à la Société de l'assurance automobile du Québec, «guess what!», directement à la Cour supérieure pour une révision par ce tribunal-là. Alors, je ne pense pas qu'on s'aide, si le but de cet exercice-ci, c'est de se mettre vraiment sur une assise très solide, je ne pense pas qu'on s'aide vraiment en ne s'assurant pas qu'on est vraiment, effectivement, sur une base solide, sur des piliers qui vont vraiment rester inébranlables face à des challenges inévitables. C'est pour ça que j'ai trouvé ça intéressant quand la Commission des droits a ouvert la porte un peu sur cette idée-là.

Pour ce qui est de tout le préalable, je comprends le ministre de se réjouir de la réaction du SPGQ, parce que vous êtes le seul des cinq groupes à qui on a demandé de revenir en commission. Sur les gens originaux qui avaient fait leurs propositions, vous êtes le seul à dire, comme vous venez de le dire, que ça marcherait comme ça. Je veux juste vous dire que, comme parlementaire, je dois juste corriger techniquement une chose, parce que vous avez dit «les modifications qui ont été apportées». Jusqu'à date, sur les 125 modifications qui ont été déposées en liasse il y a 10 jours, il n'y en a pas une qui a été adoptée. Donc, on est face à un projet de loi de 188 articles avec des annexes très longues et importantes; on a plus de 125 modifications proposées et on a 643 articles, non pas d'un avant-projet, non pas d'un projet de loi, mais d'un document de travail.

Alors, le Barreau, notamment, mais aussi la Commission des droits, tout le monde est venu dire: Écoutez, la session prend fin la semaine prochaine. Et je retiens... Parce que votre mémoire, vos notes, votre réaction, vos commentaires aujourd'hui sont toujours aussi utiles, mais, moi, je retiens quand même une chose que vous nous avez dite lorsque vous êtes venus ici, en commission parlementaire, au mois de février, et je fais miens vos commentaires: «Nous constatons que le projet de loi n° 130 ne porte que sur l'établissement de grands principes retenus dans le rapport Garant. Le ministre de la Justice a indiqué qu'il entendait déposer ultérieurement, soit après l'adoption de la présente législation, un deuxième projet de loi portant sur la mise en application des principes adoptés par le projet de loi. Nous estimons que cette deuxième pièce législative doit être immédiatement déposée afin que tous les intervenants intéressés par la justice administrative puissent évaluer tous les éléments se rapportant à cette importante réforme. Compte tenu de l'impact qu'aura la réforme sur la fonction publique en général et sur les tribunaux administratifs en particulier, le SPGQ considère inconcevable de scinder ainsi en deux phases l'adoption d'une réforme aussi importante.»

Alors, je ne saurais être plus en accord avec vous, et c'est ce qu'on offre au ministre depuis deux semaines maintenant. On lui a dit: Prenez les projets d'amendements, vos modifications que vous nous avez déposées en liasse, et le projet de loi n° 130; au lieu de passer tout ça article par article, ce qui peut être très, très long, redéposez-le avant la fin de la présente session. On s'est engagé à faire autant que possible, avec notre bureau du leader, pour voir à un tel dépôt, de consentement de tous les partis, pour que ce soit fait dans la présente session. Prenez votre document de travail, préparez-le sous forme d'un projet de loi ou même d'un avant-projet, mais préférablement d'un projet qui pourrait être déposé en même temps, et les deux, pour reprendre votre texte du mois de février, compte tenu de l'impact qu'aura la réforme sur la fonction publique en général et sur les tribunaux administratifs en particulier, comme vous le disiez, le SPGQ considère inconcevable de scinder ainsi en deux phases l'adoption d'une réforme aussi importante.

Alors, vous voyez, en l'absence d'un projet de loi d'application, on n'a même pas un avant-projet, on a juste un document de travail. Alors, c'est effectivement ça qui est proposé, de scinder en deux phases l'adoption. Donc, vous voulez évaluer immédiatement le deuxième volet, et c'est ce que souhaite aussi le Barreau, mais le Barreau, avec toutes ses ressources, tous ses comités, il y a des comités qui travaillent activement sur toutes ces questions là, ça n'a pas été mis en veilleuse, mais le Barreau a été obligé de venir hier en commission parlementaire en disant: On n'est pas capable de regarder 643 articles, de sortir toutes et chacune de ces lois-là, de les analyser pour s'assurer que tout est conforme, etc. C'est un travail que vous demandez qu'on ne peut pas faire sérieusement. Et le Barreau est d'accord avec vous, notamment lorsqu'il dit qu'on ne peut pas scinder les deux, ça doit être fait en même temps. Alors, vous voyez un peu le contexte dans lequel toutes cette discussion-là a eu lieu. Mais, pour ce qui est de vos commentaires et de votre présentation ici aujourd'hui, je dois vous dire que je partage largement votre analyse.

(17 h 30)

Une dernière question que j'aurais aimé vous poser; Mme Albernhe, c'était notamment dans vos commentaires. Vous avez parlé de l'idée de faire ça un peu plus «carrière», et, comme je vous l'ai dit d'emblée, j'ai tendance à partager cette vision des choses. Mais il y a une chose sur laquelle j'aimerais aussi vous entendre, si ça vous agrée, peut-être que M. Caron peut nous aider aussi un peu avec ça aussi: Quelle est la position, si on peut dire – je présume que vous en avez une – du SPGQ sur l'accès à l'égalité? Parce que vous avez parlé de carrière, vous avez parlé de gens émanant de la fonction publique, de gens recrutés, mais vous savez comme moi que, même si on peut se vanter... Puis vous avez raison, on peut se vanter que notre procédure de sélection, généralement parlant, s'est améliorée beaucoup au cours des 15, 20 dernières années et, de part et d'autre, on peut tous se féliciter pour ça. Ce n'est pas le fait d'un gouvernement ou d'un parti, c'est un mouvement, une tendance vers la professionnalisation, c'est le cas de le dire, de notre gouvernement permanent, de l'administration publique, de la fonction publique, et on peut se féliciter. Mais il y a une lacune qui est souvent déplorée par beaucoup d'intervenants, c'est la très faible représentation des communautés culturelles et des minorités linguistiques au sein de l'appareil de l'État québécois, à tel point que cette faible représentation fait en sorte que l'appareil de l'État, l'administration publique ne reflète pas, proportionnellement parlant, est loin de refléter la diversité culturelle, religieuse, ethnique, sociale et linguistique du Québec, de ce tissu dont on se vante tout le temps. Elle ne trouve pas reflet ou écho dans l'administration publique.

Donc, ma question est de savoir: Est-ce que le SPGQ a arrêté une position dans d'autres circonstances, dans d'autres commissions parlementaires, assez formelle là-dessus, sur l'accès à l'égalité, sur les programmes que l'on peut mettre en place à cet égard-là? Et, si oui, quelles sont leurs grandes lignes? Et est-ce que c'est applicable ici? Est-ce qu'on devrait tenir compte de ça dans toutes nos démarches à l'égard des tribunaux administratifs?

Mme Albernhe (Isabelle): Nous nous sommes déjà prononcés en faveur des programmes d'accès à l'égalité, autant pour les femmes que pour les membres de communautés culturelles. Nous faisons quand même valoir que la justice se doit d'être de qualité, et il y a des critères, et c'est pour ça qu'un processus de concours est important. Il y a un certain nombre d'années d'expérience exigées, par exemple, pour être qualifié dans les concours. Ce n'est pas, je pense, l'intérêt des citoyennes et citoyens d'avoir devant eux un juge qui, juste parce que c'est un membre de communauté culturelle, a été nommé juge. Donc, il faut quand même répondre aux critères de qualité. Alors, dans ce sens-là, dès que la personne s'est qualifiée, bien, par le programme d'accès à l'égalité – on fixe toujours un écart de points qui est en général minime, de quelques points – bien, on favorise la nomination de ces personnes-là.

Mais c'est parce qu'il faut quand même comprendre la réalité sociologique de certaines personnes. Il y a des avocats... On prend, par exemple, les membres des communautés autochtones, ça ne fait pas longtemps qu'il y a des avocats dans ce domaine-là. Est-ce qu'on devrait avoir des avocats autochtones ou des juges autochtones? Il faut quand même passer tout le processus où il y a de l'expérience à acquérir dans ces communautés-là. Alors, je pense qu'il ne faut pas...

M. Mulcair: Oui, M. Caron.

M. Caron (Robert): Et il ne faut pas se cacher aussi que la problématique de l'accès à l'égalité nous renvoie à un autre problème beaucoup plus vaste et beaucoup plus grave qui est le problème de la décroissance de la fonction publique et de l'État, qui fait qu'on pourrait avoir tout un discours par rapport à l'accès à l'égalité, mais on n'en est plus au discours, on en est vraiment à constater qu'il y a une décroissance de la fonction publique. Il n'y a plus d'engagement – et ça ne date pas d'hier, ça date plutôt d'avant-hier ou d'avant avant-hier – ce qui fait que le débat sur l'accès à l'égalité, actuellement, il est plus théorique qu'autre chose. Non pas qu'il faille ne pas s'en soucier, sauf qu'on est vraiment, dans cette période-ci, à gérer la décroissance.

Un autre aspect que je voudrais ramener à partir de ce que vous avez dit tantôt sur la Loi sur la fonction publique, c'est qu'il me semble que la Loi sur la fonction publique est là pour garantir, entre autres, l'impartialité des fonctionnaires de l'État, alors que je pense qu'on a tendance, assez souvent, à voir les employés ou les administrations sous le contrôle de la Loi sur la fonction publique comme un club fermé ou un vase clos, ce qui n'est pas le cas. Je pense, quand on parle de la garantie d'impartialité, de neutralité des fonctionnaires, de l'indépendance des fonctionnaires, que c'est d'abord pour ça que la Loi sur la fonction publique a été instituée. Alors, je pense qu'il faudrait être plus conscient de cet aspect-là quand on pose la question si des employés doivent être assujettis à la Loi sur la fonction publique ou pas.

M. Mulcair: Mais je pense que ça rejoint quelque peu votre propos concernant le code de déontologie. Je pense que, tout ça, ça doit être lu comme un ensemble. Et votre point concernant l'article 79 était extrêmement bien soulevé, puis j'ai l'intention de le travailler avec notre groupe parlementaire et de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour bonifier cet aspect particulier là.

Mais, avant de clore sur la notion d'accès à l'égalité, Mme Albernhe – sans infirmer ce que vous dites, parce que ça va de soi – je pense qu'il y a une sorte de problème dans lequel il ne faut pas tomber, si on peut l'éviter, c'est de dire: Bien oui, mais ça prend une décision de qualité. Qui peut être contre ça, hein? Personne ne va venir ici ou dans un autre forum et dire: Bien, il faut sacrifier la qualité de la décision. Mais si on dit que, par ailleurs, les critères d'expérience... et qu'on commence à mettre l'emphase sur la fonction publique, le problème se répète, parce que, si on fait trop forte pression là-dessus, bien, à ce moment-là, on attend presque de garantir le résultat. C'est-à-dire que ça va être un miroir déformé plutôt que de refléter la société. Ce Tribunal administratif là va continuer à refléter plus l'appareil administratif qui, comme on le sait, à un facteur de 10 pour 1, ne reflète pas la diversité culturelle, linguistique, religieuse, et raciale du Québec. Alors, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue cet aspect-là non plus.

Un des autres points que vous avez soulevés était la question de la régionalisation. Je me souviens, lorsqu'on a échangé, au mois de février, ce sujet-là a été soulevé, et, si ma mémoire est bonne, à cette époque, j'avais donné l'exemple d'une petite commission dont j'avais eu le plaisir de faire partie, qui est la Commission d'appel sur la langue d'enseignement. Puis c'était vraiment une demande d'un parent pour envoyer son enfant à l'école anglaise. Et que ça provienne, comme c'était le cas, de Rimouski ou de Val-d'Or, la demande a autant d'importance pour la famille, mais ce n'est vraiment pas la grosse justice administrative compliquée avec des barèmes et de la jurisprudence et toutes sortes de choses, c'est vraiment: Est-ce que vous rencontrez tel ou tel critère? Et je me souviens, avec un budget très limité, d'année en année, vraiment, ça marchait avec un budget infime, cette commission-là; si ça dépassait 10 000 $, c'était le «max». Et, pourtant, on réussissait, comme il fallait, à aller à Val-d'Or, à aller à Rimouski et à s'assurer de rencontrer les parents plutôt que d'imposer aux gens le fardeau de venir. Et je pense que, moi, en tout cas, c'est quelque chose que j'ai vraiment l'intention de soulever dans le caucus de ma formation politique, parce que je trouve ça à ce point important. Vous êtes un des seuls à l'avoir vraiment travaillé et vraiment «spotté», cet aspect-là, et à avoir insisté là-dessus, et j'ai l'intention de le soulever. Le ministre a dit que, par pur hasard, c'est la région de Joliette qui chantait les sirènes pour lui. Bien, tant mieux si ça prend ça, parce que, évidemment, le député de Joliette est quelqu'un de très influent à l'intérieur de son caucus, mais peut-être que les gens en provenance d'autres régions de la province de Québec peuvent avoir...

M. Boulerice: ...dans ce parti.

M. Mulcair: ...la même influence sur lui. Je vois qu'on vient de réveiller le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, parce que c'est tellement endormant...

M. Mulcair: Ce n'est pas grave, ça va se tasser.

Pour ce qui est de la question budgétaire, je pense qu'encore là vous avez frappé dans le mille. Comment on devrait s'y prendre pour la régionalisation à l'égard de cette question du budget? Pour vous, c'est quoi la limite? Est-ce qu'il y a une manière d'établir objectivement, savoir si quelqu'un ne peut pas avoir accès à cette justice-là? Comment on va faire la détermination? Parce qu'il va y avoir un débat là-dessus quand ce projet de loi là va revenir, à l'automne. Avez-vous des analyses? Le ministre a parlé d'une étude. Avez-vous déjà des suggestions pour nous autres, des modèles, des endroits où on devrait regarder?

M. Caron (Robert): Bien, là, je vous dirai qu'on était conscients, nous, que, invoquer nous-mêmes des aspects de coûts, ça pouvait constituer un piège, parce que notre propos... On n'en fait pas une question de coût, on ne veut pas en faire une question de coût. On pense qu'une véritable régionalisation du Tribunal administratif du Québec ça doit s'inscrire dans le projet gouvernemental – je pense qu'on l'a dit à quelques reprises – de décentralisation, projet qu'on a appuyé, non pas sans risques, d'ailleurs, parce qu'on est conscients qu'il y a de nos membres qui vont faire partie, justement, de cette décentralisation-là.

Alors, c'est comme, en même temps, lancer la balle du côté du gouvernement pour dire: Qu'est-ce qui justifie que l'article 87 n'aille pas aussi loin qu'on voudrait qu'il aille quand on le compare au projet de décentralisation du gouvernement? C'est un peu ça qu'on rappelle, et puis, s'il y a un aspect coût, on aimerait savoir qu'est-ce qui freine, justement, cette véritable régionalisation. Parce que, nous, on n'en fait pas vraiment une question de coût, on pense que dans tout le projet gouvernemental il y a possibilité, justement, de pallier ce problème-là.

M. Mulcair: Je dois juste vous dire que c'est le député de Joliette qui est responsable de la régionalisation, alors, ça risque d'être très intéressant de voir si ce gouvernement-là est effectivement conséquent avec lui-même sur cet aspect-là.

(17 h 40)

Alors, sur ce, je tiens à vous remercier encore une fois d'avoir, avec si peu d'avis, répondu à la demande de cette commission, d'avoir accepté notre invitation et, surtout, d'avoir apporté tellement d'eau au moulin et de fruits de réflexion pour nos travaux l'automne prochain sur le projet de loi n° 130. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre, il vous reste une minute.

M. Bégin: Je pense que le député de Chomedey vient de nous donner un bel exemple de dire le contraire de ce que les gens ont dit. Tout à l'heure, vous avez exprimé qu'il ne faudrait pas prendre prétexte de ces imperfections pour réclamer le report de son adoption et qu'il est plus souhaitable d'adopter un projet de loi qui est certes perfectible que de remettre à plus tard ce qui peut être fait avant la fin de la présente session. Et, à la page 6, vous avez dit que c'est un projet de loi qui mérite d'être adopté. Or, il vous faisait dire, tout à l'heure, que vous étiez d'accord avec le Barreau, qui demande de reporter ça. C'est très beau. D'ailleurs, la Commission des droits de la personne, tout à l'heure, a fait une étude qui ressemble à la vôtre en termes d'analyse d'articles, de recommandations, et n'a pas demandé le report.

Je voudrais faire la lecture d'une lettre qui est datée du 10 juin, qui m'est adressée.

«M. le ministre, j'ai bien reçu la lettre que votre directeur de cabinet m'a transmise par télécopie ce jour. Cette correspondance confirme votre intention de présenter des amendements au projet de loi pour que la CALP soit exclue du Tribunal administratif du Québec, tel que le souhaite la FTQ.

«À la lumière de cette précision en regard de la CALP, nous croyons qu'il est approprié que le projet de loi soit adopté lorsque le gouvernement aura recueilli les représentations des parties intéressées. Pour notre part, dans les circonstances, nous ne voyons par l'utilité de nous présenter à l'audition à laquelle le secrétaire de la commission des institutions nous a convoqués pour le mardi 11 juin à 16 heures.

«Je vous remercie, M. le ministre.»

Signé: Clément Godbout, président de la FTQ.

Et une seconde, datée du même jour.

«M. le ministre, c'est avec une très grande satisfaction que nous avons pris connaissance de la décision que vous nous annoncez dans votre lettre du 10 juin et suivant laquelle la CALP sera exclue du Tribunal administratif du Québec. Nous vous en remercions, ainsi que les autorités gouvernementales concernées.

«Cette décision étant maintenant prise, nous ne pouvons que rappeler la conclusion du mémoire que nous avons présenté à la commission des institutions de l'Assemblée nationale en janvier 1996:

«"Le projet de loi n° 130 sur la Justice administrative comporte des éléments essentiels au bon fonctionnement de la justice administrative au Québec, et nous nous en réjouissons. Plus particulièrement, nous accueillons favorablement l'instauration de mécanismes structurés de sélection et de nomination des membres des tribunaux administratifs et la création d'un conseil de la justice administrative dont le rôle sera d'assurer une certaine surveillance des membres du nouveau Tribunal administratif du Québec. À ces deux chapitres, le projet de loi n° 130 mérite d'être appuyé, même s'il conviendrait probablement d'y apporter des améliorations – et, ça, c'est la fin de la citation – dont certaines ont déjà été annoncées lors du débat en première lecture du projet de loi."

«Veuillez agréer, M. le ministre...»

Signé: Ghislain Dufour, Conseil du patronat du Québec.

Alors, comme vous voyez, vous n'êtes pas les seuls: la Commission des droits de la personne... Vous êtes d'accord pour l'adopter, les deux Conseils, et il y a également d'autres personnes. Alors, je pense que l'interprétation...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs...

M. Bégin: Et je voudrais les déposer, M. le Président, dans...

M. Mulcair: Vous pouvez lui permettre de le faire, ça va prendre deux minutes, mais...

M. Bégin: Non, non, M. le Président. Le temps est terminé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, M. le député de Chomedey, il lui restait du temps, alors que vous avez épuisé votre temps.

M. Bégin: Vous l'avez tout épuisé. Non, non, M. le Président...

M. Mulcair: Je demande l'occasion de rectifier les faits. Qu'est-ce que le ministre vient de faire...

M. Bégin: M. le Président, il n'y a pas de règlement. M. le député fait régulièrement la chose, et son temps est terminé. Question de règlement.

M. Mulcair: Il reste deux minutes à notre commission parlementaire, je pense que ça ne peut qu'aider les travaux de cette commission. Je n'avais pas été averti que mon temps était fini.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je prends dépôt des documents?

M. Mulcair: Oui. Très brièvement, M. le Président, juste pour vous dire que...

M. Bégin: Non, non, M. le Président, je m'excuse, il n'a plus de temps de parole. M. le Président...

M. Mulcair: ...contrairement à ce que le ministre vient de dire, le SPGQ a dit, en février...

M. Bégin: M. le Président, une question de règlement, M. le Président.

M. Mulcair: ...qu'il considérait inconcevable de scinder ainsi les deux phases d'adoption...

M. Bégin: Une question de règlement, M. le Président.

M. Mulcair: ...d'une réforme aussi importante.

M. Bégin: M. le Président...

M. Mulcair: On est d'accord avec le SPGQ là-dessus, tout comme on est d'accord avec la FTQ qui déplore et dénonce la manière d'agir du ministre de la Justice qui dépose devant l'Assemblée nationale un projet de loi d'une très grande importance sans faire connaître, par ailleurs, ses intentions. Nous aussi, on est d'accord avec le projet de loi n° 130, mais, nous aussi, comme vous, on veut que les deux soient étudiés ensemble. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 20 h 46)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît, nous reprenons nos travaux.


Projet de loi n° 20


Étude détaillée


Attribution et effet de l'aide juridique


Services juridiques pour lesquels l'aide juridique est accordée (suite)

Au moment de la suspension des travaux, à 13 heures, nous en étions à l'étude de l'article 4.7 introduit par l'article 6 du projet de loi n° 20, et l'intervenant qui avait la parole à ce moment-là était le député de Jacques-Cartier.

Une voix: Il n'y est pas.

M. Bordeleau: M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Alors, ce matin, effectivement, quand on a terminé la session de l'avant-midi, on avait commencé un peu à discuter du 4.7. Oui, une demi-heure, à peu près, M. le député. Alors, c'était seulement un début. Là, on va s'attaquer maintenant à l'étude du 4.7. Alors, j'ai eu l'occasion ce matin juste de sensibiliser le ministre à un point qu'on retrouve dans le premier paragraphe, où on dit: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi, dans l'un ou l'autre des cas suivants», et il y a une énumération, là, des conditions.

Ce que j'avais mentionné au ministre à ce moment-là, c'était la signification du «sera». Et, bon, «pour toute affaire dont un tribunal est saisi», ça ne pose pas problème, c'est clair; pour toute matière dont un tribunal «sera» saisi, ça demeure quand même quelque chose qui n'est pas de l'ordre des probabilités, c'est de l'ordre de la certitude, au fond, si on peut s'exprimer ainsi. Le tribunal sera saisi. Et quand j'ai mentionné ça au ministre, ce matin, quel sens on doit donner au mot «sera», est-ce que c'est «sera» dans le sens d'une obligation, d'une certitude, ou si c'est «sera» dans le sens d'une possibilité? Alors, le ministre, sur ça, a répondu ce matin que, effectivement, c'était une question d'évaluer les probabilités et que, selon toute vraisemblance, selon toutes les probabilités, l'affaire pourrait être éventuellement saisie. Alors, on voyait que le sens que donnait le ministre au mot «sera» était quand même un sens beaucoup plus relatif que celui qu'on peut retrouver, là, au niveau d'une obligation, d'un certain automatisme où ça devra éventuellement faire l'objet, disons, d'une saisie devant un tribunal.

Alors, je pense, M. le Président, que, tel que le texte est formulé actuellement, cette ambiguïté-là, elle existe. Et, si une personne, par exemple, fait une demande, encore là: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi». Alors, on sait que le directeur régional, à ce moment-là, devra évaluer si c'est une matière dont un tribunal est ou sera saisi. Je pense que l'ambiguïté qui peut exister, c'est que la personne qui aura à faire l'évaluation pourra éventuellement dire: Écoutez, vous ne m'avez pas fait la démonstration que, effectivement, le tribunal sera saisi de l'objet de la cause en question.

Alors, moi, j'ai une crainte que ce soit interprété de cette façon-là et qu'on exclue, à ce moment-là, des gens tout simplement sur le fait que la personne ne pourra pas démontrer qu'il y a certitude qu'un tribunal sera saisi. Et d'ailleurs, quand le ministre, ce matin, donnait un peu le sens qu'il accordait à cet article-là, il le faisait d'une façon beaucoup plus relative. Alors, je pense que c'est effectivement le sens qu'on doit y donner, mais je pense que le texte, tel qu'il est formulé, ne donne pas ce sens-là précisément. Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, je pense qu'on devrait apporter un ajustement et essayer de traduire dans des mots simples exactement ce que le ministre a dit ce matin quand il a donné son interprétation, qu'il parlait de possibilité et de probabilité plutôt que de certitude.

(20 h 50)

Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je voudrais proposer une motion d'amendement qui se lirait comme suit: Le projet de loi n° 20 est modifié par le remplacement, dans le premier alinéa de l'article 4.7, tel qu'introduit par l'article 6 du projet de loi, des mots «ou sera» par «ou pourrait être». Alors, ça se lirait: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou pourrait être saisi, dans l'un ou l'autre des cas suivants».

Alors, là, il n'y a plus d'ambiguïté, il s'agit tout simplement d'une possibilité, d'une probabilité que la personne aura à évaluer, et c'est exactement le sens, d'ailleurs, l'interprétation qu'a donnée ce matin le ministre. Donc, je pense que ça traduirait exactement la pensée du législateur et ça ne prêterait pas à confusion au moment où la personne qui aura la responsabilité de faire l'évaluation pour voir si l'aide juridique sera accordée ou non, qu'elle donne un sens beaucoup plus restrictif à cet article-là et, de cette façon-là, qu'on exclue des individus qui ne devraient pas l'être, tel que le conçoit le ministre aussi.

Alors, je pense que ça traduit exactement l'objectif qu'on vise et l'objectif que vise le ministre, si on se fie à ce qu'il nous a dit ce matin, avant qu'on se quitte pour l'heure du lunch. Alors, je pense que ce n'est pas un amendement qui révolutionne rien, mais je pense que c'est un amendement qui traduit bien ce qu'on veut apporter comme nuance de la part du législateur. Alors, M. le Président, c'est un petit peu l'argumentation que je voulais faire sur la raison de cet amendement, et je vais terminer là-dessus, quitte à revenir éventuellement si c'est nécessaire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, l'amendement est recevable. Est-ce que quelqu'un veut intervenir? Monsieur...

M. Mulcair: Je peux peut-être commencer à parler en faveur de la proposition de mon collègue, le député de l'Acadie. Vous aurez compris, M. le Président, que c'est un changement relativement mineur, puis je suis convaincu que la députée de Deux-Montagnes est d'accord avec cette proposition, parce que je suis sûr que c'est quelqu'un qui a réfléchi au problème du paragraphe liminaire de l'article 4.7...

M. Facal: Et qu'elle l'a en clair.

M. Mulcair: ...et qu'elle l'a en clair, effectivement, comme dit mon collègue de Fabre. Et, effectivement, M. le Président, c'est une simple question rédactionnelle, à sa face même, mais dont les effets peuvent être importants. On est dans le chapitre, maintenant, de la loi qui discute et qui traite des affaires autres que criminelles et pénales. Alors, à l'article 4.7 du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, on commence en disant:

«En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi, dans l'un ou l'autre des cas suivants».

In the same manner, Mr. Chairman, in the opening paragraph of section 4.7 that will be added to the Legal Aid Act if ever this Assembly makes the error of adopting Bill 20, An Act to amend the Legal Aid Act, and which, of course, is added by section 6 of Bill 20, it is provided in the opening, as I stated, that: «In matters other than criminal or penal matters, where the case is brought or will be brought before a court, legal aid shall be granted».

Now, there is a subtle drafting difference between the English version and the French version, I am sure you picked it out right away, Mr. Chairman. You see, in the English version, when you say: «the case is brought or will be brought», you could easily read that to mean: is to be brought, or, in other words, in the normal course of events: will be brought before a court, so it could be the meaning that we are seeking to achieve in the French version.

But we fear that there will be some interpretative difficulties with the drafting, as it now stands in the French version, because the French version is considerably more restrictive, in our way of reading it. It provides: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi». C'est impératif. Donc, ce n'est pas conditionnel, ce n'est pas dans le cours normal des événements. «Sera saisi» ou «pourrait être saisi» ou «risque d'être saisi», qui est le sens que l'on peut trouver dans la version anglaise, c'est impératif, c'est définitif, le tribunal sera saisi.

Je vais donner un exemple que tout le monde va comprendre, M. le Président. Si vous recevez une mise en demeure, comme député – c'est des choses qui arrivent; il y a parfois des gens qui trouvent qu'ils en ont contre le gouvernement, puis la première porte sur laquelle ils vont aller frapper, c'est leur élu – il s'agit donc là d'une affaire dont un tribunal pourrait être saisi, mais c'est loin d'être clair que c'est une affaire dont un tribunal sera saisi.

In the English version, you could look at the word «will» as implying intent. Of course, if we look at authors such as Gowers, Fowler, and we look at the difference between «will» and «shall», «shall» is always interpreted as being imperative; of course, «may» implies the optional. Here, we are saying that it «will be brought before a court». So, there is quite a distinction there. So, of course, at the end of the paragraph, if we needed any more to prove our point, at the end of the paragraph, we do end with «shall be granted».

There is, on the drafting level again, Mr. Chairman, right at the beginning of section 4.7... I don't think that it requires a great knowledge of the subtleties of any language to know that there is a redundancy here: «In matters others than criminal or penal matters». I don't think that it takes a great deal of illustration to find out that we repeat the word «matters» there without any need. We could have easily come up with a formulation there that would have avoided that redundancy. I say it not because we plan to present an amendment, because we would not want to belabor the point before this Committee, but to the extent that, with some of your colleagues, notably Mr. Simard, we have looked at some legislation with him, we have come up with some remarks and comments on the English version, and they had just been done, as a matter of course, often presented at the end of the parliamentary hearings in one shot; so perhaps the drafts' persons and their translator colleagues would be willing to look at this question for us as well, as to the redrafting of the first clause in section 4.7, the repetition of the word «matters».

But getting back to the matter at hand, to the same extent that the «will» here could imply «will» in the normal course of events, what we're saying here, in the French version, in the proposal that my colleague has brought before us, is that we want to have the same «nuance», we want to have the same openness and we don't want the door close on things simply because it's not clear that they will, in fact, be brought before the court.

As you see, Mr. Chairman, il y a beaucoup d'articles que l'on va regarder dans le présent projet de loi où on va discuter du pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires, des officiers habilités à analyser un cas. Ce qu'on est en train de faire ici – et je ne suis pas convaincu qu'on en train de le faire sciemment, mais on le fait néanmoins, à notre point de vue – on est en train d'introduire une certaine ambiguïté par la rédaction du paragraphe liminaire de l'article 4.7.

Donc, il est de notre prétention que l'article en question servirait beaucoup mieux les fins de la justice et de l'accessibilité à la justice – et je le mentionne en passant – et ce, malgré le fait que le ministre était contre un amendement qui visait à ajouter dans les objectifs de la loi une meilleure accessibilité à la justice. Mais, ici, on est en train de dire qu'on se barre les pieds sans raison. Je ne suis pas convaincu que c'est ça que le ministre a voulu. Et j'ai plutôt l'impression que toute personne qui regarde le paragraphe d'ouverture de 4.7 va être d'accord avec nous, que le paragraphe va servir beaucoup mieux les fins de la justice s'il est rédigé de la manière que mon collègue de l'Acadie le propose.

Alors, je le laisserai enchaîner là-dessus, parce que je suis sûr qu'il aimerait présenter ses observations, mais, à notre point de vue, pour l'ouverture de 4.7, c'est un amendement qui est vraiment nécessaire afin de s'assurer que des personnes, des individus ne vont pas se faire priver du droit à l'aide juridique par une autre possibilité d'une interprétation restrictive.

(21 heures)

Et, comme on a mentionné, M. le Président, depuis le début de ce débat, il y a de très nombreux groupes communautaires qui ont regardé le volet qu'on appelle souvent «social» du projet de loi n° 20 et ils ont trouvé que ce n'était pas suffisant. Le ministre nous a entretenus, même à l'aide de certains graphiques, de son volet contributoire, et il a tout à fait raison lorsqu'il dit que certaines personnes aujourd'hui pas admissibles vont le devenir en contribuant. Mais on a aussi été à même de lui faire comprendre qu'une personne qui travaille 40 heures par semaine au salaire minimum n'est d'aucune manière admissible. Alors, avant de se vanter que son projet de loi ajoute grand-chose, je pense qu'il a intérêt à penser à qui est censé être couvert par ça. Si l'accessibilité à la justice, justement, est une question de revenus et de ressources à cause du fait que cet accès coûte trop cher, je pense que ça ne prend pas une analyse compliquée pour comprendre que, avant de se vanter que son projet de loi fait quelque chose pour régler un problème que tous reconnaissent, il a intérêt à comprendre que le volet contributoire ne couvre même pas, comme on le mentionnait tantôt, les gens qui sont à temps plein au salaire minimum.

Mais il y a plus, évidemment, M. le Président, parce que, même la personne qui ne travaille pas à temps plein au salaire minimum, même une personne qui est seule et qui travaille à temps partiel au salaire minimum va être demandée de contribuer jusqu'à 800 $ pour obtenir de l'aide juridique pour le genre de causes qui vont être énumérées dans l'article 4.7, quand on va commencer à regarder cette énumération.

Alors, vous comprenez, M. le Président, notre inquiétude, notre désarroi devant la désinvolture du ministre face à cette situation-là et le fait qu'il refuse obstinément... Il fait une obstruction systématique à toutes les modifications qu'on a faites jusqu'à date, et ce, malgré ses engagements à l'effet contraire. On a eu l'occasion hier, à la période des questions, de lui rappeler son engagement face à la conférence des organismes pour personnes handicapées, la COPHAN, et auprès de sa présidente, et c'était même dans sa réponse à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce. Cependant, force nous est de constater que l'article 4.5 a été discuté, qu'il y a eu certains amendements proposés et que le ministre n'a proposé aucune modification, et ce, malgré son engagement formel auprès de la présidente de la COPHAN et auprès de la Chambre, parce qu'il a réitéré ça en Chambre, qu'il allait présenter des modifications.

Alors, ici, pour le volet non pénal et criminel, pour le volet que l'on pourrait appeler social, c'est notre devoir de lui rappeler ses engagements auprès de ces différents groupes communautaires. C'est notre engagement de lui faire voir raison, de lui faire comprendre qu'il y a des gens qui vont être mis devant une situation où ils n'auront pas de couverture d'aide juridique non seulement parce que l'énumération prévue aux termes de l'article 4.7 n'est pas suffisamment complète, mais aussi parce que le paragraphe d'ouverture de l'article 4.7 stipule que ce serait seulement accordé lorsque l'affaire sera devant un tribunal; toute affaire dont un tribunal sera saisi.

Donc, mon collègue de l'Acadie a tout à fait raison d'insister à l'effet que le projet de loi n° 20 soit modifié par le remplacement, dans le premier alinéa de l'article 4.7, tel qu'introduit par l'article 6 du projet de loi, des mots «ou sera» par «ou pourrait être». Ça, c'est une plus grande ouverture, ça laisse moins de marge de manoeuvre à une interprétation administrative qui risque de venir bafouer la volonté du législateur. Et j'ai failli dire: la volonté claire du législateur, mais c'est précisément ça, le problème, M. le Président. On est ici pour discuter en commission parlementaire d'un projet de loi. C'est de ça qu'il s'agit. Le ministre arrive en Chambre et il dit: Voici, je voudrais réformer l'aide juridique.

Bon. O.K. Tout le monde comprenait bien que, au printemps dernier, le ministre avait eu une note d'échec sur son projet de loi d'aide juridique. Il a passé tout l'automne et l'hiver à faire des comités, dont le mieux connu, mais de loin le moins brillant, était le comité Schabas, et il nous arrive avec un deuxième projet de loi qui contient autant de problèmes que le premier. Le problème, pour lui, c'est que – j'imagine que c'est le vieil adage – même une bête qui tire un fardeau ne cognera pas sa patte deux fois contre la même roche, et pourtant le ministre est en train de nous montrer qu'il est à la veille de cogner sa patte contre la même roche pour une deuxième fois, parce qu'on n'est vraiment pas beaucoup plus avancé avec son projet de loi qu'on ne l'était à cette époque-ci l'année dernière.

Alors, de continuer à vouloir dire, à l'ouverture de 4.7, que, en matière autre que criminelle et pénale, l'aide juridique ne serait accordée que pour les affaires dont un tribunal est ou sera – impératif – saisi, dans l'un ou l'autre des cas qui suivent, eh bien, il y a un problème, et j'ai l'impression que le ministre se rend compte qu'il y a un problème, mais, pour des raisons qu'on a de la difficulté à s'expliquer, il fait cette obstruction systématique dont on a déjà eu l'occasion de parler.

Alors, c'est notre devoir comme parlementaires d'éviter tout risque de confusion, et c'est dommage que le système parlementaire, ici, fasse en sorte que les travaux préparatoires à l'adoption des lois ne sont que rarement utilisés par les tribunaux afin de donner un sens à une disposition. C'est seulement lorsqu'il s'agit d'une question touchant aux chartes des droits ou aux matières constitutionnelles ou, un peu plus souvent, en matière de droit civil, parce que les travaux préparatoires, les notes du ministre et du ministère sur le projet du Code civil servent quand même régulièrement devant les tribunaux. Mais, vu que ce sont les règles de la «common law» qui régissent en matière d'interprétation des lois ici, au Québec, c'est plutôt rare pour nous d'avoir recours à des travaux préparatoires.

Alors, c'est dommage, parce que le tribunal qui va être saisi de cette question – et cette question va venir immédiatement devant les tribunaux, M. le Président – de savoir si une cause en matière autre que criminelle et pénale se verra accorder de l'aide juridique, la question, donc, va être appelée devant les tribunaux presque immédiatement parce qu'il va y avoir des gens qui vont se faire refuser. Ils vont se faire dire: Bien, ce n'est qu'une possibilité hypothétique que cette cause se ramasse devant les tribunaux. Ils vont se faire dire que ce n'est pas raisonnable, qu'il n'y a pas de vraisemblance, etc. Mais qu'est-ce qui va se passer une fois que ça ça va être devant les tribunaux, M. le Président? À ce moment-là, peut-être que des droits auront été perdus. Si quelqu'un était intervenu à temps... Et c'est ça, tout le but de l'aide juridique, c'est de s'assurer que les gens puissent faire défendre leurs droits devant les tribunaux lorsqu'ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat.

Alors, on n'est plus du tout dans toute la discussion des barèmes. On n'est plus du tout dans toute la discussion de savoir si ça va assez loin ou pas assez loin. On a déjà eu l'occasion de dire au ministre – et on vient de le rappeler tantôt – que ces barèmes visent une fin louable mais n'y parviennent pas. Mais, ici, c'est autre chose. Ici, on est vraiment en train de regarder ce que d'aucuns appellent le «panier de services». Qu'est-ce qui est couvert, qu'est-ce qui n'est pas couvert par la Loi sur l'aide juridique? Et on est vraiment inquiet que la rédaction du paragraphe liminaire de 4.7 donne une autre arme à l'administration pour décider qu'une personne n'a pas le droit d'aller devant les tribunaux pour défendre ses droits, et c'est pour ça qu'on aurait nettement préféré la rédaction proposée par mon collègue de l'Acadie, qui laisse cette porte ouverte. La personne pourrait avoir recours à un avocat assez tôt. La personne pourrait avoir des instructions, des conseils assez tôt pour intervenir et préserver ses droits, le cas échéant. Si on attend après pour se rendre compte que, effectivement, malgré le fait qu'il y avait un risque que ça soit devant les tribunaux, que ce n'était pas définitif, qu'on ne pouvait pas prouver que ça sera... parce que c'est très difficile de prouver que quelque chose sera, à moins que ça ne soit vraiment de la nature de la cause, mais ces exemples-là vont être plutôt rares.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que vous me permettez...

M. Mulcair: Oui, avec grand plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...une clarification, M. le député de Chomedey? En matière autre que pénale ou criminelle...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...lorsqu'on introduit l'indicatif futur, ça peut être la personne qui veut avoir justice. Ce n'est pas devant un tribunal, mais la personne voudrait porter sa cause devant un tribunal. Alors, elle ne l'est pas du tout, mais la personne entreprend une démarche auprès de l'aide juridique pour pouvoir porter sa cause.

(21 h 10)

M. Mulcair: Vous avez entièrement raison, et je partage votre interprétation comme étant une des interprétations possibles de cet article-là, mais, si c'est de ça qu'il s'agit, on est toujours en train de laisser un problème. À l'article 4.7.1° – et on va pouvoir les regarder un à un tout à l'heure – on dit dans une «affaire en matière familiale». Admettons qu'une personne qui a des obligations parentales reçoive un document qui, à sa face même, ne conduirait pas nécessairement aux tribunaux. C'est une sorte de mise en demeure, c'est autre chose. Donc, on ne parle pas du parent qui désire l'amener devant les tribunaux, parce que, là, j'accepte et je suis d'accord avec votre interprétation. Ça, c'est une affaire où l'intention, c'est de l'amener devant les tribunaux, mais, même là, ce n'est pas clair que ce le sera. Mais admettons que j'accepte votre interprétation sur cette personne-là.

Moi, je suis en train de regarder l'autre personne aussi qui peut peut-être aussi être admissible à l'aide juridique. Alors, cette personne-là est en quelque sorte sur une deuxième marche d'infériorité en termes de la probabilité ou de la possibilité. La première doit déjà prouver sa cause. Mettons qu'elle a obtenu l'aide juridique, elle est en train de poursuivre, en matière familiale, l'autre, et l'analyse se fait. Ça ne sera jamais porté devant les tribunaux. Ça, c'est juste une manière de terminer à l'autre bureau d'avocats. Ils veulent régler, ils veulent t'amener en conciliation, peu importe. Donc, on ne peut pas faire la preuve, pour cette deuxième personne, que ça sera traduit devant les tribunaux. Alors, c'est pour ça qu'une rédaction facultative ou ouverte, comme celle qui est proposée par mon collègue, le député de l'Acadie, à notre point de vue, est en mesure de résoudre ce problème-là.

Alors, je pense que vous venez, par votre question, de démontrer qu'il y a une faille rédactionnelle dans le paragraphe d'ouverture de l'article 4.7 parce qu'il y a différentes possibilités d'interprétation, et, plutôt que de laisser cette législation partir de cette commission avec ce que, nous, on considère la certitude que ce problème rédactionnel et ce problème d'interprétation soient appelés à être tranchés devant les tribunaux, plutôt que de laisser ça aller comme ça, bien, nous, on est vraiment d'avis qu'il faut qu'on fasse notre travail de parlementaires, d'élus et qu'on regarde la rédaction du projet de loi n° 20, à l'article 4.7, à l'ouverture et qu'on apporte les correctifs nécessaires. Et ça, c'est une des possibilités, la rédaction que mon collègue, le député de l'Acadie, vient de proposer. À notre sens, ça fait un bon bout de chemin pour pallier ces difficultés rédactionnelles, ceci dit sans la moindre critique sur un travail très difficile qui a été effectué par les hommes et les femmes qui sont appelés à rédiger ces lois-là.

Mais ce n'est pas toujours clair, lorsqu'on fait cette rédaction-là au ministère, quels peuvent être les effets en pratique. C'est seulement lorsqu'on a l'occasion de s'asseoir en commission parlementaire et de discuter longuement les implications réelles de certains articles qu'on est en mesure de tous les voir, et, après tout, M. le Président, malgré l'énorme dette de gratitude qu'on doit envers nos collaborateurs, dans les ministères, qui préparent cette législation pour nous à la demande du côté ministériel, ce n'est qu'une fois que ça vient ici que les deux côtés de la Chambre peuvent l'analyser, parce que, évidemment, nous, on ne prend pas part au processus rédactionnel, et c'est seulement à ce moment-là qu'on est mesure de fournir nos critiques constructives, dont la suggestion de modification de mon collègue, le député de l'Acadie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Merci, M. le Président. J'admire l'optimisme du député de Chomedey qui nous disait que, tout à l'heure, on serait rendu à l'article 44, si j'ai bien compris. J'ai regardé dans le projet de loi, c'est à la page 28. Nous sommes en train d'étudier l'article 4.7, qui est à la page 9 et à la page 10, et ça, c'est après au-delà de 30 heures de travaux. Nous n'avons pas réussi à faire neuf pages, et, là, tout à coup, dans l'espace de quelques instants, nous en ferions 20. Je vous avoue que, si c'était le cas, je serais très heureux, mais permettez-moi de douter de l'objectif que s'est fixé tout à coup le député de Chomedey, parce que ça ne correspond pas au rythme de tortue que nous connaissons depuis le début de nos travaux.

Deuxièmement, le député de Chomedey répète comme une incantation qu'une personne gagnant le salaire minimum ne peut bénéficier de l'aide juridique. M. le Président, je rappelle – parce que c'est pour les fins des notes – que nous avons fait la preuve, nous avons remis des documents attestant qu'une personne travaillant au salaire minimum peut bénéficier de l'aide juridique, dans le cadre du volet contributoire, et que tout est couvert. M. le député voudrait bien avoir raison, mais, que voulez-vous, le projet de loi lui donne tort.

Par ailleurs, il nous parle d'aucun amendement et, en particulier, il a référé à l'article 4.5. Malheureusement pour lui, il n'était pas là hier soir, mais nous avons apporté un amendement à l'article 4.5 de la loi.

Par ailleurs, il a parlé – peut-être pas aujourd'hui, mais hier – de l'article 3.4 de la loi, que nous n'aurions pas modifié conformément à la demande faite par COPHAN. Malheureusement pour lui, l'article 3.4, ce n'est pas l'article 3.4 de la loi; c'est l'article 3.4 du règlement. Or, comme nous ne faisons pas l'étude des articles du règlement, vous comprenez que nous n'avons pas modifié, bien sûr, l'article 3.4.

M. le député de Chomedey dit qu'il apprécierait qu'on puisse étudier la loi attentivement. Il nous dit que ce projet-là n'est pas conforme, et c'est curieux, mais, M. le Président, j'ai reçu chez moi, ce midi, Le Journal du Barreau qui est daté du 15 juin 1996, et, en première page, je vois ceci: «Aide juridique: Le Barreau salue la réforme proposée.»

M. Boulerice: La gazette des bonnes nouvelles, ça!

M. Bégin: C'est des bonnes nouvelles, hein?

M. Boulerice: Oui.

M. Bégin: Et je lis le début: «En dépit de préoccupations exprimées face à quelques articles, le Barreau du Québec a reçu positivement le projet de l'aide juridique annoncé le mardi 14 mai dernier par le ministre de la Justice du Québec, l'honorable Paul Bégin. "Nous croyons que la réforme proposée, une fois complétée par la réglementation d'application appropriée, devrait répondre à plusieurs des demandes du Barreau au cours de la dernière année", a déclaré la bâtonnière du Québec.» Et vous avez toute une série de déclarations disant que le projet de loi est bon.

Et j'aimerais déposer une copie, bien sûr, d'un extrait de cet article qui démontre bien, M. le Président, contrairement à ce que tente de dire depuis le début le député de Chomedey, que, effectivement, comme je l'ai mentionné, le Barreau est d'accord avec le projet de loi, bien sûr avec des modifications, mais pas le genre de modifications que le député de Chomedey tente de semer sur le chemin de nos travaux depuis le début en faisant des propositions qui n'ont qu'un objectif, de retarder l'adoption du projet de loi. Et on sait très bien que tous ces amendements-là...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

M. Bégin: ...sont purement inutiles. C'est curieux...

M. Mulcair: M. le Président...

M. Ciaccia: Il prête des motifs.

M. Bégin: Il a de la misère à écouter les autres, hein?

M. Mulcair: M. le Président...

M. Bégin: Il a de la misère à écouter les autres. C'est curieux.

M. Ciaccia: Il prête des motifs. Ce n'est pas correct.

M. Mulcair: Il me prête des motifs.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un à la fois, s'il vous plaît.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'ai donné la parole à M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président...

Une voix: C'est psychologique, ça.

M. Bégin: Il a un problème, hein?

M. Mulcair: M. le Président, vous l'avez entendu comme moi, le ministre vient de nous prêter des motifs indignes, et c'est faux, nous sommes ici pour bonifier le projet de loi. Il le sait aussi bien que nous.

M. Ciaccia: M. le Président, ça ne se peut pas que le député de Chomedey veuille retarder l'adoption du projet de loi, ça fait deux jours qu'il n'est pas ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Exact.

M. Boulerice: Seulement, son absence pesait très lourd.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Son absence pesait très lourd.

M. Mulcair: Merci, M. le député.

M. Ciaccia: Non, mais...

M. Boulerice: En s'absentant...

M. Ciaccia: ...il faut appeler les choses par leur...

M. Boulerice: ...par voie de conséquence, il retardait. Nous jugions sa présence essentielle.

M. Bordeleau: Les travaux continuaient. Les travaux continuaient allègrement.

M. Boulerice: Nous jugions sa présence essentielle. Nous en privant, il retarde.

M. Mulcair: Alors, M. le Président, je vous demanderais de sommer...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'ai malheureusement été distrait, mais je n'ai pas...

M. Mulcair: Je vous demanderais de demander au ministre de ne plus prêter de motifs indignes.

M. Ciaccia: Ah oui.

M. Bégin: Alors, M. le Président, au lieu de «a pour objet», je veux dire «a pour effet» de retarder nos travaux.

M. Ciaccia: Il devrait retirer ses paroles.

M. Bégin: Ça, ce n'est pas prêter des intentions, c'est un effet. Donc, a pour effet ultime et unique de retarder les débats et l'avancement de l'adoption de ce projet.

L'amendement qui nous est proposé n'a été, à ma connaissance, suggéré par personne, que ce soit par le Barreau, que ce soit par COPHAN, que ce soit par un membre de la Coalition, ou qui que ce soit. Aucun de ces groupements-là ou de ces personnes-là n'a demandé de modifier, et là on est face à une modification qui dit «ou pourrait être» saisi. M. le Président, c'est: Le tribunal est saisi ou sera éventuellement saisi, avec une certaine preuve de probabilité...

M. Mulcair: ...éventuellement...

M. Ciaccia: Bien voyons!

M. Mulcair: ...propose l'amendement si tu veux.

M. Ciaccia: Non, non.

M. Bégin: Non, non, non. M. le Président, je pense que...

M. Ciaccia: Ou il l'est ou il ne l'est pas.

M. Bégin: ...j'écoute ce que le député de Chomedey dit. Je lui recommanderais de faire la même chose.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez la parole.

M. Bégin: Je sais qu'il est très susceptible, la peau fragile. Dès qu'on dit quelque chose qui le contredit un petit peu, il faut qu'il crie dans le micro pour couvrir le son. Malheureusement, les sons sont captés, et on est capable de les lire le lendemain. Mais il essaie de déranger.

Alors, le texte dit «est», et ça, c'est devant le tribunal, ou sera éventuellement amené devant le tribunal, et, advenant le cas où il y aurait un «pourrait», ça ressemblerait fort à une demande de consultation, puisque ce n'est pas devant le tribunal et qu'on prévoit que ça ne sera pas devant le tribunal. Alors, si ça pouvait être éventuellement, dans une hypothèse quelconque, à ce moment-là, on pourra... et j'invite le député à lire l'article 32.2 du projet de loi, et il verra qu'il y a possibilité d'obtenir ce que nous appelons communément une consultation d'ordre juridique. Dès lors, M. le Président, je soumets que cet article-là, qui vise à donner l'aide juridique au maximum de personnes et dans les circonstances les plus généreuses, ne doit pas recevoir de modification.

(21 h 20)

Et j'ai fait faire le décompte pour voir combien d'heures nous avions passées, M. le Président, pour étudier. Le 5 juin, on a mis 6 h 24 min de consultations, le 6 juin, 8 h 18 min, le 7 juin, 6 h 44 min, le 10 juin, 6 h 50 min, le 11 juin, 1 h 30 min, jusqu'à 13 heures. Ce qui nous donne un total de 29 h 46 min pour étudier même pas six articles, et ça m'apparaît être définitivement une progression très, très lente, d'autant plus qu'elle n'a pas pu être agrémentée de propositions qui auraient enrichi, amélioré, bonifié le texte de loi, et ça, ça se voit, ça se perçoit.

Par exemple, si on prenait des demandes faites par le Barreau ou encore par d'autres groupes et on disait: Voilà, les gens voudraient avoir telle chose, on aimerait que ce soit introduit. Comme, par exemple, le Barreau nous a parlé – et d'autres groupes en ont fait état également – de l'article 94 qui est modifié. Alors, là, je pense qu'on est en présence d'une modification qui devrait être défendue avec ardeur par le député de Chomedey de même que par ses collègues. Mais, maintenant, on le retrouve seulement à l'article 51, à la page 30 du projet de loi. Bon, j'ai l'impression que c'est l'an prochain que le député va en parler, mais, pour être plus proche, le Barreau a exprimé des demandes par rapport à l'article 52.1, premier alinéa et deuxième alinéa. Ça m'apparaît extrêmement pertinent, les commentaires que le Barreau a faits sur ces articles-là, mais encore faudrait-il s'y rendre pour être capable d'en parler et d'amender le texte de loi, pas avancer comme on le fait là. Par la suite, le Barreau a également demandé une modification à l'article 24. Bon. Alors, on pourrait discuter de ces questions-là. Mais non, M. le Président, l'opposition cherche à faire simplement des amendements qui n'apportent rien au projet de loi et qui, dans certains cas, atteindraient comme résultat de diminuer l'accès à l'aide juridique que certaines personnes ont dans le projet de loi.

Donc, M. le Président, je soumets que cet amendement n'a pas à être adopté et j'invite honnêtement l'opposition à adopter cette disposition de l'article 4.7 qui vise spécifiquement à accorder, en matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique, par exemple en matière matrimoniale, en matière familiale, en matière d'obligation alimentaire, à l'égard de la protection du mineur, changement de nom, l'enlèvement international, Loi sur la protection de la jeunesse, les décisions administratives, des atteintes à la liberté, enfin, une série de droits qui sont essentiels pour les citoyens, au lieu de tenter de faire des amendements qui, comme je l'ai dit tantôt, risquent d'avoir des effets négatifs plutôt que positifs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Écoutez, je veux revenir un peu sur certaines affirmations que fait le ministre. Le ministre fait du décompte de temps et prétend que les interventions de l'opposition n'ont pas pour effet d'améliorer le projet de loi. Je pense que notre objectif, c'est de l'améliorer, et on n'est pas les seuls à faire... Les propositions qu'on apporte sont très souvent inspirées de remarques qui ont été faites dans des mémoires, soit dans le cadre du projet de loi 87 ou dans le cadre du projet de loi n° 20, et, si des gens prétendent que ça pourrait clarifier le projet de loi, je pense que l'opposition est en droit aussi de prétendre qu'on pourrait l'améliorer en apportant ces amendements-là, excepté que, le problème, c'est que le ministre s'entête à ne pas vouloir écouter ou analyser le bien-fondé d'aucune des propositions que l'opposition fait.

Ça, c'est son problème à lui, ce n'est pas le nôtre. Nous, notre responsabilité, c'est de représenter les points de vue qui ont été manifestés par les concitoyens, ceux qui ont fait des représentations auprès de la commission. C'est malheureux de voir que le ministre se comporte de cette façon-là. Maintenant, c'est à lui à vivre avec ses décisions à ce niveau-là, mais, de là à prétendre que, au niveau de l'opposition, notre objectif est tout simplement de bloquer les travaux, je vous assure, M. le Président, que, si le ministre avait accepté des propositions qu'on avait faites, les travaux seraient allés beaucoup plus rapidement. Alors, qu'est-ce qui fait qu'on prend plus de temps? C'est que le ministre s'entête à ne vouloir adopter aucune des propositions qu'on fait, et ce n'est pas des inventions de l'opposition, c'est des points de vue qui ont été manifestés par plusieurs personnes. Alors, si la progression est si lente, je pense que le ministre devrait faire un examen de conscience et s'apercevoir, au fond, qu'il a un rôle à jouer à ce niveau-là aussi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie, sachant la sensibilité particulière des gens – et je pense qu'elle est de bon aloi – au vocabulaire, lorsqu'on dit «s'entête», on prête une intention malveillante à quelqu'un. Alors, je vous demanderais de corriger l'expression.

M. Bordeleau: Je m'excuse, M. le Président. J'ai manqué la fin de votre...

M. Ciaccia: Un peu plus fort.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'ai écouté attentivement votre propos, et vous dites: Le ministre s'entête. C'est prêter une intention malveillante, alors je vous demanderais de corriger l'expression.

M. Bordeleau: Disons: Il refuse systématiquement toute proposition de... C'est le même effet, je pense que...

M. Ciaccia: C'est la réalité.

M. Bordeleau: ...ça qualifie. Mais ce que je mentionne, c'est que le ministre refuse systématiquement toute proposition qui vient de l'opposition comme étant irrecevable, non acceptable dans une optique d'améliorer le projet de loi. Et ce que je disais, c'est que, si la progression est si lente, c'est en partie à cause de ça. Et ce que je vous ai mentionné tout à l'heure, c'est que, si le ministre avait adopté certaines des modifications qu'on a apportées, qui étaient bien fondées, et qu'on se devait, comme opposition, de défendre, je pense qu'on serait plus avancé qu'on ne l'est présentement. Alors, c'est une remarque que je voulais faire d'entrée de jeu à ce niveau-là.

Sur l'amendement comme tel qu'on apporte, le ministre, tout à l'heure, a lu deux fois le début de l'article 4.7 et, dans les deux fois, il a ajouté «éventuellement», et ça, je pense que c'est le sens qu'il recherche, mais ce n'est pas écrit dans le texte. Deux fois de suite il a fait la lecture, et, par hasard, le mot «éventuellement» venait immédiatement après le mot «sera». Alors, on voit que la signification... Et, ce matin, quand on lui a demandé la signification, il parlait de probabilité, il parlait de possibilité. Vous étiez là, M. le Président, je pense, ce matin. Donc, vous avez été à même de voir exactement le sens que donnait le ministre. Essentiellement, la modification qu'on souhaite, c'est exactement ça. C'est de traduire exactement ce que le ministre nous a dit ce matin.

Alors, pourquoi est-ce important et pourquoi essaie-t-on de faire saisir au ministre l'importance de cette modification-là, qui paraît mineure mais qui est loin d'être mineure? D'abord, il faut noter que l'article 4.7, c'est un article clé. Ça comprend toute une série de spécifications au niveau des cas qui seraient acceptés dans des matières autres que criminelles ou pénales. Alors, le fait qu'on interprète plus ou moins limitativement le mot «sera», ça a un effet sur l'ensemble des services offerts dans les points 4.7, 1° à 9°. Donc, ça a quand même une conséquence importante, là. Si on interprète d'une certaine façon ou de l'autre, c'est l'accès à tous ces services-là qui est plus ou moins affecté.

Alors, il y a des conséquences importantes de ce côté-là, et je pense qu'il ne faut jamais perdre de vue, également, qu'on joue avec des mots, avec des concepts, avec des lois, mais que la conséquence de tout ça, c'est que, à l'autre bout de la ligne, il y a un citoyen qui sera refusé ou qui sera accepté, et lui vit une situation difficile. S'il est rendu à demander l'aide juridique, il est dans une situation qui est complexe, et ça, c'est la réalité. Et c'est pour ça qu'on fait des lois, c'est pour aider les citoyens à régler certains problèmes comme ceux-là. Et je pense qu'un risque que, tout le monde, on court comme parlementaires, c'est que de vivre, au fond, un peu en vase clos et de travailler seulement au niveau de concepts, de lois, on arrive à perdre de vue la réalité qui est vécue par les citoyens, qui est, de fait, l'objectif ultime qu'on essaie de viser en termes d'améliorations pour les citoyens.

Alors, il y a déjà dans le projet de loi plusieurs restrictions, et je pense que, là, on les met une en arrière de l'autre et on les accumule. Je veux juste vous signaler que, à l'article 4.1, on définit déjà l'admissibilité, on vient tout de suite, au départ, créer certaines barrières, certaines limites, et ça va de soi. Je pense que c'est certain qu'il faut en mettre. On peut discuter sur le barème, on l'a fait. On peut être plus ou moins d'accord sur la limite, mais il y a déjà là une limite financière qui est fixée, qui fait que des individus n'ont pas accès, et, encore là, la limite, elle peut être discutable. On a discuté, on a voté. Donc, on est passé là-dessus, et on n'avait pas nécessairement le même point de vue. Alors, il y a une limite là qui est la limite de l'admissibilité. On arrive au point 4.3 qu'on a discuté hier. Je vous rappelle qu'hier, M. le Président, on avait un article où on considérait que la personne devait répondre à des circonstances exceptionnelles. En fait, je cite: «...s'il considère que des circonstances exceptionnelles le justifient et que le fait de ne pas la déclarer financièrement admissible entraînerait pour cette personne un tort irréparable.» On a eu une longue discussion à savoir si on devait mettre «et» ou «ou». Le ministre a maintenu son point de vue: «et». Donc, le fait qu'on conserve «et», c'est déjà plus limitatif, c'est déjà plus difficile au niveau de l'accès.

(21 h 30)

À 4.4, on a des règlements. Ça a été mentionné par de nombreux intervenants qui sont venus ici et qui ont dit: Le pouvoir réglementaire est dangereux et il pourrait être utilisé d'une façon – je ne dirai pas arbitraire, ou je vais le mettre entre guillemets – plus ou moins arbitraire par le gouvernement pour atteindre d'autres objectifs. Ce pouvoir-là permettra de restreindre l'accessibilité à certains services et même l'admissibilité des personnes par voie réglementaire.

Alors, ça été mentionné par la COPHAN, qui disait: «En fait, il est inconcevable de transférer un droit législatif en un pouvoir réglementaire pour une problématique aussi cruciale que la clientèle que nous représentons.» L'Association des juristes m'a... on l'a signalé ce matin: «Mais revenons à notre sujet premier. Le principal reproche que nous faisons à ce projet de loi, c'est que nous y retrouvons trop de dispositions accordant un pouvoir réglementaire susceptible même de changer du tout au tout le sens de la loi d'abord adoptée par le législateur.»

Alors, il faut être conscient, M. le Président, de ces nombreuses barrières qu'on met au fur et à mesure qu'on progresse dans le projet de loi. Ce matin, on a eu encore une longue discussion – je pense que mon collègue de Mont-Royal a fait des représentations qui étaient très claires – sur la question du «vraisemblable en droit» par rapport à «raisonnablement fondé». On a montré que «vraisemblable en droit» était déjà... donnait une certaine flexibilité et une certaine souplesse, plutôt que «raisonnablement fondé», qui était plus restrictif.

Alors, M. le Président, on est, à de nombreuses reprises, en train de créer des barrières continuellement. Et là, on arrive à l'article 4.7. Le fait d'utiliser «sera» plutôt que «pourrait être», c'est encore une autre barrière. Alors, je pense qu'il faut être conscient de ça et... D'ailleurs, par rapport à ce point-là de façon très spécifique, la Coalition, l'année dernière, dans le cadre du projet de loi 87, avait déjà attiré l'attention sur ce point-là de façon très précise. J'ai des notes ici qui ont été prises lors des comparutions. La note que j'ai ici, c'est qu'il faut faire... On dit: Il faut d'abord que l'affaire qui amène une personne à formuler une demande d'aide juridique en soit une dont le tribunal est ou... et de l'avis du directeur général... sera saisi. Il est difficile de cerner la portée réelle de cette expression et de déterminer, à la lecture du texte, le degré de certitude requis à cet égard. Une simple possibilité suffit-elle? Faudra-t-il une probabilité ou une quasi-certitude? C'est par cette condition préalable que l'on confirme l'évacuation du champ de la couverture des consultations et des représentations devant des instances autres que judiciaires ou quasi judiciaires.

Alors, M. le Président, la Coalition... Je rappelle que la Coalition, c'est 21 groupes qui représentent des gens qui sont des clientèles et des gens qui sont aussi des juristes. Et, ça, c'était une remarque qu'ils faisaient l'année passée. Alors, quand on fait cette proposition d'amendement, ce n'est pas l'opposition qui invente ça de toutes pièces pour faire, comme le prétend le ministre, ralentir les travaux au maximum. On traduit ce que 27 groupes ont dit l'an dernier, dans le cadre du projet de loi 87, spécifiquement sur ce point-là, sur l'utilisation du mot «sera». On se questionne, on se questionnait l'année dernière sur le fait que «sera», est-ce que c'est tout simplement un degré de certitude, une simple possibilité ou une quasi-certitude? C'est exactement le problème qu'on soulève. Et je reviens à l'interprétation que donne spontanément le ministre. L'interprétation qu'il donne spontanément, ce n'est pas celle de la certitude, c'est celle de «pourrait». Il l'a dit ce matin: «pourrait possiblement, probablement». Et il ajoute... Quand il lit ça, il se sent obligé d'ajouter «éventuellement». Alors, il temporise déjà le caractère radical du mot «sera». Alors, c'est ça, son interprétation? Pourquoi est-ce qu'il refuse de tout simplement l'écrire?

Je pense qu'on ne trompe pas sa pensée en apportant cet amendement-là. J'ai l'impression qu'on la traduit très bien. Alors, je ne sais pas où est le problème. Pourquoi le ministre continue-t-il de refuser systématiquement des propositions d'amendement qu'on peut apporter alors que même lui le comprend de la façon dont on l'écrit dans l'amendement? Alors, il est où, le problème? Pourquoi le ministre continue-t-il radicalement de vouloir éliminer toute possibilité d'améliorer le projet de loi? C'est ça, notre objectif, au niveau de l'opposition. Et, si on a eu tant d'heures de faites déjà et qu'on n'est pas plus avancés, je pense que ce n'est pas ça particulièrement qui plaît à l'opposition non plus. Ce n'est pas notre objectif à nous, vous savez, de passer des journées ici. Notre objectif, c'est d'essayer d'améliorer le projet de loi et c'est ça, notre responsabilité. Et je pense que la responsabilité du ministre, c'est d'entendre aussi les propositions qui sont faites et de les accepter quand c'est susceptible d'améliorer le projet.

Là, on a un amendement qui est exactement ce que le ministre nous dit quand on lui demande de nous l'expliquer. Alors, je suppose qu'il va l'accepter. Ou, s'il décide de le refuser, j'aimerais ça qu'il nous explique pourquoi, d'un côté, il l'explique de la façon dont on l'écrit et qu'il refuse par la suite de l'inscrire comme tel dans le projet de loi. Il y a quelque chose là qui m'échappe et qui est difficile à saisir chez le ministre.

Alors, M. le Président, je termine là-dessus les remarques que je voulais faire sur la proposition d'amendement.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je m'excuse du retard que j'ai eu à être présent... Je n'étais pas présent au début de cette commission parlementaire. Alors, je m'en excuse.

Quand je suis arrivé, j'ai demandé à mes collègues: De quel article discutons-nous? Ils m'ont dit: On discute l'article 4.7. Alors, j'ai regardé l'article et je l'ai lu: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi, dans l'un ou l'autre des cas suivants». Alors, ma réaction immédiate, c'est de dire: Ça ne se peut pas: «sera» saisi; c'est «pourrait être» saisi. Je n'avais même pas vu l'amendement proposé par... Qui?

Des voix: Par le député de...

M. Ciaccia: Par le député... Je ne l'avais même pas vu, mais ma réaction spontanée: Ça ne se peut pas, «sera»; la vérité, c'est «pourrait être». Parce que ceux qui ont pratiqué le droit savent qu'une mise en demeure, ça n'implique pas qu'il va y avoir un suivi. Quelqu'un peut avoir une lettre disant: Je réclame x dollars ou je vais faire telle ou telle chose. Mais ça ne veut pas dire que le tribunal sera saisi de cette demande. Il pourrait être saisi si une cause est commencée, mais le fait d'avoir une lettre, d'avoir une mise en demeure... Il y a beaucoup de gens qui...

Alors, quelqu'un qui veut avoir la protection de l'aide juridique, qui a le droit à l'admissibilité, même restreinte dans tous les cas spécifiques, restreinte par ce projet de loi, s'il se présente pour avoir de l'aide juridique... Il dit: Non, non, non, le fait que vous ayez une mise en demeure ne veut pas dire que le tribunal sera saisi. Il pourrait être saisi.

(21 h 40)

Alors, si le ministre veut vraiment donner effet à cet aspect-là, de dire que le fait qu'une mise en demeure implique implicitement que le tribunal sera saisi, je ne pense pas que le libellé actuel satisfasse la situation que nous portons à votre attention. Vous savez, il ne faut pas prendre l'attitude que le fait qu'on a libellé un article dans un certain sens, ça devient sacré. Tu sais, les droits d'auteur et tout le reste... Il faut être assez ouvert pour dire: Écoutez, c'est vrai, on l'a libellé «sera saisi». Le fait qu'on ait porté à notre attention que ce n'est pas exactement les conséquences, la signification, il ne faut pas être tellement orgueilleux et dire: Bien, écoutez, là, on l'a libellé de cette façon-là, on ne le changera pas. On pourrait le changer sans déshonneur de la part de ceux qui l'ont libellé ou de la part du ministre qui l'a présenté de cette façon. Certains faits ont été apportés à son attention qui démontrent que «sera saisi» n'est pas vraiment adéquat, ne répond pas aux situations possibles pour donner droit à l'aide juridique. À moins que le ministre ne nous dise: Écoute, je ne veux pas donner de l'aide juridique, je veux la restreindre le plus possible, je veux attendre qu'une action soit prise... À ce moment-là, ça peut être trop tard, parce que certaines mesures peuvent être prises avant que les procédures judiciaires soient commencées. Bien, si le ministre veut dire: Non, je ne veux pas, puis, à ce moment-là, il va attendre que l'action soit prise, bien, là, si c'est son intention, le libellé est exact. Mais si son intention est qu'il veut au moins donner la chance à quelqu'un qui demande l'aide juridique que, quand il est mis en demeure, il puisse aller voir un avocat, bien, là, je ne vois pas... Bien, c'est clair comme de l'eau de roche, ça ne peut pas être «sera saisi», c'est «pourrait être saisi». Ça, ça n'a même pas besoin d'arguments, c'est tellement clair.

Je voudrais répondre à certaines remarques que le ministre a faites quand je suis arrivé. Si je l'ai bien entendu, il a référé aux remarques du Barreau; je pense qu'il a distribué un Journal du Barreau qui dit: «Aide juridique: Le Barreau salue la réforme proposée.» Vous savez, M. le ministre, ça, ça confirme ma perception...

Une voix: ...

M. Ciaccia: ...non, non, ma perception des médias. Combien de fois vous-même avez fait une conférence de presse, et vous avez lu différents journaux puis vous avez dit: Coudon, est-ce que ces journalistes-là étaient tous à la même conférence de presse? Un va vous donner une certaine manchette, un autre va vous en donner une autre qui peut-être n'a pas du tout le même sens que vous avez donné dans votre conférence de presse. C'est juste l'impression que cette manchette de l'aide juridique... Et peut-être que la manchette est faite par quelqu'un qui veut... Tu sais, les manchettes ne sont pas toujours faites par ceux qui écrivent les articles. Dans les journaux, il y a des gens qui... Je vois encore la collègue... je vous fais référence souvent... Je regrette, je ne connais pas votre nom, je m'en excuse, et je ne voudrais pas le mentionner dans le Journal des débats . Je ne pense pas que ce soit... Mais, des fois, vous riez quand je fais certaines remarques. Non, mais c'est vrai, dans les médias, il y a des personnes spécialisées qui sont nommées pour faire les manchettes. Les manchettes, elles sont faites pour attirer l'attention du public, puis, des fois, la manchette ne reflète pas du tout l'article. Dans ce cas-ci, la manchette ne reflète pas du tout les représentations que le Barreau a faites.

J'ai le mémoire du Barreau. Pour démontrer que je suis absolument, complètement, non seulement surpris, mais je ne vois pas la relation entre la manchette dans Le Journal du Barreau et la présentation du Barreau, pas du tout, je ne la vois pas, pas du tout, et ça confirme ma perception des médias, et Le Journal du Barreau ne change pas, ça ne change pas... Ce n'est pas parce que c'est Le Journal du Barreau que ce journal...

M. Bégin: S'il cite la bâtonnière, ce n'est pas exact non plus?

M. Ciaccia: Attendez un peu, attendez que je finisse ma présentation. Je pense que dans l'intérieur, vous allez être d'accord avec moi même si vous ne le dites pas. Le Barreau vient nous voir puis nous dit: «La mission fondamentale du Barreau reste la protection du public, et c'est dans l'accomplissement de ce mandat que nous croyons important d'intervenir aujourd'hui pour vous faire part de nos commentaires sur ce sujet.» Un bon commencement. À la page 2, il nous dit: «De l'avis du Barreau, le projet de loi constitue une amélioration importante par rapport au projet de loi 87.» Ah! ils n'ont pas dit: C'est une amélioration importante par rapport à la loi qui existe aujourd'hui. Peut-être que le type qui a écrit ça, ce n'est pas un avocat, le gars qui fait le journal, ce n'est pas un avocat. Il dit: Aïe! amélioration importante au projet de loi 87. Lui, il ne savait pas que 87, ce n'est pas la loi existante, c'est le projet que vous aviez déjà présenté et qui n'avait pas de bon sens.

Une voix: C'était le brouillon du ministre.

M. Ciaccia: Alors, je dis: Aïe! salut la réforme. Quelqu'un qui n'est pas avocat puis qui ne sait pas la différence entre la loi 87 puis la loi actuelle, il pourrait faire une manchette de cette façon, mais le Barreau vous le dit: L'amélioration, c'est par rapport à la loi 87, qui n'a jamais été la loi, qui était un projet de loi qui n'avait pas de bon sens, qui était absolument contre les intérêts de tout le monde. Alors, c'est une amélioration. Ils ont voulu être diplomates. Il est gentil, le Barreau, de vous dire ça. Mais c'est exact, c'est une amélioration de ce que vous aviez présenté.

Alors, continuons ce que le Barreau vous dit. Là, il vous dit: Il y a des difficultés considérables dans l'administration quotidienne de la justice dans certains articles que vous avez faits – ça, c'est à la page 3 – des difficultés considérables. Est-ce que c'est cohérent avec «Le Barreau salue la réforme proposée»? Des difficultés considérables. Puis celui qui a écrit Le Journal du Barreau , je ne sais pas son background, d'où il vient, mais il a fait la manchette. Sûrement que celui qui a fait la manchette n'a pas lu, n'était pas ici quand le Barreau a fait sa présentation et n'a pas lu le mémoire du Barreau, parce qu'il vous dit: Il y a des difficultés considérables. Puis, ça, c'est aux questions des infractions criminelles ou pénales, et on en a discuté, on a porté à votre attention ces difficultés considérables. On a même fait des propositions d'amélioration du projet de loi que vous avez refusées systématiquement.

Continuons ce que le Barreau nous dit. À la page 4, le Barreau du Québec déplore cette coupure de service. Je ne veux pas lire tout le mémoire: Déplore la coupure de ce service. Est-ce que c'est cohérent et consistant avec la manchette, dans Le Journal du Barreau : «Le Barreau salue la réforme proposée»? Et, remarquez bien, M. le Président, moi, je suis membre du Barreau. Alors, j'ai le droit de questionner ce que le journaliste, ici, dit, parce que ça ne représente pas mes vues comme membre du Barreau. Pas du tout. Si je n'étais pas membre du Barreau, peut-être que je pourrais avoir des intérêts, je suis un laïc, je n'aime pas les avocats, je n'aime pas le Barreau. Non, non, non, je suis membre du Barreau depuis 1959.

Une voix: Est-ce que tu aimes les avocats?

M. Ciaccia: Depuis 1959. Alors, je n'ai pas de raison d'être contre le Barreau, mais je peux voir certains problèmes. Peut-être que le Barreau va essayer d'améliorer la qualité des reportages dans Le Journal du Barreau pour que ça reflète au moins ce qu'ils ont dit ici. Si ça reflétait ce qu'ils ont dit ici, moi, je n'aurais aucune critique, mais la critique que je fais, c'est que, quand je lis ça, je ne vois pas du tout la relation entre ça et la présentation qu'ils vous ont faite. Ils sont allés encore plus loin, parce que, écoutez, quand on vous a dit, au début, je vous avais cité, que c'était une amélioration importante sur le projet de loi 87, ça, c'était une réalité, puis ceux qui ont fait la présentation étaient assez réalistes. Ils sont allés plus loin; l'article, ici, dans Le Journal du Barreau , ne le reflète pas. À la page 4, il dit: Contrairement à la loi actuelle – en voulant dire que ce n'est pas mieux, que c'est contraire à la loi actuelle – le nouveau projet procède par règlement pour l'identification des lois offrant des prestations d'indemnité en vertu desquelles une personne peut être assistée devant une autorité exerçant une responsabilité administrative.

(21 h 50)

Ils ont critiqué sévèrement cet aspect du projet de loi, parce qu'ils disent: La législation par réglementation, c'est une exception, devrait être une exception, ça ne devrait pas être une délégation des pouvoirs du législatif à l'exécutif. Alors, ils l'ont critiqué sévèrement. Je ne vois pas ça dans l'article, ici. Mais, vous savez, les journalistes, il y a ceux qui sont plus expérimentés, moins expérimentés, il y a ceux qui.. Tu sais, peut-être que, je ne sais pas... Celui qui a écrit cet article-là, ce n'est certainement pas le même qui a fait la manchette, et la manchette ne reflète pas du tout les représentations que le Barreau a faites.

M. le Président, tout ça pour vous dire qu'il y a des problèmes sérieux. En plus de ça, le Barreau vous dit, à la page 7: «Nous ne croyons pas que le projet de loi devrait être adopté dans sa forme actuelle». J'essaie de voir la cohérence entre cette déclaration, cette affirmation dans la présentation du Barreau, et la manchette qui dit: «Le Barreau salue la réforme proposée». Vous allez admettre avec moi, M. le Président, qu'il y a une certaine incohérence. Sûrement que celui qui a écrit l'article n'était pas présent ici quand le Barreau a fait sa présentation, parce que lire ceci, puis lire l'article, puis lire la présentation du Barreau, ce sont deux différents mémoires, deux différentes opinions, deux différents faits. Et le Barreau est allé encore plus loin, plus loin que dire: «Nous ne croyons pas que le projet de loi devrait être adopté dans sa forme actuelle». Ils disent: «Nous espérons que les commentaires que nous avons apportés aujourd'hui, ainsi que ceux qui vous seront soumis par les membres de la Coalition qui défileront devant vous...» Ça, c'est assez grave, parce que les membres de la Coalition ont critiqué sévèrement le projet de loi et le Barreau s'est associé à ces membres qui ont critiqué le projet de loi. De vouloir nous faire croire que le Barreau salue la réforme proposée, moi, si j'étais le bâtonnier, je ne dis pas que je congédierais celui qui a écrit l'article, mais je le cautionnerais sévèrement, de dire: Écoutez, ça ne reflète pas du tout ce que le Barreau est venu nous dire. Ils se sont associés, ils ont signé un communiqué de presse qui a déploré, qui a critiqué, qui s'est dissocié du projet de loi, et le Barreau a dit: Nous aussi, nous nous dissocions de ce projet de loi là. Ils se sont joints à tous ceux qui ont demandé le retrait, parce que c'était inacceptable, du présent projet de loi.

Vous savez, quand Le Journal du Barreau dit: «Le Barreau salue la réforme proposée», je sais que, M. le Président, vous ne pouvez pas vous prononcer parce que vous devez être objectif et que vous présidez cette séance, cette commission parlementaire, mais, dans votre for intérieur, vous le savez, cette manchette-là, ça frise le ridicule, ça frise le ridicule, à moins que le Barreau, ceux qui ont fait la présentation, ne disent: Non, non, nous retirons complètement ce que nous avons dit; ce n'est pas vrai, ce que nous avons dit, on ne s'associe pas à la Coalition, on ne vous dit pas que le projet de loi ne devrait pas être adopté dans sa forme actuelle. Moi, j'ai de la difficulté à voir le lien, à voir la relation, à voir comment cet article reflète la réalité de la présentation du Barreau.

Le ministre nous a dit aussi que nous n'avions pas apporté d'amendements positifs. Je regrette, mais nous en avons apporté. Et ce n'étaient pas tous des amendements pour retarder l'acceptation du projet de loi, pas du tout. C'étaient des amendements comme celui-ci, pour clarifier, pour rendre plus clair, pour déterminer exactement ce que c'est, quelle est l'intention du ministre, du gouvernement. C'est parce que, quand vous créez de l'ambiguïté dans un projet de loi, ça ne peut pas travailler en faveur de ceux qui ont droit à l'aide juridique. L'ambiguïté va créer des problèmes. L'ambiguïté va donner le pouvoir à ceux qui prennent les décisions d'être arbitraires, d'être discrétionnaires et arbitraires. Je suis persuadé que ce n'est pas l'intention, j'espère, du ministre de créer la confusion dans son projet de loi, de créer des situations qui pourraient être interprétées arbitrairement contre ceux qui ont droit à l'aide juridique, parce que ceux qui y ont droit sont très restreints présentement. Ils sont restreints et les conditions et les cas dans lesquels ils peuvent obtenir l'aide juridique ont été très restreints et quantifiés. Même, plus que ça, par le pouvoir de réglementation, le ministre se donne le droit, plus tard, d'enlever ou de réduire encore plus le droit à certaines formes d'aide juridique.

Alors, M. le Président, pour revenir à l'amendement, je ne vois pas vraiment...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député, je m'excuse, vous avez épuisé...

Une voix: Ne vous excusez pas. Vous avez le droit.

M. Ciaccia: Mon 20 minutes?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...votre 20 minutes complètement.

M. Ciaccia: Le temps passe vite.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Eh oui!

M. Ciaccia: Voyez combien ça passe vite, le temps.

M. Boulerice: Tempus fugit...

Une voix: Très vite.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très vite. J'étais suspendu...

M. Ciaccia: Vous voyez, c'est parce que c'était...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...à vos lèvres, monsieur.

M. Ciaccia: Oui, oui, j'accepte... Écoutez, je me... Mais c'était...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Bégin: Non.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va?

Une voix: Le temps d'une chicane, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'ai comme senti ça, M. le...

M. Bégin: Nécessairement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...député de Mont-Royal.

M. Boulerice: Vous n'avez pas le coeur à l'ouvrage.

Une voix: Il n'y avait pas beaucoup d'articles de traités.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que...

M. Bégin: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, est-ce que...

M. Ciaccia: ...je pourrais...

M. Bégin: Bon conseil. Bon conseil.

M. Ciaccia: Question de directive: Est-ce qu'il y a le quorum à...

M. Boulerice: Absolument, absolument. Comptez.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais vous demander de vérifier si on a le quorum...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons suspendre.

M. Ciaccia: ...à la commission parlementaire?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons suspendre pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 58)

(Reprise à 22 h 6)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a une autre intervention sur l'amendement? M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...vous avez épuisé votre temps de parole sur l'amendement.

M. Mulcair: Mais, comme le ministre l'a dit lui-même tantôt, que l'article, il fallait lire le mot «éventuellement» là-dedans; en prenant de mon temps sur le principal, on peut vider, donc, cette première modification et on reviendra après.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Il reste combien de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste près de quatre minutes.

M. Bordeleau: Parfait, M. le Président.

M. Bégin: ...

M. Bordeleau: C'est ça, exactement, une dernière tentative. Alors, je pense que tout à l'heure le député de Mont-Royal, dans sa présentation, a surtout attiré l'attention sur la question du Barreau parce que le ministre y avait fait référence, sur le fait que le Barreau appuyait la réforme, et je pense qu'il a démontré très clairement que le titre comme tel, sur lequel s'appuyait le ministre, ne correspondait pas du tout au contenu des représentations qui nous ont été faites il y a quelques jours de la part du Barreau.

Alors, ceci étant dit, je ne reviendrai pas sur ce point-là. Je pense que le... Malheureusement pour le ministre, je ne pense pas que l'approbation du projet... C'est sûrement celle qu'il souhaiterait avoir, mais, malheureusement, ce n'est pas celle-là qu'il a présentement. Le titre, je sais, mais il faut lire les lignes, il faut comprendre le contexte et il faut écouter, surtout. Il faut écouter et comprendre ce que les gens disent ici, à la commission, quand ils viennent faire des représentations. Parce que, si vous aviez bien compris le sens des représentations, je pense que vous n'auriez pas tiré, M. le ministre, la conclusion que vous avez tirée, basée sur simplement un titre. Un politicien d'expérience comme vous sait sûrement qu'il faut se méfier des titres. Il faut se méfier des titres parce que...

Donc, je reviens, M. le Président, à la motion que j'ai présentée tout à l'heure. En fait, je veux attirer encore l'attention du ministre sur le fait qu'on est en train de créer une restriction parce que la personne devra démontrer que sa cause est devant le tribunal, ou sera, avec un élément de certitude... que sa cause sera éventuellement, avec un élément de certitude, devant les tribunaux. Et ce n'est pas le sens, je pense, que le ministre veut donner, et ce n'est sûrement pas le sens que, nous, on veut donner et que la Coalition également voulait voir inscrire dans le projet de loi n° 20, quand on regarde la similitude qui existe entre le projet de loi 87, auquel ils ont réagi, et le projet de loi n° 20. Les gens avaient attiré l'attention du ministre il y a un an sur cet élément-là et souhaitaient qu'effectivement le ministre en tienne compte. Mais, comme de nombreuses autres représentations, le ministre n'en a pas tenu compte. Et on se retrouve exactement avec la même formulation. Donc, si on a la même formulation, on a encore les mêmes réserves que celles qui ont été exprimées il y a une année par la Coalition, qui représente, encore là, plusieurs milliers d'individus qui sont des consommateurs de l'aide juridique – des consommateurs défavorisés, il faut bien s'en rendre compte – et aussi des spécialistes du droit qui ont eu à analyser l'esprit du projet de loi 87 et du projet de loi n° 20.

(22 h 10)

Alors, M. le Président, je pense qu'on devrait, là, compte tenu de toutes les autres restrictions qu'on a apportées aux différents alinéas de l'article 4... je référais au 4.1, 4.3, 4.4, 4.6, on devrait faire attention pour ne pas aller en mettre une autre. Et, tout simplement, ce que je demande, c'est: respectons l'esprit que le ministre a utilisé au niveau de l'interprétation qu'il a donnée ce matin quand on lui a demandé c'est quoi, la signification du «sera». Il l'a très bien expliqué et il l'a expliqué d'une façon qui était plus relative que le degré de certitude qui est attaché à l'utilisation de ce terme-là. Alors, c'est dans cet esprit-là, M. le Président, que j'ai fait la motion d'amendement, de changer «ou sera» par «ou pourrait être», et je pense que ça reflète, en tout cas, l'objectif qu'on veut atteindre, au niveau de l'opposition, pour protéger les droits des citoyens et permettre quand même une accessibilité, bon, avec des balises, c'est évident, mais permettre une accessibilité qui n'est pas trop restrictive aux concitoyens qui sont dans le besoin et qui doivent avoir recours à l'aide juridique.

Alors, je termine sur ça, M. le Président, et je demande tout simplement au ministre d'être conséquent avec son interprétation et de faire en sorte que l'article se lise conformément à la façon dont il l'explique. Et ça sera, comme ça, plus clair pour tout le monde, ça sera plus clair au niveau de la loi, il y aura moins de conflits possibles qui pourront survenir éventuellement quand on utilisera la loi n° 20.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le ministre.

M. Bégin: Je comprends, M. le Président, que ça peut être choquant, après avoir prétendu que le Barreau, leader de la Coalition, était tout à fait opposé à l'aide juridique, ne voulait rien savoir, déchirait son linge sur la place publique, de voir, donc, dis-je, un article dans Le Journal du Barreau qui paraît aujourd'hui mais qui est daté du 15 juin 1996, avec des déclarations de la bâtonnière, avec la photo du nouveau bâtonnier en première page. Et on a un titre comme: «Le Barreau salue la réforme proposée» à l'aide juridique.

M. le Président, j'ai l'impression que ça ne fait pas leur bonheur. C'est sûr, c'est un peu choquant de se faire contredire comme ça.

M. Ciaccia: Mais la photo n'est pas sur cet article-là, M. le Président. Là, un instant! Je ne veux pas interrompre... La photo est sur un autre article.

M. Boulerice: Monsieur, le droit de parole du ministre n'est pas respecté.

M. Bégin: Ce n'est pas bien indiqué...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, messieurs...

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement. Le député de Chomedey et porte-parole de l'opposition officielle s'est plaint qu'on ne respectait pas son droit de parole. Donc, il faut donner l'exemple. Que le député de Mont-Royal respecte le droit de parole du ministre de la Justice, qu'il ne l'interrompe pas. Et, une fois qu'il aura terminé, s'il désire intervenir, dans la distribution des droits de parole, vous êtes équitable, M. le Président.

M. Ciaccia: Je ne pourrai pas intervenir, mon droit de parole a été épuisé, les 20 minutes. Alors, il faut bien que j'interrompe un peu sur certains...

M. Boulerice: Mais, malheureusement, vous n'êtes pas épuisé.

Une voix: Pas encore.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Pour ceux dont les droits de parole sont épuisés, je vous demanderais de bien vouloir respecter le droit de parole des gens.

M. Bégin: Ça va me permettre, M. le Président, de redire, effectivement, que ça doit être choquant de lire une contradiction aussi évidente avec le message qu'ils ont voulu livrer un peu partout, y compris en Chambre, en disant que l'interprétation que je donnais, que le Barreau était favorable à la réforme de l'aide juridique, n'était pas exacte. On en a aujourd'hui une preuve éclatante dans Le Journal du Barreau , distribué à tous les avocats, où on donne... Voyez-vous, le tableau qu'on a derrière nous, les barèmes d'admissibilité, on les retrouve tels quels dans la page 2 du journal, et tout ça, aide juridique, barèmes du volet contributoire. Alors, M. le Président, ça doit être choquant de faire ça.

Mais le Barreau est venu nous voir ici, effectivement, puis il nous a fait des propositions. Et, moi, j'invite les députés de l'opposition à venir voir à la page 5, parce que, là, il y a des propositions concrètes faites par le Barreau. Malheureusement, M. le Président, on ne peut pas y donner suite, ils n'avancent pas. Par exemple, à 4.11, ils proposent que le deuxième élément soit modifié. Il y a des chances de succès. Alors, ça, si on peut se rendre là, on va pouvoir amender parce que, effectivement, M. le Président, je pense que la représentation du Barreau a du sens.

À l'article 30, ils disent: «mérite une clarification quant au sens à donner à la période de 12 mois». Ça adonne bien, j'ai justement une proposition d'amendement à faire pour améliorer cette distinction-là. Voilà comment une critique est positive, M. le Président, et apporte des choses. On trouve, à la page 6, une suggestion de modifier l'article 32.2. Ça adonne bien, M. le Président, j'ai une modification à faire à l'article 32.2 pour tenir compte des remarques qu'à formulées le Barreau. Il y a, en page 6, une modification proposée par le Barreau à l'article 94. Ça adonne bien, M. le Président, je suis d'accord pour faire une modification proposée par le Barreau.

Il me semble que, ça, c'est quelque chose de positif, de constructif, et qui indique, d'ailleurs, encore une fois, que le Barreau est d'accord, mais dans la mesure où on apporte des modifications. Je suis prêt, M. le Président, à les proposer, mais encore faut-il qu'on avance et qu'on ne reste pas sur des amendements qui ne sont que de pure forme et qui n'ont pas l'effet d'améliorer le produit. Alors, je suis désolé pour mes collègues qui se voient contredits comme ça par Le Journal du Barreau , mais que voulez-vous!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que l'amendement proposé à l'article 6, qui se lit ainsi: Le projet de loi n° 20 est modifié par le remplacement, dans le premier alinéa de l'article 4.7, tel qu'introduit par l'article 6 du projet de loi, des mots «ou sera» par «ou pourrait être», est adopté?

M. Mulcair: Vote nominal.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vote nominal. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: En faveur.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Pour l'amendement.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques)?

M. Boulerice: Contre.

Une voix: Saint-Jacques, pas Saint-Jean.

Le Secrétaire: Saint-Jacques, c'est ce que j'ai dit... pour une fois.

M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Contre.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

M. Paré: Contre.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Contre.

Le Secrétaire: L'amendement est rejeté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, l'amendement est rejeté. Nous revenons à l'article 4.7.

M. Mulcair: Oui, merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: On va tenter, peut-être cette fois-ci en empruntant l'expression même utilisée par le ministre, de le convaincre de se donner raison. Le ministre, tantôt, lorsque... C'était un lapsus, mais c'était intéressant, néanmoins, et très révélateur. En lisant le liminaire de 4.7 tantôt, le ministre a dit: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera éventuellement saisi.» Puis on l'a relevé tout de suite, on lui a dit: Mais ce n'est pas ça qui est écrit, c'est l'intention que, nous, on veut mettre là-dedans. Alors, vous l'aurez bien deviné, M. le Président, on va proposer une modification pour donner raison au ministre. Un dernière tentative.

M. Bégin: Enfin, on a une annonce que c'est la dernière tentative.

M. Mulcair: Oui, oui.

M. Bégin: Ça, c'est une promesse. J'espère qu'on va la tenir.

M. Mulcair: C'est un engagement. Puis, contrairement au ministre, quand, moi, je fais...

M. Bégin: On ne peut pas se fier à ça.

M. Boulerice: On ne peut pas se fier aux promesses libérales.

M. Bordeleau: Non, non, mais, si c'est accepté par le ministre, ça va être le dernier. C'est dans ce sens-là qu'il faut le comprendre.

M. Boulerice: D'expérience, une promesse libérale, là, ce n'est jamais réalisé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, l'amendement est recevable.

M. Boulerice: C'est ce qu'ils ne font pas qu'ils font. Ils promettent, mais ils ne font pas.

M. Ciaccia: Ah! C'est irrecevable. Ça, c'est irrecevable. Ça, là, cet amendement-là est irrecevable.

M. Mulcair: It's my amendment you're speaking against?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il est recevable.

M. Mulcair: Non, non. M. le Président, je tenais à rappeler amicalement à mon collègue le ministre de la Justice que, comme c'est malheureusement son habitude, il se félicite quand quelqu'un comme le Barreau lui donne raison, sans se soucier lui-même du fond de son projet de loi. Je tiens à lui faire remarquer également que, comme lui, étant membre du Barreau, j'ai reçu aujourd'hui, moi aussi, ma copie du Journal du Barreau , et, comme mon collègue le député de Mont-Royal l'a dit tantôt, ce dont le ministre se félicitait, en toute première page, en haut de la mention, en bas de la page de la réforme de l'aide juridique, c'est un nouveau programme d'assurance frais juridiques, collaboration Barreau-CSN. Ce qui me donne l'occasion de rappeler amicalement, encore une fois, à mon collègue que j'ai hâte de voir la réaction du Barreau et de la CSN par rapport à la FTQ puis au Conseil du patronat dans le dossier du n° 130.

Mais l'autre affaire dont le ministre a oublié de nous parler, M. le Président, vous voyez, la prochaine page, c'est: «Obligation alimentaire des grands-parents: le Barreau stupéfait de son abolition». Le dépôt par le ministre de la Justice du Québec...

M. Bégin: C'est demain qu'on en parle. Vous allez pouvoir le citer, c'est le fun.

M. Mulcair: Le Barreau stupéfait de son abolition.

M. Bégin: Demain.

M. Mulcair: Et voyez...

M. Bégin: Mais ce n'est pas bon, ça. Pour moi, ce n'est pas le Barreau qui a écrit ça, là. Hein? On a dit ça tantôt, là.

M. Mulcair: Voyez, M. le Président...

M. Bégin: Belle photo, hein?

M. Mulcair: ...en première page, le premier item qui est mentionné, c'est: «"Tant socialement que juridiquement, l'abolition de l'obligation alimentaire des grands-parents prévue par le Code ne peut se justifier", estiment le Barreau ainsi que plusieurs autres organismes.»

(22 h 20)

M. Bégin: Ça va être plaisant. Demain, on va étudier ça.

M. Mulcair: Alors, c'est intéressant.

M. Bégin: Mais vous êtes pour. Vous avez un problème, vous êtes pour.

M. Mulcair: Le ministre a tout à fait raison.

M. Bégin: Ah!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sachant que vous êtes un juriste aguerri, j'aimerais vous rappeler l'article 211, celui de la pertinence.

M. Mulcair: Ah! Mais c'est un des articles les plus importants de notre règlement. Mais le fait que vous me rappeliez la pertinence me permet néanmoins d'expliquer que, tout comme un article d'une loi se lit dans un contexte, une intervention sur un article de loi doit se comprendre dans un contexte. Et le ministre vient justement de le dire: on est d'accord, de notre côté, avec l'abolition de 585. Vous voyez, M. le Président, quand il y a des principes en cause, on ne doit pas se soucier de ce que dit tel ou tel groupe, on doit aller de l'avant en se basant sur des principes.

Mais le ministre a tellement fait d'efforts pour essayer d'avoir cette première page que, malheureusement, il a oublié certains principes. Le Barreau, comme mon collègue de Mont-Royal l'a dit tantôt, le Barreau du Québec a fait une présentation ici, en commission parlementaire, il y a une couple de semaines, où il a notamment décrié l'absence de modifications à l'article 4.5. Il les a demandées. Alors...

M. Bégin: La prochaine fois... Je parle au Barreau... C'est parce qu'il était...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre...

M. Bégin: M. le Président, point d'ordre.

M. Mulcair: Point d'ordre! Ça se voit que c'est un péquiste. Il a tellement l'habitude de ses réunions de péquistes qu'il ne connaît même pas le règlement.

M. Bégin: J'aimerais savoir sur quel article on discute. Sur un vote? Il n'a plus de temps de parole, alors, on parle de quoi, là, M. le Président? Son temps de parole est épuisé, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, je vous rappelle qu'il y a eu le dépôt d'un amendement.

M. Bégin: Qui n'a pas été jugé recevable par vous.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il a été jugé recevable.

M. Bégin: Ah! J'avais compris l'inverse, excusez-moi. J'avais compris «irrecevable».

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Chomedey, vous avez la parole.

M. Mulcair: Je tiens juste à m'assurer que toutes ces interruptions ne comptent pas sur mon temps...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Absolument pas.

M. Mulcair: ...parce que j'en ai pour au moins 20 minutes pour expliquer cet amendement au ministre, M. le Président. C'est recevable, ça a été jugé recevable.

Alors, on va tenter d'expliquer au ministre pourquoi, quand on regarde ces questions-là sur le plan des principes, ce n'est pas seulement l'avis de tel ou tel groupe qui devrait informer sa décision. Ça fait partie de toutes les influences qu'on subit ici, à l'Assemblée nationale; on doit les utiliser pour informer notre décision. Mais ce n'est pas le fait qu'un groupe fait une première page pour ou contre qui, à la fin de la journée, décide tout. Alors, je comprends l'attitude «réjouissive» du ministre et je ne peux pas le blâmer, ça fait un an et demi qu'il se fait «blaster» dans le dossier de l'aide juridique de tous bords, de tous côtés. Il fallait bien qu'il fasse son lit quelque part. Il vient de le faire dans un sens qui va sans doute faire plaisir à de très nombreux avocats, parce qu'il prévoit que les gens qui vont avoir la soi-disant aide juridique Bégin vont avoir l'obligation de casquer jusqu'à 800 $, même s'ils sont au salaire minimum et pas à temps complet. On comprend. Les millions, les millions et les millions que cela représente, ça fait plaisir au ministre. Ce qu'il fait, c'est qu'il prend un petit peu d'argent des contribuables, il met ça dans un pot, il prend beaucoup d'argent de chaque personne qui va soi-disant être admissible à l'aide juridique, il met ça dans le même pot, «shaken, not stirred», comme dirait James Bond, et il redistribue ça parmi les avocats de la province de Québec. C'est normal. Qui peu blâmer le Barreau du Québec? Je serais bâtonnier, je ferais exactement la même page couverture.

M. Bégin: Vous admettez qu'ils sont donc d'accord.

M. Mulcair: Mais le Barreau du Québec a quand même dit qu'ils étaient contre...

M. Bégin: Ah! Enfin un aveu, M. le Président.

M. Mulcair: ...plusieurs éléments du projet de loi, notamment l'absence de couverture correcte en matière pénale, notamment le fait que le projet de loi brime la présomption d'innocence. Et, ça, c'est un point qui a été soulevé aussi par les avocats de la défense de la province de Québec.

Alors, malheureusement pour le ministre, quand on a déjà eu à gérer de la chose publique, comme c'était mon cas avec l'Office des professions du Québec, si j'avais dû m'attarder seulement à ce que voulait Augustin Roy, du temps où j'étais à l'Office des professions du Québec, c'est sûr que l'histoire aurait été écrite différemment. Mais, comme on avait une obligation, aux termes de la loi, de veiller à la protection du public, il y a certaines choses qui se sont passées, et c'était parce qu'on n'avait pas peur des principes et de les appliquer et de soutenir haut et fort que la protection du public passait avant les autres considérations.

Alors, à l'article 4.7 du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, on est en train de proposer un ajout qui donnerait raison au ministre. Ça ferait deux fois dans la même journée, il serait content. Il vient de se donner raison avec l'article en première page du Barreau, même si on sait tous que c'est tempéré par la présentation que le Barreau a faite ici, en commission parlementaire la semaine dernière. Et il faut aussi noter que, là-dedans, on parle de Me Jocelyne Olivier, la bâtonnière sortante, mais que c'est Me Claude Masse, le nouveau bâtonnier, qui est venu ici la semaine dernière pour dire qu'il y avait encore beaucoup de problèmes et que le Barreau, par exemple, déplorait l'article 4.5. Ça, ce n'est pas nous qui l'avons dit, c'est le Barreau. Et le ministre l'a fait adopter, le 4.5, tel que le Barreau le déplorait. Alors, il faut comprendre, quand on entend le ministre se féliciter, qu'il a quand même une manière assez sélective de voir les choses et qu'il ne met pas toujours nécessairement l'ensemble des éléments à la bonne place.

Pour ce qui est de 4.7, que dire de plus que de citer le ministre? Sa propre lecture de 4.7 aurait mis le mot «éventuellement» après le mot «sera». Nous, on propose tout simplement d'ajouter le mot que le ministre pensait être là lorsqu'il l'a lu lui-même, tantôt. Mais, malheureusement pour lui, le mot «éventuellement» ne s'y trouve pas. Alors, on est face à une situation fâcheuse, parce que, par son obstruction systématique à toutes nos modifications, même les plus raisonnables, même les modifications qui visent à donner raison à ses propres dires, le ministre est en train de nous montrer que son but ici n'est pas d'améliorer la législation. Et je ne sais pas quel est son but. Je ne lui donne pas de motifs; si j'étais capable de les deviner, je les donnerais, mais je ne suis pas capable de deviner ce que le ministre vise en refusant même une modification comme celle-ci qui aurait pour effet de bonifier le projet de loi.

M. le Président, je pense qu'un des éléments les plus importants de ce projet de loi, c'est le fait qu'en matière criminelle et pénale on a coupé radicalement la couverture. De très nombreux groupes sont aussi venus déplorer le fait qu'en matière autre que criminelle et pénale la couverture n'était pas suffisante. D'emblée, à l'article 4.7, dès le premier paragraphe, on voit tout de suite un autre problème: la rédaction est défectueuse. On prévoit qu'«en matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera – c'est péremptoire, c'est définitif – saisi, dans l'un ou l'autre des cas suivants».

Comment on peut expliquer au ministre autrement qu'en lui disant que c'est lui qui avait raison tantôt quand il a lu le mot «éventuellement» là-dedans? Le ministre lui-même a ajouté le mot «éventuellement». Les galées vont en faire foi, M. le Président. Il a ajouté le mot «éventuellement» quand il a lu l'article, tantôt. C'est parce que c'est l'intention. Alors, si on est ici pour faire une rédaction qui reflète l'intention du législateur, pourquoi diantre refuse-t-on d'ajouter un mot qui vient clarifier cette même intention? Difficile de comprendre, difficile de suivre. Mais, quoi qu'il en soit, nous, on ferait notre travail d'opposition constructive, de tenter de bonifier le projet de loi, de tenter de faire en sorte que les reproches qui ont été formulés par un tas de groupes trouvent écho dans nos modifications.

Le ministre a dit tantôt, M. le Président, lorsqu'il a péroré longtemps, faisant perdre ainsi beaucoup de temps précieux à cette commission...

M. Boulerice: Ce n'est pas antiparlementaire, ça, également?

M. Mulcair: Bien non!

M. Boulerice: Non?

M. Mulcair: Ce n'est pas parce qu'il y a trop de syllabes et que ça ne fait pas partie de votre vocabulaire, M. le député, que c'est antiparlementaire, voyons donc!

Une voix: C'est juste trois syllabes.

M. Mulcair: Oui, c'était deux de trop.

Enfin, M. le Président, la COPHAN, qui était un des groupes qui étaient venus ici, en commission parlementaire, nous a dit: Enfin, nous vous avons également mentionné qu'il nous semblait aberrant que des femmes ayant des incapacités puissent se retrouver, en tant que victimes de violence conjugale ou d'agression sexuelle, à devoir confronter leur agresseur, puisqu'elles n'auraient pas d'avocat dans le dossier.

M. le Président, le ministre, tantôt, a dit que l'opposition loyale de sa Majesté n'avait présenté aucune modification sérieuse, aucune modification visant à bonifier le projet de loi, et pourtant, à l'article 4.5, M. le Président, on avait bel et bien proposé une modification, puis ma collègue, la députée de La Prairie, l'avait défendue avec acharnement.

Une voix: La Pinière.

M. Mulcair: La Pinière. Elle avait...

Une voix: La Pinière.

M. Mulcair: We were trying to find it.

Elle avait défendu cette modification qui donnait suite à une des demandes les plus pressantes des groupes en question. C'était à l'article 4.5, et le ministre est passé outre. C'est son droit le plus strict, comme parlementaire, de voter contre une modification proposée, M. le Président, mais ce qui n'est pas correct, si on veut dire les choses telles qu'elles se sont passées devant une commission parlementaire, ce n'est absolument pas correct de venir dire qu'il n'y a eu aucune proposition concrète, constructive qui a été faite. Je pense que c'est un exemple que tout le monde peut suivre d'une modification constructive et concrète. Alors, à l'article 4.7 du projet de loi n° 20, on propose d'ajouter le mot «éventuellement» après le mot «sera» afin, justement, de pallier cette carence rédactionnelle qu'on a signalée et qu'on déplore.

(22 h 30)

M. le Président, on parle toujours de l'intention du législateur, c'est même la première chose qu'un juge invoque lorsqu'il est en train de lire un texte de loi. Lorsqu'un juge va arriver pour interpréter le premier alinéa, l'alinéa liminaire de l'article 4.7, il ou elle va dire: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi.»

La personne qui va vouloir se faire représenter par avocat, qui est économiquement... Quel est le terme qu'on a choisi, M. le Président? On ne parle plus de personnes économiquement défavorisées, mais on était rendu avec des personnes...

Une voix: Admissibles financièrement.

M. Mulcair: ...admissibles financièrement à l'aide juridique. Une personne qui, par ailleurs, est admissible financièrement à l'aide juridique va dire: Écoutez, là, j'ai reçu des papiers, j'ai besoin de me défendre, j'ai besoin d'un avocat. On introduit de l'ambiguïté. La disposition est floue. La personne va vouloir plaider: Oui, mais ça serait éventuellement devant les tribunaux. Même le ministre de la Justice du Québec, qui a présenté le projet de loi n° 20, croit que le liminaire de 4.7 dit: Sera éventuellement. Mais il a tort. Ce n'est pas ça qui est écrit dans la partie introductive de 4.7, c'est écrit: Sera saisi. Alors, on est face à une situation très embêtante parce qu'on a l'obligation de tenter de convaincre le ministre de donner suite à sa propre interprétation. Très difficile comme position pour les membres de cette opposition, M. le Président.

Alors, on espère que par cette courte démonstration, mais oh! combien nécessaire, on a réussi à convaincre le ministre de la Justice du Québec de toute la pertinence, voire même la nécessité de pourvoir à la modification du liminaire de 4.7 afin de donner suite à sa propre intention. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Chomedey. M. le ministre.

M. Bégin: Je n'ai pas de réponse à donner à un tel discours.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: M. le Président, je vous remercie.

M. Boulerice: ...

M. Bordeleau: Merci, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Je pense qu'on veut revenir avec... D'abord, mentionner qu'on a été déçus de voir que le ministre n'a pas voulu accepter la proposition d'amendement qu'on a faite tout à l'heure, où on aurait modifié le mot «sera» pour «pourrait», malgré que ce soit là, je pense, l'objectif que visait le ministre quand il nous expliquait le sens de l'article 4.7.

Alors, je mentionnais tout à l'heure que j'aurais sûrement de la misère à comprendre pourquoi le ministre refuserait l'amendement qu'on a proposé, mais ç'a été le cas, et je ne comprends toujours pas pourquoi on explique le sens de l'article 4.7 d'une façon qui correspondait à l'amendement qu'on avait proposé, ce qui est refusé par le ministre.

Alors, on est au même point, pas d'explications précises de la part du ministre si ce n'est, comme je l'ai déjà mentionné, qu'une attitude de vouloir absolument tout... C'est malheureux.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie, je dois malheureusement suspendre...

M. Bordeleau: On va se reprendre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...les travaux compte tenu qu'on est tous appelés en Chambre, à l'Assemblée.

M. Bordeleau: Alors, je reviendrai au début des travaux.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous revenons aussitôt que...

(Suspension de la séance à 22 h 34)

(Reprise à 22 h 59)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de l'Acadie, vous aviez la parole.

M. Bordeleau: Ça va? Alors, M. le Président, au moment où on a été appelés pour un vote à l'Assemblée nationale, j'étais en train de mentionner qu'on avait présenté une motion d'amendement qui visait tout simplement à reformuler tout en respectant exactement l'interprétation que donnait le ministre au terme «sera», qui est au tout début de l'article 4.7.

Alors, malheureusement – et, encore là, je le mentionne – on ne sait pas pourquoi le ministre refuse de traduire dans la loi exactement le sens qu'il donne à l'article. Alors, comme je le mentionnais, on n'a pas eu de réponse et on ne peut pas comprendre pourquoi une telle attitude.

(23 heures)

Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, mon collègue, le député de Chomedey, a fait une autre proposition d'amendement où, cette fois-ci, on ajouterait, après le mot «sera», «éventuellement». Alors, l'article se lirait: «En matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera éventuellement saisi.» Là, j'ose croire que le ministre va accepter. Parce que, tout à l'heure, on a essayé de reformuler son interprétation. Évidemment, on n'a pas respecté les termes exacts qu'il avait utilisés, mais on a essayé de reformuler son interprétation de l'article et on utilisait l'expression «pourrait». Ça a été rejeté. On ne comprend pas pourquoi, mais ça a été rejeté.

Donc, la proposition qui a été faite par le député de Chomedey, c'est essentiellement de prendre exactement la formulation du ministre. Le député de Chomedey mentionnait tout à l'heure que le ministre, à la lecture de l'article, a ajouté le mot «éventuel» après «sera». Et il ne l'a pas fait qu'une fois, M. le Président, il l'a fait deux fois: deux fois, une après l'autre. Il a fait la lecture et, deux fois, il a ajouté le mot «éventuel». Donc, là, c'est exactement les termes du ministre. Alors, je suppose que le ministre va s'empresser d'accepter l'amendement qui a été présenté. C'est exactement, exactement les mêmes termes que ceux qu'il a utilisés.

Je pense que, au niveau de l'objectif, l'objectif est toujours le même: faire attention pour ne pas être trop restrictif. J'ai signalé plus tôt en soirée que c'est au tout début de l'article 4.7 et que ça conditionne l'accessibilité, par la suite, à tous les services qui sont spécifiés dans les différents paragraphes de l'article 4.7. Je pense que c'est ça qu'il ne faut pas perdre de vue. Là, on travaille sur un mot, on essaie de clarifier les expressions qui sont utilisées, mais la réalité, M. le Président, c'est que, si on rend difficilement accessible à cause qu'on utilise un mot qui est un mot très affirmatif «est ou sera saisi», si on se permet, à ce moment-là, de faire en sorte qu'il se peut que le degré de certitude ne soit pas démontré à la satisfaction du directeur régional de l'aide juridique, on refuse l'accès à l'aide juridique.

Ça veut dire, concrètement, qu'on refusera, dans ce cas-là, d'une façon très concrète l'accès à des affaires en matière familiale; on refusera l'accès dans des situations où on parlera d'obligation alimentaire; on refusera l'accès dans le cas qui implique des mineurs, tutelle; dans le cas de la protection de majeurs qui ont des inaptitudes; on refusera, à ce moment-là, l'accès pour les gens qui sont à la protection de la jeunesse; on refusera les situations d'enlèvement international, interprovincial; on refusera l'aide dans un contexte où on porte atteinte à la liberté des individus et on refusera aussi des situations où on porte atteinte à la sécurité physique, sécurité psychologique, aux moyens de subsistance, aux besoins essentiels de la famille. En plus de toute cette énumération-là, on refusera également de l'aide relativement à toute décision administrative d'un ministère ou d'un organisme gouvernemental, et on y a fait référence plus tôt, qui est spécifiée dans le règlement.

Alors, c'est très large, l'implication que ça a, le fait d'obliger la personne qui demande l'aide à démontrer que sa cause est devant un tribunal ou sera avec certitude devant un tribunal.

Alors, les conséquences sont graves, et l'esprit de l'article, ce n'est pas celui qui est traduit dans les mots utilisés. Et, ça, le ministre l'a démontré très clairement à deux reprises, d'une façon précise, en utilisant exactement l'expression qu'on suggère dans l'amendement du député de Chomedey, c'est-à-dire ajouter, après le mot «sera», «éventuellement». C'est exactement les mots que le ministre a... Alors, on est prêts, nous, à se plier à ce désir-là du ministre, de le formuler selon les termes que lui préfère, qu'il a utilisés à deux reprises et de faire un deuil de la proposition qu'on avait amenée d'utiliser l'expression «pourrait». Ce n'était pas l'expression du ministre, on comprend... De toute façon, ça a été battu, c'est de l'histoire passée. Excepté que, là, on est prêts maintenant à utiliser exactement la même terminologie que le ministre.

Je pense qu'au bout de la ligne on visait le même objectif. Quand on regarde dans le dictionnaire ce qu'on entend par «éventuel», «sera éventuellement saisi», on dit: «Qui peut se produire si certaines conditions se trouvent réalisées.» Qui peut se produire si certaines conditions se trouvent réalisées. Alors, on voit très bien que c'est exactement «pourrait»; ça correspond à «pourrait», c'est la même chose: pourrait se réaliser si certaines conditions sont précisées. Alors, on avait fait cette proposition-là tout à l'heure de bonne foi, en pensant que ça répondait exactement aux objectifs du ministre et aux objectifs qu'on poursuivait au niveau de l'accessibilité de l'aide juridique aux personnes en vertu de ce qui est spécifié dans l'article 4.7.

Alors, maintenant, on va accepter la décision qui a été prise tout à l'heure par la commission et on va proposer d'utiliser maintenant exactement les mots, mot à mot, de façon précise, sans aucun changement, que le ministre a utilisés deux fois de suite pour expliquer le sens de l'article 4.7: «Sera éventuellement saisi». Là, on ne peut pas nous dire qu'on veut modifier, changer le sens du projet de loi et que ça ne répond pas à la visée gouvernementale par rapport au projet de loi n° 20, on utilise exactement ses mots.

Je suis convaincu que le ministre va accepter cette modification-là parce que, lui-même, il n'est même pas capable de l'expliquer sans faire référence à l'expression «éventuellement», sans ajouter cette expression-là. Il ne peut pas l'expliquer s'il n'utilise pas ce mot-là pour donner le sens exact. Et il l'a fait à quelques reprises.

Donc, c'est le sens, je pense, de la proposition qui est faite par mon collègue député de Chomedey. J'ose croire que, rendu là, le ministre va être capable de vivre avec les termes qu'il utilise et qu'il va appuyer la proposition d'amendement qu'on a présentée.

Alors, je termine mes commentaires sur ça pour tout de suite.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je dois vous avouer que j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi le ministre s'obstine à ne pas vouloir modifier, changer le mot «sera» en ajoutant «éventuellement», ou quelque autre mot que lui-même pourrait suggérer, quand lui-même, dans son explication, a expliqué que «sera», ça veut dire «à l'avenir», «pourrait». J'ai de la difficulté à comprendre l'obstination du ministre. Ou un projet de loi doit dire ce qu'est l'intention du législateur – dans ce cas-ci, du ministre – ou il ne le dit pas.

Je me demande si le ministre ne veut pas que son projet de loi soit adopté. Je me pose cette question-là. Parce que ce n'est pas un changement radical. Savez-vous combien de temps... Moi, je suis arrivé ici, en retard déjà, vers 9 h 30, il est 11 h 10, si le ministre voulait vraiment que son projet de loi soit adopté, il aurait dû, au début, dire: Oui, oui, vous avez raison, «sera», «pourrait être», ça ne change pas l'intention ni les droits de celui qui va recevoir l'aide. Le ministre s'obstine et nous force, nous, à continuer d'essayer de le convaincre. Quelle est la raison? Ce n'est pas la première fois, M. le Président, que le ministre s'obstine sur une modification qui est seulement vraiment une clarification. Parce que des modifications qui changent le sens d'un article, qui ajoutent des droits, le ministre peut dire: Bien, écoutez, non, on ne va pas donner plus de droits, notre intention, c'est de limiter pour telle ou telle raison. Mais, dans ce cas-ci, ce n'est pas le cas, ça clarifie, ça utilise même les mots du ministre quand il a expliqué la signification de ça.

(23 h 10)

Je me demande si le ministre ne veut pas que le projet de loi soit adopté. Je ne le sais pas. Peut-être que ça peut répondre à... Il peut vouloir blâmer... Écoutez, si lui-même ne veut pas admettre devant tous les intervenants qu'il ne voulait pas du projet de loi... C'est difficile pour le ministre de dire: Non, je le retire. La chose la plus facile pour le ministre, c'est de dire: Écoutez, moi, je le voulais, le projet de loi, c'est l'opposition qui a empêché qu'il soit adopté. C'est une façon élégante pour lui de ne pas reculer et de s'assurer que le projet de loi ne soit pas adopté. Je me pose cette question-là. Peut-être que je me trompe, mais la tactique du ministre... Parce qu'il y a d'autres articles sur lesquels il pourrait dire: Non, ce n'est pas ça qu'on veut. Il y a plusieurs autres articles où on pourrait continuer la discussion, l'examen des différents articles. Mais s'entêter sur un article comme le 4.7... Et, nous, on n'a pas le choix, on n'a pas le choix, parce que c'étaient les représentations qui nous ont été faites par les intervenants qui sont venus ici. Même, je crois, on a pris les paroles du ministre pour... Je veux dire, quand le ministre a dit: Bon, on va changer, on va modifier, alors, nous, on essaie de bonifier, on a essayé, dans d'autres articles... Peut-être que les changements que nous proposions dans certains autres articles amendaient plus, donnaient plus de droits, possiblement, mais, dans ce cas-ci, c'est tellement seulement une clarification que je me demande si le ministre ne veut pas que le projet de loi soit adopté. Il va pouvoir blâmer l'opposition, il va pouvoir dire à celui qui a fait la manchette, ici: Voyez-vous, le Barreau salue, mais l'opposition ne veut pas saluer, ne peut pas accepter le projet de loi. Je ne sais pas, M. le Président, peut-être le ministre peut nous dire vraiment quelles sont ses vraies intentions.

M. Bordeleau: Il commence à avoir des doutes sur son projet, je pense.

M. Ciaccia: Est-ce que c'est possible que lui-même ait des doutes sur son projet de loi? Il ne peut pas l'admettre parce que c'est difficile. Il y en a plusieurs qui ont été à la place du ministre, puis, des fois, les arguments qui sont présentés par l'opposition, qui sont des arguments vraiment valables, ça serait facile de les accepter, mais, des fois, pour une raison ou une autre, on ne veut pas admettre. On ne lui demande pas d'admettre et de retirer son projet de loi. Ce n'est pas ça qu'on lui demande. On lui demande de clarifier le mot «sera». Ce n'est pas comme la chanson «Que Sera Sera», sans que personne sache «Que Sera Sera», on veut dire: Qu'est-ce que «sera»? Ce n'est pas un chant italien, 4.7, on veut clarifier 4.7, «éventuellement», et on a donné l'exemple qu'on vient de voir. On a pratiqué, il y a ceux autour de la table qui ont pratiqué et continuent de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si ce n'était, M. le député de Mont-Royal, de la règle de la pertinence, je vous demanderais de le chanter.

M. Ciaccia: Ce ne serait pas la première fois que je chanterais à l'Assemblée nationale, M. le Président, je dois vous admettre. Le ministre de l'Agriculture, M. Garon, quand j'étais dans l'opposition la première fois, avait présenté un projet de loi sur la restauration. Il était une heure du matin en fin de session et, là, il fallait intervenir, et ce n'était pas ma spécialité, l'agriculture et la restauration, donner un ordre pour ceux que le ministre considérait avoir fait une contribution. Alors, à ce moment-là, j'avais indiqué au ministre que, l'année précédente, le premier ministre, M. Lévesque, était allé à Paris, puis quand il était descendu de l'avion, la garde nationale chantait l'hymne national de la France. J'avais peut-être suggéré que, quand le ministre de l'Agriculture irait à Paris, la prochaine fois, suite à son projet de loi sur la restauration, les restaurants, la garde nationale lui chanterait: J'aime le jambon et la saucisse. Alors, même le ministre avait trouvé ça drôle.

Mais ce n'est pas drôle, on essaie de bonifier. Franchement, «est ou sera éventuellement», on sait tous autour de la table que le fait d'envoyer une mise en demeure, ça ne veut pas dire qu'un tribunal sera saisi nécessairement; il pourrait être saisi éventuellement. C'est juste pour clarifier et donner effet à la volonté du ministre. Si le ministre ne veut pas accepter aucune clarification sur cet aspect de 4.7, on peut se poser des questions. Peut-être que le ministre peut nous indiquer pourquoi il persiste à s'obstiner, parce que les mots, les droits d'auteur, et tout le reste, on peut bonifier, on peut changer. Alors, on pourrait bien lui demander quelles sont les raisons, à part de ne pas vouloir accéder aux demandes de l'opposition. Puis ce n'est même pas les demandes de l'opposition, ce sont les demandes qui ont été faites par ceux qui se sont présentés devant la commission; on est seulement leur porte-parole. On essaie d'interpréter et de porter à l'attention du ministre les représentations qui ont été faites par ceux qui ont fait des représentations et des soumissions devant la commission.

Alors, peut-être que le ministre pourrait nous indiquer pourquoi il persiste – ça fait deux heures qu'on est sur cet article-là – à refuser toute clarification. Ce n'est même pas un amendement, c'est une clarification de l'article, un amendement change la portée de l'article. Ce qu'on fait, nous, on clarifie les mots de l'article; on les clarifie dans le sens que le ministre lui-même a indiqué. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Comme vient de le démontrer si éloquemment mon collègue le député de Mont-Royal, le ministre devrait vraiment écouter notre suggestion de modifier le paragraphe introductif de l'article 4.7 pour tenir compte de son propre souhait et de sa propre compréhension de l'article. Il est inconcevable pour nous que l'article demeure comme ça, parce que, déjà, la liste qui est prévue à l'article 4.7 est trop limitative, elle ne prévoit pas l'ensemble des exemples de causes en matière de droit social qui devraient être couvertes, d'après les très nombreux groupes qui sont venus ici, en commission parlementaire. Pour notre part, on tente au moins d'éliminer une autre source d'incertitude et une autre source de discrétion possible.

Dans la partie introductive du paragraphe, on dit qu'il est nécessaire que l'affaire soit devant un tribunal, donc qu'un tribunal en soit saisi, ou on précise qu'il en soit saisi ou qu'il en sera saisi. C'est trop définitif, à notre point de vue, c'est trop péremptoire, c'est trop contraignant, et ce, de beaucoup. Donc, on aurait souhaité que le ministre utilise la phraséologie qu'il a lui-même lue dans l'article, malgré son absence, lorsqu'il l'a lue tantôt. Il nous a dit qu'il faut lire: «Est ou sera éventuellement saisi». Mais ce n'est pas ça qui est écrit là, M. le Président, et on a de la difficulté à comprendre pourquoi le ministre fait cette obstruction systématique à une modification qui vise tout simplement à faire dire à l'article ce que lui-même pense que ça dit mais que ça ne dit pas. Mais, qu'est-ce que vous voulez, M. le Président, «You can lead a horse to water but you can't make him drink». Alors, on a donné une excellente suggestion à notre collègue le ministre de la Justice, on a tenté de lui faire voir raison.

(23 h 20)

Dans le but d'accélérer les travaux de cette commission, malgré le fait qu'on dispose encore d'un certain temps pour plaider son adoption, nous espérons que, éventuellement, on aura fait du chemin avec le ministre et que lui et ses collègues vont voter en faveur de notre modification telle que proposée.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Chomedey. Oui, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Je voudrais juste faire une dernière remarque sur l'amendement. Tout à l'heure, on a fait référence au fait que c'est une demande qui a été faite par des gens qui ont fait des représentations. Je veux juste rappeler la représentation qui a été faite par la Coalition. Ce que j'ai essayé de faire ressortir tout à l'heure, c'est l'effet qu'aura la décision de garder «sera» et de ne pas inclure «éventuellement», qui est plus restrictif, comme on en a discuté abondamment.

Alors, l'effet de restreindre, ça a un impact direct sur l'accessibilité à tous les services qui sont offerts dans le cadre de l'article 7. Je veux tout simplement, pour terminer sur ça, rappeler au ministre que la Coalition mentionnait que le fait de ne pas changer le terme «sera» par le terme qu'on propose, nous, actuellement, ça a pour conséquence que l'on confirme l'évacuation du champ, la couverture des consultations et des représentations devant des instances autres que judiciaires ou quasi judiciaires. Parce que, dans ces cas-là, autres que judiciaires ou quasi judiciaires, c'est très difficile de s'assurer que la cause sera éventuellement, avec certitude, amenée devant un tribunal. Alors, dans ce contexte-là, le directeur général pourrait dire: Bien, vous ne m'avez pas fait la démonstration que la cause est, parce qu'elle n'est pas devant un tribunal, et vous ne m'avez pas fait non plus la démonstration qu'elle sera amenée devant un tribunal. À ce moment-là, avec un degré de certitude qu'implique le fait d'utiliser le terme «sera». Donc, à ce moment-là, on va refuser l'aide juridique, et ça a des conséquences quand même relativement grandes. Ce n'est pas nous, là, qui inventons ce risque-là, ça a été mentionné par la Coalition. Alors, encore une fois, on utilise exactement les termes que le ministre nous a présentés. Donc, je suppose que le ministre va sûrement nous dire qu'il est d'accord avec ce qu'il a dit et qu'il va l'accepter.

On peut toujours prétendre, au niveau de l'interprétation, que ça s'interprète de la façon dont l'a fait le ministre, mais il n'y a rien de plus clair que de dire clairement ce qu'on veut dire. Et quand le ministre le fait à quelques reprises, bien, pourquoi ne pas le traduire directement dans la loi? Comme ça, il n'y aura pas de mauvaises surprises pour les gens qui auront à interpréter la loi et surtout pour ceux qui auront à se servir de la Loi sur l'aide juridique.

Alors, je termine sur ces remarques-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, est-ce que l'amendement ainsi formulé: Le projet de loi n° 20 est modifié par l'insertion, au premier alinéa de l'article 4.7, tel qu'introduit par l'article 6 du projet de loi n° 20, après le mot «sera», du mot «éventuellement» est adopté?

M. Mulcair: Vote nominal.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Mulcair (Chomedey)?

M. Mulcair: Pour.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?

M. Bordeleau: Pour.

Le Secrétaire: M. Bégin (Louis-Hébert)?

M. Bégin: Contre.

Le Secrétaire: Mme Robert (Deux-Montagnes)?

Mme Robert: Contre.

Le Secrétaire: M. Beaulne (Marguerite-D'Youville)?

M. Beaulne: Contre.

Le Secrétaire: M. Paré (Lotbinière)?

M. Paré: Contre.

Le Secrétaire: M. Facal (Fabre)?

M. Facal: Contre.

Le Secrétaire: M. Landry (Bonaventure)?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Contre. L'amendement est donc rejeté.

Alors, nous revenons à l'article 4.7. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Alors, comme on a mentionné tantôt, l'article 4.7 renferme une énumération, à notre sens, assez restrictive des domaines dans lesquels une personne aurait le droit à l'aide juridique dans une matière autre que criminelle ou pénale. Donc, afin de rencontrer les demandes de très nombreux groupes et parce qu'on croit que c'est une bonne idée également, on aimerait proposer un article... C'était notre dernier sur la partie liminaire de l'article 4.7. Oui. Vous pourrez relire les transcriptions, M. le ministre. Maintenant, on est rendu à l'article 8.1. Vous qui dites toujours que les modifications ne sont pas suffisamment substantielles, on va revenir.

Mais, à l'article, on propose, M. le Président, que le projet de loi soit modifié par l'ajout, à l'article 4.7 qui est introduit par l'article 6 du projet de loi, du paragraphe suivant: 8.1° Lorsqu'il s'agit d'une affaire en matière de droit du logement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est effectivement recevable.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, tout comme on a offert tout à l'heure amicalement à notre collègue le ministre de la Justice la chance, l'opportunité, l'occasion d'être cohérent avec sa propre interprétation du paragraphe liminaire de l'article 4.7, bien, voici que, par générosité d'esprit, mais surtout par esprit d'équipe de parlementaires, on offre à nouveau une occasion en or à notre collègue le ministre de la Justice d'être cohérent, mais, cette fois-ci, avec lui-même.

Le ministre de la Justice a présenté le projet de loi n° 7 qui porte réforme notamment du Code de procédure civile pour introduire une manière allégée de procéder avec les causes d'une valeur de moins de 50 000 $. Vers la fin de ce projet de loi là, il y avait un autre chapitre qui traitait plus particulièrement de la Régie du logement. On l'avait dit en Chambre, ainsi que notre collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce l'avait dit en Chambre, et on l'avait redit en commission parlementaire, qu'on était un peu tirés avec le projet de loi n° 7 parce que, malgré le fait qu'on avait assuré et accordé toute notre collaboration au ministre pour l'adoption du projet de loi n° 7 – c'est vous qui présidiez ce jour-là, si je ne me trompe pas, M. le Président – on a réussi à passer à travers 70 articles, dans ce projet de loi là, dans le cadre d'une journée bien remplie, avec l'excellente collaboration d'une représentante du Barreau, parce que c'était un projet de loi qui allait de l'intérêt du public.

Mais je me souviens que, vers la fin, dans la dernière heure, quand on est arrivés à ces dispositions qui traitaient de la Régie du logement, on avait exprimé notre regret que ça n'ait pas fait l'objet d'une analyse séparée, même d'un autre projet de loi. Vous aviez souligné, si je me souviens bien, avec justesse: Oui, mais, le moment, c'était en Chambre, là, où vous auriez pu présenter une motion pour scinder la législation: on est là, la loi est là. Et vous aviez entièrement raison. Mais, aussi, ça ne nous empêchait pas d'exprimer notre regret, parce que ça introduisait vraiment une autre idée. Là, tout d'un coup, on passait du Code de procédure civile, avec tout ce nouveau chapitre qui traite vraiment d'une manière assez hermétique et complète d'une nouvelle procédure pour faciliter les affaires de moins de 50 000 $, de les rendre plus efficaces, que le processus soit plus accéléré, mais, là, tout d'un coup, oup! on avait une partie qui traitait de la Régie du logement, qui avait pour but une chose, c'était de faire en sorte que ce qui était auparavant un appel de plein droit était devenu un appel sur permission. Donc, il faut déjà prouver sa cause. Alors, le ministre a dit que, selon lui, c'était peut-être une source de problèmes, justement, que ce soit un appel de plein droit. Puis on lui avait parlé du lien qu'il y voyait potentiellement entre ça et l'aide juridique. C'était assez évasif, on n'était pas encore saisis du projet de loi n° 20. Mais, maintenant qu'on est saisis du projet de loi n° 20 et qu'on sait qu'on exclut l'aide juridique en matière de logement, sauf dans un seul cas, le cas d'éviction de ces lieux loués, on tente, de notre côté, de donner suite à une suggestion qui nous a été formulée par de très nombreux groupes d'accorder le droit d'aide juridique dans les cas de droit du logement.

(23 h 30)

Je vous avoue, M. le Président, que, tout comme on a voté pour le projet de loi n° 7 qui comportait cette modification-là, je pense que le ministre a une occasion en or, ici, d'être cohérent dans la législation qu'il présente et défend devant l'Assemblée nationale. Parce que, si son but, tel qu'il l'a avoué en commission parlementaire sur le projet de loi n° 7, était de restreindre les cas d'appel en matière de Régie du logement aux seuls cas où on aura réussi à démontrer que ce n'était pas frivole, vexatoire, inutile, ce n'était pas juste une manière d'éviter que justice soit rendue, mais qu'on avait réussi à démontrer une vraisemblance du droit et qu'on s'était fait accorder son droit d'appel sur... Parce qu'il faut le faire, M. le Président, si on dit que c'est sur permission d'appeler, il faut, à un moment donné, prouver pourquoi tu devrais avoir le droit d'appeler. Alors, le ministre nous a convaincus en commission parlementaire de changer la Loi sur la Régie du logement de cette manière-là, et nous voilà devant un projet de loi qui peut être bonifié par l'ajout de ça. Parce que je pense que le ministre aurait raison d'être craintif de continuer à fournir de l'aide juridique dans tous et chacun des cas, si on était encore face à un droit d'appel illimité, sans être obligé de faire la moindre preuve en matière de Régie du logement. Je comprends sa crainte, je comprends sa préoccupation. Mais on n'est plus là, et c'est à cause d'une intervention que lui-même a faite à l'Assemblée nationale. C'est lui qui a introduit ce projet de loi là, c'est lui qui a fait ça.

Alors, j'ai du mal à m'expliquer pourquoi le ministre est arrivé avec le projet de loi n° 20 puis qu'il a évacué tout le droit du logement, surtout qu'il venait lui-même d'effectuer une certaine épuration, tout comme il l'a fait avec le projet de loi n° 130. Lorsqu'il a enlevé beaucoup de paliers d'appel et de révision, ça a eu pour effet de réduire le nombre de cas où on pourrait demander l'aide juridique. Alors, il veut la ceinture et les bretelles. Il veut empêcher qu'il y ait des appels et des causes inutiles, et vexatoires, et à répétition, mais, de la même manière, une fois qu'on aurait restreint et réduit le nombre de cas dans lesquels on va pouvoir avoir le recours à l'aide juridique, il vient priver à nouveau. On a du mal à comprendre.

Alors, on suggère au ministre de la Justice d'ajouter un article 8.1° qui va prévoir qu'en matière de droit du logement, du droit au logement, les plus démunis de notre société, c'est-à-dire les gens qui sont financièrement admissibles à l'aide juridique, vont pouvoir, avec ou sans contribution, compter sur l'aide d'un avocat, parce que ces causes-là sont souvent fort compliquées. Et on aurait souhaité, même si on devait s'inscrire dans la logique du ministre d'enlever l'appel de plein droit, bien, que lui s'inscrive dans la logique des groupes communautaires qui disent: Il y a déjà moins de droits. Il faut déjà prouver que l'appel a un intérêt juridique, que c'est valable, que ce n'est pas frivole.

Alors, ceci étant le cas, il faut faire quelque chose pour ces gens-là qui sont aux prises avec une difficulté qui concerne une des nécessités de la vie; c'est son logement, son gîte, son abri, c'est une des choses fondamentales que l'on fournit dans la société. Bien, une fois que ce droit est en cause, et avec les nouvelles restrictions que le ministre vient d'introduire avec le projet de loi n° 7, de notre côté de la Chambre, on dit: Bien, pourquoi ne pas accorder un avocat quand quelqu'un est en train, justement, d'avoir un problème, est aux prises avec un problème concernant son logement et ses droits à cet égard-là? On trouve que le ministre frappe deux fois sur les plus démunis avec son projet de loi. Et ça, notre modification est une modification substantielle qui vise à temporiser le tort que le projet de loi n° 20 est en train de faire dans le domaine du logement, qui est un droit, à notre sens, social.

Alors, pour cette première partie de mon intervention, M. le Président, je vais terminer pour l'instant parce que je sais que certains de mes autres collègues ont aussi des choses à dire là-dessus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: M. le Président, tout simplement quelques remarques, là, pour supporter l'amendement proposé par mon collègue le député de Chomedey qui suggère d'intégrer à 8.1° de l'article 4.7: «Lorsqu'il s'agit d'une affaire en matière de droit du logement».

On fait souvent référence, M. le Président, à certains droits qui existent pour les individus. On parle, par exemple, du droit au logement, du droit au travail. Ce matin, mon collègue le député de Jacques-Cartier avait déjà abordé cette question-là, la question du logement. Si on dit que c'est un droit, le logement, dans une société comme la nôtre, que les individus ont droit au logement, je pense qu'il faut être conséquent et permettre que des personnes qui n'ont pas les moyens financiers pour assurer leur défense devant les tribunaux puissent avoir recours à l'aide juridique dans le cas de ce type de droit, comme on le fait pour les autres objets qui sont couverts dans le projet de loi n° 20. Alors, on parle d'un droit, mais ça perd son sens, effectivement, si on ne retrouve pas la reconnaissance de ce droit-là dans la réalité, dans les gestes concrets que pose le législateur. C'est un peu la situation dans laquelle on est quand on fait référence à la question du droit du logement.

Ce matin, le député de Jacques-Cartier mentionnait la question du droit au logement. Il faisait référence à un des problèmes qu'on observe, la question de la salubrité. Vous savez, il faut peut-être, en tout cas, être député dans une ville comme Montréal pour s'apercevoir qu'il y a des secteurs où c'est réellement déplorable, la situation. Il y a des individus qui vivent là-dedans, puis les individus ont au moins le droit de vivre dans un logement qui est décent. Souvent, les individus qui vivent dans ces logements-là, M. le Président, c'est des gens qui sont démunis financièrement, alors, qui n'ont évidemment pas de moyens de se défendre et de se payer des avocats, et c'est par le biais de l'aide juridique qu'ils pouvaient défendre leur intégrité, un certain respect qui est dû à tout individu de vivre dans des conditions acceptables. Je ne dis pas des conditions exceptionnelles, des conditions tout simplement acceptables.

Alors, là, tel que le projet de loi n° 20 est formulé, ça élimine cette possibilité-là. Les gens ne peuvent pas... Il y a une seule chose qu'on nous a dit qui pouvait être couverte en vertu de 4.7.9°, c'est, je vais en faire lecture: «Lorsqu'il s'agit de toute autre affaire, si cette affaire met en cause ou mettra vraisemblablement en cause soit la sécurité physique ou psychologique d'une personne, soit ses moyens de subsistance, soit ses besoins essentiels et ceux de sa famille.» Évidemment, ce n'est pas clairement explicité, on peut supposer que ça concerne un peu la question du logement, mais en termes d'éviction. Là, si on dit à une personne: On vous met à la porte, vous n'avez plus de logement, bien, je pense que cet article-là pourra possiblement servir.

Mais, quand il s'agit d'une question de salubrité, qu'il s'agit d'une question d'augmentation de loyer... Et, dans ces cas-là, vous savez, une augmentation de loyer, pour des personnes qui ont des revenus très faibles, ça n'a pas le même impact que pour une personne qui a des revenus plus élevés. C'est beaucoup difficile à absorber et ça peut vouloir dire que l'argent qu'on devra consacrer éventuellement à une augmentation, bien, c'est de l'argent en moins qu'on pourra mettre sur la nourriture pour les membres de la famille, ce qui est déjà souvent minimal. On ne fait pas de la fabulation ou de l'imagination en faisant référence à ces cas-là. Dans un très grand nombre de comtés de Montréal, et j'en ai dans mon comté, dans le comté de l'Acadie, il y a des coins du comté où des propriétaires ont des édifices qu'ils louent bon marché et qu'ils laissent aller complètement sans aucun entretien. Les personnes qu'on retrouve là, ce n'est pas les personnes qui ont des moyens, c'est celles qui n'en ont pas, et ces gens-là vivent dans des conditions qui sont inacceptables.

Alors, si on prétend que les gens ont le droit à un logement décent, bien, il faudrait, à l'intérieur de l'aide juridique, compte tenu du fait que ces personnes-là ne peuvent pas se payer les services d'avocats, qu'on puisse leur permettre, effectivement, d'avoir de l'aide juridique qui pourra possiblement les amener à pouvoir se défendre face à ce genre de situation. Alors, c'est quelques remarques que je voulais faire a priori sur le projet d'amendement qui a été proposé.

(23 h 40)

Et une question, je pense, que j'ai formulée ce matin et qui demeure toujours en suspens, c'est que, quand on prétend que l'article 4.7.9° couvre la question du logement, moi, la question que je vais poser, c'est: Si ça la couvre, pourquoi on ne l'a pas laissé de façon explicite, le droit au logement? Pourquoi on l'a enlevé? Si on l'a enlevé, c'est qu'il y a sûrement quelque chose de différent entre le laisser et l'enlever et inscrire ça à l'intérieur du paragraphe 9 de l'article 4.7. Alors, c'est, de toute évidence, beaucoup plus limitatif tel que c'est formulé là. Et les cas qui pourraient être reliés à la question du logement seront plutôt exceptionnels peut-être, comme on a mentionné l'éviction, mais ce n'est pas mentionné, c'est vague. Ça va demander qu'il y ait une interprétation qui soit faite, encore là, probablement par le directeur régional de l'aide juridique qui devra, lui, évaluer «si cette affaire met en cause ou mettra vraisemblablement en cause soit la sécurité physique ou psychologique d'une personne, soit ses moyens de subsistance, soit ses besoins essentiels et ceux de sa famille». Alors, le directeur régional va déterminer ce que c'est, ça, un besoin essentiel et ceux de sa famille. C'est lui qui va devoir déterminer ça.

Alors, il y a quand même beaucoup de vague qui existe et qui permettra des interprétations possiblement très différentes d'une personne à l'autre et, aussi, d'une région à l'autre. Il se peut très bien que, dans un contexte – je parle plus de la ville de Montréal parce que c'est celle que je connais – où il y a des quartiers qui sont moins bien garnis en termes de logements, ce genre de chose là soit interprété différemment par rapport à un autre quartier, tout simplement à partir du système de valeurs ou du système de critères que se donnera le directeur régional. Alors, tel que c'est formulé là, ce n'est pas sécurisant pour les personnes qui pourraient avoir besoin d'un recours à l'aide juridique pour des questions de logement. C'est pour ça qu'on devrait, à mon avis, inscrire, comme le suggère le député de Chomedey: «Lorsqu'il s'agit d'une affaire en matière du droit du logement.»

Et je souligne encore, je l'ai fait à plusieurs reprises depuis le début de l'étude du projet de loi n° 20, que les conséquences de ce projet de loi touchent les gens qui sont le plus dans le besoin. Ce n'est pas un projet de loi qui s'applique à des entreprises, qui s'applique à des dirigeants d'entreprises, qui s'applique à la population en général, toute restriction qu'on fait, toute contrainte qu'on met, toute difficulté d'accès qu'on établit dans le projet de loi pour pouvoir avoir un accès à de l'aide juridique de façon à pouvoir se défendre, on le fait payer aux gens les plus démunis de la société. Et c'est vrai pour le logement.

Le logement, M. le Président, ce n'est pas quelque chose qui est passager dans la vie d'une personne, c'est son point d'ancrage et c'est là qu'elle passe 24 heures par jour, la famille vit dans ces conditions-là. Ce n'est pas une personne, c'est la cellule familiale qui est impliquée. Et là on vient de décider d'éliminer complètement, tel que c'est formulé dans le projet de loi n° 20 présentement, toute possibilité, pour cette catégorie de personnes qui ont des moyens relativement modestes, de pouvoir se défendre sur une question qui est aussi fondamentale qu'un logement et de pouvoir avoir un logement salubre, avoir un logement qui a une certaine correspondance, concordance entre les facilités qui sont disponibles et le coût du logement.

Alors, je voulais tout simplement attirer l'attention des membres de la commission sur cette réalité-là et souligner... Comme il y a des députés ici qui viennent des régions, je peux difficilement porter un jugement à savoir comment ça se passe en région, la question du logement, mais, dans une ville comme Montréal, c'est une question sérieuse. Il y a des quartiers complets ou des coins de comté où on a un parc immobilier tout à fait désastreux. Je trouve regrettable que... Et, d'ailleurs, je termine sur ça, la COPHAN disait dans sa présentation que c'est un net recul au niveau du droit au logement, qu'on fait disparaître. Elle qualifiait ça d'un net recul. Alors, je termine, M. le Président, avec ces remarques-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, je pense qu'il ne servirait pas à grand-chose d'ajouter un paragraphe à un article, puisque déjà on retrouve, au paragraphe 9 de cet article-là, ce que les députés de l'opposition veulent trouver. Bien sûr que le mot ne se retrouve pas inscrit spécifiquement, mais, déjà, ce matin, j'ai indiqué que c'était couvert par ces dispositions-là, les cas d'éviction de logement, par exemple, ou encore, et ça, c'était le député de Jacques-Cartier qui en parlait, lorsqu'il y a des problèmes de salubrité qui se posent. Cependant, c'est vrai, pour une demande d'augmentation de loyer, l'aide juridique ne nous sera pas accordée comme telle, pour la discussion de l'aide juridique, sauf, évidemment, encore une fois, lorsqu'on tombera dans les critères de l'article 9. Parce que, je le rappelle, à chaque fois, l'évaluation se fait cas par cas. Il s'agit de voir si on voit que la sécurité physique ou psychologique d'une personne est mise en cause, ou encore que ses moyens de subsistances sont mis en cause, soit encore ses besoins essentiels et ceux de sa famille.

Donc, M. le Président, dans chacune des situations, la personne soumettra à la personne qui fait l'admissibilité à l'aide juridique sa situation et, si, effectivement, elle rencontre les critères du paragraphe 9, elle y aura droit. Mais, en tout temps lorsqu'il s'agira d'éviction, ce sera accordé, en tout temps où ce sera la salubrité qui sera concernée, ce sera accordé. Mais, dans les autres cas, ça devra être évalué pour tenir compte des critères de l'article 9.

Alors, voilà, M. le Président, pourquoi je pense qu'il n'est pas nécessaire d'être favorable à la proposition de modification, puisque déjà c'est inclus dans l'article qu'on veut modifier.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Bien, je soumets très respectueusement au ministre que la question de sécurité physique ne couvre pas les situations qui ont été portées à l'attention du ministre soit par mon collègue de Chomedey, soit par mon collègue de l'Acadie. Il y a aussi la question de la qualité de vie, parce que quelqu'un qui a besoin d'avoir recours à l'aide juridique, ça ne veut pas dire qu'il n'a pas droit à une certaine qualité de vie. Et je vous dis que, dans certains secteurs de Montréal, il y a des abus de la part de certains propriétaires, et les locataires sont presque impuissants, ils n'ont pas les moyens, ils doivent... Je ne parle pas de ceux, là, qui sont dans les... Parce que vous avez établi des critères que, quand on gagne un certain salaire, on n'a pas le droit à l'aide juridique. Je ne parle pas de ça. Je parle de ceux qui ont besoin de l'aide juridique parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour pouvoir se prévaloir de l'aide d'un avocat, et ils sont vraiment, je ne dirais pas pris en otage, mais c'est vraiment le cas, ils n'ont pas de recours possible sans l'aide d'un avocat pour aller devant la Régie du logement. Je ne parle pas, là, de la question de quelqu'un qui reçoit un jugement de la Régie du logement pour l'évincer, pour qu'il parte de son logement. Ça, peut-être que ça peut être interprété comme sécurité physique.

Mais il y a une série d'autres situations où les propriétaires, vraiment, ne s'occupent pas de leurs obligations, de leurs responsabilités. Qu'est-ce qu'un locataire qui n'a pas les moyens d'avoir l'aide d'un avocat peut faire? Il faudrait absolument lui accorder cette aide. C'est très limité, je suis convaincu que ce n'est pas à travers tout le Québec. Je ne sais pas les conditions en dehors de Montréal, mais, dans certains secteurs de Montréal, incluant le comté que, moi-même, je représente, dans le secteur de Côte-des-Neiges, il y a des endroits, M. le Président, où vraiment, là, moi-même, j'ai été appelé souvent à venir en aide à certains locataires, puis on se trouve dans des situations très difficiles. Alors, c'est presque une question humanitaire. Ça n'a rien à faire avec la sécurité physique ou psychologique, parce que, si on interprète la sécurité psychologique, ça veut dire que tout le West Island aurait le droit à l'aide juridique dans les temps qui courent.

(23 h 50)

Ce n'est pas une question de sécurité physique, c'est une question de qualité de vie. La qualité de vie, ça ne se limite pas à ceux qui ont les moyens de s'en payer. La qualité de vie, je pense que c'est un droit de tous les citoyens, le droit au logement, le droit à un logement salubre, le droit à un logement qui doit être vraiment réparé, puis d'être respecté par les propriétaires, je pense que c'est un droit pour tous les locataires. Je suis persuadé que ce n'est pas ça qui va ajouter aux coûts de l'aide juridique, mais c'est quelque chose qui est essentiel pour ceux qui vivent dans des conditions qui sont assez difficiles. Et c'est un message à envoyer aux propriétaires qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités, qui prennent avantage dans les situations économiques présentement, qui prennent avantage de certains locataires dans certains districts, à un certain niveau de loyer, à un certain niveau de ces locations. Je crois que ça serait une question non seulement humanitaire, mais essentielle pour venir en aide à ces personnes qui n'ont pas les moyens de s'aider et qui voudraient faire respecter vraiment leurs droits.

Nous, autour de cette table de cette commission, on n'est pas assujettis à ça, mais ce n'est pas parce que, nous, on ne vit pas ces conditions pénibles qu'on ne doit pas prendre en considération ceux qui vivent ces conditions pénibles et qui n'ont pas les moyens de faire respecter leurs droits dans des conditions qui sont très difficiles.

Alors, j'appuie l'amendement qui est suggéré par mon collègue le député de Chomedey et je crois, encore une fois, que le ministre pourrait démontrer un peu plus d'ouverture d'esprit, de réalisation, de reconnaissance des droits de ces personnes, ces locataires, cette partie de la population, et reconnaître qu'eux aussi ont droit à une qualité de vie. Une qualité de vie, ce n'est pas réservé seulement à ceux qui ont les moyens de s'en payer. Une qualité de vie, ça s'applique à tout le monde. Alors, j'appuie la proposition de mon collègue le député de Chomedey.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que l'amendement proposé...

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Mulcair: ...étant donné l'heure tardive et puisque la nuit porte conseil, je vois que le ministre a déjà fait des belles piles avec ses beaux papiers, alors je vais me permettre de faire une suggestion pour, en vertu de l'article 165 de notre règlement, qu'on ajourne les importants travaux de cette commission jusqu'à sine die, parce qu'on ne connaît pas notre prochain rendez-vous sur ce projet de loi en particulier. Mais je pense que ça serait un bon moment pour présenter une telle motion, M. le Président. Alors, évidemment, je dispose de 10 minutes pour en parler, mais, qui sait, peut-être que, cette fois-ci, le ministre va accepter une de nos motions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que la proposition de la motion d'ajournement est acceptée?

M. Bégin: Non.

M. Mulcair: Alors, M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est un des moments les plus agréables de la journée, où on peut tenter de synthétiser pour le ministre tous les endroits où il a tort dans son projet de loi et lui expliquer qu'il a vraiment besoin de réfléchir avant d'aller plus loin. Je lui ferai remarquer que, l'autre jour, on avait proposé ici, jeudi soir... Le ministre était très fatigué, jeudi soir, quand il est revenu de son souper au Louis-Hébert, mais on avait réussi quand même à faire un certain progrès avec lui. On était si convaincus qu'on avait fait un certain progrès qu'on lui a proposé, à minuit, de continuer les travaux de cette commission parlementaire au-delà de l'heure impartie par l'ordre de la Chambre. Quelle fut donc notre surprise quand le ministre nous avait refusé cette demande-là. Et quelle fut donc notre surprise, hier matin, quand, contre tout accord avec la réalité et la vérité, le ministre s'est levé en Chambre pour dire que, nous, on avait refusé de continuer au-delà de l'heure impartie par la Chambre.

Mais tel est le monde merveilleux de ce ministre de la Justice, M. le Président: quand la réalité ne fait pas son affaire, il s'en invente une autre. C'est de la même manière qu'il se convainc que son projet de loi doit être bon parce qu'un ordre professionnel est d'accord avec. Je vous avoue, M. le Président, que, même si on est tous là pour constater que les ordres professionnels font toujours un bon travail au Québec, que rares sont les exceptions, puis qu'on a des structures pour s'occuper de ces exceptions, ça ne veut pas nécessairement dire que, parce qu'un autre professionnel voit un intérêt dans un projet de loi, c'est la seule manière de voir les choses. Je pense qu'on a réussi à démontrer, à quelques reprises ce soir, qu'il y a plusieurs articles dans ce projet de loi qui font défaut.

Ma collègue la députée de La Pinière a notamment fait des suggestions importantes concernant les femmes qui seraient éventuellement contre-interrogées par leurs agresseurs. C'est un sujet de préoccupation depuis le printemps dernier. Pourtant, M. le Président, le ministre refuse toujours, pour des raisons qu'on ne comprend pas, d'entendre raison là-dessus. Plusieurs groupes communautaires sont venus dénoncer le fait que cet article ne contenait pas une exception pour permettre de nommer un avocat d'aide juridique dans ces cas-là. Mais, encore une fois, le ministre refuse d'entendre raison et il pousse l'audace, M. le Président, en disant qu'on n'avait jamais présenté de modification valable, constructive, concrète en ce sens-là, ce qui n'est pas conforme à la réalité, M. le Président.

Non, force nous est de constater, M. le Président, que le ministre a décidé de se livrer à une obstruction systématique...

Une voix: De son propre projet de loi.

M. Mulcair: ...de son propre projet de loi.

Une voix: Ah oui!

M. Mulcair: Il est en train de faire obstruction...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...

M. Bégin: ...des intentions qui n'ont aucun sens.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Obstruction systématique à nos arguments.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'allais rappeler le député de Chomedey à l'ordre.

M. Mulcair: Ah! Obstruction systématique de son...

M. Bégin: Ah!

M. Mulcair: Ah! Vraiment? Je croyais que...

M. Bégin: Spécialiste.

M. Mulcair: ...je n'avais pas le droit de dire «filibuster», mais que je pouvais dire «obstruction systématique».

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On ne peut utiliser ni l'un ni l'autre...

M. Mulcair: Ah! Non, non, non.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...parce que ce n'est pas le mot, mais l'intention que l'on prête.

M. Bégin: Prêter une intention.

M. Mulcair: Ah! C'est intéressant. Parce que quelqu'un peut vouloir faire une obstruction systématique pour une très bonne intention. On peut dire, par exemple: L'année dernière, avec le projet de loi d'aide juridique, même les avocats séparatistes comme Henri Brun savaient que le projet de loi était contre la Charte des droits. Pour que Henri Brun se rende compte que quelque chose est contre la Charte des droits, ça prend grand-chose. Alors, là, le ministre a été obligé d'accepter qu'il y avait un mouvement à la base de beaucoup de groupes communautaires, et il a été obligé de se rendre à l'évidence que son projet de loi devait être modifié. Mais c'est vrai que, là, on a dû faire...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, M. le député...

M. Mulcair: ...une obstruction systématique.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...je tiens à vous rappeler ici que vous avez utilisé des propos, dans le fond, où vous prêtez des intentions, et je vous demanderais de corriger.

M. Mulcair: Ah! Bien, je les retire, mais je tente...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): On peut toujours parler d'opposition, mais une obstruction...

M. Mulcair: Je les retire sans ambages et sans faire des petits jeux d'esprit comme le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, parce que je ne veux jamais faire de la peine à ce ministre-là, parce qu'il se fait déjà assez de peine à lui-même avec ses échecs qu'il n'a vraiment pas besoin qu'on en ajoute pour lui.

Mais, M. le Président, toujours dans le but de tenter de l'aider, même s'il ne veut pas s'aider lui-même, et pour répondre un peu à votre interrogation de tantôt, c'est vrai que, l'année dernière, quand ce projet de loi contenait des dispositions qui allaient clairement à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne, on était obligé d'utiliser toutes les armes qui étaient à notre disposition. Mais, si on avait ressenti, du côté ministériel, la moindre ouverture, la moindre capacité de comprendre qu'on tentait de bonifier le projet de loi par des échanges constructifs qui pouvaient porter fruit... Mais on n'a rien eu de tout ça. On a eu reproches, quolibets, sarcasmes, ironie, et c'est regrettable, parce qu'on voulait une chose: faire un projet de loi qui respecte des droits fondamentaux, tel le droit d'être représenté devant un tribunal par un avocat lorsqu'on a été accusé d'un crime, peu importe qu'un fonctionnaire décide ou non de demander une peine d'emprisonnement, parce que c'est le juge qui le décide. Oui, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Monsieur...

M. Mulcair: Ah! Le temps est fini.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est dommage.

M. Mulcair: Qui lastima! On avait tellement d'autres choses à dire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'était fort agréable, mais je dois vous...

M. Bégin: Quel talent pour ne rien dire!

M. Mulcair: Une autre fois.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je dois vous rappeler que, compte tenu de l'heure...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Consentement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...nous devons ajourner sine die.

(Fin de la séance à minuit)


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