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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 11 février 1997 - Vol. 35 N° 66

Consultations particulières sur le projet de loi n° 65 - Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code


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Table des matières

Auditions

Documents déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Jean-Marc Fournier
Mme Nicole Léger
M. Roger Lefebvre
Mme Hélène Robert
M. Normand Jutras
*M. Jean Poitras, Centre de droit préventif du Québec
*M. François Crête, idem
*Mme Viviane Foucault, idem
*Mme Nathalie Ebnoether, idem
*M. Éric Batiot, idem
*M. Riccardo Di Done, OSDE
*Mme Angela Ficca, idem
*Mme Line Samoisette, Barreau de Saint-François
*Mme Roseline Alric, idem
*Mme Michèle Gérin, idem
*Mme Suzanne Clairmont, AMFQ
*Mme Aline A. Héroux, idem
*M. Marc-André Pelletier, Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais
*M. Claude Bouchard, idem
*Mme Pierrette Brisson, COAMF
*Mme Sylvie Matteau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, nous allons débuter nos travaux. Alors, je rappelle le mandat de la commission: procéder à des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code.

M. le Secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacements.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, aujourd'hui, nous recevons le Centre de droit préventif du Québec, dès maintenant. À 11 heures, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants. Nous suspendrons nos travaux à 12 heures. Nous reprendrons à 15 heures avec le Barreau de Saint-François. L'Association de médiation familiale du Québec à 16 heures. À 17 heures, Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais. Nous suspendrons à 18 heures et reprendrons à 20 heures avec le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale. Et, à 21 heures, ce sera la période des remarques finales. Nous prévoyons l'ajournement vers 21 h 30.

M. Mulcair: M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui?

M. Mulcair: Sur cette question de l'horaire, je pense que c'est d'intérêt pour tout le monde de se rappeler qu'à 14 h 30 il est prévu une période d'une demi-heure pour discuter du rapport du Protecteur du citoyen concernant les Enfants de Duplessis.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. Mais ça va être une session de travail de la commission.

M. Mulcair: O.K. D'accord. Mais je pense que tous les membres ont intérêt à être au courant.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'ai fait parvenir, d'ailleurs, hier après-midi, l'avis de convocation.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, très bien. Nous invitons maintenant les membres du Centre de droit préventif du Québec à présenter leur mémoire.

Alors, Me Poitras, vous disposez, pour la présentation du mémoire, d'une période de 20 minutes, laquelle sera suivie d'une période de 40 minutes d'échanges avec les parlementaires. Je vous inviterais à présenter les membres de votre délégation pour les fins d'identification lors de l'enregistrement de nos débats. Alors, Me Poitras.


Auditions


Centre de droit préventif du Québec

M. Poitras (Jean): Merci, M. le Président. M. le Président de la commission, M. le ministre de la Justice, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs, il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin.

À mon extrême gauche, Mme Nathalie Ebnoether, sociologue, conseillère en recherche, chargée de cours à l'Université Laval, administrateure. À ma droite, Me Viviane Foucault, superviseure en médiation, ex-stagiaire déléguée par notre Centre au Centre jeunesse Montréal, chargée de cours en médiation à l'Université d'Ottawa, administrateure. À ma gauche, me Éric Batiot, médiateur, administrateur. Et, à ma proche gauche, Me François Crête, superviseur en médiation, collaborateur à la création du cours en médiation à l'Université de Sherbrooke, chargé de cours en médiation à cette université et à l'Université Laval. Et moi-même, Jean Poitras, vice-président du Centre de droit préventif du Québec.

En tout début, j'aimerais remercier la commission pour permettre au Centre de se faire entendre sur cette importante question. À la fin de la lecture du mémoire, j'aimerais que vous adressiez vos questions à mes collaborateurs et collaboratrices.

(10 h 10)

«Il est important de pouvoir désamorcer le litige entre les gens par une solution autre que la voie traditionnelle. La médiation, c'est faire échec à la mentalité de "cause à gagner".» Le juge Allan B. Gold, 1992.

Le Centre de droit préventif du Québec est un organisme à but non lucratif né en 1991 de l'initiative de la Chambre des notaires du Québec. Sa mission consiste à trouver, développer et proposer à la population des solutions adéquates pour réduire et prévenir les conflits dans notre société. Ayant ciblé dès sa création le développement et l'implantation de la médiation à l'échelle du Québec, il désire maintenant contribuer à la réflexion qui nous réunit relativement à l'introduction de la médiation préalable lors d'une séparation de corps ou d'un divorce.

Le Centre de droit préventif du Québec désire d'abord faire ressortir l'apport qu'il a déjà fourni à ce domaine, justifiant son désir d'y jouer encore un rôle plus grand. Il veut ensuite souligner les conséquences positives prévisibles, en termes de retombées socioéconomiques, suscitées par l'introduction du recours préalable à la médiation en matière familiale.

Le Centre veut enfin souligner son inquiétude relativement au flottement existant dans le projet sous étude quant à la reconnaissance du rôle du médiateur familial accrédité et quant aux règles administratives énoncées devant régir le partage des dossiers de médiation entre les différents intervenants.

Expertise du Centre de droit préventif du Québec eu égard à la médiation familiale. Le 5 novembre 1996, le journal La Presse publiait un article intitulé Divorce: la médiation devient obligatoire . On nous apprenait alors l'intention de l'honorable ministre Paul Bégin d'incorporer la médiation préalable dans la procédure de séparation de corps et de divorce. Le Centre de droit préventif du Québec ne peut que se réjouir de cette nouvelle, d'autant plus que, pour lui, la médiation est depuis ses débuts une des priorités dans ses champs d'action. Déjà, dans la foulée du Sommet de la justice, il avait offert son aide et sa collaboration au ministère de la Justice pour implanter un tel système provincial cohérent.

Dès sa création, en 1991, s'étant intéressé à l'impact positif du recours au droit préventif et aux solutions de rechange au règlement des conflits dans la société québécoise, il finançait l'importante étude sur le sujet de Me Pierre Noreau, avocat et sociologue. Les recherches de ce dernier, ajoutées à celles déjà existantes, ont mis en évidence le besoin urgent pour la société d'emprunter une nouvelle approche dans le règlement des différends, notamment ceux entre les parties liées entre elles.

Voilà pourquoi, dès 1992, fortement appuyé par les éminents messieurs Guy Rocher, sociologue, et Jacques Dufresne, philosophe, alors tous deux membres de son conseil d'administration, le Centre voulut favoriser la rapide implantation d'un nouveau paradigme en la matière en encourageant la pratique privée de la médiation familiale à travers le Québec. Investissant alors près de 500 000 $, il mit sur pied un projet-pilote comportant la création de trois centres de médiation familiale, l'un à Laval, l'autre à Victoriaville et le dernier à Saint-Agapit. À chaque endroit, s'y retrouvait sous un même toit pour offrir le meilleur service en la matière à la population une équipe multidisciplinaire composée soit de travailleurs sociaux, psychologues, avocats et notaires formés spécialement à la médiation familiale.

Ce n'est que grâce à leur acharnement, compétence et détermination que les professionnels impliqués dans ce projet-pilote expérimental ont pu par la suite eux-mêmes assurer le maintien de ces centres aujourd'hui bien implantés dans leur communauté. Fort de l'expérience acquise, le Centre a aussi contribué avec d'autres pionniers au développement de plusieurs autres centres de médiation familiale répartis à travers la province, notamment dans les régions de Gatineau, Sherbrooke, Montréal, Québec, Drummondville et Trois-Rivières.

En 1994, en collaboration avec la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, le Centre a contribué à la mise sur pied d'un cours sur la médiation familiale offert encore aujourd'hui aux étudiants et étudiantes en notariat de cette université. Plus de 64 personnes ont profité de cette formation jusqu'à présent.

Enfin, depuis quelques mois, le Centre s'applique à mettre sur pied, en partenariat avec la Chambre des notaires, l'Association des notaires arbitres et l'Association des notaires médiateurs, au moyen d'un ligne 1-800 un service d'information et de référence pour le règlement des différends destiné à répondre aux besoins de la population. La nature des appels reçus permet de déceler tout autant la curiosité que le potentiel d'un vif intérêt.

Si le Centre est fier de son rôle de pionnier majeur en la matière, il sait que d'autres professionnels qualifiés ont aussi investi temps et argent pour offrir dans leur communauté des services adéquats de médiation familiale.

Le Centre a toujours estimé – et son action passée le reflète – que le passage d'un système adversaire en la matière à celui de la médiation ne peut réussir et être accepté par la population comme une alternative valable qu'en autant que tous les acteurs compétents, souvent de disciplines diverses, travaillent en concertation. Le Centre ne peut que souhaiter l'établissement d'un partenariat très fonctionnel entre les secteurs public et privé pour l'implantation et le développement accéléré de la médiation familiale. Il juge que pour mieux assurer le succès de sa démarche le législateur se doit de recourir aux structures multidisciplinaires privées déjà en place. Agir autrement ne ferait que retarder sinon mettre en péril tout le développement d'un nouveau système de règlement de conflits familiaux qui ne peut qu'être bénéfique à tous égards à la population québécoise et au gouvernement. N'ayant d'autre intérêt que celui de voir ce système s'implanter et se développer par son adoption et son utilisation rapide par la population, le Centre est disponible pour accepter tout rôle significatif que le législateur voudrait bien lui confier pour l'atteinte de cet objectif.

Impacts socioéconomiques de la médiation. Selon le Bureau de la statistique du Québec, 12 % des couples québécois ayant à peine cinq ans de mariage sont déjà divorcés. Toujours selon ce même organisme, il semble que le taux d'échec du mariage augmente et les divorces se produisent dans des délais de plus en plus courts. Il est donc essentiel, pour éviter des coûts sociaux énormes à l'État et réduire le plus possible les impacts négatifs sur la famille, que le législateur favorise le plus possible la médiation auprès des couples acculés à une séparation ou à un divorce. Au surplus, le recours à la médiation ne peut qu'ultérieurement aider ces hommes et femmes blessés par l'échec de leur union à aborder une nouvelle relation avec plus de réalisme et moins de risques de rupture. De nombreuses études ont démontré que le système judiciaire de nature adversaire, tel qu'utilisé présentement pour la résolution des conflits conjugaux, est coûteux, abusif, émotionnellement douloureux, tout en ne permettant que rarement une réelle solution des conflits familiaux. L'État, se voyant maintenant contraint financièrement, ne doit-il pas immédiatement agir à l'égard de la situation actuelle dans ce domaine familial gonflant inutilement les coûts judiciaires et sociaux?

Examinons à cet effet différents constats de recherche. Comme le mentionnait Lisette Laurent Boyer, une des plus grandes faiblesses du système judiciaire actuel est le fait que les personnes impliquées dans un conflit sont réduites à de simples spectateurs, passifs, en marge d'un processus judiciaire souvent paralysé par sa propre complexité et ses innombrables procédures. Une des conséquences du recours à notre système judiciaire en matière familiale semble amener plus souvent qu'autrement la destruction définitive des relations entre les individus impliqués dans un tel procès. La solution imposée émanant d'un tiers extérieur au problème ne le règle que partiellement. Tout l'aspect émotionnel vécu par les parties étant ignoré par cette façon de faire laisse des marques ayant parfois des conséquences graves. Au contraire, la médiation permet de responsabiliser les parties en les plaçant à l'avant-scène, à titre d'acteurs principaux, à la recherche d'une solution plus facilement assumable et donc mieux viable pour eux. Elle favorise et accroît la communication, l'autodétermination et la responsabilisation des individus aux prises avec un tel différend.

Le recours à la médiation engendre une perception plus constructive du conflit, car la communication directe est de l'essence même de la médiation. Dans le cadre d'un processus de médiation, les ex-conjoints sont amenés à modifier leur perception de l'autre et de sa situation. Les demandes, tant au niveau des besoins des enfants que du partage des biens, sont alors plus réalistes, raisonnables et acceptables car elles tiennent généralement mieux compte du point de vue de l'autre. La décision des parents de procéder par la médiation pour régler l'ensemble des points de leur séparation semble aussi prévenir nombre d'effets psychologiques négatifs chez leurs enfants. Selon les chercheurs, il semble que ce soit plutôt la façon dont la famille se réorganise et le climat qui règne dans les relations familiales que la séparation des parents elle-même qui influencent le comportement du jeune à l'école et sa capacité d'adaptation. La médiation permet aux parents de maintenir un contact constructif entre eux, favorisant d'autant les enfants dans leur développement et leur épanouissement. Car, il ne faut jamais l'oublier, malgré leur séparation, les conjoints demeurent toujours les parents de leurs enfants et doivent continuer d'assumer leurs responsabilités parentales.

(10 h 20)

Pour les enfants, d'ailleurs, la démarche de médiation ne peut qu'éloigner de leur pensée la possibilité que soient discrédités leurs parents. Les données d'une étude fédérale publiée dernièrement révèlent que les enfants de quatre à cinq ans issus d'une famille perturbée sont de deux à trois fois plus susceptibles d'accuser un retard de développement du vocabulaire que les enfants issus d'une famille ne présentant aucun signe de dysfonction.

Les effets de médiation ne se font pas sentir seulement en cours de processus, mais aussi après. Ainsi, une étude américaine analysant l'impact de la médiation sur les relations entre conjoints une fois celle-ci terminée démontre qu'à court terme 82 % des conjoints ayant eu recours à la médiation qualifient leur relations d'amicales, alors que ce pourcentage tombe à 47 % lorsqu'un autre mode de résolution a été utilisé. À long terme, les résultats se confirment, car 84 % des couples ayant eu recours à la médiation maintiennent de bonnes relations entre eux, alors que 46 % seulement des gens ayant procédé par les tribunaux peuvent qualifier leurs relations d'amicales.

De plus, cette étude indique que la médiation améliore la communication, la coopération et la compréhension entre ex-conjoints. En effet, selon les résultats obtenus, 43 % des personnes ayant eu recours à la médiation admettent mieux communiquer avec leur ancien conjoint depuis, par rapport à 24 % pour les autres. Au niveau de la coopération, l'étude démontre que 42 % des individus ayant passé par le processus de médiation reconnaissent avoir une meilleure coopération avec l'ex-conjoint, alors que seulement 18 % des gens ayant utilisé une autre voie arrivent à la même conclusion.

Finalement, 15 % de ces derniers ont l'impression d'avoir une meilleure compréhension des positions et sentiments de l'autre, tandis que ce taux est de 29 % pour ceux ayant eu recours à la médiation. On peut donc constater qu'en résumé ces statistiques démontrent que, sur trois couples, deux couples trouvent de meilleurs résultats à tous égards à avoir utilisé la médiation que d'aller par la voie judiciaire, soit le double.

Par ailleurs, la médiation permet aux gens de se responsabiliser face à leurs obligations financières et parentales en regard de leurs enfants. Les ententes conclues en médiation sont mieux respectées parce que mieux comprises par le couple. Son introduction préalable à toutes requête ne peut qu'aider à faire mieux percevoir par tout débiteur – adviendrait-il une médiation – les fondements de toute pension alimentaire devant être par lui assumée.

Quel autre bienfait pour l'État qu'espérer ainsi voir se décongestionner son système de perception de pensions alimentaires. Au surplus, fières du règlement le plus heureux possible de leur douloureux conflit, grâce à l'utilisation de la médiation, les personnes touchées, tout en communiquant mieux entre elles postérieurement, feront part aussi à leur entourage des avantages de leur démarche. Il apparaît donc clair que la société et l'État ne peuvent que bénéficier de l'implantation de cette nouvelle approche. La question n'est plus de savoir si la médiation au préalable est nécessaire, mais plutôt de voir comment elle peut être instaurée le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Voilà donc tout un éventail de motifs devant inciter le gouvernement à obliger les familles en situation de rupture à au moins être sensibilisées au processus de la médiation et à ses effets bénéfiques. Il est clair que le meilleur devenir de nos enfants et de notre société en dépend.

Commentaires sur le projet de loi n° 65. Dans cette optique, le Centre, sachant que d'autres intervenants devant la commission commenteront d'autres points du projet de loi, veut s'en tenir à celui traitant de l'omission de la mise en vigueur de la première phrase de l'article 827.2 du Code de procédure civile, d'une part, et de l'absence de précisions sur la distribution administrative des dossiers de médiation entre le Service de médiation à la famille et le secteur privé, d'autre part.

Le Centre se questionne quant à l'opportunité de ne pas inclure dans le projet de loi sous étude l'imposition immédiate du recours obligatoire à des médiateurs familiaux accrédités, tel que le voudrait la première phrase de l'article 827.2 du Code de procédure civile, se lisant ainsi, et dont l'application est reportée: «Toute médiation effectuée préalablement à des procédures en matière familiale ou pendant de telles procédures doit l'être par un médiateur accrédité.»

Le Centre interprète cette situation comme d'autres, sûrement, le feront, laissant sous-entendre que toute personne se déclarant médiateur pourrait, jusqu'à la mise en force de cette disposition, intervenir auprès des couples en difficulté.

Or, dans l'état actuel des choses, une telle situation apparaît tout autant injustifiée que porteuse d'écueils. En effet, près de 500 professionnels: avocats, conseillers en orientation, notaires, psychologues et travailleurs sociaux, se conformant à la loi, ont déjà investi au cours des trois dernières années temps et argent pour obtenir leur accréditation auprès de leur ordre professionnel respectif. Ils ont donc acquis les connaissances nécessaires et se sont dotés d'outils de travail essentiels pour pouvoir accompagner adéquatement la démarche des familles en crise. Or, comment le législateur, initiateur de ces exigences justement destinées à former les ressources adéquates et compétentes en ce domaine, peut-il maintenant les ignorer, alors qu'elles lui paraissent devoir être essentielles à tous égards pour le succès du développement et l'acceptation de sa politique?

En effet, l'existence des mass médias et l'utilisation quasi omniprésente qu'ils font du sensationnalisme peuvent faire craindre que l'avènement médiatisé de quelques malheureux cas de médiation, comme on a déjà commencé d'ailleurs à entendre, pourrait amener la population, déjà méfiante à l'égard de l'État, à refuser carrément de le suivre dans cette voie nouvelle et pourtant si prometteuse pour elle. Pourquoi risquer un tel échec alors qu'un bassin adéquat de personnes spécialement formées grâce à la prévoyance du législateur est déjà disponible? Le projet de loi gagnerait à éliminer tel risque en prévoyant la mise en force immédiate de cette modalité.

Par ailleurs, la lecture du projet de loi ne met pas en lumière comment un médiateur familial accrédité oeuvrant dans le secteur privé pourra intervenir auprès des couples en instance de divorce, puisque n'y est point défini le mode de répartition des dossiers entre le Service de médiation à la famille et ces intervenants du secteur privé.

Rappelons que l'article 814.4, Code de procédure civile, deuxième alinéa, mentionne clairement que dans tous les cas ou à défaut d'arrangement entre les parties pour procéder à la médiation, le Service de médiation à la famille désigne le médiateur pour agir auprès de ce couple afin de l'amener à procéder à la médiation.

Comment alors à cette occasion le choix du médiateur à être nommé se fera-t-il? Celui choisi devra-t-il nécessairement être un employé des centres jeunesse, responsables de la gestion des Services de médiation à la famille? Si oui, pourquoi en serait-il ainsi? Si non, d'où proviendra la liste qu'utilisera le Service de médiation à la famille pour désigner le médiateur accrédité requis, et de quelle façon seront alors attribués tels mandats? Au surplus, quels seront les mécanismes de contrôle de la qualité de la médiation?

Rien dans le projet de loi actuel ou dans les articles déjà en vigueur dans le Code de procédure civile ne le mentionne. Le Centre croyant profondément à la nécessité du caractère multidisciplinaire de l'exercice de la médiation familiale, les dispositions requises à sa préservation devraient immédiatement être mises en place. Par ailleurs, l'État, dans moult domaines, laissant le choix des ressources aux parties, il apparaît encore plus important qu'il en soit ainsi en cette matière plus que personnelle.

Enfin, le processus de sélection des ressources doit être très transparent pour susciter la confiance nécessaire au succès d'une démarche de cette nature. Ne serait-il pas tout autant illogique que ridicule que le législateur n'élimine pas au départ sans l'expliquer tout risque de conflits d'interprétation ou d'application à l'égard d'une loi visant justement à réduire les situations conflictuelles? Telles modification et clarification seraient souhaitables.

Phénomène marginal dans la société québécoise il y a 20 ans, la médiation familiale, dont le Centre de droit préventif a fait l'une de ses priorités, semble pouvoir combler l'ensemble des besoins nécessités par les familles vivant une rupture. Si autrefois la rareté de ces situations pouvait permettre l'utilisation presqu'exclusive du tribunal, la conjoncture contemporaine contraire exige l'implantation accélérée de la médiation. Le paupérisme croissant de la population, sinon de l'État, nous y convie. Le législateur, avec sagacité, ayant déjà anticipé la situation présente en établissant un système d'accréditation, possède dès maintenant toutes les ressources professionnelles de diverses disciplines nécessaires au succès de la démarche. Ne doivent-elles pas pouvoir s'y consacrer dans l'harmonie?

(10 h 30)

Acteur majeur en ce domaine depuis plusieurs années, le Centre de droit préventif ne peut qu'approuver l'heureuse décision du législateur d'introduire la médiation préalable. Il estime que la population très rapidement lui en fera louange. Tout en lui demeurant disponible pour toute tâche qu'il voudrait bien lui assigner, le Centre de droit préventif du Québec lui souhaite bon succès dans l'heureux dénouement de sa courageuse démarche, qu'il espère voir être à l'image de celui généralement obtenu par ces couples qui déjà, volontairement, font appel à la médiation familiale. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Me Poitras. M. le ministre.

M. Bégin: Merci infiniment pour votre mémoire et votre présentation. Je pense que c'est vraiment une appréciation favorable de ce qu'est la médiation familiale; et vous parlez en connaissance de cause, puisque vous en faites depuis déjà un bon moment. Cependant, j'aimerais avoir quelques précisions relativement au projet de loi lui-même, et je vais vous les donner un peu en rafale, là: À quel moment vous la prévoyez? Est-ce que vous croyez qu'elle doit être obligatoire? Si oui, selon quelles règles?

Ensuite, quant à la tenue d'une première séance, qui pourrait avoir lieu dans quelque genre que ce soit, quelle est la forme que vous voyez pour cette première réunion, et, s'il y a lieu, quels sont les motifs qui devraient être invoqués, et comment, pour une personne qui ne voudrait pas assister à une rencontre, pour des motifs, par exemple, comme ceux de la violence? Alors, je les donne en vrac, là. Comme le président a dit qu'il voulait que ça soit référé aux autres personnes, je ne sais pas laquelle est la plus apte parmi cet aréopage.

M. Poitras (Jean): Alors, Me Crête va répondre à nombre de ces questions rapides.

M. Bégin: D'accord.

M. Crête (François): C'est sûr que, au niveau du moment, on souhaiterait que ça soit le plus tôt possible après la décision de rupture, avant d'enclencher le processus judiciaire, pour préserver le lien parental, ce qui peut être bénéfique pour tous les membres de la famille. Il faut comprendre que le processus lui-même de la médiation a toujours été volontaire, et on peut toujours y mettre fin en tout temps. Et, pour nous, les médiateurs, ça doit être volontaire, et ça doit continuer de l'être, volontaire. Ce qu'il faut changer, c'est l'approche, la mentalité des gens à avoir recours aux médiateurs plutôt que d'avoir le réflexe, si vous voulez, de se battre en cour et de sortir les gants de boxe. C'est ça qu'il faut changer dans notre société, et je pense qu'il faut que le gouvernement incite les gens à une première séance d'information. D'ailleurs, quand je reçois un couple en médiation, la première chose que je fais, c'est une rencontre d'évaluation, pour vérifier la volonté des parties à s'engager en médiation.

Et, lors de cette rencontre, j'évalue avec le couple les possibilités de succès. Comme je leur dis, je ne suis pas intéressé à perdre mon temps ni à leur faire perdre leur temps non plus. Et j'explique le processus en disant au couple que la première chose qu'on va faire, c'est d'analyser leur situation et d'établir quels sont leurs besoins, leurs intérêts, de tous les membres de la famille, même ceux des enfants, et on va regarder des options. Les options, on va les lister, c'est des hypothèses de solution; on va les lister, on va les discuter, on va les prioriser. Et c'est celle qui va répondre le plus possible aux besoins exprimés par toutes les parties qui va devenir la solution. Et qu'est-ce qu'on va discuter en médiation? On va discuter du partage, hein, du partage du temps de vie des enfants. Vous demeurez les parents de vos enfants, on ne divorce pas de nos enfants. On va partager les biens de la famille en fonction de la loi du régime matrimonial, du contrat de mariage, et on va partager les responsabilités parentales et les responsabilités financières.

Et c'est important dès le départ d'établir le rôle de chacun, le rôle du médiateur et le rôle de chacune des parties dans le processus de la médiation. Et ça, je pense que ça doit être expliqué aux gens avant qu'ils prennent une décision. Et ce qui est important, à mon avis, c'est que les gens puissent rencontrer le médiateur qu'ils ont choisi, ou le médiateur qui pourra être désigné par le tribunal, avant de prendre une décision, parce qu'il faut que cette décision-là soit prise en toute connaissance de cause. Et je ne crois pas en une séance d'information informelle, comme ça, où les gens vont pouvoir prendre une décision. Je pense que, aussi, le médiateur doit évaluer avec le couple si, oui ou non, ce couple-là est apte à aller en médiation. Et le médiateur va avoir le rôle de rétablir la communication dans le couple en mettant les parties en présence l'une de l'autre. Et c'est de rendre cette communication positive. Les gens sont obligés d'écouter leur conjoint, et là ils en apprennent beaucoup. Et si vous saviez comme, des fois, les gens viennent à la première entrevue puis ne se parlent pas autrement que devant le médiateur, et, après quelques entrevues, sont capables de prendre un café ensemble puis de régler des problèmes.

Donc, également, le médiateur va informer les parties de leurs droits respectifs. On ne fait pas fi de la loi, on va en tenir compte. Également, le médiateur se doit d'être impartial; il va être là pour les deux. Et ça, les gens l'apprécient énormément. Les gens ont besoin d'aide. Également, on dit que le médiateur va les aider, va faciliter les choses; et on va faire place aussi à leurs émotions, ce que les gens ne vivent pas en cour, et on va leur permettre d'exprimer les difficultés qu'ils vivent vis-à-vis de la séparation. Également, on va voir à équilibrer le pouvoir. S'il y en a un des deux qui a de la difficulté à négocier ces choses, je pense qu'on va pouvoir les aider dans ce sens-là.

Donc, on donne la place à chacun de pouvoir négocier librement et on va responsabiliser le couple en les incitant à trouver eux-mêmes les solutions. On va vérifier également si les solutions sont justes et équitables pour les deux et, avant de signer quoi que ce soit, les gens ont toujours la possibilité d'aller consulter un conseiller indépendant avant de signer quoi que ce soit.

Donc, pour nous, la médiation, ça prend la volonté des parties au départ, puis ça c'est une chose. La seule chose est qu'on incite les gens à avoir le réflexe d'aller en médiation. Et c'est pour ça qu'on recommanderait que la première entrevue de médiation soit gratuite pour tout le monde. Je pense que tout le monde serait gagnant dans ça, l'État et les couples aussi; et la médiation pourrait devenir gratuite pour les couples qui ont des enfants, et il faudrait limiter – parce que, l'État-providence, je pense que c'est fini, là, puis il faut faire attention avant d'offrir des services gratuits.

Mais, à mon avis, il faudrait que la médiation soit gratuite pour les couples dont le revenu disponible – ce revenu-là va être déterminé par les formules qu'on va faire pour les fixations des pensions alimentaires – serait inférieur, par exemple, à 50 000 $, parce que c'est eux qui sont perdants par la défiscalisation.

Pourquoi on est arrivés aujourd'hui avec ce projet de loi? C'est à cause que le gouvernement fédéral a proposé la défiscalisation des pensions alimentaires suite à l'arrêt Thibaudault. Et, tout de suite le lendemain, M. Bernard Landry, ministre des Finances, a dit qu'ici, au Québec, ça serait la même chose. Sauf qu'on a promis de retourner aux familles, qui s'appauvrissent par la défiscalisation, quelque chose; et ça c'est un élément qu'on retourne aux gens, mais il faudrait le retourner à ceux qui vraiment perdent par la défiscalisation. Parce que, quand le bénéficiaire de la pension a un revenu supérieur à 25 000 $, bien, on change quatre 30 sous pour une piastre, ou même des cas de fiscalité adverse, c'est-à-dire que le couple, la famille va payer peut-être plus d'impôt qu'avant. Donc, dans le but d'aider les familles, si on veut vraiment retourner à ceux qui sont défavorisés par la défiscalisation, on pourrait limiter.

Donc, je pense, ce qui est important, c'est d'inciter tous les couples à avoir une première entrevue, qu'ils prennent connaissance avec le médiateur qu'ils ont choisi ou qui serait attitré. Ça, c'est important; et, pour la famille, pour les enfants, je pense que tout le monde serait gagnant.

M. Poitras (Jean): Est-ce que l'ensemble de vos questions a été...

M. Bégin: Je pense que oui.

M. Poitras (Jean): J'aimerais rajouter...

M. Bégin: J'ai fait des petites coches au fur et à mesure.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Poitras (Jean): Une vraie sténo! J'aimerais rajouter ceci. C'est qu'on a fait un sondage antérieurement, au Centre de droit préventif, un sondage assez élaboré – je ne suis pas sûr qu'il a fait l'objet d'une publication encore – où on voyait la méconnaissance totale de la population, finalement, à l'égard des moyens alternatifs de résolution de conflits, dont la médiation. Et j'aimerais souligner à cette assemblée qu'il ne faut pas nécessairement faire dépendre la médiation de l'événement ponctuel qu'est finalement la défiscalisation. C'est un processus qui existait bien avant cet événement ponctuel là, plein de conséquences évidemment, mais je vois qu'il y en a qu'on associe directement à ce projet-là, à cet événement ponctuel là, alors que la médiation est un moyen qui doit nécessairement, à mon sens, être implanté par le législateur d'une façon ou d'une autre tellement ce processus a des effets bénéfiques.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, Me Foucault, Me Poitras, Me Batiot, Me Crête et Mme Ebnoether, bienvenue et merci beaucoup pour votre présentation informative et pleine de nuances. Je prends aussi bonne note en particulier de l'importance que vous attachez au caractère volontaire de la démarche en médiation. Votre expérience dans le domaine nous aide beaucoup et on vous remercie d'avoir pris le temps de préparer votre mémoire et d'être venus ici aujourd'hui.

Je commencerais avec une question qui concerne un aspect vraiment terre à terre et très technique, et ça vient à la page 10 de votre mémoire. Vous dites, en bas de la page: «En effet, près de 500 professionnels, avocats, conseillers en orientation, notaires, psychologues et travailleurs sociaux, se conforment à la loi». On s'entend bien que, quand vous dites «se conforment à la loi», vous voulez dire à la loi 14, parce que c'est à ça...

(10 h 40)

Des voix: C'est le règlement.

M. Poitras (Jean): C'est le règlement, finalement.

M. Mulcair: ...pris en application du projet de loi 14. Et donc, se conformant à ce règlement-là, ils ont été formés... pas une idée générale de ce que c'est, la médiation en matière familiale, ils ont été formés dans un contexte très précis. Le contexte, je cite ce que vous donnez au tout début de votre mémoire, quand vous citez en gros, vous dites: «Il est important de pouvoir désamorcer le litige entre les gens par une solution autre que la voie traditionnelle». Qui dit désamorcer le litige dit justement une situation où un tribunal, souvent, est saisi de quelque chose; et c'est ça la différence principale qui existe entre le projet de loi 14 et le projet de loi dont on est saisi aujourd'hui.

Dans le cadre du projet de loi 14, un tribunal a été saisi d'un litige, c'est le sens même du mot «litige». Le tribunal ordonnait par après que ce différend, ce litige, soit envoyé en médiation après son jugement. Ma première question, donc, porte sur cette question de formation de ces 500 médiateurs. Concrètement, si l'on devait, si l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi n° 65, est-ce que cela exigerait, à votre sens, une nouvelle formation de toutes ces 500 personnes? Parce que la formation a été donnée dans un cadre où un juge était saisi de la cause, il l'envoyait en médiation, alors que ce qui est prévu dans le projet de loi n° 65 est tout autre. Me Poitras? Oui, Me Foucault.

Mme Foucault (Viviane): Si vous permettez. Je pense que c'est la différence entre le projet de loi 14 et le projet de loi n° 65, c'est justement le moment, dont parlait François tantôt, c'est la médiation préalable, sauf que, comme les médiateurs accrédités par les cinq organismes professionnels qui ont accrédité leurs médiateurs, ils ont suivi le règlement de médiation et chaque accréditation a été supervisée par le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, ce qu'on appelle le COAMF...

M. Mulcair: Qui seront ici plus tard aujourd'hui, justement.

Mme Foucault (Viviane): ...qui seront ici cet après-midi, exactement. Ce qu'il y a d'important et d'essentiel, je ne crois pas que, fondamentalement, les médiateurs accrédités que l'on connaît aient besoin d'une nouvelle formation. Il est de l'esprit même de la médiation d'éviter la voie judiciaire, tout en restant dans le respect du droit – on doit respecter la Loi sur le patrimoine familial, les régimes matrimoniaux – et il est important de concevoir que les médiateurs accrédités... de là l'importance de la mise en vigueur essentielle de l'article 827.2, qui fait référence aux médiateurs accrédités, afin d'assurer la protection du public, afin que la portée du projet de loi soit efficace et que seuls les médiateurs accrédités accompagnent dans leur démarche les familles en crise. C'est d'assurer aux couples qu'ils s'adressent à des ressources adéquates et compétentes dans ce domaine.

M. Mulcair: Ma question était quelque peu plus précise. Je suis tout à fait d'accord avec vous...

Mme Foucault (Viviane): La formation est la même.

M. Mulcair: ...qu'il faut avoir des médiateurs compétents, qui sont bien encadrés. Le fait d'utiliser les membres d'ordres professionnels, on fait d'une pierre deux coups, on va avoir certaines garanties, notamment des assurances-responsabilités qui, j'espère, couvriront ces gestes-là; normalement, ça devrait être le cas...

Mme Foucault (Viviane): Exactement.

M. Mulcair: ...et les gens vont avoir des recours, par exemple le code de déontologie et tout ce qui vient avec...

Mme Foucault (Viviane): Les normes de pratique.

M. Mulcair: Mme Ebnoether, si je ne me trompe pas, est administratrice nommée sur le bureau d'un ordre professionnel, n'est-ce pas?

Mme Ebnoether (Nathalie): Je l'ai été, je ne le suis plus maintenant.

M. Mulcair: Votre nom me disait quelque chose, si ma mémoire est bonne, à la Chambre des notaires, n'est-ce pas?

Mme Ebnoether (Nathalie): Oui, mais mon mandat s'est terminé l'an passé.

M. Mulcair: Comment?

Mme Ebnoether (Nathalie): Mon mandat s'est terminé l'an passé.

M. Mulcair: O.K. D'accord. Mais votre nom me disait quelque chose et j'avais le souvenir, je pensais que, lors de mon passage à l'Office des professions, on vous avait nommée.

Mme Ebnoether (Nathalie): J'espère que c'était un bon souvenir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Oui, on n'a jamais eu la moindre... Au contraire, je pense que tous les échos qu'on avait eus de la Chambre des notaires étaient très positifs. Et c'est intéressant de vous avoir avec le groupe ici aujourd'hui, parce que, effectivement, c'est une autre institution qui existe, dans notre système professionnel, qui vise à assurer la protection du public.

Mais je prends bonne note de votre réponse, mais je veux continuer notre réflexion avec mes collègues, on va continuer là-dessus, parce que ce n'est pas si évident que ça pour nous que, sur ce plan très spécifique, ça n'exigerait pas une... au moins ce qu'on appellerait en anglais, «refresher course», une sorte de mise au point.

Mme Ebnoether (Nathalie): Une mise à jour.

M. Mulcair: Parce que c'est complètement différent, à mon point de vue, une médiation qui est faite sous l'égide, si on veut, avec... il doit être tôt le matin, je ne trouve pas encore mes mots en français, en anglais on dirait un «back stop», comme au baseball, quelque chose pour empêcher que les balles aillent trop loin.

La présence du juge aide à sauvegarder les droits des parties, l'encadrer, assurer – justement, vous l'avez dit tantôt – que les droits respectifs des parties soient respectés, mais on envoyait en médiation. Pour moi, cette situation est entièrement différente, sur le plan de la responsabilité du médiateur, que celle où le médiateur démarre et qu'il n'y a pas quoi que ce soit qui a été vu, touché, entendu par un tribunal. Je ne demande qu'à être convaincu du contraire, mais notre première analyse nous conduit à ça.

Je termine là parce que mes collègues ont beaucoup de questions aussi pour vous. Mais une autre question technique...

M. Crête (François): Est-ce que je pourrais peut-être répondre de façon plus précise?

M. Mulcair: Oui, allez-y, Me Batiot.

M. Crête (François): Je vous dirais que, quand les médiateurs ont vu le projet de loi 14, avec la médiation mandatoire qui était ordonnée par le juge, ça nous faisait peur, comprenez-vous?

M. Mulcair: Oui.

M. Crête (François): On a été plutôt formés, au contraire... Puis je pense que ça joue sur tout le caractère volontaire de la médiation. Pour nous, ça a toujours été volontaire, et on veut que ça le demeure, volontaire. Et là, quand le juge ordonnait, on disait: Qu'est-ce qu'on va faire avec ça? C'est comme quand le juge ordonne une thérapie à quelqu'un, je vous avoue que, s'il ne veut pas y aller, en thérapie, le résultat va être plus ou moins intéressant, comprenez-vous?

Mais ce qu'on regarde quand on regarde des statistiques que j'ai vues dans des mémoires qui ont été présentés ici, on voit que le taux de succès de la médiation est plus grand quand les gens ne sont pas allés dans le processus judiciaire. Les gens qui sont déjà allés dans le processus judiciaire et qui viennent en médiation – parce qu'il y en a qui viennent, aussi, parce qu'ils sont tannés de se chicaner ou qu'ils n'ont plus les moyens de se chicaner, je ne sais pas, mais, en tout cas, qui viennent – le taux de succès est plus difficile, comprenez-vous?

Et c'est pour ça que, quand on prend les gens à la base puis qu'on leur explique notre façon de faire, notre façon de régler les problèmes par la médiation et puis qu'ils embarquent dans cette façon de faire, bien, le résultat, le succès est quand même très grand. Alors que dans le processus adverse, bien, les gens sont habitués de négocier sur position, et c'est là que c'est plus difficile à arriver à des ententes.

M. Mulcair: Maintenant, vous souleviez une autre question lors de votre présentation qui, je trouve, mérite vraiment notre attention et exige notre délibération pondérée.

Vous parlez du fait que le médiateur peut informer les gens sur leurs droits respectifs. On a fait la liste tantôt, on a, hormis les avocats et notaires, dont vous êtes, donc des hommes et des femmes de loi, on a d'autres professionnels qui sont sans doute très capables dans certains aspects, peut-être plus capables que les avocats et notaires, d'une manière générale, dans l'aspect évaluatif, mais peut-être, par la force des choses, moins bien formés et expérimentés et, pour le dire clairement, compétents dans le côté purement, proprement juridique.

Est-ce que, connaissant la Loi sur le notariat, la Loi sur le Barreau, vous trouvez vraiment qu'un conseiller en orientation, un psychologue ou un travailleur social est compétent, professionnellement parlant, pour informer les parties sur leurs droits respectifs? Je pense, par exemple, à des questions compliquées concernant le patrimoine, la manière d'accéder aux informations les plus pertinentes sur les avoirs de chacun, vous trouvez vraiment que tout y est?

(10 h 50)

M. Crête (François): D'ailleurs, on est sensibles à votre question puis on a déjà compris ce problème-là. C'est sûr que les gens des sciences humaines ont plus de problèmes avec le côté juridique ou même le côté fiscal, et les avocats et les notaires on plus de facilité de ce côté-là; par contre, ils ont des fois plus de difficultés à écouter les gens. Puis c'est pour ça qu'on a mis de l'avant le caractère multidisciplinaire de la médiation, parce que pour moi, un bon médiateur, ce n'est pas un notaire, ce n'est pas un avocat, ce n'est pas un psychologue – il ne fait pas de thérapie – ce n'est pas un travailleur social puis ce n'est pas un conseiller en orientation. Un médiateur c'est un médiateur, c'est que, lui, il se doit d'être multidisciplinaire ou il doit travailler en comédiation. Et c'est ce qu'on a mis de l'avant, nous, au Centre de droit préventif. C'est qu'on a mis de l'avant la multidisciplinarité, et je vous dirais que, dans la majorité des grands centres, ça se pratique en comédiation avec soit un notaire ou un avocat, avec quelqu'un des sciences humaines. Il y en a beaucoup qui font ça.

Maintenant, c'est au début qu'on préconise ça. Puis, par la suite, le médiateur prend son expérience et, après, est capable de traiter ses dossiers lui-même. Et souvent, quand le cas vient complexe, au niveau peut-être du partage des biens... Même à ce moment-là... Moi, j'ai des travailleurs sociaux qui me réfèrent des gens en médiation parce que, quand, un moment donné, le dossier devient trop difficile... Mais aussi, il ne faut pas oublier que les gens ont toujours le droit au conseiller juridique indépendant. C'est-à-dire qu'avant de finaliser quoi que ce soit ils peuvent aller consulter leurs avocats avant de prendre une décision là-dessus.

M. Mulcair: C'est un bon point, et puis je suis sensible à ce que vous êtes en train de dire, que c'est une manière de travailler un peu idéale. Mais ce n'est pas ça qui est prévu dans le projet de loi n° 65.

M. Crête (François): Ça, c'est une lacune du projet de loi n° 65, de ne pas avoir tenu compte de la comédiation.

M. Mulcair: Et je dois juste vous dire, juste pour qu'on soit clairs... Parce que nos autres collègues ont envie, aussi, de vous poser des questions. Mais, terminant là-dessus, je dois juste vous dire que, tout en appréciant – comme je l'ai dit d'emblée – votre présentation, vraiment que j'apprécie beaucoup et que je trouve très nuancée, notre position est en tous points la même que celle du Protecteur du citoyen, qui disait justement: «Mettons en vigueur ce qui est contenu dans le projet de loi 14, y compris le 827.2 – rappelons-le, ça émane du projet de loi en question – et prévoyons une manière d'informer les gens de l'existence de la médiation». Mais, le Protecteur du citoyen, je le trouve dans une position aussi très balancée, très équilibrée, nuancée également, et, tout compte fait, ça demeure notre position, bien qu'on demeure très attentifs aux points que vous soulevez aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Bégin: Oui, peut-être une précision. Mais je voudrais d'abord rappeler que le 827.2 dit: «Toute médiation effectuée préalablement à des procédures en matière familiale ou pendant de telles procédures». Donc, déjà, le projet de loi 14 prévoyait aussi bien la médiation préalable que celle qui était ordonnée par la cour. Alors, je comprends que, quand vous répondiez tout à l'heure que votre formation préparait autant à préalable qu'à posteriori, c'est à ça que vous référiez.

Par ailleurs, vous avez mentionné que vous vouliez que la médiation soit volontaire. Mais est-ce que je dépasse votre idée, lorsque vous dites que vous incitez les gens à le faire, et que le projet de loi rencontre cette volonté, que vous voulez qu'une première séance ait lieu? Est-ce que je dépasse votre pensée ou si ça correspond à votre pensée?

Mme Foucault (Viviane): Ça correspond à notre pensée.

M. Bégin: Pardon?

Mme Foucault (Viviane): Ça correspond exactement à notre pensée.

M. Poitras (Jean): Tel que je le soulignais tout à l'heure, M. le ministre, les gens ont une méconnaissance profonde de ce processus-là; ils ne savent pas c'est quoi. Et on l'a vécu à travers l'expérimentation de notre projet pilote. On l'a même vécu à travers notre première expérimentation d'une ligne 1-800, d'un système que nous tentons de mettre sur pied, où les gens sont très curieux mais ne savent pas à quoi précisément s'attendre. C'est une voie toute nouvelle. Mais quand vous ne connaissez pas les bienfaits d'une nouvelle invention, vous ne pouvez pas vouloir l'acquérir. Mais dès que vous en connaissez les bienfaits, à ce moment-là, je pense que le législateur doit donner l'élan à toutes ces ressources multidisciplinaires qui sont là, pour implanter rapidement ce nouveau mode, qui n'est pas contre personne mais qui est pour la population, en principe. Le système va être au bénéfice de la population.

M. Bégin: Vous avez soulevé... Oh pardon. Excusez.

M. Poitras (Jean): À ce niveau-là, vous voyez que le Centre... Il y a plusieurs notaires ici ce matin, mais le Centre a une vocation multidisciplinaire, en principe complètement indépendante de l'Ordre des notaires. Et notre conseil d'administration reflète cette multidisciplinarité et le fera de plus en plus.

Et c'est comme ça que, étant des pionniers en la matière, avec d'autres bien évidemment, et ayant investi beaucoup de temps, énergie et argent, on se propose comme un outil dans la démarche gouvernementale pour finalement devenir – le cas échéant, si telle est la volonté du législateur – ce que j'appellerais le radar, laboratoire, phare, si on veut, de tout ce système-là où la multidisciplinarité régnerait; perception et détection des maillons faibles du système; recueil des données empiriques relatives à la médiation – et le Centre, à travers son projet pilote, a recueilli déjà beaucoup de données sur ce que les gens pensaient de la médiation, les résultats, etc. – ensuite, laboratoire pour l'examen, toujours en multidisciplinarité des solutions qui seraient approuvées par des comités nommés par des différents ordres ou les gens qui s'intéressent à la matière; analyse et interprétation des données recueillies toujours par ces mêmes comités; et le phare, bien, lieu de référence reconnu pour la médiation familiale multidisciplinaire; diffusion aux autorités et aux intervenants des données recueillies; mise sur pied de colloques, symposiums pour justement répandre, toujours en multidisciplinarité – nous ne voulons pas être teintés de corporatisme, c'est loin de notre idée – et à partir de là, bien, ce sera peut-être un outil que le législateur pourra utiliser, avec d'autres bien évidemment, pour réussir sa démarche.

M. Bégin: Vous soulevez un point important, parce que tout à l'heure... Il y a deux, trois concepts qui sont intéressants, autour de la même chose. Il y a la comédiation, vous avez parlé de multidisciplinarité, on parle aussi de règles d'éthiques ou de guide de comportement pour les médiateurs qui serait ou devrait, selon certains groupes, être le même adopté par l'ensemble des corporations, applicable à chacun des membres faisant de la médiation.

Est-ce que vous pensez que le projet de loi ne permet pas la comédiation dans sa forme actuelle? Et, quand vous parlez de multidisciplinarité, est-ce que vous la voyez nécessairement en médiation, ou bien si c'est qu'une personne qui est médiateur dans un cas particulier puisse consulter des collègues qui sont d'une autre formation, ou bien si c'est nécessairement, comme je viens de le dire, de la comédiation? Parce que c'est deux concepts qui sont près l'un de l'autre. Deux personnes ensemble de formation distincte, c'est de la comédiation mais c'est aussi de la multidisciplinarité. Par contre, on peut avoir un bureau, une équipe de 10 personnes qui font de la médiation, qui ont des orientations, mettons, deux dans chacun des cinq ordres différents, c'est de la multidisciplinarité. Au moment où un des médiateurs rencontre un couple, il peut être seul, mais il peut aussi aller référer, s'il le veut, après une séance, à des collègues.

Alors, j'aimerais ça que vous élaboriez un peu autour de ces concepts de comédiation, de multidisciplinarité, comment vous le percevez dans la vie de tous les jours. Et n'oubliez pas, voir si le projet de loi l'empêche, là, la comédiation.

M. Crête (François): Bien, disons que le projet de loi, à mon avis, n'en parle pas. La seule chose qu'il y a, c'est que, si les gens décidaient de travailler en comédiation, bien, ils devront partager les honoraires perçus.

M. Bégin: Donc, c'est une question d'honoraires, là. On s'entend.

M. Crête (François): Oui. C'est une question de... Sauf que je vous dirais que la comédiation est encouragée au début pour prendre de l'expérience. Comprenez-vous? À mon avis, le médiateur devrait quand même avec le temps, l'expérience, arriver à faire sa médiation. Mais dans la majorité des cas, la médiation se fait dans des centres de médiation où il y a différents professionnels; il y a toujours un avocat ou un notaire puis il y a toujours une travailleuse sociale ou un psychologue. Moi-même, j'ai un centre de médiation, j'ai une travailleuse sociale, j'ai une psychologue, j'ai un évaluateur, un planificateur financier, un avocat. Comprenez-vous? J'ai un tas de professionnels qui gravitent et, tout dépendant des besoins des gens, bien, on va les référer au professionnel compétent. Comprenez-vous?

Mais, aussi, c'est que je ne veux pas devancer la présentation qui va vous être faite ce soir par le COAMF, parce que j'en suis membre également, mais vous allez avoir le guide de pratique. Et prenez le temps de lire ce guide de pratique là, ça va vous aider à comprendre ces choses-là.

Également, moi, j'aimerais rajouter un...

M. Bégin: Je comprends, mais permettez de vous interrompre. C'est intéressant, ceux de ce soir, mais, aujourd'hui aussi, on est intéressé à savoir ce que vous pensez comme groupe, là, aujourd'hui. Et le guide, nous l'avons déposé, là.

M. Crête (François): Non, mais vous allez avoir en détail, dans le guide de pratique, exactement comment on fonctionne en médiation, comment c'est enseigné. Et vous allez voir qu'à cet effet, si le médiateur se sent incompétent dans un niveau, bien, je pense qu'il doit aller chercher l'aide nécessaire pour répondre aux besoins de ses clients.

Maintenant, ce pourquoi j'aimerais aussi attirer votre attention, c'est qu'actuellement on parle de 500 médiateurs accrédités, mais je vous dirais qu'il y en a peut-être 500, ou même encore plus, de professionnels qui font de la médiation sans être accrédités officiellement, qui attendent que le projet de loi aboutisse puis qui attendent pour embarquer dans le bateau, qui sont à la porte. Parce que souvent les gens disaient: On est juste 500. Puis pour être membre du COAMF puis pour recevoir des demandes d'accréditation et pour donner de la formation, bien, je vous avoue qu'actuellement on a beaucoup de demandes de formation, de cours de base, formation complémentaire et de supervision.

M. Bégin: Si je comprends bien, vous faites un appel du pied pour qu'on publie le règlement le plus tôt possible...

M. Crête (François): Oh oui!

M. Bégin: ...ou qu'on fasse entrer en vigueur la disposition. C'est ça?

M. Crête (François): C'est ça. Bien, c'est qu'à un moment donné, depuis trois ans, on est dans les limbes, hein?

M. Bégin: D'accord.

(11 heures)

M. Crête (François): Puis on dit: on «fait-u» ça pour rien? On «dépense-tu» de l'argent pour rien? Parce qu'il faut comprendre que les médiateurs, ils dépensent des sous pour suivre des cours de formation de base, des cours de formation complémentaire, et pour de la supervision, également, il y a des coûts dans ça. Et ce qui arrive, c'est que les gens, bien, avant d'investir ou dépenser, bien, ils veulent voir si ça va donner des résultats puis si ça va vraiment fonctionner.

M. Bégin: Je vais faire une hypothèse, mais vraiment, là, il faut qu'on le prenne comme une hypothèse, à l'égard de ce que vous soulevez là. À la limite, pas de projet de loi n° 65, est-ce que vous demandez qu'on remette en vigueur cet article concernant l'accréditation des médiateurs?

M. Crête (François): Bien sûr. On vous l'a demandé l'an passé, M. le ministre, vous avez presque dit oui.

M. Bégin: Presque.

Mme Foucault (Viviane): Est-ce que je pourrais ajouter, M. le ministre, que la comédiation, elle est même souhaitable dans certains dossiers spécifiques ou difficiles, et qu'on peut avoir recours, à tout moment lors de la médiation, à d'autres ressources. Je pense à un psychologue de l'extérieur, ou au CLSC, si on n'en a pas directement dans le centre de médiation où le couple a fait sa demande de médiation.

M. Bégin: Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier pour le mémoire assez étoffé, plein d'informations, et la présentation que vous nous avez faite.

À la page 1 de votre mémoire, vous exprimez votre inquiétude concernant les flottements, là, que vous avez identifiés en ce qui a trait à la reconnaissance du rôle du médiateur familial et au partage du dossier au niveau de la médiation. Puis, aux pages 10 et 11, vous revenez sur le point en parlant des professionnels qui sont déjà accrédités. Nous avons, notamment les avocats, conseillers en orientation, travailleurs sociaux, notaires, évidemment, pour faire honneur à votre profession, psychologues et autres.

Nous avons entendu d'autres groupes, notamment des groupes issus du milieu communautaire, qui, eux aussi, demandent à ce qu'il y ait une place qui soit faite pour eux au niveau de la médiation familiale; et je vous ai entendu tantôt répondre à une question du ministre et vous avez dit que vous avez un centre de médiation multidisciplinaire avec des gens de différentes formations à qui vous pouvez recourir pour des interventions pointues, et le tout constitue le puzzle de la médiation.

Si on doit permettre aux organismes communautaires de prendre un espace dans ce domaine de la médiation, comment est-ce que vous pensez que la médiation peut se faire? D'abord, est-ce que vous êtes d'accord que les organismes communautaires puissent intervenir directement dans ce champ-là et, avec les ressources dont ils disposent, comment est-ce que cela peut se faire?

M. Crête (François): Disons que j'aimerais voir, là, comment, de quels organismes communautaires vous parlez, et comment. La seule chose qu'il y a, c'est que le projet de loi est fait dans l'optique que tous les médiateurs accrédités doivent être membres d'un ordre professionnel, dans le but de protéger l'intérêt du public. C'est-à-dire que, moi, en étant médiateur, je ne peux pas arrêter d'être notaire. Je dis maintenant: je ne suis plus notaire-médiateur, mais je suis médiateur-notaire. Comme un avocat va continuer d'être obligé d'être avocat pour être médiateur, et exactement la même chose pour les autres. De sorte que, s'il y a un problème qui se pose, le public, les gens impliqués ont toujours recours à mon ordre professionnel. Et c'est comme ça que l'ordre professionnel peut intervenir pour protéger l'intérêt du public. Alors que les organismes communautaires, je ne sais pas comment on pourrait protéger le public, là, dans leur façon de faire. C'est ça que je me pose comme question.

Mme Houda-Pepin: Par exemple, nous avons entendu la Maison de la famille de Sherbrooke, qui sont venus nous dire qu'ils ont traité à peu près 101 cas, je pense, de médiation familiale, et ils disposent de ressources communautaires, évidemment, comme on peut l'imaginer dans l'existence de ces organismes-là. Et ils ont soulevé un certain nombre de questions effectivement très pertinentes par rapport à ce projet de loi.

Vous qui êtes dans le milieu, mais vous fonctionnez avec des professionnels qui sont déjà membres de corporations professionnelles identifiées mais qui en plus ont une formation, comment vous voyez l'intervention de gens qui viennent d'autres milieux et qui pourraient faire le même travail, peut-être, que ce qui se fait dans un centre de médiation multidisciplinaire comme celui dont vous disposez?

M. Poitras (Jean): Déjà, Me Mulcair, tout à l'heure, mentionnait un peu la difficulté qu'il y avait à éloigner du processus judiciaire toute la démarche. Donc, dans un sens, il faut faire attention à cela, et c'est là que le médiateur accrédité, à mon sens, devient absolument nécessaire.

Mais, quand on propose, si vous voulez, là, le Centre comme une espèce de mecque multidisciplinaire pour la médiation, à ce moment-là, rien n'empêche ces gens-là de différents vecteurs de notre société d'être quand même dans les comités qui vont tout étudier la question, l'améliorer, etc. Et dès la fin du Sommet de la justice, à ce moment-là, nous avions essayé justement, le Centre, de réunir différents intervenants sociaux pour pousser certaines démarches. Il y a loin de la coupe aux lèvres après un événement semblable, si on veut, de continuer à réunir le monde. Mais peut-être qu'avec un projet comme ça qui cristallise une situation ça va être plus facile d'amener plusieurs organismes à s'y mêler à travers les comités dont je parlais tantôt qui pourraient faire partie d'équipes multidisciplinaires du Centre.

Mme Houda-Pepin: Pour clôturer, est-ce que vous êtes pour que les groupes communautaires puissent s'impliquer dans le dossier ou vous avez des réserves? Je laisse ma parole à mon collègue, qui a des question aussi.

Mme Foucault (Viviane): Nous faisons déjà appel aux organismes communautaires lors de médiations, soit à titre d'observateurs ou de personnes-ressources. Dans notre milieu, dans l'Outaouais, nous faisons déjà appel aux groupes de femmes, maisons d'hébergement, etc.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay, très brièvement.

M. Fournier: Oui, merci beaucoup. Je vais aller rapidement à la page 8 de votre rapport. Vous faites état de l'étude américaine, vous sortez des chiffres qui favorisent la médiation et vous avez aussi élaboré sur le caractère volontaire ou imposé, où ça fait une différence à l'égard de la médiation. On a appris à l'occasion d'autres séances qu'aux États-Unis il y a huit États qui imposent la médiation et que, pour les autres, elle est volontaire, et que, par ailleurs, dans tous les cas, il n'y a pas, dans les cas d'imposition, de cumul de dossiers, c'est-à-dire dossiers de garde d'enfants mélangés avec d'autres médiations, sur les aspects économiques, disons, ils ne mélangent pas les deux ensemble, pour le risque de devoir renoncer à certains droits économiques.

Ma question est la suivante: Considérant ce que vous avez dit sur l'intérêt d'avoir une première séance de médiation mais que, par la suite, c'est le caractère volontaire qui doit prendre la place – un peu dans la même lignée que le ministre vous posait tantôt la question est-ce que vous voyez dans la loi certaines choses comme la comédiation? – moi, je vais vous poser la question: Est-ce que vous voyez dans cette loi-là une possibilité d'imposer une deuxième et une troisième séance de médiation?

Parce que, moi, lorsque je regarde l'article 814.3, je vois qu'il y a impossibilité de prendre des procédures tant que, entre autres, une copie du rapport relatif à la médiation n'a pas été déposée. Donc, je me dis qu'il est toujours possible, avec cette loi telle qu'elle est, qu'un médiateur, comme vous l'avez dit, qui fait l'évaluation et que le fruit de son évaluation, c'est de se dire qu'il y a une possibilité à la médiation, il devrait y avoir une deuxième séance, peut-être avec quelqu'un d'autre de l'équipe multidisciplinaire, mais que la partie, elle, considère qu'elle ne veut pas aller à cette deuxième et à cette troisième séance que le médiateur... Est-ce que vous voyez dans cette loi la possibilité qu'une partie se voie imposer une deuxième ou une troisième séance?

M. Crête (François): À mon avis, non. Moi, je pense qu'après une séance d'une heure, là, où on a expliqué exactement le processus puis où on a fait le tour de la question, la seule chose qu'il y a – c'est même enseigné de plus en plus aux gens, aux médiateurs – c'est de se permettre de faire un caucus, qu'on appelle, c'est-à-dire de rencontrer séparément les deux conjoints afin de vérifier exactement la situation. On peut penser aux cas de violence, ou ces choses-là. De plus en plus, il est enseigné de prendre le temps de vérifier la situation du couple. Et, à mon avis, la médiation doit demeurer volontaire si on veut avoir du succès.

Maintenant, je pense qu'il faut quand même laisser la liberté et responsabiliser les gens dans leurs choix. Moi, ce que je veux, c'est plus qu'on oblige les gens à rencontrer le médiateur choisi ou désigné, parce que c'est important de savoir avec qui on va le faire. Maintenant, si ces gens-là ne s'adonnent pas, ils peuvent toujours aller voir un autre médiateur. Puis, même en cours de procédure, les gens qui auraient vu un médiateur puis qui auraient décidé de procéder autrement peuvent arrêter puis revenir en médiation. Tout est possible.

M. Fournier: Mais juste pour revenir à la question, si vous permettez, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai terminé. Juste pour revenir à la question. Je comprends tout ce que vous dites et je suis d'accord avec ça, mais, dans la loi, moi, je n'ai vu nulle part ce que, vous, vous lisez: qu'il y a une seule séance qui est forcée.

M. Crête (François): Non, je n'ai pas vu avec une seule, puis je n'ai pas vu deux, trois, non plus.

M. Fournier: Moi, si je vous dis que tant que le médiateur ne remet pas sa copie, il n'y a pas d'autres procédures qui peuvent être prises. Comment vous réagissez à cet article-là?

(11 h 10)

M. Crête (François): Attendez, pourriez-vous préciser?

M. Fournier: À l'article 814.3, on dit qu'il n'y aura aucune procédure d'entreprise à moins qu'il y ait une copie du rapport relatif à la médiation qui ait été remise. Donc, moi, je vois qu'il y a une possibilité pour le médiateur, d'amener une deuxième séance, imposer une deuxième séance.

M. Crête (François): Maintenant, le couple – et je pense que c'est possible – devra faire son choix. Et si le choix est non, bien, je ferai rapport en conséquence, tout simplement.

M. Fournier: Donc, vous ne voulez pas me répondre sur cet article-là, cette disposition législative?

M. Crête (François): Non. Bien, je...

M. Fournier: Nous, on a abordé... À un moment donné, on va aller en commission parlementaire article par article et il va falloir qu'on sache ce que ça veut dire, cet article-là. Plusieurs sont venus nous dire qu'une première séance devrait normalement être tenue... Tout ce que vous avez dit, je partage ça tout à fait. Je veux essayer de comprendre si on a affaire ici à une médiation imposée pour une seule séance ou une médiation qui peut continuer sur plusieurs séances, même si une partie désire ne pas y prendre part, si elle peut être forcée pour une deuxième séance. Et je regarde le libellé de cette loi, du projet de loi, et je ne vois nulle part «une seule séance».

Je comprends qu'une des parties puisse dire: Moi, je ne veux plus. Mais est-ce que, dans la loi, il y a un moyen pour que la partie puisse retourner à la voie judiciaire ou si on est limité par cette loi?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, je vous demanderais de conclure puisque là on a déjà largement dépassé le temps prévu.

M. Fournier: Oui. J'ai terminé.

M. Batiot (Éric): Tout simplement, le médiateur émet un rapport. Je veux dire, si les parties ne veulent plus ou bien si le médiateur ne peut plus agir, le médiateur va émettre un rapport.

M. Fournier: Et s'il décide de donner une deuxième séance?

M. Batiot (Éric): Il y a tout de même l'honnêteté professionnelle, d'abord, du médiateur. Et, deuxièmement, si le médiateur n'arrive pas à travailler avec ces parties-là, il n'ira nulle part, ce qui fait que la médiation vient d'échouer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, nous vous remercions de cette présentation, de ces échanges aussi. J'inviterais dès maintenant les représentants de l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, M. Riccardo Di Done et Me Angela Ficca.

(Consultation)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bienvenue. Alors, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous inviterais aussi à vous identifier d'entrée de jeu pour permettre l'enregistrement de nos échanges. Après le 20 minutes de présentation dont vous disposez, nous pourrons échanger avec l'ensemble des parlementaires présents en regard de la présentation de votre mémoire.


Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants (OSDE)

M. Di Done (Riccardo): Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, mes chers amis, premièrement, à titre de président de l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, j'aimerais vous remercier de nous permettre de présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 65, qui a trait à la médiation familiale obligatoire.

Attendu qu'au Québec un couple sur deux est touché par une rupture et que nous ajoutons à cela le fait que 45 % des familles sont brisées avant que l'enfant n'ait atteint l'âge de six ans et 25 % lors de l'adolescence;

Attendu qu'un nombre très élevé d'enfants impliqués dans la délinquance, violence, drogues, et référés devant les tribunaux de la jeunesse proviennent de familles éclatées ou monoparentales;

Attendu que les enfants et parents de familles éclatées ont 6 fois plus de problèmes de santé mentale et physique que les enfants et les parents de familles intactes;

Attendu que les taux de suicide au Québec, pour les femmes et hommes divorcés, sont cinq fois plus élevés que les gens mariés;

Attendu que les causes contestées en matière familiale, 10 %, occupent 86 % du temps total d'audience à la Cour supérieure;

Nous recommandons au gouvernement d'adopter le projet de loi n° 65 et que la médiation obligatoire et gratuite soit instaurée.

Fondée en 1983, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants est un organisme sans but lucratif dont la mission est de protéger et défendre les droits des enfants et des adolescents. Plus particulièrement, l'OSDE vise à aider ceux qui vivent différentes situations problématiques reliées à l'éclatement de la famille, ainsi que la violence physique et psychologique, le décrochage scolaire, la délinquance, le suicide, l'abus de l'alcool et de la drogue.

Avec l'appui de son équipe multidisciplinaire de professionnels à travers le Canada, l'OSDE vient en aide aux personnes en difficulté et contribue à minimiser les problèmes vécus par les enfants, les adolescents, les parents et les grands-parents. L'expertise de l'OSDE dans ce domaine est due notamment à l'organisation de deux congrès internationaux, l'un en 1988, dont le thème était Divorce et enfants: comment intervenir , un congrès centré sur les moyens d'action à prendre avant, pendant et après, et un deuxième, en 1992, portant sur l'enfant et la transformation familiale, vulnérabilité et adaptation, qui ont attiré plus de 1 000 participants, des spécialistes dans le domaine: des travailleurs sociaux, des psychologues, des chercheurs, dont les plus éminents: Joan Kelly, Neil Carter, Kathleen Camera et le juge en chef du Manitoba dans le temps, M. Alvin Hamilton.

Le dénouement du débat qui se joue à l'heure actuelle, concernant la viabilité du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code, instituant la médiation obligatoire et gratuite dans le processus de règlement des conflits familiaux, aura certes un impact direct sur la vie de nombreux enfants, mais également sur notre société en général. Au-delà de ce recours visant à solutionner des problèmes, l'Organisation suggère des avenues de prévention susceptibles d'éviter aux familles de vivre le traumatisme d'une rupture.

Les rebondissements, dans le dossier de la médiation familiale, ne datent pas d'aujourd'hui. C'est en 1981 que le ministère de la Santé et des Services sociaux implante un projet-pilote de médiation familiale à la Cour supérieure de Montréal. Malgré le succès incontestable remporté par le programme, le gouvernement du Québec hésitait encore, en 1984, à l'étendre à l'ensemble de son territoire. Une rumeur circule à l'effet que le ministre de la Justice de l'époque bloque le dossier parce qu'il désire que la médiation soit sous la charge de son ministère.

Malgré les résultats de l'étude Richardson effectuée pour le compte du ministère de la Justice du Canada et l'attribution de très bonnes notes au programme de médiation à Montréal, la diffusion de ces résultats n'a fait en sorte que de reconfirmer les avantages pour les familles de se tourner vers la médiation. Parmi les conclusions d'une étude du ministère de la Justice du Québec ressort l'affirmation que les services de médiation familiale se doivent d'être assumés par le ministère de la Justice plutôt que par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Par cette affirmation, le ministère de la Justice considérait la médiation familiale comme un soutien au tribunal, alors qu'elle devrait être perçue comme un service psychosocial aidant les conjoints à résoudre leurs conflits en reconnaissant qu'il s'agit d'un problème de relations interpersonnelles. Voilà pourquoi elle doit s'inscrire dans une perspective globale d'une politique à la famille.

En tant qu'organisme sans but lucratif soucieux du bien-être de l'enfant et de la famille, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants réclame avec vigueur la mise en place d'un système de médiation familiale obligatoire gratuit et non judiciarisé, ce depuis sa fondation, en 1983. Nous applaudissons les efforts du gouvernement avec son projet de loi n° 65 et nous souhaitons ardemment son entrée en vigueur. Cependant, nous désirons vous apporter nos recommandations pour faire en sorte que ce programme de médiation soit des plus efficaces. Nous croyons dans le bien-fondé de la médiation au sein de notre système social, car, selon nous, réside dans ce recours le moyen de parvenir à un règlement des litiges familiaux à l'aide d'une méthode beaucoup moins agressive, ce qui permet de diminuer de façon marquée les déchirements occasionnés par une rupture. L'enfant a besoin d'amour et de sécurité de ses deux parents pour avoir une croissance équilibrée. Nous considérons que la médiation est à ce point importante qu'elle devrait être obligatoire.

(11 h 20)

Le point sur lequel les opposants de la médiation semblent buter tourne autour du terme «obligatoire». Il semble ressortir qu'ils se refusent à ce que le libre choix des conjoints d'avoir recours ou non à ce procédé pour régler leur situation soit brimé. Nous croyons que ce choix n'est pas brimé. Au contraire, il deviendra un choix davantage éclairé car les conjoints auront une alternative, un choix de gérer leur litige eux-mêmes. D'autres ajoutent même que la médiation ne devrait pas être obligatoire, puisque 80 % des causes impliquant des mesures accessoires se règlent avant procès. Même s'il est vrai que 80 % des causes sont réglées hors cour, il est également vrai qu'une bonne partie de ces ententes ne sont pas respectées par les parties. La preuve réside dans le fait que l'Assemblée nationale a dû légiférer pour s'assurer que la pension alimentaire soit versée, soit la loi facilitant le paiement de la pension alimentaire.

La médiation familiale devrait donc être obligatoire avant même de déposer nos procédures de séparation et de divorce. Dès que les parties ont consulté un avocat pour préparer les procédures de divorce, leur perception du système en est une de confrontation. Les parties ont dû préparer des procédures où il s'avère souvent nécessaire de présenter leur version des faits, chaque partie cherchant ainsi à s'avantager.

Le Québec ne serait pas le premier endroit à exiger le recours à la médiation. Le 1er janvier 1981, la Californie est devenue le premier État à adopter une loi voulant que tous les parents doivent aller en médiation avant de procéder à la cour pour la requête de garde et des droits d'accès. On peut maintenant dénombrer 33 États américains où au moins une juridiction a un programme de médiation obligatoire. À Winnipeg, au Manitoba, lors de l'implantation de la médiation par l'honorable Alvin Hamilton, juge à la Cour supérieure, ce recours avait permis la résolution de près de 60 % des litiges entendus par un médiateur.

Pour sa part, la conférence préalable durant laquelle le juge énumère aux parties les conséquences d'un procès a atteint un taux de règlement de 30 %. En Saskatchewan, dès qu'une procédure en matière familiale est déposée, une session prémédiation est obligatoire avant de poursuivre plus loin la démarche judiciaire. Cette séance a pour but d'expliquer aux parties le processus de la médiation, ses nombreux avantages, et de déterminer si les parties ont la volonté de faire une entente entre eux en dehors des tribunaux.

Le projet de loi n° 65 instaure la médiation préalablement à l'audition de toute demande mettant en jeu les intérêts de parents et d'un ou de plusieurs de leurs enfants, dès lors que la demande est contestée sur des questions relatives à la garde des enfants, aux aliments dus à un parent ou aux enfants ou au patrimoine familial et aux autres droits patrimoniaux résultant du mariage.

Dans la démarche en cours, il est essentiel de saisir que la médiation permet d'évaluer l'attitude des deux parties. Ainsi, lors d'un premier rendez-vous, il est possible au médiateur formé en ce sens d'expliquer tout d'abord aux conjoints le fonctionnement de la médiation afin de s'assurer qu'ils comprennent bien les alternatives que ce recours leur offre. Dans sa démarche, le médiateur prend le temps d'exposer les effets qu'aura le divorce autant sur les conjoints en conflit que sur les enfants de ceux-ci. Il a aussi l'opportunité de vérifier si le couple a été capable d'arriver à des ententes au moment de la vie en commun.

Le rôle du médiateur est d'agir en tant qu'élément modérateur. Il doit donc viser principalement à tempérer à la fois le comportement et les paroles des parties en conflit, et ce, dans le but de ramener la discussion à son centre d'intérêt. Le but de l'exercice ne consiste pas à faire un gagnant et un perdant, mais plutôt d'arriver à une entente satisfaisante pour tout le monde. En ne perdant pas de vue le meilleur intérêt de l'enfant, on parvient facilement à limiter les éclats et à établir une bonne collaboration.

Au moment où les ex-conjoints ont pleinement saisi que l'entente qui sera conclue par le biais de la médiation relève de leur propre décision et non pas d'un jugement qui leur sera imposé par une tierce personne, il devient encore plus simple d'obtenir une meilleure participation de leur part. De plus, le caractère informel de la médiation favorise un climat plus détendu, faisant diminuer ainsi la tension entre les parties.

Il n'est pas nécessairement facile pour des individus en instance de divorce de s'asseoir ensemble et de discuter de leurs problèmes. Sachant pertinemment que, sous l'effet de la colère, l'être humain ne prend pas nécessairement d'instinct les bonnes décisions, il nous apparaît essentiel de guider les couples dans leur démarche de séparation afin de leur permettre par la suite de faire un choix éclairé sur le type de règlement auquel ils souhaitent en arriver.

Ne serait-ce que par simple considération à l'égard de cette réalité et par respect pour le genre humain, la médiation familiale devrait être décrétée obligatoire. Nous sommes conscients que certains individus demeureront réfractaires à l'usage de ce recours et que d'autres auront posé des gestes impardonnables: inceste, violence conjugale, ce qui entraînera leur renvoi devant la cour.

Toutefois, il faut demeurer prudent dans ces deux cas, car parfois il ne suffit que de la mauvaise volonté de quelqu'un ou d'une fausse accusation pour aggraver une situation ou encore manipuler le système. C'est justement pour détecter les fausses déclarations et limiter les abus du système que nous avons besoin de former une cour spécialisée où les juges auront reçu une formation en profondeur en matière familiale.

Les conséquences négatives du divorce ressortent souvent par la consommation de drogues, d'alcool, par la délinquance juvénile, le décrochage scolaire et le suicide. Parfois, le désarroi qui s'empare des individus est tellement profond qu'il amène les gens à avoir recours au suicide. Au Québec, les taux de suicide pour les femmes et les hommes divorcés sont cinq fois plus élevés que les gens mariés. Le divorce a un impact psychologique d'une telle envergure sur les personnes que bon nombre finissent par développer des problèmes de santé. Il semble en fait que les individus touchés par une séparation ou un divorce ont six fois plus de chance de développer des problèmes de santé physique ou mentale que le reste de la population.

Les recommandations de l'OSDE. Premièrement, s'assurer que les étudiants de niveaux primaire et secondaire reçoivent une formation sur les responsabilités parentales à l'égard des enfants; instaurer un système de réconciliation et de prévention pour les couples et familles en difficulté; mettre en place des services de médiation familiale obligatoire gratuits et non judiciarisés pour tous les couples en difficulté; éliminer les termes qui créent de la friction entre les parties; créer une cour spécialisée et former un bureau de plaintes formelles.

La compréhension des parents de leurs responsabilités envers leurs enfants et leur appartenance dans la vie de ceux-ci, tant au niveau financier qu'émotif, commencent dès la naissance de l'enfant. Les responsabilités parentales devraient donc être mises en valeur bien avant une séparation conjugale. Le premier plan aborderait un programme de formation sur les responsabilités parentales qui s'adresserait aux enfants d'âge scolaire. Le programme serait adapté au développement de l'enfant et progresserait tout au long de ses années d'étude du primaire au secondaire. Ce programme s'intégrerait au système déjà en place, par exemple pendant les cours et discussions reliés à la famille. Ainsi, la prochaine génération serait en meilleure position pour comprendre ses engagements et assumer le rôle de parent.

Deuxièmement, dans notre démarche vers un mécanisme qui répondrait davantage aux besoins des parties, il est important d'offrir aux couples qui hésitent entre travailler leur relation conjugale ou prendre une procédure de séparation un système de réconciliation. Il faut maintenir nos efforts pour assurer une certaine stabilité à la famille et surtout apporter l'aide nécessaire aux parents pour maintenir leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants.

Troisièmement, il réside dans la médiation un procédé de règlement des conflits à l'avantage de toute personne qui y est impliquée. L'objectif est donc de trouver un moyen efficace de régler des conflits et des disputes entre des individus qui doivent maintenir un contact continu et prolongé. La médiation familiale procure de nombreux avantages. Elle favorise la discussion dans un environnement plus détendu. Les parties travaillent elles-mêmes sur leur projet d'entente. Elles se sentent plus impliquées et donc respectent beaucoup plus leur convention. L'atmosphère de coopération qui est créée servira ultérieurement, lorsqu'il sera temps de réviser les termes de l'entente à la suite d'un changement dans la situation des parties.

Loin du processus d'adversité, la médiation vise à réduire les tensions et les frustrations. Pour y arriver, il faut mettre l'accent sur les alternatives possibles pour satisfaire toute la famille, et surtout les enfants. Dans le mémoire du Conseil des ministres, on soulève la question de la place du volet psychosocial dans les matières familiales. Les enfants sont souvent les plus touchés lors des procédures de séparation. D'ailleurs, on cite, à la page 64 de leur mémoire, que 45 % des familles sont brisées avant que l'enfant n'ait atteint l'âge de six ans et 25 % lors de son adolescence. Le couple qui traverse une crise a besoin de soutien, de conseils, de support; et en l'installant dans un système de confrontation, on enlève l'énergie que les parents pourraient prendre pour s'occuper de leurs enfants.

En ce qui concerne le temps alloué aux séances de médiation, il ne faudrait pas limiter le nombre d'heures à quelques-unes seulement. Donc, nous estimons plutôt que 12 heures de médiation permettraient au médiateur de traiter de toutes les modalités concernant la rupture. Nous favorisons la médiation familiale car elle a fait ses preuves depuis longtemps. En effet, selon une étude effectuée par le ministère de la Justice Canada, les montants de pension alimentaire conclus sont de 12 % à 20 % plus élevés en cas de médiation. De plus, le respect du paiement alimentaire est plus élevé chez les gens ayant eu recours à la médiation que chez les autres couples. Son principal point fort réside dans le fait que les parties en conflit participent directement au processus de règlement afin de parvenir à une entente convenable. Ainsi, les individus ne ressentent pas le sentiment désagréable d'avoir à se soumettre à un jugement rendu par une tierce personne. Il en résulte une plus grande satisfaction de chacune des parties, ne leur laissant pas l'impression d'avoir perdu quelque chose.

(11 h 30)

La médiation familiale ne favorise pas le gain d'un conjoint en particulier et elle n'encourage pas non plus la perte de l'autre. En effet, le médiateur, en ne favorisant pas la confrontation, ramène les intérêts réels au centre de la discussion. Les difficultés des familles doivent être abordées dans une optique plus humaine, en se préoccupant du bien-être des enfants.

Un autre point qui devrait inciter le gouvernement à élargir le concept de la médiation est l'économie de temps et d'argent que l'on obtiendrait. En effet, selon le projet-pilote sur la médiation familiale soumis par Ellis Research Associates de l'Ontario, le coût total par heure pour la cour, incluant le juge, le greffier, les sténographes, est de 466,29 $, alors que pour la médiation le coût total est de 96,30 $, en incluant le temps pour le secrétariat.

Une autre donnée étonnante apparaît dans le mémoire au Conseil des ministres par M. Gil Rémillard, M. Marc-Yvan Côté et Mme Violette Trépanier. «Devant la Cour supérieure, 10 % des causes sont de type familial, mais pourtant elle alloue 86 % de son temps total d'audience pour entendre ces causes». Les tribunaux s'en trouvent donc engorgés.

Un pionnier dans le domaine de la médiation, M. Justin Lévesque, médiateur et professeur à l'Université de Montréal, a décrit dans ses articles les avantages du processus de médiation. Selon lui, la médiation est une alternative aux interminables querelles qui peuvent résulter d'une rupture, propose de dépasser le conflit et de terminer la relation conjugale avec dignité, permet l'ouverture d'un dialogue favorisant une meilleure communication entre les ex-conjoints, permet plus de flexibilité que la cour en ce qui a trait aux termes d'une entente, exemple: garde partagée sur une base mensuelle plutôt que hebdomadaire, est plus économique, est plus rapide dans le temps, n'essaie pas de trouver un coupable, plus d'implication de la part des pères, permet un plus grand respect des ententes que dans les cas de jugements prononcés par un juge, favorise une plus grande régularité dans le paiement des pensions alimentaires, permet l'apprentissage d'habiletés à résoudre des conflits transposables à d'autres domaines de la vie, permet une meilleure acceptation des conclusions du divorce, permet aux parents de demeurer des parents.

La médiation familiale a comme avantage d'aborder la séparation de façon beaucoup plus thérapeutique. L'approche destructive qu'auraient peut-être prise les parties est modifiée par une avenue plus coopérative. Tout au long du processus de médiation, l'accent sera mis sur une négociation basée sur les valeurs et les besoins des individus plutôt que sur des positions qui ne tiennent pas toujours compte de la mutualité des intérêts des conjoints et des enfants. L'entente étant ainsi bâtie sur mesure par les individus eux-mêmes, les chances de s'y conformer sont d'autant plus grandes.

La médiation familiale favorise avant tout une plus grande implication des parents auprès des enfants. Contrairement à la méthode de représentation par avocats, où la partie laisse tout le travail à celui qui la représente, la médiation demande beaucoup plus d'effort au couple. Les parties doivent chercher un éventail de solutions avant de prendre une décision. La conclusion est qu'on arrive bien souvent à des résultats différents de ceux que l'on obtiendrait à la cour. Par exemple, dans un jugement, on retrouve souvent, comme droit de visite, une fin de semaine sur deux pour le parent qui n'a pas la garde, alors que, dans le déroulement de la médiation, on va tenter de maximiser la présence des deux parents auprès de leurs enfants, tout en créant une certaine stabilité aux enfants.

Le divorce a pris une ampleur telle qu'il faut trouver des solutions pour que ces litiges se résolvent plus rapidement et que les ententes soient plus durables. Mais, avant tout, on doit essayer de sortir les parties de l'impasse avec le moins possible de séquelles. Par son apprentissage académique et professionnel, l'avocat tente d'obtenir le maximum de concessions pour son client. Si on fait exception de ceux qui pratiquent la médiation, les avocats sont formés à la négociation et non à la médiation. Il y a là une différence fondamentale. Les médiateurs sensibilisent les parents à considérer le meilleur intérêt des enfants et le besoin des enfants. Ce médiateur devrait donc être soit un psychologue ou un travailleur social. Sa compréhension de la nature des individus, sa sensibilisation à la dynamique de la famille et sa perception des réactions psychologiques font de lui la personne la plus apte à intervenir dans ces situations.

Le rôle du médiateur est d'informer les parents des conséquences néfastes du divorce sur les enfants et de leur faire prendre conscience que la relation avec les enfants continue même si le couple n'existe plus. En ayant des médiateurs spécialisés en matière familiale, ces derniers seront plus au fait de tenir à jour leurs connaissances en ce domaine. Il faudrait que ces médiateurs, d'ailleurs, fassent uniquement de la médiation afin de ne pas être en présence de quelqu'un qui fait trois mois de corporatif, six mois de droit criminel puis, oups, une cause de médiation familiale.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Di Done, je vous inviterais à conclure pour qu'on puisse procéder aux échanges.

M. Di Done (Riccardo): Avec tout le respect, M. le Président, j'en ai pour moins de deux minutes et j'ai terminé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est bien.

M. Di Done (Riccardo): Merci beaucoup. Certains mots, par leur nature même, créent un gagnant et un perdant. Ce n'est pas une mesure compliquée que de changer ces termes pour qu'ils soient plus valorisants pour les parents. À titre d'exemple, nous proposons de changer l'expression «garde légale» pour «responsabilité parentale», de même que «soutien familial» pour remplacer «pension

alimentaire».

L'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants recommande l'établissement d'une cour spécialisée. Les juges qui siégeraient à cette cour auraient une formation en profondeur en matière familiale, tant au niveau légal que psychosocial. Étant donné qu'ils n'entendraient que des causes en droit de la famille, les juges auraient l'opportunité de développer une expertise dans le domaine de ce droit. La résolution des conflits familiaux est extrêmement importante et très difficile.

En plus de l'expérience en droit de la famille, le juge de la cour spécialisée doit avoir une sensibilité pour les enfants. Le juge devrait avoir des connaissances en psychologie, en médiation, en développement des enfants et en relations interpersonnelles. En ce moment, un divorce contesté peut être réglé après un an ou deux, en moyenne, sans compter toutes les requêtes qui viennent s'y joindre. Notre but en parlant de cour spécialisée est de pallier à tous ces effets négatifs.

Nous croyons qu'il serait pertinent d'avoir un bureau de plaintes formelles dans les situations où la pension ou soutien alimentaire n'est pas payé ou que les droits des visites ne sont pas respectés. Notre préoccupation à ce niveau est encore d'intervenir rapidement pour que l'enfant ne soit pas préjudicié par ce retard. Il faut que ce service soit efficace et simple car le défaut de paiement implique souvent la perte de temps, d'argent, d'heures de travail, de même que des coûts émotionnels pour le créancier alimentaire. Le créancier se présenterait au bureau et une personne-ressource qualifiée préparerait la plainte. Il s'agit d'une procédure hors cour qui ne nécessite aucune représentation professionnelle. Il est important que cette personne-ressource insiste pour sensibiliser le débiteur de l'importance de sa contribution tant monétaire qu'affective auprès de son enfant. Pour les pensions alimentaires qui ne seront pas acquittées après cette étape, la loi facilitant le paiement de la pension alimentaire pourrait alors entrer en application.

En conclusion, pour toutes les raisons citées ci-haut et sachant que la médiation a fait ses preuves, nous recommandons au gouvernement d'adopter le projet de loi n° 65 et que la médiation obligatoire soit instaurée. Pour le plus grand bien des enfants, de la famille, pour une meilleure société, donnons donc à nos enfants les outils dont ils ont tant besoin pour bien grandir. M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, M. le ministre, je vous inviterais à débuter nos échanges.

M. Bégin: Merci beaucoup pour votre mémoire. Vous abordez les questions sous un angle légèrement différent de ce qu'on a entendu jusqu'à ce jour, et de manière très ferme, et vous citez des sources que nous ne connaissions pas. Et j'aimerais peut-être vous demander un peu d'information là-dessus. Je vous réfère en particulier à la page 6 de votre mémoire, où vous dites: «Devant ces faits, on peut maintenant dénombrer 33 États américains où au moins une juridiction – et là peut-être qu'il faudrait définir c'est quoi, la juridiction – a un programme de médiation obligatoire». Et là vous faites une liste: «Ces États sont...» Je présume qu'il y en a 33. Je ne les ai pas comptés. Quand vous dites «au moins une juridiction» qu'est-ce que vous voulez dire par ce mot-là? Est-ce que ça veut dire que c'est seulement un district judiciaire, par opposition à une cour, ou bien si c'est l'ensemble de l'État, ou une partie de l'État?

M. Di Done (Riccardo): Ça peut être une partie de l'État. Ça peut être une cour.

M. Bégin: C'est un dénombrement qui a été fait et que vous connaissez, là?

M. Di Done (Riccardo): Disons que... Exactement. C'est ressorti alors qu'un conférencier à un des congrès avait les données, comme tel. Et il en reste que, où on veut en venir, c'est que la médiation s'accroît d'année en année et se développe de plus en plus. On le voit même ici, au Canada. Ça se développe dans les différentes provinces, étant donné que les gens réalisent l'effet positif qu'elle apporte aux gens impliqués, dont les parents, les enfants et souvent les grands-parents.

M. Bégin: J'en parle parce que, à date, l'information que nous avions était à l'effet que dans huit États américains il y avait de la médiation obligatoire. Parce que là vous parlez de 33. C'est quand même un changement majeur, vous en conviendrez. Oui, madame?

Mme Ficca (Angela): M. le ministre, je pourrais répondre. Mon nom est Angela Ficca. Je suis avocate à l'Organisation. Cette donnée a été prise dans un article qui est apparu dans la Family Law Section du American Bar Association, la revue de la American Bar Association, et c'était rédigé par L. Milne, Peter Salem and Kristin Koeffler. Et j'ai parlé avec Peter Salem, qui est un des auteurs, la semaine dernière, et il m'a d'ailleurs dit qu'il fallait ajouter un autre État, c'est-à-dire l'État d'Illinois. Il m'a dit qu'il y en a 34. Là, je peux vous citer. C'est simplement dans une juridiction. On ne parle pas de...

M. Bégin: Non, non, c'est parce que c'est important que vous disiez ça parce que, à date, l'information que nous avons... C'est bon que vous apportiez un élément additionnel à l'effet qu'ailleurs de plus en plus ça s'installe dans les États, que ce soit pour l'ensemble ou à titre d'expérience-pilote.

Vous soulevez d'ailleurs d'autres éléments qui sont intéressants, un peu plus loin dans la même page, à la page 6. Vous parlez que: «Pour sa part, la conférence préalable durant laquelle le juge énumère aux parties les conséquences d'un procès a atteint un taux de règlement de 30 %.» Est-ce à dire que les parties intentent des procédures en divorce et, avant d'aller plus loin, le juge les convoque et leur dit: Voici. Vous avez intenté des procédures, vous pouvez être entendus par la cour éventuellement, mais on vous informe qu'il y a d'autres méthodes de régler le litige, ou... De quelle manière ça se passe, là, pour avoir un taux de solutions à ce niveau-là?

(11 h 40)

M. Di Done (Riccardo): O.K. Pour maximiser l'effet de la médiation puis s'assurer que personne ne va manipuler le système pour leurs propres besoins personnels, ce qui avait été mis en place par le juge Hamilton au Manitoba, c'est qu'il a formé une cour spécialisée. Et les juges avaient une formation en profondeur, eux-mêmes, dans le sujet. Alors, ce qui se produit, c'est que, lorsqu'on arrive devant le juge, le juge immédiatement vous ordonne à la médiation, ou vous réfère à la médiation. On emploiera le terme qu'on voudra ici, là, parce qu'il faut faire attention de ne pas s'accrocher, des fois, à des techniques. Les gens doivent aller vers le médiateur, et les médiateurs sont de formation de travailleur social ou de psychologue. Mais, en grande partie, ce sont des travailleurs sociaux, pareil comme nous avons ici, au Palais de justice. La raison à ça, c'est que le médiateur qui a cette formation et qui ne fera que de la médiation est beaucoup mieux outillé pour détecter pourquoi un des parents sinon les deux ne veulent pas s'entendre et a les richesses des connaissances pour pouvoir aller chercher les parents.

Et, en première instance au Manitoba, lorsqu'on va à la médiation, au-delà de 60 % des causes globales étaient réglées. Pour le 40 % qu'il restait, lorsqu'on revient devant le juge, le juge vous amène à sa chambre arrière et lui-même agira à titre de modérateur, lui-même tentera de comprendre pourquoi vous ne voulez pas vous entendre et tentera de vous faire réaliser que, si vous ne voulez pas vous entendre à l'amiable, il est possible qu'un de vous deux sinon les deux, vous allez être beaucoup plus malheureux si on vous impose un jugement. D'ailleurs, dans les années 1984, 1985, les résultats étaient d'au-delà de 95 %. Maintenant, le processus a changé un peu parce que, depuis que le juge Hamilton s'est retiré, il y a eu beaucoup de pressions qui ont fait que, dans beaucoup d'endroits, on essaie de dire que, obligatoire, ce n'est pas bon.

Mais il en reste que, si vous avez la cour spécialisée, qu'elle soit obligatoire ou pas pour une session ou plusieurs sessions, ça va empêcher les gens de dire: Bien, on va aller en médiation parce qu'on est obligés d'y aller pour une fois, mais, par la suite, on s'en va déjà devant les tribunaux, puis déjà on est décidés.

M. Bégin: À cet égard, vous soulignez, à la page... Et je reviens un peu à la page 3, dernier paragraphe. Vous dites, dans les deux dernières lignes: «Mais tous les arguments que l'on oppose à l'aspect obligatoire du terme ne sont-ils pas en fait une façade dissimulant un débat qui se déroule à un autre niveau?» Pouvez-vous être plus explicite?

M. Di Done (Riccardo): Si on regarde le dossier de médiation – je le suis depuis 1983 moi-même – si on regarde les confrontations qu'il y a eu entre le ministère de la Santé puis le ministère de la Justice au cours des années, il en est une où le ministère de la Justice a voulu s'accaparer d'un dossier. Puis, aujourd'hui, on fait toutes sortes de commentaires. Exemple, on essaie de trouver tous les moyens possibles, exemple: 80 % des causes sont réglées hors cour, mais on sait qu'il y a un grand pourcentage des jugements, tant sur leur aspect de visite que de pension alimentaire, qui ne sont pas respectés. Alors, la vérité en est une qu'en ce moment, malheureusement, le processus qui existe est très difficile, il est très lourd puis il est très coûteux tant monétairement que psychologiquement. Mais il en reste que, même si ça fait longtemps qu'il y a eu un budget d'au-delà de 1 000 000 $ qui avait été voté par le gouvernement antérieur, sous le ministère de la Santé, pour créer la médiation, le ministère de la Justice du temps a bloqué le dossier. Puis on continue, l'histoire se répète.

Alors, est-ce qu'on veut être vraiment objectifs envers l'enfant et les parents et tenter vraiment de leur apporter des outils? C'est ça, le point de vue ici, là.

M. Bégin: Dites-vous que le ministère de la Santé s'objecte au projet de loi n° 65?

M. Di Done (Riccardo): Pas le ministère de la Santé. Il y a juste un ministère qui s'est toujours objecté. Puis les autres se sont assouplis suite à la pression, très lourde, du Barreau. D'ailleurs, on a eu plusieurs réunions dans le passé avec les dirigeants des différentes corporations. Puis je peux vous dire que, dans le temps de l'ancien gouvernement, dans le gouvernement antérieur, c'est que toutes les recommandations qui sont élaborées ici aujourd'hui ont passé au conseil du parti, à un moment donné, unanimement, suite à l'allocution qui avait été faite par le ministre de l'Éducation du temps, le ministre Pagé. Par contre, Gilles Rémillard, cette journée-là, ne s'y trouvait pas.

M. Bégin: Vous allez à la page 14, recommandation numéro 3. Vous dites: «Mettre en place des services de médiation familiale obligatoire gratuits et non judiciariés pour tous les couples en difficulté ou en instance de divorce, ainsi que pour la famille élargie confrontée à des problèmes.»

M. Di Done (Riccardo): Ce qu'on veut dire par ça, c'est que souvent on a des problèmes de famille, exemple: grands-parents qui ont de la difficulté à voir leurs petits-enfants. Alors, ça devrait être le même processus. Au lieu qu'un grand-parent soit obligé d'aller en confrontation contre son propre enfant ou sa bru, ça serait beaucoup plus humanitaire et ça minimiserait de beaucoup les effets secondaires que ça a pu apporter.

M. Bégin: Donc, si je comprends, vous voulez élargir à un plus grand nombre de personnes ce processus de médiation ou de méthode de règlement des conflits entre les familles ou dans les familles en des différentes composantes de cette famille-là. C'est ça?

M. Di Done (Riccardo): Écoutez, sachant que la famille, c'est la richesse de la société, il faut tenter de leur apporter tous les outils nécessaires pour venir à bien communiquer. Puis souvent ce sont juste des... On va commencer, des fois, des dilemmes d'un petit sujet qui va s'accroître puis, lorsqu'on commence des démarches pour aller à la cour, c'est évident que l'autre partie va être très agressive automatiquement, va devenir agressive.

M. Bégin: Justement, à cet égard – vous me permettez deux secondes... Alors, je comprends que, pour vous, il n'est pas question de faire de la médiation après que les procédures judiciaires ont été intentées, ou bien si c'est possible d'en faire mais que vous préférez que ça ait lieu préalablement?

M. Di Done (Riccardo): Préalablement, définitivement. C'est le seul moyen, d'ailleurs, si on veut maximiser l'impact de la médiation.

M. Bégin: Et plusieurs personnes se sont prononcées sur ce que devrait être une première séance obligatoire. Pouvez-vous nous exposer comment vous la percevez, cette séance-là?

Et, deuxièmement, j'aimerais vous poser une question: En faites-vous vous-même, de la médiation?

M. Di Done (Riccardo): O.K. J'aimerais vous faire part... Premièrement, quand je parle, je parle au nom de plusieurs personnes, même d'ici, du département de la médiation au palais de justice, Justin Lévesque, Aldo Maroney, Lorraine Filion, c'est des gens avec qui je travaille depuis 1984, qui ont fait partie de nos comités et de nos congrès, parce qu'on a toujours été en étroite collaboration, et plusieurs autres de renommée internationale.

Et, premièrement, le processus de médiation... Puis, même ici, on ne va pas aussi loin qu'on le pourrait. De un, le médiateur, en partant, devrait éliminer tous les termes qui créent de la friction. On ne devrait plus parler de «pension alimentaire», on ne devrait plus parler de «droit de visite», on devrait parler de «responsabilité parentale». On doit minimiser l'idée de faire qu'un devient le pourvoyeur et l'autre... Tu sais, il faut être objectif au maximum.

Le médiateur, son rôle, c'est de vous sensibiliser à l'importance de maintenir votre implication, que vous soyez ensemble ou pas, O.K.? Et puis de faire comprendre ce qui peut surgir. C'est beau de dire, des fois, qu'on n'aime pas les chiffres... Beaucoup de gens, ils disent: Bon. On ne peut pas prouver ci, on ne peut pas prouver ça. Il reste que Statistique Canada a démontré que les enfants puis les parents de familles éclatées, ils ont six fois plus de problèmes de santé. Juste le coût, non seulement monétaire, mais social à ça est incroyable. Il reste qu'on a un taux de suicide énorme, tu sais. Alors, c'est important que les médiateurs puissent sensibiliser les parents à l'importance à maintenir leur implication.

Tu sais, ce n'est pas nécessairement parce qu'il y a un divorce que l'enfant va avoir des problèmes. Il y a l'aliénation parentale, il y a le parent qui décroche, il y a la violence qui s'accroît. On parle toujours qu'un divorce ça va minimiser la violence. On sait que, dans la majorité des cas – on ne parle pas des cas où il y avait de la violence physique antérieurement – lorsqu'il y a séparation et divorce, la violence, qu'elle soit verbale ou autre, s'accroît de beaucoup puis elle peut durer pendant plusieurs années. Alors, ça serait important pour le médiateur de sensibiliser les parents et de les encourager vers la médiation et leur faire comprendre les bénéfices qui peuvent en ressortir.

Pour nous, que ça soit une session de médiation ou que ça soit 12 sessions de médiation, tout dépendant du cas, ce qui est très important, c'est de s'assurer que, si un parent n'est pas de bonne foi... Puis on sait que souvent c'est la force du plus fort, qu'on revient devant le juge... On sait que 86 % du temps de la cour, c'est des causes familiales. C'est important qu'il y ait des juges qui aient une formation très approfondie qui, eux-mêmes, vont prendre la relève. Alors, il y a deux étapes, ici. Puis la deuxième étape, si elle est mise de côté, on va être loin de pouvoir accomplir la mission que la médiation devrait faire. Alors, je pense que, là-dessus, on pourrait un peu voir ce que le Manitoba fait à ce niveau puis tenter d'en faire un projet-pilote au Québec. Et, à un certain moment donné, si on voit l'efficacité, la rendre obligatoire, pareil à ce qu'elle était là-bas.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de notre formation, de souhaiter la bienvenue à M. Di Done et à Me Ficca. Et, avant de commencer, je tiens à dire: C'est de bon aloi que j'aie déjà eu l'occasion de représenter Me Di Done, avec Me Ficca, justement, dans une affaire qui concernait lui et sa famille, et donc cette explication est nécessaire, je trouve, même si on s'est parlé. Vous savez très bien que nos opinions divergent dans ce dossier-ci, mais je trouve que, de la même manière que je ne me permettrais pas de questionner un membre de ma famille sans informer les autres membres de cette commission, je trouvais ça important d'informer mes collègues d'en face et mes autres collègues qu'on se connaissait, par ailleurs.

(11 h 50)

Je dois, dans un premier temps, référer à la question qu'a soulevée le M. le ministre tantôt, qui vient à la page 5 et suivantes de votre mémoire, et je vais me permettre à mon tour de vous référer à une doctrine, à des écrits dans le domaine, plus récents que ce que vous avez mentionné, l'étude Milne, Salem et Koeffler. Je vous réfère à un article paru dans le Ohio State University School of Law Journal on Dispute Resolution , which is published in cooperation with the American Bar Association Section of Dispute Resolution, et c'est le volume 10, 1995, n° 2. Et, là-dedans, on mentionne qu'il y a huit États où il y a de la médiation obligatoire, pour l'État, en matière familiale et où, par ailleurs – et ça, c'est très important de le mentionner – ça vient un peu en filigrane dans votre texte, notamment en haut de la page 6, où vous nous dites que «devant la cour afin d'y déposer une requête de garde et de droit d'accès»... Donc, implicitement, on peut comprendre que ce qui est prévu en Californie, c'est strictement ces questions-là, et les questions patrimoniales ne sont jamais mêlées à ces questions-là, lorsqu'on parle de médiation obligatoire.

C'est une nuance, mais une nuance, à notre sens, très importante, parce que ce qui est proposé ici par vous et dans le projet de loi tel qu'il se lit à l'heure actuelle, c'est de la médiation obligatoire dans les matières qui dépassent la garde et les droits d'accès, mais aussi sur les questions patrimoniales.

Et ça vaut la peine, à mon sens, M. le Président, de comprendre pourquoi ce changement a été cru nécessaire, cette limitation nécessaire, et ça revient aux pages 471 et suivantes dans l'article que je viens de mentionner.

«The further criticism levied against California statute was that it lacked judicial protection for women. This concern is based on the assertion that in our society there is a power imbalance between men and women resulting from a man's higher earning power. The California Legislature addressed this concern in its 1988 amendment to the statute that limited mediation exclusively to the resolution of custody or visitation issues. By keeping the resolution of custody issues separate from property settlement discussions, it is anticipated that less – and the quotation is in the text – bargaining of custody for financial considerations will occur». Je trouve que c'est important d'avoir ce genre d'information de fond si on veut pouvoir poursuivre notre analyse de la situation.

Vous l'avez sans doute entendu, M. Di Done, notre position est semblable en tous points à celle adoptée par le Protecteur du citoyen qui, lui, préconise, fort de son expérience, l'entrée en vigueur du projet de loi 14 avec une information qui serait donnée aux parties sur l'existence de la médiation. Vous dites plutôt que vous êtes en faveur de la médiation dite obligatoire et vous donnez, d'une manière tout à fait correcte et élaborée, votre position.

Mais j'aimerais vous référer à une phrase qui se retrouve à la page 17 de votre mémoire, qui, pour moi, va au coeur de ce qu'on a devant nous aujourd'hui. C'est dans le deuxième paragraphe et ça commence comme suit: «Son principal point fort – donc vous parlez de la médiation – réside dans le fait que les parties en conflit participent directement au processus de règlement afin de parvenir à une entente convenable.» C'est clé, ça, comme déclaration, et je dois juste vous dire que tous s'entendent là-dessus, y compris notre formation politique, parce qu'il faut comprendre qu'on est en faveur de la médiation. Là où la discussion a lieu aujourd'hui, et entre les deux formations politiques, comme vous l'identifiez bien au début, c'est sur le caractère obligatoire.

Vous continuez en disant: «Ainsi, les individus ne ressentent pas le sentiment désagréable d'avoir à se soumettre à un jugement rendu par une tierce personne». C'est notre première question: Quelle est la distinction, pour vous, si le problème, c'est vraiment un de soumission à une autorité ou à une règle, quelle est la différence entre se soumettre à un jugement rendu par une tierce ou se soumettre à une décision législative comme quoi vous allez obligatoirement en médiation, même si vous n'en voulez pas? Comme adulte, majeur, consentant, libre dans vos décisions, quelle est la différence, donc? Quel est le niveau de soumission qui est acceptable dans un cas et inacceptable dans l'autre? Et sur quels critères vous vous basez pour faire cette distinction-là?

M. Di Done (Riccardo): O.K., M. Mulcair. Premièrement, j'aimerais retourner à la question des États qui font de la médiation, au États-Unis. La médiation, qu'elle soit implantée à un niveau ou à un autre, prend beaucoup de place, elle grandit. O.K.? Par contre, tant aux États-Unis qu'au Canada, il y a des groupes de pression qui s'objectent, je pourrais dire sans exagération, farouchement, à ce qu'on les mette en place.

Nous, on a passé les recommandations au gouvernement du Parti libéral – si je me rappelle bien, c'était en 1991 – ça avait été accepté unanimement, puis ça a été accepté par le caucus de l'ouest de Montréal puis ça a été accepté par le caucus de l'est de Montréal. Il y a eu une personne qui a tout fait pour bloquer ce dossier-là, ça a été Gilles Rémillard. Finalement, il est venu à bout de convaincre le Conseil des ministres que... pour qu'on puisse débloquer le dossier, tout le monde a commencé à se plier aux demandes du ministère de la Justice, et c'est ce qui s'est produit. D'ailleurs, c'est un dossier sur lequel j'ai travaillé en étroite collaboration avec Gilles Rémillard lui-même et puis, antérieurement, avec Herbert Marx, puis M. Dutil, puis avec Louise Harel, du parti au pouvoir en ce moment. C'est un dossier que plusieurs connaissent de longue date, inclusivement notre grand ami Michel Bissonnet.

Alors, il faut être objectif. Comment ça se fait que le projet de loi 14 de Gilles Rémillard est tombé en place? On n'avait pas le choix. Il fallait qu'il passe, sinon c'était la bagarre à l'intérieur. Le point fort de la médiation, c'est qu'on va tenter d'aller sensibiliser les parents, puis on va les sensibiliser, on va leur faire comprendre tous les bénéfices. Puis, d'ailleurs, les gens vont se sentir beaucoup moins nerveux, ils vont... Souvent, d'ailleurs, par la médiation, au Manitoba, par expérience, au-delà de 10 % des couples vont revenir ensemble, tu sais. Déjà ça, si on regarde la quantité de gens qui divorcent annuellement au Québec, si on pouvait aller chercher 10 %, ce serait déjà beaucoup. Contrairement à la confrontation, lorsqu'on s'en va à la confrontation, bien, il faut tout mettre en notre faveur pour tenter de gagner une cause. Puis ici, on parle de gagner nos propres enfants. Nos enfants, là, dès le début, ont deux parents, puis on a une responsabilité envers nos parents, que ça soit le père et la mère. On se doit de sensibiliser les parents à maintenir leur implication.

Puis, par un jugement, qu'on le veuille ou pas, on crée un vainqueur et un perdant. Puis, le perdant, c'est comme si le ciel lui tombait sur la tête et ça pousse des gens à faire toutes sortes de sottises. On ne paie pas la pension, on ne permet pas les droits de visite. Il y a beaucoup de gens qui vont paniquer, ils prennent leurs enfants et se sauvent. On regarde Statistique Canada, les effets secondaires que cela apporte sur la santé mentale et physique, on retrouve 61 % des jeunes au Tribunal de la jeunesse. Il y en a qui n'aiment pas entendre ça, mais c'est une vérité qui représente le 20 % de la société, ceux qui ont des troubles de comportement. Puis la dernière recherche qui a été faite par Statistique Canada a démontré que même les enfants de famille monoparentale où on est financièrement à l'aise ont beaucoup plus de problèmes de comportement. Alors, l'objectif de la médiation pourrait minimiser tous ces effets-là.

M. Mulcair: Merci, M. Di Done. Maintenant, je comprends votre argument, parce que c'est un argument basé sur le comportement. Et je comprends aussi votre position, parce que vous le dites assez bien dans votre mémoire à la page 8: «Sachant pertinemment que sous l'effet de la colère l'être humain ne prend pas nécessairement d'instinct les bonnes décisions, il nous apparaît essentiel de guider les couples dans leur démarche de séparation afin de leur permettre par la suite de faire un choix éclairé». Je vous avoue que, vu avec mes yeux libéraux – dans le sens le plus noble du terme – je trouve ça un peu paternaliste que quelqu'un dise que c'est essentiel de guider les couples, comme si les adultes avaient besoin de quelqu'un à l'extérieur parce qu'ils sont trop colériques, pour reprendre un de vos termes, pour prendre leurs propres décisions! Moi, je vous avoue que je n'embarque pas là-dedans, pas une seconde.

Et je prends bonne note de vos statistiques sur le fait que ça va beaucoup mieux, les gens qui ont eu de la médiation, ils respectent dans tel pourcentage la décision, ils se parlent encore mieux, ils prennent le café ensemble, tant mieux. Mais je vous soumets que c'est une question un peu de poule et d'oeuf, hein: Est-ce que c'est parce que, dans une situation de médiation volontaire, des gens ont dit: on est capable de s'entendre, et ils se mettent dans un processus de médiation volontaire – et, par le fait même, on parle de gens qui sont assez disposés et ouverts les uns par rapport aux autres – et donc, la suite logique de ça, c'est qu'il y a un plus haut pourcentage d'ententes et que, par ailleurs, lorsque les gens ne s'entendent pas – parce que ça existe aussi – colère ou pas colère, que l'on veuille les dissuader de leur mauvaise voie ou pas, ils sont libres de leurs émotions et de leur vécu et ils peuvent dire: moi, je ne suis pas capable de vivre avec cette personne-là et personne ne me forcerait d'aller en médiation avec, je veux qu'on protège mes droits dans un cadre qui existe pour la sauvegarde de mes droits, qui est l'existence d'un système juridique, un système de lois, et je veux la sauvegarde de mes droits? Et, par la force même, c'est normal aussi, quelqu'un qui choisit librement cette voie va être peut-être un peu moins apte à dire: oui, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'est la nature humaine, ça! Mais je ne pense pas qu'on puisse légiférer sur des émotions. N'empêche que votre position, c'est qu'on devrait évacuer même les avocats et les notaires de tout ça et juste garder les psychologues et les travailleurs sociaux.

(12 heures)

M. Di Done (Riccardo): Il faut faire attention. Ce n'est pas une question d'éliminer qui que ce soit, c'est de s'assurer que les gens qui vont être en place ont la formation adéquate pour bien le faire. On ne peut pas s'attendre qu'un médiateur qui va faire de la médiation une fois ou deux par année va être aussi compétent et aussi objectif et avoir un pourcentage de réussite aussi flagrant que celui qui en fait tous les jours.

Pour retourner à l'aspect que vous dites, là, obligatoire, moi, je sais bien que, si on veut commencer à s'amuser avec les termes... il y a une lumière rouge puis il n'y a pas de voiture, je décide de passer, il y a des contraventions qui vont être mises à l'écart. Si on parle des intérêts des enfants, on connaît le bénéfice de la médiation, ça a été prouvé aujourd'hui.

Quand on regarde les résultats qui existent au Manitoba... Puis, même au Manitoba, je me rappelle que le juge Hamilton m'a dit: Riccardo – parce qu'on parlait de certains autres aspects – si on veut en venir à bout, il faut leur en donner un peu. Puis on parlait du Barreau. Puis là c'était le juge en chef de là-bas qui parlait. Puis ici, sur nos comités, j'ai eu le président du Barreau canadien, division de la famille, puis plusieurs autres avocats qui sont entièrement d'accord sur l'efficacité de ce genre de processus là.

Puis si un parent, lui, dit: Bien non, moi, les enfants, ça m'appartient, c'est moi qui vais les avoir; ou: Moi, je ne paie plus de pension puis je ne veux rien savoir de la médiation, bien, on se doit d'avoir des lois pour tenter de les sensibiliser à l'importance de maintenir leur implication. Ces enfants-là se sont faits avec deux parents. Puis s'il y en a un qui veut être de mauvaise foi, à ce moment-là, lorsqu'on se retrouve devant le juge, ce qui se fait au Manitoba, c'est que, si un parent est vraiment de mauvaise foi, bien, le juge va prendre en considération celui qui va être beaucoup plus ouvert à la communication et permettre la liberté de communication de cet enfant-là avec les autres parents, les grands-parents et le reste de la famille.

M. Mulcair: Un dernier point, M. le Président, si ça va côté temps, puis après mes autres collègues ont sans doute des questions aussi, si on a le temps. À la page 8 du mémoire de l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, on peut lire ceci: «Toutefois, nous sommes conscients que certains individus demeureront réfractaires à l'usage de ce recours et que d'autres auront posé des gestes impardonnables: inceste, violence conjugale, etc., ce qui entraînera leur renvoi devant la cour. Toutefois, il faut demeurer prudent dans ces deux cas.» J'aimerais juste comprendre le sens de cette phrase-là. De quels deux cas parle-t-on?

M. Di Done (Riccardo): Quand on parle... Premièrement, les fausses accusations, qu'on va employer souvent.

M. Mulcair: Je m'excuse.

M. Di Done (Riccardo): Mais elles peuvent être vraies. Non, non, laissez-moi juste terminer parce que je vais l'englober complètement. C'est qu'on peut accuser quelqu'un d'inceste ou de violence conjugale. Il y a plusieurs fois, c'est vrai, mais je peux vous dire que c'est une vérité qu'au-delà de 80 % à 90 % des causes ne sont pas retenues. Alors, c'est là l'importance de s'assurer qu'on va avoir des juges qui vont être drôlement bien formés, qui vont avoir une équipe multidisciplinaire, puis on va s'assurer que lorsque les gens procèdent, disent: Je ne veux pas aller en médiation parce qu'il y a eu ça, mais qu'en vérité ce n'est pas vrai, là il doit y avoir des conséquences drôlement sérieuses, comme le projet de loi qu'on faisait pour saisir les pensions alimentaires.

M. Mulcair: Une question en terminant, M. le Président. J'aimerais savoir si l'Organisation peut nous fournir des sources pour justement ces deux chiffres là. Premièrement, vous avez dit pendant votre présentation: On sait que dans la majorité des cas la violence s'accroît suite au divorce. J'aimerais savoir si vous avez des autorités pour soutenir cette affirmation-là; et si vous pouviez nous les fournir, ça nous aiderait dans nos délibérations. Et, deuxièmement, j'aimerais bien connaître les sources pour votre affirmation que 80 % à 90 % des accusations de violence conjugale et d'inceste sont fausses. Et, ça aussi, ça va nous aider...

M. Di Done (Riccardo): Ça, ça vaudrait la peine que le ministère lui-même aille faire sa propre recherche à l'intérieur des domaines, parce qu'on a essayé de rentrer puis ils ne nous laissent pas rentrer. Mais je peux vous dire que ça vient...

M. Mulcair: Je m'excuse. Avec respect, M. Di Done, certainement quelqu'un de votre expérience, vous n'avez pas avancé un chiffre aussi précis sans avoir une source.

M. Di Done (Riccardo): Ce sont des sources confidentielles, c'est le problème qu'on a.

M. Mulcair: Ah, ah!

M. Di Done (Riccardo): Par contre, le ministre de la Justice a tous les pouvoirs de pouvoir bien faire une analyse des dossiers. Ça ne prendrait pas tellement de temps pour réaliser la vérité. Puis on peut aller même en médiation, ici, au palais de justice, il y a certaines personnes qui connaissent les sources aussi. Mais c'est une vérité, c'est une vraie vérité. Puis le pire de tout ça...

M. Mulcair: Par rapport à une fausse vérité?

M. Di Done (Riccardo): C'est une vérité complète, O.K., que c'est au-delà de 80 % des accusations qui ne sont pas retenues. On a juste à regarder les dossiers. Il faudrait faire une étude sur les dossiers. Mais je peux vous faire part que, lorsqu'il y a accusation d'inceste au niveau des enfants, si c'est vrai, c'est drôlement grave, au niveau des enfants. Mais si ce n'est pas vrai, c'est drôlement grave, au niveau des enfants aussi, après tous les tests qu'on leur fait passer. Ce qu'on leur fait vivre, je me demande des fois si ce n'est pas aussi grave, puis ça, ça a été... Notre comité scientifique, on parle de spécialistes qui travaillent dans le domaine, de l'Université de Montréal, de Sainte-Justine... ce sont des effets sérieux. Alors, on se doit d'être très objectif, dans la situation maximale.

M. Mulcair: Ne confondons pas les gens. On est d'accord avec vous que les effets et de l'inceste et de la violence conjugale ou de l'abus sexuel d'un enfant sont à vie. On se comprend là-dessus. Je présume, sans le savoir, que, aussi, les effets de tous ces tests-là, dans un cas où c'est inventé, peuvent aussi produire des séquelles. Ce n'est pas ça, notre question. Notre question était de savoir sur quoi on se base pour affirmer que 80 % à 90 %... Ce n'est pas notre chiffre, c'est le vôtre; vous parlez de votre comité scientifique, vous parlez de vos sources, de vos autorités, on ne demande pas mieux que d'être informés de ça, ça va nous aider dans nos délibérations, c'est le but de la démarche, mais donnez-nous quelque chose, parce que, moi, je vous avoue que... je m'appelle bien Thomas, hein; avant de me faire croire à un chiffre comme celui-là, il faudrait que je puisse y toucher.

M. Di Done (Riccardo): M. Mulcair, je vais sortir le dossier au complet, d'antérieurement, parce que, quand on m'a donné ces informations-là, on a voulu faire un projet à l'interne – puis je vais envoyer toutes les lettres – puis, à ce moment-là, il y avait eu de la communication avec le ministre du temps. Et puis, malheureusement, on n'a jamais été capables de rentrer à l'intérieur pour avoir les chiffres exacts. Mais il reste que, on peut aller voir... les juges eux-mêmes ne savent pas quoi faire dans ces situations-là, c'est drôlement difficile.

Mais il reste que – puis ça, je mettrais ma tête là-dessus – le pourcentage est atroce, il est drôlement élevé, sur les fausses accusations, puis l'avantage de la médiation avec la cour spécialisée, c'est qu'on va minimiser tous ces genres de situation là parce qu'on va devenir très objectifs envers la cause. Les choses les plus faciles pour éliminer un parent, il y en a deux, trois: une accusation comme telle, ou: J'ai la garde puis je déménage. Ça, là... puis là on vient de déchirer l'enfant. Puis si on regarde les effets... Si on était pour prendre... exemple, là... va faire en sorte qu'un enfant va faire une dépression, puis on regarde ce que le divorce peut faire, que des accusations semblables – s'il faut qu'il passe les tests – vont faire, puis le changement de région, c'est vraiment incroyable!

Ce n'est pas pour rien qu'on regarde les problèmes de santé mentale et physique, à quel point ils sont drôlement plus élevés.

M. Mulcair: M. Di Done, personne n'est en train de contester quoi que ce soit sur ce que vous venez de dire là...

M. Di Done (Riccardo): I understand.

M. Mulcair: ...à une exception près. Moi, je conteste vos chiffres, c'est vous qui les avez avancés, et, moi, je veux savoir. Vous avez dit tout à l'heure: Si on se base sur quelque chose d'objectif; 80 % à 90 %, c'est froid, c'est un chiffre, c'est objectif. Je demande de savoir si c'est vérifiable, parce que vous venez ici pour nous aider dans nos délibérations. Vous savez qu'il y a différents points de vue – tout le monde s'entend sur les bienfaits de la médiation – il y a deux optiques ici. Il y a un côté qui dit: On avait raison, il y a quelques années, de mettre en place le projet de loi 14, de prévoir son financement, de dire que c'était le juge. L'autre côté, ils sont d'accord avec vous, mais on ne demande pas mieux que de savoir si, en leur donnant raison, on se base sur quelque chose d'objectif, pour reprendre votre propre terme. C'est ça.

M. Di Done (Riccardo): Mais ça me ferait plaisir, puis avec votre participation, d'avoir ces chiffres-là, M. Mulcair, je peux vous en assurer! Mais il reste que, laissant ça de côté, déjà tout le dossier au complet, on démontre la juste valeur de la médiation, si elle était mise en place de la manière qu'on le propose. Puis, par le fait même, j'aimerais ça que, par la suite, si vous pouvez peut-être m'aider... Je sais que le Barreau a fait des accusations ici – puis, moi, je trouve que c'est vraiment non pertinent – on a fait des accusations à l'effet qu'un pourcentage énorme des divorces c'est parce que l'homme part et laisse sa femme derrière, il s'en va avec ses culottes. C'est faux. Il ne faut pas savoir pourquoi un s'en va... premièrement, on sait que ce n'est pas le cas du tout, et puis il ne faut pas prendre ce qu'on veut. Il faut regarder le tout globalement puis être objectif envers l'enfant et la famille. Voilà. Je vais travailler les deux dossiers avec vous, avec votre participation, ça va me faire énormément plaisir, puis je vais tenir le ministre de la Justice au courant.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Lorsqu'on dit que nous ne sommes pas à l'aise de guider les couples vers la médiation familiale... Alors, moi, actuellement, on peut dire qu'on guide les couples aussi dans le système judiciaire, hein! Et c'est beaucoup plus rigide, il y a moins de nuances émotives et affectives que ce que pourrait être la médiation familiale. Alors, le gouvernement péquiste, c'est évident, préconise ce cadre de concertation là, où c'est plus personnalisé, plus souple, c'est évident, pour les couples, et plus près, pour moi, de l'humain. Alors, le système d'aujourd'hui, c'est évident qu'au niveau des ruptures je pense que c'est important de prioriser l'humain. Alors, moi, ma question est de savoir un petit peu plus de détails, là, quand vous parlez de la médiation obligatoire. M. le ministre en a parlé tout à l'heure, du nombre de séances, la première séance, ce n'est pas clair pour moi. Vous avez parlé de... qu'il y en ait une ou qu'il y en ait 12, qu'est-ce qui, pour vous, est obligatoire, là?

M. Di Done (Riccardo): O.K. Pour nous, ce qu'on dit, c'est qu'on n'accrochera pas, si c'est une séance ou si le dossier de médiation obligatoire est en place. Pour nous, ce serait préférable qu'elle soit obligatoire, point. Par contre, à la première session, c'est évident qu'on sensibilise les parties à c'est quoi, la médiation. Si, en cours de route, pour une raison ou une autre, ça ne fonctionne pas, bien, que ce soit la première séance ou la troisième séance ou la sixième séance, à ce moment-là, le médiateur, lui, il doit faire un rapport, puis ce rapport-là, il doit le renvoyer au juge avant que les parties y retournent. Alors, lui, il sait déjà ce qui s'est passé. C'est pour ça que ça prend ces juges-là, qui sont formés. Puis, lui, il continue le dossier. Déjà, le fait que c'est un juge, on agit très différemment, ça a un certain impact. Alors, pour nous, que ce soit une session au complet...

(12 h 10)

Mme Léger: C'est parce que vous formez le juge, là...

M. Di Done (Riccardo): C'est ça. Par contre, d'une manière ou d'une autre, si la cour spécialisée n'est pas là, si un parent est de mauvaise foi, vous allez avoir toutes les misères du monde, malheureusement. On va sensibiliser certaines personnes, des personnes peut-être avec une certaine éducation plus élevée vont mieux comprendre, mais il en reste qu'il y a un pourcentage énorme, s'ils ne veulent pas aller en médiation ou s'ils savent déjà qu'ils sont avantagés, qui ne s'en serviront pas.

Puis de créer une cour spécialisée, ça ne coûterait pas grand sous au gouvernement. D'ailleurs, ce serait une épargne incroyable, parce que, si on regarde les effets secondaires, ce que ça coûte à la société, on ne parle même plus de millions, ici, là, si on regarde la perte de productivité, on parle d'un milliard... Mais, si on avait des juges formés, là on aurait un outil incroyable, incroyable!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Autres questions? Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Il nous reste très peu de temps. Alors, en ce qui me concerne, j'ai apprécié l'intérêt que vous portez justement à la cause des enfants. Un intérêt que je partage beaucoup avec vous. Cependant, dans l'argumentation que vous avez apportée et dans le mémoire, je n'ai pas été convaincue que votre analyse et surtout la conclusion à laquelle vous arrivez, d'imposer la médiation obligatoire, soit nécessairement dans l'intérêt des enfants, et surtout qu'il y ait une relation de cause à effet entre la médiation obligatoire et l'intérêt des enfants. Je n'ai pas été convaincue par votre argumentation ni par votre mémoire.

On a entendu des groupes, notamment des groupes de femmes, qui sont venus ici nous sensibiliser surtout contre la médiation obligatoire, et, on peut le comprendre, parce que souvent dans les cas de divorce, vous en avez parlé abondamment, les femmes se retrouvent dans une position de vulnérabilité et elles ont tendance souvent à recourir à la justice pour défendre leurs droits.

Et si, au moment où les femmes qui ont souvent beaucoup de difficultés à sortir pour parler de leur vécu de violence conjugale – on sait comment c'est difficile – lorsqu'elles s'adressent au système de justice, on leur dit: On ne vous rend pas justice, on vous impose une médiation, ça va être ressenti par les femmes comme une injustice. Et je ne pense pas que, dans l'intérêt des enfants, il faille imposer une médiation aux parents, parce qu'il y différents moyens, et surtout pas la médiation obligatoire. Je ne vous suis pas du tout sur ce chemin-là, M. Di Done.

M. Di Done (Riccardo): Premièrement, si je prends votre point à vous puis le point de votre collègue, si on parle de violence conjugale ou si on parle d'inceste, ce n'est quand même pas la majorité des cas. On parle d'une minorité de causes.

Alors, si on regarde globalement pour le reste, parce que là on va s'en aller dans des points très spécifiques, c'est qu'il faut prendre en considération aussi que 85 % des causes de divorces sont demandées par les femmes. Est-ce que tous ces hommes sont méchants? Ou est-ce que c'est que, pour une raison ou une autre, on veut le divorce, mais là, par contre, on veut la maison, puis là on veut les enfants, puis là ça devient un système de confrontation.

Parce que, lorsqu'on va s'en aller à la cour puis qu'on va amener notre ex-conjoint, qu'il soit homme ou femme, à la cour, premièrement, c'est très difficile lorsqu'on apprend la nouvelle, deuxièmement, de se faire imposer des choses qu'on ne veut pas, exemple, qu'on se fait enlever nos enfants... Les enfants, là, il ne faut jamais que ce soit enlevé à qui que ce soit. Alors, la médiation va vous sensibiliser à votre importance, la médiation va vous revaloriser, contrairement à la confrontation, qui, elle, va vous confronter, elle va faire un gagnant et un perdant. Et puis il faut faire bien attention – parce que c'est ça que je disais tantôt – je n'aime pas du tout quand on commence à jouer avec des groupes. C'est évident que, s'il y a un homme ou une femme qui est violent, ça, là, il faut le prendre en considération immédiatement.

Par contre, il est aussi évident que, lorsqu'il y a violence, la médiation, même là, va minimiser le tout. Parce contre, ça devient criminel. Il faut faire attention entre les deux.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que j'ai encore le droit à une petite courte...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Une très courte, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Encore une fois, M. Di Done, je pense qu'on ne parle pas le même langage parce qu'on ne part pas des mêmes références. Moi, je vous parle de vécus de femmes, de dossiers qui sont suffisamment documentés qui nous ont été... Ce n'est pas juste une opinion personnelle, parce que mon opinion vaut la vôtre, mais, quand même, on écoute aussi les groupes qui travaillent sur le terrain avec ces réalités-là.

Et c'est un fait que les femmes victimes de violence conjugale, quand elles ont le courage souvent de parler de cette violence, de la verbaliser, de l'amener devant le système de justice, ça leur a déjà pris un grand cheminement psychologique et personnel. Et que, arrivées devant le système de justice, tout ce qu'on leur dit c'est: on vous impose la médiation, vous ne trouvez pas que c'est quand même injuste?

M. Di Done (Riccardo): Non, vous n'avez pas bien compris.

Mme Houda-Pepin: Non, non, je m'excuse, vous imposez...

M. Di Done (Riccardo): On dit, à l'intérieur, ici, que c'est pour ça...

Mme Houda-Pepin: ....la médiation obligatoire. Ça veut dire que c'est imposé.

M. Di Done (Riccardo): Oui, c'est pour ça qu'on dit qu'il est très important qu'on ait une cour spécialisée, avec des juges formés. Quand on va tomber dans cette minorité de problèmes, qui est soit de 5 % ou 10 %, mais elle n'est pas plus que ça, qu'on le prenne en considération. Par contre, vous devriez prendre en considération... Si on regarde même une grande féministe du temps, de la France, Éveline Sullereau, elle a écrit un livre et elle a démontré que le système de confrontation d'aujourd'hui, celui qui est gagnant, souvent, à longue échéance, il devient perdant, parce que l'enfant va grandir là-dedans et l'enfant va se révolter en cours de route; et on regarde les effets secondaires qui sont là au niveau des enfants. Il faut arrêter d'essayer de penser... La médiation a tous ces outils – ce n'est pas Riccardo Di Done qui parle ici aujourd'hui. Il y a eu deux congrès internationaux; il y en a plusieurs autres. On a fait des projets de littérature en profondeur. On a plein de documentation et je peux vous amener tous les outils disponibles possibles pour répondre, et, s'il m'en manque, je vais travailler avec vous et ça va me faire plaisir.

Par contre, je vous demande à vous de sortir vos chiffres sur les causes où il y a vraiment de la violence conjugale. C'est vrai qu'il y en a, mais, si on a un juge formé... C'est évident qu'il n'est pas obligé d'aller en médiation. Par contre, il peut y avoir des thérapies drôlement bien supervisées, comme on en a déjà ici, à Montréal, c'est la maison où ils font les transferts pour les enfants. Parce que, souvent, la violence, les enfants ne sont pas impliqués, il faut faire attention à ça. Il en reste que l'enfant, lui, aime ses deux parents et les grands-parents.

Alors, il faut que le système judiciaire soit des plus objectifs possible. La médiation avant tout. Lorsqu'on arrivera dans des causes spécifiques, comme vous dites, vous, parce que c'est comme ça souvent qu'on va tenter de contourner la vérité, mais, à ce moment-là, de s'assurer qu'on ait les outils nécessaires pour faire face à ça aussi. Mais que ça devienne des causes individuelles qui seront mises à la disposition des gens drôlement bien spécialisés dans le domaine.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. Di Done, Mme Ficca, nous vous remercions de votre présentation, de la qualité des échanges qu'on a pu avoir aussi ce matin. Alors, sur ce, mesdames, messieurs, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures. Mais je rappelle aux membres de la commission que nous avons une rencontre ici à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 15 heures)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons cet après-midi, dès maintenant, le Barreau de Saint-François. Nous allons recevoir ensuite, à 16 heures, l'Association de médiation familiale du Québec et, à 17 heures, Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais.

Alors, mesdames du Barreau de Saint-François, bienvenue. En début de présentation, je vous inviterais à vous identifier pour les fins d'enregistrement de nos échanges, et vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite, nous procéderons à des questions et réponses avec vous.


Barreau de Saint-François

Mme Samoisette (Line): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, Line Samoisette, bâtonnière du Barreau de Saint-François. À ma droite, Me Roseline Alric, qui est spécialiste en droit familial et également conférencière invitée par le Barreau du Québec pour traiter de sujets concernant les enfants. À ma gauche, Me Michèle Gérin, spécialiste en droit de la famille.

Les rédactrices du mémoire sont présentes et l'une d'entre elles est médiatrice accréditée. Notre présentation ne sera pas une répétition de ce mémoire, nous avons plutôt choisi de vous exprimer aujourd'hui uniquement les conséquences pratiques découlant de la loi que vous proposez.

Une vingtaine d'avocates et avocats sont aussi présents dans la salle. À nous seuls, nous avons oeuvré dans plusieurs milliers de dossiers et en avons réglé près de 82 %, et ce, à l'amiable, par négociation. En présentant le projet de loi n° 65, vous visez donc les 18 % des cas qui restent. Ne devriez-vous pas avoir tiré une leçon suite aux lamentables résultats de la Loi favorisant le paiement des pensions alimentaires? Faire de l'exception la règle n'est jamais une bonne solution.

Cette loi a créé non seulement de la frustration de la part des bons payeurs et, par le fait même, des tensions chez les parents et, par ricochet, chez les enfants, mais, pire, les délais d'attente actuellement, en tout cas dans notre région, sont de cinq à six mois avant que la créancière alimentaire puisse percevoir son premier chèque. Ce sont donc les femmes et les enfants qui souffrent de ce système et qui en paient le prix. Qui voulait-on aider et qui a-t-on véritablement aidé, et ce, à quel prix?

Vous vous apprêtez encore à commettre la même erreur. Pour régler un problème ponctuel pour un petit nombre, soit le 18 %, vous instaurez un régime obligatoire pour tous. Croire que la médiation est le remède à tous les maux, c'est méconnaître la réalité quotidienne que vivent les gens quand ils vivent une rupture. Ce que nous, les praticiens sur le terrain, nous voyons dans nos bureaux, c'est la déprime, l'angoisse, l'anxiété, c'est la peur que l'autre revienne ou ne revienne pas, c'est aussi la douleur, la souffrance qui fait que les gens posent parfois des gestes ou disent des paroles, ce qu'ils, par ailleurs, ne feraient pas.

Pousser ces gens en crise à régler leur cas immédiatement alors qu'ils n'y sont pas prêts, c'est brûler le processus en partant. La seule médiation susceptible de succès est celle entreprise sur une base volontaire. Les gens doivent être libres de se soumettre au processus de leur choix. Après tout, ce sont les seuls à connaître leur vécu et leurs capacités. Toute autre approche porte atteinte à leur liberté.

Comme praticiens, nous sommes persuadés que le projet de loi n° 65 fait fausse route car il ne répond pas aux vrais besoins. Si on veut protéger l'intérêt de l'enfant, le gouvernement devrait plutôt investir dans les services d'expertises psychosociales qui, elles, ont fait leurs preuves. Contrairement au médiateur qui, lui, ne peut faire de recommandations, l'expert psychosocial, lui, après avoir fait une évaluation sérieuse en rencontrant toutes les personnes intéressées, sera en mesure de soumettre des recommandations et ainsi non seulement viser l'intérêt de l'enfant, mais aussi aider les parents à reconnaître leurs attitudes et leurs comportements déficients pour qu'ils puissent ainsi, par la suite, travailler là-dessus. Ça, c'est aider les enfants. Ce n'est pas la médiation qui va faire d'un parent un meilleur parent, ce n'est pas vrai.

Si nous envisageons, maintenant, les conséquences économiques du projet de loi n° 65, c'est relativement simple. En partant de fausses données comme on fait ici, nous aurons des résultats désastreux. Non seulement il faudra payer dans un premier temps l'implantation d'un nouveau système, d'un nouveau régime, mais il faudra que le gouvernement injecte des sommes additionnelles considérables dans le système actuel, parce que ça nous paraît plus qu'évident qu'il y aura plus de requêtes. Nous ne sommes pas ici pour nos poches. Si c'était le cas, nous serions sûrement dans nos bureaux en train de rêver de la mise en vigueur du projet de loi n° 65, parce qu'il nous apparaît, encore une fois, plus qu'évident qu'il va y avoir une judiciarisation accrue. À qui servira cette loi contraignante et, encore une fois, à quel prix?

Nous croyons que la réponse sera tout aussi désolante et évidente que celle que nous avons actuellement concernant la loi favorisant le paiement des pensions alimentaires.

Mme Alric (Roseline): Alors, nous sommes contre le projet de loi n° 65 tel que déposé, plus particulièrement eu égard aux articles concernant la médiation obligatoire préalable et gratuite en matière familiale, pour les raisons suivantes: la prémisse sur laquelle se base le projet de loi est fausse; et à problème mal identifié, mauvais remède. Cette prémisse semble être la suivante: obliger les justiciables à passer par la médiation arrangera tout: protection des enfants, satisfaction des parties, engorgement appréhendé des tribunaux et coûts associés.

Nous réaffirmons, après d'autres qui sont passés devant vous, que plus de 82 % des justiciables ont déjà fait le choix de négocier leur dossier et, seuls ou avec l'aide de professionnels de la santé, comptables, avocats, et même ponctuellement médiateurs, ils se sont avérés capables de trouver des solutions qui les satisfont et qui protègent leurs enfants. Ils ont agi de façon responsable, à leur rythme, et nous faisons remarquer que les délais, qui sont tellement décriés, sont parfois très utiles en matière familiale, parfois nécessaires, et ces gens-là n'ont nul besoin de la médiation mur à mur telle qu'elle est proposée par la projet de loi n° 65.

Pour les 18 % qui ne sont pas parvenus à trouver des solutions ou qui n'ont pas essayé, permettez-moi de rappeler que le législateur leur a donné un droit garanti par les chartes, celui de s'adresser aux tribunaux pour faire solutionner, suite à une audition complète, leur litige.

Nous, avocats, tendons à penser que le respect pour la règle de droit, y compris en matière familiale, est l'apanage des sociétés civilisées et que les tribunaux demeurent ce haut lieu où l'on dira aux plaideurs qui n'ont pu résoudre eux-mêmes leur litige ce qu'est le droit, dans le respect des droits de chacun et avec égards pour le meilleur intérêt des enfants.

Nous, avocats, n'avons donc aucun état d'âme à dire que les décisions des tribunaux, dans ce 18 % des dossiers, c'est la réponse socialement adéquate aux litiges qui opposent les parties, car l'alternative, c'est la loi du plus fort, même si on déguise cette loi du plus fort en arène, avec un arbitre-médiateur.

Nous ne pensons pas qu'il y ait un progrès social réalisé si l'on renvoie les justiciables récalcitrants et ceux qui sont leurs victimes se battre entre eux dans l'arène, selon la règle inévitable de la loi du plus fort. Paradoxalement, le projet de loi n° 65 risque fort de favoriser l'inégalité des rapports de force.

Cette image des gladiateurs peut paraître forte, mais c'est ce que nous voyons tous les jours dans nos bureaux et ça correspond à ce qui est vécu par des multiples couples en rupture d'union jusqu'à qu'ils soient capables d'être assistés par des professionnels qui vont les informer de leurs droits et les conseiller sur leurs options. Cela, le médiateur ne pourra pas le faire car ce n'est pas son rôle. Et son devoir de neutralité, au-delà des généralités, le lui interdit. Et nous vous référons à notre texte, où l'on décrit quel est le rôle du médiateur en citant des personnes qui sont à l'origine de cette vague de la médiation.

Parce qu'on ne peut imposer la vertu, parce que la médiation, pour réussir, implique la volonté commune de trouver des solutions dans un contexte de maturité, de sérénité et de respect, le projet de loi n° 65 ne pourra pas atteindre l'objectif qu'il prétend viser. Il aura par contre porté atteinte à une liberté fondamentale des justiciables: leur droit à la vie privée, et il aura érigé en système une entrave non justifiée à l'accès aux tribunaux.

Nous sommes contre le projet de loi n° 65 car, loin de déjudiciariser les conflits en matière matrimoniale, il va accroître le volume des procédures et augmenter les délais. Comment peut-il en être autrement? On impose des étapes supplémentaires, additionnelles, sans garantie que l'on n'ait pas à prendre aussi le cours normal de la procédure.

(15 h 10)

Il ne fait aucun doute dans notre esprit de praticiens que de nombreuses requêtes vont être nécessaires, si le projet de loi entre en vigueur, pour protéger les droits de nos clients chaque fois que les circonstances le justifieront. Alors, ce seront des requêtes pour jugement intérimaire relativement à la garde des enfants, pension alimentaire, usage de la résidence familiale, et on sait que les requêtes pour jugement intérimaire étaient et sont actuellement exceptionnelles. Ce seront des requêtes pour dispense d'avoir à soumettre son différend à un médiateur, et ce, avec des allégués sur la violence familiale dans certains cas, ce qui est nouveau et contraire à l'évolution du droit de la famille; ce seront des requêtes pour mesures conservatoires des biens et également des requêtes en modification de jugement rendu qui incorporent des conventions lésionnaires ou autrement illégales, résultat d'une médiation obligée, et c'est ce qui nous préoccupe le plus.

À partir de quand ces requêtes seront-elles présentables? Comment les tribunaux interpréteront-ils l'expression «pour le temps de la médiation», de l'article 814.5? Nous ne le savons pas, mais il est évident que les requêtes devraient pouvoir être faites dès la date de l'avis écrit d'intention, de l'article 814.4, laquelle est bien antérieure de la date du début de la médiation, si celle-ci a lieu.

La mise en application du projet de loi n° 65 nécessitera des effectifs additionnels dans les greffes des palais de justice, tant pour faire face au volume des dossiers administratifs en médiation qu'au volume accru des requêtes générées par la médiation. Et nous doutons sérieusement que cela puisse être réalisé rapidement vu le contexte général des coupures à ce niveau, les employés actuels des greffes ne suffisant plus à la tâche.

Enfin et surtout, nous nous opposons au projet de loi n° 65 car il va berner les justiciables, les induire en erreur en leur laissant croire que les choses sont simples et en leur donnant faussement un sentiment de sécurité. La gratuité sera un appât. Beaucoup iront en médiation sans être informés de leurs droits de façon personnalisée. Or, les problèmes à solutionner, même en matière familiale, sont parfois extrêmement complexes et avec de graves conséquences. Par exemple, un médiateur pourra faire un résumé neutre des principaux biens qui constituent le patrimoine familial, mais cela ne suffira pas à savoir si un des conjoints a fait des apports qu'il faut exclure du calcul ou si un autre conjoint a droit à un partage inégal du patrimoine. Pourtant, la loi sur le patrimoine familial est une loi d'ordre public, c'est une loi importante. Les mieux informés, les plus fortunés iront consulter un avocat indépendant avant la médiation. Les plus faibles, les plus pauvres ne le feront pas. Or, ce sont, par hypothèse, ceux qui sont naturellement les moins biens équipés pour faire valoir leurs points de vue et faire respecter leurs droits.

Alors, que donneront ces médiations où l'une des parties, ignorante et démunie à différents degrés, en sera venue à un accord avec un conjoint plus futé, plus manipulateur ou plus fortuné? À qui le justiciable lésé s'adressera-t-il pour obtenir que justice soit faite une fois l'accord signé et homologué par le greffier spécial? Ni le médiateur ni le greffier spécial n'ont les pouvoirs d'exiger des parties des informations ou de vérifier de façon indépendante la véracité de leurs affirmations tant au niveau de leur situation familiale que financière. Si c'est au système mis en place que le justiciable lésé décide de s'en prendre, cela voudra-t-il dire qu'il y aura des poursuites en responsabilité, comme quand le système de justice au criminel fait défaut? Alors, nous posons la question.

Nous sommes aussi d'avis qu'il faut être contre le projet de loi n° 65 car cette loi est probablement discriminatoire – elle vise ceux qui ont la condition sociale de parents – et possiblement inconstitutionnelle puisque contraire à l'article 15 de la Loi sur le divorce qui permet au tribunal de rendre toute ordonnance requise par la situation sans délai ni avis. Alors, tels sont, très sommairement résumés, les motifs principaux pour lesquels nous nous opposons au projet de loi n° 65.

Mme Gérin (Michèle): Sur le plan pratique, il faut se demander ici si on pose les vraies questions. À la lecture des communiqués émanant du ministère de la Justice concernant les trois premiers jours d'audition, on peut en douter. «Le gouvernement du Québec était résolu à défendre l'intérêt des enfants», dites-vous, M. le ministre, mais qui donc protège les enfants dans ce processus? Pensez-vous vraiment que les conjoints en état de crise pensent d'abord aux enfants, quand un veut payer le moins possible et que l'autre veut obtenir le maximum, quand la garde devient monnaie d'échange, quand les droits d'accès sont subordonnés au montant de la pension et quand, pour faire payer la peine, les enfants deviennent l'arme la plus terrible qui soit?

Je ne vous parle pas de droit, je vous parle de rupture, je vous parle de gens qui ont commencé leur conflit bien avant d'aller voir qui que ce soit, et je vous dis qu'on ne les transformera pas en parfaits exemples d'abnégation du seul fait qu'on les envoie en médiation. M. le ministre, il est temps qu'on vous le dise et il est plus que temps, surtout, que vous l'entendiez: Vous envoyez les enfants au front, sous un faux prétexte. Vous me répondrez que le consensus est important et que les mentalités sont à changer. Mais les auteurs de ce consensus ont-ils vu des milliers de parents dans leurs bureaux? Ont-ils été confrontés des centaines de fois au fait que des parents – oui, des parents – se battent pour sauver leurs week-ends et obliger leur conjoint à prendre les enfants? Ont-ils passé des heures à négocier pour 10 $ de pension et ont-ils jamais sorti ce 10 $ de leur poche pour régler un dossier?

Cessons de parler de philosophie. C'est vrai qu'il est souhaitable que les gens s'entendent, mais à quel prix? Regardez les mémoires sous cet angle, nous l'avons fait. Écartons les ordres professionnels et leurs intérêts, voyons plutôt ceux qui émanent des gens ordinaires, associations d'hommes et de femmes, c'est là qu'on s'approche le plus de la réalité. Les femmes ont peur et s'inquiètent, c'est malheureusement leur rôle traditionnel. Les pères, eux, trois fois, nous ont dit qu'ils attendaient une obligation de résultat. L'obligation, à leurs yeux, devient universelle: obligation d'un notaire, arbitrage, garde partagée en tout temps. Même ici, sous vos yeux, le rapport de force est dessiné. Le voyez-vous?

Ces gens vous présentent leur mémoire au meilleur de leurs connaissances, mais ils sont victimes de leur situation. Ils se basent souvent sur leur propre rupture et croient que le processus judiciaire est responsable de leur échec. Ce n'est pas le cas. Peut-être sont-ils victimes d'une injustice? Mais, si leur conjoint leur a tenu tête pendant tout un procès, ils seront amèrement déçus de la médiation. Ce sera pire et plus long. Ils croient attendre que la médiation changera le fait premier de tout divorce: les parties, y compris les enfants, ont des intérêts opposés. Il y a de mauvais pères, de mauvaises mères, des pauvres, des malades, des gens mesquins, des alcooliques, des dominateurs, hommes ou femmes, des enfants difficiles, des irresponsables, et j'en passe. Cessons de rêver. Nier ces faits équivaut à nier qu'il y a des malades dans les hôpitaux. Songeriez-vous à forcer les citoyens du Québec à une séance d'acupuncture avant qu'ils ne puissent être hospitalisés? Parce que c'est de ça qu'il s'agit. La médiation est une méthode complémentaire et, de ce fait, ne peut être universalisée sans conséquences graves.

Les 18 % de couples que vous visez... et, en passant, je vous dis que, dans notre district, une récente étude de votre ministère, c'est 4 %, vous m'entendez bien? 4 %. Alors, les 4 % de couples que vous visez dans Saint-François valent-ils seulement cette peine? Nous connaissons les gens qui ne règlent pas et nous pouvons vous dire qu'ils ne régleront encore bien moins en médiation. Mais les autres, 82 % en province, 96 % dans Saint-François, que vous aurez forcés, comprenez-vous que vous nous les enverrez dans un état lamentable et que, dans plusieurs des cas, le règlement que nous aurions pu avoir avant médiation ne sera plus possible? Réalisez-vous, M. le ministre, qu'une partie à qui on dit que son changement d'orientation sexuelle le privera à jamais de ses enfants, qu'une autre qui a renoncé à 30 ans d'efforts sur le plan agricole parce qu'on lui faisait miroiter 50 000 $ alors qu'on lui en devait 500 000 $ se méfiera à jamais du mot «amiable»?

Les avocats qui sont derrière moi, une vingtaine de Saint-François qui se sont déplacés pour vous montrer leur sérieux, pourraient vous en parler pendant des heures. Nous avons déjà dans nos bureaux à plaider ces dossiers de médiation volontaire, et c'est un cauchemar, non pas de les régler, c'est impossible, mais seulement de les mener à procès. Pour l'instant, les gens n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes, mais quand ce sera votre loi qui les aura menés à ce résultat, qui répondra de ces erreurs? Votre enthousiasme, M. le ministre, face à cette législation est pour nous, les plombiers du divorce, incompréhensible. Et, ne vous y trompez pas, le Conseil du statut de la femme vous a demandé de ne pas vous fier aux anecdotes. Si vous ne le faites pas, vous faites fausse route, parce qu'en matière de divorce chaque cas est un cas d'espèce, et c'est sur cela qu'on travaille, des anecdotes. Nous jouons, et vous jouez, sur la vie des gens, ces gens qui ne sont pas aujourd'hui ici, hormis des membres d'ordres professionnels et d'organismes gouvernementaux qui parlent beaucoup de principes et pas assez de réalité.

(15 h 20)

Quand les notaires vous parlent de pénalité, ils démontrent à quel point ils ne connaissent pas le problème. Ils n'ont vu que des gens qui au départ voulaient s'entendre. Pour le reste, ils nagent dans l'ignorance la plus complète quand ils nous dépeignent, nous, les avocats, comme les responsables du défaut de communication entre les parties. Leur insouciance est navrante et surprenante de la part d'un ordre professionnel.

M. le ministre, vous venez à Sherbrooke vendredi prochain, c'est votre jour de chance, c'est aussi jour de pratique en Chambre familiale de la Cour supérieure. Venez nous voir; venez constater ce que nous faisons. Des heures de négociation sereine, la plupart du temps, et parfois pour le seul amour du vidéo de mariage, le croiriez-vous? Venez rencontrer les procureurs... aux enfants, ils en ont long à vous dire sur la collaboration des parents et un Québec fou de ses enfants. Amenez avec vous quelques notaires, conseillers en orientation, psychologues, travailleurs sociaux, les membres de cette commission, qui, tous, devront admettre leur incapacité à faire mieux. Saint-François serait-il si différent d'ailleurs?

Dans ces circonstances, vous comprenez certainement que la gratuité est pour nous inconcevable. Déjà qu'il soit fort mal défendable que des gens à revenus élevés puissent divorcer à vos frais, M. le ministre, songez que tous les gens qui se marient, et pas seulement une fois, ne lésinent pas. Pensez-vous vraiment que les québécois veulent payer pour la médiation plutôt que pour la santé?

M. le ministre, nous croyons fermement que cette commission n'est ni une formalité ni un instrument de propagande pour promouvoir un beau projet. Nous avons la conviction que nous sommes ici de façon exceptionnelle pour discuter des vrais problèmes et des vraies conséquences. Nous avons choisi d'être directs parce que nous savons que cette voie est illusoire et que, malgré ce que vous croyez, vous êtes à préparer la plus belle, la plus fabuleuse bombe à retardement qu'il nous a été donné de voir. Parce que vous touchez les gens, leurs familles, leurs enfants, vous n'avez pas le droit de vous tromper.

Mme Samoisette (Line): Ce que nous vous recommandons, donc, c'est de maintenir la médiation sur une base volontaire, d'instaurer un système de référence sur recommandation du juge en cours de procès, donc le projet de loi 14, d'affecter des budgets supplémentaires au Service d'expertise psychosociale pour alléger les délais des causes contestées, limiter la gratuité du service de médiation volontaire aux seules personnes à faible revenu, prévoir un système d'information sur la médiation par les professionnels, de façon libre, sans qu'il y ait nécessité d'une ouverture de dossier et de la délivrance d'un certificat pour les parties qui désirent entreprendre des procédures. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Bégin: Merci. Je vous remercie de votre mémoire. Vous savez d'avance que je ne suis pas d'accord avec votre approche, surtout quand on compare le rôle d'un médiateur à celui d'un acupuncteur. Je sens dans cette remarque, pour le moins, c'est le minimum que je puisse dire, une incompréhension, à la fois sur le plan médical, du rôle de ce que peut être un acupuncteur, mais je sens un certain mépris à l'égard de ceux qui l'exercent, par rapport à ce que pourrait être le rôle d'un avocat. Je suis un peu déçu de cette opinion, je pense qu'on a le droit de diverger d'opinion sur ce qui pourrait être la meilleure solution pour aider les personnes qui sont en rupture, au moment de leur lien qui a amené, par hypothèse, dans le cas qu'on discute, la présence d'enfants. On peut diverger d'opinion sur la façon de solutionner, mais je ne crois pas que ce soit bon et sain de dire que ce que nous avons aujourd'hui ne peut pas être résolu par des méthodes qui sont expérimentées ailleurs, où on a des exemples de façons différentes de faire qui ont porté des fruits relativement sains, mais surtout qui donnent la chance de faire autrement que ce que nous avons aujourd'hui.

Et ce que nous avons entendu, sauf de la part des avocats – sauf de la part des avocats – toutes les personnes qui sont venues, avec toutes les variantes que ça peut comporter, on a dit ou à peu près dit qu'on espérait changer ce que nous connaissons aujourd'hui. On espérait donner la chance aux enfants d'être moins ostracisés, moins blessés, moins victimisés, moins touchés négativement par ce qui existe actuellement. Personne n'a prétendu que c'était une panacée, personne n'a prétendu que c'était un championnat. Rares ont été ceux qui ont attaqué les membres du Barreau; il y en a quelques-uns qui l'ont fait, mais rares sont ceux qui l'ont fait. Mais ça m'étonne qu'on considère que des personnes qui, même en vertu de la loi que vous préconisez, c'est-à-dire le projet de loi 14 – qui a, je vous le rappelle, créé la médiation, qui a créé un mécanisme d'accréditation, qui a reconnu 5 ordres professionnels pour être aptes à faire un travail préalablement ou pendant les procédures judiciaires – qu'il les aient considérées comme étant compétentes et qui, tout à coup, tout à coup deviennent, je ne sais pas, moi, des personnes qui sont incapables de faire ça.

Moi, je me pose une question. Avant 1970, il n'y avait pas de divorce. Pourquoi, tout à coup, les seules personnes qui sont devenues aptes à régler les problèmes humains fondamentaux d'une rupture d'une vie conjugale où il y a eu des enfants, ça serait nécessairement les avocats? Je me pose une question, parce que j'ai vécu cette période où – c'était avant 1970, j'étais à l'université – le divorce n'existait pas, il était en train de devenir quelque chose. Si je ne me trompe pas, c'est en 1970 qu'il est arrivé. Et il y avait cette possibilité d'aller devant le Sénat pour obtenir un divorce. Parce que c'était, au Québec, la seule manière de l'obtenir. Je ne sais pas si vous vous rappelez de ça, mais c'était le cas. Tout à coup, pourquoi les seules personnes aptes à agir en matière de divorce sont devenues les avocats; les seules qui peuvent aider les personnes qui sont en difficulté?

Pourquoi faudrait-il nécessairement qu'on soit dans un processus judiciaire pour résoudre un conflit? Pourquoi, au moment où le Barreau se penche... Je ne parle pas du Barreau québécois, je parle de l'ensemble des Barreaux. Pourquoi, au moment où tous les Barreaux se penchent sur des modes alternatifs de règlement de conflits – c'est devenu des sigles: conciliation, médiation – pourquoi, au moment où l'Ontario choisit de faire de la médiation obligatoire dans tous les cas – je le sais, pas en matière familiale, pour le moment; c'est bien lu, et vous lirez bien les textes, c'est «for this time», pour le moment – pourquoi, au moment où un mode alternatif de solution des conflits et la médiation, ce soit si terrible d'en faire? Pourquoi faudrait-il nécessairement qu'on garde le modèle actuel que les gens décrivent? Je pose des questions. Pourquoi peut-on dire nécessairement que 82 % des conflits sont réglés? Pourquoi pensez-vous qu'on s'adresse seulement aux 4 % qui sont devant la cour? Pourquoi ne pensez-vous pas que ça pourrait être utile à des gens qui actuellement, à la veille d'une audition ou le matin même d'une audition, comme j'ai vu...

À votre invitation, le matin, quand j'ai fait la tournée de l'ensemble, ou à peu près, des palais de justice... Je n'ai pas été à Sherbrooke, je le confesse, mais j'en ai fait à peu près 80 %, et j'ai vu effectivement des avocats régler, accotés sur un mur – et ça m'a amené à changer les locaux dans ces palais de justice là – des ententes signées sur le mur à la dernière minute, avec des phrases du style «je ne suis pas bien, bien d'accord, mais, vu que je n'ai pas le choix, je vais signer». Des choses comme celles-là. Est-ce que vous pouvez concéder qu'il y a des négociations qui se font à la dernière minute? Non, ça n'existe pas? Si c'est le cas, parfait, je confesse que ça ne marche pas. Mais combien de procès se règlent après un an et demi, la veille de l'audition devant le juge? Ça n'existe pas dans les statistiques.

Pourquoi il y a des gens qui se plaignent, pourquoi il y a des gens qui disent que ce n'est pas normal? Je ne prétends rien, là, je fais juste questionner. Pourquoi faudrait-il que 4 % valent toute cette peine? C'est ce que vous avez dit: 4 % des dossiers. Et si je vous disais que c'est sur ce 80 % où même déjà il y a des solutions, comme vous dites, qui sont avant audition. Comme si l'audition était une peine grave, quelque chose d'odieux!

Moi, je considère qu'un procès qui se règle devant la cour, c'est quelque chose qui est absolument normal dans notre système, mais qu'il y a des solutions avant. Mais pourquoi faudrait-il dire que seulement les cas qui se règlent devant le tribunal, quand les parties sont tellement braquées, tellement positionnées qu'elles doivent nécessairement avoir recours à la cour, ce qui est absolument légitime et correct, pourquoi on ne pourrait pas travailler sur le 80 % qui est là, qui se plaint peut-être qu'actuellement, dans le système qu'on connaît, ce n'est pas toujours la meilleure solution? Pourquoi pensez-vous qu'on ne pourrait pas offrir la chance à des personnes de dire: Vous savez, vous le connaissez, il y a les avocats qui règlent par des procédures judiciaires, mais il y a d'autres méthodes pour solutionner un problème? Pourquoi êtes-vous si – et je prends le mot, là – viscéralement opposées au fait qu'on puisse permettre à des gens d'être mieux informés et de faire librement le choix soit d'aller dans le système judiciaire ou bien d'utiliser les services d'une personne qui est compétente, reconnue, aussi professionnelle que l'avocat, et dans 50 % des cas au moment où on se parle, qui est déjà un avocat de toute façon? Pourquoi ce serait si épouvantable?

(15 h 30)

Vous parlez aussi de...

M. Fournier: Question de règlement, s'il vous plaît. Juste pour connaître l'ampleur du questionnement. J'ai saisi beaucoup de «pourquoi» et de «qu'est-ce que», peut-être que le ministre pourrait laisser répondre les gens qui sont invités plutôt que de faire un discours.

Des voix: Bravo!

M. Fournier: Les discours, on les fera plus tard!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

Une voix: ...

M. Bégin: Si vous me permettez, madame. Ce n'est pas parce que le député de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant.

M. Bégin: Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il y a un rappel à l'ordre, aussi, à l'assemblée...

M. Bégin: D'accord.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...on n'est pas supposé avoir de manifestations pendant les travaux de la commission...

M. Lefebvre : ...consentement!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...mais ça prend un consentement majoritaire de part et d'autre, M. le député de Frontenac. Alors, j'invite les gens à respecter le décorum nécessaire à la poursuite des travaux de cette commission.

M. le député de Châteauguay, si M. le ministre choisit de donner ses questions en rafale, c'est son droit aussi dans son intervention. Alors, je vous redonne la parole, M. le ministre.

M. Lefebvre: Plutôt que de répondre, le ministre...

M. Bégin: Donc, pourquoi les parties, les personnes de qui on... et qu'on s'invoque comme étant des personnes qui devraient nécessairement aller devant des tribunaux, pourquoi ces personnes-là ne seraient pas appelées à aller devant une personne qui est spécialiste et qui, je vous répète, dans 50 % des cas, est un avocat actuellement, le médiateur? Pourquoi ces personnes-là ne pourraient-elles pas choisir librement de ne pas utiliser le système judiciaire mais d'essayer de suivre une médiation, qu'elles pourront en tout temps ne pas poursuivre, parce qu'elles pensaient initialement que c'était bon mais que, finalement, ce n'était pas si bon? Ou encore parce qu'il y une rupture qui se produit, comme dans n'importe quelle négociation. Pourquoi faudrait-il dire que cette obligation-là est pire que celle qui nous oblige, pour solutionner nos problèmes, à devoir recourir au système judiciaire?

Quelqu'un qui voudrait le régler autrement, là, et qui voudrait être en mesure d'expliquer à son conjoint, à sa conjointe qu'il pourrait y avoir une méthode autre qu'une bataille judiciaire pour régler le problème, pourquoi ce que ce ne serait pas opportun que la société dise: oui, c'est vrai, on pense qu'il y a d'autres méthodes que celle de l'affrontement pour régler les litiges? Pourquoi ça, ça ne fonctionne pas? Pourquoi c'est si terrible qu'il vaille la peine de venir 20 de Saint-François pour dire que nous sommes en train d'imposer quelque chose d'absolument impossible dans notre société, beaucoup différent, par exemple, de toutes les contraintes qu'il a fallu suivre pour se rendre ici? À compter de tous les règlements de circulation qu'il aura fallu suivre, le règlement en entrant ici, à l'Assemblée nationale, pour dévoiler ce qu'on avait dans sa valise, pour suivre les règles qu'on est en train de suivre. C'est quoi, les différences entre les obligations qu'on a à subir?

Vous pouvez me montrer votre impatience, madame. Vous avez eu tout le temps pour énoncer ce que vous aviez à dire, et je vous réponds, et je vous pose des questions pour vous dire: Expliquez... Le gestuel est aussi verbal que les paroles, hein? On les voit très bien, vos gestes d'impatience, hein? Je les vois très bien, physiquement, et je les vois d'ici très, très clairement. Peut-être les notes sonographiques ne les voient pas, c'est pour ça que je les montre. Vous êtes avocate, vous savez ce que c'est qu'on fait en cour.

Des voix: Ah! Ah!

M. Bégin: Alors, madame, je vous dis, madame, pourquoi être si exigeante à l'égard d'une médiation? Pourquoi faudrait-il penser que le seul moyen pour solutionner un problème est celui d'aller devant la cour? Je vous pose la question parce que c'est ce que vous nous avez dit: il n'y a point de salut, pour régler un problème de divorce, autre qu'à la cour. Aller devant un médiateur, ce n'est pas correct parce qu'on oblige à le faire.

J'aimerais savoir pourquoi c'est si mauvais d'aller dans une première séance de médiation, devant un médiateur, et qui, pour faciliter l'hypothèse, serait un avocat qui serait médiateur? Alors, expliquez-moi pourquoi ça serait si terrible pour des parties d'aller devant un médiateur pour se faire expliquer ce que c'est que le processus de médiation, ce que c'est par rapport, par exemple, au système judiciaire, et de laisser les parties libres, à la fin d'une heure, de choisir ce qu'elles pensent être bon ou pas bon pour leurs enfants.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Samoisette.

Mme Samoisette (Line): Alors, M. le ministre, si je peux me permettre de répondre. Si j'ai regardé ma montre tantôt, c'est tout simplement parce que je désirais ardemment avoir le temps de vous répondre, tout simplement.

M. Bégin: Bien oui.

Mme Samoisette (Line): Écoutez, dans la première partie de votre question, vous avez quand même ouvert la porte à beaucoup de choses, et j'écoutais avec beaucoup d'intérêts lorsque vous disiez: offrir la chance; je pense que vous mettez le doigt exactement sur le bobo quand vous dites ça. Offrir la chance n'est pas d'obliger quelqu'un à aller s'asseoir, que ce soit une séance de médiation ou une séance d'information.

La seule médiation susceptible de succès, et je l'ai dit, c'est la médiation sur une base volontaire. Quand vous dites 82 %, 96 %, on veut toucher ces gens-là aussi, écoutez, c'est que la médiation, si elle est volontaire, les gens qui le désirent pourront y aller. Qui a dit que la négociation, à part votre exemple de tantôt – que, moi, je ne vois pas ça souvent, là – que la négociation n'est pas un mode alternatif intéressant?

Quand vous parlez d'avocats médiateurs, que le médiateur soit avocat, psychologue, conseiller en orientation, le rôle du médiateur est un rôle passif. C'est un facilitateur. Donc, le médiateur ne peut donner de recommandations; même s'il a une compétence extraordinaire, il ne pourra intervenir et donner des réponses individualisées et indépendantes. Donc, quand on parle soit avocat ou autre, à ce moment-là – le rôle de médiateur est d'ailleurs méconnu, à ce que je vois...

Donc, il faut, à ce moment-là, dire que, s'il y a des gens qui ne se sentent pas à l'aise avec ça – et nous, c'est ce qu'on voit dans nos bureaux... Quand je vous disais qu'on voit la déprime, l'anxiété, il y a un tas de choses qu'on voit qui ne se voient pas peut-être quand on est en train de travailler sur une conception de la médiation. C'est-à-dire, conceptuellement, la médiation, c'est quelque chose d'extraordinaire. Si les gens étaient tous capables de s'entendre, mon Dieu, on serait dans un monde idéal. On n'aurait peut-être plus besoin d'avocats, plus de gouvernement, plus de policiers, etc., mais... Pardon?

M. Lefebvre : On ne veut plus de ministre de la Justice, mais on n'en a pas, de toute façon!

M. Bégin: C'est l'ex-ministre de la Justice qui dit ça, là.

Une voix: Elle a dit: C'est ce qu'on vise, plus d'avocats.

Mme Samoisette (Line): C'est ça. J'ai compris: C'est qu'on vise, que Mme Robert a dit. C'est ça, donc... Donc, quand même, étant donné que, dans le préambule de votre question, vous avez fait référence à ce qu'a dit Me Gérin, je vais la laisser répondre pour le reste.

Mme Gérin (Michèle): M. le ministre, j'ai eu un peu de misère à vous suivre parce que, effectivement, ç'a été un peu long. Alors, vous me pardonnerez si j'oublie quelques «pourquoi». Je vais essayer d'en régler quelques-uns.

Quand vous me dites: Les avocats sont les seuls à pouvoir régler un divorce... On ne vous a pas dit ça. Et vous êtes avocat; vous savez très bien que ce n'est pas ça qu'on a dit. Ce qu'on vous a dit, c'est: La médiation, oui, de façon volontaire, mais, les avocats, pourquoi on en parle? C'est parce qu'on parle d'une question de droit. Ôtez-vous de l'idée que les divorces, parce que vous allez avoir fait cette loi-là, ça ne sera plus du droit.

Puis quand vous aurez des manifestations de femmes qui ont été déconsidérées en médiation, devant le parlement, vous... Ah, Mme Lemieux vous a dit: Pas d'anecdotes. Si vous saviez comment je pourrais vous tenir longtemps sur déjà ce que c'est, la médiation. Parce que c'est ça que le monde a, des anecdotes, c'est clair. Et on ne vous dit pas... L'avocat, là, qui est médiateur est aussi mal placé que le psychologue, en médiation. Il ne peut pas protéger les droits. Et, à ce compte-là, si vous obligez une séance de médiation, ou même une séance d'information... Parce que, vous vous souviendrez, les notaires vous ont dit: Il y a un «pitch» de vente, hein? Le médiateur qui va faire son «pitch» de vente, lui, il va forcer la médiation.

C'est vous qui allez payer pour ça, le gouvernement. «Inquiétez-vous pas, vous allez avoir vos six séances de médiation». Et ce gars-là ou cette femme-là ne protégera pas les gens. Alors, pourquoi n'obligez-vous pas un avis d'un conseil juridique, tant qu'à y être? Pourquoi ne le faites-vous pas dans votre loi? Pourquoi? Parce que vous voulez vous débarrasser des avocats? C'est presque ce que j'ai compris de ce que monsieur...

M. Bégin: Ça, madame, c'est m'imputer des motifs.

Mme Gérin (Michèle): Bien, c'est ce que je j'ai compris de l'intervention de Mme Robert. Mais, ce qu'il faut comprendre...

M. Bégin: Oh! Oh!

Mme Gérin (Michèle): Ce qu'il faut comprendre.

Mme Robert: S'il vous plaît!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, Me Gérin.

Mme Robert: S'il vous plaît, je vais rectifier tout de suite pour ne pas qu'on passe... Non, ma réponse de «qui vise», là, je m'excuse, c'est une boutade dans l'absolu.

Mme Gérin (Michèle): C'est correct.

Mme Robert: Dans l'absolu.

Mme Gérin (Michèle): Je prends votre aveu, madame.

Mme Robert: Si nous n'avions pas besoin de travailler, on serait tous très heureux. Alors, je ne suis pas...

Mme Gérin (Michèle): C'est correct. Alors, je prends votre boutade pour un aveu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gérin (Michèle): Alors, tout ça étant dit...

M. Bégin: Mais je n'ai pas fait de...

Mme Gérin (Michèle): Si vous me permettez juste de finir...

M. Bégin: ...je n'ai pas fait de boutade et je ne veux pas qu'on m'impute de motifs, parce que je ne pense pas ça. Je suis une personne qui est très fière d'avoir été membre du Barreau et de l'être encore, pendant 30 ans d'avoir travaillé. Je ne voudrais pas qu'on m'impute le motif de vouloir, comme vous avez dit, me débarrasser des avocats. Ce n'est pas le cas.

Mme Gérin (Michèle): Bon, alors, ce que je veux vous dire maintenant, c'est que vous-même...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, Me Gérin, Mme la députée de La Pinière.

Mme Gérin (Michèle): Excusez-moi.

(15 h 40)

Mme Houda-Pepin: M. le Président, pour dire au ministre, par votre intermédiaire, qu'on aimerait bien écouter les réponses des gens qui sont là pour nous informer. Il ne faut pas les interrompre, parce qu'ils ont eu la patience de vous écouter.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière, je dois vous souligner ici que, si des propos ont été mal compris ou mal entendus, ils doivent être sur le champ corrigés, et de même, ça enlève tout malentendu.

Ceci étant dit, je redonne la parole à Me Gérin pour qu'elle puisse continuer à donner ses réponses en rafale, elle aussi.

Mme Gérin (Michèle): J'étais ici à la première journée d'auditions et j'ai vu comment ça se passait. Je sais que ça fait quatre jours, M. le ministre, que vous entendez des doléances de plusieurs personnes. Cela dit, les représentants de l'opposition l'ont mentionné, il s'agit principalement de personnes intéressées à un champ de pratique ou d'organismes gouvernementaux ou dépendants du gouvernement. Du monde ordinaire, je vous l'ai dit tantôt dans ma présentation, vous n'en avez pas vu beaucoup. Pourquoi? Parce que vous faites de ce projet-là une idée fausse et vous le popularisez de cette façon-là, probablement de bonne foi, mais en méconnaissant ce qu'est la médiation. Et ça fait quatre jours que vous entendez ça, vous devez commencer à être un peu tanné, mais à connaître ce que c'est, la médiation... Et vous-même, si vous aviez à divorcer, à vous séparer ou à changer la garde de vos enfants, est-ce que vous prendriez cette chance que d'aller en médiation sans avoir préalablement consulté un avocat? C'est ça, ma question: «sans avoir préalablement consulté un avocat». C'est correct. Alors, si vous prenez cette chance-là, c'est probablement votre femme qui ne prendra pas la chance d'y aller, parce que c'est un rapport de force.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gérin (Michèle): Hein? C'est un rapport de force. Ça a l'air absurde, puis je ne veux pas faire de cas personnel, mais il reste que c'est la réalité. Si quelqu'un...

M. Bégin: On a un problème, on est tous les deux avocats.

Mme Gérin (Michèle): Oui, bien, vous savez aussi que la première règle des avocats, c'est de ne pas se défendre eux-mêmes. Et là, vous envoyez les gens au front, sans information judiciaire de quelque façon, pour aller régler leurs problèmes, en ne sachant même pas ce qu'ils règlent. J'en ai vu un, dans mon bureau vendredi, médiation complétée sans qu'il ait sorti le contrat de mariage. Ce n'est pas grave, ça, M. le ministre? Ce n'est pas grave qu'il n'ait pas sorti le contrat de mariage? Ce n'est pas grave que cette personne-là ait perdu 100 000 $? C'est ça, les conséquences de la médiation et c'est pour ça qu'on est 20, parce qu'on considère que c'est excessivement sérieux! Et on va en avoir, du travail à essayer de défaire ça et de la nouvelle jurisprudence à aller chercher pour défaire cette médiation-là. Mais quel prix aurez-vous payé et quel prix, surtout, les gens auront payé pour avoir vécu ça?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. J'inviterais maintenant M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'aimerais que vous vérifiiez pour nous parce que, d'après nos calculs, il y a presque 17 minutes de pris du côté du gouvernement. Pourriez-vous confirmer pour nous?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Le 20 minutes est écoulé.

M. Mulcair: Il est écoulé, du côté gouvernemental, merci. Alors, du côté de notre formation politique, je tiens à remercier les représentantes du Barreau de Saint-François pour cette excellente présentation.

Me Gérin, vous avez dit tantôt que vous étiez là le premier jour. Moi, pour ma part, je suis là depuis le début, j'ai tout entendu; et, même si ça me désole à un certain niveau qu'autant de consoeurs et confrères doivent entendre ce qu'on a entendu tout à l'heure, quelque part, je suis heureux parce que je n'aurai pas besoin de convaincre les gens que c'est ça qu'on a entendu depuis quatre jours. Il y a des témoins maintenant, et ça, quelque part, ça nous rassure et ça nous fait plaisir.

Tout comme les autres praticiens et praticiennes qui sont venus en commission parlementaire et qui ont vécu, géré, plaidé des milliers de causes, vous êtes venues utiliser des termes clairs pour dire au ministre: Faites attention, très littéralement, présumant bonne foi – comme vous l'avez fait, Me Gérin – vous vous trompez, vous ne savez pas, littéralement, de quoi il s'agit, alors on va vous l'expliquer.

Nous, on vous remercie beaucoup. Vous êtes venues nous réconforter dans notre position qui, rappelons-le, rejoint celle du Protecteur du citoyen, qui est venu le premier jour nous dire: Prenez le projet de loi 14, où les droits des parties étaient sauvegardés dans le cadre des tribunaux, les droits étaient sauvegardés, le juge pouvait référer, il y avait des gens compétents pour appliquer la médiation lorsque c'était opportun de le faire, puis, oui, ajoutez une manière de prévoir de l'information. C'est ça qu'est venu dire le Protecteur du citoyen.

Et, j'étais très content de vous entendre rappeler le contenu des communiqués de presse, parce que, pour avoir été là, quand on lit ces communiqués de presse, on se dit: «It must be my misspent youth». Peut-être c'est quelque chose que j'ai pris qui a fait que je n'ai pas entendu la même chose que le ministre et ses brillants et talentueux conseillers en communication, qui réussissent à se convaincre que l'ensemble des groupes qui sont venus – son terme exact, c'était la «quasi-unanimité» – étaient en faveur de ce que lui proposait dans son projet de loi. Puis encore, on ne parle même pas de la valse-hésitation en ce qui est écrit dans le projet de loi et ce que le ministre voudrait, à l'occasion, lui faire dire, ce qui sont vraiment deux choses différentes, aussi. Parce que la loi dit bien, «médiation». Ça ne parle pas d'une séance d'information, ça ne parle pas d'autre chose, la loi parle de médiation.

Alors, on vous remercie pour ça, puis, pour ce qui est de votre image de l'acupuncture, pour avoir été président de l'Office des professions quand on a reconnu l'acupuncture comme une nouvelle profession, je peux vous dire que j'ai très bien compris votre image. Ce n'était ni insultant vis-à-vis des autres intervenants, surtout pas insultant vis-à-vis des gens qui pratiquent l'acupuncture; c'est un dossier piquant pour le ministre, effectivement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...mais c'était très clair, vous avez dit: on ne met pas en première ligne l'alternative. L'alternative, c'est ça, c'est quelque chose qui vient, par ailleurs, quand les autres conditions s'y adonnent. C'était ça, votre image, puis, en tout cas, de notre côté, on l'avait bien compris puis ça ne nous avait pas choqués.

Il y a une autre image que vous avez utilisée qui rejoint une image qu'on utilise très souvent de notre côté, c'est la bombe à retardement. Nous, on parle plus souvent des mines que ce ministre de la Justice a tendance à planter en attendant que quelqu'un d'autre, bien après lui, marche dessus et trébuche dessus. Tant que lui, il a pelleté en avant le problème, il pense que c'est réglé. Dans le cas qui nous occupe, ce sont 12 000 000 $ qui ont été perçus en taxes judiciaires pour payer le projet de loi 14. Il ne peut pas expliquer pourquoi il a mis cet argent-là dans le fonds consolidé, il l'a affecté à d'autres fins. Donc, il doit trouver, politiquement, une autre manière de s'expliquer. Comme quelqu'un l'a dit ici, il fallait qu'il trouve une loi avec un autre numéro, c'est la loi n° 65. C'est pour ça qu'on est là; c'est vraiment ça.

Alors, votre point de vue pratique nous a énormément aidés, et je tiens à ajouter un dernier point là-dessus, c'est l'aspect constitutionnel. Vous êtes le deuxième groupe seulement à soulever cet important point là, et ça nous est très important, parce que je pense que vous avez raison là-dessus. Il y a un cabinet d'avocats qui pratique beaucoup dans le domaine qui est venu aussi, et ils ont soulevé ça. Et je pense que c'était très, très important. Je sais, M. le Président, que mes collègues ont énormément de questions à poser à nos invités puis j'aimerais leur passer la parole maintenant, tout en remerciant encore le Barreau de Saint-François.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ensuite, j'ai M. le député de Frontenac, M. le député de Châteauguay et Mme la députée de La Pinière. Alors, je vous demanderais, pour les 15 minutes qui restent, d'essayer de vous partager le temps qu'il reste, compte tenu du temps de réponse, aussi. Alors, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais saluer mesdames les avocates du Barreau de Saint-François et ceux et celles qui les accompagnent.

J'ai toujours mal compris pourquoi le ministre de la Justice, député de Louis-Hébert, était si viscéralement contre toutes les opinions que le Barreau a émises, que ce soit l'Aide juridique, que ce soit au niveau de la justice administrative et, maintenant, à l'intérieur du projet de loi n° 65. Il s'agit que le Barreau ou que les avocats ou avocates prennent position dans un sens pour que le ministre soit carrément contre. Ça, je ne m'explique pas cette attitude du ministre de la Justice, sinon, et je le dis sans vouloir d'aucune façon être blessant pour le ministre, à cause de ses expériences passées: il ne connaît pas trop, trop ça, l'aide juridique sur le terrain, il n'en a pas fait. Il n'a pas fait beaucoup de divorce non plus, puis ça, bien, c'est une question d'expérience passée, moi, je ne lui en fait pas reproche.

Le meilleur médiateur qu'il y a dans le système, c'est l'avocat lui-même, des deux parties. Et, Dieu sait, j'en ai fait pendant 15 ans, moi, du divorce et de la séparation de corps, Dieu sait à quel point les avocats, – sauf de très rares exceptions, comme il y en a dans toutes les professions, malheureusement – Dieu sait jusqu'à quel point les avocats sont soucieux du bien-être de leurs clients et de leurs clientes, des enfants. Vous savez, M. le Président, lorsqu'on parle de garde des enfants, les avocats se sentent aussi concernés sinon plus que leurs propres clients. Le médiateur, quant à moi, qui a l'approche la plus éclairée, c'est l'avocat, et l'avocat des deux parties.

(15 h 50)

Est-ce que, mesdames les avocates, je m'adresse autant à la présidente qu'aux deux avocates qui l'accompagnent, est-ce que vous avez des réserves sur la médiation obligatoire? Entre autres, moi, je trouve qu'il y a une contradiction entre les deux mots, «médiation» et «obligatoire», ça se contredit, ça. Une médiation, c'est souhaité, c'est voulu, c'est décidé d'un commun accord; on ne peut pas obliger la conciliation. Est-ce que vous considérez que, dans certains cas, la médiation obligatoire, imposée par le projet de loi n° 65, peut même constituer un danger quant au processus d'accord intervenu ou à intervenir entre les parties, avec souvent l'intervention ultime du juge? Lorsque vous êtes en train de plaider – vous le savez, et ça se fait encore aujourd'hui, ça – souvent, le juge de la Cour supérieure, réalisant qu'il y a un moyen d'intervenir au-delà que par un jugement – ça se fait encore aujourd'hui, ça – va inviter les parties, va inviter les avocats à le rencontrer dans son bureau, et là le juge va intervenir non pas comme juge, mais comme arbitre. Il y a une nuance. Ça se fait encore, ça?

Est-ce que vous considérez que la médiation obligatoire peut, dans certains cas et peut-être plus souvent qu'on peut le penser, constituer un danger plutôt que... oui, un danger, que ça peut braquer encore plus les parties que le processus actuel où il n'y a pas de médiation? Alors, ça, c'est la première question que je vous pose, entre autres, lorsque, à la page 15 de votre mémoire, vous indiquez que le processus obligatoire peut constituer une perte de droits pour les parties. Ça, c'est gros, ce que vous dites, hein: «Le projet de loi n° 65 met ce droit fondamental gravement en péril – la représentation par avocat. Le gouvernement laisse croire aux justiciables qu'ils sont protégés de façon uniforme et complète.»

Est-ce que vous considérez que, dans certains cas et plus souvent qu'autrement, la médiation obligatoire peut constituer un danger plus qu'autre chose, versus la médiation volontaire? Et j'aurai une sous-question tout à l'heure. Alors, je m'adresse à Mme la bâtonnière ou à celles qui vous accompagnent.

Mme Samoisette (Line): Bien, écoutez, c'est sûr que...

M. Lefebvre: Si on avait plus de temps, je développerais plus, mais j'ai quatre, cinq minutes, là.

Mme Samoisette (Line): La médiation obligatoire, vous avez raison quand vous dites que «obligation» et «médiation», c'est un non-sens. La médiation, c'est vraiment basé... c'est un processus qu'il faut... il y a du volontariat là-dedans, c'est quand deux personnes s'aperçoivent qu'ils ont un rapport de force égal et qu'ils connaissent leurs droits, qu'ils connaissent leurs actifs, sont capables d'aller s'asseoir ensemble et dire: Nous allons trouver une solution nous-mêmes. Ce qu'on voit souvent dans nos bureaux, et c'est surtout ça qu'on est venus vous dire aujourd'hui, c'est qu'il y a des gens qui ont peur de l'autre. Ça fait 10 ans qu'ils vivent le régime de terreur à la maison. Aller leur demander de s'asseoir avec l'autre et de régler leur cas immédiatement, quand je disais que c'est de brûler le processus en partant, c'est ça que ça veut dire. Ils ne s'entendront pas. Et à partir du moment où ils ne s'entendront pas, ils vont s'être dit des choses odieuses pendant cette rencontre-là. Ils vont retourner chez eux et, croyez-moi, les enfants, ils ne seront pas plus heureux parce qu'ils vont avoir été s'asseoir en médiation obligatoire. La médiation volontaire, soit!

Obliger quelqu'un à aller s'entendre quand il ne le veut pas, quand il n'a pas la capacité de le faire... Parce qu'il y en a qui sont bien bons pour parler, puis que l'autre, il ne saura pas trop quoi dire, puis l'autre, il l'aime encore, donc va vouloir, pour peut-être qu'il revienne, dire: Bon, bien, c'est correct, ne m'en paie pas, de pension alimentaire, bon, puis la maison, bien, O.K., tu peux rester dedans, puis... On le sent, ça, chez nos clients actuellement, on sent même plus que ça. On est rendus... Ça fait six mois qu'on est dans un dossier où chacun des avocats représente les parties et, par exemple, la femme – j'ai un cas en tête – ne veut même pas aller s'asseoir à quatre parce qu'elle en a encore peur, de son mari. Bien, quand on voit ça, là, cette personne-là, si on avait été la faire asseoir en médiation obligatoire, déjà qu'elle était déprimée, puis déjà qu'elle prenait toutes sortes de médicaments puis qu'elle avait maigri de 50 lb en six mois, cette personne-là, on venait de la brûler, tout simplement.

M. Lefebvre: Ça braque encore plus les parties.

Mme Samoisette (Line): Ça braque définitivement plus les parties.

M. Lefebvre: Il reste le juge.

Mme Samoisette (Line): Il reste le juge, mais, à ce moment-là, c'est que la médiation aurait pu intervenir peut-être plus tard dans le processus et, à ce moment-là, elle aurait peut-être été valable. Le projet de loi 14, quand on dit qu'on est d'accord avec ça, c'est que l'intervention pourrait arriver au bon moment et, à ce moment-là, peut-être qu'il y aurait plus de chances de succès.

M. Lefebvre: Au revoir, madame. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui, merci, M. le Président. Question courte. Le ministre a parlé tantôt... dans son flot de questions, il y avait à peu près celle-ci, là, que j'ai essayé de réécrire, de la façon dont je l'ai comprise, en tout cas: Pourquoi vous êtes contre une médiation obligatoire que chaque partie peut rompre, ni plus ni moins – c'est ce qu'il a dit? Pourquoi vous êtes contre une séance d'une heure? Ça, j'ai entendu cette question-là aussi... dans l'esprit du ministre... Il y a des groupes qui sont venus nous dire que, dans le fond, ce projet de loi là, de la façon qu'il est écrit, il s'agit d'une séance de médiation. Certains ont parlé de séances d'information, peu importe, là, une séance. Il y en a qui sont venus nous dire pas plus tard que ce matin: ce projet de loi prévoit une obligation, oui, mais pour une séance de médiation. Donc, ce n'est pas si grave que ça.

Et le ministre ne les a jamais contredits et, ma foi, parfois il laisse entendre qu'effectivement, comme dans toutes ces questions de tantôt, ce projet de loi ne prévoit une obligation que d'une seule séance. Parce que, entre les deux, moi, j'ai bien compris – malgré que le ministre veut exagérer votre position – que vous n'êtes pas contre la médiation. Vous voulez simplement qu'elle porte fruit, cette médiation. Je cherche à comprendre, et je vais vous la poser à vous, parce que je l'ai posée à plusieurs groupes: est-ce qu'il y a dans ce projet de loi une obligation de tenir une seule séance de médiation? Ou s'il y a dans ce projet de loi la possibilité que la médiation dure plus longtemps et donc enlève pendant une période plus longue à une des parties qui ne voudrait pas être sujette à la médiation la possibilité d'utiliser des recours qui sont prévus par la loi? Et ces lois qui sont faites par, entre autres, cette Assemblée nationale, qu'on ne veut pas changer, là. C'est parce qu'elles sont bonnes, ces lois-là. Il ne s'agit pas non plus de passer à côté des lois.

Alors, je veux juste essayer de comprendre. Dans votre lecture de ce projet de loi, est-ce qu'il y a une seule séance qui est obligatoire, comme le ministre le laisse parfois entendre?

Mme Alric (Roseline): Alors, je vais répondre à la question que vous posez, M. le député. Alors, effectivement, nous nous la sommes posée et nous avons analysé les articles très attentivement pour savoir ce qu'un juge qui serait saisi du problème dirait, comment est-ce qu'il interpréterait ces articles de loi.

Alors, on se rend compte qu'à l'article 814.3 on nous dit qu'aucune demande n'est recevable lorsqu'il existe un différend entre les parties, à moins que les parties n'aient préalablement soumis leur différend à un médiateur. On ne parle pas «et rencontré pour une première séance».

Et, ensuite, à 814.4, on nous dit que celui qui désire mettre fin à sa relation doit aviser par écrit de son intention son conjoint en lui rappelant le caractère obligatoire d'une telle médiation.

Alors, nous sommes d'avis que, si un justiciable prétendait devant un tribunal qu'il a soumis son différend à un médiateur simplement parce qu'il s'est rendu pour une première séance et qu'il a dit: bien non, moi, je ne suis pas intéressé, ça ne m'intéresse pas, un tribunal pourrait lui dire: Je regrette, monsieur, ou je regrette, madame, mais ce n'est pas ce que la loi dit. La loi ne dit pas que vous deviez faire acte de présence pour une seule séance, elle dit que vous deviez soumettre votre différend et avec bonne foi... Cette bonne foi dont on parle à l'article 6 du Code civil du Québec, qui exige que l'on ne fasse pas semblant, que l'on soit sérieux dans ce qu'on fait.

Et quand on parle d'aviser son conjoint du caractère obligatoire d'une telle médiation, c'est également précis. Les mots disent ce qu'ils disent et le législateur n'est pas supposé parler pour ne rien dire. On parle d'un caractère obligatoire de la médiation, pas d'un caractère obligatoire d'une séance d'information ou de médiation. Alors, ça, c'est très clair et c'est la raison pour laquelle nous sommes contre ce projet de loi. Parce que, tel qu'il est rédigé, il impose une médiation obligatoire. Et nous ne sommes pas contre la médiation volontaire, c'est pourquoi nous voudrions la mise en vigueur, très rapidement d'ailleurs, du projet de loi 14.

M. Fournier: Une simple remarque et je laisse la parole à ma collègue.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Fournier: J'espère que le ministre va profiter des prochaines minutes pour nous dire où il loge et s'il accepte l'argumentation que vous venez de faire, parce que, s'il ne le fait pas, on va être obligés de comprendre qu'il tente de nous faire croire des choses en nous avançant différentes théories, avec ce projet de loi là, et à nous berner, ni plus ni moins.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Malheureusement, M. le député de Châteauguay, je ne pourrai agréer à votre souhait, compte tenu que M. le ministre a épuisé le temps de parole de son parti.

M. Fournier: À la prochaine séance, ça nous fera plaisir d'entendre sa voix.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Maintenant, je céderai la parole à Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, mesdames les avocates du Barreau de Saint-François, je voudrais vous remercier pour le mémoire que vous nous avez présenté avec éloquence, transparence. Il était parlant. Je tiens également à saluer la présence dans la salle des avocats et avocates qui sont venus vous accompagner et qui témoignent de l'importance que vous accordez à ce dossier.

(16 heures)

Alors, moi aussi, j'ai écouté de nombreux groupes, et je trouve que les éléments que vous amenez sont très pertinents parce qu'ils s'attaquent au fond même et aux vices de ce projet de loi qui, dans les notes explicatives, pose la médiation comme préalable à toute démarche nécessaire au niveau du règlement des conflits dans les couples.

Et les points que vous avez soulevés, je ne veux pas revenir là-dessus, parce qu'on a très peu de temps, mais il me semblaient très, très, très importants, et, moi, vous nous avez instruits, en tant que commission, je trouve. Évidemment, le ministre, lui, dans une autre vie, il a fait davantage le droit municipal, alors, le droit familial, c'est peut-être loin de ses préoccupations, mais la séance de sensibilisation à laquelle vous nous avez invités peut certainement lui profiter aussi puis peut-être, à un moment donné, l'amener à changer d'opinion. Moi, en tout cas, je ne désespère pas. On est là encore pour quelque temps.

À la page 2 de votre mémoire, vous avez mentionné que vous avez fait une consultation auprès d'un certain nombre de groupes, notamment les groupes de femmes. Et, comme on parle d'un projet de loi qui a un impact sur les femmes, dans la mesure où elles représentent la partie la plus vulnérable dans ce processus-là, auriez-vous la gentillesse de nous dire un peu qu'est-ce que vous avez recueilli comme témoignages? Quelles sont les réserves, les inquiétudes et les préoccupations qui ont été exprimées dans ce groupe en particulier?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): En une minute trente.

Mme Samoisette (Line): Donc, les inquiétudes sont celles que nous avons dites tantôt, c'est-à-dire l'obligation, donc il n'est pas question... Elles ne pouvaient pas se voir obligées d'aller s'asseoir immédiatement, dans une situation de rupture avec le conjoint. Et, pour elles, ça n'avait pas de sens. Par contre, elles étaient très conscientes que, si les gens agissaient sur une base volontaire, que ça pouvait être correct. Mais ce qu'elles nous disaient, c'est: De grâce, l'obligation, ça n'a pas de sens, il faut que ce soit vraiment fait sur une base volontaire. C'est ça qui est ressorti de notre rencontre, c'était unanime. Il y avait plein de gens, il y avait 26 regroupements qui étaient représentés à ce moment-là, des femmes et des hommes et plein de gens.

Mme Houda-Pepin: Bien, merci beaucoup, M. le Président. J'espère que le ministre va entendre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, nous vous remercions de votre présentation.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Association de médiation familiale du Québec.

Mesdames, si vous voulez prendre place, nous allons... Alors, j'inviterais les membres de la commission à prendre place, et nous allons entendre les représentantes de l'Association de médiation familiale du Québec. Alors, Mme Clairmont, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation du rapport, de votre mémoire, dis-je, laquelle sera suivie d'une période d'échange de 40 minutes avec les membres de la commission. Je vous inviterais aussi, s'il vous plaît, à vous identifier pour les fins d'enregistrement de nos échanges.


Association de médiation familiale du Québec (AMFQ)

Mme Clairmont (Suzanne): Alors, je suis Suzanne Clairmont, je suis avocate, je pratique uniquement en droit de la famille et en médiation. Je fais de la formation et de la supervision en médiation. Je suis accompagnée de la vice-présidente de l'Association – je suis donc présidente de l'Association de médiation familiale du Québec – qui est Mme Aline Héroux, qui est travailleuse sociale depuis 18 ans, qui fait de l'expertise et de la médiation depuis cinq ans, et de Me Chantal Tremblay, qui est notaire et qui est membre de notre conseil d'administration également et qui pratique en médiation.

Alors, je vais peut-être vous faire part de quelques extraits de notre mémoire. Je vais tenter de ne pas en faire la lecture pour garder plus de temps pour les questions et les commentaires à la fin.

Alors, j'aimerais d'abord vous dire ce que comporte notre mémoire. Nous avons, dans un premier temps, retracé l'évolution de la médiation familiale depuis les 15 dernières années et le rôle de notre association. Nous avons expliqué le processus de la médiation, nous avons, par la suite, souligné des recherches qui ont été effectuées autant au Canada, aux États-Unis, et comment la médiation volontaire et obligatoire ont donné des résultats satisfaisants. Nous avons regardé le projet de loi n° 65, nous avons proposé, à la fin, certains aménagements.

Alors, je vais passer par dessus l'évolution de la médiation familiale au Québec parce que je présume qu'après une semaine vous en avez assez entendu parler, vous êtes assez au fait. Peut-être vous dire que notre association existe depuis 15 ans. L'Association a vu le jour parce que des professionnels tant des sciences juridiques qu'humaines croyaient fermement à cette option.

L'Association regroupe actuellement la majeure partie, la grande majorité des médiateurs familiaux accrédités. Nous sommes donc une association multidisciplinaire, et la multidisciplinarité de nos membres profite de l'apport et de la coopération des différents professionnels pour développer une expertise reconnue en médiation familiale.

Nous constatons cependant que plusieurs personnes pratiquent actuellement la médiation familiale sans avoir reçu la formation appropriée, adéquate, ou encore sans avoir une expérience professionnelle établie. Et c'est dans un souci de protéger le public que nous réitérons notre demande au gouvernement de mettre en vigueur dans les plus brefs délais l'article 827.2 du Code civil, qui stipule que toute médiation avant et pendant les procédures soit effectuée par un médiateur familial accrédité.

Je présume que vous avez probablement entendu parler du processus, mais je pense que, pour nous, c'est important de vous dire comment nous, avec nos 15 années d'expérience, on voit le processus de la médiation. Notre association définit la médiation comme une méthode de résolution de conflits basée sur la coopération et par laquelle un tiers impartial qualifié aide les membres de la famille à élaborer eux-mêmes une entente viable et satisfaisante pour chacun. Cette définition, élaborée par notre association, est inscrite dans notre code de déontologie.

Le médiateur familial accrédité est un professionnel soumis à son code de déontologie, pratiquant selon les normes établies par l'Association de médiation familiale et qui devra répondre aux normes de pratique du Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale.

La médiation familiale est globale, elle est volontaire, elle peut être fermée, et elle se déroule en présence des deux conjoints. Elle est globale en ce sens qu'elle traite de l'exercice de l'autorité parentale, du partage des responsabilités financières, du partage des biens, ce qui n'empêche pas certains couples de venir en médiation partielle pour traiter l'un ou l'autre sujet ou pour modifier une entente.

Elle est volontaire actuellement, parce que les couples en font eux-mêmes la demande à des médiateurs en pratique privée ou à des services publics. Certains couples s'engagent dans le processus à la suggestion du tribunal, et on le voit quand même assez régulièrement.

La médiation est fermée, c'est-à-dire qu'elle est confidentielle, ce qui respecte la neutralité du médiateur et le choix des conjoints. Elle se déroule en présence des deux conjoints, qui doivent apporter lors des rencontres les informations pertinentes pour mener à bien leur négociation.

(16 h 10)

Le médiateur se doit alors de favoriser la circulation de l'information et l'établissement d'une relation de confiance entre les conjoints. Le médiateur familial doit s'assurer dans un premier temps que les conjoints connaissent le processus et les règles de la médiation, comprennent leur engagement et s'entendent sur le mandat qu'ils confient au médiateur. Le médiateur familial doit ensuite s'assurer que les parents sont sensibilisés à leurs responsabilités parentales, qu'ils tiennent compte de leurs enfants et de leurs réactions à la situation de séparation.

Le médiateur doit s'assurer également que les conjoints sont au courant des lois concernant la séparation, le divorce, le partage du patrimoine et qu'ils prennent connaissance des impacts fiscaux de leur entente. Lors des rencontres, le médiateur aidera le couple à dépasser ses positions pour élaborer toutes les options possibles avant de prendre une décision concernant l'un ou l'autre des sujets négociés. Pendant le déroulement de la médiation, il est recommandé aux conjoints d'aller chercher des conseils juridiques indépendants. Au terme de la médiation, le médiateur rédigera un projet d'entente qui fait état non seulement des ententes des parents, mais également des motifs de leur entente. Après consultation auprès de leurs procureurs, les conjoints sont invités à procéder à la judiciarisation de leur entente.

Le point suivant fait état de différentes recherches qui ont été faites tant aux États-Unis qu'au Canada, qu'au Québec, sur la médiation, et je laisserais ma collègue, Mme Héroux, vous en parler.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Mme Héroux.

Mme Héroux (Aline A.): Alors, on trouvait important d'appuyer notre mémoire sur les recherches. On n'est pas les seuls à l'avoir fait. On s'inspire et on a joint au présent mémoire le texte de Mme Joan Kelly. Il faut préciser d'abord que Mme Kelly est psychologue et qu'elle dirige le centre de médiation du nord de la Californie. Elle est non seulement une médiatrice expérimentée reconnue à travers le monde, mais elle a également conduit plusieurs recherches et publié nombre de documents sur les effets des séparations pour les enfants, sur la médiation familiale et sur les questions de garde. Et, en 1996, lors de la deuxième conférence internationale de la médiation, en Australie, elle a transmis son analyse des résultats des études réalisées dans la dernière décennie, et, pour nous, c'est important de s'appuyer sur ces recherches-là et sur ce qui ressort de ces études-là.

Alors, on démontre dans un premier temps que la médiation, elle est efficace pour réaliser des ententes, et les recherches indiquent que 50 % à 85 % des couples en médiation obligatoire et en médiation volontaire ont réalisé une entente. Il faut préciser... On a parlé tantôt que, ici, la médiation, actuellement elle est globale, et les recherches disent qu'une médiation globale donne plus de possibilité d'arriver à une entente.

Il ressort des recherches également que les ententes négociées en médiation sont différentes de celles obtenues dans un processus de litige. En général, ce qu'on constate dans les études, c'est que les ententes peuvent être plus ou moins équivalentes à celles obtenues à la cour, mais, en médiation, les conjoints, les parents ressortent davantage convaincus du bien-fondé et de l'équité de leur décision. C'est comme si le fait de participer à cette démarche-là de prise de décision fait en sorte qu'ils ressortent de la médiation beaucoup plus satisfaits, en ayant le sentiment qu'effectivement c'est équitable pour eux et pour leurs enfants.

Un autre élément qui ressort des études, c'est que les clients qui utilisent les services des médiateurs sont en général satisfaits du processus de la médiation et de ses résultats. Parce que le processus – ma collègue l'a expliqué tantôt – va canaliser l'énergie du couple vers la réalisation d'ententes sans se sentir perdant. Et ce processus-là, il est aussi favorable aux femmes qu'aux hommes. Et c'est prouvé dans les études que les femmes ont une opinion favorable par rapport à la médiation. Elles ressortent de la médiation en disant: on a eu une voix, on a été entendues, on a pu s'exprimer et on a pu prendre la place qui nous revient dans les négociations.

Ce qu'on constate également, selon les études, c'est que les conflits sont réduits, la coopération parentale est augmentée, et ça persiste même après plusieurs années. La médiation épargne temps, argent, et, même lorsque les gens n'arrivent pas à des ententes en médiation, ils sont plus susceptibles de réaliser plus rapidement des ententes lorsqu'ils se présentent devant la cour, parce qu'ils ont déjà expérimenté quelque chose de différent.

Il est important – puis plusieurs l'ont soulevé – que la pratique de la médiation doive répondre à des normes établies. Actuellement, il y a des normes au niveau de l'Association, il y a un code de déontologie, il y a les codes des professions et il y a, en plus, les normes de pratique qui ont été élaborées par les organismes accréditeurs.

Dans les études, on retrouve également que les conseillers juridiques sont nécessaires pendant et après le processus de la médiation. Et un des chercheurs, Saposnek, souligne non seulement l'importance de la collaboration avec les conseillers juridiques, mais le fait que de plus en plus les conseillers juridiques sont favorables à la médiation et sont une aide précieuse pour les parents, les couples qui viennent en médiation.

Mme Clairmont (Suzanne): Quant au projet de loi n° 65, à la lecture des notes explicatives et du projet, nous comprenons que l'intention du législateur est de favoriser la médiation en instaurant la médiation préalablement à l'audition. Pour nous, la médiation préalablement à l'audition, ça veut dire que les conjoints vont rencontrer un médiateur accrédité pour une première rencontre de médiation. Cette première rencontre permet dès le début d'être bien informé sur le processus de la médiation par un médiateur accrédité, de préciser les points en litige et d'évaluer si la médiation est possible. Plus rapidement les parties auront accès à cette information, plus elles seront en mesure de faire un choix éclairé, permettant souvent d'éviter l'escalade des conflits. Dans le processus judiciaire, souvent les parties se positionnent et cherchent à convaincre le tribunal du bien-fondé de leurs positions. Dans le processus de la médiation, les parties, après avoir fait état de leurs positions, recherchent des ou une option satisfaisante pour chacun.

La première rencontre de médiation est donc une rencontre d'information et d'évaluation, information en ce sens que le médiateur explique l'objectif, le but, les modalités et le processus. L'information rejoint en même temps les deux conjoints. Cette première rencontre fournit souvent l'occasion à des conjoints de se revoir pour la première fois, en présence d'une tierce personne. L'expérience nous montre que souvent les conjoints sont à même de constater que certaines de leurs positions face à un sujet viennent du manque de communication entre eux depuis la rupture. Très souvent, les conjoints évaluent alors qu'ils pourraient peut-être gagner à poursuivre la médiation. En d'autres mots, ils évaluent leur capacité et leur désir de poursuivre la médiation, réalisant ainsi la possibilité d'une entente négociée.

Le médiateur sera aussi, dans le cadre de la première rencontre, en mesure de faire une première évaluation sur la capacité des parties à entreprendre la médiation souvent immédiatement et quelques fois après une recommandation d'une consultation juridique avant la prochaine rencontre de médiation.

Les parties, lors de cette première rencontre, pourront également, à l'aide du médiateur, solutionner temporairement une urgence. Cette première rencontre obligatoire, quant à nous, s'inscrit dans le même sens que l'obligation que les avocats ont de renseigner leurs clients sur les services de médiation. On sait que, même si un avocat satisfait les exigences de la loi, la médiation est rarement l'option choisie une fois que le processus judiciaire est enclenché. Le projet de loi prévoit donc, quant à nous, un mécanisme où les conjoints seront informés par le médiateur du processus de la médiation et par leur procureur respectif de leurs droits avant de faire le choix du processus qu'ils choisiront pour régler leur litige.

(16 h 20)

En Californie, la médiation est obligatoire depuis 1981 dans tous les litiges qui mettent en jeu les questions relatives aux enfants. On prétend que la médiation obligatoire est centrée sur les intérêts des enfants, comme à la cour, et on précise que le bien des enfants dépend en grande partie du bien-être des parents. Alors, quant à nous, le caractère obligatoire, mentionné à 814.4, n'est que l'obligation de rencontrer un médiateur pour une première rencontre et, par la suite, de fournir au tribunal, advenant que ce n'est pas l'option choisie, la preuve qu'une telle rencontre a eu lieu.

Quels sont les avantages que la médiation soit une étape préalable obligatoire plutôt qu'un choix volontaire? Dans les études dont on a fait état, Rosenberg nous dit que si la médiation donne d'aussi bons résultats, pourquoi doit-on l'imposer? Il répond en disant que c'est parce qu'il faut permettre aux gens de choisir ce qui est mieux pour eux, qu'il est nécessaire que le couple rencontre un médiateur pour voir ce que c'est et voir s'ils veulent s'engager dans ce processus. Quand la médiation n'est pas obligatoire, la référence est laissée au bon vouloir de l'avocat ou à l'ouverture de certains couples de tenter de régler d'une façon différente, suite à de l'information qu'ils ont pu avoir par les médias ou par d'autres personnes. Alors, une étude a démontré que le tiers des parents divorcés n'auraient pas choisi la médiation si ça ne leur avait pas été imposé, dans le sens d'une rencontre obligatoire, mais que 75 % à 80 % de ces gens-là disaient qu'ils étaient maintenant satisfaits que ça avait été imposé de cette façon-là, donc qu'ils avaient eu accès à cette information-là.

Alors, c'est certain que, comme d'autres l'ont probablement mentionné, le libellé du projet de loi semble actuellement laisser certaines ambiguïtés. Peut-être aussi souligner quelques absences. Alors, on aimerait souligner quelques points. D'abord, à l'article 814.3, le mot «enfants», nous aimerions que ce soit précisé «enfants à charge des parents», parce qu'on aimerait que soient couverts tous les enfants, même majeurs, encore à charge de leurs parents soit pour fins d'études ou pour fins d'incapacité, là, à être autonomes. Bon, l'expression «n'est recevable», je crois que ça a été mentionné aussi, porte à confusion, laissant interprétation qu'aucune procédure ne pourrait être émise. Nous soumettons que l'article devrait plutôt s'inspirer... en mentionnant qu'aucune demande ne peut passer à instruction ou encore ne peut être entendue. Maintenant, 814.4, quant à nous, laisse suggérer qu'une médiation aurait dû avoir lieu avant même de pouvoir faire émettre une procédure, alors que je pense qu'on ne vise pas cette façon.

Alors, le caractère obligatoire porte également à confusion, quand on mentionne qu'on doit rappeler le caractère obligatoire d'une telle médiation, plutôt qu'une telle rencontre de médiation. À 814.5, on aimerait que soit ajouté que le tribunal peut rendre une ordonnance pour les enfants avant et durant le temps de la médiation, et non pas juste pendant la médiation, parce qu'il peut y avoir un délai assez important avant que la médiation débute, selon les situations. Quant à 814.6, quant à l'aspect punitif de la condamnation aux dépens, nous comprenons que l'article vise à décourager les personnes de mauvaise foi à refuser ou à invoquer des motifs non fondés pour ne pas entreprendre la médiation. Quant à nous, il nous apparaîtrait plutôt important de valoriser par des incitatifs positifs la tentative de médiation.

À l'article 827.3, nous questionnons l'universalité et la gratuité de la médiation pour toutes les familles et pour la totalité des coûts de la médiation, en fonction du contexte économique actuel. Il est important, quant à nous, que les services de médiation soient connus, accessibles et complets, et nous posons actuellement des questions à savoir si les modalités qui sont prévues dans la loi et dans le règlement vont permettre d'atteindre ces objectifs. Il est essentiel que tous aient accès à une première rencontre de médiation préalable aux procédures et que les conjoints puissent choisir le médiateur, du Service de médiation autant que du secteur privé. On verrait très bien que cette première rencontre soit entièrement gratuite pour tous les conjoints.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Mme Clairmont, je vous inviterais à conclure, il y a déjà 20 minutes d'exposé.

Mme Clairmont (Suzanne): Pardon?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vous inviterais à conclure parce que vous avez déjà utilisé 20 minutes pour votre exposé.

Mme Clairmont (Suzanne): Si les services de médiation doivent être entièrement gratuits pour tous, on a pensé à différentes options et, entre autres, à une déduction ou à un remboursement d'impôt, c'est-à-dire que les gens pourraient acquitter les frais de leur médiateur et pouvoir recevoir des déductions, des remboursements d'impôt. Alors, nous questionnons aussi sur le processus, à savoir qu'on doit laisser la liberté au médiateur de diriger le processus. Alors, dans notre mémoire, vous trouverez des recommandations quant à la limite qu'impose le règlement, dans la limite au niveau du temps. On considère qu'on devrait aller plutôt au niveau de termes horaires. On devrait aussi ne pas tenir compte... on devrai augmenter le nombre de sessions. Nous comprenons aussi qu'il y a un article qui est assez ambigu, puisqu'il semble imposer que le médiateur devrait terminer un mandat, même si vous avez prévu un tarif et un nombre de sessions fixes pour la rémunération.

Alors, nos conclusions sont qu'on appuie, évidemment, le projet de loi, avec les certaines modifications. Ce qui est important, c'est de laisser le médiateur libre du processus de la médiation, si le gouvernement choisit de maintenir la gratuité pour toutes les séances de médiation.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci. Alors, je vous remercie infiniment pour votre mémoire. Je suis particulièrement content que vous ayez joint à votre mémoire, ce texte de Mme Kelly, qui semble être un auteur extrêmement prolifique et qui est impliquée directement dans le milieu, puisqu'on retrouve dans la littérature son nom continuellement, et particulièrement le texte que vous joignez. À cet égard, j'aimerais, plutôt que d'aller sur des aspects que vous avez soulevés dans votre mémoire, vous questionner sur deux passages que je retrouve dans ce texte-là, et vous me permettrez de vous référer d'abord à la page 376, où on lit, juste avant le titre du haut de la page: «Higher rates of agreement have been reported in comprehensive divorce mediation compared to custody-only mediation, which is supported by other general mediation data indicating that agreement is more difficult to reach in single-issue disputes compared to multiple-issue disputes».

Si je comprends bien, on dit, dans ce membre de phrase, qu'il est plus facile d'en arriver à une solution lorsqu'on touche à plus d'un sujet que lorsqu'on se réfère seulement à un sujet, et en particulier lorsqu'on se réfère uniquement à la médiation concernant la garde. Donc, si je comprends bien ce texte, et j'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus, il est plus facile de discuter de l'ensemble de la problématique que de se référer qu'à un seul sujet. Donc, une médiation globale, en tout cas, le mot «comprehensive» me semble référer à ce concept de médiation globale, et j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Clairmont (Suzanne): Effectivement, c'est d'ailleurs ce que soulignait ma consoeur quand elle a fait état des recherches, c'est que, très souvent, on a constaté que les points étaient souvent interreliés, au niveau de la garde, de l'accès des modalités financières, et que les parties avaient plus de facilité à parvenir à faire une entente complète que sur un seul point. Parce qu'un seul point, souvent, avait des implications dans d'autres domaines.

M. Bégin: Alors, je comprends que, par rapport au règlement qui a été publié au mois de décembre 1993 dans la Gazette officielle à l'article 3, le règlement sur la médiation familiale, lorsqu'on dit: Parmi les 10 mandats de médiation exigés au paragraphe 4, bon, cinq mandats doivent se terminer par une entente portant sur tous les objets pour lesquels le médiateur a reçu un mandat. De plus, ces mandats doivent avoir donné l'occasion au médiateur de traiter au moins deux fois chacun des quatre objets suivants: la grade des enfants, l'accès aux enfants, les aliments dus au conjoint ou aux enfants et le partage du patrimoine familial et des autres droits patrimoniaux résultant du mariage.

Donc, si je comprends bien, cette médiation globale, vous êtes d'accord avec l'idée que c'est plus facile, lorsqu'on traite de ces quatre volets-là, d'en arriver à une entente avec les parties que lorsqu'on ne parle que d'un sujet. Est-ce que c'est bien ça que je dois comprendre?

(16 h 30)

Mme Héroux (Aline A.): Oui, c'est effectivement ça, pour nous, qui est très clair, c'est que la médiation globale, qui touche tous les sujets, aide à négocier, à faire la médiation, plutôt que sur un aspect en particulier, parce que tout est imbriqué, dans la situation familiale. Alors, je pense que ça favorise, et habituellement quand les couples se présentent d'une façon volontaire à la médiation, comme c'est le cas actuellement au Québec, les gens souhaitent aborder toutes les questions concernant les conséquences de leur séparation ou de leur divorce.

M. Bégin: Alors, si je comprends bien, même si, en Californie, jusqu'à présent ça a été officiellement uniquement le volet de la garde, vous pensez que l'expérience devrait être étendue à l'ensemble des quatre aspects plutôt que de rester à un seul des aspects, est-ce que c'est bien ça?

Mme Héroux (Aline A.): Oui.

M. Bégin: Bon. J'aimerais maintenant vous référez à un autre passage de ce texte, que l'on retrouve à la page 380. Et je comprends, M. le Président, que ce texte-là fait partie du mémoire, il a donc été déposé officiellement.

Donc, à la page 380, on dit: «Despite the initial belief of skeptics that angry people with a history of conflict and multiple disputes could not successfully mediate, it is apparent from many studies that high levels of anger and marital conflict may not be barriers to reaching agreement.» J'aimerais entendre vos commentaires sur ce passage-là.

Mme Clairmont (Suzanne): Mais c'est parce que ce qui semble, en tout cas l'expérience, et je pense que je l'applique à notre expérience comme médiateur, c'est que souvent les gens sont en très haut niveau de conflit, autant en médiation qu'à la cour. L'approche est différente et ce qu'on voit, c'est que, même si les gens ont des hauts niveaux de conflit, ça n'exclut pas la possibilité pour eux de trouver les solutions.

L'aide, en tout cas mon expérience, et je pratique... peut-être 30 % de ma pratique est en médiation et je suis presque rendue à plus que 50 % de mon temps comme médiateur, et l'expérience, c'est que souvent, quand il y a un haut niveau de conflit, c'est que les gens se sont positionnés, ils ont de la difficulté à sortir de leurs positions. Souvent, de chercher une option et de... Souvent on travaille avec le point sur lequel il y a le moins de difficulté. Donc, déjà d'avoir réussi à s'entendre sur un point leur montre et donne confiance et fait souvent tomber les difficultés de communication qui créent souvent le conflit.

La participation des procureurs est très importante à ce niveau-là. Moi, je travaille énormément avec les procureurs, les gens vont consulter avec les options et reviennent, et souvent la médiation avance, après ça, énormément.

M. Bégin: Alors, si je comprends bien, même en haut niveau de conflit, il est possible de faire de la médiation. Bien sûr qu'il est important que les parties soient capables de rejoindre un procureur pour vérifier des questions de droit qui pourraient les concerner. C'est ça que vous me dites?

Mme Clairmont (Suzanne): Vérifier les questions de droit et discuter des options qui sont envisagées, et des solutions qui pourraient obtenues à la cour.

M. Bégin: Peut-être une question un peu plus délicate. Tout à l'heure, un groupe avant vous a parlé et à comparé votre rôle de médiateur, en droit, par rapport à la pratique du droit, comme utilisation du tribunal comme solution à des conflits en matière matrimoniale, a dit que c'était, la médiation, semblable à l'acupuncture par rapport à la médecine. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Clairmont (Suzanne): Je pense que la médiation c'est un choix, c'est une option, et c'est une option qui est aussi valable que le tribunal. Je pense que c'est l'option que les gens choisissent.

Actuellement, le système judiciaire ne donne pas autant la possibilité de cette option-là. Lorsque vous parlez d'acupuncture, lorsqu'une personne est malade, elle fait des choix, je pense qu'en médiation et dans un conflit les gens doivent aussi pouvoir faire des choix; et je pense que c'est le juge Rouleau qui parle souvent de la médiation comme la médecine douce du droit, c'est peut-être dans ce sens-là qu'on peut référer à l'acupuncture.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Vous voyez, M. le Président, comme nous, il n'y a rien de traumatisant dans l'analogie avec l'acupuncture, c'était bien notre propos de tantôt.

Alors, on tient à remercier à notre tour les représentantes de l'Association de médiation familiale du Québec pour leur excellente présentation, très réfléchie. Et je tiens aussi à dire que je viens de mettre la main sur le document de Mme Kelly, mais la version de votre mémoire que j'avais reçue était la première version faxée, et je ne l'avais pas reçue, mais j'ai été capable de suivre les extraits choisis par le ministre tantôt.

J'aimerais aller directement sur un de ces points assez techniques tout de suite avec vous. Dans votre mémoire, vous référez, justement, à l'expérience en Californie, comme beaucoup de gens l'ont fait avant vous... Si vous patientez deux secondes... C'est à la page 19 que vous avez un paragraphe: «L'Honorable juge Donald B. King – I wonder if he is any relation of the fight promotor – proclame les effets positifs de la médiation obligatoire. Il écrit – et c'est cité dans votre texte – "la médiation obligatoire concernant la garde et les droits d'accès des enfants a été un grand succès". Il conclut son article en disant que la Californie, en 1973, a été le premier état à établir le divorce sans faute de même qu'à installer la médiation obligatoire en 1981. Maintenant, il invite à l'établissement du "case management" comme une adaptation de la culture légale. Nous savons qu'il est question de cette orientation au Québec et au Canada, orientation qui inclut la médiation.» Ça, c'est la citation de votre texte.

Dans un article récent paru dans le Ohio State University College of Law Journal on Dispute Resolution , qui est publié avec l'American Bar Association, et je vous réfère spécifiquement au volume n° 10 de 1995, n° 2, un article par Dane Gaschen qui s'intitule « Mandatory custody mediation: The debate over its usefulness continues », étude scientifique et qui mentionne ceci – j'ai trouvé ça intéressant – à la page 471 du texte: «A further criticism levied against California Statute was that it lacked judicial protection for women. This concern is based on the assertion that in our society there is a power imbalance between men and women resulting from a man's higher earning power. Adding to this imbalance is a woman willingness to make financial concessions during custody disputes in an effort to maintain custody of her children. In effect, the wife is viewed as being willing to sacrifice in terms of property settlement, child support and spouse's support in an effort to keep custody of the couple's children. The wife – quoted in the text – bargains away future financial considerations and as a result is in need of the Court's protection. The California Legislature addressed this concern in its 1988 amendments to the statute that limited mediation exclusively to the resolution of custody or visitation issues. By keeping the resolution of custody issues separate from property settlement discussion, it is anticipated that less bargaining of custody for financial considerations will occur.»

C'est une préoccupation qui a été partagée par plusieurs groupes qui sont venus ici, en commission parlementaire, et j'aimerais connaître votre point de vue professionnel là-dessus.

M. Bégin: M. le Président, avant que la réponse ne soit donnée, à moins d'erreur de ma part, le député de Chomedey a référé à un texte que je n'ai pas ou que les parties n'ont pas. C'est un texte... On peut avoir une certaine familiarité avec l'anglais, mais il n'est pas évident. Moi, je ne l'ai pas, ce texte-là, à moins d'erreur de ma part. Tantôt, j'ai référé à des textes anglais, mais qui étaient cités par les parties elles-mêmes. Donc, je savais qu'elles avaient ce texte-là, et j'aimerais peut-être permettre...

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le ministre est en train de dire que son anglais est plus facile à comprendre que le mien? Je vais lui laisser lire les citations s'il veut. Mais je ne suis pas sûr que c'est le cas.

M. Bégin: Oh non! Jamais. Jamais je n'oserais dire ça. Jamais, jamais, jamais. Cependant, son anglais, aussi bien soit-il, n'est peut-être pas nécessairement compris en...

M. Mulcair: Non, ça va me faire plaisir de donner une copie...

M. Bégin: Alors, j'aimerais ça que les gens puissent le voir, parce que, même si ça a été dit avec un anglais élégant, charmant, peut-être n'a-t-il pas été compris par les personnes, et elles aimeraient avoir ce texte-là pour le regarder avant de répondre.

M. Mulcair: C'est pour ça que j'ai donné...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, si vous le souhaitez...

M. Mulcair: Je vais le faire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vous inviterais à nous le...

M. Mulcair: J'ai plein de notes personnelles là-dedans que je vais me faire un devoir d'enlever avec mon adjoint, et ce que je vais faire, c'est que je vais le donner au groupe tout de suite après, dès qu'on aura eu l'occasion de le photocopier.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et vous allez le déposer à la commission?

M. Mulcair: Oui, avec plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'accepte avec plaisir.

M. Mulcair: Mais c'est la raison pour laquelle, étant avec des experts, que j'ai donné la citation exacte. En sciences humaines, surtout avec l'Internet aujourd'hui, ça se trouve assez facilement. Mais je vais me faire un plaisir de le donner.

Maintenant, la question est posée, j'aimerais juste avoir une première réaction à ça.

(16 h 40)

Mme Clairmont (Suzanne): Si j'ai bien compris, la question c'est: Est-ce qu'on a constaté que certaines femmes pouvaient faire plus de concessions au niveau des biens pour éviter le débat sur les enfants? Est-ce que c'était bien votre question?

M. Mulcair: Je peux le résumer de la manière suivante: Selon les experts, et c'est la raison pour laquelle on a modifié la législation en Californie, il est erroné de faire de la médiation obligatoire préalable sur des questions autres que la garde et l'accès aux enfants, parce que, si vous mettez aussi des questions pécuniaires dans le lot, une femme, d'après la recherche, aurait tendance à dire: Moi, ce qui est le plus important, je veux la garde, je vais faire du «bargaining» sur les intérêts pécuniaires, je vais en donner. Par contre, on sait tous que cela veut dire – et c'est ce que les recherches constatent aussi – que, si on donne sur l'aspect pécuniaire, les enfants subissent les conséquences monétaires après. Alors, pour éviter qu'il y ait du troc là-dessus, ils ont enlevé tout ce qui était question autre que garde et accès, c'est-à-dire pécuniaire n'est plus là-dedans, et j'aurais voulu juste entendre votre expérience et votre réaction là-dessus.

Mme Clairmont (Suzanne): Comme médiateur, mon expérience, c'est qu'on a souvent dit que le médiateur est une tierce personne neutre, mais il y a une limite à la neutralité et le médiateur ne peut pas, dans son cas, comme professionnel, permettre que les gens parviennent ou soient en train de conclure des ententes qui seraient contraires à l'intérêt des enfants. Et dans ce sens-là, l'intérêt des enfants, c'est aussi l'intérêt des parents d'assumer leurs capacités et de veiller à leur bien-être au niveau pécuniaire.

Alors dans ce sens-là, si, comme médiateur, il y a une tendance qui semble se dessiner vers ça, je pense que le médiateur, c'est le temps où il conseille, il exige souvent une consultation juridique avant une prochaine rencontre de médiation pour discuter de ces options-là. Moi, en tout cas, je peux vous dire...

M. Mulcair: En tout cas, c'est vous l'experte en médiation, mais ça me surprend un peu parce que ça ne correspond pas à la description de la médiation qui a été faite par beaucoup d'autres experts qui sont venus ici.

Mme Clairmont (Suzanne): Mais je ne vous dis pas que le médiateur est un juge, je vous dis qu'il y a une limite à la neutralité du médiateur, et c'est dans le code et dans le Guide des normes de pratique , je pense, qui a été déposé, il y a l'obligation du médiateur de ne pas permettre que des ententes soient faites au détriment des enfants.

M. Mulcair: Intéressant.

Mme Héroux (Aline A.): Et le médiateur pourrait choisir, dans une situation comme celle-là, de mettre fin à la médiation. C'est aussi dans le rôle du médiateur, les conjoints peuvent mettre fin, un ou l'autre, quand ils le veulent, à la médiation, et le médiateur peut également décider de mettre fin.

M. Mulcair: Maintenant, le ministre vous a cité un passage dans le texte de votre article, de Kelly, à la page 376: Higher rates of agreement have been reported in comprehensive divorce mediation compared to custody-only mediation.

Maintenant, on se comprend bien, il n'y a aucune statistique qui n'existe sur le «comprehensive divorce mediation», obligatoire, parce que ça n'existe nulle part en Amérique du Nord; on est d'accord là-dessus?

Mme Héroux (Aline A.): Une médiation globale obligatoire?

M. Mulcair: Une médiation globale obligatoire préalable, ça n'existe nulle part en Amérique du Nord, on est d'accord là-dessus?

Mme Héroux (Aline A.): Ça n'existe pas. Oui.

M. Mulcair: Merci. Mes collègues ont aussi des questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, je voudrais saluer, dans un premier temps, Mmes Clairmont, Héroux et Tremblay et saluer aussi à mon tour la qualité du mémoire déposé. Et ma ou mes questions vont un peu dans le même sens que celles soulevées par le député de Chomedey.

C'est purement une question d'ordre pratique: Qu'est-ce qui arrive si, compte tenu du fait que la médiation est globale, qu'est-ce qui arrive si en cours de médiation il y a des litiges qui tournent autour d'interprétations d'ordre purement légal? Je pense évidemment à de la médiation autour du partage des biens: communauté de biens, séparation de biens, société d'acquêts, la Loi sur le partage du patrimoine, Dieu sait qu'il peut se soulever en cours de médiation des questions purement juridiques, d'ordre technique, légal.

Est-ce que, dans un premier temps, les avocats des parties, en supposant, en prenant pour acquis qu'il y a des avocats – parce que, s'il n'y a pas d'avocats qui représentent les parties, ça constitue, quant à moi, un danger extrêmement sérieux qu'il y ait une médiation sur autre chose que la garde des enfants, les droits de visite, les droits de sortie... Lorsqu'on parle du partage du patrimoine, partage des biens, vous l'avez dit tout à l'heure, Mme la présidente, vous avez l'obligation de protéger les droits de l'un et de l'autre. Et en l'absence de représentation par avocat pour les deux parties ou pour l'une des parties, vous ne pouvez pas, comme médiateur, vous substituer. Compte tenu du rôle de neutralité que vous avez, vous ne pouvez pas vous substituer à la responsabilité qui appartient à un avocat de protéger son client ou sa cliente.

Alors, je voudrais savoir, au point de vue strictement pratique, comment procédez-vous lorsque vous réalisez en cours de route, dans un premier temps s'il n'y a pas d'avocat ni pour l'un ni pour l'autre – je parle des parties – ou s'il y a un avocat seulement, ou s'il y a des avocats pour les deux parties mais qu'en cours de médiation vous réalisez qu'il y a un problème purement, là, d'ordre légal? Est-ce que vous suspendez la médiation?

Je prends pour acquis aussi que les avocats sont à peu près constamment informés du processus de médiation, là. Moi, mon questionnement, c'est sur, entre autres, le partage des biens. Ça m'apparaît moins questionnable lorsqu'on parle – ça ne veut pas dire que c'est moins important, là – de la garde des enfants. La garde des enfants, il y a moins d'aspects d'ordre juridique, légal, que lorsqu'on parle du partage des biens. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus, Mme la présidente, ou l'une ou l'autre des dames qui vous accompagnent.

Mme Clairmont (Suzanne): Lorsqu'on fait le tour... lorsqu'on débute la médiation, les gens ont soit déjà vu un avocat, ils sont déjà conseillés, ils ont déjà eu une opinion sur leurs droits. Alors, lorsqu'ils viennent en médiation, à ce moment-là, ils vont regarder des questions. S'ils tentent de faire une entente malgré les conseils qu'ils ont déjà eus, bon, je pense que le médiateur peut regarder avec eux pourquoi, comment, et les retourner à leur procureur.

Si le médiateur... Le médiateur ne sera jamais – je parle d'un médiateur qui est qualifié, parce que ça aussi, c'est un problème... C'est qu'actuellement – et j'ai entendu des consoeurs, tout à l'heure, parler de cas dramatiques – c'est qu'il y a beaucoup de cas de médiation actuellement, il y a beaucoup de dossiers de médiation qui sont faits par n'importe qui.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Clairmont (Suzanne): Et ça, c'est dommage et ça nuit énormément à la médiation, oui, mais je pense que ce qui est plus grave, c'est que ça nuit à des conjoints et à des enfants. Alors, le médiateur se doit d'arrêter la médiation et dire aux gens: Avant la prochaine rencontre, il y aura une consultation. Ou bien: Je pense que vous serez mieux de continuer en étant représentés par vos avocats qui négocieront pour vous, ou: Vous irez devant la Cour. Et ça m'est arrivé de le faire, parce qu'il y a des gens aussi, à un moment donné, un des conjoints qui refuse de consulter et l'autre a consulté et a de l'information et voudrait conclure une entente qui pourrait ne pas respecter les droits de l'autre partie; le médiateur a l'obligation d'arrêter la médiation.

M. Lefebvre: Et, Mme Clairmont, de protéger les parties contre leur propre ignorance, entre guillemets, là. Vous avez cette obligation-là. Si vous réalisez qu'une des deux parties est sur le point d'accepter une proposition qui irait contre son intérêt, au nom de la médiation, j'imagine que vous ne vous sentez pas en droit de signer l'entente, de signer l'accord.

Mme Clairmont (Suzanne): Je vais revenir sur ça, là.

M. Lefebvre: Vous comprenez de quoi je parle? C'est très important.

Mme Clairmont (Suzanne): Je vais revenir sur ça. Ma consoeur voudrait dire quelque chose. Mais, moi, je voudrais revenir sur... quand vous avez parlé de signer l'entente.

Mme Héroux (Aline A.): Alors, deux choses. Quand on parle d'entente en médiation, on parle d'entente éclairée. Et c'est comme ça qu'on le présente aux couples qui se présentent à nous. Une entente éclairée, ça veut dire une entente basée sur une connaissance de ses droits, de ses responsabilités, de ses avoirs, et que tout soit là.

M. Lefebvre: Qui donne cette information éclairée aux deux parties? Ces sont des avocats, des experts?

Mme Héroux (Aline A.): Sur le droit, les droits, les responsabilités de chacun...

M. Lefebvre: Parce qu'un psychologue... Dans mon livre à moi, un psychologue, ce n'est pas un avocat, là. Dans un cas comme dans l'autre, ils ont leurs compétences, ils ont leurs responsabilités mais un ne peut pas jouer le rôle de l'un et de l'autre.

Mme Héroux (Aline A.): Bon, pas plus. Moi, je suis à l'aise de parler comme travailleuse sociale qui fait de la médiation. Pas plus que je donne un avis à un parent concernant la garde des enfants, pas plus je donnerai un avis juridique.

M. Lefebvre: D'accord. Mais vous allez indiquer...

Mme Héroux (Aline A.): S'ils ont besoin de consulter pour leur enfant, ils seront référés à un psychologue ou à un travailleur social, dans le cadre de la médiation. S'ils n'arrivent pas à prendre les décisions par rapport aux impacts psychologiques, je pourrai donner de l'information sur, en général, comment les enfants réagissent à la séparation, au divorce. Mais, s'il y a une consultation nécessaire pour un enfant en particulier, ce n'est pas moi, comme médiateur, même si j'ai les connaissances, qui vais donner cet avis-là.

(16 h 50)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Madame.

Mme Clairmont (Suzanne): Moi, je voulais ajouter que, lorsque vous avez parlé de l'entente signée... D'abord, dans un projet en médiation, les parties font un projet d'entente. Ce n'est pas un consentement à jugement. Ce n'est pas un jugement. C'est un projet d'entente qui doit être vérifié avec leur procureur indépendant avant d'être soumis à la cour.

M. Lefebvre: Mais s'il n'y a pas d'avocat? S'il n'y a pas de procureur?

Mme Clairmont (Suzanne): S'il n'y a pas de procureur, je pense que ce sera dans le processus judiciaire qu'il devra y avoir une vérification.

M. Lefebvre: C'est le juge. Ultimement, c'est le juge.

Mme Clairmont (Suzanne): Bien, actuellement, il y a des gens, je sais, qui soumettent leur projet eux-mêmes et le tribunal convoque les parties, vérifie ce qui s'est passé, comment ils ont fait cette entente-là. Je dois vous dire aussi que les projets de médiation ne sont jamais signés chez le médiateur.

M. Lefebvre: Non, O.K. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, ça va? Mme la députée de La Pinière.

M. Bégin: Excusez. Est-ce que ce serait possible, M. le député de Chomedey, qu'on ait la copie du texte que vous aviez, parce que là on vient de nous reproduire un autre texte, mais on l'avait déjà? Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Mme la députée de La Pinière, vous pouvez y aller.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je voudrais vous remercier pour la présentation du mémoire. Et, sur l'interprétation que vous faites du projet de loi, à la page 18, concernant le caractère obligatoire, vous dites que «quant à nous, "le caractère obligatoire" mentionné à l'article 814.4 n'est que l'obligation de rencontrer un médiateur pour une première rencontre de médiation». Et quand on regarde le projet de loi, dans son libellé aux notes explicatives, ce qui est écrit, c'est que «ce projet de loi instaure [...] la médiation préalablement à l'audition de toute demande mettant en jeu les intérêts de parents et d'un ou plusieurs de leurs enfants, dès lors que la demande est contestée sur des questions relatives à la garde des enfants, aux aliments dus à un parent ou aux enfants ou au patrimoine familial et aux autres droits patrimoniaux résultant du mariage».

Donc, je crois que ce que vous suggérez – je veux bien vous comprendre – à la page 18, c'est un souhait. Ce n'est pas comme ça que vous comprenez le libellé du projet de loi.

Par ailleurs, à la page 7, vous signalez à juste titre qu'il y a plusieurs intervenants dans la médiation familiale, notamment des gens qui n'ont pas nécessairement les qualifications appropriées, parce qu'ils ne sont pas des médiateurs accrédités. Il y a à peu près 500 médiateurs accrédités actuellement, il y en a combien qui font partie de votre association?

Et si vous permettez, je terminerai là-dessus, quels sont, selon vous, les critères que devrait avoir un médiateur accrédité pour harmoniser un peu l'intervention de tous, parce que les gens viennent de différents profils professionnels? Certains ont des codes de déontologie, d'autres pas. Ils ont des modes d'intervention différents. C'est quoi qui doit être le trait commun entre toutes ces personnes, quel que soit – excusez l'expression anglaise – leur background, pour qu'ils puissent intervenir de façon efficace dans le processus de médiation?

Mme Clairmont (Suzanne): Bon, quant à la première question – vous référez à la page 18 – oui, nous, on comprend qu'on veut instaurer un processus de médiation préalable mais qu'on ne peut pas forcer les parties à entreprendre un processus s'ils ne le désirent pas ou si ce n'est pas souhaitable pour eux et que la seule obligation est l'obligation de la première rencontre de médiation.

Quant à votre deuxième question, il y a un peu plus de 300 membres dans notre association actuellement. Les avocats sont les gens en plus grand nombre, suivis des travailleurs sociaux et à peu près également pour les autres ordres professionnels.

Quant à la troisième question, par rapport à la page 7, oui, effectivement, il y a encore beaucoup de gens qui en font, et c'est pour ça qu'on redemande au gouvernement de mettre en vigueur la partie de l'article qui oblige que la médiation soit faite par des médiateurs accrédités. Il y a des médiateurs des différents domaines, et je pense que chacun a, comme vous avez mentionné, son background de sa profession, et ça, c'est un atout parce que les médiateurs pourront être appelés selon les cas. En tout cas, comme avocat référant, si j'ai un dossier où il y a des problèmes qui sont plus au niveau de la garde et des aspects psychologiques, je vais avoir plus tendance à référer à un médiateur des sciences humaines, alors que dans d'autres cas on va plus référer à un médiateur des sciences juridiques.

Les médiateurs ont une formation de base qui est la même au niveau de la médiation, il y a les 40 heures obligatoires, il y a la formation complémentaire, alors... Et je pense que c'est là la grande richesse de la médiation, c'est que c'est fait par différents professionnels. Il y a aussi beaucoup de cas de comédiation, où il y a des gens, souvent, de sciences juridiques et un médiateur de sciences humaines qui travaillent ensemble, qui font la médiation ensemble, là, conjointement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

Mme Houda-Pepin: Je n'ai pas terminé, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez...

Mme Houda-Pepin: Épuisé mon temps?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, et même un peu plus.

Mme Houda-Pepin: Merci.

M. Bégin: Une dernière question. Je vous référerais à nouveau à la page 377 du texte de Mme Kelly, parce que, tout à l'heure, la question du député de Chomedey référait à un texte que nous n'avons pas au moment où on se parle, mais je pense qu'au troisième paragraphe vous avez un élément qui portait exactement sur la question, j'aimerais voir si vous êtes d'accord. On dit: «In all of the research, there is no empirical support for the claims advanced by critics of mediation that mediation forces women to give away custody or primary care "entitlements" or that women are disadvantaged financially by the strategic use of custody conflicts by men.»

Est-ce que c'est ça que vous disiez tout à l'heure, qu'il n'y avait pas de preuves à l'effet que les femmes renonçaient plus facilement, ou il n'y a pas de preuves, en tout cas d'étude qui a été faite à l'effet que les femmes renonçaient facilement à leurs droits?

Mme Clairmont (Suzanne): Il n'y a pas de preuves à l'effet – et l'étude de Mme Grillo, c'était une critique féministe de la médiation – qu'il y aurait, d'après eux, tendance à avoir l'abandon de certains droits, mais, par contre, ça a été réfuté par d'autres études, et dont on fait état ici.

M. Bégin: Donc, les femmes ne renoncent pas facilement aux autres droits pour être capables d'obtenir la garde de leurs enfants? Il n'y a pas de preuves à cet effet-là; il y a des allégations, mais il n'y a pas de preuves.

Mme Clairmont (Suzanne): Il y a des études contradictoires des deux côtés. Mme Kelly, elle, reprend, ce que ma consoeur citait tout à l'heure, que, finalement, les femmes ont souvent dit qu'elles avaient quand même eu une voix, là, et qu'elles avaient pu parler parce qu'il y avait quelqu'un qui dirigeait le processus et qui leur donnait la parole.

M. Bégin: Merci beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ceci complète cette audition. Nous vous remercions de votre participation, de vos commentaires. Nous recevons maintenant Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais, MM. Pelletier, Bouchard et Lafleur. Alors, nous vous invitons à prendre place.

(Consultation)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bienvenue à la commission des institutions! Vous disposez, messieurs, d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie d'échanges avec les groupes parlementaires présents. Je vous demanderais aussi de vous identifier pour les fins d'enregistrement de nos échanges.


Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais

M. Pelletier (Marc-André): Mon nom est Marc-André Pelletier, je suis le président du groupe Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais.

M. Bouchard (Claude): M. Claude Bouchard, directeur général d'une association de musique. M. le Président, M. le ministre, distingués membres de cette commission, le groupe Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais est très heureux d'avoir l'opportunité d'exprimer son point de vue sur le projet de loi proposé. Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais est un regroupement volontaire et pacifique d'hommes qui veulent s'entraider en vue de prendre leur place dans la vie de leurs enfants. Il cherche à créer une société juste où l'on reconnaît que les enfants ont droit et besoin d'une relation solide avec leur père, comme avec leur mère. Il vise à garantir la présence des deux parents dans la vie des enfants, notamment en cas de séparation ou de divorce.

(17 heures)

L'association a été fondée il y a plus de deux ans pour combler un vide existant au niveau de l'entraide, de la représentation, de la sauvegarde et de la promotion des droits des pères vivant des difficultés, pour protéger leurs droits et ceux de leurs enfants.

Nous cherchons à atténuer les préjudices sur les enfants et les proches d'une séparation ou d'un divorce. Lorsqu'un couple décide de terminer leur vie commune pour quelque raison que ce soit, il ne brise, à notre connaissance, aucune loi. Il nous semble absurde, à cet égard, de le projeter devant les tribunaux. Tout ce dont ce couple a vraiment besoin, c'est l'assistance d'une personne qualifiée et compétente pour les aider à passer à travers une des étapes les plus difficiles de leur existence. En fait, l'établissement d'une façon civilisée et respectueuse de toutes les parties impliquées, surtout les enfants, de régler ces situations, devrait améliorer le régime actuel en matière de droit matrimonial.

Il est difficile aujourd'hui de définir la situation idéale pour la famille. Y a-t-il encore de la place pour celle-ci? Trop souvent, on retrouve le noyau familial infecté de toutes sortes de contraintes et obligations qui n'offrent plus, à notre avis, l'entourage équilibré que méritent nos enfants. D'ailleurs, Statistique Canada a récemment publié à ce sujet de nouvelles données plutôt inquiétantes quant à l'avenir très prochain de la société en général. Pourtant, actuellement, lors de séparations dont la procédure se retrouve devant les tribunaux, les deux parents aptes à prendre soin de leurs enfants ne sont pas considérés équitablement vis-à-vis de leurs responsabilités respectives. Pourquoi favoriser l'un plus que l'autre en matière de garde? Pourquoi imposer aux enfants la séparation avec un de ses parents? Qu'en est-il de l'impact de ces décisions sur les enfants, sur la société en général? Décrochage scolaire, suicides, actes de violence, drames familiaux, problèmes d'apprentissage, taux de natalité à la baisse, etc.

Tous ces éléments sont-ils reliés de près ou de loin à ce résultat que nous a offert le système judiciaire au cours des dernières décennies? Nous avons besoin de sources d'information et de professionnels impartiaux qui sauront répondre à ces besoins urgents. Nous sommes conscients des services disponibles et relatifs à la médiation. Lors d'une séparation, les deux parents se retrouvent en situation de crise, et c'est à ce moment que l'objectif premier devrait être de désamorcer toute tentative de querelle entre eux et de leur faire prendre pleinement connaissance de la situation dans laquelle ils se retrouvent ainsi que des conséquences de leurs décisions actuelles et à venir.

Le groupe pères-enfants séparés de l'Outaouais est favorable au projet de loi n° 65. Cependant, nous sommes inquiets que les modifications apportées à la loi ne viennent entraver la philosophie de base de la médiation. En ce sens, nous devons préserver la crédibilité acquise de ce mode de négociation.

M. Pelletier (Marc-André): Notre première inquiétude se situe au niveau de l'accréditation de médiateurs. À cet égard, nous craignons que la formation actuelle de 40 heures offerte aux diplômés de diverses professions ne soit suffisante. Une approche multidisciplinaire est nécessaire, incluant une bonne maîtrise de connaissances en comptabilité, psychologie, travail social, santé mentale et physique, de même qu'en droit. Toutes ces facettes sont aussi importantes l'une que l'autre lors d'une séparation.

Nous suggérons qu'en plus d'une formation multidisciplinaire les médiateurs soient formellement accrédités par une instance gouvernementale, telle que la Cour supérieure, afin de s'assurer de la crédibilité de ceux-ci. Les personnes brimées devraient aussi avoir la possibilité de porter plainte d'une façon simple et efficace à un organisme indépendant et autoritaire pouvant sévir en cas de bévues.

De plus, l'ensemble des médiateurs doivent offrir une approche constante, systématique et précise, et ce, à travers la province, en ce qui a trait aux négociations sur la garde des enfants, entre autres. Nous croyons, par exemple, que la garde partagée doit être considérée et favorisée avant toute autre alternative.

Notre deuxième crainte se situe au niveau de la gratuité du service. Nous sommes d'avis qu'une médiation entièrement défrayée par l'État comporte un risque d'abus substantiel, comme plusieurs autres services gratuits offerts dans notre société. Nous proposons plutôt, à ce moment-ci, que les parents défraient à part égale une partie des coûts reliés à la médiation. Ceci assurerait que chaque heure de médiation accomplie le soit de façon plus efficace et constructive pour toutes les parties impliquées. Le succès de la médiation ne doit pas dépendre de la gratuité du service mais bien de ses résultats.

Nous nous inquiétons aussi du sort réservé aux enfants des ex-conjoints qui agissent de mauvaise foi et préfèrent prendre le risque d'obtenir ce qu'ils désirent via le système judiciaire.

Pour ce qui est de la modification à l'article 45 donnant au greffier spécial le pouvoir de déférer la demande au juge ou au tribunal, nous nous interrogeons sur la pertinence de cet ajout. Cela nous semble être en contradiction avec la philosophie même de la médiation. En effet, il nous semble que le médiateur est mieux placé pour confirmer ou infirmer que l'intérêt des enfants est préservé ou que le consentement des parties a été donné avec ou sans contrainte. Le greffier spécial est encore une fois une tierce personne complètement étrangère à la situation des parties et qui, selon nous, peut difficilement juger du bien-fondé de la demande. Par exemple, s'il y a entente, le médiateur pourrait enregistrer le projet d'accord comme un acte notarié.

L'article 814.3 suggère aussi que la médiation préalable soit évitée et contournée en présence de motifs sérieux, notamment en cas de violence familiale et de lieu de résidence hors Québec. Nous sommes conscients que, pour certains motifs sérieux, la médiation devrait être évitée. Cependant, nous craignons que sous sa forme actuelle cet article ne constitue une échappatoire abusée et que nous assisterons à une augmentation du nombre de fausses accusations portées et de déménagements précipités hors régions et hors Québec. Les fausses accusations détruisent littéralement les personnes qui en sont la cible. D'autre part, les déménagements, même sur une faible distance, déracinent radicalement les enfants de leur milieu et provoquent le bris de leur relation avec un de leurs parents, entraînant des conséquences tout à fait inacceptables. Nous sommes d'avis, encore une fois, que le médiateur est la personne la mieux placée pour évaluer la pertinence de l'exercice de médiation et, au besoin, référer le dossier aux tribunaux.

Nous désirons aussi formuler nos craintes face à l'article 814.5, surtout en ce qui a trait à la garde des enfants. De statuer provisoirement sur la garde des enfants constitue un précédent qui est presque impossible à renverser par la suite, même après seulement quelques semaines, quelques mois. Nous suggérons donc que, si l'on doit statuer provisoirement sur la garde des enfants, cela soit fait sous forme de garde partagée automatique, permettant ainsi de mettre les parties sur le même pied lorsque viendra le temps de prendre une décision finale.

Nous croyons que l'article 814.6 doit être clarifié, à savoir qui portera jugement sur le sérieux des motifs présentés pour justifier un refus à la médiation préalable et sur quels critères ce jugement sera-t-il porté. De plus, nous croyons que la sanction doit être beaucoup plus sévère que les seuls dépens relatifs à la demande. Elle devrait inclure, entre autres, les frais judiciaires déboursés par l'autre partie si elle devait se présenter devant les tribunaux.

À l'article 814.7, nous suggérons, tel que mentionné précédemment, que les parties paient une portion des frais honoraires, ne serait-ce qu'un ticket modérateur. Nous trouvons pointilleux que le tribunal doive se pencher sur la proportion des honoraires que chacune des parties devra payer, tel que décrit à l'article 815.2.1. Nous croyons qu'il serait beaucoup plus simple et efficace de l'établir à l'avance à 50-50 dans tous les cas justifiés.

Nous exprimons aussi beaucoup de réserves quant au contenu du rapport du médiateur, tel qu'énoncé à l'article 827.3.1. Nous croyons que, si la médiation doit être abandonnée pour cause de manque d'intérêt, de mauvaise foi ou d'un manque de volonté à négocier ou encore d'une prise de position inflexible de la part de l'une ou l'autre des parties, le médiateur devrait être en pouvoir d'en informer le tribunal d'une façon claire et précise dans son rapport final. En effet, ne serait-il pas plus adéquat que le médiateur fasse état de ses discordances dans son rapport, tel que présenté aux articles 814.3 et 814.4, de façon à ce que le tribunal puisse saisir clairement et sur le champ les raisons de l'abandon ou de l'échec de la médiation? Celui-ci pourrait alors rendre une décision plus rapidement tout en étant juste et équitable.

Nous sommes d'avis que ce projet de loi est un grand pas dans la bonne direction. Cependant, nous craignons que la médiation préalable ne soit perçue que comme une simple étape préliminaire aux procédures devant les tribunaux. Nous croyons que, si l'on maintient la tendance juridique actuelle d'accorder 75 % des gardes aux mères, la motivation de celles-ci à participer activement et de bonne foi au processus de médiation sera grandement compromise. Enfin, si le résultat de la médiation préalable, en termes d'attribution des gardes, est le même que celui offert par les tribunaux, il sera alors irréfutable de constater que ce projet de loi aura été vain.

(17 h 10)

Bien sûr on se sera peut-être chicané un peu moins, on aura peut-être eu l'illusion que ça aura coûté moins cher à court terme, mais les conséquences futures à la société en seront tout aussi dévastatrices. Nous croyons que tant et aussi longtemps que les responsabilités parentales ne seront pas partagées équitablement entre les deux parents en fonction de leurs enfants le système fera toujours échec.

Et pour ce faire, nous suggérons qu'une simple modification au Code civil soit apportée à l'article 394, qui se lit comme suit, et je cite: «Ensemble, les deux époux assurent la direction morale et matérielle de la famille, exercent l'autorité parentale et assument les tâches qui en découlent», fin de la citation. Nous demandons que cet article soit précisé et clarifié de façon à ce que son interprétation et son application dans les faits obligent une garde partagée présomptive en cas de rupture conjugale. De cette façon, même après la rupture, les deux parents devraient toujours être responsables à part égales de chacune et de toutes les responsabilités familiales de façon à promouvoir une continuité de l'équilibre dans leurs rapports avec leurs enfants.

Nous croyons que le projet de loi n° 65 est l'opportunité adéquate pour remettre sur les rails le principe de l'équité parentale en considérant en tout premier lieu l'établissement d'une garde partagée dès le moment de la rupture conjugale. Toute autre alternative ne devrait être considérée que pour des motifs très sérieux mettant en cause la pertinence d'une garde partagée.

De plus, le projet de loi n° 65 n'offre toujours pas de moyen immédiat et efficace dans les conflits relatifs à l'exercice des droits de visite. Lorsqu'un parent se voit refuser son droit de visite le vendredi soir ou le samedi matin, il n'a toujours pas de recours rapide, efficace et peu onéreux pour faire valoir sur le champ ses droits. Ces situations sont des plus frustrantes pour des parents, majoritairement des pères, et les enfants, d'être privés sans raison valable de leur relation déjà très limitée dans le temps.

Nous suggérons que tous les corps policiers du Québec aient l'autorité de faire respecter les droits de visite tels que clairement décrits dans les jugements et ententes. Chaque tentative de refus de droit de visite devrait être signalée à un organisme pouvant recueillir ces signalements pour ce genre d'infractions, comme, par exemple, le système déjà établi pour la perception automatique des pensions alimentaires.

Toute personne qui tente de nuire à l'exercice des droits de visite devrait être formellement passible de sanctions très sérieuses, similaires à celles imposées aux débiteurs de pensions alimentaires, afin de dissuader toute tentative. Les pères souffrent largement de cette lacune dans l'exercice de leurs droits et ce fléau se doit d'être résolu dès maintenant.

Enfin, la médiation offrira-t-elle une alternative rapide et peu coûteuse pour la révision des pensions alimentaires? Nous croyons qu'il sera très difficile pour les deux parties de trouver la volonté et l'intérêt de discuter de ce sujet, alors que l'une ou l'autre sera appelée à perdre des sous, soit en payant plus ou en recevant moins.

Nous sommes d'avis qu'un tribunal arbitraire devrait être constitué pour adresser cette situation particulière. Ce tribunal spécial entendrait rapidement et à peu de frais toute demande révision de pension alimentaire qui n'aurait été l'objet d'une entente en médiation. Il devrait fonctionner suivant des règles précises et préétablies de façon à offrir une constance à l'échelle de la province sur les montants des pensions alimentaires accordées.

M. Bouchard (Claude): En conclusion, nous désirons attirer votre attention une fois encore sur l'inefficacité de l'approche actuelle du système juridique en matière de droit matrimonial.

En fait, si le gouvernement présente une nouvelle loi, c'est en principe parce qu'il reconnaît qu'il y a un problème d'envergure. Le groupe Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais est favorable l'élaboration d'une procédure favorisant une entente entre les personnes directement impliquées et permise par la médiation.

Nous croyons fortement que la médiation offre une approche plus humaine aux problèmes de couples. Nous favorisons aussi fortement la responsabilisation des parents face aux décisions concernant leur propre situation actuelle et à venir.

Cependant, pour s'assurer que cet exercice soit fructueux, nous croyons qu'il est essentiel d'apporter au projet de loi proposé les modifications suivantes: Une formation plus approfondie des médiateurs de même que leur accréditation formelle; qu'une partie des frais associés à la médiation soit défrayée à parts égales par les parents; déjudiciariser davantage le processus en enregistrant les projets d'accord sous forme d'actes notariés; formuler l'article 814.3 de façon à éliminer toute possibilité d'échappatoire; que toute décision provisoire sur la garde des enfants soit faite sous forme de garde partagée systématique; que le rapport de médiateur informe le tribunal non seulement sur les points conclus, mais aussi sur les divergences des parties concernant les points toujours en litige; que le résultat global de la médiation soit différent de celui qu'on obtient présentement avec le système judiciaire en ce qui a trait à la garde des enfants; que les deux parents soit responsabilisés également et équitablement dans leur rôle respectif, et ce, en assurant une interprétation et une application intègres de l'article 394 révisé du Code civil; qu'une solution rapide, efficace et accessible soit envisagée rapidement pour régler les problèmes de droit de visite, de même que pour la révision des pensions alimentaires.

Nous souhaitons de tout coeur que les pères puissent trouver dans cet exercice de médiation la possibilité de «parenter» leurs enfants et de pouvoir préserver leur statut de père en bonne et due forme. Nous désirons vous remercier de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer sur ce sujet qui nous tient tous à coeur.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Je vous remercie infiniment. Il a fallu vous écouter plus attentivement parce qu'il s'est produit un phénomène qui est hors de votre contrôle, mais ce que nous avons reçu comme document est très difficile à lire puisque des parties du texte se retrouvent dans le haut d'une page et sans relation aucune. Alors, c'est assez difficile d'avoir une lecture continue. J'ai demandé d'ailleurs qu'on puisse en faire une photocopie pour qu'on puisse mieux le lire. Alors, il pourrait arriver qu'on ait l'air un peu curieux dans nos questions compte tenu de cette petite anecdote.

Ceci étant dit, je comprends que vous êtes extrêmement favorables à la médiation et que vous craignez, en fait, qu'on n'aille pas assez loin dans le processus comme tel, puisque vous dites que vous avez peur que ce ne soit qu'une étape préliminaire ou qu'on la dérive à d'autres fins qu'à celles pour lesquelles vous pensez qu'elle est faite. Mais j'aimerais que vous nous répondiez peut-être sur un aspect que vous soulevez... et là je dis que c'est le bas de la page 6, ce n'est peut-être pas le cas: «Une approche multidisciplinaire est nécessaire, incluant une bonne maîtrise des connaissances en comptabilité, psychologie, travail social». Vous imposez, à ce qu'il me semble, au niveau des médiateurs, une connaissance dans différents domaines, alors qu'actuellement on sait que, dans les processus de divorce, on n'a pas cette connaissance-là. Pourquoi exigez-vous autant de connaissances, en comptabilité, psychologie, travail social, santé mentale et physique, etc., pour les médiateurs?

M. Pelletier (Marc-André): Parce que ce sont toutes des matières qui entrent en jeu lors d'une séparation puis qui, on croit, sont toutes aussi importantes l'une que l'autre. Alors, je pense que c'est important de ne pas négliger ni l'une ni l'autre. C'est sûr que c'est difficile peut-être pour une personne d'avoir toutes ces connaissances-là en main, mais, par contre, il y a peut-être possibilité de le faire sous forme d'équipe, une équipe multidisciplinaire, mais je pense que chacune de ces facettes-là doit être bien maîtrisée par le médiateur en place.

M. Bégin: Comment, dans le concret, vous voyez que ça fonctionne, l'aspect multidisciplinaire? Est-ce que c'est deux personnes qui travaillent en même temps, trois personnes, ou la capacité d'avoir recours à d'autres personnes qui ont les spécialisations dont vous faites état?

M. Pelletier (Marc-André): Je pense que, d'une part, la formation des médiateurs qu'on nous offre aujourd'hui, elle vient soit d'une profession particulière ajoutée d'un 40 heures de perfectionnement. Je pense qu'on devrait établir vraiment, si on est pour rendre ce projet de loi là viable, un cours professionnel en médiateur qui étudierait tous ces aspects-là pour former une seule personne, pour avoir tous ces objectifs-là.

Par contre, dans l'immédiat, c'est peut-être impossible de l'avoir, alors, il est peut-être possible de considérer que ce soient des équipes de ces professionnels-là qui soient instaurées pour former un bureau de médiateurs ou une équipe de médiateurs.

M. Bégin: Pourtant, en vertu du projet de loi 14, qui dit que quand on a une médiation ordonnée par la cour... c'est ça, la formation qu'on exige d'eux; est-ce que vous trouvez que cette formation-là est insuffisante et qu'on devrait la bonifier?

M. Pelletier (Marc-André): Bien, par exemple, si un psychologue a droit à 40 heures supplémentaires de cours pour devenir médiateur, on ne croit pas qu'en 40 heures on puisse lui donner les connaissances nécessaires et approfondies en comptabilité et en droit matrimonial. Ça nous semble un peu inadéquat ou un peu insuffisant.

(17 h 20)

M. Bégin: Quand vous dites ça, est-ce que ça n'implique pas en quelque sorte que la personne qui est médiateur ou médiatrice ait la connaissance en matière légale, en matière de comptabilité, en matière psychologique et en tous autres aspects qui sont soulevés dans un tel débat, plutôt que d'avoir recours à des personnes externes? Par exemple, en matière de rentes, j'imagine que la Régie des rentes peut être extrêmement compétente pour donner l'état de la situation, qu'un comptable peut, dans certaines circonstances, être favorable, qu'un avocat ou un notaire puisse répondre aux questions juridiques. Est-ce que ce n'est pas trop demander à la personne qui agit comme médiateur?

M. Pelletier (Marc-André): Oui, je pense que c'est beaucoup demander, effectivement, sauf que, si on a un différent nombre de personnes qui viennent de différentes professions, qui exercent le même métier, on fait affaire un peu à divers niveaux de compréhension ou de professionnalisme dans divers secteurs de la problématique, alors, on voit, à ce niveau-là, un problème de constance au niveau de l'approche de ces médiateurs-là. Il nous semble que ça serait plus adéquat de former une personne qu'on pourrait appeler «complète», avec toutes ces compétences-là, que de faire appel à un certain nombre de personnes de différentes professions pour statuer sur le cas.

M. Bégin: Nous venons de recevoir votre texte, plus uniforme, plus facilement lisible.

M. Bouchard (Claude): Si vous me permettez, je pense que ce à quoi on fait allusion, ce qu'on perçoit, aussi, en tant qu'association père-enfants séparés, c'est que cette information d'ordre général soit – puis on l'a souligné puis on l'a mis en caractères gras – ce serait de désamorcer le couple, la situation, en période de crise. Alors, lors d'une séparation, lors des premiers mois ou des premières semaines. Alors, je pense que cette information-là, avec les statistiques qui nous sont fournies maintenant, qu'on compile depuis les deux dernières années, nous prouve que la situation actuelle, elle n'est pas acceptable. Alors, je pense que l'information, pour désamorcer, n'a pas besoin de relever d'une formation académique extrême dans chacune des disciplines. Je pense que si, à l'université, par exemple, on offrait un cours en médiation, bien spécifique, je pense qu'on pourrait toucher chacune de ces disciplines-là à un niveau suffisant pour pouvoir désamorcer, pour pouvoir procéder à une médiation saine et calme.

M. Bégin: Une dernière question, page 8, vous mentionnez que l'article 814.3, qui suggère que le médiation soit évitée en présence de motifs sérieux... Vous craignez, vous dites: «Cependant, nous craignons que sous sa forme actuelle cet article ne constitue une échappatoire abusée et que nous assisterons à une augmentation du nombre de fausses accusations portées et de déménagements précipités hors régions et hors Québec.» Ma question est: Qu'est-ce que vous suggérez pour éviter ce genre de situation?

M. Pelletier (Marc-André): Je pense qu'on devrait reformuler cet article-là d'une façon peut-être plus globale, je pense, puis on doit faire état de motifs sérieux, sans pour autant peut-être les mentionner, et puis je pense, encore une fois, que le médiateur est la personne la mieux placée pour décider si vraiment ces motifs-là sont assez sérieux pour justement éviter une médiation. Je ne crois pas qu'on ait besoin de suggérer spécifiquement quels seront ces motifs sérieux là. C'est sûr qu'à l'intérieur de la formation des médiateurs on pourrait peut-être les en informer ou les considérer, mais, d'une part, je pense qu'on doit éviter absolument qu'on provoque des déménagements précipités; puis là on mentionne «hors Québec» dans le projet de loi, mais il faut comprendre aussi qu'un déménagement d'à peine 10 kilomètres provoque un déracinement radical de l'enfant et de son milieu, alors qu'un déménagement peut-être plus grand pourrait, même à l'intérieur de la province, pourrait éliminer toute possibilité de médiation. Si quelqu'un demeure à Montréal puis l'autre demeure à Québec, bien, où est-ce qu'ils vont la faire, la médiation?

Alors, je pense qu'on doit, d'un côté, encourager sinon forcer les parties à rester sur place, étant donné qu'elles ont choisi de bonne volonté de s'établir à cet endroit-là au départ puis qu'on devrait éviter autant que possible... les décourager à aller s'implanter ailleurs.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à féliciter l'association Entraide père-enfants séparés de l'Outaouais de s'être déplacée. On vient d'en parler: où est-ce que ça se ferait, la médiation, les uns à Montréal, les autres à Québec? Vous êtes venus de l'Outaouais, donc, de toute évidence, c'est un sujet qui vous tient à coeur. Et, même si notre formation politique a des réserves par rapport à plusieurs de vos remarques, je crois que vous méritez nos remerciements sincères pour l'effort que cela représente et pour l'expérience, le vécu que vous amenez avec vous et qui vous a incités à participer à la commission et à venir faire cette présentation.

Je vais commencer par la fin, j'avais une autre série de questions préparées, mais je pense que ça ouvre bien la discussion. Vous venez de dire que, selon vous – c'est monsieur Pelletier, n'est-ce pas?

M. Pelletier (Marc-André): Pelletier, oui.

M. Mulcair: Vous venez de dire, M. Pelletier, que, selon vous, on devrait décourager les gens de déménager. Je trouve ça intéressant parce que ça ouvre le débat sur la liberté, n'est-ce-pas, la liberté, le droit de choisir, le droit des gens de faire ce qu'ils veulent dans la vie. Et c'est un peu des points de divergence entre notre formation politique et celle qui est en face de nous.

Nous, on dit que des adultes, majeurs et vaccinés, pour reprendre l'expression un peu classique, ont le droit de choisir ou non un mode de résolution de leur différend. Qu'il existe un mode alternatif qui s'appelle la médiation – et tous s'entendent pour dire qu'il est valable dans un bon nombre de cas – ça demeure quand même le choix des gens d'aller vers là.

Donc, quand on parle de forcer, de contraindre les gens d'aller vers la médiation, nous, on débarque. À plus forte raison quand vous dites que vous voulez non seulement la médiation, mais un résultat obligatoire. Le résultat obligatoire, c'est la garde partagée. Ça, c'est obligatoire, dans votre point de vue. Vous comprendrez que, dans notre logique, on a plus de difficultés encore à suivre votre raisonnement.

Mais j'aimerais rester avec ce point, le dernier point, qui était: il faut décourager les gens de déménager. C'est qui le «on»? C'est qui qui va s'occuper de ça, de dire que les gens devraient déménager ou ne pas déménager, dans une société libre comme la nôtre? Je vous avoue que cela me surprend beaucoup. Tout en vous respectant, j'ai vraiment de la difficulté à concevoir comment on peut dire: Il faudrait qu'on décourage les gens de déménager.

M. Pelletier (Marc-André): Je vous répondrai sur deux volets. D'une part, j'essaierai de vous expliquer que, bon, bien, si vous êtes établi dans un foyer, dans un quartier, dans une ville, dans un village, quelque part avec votre conjoint, si ça ne va plus avec votre conjoint, vous ne pouvez plus rester dans la même maison. Oui, ça, je suis d'accord avec ça. Mais vous pouvez tout de même, je pense, demeurer dans le même quartier, demeurer dans le même village, dans la même ville, de façon à ce qu'on puisse préserver l'environnement des enfants, que les enfants continuent d'aller à la même garderie, qu'ils continuent d'aller à la même école, qu'ils conservent le même cercle d'amis, leurs activités, etc., qu'ils conservent aussi une relation avec leurs deux parents.

Alors, d'une part, oui, on semble peut-être contraindre les parents à... on semble peut-être les limiter dans leurs actions, mais ils se sont établis là d'une façon volontaire au départ. C'est sûr que, si vous avez une promotion à «Timbouctou», vous pouvez la considérer, mais là je vous ramène à la période où vous étiez toujours en vie de couple. Est-ce que, cette promotion-là, vous l'accepteriez, ou est-ce que vous diriez: Bien non, je dois rester avec ma famille?

L'individu a à prendre des décisions. Puis, moi, je dis: Bien, si vous êtes prêt à la considérer, cette promotion-là, prenez-la, mais laissez les autres derrière vous; allez-y tout seul. Alors que si on regarde...

M. Mulcair: Comme j'ai dit, je respecte votre point de vue, mais, sur le plan pratique... Oublions le plan moral, éthique ou philosophique pour deux secondes. Juste sur le plan pratique, j'ai énormément de difficultés à vous suivre. Qui va faire cette détermination-là: Qui a à accepter une job ou qui a le droit de déménager? Moi, je vous avoue... Si, tout ça, c'est pour éviter certains écueils, certains problèmes, je trouve qu'on ouvre à d'autres, quand on essaye de dire que «on»... puis le «on», je n'ai pas encore de définition du «on»... devrait empêcher les gens de déménager.

M. Pelletier (Marc-André): Je veux vous amener au deuxième point de ma réponse qui est le point de vue des enfants dans tout ça. Pourquoi imposer aux enfants un déménagement précipité? Pourquoi leur imposer de briser une relation avec un de leurs parents? N'ont-ils pas des droits, eux autres aussi? Est-ce qu'ils n'ont pas le droit de garder une relation avec leurs deux parents?

M. Mulcair: Mais c'est précisément pour ça qu'on a des tribunaux puis des juges qui peuvent en décider.

M. Pelletier (Marc-André): Oui, et de la façon dont ils en décident présentement, nous avons de sérieux problèmes, merci.

M. Mulcair: Oui. C'est la raison sans doute pour votre présence ici aujourd'hui. Je le respecte. Mais si la solution, c'est d'imposer des contraintes qui sont tout à fait anathèmes dans notre société libre et démocratique, je ne pense pas qu'on avance, on recule!

M. Pelletier (Marc-André): On n'impose pas de contraintes. Je reviens au début. Les deux parties ont convenu volontairement et conjointement de s'établir dans un quartier, dans une ville, dans un village, alors on ne les contraint pas; ils l'ont fait de façon volontaire dès le départ. Alors, pourquoi changer ça du jour au lendemain? Après la rupture conjugale, les deux parents conservent leur même emploi. Ils n'ont pas besoin de...

(17 h 30)

M. Mulcair: Dites-vous! S'il y en avait un qui n'avait pas d'emploi et qui décide d'aller travailler ailleurs, ou peu importe, ou a des amis, des relations à un autre endroit, libre à elle. Je ne partage pas votre point de vue du tout.

M. Pelletier (Marc-André): Oui, s'il désire partir, bien, qu'il considère de partir tout seul, qu'on n'impose pas aux enfants et à l'autre parent une séparation tout à fait inutile, quant qu'à nous.

M. Mulcair: D'accord. Mon autre question est reliée – et je viens de donner des aspects – j'ai de la difficulté à comprendre comment on peut parler de médiation, le mot a un sens, si on décide d'avance les résultats, comme la garde partagée. Je ne vous suis pas sur ce terrain-là non plus. Comment est-ce qu'on peut ordonner d'avance le résultat d'une médiation?

M. Pelletier (Marc-André): C'est un résultat, je pense, qui est souhaitable par la société. C'est sûr que peut-être qu'on impose une certaine forme de résultat. C'est un résultat que l'on souhaite qui soit considéré en premier lieu, parce qu'on veut justement favoriser l'équité parentale. On veut favoriser le maintien des liens entre chacun des parents et les enfants. La vie de couple cesse, mais on est toujours parents, et les enfants auront toujours besoin de leurs deux parents. Je pense qu'aujourd'hui on s'attarde sur la promotion d'une famille monoparentale, ce qui veut dire un parent, alors que la nature nous impose que chaque famille a deux parents.

Moi, je ne connais pas d'enfants qui ont seulement un parent. Tous les enfants ont deux parents.

M. Mulcair: Non, je vous avoue que c'est un point qui a été soulevé par un autre groupe ce matin, puis le groupe a fait même un petit chapitre dans leur mémoire sur certains termes qui sont utilisés dans ce domaine-là, et je vous avoue que je vais y repenser deux fois avant de jamais utiliser ce terme dans un contexte que vous décrivez, parce que c'est vrai, d'une manière, le terme veut dire une chose dans notre société, mais ça ne décrit pas nécessairement la réalité. Je comprends. Et parfois les termes faussent tout le débat, et c'est un point très intéressant.

M. Pelletier (Marc-André): L'autre aspect à considérer, qu'il est très important de justifier ou d'imposer peut-être une garde partagée dès la rupture, c'est qu'on désamorce justement un des gros conflits qui existent présentement en matière familiale, qui est la garde des enfants. Alors, en désamorçant ça dès le départ, bien, les parents demeurent au même niveau. Alors, pourquoi est-ce qu'ils devraient se battre, là? Ils vont se battre pour les couteaux et les fourchettes, et c'est tout.

M. Mulcair: Tout comme vous, je connais des gens chez qui il y a une garde partagée qui a très bien réussi. Je connais des cas où ça a été fait après discussion devant les tribunaux, je connais des cas où ça a été fait par médiation, mais je ne connais pas d'endroit où on décide, comme panacée, comme remède universel, que c'est ça, parce que ça demeure relativement rare, parce que c'est relativement rare que les gens peuvent organiser leur vie, leur travail, leur manière de faire autour de quelque chose qui est très onéreux.

C'est très facile de dire «garde partagée». C'est autrement plus difficile de le vivre. Je le sais pour l'avoir vu chez des amis et des clients. Je vous avoue que c'est plus facile à dire qu'à faire. Je comprends la frustration. Les chiffres ont été donnés par d'autres groupes. Les pères viennent souvent; vous êtes le troisième groupe de pères à venir nous rencontrer et à faire une présentation très posée. Vous dites: Écoutez, il y a un problème; les tribunaux ordonnent trop souvent que la garde des enfants soit à la mère. Ça, c'est partout en Occident comme ça. Je ne connais pas d'exception, à vrai dire.

Mais il y aura toujours dans une situation de conflit des décisions qui ne plairont pas, et si c'était possible pour le législateur d'ordonner le résultat de garde partagée dans tous les cas, bien, pourquoi le faire par le biais de la médiation? On pourrait tout aussi bien... le législateur peut faire ce qu'il veut. Le législateur aurait pu tout aussi bien ordonner que tous les juges vont décréter la garde partagée. Pourquoi faire ça par médiation, si c'était une volonté sociétale, législative d'y arriver? La réponse, c'est que ce n'est pas plus souhaitable d'ordonner aux juges d'imposer universellement la garde partagée que ça l'est d'imposer aux médiateurs d'arriver à ce résultat-là. Du moins, aucune législature dans le monde a adopté ça comme principe, parce que ça ne tient pas compte de la réalité. Chaque cas de divorce ou de séparation est différent. C'est pour ça que le médiateur doit justement avoir la plus vaste formation possible, la meilleure formation possible. Mais ce n'est pas vrai qu'on peut... Vous dites qu'une des difficultés... Ce n'est pas juste une difficulté, c'est souvent la plus grosse problématique en matière de séparation et divorce, et je ne pense pas qu'on puisse l'ordonner par le législateur. Je ne pense pas.

M. Pelletier (Marc-André): Vous avez raison quand vous dites que... À notre connaissance non plus, il n'y a nulle part où on impose des gardes partagées. Cependant, si on fait le constat des 25, 30 dernières années, où on a offert la garde à un des parents, si on regarde aujourd'hui les problèmes avec lesquels on se retrouve, je pense que c'est un constat assez misérable qu'on doit peinturer.

L'autre aspect que je voudrais soulever, c'est que, oui, on pourrait tout à fait ordonner, à travers le système judiciaire, des gardes partagées, comme on pourrait le faire à travers la médiation, sauf que le contexte est totalement différent. En médiation, on va demander aux parents de considérer en premier lieu une garde partagée et puis ils devront faire leurs devoirs à savoir de quelle façon ils vont l'opérer, cette garde partagée là, que ce soit sous forme d'une semaine-une semaine ou deux semaines-deux semaines. Ils auront le choix de le faire selon leurs besoins, selon leur mode de vie, selon les besoins des enfants. Alors que, à la cour ou à travers le système judiciaire, les deux parties sont placées en mode de conflit, ils sont deux ennemis et puis ils vont tenter de s'arracher tout ce qu'ils peuvent. Le contexte est complètement différent. On fait des parents des ennemis, dans le système actuel. C'est ça qu'on fait. Puis c'est pour ça qu'on appuie ce projet de loi là, parce qu'en médiation on va préserver l'esprit d'équipe – si je peux appeler ça comme ça – des parents vis-à-vis de leurs enfants au lieu de les laisser se tirer les cheveux.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Je vois que vous parlez beaucoup d'équité à travers tout votre mémoire, que ce soit au niveau des frais, au niveau de la garde. Au niveau des frais tels quels, vous savez que ce n'est pas toujours évident entre... Vous parlez de frais égaux entre le père et la mère. On sait que, souvent – je veux dire – la mère, des fois, ne travaille pas. Souvent aussi, ça peut être le père. Alors, ça peut être un petit peu difficile. Alors, à ce niveau-là, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un petit peu plus, davantage.

Et, au niveau des droits de visite, vous avez élaboré à ce niveau-là. C'est vrai que ce n'est souvent pas facile au niveau du père... souvent pour les pères, là, qui arrivent avec une porte fermée quand ils viennent pour chercher leurs enfants. Je comprends. Mais de là à impliquer les corps policiers, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un petit peu plus. Parce qu'on parle quand même de concertation, de médiation; alors, le corps policier, c'est quand même une autorité à ce niveau-là. Alors, j'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin.

Pour la garde partagée, j'aimerais repréciser. Si je comprends bien aussi, ce n'est pas, pour vous, un résultat, comme disait le député de Chomedey, là, c'est plutôt une base de travail au départ.

M. Pelletier (Marc-André): Oui.

Mme Léger: C'est pour ça que vous parlez d'équité. Alors, au départ, mettons que c'est équitable pour les deux, c'est égal pour les deux et, après, il y a réajustement si un des deux veut plus garder ou pas, là... Alors, je pense que c'est de base et non un résultat.

M. Pelletier (Marc-André): Oui. Bon, pour répondre à votre premier point, au niveau des honoraires des médiateurs, c'est sûr que, oui, il y a des situations où il y a un des parents qui ne travaille pas ou qui est sur le seuil de pauvreté, qui peut difficilement débourser pour ces services-là. Je pense qu'il y aura toujours possibilité de faire exception à la règle, mais je pense que dans la majorité des cas on pourrait appliquer une forme de paiement d'une partie des frais. L'autre façon de l'aborder peut-être, pour rembourser les gens qui sont moins fortunés, c'est peut-être de les rendre déductibles d'impôt. Il y a diverses formules qu'on pourrait utiliser pour justement aider les personnes qui sont peut-être défavorisées financièrement.

Pour votre deuxième point, au niveau des droits de visite, il est malheureux de constater aujourd'hui que, oui, les pères ont des droits de visite; par contre, ils ne peuvent pas les exercer. S'ils ont des problèmes à accéder à leurs enfants lors des droits de visite tels que prévus à leur jugement, ils n'ont absolument aucun recours. Et je vous parle, là, par expérience. Je me suis présenté, moi, avec les policiers pour aller chercher mon enfant, puis les policiers m'ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire. Madame a refusé: ils ne pouvaient rien faire. Alors là, je dois attendre de placer une procédure à la cour. Ça prend quand même quelques semaines, quelques mois, puis pendant ce temps-là j'ai été 30 jours, l'été dernier, sans voir mon enfant. J'étais sur le bord du suicide. C'est impossible, ça. C'est impossible à vivre, ça. On doit avoir recours immédiatement. On doit être capable d'aller chercher nos droits. C'est des droits qui sont acquis, ça, et on doit les respecter. Puis quand on fait une demande... C'est un outrage au tribunal, dans le fond, qu'on fait là en refusant les droits de visite. Il est malheureux, encore une fois, de constater que la seule sentence qu'on a, bien: Ne recommencez pas, madame! C'est tout ce qu'on offre. C'est ridicule.

(17 h 40)

Alors, on n'a pas d'effet de dissuasion, là. Et ça se répète, ça se répète, ça se répète et puis, avec le temps, bien, on se demande pourquoi il y a des pères qui décrochent. Bien, oui! On en a, des réponses là-dessus, nous autres.

M. Bouchard (Claude): C'est en se regroupant, les pères, comme ça, autour d'une association d'entraide pères-enfants séparés, c'est là qu'on s'aperçoit que notre discours, il est commun. À venir jusqu'à maintenant, jusqu'à deux, trois, cinq années, avant que les pères se mettent ensemble, on s'est aperçu que tout le monde vivait ces réalités-là sur une base individuelle, personne n'osait parler, on pensait que, bon, effectivement, on n'avait rien pour nous supporter.

Mais, maintenant qu'on a des organismes qui regroupent une centaine de membres, qui sont un peu répartis partout alentour de la province, on s'aperçoit que ce discours-là, il est commun. Alors, c'est ce qui nous porte à présenter ces points-là, pour savoir: Bon, bien, qu'est-ce qu'on peut faire pour remédier à ces lacunes-là?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Autres questions, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles?

Mme Léger: Non, mais je peux peut-être dire, au niveau du déménagement, vous avez parlé de déménagement, c'est évident que ce n'est pas toujours peut-être simple, le déménagement, mais il y a une liberté de l'individu à travers tout ça aussi. À moins que vous alliez vivre en dehors des limites du Québec, on peut dire que c'est un autre pays, là, à ce niveau-là, mais c'est évident que ce n'est pas simple.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. En dehors du Québec, il y a le reste du Canada, et le Québec fait partie du Canada. Et comme nous sommes en présence d'une association qui s'appelle l'Entraide pères-enfants séparés de l'Outaouais... Bon, vous êtes encore avec nous, fort heureusement!

Je voudrais donc saluer la présentation que vous avez faite, et ça présente et ça reflète, de toute évidence, les préoccupations que vous vivez, M. Pelletier, je crois, en a témoigné, et que reflète aussi le groupe avec lequel vous travaillez, les hommes qui vivent des situations de cette nature.

J'ai arrêté à la page 6 de votre mémoire, quand vous avez commencé à exprimer vos inquiétudes par rapport à ce projet de loi, et j'ai retenu que vous soulevez quand même des points assez pertinents, en ce qui concerne l'accréditation, par exemple, des médiateurs, et je voudrais, s'il vous plaît, que vous puissiez m'expliquer un peu ce que vous entendez par ce qui est écrit au premier paragraphe de la page 6, quand vous dites: «une approche multidisciplinaire est nécessaire», puis vous ajoutez qu'elle «doit inclure une bonne maîtrise des connaissances en comptabilité, psychologie, travail social, santé mentale et physique, de même qu'en droit».

On a eu à entendre d'autres groupes qui nous ont parlé aussi des défaillances concernant la formation des médiateurs et la nécessité d'harmoniser tout ça, sachant que les gens viennent de différents horizons professionnels. Et on a aussi entendu, ce matin, un groupe qui nous a parlé d'un centre de médiation multidisciplinaire, c'est-à-dire où il y a des spécialistes en droit, en comptabilité, en psychologie, etc., chacun porteur de sa discipline.

Je veux juste comprendre correctement ce que vous proposez. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que le médiateur doit avoir une formation, lui-même, multidisciplinaire et donc connaître à la fois et la comptabilité et le droit, et la psycho, et tout ça, ou vous êtes plutôt en faveur de ce qui nous a été proposé ce matin, d'avoir différents intervenants d'horizons différents, mais qui interviennent dans le même dossier?

M. Pelletier (Marc-André): Oui, bien, je pense qu'idéalement on devrait avoir une seule personne qui ait toute ces connaissances-là. Maintenant, ce n'est peut-être pas possible de l'avoir très facilement présentement, parce qu'il n'y a pas, à notre connaissance, un cours universitaire spécifique dédié à la médiation.

On doit faire un cours de droit puis faire un quarante heures supplémentaires pour avoir l'accréditation de médiateur. Ce qui donne comme résultat qu'on peut avoir un médiateur qui est très fort en droit mais qui est peut-être plus ou moins spécialisé dans les problèmes sociaux, par exemple. Ou on peut avoir un travailleur social qui est très fort dans son domaine, qui est médiateur lui aussi, mais que, du côté du droit, il est plus faible.

Alors, on n'a pas de constance au niveau des services offerts présentement, à notre avis. Alors, c'est pour ça qu'on suggère qu'il y ait peut-être un cours qui soit offert aux personnes pour se diriger strictement vers un domaine spécialisé qui est la médiation.

Maintenant, d'ici à ce que ça se fasse, bien, peut-être que l'idée, oui, d'une équipe personnes de diverses disciplines se prêterait bien à l'exercice. Cependant, la réserve qu'on pourrait exprimer à ce niveau-là c'est qu'en faisant affaire à trois ou quatre différentes personnes pour régler notre dossier matrimonial, bien, on dilue un peu l'approche personnelle, ou la constance, au niveau des négociations ou des individus avec qui on fait affaire. C'est peut-être une des craintes que je pourrais formuler présentement.

Mme Houda-Pepin: D'accord. C'est bien. Donc, vous m'avez éclairée, c'est clair que vous cherchez à voir la multidisciplinarité dans une seule et même personne.

M. Pelletier (Marc-André): Oui.

Mme Houda-Pepin: Le problème qui se pose, c'est au niveau de la faisabilité. Si on calcule que ça prend quatre ans pour former un avocat, peut-être autant pour former un psychologue, condenser tout ça, là, dans un programme multidisciplinaire, je ne vois pas la faisabilité de cette formation-là...

M. Pelletier (Marc-André): Immédiatement, oui.

Mme Houda-Pepin: ...à moins, disons... vous n'excluiez pas la possibilité, de toute façon, d'avoir un centre multidisciplinaire, ou une équipe multidisciplinaire qui viendrait intervenir chacun selon son expertise. C'est bien ce que j'ai compris?

M. Pelletier (Marc-André): Je pense que, si on pouvait instaurer un cours spécifique à la médiation à l'intérieur des universités au Québec puis qu'on réponde, à ce moment-là, à la demande que ce projet de loi là va créer, je pense que, si on veut se lancer de pied ferme sur un projet de loi comme ça, je pense qu'on doit offrir les services adéquats et puis on doit s'assurer que les personnes sont adéquatement formées pour les offrir, ces services-là. Je pense que ça pourrait aller de pair avec ce projet de loi là.

Mme Houda-Pepin: L'autre point sur lequel je me suis arrêtée, c'est l'équation que vous faites entre l'équité parentale et l'exigence de la garde partagée. De mon point de vue... je sais que, vous, vous parlez par expérience, parce que vous avez vécu une situation puis vous en témoignez, puis je comprends la situation, sauf que, dans le vrai monde, qui n'est pas monolithique, et les gens vivent des situations très différentes, je ne vois pas l'équité parentale nécessairement liée et obligatoirement liée à la garde partagée, qui doit être considérée avant toute autre alternative, comme vous le dites dans votre mémoire. D'abord, parce qu'il y a des situations réelles, hein, ce n'est pas tous les parents qui sont en disposition, que ce soit, indistinctement, homme ou femme, là, la mère ou le père, qui sont en position d'assumer la garde partagée à un moment donné de sa vie, là, ne serait-ce que pour des raisons psychologiques ou pour des raisons économiques, etc., et, donc, il n'y a pas, à mon point de vue en tout cas, de cause à effet entre l'équité parentale et la garde partagée comme solution indispensable et préliminaire à toute autre démarche.

Ça, c'est un commentaire que je voulais faire, et, M. le Président, j'ai encore un peu de temps, vous me le permettrez? Si vous voulez...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ah, oui, oui.

Mme Houda-Pepin: ...j'irais à la page 14 de votre mémoire, quand vous dites en conclusion: «Si le gouvernement présente une nouvelle loi – en l'occurrence le projet de loi n° 65 – c'est en principe parce qu'il reconnaît qu'il y a un problème d'envergure.»

Nous avons entendu ici des groupes, notamment l'Association des avocats en droit familial, qui eux ont fait l'étude de la loi 14, de ce qu'elle offre comme possibilité de médiation volontaire, et ils ont demandé que le projet de loi n° 65 soit retiré et qu'on mette en vigueur la loi 14, qui offre déjà cette médiation-là. Est-ce que vous pourrez élaborer... vous, est-ce que vous avez pu regarder cette loi-là, qu'est-ce qu'elle représente comme avantages pour vous, de votre point de vue, pour la clientèle que vous représentez? Ou est-ce que vous rejetez ça du revers de la main, sachant que le gouvernement doit avoir des raisons pour présenter le projet de loi n° 65?

(17 h 50)

M. Pelletier (Marc-André): On n'a pas étudié de façon particulière la loi 14. Par contre, ce qu'on avance dès le début de notre mémoire, on le mentionne, c'est que, quand il y a rupture conjugale, on ne brise, à notre connaissance, aucune loi. Alors, il nous semble tout à fait absurde de se projeter devant les tribunaux et de monter une guérilla à n'en plus finir avec l'aide des avocats, justement. Nous, tout ce qu'on pense, c'est qu'on a besoin d'une personne qualifiée qui va nous aider à régler nos différends. On n'a pas besoin de...

Puis l'autre dimension, c'est que, si on prend nos décisions nous-mêmes, je pense qu'on sera beaucoup plus aptes à respecter ces décisions-là, au lieu de se faire imposer une décision par une tierce personne qui ne nous connaît pas, qui ne connaît pas nos enfants, qui ne connaît pas notre situation non plus. On pense, nous autres, que de redonner aux couples la responsabilité de décider d'eux-mêmes de leur avenir et de celui de leur enfant, c'est idéal. C'est sûr qu'il y aura toujours des cas d'exception qui devront peut-être se présenter devant les tribunaux, malheureusement, mais je pense que dans l'ensemble la majorité des cas devraient être réglés à l'amiable. On devrait favoriser, tout de même, cette approche-là dès le départ, au lieu de monter des conflits perpétuels.

Mme Houda-Pepin: Mais, actuellement, la médiation volontaire existe. C'est un processus qui est disponible; les gens ont recours à ça. On a même eu des groupes qui sont venus nous parler de leur expérience dans le domaine de la médiation familiale. Et la médiation familiale n'exclut pas nécessairement les intermédiaires dont vous parlez, les professionnels du droit, de la psychologie, de l'économie, de la comptabilité, tout ça. Ils vont être dans le portrait. Ils vont être là comme médiateurs mais sur une base volontaire, comme ça se fait déjà. Alors, qu'est-ce que le projet de loi n° 65 apporte de décisif pour vous, qui est essentiel et qu'on n'a pas déjà dans la situation actuelle?

M. Pelletier (Marc-André): Écoutez, il est évident que, pour les pères, les tribunaux n'offrent pas de solution valable. Et je pense que la médiation, c'est une porte qui est disponible. Si on est capable de la faire fonctionner comme il faut, c'est une porte disponible qui pourrait donner des résultats largement supérieurs. L'autre aspect que je voudrais apporter, c'est... J'ai perdu mon fil d'idée, là. La médiation en tant que telle, si l'approche – on le mentionne dans notre mémoire – est différente de celle des tribunaux, en termes, entre autres, d'attribution de garde d'enfants, bien, on aura peut-être plus de succès aussi en tant que société à «parenter» nos enfants et peut-être à éliminer les fameux problèmes que l'on expérimente présentement, avec le décrochage scolaire, les suicides, etc.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Maintenant, il y avait un élément, moi, sur lequel je voulais revenir. Plusieurs membres de la commission sont revenus sur la question de la garde partagée. Vous parlez d'une garde partagée automatique dans certains cas... Cet avant-midi, on a eu une discussion là-dessus, sur un chiffre. Bon. On nous a dit que nous allions avoir certaines statistiques à cet égard, très claires, mais, pour l'instant, on ne pouvait nous donner les sources. Il y a un certain nombre de situations qui se posent et où une garde partagée automatique pourrait être problématique en regard de la sécurité des enfants.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de penser à «automatique, mais à moins que»? Parce que dans le cas d'un signalement d'actes de violence, entre autres, je pense, moi, qu'il y a lieu de protéger au premier chef les enfants. Je comprends fort bien le droit très légitime des pères et des mères de vouloir avoir accès à leur enfant, mais en même temps il m'apparaît important de préserver le droit très légitime, et encore plus légitime, le droit à la sécurité pour les enfants. Et, en ce sens-là, je pense que, en tout cas à prime abord, une garde partagée automatique, elle pose ce problème-là. Me direz-vous: peut-être que c'est peut-être 10 % des cas. Mais ce 10 % des cas là, justement, on se doit à tout prix, aussi, de les protéger. Oui, M. Bouchard.

M. Bouchard (Claude): Je pense que dans la situation qu'on vit actuellement, où 75 %, 80 % des enfants se retrouvent chez la mère, on ne le questionne pas, ce point de vue là, à savoir la sécurité de l'enfant. Et nous autres, on est supposés de passer deux ans, trois ans, quatre ans à se débattre pour essayer de faire ces preuves-là. Comme on a fait le point tantôt, on n'est pas capables d'avoir l'appui du système policier pour aller faire respecter les ordonnances de la cour. Alors, je pense que ça peut marcher des deux côtés. Le 10 %, on peut le situer facilement de ce côté-là aussi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): D'ailleurs, M. Bouchard, je ne le situais pas en regard du père. Je le regarde comme situation lorsqu'on parle de garde partagée automatique. Le signalement, vous le savez fort bien, peut aller à l'égard du père, mais tout autant de la mère aussi, quoique, en général, ce n'est pas autant de cas du côté de la mère dont on entend parler. Mais il y a effectivement des cas, et, moi, je le pense en termes de signalement de problèmes de violence en provenance des adultes à l'égard des enfants dans ces situations-là.

M. Pelletier (Marc-André): Oui, nous sommes d'accord avec ce que vous apportez. Il y a des cas d'exception, qui doivent faire exception à la règle. Ce qu'on propose, c'est qu'une garde partagée, de façon générale, là, dans la majorité des cas, je pense, est applicable.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Lorsque la sécurité des enfants n'est pas en cause.

M. Pelletier (Marc-André): Oui, et si on a des motifs sérieux de ne pas travailler avec cette forme de garde là, bien là, qu'on le soulève, puis qu'on le démontre, puis qu'on propose quelque chose d'autre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui?

M. Mulcair: Oui, très brièvement, M. le Président. J'ai obtenu copie des annexes de votre mémoire.

M. Pelletier (Marc-André): O.K.

M. Mulcair: L'annexe 2 contient ce que vous appelez vous-mêmes les règles d'or de la médiation. Or, j'étais un peu étonné de lire que la règle première, selon vous, c'est que la médiation doit être libre et volontaire, et que la quatrième règle, c'est qu'elle doit permettre à toute partie de se retirer en tout temps sans avoir à se motiver et sans sanction. Ce sont des règles d'or sorties direct d'un livre. Mais ça contredit en tous points plusieurs éléments de votre mémoire...

M. Pelletier (Marc-André): Ce sont...

M. Mulcair: ...notamment à la page 9, quand vous dites: «Nous croyons que l'article 814.6 doit être clarifié, à savoir qu'il porterait jugement sur le sérieux des motifs pour justifier un refus de la médiation préalable. De plus, nous croyons que la sanction doit être beaucoup plus sévère», alors que, dans les règles d'or que vous donnez, vous dites qu'il ne devrait pas y avoir de sanction. Ils devraient avoir le droit de se retirer en tout temps. Expliquez-moi comment vous mettez les deux ensemble.

M. Bouchard (Claude): Ce sont des règles d'or qui nous proviennent d'une maison de médiation, de médiateurs.

M. Mulcair: Bien, oui, mais, écoutez, ce n'est pas moi qui l'écris, là, c'est vous. «Il nous apparaît important de souligner que les ruptures familiales comportent des dimensions complexes d'ordre psychosocial et juridique qui peuvent faire appel à différentes interventions. Ainsi, pour être efficace, tant en regard des besoins et désirs des parties, la médiation doit s'inscrire dans le cadre strict suivant: Elle doit être libre et volontaire; elle ne doit contenir aucune contrainte quant à l'époque de sa tenue et de sa durée; elle doit permettre à toute partie de se retirer en tout temps sans avoir à se motiver et sans restriction.»

Je ne saurais être plus en accord avec vous dans vos annexes. Mais ça contredit carrément ce qui est dit dans votre mémoire!

M. Bouchard (Claude): Dans aucun endroit dans notre mémoire, M. le député, on ne fait allusion à ces annexes. Ces annexes, en fait, ont été ajoutées à notre présentation. En fait, ce n'est pas des erreurs de parcours, c'est de la documentation qu'on a ramassée, nous autres, pour essayer de tracer une ligne directrice, à partir de professionnels. Alors, il n'y a aucun endroit dans notre mémoire où on fait référence à ces annexes, et c'est de la documentation qui nous provient d'une maison de médiateurs, qu'on est allé visiter pour aller chercher des informations pertinentes, et ils nous ont fourni cette information-là qu'on a cru bon d'annexer à nos documents.

M. Mulcair: Bien, moi, je la trouve pertinente et je trouve que vous avez très bien fait de l'annexer, et, en plus, je suis d'accord. Moi, j'aimerais bien savoir sur quoi vous vous êtes basés, si ce n'était pas votre visite chez les médiateurs, pour dire exactement le contraire dans votre mémoire. C'est ça qui m'intrigue.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, nous avons...

M. Mulcair: On ne le saura jamais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Je suis à Papineauville demain soir!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous êtes sauvés par la cloche.

M. Mulcair: Je vais venir... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous avons maintenant complété la présente séance. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons reprendre notre séance de travail. Nous recevons maintenant le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale. Bonsoir, mesdames. Alors, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie – vous vous en doutez fort bien – d'échanges avec des membres de la commission. Nous vous invitons aussi à vous identifier pour les fins de l'enregistrement de nos échanges.


Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale (COAMF)

Mme Brisson (Pierrette): Merci. Alors, M. le ministre, membres de la commission, il nous fait plaisir, au nom du Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, Me Sylvie Matteau, à ma droite, et moi-même, Pierre Brisson, de vous présenter nos réflexions relativement au projet de loi que vous avez soumis à notre attention.

Nous voudrions dans un premier temps vous présenter d'abord le COAMF. Le COAMF, qu'on appelle communément COAMF, c'est-à-dire Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, est le résultat, d'abord, de la loi 14, qui a nommément... qui a nommé les organismes qui pourraient agir comme organismes accréditeurs et nommé ainsi des médiateurs accrédités au Québec. Donc, ces six organismes accréditeurs, qui sont nommément le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, l'Ordre des professionnels des travailleurs sociaux, l'Ordre des psychologues, l'Ordre des conseillers en orientation, ainsi que l'Association des centres jeunesse du Québec, sont et étaient les six organismes reconnus par la loi. Volontairement, ces six organismes se sont regroupés pour promouvoir ensemble la médiation et assurer de la qualité des services qui seront rendus en médiation au Québec. À ces six organismes s'est jointe à titre d'observateur l'Association de médiation familiale du Québec, que vous avez entendue cet après-midi.

Situons d'abord que le COAMF... Si vous permettez, je vais toujours l'interpeller de cette façon. C'est beaucoup plus rapide et facile. Le COAMF est un lieu de concertation interprofessionnel où on travaille depuis 1987. Je vous ai dit il y a quelques instants que c'était né de la loi 14, soit à partir de l'année 1994. Oui, mais, dès 1987, trois ordres professionnels s'étaient réunis, soit le Barreau, l'Ordre des psychologues ainsi que l'Ordre des travailleurs sociaux, pour former ce que l'on appelait à l'époque le comité interprofessionnel. Ce comité interprofessionnel avait signé, entre eux, un protocole et les membres travaillaient vraiment ensemble à la promotion de la médiation au Québec.

Il n'avait alors comme objectif que la collaboration multidisciplinaire pour aider les familles et les citoyens du Québec ainsi que les enfants qui vivaient une situation de rupture familiale. Il avait un deuxième objectif qui était la formation des médiateurs afin de permettre à nos professionnels, qu'ils soient de sciences juridiques ou de sciences psychosociales, de vraiment aller chercher un complément à leur formation d'origine et de pouvoir ainsi vraiment agir comme médiateurs auprès des familles et des couples.

(20 h 10)

Il avait également comme objectif la promotion de la médiation afin que toute famille qui en ait besoin puisse savoir et connaître qu'est-ce que la médiation, comment ça peut lui être utile. Nous dépassions alors la promotion en se donnant comme objectif un objectif de déontologie et de développement de cet outil ou de mode d'intervention.

En 1994, lorsque d'autres organismes ou d'autres ordres professionnels se sont joints à nous, nous avons reconduit le protocole signé en 1990 par les trois premiers organismes et nous avons établi ou rédigé le protocole que vous avez dans votre document, en annexe A. Ce protocole poursuivait exactement les mêmes objectifs soit la promotion, la formation, la collaboration inter et multidisciplinaire, la déontologie et le développement.

Je me permets ici de vous citer que cette association volontaire de six organismes importants dans notre société québécoise fait l'envie de tous tant au Canada, aux États-Unis qu'en Europe, et je dirais même en Amérique du Sud. Ceci, parce qu'il est exceptionnel de voir que six organismes sont capables de mettre leurs préoccupations ensemble au service du citoyen et de la citoyenne.

Ce protocole d'entente que vous retrouvez en annexe A nous a permis tout au long des trois dernières années de travailler ensemble. Nous savions bien et nous voulions que chacun de ces ordres professionnels vienne indépendamment et individuellement présenter devant la commission leurs besoins, leurs préoccupations et leurs solutions possibles ou les options à mettre de l'avant. Aujourd'hui, le rôle du COAMF n'est pas de résumer les préoccupations de chacun de ces ordres ou organismes, mais notre contribution aux travaux de la présente commission vise plutôt à démontrer comment, au cours de ces années, nous avons été capables d'appliquer une multidisciplinarité, et ceci, d'une façon très productive et efficace pour nos familles.

Je situais que le premier objectif du COAMF était la collaboration multidisciplinaire. Cette collaboration, si vous me permettez un très bref historique, dès le début, dès 1987, elle est née et elle existe depuis, c'est-à-dire depuis 10 ans aujourd'hui, c'est-à-dire cette année. Cette collaboration nous a permis de travailler ensemble dans le respect de chacune des disciplines. Il est bien entendu que nous travaillons en médiation, que nous tenons compte des besoins de chacun, que nous mettons de l'avant plusieurs options, en d'autres termes, qu'on travaille, ce qu'on fait souvent, ensemble des médiations. Mais c'est toujours avec une entente que nous terminons nos séances ou nos discussions.

Dès le début, nous avons donc constaté qu'il était essentiel de reconnaître la différence de chacune de nos professions et de reconnaître également la nécessité de cette interdépendance, puisqu'une famille, oui, a des besoins psychologiques, a des besoins financiers, a des besoins légaux, mais c'est tous réunis sous le même chapeau, si je peux m'exprimer ainsi, qu'ils doivent solutionner le problème, et surtout à un moment de perturbation intense qu'est le moment d'une séparation.

Dans cet esprit de collaboration, le COAMF a créé dès mai 1994, c'est-à-dire dès sa naissance, un comité aviseur qui a permis d'étudier toutes les demandes d'accréditation ensemble, chacun, tous les organismes, afin que tout médiateur accrédité le soit, bien sûr, en suivant les normes établies dans le règlement annexé à la loi 14, mais, également, soit interprété, analysé de la même façon. Donc, mensuellement, le comité aviseur se réunit, regroupe un membre de chaque ordre professionnel et étudie tous les dossiers à être accrédités; par la suite, achemine cette recommandation aux organismes ou aux ordres professionnels qui, eux, acceptent et accréditent leurs membres.

Nous avons ainsi, depuis mai 1994, accrédité 495 médiateurs au Québec. Nos médiateurs se répartissent dans tous nos ordres professionnels. Nous avons 251 avocats qui sont des médiateurs accrédités au Québec. Nous avons 53 notaires. Nous avons 38 conseillers en orientation, 43 psychologues, 106 travailleurs sociaux et 11 membres des centres jeunesse du Québec. Je note ici que tous les membres des centres jeunesse du Québec de l'association font également partie d'un des ordres professionnels. Nous avons donc à date aujourd'hui 495 médiateurs accrédités.

Ces médiateurs accrédités, on les retrouve dans tous les coins du Québec. Je vous dis tout de suite que quelques rares, très, très rares endroits n'ont pas de médiateur accrédité. Il y en a cinq. Je me suis empressée d'aller vérifier. Mais y a-t-il du potentiel? Y a-t-il des possibilités? Et, oui, je peux vous dire aujourd'hui que plusieurs personnes n'ont pas été encore chercher leur accréditation mais ont été chercher une formation de médiateur; et, dans le document que nous vous présentions, on vous disait qu'on a aujourd'hui au Québec plus de 1 500 personnes – et oui, comptées en date d'hier – il y a 2 000 professionnels qui sont allés chercher une formation de base et qui sont prêts à devenir accrédités. Ces 2 000 professionnels ont été formés par des maisons d'enseignement reconnues et des formateurs reconnus. C'est pourquoi on vous dit que nous avons environ une vingtaine de maisons d'enseignement et de formateurs réparties à travers le Québec. Ne serait-ce que de citer très rapidement: les universités de Montréal, Sherbrooke, Laval, qui donnent des sessions de médiation, les sessions de base, telles que préconisées par la loi 14. Et nous avons plusieurs formateurs qui, en privé, à travers le Québec, donnent des formations de base en médiation. Nous sommes donc prêts, ensemble, à travailler au niveau de la médiation au Québec.

Nous travaillons, oui, en collaborant ensemble, différentes professions, nous travaillons, oui, à la formation de tous nos médiateurs. Nous travaillons aussi à ce que j'appelle le développement et la promotion. Puisque nous représentons six organismes, nous avons regardé ensemble ce qui nous unit. Ce qui nous unit, c'est que, tous, quel que soit l'ordre auquel nous appartenons, ou l'organisme, nous sommes tous d'accord à promouvoir la médiation et à croire fermement en ce que la médiation est un excellent mode pour résoudre certains conflits. C'est un excellent mode pour mettre en place un nouveau système familial, puisqu'un déséquilibre vient de se créer. Bien sûr, ce n'est pas la panacée à tous les maux, mais c'est un excellent mode qui nous a démontré, à travers les décennies passées, que ça donne d'excellents résultats.

Tous, nous sommes d'accord pour prouver qu'il est nécessaire de faire la promotion de la médiation et que ce n'est pas au moment d'une perturbation qu'il faut la connaître, mais qu'on doit la connaître même avant, connaître son existence, savoir qu'on peut l'utiliser à travers plusieurs conflits, familiaux ou autres.

(20 h 20)

Nous sommes tous d'accord pour dire que les parties en cause lors d'une rupture ont besoin d'avoir la connaissance nécessaire pour être capables de choisir et de décider du processus le plus adéquat pour vivre la présente situation perturbante qui est leur séparation. Nous sommes également tous d'accord pour dire que la médiation puisse être accessible à tous, accessible partout, peu importe où on demeure au Québec, accessible à tout moment de cette période de vie difficile, c'est-à-dire au moment même de la séparation, après des mesures provisoires, après un jugement, puisqu'il peut y avoir des changements au sein du système familial, donc lors d'une révision.

Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est nécessaire que les médiateurs soient des médiateurs accrédités et que non pas tous et chacun puissent se dire médiateurs d'une heure à l'autre, d'une journée à l'autre. Nous sommes tous d'accord pour mettre de l'avant les règlements qui avaient été édictés lors de la loi 14 et qui nous disaient de façon très claire ce que contient une formation de base: qu'il faut au moins deux ans d'expérience à titre de professionnel, qu'il faut, en plus des cours de base, des cours complémentaires à sa formation d'origine, c'est-à-dire que toute personne spécialisée en matière légale pourrait aller et devrait aller chercher une formation complémentaire en matière de communication psychologique auprès des enfants, des couples, des adultes, que toute personne ayant une formation de base en psychosocial doit aller se chercher des connaissances sur les plans fiscal et légal pour pouvoir orienter les clients au bon endroit et au bon moment.

Étant tous d'accord ensemble à promouvoir ainsi la médiation, on s'est dit: Il faut dépasser, il nous faut des règles de pratique communes. Bien sûr, nous avons tous nos codes de déontologie, mais nos codes de déontologie n'indiquent pas de façon très spécifique comment agir en médiation. C'est donc que vous retrouvez en annexe B notre code de déontologie, actuellement des règles de pratique qui sont déposées à chacun de nos ordres professionnels, qui en font actuellement l'étude. Bien sûr que, tout au long du processus, on est toujours retourné à nos ordres professionnels. Et, au cours du mois de mars, nous reviendrons avec les dernières corrections afin que nos médiateurs à travers le Québec puissent vraiment avoir des règles de pratique sur lesquelles ils pourront se reposer, règles de pratique qui nous permettront de mieux analyser dans certaines circonstances les actes d'un médiateur.

En annexe B, vous avez ce code de déontologie qui un objectif bien précis, c'est d'assurer des standards de pratique en médiation familiale, c'est d'assurer, bien sûr, une harmonisation dans la qualité de la pratique familiale. Tel que je vous le disais, c'est un complément à chacun de nos codes de déontologie, propres à chacune de nos professions, et qui nous permet de connaître et de savoir comment les appliquer et à demeurer impartial. Parce qu'on sait que le médiateur doit en tout temps être impartial, doit conserver une neutralité, doit être celui qui aide au processus, qui aide à la décision mais qui ne prend pas la décision à la place de.

Nous avons, même dans ce code de déontologie, précisé, dans la première entrevue, quels sont les gestes que doit poser un médiateur. Alors, si vous me permettez, très rapidement. Le médiateur, lors d'une première entrevue, se doit premièrement de définir la médiation afin de faire connaître aux parties qu'est-ce que la médiation et qu'il puisse être capable, à la fin de cette première entrevue, de décider en toute connaissance de cause.

Lors de cette première entrevue – vous l'avez dans l'annexe B, à la page 13 – le médiateur doit discuter et vérifier avec chacune des parties présentes le bien-fondé, dans leur présente situation, d'être aidées via la médiation ou d'utiliser un autre processus, si l'autre processus était de meilleur aloi. Le médiateur, lors de cette première entrevue, doit informer les parties qu'en tout temps, lui, médiateur, ainsi que chacune des parties peut mettre fin à la médiation. Ce n'est pas un contrat. On s'engage, on s'implique et on cherche ensemble une entente. Il doit également informer les parties des coûts des services de médiation. Il doit également informer les parties du rôle que peut jouer un expert-conseil, qu'il s'agisse d'un expert en matière juridique, en matière financière, en matière psychologique. Souvent au cours de la médiation, il sera nécessaire d'inviter, d'inciter les parties à consulter l'un de ces spécialistes afin de s'assurer que leur intérêt est bien protégé et que c'est bien en toute connaissance de cause qu'ils se dirigeront vers une entente.

Également, le médiateur recommandera aux parties de signer ce que l'on appelle un contrat de médiation. Le contrat de médiation, que vous avez également dans ce code de déontologie, est un consentement et un engagement à la médiation, à fournir tous les éléments nécessaires en ce qui concerne les enfants, les finances ou autres, afin que vraiment on puisse arriver à une entente, oui, mais avec toute la connaissance nécessaire. Ce consentement permettra également au médiateur de conserver son impartialité, en n'aucun cas de donner d'avis, qu'ils soient juridiques ou psychologiques, et en aucun cas d'être demandé, s'il était nécessaire à la cour, comme témoin, puisqu'il était un support à se diriger vers une entente.

Également, lors de cette première entrevue, il sera très important d'aviser les parties qu'à la fin de ladite médiation un projet de leurs ententes – c'est pourquoi on l'appelle «un projet des ententes» – sera rédigé. Ce sont leur entente à eux qui sera rédigée et qui leur sera remise, ceci reflétant l'intention des parties, pour fins de consultation juridique, afin qu'à partir de cette entente, entre eux, ils puissent, avec l'aide de leur procureur respectif, se diriger et aller chercher un jugement de séparation ou de divorce, ou encore toute autre forme que la loi leur accorde afin d'aller chercher leur séparation ou leur divorce.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme Brisson, nous avons déjà excédé le 20 minutes...

Mme Brisson (Pierrette): De quelques minutes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...et je sais que certains membres de la commission sont un peu serrés dans leur temps ce soir. Alors, je vous inviterais à conclure pour qu'on puisse procéder à l'échange.

Mme Brisson (Pierrette): Alors, si vous permettez, oui, nous allons conclure immédiatement et en permettant à Me Sylvie Matteau de répondre à toutes vos questions en ce qui concerne nos commentaires plus précis sur le projet de loi n° 65.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, je vous remercie infiniment pour votre mémoire. Je pense qu'on ne peut pas trouver meilleur mémoire pour expliquer pourquoi on devrait avoir une médiation. Vous dites qu'il serait préférable qu'elle soit faite en amont pour porter son maximum de fruits, à la page 11. Vous dites également à cette même page qu'il serait bon et pertinent d'inviter le couple à considérer la médiation. Vous dites également que cette première rencontre devrait non seulement être informative, mais également une séance d'évaluation de la pertinence du recours à la médiation familiale pour régler le litige.

Vous parlez de la formation des médiateurs et des médiatrices et des améliorations qui devraient être apportées. Cependant, par rapport à nos travaux, il manque un petit quelque chose. Êtes-vous pour ou contre le fait qu'il y ait une première séance obligatoire? Et c'est ça, la vraie réponse. Vous avez tourné autour tout le long. Parfait! C'était magnifique. C'était très bien fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

(20 h 30)

M. Bégin: Mais c'est du patinage extraordinaire. Je vous félicite. Il y a juste des avocats, je pense, qui peut-être... Non, c'est faux, mais beaucoup d'avocats sont capables de faire ça. Mais la vraie question, c'est ça qu'on vous pose, et vous n'y répondez pas. Alors, après avoir fait tant l'éloge de la médiation, après avoir dit que c'était vraiment une manière alternative de solution des conflits par rapport à ce que nous connaissons, êtes-vous favorables à ce que les parties – et je dis en amont – qui s'apprêtent ou qui viennent de commettre une rupture dans leur relation... Doivent-elles être placées devant l'obligation d'aller voir un médiateur pour leur exposer tout ce que vous avez dit dans votre mémoire sur les bienfaits d'une médiation, ou bien si on doit laisser les choses comme elles sont actuellement, c'est-à-dire que le juge peut, dans certaines circonstances, amener les parties à faire de la médiation? C'est ça, la vraie question. Je vous la pose.

Mme Brisson (Pierrette): Alors, pour avoir probablement la vraie réponse, permettez que je laisse la parole à Me Matteau, et je compléterai avec elle.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Matteau.

Mme Matteau (Sylvie): Alors, je pense que, au niveau du COAMF, il semble que le consensus se situe plutôt au niveau d'une meilleure opportunité ou d'une incitation à voir les gens, grâce à certains moyens qui peuvent être mis en place dans le processus actuel, pour effectivement – et je choisis le mot, là – effectivement permettre aux gens de pouvoir se rendre compte que c'est, la médiation, qu'ils prennent connaissance de ce que c'est, la médiation. Là où il n'y a pas nécessairement consensus au COAMF, c'est sur le moyen d'en arriver là. Et je pense que tout le monde est d'accord pour se dire qu'il y a lieu de prévoir que les gens... de prévoir un mécanisme qui va permettre aux gens d'être effectivement informés de ce que c'est, la médiation. Est-ce que ça répond bien?

Mme Brisson (Pierrette): Oui. Si vous permettez, Me Matteau vous donne exactement le consensus – si on peut s'exprimer ainsi – auquel on arrive ensemble, au COAMF. En tant que médiateur, permettez-moi personnellement de vous dire que, personnellement, quand on a inscrit «en amont», c'est qu'il nous apparaît essentiel que, lorsque nous vivons une situation aussi perturbante que la séparation ou le divorce, il est essentiel d'avoir un support immédiat pour être capable de passer à travers et de régler les litiges avant qu'ils ne s'enveniment. J'appelle «support immédiat»... Si vous regardez dans le mémoire qu'on vous a soumis, à la page 14, il y a un tableau qui nous permettait de percevoir comment ça pouvait être. Il peut y avoir différentes formes d'accord: vous les avez dans le haut de la page. Quand il y a désaccord, il est possible, là, en amont, d'avoir l'aide d'un médiateur pour permettre, ensemble, de trouver une solution qui sera ensuite acheminée selon les procédures légales nécessaires.

M. Bégin: Madame, je vous écoute, mais vous vous mettez après et non pas avant. Vous dites: ce serait bon avant. Mais vous dites: on serait très d'accord pour dire que ça devrait être en amont. C'est là que ça se trouve, c'est là que les bénéfices se trouvent. Mais vous nous invitez à aller à la page 14. Moi, je suis à la page 11. Et c'est là la vraie question. Elle est à la page 11, pas à la page 14. À la page 14, vous m'embarquez dans votre système. Mais la question, c'est les prémisses. C'est là les vraies questions. Alors, je vous demande... Vous pourriez ne pas être d'accord. Je comprends que vous êtes un groupe formé de groupes et que vous avez peut-être dû faire des compromis entre vous pour savoir ce que vous alliez dire aujourd'hui.

Mais la question, pour nous autres, elle n'est pas à savoir les compromis, c'est: est-ce que, oui ou non, c'est important qu'il y ait, pour les gens qui sont en situation de rupture de leurs liens... que ce soit dirigé vers la séparation ou vers le divorce... qu'est-ce qui serait le mieux pour eux, pour éviter le pire ou éviter les effets les plus négatifs que l'on conçoit et que l'on énonce et que l'on connaît bien à l'égard d'une rupture comme celle-là, que ce soit au bout de trois mois, six mois ou un an, et surtout en prenant en compte les enfants, parce que c'est finalement pour eux, là, principalement qu'on regarde toutes ces questions-là?

Vous nous dites: «Le consentement éclairé des parties est essentiel pour mener à bien cette démarche de médiation.» Bien oui, mais encore faut-il être dedans! Encore faut-il savoir qu'elle existe! Encore faut-il qu'on ait eu la possibilité d'apprendre qu'elle existe! Alors, elle est là, la vraie question. Une fois qu'on est dedans, on suit, là, ça marche très bien. Mais c'est un peu comme si vous preniez les bénéfices de la démarche, mais vous disiez: Moi, je n'investirais pas là-dedans. Je ne suis pas sûr que ça va être si bénéfique que ça. C'est un peu, je vous le dis, là, candidement. Il me semble que vous avez un petit peu peur de vous prononcer. Mais vous êtes tout à fait d'accord pour prendre tous les bénéfices que le projet de loi pourrait vous apporter, par exemple, mais dire...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Hein, vous riez, mais c'est vrai. Parce que je pense que c'est ça, la vérité.

Vous êtes tout à fait d'accord pour qu'il y ait de la médiation. Vous dites: C'est bon, la médiation. Nous sommes d'accord. Nous voulons en avoir. Mais, nous prononcer sur le fait que, oui ou non, cette première rencontre si bénéfique ait lieu, puis que tout le monde soit obligé d'y aller, eh! on a un petit peu de problèmes. Dans le fond, là, c'est ça, votre problème.

Mme Brisson (Pierrette): Vous permettez? Je ne dirais pas qu'on est obligé d'y aller, mais je vais plutôt voir à ce que tous les couples qui se séparent devraient d'abord avoir la connaissance... Vous l'avez très bien dit. Pour avoir la connaissance, il faut aller la chercher. Puis on n'ira pas la chercher quand on n'en a pas besoin. Quand on n'en a pas besoin, c'est loin, loin de nos préoccupations puis on dit toujours que ça ne nous arrivera pas. Alors, il faut aller la chercher au moment où ça arrive et, au moment où ça arrive, il faut leur donner une séance d'information, d'évaluation, qui permettra aux gens, s'ils en ont besoin, mais je voudrais vraiment donner, pour moi, et Me Matteau va sûrement compléter, mais je voudrais vraiment donner aux gens la liberté de dire: J'ai besoin de ça, ou: Non, j'ai un autre moyen. Je l'ai trouvé moi-même, mon moyen.

M. Bégin: Je suis tout à fait d'accord.

Mme Brisson (Pierrette): Ça me va bien.

M. Bégin: Tout à fait d'accord, et quand vous me dites: «Tous les couples devraient», là, vous avez, à mon point de vue, une réponse. Après ça, elles choisiront – c'est des personnes adultes – et elles choisiront de ne pas continuer le processus. Vous avez répondu à ma question. Quant au reste, je pense que vous êtes tellement favorables que je ne pense pas que j'aie besoin de vous poser beaucoup de questions. Mais la question, la vraie, elle était là. Vous venez d'y répondre. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Matteau?

Mme Matteau (Sylvie): Non, ça va. Je pense que, en termes de choix libre des gens, il est bien clair qu'on va pouvoir faire un choix sur un processus par rapport à un autre quand on a d'abord la connaissance de ce que un représente et de ce que l'autre représente. Et je pense que vous avez eu plusieurs groupes qui sont venus vous parler d'études qui ont été faites, de l'impact que le divorce a sur les enfants, que toutes ces procédures ont sur les enfants, et on a parlé du Dr Kelly, de Californie, puis il y a d'autres études. Je pourrais vous sortir les références qui sont à l'effet que ce n'est pas le divorce qui a un effet négatif sur les enfants, c'est la façon dont les parents vont le vivre. Alors, je pense que c'est bien clair que notre position, c'est: Plus il y aura de médiation, plus les familles québécoises vont être saines, même après un divorce.

Alors, pourquoi ne pas s'assurer que les gens ont cette connaissance de ce processus-là? C'est là qu'on se situe.

M. Bégin: Entièrement d'accord. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier les représentantes de la COAMF pour cette excellente présentation. Et, au cours des différentes rencontres et discussions qu'on a eues au cours des dernières semaines, vos deux noms sont revenus très souvent comme des modèles de personnes dans le domaine de la médiation; et, même si ce n'est pas un domaine que je connais beaucoup personnellement, votre travail vous précède, si je peux dire.

Je vais vous lire quelques extraits d'une annexe qui a accompagné la présentation d'un groupe de pères venu cet après-midi de l'Outaouais. Ils nous ont donné la genèse du document. Il s'agit d'un document dont ils ont pris connaissance lorsqu'ils ont visité ce qu'ils ont appelé une «maison de médiation», whatever that is. En tout cas, ils sont allés à un endroit où, de toute évidence, on fournissait des services de médiation, et je vais vous le lire, c'est assez court.

C'est intitulé Les règles d'or de la médiation , et donc le document continue en disant: «Il nous apparaît important de souligner que les ruptures familiales comportent des dimensions complexes d'ordre psychosocial et juridique qui peuvent faire appel à différentes interventions. Ainsi, pour être efficace, tant en regard des besoins et désirs des parties, la médiation doit s'inscrire dans le cadre strict suivant.» Là il y a cinq ou six points. Je vais me permettre de vous les énumérer, puis j'aimerais juste avoir votre réaction à ces principes-là.

(20 h 40)

«Elle doit être libre et volontaire; elle doit mettre en présence des parties ayant la capacité, mais surtout la volonté de négocier; elle ne doit contenir aucune contrainte quant à l'époque de sa tenue et de sa durée; elle doit permette à toute partie de se retirer en tout temps sans avoir à se motiver et sans sanction; elle doit être tenue par des médiateurs compétents et expérimentés qui sauront stimuler le dialogue et pallier au déséquilibre des forces entre les parties.» Et, finalement, ils disent qu'elle doit mettre en présence des parties informées sur ce mode, sur leurs droits et les implications juridiques et personnelles qu'elle occasionne.

Sur le premier point, est-ce que vous êtes d'accord qu'elle doit être libre et volontaire? Est-ce que c'est un principe auquel vous adhérez, mesdames? Oui, les deux.

Mme Brisson (Pierrette): Vous voyez, c'est un vrai consensus.

M. Mulcair: Oui. Le consensus par hochement de la tête, par contre, n'est pas dans les transcriptions. Et, comme le ministre tient son propre score, moi, je préfère que vous l'exprimiez verbalement. Elle doit mettre en présence des parties en ayant la capacité, mais surtout la volonté de négocier?

Mme Matteau (Sylvie): Tout à fait.

M. Mulcair: Tout à fait. Elle ne doit contenir aucune contrainte quant à l'époque de sa tenue et de sa durée? C'est un principe pour...

Mme Matteau (Sylvie): Elle devrait être disponible à tout moment où les gens en sentent le besoin.

M. Mulcair: Elle doit permettre à toute partie de se retirer en tout temps sans avoir à se motiver et sans sanction?

Mme Matteau (Sylvie): Ça fait partie de nos règles, du Guide des normes de pratique .

M. Mulcair: Merci. Et elle doit être tenue par des médiateurs compétents et expérimentés? Je présume qu'on est d'accord avec ça. Elle doit mettre en présence des parties informées sur ce mode. Et donc, ça renvoie un peu à votre idée, avoir ce qu'on appelait tantôt une «exposure», que les gens soient exposés à ce mode. Je suis très content d'avoir plus clarifié ça, parce que le ministre a cette tendance de bien interpréter les choses à sa manière, puis je suis très content d'avoir eu des réponses claires à des questions claires.

Une des choses, sur le plan très pratique, qui nous intéressaient dans ce dossier, avec le projet de loi tel que proposé, c'est que, si jamais on adoptait le projet de loi n° 65, tel que proposé, une des craintes que l'on a, c'est que ça exigerait une nouvelle formation. Vous avez parlé du nombre de personnes qui ont reçu une formation de base, du nombre qui sont dûment accrédités. Mais, même pour une personne accréditée, travailleur social, psychologue, etc., avocat, peu importe, ça exigerait néanmoins une certaine formation continue, n'est-ce pas, pour pouvoir les mettre à la page dans cette nouvelle loi? Tout d'un coup, il faudrait reformer ces gens-là. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Brisson (Pierrette): Je nous référerais ensemble au règlement qui se joint à la loi 14, qui nous donnait quelles sont les exigences pour qu'un médiateur soit accrédité. Alors, le premier, c'est avoir deux ans d'expérience dans sa profession; le deuxième, avoir suivi une formation de base, dont vous parlez, et les autres exigences sont ainsi importantes: les formations complémentaires. Donc, une personne qui aurait suivi sa formation de base il y a quelque temps pourrait très bien, via sa formation complémentaire, ce que vous appelez formation continue... Et un autre élément qui nous apparaît des plus importants et qui existe dans le règlement, c'est que 10 dossiers doivent être supervisés par un superviseur, un médiateur accrédité reconnu par son ordre professionnel comme capable de superviser, et ces 10 dossiers-là, nous, au COAMF, nous préconisons même que ce soient les 10 premiers dossiers réalisés, afin de vraiment protéger les citoyens et les citoyennes.

M. Mulcair: Combien de médiateurs actuellement accrédités au Québec ont, après deux ans de mise en vigueur de ce règlement, réellement complété leur médiation supervisée?

Mme Brisson (Pierrette): Je ne peux vous donner le chiffre très exact, là, pour vous dire que c'est 300 ou... Mais je peux vous dire que le deux ans s'étant acheminé en mai... les premiers ont été accrédités en mai 1994. Donc, c'est en mai 1996 que nous retrouvions nos premiers médiateurs qui auraient la chance et qui devraient devenir des permanents. Nous avons demandé et obtenu, puisque nous avions fait les démarches pour la mise en application de 827.2, médiateurs accrédités immédiatement, nous avons obtenu une modification au règlement et un prolongement de ce délai afin de permettre vraiment à nos membres qui, dans l'inquiétude, n'étaient pas allés chercher toute leur formation complémentaire... L'autre élément qui est important, c'est que, au tout début... pensons qu'en mai 1994 nous étions quelques médiateurs au Québec, nous n'avions pas suffisamment de formateurs ni de superviseurs, ce que nous avons maintenant, parce que nous avons de disponibles près de 80 superviseurs.

M. Mulcair: Pour assurer la surveillance d'autres médiateurs, on en 80 aujourd'hui?

Mme Brisson (Pierrette): Aujourd'hui.

M. Mulcair: Au Québec?

Mme Brisson (Pierrette): Oui.

M. Mulcair: Est-ce qu'ils sont bien répartis dans les régions?

Mme Brisson (Pierrette): Ils sont bien répartis dans les régions. Nous avons également développé différents modes de supervision. Alors, la supervision peut être individuelle, la supervision peut être de groupe, la supervision peut aussi être via tous les moyens nouveaux mis à notre disposition. Personnellement, je supervise des personnes de la région de la Gaspésie, de la région de Chicoutimi, qui m'envoient, avec consentement écrit des parties, un vidéo d'entrevues que je discute ensuite avec elles lors d'une conversation téléphonique d'une heure qui vaut aussi bien qu'une heure de face à face.

M. Mulcair: Est-ce que, à votre sens, ce genre de supervision à distance est prévu aux termes du règlement ou si c'est une interprétation flexible que vous en faites?

Mme Brisson (Pierrette): Le règlement prévoit supervision et ne précise pas les différentes modalités. Donc, nous devons être inventifs, et je pense que ça donne d'excellents résultats.

Mme Matteau (Sylvie): D'ailleurs, peut-être que, à ce sujet, je pourrais ajouter que le comité aviseur, dont on vous a parlé plus tôt, a reçu une demande de la part des différents ordres pour se pencher sur les modalités de reconnaissance, si vous voulez, des superviseurs, la façon dont ça va se faire. Et le comité commence à se pencher là-dessus.

M. Mulcair: Pour ce qui est de ma première question, Mme la présidente, si la présidente du COAMF ne sait pas le nombre de médiateurs actuellement accrédités qui ont, après deux ans, vraiment complété leur médiation supervisée, qui peut donner cette information à notre commission parlementaire?

Mme Brisson (Pierrette): C'est que chacun de nos ordres professionnels reçoit... Nous recommandons. Chacun de nos ordres professionnels, par la suite, donne l'accréditation et retourne le tout au ministère de la Justice. J'ai un ordre de grandeur, mais je n'ai pas de chiffres précis. Alors, l'ordre de grandeur est d'environ presque 200, mais c'est un ordre de grandeur.

M. Mulcair: D'accord. Sans vouloir faire des trop mauvais jeux de mots, parlant d'ordre, je tiens à vous dire, pour avoir été là au début, lorsque les premières tentatives, avec un nombre plus restreint d'ordres professionnels, ont commencé, que c'était et que ça demeure un modèle pour le bon fonctionnement des professions. Ça, c'est dans un domaine tout à fait particulier, mais on peut penser au domaine médical, où on a connu des problèmes de même nature, des problèmes connus dans le domaine de l'ingénierie, de l'architecture, des techniciens, tout ce qui est aménagement, souvent des conflits de champs de pratique. Bravo pour cet aspect-là! Continuez de constituer un modèle au Québec et, comme vous l'avez si bien dit, un modèle qui peut aisément être émulé dans d'autres juridictions en dehors.

Alors, continuez sur cette bonne voie. Et merci beaucoup pour les réponses claires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Me Matteau, je vous salue, Mme la présidente, je vous salue également. Moi, il y a... On nous a dit à plusieurs reprises au cours de la présente commission parlementaire que, dans le rôle du médiateur, c'est qu'il n'a pas à donner d'opinion légale, il n'a pas à donner d'opinion juridique, il n'a pas à dire à une partie: Vous avez droit à telle chose, ça, vous n'y avez pas droit.

Moi, en tout cas, pour avoir oeuvré dans ce domaine-là, je sais que ce qui est très très important pour les gens, c'est la connaissance de leurs droits. Parce qu'il me semble qu'on ne peut pas s'embarquer dans une médiation sans connaître ses droits. Puis je donne un exemple: c'est la dame qui va voir un avocat pour un divorce puis qui veut la garde de ses enfants, puis qui veut une pension alimentaire. Ce qu'elle va demander à son avocat, elle va dire: À combien j'ai droit comme pension alimentaire? Et l'avocat, après avoir examiné l'état de revenus et dépenses de l'une et l'autre des parties, puis les besoins, les facultés de payer, va dire: Bien, madame, à mon avis, vous avez une pension alimentaire qui peut, si on se retrouve devant le juge, osciller entre 150 $ et 200 $ par semaine. Moi, je pense que c'est la façon de procéder. Pas je pense, j'en suis convaincu. Et, à partir de ce moment-là, la dame peut commencer à négocier parce qu'elle sait ce à quoi elle a droit comme pension alimentaire. Et là elle se dit: Bien, j'ai une marge de négociation qui va de 150 $ à 200 $ par semaine. Parce que, si la dame n'est pas au courant de ses droits, ça donne quoi finalement de se lancer dans une médiation où peut-être qu'elle va accepter 75 $ par semaine, mais si elle apprend, elle, par la suite que, selon la jurisprudence puis selon l'état du droit, elle aurait eu droit à 175 $ par semaine, j'imagine et je suis convaincu que cette dame-là, elle aura beau avoir passé par un processus de médiation, elle ne pourra pas accepter une chose comme celle-là. Parce que, ce que les gens veulent avant tout, c'est que leurs droits soient respectés.

(20 h 50)

Alors, quand je regarde, à la page 13 de votre annexe, là, où vous dites: Les devoirs du médiateur à la rencontre initiale, vous dites: on informe les gens sur les rôles de chacun. Mais est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une obligation de renvoyer la personne à un conseiller juridique avant toute chose, avant de commencer la négociation, avant de commencer la médiation?

Mme Matteau (Sylvie): On est en présence, lorsque se déroule une médiation, de deux situations. Ou bien les gens auront déjà consulté ou bien les gens prévoient consulter à la fin de la médiation. La façon dont les questions sont traitées en médiation, elles le sont évidemment d'une façon qui est tout à fait différente de celle que vous décrivez, qui effectivement est ce qui se passe dans le bureau de son procureur...

M. Jutras: Du praticien.

Mme Matteau (Sylvie): ...de son praticien, où on veut savoir: mes droits, c'est quoi?

En médiation, l'approche étant différente, ce qu'on va amener les gens à faire, c'est d'examiner ensemble les éléments qu'ils ont besoin d'identifier et de préciser dans le but de la résolution de leur problème.

S'il s'agit de déterminer le montant de la pension alimentaire, ce que le médiateur va faire, c'est qu'il va amener les gens à travailler sur un budget des enfants. Alors, on va centrer, on va focusser, si vous me permettez le mot, sur les besoins des enfants et de là on va revenir sur la capacité et les moyens que chacun des parents a pour subvenir à ces besoins-là. L'approche du problème est différente. Alors, à ce niveau-là, ce qui va se passer en pratique, les gens vont examiner toute cette information-là qui est devant eux, ils vont déjà avoir une idée – parce qu'ils sont déjà allés voir un avocat – et ils vont voir que ça se dessine selon les droits et ce que l'avocat leur a dit. Ils s'en seront servie pendant la médiation, ou bien, à la fin du processus, ils vont aller vérifier pour voir si le processus qu'on a utilisé les amène à une conclusion sur le montant de la pension alimentaire qui correspond à ce qu'ils auraient eu autrement et selon leurs droits.

M. Jutras: Oui.

Mme Matteau (Sylvie): Et c'est là que le médiateur... Je m'excuse, juste pour terminer, ça va?

M. Jutras: Non, non, c'est moi qui vous interrompais, là.

Mme Matteau (Sylvie): Juste pour terminer, ce qu'on vous dit aussi à travers le Guide des normes , c'est que le médiateur a un rôle impartial, mais ce n'est pas une personne qui est neutre, non plus. Par contre, s'il s'aperçoit que l'une des parties est sur le point de concéder des choses, des droits importants, il va référer les gens à un conseiller juridique, c'est une des façons. Et on va se servir de ça, lorsqu'ils reviennent avec une réponse, pour continuer le processus.

M. Jutras: Oui, mais est-ce qu'il ne doit pas y avoir obligation? Parce que, si les gens ont consulté un avocat avant, ils arrivent en médiation et ils sont renseignés sur leurs droits. Comme l'exemple que j'avais donné, je pense que étiez là, Me Matteau, la résidence secondaire, bon, à prime abord, on pense qu'elle fait partie du patrimoine familial.

Mme Matteau (Sylvie): Oui.

M. Jutras: Il peut y avoir des cas, cependant, où elle n'en fera pas partie. Là, ça donne quoi de passer deux séances de médiation à parler de la résidence secondaire, si elle n'en fait pas partie? Vous, comme avocate, je pense que... Il me semble, en tout cas, que l'avocat médiateur, il doit dire: Bien là, on ne perdra pas notre temps là-dessus; j'aime autant vous dire la vérité, puis...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: Moi, en tout cas, je serais pratique comme ça. Mais le médiateur, là, qu'est-ce qu'il fait dans un cas comme ça?

Mme Matteau (Sylvie): Il va référer les gens à leur procureur.

M. Jutras: Mais le médiateur qui n'est pas avocat puis qui ne le sait pas, lui?

Mme Matteau (Sylvie): Il y a quand même une formation juridique qui est fournie aux médiateurs qui ne sont pas des juristes. Et cette formation-là complémentaire de 45 heures doit viser à les habiliter à identifier ces éléments-là. Et quand ils ne sont pas sûrs, la recommandation en formation, en tout cas, et je pense que toutes les formations sont précises à cet effet là, surtout si ce n'est pas votre domaine, référez les gens. De là à dire qu'il faudrait une obligation, je ne sais pas. C'est peut-être une solution.

M. Jutras: Mais c'est parce que, Mme Brisson, tantôt je vous écoutais quand vous référiez à la page 13, vous disiez: on doit, dans une rencontre initiale, informer les gens sur le rôle de chacun. Mais, vous-même, vous disiez: les gens souvent sont dans un état d'émotivité passablement ébranlé. Ils sont très perturbés. Ils sont à l'envers. Ils sont en peine d'amour. Ils sont chavirés. C'est pour ça que, si vous dites aux gens, si vous vous contentez de dire aux gens: Un tel fait ça, un tel fait ça, un tel fait ça, tenant compte de l'état de la personne, de l'état psychologique dans lequel la personne peut être quand elle se retrouve dans une situation matrimoniale où tout vient de basculer, moi, je me demande s'il ne faudrait pas dire: Bien, il faut aller consulter.

Mme Brisson (Pierrette): Les deux éléments, si vous permettez, le premier, c'est ce que Me Matteau vous apportait, que c'est vraiment un processus inverse. On part vraiment des besoins de chacun. Alors, les besoins de chacun, c'est que chacun a besoin de survivre, chacun a besoin de se sentir utile à son enfant, si on prend sur le plan financier, et c'est après avoir analysé les besoins de chacun qu'ils réaliseront qu'est-ce que ça coûte, l'enfant, comment ils peuvent y contribuer, chacun. Donc, ils vont arriver à dire ce que pourrait être, entre guillemets, une pension alimentaire. Et bien sûr qu'on travaillera avec des grilles différentes prochainement.

À partir de là, ça devient important que la personne qui reçoit la pension alimentaire, même si elle était la même que celle qui aurait été établie, elle ne peut jamais être très loin. Elle sera très satisfaite et ne cherchera jamais à en avoir ni plus ni moins, en disant: C'est de ça que jamais besoin; c'est ça qu'on était capable de donner. Et, à l'inverse, le payeur sera très content de la payer.

Et, à travers des études qui ont été faites tant en France qu'aux États-Unis, plus qu'au Canada, parce qu'on a moins d'études, il est démontré que les pensions alimentaires ainsi données sont vraiment plus respectées parce qu'il y a une bonne volonté de part et d'autre, il y a une certitude que c'est bien utilisé pour les enfants, au niveau de la pension alimentaire.

C'est la même chose au niveau des enfants. La partie va souvent dire: Vous le savez, vous, est-ce que les enfants de tel âge, ça ne devrait pas aller plutôt avec la mère, plutôt avec le père? Alors, on part des besoins. Tout est l'inverse du processus.

M. Jutras: Oui, je vous suis en bonne partie. Mais ce dont je suis convaincu par ailleurs, c'est que, si les gens savent qu'ils sont à l'intérieur de leurs droits, ça aussi, ça aide énormément à la médiation.

Mme Brisson (Pierrette): Oui, puis il faut les respecter, les droits.

M. Jutras: Parce que quand la personne apprend que son droit n'a pas été respecté, ça, je vais vous dire, là, ça prend toute une médiation pour faire accepter ça à quelqu'un.

Mme Brisson (Pierrette): Oui. Il faut respecter les droits, j'en conviens avec vous, tout à fait.

M. Jutras: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, Mme Brisson, Me Matteau, nous vous remercions de votre présentation.


Documents déposés

Nous en sommes maintenant rendus à l'étape des remarques finales, mais, au préalable, je dépose à la commission les commentaires du Protecteur du citoyen sur le projet de loi n° 65. Ce sont des ajouts que Me Meunier, l'adjoint au Protecteur du citoyen, nous a acheminés pour compléter sa présentation à la commission; et aussi le mémoire présenté par le Barreau de Hull à la commission parlementaire portant sur le projet de loi n° 65.

Alors, nous allons suspendre pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 58)

(Reprise à 21 h 2)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mmes et MM. de la commission, nous reprenons nos travaux. Nous en sommes maintenant à l'étape des remarques finales. Alors, j'inviterais M. le député de Chomedey.


Remarques finales


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. le Président, au cours de plusieurs journées d'audiences, cette commission parlementaire a pu profiter d'entendre l'opinion des experts et de ceux qui sont quotidiennement confrontés aux couples en instance de divorce.

On vient de recevoir, grâce à votre intercession, M. le Président, l'opinion mise à jour du Protecteur du citoyen. Et je pense que c'est très important de bien comprendre que le Protecteur du citoyen est en train de dire avec encore plus d'emphase ce que nous disons depuis le début. Notamment aux pages 5 et 6 de son document que vous venez de nous remettre, M. le Président, il dit ceci: «Nous nous empressons de préciser que, bien que très favorable à la déjudiciarisation des litiges en matière familiale, le Protecteur du citoyen craint que les mesures proposées par le projet de loi n° 65 ignorent la réalité des conflits matrimoniaux et familiaux et qu'il s'avère en pratique trop lourd et contraignant pour des personnes dont les besoins judiciaires devancent souvent leur capacité d'accepter une rupture, ses causes et ses conséquences.»

Il continue, à la page 6, en disant: «À cet égard, rappelons que le tribunal aurait la possibilité, dès l'entrée en vigueur de l'article 815.2.1 du Code de procédure civile, d'ordonner la médiation aux parties s'il le juge à propos.» Ça, c'est le projet de loi 14. Et il conclut, à la page 8 de son document, de la manière suivante: «En terminant, nous nous permettons de souligner que, quelles que soient les intentions louables sous-jacentes au projet de loi n° 65, l'imposition de la médiation comme préalable à la recevabilité d'une demande en justice porte atteinte aux droits d'un justiciable à une audition de sa cause devant un tribunal.» Il continue et il termine en disant: «S'entremettre entre les parties opposées par un conflit afin de les rapprocher et les amener à dialoguer et à s'entendre peut certes se révéler une excellente chose, mais, lorsqu'on veut que cela réussisse, il faut pouvoir compter, entre autres, sur un timing, sur des circonstances favorables, et parfois celles-ci n'existent tout simplement pas. C'est de cela que le projet de loi ne nous semble pas tenir suffisamment compte.» On partage l'opinion du Protecteur du citoyen, M. le Président.

La très vaste majorité des gens qui sont venus ici, en commission parlementaire, sont mal à l'aise avec le caractère obligatoire de la médiation proposé par le projet de loi n° 65, et j'inclus là-dedans plusieurs groupes de femmes. Certains groupes, M. le Président, apprécient le projet de loi parce que le système judiciaire les a déçus, et on a entendu des témoignages très éloquents là-dessus et très réels. Tous, M. le Président, appuient la médiation et ses vertus; tout le monde s'entend là-dessus. La seule solution, par contre, qui puisse faire consensus, tout comme il y a quelques années, c'est d'y rejoindre à la fois les opposants du projet de loi n° 65 et ceux qui veulent favoriser la médiation, c'est la mise en vigueur du projet de loi 14 avec une manière de s'assurer que tout le monde soit bien informé. Cette «exposure» est une excellente chose. L'idée est bonne, et c'est ce que le Protecteur du citoyen, encore une fois, dit: Il faut prendre le projet de loi 14 et informer les gens. C'est la meilleure solution parce que ça évitera l'engorgement qui risque de se produire, tout comme dans le cas de la perception automatique des pensions alimentaires, qui a d'ailleurs été comparée avec le projet de loi n° 65 à de très nombreuses reprises.

C'est quatre fois moins cher pour l'État de faire entrer en vigueur le projet de loi 14. L'argent de la différence pourrait aisément être utilisé pour donner des services adéquats, ce qui manque à l'heure actuelle en matière psychosociale. Ça évite de rendre obligatoire et de forcer les couples contre leur gré. Et je rappelle que, tout à l'heure, on avait les représentants de la COAMF qui étaient tout à fait d'accord avec ce principe-là. Il s'applique aussi pour les couples sans enfant. C'est un autre point qui a été soulevé, peut-être pas assez souvent, mais le Protecteur du citoyen l'a soulevé à plusieurs reprises. Ça, c'est le projet de loi 14 qui fait ça, bien entendu, et non pas le projet de loi n° 65; et le projet de loi 14 avait aussi l'avantage de s'assurer qu'un juge pourrait être là pour sauvegarder et préserver les droits des parties. Ça évitait de judiciariser davantage par le recours systématique à la requête intérimaire et d'allonger les délais.

Encore une fois, M. le Président, ce sont les experts et surtout des expertes, parce qu'il y avait plus de femmes que d'hommes, les praticiens et praticiennes qui sont venus nous expliquer quels allaient être les problèmes sur le terrain si on faisait entrer en vigueur le projet de loi n° 65, et on espère que le ministre les écoutait plus qu'il nous écoute en ce moment.

M. le Président, la balle est dans le camp du gouvernement, le camp du ministre. Soit il va s'obstiner et faire triompher la partisanerie sur la raison, soit il va faire preuve, peut-être un peu comme il invitait un des représentants des avocats en médiation de Québec, l'autre jour... de faire un peu comme en médiation, de comprendre, de faire preuve de flexibilité et de souplesse afin d'adopter une position qui rejoint le plus d'intervenants possible.

Mais on a aussi constaté son attitude, aussi bloquée que ce qu'on a déjà vu par le passé. Et, dans le cas, notamment – il y a eu un événement aujourd'hui qui était presque la même chose – mais notamment avec Me Suzanne Pilon, où la violence verbale du ministre était difficile à comprendre, à l'égard de ceux qui osent présenter une position différente que la sienne; et, à ce moment-là, malheureusement, on peut déjà se douter du résultat.

Une des choses qui nous intéressent le plus, vu son intervention de tantôt, c'est de savoir comment le député de Drummond va voter sur le projet de loi 14... le n° 65, pardon.

Un bref compte-rendu des groupes qui proposent la mise en vigueur du projet de loi 14 en tant que solution: Le Protecteur du citoyen, le Barreau du Québec, Comité de pratique privée, Association des avocats en droit familial, Alepin, Gauthier, Association des avocats en médiation familiale, Barreau de Saint-François, Commission des services juridiques. À peu près le même nombre de groupes, dont le Conseil du statut de la femme, sont opposés à une séance de médiation obligatoire mais sont prêts à accepter une séance d'information. Finalement, le dernier tiers est composé de groupes dont la Chambre des notaires et différents ordres professionnels et certains groupes qui représentent, notamment, les hommes, les pères, favorables à une ou plusieurs séances de médiation obligatoires. Ça, c'est notre liste, M. le Président. J'espère que le ministre va demeurer aussi optimiste qu'il l'a été dans un de ses communiqués de presse où il a dit que la quasi-totalité des gens qui étaient présents ici étaient d'accord avec lui. Mais j'espère qu'il aura au moins la gentillesse de publier sa liste, parce qu'il n'y a personne d'autre sauf lui qui a compris comment il a pu publier ce communiqué de presse là.

(21 h 10)

Alors, j'espère que, une fois les nécessaires rencontres avec le premier ministre auront eu lieu, on va avoir l'occasion de voir ce que le ministre de la Justice aura décidé dans ce dossier-ci. Il n'y a vraiment aucune raison d'aller plus loin avec ce projet de loi n° 65. Tout est déjà là; le projet de loi 14 est là. On peut le bonifier de la manière indiquée. Mais aucune manière de changer ça, sauf pour une raison de commodité politique qui tient lieu de raisonnement. Et cette commodité politique, c'est de tenter d'expliquer pourquoi on a pris 12 000 000 $ qui étaient voués, normalement, à mettre en oeuvre le projet de loi 14 et qu'on a affectés à d'autres fins.

Si c'est ça, la seule raison, je peux dire à mon collègue le ministre de la Justice qu'on n'en parlerait plus, des 12 000 000 $, si seulement il voyait le gros bon sens et il mettait en vigueur le projet de loi 14. Sur ce, M. le Président, ça a été extrêmement agréable de siéger dans cette commission, parce que c'est une des commissions où je crois que, de part et d'autre, on a le plus appris. Et on a surtout été capables d'apprécier que, même avec toute la bonne volonté du monde, le ministre ferait mieux, la prochaine fois, de s'associer à des vrais experts qui connaissent le domaine avant de présenter un projet de loi qui, de toute évidence, était très bien intentionné, par des gens qui connaissent bien la théorie des choses mais qui ne connaissaient strictement rien sur le plancher des vaches, sur le terrain, sur la vraie vie devant les tribunaux en matière matrimoniale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Chomedey. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Je voudrais dire tout d'abord que, si la promesse du député de Chomedey de respecter ce que l'on fera est équivalente à la promesse qu'il avait faite de respecter le jugement de la Cour suprême au mois de décembre et de se plier à cette décision-là et d'arrêter de faire de l'obstruction systématique, et que l'on sait qu'il a continué pendant des heures avec sa formation à opposer systématiquement, alors qu'il avait dit que si on disait a, il se rallierait, et que la Cour suprême avait dit a et qu'il ne l'a pas fait, je pense que ses promesses ne valent pas grand-chose.

M. le Président, j'aimerais bien d'abord commencer par remercier les ordres professionnels qui se sont présentés, comme le Barreau, la Chambre des notaires, l'Ordre des psychologues, les travailleurs sociaux, les conseillers en orientation, qui ont fait des présentations devant nous. Il y a eu également d'autres groupes qui représentaient la famille, qui représentaient les femmes, les hommes, les enfants et les centres de jeunesse. Il y a eu également des gens qui travaillent dans le milieu de la médiation et, également, le Protecteur du citoyen.

Incidemment, le document que nous recevions tout à l'heure n'est pas différent du texte qu'il a livré lors de sa présentation ici. Ce n'est pas un autre texte; j'ai ici les galées et je viens de faire la vérification. À part un mot par-ci par-là, qui est un texte qui lie, pour lier des phrases, c'est mot à mot ce qui était là. Donc, ce qu'il a dit dans ce document-là est équivalent à ce qu'il a mentionné. Je réfère au fait qu'il avait répondu à une question que j'avais posée qu'il était favorable à une première séance de médiation obligatoire, et j'ai également les galées pour l'établir.

Donc, je voudrais remercier tout le monde pour le travail constructif et enrichissant qui a été fait. Le député de Chomedey manifeste bruyamment qu'il n'est pas content d'entendre ces choses-là, mais j'ai les galées pour lui prouver que tout ça a été bel et bien dit ici, en cette Assemblée. Donc, je remercie tous les groupes qui sont venus ici pour travailler à l'amélioration du projet de loi n° 65. En fait, il y a eu, je pense, dans l'ensemble un seul grand guide, c'est: Comment peut-on travailler dans l'intérêt des enfants lorsque deux personnes, deux adultes, ne sont plus d'accord pour continuer leur vie de couple.

Bien entendu que les parents qui divorcent demeurent des parents et demeurent des parents à l'égard de leurs enfants, qui les aiment autant les uns que les autres et qui veulent continuer à garder avec eux une relation de parents à enfants, et c'est cette relation qui, je pense, est extrêmement importante. Comme une de mes collègues me le disait, ce n'est pas une question de droit, mais une question d'état d'esprit; c'est une question de relations humaines, c'est une question de relations entre des enfants et leurs parents, qu'ils veulent garder, et à l'égard desquels ils veulent garder les liens de communication; tant entre les parents, autant que possible, mais surtout entre les parents et les enfants.

Ce que nous avons entendu, c'est un appel à la responsabilisation, c'est-à-dire: Est-ce que les parents sont en mesure d'être responsables? Est-ce qu'ils sont en mesure de décider de façon autonome, mais avec l'aide d'une tierce personne qui est le médiateur? Est-ce que, oui ou non, on peut améliorer les choses; est-ce qu'on peut améliorer la relation? est-ce qu'on peut éviter les blessures qui – et le mot blessure a un sens très large: les blessures psychologiques, les blessures plus profondes, celles qui font le plus mal, celles qui durent le plus longtemps – ces blessures-là, est-ce qu'on peut les éviter à l'égard des parents? Parce qu'on sait que ces blessures-là entraînent d'autres blessures à l'égard des enfants.

On a entendu des gens qui sont venus nous dire qu'il y a des moyens ou des moyens différents d'atteindre un but et, par exemple, il n'est pas toujours nécessaire d'avoir recours à un tribunal pour être capable de solutionner des problèmes. Ce qui ne veut pas dire que, à l'occasion ou même de façon majoritaire, il n'est pas nécessaire de procéder par ce biais-là, mais qu'il y a autre chose que cette voie-là que les parties connaissent comme étant une exclusivité ou à peu près jusqu'à ce jour.

Ce que j'ai entendu par rapport au projet de loi, c'est que, très majoritairement, les groupes sont venus nous dire qu'ils étaient favorables à la médiation familiale, qu'ils étaient favorables à une séance où les parties seraient obligées de se rendre pour se faire expliquer en quoi consistait la médiation, comment ça pourrait se dérouler, quels avantages, quels inconvénients il peut y avoir à le faire, par rapport à un autre système qui est celui du système judiciaire. Donc, une occasion pour les parties de se faire informer sur ce qui peut être pour eux une façon différente de solutionner leurs conflits.

Il y a eu un premier pas qui a été fait antérieurement, qui était le projet de loi 14, qui consistait à dire, d'une part, qu'il pouvait y avoir médiation dans certains cas. Le choix qui avait été fait, c'est d'attendre que les parties soient devant le tribunal, que toutes les procédures judiciaires aient été faites, que les délais aient couru, et que là le juge décide, au moment d'entendre les parties sur le fond, qu'il serait peut-être préférable de faire une médiation. Je souligne que cette médiation-là, prévue dans le règlement adopté en 1993, est une médiation complète, c'est-à-dire qui vise la garde des enfants, les droits de visite, le patrimoine, et le quatrième, c'est... la pension alimentaire.

Alors, tout ça est prévu pour que cette médiation-là puisse être préalable et qu'elle puisse être postérieure, pendant les procédures judiciaires, et qu'un certain nombre de personnes devant respecter certaines règles puissent procéder à cette médiation-là, ce qui m'apparaît être un pas fait dans la bonne direction.

Cependant, la nostalgie de ne pas avoir fait une action, c'est-à-dire de ne pas avoir eu le courage à l'époque de mettre en vigueur ce projet de loi, ne peut pas servir de prétexte à s'opposer à un pas en avant. Et je dis que la nostalgie de ne pas avoir mis en vigueur le projet de loi 14 mais d'avoir imposé le tarif judiciaire – que les parties paient depuis ce temps-là – et que l'argent soit envoyé au fonds consolidé du Revenu, à l'époque, pendant deux ans, alors que d'autres gens, qui sont en face, ici, pouvaient mettre ce règlement en vigueur, et qu'ils ont aujourd'hui le culot de dire qu'ils avaient accumulé l'argent et que cet argent-là était disponible – et ça, je le dis ouvertement, c'est un mensonge éhonté que de prétendre que cet argent-là était accumulé et disponible...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement. Je pense qu'on a laissé le ministre délirer pendant assez longtemps. Le mot «mensonge», comme vous le savez, est complètement contraire à notre règlement. Si le ministre veut que je lui remontre – je peux même les lui lire, parce qu'il a de la difficulté à lire – les documents de son propre ministère qui prouvent que c'est lui qui est en train de mentir, je vais le faire. Mais, s'il veut commencer ça à la fin de la commission, ça ne sert à rien!

Je comprends sa déception, mais son délire en interprétant le Protecteur du citoyen, on l'a laissé passer, mais là il serait mieux d'aller prendre quelques-uns des médicaments qu'il prend souvent et qu'il fasse autre chose.

M. Bégin: Ho! Là, M. le Président, c'est quelque chose de tout à fait...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Monsieur...

M. Bégin: Non, non, M. le Président, je m'excuse...

M. Mulcair: C'est vrai que, de toute évidence, il n'a pas pris ses médicaments la semaine dernière, quand il a parlé avec Me Pilon, on va le retirer.

M. Bégin: Écoutez, vous avez quelqu'un... non, vous pouvez rire, monsieur, qui propose des stratégies, qui est le conseiller politique, comment on peut s'objecter, même si on est favorable à un projet de loi, qui propose, dans des documents écrits, de s'opposer systématiquement de manière à nuire à quelqu'un, monsieur, vous êtes de ces personnes-là, vous pouvez bien rire!

Quand une personne dit d'une autre personne qu'elle doit prendre des médicaments, je pense qu'elle fait un geste tout à fait incorrect, elle devrait le regretter. Et je pense qu'une personne qui prétend représenter l'opposition officielle se comporte de cette façon, c'est tout à fait inacceptable. Vous disqualifiez vos propos, parce qu'ils sont à la hauteur de vos remarques que vous venez de faire. Et je pense que ça, c'est très significatif, et les gens qui sont ici vont entendre très bien.

(21 h 20)

Alors, ce que je disais, M. le Président, c'est que l'argent a... le Parti libéral n'a pas eu le courage de mettre en vigueur son projet de loi qu'il avait adopté en mars 1993, il n'a pas eu le courage de le mettre en vigueur en 1994, et il prétend maintenant que l'argent qu'ils ont imposé par l'adoption du règlement qui est en vigueur, lui, depuis 1993, et que les parties paient au Québec, c'est le Parti québécois qui l'a pris. Alors, il faut être absolument culotté pour dire des choses de même.

Deuxièmement, il réfère à un mémoire du Conseil des ministres, supposément, qu'il n'a jamais déposé parce qu'il sait qu'il ne peut pas l'avoir et qu'il sait qu'il ne contient pas cette affirmation-là – parce qu'elle est très vérifiable, cette information, et elle ne contient pas ce qu'il dit. Alors, le député de Chomedey fait encore de la désinformation, c'est son habitude, on va continuer, on est habitués de le faire, ça fait deux ans et demi qu'on l'entend.

Mais, pour revenir aux choses sérieuses, ils avaient la nostalgie du projet de loi 14, et nous l'avons entendu tout au long de ces débats dire: Pourquoi le projet de loi 14 n'est pas en vigueur? Je dis simplement: parce que son parti n'a pas eu le courage politique de le mettre en vigueur! Est-ce que c'était parce qu'il manquait de courage, qu'il manquait d'argent ou parce qu'il le considérait comme mauvais? je ne le sais pas, mais, peu importe, ils ne l'ont pas mis en vigueur.

Nous, nous avons un projet qui vise à faire en sorte que les parties qui sont à un moment de rupture puissent avoir l'opportunité de choisir une méthode différente pour solutionner leur conflit, qui est différent, bien sûr, du système judiciaire. Ce que j'ai entendu, c'est: Devons-nous, à l'égard du projet de loi, améliorer la formation des médiateurs qui est celle qui est fixée dans les règlements? Plusieurs nous ont dit qu'on devrait obliger les médiateurs à avoir une formation plus poussée dans la branche dont ils ne sont pas issus, l'avocat en matière de – je ne sais pas – de psychologie et le psychologue en matière juridique, par exemple, de façon à offrir une prestation supérieure vis-à-vis des personnes qui se présentent devant elles.

Est-ce qu'ils devraient, ces médiateurs-là, avoir les mêmes règles d'éthique, même s'ils les adoptent systématiquement? Est-ce qu'on ne devrait pas avoir un code, en fait, qui est le même pour tout le monde? Belle question! Est-ce qu'on devrait permettre la comédiation? Est-ce qu'on devrait faire en sorte qu'il puisse exister des groupes multidisciplinaires reconnus comme tels où les personnes pourraient se présenter et se voir offrir un éventail de personnes compétentes dans ce domaine? Devraient-elles travailler ensemble ou être un service-conseil à l'intérieur d'une même boîte? Belles questions qui ont été posées! Est-ce que la médiation obligatoire devrait être la première rencontre, les autres étant au choix et au gré des parties? Et cette première rencontre, quelle longueur de temps doit-elle avoir? Une heure, une heure quinze, une heure trente ou deux heures, pour permettre que les parties puissent savoir mieux et aient l'occasion de prendre ou de tirer tout le profit d'une telle rencontre?

Est-ce que cette rencontre doit être faite simultanément, les deux parties étant présentes ou, dans certains cas, par exemple, où on pense qu'il peut y avoir de la violence ou on soupçonne ou qu'il y en a véritablement? Est-ce que cette première séance ne devrait-elle pas être séparée? Quand doit-on en être exempté? Est-ce que c'est au moment... préalablement? Est-ce qu'on devrait faire une procédure pour dire: Je ne dois pas assister à une première séance de médiation, puisqu'on est dans un cas de violence, ou bien si on ne devrait pas se satisfaire d'un affidavit affirmant que, compte tenu de la présence de violence, il n'est pas nécessaire d'assister à cette première rencontre? Comment le faire? Est-ce que la gratuité est bonne? Est-ce qu'elle devrait s'appliquer aux parents avec enfants ou bien si elle doit s'appliquer à tous les gens? Est-ce que la première séance seule devrait être gratuite? Est-ce qu'on devrait étendre cette gratuité à l'ensemble des groupes? Devrions-nous, inversement, demander le paiement d'une certaine contribution? Celle-ci étant versée, à quel moment? Est-ce que les médiateurs doivent tous être référés par un groupe qui est au palais de justice, par exemple, ou bien c'est le libre choix des parties? S'ils ne décident pas dans un délai très court, qui devrait déterminer qu'une des personnes sera imposée à l'autre partie ou pourra agir dans une première séance de médiation?

Je ne prétends pas avoir fait le tour de toutes les questions, mais il me semble que le profit qu'on a à tirer de toutes les personnes, de tous les groupes que nous avons entendus, c'est d'être capables de devoir répondre à ces questions-là. Et je pense que, si on y répond de façon satisfaisante, on aura un projet de loi qui sera nettement amélioré. Je pense, M. le Président, qu'il y aura devant cette commission l'étude d'un projet de loi qui, c'est sûr, c'est certain, sera modifié. L'exemple le plus typique c'est le mot: Est-ce que toute demande est recevable? Les premières interventions ont porté là-dessus. Il m'apparaît évident qu'on doit changer ce mot. Certains nous ont référé à la modification qui avait été faite au projet de loi n° 68 avant Noël. Je n'avais pas été informé, mais il m'apparaît évident, quand on lit le texte et qu'on entend: Est-ce qu'une demande est recevable? On peut entendre, au sens de l'irrecevabilité de 165, qu'elle ne peut pas faire aucune démarche avant d'être entendue. Alors qu'on dit: «si aucune ne peut être entendue», on sait qu'on réfère au moment où le juge est saisi, après signification des procédures de part et d'autre.

Je termine pour dire que nous avons donc devant nous des options extrêmement intéressantes, mais que toutes vont dans le même sens: comment améliorer le projet de loi pour faire en sorte que la médiation existe, que les parties puissent en bénéficier et que nous ayons la meilleure formule pour l'ensemble des citoyens du Québec.

Alors, je remercie tout le monde qui a contribué et je signale que, effectivement, très majoritairement, les gens sont favorables. Les gens qui se sont manifestés contre sont des gens qui sont issus de la communauté juridique. Je comprends l'attitude et le comportement, parce que ça va de soi, pour un avocat, que l'instrument juridique est un moyen technique extrêmement utile pour faire valoir les droits d'une personne à l'encontre des prétentions d'une autre personne. C'est naturel. À l'égard, cependant, de l'enjeu qui est là, ce n'est pas nécessairement d'offrir la meilleure pension alimentaire par rapport aux barèmes qu'ont pu fixer les tribunaux, mais, comme disait madame tout à l'heure, est-ce qu'on peut...

M. Mulcair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, M. le ministre, j'ai...

M. Mulcair: On a largement dépassé le temps imparti au côté ministériel.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant. J'ai souligné tout à l'heure que c'était une minute, ça fait déjà trois minutes, là.

M. Bégin: Il me reste deux phrases.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, on avait convenu d'un partage du temps au niveau des remarques finales.

M. Mulcair: Non, M. le Président, là, c'est abusif, là. Il a largement dépassé le temps imparti au côté ministériel.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais c'est parce qu'on a convenu...

M. Mulcair: Le temps est terminé...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...d'un horaire préalable.

M. Bégin: Je comprends très bien. Deux phrases... Et ça montre le fair-play de notre collègue!

M. Mulcair: M. le président, l'ordre de la Chambre est clair. M. le Président, notre comité a terminé ses travaux.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Chomedey, nous sommes à l'intérieur de l'ordre de la Chambre.

M. Mulcair: Oui, M. le Président, mais vous savez comme moi que le ministre a largement dépassé le temps imparti au côté ministériel.

M. Bégin: Alors, les parties...

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que vous allez le laisser dépasser votre décision?

M. Bégin: La meilleure pension alimentaire...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): L'ordre de la Chambre, monsieur le...

M. Bégin: ...est-ce qu'on réfère aux barèmes? Alors, bon voyage en avion, M. le député.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, la commission ayant complété son mandat, les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 21 h 28)


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