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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 1 avril 1998 - Vol. 35 N° 115

Consultations particulières sur le rapport Pierre-F. Côté sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Christos Sirros
M. Normand Jutras
M. Jean-Claude St-André
Mme Lyse Leduc
M. Lawrence S. Bergman
Mme Lucie Papineau
*Mme Chantal Sainte-Marie, COMAQ
*M. Bernard Houle, idem
*M. Guy Bouthillier, SSJBM
*M. Denis Monière, idem
*M. Jean-Paul L'Allier, ville de Québec
*M. Martin Forgues, idem
*Mme Lynda Cloutier, idem
*Mme Guylaine Noël, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons débuter la séance. Je rappelle le mandat de la commission: Procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le rapport Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales.

M. le secrétaire, pourriez-vous nous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: M. le Président, M. Lefebvre (Frontenac) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee) et M. Mulcair (Chomedey) par M. Sirros (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. À l'ordre du jour, nous avons, cet avant-midi, à 9 h 30, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec; à 10 h 30, la présentation de M. Jean Filion, député de Montmorency; à 11 h 30, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal; et nous suspendons nos travaux à 12 h 30.

Alors, bienvenue aux représentants de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec. En début de présentation, je vous inviterais à vous identifier pour les fins d'enregistrement de nos échanges, et vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie d'échanges avec les membres des formations politiques présentes. Bienvenue.


Auditions


Corporation des officiers municipaux agréés du Québec (COMAQ)

Mme Sainte-Marie (Chantal): Bonjour, M. le Président. Je me présente, Chantal Sainte-Marie. Je suis greffière adjointe à la ville de Laval. Je suis également présidente du comité sur les scrutins municipaux de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec. Je vous présente également M. Bernard Houle, qui est greffier de la ville de Saint-Hubert et membre du comité ainsi que Me Érick Parent, secrétaire général de la Corporation.

Tout juste quelques mots pour décrire la COMAQ. Il s'agit d'une corporation professionnelle à titre réservé, existant depuis 1968, qui compte dans ses rangs plus de 550 membres, principalement des greffiers, des trésoriers, des directeurs généraux. Ils proviennent de plus de 250 municipalités à travers la province, ce qui représente environ 85 % de la population du Québec.

La COMAQ compte 10 comités permanents, dont celui sur les scrutins municipaux. Celui-ci a pour mandat particulier d'analyser toutes les questions relatives aux élections municipales et aux référendums. Le comité regroupe sept greffiers et greffières de plusieurs municipalités de différentes grandeurs qui, ensemble, travaillent à mettre en commun l'information qui sera transmise par le biais de sessions de formation aux autres greffiers et présidents d'élection.

C'est dans cet esprit que le comité s'est penché sur le rapport de M. Pierre-F. Côté. Je tiens à souligner que la COMAQ a toujours eu comme principe, depuis ses tout débuts, et ce, chaque fois qu'elle a eu à se prononcer sur un projet de loi ou un document quelconque, de ne jamais prendre position sur l'opportunité politique de celui-ci. Par ailleurs, compte tenu que nos membres sont appelés quotidiennement à mettre en application les lois ayant une incidence sur la gestion municipale, nous croyons qu'il est de notre ressort de commenter et de suggérer des modifications quand elles nous apparaissent nécessaires.

Nous allons faire nos commentaires sur le rapport de M. Côté ce matin. La Corporation s'attardera particulièrement sur les points suivants: premièrement, l'identification de l'électeur; deuxièmement, l'influence indue; et, enfin, la simultanéité des élections scolaires et municipales.

Le premier point concerne l'identification de l'électeur. La COMAQ demande, depuis des années, d'exiger de tout électeur la présentation d'une carte d'identité les jours de scrutin. Donc, la COMAQ appuie la recommandation 49 du rapport de M. Côté. On demande aussi d'imposer la même exigence en matière de procédure d'enregistrement des personnes habiles à voter, comme, par exemple, lors de la signature de registres pour un règlement d'emprunt ou de zonage.

La loi devrait aussi permettre, pour les personnes n'ayant pas en leur possession la carte d'identité requise, un mécanisme qui permettrait de voter, comme, par exemple, de se présenter avec un témoin qui a des cartes d'identité et obliger les deux personnes à affirmer solennellement que l'électeur qui a perdu ses cartes d'identité est bien la personne désignée sur la liste électorale.

Le deuxième point concerne l'influence indue. La COMAQ comprend que l'influence indue dont on parle au chapitre IV du rapport ne vise pas les pressions exercées sur le président d'élection et le personnel électoral par les partis politiques, les candidats ou les organisations électorales. Les recommandations visent à assurer le principe d'équité souvent répété dans le rapport. La COMAQ ne se prononcera pas sur cette partie-là.

(9 h 40)

M. Houle (Bernard): M. le Président, je vais aborder maintenant le chapitre VI du rapport de M. Pierre F. Côté qui est le chapitre réservé à la simultanéité des élections scolaires et des élections municipales. La loi n° 185, que tout le monde connaît, concerne le régime électoral scolaire. On a réduit les commissions scolaires à 69, et on a décrété que leurs élections auraient lieu en juin de cette année, et on parle de ce principe dans le rapport de M. Côté pour dire que ça crée un précédent qui pourrait nous amener à la simultanéité d'élections scolaires et municipales. Nous ne sommes pas tout à fait d'accord sur le fait qu'on devrait sauter à ces conclusions-là si rapidement parce que 69 commissions scolaires à gérer sur le plan électoral, ce n'est pas toute la même chose que 900 et quelques municipalités.

Le chapitre VI est à la page 97 du rapport de M. Côté. La simultanéité, ça veut dire le même jour. Ça va soulever certains problèmes. Dans le mémoire... Je vais aller assez rapidement pour vous souligner quelques petits problèmes. Il y tout d'abord 265 municipalités qui devront retourner en élection au bout de trois ans si on fixe la date 2002 pour un régime unique. Les 75 municipalités qui sont en élection en l'an 2000 retourneront aux urnes deux ans plus tard. Il y a donc une période de transition où il y a des municipalités qui devront aller en élection plus rapidement que d'autres.

Les problèmes que ça pourrait générer sont les suivants. J'aimerais souligner ici que le régime électoral scolaire et le régime électoral municipal diffèrent. Ils n'ont pas les mêmes délais pour les avis publics, pour le dépôt et la révision de la liste électorale. Ce ne sont pas les mêmes conditions pour être électeur ou pour se porter candidat de sorte que, chez l'électeur, à un certain moment, il est à prévoir une certaine confusion, et même chez les candidats.

Les questions qu'on pose, c'est: Est-ce qu'on va permettre à une même personne de se porter candidate à la fois au scolaire et au municipal le même jour? L'électeur qui va se faire remettre des bulletins avec le nom d'un candidat aux municipales et aux scolaires, comment est-ce qu'il va vivre ça? Dans quelle municipalité aura lieu l'élection scolaire pour une commission scolaire qui recoupe plusieurs municipalités? C'est le cas sur la Rive-Sud, on a une commission scolaire qui recoupe six villes, les villes de la MRC de Champlain, et il y a 21 circonscriptions électorales. Comment on va articuler l'élection scolaire avec des circonscriptions électorales scolaires différentes des districts électoraux municipaux?

Il y a aussi des problèmes logistiques qui sont à prévoir lorsqu'une élection va recouper plusieurs territoires. Le nombre de bulletins de vote va augmenter sensiblement le jour de l'élection, ce qui va augmenter les coûts, le temps d'exercice du droit de vote ainsi que la durée du dépouillement et du recensement. Aussi, devra-t-on modifier les périodes pour voter et augmenter le nombre des bureaux de vote et, conséquemment, le personnel électoral et les dépenses? On se pose la question.

Le recrutement du personnel électoral aussi va devenir problématique parce que, là, c'est des candidats scolaires et des candidats municipaux qui vont recruter des représentants et leur propre personnel électoral, et ça va être très difficile pour les présidents d'élection de se trouver du personnel électoral à moins qu'il y ait des mesures incitatives qui les aident à faire ça.

Étant donné qu'il va y avoir un allongement du dépouillement et le report presque obligatoire du recensement au lendemain, le dévoilement des résultats va en être retardé tout autant. Et il va de soi que, si les élections municipales et scolaires ont lieu en même temps, la participation à l'élection scolaire va sûrement être augmentée. Nous doutons cependant que ça augmente la participation au niveau municipal.

La simultanéité, une seule autorité. Nous avons essayé de trouver dans le rapport de M. Côté une justification au fait qu'une seule autorité, soit le DGE, doit avoir la responsabilité ultime de la tenue des élections simultanées. Analyser l'arrêt Libman, c'est une chose; parler de la loi n° 185, c'est une autre chose; mais, conclure qu'on devrait dire que le DGE devrait être la seule autorité à ce propos, pour nous, c'est mis en doute.

Nous nous permettons de vous rappeler les articles 89, 90 et 91 de la Loi sur les élections et les référendums. Ces articles-là consacrent le principe de l'autonomie des municipalités en matière électorale, et c'est l'autonomie qui est incarnée et exercée par le président d'élection. On sait que, en vertu de ces articles-là, le DGE peut faire des recommandations, fournir de l'assistance au président d'élection et peut même confier à toute personne qu'il désigne l'exercice de tout ou partie de ses pouvoirs. Il le fait déjà pour, par exemple, accepter des candidats indépendants lors d'une élection.

Bref, la COMAQ réaffirme son intérêt pour ses membres de conserver le rôle du président d'élection au niveau municipal pour les raisons suivantes. Tout d'abord, il y a une certaine fierté à exercer ce devoir, cette tâche, et, ensuite, les présidents d'élection au niveau municipal ont acquis une compétence et une expertise qui sont reconnues. La loi leur a toujours confié cette tâche, et, à date, on n'a pas de raison de la leur enlever. Ensuite, la COMAQ a procédé, d'année en année, à des cours de formation continue pour s'assurer de l'expertise des présidents d'élection. Et, surtout, les greffiers qui sont présidents d'élection sont des permanents au niveau des villes et connaissent très bien le milieu et le territoire.

Quand le rapport de M. Côté allègue qu'on doit accorder au DGE une autorité réelle sur les présidents d'élection municipale, on se pose la question: Quel problème veut-on régler exactement? Est-ce qu'on veut faire disparaître la fonction de président d'élection municipale qui est le pivot du régime électoral municipal? Si le législateur accorde une autorité réelle au DGE sur le président d'élection municipale, cette autorité ira-t-elle jusqu'à lui imposer le budget, lui imposer son personnel électoral et à en fixer la rémunération? Et, sur le plan pratique, ça va s'articuler comment? Nous avons déjà une liste électorale permanente qui nous donne des problèmes, on se demande comment on va vivre le fait d'avoir une autorité de plus, en plus de celle de la loi.

Nous arrivons maintenant à la simultanéité et l'indépendance du personnel électoral. Le rapport mentionne qu'il faut assurer de façon non équivoque l'indépendance et la neutralité du personnel électoral et, plus particulièrement, des présidents d'élection municipaux et scolaires. On s'est demandé beaucoup d'où vient cette recommandation-là. Est-ce que ça laisse croire que les présidents d'élection municipaux n'ont pas fait preuve d'indépendance et de neutralité? Et nous nous insurgeons contre un tel sous-entendu.

Le rapport recommande aussi de renforcer les articles 89 et 90 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités pour conférer une réelle indépendance aux présidents d'élection municipale et une réelle autorité du DGE sur eux. Encore là, on se demande d'où vient le problème. On ne le voit pas dans l'analyse de l'arrêt Libman et les considérations qui y sont mentionnées. C'est pourquoi la COMAQ s'oppose aux recommandations 66, 67 et 68 du rapport Côté.

La simultanéité, exercice du droit de vote – j'en suis à la page 8 de notre mémoire – les lieux et le déroulement du vote. Nous avons, tout à l'heure, esquissé les problèmes pratiques qui pourraient se poser lors d'une élection simultanée. Si le législateur maintient sa position, nous demandons qu'une disposition législative établisse clairement que, s'il y a élection simultanée, les commissions scolaires mettent gratuitement à la disposition du président d'élection tous les locaux pour le déroulement du scrutin et que cette gratuité inclue les réservations pour les séances d'instruction, la conciergerie, les locaux attenants, l'éclairage, le chauffage, le déblaiement de la neige et les salles de dépouillement. C'est toujours un tiraillement avec les commissions scolaires, parce que la Loi sur les élections dit qu'ils doivent mettre les salles à notre disposition gratuitement, mais, dès qu'on veut sortir de la salle de scrutin, là, il faut commencer à payer. Si on veut avoir des services en plus de la salle, il faut toujours payer.

Pour ce qui est du domicile, la COMAQ, depuis de nombreuses années, s'est montrée d'accord sur l'uniformisation du cens électoral. Même s'il n'y a pas d'élection simultanée, la COMAQ croit que la qualité d'électeur devrait être la même à tous les paliers de gouvernement, c'est-à-dire six mois de domicile, comme pour les élections à l'Assemblée nationale. Par conséquent, la COMAQ appuie la recommandation 70.

Pour ce qui est du financement, la COMAQ est d'accord sur la recommandation 71, sauf que nous vous apportons l'éclairage suivant, c'est que, pour les municipalités de 20 000 habitants et moins, où il y a un secrétaire-trésorier et non pas un greffier et un trésorier, cette fonction va accroître de beaucoup le fardeau des municipalités sur le plan financier et sur le plan administratif. Alors, Mme la présidente.

Mme Sainte-Marie (Chantal): Voilà. C'étaient nos commentaires sur le rapport de M. Côté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci. M. le ministre.

M. Jolivet: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue. C'est avec plaisir que j'ai compris que vous acceptiez le principe de l'identification de l'électeur le jour du vote. Vous le savez – probablement que vous avez suivi les débats de cette commission – qu'on se fait dire de la part de l'opposition qu'il n'y a aucun intérêt, aucune urgence, aucune raison. En fait, on se fait même accuser de la part de l'opposition d'être tatillons sur cette question, mais je pense que, de plus en plus, les gens le demandent et, dans ce contexte-là, j'aimerais, vu que vous avez à faire les élections municipales, que vous nous donniez davantage de raisons pour lesquelles vous appuyez une démarche d'identification. D'ailleurs, vous l'augmentez à un autre niveau en disant: Lorsque les gens viennent signer les registres dans le cadre d'un référendum à demander si les gens sont en désaccord avec un règlement d'emprunt, les gens devraient s'identifier. Quelles sont les raisons qui vous amènent à proposer de telles choses?

(9 h 50)

M. Houle (Bernard): Alors, M. le ministre, M. le Président, il faut être président d'élection pour savoir à quel point les candidats à une élection municipale ont peur de se faire voler leur élection. Comme vous le savez, la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités ne donne qu'un seul moyen pour s'assurer que l'électeur qui vient voter, c'est le bon électeur, c'est l'assermentation. Et je vous réfère ici aux résolutions qui ont été envoyées à vos prédécesseurs il y a plusieurs années, résolutions par lesquelles les municipalités demandaient qu'on instaure une carte d'électeur ou un moyen de contrôle pour s'assurer qu'on ne se fait pas voler l'élection.

Et, je vous assure, moi, ça fait 26 ans que j'en fais des élections et je suis toujours sans moyens devant les élus ou devant les candidats pour leur donner des moyens de contrôle de l'électeur. Je leur dis: Nommez des représentants à la table qui connaissent tout le monde dans la section de vote – avec les mouvances de population qu'on connaît présentement, oublions ça. Je leur dis: Écoutez, vous pouvez demander l'assermentation pour des motifs valables, sauf que, avec l'importance qu'on accorde maintenant à l'assermentation ou à la déclaration solennelle, ces gens-là trouvent que c'est insuffisant. Je leur dis toujours: Bien, vous pouvez demander à vos représentants de faire des déclarations de supposition de personne, sauf qu'ils savent très bien que, s'ils se trompent, ils peuvent être victimes à leur tour de représailles de la part de la personne qui a été interpellée. De sorte que, pour aller dans le sens de l'équité, si on veut être équitable jusqu'au bout, il faut s'assurer que le processus démocratique est respecté non seulement en matière de financement du parti politique, mais aussi par l'électeur et qu'il n'y ait pas de supposition de personne, donc que les morts ne viennent pas voter ou que quelqu'un sachant quelqu'un d'autre est malade vienne voter à sa place. Et je vous assure que c'est inévitable. Ça se produit toujours et ça va toujours se produire tant qu'on n'aura pas la carte.

M. Jolivet: Dans les propositions qui sont faites par l'ex-Directeur général des élections, c'est soit la carte d'assurance-maladie avec photo, le permis de conduire avec photo ou le passeport canadien qui contient la photo. D'autres ont dit: Peut-être que vous devriez élargir. Est-ce que vous avez une opinion sur cette question?

M. Houle (Bernard): Bien, voici, c'est que nous nous sommes arrêtés sur les trois documents qui étaient demandés, et, pour nous, ils étaient suffisants, et je vais vous dire pourquoi. C'est que le principal, c'est qu'il y ait un nom avec une photo. Le problème de l'adresse peut se poser. Par exemple, si on exige absolument qu'il y ait une adresse, il peut y avoir un changement d'adresse à un certain moment durant le processus électoral qui fait que la personne va être inscrite dans la bonne section de vote mais n'a pas eu le temps, par exemple, de changer l'adresse sur son permis de conduire. Alors, elle va se présenter avec un permis de conduire demeurant sur la rue Ramsay, alors qu'elle est inscrite sur la rue Geoffrion, et cette personne-là, effectivement, peut perdre son droit de vote parce que l'adresse sur la carte ne correspond pas, tandis que, si on a la photo et on a le nom, on sait que la personne existe et que c'est la bonne personne, il n'y a pas d'erreur possible.

M. Jolivet: D'ailleurs, ce que l'on recherche, ce n'est pas l'adresse dans le contexte derrière ça, c'est la photo, c'est de bien voir que la personne qui vient voter, c'est bien la même personne qui indique qu'elle s'appelle une telle, qu'elle demeure à telle place et qu'elle est sur la liste électorale, bien entendu. Vous, cependant, vous dites: Lorsque la personne n'aura pas sa carte... Parce que c'est une des autres questions qui surviennent toujours: Oui, la personne est arrivée, mais elle a oublié sa carte. D'autres diront, bien, qu'elle a à retourner chez elle la chercher. Les gens de l'opposition nous disaient: Oui, mais elle n'est pas toute mobile comme tout le monde, c'est possible, etc. Donc, est-ce qu'elle pourrait perdre son droit de vote? Vous dites – et c'est la première fois qu'on l'entend à cette commission: Cependant, il pourrait y avoir une personne qui, elle, possède la carte avec sa photo et qui pourrait être assermentée pour indiquer que la personne qui est là, c'est bien la bonne personne. Et là la formule actuelle d'une personne qui pourrait être demandée d'être assermentée, actuellement, vous avez laissé sous-entendre que ça n'a pas la même valeur que ça avait dans le passé. Est-ce que celle que vous nous proposez, compte tenu de la carte avec photo, a plus de valeur, quoi?

M. Houle (Bernard): Oui, parce que la personne qui accompagnerait l'électeur qui a perdu sa carte... Je vais vous donner un exemple. Pendant la période de verglas, on a distribué des chèques et on exigeait des cartes. Et, souvent, les gens s'étaient fait voler leur carte, et on exigeait des assermentations. Mais, si la personne qui accompagne l'électeur a une carte avec sa photo dessus, c'est une procédure qui est quand même un peu plus forte que la simple assermentation de l'électeur sans aucun papier. On vous propose quelque chose pour ne pas brimer l'électeur qui, par exemple, s'est fait voler ses cartes, les a perdues puis qui est quand même inscrit sur la liste. Alors, on essaie de concilier le principe du contrôle avec aussi la réalité humaine.

M. Jolivet: Pourquoi l'étendriez-vous, vous autres, dans votre proposition à la signature des registres?

M. Houle (Bernard): Voici. Vous savez que, au niveau municipal, les règlements d'emprunt et les règlements de zonage, lorsqu'on en vient à un registre, sont des choses très politisées, et, encore là, les élus se demandent toujours: Est-ce que vous êtes bien certains que la personne qui est venue signer le registre pour demander un référendum qui va nous coûter les yeux de la tête, c'est la bonne personne? Alors, tout ce qu'on a fait, c'est qu'on leur a dit: Écoutez, ils sont assermentés. Si c'était un propriétaire, on est allé voir au rôle d'évaluation, mais, encore là, on ne peut pas vous jurer que c'était vraiment le propriétaire, on n'a pas vu de papiers.

Mme Sainte-Marie (Chantal): Il ne faut pas oublier aussi, si vous permettez, que, dans la loi, il n'y a pas de dispositions, quand on parle de référendums et de registres, qui permettent au président d'élection de demander une pièce d'identité. Alors, ça, ça pose un problème pratique aux présidents d'élection ou aux greffiers quand ils ont à accepter des signatures.

M. Jolivet: Deuxième question, maintenant. Beaucoup de personnes parlent de la simultanéité. Au moins, au départ, scolaire et municipale, vous êtes contre. Cependant, c'est parce que tout n'est pas aplani comme difficulté. Est-ce que – je vous poserai la question suivante – vous seriez quand même d'accord pour dire: Écoutez, on est prêt à regarder ça, de quelle façon régler les problèmes dont vous faites mention, et que ce serait une bonne idée que de faire simultanément l'élection scolaire et l'élection municipale?

M. Houle (Bernard): Encore là, M. le ministre, vous savez, que ça soit une bonne idée ou pas une bonne idée, c'est le législateur qui a à le décréter. Nous, nous sommes des gens de terrain, nous évitons de nous prononcer sur la pertinence ou non d'un geste posé par le législateur. Ce que nous faisons ici aujourd'hui, c'est que nous vous disons: Attention, si vous acceptez le principe de la simultanéité – et c'est de votre plein droit – nous, les gens de terrain, nous vous soulignons les embûches. Et, à cause des embûches que nous voyons présentement, nous ne sommes pas d'accord parce que ça va créer des problèmes. Maintenant, si le législateur en décide autrement pour des raisons d'économie, pour des raisons pratiques, vous comprenez que nous allons collaborer et offrir toute notre collaboration pour aplanir ces embûches.

M. Jolivet: C'était la deuxième partie de ma question que je voulais demander, vous seriez prêts à collaborer si jamais une décision allait dans ce sens-là?

M. Houle (Bernard): Nous l'avons toujours fait, M. le ministre.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui. Merci, M. le Président. On reviendra sur la question de la simultanéité parce que c'est évident que c'est là où vous avez une plus grande expertise, mais, avant d'aborder ça, j'aimerais revenir un peu sur les commentaires quant à l'identification de l'électeur. Vous semblez, comme nous, préoccupés du fait que l'identification obligatoire pourrait conduire à la perte de l'exercice du droit de vote de certaines personnes qui auraient le droit mais n'auraient pas leur carte. Vous proposez une mesure basée sur l'assermentation dont vous avez, au préalable, dit qu'elle ne vaut pas grand-chose. Ça vaut quelque chose ou ça ne vaut pas grand-chose? Parce que, je ne comprends pas, si on demande à quelqu'un de s'assermenter, le fait qu'il présente sa carte quand ce n'est pas lui qui exerce le geste, il s'assermente finalement que l'autre est bel et bien celui qu'il dit être. Mais l'autre, vous n'avez aucun moyen de contrôle, selon ce que vous dites.

Une voix: Mais il a sa carte.

M. Sirros: Non, pas celui qui va voter.

Une voix: Non, non, non.

M. Sirros: Et l'assermentation, vous dites que ça ne vaut pas grand-chose. Alors, moi, je m'identifie, je dis: Je suis Christos Sirros et je vous jure que, lui, c'est, je ne sais pas moi, un tel...

M. Jolivet: Jean-Pierre Jolivet.

M. Sirros: Jean-Pierre Jolivet, oui. Vous me dites que l'assermentation, ça ne vaut pas grand-chose, alors ça vous donne quoi de m'assermenter à ce moment-là?

M. Houle (Bernard): Bien, c'est que nous essayons de sauver le droit de vote en mettant quand même un contrôle. Et vous, si vous vous présentez avec M. Jolivet, on vous demande votre carte à vous, et, au moins, on sait que vous existez et que vous êtes sur la liste.

M. Sirros: Non. Est-ce que je dois être sur la liste également?

M. Houle (Bernard): Bien, on pourrait l'étendre à ce moment-là. Pour aller dans la même logique, on pourrait l'étendre. Parce que, comme je vous l'ai dit, on n'a pas eu, nous autres, un temps record pour étudier ce dossier-là. C'est qu'on s'est mis sur le terrain, et on sait que, comme président d'élection, c'est très difficile de refuser le droit de vote à quelqu'un qui est inscrit sur la liste. Par contre, tout le monde a peur de se faire voler son vote. Alors, on essayait de trouver...

(10 heures)

M. Sirros: Ça, c'est une affirmation sur laquelle j'aimerais que vous m'expliquiez davantage. Tout le monde a peur de se faire voler son droit de vote?

M. Houle (Bernard): Oui.

M. Sirros: Moi, c'est une peur nouvelle que je découvre ici, dans cette commission. Je ne sais pas si les députés dans d'autres circonscriptions vivent la crainte puis la peur que vous semblez indiquer qui existe, mais c'est peut-être...

Mme Sainte-Marie (Chantal): Si vous permettez, M. Sirros, nous, quand on s'est penchés sur ces questions-là – on connaît la loi, on connaît les mécanismes de la loi – on s'est référés à différentes parties, à d'autres parties de la loi. Entre autres, l'assermentation reste quand même un moyen dans la loi qui est acceptable. Il y a des sanctions qui sont prévues quand l'assermentation n'est pas valable. Il y a aussi tout le processus quand on parle qu'on va faire identifier quelqu'un par quelqu'un d'autre, un autre électeur. Il y a un processus un peu similaire quand on parle des radiations qui doivent être faites par, si ce n'est pas l'électeur, une personne parente avec l'électeur. Il faut absolument que ce soit quelqu'un qui est domicilié dans la même section de vote.

On a fait des parallèles, nous, avec différentes parties de la loi en disant: Le mécanisme, c'est ça. De quoi on pourrait s'inspirer pour avoir un processus valable qui corresponde encore à l'esprit de la loi mais avec des aménagements plus faciles et peut-être avec un lien plus direct par rapport à l'électeur? Il y a moyen de retrouver ça, là, ne serait-ce que de faire assermenter la personne qui n'a pas sa carte. C'est le même processus aussi si on regarde les personnes qui demandent de l'aide pour voter. Il y a un processus d'assermentation, il y a comme une espèce de caution, la personne qui accompagne doit mentionner: Oui, je la connais. En tout cas, il y a une assermentation quelconque.

C'est certain que ces recommandations-là, on les a prises, nous, en fonction du restant de la loi, en se disant: Bien, on assimile cette procédure-là, on pourrait la faire dans le même sens que le restant.

M. Sirros: Parce qu'une des choses qui me préoccupent, c'est cette affirmation qui semble circuler très légèrement à l'effet que l'assermentation, ça ne veut plus rien dire, les gens s'assermentent facilement et ils mentent facilement. Puis, si c'est vrai, bien, là, il va falloir repenser beaucoup de choses. Je veux dire, si l'assermentation n'est plus valable, est-ce que ce n'est pas valable seulement au moment de l'élection? Est-ce que ce n'est pas valable quand on va en cour? Je veux dire... Où ça arrête? Puis ça veut dire quoi, finalement? Ultimement, les mesures de contrôle absolu vont nous amener jusqu'où?

Et la question fondamentale que j'aimerais vous poser: Est-ce que vous trouvez que c'est essentiel qu'on fasse tout ce qu'on peut faire pour qu'une personne qui a le droit de vote ne le perde pas? Comme pendant de ce qui semble être véhiculé ici, à l'effet qu'il faut absolument tout faire pour s'assurer que personne ne vole le vote de quelqu'un, ce avec quoi je suis d'accord. Mais il faut quand même faire ça de façon raisonnable, dans une société libre et démocratique.

Mme Sainte-Marie (Chantal): Mais nous pensons que les recommandations qu'on vous propose, effectivement, c'est le juste milieu ou, en tout cas, une façon intéressante de voir, de s'assurer d'un minimum de...

M. Sirros: Parce que j'étais intéressé de voir...

Mme Sainte-Marie (Chantal): ...vérité.

M. Sirros: ...que, pour la première fois, on a un groupe qui dit: Écoutez, il faudrait penser à un certain contrôle possible, mais il faut aussi se soucier que personne ne perde son droit de vote, parce que, pour des raisons techniques, cartes... La Régie de l'assurance-maladie nous a dit, par exemple, qu'ils ont 90 000 cartes, durant l'année, qui sont perdues, qu'ils remplacent, puis il y a un autre 90 000 situations où les gens se présentent chez leur médecin sans leur carte. Donc, ce n'est pas extraordinaire que quelqu'un n'ait pas sa carte sur lui quand il ira voter.

M. Houle (Bernard): Bien, c'est pour tenir compte de cette réalité, M. Sirros, que, nous, voyez-vous... Là, les arguments que vous apportez, c'est plus des arguments au niveau législatif. Nous, on vous donne des arguments de terrain. Nous sommes toujours soumis à des récriminations systématiques de la part des candidats et des élus sur le contrôle des électeurs qui viennent à l'urne pour voter.

M. Sirros: Quel est le pourcentage moyen de votants lors des élections municipales? Est-ce que ça varie beaucoup entre le rural et l'urbain?

M. Houle (Bernard): Bien, moi, je vais vous parler pour ce que je connais. C'est toujours autour de 55 %, 60%.

Mme Sainte-Marie (Chantal): Il y a un point que je voudrais rajouter, c'est que l'identification ne fait pas nécessairement perdre le droit de vote. Le droit de vote est attaché à l'inscription sur la liste électorale. C'est ça, fondamentalement, le point.

M. Sirros: O.K. Correct. Retournons peut-être sur la simultanéité. Vous faites un listing assez exhaustif de raisons pour être contre. Vous ne voyez pas d'avantages au niveau de l'augmentation du niveau de participation pour les municipalités. Vous dites, finalement, si je saisis bien votre position: Ça pourrait être une bonne chose pour les élections scolaires, mais, pour nous, ça n'ajoute pas grand-chose; on est bien correct, laissez-nous tranquilles. Et je caricature à peine.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Est-ce que je vous résume bien?

M. Houle (Bernard): Bien, c'est-à-dire, M. Sirros, que les élections municipales ont déjà leur système, et, si on ajoute le même jour une élection scolaire, ça va alourdir de beaucoup un processus qui a déjà toute sa mécanique en place. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il y a des problèmes à prévoir sur le fait que dans... Je vais vous donner un exemple bien concret, ça va vous illustrer. Parce qu'on est des gens de terrain toujours. À Saint-Hubert, dans la nouvelle commission scolaire, il va y avoir quatre circonscriptions électorales scolaires. Moi, en tant que président d'élection, j'ai 14 districts électoraux. La question qu'on se pose: Où vont avoir lieu les élections des commissaires d'école? Est-ce que ça va avoir lieu dans les mêmes écoles ou dans une école en particulier? Comment va-t-on articuler toute cette mécanique-là? Alors, nous, c'est en se basant sur la réalité concrète de la tenue d'une élection qu'on s'est dit: Voici les problèmes qu'on peut rencontrer. J'ai encore vérifié auprès de ma future commission scolaire, et il y a une circonscription électorale qui regroupe une partie de trois municipalités. Dans ce cas-là, où va-t-on tenir l'élection du commissaire d'école? Alors, ce sont des problèmes...

M. Sirros: Je ne suis pas sûr de saisir. C'est la deuxième fois que j'entends cet argument-là, et je ne suis pas sûr de saisir le problème. Parce que, s'il y a plus de conseillers municipaux qui se présentent dans le territoire des commissions scolaires plus grandes, si je suis un électeur, je vis quelque part, et ce quelque part recoupe et un conseiller municipal et un conseiller scolaire. Alors, quand je vais me présenter à mon endroit de votation, pourquoi ça serait difficile d'avoir deux bulletins de vote ou même sur le même bulletin de vote, parce que c'est un territoire?

Mme Sainte-Marie (Chantal): Ils ne correspondent pas.

M. Sirros: C'est un endroit géographique et ça va être représenté à la fois par quelqu'un qui va oeuvrer à la commission scolaire et à la fois par quelqu'un qui oeuvre au niveau de la municipalité.

M. Houle (Bernard): Sauf votre respect, M. Sirros, c'est parce que les territoires ne correspondent pas. C'est que les districts électoraux et les sections électorales municipales ne correspondent pas aux circonscriptions électorales scolaires. C'est sûr que, vous, en tant qu'électeur, vous pouvez aller voter. Vous êtes devant deux urnes: une pour le scolaire et une pour le municipal. Sauf que c'est tout ce qui tourne autour de ça qui va être à déterminer parce que vous aurez à voter pour un commissaire d'école. Par exemple, il y a des gens de Longueuil qui vont voter pour un commissaire d'école qui va représenter une partie de LeMoyne, une partie de Saint-Lambert et une partie de Longueuil. Alors, vous, supposons que vous demeurez à Longueuil...

M. Sirros: O.K. Je vous comprends. Donc, il y a un ajustement à faire au niveau des territoires.

M. Houle (Bernard): C'est ça, c'est qu'il y a un problème majeur au niveau des territoires.

M. Sirros: Ça doit être quelque chose qui est quand même faisable mais pas d'ici quelques semaines. Mais, si on prend le temps pour le faire, ça doit être faisable.

M. Houle (Bernard): C'est n'est pas à moi qu'il faut... Moi, je peux vous dire que c'est sûrement faisable si on prend le temps d'y penser.

M. Sirros: O.K. Posons la question autrement. Si ce problème n'existait pas, il y aurait un argument de moins contre la simultanéité, finalement.

(10 h 10)

M. Houle (Bernard): Il y a un argument de moins. Les autres demeurent cependant et ils sont évoqués dans notre mémoire sur le fait que ça rallonge de beaucoup la journée de scrutin. Il va falloir penser à l'allonger ou trouver des mécanismes, parce que, là, vous avez un électeur... Actuellement, un électeur prend en moyenne 3 min 40 s, si je me souviens bien, pour voter. Si vous ajoutez des bulletins supplémentaires pour le poste de commissaire d'écoles, alors, vous aurez à ce moment-là à prévoir que le déroulement du vote va être plus lent. Alors, est-ce qu'on va, à ce moment-là, diminuer le nombre d'électeurs par section de vote pour que ça s'accélère? Si on augmente le nombre de sections de vote, ça va prendre plus de salles. Il y a toute une mécanique actuellement...

M. Sirros: Et si on doit leur demander en plus de sortir leur carte, de trouver leur... Une petite blague à part. Ha, ha, ha!

M. Houle (Bernard): On ne va pas jusqu'aux empreintes.

M. Sirros: D'accord. Il y a un autre point que vous mentionnez au niveau de la simultanéité, des problèmes. Vous suggérez que, par exemple, les qualités d'électeur soient les mêmes pour les deux élections. Au municipal, on peut voter en raison d'un droit foncier aussi, n'est-ce pas?

M. Houle (Bernard): Oui.

M. Sirros: Est-ce que votre recommandation sous-entend qu'on devrait abolir ça?

M. Houle (Bernard): Oui. Bien, c'est-à-dire qu'on ne se prononce pas, mais, nous, ce qu'on vous dit, c'est que ça sous-entend ça, éventuellement.

M. Sirros: Donc, le propriétaire foncier n'aurait pas le droit de vote, seulement les résidents de la municipalité.

M. Houle (Bernard): C'est-à-dire que si la personne est résidente depuis six mois et s'adonne à être propriétaire foncier. Mais c'est que...

M. Sirros: Au préalable, il faut qu'il soit résident.

M. Houle (Bernard): Oui. Attacher le droit de vote à la propriété foncière, c'est l'héritage du passé. C'est qu'on pouvait voter uniquement si on était propriétaire et on a traîné ça dans la Loi sur les élections et les référendums. Maintenant, là, on embarque dans un débat politique, et, nous, il ne nous appartient pas de vous faire des recommandations là-dessus. Ce qu'on vous dit cependant, c'est que, lorsque vient le temps d'un règlement d'emprunt suite à un règlement de zonage, quand c'est le temps d'avoir un jour de registre et un référendum, le sens électoral, c'est: les personnes habiles à voter, ce sont les personnes qui demeurent dans la ville au moment où le règlement a été voté. Et, quand c'est le temps de voter, pour des élus, bien, là, c'est les propriétaires non résidents qui sont considérés au même titre que les gens qui sont résidents. Alors, pour nous, c'est...

M. Sirros: Mais ce n'est pas parce qu'ils sont taxés, ce n'est pas le principe de «no taxation without representation», dans le sens que c'est le système de taxation foncière qui leur donne le droit de vote, parce que...

M. Houle (Bernard): M. Sirros, je pourrais vous répondre là-dessus que les locataires sont taxés aussi, que tout le monde est taxé. Quand on rentre dans une ville puis qu'on demeure dans une ville depuis six mois, qu'on soit propriétaire ou locataire...

M. Sirros: Le locataire a le droit de vote.

M. Houle (Bernard): ...on paie des taxes directement ou indirectement.

M. Sirros: Oui, mais le locataire a le droit de vote nécessairement.

M. Houle (Bernard): Oui.

M. Sirros: En tout cas, c'est un problème que vous soulevez. Parce que...

M. Houle (Bernard): Mais ça, c'est un problème, là, vraiment de...

M. Sirros: ...je ne veux pas le défendre, je veux l'expliquer à ce moment-ci. Et ce que j'avais compris au niveau des municipalités, c'est que le droit de vote pour le propriétaire était lié au fait que le système de taxation dans les municipalités était basé sur le système de taxation foncière. Et donc, quelqu'un qui pourrait être propriétaire d'immeubles dans une municipalité, même s'il ne vit pas là, devrait avoir un mot à dire sur les gens qui décident combien il va payer, lui, de taxes. Là, vous soulevez le problème qui, je pense, est réel, que si on veut faire la simultanéité des élections, il faudra qu'on arrime la qualité d'électeur, parce qu'autrement on ne peut pas avoir des listes correctes. Et, si c'est ça, ça sous-entend que le système qui permet le vote pour le propriétaire foncier devrait nécessairement tomber; c'est ce que je comprends de votre raisonnement.

M. Houle (Bernard): C'est exact, M. Sirros. C'est que, si on va vers une élection simultanée, il faut que le sens électoral soit uniformisé. D'ailleurs, pour revenir à l'exemple que vous dites, c'est sûr que si, par exemple, dans Saint-Hubert j'ai un propriétaire non résident qui est taxé, vous dites: Pourquoi n'aurait-il pas le droit de vote? Bien, à ce moment-là, je monte d'un palier et je me dis: Pourquoi quelqu'un, qui est propriétaire, par exemple, d'un immeuble dans mon comté au provincial mais qui demeure aux États-Unis n'aurait-il pas le droit de vote, alors qu'actuellement la loi électorale provinciale ne lui permet pas?

M. Sirros: Parce qu'il n'est pas résident du pays ou de la province.

M. Houle (Bernard): Bien, c'est propriétaire non résident, c'est ça. On est au coeur du problème des non-résidents.

M. Sirros: Et parce qu'au provincial le système de taxation n'est pas un système de taxation foncière; c'est un système de taxation basé sur le revenu ou sur la consommation. En tout cas, je pense que c'est ça...

M. Houle (Bernard): C'est un débat intéressant.

M. Sirros: ...la réponse, finalement, au niveau provincial. Ça va, merci beaucoup. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui veulent...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Drummond. Et j'ai plusieurs demandes d'interventions à la suite: j'ai M. le député de L'Assomption, Mme la députée de Mille-Îles et M. le député de Saint-Jean.

M. Jutras: D'abord, dans un premier temps, je voudrais revenir sur l'intervention que vous avez faite, à savoir que les candidats dans une élection ont peur de se faire voler leur élection – ça, c'est vrai – sur le terrain. Je pense qu'on peut en témoigner comme députés mais comme organisateurs politiques aussi. Moi, j'ai été organisateur politique avant d'être député, durant plusieurs années, et c'est vrai que les candidats sont nerveux à ce sujet-là, que ce soit à la mairie, que ce soit comme conseillers; ils scrutent la liste électorale. Ils veulent participer à la révision. On leur dit: Un tel est sur la liste électorale, il n'a pas d'affaire à être là. Alors, à chaque élection, c'est le genre de problème que l'on vit, et c'est pour ça, je pense, qu'on a des sondages, nous, qui nous disent que, je pense que c'est 86 % des Québécois qui veulent que la fiabilité de notre système électoral soit améliorée. C'est parce qu'à chaque élection, quel que soit le palier, on vit toujours ce problème-là. Je pense que c'est à l'honneur des Québécois. Ça montre que nous sommes de grands démocrates. Notre système électoral, il est bon, mais nous voulons qu'il soit encore davantage amélioré.

Alors, moi, pour l'avoir vécu autant comme autant sur le terrain, je vous donne tout à fait raison non seulement comme député, mais comme organisateur politique avant.

M. Houle (Bernard): Ce que je voudrais ajouter, si vous permettez, c'est qu'il faut penser qu'au municipal souvent l'élection se joue sur une centaine de votes et qu'ils sont d'autant plus nerveux. Tandis que, dans vos comtés électoraux, vous autres, vous avez à peu près 50 000, 60 000 votants, 30 000 ou 40 000, là...

M. Jutras: C'est 48 000.

M. Houle (Bernard): ...tandis que, moi, dans mes districts électoraux, là, c'est 4 000 ou 5 000 électeurs, et ça se gagne par 200, 300 de majorité. Alors, vous comprenez la hantise des candidats sur le contrôle de l'électeur qui vient voter pour être certains que c'est le bon électeur. Ha, ha, ha!

M. Jutras: Alors, je vais procéder rapidement, parce qu'il y en a d'autres qui veulent intervenir.

Quand vous dites que vous êtes d'accord avec l'identification de l'électeur, vous prévoyez le cas où quelqu'un se serait fait voler ses cartes la veille de l'élection, bon. Quand vous dites: Bon, bien, là, il faudrait prévoir un mécanisme où la personne viendrait voter avec quelqu'un qui la connaît, et cette personne-là, qui accompagne, serait assermentée, mais cette personne-là devrait avoir, elle, une carte d'identification.

M. Houle (Bernard): Oui.

M. Jutras: Je voulais être certain que je vous avais bien compris.

M. Houle (Bernard): Oui.

M. Jutras: Maintenant, je veux vous référer à la page 7 de votre rapport, le paragraphe 2.5. Quand vous dites: «La mainmise, par le DGE, sur les élections municipales, via les présidents d'élection, est-elle d'ailleurs souhaitable sur le plan pratique? Nous n'avons qu'à observer les multiples problèmes reliés à la liste électorale permanente, problèmes chroniques que le DGE n'arrive toujours pas à solutionner.»

De votre expérience de terrain, là, qu'est-ce que vous entendez par les «multiples problèmes reliés à la liste électorale permanente»?

Mme Sainte-Marie (Chantal): Écoutez, nous, après chaque élection, on fait des post mortem. On en fait au niveau de la COMAQ. On participe aussi aux post mortem du Directeur général des élections. Il y a eu toutes sortes de problèmes qui ont été invoqués. Cette année, à Laval, on était en élection. On a vécu ça aussi, le problème des noms recoupés, les appariements avec la RAMQ, les problèmes d'électeurs qui sont déménagés; on n'arrive pas à retrouver la trace. Problèmes du chef de famille, parce qu'il y a un divorce. Par exemple, le père s'en va, mais le restant de la famille suit. Ça, déjà, en 1995 – j'étais à Saint-Bruno, à l'époque – on avait la première liste électorale, ce problème-là était là. On est en 1998, c'est encore là, ce n'est pas réglé.

J'en ai parlé du problème des noms recoupés. C'est quelque chose, vraiment, de très compliqué, la révision de la liste. La loi nous permet, quand on traite ces noms recoupés là, si on arrive à voir, après enquête, qu'ils ne demeurent pas à l'endroit où ils sont inscrits, on peut les radier. Le matin du vote, ça revient. Les gens reviennent. Ils étaient déménagés trois rues plus loin ou dans le même bloc, mais à l'appartement suivant. Et l'enquête qu'on avait faite avec le concierge, ce n'était pas suffisant ou il ne le savait pas, bon. Il est arrivé plein de problèmes comme ça.

Aussi, la mise à jour de la liste électorale qui, chez nous, arrête à une certaine date, parce qu'on a nos commissions de révision, la liste que le DGE nous envoie. Elle est à jour à une certaine date, mais pendant quelque temps le DGE continue à faire sa mise à jour. Alors, là, on a des téléphones, la journée du vote. Les gens disent: Bien, j'ai appelé au DGE, ils me disent que je suis sur la liste. Alors que, nous, ils ne sont pas sur la liste. Il peut y avoir eu une mise à jour entre-temps.

(10 h 20)

Le problème des majeurs, des nouveaux majeurs, ceux qui viennent d'avoir 18 ans. On en a vu beaucoup. Les jeunes nous disaient: Oui, je l'ai envoyée, ma lettre; oui, j'ai répondu. Mais, bon, ils n'étaient pas sur la liste. Des déménagements qu'on n'arrive pas à s'expliquer. Il y a eu passablement de problèmes avec tout ça. Les présidents d'élection, lors des post mortem, ont fait leurs commentaires là-dessus.

Il y a des problèmes aussi avec les appariements informatiques, les appariements entre les noms de rues, avec ce que la ville a. Si les noms de rues ne sont pas officialisés par la Commission de toponymie, ça fait un problème. Il faut apparier ça informatiquement, nos systèmes à nous avec ce que la liste... comment on peut la traiter. Il y a vraiment plusieurs problèmes, en tout cas. Je pense que tranquillement on essaie de les régler et on travaille dans le même sens avec le DGE pour le plus possible tâcher de régulariser ça, mais ce n'est pas évident.

M. Jutras: Me Sainte-Marie, ça s'améliore, la liste électorale permanente, mais vous savez qu'au 17 mars dernier le DGE nous informait qu'il y avait sur notre liste électorale permanente encore 218 000 personnes non recoupées. Alors, aussi je vous rejoins là-dessus.

Mme Sainte-Marie (Chantal): Il y a un problème majeur là-dessus, c'est qu'on ne sait pas les motifs pourquoi les gens sont non recoupés. Nous, on a envoyé... À Laval, il y en avait – évidemment, la ville est très grosse, il y a 235 000 électeurs – il y avait 11 000 non recoupés. On a envoyé des avis à tout le monde. Mais le problème, c'est qu'on ne sait pas pourquoi, ce qu'on a à chercher. On envoie nos cartes à tout le monde en disant: Écoutez, regardez ça, il y a un problème, dites-nous si les renseignements sont exacts.

Il y a eu toutes sortes de choses. Les gens nous renvoient ça en disant, bien, entre autres, le nom de la rue, pour eux le nom de la rue, c'est celui qui est écrit sur la pancarte, pas sur ce qui est écrit avec la Commission de toponymie, si ce n'est pas officialisé. Par exemple, il y a une religieuse qui nous écrit. Elle, c'est écrit Sr, Mme, je ne sais pas, Sr Janine Dupuis, mais elle, Sr, pour elle, elle est religieuse, elle ne sait pas, elle, qu'il ne faut pas que ce soit là. À la RAMQ, ce n'est pas son nom de baptême, ça. Alors, il y a toutes sortes de corrections qu'on doit apporter. Il y avait beaucoup de dates de naissance qui étaient inversées; ça, c'était relativement facile. Mais, comme on ne sait pas les motifs, qu'est-ce qu'on cherche, bien, très souvent ça tombe à l'eau parce qu'on n'a pas plus de réponse une fois qu'on a fait nos démarches.

M. Jutras: Une dernière question. Vous vous déclarez en désaccord avec le fait que ce soit le DGE qui ait juridiction comme directeur d'élections sur les élections municipales plutôt que vos greffiers. Moi, je vais vous dire, votre argumentation ne me convainc pas. C'est une bonne argumentation, mais elle ne me convainc pas. Vous dites qu'ils ont développé de l'expertise; c'est vrai tout ça. Mais est-ce que vous ne pensez pas, quand même, que le système proposé par Me Côté est préférable parce que... Comment peut-on croire à une réelle indépendance du greffier municipal quand il gère une élection municipale et qu'il a... Et, moi, je l'ai vécu dans Drummondville à une élection, il y a plusieurs années, où vous avez le greffier qui a son bureau voisin du maire, et le maire sortant, lui, est encore dans ce bureau-là, il est encore dans l'hôtel de ville durant la campagne électorale. Vous avez le greffier qui a son bureau à côté puis vous avez quelqu'un d'autre qui veut entrer à l'hôtel de ville comme maire. Est-ce que vous ne pensez pas que ce greffier d'élections là, qui est le greffier municipal, qui est un fonctionnaire municipal puis qui travaille à côté de ce maire-là, est-ce que vraiment il est en état d'indépendance, pensez-vous, par rapport aux deux candidats?

Mme Sainte-Marie (Chantal): Écoutez. Moi, je vais vous répondre ma façon à moi de travailler. Quand je suis entrée comme greffière la première fois dans une ville, je suis entrée au mois d'avril et les élections étaient au mois de novembre. Je me suis dit: Bon, c'est compliqué. Mais j'ai eu un conseil d'un greffier qui était plus âgé, et il m'a dit: Écoute, Chantal, il faut que tu prennes tout de suite la marche à suivre suivante. C'est que ton rôle de greffier dans une ville, c'est exactement la même chose que président d'élection lors des élections. Il faut que ta conduite soit exactement la même tout le temps. Il faut que ton indépendance, ta façon de travailler avec les conseils, peu importe qui ils sont, peu importe comment tu t'entends, il faut que ce soit la même chose et ton rôle de président d'élection, c'est exactement ça qu'il faut que tu vises. Dans les post mortem, puis année après année, écoutez, on parle aux présidents d'élection et les présidents d'élection connaissent la loi comme il faut, connaissent le terrain, ils sont... La fonction de greffier est aussi une fonction indépendante. Ce n'est pas parce que le conseil va décider quelque chose. Si ce n'est pas légalement possible, il ne le fera pas, là. Je pense que cette...

M. Jutras: Oui, mais le DGE le connaît bien, le terrain, aussi. Le directeur des élections dans Drummond connaît bien le terrain, connaît bien le territoire, il est capable d'organiser ça et il va avoir l'indépendance, lui, totale par rapport au maire sortant ou par rapport au maire qui veut rentrer.

Mme Sainte-Marie (Chantal): Moi, je ne suis pas convaincue de ça. Premièrement, il y a l'impartialité qui est prévue à la Loi des cités et villes. L'impartialité: tous les articles qui sont dans notre rapport concernant l'impartialité, le devoir et les sanctions qui sont prévues par rapport au personnel électoral; il y a la fonction de greffier aussi. Ça, un président d'élections municipales est au courant des nouvelles rues qui sont développées, des permis de construction qui sont donnés, des trois, quatre maisons qui se sont rajoutées au cours des derniers mois, au cours de l'été précédent. Il n'y a pas, à mon avis, un directeur de scrutin qui peut être autant au courant qu'un fonctionnaire qui travaille dans une ville avec toute la connaissance, de tout le territoire et de tout le personnel électoral, d'année en année, qui est repris. En tout cas...

M. Houle (Bernard): Pour aller dans le sens de votre interrogation, c'est évident que, pour un candidat, voir le greffier à côté du maire... Mais je peux vous assurer que le greffier, en tout temps, doit agir comme un président d'élection.

Mais je vais déplacer le coup d'oeil que vous apportez. La journée que le DGE a une autorité réelle sur un président d'élections municipales, voici que le président d'élections qui avait comme patron et unique patron la loi se retrouve avec un deuxième patron, et là il se présente devant son conseil de ville, doit négocier son budget électoral, et là il arrive et il n'est plus le président d'élection, il est le représentant du Directeur général des élections. Il va donc avoir deux patrons: il va avoir la loi et le Directeur général des élections.

Cette autorité réelle dont on parle, est-ce qu'elle est nécessaire? C'est ce que nous nous demandons. Et, pour nous, compte tenu de notre expertise et de notre expérience du terrain, elle n'est pas nécessaire parce que, à date, on ne nous a pas relevé de cas de présidents d'élection qui ont été partiaux ou qui ont fait preuve de dépendance. Moi, je siège sur le comité des procédures électorales de la COMAQ depuis de nombreuses années et, à date, je ne connais pas de faits et je n'en vois pas dans le rapport ici qui me permettent d'opiner autrement. Comme le disait Me Sainte-Marie, c'est: Où va commencer et où va s'arrêter cette autorité réelle? Est-ce que, par le fait qu'il y a une autorité réelle du DGE, le président d'élection deviendrait son représentant? Et là à ce moment-là, est-ce qu'il dicterait le personnel qu'il va embaucher? Est-ce qu'il lui dirait quel budget adopter, comment fonctionner? C'est toute la mécanique, tout le régime électoral municipal qui, actuellement, ici, est mis en cause.

M. Jutras: Alors, il y en a d'autres qui veulent intervenir?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bien, il reste deux minutes, incluant la réponse. Alors, vous avez une minute pour poser votre question, M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Je voulais enchaîner exactement dans le même sens que le député de Drummond. Vous dites que notre patron, c'est la loi. J'aimerais ça savoir, comme greffier – je vous pose trois questions bien simples – dans le quotidien, à qui rendez-vous des comptes? Qui sont vos supérieurs hiérarchiques? Et qui vous engage?

Mme Sainte-Marie (Chantal): Tout ce qui concerne la Loi des cités et villes est clair là-dessus. Les greffiers sont redevables, au point de vue administratif, au directeur général de la ville et au conseil, concernant le travail de...

M. St-André: Au conseil de ville?

Mme Sainte-Marie (Chantal): ...oui, le travail de greffier. Mais au point de vue administratif, c'est le directeur général.

M. St-André: Et qui vous engage?

M. Houle (Bernard): C'est le conseil municipal.

Mme Sainte-Marie (Chantal): Le conseil, évidemment.

M. St-André: Le conseil. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Une minute. Une dernière question, Mme la députée de Mille-Îles.

(10 h 30)

Mme Leduc: C'est mon sort d'avoir des questions d'une minute. Je voulais quand même vous dire que vous êtes des praticiens, vous l'avez dit, des gens de terrain; donc, vous êtes d'accord avec l'identification. Mais je voulais quand même rectifier une perception. Si nous souhaitons l'identification des électeurs, ce n'est pas parce qu'on considère, finalement, l'ensemble des électeurs en individus qui vont frauder plus qu'ailleurs; on sait très bien que ces fraudes-là sont organisées. Et c'est dans ce sens-là que je comprenais votre remarque disant que l'assermentation n'avait plus la même valeur pour ces personnes-là, parce que ce n'est pas un individu tout seul qui va décider de voler le vote d'un autre.

Et la perception de la population, qui se dit d'accord pour la carte d'électeur, c'est qu'elle accorde beaucoup d'importance au geste de voter, c'est un choix. Et pour eux, ils ne souhaitent pas qu'une organisation quelconque vienne enlever tout sens au geste qu'ils ont posé en réfléchissant, en faisant un certain choix. D'où l'importance pour nous de la carte d'électeur et pour les voteurs; finalement la population en général. Rapidement – je sais que j'ai dépassé ma minute – je m'inscris en faux contre le fait que vous disiez que c'est dépassé, que des propriétaires fonciers puissent voter. Et, on se rapporte toujours à soi-même, moi, je vote à Laval comme résidente et propriétaire, mais je suis aussi propriétaire dans une municipalité à l'extérieur, où je paie des taxes, et je veux quand même avoir droit aux personnes qui vont gérer le budget. C'est une résidence secondaire, et je pense que j'ai un droit de vote aussi qui m'appartient, dans le sens que c'est les taxes que je vote, et ils gèrent ces taxes-là, et je pense que j'ai un droit pour choisir qui va les gérer. Alors, je m'arrête là-dessus.

M. Jutras: C'est une minute qui en vaut quinze.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous avons épuisé le temps imparti. Madame, messieurs, je veux vous remercier de votre présentation et de la qualité des échanges aussi que nous avons pu avoir à la commission des institutions en regard des recommandations que vous formulez dans votre mémoire. Merci beaucoup.

Une voix: Nous vous remercions aussi.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous recevons maintenant M. le député de Montmorency. M. le député de Montmorency, vous disposez, comme vous le savez, d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi nous échangerons avec vous. Bienvenue.


M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de remercier la commission de m'avoir invité à déposer un mémoire dans le cadre des consultations particulières sur le rapport de Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales.

Ce mémoire vous est présenté à titre de député non affilié à une formation politique dont l'objectif vise à formuler des recommandations pour, entre autres, rendre à nouveau opérants les articles qui ont été déclarés inconstitutionnels par la Cour suprême suite à l'arrêt Libman.

Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman vient remettre en question des mécanismes de fonctionnement à la base de notre système électoral et référendaire depuis 1963 et renforcés par le contrôle des dépenses électorales en 1978. En effet, la Cour suprême déclarait, le 9 octobre 1997, inopérants certains articles de la Loi sur la consultation populaire, notamment ceux touchant le contrôle des dépenses en période référendaire, et ce, parce que lesdits articles briment, pour certains indépendants, les droits relatifs aux libertés d'expression et d'association. La Cour suprême rappelle que les libertés d'expression et d'association sont des droits fondamentaux. La vie démocratique est en péril si on ne les respecte pas. Elle a pris grand soin de reconnaître le bien-fondé du principe d'équité sur lequel repose notre système électoral et référendaire québécois.

Le principe d'équité a été largement commenté par le jugement de la Cour suprême. Pour ne vous citer uniquement que les citations soulignées, M. le Président, «le principe d'équité en matière électorale découle directement d'un principe consacré par la Constitution, soit le principe d'égalité politique des citoyens et citoyennes». Également, la Cour précisait: «...et que l'on donne une possibilité raisonnable aux partis, aux candidats et aux candidates d'exposer leur position afin que le débat électoral ne soit pas dominé par ceux qui ont accès à des moyens financiers plus importants.»

Ce principe est donc sous-jacent à ceux explicitement consacrés tant par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne que par la Charte canadienne des droits et libertés relatives aux droits démocratiques. Son respect est primordial, selon la Cour suprême, et s'applique tant en matière électorale que référendaire.

Alors, les conséquences de l'arrêt Libman, M. le Président. D'abord, plusieurs dispositions de la loi sur les consultations populaires ont été invalidées, les rendant ainsi tout simplement inutilisables. On parle des articles 402, 403, 406, alinéa 3, 413, 414, 416 et 417 de la loi sur les consultations populaires.

Par analogie, d'autres dispositions de la Loi électorale et de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités sont aussi invalides et inutilisables.

La Cour suprême, dans l'arrêt Libman, n'a formellement émis aucune opinion incidente sur la constitutionnalité des dispositions de la Loi électorale. Toutefois, elle a indiqué dans son jugement, au paragraphe 46 – et je ne fais que lire la partie soulignée à la fin, M. le Président, à la page suivante: «Les principes applicables au droit de voter aux élections devraient être appliqués de la même manière au droit de voter à un référendum.»

En somme, compte tenu des commentaires précédents du jugement de la Cour suprême et de l'opinion juridique jointe à l'annexe 4 du rapport de M. Côté, nous pouvons conclure que, en pratique, l'affaire Libman peut aussi rendre inopérants des articles similaires contenus dans d'autres lois, notamment la Loi électorale et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

À titre d'exemple, mentionnons les dispositions considérées comme inopérantes indiquées à l'annexe 2 du rapport de M. Côté, que l'on peut résumer comme suit. Alors, vous avez un parallèle, M. le Président, des articles qui, normalement, pourraient être jugés inopérants et qui sont des articles applicables à la Loi électorale et à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités que j'ai cités, bien sûr, à la page 5 de mon mémoire.

Par la suite, M. le Président, à la page suivante, de là une réforme de la Loi électorale s'impose. Basé sur le principe d'équité en matière électorale qui fait partie intégrante du jugement dans l'affaire Libman et qui découle directement d'un principe consacré par la Constitution, soit celui d'égalité politique des citoyens et citoyennes, plusieurs autres dispositions juridiques relativement au financement électoral et référendaire briment les libertés d'expression et d'association.

Il n'y a pas qu'au niveau des dépenses, M. le Président, mais je pense que la liberté d'expression également peut s'exprimer avec la question du financement électoral. À titre d'exemple, mentionnons les dispositions législatives suivantes. Et là j'ai cité des dispositions législatives de la Loi électorale actuelle qui, à mon point de vue à moi, briment les droits et libertés. On parle d'allocation annuelle selon le nombre de votes valides, articles 81, 82; de contributions politiques hors période électorale, parti politique seulement, aux articles 60, 92 et 91 de la Loi électorale; du personnel électoral rémunéré par le DGE, parti politique seulement.

D'ailleurs, j'aimerais juste souligner à la commission que, actuellement, il y a une démarche judiciaire à ce niveau-là de l'ADQ qui considère également que les mesures sont plus ou moins correctes et ne sont pas équitables pour tous les partis ainsi que les élus.

Et la dernière que j'ai citée dans mon mémoire, M. le Président, c'est simplement pour vous dire qu'effectivement les paramètres de fonctionnement divergent. L'avance sur le remboursement des dépenses électorales, là, on vient mélanger les élus, les partis, les formations politiques. On n'est pas cohérent, au niveau de la Loi électorale, sur la façon de fonctionner et d'attribuer les fonds publics aux partis et aux formations politiques.

Le libellé actuel de ces différentes dispositions de la Loi électorale ne respecte pas, à l'égard d'un député non affilié et d'un candidat non affilié potentiel, la Charte des droits et libertés ni les droits démocratiques qui impliquent, en soi, le droit à l'équité, à l'égalité des chances et au respect de la liberté d'expression des candidats ainsi que les droits des personnes qui votent d'être informées adéquatement en vue d'exercer librement leur choix.

Il est clair que le principe d'équité électorale et référendaire se situe au coeur de toute analyse des droits et libertés ayant pour objectif le maintien de l'égalité des citoyens tout au long du processus électoral et référendaire. Tout système qui tolérerait que des personnes aient, à cause de leurs moyens financiers ou pour toute autre raison, une influence indue sur le résultat des consultations démocratiques se trouverait forcément à ne pas respecter le principe fondamental de l'égalité devant la loi. En ce sens, la Cour suprême, dans l'affaire Libman, s'exprimait comme suit, et je cite: «Finalement et de façon connexe, le régime vise à préserver la confiance de l'électorat dans un processus démocratique qu'il saura ne pas être dominé par la puissance de l'argent.»

En conséquence, le libellé des dispositions législatives énumérées précédemment ne respecte pas les droits démocratiques, puisqu'elles brime les droits à l'égalité des chances quant au financement électoral et, implicitement, à la liberté d'expression d'un député non affilié et d'un candidat non affilié potentiel qui n'ont pas accès aux ressources financières électorales simplement parce qu'ils ne sont pas affiliés à une formation politique.

(10 h 40)

Également, le mécanisme de sélection du personnel électoral rémunéré en vertu des articles 137, 184, 185, 186 et 310 de la Loi électorale ne reconnaît pas le résultat démocratique d'une élection comme étant fondamentalement l'élection d'un individu et non celle d'une formation politique. La Cour suprême, dans l'arrêt Libman, considère une élection comme étant, et je cite: «...alors que, dans une élection la population vote pour élire ses représentants politiques pour un mandat déterminé.»

En somme, tous les changements expliqués précédemment impliquent en quelque sorte une réforme majeure de la Loi électorale. Le ministre d'État à la réforme électorale déclarait dans le Journal de Québec du 21 février 1998, et je cite: «Mais je dois vous dire qu'on n'a pas de loi présentement sur le financement des partis politiques et sur les consultations populaires. C'est détruit, ça, par le jugement Libman.»

Les recommandations, M. le Président. La première recommandation que j'aimerais porter à l'attention de la commission, c'est que la connotation du mot «indépendant» pour qualifier un candidat ou un député porte à confusion et n'informe pas adéquatement la population. En effet, la définition du mot «indépendant», selon le Nouveau Petit Robert , édition de mars 1994, a le sens de «libre, autonome, dissident, hétérodoxe, non-conformiste, libéral, individualiste, non-aligné». De plus, la population confond souvent le mot «indépendant» avec le mot «indépendantiste», qui a le sens de «autonomiste, sécessionniste, séparatiste». Le projet de loi 192 déposé à l'Assemblée nationale en 1994 par le député D'Arcy-McGee proposait de remplacer l'expression «candidat indépendant» par «électeur». Alors, il y a vraiment un malaise important à ce niveau-là. À mon avis, la connotation «indépendant» devrait être substituée par le qualificatif «non affilié» qui, lui, est plus approprié pour désigner un candidat ou un député qui ne désire pas être identifié à une formation politique.

Deuxième recommandation, M. le Président, la nouvelle catégorie de personnes appelées «les intervenants particuliers» et proposée par le rapport soumis à la consultation publique n'est pas nécessaire. En effet, je ne crois pas que nous ayons à classifier des individus selon leur conscience, comme le suggère la recommandation 26 qui stipule qu'un individu indépendant doit prôner l'abstention ou l'annulation du vote. À mon avis, la question fondamentale qui se pose n'est pas de savoir pourquoi une personne n'est pas affiliée à une formation politique, mais bien de savoir si elle est affiliée, oui ou non. En substituant la connotation «indépendant» pour le qualificatif «non affilié» pour désigner un candidat ou un député qui ne désire pas être identifié à une formation politique, les recommandations du rapport touchant les intervenants particuliers ne sont plus pertinentes, puisque, implicitement, ils seraient identifiés selon qu'ils sont affiliés ou non affiliés.

Troisième recommandation. La Loi électorale doit, bien sûr, être réformée pour établir un contrôle équitable des dépenses, mais aussi pour permettre l'égalité des chances quant au financement entre les candidats non affiliés potentiels, les députés non affiliés et les formations politiques. Cette réforme électorale pourrait aussi regrouper dans une seule et même loi les différentes lois relatives aux élections et aux référendums, puisque les mêmes principes sous-tendent le système électoral et le système de référendum.

Quatrième recommandation, M. le Président. Des mécanismes d'application quant à la nomination du personnel électoral rémunéré par le Directeur général des élections devraient être élaborés en fonction du résultat de l'exercice démocratique où l'électorat a fondamentalement exprimé son droit de vote à l'égard d'un individu et non d'une formation politique. La Cour suprême, dans l'affaire Libman, s'exprimait comme suit, et je cite à nouveau: «...alors que, dans une élection, la population vote pour élire ses représentants politiques pour un mandat déterminé.» De plus, des mécanismes de financement doivent, en toute équité, être aussi autorisés à un député non affilié ou à un candidat non affilié potentiel en modifiant les articles 60, 81, 82, 91 et 92 de la Loi électorale qui ne s'appliquent actuellement qu'aux formations politiques.

La cinquième recommandation, M. le Président, vise bien sûr la disposition dérogatoire. L'Assemblée nationale du Québec peut avoir recours à une disposition dérogatoire appelée couramment la «clause «nonobstant», qui a pour effet de soustraire certaines lois à l'application des articles 2 et 7 à 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. La même disposition dérogatoire existe en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Même si, a priori, le gouvernement peut légalement utiliser les dispositions dérogatoires pour se soustraire à l'effet du jugement de la Cour suprême concernant les dispositions de la Loi sur la consultation populaire déclarées inconstitutionnelles en vertu de l'article 2 de la Charte canadienne, il ne serait pas opportun ni nécessaire de procéder ainsi. Au contraire, une telle attitude antidémocratique serait inacceptable pour notre société et irait à l'encontre même du mouvement nationaliste qui souhaite obtenir démocratiquement la souveraineté du peuple québécois, ce qui implique, en soi, le respect de nos droits démocratiques.

Quant à l'application de la clause dérogatoire à la Loi électorale, le rapport de M. Côté nous indique, et je cite: «Par contre, en ce qui a trait aux articles de la Loi électorale et de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités rendus inopérants à la suite du jugement de la Cour suprême, le recours à la disposition dérogatoire n'est pas possible. En effet, les droits de se présenter et de voter aux élections – appelés «droits démocratiques» – se retrouvent à l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés et ne peuvent, par conséquent, faire l'objet d'une disposition dérogatoire, puisque celle-ci ne s'applique, rappelons-le, qu'aux articles 2 et 7 à 15 de la Charte».

En conséquence, compte tenu des commentaires précédents et de l'arrêt Libman rendant inopérants de nombreux articles de la Loi sur les consultations populaires et, implicitement, de la Loi électorale, il est impératif et primordial qu'une réforme de la Loi électorale soit adoptée par l'Assemblée nationale avant que soit décrétée une prochaine élection générale au Québec, puisqu'elle brime actuellement les droits relatifs aux libertés d'expression et d'association des députés non affiliés et des candidats non affiliés potentiels.

M. le Président, ça complète la présentation de mon mémoire, mais j'aimerais également, si vous me le permettez, transmettre à la commission une correspondance que j'ai eue et qui va comme suit. C'est concernant, bien sûr, la commission des institutions où j'ai demandé de siéger, et je demande au président de l'Assemblée nationale, avec l'accord des deux leaders de l'Assemblée nationale, de réitérer à nouveau ma demande d'être nommé, dans les plus brefs délais, membre de la commission des institutions qui sera saisie bientôt d'un projet de loi modifiant la Loi électorale qui brime à plusieurs égards les droits relatifs aux libertés d'expression et d'association des députés non affiliés à une formation politique. En toute équité, il doit y avoir au moins un membre de la commission des institutions pour exprimer son droit de vote au nom des députés non affiliés à une formation politique lors de l'étude du prochain projet de loi qui va réformer la Loi électorale, et j'aimerais, bien sûr, déposer cette lettre-là, M. le Président, qui date du 11 mars 1998, pour que la commission soit saisie de cette demande-là et aussi qu'elle puisse intervenir auprès du président de l'Assemblée nationale et pour s'assurer que je puisse participer à ce débat-là d'une façon pleine et entière.


Document déposé

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'accepte, M. le député, le dépôt de votre lettre. Je dois cependant vous informer que cette décision de nommer des membres...

M. Filion: Lui appartient.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...dépend de la commission de l'Assemblée nationale et non de la commission des institutions.

M. Filion: Mais, venant du président de la commission des institutions, ça va aider, peut-être, à ce qu'on puisse permettre cette possibilité-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, très bien. Merci, M. le député. J'inviterais maintenant le ministre à débuter la période d'échanges. M. le ministre.

M. Jolivet: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, quant à la lettre, je l'avais dit au député que, nous, les leaders, nous n'avons pas de décision à prendre sur cette question-là et que ça appartient au président de l'Assemblée nationale de faire la demande à la commission de l'Assemblée nationale. Cependant, il y a peut-être une chose à exprimer. Vous demandez, comme député, d'être là pour exprimer votre droit de vote au nom des députés non affiliés, je ne suis pas sûr que vous le faites au nom... À moins que vous ayez des écritures de la part de tous les autres qui seraient d'accord avec vous pour que ce soit vous qui soyez leur représentant. Il faut faire une distinction entre ce que vous demandez... Vous le demandez en votre nom personnel, je le pense bien, mais je ne pense pas que vous parliez au nom des autres députés indépendants, à moins que je ne me trompe.

M. Filion: Oui, M. le leader du gouvernement, je parle au nom de M. Le Hir également qui est le seul autre parlementaire qui n'est pas affilié à une formation politique et qui, effectivement, endosse les recommandations de mon mémoire.

M. Jolivet: Alors, il fera une demande par écrit pour appuyer.

M. Filion: C'est très bien.

(10 h 50)

M. Jolivet: La deuxième, qui concerne l'ensemble de la Loi électorale. En regard des discussions qui ont lieu au comité technique entre les formations politiques – les trois formations, actuellement – incluant le comité consultatif, auprès du Directeur général des élections, les demandes que vous faites ont fait l'objet de plusieurs discussions. Nous avons eu le résultat par une demande de l'Action démocratique du Québec d'aller devant la cour pour certifier certaines de leurs prétentions. On verra. Je n'embarquerai pas dans aucune de ces discussions-là compte tenu que, effectivement, les gens qui ont eu à travailler sur les recommandations à faire au Directeur général des élections pour les amendements à la Loi électorale ou à la Loi sur les référendums n'ont pas abouti à la décision que vous prônez, d'autant plus que ça ne date pas d'aujourd'hui, cette loi-là sur la reconnaissance des partis politiques en vertu des remboursements prévus soit pour l'Assemblée nationale, au niveau de la décision que le Bureau de l'Assemblée nationale a à prendre et qu'il a prise dans un cas en particulier et dans le cadre des autres décisions qui concernent le remboursement, le paiement des représentants ou des choses semblables. Je laisse donc le soin aux juges de nous dire si nous avons tort ou raison.

Je reviendrai plutôt à l'essentiel de la question qui nous préoccupe. Il y a quelque qui me chicote aux pages 8 et 9 de votre rapport où, là, il semble y avoir une façon d'interpréter «candidat indépendant» versus l'«affilié», le «non-affilié» qu'on appelle... Dans la mesure où vous semblez l'indiquer pour un député ou un candidat, alors que c'est beaucoup plus que ça à mon esprit. Si on regarde la loi référendaire ou l'autre loi, c'est dans le cadre de groupes qui peuvent être considérés comme indépendants. Donc, là, vous le confinez seulement à la personne qui est soit candidat ou soit devenue député après l'élection. Alors, j'aimerais bien comprendre parce que j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous prétendez que la nouvelle catégorie de personnes qui est citée par Me Côté et appelée les «intervenants particuliers»... Vous semblez dire que ce n'est pas nécessaire, j'aimerais en entendre davantage de votre part, pourquoi vous prétendez une telle chose.

M. Filion: Oui. M. le Président, c'est très simple, au fond, c'est qu'il faut éviter de faire des catégories de personnes selon leur état d'âme ou selon leurs croyances religieuses, et je pense qu'actuellement la loi a tendance à faire une catégorie de personnes selon l'état d'âme de la personne ou selon sa conscience. Le débat est très simple, vous avez des formations politiques et vous avez des individus qui ne partagent pas l'opinion d'une formation politique. Peu importent les raisons qu'ils ont, ils ne la partagent pas. À partir du moment où les gens ne sont pas affiliés à une formation politique, ils sont tout simplement des non-affiliés. Pourquoi commencer à justifier sur la place publique pourquoi vous n'êtes pas en accord avec un débat sur le référendum au niveau du Oui ou au niveau du Non? Vous n'êtes pas d'accord avec le comité du Oui, vous n'êtes pas d'accord avec le comité du Non. Les raisons que vous invoquez, c'est des raisons que vous voulez faire valoir à la population pour qu'elle puisse s'exprimer avec toute l'information possible à laquelle elle peut avoir accès et prendre une décision éclairée. Alors, à savoir, si une personne prône l'abstention, que c'est sa croyance religieuse qui l'empêche de faire ce débat-là, c'est secondaire dans le débat, M. le Président. Il ne faut pas non plus aller donner une connotation à des gens pour, dès le départ, rendre le débat ridicule en soi. La personne n'a pas à aller défendre sur la place publique pourquoi elle n'est pas affiliée, elle a choisi de ne pas être affiliée, point, pour des raisons qu'elle veut expliquer à la population.

M. Jolivet: Oui, mais il y a peut-être malcompréhension, maldonne comme on dit en bon latin, là. Les intervenants particuliers prévus par le rapport Côté, on va les identifier. Il y a d'abord un individu isolé – il peut avoir toutes les raisons voulues, mais il est isolé – il y a un individu indépendant puis il y a un groupe indépendant. Là, on a défini à la page 37 du rapport ce que c'est un individu isolé. C'est un individu, une personne physique qui favorise une option, mais qui ne peut s'affilier à un comité national ni s'associer à un comité national. Cette impossibilité découle notamment des raisons suivantes – et là on donne les raisons – il est désaccord avec la stratégie du comité, d'un ou des groupes...

M. Filion: Non, mais vous n'avez pas à donner ces détails-là.

M. Jolivet: Non, mais laissez-moi terminer. Il y a un individu indépendant. Lui, il peut être, dans son cas, une personne physique qui n'appuie aucune des options, et là parce qu'il s'abstient, parce qu'il annule son vote ou qu'il prône ça, qu'il est en désaccord avec la formulation de la question. Et, finalement, il y a un groupe indépendant. Donc, ce n'est pas seulement une personne qui est candidate ou une personne qui est député parce que, dans le cadre de la loi référendaire, quand le député est là, il doit être dans un groupe ou dans l'autre.

M. Filion: Mais, écoutez, c'est la liberté d'expression dont on parle.

M. Jolivet: Non, non, mais il y a des propositions à l'effet d'avoir un autre groupe, mais la question à laquelle je voulais venir, c'est qu'il y a une place, que des gens prétendraient devoir installer pour la loi référendaire, d'un troisième groupe dans lequel seraient tous ceux qui ne sont pas d'accord avec l'une ou l'autre des options, le Oui ou le Non, pour toutes sortes de raisons.

M. Filion: Oui, mais, moi, pour essayer d'éclaircir le débat à sa plus simple expression, il faut éviter de catégoriser les individus selon leur état d'âme, et la seule façon d'y arriver, c'est simple, c'est que vous ayez les individus affiliés et les individus non affiliés. Ce n'est pas compliqué, soit qu'il est affilié ou qu'il n'est pas affilié. S'il n'est pas affilié, à ce moment-là, il aura accès à un financement ou il aura accès à des dépenses électorales selon une réglementation qu'on va faire en conséquence.

M. Jolivet: Mais comment vous définissez, d'abord, un «affilié» ou un «non-affilié»?

M. Filion: Mais comme vous venez de le définir. À chaque fois que vous avez utilisé la définition du mot «individu», du mot «indépendant» ou du mot, je ne sais pas quoi...

M. Jolivet: Groupe.

M. Filion: ...vous avez toujours parlé d'affiliation à un groupe. À l'intérieur même de la définition que vous faites, à chacune des expressions que vous dites là, vous parlez de «non affilié» ou ne faisant pas partie d'un groupe ou d'un comité. C'est la définition même d'un «non-affilié». Pourquoi aller chercher des dérivés pour qualifier sa non-affiliation? Il est non affilié, point, et ce n'est pas plus compliqué que ça. Peu importe la raison, il est non affilié. Est-ce qu'il est au Oui? Est-ce qu'il est au Non? Non, parfait, il est non affilié. Maintenant, il y a un traitement pour lui, c'est un non-affilié, point.

M. Jolivet: Bon. Bien, je vous repose la question suivante maintenant. Là, il y a actuellement, en vertu de la loi, un parapluie du Oui, un parapluie du Non. Vous dites: Toute personne qui n'est ni Oui, ni Non puis qui est à côté, ça, ça deviendrait un troisième parapluie. C'est ce que je comprends.

M. Filion: Oui.

M. Jolivet: Puis comment on doit financer ça? Puis de quelle façon?

M. Filion: Un non-affilié?

M. Jolivet: Comment on doit... Qui va s'occuper...

M. Filion: Financer ça? Moi, je pense qu'on devrait financer ça de la façon suivante. On devrait prévoir un montant équivalent. Vous avez le Oui, le Non, et le troisième comité, qui est non affilié, regroupé ou pas regroupé, ça n'a pas d'importance, c'est des non-affiliés. Alors, à ce moment-là, il y a un budget pour ce comité-là des non-affiliés.

M. Jolivet: Mais, je vous pose une question bien simple, là, ils sont non affiliés ni au Oui ni au Non?

M. Filion: Oui.

M. Jolivet: Mais ils vont être quelque chose.

M. Filion: Ils vont prôner quelque chose.

M. Jolivet: Ils «vont-u» prôner le Oui ou prôner le Non?

M. Filion: Ils vont proposer autre chose que le Oui ou le Non. Mais ce qu'ils vont proposer... Non, non, mais écoutez...

M. Jolivet: Écoutez, là, on propose quoi? On propose une question: On est Oui ou on est Non.

M. Filion: Oui.

M. Jolivet: Puis, s'il parle quelque part parce qu'il n'est pas affilié à l'un ou à l'autre, il va parler soit Oui, soit Non ou ni Oui ni Non. Qu'est-ce qu'il va faire? Tu sais, selon l'expression: Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire...

M. Filion: Mais il y en a beaucoup comme ça dans la société, M. le leader. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il y en a qui veulent prendre des positions différentes pour des raisons différentes. Ou ils sont Oui pour des raisons différentes au comité du Oui ou ils sont Non pour des raisons différentes au comité du Non, puis ils veulent l'exprimer aux gens pour que les gens aient toute l'information pour qu'ils puissent prendre une décision. Alors, ça devient des gens qui ne veulent pas être affiliés à une formation qui est le comité du Oui ou le comité du Non, tout simplement.

M. Jolivet: Écoutez, quand il y a une question qui est proposée, on est Oui, ou on est Non, ou bien on s'abstient, on refuse d'aller voter ou des choses de même. Ça, c'est bien plus clair. Mais là ce que vous êtes en train de me dire – je vais aller aux absurdes, là – vous dites: Je fais un troisième comité. Puis tout le monde sont Oui, admettons, puis ils se font un troisième comité pour appuyer le premier Oui, mais pour toutes sortes d'autres raisons. Ça n'aurait pas de bon sens pour le Non, et vice versa.

M. Filion: Bien oui, mais ça a été le cas qu'on a vécu lors du dernier référendum.

M. Jolivet: Comment?

M. Filion: Pas le dernier, mais en 1992.

M. Jolivet: Comment on l'a vécu?

M. Filion: Bien, on l'a vécu que vous aviez des gens au Canada qui disaient non pour des raisons différentes puis des gens au Québec qui disaient non pour des raisons différentes, et tout le monde faisait un débat sur la place publique sous un même parapluie qui disait: Non, non, non, on ne dira pas non pour ça, on va dire non pour ça. Alors, c'est la liberté d'expression qui était brimée. C'est ça qui a été jugé par l'arrêt Libman. Alors, un comité du Oui, du Non puis l'autre comité des non-affiliés, ça règle toute la situation, à mon point de vue.

M. Jolivet: O.K. Mais on n'est pas d'accord. Quel intérêt y a-t-il à regrouper dans une seule et même loi les deux, loi référendaire et Loi électorale? Quelles sont les raisons?

M. Filion: Les raisons sont très simples, c'est de s'assurer que chacune des lois respecte les paramètres qui doivent les guider et faire en sorte que, si, par exemple, on adopte une politique de financement, ça soit une politique de financement équitable d'une loi à l'autre.

Je vais vous donner un exemple, M. le leader. Prenez, par exemple, la loi sur les élections municipales. Les gens sont obligés de faire de la partisanerie politique pour élire des gens. Pourquoi? Parce que, s'ils veulent avoir des contrats, il faut qu'ils souscrivent aux partis politiques. C'est la seule façon et la seule raison pour laquelle ils vont souscrire au financement d'un parti politique municipal, il n'y en a pas d'autres. N'en cherchez pas, il n'y en a pas d'autres. Il n'y a pas de neutralité à l'expression démocratique, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas de crédits d'impôt qui leur permettraient, effectivement, d'avoir un intérêt pour encourager uniquement la démocratie et l'expression de la démocratie.

(11 heures)

Alors, si vous avez des politiques de financement au niveau d'une loi qui est la loi sur les élections provinciales et que vous avez des politiques de financement qui sont différentes pour encourager le financement au niveau municipal, bien, moi, je pense que vous prenez des principes qui sont différents et qui sont incorrects. On devrait avoir des principes qui guident chacune des lois et s'assurer que ces principes-là sont bien appliqués dans une loi électorale, de telle sorte que ça va être une loi électorale qui va avoir ses principes d'application ensemble partout, et on aura des définitions, un paragraphe de définitions qui sera clair, au chapitre I de la loi, comme on le retrouve à la loi de l'impôt sur le revenu, où toutes les expressions seront définies, et là on pourra se retrouver tout le monde d'une façon plus simplement.

M. Jolivet: Mais là vous parlez de deux choses: vous parlez de la Loi électorale du Québec, des municipalités, et je dois comprendre aussi scolaires, et à côté de ça il y a le référendum. Là, ce que vous proposez, c'est de tout mettre ça dans une seule et même loi, c'est ça que vous me dites, là.

M. Filion: Oui, mais avec des chapitres qui vont gérer l'application de chacune des lois. Je veux dire, quand vous avez une loi, vous pouvez avoir plusieurs chapitres, bien, une loi... Sauf que vous avez des principes qui sous-tendent chacun des chapitres, et on s'assure qu'ils sont appliqués d'un chapitre à l'autre, avec les restrictions et les particularités de chacune des lois, bien entendu.

M. Jolivet: Bon, bien, écoutez, il y a peut-être une façon de le faire différemment, si vous voulez, c'est uniformiser l'ensemble des lois.

M. Filion: Oui, une réforme.

M. Jolivet: Ça peut être fait dans trois lois différentes, lesquelles trois lois indiquent de quelle façon procéder avec des choses identiques. Ça évite de passer d'une page à l'autre, c'est plus clair, c'est plus plausible, c'est plus direct, dans une loi où, là, on sait que la loi scolaire, la loi municipale puis la loi du Québec et les référendums, c'est de voir comment ça se produit.

M. Filion: Le danger à ça, M. le leader, c'est que, si vous faites l'étude des lois, loi par loi, vous allez oublier des principes qui sous-tendent chacune des lois et vous allez avoir des applications qui, à mon point de vue à moi, vont être différentes d'une loi à l'autre quand ça ne devrait pas être ainsi. Donc, le législateur devrait se pencher une fois pour toutes, faire sa réforme électorale et s'assurer que tous les principes qui sous-tendent chacune des lois sont bel et bien réformés dans chacune des lois, le faire ensemble.

M. Jolivet: Mais là vous parlez de la loi électorale, mais vous me dites aussi référendum parce que, dans votre texte, j'ai cru comprendre que c'est une seule loi à la fois pour la Loi électorale et la Loi des référendums.

M. Filion: C'est une seule loi électorale, référendums et électorale. C'est une même loi où on va définir les fonctionnements dans chacun des chapitres qui visent les particularités d'un référendum et un chapitre qui vise les particularités d'une loi électorale provinciale et les particularités qui visent une loi électorale municipale, sauf qu'au départ on parle toujours des mêmes électeurs, on parle toujours de la même organisation politique, on parle toujours des mêmes représentants. Et je pense qu'il y a une redondance qui se fait d'une loi à l'autre et qui...

M. Jolivet: Je pense, oui, là, vous allez un peu loin.

M. Filion: ...colporte de l'information différente.

M. Jolivet: Vous allez pas mal loin quand vous parlez de partis politiques, au niveau municipal. Ils sont différents dans bien des cas des partis politiques au niveau du Québec.

M. Filion: Oui.

M. Jolivet: Mais ce ne sont pas les mêmes. Vous dites: les mêmes partis politiques.

M. Filion: Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Jolivet: Oui, c'est ce que vous avez dit. C'est ce que j'ai compris.

M. Filion: Ah bien, ce n'est pas ce que j'ai dit, M. le Président.

M. Jolivet: O.K. Donc...

M. Filion: Moi, c'est simplement pour dire les mêmes définitions. Puis vous avez des lois qui ont les mêmes définitions: on parle d'un électeur, on parle des partis politiques, on parle des représentants officiels, on parle des agents. Ce sont des personnes qui ont un travail à faire au niveau électoral et qui ont un travail à faire qui normalement devrait se répéter dans chacune de ces lois-là. Alors, on fait de la redondance, et, quand on fait une réforme, c'est de consolider tout ça.

M. Jolivet: ...vous avez parlé de la clause «nonobstant», vous dites que c'est une clause qui est antidémocratique. Vous savez dans quelle circonstance la loi canadienne qui l'a inscrite dans la Constitution canadienne l'a faite. Vous savez les raisons pour lesquelles M. Trudeau et M. Chrétien en particulier l'ont inscrite dans la Constitution. Donc, si je vais à l'absurde, je devrais donc dire que vous êtes en train de dire que MM. Chrétien et Trudeau sont des antidémocrates. Mais, ceci étant dit, ceci étant, devrais-je dire, vous avez, au Québec, pour des raisons, si elle est dans la loi, elle doit être utilisée ou elle peut être utilisée. Elle a été utilisée, à ma connaissance, environ 26 fois. Ça veut dire que, toutes les fois que les gens l'ont utilisée, quel que soit le gouvernement, vous jugez que c'était antidémocratique.

D'un autre côté, je vous pose la question, vous étiez présent ici. Donderi, Libman et compagnie, les groupes qui contestent ont dit: Nous autres, peu importe les changements que vous allez apporter à la Loi électorale et à la Loi sur les référendums, nous autres, on va contester pareil, tant et aussi longtemps que ce ne sera pas à notre avis à nous autres. Donc, il s'agit de savoir qui utilise les moyens légaux, c'est leur droit, pour faire changer la loi en faveur de leur opinion plutôt que de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Dans ce contexte-là, qu'est-ce qu'on fait si demain matin, pour une raison ou pour une autre, ne l'utilisant pas, on sait au départ qu'on va être contesté pareil, peu importe la décision qu'on va prendre ici, en commission? Qu'est-ce qu'on fait devant ça? Est-ce qu'on serait astreint à ne jamais l'utiliser ou, si on l'utilise, comme disent les gens, on devra en porter le poids politique?

Ma position n'est pas de dire: On va l'utiliser ou pas, je vous pose la question: Comment vous voyez ça?

M. Filion: Moi, je ne pense pas qu'il va y avoir une contestation automatique des changements...

M. Jolivet: Ah bien, lisez le texte, c'est dit.

M. Filion: ...oui, mais, moi, j'ai assisté aussi à la commission parlementaire, j'ai questionné justement le juriste qui a plaidé la cause Libman et, lui, quand je lui disais: Seriez-vous d'accord avec le principe qu'on ait une enveloppe globale, répartie par comté où on aurait même une possibilité de rembourser la personne qui ne veut pas être affiliée à une formation politique pour débattre démocratiquement des idées, il a dit oui. Il a même dit qu'il était d'accord pour que le montant de remboursement soit inférieur à 3 000 $.

Alors, c'est à nous maintenant d'articuler une politique au Québec qui va donner pleine liberté d'expression à la population. Une politique qui pourrait, par exemple, ressembler à un montant d'argent national réparti par comté et distribué en fonction d'un remboursement ou des règles de remboursement à être établies, aux gens qui vont vouloir en bénéficier pour faire un débat démocratique lors d'une consultation populaire. Le but, ce n'est pas de donner des centaines de millions de dollars. Le but, c'est d'allouer un montant d'argent qui pourrait être équivalent à celui qu'on alloue au comité du Oui ou équivalent à celui qu'on alloue au comité du Non. Et les gens pourront, s'ils veulent avoir plus d'argent, faire comme les comités, aller souscrire et faire des souscriptions électorales pour avoir plus d'argent et débattre de leurs idées. C'est à eux de convaincre la population d'avoir plus d'argent, d'avoir aussi des crédits d'impôt accessibles. Je pense qu'à partir du moment où on met un mécanisme comme ça en opération, contrairement à ce que vous semblez affirmer trop facilement, moi, je ne pense pas qu'il y aurait contestation. On aurait donné vraiment la pleine latitude à la liberté d'expression aux gens.

Maintenant, il s'agit de déterminer le quantum. C'est quoi, le quantum qui est raisonnable? Bien, ça, je pense qu'on aura des commissions parlementaires qui étudieront article par article les projets de loi, et on pourrait voir c'est quoi un quantum raisonnable. Mais, moi, je ne vois pas du tout de problématique d'application là-dedans.

M. Jolivet: Mais je vous rappelle le mémoire de M. Donderi et de son représentant M. Taylor qui dit à la page 11: My client asserts that any attempt to restrict its participation in a referendum and/or an election would result immediately in a judicial challenge, and if relief cannot be obtained in time, in civil disobedience. Je pense que vous avez compris la même chose que moi. Que dit l'individu? Il dit: Peu importe ce qui va arriver, si ça ne fait pas notre affaire, on va aller devant le juge et, sinon, on désobéira. C'est ça que ça veut dire. Et vous me dites que dans ce contexte-là nous n'avons pas l'obligation, si jamais c'était nécessaire, d'utiliser la clause «nonobstant»?

M. Filion: M. le leader du gouvernement, je pense que vous lisez une partie du mémoire. Mais, moi, j'ai été en commission, j'ai questionné, et les gens ont accueilli vraiment la possibilité d'autoriser des dépenses avec une possibilité de remboursement et un quantum qui soit inférieur à 3 000 $ dans un paramètre de distribution par comté qui ressemblerait à ce qu'on alloue au comité du Oui et au comité du Non. Et je pense que c'est ça qu'il faut donner comme ouverture. C'est qu'actuellement il n'y a pas d'ouverture. L'ouverture est complètement fermée. Vous ne permettez pas à des gens de s'exprimer sur la place publique parce qu'ils n'ont pas l'autorisation de dépenser. Alors, donnez l'ouverture d'une façon raisonnable. Je ne vois pas pourquoi il y aurait une problématique d'application.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci. Je pense que c'est la première fois en 17 ans que j'ai l'occasion de questionner un collègue à la barre des témoins. Ha, ha, ha! En tout cas, peut-être que c'est déjà arrivé, mais, moi, ça ne m'a pas été donné.

Peut-être commencer en disant que je comprends la demande que vous faites pour être présent comme membre de la commission des institutions, que le sujet est un sujet qui a un intérêt particulier pour un député non affilié, comme vous l'êtes. Donc, vous voulez avoir la possibilité de défendre votre intérêt dans le dossier. Je peux vous dire tout de suite que du côté de l'opposition on ne voit pas de problème de principe. Et comme membre de la commission de l'Assemblée nationale, étant donné que je suis président d'une autre commission, si jamais le président de l'Assemblée nationale nous amène cette question-là, je plaiderais en faveur de cette possibilité dans la mesure où ça ne débalance pas le vote. Il s'agirait pour le gouvernement peut-être d'ajouter un autre membre si ça devient nécessaire pour garder l'équilibre, etc. Parce que, fondamentalement, il me semble que la liberté d'expression avec tous les pleins pouvoirs d'un membre serait intéressante effectivement. Et je peux vous comprendre très bien.

Il y a eu un long questionnement tout à l'heure avec un ton que je trouvais un peu, en tout cas, je ne sais pas si ce sont des vieilles chicanes de famille ou quoi que vous réglez, mais...

Une voix: ...

M. Sirros: Pardon?

M. Jolivet: Ne parlez pas de mon ton, je suis capable de parler comme je pense.

M. Sirros: Je m'excuse, M. le Président...

M. Jolivet: Non, c'est parce que là il est en train de discuter de mon ton.

M. Sirros: ..oui, je...

M. Jolivet: Parle plutôt du fond, parle du fond.

M. Sirros: ...M. le Président, pouvez-vous dire au ministre de se comporter un peu correctement.

M. Jolivet: Parle du fond pareil. Parle du fond.

M. Sirros: J'ai le droit de commenter ce que je viens de voir. Il n'est pas obligé d'aimer ce que je dis, M. le Président.

M. Jolivet: Bien, parle du fond.

M. Sirros: Il n'a pas non plus à me donner des directives, parce que, si c'est le cas, Mon Dieu! il y a des directives qui pourraient lui être données quant à la pertinence des arguments, M. le Président. Ça étant dit...

(11 h 10)

M. Jolivet: N'impute pas des motifs.

M. Sirros: Bien, franchement, là! Ça étant dit, écoutez... Ça, c'est quelqu'un qui veut piloter une réforme de la Loi électorale, sur laquelle on essaie d'avoir une attitude et un consensus.

M. Jolivet: Christos! Christos! Voyons! Voyons!

M. Sirros: Non, non. Je trouve que, de part et d'autre, peut-être que le ministre...

M. Jolivet: Ça va bien, là.

M. Sirros: ...et le ministre délégué se ressemblent dans ce cas-là.

M. Jolivet: Ça va bien. Ça va bien, là.

M. Sirros: Bien, franchement! Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je comprends très bien pourquoi vous avez quitté ce parti politique, M. le député. Si c'était la situation à laquelle vous aviez à faire face à tous les caucus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: ...je comprends votre frustration...

M. Jolivet: On va parler de Dumont.

M. Sirros: ...de... En tout cas...

M. Jolivet: Bon, bien, continuons sur le fond, là...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, je vous demanderais de laisser le député de Laurier-Dorion...

M. Jolivet: O.K. D'accord. Je vais me taire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...poser ses questions.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je vous prierais d'intervenir chaque fois que le ministre me coupe la parole, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Votre demande est entendue.

M. Sirros: Je disais que j'étais surpris un peu... En tout cas, il me semble avoir piqué quelqu'un à vif sur des choses.

Le commentaire que je voulais faire au niveau du mémoire, si on est pour retomber dans ça, je trouve ça intéressant, ce que vous proposez par rapport au qualificatif d'«indépendant». Et là si je comprends bien, c'est ma question, c'est par rapport à un candidat lors d'une élection: Est-ce que, sur le bulletin de vote, on l'identifie comme «indépendant» ou si on met tout simplement son nom?

M. Filion: Mais oui. Un candidat indépendant.

M. Sirros: Donc, je trouve ça tout à fait pertinent qu'à la place d'«indépendant non affilié»... C'est un terme plus neutre.

M. Filion: Oui.

M. Sirros: Ça n'a aucune possibilité d'interprétation. Et je suggérerais, M. le Président, que le ministre, qui questionnait le député, pourrait trouver que ce serait un amendement intéressant à apporter au niveau de notre loi. Il aurait notre concours à cet effet-là, sous réserve d'une analyse qui pourrait nous dire s'il y a un problème juridique avec ce mot-là. Mais il me semble que ça traduit bien la réalité de la personne qui se présente sans être affiliée à un parti, se présente en son nom à elle; donc, l'appeler «non affilié», il me semble que ce n'est que le reflet de la réalité.

Après ça, il y avait toute la question de la clause «nonobstant». Vous avez eu un petit échange sur ça. Qu'est-ce qu'il y a de mauvais? Vous avez répondu au ministre tantôt en disant: Non, non, non! Vous, vous n'avez pas compris que la personne allait contester nécessairement la loi, même modifiée. Mais, moi, je me poserais la question suivante: Qu'est-ce qu'il y a de mauvais si la personne veut contester, suite à des amendements que nous apporterons?

M. Filion: Non. Non, je pense qu'un personne peut toujours contester, sauf qu'on semblait, d'entrée de jeu, dire: Peu importe ce qu'on va faire, elle va contester. Moi, je ne pense pas qu'une personne, systématiquement, va contester pour contester. Ça prend des raisons valables. Je pense que, si la loi était modifiée, moi, je ne crois pas à l'hypothèse de départ que la personne va contester, peu importe les modifications. Je ne pense pas que les gens ont des sommes d'argent à dépenser devant les tribunaux. Je ne sais pas comment a pu coûter l'affaire Libman sur le plan juridique, mais ça a dû coûter beaucoup, beaucoup d'argent, et je ne pense pas que les gens, gratuitement, comme ça, vont contester pour contester.

Ce qu'on nous demande, c'est vraiment de changer et de modifier notre loi pour permettre à des gens de s'exprimer, c'est tout. Alors, prévoyons un mécanisme raisonnable qui va permettre à des gens de s'exprimer, et, moi, je ne suis pas du tout d'accord sur le principe de base, de dire qu'ils vont, de toute façon, contester. Je ne pense pas de cette façon-là.

M. Sirros: Mais, moi, j'irais plus loin. Même s'ils contestaient, même si, suite à nos amendements, quelqu'un à l'extérieur, un citoyen, trouvait que nos amendements ne correspondent pas à ce que, lui, il pense...

M. Filion: Oui.

M. Sirros: ...et à sa liberté d'expression, puis il décidait de contester, il décidait d'investir ces sommes d'argent personnel, d'aller devant les tribunaux, est-ce qu'un gouvernement dans une société devrait dire: Non, non, non, une fois que j'ai décidé quels sont les amendements que j'apporte, là, je mets la clause «nonobstant» pour empêcher toute autre contestation.

M. Filion: Non, non. Non.

M. Sirros: Il me semble que oui.

M. Filion: On ne peut pas faire ça. Non, ça, on ne peut pas faire ça. Mais je pense que la question, moi, comme je l'avais saisie, c'était de dire: Écoutez, peu importe ce qu'on va faire, de toute façon, on va être contesté. On est aussi bien, immédiatement, de mettre la clause «nonobstant», puis qu'on n'en parle plus. C'est là que je dis: Non, non, on ne peut faire ça, comme société démocratique. Il faut modifier, de façon raisonnable et permettre, bien sûr, à des gens, s'ils croient être à nouveau lésés, de pouvoir l'exprimer. C'est notre système judiciaire et, nous, on est...

M. Sirros: À moins qu'on décide, comme société ou comme gouvernement, que la clause «nonobstant», on va l'utiliser, parce qu'on tient absolument à ce qu'il y a là, puis on ne veut pas que la Charte des droits et libertés s'applique. Parce que c'est ça, le but de la clause «nonobstant».

M. Filion: ...oui.

M. Sirros: Il peut y avoir des situations... Il y en a eu quelques-unes où ça a déjà été utilisé, certains dossiers où l'application de la Charte des droits et libertés peut avoir des effets pervers, entre guillemets, sans nécessairement brimer des droits et libertés fondamentales. Mais il doit y avoir des domaines, et c'est le but de ma question, où on devrait être capable de dire qu'on n'utilisera jamais la clause «nonobstant». En tout cas, il me semble que, s'il y en a une, le domaine du processus électoral, c'est celle qui, il me semble, est très, très... À moins qu'on n'ait aucune confiance en notre système judiciaire.

M. Filion: Je pense qu'effectivement la clause «nonobstant», dans la question de la consultation populaire pour l'avenir d'un peuple, devrait permettre justement la liberté d'expression pleine et entière de tout le monde. Une clause «nonobstant», bien sûr, a l'effet contraire: c'est un geste antidémocratique. Et c'est pour ça, je pense, qu'on se doit comme parlementaires, ou que les parlementaires se doivent, effectivement, de revoir la loi et de la rendre dans l'esprit même de l'arrêt Libman, qui demande à ce que les gens puissent s'exprimer, parce qu'ils ont été brimés dans le passé, et qu'on puisse permettre à nouveau un débat, bien sûr, dans des paramètres, il faut faire les paramètres, bien sûr, du débat, mais qu'on puisse permettre à des gens de le faire.

M. Sirros: Vous faites aussi une argumentation par analogie entre la Loi sur les référendums puis la Loi électorale. Vous arrivez à un certain nombre de conclusions, comme vous dites, à votre avis, sont aussi des articles de loi qui briment la liberté d'expression.

M. Filion: Oui.

M. Sirros: Mais comme l'avis de l'un vaut souvent l'avis de l'autre et comme il y a actuellement un cas devant les tribunaux qui touche pas mal ces aspects-là, vous comprendrez qu'on n'entrera pas beaucoup dans ce détail-là.

M. Filion: Non, mais...

M. Sirros: Finalement, c'est le tribunal qui va trancher ultimement.

M. Filion: ...je vous suis sur ça, sauf qu'il ne faudrait pas non plus faire la sourde oreille dans le sens suivant puis se rabattre devant le processus judiciaire pour dire que tout est beau puis qu'ils décideront de ce qui va se passer. N'oubliez pas qu'en 1994 M. Libman avait déposé un projet de loi aussi où il dénonçait la situation de l'expression indépendante, etc. Il a fallu aller devant les tribunaux pour forcer le législateur à revoir sa loi ou à revoir ses mécanismes de fonctionnement.

Et là il est clair qu'actuellement il y a des gens qui sont brimés; ils ont été brimés au niveau de l'expression parce qu'ils ont été limités au niveau des dépenses. Mais vous avez le même résultat avec le financement. Si vous n'avez pas d'égalité des chances dans le financement, c'est comme si vous ne permettiez pas à des gens de dépenser. Parce que, si une personne ne peut pas se financer, elle ne peut pas dépenser. Et actuellement le système parlementaire et notre loi électorale ne permettent pas à des individus hors période électorale de se financer. Ils n'ont pas la même égalité des chances. Et si vous ne donnez pas l'égalité des chances au financement, c'est de faire la sourde oreille et de se mettre la tête dans le sable en disant: On va jouer à l'autruche. Ce n'est pas vrai, on ne réglera pas ça ici, on ne fera pas ce débat-là. Je peux comprendre que vous ne soyez pas intéressés à le faire, ça, je peux comprendre ça. Mais n'allez surtout pas dire que ça sera réglé devant les tribunaux puis qu'on verra.

Vous êtes en train de dire exactement à une personne: Écoutez, au fond, ce n'est pas ici que vous devriez venir vous adresser, allez donc vous adresser immédiatement au tribunal pour faire une requête, pour faire déclarer, effectivement, inopérantes des dispositions qui briment vos droits et libertés. C'est un peu ce que j'ai l'impression d'entendre.

M. Sirros: Non, je ne veux pas faire la sourde oreille. Je voulais dire... J'ai cru lire dans votre mémoire une requête pour que les candidats non affiliés soient traités comme les partis politiques, et je vous avoue tout de suite que je ne pense pas que c'est du même ordre. Il y a une différence entre les deux. Puis il y a une raison pour laquelle un parti politique doit avoir, en tout cas, un poids plus important dans le processus politique parce que ça représente... etc.

M. Filion: Ça, je le comprends, mais ce n'est pas une raison...

M. Sirros: Sur le point précis du financement possible, pour un candidat non affilié, entre les élections, ça, je pense que vous avez quelque chose d'intéressant qu'on devrait regarder sur le plan de l'équité et sur le plan de la justice, finalement. Parce que si je suis député dans mon comté en appartenant à un parti politique puis je peux faire du financement pour préparer ma prochaine campagne électorale et, vous, vous êtes candidat indépendant dans le comté voisin puis vous ne pouvez pas le faire, vous commencez en désavantage par rapport au candidat potentiel de mon parti politique dans votre comté.

(11 h 20)

M. Filion: Mais c'est plus que ça, écoutez, c'est une question pratique. Regardons les choses comme elles sont. Moi, je reçois actuellement une demande de contribution à une formation politique. Je sais pertinemment, comme député non affilié, qu'on me demande de contribuer financièrement à un adversaire potentiel lors de la prochaine élection; on me demande ça à moi, là. J'ai reçu une documentation écrite où on me demande de souscrire financièrement à une formation politique qui va présenter un candidat contre moi à la prochaine élection. Et, moi, je ne peux même pas souscrire à ma propre élection à la prochaine élection, je n'ai pas le droit. Est-ce que vous pensez sincèrement que je ne suis pas brimé dans mes droits et libertés d'expression?

M. Sirros: Oui, et je pense que vous avez un point valable et raisonnable qu'on se doit de regarder sous cet angle-là, tout en, comme je disais, s'assurant qu'il n'y ait pas, comment je peux dire, de collusion possible entre candidats indépendants dans différents comtés. Mais il ne faudrait pas non plus qu'on crée un système parallèle. Mais, personnellement, je suis disposé à ce qu'on regarde ça objectivement, parce que je pense qu'il y a quelque chose là pour le candidat non affilié. C'est rare, par contre, et c'est de là que vient le problème, que des candidats non affiliés se font élire. C'est une créature, souvent, de gens qui appartenaient à un parti politique.

M. Filion: C'est qu'on l'empêche d'avoir l'égalité des chances pour se faire élire. C'est ça, notre système.

M. Sirros: Correct.

M. Filion: On l'a toujours un peu étouffé à travers le temps.

M. Sirros: En tout cas, c'est une évolution des choses qui a conduit en... Je me rappelle, le dernier candidat indépendant dans le temps était le député de Verdun, je pense. En tout cas, ça date déjà des années soixante.

M. Filion: Mais dans Montmorency, le comté de Montmorency a déjà élu des indépendants, M. Chaloult, qui a d'ailleurs été un de ceux qui étaient derrière notre beau drapeau, qui a tout fait en sorte... Et dans les années quarante, M. Chaloult était indépendant dans le comté de Montmorency. Ça lui est...

M. Sirros: Mais je pense que même à Montréal il y en a eu jusque dans les années soixante...

M. Filion: Oui.

M. Sirros: ...et il y avait un candidat indépendant, si ma mémoire est bonne... En tout cas...

Une voix: C'est Sainte-Anne.

M. Sirros: ...à Sainte-Anne, c'est ça, dans le comté de Sainte-Anne.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Saint-Henri–Sainte-Anne, le député Hanley.

M. Sirros: Le député...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Hanley, Frank Hanley.

M. Sirros: ...Frank Hanley. C'est ça, Frank Hanley, effectivement. Je pense que c'était le dernier candidat indépendant qui ait siégé à l'Assemblée nationale.

M. Jolivet: Vraiment élu indépendant, lui.

M. Sirros: Oui, lui, il était vraiment indépendant.

M. Jolivet: Les autres se...

M. Sirros: Tu sais, il s'est fait élire sous la bannière d'indépendant, tandis que depuis ce temps-là on a des députés indépendants, ou non affiliés, qui s'étaient fait élire sous une bannière politique quelconque, comme votre cas, et se trouvent par la suite à l'Assemblée nationale et veulent continuer leur carrière politique de représenter les électeurs et réclament ce que vous réclamez. Sur quoi je vous dis: Je pense qu'il y a quelque chose là qu'on devrait regarder; je ne suis pas fermé à le regarder. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le...

M. Jolivet: Cette question-là, M. le Président, pour bien convaincre mon collègue le député de Laurier-Dorion...

M. Sirros: ...

M. Jolivet: J'ai toujours été calme, moi.

M. Sirros: Non. Ha, ha, ha!

M. Jolivet: La seule chose... Je n'ai jamais eu de problème avec le député de Montmorency, et il peut vous l'affirmer ici. Donc, vous faisiez des affirmations qui n'étaient pas vraies du tout. Mais, moi, j'ai une façon de défendre des points de vue; il a la sienne, et c'est correct.

Mais, moi, je reviens à une question, qui est la suivante: c'est qu'il ne faut pas en arriver à ce que les gens qui sont de partis politiques qui deviennent indépendants en cours de route aient plus de pouvoir qu'un parti politique non plus. Il faut trouver un juste milieu entre les deux, parce que la Loi pour le financement des partis politiques s'applique à des partis politiques. Est-ce qu'elle s'applique à des individus qui sont indépendants? C'est un bon trou noir, ça, et, dans ce contexte-là, ça veut dire qu'ils pourraient même aller à plus que la loi, qui dit 3 000 $ par individu, ils pourraient aller à 10 000 $, 12 000 $.

M. Filion: Non, non, non. Non, c'est...

M. Jolivet: Non, mais je pose la question.

M. Filion: ...non. C'est ça.

M. Jolivet: Je pose la question: Est-ce que quelqu'un pourrait aller devant les tribunaux faire en sorte qu'on donne par les tribunaux des pouvoirs de plus à un individu dit «indépendant» qu'à un parti politique? Donc, on a voulu faire une loi qui restreint le financement à des normes correctes, et, dans ce contexte-là, il est évident qu'il faut trouver un juste milieu. Et comment le faire en cours de mandat? Parce que quelqu'un, en cours de mandat, peut devenir indépendant, et là il y a un financement approprié qui pourrait être là, sauf qu'actuellement on lui dit que c'est en période électorale qu'il peut le faire. C'est ce que vous dites, et ça, ça a été discuté au niveau du comité consultatif, au comité technique. Là, il y a des divergences d'opinion jusqu'à maintenant, mais il s'agit de trouver des solutions, et c'est à regarder. Mais il ne faudrait pas qu'au bout de la course un groupe d'indépendants ait des pouvoirs plus forts qu'un parti politique non plus; ce ne serait pas plus juste non plus.

M. Filion: Non, non. Je partage cette opinion-là. Le but, c'est de simplement donner l'égalité des chances à un financement raisonnable, ce qu'il n'a pas actuellement. Et ce n'est pas normal qu'une personne se voie contrainte de souscrire financièrement à son adversaire et qu'elle ne puisse même pas souscrire à sa propre réélection.

M. Jolivet: Mais, juste pour vous dire que ce n'est pas nouveau, à tous les ans, je reçois dans ma boîte à malle chez moi, dans ma boîte aux lettres, l'invitation de Jean Chrétien pour financer son parti politique – et vous savez que je ne suis pas d'accord avec lui – mais je ne me sens pas brimé...

M. Filion: Mais il ne se présentera pas contre vous, Jean Chrétien.

M. Jolivet: ...parce qu'il me l'envoie. Puis j'ai l'impression que c'est des organisateurs qui font exprès pour me l'envoyer. Mais je pars à rire, puis je le mets à la poubelle, puis c'est fini.

M. Filion: Non, mais, lui, il ne se présentera pas à la prochaine élection contre le député de Joliette.

M. Jolivet: Hein?

M. Filion: Il ne se présentera pas à la prochaine élection contre le député de Joliette.

M. Jolivet: De Laviolette.

M. Filion: De Laviolette, oui.

M. Jolivet: Ne me mêlez pas avec Chevrette, c'est Joliette.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. J'aurais, M. le député de Montmorency, une question sur laquelle je voudrais revenir avec vous. C'est plus une question de clarification. Pour moi, il y a des éléments fondamentalement différents entre la loi électorale et la loi référendaire en termes de processus. Je comprends votre idée du candidat, du député non affilié dans un processus électoral, représentant d'une population à l'Assemblée nationale. Ça, pour moi, c'est assez clair. Et vous soulevez, d'après moi, aussi des questions d'équité, là-dedans, au niveau de la poursuite de votre mandat, donc des moyens d'agir, comme, moi, j'agis à l'intérieur d'une formation politique comme député de ma circonscription.

Maintenant, dans un processus référendaire proprement dit, et ça, je veux pouvoir bien vous interpréter, lorsque vous me parlez de la notion d'un député non affilié, non affilié par définition, il n'est en quelque sorte avec personne. Il peut y avoir des gens qui partagent cette même vision-là, mais il n'est dans aucun groupe proprement dit. Donc, il n'est pas, par définition, affilié. En ce sens-là, les recommandations que faisait le rapport Pierre-F. Côté, à l'effet d'avoir un montant... J'ai cru comprendre que vous préconisiez un montant différent pour l'élu non affilié par rapport aux autres citoyens.

M. Filion: C'est que, moi, M. le Président... Lors d'un référendum, il y a trois comités: il y a le comité du Oui, le comité du Non et le comité des non-affiliés. Ce n'est pas compliqué, c'est le comité des non-affiliés. Alors, les gens vont souscrire au comité des non-affiliés. Et ce comité-là, des non-affiliés, va avoir un fonctionnement national, comme les autres comités, et il va y avoir une redistribution au niveau local, dans les comtés, et les gens vont pouvoir y souscrire. Les gens vont souscrire au Oui ou au Non, ou ils ne seront pas affiliés au Oui et au Non. C'est tout. Et c'est un comité non affilié.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais, à ce moment-là, c'est quoi, selon vous, la limite maximale? Parce que, moi, comme député dans un processus référendaire...

M. Filion: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...j'ai le droit de dépenser aucun sou. J'ai le droit de contribuer comme tout citoyen et citoyenne...

M. Filion: Exact.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...mais, comme député, je n'ai aucun droit de dépense en regard d'un processus référendaire.

M. Filion: Mais, moi, je pense qu'il faut aller vers un montant qui pourrait être équivalent à celui du comité du Oui et du comité du Non et distribué à l'échelle nationale. Et quand le montant est atteint, bien, c'est terminé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, dans les recommandations qu'on a, on a le montant qu'un individu peut dépenser, qui est recommandé.

M. Filion: Mais, c'est que, un comté, par exemple... Prenons le comté de Montmorency. Il y a un comité du Oui, il y a un comité du Non puis il y a un comité de non-affiliés. Un comité de non-affiliés ne peut pas avoir des ressources financières supérieures aux autres comités, c'est certain. Alors, quand on établit, sur le plan national, le montant au comité du Oui et le montant au comité du Non, on devrait établir, sur le plan national, un montant aux non-affiliés, réparti par comtés – parce que normalement il y a 125 comtés – par circonscription. Alors, à ce moment-là, on aurait un montant de plafonnement équivalent aux autres. Bon, ceux qui vont vouloir s'en prévaloir, bien, ils adhéreront au comité des non affiliés.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Y inclus le député qui voudrait être...

M. Filion: Inclus le député qui voudrait ne pas être affilié au Oui ni au Non.

(11 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K. C'est plus clair. Merci. Alors, M. le député de Montmorency, merci beaucoup. Nous allons recevoir maintenant les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bienvenue à la commission des institutions. Alors, messieurs, vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et j'aimerais, pour les fins d'enregistrement de nos débats, que vous puissiez identifier, M. le président, les gens qui vous accompagnent.


Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)

M. Bouthillier (Guy): Oui, bien sûr. Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés à l'Assemblée nationale du Québec, merci de nous avoir invités à venir vous présenter notre point de vue sur cette question. Je voudrais d'abord vous présenter ceux qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Denis Monière, mon collègue politicologue et ami qui viendra nous aider de ses lumières en qualité d'expert de ces questions; et, à ma droite, M. Jean-Philippe Rheault, qui est responsable, chez nous, à la Société Saint-Jean-Baptiste, de nos relations publiques.

Voici, vous avez reçu, je crois, notre mémoire que j'éviterai de vous lire, simplement appeler votre attention sur un certain nombre de points. Pour nous, vous le savez, cette loi des consultations populaires est une grande loi, une très grande loi québécoise qui reflète, qui porte et qui témoigne de nos grandes valeurs publiques, les grandes valeurs que sont l'équité, l'égalité et aussi, je dirais, surtout l'expression de notre volonté d'être, comme on disait à l'époque de la Révolution tranquille et même avant, maîtres chez nous, c'est-à-dire maîtres de la façon dont nous allons organiser notre vie, notre vie collective.

Et, si je parle de la Révolution tranquille, c'est parce qu'il me semble qu'il y a un lien entre ce qui s'est amorcé au début des années soixante et cette loi adoptée en 1978, je crois, et ce lien est le suivant. Pendant très longtemps, tout au long de notre difficile histoire de colonie, puis de province, puis de membre d'un dominion britannique, nous avons senti tout le poids que l'argent – l'argent des autres – pouvait faire peser sur notre vie politique, sur notre vie électorale, sur la cité québécoise, et l'une des lignes de force de la Révolution tranquille a précisément été de commencer à moraliser – on disait à l'époque – en tout cas à rendre plus justes, plus équitables les règles du jeu de la vie politique, de la vie électorale en limitant les dégâts que l'argent pouvait faire dans la vie publique. Et cette loi dont nous parlons aujourd'hui est probablement l'aboutissement le plus élevé, le plus noble de cet état d'esprit qui est apparu au moment de la Révolution tranquille.

Cette loi a servi en 1980, elle a servi aussi en 1992, il ne faut pas l'oublier, et elle a servi récemment encore en 1995 et, chaque fois, dans des référendums d'autodétermination sur l'avenir, sur le destin du Québec. Elle a servi trois fois et, chaque fois, elle a été accueillie dans l'acceptation générale. Les personnes d'un camp comme de l'autre, les amis du Québec, les partisans du Québec, les adversaires du Québec, les ennemis du Québec se sont servis de cette loi et ne s'en sont point mal portés. Elle a été, cette loi, consacrée par le consensus national québécois.

Or, il se trouve que, depuis quelque temps, une personne qui a siégé ici parmi vous conteste certains aspects cette loi, et c'est pour ça que nous sommes devant vous aujourd'hui. Ça a été un instant – c'est une façon comme une autre d'appeler un chat un chat – pour signaler que la personne qui est à l'origine de la contestation est une personne qui n'accepte pas la démocratie québécoise. Cette personne – M. Libman, pour ne pas le nommer – accepte si mal la démocratie québécoise que, le jour où cette démocratie atteindra son objectif ultime, qui est de se constituer en souveraineté nationale parmi les souverainetés nationales des autres pays, il décrochera si fortement et si violemment qu'il voudra même partir avec une partie du territoire. Ce monsieur est un adversaire, est un ennemi de la démocratie québécoise, et voilà que nous sommes ici à discuter des effets, des agissements de ce monsieur contre une loi qui est une loi centrale, capitale qu'il faut traiter comme si c'était la prunelle de nos yeux.

Nous, cette loi, nous la trouvons bonne. Nous l'avons trouvée bonne en 1980, en 1992, en 1995 et nous continuons à la trouver bonne pour les raisons que nous indiquons dans notre mémoire et que j'ai évoquées: l'équilibre devant les forces de l'argent qui nous ont fait tant de mal dans le passé. Et c'est pourquoi nous invitons – nous l'avons fait dès octobre dernier – le législateur, nous invitons les autorités politiques québécoises à ne pas hésiter à témoigner justement de cet esprit que nous sommes maîtres chez nous, et, s'il y a un domaine où il faut exprimer cet état d'esprit, c'est précisément dans cette loi qui est si intimement liée à notre prétention que nous formons un peuple et que nous avons le droit de nous autodéterminer. Il y a un lien direct entre cette loi et ce principe de l'autodétermination.

Et, dans ce domaine où nous sommes maîtres chez nous, nous voyons apparaître effectivement, s'introduire subrepticement, habilement, comme il le fait habituellement, un corps extérieur – j'allais presque dire étranger – qui s'appelle la Cour suprême, qui vient commencer à s'installer dans le nid de l'autodétermination du Québec. Et, à partir du moment surtout où l'autorité politique québécoise, le gouvernement actuel, les dirigeants politiques actuels du Québec ont fait savoir qu'ils n'accepteraient pas, qu'ils ne toléreraient pas que la Cour suprême vienne s'immiscer, à l'occasion du renvoi que vous connaissez, dans nos affaires, je crois que, pour que les choses soient claires, soient dites clairement, soient connues et que chacun soit prévenu de part et d'autre, l'occasion s'offre maintenant au gouvernement, en se servant et en invoquant la clause «nonobstant», de faire savoir urbi et orbi qu'il n'acceptera pas que la Cour suprême vienne se mêler de nos affaires. Et, de ce fait, il préparera d'ores et déjà nos esprits, les mentalités de chacun et chacune des Québécois à ce qu'un jour, bientôt, prochainement, l'État du Québec, les autorités politiques du Québec fassent savoir à la Cour suprême que ces choses-là ne la regardent pas, ne la regardent plus.

Nous sommes partisans – vous le savez, nous l'avons dit, nous l'avons écrit – de l'utilisation de la clause «nonobstant» dans cette affaire. D'abord, qu'est-ce que c'est que la clause «nonobstant», sinon le moyen imaginé en 1982 de maintenir à flot, si je peux dire, un principe qui nous a gouvernés pendant des générations et qui gouverne d'autres pays depuis des siècles, le principe de la souveraineté du Parlement? Le «Sovereignty of Parliament», le principe de la souveraineté du Parlement nous guide, et c'est la clause «nonobstant» que ceux qui ont fait ce texte ont imaginé, en 1982, d'introduire dans le texte de 1982 pour défendre le principe, la permanence, la pérennité du principe de souveraineté du Parlement, du moins dans certains domaines.

(11 h 40)

Dans notre mémoire, il y a un certain nombre d'aspects qui ne sont pas toujours évoqués autour de cette question-ci, c'est pourquoi nous voulions profiter de l'occasion de le faire devant vous, et j'appelle votre attention sur un certain nombre de points. Premièrement, le principe de l'équité veut effectivement que l'équité, l'équilibre, l'équilibre des forces se manifestent surtout sur le plan des médias, et il nous semble important que non seulement cette équité et cet équilibre soient réels, mais que chacun et chacune des citoyens du Québec soient convaincus qu'il en est ainsi. Et, pour aider les Québécois à se convaincre que les médias jouent le jeu de l'équité et de l'équilibre des forces et le jouent réellement, on propose – c'est une idée que nous avançons – que le législateur mette sur pied une sorte de, appelons-le, observatoire des médias sur le modèle pratiqué dans certains autres pays, notamment en France, qui viendrait observer le comportement des médias. Le droit à l'information, dans nos sociétés, comprend aussi le droit pour le citoyen de savoir comment les instruments de l'information – les médias, en l'espèce – se comportent. Le droit à l'information comporte le droit de s'informer sur les médias, et ça, ça nous paraît un excellent moyen de le faire, cet observatoire des médias.

Autre chose aussi, le principe de l'égalité des citoyens appelle un certain nombre de considérations. Pour que chacun et chacune d'entre nous puisse participer au débat public, au forum public, au débat de la cité – c'est un principe, d'ailleurs, que l'on retrouve dans tous les pays démocratiques – il faut que les citoyens soient le plus renseignés, le plus connaissants, idéalement le plus éduqués, le plus instruits possible. Il y a un certain nombre de démarches que l'on peut faire. Quand un État comme celui-ci lutte contre l'analphabétisme, quand un État comme celui-ci lutte pour augmenter la pratique de la lecture, quand un État comme celui-ci prend des efforts pour combattre le décrochage, il prend des mesures éminemment respectables, indispensables, importantes sur le plan démocratique. Un décrocheur est souvent un mauvais citoyen, car il n'a pas appris à s'intéresser à la chose publique.

Pour cette même raison, le principe démocratique, le principe du droit de chaque citoyen à participer pleinement et en toute connaissance de cause à la vie politique suppose que le citoyen connaisse la langue dans laquelle ce débat se mène, se conduit. Les citoyens ont le droit de participer pleinement et, pour ce faire, ils ont le droit et ils doivent, normalement, connaître la langue officielle ou, dans le cas où il y a deux langues officielles, l'une ou l'autre de ces deux langues officielles. Le problème se pose, particulièrement dans un pays comme celui-ci, lorsque vient le moment de transformer un étranger en citoyen et en électeur par le jeu de la naturalisation. Vous savez que le principe veut que les pays accordent la naturalisation à ceux qui, entre autres conditions, ont maîtrisé ou connaissent suffisamment la langue officielle ou l'une des langues officielles. Le Québec ne dispose pas encore – je dis bien encore – du droit de procéder à la naturalisation des étrangers. Cela viendra, mais cela n'est pas encore le fait. Entre-temps et d'ici là, est-ce qu'on ne pourrait pas demander à l'autorité politique québécoise d'insister auprès de ceux qui s'occupent de la naturalisation, c'est-à-dire les autorités fédérales, pour que celles-ci veuillent à n'accorder le certificat de citoyenneté, la naturalisation qu'à ceux et celles qui auront apporté la preuve qu'ils maîtrisent l'une ou l'autre des deux langues officielles? Nous savons d'expérience que, trop souvent, des citoyens ne connaissent ni l'une ni l'autre des langues. Je crois que c'est une situation contraire au principe démocratique, et le temps est venu, me semble-t-il, d'essayer de corriger cette situation.

Les citoyens et les citoyennes ont le droit de s'exprimer librement, dans la liberté – j'allais dire dans le secret – de leur conscience et à l'abri de toute pression indue. Je sais d'expérience, pour connaître certains milieux montréalais – peut-être est-ce vrai aussi ailleurs – que, dans certains milieux montréalais qui sont les milieux minoritaires et, comme on les appelle souvent, des «milieux ethniques», que trop souvent s'exerce dans ces milieux sur les électeurs, en matière référendaire, en matière de tout ce qui concerne l'avenir du Québec, une pression extrême, une pression extrêmement violente qui consiste à taxer ceux qui ont dit vouloir voter, qui annoncent leur intention de voter pour le Québec dans le conflit entre le Québec et le Canada comme étant des traîtres au Canada. Cela se pratique. Il faut savoir que cela se pratique. Je l'ai vu, je l'ai entendu de mes oreilles. Moi, j'ai entendu des personnes dénoncer les autres, taxer les autres d'être des traîtres au Canada parce qu'elles se proposaient de voter oui plutôt que non. Cela se pratique dans plusieurs milieux de Montréal.

Dans notre mémoire, nous avons donné deux témoignages – on aurait pu en donner d'autres: un témoignage qui appartient au milieu anglophone de Montréal et un autre, celui de Mme Ghila Sroka, qui appartient au milieu juif de Montréal. Et on se rappellera toujours, on ne devrait jamais oublier l'apostrophe qu'a faite le ministre Douglas Young à l'adresse d'Osvaldo Nunez quand il savait qu'Osvaldo Nunez était un partisan du Québec: Si vous n'êtes pas content, pourquoi ne quittez-vous pas le pays?

Ces pressions existent. Ces pressions existent, et il faut les dénoncer. C'est d'ailleurs à peu près la seule chose... Si nous venons vous en parler ici, ce n'est pas pour vous demander – ça n'aurait aucun sens – de modifier la loi dans ce sens-là. Comment est-ce qu'une loi pourrait empêcher ça? Mais, je crois qu'on peut le faire, on peut commencer à combattre cette pratique, qui est une pratique terrible et terriblement violente – je le sais, je l'ai vu des mes yeux – pour ceux qui en souffrent en faisant savoir à tous que, vous, vous êtes au courant, que vous, messieurs dames de l'Assemblée nationale, vous savez que ça existe, que vous la dénoncez, cette pratique-là, et que vous invitez tout le monde au Québec, tous les citoyens, tous les groupes, tous les groupements à ne jamais, à ne jamais recourir à une pression aussi brutale sur la conscience individuelle.

Dans nos principes, évidemment, tous les citoyens québécois doivent participer à l'exercice référendaire, à l'exercice électoral aussi, mais notamment référendaire. Tous les citoyens, mais seulement les citoyens. Tous les citoyens du Québec. Mais qu'est-ce que c'est qu'un citoyen québécois? Qu'est-ce qu'un citoyen québécois? Dans l'état actuel des choses, ne disposant pas encore – je dis bien toujours encore – du moyen de définir la citoyenneté québécoise, il faut se rapporter à d'autres critères ou à d'autres méthodes. La méthode n'est évidemment pas celle de l'origine ethnique. Est Québécois celui qui est de telle ou telle origine. A le droit de voter celui qui est de telle ou telle origine. Celui qui est de telle ou telle autre origine n'a pas le droit de voter. Il s'agit d'imaginer le système, c'est un système qui serait aberrant, qui serait indigne de nous. Malheureusement, il se pratique. Il s'est pratiqué, en tout cas, naguère encore dans un pays voisin du nôtre qui s'appelle le Canada qui, pendant longtemps, à l'adresse d'un grand nombre de groupes, a eu une politique discriminatoire fondée sur l'origine ethnique quant à l'utilisation et le droit de voter.

La réponse à la question: Qui est citoyen? On la trouve dans la durée du séjour. L'immigrant venu ici d'ailleurs s'installe, vit un certain nombre d'années et, après un certain nombre d'années, ayant rempli les conditions que vous savez, devient citoyen et est reconnu citoyen canadien. Comment a été établi le temps, la durée des autorités canadiennes? Pendant longtemps, ça a été cinq ans. Ensuite, à un moment donné, les Canadiens ont vu arriver sur leurs rives des immigrants d'origines nouvelles et ils ont élevé la barre à sept ans. Et puis, ensuite, ils l'ont ramenée à cinq ans. Cinq ans, c'est la règle la plus générale. Regardez les pays autour de nous qui sont nos pays, faut-il dire, frères, en tout cas voisins, regardez la France, regardez l'Angleterre, regardez les États-Unis, la règle, c'est cinq ans, et c'est la règle que l'on pratiquait ici depuis des années.

Et voilà tout d'un coup que, au milieu des années soixante-dix, Pierre Elliott Trudeau, voyant monter le mouvement souverainiste, voyant le mouvement souverainiste prendre de la force, a réduit la période de cinq à trois ans pour transformer le plus grand nombre d'immigrants le plus rapidement possible en électeurs au Québec. Son idée était une idée malveillante. Il voulait ainsi nuire à la cause souverainiste, et, malgré cela, le mouvement souverainiste, les souverainistes, les indépendantistes québécois ont accepté, acceptent et approuvent cette règle des trois ans. Nous approuvons cette règle des trois ans, et je crois qu'il faut le dire, et, surtout, il faut le dire aux principaux intéressés, aux nouveaux naturalisés, si je puis dire, enfin aux citoyens nouvellement naturalisés.

Souvent, ces milieux-là – vous le savez, vous les connaissez, vous les pratiquez comme moi – se plaignent d'être exclus du jeu politique québécois, se plaignent d'être exclus de la société. Moi, je réponds: Vous ne l'êtes pas, et la preuve que vous ne l'êtes pas, c'est que nous vous avons inclus dans l'exercice du droit de vote sur une question aussi fondamentale, alors que, à peu près partout ailleurs, vous ne seriez pas admissibles à ce droit de vote parce que vous ne répondez pas aux critères des cinq ans. Dans certains pays, on a exigé jusqu'à une durée de résidence de 20 ans.

Alors, voilà les points sur lesquels je voulais appeler votre attention. Merci de nous avoir entendus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le président. J'inviterais maintenant M. le ministre à amorcer nos échanges.

(11 h 50)

M. Jolivet: Merci d'être venus. D'abord, je crois comprendre que vous êtes favorables à l'identification de l'électeur de façon à ce qu'on sache très bien que la personne qui vient voter est bien la bonne personne, et, en conséquence, vous ne portez pas ombrage aux trois possibilités qui sont données. Vous parlez d'une carte d'électeur, mais, vous savez les circonstances dans lesquelles on est placé, une forme d'identification précise doit être suffisante dans les circonstances.

Mais vous avez affirmé que l'argent, par ailleurs, était un motif pour faire changer l'idée des personnes. Nous avons eu, ici, à la commission, dans la rencontre de M. Donderi et M. Tyler, une version inverse dans laquelle ils disaient que, d'évidence, la quantité d'argent d'un troisième parti n'affecte pas les intentions de vote des voteurs, d'autant plus qu'ils faisaient mention d'une étude à l'université de Chicago qui a été référée à la Cour d'appel d'Alberta dans la cause Somerville à l'effet qu'il n'y avait pas, pour eux, de relation entre l'intention de vote d'une personne et les argents mis. Et là ils faisaient référence aux États-Unis, à tout ça, et ils terminaient en faisant référence à l'analyse quantitative du Dr Richard Johnston qui dit que le coefficient est équivalent à zéro. Donc, ce qu'ils prétendent, eux, c'est que l'argent n'a rien à voir avec l'intention de vote de l'individu. Vous différez de cette position-là, alors j'aimerais que vous donniez des exemples.

M. Bouthillier (Guy): Oui. Avant de passer la parole à mon collègue Denis Monière, je voulais simplement signaler que je plains toutes ces pauvres personnes qui donnent tant d'argent à tant de forces politiques, à tant de partis politiques partout dans le monde et qui viennent d'apprendre qu'ils le font inutilement. Denis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Monière (Denis): Oui, si on suit ce raisonnement, on comprendrait mal pourquoi les partis investissent 50 % de leurs budgets électoraux en publicité électorale. On comprendrait mal que des hommes intelligents, avisés, rationnels comme les hommes d'affaires investissent des sommes considérables en marketing commercial. C'est vrai que, en sciences politiques, il y a un débat sur cette question, et, souvent, quand on l'aborde, on cite bien des extraits qui font notre affaire. Et, quand on essaie de mesurer l'impact des dépenses sur le vote, je pense que c'est très difficile de l'évaluer.

Vous citez l'étude de M. Johnston, Letting the People Decide . Or, il faut rappeler que, dans ce livre, il y a d'autres considérations. M. Johnston démontre en particulier que, durant la campagne de 1988, la publicité dépensée par les tiers à la suite du débat des chefs qui avait mis à mal M. Mulroney et dévalorisé le projet de libre-échange, cette publicité a réussi à changer le momentum de la campagne et la perception des Canadiens à l'endroit du libre-échange. Il est évident qu'on ne peut pas démontrer que ça a eu un impact sur le vote, mais ça a eu un impact sur la définition des enjeux dans cette campagne, la façon dont les gens perçoivent les problèmes dans un débat politique.

Par ailleurs, on peut aussi apporter d'autres recherches qui ont été faites aux États-Unis et qui concernent plus directement les référendums, et je me réfère à l'étude de Betty Zisk, Money, Media and the Grass Roots , qui, elle, démontre que, pour les référendums qui sont tenus aux États-Unis – son étude porte sur les référendums de 1972 à 1982 – dans 78 % des cas, le groupe qui a le plus dépensé a gagné le référendum. Bien sûr, il reste 22 % des cas où le groupe qui a moins dépensé a gagné, mais il y a quand même une tendance. On peut observer qu'il y a des effets. Il est difficile de les mesurer, mais il y a des effets. Et, s'il n'y avait pas d'effets, je pense qu'il y aurait beaucoup d'entreprises de communications qui fermeraient leurs portes.

M. Jolivet: S'il n'y avait pas d'effets, non plus, on n'aurait pas eu le député de Montmorency venir nous dire qu'il avait besoin d'argent pour fonctionner, et je ne suis pas sûr que, à ce moment-là, il y aurait des gens aux États-Unis qui seraient capables de se présenter à une élection présidentielle.

L'autre question concerne la clause «nonobstant». Vous nous proposez d'utiliser la clause «nonobstant» eu égard au fait que vous sous-entendez qu'il n'y a pas d'autres moyens, sauf qu'on essaie de trouver, entre l'utilisation de la clause «nonobstant» et la réponse à la décision de la Cour suprême, une possibilité qui pourrait faire une forme de consensus si c'était possible. Alors, comment vous voyez cette démarche-là?

M. Bouthillier (Guy): Deux remarques, si vous voulez. Moi, je crois que l'occasion est venue, pour l'autorité québécoise, dès maintenant – je disais déjà dès maintenant en octobre, il y a déjà plusieurs mois de retard, je crois – de faire savoir à tout le monde que nous allons, demain, dans trois mois, dans six mois, dans un an, dire à la Cour suprême que le jugement qu'elle va porter à ce moment-là et qui va rogner notre droit à l'autodétermination, ce jugement, nous ne l'accepterons pas. Or, ce n'est pas dans notre tradition. Vous savez que nous sommes extrêmement respectueux des décisions de la Cour suprême, etc. Je crois que, dans cette affaire-là, il va falloir se dresser contre la décision de la Cour suprême et je crois que le temps est venu de commencer à nous habituer à le faire, d'autant plus que s'offre à nous, en ce moment et peut-être pas dans un jugement sur le renvoi dans six mois, un moyen tout à fait légal de le faire. La clause «nonobstant», ce n'est pas sorti du cerveau d'un esprit maléfique, c'est inscrit dans la Constitution canadienne. Je sais bien que nous ne l'acceptons pas, cette Constitution, que vous ne l'avez pas encore acceptée, que nous ne l'accepterons jamais. Je le sais bien, ça, mais pourquoi, diable, faudrait-il qu'on nous impose des articles d'une Constitution qu'on n'accepte pas quand ça fait l'affaire des autres et que, lorsque, nous, on voudrait se servir quand même d'un certain article quand ça fait notre affaire, on nous dit que c'est terrible, on nous dit que c'est honteux?

Après tout, la clause «nonobstant» ne fait que refléter la tradition parlementaire britannique de la souveraineté du Parlement, la souveraineté du Parlement élu devant les tribunaux qui, eux, ne le sont pas, je le sais très bien. Et je sais très bien aussi qu'on nous répond, dans certains cercles que vous fréquentez peut-être, qu'on nous dit: Attention, attention, qu'est-ce qu'on va dire de nous à l'étranger? L'opinion publique internationale. Moi, je constate, en tout cas, que cette opinion publique internationale ne s'est pas inquiétée de ce qui se passait au Québec au mois de mai 1980, et, pourtant, il y a eu une large couverture du référendum de 1980 par des journalistes de tous les pays du monde, qu'il n'y a eu aucune manifestation d'inquiétude, de sollicitude de la part de l'opinion publique dite internationale en 1992 et en 1995 non plus. L'opinion publique internationale ne s'est pas exprimée, pourquoi est-ce que, diantre, elle s'exprimerait simplement parce que M. Robert Libman n'est pas content? Du reste, qu'est-ce que c'est que cette opinion publique internationale? Existe-t-elle même vraiment? S'agit-il d'une opinion publique internationale ou ne s'agirait-il pas plutôt de l'expression, à l'extérieur de nos frontières, d'une opinion inventée ici, fabriquée ici, montée ici par les Canadiens anglais de Montréal, de Toronto ou d'ailleurs?

Cette opinion publique internationale – supposément internationale – elle n'est que le prolongement... Il suffit de voir, d'ailleurs, le comportement de Mordecai Richler et des autres qui vont à l'extérieur sortir des textes contre nous. Ce n'est pas une opinion publique internationale, c'est le prolongement de l'opinion publique du Canada anglais, des partitionnistes canadiens anglais de Montréal, et je crois que, ça, il faut le dire. Et, moi, si l'opinion publique internationale venait m'interroger là-dessus, je dirais: Oui, mais vous, messieurs, aux États-Unis, avec vos lois en matière électorale, est-ce que vous êtes sûrs que vous êtes capables de donner des leçons aux autres? Et vous, MM. les Canadiens d'Ottawa et d'ailleurs, avec vos lois en matière électorale, est-ce que vous êtes vraiment en position de jeter la pierre? Et vous, les Britanniques? Et vous, les Français? Et vous, les autres? Moi, ce que je dirais à cette opinion publique internationale, c'est... J'appellerais son attention, je dirais: Vous, regardez avec quelle difficulté, regardez comment vous vous y prenez, vous, pour laisser introduire dans le corps électoral les éléments qui viennent de l'extérieur, les immigrants dont on parlait tout à l'heure, les naturalisés, les ex-étrangers, regardez avec quelle minutie, regardez avec quelle attention vous vous y prenez pour les...

(12 heures)

Nous, ici, nous avons une règle qui ne se pratique nulle part ailleurs dans les référendums d'autodétermination, après trois ans, on te considère comme Québécois, et tu votes. Ça, ça n'existe nulle part ailleurs, vous ne verriez pas ça en France, vous ne verriez pas ça en Europe, vous ne verriez pas ça aux États-Unis. Bien, moi, c'est ça que je répondrais à l'opinion publique internationale. Si elle trouve qu'on est très méchant dans cette affaire-là, elle doit trouver qu'on est très bon, au contraire, dans cette histoire des trois ans. Et, moi, je les renverrais dos à dos, sachant, d'autre part, que ce n'est pas une opinion internationale, c'est une opinion montée par les Canadiens anglais à l'étranger.

M. Jolivet: Merci. Je laisserais à M. le député de Laurier le soin de vous questionner.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Juste un instant. J'ai aussi, suite à vous, M. le député de L'Assomption et, ensuite, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Sirros: M. Bouthillier...

M. Bouthillier (Guy): Oui, monsieur.

M. Sirros: ...vous parlez d'ennemis de la démocratie, de traîtres. Vous voulez que le premier ministre québécois rive son clou à cette cour, au nom de la démocratie québécoise. Vous faites des recommandations que les gens doivent avoir une maîtrise de la langue officielle. Vous dites que les gens doivent vivre au Québec trois ans avant de pouvoir voter. Jusqu'à maintenant, tout le monde a mordu à l'hameçon. C'est un poisson d'avril, n'est-ce pas? Vous avez un autre mémoire quelque part. Non?

M. Bouthillier (Guy): Je réponds?

M. Sirros: Moi, honnêtement... Un instant, là. Si vous dites que non, je vais prendre ça au sérieux et je vais vous donner la même réplique que j'avais donnée à M. Donderi la semaine passée: Votre mémoire est très clair et très limpide, je n'ai pas de question. Parce que c'est à peu près l'autre face de la même médaille.

M. Bouthillier (Guy): Pas du tout. Pas du tout. Je sais que l'amalgame se pratique beaucoup, dans certains milieux, contre nous et je pense qu'on vient d'en avoir un exemple. Vous m'avez même prêté le mot, comme si vous me l'aviez mis dans la bouche, «traître». Traître au Canada, je vous signale que c'est un mot que je lis, que c'est un mot que j'entends, que j'ai entendu et que j'entendrai encore dans la bouche de fédéralistes appartenant à certains milieux ethniques qui n'acceptent pas que des personnes issues des mêmes milieux ethniques jouent le jeu de la confiance au Québec. Alors là, vous avez complètement inversé la réalité. C'est un mot qui appartient à nos adversaires politiques. Ne le mettez pas dans ma bouche. Ne le mettez pas dans ma bouche.

Quant à l'opération des séjours de trois ans, la règle des trois ans est la règle à la connaissance de la langue, ou des langues, dans la conjoncture actuelle, anglais ou français. C'est une règle qui apparaît dans tous les pays démocratiques dès le XIXe siècle. Le jeu démocratique suppose le débat démocratique, et le débat démocratique auquel participeront tous les électeurs, idéalement, suppose que tous les électeurs soient capables de le suivre. Comme nous sommes à l'origine de l'instruction obligatoire dans tous les pays de l'Europe et de l'Amérique du Nord, et nous sommes aussi à l'origine de cet aspect des lois de naturalisation qui disent: Étranger, si vous voulez venir et devenir, venir chez nous, vous êtes le bienvenu, vous devez devenir un citoyen; pour être un citoyen éclairé et participer pleinement au débat, vous devez connaître la langue nationale. C'est une chose qui est universelle. Ce n'est pas moi qui ai inventé ça. Vous trouvez ça dans tous les pays démocratiques. Et je veux juste m'assurer que le Canada applique cette partie-là de sa loi. C'est sa loi à lui. C'est lui qui dit: Pour naturaliser, il faut qu'on connaisse l'une des deux langues.

Mais je veux juste m'assurer qu'il met cet article vraiment en application et qu'il ne laisse pas passer des gens qui deviendront citoyens, qui, sans connaître l'une des deux langues, ne pourront pas adéquatement suivre le débat. Comment voulez-vous participer à un débat si vous ne connaissez pas la langue dans laquelle ce débat se déroule?

M. Sirros: M. le Président, je n'ai pas posé de question. Alors, peut-être qu'il y a des collègues qui veulent poser des questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, M. le député de Laurier-Dorion. Alors, M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, d'emblée, je trouve votre mémoire extrêmement intéressant. Vous avez des réflexions, à mon avis, qui se posent dans une société démocratique et qui sont tout à fait légitimes. D'ailleurs, pour ma part, je dois vous avouer que, d'emblée, je trouve plusieurs de vos suggestions extrêmement intéressantes et qu'on aurait bien tort de les repousser du revers de la main.

Quand vous parlez, entre autres, de citoyenneté, d'argent, du principe de l'universalité au-dessus de l'ethnicité – il me semble que les gens d'en face devraient être d'accord avec ça – et de la langue, moi, il me semble qu'il y a des questions fort importantes à explorer de ce côté-là. Quand vous dites, entre autres: La langue officielle dans un pays doit permettre à tous les citoyens de participer à la vie économique, sociale, culturelle de cette nation-là, ça me paraît être incontournable. Moi, comment je pourrais concevoir, par exemple, de vivre en Allemagne et de ne pas connaître l'Allemagne pour pouvoir participer à la vie de ce pays-là? Il me semble que c'est une question qui se pose. Le député de Laurier-Dorion repousse ça du revers de la main un peu trop facilement.

Votre suggestion d'exiger la langue officielle pour voter aux élections m'apparaît peut-être, à prime abord, un petit peu exagérée, mais je pense qu'on devrait réfléchir à ça. Je pense que c'est un peu vite, de repousser ça du revers de la main. Il y a quelque chose à explorer de ce côté-là. Et j'insiste là-dessus, pour pouvoir s'intégrer à la vie d'une nation, à la vie d'un peuple, c'est bien la moindre des choses que de connaître la langue officielle de ce pays-là. Je ne vois pas de problème de ce côté-là. Et comment peut-on concevoir qu'un électeur ou qu'une électrice qui ne connaît pas la langue officielle du pays puisse, comment dire, connaître les différentes options qui sont sur la table, qui s'offrent à lui, si le débat se fait dans une langue qu'il ne connaît pas? On peut se poser la question. Je pense qu'on peut se poser la question. Dans une démocratie, on a le droit de poser cette question-là.

Nous, de ce côté-ci, on a toujours pratiqué un nationalisme ouvert. On a toujours dit aux étrangers: Vous êtes les bienvenus aux Québécois, vous êtes des Québécois et des Québécoises. C'est toujours ce qu'on leur a dit. Et, en ce qui me concerne, un Québécois, c'est bien simple, c'est quelqu'un qui a choisi de résider au Québec puis qui aime assez ce pays-là pour en faire sa patrie. C'est ça, un Québécois. Alors, que les gens choisissent. Et, pour nous, la réponse a toujours été claire et on demande aux citoyens et aux citoyennes de faire un choix, de faire ce choix-là. Et je pense qu'en démocratie c'est un choix légitime et c'est un choix qu'on va être appelé à exercer très bientôt, n'en déplaise aux gens d'en face.

Il y a cependant une question que j'aimerais explorer davantage, un peu plus à fond avec vous. Vous avez parlé, entre autres, de la clause du recours, la clause dérogatoire. Ce qui est sous-jacent dans tout ce débat-là, c'est le concept même de liberté d'expression. À votre point de vue, là, est-ce que la liberté pour un citoyen de dépenser son argent quand il veut puis comme il veut, c'est une composante essentielle de la liberté d'expression?

M. Bouthillier (Guy): Vous savez, la liberté d'expression, chez nous, a servi à toutes les sauces. Elle a même été le prétexte à la Cour suprême de venir interdire la pratique de l'affichage commercial en français, au nom de la liberté d'expression. À la liberté d'expression, on peut faire dire toutes sortes de choses. Dans certains systèmes politiques – regardez notamment le système social américain – on peut se servir de la liberté d'expression très, très loin et jusqu'aux abus.

Non. Bien sûr, il y a un équilibre, c'est une question d'équilibre. Nous, nous estimons qu'il y a un équilibre qui a été atteint dans le système proposé, enfin qui existe chez nous depuis la fin des années soixante-dix, et nous estimons qu'il faut en rester à ça. Bien sûr, il y a toujours des limites à toutes sortes de possibilités, soit dit en passant, ces limites, évidemment, toujours pareilles. Les plus riches, les plus puissants, les plus forts auront, eux, tendance, si c'est la liberté absolue, à pousser plus loin l'exercice de leur liberté, peut-être même à en abuser. C'est pourquoi nous invitons l'Assemblée nationale à appliquer la clause «nonobstant» et à l'appliquer d'entrée de jeu.

(12 h 10)

Tout à l'heure, je crois, on parlait de la possibilité d'arriver à une entente, à une espèce de compromis par lequel tout le monde serait content, etc. Chat échaudé craint l'eau froide , nous avons été refroidis par les astuces, par la manière dont la Cour suprême s'y est prise ou par la manière dont certaines forces politiques ont utilisé la Cour suprême petit à petit, la technique de l'artichaut, la technique de l'effeuillage. On enlève un petit bout ici, puis ensuite, on enlève un petit bout là, ensuite, un autre petit bout. On va devant la Cour suprême tous les jours, s'il le faut, puis devant les tribunaux, pas seulement la Cour suprême, si bien qu'on accumule des jugements qui vont, habituellement, toujours dans le même sens. Ça finit par créer un climat qui est un climat: Cette loi doit être terrible s'il y a 10, 12, 14, 15, 20, peut-être même, juges qui l'ont déclarée inconstitutionnelle, immorale, enfin.

Dans l'opération actuelle, on nous dit d'avance... Nous sommes prévenus, là, par des adversaires, dont je continue à dire que ce sont des ennemis, dans la mesure où... et dans cette mesure-là, ce sont des ennemis s'ils nous disent qu'une fois la démocratie québécoise, assise sur la souveraineté, ils décrocheront et ils quitteront avec le territoire. Ça, c'est des ennemis. Les autres, ce sont des adversaires.

Mais ces personnes-là nous disent qu'elles vont aller derechef devant la Cour suprême. Ça ne finira plus. C'est une opération. Ça fait partie, si vous voulez, de la stratégie actuelle d'intoxiquer l'opinion en disant: Vous voyez bien, tous ces jugements, tous ces juges, toutes ces personnes, tous ces beaux professeurs de McGill et d'ailleurs, qui ont condamné, condamné et condamné, ce peuple doit être condamné.

Est-ce qu'il n'est pas condamnable d'exister, finalement? Est-ce que ce n'est pas ça? Regardez partout tout le mal que l'on dit de nous, à l'intérieur, à l'extérieur, au Canada, aux États-Unis, au Japon. Est-ce que, finalement, nous n'aurions pas un seul tort, le tort d'exister, le tort de vouloir exister?

Il y a une opinion publique qu'on organise ici, bien, ici, à Montréal, enfin sur le territoire du Québec, que l'on répand partout et qui nous présente comme les damnés de la terre. Nous n'acceptons pas ça et nous sentons très bien que le jeu de ces personnes-là va consister, si on essaie un compromis qui ne sera jamais qu'une cote mal taillée, qui ne marchera pas, vous pouvez leur faire confiance... on va de nouveau se retrouver, et probablement en plein débat référendaire, devant les tribunaux. Voilà que, tout d'un coup, on cherche à limiter le nombre d'acteurs dans un débat référendaire, et vous allez avoir la Cour suprême ou les cours, ou une de ces cours-là, ça va être terrible.

M. St-André: Je reconnais volontiers, dans les arguments que nous présente M. Bouthillier, qu'il y a là des éléments dont il faut tenir compte dans la décision que les parlementaires vont prendre, au bout du compte.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee, ça va? M. le ministre.

M. Jolivet: M. le Président, je pensais que le député...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste une minute.

M. Jolivet: ...avait demandé la parole, mais j'ai l'impression qu'il y a eu des pressions indues de son critique officiel, puisqu'il ne pose pas de question. Non? Non, non, mais...

M. Sirros: M. le Président, non...

M. Jolivet: ...c'est parce qu'il avait demandé la parole.

M. Sirros: Oui.

M. Jolivet: Alors, je me suis dit: Compte tenu qu'il ne prend pas la parole, c'est parce que...

M. Sirros: Bien, je vais la prendre à sa place, M. le Président.

M. Jolivet: Ah bon. O.K.

M. Sirros: Parce qu'il n'y a...

M. Jolivet: Je n'ai pas terminé, par exemple, moi, là.

M. Sirros: ...aucune pression indue.

M. Jolivet: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant. Vous avez posé une question, alors...

M. Sirros: On va faire l'alternance, si vous voulez. Il n'y a aucune pression indue, M. le Président. Si mon collègue veut poser des questions, il posera des questions. On est tous libres et autonomes.

Moi, je n'ai pas posé de question parce que je trouve, vraiment, comme j'ai trouvé, la semaine passée, avec M. Donderi, puis Brent Tyler, et je trouve que c'est l'autre face de la même médaille, qu'il y a des éléments du débat qui sont amenés ici, qui ne font, finalement, que s'opposer les uns contre les autres.

Vous avez une argumentation qui, à mon point de vue... Je défendrais votre droit de le dire. Notre système fait en sorte que vous avez le loisir de parler devant la caméra, avec toute la passion que vous voulez mettre là-dedans. Moi, je vais défendre ce droit de le dire. Je vais vous traiter poliment, également. Mais je trouve que les arguments que vous amenez, de mon point de vue, ne méritent pas grand-réponse.

M. Bouthillier (Guy): Il ne vous restera plus, monsieur, qu'à lire le mémoire et vous allez comprendre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee, vous vouliez réagir.

M. Bergman: Oui. Je suis de l'opinion du député de Laurier-Dorion, qu'en lisant ce mémoire aujourd'hui, vraiment, je pense que ce mémoire est inacceptable. It's a warped view of democracy which is being presented to us today by Mr. Bouthillier, a non acceptable view of democracy in this National Assembly. And I certainly will not get involved in a question to Mr. Bouthillier. I will follow the opinion stated by my colleague from Laurier-Dorion, that is to be shocked by the presentation that has been made before us today, Mr. President.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Jolivet: J'aurais une dernière question, parce que le temps, pour notre formation, est à la veille d'être écoulé, 11 h 30, plus tôt que prévu, compte tenu des circonstances.

Je poserais la question: Quelle est l'utilité de ce que vous appelez l'observatoire des médias, dans le contexte où vous présentez ce qui se passe en France? Alors, j'aimerais juste connaître votre opinion.

M. Bouthillier (Guy): Mon collègue Denis va vous répondre.

M. Monière (Denis): J'ai fait, depuis environ une dizaine d'années, des études sur le comportement des médias en campagne électorale et aussi à l'extérieur des campagnes électorales. J'ai constaté que, au Canada et au Québec en particulier, dans les référendums, il y avait des écarts entre les diverses chaînes de télévision quant au traitement accordé aux différents partis politiques. C'est très variable, mais on remarque que, pour Radio-Canada, par exemple, lorsqu'il y a un référendum – ça a été le cas au référendum de 1992 – des écarts assez significatifs penchaient en faveur du Oui, à cette époque-là, puisque le Oui était au bâton, c'est-à-dire que le gouvernement Bourassa avait proposé un référendum. J'ai remarqué aussi qu'aux élections 1994 il y avait aussi des écarts entre les partis politiques. Dans le cadre des élections, ce n'est pas trop grave, les écarts ne sont pas dramatiques.

J'ai voulu pousser mes recherches un peu plus loin et je me suis rendu compte que, en dehors des campagnes électorales, là il y avait des écarts, à mon avis, dangereux pour la démocratie, si on suppose que la démocratie, c'est un ensemble de citoyens qui ont accès à des informations qui leur permettent de faire des choix éclairés. J'ai constaté, par exemple, que, pour la période de décembre 1996 à avril 1997, le Parti libéral du Québec avait reçu un traitement très, très minoritaire, à la télévision. Pas seulement le Parti libéral du Québec, mais il y avait aussi le parti de la réforme, le NPD, à Ottawa, et, dans une moindre mesure, le Bloc québécois. Donc, on sait, nous, quand on étudie la communication politique, que les médias ont comme efficacité de structurer l'ordre du jour politique. Ils réussissent à imposer aux électeurs un certain nombre de questions, d'enjeux, de thèmes, ou à imposer aux électeurs des critères qui leur permettent de juger les positions des partis sur ces thèmes. Je me dis que les médias, dans ce contexte, jouent un rôle important. S'il y a des écarts significatifs dans le traitement accordé par les médias aux différents acteurs, que ce soit le Oui ou le Non, ou les différents partis, les électeurs n'ont pas accès à une information comparable.

Ceci est en particulier vrai systématiquement – donc, mes jugements sont nuancés – lorsqu'on étudie les médias de langue française, ce ne sont pas toujours les mêmes tendances ou les mêmes groupes qui sont avantagés, mais, lorsqu'on étudie les médias de langue anglaise, en particulier CTV, de Montréal, il y a un biais systématique de sous-couverture de la position souverainiste lorsqu'il s'agit de référendum ou du Parti québécois lorsqu'il s'agit d'une élection normale. Je me dis que la démocratie s'en porterait peut-être mieux non pas si on adoptait des mesures pour contrôler ce que les médias font – il n'est pas question du tout d'intervenir dans le travail des journalistes – mais, au moins, que les électeurs, les citoyens sachent quel est le traitement réservé par les différents médias aux diverses forces ou familles politiques.

J'ai poussé mes recherches un peu plus loin l'an dernier. J'ai donc fait une étude internationale comparant le comportement des médias en Belgique, en Suisse, en France et au Québec, et là j'ai vu qu'il y avait des écarts minimes, en France, par exemple, pour le traitement des forces de droite et des forces de gauche, si on veut prendre cette dichotomie. L'écart durant la période étudiée – c'est la même période – en France est de 6 % à l'avantage, disons, du gouvernement, mais, lorsqu'on arrive au Québec, si je prends en particulier la couverture de l'activité politique provinciale à Radio-Canada, le Parti québécois obtenait 92 % de temps de couverture, et le Parti libéral, un maigre 7 %. Je suis catastrophé de voir ça. Et je pense que M. Johnson a souffert de cette sous-visibilité que lui a réservée la chaîne publique canadienne. Je me dis: Au moins, on pourrait peut-être informer les citoyens de cet état de fait et le citoyen jugera en son âme et conscience, et les institutions politiques vont peut-être manifester plus d'attention à l'endroit de la couverture que les médias réservent aux différentes forces politiques.

(12 h 20)

Donc, un observatoire des médias, ça existe. En France, c'est institutionnalisé. C'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui fait ce genre de travail. C'est fait de façon objective et tous les partis politiques ont des informations sur leur visibilité télévisuelle. Pourquoi la télévision en particulier? Parce que les citoyens, la majorité, 80 % des citoyens, prennent leur information politique à la télévision.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, sur ce, M. Bouthillier, M. Monière, M. Rheault, je vous remercie de votre présentation, et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

M. Bouthillier (Guy): Merci, monsieur. Merci, messieurs dames.

Une voix: Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 15 h 25)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous allons reprendre nos travaux. Alors, j'inviterais M. le maire et Mmes, MM. les conseillers à venir prendre place pour la présentation de la ville de Québec. Bienvenue à la commission des institutions. Et je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement de nos débats, même si vous êtes, probablement, dans la région, fort connus, de vous identifier en début de présentation. Alors, bienvenue.


Ville de Québec

M. L'Allier (Jean-Paul): Merci, M. le Président. À ma gauche, vous avez Mme Lynda Cloutier, qui est membre du comité exécutif de la ville de Québec; à ma droite, vous avez M. Martin Forgues, qui est le chef du parti principal de l'opposition, parce que nous en avons deux; et, à la droite de M. Forgues, vous avez Mme Noël, qui représente le parti, le deuxième parti de l'opposition, le parti de M. Jean-Guy Lemieux.

Alors, nous nous sommes rencontrés à quelques reprises sur un comité dont l'objectif, M. le Président, était de favoriser l'exercice de la démocratie au niveau municipal. Et c'est dans le cadre de ce travail que nous avons souhaité profiter de cette commission parlementaire pour vous faire...un certain nombre de points de vue. J'ai devant moi un mémoire qu'on vous a distribué. Si vous êtes d'accord, je pourrais vous en faire la lecture assez rapidement pour que le texte entre dans le Journal des débats . Par ailleurs, si les membres de ce comité, ici, de ceux qui sont ici, sont en désaccord sur un point ou sur un autre, on vous le laissera savoir, mais, pour l'essentiel, je pense qu'on est unanimes à peu près sur tous les points que nous allons aborder aujourd'hui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Allez-y.

M. L'Allier (Jean-Paul): Alors, avant d'aborder les points de vue que nous voulons soumettre à votre attention, nous souhaitons remercier les membres de la commission des institutions d'avoir bien voulu accepter de nous entendre, malgré les courts délais pour les avertir.

En raison de sa taille et au même titre que Montréal et Laval, des partis politiques aux assises solides se sont formés au cours des ans à Québec. Aux dernières élections municipales, en novembre dernier, trois partis municipaux étaient en lice et chacun d'eux a réussi à faire élire des représentants et des représentantes au conseil municipal. C'est ainsi que neuf sièges sont détenus par le Progrès civique, représenté par M. Forgues, dont l'année de fondation remonte à 1965 – pas M. Forgues, le parti – neuf sièges sont occupés par le Rassemblement populaire, qui a été fondé en 1977 pour former le parti au pouvoir, et deux sièges sont dédiés au Parti des citoyens qui a été mis sur pied en 1996, et, enfin, un siège est occupé par un conseiller indépendant.

Chaque parti fonctionne avec des règles établies similaires à ce que l'on trouve aux plans provincial et fédéral et chacun d'eux adopte un programme qu'il soumet à la population le temps des élections municipales venu.

La présence d'une aussi grande diversité sur un territoire aussi petit que la ville de Québec, laquelle ne compte que 168 000 personnes, a de quoi étonner. Nous sommes convaincus que cette vitalité ne peut avoir qu'un effet positif sur la vie démocratique de la capitale. Et notre intervention d'aujourd'hui vise à demander au gouvernement du Québec de tout faire non seulement pour maintenir nos acquis, mais pour les améliorer.

Les élections municipales de 1997 sur le territoire de Québec ont permis de confirmer les limites d'action qui nous sont imposées dans le domaine municipal. Déjà depuis plusieurs années, les irritants étaient nombreux mais jamais au point de faire en sorte que les trois partis municipaux et le conseiller indépendant de concert décident de se réunir en comité afin d'examiner ensemble les règles établies pour procéder à une révision du processus électoral. Dans le cadre de ses travaux, le comité s'est attardé d'une façon particulière au chapitre 6 du rapport de M. Pierre-F. Côté. Nous sommes donc devant vous afin de vous exprimer le point de vue de l'ensemble des élus qui siègent au conseil municipal, d'une part, en réaction au rapport Côté, et, d'autre part, sur des objets non couverts par ce rapport mais qui méritent, croyons-nous, votre attention.

(15 h 30)

Les membres du comité se sont, d'une façon particulière, attardés au chapitre 6 du rapport Côté. À première vue favorables aux recommandations qui précèdent ce chapitre, nous n'avons pu être en mesure d'évaluer toutes les conséquences de ces recommandations. Si une interprétation restreinte devait être faite dans certains cas, nous en serions cependant fort inquiets. À titre d'exemple, les recommandations 61 et 62 du chapitre 5 indiquent, si notre compréhension est bonne, que toute dépense faite par un tiers qui n'est pas candidat devra être comptabilisée au compte de ce candidat comme une dépense électorale. Une interprétation restrictive de cette recommandation ferait en sorte qu'une assemblée convoquée par un comité de citoyens afin de donner la chance à l'ensemble des candidats en lice de s'exprimer serait dorénavant comptabilisée comme une dépense électorale. Une telle restriction à sa face même ne peut être acceptable.

La proposition contenue dans le chapitre 6 a de quoi faire sursauter également. Elle résulte, à notre sens, d'une vue purement administrative des choses. Il s'agit, comme vous l'avez compris, de la simultanéité des élections scolaires et municipales. Ceci dit, nous acceptons de vivre avec les échéances que nous impose le gouvernement du Québec. Cependant, nous sommes vigoureusement opposés à ce qu'il y ait convergence des élections municipales et scolaires.

Les arguments amenés par l'auteur du rapport en faveur de la simultanéité sont bien faibles. Les électeurs ne comprennent pas pourquoi ils sont à nouveau sollicités pour l'élection des commissaires d'écoles alors qu'ils viennent à peine de l'être pour l'élection des maires et des conseillers municipaux. Ce sont les mêmes électeurs, dit-on dans le rapport, cela va de soi, tout comme ce sont les mêmes électeurs qui votent pour les candidats provinciaux et fédéraux, tout comme ce sont les mêmes électeurs qui expriment leur choix lors d'un référendum. La confusion ne peut être répandue à ce point si l'information est disponible et adéquate. Le fait de réunir les élections municipales et scolaires n'aidera pas à dissiper cette confusion, si elle existe. Au contraire, selon nous, elle l'amplifiera.

Déjà, faut-il le rappeler, les électeurs municipaux ont deux bulletins de vote pour voter, à la fois pour un candidat de district et pour un candidat à la mairie qui couvre l'ensemble du territoire. Ajoutez à cela le fait que chaque parti municipal délègue un candidat dans chaque district et un candidat à la mairie. Ajoutez également à cela que plusieurs candidats indépendants se présentent dans chaque district et également comme candidats à la mairie. Vous vous retrouvez devant un bulletin de vote et un choix complexes. Je n'ose penser qu'en même temps on procédera aux élections scolaires, lesquelles n'ont rien à voir avec les élections municipales, mais que les gens sont certainement portés à associer à celles-ci.

Aux autres arguments qui militent contre cette simultanéité des élections figure également le découpage scolaire, qui n'est pas le même que le territoire municipal. Également, la question du déroulement du vote sera très difficile. Sur place, le personnel électoral pourrait avoir à mener trois scrutins: l'élection municipale, l'élection de la commission scolaire francophone et celle de la commission scolaire anglophone, puisqu'il y aura, sur un même territoire, une commission scolaire francophone et une commission scolaire anglophone qui, chacune, organisera un scrutin pour ses directeurs.

Enfin, de façon générale, il pourrait y avoir confusion de l'électorat devant les avis publics portant sur les deux scrutins différents et devant la publicité électorale en provenance des partis politiques et des candidats indépendants, portant sur les deux scrutins différents, le même jour. Nous ne voyons pas l'utilité de réunir le même jour les élections de l'ensemble des municipalités du Québec. Cependant, si le législateur souhaite aller de l'avant avec cette recommandation, il devra défendre que l'on prolonge ou raccourcisse les mandats des hommes et des femmes élus démocratiquement par la population. Nous recommandons par conséquent que les élections scolaires se tiennent à date fixe, que les élections municipales pour toutes les municipalités du Québec se tiennent à date fixe, si tel est le souhait du législateur, et qu'il y ait un délai de deux ans entre la tenue des élections scolaires et la tenue des élections municipales.

Quant à la responsabilité de l'administration des élections municipales, nous sommes d'accord pour renforcer les dispositions actuelles de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, afin de conférer une réelle autorité au Directeur général des élections sur le scrutin municipal. Nous pensons que les grandes orientations sur le déroulement du scrutin, dans chaque municipalité, devraient recevoir l'approbation du Directeur général des élections: plan de communication du président d'élection, plan d'embauche du personnel électoral, mécanisme de votation. Toutefois, les opérations quotidiennes devraient être laissées à la responsabilité du président d'élection. Le dosage de responsabilité nous paraît adéquat pour garantir l'indépendance et la neutralité du personnel électoral.

Quant à la qualité d'électeur, nous préconisons le maintien des trois catégories d'électeurs que prévoit l'article 47 de la loi actuelle: la personne domiciliée, le propriétaire non domicilié d'un immeuble et l'occupant d'un lieu d'affaires.

Aussi longtemps que la base de financement des municipalités proviendra de la taxe foncière et de la taxe sur le non-résidentiel, il n'est qu'équitable et juste que ces contribuables puissent participer au scrutin. Afin que ces contribuables soient inscrits sur la liste électorale, nous préconisons un bureau d'inscription obligatoire, c'est-à-dire qu'une période fixe d'une semaine soit prévue pour que ces deux catégories d'électeurs s'inscrivent auprès du président d'élection, avec preuves à l'appui, afin de pouvoir exercer leur droit de vote. Passé ce délai, il n'y aurait pas possibilité de s'inscrire sur la liste électorale.

Période requise pour exercer son droit de vote. Là aussi nous recommandons des changements. Nous recommandons que la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités fixe au 1er septembre de l'année électorale la période requise soit pour être domicilié dans la municipalité, soit pour être propriétaire non domicilié d'un immeuble ou occupant d'un lieu d'affaires. Nous partageons le point de vue de M. Côté, qui a écrit dans son rapport: On ne vote pas pour approuver ou désapprouver le passé. On vote pour élire des candidats qui administreront la municipalité pendant les quatre prochaines années. La période de six mois qui est recommandée dans le rapport pénalise indûment les personnes locataires ou propriétaires qui déménagent autour du 1er juillet. Pourquoi priver de leur droit de vote ces personnes qui auront à vivre pendant quatre ans, pour la plupart, avec les choix des candidats élus?

Maintenant, un certain nombre de recommandations qui sont en marge du rapport Côté. Le faible taux de participation aux élections a de quoi inquiéter. C'est pourquoi nous souhaitons une participation financière du Directeur général des élections du Québec au processus d'information des électeurs durant la période électorale. Si le législateur désire augmenter la participation populaire aux élections municipales, le financement adéquat de campagnes d'information utilisant la radio et la télévision ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des contribuables municipaux. La simultanéité des élections municipales, si le gouvernement devait en faire le choix, pourrait permettre une campagne nationale d'information d'envergure à ce sujet. Quant à la période électorale, nous recommandons de fixer le début de la période électorale au 45e jour précédant celui fixé pour le scrutin. La période actuelle est beaucoup trop longue – c'est à peu près aussi long que pour l'élection d'un président des États-Unis, même un peu plus, si ma mémoire est bonne – et ceci contribue à ralentir considérablement le travail de la fonction publique municipale en attente de mandats spécifiques du politique. Le maire en place et le comité exécutif n'osent pas engager la ville dans des dossiers majeurs ou contentieux. Forts de leur expérience, les représentantes et représentants des trois partis politiques et du conseiller indépendant sont unanimes à demander une période électorale de 45 jours.

Date d'élection. Nous souhaitons la tenue du scrutin le troisième dimanche d'octobre et non pas le premier dimanche de novembre, parce qu'à ce moment-là de l'année ça peut faire une différence en termes de climat, de température, de participation. Le contact direct avec l'électorat constitue le moyen privilégié pour tout candidat afin de faire connaître ses engagements électoraux; les conditions climatiques jouent un rôle clé dans ces circonstances. Avec une période électorale plus courte, tel que nous le recommandons, il serait opportun d'avancer de deux semaines le jour du scrutin. Cette mesure nous apparaît, de plus, susceptible de faciliter le déroulement de la campagne électorale dans des conditions climatiques acceptables et favorables à une plus grande participation. Quant au vote par anticipation, nous recommandons que le vote par anticipation se tienne les huitième, septième et sixième jours précédant celui fixé pour le scrutin. En effet, nous recommandons d'ajouter une journée, le samedi, à la période du vote par anticipation; actuellement, c'est le dimanche et le lundi. Cette modification mineure et peu coûteuse pour les municipalités qui veulent la mettre en application permettra un désengorgement des bureaux de scrutin le dimanche, en raison du très grand nombre de personnes, âgées et handicapées, en particulier, qui s'y présentent. De plus, avec la vie trépidante d'aujourd'hui et les déplacements fréquents d'un grand nombre de personnes, nous constatons un nombre grandissant de personnes qui ne sont pas disponibles pour voter le jour du scrutin.

(15 h 40)

Quant à l'inscription le jour du scrutin, nous recommandons de permettre l'inscription le jour du scrutin d'un électeur non inscrit sur la liste électorale. Avec l'exigence de la présentation d'une carte d'identité le jour du scrutin, qui comprend une photographie de l'électeur, carte d'assurance-maladie, permis de conduire ou passeport canadien, l'inscription le jour du scrutin ne pose pas d'obstacle insurmontable. Nous exigerions, de plus, l'assermentation de l'électeur. Cette mesure est en vigueur en vertu de la loi électorale fédérale, et il y a certainement possibilité de la mettre en application pour les élections municipales.

Quant au financement des partis politiques et des candidats indépendants, nous recommandons que le total des contributions au cours d'un exercice financier pour un même électeur soit majoré à 1 000 $. De plus, nous souhaitons que ces contributions soient déductibles de l'impôt sur le revenu des particuliers. Le plafond de 750 $ est en vigueur depuis de nombreuses années et n'a pas été indexé depuis. Il est requis de tenir compte de l'augmentation des coûts reliés à une campagne électorale: frais téléphoniques, publicité dans les médias, imprimés, etc. De plus, comme en fait état une recommandation plus bas, de nouveaux maximums de dépenses électorales couvriraient la période dite «préélectorale». Toutefois, un préalable s'impose à l'augmentation des contributions. Au même titre que les contributions à des partis provinciaux, les contributions au financement municipal doivent, en toute équité pour l'ensemble des électeurs, être déductibles de l'impôt.

Quant aux montants des dépenses électorales, nous recommandons d'augmenter le montant des dépenses électorales admissibles à un parti ou à un candidat indépendant, et prévoir une révision automatique à tous les quatre ans. En effet, la règle de calcul n'a pas été revue depuis des années. Elle n'a pas suivi l'augmentation des coûts reliés à une campagne électorale. Il serait important de la revoir et de prévoir également une révision automatique à chaque scrutin.

La période préélectorale. Nous recommandons de prévoir une période préélectorale qui débuterait le 1er juin de l'année électorale et se terminerait le jour précédant le début de la période électorale de 45 jours, et de prévoir la comptabilisation obligatoire des sommes dépensées et selon les mêmes règles qui s'appliquent durant la période électorale. Par ailleurs, que les sommes dépensées soient incluses dans le maximum des dépenses électorales autorisées.

L'équité des chances doit prévaloir. En effet, qu'un parti politique puisse dépenser des sommes avant la période électorale ne sert pas la démocratie. Avec notre recommandation, nous assurons la transparence et l'équité du processus électoral municipal. Toutefois, nous voulons nous assurer que les dépenses reliées au choix des candidats lors des assemblées d'investiture ne soient pas comptabilisées comme dépenses électorales, que cette activité ait lieu avant ou pendant la période électorale. Les prescriptions de la loi présentement en vigueur nous conviennent.

Nous recommandons de permettre, lors de l'élection municipale, la consultation de l'électorat sur des sujets de valeur municipale. Cette forme de démocratie s'exerce dans certaines provinces du Canada et dans beaucoup de municipalités aux États-Unis, espèce de référendum à l'occasion d'une élection. Elle permet de connaître l'opinion des électeurs sur des dossiers majeurs. La candidature d'une municipalité à l'obtention des Jeux olympiques n'est qu'un exemple. Elle permet également de dissocier le jugement de l'électorat sur un dossier majeur par rapport à son choix sur une candidature à la mairie ou sur un parti politique.

Voilà exprimés aussi rapidement que je l'ai pu, M. le Président, quelques commentaires que nous faisons. Et vous remarquerez que, quant à nous, on essaie essentiellement d'améliorer le processus électoral et la participation à la vie démocratique.

Quand on parle d'augmenter les montants des dépenses admissibles ou des contributions admissibles, je vous fais remarquer que de passer, par exemple, de 750 $ à 1 000 $, si ma mémoire est bonne, ne couvre pas complètement même l'indexation de cette somme depuis qu'elle avait été autorisée à 750 $. Donc, en gros, pour maintenir une forme de statu quo, en allant à 1 000 $, on arrive à autoriser des dépenses qui sont de même nature. La dépense sur laquelle on doit de plus en plus être attentif, parce qu'elle a augmenté considérablement, par exemple pour le téléphone, on en est rendu à calculer le nombre de lignes qu'on doit avoir pour rester à l'intérieur d'un carcan qui, lui, par la force des choses, à cause de l'augmentation des coûts, va en se rétrécissant sur nous. Ce n'est pas de nature à favoriser la démocratie.

Voilà ce que j'avais à dire. Si vous le permettez, peut-être que mes collègues voudraient ajouter un point sur l'un ou l'autre point. Ce serait peut-être le moment où le faire et ensuite, nous serions disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. Forgues.

M. Forgues (Martin): Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais n'ajouter qu'un bref commentaire quant à l'article h, la période préélectorale. Tout d'abord souligner que nous sommes entièrement d'accord avec les propos dont le maire de Québec nous a fait part quant à cette réforme. Mais l'article h concernant la période préélectorale, je voudrais vous sensibiliser au fait que nous devrions élargir ça aussi pour l'administration en place, pour l'utilisation que pourrait faire, entre autres, une administration qui est élue, de son service des communications pour faire des annonces populaires.

Il faudrait absolument réussir à mieux encadrer pour ne pas permettre non plus qu'une administration qui est au pouvoir puisse faire passer ses annonces populaires, soit un dévoilement de parc ou quoi que ce soit, dans cette période-là qui contribuerait, effectivement, à ne pas se faire comptabiliser durant la période préélectorale et qui pourrait amener un côté discriminatoire par rapport aux autres partis qui sont en élection municipale. Alors, notre seul commentaire était de vous inviter à élargir un cadre pour les annonces populaires durant la précampagne électorale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres éléments de présentation, j'inviterais maintenant M. le ministre à débuter notre période d'échange.

M. Jolivet: Oui, merci beaucoup. D'abord, je prends acte que, dans l'ensemble, vous semblez être en accord avec la partie qui concerne les recommandations concernant le jugement Libman. Cependant, vous avez des réticences complètes sur la simultanéité aux niveaux scolaire et municipal. Mais, entre-temps, vous parlez de deux, trois petites affaires. J'aimerais juste revenir là-dessus pour commencer.

À la page 4, vous faites mention, à la fin du paragraphe c: «Nous sommes d'accord pour renforcer les dispositions actuelles de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités afin de conférer une réelle autorité du Directeur général des élections sur le scrutin municipal.» Ça, c'est la première chose.

Vous allez à la page 6 et vous dites: Cependant, en ce qui concerne l'information, nous demandons une participation du gouvernement du Québec pour le paiement, en fait, du Directeur général des élections, et puis c'est le gouvernement du Québec qui paie pour l'information.

Et vous allez à la page 7 et vous dites, dans le financement: «Nous recommandons de rendre ça déductible de l'impôt sur le revenu.» Parce que, juste une petite information de votre part, vous n'auriez pas été tenté, dans ce cas-là, de dire: Déductible de leur impôt foncier? Vous parlez de l'impôt sur le revenu, pourquoi vous dites que c'est l'État qui doit payer ça? Juste une petite question, je vous pose la question comme ça: Pourquoi ça serait l'État qui paierait?

M. L'Allier (Jean-Paul): Parce que, M. le Président, nous ne percevons pas l'impôt sur le revenu, et que les locataires, à ma connaissance, ne paient pas d'impôt foncier et ils ont le droit de vote.

M. Jolivet: Donc, vous voulez le...

M. L'Allier (Jean-Paul): Il faudra trouver une formule qui permet... Pourquoi est-ce qu'on suggère que le président des élections puisse participer au financement? Parce qu'on a perçu que les objectifs étaient de favoriser la démocratie. Quand vous nous parlez de simultanéité, nous, on dit: Trop, c'est comme pas assez. Si vous mettez tout ensemble, c'est trop, mais allez-y en deux blocs, un pour le scolaire, un pour le municipal, et à ce moment-là je pense que le président des élections aurait la responsabilité de sensibiliser l'ensemble de la population à un scrutin éminent. Mais, s'il ne veut pas le faire, ça, c'est tout à fait libre.

Quand on dit, sur le troisième point, que les plans de communication devaient être vus par le DGE, ce n'est pas par manque de confiance par rapport au président des élections dans une municipalité, c'est pour bien s'assurer que les ressources mises à la disposition de la tenue de l'élection utilisent le maximum d'outils de communication. Et il faut un arbitre plutôt objectif pour déterminer parce qu'on pourrait se retrouver avec un greffier président de l'élection qui est autonome dans sa fonction qui, lui, est un maniaque d'Internet et qu'il décide qu'il ne consulte que sur Internet, ou alors que c'est quelqu'un qui déteste l'informatique et qu'il se contente de l'hebdo local ou qui peut mettre ça dans un Publi-Sac. On ne dit pas que ça va se passer, mais on dit: Puisque le DGE veut assurer une plus grande démocratie, qu'on lui donne le droit d'approuver globalement les outils qui sont utilisés.

Lors de la dernière élection municipale, à Québec par exemple, on s'est tous présentés devant le président des élections pour se faire dire: Bien, oui, mais vous n'avez pas utilisé tous les moyens d'informer la population. On vivait la nouvelle carte, et, dans notre évaluation, tous les partis confondus, on arrive à la conclusion qu'il y a peut-être 4 000, 5 000 personnes qui n'ont pas pu voter. Quand quelqu'un est inscrit depuis 30 ans dans Limoilou et qu'il se retrouve sur la liste dans le Vieux-Port, il ne fera pas le déplacement. Il va juste être de mauvaise humeur pour encore quatre ans, et ainsi de suite. Donc, on a dit: Tiens, peut-être une supervision générale pas quotidienne.

(15 h 50)

Pour ce qui est de la déductibilité, c'est le même électeur. Qu'il paie à la ville, ou qu'il paie au gouvernement, ou qu'il paie à la province, c'est la même chose pour lui, si le gouvernement dit: Vous déduirez ça de ses taxes municipales. Alors, moi, je pense que c'est quelque chose de possible, mais à ce moment-là il faudrait que vous nous trouviez une formule pour le locataire.

M. Jolivet: Maintenant, la partie où vous dites, à la page 6: «Nous recommandons les débuts de la période électorale au 45° jour précédant celui fixé pour le scrutin. Vous donnez comme indication pour éviter que cette période qui est trop longue ralentisse considérablement le travail de la fonction publique.» Ça, c'est la première chose que vous dites.

Vous allez plus loin et vous dites: «Cependant, il devrait y avoir une précampagne.» En fait, j'ai cru comprendre une période préélectorale. Quelle distinction vous faites entre les deux? Parce que dans le fond s'il y a une préélectorale, c'est, je crois, pour les besoins des dépenses des candidats à venir pour, comme vous dites, selon la loi électorale, toutes les conventions qui sont tenues pour nommer des gens ne soient pas comptabilisées dans les dépenses électorales. Donc, vous faites une distinction entre la partie du financement et non pas de la campagne électorale. Mais est-ce que vous ne verriez pas, d'une certaine façon, une certaine forme d'arrêt dans l'exercice des actions de la municipalité, si on ajoutait la période préélectorale?

M. L'Allier (Jean-Paul): La municipalité ne doit pas – ce serait contraire à l'intérêt public – arrêter de fonctionner pendant quatre ou cinq mois, ou trois ou quatre mois. Ce que dit le chef de l'opposition peut être pris en considération pour éviter qu'une administration municipale un peu véreuse profite de l'ensemble des services de la ville pour faire sa promotion électorale. Et, même quand c'est ça, on se rend compte que ce n'est pas nécessairement ce qu'il y a de plus payant. On a déjà vu ça dans le passé à tous les niveaux de gouvernement.

Ceci étant dit, la période préélectorale permettrait d'éviter ce qu'on commence à voir – et je ne dis pas à Québec mais je l'ai vu dans d'autres villes de la région de Montréal – des campagnes qui commencent un an avant le temps, avec des panneaux les plus maximums, de Claude Néon, le long des autoroutes, etc., et on parle des vertus de M. Untel et de Mme Unetelle, pendant une année avant l'élection. Et ça, ce n'est pas comptabilisé, ce n'est pas pris en compte, etc. Ça peut être payé par n'importe quel promoteur, par n'importe quel financier connu ou pas connu, etc. Il faut briser ça. Si on veut rester dans l'esprit de la loi électorale, qui est l'équité de l'accès aux ressources et qui en fait une chance égale à tous de faire valoir leurs points de vue, il faut contingenter l'utilisation des moyens de communication un peu avant la partie, ce qui est une façon de tricher, dans le fond, par rapport à la loi. On dit donc, pour contraindre ça: Comptabilisez cette dépense-là quand elle est vérifiable.

J'ajouterais un élément, M. le Président, qui n'est pas prévu dans le mémoire, qu'on n'a pas indiqué, mais s'il y a contravention, vu du point de vue de l'un ou l'autre des partis, on ne devrait pas se contenter de déposer une plainte qui sera entendue huit mois après, quand l'élection est finie. Il devrait y avoir un mécanisme qui permette au président des élections, dans les huit jours, de sanctionner tel ou tel geste qui a été posé, parce que, sans ça, ça n'a aucune espèce de conséquence. On peut empiler 56 plaintes devant le DGE, l'élection est passée, les gens sont élus, on passe à d'autre chose et c'est terminé. Donc, songez à la possibilité que vos lois soient respectables, au sens d'être respectées.

Finalement, pourquoi raccourcir la période électorale? Parce que ceux qui connaissent la politique municipale vont savoir que ce n'est pas parce qu'on n'a pas beaucoup de moyens que les gens ne comprennent pas ce qu'on fait, en ce sens que 60 jours de campagne, c'est plus long que n'importe quel gouvernement fédéral ou provincial. Je comprends, nous autres, on fait nos campagnes à pied, mais c'est long. C'est long, c'est essoufflant, et les gens en ont marre. Et comme nos dates sont fixes, il n'y a personne évidemment qui se préoccupe de savoir si le scrutin fédéral ou provincial entre carrément en conflit avec nous ou pas. Ce n'est même pas pris en compte par les gouvernements de Québec et d'Ottawa. Par voie de conséquence, si on a 60 jours puis qu'on arrive tout de suite après 45 jours de campagne provinciale ou fédérale, c'est la croix et la bannière, et on ne sert pas la cause de la démocratie municipale.

Donc, qu'on se donne des délais qui ressemblent aux vôtres, ce qui nous permet de raccourcir cette espèce de, comment je dirais bien ça, torture morale du citoyen. On arrive, nous autres, au municipal, en plein début de saison des téléromans, en plein début de saison scolaire, etc. Comme on n'a pas des gens à plein temps, bien, on fait des campagnes le soir après le souper. Donc, on dit: Si vous pensez que la démocratie, avec les moyens modernes de communication, est aussi bien servie avec des campagnes de 45 jours, bien, on pense que vous devriez les ajuster comme ça.

M. Jolivet: Deux questions avant de laisser à d'autres le soin d'en poser, parce que mes collègues veulent en poser aussi. La première, c'est: Je crois comprendre que si vous parlez de l'inscription au jour du scrutin d'un électeur non inscrit sur la liste électorale – ce qui a d'ailleurs occasionné certains problèmes au niveau fédéral, en passant – vous êtes par le fait même en accord, à moins que je me trompe, qu'une carte d'identité soit présentée pour qu'on connaisse bien que la personne: Jean-Pierre Jolivet, avec photo, est la personne qui a droit de vote. Est-ce que je crois comprendre que vous êtes en accord avec la proposition qui est faite dans le rapport à l'effet d'avoir une carte d'identité le jour du vote?

M. L'Allier (Jean-Paul): Je ne sais pas quelle est la position de mes collègues. On n'a pas abordé comme telle la question. Moi, je vais répondre brièvement: qu'on le veuille ou non, on est tous rendus avec des cartes d'identité. Quand on demande le permis de conduire ou quand on demande la carte d'assurance-maladie, il faut être parfaitement hypocrite pour penser que ce n'est pas une façon de carte d'identité, surtout quand la photo est dessus.

Est-ce qu'il doit y avoir une carte supplémentaire, qui est la carte d'électeur? Ce qu'on dit ici, c'est que le jour du vote, quelqu'un qui, pour une raison ou pour une autre, pensait qu'il y aurait un recensement, comme c'était le cas la dernière fois, et qui a attendu les recenseurs – parce que ça fait pour lui 35 ans que ça se passe comme ça – les recenseurs ne passent pas. On s'aperçoit que la concierge a dit: Bien, non, il est parti en Floride. Donc, il n'est pas sur la liste, il ne peut pas aller voter. Cette personne-là – parce qu'on se connaît en milieu municipal – devrait pouvoir se présenter, faire la preuve de son lieu de résidence puis de son existence et dire: Bien, écoutez, je suis là depuis 30 ans; je «peux-tu» voter? Puis qu'on lui donne la permission de le faire, quitte à assermenter obligatoirement tous ceux qui suivraient ce processus-là.

Il y a des points faibles dans ce qu'on a connu de la carte électorale. Le président des élections par intérim me disait, par exemple, que, lorsqu'on a fait la liste, on demandait aux personnes: Êtes-vous intéressées à voter à tel niveau, tel niveau, tel niveau; arrive aux municipales, un jeune dit: Bien, non, je ne suis pas intéressé. Sklash! il est rayé de la liste. Arrive le jour du scrutin, bien, il a changé d'idée, il veut voter. Il n'est plus sur la liste. Parce qu'il a dit qu'il n'était pas intéressé à être sur la liste, on l'a rayé de la liste. On devrait laisser à chaque citoyen le choix de décider jusqu'à la minute avant le vote s'il peut aller voter ou si ça lui tente d'être sur la liste ou pas. Pour ça.

M. Jolivet: Il y avait madame qui voulait ajouter...

Mme Cloutier (Lynda): Oui, au sujet de la carte d'identité, de fait, le comité n'a pas discuté nommément de cet aspect-là. Toutefois, moi, je veux juste attirer votre attention sur le fait que les travaux de notre comité, c'était comment faciliter la participation des gens aux élections municipales, entre autres. Et l'introduction de la carte d'identité, je pense, peut être une excellente idée, mais ça doit s'inscrire effectivement, là encore, dans une campagne d'information majeure pour ne pas qu'on ait pas à revivre des situations comme on a vécues avec la liste électorale cette année où des gens n'ont pas pu exercer leur droit de vote pour des raisons purement administratives. Et si le fait de ne pas avoir sa carte avait cette même conséquence, moi, je serais mal à l'aise avec une situation comme celle-là.

M. Jolivet: Et la dernière question... Compte tenu de la date de l'élection, on parle du dernier dimanche d'octobre, juste un problème dans les milieux ruraux, là, je vous fais mention que pour nous c'est les dernières journées de chasse, et vous savez ce que ça complique, comme problème. C'est pour ça qu'on avait trouvé la date du mois de novembre, à l'époque, là, et c'est pour ça que les dernières journées, c'est la dernière fin de semaine de chasse. Alors, il y a des problèmes qui pourraient surgir...

M. L'Allier (Jean-Paul): Mais, à moins d'être bien malchanceux, on ne chasse pas pendant 15 jours.

M. Jolivet: Non, mais vous ne savez pas ce que ça comporte, chez nous, quand les gars partent trois semaines ou les femmes partent avec leur mari trois semaines, ils ne sont pas là pour le temps électoral, là. En tout cas, je voulais juste mentionner ça pour dire que c'est à regarder, d'une façon ou d'une autre, mais il y a quand même un problème qui pourrait surgir.

M. L'Allier (Jean-Paul): On suggère d'abord d'ajouter une journée de vote par anticipation, puis à la limite permettre au vote par anticipation une journée antérieure, trois semaines avant, quelque chose comme ça. Mais le vote au début novembre est toujours un vote problématique. Il peut neiger. Il a neigé. Moi, j'ai connu de la neige, de la slush, du froid, et la population est vieillissante. On n'a pas le genre d'équipement qu'il y a dans les autres paliers pour aller les chercher puis les amener voter. Donc, les gens se déplacent à pied, puis ce n'est pas le moment...

M. Jolivet: Ce n'est pas l'idéal.

M. L'Allier (Jean-Paul): Quand on parle de raccourcir la période, donc, on dit: Dans les faits, la période de campagne municipale commence vraiment, sur le terrain, là, après la fête du Travail. Donc, on se dit: Si on raccourcit de 15 jours, bien, prenons-le à ce bout-là, plutôt que...

M. Forgues (Martin): M. le Président, si vous me permettez. Pour répondre parallèlement avec le problème des chasseurs, nous, nous avons le problème des retraités qui, durant cette période-là, profitent pour aller à un certain endroit, aller aux États-Unis.

M. Jolivet: M. le député de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...

M. Sirros: Je n'ai rien fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 heures)

M. Sirros: Du sabotage... Merci, M. le Président. M. le maire, M. le chef de l'opposition et les autres invités, bienvenue. Peut-être un commentaire, d'abord. Je trouve intéressant la notion que vous abordez au niveau de la période préélectorale. Vous dites, finalement: On devrait prévoir une période préélectorale, durant laquelle les sommes dépensées seraient également comptabilisées pour qu'il y ait une équité puis un contrôle des dépenses, etc. Quoique je pense qu'on risque d'avoir là une période électorale élargie, je trouve ça intéressant dans le cadre provincial, surtout au niveau d'un référendum, parce qu'on a vécu, effectivement, une période préréférendaire très longue, où il y a eu toutes sortes de dépenses strictement d'un côté. On a vu l'envoi dans les maisons de cartes postales, avec les trois leaders d'un côté. On a vu l'envoi dans toutes les maisons de la loi. On a vu la mise sur pied des commissions sur la souveraineté qui ont fait le tour du Québec, etc. On a vu toutes sortes de dépenses – vous connaissez bien ce à quoi je me réfère, M. le maire – qui, effectivement, représentaient un point de vue mais qui n'étaient pas contrôlées parce que c'était en dehors de la période électorale. Alors, idée intéressante, et je vous remercie de l'avoir mise de l'avant.

Un autre point que vous soulevez qui a aussi attiré mon attention, c'est la notion de la résidence, la période de temps requise de résidence. Vous faites un point très valable au niveau du municipal, ce qui m'a fait poser la question: D'où vient le six mois de résidence nécessaire? Vous, vous dites, finalement, que, si les élections vont avoir lieu au mois d'octobre, souvent les gens déménagent au mois de juillet et il y a un paquet de monde, finalement, qui n'a théoriquement pas le droit de voter.

M. L'Allier (Jean-Paul): Au niveau municipal, six mois, c'est la proposition...

M. Sirros: C'est un an, chez vous.

M. L'Allier (Jean-Paul): Non. C'est un an. Au niveau municipal, c'est une année. M. Côté propose six mois, mais, au municipal, c'est une année. C'est-à-dire que, si vous n'êtes pas dans la ville depuis une année, même si vous habitez la ville d'à côté, vous perdez votre droit de vote.

M. Sirros: Et, vous, vous dites, finalement: Prenons le 1er septembre...

M. L'Allier (Jean-Paul): Un mois, ça suffit. Le 1er septembre de l'année...

M. Sirros: Ceux qui sont sur le territoire le 1er septembre vont pouvoir voter, peu importe si ça fait une semaine, deux semaines ou...

M. L'Allier (Jean-Paul): Oui, puisqu'ils sont là pour les années à venir, puis on ne vote pas pour le passé, on vote pour l'avenir.

M. Sirros: Et surgit en moi la question: D'où vient cette notion d'avoir une période minimale, que ce soit six mois ou un an, de résidence en plus de l'exigence de la citoyenneté et d'avoir une résidence permanente au Québec? Vous ne le savez pas plus que moi?

M. L'Allier (Jean-Paul): Dans la loi, si ma mémoire est bonne, il y a deux notions. Il y a l'obligation d'être résident une année avant... au 1er septembre de l'année qui précède pour être candidat. Mais, pour avoir le droit de vote, c'est une pleine année de résidence. D'où ça vient dans l'histoire? Je ne le sais pas.

M. Sirros: Mais vous ne voyez pas la nécessité d'avoir une période très longue de...

M. L'Allier (Jean-Paul): On y voit une période de punition pour les gens qui déménagent. Même là, quand on dit six mois, on exclut tous les déménagements du 1er juillet, par exemple.

M. Sirros: Parce que chez vous, c'est dans la municipalité concernée, tandis que, pour les élections provinciales, c'est au Québec.

M. L'Allier (Jean-Paul): C'est au Québec. On parle uniquement au niveau municipal, puisque, quand on nous applique cette loi-là, 12 mois, c'est extrêmement pénalisant. Si vous partez d'une ville et que vous allez dans une autre ville de la même région, par exemple, ou même si vous venez de Montréal vers Québec, si ça ne fait pas 12 mois que vous avez déménagé, vous allez payer des taxes, mais vous n'aurez pas le droit de voter.

M. Sirros: Donc, ça vous conviendrait, à ce moment-là, disons, si c'était six mois n'importe où au Québec.

M. L'Allier (Jean-Paul): Non. Bien, six mois...

M. Sirros: Résident du Québec qui pourrait avoir le droit de voter, dans une élection municipale, à partir du moment où il se trouve dans la municipalité le jour du vote ou durant la période de révision ou...

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, on a enlevé le six mois parce que... Au municipal, il y a une date importante. Puisque notre date d'élection est toujours fixe, il y a une autre date qui est devenue fixe dans les habitudes des gens et dans la loi, c'est le 1er juillet, le déménagement. Donc, on veut inclure, on veut donner le droit de vote dans une ville aux gens qui ont déménagé le 1er juillet.

M. Sirros: Je comprends, mais j'essaie de trouver une autre façon de régler le problème. Si on faisait concorder les exigences pour la qualité d'électeur à ce que ce soit six mois de résidence au Québec, peu importe s'il a déménagé le 1er juillet chez vous, s'il était résident au Québec pendant six mois, il pourrait voter, même s'il venait d'arriver, même s'il déménageait trois semaines avant chez vous, en autant qu'il avait une résidence au Québec pendant six mois.

M. L'Allier (Jean-Paul): On ne s'est pas penché sur cet aspect de la question, M. le Président.

M. Sirros: O.K. J'essaie de trouver si... faciliter un peu la concordance des...

Sur la simultanéité des élections, vous semblez assez clairement contre.

M. L'Allier (Jean-Paul): Oui, parce qu'on n'a pas vu l'avantage de jumeler... On n'a vu que des inconvénients à faire, le même jour, dans la même salle, des élections scolaires et municipales. Les territoires ne sont pas les mêmes. Déjà, au niveau municipal, les salles sont surchargées de tout le personnel électoral. S'il faut ajouter en plus le scrutin scolaire, on ne voit pas ce que ça peut faire économiser comme temps, comme énergie et comme argent, mais on voit surtout la confusion qui s'installe. Donc, on dit: La simultanéité de tout le scolaire, oui, la simultanéité de tout le municipal, oui, mais pourquoi pas avec un décalage de deux ans? Le scolaire, deux ans; le municipal, deux ans, plutôt que de tout fourrer le même dimanche, le même jour. Alors, on ne se retrouvera pas.

M. Sirros: Vous n'êtes même pas intéressé à envisager la possibilité de mise sur pied d'un groupe de travail qui pourrait aplanir les difficultés. Par exemple, les greffiers nous ont présenté, ce matin... Parce que, vous, vous dites: Il n'y a rien à gagner. D'un autre côté, certains disent qu'il y a peut-être des économies à faire au niveau des dépenses générales; plutôt que de tenir deux élections, de tenir une élection.

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, ce sont des budgets différents. Ce n'est pas payé de la même façon. Ce n'est pas organisé de la même façon. Ce n'est pas les mêmes règles de financement. Et on se trouve à mêler. C'est un peu comme faire le dessert puis la soupe dans le même chaudron en voulant sauver de la chaleur, là. Ça va avoir un goût assez particulier même si tous les ingrédients sont les mêmes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: O.K. L'inscription le jour du scrutin, en fait, vous la liez avec la présentation d'une carte d'identité. Vous dites: Si on peut identifier la personne, alors on ne voit pas de raison pour ne pas l'inclure le jour même du scrutin...

M. L'Allier (Jean-Paul): C'est exact.

M. Sirros: ...en autant que c'est la personne puis que ça...

M. L'Allier (Jean-Paul): Dans la mesure où on ajoute une journée au vote par anticipation, dans la mesure où il y a une meilleure information des citoyens quant à la façon de vérifier s'ils sont des électeurs inscrits, ça devient une mesure tout à fait exceptionnelle que de ne pas être sur la liste au moment du scrutin. Donc, ce sera tout à fait marginal, à mon avis, si les deux autres situations sont améliorées. À ce moment-là, on pourrait avoir, au moment du vote, un endroit où ceux qui ne sont pas inscrits et qui prétendent devoir l'être prennent le temps de faire la preuve de leur domicile, de leur résidence ou de leur propriété – dans le cas qui nous occupe, on parlerait uniquement pour les résidents, à ce moment-là – et démontrent qui ils sont pour avoir le droit de voter par assermentation.

M. Sirros: Vous dites que vous ne vous êtes pas penchés spécifiquement sur la question de l'identification obligatoire, mais vous vous êtes réunis dans une perspective d'envisager les mesures qui peuvent faciliter l'exercice du vote au niveau municipal. Et, dans ce sens-là, vous dites: Possiblement que l'utilisation d'une pièce d'identité pourrait faciliter le droit de vote. Vous donnez l'exemple d'une inscription le jour du scrutin.

Est-ce que – je vous demande un peu une réaction au vif, comme ça – ce serait envisageable pour vous de donner une option à l'électeur, de maintenir, par exemple, la possibilité telle qu'elle existe maintenant, de l'assermentation, s'il y a un doute sur son identité, ou la présentation de sa carte afin de faciliter davantage? Parce que la crainte qui est exprimée souvent, c'est que – bien, la Régie de l'assurance-maladie nous a parlé de 90 000 personnes qui perdent leur carte chaque année, d'autres 90 000 qui l'oublient – si c'est obligatoire, il y a un risque de perte du droit de vote si la carte n'est pas là. Alors, on pense peut-être à une option où l'électeur, à son choix, utilise soit le système actuel, qui est l'assermentation si son identité est mise en doute, ou la présentation de cartes si son identité est mise en doute. Comment vous réagissez à cette idée-là?

M. L'Allier (Jean-Paul): Mes collègues auront peut-être des opinions différentes. Si vous me permettez de donner la mienne, moi, je pense que l'assermentation seule, aujourd'hui, compte tenu de la valeur que les gens accordent à ce geste et qu'il est non sanctionnable, à toutes fins pratiques, difficilement sanctionnable...

M. Sirros: Mais c'est sanctionnable.

M. L'Allier (Jean-Paul): C'est sanctionnable, mais ça prend un an, un an et demi, deux ans devant le tribunal, une poursuite, des frais, etc. Et, pour sanctionner quelqu'un qui a fait un faux serment, il faut connaître son identité, il faut savoir qui il est. Alors, c'est un... Moi, personnellement, je pense que quelqu'un qui ne peut pas trouver une façon de s'identifier avec un passeport sur lequel il y a sa photo, avec une carte d'assurance-maladie, et il l'a perdue, ou qu'il n'a pas un permis de conduire... Ce serait assez rare qu'on trouve quelqu'un qui n'a pas de passeport ou de permis de conduire ou de carte d'identité, ou deux personnes qui le connaissent, capables de l'identifier et, à ce moment-là, avec l'assermentation. S'il y a simplement assermentation sans témoin connu de ceux qui reçoivent le vote, à mon avis... Il faudrait qu'au moins il y ait une ou deux personnes qui accompagnent la personne sans papier et sans image et sans photo, pour dire: Moi, un tel, moi, vous me connaissez, moi, j'ai une pièce d'identité, moi, je signe ici et je jure aussi que cette personne est bien une telle. Là, ça peut aller. Mais uniquement d'arriver puis signer son nom en disant: Je jure que c'est moi, puis je vote, puis je m'en vais...

M. Sirros: Ce matin, on nous a dit... Je ne sais pas s'il y en d'autres qui ont des commentaires à ajouter sur ça.

Mme Noël (Guylaine): Oui, c'est juste... M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, madame.

Mme Noël (Guylaine): Lorsqu'on parle de pièces d'identité et d'assermentation, on parle de la journée même, lorsque quelqu'un va venir pour s'inscrire sur la liste électorale la journée des élections. Et je suis un peu d'accord avec M. le maire L'Allier, avec la position que l'assermentation, aujourd'hui, pour moi, lorsque ce geste-là va être posé, c'est vraiment... Je vais m'inscrire la journée des élections et, à ce moment-là, je crois que la carte d'identité devrait être obligatoire.

(16 h 10)

M. Sirros: Oui, mais on ne parle pas de ça. On parle de la proposition qui est sur la table, à l'effet que chaque personne qui veut voter doit obligatoirement avoir une des trois pièces d'identité sur elle pour voter. C'est la proposition qui est sur la table. Dans le rapport Côté, on nous dit: Dorénavant, au Québec, si on veut voter, il faut obligatoirement présenter une pièce d'identité. On suggère les trois plutôt que se présenter et dire qui on est et procéder.

Mme Noël (Guylaine): Mais je vous dis que, pour moi, je crois que, lorsqu'on est inscrit sur la liste électorale, c'est déjà une pièce d'identité. C'est déjà inscrit. On a déjà donné notre qualité d'électeur à ce moment-là. Moi, c'est ce que je crois.

M. Sirros: C'est ce que je crois aussi.

Mme Noël (Guylaine): Lorsque je parle de la carte d'identité, je parle de la personne qui ne serait pas inscrite la journée des élections.

M. Sirros: D'accord, je comprends la distinction. Ce matin, les greffiers nous disaient ni plus ni moins que les élections municipales, c'est plein – je cherche le mot, parce que je ne veux pas... – que les instances de supposition de vote, c'est très répandu. En tout cas, les gens pensent que c'est très répandu.

Une voix: ...

M. Sirros: Oui, c'est ça. Que la crainte de la supposition des télégraphes est très répandue dans le milieu municipal. C'est ce qu'on a eu ce matin, puis...

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, si vous êtes dans une municipalité de 1 000 habitants, avec des représentants de chaque groupe et de chaque parti, là c'est difficile qu'un nouveau résident passe inaperçu. Si vous êtes dans une ville comme Québec, où le vote se fait par quartier, par district, où les gens se connaissent également, où chaque parti a son représentant à la table, à moins que tous les partis qui se sont bagarrés pendant 45 jours fassent de la collusion pour dire qu'on connaît quelqu'un qu'on ne connaît pas... Ce n'est pas...

Dans un milieu qui est moins homogène – je pense à Montréal en particulier, ou à la grande région métropolitaine de Montréal – c'est peut-être vrai. Mais je ne vois pas pourquoi ce serait plus vrai au niveau municipal qu'au niveau provincial, d'autant plus que les zones de vote au niveau municipal sont beaucoup plus petites et donc, que les gens ont plus de chances de se connaître dans une agglomération de 7 000, 8 000, 9 000 habitants que dans un comté de 45 000 habitants.

M. Sirros: Je vous avoue que j'étais très surpris ce matin parce que j'avais un peu la même impression que c'était un phénomène qui n'est pas réel. Dans les petits milieux, c'est encore plus difficile à faire. Au niveau provincial, plus le niveau de participation est élevé, plus c'est difficile à faire également, puis plus on va avoir une indication de l'étendue du problème, s'il existe, parce que plus les gens vont voter, plus ceux qui vont aller voter à leur place vont trouver que les gens ont déjà voté. Puis ça, c'est enregistré.

Alors, j'avais de la misère ce matin à saisir d'où vient cette crainte qu'on nous disait qui existe dans le milieu municipal. Vous, vous ne le constatez pas. Ça fait longtemps que vous faites de la politique municipale, je pense.

M. L'Allier (Jean-Paul): Non. La dernière fois, par exemple... Moi, je n'ai pas eu connaissance. En tout cas, on ne m'a pas rapporté, dans mon parti, de cas où on dit: Regarde, on s'est fait passer un sapin, quelqu'un a voté deux fois sous le même nom.

Ce qu'on sait, par exemple, c'est que – on est à peu près d'accord là-dessus – il y a 3 000 ou 4 000 personnes qui n'ont pas pu voter parce qu'elles étaient mal inscrites sur la liste. Ça, on le sait.

M. Sirros: Je vais aller plus loin. Vous, personnellement, vous avez fait de la politique provinciale.

M. L'Allier (Jean-Paul): Ça fait tellement longtemps.

M. Sirros: Pardon?

M. L'Allier (Jean-Paul): Ça fait tellement longtemps.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Ça fait tellement longtemps. Après ça, vous avez poursuivi au niveau municipal. Donc, ça fait longtemps – c'est ce à quoi je veux arriver – que vous êtes actif dans le milieu politique aux deux niveaux. Selon vous, aujourd'hui, en 1998, à la veille du XXIe siècle, au Québec, les moeurs... Moi, j'ai toujours eu l'impression que les moeurs politiques ont beaucoup évolué et que cette question de supposition de vote, de télégraphe... «C'est-u» un phénomène qui doit vraiment nous inquiéter?

M. L'Allier (Jean-Paul): Non, moi, je peux vous dire que de toute mon expérience, c'est un phénomène qui... D'abord, on ne peut pas parler de phénomène. Il peut y avoir des cas isolés ici et là mais c'est tout à fait marginal par rapport à ce qu'on pourrait appeler l'ensemble des mécanismes de votes et, en ce sens-là, la qualité du processus électoral s'est améliorée considérablement depuis l'époque où les gens votaient à main levée.

M. Sirros: On passait une caisse de bière, puis...

M. L'Allier (Jean-Paul): Vous savez pourquoi on avait enlevé l'alcool le jour de l'élection?

M. Sirros: Oui.

M. L'Allier (Jean-Paul): Parce qu'on faisait boire les gens pour qu'il se passe une période de temps x, qui était prévue dans la loi, sans votation, et là on fermait le bureau de scrutin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Allier (Jean-Paul): Alors, dès qu'un parti était en avance, il faisait boire les gens plutôt que de les laisser aller voter. On constatait qu'il y avait eu six heures sans électeurs et on fermait, c'était fini.

M. Sirros: Puis là, j'imagine qu'il y avait des télégraphes qui se passaient à ce moment-là.

M. L'Allier (Jean-Paul): Il faut dire que c'était dans mon temps, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le maire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Il nous reste 10 minutes, et j'ai déjà les députés de Drummond, de Mille-Îles et de Prévost qui ont demandé d'intervenir. Alors, M. le député de Drummond, si vous voulez concentrer vos interventions.

M. Jutras: Peut-être une remarque d'entrée de jeu. Quand on parle de la période préélectorale, dont vous avez parlé... l'énumération du député de Laurier-Dorion a été un peu limitative. Il aurait pu parler de l'avalanche de drapeaux rouges. Il aurait pu parler de la publicité du fédéral, des différents ministères, laquelle publicité, d'ailleurs, s'est continuée même durant la campagne référendaire. Oui, et ça continue. Ça s'était continué même durant la période référendaire.

Cependant, la question que je voulais vous poser, c'est: De quelle façon vous voyez le rôle du DGE durant une campagne municipale? Vous nous dites: Oui, on voit l'entrée du DGE. Vous voyez ça d'un bon oeil, mais, par contre, vous parlez encore du président d'élection. Alors, est-ce que je dois comprendre que ce serait le DGE au niveau de tout le Québec qui pourrait avoir un certain contrôle, si on veut, et vos présidents d'élection, dans chaque ville, demeureraient vos greffiers? Est-ce que c'est ça que vous nous dites?

M. L'Allier (Jean-Paul): Essentiellement, moi, je craindrais – et mes collègues, je pense, sont d'accord avec ça – une forme de technocratisation provinciale d'un processus qui est infiniment local au niveau de l'expression du vote. Et donc, ce qu'on souhaiterait voir le président des élections faire, si l'Assemblée nationale décidait de normaliser les dates d'élection – par exemple, tout le municipal en même temps – sa contribution, c'est de faire ce qui est commun à tout le monde, c'est-à-dire de sensibiliser les gens au devoir de s'exprimer dans une élection municipale, sans dépasser ça. Donc, c'est déjà beaucoup, parce qu'on n'a pas, nous, les ressources pour faire ça et on doit se fier aux médias locaux qui en parlent ou qui n'en parlent pas. Donc, le DGE devrait faire une campagne générale, sur l'élection scolaire ou sur l'élection municipale, applicable à toute la province, dans toutes les langues permettant de rejoindre la population.

Deuxièmement, on pense que le DGE devrait, à tout le moins – comment dirais-je? – valider le plan de communication avec la population, défini par le président des élections de chaque ville ou de chaque village, pour bien s'assurer que ce plan-là a toutes les chances d'atteindre l'objectif d'information des gens quant à la révision des listes, quant aux endroits de scrutin, etc. Donc, que, localement, les actions proposées par le président des élections, qui ne sont pas du tout sous le contrôle des élus municipaux, aillent dans le sens que ce que lui aurait fait dans une première campagne.

Et, troisièmement – et ça, c'est peut-être un peu plus difficile à imaginer – qu'il puisse intervenir rapidement s'il y avait des dénonciations flagrantes de situations à corriger avant le scrutin. Parce que la sanction rétroactive... Vous avez vu, à la ville de Montréal, il y a eu je ne sais combien de plaintes de portées suite à l'élection, ça n'a rien changé du tout. Donc, ça devient des gestes qu'on peut poser quand il y a un manque d'éthique et dont on sait qu'ils ne sont jamais sanctionnés. Or, une loi qui n'est pas sanctionnée parce qu'elle n'est pas sanctionnable n'est pas une loi très forte.

Donc, les deux points m'apparaissent les plus importants, cependant, les deux premiers.

M. Jutras: Oui, mais vous ne pensez pas, M. le maire, qu'il serait préférable que le président d'élection soit quelqu'un à l'extérieur de l'hôtel de ville? Ce matin, quand on a eu la Corporation des officiers municipaux, l'exemple que je leur donnais, le greffier de la ville qui devient président d'élection et qui a son bureau voisin du maire sortant qui est en campagne électorale, puis là on a un autre candidat à la mairie qui veut rentrer, lui, à l'hôtel de ville... Est-ce que vous ne pensez pas que ça crée une situation délicate et embarrassante? Et est-ce qu'on... Surtout que, moi, j'ai déjà vu, dans mes activités politiques, un greffier municipal comme ça, qui était président d'élection, qui avait peur du maire en place. Il en avait peur littéralement. Alors, comment voulez-vous que cet individu-là puisse exercer sa fonction adéquatement? Surtout qu'il veut continuer à travailler après, lui, et il se dit: Si le maire sortant reste là, je vais être dans de beaux draps. Alors, est-ce que ça ne serait pas préférable d'évacuer ce problème-là et de l'envoyer au DGE?

M. L'Allier (Jean-Paul): On n'a pas de problème avec ça non plus, aussi longtemps que le DGE lui-même est capable de mettre des gens qui connaissent la ville, qui connaissent le milieu. Mais, si tu reçois quelqu'un qui n'a aucune espèce d'idée de quels sont tes districts municipaux, qui ne sait pas où est la frontière de ça puis la frontière de ça, puis qui ne connaît personne dans la ville, c'est difficile, ensuite, de gérer une élection dont l'essentiel est basé sur, finalement, la connaissance des personnes les unes des autres. Donc, qu'on trouve à mettre un chapeau sur le président local des élections pour que quelqu'un, sous l'autorité directe du président des élections, assume la responsabilité de lui servir de garde du corps, mais qu'on associe la ressource municipale à la fabrication du processus électoral, moi, je serais assez d'accord, à cause de la connaissance qu'ont ces gens-là.

(16 h 20)

M. Jutras: D'accord. Une dernière petite question. Vous dites que vous êtes d'accord pour raccourcir la campagne électorale. On est tous d'accord avec ça, nous autres, au niveau du gouvernement du Québec. Au niveau provincial, elle est raccourcie à quelque chose comme 30, 33 jours. Trente, 33 jours, qu'est-ce que vous en diriez?

M. L'Allier (Jean-Paul): Ah! numéro un.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui. Bonjour, M. le maire et les gens qui vous accompagnent, Mme Cloutier. Moi aussi, j'avais des questionnements, plus particulièrement concernant votre proposition sur le fait de limiter, en tout cas, de définir une période électorale avec des dépenses qui sont comptabilisées, mais aussi de définir une période préélectorale. Je comprends que ça veut dire que, avant le 1er juin... Et je peux comprendre d'où vient... Quand vous avez parlé des abus, là...

Moi, je suis députée de la région de Laval, alors je peux très bien comprendre ce que vous aviez en tête dans le sens de période de campagne électorale qui commençait longtemps avant le temps. Mais, moi, j'ai de la difficulté à comprendre comment on pourrait opérationaliser ça, dans le sens de dire: Avant le 1er juin, il ne peut se faire aucune publicité. Comment on pourrait, par exemple, différencier ce qui est de l'information de ce qui est de la publicité? Et comment on pourrait vraiment contrôler ça? J'ai un peu de difficulté, puis il me semble qu'on s'en irait en disant: Il est absolument défendu de faire quoi que ce soit en dehors de ces périodes-là.

Ça donnerait lieu peut-être à toutes sortes d'interprétations. Des gens qui contesteraient des poursuites, puis dire: Oui, on considère que ça, c'est de la publicité et vous n'avez pas le droit d'en faire. En tout cas, je me questionne là-dessus, comment ça pourrait être opérationalisé, ce qui est de l'information, ce qui est de la propagande, et comment ça peut s'insérer dans une campagne de publicité.

L'autre partie de mon intervention allait sur la simultanéité des élections scolaires et municipales. Mon collègue de Laurier-Dorion en a parlé quand même assez amplement. Il y a deux raisons, dans le fond, pour lesquelles on propose ça: c'est l'économie de coût et aussi de tenter une certaine augmentation de votes au scolaire.

Quant à moi, pour l'augmentation de votes, je me dis: Même si les gens votaient plus, je ne suis pas certaine qu'il y aurait un intérêt plus marqué pour la chose scolaire. Je pense qu'il faut prendre d'autres moyens pour susciter un intérêt plus marqué et augmenter la participation du vote au niveau scolaire.

Ma question était aussi dans le sens du député de... Vous avez répondu au député de Laurier-Dorion qu'il n'y avait aucune diminution de coûts. Mais ça, j'aimerais que vous élaboriez un peu dans ce sens-là, parce qu'il m'apparaît quand même qu'il y a du personnel qui pourrait être le même, etc.

M. L'Allier (Jean-Paul): C'est-à-dire que, si vous décomposez la mécanique du vote, il n'y a pas d'économies appréciables parce que les gens, d'abord... Au municipal, par exemple, vous avez déjà deux bulletins avec plusieurs noms. Il faut des gens pour gérer ça. Le fait de voter au scolaire va juste ajouter du travail. Ou c'est fait par les mêmes personnes, puis il va y avoir des queues jusque sur le trottoir, ou vous ajoutez du personnel, puis c'est le même que vous avez pour le scolaire. Donc, il y a peut-être une petite frange, là, d'économies à faire pour ce qui est du concierge, de l'entrée dans la salle, etc., mais ça n'a aucune mesure avec la confusion que ça pourrait créer, puisque les districts municipaux ne sont pas les districts scolaires. Puis, dans ce cas-là, la personne: Aujourd'hui, il faut que j'aille voter au municipal dans telle place, mais, au scolaire, je vais voter dans une autre place. On n'atteint pas d'objectif. Si l'objectif est de faire des économies, je ne pense pas que ce soit réel. Si l'objectif est d'éviter la confusion, je pense qu'il y a un problème à le faire.

Mais il y aurait un intérêt à grouper les deux blocs, le scolaire et le municipal. Ça, ça a du sens, parce que là on sait ce qu'on fait. On connaît ses frontières, on connaît les enjeux, on est sensible à une campagne ou à une autre. Mais là, les campagnes se croiseraient. Les enjeux, au niveau scolaire, sont difficilement plaidables.

Je vous donne un exemple très rapidement, M. le Président. Les écoles de nos centres-villes: on ferme ou on ne ferme pas les écoles. Est-ce que ça devient un débat scolaire? Et est-ce que c'est aussi un débat municipal?

Dans mon parti – puis, je pense, dans la plupart des partis – on est prêts à faire tous les efforts pour garder les écoles ouvertes, mais ce n'est pas à nous... c'est à un autre type de programme. Alors, je pense qu'on n'atteint pas l'objectif de la démocratie et de la transparence.

Pour ce qui est de la publicité, comment arriver à un contrôle effectif? Tout ce que je dis, c'est que, si le contrôle s'exerce après les élections, ça n'a pas grand bon sens. Ça n'a pas d'utilité. Donc, on est peut-être mieux de vivre avec le vice que d'essayer d'inventer la vertu, là. Et, en ce sens-là, on pourrait peut-être commencer par aller au plus gros.

Les panneaux qui sont de toute évidence inexistants six mois avant les élections, puis qui apparaissent, vous avez le droit de les mettre, mais ils sont comptabilisés. Puis, quand vous avez atteint votre quota, c'est terminé. Vous le mangez avant ou vous le mangez après, mais il y a un nombre de biscuits, puis c'est ça.

Pour ce qui est de la question posée par M. Forgues sur l'utilisation de la ressource publique d'une ville par l'équipe en place, ça peut poser effectivement un problème, puis, s'il y a des gens qui ont des solutions à ça, il faudrait les mettre en place. Ça fait appel davantage à l'éthique qu'à autre chose, mais ça fait appel aussi à la politique. Les gens, à un moment donné, peuvent exagérer, mais en même temps, si tu fais les choses qui arrivent à ce moment-là, est-ce que tu vas mettre des couvertures partout? Alors, comment trouver... À un moment donné, l'excès de vertu, là, ça devient aussi... Je ne sais pas. Nous, on est venus pour vous poser le problème.

Mme Leduc: D'accord. Je vous remercie. Il est bien posé. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Prévost, brièvement, il reste une minute.

Mme Papineau: M. le Président, si vous le permettez, ma question n'ira pas à la ville de Québec. J'aimerais, en continuation de ce matin – je n'ai pas voulu intervenir ce matin parce que je trouvais que la situation était un petit peu houleuse – parler au député de Laurier-Dorion et lui expliquer, ce matin, quand M. Bouthillier disait qu'il y avait, disons, une distorsion de la souveraineté à l'étranger et que ça...

Je dois vous avouer que, il y a deux mois, mon conjoint qui travaille depuis 26 ans pour une entreprise multinationale dont les sièges sociaux sont dans le sud des États-Unis... ils ont appris qu'il était marié à une «fucking péquiste» et ont tenté ni plus ni moins de mettre fin au contrat. On m'a avisée de ça et je suis allée rencontrer ces gens-là. C'étaient des gens du sud des États-Unis, bien sûr, donc qui ne venaient pas beaucoup au Québec. Je les ai rencontrés et ils se sont retrouvés devant une capitaliste qui parle anglais très bien, merci, mais qui siège avec un gouvernement social-démocrate, et ils étaient tout à fait enchantés de voir... Et j'ai demandé: Mais d'où tenez-vous cette information? Et on m'a dit: Bien, écoutez, c'est notre superviseur à Toronto qui nous a dit telle et telle chose.

Alors, je voulais juste attirer votre attention sur le fait, ce matin... et je veux juste vous donner ceci à titre d'information. Mais, pour moi, c'était comme embarrassant de voir que, parce que j'étais une péquiste surtout, bon... Donc, je voulais partager avec vous cette distorsion qu'on a de la souveraineté à l'extérieur.

La deuxième chose, c'est que j'étais à l'hôpital avec maman, à un moment donné, et il y avait une bénévole qui passait sur l'étage et qui demandait: Puis, allez-vous voter dimanche, madame? La plupart disait: Non, ou lundi. Elle prenait les noms des gens qui n'allaient pas voter. Je me suis dis: Pourquoi est-ce qu'elle fait ça?

Alors, voyez-vous, je voulais juste vous apporter des éléments concrets de ce qui peut arriver parfois.

M. Sirros: Moi, j'imagine que vous allez me permettre, M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Sirros: Moi, en tout cas, je comprends très bien puis je saisis très bien. Et je pense que ce que j'essayais d'exprimer ce matin en ne répliquant pas puis en ne répondant pas au mémoire qui avait été présenté ici par M. Bouthillier, c'est parce que je suis convaincu qu'une des distorsions, comme vous les appelez, vient des propos tels qu'ils ont été tenus ici ce matin. Ça crée le genre de réaction où les gens...

Écoutez, là, moi, je pense que, quand on a des gens qui amènent la notion de la souveraineté... Et j'ai trouvé ça dommage que vous ayez pris ça au sérieux de l'autre côté, honnêtement, parce que ça a été une présentation qui n'a fait qu'attiser les tensions. Quand les gens disent: Écoutez, là on est au Québec, il ne faudrait pas que les gens votent, à moins qu'ils n'aient une maîtrise de la langue officielle...

Là, je pense que nos invités nous regardent aller, mais je ne m'attendais pas à cet échange-là. Mais quand j'ai quelqu'un qui vient ici, en commission parlementaire, et qui dit: Moi, comme souverainiste, je veux que personne ne vote, à moins qu'ils n'aient une connaissance de la langue française...

M. Jolivet: Je m'excuse, lisez le document: langue française ou anglaise.

M. Sirros: Je m'excuse, il a dit: De la langue officielle.

M. Jolivet: Non, non. C'est marqué dans le texte et il l'a dit, les deux.

Mme Leduc: C'est marqué dans le texte, monsieur.

M. Sirros: Peu importe. Peu importe.

M. Jolivet: Ne déformez pas ce qu'il a dit. Excusez-nous.

M. Sirros: Écoutez, M. le Président, moi, j'ai bien compris que, dans la perspective d'un Québec indépendant, ce ne seraient pas les deux. Ça, c'est clair. O.K.? Et même le fait qu'il ne voulait pas que les gens votent, à moins qu'ils n'aient résidé au Québec pendant trois ans, c'était – laissez-moi finir; je vais arriver quelque part – parce qu'il voulait se substituer au fait que la citoyenneté québécoise n'existe pas. Donc, il disait: La langue officielle... Vous allez le voir dans le document.

(16 h 30)

Moi, je trouvais que ce genre d'affirmation éloigne les gens, crée de la division. Et il se peut que quelqu'un à Toronto, quand il entend ça, il forme l'opinion des souverainistes que vous venez de caractériser – et je ne le répéterai pas – et, par après, il la répande. Je trouvais que vous vous faisiez du tort vous-même en prenant ça au sérieux. C'est pour ça que j'ai préféré – exactement – l'écouter gentiment et poliment, lui dire que je ne trouvais pas ça sérieux, mais que je n'avais pas de question. Je vais la lire, pour le bénéfice du ministre qui s'offusquait et sautait de son siège, comme il a l'habitude de faire, la recommandation. Ça recommande la maîtrise de la langue officielle comme prérequis pour exercer son droit de vote. La langue officielle, on ne parle... Bien, je m'excuse, là, vous dites deux et, lui, il a dit «la langue officielle au Québec». La langue officielle au Québec, c'est le français, n'est-ce pas?

M. Jolivet: Il devra accepter que cette reconnaissance porte sur l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada. C'est marqué ici, dans le texte.

M. Sirros: Moi, je lisais sa recommandation. En tout cas, si vous voulez vous rabattre, pour vous défendre, sur le Canada, tant mieux!

M. Jolivet: C'est marqué.

M. Sirros: Mais j'imagine que, dans la perspective du Québec que vous voulez créer, l'anglais ne serait pas là-dedans.

M. Jolivet: Il y aurait une langue officielle.

M. Sirros: Donc, on aurait...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Chers membres de la commission...

M. Sirros: Excusez-moi, M. le Président, je veux juste conclure.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...j'aimerais vous souligner quand même...

M. Sirros: Oui, je sais, mais je voudrais...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...qu'on avait une rencontre à terminer avec les représentants de la ville de Québec et que là on est partis sur un autre débat. Avant qu'on poursuive ce débat, j'aimerais d'abord remercier les représentants de la démocratie de la ville de Québec, puisqu'on a là les trois partis présents à l'hôtel de ville de Québec. Donc, je vous remercie beaucoup de ces éclairages.

M. Sirros: Mais je présume, M. le Président – en remerciant, moi aussi, les représentants – que je ne veux pas faire subir ce genre d'échange. Je les remercie également pour les propos qu'ils ont tenus. Et j'inviterais les membres de la commission à poursuivre, parce que je n'ai pas terminé, vous m'avez coupé, M. le Président.

M. Jolivet: Non, non. Un autre débat.

M. Sirros: À un autre moment peut-être. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Avant de suspendre les travaux, j'aimerais vous rappeler que nous allons avoir le temps de formuler des remarques finales lorsque nous aurons terminé les auditions. Le type d'échange qu'on a là, d'après moi, serait plus pertinent ou plus opportun à ce moment.

Sur ce, nous ajournons nos travaux au 7 avril, à 9 h 30. Merci bien.

(Fin de la séance à 16 h 33)


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