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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 25 août 1998 - Vol. 35 N° 140

Consultations particulières sur le projet de loi n° 443 - Loi modifiant le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
Mme Céline Signori
M. Roger Paquin
*M. Jacques Fournier, Barreau du Québec
*Mme Suzanne Vadboncoeur, idem
*M. François Bousquet, idem
*M. Henri Brun, idem
*Mme Andrée M. Dupont, bureau du Curateur public
*M. André F. Rochon, idem
*M. Laurent Bussière, idem
* M. Robert Diamant, OPQ
*M. Michel Paquette, idem
*M. Christian La Force, CPAVIH
*Mme Johanne Leroux, idem
* Mme Lucie Ouellette, Association pour la défense des personnes
et biens sous curatelle publique
*M. Ura Greenbaum, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, chers collègues, bienvenue à la commission des institutions. Je rappelle le mandat de la commission: de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 443, Loi modifiant le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce que vous pourriez nous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee); et M. Mulcair (Chomedey) par M. Maciocia (Viger).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci. À l'ordre du jour, nous allons procéder, en début de séance, aux remarques préliminaires; à 10 heures, nous allons recevoir le Barreau du Québec; à 11 heures, le Curateur public; nous suspendrons nos travaux à midi; nous reprendrons les travaux à 15 heures avec l'Office des professions du Québec; nous entendrons ensuite le Comité des personnes atteintes du VIH du Québec; à 17 heures, nous recevrons l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique; et nous ajournerons nos travaux à 18 heures.


Remarques préliminaires

J'inviterais maintenant M. le ministre à nous faire part de ses remarques préliminaires.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 443 que j'ai présenté à l'Assemblée nationale le 27 mai dernier et dont le principe a été adopté le 5 juin 1998 propose, comme son titre l'indique, de modifier le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives, notamment en ce qui a trait au traitement de certaines demandes non contentieuses par un notaire.

Lors de l'adoption du principe du projet de loi n° 443, j'ai fait état des attentes des citoyens qui réclament une justice plus accessible, plus rapide et plus humaine, de même que des services publics de qualité. Ce sont ces objectifs qui ont amené le gouvernement à déposer le projet de loi sous étude. Ces attentes des citoyens pour une justice plus humaine se sont exprimées en diverses occasions, notamment au cours des audiences publiques tenues par la commission des institutions sur l'avant-projet de loi modifiant le Code civil en matière de recherche médicale, que vous avez présidée, M. le Président, et auxquelles plusieurs des députés membres de cette commission ont participé dans une atmosphère de collaboration, je me souviens, pour régler justement un autre problème délicat dû aux changements, au fond, merveilleux que nous apportent les progrès de la médecine moderne. Donc, il y a eu là plusieurs intervenants qui sont venus dire, par exemple, comment l'expérience de faire ouvrir un régime de protection pour sa mère ou son père pouvait être pénible pour les familles.

Actuellement, les proches de la personne doivent nécessairement s'adresser au tribunal pour faire déclarer juridiquement celle-ci inapte et lui faire nommer un représentant légal. Toutefois, la grande majorité des citoyens n'ont jamais eu affaire au tribunal ou, s'ils y ont eu affaire, n'en ont pas nécessairement gardé le meilleur souvenir, et ce, malgré le respect qu'ils ont pour cette institution. Aussi, lorsqu'ils sont confrontés à la situation où l'un des leurs devrait bénéficier d'un régime de protection, ils trouvent difficile le fait d'être obligés de s'adresser au tribunal pour faire déclarer leur mère ou leur père inapte. C'est en effet une chose que d'admettre que sa mère ou son père est en perte d'autonomie, c'est autre chose que de demander au tribunal de reconnaître leur état de dégénérescence.

Confrontés à cet état de fait, nous ne pouvons, à titre de législateurs, demeurer indifférents. Ils nous appartient de trouver des solutions de nature à faciliter – et j'insiste sur ces derniers mots – la protection de ces personnes vulnérables, et j'ajouterai, en tirant parti des avantages que nous donne la philosophie générale de notre droit civil qui se distingue quand même des autres formes de droit civil que l'on trouve sur le continent américain, mais qui est, par contre, partagé, je crois, par la majorité des pays civilisés de cette planète.

Cette préoccupation que je viens d'évoquer a amené le gouvernement à proposer des modifications législatives, dans certaines matières, que l'on qualifie de non contentieuses. Ainsi, le projet de loi traite notamment des demandes relatives au conseil de tutelle, à la nomination ou au remplacement d'un tuteur ou mineur, à l'ouverture ou à la révision d'un régime de protection ou au mandat en prévision de l'inaptitude.

S'il y a consensus sur les objectifs que nous poursuivons, tous ne s'entendent pas sur les moyens d'y parvenir. Or, les enjeux de ce projet de loi sont importants. Rappelons qu'il s'agit de matières où les personnes sont en état de vulnérabilité. Il faut donc faire preuve de la plus grande prudence. Pour cette raison, il nous a semblé primordial que les divers intervenants puissent s'exprimer, tant les professionnels impliqués que les organismes gouvernementaux ou non qui ont charge de protéger ou de représenter les personnes visées par le projet de loi.

Je suis confiant que, au cours des consultations qui s'amorcent, tous auront à coeur d'abord et avant tout l'intérêt de ces personnes vulnérables, et c'est constamment dans ce sens que doivent être orientées les interventions des différents groupes qui ont accepté de participer à la commission et des membres de cette commission.

Permettez-moi maintenant de présenter les grandes lignes de ce projet de loi. Il est d'abord important de souligner que le projet de loi n° 443 maintient toutes les règles actuellement applicables devant le tribunal. Cependant, il prévoit que certaines demandes pourront être soit présentées au tribunal compétent suivant les règles ordinaires qui régissent actuellement ces matières, soit référées à un notaire suivant des règles particulières adaptées à l'exercice de sa profession. En ce sens, c'est un choix supplémentaire, une voie alternative qui est offerte aux citoyens.

Lors de l'adoption du principe du projet de loi, j'ai indiqué que l'exercice des responsabilités confiées au notaire doit offrir aux justiciables des garanties procédurales équivalentes à celles dont ils disposent aujourd'hui relativement aux exigences de preuve du droit actuel. C'est pourquoi en toute circonstance le projet de loi prévoit que le notaire doit agir dans l'intérêt du mineur ou du majeur inapte. Au surplus, dans tous les cas, sauf pour la vérification d'un testament olographe ou devant témoins, le notaire sera tenu de déposer sans délai au greffe du tribunal du domicile ou de la résidence du mineur ou du majeur inapte une copie authentique du procès-verbal de ces opérations, accompagnée de toutes les pièces justificatives, en vue de son homologation par le juge ou le greffier, de sorte que les décisions de nature judiciaire soient prises par le tribunal et non par le notaire.

Il est important de rappeler, M. le Président, que la procédure d'homologation consiste à vérifier la légalité et à contrôler l'opportunité d'un acte qui, sans cela, serait dépourvu de toute force obligatoire. Il appartiendra donc au juge ou au greffier d'approuver ou de rejeter la demande qui lui est soumise, c'est-à-dire de rendre une décision de justice pouvant affecter les droits individuels du mineur ou du majeur inapte. Ainsi, le projet de loi précise que le juge ou le greffier pourra, même en l'absence d'opposition, rejeter les conclusions du procès-verbal du notaire ou rendre toutes les ordonnances nécessaires à la sauvegarde des droits du mineur ou du majeur inapte pour le temps et aux conditions qu'il détermine.

Enfin, toujours au niveau des garanties procédurales, il est important de souligner que la personne qui a des motifs de croire que les droits du mineur ou du majeur inapte ne sont pas suffisamment protégés pourra, à chacune des étapes, prendre les mesures nécessaires de façon à s'assurer que ses droits ne seront pas mis en péril. D'abord, si elle est la demanderesse, elle pourra s'adresser directement par voie de requête au greffier de la Cour supérieure pour l'ouverture du régime de protection. Si cette personne n'est pas la demanderesse et que la demande a été confiée à un notaire, elle n'aura qu'à faire valoir à celui-ci ses représentations, auquel cas ce dernier devra se dessaisir du dossier et le transférer au tribunal compétent. Si elle découvre les motifs après le dépôt, au greffe du tribunal, du procès-verbal du notaire, elle pourra les faire valoir au greffier, qui pourra rendre toutes les ordonnances nécessaires à la sauvegarde des droits de la personne inapte. Si elle les découvre ultérieurement à la décision du greffier, elle pourra demander au juge de réviser celle-ci. Enfin, si elle était hors délai pour formuler la demande de révision, elle pourrait s'adresser en appel devant la Cour d'appel en vertu du paragraphe 6 de l'article 26 du Code de procédure civile, appel qui, rappelons-le, est de plein droit.

(9 h 40)

Comme vous le constatez, M. le Président, le projet de loi n° 443 offre les garanties procédurales exigées par les chartes des droits. Au surplus, dans un processus de déjudiciarisation et une nouvelle approche de la justice visant à la rendre plus accessible, il propose que les compétences et le statut d'officier public du notaire soient mis à profit et facilitent la démarche des parents et de la famille lorsque les circonstances l'exigent.

Par ailleurs, le projet de loi n° 443 déjudiciarise davantage le processus en prévoyant que la tutelle au mineur pourra dorénavant être déférée soit par le conseil de tutelle, soit par le tribunal sur avis du conseil. De plus, toujours dans une perspective de déjudiciarisation, il apporte également une modification importante à l'article 200 du Code civil afin que le père ou la mère puisse nommer un tuteur à son enfant non seulement par testament ou par une déclaration en ce sens transmise au Curateur public, comme c'est le cas actuellement, mais aussi par un mandat donné en prévision de son inaptitude. Le projet de loi n° 443 propose donc de faire profiter les familles de l'expertise et de la qualité d'officier public des notaires dans les démarches à entreprendre pour procéder à l'ouverture d'un régime de protection, ou encore pour constater la prise d'effet d'un mandat donné par une personne en prévision de son inaptitude. Cependant, le processus entrepris devant le notaire devra toujours être homologué par le juge ou le greffier du tribunal afin d'en assurer l'intégrité par décision de justice.

Enfin, toujours dans une perspective de simplification de la procédure civile et de plus grande accessibilité de la justice, le projet de loi n° 443 propose de confier également au notaire, à titre d'officier public et de spécialiste des affaires successorales, une compétence concurrente pour procéder à la vérification des testaments olographes ou devant témoins, c'est-à-dire pour examiner l'original du testament et attester qu'il répond bien aux exigences de preuve que la loi exige. De même, dans le but de faciliter le règlement des successions, ce projet de loi propose aussi que toute personne intéressée puisse obtenir d'un notaire exerçant au Québec des lettres de vérification destinées à servir hors du Québec pour prouver sa qualité d'héritier, de légataire particulier ou de liquidateur d'une succession.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi n° 443 a pour objectif de faciliter la mise en oeuvre des régimes de protection du majeur et du mandat donné par une personne en prévision de son inaptitude, tout en rendant la procédure plus conviviale et moins rébarbative pour la famille. Dans la poursuite de cet objectif de déjudiciarisation et de simplification de la procédure, il est impératif de maintenir toutes les garanties judiciaires prévues à l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne, chapitre C-12 des Lois du Québec, quant à la détermination des droits et obligations du mineur ou du majeur inapte.

En terminant, je tiens à vous assurer que je serai, moi – et mes collègues – attentif aux différents commentaires qui seront exprimés lors de la présente consultation et que je les prendrai en considération lors de la prochaine étape législative du projet de loi n° 443. Je veux d'avance remercier tous ceux et celles qui ont accepté de participer à cette consultation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant M. le député de D'Arcy-McGee et porte-parole de l'opposition officielle à nous faire part de ses remarques préliminaires.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. C'est pour moi un honneur de faire partie de cette commission qui siège aujourd'hui dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 443. J'aimerais remercier tous les organismes et ordres professionnels qui ont travaillé à l'étude de ce projet de loi afin de nous donner leur opinion sur ce sujet très important et qui ont déposé les mémoires fort intéressants qui nous ont été soumis. Soyez certain que l'opposition officielle est très sensible aux commentaires et aux préoccupations qui ont été soulevés et qui permettront de nous éclairer dans nos travaux.

Avant de commencer, M. le Président, je voudrais mettre certaines choses au clair. J'exerce la profession de notaire depuis 1965. Aujourd'hui, cependant, j'exerce mes fonctions de parlementaire et je m'adresse à vous sur le projet de loi n° 443 en ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'application des lois professionnelles, et mes commentaires reposent sur une analyse approfondie faite en respect de la protection de la population et des divers ordres professionnels concernés par ce projet de loi.

M. le Président, le but de ce projet de loi est de faire un pas vers une justice plus humaine et à l'écoute des besoins de la population québécoise. En fait, il offre à la population une voie alternative et allégée quant aux procédures non contentieuses comme la vérification des testaments, l'homologation des mandats donnés en prévision d'une inaptitude, la tutelle au mineur et les régimes de protection au majeur. N'oublions pas que l'État québécois a conféré au notaire, il y a quelque temps, le statut d'officier public. En conséquence, la Loi sur le notariat, tout comme le Code et les règlements qui prévalent dans la profession, impose aux notaires du Québec les obligations très strictes d'indépendance et d'impartialité, et tout manquement à ces obligations est sévèrement sanctionné par les instances administratives et judiciaires concernées afin de protéger la population.

Le projet de loi qui est devant nous vise à offrir à nos concitoyens une meilleure accessibilité au système judiciaire dans des circonstances bien particulières, et ceci passe par le droit des justiciables au plus grand nombre de procédures, lesquelles sont, en fait, des procédures non contentieuses. Il faut savoir que le Code de procédure civile fait déjà du notaire un auxiliaire de justice, notamment en lui permettant, comme officier public, de présider, par exemple, les assemblées des parents, alliés et amis, et que son pouvoir d'agir en matière non contentieuse est historique. Les notaires interviennent déjà à des degrés divers dans des procédures visées par le projet de loi. Les fonctions dévolues au notaire par le projet de loi n° 443 s'exercent concurremment avec celles actuellement accomplies par le greffier ou le juge. On comprend donc que la procédure actuelle demeure, de sorte que les justiciables se voient maintenant offrir une voie alternative.

Il convient de préciser, M. le Président, que la nécessité d'assurer la protection du public a été et demeure un des facteurs prépondérants qui doivent nous conduire lors de nos travaux. Les démarches que nous entreprenons aujourd'hui visent à nous demander si, comme société, nous sommes prêts à confier aux notaires, officiers publics, certains rôles actuellement réservés exclusivement aux juges et aux greffiers de la cour.

M. le Président, de sérieuses questions ont été soulevées dans certains des mémoires déposés devant cette commission et demandent toute notre attention. Par exemple, premièrement, pensons aux garanties d'indépendance et d'impartialité prévues par la Charte des droits et libertés de la personne. Nous devons nous assurer que le projet de loi n° 443 accorde aux citoyens ces mêmes garanties. Deuxièmement, le notaire a-t-il un rôle de décideur? Dans quelques-uns des mémoires, toute la question d'impartialité tourne autour de cette notion de décideur. Il nous apparaît donc important de définir le rôle du notaire afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

Troisièmement, M. le Président, qu'en est-il réellement de l'impact économique qu'apportera l'adoption d'un tel projet de loi pour l'État et pour le citoyen? Une chose est certaine, c'est qu'il faut s'assurer à tout prix de ne pas créer une justice à deux niveaux, c'est-à-dire une justice plus accessible et plus rapide seulement pour les gens plus fortunés. Quatrièmement, en vertu du projet de loi, le notaire doit se dessaisir immédiatement d'un dossier, advenant contestation. La définition d'une contestation faisant l'objet de plusieurs questions dans les divers mémoires déposés, je crois qu'il sera important de nous attarder sur ce point.

(9 h 50)

Cinquièmement, à la lecture du projet de loi tel que rédigé, il faut nous demander si les parties intéressées seront avisées de la manière la plus adéquate possible et avec toutes les informations nécessaires leur permettant exactement... à quoi s'en tenir quant à la nature de la procédure intentée. Sixièmement, on demande aux notaires d'effectuer certaines fonctions très particulières qui demandent peut-être que l'on s'interroge sur la possibilité d'une formation additionnelle ou d'un processus d'accréditation pour les notaires qui veulent pratiquer dans les matières prévues au projet de loi n° 443. Septièmement, il y aurait lieu de nous demander si le lieu d'introduction des procédures peut entraîner des risques de dédoublement.

Comme vous le voyez, M. le Président, il est important d'entreprendre les travaux de cette commission avec une grande ouverture d'esprit, dans le respect des normes d'équité et d'impartialité qui caractérisent notre société, et ce, dans l'intérêt du mieux-être de la population et surtout de la protection et de la sauvegarde des plus vulnérables. Merci.


Auditions

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Ça va? Nous allons donc débuter nos auditions. Alors, j'inviterais maintenant les représentants du Barreau du Québec à nous faire part de leur mémoire.

Mesdames, messieurs, bonjour et bienvenue à la commission des institutions. En début de présentation, j'aimerais, pour les fins d'enregistrement de nos travaux, que vous, M. le bâtonnier, nous présentiez les gens qui vous accompagnent. Vous disposez donc d'une période de 20 minutes, laquelle période de 20 minutes d'exposé sera suivie d'échanges avec les membres de la commission.


Barreau du Québec

M. Fournier (Jacques): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Jacques Fournier, je suis bâtonnier du Québec. Avec moi, à ma droite, j'ai le professeur Henri Brun, qui est l'auteur d'un avis juridique qui est en annexe au mémoire que nous avons déposé; à ma gauche, Me Suzanne Vadboncoeur, qui est directrice des services de recherche au Barreau du Québec; et, à sa gauche, Me François Bousquet, qui est un ancien bâtonnier de section et qui est un spécialiste réputé en procédure civile.

Alors, je ne vous apprendrai rien en vous disant, M. le ministre, que le Barreau s'oppose farouchement au projet de loi n° 443, nos prises de position antérieures et le mémoire déposé devant la commission parlementaire en sont garants. Je vous dirais, par ailleurs, que notre opposition, contrairement à certaines impressions qui ont pu être véhiculées, n'est pas dirigée contre la Chambre des notaires et qu'elle n'est en rien mue par des intérêts corporatistes. Vous comprendrez que les avocats sont peu souvent appelés à intervenir dans les questions ou les sujets soulevés par le dépôt du projet de loi et que l'impact économique est minime, pour ne pas dire inexistant, pour les membres du Barreau. L'opposition du Barreau tient plutôt à son attachement à certaines valeurs sûres qui sont associées à un processus judiciaire indépendant et public et que les tribunaux supérieurs, surtout dans le domaine de la justice administrative – mais ça doit s'appliquer dans tous les domaines – ont souvent été appelés à exprimer et à confirmer. Alors, la notion de justice indépendante est au coeur de toute la proposition que nous allons vous soumettre.

Le principe d'une justice privée, sauf dans les domaines où le consensualisme est possible – je pense, entre autres, aux arbitrages en matière de droit du travail où on choisit son juge, mais où les deux parties choisissent le juge – ne nous apparaît pas compatible avec les règles dans la matière suggérée dans le projet. La justice privée ne nous apparaît pas compatible avec les objectifs qui sont de protection de droits, qui sont d'ordre public et qui sont des attributs de la personnalité.

Nous reconnaissons, par ailleurs, le mérite qu'il y a à l'idée d'humaniser le processus et de le rendre plus accessible et moins coûteux, et que cette idée est en soi louable et s'accorde bien avec nos propres priorités. Cependant, ce n'est pas à n'importe quel prix qu'on peut humaniser la justice. Il y a un prix à payer pour qu'elle soit indépendante.

On nous aura déjà servi l'argument voulant que le système est facultatif – c'était dans les commentaires du député de D'Arcy-McGee, c'était dans vos commentaires d'ouverture – et que la clientèle peut continuer à choisir la voie traditionnelle. Soit! Le problème, cependant – et c'est là où le bât blesse – c'est que le choix qui est donné aux justiciables n'appartient pas à celui dont les droits sont mis en question, mais qu'il appartient à celui qui met les droits en question. Alors, c'est le requérant qui va décider ou qui pense qu'il y a lieu d'ouvrir un régime de protection qui va choisir le régime, et ça, c'est une partie de notre inquiétude parce que la personne qui nous intéresse ici, c'est la personne qui est plus démunie, c'est la personne dont présumément on dira qu'elle a peut-être perdu une partie de ses capacités. Ce n'est pas elle qui a le choix et ce n'est pas elle qui a l'option. Autrement dit, l'option est exercée par la personne qui estime qu'il y a lieu d'ouvrir un régime de protection et non pas par celui qui peut se le voir imposer. Donc, au départ, le choix du mode procédural appartient à celui qui déjà s'est formé une prétention sur le meilleur régime ou sur le meilleur remède et qui, ensuite de ça, choisit le véhicule pour faire valoir cette prétention, et là c'est un accroc sévère.

Une fois l'option levée, le demandeur a le choix de décider. Et, quand je parle de demandeur, je parle de requérant, là, mais j'en parle indifféremment. Le demandeur a le choix de décider qui serait le décideur parce que la prétention du Barreau – et Me Vadboncoeur va vous le détailler plus amplement – est à l'effet que le notaire a ici un pouvoir de décision. Alors, c'est la personne, le requérant ou le demandeur, celui qui s'est déjà formé une opinion, qui a le choix du décideur, non seulement du mode de décision, mais également du décideur le plus susceptible de donner suite à la prétention qu'il soulève dans sa demande et, ultimement, de se chercher un décideur qui, lui, donnera suite à sa demande, et je m'explique. Dans le système de loi tel qu'il est proposé, s'il s'avérait qu'un premier notaire refuse, il n'y a absolument aucun mécanisme de publicité et rien qui n'empêche qu'on en consulte un second ou un troisième jusqu'à temps qu'on en trouve un dont l'opinion correspondra à celle du demandeur.

Cette étape franchie, le notaire qui est d'accord avec la prétention du requérant et qui a exprimé un avis que le remède suggéré est ouvert et devrait être appliqué fait ensuite l'enquête et décide s'il y a lieu ou non d'ouvrir un régime de protection. La même personne qui, en début de processus, à titre de conseiller juridique – parce que les notaires sont aussi des conseillers juridiques – a déterminé quel était le remède devra maintenant décider s'il y a lieu ou non de l'appliquer. Il serait surprenant – et ce n'est pas de la façon dont l'esprit humain fonctionne – que, après avoir considéré que c'était telle voie qui était ouverte, après avoir fait les démarches en vue d'ouvrir telle voie, la même personne, en bout d'analyse, dise: Non, je me suis trompée au départ, ce n'est pas la bonne voie et je refuse le remède. Et c'est aussi un des vices que l'on voit au système parce que, au départ, le notaire portera deux chapeaux. Il portera, d'abord, le chapeau de conseiller juridique – il est compétent pour le faire – mais, ensuite de ça, il portera ultimement le chapeau de décideur, et c'est le décideur qui va décider si, oui ou non, l'opinion qu'il a émise – éliminée au départ, là – était la bonne.

Dans un autre ordre d'idées, dans le système actuel, le juge ou le greffier a l'obligation de vérifier si toutes les personnes intéressées ont été appelées dans le système proposé. Ce sont des officiers neutres qui n'ont aucun intérêt pécuniaire ou autre dans le litige, les juges ou les greffiers. Et je voudrais préciser ici que, lorsqu'on parle de partialité appréhendée, il ne s'agit pas de viser les individus que sont les notaires, il ne s'agit pas de les taxer d'une quelconque façon d'un préjugé, il s'agit de défendre le principe d'impartialité institutionnelle et non pas le principe d'impartialité sur une base ponctuelle à chaque dossier.

(10 heures)

Alors, dans le système proposé maintenant, cette vérification-là, la vérification de qui sont les parties intéressées qui seront appelées, appartient au notaire qui a pour client le demandeur. Ce sont ces deux personnes-là qui, en début de processus, vont décider qui est intéressé ou non dans l'affaire.

On peut se demander si cette vérification peut être rigoureuse vu qu'elle est conditionnée par des parties qui se sont déjà formé une opinion et vu le fait que les deux acteurs ont déjà déterminé, au départ, le sort de la demande – alors, c'est la même personne, c'est l'argument que je faisais tantôt – et, qui plus est, n'ont pas nécessairement d'intérêt à susciter de possibles contestations, bien au contraire.

Alors, s'il y a une contestation, le requérant qui s'est formé une opinion sur la conclusion, sur le régime qu'il y aurait lieu d'ouvrir, il n'a pas nécessairement intérêt à ce que tout le monde... et c'est lui qui, en bout de ligne, va dire au notaire: Tel parent, telle personne devrait être appelée ou être consultée. Ce sont elles, les personnes intéressées, et c'est eux, le notaire et le demandeur, qui ensemble vont décider.

Alors, d'une part, s'il y a une contestation, le demandeur risque de voir ses conclusions refusées. Plus il y a de personnes appelées ou intéressées, plus il y a des chances que ça se produise. Et, d'autre part, le notaire, dans l'éventualité d'une contestation – et c'est là où on parle de conflits d'intérêts, et, encore là, je le dis sur un point de vue institutionnel, d'impartialité institutionnelle – n'a pas, lui non plus, intérêt à ce qu'il y ait une contestation; ça le prive du mandat. Alors, dès qu'il y a une contestation qui a été suscitée, le notaire est obligé de se désaisir Alors, déjà, au début du processus, il est possible que son jugement soit embué, et je le dis en tout respect. On voit alors que, dans le régime proposé, le décideur se trouve dans des situations potentielles et perpétuelles de conflits d'intérêts.

M. le ministre, depuis 25 ans, la société québécoise s'est donné plusieurs outils de promotion du droit des personnes. D'abord, en 1975, puis c'est entré en vigueur en 1976, la Charte des droits est entrée en vigueur et elle reconnaît de façon non équivoque la primauté du droit des personnes. Le travail a été consolidé en 1994 à l'entrée en vigueur du nouveau Code civil qui exprime encore clairement la primauté qu'il y a lieu de donner au droit des personnes. Et, entre-temps, déjà, en 1990, on a entrepris toute une réforme des régimes de protection et introduit les notions de mandats d'inaptitude. Les chartes, autant canadienne que québécoise, ont érigé, en principe, le droit à une justice indépendante et impartiale.

Encore vous, M. le ministre, à l'occasion de vos commentaires sur le rapport Bisson la semaine dernière, vous parliez d'indépendance de la justice. Dans les journaux ce matin, à l'occasion ou suite aux commentaires du juge Lamer sur l'obligation de réserve, tout baigne dans un fond d'indépendance de la justice. C'est un principe qui est reconnu chez nous.

En procédure civile, si vous allez – et c'est un article très, très simple – à l'article 234 du Code de procédure civile qui traite de récusation, je pourrais vous donner et je vais vous donner, au départ, cinq motifs qui militent contre le projet tel qu'il est formulé maintenant. Alors, d'abord, le juge – et, nous, on assimile le notaire à un juge – doit se récuser s'il a déjà donné un conseil sur le différend. Alors, il s'est formé une idée au départ. Le juge doit se récuser s'il a exprimé son avis extrajudiciairement. Le juge doit se récuser s'il est directement intéressé dans le sort du procès ou du litige. Le juge doit se récuser s'il est le représentant légal d'une partie au litige, et c'est probablement ici qu'on est le plus au coeur du sujet. Le juge doit se récuser s'il a quelque intérêt à favoriser l'une des parties, et c'est, encore là, au coeur du sujet.

Ces dispositions, à l'heure actuelle, traitent et couvrent l'ensemble du Code de procédure civile et, je pense, couvrent les matières non contentieuses aussi, parce qu'on veut que, pour des matières non contentieuses aussi, le droit des personnes soit protégé et soumis aux mêmes garanties.

Je ne me trompe pas si je vous dis que l'indépendance judiciaire est au coeur, c'est une des assises de notre système. Vous nous avez conviés, M. le ministre, à une réforme globale du Code de procédure civile, où on va repenser nos systèmes de justice civile. L'invitation qui vous est faite, c'est de peut-être attendre que tous, tous les intervenants de la justice et du monde légal, nous soyons assis à une table et que nous discutions ensemble du genre de justice que l'on veut. Il y a fort à parier que le consensus se fera autour du fait qu'il y a lieu de toujours avoir une justice qui est indépendante. Le fait de rémunérer, qu'une partie rémunère le décideur, c'est contraire à ce principe.

Vous pensez aux notions de droit administratif également, et je pense qu'il est utile de les introduire ici. Vous savez comme moi, M. le ministre, qu'en droit administratif on ne demande pas au juge ou au décideur d'être impartial, on lui demande en plus d'être, selon toute apparence, impartial. La simple ombre à cette qualité d'impartialité là, une simple ombre, une apparence d'impartialité appréhendée est suffisante pour disqualifier le juge. Alors, ici, on prévoit un mécanisme où le juge est rémunéré, encore une fois, par une des deux parties. Déjà là, si on était – on n'est pas en justice administrative – en justice administrative, ça serait suffisant pour ouvrir des mécanismes de révision judiciaire.

Sur le plan économique, le Barreau vous soumet que nous avons beaucoup de difficultés à voir comment il peut y avoir des épargnes aux citoyens alors qu'une partie du processus maintenant est administrée par la justice publique. L'analyse, la preuve, les conclusions et le jugement, c'est administré par le système public. Les droits de greffe qui, on me dit, sont de 66 $ – parce que je n'en fais pas, je vous l'ai dit au début, les avocats n'en font pas – ne changeront probablement pas. Il y aura des droits de greffe à payer également pour l'homologation. Et là le professionnel qui est appelé maintenant à agir comme conseiller désormais devra poursuivre le processus, alors que maintenant une partie du processus est prise en charge par l'État au moment où les droits de greffe sont payés. C'est difficile de concevoir – je ne pense pas qu'il y ait d'études économiques qui le démontrent – qu'il y ait une économie pécuniaire.

Je vais terminer, M. le ministre, sur ces propos. M. le Président, je vous remercie de nous avoir entendus. Me Vadboncoeur pourrait vous expliquer en quoi le Barreau estime que le pouvoir du juge est un pouvoir de décideur et, ensuite, Me Brun et Me Bousquet pourront répondre à vos questions, ainsi que moi-même.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, Me Vadboncoeur.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vais être brève compte tenu du peu de temps qu'il nous reste. Il faut analyser ce projet de loi là dans la perspective de l'évolution qu'il a connue depuis les débuts, c'est-à-dire depuis le premier projet de juillet 1997. Dans ce premier projet, le notaire était un tribunal au sens de l'article 4 du Code de procédure civile. Cet article-là était modifié pour inclure le notaire dans certaines circonstances. Or, dans ce projet initial, il était évident, clair, sans l'ombre d'un doute que le notaire possédait des pouvoirs de nature décisionnelle et que ces pouvoirs-là étaient de nature judiciaire, puisque c'était un tribunal.

On a tenté, au fil des différentes versions, de masquer un peu le vocabulaire qui tendait à démontrer qu'il s'agissait de décisions. Maintenant, le procès-verbal, on ne parle plus de décisions, on parle de conclusions. Les conclusions sont l'aboutissement d'un processus d'administration de la preuve, sont un processus d'évaluation des expertises, sont un processus qui donne suite à l'interrogatoire du majeur inapte dans les cas d'ouverture d'un régime de protection ou d'un mandat en cas d'inaptitude, fonctions qui sont actuellement, en vertu du régime traditionnel, exercées par le juge ou le greffier.

(10 h 10)

Donc, on constate – et je vous réfère au mémoire du Barreau, aux pages 6 et suivantes pour la nature décisionnelle du pouvoir du notaire et aux pages 11 et suivantes pour le caractère judiciaire de ces décisions-là – en comparant les fonctions exercées par le juge, d'une part, ou le greffier et celles exercées par le notaire, que ces pouvoirs-là sont de même nature.

Et je passe tout de suite la parole à Me Bousquet pour la minute qu'il reste.

M. Bousquet (François): Alors, écoutez, Me Fournier, pour l'institution, vous a expliqué que, quant à nous, ce qui est le plus important, c'est d'éviter l'accroc voulant que le décideur soit choisi et payé par la personne qui va rendre la décision. Me Vadboncoeur vous a parlé abondamment, dans le mémoire du Barreau, de l'aspect judiciaire de la décision.

Quant à moi, je veux plutôt faire un recul en arrière et vous parler de la procédure actuelle, parce que, contrairement à ce qui a été véhiculé, il me semble que la procédure actuelle ne cause pas de problème majeur. Des ajustements en matière de réduction des délais et des coûts dans tous les domaines de la justice sont souhaitables, et, d'ailleurs, c'est l'objectif de la réforme de la procédure civile qui a été mise en branle. Mais il n'y a pas de problème majeur ou ponctuel dans ce domaine-là qui a été démontré, à ma connaissance.

Je vous réfère à deux pages extrêmement importantes du mémoire du Barreau. On a une réforme qui est intervenue en 1989. À la page 21 du mémoire du Barreau, vous verrez comment les parlementaires, en commission parlementaire comme nous le sommes aujourd'hui, se sont exprimés. À la page 21, vous avez et il a été souligné ceci – c'est vers le bas de la dernière citation de la page 21: «La mise sous tutelle ou sous curatelle étant un acte lourd de conséquences, il me semble que, si la préoccupation majeure du législateur est la protection – et je pense que cette préoccupation-là, c'est celle qu'on a aujourd'hui – le législateur n'a guère le choix. Seul le tribunal, comme le prévoit maintenant le projet de loi [...] est en mesure d'offrir cette protection optimale que l'on recherche.»

Alors, là, on est en 1989. Il y a eu des abus. Il y a eu, sur simple signature d'un psychiatre, des gens qui ont perdu le droit de signer des chèques dans leur compte de banque. Et, suite à ça, qu'est-ce qui se produit? Il se produit qu'on modifie la loi en 1989.

On a une réforme du Code civil – vous le savez – qui intervient en 1992. En 1992, dans les commentaires du ministère de la Justice... Ici, je vous réfère aux pages 17 et 18 du mémoire du Barreau. Aux pages 17 et 18, il y a une citation des commentaires du ministère de la Justice où, dans les deux dernières lignes de la page 17, vous verrez que le législateur de l'époque dit: C'est dans le but de préserver le plus possible l'autonomie des personnes que le Code établit des régimes de protection souples et qui prévoient des procédures procédurales accrues. Alors, il faut bien comprendre qu'il y a quelques années, on parlait de règles procédurales accrues pour protéger ces personnes-là.

Et, toujours dans la même citation, mais un peu plus bas, à la page 18, évaluation faite par un tribunal impartial et indépendant. Et on référait au fait que présentement, sauf exception prévue à la loi, quand un mandat d'inaptitude ou un régime de protection est ouvert, le greffier va interroger la personne. Et c'est ce à quoi on référait ici, à la page 18, quand on parle, à l'époque, dans les commentaires du ministre de la Justice, d'une évaluation faite par un tribunal impartial et indépendant.

Nous aurions donc, et je le soumets, un consensus créé suite à certains abus, qu'on a voulu, en 1989 et dans la réforme de 1994, modifier. Donc, on a voulu éviter ces accrocs-là et faire en sorte qu'on ait un régime qui, finalement, fonctionne de la façon suivante. Là, il faut replacer les pendules à l'heure. Contrairement à ce qui a été véhiculé partout, il est faux de prétendre que les gens sont continuellement devant le tribunal. Présentement, si une demande est contestée, elle va devant le tribunal. Avec le régime proposé, si une demande est contestée, elle ira encore devant le tribunal.

Alors donc, ce qui nous intéresse, ce sont les demandes non contestées. Présentement, les demandes non contestées qui sont initiées chez un notaire, le notaire va à la cour effectivement, mais les citoyens, les personnes, la famille, n'ont pas à aller au tribunal. Il est certain que la personne qui devra faire l'objet de l'homologation d'un mandat d'inaptitude sera interrogée par un greffier plutôt qu'être interrogée par un notaire, mais nous vous soumettons, nous, que c'était précisément l'objectif du législateur, au moment de la grande réforme, en 1989, et ensuite au moment de la réforme du Code civil, de faire en sorte que justement l'interrogatoire soit fait par quelqu'un d'impartial et d'indépendant.

On aura... C'est regrettable.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous aurez l'occasion de poursuivre lors des questions, si vous le voulez.

M. Bousquet (François): Oui. J'étais bien lancé, par ailleurs.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais je pense que, la discussion étant bien amorcée, on va pouvoir, par les questions et les échanges, la relancer convenablement.

M. Bousquet (François): Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, je vous remercie de cette présentation forcément écourtée, compte tenu du temps. Alors, M. le ministre.

M. Ménard: D'abord, je remercie le Barreau de sa collaboration. Je reconnais, au départ, personnellement – et j'espère que ce sera reconnu par tout le monde – que, dans cette question, le Barreau n'a aucun intérêt économique. Nous avons effectivement... Il y a 3 000 demandes de protection par année, à peu près. On sait qu'effectivement les avocats ne poursuivent pas leur intérêt économique là-dedans. Je pense que c'est bon de le préciser, dès le départ.

Je vais vous poser des questions qui peuvent apparaître comme des critiques. C'est probablement vrai, mais dites-vous bien que c'est parce que je désire obtenir votre opinion sur des questions qui sont soulevées aussi par d'autres intervenants. Lorsque nous tiendrons compte de ces objections posées par d'autres intervenants, c'est bon que nous ayons vos réponses.

Première question que je voudrais vous demander, c'est: Lorsqu'une personne devient incapable de gérer ses biens, d'après vous, à qui devrait appartenir la responsabilité d'initier le processus de protection?

M. Fournier (Jacques): À l'un de ses proches.

M. Ménard: Maintenant, dans le choix des mesures à prendre justement pour... et dans l'administration du régime de protection, normalement, est-ce que ça doit relever de l'État ou de la famille?

M. Fournier (Jacques): Le processus d'administration des biens?

M. Ménard: Oui.

M. Fournier (Jacques): Ça doit relever de la famille, mais qui rend des comptes.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Moi, là-dessus, M. le ministre, si vous permettez, j'ai peut-être une petite réserve. Parce que, dans le meilleur des mondes, quand il n'y a pas de problème, quand tout va bien, c'est sûr que les gens, les proches de la personne inapte ou de la personne à qui on pense retirer des droits sont certainement les mieux placés, parce qu'ils la connaissent mieux, je suis d'accord, sauf qu'ils n'ont peut-être pas le recul nécessaire et l'objectivité nécessaire pour prendre toutes les décisions, d'une part.

D'autre part, il y a aussi les expertises médicales et psychosociales qui constituent des preuves importantes. Et le fait que ce soit une tierce personne, comme dans n'importe quel litige, différend, conflit – appelez ça comme vous voudrez – je pense, qu'il y ait un arbitre, tiers, neutre, indépendant, c'est probablement la personne la plus objective pour prendre les décisions qui s'imposent dans le meilleur intérêt de la personne visée. Parce qu'il y a aussi beaucoup de cas, malheureusement, qui se présentent où les gens qui forment l'entourage immédiat de la personne n'ont pas toujours, toujours, toujours les meilleures intentions du monde. Ça existe, ça. La nature humaine étant ce qu'elle est, malheureusement on assiste à des cas comme ceux-là. C'est probablement ces cas-là, surtout, qui méritent qu'une personne neutre, et impartiale, et indépendante s'y penche.

M. Fournier (Jacques): Mais, M. le ministre, que ce soit les proches qui en prennent l'initiative, ça, je n'ai pas de problème avec ça. Le problème, c'est au niveau du contrôle de l'intérêt des proches, ensuite de ça. C'est pour ça qu'on cherche l'indépendance.

M. Ménard: On va y aller. Je vais prendre les problèmes dans l'ordre où vous les avez soulevés. La recherche du notaire. Dans votre idée, cette recherche du notaire va-t-elle s'accompagner d'une recherche d'un autre médecin et d'un autre travailleur social pour avoir une opinion psychosociale qui soit favorable au résultat que désire le requérant?

M. Fournier (Jacques): Potentiellement, oui. Écoutez, au départ, là...

M. Ménard: Alors, je comprends que vos inquiétudes supposent la combinaison d'une famille qui veut abuser d'une personne qui serait en situation de vulnérabilité, d'un médecin qui émettrait une opinion en ce sens, d'un travailleur social qui est employé par l'État qui serait complaisant, d'un notaire qui risquerait aussi de commettre une erreur professionnelle et d'aller contre la déontologie. Ça suppose quand même cette combinaison et puis, ensuite, d'une personne qui est à ce point incapable... de ne pas faire valoir, elle, de s'adresser à qui que ce soit, soit au greffier, soit à un avocat, soit en appelant la Chambre des notaires, ou le syndic, ou je ne sais trop, n'importe quel. Ça suppose quand même une combinaison assez exceptionnelle et une conspiration assez large.

(10 h 20)

M. Fournier (Jacques): Mais, au départ, un des problèmes qu'on soulève, c'est l'absence de publicité. C'est ça, le problème. C'est: Comment on sait qu'elle a été refusée une première fois? Comment on sait que le processus n'a pas réussi s'il n'y a pas de dossier?

M. Ménard: Alors, on pourrait le demander.

M. Fournier (Jacques): On le demande à qui?

M. Ménard: Le notaire pourrait s'en informer.

M. Fournier (Jacques): Oui. Il pourrait s'en informer, mais à qui? Au demandeur? Au même demandeur?

M. Ménard: Correct.

M. Fournier (Jacques): La beauté des cours d'archives, c'est que, quand il y a des demandes de déposées et que les demandes sont refusées, la cour d'archives en tient un dossier et on sait ce qui s'est produit.

M. Ménard: O.K. Ça va. On va en tenir compte. On peut en tenir compte aussi en... En tout cas, on verra.

L'autre chose. Vous nous dites que le requérant décide qui sera appelé. Est-ce que ça ne peut pas être compensé, ça, par le fait que le notaire doit quand même s'informer d'un certain nombre de questions usuelles? Quels sont les parents, les ascendants, les descendants, les collatéraux et les personnes qui peuvent avoir pour cette personne un intérêt particulier? Et là je pense particulièrement aux situations de plus en plus fréquentes dans nos sociétés, aux conjoints de fait. Alors, de s'informer s'il y a conjoint de fait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Bousquet.

M. Bousquet (François): Voici, M. le ministre, il faut comprendre – et je relance aussi la question précédente – que la personne qui est mal intentionnée, le citoyen qui désire, pour une raison quelconque, faire en sorte que son frère, son vieux père, ou peu importe, perde ses droits civiques peut lui-même, avant toute démarche préliminaire chez le notaire, effectivement trouver, dans un moment – parce que, vous savez, il peut y avoir la médication, il peut y avoir un tas de choses qui font qu'une personne, à un certain moment, est plus ou moins lucide – un travailleur social, un psychologue ou peu importe qui constatera de facto qu'à ce moment-là la personne n'est pas apte à administrer ses biens.

C'est donc muni de cette information-là qu'il pourra se présenter chez un notaire, sans nécessairement devoir dire au notaire: Vous savez, vous le 14e que j'essaie, et dire au notaire: Voici, c'est ce que le médecin me rapporte. Évidemment, je ne vous dis pas que cette situation-là sera... Je vois immédiatement la réaction des gens. Je ne vous dis pas qu'il y aura 14 essais à chaque fois. Ce que je vous dis, c'est qu'on devrait avoir un système judiciaire qui évitera qu'on puisse faire en sorte que je me présente chez un deuxième, parce que ça n'a pas marché le premier coup, muni d'une version différente que j'ai ajustée parce que, moi, je suis mal intentionné.

Et le professionnel avec lequel je fais affaire a l'obligation de me poser des questions. Y a-t-il un conjoint de fait? Mais, si moi je décide que je vais répondre non, on pourra se réveiller dans la situation suivante. Comme on n'a pas de cour d'archives et comme on n'a pas de publicité, on pourra se réveiller dans la situation très plausible où vous auriez, pour la même personne, le conjoint de fait qui, d'un côté, aurait entrepris des démarches pour faire homologuer le mandat d'inaptitude le nommant mandataire à la personne et, de l'autre côté, des proches parents qui auraient commencé, en catimini, derrière des portes closes, des démarches pour faire nommer un curateur. Bien entendu, ces deux décisions-là auront été homologuées suite à de fausses représentations faites au notaire, j'en conviens. Cependant, ça va coûter combien et quels seront les efforts qui devront être faits pour détricoter ce qui aura été mal tricoté, au départ?

Alors, on doit avoir la préoccupation de protéger la personne par une justice qui sera publique. Présentement, toute personne peut consulter le greffe du tribunal et savoir s'il y a une requête qui est pendante et y intervenir. Ce n'est pas, bien entendu, dans les cas faciles que la loi causera problème. Là, je vous donne un exemple. On pourrait, si on voulait réduire les délais et les coûts en matière pénale – et l'exemple est grossier, j'en conviens – munir les policiers de l'autorisation de m'arrêter sur le bord de la route et de me dire: Tant que tu ne m'as pas donné 200 $, tu ne repars pas, sinon je t'amène en prison. Ça réduirait forcément les délais et les coûts, mais est-ce qu'on pourrait parler de justice? La réponse, c'est non. Dans les cas où il y aurait raison d'exiger paiement de l'amende, bien entendu, tout le monde s'en réjouirait, mais les cas où il y aurait abus, on dirait: Mais diable! Où est la protection judiciaire? Or, ce sont dans ces rares cas qu'il risquera d'y avoir problème et non pas dans les cas faciles.

M. Ménard: Il va falloir qu'on aille un peu plus vite, parce qu'ici on n'est pas en cour, hélas. Je l'ai remarqué depuis longtemps. Le temps est limité. Je voudrais que les autres députés qui ont préparé sérieusement cette chose puissent poser aussi des questions. Il m'en reste quand même un certain nombre.

Quand au conflit d'intérêts que vous craignez sur le notaire, dans la profession d'avocat, qui décide qu'il est en conflit d'intérêts ou pas?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Lui-même souvent se voit en situation de conflit d'intérêts et ultimement le comité de discipline...

M. Fournier (Jacques): Mais, M. le ministre...

M. Ménard: Puis il y a un intérêt fort à rester en conflit d'intérêts, n'est-ce pas?

M. Fournier (Jacques): Oui, c'est possible.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Non, ça...

M. Fournier (Jacques): Mais on ne parle pas de la même chose, M. le ministre. On ne parle pas de quelqu'un qui prend des décisions, là.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Il ne décide pas, là.

M. Ménard: J'en viens à ça. Maintenant – là-dessus, je pense que vous m'avez déjà répondu oui – vous assimilez le notaire au juge. Est-ce que vous faites la même assimilation au greffier? Assimilez-vous le greffier au juge? Oui?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui. C'est la Cour supérieure.

M. Ménard: Quant aux réformes que nous avons entreprises, je pense que nous savons tous, nous étions d'accord que... Comme on disait, le grand ménage ne doit pas empêcher de faire les petits ménages.

M. Fournier (Jacques): On donnait le coup de balai, à ce moment-là.

M. Ménard: Oui, il est plus précis, celui-là. Ça va.

Maintenant, je sais que, en fait, l'essentiel de votre argumentation repose sur le fait que le notaire est dans une position d'un décideur. Je serais particulièrement heureux d'avoir l'opinion de Me Brun, ou n'importe qui. Faites-vous une distinction entre un décideur qui décide quand il n'y a pas conflit et quelqu'un qui décide quand il y a conflit?

M. Brun (Henri): Pour commencer, je n'ai certainement pas le monopole de vérité là-dessus, mais je pense que la question d'existence ou d'inexistence de conflit est assez artificielle. Je veux bien admettre que, au départ de ce processus ici de protection des personnes inaptes en raison de leur âge ou d'autres facteurs, c'est non contentieux au départ, mais virtuellement ça peut le devenir n'importe quand. Et je pense que de construire...

J'ai lu ça, entre autres, dans un autre document qui a été préparé dans le contexte de ce débat-ci, qu'il n'y a pas lieu ici de se poser de questions parce qu'on est en matière non contentieuse. À mon avis, c'est très artificiel. C'est fondé sur des notions très abstraites, en tout cas, pour établir toute une différence au niveau des exigences de justice. Quand on va même jusqu'à dire qu'ici il ne peut pas y avoir de problèmes d'impartialité, même institutionnelle, parce qu'il n'y a pas de parties, je pense que, honnêtement, c'est de ne pas aller au fond des choses. Il n'y en a peut-être pas au départ, mais virtuellement...

M. Ménard: Puis-je vous aider à préciser votre pensée? Voici ce que nous visons. La famille constate que l'un de ses membres est atteint d'une maladie dégénérescente, perd tranquillement... Elle est malheureuse de cette situation comme le serait toute famille normale. Elle recherche un conseiller juridique capable de l'aider à prendre la meilleure décision dans l'intérêt de cette personne, dans l'intérêt de son patrimoine.

Nous croyons, dans notre système, que le notaire est un conseiller juridique qui assure la certitude des contrats qu'il passe, qu'il peut aider la famille à prévoir la meilleure solution qui peut être l'un des divers systèmes de protection et qu'il fera un choix là-dedans.

Dès qu'il y a conflit, le notaire doit s'en sortir. C'est la seule décision qu'il peut prendre, c'est d'abord de constater lui-même si la personne est dans une situation qui donne ouverture, dans notre droit, à un système de protection. Est-ce que toute décision professionnelle demande que l'on ait les mêmes garanties qu'un juge ou bien s'il n'y en a pas dans des contextes... Parce que les exemples qui étaient donnés par le bâtonnier tout à l'heure, c'était dans les conflits de travail où on choisit son juge. Mais on choisit son juge dans une situation de conflit. Ici, voyez-vous, un conflit dans la situation que je vous expose et dont on me dit qu'elle constitue l'immense majorité des cas...

M. Brun (Henri): Le conflit virtuel, s'il devait exister et dans les cas où il existe, il est extrêmement important, il porte sur la question de savoir si on doit priver une personne de l'exercice de ses droits. Le premier droit qui est consigné à l'article 1 de la Charte des droits et libertés...

M. Ménard: Dans son intérêt...

(10 h 30)

M. Brun (Henri): ...l'article 1 du Code civil, la personnalité juridique, le droit d'exercer ses droits. Je n'ai aucun doute que le notaire soit un excellent conseiller juridique, mais il me semble que, à partir du moment où on fait du conseiller juridique d'un demandeur le décideur, on tombe dans un potage qui n'a pas de sens au plan de l'indépendance institutionnelle. C'est une question purement institutionnelle. Moi, je n'ai pas de doute que, dans la très grande majorité des cas, le notaire va se récuser, va obéir à cette disposition à laquelle vous faites allusion et transmettre le dossier à la Cour supérieure. Mais le test n'est pas là, M. le ministre, le test est de savoir quel est le jugement que porterait la personne raisonnable par rapport à cette situation institutionnelle. Est-ce que le décideur, l'endroit où ça va se passer concrètement, le cabinet du notaire, est-ce que cette personne raisonnable va penser que justice, sur ces questions très importantes, va être rendue? Et c'est tout. La réalité derrière, si belle qu'on puisse l'imaginer, n'a aucune importance.

M. Ménard: Alors, Me Brun, si la réponse à la question que j'ai posée et qui est exactement... dans cette situation, si l'opinion des députés, c'est que, oui, une personne raisonnable aurait confiance en un pareil processus, on n'enfreint pas la Constitution?

M. Brun (Henri): Il est certainement légitime, de la part des députés élus, d'essayer de se placer à l'endroit de la personne raisonnable, mais je dois vous dire néanmoins qu'en bout de ligne ce seront des juges qui auront le mot final là-dessus. Des vrais juges.

M. Ménard: Une dernière question. En 1989, lorsque les remarques ont été faites, c'est exact qu'il n'y avait pas d'examen psychosocial de la personne?

M. Bousquet (François): Honnêtement, en 1989, je ne pourrai pas répondre à ça. Tout ce que j'ai vu, c'est qu'il y avait eu des commentaires qui avaient été faits en commission parlementaire, où on disait: Il faudra cesser de pouvoir enlever à une personne ses droits sur simple signature d'un psychiatre ou sur simple signature d'un examen psychiatrique. Est-ce qu'il y avait évaluation, est-ce qu'on l'appelait évaluation ou examen médical? Je ne serais pas en mesure de répondre. J'ignore si Mme Vadboncoeur ou...

M. Ménard: Bon. Pourriez-vous vérifier et nous envoyer cette réponse par écrit? Parce qu'il y a des modifications, je crois, qui ont été apportées depuis 1989, qui font que maintenant il y a un examen quand même par un médecin et par un travailleur social.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Ah, vous voulez savoir exactement quelle était la situation avant le projet de loi n° 145, parce que c'est de ça qu'on parle?

M. Ménard: C'est-à-dire au moment où les remarques de Me Filion ont été faites et au moment, d'ailleurs, où la cause que vous nous citez – j'oublie laquelle – dans votre mémoire a été décidée et qui est aussi en 1989. Je ne me souviens plus, là. Mais je veux laisser la chance à d'autres députés de poser des questions aussi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Fournier, M. Brun, Me Vadboncoeur et Me Bousquet, je vous remercie beaucoup pour la présentation que vous avez faite aujourd'hui et pour le mémoire que vous avez soumis, je l'ai trouvé fort intéressant. Vous avez soulevé quelques questions, et je veux avoir votre commentaire sur quelques sujets que vous avez soulevés et qui ont été soulevés par d'autres mémoires qui ont été soumis à cette commission.

La première question, c'est la question des dédoublements qui a été soulevée dans quelques mémoires. Je vois un commentaire par le Protecteur du citoyen, qui dit: Comment un notaire serait-il informé qu'aucune demande au même effet n'a été présentée à un collègue, au juge ou au greffier, et comment le greffier saurait-il qu'une même demande n'a pas été présentée à un notaire? Pouvez-vous faire une comparaison d'une situation qui existe aujourd'hui sur la possibilité d'un dédoublement et qui existera sur le projet de loi n° 443, dans votre esprit?

M. Fournier (Jacques): C'est-à-dire qu'aujourd'hui la possibilité qu'il y ait un dédoublement, deux instances d'ouvertes, existe toujours théoriquement, mais les mécanismes de contrôle sont là, parce que les greffes des tribunaux... La Cour supérieure, c'est une cour d'archives, la cour d'archives ouvre des dossiers et garde en mémoire tout ce qui s'est fait depuis sa création. Alors, à l'heure actuelle et par consultation des plumitifs informatisés il est possible de vérifier si, oui ou non, des demandes ont été faites; quel que soit le sujet, matière contentieuse ou non contentieuse, il est possible de vérifier au greffe, par voie du plumitif qui s'étend sur tout le territoire de la province, pour savoir s'il y a eu une demande au sujet de telle, telle ou telle personne. Alors, ça, c'est faisable maintenant.

M. Bergman: Mais est-ce qu'on doit vérifier les plumitifs de chaque district judiciaire ou est-ce que...

M. Fournier (Jacques): Oui, on peut vérifier tous les districts du Québec.

M. Bergman: Oui, mais ça veut dire que le parent en question doit vérifier le plumitif au présent de chaque district judiciaire pour savoir qu'il n'y a pas dédoublement et...

M. Fournier (Jacques): Non, je ne vous dis pas que les parents le font, je ne vous dis pas que c'est fait, mais je vous dis que le mécanisme d'une cour d'archives permet le contrôle.

M. Bergman: Alors, en fait, dédoublement peut exister sur le présent système.

M. Fournier (Jacques): Théoriquement, oui.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui, sauf que, M. le député, si vous permettez, à l'heure actuelle le Code prévoit une règle de compétence territoriale; les demandes doivent être présentées, doivent être produites dans le district judiciaire de résidence ou de domicile de la personne à protéger. Donc, les gens n'ont pas à parcourir tous les districts judiciaires de la province pour voir s'il y a une demande pendante ailleurs à cause de ces règles de compétence territoriale qui existent dans le Code actuellement et qui n'existeront plus avec le nouveau régime.

M. Bergman: Alors, quelle suggestion est-ce que vous avez pour le projet de loi n° 443 pour éviter ce dédoublement qui peut arriver?

M. Fournier (Jacques): Il faudrait nécessairement qu'au départ, lorsqu'une demande est faite, elle passe par le greffe et qu'on ouvre un dossier de cour. C'est le seul moyen, je n'en connais pas d'autres, mécanismes de contrôle.

M. Bergman: Au domicile...

M. Fournier (Jacques): Quel que soit le régime choisi après, quel que soit le sort que l'Assemblée fera à la loi ou au projet de loi, avec modifications ou non, si vous voulez qu'il soit public, il faut que la porte d'entrée soit le greffe d'un tribunal. Et les mécanismes, l'institution, existent déjà, là, le greffe de la Cour supérieure peut très bien remplir cet usage-là. Ensuite de ça, il arrivera peut-être autre chose, mais au moins vous saurez au départ qu'un notaire a été saisi d'une demande.

M. Bergman: Et au district judiciaire de la personne concernée.

M. Fournier (Jacques): Pour la protection de cette personne-là, oui.

M. Bergman: M. le Président, vous avez indiqué dans votre mémoire, à la page 16, que le choix du notaire se fait parfois en fonction du montant d'honoraires qu'il chargera, et vous avez parlé de «notaire shopping». Par ce commentaire, est-ce que vous pensez, s'il y avait une grille d'honoraires sur ces procédures, que ça éviterait ce problème, et qu'on peut vous satisfaire dans...

M. Fournier (Jacques): C'est-à-dire que ce qu'on a appelé du «judge – ou du notaire – shopping», ce n'est pas simplement dans un sens économique. Il y a l'aspect économique que, oui, une grille tarifaire réglerait probablement vu que les prix seraient les mêmes un petit peu partout. Ce n'est pas dans ce sens-là. C'est dans le sens où une personne se présente chez un notaire et, comme il n'y a pas de publicité dans le projet, la publicité dont on vient de parler, si le notaire n'est pas d'accord ou n'accepte pas le mandat au départ – parce qu'il n'est pas d'accord il estime qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir le régime demandé – on peut aller en voir un autre. C'est plutôt dans ce sens-là qu'on voyait le problème.

M. Bergman: Mais pour retourner à ma première question, s'il y avait une grille d'honoraires pour ces procédures, est-ce que ça enlèverait le problème d'impartialité ou de choix du notaire? Car vous avez misé beaucoup, dans votre présentation, sur la question des honoraires qu'un notaire chargerait et qu'il y a une question d'impartialité qui est affectée par les honoraires que chargerait le notaire?

Une voix: Suzanne, peux-tu préciser?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Ça réglerait un des problèmes. Parce que c'est sûr qu'au moment où on se parle il n'y a rien qui précise dans le projet de loi que les actes... donc l'interrogatoire, par exemple, qui actuellement se fait par le greffier et pour lequel les parties ou les judiciables n'ont pas à payer, là, c'est sûr que, si le notaire procède à un tel interrogatoire, à moins qu'il décide lui-même de s'en dispenser – autre exemple de décision qu'il aurait à prendre – s'il procède à l'interrogatoire donc, il devra se déplacer dans l'institution, dans la maison, dans le centre d'accueil. Bon. Le temps qu'il va consacrer à ça, son déplacement, il va charger pour ça, et il n'y a rien qui prévoit une grille d'honoraires ou un tarif dans l'état actuel du projet de loi. Ça, ça réglerait effectivement un des problèmes, mais c'est loin d'être le seul; bien au contraire, c'est une question secondaire à mon point de vue.

M. Bergman: Sur la question de l'interrogatoire, à quelle place est-ce que vous mettez l'interrogatoire fait par le notaire? Est-ce que le notaire peut contredire l'avis médical qu'il a reçu en faisant l'interrogatoire? Quelle est la place de l'interrogatoire? Est-ce que vous pensez que le notaire doit avoir une formation spéciale pour faire cet interrogatoire. Et est-ce que le notaire, à votre avis, peut se substituer aux experts médicaux en faisant les interrogatoires? Dans votre esprit, quel est le rôle et le but de l'interrogatoire?

(10 h 40)

M. Bousquet (François): Il y a une chose qui est certaine, c'est que présentement le greffier peut, et dans des cas le fait, décider qu'il n'ouvrira pas, par exemple, un régime de protection ou que plutôt que d'ouvrir un régime de protection avec un curateur, il ouvrira un régime de protection avec un tuteur. Dans certains cas, s'il est d'avis que... En matière de mandat d'inaptitude la marge de manoeuvre du greffier est beaucoup plus restreinte, le mandat peut être homologué partiellement pour les biens seulement ou encore pour les biens et la personne, mais en matière de régime de protection il arrive que le greffier choisisse dans le respect de l'autonomie de la personne d'ouvrir un régime autre que celui qui est demandé.

Dans le mémoire du Barreau, le Barreau s'est interrogé sur la possibilité que le notaire aurait ou n'aurait pas modulé le régime suggéré ou proposé par le travailleur social ou enfin par la preuve médicale au dossier. J'ai essayé de trouver, au mémoire du Barreau – je pourrai peut-être essayer de trouver la page et vous la mentionner tout à l'heure... Mais les comités sur lesquels j'ai travaillé au Barreau, on en est venus à la conclusion qu'on n'était pas certains, qu'on n'était pas clairs dans l'état actuel du «wording» du projet de loi si le greffier pouvait accorder moins, entre guillemets, que ce qui était suggéré. Là-dessus, il y aurait à tout le moins précision qui n'est pas présentement dans le projet de loi.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Peut-être un complément de réponse, M. le député, si vous permettez. Il y a une disposition, là – je ne la trouve pas sous la main à l'heure actuelle – dans le Code qui dit que le tribunal n'est pas lié par la demande qui est présentée. Ceci veut dire que le tribunal, selon la preuve qu'il recueille – quand je dis tribunal, juge ou greffier, l'un et l'autre s'identifient au tribunal, donc ils ne sont pas liés par la demande – selon les témoins qu'il interroge, si jamais il y a lieu d'interroger d'autres témoins, il peut décider de moduler un régime ou carrément de refuser le mandat, en cas d'inaptitude, ou de compléter par un autre régime de protection.

Mais je doute fort que le notaire ait cette latitude-là. Évidemment, vu que c'est lui qui aura recueilli la preuve, au moment de l'homologation le greffier qui va regarder le procès-verbal du notaire, il ne sera pas plus en mesure, lui, de savoir si c'est le bon régime ou pas, d'autant plus que ce qui est envoyé aux personnes qui auront été convoquées chez le notaire, c'est le procès-verbal et un avis du dépôt du procès-verbal, sans plus. Alors, ils ne sauront même pas qu'ils sont en mesure d'intervenir à une étape ultérieure, lors de l'homologation ou même d'une révision éventuelle.

M. Bergman: Me Vadboncoeur, une petite question sur votre intervention. Le Protecteur du citoyen a suggéré qu'on fasse un enregistrement de l'interrogatoire, est-ce que vous pensez que ça améliorerait le dossier?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Ça aussi, on le signale d'ailleurs dans le mémoire. Bizarrement, on ne sait pas trop pourquoi, dans les régimes de protection, ouverture ou révision d'un régime de protection, l'interrogatoire du majeur est résumé dans un procès-verbal. Le notaire... en fait, oui, résume. Donc, d'après les questions pertinentes à son avis et les réponses pertinentes à son avis, il va en prendre note, alors que dans le mandat en cas d'inaptitude cet interrogatoire-là est pris vraiment mot à mot, c'est un verbatim – passez-moi l'expression. Alors, on ne sait pas trop pourquoi il y a une différence entre ces deux régimes là. Mais c'est certain que, encore une fois, c'est une garantie moindre, dans les cas de régime de protection, le fait que l'interrogatoire ne soit que résumé dans le procès-verbal du notaire par rapport à l'interrogatoire qui est pris mot à mot sous le régime actuel.

M. Bergman: On a vu dans beaucoup de mémoires la question de l'avis et pour avoir des règles plus précises sur le contenu de l'avis. On a vu les suggestions qui ont été faites dans les mémoires pour indiquer que le dossier peut être transféré au tribunal en cas de contestation, avis qui contient tous les renseignements pour permettre à l'intéressé de connaître la situation, pour instruire les intéressés des droits qui résultent pour eux quand ils reçoivent cet avis.

Est-ce que vous pouvez nous donner votre opinion sur l'avis? Est-ce que l'avis doit avoir des règles précises et des indications précises aux intéressés?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Écoutez, il existe dans le Code actuellement des annexes au Code qui énoncent le contenu de certains avis. Dans l'état actuel du projet de loi, on soulève des questions ou on souligne certaines lacunes sur l'absence d'informations communiquées aux parties ou aux personnes intéressées dans tout le processus. Vous en avez mentionné quelques-unes.

On n'a pas suggéré de modifications; comme on l'a mentionné dans le mémoire, on n'a pas suggéré d'améliorations. Mais c'est sûr que, dans l'état actuel du projet de loi, personne... on ne dit pas qui va informer les personnes intéressées que le notaire a décidé de référer le dossier au tribunal, on ne sait pas quand le procès-verbal va être transmis aux parties, aux personnes intéressées, avec un avis de dépôt. Bon.

Un avis de dépôt, c'est un avis de dépôt. Ce n'est pas un avis comme quoi il va y avoir une étape ultérieure. Alors, les personnes ne connaîtront pas du tout le sort qui sera réservé à la demande, d'autant plus qu'on a pris la peine de mentionner, dans le projet de loi, que le greffier, au moment de l'homologation, ou le juge, peut modifier les conclusions, entre guillemets, du notaire.

Donc, il faudrait quand même que les gens sachent quand ça se produira, si jamais ils veulent intervenir au besoin. Et la même chose, le même argument sert également à l'étape de la révision. Et l'appel évidemment on n'en parle pas parce qu'il faut que quelqu'un fasse appel; si personne n'est au courant, il n'y aura personne qui fera appel.

M. Bergman: Dans les mémoires, ici, M. le Président ou Mme Vadboncoeur, on a vu beaucoup de discussions sur les questions de contestation. Quand est-ce que les contestations ont lieu? Est-ce que le notaire doit faire un jugement ou une décision quand il reçoit le dossier, que c'est un dossier contestable? Est-ce qu'il le fait à tout moment? Est-ce que c'est une contestation sur les buts principaux du dossier? Quelle est votre opinion sur les questions de contestations, et quand le notaire doit se dessaisir du dossier en faveur du tribunal?

M. Fournier (Jacques): Bien, ça, là-dessus, vous touchez un des points qui effectivement se retrouve un peu partout. C'est que la notion de contestation réelle, elle n'est pas cernée. Tout d'abord, on ne sait pas ce qu'est une contestation réelle et on ne sait pas non plus le sort qui serait réservé aux incidents. Ce sont des imprécisions qu'il y a dans le projet de loi qui nous amènent à avoir des inquiétudes. Comment le déterminer? Il faudrait à tout le moins établir ce qu'est une contestation et, dès qu'il y a contestation sur un simple incident, ne serait-ce que le lieu du district où a été pris la demande, quelque chose comme ça, le notaire devrait être appelé à se dessaisir.

L'autre problème, c'est que c'est le notaire qui décide si, oui ou non, il y a contestation. Ce n'est pas quelqu'un d'autre; ce n'est pas un tiers qui est appelé à décider ça, c'est le notaire qui décide s'il y a contestation et, ensuite de ça, se dessaisit, s'il décide que oui.

M. Bergman: Mais ce n'est pas tout à fait le notaire, car les parties aussi peuvent décider que ce dossier est contestable, et elles peuvent demander que le dossier soit référé aux tribunaux, n'est-ce pas?

M. Fournier (Jacques): M. le député, les parties peuvent soulever l'objection, les parties peuvent se présenter et dire qu'elles ont une contestation ou une objection, que ce soit au niveau préliminaire ou sur le fond, mais c'est le notaire qui décide si, oui ou non, il y a contestation réelle.

Qu'est-ce que veut dire «réelle»? À partir du moment où on dit: Il y a une contestation, elle est réelle. On verra si elle est fondée ou pas. Mais qu'est-ce que ça veut dire «contestation réelle»?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Et, pour compléter, si vous permettez...

Une voix: Une question claire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Une question claire, Ha, ha, ha! L'article 863.7 du projet de loi dit bien: «Lorsque la demande qu'il examine fait l'objet d'observations ou de représentations équivalant à une contestation réelle de son bien-fondé.» Alors, on parle du bien-fondé de la demande principale, c'est-à-dire de la demande d'ouverture ou de révision d'un régime ou la demande de prise d'effet d'un mandat en cas d'inaptitude. C'est de ça qu'on parle, là. Ce n'est pas une contestation réelle sur une objection à une preuve ou bien donc sur une demande incidente pour avoir une expertise supplémentaire ou pour faire interroger monsieur ou madame Y, là. Ce n'est pas là-dessus qu'on parle.

(10 h 50)

Alors, il y a plusieurs étapes où il peut y avoir une contestation mais qui ne portera pas nécessairement sur le bien-fondé de la demande principale. Et à ce moment-là le notaire, en vertu encore du projet de loi, est bien fondé de conserver le dossier et d'essayer de régler les mésententes qui peuvent se produire dans son bureau.

Une voix: ...la dispense d'interrogatoire.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui, effectivement, le notaire peut se dispenser lui-même de procéder à l'interrogatoire également, l'interrogatoire du majeur, et ça, dans les deux cas, cas d'ouverture d'un régime de protection ou cas de mandat en cas d'inaptitude. S'il y a une contestation sur ce point de vue là, ce n'est pas le bien-fondé de la demande, donc il n'a pas à se dessaisir du dossier, mais ça peut avoir une grosse incidence au point de vue de la preuve, par exemple, et sur la décision ultime à prendre.

M. Bergman: Est-ce que vous pensez que le projet de loi doit avoir plus de balises sur les questions de contestation?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Ce sera à vous à décider.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Blainville.

Mme Signori: Merci, M. le Président. Moi, ça va être très court, j'ai un commentaire et une question. À la page 18 de votre mémoire – je commence par le commentaire, je vais terminer par la question – vous dites: «Si le notaire n'est qu'un conseiller comme le prétend le ministère, il est raisonnable de croire qu'il sera le conseiller de la personne qui viendra le consulter et qui lui "présentera" la demande, puisque ce sera vraisemblablement cette personne qui paiera ses honoraires.»

Vous insinuez le conflit d'intérêts à ce moment-là, quand on parle de frais d'honoraires. Est-ce que vous parlez du même conflit d'intérêts quand le Barreau ou les avocats ont à défendre des gens? J'ai de la misère un peu avec ça, parce que c'est comme insinuer qu'en partant il y aura toujours conflit d'intérêts. Alors, j'ai un peu de misère avec ça. C'est un commentaire.

Maintenant, peut-être que vous allez pouvoir répondre en même temps que ma question, parce que comme mon temps est très limité, et je veux poser aussi ma question. Dans la dernière phrase de ce même paragraphe, vous dites: «D'autre part, comment le notaire pourra-t-il être assuré de l'objectivité et de l'entière bonne foi de son client?» À ce moment-là, par rapport au demandeur, en quoi le greffier ou le juge sont-ils dans des situations différentes pour juger de la bonne foi du client? Alors, c'est une question que je vous pose.

M. Fournier (Jacques): Est-ce que vous me permettez tout d'abord de répondre au commentaire?

Mme Signori: Eh bien, un commentaire en général ça ne demande pas de réponse, mais, si vous avez goût, gênez-vous pas.

M. Fournier (Jacques): Oui, oui, ça me brûle les lèvres même.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier (Jacques): C'est que la différence essentielle qu'il y a entre l'avocat et le notaire, dans ce cas-là, c'est que l'avocat, lui, il est payé pour être partisan et partial. Il doit être objectif, mais son rôle d'essence, il est partial. Alors, ce qu'on dit ici c'est que le notaire, étant appelé à décider ultimement, il ne peut pas être partial. C'est ça, la distinction entre l'avocat et le notaire.

Pour ce qui est de la différence entre le greffier et le juge, ça tient encore à ça, à une question de paiement d'honoraires. Il faut se rappeler que le greffier et le juge ne sont pas payés par la partie qui fait la demande, alors qu'ici la partie qui fait la demande, c'est elle qui requiert les services du notaire et c'est elle qui va les rémunérer, alors que le greffier et le juge sont payés par l'État.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Si vous permettez un complément aussi, c'est que toutes ces questions-là qui sont posées, c'est à l'intérieur d'un tout qui nous a fait réaliser, à l'analyse du code actuel, donc du système actuel par rapport au système proposé, que les personnes qui se présenteront chez un notaire non pas pour que le notaire agisse comme conseiller juridique comme ça se fait aujourd'hui, mais bien comme décideur – et je vous invite à lire les pages qui portent sur le pouvoir décisionnel – ces personnes-là ont des garanties moindres. Il y en a; le mémoire est farci d'exemples où les garanties sont moindres.

Quand on dit ici, dans ce paragraphe-là, «Comment le notaire pourra-t-il être assuré de l'objectivité et de l'entière bonne foi de son client?», c'est sûr que le greffier et le juge ne sont pas plus au courant, sauf qu'il y a plus de garanties procédurales données par le système traditionnel qui protègent davantage les droits des personnes inaptes ou les personnes démunies. Je vais vous donner des exemples. Dans le système traditionnel, les demandes doivent être signifiées et non notifiées – il y a une différence fondamentale – elles doivent être signifiées à personne, ça veut dire à la personne même. Elles ne peuvent pas être signifiées à une autre personne. Alors, il y a déjà une première distinction.

On parlait tantôt de l'interrogatoire; dans un cas, c'est juste résumé dans un procès verbal, dans l'autre c'est vraiment le mot à mot de l'interrogatoire qui est là. Dans le système traditionnel, il y a un délai de 10 jours qui est donné aux personnes intéressées pour qu'elles puissent intervenir, le cas échéant. Ici, on ne parle pas de délai, il n'y en a pas; ça n'existe pas, des délais, les gens peuvent être convoqués dans les 24 heures, si on veut.

Dans le cas actuel, le notaire, qui agit comme simple conseiller juridique – auquel cas il n'est pas en conflit d'intérêts parce qu'un conseil juridique doit prendre les intérêts de son client, alors on ne parle pas de conflit d'intérêts quand il s'agit d'un conseiller juridique – transmet à l'assemblée de parents et d'amis les expertises médicales puis les interrogatoires. En vertu du projet de loi, il ne les transmet pas, il a simplement à en faire état. Et c'est quoi, faire état de quelque chose, quand on le constate?

Bon, alors, je ne veux pas prendre plus de temps qu'il faut, mais il y a énormément de petits détails qui font que les garanties, en vertu du projet de loi, sont moindres que celles qui sont accordées aux justiciables en vertu du système traditionnel. Et c'est uniquement là-dessus que le Barreau intervient et s'oppose au projet; ce n'est pas parce que le notaire X ou Y ne fera pas bien son travail, ce n'est pas ça, l'idée. Comme le disait tantôt le professeur Brun, c'est au niveau institutionnel, au niveau de l'apparence de justice impartiale uniquement, puis de la protection des droits forcément, c'est uniquement à ce niveau-là qu'on intervient.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Me Vadboncoeur, il semble que certains greffiers en matière de tutelle aux mineurs exigent la présentation de deux requêtes successives, l'une pour l'homologation du procès verbal de l'assemblée des parents visant la constitution du conseil de tutelle et l'autre pour l'homologation du procès verbal du conseil de tutelle pour la nomination du tuteur, alors que d'autres n'en exigent qu'une seule. Et il y avait des demandes qu'il y ait une directive du ministre ou une clarification par ajout au projet de loi n° 443.

Je soulève la question, car on voit, même ici, qu'il y a des procédures qui sont différentes parmi les greffiers. Je pense que c'était Me Brun, dans le mémoire, qui indiquait qu'il y a peut-être des procédures qui seront un peu différentes suivies par les notaires où il n'y a pas les règles strictes dans le projet de loi. Est-ce que vous pensez qu'il doit y avoir une correction à cette anomalie?

M. Bousquet (François): M. le député, concernant le fait qu'en matière de tutelle certains greffiers interprètent la loi différemment l'un de l'autre, la réflexion spontanée qui m'est venue en tête, c'est que je pense qu'on n'a pas besoin d'une réforme globale pour régler un problème ponctuel de cette nature-là. Alors, si, effectivement, il y a une disposition en matière de tutelle – dont honnêtement je ne connais pas les tenants et les aboutissants – s'il y a effectivement un problème d'interprétation quant à savoir si on doit avoir une ou deux requêtes, je pense qu'on pourrait très facilement régler cette difficulté-là sans même nécessairement d'amendement législatif mais, au besoin, par un amendement ponctuel.

Et ce qui est plus inquiétant, ce que Me Vadboncoeur donnait, c'est l'impression qu'on a deux voies, dont l'une serait l'alternative de l'autre, où, une, la justice est très encadrée et où, l'autre, elle semble être expéditive. C'est ça qui cause le malaise.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ça épuise le temps dont nous disposions pour cette audition. Je vous remercie, chers représentants du Barreau, de cette présentation.

(11 heures)

Nous recevons maintenant les représentants du Curateur public.

M. Fournier (Jacques): Merci, M. le Président.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'inviterais maintenant les représentants du Curateur public et j'inviterais les membres de la commission à reprendre place à leurs sièges, s'il vous plaît.

Madame, messieurs, bienvenue à la commission des institutions.

Mme Dupont (Andrée M.): Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Pour les fins de l'enregistrement de nos échanges, je vous inviterais, en début de présentation, à vous identifier. Et vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Mme Dupont (Andrée M.): De 20 minutes? Parfait. Excellent.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et de 40 minutes, évidemment, d'échanges à la suite de cette présentation.

Mme Dupont (Andrée M.): Parfait. On commence maintenant?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Mme Dupont.


Curateur public

Mme Dupont (Andrée M.): Andrée Dupont, directrice des relations avec la clientèle.

M. Rochon (André F.): André Rochon, conseiller juridique du Curateur public.

M. Bussière (Laurent): Laurent Bussière, responsable du bureau du Curateur public à Québec.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci. Alors, madame, si vous voulez présenter votre mémoire.

Mme Dupont (Andrée M.): D'accord. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, vous comprendrez que Mme Bailly est absente aujourd'hui, question de force majeure. Nous sommes en situation de crise assez grave, au Curateur public, actuellement, et Mme Bailly est demeurée à son poste pour réaliser le plan de redressement qui est actuellement en cours pour les personnes démunies.

Comme vous le savez, le Curateur public est une personne nommée par le gouvernement du Québec pour protéger les droits et les biens des personnes inaptes ainsi que les biens délaissés. Cette institution existe depuis 1945, et sa mission a varié énormément, au cours des années. J'aimerais situer le contexte pour MM., Mmes les députés. Le Curateur public est souvent nommé par le tribunal dans le cas de conflits familiaux, dans le cas où la famille ne peut ou ne veut s'occuper de la personne inapte et aussi quand le tribunal juge que la famille n'est pas apte à s'occuper du majeur.

L'entrée en vigueur, en avril 1990, de la Loi du curateur public a précisé cette mission et fondé et modulé les régimes de protection en fonction de l'inaptitude de la personne. Elle a aussi judiciarisé le processus d'ouverture de régimes et institué une réévaluation périodique obligatoire des personnes sous protection.

Je fais un petit aparté pour dire que, effectivement, au Curateur public, nous, depuis que la nouvelle loi est en cours, nous trouvons que le fait que le tribunal joue un rôle majeur élimine le spectre qui a été connu avant la nouvelle loi, c'est-à-dire que, par la simple signature d'un certificat d'inaptitude, la personne pouvait se retrouver sous régime. Dans ce cadre-là, la modulation des régimes et le tribunal qui en fait la nomination sont pour nous une garantie accrue de la protection des droits de la personne.

En ce qui concerne la protection des personnes et la gestion des biens, l'administration du Curateur public est fondée sur sa loi, sur les dispositions du Code civil du Québec, sur la Charte des droits et libertés et sur quelques autres dispositions législatives. Le Curateur public assume donc une double responsabilité envers les personnes vulnérables: en tant que représentant légal, il voit à la protection et à l'exercice des droits des personnes qu'il représente ainsi qu'à l'administration de leurs biens. Il est aussi chargé d'aider les membres de l'entourage qui voudraient devenir représentants légaux à sa place.

En tant qu'officier public, le Curateur public assure une fonction d'assistance, d'information et de surveillance pour les tuteurs et les curateurs privés. En sa qualité de représentant légal, il revient au Curateur public de prendre les décisions requises pour que les besoins des personnes qu'il représente soient satisfaits et que leurs droits soient respectés. Il doit chercher à assurer que la personne qu'il représente a reçu des soins de qualité adaptés à ses besoins et dispensés dans le respect de ses droits.

Le Curateur public doit, dans l'exercice de sa fonction de Curateur ou de tuteur, agir comme une personne prudente et diligente, soucieuse du bien-être de toutes et chacune des personnes qu'il représente. Il se fonde sur les notions fondamentales d'intérêt de la personne, de respect de ses droits fondamentaux, de sauvegarde de son autonomie, qui sont d'ailleurs inscrites au Code civil du Québec. La mission du Curateur public consiste également à intervenir lorsque les droits des personnes sous régime de protection ou en voie de l'être semblent menacés par des législations.

Le projet de loi 145 qui a donné naissance à la Loi du curateur public, telle qu'elle se lit actuellement, a fait l'objet de discussions en regard du processus judiciaire que certains trouvaient quelque peu lourd. La lecture des débats parlementaires révèle que ce processus a néanmoins été agréé par tous les partis politiques comme un mal nécessaire pour la plus grande protection des citoyens et des citoyennes les plus vulnérables qui sont généralement peu au fait de leurs droits ou peu en mesure de les exercer et, je dirais même, peu en mesure de les exprimer. Nous allons donc essayer de déterminer si le projet de loi n° 443 porte atteinte à ces garanties et, si oui, quels changements depuis 1994 peuvent justifier la réforme d'un mécanisme savamment élaboré et qui est maintenant bien rodé.

Le Curateur public n'a pu trouver aucun événement récent de nature soit sociale ou juridique qui puisse justifier une telle innovation. Il y a bien sûr toujours place à l'amélioration, notamment quant à la question des délais et des coûts engendrés par de telles procédures. Néanmoins, s'il faut choisir entre deux maux, le Curateur public choisit définitivement une protection accrue pour les personnes vulnérables qui courent le risque d'être dépouillées injustement de leur droit d'administrer leur patrimoine ou de consentir à des soins pour elles-mêmes.

Une étude détaillée des articles du projet de loi nous permet de conclure qu'il n'offre pas, dans sa formulation actuelle, toutes les garanties nécessaires à la protection des droits des personnes inaptes. En vertu de l'article 863.4, les demandes relatives au conseil de tutelle, à la nomination ou au remplacement d'un tuteur au mineur, à l'ouverture ou à la révision d'un régime de protection ou même au mandat en cas d'inaptitude, à la vérification des testaments et aux lettres de vérification peuvent aussi être présentées au notaire. Cette disposition a donc pour effet de créer une juridiction concurrente à celle de la Cour supérieure.

Effectivement, le dépôt du procès-verbal tient lieu, en vertu de l'article 863.9, d'une requête en homologation. En l'absence d'opposition dans les 10 jours du dépôt, le juge ou le greffier peut soit accueillir les conclusions du procès-verbal, soit les rejeter. On peut s'interroger sur le fait suivant: Le projet de loi confère-t-il un pouvoir décisionnel au notaire ou ce pouvoir, qui est de nature judiciaire, est-il exercé lors de l'homologation des conclusions du procès-verbal?

Ainsi, aux termes de l'article 863.6, c'est le notaire qui dresse le procès-verbal sur lequel repose le déroulement de toute la procédure et qui pourrait éventuellement contenir des informations susceptibles d'inciter le tribunal à refuser l'homologation, même en l'absence d'opposition. Dans le contexte où un notaire aurait omis involontairement un fait essentiel et que la conséquence de cet oubli serait l'ouverture d'un régime de protection, il est difficile de soutenir que nous ne sommes pas en présence de l'exercice, pour ce notaire, d'un pouvoir décisionnel de nature judiciaire. La conséquence de cet oubli sur l'exercice des droits du citoyen est énorme, puisqu'elle pourrait avoir des conséquences ou pour effet de lui retirer totalement ses droits.

Quant à la preuve dont le procès-verbal doit faire état, le notaire appelé à mesurer et à évaluer la preuve soumise devra-t-il appliquer les règles de l'admissibilité de la preuve? Si c'est le cas, a-t-il la formation et l'expérience requises? Dans cette perspective, le notaire devrait juger du moment où les représentations doivent être considérées comme une contestation. Ces interrogations sont d'autant plus sérieuses qu'aux termes de l'article 863.7 le tribunal peut, s'il le juge opportun, confier au notaire la mission de recueillir la preuve nécessaire de manière à ce qu'il puisse lui-même être en mesure d'apprécier les faits. D'autre part, n'oublions pas que l'inaptitude est aussi variée que les personnes qui en sont atteintes. L'expérience du Curateur public révèle que certains rapports médicaux concluant à l'inaptitude sont parfois désavoués par leur auteur suite à l'audition devant le tribunal.

(11 h 10)

Quant à l'interrogatoire de la personne inapte, rappelons que c'est une composante essentielle, que nous considérons presque vitale, du processus d'ouverture, puisqu'il a notamment pour but de vérifier son inaptitude, de déterminer son degré d'autonomie et de connaître son opinion sur la personne qui sera éventuellement chargée de la représenter, et ce, même si cette personne-là a déjà eu une évaluation psychosociale. Le pourvoir conféré au notaire de décider si cet interrogatoire aura lieu soulève un doute quant à la véritable nature des pouvoirs ainsi accordés. Ce pouvoir est d'autant plus réel que le notaire peut même déléguer à un autre notaire la tâche d'interroger si les frais de déplacement engendrés par l'éloignement risquent d'être trop élevés. Puisque le pouvoir d'appréciation conféré au notaire s'avère très vaste, l'absence d'un tel interrogatoire risquerait, dans certaines situations, d'engendrer des homologations basées sur une preuve incomplète, avec les effets dévastateurs qu'il est facile d'imaginer.

En ce qui concerne le mandat en cas d'inaptitude, je vous réfère aux considérations précédentes qui sont les mêmes que celles de l'ouverture du régime de protection. Mais le Curateur public s'interroge aussi sur la possibilité qu'un notaire soit appelé à valider un mandat qu'il a lui-même reçu comme notaire instrumentant. Rien dans le projet de loi ne semble l'interdire alors que le notaire pourrait éventuellement être interpellé dans le rôle d'officier instrumentant, notamment pour attester de la capacité du mandant au moment de la signature de l'acte.

Quant à l'aspect de la révocation du mandat dont le notaire peut aussi être saisi, le Curateur public renouvelle ses réserves quant à l'expérience des notaires concernant l'appréciation de la preuve en cette matière. Cette réserve me semble particulièrement fondée, car l'expérience révèle que de telles preuves sont ordinairement complexes, particulièrement en cas de mauvaise exécution du mandat ou de motif sérieux. La simple expression «motif sérieux» qui se trouve dans l'article 2177 du Code civil laisse une marge de manoeuvre assez large dans l'appréciation de la preuve, laquelle requiert évidemment du décideur une totale indépendance et une solide expérience.

En ce qui concerne les tutelles au mineur, l'article 863.4 introduit par l'article 2 du projet de loi prévoit, entre autres, que les demandes relatives au conseil de tutelle, à la nomination ou au remplacement d'un tuteur au mineur peuvent aussi être présentées à un notaire. Bien entendu, les demandes sus-mentionnées peuvent également, en vertu du projet de loi, être présentées au tribunal.

Par ailleurs, l'article 23 du projet de loi propose de modifier l'article 205 du Code civil du Québec afin que la tutelle soit déférée soit par le conseil de tutelle, soit par le tribunal sur avis du conseil, alors que l'article 205 du Code civil du Québec, tel qu'il se lit actuellement, statue que la tutelle est déférée exclusivement par le tribunal. La modification proposée a donc pour effet de permettre qu'un tuteur soit nommé ou remplacé sans l'intervention du tribunal. Il semble y avoir ici une certaine confusion entre le texte du projet de loi et son esprit. Cela est d'autant plus grave que, en vertu de l'article 266 du Code civil et en faisant les adaptations nécessaires, une tutelle ou une curatelle pourrait être déférée par le conseil de tutelle sans autre formalité.

Mais c'est au chapitre de l'indépendance et de l'impartialité que le projet de loi n° 443 présente une faille importante et que le recours à l'homologation par un greffier ne peut combler, de l'avis du Curateur public. En effet, le notaire instrumentant pourrait être placé dans une situation où il devrait choisir entre les intérêts de celui qui demande l'ouverture d'un régime de protection et ceux de la personne qui est visée par ce régime. Imaginons les effets pratiques de cette dépendance et de la partialité appréhendée du notaire: ce projet de loi pourrait inciter à magasiner un notaire jusqu'à ce que l'un d'entre eux leur permette, par exemple, de prendre possession et d'assumer l'administration des biens d'une personne apte mais vulnérable. Cette préoccupation est d'autant plus sérieuse qu'il est laissé au notaire le soin de déterminer s'il est en présence de représentations équivalant à une contestation réelle, lesquelles le contraignent à se dessaisir de la demande, alors que le demandeur est son client et qu'il est rémunéré par lui. De plus, il n'existe aucune obligation du notaire de déposer au greffe un procès-verbal constatant le refus de procéder du notaire instrumentant. Il est donc impossible de savoir s'il y a effectivement eu magasinage.

La règle énoncée à l'article 863.5, qui équivaut à l'article 2 du projet de loi et qui oblige le notaire à agir dans l'intérêt de la personne concernée, pose, par ailleurs, une problématique encore plus grave. S'il est un principe innovateur dans la Loi du curateur public mise en vigueur en 1990, c'est bien celui dans le premier paragraphe de l'article 257 du Code civil qui se lit comme suit: «Toute décision relative à l'ouverture d'un régime de protection ou qui concerne le majeur protégé doit être prise dans son intérêt, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie.» Ce principe de la sauvegarde de l'autonomie est à l'origine de la gradation des régimes de protection dont l'effet sur la vie du citoyen variera selon l'ampleur de celui-ci. Le principe est réitéré à l'article 276 qui dit que le tribunal, dans sa décision, doit prendre en compte, outre d'autres éléments précis, le degré d'autonomie de la personne pour laquelle on demande l'ouverture de régime.

Devant le notaire, seul l'intérêt de la personne visée par la procédure est pris en compte, selon le projet de loi n° 443. Aucune mention n'est faite quant à la préservation de l'autonomie. On en vient alors à deux systèmes de justice, l'un exercé par les notaires et l'autre exercé par la cour. Assurément, le Curateur public conclurait alors que la justice exercée par la cour offre infiniment plus de garanties contre l'arbitraire que celle exercée par les notaires.

Pour clore ce débat sur le principe crucial de cette législation pourtant nouvelle, illustrons par un cas pratique le dilemme du notaire instrumentant. D'une part, un membre de la famille demande l'ouverture d'un régime de protection en spécifiant qu'il voudrait la pleine administration des biens de la personne inapte. D'autre part, l'état mental de cette personne ne requiert que l'ouverture d'un régime de tutelle, n'étant pas totalement inapte et pouvant faire des décisions pour elle-même, impliquant alors la simple administration des biens par le représentant légal. À qui le notaire devra-t-il être le plus fidèle: à celui qui le rétribue avec une commande ferme ou à celui qui fait l'objet du régime, sachant que ce notaire n'a à considérer que l'intérêt du majeur sans se soucier, apparemment, de la sauvegarde de son autonomie? L'intérêt supérieur de la personne comprend la sauvegarde de son autonomie. On se demande pourquoi cette autonomie est expressément mentionnée à l'article 257 du Code civil.

Alors, tout le monde n'est pas sans savoir, Mmes et MM. les députés, M. le ministre, que le régime de tutelle est pour une personne qui peut effectivement redevenir apte, que ce n'est pas une situation permanente, mais qu'elle est bien temporaire, alors que le régime de curatelle est un régime dont la personne serait considérée comme inapte de façon plus définitive et permanente, par exemple dans le cas de l'Alzheimer. Alors, c'est très important de spécifier les deux régimes. Enfin, on se demande comment un tribunal qui n'aura pas interrogé la personne inapte, parlé à son entourage et qui ne se fiera qu'au procès-verbal du notaire pourra soupçonner que l'autonomie de cette personne serait mieux préservée par un autre régime ou en modulant celui qui existe.

Le Curateur public ne peut donc souscrire au projet de loi dans sa forme actuelle. Effectivement et tel que démontré dans cet exposé, ce projet de loi a pour effet de diminuer les garanties que l'on retrouve dans la loi actuelle. À notre avis, la procédure d'homologation ne constitue pas une garantie suffisante. Le Curateur public recommande donc que la judiciarisation du processus d'ouverture soit maintenue de façon à offrir aux citoyens et aux citoyennes des garanties suffisantes contre l'arbitraire et que, dans toute tentative de modification des lois actuelles, l'impartialité et l'indépendance du décideur soient au centre des préoccupations du législateur.

Toutefois, si l'initiative destinée à conférer au notaire un pouvoir d'adjudication en matière d'ouverture de régimes de protection devait être maintenue, le Curateur public recommande qu'elle soit assortie des conditions suivantes destinées à assurer le respect des garanties procédurales minimales: premièrement, que les notaires fassent l'objet d'un agrément par le ministre de la Justice; deuxièmement, que cet agrément soit conditionnel à la poursuite d'une formation spéciale; troisièmement, que les services d'adjudication du notaire soient rémunérés au taux fixe et payés par le ministère de la Justice de façon à éviter tout conflit d'intérêts apparent ou réel; quatrièmement, que l'exercice du pouvoir dévolu aux notaires par le projet de loi soit assujetti aux dispositions du Code civil du Québec traitant des régimes de protection, notamment aux articles 257 et 276.

Alors, je tiens à remercier cette Assemblée. Et, en conclusion, disons que nous espérons que les droits fondamentaux des personnes inaptes qui se trouveraient davantage... qu'elles seront protégées et que leur autonomie sera prise en considération pour leur donner le plus de chances possible de préserver leurs droits fondamentaux. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Mme Dupont. M. le ministre.

(11 h 20)

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Vous comprendrez que nous n'avons reçu votre mémoire que ce matin. J'ai eu l'impression, à un certain moment, que vous le lisiez, puis, à un moment donné, j'ai perdu... Effectivement, je crois que vous ne lisiez pas, finalement.

Mme Dupont (Andrée M.): Non, c'est ça.

M. Ménard: O.K. Ça va. Alors, je n'ai pas eu le temps de lire, évidemment, votre mémoire. Je voudrais vous entendre élaborer quand même sur certaines choses. Pourriez-vous élaborer sur l'intérêt qu'a une personne à administrer les biens d'un incapable?

Mme Dupont (Andrée M.): L'intérêt qu'une personne aurait à administrer...

M. Ménard: Les biens d'un incapable. C'est parce que, honnêtement, on entend surtout parler ces personnes qui le font, que c'est vraiment une tâche qui, je crois, n'est même pas rémunérée, et qui est généralement bénévole, et plutôt un fardeau qu'un avantage. Mais vous êtes certainement mieux expérimentés. Est-ce que vous pourriez élaborer sur l'intérêt que les gens ont à...

M. Rochon (André F.): L'intérêt, M. le ministre – André Rochon – varie en fonction d'abord des portefeuilles qui sont concernés, varie aussi selon les personnes qui administrent les biens. Il est sûr, comme vous le mentionnez d'ailleurs à juste titre, que l'administration des biens d'une personne, c'est une tâche difficile, sérieuse et qui ne confère pas tellement de rétribution à la personne qui le fait, sauf la satisfaction, si vous voulez, d'aider la personne.

M. Ménard: Je suis juste curieux. Est-ce qu'il y en a une, d'abord?

M. Rochon (André F.): C'est vrai, ce que vous dites.

M. Ménard: Est-ce qu'il y en a une, rétribution?

M. Rochon (André F.): Oui, je sais.

M. Ménard: Y en a-t-il une?

M. Rochon (André F.): Oui, il y en a une. En vertu du Code civil, il y en a une, rétribution.

M. Ménard: O.K. Puis elle est fixée comment?

M. Rochon (André F.): Le tribunal peut en donner une, elle peut être fixée par le tribunal. Je pourrais regarder dans le Code civil, là.

M. Ménard: Il faudrait qu'elle soit fixée par le tribunal.

M. Rochon (André F.): Oui. Je pense que oui. De mémoire, là, c'est ce que je vous réponds.

M. Ménard: Et le projet de loi ne change rien à ça.

M. Rochon (André F.): Non. Là où la difficulté vient, et c'est peut-être le Curateur public qui est un interlocuteur intéressant au niveau de votre question – c'est une bonne idée de la poser – c'est qu'il y a des cas où, par exemple, l'intérêt de la personne inapte... Mettons qu'elle est représentée par sa famille. La famille peut administrer le portefeuille de la personne inapte dans le but – et c'est ce que la loi prévoit, ce que la loi nous dit de faire – d'apporter un bien-être à la personne dont les biens sont administrés, de lui donner tout ce dont elle a besoin puis surtout dans le respect de son autonomie. Or, il peut arriver que certaines personnes qui, sans être nécessairement des méchantes personnes, administrent les biens plus dans une perspective d'héritage que dans la perspective du bien-être de la personne dont ils administrent les biens.

Il y a beaucoup d'exemples aussi qui peuvent être donnés à cet égard-là. Comme par exemple, il y a des cas où on a vu des gens administrer fort bien le portefeuille de la personne inapte, mais, dans le fond, la personne inapte n'était pas heureuse parce qu'elle ne profitait pas – c'est une personne âgée – de son capital, que les gens l'administraient pour l'héritage. Puis on a vu d'autres cas qui ont été même critiqués – mais, dans le fond, les gens respectaient la loi – où on a permis à une personne inapte de jouir de certains bénéfices, de gardes-malades, d'aller à l'extérieur du pays parce que cette personne-là en avait manifesté le désir, et on a critiqué le traitement qui était donné à ce niveau-là parce qu'on disait que c'était une dépense qui était peut-être un peu somptuaire, alors que la première chose qu'on doit toujours se demander – c'est le législateur qui le dit – c'est: Est-ce que l'administration du portefeuille est faite pour la personne inapte, pas pour les héritiers? Cette confusion-là existe beaucoup dans la société et existe beaucoup partout, mais ça demeure que la loi, ce qu'elle nous dit, c'est qu'on doit faire tous les gestes pour la personne.

M. Ménard: Cela appelle nécessairement la question suivante: Pouvez-vous nous expliquer comment le greffier est mieux équipé pour lutter contre ce danger, pour éviter ce danger?

M. Rochon (André F.): Moi, je peux seulement parler à partir de l'expérience qui est vécue chez le Curateur public. Pour ma part, moi, j'ai beaucoup d'échanges avec les greffiers, et ils se posent des questions. C'est des gens qui ont une expérience qui commence à être assez grande, depuis le temps que le Code civil a apporté ces nouvelles mesures là. D'ailleurs, je pense qu'un député a même posé une question, un problème que je ne connaissais même pas, qu'il y a une possibilité de deux types de requête pour un dossier de mineur. Moi, j'étais en arrière, je n'ai pas tout à fait entendu, mais il y a des problèmes qui se sont soulevés. Évidemment le greffier, lui, travaille comme... En fait, il exerce les pouvoirs d'un juge. Donc, il est sans cesse sollicité par ces dossiers-là, interpellé et il pose des questions. En tout cas, s'il n'en pose pas aux autres, moi, je peux vous dire: Il n'y a pas de statistiques sur ça, mais je sais que, comme avocat, je m'en fais poser, et je peux vous dire que je m'en fais poser assez souvent. Tout ne baigne pas dans l'huile devant le greffier, le greffier se pose des questions, interroge.

On parle de l'ouverture d'un régime de protection, là. Quand on ouvre le régime de protection et, mettons, une curatelle, je veux dire, la personne est, ni plus ni moins, privée de tous ses droits. Entre la prison puis ça, bon, il n'y a pas de barreaux, mais c'est ça, les faits, parce que la personne n'a plus l'exercice de ses droits. Elle ne peut plus exercer ses droits. C'est évident que ce n'est pas une prison dans le sens que la personne n'est pas persécutée, on la protège. Mais, dans les cas où la protection ne serait pas nécessairement désirable ou pas modulée, là on pourrait se retrouver dans une situation plus ou moins souhaitable. Et les greffiers, je crois... En tout cas, mon expérience m'apprend que les greffiers, je pense qu'ils exercent très sérieusement leur tâche à ce niveau-là.

M. Ménard: Est-ce que le présent projet de loi empêche le greffier de poser ces questions qu'il se pose?

M. Rochon (André F.): Bien, d'une certaine façon, dans le mémoire... Et je comprends votre question, puisque vous n'avez pas lu le mémoire. Je référerais quand même, d'une certaine façon, au mémoire du Barreau, que je n'ai pas lu, mais dont j'ai eu connaissance en étant ici. Par exemple, en ce qui concerne le procès-verbal, qu'est-ce qui est contenu au procès-verbal, c'est au notaire de le décider. Donc, il pourrait y avoir des cas où, par un oubli, le notaire a oublié un fait essentiel, n'a pas mis un fait essentiel, et l'homologation, à ce moment-là, et la validité de l'homologation pourraient s'en trouver atteintes en raison de certains oublis.

La situation du notaire qui répond à la demande du demandeur et qui est rémunéré par lui pourrait constituer, du moins en apparence, une possibilité de conflit d'intérêts. Quant aux rapports médicaux, aux rapports psychosociaux qu'on a soulignés tantôt à juste titre, pour ma part, étant avocat dans ce domaine-là, j'ai constaté, moi, et pas rien qu'une fois, des gens qui ont évalué une personne inapte puis qui ont conclu à l'inaptitude venir changer d'idée devant le tribunal, et pas pour des motifs farfelus, là, pour des motifs sérieux.

L'inaptitude, ce n'est pas quelque chose qui est mathématique, c'est un état – je pense que je ne vous apprends rien – qui peut varier aussi. Les personnes qui sont inaptes, par exemple, pour une certaine période de temps peuvent avoir des périodes drôlement importantes de lucidité et d'aptitude. Alors, toutes ces considérations-là, la complexité de ça font en sorte – du moins, c'est la position du Curateur public – qu'il est préférable d'entourer l'ouverture d'un régime de protection vraiment de normes procédurales et de garanties procédurales importantes.

Mme Dupont (Andrée M.): Et, pour ajouter, M. le ministre, à vos préoccupations au niveau de l'impartialité et de l'indépendance, c'est que les situations complexes qu'on est appelés à gérer, au Curateur public, nous amènent à comprendre qu'il y a nécessité d'avoir une certaine, je dis bien, parce que ce n'est pas toujours facile d'avoir une certaine neutralité dans les situations complexes... Il est vraiment nécessaire d'avoir l'apport du tribunal pour être en mesure d'entendre toutes les parties, de ne pas avoir de traduction ou d'interprétation d'une autre partie qui serait, dans certains cas, le notaire pour être en mesure de juger le plus possible et, ce que, moi, j'appellerais même, de donner le plus de chances possible à la personne qui a perdu ses moyens physiques et psychologiques non seulement de se faire entendre, mais que la globalité de la situation puisse être présentée. On parle de vulnérabilité, actuellement, on ne parle pas de personnes comme vous et moi, et c'est dans ce cas-là qu'on veut maintenir la protection accrue de la garantie des droits de ces individus-là.

M. Ménard: Cela m'amène à poser la question, parce que votre grande expérience peut nous éclairer là-dessus: Est-ce que les greffiers rejettent les demandes de régime de protection lorsque toute la famille, le médecin et le travailleur social sont convaincus que la personne est inapte?

M. Rochon (André F.): Lorsqu'il n'y a pas de contestation, vous voulez dire.

M. Ménard: Aucune.

M. Rochon (André F.): Bien, là, comme je vous dis, M. le ministre, il n'y a pas de chiffres sur ça.

M. Ménard: Pardon?

(11 h 30)

M. Rochon (André F.): Il n'y a pas de chiffres sur ça, mais j'ai vu des situations, moi, où, par exemple, il y avait comme un certain consensus, et la personne... D'abord, quand ça passe devant le greffier, il y a l'interrogatoire qui a lieu. Il y a des cas où il n'a pas lieu, il y a des cas où il a lieu. Je vous avoue que, pour ma part, comme praticien, j'envisage avec beaucoup, beaucoup d'appréhension quand il n'y en a pas, mais des fois c'est parce qu'on n'a pas le choix. La loi prévoit que, si ça fait un tort à la personne, si l'interrogatoire est préjudiciable à la personne qu'on envisage de déclarer inapte... Je comprends que les greffiers... Mais l'utilisation de ce pouvoir-là, il faut le regarder et l'envisager avec beaucoup, si vous voulez, de circonspection.

Mais il y a des cas où effectivement tout le monde est d'accord, et le greffier intervient. Suite à l'interrogatoire, il constate qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas en parlant à la personne. Ce qui arrive, à ce moment-là, il peut la référer au tribunal. Même, il arrive que le tribunal, constatant une situation où tout le monde semble d'accord, va demander à la personne inapte: Bon, est-ce que tu es d'accord avec ce processus-là? Et la personne dit non. Et le tribunal, à juste titre d'ailleurs, a raison de le faire, et ça arrive souvent, va faire nommer un avocat pour la personne inapte afin de la représenter dans ce débat-là. Et c'est admis par la jurisprudence et c'est même encouragé par la jurisprudence de le faire. Donc, vous voyez, les situations ne sont pas toujours claires.

Même au niveau de l'inaptitude, comme je vous l'ai dit, j'ai vécu un cas il n'y a pas si longtemps que ça, c'était une requête pour soins. La personne refusait de recevoir des soins, elle refusait de se faire nourrir et habitait... Dans les médias, on avait même révélé une situation d'exploitation. Les rapports psychosociaux et le rapport du directeur général indiquaient une inaptitude, sauf qu'on a présenté la requête le vendredi soir à 19 heures pour que la personne soit traitée malgré son refus et le tribunal a dit: Non, on va voir à ce que le CLSC fasse un suivi pendant la fin de semaine, on va revenir – parce que la personne inapte n'était pas là – on va lui nommer un avocat et elle reviendra. Finalement, au bout de la ligne, pour raccourcir l'histoire, la personne a été déclarée apte suite à une analyse plus approfondie de son dossier de la part du personnel médical. Donc, la question de l'inaptitude, ce n'est jamais clair. C'est pour ça qu'il faut que ce soit analysé sérieusement.

M. Ménard: Si je comprends votre point de vue, c'est là que vous estimez que le notaire est en conflit d'intérêts pour rendre cette décision-là, qu'il n'aurait pas tendance, à cause de l'intérêt qu'il a à continuer la procédure, dans une circonstance comme celle-là, à se défaire de la requête pour qu'on avocat soit nommé pour représenter la personne.

M. Rochon (André F.): Moi, je dis effectivement que, dans la mesure... Si vous avez lu le mémoire...

M. Ménard: Bien, je ne l'ai pas eu. Je l'ai reçu ce matin, moi.

M. Rochon (André F.): Ce n'est pas de votre faute, là, vous venez de le recevoir. Mais, effectivement, la problématique tient du fait, d'une part, que le notaire, dans la mesure où on considère qu'il s'agit d'un décideur, à ce moment-là, est rémunéré par le demandeur, ce qui, en soi, crée à tout le moins une apparence de conflit d'intérêts.

Il est évident que, dans les cas simples d'ouverture d'un régime de protection, je ne vois aucun problème à ce niveau-là. C'est sûr que la majorité des notaires exerceraient sans doute très bien le travail. Mais ce n'est pas une question corporative ici, c'est que l'ouverture d'un régime de protection a des conséquences très importantes sur la vie d'un individu. Tantôt, je pense que je n'ai pas utilisé le terme approprié en comparant à la prison. C'est quand même une personne qui est privée de ses droits, qui est privée de l'exercice de ses droits. Ça peut être totalement.

C'est le motif pour lequel le gouvernement du Québec, lors de la réforme, a offert des garanties procédurales. Le projet de loi qui est étudié ici, selon le Curateur public, a pour effet de diminuer les garanties procédurales. Et l'une des garanties procédurales qui est offerte à tout citoyen du Québec sous la loi actuelle, c'est d'avoir le droit d'être jugé par un tribunal impartial. Or, la rémunération qui est donnée par le demandeur au notaire entache, en quelque sorte, cette protection-là. Aussi, le fait que... C'est sûr, c'est une procédure qui est destinée à accélérer le processus. Le Curateur public vous souligne au passage que l'accélération du processus, en même temps, peut-être, oublie ou omet de considérer que la lenteur du processus avait pour but aussi d'offrir des garanties procédurales aux personnes qui pouvaient faire l'objet de l'ouverture d'un régime.

M. Ménard: O.K. J'y reviendrai peut-être tout à l'heure s'il nous reste du temps, mais, avant, une question. On nous fait valoir que, depuis 1989, il y a de plus en plus et même des milliers de personnes dans les hôpitaux et les centres d'accueil qui auraient besoin d'un système de protection, mais qui n'en ont pas car les parents hésitent à s'adresser au tribunal. Alors, est-ce que cette situation vous inquiète, vous aussi? Puis est-ce que vous ne voyez pas qu'il y a nécessité de rendre un peu plus convivial le système qui permet aux gens de bénéficier des régimes de protection? Parce que les régimes de protection n'ont pas été inscrits pour priver les gens de leurs droits...

M. Rochon (André F.): Mais il faut faire attention...

M. Ménard: ...ils ont été élaborés dans l'intérêt des gens qui sont inaptes.

M. Rochon (André F.): Mais il faut faire attention...

M. Ménard: Il faut partir de cette hypothèse, n'est-ce pas?

M. Rochon (André F.): Il faut faire attention, M. le ministre, parce que, d'une part, les personnes qui sont institutionnalisées dans les hôpitaux, les établissements de santé et de services sociaux, je ne vous dis pas qu'elles n'ont pas besoin de régime de protection, il faudrait les voir une par une, mais, au niveau du consentement aux soins, vous êtes au fait qu'il y a consentement substitué et qu'en réalité un régime de protection n'est pas toujours nécessaire.

Ce n'est pas une condition sine qua non d'existence pour une personne inapte que d'avoir un régime de protection, parce que, si on pense aux établissements de santé et de services sociaux, on pense à consentement aux soins, on pense que le Code civil, le législateur, dans sa sagesse, a prévu un consentement substitué. Et, comme de fait, dans bien des cas, c'est toujours plus dans l'intérêt de la personne inapte d'avoir un consentement substitué de sa famille.

M. Ménard: Mais on pense aussi à vendre le chalet, à vendre l'auto, à vendre le bateau, à vendre toutes sortes d'affaires...

M. Rochon (André F.): Oui.

M. Ménard: ...et on fait ça sans faire déclarer les gens inaptes et sans aucun régime de protection. On trouve le moyen de...

M. Rochon (André F.): Oui. Mais il y a même possibilité... Dans ces cas-là, le législateur, la procédure offre la possibilité d'avoir une administration provisoire qui s'obtient très rapidement devant le tribunal. Alors, il y a ça, d'une part. Et, d'autre part, c'est toujours la même réponse, les garanties procédurales, c'est important d'y répondre. Et c'est une fausse croyance, en tout cas l'expérience le révèle, que c'est une nécessité d'avoir un régime de protection dans tous les cas. Ce n'est pas toujours nécessaire. Ça dépend de la situation de la personne. Il y a beaucoup de familles au Québec, beaucoup de gens au Québec qui ont, par exemple, des enfants qui sont déficients intellectuels. Les parents s'en occupent, bon, et la nécessité ne se présente pas parce qu'il n'y a pas de besoin à ce niveau-là. L'intervention du tribunal, effectivement...

Ah oui! C'est ça que je voulais vous répondre, l'inverse de ce que vous dites par rapport au fait que les gens, peut-être, seraient plus incités à ouvrir des régimes de protection. Il y a l'envers de la médaille, aussi. C'est que, si les régimes de protection sont mal ouverts, si tout n'est pas entendu par le tribunal, si c'est systématisé, ce que craint le Curateur public, à juste titre, c'est que... Déjà, je pense que c'est assez public, le fardeau de la surveillance est énorme au Québec, il n'y a pas assez de monde pour faire la job. Tout le monde le sait. Le rapport du Vérificateur général le dit. Imaginez-vous s'il y a prolifération de l'ouverture des régimes et puis que ce n'est pas toujours fait comme il se doit, ça aussi, ça peut augmenter la tâche du Curateur public au niveau de la surveillance qui est déjà difficile à faire.

Mme Dupont (Andrée M.): C'est ça. J'aimerais seulement ajouter aussi, M. le ministre, que, dans la tournée provinciale qui a été faite par la curatrice publique, on a rencontré effectivement énormément de parents, de familles qui n'ont pas besoin de régime. C'est-à-dire que, si la famille est proche, si la famille est réellement préoccupée par le bien-être de ses parents ou de ses enfants, l'ouverture des régimes n'est pas requise.

Alors, ce qui est requis, par ailleurs... Et des signalements qu'on a eus de la part des hôpitaux, des CLSC, c'est effectivement des personnes qui étaient abusées. Et ce que vous soulignez par rapport... Est-ce qu'ils ont crainte par rapport au fait de se présenter devant un tribunal? Ces appréhensions n'ont pas été signifiées. Ce qu'on a retrouvé le plus, c'est le fait qu'il n'y avait pas d'ouverture de régime parce que, dans certains cas, on n'était pas vraiment intéressés à ouvrir des régimes. Alors, ce que vous signalez n'a pas, comme tel, été un empêchement majeur pour les personnes, ou les familles, ou les proches. Ça a plutôt été le fait que, dans certains cas et dans de nombreux cas, des personnes, malheureusement, étaient exploitées.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Rochon, Mme Dupont, Me Bussière, merci pour votre présentation. Moi aussi, je viens de recevoir votre mémoire au commencement de nos auditions ce matin, mais j'ai quelques questions à vous demander.

Dans le mémoire de l'Association des hôpitaux du Québec, on fait référence à un système à deux vitesses, où on dit que c'est possible, avec le projet de loi n° 443, qu'on introduise un système de justice privé, à titre onéreux, qui pourrait limiter l'accès des personnes dont les ressources pécuniaires sont limitées et ainsi réserver le mécanisme le plus souple à ceux qui ont les moyens de se l'offrir. Je me demande si vous avez des commentaires sur cette pensée.

M. Rochon (André F.): Oui. Ce que vous venez de lire, c'est que vous dites que l'Association des hôpitaux du Québec dit qu'il y a un système à deux vitesses. Donc, il y a un système privé que les gens pourraient payer, donc aller voir le notaire pour avoir leur justice, puis il y aurait le système plus lent au niveau du tribunal.

M. Bergman: Exactement. Est-ce que vous pensez que cette critique a des mérites?

(11 h 40)

M. Rochon (André F.): Je vais laisser Mme Dupont répondre à la question.

Mme Dupont (Andrée M.) Moi, je trouve qu'il y a effectivement... On a énoncé antérieurement ou précédemment dans notre mémoire le fait qu'il y aurait peut-être des systèmes de justice concurrents. Alors, dans le cas, comment vous, encore là, situer les critères au niveau quand on fait affaire avec le notaire versus quand le cas est dirigé vers le tribunal, je pense qu'à ce moment-là ça pourrait être encore plus difficile à gérer comme situation plutôt que d'établir un seul système. Je ne sais pas si ça répond à votre question?

M. Bergman: Oui.

Mme Dupont (Andrée M.) Mais, cependant, je pense, pour comprendre un peu leur préoccupation, les délais administratifs pour l'ouverture de régime sont cependant très longs. Quand on parle de délais judiciaires de l'ordre de six mois et, dans certaines régions, de huit mois à neuf mois, la personne en nécessité d'un régime peut avoir des besoins qui sont très urgents. Évidemment, il y a toutes sortes de systèmes, administration provisoire, et tout, qui peuvent être applicables, mais effectivement il y aurait lieu à amélioration, à regarder, encore là, comment on pourrait raccourcir les délais et avoir un système d'urgence pour voir les cas les plus à risque et effectivement avoir un système qui, disons, raccourcirait les délais. Je pense que – en tout cas, je n'ai pas lu leur mémoire – la préoccupation est au niveau des délais.

M. Bergman: Vous avez émis une crainte sur la question de l'interrogatoire et l'expérience que le greffier a pour faire l'interrogatoire en comparaison avec l'interrogatoire qui serait fait par le notaire. Est-ce que vous suggérez qu'il y ait une formation spéciale que le notaire devrait subir avec ce projet de loi n° 443? Est-ce que ça satisferait vos craintes, ça enlèverait vos craintes sur le rôle que le notaire jouerait sur ce projet de loi?

M. Rochon (André F.): Le mémoire au niveau des recommandations, M. le député, effectivement, la deuxième recommandation se lit comme suit: «Subsidiairement, je recommande que toute initiative destinée à conférer aux notaires un pouvoir d'adjudication en matière d'ouverture de régime de protection soit assortie des conditions suivantes destinées à assurer le respect des garanties procédurales minimales: que les notaires fassent l'objet d'un agrément par le ministère de la Justice; que l'agrément susmentionné soit conditionnel à la poursuite d'une formation particulière sur le sujet explicité aux paragraphes précédents – donc, il est question d'appréciation de la preuve, etc., procès-verbal, connaissance un petit peu psychosociale; que les services d'adjudication du notaire soit rémunérés à taux fixé et payé par le ministère de la Justice de façon à éviter les situations de conflits d'intérêts apparents ou réels; que l'exercice du pouvoir dévolu aux notaires par le projet de loi soit assujetti aux dispositions du Code civil du Québec traitant des régimes de protection, et notamment aux articles 257 et 276.»

Donc, on parle ici d'agrément du ministère de la Justice, de cours de formation. On parle aussi que le notaire soit rémunéré par le ministère de la Justice et que l'exercice de son pouvoir soit conforme à 257. Parce qu'il y a une petite coquille dans la loi. En tout cas, quand vous allez lire le mémoire, vous allez le voir. Parce qu'il doit voir à l'intérêt de la personne, mais 276 du Code civil dit que le tribunal qui est entendu pour ouvrir un régime de protection doit y aller dans la sauvegarde de l'autonomie également, ce qui n'est pas le cas pour le notaire.

Donc, c'est essentiellement ces conditions-là qui sont présentées, selon le Curateur public, comme étant le minimum qu'il faudrait qui soit offert, dans le cas où c'était donné au notaire, pour que la loi lui semble quand même praticable ou susceptible d'apporter des garanties à la clientèle desservie.

M. Bergman: Dans votre hypothèse, vous indiquez un agrément par le ministère de la Justice. Pourquoi ce n'est pas la Chambre des notaires qui fait cet agrément? Pourquoi le ministère de la Justice?

M. Rochon (André F.): Bien, parce que le ministère de la Justice, c'est le ministère qui s'occupe de la nomination des juges dans leur champ de juridiction de la province. Le ministère de la Justice, c'est le ministère de la Justice. Le Curateur public fait confiance au ministère de la Justice. C'est ma réponse. C'est comme ça que ça fonctionne dans la société.

Il me semble que, si le ministre de la Justice nomme, après s'être assuré qu'il y a eu agrément des notaires par la poursuite d'études appropriées et que ces gens-là sont rémunérés par le ministère de la Justice à l'instar des juges, là on a une garantie suffisante. En fait, ce que la curatrice démontre là-dedans, c'est sa confiance au système des tribunaux. Elle demande le même minimum en ce qui concerne les notaires. C'est la seule façon que je peux vous répondre dans les circonstances.

Mme Dupont (Andrée M.): C'est ça. Et, dans ce cadre-là, ça donnerait une garantie de neutralité – alors, ce dont on parlait tout à l'heure – au niveau de qui place la commande. Et je veux bien que ça soit clair qu'on ne prête aucune intention aux notaires comme tels, on parlerait des avocats, on parlerait de tout corps professionnel, mais c'est seulement de voir de quelle façon la personne qui est en situation d'inaptitude peut avoir le maximum de garantie de ses droits. Alors, je veux que ça soit clair qu'il n'y a aucune remise en question de la loyauté, des intentions ou quoi que ce soit d'un corps professionnel versus un autre. Alors, notre intérêt là-dedans...

L'expérience que nous avons de la condition de la personne inapte et de sa vulnérabilité nous met face à une situation de dire: Il est important que toutes les parties soient entendues par une personne complètement extérieure à la situation familiale pour que cette personne-là soit, si vous voulez – et si on utilise le terme – jugée de façon le plus neutre possible. Et le notaire, sans intention prêtée, reçoit une rémunération... il y a du magasinage qui se fait, et ça se fait dans tous les corps professoraux.

Alors, je ne voudrais pas que ça soit interprété dans ce sens-là, mais vraiment dans le cadre de la sauvegarde de l'autonomie. Quand on parle de sauvegarde d'autonomie, une personne inapte n'est pas inapte 24 heures par jour. On est en mesure d'aller lui demander son accord, de lui dire: Est-ce que la personne qui va s'occuper de toi... Est-ce qu'il y a une certaine sympathie? Elle a de grands moments de conscience et, dans ce cas-là, on voudrait qu'il y ait modulation de régime et une évaluation la plus sûre possible pour que la personne soit sous régime de tutelle et non de curatelle et qu'il n'y ait pas de possibilité, en tout cas, qu'on lui donne le maximum de chances pour bénéficier du régime en fonction de sa condition. Et c'est là notre préoccupation majeure.

M. Bergman: Je vous demande encore la question sur le magasinage de notaires ou «notaire shopping», comme c'est indiqué dans le mémoire du Barreau. À mon avis, c'est une pensée qui est très grave et contre la Loi sur le notariat et contre le code de déontologie de la Chambre de notaires. Je peux vous dire personnellement, en 35 ans de pratique, je n'ai jamais eu un appel, jamais de magasinage sur une question d'une opinion que j'émettrais, comme notaire, sur des titres ou sur quelque chose d'autre.

Mme Dupont (Andrée M.): Absolument.

M. Bergman: Alors, je pense que c'est une accusation qui est très grave dans notre société, car vraiment on doit avoir confiance dans notre système professionnel.

Et vous avez parlé du bénéfice d'un agrément qui est émis par le ministère de la Justice versus l'agrément qui est émis par la Chambre des notaires. Je pense que toute la base de notre système professionnel, commençant avec l'Office des professions et les 43 ordres, on doit leur donner confiance dans un système qui est un rôle modèle à travers le monde, le système professionnel qu'on connaît ici, au Québec. Alors, je pense qu'en étudiant le projet de loi on doit être prudent pour ne pas enlever la valeur qu'on attribue, comme société, à nos professionnels qui sont avocats, notaires ou les 41 autres ordres professionnels.

Alors, je voulais vous demander encore, sur une question de «shopping»: Est-ce que vous pensez vraiment qu'un professionnel se laisserait prendre dans une situation qui est tellement grave et contre toute base d'éthique d'un professionnel, de n'importe quelle profession, qui pratique? C'était ma première question.

(11 h 50)

Je voudrais savoir s'il y avait une suggestion du Protecteur du citoyen pour enregistrer l'interrogatoire, pour avoir tout l'interrogatoire dans le dossier pour que le greffier, dans le cas d'une homologation, s'il veut, puisse étudier tout l'interrogatoire qui a eu lieu. Et je voudrais avoir aussi votre commentaire sur quel est vraiment le rôle de l'interrogatoire et du notaire dans cet interrogatoire. Est-ce que vous pensez que le notaire peut se substituer aux experts médicaux, aux expertises qui sont présentées?

M. Rochon (André F.): En ce qui concerne le magasinage et la question ici, il faut bien comprendre que les commentaires du Curateur public – je ne peux pas commenter ceux du Barreau, il les commentera, mais ceux du Curateur public; je pense que le mot «magasinage» est utilisé, par exemple – ne visent pas, à proprement parler, ni la probité ni le professionnalisme des notaires.

Il faut comprendre que ce commentaire-là s'inscrit dans le contexte où le législateur semble, dans le projet de loi, vouloir confier aux notaires, si c'est le cas, un pouvoir de décider. Et c'est là qu'il y a une inquiétude. Ce n'est pas par rapport au très grand respect que l'organisation voue aux corps professionnels qu'est la Chambre des notaires ou le Barreau du Québec. Pour le Curateur public, il ne s'agit pas d'une lutte corporative, il s'agit tout simplement de commentaires qui sont formulés à l'intérieur d'un projet de loi.

Ce que le Curateur public fait, c'est indiquer la possibilité que certains comportements, bien plus de la part probablement des citoyens, de certains citoyens, que de la part des notaires... Parce qu'il n'y a rien qui dit que le notaire, lui, qui fait l'objet du magasinage se fait informer qu'il y en a trois ou quatre autres qui ont été vus avant. C'est ça. Et ce que le Barreau soutient aussi, c'est le manque de publicité. Il n'y a pas de publicité pour éviter que cela arrive. Et ça, je l'ai entendu tantôt, j'ai trouvé qu'effectivement c'est vrai.

Donc, il ne faudrait pas comprendre que les commentaires du Curateur public s'adressent aux notaires. Ce n'est pas du tout le cas. Ce n'est pas du tout en question. Il n'y a rien qui remet en question par rapport à la validité. Même que le Curateur public, dans sa deuxième recommandation, comme je vous ai exposé tantôt, a même apporté des accommodements qui semblent, selon le Curateur public, pouvoir constituer un protection minimale. C'est donc qu'il n'y a rien contre les notaires là-dedans, c'est bien plutôt au niveau des risques qui peuvent être encourus. Et ce n'est pas nécessairement du côté des notaires, mais bien plus, en ce qui concerne le magasinage, de la part des citoyens qui pourraient être tentés de le faire.

En ce qui concerne les territoires, je pense qu'effectivement le Protecteur du citoyen a recommandé qu'il y ait des territoires de dessinés dans la province par rapport aux juridictions des notaires. Est-ce que c'est ça que vous dites? Parce que je n'ai pas tout à fait compris.

M. Bergman: Non. L'enregistrement des interrogatoires.

M. Rochon (André F.): Comment?

M. Bergman: L'enregistrement des interrogatoires qui est fait par le notaire. Est-ce que vous pensez que ça doit être enregistré?

M. Rochon (André F.): Oui, pour ma part, je pense que ce serait une amélioration qu'il y ait enregistrement mécanique ou que les témoignages soient pris par écrit. C'est clair. Je n'ai rien contre ça, personnellement. C'est une excellente idée.

M. Bergman: Sur la question des avis qui doivent être donnés aux intéressés en vertu de l'article 863.5, est-ce qu'on doit avoir des balises plus directes sur le contenu des avis dans vos conseils à cette commission? Est-ce que vous pensez que l'avis doit indiquer que le dossier peut être transféré au tribunal? Est-ce qu'il doit y avoir des renseignements aux intéressés sur les procédures qui seront faites? Et est-ce qu'on doit aussi indiquer ou instruire les intéressés des droits qui sont en leur faveur ou pour les personnes visées? Alors, est-ce qu'on doit avoir un type de modèle d'avis qui doit être annexé au projet de loi?

M. Rochon (André F.): Bien, c'est toujours préférable, en procédure civile, de prévoir des avis, quitte à les modifier par voie... en fait, ils sont présentés par voie réglementaire, mais quitte à les modifier par la suite. Effectivement, plus un avis est complet, plus il est susceptible d'informer et plus, à ce moment-là, les garanties procédurales se trouvent à être protégées. Je constate, d'une part, aussi qu'on dit «sont notifiés». C'est évident que la signification sur le Code de procédure civile est beaucoup plus certaine. C'est la personne. On est assuré que c'est la personne qui est signifiée.

Donc, effectivement, vos commentaires... C'est toujours des possibilités d'amélioration. Tout ce qui est susceptible d'améliorer et de protéger davantage au niveau de l'exercice du mécanisme d'ouverture d'un régime de protection obtient l'avenant et le plus grand respect du Curateur public, parce que, effectivement, tout ce qui est susceptible d'être amélioré... Si les droits des personnes sont davantage garantis par, par exemple, une signification appropriée, par des avis plus complets, plus élaborés, c'est certain qu'à ce moment-là la qualité de la notification va influencer tout le reste du processus. Alors, je suis d'accord.

M. Bergman: Il y a eu quelques mémoires qui ont indiqué la possibilité de dédoublement par les parents qui commencent les procédures devant un notaire différent, en différentes parties de la province, sur le même sujet. Est-ce que vous avez des suggestions et des commentaires sur ces craintes qui ont été soulevées dans quelques mémoires qui ont été présentés devant nous? On pense à monsieur X qui va consulter son notaire à Val-d'Or et sa soeur qui consulte un autre notaire à Valleyfield sur le même sujet. Est-ce que vous avez des suggestions ou commentaires?

M. Rochon (André F.): C'est évident que, si, au départ, la demande qui est faite au notaire d'ouverture de régime de protection faisait l'objet d'une publicité dans le plumitif civil de la province de Québec, par exemple, des palais de justice, ça réglerait le problème. Là, je ne rentre pas dans les coûts puis je ne rentre dans rien, je ne suis pas administrateur d'État, moi, mais ce que je dis, c'est qu'une publicité plus grande serait sans doute susceptible d'atténuer la problématique.

Parce qu'effectivement il se peut fort bien qu'une personne se présente devant un notaire, d'une part, pour demander l'ouverture d'un régime de protection, dans son bureau, puis, pendant qu'il est en train de faire ça, il y a une requête qui est en train d'homologuer un mandat d'inaptitude en Cour supérieure d'un autre district. Ça, c'est bien possible sous la loi actuelle. Le seul moyen, au niveau des tribunaux, qu'on a trouvé pour régler cette difficulté-là, c'est qu'il y a des dossiers puis un plumitif. Alors, là, si tu veux savoir ce qui se passe, tu t'en vas au plumitif puis tu vas le savoir, ce qui se passe. Mais, si tu n'as pas de forme de publicité, tu ne le sauras pas. C'est aussi simple que ça. C'est l'a b c de la procédure.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K. Dernière question.

M. Ménard: Il y a une solution que semblent dessiner les gens. Je voudrais bien qu'on pense aussi à toutes les conséquences des solutions qu'on propose. Feriez-vous affaire avec quelqu'un contre lequel il y a eu deux demandes d'interdiction rejetées?

M. Rochon (André F.): Ça, M. le ministre, je vous avoue que c'est une question très pertinente, mais, comme je vous ai dit, je ne suis pas administrateur d'État. On parle de publicité. C'est sûr qu'il faut qu'il y ait une publicité aussi, par exemple, parce qu'on ne peut pas avoir trois requêtes pour l'ouverture d'un régime de protection présentées dans trois districts différents. Ça aussi, ça peut nuire à la réputation de la personne. Les solutions, je ne les ai pas comme ça, mais c'est sûr qu'une publicité additionnelle serait peut-être préférable. Je comprends votre commentaire. Écoutez, je suis d'accord avec vous, ça va de soi.

M. Ménard: Oui, mais on peut peut-être penser que le notaire devrait poser certaines questions standards: Avez-vous un conjoint? Avez-vous des descendants? Avez-vous des ascendants vivants? Avez-vous des collatéraux? Déjà, ça. Y a-t-il des personnes avec lesquelles vous entretenez des relations d'amitié et de confiance? Et, entre autres, à votre connaissance, y a-t-il eu d'autres demandes?

M. Rochon (André F.): Oui, mais le problème reste que, par exemple, la personne n'a pas connaissance...

M. Ménard: D'ailleurs, je suis curieux de savoir si les greffiers demandent systématiquement ces questions, hein?

M. Rochon (André F.): Bien, sous la loi actuelle, M. le ministre, ça serait absolument inutile, parce que, s'il y a un mandat d'inaptitude, il va devenir efficace quand il va être homologué par la Cour supérieure, puis là, à ce moment-là, le greffier l'a dans son plumitif, puis, s'il y a un régime de protection, il est au plumitif aussi.

M. Ménard: Puis s'il est rejeté?

M. Rochon (André F.): Hein?

M. Ménard: S'il est rejeté par le tribunal ou par le greffier?

M. Rochon (André F.): Bien, on le sait, la requête est rejetée.

M. Ménard: Il va être diffusé?

M. Rochon (André F.): Bien, le greffier peut le vérifier sur son plumitif, s'il y a eu une requête rejetée pour l'ouverture d'un régime de protection.

M. Ménard: C'est accessible au public, ça?

M. Rochon (André F.): Bien, au greffier, je l'espère. C'est au plumitif, c'est un dossier de cour. Il peut le vérifier.

M. Ménard: C'est correct. On va y penser. Peut-être d'autres dispositions...

M. Rochon (André F.): Non, mais, je veux dire, vous me posez une question, je vous réponds.

M. Ménard: ...parce que j'ai remarqué que tout le monde semble avoir des hésitations à négocier, à faire du commerce avec une personne dont on penserait que la famille pourrait penser, elle, que la personne est incapable.

M. Rochon (André F.): Mais votre commentaire, je n'ai rien à y répondre, vous avez raison, sauf que je vous réponds: Qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter qu'il y ait triple, quadruple procédure? C'est ça, le problème, là.

M. Ménard: Ah! Je sais, je sais.

M. Rochon (André F.): Puis ce que vous venez de dire fait probablement partie de la solution aussi.

(12 heures)

M. Ménard: Dans l'immense majorité des cas, on n'est pas devant ça. Avec la permission, peut-être, de mon collègue, parce que, quand même, on a trois heures avant le prochain, est-ce que je me trompe en pensant que la majorité des cas... Naturellement, c'est un problème de notre génération, l'incapacité et notamment les maladies dégénératives, parce que les progrès de la médecine ont éliminé beaucoup de causes de mort qui font que les maladies qui restent et dont nous avons tous peur éventuellement, c'est l'Alzheimer, les tendances maniaco-dépressives, l'accident cérébrovasculaire, et ainsi de suite. On a un certain nombre de choses. Devant cette situation-là, la majorité des familles réagissent avec beaucoup d'inquiétude et sont généralement très touchées de voir leur père ou leur mère qu'ils ont beaucoup aimé et qu'ils aiment encore beaucoup tranquillement quitter la vie sans la quitter et elles cherchent honnêtement la meilleure solution pour elle ou pour lui.

De l'inscrire dans notre tradition, où ils ont besoin de conseils juridiques, et d'aller les chercher auprès de quelqu'un dont la profession a toujours été de donner des conseils juridiques de façon impartiale et de trouver... et de les emmener justement à... Les gens ont peur d'emmener leurs parents en cour. Vous ne croyez pas, avec tous les systèmes de contrôle qu'on a après, que toutes les inquiétudes, les gens qui administreraient mal, etc.? Déjà, vous, au Curateur public, vous êtes censés contrôler leur administration. Vous ne croyez pas que c'est suffisant? Mais, par contre, l'objectif que nous avons de rendre plus conviviale, plus humaine la solution, et une solution non contentieuse, dans les cas où il n'y a, de la part des familles, aucun autre intérêt que celui de prendre la meilleure décision dans l'intérêt de la personne incapable, vous ne pensez pas que ça vaut la peine d'essayer un système plus convivial que celui qui existe actuellement et qui, de toute évidence, ne semble pas utilisé par une bonne partie des gens qui en auraient besoin?

En tout cas, je veux dire, avez-vous lu... On pourra vous envoyer le mémoire de l'Association des hôpitaux, lequel, je m'aperçois bien, Me Bergman a lu comme moi. Des gens de l'âge d'or, des gens dont c'est la fonction aussi de s'occuper de ces gens-là et qui nous disent: Non, ce n'est pas utilisé beaucoup, le système de protection.

Mme Dupont (Andrée M.): Dans la situation que vous énoncez, M. le ministre, c'est probablement une situation de vie de gens normaux dont les valeurs familiales sont intrinsèques, dont l'harmonie et l'amour sont probablement régnants, et tout. Malheureusement, le Curateur public est trop souvent appelé à représenter des personnes inaptes qui sont dans une situation de conflits familiaux disfonctionnels où la situation s'avère assez grave.

Quand M. le député de D'Arcy-McGee mentionnait tout à l'heure l'histoire du magasinage, sans remettre en question aucun, aucun code d'éthique professionnel, il y a des familles qui effectivement ont des intentions qui ne sont pas toujours les mêmes que celles des gens que vous exposez, en tout cas, l'avis que vous exposez présentement. Alors, il y a des intérêts qui sont d'ordre financier, il y a des intérêts qui sont d'ordre personnel, il y a toutes sortes d'intérêts. Je vous assure que parfois, pour citer quelques médias, c'est vraiment une horreur, dans le sens que je ne crois pas avoir vu ailleurs qu'au Curateur public autant de conflits familiaux complexes.

À ce moment-là, c'est un peu notre position, dans le sens: Comment rendre justice à une personne inapte qui est sur le point de perdre tous ses droits et qui n'a à peu près personne pour défendre sa position? Et, évidemment, le notaire qui peut être familial ou le notaire qui peut avoir une position autre, s'il est sollicité par une famille qui, comme on le citait tout à l'heure au niveau du Barreau du Québec, a été briefée, si vous voulez – excusez l'expression – il y a de l'information qui n'est pas tout à fait globale ou totale donnée au notaire, à ce moment-là, la personne peut souffrir d'une certaine interprétation des faits et on peut lui appliquer le mauvais régime. On peut la mettre sous régime quand elle n'a pas la nécessité d'être sous régime.

M. Ménard: Je m'excuse de vous interrompre, mais c'est parce que...

Mme Dupont (Andrée M.): Alors, c'est juste ça, la protection de la personne dans des conditions de difficulté majeure, c'est malheureusement souvent des cas que nous gérons au Curateur public.

M. Ménard: Je comprends parfaitement ça, mais, si le notaire est trompé, pourquoi le greffier ne le serait pas? C'est ça qui nous préoccupe, nous.

Mme Dupont (Andrée M.): C'est ça, parce que...

M. Ménard: Puis en présumant, comme vous le faites et nous le faisons tous, que la majorité des notaires vont respecter les codes d'éthique et l'intention de la loi, etc.

Mme Dupont (Andrée M.): Oui. Tout à fait. Absolument.

M. Ménard: Et puis, quand vous nous parlez de conflits familiaux, bien, s'il y a des conflits dans les familles, le notaire va les sentir. Il va sentir que, s'il rend une décision qui ne plaît pas à un groupe, elle va aller contester, puis, si elle conteste, le notaire risque une accusation en discipline puis d'être radié puis, deuxièmement, une responsabilité sur ses biens. Alors, il va être, je pense, sérieusement incité, quand il va y avoir conflit, à se désaisir. Ce qui nous préoccupe comme vous, par contre, c'est s'il n'y a pas conflit et que toute la famille veut dépouiller l'incapable. Ça, on est prêts à écouter, je pense, puis à chercher si notre...

M. Rochon (André F.): Vous constaterez que le deuxième...

M. Ménard: Mais, à ce moment-là, on a peine à voir en quoi le greffier est mieux placé que le notaire pour percevoir une famille qui se serait arrangée avec un médecin, avec un travailleur social pour dépouiller injustement et que, à un moment donné, ça ne paraîtrait pas dans la façon dont ils vont administrer les biens dont vous avez, d'ailleurs, la responsabilité de surveillance.

M. Rochon (André F.): Je voudrais seulement vous souligner... Parce que vous avez posé une question originale: En quoi ça serait différent? Vous constaterez la deuxième recommandation du Curateur public qui agrée au fait que ce soient les notaires en tant que tels, mais qui donne son agrément en fonction du respect de certaines garanties minimales. Et c'est ce qui est écrit dans le mémoire, c'est ce qui vous a été réitéré. Donc, à ce niveau-là, le Curateur public ne remet pas en question que le notaire exerce certaines charges dans le but justement de répondre à certains besoins que l'État considère comme étant importants.

Au niveau du greffier, je pense que c'est difficile de comparer ce qui se passe en ce moment à ce qui pourrait se passer, et ce n'est pas ça l'objet. Je sais que les greffiers posent des questions. Tantôt, je vous ai mentionné qu'ils interrogent et qu'ils posent des questions. Il y a souvent des dossiers qui rebondissent. Même quand il n'y a pas de contestation, ils veulent aller chercher de la preuve additionnelle. Le greffier est, en quelque sorte, un juge en Cour supérieure, il exerce des fonctions judiciaires. L'expérience révèle que... et son expérience à lui, son érudition dans son domaine. Donc, c'est comme ça que je vous répondrais.

Il n'y a rien qui dit que les notaires ne seraient pas capables de le faire, mais le Curateur public ne considère pas qu'il y a des garanties procédurales suffisantes. Seulement au point de vue de sa rémunération, il y a une inquiétude. Moi, je m'imagine mal, M. le ministre, qu'un juge soit rémunéré par une des parties. C'est une préoccupation qui est soulevée, mais ce n'est pas le notaire...

M. Paquin: C'est arrivé récemment. On a vu ça la semaine dernière.

M. Ménard: On a vu ça la semaine dernière.

M. Rochon (André F.): Ah oui? Je n'ai pas compris. Je n'ai pas compris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Non, mais disons qu'il était indépendant. Il avait... pour garantir leur indépendance. On ne veut pas faire des farces, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon (André F.): Je ne sais pas de quel juge il parle. Je ne la comprends pas. Je m'excuse, M. le ministre, je ne la comprends pas. Je ne sais pas de quoi vous parlez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est une question d'avis.

M. Ménard: Bien, on va vous l'expliquer. Ha, ha, ha! C'est peut-être aussi bien comme ça.

M. Rochon (André F.): O.K.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur ce, madame, messieurs, nous vous remercions de votre présentation. Alors, nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 9)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons débuter nos travaux. Nous recevons, cet après-midi, l'Office des professions du Québec, à 16 heures, nous allons entendre le Comité des personnes atteintes du VIH du Québec et, à 17 heures, l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique.

Alors, bienvenue M. Diamant, Mme de Grandmont et M. Paquet. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et à la suite nous aurons des échanges avec vous. Bienvenue.


Office des professions du Québec (OPQ)

M. Diamant (Robert): Alors, merci beaucoup, M. le Président, de nous accueillir et merci aussi d'avoir présenté les personnes qui m'accompagnent.

Je voudrais, avec votre permission, rappeler, M. le Président, que l'Office des professions est composé de cinq membres nommés par le gouvernement. C'est un organisme gouvernemental de surveillance qui est chargé de veiller à ce que les 43 ordres professionnels du Québec assurent la protection du public.

Au-delà de cette fonction de surveillance directe, l'Office conseille également le gouvernement en matière de législation et de réglementation professionnelle et, d'une manière générale, en matière de gestion et de développement du système professionnel au Québec. Mentionnons, à titre d'exemple, l'avis que l'Office a donné au gouvernement, en juin 1997, qui propose un exercice de modernisation de l'ensemble du système professionnel. Le ministre responsable de l'application des lois professionnelles a annoncé, en mai dernier, divers préparatifs qui devraient conduire à la mise en oeuvre des éléments de cette proposition. Nous n'irons pas plus loin à ce propos, si ce n'est pour dire que la priorité de l'Office, c'est que l'ensemble professionnel soit constamment adapté aux besoins et aux circonstances d'une société qui change.

L'Office définit sa philosophie d'intervention en lien avec les tendances générales dégagées par l'Assemblée nationale et par le gouvernement. À titre d'exemple, il est constant, depuis quelques années, que l'État veuille réduire sa législation et sa réglementation à ce qui est nécessaire et suffisant pour le fonctionnement harmonieux de la société, selon les besoins qu'elle se reconnaît. De la même manière, l'Office ayant affaire à 24 lois et à quelque 550 règlements a, bien évidemment, tendance à évaluer chacune des dispositions existantes ou proposées selon son caractère véritablement ou vraiment indispensable.

De la même manière, l'Office estime nécessaire de faire évoluer les rôles des uns et des autres, de simplifier les processus en les limitant à ce qui est essentiel et enfin de faire place à toutes les compétences professionnelles telles qu'elles se sont développées au sein ou en dehors du système professionnel que nous connaissons.

Parlons maintenant du projet de loi. Quelle est la place du secteur droit, administration et affaires dans le monde professionnel? Comme vous le savez, le monde professionnel, tel que défini avec le Code des professions de 1973, comporte trois grands secteurs: celui du droit, de l'administration et des affaires, où l'on retrouve les professions juridiques, les professions d'administration et les professions comptables, essentiellement; celui de la santé, qui forme près de la moitié des professions constituées en vertu du Code, et que je n'énumérerai pas ici; on y trouve enfin le secteur du génie et de l'aménagement, où l'on retrouve les ingénieurs, les architectes, les technologues et autres professions qui nous pardonneront, elles aussi, de ne pas pouvoir toutes les citer aujourd'hui.

Le secteur du droit de l'administration et des affaires est, comme les deux autres, très important, puisqu'il réunit des compétences essentielles pour la population et rassemble également, dans son champ d'exercice, des actes comportant des risques pour le public, qu'on pense à l'intervention des avocats et des avocates pour les droits et libertés ou encore des notaires pour ce qui concerne les questions patrimoniales et autres, qu'on pense enfin aux professions comptables et d'administration et leurs actes de gestion et de vérification essentiels à la bonne marche des entreprises, du commerce et des affaires.

Quelle est la place du notariat dans ce secteur? J'aimerais rappeler ici une spécificité. Le Québec a ceci de particulier en Amérique du Nord qu'il comporte une profession juridique unique, celle de notaire, profession qu'on retrouve sensiblement sous la même forme dans plusieurs autres grands pays de droit romano-germanique. Cette profession, rappelons-le, est intimement liée à l'histoire et à la culture du Québec. Intervenants de toute mémoire auprès des Québécoises et Québécois pour des aspects essentiels de leur vie de personne, les notaires sont en quelque sorte les témoins, voire les gardiens des parties parmi les plus traditionnelles de notre droit et qui fondent, en bonne part, la spécificité, l'originalité ou encore le caractère distinct de notre société.

Certes, le champ d'intervention du notaire québécois n'est pas tout à fait le même que celui de ses confrères ou consoeurs dans d'autres pays. À d'autres endroits, comme en France par exemple, le notaire a pour prérogative de conférer éventuellement la force exécutoire aux actes qu'il reçoit pour ses clients. D'autres différences encore pourraient être évoquées. Nous n'irons pas dans ce détail.

Si le champ exclusivement réservé aux notaires québécois est ainsi moins étendu qu'il l'est ailleurs ou qu'il pourrait l'être au Québec, il nous faut mentionner que, de par leur formation, les notaires du Québec sont des juristes à part entière dont les connaissances et le savoir-faire justifieraient sans doute qu'on prenne en considération leurs aspirations à servir plus largement le public qui s'adresse déjà à eux en toute confiance comme officier public ou comme conseiller juridique.

(15 h 10)

C'est bien dans cet esprit que l'Office aborde l'étude du projet de loi n° 443, et je précise d'emblée que, si l'organisme que je préside appuie les principes qui sous-tendent ce projet de loi, il est également bien prêt à accueillir d'autres projets de développement ou, plus précisément, d'autres projets d'ouverture qui permettraient aux notaires québécois et québécoises d'offrir plus librement au public le fruit de la compétence et du savoir-faire que nous évoquions tout à l'heure. Cela dit, l'Office comprend que ce projet de loi est un élément parmi d'autres du développement et de l'ouverture en question.

Avant de passer à des éléments plus spécifiques du projet, j'aimerais souligner la vitalité d'une profession qui, on s'en souvient, a entrepris, voilà quelques années, de surmonter de façon créative les effets d'une évolution et d'une conjoncture qui lui ont pourtant posé des défis importants. Quant à moi, cette volonté et cette humilité dans l'évolution est un exemple à suivre.

Qu'est-ce qu'on peut retenir du projet? Sans prétendre posséder une expertise concernant les aspects techniques du projet liés à l'administration de la justice, nous résumerons notre compréhension à des modifications proposées afin, par la suite, d'en faire une appréciation en fonction bien sûr des préoccupations particulières de l'Office.

Le projet touche, on le sait, des règles de procédure applicables à cinq types de demandes, lesquelles seraient présentées à un notaire: mise en tutelle du mineur; ouverture ou révision du régime de protection du majeur; homologation du mandat d'inaptitude; vérification de testament; émission de lettre de vérification.

D'entrée de jeu, il faut souligner la compétence des notaires pour représenter des clients dans toute procédure non contentieuse et pour présenter pour ceux-ci des requêtes s'y rapportant, tel que le prévoit le paragraphe e du premier alinéa de l'article 9 de la Loi sur le notariat.

Dans la mesure où les demandes concernant les sujets mentionnés ne sont pas contestées, elles se situent déjà dans le champ de compétence traditionnellement reconnu aux notaires par le législateur. De plus, il ne faut pas oublier que le notaire aurait le devoir, en toute circonstance, d'agir dans l'intérêt de la personne visée par la demande. Cette obligation, jointe aux garanties offertes par le système professionnel, permet, à notre avis, d'éliminer tout doute que ces nouvelles règles pourraient susciter au regard de la protection des droits de la personne. Par ailleurs, en cas de contestation, le notaire devrait se dessaisir du dossier. Son champ de compétence limité aux procédures non contentieuses ne serait donc pas modifié par le projet de loi.

Nous retenons également que les compétences actuelles du greffier et du tribunal dans les matières visées au projet de loi demeureraient et que les nouvelles attributions du notaire s'exerceraient concurremment avec celles présentement dévolues au greffier. Ceci devrait, à notre avis, rassurer ceux et celles qui préféreraient continuer à procéder par voie de requête au greffier conformément au droit actuel.

Le projet ajoute même une autre garantie pour la protection des droits des parties en prévoyant que, même en l'absence d'opposition, un juge ou un greffier pourrait rejeter les conclusions du procès-verbal du notaire ou rendre toutes les ordonnances nécessaires à la sauvegarde de ces droits. De plus, les décisions du greffier pourraient être révisées par un juge sur demande.

Examinons maintenant très sommairement pour chaque type de demande visée l'essentiel des modifications proposées. Au chapitre de la mise en tutelle du mineur, le projet de loi simplifie la procédure actuelle lorsque la demande serait présentée à un notaire. En effet, il remplace la requête en homologation du procès-verbal de l'assemblée des parents et la requête pour nomination d'un tuteur par le seul procès-verbal du notaire qui serait déposé au greffe du tribunal et homologué, en absence d'opposition, dans les 10 jours de ce dépôt.

En ce qui concerne le régime de protection du majeur, les règles actuelles seraient également simplifiées, dans le cas d'une procédure présentée devant notaire, par le remplacement de la requête pour convocation de l'assemblée des parents et de la requête en homologation du procès-verbal de cette assemblée par le seul procès-verbal du notaire qui inclurait notamment une déclaration relatant les faits qui fondent la demande d'ouverture ou de révision du régime.

À l'instar de ce qui est proposé en matière de tutelle au mineur, le procès-verbal du notaire serait déposé au greffe du tribunal et homologué après 10 jours s'il n'y a pas d'opposition. De plus, le notaire procéderait dorénavant, en lieu et place du greffier, à l'interrogation du majeur inapte. Comme cet interrogatoire n'est pas un examen médical mais qu'il vise plutôt à constater l'inaptitude du majeur, à la lumière de l'évaluation médicale au dossier, le notaire serait de toute évidence compétent pour le mener. En effet, le notaire doit très souvent vérifier la capacité des personnes qui signent les actes authentiques qu'il reçoit, notamment en matière de testament.

La procédure d'homologation du mandat d'inaptitude exige actuellement que l'interrogatoire du mandant soit effectué par le greffier. À l'instar de ce qui est proposé en matière de régime de protection du majeur, l'interrogatoire du mandant serait effectué par le notaire. Là encore, la compétence du notaire pour ce faire est établie, comme nous l'avons déjà mentionné. Par ailleurs, ce dernier, au lieu de rédiger une requête en homologation du mandat, dresserait un procès-verbal auquel serait joint l'interrogatoire du mandant. Ce procès-verbal serait déposé au greffe du tribunal et homologué après 10 jours, en l'absence d'opposition.

Quant à la vérification de testament, selon le droit en vigueur, il faut préparer une requête en vérification d'un testament olographe ou devant témoins afin d'obtenir un jugement de vérification de ce testament de la part du greffier. Le projet de loi propose en outre que le simple dépôt au greffe du tribunal du procès-verbal de vérification d'un notaire, après que celui-ci ait notifié aux héritiers connus un avis de vérification, suffise à en assurer la publicité, sans qu'il n'ait à être vérifié par le greffier. Comme la procédure de vérification de testament vise essentiellement à constater la légalité de la forme du testament, le notaire serait de toute évidence compétent pour y procéder. En effet, il ne s'agirait pour lui que d'attester, sur la base des affidavits obtenus, que le testament olographe a été écrit en entier et signé par le testateur ou que les deux témoins en présence desquels le testateur a signé répondaient aux exigences légales et ont également signé le testament.

Quant à l'émission des lettres de vérification, conformément à l'article 892 du Code de procédure civile, toute personne intéressée peut demander au greffier du tribunal du domicile du défunt des lettres de vérification destinées à servir hors du Québec pour prouver sa qualité d'héritier ou de liquidateur de la succession. Le projet de loi permettrait dorénavant au notaire de délivrer lui-même des lettres de vérification avec la compétence qu'on lui connaît en matière testamentaire et successorale et selon une procédure semblable à celle suivie par le greffier.

L'Office croit que ce projet de loi comporte des avantages nets pour le public. Ainsi, retenons que le projet tend généralement vers une certaine simplification des choses par une diminution du nombre d'étapes ou d'interventions dans un domaine déjà suffisamment complexe pour qu'on se limite à des règles et processus nécessaires et suffisants pour la sécurité du public. Notons également pour le public un accès facilité à des services de justice et à un choix plus diversifié d'intervenants et de procédures.

Nous observons ensuite une meilleure homogénéité de l'intervention, le notaire instrumentant de façon linéaire le dossier qu'il a préparé. Enfin, et surtout, mentionnons un aspect essentiel. Par la nature de sa relation professionnelle, le notaire connaît le plus souvent personnellement les individus concernés par les actes qu'il s'agit d'homologuer. Cet aspect touche directement la confiance réciproque que se portent en principe le notaire et ses clients.

Comme nous le disions plus tôt, ce projet de loi s'inscrit dans une évolution naturelle du domaine professionnel et, en particulier, des professions juridiques. Nous sommes à une époque où l'effort de formation fourni par les institutions d'enseignement, par les étudiants et les étudiantes et également par les ordres professionnels qui placent toujours plus haut la barre de leurs exigences académiques fait que des juristes admis ou admises à la profession de notaire ont des compétences et un savoir-faire adéquats. Plus nombreux et plus nombreuses, ils sont également en mesure des fournir des services élargis de conseillers juridiques. De là à penser qu'ils peuvent pousser plus loin leur intervention dans les dossiers qu'ils instrumentent en vertu du droit civil renouvelé, il n'y a qu'un pas que nous sommes enclins à franchir, avec prudence certes, mais sans fausses craintes pour autant.

(15 h 20)

Si nous examinons ce projet de loi, nous constatons en effet que la prérogative nouvelle proposée pour les notaires est à la fois dans le droit fil de leur intervention et de l'évolution de leurs compétences. Par ailleurs, il est clair que cette nouvelle prérogative a un caractère limité. Il ne s'agit pas en effet dans ce projet de loi d'ouvrir aux notaires toutes grandes les portes du prétoire; il s'agit après tout de permettre aux notaires de finaliser un dossier dans lequel ils ont déjà préparé les éléments essentiels et qu'il reste à faire vérifier par le tribunal. Quoi de surprenant après tout à ce que le notaire puisse conférer aux documents qu'il présente un supplément de crédibilité ou d'authenticité que toute sa compétence et toutes les traditions de sécurité et de confiance portée à sa profession amènent naturellement à présumer.

De toute évidence, les prérogatives dévolues au notaire par ce projet de loi correspondent à des compétences avérées et sont de plus soumises à la double surveillance des institutions d'administration de la justice, d'abord, et du système professionnel, ensuite. N'oublions pas en effet que la Cour supérieure conserve le pouvoir d'accepter ou de refuser ce que lui présente le professionnel. De plus, la pratique professionnelle est, d'une manière générale, soumise à la surveillance de l'ordre professionnel lui-même.

Voilà, à notre sens, un ensemble de garanties qui nous laissent croire que les prérogatives limitées confiées à des professionnels compétents ne sauraient en l'espèce comporter un risque notable pour le public. Bien au contraire, nous estimons que l'intervention d'un membre d'un ordre professionnel, telle la Chambre des notaires, dans des dossiers de ce genre permet jusqu'à ce point une certaine continuité, une certaine homogénéité dans le traitement du dossier, ce qui devrait avoir un effet plutôt positif sur la qualité de l'acte et de la procédure.

Nous n'ignorons pas qu'entre autres objections certains ont soulevé la crainte qu'il y ait dans le cas du notaire une apparence de conflit d'intérêts, le notaire intervenant auprès de deux ou plusieurs parties. C'est sans doute mal connaître la réalité du notariat au Québec que de penser que ces professionnels sont mal préparés à vivre une situation où, loin du litige, ils sont en situation de donner conseil ou, à tout le moins, des renseignements à des personnes qui, à titres divers, sont mêlées à une situation nécessitant son intervention. Voilà bien, en effet, une situation qui est connue pour les notaires et qui les distingue des autres situations de représentations ou de litiges qui, dans d'autres circonstances, font craindre que le conseiller de l'un ne puisse être le conseiller de l'autre.

Parmi ces autres situations où le notaire possède une expérience lui permettant d'intervenir de façon appropriée au bénéfice de plusieurs parties, signalons celle où il agit à titre de médiateur accrédité en matière familiale ou d'arbitre en matière civile ou commerciale.

Pour l'Office, le projet de loi sous étude se situe dans le droit fil d'une évolution opportune du système professionnel québécois. Nous estimons en effet que le public du Québec a droit au plus grand choix possible parmi les professionnels pour obtenir les services auxquels il aspire. L'Office estime également que des professionnels compétents pour agir ne devraient pas être empêchés de faire ce qu'ils ont appris à faire. L'Office estime enfin que le monde professionnel ne saurait voir son évolution limitée par une logique de chasse gardée. Rappelons qu'à notre sens les règles prévues au projet de loi, bien que nécessaires, sont suffisantes pour la protection du public.

L'Office estime que d'une manière générale le public peut être bien servi par le recours à un professionnel. Cela dit, je sais par expérience la compétence des greffiers et greffières de nos cours au Québec, là n'est pas la question. Force est toutefois de constater que les notaires du Québec ont toutes les connaissances et les aptitudes pour accomplir le type d'actes visés par le projet de loi.

L'Office s'attend toutefois à ce que la Chambre des notaires adapte les mécanismes de surveillance de l'exercice de ses membres à l'égard de ces prérogatives nouvelles, notamment quant aux professionnels qui n'exerceraient de telles fonctions que de façon occasionnelle ou sporadique. En disant cela, précisons que ce souci de l'Office vaut non seulement pour la Chambre des notaires, non seulement pour les actes qu'on entend confier de façon nouvelle aux notaires, mais également pour l'ensemble des professions.

Enfin, l'Office réitère que l'évolution qu'on amorce ainsi, avec cette prérogative nouvelle envisagée pour les notaires, devrait se poursuivre en vue d'une utilisation optimale des compétences et du savoir-faire des membres de la Chambre des notaires du Québec.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. J'inviterais maintenant M. le ministre à entreprendre la période d'échanges.

M. Ménard: J'ai peu de questions. Je vous remercie beaucoup de votre rapport qui témoigne certainement d'une compréhension aussi grande du projet de loi que du système professionnel. J'aurai peut-être quelques objections à vous présenter sous forme de questions, mais c'est vraiment pour connaître... parce que je sais que ces objections seront probablement faites par d'autres, et je voudrais connaître vos réponses.

À la page 10, juste en haut, vous signalez qu'un aspect essentiel du projet de loi reconnaît que, par la nature de sa relation professionnelle, le notaire connaît souvent les parties qui sont en présence devant lui et qu'il y a une relation de confiance réciproque qui s'est créée entre eux. Ça a peut-être été vrai dans une société agricole, mais dans la société urbaine dans laquelle nous vivons où très souvent les enfants habitent à une certaine distance de leurs parents – et vraisemblablement que, dans la plupart des cas, ce sont les enfants, donc les héritiers éventuels qui vont constater les premiers signes d'une maladie dégénérescente ou d'une perte de capacité de leurs parents – ils vont choisir un notaire en qui ils ont confiance mais que leurs parents ne connaissent pas.

Vous ne croyez pas que, dans ces cas-là, il y a une possibilité de, justement, une situation qui favorise le conflit d'intérêts, le notaire espérant... par la façon dont il rendra les décisions, étant plus enclin à conclure à l'incapacité du parent ou de la personne pour aller dans le même sens que l'opinion de ceux qui le consultent et ainsi aussi obtenir les honoraires qui accompagneraient un travail supplémentaire à faire pour la suite des choses?

M. Diamant (Robert): A priori, l'Office croit qu'en cette matière le notaire n'a pas véritablement de décision à prendre parce qu'il doit, sur la foi d'une évaluation médicale, faire le constat d'une déclaration d'inaptitude et, dans cette optique, dresser un procès-verbal qui décrit, d'une certaine façon, la vérification qu'il en a faite.

La possibilité de conflit d'intérêts dans de telles situations nous semble aussi éliminée ou, en tout cas, encadrée dans la mesure où le notaire a une certaine habilité à faire de tels constats, puisqu'il doit les faire en autres circonstances. Mais aussi le notaire doit agir en étroite relation avec son code d'éthique, ses obligations éthiques, et son code de déontologie et, s'il devait poser un geste de telle nature, il s'agirait forcément d'une dérogation à son code et il serait passible d'être sanctionné par les mécanismes qui sont prévus au Code des professions.

M. Ménard: Vous aurez remarqué dans le projet de loi que le notaire doit se désister s'il constate une contestation réelle de la part des diverses parties qui sont impliquées dans la demande. Est-ce que, pour vous, l'identification de ce qu'est une réelle contestation cause des difficultés?

M. Diamant (Robert): Si je comprends bien votre question: Est-ce qu'il y aurait nécessité d'identifier ce qui pourrait constituer une contestation?

M. Ménard: Oui, s'il y a lieu au fond de définir le terme ou si on peut laisser ça au jugement des notaires d'abord puis probablement éventuellement à l'établissement de la jurisprudence.

(15 h 30)

M. Diamant (Robert): Bien, a priori, nous, ce qu'on pense, c'est que les notaires sont compétents pour identifier qu'est-ce qui serait une contestation ou qui serait sujet à contestation, puisqu'ils le font déjà dans d'autres actes professionnels qu'ils sont appelés à poser. Donc, la nécessité d'une définition très précise de ce qui pourrait être contestable ne nous apparaît pas évidente et probablement pas nécessaire.

M. Ménard: Peut-être une dernière chose. Dans le système professionnel, je pense que tous les professionnels quels qu'ils soient sont appelés à prendre des décisions. Ce ne sont pas toujours des décisions... bien, enfin, il est rare même, je pense, qu'ils aient à prendre des décisions dans un contexte de conflit. Je parle pour l'ensemble des professionnels, quand on regarde l'ensemble des 43 professions.

Même si votre champ pointu d'expertise, c'est le système professionnel, vous êtes quand même au courant des grands principes qui sont à la base de notre système judiciaire, où le décideur doit être une personne impartiale, perçue comme telle, d'ailleurs, et qui doit non seulement faire preuve d'impartialité, mais bien... On parle d'apparence, mais, en fait, ce que l'on veut dire, c'est que les gens doivent être convaincus que cette personne est impartiale, que son comportement... Est-ce que vous voyez une différence dans le genre de décisions que le notaire a à prendre? Enfin, est-ce que le type de décisions que le notaire a à prendre, d'après vous, se rapprochent plus des décisions que rendent des professionnels avant de poser tel ou tel geste, quand il pose tel ou tel geste, ou de celles d'un juge qui doit rendre une décision après avoir entendu des parties qui ont des intérêts et des opinions contradictoires?

M. Diamant (Robert): Notre sentiment, c'est que le notaire n'est pas, ici, dans une situation contentieuse, donc il n'a pas à trancher. Il a à constater des choses, à dresser un procès-verbal, et la décision qu'il doit prendre, c'est une décision de conformité. Est-ce que c'est conforme? Est-ce que j'observe que ce qu'on me dit est vrai et est-ce que je peux en témoigner? Ça me semble être la limite de son activité décisionnelle. De ce point de vue, nous ne croyons pas que le notaire a à trancher entre les prétentions de deux parties, à moins que nous ne comprenions pas entièrement la proposition qui est sur la table.

M. Ménard: Je vous remercie, M. le président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci beaucoup, M. le Président. M. Diamant, merci pour votre mémoire et votre présentation ici. À la page 13 de votre mémoire, vous dites que «l'Office s'attend toutefois à ce que la Chambre des notaires adapte les mécanismes de surveillance de l'exercice de ses membres à l'égard de ces prérogatives nouvelles». Qu'entendez-vous par mécanismes de surveillance que la Chambre doit adapter à cause de ce projet de loi n° 443? Est-ce que vous pouvez les détailler, s'il vous plaît, à la commission?

M. Diamant (Robert): En fait, il y a plusieurs mécanismes de surveillance qui peuvent s'appliquer, en l'occurrence. On parle, entre autres, des règles de pratique qui doivent être adaptées à ce type de pratique, on pense aux exigences, disons, de compétences qui sont requises pour poser les gestes, on parle aussi de surveillance de l'activité à travers les programmes d'inspection professionnelle puis on pense aussi à une forme de surveillance qu'on qualifie, nous, de plus dynamique, qui est de s'assurer que les professionnels développent et tiennent à jour les compétences requises pour poser de tels gestes. Donc, essentiellement, voilà un ensemble de moyens ou d'outils qui sont à la disposition. Et, s'il le faut aussi, peut-être préciser les éléments du code d'éthique ou du code de déontologie applicables en pareille situation.

Alors, voilà autant de domaines ou de moyens qui sont à la disposition de la Chambre des notaires, et, bien sûr, nous, à l'Office, nous sommes concernés par la préoccupation qu'aurait la Chambre des notaires d'adapter ces mécanismes pour faire en sorte que la nouvelle responsabilité qui leur est dévolue soit bien encadrée au plan professionnel.

M. Bergman: Mais, quand vous mentionnez que la Chambre doit émettre des nouveaux règlements aux notaires pour pratiquer dans ce champ de compétence, comment est-ce que la Chambre doit les émettre? Est-ce qu'elle doit les émettre comme un amendement à ce projet de loi? Comment est-ce que le notaire doit s'adapter? Est-ce que vous suggérez qu'il y ait un cours de formation des notaires pour s'adapter à ce projet de loi et est-ce qu'il doit y avoir une accréditation qui soit faite par la Chambre pour les notaires qui ont suivi un cours de formation pour pratiquer dans ce domaine?

M. Diamant (Robert): Votre question comporte plusieurs volets. En ce qui concerne la réglementation, déjà et le Code des professions et la Loi sur le notariat font obligation à la Chambre des notaires d'adapter un certain nombre de règlements encadrant la pratique professionnelle qui est réservée aux notaires, et ces règlements-là sont de diverses natures, concernent, comme je l'ai mentionné tantôt, tout aussi bien l'appréciation des compétences des notaires qu'éventuellement les mécanismes d'inspection professionnelle et toute autre réglementation qui est en rapport direct avec la pratique professionnelle. Donc, obligation est faite à la Chambre des notaires non pas d'adopter d'autres ou de nouveaux règlements, mais d'adapter les règlements actuels à cette nouvelle réalité de la même manière que, si les notaires doivent agir en matière de médiation familiale, ils ont l'obligation de tenir compte de cette nouvelle responsabilité qui est dévolue aux notaires dans leur exercice professionnel, donc d'adapter tous les règlements en conséquence et pratiques de surveillance en conséquence.

En ce qui concerne la formation, il est clair que, de façon générale, les notaires reçoivent une formation assez ouverte qui inclut, on le sait, le programme de droit notarial, inclut de l'enseignement des voies non judiciaires de règlement des conflits. Il y a déjà des dispositions dans les programmes actuels qui leur permettent de développer des habiletés à tenir compte d'intérêts multiples. Nous, on pense que, dans la formation de base des notaires, il y a déjà, disons, l'enseignement d'habiletés qui sont requises pour vraiment bien disposer des situations nouvelles dans lesquelles ils pourraient agir en vertu du projet de loi. Donc, en ce qui nous concerne, il y a déjà une base; mais, si on devait constater qu'il est nécessaire d'ajouter des compétences particulières, il appartient à la Chambre de développer les programmes en conséquence et de les offrir à ses membres.

De la même façon, nous croyons que la Chambre devra se préoccuper du maintien et de la mise à jour des compétences. Si on n'a pas fait l'examen précis de cette situation-là, ce que l'Office dit, c'est que nous nous attendons à ce que la Chambre prenne toutes les dispositions nécessaires pour que les mécanismes soient adaptés à cette nouvelle situation.

M. Bergman: Mais est-ce que vous suggérez une formation spéciale suite à ce projet de loi et avec un agrément, par la Chambre, au notaire qui suit ce cours de formation?

(15 h 40)

M. Diamant (Robert): Je ne le sais pas. Je ne suis pas en mesure de répondre aujourd'hui à cette question-là. Ce que je réitère, c'est que, si ça devait, il est de l'obligation de la Chambre d'apprécier la situation. S'il devenait nécessaire de proposer des amendements au programme de formation de base des notaires, nous croyons que les éléments sont déjà là. Mais, s'il devait aussi y avoir une certaine forme de sensibilisation des notaires à cette nouvelle pratique, il leur revient de le faire, comme tous les ordres professionnels le font de façon régulière et soutenue.

Quant aux programmes de formation développés par les ordres professionnels dans tous les domaines, puisqu'on parle du domaine juridique, on connaît bien les programmes de formation développés par le Barreau à l'intention de ses membres de façon à ce que ses membres maintiennent leurs compétences dans des domaines extrêmement variés, et il en est ainsi dans le domaine qui nous préoccupe aujourd'hui. Nous nous attendons aussi à ce que la Chambre des notaires s'inquiète de l'adaptation des normes de pratique ou même, au besoin, du développement de normes de pratique, dans ce domaine comme dans d'autres, pour uniformiser autant que possible la pratique et encadrer l'évolution des professionnels dans cette nouvelle activité.

M. Bergman: Dans votre section Analyse critique du projet de loi, vous avez la section Avantages nets pour le public et vous soulevez un point, si je vous comprends bien, que le notaire instrumentant de façon linéaire le dossier qu'il a préparé a un avantage pour rendre service à ses clients. Et, si je vous comprends bien, c'est le notaire qui fait le dossier à partir du commencement, en faisant le mandat d'inaptitude, qui poursuit le dossier pour l'homologation et spécifiquement une vente qui se ferait dans le même dossier, etc.

Il y a des groupes, dans les mémoires qui ont été présentés devant nous, qui trouvent que ça présente un conflit d'intérêts pour le notaire, qu'il y a un bénéfice pour le notaire d'être certain qu'il y a homologation du régime pour que le notaire puisse faire sa vente, etc. Alors, votre opinion semble prendre le côté positif de cet aspect au lieu du côté négatif, et je voulais être certain que je comprends vos commentaires sur les questions linéaires du dossier et les avantages pour le public.

M. Diamant (Robert): Nous, on a essayé de se mettre dans la peau des citoyens. Personnellement, nous avons recours aux services d'un professionnel, nous établissons avec lui une relation de confiance et il est clair que l'information qui est nécessaire ou utile pour préparer une telle requête, peu importe laquelle de celles qui nous sont proposées aujourd'hui, est souvent très présente dans la relation ou dans d'autres situations dans lesquelles se retrouve le client avec le professionnel avec qui il fait affaire. Donc, l'intervention de façon linéaire, c'est quelque chose qui est sécurisant pour la personne. Si je dois, comme citoyen, avoir affaire à deux, trois ou quatre personnes dans la poursuite de la même démarche, vous comprendrez que ça peut devenir parfois difficile et complexe, et on se sent moins en confiance.

La possibilité de conflit d'intérêts, on l'a évoquée tantôt, nous, on ne croit pas que, agissant dans un domaine non contentieux, le notaire profite de la situation pour en tirer des avantages personnels. Si ça devait être, nous faisons un acte de foi dans les règles d'éthique qui gouvernent ce notaire et dans les mécanismes qui encadrent sa pratique.

M. Bergman: En acceptant cette idée – et je pense que vous émettez une théorie qui est positive – l'article m'échappe dans le projet de loi, mais je pense qu'il y a un article qui dit que le notaire ne peut pas vérifier un testament qu'il a rédigé et émettre les lettres de vérification d'un testament qu'il a rédigé. L'article m'échappe dans le projet de loi devant nous maintenant, mais est-ce que vous avez pris connaissance de cet article? Et, acceptant votre proposition pour les actes linéaires, est-ce que cet article doit être amendé?

L'article 15 dit: L'article 889 de ce Code est remplacé par le suivant:

«Le greffier ou le notaire examine l'original du testament. Si celui-ci est déposé chez un notaire, le greffier peut lui ordonner de le produire au greffe ou de le remettre au notaire qu'il désigne. Toutefois, le notaire qui a reçu un testament en dépôt ou un membre de son étude notariale ne peut procéder à sa vérification.»

Moi personnellement, quand j'ai vu cet article, je me demandais les raisons pour les «provisions» de cet article. La réponse que vous m'avez donnée à ma question, et je ne vous l'ai pas demandé pour...

M. Diamant (Robert): En d'autres mots, vous pourriez me donner vous-même la réponse à la question que vous posez? C'est ça?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bergman: Non. J'aimerais savoir si vous êtes en accord avec l'article 15, suite à la réponse que vous m'avez donnée aux questions précédentes.

M. Paquette (Michel): C'est ça. Nous, on ne voit pas le conflit d'intérêts dans cette situation-là. Maintenant, il y a peut-être d'autres motifs qui nous échappent. Mais, si c'est juste pour éviter le conflit d'intérêts, on ne voit pas, évidemment, la pertinence de maintenir cet article-là parce que le notaire, il ne fait que recevoir un acte dans son étude. Alors, vérifier après ça sa conformité sur le plan de la forme, ça ne me semble mettre aucune situation potentielle de conflit d'intérêts parce qu'il ne le prépare pas, le testament, il ne fait que le recevoir puis le mettre dans son étude. Effectivement, si le seul but est d'empêcher le conflit d'intérêts, on est d'accord que ça devrait être enlevé.

M. Bergman: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): D'autres questions, M. le député de D'Arcy-McGee?

M. Bergman: Je n'ai plus de temps.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ah, vous avez encore du temps.

M. Bergman: Ou voulez-vous retourner...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): O.K. Mme la députée de Blainville, et je reviendrai ensuite avec vous, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, madame.

Mme Signori: Merci, M. le Président. M. le président, à la page 11 de votre mémoire, dans l'avant-dernier paragraphe, vous estimez que l'intervention du notaire permet une certaine homogénéité dans le traitement du dossier. Est-ce que ça vous dérangerait d'élaborer un peu à ce sujet-là, s'il vous plaît?

M. Diamant (Robert): Un peu dans le même sens que je l'ai mentionné tantôt, le notaire, faisant affaire avec un individu dans des situations diverses, lorsqu'il a une situation qui est en rapport avec les cinq qui sont mentionnées dans le projet de loi, est en terrain connu et, d'une certaine façon, peut contribuer à ce que tout ça, di sons, se fasse dans une certaine continuité, dans une certaine homogénéité. La qualité d'un acte ou la qualité d'une procédure est souvent dépendante justement du fait qu'on connaisse bien tous les éléments qui y sont contenus. Alors, c'est essentiellement ce qu'on voit comme effet positif.

Mme Signori: Il n'y a pas de conflit d'intérêts, là non plus.

M. Diamant (Robert): Bien, a priori, comme il n'y a pas de décision à prendre directement et qu'il n'y a pas de contentieux, on n'en voit pas.

Mme Signori: Très bien. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: M. Diamant, l'interrogatoire qui est fait par le notaire, quel est le but de cet interrogatoire qui est fait?

M. Diamant (Robert): De cet...

M. Bergman: L'interrogatoire qui est fait par le notaire aux personnes inaptes, quel est le but, à votre sens, de cet interrogatoire?

(15 h 50)

M. Diamant (Robert): L'interrogatoire, c'est d'abord de pouvoir témoigner que ce sont les bonnes personnes qui sont en présence. L'interrogatoire du mandant, c'est aussi... On sait que l'inaptitude est établie sur la base d'un rapport ou d'une évaluation médicale, que ce n'est pas le notaire qui établit ça. Il y a des personnes qui sont compétentes au plan médical, au plan psychosocial qui font une évaluation, et cette évaluation-là est produite au dossier. Alors, le notaire doit identifier ou doit témoigner du caractère des personnes, du fondement qui conduit à l'émission d'un mandat, etc. Il vérifie toutes ces données-là, ces dimensions-là. Alors, c'est comme ça qu'on le comprend, et, de cette manière, il est comme un témoin de la rectitude et de la véracité des choses.

M. Bergman: Il a été suggéré par le Protecteur du citoyen que certains interrogatoires soient enregistrés. Est-ce que vous seriez d'accord que l'interrogatoire soit enregistré?

M. Diamant (Robert): Je ne vois pas d'objection, a priori, mais je pense qu'il faudrait s'assurer que c'est dans l'intérêt de tous. On n'a pas d'objection, a priori.

(Consultation)

M. Diamant (Robert): C'est ça. C'est peut-être une question de coûts, encore une fois, additionnels, une question de lourdeur de procédure, je ne le sais pas. Faudrait évaluer ça au mérite, mais, a priori, on n'a pas d'objection.

M. Bergman: Dans la question des honoraires, c'était suggéré qu'il y ait une grille d'honoraires pour toute procédure relative à ce projet de loi. Est-ce que vous pensez que...

M. Diamant (Robert): Ah, la position traditionnelle de l'Office, c'est qu'on n'est pas d'accord avec des tarifications. On aime bien que les services professionnels soient rendus disponibles, qu'on en assure la qualité et que la tarification soit laissée au marché. Il y a déjà un coût pour de telles procédures. Je ne sais pas exactement quels sont ces coûts-là, mais, quand vous faites une requête en homologation que vous présentez au greffier, il y a un tarif. J'imagine que les notaires devront établir un tarif qui soit avantageux, sinon il n'y aura personne qui va aller les voir.

M. Bergman: Vous faites référence aussi au fait que le notaire aura le devoir, en toute circonstance, d'agir dans l'intérêt de la personne visée par la demande. C'était soulevé qu'il y a possibilité de conflit d'intérêts si la demande était portée au notaire par un bon client des enfants ou des parents des personnes visées par la demande. Une des craintes qui ont été soulevées, c'est qu'il y ait un conflit d'intérêts que le notaire pourrait avoir, dans le sens qu'il n'agirait pas pour la personne visée par la demande mais plutôt pour le client qui a apporté le dossier, un client qui est un bon client du notaire. Alors, le résultat sera un conflit d'intérêts dans ce dossier. Est-ce que vous avez des craintes à ce sujet, sur le conflit d'intérêts qu'on peut avoir?

M. Diamant (Robert): Pas plus dans ce cas-ci que dans d'autres. Évidemment, pour nous, si le notaire à qui on fait une telle demande devait constater qu'il pourrait être en conflit d'intérêts, il a l'obligation de se désister; et, s'il ne le fait pas, effectivement, il est en conflit d'intérêts et il contrevient à son code d'éthique.

M. Bergman: Mais est-ce que vous trouvez que c'est un conflit d'intérêts pour le notaire d'agir dans un dossier où un des parents intéressés est un client de l'étude du notaire?

M. Diamant (Robert): Certainement pas, a priori, puisqu'il a à constater ou à poser un geste qui, en lui-même, est un geste professionnel de vérification de conformité et qu'il a l'aptitude, qu'il a la compétence pour le faire. C'est ce que nous croyons.

M. Bergman: Dans la même veine de conflit d'intérêts, il a été suggéré que c'est possible que quelqu'un puisse magasiner ou faire du «notaire shopping» pour trouver le notaire qui rendra la décision favorable à la personne qui veut obtenir cette décision. Est-ce que vous avez une réaction à cet aspect ou une suggestion?

M. Diamant (Robert): Le magasinage des professionnels, dans certaines circonstances, c'est parfois répandu, on le sait. Ça existe peut-être plus dans le domaine de la santé que dans le domaine des services juridiques, mais nous croyons que, si quelqu'un faisait du «notary shopping», comme vous dites, et qu'il en voyait 12 qui disaient non parce qu'ils pensent que ce n'est pas correct et que le treizième disait oui, le treizième commettrait une faute professionnelle, c'est sûr.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Ménard: Oui. Dans la décision qui est prise de constater l'incapacité qui va donner ouverture au régime de protection, il y a l'intervention de deux autres professionnels, le médecin et soit un travailleur social, un psychologue ou, enfin...

M. Diamant (Robert): Ce qu'on appelle un psychosocial.

M. Ménard: Oui, l'évaluation psychosociale. Je comprends que ces deux professionnels relèvent de professions qui sont... Est-ce que vous pourriez expliquer, à l'avantage de certains députés qui sont peut-être moins familiers parce qu'ils n'ont pas la même profession que nous, dans l'opinion qu'ils doivent rédiger, quels sont les critères d'éthique qui doivent les diriger?

M. Diamant (Robert): Dans le cas du médecin, parce qu'on peut présumer, qu'on est sûr qu'il y aura un médecin qui participera à l'évaluation médicale, ce médecin, avant de conclure à une incapacité et d'établir le niveau d'incapacité de la personne qui la rend inapte à prendre un certain nombre de responsabilités sociales et économiques en rapport avec ses obligations, est tenu, lui, de respecter un code de déontologie très pointu sur ces questions, de sorte que ses conclusions doivent bien sûr porter sur toutes les dimensions qui sont déjà établies. Je ne connais pas par coeur toutes les procédures qu'on doit suivre ou tous les domaines ou tous les éléments qu'on doit toucher lorsqu'on fait une évaluation d'aptitude des personnes, c'est très large.

Au plan psychosocial, de la même façon, il y a toute une procédure qui est largement décrite dans les règles qu'on appelle les «normes de pratique» et qui obligent le travailleur social et le psychologue intervenant à prendre un certain nombre de précautions et à respecter certaines dispositions. Donc, lorsqu'on parle de la vérification de l'aptitude ou de l'inaptitude d'une personne, il y a déjà des garanties qui sont données par les règles, les normes de pratique des différents professionnels qui interviennent.

Pour le notaire, il ne s'agit pas de passer en arrière de ça, il s'agit de constater effectivement que ces pièces sont au dossier, que les conclusions sont claires et d'en témoigner. Ça constitue des pièces qui, à la fin, permettront à la cour de prendre la vraie décision, c'est-à-dire d'accorder un mandat à une personne.

M. Ménard: O.K. Dans la vérification...

Une voix: Dernière question.

M. Ménard: Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous pouvez y aller pour une dernière.

M. Ménard: Dans la vérification qu'ils doivent faire, ces professionnels-là... Parce que beaucoup de gens étaient inquiets du «notary shopping», ou enfin du shopping de notaire, mais je pense bien qu'il faudrait, dans ce cas-ci, non seulement faire du magasinage de notaires, mais du magasinage de deux autres professionnels. Ha, ha, ha!

Une voix: Faudrait qu'il y ait collusion de trois personnes devant...

M. Diamant (Robert): Ça fait beaucoup de monde à...

M. Ménard: Non, je sais. Mais, indépendamment de ça, dans l'établissement des diagnostics qui sont portés, est-ce que l'on doit se renseigner sur l'existence de diagnostics antérieurs?

M. Diamant (Robert): Est-ce que le notaire doit se renseigner?

M. Ménard: Non, pas le notaire, les autres professionnels, le médecin, pour l'expertise psychosociale.

M. Diamant (Robert): Le médecin qui signe une évaluation d'inaptitude doit bien sûr prendre connaissance de l'ensemble du dossier médical de la personne, et ses conclusions doivent reposer sur toute l'expertise qui a été mise à profit pour, disons, le traitement de la personne. Donc, c'est clair que...

Il s'agit aussi de quelque chose, on s'en doute bien, que les médecins traitent de façon très parcimonieuse parce qu'il s'agit de la restriction des droits d'un individu, et on essaie d'agir dans l'intérêt de cette personne mais aussi des membres de sa famille.

M. Ménard: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça termine la présentation de l'Office des professions du Québec. Alors, madame, messieurs, nous vous remercions de cette présentation.

(16 heures)

J'inviterais maintenant les représentants du Comité des personnes atteintes du VIH du Québec, M. La Force et Me Leroux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. La Force, Mme Leroux, bienvenue à la commission des institutions. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, à la suite de cette présentation, nous pourrons poursuivre l'échange par les questions des membres de la commission. Bienvenue.


Comité des personnes atteintes du VIH du Québec (CPAVIH)

M. La Force (Christian): Merci. Dans un premier temps, je vais vous faire un aperçu de notre organisme et, dans un second temps, je passerai la parole à Mme Leroux qui va vous illustrer par des cas concrets l'impact possible des modifications apportées par ce projet de loi.

Le Comité des personnes atteintes du VIH existe depuis 1987. Sa mission est de représenter et de défendre les droits et libertés des personnes atteintes du Québec. C'est un mandat provincial. Nous rejoignons toutes les personnes atteintes du Québec avec nos plus de 1 350 membres et on collabore avec plus de 350 intervenants et organismes sida à travers le Québec.

Qu'est-ce qu'on fait? C'est qu'on offre différents services d'information aux personnes atteintes et aux organismes à savoir l'Info-traitements, qui peut être rejoignable par différents moyens de communication, ainsi que la clinique juridique. Et, pour retransmettre une meilleure information, nous avons un bulletin de liaison qui est destiné aux membres à raison de quatre fois par année et 2 000 exemplaires.

Notre mission, c'est surtout de donner toute l'information possible aux personnes atteintes, parce qu'on croit que, dans tous les cas, pour les personnes atteintes, l'information peut être un excellent remède.

Donc, je céderai la parole à Me Leroux. Merci.

Mme Leroux (Johanne): Je vais vous faire un résumé du mémoire. D'abord, dans le but de procéder à notre réflexion et étayer notre position, nous avons consulté les documents de travail de la Chambre des notaires, du Barreau du Québec et nous avons consulté l'opinion du professeur Henri Brun sur la constitutionnalité et les commentaires et suggestions du Protecteur du citoyen.

Le mémoire du CPAVIH est orienté en fonction des demandes de consultation à la clinique juridique. Il n'est pas rare qu'une personne qui reçoit un résultat positif au test de dépistage du VIH ou qui apprend qu'elle est atteinte du sida songe à faire un mandat en prévision de son inaptitude ou encore à faire un testament. Les expériences développées par le passé nous permettent d'anticiper certaines difficultés d'application du projet de loi n° 443, particulièrement en matière de mandat, de régime de protection au majeur et de vérification de testament. Et c'est à ces trois sujets-là que nous avons consacré le mémoire.

Pour les fins de notre réflexion, nous nous sommes inspirés de divers exemples et scénarios afin d'illustrer certains points de droit. Cependant, nous tenons à mentionner que toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées ne peuvent être que le fruit du hasard.

Le premier exemple, c'est en matière de mandat en cas d'inaptitude, il s'agit du cas de Paul – on l'a appelé Paul. 1989. Paul a 20 ans. Il apprend qu'il est séropositif. Il habite en région avec sa mère. Paul a trois soeurs. Dès qu'il apprend son diagnostic, Paul s'empresse de rédiger lui-même un mandat en prévision de son inaptitude et un testament. Paul parle de son état de santé à sa mère et à ses soeurs et les informe qu'il a rédigé des documents légaux en faveur de sa mère et de sa soeur Lucie à qui il confie les documents pour qu'elle les dépose dans un coffret de sûreté.

En 1991, Paul déménage à Montréal, car il s'est trouvé un travail. Il achète un condo. En 1997, Jean habite avec Paul depuis maintenant quatre ans. Paul est en arrêt de travail depuis un an; il bénéficie de son assurance collective contractée au travail. Jean s'occupe de Paul, mais il doit s'absenter occasionnellement pour son travail. En 1996, quand il a appris qu'il souffrait d'un syndrome démentiel associé au VIH, Paul a rédigé un deuxième mandat en prévision de son inaptitude, devant deux témoins, où il nomme Jean mandataire. Il a cependant omis d'en informer sa mère et ses soeurs, car ces dernières n'apprécient guère son mode de vie.

En octobre 1997, Paul décide de vendre son condominium et confie à Jean qu'il aimerait faire un dernier grand voyage avant d'être trop malade. Il est aussi prêt à vendre ses meubles, car il sait qu'il devra peut-être se retrouver en maison d'hébergement.

En novembre 1997, une des soeurs de Paul lui rend visite et elle constate la dégradation de son état de santé. Paul a de la difficulté à parler, il a de la difficulté à se concentrer et fonctionne au ralenti, mais rassure sa soeur en lui disant qu'il est bien suivi par le Dr Untel, spécialiste du sida.

Prise de panique, elle communique avec sa mère et l'informe de l'état de santé de Paul, du fait que son condominium est à vendre, qu'il parle aussi de vendre ses meubles et de la non-cohérence de ses propos. La mère de Paul est très inquiète; elle consulte son notaire, lui remet le mandat rédigé en 1989, l'informe que Paul est traité par le Dr Untel, que sa situation se dégrade et qu'il se comporte de manière étrange. Elle omet toutefois, soit par ignorance ou délibérément, de mentionner au notaire que son fils vit avec un conjoint de même sexe. Le notaire procède à l'obtention des documents nécessaires à la rédaction de la requête en homologation du mandat donné en prévision de l'inaptitude, de l'affidavit de sa mère, de l'avis de présentation et de l'inventaire des pièces, conformément au Code de procédure.

Cette procédure sera signifiée à Paul par huissier. Au moment de la signification, Jean est absent du domicile pour trois semaines pour son travail. Paul reçoit seul le huissier, dépose la procédure entre deux revues et l'oublie. Quinze jours après son retour, alors qu'il est à faire un peu de ménage, Jean découvre la requête en homologation; il consulte un avocat qui lui explique qu'il est encore temps d'intervenir.

L'un des arguments favorables retenus par la Chambre des notaires en matière de mandat est l'impact positif du projet de loi sur les délais. La Chambre des notaires démontre que les délais de procédure proposés seraient réduits des deux tiers, que le mandant serait interrogé rapidement et que le dossier pourrait être traité en l'espace de 30 jours.

Or, dans le cas que je viens de vous citer, c'est précisément le délai entre la signature de la requête et l'interrogatoire qui a permis à Jean d'intervenir dans l'intérêt de Paul. Advenant que la procédure proposée par le projet de loi n° 443 soit dûment instituée et que le notaire ait procédé dans un délai de plus ou moins 10 jours à l'interrogatoire du mandant, que la rédaction par le notaire du procès-verbal en minutes de l'interrogatoire soit faite et que l'avis par le notaire du dépôt aux personnes intéressées, nommées par la mère de Paul, soit effectué – à l'exception toutefois de Jean, pour les raisons qu'on a déjà mentionnées – un greffier rendrait, après 10 jours du dépôt, un jugement en homologation en faveur de la mère de Paul sans que Jean ait pu intervenir. Dans pareille circonstance, la rapidité de la procédure proposée ferait en sorte de diminuer la protection des droits et des intérêts de la personne visée par le mandat.

Dans l'hypothèse où la procédure proposée par le projet de loi n° 443 aurait été applicable et que la mère de Paul aurait obtenu rapidement l'homologation, Jean devrait demander une révision ou une inscription en faux de l'interrogatoire et Jean devrait prouver que le notaire a agi avec partialité ou à l'encontre des intérêts de Paul ou encore recommencer le processus. Mais toutes ces procédures amènent des coûts additionnels non souhaitables et des démarches certainement évitables quand la procédure est empreinte de formalisme et soumise aux règles de justice.

(16 h 10)

On va passer maintenant à l'exemple de Sophie, qui est un cas de régime de protection au majeur. Sophie a 33 ans. Elle a été diagnostiquée atteinte du sida en 1995 suite à une pneumonie. Sophie, depuis l'âge adulte, a vécu plusieurs périodes de maniacodépression et a été une utilisatrice de drogues injectables pendant une courte période de sa vie. Sophie croit qu'elle a contracté le VIH lors d'un échange de seringue avec son conjoint, Jean-Marc, avec lequel elle partage sa vie depuis maintenant 10 ans. Sophie et Jean-Marc ont toujours bien gagné leur vie et ont accumulé des biens: maison, meubles, voitures et chalet. Jean-Marc est aussi porteur du VIH, mais il se porte bien. Il n'est pas en très bons termes avec les membres de la famille de Sophie qui le tiennent responsable de l'état de santé de Sophie.

Depuis quelques mois, suite à une période dépressive due à des complications et un changement de médication, la trithérapie, à cause de nombreux effets secondaires, Sophie est en phase maniaco et dépense de manière excessive. Aussi, elle parle de vendre son chalet, quelques meubles et de réaliser un rêve fou de safari africain avant de mourir. Sa famille, ayant été mise au courant de ses projets, tente de la raisonner et reproche à Jean-Marc de ne pas la contrôler. Une fin de semaine, alors que Sophie est partie faire des courses avec une amie et que sa mère téléphone à la maison, cette dernière informe Jean-Marc que, s'il ne peut contrôler Sophie, elle devrait faire le nécessaire et prendre les procédures pour que sa fille ne puisse plus agir de manière aussi incontrôlée.

À la lumière de ce type de situation, voyons dans quelle mesure une certaine confusion pourrait résulter de l'application du projet de loi n° 443. Il est probable qu'à la fois Jean-Marc et un membre de la famille de Sophie, voire même plus qu'un membre, décident, en concomitance, de présenter chacun de leur côté une demande de régime de protection au majeur. Cette demande peut être faite soit à l'étude d'un notaire, soit au greffe du tribunal.

Nous faisons face à une situation potentielle de confusion dès l'ouverture de la procédure. Il est curieux de constater que le législateur n'offre pas, dans le projet de loi n° 443, de meilleures garanties quant au dédoublement de procédures et des aléas potentiels engendrés par cet état de fait. Il ne faut pas oublier qu'en semblable matière, l'enjeu est l'intégrité de la personne et la liberté d'exercice de ses droits civils.

Un autre point fait l'objet d'interrogations dans la procédure proposée devant le notaire quant aux garanties à l'intégrité et à la sécurité de la personne et à la liberté d'exercice de ses droits. Il s'agit principalement de l'allégement de la procédure et du non-formalisme de la procédure qui viendraient simplifier, encore une fois, selon la Chambre des notaires, le processus actuel en remplaçant deux requêtes par un seul procès-verbal contenant un rapport complet de l'ensemble des opérations.

Il nous est difficile de concevoir qu'une demande pour faire interdire une personne puisse se résumer à la rédaction d'une déclaration relatant les faits qui fondent la demande d'ouverture, des faits relatés par le client du notaire qui, en pareilles circonstances, ne se fie qu'aux dires de son client. Suivra, sans autre formalisme, l'interrogatoire du majeur inapte.

Aussi, dans la procédure proposée par le projet de loi n° 443, aucune signification n'est requise afin d'informer la personne qui fait l'objet du régime de protection. Cette absence de formalisme n'est pas sans risques. Nous avons des réserves quant à la protection des droits de la personne visée à la demande. Il en est de même pour la notification des personnes intéressées, identifiées, voire même contractées directement par le client du notaire.

En ce qui concerne la vérification de testament, la procédure proposée par le projet de loi n° 443 vient encore une fois alléger la procédure et dispenserait de l'obtention du jugement de vérification du greffier. Le jugement serait remplacé par le dépôt par le notaire de son procès-verbal déposé au greffe du tribunal accompagné d'une copie certifiée du testament et des pièces justificatives. Le fait de permettre les deux formes de vérification au testament ne viendrait-il pas semer une forme de confusion ou d'incertitude juridique vis-à-vis des tiers? La copie certifiée conforme du procès-verbal du notaire équivaudrait à un jugement de vérification et serait vraisemblablement valable comme preuve des droits des héritiers vis-à-vis des tiers. Cette prémisse nous laisse à penser que le législateur en matière de vérification de testament accorde au notaire un pouvoir décisionnel sur le constat de la légalité de la forme du testament, pouvoir jusqu'alors dévolu à la Cour supérieure.

Dans ce contexte, le notaire serait juge et partie et, encore une fois, nos réserves quant aux moyens empruntés pourraient engendrer des omissions qui risqueraient de mettre en péril le droit des personnes intéressées à faire valoir leur point de vue. Si aucune publicité de vérification n'est requise avant le dépôt au greffe du tribunal et que certains héritiers ont omis d'informer le notaire qu'il y aurait peut-être d'autres personnes intéressées, ces dernières ont peu de moyens pour faire connaître leur point de vue. Considérant le fait que le procès-verbal du notaire équivaudrait à jugement, ne serait-il pas souhaitable de prévoir un mécanisme de publicité et de vérification de testament au début du processus afin de préserver les droits des personnes intéressées à faire connaître leur point de vue?

En ce qui concerne l'aspect constitutionnel, la question du droit constitutionnel que soulève le projet de loi n° 443 a été amplement analysée par le professeur de droit constitutionnel, Me Henri Brun. Notre organisme est en accord avec l'opinion de ce dernier à l'effet que les pouvoirs conférés aux notaires par le projet de loi sont des pouvoirs décisionnels. Si, selon le raisonnement de Henri Brun, le notaire exerce un pouvoir décisionnel, il va de soi qu'il doit être soumis aux règles de justice applicables à la Cour supérieure, avec les mêmes garanties pour les personnes visées par ce projet de loi.

Il est indéniable que la procédure proposée devant le notaire du projet de loi n° 443 affecte les droits des personnes visées et il est souhaitable que, bien plus que la transparence, les principes d'indépendance et d'impartialité institutionnelles dévolues aux instances décisionnelles s'appliquent. Avec tout le respect qui est dû aux professionnels que sont les notaires, nous ne croyons pas, à la lumière de nos commentaires, que les garanties d'indépendance et d'impartialité soient respectées quand il exerce, dans l'intimité de son étude, à la fois le rôle de notaire instrumentant, de conseiller juridique, d'officier public et de quasi-tribunal. Merci.

M. Ménard: Je voudrais savoir, vous nous avez dit dès le départ que les cas que vous nous présentez sont purement fictifs?

Mme Leroux (Johanne): Oui. Bien, c'est un amalgame de plusieurs cas, c'est des choses qui arrivent.

M. Ménard: Alors, commençons par le cas de Paul.

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Ménard: Dans l'exemple que vous nous donnez, il est incapable de répondre à son interrogatoire?

Mme Leroux (Johanne): Au moment où ça s'est produit, Paul n'avait pas encore été interrogé. Il avait reçu la signification de la requête, il l'avait laissé traîner, et ça ne s'était pas encore passé; c'est pour ça que Jean a pu intervenir.

M. Ménard: Oui, mais il va avoir un interrogatoire, Paul?

Mme Leroux (Johanne): Oui, c'est sûr qu'il va avoir un interrogatoire. La question n'est pas de savoir s'il est inapte ou non, c'est la façon de faire. Ce qu'on a voulu soulever, c'est simplement la...

M. Ménard: Je comprends, mais est-ce qu'il est incapable au point de dire qu'il a donné un autre mandat d'inaptitude?

Mme Leroux (Johanne): Au moment où Paul a reçu la signification, il n'avait pas été interrogé par personne.

M. Ménard: Oui, mais il allait l'être.

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Ménard: Et au moment où il aurait été interrogé, il aurait pu dire qu'il avait donné un autre mandat d'inaptitude.

Mme Leroux (Johanne): Le neurosida, il y a des jours où tu peux le dire puis il y a des jours où tu ne sais pas que deux plus deux, c'est quatre.

M. Ménard: Oui. Alors, quand un notaire constate cet état...

Mme Leroux (Johanne): Il ne peut que constater l'inaptitude. La question n'est pas de savoir si la personne est inapte, il s'agit de savoir s'il y a un autre mandat.

M. Ménard: Oui, mais il doit reporter l'interrogatoire.

Mme Leroux (Johanne): Pardon?

M. Ménard: Il doit reporter l'interrogatoire à un moment où la personne peut être interrogée.

Mme Leroux (Johanne): Bien, non, parce que...

M. Ménard: Non?

Mme Leroux (Johanne): ...on n'a qu'à constater l'inaptitude; un point, c'est tout, là.

M. Ménard: Oui, mais le notaire doit procéder à un interrogatoire.

Mme Leroux (Johanne): Oui. Là, vous me parlez du projet de loi n° 443 où le notaire devrait procéder à l'interrogatoire. Il devrait constater...

M. Ménard: Sauf évidemment s'il est en présence de quelqu'un qui ne peut pas répondre, comme la personne peut avoir été victime aussi d'un accident cérébrovasculaire qui le laisse complètement paralysé.

Mme Leroux (Johanne): Oui, exactement, et on a le document d'un médecin qui constate aussi l'inaptitude. Mais la question n'est pas là, la question, c'est de comment le faire, comment ça s'est passé dans ce cas précis.

M. Ménard: Oui, mais évidemment... En tout cas, ça a bien fini, en ce sens que Jean a pu intervenir.

Mme Leroux (Johanne): Oui, exactement.

M. Ménard: Bon, mais vous me dites que ça aurait pu finir mal. Mais j'essaie d'aller jusqu'à la fin sans que Jean intervienne puis je ne vois pas comment ça aurait pu finir mal parce que Paul aurait signalé au notaire qu'il avait signé un autre mandat d'inaptitude à un moment ou à un autre.

Mme Leroux (Johanne): Pas nécessairement.

M. Ménard: Mais, à moins d'être complètement incapable et à tout moment, je ne vois pas... Jean continue d'habiter avec Paul puis, à un moment donné, Paul va sûrement expliquer à Jean qu'il a été convoqué par le notaire ou, enfin, Jean va s'informer du fait que Paul est convoqué par un notaire.

Mme Leroux (Johanne): L'idée, c'est la rapidité des délais qui fait en sorte dans ce dossier-là, ici, là... C'est la rapidité des délais; c'est simplement la rapidité. La question de savoir si Paul est inapte, ce n'est pas là le propos, parce que je pense que quelqu'un qui est neurosida, il se pourrait très bien qu'il soit inapte.

(16 h 20)

M. Ménard: Oui, ça va, mais le cas que vous nous soulevez, la conclusion terrible dans ce cas que vous nous soulevez, ce n'est pas qu'une personne apte soit déclarée inapte...

Mme Leroux (Johanne): Non.

M. Ménard: ...c'est une personne qui a prévu son inaptitude, a pris des précautions...

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Ménard: ...et que le mandat d'inaptitude qu'elle avait pour ainsi dire dénoncé par le deuxième mandat d'inaptitude qu'elle avait signé, que sa volonté à elle ne soit pas réalisée.

Mme Leroux (Johanne): Exact.

M. Ménard: C'est ça, la conséquence.

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Ménard: Oui. C'est évident que c'est cette conséquence....

Mme Leroux (Johanne): Ou qui aurait des démarches supplémentaires à faire afin de faire valoir ce deuxième mandat.

M. Ménard: Oui. C'est parce que j'essaie de suivre votre cas, et il me semble que j'arrive à la conclusion qu'inévitablement il va se présenter un moment dans la suite des procédures où le notaire va être informé de l'existence du deuxième mandat d'inaptitude et donc...

Mme Leroux (Johanne): Il se pourrait, oui.

M. Ménard: ...à moins de commettre une faute très grave pour un notaire, il va tenir compte du deuxième mandat d'inaptitude. Il va soit se désister...

Mme Leroux (Johanne): Mais si le processus...

M. Ménard: ...ou essayer de constater s'il y a une entente...

Mme Leroux (Johanne): ...est terminé?

M. Ménard: Mais il ne peut pas se terminer tant qu'il n'a pas fait l'interrogatoire.

Mme Leroux (Johanne): Oui, je vous comprends, sauf que...

M. Ménard: O.K.

Mme Leroux (Johanne): ...dans le cas que j'ai cité ici, c'était dans un cas où est-ce que le projet de loi n° 443 n'était pas applicable et c'est le fait qu'il y ait des délais entre la signification de la requête et l'interrogatoire qui a donné une chance à Jean de pouvoir intervenir. Dans une situation où la rapidité est l'efficacité, ça aurait pris probablement le temps que Jean était parti en voyage d'affaires pour que le mandat soit accordé.

M. Ménard: En fait, c'est un cas où le mieux, qui est de raccourcir les délais, ne doit pas devenir l'ennemi du bien. Il faut que les délais aient une certaine longueur tout en ne l'étant pas trop. Parce qu'actuellement je pense bien que vous n'appréciez pas des délais de quatre à six mois...

Mme Leroux (Johanne): Non, bien, non.

M. Ménard: ...pour ces procédures.

Mme Leroux (Johanne): ...ça, c'est bien évident. Mais je pense que c'est plutôt en région urbaine que c'est très long, parce qu'en région, c'est assez court.

M. Ménard: Fondamentalement, je vois que vous adoptez entièrement l'opinion du professeur Brun. Je voudrais savoir votre opinion sur une chose. Pour vous, le fait que les décisions que le notaire a à prendre soient essentiellement des décisions de conformité... c'est-à-dire de savoir si les faits qu'il constate et dont il s'assure correspondent à la situation qu'a prévue le législateur pour que s'applique l'un des régimes de protection, n'est-ce pas? C'est ça, la décision qu'il doit prendre; il doit essentiellement, à la lumière des faits qu'on lui expose, décider s'il s'agit de cas qui méritent protection et, si oui, laquelle.

Dans bien des cas, dans la vie, ces constations, cet état de fait est évident; en fait, dans l'immense majorité des cas, il n'est pas contesté. Tous les membres de la famille cherchent la meilleure solution sans connaître quels sont les régimes légaux, alors ils cherchent un conseiller juridique; ils veulent savoir quoi faire pour le mieux.

C'est différent de la situation dans laquelle une personne est en présence de parties qui ont des intérêts contradictoires ou qui ont des opinions contradictoires quant à la décision qui devrait être prise, n'est-ce pas?

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Ménard: Voyez-vous? Alors, vous voyez la différence entre les deux, dans les deux types de décisions. Parce que, comme professionnel, on est appelé souvent à prendre des décisions. Un avocat – parce que vous êtes avocate – qui constate qu'il est en conflit d'intérêts doit prendre la décision personnelle de ne pas poursuivre le mandat qui le mettrait dans cette situation, même s'il aurait intérêt à poursuivre. Alors, ça ne fait pas de l'avocat un juge.

Mme Leroux (Johanne): Non.

M. Ménard: Il a besoin de toutes les... Alors, vous trouvez, vous aussi, en fait comme le professeur Brun, que, même s'il s'agit de deux types de décisions, le type de décision que le notaire a à prendre doit offrir toutes les garanties constitutionnelles qui accompagnent, qui sont propres au juge. Ou soyons plus...

Mme Leroux (Johanne): C'est peut-être parce que les situations que nous vivons pratiquement quotidiennement sont des situations de conflit d'intérêts potentiel à cause du type de clientèle qu'on dessert.

M. Ménard: C'est ça. Et des préjugés.

Mme Leroux (Johanne): Oui et des préjugés et du fait que...

M. Ménard: Et de la famille. Je comprends parfaitement.

Mme Leroux (Johanne): On s'est même imaginé que certaines personnes... On parlait tout à l'heure de magasinage de notaires. Il est évident, je pense, que toutes les personnes sont de bonne foi en partant, mais, quand on comprend qu'il y a des choses qu'il ne faut pas dire, bien, on ne les dit pas au deuxième qu'on rencontre, peut-être. Dans certains situations, il y a des gens qui ne veulent pas dire, par exemple, que leur enfant a un conjoint de même sexe. Il y en a qui le disent par honnêteté et qui comprennent que ça pourrait peut-être amener certains problèmes, alors ils ne le diront pas dans certaines circonstances. Ce n'est pas toujours rose. Je ne pense pas, moi, qu'il faille croire que c'est le notaire qui pourrait être de mauvaise foi, mais quelquefois ça pourrait être aussi les personnes qui vont le consulter qui pourraient être de mauvaise foi. Puis, parce qu'il serait mal informé, ça pourrait engendrer quelques problèmes.

Là, avant de s'assurer d'un conflit d'intérêts potentiel pour le notaire, bien, il faudrait qu'il y ait des balises à quelque part. Je ne sais pas trop, moi, mais il y a quelque chose à ajouter pour faire sûr que le notaire va avoir eu toutes les informations et non pas partir sur une ligne avec le client qui vient le rencontrer qui veut obtenir satisfaction.

M. Ménard: Je comprends parfaitement la situation dans laquelle vous êtes, puis votre point de vue nous éclaire. Parce que c'est effectivement une situation dans laquelle on peut voir les familles qui n'ont pas apprécié le genre de vie que mène le membre de leur famille, qui elles ont des préjugés, et par conséquent, disons plus ou moins consciemment ou plus ou moins volontairement, cachent des faits qu'elles n'apprécient pas au notaire.

Seriez-vous satisfaite si effectivement le notaire devait poser un certain nombre de questions susceptibles d'aller au fond de ces choses-là, à moins évidemment qu'on ne lui mente effrontément? Seriez-vous satisfaits si le notaire devait s'enquérir, comme le greffier d'ailleurs...

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Ménard: ...non seulement de l'existence des parents mais aussi de l'existence de conjoints ou de personnes auxquelles ils portent un intérêt particulier?

Mme Leroux (Johanne): De personnes intéressées, oui. Parce que les personnes intéressées ne sont pas nécessairement non plus les conjoints, dans certaines situations.

M. Ménard: C'est ça.

Mme Leroux (Johanne): Donc, pour moi, c'est essentiel de ne pas prendre pour acquis que la personne qui consulte un notaire est la personne qui a le meilleur intérêt.

M. Ménard: Oui, qui prend nécessairement l'intérêt... qui va consulter le notaire pour prendre... comme ça se fait dans la majorité probablement des cas des familles.

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Ménard: O.K.

Mme Leroux (Johanne): Tout à l'heure, on entendait que ça avait l'air à aller de soi que les notaires, bien, ils suivaient les dossiers depuis... En ce qui nous concerne, ça ne va pas de soi. Même trouver un notaire qui va vouloir avoir l'ouverture d'esprit de rédiger des mandats en cas d'inaptitude ou des contrats pour les conjoints de même sexe, ce n'est pas évident. Donc, ce n'est pas nécessairement vrai qu'un notaire va avoir eu, depuis le début, cette personne-là qui va devenir la personne inapte, qu'il va l'avoir eue toujours... Ce n'est pas vrai que ça se fait de manière... ça ne coule pas de source. Ça ne coule pas toujours de source, et c'est ça qu'on veut faire ressortir.

M. Ménard: Vous réalisez que, dans ce cas-là, quand cependant un notaire le fait, c'est enregistré dans son... Il y a un registre, hein?

Mme Leroux (Johanne): Oui, quand le notaire le fait, c'est enregistré, mais, quand on veut faire valoir un mandat rédigé à la main, ça veut dire qu'on n'a pas consulté de juriste. Ça veut dire qu'on l'a pris à la pharmacie très souvent. Il y a des mandats qu'on peut prendre à la pharmacie et qu'on peut remplir. Alors, les gens qui font ça, bien, on les retrouve dans leur tiroir puis on doit faire homologuer ce mandat-là. Donc, pour ça, il faut vraiment savoir s'il n'y en a pas eu d'autres après la date. C'est un peu comme la vérification de testament, il faut toujours vérifier...

M. Ménard: Une dernière question. Vous vous occupez d'un type particulier de malades, est-ce qu'il arrive souvent, enfin est-ce qu'il arrive que ces gens ne soient pas capables de répondre à l'interrogatoire?

Mme Leroux (Johanne): Il peut arriver que les personnes qui sont atteintes de neurosida soient dans une phase démentielle assez avancée, oui.

M. Ménard: O.K. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député D'Arcy-McGee.

M. Bergman: En relation avec la vérification des testaments, vous avez demandé qu'il y ait une notification aux intéressés avant que le notaire commence la procédure pour la vérification du testament. Pouvez-vous décrire comment la situation est différente sous le présent code qu'après le projet de loi n° 443? Est-ce qu'il y a une différence dans votre sens?

(16 h 30)

Mme Leroux (Johanne): Pour nous, il n'y a pas une très grande différence. Ce qu'on a voulu faire ressortir par la vérification de testament, c'est uniquement le fait que le notaire, son procès-verbal va équivaloir à un jugement. C'est ce qu'on a voulu faire ressortir pour la vérification de testament.

Bon, habituellement, quand on fait une vérification de testament, on fait une requête puis on fait un projet de jugement, et puis on se sert de ça pour aviser les tiers. J'entends par là la banque, le ministère du Revenu, toutes les institutions qui... Alors, nous, on a peur qu'il y ait une confusion entre... Parce qu'il y a toujours les deux moyens. On peut toujours se servir de deux moyens avec le projet de loi, celui qui à l'heure actuelle fonctionne et le prochain. Alors, le procès-verbal du notaire, avec le projet de loi n° 443, va équivaloir à un jugement. Donc, on va pouvoir se servir de ce document-là pour le faire valoir aux institutions. On se demande dans quelle mesure ça va être bien reçu. Et, parce qu'il équivaut à un jugement, on se dit que, bon, bien, maintenant, on a la preuve que le législateur, il veut bien que le notaire ait un pouvoir décisionnel, puisque ça équivaut à un jugement.

M. Bergman: Mais à présent est-ce qu'il y a obligation pour aviser les héritiers avant qu'une procédure pour vérification de testament soit faite, sur le code présent?

Mme Leroux (Johanne): On va aviser les héritiers du testament et on va aviser les successibles quand il n'y a pas de testament. Quand il n'y a pas de testament, on doit aviser les successibles, à l'heure actuelle. Je pense.

M. Bergman: Sur une question de l'article 863.5, la notification, est-ce que vous demandez qu'il y ait signification des personnes concernées? Est-ce que vous voulez un changement, qu'au lieu d'un avis il y ait une signification?

Mme Leroux (Johanne): Vous voulez dire pour...

M. Bergman: Sur l'article 863.5, dans votre bref vous avez indiqué que la personne concernée ne serait pas avisée; vous voulez qu'au lieu d'une notification il y ait signification?

Mme Leroux (Johanne): Vous parlez pour la vérification de testament?

M. Bergman: Non, non, je parle de l'article 863.5...

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Bergman: Vous dites, sur la page 8 de votre mémoire: «Rappelons que, dans la procédure proposée par le projet de loi n° 443, aucune signification n'est requise afin d'informer la personne qui fait l'objet du régime de protection.» Alors, est-ce que vous demandez qu'il y ait signification de la personne intéressée?

Mme Leroux (Johanne): Oui, ce serait préférable qu'il y ait signification. Parce que, quand une personne reçoit un document légal, elle consulte habituellement pour savoir qu'est-ce qui va lui arriver. Quand c'est fait à la bonne franquette, on explique un peu plus les choses, c'est moins formel, et les gens accordent moins d'importance à ce genre de truc là. Et il me semble, quand on reçoit un document officiel, on se dit: Wo! Qu'est-ce qui m'arrive? Et là on consulte.

M. Bergman: Mais le projet de loi, comme on le voit au présent, dit que le notaire doit aviser les intéressés.

Mme Leroux (Johanne): Oui.

M. Bergman: Et à votre avis, pour changer le mot «avis» à «signification», il y aurait une différence?

Mme Leroux (Johanne): Oui. Pour moi, oui, parce qu'aviser ça peut être un coup de téléphone, ça peut être une lettre, ça peut être une façon très informelle de dire à quelqu'un: J'aimerais ça que vous passiez à mon bureau. Je ne sais pas. J'essaie de mettre ça... J'ai essayé de voir les choses le plus simplement possible par rapport à ce qu'on peut vivre tous les jours.

M. Bergman: C'est bien apprécié.

Mme Leroux (Johanne): Et il se pourrait que ça soit par téléphone.

M. Bergman: C'était aussi suggéré, en relation avec cet article, que les avis aux personnes intéressées, autres que la personne visée, doivent comprendre certaines balises d'information, à ces personnes qui vont recevoir les notifications. Premièrement, que le dossier peut être transféré au tribunal; deuxièmement, que l'avis contienne les renseignements permettant aux intéressés de connaître la raison d'être de cet avis; troisièmement, pour instruire les intéressés des droits qui en résultent pour eux, etc.

Est-ce que vous avez une opinion sur ce sujet? Est-ce que le projet de loi doit avoir une annexe d'un type d'avis qui doit être envoyé par le notaire dans tous les cas contenant l'information minimale aux personnes intéressées? Car, encore, on ne parle pas des personnes visées, car vous avez demandé que la personne visée...

Mme Leroux (Johanne): Oui. Non, les personnes intéressées. Je comprends, oui.

M. Bergman: ...reçoive une signification, mais on parle des personnes intéressées. Il y a une importance que toutes les personnes intéressées connaissent les enjeux et sachent la raison pour laquelle elles...

Mme Leroux (Johanne): Oui, je pense que ça serait très raisonnable, en tout cas, d'aviser les personnes intéressées. De les aviser plus que simplement par une simple phrase type, là, une phrase ordinaire. Il faudrait que ça soit très précis. Et, en plus de ça, il faudrait peut-être que ce soit par lettre, par courrier recommandé, pour être certain aussi que la personne l'a bien reçue, parce que la poste... C'est bien d'être sûr que la personne l'a reçue. Quelque chose de plus formel, enfin.

M. Bergman: J'ai lu avec intérêt le fait que vous pensez que les délais trop courts peuvent causer un préjudice aux personnes intéressées, aux personnes visées, mais je ne peux pas comprendre votre raisonnement, car un délai, c'est toujours un délai. Ou c'est cinq jours, 20 jours, 25 jours, 30 jours, il y a toujours quelqu'un qui va dire: Si j'avais eu un autre trois journées, j'aurais eu le temps pour faire quelque chose. Alors, un délai doit prendre fin quelque place et...

Mme Leroux (Johanne): Oui. Non, ça, je comprends.

M. Bergman: Pour vous, peut-être que 30 jours, c'est bon; pour une autre, 60 jours, c'est bon.

Mme Leroux (Johanne): Je comprends.

M. Bergman: Il n'y a jamais une fin. Alors, je me demande...

Mme Leroux (Johanne): Ce que j'ai voulu soulever, c'est que la rapidité... Parce que, quand j'ai lu le mémoire des notaires, souvent la rapidité était un gage d'efficacité. Souvent. Et d'après les cas qu'on vit il semblerait que peut-être la rapidité ne serait pas nécessairement un gage d'efficacité mais un gage de bâcler. Pour bâcler une situation, quelquefois la rapidité, ça peut bien aller, mais dans certains cas, des fois, il vaut mieux prendre un peu de recul et voir un peu plus les horizons, quand on est dans des cas un peu plus compliqués.

M. Bergman: Alors, vous suggérez un délai minimum.

Mme Leroux (Johanne): Un délai... Ce n'est pas une question de... Écoutez, l'idée, ce n'est pas de savoir que c'était trop long ou trop court. C'est que, dans certains cas, quelquefois ça va être trop court. L'efficacité n'est pas nécessairement la rapidité. C'est simplement ça qu'on a voulu soulever.

M. Bergman: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, sur ce, M. La Force, Mme Leroux, nous vous remercions de votre présentation.

(16 h 40)

J'inviterais maintenant les représentants de l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique, MM. Greenbaum et Potvin.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, bonjour, madame, messieurs. J'ignore le nom de madame.

Mme Ouellette (Lucie): Lucie Ouellette.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme Lucie Ouellette. Alors, vous disposez, madame, messieurs, d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, à la suite, nous pourrons approfondir votre exposé par des échanges.


Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique

M. Greenbaum (Ura): Merci, M. le Président, pour l'invitation pour notre Association, ici, devant cette commission parlementaire. Moi, je suis M. Greenbaum, le directeur général de l'Association; à ma droite, c'est le vice-président, M. Jean-Guy Potvin; et à ma gauche, c'est Mme Lucie Ouellette, secrétaire pro tem de notre Association.

Nous sommes tous, comme c'est décrit dans l'introduction, des gens qui, directement ou indirectement, sont poignés, d'une façon ou d'une autre, avec la curatelle publique. Certains d'entre vous d'ailleurs nous connaissons déjà, et d'autres certainement, tous probablement, on a entendu les histoires, je ne dirai pas les cris, des consommateurs, des clients de la curatelle publique.

Maintenant, d'après mon expérience devant les commissions parlementaires antérieurement, j'ai toujours, à plusieurs reprises, lu à la commission le mémoire, et, en fin de compte, le temps est écoulé et il n'y a presque pas eu de temps pour les questions. Alors, ayant appris de mon expérience, je vais faire juste un petit résumé pour ne pas perdre ni ennuyer vous autres et laisser plus de temps pour des questions qui vous préoccupent, et certainement nous préoccupent, dans ce domaine.

L'Association, comme je viens de le dire, c'est des usagers de la curatelle publique et leurs familles et parents. Le projet de loi nous intéresse particulièrement parce que tous ces gens, et leurs familles et leurs parents, ont passé à travers le processus du régime de protection, évidemment, forcément. Donc, nous avons une expérience personnelle dans ce domaine.

L'historique, je vous l'ai dit déjà, dans la question qui nous préoccupe, c'est l'optique ou la façon que la loi va toucher, affecter la curatelle publique et, donc, les familles et les parents. Ça fait 15 ans qu'on a compté, qu'on a fait un inventaire; on a obtenu des ministères et des organismes publics les rapports d'enquête et, depuis 1983, il y en avait 18 et rien n'a bougé. On a eu toutes sortes de promesses, on a vu toutes sortes de reproches. Ce n'est pas la première fois que ce sujet a brassé dans les médias, comme le témoignent tous ces rapports constamment – constamment depuis 1983 – mais rien n'a jamais été fait.

Il y a maintenant de petits changements, certains changements à la loi qui vise les régimes de protection et, donc, c'est une opportunité aussi d'examiner le rôle de la curatelle publique dans le cadre de ce projet de loi. Alors, 15 ans, il y a des reproches, 15 ans, rien ne bouge. Il y a les promesses, mais il n'y a pas d'actes, et ceci aussi parce que tout était caché derrière un rideau de secrets. La confidentialité, la curatelle publique, toujours, pour cacher son rôle, invoquait la confidentialité qui, d'ailleurs, il faut préciser, appartient uniquement à la clientèle, à ses protégés. Mais la curatelle s'appropriait ces droits-là pour cacher ses propres gestes, ce qui n'est pas le but de la confidentialité. Alors, c'est pourquoi la situation d'aujourd'hui est arrivée, brièvement. Enfin, tout a éclaté, comme vous le savez bien, messieurs, par les rapports récents du Protecteur du citoyen et du Vérificateur général qui d'ailleurs a simplement constaté et fait valoir ce que les gens, les clients criaient depuis longtemps. Pour les usagers, il n'y a rien de nouveau dedans, sauf que maintenant, il me semble, l'alarme a atteint l'Assemblée nationale, en fin de compte.

Quelle est la perspective de l'Association envers ce projet de loi dont vous êtes saisis et que vous étudiez aujourd'hui? Parce qu'il n'y avait pas de surveillance et de contrôle efficaces sur la curatelle publique dans les 50 ans depuis sa formation, l'Association a été formée pour combler cette lacune-là. Et c'est nous qui surveillons, notre association, le seul organisme, systématiquement le fonctionnement de la curatelle publique; c'est d'ailleurs de cette perspective que nous abordons ce projet de loi.

Maintenant, le projet de loi lui-même. Comme nous l'avons constaté dans notre analyse, il y a un virage notarial du système judiciaire, en partie, et, comme nous l'avons décrit dans le mémoire, c'est un changement marginal mais important pour le monde juridique, capital même, en ce qui comporte la bataille, si vous voulez, entre le Barreau et le notariat. Leur bataille ne nous regarde pas tellement dans la mesure où elle touche la sphère économique, mais par contre ça nous regarde d'une façon plus directe et matérielle du fait qu'il y a un impact sur les protégés et leur famille.

D'après notre analyse et notre compréhension, ce changement, l'enregistrement de la sphère des notaires pour assumer certaines fonctions du greffier, va être marginal, mais, d'après ce que nous comprenons, c'est motivé par des coupures budgétaires surtout, ce qui a entraîné dans les palais de justice des délais inacceptables, premièrement, et ça fait vraiment de la peine pour les familles autant que pour les protégés de la curatelle publique.

Dans les débats entre le notariat et le Barreau, vraiment, ça ne nous regarde pas, comme je l'ai dit, le côté pécuniaire, mais, par contre, il y a certains aspects qui nous intéressent plutôt. Et dans l'analyse, en pesant le pour et le contre, nous constatons, de notre point de vue, comme usagers ou parents des usagers, des avantages dans la philosophie, dans l'objectif cherché par ce projet de loi.

Premièrement, la déjudiciarisation des procédures seulement dans les domaines non contestés est bénéfique, parce que, évidemment, ça va causer moins de tension, moins de pression ou moins de formalisme dans un domaine surtout qui est très, très personnel, très intime et très familial, d'habitude.

(16 h 50)

J'ai malheureusement remarqué, seulement après coup, que les relieurs ou, enfin, ceux qui étaient chargés de préparer le mémoire, ont sauté une page. Cette page-là parle des bénéfices de ces changements, de ces virages notariaux. Je vais les résumer. Ce que nous constatons, premièrement, la déjudiciarisation, comme j'ai dit, c'est un avantage, à notre avis.

Deuxième avantage que nous constatons, il y a que le notaire, on peut le consulter et les fins de semaine et les soirs et même les jours fériés tandis que le palais de justice est réglé par la loi et a ses propres limites temporelles. Alors, nous voyons un avantage là aussi, parce qu'on peut voir notre notaire selon sa disponibilité qui est plus libérale souvent que les horaires ou les cédules des palais de justice.

Un autre avantage est ce qui répond mieux aux besoins des gens, surtout et notamment quand il s'agit de situations dramatiques et urgentes. Alors, là, il y a un autre avantage à notre avis. Aussi, l'implication accrue du notariat favorisera l'intimité dans un domaine essentiellement familial et sensible. Alors, ça favorise le changement aussi, ce que vous proposez ici. L'augmentation du rôle du notaire afin d'assumer une petite partie du travail du greffier, que nous avons constaté, n'est pas «objectable» pour nous. Et nous ne voyons pas vraiment d'inconvénients.

Vu qu'il s'agit de procédures judiciaires, néanmoins nous recommandons qu'il soit précisé que le notaire puisse exécuter cette juridiction même les jours non juridiques, parce que, si le notaire va assumer une partie du travail du rôle du greffier, j'imagine, il sera lié, dans la mesure qu'il s'agit de procédures judiciaires, par les lois applicables aux greffiers, c'est-à-dire, la cour est fermée ou le tribunal est fermé les jours fériés. Le notaire, s'il le veut, s'il est disponible, peut, dans son bureau, accueillir l'assemblée des parents, le conseil de famille, les requérants, même les jours fériés. Et il sera un avantage de faire une correspondance dans cet article-là de la loi qui empêche les cours, les greffiers, de siéger en dehors des jours fériés. Et, donc, je ne sais pas, mais il me semble que le notaire, s'il va accomplir une partie de la tâche des greffiers, sera limité par le même article. En plus, nous voulons aussi nous assurer que la priorité familiale sur la curatelle publique soit respectée, tel que prévu dans l'article 15 de la Loi sur le curateur public, même dans toutes les procédures devant un notaire.

Je procède à un prochain chapitre de notre mémoire, le sujet de l'aspect pécuniaire. Mais, comme je l'ai dit, dans les débats partageant le gâteau économique entre eux, ça ne nous regarde pas, nous ne sommes pas vraiment touchés, sauf que les modifications auront un impact financier pour les usagers. Là, vous devez en prendre compte. Les services du greffier, fonctionnaire de l'État, ne coûtent rien au justiciable, mais les services de notaire entraînent des honoraires. Alors, évidemment, si vous allez agrandir le champ des notaires, bien, vous devez tenir en compte que ça va entraîner des frais pour les justiciables, pour les gens, et ça risque, à longue échéance, ou si on suit cette politique-là – de continuer à agrandir le rôle du notaire pour assumer le travail du greffier – d'aboutir à l'amorcement de deux systèmes de justice. Alors, c'est une précaution que nous soulevons parce que, économiquement, ça va évidemment alourdir le fardeau financier pour les familles.

Ensuite, prochain chapitre, nous avons soulevé la portée de ce projet de loi et ses changements d'une partie des procédures judiciaires en faveur des notaires. Si la contestation est le critère pour enlever la juridiction du notariat, dans ce cas-là il faut aussi prendre en compte que ça va entraîner certains problèmes. Si la contestation n'est pas définie et n'est pas décrite de façon un peu plus précise, là, bien, il reste un élément très, très flou et très indéfini. Si une contestation est vue comme étroitement sur des sujets très limités, dans ces cas-là, bien, ça peut enlever les pouvoirs du greffier et du notaire en même temps dans les domaines limités. Si la définition à la contestation est plus large et comprend toute, toute, toute objection par n'importe quelle personne, dans ce cas-là, ça va enlever la juridiction du notaire autant que du greffier sur n'importe quel aspect du débat. Et à moins qu'il y ait entente, qu'il y ait une espèce de délimitation sur ce que ça veut dire une contestation, on va jamais savoir, on va rester dans l'incertitude sur l'étendue de la compétence du notaire et aussi du greffier. Alors, il faut inclure une précision dans ce domaine, cet aspect-là.

Ensuite, notification. Il y a un problème que nous avons vu, et nous avons encouru aussi les familles, que souvent les gens... Quand une requête pour ouvrir un régime de protection ou changer un régime de protection est intentée, il faut signifier tout le monde et surtout la personne visée. Maintenant, la personne visée dans ces situations est parfois, peut-être souvent, introuvable ou difficilement localisable. Comment peut-on signifier entre les mains une procédure à une personne qui souvent est sans abri? Souvent,on les voit dans le métro, sans adresse fixe? À moins que la procédure de notification soit assouplie pour prendre en compte les protégés, les bénéficiaires d'un régime de protection et leur contexte particulier. Alors, nous vous soumettons de réfléchir sur cette question-là, parce qu'il y a la jurisprudence et des cas que nous avons vus où les juges étaient très, très rigides et insistaient pour que les procédures soient mises entre les mains des personnes visées et qu'aucune autre façon ne soit acceptable. Et cela n'est pas acceptable pour nous.

Ensuite, il y a un élément de confidentialité. Maintenant, si le projet de loi va permettre à un notaire de lire les rapports médicaux et psychosociaux, le notaire aura besoin d'obtenir une copie et avoir accès. À ce moment, d'après la Charte, premièrement, et même la Loi sur la santé et les services sociaux, l'article 19 – si je me rappelle bien – ne mentionne pas comme une exception un notaire. Le notaire n'est pas une exception à la règle de confidentialité. Alors, vous avez là un problème dont vous devez tenir compte. À moins qu'il y ait une correspondance ou une exception faite, une concordance faite, la règle de confidentialité va faire un certain empêchement au projet de loi, à la réalisation de son objectif.

(17 heures)

Enfin, ce qui nous touche et préoccupe le plus, c'est le rôle du Curateur public, et cela n'était pas envisagé du tout et n'est pas touché en aucune façon dans ce projet de loi. Nous avons soulevé en forme de questions les problèmes que ça peut causer; c'était même pas pensé, il n'y a pas eu de réflexion là-dessus. C'est notre rôle comme association, comme j'ai dit tout au départ, de veiller à cet aspect-là, et nous soulevons en forme de questions tous les problèmes qui peuvent surgir, à moins que ces problèmes-là soient tenus en compte dans le projet de loi et la réforme, sous cette partie de cette loi-là.

En plus, à moins qu'on réfléchisse sur le rôle du Curateur public, on va entraîner les mêmes problèmes, on va créer les mêmes problèmes qu'on a vus depuis 15 ans et que nous vivons actuellement; ils retentissent régulièrement, chaque jour presque. Alors, quant à nous, comme association dans ce domaine spécialisé, il est impératif que cet aspect soit réfléchi davantage et clarifié autant que possible. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. le directeur général. J'inviterais maintenant M. le ministre à débuter la période d'échanges.

M. Ménard: Je comprends que vous avez tous été assez échaudés par une gestion par trop fonctionnarisée des biens et que tout ce qui vous apparaît retourner au secteur privé et à la famille, la notion vous apparaît comme un progrès par rapport à la situation que vous avez vécue.

M. Greenbaum (Ura): Non, non, le premier objectif de l'Association – et c'est dans nos règlements d'ailleurs – ce n'est pas d'abolir la curatelle publique, c'est pour l'améliorer. Nous sommes ici et c'est notre objectif comme association d'avoir et de réaliser une curatelle publique vu que ses fonctions sont essentielles, indispensables et, dans certains cas, irremplaçables, nous le réalisons. Mais nous voulons une curatelle publique qui peut fonctionner, qui est intègre, qui rend compte, qui est imputable.

Tout ce qui manque en ce moment ce sont des principes qui s'appliquent à tous les organismes publics. Sauf qu'il y en a un, à notre connaissance, qui échappe à toutes ces règles-là fondamentales, et nous voulons qu'à partir d'aujourd'hui, à partir de cette année-là, cette situation soit une fois pour toutes tenue en compte, premièrement – ce n'est plus un secret maintenant, comme j'ai expliqué, pourquoi c'était toujours caché – et, deuxièmement, que ce soit rectifié et redressé. Nous ne sommes pas là uniquement pour la privatisation, nous voulons une curatelle publique qui fonctionne bien.

M. Ménard: Dans le projet, est-ce que le fait que le notaire soit choisi et payé – peut-être pas nécessairement par celui qui va faire la requête mais probablement à même les biens de la succession, enfin fait peu importe – par un requérant vous inquiète quant à son impartialité à déterminer les conditions dans lesquelles un régime de protection doit être ouvert?

M. Greenbaum (Ura): Ça nous inquiète ou ça élève des problèmes, ou des questions, au moins, dans le cas où le notaire pourrait être choisi par le Curateur public, la curatelle publique.

M. Ménard: Ah bon.

M. Greenbaum (Ura): Là, ça soulève... On a élaboré des problèmes en forme de questions que ça peut susciter. Et on n'offre pas de suggestions ou de recommandations; on demande la réflexion, comme j'ai dit, avant qu'on répète ce qu'on a déjà vu dernièrement. Je ne voudrais pas, nous ne voulons pas que la réforme de la loi, ce projet de loi, serve comme prétexte pour élargir en même temps le rôle de la curatelle publique sans même y penser et sans le garder en tête, puisque c'est justement la situation qui peut arriver, si vous lisez bien et tenez bien compte des questions qu'on a posées.

M. Ménard: Oui, je l'ai lu. Peut-être que je vous demanderais d'autres détails. Votre Association compte combien de membres?

M. Greenbaum (Ura): Actuellement, 261 membres et 600 supporteurs, des gens qui recourent à nos services sans devenir formellement membres parce qu'ils ne sont pas impliqués avec la Curatelle directement.

M. Ménard: Je comprends que vous, vous...

M. Greenbaum (Ura): Et ça augmente à un rythme effroyable à cause de toute la publicité.

M. Ménard: Je comprends que vous, vous avez une formation légale?

M. Greenbaum (Ura): Effectivement, oui. Ha, ha, ha!

M. Ménard: Un diplôme en...

M. Greenbaum (Ura): Comme vous le savez bien, d'ailleurs, M. le ministre.

M. Ménard: Oui, c'est ça. Vous avez un diplôme en droit, mais vous n'avez pas choisi entre le notariat et le Barreau?

M. Greenbaum (Ura): Non, parce que, en tant que représentant de l'Association, ce n'est pas une question qui nous regarde. Nous, surtout, nous faisons la surveillance de la curatelle publique et nous défendons les intérêts des usagers exclusivement. Alors, nous sommes en dehors de ce débat, ce qui, à notre avis, paraît comme un débat pécuniaire, et ça, c'est secondaire pour nous autres, les usagers. Mais je peux vous faire un commentaire là-dessus, que j'aimerais ressortir aussi.

Dans mon expérience et j'ai travaillé sur un comité à la Régie de la santé et des services sociaux sur un guide pour les familles pour un examen psychiatrique. Là, on a constaté, on a fait la pression et on a obtenu que, pour obtenir maintenant une requête, pour proposer une requête pour un examen psychiatrique, il n'y ait pas de frais de cour. On a préparé un guide et un formulaire, les parents peuvent s'en servir eux-mêmes; ils reçoivent l'aide des associations dans le domaine ainsi que certains préposés des villes. Et tout le processus est déjudiciarisé, premièrement, et, deuxièmement, ne coûte absolument rien, à partir du début à la cour, pour les frais de cour, et les frais de professionnels.

Dans ce domaine-ci, si vous voulez mon avis, basé sur mon expérience personnelle que j'ai vue dans un domaine relié, ça doit être ainsi aussi dans ce secteur-ci. On doit éliminer les honoraires professionnels des deux bords, des deux professions, parce que, comme vous avez dit dans le projet de loi et comme ça dit dans le Code civil, toute cette procédure est dans l'intérêt de la personne protégée, la personne malade ou incapable d'une façon ou d'une autre, incapacité. Alors, pourquoi entraîner, premièrement, des frais de cour et, deuxièmement, des frais de profession, peu importe laquelle, pour une personne qui est inapte elle-même? Elle ne fait presque aucune démarche dans le processus, mais elle est obligée d'avaler tous les coûts.

Alors, si vous voulez notre impression, tout le processus doit être déjudiciarisé, de la même façon que ça a été fait ou facilité pour la question de requête pour un examen psychiatrique obligatoire. C'est une solution qui n'était pas pensée dans tout ce projet de loi, mais je vous l'offre vu que vous m'avez demandé la question où on prend position entre les deux professions, que les deux soient éliminées du processus.

M. Ménard: Mais, alors, le notaire...

M. Greenbaum (Ura): Pardon, comme c'était d'ailleurs dans un autre domaine que je viens de vous exposer, qui est très relié, et ça marche très, très bien et efficacement.

M. Ménard: Mais les notaires seraient payés par qui?

M. Greenbaum (Ura): Mais de charger, ça, c'est leur affaire, mais il doit y avoir... Tout ce que je dis: que, dans les requêtes pour un examen psychiatrique obligatoire, on a réussi, pas par la loi mais par le soutien qui a été créé, à éliminer les professions et à déjudiciariser et déprofessionnaliser tous les systèmes. Les professionnels, c'est sûr qu'on paie, évidemment ils ont des honoraires, c'est leur gagne-pain. Il n'y a pas de problème. Mais tout ce que je dis, d'après mon expérience dans le domaine relié, il y a une façon déjà créée par les faits, par des précédents, par une certaine tradition maintenant établie que tout ce système était non seulement déjudiciarisé... bien, c'est judiciarisé dans le sens qu'il faut voir les juges pour la décision ultime, mais c'est déprofessionnalisé entièrement et pas de frais du tout. Alors, pour les questions de frais, à mon avis, ce serait le meilleur système, sauf que ça éliminerait les notaires, ce qui est le but vraiment de ce projet de loi. C'est-à-dire, il y a une autre façon de procéder, le laisser entre les mains de la cour, sauf éliminer les professionnels pour laisser entre les mains des familles elles-mêmes.

(17 h 10)

M. Ménard: Vous parlez de la difficulté à signifier les différents avis aux itinérants ou aux sans-abri, mais la nécessité de leur signifier des procédures, vous la voyez comment? C'est dans le cas où on veut les faire déclarer inaptes ou bien dans le cas où c'est un de leur proche qui doit être déclaré inapte?

M. Greenbaum (Ura): Je vais vous donner l'exemple où on a vu la situation arriver, et c'est très aberrant, je dirais, aussi. Concrètement parlant, c'est arrivé dans un cas où la personne visée était introuvable. Et là cette personne-là avait déjà un avocat la représentant dans d'autres causes. Alors, les parents, la famille, ont signifié la personne visée chez cet avocat-là. Cet avocat a participé à toutes les démarches d'ouverture de régime de protection. Arrive à la fin la curatelle publique qui, elle-même, a soulevé l'objection que la signification, la notification n'était pas correcte parce que la procédure était mise entre les mains de l'avocat et pas dans les mains de la personne visée. C'est la curatelle qui a soulevé cette objection, et le juge a accepté cette argumentation et a rejeté la procédure parce qu'à l'origine les documents étaient mis entre les mains de l'avocat, qui a comparu par la suite et représenté la personne. La personne n'a perdu aucun de ses droits, mais uniquement parce que la procédure stricte n'a pas été suivie. On a vu ce cas-là, et c'est un peu aberrant, c'est un peu spectaculaire, il faut l'avouer, mais ça existe maintenant. Ça a été établi par un juge et la curatelle ensemble.

M. Ménard: Je vous remercie, M. Greenbaum.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, monsieur... Oui?

M. Greenbaum (Ura): Mme Ouellette aimerait donner un exemple là-dessus, sur la même question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Mme Ouellette.

Mme Ouellette (Lucie): Si vous permettez, au niveau de la notification, moi, je peux vous donner ce que j'ai vécu par rapport à mon père. C'est mon père qui était sous le régime de protection. Suite à une hospitalisation, c'est le système médical, après l'évaluation en gérontologie, qui a déclaré mon père totalement inapte à s'occuper de ses biens et partiellement inapte à s'occuper de sa personne, à prendre soin de sa personne. Donc, mon père a été mis sous le régime de protection.

Une fois que le processus a été enclenché, par la suite, à chaque fois qu'il y a un acte notarié ou qu'il y a un avis légal, la notification doit se faire à la fois à la personne raisonnable, c'est-à-dire une personne de l'entourage de la famille, et à la personne qui est déclarée inapte. Donc, dans ce cas-ci, mon père recevait systématiquement l'avis légal, et, moi, j'étais identifiée comme étant la personne raisonnable, donc je recevais aussi par huissier le même avis, si vous voulez, soit de convocation à l'assemblée de famille ou un avis de convocation au tribunal.

Mon père était atteint de ce qu'on appelle un syndrome de démence – bon, c'est un début de la maladie d'Alzheimer – et systématiquement, à chaque fois que mon père recevait un papier qui venait du tribunal, je vous assure et je vous dis en toute vérité: Il se désorganisait. Et par la maladie d'Alzheimer, quand les gens ne sont... C'est comme si toute leur énergie servait à s'organiser au quotidien: à manger, à s'habiller, à se lever. C'est comme si leur cerveau, dans un premier temps, leur commandait: Je ne peux pas en faire plus. Alors, un avis, un intrus comme ça de l'extérieur, quelqu'un, un messager qui leur apporte un acte légal comme ça, c'est terrible.

Mon père faisait des crises d'agressivité et de colère, et je vous dis que, comme enfant, j'ai vécu là un enfer, parce que mon père prenait le téléphone et me disait: C'est quoi, ça? C'est quoi, ce papier-là? Et là il vivait de l'agressivité. Alors, j'allais voir mon père et je tentais de lui expliquer. Bon. Il est Alzheimer et les principaux problèmes qu'il vit, c'est un problème de jugement et de mémoire; essayez d'expliquer à quelqu'un que c'est une formalité, que c'est une procédure. Bon, bref, mon père à un moment donné s'est pris un avocat pour contester le régime de protection. Alors, nous nous sommes retrouvés au tribunal, et le juge et l'avocat disaient: M. Ouellette, vous contestez quoi? Il ne savait même pas, il ne pouvait pas répondre à ça.

Alors, inévitablement l'audition a eu lieu, les parents, nous étions là. Moi, en tant que personne raisonnable, j'ai assisté à cette cause-là très déchirante, très bouleversante émotivement. Déjà, on a un parent qui est en perte d'autonomie, alors on n'a pas besoin de se retrouver dans une situation comme ça, de voir son père tout près du juge et essayer de se défendre et qui n'est même pas capable de défendre sa cause.

Alors, moi, l'aspect de notification... Le deuxième aspect que j'ai eu à vivre, c'est quand il a été en maison d'hébergement et il y a eu d'autres... c'est à plusieurs reprises, ce n'est pas juste une fois que la personne en perte d'autonomie reçoit ce type d'avis légal là, et à chaque fois je suppliais la direction de ne pas donner cette copie-là à mon père. Et on me répondait: Bien, c'est la loi, le huissier doit lui apporter. Et je savais que pour dans les deux, trois, peut-être une semaine mon père avait des sérieux problèmes respiratoires, il se retrouvait sous oxygène et il y avait de la colère vis-à-vis moi. Et ça a accéléré sa maladie.

M. Greenbaum (Ura): M. le ministre, vous m'avez demandé tout à l'heure qu'est-ce que j'ai proposé comme solution ou comme suggestion. Bien, ce qu'on propose, c'est un assouplissement, qu'une notification indirecte soit permise tant que la procédure apportée à la connaissance de la personne... indépendamment de la façon que ça soit, si c'est mis entre ses mains ou si c'est mis entre les mains d'une tierce personne qui renseigne ou informe la personne, ça ne doit pas avoir aucune incidence là; tant qu'elle sera apportée à la connaissance de la personne, que le juge décide que c'est adéquat, ça doit être suffisant pour nous.

M. Ménard: Mme Ouellette, je pense que vous illustrez très bien les grands buts qui nous ont poussés à présenter ce projet de loi, qui est de trouver une façon plus conviviale dans les cas où la famille s'entend, non seulement la famille... Puis franchement, comme ça m'est arrivé dans d'autres projets de loi, on nous soulève un problème qui peut être réglé par une autre modification ce que vous nous racontez là; je vais me renseigner pour voir si ça ne peut pas être changé parce que je trouve effectivement ça inadmissible.

Mais vous comprendrez, cependant, qu'avant de prendre la première décision, de reconnaître l'incapacité d'une personne pour la mettre sur un régime de protection mais qui lui enlève l'administration de ses biens, c'est quand même une décision importante. Il y a nécessité, au moins une fois, de prendre en considération, de donner une chance à cette personne de parler. Donc, il faut lui signifier, je pense, au moins une fois, puis il faut, sauf impossibilité, la soumettre à un interrogatoire pour avoir son point de vue. Je pense que, ça, vous êtes prêts à l'admettre?

Mme Ouellette (Lucie): Oui, je partage votre avis là-dessus.

M. Ménard: Ce que vous avez dû trouver difficile, vous, c'est que...

Mme Ouellette (Lucie): La répétition.

M. Ménard: La répétition, chaque fois la procédure, il ne la comprend pas, il vit au jour le jour, et c'est une nouvelle attaque, puis ça amène sa désorganisation. Et ça, je pense bien qu'il faut effectivement, une fois qu'on a établi l'incapacité et puis qu'on a donné à cette personne un curateur ou une curatrice, bien, il faut en tirer les conséquences, puis je pense bien qu'il faut que ce soit elle, cette personne, qui porte le jugement d'informer ou de ne pas informer, puisque c'est à elle que le conseil de famille accorde sa confiance.

Mme Ouellette (Lucie): Effectivement. Je pense que, par rapport à ça, il ne faut jamais perdre de vue... D'abord et avant tout la mission du Curateur public doit être sous le signe, en tout cas la promotion qu'ils en font, ce en quoi j'ai cru au départ et ce sur quoi j'ai beaucoup de réserve aujourd'hui, c'est sur deux aspects: l'humanisme et la justice.

M. Ménard: Je veux juste savoir: À quelle date ça s'est produit? Parce que ça... une différence par rapport aux dispositions qui ont changé.

Mme Ouellette (Lucie): Il y a sept ans.

M. Ménard: Alors, ça nous mène en 1991, c'était après les amendements de 1989.

(17 h 20)

M. Greenbaum (Ura): Juste pour faire une précision, si Mme Ouellette a soulevé l'aspect de la répétition de la signification, la notification, moi, j'ai soulevé l'aspect de la rigueur. Il doit y avoir un peu d'assouplissement; tant que c'est apporté à la connaissance de la personne, ça doit suffire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Greenbaum, avant de donner la parole à M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez fait allusion, lors de la présentation de votre mémoire, qu'il manquait une page au mémoire.

M. Greenbaum (Ura): Oui, effectivement. J'ai des exemplaires, si...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il sera possible de nous la faire parvenir au secrétariat...

M. Greenbaum (Ura): Je l'ai ici avec moi, je l'ai apporté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, nous en prenons le dépôt. J'inviterais maintenant M. le député de D'Arcy-McGee à poursuivre l'échange.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. Greenbaum, M. Potvin, Mme Ouellette, merci pour votre présentation, merci pour votre mémoire, c'était très intéressant.

Dans la section 6 intitulée Portée, vous parlez du désaisissement d'un notaire en cas de contestation. Je trouve cette section très intéressante et j'aimerais savoir si vous avez une définition à proposer. C'est quoi, une contestation, et c'est quoi, le moment où le notaire doit se désaisir du dossier en faveur du tribunal? Est-ce que vous pouvez porter à l'attention de cette commission votre définition d'une contestation?

M. Greenbaum (Ura): Là, on a pesé le pour et le contre. Il y a des avantages et des désavantages, évidemment. C'est problématique, je dois vous avouer. Nous ne sommes, dans l'Association, en discutant cet aspect-là, arrivés à aucune recommandation, malheureusement. Sauf qu'on a soulevé le problème et les difficultés, et il faut y faire face. Malheureusement, on n'est pas allé plus loin que ça; ça crée des problèmes, les problèmes sont exposés, mais plus que ça je ne peux pas vous faire de recommandation, malheureusement.

M. Bergman: Dans la question du virage notarial, vous ne voyez aucun préjudice aux droits des intervenants à permettre à un notaire de remplacer un greffier dans certaines procédures, incluant l'interrogatoire de la personne visée.

Est-ce que vous voyez des circonstances où le notaire peut être en conflit d'intérêts dans un dossier, et quelles seront les circonstances que vous prévoyez que le notaire peut être en conflit d'intérêts? C'était soumis à cette commission ou dans les mémoires, la crainte que le notaire qui a le dossier en main peut être le même notaire qui serait impliqué dans la vente d'immeubles affectés à la suite du régime imposé aux personnes visées. Et c'est toujours une crainte qu'il peut y avoir un conflit d'intérêts. Est-ce que vous voyez un problème, un conflit d'intérêts par rapport au notaire qui est impliqué dans les deux dossiers?

M. Greenbaum (Ura): De notre perspective, toujours à travers les lunettes de la curatelle publique, on a soulevé un exemple où, si la curatelle publique peut être requérante – et je ne vois pas d'exclusion pour l'instant dans ce projet de loi – est-ce qu'un notaire qui est à l'emploi de la curatelle publique – ils ont leurs propres notaires dans le département juridique, le département contentieux – peut en même temps agir comme notaire? Et il n'y a aucune exclusion. Alors, il y a conflit d'intérêts flagrant et peut-être même dangereux. Si la curatelle publique est requérante et le notaire dit... la curatelle publique reçoit la requête, c'est évident, ça parle pour soi-même, je crois, qu'il y a un problème majeur qui n'est pas exclu pour l'instant de ce projet de loi. Alors, il faut en tenir compte, et cette question-là, c'est flagrant.

Il y a d'autres exemples de... On a discuté des possibilités. Ça ouvre la porte à d'énormes possibilités. Qu'est-ce qui arrive si deux membres de la famille – si pas trois ou quatre – chacun engage son propre notaire? Et, vu que chaque notaire a déjà agi antérieurement pour son client dans d'autres affaires notariales – qui sait lesquelles, peu importe, d'ailleurs – qu'est-ce qui arrive, là, si le notaire est le notaire particulier d'un membre de la famille déjà et reçoit ensuite cette procédure qui est apparemment dans l'intérêt de la personne visée? N'y a-t-il pas un conflit d'intérêts? C'est le notaire personnel d'un parent et en même temps il doit agir dans l'intérêt de la personne visée.

Alors, là, il me semble qu'il y a un conflit d'intérêts surtout quand la personne visée elle-même peut contester ou peut s'objecter ou peut ne pas être d'accord avec l'ouverture d'un régime de protection ou la modification d'un régime de protection. La personne peut ne pas être d'accord avec la modification du régime de protection, mais, vu que c'est le notaire personnel d'un parent de la famille qui le connaît depuis de longue date, donc beaucoup de transactions, qui va-t-il favoriser? La personne visée ou le parent qui est son client depuis des années? Ils ont brassé des grosses affaires ensemble.

Alors, il y a tout ça de possibilités, là, vraiment. Pour donner un autre exemple, qu'est-ce qu'il arrive, comme j'ai laissé échapper tout à l'heure, si trois ou quatre parents – une assemblée de parents doit être constituée de cinq personnes – mettons si chaque personne, pour aller à l'extrême, choisit son propre notaire? Qu'est-ce qu'on fait, là?

M. Bergman: Il semble ici qu'on est en face où il y a une contestation, un conflit, alors le ou les notaires n'ont pas le choix mais de rendre ce dossier au tribunal. Cette situation est tellement claire que, à ce moment, les notaires n'ont pas le droit pour procéder avec le dossier.

M. Greenbaum (Ura): Non, avec tout le respect, il n'y a pas de contestation sur la question d'inaptitude, il n'y a pas de contestation sur le choix du candidat; il n'y a pas de contestation, c'est un choix de notaire, c'est tout, rien d'autre. Il n'y a pas de contestation encore. Mais qu'est-ce qu'il arrive? Vous m'avez demandé s'il y a conflit d'intérêts, bien, il y a une espèce de conflit, pas d'intérêt. Si cinq personnes arrivent avec cinq notaires, chacune voulant le sien, bien, il n'y a rien pour le tribunal à trancher encore. On n'a pas entamé la procédure. Quel notaire va recevoir le rapport médical psychosocial? Lequel des cinq, si on pousse la logique à l'extrême? Mettons qu'il y en a deux ou cinq, pour aller au bout, à l'extrême, quel notaire aura droit, quand il y a la confidentialité toujours, des cinq, va avoir droit de recevoir le rapport médical psychosocial? Vous voyez le problème, ici?

M. Bergman: Est-ce que vous êtes...

M. Greenbaum (Ura): Je constate que tout le monde est bouche bée. Ha, ha, ha! Ou peut-être endormi.

M. Bergman: Dans la section du rôle du Curateur public, vous avez demandé quelques questions, et je pense que ce serait intéressant pour les membres de cette commission d'avoir les réponses aux questions que vous avez vous-même demandées, votre opinion sur ces questions. Une des questions que vous avez soulevées «Est-ce que le Curateur public compte parmi les membres de la famille?» et «Est-ce qu'il peut assister et s'objecter...», je me demande où vous allez avec ces questions et votre opinion.

M. Greenbaum (Ura): Mais nous avons fait ressortir les problèmes que le projet de loi, tel que proposé, peut créer, à moins qu'il y ait une profonde réflexion là-dessus. Pour nous, avec l'expérience que nos membres ont vécu, les épreuves qu'on a vécues – vous les avez vues, tout le monde, dans les médias, partout, et dans les rapports du Protecteur du citoyen et du Vérificateur général, ce n'est plus secret, ce n'est plus caché maintenant...

(17 h 30)

Pour nous, notre intérêt est évidemment de préciser et de limiter le rôle de la curatelle publique, que la famille, premièrement, ait toujours, et que ce soit clair, priorité sur la curatelle publique. Deuxièmement, que le Curateur public lui-même ne peut pas initier les procédures à moins que les parents ne veulent le faire eux-mêmes. Et certainement que le Curateur public ne choisisse pas le notaire, premièrement, et ne s'objecte pas – c'est la question que vous nous demandez – au choix de la famille, de l'assemblée des parents et alliés, comme il le fait très, très souvent maintenant, à ce moment. De la façon que ça se déroule à la cour, la curatelle publique va souvent s'infiltrer, étant obligatoirement un intervenant, dans les procédures et avancer ses propres intérêts.

Et il n'y a rien, rien, rien qui dit que la curatelle publique est plus préoccupée par le sort et le destin de la personne visée que la famille et les parents. Qu'est-ce qu'il dit? Bien, la curatelle publique va s'infiltrer et, plus souvent que non, les greffiers, qui ont l'habitude de voir les représentants de la curatelle, et même les juges, qui les voient plus souvent que la famille, vont donner raison ou vont avoir plus de confiance dans les représentants de la curatelle publique. On l'a vu trop souvent, et ça arrive constamment.

Je peux vous donner des cas qui nous sont arrivés cette semaine même, oui. Alors, il faut évidemment créer une espèce de priorité que la famille a préséance dans le choix du notaire, donc que la curatelle soit empêchée de s'objecter au choix de la famille, même si ce choix est divisé, et ainsi de suite. C'est ça que nous recommandons.

M. Bergman: Mais est-ce que vous êtes prêts à recommander que, dans les cas où il y a le Curateur public, les dossiers en question vont devant le juge ou le greffier au lieu de devant le notaire?

M. Greenbaum (Ura): Oui, je crois que, si la curatelle publique est prête à entrer dans le portrait, ce serait une idée de l'envoyer devant un juge qui a plus de rigueur. Le problème, ça peut jouer à contresens, parce que la curatelle publique peut ainsi toujours brimer la famille en faisant objection à n'importe quelle étape et automatiquement l'amener devant le tribunal, ce qui va neutraliser l'effet des changements qui sont prévus.

Alors, il faut peser les deux côtés, les pour et les contre. Ça peut... C'est à double tranchant, si vous voulez, comme solution, comme idée. Enfin, nous avons arrêté dans nos recommandations une plus grande réflexion parce qu'il y a des problèmes là, je crois que c'est clair. Nous les avons soulevés. Ça exige plus de réflexion sous cet aspect-là qui entre dans ce projet de loi simplement par la porte arrière, vraiment. Il n'y a aucun endroit, dans le projet de loi, qui mentionne le rôle du Curateur public. C'est uniquement nous qui soulevons tous ces problèmes, parce que nous surveillons la curatelle maintenant, comme organisme établi depuis 1995. Alors, nous vous soumettons qu'il y a quelque chose d'inaperçu, et il faut porter attention ça peut arriver, de répéter tous ces drames qu'on a vus dernièrement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Blainville avait une question.

Mme Signori: Oui, j'aurais une question, M. le Président, si c'est permis, ça serait à mon collègue de D'Arcy-McGee, pour comprendre un peu, si vous le permettez. Après le cas hypothétique que M. Greenbaum nous a présenté, je me demande si, supposons, comme cinq membres d'une même famille avec cinq notaires différents, est-ce que... Moi, il me semble que ça ne doit pas se produire souvent. Est-ce qu'il n'y a pas... selon le code d'éthique de la Chambre des notaires ou des notaires, est-ce qu'entre eux ils ne diraient pas: Bien, écoutez, désignez-vous, le conseil de famille, un notaire qui va répondre. Parce que, moi, j'ai de la misère à admettre...

M. Ménard: S'ils s'entendent sur le reste, ils peuvent s'entendre là-dessus.

Mme Signori: J'ai de la misère à admettre que, s'il n'y a pas... – tu sais, c'est la première rencontre – il y aurait cinq notaires avec cinq membres différents. Il me semble que c'est aller comme beaucoup plus loin, peut-être, que c'est possible. Je ne le sais pas, je vous pose la question, s'il n'y a pas une question de code d'éthique ou...

M. Bergman: Je suis d'accord avec vous. Il semble que parmi cinq notaires, deux notaires, trois notaires, ils peuvent s'arranger entre eux lequel notaire va porter le dossier et que les autres assistent. Mais vous avez raison il n'y a pas de conflit ici. C'est-à-dire, il ne doit pas y avoir conflit entre notaires ou les notaires peuvent, disons, faire une analyse du dossier pour voir que les cinq n'ont pas les compétences, car il y a vraiment un conflit si, dans une famille, ils doivent recourir aux services de cinq notaires. Alors, il y a certainement une divergence d'opinions, et ce serait plus prudent d'envoyer le dossier devant les cours. Alors, mon instinct personnel dans cette situation est de dire que ce n'est pas un dossier que, nous, les notaires, voulons suivre. Ce serait dans le meilleur intérêt des clients de l'envoyer devant la cour.

Mme Signori: Merci. Et je vous remercie de nous avoir aussi portés à être attentifs au fait que tout le dossier de la curatelle a été un peu comme... Je ne sais pas si mon collègue ministre nous expliquera ça en réunion, de quelle façon on pourra voir ce qu'on peut faire à ce sujet-là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, vous vouliez reposer une question.

M. Ménard: Oui. En fait, c'est simplement deux remarques. Je pense bien que, si les membres de la famille s'entendent sur tout et qu'il n'y a aucune contestation entre eux, il serait surprenant qu'ils ne soient pas capables de régler entre eux le choix du notaire. Ha, ha, ha! Et, enfin, s'il n'est pas question de curatelle publique dans ce cas-ci, dans ce projet de loi, c'est parce que ce projet de loi ne concerne que les cas où les familles n'ont pas de contestation entre elles, où tout le monde est d'accord. Et là je suis convaincu que pour votre organisation, dans ces cas-là, ça doit relever de la famille, et la curatelle publique n'a rien à y voir sinon peut-être dans son mandat de surveillance, et là-dessus vous n'avez pas beaucoup parlé, dans le cas où, par contre, la famille s'entendrait pour déposséder quelqu'un qui vieillit et ne pas agir dans son intérêt. Mais, là, le contrôle vient après, parce que quand même, lorsque le régime de protection est établi, le Curateur doit faire rapport à la curatelle publique, et la curatelle publique devrait être en mesure de vérifier si effectivement le Curateur ou la Curatrice agissent dans le sens des intérêts de la personne incapable plutôt que strictement dans le sens de la protection de l'héritage ou encore qu'ils sont en train de se distribuer les biens de la personne incapable.

M. Greenbaum (Ura): Nous n'avons pas de problème avec le rôle, ce rôle-là de la curatelle publique. D'ailleurs, comme je l'ai dit, nous, notre préoccupation, c'est d'avoir un bon fonctionnement. Mais, par contre, vous avez dit tout à l'heure, M. le ministre, que, si tous les membres de la famille sont d'accord, dans ce cas-là la curatelle publique n'entrera pas dans le portrait. Mais, comme vous avez constaté antérieurement, ce n'est pas tout à fait correct parce que le Curateur public lui-même peut être le requérant. Alors, même si tous les membres de la famille sont d'accord, le Curateur peut paralyser toute la procédure, tout de même, si dans son propre intérêt, à l'encontre de la famille, même à l'unanimité.

M. Ménard: Je vais vous dire quelque chose. Après l'avoir entendu, on est à peu près certain qu'il n'aura pas recours à un notaire. Ha, ha, ha!

M. Greenbaum (Ura): Mais je ne vois rien dans le projet de loi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Greenbaum (Ura): Dans le projet de loi... Nous sommes ici à étudier le projet de loi, pas les promesses de la curatelle, et on a vu 50 ans de promesses de la curatelle publique. Voyons ce à quoi nous avons abouti ces jours-là. Mais, dans le projet de loi comme tel, il n'y a rien qui encadre, qui limite le rôle de la curatelle publique, et la curatelle publique peut agir comme n'importe quel autre membre de la famille et justement neutraliser, si pas éliminer tout à fait, la volonté de la famille, et ça, c'est aberrant et inacceptable à notre avis.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Mme Ouellette, MM. Greenbaum et Potvin, nous vous remercions de votre présentation et, sur ce, nous allons ajourner nos travaux à jeudi, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 39)


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