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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 29 février 2000 - Vol. 36 N° 48

Consultation générale sur le projet de loi n° 86 - Loi sur la police


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Table des matières

Déclarations d'ouverture

Auditions


Autres intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Normand Jutras
M. Geoffrey Kelley
M. Marc Boulianne
M. Henri-François Gautrin
M. Roger Paquin
*M. Raymond Leblanc, UQTR
*Mme Louise Paradis, idem
*Mme Lucie Boissonneault, idem
*Mme Louise Gagnon-Gaudreau, Institut de police du Québec
*Mme Claire McNicoll, UdeM
*M. Guy Lemire, idem
*M. Marcel Belleau, IPGSC
*M. Louis Côté, idem
*Mme Arpi Hamalian, FQPPU
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît. La commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police.

Tout d'abord, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, bienvenue à notre collègue. À l'ordre du jour, nous aurons d'abord une période de 30 minutes réservée pour les remarques préliminaires; nous rencontrons ensuite, pour une période d'une heure chacun, chacune, les représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières ainsi que de l'Université de Montréal; en principe, nous suspendons nos travaux à midi, pour reprendre à 14 heures avec l'Institut pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises; nous rencontrons ensuite M. Maurice Cusson; nous poursuivons à 16 heures avec la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, pour poursuivre ensuite avec M. André Normandeau et terminer ou ajourner vers 18 heures. Est-ce que cet ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.


Déclarations d'ouverture

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Nous en sommes donc aux déclarations d'ouverture. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: J'ai 15 minutes, si je comprends bien, M. le Président? O.K. Je vous remercie. Alors, dès que j'ai commencé à pratiquer le droit criminel, j'ai acquis la conviction que l'un des bons moyens de mesure du degré de civilisation qu'a atteint une société, c'est ses corps policiers. Je pense que les Québécois ont une opinion assez élevée, et avec raison, du degré de civilisation qu'a atteint notre société. Malgré tous nos déboires quotidiens, je pense que nous pouvons nous comparer avantageusement avec le reste du monde. Et je crois que les Québécois et les Québécoises s'attendent à ce que les corps policiers soient à la hauteur du degré de civilisation que nous avons atteint.

Je crois que c'est le grand objectif de cette loi qui offre une réforme fondamentale des lois sur la police. Nous visons d'ailleurs trois grands objectifs: premièrement, l'amélioration de la formation; deuxièmement, le rehaussement de l'éthique, de la transparence et du contrôle des organisations policières; et, troisièmement, la fusion de la Loi de police et de la Loi sur l'organisation policière. Cette fusion se fera.

Les dispositions de cette loi s'inspirent de plusieurs rapports qui ont été écrits sur les corps policiers au cours des 10 dernières années. Je pense au rapport Gilbert sur la crise d'Oka; au rapport Malouf sur les événements de la coupe Stanley, qui impliquaient le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal; au rapport Verdun sur l'intervention de la Sûreté du Québec à Chambly; au rapport Bellemare, que j'avais demandé lors de mon premier mandat, sur la conduite des enquêtes dans les cas de crime majeur; aux trois rapports de M. Claude Corbo sur l'éthique policière et sur la formation; et, finalement, au rapport Poitras sur ce qu'il a été convenu d'appeler l'affaire Matticks.

Donc, le première grand objectif, c'est la formation. Je peux dire que, là-dessus, nous adoptons presque sans réserve le rapport Corbo. Je signale que l'amélioration de la formation policière est une nécessité commandée par trois types d'exigences.

D'abord, les exigences jurisprudentielles, et là-dessus je dois dire que, bien qu'elles relèvent beaucoup, ces dernières années, de la Charte des droits et libertés, on les retrouve dans toutes les sociétés civilisées, qu'elles soient inspirées du droit français ou qu'elles soient inspirées du droit anglo-saxon, comme chez nous.

Deuxièmement, les changements dans la criminalité et particulièrement le développement de la criminalité en réseau. Nous avons fait de très grands progrès sur la lutte à la petite criminalité par l'instauration de la police communautaire, mais l'un des autres grands défis que doivent relever tous les corps policiers, c'est la criminalité en réseau. On pense tout de suite aux grands réseaux internationaux, mais il y a toutes sortes de réseaux. Il y a des réseaux au niveau national, il y a des réseaux au niveau régional, il y a des petits réseaux – que l'on pense au phénomène des gangs de rue – et ce développement appelle des méthodes d'enquête de plus en plus sophistiquées. L'on pense aussi que ces grands réseaux ont souvent accès à des moyens considérables auxquels doivent faire face les forces policières.

Troisième type d'exigences: elles viennent de celles de la population sur la façon dont les enquêtes doivent être menées. Que l'on pense, là-dessus, à la façon dont on demande que les policiers enquêtent les victimes d'agression sexuelle de façon à ce que, par les moyens d'enquête, ils n'empirent pas le mal dont souffrent déjà ces victimes. Que l'on pense aussi aux enquêtes sur la violence conjugale, aux enquêtes sur la violence à l'intérieur de la famille lorsqu'elle touche aux enfants, donc aux façons d'enquêter. Que l'on pense aussi à la façon dont doivent être enquêtés les crimes commis par les adolescents. Donc, voilà, ce ne sont que quelques exemples qui démontrent les exigences nouvelles de la population à l'égard de ses corps policiers.

Donc, nous adoptons l'une des premières suggestions du rapport Corbo, de transformer l'Institut de police du Québec en une véritable école nationale de police du Québec. Il est important de comprendre que le terme «école», ici, ne signifie pas que nous allons concentrer l'enseignement des policiers sur les lieux mêmes d'une école, mais le mot «école» est utilisé dans son sens plus général, celui des grandes écoles européennes, qui vont utiliser le réseau d'enseignement, mais qui vont permettre de mieux intégrer et une meilleure concertation entre les différentes composantes des réseaux d'éducation.

J'ai remarqué, dans beaucoup des rapports qui sont présentés aujourd'hui, que l'on a des inquiétudes à ce propos. Je crois que ce sont des inquiétudes qui ne sont pas justifiées. Si les gens relisaient le rapport Corbo, ils comprendraient que nous ne désirons pas nous substituer aux universités ni les placer dans un état de dépendance par rapport à l'école nationale. Mais M. Corbo signalait que l'une des caractéristiques de la formation donnée aux corps de police est le fait qu'elle soit éclatée et que, dans une petite société comme la nôtre, nous ne pouvons nous permettre le luxe d'avoir ainsi une formation aussi éclatée.

Ce sera donc un lieu d'intégration et de concertation des efforts qui seront faits pour apporter des remèdes aux besoins ressentis. Par contre, l'Institut de police aura une responsabilité directe de la formation au premier niveau de la patrouille et gendarmerie, quoique les candidats auront dû passer avant par le réseau d'enseignement. C'est là la solution à long terme pour apporter des solutions aux divers maux qui ont été diagnostiqués principalement par la commission Poitras.

(9 h 50)

L'autre mal qui a été diagnostiqué par la commission Poitras, mais qui, à mon avis, peut se présenter dans n'importe quel corps de police au Québec et qui d'ailleurs est un mal qui menace non seulement nos corps policiers mais tout corps policier des États démocratiques modernes, c'est la loi du silence ou cette solidarité de mauvais aloi qui va exister entre les corps policiers. Cela est généralement basé sur un préjugé solide, dans les corps de police des divers pays démocratiques, que les lois sont si complexes qu'il faut parfois les détourner ou les contourner pour pouvoir lutter efficacement contre le crime organisé. Cela amène une solidarité du silence pour protéger ceux qui se feraient prendre dans la poursuite de ce but plus noble, voudrait-on, que le respect strict de la loi, mais d'abord les causes changent, et puis cela amène parfois des policiers à avoir une attitude moins honnête et les autres à se sentir obligés à la même solidarité. Et des glissements comme ceux-là peuvent arriver aussi loin que ce qui a été constaté en Australie. Je le dis parce que le rapport Poitras s'est beaucoup inspiré du rapport Fitzgerald, qui avait fait ces constatations en Australie. Ça aurait pu amener des corps de police parfaitement corrompus qui rançonnent les automobiles sur la rue, qui protègent les commerces des leurs par l'intimidation ou qui se livrent même à des activités illégales. Dieu merci, nous n'avons jamais constaté cela... enfin, nous n'avons pas constaté cela au Québec au cours de ces dernières années. Mais il faut donc arrêter dès le début pareil glissement et, pour cela, il faut briser la loi du silence.

Pour cela, nous avons créé, dans la loi, des obligations et des interdictions. Que personne ne se méprenne, nous ne croyons pas que ce sont là les seules mesures qui viendront à bout de la loi du silence, mais c'est partie d'un ensemble de mesures, dont la formation d'ailleurs est l'élément le plus important pour changer la culture et l'amener à une culture de l'éthique.

Ces obligations. Il y aura maintenant une obligation de dénoncer un comportement criminel commis par une autre policier, un comportement qui briserait le lien d'emploi entre le policier et son employeur et un comportement qui enfreindrait les droits des individus. Une obligation aussi de collaborer avec les enquêteurs, de soumettre une déclaration écrite et de soumettre copie des rapports pertinents qui ont été écrits à cette époque. Interdiction également de harceler ou d'intimider toute personne qui aurait ainsi collaboré avec les enquêteurs.

Ensuite, je me suis posé longtemps le dilemme: Est-ce que nous créons une police des polices pour enquêter les allégations de conduite criminelle à l'intérieur des corps policiers? Je vais vous dire là-dessus deux solutions, disons, extrêmes: créer la police des polices ou encore désigner des corps d'avance, comme nous le faisons actuellement lorsqu'il y a mort d'homme, pour enquêter des allégations de conduite criminelle commise dans un autre corps de police.

Nous avons constaté que, dans les pays où la police des polices s'est faite, il y a un braquage qui se fait de l'ensemble du corps policier vis-à-vis la police des polices et une solidarité qui s'établit contre cela.

En plus, nous nous sommes mis à nous demander: Combien d'enquêteurs nous faudrait-il? Il y a environ 350 allégations, plus ou moins, chaque année de comportement criminel dans les corps de police. Soit dit en passant, c'est peu par rapport à l'ensemble de la population. Ça m'est apparu beaucoup, moi aussi, quand j'ai vu 350, mais je peux vous dire que c'est peu en pourcentage. Bon. Or, dans l'immense majorité de ces cas, il s'agit de petits crimes de droit commun: vol à l'étalage, violence conjugale, fraude parfois aussi. Et, dès que c'est découvert, généralement, par le corps de police en question, on enquête très rapidement et on veut se débarrasser de ce mauvais élément de la police, donc ça ne pose pas de problème. Restent quelques cas par année qui demandent une plus grande transparence. C'est pourquoi, plutôt que d'établir un système coûteux, un système où les meilleurs enquêteurs enquêteraient des vols à l'étalage, de la violence conjugale et où on ne trouverait peut-être pas les meilleurs candidats pour consacrer leur carrière à ce genre de crime, donc on a pensé à autre chose.

Les corps désignés. Si on avait des corps désignés: le SPCUM enquête la Sûreté du Québec, la Sûreté du Québec enquête le SPCUM, l'élément transparence disparaîtrait rapidement au cours des ans, peut-être même au cours des mois, certains pensant: Tu vas gratter mon dos pendant que je vais gratter ton dos. Alors, nous avons imaginé une formule élaborée par des praticiens qui ont pratiqué soit en poursuite, en défense, plus complexe, sur laquelle j'aurai peut-être l'occasion de revenir.

La décision la plus difficile à prendre a été sur le conseil de contrôle, la principale recommandation du rapport Poitras, que nous n'avons pas retenue. D'abord, là où de pareilles choses ont été essayées, en Australie et en Belgique, il s'agissait de situations bien pires que ce qui a été constaté à la Sûreté du Québec. Deuxièmement, c'était un véritable organisme de tutelle. Or, le problème d'un organisme de tutelle, c'est que cela déresponsabilise la direction des organismes. Parce que, quand on a un tuteur, on lui soumet des plans, il les accepte ou il les refuse. S'il les accepte et que ça va mal, c'est lui qui en porte la responsabilité. S'il a refusé l'un de nos bons plans et que ça va mal, c'est lui qui en porte la responsabilité. En plus, c'est lourd et c'est coûteux. Dans le New South Wales, par exemple, ça coûte 25 000 000 $ par année, ça emploie environ 300 personnes.

Deuxièmement, posez-vous bien la question: Qui contrôle la police? Dans n'importe quel régime, c'est le pouvoir qui contrôle la police. Les dictateurs contrôlent leur police, les rois contrôlaient leur police. Dans les régimes totalitaires, le régime contrôlait sa police. Dès lors, posons-nous la question: Qui doit contrôler la police dans une société démocratique? Je pense que la réponse est clairement: Ce sont les représentants du peuple qui doivent contrôler la police. Pourquoi ne la contrôlent-ils pas? S'ils ne la contrôlent pas mieux qu'ils le font, c'est parce qu'ils sont mal informés ou pas suffisamment informés.

C'est pourquoi nous retenons de l'idée du comité l'idée d'un conseil de surveillance qui, lui, visera à mieux informer les élus. Donc, nous avons élaboré une philosophie qui peut être résumée en ces quelques mots: Dans une société démocratique, le contrôle est aux élus, le conseil est aux experts. Et les élus pourront mieux exercer leur rôle parce que justement ils sont mieux informés. Nous avons donc demandé que ce conseil soit ciblé sur les deux principales sources de problème qui ont été constatées, soit la gestion de la discipline interne et celle des enquêtes criminelles.

J'espère que j'ai quelques minutes parce que je voudrais quand même dire ceci avant de terminer. Nous réalisons que, comme tout projet de loi, c'est un projet de loi fondamental que nous avons pris beaucoup de temps à élaborer, beaucoup de lectures, beaucoup de comparaisons avec certaines choses, mais nous reconnaissons qu'il peut être perfectible. Il faut aussi considérer qu'il ne règle pas tous les problèmes. Et il faut considérer aussi l'ensemble des autres mesures qui sont prises, des règlements qui vont être passés. J'espère d'ailleurs pouvoir déposer sinon les règlements, du moins un exposé des intentions que viseront les règlements au cours de la présente... C'est parce que je ne suis pas encore très satisfait de la rédaction, mais ça s'en vient. Je tiens à remercier d'avance tous ceux qui viendront nous aider à bonifier ce projet de loi.

Enfin, un dernier mot sur l'état d'esprit, je pense, qui devrait nous animer. Je pense que, M. le Président, vous reconnaîtrez que nos débats à la commission des institutions, depuis les dernières élections... Quant à moi, je serais heureux que le public assiste à ce genre de débats parce que je pense que, même s'il y a parfois des remarques partisanes qui sont faites, il s'est développé une philosophie entre nous de collaboration, non seulement de collaboration mais certainement de pouvoir bonifier les projets de loi même au-delà de certaines attaques partisanes, sur lesquelles on peut passer rapidement.

(10 heures)

Je pense qu'il faut réaliser quelque chose de base. Nous ne serons pas toujours ici à gouverner. Ceux qui sont en face de nous aspirent à gouverner. Nous sommes là sur quelque chose, un élément fondamental qui est le contrôle de la force dans une société démocratique. Nous voulons tous que ce contrôle soit effectué de façon efficace par des représentants du peuple. Nous avons tous intérêt à ce que le projet de loi qui sortira, qui est la première refonte majeure depuis presque une génération des lois de police, soit le meilleur possible et qu'il réponde non seulement aux besoins exprimés par la population, imposé par les tribunaux et par le développement de la criminalité, mais qu'il soit aussi à la hauteur du respect que nous avons pour l'ensemble de la population québécoise, le degré d'éducation et de civilisation qu'elle a atteint. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le ministre. Nous en sommes toujours aux déclarations d'ouverture. M. le porte-parole de l'opposition officielle, vous avez la parole.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Alors, M. le Président, je vais commencer d'emblée les remarques sur cette commission parlementaire en disant que je m'entends avec le ministre sur l'un des points qu'il a développés dans son discours, c'est que nous, de ce côté-ci, aspirons à gouverner – il a parfaitement raison – et nous souhaitons, pour le bénéfice de la population du Québec, que ce soit le plus rapidement possible.

M. le Président, sur l'objet de la commission parlementaire, j'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises, alors que dans mon ancienne vie j'ai exercé le métier d'avocat de défense, que j'ai eu l'occasion de représenter des policiers devant les tribunaux, de nature déontologique ou criminelle à l'occasion, et alors que j'ai exercé le métier de procureur de la couronne, que le métier de policier est un métier qui est extrêmement noble, un métier dont on exige énormément des individus qui le pratiquent, et pour cause, puisque la société investit ces gens-là de pouvoirs qui sont exorbitants à ceux qui sont généralement dévolus à nos concitoyens. Évidemment, je fais référence, entre autres, au pouvoir d'interception, au pouvoir d'arrestation, au pouvoir d'interrogatoire dont sont investis, en certaines circonstances, les policiers.

Puisqu'ils sont investis de pouvoirs aussi importants, on demande à ces gens-là d'être à la fois en certaines occasions des négociateurs, en certaines autres occasions des psychologues, en certaines autres occasions des travailleurs sociaux, en certaines autres occasions des juristes et on leur demande d'avoir en eux-mêmes à la fois et de faire preuve d'autorité, de faire preuve de compréhension à certains moments donnés, de faire preuve en toute occasion de jugement, du sens des responsabilités, d'être à tous égards des gens d'une probité extrême et d'une intégrité totale. La population qui remet sa sécurité entre les mains des policiers exige donc beaucoup en retour de ce mandat qu'elle leur confie.

D'autre part, M. le Président, je pense que tout le monde conviendra que la complexification des lois, les exigences liées à l'observance des différentes chartes, dont la Charte canadienne des droits, la sophistication des criminels, le perfectionnement des outils du crime dont ils disposent, ces criminels-là, l'internationalisation du crime, ont ajouté, et pas de moindre façon, aux exigences du métier de policier.

L'histoire récente du Québec a amené plusieurs experts à se pencher sur l'exercice du métier ou de la profession de policier, que ce soit policier de la Sûreté du Québec ou corps de police québécois en général, et le prétexte pour s'intéresser au métier de policier a toujours été précédé, malheureusement, soit d'un événement triste ou d'un drame ou à la suite, malheureusement, je le répète, de bavures policières. On pense évidemment au rapport Bellemare sur les enquêtes criminelles en 1996; bien sûr, les deux rapports du professeur Corbo sur la déontologie policière et la formation policière; le rapport Gilbert sur les événements d'Oka et la Sûreté du Québec; le rapport Guérin qu'il ne faut pas oublier, en 1992, et qui a traité de la question des délateurs, en particulier; le rapport Malouf sur l'administration de la police à Montréal, en 1994; le rapport Verdon sur les événements de Chambly et la Sûreté du Québec, en 1995; et évidemment le rapport Poitras, en 1999.

Outre les enseignements qu'on aurait dû tirer de ces différents rapports, la publicité qu'ils ont reçue lorsqu'ils furent rendus publics et les discussions qui ont suivi leur publication ont rendu malheureusement – je le dis, malheureusement – les policiers, jusqu'à un certain point, de plus en plus suspects aux yeux de la population, et les effets s'en font maintenant sentir de façon cruelle. Il y a, M. le Président, au Québec, une crise de confiance de la part de la population à l'égard des policiers, et malheureusement je dois dire qu'en certaines occasions les policiers n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes, mais le gouvernement a également une responsabilité dans cette crise de confiance.

Je veux dire, et j'ouvre une parenthèse, M. le Président, je dis: La population a une crise de confiance à l'égard de ses policiers. Mais je veux signaler, et c'est important de le dire, que ça ne veut pas dire que les policiers ne sont pas dignes de confiance. Je pense que, à la fois, le ministre et moi, dans la dernière année, surtout suite à la publication du rapport Poitras, avons eu l'occasion de dire à maintes reprises que la majorité – la majorité – des policiers de la Sûreté du Québec, la majorité des policiers des autres corps de police municipaux au Québec sont dignes de confiance et que malheureusement et oui il y a eu des bavures policières, oui en certaines occasions il y a eu ce qu'on pourrait qualifier d'abus de pouvoir, mais très certainement la majorité des policiers du Québec souhaitent qu'il n'y ait pas cette crise de confiance à l'égard d'eux-mêmes de la part de la population.

La plupart des policiers, la grande majorité des policiers ont souhaité – moi, j'ai eu l'occasion de le noter à la suite de la publication du rapport Poitras – qu'il y ait effectivement une réforme, et les policiers, je tiens à le dire, ont tout intérêt à ce que la population ait confiance en eux, puisqu'ils font respecter la loi. Il est absolument nécessaire que la population puisse avoir confiance dans ses policiers; ça va permettre aux policiers d'effectuer un meilleur travail.

Cette parenthèse ayant été faite, il ne faut pas se placer la tête dans le sable et ne pas réaliser qu'il y a une crise de confiance de la part de la population à l'égard des policiers. Les récentes réactions de la population aux moyens de pression qui ont été exercés récemment par la Sûreté du Québec dans ses négociations avec le gouvernement n'en sont qu'une preuve.

J'ai dit que les policiers étaient en partie responsables de cette crise de confiance pour certains événements qui sont bien connus, mais je dis également que le gouvernement et le ministre de la Sécurité publique ont une part de responsabilité dans cette situation. Vous vous souviendrez que c'est dans cette histoire de rapports multiples qui ont été rendus publics sur différentes activités policières que la commission Poitras a tenu ses audiences à la suite d'un événement que tout le monde connaît.

Le rapport Poitras a été rendu public il y a maintenant un peu plus d'un an. Dès sa publication, j'avais indiqué au ministre de la Sécurité publique que sa réaction avait été beaucoup trop timide au moment de la publication du rapport et que le contenu du rapport aurait dû amener une réaction beaucoup plus importante, d'une part. D'autre part, j'avais suggéré au ministre de la Sécurité publique d'établir le plus rapidement possible, dans le cas du rapport Poitras, avec les policiers de la Sûreté du Québec, un dialogue nécessaire avec l'Association des policiers provinciaux du Québec. Malheureusement – c'est le choix du ministre – il n'a pas choisi de se rendre à la suggestion que nous lui faisions, et malheureusement aujourd'hui on est obligé de constater que tout le dialogue est rompu entre les policiers et le ministre de la Sécurité publique.

C'est donc dans cette mouvance, si vous voulez, des différents rapports qu'a été déposé le présent projet de loi, le projet de loi n° 86, à la suite bien sûr des constatations qui ont été faites à la commission Poitras. 19 000 000 $ plus tard, 325 recommandations, le ministre accouche du projet de loi n° 86 qui traite, et nous lui rendons hommage sur ce point-là, de formation, bien que nous ayons des commentaires à faire à ce sujet-là, donc chapitre nouveau, la formation; projet de loi qui traite également de l'organisation policière, rien de nouveau dans ce chapitre-là, il s'agit d'articles qui ont été retranscrits dans le projet de loi n° 86; conditions d'exercice de la profession de policier, rien de nouveau, des articles qui ont été retranscrits dans le projet de loi n° 86; normes de comportement des policiers, rien de nouveau, sauf les mesures relatives à l'éthique, la délation; contrôle externe de l'activité policière; bien sûr, la création du Conseil de surveillance, qui est nouveau.

(10 h 10)

Les observateurs – pas seulement l'opposition officielle – ont été déçus du projet de loi n° 86 lorsqu'il a été déposé. J'en veux pour preuve le professeur réputé Normandeau, qui d'ailleurs va témoigner devant nous cet après-midi, qui s'est dit extrêmement déçu de la réponse timide du ministre à la suite de la publication du rapport Poitras. J'en veux également pour témoin Me Bernard Roy, qui avait été procureur à la commission Poitras, qui s'est dit extrêmement déçu des résultats et du projet de loi n° 86.

On va parler aujourd'hui plus particulièrement – j'achève, M. le Président – de formation. Y a-t-il une seule porte d'entrée au métier de policier, et devrait-il y avoir une seule porte d'entrée au métier de policier? C'est une question que nous allons poser aux gens qui vont venir témoigner devant nous, qui sont tous des formateurs réputés. Mais notre tendance à ce moment-ci, quitte bien sûr à avoir des discussions avec les gens qui vont témoigner, la tendance de l'opposition, c'est de croire que le projet de loi en matière de formation est peut-être un petit peu réducteur au sujet de la formation que devrait suivre un policier.

D'autre part, le Conseil de surveillance, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale, au moment où le ministre a déposé son projet de loi, et même avant qu'il ne dépose son projet de loi, puisqu'il a coulé dans les journaux, conseil de surveillance temporaire, pour une période de cinq ans seulement, avec un mandat qui est, encore une fois, extrêmement timide. On va avoir l'occasion d'en discuter au cours de la commission parlementaire. Mais il m'apparait que la situation qui prévaut au Québec, en ce qui concerne la confiance que la population doit avoir dans ses policiers, aurait demandé une réponse un petit peu plus musclée que ça.

Alors, dans le fond le projet de loi n° 86 va-t-il, au lieu de servir la population, la desservir? Risque-t-il d'aggraver le fossé qui sépare les policiers de la population? Je ne le souhaite pas. Moi, je souhaite qu'on ait des mesures législatives et des mesures réglementaires qui fassent en sorte que les policiers du Québec, tous les policiers du Québec, soient respectés, méritent ce respect que la population doit avoir à leur égard. Je pense que, dans toutes les circonstances, la population ne fera qu'y gagner. Je souhaite finalement, M. le Président, en terminant, que le ministre ne fasse pas qu'entendre les gens qui vont faire des représentations au cours de cette commission parlementaire mais qu'il les écoute.

J'ai de temps en temps, au cours de cette intervention, mais plus souvent au cours des mois qui ont précédé, reproché au ministre de ne pas assez consulter les divers intervenants du monde policier. Bien sûr, il me dira: On est en consultation sur le projet de loi. Je lui ai toujours reproché de ne pas consulter avant d'arriver à certaines des conclusions. Je l'entendais dire, tantôt: J'ai fait des choix dans le projet de loi. Mais, quand il a fait ces choix, est-ce qu'avant de faire ces choix il a consulté?

Il a consulté, bien sûr, par exemple, la direction de la Sûreté du Québec. A-t-il consulté le syndicat des policiers? Je dis au ministre que, s'il avait consulté, au moment de la publication du rapport Poitras – et on le verra, les policiers vont venir témoigner – les syndicats policiers, notamment l'Association des policiers provinciaux du Québec, il aurait pu arriver avec un projet de loi qui aurait été beaucoup plus complet, parce que les policiers étaient ouverts à une réforme – les policiers étaient ouverts à une réforme – et normalement, s'il avait pris la peine de dialoguer avec les policiers, d'ouvrir le dialogue, à ce moment-là on aurait aujourd'hui un projet de loi qui serait beaucoup plus complet.

Ceci étant dit, l'opposition va écouter avec intérêt les groupes qui vont se présenter et souhaite que le ministre le fasse avec la plus grande ouverture d'esprit. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Saint-Laurent.


Auditions

Nous allons donc accueillir les représentants du premier groupe. Il s'agit de l'Université du Québec à Trois-Rivières, dont son vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, M. Raymond Leblanc. Je vous invite à bien vouloir prendre place, en se rappelant que nous avons à notre disposition une période d'une heure, donc une vingtaine de minutes maximum pour la présentation proprement dite. Alors, à ce moment-ci, M. Leblanc, vous avez la parole. Je vous inviterais à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à entamer votre présentation.


Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

M. Leblanc (Raymond): Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, mesdames, messieurs, d'abord, je voudrais remercier la commission de nous recevoir. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent: Mme Louise Paradis, qui est doyenne des études de premier cycle à l'Université du Québec à Trois-Rivières, et Lucie Boissonneault, qui est une professionnelle au décanat du premier cycle. Je voudrais d'abord, d'entrée de jeu, mentionner que notre présentation portera uniquement sur les éléments qui sont relatifs à l'École nationale de police du Québec.

L'Université du Québec à Trois-Rivières a une très longue expérience de collaboration et de partenariat avec l'Institut de police de Nicolet; cette collaboration-là remonte à plus de 20 ans. Nous avons été depuis notre création fortement engagés dans des programmes professionnels qui étaient fortement influencés par le milieu. Nous avons développé dans ce domaine des programmes particuliers qui sont un peu uniques, comme ceux de la chiropraxie, des sages-femmes, des comptables et des psychologues. Ces programmes-là ont été mis sur pied pour répondre à des demandes particulières, à des besoins spécifiques de certaines catégories d'individus.

L'Université, depuis sa création, a été rapidement engagée dans des programmes qui s'adressaient à des clientèles qui étaient réparties sur tout le territoire de la province, en particulier dans les programmes de formation destinés à tous les maîtres au secondaire. Je rappellerai le programme PERMAMA, qui était destiné à des professeurs de mathématiques, le programme PERMAFRA, qui était destiné à des professeurs de français. Tous ces programmes-là avaient été mis sur pied dans un esprit de collaboration pour répondre à des besoins spécifiques du milieu avec des partenaires d'autres universités et dans un but de pouvoir accommoder une clientèle qui était répartie sur tout le territoire.

Dans le contexte actuel de la loi n° 86 sur la police, l'Université du Québec à Trois-Rivières se fait le promoteur d'un programme qui, nous croyons, permet d'offrir aux policiers une formation qui serait très souple et qui pourrait être dispensée sur tout le territoire. Ce programme-là est le résultat d'une concertation et d'une collaboration de l'Université du Québec à Trois-Rivières, de l'Université du Québec à Montréal, de l'Université du Québec à Chicoutimi, de l'Université du Québec à Rimouski, de l'Université du Québec au Témiscamingue, de l'Université du Québec à Hull et, en plus, de l'Université de Sherbrooke et de l'Université Laval.

Ces huit partenaires, en collaboration avec l'Institut de police, proposent, disons, un aménagement qui permettrait – compte tenu des engagements que nous avons de tout ce monde-là, des engagements qui sont confirmés par les instances locales – une table de concertation qui permet d'assurer un maillage de toute l'expertise qui est disponible dans ces établissements, une proposition qui assure, grâce à sa souplesse, de permettre aux instances locales de manifester leur spécificité et d'assurer que leur expertise pourra contribuer à l'ensemble de la proposition. C'est une proposition dans le fond qui couvre tout le territoire québécois, de l'Abitibi à Sherbrooke, de Hull à Rimouski. Cette proposition-là est en fait établie à partir d'une concertation et d'une collaboration de tous les partenaires et voudrait être une réponse aux besoins du milieu.

(10 h 20)

Je laisserai le soin à la doyenne de vous présenter peut-être plus en détail les éléments, mais je vous dirais simplement en terminant que ce projet-là repose sur quelques principes. En particulier, on souhaiterait fournir une porte d'entrée unique pour tous les étudiants qui seraient dans ce programme de formation là. On voudrait le faire en établissant un partenariat entre les différents intervenants impliqués dans le programme. On voudrait favoriser une communication étroite entre les différents partenaires, offrir une formation de qualité qui serait dispensée dans le milieu universitaire, assurer à la clientèle étudiante la possibilité de poursuivre ses études dans les différentes universités qui participent au programme, s'assurer de l'appui des meilleurs ressources en matière de connaissance et d'expertise, s'assurer de la compétence des formateurs, favoriser une approche pédagogique qui est centrée sur l'apprenant et qui tient compte de ses acquis, assurer aux étudiants un soutien pédagogique tout au long de leur cheminement, favoriser le partage de l'expérience entre les étudiants, puis vérifier périodiquement la qualité du programme.

Bon, je n'entre pas dans les détails; si à la fin vous avez des questions, nous serons à votre disposition pour y répondre. Je laisserais Mme la doyenne présenter le mémoire que nous vous avons soumis.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme Paradis, vous avez la parole.

Mme Paradis (Louise): Merci beaucoup. Dans la foulée de ce que M. le vice-recteur vient d'énoncer, j'aimerais préciser certains points qui nous habitent depuis les nombreuses années de collaboration que nous avons avec l'Institut de police de Nicolet.

Du point de vue de la formation des policiers, si nous traçons le fil conducteur des différents rapports qui ont déjà été soumis, si nous analysons le projet de loi, nous comprenons l'évidence d'une meilleure formation pour les différents acteurs responsables de la sécurité publique et privée au Québec. Nous comprenons aussi la nécessité d'assurer une meilleure coordination des différents partenaires et des différentes formations offertes et à offrir afin d'éviter l'éparpillement, la redondance ou encore la mauvaise qualité de la formation qui pourrait être offerte. Dans cette perspective, le Québec doit recentrer la formation des policiers autour des besoins exprimés par les policiers et autour des compétences nécessaires pour l'exercice des différentes fonctions qui découlent du rôle social du policier.

L'UQTR estime donc que, en transformant l'Institut de police de Nicolet en une école nationale de police, le Québec se dote d'un lieu de convergence de l'expression des besoins de formation, d'un lieu de coordination de la rencontre de ces besoins en permettant à la future école de dispenser elle-même des activités de formation, de s'associer avec des institutions de niveau supérieur, plus spécifiquement pour la formation des enquêteurs et des gestionnaires. De plus, l'école nationale devient ainsi un partenaire dans la recherche de l'actualisation de la qualité de la formation.

Selon nous, de cette manière nous passons de la compétition à la concertation et à la collaboration. Ceci nous apparaît comme un grand pas en avant dans la foulée non seulement des différents rapports sur la formation policière et sur le projet de loi actuel, mais aussi dans la foulée des volontés exprimées par le gouvernement par son ministère de l'Éducation, par la Commission des universités sur les programmes et par les efforts de rationalisation qui sont demandés aux institutions publiques actuellement.

Nous sommes d'autant plus convaincus de la pertinence de créer cette école nationale de police. Comme le dit M. le vice-recteur, nous avons pu l'expérimenter depuis 20 ans avec l'IPQ par l'offre de formation conçue pour les policiers et avec les policiers. Nous croyons donc que le modèle qui est proposé dans le projet de loi peut exister parce que nous l'avons expérimenté à l'UQTR et nous croyons pouvoir faire profiter les autres universités de l'expérience que nous avons vécue pour ce qui est des modalités d'élaboration de programmes pour bien servir la clientèle policière.

Il existe à l'UQTR, tel que mentionné dans notre mémoire, une formation universitaire dispensée pour et avec les policiers depuis déjà plusieurs années, un certificat en gestion des organisations policières, qui a diplômé plus de 400 étudiants. Ce certificat a été conçu en collaboration avec des membres, des personnels de l'IPQ. Il a été ajusté suite à une évaluation qui en a été faite; il est encore actuellement très, très actif, et nous estimons que les policiers ont une très bonne satisfaction dans la poursuite de ce certificat.

Nous avons développé de plus un programme court en gestion des bureaux d'enquête qui accueille plus d'une centaine d'étudiants depuis qu'il est offert, depuis l'hiver dernier. Chaque fois que nous avons travaillé à développer l'offre de programmes pour des policiers, comme nous l'avons fait d'ailleurs pour l'offre de programmes dans d'autres domaines professionnels – M. le vice-recteur a parlé des sages-femmes, des chiropraticiens, des comptables, des ingénieurs – nous avons toujours, assis autour de notre table pour l'élaboration de ces programmes, des personnes qui viennent directement du milieu.

Ce qui veut dire que nous sommes très, très attentionnés quant à l'expression des besoins, que nous aidons les personnes du milieu à bien les identifier, et que nous traduisons par la suite, dans des objectifs de formation universitaire, avec l'aide de ressources professorales universitaires qui sont les plus compétences. Nous validons ensuite ce projet d'offre de formation en deux temps. Nous validons toujours le projet d'offre de formation, avant même l'offre, par un comité aviseur des clients éventuels ou encore par la méthode des «focus groups» et nous validons, avant l'offre de formation encore, par la présentation des projets de programme à nos instances universitaires internes et externes, lorsque c'est pertinent de le faire. Après l'offre de formation, nous validons à nouveau la rencontre des besoins par l'évaluation des enseignements et l'évaluation de programmes et nous procédons aux ajustements appropriés qui en découlent.

C'est ce que nous avons réalisé dans le cas du certificat en gestion des organisations policières, et nous croyons que c'est une formule qui peut être mise à profit et que nous sommes intéressés à partager avec d'autres universités, ce que nous faisons déjà, comme l'a dit M. le vice-recteur, depuis presque deux années et demie autour d'une table de concertation provinciale qui regroupe actuellement huit universités qui ont formellement donné leur adhésion au projet de baccalauréat, qui est un projet de baccalauréat centré sur le plan de carrière du policier, avec une formation fondamentale de 15 crédits et une formation complémentaire de 15 crédits et au coeur de cette formation, pour permettre au policier de vraiment actualiser son projet de carrière, un ensemble de formations spécifiques dispensées selon les expertises développées ou à développer par les différentes universités qui ont donné leur adhésion au projet.

L'Université du Québec à Trois-Rivières ne prétend pas posséder toutes les expertises pour la formation policière, et nous prétendons qu'aucune université au Québec n'a toute l'expertise pour couvrir le vaste champ de l'intervention policière privée et publique. C'est pourquoi nous pensons que la formule de la table de concertation et le projet de baccalauréat que nous menons actuellement permet à chacune des universités d'exprimer son expertise et de la mettre à profit pour la formation des policiers.

Ce projet illustre bien aussi que les universités peuvent se concerter et collaborer selon leur champ d'expertise propre. Dans le modèle de gestion que nous avons développé, qui est accepté actuellement par les universités participantes, l'IPQ est un partenaire qui se joint à chacune des tables de travail pour les projets de formation à développer et pour les projets de formation qui pourraient être actualisés. Ce qui veut dire que, chaque fois que nous allons travailler à élaborer un programme de formation, il y aura toujours quelqu'un de l'école nationale qui pourra nous aider à bien comprendre les besoins et de telle sorte que nous pourrons les traduire dans un programme de formation universitaire pertinent.

Cette collaboration de toutes les universités, croyons-nous, permettra aussi aux policiers de suivre leur formation à travers toute la province. Comme M. le vice-recteur l'a énoncé, chacune des universités participantes couvre les différentes régions de la province, et le cadre de gestion que nous nous sommes donné permet à l'étudiant de faire une grande partie de sa formation sur les lieux où il travaille ou encore sur les lieux où il sera éventuellement envoyé pour son travail.

Cette table de concertation, pour nous, permettra aussi, par le contact des personnes de l'IPQ et des professionnels qui travailleront avec les universités à l'élaboration de programmes, le contact avec les chercheurs universitaires des différentes universités de la province. Nous croyons que le projet de loi, qui veut valoriser aussi la recherche sur la formation, pourra ainsi être actualisé par les différents projets de recherche qui pourront se développer au contact de ces différents chercheurs.

Dans cette perspective, notre mémoire propose une modification éventuelle au projet de loi, c'est-à-dire que nous souhaitons que des universitaires soient présents à la Commission de la formation et de la recherche parce que nous croyons que, si les universitaires ne sont pas représentés, il y aura, à ce moment-là, peut-être un lien de communication qui se fera plus difficilement. Et, expérience faite dans le développement de programmes de formation en collaboration avec l'IPQ, nous avons aussi, dans notre mémoire, fait des propositions à l'effet que les universités, comme la future École nationale de police, puissent être outillées d'un point de vue financier pour permettre le développement de ces projets.

Voilà. Je suis prête à répondre et nous sommes prêts à répondre à toutes les questions que les membres voudront nous poser. Madame Boissonneault, qui est professionnelle de recherche, a travaillé très activement au dossier de formation pour les policiers depuis plus de 10 ans.

(10 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Mme la doyenne, il vous restait cinq minutes. Ça va?

Mme Paradis (Louise): Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Félicitations pour la concision.

Mme Paradis (Louise): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Alors, je tiens d'abord à vous remercier de votre rapport. Évidemment, je le trouve excellent parce qu'il démontre aussi une grande compréhension de ce que nous allons faire. Mais je comprends que vous avez de l'avance sur les autres institutions, c'est que, vous, vous avez 20 ans d'expérience avec l'Institut de police et vous ne semblez pas craindre, de votre côté, que la collaboration avec l'École soit une contrainte imposée à la liberté académique dont doivent jouir les universités. Justement, votre rapport, je dirais, fait exception par rapport aux autres organismes universitaires qui craignent beaucoup que les articles 10 et, je dirais, 11 leur fassent perdre l'initiative ou la liberté académique dont ils voudraient jouir dans l'élaboration de leurs programmes. Ce que vous avez senti au cours de vos 20 ans d'expérience avec l'Institut de police du Québec... Comment avez-vous perçu ces contraintes, vous, au cours de ces années?

Mme Paradis (Louise): Vous avez bien lu, je pense, le rapport que nous vous avons fait parvenir, puisque, chaque fois que nous avons développé une formation en collaboration avec l'Institut de police de Nicolet, il a toujours été très clair que la diplomation passerait par l'université. Donc, de ce point de vue là, on n'a jamais senti de menace, et je ne pense pas que le projet de loi, à la lecture que nous en faisons et dans la compréhension que nous en avons, nous amène à faire autrement.

Le projet de concertation que nous avons actuellement avec les huit universités dont M. le vice-recteur a parlé n'a jamais mis en doute l'obligation de diplomation par les universités partenaires. Chacune des universités qui offrira de la formation dans ce projet dispensera le diplôme dont elle est propriétaire, si on peut dire. Alors, il n'a jamais été question, et nous n'avons jamais senti dans nos collaborations avec l'Institut de police de Nicolet qu'il voulait se substituer à l'université et nous ne croyons pas que le projet de loi nous amène à ça.

Nous croyons que, d'un point de vue d'économie de système, il y a déjà suffisamment d'universités dans la province. D'ailleurs, la Commission des universités sur les programmes nous montre bien que, s'il n'y a pas vraiment de dédoublement dans les programmes, il n'y a pas lieu non plus de créer une nouvelle université, croyons-nous, même si c'était une université spécifiquement pour les policiers. Donc, de ce point de vue là, nous n'avons pas de craintes.

M. Leblanc (Raymond): J'ajouterais peut-être, M. le ministre, que la table de concertation regroupe essentiellement une très, très grande majorité des universités francophones de la province. Il y a une seule université qui n'est pas partie prenante au projet que nous préconisons, il s'agit de l'Université de Montréal.

M. Ménard: Bon, je vois que vous êtes effectivement familiers avec le premier rapport Corbo sur la formation, et vous pourriez peut-être nous expliquer quel est le sens et la portée de l'expression «École nationale» dans...

M. Dupuis: J'espère que le ministre ne demande pas à Mme Paradis de donner une interprétation politique au terme «École nationale», on est capable de faire ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous vous faisons confiance.

M. Ménard: Nous avons une autre école nationale au Québec, puis je ne sais pas par qui elle a été établie, je ne me souviens plus, mais je sais qu'elle a été endurée par les libéraux, qui est l'École nationale d'administration...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je suggère à ce moment-ci qu'on laisse...

M. Ménard: Bon.

M. Dupuis: Question de règlement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre. À l'ordre.

M. Dupuis: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre. Un instant, un instant.

M. Dupuis: Les écoles nationales...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Un instant. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dupuis: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vais vous reconnaître, un instant. Allez-y.

M. Dupuis: Les écoles nationales ne sont pas endurées par les libéraux, les écoles sont respectées par les libéraux. Le terme «nationales» est enduré.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent, à quel élément de notre règlement faisiez-vous exactement référence?

M. Dupuis: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À aucun... Alors, on va faire confiance à notre invitée, Mme Paradis, au niveau de la réponse. Vous avez la parole, madame.

Mme Paradis (Louise): Écoutez, je vous donne l'interprétation que nous, universitaires à l'Université du Québec à Trois-Rivières, donnons à ce vocable d'«École nationale», nous le concevons comme un lieu de concertation et comme un lieu de collaboration. Nous ne le concevons pas comme un lieu physique. Nous ne le concevons pas non plus comme un lieu politique. Vous comprendrez bien que ce qui nous intéresse, c'est la formation des policiers pour un meilleur service à la société québécoise. Et c'est vraiment le lieu de concertation et de convergence de l'expression des besoins et de collaboration entre les partenaires impliqués dans la formation policière au Québec qui nous intéresse.

M. Ménard: Je le conçois un peu de la même façon, je me permettrais peut-être d'ajouter le mot «intégration» aussi de la formation policière à travers le Québec ou d'un autre type de formation. Mais ma question, remarquez que je vous la pose, ce n'est pas uniquement pour les intervenants qui sont venus ici, mais c'est pour le grand public en général. Le grand public en général, j'ai remarqué, quand on parle d'une école nationale, la voit d'abord comme un lieu physique où se donne un enseignement, un lieu public unique dans la nation où se donne un enseignement spécialisé, alors qu'en fait j'ai compris à la lecture de M. Corbo qu'il avait ce sens que vous venez d'exprimer.

Mais c'est dans l'aspect intégration. Croyez-vous qu'il est possible de concilier la liberté universitaire, qui est une grande valeur, je crois, du système d'enseignement, avec l'intégration dans un ensemble où il y a un lieu de concertation entre divers acteurs qui couvre le territoire pour couvrir l'ensemble de l'enseignement dans une spécialité comme ici avec les techniques policières?

M. Leblanc (Raymond): Dans le fond, je ne pense pas que la structure qui est proposée compromette cet aspect-là de l'activité du professeur d'université. Essentiellement, disons, les instances universitaires qui sont associées avec le projet dont nous faisons la promotion restent opérationnelles. Les programmes et les cours qui seraient dispensés à travers le partenariat qu'on aurait établi avec l'Institut ou avec l'École nationale de police du Québec restent totalement sous la juridiction des instances universitaires locales. Les dispensateurs des cours, qui seraient du ressort de l'université, disons, doivent procéder avec la même rigueur et les mêmes contraintes que dans les programmes usuels.

L'idée pour nous que l'école soit un peu une structure virtuelle, je pense que ça répond de plus en plus à une problématique qui va être celle de l'avenir, parce que, de plus en plus, les établissements vont avoir à fournir des services sur une échelle qui est beaucoup plus grande que celle de leur région. On parle de la mondialisation dans bien des domaines, c'est aussi vrai dans le domaine du savoir. Les instances de recherche au Québec et au Canada se structurent actuellement davantage dans une approche virtuelle, et il faut s'adapter à cette nouvelle réalité là. Je pense que les professeurs d'université peuvent rester vigilants, mais ils ne perdent pas leur liberté académique parce qu'on a une entente de partenariat avec un organisme comme celui qui serait créé par cette loi-là.

(10 h 40)

M. Ménard: Un autre sujet, maintenant. L'une de vos principales recommandations dans le mémoire, c'est qu'il vous apparaît indispensable que des représentants des milieux universitaires soient nommés sur la commission de formation. Vous aurez remarqué qu'il y a quand même quatre personnes qui sont nommées par le ministre, choisies en raison de leurs compétences. Ça ne vous satisfait pas exprimé comme ça? Ha, ha, ha! Mais je voudrais savoir comment devrait-on les choisir, ces personnes qui représenteraient le milieu universitaire, à savoir est-ce que ça devrait être des professeurs, des gens de l'administration des universités ou encore d'autres universitaires d'autres domaines comme philosophie, psychologie ou... En tout cas, je ne sais pas, quel profil voyez-vous aux gens qu'on devrait nommer pour représenter le milieu universitaire sur le conseil d'administration de la commission?

M. Leblanc (Raymond): Je pense que, dans les faits, compte tenu, disons, des besoins qui ont été tantôt signalés par un des membres de la commission, compte tenu des besoins de formation des policiers, j'imagine que la sélection pourrait se faire sur une base très large parce que le travail du policier peut être à l'occasion un peu du domaine de la psycho, de la sociologie, et donc il faudrait que, dans le fond, le conseil qui chapeautera les choix et les orientations de l'école... devrait pouvoir être alimenté par la réflexion de ces différentes disciplines qui constituent un apport essentiel à la formation du policier.

Moi, personnellement – mais je serais ouvert à d'autres suggestions – je pense que la représentation universitaire, elle devrait être faite surtout par les professeurs, puis je vais vous dire pourquoi. C'est que je suis, bien sûr, vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, j'ai occupé d'autres fonctions administratives à d'autres occasions, mais je m'identifie surtout comme un professeur, et c'est sous ce vocable-là que je me sens le plus à l'aise, et je pense que les professeurs doivent être ceux qui sont, dans le fond, appelés à prendre les décisions et les orientations qui pourraient être à la base de cette École-là sur le plan de la formation.

M. Ménard: O.K. Bon, je reçois très bien votre suggestion. Je remarque aussi quand même que vous poursuivez, je dirais, puis ce n'est pas péjoratif, un but utilitaire, que la personne ait une compétence particulière qui l'aide à comprendre les besoins des corps policiers. J'avoue que je songeais moi-même, sans l'avoir précisé dans la loi, mais en laissant la discrétion au ministre, quitte à ce qu'un autre ministre ait des opinions différentes plus tard, à y nommer des gens qui ont une réflexion particulière sur la société en général, qui ont une conception... qui pourraient être des philosophes, ou des gens de sciences politiques, ou de grands penseurs qui n'ont pas une expertise, qui ne pourraient pas enseigner dans une école de police, mais qui se sont acquis une réputation pour la qualité de leurs réflexions sur l'organisation sociale. Est-ce que vous trouvez que ça compléterait bien les gens du milieu universitaire?

M. Leblanc (Raymond): Bien, en fait, ça dépend un peu du mandat qui serait attribué à ce comité-là. Finalement, si le rôle du comité est un peu celui, disons, d'une commission des études, c'est-à-dire une instance qui va déterminer et influencer la programmation, l'ensemble des cours qui sont dispensés, qui va apprécier les besoins, disons, spécifiques de la formation du policier, alors je pense que ça peut être des gens qui sont plus proches de leur réalité qui seraient les mieux placés.

S'il s'agit, disons, d'un comité dont le mandat est beaucoup plus large et qu'il peut à l'occasion faire une réflexion sur le rôle social de la police dans l'État, alors là c'est possible que des gens qui aient une formation un petit peu moins spécifique puissent apporter une contribution intéressante.

M. Ménard: O.K. Je vous remercie. Je vais laisser les autres membres de la commission vous poser des questions, mais je voudrais vous renouveler la très grande satisfaction que j'ai eue à lire votre mémoire et faire état de l'expérience que vous avez faite et dont nous nous inspirons et que nous voulons plus large. C'est dommage que ce projet va maintenant vous échapper et avoir une envergure plus grande que celle que vous pouviez couvrir. Particulièrement, j'ai été très impressionné par le paragraphe, à la page 4, qui parle de la structure du programme proposé qui comporte des crédits de formation générale qui m'apparaissent être justement nécessaires à l'établissement de l'équilibre que l'on doit trouver chez nos candidats à exercer les fonctions policières. Je vous remercie énormément de votre collaboration.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Dans votre mémoire, vous parlez d'une collaboration de longue date avec l'IPQ, l'Institut de police de Nicolet. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous, c'est: Comment concrètement ça s'est fait, ça, et qu'est-ce que vous avez fait avec l'Institut de police? Est-ce que ce sont des cours que vous avez organisés et dispensés à l'Institut de police ou si les cours étaient plutôt donnés à l'Université du Québec à Trois-Rivières? Et quel genre de cours vous avez ainsi dispensé?

Mme Paradis (Louise): Je vais laisser Mme Boissonneault répondre parce que là vous entrez dans le fin détail de l'offre de formation et je pense que Mme Boissonneault est la mieux placée pour vous répondre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme Boissonneault.

Mme Boissonneault (Lucie): Merci. Je vous donnerai l'exemple de modification au certificat qu'on offre actuellement. Quand on a renouvelé ce programme-là, qui datait, je dirais, de 17, 18 ans, on s'est assis avec l'Institut de police et on a revu les contenus de cours à la lumière des nouveaux besoins de formation. On les a renouvelés, on les a créés avec l'Institut. Nous les avons adoptés à l'UQTR et nous les avons offerts aux policiers, particulièrement à l'Institut de police, parce que, historiquement, nous offrons les cours à l'Institut de police.

Maintenant, il y a une déconcentration de plus en plus présente dans nos programmes, et c'est comme ça qu'on a créé les programmes. Et tous nos programmes, maintenant, sont créés de cette façon-là, et le projet dont il est question dans notre mémoire voudrait être créé aussi de cette façon-là, c'est-à-dire de concert avec l'Institut qui, lui, est proche des corps policiers.

M. Jutras: Vous offriez les cours à l'Institut de police, mais ce que je veux savoir, les cours se donnaient-ils à l'Institut de police ou s'ils se donnaient à l'Université?

Mme Boissonneault (Lucie): À l'époque, oui, et de plus en plus on déconcentre. Les gens ne viennent pas à l'UQTR, mais on va dans leur milieu de plus en plus.

M. Leblanc (Raymond): Mais les professeurs qui dispensaient les cours étaient des professeurs associés à l'Université ou des chargés de cours de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui se déplaçaient pour aller de l'autre côté du fleuve.

M. Jutras: Et ce que l'on comprend, c'est que vous avez donc élaboré un certificat de niveau universitaire et vous avez appelé ça un certificat en gestion d'opération policière. C'est ça?

Mme Boissonneault (Lucie): Des organisations policières.

M. Jutras: Des organisations policières. Et vous en êtes, là, même à élaborer en quelque sorte un bac.

Mme Boissonneault (Lucie): Oui, en concertation avec nos partenaires universitaires et avec l'Institut de police.

M. Jutras: Et ce bac-là, éventuellement, se donnerait à l'Université du Québec à Trois-Rivières ou, encore là, ce serait déconcentré, et on pourrait le retrouver dans n'importe quelle université?

Mme Boissonneault (Lucie): Ça serait déconcentré, oui.

M. Jutras: Oui? Sur tout le territoire du Québec, là?

Mme Boissonneault (Lucie): Oui, ou là où il y a de la clientèle suffisante.

Mme Paradis (Louise): Si vous me permettez de compléter, nous dispensons le Certificat en gestion des organisations policières actuellement sur plusieurs sites, de même que le programme court en gestion des enquêteurs, nous le dispensons sur quatre sites. Donc, nous le dispensons à Hull; nous le dispensons à Longueuil; nous le dispensons en Beauce; et nous le dispensons à Trois-Rivières. Alors, ce qui fait que, avec la collaboration de l'IPQ qui nous aide au niveau du recrutement et au niveau des inscriptions, nous pouvons déconcentrer les formations et aller les offrir là où sont les clientèles les plus nombreuses.

Dans le projet de baccalauréat que nous avons, les formations spécifiques, particulièrement le coeur du programme, sont des formations qui seront offertes par les différentes universités et qui seront sous la responsabilité des différentes universités. Si on développe, par exemple, un certificat en communication tactique et qu'une université en particulier accepte d'en prendre la responsabilité, c'est cette université qui va devoir s'occuper, avec l'IPQ, de dispenser ce programme là où les besoins se feront sentir, en déconcentration s'il y a lieu. Mais l'université qui aura développé le programme avec l'IPQ en demeurera tout de même le maître d'oeuvre du point de vue de la qualité et du point de vue de la dispensation.

Ce que l'UQTR fera, c'est qu'elle reconnaîtra dans le programme de baccalauréat cette formation courte en termes de reconnaissance d'acquis, et le cadre de référence que nous avons développé nous permet effectivement d'avoir, dans ce coeur de formation spécifique, de la reconnaissance d'acquis de ce que les universités dans la province pourraient offrir en termes de formation pour les policiers. Je ne sais pas si ça vous aide à mieux saisir un peu l'articulation.

M. Jutras: Oui, oui.

(10 h 50)

Mme Paradis (Louise): Il faut vraiment penser ce programme tout à fait différemment d'un programme de baccalauréat ou d'un programme de grade standard. Il faut pratiquement oublier les cadres habituels dans lesquels on est habitué de fonctionner.

M. Jutras: Et, avec le projet de loi qui est sur la table et étant donné qu'on parle maintenant d'une école nationale de police, et que vous êtes en train d'élaborer un bac, comment vous voyez cela à ce moment-là? Est-ce que le bac, vous continuez de l'élaborer, et là l'École nationale de formation, vous lui soumettez ce bac-là, et ce sera l'École nationale qui aura le dernier mot, qui l'approuvera? Comment vous voyez ça? J'imagine que vous vous êtes posé la question par rapport au projet de loi.

Mme Paradis (Louise): Comme nous avons toujours travaillé en partenariat avec l'IPQ, qui deviendrait éventuellement l'École nationale, nous savons ou, en tout cas, nous avons certaines assurances à l'effet que la formation devrait répondre aux besoins qui sont exprimés. Ce sont les instances universitaires qui approuveront le programme comme tel.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous avons épuisé le temps imparti au ministériel. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: Mme Paradis, M. Leblanc, Mme Boissonneault, bonjour. Je suis assez content que vous soyez le premier groupe à témoigner ce matin, parce que j'aurais posé cette question-là aux gens de l'Institut de police – je vois Mme Gagnon-Gaudreau, M. Girard, que je salue particulièrement – mais évidemment ce n'est pas eux qui seront les premiers sur la sellette. On a la prétention de penser qu'il y a quelques personnes qui nous écoutent, qui écoutent les travaux de la commission, et, afin d'éclairer ces gens-là qui ne sont peut-être pas au fait de toutes ces questions de formation pour accéder à la profession de policier, est-ce que j'ai raison de croire qu'au moment où on se parle – le projet de loi n'est pas encore adopté – il y a deux façons d'accéder au métier de policier ou à la profession de policier au Québec, toujours par une seule porte d'entrée, c'est-à-dire l'Institut de police du Québec, qui deviendrait éventuellement l'École nationale de police du Québec, mais les étudiants arrivent à l'Institut de police par la voie d'un Diplôme d'études collégiales, un D.E.C., qui est obligatoire et nécessaire pour entrer à l'Institut de police, d'une part... Est-ce que j'ai raison de penser ça? L'un quelconque des intervenants, ça, c'est une des portes?

Mme Paradis (Louise): Effectivement.

M. Dupuis: L'autre étant ce qu'il est convenu d'appeler la façon, moi, je l'appelle «conventionnée», là, je pense que c'est le terme qui est le plus utilisé, qu'il y a des gens qui sont des gens qui ont reçu une autre formation que le D.E.C. et qui doivent aller compléter un certain nombre de cours qui sont en prérequis avant d'accéder à l'Institut de police et qui, finalement, accèdent à l'Institut de police. Est-ce que j'ai raison de penser ça?

Mme Paradis (Louise): Je pense que oui.

M. Dupuis: O.K. Puis peut-être que, si M. Girard me faisait un signe de tête, ça nous aiderait. Plus ou moins? O.K. Plus ou moins. O.K.

Mme Paradis (Louise): Pas nécessairement. C'est ça.

M. Dupuis: Pas nécessairement. O.K.

Mme Paradis (Louise): Dans certains cas, oui.

M. Dupuis: Il reste que le cours à l'Institut de police du Québec est un cours d'environ 13 semaines, si j'ai bien compris, et, une fois qu'on a suivi le cours, bien là on peut être engagé par un corps de police. Donc, Mme Paradis, ou M. Lafrance, ou Mme Boissonneault, il y a une seule porte d'entrée pour devenir policier au Québec, c'est l'Institut de police du Québec. C'est exact?

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Je peux peut-être aider Mme Paradis.

M. Dupuis: Allez-y, allez-y.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): C'est que vous entrez pas mal dans les détails.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): S'il vous plaît.

Une voix: On n'intervient pas à ce niveau-là.

M. Dupuis: ...c'est important pour que les gens comprennent, je pense.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Un instant. Dans la mesure où effectivement on considère madame comme étant parmi les personnes représentant le point de vue des universités, je n'ai pas de problème. Vous vous identifiez, s'il vous plaît?

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Je suis Louise Gagnon-Gaudreau. Je suis la directrice générale de l'Institut de police du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ah bon! O.K. Ah oui, c'est vrai. Merci.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Si vous permettez, je pourrais répondre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bien, allez-y.

M. Dupuis: Moi, je n'ai d'objection parce que je pense que c'est important qu'on commence sur le bon pied puis qu'on comprenne la situation qui existe actuellement si on veut comprendre les changements que le ministre veut y apporter.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...nos travaux. Madame, allez-y.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Alors, on pourrait dire que, depuis plusieurs années, il y a deux façons de devenir policier au Québec. La première voie d'entrée, c'est effectivement en complétant un D.E.C. en techniques policières. En ayant son diplôme, par la suite l'étudiant est admis à l'Institut de police du Québec.

M. Dupuis: Pour un cours de 13 semaines.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): De 13 semaines. La deuxième voie d'entrée, c'est par un service de police. Alors, il y a une ouverture, pour le service de police, d'embaucher des candidats dits conventionnels, des candidats qui devraient normalement répondre à des besoins de clientèles cibles comme les minorités ethniques, les femmes, etc., faire un rattrapage au niveau de ces besoins-là.

À ce moment-là, le candidat est recruté et sélectionné par le service de police avec des préalables différents. Ça peut être des diplômés d'études collégiales, ça peut être des gens qui ont des formations universitaires complétées ou non complétées, enfin un bassin assez hétérogène. À ce moment-là, quand il a réussi tous les tests de sélection du service de police, il est envoyé dans une formation de 24 semaines qu'on appelle l'Attestation d'études collégiales. S'il réussit l'Attestation, c'est-à-dire qu'il est diplômé dans un cégep avec l'A.E.C., il rentre directement à l'Institut de police pour une période de 13 semaines. Il est mêlé avec les gens qui proviennent d'un D.E.C. en techniques policières.

Ce qu'il est très important de comprendre, c'est que la formation qu'on donne à l'Institut de police du Québec actuellement est sur un continuum. C'est une vision de continuum, les 13 semaines que l'on donne ne pourraient pas être données si on n'avait pas le D.E.C. en techniques policières ou l'A.E.C. en techniques policières qui préparent directement à la formation à l'Institut de police, qui n'est que de 13 semaines, contrairement à l'ensemble des écoles de police à travers le monde où la formation, dans une école de police, est beaucoup plus longue.

M. Dupuis: Ça va. Je vous remercie, Mme Gagnon-Gaudreau.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, madame.

M. Dupuis: Moi, je vais vous dire: Donc, il y a une porte d'entrée au métier de policier... Outre ce bassin qui est recruté parmi les gens qui ont fait le Diplôme d'études collégiales et les autres qui ont fait l'Attestation d'études collégiales, il reste qu'il y a une porte d'entrée, et physiquement le cours se donne à l'Institut de police du Québec. Le bac dont vous avez parlé dans votre mémoire... D'abord, à l'Université du Québec – à Trois-Rivières ou ailleurs, à l'Université du Québec en général – il n'y a pas de département de criminologie, hein? Est-ce qu'il y a un département de criminologie?

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Non.

M. Dupuis: Il n'y a pas de département de crimino.

M. Leblanc (Raymond): Non.

M. Dupuis: Le diplôme en droit, c'est un diplôme en techniques juridiques, celui que vous offrez, je pense?

M. Leblanc (Raymond): Celui de l'UQAM, maintenant, s'appelle, à ma connaissance, un diplôme en droit. C'est un Baccalauréat en droit.

M. Dupuis: Baccalauréat en droit qui amène à l'école de formation professionnelle?

M. Leblanc (Raymond): Oui.

M. Dupuis: O.K. Le bac que vous avez le projet de soumettre, il comprendrait combien de crédits, ce bac-là?

M. Leblanc (Raymond): 90 crédits, comme la majorité des bacs de l'université.

M. Dupuis: O.K.

M. Leblanc (Raymond): Il y a quelques exceptions. En ingénierie, le bac est légèrement plus important. C'est souvent par des contraintes, disons, professionnelles que les bacs n'ont pas 90 crédits.

M. Dupuis: O.K. Vous, la formation que vous donnez actuellement, c'est une formation qui est réservée exclusivement aux policiers qui sont déjà en emploi, n'est-ce pas?

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Exactement.

M. Leblanc (Raymond): Oui.

M. Dupuis: C'est-à-dire que vous ne... Bon, outre et y compris, Mme Paradis... Le certificat de premier cycle en gestion des organisations policières, ça s'adresse à des policiers qui sont déjà acceptés, qui... Bon, O.K. Alors donc, vous n'avez pas une contribution, au moment où on se parle, à la formation initiale, si vous voulez, pas du tout. C'est exact?

Mme Paradis (Louise): On se situe tout à fait dans le contexte de la formation continue, effectivement.

M. Dupuis: O.K. Est-ce que vous estimez, après avoir réfléchi à ces questions-là... Est-ce que vous avez réfléchi à la question de savoir s'il était opportun de conserver une seule porte d'entrée au métier de policier en termes de formation initiale? Est-ce que vous vous êtes interrogés là-dessus?

(11 heures)

M. Leblanc (Raymond): Pas personnellement. Je vous dirais que, dans le fond, à certains égards c'est une question qui va au-delà, un peu, de la préoccupation qui nous amenait à intervenir à la commission parlementaire, mais je vous dirais que je pense que... Si vous me demandiez: Pour un comptable, est-ce que c'est mieux d'être C.A., ou C.M.A., ou quelque autre association? je vous dirais que le programme de comptabilité à Trois-Rivières, il mène à toutes ces accréditations-là. Donc, nous, essentiellement, ce qu'on se proposait de faire, c'était d'offrir à travers la province, grâce à un partenariat qui implique la très grande majorité des universités, un programme de formation pour des policiers qui sont en exercice.

On ne s'est pas posé la question à savoir si à l'entrée il fallait avoir d'autres avenues, mais, essentiellement, ce qu'on voulait, c'était offrir un guichet unique pour la formation continue parce qu'on pense qu'il y a un avantage à assurer que la formation qui sera donnée à Rouyn, ou à Hull, ou à Trois-Rivières, ou à Rimouski soit intégrée de façon à ce que les expertises qui sont disponibles dans ces différents établissements là puissent être mises en collaboration à travers les différentes ententes qu'on a avec ces partenaires-là et que ça permette, disons, de garantir une sorte d'homogénéité de la qualité du programme qui allait être offert pour les policiers en formation.

M. Dupuis: Alors, dans le fond, ce que vous venez représenter aujourd'hui, c'est toujours dans la lignée de... Dans le fond, ce que vous venez dire aujourd'hui, essentiellement, c'est que vous venez témoigner du fait que vous êtes prêt à continuer, de la façon dont vous l'expliquez dans votre mémoire, à vous intéresser à la formation continue des policiers qui sont déjà en exercice, mais que, sur les questions de formation initiale, vous n'avez rien à dire sur le système qui existe actuellement. Est-ce que c'est ça à peu près que je dois comprendre, en synthèse, là? Sans trop nuancer mais en synthèse.

Mme Paradis (Louise): Nous comprenons que la voie actuellement d'accessibilité pour la fonction de policier patrouilleur, c'est la voie du collégial technique avec la formation à l'Institut de police. Et nous pensons que, au-delà de cette première formation, nous, les universités, pouvons jouer un rôle au niveau de la formation continue pour ce qui est de la formation des enquêteurs et des gestionnaires.

M. Dupuis: O.K. Évidemment, vous êtes consciente, Mme Paradis, quand je dis Mme Paradis, je m'adresse aussi à M. Leblanc ou à Mme Boissonneault, celui qui voudra répondre, vous êtes conscients du fait que la formation que vous offrez aux policiers dépend évidemment beaucoup de la motivation personnelle des policiers et/ou du service de police pour lequel ils travaillent et des exigences du service de police.

Dans le fond, il y a beaucoup une question de bonne volonté de la part des policiers eux-mêmes, et je ne dis pas qu'ils n'en ont pas, là. Loin de moi l'idée de penser que les policiers n'ont pas de bonne volonté, ils ne veulent pas parfaire leur formation, mais ça dépend tout de même de la bonne volonté des policiers et ça dépend évidemment du service de police pour lequel ils travaillent. On s'entend là-dessus. Il n'y a pas de coercition qui est exercée, exact?

M. Leblanc (Raymond): Non. Alors, vraiment, ça s'exerce aussi pour tous les autres programmes, on ne rentre pas les étudiants de force dans les universités.

M. Dupuis: O.K. Évidemment, j'insiste là-dessus, sur la formation initiale, vous n'avez pas vraiment de représentation à faire aujourd'hui sur la façon dont la formation initiale se donne au moment où on se parle. J'irais même jusqu'à dire, corrigez-moi si je me trompe, que vous êtes parfaitement satisfaits, comme gens de formation, vous êtes intellectuellement satisfaits de la façon dont ça se fait actuellement.

Mme Paradis (Louise): Nous pensons que la formation qui est donnée actuellement pour le policier patrouilleur est une formation qui convient, avec tous les avantages et les inconvénients que ça peut poser bien évidemment, avec toute la dispersion de qualité qu'on peut retrouver dépendamment des institutions qui offrent ces formations. Sur cette question-là, nous ne faisons pas de représentation ce matin.

J'aimerais peut-être compléter par deux aspects la question précédente que vous avez posée. C'est bien vrai que nous n'allons pas pousser le policier à venir suivre des cours universitaires, mais, si je comprends bien le projet de loi, chaque corps de police devra faire un plan de formation pour chacun de ses policiers. Nous pensons que les policiers, s'ils sont vraiment des professionnels comme on veut qu'ils soient et s'ils veulent vraiment que la société québécoise soit bien protégée, auront la motivation pour poursuivre leur formation et que les corps policiers les encourageront fortement à le faire pour la sécurité du public.

M. Dupuis: Mais dans le fond, Mme Paradis, la vraie question, c'est peut-être la suivante: Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt initialement, dans la formation initiale, rechercher la meilleure formation possible, la plus complète possible, celle où il y a le moins d'inconvénients comme vous l'avez mentionné? Parce que justement la profession de policier, le métier de policier est de plus en plus exigeant. Parce que les lois sont de plus en plus complexes, parce qu'on demande aux policiers de posséder en eux des qualités incroyables, est-ce qu'on ne devrait pas plutôt envisager une formation initiale beaucoup plus complète que celle que le projet de loi ne semble le suggérer?

M. Leblanc (Raymond): Si on parle d'une formation initiale, disons, qui donnerait accès à travers un baccalauréat universitaire standard à la fonction de policier, j'imagine que cette formation initiale là serait constituée essentiellement d'un certain nombre de cours ou de crédits en psychologie, en sociologie, en droit, en éducation physique, puis peut-être des choses un peu plus spécifiques sur la gestion d'un corps policier, le contrôle des foules et j'en passe, puis que dans le fond finalement il n'y a pas actuellement de programme qui répond effectivement à un tel profil.

C'est peut-être attribuable au fait que le travail d'un policier est constitué de beaucoup de facteurs, de beaucoup d'éléments et que c'est difficile d'imaginer que quelqu'un qui aurait fait un Bac en psychologie ferait un meilleur policier que quelqu'un qui passe à travers le système actuellement. Quelqu'un qui aurait fait un Bac en éducation physique courrait peut-être plus vite, mais il serait peut-être moins bon sur le plan psychologique dans une dispute dans un couple.

Finalement, tout ça pour dire que dans les faits je pense que le genre de formule que nous mettons de l'avant répond davantage à leurs besoins. Et je m'appuierais sur le fait que c'est une formule dans le fond qui vient de la base, c'est un peu les gens de la base qui ont exprimé et fait connaître aux universités leurs besoins. Et c'est dans ce sens-là, je pense, que le profil que nous proposons répond plus adéquatement au besoin du policier tel qu'eux autres le perçoivent. C'est sûr que, si je mets mon chapeau de professeur d'université, je peux peut-être définir, dans mon bureau ou dans ma classe, un prototype ou un paradigme de la formation du policier, mais, si ça ne repose pas sur une expérience concrète et sur une expérience qui vient du terrain, je craindrais qu'elle tourne à vide.

Alors, pour nous, à Trois-Rivières, en général, quand on essaie de créer un programme, c'est un peu avec cette approche-là qu'on attaque la question: on consulte d'abord la base pour s'assurer qu'on répond aux besoins du milieu.

M. Dupuis: Mme Paradis.

Mme Paradis (Louise): Oui. Simplement pour compléter. Ce que nous comprenons dans le projet de loi, c'est que le D.E.C. technique avec la formation à l'IPQ serait pour le policier patrouilleur. Et à ma connaissance le programme de D.E.C. technique a été révisé dernièrement sur la base des analyses de situations de travail, qui ont amené à conclure que c'est au niveau collégial que la rencontre des objectifs du policier patrouilleur pourrait se retrouver. Alors, de ce point de vue là nous pensons que les analyses de situations de travail qui ont été faites pour le policier patrouilleur ont été bien faites et qu'elles ont mené à la conclusion que c'est au niveau collégial que cette fonction-là pouvait le mieux être servie.

M. Dupuis: Mme Paradis, M. Leblanc, j'aurais beaucoup de plaisir à continuer à discuter avec vous. Je vais laisser mon collègue de Jacques-Cartier qui a une question à vous poser. Mais je ne vous laisserai pas, Mme Paradis, sans vous lire un extrait de l'article 10 qui dit: «L'École a l'exclusivité – exclusivité – de la formation professionnelle qualifiante initiale du personnel policier permettant d'accéder aux pratiques de patrouille-gendarmerie, d'enquête et de gestion policière.» Alors, la formation initiale, pour les trois fonctions, se fait à l'IPQ, dans le projet de loi.

Mme Paradis (Louise): Il n'y a rien qui empêchera l'IPQ de déterminer que la formation initiale pour les enquêteurs pourrait être quelque chose de niveau universitaire, d'après ce que j'en comprends.

M. Dupuis: Je vais laisser le député de Jacques-Cartier continuer.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames et messieurs. Moi, j'ai juste une question sur comment votre proposition améliorera... Le ministre a parlé dans ses remarques préliminaires des nouvelles réalités, des enjeux nouveaux, et un qui fait souvent les manchettes, c'est les relations avec les minorités. On pense à New York en fin de semaine où il y avait une décision d'une cour qui a fait couler beaucoup d'encre, aux accusations contre la police de Saskatoon, aux accusations contre la police de Winnipeg récemment concernant un appel 9-1-1 auquel les policiers n'ont pas répondu assez rapidement.

(11 h 10)

Alors, c'est où ou dans quel moyen à la fois est-ce qu'on peut voir dans votre proposition une façon d'améliorer les relations interculturelles ou la meilleure connaissance à la fois dans le milieu montréalais surtout, avec beaucoup de minorités, mais également avec la réalité autochtone? Au Québec, on a de plus en plus de policiers qui sont membres des corps de police des différentes nations. Alors, comment est-ce que, à la fois, votre proposition peut bonifier la connaissance des policiers à ces nouvelles composantes de la population québécoise?

Mme Paradis (Louise): Dans ce que nous appelons la formation spécifique, le 60 crédits de formation spécifique, nous pensons que les universités qui ont développé les champs d'expertise dans ces domaines-là pourraient contribuer effectivement à développer cette formation-là sur la base des besoins qui nous seront exprimés par l'IPQ et sur la base des analyses de situations de travail, qui nous seront livrées à partir de devis que la future École nationale de police pourra nous livrer. Certaines universités sont déjà engagées dans des formations avec les autochtones. On pense à l'Université du Québec à Chicoutimi, par exemple, et à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. On pense à Hull aussi qui a développé des programmes de formation pour les minorités ethniques et on pense à l'UQAM qui a une expertise aussi dans ce domaine-là. Donc, c'est grâce à la collaboration de ces partenaires que nous pourrons envisager, donc, de développer des formations spécifiques qui pourraient être au coeur du 60 crédits dont nous avons parlé.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste, au nom des membres de la commission, à remercier les représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières, notamment M. Raymond Leblanc et Mme Louise Paradis et aussi Mme Lucie Boissonneault. Merci pour votre contribution.

Sur ce, étant donné l'heure, nous allons enchaîner immédiatement, avec la collaboration des membres de la commission, avec les représentants de l'Université de Montréal que j'invite à bien vouloir s'avancer vers la table, tout en rappelant que la commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Alors, avec votre collaboration nous allons enchaîner, s'il vous plaît.

Donc, les représentants de l'Université de Montréal, notamment Mme Claire McNicoll, vice-rectrice à l'enseignement de premier cycle et à la formation continue. Je rappelle, Mme McNicoll, que nous avons une heure de réservée pour le présent échange, avec 20 minutes au maximum pour la présentation proprement dite. Alors, vous avez la parole, et je vous demanderais bien sûr de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


Université de Montréal (UdeM)

Mme McNicoll (Claire): Merci, M. le Président. Alors, je vous présente les personnes qui m'accompagnent: M. Guy Lemire, qui est directeur de l'École de criminologie de l'Université de Montréal, ainsi que M. Alexandre Chabot, qui est représentant aux relations institutionnelles de l'Université. Je veux également signaler que le mémoire qui vous a été déposé est un mémoire qui a été fait, sous la coordination de mon bureau, par Mme Suzanne Fauteux et qu'il a requis la contribution de M. Guy Lemire, de l'École, Mme Anne-Marie Boisvert, qui est professeur titulaire à la Faculté de droit, spécialiste en droit pénal, ainsi que Mme Fabienne Cusson, qui est responsable du Certificat en gestion appliquée à la police et à la sécurité de la Faculté de l'éducation permanente.

Je ne ferai bien sûr pas la lecture du mémoire, mais je vais insister sur un certain nombre de points. Tout d'abord, je voudrais signaler que ce qui amène l'Université de Montréal à se présenter devant la commission aujourd'hui, c'est le fait qu'elle estime qu'il y a un enjeu sociétal bien sûr dans la formation de la police, et nous interviendrons sur l'aspect formation universitaire.

Nous reconnaissons tout à fait le système en place qui accrédite les policiers actuellement par le biais de l'IPQ, avec les voies qui ont été mentionnées tout à l'heure, mais nous voulons signaler qu'il devrait exister des voies multiples d'entrée dans la police, et j'interviendrai également là-dessus. La raison pour laquelle nous faisons la promotion d'une formation supérieure en police bien sûr tient au fait de la complexification de la fonction policière et de la professionnalisation de la pratique du métier.

On sait que cela se fait dans nos sociétés à l'intérieur d'un cadre juridique qui se complexifie. Les aspects droit des citoyens, charte des droits et les aspects respect des règles de preuves, notamment, sont essentiels dans la fonction d'un policier. Ils sont des maillons essentiels de notre système de justice, et nous croyons donc qu'ils doivent maîtriser suffisamment les éléments qui les amènent à intervenir auprès des citoyens.

Ils sont également aux prises avec une réalité de plus en plus complexe. Parlons de crimes économiques, de criminalité transnationale, de problèmes sociaux divers qui sont leur lot quotidien: violence conjugale ou familiale, toxicomanie, jeunes contrevenants, hétérogénéité ethnique et culturelle. Ce sont des éléments qui colorent la pratique policière de tous les jours, sans compter bien sûr les impératifs déontologiques qui sont liés à l'exercice même de leurs pouvoirs auprès des citoyens.

Ils pratiquent par ailleurs ce métier dans le cadre d'une évolution technologique à la fois chez les criminels et du côté de ceux qui tentent de les dépister ou de les réprimer. Et un élément qui n'est pas innocent, je dirais, dans l'exercice de leur fonction, ce sont les nouveaux styles de gestion où on tente de donner une plus grande liberté d'action, et la mise en place des polices de quartier, par exemple, est un élément important de cette... c'est une expression de la façon dont les policiers doivent avoir un peu plus de marge de manoeuvre.

En somme, le métier de policier entraîne une difficulté de plus en plus grande dans sa pratique, et je pense qu'il faut lever son chapeau aux gens qui le pratiquent. Mais il faut qu'ils soient bien encadrés, et un des éléments de leur encadrement, je crois, c'est la formation, d'où, donc, la nécessité d'une formation plus large et qui met les policiers, dès le début de leur formation, en contact avec d'autres personnes que seulement les futurs policiers.

En somme, si nous militons en faveur de plusieurs voies d'accès à la pratique policière, c'est parce que nous pensons que la formation en vase clos risque d'entraîner le type de problèmes que le ministre a soulevés dans ses remarques d'introduction et qui ont été soulignés à l'envie par les différents rapports sur la formation de la police qui ont été publiés au cours des dernières années ou dans les rapports d'enquête que le ministre et le député de Saint-Laurent ont soulignés.

Lorsqu'il s'agit de préparer des personnes qui deviendront enquêteurs et gestionnaires, il nous apparaît que l'on devrait aller au-delà de la seule formation du D.E.C. On peut avoir compris, des échanges qui ont eu lieu jusqu'à maintenant, que c'est ce que visent les articles 10 et 11 de la section II du projet de loi n° 86, mais nous pensons que cela n'est pas actuellement lumineux dans la façon dont le projet est rédigé et nous pensons – nous l'indiquons à la page 12 de notre rapport – que c'est un élément qui devrait être clarifié. Cela devrait être clair.

Par ailleurs, ce que nous pensons également, c'est qu'une formation supérieure s'acquiert dans des programmes universitaires où se trouvent actuellement les ressources nécessaires, et on devrait faire appel à ces ressources professorales et de documentation, notamment, sur la base de l'expertise reconnue. Et c'est la raison pour laquelle l'Université de Montréal se présente devant vous aujourd'hui. Elle a, depuis de très nombreuses années bien sûr, une Faculté de droit qui compte parmi les grands constitutionnalistes et les grands pénalistes. Elle compte également bien sûr son École de criminologie. Elle offre un Bac en criminologie, elle offre un Bac en sécurité et police, elle offre un Baccalauréat en droit, une série d'autres programmes de travail social et différents programmes de certificat qui ont été développés par sa Faculté d'éducation permanente dans des domaines comme violence, victime et société, intervention auprès des jeunes, intervention en milieu multiethnique.

(11 h 20)

Bref, elle propose déjà à toutes les populations des programmes qui permettent d'approcher et de comprendre les différents problèmes qui sont le lot des personnes qui travaillent avec des populations particulières, avec des clientèles particulières, mais différentes approches de ces problèmes qui sont également, de toute évidence, utiles aux policiers.

L'Université de Montréal mentionne qu'elle est d'accord pour donner un rôle de coordination à l'École nationale de police en termes de définition des projets de formation ou des demandes de formation, parce que nous comprenons que le conseil d'administration qui est proposé serait constitué, notamment, de gens provenant des corps de police et à qui incomberait le devoir de partager les différentes avenues de formation que l'École nationale serait invitée à mettre en place.

Là où nous avons quelques difficultés bien sûr, c'est dans la façon dont est rédigé l'octroi d'un statut universitaire à l'École nationale de police. Nous pensons qu'il existe encore une fois dans les universités existantes des ressources nécessaires pour la formation et la recherche, et il n'est encore une fois pas évident, dans la rédaction des deux articles que j'ai mentionnés, que l'École nationale doit être en quelque sorte le courtier ou le demandeur auprès des universités de ces formations. Nous croyons que cela doit être précisé.

La seconde question sur laquelle je voudrais intervenir, c'est la question de la façon d'approuver les différents programmes. Là également le projet de loi, bien qu'il fasse mention des conditions que déterminent les deux ministres – on comprend que c'est le ministre de la Sécurité publique et le ministre de l'Éducation, les conditions que ceux-ci déterminent – ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que ces conditions-là, bien qu'elles s'appliquent à des programmes pour policiers ou parce qu'elles s'appliquent à des programmes pour policiers, devraient être les mêmes que celles qui s'appliquent à l'ensemble des programmes universitaires.

Nous rappelons que les programmes universitaires sont développés à l'intérieur des universités. La plupart du temps, quand il s'agit de travaux en collaboration dans des domaines professionnels comme celui de la police ou l'ensemble des domaines où nous collaborons avec des corporations professionnelles pour établir nos programmes, ces programmes sont donc établis, enfin conçus à l'intérieur de l'université en collaboration avec les partenaires, mais ils sont soumis à la Commission d'évaluation des programmes de la CREPUQ qui examine la qualité des programmes présentés, à la fois dans leur structure, mais également, une chose très importante, dans la qualité des ressources qui sont mises à contribution par l'université pour assurer ces programmes. Et le ministre de l'Éducation, dans la formule actuelle, enfin dans l'économie générale du système universitaire, décide de l'opportunité d'ouvrir le programme.

Et ce que nous disons, c'est que, quand on fait référence aux conditions que les ministres déterminent, on devrait faire explicitement référence au fait que cela doit être sur la base de ce qui se fait pour l'ensemble des programmes universitaires. Autrement, on pourrait risquer de tomber dans un certain arbitraire, et je ne crois pas qu'il serait à l'avantage ni de la police, ni de sa formation, ni de la société en général de se trouver devant des programmes qui sont approuvés avec une certaine possibilité d'arbitraire. Bien sûr, on peut penser que dans nos sociétés développées, c'est le genre de chose qui ne se produit pas, mais disons que, si les textes légaux sont explicites, on a une meilleure défense.

Si nous présentons le souhait de formation de niveau universitaire comme nous le présentons non pas qu'on pense que cela doive s'appliquer à tous les policiers, entendons-nous bien, là, mais, lorsque l'on doit passer à la gestion ou l'enquête, il nous semble que la formation des policiers devrait être à la fois générale et spécifique. Elle doit être fondamentale dans le sens où elle doit, enfin, contenir des éléments concernant bien sûr la sociologie, la science politique, la psychologie, le travail social, pour parler de grands domaines dans lesquels on peut aller chercher des ressources pour former des policiers à la compréhension des différents problèmes sociaux, mais elle doit également, cette police, être formée sur la base des éléments de droit ou des éléments de criminologie qui doivent faire partie, je dirais, de l'équipement, de la trousse d'intervention d'un policier.

Je pense que nous faisons référence dans notre mémoire à ce que pratiquent d'autres sociétés. On fait évidemment allusion à ce qui se passe actuellement en Saskatchewan, mais on a également déposé les objectifs qui sont annoncés par l'Université de la Sorbonne pour former les policiers en France et en somme on observe une convergence avec les commentaires que nous faisons quand on regarde ce que des sociétés autres font pour la formation de la police.

Je pense que, une chose sur laquelle nous voulons insister, c'est le fait de ne pas encourager la duplication des ressources. Je répète que, à la façon dont le projet de loi est présenté, il n'est pas du tout évident qu'il n'y aura pas des investissements importants à faire du côté de l'École nationale de police. Vous savez que les universités ont fait des travaux importants pour examiner l'ensemble de leurs programmes et éviter précisément la duplication de ressources. Nous sommes invités, tous, à le faire. Ça vaut pour l'éducation, ça vaut pour d'autres secteurs, mais je pense que ça devrait valoir également pour la formation de la police.

Pour ce qui est de l'accessibilité, il est important en effet que les policiers en exercice qui veulent poursuivre leurs études au niveau universitaire d'abord puissent avoir accès bien sûr à des programmes autres que les seuls programmes destinés à la police. C'est une chose importante, mais c'est également important qu'ils aient accès en effet à l'ensemble des universités. Je reviendrai peut-être sur la question du programme de perfectionnement dont a parlé l'Université du Québec à Trois-Rivières, plus tard.

Je laisserais M. Lemire compléter s'il a des commentaires à ajouter sur cette formation.

M. Lemire (Guy): Merci. Alors, peut-être quelques précisions et quelques mises en perspective, parce que, vous savez, comme l'a dit Mme McNicoll, l'École de criminologie est impliquée dans des questions reliées à la délinquance et à la police depuis 40 ans.

Nous avons à l'heure actuelle un Bac en sécurité et police, et ça, c'est pour des clientèles universitaires régulières de base qui arrivent du cégep. La décision prise par l'Université de Montréal de mettre sur pied ce baccalauréat-là précède le projet de loi qui est devant vous aujourd'hui.

Nous, c'était basé sur le fait que, évidemment – maintenant sur lequel, je pense, il y a une convergence, mais c'était peut-être moins évident il y a quatre, cinq ans – le domaine de la sécurité, parce que c'est un bac qui concerne sécurité et police, donc le domaine de la sécurité intérieure, c'est un domaine qui se complexifie et qui demande des services de plus en plus professionnels.

On s'est dit, nous: Évidemment, si à court terme peut-être que demain matin il n'est pas nécessaire pour un patrouilleur d'avoir une formation universitaire, ça va peut-être être le cas dans 10, 15 ans; pour le moment ce n'est probablement pas nécessaire, mais c'est certainement nécessaire – je pense qu'il y a un accord là-dessus maintenant – que les enquêteurs et les gestionnaires aient cette formation universitaire.

Alors, bien sûr le jeune qui a 18, 19 ans et qui veut faire carrière dans la police, il veut gravir les échelons. Ce qu'il veut faire à l'heure actuelle, de façon légitime, c'est de dire: Puisque, moi, je dois monter, je ne veux pas me contenter d'être patrouilleur toute ma vie, je vais aller chercher cette formation universitaire nécessaire pour aller plus loin.

Alors, évidemment, là, ça va – peut-être qu'on y reviendra tantôt – poser le problème du fait que certaines personnes peuvent avoir un D.E.C., et ça, c'est suffisant pour accéder au métier de patrouilleur, mais il y a des gens qui vont avoir une formation universitaire spécialisée dans le domaine sécurité-police puis qui n'auront pas nécessairement un D.E.C. en techniques policières. Mais ces gens-là, dans le cadre actuel, seraient obligés de retourner au cégep après avoir fait un bac spécialisé universitaire.

(11 h 30)

Alors, est-ce qu'on peut se permettre ça? Est-ce que tout ça, c'est cohérent? Même à l'époque, je dois dire, quand on a pensé pour la première fois à notre Bac en sécurité-police, nous, on pensait à un bac intégré collégial-université. On pense d'ailleurs toujours que l'avenir est dans ce domaine-là. Mais, semble-t-il, à court terme, ce n'était pas réalisable. Mais, manifestement, à partir du moment où la formation universitaire est nécessaire pour accéder au poste d'enquêteur et de gestionnaire et que les jeunes vont vouloir avoir cette formation universitaire, toute la question de l'harmonisation des relations avec la formation collégiale va se poser.

Et nous pensons aussi que, dans ça, chaque institution ou chaque niveau d'institution a son expertise. Il n'y a pas une façon... Nous ne prétendons pas qu'à l'Université de Montréal nous ayons la façon de faire, hein. La formation qui est donnée dans les cégeps est tout à fait compétente, nous le réalisons. L'Université de Montréal a une autre façon de faire, et probablement que le programme mis sur pied pour la formation continue sous la direction de l'Université du Québec à Trois-Rivières va également avoir sa pertinence, d'où, pour l'Université de Montréal, la nécessité de s'ouvrir à différents modèles de formation. Nous pensons qu'on est dans un système de concurrence et, dans le fond, que les meilleurs gagnent. C'est ce qu'on fait d'ailleurs dans le ministère de la Sécurité publique pour d'autres professionnels, on n'exige pas un profil tout à fait particulier et étroit, on choisit des agents de probation qui viennent des fois de criminologie, de service social, etc. Et, moi, je suis convaincu que les agents de probation sont aussi compétents que les policiers, malgré cette diversité de formation. Et on souhaiterait qu'il y ait une ouverture, dans le cadre d'une saine concurrence, au Québec.

Un dernier point que je voudrais souligner qui me semble important, c'est que, si on veut véritablement avoir une formation universitaire de calibre, il doit y avoir intégration de l'enseignement et de la recherche. Ça, c'est prioritaire. On ne peut pas se contenter de faire de la formation et de penser que c'est de calibre universitaire si la formation n'est pas inspirée, n'est pas nourrie par la recherche. Et on pense, de ce côté-là, qu'il devrait y avoir des développements aussi importants au niveau de la recherche que dans l'enseignement si on pense qu'on doit avoir une police de calibre, à l'avenir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci, M. Lemire. Merci, Mme McNicoll. M. le ministre.

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup de ce rapport. Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir. J'ai trouvé qu'il démontrait une connaissance en profondeur des exigences du métier de policier, de son évolution dans le monde civilisé actuellement. Il est certainement de la qualité que l'on attend d'une université et même, je dirais, de la plus grande et de l'une des plus vieilles du Québec, en plus d'être mon alma mater, mais ça... J'essaie de lui faire honneur, ce qui est difficile, parce qu'il y a beaucoup de concurrence parmi les...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Et, j'allais dire, vous les avez nommés. Je l'ai trouvé aussi bien écrit, ce qui est aussi une caractéristique. D'ailleurs, c'est seulement quelques extraits qui m'ont frappé, quand vous dites dans le préambule: «L'Université de Montréal souscrit d'emblée à la volonté du législateur de promouvoir la formation supérieure des policiers et spécialement la formation de niveau universitaire. Ce choix s'inscrit dans une tendance notée dans plusieurs pays occidentaux et il fait écho aux nombreux rapports publiés ces dernières années, rapports auxquels des universitaires, dont plusieurs de l'Université de Montréal, ont d'ailleurs contribué.»

J'ai remarqué aussi que vous disiez – je pense c'est vous qui le disiez – qu'évidemment ça n'empêchait pas vos professeurs d'avoir des idées différentes. Je citerai peut-être un de vos professeurs qui a eu une idée différente là-dessus, cette citation de vous. J'ai remarqué avec amusement aussi que, sur la professionnalisation, à la page 7, vous disiez que «la pratique du métier de policier évolue dans le sens de confier une plus grande responsabilité aux policiers de base et à leur laisser une plus grande liberté d'action» et donc complique l'intervention lorsqu'ils en abusent, comme nous avons pu voir récemment.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

M. Ménard: Vous croyez? Je ne sais pas. Mais ça ne fait rien. Enfin, ça fait juste compliquer, ça ne l'empêche pas, comme vous voyez.

Ensuite, j'ai remarqué aussi – puis je pense que ça exprime une des pensées fondamentales sur lesquelles j'aimerais discuter avec vous... Vous dites, à la page 8: «Une approche favorisant des formations différentes et complémentaires aurait aussi l'avantage de favoriser l'ouverture aux influences extérieures dans les organisations policières, de contrer "l'inbreeding" néfaste à toute institution et de développer l'esprit critique à l'intérieur des organisations.»

Est-ce que je me trompe en pensant que... Si je comprends bien votre rapport, je crois que, si nous avions proposé la formation d'un collège d'état-major, vous auriez été contre.

Mme McNicoll (Claire): D'un collège d'état-major.

M. Ménard: Oui.

Mme McNicoll (Claire): C'est-à-dire?

M. Ménard: Comme il y en a dans les Forces armées, c'est-à-dire un collège où il faut passer avant de devenir officier ou encore où sont envoyés les officiers qui nous semblent avoir le plus d'avenir et auxquels on veut donner une formation. Parce que c'est une idée qui a déjà flotté dans le passé. Mais là ç'aurait été l'«inbreeding». Enfin, je ne sais pas.

M. Lemire (Guy): Nous n'aurions pas été favorables à une telle mesure. Je pense que le raisonnement de base que j'ai voulu tantôt, c'est de dire qu'à l'avenir pour les enquêteurs et les commandants et les gestionnaires, la formation universitaire va être nécessaire, oui, mais en pensant que les jeunes vont vouloir se préparer dès maintenant à avoir accès à cette formation requise quand ils vont vouloir avoir une promotion dans quelques années et non pas être obligés, sur leur temps, le soir, la fin de semaine, à aller acquérir cette formation-là.

M. Ménard: O.K. Donc, je pense que je vous ai compris en profondeur. Remarquez que ce n'était pas difficile parce que c'est vraiment... Pour quelqu'un, en tout cas, qui a pataugé pendant quelques années dans ce qui se fait dans le monde, dans les problèmes qui se posent, il y a là une convergence de pensées remarquable, malgré les différences que vous avez exprimées avec ce que dit la loi.

Je voudrais peut-être corriger, avant d'aller plus loin, une impression, M. Lemire, que vous avez exprimée. Il faut bien comprendre qu'il n'y a rien dans la loi qui empêche que les corps policiers exigent la formation universitaire pour atteindre le niveau d'enquêteur ni que le ministère l'exige. Mais ce genre de chose, puisque nous partons d'un état de fait où ce n'est pas le cas, doit être fait nécessairement par règlement, puisque les règlements permettent de s'adapter à l'évolution de la situation. Entre autres, ce règlement devra reconnaître les acquis pour ceux qui l'ont exercé pendant un certain temps. Donc, il n'y a rien qui l'empêche.

Maintenant, il y a un autre aspect aussi sur lequel je voudrais avoir vos réflexions. Vous réalisez quand même que l'on peut enrichir les corps policiers non seulement en faisant entrer des gens qui ont différentes formations, mais aussi en intégrant dans leurs rangs et dans l'organisation l'apport de civils. Parce que vous n'en parlez nulle part, et j'ai l'impression des fois que... Voyez-vous, c'est vrai que nous avons adopté le point de vue des corps policiers, que, pour être agent de la paix, il faut avoir reçu une formation de base et que même ceux qui ont une formation universitaire et qui veulent entrer et devenir agent de la paix, avoir cette qualité qu'ont actuellement même les membres de l'état-major – sauf le directeur, qui, lui, est un civil, n'est-ce pas – il doit y avoir une formation que tous les agents de la paix ont eue.

Mme McNicoll (Claire): On a mentionné dans notre rapport qu'on reconnaît, par exemple, que... Par exemple, la Sûreté du Québec, au printemps 1998, a embauché des enquêteurs pour lesquels un diplôme de maîtrise était exigé, mais, enfin, on ne s'est pas avancé sur le terrain de savoir s'ils devaient être des agents de la paix parce que ça n'était pas évident pour nous.

M. Ménard: Oui, O.K. Remarquez qu'on en a engagé sept, mais on les a retournés pour faire effectivement... Bon.

Mme McNicoll (Claire): Mais, en fait, c'est le cadre réglementaire actuel qui l'exige, n'est-ce pas?

M. Ménard: C'est exact.

Mme McNicoll (Claire): Alors, peut-être qu'il pourrait être modifié aussi.

M. Ménard: Oui, ça peut évoluer avec le temps. Mais je peux vous dire qu'actuellement puisqu'on a cet échange, je crois que quelle soit la formation universitaire que l'on a, si l'on veut entrer dans les corps policiers comme agent de la paix et, par conséquent, s'inscrire dans la hiérarchie éventuellement, l'on devrait avoir une certaine formation de base...

Mme McNicoll (Claire): M. le ministre, dans la...

(11 h 40)

M. Ménard: ...quitte à ce que nous ayons recours, par contre, surtout dans les enquêtes spécialisées, à des comptables agréés, dans les fraudes, à des informaticiens, à des avocats, à des psychologues et certainement à des criminologues, dans l'organisation de la police communautaire parfois.

Mme McNicoll (Claire): Oui, oui. Ça va.

M. Ménard: Bon. Je comprends... Maintenant, une autre de vos inquiétudes que je reçois et sur lesquelles je promets de réfléchir. Mais est-ce que je me trompe en pensant que c'est vis-à-vis l'école, c'est-à-dire le rôle des universités par rapport à l'existence d'une école nationale... Et je comprends que probablement que vous la comprenez de la même façon que M. Corbo et que les gens de l'Université de Trois-Rivières comme quand même un lieu virtuel de concertation et d'intégration de l'enseignement.

Mais vous êtes inquiets sur la rédaction de l'article 11, qui est: «Par voie d'entente, l'École peut confier à des établissements d'enseignement de niveau collégial ou universitaire, ou à une municipalité, le mandat de concevoir ou de donner ses cours de formation et certaines portions de ses programmes d'étude.» Donc, il est évident que les mots «peut confier à des établissements d'enseignement [...] universitaire [...] le mandat de concevoir ou de donner ses cours et certaines portions de ses programmes d'étude» s'appliquent à l'université. Vous n'acceptez pas qu'une université se fasse donner un mandat. Vous voudriez que l'université, dans l'exercice de sa liberté académique, crée le programme, quitte à consulter pour le faire correspondre le mieux possible aux besoins, mais que l'université garde toute liberté et n'ait pas cette contrainte de passer une entente.

Mme McNicoll (Claire): Non, ça n'est pas du tout ce que l'on pense, ce n'est pas ce que notre mémoire dit non plus. Quand on dit qu'on reconnaît à l'École nationale le rôle de coordination, ce à quoi on pense, c'est que l'École devrait établir les devis de formation et convenir avec les universités des programmes, des programmes que celles-ci, les universités, pourraient offrir. Et je pense qu'il y a forcément place à discussion dans une opération comme celle-là. C'est ce que nous faisons avec...

Actuellement, je pense que le meilleur modèle, c'est celui qui s'applique aux différentes corporations professionnelles avec lesquelles nous travaillons. Ce ne sont pas les corporations professionnelles qui dictent le contenu de chacun des cours d'un programme, parce qu'on pense que, dans l'université, il y a des spécialistes qui sont en mesure de dire les contenus précis qui devraient être offerts dans chacun des cours. Cependant, les corporations professionnelles établissent les objectifs qu'elles poursuivent et nous disent périodiquement: Vos étudiants, par exemple, n'ont pas acquis tel type de compétence, on veut que cela fasse partie de votre programme, de sorte que ce que nous faisons, c'est corriger le programme en conséquence. Parce qu'il arrive que nous ayons avec les corporations des accréditations périodiques, et nous devons répondre à un certain nombre de critères. Et je pense que l'esprit dans lequel nous pensons que l'École nationale devrait travailler, c'est celui-là.

Mais ce qui m'inquiétait plus, c'est-à-dire l'ambiguïté que je trouve, c'est l'utilisation du «ses – s-e-s – cours de formation» dans l'article 11. Là, enfin, on ne fera pas de la grammaire ici, mais ça pourrait très bien référer plus à l'École qu'à l'université, puisqu'on parle des établissements universitaires au pluriel et de «ses cours», s-e-s, pour l'École. Alors, quand on dit que cela devrait être précisé, c'est le genre de choses que l'on dit.

Comme, si je fais référence à l'article 10 – enfin, on en a parlé tout à l'heure – «la formation professionnelle qualifiante initiale du personnel policier permettant d'accéder aux pratiques de patrouille-gendarmerie, d'enquête et de gestion policière», tout ça dans un seul train d'énumération, il nous paraît que, là, ce n'est pas... Ce qu'on devrait entendre clairement de ça, c'est que l'École nationale de police a l'exclusivité de ces formations professionnelles qualifiantes. Et c'est là où on dit qu'on pense qu'il y a des éléments dans les universités, il y a des ressources dans les universités qui devraient permettre de faire ce type de formation là.

Moi, je pense seulement aux questions d'enquêtes, appelons-les biotechnologiques ou des biotechnologies d'enquête, par exemple, où les départements de sciences fondamentales de médecine seraient très, très utiles pour dispenser des enseignements. Non pas qu'on pense que ça devrait être tout un programme sur ça, mais il y a des ressources, dans notre université en particulier, qui permettraient de former les policiers à cela, et on pense que c'est important qu'ils le sachent.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. Lemire.

M. Lemire (Guy): Est-ce que je pourrais ajouter un point, M. le Président? À l'article 11, on parle que l'École peut homologuer. C'est quand même un vocabulaire assez particulier, assez précis. Je note aussi que, dans le projet de loi, le mot «partenariat» je ne le trouve pas. Je n'ai pas lu le mot «partenariat» dans ce projet-là, à ma connaissance, ni le mot «concertation». J'ai lu que l'École nationale «consulte» les universités, mais, si on trouvait également les mots «partenariat» et «concertation», peut-être que plusieurs de nos inquiétudes seraient satisfaites.

Mme McNicoll (Claire): Ça ferait un certain équilibre.

M. Ménard: Bon. Je prends bonne note. Parce que ce n'est pas notre but, vous l'avez compris par ce qui a été fait dans le passé, par l'attitude aussi de la présente direction de l'Institut de police du Québec. Et je pense que ça va mériter des changements – en tout cas, c'est bien reçu – et peut-être des consultations particulières sur de nouvelles rédactions. Je dois dire que, enfin, des fois, quand un projet passe de l'étape de la discussion à l'étape de la rédaction législative, la rédaction législative, bien que rigoureusement elle permette de faire tous les partenariats que l'on veut et toutes les concertations que l'on veut, donne parfois une idée différente du projet initial. Mais le projet initial allait nettement dans le sens... Et je ne veux certainement pas brimer la liberté académique.

Alors, je vais laisser d'autres poser des questions. Je vous remercie beaucoup de cet apport que vous faites à un projet qui non seulement me tient beaucoup à coeur, mais, je veux dire, qui est très important à ce stade-ci de l'évolution de notre société.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à la commission. Je veux revenir, moi, sur la définition du statut universitaire. Vous en parlez dans votre mémoire, vous dites qu'il y a des critères minimaux, des groupes de professeurs, etc. Et vous pensez aussi que l'École de police ne pourra pas répondre à ces critères-là. Cependant, vous dites qu'il y a une place, ils doivent s'impliquer, l'École, dans ce... Mais à quel degré, jusqu'à quel degré? Dans la pratique, ça serait quoi, la fonction?

Mme McNicoll (Claire): Je pense qu'un des lieux importants de discussion, c'est la commission de la formation et de la recherche. Nous souhaitons qu'il soit nommément mentionné des apports des représentants universitaires. Parce que, au fond, ce qu'on dit, puis ce n'est pas pour réduire ou diminuer ou discréditer l'École nationale de police telle qu'elle est conçue, mais nous pensons que... Enfin, on sait que, l'évaluation dans les universités, le ministre octroie le statut d'université après un examen important de ce que l'université candidate au statut aligne comme capacité de donner des programmes d'enseignement de niveau universitaire. Ça veut dire des gens qui sont capables... bon, habituellement, qui détiennent un doctorat ou des diplômes nécessaires dans leur domaine, qui ont prouvé qu'ils sont capables de mener de la recherche et que l'université soit capable de prouver qu'elle a un certain nombre de ressources qui ne sont pas que des ressources professorales mais des ressources documentaires, par exemple bibliothèque, des installations bien sûr, et le reste. Et ce qu'on dit, c'est qu'on pense que faire cela, si c'était l'objectif du ministre en voulant former une école nationale de police, cela signifierait dédoubler des ressources.

Je vous dirai très franchement, enfin, je n'embarquerai pas sur une autre question, qui est celle du financement des universités, mais il n'en reste pas moins qu'au cours des dernières années on a vu plutôt nos budgets diminuer et on ne voudrait pas que l'assiette soit partagée entre encore un plus grand nombre de personnes ou d'institutions, surtout qu'il y a dans nos institutions les ressources nécessaires pour répondre aux objectifs de formation du ministre. Et c'est ça qu'on voulait qui soit clair.

Une voix: Nous aussi, on a eu des coupures...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Boulianne: Tout le monde a eu des coupures. Merci.

(11 h 50)

M. Jutras: Mme McNicoll, plusieurs fois dans la présentation de votre mémoire, vous avez utilisé l'expression «qu'il y ait plusieurs voies d'accès» pour accéder finalement à la fonction de policier. Est-ce que je vous comprends bien? Finalement, ce que vous voulez dire, c'est qu'il y aurait les possibilités actuelles, mais on rajouterait aux possibilités actuelles différentes formations universitaires. Quelqu'un, par exemple, pourrait faire un Bac en droit ou un Bac en criminologie ou un Bac en psychologie et, de là, accéder à la fonction de policier. Et je comprends que vous avez une réticence cependant sur le fait que cette personne-là doive par la suite retourner comme au niveau collégial, si l'on veut, pour aller suivre le cours de l'Institut de police. C'est là que vous avez une réticence. Est-ce que je vous comprends bien? Est-ce que c'est bien ça que vous dites? Et, à ce moment-là, vous proposez quoi pour, quand même, cette formation générale qui n'a peut-être pas nécessairement besoin d'être bien longue, mais, je pense, qui peut être nécessaire pour accéder à cette fonction-là?

Mme McNicoll (Claire): Écoutez, avec ceux qu'on appelle les conventionnés actuellement, ils entrent par une voie, appelons-la détournée, ils font autre chose et ils vont faire une Attestation d'études collégiales, ce qui les habilite à rentrer à l'Institut de police. Est-ce que l'Institut de police ne pourrait pas recevoir des candidats qui fassent les 13 semaines dont on parle, mais qui auraient eu une autre formation, s'ils ont eu une formation universitaire, quitte à ce qu'on leur demande un certain nombre d'activités ou de cours qui couvrent les éléments qu'ils n'ont pas couverts dans ce qu'ils ont fait, soit dans un Bac en droit, dans un Bac en crimino, et le reste?

Je vais donner l'exemple de ce que nous faisons avec les infirmières. Il existe deux voies pour accéder à la profession infirmière. Avec un D.E.C., évidemment l'infirmière peut tout de suite pratiquer. Avec un Bac en sciences infirmières, on reçoit des personnes qui ont, par exemple, un D.E.C. en sciences de la nature ou en sciences de la santé qui rentrent à l'université, elles ne sont pas capables de pratiquer dans un hôpital tant qu'elles n'ont pas acquis un certain nombre des éléments que les infirmières ayant un D.E.C. ont acquis. Moi, je pense que c'est une formule que l'on devrait regarder et c'est ça qui permettrait plusieurs voies d'accès notamment.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En complément...

M. Lemire (Guy): Peut-être un élément d'information à votre question. Jusqu'à maintenant, les conventionnés étaient des universitaires mais pas nécessairement des universitaires qui avaient en formation orientée police-sécurité. Donc, on pouvait comprendre qu'ils aient besoin de retourner à un niveau collégial pour compléter une formation minimale qui leur permette d'aller à l'I nstitut par la suite. Mais là ce qu'on est en train de faire maintenant, c'est une formation universitaire de plus en plus spécialisée dans le domaine police-sécurité. Bon.

Est-ce qu'il y aurait lieu d'ajuster cette formation en collaboration avec l'Institut ou l'École nationale pour s'assurer que les exigences pour accéder à l'École nationale soient satisfaites? Je pense que nous sommes ouverts à ça. Mais ce qu'on veut souligner, c'est, compte tenu du contexte actuel, est-ce qu'il est souhaitable que des gens qui ont une formation universitaire spécialisée retournent au cégep par la suite? Il y a une question d'économie aussi dans ça et de logique de formation. Et on pense, nous, plutôt que l'intégration des niveaux collégial et universitaire est une voie d'avenir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Malheureusement, nous avons épuisé le temps. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: Mme McNicoll, M. Chabot, je vous souhaite la bienvenue. Vous me permettrez de saluer plus particulièrement M. Lemire. La vue de M. Lemire me ramène à mes premières années de pratique en droit criminel alors qu'il était directeur de la prison de Cowansville, pénitencier fédéral...

M. Lemire (Guy): Quelle année? Vous me faites vieillir.

M. Dupuis: Ah! je ne vous dirai pas ça, M. Lemire, pour épargner votre modestie, la mienne et surtout nos âges communs et la couleur de nos cheveux. Mais j'y allais comme jeune avocat de défense à l'institution de Cowansville dans un groupe qui vous rappellera des souvenirs, qui s'appelait le groupe Réveil, qui avait pour objectif la réhabilitation des détenus. C'est d'ailleurs dans votre institution que j'ai perdu mes plus grandes illusions sur la réhabilitation des détenus à certains moments donnés. Mais je me souviens très bien de vous et je me souviens que l'institution dont vous étiez le directeur était très bien menée.

Ceci étant dit, afin de ne pas perdre de temps sur l'objet de la commission, je ne voudrais pas que vous repartiez d'ici, moi, et qu'il y ait dans l'esprit de certains une mauvaise impression sur ce que vous avez mentionné concernant l'École de police. Moi, j'ai compris – et corrigez-moi si je me trompe, mais je veux que ça soit clair – que vous ne contestez pas le fait que l'École de police soit reconnue officiellement comme étant l'école de formation professionnelle, pour employer une expression qui n'est pas meilleure qu'une autre, pour devenir policier. C'est-à-dire que tout le monde, que tous les gens qui aspirent à la fonction et au métier de policier doivent passer par l'École de police en définitive, ça, vous n'avez aucun problème avec ça. C'est exact? Bon. Alors donc, vous reconnaissez le rôle, si vous voulez, de l'École de police à cet égard-là.

Ce que vous dites, en plus, cependant, c'est que plutôt que ce soit l'École de police – et corrigez-moi, là, si je n'ai pas raison – qui approuve les cours ou qui approuve le programme des cours, ce que vous suggérez, c'est que l'École de police devienne le demandeur, la demanderesse. C'est l'École de police et c'est les gens qui sont à l'École de police qui devront connaître les besoins des corps policiers, qui devront connaître le métier de policier à la perfection pour être en mesure de savoir ce que le métier de policier doit comporter comme formation, et qui passeraient des commandes aux différentes universités, qui, elles, feraient approuver leurs programmes par les canaux que l'on connaît actuellement et qui seraient ensuite dispensés aux policiers. Est-ce que c'est bien ça que vous dites? C'est exact?

Mme McNicoll (Claire): Oui. Tout à fait, oui.

M. Dupuis: Bon. Alors, dans ce sens-là, moi, ce que j'en comprends, c'est que, dans le fond, le rôle que vous voulez voir être dévolu à l'École de police, c'est un rôle enrichi, dans le sens que l'expertise de savoir ce que devrait comporter la formation d'un policier, c'est l'École de police qui, au premier chef, devra le connaître pour être en mesure de passer les bonnes commandes. Est-ce qu'on se comprend bien là-dessus?

Mme McNicoll (Claire): Tout à fait.

M. Dupuis: O.K. Bon, actuellement, dans le paysage sociétal des policiers, il y a la question de la police communautaire, hein. Les policiers sont de plus en plus appelés à ajouter au rôle qu'ils avaient à l'époque où on les a connus, M. Lemire, vous et moi, quand on était plus jeunes, le ministre aussi, quand on était de jeunes avocats de défense, où la police était presque exclusivement un outil de répression. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus. Aujourd'hui évidemment on lui confie un rôle qui est beaucoup plus près de la population, un rôle de conseiller. Les policiers sont plus des conseillers maintenant, ils vont en première ligne, et on leur demande un certain nombre de qualités que j'ai énumérées dans mes présentations, que je ne veux pas rappeler ici. Mais il y a un rôle accru du policier, d'une part.

Compte tenu de ce rôle-là qu'on semble vouloir leur faire jouer de plus en plus, de police de proximité, de police communautaire, et aussi compte tenu de ce qui a été noté dans le rapport Poitras, moi, qui me préoccupe énormément, qui est cette espèce de... ce qu'on a appelé la loi du silence mais qui est une espèce d'homogénéité, si vous voulez, de comportement des policiers, compte tenu de ça, où sont, d'après vous autres, les meilleurs outils de formation, au moment où on se parle, au Québec, pour obtenir, pour que nous soyons certains qu'on obtient, au terme de ces études, un policier – puis là je vais employer une expression qui peut faire sourire, mais qui va dire exactement ce qu'on veut dire – de qualité supérieure? Où est-ce qu'ils sont, les outils de formation, au moment où on se parle? Où est-ce qu'ils sont?

M. Lemire (Guy): Je pense qu'à l'heure actuelle ces outils de formation existent et se trouvent, un, dans les collèges, dans les programmes de technique policière, qui sont des très bons programmes et avec lesquels, nous, on est tout à fait prêts à collaborer. Et je pense aussi qu'ils se trouvent dans les universités. Parce que, quand même, vous avez fait un rapide survol des qualités requises, mais c'est à la fois...

M. Dupuis: Je suis conscient, M. Lemire, et je n'ai pas la prétention de dire que c'était exhaustif.

M. Lemire (Guy): Mais c'est à la fois un juriste, un travailleur social, un spécialiste de la Constitution, il doit connaître la Charte des droits et la maîtriser et toute la question des minorités, etc. Bon, je pourrais continuer. Donc, il est sûr qu'on est rendu à une étape où on peut penser que la police maintenant, c'est une police professionnelle. D'ailleurs, quand on parle de police communautaire, on parle de police professionnelle de type communautaire. C'est que le niveau d'expertise requis pour exercer cette profession a considérablement changé en 20 et 30 ans, et on a besoin de gens qui prennent, je pense, un solide niveau de formation au niveau collégial mais viennent la compléter à l'université et, dans la mesure du possible, de façon intégrée.

(12 heures)

Je voudrais aussi souligner qu'on parle de police beaucoup, ici, mais il y a trois fois plus d'agents de sécurité au Québec que de policiers, hein, et ça aussi, c'est un domaine, d'abord, qu'on va devoir mieux connaître, mieux former et mieux encadrer et pour lequel, je pense, aussi les questions de formation universitaire vont se poser tôt ou tard. C'est pour ça que, nous, dans notre programme, on parle beaucoup de sécurité-police. C'est que ça inclut la police, mais ça ne se limite pas à la police parce qu'il y a toute une série d'autres secteurs qui s'en viennent et qui vont nécessiter les mêmes formations professionnelles spécialisées avant longtemps.

M. Dupuis: Dites-moi, j'ai bien compris de votre présentation... Et, encore là je ne voudrais pas que vous repartiez d'ici sans avoir été bien compris sur ce sujet-là, est-ce que j'ai bien compris que ce que vous avez dit, c'est que pour devenir un enquêteur, ce que, nous autres, on appelait, dans notre temps, M. Lemire, des sergents-détectives, des gens qui font des enquêtes criminelles... Est-ce que j'ai bien compris que ce que vous dites, c'est que pour devenir un enquêteur, selon votre opinion à vous, il faudrait qu'il y ait obligatoirement une formation universitaire? Est-ce que c'est bien ce que vous dites?

M. Lemire (Guy): Essentiellement, c'est ce que nous croyons. Nous croyons que ces fonctions-là vont devenir de plus en plus très spécialisées, très pointues et que ça ne sera pas des cas d'espèce. Quand on parle qu'on a besoin de comptables ou d'experts en sciences économiques dans le domaine de la criminalité économique, de statisticiens pour le profilage géographique, etc., ce qui est un peu des exceptions – on en a des civils à l'heure actuelle, mais ils sont en nombre, je dirais, relativement modeste – je pense que ces experts-là vont se multiplier dans l'avenir. La criminalité est en train de se sophistiquer d'une façon de plus en plus grande. Nos voleurs de banques qu'on connaissait dans le bon vieux temps auquel vous faites allusion, c'est une espèce en voie de disparition, donc il faut penser que les enquêteurs vont être des gens de plus en plus experts dans des domaines pointus.

M. Dupuis: Avez-vous noté comme moi – je m'adresse à M. Lemire, là, Mme McNicoll, M. Chabot, mais ce n'est pas exclusif – M. Lemire, ou est-ce que c'est moi qui est déconnecté de la réalité, qu'actuellement il y a plusieurs étudiants – peut-être que c'est M. Girard qui pourrait me répondre, ou Mme Gagnon – en techniques policières qui accèdent à l'Institut de police qui n'ont plus, comme dans notre temps, l'ambition de devenir nécessairement des enquêteurs? Moi, il y a des étudiants qui me parlent puis qui me disent: Moi, là, je veux être patrouilleur. C'est ça, mon ambition, d'être patrouilleur. Puis, ce n'est pas une mauvaise ambition, le patrouilleur, aujourd'hui, il rencontre des situations innombrables et il peut exercer ses talents d'innombrables façons. Il y a même un étudiant, un jour, qui m'a dit: Moi, je veux devenir un patrouilleur. Enquêteur, ça ne m'intéresse pas, mais je veux devenir patrouilleur, puis je voudrais devenir patrouilleur dans une ville comme Montréal, dans une ville comme Québec, dans une ville comme Trois-Rivières plutôt qu'un patrouilleur de la Sûreté du Québec parce que je vais être appelé à rencontrer plus de situations de la vie normale.

Est-ce que vous avez noté la même chose que moi? Et donc il n'est pas malaisé de penser qu'on pourrait avoir la voie d'accession qui serait le D.E.C., l'École de police et que des gens seraient très contents de faire ce cours-là et qu'ils seraient d'excellents policiers, ils pourraient se perfectionner par la suite pour être des bons patrouilleurs, mais que les enquêteurs, eux, devraient avoir la formation universitaire. Avez-vous noté la même chose que moi?

M. Lemire (Guy): Oui, nous pensons que ce n'est pas tout le monde qui va vouloir venir à l'université. C'est pour ça que nous disions tantôt, d'ailleurs, que les patrouilleurs, ce n'est pas nécessaire qu'ils viennent à tous l'université. Une solide formation collégiale peut être tout à fait satisfaisante. Mais ceux qui ont un plan de carrière pour les mener ailleurs, je pense qu'eux autres vont vouloir venir assez rapidement chercher une formation universitaire.

M. Dupuis: Je vais me faire policer, M. Lemire et Mme McNicoll, si je ne laisse pas au député de Verdun le plaisir de discuter avec vous. Alors, je vais m'incliner et lui laisser poser certaines questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Si je résume, à l'heure actuelle – mais je pense que mon collègue de Saint-Laurent l'a fait assez clairement – il y a, vous voyez, deux types de policiers: les gens qui auront une formation collégiale et la formation de l'Institut de police; ceux qui auraient une formation universitaire soit à l'intérieur du programme police et sécurité, soit dans d'autres programmes connexes et qui auraient une formation complémentaire à l'École de police. C'est bien ce que je comprends compte tenu de la diversité du métier de policier.

Ce que vous nous dites, c'est: Faites attention, s'il y a programmes de nature universitaire dans l'École de police, il ne faudrait pas qu'ils soient mis à part par rapport à l'ensemble des programmes qui sont des programmes universitaires, ils devraient suivre le même rythme d'approbation, c'est-à-dire la commission des programmes de la CREPUQ, le mécanisme... Est-ce que vous nous dites ça aussi, c'est-à-dire: Ne séparez pas la dimension universitaire, éventuellement, de l'École de police des autres programmes universitaires?

Mme McNicoll (Claire): Écoutez, pour que les programmes aient une crédibilité universitaire, il faut qu'ils aient fait leurs preuves, ces preuves-là aussi, et je pense que ce serait un marché de dupes si on donnait un statut universitaire à l'École nationale de police sans exiger d'elle ou de ses partenaires que leurs programmes soient réalisés, préparés et approuvés suivant les mêmes règles. Et il n'y a que ceux qui croiraient qu'il y a là une qualité universitaire qui le croiraient, et, dans ces conditions-là, je pense que ça ne rend service à personne.

M. Gautrin: Deuxième élément. Je pense que vous l'avez abordé dans votre témoignage, une université, c'est évidemment un ensemble de cours, un ensemble de compétences qui sont donnés aux étudiants, mais c'est aussi un milieu de vie dans lequel des étudiants peuvent interagir avec des gens qui ne sont pas nécessairement en formation pour être policiers, et vous dites: Ce type de formation, pour cette deuxième catégorie de policiers, est particulièrement importante. Est-ce que je vous ai compris correctement?

M . Lemire (Guy): Oui, tout à fait. Vous avez raison, M. Gautrin, et d'ailleurs, nous, on pense que la police communautaire, elle commence sur les bancs de l'école, à l'université. L'étudiant qu'on envoie, dans le nouveau programme qu'on a mis sur pied, à la Faculté de droit, en anthropologie, en philosophie, en sciences politiques, en criminologie, par la suite des cours, il est avec tous les autres étudiants, et là je pense qu'il acquiert par la force des choses, par ce contact, l'ouverture nécessaire à ce que va être son métier par la suite. Et, moi, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'on doit mêler nos futurs policiers et nos futurs enquêteurs et les cadres supérieurs au milieu universitaire pour s'imprégner de la culture ambiante. Je pense que ce serait une façon de peut-être remédier à une certaine sous-culture qu'on a peut-être déplorée dans le passé.

M. Gautrin: Aussi, troisième question – puis j'en aurai une quatrième qui viendra après, mais elle sera assez personnelle – vous avez bien dit: Pour avoir un enseignement de type universitaire, vous ne pouvez pas absolument le séparer d'une activité de recherche, et il serait illusoire d'avoir une école de police qui ne serait pas intégrée dans des mécanismes ou dans des équipes de recherche comme vous en avez à l'École de criminologie ou qui existent dans les universités.

M. Lemire (Guy): Tout à fait. Je pense que c'est essentiel, la crédibilité des universités passe par la recherche.

M. Gautrin: Alors, ma dernière question, elle est plus personnelle. Vous avez abordé un sujet qui, moi, me passionne, qui est la constitution des bacs intégrés. Je pense que l'articulation entre les collèges et les universités devrait s'améliorer. Je sais que ce n'est pas ici que je devrais en discuter, c'est à l'étage en dessous. Je vais le faire, ne vous inquiétez pas. Mais, dans le bac intégré, formation et police, vous n'avez pas pu le faire en bac intégré. Pourquoi? Il y a eu des freins? Il y a eu des difficultés?

M. Lemire (Guy): Bien, il y avait peut-être différents freins, mais, moi, ce que j'ai compris, c'est qu'il n'y avait pas de mécanisme qui permettait, à l'heure actuelle, d'étudier ces programmes-là. Je ne suis pas allé plus loin dans ça parce que je ne suis pas un expert.

M. Gautrin: Il y en a un. Il y a un bac intégré qui se fait à l'UQAM, voyez-vous, entre le Collège du Vieux-Montréal et un des programmes de formation à l'UQAM. Il y en a d'autres dans d'autres universités. Je vais me permettre de dire, sans critique, que votre université est un peu en retard sur la question des bacs intégrés.

Mme McNicoll (Claire): Ha, ha, ha! Permettez-moi de m'inscrire en faux, M. le député de Verdun, puisque nous faisons le travail...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Heureusement, il vous restait du temps. Ha, ha, ha!

Mme McNicoll (Claire): ...très bien avec les cégeps dans le domaine des sciences infirmières. Maintenant, nous donnons un bac. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: À part les sciences infirmières. Mettons de côté les sciences infirmières.

Mme McNicoll (Claire): Ha, ha, ha! Enfin, je ne vous assènerai pas les statistiques sur la progression des étudiants d'administration, de génie et de sciences infirmières qui viennent à l'université en provenance d'un D.E.C. technique. Ça constitue la très grande majorité de la population.

M. Gautrin: Non, non, ce n'est pas ça, un bac intégré, mais on aura, la semaine prochaine, l'occasion d'en débattre.

Mme McNicoll (Claire); Oui, oui. Ha, ha, ha! C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: M. Lemire, police communautaire, police de proximité, peu importe les termes qu'on emploie, on sait ce qu'on veut dire. À Montréal, ça existe depuis quoi, 1995 à peu près, l'implantation?

M. Lemire (Guy): Oui, à peu près.

M. Dupuis: Sous M. Duchesneau, là. Est-ce qu'il y a des études qui sont faites sur l'efficacité, comment ça fonctionne, le système de police communautaire, par rapport à tout l'aspect qu'on doit appeler malheureusement et qu'on doit considérer malheureusement de la répression du travail policier? Les centres opérationnels, ça marche-tu? Est-ce qu'il y a des études qui commencent à se faire sur la viabilité du concept? Parce que tout le monde l'accepte, tout le monde parle de police communautaire, tout le monde parle de police de proximité. Je ne sais pas si tout le monde sait ce que c'est puis, surtout, je ne sais pas si ça donne les effets escomptés. Est-ce qu'il y a des études qui se font?

M. Lemire (Guy): Bien, d'abord, je vais vous laisser languir jusqu'à cet après-midi parce que mon collègue Normandeau, qui est un expert en police communautaire, va être ici au cours de l'après-midi. Donc, il va pouvoir répondre mieux à ces questions-là.

(12 h 10)

Mais, il est sûr que... Dans un premier temps, je pense, une des réalisations de la police communautaire, au-delà de la répression de la criminalité, c'est peut-être le sentiment de sécurité que ça donne à toute une série de citoyens et le contact que ça permet à des gens d'avoir avec le policier. Ce n'est pas quelqu'un d'inaccessible, c'est quelqu'un qui est près d'eux autres, qui peut les aider, les conseiller, les rassurer, et il y a beaucoup de citoyens pour lesquels... On sait que le sentiment de sécurité et le danger d'être victimisé, c'est autre chose, mais il y a beaucoup de citoyens qui ont besoin plus d'être rassurés sur leur sécurité dans notre société, parce qu'ils ont très peu de chances réelles d'être victimisés.

M. Dupuis: M. Lemire, je ne veux pas vous interrompre, mais il ne reste presque pas de temps...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il vous reste deux minutes, monsieur...

M. Dupuis: Deux minutes. O.K. Êtes-vous d'accord avec moi, M. Lemire, que ce nouveau concept, qui est le rapprochement, dans le fond, du policier avec la population, un rôle de conseiller au policier, vraiment un rôle de première ligne à tous égard, emporte des exigences aussi au niveau de la formation des personnes qui vont devenir policiers qui sont différentes de celles qu'on a connues traditionnellement à venir jusqu'à ce que cette forme de police soit exercée?

M. Lemire (Guy): Tout à fait. Oui, c'est évident. Comme je mentionnais tantôt, ça en fait en même temps un travailleur social, un spécialiste des relations ethniques, un juriste, etc.

M. Dupuis: Mme McNicoll, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme McNicoll (Claire): Oui, mais ce n'était pas sur cette question-là, je voulais faire une dernière remarque...

M. Dupuis: Allez-y.

Mme McNicoll (Claire): ...puisque le président nous dit que notre temps s'achève. C'est que je pense qu'il est très important que, dans le projet de loi, on laisse la place à la conclusion, entre l'École nationale de police et diverses institutions, d'ententes de formation. Je pense que c'est très important, parce que, si on ne fait pas cela, on risquerait de passer à côté des ressources qui existent dans les universités. Et je pense que c'est un message que nous voulons donner haut et clair.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il me reste donc, au nom des membres de la commission, à vous remercier, Mme McNicoll de même que les personnes qui vous accompagnent, pour votre contribution à nos travaux.

Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux. Dans le cadre de cette consultation générale et d'auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police, nous avons le plaisir, cet après-midi, de recevoir les représentants de l'Institut pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises, dont son directeur, M. Marcel Belleau. Je vous inviterais, M. Belleau, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

On se rappelle que nous avons réservé une période d'une heure pour la rencontre, 20 minutes maximum pour la présentation, et par la suite nous passerons aux échanges. Alors, je vous cède la parole, M. Belleau, en vous demandant de nous présenter la personne qui vous accompagne.


Institut pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises (IPGSC)

M. Belleau (Marcel): Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais vous présenter mon collègue, Louis Côté. Louis était, jusqu'à il y a deux semaines environ, un officier de la Sûreté du Québec. Louis est enseignant à notre Institut et chercheur. Il est aussi un doctorant à l'Université de Sherbrooke. Il est à la rédaction de sa thèse qui va porter sur la gestion des crises au Québec.

Alors, M. le Président, merci beaucoup d'abord de nous permettre de venir exprimer notre opinion. Peut-être vous présenter un peu, très brièvement, ce qu'est l'Institut. L'Institut pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises a été créé tout à fait récemment, en janvier 1999, par la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke. Nous sommes situés au Campus du Fort Saint-Jean, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Notre mission est d'offrir de la formation, de faire de la recherche et d'assurer la diffusion des connaissances dans le domaine de la gestion des dangers et de la sécurité. Et nous pensons que nous sommes le seul organisme universitaire au Québec totalement dédié à ces questions.

Alors, nous allons présenter le mémoire à deux. Louis va commencer par vous faire un peu la mise en contexte de notre proposition.

M. Côté (Louis): Bonjour, M. le Président. Bonjour aux membres. Il me fait plaisir d'être avec vous ici aujourd'hui, et je voudrais dans un premier temps faire une mise en contexte de notre mémoire, ce qui vous amènera à mieux comprendre les recommandations de notre mémoire ou du moins notre point de vue face à la loi n° 86 touchant la formation des policiers.

(14 h 10)

D'abord, il faut quand même mentionner qu'avec le temps la tâche des policiers au Québec a évolué énormément. C'est un travail qui est devenu excessivement complexe: d'une approche systématique qu'il était auparavant, en ce sens une problématique, une action, point A, point B, point C, maintenant il est devenu excessivement plutôt systémique, à savoir la relation entre les systèmes, la relation entre les problématiques. En d'autres termes, l'exigence que la société québécoise a aujourd'hui par rapport au travail des policiers a beaucoup évolué, et je dirais même qu'elle est devenue aujourd'hui une exigence de type professionnel. Oui?

Une voix: ...

M. Côté (Louis): Ah, ce n'est pas pour moi. D'accord. Ha, ha, ha! Pardon.

Une voix: ...

M. Côté (Louis): O.K. D'ailleurs, aujourd'hui, si on regarde le profil des jeunes policiers qui adhèrent ou appliquent dans les corps policiers, on se rend compte que sur le plan académique les étudiants qui ont les meilleurs résultats en secondaire V se retrouvent en technique policière. Il n'est pas rare de voir dans les cégeps la note minimale de 80 % en technique policière. Donc, il y a un potentiel intellectuel très intéressant à développer en termes de formation et pour répondre aussi en termes de complexité du travail dans lequel ces gens-là auront à oeuvrer plus tard.

Je dirais même que le travail policier aujourd'hui, le policier devra être, présentement et pour le futur, un générateur de sécurité par ses actions, côté technicien, et aussi comme support au sentiment de sécurité par la qualité de sa relation qu'il établira avec le citoyen. C'est tellement important que j'aimerais le répéter: générateur de sécurité pour son intervention au niveau de l'action et aussi support au sentiment de sécurité par la qualité de ses relations avec les citoyens, et cette étape-là de son travail, c'est ce qu'on exige habituellement d'un professionnel.

Donc, le bagage d'instruction que ces gens-là détiennent aujourd'hui versus les exigences de la tâche, il y a un écart à combler, et c'est dans ce sens que ce mémoire-là est déposé, avec une solution possible. D'ailleurs, si vous regardez les dernières recommandations des commissions, que ce soient Bellemare, Corbo et même Poitras, il y a redondance dans le message, à savoir l'orientation que devra prendre la formation chez les policiers de l'avenir. Lorsqu'il y a redondance dans le message, vous savez qu'en termes de recherche on s'approche de la vérité. Cette formation-là devra être ouverte au public et ne comportera pas, ce qui a été reproché, pour utiliser les termes exacts mêmes de certaines recommandations, que ce soient des commissions différentes, des formations «between boys» ou bien «inbreeding», c'est-à-dire ouvertes au public, ouvertes aux autres couches de la société.

Si on regarde maintenant au niveau de l'agrégation de l'École nationale de police et l'obligation pour tout service de police d'établir un plan de formation, il est évident qu'on souscrit à la création de cette école. Il est évident aussi que nous n'avons pas d'objection à ce que cette école-là soit génératrice ou le générateur, à titre de contrôleur, du type de formation à donner.

En ce qui a trait maintenant au plan de formation comme tel développé par les corps policiers, il est évident qu'au niveau du SPCUM et de la Sûreté du Québec il y a les ressources à l'interne pour établir des plans de formation qui correspondraient aux besoins et des policiers et de la population. Et, comme je vous disais tantôt, nous, nous proposons une formation qui serait, surtout au niveau universitaire, à l'intérieur des universités du Québec.

Le grand avantage que ça donnerait aussi, c'est qu'il faut bien comprendre que, lorsque les policiers ont leur formation – c'est le type de formation que j'ai toujours vécu – avec le citoyen à l'intérieur des universités, que ce soit en sociologie, criminologie, administration, management, comptabilité, finances, haute technologie ou autres, ces gens-là ont la chance de se faire connaître à la population et ont en même temps la chance d'établir un contact très étroit avec la population. C'est ce qui fait que la glace fond, les perceptions changent, et les alliances se créent.

Par contre, si on regarde au niveau du plan de formation développé par d'autres corps policiers comme... plus petits que la Sûreté du Québec, ou bien la SPCUM, ou bien même la ville de Québec, ou les corps policiers majeurs du Québec, on voit trois problématiques pour ces corps policiers là, à savoir la somme de travail que ça leur demanderait et est-ce que ça répond exactement aux besoins de la population et aux besoins de la profession.

Un deuxième point aussi, se doter d'un plan de formation pourrait fort bien être considéré comme amené, pour, comment je dirais, les dispenseurs de la formation comme un marché très lucratif, et on pourrait voir apparaître toutes sortes de programmes ou toutes sortes de choses qui auraient peut-être plutôt un intérêt pécuniaire, peut-être moins intérêt professionnel pour la fonction de policier comme telle. Un troisième écueil potentiel qu'on pourrait voir dans ça, c'est que, si l'École nationale de police comme telle pouvait offrir une assistance là-dedans, est-ce que ces gens-là auraient, eux, une vision terrain comme les corps policiers municipaux peuvent l'avoir, eux, au niveau de leur ville ou de leur région?

C'est la mise en contexte que je voulais vous faire en première partie de notre présentation. Maintenant, si vous me permettez, je vais passer la parole à M. Belleau, qui va continuer avec la deuxième partie.

M. Belleau (Marcel): Oui, en effet, si on veut poursuivre sur l'obligation que ferait la loi aux corps de police de se doter d'un plan de formation, nous trouvons que là aussi il y a matière à concertation et matière à collaboration de la part des universités, qui ont l'expertise de l'évaluation des besoins de formation et de l'établissement de programmes, avec l'École de police bien sûr et avec aussi les gens du milieu. Parce que, comme Louis le disait, je pense que le milieu policier est très diversifié, et tous les organismes policiers n'ont pas nécessairement les ressources nécessaires pour évaluer leurs besoins, prévoir et conduire un plan de formation. Alors, dans ce domaine aussi il y aurait lieu à concertation, lieu à aide de la part des universités.

En ce qui concerne l'École nationale de police, on s'est posé aussi certaines questions, parce que la loi est plus ou moins précise à cet effet, à savoir est-ce que ça doit être une école technique, un collège généraliste ou une institution universitaire?

D'abord, on doit d'entrée de jeu vous dire que nous sommes tout à fait d'accord avec les deux principes de base de fonctionnement de cette école, à savoir l'absolue nécessité d'une formation adéquate, adaptée aux techniques spécifiques à l'intervention policière et, en second lieu, compte tenu de l'expertise qui y existe et de la structure actuelle de l'Institut de police, l'existence d'une capacité enviable en la matière sur laquelle pourrait compter la future École nationale. On pense même que cette école serait en mesure de viser plus loin, et en particulier par l'atteinte d'un statut universitaire pour une partie de la formation qui s'y donnerait. Cependant, on voit certaines difficultés à cette progression vers un statut universitaire, et on les voit de trois ordres: question de reconnaissance, question de dédoublement et aussi celle de l'employabilité des gradués, pré-emploi, pendant leur emploi et postcarrière.

D'abord, la question de reconnaissance. Vous l'avez entendu ce matin de ceux qui sont venus présenter leur mémoire, c'est que la reconnaissance universitaire repose sur une tradition et sur une façon de faire qui est particulière à ce monde. Évidemment, le fait de décréter qu'une école nationale aurait un statut d'université ne fait pas en sorte que ses cours, que ses diplômes seraient ipso facto reconnus par les autres universités. On risquerait à ce moment-là de ghettoïser les gradués de cette formation. Alors, c'est un écueil que l'on voit, mais il y a peut-être des solutions aussi. Alors, il s'agirait probablement de faire en sorte que l'école se dote de ressources, soit en propre ou en collaboration avec des universités, professorales, de ressources de recherche, qui lui permettent, dans les domaines strictement de sciences policières, d'accéder à ce statut.

La question de dédoublement, vous en avez aussi entendu parler ce matin. C'est qu'il existe dans les universités déjà des ressources, déjà des programmes qui s'adressent à la formation policière. Bon. Vous le savez tous, les ressources dévolues aux universités sont relativement faibles. Donc, il ne s'agirait pas de dédoubler ce qui se fait déjà, et nous préconisons là-dessus, encore une fois, la concertation et la collaboration entre cette école et les universités.

(14 h 20)

Je dois vous dire aussi – parce que peut-être que ça n'a pas été très clair ce matin – que le mémoire que nous présentons s'inscrit tout à fait dans celui qui a été présenté par l'UQTR, mais il est bon de se rappeler que ce mémoire présenté par l'UQTR est un mémoire avec une application réseau qui inclut l'Université de Sherbrooke, et dans ce contexte-là notre Institut bien sûr serait appelé à contribution. Donc, notre mémoire est un peu en relation avec ce mémoire présenté ce matin et s'inscrit tout à fait dans l'esprit qui y était présenté.

Un autre danger aussi que nous voyons si tout était fait à l'École nationale de police – ça a été mentionné aussi ce matin – c'est le danger de la formation en vase clos. Les policiers aujourd'hui, comme d'autres professions, ont besoin d'être en contact avec la société, et la société a besoin d'être en contact avec les policiers, et ceci même dans la formation. Donc, une partie de cette formation-là devrait se faire par les universités et dans les universités, dans la mesure du possible, pour que justement ce contact s'établisse et qu'on brise ce vase clos, cette formation trop isolée qui risque de développer des comportements ou des mentalités qui ne sont pas en symbiose avec la mentalité générale de la société dans laquelle devra oeuvrer le personnel policier.

Les questions d'employabilité. Eh bien, on pourrait avoir comme hypothèse que l'École nationale de police dispense un cours universitaire de 90 crédits et on pourrait sans doute, avec l'aide de brillants universitaires, établir un programme qui serait tout à fait adéquat à première vue pour donner cette formation-là. Il existe dans le monde d'ailleurs des écoles de formation policière qui sont de niveau universitaire et qui font ça. Nous pensons cependant que ce serait, comme je le disais précédemment, un peu ghettoïser les diplômés de cette école, puisque finalement leur diplôme ne serait reconnu que par le monde policier. Comme certains d'entre eux ne sont pas employés comme policiers, certains d'entre eux voudront changer de carrière en cours de route et, comme c'est des gens qui prennent leur retraite relativement jeunes, ils essaient aussi de s'intégrer à la société dans d'autres fonctions. Et à cet égard une diplomation qui serait uniquement de l'École nationale de police pourrait leur être un peu préjudiciable à cette mobilité de la main-d'oeuvre qui peut être recherchée.

Au contraire, une diplomation d'une université, même si elle contenait en partie une diplomation de cette École nationale de police, leur permettrait à notre avis non seulement une meilleure formation pour rencontrer les besoins identifiés comme policiers, mais aussi leur donnerait cet avantage de pouvoir avoir une plus grande mobilité sur le marché lorsqu'ils décident de changer de carrière ou lorsqu'ils terminent leur carrière de policier et qu'ils veulent s'intégrer ailleurs dans la société.

Alors, ni plus ni moins la proposition que nous faisons est sensiblement ce que l'UQTR mentionnait ce matin et avec peut-être un peu plus de précisions. C'est un modèle hybride où l'École nationale de police aurait le mandat de donner de l'enseignement au niveau de la science policière ou des questions policières, enseignement qui pourrait être bien sûr donné aussi en collaboration avec les universités mais sous l'égide de l'École nationale de police, puisqu'il s'agit là du métier que les gens apprennent. Ensuite, les personnes pourraient choisir, dans une panoplie de programmes complémentaires, qui devraient bien sûr aussi faire... parce qu'il faut qu'il y ait une cohérence dans tout ça, qui devraient être agréés par l'École nationale et par les usagers, par les corps policiers eux-mêmes, pourraient choisir, et selon la disposition même du candidat, parmi plusieurs programmes offerts par les universités, et à ce moment-là la formation pourrait se faire au sein des universités de façon à établir ce contact avec la société, même en période de formation.

Alors, évidemment notre mémoire mentionne à titre illustratif, là, les nombreux programmes qui peuvent être disponibles dans les universités et qui s'adaptent à la formation policière. Ce n'est qu'un exemple. Nous, ce que nous pouvons faire dans ce domaine-là, c'est le domaine de la gestion des dangers de la sécurité, qui s'adresse plus particulièrement à la gestion de crises, à la gestion des urgences, au concept d'analyse de risques, d'évaluation des risques, de mitigation de ces risques-là et de gestion bien sûr des crises qui peuvent survenir si le risque n'est pas maîtrisé.

Alors, de cette façon-là le candidat policier aurait un premier certificat délivré par l'École nationale, deux certificats qu'il pourrait obtenir de l'une ou de l'autre des universités participantes au programme, et finalement un baccalauréat qui devrait à notre point de vue être émis par une université et non pas par l'École nationale de police.

Alors, M. le Président, on espère que cette modeste contribution permettra aux membres de la commission et à M. le ministre d'apporter les petites corrections qu'il y aurait lieu, à notre point de vue, au projet de loi. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Belleau, merci, M. Côté, au nom de l'Institut pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Alors, je vous remercie beaucoup d'être venus. J'ai beaucoup apprécié votre rapport, qui démontre une grande compréhension de ce que nous désirons faire. Aussi, je vois que nous avons une convergence de vues sur l'avenir de la police au Québec et la meilleure façon d'assurer cet avenir, c'est-à-dire par la formation... par la formation, oui, parce que le reste du projet de loi, vous n'avez pas cru bon d'en traiter, ne relevant pas de votre spécialité.

Il y a des choses que j'ai été particulièrement heureux de remarquer et que j'ai apprises. D'abord, je vois que vous êtes d'accord avec M. Corbo sur un point, en ce sens que je vois, à la page 2, que vous constatez que la formation policière est très disparate d'un endroit à l'autre et d'une juridiction à l'autre, une citation que vous reprenez à votre compte. J'ai été bien d'accord aussi avec votre expression que je n'avais jamais vue avant: le policier doit dorénavant être considéré comme un générateur de sécurité par ses actions. Ça correspond beaucoup à la tendance qu'on a observée dans toutes les recherches qu'on a faites pour l'élaboration de la philosophie qui a donné lieu au projet de loi.

Mais ma plus belle découverte, c'est à la page 3, de constater que les techniques policières attirent des étudiants de plus en plus brillants et de plus en plus motivés, à tel point qu'«à titre d'illustration – et là je vous cite – la moyenne générale du dernier inscrit en technique policière au Collège de Sherbrooke était de 80 % en 1999». Ça, c'est le dernier de la classe, si j'ai bien compris. C'est ça?

M. Côté (Louis): Effectivement.

M. Ménard: Alors, ça ne m'étonne pas. Remarquez aussi qu'on leur donne de plus en plus une formation générale, qui peut peut-être ressembler d'une certaine façon à celle qu'on nous donnait au cours classique – ha, ha, ha! – pour laquelle nous avons nécessairement une certaine nostalgie, à l'âge que j'ai, qui donne une ouverture sur le monde et permet d'avoir aussi des gens équilibrés dans ces fonctions-là.

(14 h 30)

En fait, les points de désaccord, je m'aperçois, sont plus des points de malentendus, et je vais commencer à être vraiment convaincu que la rédaction des articles y est pour quelque chose. Parce que véritablement on n'a pas l'intention de faire de l'École nationale de police du Québec une nouvelle université. D'ailleurs, je pourrais peut-être vous poser la question que j'ai posée à d'autres ce matin: Si je comprends bien, vous, si on en était arrivé à la conclusion qu'on devait créer un collège d'état-major, vous auriez été contre.

M. Belleau (Marcel): Bien, c'est une question intéressante, d'autant plus que les collèges d'état-major, je connais ça un petit peu.

M. Ménard: Oui. Vous étiez dans l'armée?

M. Belleau (Marcel): En fait, il faut différencier le concept de collège d'état-major de ce qu'on parle ici. Un collège d'état-major d'habitude, c'est destiné à la formation des cadres supérieurs d'une organisation. Maintenant, évidemment vous vous attaquez au plus pressant, à ce qui presse, c'est-à-dire la formation des policiers. Et un jour probablement que vous ou le ministre de la Sécurité publique du temps penserez aussi à la formation des cadres supérieurs policiers, et à ce moment-là on pourra parler d'un collège d'état-major. Mais là aussi je pense qu'il y aurait lieu, si vous voulez développer ce concept-là, de penser plutôt à une collaboration et une concertation avec les universités à un certain niveau et bien sûr avec les dirigeants des corps policiers qui auraient besoin de cette formation-là. Et, comme vous le voyez, il y a des policiers de récente date qui commencent à obtenir des diplomations de niveaux tels qu'ils pourraient être d'excellents enseignants à un collège d'état-major.

M. Ménard: Je pensais que vous alliez me dire que vous aviez un excellent endroit où le placer.

M. Côté (Louis): Ce n'est pas ça, l'objectif de l'exercice. C'est que, juste pour enrichir ce que M. Belleau vient de dire, oui, éventuellement, avec une formation pointue pour des cadres de haut niveau, mais ce qui est incontournable, c'est que ces cadres-là, de haut niveau, devront avoir une bonne partie de leur formation qui demeurera générale à travers les institutions où ils auront le privilège – puis j'utilise bien le mot «privilège» – de côtoyer des cadres d'autres entreprises, qui eux aussi auront de la formation de haut niveau, pour que se crée, je dirais, un réseautage intéressant entre policiers et cadres d'entreprises.

M. Ménard: Bon, je remarque aussi – cette fois, je réfère au haut de la page 6 – que vous êtes inquiets que l'obligation de créer un plan de formation pour chaque corps de police soit un marché lucratif dans lequel rentreraient des «pléthores d'entreprises-conseils plus ou moins sérieuses». Ça suppose évidemment que l'on garde la structure actuelle des petits corps de police, parce que notre intention – ce n'est pas dans le projet de loi, mais on y viendra probablement avec le ministère des Affaires municipales – c'est de probablement amener la desserte policière sur une base régionale, au moins la MRC en milieu rural, et, à ce moment-là, donc, ces petits corps de police devraient disparaître, parce que je pense qu'effectivement ils ne pourront pas offrir la qualité de service que l'on va attendre d'eux.

M. Belleau (Marcel): Ce qu'on veut dire, M. le ministre, aussi, c'était qu'à ce chapitre-là aussi, en plus de la formation dont on a parlé abondamment, dans ce cadre-là aussi, nous voyons très bien une collaboration entre l'École nationale de police, les universités et les corps de police.

M. Ménard: Oui. Je ne vois pas pourquoi les gens, en tout cas, iraient choisir des conseillers privés incompétents s'ils sont capables d'en trouver des... D'ailleurs, je pense même que l'Institut de police prévoit qu'il pourrait aider à l'élaboration de ces plans de formation les corps de police qui s'en sentiraient incapables.

Mais vous avez assisté aux audiences de ce matin, je l'ai remarqué, est-ce que ça vous rassure au moins sur les intentions du ministère quant au fait que l'École de police soit justement un lieu qui ne soit pas un cadre trop contraignant pour les universités, mais justement dont la mission est de se servir du réseau de l'éducation à la fois pour l'expertise dans l'établissement des cours nécessaires à la formation des policiers à tous les niveaux, d'ailleurs pas juste au niveau de base, mais au niveau des enquêtes, au niveau de la gestion aussi – je pense que c'est mentionné plusieurs fois dans les articles du projet de loi – et d'en assurer justement la concertation, d'éviter le caractère disparate, éclaté qu'a actuellement la formation policière au Québec? Est-ce que c'est... En tout cas, si je comprends bien, c'est votre lecture des articles 10, 11 et peut-être 15 qui vous... Même pas 15...

Une voix: À la rigueur.

M. Ménard: À la rigueur?

M. Belleau (Marcel): Oui. Évidemment, loin de nous de faire un procès d'intention aux rédacteurs, mais c'est peut-être le manque de précision de la rédaction qui fait en sorte que ça porte un petit peu à confusion. Et, vous l'avez vu ce matin aussi par les autres universités qui ont présenté leur mémoire que, elles aussi, elles avaient des interrogations à ce sujet-là.

M. Ménard: Bon. Mais alors, qu'est-ce que vous voyez à la place? Vous voyez, parce que, si j'élimine de l'article 11 les mots inutiles au problème qu'on soulève qui est le problème de la collaboration des universités avec l'École de police... Bon, on dit: «Par voie d'entente, l'École peut confier à des établissements d'enseignement de niveau [...] universitaire [...] le mandat de concevoir ou de donner...» Je pense qu'il faudrait mettre «ses cours de formation» avec un c, là, «et certaines portions de ses programmes d'étude».

M. Belleau (Marcel): Non. Ça me semble correct, mais, bon, ça devrait peut-être être précisé soit par les règlements ou les directives qui seront données par la suite.

M. Ménard: ...c'est ça qui vous a fait croire, au fond, ce que vous dites, qu'on avait un peu l'intention de créer une université de la police à l'Institut de police?

M. Belleau (Marcel): En partie.

M. Côté (Louis): En partie. C'est-à-dire que le mandat semble tellement large que, à savoir quel est le rôle de chacun des joueurs là-dedans, à savoir universités, École nationale de police, etc. Ces articles-là, à les lire, sous-tendent certaines choses, dont celles qu'on mentionnait dans le mémoire.

M. Ménard: Parce que, voyez-vous, on n'a pas d'objection à ce que les universités aient une grande liberté à concevoir des programmes pour lesquels elles estiment qu'il y aura des clients ou même simplement pour l'avancement des connaissances, mais le rôle d'une école, c'est d'arrimer les connaissances puis les moyens d'enseignement à des besoins, n'est-ce pas, et aussi à ce que les corps policiers qui ont besoin de gens formés puissent être assurés, par les diplômes qui sont donnés, quand ils ont tel besoin, que tel candidat a les capacités de remplir ces besoins-là par la formation qu'il a eue ou par le diplôme qu'il a obtenu. C'est sûr. Pourquoi ça s'appelle une école? C'est parce que c'est un élément utilitaire.

J'écoutais ce matin, ça me faisait penser – parce que, moi, j'ai déjà été président de mon ordre des avocats – aux discussions qu'on avait entre le Barreau et puis les universités. C'est un peu la même chose. L'université, c'est essentiel, donne une formation de base qui va permettre à l'étudiant, au cours de sa carrière, de s'adapter aux nombreux changements qu'il vivra, mais l'école du Barreau, elle, donne les connaissances nécessaires pour pratiquer le droit maintenant et immédiat, pour recevoir le client puis ne pas le laisser... Mais c'est l'université qui a appris à réfléchir. Mais l'École, ici, elle a cette fonction. Il faut que l'École ait la fonction de s'assurer que ceux qui ont passé les diplômes en gestion, par exemple, policière sont capables de gérer un corps de police et puis ceux qui ont passé les diplômes d'enquêteurs sont capables de mener des enquêtes et de les mener de façon à obtenir les résultats espérés.

M. Côté (Louis): Oui, d'accord avec votre remarque, mais encore il faut ajouter une chose, ce que ça sous-tend, c'est que l'École définirait les besoins de formation. D'accord. Prenons l'exemple que vous venez vous-même de citer, formation en gestion, oui, l'École peut déterminer des besoins, mais, oui aussi, en contrepartie, l'université peut dire: Oui, ce que vous dites, d'accord, mais il me faudrait tel autre élément, tel autre élément, tel autre élément, et à ce moment-là vous rentrerez dans le cadre d'un certificat de gestion, ou d'un bac, ou d'une maîtrise, ou peu importe. Mais je pense qu'il y a choses qui doivent se faire conjointement, les besoins de la clientèle versus la capacité d'offrir ou de s'ajuster aux besoins de la clientèle pour les maisons d'enseignement, les universités dans ce cas-ci.

(14 h 40)

M. Belleau (Marcel): Et, en effet, les gradués devront être capables d'opérer dans un service de police au niveau où on les prendra efficacement, c'est évident. Mais aussi, et vous l'avez dit vous-même, il faut que ces policiers puissent être capables de s'adapter aux nombreux changements auxquels ils vont être confrontés. La société a bien changé dans les dernières années, mais probablement qu'elle va changer aussi dans les prochaines, et le policier, bon, on l'a dit tantôt, et plusieurs autres l'ont dit, est maintenant un générateur de sécurité, il est lui-même au coeur de ce processus de sécurité avec les citoyens. Il est maintenant partie de la société. Il n'est pas seulement que celui qui fait respecter des lois et des règlements, il fait aussi partie de la dynamique. Donc, il doit être formé pour pouvoir s'adapter à ces nombreux changements. Alors, il y a cette double exigence d'être d'abord capable, bien sûr, de fonctionner le plus vite possible comme policier, mais aussi d'avoir une formation suffisante pour pouvoir s'adapter aux changements et aux circonstances différentes auxquels il sera appelé à faire face, et c'est là que l'université peut être fort utile dans ce type de formation.

M. Ménard: Bon, en fait, je pense que vous réalisez qu'on s'entend sur les objectifs, et je réfléchis sur la rédaction – ha, ha, ha! – qui a été donnée à la suite de vos observations et de celles des autres, parce que j'ai remarqué que généralement ceux qui critiquent sur ce plan expriment exactement les objectifs que nous visions.

Et je vais laisser du temps à mes collègues, d'autant plus qu'il y en a un... le député de Saint-Jean se fera sûrement un plaisir de vous questionner non seulement parce qu'il aime beaucoup prendre part à nos discussions, mais aussi parce que vous êtes dans son comté et une des fiertés de son comté.

Mais j'ai remarqué enfin, pour finir, que justement à la page 12, quand vous énumérez, là, je ne peux être plus d'accord avec ce que vous y dites, puis c'est exactement le genre de démarche qui, je pense, va être faite par l'École nationale de police du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, M. le Président. En effet, M. le ministre, vous avez bien raison de dire qu'on est fier de l'Institut chez nous. Il est né d'une collaboration entre la corporation du Fort Saint-Jean et l'Université de Sherbrooke. Ça fait cinq ans qu'ils travaillent ensemble dans différents projets suite à la fermeture de l'université, en fait du collège militaire qui a été fermé par le fédéral il y a cinq ans, et, parmi les différentes réalisations qui ont été faites, celle-ci n'est pas la moindre, l'Institut pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises. Alors, effectivement ça me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, M. Belleau et M. Côté.

Je voudrais savoir, c'est la deuxième cohorte qui commence au bac cette année, hein, c'est ça?

M. Belleau (Marcel): C'est-à-dire que c'est la troisième année, il y aura une cohorte de finissants en avril.

M. Paquin: Donc, c'est la troisième cohorte.

M. Belleau (Marcel): C'est la troisième année.

M. Paquin: En quelle année la première cohorte est-elle arrivée?

M. Belleau (Marcel): En 1997.

M. Paquin: En 1997. O.K. Donc, on aura eu les premiers finissants incessamment. Est-ce qu'il y a plusieurs étudiants au deuxième cycle?

M. Belleau (Marcel): Non. Le programme que nous donnons actuellement est un programme de premier cycle. C'est un programme de Baccalauréat en administration avec une concentration en gestion des dangers et de la sécurité. Donc, les étudiants font environ les deux tiers de leur cours en administration et un tiers de leur cours en gestion des dangers et de la sécurité plus particulièrement. Et ce n'est pas une formation strictement policière, là – on ne veut pas se prétendre des formateurs de policiers – mais c'est une formation qui amène les gens à gérer les éléments de danger et de sécurité qui incluent des dangers sociopolitiques.

M. Paquin: C'est ça. Donc, l'évaluation des risques, la mitigation des risques, et tout ça.

M. Belleau (Marcel): C'est ça, oui.

M. Paquin: Mais il n'y a personne actuellement au deuxième cycle et au troisième cycle?

M. Belleau (Marcel): Non. Nous avons un projet, qui est encore un projet, de développer une certaine formation de deuxième cycle dans ce domaine-là, mais ce n'est pas fait encore. Cependant, j'ai dit tantôt que nous faisions aussi de la recherche, et nous accueillons dans nos équipes de recherche des personnes qui poursuivent des études de deuxième cycle ou de troisième cycle. Alors, Louis en est un. C'est quelqu'un qui fait son doctorat à l'Université de Sherbrooke, un doctorat en administration, mais qui concentre sa thèse, son objet d'étude, à la gestion des crises, et il le fait avec nous.

M. Paquin: Peut-être aussi de la formation sur mesure pour des corps policiers ou des groupes?

M. Belleau (Marcel): Oui, on peut le faire.

M. Paquin: Alors, ce que je voulais savoir, c'est: Ceux qui s'inscrivent au bac, est-ce qu'ils viennent nécessairement d'un des programmes de cégep en techniques policières ou il y en a de différents autres horizons?

M. Belleau (Marcel): Ils viennent de différents horizons, mais je dirais que la majorité vient de techniques policières.

M. Paquin: Est-ce que ça a l'effet de se rapprocher – vous étiez là, je pense, ce matin, hein...

M. Belleau (Marcel): Oui.

M. Paquin: ... – de ce dont le député de Verdun a parlé, c'est-à-dire une formation intégrée, éventuellement un curriculum cégep-université en techniques policières?

M. Belleau (Marcel): Non. Pas à ce point-là, non.

M. Paquin: Pour les étudiants qui sont en provenance d'autres horizons que les techniques policières et qui ont une formation au niveau, donc, universitaire, au niveau du bac soit dans votre université ou dans une des sept autres qui sont dans le programme conjoint, est-ce que vous voyez un inconvénient que, lorsqu'ils ont terminé, ils doivent faire une A.E.C. avant d'aller à l'Institut de police? Est-ce que, pour vous autres, ça pose problème?

M. Belleau (Marcel): Bien, en tout cas, Louis pourrait peut-être commenter là-dessus aussi, mais je pense qu'on peut considérer que dans le métier de policier il y a des éléments techniques – il y a des éléments tout à fait techniques – que, on a beau avoir trois doctorats, si on n'a pas ces éléments techniques là de base, on ne peut pas être un policier en exercice. On peut peut-être être un merveilleux enquêteur, un psychologue tout à fait intéressant et performant, je ne sais pas quoi, un spécialiste de la comptabilité frauduleuse, mais on ne peut pas être un policier de base si on n'a pas acquis certaines techniques. Donc, en tout cas en ce qui me concerne, je pense que la personne qui veut être policier, quelle que soit sa diplomation, devrait avoir cette base technique qui est un peu inévitable parce qu'il y a des éléments techniques dans cette profession-là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bien. Alors, nous en arrivons à la partie de nos échanges réservée aux représentants de l'opposition. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: MM. Belleau, Côté, bonjour. M. Côté, j'ai bien compris que vous êtes un jeune policier à la retraite de la Sûreté du Québec.

M. Côté (Louis): ...

M. Dupuis: O.K. Vous avez été policier pendant combien d'années? Vous avez exercé policier pendant combien d'années?

M. Côté (Louis): Vingt-sept ans.

M. Dupuis: Vingt-sept ans. O.K. Je vais faire appel un petit peu à vos connaissances du métier de policier et votre formation actuelle. Vous dites dans le mémoire: La formation actuelle ne suffit plus, la tâche de policier a évolué. Vous faites référence à ce terme extrêmement évocateur de «générateur de sécurité» et vous en venez à la conclusion qu'effectivement la tâche a évolué. Je pense qu'on peut tous s'entendre là-dessus. Notamment, on l'a mentionné ce matin – je ne sais pas si vous étiez présent – avec ce nouveau concept de police communautaire ou de police de proximité, il y a des tâches, évidemment, que le policier doit accomplir de façon presque statutaire qui demandent évidemment une formation qui est différente. Je constate que vous constatez – et je m'adresse plus particulièrement à vous, M. Côté, mais, M. Belleau, ça ne vous exclut pas de la discussion, au contraire – que donc la formation actuelle ne suffit plus. M. Côté, vous qui êtes un policier et qui avez exercé cette profession-là jusqu'à récemment, j'imagine, puisque je vous ai qualifié de jeune policier à la retraite – je pense que c'est vrai – en quoi la formation actuelle ne suffit-elle plus à ce qui est demandé au policier de l'an 2000?

(14 h 50)

M. Côté (Louis): Bon. D'abord, première des choses, la fonction comme telle s'est développée énormément, puis je vais vous expliquer certaines facettes de la fonction qui font qu'aujourd'hui c'est rendu beaucoup plus complexe que ça pouvait l'être il y a de ça cinq ans, 10 ans ou 20 ans – et d'ailleurs ce que je vous dis est transférable dans beaucoup d'autres professions aussi – à savoir maintenant l'approche systémique des choses, l'interrelation entre les événements. Un policier qui agit à Rimouski présentement peut faire le tour du monde demain soir au niveau de l'intervention qu'il fait. Prenez présentement une enquête qui se fait pancanadienne, au niveau canadien. On revoit toujours la même image qui est projetée, projetée, projetée, puis, à Seattle, on a vu la même chose. On voit maintenant qu'il y a la mondialisation des interventions policières. De plus en plus complexe parce que, quand je vous parle de relations entre les problématiques, si un blocage routier a lieu en Gaspésie, la façon d'intervenir de la Sûreté du Québec est transférable à un blocage routier qui peut se produire sur le boulevard Sainte-Foy à Québec lorsque la police de Québec interviendra.

On l'a vu encore au Sommet de la jeunesse, la façon d'intervenir est transférable tout le temps. Les problématiques sont complexes, parce que souventefois les policiers sont retrouvés devant deux facettes très importantes: légitimité versus légalité. Souventefois, les gens sont légitimes de le faire, mais le geste posé est illégal. On l'a vu au niveau... Prenez un autre exemple que je peux vous donner, lorsque les gens ont bloqué l'autoroute 20, c'est une problématique qui était complexe, qui touchait beaucoup de types d'intervenants, qui touchait aussi une couche de la société quand même très importante et très médiatisée.

Donc, si on se reporte à il y a 15 ou 20 ans, il y avait une problématique, on arrivait avec une solution qui était presque définie en quelque part: Au point A, vous faites ci; au point B, vous faites ça. Mais, maintenant ce n'est plus la situation, la situation est que tout est exportable, l'interrelation entre les choses est évidente, et, lorsqu'on analyse, il y a l'aspect économique, l'aspect politique, l'aspect social, les psychoses que créent les crises. Si on regarde tout ça, une formation technique n'amène pas cette connaissance-là. Et d'ailleurs je me demande même si un policier peut avoir toutes ces connaissances... ou plutôt un groupe de policiers, pour intervenir dans une problématique donnée avec les expertises différentes, parce que, moi, je ne crois pas à l'expertise unique d'un policier, je crois à une expertise multidisciplinaire d'une équipe de policiers, et c'est surtout ce qu'on véhicule. Dans le bac qui se donne à Saint-Jean, c'est exactement ce qui se donne comme type de formation.

M. Dupuis: Vous ne constatez pas comme moi, M. Côté, et comme certaines autres personnes avec qui j'en ai discuté, que l'évolution de la tâche de policier, le concept de police, qui est plus près de l'intervention en première ligne, font en sorte qu'il y a un accent qui est mis beaucoup plus maintenant sur la prévention, désamorcer les crises soit entre des individus ou entre des groupes d'individus, etc., alors que la police telle qu'on l'a connue – vous, quand vous avez commencé comme policier, moi, quand j'ai commencé comme avocat, et le ministre aussi – était beaucoup plus une police d'intervention immédiate qu'une police qui cherchait à désamorcer les crises ou qui cherchait à faire preuve de compréhension à propos des citoyens? Vraiment, l'accent était mis sur la répression, alors que maintenant, évidemment, l'accent est mis plus sur la...

M. Côté (Louis): Sur la solution à des problématiques.

M. Dupuis: ...solution à des problématiques. Bon.

M. Côté (Louis): Exactement.

M. Dupuis: Maintenant, en fonction de cela ou en prenant cela pour acquis, moi, j'ai compris de votre mémoire – mais je me demande si j'ai bien compris, et je vais poser la question à M. Belleau ou à M. Côté – que, si vous affirmez que la formation actuelle ne suffit plus, c'est donc que vous souhaitez qu'il y ait une formation plus large qui aille puiser dans plus d'outils de formation, et vous avez comparé votre mémoire un peu au mémoire de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Moi, j'y vois une différence énorme entre votre mémoire et celui de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Celui de l'Université du Québec à Trois-Rivières dit: Nous autres, on ne s'adresse qu'aux policiers qui sont déjà en exercice, alors que, moi, je comprends que ce que, vous, vous dites, vous dites: Un instant, il faut que la formation initiale soit mieux qualifiée. Il faut que la formation initiale soit plus vaste. Est-ce que je me trompe? J'ai raison ou je me trompe?

M. Belleau (Marcel): Non, non, vous avez raison.

M. Côté (Louis): Bien, vous avez raison, mais dans le sens que nous, ce qu'on avance, c'est: De quel droit et de quelle logique on pourrait bloquer la porte à un universitaire qui veut faire carrière dans un corps policier, un individu de 22 ou 23 ans? En vertu de quoi on pourrait lui bloquer l'accès?

M. Dupuis: O.K. Maintenant, est-ce que vous admettez tout de même ou est-ce que vous êtes d'accord tout de même avec le fait que toute personne qui est admise au métier ou à la profession de policier doit passer par une école de formation professionnelle qu'on appellerait l'École de police?

M. Côté (Louis): Oui.

M. Dupuis: Ça, vous n'avez pas de problème avec ça.

M. Côté (Louis): Du tout.

M. Dupuis: Ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas une seule porte d'entrée au métier de policier. Outre le fait que tout le monde doit passer à l'École de police, vous dites: Il n'y a pas une seule porte d'entrée au métier de policier, c'est-à-dire le D.E.C. puis l'Institut de police ou l'attestation d'études collégiales et l'Institut de police. Vous dites: Il peut y avoir une autre formation quelle qu'elle soit qui puisse donner accès à l'École de police. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

M. Belleau (Marcel): Oui. Maintenant, dans la formation quelle qu'elle soit, je pense que ça mériterait là aussi un peu de réflexion, à savoir qu'il faut que ça réponde à des besoins, et c'est là que ce qui est prévu, l'École nationale de police, les universités, les corps policiers devraient s'asseoir ensemble pour déterminer justement quels sont ces différents domaines où les policiers pourraient se former en complémentarité de ce qu'ils apprennent à l'École nationale de police.

M. Dupuis: J'y viens à ça, dans le sens suivant, M. Belleau. Puisque ce n'est pas rassurant de penser que, outre la porte qui serait le D.E.C. et l'École de police, outre la porte que serait l'attestation d'études collégiales et l'École de police, il pourrait y avoir d'autres formations qui donnent accès au métier de policier, puisque ce n'est pas rassurant de dire seulement ça, est-ce que j'ai raison de penser que ce que vous dites, c'est: Confions – et corrigez-moi si ce que je dis, ce n'est pas votre pensée – à l'École de police le mandat de nous dire, à nous les maisons d'enseignement, universitaires ou autres, mais surtout universitaires dans votre cas: Voici ce dont nous avons besoins. Voici ce que ça prend pour être policier. Voici ce que nous estimons que devrait être la formation. Êtes-vous capable de nous bâtir un cours qui réponde à ces critères-là? Et là, vous, vous diriez, en partenariat avec l'École de police: Oui, ce que vous nous dites là, ça a bien du bon sens, on va bâtir un cours qui va rencontrer ces exigences-là, mais on vous suggère qu'il devrait y avoir en plus telle ou telle formation qui serait évidemment agréée par la Conférence des recteurs, puis on donne le cours en partenariat avec l'école de formation. Est-ce que c'est ça que vous dites essentiellement?

M. Belleau (Marcel): Oui, en gros. Maintenant, dans ce processus d'identification des besoins, il ne faut pas non plus oublier l'employeur que sont les corps policiers, parce que le formateur, que ce soit l'École nationale de police ou l'université, ne peut pas non plus décider pour l'utilisateur de cette formation quels sont les besoins. Donc, je pense qu'il y a trois partenaires. En tout cas, dans notre conception, il y aurait trois partenaires: les corps policiers, qui sont les utilisateurs; l'École nationale de police, qui est spécialisée dans ce domaine; et les universitaires qui... Et ensemble faire cette évaluation et ces propositions que vous mentionnez.

M. Dupuis: M. Belleau, notre pensée se rencontre, mais pas de la même façon. Moi, je pense que, si on confiait le mandat à l'École de police d'être le demandeur, si vous voulez – pour employer une expression que tout le monde va comprendre – au niveau de la formation, je prendrais pour acquis que l'École de police va consulter évidemment les corps de police pour savoir les besoins de chacun, dépendant justement des besoins de chacun. Ça va? Est-ce qu'on se comprend là-dessus?

M. Belleau (Marcel): Oui, oui.

(15 heures)

M. Dupuis: Bon, une autre question pour l'un ou l'autre d'entre vous. Vous êtes deux spécialistes sans aucun doute, l'«inbreeding», ce qu'on a appelé l'«inbreeding» en français, l'espèce de culture du vase clos ou l'espèce d'inculture du vase clos, qu'est-ce que vous reprochez au système actuel à cet égard-là? On fait référence bien sûr... M. Côté, avant que vous commenciez à répondre, on fait référence bien sûr... Quand on parle de vase clos, quand on parle d'«inbreeding», on peut aussi parler de loi du silence, et c'est ce genre de phénomène là qui découle du vase clos que la commission Poitras, par exemple, a mis en évidence. Alors, qu'est-ce que vous reprochez au système actuel à cet égard-là? Qu'est-ce qu'il fait, le système actuel, qui perpétue, selon vous, en quelque sorte, cette espèce de culture du vase clos, «inbreeding»? Quand vous enlevez vos lunettes, M. Côté, je sais que c'est parce que j'ai posé une question qui vous touche de près.

M. Côté (Louis): Mes verres sont reliés directement à mes tripes. C'est pour ça que...

M. Dupuis: Ha, ha, ha!

M. Côté (Louis): C'est un excellent point que vous soulevez, en passant. Quand vous parlez de cette formation-là, j'ai vécu les deux, moi. Puis «inbreeding», c'est un grand mot, là. Mais je pense que ça sous-tend trop de choses que ça peut vraiment en sous-tendre. Ce n'est pas si mauvais que ça. Ça peut même être très bon, dans certains cas. Mais, par contre, c'est qu'il y a tellement de richesse dans la formation extérieure que, si on se limite à la formation interne, on se prive de cette richesse-là. Pas que la formation est mauvaise, mais on se prive de la richesse de la formation extérieure.

Et, comme je vous disais tantôt, ayant vécu les deux, quand, dans les années quatre-vingt, je me suis retrouvé, au niveau des universités, dans des facultés d'administration, au départ, je me demandais qu'est-ce que je faisais là. Est-ce que je faisais une enquête? Est-ce que je surveillais quelque chose? Bon. Et, avec le temps, la glace a fondu, ces gens-là ont appris à me connaître et, moi, j'ai appris à les connaître, ce qui fait que les perceptions ont changé et les appréhensions ont été éliminées. Et trouvez-moi un corps policier qui a besoin d'une appréhension, présentement, négative à son égard. Il n'y a personne qui a besoin de ça, surtout pas, dans ce domaine-là, au moment où on se trouve, au début du troisième millénaire, si vous voulez.

Mais, moi, ce que je vous dis là-dedans, c'est que l'«inbreeding», il ne faut pas quand même en faire un plat, il ne faut pas surfer là-dessus puis développer une psychose. Il y a de l'excellente formation qui se fait là-dedans. Mais c'est se priver de la richesse de la formation externe, c'est se priver des échanges qu'on peut avoir avec des cadres d'autres entreprises. Parce que les problématiques ne sont pas spécifiques aux corps policiers. Souventefois, on rencontre les mêmes problématiques à l'extérieur et souventefois les mêmes solutions à l'extérieur aussi. C'est un échange culturel, un échange académique qu'il n'y a pas un corps policier aujourd'hui qui a le privilège ou la richesse pour pouvoir s'en priver. C'est impensable.

M. Dupuis: Si vous aviez à convaincre que cette ouverture, si vous voulez, de la part des aspirants policiers doit se faire dans le cadre de leur formation initiale plutôt qu'en formation continue... Vous comprenez ce que je veux dire, M. Côté? Il y a bien des gens qui vont vous dire: Oui, oui, c'est correct, mais on va le former, puis il va s'en aller sur la route puis là il va être en contact avec du monde puis, s'il veut aller étudier à l'université, il ira étudier à l'université après. Il y a des gens qui disent ça. Il y en a d'autres qui disent: Un instant, il faut que l'ouverture d'esprit, il l'ait au moment où il fait ses études initiales. Quand on va le mettre sur la route, il faut déjà qu'il ait l'ouverture d'esprit, il faut déjà que cette culture-là ne soit pas intégrée... Si vous aviez quelqu'un à convaincre qu'il faut le faire au stade de la formation initiale, qu'est-ce que vous diriez?

M. Côté (Louis): Deux choses, hein. Suivons la propre logique du gouvernement en place présentement. Mme Marois...

M. Dupuis: C'est difficile. Vous êtes bon. Moi, je ne suis pas capable.

M. Côté (Louis): Ah! j'y arrive. Si on regarde aujourd'hui, avec la maternelle temps plein par rapport à la maternelle mi-temps, on le fait pour intégrer, inculquer des choses rapidement aux jeunes pour qu'ils soient capables de s'adapter à un programme scolaire. Prenons seulement ce point-ci. Pourquoi on ne le ferait pas pour un policier, par après, qui va entrer dans une carrière excessivement complexe, excessivement difficile? Il n'y a pas de raison de ne pas le faire.

L'autre raison aussi que vous amenez: Faisons-lui suivre une technique et, après, il pourra... Je suis un exemple vivant devant vous. Je l'ai fait, moi, sur mon temps bien souvent. En dernier, quand même, on me facilitait les choses de beaucoup parce que j'avais une grande organisation qui y croyait. Mais je dois vous dire ceci, c'est que le risque, d'après moi, est assez élevé pour qu'un jeune n'ait pas l'opportunité de se développer par après, aller prendre du temps pour aller se former et aussi se faire dégager et avoir des budgets pour aller se former. Et c'est là le risque, moi, que je trouve, qu'il est risqué de placer un jeune dans une situation où il n'aura pas cette opportunité-là.

Et autre chose. De quel droit un corps de métier qui aspire au statut professionnel pourrait, en partant, bloquer la porte à des universitaires qui ont des formations connexes aux problématiques que ces gens-là ont à régler au quotidien?

M. Dupuis: Je vais laisser...

M. Belleau (Marcel): En plus...

M. Dupuis: Oui, M. Belleau, je m'excuse.

M. Belleau (Marcel): ...il faut voir que ce jeune patrouilleur que vous décrivez ou ce jeune policier va être promu par des règles qui sont bien souvent liées à l'ancienneté. Donc, s'il n'a pas au départ acquis une formation qui va lui permettre de mieux agir lorsqu'il sera à un certain rang et qu'il n'a pas eu la chance ou la volonté de se perfectionner en cours de route, il va être mal outillé lorsqu'il aura sa promotion. Donc, plus on le forme à la base, il est d'autant mieux qualifié pour débuter, mais il est aussi mieux qualifié pour pouvoir ensuite gravir les différents échelons.

M. Dupuis: J'ajouterai, si vous me le permettez – et êtes-vous d'accord avec moi? – que, quand on le met sur la route, la première journée qu'il patrouille, on ne peut pas prévoir à l'avance la situation dans laquelle il va être placé. Alors, évidemment, il m'apparaît, à cause de la responsabilité qu'il a quand on le met sur la route, qu'il devrait déjà avoir la meilleure formation possible pour être capable de répondre à toute circonstance. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

Une voix: Absolument.

M. Dupuis: On s'entend là-dessus.

M. Côté (Louis): Je vous dirais même, c'est un choix de société, présentement.

M. Dupuis: O.K. Puis je suis content, vous n'avez pas remis vos lunettes, donc vous le sentez aussi fort que le reste. O.K. Alors, je vais laisser la parole au député de Jacques-Cartier, avec votre permission.

M. Kelley: Juste rapidement. Je regarde, M. Côté, le métier de policier a changé depuis 27 ans, alors, même dans votre carrière, on a assisté à beaucoup de changements. Comment est-ce que le modèle proposé ici, le partenariat entre les universités et une école nationale de police, peut promouvoir le perfectionnement? Parce que, je pense, oui, la formation de base, la formation initiale est très importante, mais, au rythme de changements qu'on voit, d'ici les prochains 27 ans, il y aura autant d'autres changements dans l'informatique, dans la population et sa diversité, au Québec. Alors, comment est-ce qu'on peut encourager ou enrichir le perfectionnement des policiers qui sont déjà en poste?

M. Côté (Louis): Quand vous parlez d'enrichir, parlez-vous du type de formation qui leur sera donnée ou...

M. Kelley: Juste comment, d'une façon générale... Moi, je regarde les policiers de la Communauté urbaine de Montréal qui doivent composer avec une population de plus en plus diversifiée qui vient des quatre coins du monde, qui doit travailler avec un informateur, qu'il y a maintenant des crimes, des cybercrimes qui n'existaient pas il y a 10 ans. Alors, comment est-ce qu'on va s'assurer que nos policiers qui sont maintenant en poste peuvent être encouragés à faire le perfectionnement nécessaire pour tenir compte des changements dans le métier de policier?

M. Côté (Louis): Il y a des incontournables là-dedans. On vous disait tantôt, M. Ménard tantôt disait qu'une page qui l'avait marqué, c'était les résultats académiques des jeunes qui... Il y a un potentiel intellectuel là très intéressant. Il y a une curiosité intellectuelle qui est en place. Et la curiosité intellectuelle, ça n'a pas de frontières, ça. Donc, les policiers qui sont là... On parle de la population qui est en demande par rapport à la formation des policiers. On parle des commissions qui sont en demande par rapport... Mais les policiers eux-mêmes demandent beaucoup de formation. Et les enquêtes qui ont été faites auprès des jeunes policiers présentement constatent exactement ce que vous venez de dire. Ils trouvent que, lors de leur première intervention, ils ont un manque, il y a un écart entre l'acquis qu'ils ont et le besoin pour solutionner la problématique. Ça, c'est une des facettes pour répondre à votre question.

L'autre facette, la recherche se fait où? La recherche se fait au niveau universitaire. Et une des choses qui m'a le plus emballé, moi, inscrit au doctorat, c'est la variété des sujets de recherche aussi pointus l'un que l'autre. Et placer cette curiosité intellectuelle là des policiers à un besoin de la population, des recommandations qui se succèdent au niveau des commissions d'enquête ou peu importe, et placer ça par rapport à la capacité qu'ont les universités de répondre à ces besoins-là, moi, je pense qu'il y a un mariage parfait. C'est un mariage de raison puis c'est un mariage de coeur. C'est les mariages qui durent. Ça fait que c'est presque incontournable d'en venir là.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je pense c'est une belle note pour mettre fin à notre échange.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En vous remerciant, M. Belleau et M. Côté, à titre de représentants de l'Institut pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises, pour votre contribution à nos travaux.

Je rappelle que la commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police, et que nous en sommes maintenant à recevoir M. Maurice Cusson que j'invite à prendre place à la table dès que bien sûr celle-ci aura été libérée. Et je suis sûr que le ministre, M. Côté et M. Belleau vont nous prêter leur concours.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il nous fait donc plaisir d'accueillir M. Maurice Cusson à l'occasion de cette consultation sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. M. Cusson, bonjour. Comme vous le savez, nous avons réservé une période d'une heure pour cet échange: 20 minutes pour la présentation, et, pour le reste, nous irons dans les échanges. Alors, vous avez la parole.


M. Maurice Cusson

M. Cusson (Maurice): Je vous remercie, M. le Président. Contrairement aux habitudes des professeurs d'université, je serai bref. Le projet de créer une école nationale de police du Québec qui jouirait de privilèges exclusifs soulève, à mes yeux, quatre questions auxquelles, me semble-t-il, on peut apporter quelques éléments de réponse simple, je dirais même élégante.

(15 h 10)

Alors, ma première question, c'est: Est-ce que c'est en créant un quasi-monopole que nous réussirons le mieux à développer les formations diversifiées et ouvertes dont nous avons besoin dans le domaine de la sécurité publique?

Alors, je pense que le projet de loi fait faire un pas de plus dans le sens d'une formation relativement monopolistique en matière policière. Je pense que ça pose un problème qui est lié au fait que de plus en plus les métiers de la police et de la sécurité se diversifient. Nous n'en sommes plus à avoir des métiers simplement d'enquêteurs et de gendarmes patrouilleurs, nous avons aussi des experts en gestion de crise, des analystes de la criminalité, des experts en prévention du crime, en criminalistique, etc.

Donc, face à cette diversité de métiers de la sécurité, on devrait aménager de l'espace pour une diversité de formations. On a déjà évoqué tout à l'heure la question de l'«inbreeding», je n'y reviendrai pas. Mais je pense qu'il serait préférable de laisser cohabiter plusieurs formations complémentaires, quitte à laisser jouer la concurrence entre ces formations.

Ma deuxième question, je la formule ainsi: Faut-il préférer une vision étroite du métier de policier à une vision large de la sécurité intérieure?

Il m'apparaît que le projet de loi repose sur une vision simple et assez traditionnelle du problème. On y voit le patrouilleur gendarme acquérir une formation initiale puis exercer son métier. Ensuite de ça, il a deux avenues, l'avenue du gestionnaire et l'avenue de l'enquêteur. Alors, je pense que l'évolution actuelle de la réflexion, telle que nous la voyons émerger aux États-Unis, en France, ici même, pose, je dirais, la question dans des termes bien différents, non plus de métier de patrouilleur ou de métier d'enquêteur, mais on pose d'entrée de jeu le problème de la sécurité intérieure qui émerge à cause de toute une série de menaces liées à la criminalité, à la criminalité moderne, une criminalité informatique, une criminalité organisée, mais aussi criminalité traditionnelle, violence, etc. Ces menaces doivent être prévues, analysées, pensées.

Il faut, ensuite de ça, élaborer des stratégies, penser en termes de prévention, en termes de répression, organiser, donc, un dispositif relativement élaboré pour faire face à ces problèmes. Dans ce dispositif, la société civile a aussi son rôle à jouer. Le secteur de la sécurité privée est considérable, il ne peut pas être ignoré. La prévention du crime est aussi un secteur important. Donc, ce qu'il nous faut, me semble-t-il, c'est une brochette de futurs experts qui puissent avoir accès à plusieurs formations, notamment des formations universitaires. Or, il m'apparaît qu'une École nationale jouissant de prérogatives exclusives et nourrissant la prétention de contrôler les universités du Québec risquerait de contrecarrer l'évolution actuelle vers des formations universitaires de qualité.

Ma troisième question. Je serai encore plus bref parce qu'elle a déjà été évoquée et M. le ministre semble nous dire que nos appréhensions ne sont pas fondées. J'avais posé la question: Faut-il créer de toutes pièces une université de police ou laisser les universités existantes offrir des formations de sécurité? Alors, si on me dit que l'on ne veut pas créer une université de police, je pense que mes appréhensions tombent.

Ma quatrième et dernière question est celle-ci: Dans ses rapports avec les universités, l'École nationale de police ne risque-t-elle pas de se retrouver en conflit d'intérêts?

En effet, d'un côté, l'École nationale de police pourrait homologuer – c'est ce que dit la loi – agréer des enseignements offerts par diverses universités, de l'autre, elle offrirait elle-même ou avec l'Université du Québec à Trois-Rivières un certain nombre de formations concurrentes. Ainsi, en offrant ses propres enseignements et en accréditant ceux des autres, l'École nationale de police ne pourrait éviter d'être juge et partie.

Depuis la rédaction de ce petit texte, ma réflexion a évolué, et j'aurais deux suggestions à soumettre à la commission. Je pense que la première suggestion est assez simple. Il s'agirait simplement de supprimer les clauses d'exclusivité et le pouvoir d'homologuer les formations offertes à l'extérieur de l'École nationale de police.

Ma deuxième suggestion serait celle-ci. Dans le projet de loi, il est question de créer une commission de formation et de recherche qui serait rattachée à l'École. Il m'apparaît que cette commission de recherche et de formation serait plus utilement rattachée au ministère de la Sécurité publique lui-même. En effet, la commission doit donner des avis au ministre, doit se prononcer sur diverses formations offertes dans les universités, dans les cégeps et ailleurs. Alors, cette commission a des attributions qui m'apparaissent trop étendues, si elle est rattachée à l'École. Elle aurait des attributions légitimes, si elle était rattachée directement au ministère.

Et, de ce point de vue là, on pourrait très bien imaginer que cette commission prenne l'appellation d'un conseil supérieur de la formation et de la recherche en sécurité publique. Le problème serait d'entrée de jeu élargi et, à ce moment-là, cette commission, qui aurait des attributions d'abord de donner au ministre un certain nombre d'avis, d'analyser les besoins en sécurité publique et de faire l'arrimage entre ces besoins et les différentes offres de formation et finalement d'établir les conditions de validité des différentes formations qui existeraient au Québec, donc, plutôt que d'être installée à Nicolet, serait rattachée directement au ministère de la Sécurité publique du Québec. Cette commission, à ce moment-là, ne serait pas en conflit d'intérêts, comme elle risquerait de l'être dans la situation actuelle. Elle éviterait le développement du monopole, qui m'apparaît inquiétant, et elle permettrait une plus grande ouverture des formations et un meilleur arrimage des formations diverses aux besoins de la communauté. Voilà, merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Cusson, notamment professeur à l'École de criminologie de l'Université de Montréal. C'est bien ça?

M. Cusson (Maurice): C'est ça, oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le ministre.

M. Ménard: Bien, je vous remercie, M. Cusson, de vous être donné la peine d'étudier notre projet de loi et de faire vos suggestions. Pour un individu, c'est un travail considérable, ce qui est certainement apprécié, même si nous pouvons avoir des opinions différentes. Mais je crois que nous poursuivons les mêmes buts et que nous avons examiné les mêmes dangers. Et je pense que l'échange que nous pourrions avoir pourrait être utile. Je ne sais pas si vous avez lu le rapport Corbo, le premier, sur la formation.

M. Cusson (Maurice): Oui, il y a quelque temps.

(15 h 20)

M. Ménard: Une des choses qui m'ont frappé et qui m'ont beaucoup influencé dans la préparation de ce projet de loi, c'est les remarques qui disaient que l'une des caractéristiques de la formation policière au Québec, c'est qu'elle était éclatée et disparate et que, pour une société de notre envergure, il y avait là beaucoup de gaspillage que nous ne pouvions pas nous payer et que, donc, il y avait lieu d'établir un lieu où effectivement on chercherait à intégrer les diverses initiatives qui sont prises dans le réseau d'enseignement québécois pour optimaliser, en fait, les ressources de formation et puis ensuite pour les diffuser, se servir du même réseau pour diffuser cette formation dans un territoire qui est très grand et où les déplacements des candidats qui devront les suivre peuvent être très coûteux. Je ne sais pas, je comprends que d'avoir cette attitude peut mener au danger que vous indiquez. Mais, par contre, les solutions que vous nous offrez n'apportent pas de solution aux problèmes identifiés par M. Corbo.

M. Cusson (Maurice): M. le ministre, permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous. Je pense que la formation policière au Québec n'est pas du tout éclatée. Pratiquement tous les policiers reçoivent une formation en techniques policières, formation relativement standardisée, avec des programmes communs dans tous les cégeps qui offrent cette formation en techniques policières. Et, ensuite de ça, tous les policiers vont à l'Institut de police du Québec. Donc, je dirais, cet éclatement ne m'apparaît pas du tout évident.

Moi, je serais plutôt partisan d'une plus grande diversité encore des formations. Je pense cependant que vous avez raison, qu'il faut un lieu qui permette la coordination et, je dirais, la mise en relation de l'offre de formation et des besoins de formation exprimés par les milieux policiers. Et ce lieu m'apparaît être cette commission ou ce conseil rattaché – j'insiste – au ministère de la Sécurité publique qui permettrait de réaliser cette opération.

M. Ménard: En toute honnêteté pour M. Corbo, je pense, quand il parlait de l'éclatement de la formation policière, il faisait exception de la formation de base qui est donnée par l'Institut de police du Québec, mais il parlait plutôt de ce qui vient après et dont la demande s'est considérablement augmentée au cours des dernières années, et dont les besoins aussi, pour des motifs que tout le monde a exposés ici. Et je suis convaincu que, vous, qui êtes criminologue, vous les partagez. L'évolution de la criminalité, les exigences du droit, les exigences de la société en général ont fait que le métier s'est beaucoup complexifié. Et c'est cette partie de la formation qu'il trouvait trop éclatée et à laquelle il voulait apporter une solution intégrante.

M. Cusson (Maurice): Oui. De ce point de vue là, c'est vrai. Cela dit, je pense que c'est inévitable qu'une fois que les formations de base des policiers sont acquises on offre une espèce de cafétéria de formation, qui existe, remarquez, dans toutes les grandes bureaucraties. Toutes les grandes organisations privées ou semi-privées ou publiques laissent, je dirais, à leurs membres les possibilités d'aller chercher les formations les plus adéquates, et chacun des services voit très bien l'utilité d'avoir une diversité de formations.

Je pense que le moule est relativement uniforme actuellement dans les milieux policiers. Les développements de programmes comme celui qui existe à Fort Saint-Jean ou ceux qui existent à l'Université de Montréal, ces formations commencent à être offertes. Et, moi, personnellement, je serais en faveur de laisser jouer la concurrence avec un organisme qui, je dirais, assure une certaine coordination dans cette diversité.

M. Ménard: En fait, ce qui vous déplaît dans l'École, c'est le fait qu'elle donne elle-même des cours, qu'elle puisse en concevoir et qu'elle puisse en concevoir d'autres, les donner elle-même, et, à ce moment-là, elle se trouve en concurrence. Si elle n'avait comme rôle que de donner la formation de base que donne l'Institut de police, mais que, pour le reste, elle devait simplement se contenter d'homologuer peut-être les enseignements qui sont donnés...

M. Cusson (Maurice): L'idée de créer une école nationale de police m'apparaît une excellente idée. Que cette École nationale de police développe d'autres formations en plus des formations qui sont offertes actuellement, ça me paraît aussi une bonne chose. Ce qui m'apparaît embêtant, c'est que cette même École veuille, disons, se réclamer d'une certaine exclusivité et, en plus de ça, que cette même École se mêle d'homologuer les formations concurrentes données dans les universités et ailleurs.

M. Ménard: Remarquez que c'est... Je comprends que ce sont les mots qu'on a utilisés, puis il faut bien les prendre dans leur sens commun aussi, mais c'est parce qu'on sentait qu'il avait besoin d'y avoir un organisme au Québec qui s'occupe de remplir des besoins qui sont identifiés, et clairement identifiés, et qui, par conséquent, ait les pouvoirs soit de les remplir lui-même, soit de solliciter le milieu qui peut élaborer les programmes et puis les diffuser. Bon. C'est pour ça qu'on pensait à l'École. Mais enfin, je comprends votre point de vue. Mais peut-être qu'on pourrait passer à un autre sujet parce que le temps est relativement court.

Vous commenciez à mentionner tout à l'heure qu'aujourd'hui on ne peut plus distinguer les tâches des policiers en trois catégories: patrouille, enquête, gestion. Je comprends qu'effectivement, la lutte aux nouvelles formes de crime organisé, le type de moyens que l'on demande de prendre sont assez diversifiés, mais je serais curieux que vous m'indiquiez une activité de police qui ne tombe pas dans ces trois catégories sous une façon ou sous une autre.

M. Cusson (Maurice): Par exemple, la prévention de la criminalité, c'est une mission qui m'apparaît relever éminemment de la police, sous certains aspects.

M. Ménard: C'est ça.

M. Cusson (Maurice): Par exemple, les policiers, en corps de police, pourraient avoir des spécialistes de la prévention qui vont faire un certain nombre d'inspections de sécurité dans des commerces, des établissements pour, je dirais, améliorer les dispositifs préventifs et de sécurité de ces établissements. C'est une expertise qui se développe, qui devient de plus en plus importante, et je pense qu'elle pourrait, je dirais, s'intégrer dans l'activité policière et devenir une formation et un métier, je dirais, liés à la police.

Autre exemple. Par exemple, tout le domaine de l'analyse de la criminalité et des renseignements criminels. Bon. Alors, ici, encore une fois, il se développe une technologie d'analyse de la criminalité, un savoir-faire, une expertise. Les policiers en font, sont obligés d'en faire, mais souvent sur une base, je dirais, quelque peu amateur parce qu'ils ne possèdent pas la technologie et l'expertise et la formation. Et ça aussi, on pourrait très bien imaginer des experts en renseignements criminels ou en analyse de la criminalité.

M. Ménard: Quand je concevais ma question, je pensais exactement à ces deux exemples là. Alors, reprenons, si vous voulez, la prévention. Vous reconnaîtrez avec moi que justement, une fois qu'on décide de passer à l'action, qu'on a consulté des spécialistes en prévention, il faut établir une certaine politique. Cette préoccupation de la prévention, elle doit être existante certainement en gestion et en patrouille. Mais il faut quelqu'un qui a cette préoccupation, que ce soit un gestionnaire qui l'ait, qu'il établisse une politique et qu'il la fasse traduire en actions au niveau des patrouilleurs. Donc, je veux dire, ça tombe... Et puis c'est une question de...

(15 h 30)

Je pense que ce que vous appelez vos inspecteurs, essentiellement... Parce que je ne crois pas qu'on développe une qualité d'inspecteurs juste en prévention, comme on le ferait, par exemple, pour l'incendie, si vous voulez. En tout cas. Puis, l'analyse du renseignement aussi, j'y croyais, mais, par contre... Bon, j'attendais un rapport, maintenant je l'ai reçu, et je vais le rendre public prochainement. J'attendais le rapport Boudreau exactement sur ce sujet. Là, je suis particulièrement heureux de la réflexion qui a été donnée et des suggestions qui sont faites. Vous le verrez quand il sera rendu public. Il ne sera peut-être pas mauvais d'avoir votre opinion aussi. Mais là je vois justement qu'en dehors de ces... que ça sort, oui, mais que c'est là où on devrait utiliser du personnel civil, qu'il n'y a pas besoin d'avoir des agents de la paix pour analyser des renseignements, pour accumuler des renseignements et chercher à en développer un sens, à le comprendre et à orienter ensuite des enquêtes. Mais encore là il faut que ça passe par des gestionnaires qui comprennent le sens de ce qui se dégage de l'analyse des renseignements policiers et qui le traduisent en action, c'est donc à dire dans une opération d'enquête.

Alors, je veux dire, je m'attendais à ce que tous les exemples que vous choisissiez soient effectivement des exemples d'activités qui doivent être présentes dans l'une des trois catégories. Puis on pourrait aller à l'infini. Je suis convaincu qu'on pourrait en trouver d'autres. Mais, vous voyez, un corps policier, c'est un corps d'action aussi. Ce n'est peut-être pas juste de la... Ça n'est peut-être plus de la répression, mais il faut pouvoir passer à l'action à un moment donné dans une structure hiérarchisée où l'on conçoit à un certain niveau, et puis l'on transmet par le biais d'opérations et l'on assigne des ressources.

Bon. En tout cas, je vais laisser à d'autres le soin de... À moins que vous ayez des réponses à donner aux remarques que je vous ai faites.

M. Cusson (Maurice): En fait, vous avez raison sur le fait qu'un certain nombre de civils pourraient remplir ces tâches-là, effectivement. Je pense que l'ouverture aux civils m'apparaît souhaitable dans les milieux policiers. Il m'apparaît que les organisations policières, je dirais, conçoivent de façon un peu trop simple la division du travail. Il n'y a pas une division du travail aussi élaborée dans les milieux policiers que dans la plupart des autres grandes organisations; ça mériterait d'être développé. Et, à ce moment-là, la question de savoir «Est-ce que ça devrait être des civils ou des policiers en uniforme qui feraient telle ou telle tâche comme la prévention?», c'est une question qui est ouverte. Il m'apparaît qu'effectivement on devrait avoir pas mal plus de civils.

M. Ménard: O.K. Je vous remercie beaucoup, M. Cusson.

M. Cusson (Maurice): Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Tout en mentionnant qu'il y a également dans le domaine politique où les définitions du travail ne sont pas toujours très précises. Ha, ha, ha! M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Oui. Merci, M. le Président. Le projet de loi, M. Cusson, il y a deux grands principes qu'on y retrouve. C'est qu'on donne le rôle principal à l'École, un rôle de formation minimale pour accéder à certaines fonctions. Puis il y a un deuxième, aussi, rôle: on ouvre des partenariats avec des institutions universitaires pour de l'enseignement et de la formation complémentaire continue. Est-ce que ce n'est pas ces objectifs-là que vous visez, vous?

M. Cusson (Maurice): Oui, oui, il n'y a pas de doute qu'il faut qu'il se développe des partenariats. Ce qui m'embête, c'est que l'École nationale de police ait un rôle dominant dans l'établissement de ces partenariats. À ce moment-là, moi, je pense qu'on s'achemine vers un monopole où soit l'École de police donne des formations, soit elle contrôle les formations données ailleurs.

M. Boulianne: Bon. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: Bienvenue, M. Cusson. Dites-moi, M. Cusson, par contre vous n'auriez pas d'objection, j'imagine, à une école de police par laquelle passeraient tous les policiers avant d'exercer leur métier, de quelque origine qu'ils soient, c'est-à-dire DEC, attestation d'études collégiales ou, en principe ou en théorie, Baccalauréat en sécurité intérieure? Vous n'auriez pas d'objection à ce que tout le monde passe par l'École de police, qui serait l'école de formation professionnelle, avant d'accéder définitivement au métier de policier? Ça, vous n'avez pas de problème avec ça?

M. Cusson (Maurice): Non.

M. Dupuis: O.K. Est-ce que je me trompe en pensant que vous n'auriez pas d'objection non plus à une école de police qui serait, ni plus ni moins, pour employer une expression qu'on a employée ce matin avec des groupes, un courtier de formation? En ce sens qu'elle connaîtrait les besoins à la fois des corps de police et à la fois les exigences du métier de policier, par la suite d'études qu'elle ferait... à cause de sa connaissance ou à cause de son mandat de connaître à fond le métier de policier, et, donc, qui serait une école de police qui serait un demandeur auprès des maisons d'enseignement d'une certaine formation, d'un certain nombre de cours qui seraient eux-mêmes approuvés par leurs propres instances et qui seraient offerts à l'École de police. Est-ce que, ça... vous n'auriez pas d'objection à ça, j'imagine?

M. Cusson (Maurice): Bien, ce courtier, je trouve qu'il est mal placé quand il est placé à l'Institut de police de Nicolet. Il me semble qu'il devrait être à Québec et relever du ministère de la Sécurité publique.

M. Dupuis: O.K. Bon.

M. Cusson (Maurice): Et à ce moment-là ce courtier, me semble-t-il, ça devrait être un organisme dans lequel le ministère de la Sécurité publique est un joueur majeur, dans lequel les milieux policiers seraient bien représentés et dans lequel aussi les milieux de l'enseignement et dans lequel l'École de police elle-même seraient représentés.

M. Dupuis: Moi, j'avais compris, M. Cusson – et c'est simplement pour que votre point de vue soit limpide, là, après votre apparition en commission parlementaire – que vous aviez dit au ministre que votre pensée avait évolué depuis le moment où vous avez écrit votre mémoire, que vous verriez bien que la Commission de formation et de recherche soit plutôt rattachée au ministère qu'à l'École. Ça, c'est la Commission de formation et de recherche. Et là, moi, je vous parle de l'École. Oublions pour l'instant, si vous voulez, faisons une fiction de l'esprit et oublions la Commission de formation et de recherche, je vous parle de l'École. O.K.? On s'entend tous les deux, vous, vous seriez d'accord avec le fait et vous êtes d'accord avec le fait que tous les policiers doivent passer par l'École avant d'exercer le métier de policier, quelque formation qu'ils aient reçue. On s'entend là-dessus. Ça, c'est réglé entre vous et nous.

M. Cusson (Maurice): Oui.

M. Dupuis: La deuxième chose, c'est ce que je vous soumets... Oubliez la Commission de recherche et de formation.

M. Cusson (Maurice): Oui, oui, d'accord.

M. Dupuis: Mais, si l'École de police recevait le mandat de bien... Si c'était son mandat à elle d'évaluer quels sont les besoins en matière de formation, compte tenu du métier que les gens qui viennent chez elle vont exercer éventuellement, qui est le métier de policier, ce serait à elle de déterminer quels sont les besoins des différents corps de police et ce serait à elle de déterminer, avec l'évolution du temps, avec l'évolution du métier de policier, avec l'évolution de la criminalité, avec l'évolution du type de criminels, avec l'internationalisation des crimes, d'indiquer quels sont les besoins de formation que les aspirants policiers devraient recevoir, et à partir de ça elle passerait des commandes aux différentes maisons d'enseignement qui, elles, auraient le mandat de faire approuver des programmes qui rencontreraient ces exigences-là et peut-être même de discuter avec l'École sur d'autres formations dont les aspirants pourraient bénéficier. Ça, là, ça marcherait-u avec vous?

M. Cusson (Maurice): Qui peut le mieux définir les besoins de formation de la Sûreté du Québec? C'est la Sûreté du Québec. Qui peut le mieux définir les besoins de formation des policiers de la Communauté urbaine de Montréal? C'est les gens de la Communauté urbaine de Montréal. Donc, pourquoi aller passer par l'Institut de police du Québec pour définir de tels besoins? Moi, je dis: Les meilleurs demandeurs de formation sont ceux qui vont embaucher les gens puis qui vont devoir vivre avec les gens plus ou moins bien formés qu'ils vont recevoir.

Donc, à mon avis il y a déjà une espèce de décentralisation du côté des corps policiers, qui devrait être capables de dire: Moi, j'ai besoin, dans mon service, d'un certain nombre de personnes formées de telle ou telle façon.

(15 h 40)

M. Dupuis: Mais est-ce qu'il ne devrait pas à votre avis, M. Cusson, y avoir – et je pense que le ministre et moi, on s'entend là-dessus – une espèce de lieu virtuel, là – lieu est une mauvaise expression – une espèce d'endroit, de lieu virtuel où il devrait y avoir une intégration de tous ces besoins-là, et ce serait l'École de police? Est-ce que vous seriez prêt à consentir intellectuellement à cette idée-là?

M. Cusson (Maurice): Ah, si l'École nationale de police possède véritablement les moyens intellectuels, les moyens de recherche, les moyens de consultation, les moyens, je dirais, universitaires pour réaliser cet objectif-là, oui. La question que je pose: Est-ce que l'École nationale de police possède ou va posséder ces moyens?

M. Dupuis: O.K. Est-ce qu'au département de criminologie de l'Université de Montréal, M. Cusson, il se fait des études sur les... J'imagine qu'il doit se faire des études sur l'évolution de la criminalité, les types de criminalité qu'on retrouve en l'an 2000 par rapport à ce qu'on retrouvait auparavant, aux prévisions. Est-ce qu'il y a des études sur vers quoi évolue la criminalité? Je pense qu'on est tous d'accord, là, la criminalité organisée est importante. L'internationalisation du crime, le crime par Internet, etc., ce sont des choses dont on entend parler, mais est-ce qu'il se fait effectivement des études scientifiques sur ces phénomènes-là à l'Université de Montréal au département de criminologie?

M. Cusson (Maurice): On a fait depuis longtemps des études sur l'évolution de la criminalité. Remarquez qu'étudier la criminalité qui évolue au cours des dernières années c'est une chose, prévoir l'évolution, c'est une autre chose. Et on est toujours dans l'incertitude quand il s'agit de ça.

Cela dit, oui. En fait, vous savez, la conjoncture de la criminalité actuelle – et c'est vrai pour le Canada et les États-Unis – nous sommes dans une conjoncture de criminalité descendante. La plupart des crimes, je dirais, classiques, vols, violence aussi, sont en légère décroissance après avoir connu une très forte croissance dans les années 1960 et 1970, et ce qui pointe actuellement, c'est beaucoup plus, je dirais, la criminalité de marché, par exemple, les vols de véhicules automobiles pour l'exportation, les trafics de drogue et autres trafics, etc. Donc, il nous apparaît que, alors que la criminalité, je dirais, banale contre les personnes et les biens est en reflux léger, ce sont les formes plus liées au marché de la criminalité ou des biens et substances illicites qui sont en augmentation.

M. Dupuis: Est-ce que par le fait même vous en arrivez par des études que vous auriez faites... Nous, évidemment on a une connaissance, au même titre que la population a une connaissance, par notre observation, par la lecture des journaux, par les expériences personnelles du type de criminalité. Mais est-ce que vous avez des études qui démontrent que, ce faisant, en relation avec ce que vous venez de dire par rapport au reflux du crime que j'appellerai individuel, la criminalité est de plus en plus organisée? Avez-vous des études à ce sujet-là?

M. Cusson (Maurice): On n'a pas de certitude, mais on a des indications qui iraient dans ce sens-là. La criminalité de marché est presque nécessairement organisée.

M. Dupuis: O.K. Une autre question, M. Cusson. J'imagine que vous êtes bien au fait des formations qui se donnent à l'extérieur du Québec et même du Canada aux aspirants policiers, par exemple en Europe et aux États-Unis. Vous êtes bien au fait de ces formations-là?

M. Cusson (Maurice): Bien, je connais la situation française plutôt bien. Vous voulez que je vous en parle?

M. Dupuis: Ce que j'aimerais savoir, c'est, en général, quelle formation est exigée pour les aspirants policiers ailleurs. Si c'est la française que vous connaissez le mieux, allez-y. Je ne veux pas vous embêter. Ce n'est pas une question pour vous embêter, c'est une question pour m'informer.

M. Cusson (Maurice): Non, non. En fait, rapidement, sur la situation française, vous avez un certain nombre d'écoles: École de la gendarmerie, École de la police nationale, École des commissaires de police, École des inspecteurs. Donc, un certain nombre d'écoles auxquelles les candidats ont accès par voie de concours. C'est probablement la particularité française. Il y a un grand nombre de candidats qui font acte de candidature pour l'une ou l'autre de ces écoles, et ils doivent à ce moment-là passer un concours, dans lequel, je dirais, la dimension juridique est assez importante, de telle sorte que les étudiants les mieux placés sont les étudiants en droit.

M. Dupuis: Vous voulez dire, M. Cusson, que la partie, dans leur formation, formation juridique est importante? Vous voulez dire qu'on donne une grande place à la formation de nature juridique?

M. Cusson (Maurice): En France, la formation juridique est très importante dans les milieux policiers, à deux étapes. D'abord, pour réussir le concours il faut bien souvent être capable de répondre à un certain nombre de questions de droit. Deuxièmement, à l'intérieur même des écoles, la dimension juridique... Par exemple, j'ai vu dans une école d'inspecteurs de police, la formation juridique occupe peut-être 75 % de la place.

M. Dupuis: O.K. Là, je vais vous poser une question qui est beaucoup – je vous le dis, là, je le sais d'avance – trop large et beaucoup trop vaste pour le peu de temps qu'on a après-midi, mais j'aimerais ça avoir... si vous êtes capable de me donner une approximation de réponse, même si vous êtes capable de me donner...

M. Cusson (Maurice): On va essayer d'être...

M. Dupuis: Vous avez noté évidemment un certain nombre d'incidents auxquels les policiers ont été associés dans l'histoire récente au Québec. Là, je fais référence à l'affaire Lizotte, je fais référence bien sûr à l'affaire Matticks, qui a donné lieu à la Commission Poitras, l'affaire Suazo, enfin un certain nombre d'événements qui sont survenus. Dans votre esprit à vous, là, si vous aviez – si vous n'êtes pas capable, vous me dites: Je ne suis pas capable faire ça, M. le député... quelle aurait été la carence la plus importante, s'il y a une, qui aurait fait partie de la formation ou pas fait partie de la formation du policier qui aurait donné lieu à ces événements-là?

Là, je sais très bien que c'est une question injuste, je sais très bien qu'il faut faire des différences entre les situations, etc., mais dans votre esprit, y a-tu quelque chose qui manque absolument dans la formation actuelle des policiers, là, qui est impératif, auquel il est impératif qu'on réponde le plus rapidement possible? C'est plutôt ça, ma question, tiens, je pense qu'elle est plus juste.

M. Cusson (Maurice): Vous savez, je vais vous donner une réponse pessimiste à cette question-là. Il m'apparaît – et c'est vraiment une opinion personnelle – que ce n'est pas véritablement des problèmes de formation qui font, par exemple, que, dans l'affaire Lizotte, des policiers à un moment donné perdent le contrôle de leurs gestes et se mettent à taper trop fort.

M. Dupuis: Si vous voulez, évidemment, là, faisons toutes les nuances qui s'imposent.

M. Cusson (Maurice): Et ce que je pense, c'est que les policiers sont confrontés à des situations difficiles, à des hauts niveaux de stress et à des exigences contradictoires, à des espèces de conflits de rôles où ils doivent, d'une part, lutter effectivement contre la criminalité, et, d'autre part, respecter scrupuleusement toute une série de lois, de procédures, de règlements, etc., et respecter scrupuleusement les droits individuels. Ces valeurs entrent en contradiction dans des situations particulières. Sur ça, je serais pessimiste sur la possibilité d'une formation, de corriger ou d'éliminer de telles bavures.

M. Dupuis: Alors, dans le fond est-ce que vous dites que ça, c'est beaucoup plus une question de jugement qu'une question de formation?

(15 h 50)

M. Cusson (Maurice): Ça serait une question, je dirais, de jugement. Je pense qu'une organisation policière dans laquelle on aurait recruté des gens extrêmement bien formés et dans laquelle on aurait instauré une culture du travail bien fait pourrait, je dirais, atténuer ou... pas éliminer, mais minimiser ce genre de problème.

M. Dupuis: M. Cusson, vous êtes, je pense, un observateur averti, d'une part, et privilégié, d'autre part, de la scène policière. C'est votre intérêt professionnel. Et je vois que vous avez une information qui est importante. Avez-vous l'impression qu'on s'attaque bien, au Québec, actuellement à ce problème de culture policière?

M. Cusson (Maurice): Franchement, je pense qu'on fait... Vous savez, la question est difficile, hein? Je pense qu'on fait un certain nombre de pas utiles dans la bonne direction, mais il va y avoir pas mal de travail à faire.

M. Dupuis: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors... Oui, M. le ministre.

M. Ménard: Avez-vous visité l'Institut de police du Québec?

M. Cusson (Maurice): Non.

M. Ménard: Vous n'avez pas assisté aux cours qu'on leur donne sur les techniques d'immobilisation et la façon de le faire?

M. Cusson (Maurice): Non. Non, je n'ai pas assisté à ça.

M. Ménard: Sur l'obligation du vouvoiement en contact continuel, les formules qu'ils doivent répéter pour éviter justement qu'ils disent autres choses quand ils ont le goût de parler?

M. Cusson (Maurice): Alors, ce que vous voulez me...

M. Ménard: En tout cas, je vous invite à le faire et peut-être que ça vous redonnera de l'espoir sur ce que l'on peut réaliser.

M. Cusson (Maurice): Ha, ha, ha!

M. Ménard: Mais je pense bien que vous reconnaîtrez avec moi que les gens qu'on forme aujourd'hui, avant que ça fasse une différence significative dans les corps policiers, ça va prendre un certain temps, parce que, dans les médias de la culture populaire, souvent le message qui est lancé, c'est: Bon, ça, t'as appris ça à l'école; maintenant, on va te montrer la vraie vie. C'est contre ça qu'il faut lutter aussi.

M. Cusson (Maurice): Oui, oui.

M. Ménard: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste donc, au nom des membres de la commission, à vous remercier, M. Cusson, à titre de professeur à l'École de criminologie de l'Université Laval.

Je vais inviter dans quelques minutes les personnes qui vont suivre, c'est-à-dire les représentants de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, à prendre place à la table, mais je vais suspendre les travaux jusqu'à 16 heures. Nous reprenons à 16 heures précises.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, la commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, notamment Mme la présidente Hamalian. C'est bien ça? Donc, nous allons consacrer 60 minutes à la présente rencontre, dont une vingtaine de minutes maximum pour la présentation proprement dite. Alors, vous avez la parole, en vous invitant à nous présenter la personne qui vous accompagne.


Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU)

Mme Hamalian (Arpi): Merci beaucoup, M. le Président. Je m'appelle Arpi Hamalian, je suis professeure à l'Université Concordia et présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université. Je suis accompagnée de Mme Marie-Marthe Cousineau, qui est de l'École de criminologie de l'Université de Montréal.

Alors, je vais vous présenter notre mémoire. C'est un mémoire qui n'est pas très long, alors je vais en faire lecture. Premièrement, je vais vous présenter la Fédération. La Fédération, la FQPPU, qu'on l'appelle, représente la très grande majorité des professeures et des professeurs du milieu universitaire québécois. Plus de 8 000 professeurs d'université sont ainsi représentés par ces instances. La Fédération agit comme porte-parole de ses membres sur toutes les questions touchant l'enseignement supérieur et la recherche, le statut de l'université et son développement dans la société comme service public. Elle a le souci du respect de la nature des universités, de leur mission spécifique, de la place qu'elles occupent dans l'ensemble du système québécois d'éducation et de la reconnaissance du caractère indispensable de leur contribution au développement de la société. Elle est particulièrement attachée à la défense de la liberté académique et de l'autonomie universitaire.

La FQPPU et le projet de loi n° 86. Pour toutes ces raisons, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université s'intéresse au plus haut degré au projet de loi n° 86 mis de l'avant par le gouvernement et ayant pour effet de créer une École nationale de police à qui serait confiée, et je cite, «l'exclusivité de la formation professionnelle qualifiante initiale du personnel policier permettant d'accéder aux pratiques de patrouille-gendarmerie, d'enquête et de gestion policière, exception faite de la formation qui peut être acquise dans le cadre d'un programme conduisant à un diplôme d'études collégiales ou à une attestation d'études collégiales en techniques policières», avec une ouverture vers «la recherche orientée vers la formation» et le mandat de faire reconnaître «ces nouveaux programmes comme étant de niveau universitaire». Article 10 du projet de loi.

Il faut donc comprendre que le projet de loi reconnaît la compétence acquise par l'ordre collégial à former des candidats en techniques policières et à dispenser des diplômes à cet effet, mais non celle des universités – c'est au moins la lecture qu'on en fait – dans un domaine où elles oeuvrent depuis cependant longtemps, et cela, même s'il est question de favoriser la recherche orientée vers la formation, ce qui est la caractéristique fondamentale de la recherche universitaire. C'est pourquoi il y aurait lieu de corriger cet aspect de la loi.

Les universités et la formation policière. Les universités sont des partenaires majeurs dans ce champ en plein développement. Le projet de loi actuel ne reconnaît pas suffisamment leur rôle. Les universités québécoises ont cependant fait la preuve de leur compétence dans le domaine de la formation policière. Elles ont développé une expertise, des programmes qui illustrent fort bien les possibilités de développement d'un tel enseignement de haut niveau. Depuis déjà le début des années soixante, par exemple, l'École de criminologie de l'Université de Montréal a développé de tels programmes et, entre autres, un Baccalauréat spécialisé en sécurité et police dont les objectifs sont spécialement d'initier les étudiants au métier de la sécurité intérieure, de les rendre aptes à résoudre les problèmes de sécurité intérieure et spécialement les problèmes criminels, tout cela dans un contexte pluridisciplinaire favorisant l'intégration des connaissances, la distance critique, l'ouverture d'esprit dans la compréhension des problèmes sociaux ainsi que la capacité d'analyse et de synthèse des futurs détenteurs de ce baccalauréat.

Ceux-ci sont des experts en sécurité publique jouissant d'une formation très large et de haut niveau où se conjuguent le droit, la criminologie, les sciences sociales et la philosophie. Il s'agit donc d'une formation universitaire au plein sens du terme. Participant à ce programme, mais développant aussi sa propre expertise, la Faculté de droit de l'Université de Montréal ainsi que les autres facultés de droit à travers le réseau universitaire sont également des foyers de compétence et de réflexion en matière de sécurité publique et de droit criminel. Ajoutons à cela les programmes d'éducation permanente visant la formation continue du personnel déjà en place. La Faculté d'éducation permanente de l'Université de Montréal offre un Certificat en gestion appliquée à la police et à la sécurité.

(16 h 10)

Vous avez déjà entendu aujourd'hui l'existence des autres programmes et leur compétence comme, par exemple, le certificat de premier cycle en gestion des organisations policières en collaboration avec l'Université du Québec à Trois-Rivières, le programme universitaire court en gestion d'un bureau d'enquête avec la collaboration de l'Université du Québec à Trois-Rivières et la participation de l'Université de Sherbrooke, le programme court de deuxième cycle en éthique policière en collaboration avec l'Université de Sherbrooke. Il y en a d'autres programmes aussi dans d'autres universités dans le réseau, spécialement dans les facultés d'éducation permanente. Alors, c'est pour comprendre que les universités sont des partenaires majeurs dans ce champ en plein développement, et, pour répéter, le projet de loi actuel ne reconnaît pas suffisamment leur rôle d'après nous.

Quatrièmement, les programmes de formation universitaire et le projet de loi n° 86. Le projet de loi n° 86 modifie l'article 4.2 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire en ajoutant la nouvelle École nationale de police à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec déjà inclus dans cette loi. Cependant, malgré le fait que le projet de loi n° 86 soit plus spécifique en ce qui concerne les programmes universitaires et la recherche que ne l'était la Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, il ne prévoit que de façon très limitée la contribution des universités à l'élaboration des programmes qui seront offerts aux étudiants.

L'objectif général de formation supérieure des policiers est hautement souhaitable, en particulier dans les domaines d'enquête et de gestion policière – article 10 du projet – qui requièrent des qualités spéciales. Cependant, cet objectif doit se concrétiser dans le cadre général de la formation supérieure telle qu'elle s'est développée au Québec. Le rôle des universités devrait être ici crucial parce qu'elles ont l'expertise, le corps professoral capable de mener une telle formation de haut niveau et les ressources documentaires qui leur permettent de s'engager dans la recherche de pointe. On pense ici en particulier au Centre de documentation du Centre international de criminologie comparée de Denis Szabo à l'Université de Montréal. Une telle formation supérieure suppose que l'on dépasse largement le niveau des techniques policières pour accéder à celui d'une formation intégrante, constamment enrichie par une réflexion critique sur la société dans laquelle s'exerce la fonction policière, sur les valeurs véhiculées dans cette société, sur son besoin de sécurité et les modalités de mise en place de dispositifs de sécurité. Professionnels de l'ordre social, les futurs policiers doivent apprendre à réfléchir sur cet ordre souhaité.

De plus, les universités se sont dotées de mécanismes d'évaluation des programmes universitaires qui ont déjà fait leurs preuves. S'il est normal que l'École nationale de police élabore ses propres objectifs de formation, elle devrait collaborer très étroitement avec les universités, et la loi devrait leur reconnaître la responsabilité pleine et entière de bâtir, d'offrir et d'évaluer les programmes qui permettent de réaliser ces objectifs. Ça, c'est un point très important pour nous. Ce serait donc un dangereux précédent pour les universités québécoises de donner des cours ou des ensembles de cours dans le cadre d'un programme qu'elles ne sanctionnent pas elles-mêmes.

Deuxièmement, de plus, ce projet de loi, le législateur accorderait une autonomie plus grande à l'ordre collégial qu'à l'ordre universitaire, puisque le Diplôme d'études collégiales et l'Attestation d'études collégiales en techniques policières sont spécifiquement reconnus dans le projet de loi. Ce n'est pas le cas pour les universités et les expertises qu'elles ont développées.

L'université, si elle doit rechercher la collaboration et le partenariat des cadres professionnels, est et doit demeurer autonome dans la conception et l'offre des programmes, ce qui est d'ailleurs reconnu dans l'économie des études au Québec et récemment dans la politique québécoise à l'égard des universités du ministre Legault. Alors, il est donc difficilement acceptable que, comme le prévoit l'article 15, l'École puisse, sans aucun contrôle des instances universitaires compétentes, et je cite, «élaborer et offrir [...] des programmes d'enseignement universitaire». Il y a une spécificité de l'enseignement universitaire dont les universités sont seules capables d'assurer le respect. Leur autonomie dans la collaboration doit être respectée, et la loi doit refléter ce respect clairement.

Cinquièmement, la structure de l'École nationale de police. Le projet de loi n° 86, tout en confiant à la future École nationale de police des mandats qui touchent l'enseignement universitaire, ne fait aucune place dans son administration à des représentants du monde universitaire. Le conseil d'administration, formé de 15 membres, n'accueillera aucun représentant du milieu universitaire. Le monde de l'éducation y est d'ailleurs presque absent, sauvé par la présence d'un, je cite, «membre du personnel du ministère de l'Éducation». Article 18.5 du projet de loi. L'école aura une commission de formation et recherche ayant pour mission de donner son avis sur «tout projet de programme universitaire de formation visant le personnel policier» – article 31.2 du projet de loi – alors qu'aucun universitaire de formation n'est prévu dans sa composition. Rien n'indique que le directeur de formation qui fera partie de cette Commission – article 33.2 du projet – aura lui-même une formation d'universitaire.

Alors, sixièmement, pour conclure, voilà nos recommandations. Ce projet de loi est donc de nature à inquiéter sérieusement tous ceux qui ont à coeur le développement de la formation et de la recherche universitaire. Dans le système québécois, les grandes écoles professionnelles font partie du monde universitaire dont elles respectent les règles de fonctionnement tout en collaborant étroitement avec les corporations professionnelles qui les concernent. Le projet de loi n° 86 semble vouloir s'écarter de ce modèle et créer, en dehors du cadre universitaire, une école professionnelle qui aurait néanmoins mission d'offrir et de développer un enseignement universitaire. Sur de telles bases, la collaboration souhaitée entre les établissements sera bien difficile à établir. Le gouvernement ne doit pas s'engager dans cette voie.

Nous recommandons donc:

1° que le projet de loi fasse à l'École nationale de police une obligation statutaire de collaborer étroitement avec les universités actives dans le domaine de la formation policière pour la mise en place de ses programmes;

2° que le projet de loi soit modifié de façon à reconnaître que les universités qui collaboreront avec la future École nationale de police sont seules responsables des programmes qu'elles dispenseront et seules habilitées à émettre des diplômes universitaires;

3° que le projet de loi prévoie que les professeurs qui sont embauchés pour enseigner dans des programmes de niveau universitaire répondent aux mêmes critères qui s'appliquent aux autres professeurs de leurs universités;

4° que le projet de loi soit modifié de façon à ce que la composition du conseil d'administration de la future École nationale de police et de la Commission de la formation et de la recherche comprennent des universitaires provenant des universités qui sont activement impliquées dans ce domaine de formation.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme Hamalian. M. le ministre.

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup de la peine que vous vous êtes donnée pour étudier notre projet de loi et nous faire vos suggestions. Je comprends que vous avez des inquiétudes. Elles m'étonnent par rapport aux objectifs que nous visions. Maintenant, comme vous n'êtes pas les premiers à les exposer, je commence à voir que vous n'êtes pas les seuls, mais je me demande s'il n'y a pas une difficulté à comprendre nos objectifs.

(16 h 20)

Vous savez, j'ai beaucoup de respect pour les universités. J'y suis passé, comme tous les professionnels, puis j'ai dirigé mon ordre professionnel, puis j'étais en contact avec les universités puis j'ai toujours reconnu que, dans mon ordre professionnel qui était le Barreau, l'université était là pour former l'esprit, et ensuite l'école allait apprendre aux étudiants les choses absolument essentielles pour que les professionnels à qui on donnait le permis de pratique ne fassent pas d'erreurs et servent bien leurs clients, mais les étudiants auraient la tête assez bien formée pour s'adapter aux nombreux changements qu'ils connaîtraient dans leur carrière et qui sont extrêmement nombreux. Mais nous sommes dans l'action et nous avons besoin d'un organisme qui perçoit les besoins et qui apporte des solutions, et, dans ce qui nous intéresse, c'est qu'il y a des besoins de formation pour toutes sortes de raisons, et nous avons besoin d'un responsable qui voie à ce que ces besoins soient comblés le plus efficacement possible et, dans la petite société où nous sommes, avec le moins de gaspillage, de double emploi possible. Et nous demandons à ce responsable de se servir du réseau d'enseignement, qu'il soit collégial ou universitaire, parce que nous croyons que certains des besoins peuvent être remplis uniquement par le réseau universitaire.

Nous ne pensons pas que nous plaçons ni le réseau collégial ni le réseau universitaire dans une relation de dépendance par rapport à ce responsable que serait l'École nationale de police. Je ne vois pas en quoi cela peut être humiliant ou dangereux pour le milieu universitaire que... Parce que, au fond, c'est ça, le rôle que la loi donne. Nous n'éprouverions pas ce besoin si les universités l'avaient déjà rempli. De toute façon, ce n'est pas un reproche que je veux faire aux universités, mais vous comprenez que dans ce domaine il faut qu'il y ait quelqu'un de responsable, et alors la responsabilité... C'est ça que dit notre projet de loi, il lui donne la responsabilité d'assurer que les besoins de formation sont donnés, et il me semble que c'est vous donner une idée de la qualité de la formation que nous voulons que de dire: Nous allons avoir recours au milieu universitaire.

Mme Hamalian (Arpi): Oui. Merci beaucoup pour vos commentaires. On n'est pas en désaccord du tout, je pense que ce que nous aimerions souligner et rendre clair, si ce n'est pas clair, c'est qu'on n'est pas contre l'École nationale de police, mais c'est qu'on veut souligner, dans la formulation de la loi, que ce soit très clair que les universités ont une spécificité et que c'est aux universités de bâtir les programmes d'ordre universitaire. Et, comme je citais, à trois places au moins dans la loi, ce n'est pas clair. On a l'air de penser que c'est quelqu'un, et on ne sait pas c'est qui. Ça pourrait être des personnes très compétentes, des universitaires, mais ce n'est pas spécifié. Alors, pour protéger la qualité, la formation universitaire, la spécificité des universités... Nous avons bâti au Québec un réseau universitaire qui est vraiment très bien reconnu à travers le monde, alors c'est dans ce sens-là qu'il ne faut pas qu'on commence à diluer la loi sur les universités en donnant la responsabilité de programmes universitaires à une école qui n'a pas la spécificité universitaire. Et c'est ça, ce qu'on veut souligner, que la loi soit changée, que la formulation soit claire. On n'est pas, comme j'ai dit, contre l'idée de l'École comme telle, mais, si cette école-là veut dispenser des programmes de niveau universitaire, il faut que la spécificité des programmes universitaires soit respectée. On s'est donné des lois pour ça, on est en contradiction avec nos propres lois. Comme je l'ai dit, le ministre de l'Éducation vient de rendre publique, encore une fois, là, la politique à l'égard des universités, et puis la politique est très claire là-dessus, et c'est tout ce qu'on veut souligner.

M. Ménard: Notre étonnement est d'autant plus grand que nous suivons en cela les suggestions d'un ancien recteur d'université.

Mme Hamalian (Arpi): Maintenant, vous avez entendu les professeurs. Les recteurs gèrent les universités, les professeurs pensent les programmes, bâtissent les programmes. Et, à cause que c'est un ancien recteur, peut-être qu'il a un peu de distance et qu'il a oublié comment les programmes universitaires se bâtissent. Mais, je ne veux pas lui donner des intentions, c'est vous qui l'avez mentionné, je n'avais aucune idée que vous aviez suivi les conseils d'un ancien recteur. Mais nous vous présentons, avec toute l'humilité qu'on a... On pense que les universitaires ont un mépris des autres ordres d'enseignement. Ce n'est pas ça du tout, tout ce qu'on est là pour vous dire, c'est que vous établissez un projet de loi qui peut devenir une loi qui va contredire la loi qui existe sur les universités, et il faut faire attention à ça.

M. Ménard: Je comprends. Est-ce que vous avez lu le rapport de M. Corbo, le premier? Bon. Alors, vous avez probablement reconnu que nous appliquons ses suggestions. Peut-être pas mot à mot le projet de loi qu'il nous avait suggéré, parce qu'il avait été jusque-là, mais... Bon, deuxièmement, est-ce que vous êtes au courant de l'expérience de 20 ans de l'Université du Québec à Trois-Rivières avec l'Institut de police?

Mme Hamalian (Arpi): Oui.

M. Ménard: Jamais aucun professeur de l'Université du Québec à Trois-Rivières ne s'est senti brimé dans sa liberté académique par le fait qu'il ait répondu aux besoins que lui exprimait l'Institut de police.

Mme Hamalian (Arpi): Alors, pour le rapport de M. Corbo, je vous dis: Vous avez reçu une expertise, on vous présente l'expertise de 8 000 professeurs. On parle au nom de 8 000 professeurs, c'est comme ça qu'on voit nos universités. On vous parle au nom de la loi qui existe sur les universités, au nom de la politique qui vient d'être rendue publique. Et puis, en plus, nous sommes tout à fait d'accord avec la collaboration des programmes qui existe parce que c'est des professeurs. Et, j'étais avec mes collègues dans l'autre commission où on écoute les rapports des universités, les professeurs de Trois-Rivières sont très fiers de participer à ces programmes avec l'Institut qui existent, il n'y a pas de problème. Le problème, c'est qu'il y a une loi projetée – c'est un projet de loi – et puis le projet de loi va venir changer la nature de ces relations-là et, si on ne le corrige pas, aussi la nature de la chose universitaire. C'est tout ce qu'on vous dit. On est là pour collaborer avec vous. J'ai énuméré les différents programmes qui sont là, on est fiers d'avoir développé ces programmes-là. S'il y a des lacunes, vous collaborez avec les universités, mais une institution qui n'est pas de nature universitaire ne peut pas modifier la loi sans prendre ces considérations en attention particulière.

M. Ménard: ...je vous remercie. Je pense que j'ai des collègues qui veulent poser d'autres questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, mesdames. Vous venez de dire, Mme Hamalian, que vous n'êtes pas contre l'École nationale de police, sauf que, quand on écoute votre mémoire, vous avez des doutes sur la capacité de la future École de police de développer son expertise, de se doter d'un corps professoral, de ressources, etc. Alors, qu'est-ce qui manque? Qu'est-ce que ça prendrait pour pouvoir transformer l'Institut en une École nationale de police selon les impératifs de la loi?

Mme Hamalian (Arpi): Rien, sauf si c'est de nature universitaire. Au niveau universitaire, nous avons une loi qui existe. C'est ça, ce qu'il faut respecter. La façon dont le projet de loi est formulé, ça viendrait changer la loi existante, et c'est dans ce sens-là qu'on intervient. On n'a rien contre tous les programmes que cette École va développer, parce qu'il y a des expertises qui existent dans le milieu et il y a des lois qui correspondent aux différents niveaux d'enseignement, dont le collégial. Et, on vous a donné l'exemple, les droits du collégial sont respectés dans le projet de loi, mais pas pour le niveau universitaire. C'est tout ce qu'on est là pour souligner.

M. Boulianne: J'aurais une deuxième question, M. le Président. Votre quatrième recommandation, alors vous voulez que des représentants universitaires fassent partie de l'École. Est-ce que, si vous aviez cette garantie-là, que l'une des quatre personnes nommées par le ministre vienne du milieu universitaire, vous seriez davantage en accord avec le projet de loi?

Mme Hamalian (Arpi): Oui, c'est une des quatre recommandations. Oui, mais il y a toujours les autres trois recommandations. C'est que, si c'est de niveau universitaire, si elle va développer des programmes universitaires, l'institution même doit être reconnue de nature universitaire. Alors, c'est les quatre recommandations qui, nous pensons, vont aider à rendre le projet de loi et la loi qui va suivre plus congruents avec la loi qui existe sur les universités. O.K.?

M. Boulianne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Vous nous avez dit à quelques reprises que, l'École nationale de police, vous n'étiez pas contre. Vous faites des recommandations disant que l'École nationale de police devrait collaborer avec les universités déjà en place qui développent des programmes dans le domaine des sciences policières. Mais là, si on suit votre raisonnement, pour que cette école-là puisse s'implanter, vous y êtes d'accord, mais quel serait sont rôle à ce moment-là?

Mme Hamalian (Arpi): Tout ce qui est expliqué dans la loi, c'est correct. D'après notre lecture, elle respecte les différents niveaux de formation incluant le collégial. Quand ça vient aux universités, comme vous avez dit, vous avez une belle tradition de collaboration avec les universités. Jusqu'ici les cours qui étaient donnés, dont universitaires, étaient dispensés dans le respect de la nature de la chose universitaire. Mais il y a des points dans le projet de loi qui risquent d'ouvrir des portes, qui risquent de changer la nature de cette collaboration, et c'est ce que nous voulons souligner.

(16 h 30)

Il dit très clairement que l'École va dispenser des cours universitaires, donner des diplômes universitaires, etc. On ne dit pas qui va bâtir ces programmes. Alors, au niveau universitaire, c'est les universités qui bâtissent ces programmes-là. L'École nationale n'est pas une université.

M. Jutras: Alors, si l'École nationale de police, si je vous comprends bien, là, confie des mandats à des facultés universitaires, à des universités, jusque-là vous êtes d'accord avec ça.

Mme Hamalian (Arpi): Oui.

M. Jutras: Cependant, si l'École nationale de police veut dispenser elle-même de la formation universitaire ou établir des programmes universitaires, vous dites: Qu'elle se fasse reconnaître comme une université conformément à la loi sur les universités.

Mme Hamalian (Arpi): Exact.

M. Jutras: C'est ça?

Mme Hamalian (Arpi): Oui, on se comprend très bien.

M. Jutras: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: Mme Hamalian, Mme Cousineau, bienvenue, à mon tour. Dites-moi, Mme Hamalian ou Mme Cousineau, selon ce que vous choisirez, je voudrais que ce soit clair, notamment pour le ministre bien sûr, c'est lui qui a la majorité. Le ministre de l'Éducation vient de rendre publique sa politique à l'égard des universités, à quels égards la politique que le ministre de l'Éducation a rendue publique est-elle discordante avec ce que vous lisez dans le projet de loi actuel, exactement? Autrement dit, Mme Hamalian, ce que je suis en train de vous dire, c'est: Dites au ministre quelle bataille il a sur les bras avec son collègue de l'Éducation.

Mme Hamalian (Arpi): Mais c'est très clair que la politique à l'égard des universités reconnaît aux universités les compétences de niveau universitaire, dans le respect de leur autonomie institutionnelle, de leur liberté académique. C'est aux universités à bâtir les programmes, même si cette politique-là commence à établir des balises, à cibler des programmes, etc., mais, tout en faisant tout ça, on n'est pas enchanté de tous ces développements-là, ils respectent l'autonomie des universités, ils respectent la nature même de la chose universitaire pour bâtir les programmes. C'est les universités qui s'en occupent. Alors, dans le respect de la loi sur les institutions universitaires, c'est ça qu'on est en train de...

M. Dupuis: Je vais essayer, Mme Hamalian, pour faire suite aux propos que particulièrement M. le député de Drummond vous tenait il y a quelques minutes, de voir un petit peu ce qui vous serait acceptable si on devait modifier le projet de loi. Je l'ai fait avec d'autres groupes, là, simplement pour que vous repartiez d'ici et que vous ayez vraiment l'impression que votre point de vue a été exprimé clairement.

Est-ce que je me trompe en pensant que vous n'avez aucune objection quelle qu'elle soit à ce que tout aspirant policier passe éventuellement par l'école de formation professionnelle qu'on appellerait l'École de police? Le ministre l'appelle l'École nationale de police, moi, je l'appelle l'École de police, ça, c'est de la procédure, mais que tout aspirant policier passe par l'École de police, vous n'avez pas de problème avec ça. Exact?

Mme Hamalian (Arpi): Exact. Pas nécessairement. Il y en a d'autres qui disent qu'il y a d'autres cheminements à suivre, mais, pour devenir policier, oui, absolument.

M. Dupuis: Moi, je parle de la Fédération des professeurs d'université, les membres que vous représentez.

Mme Hamalian (Arpi): Oui, oui, absolument.

M. Dupuis: Vous n'avez pas d'objection à ce que tout aspirant policier au Québec passe éventuellement par l'école de formation professionnelle qu'est l'École de police. Ça, c'est réglé.

Mme Hamalian (Arpi): Ça, c'est réglé, oui.

M. Dupuis: Ça va?

Mme Hamalian (Arpi): Ça va.

M. Dupuis: O.K. Deuxièmement, est-ce que vous avez des objections ou non à ce que l'École de police se voit être donné le mandat de connaître les besoins en formation pour le métier de policier, se voit donner le mandat de connaître les besoins des différents corps de police et se voit dans le fond faire les devis de formation? Ça, est-ce que vous avez des objections à ça?

Mme Hamalian (Arpi): Non, pour tous les niveaux, sauf le niveau universitaire.

M. Dupuis: Attends un petit peu. J'y arrive. O.K. J'y arrive.

Mme Hamalian (Arpi): Je vous réponds par étape...

M. Dupuis: Oui, je vois ça.

Mme Hamalian (Arpi): ...pour que les étapes soient claires.

M. Dupuis: Mme Hamalian, ce que je constate, c'est que vous êtes plus politicienne que moi. Puis ce n'est pas un défaut.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est même un compliment, madame.

Mme Hamalian (Arpi): Oui, oui. Aux prochaines élections, on va voir.

M. Dupuis: Alors, dans le fond, Mme Hamalian, vous n'avez pas d'objection à ce que l'École de police, outre le fait qu'elle dispense un enseignement aux aspirants policiers, à tout aspirant policier, vous n'auriez pas d'objection à ce que... Auriez-vous une objection à ce que l'École de police soit considérée comme – pour employer une expression qu'on a employée régulièrement aujourd'hui – une espèce de courtier en formation? C'est-à-dire, elle reçoit les besoins, elle constate les besoins, elle évalue les besoins, elle fait des études pour connaître les besoins, elle est en contact avec les gens qui peuvent lui donner les besoins, mais elle passe des commandes, elle est demandeur auprès des différentes maisons d'enseignement, notamment les universités. Auriez-vous un problème avec ça?

Mme Hamalian (Arpi): Non. On a des exemples de ça. Il y a les autres professions, les autres ordres professionnels. Il y a les ingénieurs, il y a les avocats.

M. Dupuis: Tous les ordres professionnels.

Mme Hamalian (Arpi): Voilà, c'est ça, et on vient de le mentionner. C'est exactement comme ça. On a ces relations avec les autres ordres professionnels, mais c'est les professeurs des universités qui bâtissent les programmes et puis c'est les universités qui donnent la diplomation. Et, comme vous avez très bien expliqué, c'est qu'il y a un échange avec ces ordres-là pour pouvoir de temps en temps revoir s'il y a besoin de s'ajuster.

Mais les universités ont développé aussi cette expertise de pouvoir prévoir un peu ce qui est l'ordre social. On insiste toujours en disant qu'on n'est pas là pour... Ce n'est pas une relation de marché, hein? Quelquefois, on vous dit comment vous préparer pour tel ou tel besoin. Ce n'est pas ça. Mais l'université, sa mission, c'est la formation à un très haut niveau des citoyens, et c'est dans ce sens-là, de cette mission-là, que les universités déjà pensent à ces programmes. C'est comme ça qu'on a ces programmes-là, n'est-ce pas?

Il y a des programmes qui sont développés avec des commandites qui ont été données, comme les certificats en particulier, mais il y a des programmes comme les programmes à l'Université de Montréal qui sont développés dans le cadre des études sur la criminologie, par exemple. Il y a des expertises qui sont développées là.

Maintenant, on pourrait venir dire que: Voilà, on va discuter ensemble puis on va décider où il faut mettre peut-être l'accent pour les cinq années à venir. C'est comme ça que nos programmes se développent, d'ailleurs. Et d'ailleurs, même avec ces programmes-là, ils doivent passer par les différentes instances. Ils vont à la CREPUQ, par exemple, pour qu'elle examine les nouveaux programmes proposés. Spécialement ces jours-ci, il y aura la rationalisation puis la concertation, etc.

Pour toutes ces raisons-là, et en particulier pour le niveau universitaire, pour assurer que c'est de nature universitaire, ça devrait passer par là; puis après ça va au ministère pour approbation, n'est-ce pas, pour assurer que c'est congruent avec la loi universitaire, pour assurer la rationalisation, pour assurer une concertation. Voilà.

M. Dupuis: Bon. Alors, écoutez, dans le fond, ce que vous souhaitez, c'est un partenariat avec l'École de police, un partenariat éclairé, un partenariat où vous retiendriez la certification des cours, etc., là, mais un partenariat dans ce sens-là, comme celui que vous avez avec toutes les écoles de formation professionnelle de tous ordres.

Dans le fond, si le ministre devait donner suite à son projet de loi tel quel, s'il devait devenir une loi et qu'il ne devait y avoir aucun amendement, le statut de l'École de police serait un statut absolument... ce serait la seule école de formation professionnelle au Québec qui aurait ce statut-là, à laquelle on reconnaîtrait ce statut-là. Exact?

(16 h 40)

Mme Hamalian (Arpi): Oui, mais ça va contre l'autre loi...

M. Dupuis: Qui est la loi...

Mme Hamalian (Arpi): Ils ne peuvent pas dispenser des diplômes universitaires. C'est ça, c'est tout ce qu'on est en train de dire. C'est qu'ils ont leur propre expertise, ils peuvent développer toutes sortes de programmes, mais, si on veut appeler la chose un diplôme universitaire, c'est là où il faut avoir les compétences universitaires. Si l'École veut se donner ces compétences-là, il faut respecter l'autre loi, et c'est là où on voit un problème, on vous annonce ce problème. On espère pouvoir corriger ce problème. Je pense qu'on a bien travaillé avec les universités, avec l'Institut qui existe pour le moment. Je ne vois pas pourquoi on veut absolument changer la loi pour tout d'un coup devenir une université, ce qui est bien si on a les structures et les conditions nécessaires pour s'appeler une université. D'après notre loi en existence sur les universités québécoises, ça ne peut pas se faire.

M. Dupuis: Dites-moi, Mme Hamalian, je soupçonne que vous êtes beaucoup trop prévenante pour vous contenter de faire des représentations en commission parlementaire qui étudie le projet de loi n° 86, au ministre de la Sécurité publique. Avez-vous l'intention de faire les mêmes représentations au ministre de l'Éducation?

Mme Hamalian (Arpi): Absolument.

M. Dupuis: Est-ce que vous les avez faites au moment où on se parle?

Mme Hamalian (Arpi): On leur a signalé notre intention. On leur a dit qu'une fois qu'on a fini les consultations ici, on va leur envoyer aussi notre mémoire avec, s'il y a lieu, des modifications nécessaires qu'on va voir. Je pense qu'on se comprend assez bien. Je ne sais pas si on va spécifier plus que ce qu'on a fait. Il y a trois points dans la loi qu'on a mentionnés, qui, il nous semble, notre lecture de ça, vont contre la loi existante sur les universités, et c'est dans ce sens-là qu'on va faire nos autres interventions.

M. Dupuis: O.K. Maintenant...

Mme Hamalian (Arpi): Mais on vous donne le privilège de vous les faire les premiers.

M. Dupuis: En terminant, Mme Hamalian, on doit tout de même comprendre de vos représentations que vous ne faites pas vos représentations à l'encontre de l'institution que serait l'École de police mais plutôt sur le contenu et sur le mandat que serait celui de l'École de police. C'est exact?

Mme Hamalian (Arpi): Absolument. C'est exact. Autrement, on aurait fait une représentation en disant: Pas de recommandations, on ne veut pas de cette école-là. Il y a un milieu qui est expert, qui pense cette affaire-là, et puis ça ne va pas contre les différents ordres d'enseignement. Dans le projet de loi, la congruence avec l'ordre des cégeps et des collèges est clair. Là où ça dérape, c'est quand on vient... il y a un glissement, là, quand ça vient à la loi concernant les universités.

M. Dupuis: Mme Hamalian, je ne vais pas priver le député de Jacques-Cartier du plaisir de vous interroger.

Mme Hamalian (Arpi): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Juste pour comprendre. Je cherche à bien cerner le rôle pour une nouvelle école de la police. Parce que déjà, j'imagine, l'élaboration, le développement des cours destinés aux... est déjà assez compliqué, parce qu'à l'intérieur de l'université, il y a toujours un concours pour les ressources et les disponibilités. Dans le contexte de la région de Montréal, il faut faire affaire avec la Communauté urbaine de Montréal et la police de Montréal pour bien identifier un besoin pour un cours ou un certificat, un programme. Après ça, il y a tout le concours entre les universités, soit UQAM, Université de Montréal et les autres qui peut-être veulent développer un cours. Est-ce qu'on risque de compliquer encore une fois tout ce processus, parce que c'est déjà lent, c'est mon impression, de développer un cours à l'intérieur des règlements existants? Si j'ajoute un autre acteur dans tout ça, c'est-à-dire une école, est-ce qu'il y a un risque que ça puisse ralentir davantage le processus de développement de ces programmes au niveau universitaire?

Mme Hamalian (Arpi): Je vais répondre. Je ne sais pas si ma collègue, elle va avoir une autre approche à ça. C'est que les universités ont toutes sortes de relations avec toutes sortes d'ordres d'éducation, n'est-ce pas? On a des homologations avec, disons, le niveau collégial, le niveau collégial avec le niveau secondaire, etc. Il faut passer certains niveaux, certains diplômes, etc., et puis l'un reconnait l'autre. Chaque ordre reconnaît l'autre ordre.

De même, quand ça vient aux ordres professionnels, il y a des protocoles qui sont établis. Alors, je ne vois pas pourquoi ce protocole-là, pour la police, est plus compliqué que le protocole pour les médecins, ou le protocole pour les avocats, ou le protocole pour les ingénieurs. C'est dans ce sens-là que nous trouvons que l'existence de l'École, c'est bien.

L'Institut existe. On collabore avec l'Institut. On va collaborer avec l'École, mais, ce qui est dans le projet de loi, c'est que l'École peut de temps en temps, par mandat, décider que, voilà, aujourd'hui on donne un diplôme universitaire ou bien on développe trois, quatre cours puis ça devient un programme universitaire. C'est dans ce sens-là qu'on dit que le jour où vous décidez de devenir une université, il faut respecter la nature de ce qu'est une université et la nature de la loi qui existe sur les universités.

M. Kelley: Non, non. Je dis ça parce que, dans le meilleur des mondes, l'ajout d'une école va peut-être accélérer le processus de développement des programmes, rendre les choses plus efficaces. Mais il y a toujours le risque que ce soit le contraire qui va se produire en ajoutant d'autres étapes, d'autres acteurs dans un processus qui, de l'extérieur, me semblait déjà assez long pour développer des programmes, des fois. Et il y a toujours le... Je pense que la Communauté urbaine de Montréal va venir ici la semaine prochaine pour dire que la formation reçue à l'Institut ne comprend pas la réalité montréalaise, et ils sont toujours obligés de faire une formation additionnelle sur la diversité culturelle de l'île de Montréal, de la ville de Montréal, sa diversité linguistique, etc. Il y a tous ces ajouts de la formation existante. Alors, est-ce qu'il y a un risque, en ajoutant un autre acteur, que ce processus déjà long, qui des fois ne tient pas compte de la réalité montréalaise, soit compliqué davantage?

Mme Hamalian (Arpi): Je comprends ce que vous voulez dire. Maintenant, il y a deux choses, il y a deux questions dans votre question. La première question, c'est: Est-ce qu'on a besoin d'une école? Ce qu'on a déjà dans les cégeps et dans les universités, est-ce que ce n'est pas suffisant? Ça, c'est une chose. Mais on a l'Institut; tout ce qu'on nous demande maintenant, c'est de remplacer l'Institut par quelque chose qui s'appelle école. D'après nous, là, ça ne change pas grand-chose, sauf cet aspect où on se dit: Tout d'un coup, est devenu une université. Si c'est une autre université qu'on établit, bien qu'on le dise.

Maintenant, le débat sur cet autre aspect, ça doit se passer peut-être à la commission de l'éducation, là où on dit qu'il n'y a pas d'argent pour les universités existantes, pour les écoles existantes, pour les cégeps existants et tout d'un coup on trouve de l'argent pour une école. Bien, d'un côté, on a déclaré au Sommet de la jeunesse que l'éducation était une priorité. On est en éducation. Moi, je suis absolument convaincue qu'une société qui se respecte doit respecter le développement de l'éducation de tous les niveaux, de toutes les formes. Et dans ce sens-là, si vous me demandez où est-ce que je veux dépenser mes argents d'impôts, etc., je vais vous dire: Très bien, en éducation en particulier. Pour la sécurité de la société, c'est très important.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on se dit que ce n'est pas un luxe qu'on se donne. Peut-être que... Si l'éducation est une priorité, si on veut avancer, si on veut rendre notre corps policier plus éduqué, un exemple à travers le monde, on est pour ça. Cependant, il ne faut pas qu'en leur donnant une formation secondaire on les déclare des universitaires, par exemple, parce que chaque ordre d'enseignement a ses lois, et, tout ce qu'on est là à vous dire, c'est: Respectons ces lois-là. Si, dans le court terme, on est tellement dans l'embarras du point de vue budgétaire, peut-être que ce que vous suggérez, c'est aussi une considération. À ce qui existe, pourquoi ajouter un autre niveau?

(16 h 50)

Mais nous ne voulons pas douter de l'expertise des personnes qui nous proposent cela étant donné qu'elles sont plus en contact, pour les autres ordres de sécurité et de préparation des gendarmes, des policiers de patrouille, etc., dans ce qui se passe dans le monde entier. Si d'après elles la formation de niveau secondaire, de niveau collégial, etc., est suffisante, c'est bien, nous continuerons dans nos universités à rechercher dans ce domaine-là, parce que, bien, c'est ça l'université. On a le luxe un peu de regarder ce qui est intéressant, ce qui est à venir, de développer de nouveaux savoirs et ces savoirs-là à de nouvelles connaissances, et ça pourrait être dans n'importe quel domaine, en particulier dans ce domaine qui vraiment concerne la fabrique même de notre société. Si on peut devenir un exemple, pourquoi pas? C'est ça.

Maintenant, si on peut se donner le luxe de se payer vraiment une école, très bien, si on peut la rendre universitaire, très bien, mais qu'on respecte la nature de ce qui est université. Alors, le choix où est-ce qu'on va mettre l'argent, c'est un autre débat. Ce que nous vous disons, c'est que ou bien on est une université ou bien on ne l'est pas; si on n'est pas une université, on ne peut pas dispenser des diplômes universitaires.

M. Kelley: Parce que c'est juste que l'ensemble des témoins ont indiqué que le métier de policier est en pleine évolution, et, moi, je trouve que les expertises pour combler beaucoup de nouveaux besoins se trouvent au niveau des universités. Alors, qu'est-ce que je cherche, c'est la mécanique la plus importante, l'informatique, les crimes, «cybercrimes», des choses comme ça, la recherche de Mafiaboy. Ça va prendre une nouvelle expertise pour nos policiers pour trouver Mafiaboy.

Je reviens toujours à la diversité de la population, surtout dans la région montréalaise, je peux ajouter à la liste. Je trouve qu'il y a beaucoup d'expertises existantes dans nos universités pour soit les programmes existants ou l'élaboration de nouveaux programmes. Alors, c'est quoi, la mécanique la plus efficace pour mettre en contact le réseau universitaire avec les besoins des corps de police, des policiers et la société, et le ministère de la Sécurité publique aussi? Il y a des acteurs. Je cherche à clarifier des rôles pour m'assurer qu'on peut rapidement, à la fois pour nos nouvelles recrues mais également pour le perfectionnement, la formation continue de nos policiers, avoir un accès le plus rapide et le plus efficace aux expertises qu'on trouve, entre autres, dans nos universités.

Mme Hamalian (Arpi): Oui. Les universités, c'est un service public. L'accessibilité, c'est ce que nous voulons absolument maintenir à n'importe quel coût. Là, c'est très important pour nous. L'accessibilité, c'est ce que nous défendons le plus. Ce que, moi, j'aimerais faire, c'est demander peut-être à M. le ministre de nous dire pourquoi est-ce qu'on ressent le besoin de donner à cette école-là des compétences de dispenser des enseignements au niveau universitaire? Est-ce que, dans les relations qui existent maintenant avec les universités, vous trouvez des lacunes, et c'est quoi, ces lacunes-là? C'est un peu, quand on nous demande des indicateurs de performance...

M. Kelley: ...

Mme Hamalian (Arpi): Non, on nous demande, par exemple – on commence à apprendre un peu le discours aussi – des indicateurs de performance tout en nous disant qu'on est très bien connus dans le monde, que c'est un réseau compétitif, etc. Cependant, il faut créer des indicateurs de performance. Mais d'où est-ce qu'on part? Comment est-ce qu'on a identifié ces besoins-là? C'est dans ce sens-là qu'on pourrait poser la question à ceux qui nous proposent cette loi pour voir c'est quoi, les besoins qui vous ont, d'une manière ou d'une autre, dirigés à mettre le niveau universitaire dans cette école-là sans respecter la loi sur les universités. Vos relations avec les universités, est-ce qu'il y a des problèmes? Parce que, aussi, il y a une diversité. Il faut dire que, c'est dans plusieurs universités, il y a des...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît, madame.

Mme Hamalian (Arpi): ...oui, des programmes qui sont dans le département des cours de criminologie, d'autres de juridique, d'autres de sociologie, d'autres d'anthropologie. Voilà, c'est qu'il y a une diversité aussi. Alors, c'est pour vous dire que les universités ont déjà développé des programmes très intéressants et assez divers, et, si entre tout ça on ne peut pas trouver son compte, mais pourquoi on ne peut pas négocier de penser la chose universitaire dans les universités, au niveau universitaire, ou bien qu'on fasse de l'école une université?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bon, très bien. Alors, M. le ministre, heureusement, il vous reste sept minutes, si vous désirez répondre.

M. Ménard: Ah oui, je peux vous donner une réponse.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mais, normalement, on est un peu dans un processus inverse, là. Il ne faut pas en prendre l'habitude. Ha, ha, ha!

M. Ménard: Non, mais je n'ai pas d'objection parce que je comprends qu'il y a... Je dis souvent, c'est la deuxième fois que je constate ça, que le langage législatif n'est pas nécessairement un langage pédagogique. Je peux vous dire que des mots comme «la plupart du temps», ou «occasionnellement», ou «etc.» n'ont jamais leur place dans un texte de loi. Il suffit, à un moment donné, que la possibilité soit donnée pour qu'on s'aperçoive beaucoup plus tard que cette possibilité a permis les déblocages les plus significatifs. Et on ne peut pas mesurer l'importance d'une disposition législative au nombre de lignes qu'elle a ni l'importance d'une décision.

Pour répondre à votre question, c'est très simple. D'abord, nous avons collaboré avec une université depuis 20 ans sans que jamais cette université ne se sente brimée dans sa liberté académique. Il est absolument certain que, dans les années qui s'en viennent, certains policiers devront avoir des formations pointues qui seront d'un tel niveau qu'elles doivent être données par des universitaires. Nous devons établir ces programmes, nous devons les rendre accessibles à des gens qui travaillent. Nous devons les rendre accessibles sur un vaste territoire. Nous devons les rendre accessibles dans certaines... Enfin, on a un tas de contraintes qui ne s'appliquent pas aux étudiants qui fréquentent les universités. On peut résoudre ces contraintes, mais par contre une chose est certaine, c'est que nous aurons un lieu où ces besoins seront exprimés à travers son conseil d'administration, à même la Commission, et où des réponses devront être apportées et des programmes devront être élaborés.

Il est évident pour nous qu'ils vont être élaborés par des gens compétents et, s'il s'agit d'un niveau universitaire, qu'ils le seront par conséquent par des professeurs d'universités. Ça ne fait pas l'ombre... il va sans dire, je ne sais pas s'il faut le dire même si ça va sans dire, mais en tout cas, pour nous, ça va, puis ça a toujours été comme ça. C'est-à-dire ou bien une université va l'offrir puis on va envoyer le monde là, ou bien on va être obligé parfois de le donner dans diverses universités pour le rendre plus accessible au nombre de policiers, et à ce moment-là le programme aura été conçu quelque part par des universitaires, à la demande de l'École nationale de police, après entente, et puis avec entente, puis ensuite ce sera donné par des universités. Enfin, il y a une diversité de choses, et il faut bien comprendre que, nous, on a besoin de cours universitaires, très souvent dans un contexte qui n'est pas celui des études des autres étudiants et qui doit correspondre à des besoins précis.

Moi, je ne crois pas que ça brise la liberté académique de qui que ce soit. Je ne vois pas... Mais une chose à laquelle non pas je tiens, mais que la réalité nous impose, c'est qu'il doit y avoir un responsable, et ce responsable ça doit être... Et c'est d'où le nom de l'École nationale. L'École nationale n'est pas dans le sens de l'École de criminologie ou de l'École du Barreau, c'est dans le sens d'une institution qui perçoit les besoins et qui s'assure que ces besoins de formation seront remplis sous une forme ou sous une autre.

J'ai dit ça en quelques minutes, mais probablement que vous pourriez rafraîchir votre mémoire en reconsultant le rapport de M. Corbo, parce qu'il me semble que c'est ce que j'ai essayé de résumer. Peut-être certainement pas dans les mots qu'il l'a fait, mais, ce que je viens de dire, j'essaie de résumer quelques chapitres du premier rapport Corbo, qui, moi, quand je les ai lus, me sont apparus absolument lumineux. Je suis vraiment surpris des réticences qu'ils soulèvent.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il me reste, mesdames... On aurait quelques instants pour vous permettre de répondre.

Mme Hamalian (Arpi): Oui. Il m'apparaît qu'il n'y a pas de contradiction entre ce que nous proposons et ce que, vous, vous dites que c'est votre intention. Mais le législateur qui écrit les lois est un expert en formulation, en langue législative et en interprétation à long terme. C'est dans ce sens-là que nous voulons absolument nous assurer que la loi est écrite de manière qu'il n'y ait aucune équivoque, que les universités sont les maîtres pour bâtir les programmes qui sont de nature universitaire. On veut que la loi ne laisse aucune équivoque là-dedans, parce qu'à plus long terme ça va créer des problèmes vis-à-vis de la loi sur les universités.

Si on veut effriter la loi sur les universités par petits bouts de changements, hier l'école de l'hôtellerie, aujourd'hui l'École nationale de police, demain je ne sais pas quoi, là, il faut en faire un débat public spécifique, n'est-ce pas? Alors, ce n'est pas par la porte d'en arrière qu'on va changer la loi sur les universités. C'est pourquoi je cite aussi l'intention du ministre, qui vient de souligner que ce n'est pas l'intention du gouvernement. C'est qu'on respecte le contrat que le gouvernement a vis-à-vis les universités. Et c'est dans ce sens-là que, si deux ou trois changements de mots vont nous assurer qu'il ne va pas y avoir de conflits entre les deux lois, on pourrait partir sur un pied d'égalité et puis avec beaucoup plus d'assurance pour développer plus de sécurité et pour l'ordre universitaire, la qualité des programmes et la qualité de la société, que c'est l'intention de l'école à défendre.

(17 heures)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur ce, Mme Hamalian, Mme Cousineau, j'aimerais vous remercier, à titre de représentantes de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, pour votre contribution à nos travaux.

Je rappelle que la commission est réunie afin d'entendre différents groupes relativement au projet de loi n° 86, Loi sur la police. Nous allons recevoir maintenant M. André Normandeau que j'invite à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Alors, j'en appelle à votre collaboration, de façon à libérer la table, s'il vous plaît. Mme Hamalian, s'il vous plaît.

M. Normandeau, si vous voulez, s'il vous plaît, vous asseoir.

M. Dupuis: M. le Président, je vais avoir une demande à vous faire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Oui, M. le député de Saint-Laurent, vous vouliez intervenir?

M. Dupuis: Oui. Une courte demande, M. le Président, que je vais soumettre à la commission en souhaitant que la partie ministérielle y concoure. Avant qu'on entende M. Normandeau... M. Normandeau, ça n'a rien à faire avec votre témoignage, mais je sais que vous venez nous parler un petit peu d'autres choses que ce dont on a parlé tout au cours de la journée. Alors, je vais faire ma demande maintenant.

On a parlé beaucoup de formation à venir jusqu'à maintenant, M. le Président. J'ai vérifié ce midi la liste des groupes qui doivent être entendus. J'ai constaté, à ma surprise, que l'Institut de police de Nicolet n'était pas prévu. C'est peut-être parce qu'eux autres ne souhaitent pas être entendus. Mais, honnêtement, puisqu'on discute d'un rôle qui pourrait leur être dévolu éventuellement, si la loi devait être votée, il m'apparaît que ce serait peut-être intéressant de leur offrir d'être entendu. On pourrait le faire, pas aujourd'hui bien sûr, mais peut-être leur offrir d'être entendu et on pourrait le faire à l'occasion de la reprise de nos auditions qui sont prévues pour les 7, 8 et 9 mars. Est-ce que vous auriez une objection? Peut-être qu'on pourrait le faire de consentement, inviter l'école à être entendue, vérifier si elle veut être entendue, d'abord, mais, si oui, on pourrait l'inviter dans ces jours-là de telle sorte qu'elle pourrait nous dire aussi comment elle voit son rôle à l'avenir. Moi, je vais vous dire, honnêtement, ça permettrait peut-être de réconcilier certains points de vue qu'on a entendus, si on pouvait avoir l'éclairage de ce que l'Institut peut lire dans le projet de loi.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Ménard: L'offre est faite. Laissons-les réfléchir, si vous voulez, sans donner une réponse tout de suite, et puis on pourra... C'est certain que, s'ils veulent venir, je suis prêt moi aussi à les accueillir...

M. Dupuis: Mais, honnêtement, M. le ministre, moi, là...

M. Ménard: ...en public, n'est-ce pas, puisque c'est public.

M. Dupuis: Écoutez, je vais aller un petit peu plus loin que ce que vous êtes prêt à me consentir intellectuellement cet après-midi. Moi, j'aimerais savoir si l'école veut être entendue et si elle va être entendue.

M. Ménard: Laissez-les donc réfléchir.

M. Dupuis: Je pense qu'elle n'a pas besoin de réfléchir, là, d'après ce que je peux voir.

M. Ménard: C'est tout réfléchi?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y, madame.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): ...choses qui se sont dites aujourd'hui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En vous identifiant, encore une fois, s'il vous plaît.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Pardon? Louise Gagnon-Gaudreau, directrice générale de l'Institut de police du Québec. Alors, avec tout ce que j'ai entendu aujourd'hui, c'est bien sûr que, dans bien des occasions, j'aurais aimé expliquer ou informer. Dans ce sens, je pense qu'on pourrait accepter de rencontrer ou d'informer ou d'expliquer. Je pense que ça serait important entre autres de dire d'où on part et où est-ce qu'on s'en va.

M. Dupuis: Ne commencez pas à témoigner aujourd'hui, Mme Gagnon.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): C'est ça.

M. Dupuis: Moi, je veux juste savoir si vous êtes intéressée.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Oui.

M. Dupuis: Oui? Très bien. Alors, je pense qu'on pourrait convenir...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, si vous permettez, donc nous allons passer maintenant à l'étape qui était prévue avec M. Normandeau. M. Normandeau, nous avons une heure de prévue, dont une vingtaine de minutes pour la présentation. Alors, je vous cède la parole.


M. André Normandeau

M. Normandeau (André): Bien. Merci, M. le Président.

M. Dupuis: Excusez-moi, M. Normandeau, d'avoir interrompu le flot de votre pensée.

M. Normandeau (André): Vous êtes tout excusé, c'était pour la bonne cause.

M. Dupuis: C'est ça.

M. Normandeau (André): Alors, je vais essayer de prendre les 20 minutes qui me sont allouées avant la période de questions. Compte tenu que vous avez beaucoup entendu parler, justement, de la formation, je vais probablement m'en abstenir presque complètement. Mais ce projet de loi évidemment a beaucoup d'autres choses et aussi des choses qui ne sont pas là, et j'aimerais au moins y faire allusion. Alors, j'avais dit, dans la partie écrite... Je vous ai envoyé, comme mémo, deux ou trois points et, avec votre permission, vous m'arrêterez si ce n'est pas approprié, donc j'en ajouterai deux ou trois, mais à l'intérieur, toujours, de mon 20 minutes.

Au tout début, je mentionne que, lorsqu'on regarde un projet de loi de cette nature-là, c'est sûr qu'on ne fait pas une réécriture qui est complète, ou à peu près. C'est sûr qu'il y a des morceaux, comme la déontologie, qu'on est allé chercher dans l'ancienne Loi sur l'organisation policière, mais enfin c'est une réécriture assez substantielle, une fusion des deux lois, la Loi de police et la Loi sur l'organisation policière. Dans ce sens-là, peut-être qu'on avait des aspirations, vu de l'extérieur, trop fortes en pensant que – puisque ça n'avait pas été modifié, sauf des petits morceaux, depuis donc au moins une dizaine d'années, avec la Loi sur la déontologie policière en 1990 – il y aurait donc dans cette loi-là des aspects importants qui se rattacheraient aux principales recommandations faites par des commissions d'enquête depuis une dizaine d'années. Alors, je commence par évidemment... je les ai nommées, mais enfin sur Oka, sur Chambly, Bellemare – nommé d'ailleurs par M. Serge Ménard dans son premier mandat comme ministre – les trois rapports Corbo, Malouf, sur Montréal, qui est important, parce que ça touche la police de Montréal. Mais il y a bien des leçons, sur les enquêtes en particulier, qui touchent tout le monde.

Donc, dans ce sens-là, il y a une déception chez un certain nombre de criminologues qui suivent le dossier de près, parce que, tout en reconnaissant pleinement que le ministre et son équipe ont toute la latitude... Ça fait partie de la démocratie, c'est tout à fait normal qu'ils choisissent un certain nombre d'idées dans des commissions d'enquête, qu'ils ne retiendront pas tout, même quand c'est eux-mêmes qui l'ont formée, et donc j'accepte ça. Mais, entre une ou deux recommandations retenues, changées, et 100 ou 135 ou 175, comme la commission Poitras, effectivement, on ne s'attendait pas à ce que toutes les recommandations... Mais on aurait pensé que ça aurait été plus substantiel non seulement sur la commission Poitras, mais je vais parler par exemple de la commission Bellemare sur les enquêtes, donc toute la formation et la qualité des enquêtes. Après tout, ça date de 1996et c'est le ministre Ménard lui-même qui l'avait nommé. Un peu à la blague, je pourrais dire que le ministre Ménard est le fils spirituel de Jacques Bellemare, parce qu'ils ont travaillé ensemble pendant un certain nombre d'années, et je m'attendais qu'il y ait un lien assez profond. Et, pour avoir parlé à M. Bellemare il y a quelques semaines, donc la déception est profonde de ce côté-là aussi. Ça, c'est un petit peu la toile de fond négative.

Il y aurait une toile de fond positive. J'y ferai allusion: le fait qu'on mette vraiment au coeur de ce projet-là – en tout cas, c'est mon interprétation – la formation des policiers. Malgré ce qui a été dit aujourd'hui ou malgré que je pourrais ajouter quelques mots – peut-être plus dans la période de questions – ça, c'est un point très positif. En l'an 2000, au Québec, il était temps, après avoir eu trois commissions d'enquête, ou partiellement, sur ce sujet-là, qu'on prenne le taureau par les cornes et qu'on décide d'aller de l'avant. Alors, je vais prendre quatre ou cinq points.

Le premier point n'est pas dans le projet de loi, mais je pense que, par abstention, ça vaut la peine, à l'occasion, de vous signaler qu'on pourrait peut-être revoir le projet de loi et ajouter un certain nombre de choses. Ce qu'il n'y a pas dans ce projet de loi là, et il me semble qu'il devrait se retrouver dans les trois ou quatre premières pages, dès le début, avant même de parler de la formation puis ensuite de l'organisation, c'est quelque chose qui inspire, qui donne du souffle à la réforme. Si vous regardez certaines lois, par exemple la loi de l'Ontario, que je connais bien, qui avait été votée en 1990, au moment où je travaillais justement au Solliciteur général du Canada, à ce moment-là, effectivement, sur la mission, sur les valeurs, sur le modèle de police, eux-mêmes, déjà en 1990, avaient donc opté pour le modèle de police communautaire. Il y avait donc trois ou quatre pages qui donnaient de l'inspiration, alors que, honnêtement, dans ce projet-là, il faut aller très loin pour trouver, en page 9, trois lignes – trois lignes – qui définissent la mission de la police. Il me semble que mission, valeurs et le modèle de police devraient s'y retrouver.

(17 h 10)

Mission. Simplement pour vous rappeler que, depuis 10 ans, justement l'Ontario... mais avec d'autres personnes, j'avais été responsable du livre vert du gouvernement fédéral qui s'intitulait Une vision de l'avenir de la police au Canada . On avait quand même fait les 10 provinces, les deux territoires, 586 entrevues avec des décideurs de tous les niveaux, les élus politiques dans les Assemblées nationales, dans les Parlements, les maires de plusieurs villes, les directions de police, les syndicats. On avait dégagé un consensus et, ne serait-ce que dans ce document-là, je pense, malgré que ça fait 10 ans, ça s'intitulait L'avenir, défi de l'an 2000 , donc on s'y trouve aujourd'hui. Je le relisais justement en venant ici, il y a quelques pages qui pourraient être reprises à mon avis et donner de l'ossature, donner de la viande autour de l'os, ce qu'on entend par une mission, par un certain nombre de valeurs rattachées aux chartes des droits de la personne, etc. Et aussi – et ça, je me demande pourquoi le ministre n'y a pas pensé – la semaine dernière, on a pu participer à un exercice, un certain nombre d'entre nous, autour d'une politique ministérielle en matière de police communautaire.

Je comprends qu'elle est en rédaction, mais quelle belle occasion – de nouveau, l'Ontario l'a fait – au tout début d'un projet de loi, de parler de la mission, de parler des valeurs et de dire, très explicitement, sans équivoque, si telle est la volonté du ministre, que dorénavant le modèle de police professionnelle, de type communautaire, quelle que soit l'expression, police de quartier à Montréal, enfin le contenu... Le contenu, c'est quoi? C'est le G 7, c'est les partenariats avec les élus politiques, les citoyens, les commerçants, les médias, les autres services publics, les services de sécurité privée, parce qu'il y a, pour chaque policier maintenant, trois personnes qui travaillent en sécurité privée, donc 55 000 policiers au Canada mais près de 200 000 personnes en sécurité privée. Donc, ces différents partenaires-là pourraient être mentionnés et ça ferait partie de ce qu'on appelle «modèle police communautaire». Il y a aussi la résolution de problèmes comme méthodologie et effectivement, à l'intérieur de ce modèle-là, parler de la prévention, du coeur de ce modèle-là qui est la prévention surtout de nature situationnelle. Donc, un gros morceau qui n'est pas là mais qui, à mon avis, est déjà prêt quelque part dans les bureaux du ministère et qu'on devrait utiliser pour l'introduire en plein coeur. Parce que, pour avoir travaillé avec certains policiers dernièrement, entre autres à la Sûreté du Québec, ils ont dit: Si on avait une directive, si on avait un leadership ferme, sans équivoque, qui nous dit: C'est là qu'on va, il nous semble que ça nous aiderait à passer à travers la réorganisation et aller de l'avant.

Le deuxième point – vous l'avez, ça, par écrit, du moins en résumé – fait référence dans le projet de loi, à la page 24, l'article 291 et suivants, à ce fameux conseil de surveillance, du moins, c'est la terminologie du ministre, conseil de contrôle venant de la commission Poitras. Alors là je dois dire, et je le dis ouvertement: J'appuie vivement l'intention de fond de ce conseil dit de surveillance ou de contrôle. Sauf que, de nouveau, en comparant avec ce qui se fait ailleurs, les «police boards» en Ontario ou même, à sa façon, le conseil de sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal, avec trois représentants élus de Montréal, trois maires de banlieue et une personne nommée par le ministre de la Sécurité publique, pourquoi mettre une étiquette aussi négative alors qu'on veut aller de l'avant? On veut donc faire une réforme importante, on veut donner le goût aux gens de se dépasser, de se surpasser. Vous savez très bien, dès qu'on utilise une étiquette «surveillance, contrôle», les gens pensent qu'évidemment des gens vont être au-dessus de leurs épaules. Pourquoi ne pas l'appeler tout simplement conseil d'administration de la Sûreté du Québec et à ce moment-là donc lui donner un certain nombre de balises?

Dans ces balises-là, je pense qu'il y a deux points essentiels. La constitution même de ce conseil d'administration de la Sûreté du Québec... Alors là on ne se battra pas pour les chiffres: Poitras avait dit sept membres; le ministre a retenu cinq membres. Je pense qu'effectivement c'est difficile pour moi d'arriver à cinq membres. J'ai pensé à ceux qui pourraient légitimement en faire partie et j'arrive moi aussi à sept membres. Je pense que ça prend un délégué du ministre; un député du gouvernement; un député de l'opposition; un policier, normalement le directeur de la Sûreté du Québec ou son représentant; un policier, peut-être, d'une autre administration, parce que c'est bon d'avoir ce coup d'oeil; probablement un administrateur comptable style HEC, style hautes études commerciales, pour les aspects administratifs; et un criminologue, un sociologue ou une personne en relations industrielles, pour les relations de travail.

Mais j'ai mentionné – et honnêtement, j'y ai repensé, j'ai parlé avec un certain nombre de personnes – que nommer cinq ou sept personnes, gentiment comme ça, bénévolement, ça ne peut pas être pris au sérieux, ça ne peut pas être crédible. Et dans ce sens-là, ils vont prendre une tasse de café de temps en temps entre eux, mais ils ne pourront pas faire du travail sérieux. Écoutez, ça va être probablement des gens, entre guillemets, qui ont déjà un certain leadership, donc probablement un emploi du temps assez chargé, et vous allez leur demander de se réunir comme ça. Bon. Maintenant, je suis conscient – probablement que le ministre a ça en tête aussi – de dire: On a assez critiqué les gens qui faisaient partie des comités, des commissions pour des cumuls, ce qu'on a appelé des cumuls, des cumulards, des cumuls de rémunération. C'est pour ça que je dis, honnêtement, à ce moment-là, par exemple pour les universités, mais il y aura des gens qui viennent d'autres milieux, on peut faire des prêts. Moi-même, j'ai travaillé deux ans avec le gouvernement fédéral comme conseiller spécial auprès du ministre du temps au Solliciteur général du Canada. Je n'ai pas été rémunéré. Il y avait donc un échange entre l'Université de Montréal et le ministère du Solliciteur général. Imaginons que ce conseil d'administration aurait une personne de l'Université du Québec, pour être gentil. À ce moment-là, disons qu'on estime à demi-temps. Pendant deux ans ou pendant trois ans, on négocie avec l'Université du Québec qui libère donc à mi-temps et qui est remboursée par le ministère. Donc, pas de cumul mais du vrai temps par les membres de ce conseil d'administration.

Et à l'article 301, à la page 25, on mentionne que ce conseil aurait une petite équipe. On ne mentionne pas exactement... Je l'ai appelée, moi, une unité d'analyse modeste. De nouveau, j'ai connu ça quand j'ai travaillé pour le Solliciteur général du Canada. Le Solliciteur général est responsable de la Gendarmerie royale du Canada et il a autour de lui donc une unité de travail, une unité d'analystes indépendants de la Gendarmerie royale, de sorte qu'il peut recevoir deux ou trois avis différents pour être sûr de prendre la bonne décision. Alors, il ne faudra pas minimiser. Je suis d'accord que les budgets doivent être modestes, mais cette unité d'analyse est drôlement importante si vous voulez que le conseil d'administration ne demeure pas simplement symbolique.

Troisième point qui est dans mon mémo, cette fois-ci également dans la Loi sur l'organisation policière, l'ancienne loi, enfin qui est toujours en existence, on a donc depuis une dizaine d'années, depuis Claude Ryan, 1991-1992, en passant par trois ministres du gouvernement actuel, MM. Serge Ménard, Robert Perreault et Pierre Bélanger, regardé de très près toute la question de l'organisation, surtout en termes de fusion, de régie intermunicipale, d'entente, de bonne entente, justement, entre les différentes municipalités. Je pense, honnêtement, sans être trop cavalier, quand on regarde ce qui s'est passé depuis une dizaine d'années, que ce n'est pas satisfaisant pour différentes raisons. On crée des régies une année et, un an après – je regardais récemment Valleyfield, Salaberry, etc. – ils décident qu'elles vont demander de défusionner. Ailleurs, on fusionne pendant un certain temps. Après, on n'est pas satisfait – dans la région de Waterloo, par exemple, encore cette semaine – et donc ce va-et-vient entre fusion, défusion, régie, régie partielle, régie complète, à mon avis, n'est pas satisfaisant à la fois pour développer un plan de carrière et avoir des policiers compétents dans un certain nombre de domaines et aussi pour rendre les services appropriés à la population.

C'est pour ça que, même si c'est une idée qui a traîné, par exemple, de nouveau en Ontario, en Colombie-Britannique depuis la fin des années quatre-vingt, cette idée d'une vraie régionalisation des services de police m'apparaît être la solution, de façon modeste. Ce n'est pas la fin du monde, ce n'est pas une nouvelle religion, mais ça m'apparaît être le moyen par excellence. Je sais, comme la ministre Louise Harel, que c'est difficile au niveau des municipalités. Ça va l'être probablement au niveau des services de police. Mais enfin, là, on peut dire de nouveau aux contribuables, aux élus politiques: Écoutez, ça fait 10 ans qu'on essaie à droite et à gauche, avec toutes les couleurs politiques qu'on peut imaginer. Il est temps, à mon avis, d'aller de l'avant et que, dans la Loi sur l'organisation policière, revue, corrigée ou réinsérée, on puisse aller dans une loi qui permettrait la régionalisation.

(17 h 20)

J'ai suggéré donc de tenir compte des régions socioéconomiques du Québec parce qu'on peut recouper, à ce moment-là, soit des programmes d'éducation, des services sociaux, des services de santé. Donc, ça pourrait être revu, mais essentiellement ça pourrait être autour des services régionaux, et la Sûreté du Québec devient, à ce moment-là, une police qui va offrir des services spécialisés. Dans mon texte, j'en ai mentionné un certain nombre d'exemples. Et c'est sûr que, en même temps que vous centralisez, d'une certaine façon, en créant 17 services de police au Québec, donc pour permettre, justement, une carrière, la qualité, etc., vous devez introduire immédiatement le modèle de police professionnelle de type communautaire pour que cette centralisation apparente, en passant de 125 à 17 services de police, puisse immédiatement prendre la courroie d'une police près des clients, près de la population, par le modèle de la police communautaire, de sorte que dans une région, par exemple Chicoutimi–Lac-Saint-Jean, des policiers resteraient suffisamment longtemps à Jonquière ou à Alma pour bien connaître leurs citoyens, leurs associations, leurs élus politiques, leurs commerçants, etc., et non pas être envoyés à chaque année, à chaque deux ans, comme on voit, dans plusieurs services de police.

Sur l'autre point, le quatrième point, sur les universités, etc., je pense que vous en avez assez entendu. Si vous avez des questions, je pourrais y revenir. Moi, je pense que l'École nationale a sa place. Mais je pense, effectivement, qu'elle doit agir comme agence de coordination avec les universités. Elle ne doit pas se substituer aux universités. Et donc, l'exemple avec l'Université du Québec est un bon exemple: il devrait se multiplier, tout simplement, avec les autres universités intéressées. Peut-être un point spécifique sur ça. J'ai appelé ça un impérialisme malsain. C'est que le projet de loi prévoit qu'il y a une seule entrée, qui est l'entrée donc par cégep et l'Institut de police, devenu l'École nationale. Et même un peu plus loin, on dit que les enquêteurs et les gestionnaires devront d'abord avoir été reconnus comme patrouilleurs-gendarmes, donc avoir suivi la seule filière qui va exister, qui est une filière pratiquement centenaire. La police de Montréal a été fondée en 1850, la Sûreté du Québec en 1870, et donc quand vous regardez tout le Xxe siècle, il y a toujours eu, soit via une école de police de Montréal ou à partir de 1968, l'Institut de police du Québec, une seule porte d'entrée. Que l'Institut devenu École nationale serve pour prendre des gens qui ne seraient pas nécessairement tous – je ne veux pas passer d'un extrême à l'autre – issus du sérail du cégep et du sérail de l'Institut, je pense que ce serait possible, à ce moment-là. Il y a donc le projet-pilote avec la Sûreté du Québec à sept personnes, mais je voyais l'entrevue avec Florent Gagné, il y a sept ou huit jours ou peut-être deux semaines maintenant, découragé, qui disait: Les syndicats ne voudront jamais. Donc, il n'y aura jamais d'entrée latérale.

Ici, il faut comprendre, je pense, que, pour l'avenir, on parle de deux types d'entrées latérales. Des entrées latérales de carrière, qui permettent à un policier de Chicoutimi de venir travailler à Montréal ou à un policier de Montréal de venir travailler à la Sûreté du Québec, etc., policier au civil dans l'organisation. Mais il y a aussi des entrées latérales de recrutement qui sont la possibilité pour des gens qui auraient, justement, un diplôme en police et sécurité, de pouvoir entrer par la grande porte, pas en projet-pilote. Et même dans le nouveau projet de loi, on ne reconnaît même pas ce projet-pilote comme faisant partie de l'avenir. Alors, dans ce sens-là, je pense que c'est un retour, moi, que j'appelle un retour centenaire sur une vieille formation. Quand on regarde la Californie, quand on regarde l'Europe, elles permettent maintenant – le FBI, depuis 27 ans, maintenant – des recrutements directs, donc à partir des diplômés universitaires. Vous parliez de la criminalité économique tout à l'heure, la cyber, etc. Vous avez besoin de gens qui sont diplômés des HEC, en informatique, etc. Donc, pourquoi payer des gens qui sont déjà des policiers, les envoyer les 57 500 se former, alors que vous pouvez avoir de jeunes diplômés ou même des gens avec expérience dans ce domaine-là? Donc, là, il y a vraiment un gros ménage, et je pense que le projet de loi – on est prêt – devrait passer.

Une voix: ...

M. Normandeau (André): Une minute? Alors, écoutez, j'aurais sept ou huit autres points. On verra donc dans la discussion. J'aimerais au moins indiquer, suite à ce qui s'est passé la semaine dernière avec la Sûreté du Québec, que, s'il y a une réforme – je sais que c'est plus via le Code du travail, mais il y a aussi la loi sur le régime syndical de la Sûreté du Québec – vraiment, il faut toucher, pendant que le fer est chaud, il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Je pense, on pourrait revenir, que conciliation, médiation, arbitrage... je ne vois pas d'autres solutions. Et là je parle pour l'ensemble des services de police où ça existe, mais même pour la Sûreté du Québec, sauf qu'elle ne peut pas être exécutoire. Donc, il faudrait qu'elle soit partiellement exécutoire, balisée entre autres par la politique salariale du gouvernement. D'autres aspects pourraient donc être aux mains de l'arbitre.

Mais, quand on regarde les avantages – je termine avec ça, M. le Président – des policiers, ce n'est pas simplement la Sûreté du Québec, ça a été repris dans les journaux dernièrement, je pense que c'était fort intéressant, une retraite après 25 ans. Pourquoi un policier peut-il se retirer après 25 ans, à 47 ans, 48 ans, et non pas les autres citoyens? Pleine indexation, pleine retraite, etc., pas de pénalités. Tout le reste qui a été mentionné: fonds de retraite, l'État, 75 %, et le policier, 25 %, alors que partout ailleurs dans la fonction publique c'est au moins 50-50. Un REER collectif, des primes de fonction à 40 % versus 16 % ailleurs, etc.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En concluant, s'il vous plaît.

M. Normandeau (André): Bon. Alors, je conclus en disant: J'ai pensé, à un moment donné...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mais là il vous reste 10 secondes pour conclure.

M. Normandeau (André): Dix secondes. J'ai pensé que c'était de la jalousie personnelle. Je l'ai testé et je pense que c'est plutôt de la justice professionnelle de revoir le régime de travail, le Code du travail et donc les avantages sociaux des policiers. Ils sont bien traités, ils sont traités comme des professionnels, ils l'ont voulu, ils doivent agir comme des professionnels. Et dans ce sens-là, je pense qu'il y a un ménage important à accomplir à ce niveau. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Bon. Alors, je vous remercie d'être venu devant nous. Je vois que vous avez la parole facile et la plume également. C'est dans un domaine que vous connaissez bien et sur lequel vous vous êtes illustré pendant nombre d'années. Je ne crois pas cependant que vous ayez la même conception d'une loi que les légistes qui les rédigent ni du langage qu'ils utilisent. Je reconnais, par contre, que là il n'est peut-être pas évident pour tout le monde, ce langage. Mais, par exemple, l'expression, à 298: «Les membres du Conseil ne sont pas rémunérés, sauf dans les cas, aux conditions et dans la mesure que peut déterminer le gouvernement.» C'est la formule généralement utilisée dans les lois du Québec pour déterminer que le gouvernement déterminera leur rémunération. C'est d'ailleurs exactement, sauf erreur, la même formule qui est utilisée pour la rémunération des membres du conseil de sécurité du service de police de la Communauté urbaine de Montréal, que vous preniez comme modèle tout à l'heure. De même, je ne crois pas qu'une loi soit un discours, et ces mots auront quand même une interprétation juridique. La mission qui est exprimée à l'article 48 a été soigneusement écrite non pas seulement pour inspirer, mais aussi pour que les juges en tiennent compte dans leurs jugements. Et je pense qu'il ne faudrait pas non plus... Il faut quand même que ça ait des conséquences juridiques.

Mais, de toute façon, je voudrais bien que vous me donniez un exemple d'une suggestion du rapport Bellemare qui aurait dû être traduite en langage législatif et apparaître dans une loi plutôt que dans les politiques gouvernementales et qui n'est pas dans cette loi.

M. Normandeau (André): Le coeur, à mon avis, de ce qui a été retenu et de mes discussions aussi avec Bellemare, au-delà de son rapport, c'était donc la qualité des enquêtes. Et il le prenait non seulement pour la Sûreté du Québec, mais évidemment pour l'ensemble des policiers. Et dans ce sens-là, quand on retrouve dans le projet de loi que la seule porte d'entrée des enquêteurs et des gestionnaires va devoir être par la gendarmerie et de nouveau par le modèle classique de recrutement, je pense qu'effectivement ça va contre l'esprit, même la lettre, de ce que le rapport Bellemare suggérait. De nouveau, ça ne veut pas dire...

M. Ménard: Mais l'article 10 dit bien: «Exception faite de la formation qui peut être acquise dans le cadre d'un programme conduisant à un diplôme d'études collégiales ou à une attestation d'études collégiales en techniques policières.» Vous savez pertinemment bien que c'est la formule qui permet les entrées latérales et c'est celle que nous avons utilisée pour cette entrée latérale à la Sûreté du Québec.

M. Normandeau (André): Oui. Puis vous avez lu l'entrevue de M. Florent Gagné dans La Presse ? C'est très net qu'il dit que ça ne va pas plus loin parce que le syndicat n'en veut pas.

M. Ménard: Enfin, on parle de loi ici, on ne parle pas d'interview, là.

M. Normandeau (André): Oui.

M. Ménard: Mais la formule qui a été utilisée, les dispositions légales qui ont été utilisées, c'est exactement celles-là.

M. Normandeau (André): Vous me pardonnerez, M. le ministre, à chaque fois, il me semble qu'il y a ambiguïté. Ça a beau être un langage que vous appelez juridique...

M. Ménard: Bien, c'est surtout qu'il a été interprété par les tribunaux.

M. Normandeau (André): ...je ne vois pourquoi on dit: Non rémunéré, puis ensuite le ministre pourra le faire. Pourquoi dire deux choses qui sont contraires? On dit l'un ou l'autre, il me semble.

M. Ménard: Bien, ça, vous savez, monsieur, j'ai abandonné l'idée, en cinq ans, d'écrire les lois comme je le voudrais. Je suis obligé finalement de les faire écrire par des légistes qui m'assurent qu'elles auront les conséquences que je souhaite.

(17 h 30)

En tout cas, j'espère que vous direz à M. Bellemare – mais je lui dirai certainement moi-même – qu'il me semble que l'idée maîtresse de son rapport, de ce que j'avais compris, c'est qu'il fallait assurer la formation des enquêteurs. Et l'idée première que nous voulions exprimer dans ce projet de loi, et dans la mesure où nous pouvons nous servir d'une loi pour être inspirants, c'est justement de placer la formation au premier plan, et c'est pourquoi nous avons ainsi commencé. Et je pense que cette formation va mener, par une réglementation appropriée, puisque nous devrons passer d'un régime où les enquêteurs n'ont pas eu l'exigence du diplôme universitaire à un régime où il y aura exigence du diplôme universitaire, nous allons passer, grâce justement aux articles 10 et suivants...

Par contre, je vais aller quand même rapidement parce qu'il y a certaines conséquences de vos suggestions qui m'intriguent. Je comprends que vous suggérez que la Sûreté du Québec n'ait plus de fonction de patrouille sur le territoire du Québec. C'est ce qui implique évidemment la régionalisation proposée. C'est exact?

M. Normandeau (André): Sauf sur demande temporaire d'un service de police qui en aurait besoin, un des services régionaux.

M. Ménard: Mais vous voulez dire qu'on aurait une réserve de patrouilleurs qui ne patrouilleraient pas jusqu'à ce qu'on nous les demande en suppléance quelque part?

M. Normandeau (André): Oui, oui. Parce que ça pourrait arriver qu'il y ait des troubles particuliers dans une région, donc une enquête ou plusieurs enquêtes sur des crimes comme des homicides, etc., et on aurait besoin de leur expertise. Alors, ça peut aller de certains patrouilleurs qui seraient très minoritaires, mais c'est surtout évidemment des enquêteurs spécialisés qui répondraient sur demande.

M. Ménard: Non, mais c'est ça que je veux savoir. Est-ce que nous aurions un contingent de patrouilleurs à la Sûreté du Québec? D'après ce que j'ai compris de votre plan...

M. Normandeau (André): Modeste, oui.

M. Ménard: ...il n'y en a pas.

M. Normandeau (André): Non, mais, en y repensant, ça prendrait également quelques patrouilleurs en réserve de la république.

M. Ménard: Bon. Alors, qu'est-ce qu'ils feraient? On les installerait chez eux comme patrouilleurs, ils seraient patrouilleurs, mais ils attendraient qu'on ait besoin d'eux pour remplacer des bleus quelque part?

M. Normandeau (André): Mais, écoutez, c'est comme les enquêteurs. C'est sûr que les enquêteurs font des enquêtes spécialisées, mais eux-mêmes étant aussi au service des régions, ils pourraient intervenir. Donc, là, il faudrait voir la mécanique. Est-ce que ça prendrait un petit groupe? Les enquêteurs, vous allez en avoir beaucoup plus. Mais je pense qu'il devrait y avoir une réserve à la fois de patrouilleurs et d'enquêteurs, oui.

M. Ménard: Ça va. Maintenant, croyez-vous que c'est une bien bonne idée que de faire desservir Mont-Laurier et Sainte-Thérèse par le même corps de police?

M. Normandeau (André): Bien, écoutez, par rapport au modèle actuel où les gens s'entre-déchirent, donc dans ces régies ou dans ces ententes intermunicipales, moi, je pense, c'est sûr que ça prendrait un certain temps. Mais il y a déjà des acquis, en termes de région ou enfin de sentiment régional. Je ne dis pas que c'est parfait partout au Québec. Je ne dis pas non plus que les régions doivent bien délimiter à un moment donné et que ce n'est pas parfait... Il y a des morceaux des régions qui, à l'occasion, voudraient peut-être appartenir à la région précédente ou à la région suivante. Mais donc, je pense qu'on pourrait créer un esprit de corps régional dans ce sens-là. Encore là, je ne cherche pas le modèle unique. Ce n'est pas une religion, c'est de l'organisation policière. C'est un mode de fonctionner.

M. Ménard: Bien oui, mais c'est quand même important, vos suggestions. Là, vous dites qu'on devrait adopter les régions administratives du Québec. Alors, je vous parle, moi, de la région des Laurentides. Bon. Alors, qui aurait autorité sur le corps régional de police des Laurentides?

M. Normandeau (André): Bien, ça serait un petit peu comme le modèle que vous avez depuis quelques années dans les contrats entre la Sûreté du Québec et les MRC. Il y a donc quatre représentants, quatre élus municipaux qui représentent la ou les MRC et deux personnes qui n'ont pas le droit de vote qui représentent la Sûreté du Québec, dont le commandant évidemment de la région ou enfin du district. Donc, la mécanique, de nouveau, devrait être revue. Mais c'est sûr que le principe que les élus politiques siègent et président le conseil d'administration devrait exister dans les services régionaux.

M. Ménard: Alors, effectivement, il y a des conseils de sécurité publique au niveau de MRC qui sont... et ces gens-là se réunissent de temps à autre pour exercer leur responsabilité, le contrôle de la police. Et d'ailleurs mon idée, c'est que ces conseils de sécurité publique pourraient être étendus à la sécurité incendie, à la sécurité civile et peut-être même à d'autres fonctions régionales. Mais, dans ce que vous nous proposez, c'est sur la base des régions du Québec. Alors, vous voyez, si je comprends bien, que le maire de Mont-Laurier va rencontrer le maire de Sainte-Thérèse, de Saint-Eustache, d'Oka, de Saint-Jérôme pour... À quel rythme vont-ils se rencontrer? Quelles distances vont-ils parcourir, n'est-ce pas?

M. Normandeau (André): Bien, justement, s'ils prennent le dossier de la police qui, ne serait-ce qu'en termes budgétaires, est fort important mais aussi en termes démocratiques parce que la police trop longtemps s'est dirigée pratiquement par elle-même... Parce qu'on est passé, dans les années cinquante, soixante, à un régime où on parlait d'ingérence politique dans le mauvais sens du terme – je ne veux pas y revenir – où les élus politiques pouvaient dire d'arrêter telle personne ou de fermer tel bar. Donc, on ne veut pas y revenir. Mais on est allé d'un extrême à l'autre avec un modèle supposément professionnel où les élus politiques n'osaient plus intervenir pour donner les grandes orientations et refléter un peu les besoins de la population par rapport aux écoles, par rapport aux loisirs, par rapport à l'implication avec les CLSC dans les cas de violence familiale ou conjugale.

M. Ménard: J'essaie de comprendre les conséquences de votre chose.

M. Normandeau (André): Oui.

M. Ménard: Vous êtes sérieux. Vous voulez vraiment que Mont-Laurier et Sainte-Thérèse soient desservies par le même corps de police régional.

M. Normandeau (André): Oui.

M. Ménard: Vous proposez sérieusement ça, vous?

M. Normandeau (André): Oui, oui. Je ne dis pas que c'est facile, mais je le propose, oui.

M. Ménard: Très bien. Bon, maintenant, dans les suggestions que vous faites aussi, vous confinez la Sûreté du Québec au rôle de police d'État et vous donnez une liste sur laquelle j'aurais quelques questions parce que je veux savoir quand même comment ça fonctionnerait. Vous mettez là-dedans le Laboratoire de... Je pense que ce n'est pas le nom que vous lui donnez, mais son nom légal, c'est le Laboratoire de... Pardon?

M. Normandeau (André): D'expertise judiciaire?

Une voix: De sciences judiciaires.

M. Ménard: Oui, c'est ça, de sciences judiciaires et de médecine légale. Bon, nous nous sommes beaucoup efforcés, ces dernières années, d'isoler le plus possible ce Laboratoire des corps policiers afin qu'il soit absolument indépendant et recherche l'objectivité, étant conscients que nous sommes dans une société petite qui n'a peut-être pas les moyens de conflits et que ce Laboratoire doit être perçu comme respectant l'objectivité scientifique.

Je comprends que cela ne vous convient pas et que vous voudriez, vous, le mettre sous la direction de la Sûreté du Québec. Et je vous signale aussi que nous l'avons transformé en unité autonome de service, de sorte qu'il assure son financement par des contrats. Et nous avons fait beaucoup d'efforts pour lui accorder l'indépendance. Je comprends que, vous, vous n'êtes pas satisfait de ces efforts que nous avons faits et vous voudriez venir dans une position où il relèverait directement de la Sûreté du Québec. C'est exact?

M. Normandeau (André): Ce n'est pas une question d'être insatisfait. C'est une question tout simplement pratico-pratique, je pense. Si, dans la proposition toujours, on a 17 services régionaux, c'est sûr que, s'il y a des crimes graves dans une ou l'autre des régions qui n'ont pas tous les spécialistes, ils vont avoir besoin non seulement de policiers enquêteurs, à l'occasion, de la Sûreté du Québec, mais aussi du Laboratoire. Et je trouvais que c'était plus simple de procéder de cette façon-là, puisque le lien se ferait directement d'un service régional avec la Sûreté du Québec.

Toutefois, avec ce que vous mettez sur la table en disant que vous avez réussi à développer une autonomie, donc, ce ne serait pas, de nouveau, matière à religion pour moi, en regardant ça d'un peu plus près, de dire: Même dans cette formulation-là, le Laboratoire pourrait rester indépendant tout en étant au service des 17 services de police régionaux.

M. Ménard: Oui, mais j'ai bien compris que, aussi, dans ce que vous supposez, vous gardez quand même la Sûreté du Québec au niveau des enquêtes majeures.

M. Normandeau (André): Oui.

M. Ménard: Bon. Alors, l'indépendance évidemment que nous avons voulu établir, c'est justement entre le Laboratoire scientifique pour qu'il soit perçu comme objectif et les enquêteurs qui...

M. Normandeau (André); Oui, mais n'oubliez pas, le Laboratoire, c'est un outil, hein. Ce n'est pas eux qui font l'enquête.

M. Ménard: C'est ça.

M. Normandeau (André): Enfin, ils contribuent, ils vont chercher des preuves additionnelles, etc. Mais il faut bien qu'ils travaillent d'assez proche, puisqu'ils montent la preuve ensemble pour le procureur et pour le tribunal. Donc, dans ce sens-là, comme je vous dis, il faudrait regarder l'outil d'un peu plus près. Je pense que les deux modèles pourraient exister. Ils pourraient rester indépendants, mais c'est sûr qu'ils vont devoir trouver une façon de collaborer de façon relativement près avec, à la fois, les enquêteurs de la Sûreté du Québec et, à l'occasion, les enquêteurs d'une des régions, d'un des services régionaux. Donc, il faudra trouver la mécanique. Mais, de nouveau, il ne faut pas chercher la pierre philosophale dans ce sujet-là.

M. Ménard: Vous nous proposez également que la SQ pourrait, par exemple, établir un projet expérimental de prévention communautaire du crime. Pourrais-je vous demander comment la SQ pourrait produire un pareil projet, exécuter un pareil projet si elle n'a pas de patrouilleurs?

(17 h 40)

M. Normandeau (André): Parce qu'elle développerait une expertise. Vous savez actuellement que la Sûreté du Québec, via sa Direction des relations communautaires, développe – et c'est tout à son honneur – depuis maintenant une dizaine d'années des projets de prévention en collaborant avec le Bureau d'assurance du Canada, avec l'Association des banquiers canadiens, l'Association des petits marchands détaillants, etc. Donc, à un moment donné, ils les mettent à la disposition évidemment, en premier, de leurs patrouilleurs dans les régions. Mais plusieurs de ces projets-là ont circulé et, donc, l'idée a été fort utile à la police de la Communauté urbaine de Montréal, à la police de Laval, à la police de Longueuil, etc. Donc, dans ce sens-là, comme cette section-là a quand même développé une expertise, je ne vois pas pourquoi ils ne continueraient pas tout simplement de la partager. Sauf qu'au lieu de la partager avec des patrouilleurs, entre guillemets, qui appartiennent à la même organisation, ce serait donc les patrouilleurs des 17 services de police régionaux.

M. Ménard: O.K. Finalement, moi, je vous demanderais, dans votre plan, environ combien de policiers compterait la Sûreté du Québec.

M. Normandeau (André): Probablement, compte tenu que la plupart des patrouilleurs, sauf une petite unité... Donc, c'est autour de 2 000, 2 500 patrouilleurs. Ça veut dire que tous les autres services... Probablement que ça serait autour de 1 500 à 2 000 personnes par rapport aux effectifs actuels.

M. Ménard: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Concernant la police régionale, moi aussi, je me pose un peu des questions concernant votre proposition. Ce que je comprends de votre proposition... Je regarde une région comme la mienne, Centre-du-Québec, où il y a déjà un corps de police à Victoriaville, il y en a déjà un à Drummondville, il y en a un, je pense, à Nicolet. Ça veut dire que ces corps de police là disparaîtraient ou, en tout cas, seraient fusionnés et deviendraient un corps de police régional. C'est ça?

M. Normandeau (André): Mettons. C'est ça.

M. Jutras: Il n'y aurait plus de corps de police municipaux.

M. Normandeau (André): Non, ce serait le service de police de la Mauricie, disons, quelque chose comme ça.

M. Jutras: On parlait du Centre-du-Québec.

M. Normandeau (André): Dans votre région, oui.

M. Jutras: Alors, ça deviendrait la police régionale pour toute cette région-là, même s'il y a des pôles d'importance comme, par exemple, Victoriaville et Drummondville. Ce serait le même corps de police pour...

M. Normandeau (André): Oui. C'est ça.

M. Jutras: Parce que j'imagine que, si vous mettez ça de l'avant, vous prétendez, vous pensez que c'est meilleur que la formule actuelle. Alors, pourquoi vous pensez que les citoyens auraient un meilleur service de cette façon-là?

M. Normandeau (André): J'ai bien indiqué dans la proposition, telle que je l'ai reprise, que c'est un double mouvement. C'est un mouvement d'une certaine centralisation, si on voit ça comme ça, en disant: Dans une région donnée, il y avait, mettons, 14 services de police, un qui avait cinq policiers puis un qui avait peut-être 50, 60 policiers, vous les mettez ensemble, donc il y a un mouvement de centralisation. Ce mouvement-là régional, c'est pour permettre de développer des expertises, ce qui fait que le service de police actuellement de cinq personnes, c'est sûr qu'il ne peut pas faire des enquêtes très approfondies, etc. et, donc, ça permet, à la fois, en termes de qualité professionnelle des services et plan de carrière aussi pour les policiers, d'avoir un service de police où ils peuvent aspirer à avoir des postes de responsabilité plus intéressants. Ça, c'est le premier mouvement.

L'envers de la médaille, qui est tout aussi important et qui probablement répond un peu à votre préoccupation, c'est de dire: Oui, mais, avant, le service de police de Victoriaville, qui avait 40 ou 42 policiers, était assez près des citoyens, des associations, de la Chambre de commerce, etc., donc on voudrait garder ça. C'est là qu'on introduit le modèle de police professionnelle de type communautaire qui permet, à ce moment-là... D'abord, la vision est que vous êtes au service, vous avez une approche client, vous ne décidez pas ça tout seul dans votre coin. Il y aura le comité régional avec les élus politiques et il y aura aussi une multiplication. Donc, les policiers travaillant concrètement à Victoriaville ou Drummondville vont devoir effectivement mener, par exemple, des opérations de prévention en travaillant avec les commerçants de Victoriaville ou avec l'Association des femmes violentées de la région de Drummondville, par exemple.

M. Jutras: Oui, mais, sur le premier volet que vous présentez, vous dites: S'il y a un corps de police à un endroit, de cinq policiers, ils ne peuvent pas avoir l'expertise relativement aux crimes compliqués. Mais ça, on a déjà une solution à ça. Dans une situation comme celle-là, ils font affaire avec la Sûreté du Québec. Puis par ailleurs la Sûreté du Québec est déjà déployée sur tout le territoire du Québec. Alors, tu sais, je me demande où est l'amélioration du service pour le citoyen, parce que c'est ça qu'il faut viser, un meilleur service pour le citoyen.

Et aussi, vous ne traitez pas... Qu'est-ce qui arrive dans le cas des grandes catastrophes? Parce que, là, vous nous dites que la Sûreté du Québec diminuerait de 2 000 policiers environ. Qu'est-ce qu'on fait si on se retrouve encore avec le grand verglas, comme on a eu en 1998, ou les inondations? Où vous allez prendre le bassin de main-d'oeuvre dont vous avez besoin d'une façon pointue, dans le cas de tels sinistres?

M. Normandeau (André): Oui. Première partie de votre question. Je vous rappelle, etc., que ce n'est pas, donc, parole d'Évangile. Vous avez votre opinion sur le fait que peut-être qu'un service de police de cinq policiers est relativement près de ses citoyens, ils font surtout protection du voisinage et que c'est bien pour les citoyens qu'ils les connaissent, qu'ils s'adressent à eux par leur premier nom, etc. Bon. Ces policiers-là, peut-être que quelques-uns sont heureux et vont rester 25 ans, 30 ans, donc, au service de cette police-là et, dès qu'il y a une enquête un peu compliquée, ils vont faire venir des gens.

Donc, comme je vous dis, les modèles d'organisation, c'est une question de dosage. Moi, je vous ai dit pourquoi: à la fois pour développer des expertises, pour moi, je pense qu'on donne un meilleur service si on a plus d'expertise, et, avec la coordination de la Sûreté du Québec, ce serait préférable. Mais, donc, c'est comme les fusions des villes, hein, c'est exactement la même chose, il y a matière à interprétation. La preuve, c'est que ça fait 30 ans qu'on en parle puis on n'a pas trouvé la solution.

Ceci dit, sur la deuxième question, les services régionaux...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement. Brièvement, s'il vous plaît.

M. Normandeau (André): Oui. Les services régionaux vont collaborer avec les autres ministères et, entre autres, le ministère de la Sécurité publique dans son autre fonction, en termes, donc, de protection civile. Et dans ce sens-là, on peut imaginer très bien un mécanisme bien intégré au niveau régional pour répondre à la plupart des catastrophes, et, s'il y a une catastrophe un peu plus importante, à ce moment-là, effectivement, des gens de la Sûreté du Québec pourront intervenir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Merci, M. le Président. M. Normandeau, bonjour. Je dois dire, M. Normandeau, que je suis absolument impressionné par votre présentation, d'une part, que, d'autre part, pour avoir suivi votre carrière et pour avoir lu des articles que vous avez écrits et des déclarations que vous avez faites au fil des années dans ce domaine-là, j'ai beaucoup de respect pour vous, et vous contribuez... Certains de mes collègues vont sourire, mais vous contribuez à la dose d'humilité dont j'ai besoin chaque jour pour rester les deux pieds sur terre, par vos connaissances. Et j'ajouterai, M. Normandeau, que ce n'est très certainement pas par complaisance que je vous fais ces compliments-là, puisque, si je me souviens bien, aux dernières élections, vous avez souhaité changer de carrière et vous avez même présenté votre candidature dans le comté de Mont-Royal, si je me...

M. Normandeau (André): Exactement.

M. Dupuis: Et évidemment c'est mon collègue de Mont-Royal qui siège maintenant à l'Assemblée nationale. Mais j'ai bien vu que vous avez souhaité venir siéger avec nous et que, si ça avait été le cas, je vous retrouverais en face.

M. Normandeau (André): Peut-être, peut-être.

M. Dupuis: Alors donc, on ne peut pas m'accuser de complaisance à votre endroit.

M. Normandeau (André): Non. Très bien.

M. Dupuis: Ceci étant dit, je ne voudrais pas que nos échanges se fassent sur le ton de la partisanerie. Mais, vous et moi, nous avons utilisé aujourd'hui le même mot et je l'ai utilisé, moi, lorsque le ministre a déposé le projet de loi n° 68, c'est le mot «déception». Vous l'avez utilisé dans votre mémoire. J'ai bien noté que, cet après-midi, vous l'avez utilisé de façon un peu moins vernaculaire que vous ne l'avez fait dans le mémoire. Mais je pense que le sentiment reste, est encore le même, vous êtes déçu de ce que le ministre a déposé dans le projet de loi n° 86.

Comme observateur privilégié et averti de la scène policière au Québec – puisqu'il faut circonscrire un petit peu nos discussions – je pense, M. Normandeau, que vous allez être d'accord avec moi pour constater qu'il y a actuellement, au Québec, entre la population et les policiers, qu'ils soient de la Sûreté du Québec, à cause de récents événements qu'on a vus, ou qu'ils soient membres d'autres corps de police, le SPCUM ou d'autres corps de police, moi, j'ai appelé ça, ce matin, une crise de confiance entre la population et ses policiers. Vous pourriez appeler ça un malaise, d'autres pourraient appeler ça un malaise. Mais il y a très certainement, entre la population du Québec et ses policiers, un problème au moment où on se parle. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Normandeau (André): Oui. J'aurai l'occasion peut-être de faire quelques nuances tout à l'heure.

(17 h 50)

M. Dupuis: Non, mais, M. Normandeau, toutes nuances devant être faites et...

M. Normandeau (André): Toutes proportions gardées, oui.

M. Dupuis: ...toutes proportions gardées, on pourrait ne pas s'entendre sur le degré, mais il y a très certainement, n'est-ce pas, entre la population et les policiers un malaise, actuellement.

M. Normandeau (André): Oui, d'accord.

M. Dupuis: Bon, moi, j'ai tendance à penser, M. Normandeau, mais j'aimerais ça savoir si vous êtes d'accord avec moi, j'aurais tendance à penser que voici une occasion, le projet de loi n° 86, les suites à donner au rapport... Le rapport Poitras, la publicité qui a été faite au rapport Poitras, le rapport Bellemare, la publicité qui a été faite au rapport Bellemare, le rapport Verdon, Sûreté du Québec Chambly, la publicité qui a été donnée, j'aurais tendance à penser qu'on a maintenant, dans l'histoire policière du Québec, une belle occasion pour donner un bon coup de barre pour qu'en définitive – parce que c'est ça qu'on fait ici – la population puisse retrouver la confiance qu'elle doit avoir dans ses forces policières.

Êtes-vous d'accord avec moi qu'au moment où on se parle actuellement, la table aurait été mise pour qu'on donne un bon coup de barre et qu'on arrive avec quelque chose de plus musclé, à défaut de trouver un meilleur terme? Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Normandeau (André): Oui, oui, d'autant plus, comme je vous dis là, que ça fait 10 ans qu'il y a eu une série de comités, de commissions, sous les deux gouvernements – donc, de nouveau, j'essaie que ça ne soit pas trop partisan – et c'était mûr pour avoir... Surtout qu'on prenait la peine de réécrire au complet, de fusionner deux lois. Je pense, comme je l'ai mentionné d'abord, qu'on aurait pu inspirer beaucoup plus au tout début et en faire une certaine promotion par la suite et aussi sur le détail.

Je dirais ceci. Quand on parle de la population, les sondages qui sont de type Gallup, hein – ça, c'est: Diriez-vous que, dans l'ensemble, vous êtes... – c'est deux citoyens sur trois, autrefois c'était trois sur quatre, ça a baissé mais ça reste toujours majoritaire, sauf que c'est sûr, que, quand il y a des bavures, l'histoire Barnabé, des choses de cette nature-là, ça baisse drôlement. Mais il y a quelque chose de particulier pour la Sûreté du Québec, à mon avis, peut-être parce qu'un certain nombre d'affaires... et sûrement que, les dernières années, la commission Poitras...

Je sais que c'est peut-être une anecdote, mais ça vaut la peine peut-être de vous la raconter pour voir la différence dans l'opinion publique entre, donc, une certaine perception de la Sûreté du Québec et les autres services de police, malheureusement à cause évidemment des événements que l'on connaît. Une dame me présente à un moment donné, très récemment, dans le dernier mois, son fils qui termine sciences politiques et elle se renseigne pour savoir s'il peut rentrer justement par les entrées latérales de quelque façon. Son fils n'est pas là pendant une partie de la rencontre et elle dit: Pourriez-vous le recevoir et lui donner plus de détails, à l'université, etc. Donc, j'accepte, tout ça. Et elle me prend un peu en aparté – c'est une personne de classe moyenne, bien éduquée, tout ça, mais enfin, qui suit, je pense, l'actualité, etc. – et elle dit: Vous savez, M. Normandeau, vraiment, je me suis réconciliée avec l'idée parce que, avant, je ne pouvais pas imaginer mon fils allant dans la police, mais maintenant je pense que, bon, compte tenu des conditions de travail, tout ça. Mais, elle dit, si vous pouviez lui trouver une façon de lui dire mais sans que ça paraisse trop: N'importe où dans la police mais pas à la Sûreté du Québec. Alors, c'est un peu poussé évidemment, comme anecdote parce que ça représente simplement un électeur ou une opinion, mais j'ai retrouvé sous des formes peut-être moins déguisées un certain nombre de témoignages, à la fois professionnels et de simples citoyens, dans ce sens-là.

M. Dupuis: Bon, moi, M. Normandeau, je suis porté à être assez d'accord avec vous là-dessus. Quand je dis qu'il y a un malaise entre la population et ses policiers en général, je pense aussi qu'avec la Sûreté du Québec il y a une relation qui est encore un petit peu plus sérieuse qu'à l'égard des autres corps de policiers. Je suis d'accord avec vous, mais je pense qu'on s'entend, vous et moi, sur le fait qu'il y a un malaise. On peut parler de malaise. Bon.

On s'entend donc sur le fait qu'il y a un malaise, puis on s'entend tous les deux sur le fait que, dans l'histoire policière actuelle, dans l'histoire actuelle, on aurait eu une belle opportunité de donner un coup de barre pour rétablir la confiance complète de la population à l'égard de ses policiers. Est-ce qu'on s'entend également sur le fait, tous les deux, que c'est extrêmement important à la fois pour les policiers et pour la population que cette population-là retrouve la confiance qu'elle doit avoir à l'égard des policiers, puisque – M. Normandeau, peut-être que mon raisonnement est trop court – entre autres, ça permet aux policiers de bien exercer leurs fonctions? Quand la population a confiance dans ses policiers, je pense que les policiers peuvent travailler mieux. Et je pense qu'on va s'entendre là-dessus, n'est-ce pas? Donc, dans la meilleure des hypothèses, il faudrait – et êtes-vous d'accord avec moi – qu'on ait travaillé à faire en sorte que la population puisse regagner à l'égard de ses policiers cette confiance-là qui est nécessaire. On s'entend là-dessus?

M. Normandeau (André): Oui, et je pense peut-être qu'une des façons – de nouveau, ce n'est pas de le présenter comme le modèle, ça n'existe pas – par rapport à cette confiance mutuelle, ça prend donc un rapprochement. Je sais que ça paraît comme un cliché, mais, quand on dit que, dans le coeur du modèle de police professionnelle type communautaire, il y a le G 7 ou le G 8, avec la Russie, donc ce sont les grands partenaires avec lesquels les policiers doivent travailler maintenant, et vice-versa, je pense qu'on se dirige vers le fait que, quand des policiers apprennent à parler avec des commerçants, de nouveau, ou à une association, même...

Je vais vous donner l'exemple de Côte-des-Neiges, où j'habite et, donc, je continue de travailler. Il y a un directeur de police, il y a trois ans, qui s'est retiré comme commandant. Et c'est un secteur où il y a beaucoup de noirs anglophones et de noirs francophones, dans Côte-des-Neiges. Et, pour la première fois après 10 ou 12 ans de critiques de la police, conférences de presse, dénonciations, etc., l'Association des noirs de Côte-des-Neiges a fait une conférence de presse le lendemain pour dire: Écoute, avec ce commandant-là et ces policiers, depuis deux ans, on a mené des opérations de prévention intéressantes chez nous pour nos gens. Bien, c'est parce qu'il y avait eu un rapprochement sérieux, un partenariat sérieux.

M. Dupuis: Êtes-vous d'accord avec moi, M. Normandeau, sur le fait que, si on s'entend sur le fait qu'il y a un malaise, qu'il y aurait eu une belle opportunité, à ce moment-ci, pour poser un coup de barre, qu'il est nécessaire, à la fois pour la population et pour les policiers, que cette confiance-là soit rétablie? Il n'y a pas juste l'opposition qui est triste que le ministre n'ait pas saisi cette opportunité, n'ait pas saisi l'ouverture. Avez-vous noté, M. Normandeau, quand le rapport Poitras a été rendu public, que la première déclaration que le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, Tony Cannavino, a faite, c'est qu'il a dit: Oui, oui, c'est vrai, on a besoin d'une réforme, puis on est prêts à collaborer à la réforme? Alors donc, avec toutes les nuances qui s'imposent, M. Normandeau, là, moi, j'essaie d'être juste avec tout le monde, avec toutes les nuances qui s'imposent, mais il faut absolument, avant que le projet de loi n° 86 ne devienne une loi, que le ministre comprenne, n'est-ce pas, qu'il a maintenant une belle opportunité pour donner un vrai coup de barre et que malheureusement, ça, là, ce n'est pas le vrai coup de barre auquel on s'attendait. Exact, M. Normandeau?

M. Normandeau (André): Deux choses. Un: alors, ça reflète mon opinion. Ce n'est pas pour vous faire plaisir de nouveau.

M. Dupuis: Non, non.

M. Normandeau (André): Je l'ai dit ailleurs, donc, avant même de vous rencontrer, etc. Donc, c'est net. Et, dans les milieux professionnels, en général, c'est un peu le sentiment. On est même déçu, quand on dit «déception», parce qu'on dit: On avait de la chair autour de l'os avec tout ce qui s'était produit depuis 10 ans. Donc, on n'est pas pour reprendre ça 10 fois. C'est clair.

Le deuxième point, toutefois, ça n'a pas été mis du tout sur la table...

M. Dupuis: Je vous écoute, là, je vous écoute, c'est parce que...

M. Normandeau (André): ...que ce soit le ministre ou l'opposition, c'est que les syndicats policiers, surtout les grands syndicats, sont devenus une force de conservatisme, de résistance au changement extraordinaire, eux, qui, honnêtement, dans les années cinquante et soixante et une partie des années soixante-dix, étaient une force de changement. C'était nécessaire. À Montréal, on avait une commission d'enquête sur la corruption policière à tous les 10 ans, jusqu'au maire Drapeau et Pacifique Plante. C'était nécessaire. Et, donc, ils ont poussé, des conditions de travail, etc., qui étaient dues.

Et, lorsqu'on lit un livre... Il y a un de mes collègues qui est le directeur du Département d'histoire de l'Université de Montréal, qui a écrit un livre, l'an passé, sur les 50 ans du syndicalisme à Montréal, etc., et on montre très bien qu'au même moment c'est un croisement, que les conditions de travail augmentaient, les syndicats sont devenus, sur une série d'items, très, très, très conservateurs. Et ça, je veux dire, il n'est pas besoin de vous faire un dessin, vous le constatez à tous les jours, y compris ce qui s'est passé la semaine dernière.

M. Dupuis: M. Normandeau, je n'aime pas ça avoir l'air de vous interrompre, mais j'aime ça, par exemple, quand vous sentez que je veux vous interrompre parce que je veux... Bon. C'est parce que je voudrais discuter d'un certain nombre de sujets avec vous. Ça, c'est le premier volet dont je voulais discuter avec vous, ce volet-là de la déception. Je pense qu'on en a fait le tour.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je pense qu'on va dépasser. Il vous reste sept minutes. On va dépasser 18 heures. J'aurais besoin du consentement pour poursuivre. Ça va? Très bien. Allez-y.

M. Dupuis: C'est parce que j'aimerais juste ça finir mon temps.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pas de problème, oui, oui.

(18 heures)

M. Dupuis: O.K. Merci. Bon, je voudrais régler une question avec vous, courte, courte, courte. J'ai entendu le ministre, j'ai entendu surtout le ton avec lequel il vous a interrogé tantôt sur la régionalisation des services de police. Je ne veux pas qu'on en discute très longtemps, on aura l'occasion de le faire plus avant si vous voulez, mais je comprends votre proposition. Mais, je vais plus loin que votre proposition, M. Normandeau, je comprends de votre proposition que vous voyez l'organisation des services policiers au Québec de la façon suivante. Puis là ne mettons pas de couleur sur les uniformes, voulez-vous? Ne mettons pas de vert ou de bleu sur les uniformes, on va se créer des problèmes dont on n'a pas besoin cet après-midi, mais j'ai compris, par exemple, de votre proposition que vous verriez d'un bon oeil une gendarmerie partout sur le territoire. Oubliez, là, 17 corps de police, ou un seul, ou 32, ou 96, ou 1 150, mais vous voyez d'un côté une gendarmerie et vous voyez d'un autre côté ce qu'on appellera, pour les fins de notre discussion entre nous, les services spécialisés, les enquêtes, les enquêtes de crimes majeurs et tout renseignement criminel, etc., tout ce qui s'ensuit. Est-ce que je trahis votre pensée si je dis que, dans votre tête, c'est parce que vous voyez de la gendarmerie et des services spécialisés?

M. Normandeau (André): Si vous ne poussez pas trop cette image à l'extrême, parce qu'on a revalorisé depuis quelques années, donc, le travail des patrouilleurs et des gendarmes, ce qui fait que, pour un certain nombre d'enquêtes mineures ou semi-compliquées, on leur demande d'être plus éduqués d'être plus outillés, etc., donc on va leur demander de faire ce genre d'enquêtes là. Mais on parle d'enquêtes vraiment spécialisées, crimes graves, crimes majeurs.

M. Dupuis: Oui. Regardez, je vais préciser un petit peu plus, M. Normandeau, pour savoir si on s'entend, vous et moi. Évidemment, vous avez raison de me rappeler à l'ordre, la gendarmerie, si je pousse le raisonnement trop loin, ils sont dans l'auto puis ils donnent des billets. Ce n'est pas ça que je veux dire, gendarmerie comprendrait, dans mon esprit, les enquêtes qu'on appellera, pour les fins de la discussion, de crimes mineurs. Ça ne veut pas dire qu'ils ne font pas d'enquêtes, mais on parle des enquêtes plus spécialisées, de crimes majeurs. Ça serait un service d'enquêtes spécialisées avec tout ce que ça comporte comme expertise, etc. Ça, là, vous verriez ça de cette façon-là?

M. Normandeau (André): Oui.

M. Dupuis: O.K. Autre sujet, conseil de surveillance. Évidemment, j'ai eu l'occasion de faire des déclarations là-dessus. J'ai entendu les vôtres. Là-dessus aussi, on s'entend, vous et moi, mais vous, vous recommandez un conseil d'administration de la Sûreté du Québec. Moi, je vais vous poser la question suivante, M. Normandeau: Nous, honnêtement, et j'en ai parlé au ministre publiquement – quand je dis que j'en ai parlé au ministre, c'est publiquement – on aurait vu plutôt un conseil de surveillance qui aurait été composé d'élus, en nous inspirant, si vous voulez, du conseil de sécurité de la CUM particulièrement.

Mais je vais vous dire pourquoi – puis j'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus – nous, on estime que la Sûreté du Québec... Évidemment, tout ça, c'est dans la suite du rapport Poitras. Il faut savoir qu'on s'est posé cette question-là, et on a voulu faire une espèce de rétablissement à la Sûreté du Québec, mais nous, on a estimé que peut-être on devrait impliquer de façon plus concrète les élus, parce que, en définitive, M. Normandeau, la Sûreté du Québec, elle est imputable à la population du Québec. Et, dans le fond, quand j'ai lu votre mémoire, je me suis dit: Ah bon, M. Normandeau, lui, souhaite évidemment que le conseil ait plus de bras, si vous voulez, mais il ne va pas jusqu'à ça. Est-ce que vous pourriez venir à mon opinion qu'effectivement, la Sûreté du Québec étant imputable à l'égard de la population du Québec, on devrait peut-être impliquer de façon beaucoup plus importante les élus, qui sont les représentants de la population du Québec? Je vais vous laisser répondre puis j'espère que je vais avoir une seconde pour vous donner un exemple.

M. Normandeau (André): Rapidement, je pense que ce conseil d'administration là, l'idée que les élus politiques, comme dans les conseils régionaux... ça doit primer. O.K.? Bon, avec tous les défauts, quand même, en démocratie, c'est la façon de faire, et j'y crois profondément. C'est personnel, j'y crois, ce n'est pas simplement pour une façade. Sauf que c'est sûr qu'on était habitué que, pour la Sûreté du Québec, contrairement aux sûretés dites municipales, y compris la CUM, donc, c'était un seul élu à toutes fins pratiques, le ministre, mais qui est évidemment redevable aussi, à certaines occasions, au cabinet des ministres et à l'Assemblée nationale. Donc, la différence, ce serait effectivement d'introduire dans ce conseil d'administration au sens plus large de responsabilités autres que simplement le ministre.

M. Dupuis: Regardez, je vais vous poser une question, M. Normandeau. Fermez-vous les yeux deux secondes – au figuré, bien sûr – imaginez que le conseil de contrôle, de surveillance, d'administration, peu importe, soit une commission parlementaire permanente de l'Assemblée nationale qui pourrait s'adjoindre à certains moments donnés des experts pour requérir des opinions de ces experts-là. Fermez-vous les yeux puis imaginez-vous ça.

M. Normandeau (André): Oui.

M. Dupuis: O.K. Et là on arrive avec la situation des moyens de pression, la semaine dernière, exercés par les membres de la Sûreté du Québec à l'entrée du pont Jacques-Cartier, un exemple. Moi, je verrais bien qu'une commission parlementaire permanente de la Sécurité publique qui exercerait une espèce de pouvoir de surveillance sur la Sûreté du Québec aurait très bien pu, pourrait avoir le pouvoir – c'est prévu dans l'Assemblée nationale – de convoquer la direction du syndicat puis dire: Venez nous voir puis venez nous expliquer pourquoi vous avez fait ça, alors que votre conseil – votre, je ne le dis pas avec agressivité du tout, là – alors que l'idée que vous soumettez d'un conseil d'administration de la Sûreté du Québec n'aurait jamais pu faire ça parce que le conseil d'administration de la Sûreté du Québec est beaucoup trop lié aux patrons, si vous voulez. Alors, il n'aurait pas pu avoir ce rôle objectif. Si on continue à réfléchir, est-ce que ce que je viens de vous dire pourrait mériter votre attention plus avant?

M. Normandeau (André): Disons, comme je vous dis, moi, je fais toujours attention de ne pas trouver des formules magiques, ça n'existe pas dans les relations humaines, dans les organisations sociales. Donc c'est bien qu'on en discute, de temps en temps on trouve un juste milieu qui, encore là, ne peut pas faire plaisir à tout le monde, mais au moins à 51 % de la population ou des gens qui sont intéressés.

Ce que vous mettez sur la table m'intéresse pour autant qu'on fasse une distinction entre un certain nombre de dossiers qui relèvent quand même d'une expertise – je ne veux pas le dire de façon cavalière – qui demandent que des gens s'y intéressent de près, fouillent le dossier... Et donc les députés, je comprends très bien leur métier, évidemment on passe d'un dossier à l'autre rapidement, on a toutes les autres missions aussi comme députés. Dans notre comté, on n'a pas le temps d'approfondir tous ces dossiers-là, donc que le conseil d'administration ultime soit simplement un conseil, entre guillemets, de députés ne me semblerait pas satisfaisant.

Si on avait toutefois, donc, le conseil d'administration que je suggérais dans lequel – tantôt, je l'ai mentionné, il n'était pas dans mon texte – il y aurait au moins trois membres élus et trois ou quatre membres non élus, un peu experts, etc., ça pourrait partiellement répondre à votre interrogation. Mais je ne vois pas pourquoi, à l'occasion, dans un temps de crise, effectivement, il ne pourrait pas y avoir, au niveau d'une commission parlementaire, cette possibilité-là en même temps. Mais elle le ferait vraiment de façon modérée, quand il y a vraiment crise, et non pas évidemment comme un conseil d'administration qui se réunit à tous les mois, parce que, moi, je vois ce conseil d'administration là particulièrement actif, hein, je ne le vois pas se réunissant à tous les trois mois autour d'une tasse de café.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier, M. Normandeau, pour votre contribution à nos travaux.

J'indique également aux membres de la commission que je considère qu'il y a consentement unanime afin d'entendre l'Institut de recherche...

Une voix: De police.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...l'Institut de police du Québec. Alors, nous allons procéder, par voie de conséquence, de façon à nous permettre de l'entendre, et j'ajourne donc nos travaux au 7 mars, 9 h 30, pour la poursuite de ce mandat. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 9)


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