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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 5 février 2002 - Vol. 37 N° 43

Consultation générale sur l'avant-projet de loi instituant l'union civile des personnes de même sexe et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, ainsi qu'à l'égard du document de consultation Pour un traitement égalitaire, l'union civile


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Gautrin): Alors, ayant constaté le quorum, nous allons donc débuter nos travaux, et je déclarerais la séance ouverte. Il me fait plaisir de vous rappeler le mandat de cette commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi qui était intitulé Loi instituant l'union civile des personnes de même sexe et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements annoncés?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Duguay (Duplessis); Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Laprise (Roberval); M. Pagé (Labelle) est remplacé par M. Désilets (Maskinongé); et M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par Mme Rochefort (Mercier).

Le Président (M. Gautrin): Alors, je vous remercie. Je me permets de vous lire l'ordre du jour. Nous avons un peu de retard, mais on le récupérera probablement. Il y a initialement 15 minutes qui vont être accordées aux députés ministériels pour leurs remarques préliminaires. Il y aura 15 minutes aux députés de l'opposition pour leurs remarques préliminaires. Nous entendrons ensuite, dans l'ordre: la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec, la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe, la Coalition gaie et lesbienne du Québec. Chaque groupe aura 45 minutes pour se faire entendre, partagées entre 15 minutes de présentation, 15 minutes pour les questions des députés ministériels et 15 minutes pour les députés formant l'opposition.

Nous suspendrons après nos travaux et nous reprendrons cet après-midi à 14 heures en écoutant successivement: la Coalition québécoise pour le droit au mariage pour les gais et les lesbiennes; la Fédération des femmes du Québec; l'Association des centres jeunesse du Québec ? il pourrait y avoir une modification à l'ordre du jour, puisque j'ai cru comprendre que M. Roy ne pourra pas être disponible; la Confédération des syndicats nationaux; et Mme Nathalie Ricard. Ensuite, nous procéderons à l'ajournement de nos travaux.

Remarques préliminaires

Alors, pour commencer, M. le ministre, avez-vous des remarques préliminaires à faire à cette commission avant que nous commencions nos travaux?

M. Paul Bégin

M. Bégin: Oui, M. le Président. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue à tout le monde, à mes collègues, ceux de l'opposition. Je suis accompagné par Guylaine Couture, qui est mon attachée politique, et Me Ducharme, qui est avocate au ministère de la Justice, et, évidemment, toutes les personnes-ressources qui sont derrière nous.

Alors, M. le Président, chers collègues, mesdames et messieurs, l'Assemblée nationale entreprend aujourd'hui la large discussion de l'importante proposition législative qui vise à instituer au Code civil et à intégrer au droit de la famille une nouvelle forme d'union, l'union civile des personnes de même sexe.

n (9 h 50) n

L'intérêt que suscite l'avant-projet de loi est indéniable, si l'on en juge notamment par le nombre et la qualité des mémoires reçus par l'Assemblée nationale et par le nombre de personnes et de groupements qui ont choisi de venir échanger avec nous sur ce sujet.

Aussi, je souhaite que, tous ensemble, nous examinions avec ouverture les problématiques qui seront soulevées par les intervenants et qui nous éclaireront pour la suite du projet.

Si le Québec exerçait une totale et entière compétence sur le droit de la famille et particulièrement sur la détermination des conditions de fond du mariage et sur le divorce, la proposition législative que nous aurions examinée se réduirait à peu de chose. Elle aurait prévu que, sans égard à l'orientation sexuelle, le mariage peut être contracté entre deux personnes qui expriment publiquement leur consentement libre et éclairé à cet égard. Cette voie ne nous est pas ouverte, puisque c'est le législateur fédéral qui a compétence pour permettre le mariage entre personnes de même sexe et établir les conditions de fond du mariage.

Par conséquent, nous avons choisi de proposer une alternative juridique qui, sans être parfaite, donnerait aux homosexuels des droits similaires à ceux offerts aux hétérosexuels par l'institution du mariage. Cette voie consiste à permettre aux conjoints de même sexe de célébrer publiquement cette union, afin d'attacher à celle-ci des effets civils équivalents à ceux que le droit accorde aux couples unis par le mariage. En intégrant cette proposition dans le Code civil et particulièrement dans le droit de la famille, l'avant-projet de loi veut reconnaître également que cette union constitue une cellule conjugale et même familiale qui a droit à toute l'attention et à la protection que notre société a choisi d'accorder aux familles. C'est l'objet essentiel de la proposition législative qui est devant nous et à l'égard de laquelle les citoyens ont été invités à nous présenter leur point de vue.

Je n'aborderai pas aujourd'hui tous les détails de l'union civile proposée, mais je voudrais néanmoins attirer l'attention de la commission des institutions sur certaines caractéristiques de l'avant-projet de loi. Le coeur de l'avant-projet de loi se retrouve à l'article 21, qui introduit l'union civile dans le Code civil du Québec. Cet article établit notamment les conditions de la célébration de l'union civile, fixe les droits et devoirs des conjoints et précise les règles de dissolution de l'union.

Je pense qu'il est important, pour éclairer les discussions que nous aurons, de rappeler la définition même donnée à l'union civile. Cette union est le partenariat de deux personnes de même sexe, majeures, qui s'engagent à faire vie commune et à respecter les droits et obligations liés à cet état. Comme pour le mariage, cette union ne peut avoir lieu qu'entre personnes non étroitement apparentées et libres de tout autre lien matrimonial ou partenarial.

Cette union est contractée publiquement, devant un célébrant compétent à célébrer les mariages et en présence de deux témoins exigés dans ces circonstances. L'union est donc reconnue publiquement et elle sera inscrite au registre de l'état civil au même titre qu'un mariage.

Comme le mariage, cette union entraîne des engagements de la part des conjoints. Ceux-ci se devront mutuellement respect, fidélité, secours et assistance et ils devront faire vie commune. Comme des époux, ils contribueront aux charges de l'union, fixeront leur résidence familiale, constitueront un patrimoine familial et choisiront un régime partenarial pour régir l'administration de leurs biens. Leur union, comme le mariage, fera naître des droits et des obligations alimentaires, créera des liens d'alliance avec la famille du conjoint et entraînera des droits à la succession du conjoint sans qu'il soit nécessaire de rédiger un testament.

Quant à la dissolution de l'union, elle devrait se fonder sur l'atteinte irrémédiable à la volonté de maintenir une vie commune. Cette dissolution devra être prononcée par le tribunal, sauf le cas où les deux conjoints consentent, dans une déclaration commune notariée de dissolution de leur union, afin d'en régler les conséquences. Il s'agit là, certes, d'une distinction importante par rapport au mode de dissolution du mariage qui est, dans les mêmes circonstances, judiciarisée en vertu de la loi fédérale sur le divorce. Mais cette distinction représente, à mon avis, un avantage qui devrait éventuellement être offert aux personnes mariées qui entendent divorcer. Elle s'inscrit dans la politique du gouvernement de déjudiciariser, autant que possible, les relations entre citoyens.

Si l'avant-projet de loi règle les aspects de conjugalité de l'union, il est silencieux sur un élément important de la vie commune des conjoints de même sexe: la parentalité.

Mais, avant d'aborder ce sujet, je veux mentionner une autre dimension importante du projet touchant les conjoints de fait. Que les conjoints soient de sexe différent ou de même sexe, l'union de fait constitue une importante réalité familiale, aujourd'hui en marge du mariage, demain en marge, également, de l'union civile. Ces unions sont reconnues dans les lois publiques et, de ce fait, les conjoints de fait bénéficient des avantages offerts aux époux par certains programmes, comme ils peuvent en revanche être tenus aux mêmes obligations.

Le Code civil ne reconnaît pas directement ces unions et le terme «conjoint», tel qu'il est aujourd'hui utilisé au Code ne vise que les époux. Ce n'est pas l'objet de l'avant-projet de loi d'octroyer un statut civil aux unions de fait. Cependant, au-delà du statut et des liens patrimoniaux qui s'établissent entre les conjoints de fait et qui continueront de relever de leur volonté, il est nécessaire d'apporter certaines clarifications. C'est ainsi que l'avant-projet, à son article 142, vient modifier la Loi d'interprétation pour y introduire une définition du terme «conjoint» qui modifiera la portée de ce terme dans l'ensemble de la législation, y compris au Code civil.

Cette notion de conjoint couvrira les époux unis par le mariage et les partenaires liés par une union civile, mais également par assimilation et, sous réserve toujours du contexte, les conjoints de fait qui se présentent publiquement comme des conjoints sans égard, sauf disposition contraire, à la durée de leur vie commune.

De plus, si une controverse survient pour savoir s'il y a vie commune, celle-ci sera présumée si les personnes cohabitent depuis au moins un an ou dès le moment où elles deviennent parents d'un même enfant.

Parmi les effets de cette modification, je veux en souligner un fort important dans la vie de tous les jours, celui sur les règles de consentement aux soins. Actuellement, ces règles ne reconnaissent pas directement le droit du conjoint de fait de consentir à des soins pour sa compagne ou son compagnon de vie. Ce droit est donné au premier chef au représentant légal de la personne et il le demeure. Mais, pour toutes les personnes majeures qui ne sont pas sous un régime de protection et qui sont, pour une raison ou une autre, inaptes à consentir à des soins, le consentement est aujourd'hui donné par l'époux, et ce n'est qu'à défaut qu'il est donné par un parent ou par une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier. C'est sous cette périphrase que se cache aujourd'hui le conjoint de fait. L'avant-projet clarifie la situation et donne aussi au conjoint par union civile et au conjoint de fait le droit de consentir à des soins au même titre que l'époux.

Un des points majeurs auxquels le projet de loi devra répondre est celui des rapports entre les parents de même sexe et leurs enfants. Le projet laisse entendre que les conjoints unis civilement pourraient partager des obligations quant à la responsabilité parentale, il ne va pas plus loin sur le sujet. Il s'agit là d'une question qui me préoccupe.

Par ailleurs, le droit actuel ne fait pas obstacle à ce que des personnes homosexuelles adoptent seules ou conjointement un enfant. Cependant, il est notoire que de telles adoptions, si elles ont lieu, demeurent des faits isolés. La loi ne fait pas obstacle à l'adoption, mais elle ne la favorise pas, et nos pratiques sont dissuasives et peut-être discriminantes quant à l'adoption par un couple homosexuel.

L'avant-projet de loi comporte une ouverture sur le sujet, puisqu'il permet de donner un consentement spécial à l'adoption en faveur du conjoint du parent, c'est l'article 22. On se rappellera que le consentement spécial à l'adoption est celui qui peut être donné en faveur d'un proche parent de l'enfant ou en faveur du conjoint du parent. Ce consentement rend plus facile l'adoption de l'enfant dans un contexte familial déjà existant. Personnellement, je me questionne sur la possibilité d'aller plus loin dans l'intérêt même des enfants. Plusieurs en témoigneront devant nous, il existe aujourd'hui des couples homosexuels qui ont mené un projet parental dans lequel on constate un dysfonctionnement majeur, puisque les enfants n'ont de lien de filiation qu'à l'égard d'un seul de ces deux parents. Certes, on peut toujours répondre que ces situations pourront, demain, être régularisées par la voie d'adoption. Cependant, est-il nécessaire d'obliger les conjoints de même sexe à procéder par adoption lorsque l'enfant est issu d'un projet parental commun? L'intérêt de l'enfant le commande-t-il? S'agit-il d'une contrainte inutile, voire néfaste pour l'enfant?

n (10 heures) n

Notre Code civil reconnaît déjà la possibilité d'établir une filiation comme résultat d'un projet parental lorsque la procréation de l'enfant est médicalement assistée. Doit-on continuer dans la même voie et permettre à un couple de deux femmes de recourir à l'apport génétique d'un tiers donneur pour fonder une famille? La question ne se pose pas pour un couple d'hommes pour une raison évidente, mais la conjointe de la mère qui donne naissance à un enfant pourrait se déclarer parent de l'enfant et lui fournir ainsi une seconde lignée équivalente à la lignée paternelle. Et, si le projet parental se double d'une union civile, ne devrait-on pas, comme en mariage, établir une présomption de parentalité?

L'avant-projet de loi ne répond pas à ces questions qui concernent les rapports entre les parents et les enfants. Mais plusieurs mémoires déposés à l'Assemblée nationale demandent d'ouvrir la filiation fondée sur la volonté manifestée dès le départ par les conjoints de certaines unions d'être et d'assumer les responsabilités de parent.

Pour ma part, je crois que notre réflexion doit se compléter avec, en arrière-plan, cette question qui devra toujours être présente: Cela est-il dans l'intérêt des enfants? Cela est-il susceptible de contribuer à leurs besoins moraux, affectifs, intellectuels et physiques?

J'ai lu l'ensemble des mémoires qui ont été présentés à la commission et j'en ai dégagé de nombreux thèmes qu'il me semble nécessaire de discuter dans cette enceinte. Je vous les soumets. Le premier thème concerne les rapports entre le mariage et l'union civile. La première question sur ce thème pourrait être celle-ci: Faut-il, comme plusieurs le demandent, supprimer le second alinéa de l'article 365 du Code civil, qui déclare que le mariage a lieu entre un homme et une femme. Je suis fortement tenté de répondre oui à cette question qui soulève des considérations essentiellement symboliques, puisqu'il ne nous appartient pas à nous, membres de cette Assemblée, d'autoriser le mariage entre des personnes de même sexe. À cet égard, nous ne pouvons permettre dans le Code ce qu'une loi fédérale prohibe. Cependant, je trouve séduisante l'idée de retirer cette référence à une exigence discriminatoire.

Autour de ce thème encore, une seconde question: Devrait-on faire de l'union civile un régime temporaire en attendant que l'accès au mariage soit ouvert aux homosexuels ou faut-il plutôt ouvrir l'union civile aux hétérosexuels et en faire un nouvel état civil accessible à tous? Mais d'autres vont encore plus loin dans leur questionnement: Ne faudrait-il pas ouvrir cette union aux personnes qui vivent sous un même toit sans avoir de vie de couple? Pour ma part, je crois que cette question s'éloigne du but visé par l'avant-projet de loi, mais la question est soulevée.

Le second groupe de questions concerne les règles de l'union civile elle-même. Faudrait-il permettre l'union civile à compter de 16 ans, comme cela est prévu pour le mariage? Ne vaudrait-il pas mieux hausser l'âge du mariage à 18 ans? En ce qui concerne la dissolution de l'union civile, doit-on la permettre par la seule voie judiciaire comme pour le mariage? Si nous permettons la dissolution de l'union par des moyens non judiciaires, devrait-on aller plus loin et déjudiciariser la séparation de corps lorsque les mariés s'entendent entre eux? Faudrait-il d'ailleurs prévoir une possible séparation de corps en union civile? Serait-ce utile?

Enfin, une autre problématique porte sur la terminologie utilisée dans l'avant-projet de loi. Si personne ne remet en question le choix de l'expression «union civile», certains souhaitent que l'on trouve un autre terme que «partenaire» pour désigner ces conjoints. Leur prétention est que le terme «partenaire» fait référence à des préoccupations plus économiques qu'affectives.

Deux autres points ressortent également des mémoires: l'un concerne le consentement aux soins, l'autre, les règles de l'immigration et, par voie incidente, celles portant sur la reconnaissance de l'union civile québécoise à l'étranger de même que la reconnaissance au Québec des institutions étrangères.

En ce qui concerne l'adoption, il y a des préoccupations auxquelles le droit répond déjà, mais il me semble nécessaire de clarifier les règles en la matière, notamment quant à la possibilité pour un couple homosexuel d'adopter un enfant ou pour un conjoint de même sexe d'adopter l'enfant de son conjoint.

Quant à la problématique reliée à la filiation, plusieurs soulèvent des interrogations du même type que celles dont je vous ai fait part précédemment. Faut-il faciliter l'établissement d'un lien de filiation entre le parent conjoint de la mère et l'enfant? Faut-il faciliter la déclaration à l'acte de naissance ou établir une présomption de parentalité?

Comme vous le voyez, les questions sont nombreuses. Cependant, le temps alloué à chaque groupe est limité. Pour ma part, j'entends tirer profit de l'éclairage apporté par les différents intervenants en ciblant mes questions sur les propositions qui apportent des réponses aux problématiques soulevées, lorsque possible.

Avant de terminer, M. le Président, juste mentionner que j'ai préparé deux documents qui, me semble-t-il, pourraient nous aider pour la suite des choses. Le premier est un document qui est intitulé ? et on pourra le remettre à chacun des groupes ? De la conjugalité. Et on dit évidemment que c'est non exhaustif parce qu'on ne prétend pas couvrir tout, mais vous avez dans un des tableaux: le mariage, à gauche, l'union civile, à droite et au centre, ce qui est commun aux deux. Donc, ce qui est aux extrémités, c'est la différence et au centre, ce qui est commun. Surtout pour les effets, je vous le dis, ce n'est pas exhaustif. On a cherché, là, à prendre les principales questions. Par exemple, de savoir que «le témoin est non contraignable» n'apparaissait pas quelque chose d'extraordinaire par rapport au droit de succession, par exemple.

Le deuxième document est un petit peu plus complexe, mais je pense qu'il peut nous être extrêmement utile si on prend la peine de le regarder attentivement pour chacune des situations. C'est De la parentalité. On a trois colonnes allant de gauche à droite: la première en jaune, c'est les époux; au centre, ce sont les partenaires, donc de l'union civile; et à droite, les conjoints de fait qui comprennent les conjoints de fait hétérosexuels et les conjoints de fait homosexuels. Et là on a trois strates: Qu'arrive-t-il aux époux dans la filiation par le sang? Qu'arrive-t-il aux époux pour la filiation par voie de procréation assistée? Qu'arrive-t-il pour les époux pour la troisième hypothèse? Et ainsi de suite.

Et là on voit, ce qui est en noir, ce que le projet de loi ou les lois existantes accordent. Ce que nous voyons en bleu pâle, c'est ce que les groupes réclament à l'égard de chacun des points et qu'on pourrait mettre dans un projet de loi éventuel. Alors, c'est ça que ça cherche à clarifier, et je pense que ça nous permettra, à tout le monde...

Le Président (M. Gautrin): C'est bien. Alors...

M. Bégin: ...de bien comprendre dans quelle hypothèse chacun parle.

Documents déposés

Le Président (M. Gautrin): ...si je comprends bien, ces deux documents sont déposés et acceptés par la commission.

M. Bégin: S'il vous plaît. Oui.

Le Président (M. Gautrin): J'ai même cru comprendre que vous auriez fait un tableau pour...

M. Bégin: Oui. Nous avons un premier tableau. Malheureusement, on a...

Le Président (M. Gautrin): ...les personnes qui vont venir témoigner, de manière qu'ils puissent...

M. Bégin: Suivre. C'est ça.

Le Président (M. Gautrin): ...voir aussi le document que vous avez déposé, je pense, ou demander...

M. Bégin: Le deuxième arrivera un peu plus tard. Semble-t-il qu'on a fait une erreur, on a reproduit deux fois le premier, mais pas le deuxième. Nous allons le recevoir un peu plus tard.

Le Président (M. Gautrin): Alors, écoutez... Mais, peut-être pour les personnes qui témoigneront, pourriez-vous mettre le tableau...

M. Bégin: Il faudrait le mettre plus proche.

Le Président (M. Gautrin): ...plus proche...

M. Bégin: Des témoins.

Le Président (M. Gautrin): ...du public. Ça permettrait de le voir.

M. Bégin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Alors, je vous remercie, M. le ministre, là, le temps des parlementaires ministériels est écoulé. Je donnerai donc la parole au représentant de l'opposition officielle pour faire ses remarques préliminaires. Mme la députée de Bourassa.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais d'abord vous offrir mes salutations de même qu'à M. le ministre, aux collègues ministériels, à toutes les personnes qui vous accompagnent, de même qu'aux différents groupes que nous allons pouvoir entendre aujourd'hui. Alors, plus particulièrement aux groupes, un chaleureux accueil et une merveilleuse journée parmi nous.

M. le Président, nous entreprenons aujourd'hui une consultation générale et des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi instituant l'union civile des personnes de même sexe et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives.

Vous savez certainement que de nombreux groupes désirent être entendus et, dans les faits, de nombreux mémoires ont été transmis à la commission des institutions. J'ai donc, pour ces raisons, l'intention de limiter mes remarques préliminaires et je veux les limiter afin de permettre à tous les groupes qui ont démontré un intérêt de se faire entendre sur les principaux enjeux et les problématiques que nous allons pouvoir aborder, puisque l'avant-projet de loi soulève de nombreuses questions.

J'aimerais également rappeler que je veux limiter mes notes préliminaires et je suis fidèle à la pensée du Parti libéral du Québec qui a toujours eu comme préoccupation d'être à l'écoute de la population. Alors, vous savez que le Parti libéral du Québec a toujours eu comme souci principal de veiller à l'épanouissement de la société québécoise. Alors, c'est donc ce que nous avons l'intention de continuer de faire. Et je pense que, quand je réfère à l'épanouissement social de la société québécoise, vous comprendrez très bien à quoi je réfère.

Et, à cet égard, j'aimerais mentionner quelques exemples de réalisations sociales importantes, sinon déterminantes et fondamentales pour la société québécoise: principalement, le droit de vote aux femmes qui a été accordé en 1940, et M. Godbout était alors premier ministre; ensuite, les allocations familiales en 1973, sous M. Robert Bourassa; enfin, l'aide juridique, un autre système, une institution importante, encore une fois, alors que M. Robert Bourassa était premier ministre en 1973. Donc, je suis persuadée qu'à l'aide des exemples que je viens rapidement de mentionner vous pouvez bien saisir la préoccupation du Parti libéral du Québec. Et nous allons continuer d'agir dans le même sens afin de favoriser le plein épanouissement social.

n (10 h 10) n

L'avant-projet de loi sur l'union civile des personnes de même sexe est une question extrêmement importante, une question importante et une question à caractère social. La consultation générale et les auditions publiques vont soulever de nombreux débats, et je pense qu'il est important pour nous de vouloir en faciliter la tenue.

Alors, j'aimerais assurer les groupes... encore une fois, je trouve ça extrêmement important de nous assurer que vous pourrez être entendus complètement et librement. Et je veux ? et ma collègue se joint à moi dans la même optique ? nous voulons donc vous donner l'occasion d'être entendus parce que nous pensons que vos remarques, vos observations, vos recommandations, vos expériences vont permettre à M. le ministre Bégin de poursuivre une réflexion qui va être éclairée de façon importante par les différentes observations que vous allez nous soumettre quant aux problématiques qui sont soulevées, aux différents thèmes qui vont être abordés. Alors, encore une fois, merci de votre présence.

Le Président (M. Gautrin): Il reste du temps pour les parlementaires de l'opposition. Est-ce que la députée de Mercier aurait des remarques préliminaires à faire?

Mme Rochefort: Non, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Gautrin): Compte tenu que vous abandonnez votre période de temps, je demanderais maintenant au premier témoin de bien vouloir s'avancer. Enfin, c'est formel, ma question, puisque vous êtes déjà arrivé. Alors, ça me fait plaisir d'accueillir, à l'heure actuelle, la Table de concertation des lesbiennes et gais du Québec, et je crois que, M. Valois, vous êtes le porte-parole de la... Peut-être, vous pourriez présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et vous êtes le bienvenu dans cette commission.

Table de concertation des lesbiennes
et des gais du Québec

M. Valois (Pierre): Je vous remercie. Mon nom est effectivement Pierre Valois. Je suis le président de la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec. J'ai déjà invité ma collègue, à ma gauche, Irène Demczuk, qui est la coordonnatrice générale de la Coalition, donc le deuxième témoin qui sera entendu. Et elle est à mes côtés parce qu'il est peut-être bon, effectivement, que vous ayez devant vous un couple ? d'un homme et d'une femme, ha, ha, ha! ? pendant que nous vous exposons ce qui nous paraît être essentiel.

Mmes et MM. les honorables membres de cette commission, je vous remercie d'abord de nous permettre de vous exposer ce qui nous tient tant à coeur. Je voudrais dire quelques mots de cette Table de concertation pour qu'on sache bien de quoi il s'agit. C'est donc l'organisme, la fédération des organismes gais et lesbiens du Québec, qui, en 1993, a fait en sorte qu'ont été tenues, par la Commission des droits de la personne, les audiences publiques en matière d'homosexualité dans la société. Et c'est à la suite de quoi, d'ailleurs, un rapport majeur a été produit qui s'appelle De l'illégalité à l'égalité, une pièce maîtresse dans la remontée vers l'égalité sociale de cette partie de la population qui est d'orientation homosexuelle.

Par la suite, la Table de concertation a tenu des états généraux des communautés gaies et lesbiennes du Québec, et c'était en 1996. Et, en 2000, nous avons tenu un colloque national qui était les assises, donc, pour permettre de redéfinir les priorités, et donc, au bout de ça, nous sommes arrivés à ceci qui s'appelle Les actes du colloque. Ce colloque national, qui s'appelait Nos communautés en marche... Et, ce document-là, je vous inviterais ? j'en ai ici plusieurs copies pour tous les membres de la commission qui désireraient en avoir copie... Ce sont...

Le Président (M. Gautrin): Voulez-vous le déposer à la commission?

M. Valois (Pierre): Je vais le déposer à la commission.

Document déposé

Le Président (M. Gautrin): Alors, nous acceptons le dépôt. Est-ce que quelqu'un peut aller chercher le document comme dépôt à la commission?

M. Valois (Pierre): Et, ce que je vais donc vous dire, vous allez constater que c'est tout là. Ce que la Table de concertation vous dit ici, c'est donc ce que les communautés gaies et lesbiennes ont défini comme leurs priorités et ce qu'elles demandent. Et vous allez trouver, en particulier... Ça s'adonne, voyez-vous, que le premier sujet que nous abordons dans ces actes, ce sont justement les questions de conjugalité et de parentalité. Et ce que je vais vous dire donc se reflète, et vous allez les trouver exactement dans ces textes-là.

Personnellement, qui suis-je? Un avocat de profession. Huit ans, comme on dit généralement, procureur de la couronne. J'étais à la Chambre de la jeunesse. J'ai fait 15 ans à la Protection du consommateur, où j'étais le directeur des affaires juridiques et de la recherche. Puis j'ai terminé ma carrière au gouvernement comme directeur du Secrétariat à l'adoption internationale, après quoi j'ai quitté quand le gouvernement, pour arriver à son déficit zéro qui était si important... j'ai quitté dans cette perspective en me disant: Mais alors, peut-être que c'est le signal pour moi de venir donner mon expérience, mes connaissances, à cette communauté gaie et lesbienne qui a tant besoin. Et j'y travaille bénévolement pour faire en sorte que ce groupe humain, qui souffre tant de discrimination dans notre société, puisse émerger, enfin, aider donc à ce que ce groupe émerge.

Je vous dirai que j'ai quitté la fonction publique sans, vous savez, prime de départ, avec simplement le fait qu'il n'y avait pas de pénalité à partir. Et pourquoi je vous dis ça? C'est pour vous dire que, vous savez, les gais et les lesbiennes ne sont pas des quémandeurs, ce sont des gens qui fournissent leur plein apport à la société et, en contrepartie, attendent, crient, demandent que nous ayons la pleine égalité citoyenne. Autant nous donnons, et généreusement, et avec tout notre coeur, à bâtir cette société, autant nous tenons à ce que, enfin, nous cessions d'être discriminés.

Quant, enfin, à mon statut matrimonial, je fêterai, le 13 février, très bientôt, mon 29e anniversaire avec mon conjoint ? j'ai bien dit «conjoint» et non pas «partenaire», s'il vous plaît ? et donc ? et je vais revenir là-dessus ? je souhaiterais... Je vais vous dire que peut-être, si vous faites les modifications nécessaires à l'avant-projet de loi pour que ce soit vraiment une égalité citoyenne que nous ayons là, bien, je vais vous dire que peut-être que, le 13 février 2003, nous célébrerons notre 30e anniversaire en nous unissant civilement et devant l'État.

Je voudrais saluer le courage, la générosité et la vision du gouvernement du Québec dans la proposition législative et, du même souffle, féliciter le Parti libéral du Québec qui, dans son dernier congrès, a, n'est-ce pas, adopté une résolution ouvrant le mariage égal aux communautés gaies et lesbiennes, ainsi que pour son esprit de collaboration dans la préparation de cette commission parlementaire. La Table de concertation est complètement apolitique, et ces félicitations sont pleinement gratuites.

Du courage donc parce que notre société du Québec, on le dit souvent: Bien, voyons, la société du Québec, elle est tolérante, elle est ouverte, n'est-ce pas, à ces différences. Justement, elle est tolérante, elle n'est pas acceptante. Voyez la différence? Si je vous dis: Je vous tolère dans cette salle, ça veut dire: Tranquille, pas trop bruit, je vais vous tolérer, sinon c'est: Je vais vous mettre dehors. Et c'est ça qu'est la société québécoise. Et ce que nous faisons ici, c'est le travail pour faire en sorte que... parce que ce projet de loi, qui a été adopté avec les modifications dont je vais vous parler, ce sera vraiment un signal que l'État du Québec accepte les gais et lesbiennes, ne fait pas que les tolérer. Et donc, courage politique d'un gouvernement qui dit: Je vais aller jusqu'à accepter et non pas me contenter de la tolérance que manifeste la majorité de la population, alors que la majorité de la population n'accepte pas, avec la nuance que j'apporte.

Générosité parce que nous ne sommes que 5 à 10 % de la population. Et c'est toujours beau et généreux, et beau à regarder, quand une société. quand une majorité écrasante ? parce qu'on parle de 95 à 90 % de la population ? se penche sur ses minorités et cherche à leur donner plein accès au bonheur. Merci de cette générosité, de cet accès, donc, à la justice aussi.

Ne nous trompons pas: Nous ne parlons pas ici de simplement une amélioration de qualité de vie, nous parlons de l'oxygène nécessaire à la survie. Et je ne parlerai qu'un instant ? parce que le temps, n'est-ce pas, est très court ? de tous ces jeunes qui se suicident encore parce qu'ils sont gais... pas parce qu'ils sont gais, parce que la société les écrase comme gais, les traite de fifs et de tapettes à l'école, les tabassent jusqu'à ce qu'ils quittent l'école ou, finalement même, désespèrent et se tuent.

Et, vous savez, ceux qui ne l'ont pas lu, je vous invite, tout le monde, toute la société québécoise devrait lire Mort ou fif, cette petite plaquette, là, qui est publiée par VLB Éditeur, que M. Dorais a... l'étude qu'il a sortie et qui démontre que, minimum, six gais pour un hétérosexuel se suicident au Québec, et ça va jusqu'à 16 contre 1. Soyons très conservateurs, parlons de 6 pour 1. C'est un scandale que ça se passe encore dans notre société, et c'est pour ça que je vous dis: Ce n'est pas une question de qualité de vie, ce dont nous discutons, c'est une question de survie. Et, quand l'État vient faire ce que, actuellement, nous tentons de faire avec cet avant-projet, généreusement offert par le gouvernement, et qui, avec les améliorations, pourrait faire en sorte que ce soit un accès pleinement égalitaire, bien, ce serait effectivement le signal donné, partout, à ce qu'être gai, ce n'est pas quelque chose de quoi on doit avoir honte. On a droit d'être des citoyens avec des différences de couleur, différences d'orientation, différences d'origine sociale, peu importe, nous sommes tous des êtres humains égaux et qui ont droit au même respect. Et c'est ça sur quoi nous travaillons actuellement, ne nous trompons pas.

Vision aussi, je disais, du gouvernement parce que, bien sûr, quand un gouvernement fait en sorte que la société est plus harmonieuse, bien, elle va vers, n'est-ce pas, une paix sociale, vers un aboutissement social tellement supérieur.

Nos demandes vont tout particulièrement, pour cette pleine égalité, bien sûr, porter sur la parentalité. Parentalité inclut, n'est-ce pas, bon, l'insémination artificielle, le pouvoir de... la possibilité d'adopter, l'autorité parentale. La parentalité est absolument essentielle. Si elle ne fait pas partie de ce qui est offert aux communautés gaies et lesbiennes, c'est comme si on disait à des parents de n'importe quelle famille: Vous savez, vous êtes un beau couple, on vous reconnaît; les enfants, voulez-vous les cacher dans le placard, ils ne font pas partie de votre famille. C'est ce qui arrive actuellement.

n (10 h 20) n

Ne nous trompons pas, encore là, vous savez, en 1982, ce n'est pas très loin, il y a 20 ans, il y avait encore des enfants du péché au Québec ? cette notion est dépassée heureusement maintenant dans notre société ? des enfants donc illégitimes. Ils n'existaient pas, ils n'avaient pas les mêmes protections, ils n'avaient pas le droit d'être protégés par l'autorité parentale de la même façon que les autres enfants du Québec. On a réglé ça il y a 20 ans, mais il reste encore une partie des enfants du Québec qui est restée dans le placard: ce sont les enfants des couples gais et lesbiens. Ils existent, ces enfants-là, et ils sont des milliers au Québec. Et nous ne disons pas que les gais et les lesbiennes ont droit d'adopter, pas que nous avons des droits vis-à-vis... nous disons: Ces enfants-là ont des droits, ne les privez pas, ne les laissez pas dans le froid, dans l'insécurité comme ils le sont.

Des exemples, vous allez en recevoir beaucoup. Vous savez, il y a un honneur et un avantage à commencer les travaux d'une commission parlementaire, c'est que, bien sûr, tout est neuf, et donc je peux vous parler de plein de choses toutes nouvelles que vous n'avez pas encore possiblement entendues beaucoup, là, mais il y a là aussi le désavantage, c'est que je suis obligé d'aborder à peu près tous les sujets et parce que je ne peux pas dire: Bien, vous savez, celui ou celle qui vous a dit ça, moi, je suis d'accord. Je suis obligé de tous les aborder, mais, bien sûr, je dois rester un peu à la surface des choses parce que le temps, j'ai le même temps que les autres, et donc je ne vais pas aller très loin là-dessus, mais c'est essentiel, c'est fondamental.

Un ou deux exemples comme ça, mais vous allez en entendre tellement. Un couple de lesbiennes donc, un enfant, disons, par insémination artificielle, il y en a une qui est la mère enregistrée. La deuxième, elle se présente à l'école parce qu'il y a un problème. Bien, on lui dit: Qui êtes-vous? Bien, je suis la compagne de la mère. Mais, madame, vous n'avez aucun droit. Alors, écoutez, retournez à la maison, envoyez la mère, puis on pourra discuter de ce qu'il faut faire pour l'enfant.

La mère est partie, la mère biologique, disons enregistrée, est partie en voyage, elle est hospitalisée, elle n'est pas là, enfin, et l'enfant a une maladie. La co-mère s'en va voir le médecin et demande: Voulez-vous, s'il vous plaît, regarder mon enfant? Pouvez-vous me donner les médicaments que ça prend? Qui êtes-vous, madame? Je suis la co... Bien, écoutez, madame, vous n'existez pas, vous. Non, on ne peut rien faire. Retournez à la maison avec votre enfant. Bien sûr, si l'enfant est en train de mourir, on va passer par-dessus ces règles-là, puis on va... Mais, sinon, l'enfant est au froid dans le placard, pas de protection. Ces enfants-là existent, ne les oubliez pas.

Il faut que je coure. Je m'étais dit: Je vais regarder le temps, je ne sais plus combien de temps il me reste, puis je me rends compte de tout ce qu'il faut que je vous dise. Je vous donnerais de exemples tant et tant...

Le Président (M. Gautrin): Vous avez cinq minutes pour...

M. Valois (Pierre): Il me reste cinq minutes. Merci de me le préciser. Et donc, nous vous demandons qu'il n'y ait pas, à la suite d'un projet de loi qui serait déposé donc, et possiblement adopté bientôt par l'Assemblée nationale... ne laissez pas une partie des enfants du Québec, encore, comme enfants illégitimes. Ne faites pas ça. Ne dites pas aux gais: Voulez-vous prendre ceci, mais oubliez vos enfants. Ne nous forcez pas, vous savez, la réponse va être non. On ne peut pas. Ne nous demandez pas de laisser nos enfants dans le placard à geler et à ne pas être protégés. Et là vous allez en entendre et en entendre d'autres qui vont venir vous dire pourquoi il ne faut pas faire ça, et je suis certain que, si je vous donnais des exemples, des exemples, j'arriverais à convaincre tout le monde ici qu'on ne peut pas faire ça.

Nous ne serions pas la première province à le faire et ni le premier État dans le monde à le faire, nous serions la cinquième province à régler cette question-là: l'Alberta, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse et l'Ontario, on peut adopter dans ces provinces-là. Dans bien des endroits à travers le monde donc, il n'y a plus de problèmes avec ça. Il y a alors... Ce n'est pas l'influence du lobby gai, vous savez, qui a fait en sorte que... Ça a sorti comme ça, mais vous avez peut-être tous vu que l'Association des pédiatres des États-Unis vient tout juste de sortir son rapport disant: Bien, mettons fin à ça. Les études sont universellement similaires à dire que les enfants des gais et lesbiennes sont absolument, tout aussi bien équilibrés, n'ont pas de problème, enfin... Donc, je vous réfère à ces données dont on vous reparlera.

J'aborderai donc tout de suite un autre point: conjoint. Alors, ne m'obligez pas, jamais... Je vais vous dire, moi: Jamais je n'irai à l'union civile avec mon conjoint et de me faire traiter de «partenaire». Quand on vous dit: Il est important que vous nous donniez l'égalité sociale, c'est de ne pas continuer à ancrer dans la tête des autres, de toute la société: Les gais, vous savez, ça, c'est du monde à part, c'est du monde différent. Leur union, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même valeur.

Puis-je vous dire qu'Albert, mon conjoint depuis 29 ans et qui est l'homme de ma vie ? puis j'imagine bien, vous savez, après 29 ans, je m'imagine bien que je vais terminer mes jours avec cet homme-là, j'ai eu la chance donc d'avoir un conjoint de cette qualité-là ? quand j'en parle, la chaleur que je ressens en dedans de moi, après 29 ans, puis-je vous dire que c'est exactement la même chose qu'un couple hétérosexuel. Si vous en doutez, mon Dieu! je ne sais pas quoi vous inventer pour vous en convaincre. Et donc, ne m'obligez pas à considérer que c'est un partenaire. Ce n'est pas quelqu'un avec qui je fais affaire. Ce n'est pas, vous savez, quelqu'un avec qui j'ai fait une compagnie, c'est mon conjoint.

Bravo! Entre autres, parmi les merveilleuses choses de cet avant-projet de loi, vous faites disparaître le concubinage, un autre groupe du péché, n'est-ce pas, là, les gens qui étaient... Bon. Alors, merci de faire ça pour cette autre partie de la société, le péché disparaît au Québec. Bravo!

Mais donc, en même temps que vous faites ça et que vous leur accordez le nom de conjoints de fait, ne nous dites pas que nous, nous ne sommes pas des conjoints. Appelez-nous des «conjoints civils», appelez-nous des «conjoints de droit», appelez-nous ce que vous voudrez, mais dites-nous pas qu'on est à part des autres. Nous n'en pouvons plus d'être à part des autres. Vous ne voulez pas que les gais et les lesbiennes soient dans un ghetto? Bien, ne nous y mettez pas.

Et, vous savez, si je dis à, je ne sais pas, moi, ma soeur: C'est mon partenaire, bien, elle va comprendre que ce n'est pas un conjoint, que c'est autre chose qu'un conjoint. Ce n'est pas la même qualité, hein, n'est-ce pas? Puis bon, bien, là, je réfère au péché puis à la perversité, n'est-ce pas, que la nature nous a faite, etc. Bon.

Je pense, alors, intéressant de constater peut-être... Vous avez certainement vu, n'est-ce pas, que la Commission du droit du Canada vient de sortir sa recommandation d'ouvrir le mariage à tous les couples, de même sexe comme des autres. Alors, on n'est pas loin. Ne faites pas des choses que vous devrez défaire plus tard, dès que le Canada aura enfin, comme tous les autres pays qui mettent le péché de côté... quand le Canada va dire: C'est bien, les couples de même sexe aussi méritent d'être... la sacralisation de l'État, bien, alors, vous n'aurez pas à défaire les partenaires pour nous donner le statut enfin de conjoints.

L'article 365, s'il vous plaît... D'abord, il n'était pas là avant le Code civil que nous avons là. Donc, il y a peu de temps, il n'existait pas, cet article qui dit que c'est «entre un homme et une femme». C'est ultra vires. En tant qu'avocat, vous me permettrez de vous dire: Ce n'est pas de notre juridiction de dire que c'est un homme et une femme. Alors, enlevez-le donc, et ce sera le signal qu'effectivement vous nous acceptez, que vous ne faites pas que nous tolérer et que vous maintenez 365 tel qu'il est avec «un homme et une femme» puis qu'on nous offre un genre de mariage de seconde zone avec «entre partenaires». C'est très important, c'est une question d'image, mais l'image, vous savez comment ça vaut mille mots. Alors...

Le Président (M. Gautrin): M. Valois, les contraintes...

M. Valois (Pierre): Oui, je... Bon, il me reste probablement deux instants...

Le Président (M. Gautrin): Les contraintes de temps nous amènent à vous dire que vous commencez à arriver à avoir épuisé votre temps.

M. Valois (Pierre): À la limite.

Le Président (M. Gautrin): Peut-être que vous pourriez conclure ou...

M. Valois (Pierre): Oui. Je veux vous dire qu'au lieu de continuer à vous demander l'égalité des droits je vais vous demander de célébrer la différence. On oublie de dire ça parfois. Essayez d'imaginer un monde où il n'y aurait que des hommes ou des femmes, un monde où il n'y aurait que, n'est-ce pas, l'Occident et pas d'Orient, un monde où il n'y aurait que le jour ou la nuit, un monde où il n'y aurait que des gens de la même couleur. Un monde comme ça, à perpétuité, qu'est-ce que ce serait? Très ennuyant. Un monde Hollywood et pas d'autre culture du monde.

Les gais, vous savez, ça a produit du monde aussi extraordinaire que Shakespeare, Tchaïkovski, Michel-Ange, Léonard de Vinci, Chopin ? je l'apprends peut-être à bien du monde puis je vous donnerai, si vous ne le savez pas, bien des détails qui vous prouveront que... Absolument. Yves Saint-Laurent. Mur à mur, nous donnons tout ce que nous pouvons à la société avec notre différence. Je crois que ça vaut non seulement la peine de leur donner, à tous ces gens-là à travers l'histoire qui ont apporté leur pleine contribution, une égalité, mais je dirais même que ça vaut la peine de les célébrer. Alors, si vous avez des doutes quant aux nuances: Est-ce qu'on leur donne la totale égalité de ce côté-là? je vous dirais: N'hésitez pas, ça ne sera que justice et peut-être qu'en même temps vous célébrerez la diversité.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Me Valois. Je vais donner la parole maintenant au ministre, pour vous poser quelques questions, et aux parlementaires.

M. Bégin: M. le Président.

Mme Lamquin-Éthier: Pardonnez-moi, M. le ministre.

Le Président (M. Gautrin): Oui, madame.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, si le premier groupe à être entendu manque de temps, nous pouvons donner du temps, hein, sur...

Le Président (M. Gautrin): Non, non, ne vous inquiétez pas. La gestion du temps, c'est mon travail.

Mme Lamquin-Éthier: Non, non, mais je veux l'offrir au groupe, dans la mesure où ils n'auraient pas mentionné...

Le Président (M. Gautrin): J'ai tout compris ça. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, Me Valois, je comprends votre dilemme, effectivement, de vouloir toucher à tout parce que votre mémoire en fait état et que vous connaissez bien l'ensemble de la problématique. C'est un peu injuste de vous demander de faire un survol, mais, si on veut avancer, il va falloir qu'on prenne peut-être un point ou deux par intervention, quitte à faire un bloc avec l'ensemble après coup, sinon on n'arrivera pas à terminer en profondeur, alors qu'on va être très bon sur le survol. Alors, c'est pour ça que je vais me restreindre peut-être à un ou deux points maximum avec vous. Ça ne veut pas dire que le reste n'est pas intéressant, mais je cible. D'ailleurs, vous avez ciblé.

Conjoints, partenaires. Ce n'était pas par là que vous m'attendiez, mais je pense que c'est une question qu'on doit régler rapidement. Ce n'est pas une question de fond, c'est-à-dire: il ne s'agit pas de dire: Est-ce qu'on accorde, par exemple, la filiation ou pas la filiation? Est-ce qu'on permet l'adoption ou pas l'adoption? Questions que j'appellerais de fond. Question de «conjoint», plus une question, pas de sémantique mais une question de forme, et on veut, par la forme, signifier beaucoup de choses, où on peut signifier beaucoup de choses puis des fois, surtout, ce qu'on ne veut pas dire.

n (10 h 30) n

Alors, on a tenté effectivement, dans un effort, de trouver une expression qui serait satisfaisante pour tout le monde. Je pense que l'article 142 de l'avant-projet de loi est une belle démonstration ? je ne dis pas que c'est une solution ? de ma tentative. Permettez-moi de le lire, M. le Président, parce que ça nous explicite très bien. L'article donc remplacerait l'article 61... non, créerait l'article 61.1: «Sont des conjoints les époux unis par le mariage ? donc ce que nous connaissons ? et les partenaires liés par une union civile.» Donc, «sont conjoints». Et là la phrase suivante: «Sont assimilés à des conjoints, à moins que le contexte ne s'y oppose, les conjoints de fait.» Et là on dit: «Sont des conjoints de fait» tels groupes de personnes. Alors là on a un amalgame de l'ensemble des concepts qui tournent autour de ce qu'est un conjoint.

Le problème, c'était: Quels conjoints il fallait faire? Un peu comme l'appellation «union civile». Il y en a qui auraient pu appeler ça autrement, mais il fallait trouver une expression pour qualifier l'institution, «union civile». Moi, je l'ai trouvée heureuse. Personne ne l'a soulevée, donc je présume qu'on a misé juste. Par contre, sur le mot «conjoint», «partenaire» visait à être une expression de quelque chose, mais il est clair et net que ça ne fait pas le bonheur de personne. Il n'y a personne qui, à date, a été enchanté du mot «partenaire». Ça ne veut pas dire que le mot n'est pas bon, mais il charrie, il transporte, par son sens antérieur, des choses qui ne s'assimilent pas à ce que l'on veut véhiculer. Dans le mariage ou dans l'union, il y a beaucoup plus une question humaine, de chaleur humaine qu'une question de compagnies, de droit des compagnies. On n'est pas tout à fait dans la même famille. Donc, il faut trouver une expression qu'il faille...

Mais il faut quand même faire la distinction. Le couple, les conjoints qui sont les époux, les conjoints de fait, les conjoints de fait de même sexe, c'est toujours des conjoints mais il y a un petit qualificatif. Vous avez adjoint la proposition «civil», alors «conjoint civil». Moi, je suis prêt à regarder attentivement, voir si cette expression-là est la bonne. J'aimerais cependant qu'on me dise si effectivement, pour tout le monde, c'est le bon mot, parce que, si vous me dites «conjoint civil» puis que je dis: Oui, ça a du bon sens, puis que cinq groupes après viennent me dire: On ne veut rien savoir de ça, vous admettrez que je ne serais pas très avancé.

Alors, pour les fins de ce qui va suivre, moi, je suis prêt à écouter ce qu'on va me proposer, et on verra ce qu'il en résultera comme expression. Mais je partage avec vous l'idée qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un terme qui soit tout à fait distinct et surtout peut-être pas le mot «partenaire», si on veut atteindre notre objectif.

Deuxième chose, vous avez parlé d'un petit groupe, d'une minorité, 5 à 10 %. Je sais que ce n'est pas ça que vous vouliez dire, mais c'était perçu comme si c'était: Ce n'est pas grand monde. Pourtant, notre Charte est basée sur un individu. On dit que «chaque individu a droit à...» Alors, 5 à 10 % d'une population, c'est pas mal d'individus. Il m'apparaît que l'égalité des droits, ça existe pour l'individu, mais ça existe également pour les minorités, comme groupes, et pour chacune des personnes qui forment la minorité. Donc, c'est un problème majeur qui est soulevé, un problème de droit dans une société. On prétend être une société de droit, égalitaire, et j'exclus tout ce qui était ségrégationniste, là, je parle de l'égalité au sens pur du terme. Donc, il m'apparaît important que vous souleviez cette question-là.

Quant à l'article ? puis, après ça, j'arrêterai là-dessus ? 365, je l'ai dit dans mon discours d'introduction, je pense qu'on est plus en présence d'un symbole que d'une réalité juridique significative. Mais effectivement, des fois, les symboles sont très importants. Là, c'est une condition qui a été introduite dans le Code civil par... En tout cas, c'est le vieux jeu de la Constitution de 1866. Ça a été fait avant la Constitution, donc inscrit, et ça a été réinscrit en 2000, si je me rappelle bien, par une modification du gouvernement fédéral. Alors, c'est tout à fait légal, ce qui est là, mais ce n'est peut-être pas très utile. Alors, «deux personnes» pourrait faire aussi bien pour décrire la réalité qu'on a là. Ça dirait que le mariage, ça se fait entre deux personnes et non pas entre un homme et une femme ou deux hommes ou deux femmes, mais entre deux personnes, et le reste serait déterminé par les autres lois. Donc, à suivre, là, mais, disons, très sympathique comme point de vue.

Alors, non pas que j'aie d'autres choses à vous demander ? il y en a plein ? mais je laisserais d'abord mes collègues, s'ils veulent poser des questions, puis, par ailleurs, je voudrais autant que possible que, avec chaque groupe, on cible un ou deux points comme ça et qu'on le vide. Après ça, on aura un tableau complet. On fera la révision complète à la fin plutôt que de le faire à chacun des groupes.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac. Il reste combien de temps aux ministériels? Neuf minutes. Alors, vous avez amplement de temps pour vous exprimer.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Valois, madame, à la commission. Alors, je vous félicite pour votre mémoire. Moi, j'aurais deux questions. Quand vous parlez de l'union civile, je pense que vous en parlez avec prudence, même vous évoquez le mot «ségrégation» autour de l'union civile. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ça?

M. Valois (Pierre): Alors, on sait tous que l'égalité séparée, ça a fait couler beaucoup d'encre. Par exemple, aux États-Unis, quand on a voulu donner un statut égal aux Noirs, on leur a donné... Les législations allaient dans le sens d'une égalité séparée, et donc créée, tu sais, une sorte de façon d'arriver à ce que les Noirs puissent dire: Finalement, on est égaux, mais de façon séparée. Les tribunaux ont en horreur ce type d'égalité séparée, d'où... À partir du moment où cette offre du gouvernement de régler ce problème-là n'est offerte qu'aux couples de même sexe, c'est une façon de dire: On va vous amener ? exactement comme les Américains faisaient pour les Noirs ? à une sorte d'égalité mais à part, juste pour vous.

Essayez d'imaginer juste un moment ? puis vous allez tous tout de suite convenir que ça ne se peut pas ? essayez d'imaginer que vous ayez... Parce que, c'est un troisième statut matrimonial, on ne se trompe pas, là. Ce n'est quand même pas rien, ce qui est proposé là. Et si on vous proposait un troisième statut matrimonial, disons, pour les Noirs. Alors, on dit: Pour les Noirs, tiens, on va créer une façon de vous unir, et ça, ça va être, vous savez, l'égalité. C'est toutes les mêmes conséquences, identiques, mais c'est à part. Vous voyez bien que ce n'est pas possible. Jamais l'Assemblée nationale ne penserait même penser à déposer un tel projet de loi! Pourquoi on le fait pour nous? Je le sais bien, puis c'est pour ça que j'ai parlé de générosité, M. le ministre, et vous me permettrez de saluer là...

On le sait bien, que dans nos sociétés qui sortent de l'obscurantisme puis des préjugés, du péché et tout ça, on sait bien que nos sociétés évoluent tranquillement vers l'égalité sociale de ce côté-là. Ce n'est pas toutes les sociétés qui y sont rendues. Et le Québec, grâce donc à ce que vous faites, aboutit dans ce volet-là. Tout ça pour vous dire que, en même temps qu'on sait la générosité et la vision de ce que vous faites pour venir enfin régler ce problème grave, il ne faudrait pas, en même temps, créer une sorte d'égalité séparée qui est dérangeante. Et ça, ça veut dire, surtout avec le mot «partenaire», surtout alors qu'on n'a pas la parentalité, surtout avec, vous voyez... Toutes ces questions-là, si on maintenait 365, vous voyez à peu près, ça dirait: Bon, bien, écoutez, là, comme pour les Noirs, je vais vous donner ça, là, puis... C'est de la tolérance, ça. Ça, ça dit: On vous tolère, on va essayer de vous donner un peu l'égalité.

On vous demande: Acceptez-nous. Si vous ne nous acceptez pas comme citoyens à part entière... Et là, je vais laisser... Parce que j'ai écrit dans le mémoire: Nous, on vous demande que ce ne soit pas un ghetto, une solution de garage pour nous; on vous demande que ça soit comme tout le monde. Et sinon, on se sent encore mis de côté. Et donc ? je le disais bien dans le mémoire ? il faut entendre ce que pense la majorité de la population là-dessus. Et vous avez probablement lu, par exemple, le mémoire... Vous allez entendre la Fédération des femmes du Québec qui dit: Oui, nous aussi, on n'en veut pas, d'égalité séparée. Les syndicats qui viennent vous dire la même chose. Alors, on constate que l'ensemble de la population...

Dernier point peut-être, si vous me permettez. C'était assez intéressant, peut-être, de constater qu'en Hollande, où on a établi le régime... En Nouvelle-Écosse, on vient de l'établir, pour tous les couples, ce statut différent là. Alors, en Hollande, où on l'a fait, et assez étrange, la majorité des gens, le plus grand groupe qui a pris le partenariat, comme on l'appelle là-bas, bien, alors, ce sont des hétérosexuels, des couples hétérosexuels, où alors c'est une proportion importante. Et donc, ça veut dire qu'il y a bien des couples hétérosexuels qui seraient intéressés à ça, pour toutes sortes de motifs, et ça serait trop long peut-être d'aborder ça. J'espère que ça vous éclaire davantage sur notre position. Merci, d'ailleurs, d'avoir soulevé cette question qui nous importe beaucoup.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Vous avez terminé, M. le député?

M. Boulianne: Non, j'aurais une deuxième question.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Oui. Vous n'en avez pas parlé dans votre exposé, mais ça concerne l'immigration, puis je pense que vous dites qu'à ce chapitre-là aussi il y a des injustices, il y a des problèmes, puis vous suggérez des règles spéciales. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Valois (Pierre): Merci encore. Bien, c'est tellement de choses que je... Bon, alors là, c'est... On a donc un problème. Nos règles, nos façons d'être sont bien différentes. Pourquoi? Parce que nous sommes tellement ostracisés. Ostracisés dans des pays pourtant... Je vais vous donner comme exemple: au Mexique, où il y a une charte des droits qui, comme ici, protège l'orientation sexuelle comme... Bon. Et, malgré ça, essayez, deux hommes, de vivre ensemble au Mexique. Vous avez un grave problème et votre vie est menacée, votre santé est menacée parce que, tout de suite, là... Bon. Et nos règles font en sorte que, bon...

n (10 h 40) n

Un couple hétérosexuel, c'est bien simple. Moi, disons que je travaille pour l'ACDI ou que je travaille pour la Maison du Québec en quelque part, enfin, peu importe quoi. Je passe trois ans dans un pays, je tombe amoureux de quelqu'un et je décide qu'on voudrait faire une union. Dans certains pays comme ça, impossible de vivre ensemble. On ne peut pas se marier, ça n'existe pas. Un couple hétérosexuel, il n'a qu'à se marier là-bas, il arrive ici et ils ont le droit d'entrer tous les deux, tout est réglé. À défaut de se marier, ils vivent ensemble un an de temps et les règles s'appliquent; concubinage, disions-nous, et donc, vie commune pendant un an, ça ouvre la porte à faire entrer le conjoint ou la conjointe.

Chez nous, tout ça est impossible. On vous dit: Pouvez-vous, s'il vous plaît, aménager ? le Québec a une part de juridiction, je veux dire, en immigration ? pouvez-vous aménager ces choses-là pour que les humains qui ont l'orientation homosexuelle ne souffrent pas de discrimination à cause de ça? Et vous savez comment c'est déchirant humainement quand un couple ? on pourrait vous en parler, puis certains peut-être vous en parleront davantage ? quand on constate ces couples-là qui souffrent, qui sont incapables de régler cette... Il suffit de le voir puis on se dit: Il faut que les règles de notre État permettent de régler ces situations, je dirais, atroces d'humains qui souffrent.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Brièvement, M. le Président. M. Valois, je vous ai écouté tantôt parler de l'exclusion, puis on partage en grande partie, en très grande partie, vos préoccupations et on veut travailler le maximum qu'on peut faire pour enrayer cette exclusion-là.

Vous avez parlé des enfants qui vivent, par exemple, le suicide, le rapport qui est effectivement plus important chez vous que chez les couples hétéros. Mais, à la première question, tantôt, du ministre, vous n'avez pas répondu; on a tout de suite commencé avec la question de mon collègue. Mais concernant l'article 141, ce que le ministre posait comme question... Parce que, moi, je pense que c'est un des coeurs de... Le coeur, il est là aussi. Comment voyez-vous la proposition du ministre dans l'avant-projet de loi concernant la signalisation du conjoint? Comment, dans l'article... Vous vivez ça comment, de la façon dont c'est écrit dans l'avant-projet de loi?

Le Président (M. Gautrin): M. Valois.

M. Valois (Pierre): Merci. Alors, ça ne nous paraît pas suffisant, pas suffisant parce que nous ne voulons pas être à part. Vous savez, la qualité de nos relations de couple, elle est identique. Vous savez, bien, on a tous les mêmes sentiments, on a tous le même amour vis-à-vis quelqu'un, la même... bon. Et de nous dire que... Alors que l'État s'apprête à dire: Je sacralise la beauté de cette union-là, la valeur humaine de cette union-là sur quoi on fonde notre société, n'est-ce pas. En même temps qu'on nous dirait ça, on nous dirait: Mais vous n'êtes pas des conjoints, vous êtes... Bon, les conjoints de fait, ils n'ont pas été nulle part dire: Je prends pour conjoint telle personne, n'est-ce pas, je fais le voeu, bon, de l'aider, si un jour l'on se séparait, financièrement; je fais le voeu, comment on dit, de fidélité; je fais le voeu... Vous savez, toutes ces choses qui sont essentielles dans un couple, qui font un couple. Alors, nous, on le fait. Nous, on fait cette démarche-là, on dit devant l'État: Voici mon conjoint pour la vie. Et, en même temps, on nous dirait: Mais vous n'êtes pas des conjoints. Si vous nous faites ça, vous allez, dans la tête de tout le monde, dire...

Et je peux vous dire, je vois une personne alors qui dit: Mais ce n'est pas pareil, vous autres. Je vois ma mère, qui est décédée, qui m'a dit... Alors, un exemple qui va vous faire comprendre l'importance de ce genre de choses-là. C'est le 25e anniversaire de mariage de ma soeur. Personne ne se place pour faire la réception. Alors, à un moment donné, moi, qui vis avec un conjoint que ma mère aime beaucoup mais qui, dans le fond, n'aime pas toujours le voir parce que ça lui rappelle qu'on est des gais... Alors, elle finit ? bonne maman et tout ça ? par me dire, quand, moi, je m'offre à ce qu'on reçoive, puis qu'elle constate que par la façon dont nous allons recevoir, elle dit: Albert va être là? J'ai dit oui. Bien, elle dit: Respecte-nous, Pierre. Nous, on était à 19 ans d'être conjoints ensemble et, pour ma mère, ce n'était pas pareil.

Nous vous demandons: Ne continuez pas ce... On a tous été élevés comme ça. J'ai beaucoup de difficultés moi-même à accepter d'être homosexuel. Je me trouvais un monstre quand j'étais jeune. Et pas étonnant que les autres se suicident. Ce n'est pas un choix, vous le savez bien, si... Et ceux qui en doutent encore, dans la société, partout, à la télévision ? c'est pour ça que je vais le dire ? ceux qui doutent encore de ça, si vous êtes hétérosexuels, posez-vous la question, si la société, la religion, n'importe qui, votre famille, si on vous poussait à: Change d'orientation, deviens homosexuel. Qu'est-ce que c'est, la réaction? Mais vous êtes tombés sur la tête, vous êtes tombés fous, je ne peux pas changer ça, c'est dans ma nature. Ce n'est pas un choix, c'est dans nos... On est fait comme ça. Un jour, bientôt, la science dira probablement: C'est le chromosome x, y ou je ne sais pas quoi qui fait en sorte qu'on a telle orientation sexuelle ou qu'on a la peau de telle couleur. C'est comme ça.

Et là on vous dit: À cause de ça, cessez de nous traiter différemment. Notre union est aussi valable, elle est aussi belle. Je peux vous le dire avec tout le fond de mon âme: J'aime Albert comme... Je pense qu'après 29 ans c'est la preuve. Et j'espère bien continuer à vivre avec lui jusqu'à la fin de mes jours. Demandez-moi pas de le considérer comme quelqu'un d'autre que mon conjoint.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. M. le ministre, avant qu'on passe...

M. Bégin: Deux petites secondes, M. le Président. Je remercie mes collègues...

Le Président (M. Gautrin): Il y aurait une correction à faire sur le tableau qu'il a déposé.

M. Bégin: On vient de réaliser qu'il s'est glissé une petite erreur dans la présentation du deuxième tableau intitulé De la parentalité. Si vous regardez sous le titre Partenaire, qui est au centre, en bleu, la colonne de droite. Allez tout au bas, vous allez voir qu'il y est écrit deux fois «lien de filiation, lien de filiation». Donc, il y en a un de trop. Et ce lien de filiation aurait dû être dans la colonne à droite «Conjoint de fait», au centre, en bas tout a fait, après «fournit l'autre», et là ça devrait être là, le «lien de filiation».

Le Président (M. Gautrin): Le miracle de l'informatique.

M. Bégin: Bien, c'est l'informatique qui a oublié de...

Le Président (M. Gautrin): Le miracle de l'informatique quand on travaille... Ha, ha, ha!

M. Bégin: Alors, on fait la correction sur les autres documents.

Le Président (M. Gautrin): Parfait.

M. Bégin: Mais ceux que vous avez en votre possession comprennent l'erreur. S'il vous plaît. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme la députée de Bourassa, au nom de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Demczuk. M. Valois, bonjour. Tout à l'heure, M. Valois, vous avez donné un exemple, je pense, que vous abordiez rapidement ? puis vous avez expliqué pourquoi le temps ne permet pas d'aller plus en profondeur ? un des aspects que vous soulevez, eu égard aux droits parentaux. J'aimerais reprendre peut-être d'autres exemples à la suite de l'exemple que vous avez vous-même donné pour que vous nous aidiez à comprendre. Donc, on peut, comme premier exemple, prendre un enfant qui va être issu d'une relation hétérosexuelle antérieure. Deux, on pourrait avoir, par exemple, un couple homosexuel qui désire adopter. Trois, on pourrait avoir le cas d'un couple homosexuel qui aurait recours à la procréation médicale assistée. Vous avez donné un exemple, je donne des exemples, et je suis sûre que vous pourriez en donner d'autres. Donc, ce sont des situations différentes. Est-ce que, selon vous, ces situations-là qui sont différentes appellent des interventions particulières?

M. Valois (Pierre): Non, pas à notre avis. Ce sont tous des enfants de nos couples et qui doivent avoir les mêmes protections, qu'ils soient nés... Bon. Alors, disons, j'ai eu un enfant d'un mariage hétérosexuel et, bon, ma conjointe ? tout ça est théorique, là ? ma conjointe est décédée et je décide, comme bien des gens, de finalement finir par vivre ce que je suis vraiment et je prends un conjoint. L'enfant que j'ai, qui est, disons, très jeune, qui aurait, disons, deux ans, un an, bon, et qui va être élevé par deux hommes, il devrait avoir les mêmes protections que celui d'un couple, disons, de lesbiennes, une qui dit: Je vais me faire inséminer, tu es d'accord? Le couple décide d'avoir un enfant de cette façon-là. Et c'est la même chose, son enfant, rendu à un an, va avoir les mêmes besoins que l'enfant que j'aurais pu avoir, disons, avec une conjointe.

L'adoption, il n'y a aucun danger de ce côté-là, il faut bien s'en rendre compte. D'abord, il y a beaucoup d'adoptions qui sont régulièrement accordées par jugement à des homosexuels ou à des lesbiennes. Et ça se fait toujours parce que le juge a la preuve que par les ? vous savez bien comment ça se passe ? par donc des évaluations psychosociales, par des vérifications de la famille et tout ça, puis arrive à la conclusion que, pour le meilleur intérêt de l'enfant, cet enfant-là doit être adopté par telle personne. Ça se fait actuellement. Nous disons simplement: Permettez que ça puisse se faire. Alors, bien intéressant, je réfère à nouveau à ces 55 000 pédiatres des États-Unis qui donc viennent d'émettre un rapport en disant: Toutes les études démontrent que ces enfants-là...

Et pour ceux qui ? ça existe encore ? ceux qui disent: Mais oui, mais ces enfants-là vont peut-être devenir homosexuels ou je ne sais trop, eh bien, ça ne s'attrape pas! Ha, ha, ha! Ni l'hétérosexualité ni l'homosexualité ne s'attrapent. Et la plus belle preuve, c'est que, n'est-ce pas, l'immense majorité des citoyens sont des hétérosexuels. Et ça donne, depuis l'histoire de l'humanité, dans tous les continents de la planète, toujours la même proportion de gens qui ont l'orientation homosexuelle. Et donc, on naît d'un couple hétérosexuel puis il y en a qui sont homosexuels. Et donc, c'est la même chose. Et on constate, les études le démontrent, vous allez entendre d'ailleurs des enfants ici, à cette commission, des enfants donc de couples homosexuels qui vont venir dire: Faites-vous-en pas, je suis hétérosexuel. D'ailleurs, voici ma fiancée, et tout ça. Il n'y a pas de danger de ce côté-là. Ça fait partie encore de ces préjugés, de l'obscurantisme dont nous sortons péniblement.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

n (10 h 50) n

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Si vous voulez, on va reprendre le premier exemple, où on a un enfant qui est issu d'une relation hétérosexuelle antérieure. Pour nous éclairer, pouvez-vous m'expliquer comment vous voyez le rôle du père biologique dans ce premier exemple, le parent biologique ou plutôt le parent.

M. Valois (Pierre): Le parent biologique qui est encore vivant, vous allez me dire?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui.

M. Valois (Pierre): Et qui n'est pas celui qui garde l'enfant? C'est ce que je comprends.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, exact.

M. Valois (Pierre): Alors donc, nous ne demandons rien là de spécial et de particulier. Nous ne visons pas, nous ne viserons jamais qu'un enfant doit perdre la filiation de son père ou de sa mère, ça va de soi, ce n'est... Alors, quand nous disons: Il y a un co-père ou une co-mère qui élève l'enfant et qu'il y aurait tout lieu de lui accorder les droits parentaux pour qu'enfin il puisse donner tous les services, donner toute la sécurité à l'enfant. Ce n'est que lorsqu'il n'y a pas déjà quelqu'un qui occupe ce rôle-là, ça va de soi.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée, c'est terminé?

Mme Lamquin-Éthier: Non.

Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi.

Mme Lamquin-Éthier: M. Valois, est-ce que vous croyez utile, important, de distinguer «filiation» de l'autorité parentale?

M. Valois (Pierre): Ce sont deux notions bien différentes, ça va de soi; donc, elles sont distinctes en soi. Mais toujours nous pensons, et je redis: Ce sont nos enfants qui appellent au secours et qui demandent la sécurité et l'égalité. Et donc, que ce soit en matière de filiation ou simplement d'autorité parentale, l'avant-projet de loi donc, on sent bien, là, va dans le sens, même pour les couples de fait, d'accorder, n'est-ce pas, ce que ça prend à ces enfants-là pour vivre en sécurité. Tant d'exemples! Je crois qu'on n'a pas le temps. Mais vous allez en entendre beaucoup, de ces exemples, grâce à des mères lesbiennes, grâce à des autorités scientifiques, là, qui vont venir vous expliquer plein de choses. Et, bon, à ce moment-là, j'espère... Ah oui, je suis certain qu'au bout vous allez avoir tous les exemples. Puis je sais bien que je n'ai pas le temps d'aborder toutes ces questions.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que vous croyez possible de créer une famille sans pour autant créer un lien de filiation? Est-ce que c'est possible qu'il y ait une famille sans que, pour autant, il y ait lien de filiation?

M. Valois (Pierre): Alors, écoutez, théoriquement, là, j'essaie d'imaginer est-ce que, bon... J'aimerais ça vous répondre de façon très simple, qui serait: Chaque fois qu'un enfant est élevé par deux personnes ? que ça soit deux hommes ou deux femmes ? alors qu'il n'y a personne, là... Alors, si c'est par insémination, donc il n'y a personne d'autre qui est dans le paysage comme père. Si c'est un couple anciennement marié, disons, etc., hétérosexuel, bien, tant que... et s'il n'y a pas l'autre parent, qui n'existe plus, là, je vous dirais qu'à ce moment-là, dans tous les cas où un enfant est élevé par deux personnes, il faut s'assurer que les deux aient la capacité de lui venir en aide, aient la capacité, par exemple... Je vous donne comme exemple deux co-mères. Elles ont 35 ans, disons, et elles n'ont pas fait un testament. Combien de citoyens n'ont pas fait de testament à 35 ans? Parce qu'on a l'impression qu'on va être éternel, encore pour... En tout cas, on ne voit pas la mort venir. Et donc, plein de gens n'en font pas. Et, ça y est, la co-mère, qui n'est pas enregistrée, meurt dans un accident d'automobile ? ça arrive tous les jours, ce genre de chose là ? et l'enfant vient de perdre la succession de sa mère en fait, c'est celle qui l'élève avec l'autre. Et pourquoi? Parce que l'État ne les reconnaît pas, les considère, comme à l'époque, des enfants illégitimes.

Vous avez une séparation entre les deux co-mères. Ça existe aussi chez nous comme... Nous sommes la même chose, et donc, il y a des couples qui se défont comme chez les hétérosexuels. Et il y a une séparation. Et arrive donc que l'enfant serait beaucoup mieux avec la co-mère qui n'est pas celle qui est enregistrée. Et qu'est-ce qu'on fait? Tant mieux si la mère enregistrée, elle dit: Je reconnais que l'enfant serait mieux avec toi et je te le laisse. Tant mieux si ça se passe, mais ce n'est toujours comme ça. Et qu'est-ce qui arrive de cet enfant si ça ne se passe pas comme ça? Bien, il va suivre la mère qui est enregistrée comme sa mère, et l'autre n'a aucun droit.

Je pourrais vous en donner et vous en donner comme ça. Vous allez en entendre plein, plein d'exemples qui démontrent toujours que ces enfants-là ? comme l'époque des «enfants du péché» ? parce qu'ils ne sont pas reconnus par l'État, souffrent tous les jours de leur insécurité, de leur incapacité d'avoir l'égalité des droits qu'ont tous les autres enfants du Québec. Et nous vous disons: Ne les oubliez pas, c'est essentiel de leur donner tous ces droits-là.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier a des questions.

Mme Rochefort: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier.

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. M. Valois, je pense que ça serait intéressant qu'on puisse éclaircir, pour l'ensemble des gens ici, la différence entre «filiation» et «adoption». Par expérience, je me rends compte qu'il y a très souvent confusion entre les deux. Est-ce que vous pourriez nous l'expliquer, s'il vous plaît?

Le Président (M. Gautrin): M. Valois.

M. Valois (Pierre): Oui. Bien, la filiation donc, ça vient de source, naturellement. Je vais vous donner comme exemple: La Colombie-Britannique ? ça fait partie des provinces, n'est-ce pas, qui est en avance sur le Québec dans le domaine ? a fait une législation dans laquelle elle reconnaît: Aussitôt qu'un enfant naît ? parlons donc d'insémination artificielle d'un couple de lesbiennes ? aussitôt que l'enfant naît, la conjointe de la mère est automatiquement présumée mère, co-mère de l'enfant, et donc la filiation s'établit automatiquement. Et, en matière d'adoption, ce serait... Et nous disons: C'est une façon effectivement simple de régler cette question-là. Et nous souhaitons que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale arrivent à la même conclusion.

Quant à l'adoption, l'adoption donc, c'est une personne seule ou un couple ? ici, nous parlons de couple ? un couple qui dit: Nous souhaitons adopter. Alors, ça peut être un couple qui part sans enfant et qui dit: Nous souhaitons adopter un enfant. Ils se présentent et ils font la demande. Nous avons des graves difficultés ici, au Québec, parce qu'il y a des situations très différentes au Québec où, par exemple, Batshaw, qui est le service social pour les anglophones de la région de Montréal en particulier, ouvre la porte, ne discrimine pas, alors que les services francophones des centres jeunesse discriminent les couples de même sexe. Et donc ? une parenthèse, vous aurez beaucoup plus de témoignages là-dessus ? c'est intolérable qu'au Québec ça se passe comme ça. Enfin, bref.

Et donc, un couple peut demander une adoption ou alors vous avez quelqu'un qui a adopté et qui se retrouve, à un moment donné, avec un conjoint ou une conjointe, et le conjoint ou la conjointe demande de pouvoir adopter aussi cet enfant-là puisque ça fait, bon, deux ans, trois ans que la famille vit ensemble puis que, de toute évidence, cet enfant-là va avoir deux pères ou deux mères. Et le conjoint ou la conjointe donc demande l'adoption. Ça devient l'adoption d'une personne, mais pour qu'un couple devienne co-parents, alors que l'autre, c'est... Et, encore une fois, je vous soumets que tout ça est très protégé, parce que jamais une adoption n'est accordée sans qu'un juge puisse déterminer que, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est ce qu'il faut faire, après toutes les études et tout ce qui est exigé devant les tribunaux. Et nous ne faisons pas d'erreur. Je peux vous le dire comme ancien directeur du Secrétariat à l'adoption internationale. Et pourquoi les enfants nous donnent...

Vous savez qu'au Québec on adopte... La moitié des enfants du Canada qui sont adoptés à l'international, c'est au Québec que ça se passe. Pourquoi? Parce que nous sommes une société distincte qui faisons mieux les choses, bien sûr, mais aussi parce que notre système est tellement bien fait au Québec, avec tellement de bonnes protections, que nous arrivons, comme ça, à à peu près pas d'erreur, ce qui fait la confiance des pays étrangers qui nous donnent, au Québec, beaucoup plus d'enfants qu'on en donne ailleurs au Canada.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Est-ce que vous avez terminé, Mme la députée de Mercier?

Mme Rochefort: Juste pour... Vous affirmez un point. Nous avons très bien compris que vous ne voulez pas que l'union civile amène la création d'un statut de troisième zone pour les gais et lesbiennes au Québec. Et je peux vous assurer que, de notre part, c'est loin d'être une de nos pensées et que nous avons très bien entendu le fait que la notion de «partenaire» est un mot qui est rejeté de votre côté. Suggestion.

Le Président (M. Gautrin): M. Valois.

M. Valois (Pierre): Alors, je vous remercie encore au nom de l'ensemble...

Le Président (M. Gautrin): Attendez. Je croyais que la députée de Bourassa ? il nous restait encore un peu de temps ? avait une dernière question à vous poser.

Mme Lamquin-Éthier: Bien. M. Valois, tout à l'heure, vous avez parlé d'adoption. Vous avez évoqué le thème, si j'ai bien compris, qu'il y avait de grandes difficultés en la matière; j'aimerais que vous puissiez les décrire. Certains mémoires réfèrent à des pratiques administratives des fonctionnaires qui s'occupent de l'adoption et, selon ce qu'ils en disent, lesdits fonctionnaires ne retiendraient que les demandes provenant de célibataires. Et d'ailleurs M. le ministre dans son intervention, je crois, a repris le terme «nos pratiques en ce qui a trait à l'adoption sont discriminatoires».

Est-ce que vous pensez, puisqu'il s'agit de pratiques discriminatoires, quand on parle d'adoption, qu'il est utile de changer la loi ou si vous ne pensez pas que, puisque les pratiques sont admises comme étant discriminatoires, que le ministre pourrait dès maintenant intervenir, envoyer une lettre pour expliquer exactement: Y a-t-il ambiguïté? Et, s'il n'y a pas ambiguïté, bien, à ce moment-là, veuillez appliquer la lettre de la loi telle qu'elle est?

Le Président (M. Gautrin): M. Valois.

n (11 heures) n

M. Valois (Pierre): Nous souhaitons les deux approches. Bon, une lettre pour aider tout de suite, avant que, n'est-ce pas, un projet de loi éventuel soit adopté. Il y a encore bien des mois à passer et peut-être, bon... Alors donc, oui, effectivement, ce serait bon qu'on dise aux fonctionnaires: Voulez-vous, s'il vous plaît... Et, de l'autre côté, nous espérons que l'Assemblée nationale fera en sorte de clarifier cette question de l'adoption parce que, actuellement, les gens doivent aller devant les tribunaux, forcer des décisions, et il ne faut pas laisser les gens, les citoyens être obligés de toujours recourir aux tribunaux.

Alors, je peux vous dire aussi, par expérience, donc comme ancien directeur du Secrétariat à l'adoption internationale, pour avoir vu tant et tant de psychologues, de travailleurs sociaux, venir dire: Moi, vous savez, j'ai un problème, je ne suis pas capable de dire... je vois bien que l'enfant serait bien, mais c'est contre mes principes; je ne peux pas dire que l'enfant va être bien là, et pourtant tout me dit que, oui, ce le serait. Ça existe, ce genre de chose là. Les services sociaux... de l'aide... voyons, les centres jeunesse... Quand j'étais directeur du Secrétariat à l'adoption internationale, nous avons adopté une politique claire, officielle en matière d'homosexualité. Pas en faveur de quoi que ce soit, mais pour que tout le monde sache c'est quoi, les règles du jeu, puis puissent fonctionner avec ça. D'ailleurs, ça n'a pas créé aucune vague nulle part parce que tout le monde a dit: Effectivement, ce n'est qu'objectif et ça permet enfin aux gens de savoir qu'est-ce qu'ils peuvent faire et comment le faire s'il y a quelque chose à faire. Et j'ai demandé aux centres jeunesse de faire la même chose à l'époque, et ils ont dit: Oui, il faudrait le faire. Et ils n'ont pas abouti à cette politique. Je crois qu'il est grand temps. Il faut que les citoyens sachent à quoi s'en tenir.

Le Président (M. Gautrin): Bien, on a épuisé le temps à peu près. Madame...

Mme Lamquin-Éthier: M. le ministre, une dernière question.

Le Président (M. Gautrin): Non, non, c'est moi qui décide, là.

Mme Lamquin-Éthier: Excusez, M. le Président. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lamquin-Éthier: Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Brièvement, madame.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui. Pour en revenir évidemment au problème de l'adoption, il semblerait qu'il existe une certaine ambiguïté, en tout cas selon ce qu'en dit l'Association des centres jeunesse. Je voulais voir si vous êtes au courant du jugement de la Cour d'appel P. c. G. où il est dit que «les dispositions du Code civil du Québec en matière d'adoption constituent peut-être une avenue possible, il suffit de mentionner que les textes législatifs qui traitent de l'adoption n'excluent a priori aucune personne sur la base de son orientation sexuelle». Je crois qu'il est important pour moi de vous mentionner ce jugement de la Cour d'appel, P. c. G., 11 octobre 2000, qui semble ouvrir une porte et qui ne semble pas voir dans le Code civil, dans la législation, quelque ambiguïté.

M. Valois (Pierre): Je vais vous apporter une solution, je pense, très harmonieuse.

Le Président (M. Gautrin): Brièvement.

M. Valois (Pierre): Ma collègue, qui est justement à côté de moi, va vous... Bon. Ça fait partie des choses qu'elle voulait expliquer déjà dans son exposé principal. Et donc, je crois que c'est une...

Le Président (M. Gautrin): Une magnifique transition.

M. Valois (Pierre): C'est simplement...

Le Président (M. Gautrin): Une magnifique transition. Alors, M. Valois, au nom de la commission, je tiendrais à vous remercier pour la qualité de votre exposé. J'imagine que vous allez rester aussi pour entendre le témoignage de Mme Demczuk. Et j'inviterais maintenant la représentante de la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe, Mme Demczuk, à bien vouloir commencer son témoignage. Je vous rappellerai le partage du temps théorique; c'est que vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, les ministériels auront 15 minutes pour vous questionner, et l'opposition officielle, 15 minutes aussi. Mme Demczuk.

Coalition québécoise pour la reconnaissance
des conjoints et conjointes de même sexe

Mme Demczuk (Irène): Merci beaucoup, M. le Président. Est-ce que le micro va bien? Oui?

Le Président (M. Gautrin): On vous entend parfaitement.

Mme Demczuk (Irène): D'accord. Alors, c'est Demczuk, qui est un nom très québécois. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Demczuk (Irène): D'abord, j'aimerais vous remercier, les membres de cette présente commission parlementaire, pour accorder... pour avoir accordé une audition, donc, à la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe. Je pense qu'aujourd'hui nous sommes en train de vivre un moment historique par le dépôt de cet avant-projet de loi mais également par la tenue de cette commission parlementaire.

Alors, je vais commencer par présenter qui est la Coalition. Je suppose que tout le monde a reçu notre mémoire qui s'appelle Au-delà de l'égalité séparée: l'égalité de statut pour les couples de même sexe et leurs enfants. Et, pour être plus efficace, donc je ne traiterai pas de tous les points dans ce mémoire mais simplement de deux éléments. Vous avez une liste de 13 recommandations. Alors, je serai très ouverte à répondre à vos questions.

D'abord, qui est la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe? C'est une large Coalition, je dirais, de la société civile qui regroupe donc une quinzaine d'organismes dont les trois centrales syndicales: CSN, CSQ et FTQ, la Fédération des femmes du Québec et les principaux groupes de défense des droits des gais et lesbiennes. La Table de concertation est membre de notre Coalition, l'Association des mères lesbiennes l'est également. Et cette Coalition a été fondée en 1998 parce que nous avions des problèmes de discrimination en regard des statuts conjugaux offerts aux couples de même sexe au Québec, et c'est cette Coalition qui a initié le mouvement de revendications autour de la loi n° 32 et qui a également mené une grande campagne avec d'autres groupes au Canada pour l'adoption de la loi C-23. Donc, ces deux lois, je le rappelle, qui ont accordé aux couples de même sexe au Québec un début de reconnaissance juridique. Nous avons beaucoup d'organisations syndicales, et cette Coalition a aussi oeuvré à l'inclusion, dans les conventions collectives des secteurs public et parapublic donc, l'inclusion des couples de même sexe. C'est une mesure qui a touché, je le rappelle, 450 000 salariés au Québec.

Dans le mémoire qui vous est présenté, vous avez remarqué peut-être, au niveau de l'horaire de l'audition de cette commission parlementaire, que la plupart de nos membres ont déposé des mémoires individuels ? nous sommes donc plus qu'une trentaine ? et le mémoire de la Coalition a été le fruit de longues consultations auprès de nos membres, de consultations aussi avec les communautés gaies et lesbiennes du Québec. Alors, je vais présenter notre position face à cet avant-projet de loi, deux limites majeures que nous voyons, et, si vous avez des questions plus précises sur des modifications mineures, bien, je serai très heureuse de vous entendre.

Alors, je vais d'abord dire que la Coalition accueille très favorablement le dépôt de cet avant-projet de loi devant cette commission, devant l'Assemblée nationale, et je pense que le ministre de la Justice du Québec, autant ce matin dans son allocution qu'en décembre dernier, a clairement affirmé que ce projet de loi se voulait l'aboutissement d'une série de réformes visant à éliminer la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle dans les lois québécoises, et nous saluons donc cette initiative. Moi, j'aimerais rappeler aux membres, ici, de la commission parlementaire qu'il y a 25 ans le Québec faisait vraiment figure de pionnier et de chef de file mondial en matière de reconnaissance du droit à l'égalité pour les personnes homosexuelles en incluant dans sa charte un interdit de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Vous savez, on va fêter ça cette année; ça fait 25 ans en 2002. Mais depuis, cependant, force est de constater que le Québec n'est plus détentrice de ce titre et fait plutôt partie des provinces canadiennes les plus hésitantes à accorder la pleine reconnaissance juridique aux couples de même sexe et à leur famille. Et ce fait est d'autant plus surprenant que la population du Québec est, dans les sondages d'opinion, depuis maintenant huit ans, la population la plus tolérante et la plus ouverte à l'égard des droits des personnes homosexuelles.

Alors, le présent avant-projet de loi sur l'union civile, il vient combler un retard en matière d'égalité pour les personnes homosexuelles si on compare la situation ici avec le reste des autres provinces canadiennes. Alors, nous louons cette initiative courageuse du gouvernement du Québec qui n'a pas attendu ? et ça, il faut bien le dire ?  que les tribunaux lui dictent le chemin de l'égalité pour déposer cet avant-projet de loi. Alors, nous considérons que l'avant-projet de loi sur l'union civile comporte des éléments extrêmement positifs pour les communautés gaies et lesbiennes qui représentent, je vous le rappelle, jusqu'à un demi-million de personnes adultes au Québec; c'est du monde, c'est des votes, c'est des citoyens et des citoyennes, et ça, c'est sans compter leurs enfants et, évidemment, leur famille.

Toutefois, le projet de loi comprend aussi ce que nous considérons être des limites sérieuses en maintenant des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle en regard des droits parentaux des personnes homosexuelles et en créant un statut conjugal distinct pour ces derniers. Alors, nous pensons que, à cause de ces deux limites-là, le gouvernement du Québec va s'exposer à des risques de contestation judiciaire qu'il pourrait éviter. Et, de plus, je pense que, si ce projet de loi n'est pas bonifié, il risque de décevoir profondément les aspirations légitimes de nombreux couples de même sexe et de nombreuses familles homoparentales qui attendent de lui la réalisation des objectifs d'égalité promus par les chartes québécoise et canadienne. Alors, je vais présenter, donc, les points positifs assez sommairement et les éléments qui resteraient à être bonifiés.

Les éléments positifs de l'avant-projet de loi. Je pense que les membres de cette commission doivent réaliser que le Québec innove, notamment sur un aspect qui est la possibilité de célébrer une union civile par les mêmes officiers compétents que les époux. Moi, dans la vie, je suis sociologue, je suis spécialisée dans la question des droits de la personne et de l'homosexualité, et je peux vous dire, j'ai étudié extensivement les autres partenariats enregistrés, les autres unions civiles dans le monde, et le Québec ? à l'exception du Vermont ? est la première juridiction à offrir cela. Alors, pour les Églises qui voudront le faire, on sait que pour les couples de même sexe ? on parlait de symbolique tout à l'heure ? la discrimination a aussi des effets symboliques, et le fait de pouvoir accorder à ces couples la possibilité d'aller célébrer dans les églises cette union... On sait qu'il y a des Églises qui sont en avance sur l'État; je pense, entre autres, aux Églises unitariennes. Vous allez entendre... vous avez eu, déposés devant vous aussi, des mémoires de certaines Églises. Alors, le fait de pouvoir célébrer cette union par les mêmes officiers est une avancée extrêmement importante et une innovation dans le monde.

n (11 h 10) n

Autre élément positif: le fait que l'union civile va permettre aux couples de se prévaloir de nombreux droits et obligations qui sont déjà accordés aux époux. Alors là je parle de la constitution d'un patrimoine familial, du choix d'un régime matrimonial, de la pension alimentaire au conjoint, de la vocation successorale. Ce sont des revendications que portent les communautés gaies et lesbiennes depuis déjà plus de 20 ans. Alors, que l'union civile veuille leur faire bénéficier de ces droits est une avancée majeure. En ce moment, que font les couples de même sexe qui veulent se protéger? Ils signent des contrats de vie commune, pour les plus prudents. Et je pense que l'union civile va constituer un moyen juridique beaucoup plus simple et beaucoup plus fiable d'établir une convention de vie commune et de la faire respecter, advenant un désaccord, que ne l'offrent actuellement les différentes formules de contrats domestiques qui, soulignons-le, peuvent être contestés devant les tribunaux. Le mémoire de la Commission des droits de la personne va en faire état.

Alors, autre élément intéressant: l'avant-projet de loi, aussi, inclut les partenaires de l'union civile dans les lois sociales et administratives du Québec. On sait que ça avait été fait pour les couples de même sexe vivant en union de fait. Ça, c'est une avancée majeure, parce que les couples n'auraient donc pas à attendre un délai de cohabitation de un an ou trois ans pour se prévaloir des droits et des obligations de certains régimes, notamment des régimes d'assurance publics.

Autre élément intéressant, ce sont les procédures de dissolution de l'union civile. Nous avons eu de très grandes discussions à notre Coalition là-dessus ? il n'y a pas unanimité ? mais nous considérons que, comme le disait M. Bégin ce matin, cette procédure ouvre la voie à une déjudiciarisation de l'union civile. Une majorité de nos membres considèrent que c'est une avancée, ces procédures innovent, et qu'elle va permettre... parce que, bon, quand il y a entente commune, on peut aller devant un notaire; quand il y a un conflit, on peut aller devant les tribunaux; et, quand il y a un enfant, on va nécessairement devant les tribunaux. On pense que ça permet de protéger la partie vulnérable.

Il faut rappeler aussi ? on va parler beaucoup de droits parentaux devant cette commission parlementaire ? mais il faut se rappeler que la majorité des couples de même sexe n'ont pas d'enfant, hein. Donc, ces unions ? si, un jour, il y a rupture du couple ? n'ont peut-être pas besoin de tout l'encadrement législatif similaire à celui du divorce. Je rappelle également, pour être une spécialiste dans ce domaine-là, comme sociologue, qu'il est vrai, dans les couples hétérosexuels ? et c'est Statistique Canada qui nous l'a dit dans une grande étude extensive sur la violence conjugale ? qu'il y a une femme sur quatre au Canada qui vit de la violence conjugale. Ce n'est pas le cas... on n'a pas ça dans des proportions similaires dans les couples de même sexe. Alors, il va falloir mesurer ça, s'il y a cette possibilité que ce soient les mêmes règles que le divorce.

Alors, nous, une majorité de nos membres considère que c'est une voie intéressante, la déjudiciarisation, mais il faut quand même avoir des mécanismes pour protéger la partie vulnérable, et ce qu'on va proposer comme recommandations, c'est qu'il y ait de l'information de donnée aux personnes qui travaillent en matière de droit de la famille, aux personnes qui travaillent dans les services sociaux et de santé et en matière d'éducation, de la formation qui soit donnée sur les réalités familiales des couples de même sexe. On a pu le voir dans la dernière heure, c'est une réalité extrêmement diversifiée. Voilà pour les points positifs.

Pour les limites, donc la première limite importante, c'est ce qu'on va appeler les droits parentaux qui sont exclus, comme vous le savez, de l'union civile. Alors, je parle ici du droit à la filiation, à l'autorité parentale et l'accès à l'adoption. Alors, au Canada, comme au Québec, les responsabilités et droits parentaux ne sont pas liés à l'état matrimonial ? j'aimerais rappeler ça. La réglementation du mariage et des unions libres se distingue de la réglementation des relations parents-enfants. Dans le cadre de l'avant-projet de loi, l'autorité parentale est accordée aux partenaires d'une union civile, mais, paradoxalement, le même avant-projet de loi ne leur permet pas d'être reconnus conjointement comme parents. Alors, comment, en conséquence ? et c'est une question que je vous lance ? le conjoint ou la conjointe du parent pourra assumer son autorité parentale s'il n'est pas reconnu comme parent? Et cette question, je pense, est d'autant plus pertinente que plusieurs couples de gais ou de lesbiennes ont le projet d'avoir des enfants et ceux qui en ont actuellement placent leurs espoirs dans les modifications qu'ils vont apporter à l'union civile pour obtenir le droit à la filiation.

Aujourd'hui, au Québec, les services d'adoption publics ? je ne parle pas de l'adoption internationale, nous n'avons pas de prise au Québec là-dessus, je parle uniquement des services d'adoption publics ? n'autorisent pas les couples de même sexe à adopter des enfants. En réalité ? et j'en ai parlé longuement dans le mémoire ? rien dans la loi ne l'interdit, mais rien ne l'autorise non plus. Toutefois, il y a des pratiques discriminatoires. Je peux vous le dire, ça fait huit ans que je travaille au ministère de la Santé. Alors, il y a des pratiques discriminatoires d'une majorité de centres jeunesse du Québec qui ont pour effet d'exclure les couples de même sexe de l'accès aux services d'adoption. Dans un contexte comme celui-là, ça oblige qu'il y ait un seul partenaire du couple qui se déclare légalement comme parent et qui, souvent, doit cacher son orientation sexuelle lors de l'évaluation.

Alors, de la même manière ? ça, c'est un problème ? il y a des couples de lesbiennes qui choisissent que l'une d'elles donnera naissance à un enfant par le biais de l'insémination artificielle, même si la conjointe sait pertinemment qu'elle ne pourra prétendre à la reconnaissance juridique du statut de parent. Or, ces parents ? et vous entendrez ça au cours des prochains jours ? apportent à leurs enfants un soutien affectif, psychologique et matériel semblable à celui qu'apportent deux parents dans le cadre d'un couple hétérosexuel, mais ils sont privés du droit à la filiation, à l'autorité parentale et à l'adoption conjointe. Je pense que cette exclusion est plus importante encore du point de vue des intérêts des enfants qui sont nés par le biais des techniques d'insémination alternatives ou des enfants qui grandissent dans le contexte d'une famille homoparentale.

Alors, pour vous donner un portrait, un peu, comme sociologue, les enfants... En ce moment, on pourrait dire, grosso modo, que plus que neuf enfants sur 10 qui ont un parent homosexuel en ce moment sont nés d'unions hétérosexuelles antérieures, ce à quoi Mme Lamquin-Éthier faisait référence tout à l'heure. Ces enfants, ça ne changera rien dans leur vie. Actuellement, ils vivent soit en famille monoparentale ou en famille reconstituée. Mais, depuis 15 ans, il y a des couples de femmes ? c'est une réalité entièrement féminine ? qui ont un projet commun ensemble et qui mettent au monde des enfants soit par le biais de l'insémination artificielle en clinique de fertilité ou soit par le biais d'un donneur connu. Ce phénomène est en croissance au Québec comme dans tous les pays occidentaux, et ce sont ces enfants qui sont dans un vide juridique. Donc, une minorité aujourd'hui, mais un phénomène qui va être en croissance, qui est en croissance déjà depuis 10 ans. Alors, c'est de ces enfants que nous parlons. C'est dans l'intérêt de ces enfants, qui ont deux figures parentales importantes, de se voir reconnaître leurs deux parents, alors qu'actuellement il n'y en a qu'un seul qui est reconnu.

Pour les couples d'hommes, il y a juste l'adoption. Si vous voulez... Vous savez, le désir d'enfant est un désir qui traverse toutes les orientations sexuelles. Pour un couple d'hommes, la seule façon de fonder une famille, c'est via l'adoption, et je vous ai déjà parlé de la situation des centres jeunesse à cet égard.

Alors, moi, je voudrais rappeler aux membres de la commission parlementaire que l'adoption au Québec ? et le Code civil est extrêmement clair là-dessus ? elle doit se faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant et non sur la base de sondages d'opinion. Nous savons que la population du Québec est divisée à peu près moitié-moitié pour et contre ? les médias ne nous aident pas beaucoup là-dedans ? mais je pense que... Parce que je pense que ce n'est pas le propos de... Je vous le dis, il n'y a rien dans la loi qui l'interdit. Alors, c'est une pratique sur le terrain qui est discriminatoire qui serait à régler. Alors, je pense que la question de la filiation, de l'autorité parentale ou de l'adoption ne doit pas se faire sur la base de sondages d'opinion, mais doit se faire dans l'intérêt de l'enfant.

Le Président (M. Gautrin): Madame...

Mme Demczuk (Irène): Oui.

Le Président (M. Gautrin): ...est-ce que vous pourriez arriver à votre conclusion?

Mme Demczuk (Irène): Oui.

Le Président (M. Gautrin): Le temps coule très vite, comme vous le savez.

Mme Demczuk (Irène): Alors, nous proposons évidemment que le présent projet de loi accorde ce droit à la filiation, à l'exercice de l'autorité parentale et à l'adoption aux couples de même sexe, et que ces couples soient soit en union libre, en union de fait ou en union civile éventuellement, puisque la parentalité n'est pas liée au statut conjugal au Québec. Alors, j'aimerais, devant les questions, aborder toute la question de l'égalité séparée. Vous avez devant vous une spécialiste de cette question, donc j'espère que vous en profiterez.

Alors, je veux terminer juste par une petite phrase, en disant que c'est la responsabilité du gouvernement de protéger les droits des minorités, y compris les minorités gaies et lesbiennes, qui sont une minorité dont l'oppression a été banalisée et normalisée. Je veux rappeler que l'égalité, ce n'est pas un concours de popularité, ce n'est pas une question de sondages d'opinion. L'égalité entre tous les citoyens et citoyennes, c'est le principe fondateur d'une société juste et démocratique, et c'est l'espoir des minorités gaies et lesbiennes de pouvoir l'obtenir. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Je passerai la parole au ministre de la Justice pour débuter les échanges au nom des parlementaires ministériels.

M. Bégin: Merci. Madame, je pense que, vous limiter à 15 minutes, c'est quasiment une injustice en partant sur ce que vous avez à dire sur le sujet. Mais on est contraint, tout le monde, à la même règle.

Je commence mon pointage. Point 1, conjoints civils.

Mme Demczuk (Irène): Conjoints civils. Alors, je peux dire, on a eu des consultations extensives, j'allais vous répondre là-dessus. L'expression «conjoint de droit» ou «conjoint civil» serait très bien accueillie par les communautés gaies et lesbiennes et leurs alliés.

M. Bégin: Parfait.

Mme Demczuk (Irène): Pas de problème là-dessus.

n (11 h 20) n

M. Bégin: Deuxième point. Je pense qu'il faut bien démêler les choses, et on risque de ne pas se comprendre si on ne met pas les choses claires en partant. Je comprends que des enfants nés de mariages ou d'unions antérieures, hétérosexuelles, lorsqu'un des deux du couple va vivre soit avec un homme ou une femme, quelqu'un du même sexe, et que l'enfant ou les enfants viennent vivre avec ce nouveau couple, en ce qui concerne la relation entre l'enfant et... Mettons qu'ils vont chez des lesbiennes, O.K.? Alors, l'enfant qui est là, la mère est la même, donc il n'y a pas de problème. Vous ne demandez pas que le lien soit créé avec le deuxième conjoint parce que, par hypothèse, l'enfant a déjà un père ailleurs. C'est ça?

Mme Demczuk (Irène): Tout à fait. Alors, je voudrais répondre là-dessus. C'est ma propre situation familiale et celle de nombreux couples de femmes et d'hommes. Cet enfant a un lien juridique avec son père. La plupart du temps, malheureusement, c'est les femmes, doit-on dire, qui ont la garde des enfants, donc les mères lesbiennes qui l'ont, qui ont été mariées antérieurement. Alors, ces enfants sont protégés juridiquement. Le lien avec leur parent... Et vous savez que toutes les études nous montrent que ces enfants ont des liens, même s'ils grandissent dans une famille homoparentale, ont des liens extrêmement importants avec leur parent du sexe opposé. Donc, il n'y a pas de changement pour eux.

M. Bégin: C'est très important de faire cette distinction. C'est très important parce que les gens pensent que ce qui est demandé, c'est qu'il y ait, mettons, une deuxième mère...

Mme Demczuk (Irène): Non.

M. Bégin: ...ou un deuxième père, ou un père différent de celui qui existe biologiquement et qui existe antérieurement. Bon. Ça, c'est clair.

Donc, on revient aux hypothèses suivantes. Quel est le statut de l'enfant qui naît par insémination artificielle dans un couple de lesbiennes? Alors, l'enfant a-t-il, par le biais de l'union civile, une filiation avec la deuxième mère, la co-mère, ou bien si on doit procéder par l'adoption? C'est ça, la vraie question.

Mme Demczuk (Irène): Tout à fait.

M. Bégin: Bon. Alors, on pourrait dire: On les adopte, ça va créer des liens juridiques, et, en conséquence, il y aura deux relations, deux filiations qui s'établiront à ce moment-là. Ou on peut dire que le fait qu'un couple soit uni civilement et qu'il y ait naissance dans ce couple, c'est automatiquement une double filiation qui est créée. C'est ça?

Mme Demczuk (Irène): Oui.

M. Bégin: Bon. Alors, je comprends que... Qu'est-ce que vous demandez par rapport à ça? L'adoption ou la filiation?

Mme Demczuk (Irène): Je pense qu'il ne faut pas exclure un ou l'autre. Alors, prenons l'exemple de ces enfants; ils sont là présentement, ils existent, les plus vieux ont autour de l'âge de 10 ans en ce moment. Mais, comme je dis, c'est un phénomène qui va croître dans les prochaines années. Alors, pour les enfants qui existent déjà, on voudrait pouvoir avoir la possibilité ? et je le rappelle, le Code civil ne l'empêche pas, nous avons deux causes devant les tribunaux en ce moment au Québec ? que la conjointe de la mère lesbienne puisse adopter, via le consentement spécial à l'adoption, son enfant, même si ce n'est pas son enfant biologique, si c'est un enfant né par insémination. Et là il n'y a pas de problème de filiation avec le père, puisque cet enfant est né par filiation. Il n'y a pas de père, c'est un donneur inconnu, et donc, ça devrait être une procédure très simple. Le Code civil le prévoit pour les conjoints de fait, et vous savez, maintenant, que les couples de même sexe sont reconnus comme des conjoints de fait depuis 1999. Cependant, ce qui est malheureux, c'est qu'il y a un couple présentement qui est devant les tribunaux, et ils sont obligés, parce que cette procédure d'adoption ne se fait pas simplement, d'aller tester l'article dans le Code civil sur le consentement spécial à l'adoption. Alors, l'audition est prévue au mois de mars, nous allons avoir un jugement au mois de mai. Je suis une des expertes qui est appelée dans cette cause-là. Mais ça, ça devrait être une affaire courante, comme chez les couples hétérosexuels où on va dire qu'une femme a décidé d'avoir seule un enfant, donc père inconnu, elle se remet en ménage avec un autre homme et cet homme veut ? c'est une relation extraordinaire ? être le père de cet enfant. C'est une procédure très simple. Alors, on voudrait que les couples de même sexe puissent l'obtenir, et donc il faudrait clarifier pour ça l'article 523.

Ce qui pose un problème dans cette cause, ce n'est pas l'article sur le consentement spécial à l'adoption, c'est l'article 523 sur la preuve de la filiation qui se lit comme suit: «La filiation, tant paternelle que maternelle, se prouve par l'acte de naissance, quelles que soient les circonstances de naissance de l'enfant.» Ce n'est pas clair, ça, «la filiation, tant paternelle que maternelle», si ça inclut la possibilité d'une double filiation maternelle et d'une double filiation paternelle. Alors, il faudrait clarifier cet article, ou par un jugement... Mais, nous, on espère que... Vous savez, quand les tribunaux font des décisions, c'est souvent des décisions, donc, sur des morceaux de loi, et, pour avoir un droit de la famille cohérent, ça prendrait évidemment une décision sur le plan politique plutôt qu'une décision sur le plan judiciaire.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: J'ai abordé deux cas: celui de l'enfant né antérieurement... j'ai abordé celui de l'enfant qui naît...

Mme Demczuk (Irène): Alors, à la naissance...

M. Bégin: ...à la naissance, et il y a la troisième hypothèse, c'est un couple qui adopte un enfant, deux mères... deux femmes lesbiennes qui décident d'adopter un enfant, mettons...

Mme Demczuk (Irène): Qui leur est inconnu, oui.

M. Bégin: ...une Chinoise, ou une Chilienne, n'importe d'où, ou même une Québécoise, à ce moment-là il n'y a aucun lien qui est créé. Donc, on se pose la question: Est-ce qu'en adoptant, c'est l'adoption qui crée la filiation ou bien si le fait d'adopter quelqu'un dans une union a un effet légal à l'égard de cet enfant-là?

Mme Demczuk (Irène): Ah! Donc, il y a ? vous avez très bien fait ça dans votre tableau ? la filiation; il y a une filiation par le sang, il y a une filiation aussi par voie d'adoption et au niveau de la procréation médicalement assistée. Moi, je pense qu'à cause des développements depuis l'été dernier en Colombie-Britannique et que ça expose évidemment toutes les autres provinces à des contestations judiciaires ? quand ça a été gagné dans une province, il est fort possible que ce soit gagné dans l'autre ? on devrait permettre aux couples de femmes qui ont un projet parental commun et dont l'une met au monde un enfant, que l'autre puisse s'inscrire ? c'est une inscription comme les conjoints de fait ? au registre des actes de naissance.

Pour l'adoption internationale, vous savez que le Québec n'a pas de juridiction en matière des critères. Et là je pense que ce serait quelque chose de très compliqué. Ce sont les autres pays qui désignent les critères d'adoption. Alors, on sait que beaucoup de pays ont des préjugés envers l'homosexualité.

Mais parlons plus des services d'adoption québécois qui relèvent du gouvernement du Québec. Par voie de réglementation, nous pensons que... et nous allons entendre les centres jeunesse cet après-midi. Personnellement, la Coalition, nous avons très hâte de les entendre. Et, nous, nous espérons que, par voie de réglementation, vous puissiez dire aux centres jeunesse du Québec qu'ils cessent leurs pratiques discriminatoires. Et les centres jeunesse, je les comprends. C'est-à-dire qu'ils trouvent aussi que cet article sur la filiation... comme la filiation peut s'établir par l'adoption, ce n'est pas clair si, juridiquement, c'est possible que deux mères soient parents ou deux pères le soient.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: C'est-u encore le temps?

Le Président (M. Gautrin): Oui.

M. Bégin: Oui?

Le Président (M. Gautrin): Il vous reste six minutes.

M. Bégin: O.K. Je reviendrais ? et, après ça, je vais passer la question à un collègue ? sur la question des mécanismes au moment de la dissolution. Je comprends que, majoritairement, les gens sont favorables à ce que la dissolution de l'union civile puisse se faire devant le notaire, présumant que deux personnes adultes, sans enfant, capables de s'unir, sont également capables de se désunir de la même manière. C'est le principe à la base même de tout ça. Mais vous semblez dire qu'il y a des gens qui s'inquiètent, et, effectivement, dans certains mémoires, on voit que des personnes disent: Oui, mais il faudrait qu'on ait des mécanismes pour s'assurer que personne... une des deux parties ne soit pas sous l'influence de l'autre. On est entre majeurs. Et ce qu'on dit généralement, c'est: La violence n'est pas toujours visible. Les gens peuvent être violents et contrôler une autre personne et que ça ne se voit pas. Quels sont les mécanismes qu'on pourrait prévoir pour que le notaire qui a déjà une obligation de s'assurer effectivement si le consentement est libre, etc., bon, s'assurer qu'on est à l'abri de toutes choses au moment de la dissolution devant notaire? Et deuxièmement, vous avez mentionné que devant les juges, dans certains divorces, il y a, entre deux personnes adultes mais qui n'ont pas d'enfant, des actes de violence. Comment les juges le perçoivent-ils actuellement dans le processus qui se déroule au moment d'un divorce sur consentement?

Le Président (M. Gautrin): Madame.

Mme Demczuk (Irène): Ah! c'est une grande question, et vous aurez la Fédération des femmes du Québec, qui est membre de notre Coalition, qui viendra cet après-midi. D'abord, pour les mécanismes, je pense qu'il ne faut pas prendre pour acquis que les médiateurs et médiatrices accrédités, que les notaires, que les avocats, en fait tous les gens qui travaillent en droit de la famille connaissent les réalités conjugales et familiales des couples de même sexe. Il devrait d'abord y avoir une formation donnée.

n (11 h 30) n

La deuxième chose, c'est que, en particulier pour les médiateurs et les médiatrices accrédités, ils devraient être sensibles à la possibilité, aussi, de relations inégalitaires à l'intérieur de ces couples. Je pense qu'ils devraient être sensibles de la même manière s'il n'y a pas entente des parties, de favoriser la voie judiciaire en ce qui concerne la dissolution de ces unions. Mais nous pensons que le Québec, dans les formes de dissolution qu'il propose, n'est pas différent des 12 autres partenariats enregistrés dans le monde et que tous les partenariats enregistrés ont des modalités plus souples de séparation via le notaire ou via un contrat, une entente commune que l'est le mariage. Alors là le Québec n'a pas... est tout à fait dans la norme, là. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé, M. le ministre? Mme la députée de Bourassa, au nom de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Demczuk. Dans votre mémoire, dans le mémoire, pardonnez-moi, de la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe, à la page 4, il est explicité, vous concernant, que vous êtes consultante et formatrice au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec depuis 1993. On mentionne que vous avez conçu et développé de nombreux programmes qui ont été offerts à des intervenants du réseau des services sociaux, des intervenants du réseau de la santé et de l'éducation. Vous avez également rédigé des documents d'information pour le ministère qui auraient été distribués à 50 000 exemplaires.

Je voulais voir avec vous: Est-ce qu'il est possible de faire un bilan depuis l'implantation, donc depuis 1993? Est-ce qu'il vous est possible de nous dire, parce que vous êtes bien placée, vous avez conçu, développé des programmes, vous avez rédigé, vous avez fait de la formation, est-ce que vous avez constaté des changements? Est-ce qu'ils sont importants ou pas?

Mme Demczuk (Irène): Merci pour la question. Je dirais, moi, j'ai formé plus que 8 500, maintenant, intervenants du réseau et je continue de le faire. Je dois dire que le réseau santé et services sociaux est à l'image du Québec, et l'opinion publique a changé plus dans les sept dernières années que dans les deux derniers siècles au niveau de l'ouverture aux couples de même sexe et à leur famille. Je pense qu'il y a eu des choses très... Ce programme de formation ? je ne veux pas... dans l'équipe qui l'a fait ? est un des programmes de formation les plus extraordinaires, le seul qui existe d'ailleurs au Canada. Il a été exporté ailleurs. Et je pense que ce qu'on peut voir, c'est la grande ouverture ? moi, je forme des gens qui travaillent, là, en matière d'adoption, tout ça ? c'est la grande ouverture des intervenants. Le problème, c'est l'encadrement juridique ou c'est la manière dont ils l'interprètent. Mais il y a une ouverture dans le réseau, suite évidemment à la pandémie du sida, suite aux questionnements qu'on a. Il y a une ouverture très grande qui est donnée.

Je ne sais pas ce que je peux vous dire de plus, sinon que le gouvernement du Québec, le ministère de la Santé, en 1998, a fait des orientations ministérielles pour éliminer la discrimination à l'égard des personnes homosexuelles dans l'accès aux services. Je veux vous rappeler que l'adoption n'est pas un droit, mais c'est un service public. Et c'est l'accès à ce service que les couples de même sexe demandent. Ils demandent le fait de pouvoir être évalués. Alors, on a, depuis 1998, des orientations ministérielles, mais rien n'a bougé en matière de services publics d'adoption, et nous sommes en 2002.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Une autre question, si vous permettez. Dans votre curriculum vitae, à la page 7, vous mentionnez que vous avez été consultante, notamment en 1997, 1998, auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux toujours, et que vous avez transmis des avis sur les orientations ministérielles concernant l'adaptation des services de santé et des services sociaux aux clientèles homosexuelles. J'aimerais savoir: Quelles étaient vos... les principales recommandations et est-ce qu'il y avait quelque chose, eu égard au consentement aux soins?

Le Président (M. Gautrin): Madame.

Mme Demczuk (Irène): Oui. On s'éloigne un peu de l'union civile, et j'aurais aimé profiter des dernières minutes pour parler de l'égalité séparée. Mais je vous référerais à ce document, donc, qui existe depuis 1998, et qui... une des grandes recommandations, ça a été de s'informer davantage, de faire du perfectionnement, de s'informer davantage sur la réalité gaie, lesbienne, de faire du perfectionnement des intervenants et des intervenantes et d'éliminer les pratiques discriminatoires. Alors, il reste évidemment... Ce n'est pas du ressort du ministère de la Santé et des Services sociaux, le consentement aux soins; cependant, les services publics d'adoption, c'est du ressort de ce ministère. Et, comme je vous disais, il n'y a pas grand-chose qui a bougé depuis ce temps.

Je voudrais profiter des dernières minutes pour les parlementaires pour parler de la création d'un troisième statut conjugal distinct. C'est une grande question qui a des fondements philosophiques, qui a des fondements aussi sur notre vision comme société québécoise de l'égalité. Vous savez, dans la cause Rosenberg, au Canada, quand le gouvernement fédéral a voulu créer des régimes de retraite distincts pour les couples de même sexe, la Cour suprême a répondu que c'était de l'égalité séparée. Je pense que ce qu'il faut voir, c'est que ça va envoyer probablement, ça risque d'envoyer un signal à la population que les couples de même sexe sont moins dignes d'être unis que les couples de sexe opposé.

Et je vous ai envoyé comme pièce, les membres de cette commission parlementaire, un rapport que j'ai dirigé, un rapport de recherche pour Condition féminine Canada, qui vous donne extensivement l'examen des différents partenariats enregistrés dans le monde. Et vous verrez que les pays qui ont des partenariats enregistrés uniquement offerts aux couples de même sexe sont ceux où il y a le moins de couples d'enregistrés. Les partenariats enregistrés qui sont ouverts aux couples de même sexe et aux couples de sexe opposé sont ceux qui ont le plus de couples qui s'en prévalent.

Aux Pays-Bas, Pierre Valois donnait l'exemple tout à l'heure, il y a autant de couples hétérosexuels que de couples homosexuels qui se sont prévalus de ce qui est leur formule à eux, là; c'est un partenariat enregistré d'union civile. Et pourquoi les couples hétérosexuels ont vu dans l'union civile quelque chose d'intéressant, comparé au mariage? C'est qu'il n'y a pas tout l'aura religieuse qui entoure le terme «mariage». Le mot «mariage» est un contrat, mais c'est aussi une réalité symbolique qui a encore des connotations religieuses, même si on se marie civilement.

Alors, je pense que c'est dans l'intérêt des couples hétérosexuels d'avoir accès à ce troisième statut conjugal, également. Même si ce n'est pas la visée de ce projet de loi, je sais que le gouvernement du Québec est frileux à l'idée de l'ouvrir aux couples de sexe opposé. Mais vous allez voir tous les membres de notre Coalition revenir avec cette revendication devant vous. Et, moi, je pense que vous avez, durant cette commission parlementaire, des grandes organisations de la société civile, des centrales syndicales, la Fédération des femmes du Québec, qui vont tous vous recommander cela.

Je pense que, si cet avant-projet de loi devient un projet de loi, vous pourriez faire une consultation d'une journée ou deux. Je vous rappelle que l'AFEAS, où les groupes de femmes sont membres de la Fédération des femmes du Québec, ils ont été consultés dans le cadre de cet avant-projet de loi. Pour voir ? c'est une question démocratique ? si on ouvre ça aux couples de sexe opposé, il faudrait quand même consulter leurs organisations. Ça pourrait être fait dans un temps très réduit, si on veut que ce projet de loi soit adopté.

Et la dernière chose que je dirais, c'est que l'important, pour nous, c'est que cet avant-projet de loi ne meure pas au feuilleton. Ça fait 25 ans que nous attendons l'égalité. Enfin, nous sommes en train d'ouvrir le Code civil pour la question des couples de même sexe, et, nos recommandations, c'est la dernière recommandation de notre mémoire: que tous les députés de l'Assemblée nationale soient... décident, appuient unanimement cet avant-projet de loi et appuient unanimement le droit aux couples de même sexe de pouvoir être reconnus comme parents.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier.

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. Mme Demczuk, est-ce qu'on doit comprendre, par votre dernière intervention, qu'on doit appuyer le projet de loi, et ce, même s'il y a «égalité séparée» toujours inclus dedans?

Mme Demczuk (Irène): Je pense que nous allons être très déçus, comme représentants de la société civile, si c'est l'égalité séparée, que vous allez nous entendre très fort devant les médias, que je ne peux pas croire que le Québec, en 2002, va créer un régime distinct pour une de ses minorités. Personnellement, ça fait 20 ans que je travaille dans ce domaine-là. Je ne peux pas croire ça. Et je pense que vous allez être sensibles à ça. Je fais ce pari-là, que vous allez l'être. Et tous les membres de ma Coalition le font également.

Alors, la Nouvelle-Écosse l'a fait l'an passé, un partenariat enregistré ouvert aux couples de même sexe et aux couples de sexe opposé. Je ne vois pas pourquoi le Québec prendrait une voie différente. J'ai de la misère à le comprendre. Si quelqu'un peut m'éclairer là-dessus, eh bien... Nous, on se creuse la tête depuis la cause Hendricks-LeBoeuf et on ne comprend pas pourquoi ce n'est pas ouvert. Peut-être qu'on ne voit pas l'intérêt pour les couples hétérosexuels de le faire, mais je pense qu'il y a des principes de justice ? il y a des principes de justice ? et nous avons la solidarité des grandes organisations de la société civile qui disent: Ce n'est pas correct d'offrir un statut séparé, distinct, et, je rappelle, un statut moindre, puisqu'il n'y a pas de droits parentaux actuellement, un statut de seconde classe à un demi-million de personnes au Québec que sont les adultes gais et lesbiennes.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa, il vous reste encore un peu de temps. Pas beaucoup, mais...

Mme Lamquin-Éthier: Vous venez de parler, justement, de l'union civile, de vouloir l'étendre aux hétérosexuels. Au-delà de la dissolution du processus, dans l'union civile, de dissolution, quels seraient les avantages ? parce que ça, c'est un avantage que l'union civile semble accorder? Les couples hétérosexuels, quels autres avantages y verriez-vous pour eux de s'en prévaloir?

Mme Demczuk (Irène): Vous allez rire, mais c'est la reconnaissance symbolique, c'est la... la conjugalité, le mariage, ça, c'est très chargé symboliquement. Il y a des couples, peut-être de la génération de baby-boomers ou après, qui ne veulent rien savoir du mariage. Et l'union civile, comme c'est les mêmes droits et les mêmes obligations, ils vont pouvoir aller les célébrer à leur église ou devant un juge. Il n'y aura pas de...

n (11 h 40) n

On est dans une société laïque. Vous savez, le Québec a le plus haut taux d'unions de fait de toutes les sociétés occidentales. Et c'est pour ça que je pense que l'union civile va être plus importante ici que dans d'autres provinces canadiennes. Dans les neuf autres provinces canadiennes, il y a seulement 10 % des couples en union de fait. Nous avons le plus haut taux au monde. Alors, l'union de fait est un mode de vie ici. Et ça veut dire quelque chose, ça, je suis sociologue, ça veut dire quelque chose socialement. Pourquoi les gens désertent tant le mariage au Québec? Et, l'union civile, il y a une concordance au plan des valeurs, des valeurs que ce projet... en tout cas, si ça devient un projet de loi. Et je pense qu'il y a des couples hétérosexuels qui vont s'en prévaloir, et on va être surpris du nombre. On se reverra peut-être dans cinq ans ou 10 ans, ça va être comme les Pays-Bas, on va être surpris du nombre.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé?

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Gautrin): Vous avez encore deux minutes, madame.

Mme Lamquin-Éthier: Mme Demczuk, en matière d'adoption, vous avez dit, vous avez utilisé l'expression... vous avez dit en tout cas que les pratiques étaient discriminatoires et vous avez ajouté «de la part de la majorité des centres jeunesse». Et vous avez même, je pense, en regardant M. le ministre, dit: Vous devriez dire aux centres jeunesse qu'ils cessent leur discrimination. Est-ce que vous êtes au fait du jugement de la Cour d'appel P. c. G.?

Une voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: Et est-ce que j'ai tort de penser que ce jugement-là semble, au contraire, ouvrir une porte à l'adoption et ajouter que les textes législatifs qui traitent de l'adoption n'excluent a priori aucune personne sur la base de son orientation sexuelle?

Mme Demczuk (Irène): Écoutez, cette cause, donc, que le couple... Vous allez les entendre dans cette commission parlementaire, les deux vont venir. Alors, il s'agit des coordonnatrices de l'Association des mères lesbiennes. Et je me permets de dire leur nom publiquement, puisqu'elles ont déjà paru dans les journaux plusieurs fois. Alors, Nicole Paquette et Mona Greenbaum vont venir devant vous.

Ce n'est pas si simple, c'est une belle ouverture de la Cour d'appel, sauf que ce couple est, en ce moment, à déposer une requête pour adoption, donc en utilisant le consentement spécial à l'adoption. Et la cause devait avoir lieu le 12 septembre dernier et elle est reportée parce qu'on attend évidemment que soit clarifié, hein, avec les centres jeunesse, le substitut du Procureur général, cet article sur la filiation dans le Code civil. Donc, c'est une cause qui est en cours, et dont nous devrions attendre le jugement au printemps.

Mme Lamquin-Éthier: En attendant, cependant, vous croyez opportun que le ministre de la Justice transmette un avis, une lettre ou des recommandations aux centres jeunesse?

Mme Demczuk (Irène): Bien, oui, parce que je me dis... Il y a une juge en ce moment qui doit déterminer, là ? ça, c'est un cas, il y en a un deuxième ? si ce couple a le droit d'adopter les enfants. Et ce que nous dit la juge ? moi, je suis experte dans ce... appelée comme témoin dans cette cause ? ce que la juge nous dit, c'est que le Code civil n'est pas clair. Alors, clarifiez-lui, hein, le cadre juridique: Est-ce que la filiation par deux personnes de même sexe, c'est possible au Québec? Ce n'est pas clair dans le Code civil.

Le Président (M. Gautrin): Vous n'avez plus de temps, Mme la députée de Bourassa. Je vous remercie. Le ministre... il vous reste encore deux minutes, simplement. M. le ministre.

M. Bégin: Je vous relis la page 2 de mon discours du début: «Si le Québec exerçait une totale et entière compétence sur le droit de la famille et particulièrement sur la détermination des conditions de fond du mariage et sur le divorce, la proposition législative que nous aurions examinée se réduirait à peu de chose. Elle aurait prévu que, sans égard à l'orientation sexuelle, le mariage peut être contracté entre deux personnes qui expriment publiquement leur consentement libre et éclairé à cet égard.»

Alors, si vous décodez ce qui est écrit là par rapport à ce que vous demandez, je vous pose la question suivante: Est-ce qu'il est nécessaire ou utile ou non de garder cette différence afin d'éviter une contestation constitutionnelle relativement à l'adoption par le Québec de dispositions qui sont des dispositions du mariage et qu'en fait on a fait un deuxième mariage?

Le Président (M. Gautrin): Madame.

Mme Demczuk (Irène): Alors, moi, je pense que ça va être matière à réflexion. Il faut regarder les autres expériences ailleurs dans le monde. Les Pays-Bas ont eu de longues années d'expérience avec un partenariat enregistré. Ils ont adopté en 2000...

M. Bégin: Mme Demczuk, je pense que vous ne comprenez pas le sens de ma question. Ce que je dis, c'est que, si on fait ce que vous demandez...

Mme Demczuk (Irène): Si on fait l'union civile.

M. Bégin: ...nous recréons un deuxième mariage et qu'à ce moment-là, sur le plan constitutionnel canadien ? pas externe, la même situation n'existe pas ailleurs ? constitutionnel canadien, nous faisons le mariage qui est de juridiction fédérale. C'est ça, la question.

Mme Demczuk (Irène): Moi, je ne suis pas juriste, M. Bégin, vous l'êtes. Je suis sociologue de profession. Je pense qu'il faudrait voir qu'est-ce qui arrive en Nouvelle-Écosse, où ils l'ont ouvert, le partenariat enregistré, qui a les mêmes effets que le mariage. Il faudrait voir les expériences ailleurs.

Il est certain... Moi, je me permets de dire, peut-être que ce sera un régime transitoire, ces partenariats enregistrés au Québec ou ailleurs dans le monde, mais ce qui est intéressant dans l'expérience des Pays-Bas, c'est que c'est une commission parlementaire qui, maintenant qu'ils ont gagné le mariage, est en train de voir s'ils perpétuent ce statut ou non. Et je pense qu'on va apprendre beaucoup de ça dans les mois à venir ou dans les années à venir.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie au nom de la commission pour la qualité de votre présentation. Je vais suspendre deux minutes et je demanderai, pendant la suspension, à la Coalition des gaies et lesbiennes du Québec de bien vouloir se présenter à la table. On est suspendu pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

 

(Reprise à 11 h 55)

Le Président (M. Gautrin): Nous reprenons nos travaux. Ça me fait plaisir d'accueillir la Coalition des gaies et lesbiennes. Je pense que c'est Me Claudine Ouellet... C'est laquelle des... C'est vous, alors, qui êtes la porte-parole? Est-ce que vous pourriez présenter la personne qui vous accompagne?

Mme Ouellet (Claudine): Certainement. C'est avec...

Le Président (M. Gautrin): Et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Les ministériels auront 15 minutes ensuite pour vous poser des questions et l'opposition, 15 minutes. Alors, Me Ouellet, c'est à vous la parole. Oui?

M. Bégin: ...le premier tableau qui nous manquait.

Le Président (M. Gautrin): Alors, le premier tableau qui nous manquait est arrivé.

Coalition gaie et lesbienne du Québec (CGLQ)

Mme Ouellet (Claudine): Merci. Alors, c'est avec un plaisir immense que je vous présente ma conjointe, France.

Le Président (M. Gautrin): Parfait.

Mme Ouellet (Claudine): C'est peut-être un jour conjointe civile, conjointe de droit, mais j'achèterais aussi votre proposition, M. Bégin, en autant qu'on n'est pas des partenaires de tennis, je ne suis pas tellement sportive. Et on n'est pas des partenaires commerciales non plus, alors conjointes, conjointes civiles aussi.

La Coalition gaie et lesbienne du Québec a été créée il y a maintenant 10 ans avec un mandat de représenter, défendre et promouvoir les droits de la communauté gaie et lesbienne du Québec. Pour plus de détails, je vous réfère aux pages 3 et suivantes de notre mémoire. Et on a ? autant notre présence nationale québécoise ? aussi une affiliation avec l'International Lesbian and Gay Association et on est aussi mandatée pour assurer les relations entre l'Association internationale et les Nations unies, c'est-à-dire l'ECOSOC.

Ma formation professionnelle: je suis en droit, je suis avocate. Je me décris plutôt comme une avocate en droit de la personne ou en droit humain, et mon expérience remonte au début des années quatre-vingt. Mon implication directe est plus récente, mais je suis maintenant, depuis près de cinq ans, directrice générale de la Coalition gaie et lesbienne du Québec.

Bien sûr, au nom de la Coalition, ses membres, le conseil d'administration et en mon nom personnel, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous faire entendre et de vous présenter aussi notre point de vue. Nous espérons vraiment que ces travaux vont écrire une page d'histoire importante sur le respect des droits humains et sur l'élimination de toutes les formes de discrimination, incluant celles fondées sur l'orientation sexuelle.

Mais, avant d'entrer dans le coeur de notre mémoire, j'aimerais attirer votre attention sur ce que nous croyons que vous allez entendre cette semaine. J'ai consulté ma boule de cristal, et voici ce que ça peut avoir l'air: il y aura ceux qui nous promettent de brûler en enfer pour l'éternité; ceux qui veulent nous faire soigner parce qu'ils croient que l'homosexualité est une maladie curable qu'il faut faire soigner; ceux qui se sentent menacés, qui y voient la fin du mariage, de la famille, comme nous les connaissons; ceux qui croient que la nature est hétérosexuelle et qu'elle doit prévaloir; et ceux qui ignorent tout de la réalité homosexuelle et qui font de nous des prédateurs, des déviants ou des pervers.

Ces arguments, que vous allez peut-être entendre pour la première fois, nous, nous les vivons tous les jours et depuis tellement longtemps, et ce sont ces mêmes arguments qui constituent la base de la discrimination et des préjugés. En tant que membres de cette commission, vous êtes chargés de garder les droits fondamentaux et démocratiques de toutes les Québécoises et de tous les Québécois, sans exception. L'avant-projet de loi sur l'union civile est une question de droit et rien d'autre.

Je vais aller brièvement dans cinq points, puis vous allez probablement avoir plus de temps à poser des questions. Vous semblez apprécier beaucoup ce petit échange. Avec tout le respect que j'ai pour les avis qui divergent, nous croyons que l'union civile n'est pas un partenariat enregistré mais une institution transitoire au mariage civil. Pour cette raison, elle doit être traitée de la sorte en la réservant uniquement aux conjoints de même sexe, puisque, nous l'espérons grandement, elle sera que temporaire. Nous souhaitons que la loi reflète cette réalité et que, dès que le Parlement fédéral aura légiféré pour inclure les conjoints de même sexe dans la définition du mariage, les dispositions de l'union civile seront abrogées et que la Direction de l'état civil fera les corrections nécessaires au registre pertinent. Donc, nous sommes en train de créer quelque chose ensemble qui va être en voie de disparition. On devrait tous être fiers de ça.

n(12 heures)n

Ensuite, j'endosse les positions qui ont été exprimées devant vous concernant le langage qui est utilisé. Bien sûr que le terme «partenaire», c'est un terme qui est réducteur, mais en plus, c'est un terme qui nie toute la réalité conjugale de la relation. Tu sais, les conjoints, on le sait déjà, bon, c'est deux personnes qui ont au moins un lien affectif. Il y a un lien d'amour. Des partenaires, c'est vraiment pas clair, ça. Ça fait une distinction qui pourrait créer de la discrimination. Même si on parle de questions de forme, souvent, la forme, on s'arrête à ça. C'est ce qu'on voit en premier et c'est les mots qui sont utilisés qui vont sans doute stigmatiser par la suite. Alors, comme il semble y avoir une volonté et un consensus concernant l'utilisation du mot «conjoint» civil ou de droit ou peu importe, en tout cas «conjoint», je ne peux que saluer cette volonté de vraiment assimiler tous les conjoints, toutes les personnes qui ont un lien affectif et qui vivent dans une relation conjugale, sous le même vocable.

Ensuite, on va remarquer que les mots «père» et «mère», tels qu'utilisés dans l'avant-projet de loi, ne correspondent pas vraiment à la réalité d'aujourd'hui. Puisque c'est possible d'avoir deux mères, deux pères, ça serait plus pertinent d'utiliser, là où c'est possible, le terme «parents», c'est plus inclusif. Tout le monde sait c'est qui, ses parents. Si je vous demande individuellement: Qui sont vos parents? Vous allez dire spontanément ? vous n'allez pas sortir la troisième matante de la deuxième lignée ? que c'est vos parents immédiats. Et même les petits enfants à l'école, quand on demande: C'est qui vos parents? Ils pensent tout de suite aux gens qui constituent leur famille. Les différents formulaires utilisés par les gouvernements, l'état civil, les commissions scolaires, devront refléter aussi cette réalité parce que, moi, je n'aimerais pas être obligée de barrer père pour marquer deuxième mère ou quoi que ce soit. Le mot «parent» serait probablement mieux utilisé. Ça enlèverait cette espèce de besoin de constamment expliquer qu'on met sur les épaules des enfants.

Concernant la parentalité, la filiation, sans entrer dans toute la technicalité juridique là ? je veux vous garder réveillés jusqu'à la fin ? l'esprit de l'avant-projet de loi doit être réaliste et tenir compte de la composition des familles d'aujourd'hui. On ne peut pas avoir deux poids, deux mesures quand il s'agit des enfants. Ils doivent avoir les mêmes protections de la loi, les mêmes droits que les parents de sexe différent. La filiation doit être établie afin de faire disparaître la moindre distinction entre parents naturels, parents biologiques, adoptifs, qu'ils soient de même sexe ou de sexe différent, car, si on ne fait pas cette distinction-là, si on n'abolit pas ces différences-là au niveau des enfants, on va créer une forme de discrimination dérivée qui ne sera plus vécue par nous mais qui va être vécue par les enfants. Alors, on a cette responsabilité de mettre en place un système qui va être juste et ne jamais perdre de vue le vécu des enfants dans le quotidien: Comment est-ce que, eux autres, ils vont vivre ça? Quelles vont être les questions auxquelles ils vont avoir à répondre? Si on se met dans la peau des enfants, quelle que soit la composition de leur famille, ça va être relativement facile de corriger ces oublis, entre guillemets. De même qu'un enfant qui est né par procréation assistée d'un couple de femmes doit bénéficier aussi des mêmes avantages.

On parlait tantôt de lien de filiation. Ça s'établit soit naturellement ou soit par un lien juridique. Une des façons de faire, ça serait aussi simple que ce qui se passe pour les conjoints de sexe différent dont l'enfant naît à l'hôpital: on a un formulaire d'enregistrement, on inscrit le nom des deux parents, et voilà, le tour est joué. L'état civil, les parents sont reconnus par le simple fait de l'enregistrement.

Ensuite, les mêmes droits doivent s'appliquer et de la même façon, autant que faire se peut. On comprend qu'il y a des distinctions à faire: que, bon, un couple d'hommes doit nécessairement passer par l'adoption; un couple de femmes peut, à l'aide de la procréation assistée, avoir un lien biologique. Mais autant que faire se peut, avoir les mêmes modalités qui s'appliquent aux conjoints de sexe différent, qui vont s'appliquer à nous. On ne va pas réinventer la roue, on ne va pas réinventer un droit qui finalement peut fonctionner. Je pense que l'essentiel, c'est la définition d'égalité. L'égalité, c'est la même chose. C'est d'avoir les mêmes droits, d'avoir les mêmes choix et de pouvoir les exercer sans discrimination.

Au sujet de l'adoption maintenant, la question semble réglée par le Code civil. Ça semble être réglé. Puisqu'on en parle depuis ce matin, je pense que ce n'est pas tout à fait assez clair. Ce qui nous préoccupe, c'est la question de l'exercice et de l'accessibilité à l'adoption, ce n'est pas le droit comme tel. Le droit pourrait probablement être précisé davantage, mais, si jusqu'à présent l'adoption n'a été qu'une fiction juridique pour la plupart des couples de même sexe, il faudrait des indications claires aux administrateurs de la loi afin qu'ils comprennent que leur refus est basé uniquement sur des préjugés et fait seulement de la discrimination sur l'orientation sexuelle. D'ailleurs, les recherches ont démontré que la capacité parentale n'a aucun lien avec l'orientation sexuelle. Et ? c'est dommage, je n'ai pas pensé en apporter plusieurs copies ? j'ai ici le document concernant l'American Academy of Pediatrics qui est, en fin de compte, leur énoncé de politique. Alors, si, parmi vous, il y en a qui désirent avoir des copies...

Le Président (M. Gautrin): Vous pourriez le déposer à la commission.

Mme Ouellet (Claudine): Oui, je pourrais. Et, en même temps, sur la première page il y a copie d'un article du New York Times d'hier concernant justement ce nouvel énoncé.

Document déposé

Le Président (M. Gautrin): Très bien. Alors, le document est déposé.

Mme Ouellet (Claudine): Merci. Concernant toujours l'adoption, devant l'ambiguïté dans l'interprétation des dispositions de l'adoption, il serait souhaitable que les articles pertinents du Code civil soient modifiés afin d'inclure spécifiquement l'accès aux conjoints de même sexe unis civilement et aux conjoints de même sexe, point.

Concernant la dissolution maintenant, bien sûr que l'idée de déjudiciariser nous plaît énormément parce que... qui aime se retrouver devant les tribunaux à être obligés de payer un avocat? J'avoue que je ne prêche pas pour ma paroisse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Ouellet (Claudine): Mais il n'en demeure pas moins que c'est toujours une expérience qui est très désagréable parce qu'elle s'ajoute à la charge émotive de la rupture. Il faut toutefois tenir compte des réalités qui sont aussi sombres dans les familles des conjoints de même sexe que de sexe différent; la violence conjugale existe, et il faudra trouver des moyens, des mécanismes pour vérifier les consentements de la même façon qu'il est fait présentement dans le cadre d'un divorce. Nous comprenons très, très bien que les mesures sur le divorce ne peuvent pas s'appliquer parce que l'union civile, ce n'est pas le mariage, même si ça en a l'air. Il faudra être créatif pour être capable de donner toute la protection de la loi aux conjoints plus vulnérables dans cette situation et offrir surtout la médiation. Et j'entérine aussi, là, écoutez, les commentaires qui ont été dits devant vous avant. On a quand même une responsabilité, en créant quelque chose de nouveau, de s'assurer que tous les mécanismes qui sont offerts aux conjoints de sexe différent s'appliquent aussi, avec la formation nécessaire et avec les ajustements nécessaires, à la réalité des conjoints de même sexe.

Je ne veux bien sûr pas embarquer dans les chicanes de corporations professionnelles. Je pense que vous allez en entendre. Ça aussi, c'est ma boule de cristal qui me dit ça. Ils vont certainement venir vous faire part de leurs doléances, et je ne veux certainement pas me mêler de ce verbiage de haute voltige que vous allez entendre. Mais, toutefois, le choix du professionnel du droit devrait appartenir aux personnes concernées. Il y a des professionnels du droit, il y a des notaires, il y a des avocats. Bon. Si on limite uniquement aux notaires, moi, je connais des gens qui se sentent plus à l'aise dans la protection de certains droits. Autrement dit, quand tout va bien, on va voir les notaires: les contrats de mariage, ainsi de suite, l'achat de la maison; et, quand la chicane poigne, généralement on va voir les avocats. C'est un réflexe qui est naturel chez certaines personnes, et je pense que le choix du professionnel devrait être respecté. Mais, encore là, j'en fais une recommandation qui est sous toutes réserves de ce que vous allez entendre par lesdites corporations professionnelles.

Concernant l'article 365, maintenant. Si on faisait disparaître ça, le deuxième paragraphe, ça donnerait un signal vraiment clair de la volonté politique de vraiment abolir la discrimination. C'est comme d'avoir une épine dans le pied puis on se prépare à courir un beau marathon. On a toutes les chances de gagner, mais cette épine-là va nous empêcher d'aller plus loin. Pourquoi? Parce que ça envoie un double message. D'un côté, on dit: Comme on n'a pas la juridiction, on va appeler ça une union civile, on va créer des modalités de dissolution, parce que, si on avait le pouvoir de le faire, on vous aurait offert un mariage civil.

D'un autre côté, on lit le texte de l'article 365, tel qu'il est aujourd'hui, et on se dit: L'intention du gouvernement, elle est où, là? Est-ce que c'est vraiment: L'union civile, c'est quelque chose de transitoire, c'est en préparation du mariage civil parce que, si on avait le pouvoir, on vous le donnerait? Et, si c'est ça, à ce moment-là, le deuxième paragraphe de 365 n'a plus sa raison d'être.

n(12 h 10)n

Ça me fait un plaisir immense, de même que les bénévoles qui ont contribué à articuler la position de la Coalition, d'avoir l'opportunité de venir vous porter le message. Une dernière recommandation... Je pense que je vais vous en faire une demande formelle, si c'est possible: Permettez-nous de pouvoir commencer à magasiner nos alliances l'été prochain. Permettez-nous de pouvoir appeler le traiteur, réserver les salles, trouver le célébrant. Vous savez comment c'est long, il y en a plusieurs d'entre vous qui ont déjà passé par là. Si on pouvait décider de faire les modifications, de faire vraiment quelque chose de très bien avec ce projet de loi là ? regarder le lapsus, l'avant-projet de loi ? et qu'on puisse arriver, tous ensemble, à une décision de société, comme il y a déjà un large consensus, se décider et regarder, comme on a fait à la loi n° 32: On s'installe, c'est voté unanimement, tout le monde est d'accord, et, par la suite, nous, on peut aller magasiner nos alliances puis...

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Le temps étant écoulé...

Mme Ouellet (Claudine): Merci.

Le Président (M. Gautrin): ...je demanderais au ministre de la Justice de commencer les échanges avec vous au nom des parlementaires ministériels.

M. Bégin: Alors, merci infiniment. Vous avez abordé plusieurs questions, mais j'aimerais, sur une en particulier ? vous êtes la première à en parler ? c'est cette question d'une clause transitoire ou une clause crépusculaire, si j'ai bien compris, à l'effet que, advenant que le gouvernement fédéral adopte le mariage pour les homosexuels, que tout ce qui aurait été adopté entre-temps disparaisse ou cesse d'avoir effet, autrement dit, que cette question-là soit vidée une fois pour toutes. Ce qui vous amène, si j'ai bien compris ? je voudrais être certain de l'avoir compris comme ça, comme il faut ? que vous accepteriez qu'on garde l'union civile pour les couples homosexuels le temps que ce jour arrive. Est-ce que je vous ai bien compris?

Mme Ouellet (Claudine): C'est exactement ce que j'ai dit. Parce qu'il faut se rappeler le pourquoi l'union civile est créée: C'est parce qu'on ne peut pas légiférer sur le mariage. Si c'est la vraie raison, je ne vois pas pourquoi l'union civile deviendrait une institution permanente.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Le deuxième point de vue: violence conjugale. Je ne suis pas familier avec le domaine du droit matrimonial. Au moment où deux personnes divorcent, théoriquement disons, de consentement, c'est présenté devant un juge. Quel est le rôle exact que joue le juge? Par exemple, on dit: On ne voudrait pas qu'il y ait de la violence conjugale qui tue et que la vérification que l'on fait devant le juge permet de la découvrir. Est-ce que le processus suivi par les tribunaux permet de découvrir des raisons pour ne pas entériner la convention entre les parties? Est-ce que ça arrive? Si oui, dans quelles conditions? Puis, est-ce que la violence conjugale est détectée à ce stade-là?

Mme Ouellet (Claudine): Avec tout le respect que j'ai pour nos tribunaux qui font un excellent travail, je crois que les indices de la présence de violence conjugale se situent aux premières lignes. Dans le cadre, justement, d'un divorce de consentement mutuel, à ce moment-là, on suppose que les deux ont consulté le même spécialiste du droit, et c'est à ce niveau-là, au niveau du spécialiste du droit qui, lui, doit détecter les premiers signes avant-coureurs. Je sais que la formation permanente du Barreau a donné de la formation concernant justement les signes de la violence conjugale. Et le premier réflexe bien sûr de nos spécialistes, c'est de voir s'il n'y a pas... la volonté de un a été imposée par rapport à l'autre, et, souvent, on va voir ça dans les clauses de dissolution du patrimoine, le partage des biens, la garde des enfants, ainsi de suite, s'il semble y avoir quelque part des concessions qui sont tellement laissées pour compte qu'il peut y avoir des indices, tout le non-verbal que le juge ne voit pas nécessairement. Parce que, comme je vous dis, le consentement mutuel, l'avocat va y aller, qu'il a été appelé à instrumenter, va se présenter seul devant les tribunaux. Alors, c'est le service de première ligne qui est important.

M. Bégin: Alors, c'est l'avocat ou le notaire qui doit...

Mme Ouellet (Claudine): C'est ça, le professionnel du droit, oui.

M. Bégin: ...faire ce travail-là. Dernière question. Vous avez, si je vous ai bien compris, dit que, lorsqu'il y a procréation assistée et qu'il y a naissance, évidemment, d'un enfant, vous ne voudriez pas que, à ce moment-là ? dans le cadre d'une union civile, on s'entend bien ? que ce soit l'adoption, vous voudriez que ce soit la filiation qui découle de l'acte de l'union civile qui se matérialise au moment de la signature de l'enregistrement, que ça procède. Est-ce qu'on se comprend bien? Pas l'adoption, mais un effet de la loi, c'est-à-dire de l'union comme telle.

Mme Ouellet (Claudine): On a juste à regarder ce qui se passe dans une famille où il y a des conjoints de sexe différent. Bon, il y a un enfant qui naît d'un couple, qu'est-ce que c'est qui se passe? Est-ce que le conjoint, est-ce que le père a besoin d'adopter son propre enfant? Non. Il y a enregistrement. Alors, le projet commun... Bien sûr, il y a l'idée de la procréation médicalement assistée, mais si on regarde... L'enfant arrive dans un couple. Il y a un couple de femmes, il y a un couple composé d'un homme et une femme. Les enfants qui naissent devraient avoir droit à la même filiation, aux mêmes effets de la loi et dans la même modalité. S'il s'agit juste, d'une part, de remplir un papier, bien, de l'autre côté, c'est la même chose. Tu sais, l'égalité, c'est ça: c'est la même chose, dans les mêmes modalités et au même prix.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac.

M. Désilets: M. le Président...

M. Boulianne: Alors, bienvenue, mesdames.

Le Président (M. Gautrin): Il reste du temps, alors...

M. Désilets: Sur la même question.

Le Président (M. Gautrin): Ah! sur la même question? Est-ce que, M. le député de Frontenac, vous êtes prêt à laisser le député de Maskinongé...

M. Boulianne: Pas de problème. Allez-y, M. le député de Maskinongé.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Maskinongé, sur la même question.

M. Désilets: Merci. Pour les enfants qu'on a entendus tantôt, pour les enfants qui sont déjà nés de cette union ? on parle depuis 10 ans à peu près ? êtes-vous d'accord avec procéder par adoption pour ces enfants-là? Sur le principe?

Mme Ouellet (Claudine): Le principe serait...

M. Désilets: Pour éviter le vide.

Mme Ouellet (Claudine): ...serait beaucoup plus simplifié, pour tous les enfants qui sont nés de couples de femmes que je connais...

M. Désilets: Qu'on les reconnaisse.

Mme Ouellet (Claudine): Passer par l'adoption demande l'implication d'un tribunal et ainsi de suite tandis que de faire rétroagir l'enregistrement, ça simplifierait énormément ? moins coûteux ? puis créerait les mêmes effets.

M. Désilets: O.K. Merci.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci. Alors, moi, je veux revenir. Vous avez parlé du vocabulaire, c'est extrêmement important, et vous revenez souvent avec le mot «partenaire». Est-ce que le mot «partenaire» est à bannir à jamais quand on parle de couple homosexuel?

Mme Ouellet (Claudine): De la même façon qu'il est à bannir quand on parle des conjoints de sexe différent. Tu sais, si on parle, je ne sais pas, moi, de mon beau-frère et de ma belle-soeur, ce n'est pas des partenaires, c'est des conjoints. Alors, pourquoi qu'eux seraient des conjoints et que, nous, on serait des partenaires? Si on veut partir en affaires les deux, bien sûr qu'on va être des partenaires. Ça, c'est clair dans le langage des gens. Mais la relation que j'ai avec ma conjointe, on n'est pas des partenaires.

M. Boulianne: Mais à l'intérieur d'un couple hétérosexuel, souvent on parle de partenaire puis ça ne crée pas toujours des remous, des problèmes majeurs.

Mme Ouellet (Claudine): Il faut penser que les couples qui forment la majorité de la population n'ont jamais subi de discrimination, n'ont jamais été marginalisés, ostracisés, c'est-à-dire n'ont jamais eu à vivre une distinction. Tandis que, si on crée une distinction en utilisant un vocable différent, on vient marquer davantage. Le but de l'exercice, c'est de donner justement l'égalité, mais il faut la donner dans les faits aussi. Et, dans les faits, eh bien, si on appelle deux personnes qui s'aiment, qui décident d'avoir un projet de vie commune, des «conjoints», bien, je ne verrais pas pourquoi on ne serait pas des conjoints nous autres aussi.

M. Boulianne: Puis, à un moment donné, vous dites qu'il faudrait remplacer, dans votre mémoire ? à moins que j'aie mal lu ? le mot régime «matrimonial» par régime «partenarial»?

Mme Ouellet (Claudine): Non, c'est «régime partenarial», l'assimiler complètement dans les régimes matrimoniaux ou encore, la suggestion qui avait été faite, c'est de parler plutôt de «régimes patrimoniaux». Bien, on rentre dans les technicalités où toute bonne idée... Si vous me permettez deux secondes, le contexte dans lequel... où le mémoire a été rédigé, j'ai été très pressée parce que je devais quitter pour les Nations unies le 9 janvier et la date de dépôt était le 22. Or, même si la réflexion date de plusieurs années, l'écrit a été bousculé un peu. Et, après réflexion, ça pourrait créer peut-être une certaine confusion, si on parle de régimes «patrimoniaux» parce que le patrimoine fait référence à... Une personne seule peut avoir un patrimoine et ainsi de suite, le patrimoine commun. Le vocable comme tel, si on bannit le mot «partenaire», tout ce qui a trait au partenariat, partenarial... Il faudrait trouver quelque chose d'approprié également parce qu'on va quand même faire référence à un partenariat, que l'union civile n'est pas.

Alors, si on prend plutôt une disposition au sens large, que les dispositions concernant les régimes matrimoniaux, tel article à tel article, s'appliquent également à l'union civile, on vient de régler ça; ça s'appelle aussi des régimes matrimoniaux, à ce moment-là.

M. Boulianne: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé? Y a-t-il d'autres intervenants? Mme la députée de Bourassa, au nom de l'opposition officielle.

n(12 h 20)n

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Ouellet; Mme France également, bonjour. J'aimerais, si vous voulez, qu'on regarde en premier lieu la procédure concernant la dissolution de l'union civile. Alors, vous semblez l'accueillir principalement parce que vous y voyez une déjudiciarisation. Vous avez même ajouté que, dans certains cas, on pouvait parler d'expériences très désagréables. Alors, le projet de loi prévoit que l'union civile se dissout par une déclaration commune notariée qui est reçue devant un notaire. Cependant, on prévoit que cette déclaration-là va avoir les mêmes effets ou elle va emporter les mêmes effets qu'un jugement de dissolution de l'union à compter de la date où elle a été reçue.

Vous ne pensez pas qu'il puisse être important, dans l'intérêt de la justice, dans l'intérêt des justiciables, que le tribunal conserve un pouvoir d'intervention et un pouvoir d'appréciation pour s'assurer de l'égalité des droits des parties et du respect des droits des parties? Au-delà d'un excès de juridiction, vous ne pensez pas que ce pouvoir d'intervention et d'appréciation du tribunal est important, justement pour s'assurer que les droits d'une partie ne seraient pas respectés complètement et entièrement?

Le Président (M. Gautrin): Me Ouellet.

Mme Ouellet (Claudine): Ce que je suggérais un peu plus tôt, c'était de donner, peut-être, la formation adéquate aux gens qui vont donner les services de première ligne: avocats et notaires. C'est eux qu'on va consulter en premier. Si eux ont la formation adéquate, si on ne se retrouve pas, à un moment donné, avec des conventions en dissolution qui sont complètement aberrantes, comme on en a vu un bout de temps au début, quand on pouvait se divorcer par les conventions, si on a vraiment un bon service de première ligne, si justement les signes avant-coureurs d'abus de la part d'un conjoint sur l'autre peuvent être détectés à ce moment-là, il y a probablement possibilité que, au lieu de consentement mutuel, l'avocat ou le notaire va dire: Écoutez, dans les conditions que je vois devant moi, je ne peux pas représenter les deux, et donner quand même un signal... Et là ce couple-là peut se retrouver devant le tribunal.

C'est un choix. Parce que la large majorité des divorces se font par consentement mutuel. Ou encore on va engorger le système puis, finalement, on n'en a pas besoin. Et même, j'irais même plus loin, je dirais que je pense que la faveur que la communauté gaie et lesbienne pourrait faire, ce serait d'étendre cette procédure de dissolution à la séparation de corps pour les conjoints de sexe différent.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Je comprends bien ce que vous m'indiquez, à savoir que, dans le cas de divorces, la majorité des divorces se règlent sur consentement. Il n'en demeure pas moins que ces consentements-là demeurent soumis à la vérification d'un tribunal. Est-ce que vous ne pensez pas ? je trouve ça important d'insister sur la question ? que cette intervention du tribunal a été vue justement pour s'assurer du respect du droit des parties et pour s'assurer qu'une des parties ne soit pas désavantagée par rapport à une autre?

Le Président (M. Gautrin): Me Ouellet.

Mme Lamquin-Éthier: Parce que le juge, le tribunal n'est jamais lié par la convention ou le consentement, là, qui...

Mme Ouellet (Claudine): Je comprends très, très bien ça. Mais, si on prend votre exemple dans le cadre d'un divorce de consentement mutuel, généralement, le couple ne sera même pas là, c'est l'avocat qui va y être.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, tout à fait.

Mme Ouellet (Claudine): Alors, la vérification du consentement va se faire sur papier.

Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire que c'est les avocats qui vont se présenter devant le tribunal, ils vont faire les représentations utiles.

Mme Ouellet (Claudine): C'est ça, ou souvent un seul avocat pour les deux.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, mais, au-delà de ça, le tribunal peut trancher et intervenir en faveur d'une personne, d'une partie dont les droits seraient lésés par rapport à l'autre. Alors, ça ne vous apparaît pas, cette intervention-là... Je sais que certains peuvent y voir un effet de judiciarisation, mais est-ce que ce n'est pas plutôt une garantie de sauvegarde?

Mme Ouellet (Claudine): Moi, la façon dont je vois la problématique dans son ensemble, c'est que, à partir du moment où le couple ne s'entend pas sur quelque chose, il va se retrouver devant le tribunal. Exactement comme les conjoints de sexe différent présentement, ils vont prendre chacun leur avocat et vont se retrouver là.

Dans le cas d'un commun accord, il y a la vérification par le professionnel du droit si les consentements ont été donnés de façon libre et éclairée, il y a cette première vérification là; dans le cas d'un vice de consentement, c'est le professionnel du droit qui a la responsabilité de renvoyer ça devant le tribunal. De vouloir judiciariser... Tu sais, moi, je me suis toujours dit: Quand on est deux pour se marier, on devrait être deux pour divorcer aussi.

Une voix: Ça va de soi.

Mme Ouellet (Claudine): Et de penser à déjudiciariser cet aspect-là quand il y a consentement et que ça remplit les conditions pour un consentement valable et que les droits des deux ont été protégés et que ça a été bien fait par le professionnel du droit ? j'insiste, par le professionnel du droit, c'est bien important; c'est sa responsabilité, quelle que soit la corporation professionnelle ? à partir du moment où ces critères-là sont remplis et qu'il n'y a aucune possibilité de réconciliation, qu'on a offert la médiation, qu'on a vraiment rempli toutes les conditions, je... Tu sais, si on est capable de faciliter l'étape qui, déjà, est assez traumatisante, ça sera un grand pas vers la compréhension de comment un couple fonctionne du début jusqu'à la fin.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Le mémoire du Barreau du Québec aborde plusieurs questions qui sont extrêmement intéressantes. Entre autres, il est dit dans le mémoire du Barreau que «l'union civile se veut une institution aussi sérieuse et solennelle que le mariage. Le moyen d'en obtenir la dissolution doit l'être tout autant, à défaut de quoi les gens auront l'impression qu'il s'agit d'une union de second ordre.» Est-ce que vous pouvez me faire part de vos commentaires?

Le Président (M. Gautrin): Mme Ouellet.

Mme Ouellet (Claudine): Je vous dis ça un peu avec... sous toutes réserves. Comme je vous dis, je vais me tirer dans le pied parce que c'est ma propre corporation professionnelle, mais souvenons-nous, historiquement, à chaque fois qu'on a voulu déjudiciariser quelque chose au Québec, si on parle de l'assurance automobile, si on parle de... Bien sûr que si, moi, je gagne ma vie en faisant des requêtes, en me présentant devant le tribunal et que là je vois un champ de pratique très intéressant qui s'en vient devant moi, je vais certainement vouloir l'avoir.

Sauf que, si on m'inclut dans le processus en me disant: Oui, tu es une professionnelle du droit, tu as une formation, ton devoir, c'est d'être capable de vérifier les conditions de dissolution, le consentement, les clauses de partage du patrimoine et ainsi de suite, mon travail va avoir été bien fait sans nécessairement avoir dans l'esprit un autre intérêt que celui aussi du couple. Si le couple décide de vouloir se présenter devant un tribunal, il n'y a rien dans la loi qui l'empêche de le faire, sauf qu'il n'y a pas d'obligation, dire: Écoutez, là, vous voulez dissolution, O.K., vous êtes obligés d'aller devant... S'ils s'entendent et si toutes les conditions sont respectées, moi, je ne vois pas pourquoi une corporation professionnelle ne serait pas contente de voir que justement l'État mature de la même façon que sa population et, voulant limiter ses interventions dans la vie d'un couple en disant: Écoutez, s'ils s'entendent, si les conditions sont respectées, voilà, une dissolution est prononcée et déposée à l'état civil et prend ses effets dès maintenant... Là-dessus, je peux vous dire que les conjoints de sexe différent vont certainement nous envier.

Le Président (M. Gautrin): En effet. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Les conjoints de sexe différent peuvent aussi penser en ce qui a trait à la procédure de dissolution... Eux doivent passer... suivre une procédure qui est totalement différente de la procédure de dissolution dans le cadre de l'union civile. Ils peuvent y voir un désavantage pour eux et même une discrimination.

Mme Ouellet (Claudine): Peut-être, mais il faudra les entendre. De toute façon, il y a une série de groupes qui vont certainement être entendus, et où les premiers intéressés, c'est-à-dire la communauté gaie et lesbienne, ne font que 10 % de leur membership. À ce moment-là, ils ont l'autre 90 %. Qu'on pense aux syndicats, à la Fédération des femmes et ainsi de suite, ces gens-là, ils ont 10 % de personnes intéressées directement et concernées directement. Le 90 %, à ce moment-là... Peut-être, ces questions-là pourraient être... leur être adressées, et leur demander, leur offrir si séparation de corps par consentement devant un professionnel du droit les intéresserait.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous abordez un chapitre, j'imagine, qui porte le titre La présomption de parentalité. J'aimerais, s'il vous plaît, que vous expliquiez ou explicitiez davantage le contenu de vos représentations de façon à me faire bien comprendre quelle est votre notion de la famille, quel est le rôle que vous voyez pour le parent biologique et me dire aussi si vous ne croyez pas que l'adoption n'est pas une procédure suffisante.

Le Président (M. Gautrin): Mme Ouellet.

n(12 h 30)n

Mme Ouellet (Claudine): Si on situe la présomption de parentalité dans son contexte, c'est dans le cas où il y a un projet commun qui est par procréation assistée. C'est le cas d'un couple de femmes. Au moment de la rédaction, comme je vous dis, dans la tempête intellectuelle qui se passait autour de mon bureau, il fallait voir à trouver l'équivalent de ce qui existait pour créer justement l'égalité. La présomption de parentalité, si vous voulez, est l'équivalent de la présomption de paternité qui existe. Dans le sens que, s'il y a un enfant qui naît dans un projet commun d'un couple de femmes et que l'enfant est né par procréation assistée, l'enfant est présumé d'être du couple. Ça se voulait l'équivalent. Par contre, si on arrive avec la solution la plus facile, à mon sens, qu'à l'enregistrement on remplit... La mère, les parents, c'est qui? Bon, il y a la mère biologique et la mère non biologique ? mais j'espère que ces distinctions-là ne seront pas sur le formulaire, c'est juste une question de clarifier les choses, là ? qui vont pouvoir signer. Ça va créer la filiation naturelle et légale et on n'imposera pas sur la mère non biologique dans le couple de lesbiennes d'adopter son propre enfant, ce qu'on n'impose pas chez un couple de sexe différent. C'était vraiment dans le but d'équilibrer pour trouver une solution, pour donner les mêmes droits, les mêmes choix dans les mêmes modalités, toujours en tenant compte des différences biologiques dans ce qui a trait à la filiation.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier, il vous est resté un peu de temps.

Mme Lamquin-Éthier: Juste une petite.

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que vous connaissez des pays qui auraient changé le lien de filiation suite à des interventions législatives?

Mme Ouellet (Claudine): Il faudrait regarder, aux Pays-Bas, ce qui s'est passé concernant les mariages civils de conjoints où il y avait déjà un enfant présent. Si vous me donnez quelques jours, je peux certainement vérifier avec nos affiliés aux Pays-Bas. Reste à savoir jusqu'où ont été la Belgique ou la France, qui ont des systèmes complètement différents. Ça pourrait toujours se vérifier. Il suffirait peut-être de me donner une journée ou deux, puis je pourrais vous arriver avec la réponse.

Le Président (M. Gautrin): ...Me Ouellet, que vous allez transmettre cette information au secrétaire de la commission, maître... et qui sera heureux de pouvoir la transmettre après aux membres de la commission.

Mme Ouellet (Claudine): Alors, si je veux bien résumer, pour être sûre d'avoir bien compris: Quel est le processus de lien de filiation qui a été employé par différents pays...

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce qu'il y a des pays qui ont changé à cet égard le lien de filiation suivant l'intervention... Le Barreau soulève d'ailleurs à cet égard que la plupart des pays qui reconnaissent un certain statut juridique aux couples de même sexe n'ont pas inclus dans ce statut le droit à l'adoption, et ils disent, ils conviennent avec vous d'ailleurs de pousser plus amplement l'analyse ou les recherches parce que ça pourrait avoir des impacts extrêmement importants.

Mme Ouellet (Claudine): En fait, si on regarde le but de l'exercice, si on regarde le lien de la filiation qui s'établit soit judiciairement ou naturellement, c'est dans le but de donner un statut aux enfants qui sont déjà là ou les enfants qui sont à naître, particulièrement dans le cas de la procréation assistée. Avec tout le respect que j'ai pour les juridictions étrangères, si eux ont oublié ou ont pas touché à ça pour multiples raisons, on n'est pas obligés de faire la même chose. On est créatifs. Généralement, on est des gens qui aiment, tant qu'à réformer quelque chose ou à créer quelque chose, on aime le faire en entier et on n'aime pas revenir dedans. Alors, à ce moment-là, pourquoi ne pas le faire maintenant? On a déjà été des leaders avant, pourquoi ne pas continuer et devenir, nous, l'exemple des autres?

Le Président (M. Gautrin): Je voudrais, Mme la députée de Bourassa, préserver le droit... Il reste deux minutes à la députée de Mercier, à moins que la députée de Mercier abandonne...

Mme Lamquin-Éthier: Je peux convenir avec vous, mais je ne voudrais pas le faire à l'emporte-pièce, que certains pays auraient oublié ou n'auraient pas voulu toucher ces matières-là. Au contraire, je pense qu'elles sont extrêmement importantes, et principalement dans le meilleur intérêt de l'enfant. On risque d'apporter des changements qui vont avoir des impacts extrêmement importants. Et vous l'avez dit précédemment ? et je trouve votre réaction très sage ? il serait de beaucoup préférable que nous ayons, si ça existe, des exemples de pays qui auraient modifié le lien de filiation. Et, dans le cas contraire, je suis persuadée qu'on pourrait trouver des explications nous permettant d'apprécier pourquoi tel pays n'aurait pas voulu toucher au lien de filiation, parce qu'il existe une différence fondamentale entre filiation et le droit d'exercer l'autorité parentale.

Mme Ouellet (Claudine): Si vous me permettez, je pense qu'il y a une distinction bien, bien importante, qui m'a même échappée, là: il ne s'agit pas de changer un lien de filiation, il s'agit de le reconnaître. C'est la reconnaissance du lien de filiation qui nous préoccupe, ce n'est pas de changer les liens de filiation qui existent déjà. Écoutez, si j'ai un enfant d'un mariage précédent, je ne vais pas effacer le père puis le lien de filiation avant. C'est impensable même d'effleurer le sujet. Il s'agit de reconnaître des enfants qui sont déjà là et de mettre en place des mécanismes pour que les enfants qui sont à venir vont être reconnus aussi facilement. Il n'y a pas de changement de lien de filiation, il y a la reconnaissance d'un lien.

Écoutez, si, par exemple, France et moi, on avait déjà des enfants et heureusement, bon, l'union civile est passée et on a été magasiner puis nos noces sont la semaine prochaine, par exemple, suite à l'union civile, il serait normal que celle des deux qui n'est pas la mère biologique puisse enregistrer finalement son nom, parce que l'enfant est né par procréation de mère inconnue. Et, bon, j'ai toujours été la mère de cet enfant-là, France aussi; alors, c'est normal qu'on puisse écrire nos deux noms maintenant sur son certificat. On ne change pas le lien de filiation, on le reconnaît officiellement.

Mme Lamquin-Éthier: Je suis certaine que...

Le Président (M. Gautrin): Je m'excuse, Mme la députée de Bourassa, on a épuisé le temps. Je voudrais vous remercier, Me Ouellet.

Mme Ouellet (Claudine): D'accord.

Le Président (M. Gautrin): Vous pourrez échanger hors de la commission sans difficulté. Ceci étant dit, je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 14 h 9)

Le Président (M. Gautrin): Nous allons reprendre nos travaux de manière à ne pas prendre trop de retard et, dans ces conditions, j'inviterais la Coalition québécoise pour le droit au mariage pour les gais et lesbiennes à vouloir prendre place devant nous. La Coalition est représentée, je pense, par la porte-parole, Mme Robinson, et M. Hendricks. Alors, je vous donne la parole. Vous connaissez bien sûr nos règles: vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, les ministériels auront 15 minutes pour vous interroger, et l'opposition, 15 minutes pour les échanges. Alors, Mme Robinson, à vous la parole.

Coalition québécoise pour le droit
au mariage pour les gais et lesbiennes

Mme Robinson (Ann): Je vous remercie, M. le Président. Je souhaite bonjour à tout le monde qui participe à cette présentation aujourd'hui. Alors, comme M. le Président l'a dit, mon nom est Ann Robinson. Je voulais simplement clarifier ou spécifier que je suis professeure à la Faculté de droit à l'Université Laval et que, malheureusement, j'ai un cours à 3 heures et demie cet après-midi. Alors, je commençais à être un petit peu inquiète en me disant: Est-ce que ça va commencer à l'heure, que j'aie le temps de retourner et de donner mon cours à la faculté?

n(14 h 10)n

Alors, je voudrais que Michael se présente aussi, puis, après, on va présenter le mémoire comme tel.

M. Hendricks (Michael): Bonjour, je m'appelle Michael Hendricks, cofondateur de la Coalition québécoise pour le droit au mariage pour les gais et lesbiennes. Malheureusement, l'autre cofondateur, mon conjoint, M. René LeBoeuf, n'était pas capable de se libérer du travail aujourd'hui, et, étant donné que je suis chômeur, c'est mieux qu'il travaille. Alors, on commence. Mme Robinson va présenter, elle est notre porte-parole.

Mme Robinson (Ann): Alors, nous avons déposé le mémoire il y a déjà quelques semaines, et, considérant que nous ne disposons que de 15 minutes, j'ai préparé un texte écrit pour vous exposer les grandes lignes de ce mémoire de façon à ce que ce soit plus simple par la suite si vous voulez poser des questions.

Le Président (M. Gautrin): Une pratique d'un bon professeur.

Mme Robinson (Ann): Alors, je vais lire mon texte ? malheureusement, vous allez peut-être trouver ça ennuyant ? puis je n'ai pas d'acétates et je n'ai pas de vidéo non plus. Alors, ça, je fais ça mieux que ça dans ma salle de cours quand même.

Alors, c'est à l'automne 1993, devant la Commission des droits de la personne du Québec, que j'ai parlé pour la première fois de la question du droit au mariage pour les gais et lesbiennes. J'étais sans doute l'une des rares personnes à y faire ce type de remarques, puisque la Commission, dans son rapport de consultation, s'est contentée de proposer un partenariat enregistré pour les couples de même sexe ou de sexe opposé. Et, depuis cette date, j'ai travaillé avec conviction pour que l'accès au mariage pour les gais et les lesbiennes devienne une réalité. Pour moi, il suffit qu'il y ait, quelque part au Québec, ne serait-ce qu'un couple de gais ou un couple de lesbiennes qui désire contracter mariage pour que tous nos efforts soient concentrés afin d'amender cette loi hétérosexiste. Et ce couple, il existe. Michael Hendricks et René LeBoeuf sont conjoints de fait depuis près de 30 ans. Ils ont manifesté, dès 1994, le désir de se marier selon les règles prévues au Code civil du Québec. Inlassablement, ils ont été de toutes les luttes, de toutes les manifestations, de toutes les revendications pour le droit au mariage. Ainsi, en 2000, à la suite d'un refus de permis de mariage, ils ont senti le besoin de créer la Coalition québécoise pour le droit au mariage pour les gais et les lesbiennes.

Cette Coalition a comme but principal de lutter pour que les couples de même sexe aient les mêmes droits et les mêmes options légales et sociales que les couples hétérosexuels. La Coalition regroupe des personnes qui luttent pour soutenir les droits civils et l'égalité réelle des gais et des lesbiennes du Québec. La Coalition est aussi un lieu de rencontre et un réseau d'information poursuivant ainsi une mission d'éducation auprès de la population québécoise. À la suite de la création de cette Coalition, Michael Hendricks et René Leboeuf ont décidé de poursuivre, devant les tribunaux canadiens, leur lutte pour l'obtention du droit au mariage. Ils attendent maintenant un jugement de la Cour supérieure.

Alors, c'est avec fierté et un sentiment de grande victoire que nous avons pris connaissance de l'avant-projet de loi instituant l'union civile pour les couples de même sexe déposé en décembre dernier à l'Assemblée nationale. Nous sommes bien conscients par ailleurs que notre lutte n'est pas terminée. Cette loi n'est encore qu'une proposition et le gouvernement fédéral vient à peine de légiférer sur une règle interprétative concernant une définition purement hétérosexuelle du mariage. Mais nous avons le sentiment qu'un grand pas vers l'égalité pour les gais et les lesbiennes sera franchi lorsque le gouvernement québécois adoptera cette loi, nous l'espérons, au printemps 2002.

En décembre dernier, au moment du dépôt de l'avant-projet de loi destiné à créer un nouvel état civil, soit l'union civile pour les couples de même sexe, le ministre de la Justice, Paul Bégin, affirmait que l'Assemblée nationale allait aussi loin que le permettaient les compétences législatives réservées au gouvernement québécois. Il affirmait également que, si son gouvernement le pouvait, il aurait proposé tout simplement d'ouvrir le mariage aux couples de même sexe. En adoptant cette loi sur l'union civile, il est clair que le gouvernement québécois franchira un pas de géant pour enrayer dans ses lois une autre trace d'homophobie à l'égard des lesbiennes et des gais du Québec. Nous nous réjouissons de cette avancée qui aura très certainement des retombées en droit constitutionnel canadien sur la définition du mariage et en droit de la famille dans les autres provinces canadiennes.

Rappelons brièvement que, si l'on tient compte du partage des compétences inscrit dans la Constitution canadienne de 1867, c'est le Parlement fédéral qui a l'autorité exclusive en matière de législation sur le mariage et le divorce, alors que le Québec a une juridiction tout aussi exclusive en matière de célébration du mariage. Ainsi, la question de la différence des sexes, essentielle pour contracter mariage, relève de la législation fédérale. Le ministre Bégin a donc raison lorsqu'il affirme que l'Assemblée nationale ne peut donner accès au mariage aux couples de même sexe, puisqu'elle ne peut légiférer en matière de conditions de fond pour contracter mariage. Le ministre Bégin a-t-il également raison lorsqu'il affirme que le Québec est allé le plus loin qu'il pouvait dans cet avant-projet de loi pour accorder aux couples de même sexe les mêmes droits et les mêmes obligations qu'aux couples hétérosexuels mariés?

Forts de nos expériences de recherche et de militantisme sur toutes les formes de discrimination faite aux gais et lesbiennes, nous avons examiné attentivement toutes les dispositions de cet avant-projet de loi créant un nouvel état civil pour les couples de même sexe et nous avons dû nous rendre à l'évidence que la déclaration d'union civile décrite dans cet avant-projet de loi contient tout à fait les mêmes droits et les mêmes obligations au bénéfice des couples de même sexe que le mariage pour les couples hétérosexuels. Et, si nous tenons compte à la fois du partage des compétences en matière de juridiction au Canada et des propos du ministre de la Justice Bégin, nous devons conclure qu'une fois cet avant-projet de loi adopté et mis en vigueur au Québec les couples de même sexe seront traités de façon similaire aux couples hétérosexuels. La seule différence n'en sera plus une de droit, mais plutôt de terminologie: deux concepts, mariage et union civile, qui recouvrent les mêmes droits et les mêmes devoirs à l'égard de deux époux ou de deux partenaires.

Mais il reste une question qui doit être posée maintenant: Qu'en est-il des droits parentaux des couples de même sexe? Nous savons que le ministre de la Justice, en présentant son avant-projet de loi sur l'union civile, n'a pas eu l'intention d'élaborer de nouvelles règles sur la filiation ou de favoriser un débat de société sur l'homoparentalité. Cependant, certains amendements proposés dans cet avant-projet de loi semblent ouvrir la porte à un renouveau en matière de filiation et entraînent des questionnements. Ainsi, lorsque, dans l'avant-projet de loi, il est question d'autorité parentale, d'enfant commun ou du mot «conjoint» remplaçant le mot «concubin», devons-nous comprendre que le ministre Bégin a déjà imaginé la possibilité pour le ou la partenaire d'un parent d'adopter ou de reconnaître l'enfant de ce dernier? Est-ce à dire que, lorsque l'avant-projet de loi sera devenu une loi en vigueur, il sera possible pour la conjointe d'une mère lesbienne d'adopter l'enfant né de cette femme par insémination artificielle? Est-ce à dire qu'il sera possible également, pour un conjoint d'un père gai, d'adopter l'enfant que ce dernier avait d'abord adopté comme célibataire? Mais, même si toutes ces hypothèses deviennent effectives, les règles de filiation n'auront pas pour autant subi un rajeunissement complet exempt d'hétérosexisme et de discrimination. Pour ce faire, il faudra procéder à un réaménagement des règles de filiation biologique ou d'adoption, il faudra repenser les règles qui sous-tendent des notions comme la présomption de paternité du mari de la mère biologique, la contribution au projet parental ou les règles d'adoption.

De plus, si le Québec se démarque de façon si évidente du gouvernement fédéral et des autres provinces en matière d'accès au mariage pour les gais et les lesbiennes, pourquoi ne choisirait-il pas de proposer, ne serait-ce que de façon symbolique, l'élimination de la notion de différence de sexe dans le désormais célèbre article 365 du Code civil? Et pourquoi le gouvernement québécois ne proposerait-il pas également une clause crépusculaire dans son projet de loi, qui permettrait de prévoir, dès à présent, à la fois l'abrogation de toutes les dispositions concernant l'union civile et la possibilité, pour un couple de même sexe vivant déjà en union civile, d'être considéré comme marié dès le moment où le gouvernement fédéral sera contraint par les tribunaux de modifier sa définition du mariage pour y inclure les couples de même sexe?

Quoi qu'il en soit, lorsque le gouvernement du Québec aura mis en vigueur cette loi innovatrice sur l'union civile, nous sommes convaincus qu'un très grand nombre de couples québécois de même sexe voudront profiter de cette législation et s'engager publiquement dans une vie commune devant un célébrant compétent et en présence de deux témoins. Merci.

n(14 h 20)n

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme Robinson. Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose, M. Hendricks?

M. Hendricks (Michael): Non.

Le Président (M. Gautrin): Alors, nous allons commencer la période d'échange, et, au nom des ministériels, je vais donner la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Alors, merci, Mme Robinson. Je rappelle tout simplement que nous avons étudié notre droit ensemble, dans la même faculté, dans la même classe. C'est probablement pour ça qu'on évolue un peu de la même manière. Alors, bonjour...

Mme Robinson (Ann): C'est un honneur que vous me faites.

M. Bégin: Pardon?

Mme Robinson (Ann): C'est un honneur que vous me faites.

M. Bégin: Oh! non, non, c'est moi qui suis flatté.

Alors, je vais commencer par là où vous avez terminé, sur la question de ce que j'appellerais, dans votre cas, une «clause crépusculaire». En quelque sorte, vous nous dites: D'ici à ce qu'on puisse légiférer au fédéral dans le sens d'un mariage homosexuel, bravo pour l'union civile, mais, une fois ceci fait, pourquoi ne pas faire en sorte que l'union civile cesse d'exister et que les droits que l'on a conférés par l'union soient maintenant des droits conférés en vertu du mariage et que ceci puisse se faire par une clause légale quelconque, à formuler? Est-ce que je vous comprends bien quand vous dites ça?

Mme Robinson (Ann): C'est tout à fait ça. Si vous regardez votre propre tableau, que j'ai devant moi, et que vous considérez mariage et union civile de part et d'autre, la seule différence, elle est au début, au niveau de l'âge pour contracter l'union civile. Et d'ailleurs, dans notre mémoire, on a dit qu'on était tout à fait d'accord qu'il y ait... au contraire, le mariage devrait être haussé à 18 ans. Mais, si on considère ce tableau, on se rend bien compte rapidement que c'est copié-collé, c'est une copie conforme. L'union civile, toutes les dispositions qui sont contenues dans l'avant-projet de loi, c'est mariage, et avec un autre titre ou un autre nom.

À partir du moment où le gouvernement fédéral déciderait d'amender sa règle interprétative de la définition du mariage, à ce moment-là il n'y a plus aucune raison que, dans notre Code civil, nous maintenions deux régimes ou deux institutions qui veulent dire la même chose, mariage ou union civile. Alors, la clause crépusculaire se veut être aussi une volonté politique législative de bien clairement indiquer que l'union civile, c'est le maximum que le Québec peut faire, puisque la définition du mariage relève du fédéral.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Oui. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous disiez. Parce que vous parliez que l'avant-projet de loi, tel que je l'avais dit, était parfaitement le maximum que nous pouvions faire, et je me disais: Il va être où, le «mais»? Et effectivement, je pense que vous avez bien fait de maintenir qu'il n'y en avait pas, de «mais». Parce que, quand on le regarde au niveau de l'union des personnes, il n'y a aucune... il y en a quelques-unes que l'on voit très bien, mais ce n'est pas l'essentiel, tout est là.

Par contre, l'avant-projet de loi, et je l'avais mentionné lors de ma conférence de presse, ne compte pas les dispositions relativement, à l'époque, à ce que j'avais qualifié comme étant l'adoption. Mais l'adoption est beaucoup plus... En fait, c'est plus large que simplement l'adoption, c'est la question de la parentalité qui fait l'objet du deuxième tableau qui est ici et qui pose la question. Et je pense que, depuis ce matin, c'est plus à ce niveau-là que nous avons eu des discussions, sur la parentalité.

Mme Robinson (Ann): Oui, mais, si vous me permettez de ne pas être tout à fait d'accord avec vous. À mon avis, l'avant-projet de loi contient aussi des dispositions permettant une ouverture sur l'adoption et également sur l'insémination artificielle.

M. Bégin: Oui, je suis d'accord avec vous qu'il en contient, mais il ne contient pas tout ce qui pourrait être contenu dans une parentalité identique à celle du mariage. On en convient?

Mme Robinson (Ann): Je ne suis pas d'accord.

M. Bégin: Ah bon!

Mme Robinson (Ann): En fait, si on regarde les articles, les dispositions...

M. Bégin: On a peut-être écrit ce qu'on ne pensait pas écrire. Ha, ha, ha!

Mme Robinson (Ann): Non, en fait, ma préoccupation est au niveau du changement des mentalités. Parce qu'on sait très bien que, dans le Code civil, il n'y a rien qui dit qu'un conjoint, c'est-à-dire qu'un homosexuel peut adopter un enfant... ne peut pas adopter un enfant. Présentement, il n'y a rien dans le Code qui empêche un homosexuel d'adopter un enfant. Par contre, on sait très bien que, dans les organismes d'adoption, il n'y a jamais un homosexuel qui s'affiche comme étant un homosexuel qui va être capable d'adopter un enfant. Alors, c'est une question de mentalité, une question de changement de mentalité.

Mais, si vous regardez les dispositions concernant l'adoption dans le Code et concernant aussi l'insémination artificielle, on réalise qu'à partir du moment où on enlève le mot «concubin» du Code civil, qui spécifie une relation entre un homme et une femme non mariés, alors ? le mot «concubin», c'est ce que ça a toujours voulu dire ? à partir du moment où on enlève le mot «concubin» et à partir du moment où on considère que le mot «conjoint» comprend dans sa définition... est comme un générique qui comprend aussi les partenaires, tout est en place pour permettre, ou pour autoriser, ou pour faire en sorte que le directeur de l'état civil ne pourrait plus, par exemple, refuser la reconnaissance d'un enfant par la conjointe de la mère si elle était présente au moment de l'insémination artificielle.

M. Bégin: Ce matin, lors des discussions, nous avons...

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Lors des discussions que nous avons eues, il me semble qu'il y a une situation qui n'a pas été résolue. J'ai posé, à deux reprises, la question: Lorsqu'un enfant... On va prendre le cas d'un couple de lesbiennes dont une donne naissance à un enfant suite à une assistance médicale pour la création, donc un enfant naît. La question qui se pose... Si c'est dans un mariage régulier, on sait qu'il y a une présomption de paternité et il y a aussi une reconnaissance de la paternité qui se fait...

Mme Robinson (Ann): La présomption...

M. Bégin: Vous permettez?

Mme Robinson (Ann): Oui, d'accord.

M. Bégin: Alors, il y a une présomption de paternité et il y a une reconnaissance de la paternité.

Mme Robinson (Ann): Oui.

M. Bégin: Vous êtes d'accord là-dessus. Quand il s'agit du même cas que je viens de mentionner, on peut se poser la question: L'enfant qui est là, du fait de l'union civile, tel que c'est formulé actuellement ? répond-il à la question? ? l'enfant en question a-t-il sa mère biologique ? il n'y a de problème ? et quelle est sa relation avec l'autre, la co-mère, pour reprendre une expression de ce matin? Est-ce qu'il peut être adopté ou si le fait de l'union civile, tel que formulé actuellement, crée ce lien dont on a parlé? Est-ce qu'il le crée? J'ai le sentiment... je peux me tromper, mais j'ai le sentiment que non actuellement, mais que la question est sur la table, par exemple.

Mme Robinson (Ann): Le législateur n'a pas voulu... C'est ce que je comprends que vous dites aujourd'hui, parce qu'on pose la question dans le mémoire, le législateur n'a pas voulu inclure cette présomption dans l'article 539 du Code civil.

M. Bégin: C'est ça.

Mme Robinson (Ann): Mais, si vous lisez l'article 539 sans l'intention du législateur, vous allez rapidement comprendre qu'il n'y a rien... À partir du moment où on accepte et qu'on considère que l'union civile est devenue l'équivalent du mariage, et que ça existe, et que le gouvernement reconnaît cette union civile, à mon sens, les partenaires... le partenaire de la mère biologique a les mêmes droits... la partenaire, je m'excuse, a les mêmes droits que le père de la mère biologique... pas le père, le mari de la mère biologique, en 539. Et, si ce n'était pas le cas, il reste toujours la possibilité de 540 où on parle du conjoint, du conjoint non marié. Alors, c'est soit 539, le mari, ou soit 540, le conjoint. Alors, si on a une volonté politique de reconnaître les partenaires, de reconnaître l'union civile au même niveau, au même palier que le mariage, bien, rendu à 539 et 540, on est obligé de continuer de les reconnaître. Et, par conséquent, la mère qui est la... je m'excuse, la partenaire d'une mère biologique serait automatiquement... pourrait reconnaître l'enfant, à la limite pourrait reconnaître l'enfant, si on ne lui reconnaît pas la présomption de maternité de l'enfant.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Je comprends que, par une interprétation serrée des textes, on puisse peut-être arriver aux conclusions auxquelles vous en arrivez, mais je voudrais relire un petit passage de ce matin, qui portait sur un autre point, mais qui va bien montrer ce que je veux dire. On dit: «Le consentement, par exemple, aux soins est aujourd'hui donné par l'époux et ce n'est qu'à défaut qu'il est donné par un parent ou par une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier. C'est sous cette périphrase que se cache aujourd'hui le conjoint de fait.» Ce que j'ai voulu montrer, c'est que, oui, il peut y avoir des textes qui, si on les interprète les uns par les autres, etc., on peut arriver à leur faire dire ces choses-là, et tant mieux. Mais, lorsque nous légiférons, en principe on veut que les choses soient claires, on veut qu'on dise: Oui ou non, y en a-t-il eu, une présomption? Pas essayer de la découvrir; ça, c'est le rôle de l'avocat qui a une cause et qui essaie de la gagner, et c'est correct, c'est bien, c'est ça qui fait avancer le droit. Mais, quand on peut le dire clairement, c'est plus facile pour tout le monde.

Ce que les gens nous ont dit ce matin, c'est que ce n'est pas dit aussi clairement que, vous, vous l'interprétez, et que nous aurions avantage à l'inclure. Je suis porté à dire que ce qui a été volontairement dit par le législateur n'est pas aussi complet que ce que vous voudriez qu'il dise. Je ne vous fais pas le reproche de l'interpréter comme ça, au contraire, mais je vous dis que ce n'est pas explicité autant. La question que nous nous posons ici, c'est: Devrions-nous le dire aussi clairement? de la même manière qu'on dit: L'adoption, ça existe pour un homme, ça existe pour deux hommes, ils peuvent adopter. Actuellement, l'article 536 le fait, puis, s'il y a un doute, on va à 546, je pense, pour le consentement spécial ou l'autorisation. Bon, on peut...

Mme Robinson (Ann): 555.

M. Bégin: 555, bon, vous connaissez plus les articles que moi, parfait.

Mme Robinson (Ann): C'est la matière que j'enseigne cet après-midi.

M. Bégin: On y arrive. Mais vous admettez que c'est en prenant un petit chemin...

Mme Robinson (Ann): Oui, tout à fait.

n(14 h 30)n

M. Bégin: ...qui n'est pas celui que normalement on emprunte. Quand on veut savoir si on a un droit, on regarde la loi, on dit: Bien, oui, regarde, c'est écrit là. Mais là, quand tu es obligé de faire des détours, hum, c'est moins clair. C'est ça que je pense que les gens nous ont dit ce matin: Nous voudrions, particulièrement en ce qui concerne la parentalité, la filiation, on voudrait bien que les choses soient claires, claires et exprimées comme on le pense, comme on voudrait qu'elles soient et surtout ? disaient-ils ou disaient-elles ? dans l'intérêt des enfants, qui ne sont pas les conjoints, dont le sort est relativement bien réglé, puisque vous le dites, comme tel. Et je pense que c'est vrai. Mais, pour les enfants, il y a des questions encore. Il y a des zones grises. Il y a des questions qu'on pourrait traiter différemment qu'on le fait présentement.

Mme Robinson (Ann): Oui. En fait, je suis tout à fait d'accord avec vous, parce que c'est sûr que ce serait préférable qu'il y ait des articles du Code qui soient très clairs, comme, par exemple, le paragraphe 2 de 539. Au lieu de parler du mari de la mère, on pourrait parler aussi de la partenaire de la mère, du mari, ou de la partenaire. Je pense que c'est à l'avantage des parents futurs et des enfants aussi. Par contre... Et, aussi, il faut dire que plus les textes sont clairs, moins on est obligé d'aller devant les tribunaux et moins ça coûte cher pour se faire interpréter des dispositions du Code civil.

C'est sûr que, moi, j'ai voulu avoir une interprétation large. Je suis une personne optimiste de nature. Et je me bats pour les droits des homosexuels, des gais et lesbiennes depuis des années, peut-être même 12 ou 15 ans, maintenant. Pour moi, ça m'apparaissait évident que, même avec cet avant-projet de loi, on pouvait aller tirer des droits sur la parentalité déjà. Alors, si effectivement le gouvernement est disposé à clarifier ces articles de Code, tant mieux, ça ne sera qu'un plus dans notre vie, à nous.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, M. le Président. En vous écoutant, il arrive quoi aux gens qui se marient, mais face à l'étranger, face au pouvoir, face aux droits? Est-ce que les droits, dans l'avant-projet de loi qu'on vous propose, est-ce que ces droits-là sont reconnus par la suite à l'extérieur? Est-ce que ça permet aussi à ceux de l'étranger de venir se marier ici? Pourriez-vous me...

Mme Robinson (Ann): En fait, on tombe dans des dispositions de droit international privé. Si vous considérez des gens québécois, des Québécois qui se sont unis civilement au Québec et qui s'en vont vivre à l'extérieur, c'est la loi du domicile où ils vivent au moment où ils se séparent, par exemple. C'est à ce moment-là qu'on pose la question des droits. Si la loi ne reconnaît pas ce type d'union dans la province ou dans le pays où ils sont allés vivre, ça ne compte pas. O.K.?

Si par ailleurs des étrangers... Pour que des étrangers puissent venir contracter l'union civile ici, il faudrait qu'ils soient domiciliés au Québec pour que ça ait un avantage. Ils peuvent le faire, mais, quand ils vont s'en retourner chez eux, ça ne donne rien. Comprenez? Ça veut dire que... La loi par rapport... la loi qu'on applique aux gens qui veulent se séparer, c'est la loi du domicile au moment où ils veulent se séparer.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac.

M. Désilets: C'est vraiment spécifique au territoire.

Mme Robinson (Ann): C'est-à-dire que, pour le domicile, pour... Oui, c'est spécifique au territoire. Oui.

M. Désilets: O.K. Merci.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Je vais revenir sur la filiation. On dit, dans un article paru dans Le Soleil du mois de décembre, que c'est une demi-victoire, la loi qui va être votée, à cause de ça. Et, vous, vous proposez... vous dites que c'est vrai. Je pense que la filiation, c'est un problème, puis vous allez jusqu'à proposer une commission parlementaire strictement sur la filiation, sur aussi l'insémination artificielle, etc., pour faire une espèce de grand ménage en matière de filiation au Québec. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu là-dessus?

Mme Robinson (Ann): Bon. Alors, en fait, ce dont je voulais parler principalement, j'en parle un petit peu dans le mémoire qu'on a proposé, qu'on a déposé, je parle principalement de toutes les dispositions concernant la confidentialité des dossiers à la fois en matière d'adoption et en matière d'insémination artificielle. Alors, même si on reconnaît des droits aux parents présentement, on pourrait reconnaître des droits par le biais de l'adoption ou de l'insémination artificielle aux parents gaies et lesbiennes. On ne touche pas au problème de confidentialité. On ne revient pas sur la question de la confidentialité, et, pour avoir été une militante au Mouvement Retrouvailles dans les années quatre-vingt, je suis obligée de dire que, quand ces enfants-là vont être adolescents, ça risque de poser des problèmes.

Alors, c'est principalement là-dessus que mon questionnement se place, c'est sur la question de la possibilité de la coparentalité, c'est-à-dire non pas d'éliminer des parents. Comme en matière d'adoption, par exemple, quand les parents adoptifs obtiennent un jugement d'adoption, la famille biologique disparaît complètement. Elle n'existe plus. Il n'y a plus aucun lien, et l'enfant ne peut pas avoir de lien juridique, bien sûr, avec ses parents biologiques.

Alors, ce que, moi, je voudrais qu'on ait comme débat de société, c'est qu'on remette en question cette façon qu'on a de faire, tu sais, d'éliminer toujours des parents plutôt que d'additionner des parents. Alors, par exemple, on a au Québec la question de l'adoption plénière, mais, dans certains pays, comme la France, par exemple, on parle d'adoption partielle. Adoption partielle, ça veut dire que l'enfant va continuer d'avoir des liens avec ses parents biologiques. Alors, c'est vraiment... Et ça n'a pas été touché par l'avant-projet de loi, et, moi, je pense qu'on est peut-être rendu à se poser des questions beaucoup plus fondamentales, particulièrement sur cette question-là, de la confidentialité des dossiers et de la disparition des parents.

Le Président (M. Gautrin): Il reste une demi-minute pour le ministre, une dernière question.

M. Bégin: Tout à l'heure, je n'ai pas compris votre réaction quand j'ai parlé de présomption, mais on m'a remis le passage suivant de la page 21 de votre mémoire, et là j'ai compris. Vous dites: «Ainsi, la première règle à abroger sera celle de la présomption de paternité du mari de la mère biologique.» Alors, vous l'avez pris par l'autre bout.

Mme Robinson (Ann): C'est-à-dire, je ne la prends pas par l'autre bout, je suis une féministe, aussi. Alors, pour moi, c'est important de responsabiliser les pères des enfants. Alors, ça fait aussi partie du débat sur la filiation, à mon avis. C'est, au lieu de faire en sorte qu'automatiquement le mari de la mère soit le père de l'enfant: Pourquoi on ne ferait pas en sorte que le père se responsabilise dans un premier geste et qu'il reconnaisse officiellement l'enfant devant le directeur de l'état civil?

M. Bégin: Ce qui ferait qu'il y aurait l'égalité entre les conjoints de même sexe et les conjoints hétérosexuels.

Mme Robinson (Ann): Et voilà!

M. Bégin: Voilà. O.K. Je comprends.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle en la matière.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. M. Hendricks, bonjour. Mme Robinson, bonjour, également. Je crois que l'union civile se veut une institution aussi sérieuse et solennelle que le mariage. Dans la mesure où l'union civile contient une dimension ou un caractère sacré, ne craignez-vous pas qu'il y ait un problème constitutionnel, par exemple que ça soit considéré comme étant une institution miroir ou même un mariage déguisé?

Mme Robinson (Ann): Je ne me suis jamais vraiment posé la question sous cet angle-là. Je pense que ça mériterait de le plaider devant les tribunaux, et c'est le gouvernement du Québec qui se fera un plaisir, j'imagine, de défendre la position que l'union civile n'est pas un miroir du mariage. À mon avis, ce n'est pas ultra vires des droits du Québec que d'adopter des dispositions sur l'union civile. Je ne le pense pas.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Dans votre mémoire, vous dites que «la possibilité offerte par le législateur québécois aux partenaires de même sexe de mettre fin à leur union civile d'un commun accord, au lieu d'être décriée, devrait plutôt être étendue aux époux qui expriment leur volonté réciproque de divorcer. On parlerait alors de "divorce par consentement"».

Le Barreau du Québec fait une représentation, mais un petit peu à l'inverse. Il constate que l'union civile se veut effectivement tout aussi sérieuse et solennelle qu'est le mariage et le Barreau semble considérer que le moyen d'en obtenir la dissolution doit l'être tout autant, à défaut de quoi les gens auront ou auraient l'impression qu'il s'agit d'une union de second rang ou de second ordre. Quelle est votre opinion à ce sujet?

Mme Robinson (Ann): Sur cette question, d'abord il faut dire que la Loi du divorce est une loi fédérale et que, par conséquent, on n'aurait pas pu, par exemple, imposer aux gens unis ou en union civile d'aller se séparer avec la Loi du divorce. Ça n'aurait pas été possible. Je pense qu'il y a une impossibilité matérielle en termes de législation. Ça, c'est la première chose.

Mais ce n'est pas ça qui m'importe en fait, tu sais. Ça fait 20 ans qu'on essaie de convaincre le gouvernement fédéral d'adopter des dispositions dans la Loi du divorce pour permettre le divorce de consentement, parce que 85 %, et je pense que je l'ai dans une note dans mon mémoire, 85 % des dossiers de divorce au Canada sont réglés à l'amiable. Alors, on n'a pas besoin de juge pour régler nos questions de divorce. Donc, on dit: Est-ce qu'il serait possible?

Alors, quand le Québec propose une dissolution possible de consentement devant notaire, on ne peut pas être contre dans ces conditions-là, dans le sens que, à mon avis, c'est une avancée, et on espère qu'au niveau des personnes mariées le gouvernement fédéral un jour accepte l'idée d'un divorce de consentement ou bien que, s'il y a un rapatriement au Québec, que le Québec instaure aussi le divorce de consentement pour les conjoints mariés.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

n(14 h 40)n

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous dites, en ce qui a trait à l'homoparentalité: «une réalité sociale méconnue». Je vais tirer du texte une phrase: «Mais, en y regardant de plus près, on constate rapidement que les règles de filiation ne sont rien de plus qu'une construction sociale propre au monde occidental.»

Mme Robinson (Ann): Oui.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, je vais insister, parce que je suis extrêmement surprise sur l'utilisation des termes «construction sociale». Et je vous demanderais d'élaborer sur ce passage-là, et élaborez de façon à me permettre... Qu'est-ce qu'il en est de l'élément biologique?

Le Président (M. Gautrin): Mme Robinson.

Mme Robinson (Ann): Merci. En fait, c'est une construction sociale. Je vais vous donner juste deux exemples qui vont vous permettre de comprendre pourquoi je dis que c'est une construction sociale.

Si on prend, par exemple, la présomption de paternité du mari de la mère. Alors, on en a parlé un peu tantôt. Alors, si vous êtes marié et que vous mettez au monde un enfant, automatiquement, votre mari est le père de l'enfant. Alors, on dit que c'est une présomption parce qu'on pourrait renverser cette présomption par une preuve contraire, sauf que, si le mari en question laisse passer une année de la naissance de l'enfant, au bout d'un an, l'enfant est automatiquement et systématiquement l'enfant de votre mari. Et, à ce moment-là, même si on a une preuve hors de tout doute et une conviction profonde que l'enfant vient... est l'enfant d'un amant, O.K., après un an, cette paternité ou cette filiation ne peut plus jamais être mise en doute. Alors, c'est une construction sociale dans le sens qu'avec la présomption de paternité du mari de la mère on ne cherche pas la vérité, on cherche plutôt la paix sociale. Et je le mets entre guillemets parce que je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette paix sociale. Mais c'est ce qu'on cherche. Alors, ce n'est pas du tout une vérité biologique, c'est vraiment un arrangement social. Ça, c'est mon premier exemple.

Mon deuxième exemple, c'est la question de l'adoption, et le fait que les parents adoptifs deviennent les seuls parents de l'enfant, et l'enfant perd tous ses droits vis-à-vis sa famille d'origine. Alors, ça... C'est possible que le père et la mère de l'enfant aient abandonné l'enfant et que l'enfant mérite une famille adoptive, mais ce n'est pas pour autant que toute la famille des... la famille biologique, les grands-parents, les frères, les soeurs, etc., méritent qu'on se comporte de cette façon.

Alors, encore une fois, pour la paix sociale ? et je le mets toujours entre guillemets ? on a établi une filiation qui était directe entre le père adoptif et la mère adoptive. Et on a la confidentialité des dossiers. Et, dans l'acte de naissance de l'enfant, on ne fait plus du tout allusion à son premier acte de naissance qui était au moment de la naissance de cet enfant. Alors, c'est dans ce sens-là que je dis que c'est une construction sociale.

C'est sûr que, si on considère les enfants qui nous entourent, 95 % des enfants qu'on connaît ont une filiation tout à fait banale et biologique, et véridique, mais il reste qu'il y a un pourcentage où, déjà, on a établi une construction sociale en disant: Bien, il faut à tout prix qu'on mette un terme à cette question, puis voici ce qu'on doit faire.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa, avez-vous d'autres questions?

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. À la page 21 de votre mémoire, où il est question d'une parentalité solidaire, et d'ailleurs, M. le ministre est revenu là-dessus, si vous me permettez de lire votre premier paragraphe: «Même si toutes ces hypothèses deviennent effectives, les règles de filiation n'auront pas pour autant subi un rajeunissement complet exempt d'hétérosexisme et de discrimination. Pour ce faire, il faudrait procéder à un réaménagement complet des règles de filiation biologique ou d'adoption.»

Pouvez-vous nous donner ou, à votre connaissance, existe-t-il des pays qui auraient procédé à de tels réaménagements des règles de filiation?

Le Président (M. Gautrin): Mme Robinson.

Mme Robinson (Ann): En fait, la plupart, et beaucoup de pays occidentaux qui ont commencé à réfléchir sur la question... Je ne peux pas vous dire. Je n'ai pas une connaissance systématique et automatique de l'ensemble des législations des pays d'Occident. J'aurais tendance à parler plus de l'Europe que des États-Unis, en fait, sur cette question. Mais je sais, par exemple, qu'au Vermont on permet l'adoption pour des couples homosexuels, d'une part. Je sais également qu'aux Pays-Bas on l'autorise aussi. Je sais qu'en France on autorise l'adoption partielle. Alors, l'adoption partielle, ça veut dire qu'on continue d'avoir un lien avec les parents biologiques.

Alors, comme vous voyez, il n'y a pas que des questions d'homoparentalité qui sont en cause quand on parle de la filiation, il y a des questions générales sur toute la filiation. Alors, autant en matière d'adoption que d'insémination artificielle, ça porte également, par rapport... ça a des conséquences également sur les hétérosexuels et pas seulement sur la question de l'homosexualité ou de l'homoparentalité.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Mme Robinson, selon vous, le gouvernement doit-il redéfinir la notion de famille afin de permettre à des couples homosexuels de réclamer des droits parentaux?

Mme Robinson (Ann): En fait, une définition, ce serait dans les directives administratives ou dans les documents d'accompagnement, parce que, dans le Code civil, je ne connais pas de définition de famille. Mais, à mon avis, la notion de famille est une notion sociologique, et il me semble qu'on devrait la laisser évoluer. Et le gouvernement devrait considérer cette évolution parce que, à mon sens, la famille homoparentale existe déjà dans la société, et vous la voyez, et vous allez la voir pendant tous ces jours, je pense. Elle existe déjà, il suffit d'en tenir compte. Il faudrait qu'on en tienne compte dans le Code civil pour amender le Code.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Il vous reste quelques minutes encore.

Mme Lamquin-Éthier: ...

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier, vous avez une question?

Mme Rochefort: Une petite question, Mme Robinson. Vous dites de revoir le terme de «partenaire». Quelles sont vos propositions de ce cas-ci? Et, autre chose, on a entendu beaucoup parler d'hétérosexisme. Je sais que, pour certains, ce n'est pas un terme qui est très, très clair. Est-ce que vous pourriez le définir?

Mme Robinson (Ann):«Partenaire», moi, j'ai... on a marqué dans notre mémoire qu'on était plutôt indifférent à la question. On comprend bien que le gouvernement ne peut pas parler des époux, puisque les époux, c'est un terme qui est réservé au mariage. Bon. Moi, ça ne me pose pas vraiment de problème, et j'aime beaucoup l'idée que «conjoint» reste un terme générique comprenant à la fois la conjugalité de fait et la conjugalité de droit. Ça, c'est pour le mot «partenaire».

L'autre question, c'est...

Mme Rochefort: Concernant l'hétérosexisme. Pour plusieurs, ce n'est pas clair.

Mme Robinson (Ann): L'hétérosexisme. Alors, en fait, l'hétérosexisme, c'est le fait... c'est principalement le fait de voir que toute une société se comporte de façon hétérosexuelle, c'est-à-dire considère des valeurs hétérosexuelles, absolument et tout le temps. L'hétérosexisme est différent de l'homophobie. L'homophobie, c'est la haine ou la discrimination directe à l'égard des homosexuels alors que l'hétérosexisme, c'est plutôt un comportement, un comportement qui fait qu'on fait comme si tout le monde était hétérosexuel et qu'il n'y avait que des lois pour les hétérosexuels. C'est la différence qu'on pourrait donner entre homophobie et hétérosexisme.

Le Président (M. Gautrin): Alors, il ne reste plus beaucoup de temps, mais enfin, vous avez encore une question, Mme la députée de Bourassa. Et je sais qu'à la fin il y a aussi le député de Maskinongé qui avait encore une autre petite question. Alors, peut-être que vous pourrez... de consentement, pouvoir chacun poser vos questions qu'il vous reste.

Mme Lamquin-Éthier: Oui. J'ai repris ce matin, lorsque d'autres groupes sont venus, un passage de votre document qui est à la page 17, où vous évoquez les pratiques administratives de divers fonctionnaires s'occupant d'adoption, et vous dites qu'ils ne retiennent que les demandes provenant de célibataires, de couples mariés ou de couples hétérosexuels vivant en union de fait. Alors, je voulais voir avec vous si vous... Est-ce qu'il est nécessaire de changer la loi? Et, deux, puisqu'il s'agit de pratiques administratives, ne serait-il pas possible pour le ministre d'intervenir en envoyant des directives très claires?

Le Président (M. Gautrin): Mme Robinson.

Mme Robinson (Ann): Merci. À mon avis, quand l'avant-projet de loi va devenir une loi en vigueur, il y aura déjà une volonté politique de reconnaître les partenaires en union civile. Et, à ce moment-là, je pense que les directives administratives seront d'autant plus faciles à comprendre de la part des fonctionnaires qu'on aura une volonté politique formelle de reconnaître les partenaires. Maintenant, si je comprends bien ce que M. le ministre nous a dit en début de rencontre, on irait encore plus loin et on reconnaîtrait les droits des partenaires dans le Code civil, ce qui serait à mon avis l'idéal, c'est sûr, sur cette question-là.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme Robinson.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé, Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Maskinongé, pour une dernière intervention.

M. Désilets: Oui. Mais c'est plus un questionnement qu'une question comme telle.

Le Président (M. Gautrin): Tâchez d'être bref.

M. Désilets: Mais ma question est plus orientée... Madame, vous nous avez demandé tantôt un projet de société où vous voulez qu'on aborde un de vos volets. Vous avez parlé des liens de filiation. On peut, comme commission parlementaire, avoir des mandats d'initiative, mais encore faut-il, avant d'accepter de se donner des mandats d'initiative, avoir un peu plus d'information. Ça fait que si vous pouviez nous faire parvenir un peu plus de documents écrits sur ce que vous vouliez et que vous voudriez exactement, ce que vous entendez par les liens de filiation, pour être capables, nous autres aussi après ça, de réfléchir et orienter un peu le débat.

n(14 h 50)n

Mme Robinson (Ann): D'accord.

Le Président (M. Gautrin): Alors, si je comprends bien, madame...

M. Désilets: Nous faire parvenir aux membres de la commission.

Mme Robinson (Ann): D'accord.

Le Président (M. Gautrin): Si je comprends bien, il y a accord de la part de... de votre part de transférer à Me Breault un document à cet effet-là?

Mme Robinson (Ann): Oui.

Le Président (M. Gautrin): Alors, je tiens à vous remercier, Mme Robinson, M. Hendricks, de votre présentation.

La commission entendra maintenant la Fédération des femmes du Québec, à qui je demanderais de bien vouloir se présenter, à savoir Mme Conradi, Mme Hurteau-Farinas et Mme Caldwell.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Gautrin): Alors, je vous souhaite la bienvenue. Je ne sais qui est Mme Conradi et madame... Vous êtes Mme Conradi?

Mme Conradi (Alexa): Oui, c'est moi, Mme Conradi.

Le Président (M. Gautrin): Alors, c'est très intéressant. Vous connaissez les règles: vous auriez 15 minutes pour présenter votre mémoire, les ministériels auront 15 minutes pour vous questionner, de même que l'opposition. Est-ce que vous auriez la gentillesse aussi de nous présenter les personnes qui vous accompagnent? Parce qu'on en avait trois, et vous n'êtes que deux, alors il en manque une, et on ne sait pas laquelle. Ha, ha, ha!

Mme Caldwell (Evangeline): Je m'appelle Evangeline Caldwell.

Le Président (M. Gautrin): Ah! Parfait.

Mme Conradi (Alexa): Puis madame...

Le Président (M. Gautrin): Donc, c'est Mme Hurteau qui n'est pas là?

Mme Conradi (Alexa): Oui. Malheureusement, elle est tombée malade hier. Donc, elle ne peut pas...

Le Président (M. Gautrin): Écoutez, transmettez-lui nos meilleurs voeux de prompt rétablissement.

Mme Conradi (Alexa): Merci. Est-ce que c'est à nous?

Le Président (M. Gautrin): C'est à vous de commencer, madame.

Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme Conradi (Alexa): O.K. Alors, on vous remercie de nous avoir accueillies en commission parlementaire. La Fédération des femmes du Québec est contente d'être entendue, parce que ça fait maintenant plus de sept ans que, à la Fédération, on s'occupe de la reconnaissance des droits des lesbiennes. Donc, c'est peut-être un fait moins connu, mais, à la Fédération des femmes du Québec, on a entrepris de faire... avec un comité de travail, d'élargir le respect des droits des lesbiennes dans la société québécoise et canadienne.

Alors, avant d'exposer la position de la Fédération des femmes du Québec, je veux vous inviter à écouter un scénario qui est un peu invraisemblable, mais qui nous aide à voir l'évolution des mentalités concernant l'orientation sexuelle et à identifier les pas qu'il reste à franchir.

Donc, je vous invite à imaginer un scénario où ce sont les hétérosexuels et non les gais et lesbiennes qui subissent une grande discrimination juridique et sociale maintenue par toutes les institutions de la société. Alors, ce sont les couples hétérosexuels qui connaissaient, par exemple, l'exclusion, des propos haineux où on nous traitait d'immoraux, pervertis, pédophiles. C'est un monde où on a traité les parents des enfants hétérosexuels comme ils avaient si honte de leurs enfants que parfois ils coupaient tous les liens. À l'école, les enfants de parents hétérosexuels cachaient l'identité de leurs parents afin d'éviter des commentaires disgracieux de leurs pairs. Mais, très déterminés, ces hétérosexuels-là n'ont pas lâché l'espoir de changer les choses. Au fond, ils savaient que leur relation d'amour était aussi valable et sérieuse que celle de la majorité.

À leur grande joie, alors, si on est encore dans l'idée d'un scénario invraisemblable, les hétérosexuels subissent la discrimination, à leur grande joie, la lutte qu'ils ont menée a commencé à porter fruit. Par exemple, en 1969, la décriminalisation des relations hétérosexuelles. Au Québec, on joue dans le sens...

Le Président (M. Gautrin): C'est son scénario hypothétique qu'elle présente...

Mme Conradi (Alexa): Exactement.

Le Président (M. Gautrin): ...à l'heure actuelle pour que les hétérosexuels comprennent la discrimination qu'ils ont vécue.

Mme Conradi (Alexa): C'est ça. En 1976, on voit, avec la Charte québécoise, qu'il y a une interdiction de la discrimination en raison de l'orientation sexuelle. Tranquillement, il semble qu'en ville surtout, en région un peu moins, ils peuvent vivre ouvertement leur hétérosexualité. Des personnalités publiques sortent du placard, on voit des hétérosexuels à la télévision. L'hétérosexualité est enlevée de la liste des maladies psychiatriques. La société devient de plus en plus tolérante, voire même qu'il y en a qui sont tout à fait ouverts à la diversité.

Alors, devant un tel sentiment grandissant de sécurité, plusieurs couples décident de fonder des familles, même si le statut des enfants par rapport aux deux parents n'est pas clair dans la loi. Parallèlement, deux paliers de gouvernement adoptent des lois reconnaissant les conjoints de fait. Il s'agit d'un grand pas en avant. Quelques années plus tard, le gouvernement du Québec est prêt à faire des unions civiles. Les couples hétérosexuels sont ravis; enfin, un statut égal. Mais, à la lecture de l'avant-projet de loi, on s'aperçoit qu'on fonctionne comme si leurs enfants n'existaient pas.

Alors, juste ce petit scénario là pour voir comment finalement on en voit l'évolution dans la société et que, en moins de 50 ans, les gais et les lesbiennes sont passés du statut de hors-la-loi à un statut qui s'approche... l'égalité. L'avant-projet de loi sur l'union civile est un pas dans la bonne direction pour nous, mais il existe quelques éléments qui nous empêchent de l'appuyer entièrement. Donc là on est revenu sur la réalité.

Alors, les avancées qu'on reconnaît dans l'avant-projet de loi, c'est la possibilité de s'unir devant un juge ou dans une institution religieuse. Ça, c'est important parce qu'il parle de l'aspect sérieux de cette relation-là et de pouvoir le faire publiquement devant la communauté. L'héritage sans testament, ça en est un exemple aussi important, une avancée. La question du partage au patrimoine familial et le partage en cas de rupture, ça signifie des exemples importants qu'on voit dans l'avant-projet de loi.

Par contre, quand on regarde dans les limites, nous avons quelques préoccupations importantes. La question de statut égal ou séparé nous préoccupe grandement. Comme femmes et comme représentantes du mouvement des femmes, nous sommes préoccupées qu'on va diviser les statuts en créant un statut particulier pour les gais et les lesbiennes, alors que, comme femmes, par exemple, dans le passé on a connu ça et c'est quelque chose contre laquelle on a lutté très fort; par exemple, les femmes sont bonnes pour être dans la sphère privée et les hommes sont bons pour être dans la sphère publique. Mais on était égal. Tout le monde disait: On est égal, mais on est fait pour être différent. Puis c'est une notion qu'on a rejetée dans notre société, et ce serait dommage de la répéter à l'intérieur du projet de loi.

Aussi, nous pensons qu'avec la possibilité on veut... on souhaiterait que l'avant-projet de loi soit ouvert pour inclure les couples hétérosexuels. Et on pense que probablement il y a beaucoup de femmes qui seraient très contentes de pouvoir s'unir publiquement et de démontrer leur engagement dans une relation dans le contexte d'une union qui n'a pas un passé historique rempli d'oppression, même si on a réussi à enlever tous les aspects juridiques qui venaient contraindre la relation de mariage ? pour les femmes, par exemple, la notion des voeux d'obéissance, le viol conjugal qui était permis jusqu'en 1985. Il y avait plusieurs éléments dans le mariage qu'on a réussi à faire changer. Pour nous, pour beaucoup de femmes, le mariage demeure un symbole qui reflète un passé qui est moins heureux, et on pense que plusieurs personnes pourraient ? femmes en particulier ? être intéressées à s'unir dans le contexte de l'union civile.

Pour ce qui est des enfants, je vous réfère à notre mémoire, à la page 9, on parle carrément... On sait que, pour les enfants, il y a beaucoup de questions que les gens se posent, hein? L'intérêt des enfant est où? Puis je pense que, dans la société québécoise, il y a encore des personnes qui se posent des questions. Et on compte plusieurs préjugés. Donc, nous, on s'était dit que ça pourrait être intéressant d'examiner chacun de ces préjugés-là.

Une des questions qu'on pose, par exemple, c'est: les enfants de mères lesbiennes peuvent avoir des problèmes d'identité, alors que toutes les études démontrent ? l'identité de genre et l'identité sexuelle ? qu'en effet les enfants issus de couples de lesbiennes sont en aussi bonne santé psychosociale, et tout, que les enfants issus de couples hétérosexuels. Ça, c'est un premier mythe.

n(15 heures)n

Un deuxième mythe, c'est que l'absence d'un père handicape le développement des enfants. Puis, premièrement, j'aimerais souligner que, quand on parle d'intérêt, notre désir de voir les droits parentaux inclus dans l'avant-projet de loi, c'est... Il ne s'agit pas de changer le statut de père existant dans le cadre de, par exemple, un couple qui a un enfant et qui se sépare, puis là la mère vit en relation avec une autre femme. Nous ne parlons absolument pas de ces questions-là. La situation, c'est qu'il y a un père et il doit continuer à être un père. Donc, on ne voudrait pas mélanger les cartes.

Donc, dans le cas... Est-ce que l'absence de père handicape le développement d'un enfant? Alors, on voit, dans la société québécoise, énormément de femmes qui sont chefs de famille monoparentale puis on a arrêté de poser cette question-là à toutes ces femmes-là. Alors, on voit que le développement des enfants... C'est toujours plus difficile, par exemple, d'être seul pour élever des enfants, mais on ne questionne plus la santé mentale des garçons.

D'autre part, il y en a un autre, des préjugés, c'est la question: Est-ce qu'il y a un plus grand risque de subir l'inceste? Il y en a qui n'osent plus la poser, mais c'est une question qui se pose dans la tête de plusieurs. Et c'est clair que les enfants issus de familles homoparentales n'ont pas plus... particulièrement chez les femmes où il n'y en a à peu près pas. Et, concernant les hommes gais, bien c'est la même situation qu'avec les pères hétérosexuels. Donc, il n'y a pas... là, il s'agit d'un grand préjugé.

Quatrième question, c'est: Est-ce que les enfants finalement... En fait, finalement, les gais et lesbiennes, est-ce qu'il veulent comme faire subir une vie horrible aux enfants? Parce que la société est pleine de préjugés et, en les envoyant à l'école, ils vont souffrir. Alors, pourquoi pousser autant pour avoir des enfants? Bien, l'amour des enfants n'est pas quelque chose qui est réservé aux hétérosexuels, et donc ce n'est pas en reculant devant les préjugés qu'on règle la question, c'est en luttant ensemble pour faire changer les mentalités. Donc, c'est plutôt une question de lutter ensemble qu'on va voir diminuer ? et même de reconnaître les familles ? qu'on va faire contribuer à diminuer l'homophobie que les enfants peuvent subir à l'école.

Ensuite, en quoi c'est dans l'intérêt des enfants de reconnaître la question de la filiation des droits parentaux complètement? Bien, il y a quelques situations qu'on peut imaginer. Moi, j'ai des connaissances qui ont eu, ensemble, des enfants avec l'aide de l'insémination artificielle, et un de ces enfants-là est asthmatique. Et ils sont allés... Un jour, cet enfant-là était à la maison avec la co-mère, la mère biologique était au travail. Ils devaient se rendre à l'hôpital pour soigner cet enfant-là. Et c'est clair que l'hôpital va faire les soins, mais elle ne pouvait pas admettre l'enfant à l'hôpital. Donc, c'est humiliant pour elle qui doit justifier son lien de parenté avec l'enfant, alors que l'enfant n'est pas dans un contexte où il souhaite voir sa mère devoir négocier avec les instances hospitalières, mais bien que l'enfant puisse avoir sa mère avec lui.

Deuxième situation, c'est dans un couple où il y a deux femmes qui ont été ensemble pendant plusieurs années et chacune a porté un enfant. Donc, on a... Et là, après plusieurs années, il y a eu séparation, et la séparation s'est très mal déroulée et, finalement, la mère biologique d'un des enfants a interdit accès, à la co-mère, à cet enfant-là. Donc, l'enfant a non seulement perdu accès à une mère, mais aussi à l'autre... son frère. Donc, ça, c'est des situations où c'est très... Déjà, pour un enfant, de subir une séparation, ce n'est pas le fun dans la vie d'une famille, mais, en plus, il voit l'accès à la mère puis à son frère complètement réduit. Donc, pour nous, c'est vraiment important d'inclure la question des droits parentaux dans l'avant-projet de loi.

Finalement, dernière question sur laquelle, moi, je veux intervenir ? ensuite, ça va être Mme Caldwell qui va intervenir ? c'est: plusieurs vont parler des ruptures et des procédures qui sont prévues, c'est-à-dire de pouvoir officialiser une rupture devant notaire. Vous avez certainement remarqué que nous, on n'est pas d'accord avec cette proposition-là. Puis on sait que ça pourrait être plus facile, on sait que ça pourrait aller plus rapidement, ce serait moins coûteux, mais la préoccupation que nous portons, c'est pour toutes les relations... pour les personnes qui sont dans des relations inégales, là où il y a violence conjugale. Puis ça, ce n'est pas toujours possible de le dépister facilement. Puis le notaire n'aurait pas tous les moyens pour juger s'il y a eu coercition dans le cas d'une rupture. Et donc ils pourraient se présenter en disant: Oui, on s'entend complètement, et finalement ce n'était pas vrai, mais il ne le saura pas. Alors, la personne plus vulnérable, à la fin d'une séparation, pourrait se voir avec des droits en moins finalement, ou moins respectés que s'ils avaient passé par des procédures de médiation avec juge qui vient entériner le tout.

Alors, ça, c'est la question de médiation, et juste pour vous dire rapidement sur la question des... Non, j'y reviendrai.

Mme Caldwell (Evangeline): ...

Le Président (M. Gautrin): Madame, il vous reste peu de temps si Mme Caldwell voulait intervenir.

Mme Conradi (Alexa): Vas-y avec les recommandations.

Mme Caldwell (Evangeline): Il reste combien de temps, monsieur?

Le Président (M. Gautrin): Il vous reste deux minutes quand même. Je peux être un peu souple, mais je ne peux pas vous éterniser, si vous voulez.

Mme Caldwell (Evangeline): O.K. D'accord. Alors, je pense que ce que je vais faire, c'est peut-être, si vous permettez, un survol de nos recommandations pour les mettre toutes sur la table.

Le Président (M. Gautrin): D'accord.

Mme Caldwell (Evangeline): Et après, nous recevrons vos questions. Alors, comme Alexa a mentionné, les trois points prioritaires sont la question d'élargir l'union civile aux couples hétérosexuels, d'inclure tous les droits parentaux ainsi que la question de la dissolution de l'union civile.

Pour notre première recommandation, c'est de faire que l'union civile soit élargie aux couples hétérosexuels; à statut égal, à citoyenneté pleine et entière, ce qu'un a fait, l'autre... ce qu'un a accès, l'autre devrait y avoir accès. Il y a des questions de seconde classe qu'on pourrait revenir.

Pour la deuxième recommandation, c'est la question de l'article 15 dans le Code civil et c'est vraiment pour s'assurer que, en cas d'inaptitude, il n'y a pas ces scénarios épouvantables où des conjoints qui ont vécu une vie ensemble, un est gravement blessé ou gravement malade et l'autre n'a même pas le droit de rentrer dans la chambre parce qu'il est bloqué par une famille hostile. Alors, nous voulons nous assurer que ce soit très clair que les conjoints sont, de fait, des conjoints.

Pour la troisième recommandation, la troisième, la quatrième et la cinquième, c'est toute la question de la parentalité. Bon, je résume ? question de temps ? droits parentaux: pleins et entiers, je pense que ça fait le point. Il y a des familles homosexuelles, des familles de lesbiennes, des familles de gais, les enfants, là, sont la priorité, et il est très important d'accorder à ces enfants-là les deux parents.

Pour la dissolution de l'union civile, c'est-à-dire les recommandations 6, 7 et 8, nous proposons... nous avons de sérieuses réserves à ce que ce soit fait devant le notaire, et les réserves, c'est... à la base de ces réserves-là, c'est une question de: il y a des gens vulnérables, intimidés, parfois violentés dans les couples, que ce soient les couples lesbiennes, gais, hétérosexuels. Et, pour nous, à la Fédération des femmes du Québec, il est très important que ces gens-là soient protégés autant que possible. Alors, nous pensons que la protection qui est offerte à la dissolution de mariage, disons, ce genre de protection là est un peu mieux que ce qui serait offert par... de passer chez le notaire. Même s'il n'y a pas d'enfant, il peut toujours y avoir des abus dans des couples.

Alors, pour la recommandation 9 ? on m'a glissé mot, et je vais juste vite, passer vite, vite ? c'est la question de l'article 365 du Code civil et c'est la recommandation de dire que nous enlevons les mots «un homme et une femme» pour remplacer avec «des personnes».

Et la dixième et dernière recommandation, c'est d'utiliser le mot «conjoints» pour définir les membres d'un couple d'union civile.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme Caldwell. Alors, nous allons passer à la période d'échange. Et vous commencez les échanges, M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Mme Conradi, Mme Caldwell. Quelques questions. Pour la première, peut-être n'arriverai-je pas à la formuler correctement, en tout cas, je vais essayer de m'expliquer: Vous avez demandé qu'on accorde aux hétérosexuels l'accès à l'union civile. Vous avez donné comme exemple une personne, une femme ou des femmes, plusieurs femmes, qui ne voudraient pas aller au mariage, qui ne veulent pas aller au mariage, mais qui iraient à l'union civile si ça leur était offert. Est-ce que je vous ai compris jusqu'à date?

n(15 h 10)n

Mme Conradi (Alexa): En fait, c'est un couple hétérosexuel qui souhaiterait s'unir et s'engager publiquement, mais qui ne voit pas l'intérêt de le faire sous régime de mariage, mais qui serait tout à fait...

M. Bégin: Hétérosexuel.

Mme Conradi (Alexa): Oui, hétérosexuel.

M. Bégin: Parfait. Alors, j'avais bien compris ce que vous voulez dire. Ce matin, nous avons entendu des groupes, et là je vous avoue honnêtement que je ne sais plus trop où me situer. Certains ont dit: On veut l'avoir, mais c'est condition... même c'est essentiel qu'on l'ait, sinon tout ce projet-là ne veut rien dire. Le deuxième groupe dit: Nous, on voudrait avoir... on pourrait garder ça tel quel dans la mesure où il y a une clause crépusculaire qui dit que, lorsque le gouvernement fédéral adoptera le mariage homosexuel, à ce moment-là, on n'aura plus besoin de cette institution qui est une troisième institution. Donc, on peut l'accepter momentanément, mais on pourrait l'effacer lorsque le gouvernement fédéral le ferait.

Avec votre exemple, ça ne marche plus parce que vous me dites qu'il y a des gens hétérosexuels qui voudraient garder, même après que le gouvernement fédéral aurait favorisé le mariage homosexuel, qui voudraient garder la troisième institution qui serait l'union civile. J'avoue, là, que j'ai un petit problème à concilier les trois avenues. Qu'est-ce que vous me proposez?

Le Président (M. Gautrin): Mme Conradi.

Mme Conradi (Alexa): Est-ce que vous pourriez m'expliquer un petit peu quel est le problème de conciliation que vous y voyez?

M. Bégin: Bien, c'est parce que...

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: ...certains nous disent: On ne veut pas avoir du tout, du tout une union civile réservée exclusivement aux homosexuels. Le deuxième nous dit: Non, non, c'est très bien parce que c'est une situation temporaire. Demain ou après demain, un jour, nous aurons un mariage homosexuel, donc nous n'aurons plus besoin de cette institution qu'est l'union civile, puisque c'est temporaire, c'est pour pallier à un problème qu'on a. Parfait jusque-là, je raisonne bien. Mais là vous me dites: Non, je veux garder l'union civile même après que le mariage homosexuel soit favorisé, donc vous plaidez pour le maintien de trois institutions. J'avoue, là, que j'ai un problème.

Le Président (M. Gautrin): Mme Conradi.

Mme Conradi (Alexa): Oui. Alors, peut-être, ce qu'on pourrait faire dans un cas comme ça, c'est de voir avec l'évolution du temps et de pouvoir évaluer la situation dans quelques années. Parce que, en effet, c'est une question que... ça serait une expérimentation, on ne le sait pas. Comme des personnes qui ont témoigné plus tôt aujourd'hui ont dit: Dans les pays où c'est offert aux deux, en effet c'est les pays où il y a le plus de demandes d'union civile, donc, on ne sait pas exactement. Nous, on présume que ce serait le cas, qu'il y a des femmes qui voudraient s'unir avec leur conjoint dans le cas de ce régime-là, mais on pourrait prendre le temps de voir quels sont les effets puis de juger plus tard.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Dans un autre registre, celui de la dissolution, vous recommandez qu'il y ait maintien d'une formule identique à celle du mariage quant à sa dissolution, c'est-à-dire ratification par le juge. Je dis le mot «ratification» à bon escient. Ce matin, des gens nous ont dit ? ou cet après-midi: Nous ne pensons pas qu'on ait besoin, puisque de toute façon, c'est le premier intervenant, au niveau de la première ligne, que ce soit l'avocat ou le notaire, qui peut, par le contact, l'échange et la rédaction éventuelle d'un consentement, déceler si, oui ou non ? et je reprends votre exemple ? il y a, voyons, violence conjugale, pour ne prendre que cet exemple-là, le juge étant appelé à ratifier en quelque sorte cette chose-là.

J'ai une note à l'effet que, à Québec et à Montréal, c'est le protonotaire spécial, un greffier, qui fait la ratification, autrement dit hors la présence des partis, et qu'il le fait à la vue des documents qui sont déposés devant lui. Est-ce qu'à ce moment-là on a cette garantie additionnelle que vous vouliez avoir en disant qu'on voulait garder ça devant les tribunaux?

Le Président (M. Gautrin): Mme Conradi.

Mme Conradi (Alexa): Si je comprends votre question ? puis vous me direz si ce n'est pas tout à fait le cas ? vous êtes en train de dire que, au niveau du divorce, actuellement, entre couples hétérosexuels qui sont mariés, et quand il y a une entente entre les deux parties qui est conclue en médiation, c'est un greffier qui signe ça puis ce n'est pas un juge qui regarde la question.

M. Bégin: Exact. À Québec et à Montréal.

Mme Conradi (Alexa): Et puis est-ce que... Je ne pourrai pas y répondre comme experte là-dessus. Ce que je pourrais vous dire, c'est que les groupes qui interviennent, les groupes de femmes qui interviennent dans le cas de violence conjugale m'ont dit et ont expliqué avec beaucoup de fermeté l'importance de protéger les deux parties. Et là, probablement, elles auraient de très fortes critiques sur cette pratique-là à Montréal puis à Québec...

M. Bégin: Peut-être.

Mme Conradi (Alexa): ...et que, en effet, j'ai parlé avec une avocate qui intervient justement avec des femmes victimes de violence conjugale avec le régime actuel, O.K., puis, ce qu'elle m'a expliqué, c'est qu'en principe ? alors là ça dépend, elle n'est pas à Montréal, c'était à Saint-Jean ? le fait de pouvoir... que le juge puisse voir, c'est comme une protection supplémentaire. Si on enlève cette protection-là, c'est la responsabilité du notaire, mais ça ne veut pas dire que toute la question est résolue parce que les médiateurs, médiatrices ? ou, peut-être, c'est le cas des notaires ? ne sont pas tous formés à voir à ce que le respect des droits de tout le monde là-dedans... Donc, par exemple, nous, on pourrait imaginer des cas où, finalement, il y a une séparation et, à la suite de la séparation et de l'entente, les deux parties n'ont pas le respect de leurs droits.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Juste une petite correction.

Mme Conradi (Alexa): Oui.

M. Bégin: Dans l'avant-projet de loi, au niveau de la dissolution, seul le notaire peut intervenir, pas les autres personnes qui sont aptes à faire de la médiation, ce qui ne veut pas dire que les parties, dans le but d'en arriver à une dissolution, ne peuvent pas consulter un médiateur, et tout ça. Mais, ultimement, c'est le rôle du notaire, qui serait de faire le travail d'information et de vérifier si, oui ou non, tout ça se fait bien. C'est un consentement libre et volontaire.

Une dernière question: L'article 15. Mme Demczuk comparaissait pour... dans un mémoire ? c'est lequel? Celui-ci? C'est la Coalition? Dans la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe ? disait à la page 22 ? je pense que c'est intéressant parce que ça peut aider à comprendre bien votre position: «Afin de corriger cette situation, le ministre de la Justice propose, à l'article 142 de l'avant-projet de loi, de modifier l'article 61 de la Loi d'interprétation [...] et d'ajouter une définition de conjoint qui se lit ainsi[...] ? bon. Notre interprétation de cette insertion est la reconnaissance aux conjoints de même sexe des mêmes droits que les époux sur la question du consentement aux soins. Nous accueillons très favorablement cet amendement qui permettra d'éviter les situations déchirantes vécues par plusieurs conjoints de même sexe au cours des dernières années.»

Je pourrais arrêter là et dire que Mme Demczuk est tout à fait d'accord avec l'amendement. Cependant, elle ajoute ceci: «Toutefois, pour éviter les erreurs d'interprétation, nous demandons au ministre de la Justice de modifier l'article 15 du Code civil du Québec afin d'y inclure nommément les conjoints de fait et les conjoints en union civile au même titre que les époux comme premiers mandataires pouvant consentir aux soins de leur conjoint dont l'inaptitude est constatée.»

Êtes-vous d'accord avec cette approche de Mme Demczuk qui dit: Oui, c'est vrai que l'article 142, quand on le lit bien, donne satisfaction concernant la question du consentement aux soins. Cependant, si ce n'est pas aussi évident que ça devrait l'être, pourquoi ne pas l'amender pour le rendre transparent et parfait? Est-ce que vous partagez cette analyse-là?

Le Président (M. Gautrin): Qui veut répondre?

Mme Caldwell (Evangeline): Je vais tenter de répondre.

Le Président (M. Gautrin): Mme Caldwell.

Mme Caldwell (Evangeline): Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas juriste, et c'est ma première expérience avec le Code civil.

Le Président (M. Gautrin): ...très bien.

Mme Caldwell (Evangeline): Je connais bien Mme Demczuk et je connais son expertise et, si elle est satisfaite, je suis satisfaite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: ...vous, là.

Le Président (M. Gautrin): Bon. Est-ce qu'il reste un autre point?

Mme Conradi (Alexa): Si je peux ajouter? M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter...

Le Président (M. Gautrin): Oui, bien sûr, Mme Conradi.

Mme Conradi (Alexa): En fait, vous parlez... Dans cette question de l'article 15, on parle d'ouvrir la question aux conjoints de fait et aussi conjoints en union civile, puis ce qu'on souhaiterait, c'est que l'ensemble des éléments incluant les droits parentaux soit ouvert non seulement aux couples sous le régime d'union civile, mais aussi aux conjoints de fait.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que M. le député de Frontenac, M. le député de Maskinongé, vous vous concertez? Vous avez une question?

M. Désilets: Non.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac? Alors, Mme la députée de Bourassa, au nom de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Votre cinquième recommandation, vous mentionnez: «Nous recommandons que les Centres jeunesse du Québec éliminent leurs pratiques discriminatoires et permettent, dans l'intérêt de l'enfant, aux couples de même sexe d'adopter conjointement un enfant et de bénéficier de tous les droits parentaux habituellement conférés aux adoptants.»

Alors, dans votre recommandation, vous évoquez donc des pratiques discriminatoires. Quand on regarde le mémoire de l'Association des centres jeunesse du Québec, ils y voient beaucoup plus, en fait, que des pratiques discriminatoires, puisqu'un avis légal des membres du Comité des Contentieux de l'Association des centres jeunesse du Québec y voit carrément, clairement, une certaine ambiguïté quant à la possibilité pour des couples de même sexe d'adopter, et cette ambiguïté-là découle, selon eux, de l'économie générale du Code civil.

n(15 h 20)n

Alors, je voulais vous demander: Vous, vous parlez de pratiques discriminatoires, et eux parlent d'une ambiguïté, et porter à votre attention un jugement de la Cour d'appel, P. c. G., qui a été rendu le 11 octobre 2000. Et, dans ce jugement-là, je vous fais lecture: «Le tribunal en arrive à la conclusion qu'il suffit de mentionner que les textes législatifs qui traitent de l'adoption n'excluent a priori aucune personne sur la base de son orientation sexuelle.» Alors, je pense que c'est important. Je crois comprendre qu'il y aurait un avantage et qu'une porte serait ouverte. Qu'en pensez-vous?

Le Président (M. Gautrin): Mme Conradi ou Mme Caldwell.

Mme Conradi (Alexa): Oui. En fait, si on comprend bien, il y a interprétation contradictoire et peut-être que la recommandation va dans le sens de clarifier la question et que nous souhaitons que le ministre, par exemple, donne une directive très claire aux centres de la jeunesse, que ces centres jeunesse, qu'ils ont une obligation de considérer et pas de rejeter d'emblée les candidatures de couples de même sexe ou de personnes célibataires.

Mais donc, en fait, la question principale, c'est... Là, il y a toutes sortes d'avis. Si j'ai compris, au niveau du jugement, ça dit que, normalement, on peut le faire...

Mme Lamquin-Éthier: Exact.

Mme Conradi (Alexa): ...et c'est au niveau des centres jeunesse que ça bloque. Alors, en fait, il dit: Va pas jusque-là. Mais alors si c'est ça, là où ça bloque, bien, en fait, il faut clarifier la situation puis s'assurer qu'il y a un respect de la loi.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Donc, tel que vous le mentionnez, vous croyez pertinent et utile que le ministre de la Justice puisse intervenir et envoyer un avis aux fonctionnaires pour clarifier justement la situation.

Le Président (M. Gautrin): Mme Conradi.

Mme Conradi (Alexa): Absolument.

Mme Lamquin-Éthier: Donc, c'est une recommandation que vous pourriez lui faire.

Le Président (M. Gautrin): Mme Caldwell.

Mme Caldwell (Evangeline): Merci. Si je peux me permettre, pour des questions de clarté, et je pense que c'est ça qu'on veut aller chercher, j'inclurais non seulement l'orientation sexuelle, mais les couples gais et les couples lesbiennes pour que ce soit vraiment le plus clair possible, parce que je pense que c'est vrai qu'il peut y avoir interprétation que, sans égard à l'orientation sexuelle, mais c'est... parfois, ça accroche quand ça devient une question de couple.

Nous avons maintenant une situation très ambiguë où il y a au moins un centre de jeunesse anglophone, qui s'appelle Batshaw, qui permet l'adoption. Alors, il y en a qui ne le permettent pas et il y en a qui le permettent. Vous avez tout à fait raison. Ça a besoin d'être clarifié.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Mme Caldwell, je trouve intéressant ce que vous nous mentionnez. Donc, vous nous dites qu'il y a une différence entre Caldwell et d'autres centres jeunesse.

Mme Caldwell (Evangeline): Batshaw. Moi, c'est Caldwell. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Batshaw. Batshaw. D'ailleurs, nous allons les recevoir après. C'est eux qui vont venir témoigner.

Mme Lamquin-Éthier: Alors...

Mme Caldwell (Evangeline): Oui, tout à fait, oui. Il ne devrait pas y en avoir, ça n'a aucun sens.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Exact. Pourquoi est-ce qu'on arriverait à deux interprétations différentes, alors que le texte... En tout cas, l'Association des centres jeunesse vont être entendus, ils vont pouvoir nous expliquer. Parce que le texte dit bien: «Toute personne majeure peut, seule ou conjointement avec une autre personne, adopter un enfant.» Et, justement, le jugement de la Cour d'appel semble... enfin, dit expressément que les dispositions actuelles n'excluent pas, a priori, aucune personne sur la base de l'orientation sexuelle.

Le Président (M. Gautrin): Mme Caldwell.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui, je comprends. Vous avez mentionné, vous avez fait un ajout comme conjoint.

Le Président (M. Gautrin): Mme Caldwell veut ajouter quelque chose. Mme Caldwell.

Mme Caldwell (Evangeline): Excusez. C'est juste pour rajouter que, dans la réalité, sur le terrain, c'est tout à fait bloqué. Ça ne fonctionne pas. Et ce que nous demandons, c'est de le faire fonctionner, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier, vous avez une question? Vous n'avez plus de questions? Oui, vous avez une question, Mme la députée de Mercier?

Mme Rochefort: Toute petite question.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier.

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. La recommandation 8, vous recommandez que les médiateurs et médiatrices accrédités reçoivent une formation particulière sur les réalités gaies et lesbiennes ainsi que sur la violence conjugale. Est-ce que vous pourriez nous donner des chiffres sur ce mythe qui veut qu'il n'y ait pas de violence dans les couples gais et lesbiennes?

Le Président (M. Gautrin): Mme Conradi.

Mme Conradi (Alexa): Pour ce qui est des chiffres, ça me ferait plaisir d'aller chercher ce qu'il y a comme chiffres et vous les faire parvenir. Ce qu'on sait, c'est... Par exemple, il y a un groupe d'intervention qui existe pour la violence conjugale chez les lesbiennes, puis une des choses qu'on sait, c'est qu'actuellement ces femmes-là, quand elles fuient leur situation conjugale, elles vont fuir et elles vont tout perdre. Elles laissent l'appartement, tout leur stock dedans. S'il y a des enfants en cause dans cette... elles laissent tout parce qu'elles n'ont aucune protection. Donc, pour ce qui est des chiffres, il va falloir qu'on regarde.

Et la façon qu'on peut... comme je comprends la situation, c'est que ce n'est pas vrai que toutes les personnes qui s'unissent vivent toujours une relation égalitaire. On le sait très bien, on le voit autour de nous, des relations hétérosexuelles et des relations homosexuelles. Puis ce qui serait de valeur, c'est qu'au nom de la simplicité on fasse semblant puis on cache une réalité ou on fait semblant qu'il n'y a pas cette réalité, comme on a fait avec la violence conjugale entre couples de sexe opposé pendant autant d'années. Donc, ça, il faut être capable d'intervenir, et surtout pour protéger les enfants puis la personne vulnérable.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Alors, écoutez, s'il n'y a plus de questions, je tiens à vous remercier, Mme Caldwell, Mme Conradi, de votre témoignage. Vous voulez rajouter quelque chose, Mme Conradi?

Mme Conradi (Alexa): Oui, merci. C'est juste qu'il y avait la partie de formation pour les réalités. Puis une des choses, c'est qu'on sait que la société a encore des préjugés qui existent à l'égard des gais et lesbiennes et qu'il y a peu de connaissances sur la situation des gais et lesbiennes dans beaucoup de cas. Alors, la notion de médiation et que des personnes soient formées... C'est parce que, des fois, si on est malhabile, on ne sait pas exactement comment intervenir. L'idée, c'est de pouvoir outiller les personnes.

Puis, dernière chose, c'est que, quand on parle de reconnaissance de la filiation dans le cas d'une mère qui a eu recours à l'insémination, ce qu'on souhaiterait aussi, c'est que la co-mère puisse, à la naissance, signer l'acte de naissance de façon volontaire. On n'a pas pu aborder ça.

Le Président (M. Gautrin): Oui. Alors, il reste... une dernière petite question, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: ...

Le Président (M. Gautrin): Oui, vous savez, c'est ma générosité habituelle.

M. Boulianne: Est-ce que... Vous parlez du projet de loi, vous dites qu'il y a beaucoup d'améliorations, il y a des avancées, c'est le mot que vous employez, le «patrimoine», l'«héritage», etc. Mais est-ce qu'on peut conclure, ou encore, d'après le mémoire, est-ce que vous êtes pour le projet de loi ou contre le projet de loi, à la Fédération des femmes?

Le Président (M. Gautrin): Mme Conradi.

Mme Conradi (Alexa): Ha, ha, ha! Alors, la question ne se pose, pour nous, pas entièrement comme ça. Il y a des aspects avec lesquels on est tout à fait à l'aise, mais, pour être capables de l'appuyer entièrement, il y a des éléments manquants et, pour nous, il va falloir les voir, là. Par exemple, la question de la parentalité est des plus importantes.

M. Boulianne: Mais vous savez qu'il y a des impossibilités. Vous parlez... vous spécifiez l'article 365. Il faut qu'il soit changé, sans ça vous n'appuyez pas le projet de loi. Alors là on a une impossibilité, là, qui...

Mme Conradi (Alexa): Bien, le ministre a semblé, si j'ai bien compris, annoncer, ce matin, son intérêt à inclure... à changer l'article 365.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulianne: Merci.

Le Président (M. Gautrin): Alors, merci, M. le député de Frontenac. Alors, Mme Conradi, Mme Caldwell...

Mme Conradi (Alexa): Merci.

Le Président (M. Gautrin): ...je tiens à vous remercier de votre présentation.

Je vais suspendre nos travaux pour deux minutes et, pendant la période de suspension, demander aux représentants de l'Association des centres jeunesse, M. Jacques Dumais et Me Michèle Lefebvre, de bien vouloir s'approcher. Alors, on est suspendu pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 29)

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Gautrin): ...et un agenda à suivre, alors... Merci. Alors, la commission reprend ses travaux.

Ça me fait plaisir d'accueillir l'Association des centres jeunesse du Québec, représentée ici par M. Jacques Dumais, qui est le directeur de la protection de la jeunesse, centre jeunesse Chaudière-Appalaches, et Me Michèle Lefebvre, qui est responsable du contentieux aux Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw dont on a parlé il y a un instant. Alors, je ne sais pas qui de vous deux doit témoigner le premier, M. Dumais ou Me Lefebvre?

Association des centres
jeunesse du Québec (ACJQ)

M. Dumais (Jacques): Bonjour, M. le Président. Bonjour, mesdames et messieurs. Évidemment, avec ce que nous avons entendu, et il semblerait que, depuis le matin, on parle de l'Association des centres jeunesse ou des centres jeunesse et des DPJ, donc il est important que nous soyons ici en fin de journée.

D'abord, quelques mots très rapides sur l'Association des centres jeunesse. C'est un regroupement de 16 centres jeunesse du Québec. Dans chacun de ces centres jeunesse du Québec, il y a un directeur de la protection de la jeunesse et il y a aussi un service de contentieux dans chacun des centres jeunesse qui permet de représenter le DPJ en cour, ou ses intervenants, parce que ce n'est évidemment pas toujours le DPJ personnellement qui va en cour, et aussi de produire différents avis juridiques qui éclairent les décisions que nous devons prendre comme directeurs de la protection de la jeunesse.

Et, peut-être avant d'aborder la question de l'adoption par des conjoints de même sexe, j'aimerais peut-être juste vous faire très rapidement un rappel du rôle du directeur de la protection de la jeunesse en matière d'adoption, tel que l'a prévu le législateur. Le premier rôle que nous avons comme directeurs, c'est de recevoir les consentements d'adoption ou encore de faire déclarer par la cour un enfant admissible à l'adoption. C'est notre première responsabilité en matière d'adoption. La deuxième, c'est évidemment celle qui nous concerne aujourd'hui beaucoup aussi, évaluer les capacités parentales des postulants à l'adoption; c'est une responsabilité importante. Évaluer aussi les besoins des enfants adoptés. Procéder, évidemment, au jumelage des enfants adoptables avec des parents adoptants. C'est aussi demander à la cour de placer les enfants en vue d'adoption suite au pairage que nous avons fait entre un enfant et des parents. C'est aussi procéder au suivi psychosocial de ces enfants-là dans leur nouvelle famille ? habituellement, un suivi de trois à six mois ? pour s'assurer de l'intégration de l'enfant dans son nouveau milieu. Et évidemment, l'étape finale, c'est d'accompagner les parents adoptants pour l'obtention d'un jugement final en matière d'adoption. Voilà, en bref, les différentes responsabilités qui incombent aux directeurs de la protection de la jeunesse en matière d'adoption.

n(15 h 40)n

Évidemment, on est ici pour parler de l'épineuse question de l'adoption par un couple de même sexe, et je laisserais, dans un premier temps, la parole à Me Lefebvre, parce que, comme directeurs de la protection de la jeunesse, nous avons demandé à nos contentieux de nous produire un avis juridique sur l'état actuel du droit au Québec pour pouvoir poursuivre, après, notre réflexion sur les décisions que nous avons à prendre lorsque des couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, se présentent devant nous pour être des parents adoptants et éventuellement être aussi pairés à un enfant qui veut être adopté.

Le Président (M. Gautrin): Me Lefebvre.

Mme Lefebvre (Michèle): Oui, bonjour. Alors, effectivement, je suis une des cosignataires de cet avis juridique auquel fait référence M. Dumais. Également, cosignataires avec moi, il y avait le responsable du contentieux des centres jeunesse de Montérégie et le responsable du contentieux des centres jeunesse de Montréal. Alors, ça a fait consensus, et l'avis a été validé par l'ensemble des contentieux.

Essentiellement, la question qu'on nous a posée, c'était à savoir si l'adoption d'un enfant par des personnes de même sexe était possible en droit québécois. Alors, évidemment, la première démarche qu'on a faite, c'est d'examiner les dispositions du Code civil du Québec, les dispositions sur l'adoption contenues au Code civil. Alors, on l'a dit tout à l'heure, l'article 546 semble assez clair: «Toute personne majeure peut, seule ou conjointement avec une autre personne, adopter un enfant.» Alors donc, on voit bien que l'orientation sexuelle, pas plus que l'état matrimonial d'ailleurs, n'a été retenue comme facteur permettant de qualifier ou de disqualifier un adoptant. D'ailleurs, l'orientation sexuelle, on le sait, est un motif de discrimination qui est prohibé à la Charte des droits et libertés, à l'article 10. De plus, les dispositions préliminaires du Code civil précisent que le Code civil régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne, les rapports entre les personnes, les personnes mêmes, les rapports entre les personnes, et les deux.

Donc, il semble effectivement très clair de cette disposition-là et des autres dispositions sur l'adoption que deux personnes de même sexe formant un couple peuvent être requérants en adoption. Je devrais qualifier «a priori». Effectivement, c'est ce qu'il apparaît du Code civil. Cependant, si on regarde les autres dispositions du Code civil, parce que, effectivement, tout s'interprète eu égard aux autres dispositions... alors, on s'aperçoit rapidement que les autres dispositions du Code civil ne sont pas si neutres dans leur rédaction, et particulièrement si on regarde les dispositions relatives à l'autorité parentale, par exemple, à la filiation, à la tutelle légale, au registre de l'état civil, à l'acte de naissance, au nom. Et, si on regarde, par ailleurs, même la définition de «parent» qui est donnée, qui est contenue à la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est bien clair qu'on parle ici en termes de père et mère. Donc, à la lumière de ça, on peut effectivement penser que le législateur n'a peut-être pas voulu inclure les couples de même sexe au livre De la famille.

Je pense que c'est à cette lecture ou... je soumets que c'est peut-être à cette lecture des dispositions du Code que le ministre faisait référence lorsque, dans le projet de loi, il a dit que le gouvernement avait fait le choix de ne pas inclure l'adoption dans les amendements ou dans les dispositions proposées au projet de loi sur l'union civile.

Bref, si je résume, rien ne prohibe l'adoption par des personnes... par un couple du même sexe dans le Code civil, mais rien ne garantit non plus que les tribunaux accorderont ou acquiesceront à cette demande.

L'autre aspect de la question qu'on nous a demandé d'examiner, c'était à savoir... les responsabilités du directeur de la protection de la jeunesse lorsque des postulants de même sexe faisaient une demande d'adoption. Alors, à notre avis, le directeur se doit de recevoir leur candidature et de les évaluer comme candidats à l'adoption, parce que, effectivement, les exclure serait contraire aux dispositions de la Charte, et québécoise et canadienne. Alors donc, le directeur doit les évaluer. Et la prochaine étape, M. Dumais vous l'expliquait, c'est le processus de pairage ou de jumelage, le processus par lequel le directeur place un enfant dans une famille pour fins d'adoption. Et, finalement, c'est là que tout se joue parce que le seul critère, effectivement, que le directeur doit retenir dans ce choix-là, c'est l'intérêt de l'enfant. Alors, sa seule préoccupation, sa préoccupation principale, c'est de répondre aux besoins de l'enfant. Le directeur a l'obligation de placer l'enfant dans le milieu qui sera le plus profitable à cet enfant-là, mais... et ça se complique donc parce que, si le directeur place l'enfant pour fins d'adoption avec un couple de même sexe, il court un risque pour l'enfant, et le risque n'est pas tellement lié aux couples de même sexe, parce qu'il les aura évalués ou il aura évalué les deux personnes, le risque est beaucoup plus lié à, finalement, l'incertitude du droit face à cette question-là, parce qu'il court le risque que cet enfant-là ne puisse jamais voir son adoption ou son projet d'adoption complété.

Alors, c'est essentiellement le sens de l'avis que nous avons donné aux directeurs de la protection de la jeunesse. Alors, ils étaient face à ce risque, et ils ont pris les décisions qu'ils ont prises.

Le Président (M. Gautrin): M. Dumais, vous voulez compléter votre témoignage?

M. Dumais (Jacques): Oui. C'est que, dans le fond, même s'il y avait des ambiguïtés qui persistaient sur le plan légal, nous avons poursuivi notre réflexion, tant sur le plan clinique et sur le plan social, pour aboutir à un avis qui a été traduit par les DPJ en septembre 2001, et c'est un avis qui est actuellement exécutoire dans tous les centres jeunesse. Évidemment, ça ne date pas de bien des années, ça date de quelques mois, mais c'est un avis, puis je vais vous résumer en très bref qu'est-ce que contient l'avis.

En résumé, ce qu'on dit dans l'avis, c'est que toutes les décisions prises par le DPJ doivent l'être dans l'intérêt de chacun des enfants. Donc, il faut regarder la situation de chaque enfant, personnellement. Ce qu'on dit aussi, c'est que l'évolution du contexte social a fait émerger différents modèles familiaux; on parle de la famille élargie, de la famille nucléaire, de la famille reconstituée, de la famille monoparentale, et maintenant on parle aussi de famille de conjoints de même sexe, ça fait partie de l'évolution sociale au Québec.

L'évolution, aussi, des connaissances cliniques nous démontre que les capacités parentales, ça ne se mesure pas à l'orientation sexuelle des gens, ça se mesure par l'engagement, par l'équilibre personnel des personnes, par l'investissement affectif que ces personnes-là peuvent donner, et c'est ça qui est garant pour la sécurité des enfants, ces éléments de continuité, aussi, d'un parent, peu importe... que peuvent être ses orientations sexuelles.

n(15 h 50)n

Et aussi, on a discuté avec des chercheurs de l'université, où on nous a fait démontrer que le recensement des recherches tant québécoises, canadiennes, américaines, européennes... qu'il n'y a aucune base scientifique qui vient confirmer que les personnes homosexuelles seraient des moins bons parents, et il n'y a aucune recherche qui dit que le développement psychosocial et psychosexuel des enfants serait compromis sous quelque forme que ce soit s'ils vivent dans un milieu homosexuel ou hétérosexuel.

Donc, à la lumière de ces éclairages légaux, ces éclairages cliniques et sociaux, c'est qu'on a convenu, comme DPJ, qu'on doit procéder à l'évaluation de toute demande, quelle que soit l'orientation sexuelle des couples adoptants. On a convenu qu'il faudrait quand même informer ces personnes-là qu'il y a encore une ambiguïté dans le droit, à moins que le projet de loi réduise ou élimine un certain nombre de ces... Mais on pense qu'il y a encore des ambiguïtés dans le... comment les juges vont se comporter lorsqu'ils seront face à une situation d'adoption. On a aussi convenu qu'en regard des capacités parentales des personnes adoptantes du même sexe il est toujours possible de procéder à un jumelage avec un enfant, actuellement, et qu'on a l'obligation d'accompagner ces gens-là autant dans les démarches légales que dans l'intégration de l'enfant dans ces familles-là.

Mais je vous dirais juste un petit mot sur la réalité des enfants adoptables aujourd'hui. Je pense qu'il faut s'enlever dans l'idée que le petit bébé blond aux cheveux bleus... blond aux yeux bleus ? aux cheveux bleus; maintenant, ils pourraient être bleus, oui, peut-être pas à la naissance... C'est que, d'abord, on n'en a à peu près plus, d'enfants, de jeunes enfants qui sont adoptés à la naissance. La réalité de l'adoption québécoise qu'on a chez nous, dans les centres jeunesse, c'est que la très grande majorité des enfants adoptés sont des enfants âgés qui ont une expérience de vie souvent douloureuse, souvent des carencés aussi. Mais c'est la réalité de ceux qu'on reçoit aujourd'hui. La très grande majorité des enfants adoptés ont vécu dans une ou plusieurs familles d'accueil avant de pouvoir être adoptés et sont souvent adoptés par cette famille d'accueil là pour s'assurer du maintien du lien ou de l'attachement qui a pu être créé. Et je vous dirais que, depuis plusieurs années, les centres jeunesse ont des familles d'accueil de couples homosexuels, ce qui posait beaucoup moins de problèmes que l'aspect légal par rapport à l'adoption. C'est donc clair actuellement que les enfants qui ont besoin d'adoption, que nous recevons en centre jeunesse, peuvent être aussi bien pairés à un couple hétérosexuel qu'à un couple homosexuel, dépendamment de qu'est-ce qui est dans l'intérêt de cet enfant-là et quelles sont les capacités ou le bagage que peut apporter ce couple adoptant.

Je terminerai en vous disant que l'actuel projet de loi sur l'union civile, à notre avis, devrait être complété pour non seulement rendre justice aux conjoints de même sexe, mais aussi donner aux enfants de couples homosexuels les mêmes droits et les mêmes privilèges quoi qu'advienne la vie du couple, que ce soit la séparation, le décès. Donc, pour nous, on va plaider pour que les enfants aient les mêmes droits, peu importe dans quel type de famille ils peuvent vivre.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Dumais. Je passerai la parole maintenant, pour le parti ministériel, au ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, M. Dumais, Mme Lefebvre. Plusieurs intervenants ce matin ont dit: Il faudrait demander au ministre d'émettre des directives pour que le DPJ émette... les centres jeunesse, pardon... émettre des directives pour amener les centres à permettre beaucoup plus largement l'adoption, puisque... Je ne veux pas être caricatural, mais ça revenait à dire: Il est pratiquement impossible, dans le secteur francophone, de faire des adoptions, la vérité n'étant pas tout à fait la même dans le milieu anglophone.

Bien sûr que, quand on parlait... je pense qu'on parlait du ministre de la Justice, c'était une erreur, c'est le ministre de la Santé. Vous n'avez pas changé de patron, à ce que je sache, et c'est le ministre de la Santé qui pourrait...

Le Président (M. Gautrin): ...

M. Bégin: Même là. Alors donc, il n'est pas question que je puisse émettre de telles directives. Mais, à entendre l'opinion juridique dont nous faisait part Me Lefebvre, il est évident que ce n'est pas surprenant qu'on ait eu les résultats... Ce n'est pas un reproche sur le contenu de votre opinion, mais ça questionne tellement la capacité de le faire que, en cas de doute, c'est... souvent, la règle, c'est: Abstiens-toi. Et je pense que, dans les faits, c'est ce qui est arrivé sur le terrain. Je ne crois pas que mon affirmation relativement à l'adoption a un impact quelconque sur cette question, puisque l'adoption était un terme pour revêtir un ensemble de données qui étaient bien plus la filiation, la parentalité, etc., que strictement le mot «adoption».

Par ailleurs, l'article 546, aux yeux de tous les juristes, il est très clair; on le permet, c'est possible, l'adoption. Et l'autre volet important ? vous l'avez dit, Me Lefebvre ? c'est l'intérêt de l'enfant. Tout le reste, filiation, parentalité, en principe n'a aucun impact sur la capacité de parents d'adopter des enfants à ce moment-là, puisque, si l'article 546 le dit, on peut le faire, c'est l'article de base et non pas les modalités additionnelles importantes ? je ne voudrais pas les minimiser, loin de là ? mais importantes.

Alors, on a un problème. C'est qu'on dit d'un côté: Oui. Mais, d'un autre côté, on ne le fait pas. C'est ce que j'ai retenu ce matin, moi, des interventions. C'est un problème sociétal important, puisque l'interprétation donnée par le centre jeunesse, c'est à l'effet de ne pas le favoriser. C'est ce que j'ai entendu, moi, ce matin, et c'est ce qui est, semble-t-il, puis je ne connais pas les... je n'ai aucune expérience personnelle là-dedans, je n'ai aucune donnée autre que celle qui a été dite ce matin. Mais j'ai lu 52 mémoires, plusieurs en parlent. Je me dis que, comme personne n'a adopté une position inverse, il doit y avoir un certain brin de vérité là-dedans. Et, avec les réserves que vous faites au point de vue légal, je me dis que, sur le terrain, ça doit être proche de la réalité. Bon.

Alors, ça ne règle pas notre problème: Qu'est-ce que nous allons faire concernant l'adoption? Alors, je comprends que, quant à vous, vous dites que nous devrions favoriser, pour les enfants... pardon, pour les couples homosexuels, la capacité d'adopter les enfants. Et là vous êtes, excusez-moi, mais... égoïstes dans votre façon de voir, vous dites: Pour nous autres, là, ça nous aiderait beaucoup à permettre des adoptions si on disait spécialement que c'est possible pour un couple d'adopter un enfant dans ces conditions-là. C'est ce que je comprends de votre message, là: clarifier la situation.

Le Président (M. Gautrin): M. Dumais.

M. Dumais (Jacques): Ce n'est pas tout à fait ce que... Notre message, c'est de dire qu'il y a encore des ambiguïtés, selon nous, et on ne sait pas comment les tribunaux vont se positionner. Remarquez, on a bien hâte qu'il y ait des décisions qui soient prises et on aura l'heure juste. Mais, malgré ce climat d'ambiguïtés, la position des directeurs de la protection de la jeunesse est très claire, c'est que nous devons les évaluer, nous devons nous assurer qu'il y ait un bon pairage entre des parents adoptants, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels. Mais c'est sûr qu'on peut toujours nous reprocher qu'il y a un an, qu'il y a deux ans on ne prenait pas ce genre d'orientation. Mais, quand on parle d'un avis des directeurs de la protection de la jeunesse à l'ensemble des directeurs de la province qui date de septembre 2001, c'est un avis qu'on a dit exécutoire à nos membres. Quand l'Association émet un avis, bien, évidemment, ça n'a pas force de loi, mais il reste qu'on s'est discipliné dans ce domaine et on a dit: Puisque, maintenant, ça a été accepté par l'Association des centres jeunesse, ça a été adopté par le conseil d'administration de l'Association des centres jeunesse, c'est l'avis qu'on donne, c'est que l'adoption, elle est possible par les couples homosexuels et qu'on doit procéder, même si on ne sait pas trop, rendus devant la cour, comment se comporteront les juges par rapport à certaines décisions. Mais notre orientation, c'est d'aller de l'avant.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: ...j'ai mal compris dans l'opinion de Mme Lefebvre tout à l'heure, vers la fin, là, j'ai cru comprendre que, comme il y avait un doute, il y avait un risque ? c'est le mot qu'elle a utilisé ? un risque quant à la reconnaissance par la cour de la validité de l'adoption, et là j'ai peut-être fait une interprétation ? je m'en excuse à l'avance si elle est fausse ? mais qu'on ne le présentait pas justement à la cour. Ce qui arrivait et, ça équivalait à... Moi, je dis ça: C'est perdre sa cause de peur de... la perdre d'avance plutôt que d'aller la perdre devant la cour, si on ne le présente pas à la cour. Peut-être que la cour pourrait nous dire que votre appréhension, elle est peut-être légitime mais pas réelle. Alors, est-ce que c'est ça qui est arrivé ou bien si j'ai mal interprété ce que vous avez dit?

Le Président (M. Gautrin): Qui veut répondre? Me Lefebvre.

n(16 heures)n

Mme Lefebvre (Michèle): Oui, je vais répondre. C'est-à-dire que, effectivement, il n'y a jamais eu de projet ou de requête en adoption d'ordre... de requête en ordonnance de placement, pour être plus juste, présentée par le directeur de la protection de la jeunesse à la cour. Cependant, à l'heure actuelle, il y a deux dossiers, deux causes devant la chambre de la jeunesse ? la Cour du Québec, chambre de la jeunesse: une dans l'Outaouais, à Hull, et l'autre à Montréal. Et je voudrais faire une correction, entre parenthèses, là: les centres jeunesse Batshaw, nous n'avons pas présenté de requête en adoption.

M. Bégin: Je n'ai pas dit ça non plus.

Mme Lefebvre (Michèle): Alors donc, il y a deux causes, elles sont sensiblement... en beaucoup de points semblables. Elles sont présentées par deux couples de lesbiennes qui, chacun, chaque couple ? enfin je vais parler de celui de Montréal ? a eu, une des mères a eu, c'est-à-dire une des femmes du couple a eu l'enfant par procréation artificiellement assistée ou médicalement assistée, et donc, c'est ce qu'on appelle un projet privé. C'est à peu près les seuls cas d'adoption privée qui restent encore au Québec. C'est un consentement privé où la mère donne un consentement à son conjoint de fait.

M. Bégin: Pourquoi ne pas le présenter à la cour...

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Pourquoi ne pas présenter un cas à la cour? On est en présence de couple homosexuel qui désire adopter un enfant. Vous faites une évaluation à l'effet que ce couple-là est vraiment quelqu'un... un couple capable d'adopter cet enfant-là, c'est dans l'intérêt de l'enfant, mais on ne permet pas l'adoption ou c'est-à-dire qu'on ne va pas devant la cour en disant: Nous voudrions que ça soit reconnu. On prive ce couple-là de la capacité d'avoir l'adoption, alors que si... Le pire qui peut arriver, c'est que le juge dise non. Ce n'est pas pire que de se faire refuser d'aller devant la cour. On a perdu dans les deux cas.

Mme Lefebvre (Michèle): Il n'y a pas eu vraiment de...

Le Président (M. Gautrin): Me Lefebvre.

Mme Lefebvre (Michèle): Il n'y a pas eu vraiment de situation qui s'est présentée. Mais si vous me permettez juste de compléter sur les situations dont je vous parle, c'est que les juges, qui ont été saisis de ça, ont réagi tous les deux de la même façon; ils ont demandé l'intervention du directeur de la protection de la jeunesse pour parler, pour témoigner, pour prendre position sur l'intérêt de l'enfant dans ces deux situations-là, et également le Procureur général a été mis en cause. On a demandé l'intervention du Procureur général pour connaître effectivement la position du ministre.

Le Président (M. Gautrin): M. Dumais, vous voulez faire un complément de réponse?

M. Dumais (Jacques): Bien, je pense qu'il faut bien se comprendre. C'est que, s'il n'y en a pas eu, de causes qui ont été apportées par le DPJ devant la cour depuis les derniers mois, c'est que la décision vient d'être prise. Et il n'y a pas de situation... On est probablement en situation d'évaluer des couples adoptants homosexuels, mais on n'est pas encore rendu à l'étape, depuis les quelques mois qu'on a pris notre position, de présenter et, en aucun temps, on a dit qu'on allait hésiter à présenter une situation devant la cour. Et, si on ne l'a pas fait, c'est que ça fait juste quelques mois qu'on a pris notre orientation. Et les réserves exprimées par nos contentieux, ce n'est pas de nous éviter d'aller à la cour, mais c'est de dire que, s'il y a un enfant qui est dans une famille, dans un couple homosexuel, et que, devant la cour, c'est que... Mettons qu'on serait rejeté, on va demander aux gens: Assurez-vous qu'au moins un des membres du couple va adopter cet enfant-là pour éviter qu'il soit déplacé dans une autre famille. C'est ça, la réserve. On a juste contourné la réserve juridique en disant qu'on va essayer de ? au moins ? s'assurer qu'un des conjoints est prêt à adopter cet enfant-là, pas pour un problème légal, mais pour s'assurer qu'il y ait une continuité de cet enfant-là dans ce milieu-là et que ça soit assuré...

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: À moins qu'il y ait erreur de ma part, la position du Procureur général dans ces deux dossiers-là a été de dire qu'il n'y a pas de problème à l'adoption par ces couples-là. C'est la position qui a été adoptée par le Procureur général dans ces dossiers-là. Alors, est-ce que, forts de cette opinion qui serait peut-être différente de celle des contentieux, vous ne pourriez pas avoir une attitude plus ouverte?

Le Président (M. Gautrin): Qui veut répondre? M. Dumais.

M. Dumais (Jacques): Je pense que, effectivement, il y a eu des réserves exprimées. Ce qu'on voulait vous dire aujourd'hui: Que, si ces réserves-là sont fondées en droit, bien, profitez de l'occasion du projet de loi actuel pour enlever cette hypothèque. Mais, si on nous dit que ces réserves juridiques n'existent pas et qu'il y a un article qui fait foi de tout, je me dis: On va aller de l'avant. On y va de l'avant, même si nos contentieux nous ont dit qu'il y avait une réserve là-dessus. La position des DPJ ne changera pas. Ce qu'on voulait vous dire aujourd'hui, c'est que, nous, on pense, avec l'avis des contentieux, qu'il y a des ambiguïtés. S'il n'y en a pas, c'est bien tant mieux, on va aller... on est déjà partis pour aller de l'avant. S'il y en a une, ambiguïté, bien, profitons du projet de loi pour enlever cette hypothèque.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, vous avez encore une question? Est-ce qu'il y aurait des parlementaires ministériels qui auraient des questions encore? Il vous reste un peu de temps. Non? Alors, je passerais la parole maintenant à la députée de Bourassa, porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je ne sais pas, M. le Président, si je peux vous adresser la question à tous deux. Vous dites, M. Dumais, qu'il y a encore des ambiguïtés et que vous ne savez pas comment les tribunaux vont se positionner. Vous venez de dire, avant de terminer, que vous aviez reçu des avis des contentieux.

Ma première question: Quant aux réserves juridiques dont vous nous parlez, est-ce qu'il y aurait un juge ou des juges qui, par jugement, auraient émis ou repris les mêmes réserves juridiques? Et ma deuxième question: Puisque vous avez mentionné... Vu les ambiguïtés, que vous ne savez pas comment les tribunaux vont se positionner, est-ce que je dois conclure que votre association refuse de recommander l'adoption sur la base d'un refus anticipé du tribunal?

Le Président (M. Gautrin): M. Dumais.

M. Dumais (Jacques): Bon. Je pense qu'il faut être très clair là-dessus, c'est qu'effectivement, à notre connaissance, il n'y a pas de juges qui se sont prononcés, encore, sur les supposées réserves ou ambiguïtés qu'on peut voir. Ça, je ne peux pas vous dire. Mais, indépendamment de ces ambiguïtés-là, la position des DPJ et de l'association qui les encadre, c'est que l'adoption par des couples homosexuels peut se faire comme toute autre adoption et qu'on doit procéder de la même façon qu'on fait avec d'autres couples. Et là-dessus, oui, on a reçu de nos contentieux un avis qui disait que ce n'est pas certain, mais je vous ai dit tout à l'heure, c'est que, même s'il y a des ambiguïtés sur le plan juridique, l'évolution de la société, l'évolution des connaissances cliniques, l'évolution des types de familles nous amènent à conclure qu'on doit aller de l'avant.

Quand un couple adoptant homosexuel se présente devant nous, il doit être évalué au mérite, au même mérite que les autres couples adoptants, et on doit faire la même fonction de pairage avec eux. Et, souvent, les situations qui risquent de nous arriver, ça va être une personne, un des membres de ce couple-là qui est déjà en lien avec un enfant. Ça peut être aussi une famille d'accueil, actuellement, homosexuelle qui a un enfant qui devient adoptable, mais il n'y a aucun problème, malgré les réserves qui ont été exprimées, d'aller de l'avant sur l'adoption par un couple de même sexe.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. À la page 8 de votre document, vous parlez également des différents dilemmes que vous avez à résoudre comme association et vous parlez... Vous dites: «L'ambiguïté du droit entraîne des pratiques silencieuses. Des personnes se présentent comme postulant célibataire. Or, dans les faits, l'enfant qu'il ou elle adoptera vivra avec deux parents dont l'un n'aura pas été évalué. Au plan clinique, cela est questionnable.» Et je peux convenir avec vous qu'au plan clinique c'est effectivement très questionnable. Mais, par l'orientation que votre association a prise, est-ce que vous ne pensez pas que vous encouragez cette pratique qui est, au plan clinique, discutable?

Le Président (M. Gautrin): M. Dumais.

M. Dumais (Jacques): Bien, ici, on voulait dénoncer le fait que les gens se présentent comme célibataires pour adopter des enfants. Puis je pense que ça s'est présenté dans le passé, alors qu'on savait fort bien que ces gens-là vivaient une relation de couple avec un conjoint de même sexe. Et on disait: La loi le permet pour un célibataire, mais ne le permet pas pour un couple homosexuel. Ce que cet énoncé vient dire, c'est que: Arrêtons de jouer aux hypocrites. Si c'est possible de faire une adoption avec un célibataire, on dit que, malgré les réserves de la loi, on doit aussi considérer... On aimerait mieux que les gens se présentent en couple plutôt que de passer par la porte d'à côté puis dire: Bien, je ne suis pas vraiment en couple homosexuel, mais je suis prêt à faire l'adoption. Nous, on dit actuellement: Arrêtons de jouer ce jeu-là et allons-y ouvertement et évaluons les deux membres, les deux conjoints quant à leur capacité d'adopter des enfants, et non pas juste un, tout en sachant fort bien qu'il y a des bonnes chances qu'ils vivent en couple, même s'ils ne nous le disent pas lors de l'évaluation. C'est ça qu'on veut éviter.

n(16 h 10)n

Le Président (M. Gautrin): ...

Mme Lamquin-Éthier: Oui, un dernier commentaire. J'ai soulevé à plusieurs reprises, et je vais me permettre de le faire encore une fois, un jugement qui a été rendu par la Cour d'appel, P. c. G., en date du 11 octobre 2000, où on dit: «Les dispositions du Code civil du Québec en matière d'adoption constituent peut-être une avenue possible. Il suffit de mentionner que les textes législatifs qui traitent de l'adoption n'excluent a priori aucune personne sur la base de son orientation sexuelle.» Je voulais voir si vous étiez au courant de ce jugement?

Le Président (M. Gautrin): Me Lefebvre.

Mme Lefebvre (Michèle): ...et je souligne aussi que les juges ont bien dit que, sans se prononcer sur la matière, ils orientaient les appelantes vers l'adoption. Il faut dire que les appelantes s'étaient adressées à la Cour supérieure auparavant pour faire déclarer une d'elles parent psychologique de l'enfant, et la Cour supérieure avait rejeté en disant: Non, cette notion-là n'existe pas. Alors, la Cour d'appel a affirmé finalement, a confirmé la décision du premier juge et, en conclusion, a dit, bon: A priori, il n'existe pas. En fait, cette décision-là est sortie après qu'on ait...

Mme Lamquin-Éthier: L'avis juridique.

Mme Lefebvre (Michèle): Oui, et effectivement, c'était dans le sens ? je veux dire, bien modestement ? c'était dans le sens qu'on le soumettait également. A priori, il n'existe rien contre dans les dispositions sur l'adoption dans le Code civil. Cependant, on ne peut pas ignorer que tout partout ailleurs dans le Code civil, on dit: L'enfant doit respect à ses père et mère, que le nom d'un enfant est choisi par son père et sa mère, que, sur l'acte de naissance de l'enfant, il y a une indication de son père et de sa mère. Il y a tout plein d'autres dispositions dans le Code civil qui laissent penser qu'effectivement il y a quand même une ambiguïté quant à l'intention du législateur d'inclure les couples homosexuels dans la famille.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme la députée de Bourassa, vous avez d'autres questions?

Mme Lamquin-Éthier: Non, merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier, auriez-vous des questions?

Mme Rochefort: Oui.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Mercier.

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. Donc, ce que j'en comprends, c'est qu'il n'y a aucun problème de votre côté, dans la mesure où les évaluations sont passées et qu'on a donc des preuves que les parents potentiellement adoptifs, qu'ils soient gais, lesbiennes ou hétéros, sont aptes à éduquer l'enfant, à l'aimer et à le soutenir, et que la balle est dans le camp du législateur? En fin de compte, c'est notre job de s'occuper de voir à rendre les lois conformes à ce que vous pouvez faire.

Le Président (M. Gautrin): M. Dumais.

M. Dumais (Jacques): La position des DPJ, c'est qu'effectivement... c'est qu'on doit considérer sur le même pied, quels que soient les gens qui se présentent devant nous avec un projet d'adoption, qu'ils soient un couple homosexuel ou hétérosexuel, on doit les considérer sur le même pied. On ne sait pas jusqu'où il y aura des embûches ou pas quand on sera rendu devant la cour, mais notre position là-dessus est claire.

Mme Lamquin-Éthier: Une autre question.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa, vous avez encore une dernière question?

Mme Lamquin-Éthier: M. Dumais, j'ai un petit peu de difficultés. Peut-être que j'ai été non attentive, je semble percevoir deux messages. Selon ce qui nous a été dit ce matin, c'est qu'ils n'iront pas comme couple mais ils vont plutôt y aller comme personne seule.

M. Dumais (Jacques): On veut éviter ça.

Le Président (M. Gautrin): M. Dumais.

M. Dumais (Jacques): On veut éviter... Les gens se sont présentés comme des célibataires pour qu'on les évalue pour devenir adoptants. Dans le passé, ça a été fréquent qu'on a eu des... On a eu des familles hétérosexuelles, mais on a eu aussi des célibataires qui se sont présentés comme adoptants, alors qu'on nous cachait qu'ils vivaient en situation de couple homosexuel. Et, de peur d'être refusés par la protection de la jeunesse, ils se sont présentés comme célibataires. On veut arrêter ce genre de scénario où on n'évalue pas les deux adultes qui vont effectivement vivre potentiellement avec un enfant qui sera adopté.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: J'ai en main le mémoire de la Coalition québécoise, notamment, pour le droit au mariage pour les gais et les lesbiennes et, dans ce mémoire, à la page 17... Puis d'ailleurs, ça a été repris, et M. le ministre l'a dit précédemment, mais permettez-moi de vous citer une partie, et c'est en page 17: «Les pratiques administratives des différents fonctionnaires s'occupant d'adoption ne retiennent que les demandes ? alors, c'est marqué ? provenant de célibataires, de couples mariés ou de couples hétérosexuels vivant en union de fait. Ainsi, une célibataire pourra obtenir un jugement d'adoption à la condition qu'elle soit hétérosexuelle ou qu'elle cache sa réalité lesbienne pendant toute la période que dureront les procédures d'adoption.»

M. Dumais (Jacques): C'était la situation, et on a raison de dire que ça procédait beaucoup plus par la situation d'un célibataire. Je vous dis que depuis le mois de septembre 2001, l'orientation, c'est qu'on veut que les gens se présentent en couple, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, si c'est ça leur statut de vie.

Le Président (M. Gautrin): Bon. Est-ce que vous avez d'autres questions? Alors, écoutez, je tiens à vous remercier de l'éclairage que vous avez bien eu la gentillesse d'apporter à la commission.

Nous avons un petit... pas un problème, mais une situation: Le témoin suivant, qui était M. Roy, s'est désisté, si j'ai bien compris. Il sera reporté à une date ultérieure, il est malade. C'est bien ce que vous m'avez dit? Alors, il est malade.

Si la Confédération des syndicats nationaux, la CSN, était disponible et s'ils avaient la gentillesse de vouloir témoigner tout de suite, ça faciliterait le travail de la commission. Est-ce que vous êtes prêts? Alors, je demanderais à Mme Boucher, Me Lanno et M. Lagacé de bien vouloir se présenter devant nous, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Gautrin): Ça va? Bon. Prenez votre temps. Je vous remercie de vous adapter à notre horaire. Sinon, nous aurions dû suspendre pendant 45 minutes. Alors, ça me fait plaisir de vous accueillir ici, devant nous. Vous connaissez nos règles. Nous avons 45 minutes à vous accorder, réparties en 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, 15 minutes pour le questionnement des parlementaires ministériels et 15 minutes pour le questionnement des parlementaires de l'opposition. Je comprends que, Mme Boucher, c'est vous qui allez faire la présentation et vous êtes accompagnée de Me Lanno et de M. Lagacé. C'est bien ce que je comprends?

Mme Boucher (Denise): Oui.

Le Président (M. Gautrin): Merci.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Boucher (Denise): Alors, merci, M. le Président. Merci de nous recevoir. Effectivement, je suis avec M. Francis Lagacé. M. Lagacé est responsable du Comité gais et lesbiennes au Conseil central du Montréal métropolitain; et de notre contentieux, Lise Lanno.

Alors, c'est un mémoire conjoint que nous vous présentons au Conseil central CSN parce que déjà, depuis 1988, la CSN s'est particulièrement intéressée à cette question, mais elle a aussi pris des dispositions pour que nos membres gais et lesbiennes puissent avoir les mêmes droits que nos membres hétérosexuels. D'ailleurs, je ne vous cacherai pas qu'il y a des fédérations qui déjà, en 1988, ont mis dans leurs articles de conventions des règles permettant la reconnaissance des gais et lesbiennes, tant aussi et... Entre autres, je vous dirais que la Fédération du commerce de l'hôtellerie a été la Fédération qui a pris les devants pour cette question. Ça a aussi fait partie, pour l'ensemble de nos fédérations, de priorité de négociations, et nous savons aussi que, lors de la dernière négociation du secteur public, non pas de celle dont on parle dans les quotidiens aujourd'hui...

Une voix: ...

Mme Boucher (Denise): Pardon?

Une voix: ...

n(16 h 20)n

Mme Boucher (Denise): Ha, ha, ha! Je n'annonce rien, il n'y a rien sur la table encore, mais on sait, que lors de la négociation de 2000, il y a eu, effectivement, la reconnaissance des conjoints de même sexe. Donc... Et indiquer aussi que le Conseil central du Montréal métropolitain a, lui aussi, posé plusieurs actions, soit entre autres, en 1995, un guide sur la reconnaissance des conjoints de même sexe qui a fait partie de sessions qu'ils ont données. Tout comme aussi, à l'automne 2001, où le congrès du Conseil central vient de sortir de leur instance pour trois ans, où les délégués de ce Conseil central adoptaient unanimement une question de privilège revendiquant l'égalité des droits pour les couples gais et lesbiennes et leur famille, ce qui inclut la reconnaissance du droit parental et de la conjugalité, la protection et l'amélioration de ces acquis.

Or, je ne vous cacherai pas non plus que ça fait aussi partie de nos objectifs à la CSN de reconnaître l'égalité des droits pour les gais et lesbiennes, individuellement ou en couple, et cette reconnaissance des couples et de leur famille, protection égale pour leurs enfants.

Alors, comme je sais que vous avez fort bien lu les mémoires, M. le ministre, je laisserai donc tomber l'avant-propos et l'introduction pour peut-être aller directement aux propositions que nous avons soumises à la présente commission. Et nous croyons que le ministre doit mettre en débat, à l'étape du projet de loi et de la consultation qui l'accompagnera, l'élargissement de ce troisième statut conjugal qu'est l'union civile aux couples de sexe différent. Je sais que ça ne fait pas tout à fait encore l'approbation, mais je vous indiquerais que, pour nous, cela est extrêmement important, et aussi pour permettre à nos couples hétérosexuels de pouvoir aussi avoir cette disponibilité, cette perspective égalitaire avec nos camarades gais et lesbiennes.

Pour ce qui a trait à la terminologie, je le sais, qu'il y a eu des avancées, ce qu'on m'a dit ce matin à l'égard de cela. Mais notre recommandation, c'est que la terminologie servant à désigner les membres des couples selon les différents statuts conjugaux soit revue pour assurer la cohérence, éviter les ambiguïtés et refléter adéquatement la nature de leurs relations, donc afin d'éviter toutes règles d'interprétation qui régissent, qui font que avoir recours à l'intention du législateur sur cela...

On veut aussi ? et dans une de nos autres recommandations ? qu'on s'assure que les concordances nécessaires soient faites aux articles pertinents de toutes les lois sociales et administratives, ainsi qu'aux règlements qui concernent à la fois le mariage et l'union civile ou à la fois les conjointes et conjoints mariés, et les conjointes et conjoints civils. Alors, on fait le tour de l'ensemble des lois sur lesquelles vous avez pris des initiatives, on parle de toutes pour ne pas en échapper. Alors, mieux vaut être prudent et prudente.

En ce qui a trait à l'article 15 du Code civil, nous aimerions qu'il fasse mention expresse de la conjointe et du conjoint civils afin de conférer aux conjointes et conjoints civils le mandat en matière de consentement aux soins en cas d'inaptitude, et aussi comme c'est le cas pour les conjoints et conjointes mariés.

Enfin, toute dernière recommandation, c'est que le projet de loi reconnaisse ? et là aussi on nous a indiqué qu'il y avait eu des avancées dans le courant de la journée ? que le projet de loi reconnaisse la possibilité pour un couple de même sexe d'adopter conjointement un enfant confié par le biais des services publics québécois d'adoption et qu'une conjointe ou un conjoint puisse adopter l'enfant de cette conjointe ou conjoint, ou son conjoint de même sexe, et enfin que l'union civile permette au parent de même sexe, engagé dans un projet parental, d'être enregistré à l'acte de naissance au moment de la naissance de leur enfant.

Alors, on a fait un présentation courte. Nous sommes disponibles pour la période de questions. Mais, pour nous, cette démarche-là n'est pas une démarche nouvelle. Nous représentons 265 000 membres à la CSN et nous en avons, des gais, des lesbiennes, beaucoup; il y a des secteurs plus forts que d'autres. Mais, pour nous, il est important que Québec prenne les devants et puisse aussi s'ajuster avec ce qui se passe aussi dans les autres provinces. Alors, M. le Président...

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que certaines des personnes qui vous accompagnent veulent faire un complément de témoignage?

Mme Boucher (Denise): Non. On peut aller sur les questions et puis on verra.

Le Président (M. Gautrin): Pas pour l'instant, très bien. Alors, M. le ministre, au nom des parlementaires ministériels, vous pouvez commencer.

M. Bégin: Oui. Alors, merci, Mme Boucher, Mme Lasso et monsieur... Excusez?

Le Président (M. Gautrin): M. Lagacé.

M. Bégin: Voilà. Lagacé, merci. Je vais aller directement au but. D'abord, merci pour votre mémoire. Quand le statut concernant l'élargissement aux hétérosexuels de l'union civile, dans votre avant-propos à la page 5, vous référez à des expériences qui seraient plutôt sur une base temporaire ou ça a l'air à être votre compréhension que ceci ne serait... c'est-à-dire que l'union civile serait sur une base temporaire. Et, à la page 7, vous dites: Évidemment, on pourrait l'étendre aux conjoints de même sexe. D'ailleurs, ça, ça rejoint ce que nous avons entendu ce matin. Il y avait trois positions, à peu près, mais une de celles que nous avons entendues, c'est: L'union civile devrait disparaître ultimement, puisqu'on aurait à ce moment-là seulement deux régimes, et l'union civile n'existerait que le temps que le fédéral décide de modifier sa loi pour permettre le divorce pour les personnes de même sexe.

Est-ce que c'est pour vous une condition sine qua non de l'appui au projet de loi qu'on introduise l'hétérosexualité compte tenu que justement, possiblement, on puisse mettre une clause à l'effet que, dès que l'union, le mariage des conjoints de même sexe pourra avoir lieu, on ferait disparaître l'union civile?

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher.

Mme Boucher (Denise): Peut-être que M. Lagacé va répondre à cette question-là.

Le Président (M. Gautrin): M. Lagacé.

M. Lagacé (Francis): Merci, M. le Président. Alors, évidemment, c'est une question qui est complexe étant donné le contexte dans lequel l'avant-projet de loi est soumis, parce que l'intention du ministre est de fournir aux personnes de même sexe des droits équivalents à ceux du mariage, et on dit évidemment dans le mémoire pourquoi nous estimons que ce ne sont pas des droits équivalents à ceux du mariage, même s'il y a beaucoup d'avancées qui sont faits...

M. Bégin: Excusez, votre mot, je ne le comprends pas: vos droits?

M. Lagacé (Francis): Les droits équivalents.

M. Bégin: O.K.

M. Lagacé (Francis): Les droits équivalents à ceux du mariage, étant donné que vous ne pouvez pas définir le mariage pour les personnes de même sexe. Donc, nous disons dans le mémoire pourquoi nous pensons que ce ne sont pas des droits équivalents mais nous disons aussi que, si un statut différent est créé... Nous ne pouvons pas présumer, évidemment, de l'issue du procès qui a lieu actuellement contre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, dans la cause Hendricks-LeBoeuf. Alors, on ne sait pas combien de temps ça va prendre, on ne sait pas comment ça se résoudra devant la Cour suprême, même si nous avons de bonnes raisons de croire que ce sera positif, d'après nous. Alors, il nous semble important que, si un nouveau statut est créé, ce statut ne crée pas une distinction entre les différents groupes, ce qui constituerait une sorte d'égalité séparée, donc ce qui s'apparente à une forme de ségrégation, hein. L'égalité séparée, c'est d'avoir des droits semblables mais dans des contextes différents, dans des endroits différents, hein. C'est des écoles pour les Noirs, les écoles pour les Blancs, les autobus pour les Noirs, les autobus pour les Blancs. Alors, ça, c'est le genre de chose qu'on veut absolument éviter. On ne veut pas que soit transmis à la société du Québec un message selon lequel il y a des unions qui sont meilleures que d'autres, ou des unions qui sont plus fortes que d'autres, ou qui sont mieux reconnues que d'autres. Alors, l'union civile en attendant le mariage, oui, mais, peu importe ce qu'on offre et, si la durée de ce statut-là peut être longue, il faudrait s'assurer que ce soit ouvert aussi aux couples de sexe différent.

Par ailleurs, j'ai appris récemment que la Commission canadienne de la réforme du droit est en train d'étudier la question d'ouvrir le mariage aux personnes de même sexe et peut-être de créer un troisième statut qui s'apparenterait aux formes de partenariat qu'on trouve en Europe. Alors, si c'est le cas, à ce moment-là, on aurait vraiment un troisième statut qui serait ouvert à tous et le mariage serait aussi ouvert à tous. Alors, le principe, pour nous, c'est que tout ce qui existe doit permettre à tous les couples d'être traités de manière égale et équitable.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: Ce matin, nous avons entrepris de... Parce que plusieurs l'ont soulevée, la question de l'utilisation du mot «partenaire» plutôt que du mot «conjoint». Nous avons, je dirais, à partir de certain pointage, en ce sens que je demande à chacun des groupes qui vient devant nous de nous indiquer quelle expression, si nous changions l'expression «partenaire», laquelle préféreriez-vous? Parce que, si on dit oui, on est d'accord; mais si on a sept choix différents, on va retomber devant le même problème. Alors, j'aimerais bien ça savoir de vous: Si on change le mot «partenaire», par quoi le remplaceriez-vous?

Le Président (M. Gautrin): M. Lagacé.

Mme Boucher (Denise): Alors, dans votre pointage, vous êtes rendu où?

Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi. Mme Boucher.

Mme Boucher (Denise): Est-ce qu'on peut savoir? Parce qu'on ne voudrait pas faire changer la tendance.

M. Bégin: Non, non, non. Je l'ai dit à la blague, là, mais ce que je voudrais savoir sérieusement, c'est: Le mot «partenaire» déplaît souverainement à certains, un petit peu à d'autres, d'autres, c'est complètement correct. Par exemple, Mme Robinson était là tout à l'heure, elle trouvait le mot parfaitement correct. Alors, on voit qu'on est devant un éventail assez considérable de choix, mais plusieurs ont tenté de dire «conjoint quelque chose». Alors, pour vous, est-ce que vous avez fait un choix entre les différentes appellations?

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher.

n(16 h 30)n

Mme Boucher (Denise): À la page 8 du mémoire d'ailleurs, on vous indique que, pour nous, ce serait le terme «conjoint» et de distinguer les différents statuts qualifiant le mot «conjoint» de la façon suivante. Alors, je vous le lis pour pas que... Alors: «conjointes et conjoints mariés pour les couples unis par le mariage, conjointes et conjoints civils pour ceux qui le sont par l'union civile et conjointes et conjoints de fait pour ceux qui vivent en union de fait».

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que M. Lagacé veut faire un complément...

M. Bégin: J'avais bien souligné tout votre passage, mais ça ne faisait pas... le bénéfice de la commission. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): M. Lagacé, M. le ministre, voudrait faire un complément de réponse. M. Lagacé.

M. Lagacé (Francis): Oui. Alors, pour compléter l'information là-dessus, effectivement, pour nous, le mot «partenaire» dérange beaucoup, parce que «partenaire», c'est un terme qui nous semble un terme approprié au monde commercial ou d'affaires. Alors, c'est important qu'il y ait le mot «conjoint». C'est un statut de conjugalité, et le terme doit refléter clairement la notion de statut de conjugalité. Nous proposons «conjoints civils». Mais, à partir du moment où nous sommes sûrs qu'il y aura le terme «conjoints» et que ça désignera un statut de conjugalité, je pense que nous ne serons pas opposés à une autre forme qui s'apparente à celle-ci.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le ministre, vous avez d'autres questions?

M. Bégin: Oui. Je me demandais si vous parliez effectivement de l'article 365, page 5, vous y faites référence: «Cette même logique de traitement égalitaire interpelle aussi votre gouvernement quant à l'écriture de la définition de "mariage" dans l'article 365.» Donc, vous préféreriez que cet article-là, sans attendre l'issue du procès de Hendricks-LeBoeuf, que l'article soit modifié... pas l'article, le deuxième paragraphe de l'article soit...

Maintenant, ce matin, je disais qu'on pourrait peut-être le remplacer par «deux personnes». Encore là, il faudrait dire «deux personnes ? j'imagine ? physiques», pour ne pas retomber dans le partenariat?

M. Lagacé (Francis): Oui.

M. Bégin: Ha, ha, ha!

M. Lagacé (Francis): Oui, tout à fait. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre?

M. Bégin: Non, mais est-ce que cette expression vous rallierait, c'est-à-dire «deux personnes physiques»?

M. Lagacé (Francis): Oui, oui, «deux personnes physiques», oui, tout à fait.

Le Président (M. Gautrin): Parfait.

M. Bégin: O.K.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre?

M. Bégin: Ah oui! Peut-être une autre question que vous abordez à la page 9, c'est l'âge des personnes pour donner le consentement. Alors, vous dites que ça «a été fixé à 18 ans pour ceux qui souhaiteront se prévaloir de l'union civile alors qu'il est de 16 ans pour le mariage. Nous comprenons mal ce qui motive une telle différence et croyons que l'âge de consentement devrait être le même dans les deux cas.» Je dois dire que, tel que lu là, ça pourrait être le même, 18 ans pour tout le monde, comme ça pourrait être 16 ans pour tout le monde. Alors, c'est quoi, votre choix? Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, non, mais il y a des gens qui ont dit: Nous aimerions que ce soit 18 ans pour tout le monde. Alors, je ne suis pas sûr que c'est ça que vous voulez dire, mais votre phrase ne permet pas de trancher. Alors, quel est votre choix?

Mme Boucher (Denise): Alors, ça, quand vous déposerez votre projet de loi, on le débattra. Il faut quand même se garder un peu de...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Un peu de plaisir.

Mme Boucher (Denise): ...un peu de plaisir quand il y aura le projet de loi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ha, ha, ha! Non, mais, si vous voulez m'aider à faire avancer le dossier, il faut que j'entende ce que les gens ont à dire. C'est le sens même de cette commission parlementaire et c'est important de connaître ce que vous voulez et pourquoi.

Mme Boucher (Denise): Alors, est-ce que vous tenez aussi, là aussi, des statistiques...

M. Bégin: Non, non.

Mme Boucher (Denise): ...pour ce qui est des 18 ou 16 ans?

M. Bégin: Non, non, non, non, non.

Le Président (M. Gautrin): Non, madame. Non.

Mme Boucher (Denise): Alors, moi, je vous le dis, on vous le laisse à débat, on n'a pas débattu...

Le Président (M. Gautrin): Donc, c'est ouvert pour vous, à débat.

Mme Boucher (Denise): C'est tout à fait ouvert pour vous, M. le législateur, pour en disposer.

Le Président (M. Gautrin): Parfait.

M. Bégin: Parfait. Merci.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Bégin: Non, ça me va pour...

Le Président (M. Gautrin): Merci. Est-ce que des parlementaires ministériels auraient d'autres questions? Non. Je m'adresserai maintenant à la porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Dans votre liste de recommandations, vous en formulez une concernant l'article 15 du Code civil. Vous souhaitez... vous recommandez plutôt qu'il y ait une «mention expresse de la conjointe et du conjoint civil». Pouvez-vous expliciter, s'il vous plaît?

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher.

Mme Boucher (Denise): Je vais demander à Mme Lanno.

Le Président (M. Gautrin): Mme Lanno.

Mme Lanno (Lise): Dans le contexte de l'article 15, il nous semblait assez prioritaire que cet article-là soit très clair, parce qu'on sait que, quand on est dans la situation qu'on voit à l'article 15, ce n'est pas une situation où on a le goût de discuter longtemps. Donc, mettons les choses très claires, que l'article soit clair, et, comme ça, il n'y en aura pas, de problème. C'est vraiment dans cet esprit-là qu'on considérait qu'il était important de l'inscrire à 15.

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Ça va. Mme la députée de Mercier, auriez-vous une question?

Mme Rochefort: Oui, bien, dans l'ensemble... Avant toute chose, j'aimerais vous remercier pour tout le support que vous avez apporté à la communauté gaie dans les dernières années. Je pense que ça ne se fait pas assez souvent, mais je peux dire que la CSN a été là depuis très longtemps. Donc, d'emblée, merci beaucoup. Puis, comme je ne suis pas téteuse normalement... excusez-moi, là, je ne sais pas... mais je le pense.

Mme Boucher (Denise): Non, mais vous savez que, à l'occasion, c'est très agréable pour nous aussi de recevoir des qualificatifs autour des actions que nous posons. Alors, je tiens à vous en remercier.

Mme Rochefort: Maintenant que c'est clair. On a entendu tout à l'heure les centres jeunesse venir nous parler de leur position face à l'adoption. Est-ce que vous pourriez nous donner votre opinion, parce que je sais que vous avez réfléchi à la question?

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher.

Mme Boucher (Denise): Peut-être que M. Lagacé...

Le Président (M. Gautrin): M. Lagacé.

Mme Boucher (Denise): ...pourra aller plus loin tout à l'heure.

Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi.

Mme Boucher (Denise): Mais je veux juste vous dire qu'en fait, ce que disaient à la fin les gens des centres jeunesse, c'était de dire: C'est inacceptable qu'un couple de lesbiennes ou gai, quand ils veulent faire une demande d'adoption, ils sont obligés de se cacher pour la faire. C'est ça qu'ils ont dit. Et ce qu'ils disent, c'est que, oui, c'est vrai que... on le sait, quand on fait une analyse psychosociale d'un couple gai ou de lesbiennes et qu'un couple gai est obligé de dire: Bien là... Comment ça va dans vos amours? Mais il ne faut pas le dire qu'on est en amour avec une femme. Il me semble que, dans l'analyse psychosociale, il y a un manque. Comment vous faites, vous, quand vous parlez de votre stabilité émotive? Mais il ne faut pas le dire, parce que, si on le dit, on risque de ne pas avoir cette adoption-là. Je vais vous dire de quoi: je peux comprendre le malaise qu'eux avaient, mais je comprends aussi le malaise qu'ont les couples gais et de lesbiennes qui sont confrontés à cela, parce qu'ils sont obligés de se cacher, de donner l'adresse du voisin. Alors, moi, je peux vous dire que, là-dessus, je suis même... j'étais agréablement surprise, d'ailleurs, d'entendre les centres jeunesse et, là-dessus, on a un travail à faire, parce que toujours faire les choses dans l'ombre, ce que ça fait, c'est que ça fait en sorte que l'illégalité se poursuit, et, à mon avis, et à notre avis, le législateur a une responsabilité de collectiviser, et ça pourrait être un effort de collectivisation.

Le Président (M. Gautrin): M. Lagacé, vous avez un complément de réponse?

M. Lagacé (Francis): Alors, en complément d'information, là-dessus, c'est que, bien que l'article 546 soit très clair sur la non-discrimination chez les adoptants, le reste du Code civil entretient une espèce de flou artistique qui est plutôt préjudiciable aux couples de même sexe qui veulent adopter. Je pense qu'il faut absolument éviter ça. Il n'est pas prévu nulle part, quand on parle de l'autorité parentale, qu'un enfant peut avoir deux pères ou deux mères. On parle du père, on parle de la mère. Donc, ça cause toutes sortes de complications et d'ambiguïtés, et il faut absolument faire en sorte que ce soit très clair que les parents de même sexe peuvent adopter conjointement et que le parent... que le conjoint d'un parent puisse adopter l'enfant de son conjoint, de sorte que ce soit très clair pour tout le monde, et que les droits de ces enfants-là soient protégés. Il faut penser que ce dont il est question surtout là, ce n'est pas tellement le droit des parents que leurs responsabilités envers les enfants et le droit des enfants.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval, vous avez une question?

M. Laprise: Concernant l'adoption justement. Moi, je n'ai pas de problème avec... Je pense que les droits des couples qui ont la possibilité d'adopter un enfant, deux hommes ou deux femmes, personnellement, pour eux, sans doute que c'est une chose normale, parce que tout le monde ont ces sentiments-là, de paternité et de maternité. Mais, pour l'enfant, pour l'enfant, moi, je m'interroge, à savoir: l'enfant qui a aussi ses droits d'être accueilli dans une famille où les deux solitudes sont là, les deux forces, les deux faiblesses sont présentes, soit la mère et le père sont présents. Moi, je calcule que les droits des uns rencontrent les droits des autres, et je crois que les droits de l'enfant d'avoir un milieu familial où les qualités, les forces et, comme je disais tout à l'heure, les forces et les faiblesses des deux solitudes sont présentes, de l'homme et de la femme... C'est une famille. Une famille est composée d'un homme, d'une femme et des enfants, normalement, là. Maintenant, est-ce qu'on est en mesure de garantir à l'enfant qu'on va lui... on va suppléer à ce manque-là? Parce qu'on voit dans des familles monoparentales, par exemple, il y a toutes sortes de groupes aujourd'hui qui s'organisent pour que les enfants aient des parrains ou des marraines, pour que l'enfant soit en contact avec une présence féminine ou une présence masculine. Alors, est-ce que, dans les couples qui acceptent d'aller vers l'adoption, on est en mesure de garantir ça à l'enfant?

Mme Boucher (Denise): Est-ce que vous savez que, quand on fait...

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher.

Mme Boucher (Denise): Pardon, M. le Président. Est-ce que vous savez que, quand on fait l'analyse psychosociale, il faut aussi indiquer: Est-ce qu'il y a des hommes qui vont vous entourer? Est-ce que, effectivement, la question des deux solitudes, quand on adopte... Bien, moi, je vous dirais que la pire solitude, c'est, dans un couple hétérosexuel, un enfant qui se fait violer par son père. Ça, ça me fait peur. Et on part souvent sur des préjugés à l'effet que les deux solitudes... le fait qu'on soit deux femmes, le risque est plus grand, ou qu'il y ait deux hommes que le risque soit plus grand sur l'atteinte à l'intégrité de cet enfant-là. Moi, je vous dirais qu'il ne faut pas qu'on embarque là-dedans. Mais je vous dirais que, quand il vient le temps de faire une adoption, et vous aviez tout à fait l'occasion tout à l'heure de le demander aux gens des centres jeunesse, il faut, et dans la démonstration, que les gens fassent la démonstration qu'il y a un équilibre, qu'ils ont des hommes qui entourent ces familles-là, et ça se fait, et aussi dans la demande quand c'est la question pour les couples hétérosexuels.

n(16 h 40)n

Le Président (M. Gautrin): J'ai cru, de votre langage corporel, M. Lagacé, que vous vouliez réagir.

M. Lagacé (Francis): Ha, Ha, Ha! Alors, c'est ça. Quelles garanties les couples hétérosexuels offrent-ils lorsqu'ils donnent naissance naturellement à des enfants? Aucune. Par contre, lorsque vient le temps d'adopter, bien sûr on veut étudier un peu plus la question. Bien, c'est la même chose pour les couples de même sexe: on veut étudier la question lorsqu'ils demandent à adopter. Si on estime qu'ils sont équilibrés, qu'ils sont suffisamment capables d'offrir un milieu sain à leur enfant, là il n'y a pas de problème. Et, si on pense que ce n'est pas possible pour quelqu'un qui vit en couple avec une personne de même sexe d'offrir ce milieu-là, ce serait lié à des problèmes personnels et non pas à son orientation sexuelle. Ce n'est pas l'orientation sexuelle qui fait qu'on est capable ou pas, c'est l'équilibre général de la personne. Sinon, à ce moment-là, il faudra aussi interdire aux personnes célibataires d'adopter, parce que là, une personne célibataire, elle ne vit pas avec une autre personne; elle est toute seule, mais elle est capable d'offrir un milieu, aussi, parce qu'elle socialise, elle a des amis, elle a de la parenté, elle a des grands-parents, etc. C'est comme ça qu'on peut juger. Mais on ne peut pas vraiment associer, en aucune façon, les difficultés auxquelles seront confrontés les enfants au fait de l'orientation sexuelle des parents; ce n'est pas lié à ça, c'est lié au milieu et à l'équilibre de la personne.

Une voix: Je ne suis pas d'accord, mais ça ne fait rien.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez d'autres questions? Mme Boucher?

Mme Boucher (Denise): Oui, il y a Mme Lanno qui voudrait compléter.

Le Président (M. Gautrin): Mme Lanno, vous avez un complément de réponse?

Mme Lanno (Lise): C'est ça, pour compléter sur ce sujet, je vous dirais aussi, comme les personnes qui nous ont précédés, elles nous disaient: quand ils ont les cheveux bleus... parce que, effectivement, les enfants, maintenant, qui sont adoptés au Québec sont des enfants qui ne sont plus des bébés au berceau. Et souvent, on va voir ces enfants-là qui auront été en centre d'accueil, et tout ça. Donc, la famille, telle qu'on la connaissait au Québec dans les années soixante, n'est pas une image... ce n'est pas leur image de la famille. L'image de la famille qu'ils ont, ce sont des éducateurs, des éducatrices qui vont changer. Donc, l'image de la famille, pour bien de ces enfants-là, n'existe pas à toutes fins pratiques, sauf dans des vieilles émissions à la télé.

Le Président (M. Gautrin): Alors, puisqu'il n'y a plus de questions, je vais, Mme Boucher, Mme Lanno, M. Lagacé, vous remercier, au nom de la commission, pour l'éclairage que vous avez apporté. Et je vais suspendre nos travaux pour deux minutes. Est-ce que Mme Ricard est arrivée?

Des voix: ...

Le Président (M. Gautrin): Oui? Parfait. Alors, est-ce que vous pourriez vous approcher? On est un peu en avance de notre témoignage.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

 

(Reprise à 16 h 51)

Le Président (M. Gautrin): La commission est donc prête à recommencer ses travaux et accueille avec plaisir Mme Nathalie Ricard, qui est accompagnée de Eminé Piyalé-Sheard ? je m'excuse si j'écorche votre nom, madame ? et de François Ricard. J'ai cru comprendre, madame, que vous avez besoin, peut-être, d'un tout petit peu plus que 15 minutes. Soyez sûre que la commission va être généreuse et va tout faire pour pouvoir bénéficier au maximum du témoignage que vous avez bien voulu lui présenter. Alors, je vous cède la parole, Mme Ricard.

Mmes Nathalie Ricard et
Eminé Piyalé-Sheard, M. François Ricard

Mme Ricard (Nathalie): Merci. Alors, bonjour, messieurs, mesdames. Bon, vous m'avez déjà présentée. Je suis Nathalie Ricard. Je travaille comme infirmière à Montréal et je suis aussi chercheure. Mon champ d'expertise est la maternité lesbienne.

Alors, je vais vous présenter le mémoire que j'ai destiné à la commission et qui s'intitule L'égalité entre les citoyennes et les citoyens passe par l'égalité entre leurs enfants. Alors, je suis venue en compagnie de ma conjointe, Eminé Piyalé-Sheard, qui est une femme d'affaires, et de notre garçon, François Ricard, qui a 13 ans et qui est bien content de manquer l'école cet après-midi. Mais, sur le plan légal, François n'a qu'un seul parent et c'est moi.

Alors, la question de la reconnaissance des droits des parents de même sexe gagne rapidement du terrain. Hier, je ne sais pas si vous avez vu en première page de la Gazette, on mentionnait que l'Association américaine de pédiatrie affirmait qu'elle allait approuver l'adoption pour les couples de même sexe. Après avoir étudié, pendant 20 ans, la question du développement des enfants élevés dans des familles homoparentales, l'Association en est venue à la conclusion qu'il était du meilleur intérêt de l'enfant, tant au niveau affectif qu'au niveau économique, que l'enfant soit inscrit dans ces deux filiations, donc que l'adoption par des parents de même sexe soit reconnue.

Aussi, il m'apparaît que le projet de loi sur l'union civile a un potentiel de nous reconnaître pleinement, comme tous les autres citoyens et citoyennes au Québec. En fait, le Québec a l'occasion de s'affirmer comme un modèle progressiste pour les droits de la personne. L'union civile détient le pouvoir d'avoir un impact sur la vie des gais et des lesbiennes, qui veut être aussi grand que lors de la décriminalisation des pratiques homosexuelles en 1969. En modifiant le Code civil de manière à y inclure les droits parentaux en matière d'autorité parentale et de filiation pour les couples de même sexe et aussi de manière à ce que le statut de conjoint soit clarifié, vous détenez le pouvoir, messieurs et mesdames, d'avoir un impact direct sur notre histoire familiale. Alors, pour ce faire, le projet de loi doit comporter plusieurs modifications, notamment pour éviter, dans un premier temps, de créer un statut particulier pour une classe de citoyens à part à cause de leur orientation homosexuelle et, deuxièmement, pour normaliser des familles homoparentales.

À l'heure actuelle, Eminé et moi sommes reconnues comme conjointes de fait, certes, mais non comme couple parental. Notre statut oscille de la monoparentalité, étant donné l'absence de statut comme parent pour Eminé, à la biparentalité lorsqu'il est question, par exemple, des impôts et des programmes d'assurance publics, alors que nous sommes toujours une famille biparentale. De plus, nous nous présentons comme telle dans notre entourage. Alors, si nous étions conjointes de droit grâce à l'union civile, notre famille se retrouverait marginalisée dans une zone grise, étant quasiment mariées, et comme conjointes, mais n'étant même plus une famille monobiparentale comme les autres, puisque nous nous retrouvions, en plus, dans une case à part avec François. La création d'un statut particulier institutionnaliserait la différence homosexuelle et lesbienne et romprait avec la tradition québécoise sur la citoyenneté, qui s'appuie plutôt sur l'approche universelle de la tradition française.

Je vais présenter mes recommandations donc, en les accompagnant d'un commentaire qui va dans le sens de la normalisation des couples de même sexe et de leurs familles.

Première recommandation. De manière à respecter la tradition québécoise en matière de citoyenneté, nous recommandons que l'union civile soit une institution ouverte à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Deuxième recommandation. Considérant que le gouvernement veut offrir une institution équivalente au mariage aux couples de gais et de lesbiennes et qu'il le leur offrirait s'il relevait de sa juridiction, nous recommandons que le gouvernement se retire de la cause Hendricks-LeBoeuf et qu'il modifie l'article 365 du Code civil pour inscrire que le mariage peut être contracté entre deux personnes, nonobstant leur sexe.

Il s'agit ici de mesures concrètes qui appuient l'intention du Québec d'accorder le mariage aux couples de même sexe. Lors de la refonte du Code civil, il y a été précisé qu'un mariage ne pouvait être contracté qu'entre deux personnes de sexe opposé, et j'ai vécu alors cette modification comme un mur qui se dressait contre toute tentative des gais pour accéder au mariage. Je pense que cette perception peut être corrigée en modifiant le phrasé de l'article. De plus, je ne vois pas comment on pourrait craindre, en ouvrant l'institution de l'union civile à tous les couples, qu'il y ait poursuite en arguant que le Québec déborde de sa compétence, de son champ de compétence, puisqu'il s'agit d'une institution, l'union civile, strictement québécoise, qui n'a pas la reconnaissance internationale ni symbolique que conserve le mariage, de sorte que les couples hétérosexuels qui ont des enfants se tourneront encore, de manière majoritaire, vers le mariage qui demeure la meilleure protection pour leurs enfants.

Troisième recommandation. De manière à établir une égalité entre les termes utilisés pour désigner les conjointes et les conjoints de différents statuts civils et étant donné que les termes «conjoint» et «conjointe» sont passés dans le langage courant pour désigner les personnes impliquées dans une relation conjugale, nous recommandons que le terme «partenaire» ne soit pas adopté, mais que lui soit préférée l'appellation «conjoint, conjointe de droit» ou «conjointe, conjoint civils».

Tout à l'heure, j'ai entendu le ministre qui demandait des propositions. Moi, j'en ai deux, soit «conjoint, conjointe de droit» ou «conjointe, conjoint civils». Puis, dans le cadre de mes recherches, je n'ai pas entendu une fois l'utilisation du mot «partenaire». C'est vraiment le terme «conjoint» ou «conjointe» qui s'est stabilisé dans les représentations populaires pour décrire la réalité conjugale, tant du côté hétérosexuel qu'homosexuel. «Partenaire» renvoie plutôt à une association d'affaires, voire une équipe sportive, et ne traduit pas l'engagement affectif, économique et amoureux que vivent les couples. De plus, il s'agit d'un terme emprunté à l'anglais et qui marquerait l'institutionnalisation d'un statut distinctif pour les gais et les lesbiennes, qui n'en veulent pas. Ils veulent être respectés comme tous les autres couples. C'est d'autant plus surprenant que le gouvernement s'engage dans la voie de la logique juridique séparée, que la majorité de la population est d'accord à ce que les couples de même sexe puissent se marier.

Quatrième recommandation. Étant donné la recherche d'égalité entre les conjointes et les conjoints, nonobstant leur statut civil, nous recommandons que l'article 15 du Code civil avance clairement que tous les conjoints et conjointes puissent prendre des décisions pour leur conjoint ou pour leur conjointe lorsque celui-ci ou que celle-ci est déclarée inapte.

Dans ma pratique professionnelle, je travaille avec les familles. Le consentement aux soins pour les conjoints, nonobstant leur statut, est une avancée importante du projet de loi. Il est important que le statut de conjoint soit clarifié, de manière à ce qu'il équivaut à celui d'époux, pour que l'on puisse respecter les patients et les patientes, d'autant plus lorsqu'ils sont rendus aussi vulnérables qu'à la fin de leur vie ou qu'ils ne peuvent plus décider pour eux-mêmes. C'est important de donner les outils aux intervenantes et aux intervenants pour qu'ils puissent intervenir auprès des familles en clarifiant les rôles de chacun et qu'ils ne participent plus à la discrimination.

Cinquième recommandation. Étant donné que le Québec est une terre d'accueil, nous recommandons que le gouvernement s'assure que les conjointes et les conjoints en union civile soient considérés au même titre que les époux et les épouses dans les lois relatives à l'immigration.

Sixième recommandation. De manière à ce que tous les enfants au Québec puissent bénéficier des mêmes protections et de la même reconnaissance, nous recommandons que les dispositions du Code civil soient modifiées de manière à permettre l'exercice de l'autorité parentale et la filiation par deux parents de même sexe.

n(17 heures)n

Ici, je vais vous parler un peu de mon vécu familial. Alors, je vais vous présenter mon frère, Henri, qui a trois enfants; ses deux plus vieilles sont des jumelles dont il n'est pas le père naturel. Il a rencontré leur mère alors qu'elles étaient encore bébés. Le père des jumelles les avait abandonnées et il n'est pas sur le certificat de naissance.

Henri veut les adopter. Henri et moi savons combien il est important pour des enfants d'être clairement inscrits dans une famille, comme c'est la façon la plus élémentaire de les protéger. On le sait d'autant plus qu'Henri est arrivé dans notre famille parce que ma famille était une famille d'accueil et que mes parents n'ont pas pu adopter Henri parce que, bon, lui avait ses filiations avec ses parents, même si sa mère était en voie de dire qu'elle ne pouvait plus s'en occuper. Finalement, en tout cas, il est arrivé d'autres problèmes, puis là maintenant ma mère pense l'adopter après plusieurs années.

Mais, pendant tout ce temps-là, moi, je me retrouve avec Henri qui est un frère, qui ne l'est pas parce qu'il n'a pas pu être inscrit dans ma famille alors qu'il aurait dû l'être. Puis lui-même se retrouve aussi dans une situation où il est avec deux enfants qu'il veut accueillir dans sa famille. Puis il sait combien... il est d'autant plus conscient que c'est important qu'il les adopte qu'il va le faire. Alors, ça, on parlait de ça puis c'est quelque chose qui va arriver subséquemment.

Alors que lui va pouvoir adopter ses enfants, finalement, les deux jumelles, ma conjointe, elle, Eminé, ne pourra pas le faire. Henri va pouvoir le faire parce qu'il est hétérosexuel. Puis, elle, elle ne pourra pas le faire parce que moi ? c'est quoi, là? ? je ne suis pas du bon sexe ou je ne suis pas de la bonne orientation sexuelle? Je trouve ça vraiment injuste. Ça vient profondément me chercher. Je trouve ça même humiliant.

Notre famille, où il y a de l'amour, de l'engagement, de la stabilité, de la paix, n'a pas le droit aux mêmes protections que les autres? Ça va un petit peu plus loin aussi, le fait que François ne soit pas inscrit dans la filiation d'Eminé, puis je vais continuer à illustrer en quoi c'est problématique. Si je meurs, je me pose aussi la question: Où s'en va François? Comme je n'ai pas de frère ou soeur, là, officiels, ma mère est avec un autre conjoint, qui n'est pas intéressé nécessairement à avoir un jeune enfant dans sa famille...

Quand François était plus petit, bien, c'était une de nos craintes. On s'est dit: Bien, où est-ce qu'il va aller, qu'est-ce qui va arriver? Maintenant qu'il est plus vieux, qu'il est capable de plus parler pour lui-même, bien, il va dire que: Oui, je veux rester avec Eminé, puis ça va être respecté. Mais sinon, s'il y avait eu des problèmes entre Eminé puis ma mère, qu'est-ce qui te dit qu'elle, elle n'aurait pas contesté la garde puis qu'elle n'aurait pas voulu que François reste avec elle? Ce n'est pas le cas parce qu'on a de bonnes relations familiales, mais on ne sait jamais. Eminé n'a pas de protection et, par le fait même, François non plus.

D'autre part, quand François était petit, il avait souvent des crises d'asthme puis on devait souvent passer plusieurs heures à l'hôpital, voire l'hospitalisation. Puis, moi, bien, je n'ai jamais pu évidemment quitter le chevet ou être relayée par Eminé parce qu'elle n'a pas l'autorité parentale. Alors, on est toujours sujette à l'arbitraire du personnel. Puis évidemment, du côté légal, c'est moi qui dois signer tous les papiers.

C'est la même chose quand tu dois passer la frontière. Puis, si je ne suis pas avec lui, là aussi je dois signer les papiers. C'est arrivé cet été. Il est allé en voyage aux États-Unis, puis, bon, il n'y a pas eu de problème parce que je n'avais pas de problème de santé puis j'étais sur place. Mais, juste un petit peu plus tôt cet été, je suis tombée malade, moi aussi, puis je suis allée à l'hôpital puis je n'étais plus capable de marcher, puis, à ce moment-là, on a eu très peur. Puis on s'est dit: Mon Dieu! s'il m'arrivait quelque chose, puis que j'étais restée dans le coma ou je ne sais pas trop quoi, si elle n'avait pas pu parler avec le personnel ? c'est un hôpital où j'avais travaillé ? qu'est-ce qui serait arrivé? Tu sais, on n'a aucune protection, on est très vulnérable.

Je vais parler un petit peu plus du côté de la famille d'Eminé. Sa famille ? bon, bien, elle est bien chanceuse, là ? ils sont assez fortunés, bon, puis ils ont une grande terre familiale. Puis ils veulent lui léguer une partie de cette terre-là. C'est en zone verte, vous savez qu'on ne peut pas construire plus de maisons que ce qu'il y a là. Anyway. Alors là, nous, on se dit: Bon, tout d'un coup qu'ils lui laissent la terre, Eminé meurt, elle veut laisser ça à François. On est quasiment sûres, étant donné la dynamique familiale qu'elle a, qu'ils vont essayer d'argumenter, que comme François ne fait pas vraiment partie de leur famille, ils vont essayer de ravoir cette terre-là. Si on se séparait, Eminé puis moi, aussi, elle n'aurait aucune obligation envers François puis, moi non plus, je n'aurais aucune obligation à faire en sorte qu'elle entretienne des liens avec François.

Dans le cours de mes entretiens avec des mères lesbiennes, c'est revenu souvent que j'ai rencontré des lesbiennes qui avaient perdu la garde de leurs enfants, soit que c'était leur conjoint, leur ex-conjoint hétérosexuel, qui avait réussi à avoir la garde de l'enfant. Ou c'est arrivé, aussi, entre conjointes lesbiennes, où l'enfant avait été conçu par l'insémination alternative puis que la mère qui a un statut juridique a fait en sorte que la conjointe ne puisse pas maintenir son lien maternel avec l'enfant. Ça crée des situations souffrantes et qui rappellent la nécessité de clarifier tous les rôles, les statuts, les droits et devoirs de toutes les parties lorsqu'il est question de fonder une famille. Alors, les revendications pour faire reconnaître les couples de même sexe rejoignent donc, inévitablement, celles sur la définition de la famille, qui passent à travers la filiation.

Évidemment, selon moi, une possibilité de remédier à ça, c'est de pouvoir adopter, là, l'enfant, soit par consentement spécial ou que ce soit un couple d'homosexuels qui se présente au service d'adoption. Conjointement, nous autres, on a un désir d'enfant. Bon, depuis longtemps, on voulait agrandir notre famille. On s'est présenté aussi au service d'adoption puis on a été refusé. Ce qui arrive, c'est qu'on aurait pu y aller si on s'était caché, mais ça, c'est impossible, là, de se cacher, c'est complètement ridicule. De toute façon, on ne veut pas vivre comme ça.

Alors, on est allé aux services Batshaw à Montréal, qui, eux, sans accepter officiellement les couples homosexuels à l'adoption, bien, ils acceptent les couples gais pour les familles d'accueil. Puis, bon, c'était un petit peu compliqué. Finalement, on a laissé ce projet-là de côté. Mais, comme étant en union de fait, en plus, on ne pourrait pas cacher notre liaison. Ça fait 11 ans qu'on vit ensemble. Je vois difficilement Eminé qui devrait se cacher, sortir de la maison pendant que les inspecteurs ou je ne sais pas qui vient nous évaluer au niveau de la... Ça n'a pas de bon sens. Tu sais, c'est comme si on était punies d'être lesbiennes, alors qu'on est de très bons parents puis que... Je trouve ça épouvantable qu'elles doivent se cacher, qu'on doive se cacher comme si on était des criminels. C'est...

En tout cas, si, tout d'un coup, on réussissait à avoir d'autres enfants, mettons qu'Eminé avait un enfant par insémination, il n'y a rien, non plus, qui ferait en sorte que ces deux enfants-là, François et l'autre enfant à venir, soit un frère ou une soeur, là, que ça ne serait pas inscrit dans la même filiation. Ça fait que, ça aussi, ça nous cause problème du fait que notre famille ne soit pas reconnue parent... comme une famille comme toutes les autres.

L'orientation sexuelle n'est pas reliée à la compétence parentale. C'est vraiment une affaire de coeur qui s'apprend et qui se construit. Et le projet de loi actuel comporte une série d'incohérences discriminatoires sur le statut parental qui doivent être corrigées.

Bon, là, j'épuise un peu mon temps, mais mes autres recommandations vont toutes dans le sens... Peut-être je peux vous les lire, là, rapidement. Alors, la septième recommandation. Comme les couples de même sexe ont des compétences parentales similaires à celles des couples de sexe opposé, nous recommandons que leur candidature au service d'adoption soit considérée de la même façon que celle des couples hétérosexuels, et, aussi, que l'adoption conjointe, donc, par des couples de même sexe soit faisable.

Un autre point. Comme les cliniques de fertilité offrent des services de santé à la population, nous recommandons que le gouvernement s'assure que ces cliniques ouvrent leur accès à toutes les femmes, nonobstant leur statut civil ou leur orientation sexuelle. Présentement, il y a une discrimination systématique pour les femmes qui ne sont pas en couple hétérosexuel puis qui se présentent à des services de fertilité.

Aussi, neuvième recommandation, comme des enfants sont nés par l'insémination artificielle dans le cadre d'une relation conjugale lesbienne, nous recommandons que le certificat de naissance soit modifié de manière à ce que la conjointe qui n'a pas donné naissance puisse être inscrite comme parent, au même titre que celle qui a donné naissance à l'enfant. Le Québec, qui se targue d'être progressiste en matière des droits des gais et des lesbiennes, s'est fait dépasser haut la main par plusieurs provinces canadiennes, même par l'Alberta, réputée pour être conservatrice. En Colombie-Britannique, les conjoints peuvent s'inscrire sur le certificat de naissance de l'enfant. Bientôt, avec la législation du Manitoba, la majorité des provinces canadiennes reconnaîtront la parentalité des couples homosexuels.

Dernière recommandation. Considérant qu'un enfant élevé par un couple de lesbiennes ou par un couple de gais ne vit pas dans une famille monoparentale mais bien dans une famille biparentale, nous recommandons qu'il soit possible pour un conjoint ou pour une conjointe en union civile d'adopter, par consentement spécial, comme cela peut se faire dans le cas des conjoints hétérosexuels ou pour les époux, l'enfant ou les enfants de son conjoint ou de sa conjointe. L'article 555 devra être modifié en conséquence pour s'assurer qu'un couple de même sexe puisse être reconnu comme parent au niveau de la filiation et de l'autorité parentale.

n(17 h 10)n

En guise de conclusion, je voudrais vous laisser avec une réflexion sur les raisons qui vous empêcheraient d'inclure les droits parentaux pour les couples de même sexe dans le projet de loi sur l'union civile, car vous avez entre les mains une véritable occasion de mettre un frein à l'homophobie. Si les revendications des gais et des lesbiennes viennent remettre en question des notions que l'on croyait acquises sur ce que c'est que d'être parents, sur ce que l'on veut retrouver au sein d'une famille, sur ce que c'est qu'une famille, notre discours n'aura pas été vain. Mais il est question ici non seulement de paroles, mais aussi de pouvoir passer à l'action, parce que grandir, ça se fait très vite, et c'est précieux. Il s'agit de faire en sorte que les enfants au Québec puissent grandir dans des familles respectées de manière à ce que tout enfant ne soit pas victime de discrimination, alors qu'il n'a rien à voir avec les circonstances entourant sa naissance ou son adoption. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Je tiens à vous remercier pour votre présentation. Nous allons commencer les échanges. Ne soyez pas intimidés, il n'y a pas de problème du tout. Et on va commencer avec M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bégin: Alors, Mme Ricard, M. Richard, Mme, excusez, la prononciation de votre nom m'embête un petit peu, Piyalé-Sheard?

Mme Piyalé-Sheard (Eminé): Oui.

M. Bégin: Oui. Alors, je passais un commentaire au président, juste avant qu'il ne me donne la parole, à l'effet que, pour une personne seule, présenter un mémoire de cette qualité, c'est assez remarquable. Et je voudrais vous en féliciter parce que c'est un beau travail, et vous n'avez pas une équipe avec vous pour préparer tout ça. Alors, je vous félicite pour la qualité de votre travail.

J'irais tout de suite sur un point précis, puisque vous avez parlé beaucoup, beaucoup d'adoption. Vous avez même répondu par anticipation à une des questions que je voulais vous poser. La première était: Avez-vous déjà essayé d'adopter votre enfant? Et, un petit peu plus loin, vous avez répondu que vous l'aviez fait. Mais ça me donne le goût d'en poser une seconde, qui fait suite à l'intervention qui vous a précédés, ou les interventions qui vous ont précédés. Vous avez sans doute entendu parler que le centre jeunesse envisageait d'avoir une attitude différente ou avait adopté une attitude différente depuis septembre 2001... et qu'ils étaient ouverts à... évidemment, sujet à une évaluation des personnes du couple pour savoir s'il y a lieu ou pas de favoriser l'adoption, donc d'être très ouverts.

Est-ce que vous avez entendu cet échange? Est-ce que vous...

Mme Ricard (Nathalie): Non.

M. Bégin: Alors, je vous invite à peut-être réécouter ou relire les transcripts de ce qui a été dit. Je pense que ça pourrait être intéressant de le faire.

Mme Ricard (Nathalie): C'est une très bonne nouvelle.

M. Bégin: Pardon?

Mme Ricard (Nathalie): C'est une très bonne nouvelle.

M. Bégin: Oui. Mais n'empêche qu'ils demandaient, comme vous, que la loi soit modifiée afin de permettre, de manière plus ostensible, plus claire, plus simple, plus directe, l'adoption dans les cas que vous soulevez et dans d'autres cas aussi.

Alors, vous avez soulevé la plupart des questions qui ont fait l'objet des présentations jusqu'à présent. Alors, on ne peut pas les faire toutes, mais j'aimerais peut-être revenir encore sur votre expérience que vous avez faite quand vous avez demandé l'adoption. Pouvez-vous nous décrire ? si c'est possible, si vous ne pouvez pas, ne le faites pas ? le cheminement qui a été suivi à l'intérieur, pour qu'on prenne... Parce que, nous, on n'a pas personnellement, je crois, eu l'occasion de faire ce chemin, et j'aimerais savoir comment ça se passe, quelles sont les difficultés rencontrées, etc.

Mme Ricard (Nathalie): Bien, je pense qu'on a beaucoup l'impression que ça dépend de la personne qui est devant soi, de son ouverture. Donc, on est un peu aux prises avec l'ouverture de l'intervenante ou de l'intervenant qui se trouve au bout du fil.

Premièrement, ça a été notre première chose, on a pris le téléphone, on a dit... on a fait venir des documents pour le bureau de l'adoption, tatati, tatata. Puis là on demande: Moi, je vis dans un couple comme lesbienne, est-ce que je peux adopter? Puis là ils nous ont dit carrément ? on n'est pas allé bien loin, là, dans notre démarche: Bien là on n'est pas du tout favorable à cette situation-là, tatata, tatata. Ils ne nous ont pas dit que, bon, la loi ne leur permettait pas, mais il nous ont dit que, dans leur pratique, ce n'était pas quelque chose qu'ils encourageaient.

Puis c'est un petit peu par hasard, à l'hôpital où je travaillais, dans notre panier, dans notre courrier, que j'ai vu un dépliant qui parlait des services... Là, je suis allée du côté francophone puis là j'ai vu un dépliant ? je travaillais dans un hôpital anglophone ? où il parlait des services sociaux, Batshaw, à Montréal. Puis, eux, dans leur dépliant, c'était écrit noir sur blanc que c'était ouvert aux familles homoparentales.

Une voix: Famille d'accueil.

Mme Ricard (Nathalie): Famille d'accueil. Ça fait qu'on est allé à la rencontre. Il y avait plusieurs parents, puis on a discuté, puis on était bien accueilli franchement, à ce moment-là, là, il n'y a pas eu de problème. On n'a pas senti la même hésitation qu'auparavant. Donc, ça nous a encouragées. Puis on nous a dit aussi qu'il y avait plusieurs possibilités comme famille d'accueil puis qu'on pourrait éventuellement peut-être adopter un des enfants qu'on aurait pris en famille d'accueil.

Ce qui nous a un petit peu laissé... Pourquoi on a hésité puis qu'on est encore en train de réfléchir, c'est que, comme on a déjà un enfant... En famille d'accueil, comment ça fonctionnait, c'était: l'enfant pouvait venir, peut-être pendant une fin de semaine, repartir. Il y avait beaucoup d'instabilité. Puis, nous, on voulait avoir quelque chose où c'était plus facile de créer un lien durable, là, pendant une longue période. Ce n'était pas sûr non plus que l'enfant resterait avec notre famille. On trouvait que c'était difficile pour François, aussi, qui était plus jeune, donc c'est ça qui est arrivé.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Bégin: C'est délicat, mais est-ce que François voudrait dire quelque chose? S'il veut parler. Oui? Alors, vas-y.

Le Président (M. Gautrin): Alors, François Ricard.

M. Ricard (François): Bonjour.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que tu veux faire un témoignage, quelque chose, pour éclairer... un vécu... à la commission?

M. Ricard (François): Bien, ça ne me dérange pas, là, je peux parler.

Le Président (M. Gautrin): Pardon?

M. Bégin: Dis ce que tu penses. Dis comment tu vois ça, qu'est-ce que tu penses. Qu'est-ce que tu voudrais nous dire?

M. Ricard (François): Sur la question? Sur quelle question?

M. Bégin: Sur les questions que ta mère a soulevées?

M. Ricard (François): Bien, genre... Ce que je pense... Je ne sais pas. Je ne comprends pas la question, qu'est-ce que vous voulez...

Le Président (M. Gautrin): ...ton point de vue.

M. Bégin: Non, c'est parce que je ne voulais pas te poser une question comme un expert, puis je ne veux pas faire ça. Puis je me suis dit que, peut-être, si tu étais là, c'est que tu voulais témoigner, dire quelque chose, que tu aimais ça ou que tu comprenais,

que tu voulais... je ne sais pas. On a parlé d'adoption. Je ne sais pas le niveau de ta connaissance. Mais si... Je ne te poserai pas de questions. Si tu ne dis pas toi-même quelque chose, ça ne sera pas pire que ça, mais je n'irai pas plus loin.

M. Ricard (François): O.K. Bien, moi, j'aimerais bien ça qu'Eminé m'adopte, genre, comme ça... à ce que ça soit écrit quelque part, parce que je l'aime beaucoup puis je la prends comme ma mère. Moi, ça ne me dérangerait pas.

M. Bégin: C'est déjà beaucoup ce que tu viens de dire. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Peut-être, dans ton vécu quotidien ? parce qu'il y a des gens qui ont posé la question ? est-ce qu'il y a des difficultés que tu aies une famille formée de deux mères plutôt qu'une famille plus traditionnelle?

M. Ricard (François): Bien, les difficultés ne sont pas grandes, là, mais... Ça dépend. Tu sais, des fois, à l'école, les gens, ils ne savent pas trop comment réagir. Comme, ils se demandent, genre... Des fois, je me sens... Je ne sais pas. Mais, comme, je le dis à mes bons amis, puis la plupart des gens qui me connaissent, ils le savent, puis ça ne les dérange pas trop que mes parents soient lesbiennes.

Le Président (M. Gautrin): Je te remercie au nom de la commission. Est-ce que vous avez d'autres...

M. Bégin: Peut-être, pour permettre des... justement pendant qu'il est là... tous ceux et celles qui veulent poser des questions, pas d'ordre.

Le Président (M. Gautrin): Bien sûr. Je pense qu'on le fait peut-être sur un format de questionnement moins ou plus informel, compte tenu que vous ne représentez pas... c'est un témoignage individuel que vous nous faites... Peut-être qu'il y a d'autres personnes qui ont des... Mme la députée de Bourassa, tout de suite ou...

M. Bégin: ...passer au-delà des règles. Non, j'aimerais mieux que vous alliez à...

Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de Bourassa, puis après je pense que c'est le député de Frontenac.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, c'est à mon tour, Mme Ricard, de vous accueillir bien chaleureusement, de même que Mme Sheard. Bonjour, François, également. Je trouve ça, permettez, mesdames, je trouve ça extraordinaire, François, qu'on puisse te rencontrer et, si tu le permets, que tu nous aides à comprendre davantage tous les aspects de l'avant-projet de loi. C'est compliqué un avant-projet de loi, ça soulève parfois des questions, et, nous, on en a beaucoup. Et on aimerait, si c'est possible...

Tout à l'heure, tu disais ? puis dis-le-moi si tu es mal à l'aise, et permets-moi de te tutoyer, j'ai moi-même trois garçons, là ? tu disais: J'en parle à mes bons amis, que j'ai deux mères lesbiennes, puis ça semble être confortable. De l'autre côté, ceux qui sont un petit peu plus mal à l'aise, qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'ils disent, comment ça se passe?

M. Ricard (François): Bien, j'agis pas... Ils sont comme.. plutôt étonnés. Ils restent bouche bée pendant un bon bout de temps, ils font comme... Tu sais, comme ça. Mais ils posent plus de questions après, comme quand je me promène avec eux. Puis ils sont intelligents, comme... ils ne vont pas dire ça à tout le monde, genre... que mes parents sont lesbiennes. Ils vont me laisser le dire. Rares sont les gens qui font vraiment, comme... une scène de ça. La plupart des personnes, elles font comme... juste une petite réaction, puis après c'est fini. C'est ça.

n(17 h 20)n

Mme Lamquin-Éthier: Parfait. C'est bien gentil, je te remercie. J'aimerais vous demander, Mme Ricard, tout à l'heure, vous avez mentionné que, dans le cadre de vos entretiens avec des mères lesbiennes, il y avait certains éléments qui revenaient souvent. Vous avez dit, notamment, que le terme «partenaire» était pas revenu. J'aimerais que vous nous disiez peut-être un petit peu plus que vous révèlent ces entretiens avec les mères. Et c'est quoi, les principaux irritants, comment elles vivent ça?

Le Président (M. Gautrin): Mme Ricard.

Mme Ricard (Nathalie): Le principal irritant, je dirais, c'est qu'il y ait une dichotomie entre conjugalité et parentalité. Et, lorsque j'ai conduit la recherche ? notamment qui a fait l'objet d'un livre, là, Maternités lesbiennes ? c'était avant l'adoption de la loi n° 32 sur l'union de fait. Ça fait que j'avais posé plusieurs questions aux conjointes lesbiennes, aux lesbiennes aussi qui étaient célibataires: Qu'est-ce que vous pensez de ce projet de loi là? Et toutes, de manière unanime, ont dit: Bien, pour moi, ça ne fait pas grand-chose, au contraire, j'ai plutôt l'impression que je vais perdre du côté fiscal avec ce projet de loi là. Ça ne fait pas grand-chose parce que ça ne me reconnaît pas vraiment comme qui je suis. Qui je suis, c'est que je suis une mère lesbienne. C'est qu'il y a une intégration d'identité maternelle et lesbienne pour ces femmes-là, alors... Bon, ça, c'était le principal irritant.

L'autre irritant aussi, c'est, je dirais qu'au niveau de la sensibilisation du public il y ait plus de travail de fait dans les écoles au niveau de l'éducation populaire pour démystifier l'homosexualité.

Mais je dois dire que, depuis l'adoption de la loi n° 32, même si ça ne fait pas longtemps, il y a déjà eu un grand pas en avant. Je dirais que même, peut-être, du côté des amis de François, on dirait que c'est plus dans le vocabulaire. Même chez des jeunes, ils savent que ça peut... qu'il y en a, des cas gais, que ça se peut, des relations amoureuses entre garçons, entre filles. C'est déjà rendu dans le discours. Ça s'est fait très rapidement. Je pense, on dirait que ça a comme libéré des choses, des retenues.

Ce qui irrite énormément aussi, c'est l'homophobie. Puis l'homophobie est souvent associée à des stéréotypes très forts sur ce que ça doit être, d'être un homme, puis ce que ça doit être, d'être une femme. Pour les lesbiennes que j'ai interviewées, il y a une plus grande ouverture des rôles sexuels, des rôles de genres. Puis il n'y a pas une négation non plus de ce que c'est que la famille traditionnelle, comme disait le député tantôt, ou qu'est-ce que c'est qu'un père, qu'est-ce que c'est, une mère. Au contraire, ces rôles-là sont très valorisés.

Mais ce qu'elles mettent de l'avant, c'est une diversité de la vie familiale. C'est de dire: Bien, dans notre société, il y a une manière de vivre la famille de différentes façons, puis on a de belles valeurs à mettre de l'avant. C'est beaucoup par rapport à la diversité, à la démocratisation, à des services, à une ouverture sur la pluralité sexuelle.

Le Président (M. Gautrin): Mme Eminé, vous vouliez ajouter un complément de réponse?

Mme Piyalé-Sheard (Eminé): Oui. J'aimerais simplement rajouter un témoignage au niveau très personnel. Ça fait 11 ans que j'élève François. Je l'aime profondément, c'est mon garçon, je suis fière de lui, et puis l'idée que je n'ai aucune reconnaissance légale, aucune protection légale, c'est une réalité à laquelle je dois faire face au quotidien. Si jamais quelque chose se passait, à Nathalie et à François ? Nathalie le soulevait un petit peu tout à l'heure dans son communiqué, mais c'est une réalité... Et je suis dans une situation que je partage avec beaucoup d'autres femmes et hommes qui n'ont pas la reconnaissance légale envers les enfants qu'ils ont élevés, qu'ils ont aimés et qu'ils considèrent les leurs.

Et je crois que c'est... de reconnaître des conjoints de même sexe sans reconnaître aussi la filiation ferait un déséquilibre terrible. Je serais reconnue... Nathalie est la mère légale de François, moi, je serais la conjointe légale. Mais pourtant le triangle ne serait pas refermé, il n'y aurait aucun lien légal entre François et moi, et, dans des cas très concrets, que ce soit au niveau de ma propre famille et de la succession, que ce soit au niveau d'une urgence médicale, etc., c'est vraiment une réalité qui est très, très réelle. C'est...

On parle souvent des conjoints de même sexe: Est-ce qu'ils sont aptes à élever un enfant? La preuve, c'est qu'on est un couple très, très fort, on a vraiment beaucoup d'amour et beaucoup de stabilité. On élève notre enfant dans cette optique-là. Et puis la filiation, je crois, est très, très essentielle dans le projet de loi.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac, vous avez une question?

M. Boulianne: Moi, j'aurais deux questions. D'abord, une à François. Alors, je te félicite d'abord d'être plus que courageux, mature, de venir en commission parlementaire à ton âge. La question est la suivante. Tu as parlé tout à l'heure de tes amis. Alors, habituellement, tes amis, donc, ils ont un père, une mère. Toi, tu as deux mères. Est-ce que ça te cause un problème? De quelle façon tu vois ça?

M. Ricard (François): Bien, ça ne me cause pas de problème. Non. Ça ne me cause pas de problème.

M. Boulianne: Est-ce que ça te limite dans tes activités? Tu peux...

M. Ricard (François): Non, pas du tout, parce que, si je prends Eminé, je fais beaucoup d'affaires avec elle. Je ne vois pas une activité que je ne pourrais pas faire avec deux mères que je pourrais faire avec une mère puis un père, puis... Non, ça me...

M. Boulianne: Merci. Madame Ricard, je ne sais pas si j'ai bien compris tantôt, vous parlez de... il faudrait se retirer de la cause Hendricks. C'est ça que vous avez dit? Est-ce que c'est ça que vous avez dit?

Mme Ricard (Nathalie): ...

M. Boulianne: Pourtant, nous semble-t-il qu'ils poursuivent les mêmes objectifs que vous autres, c'est-à-dire le mariage, ensuite... le droit de se marier, le respect par la Charte des droits, l'abolition de l'article 365. C'est...

Le Président (M. Gautrin): Mme Ricard.

Mme Ricard (Nathalie): Non, mais je pense que, présentement... En tout cas, moi, je suis allée à leur recours à un moment donné, puis il me semble que c'était le gouvernement du Québec qui était contre leur demande. Ça fait que c'était juste dans ce sens-là. Je me disais: Bien là c'est un petit peu une incohérence, tu sais. Le gouvernement, il dit oui, il veut nous accorder le mariage, puis, d'un autre côté, il va contre la cause d'un couple qui demande le mariage. Oui, il faudrait se retirer de là puis que peut-être la cause continue vers où est-ce qu'elle doit aller, vers le fédéral, où c'est finalement de leur juridiction.

M. Boulianne: O.K., merci.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, vous aviez une question à poser à Mme Ricard.

M. Bégin: Mme Ricard, vous soulevez quelque chose que personne d'autre dans un mémoire ne soulève, à moins d'erreur de ma part. Dans votre conclusion, à la page 19, vous dites ? et je vais vous citer pour que tout le monde profite de ce que vous avez écrit: «D'autre part, des aménagements de la loi sur l'adoption et sur l'insémination artificielle de manière à ce que les enfants puissent connaître leur géniteur, comme c'est le cas dans certains États américains, devraient être envisagés pour répondre à la crainte que les enfants nés par insémination artificielle ou qui sont adoptés ne puissent pas retracer leurs origines. Ces aménagements pourraient bénéficier tant aux enfants de familles hétérosexuelles qu'homoparentales.»

Alors, on sait l'importance de connaître l'origine biologique de ses parents, puisqu'il y a tout le bagage génétique et tout le bagage que nous transportons obligatoirement. Donc, quand le donneur est inconnu, ce volet-là est parti. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous avez énoncé ça? Et à quoi référez-vous comme expériences américaines ou des États américains, et ce que ça comporte, s'il vous plaît?

Le Président (M. Gautrin): Mme Ricard.

Mme Ricard (Nathalie): Oui. Alors, jusqu'à récemment, là, la loi a changé, mais il y avait plusieurs lesbiennes qui avaient ce souci-là, justement, de pouvoir... Bien, si l'enfant, à un moment donné, veut retracer le géniteur ou le connaître, en tout cas avoir un vis-à-vis, elles faisaient appel à des banques de sperme américaines, puis, elles, dans leurs contrats, c'était écrit que, justement, à l'âge où l'enfant atteint maturité, à l'âge de 18 ans, il pouvait faire cette recherche-là ou demander, en tout cas, plus de connaissances, à savoir c'est qui, ce géniteur-là. Là, maintenant, la loi a changé, puis les lesbiennes ne peuvent plus faire appel à des banques de sperme américaines, donc c'est juste à des banques de sperme canadiennes.

Au Québec, c'est fermé, donc c'est à des banques de sperme ontariennes habituellement, et la loi, ici, au Canada, dit que le donneur doit rester anonyme. Là, présentement, il y a une commission qui est à l'étude sur les nouvelles technologies de reproduction. Ça se peut que la loi change puis que le... Ce n'est pas l'identité du donneur comme telle, c'est de plus connaître c'est qui, justement, par rapport à son passé génétique. Il y a certains donneurs, par contre, qui veulent rencontrer l'enfant juste comme pour le voir à un moment donné. Ça fait qu'il y a toutes sortes d'aménagements qui pourraient être faits à ce niveau-là.

n(17 h 30)n

Ça fait que, moi, c'est en gardant ça en tête, à travers les entretiens, que j'ai inséré cette demande-là. Puis je sais aussi que ça vient des familles hétérosexuelles avec des enfants qui ont été conçus par insémination ou qui ont été adoptés aussi. Dans notre système, on efface, là... la filiation biologique est remplacée par la filiation d'adoption. Mais il y a d'autres manières, peut-être avec l'adoption ouverte, où ça serait possible.

D'ailleurs, je voulais juste revenir sur votre question de tout à l'heure sur l'adoption. Je me rappelle, lors d'une entrevue, d'une lesbienne qui avait fait, elle, le processus de l'entrevue ? puis je fais juste vous raconter ça à titre d'anecdote. Elle, c'est une intervenante. Bon, elle a adopté comme mère célibataire et puis elle passe l'entretien, bon, psychosocial, bon, puis ça va, youpidou! Puis là justement, quand elle a commencé à parler de la question des rapports affectifs, amoureux, elle a dit à la psychologue: Bien, moi, je suis lesbienne, puis là, dans l'entretien, elle dit ça clairement. Elle dit: Youpidou! dès que j'ai dit que j'étais lesbienne, ah bien, là, tout d'un coup, ça n'allait pas du tout, du tout, du tout.

Jusqu'à date, j'étais une bonne mère, j'avais des bonnes capacités, j'avais mis toutes mes économies de côté, j'avais un bon réseau de soutien, là. J'étais une candidate numéro un, puis, dès qu'elle a su que j'étais lesbienne, youpidou! la candidature s'est refermée. Elle a dit à l'interviewée en question que, elle, elle ne sentait pas la possibilité de présenter sa candidature, puis qu'elle devait alors fermer le dossier, puis qu'elle devrait recommencer la démarche, puis s'adresser à quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Gautrin): Bien, écoutez, Mme Ricard, je vous remercie au nom de la commission. Mme Eminé Piyalé-Sheard, je vous remercie. François, c'est un beau début pour témoigner devant une commission parlementaire. Félicitations. Et je vous remercie de votre témoignage.

Sur ce, je suspens les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain matin.

(Fin de la séance à 17 h 32)



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