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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 20 février 2002 - Vol. 37 N° 48

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur le système correctionnel du Québec


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Table des matières

Question de fait personnel soulevée par le député de Saint-Laurent
et portant sur une question adressée au président du Syndicat
des agents de la paix en services correctionnels

Auditions (suite)

Remarques finales

Autres intervenants

 
M. Henri-François Gautrin, vice-président
M. Léandre Dion
M. Russell Copeman
* Mme Pauline Champoux-Lesage, protectrice du citoyen
* Mme Micheline McNicoll, bureau du Protecteur du citoyen
* Mme Johanne Renaud, idem
* M. Jean-Claude Paquet, idem
* Mme Theresa-Anne Kramer, MADD Montréal (Les mères contre l'alcool au volant)
* M. Jean Claude Bernheim, Office des droits des détenu-e-s
* Mme Liette Brousseau, Regroupement provincial des maisons d'hébergement et
de transition pour femmes victimes de violence conjugale
* Mme Fleurette Boucher, idem
* M. Renald Desharnais, SPGQ
* M. Réjean Drainville, idem
* Mme Carole Laurier, idem
* M. Pierre Riopel, idem
* M. Michael Isaacs, idem
* M. Yves Tétreault, AQAAD
* Mme Michèle Roy, Regroupement québécois des CALACS
* Mme Carole Tremblay, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Gautrin): Il y a quorum, nous allons pouvoir commencer nos travaux, et je déclarerai cette séance ouverte.

M. Dupuis: M. le Président...

Le Président (M. Gautrin): Oui?

M. Dupuis: ...j'aurais une remarque préliminaire, avec le consentement du ministre, bien sûr.

M. Jutras: Oui, oui.

M. Dupuis: Une très courte, une remarque préliminaire très courte.

M. Jutras: Bien, oui, c'est de consentement. Je me doute sur quoi, alors...

Question de fait personnel soulevée par le député
de Saint-Laurent et portant sur une question
adressée au président du Syndicat des agents
de la paix en services correctionnels

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Bien, c'est simplement pour mettre une chose au clair. Bon. Tout le monde a été au courant du témoignage et de l'interrogation qui a été tenue avec M. Réjean Lagarde, le président du Syndicat des agents de la paix, hier. J'ai vu les reportages à la télévision. Je tiens simplement à dire de façon claire que j'affirme ne jamais avoir eu de discussions avec M. Réjean Lagarde sur ce sujet-là avant qu'il ne vienne en commission parlementaire et au moment où je l'ai interrogé en commission parlementaire. Ce que je dis et ce que j'ai répété ce matin aux médias, c'est que j'avais une information depuis un certain temps, que je cherchais à faire confirmer, et j'ai choisi hier ? puisque nous discutions avec M. Réjean Lagarde d'enquête de sécurité inexistante lorsqu'on engage les agents des services correctionnels ? j'ai choisi de lui poser la question que je lui ai posée. Vous avez entendu la réponse qu'il a donnée; je ne veux pas revenir là-dessus.

Mais j'ai entendu le ministre hier, aux nouvelles, aux informations à TVA, dire qu'il avait l'impression que c'était entendu avec M. Lagarde et que nous nous étions entendus d'avance là-dessus. J'affirme que ce n'était pas le cas. Je ne peux pas blâmer le ministre d'avoir pensé ça, mais je veux simplement rétablir les faits là-dessus: je n'avais jamais eu de discussion avec M. Lagarde à ce sujet-là. J'ajoute que ce matin j'ai parlé à M. Lagarde pour lui dire que j'allais faire cette affirmation. Ça va? Merci.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, vous avez un commentaire? Pas de commentaires. Alors, ceci étant dit, je continue à recommencer la commission. Je me permets de vous rappeler le mandat: Poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur le système correctionnel du Québec.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) est remplacé par Mme Barbeau (Vanier); M. Boulianne (Frontenac) est remplacé par M. Dion (Saint-Hyacinthe); Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Beaumier (Champlain); M. Paquin (Saint-Jean) est remplacé par M. Laprise (Roberval); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) est remplacée par M. Sirros (Laurier-Dorion); et M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, je me permets de vous dire ce que nous allons faire aujourd'hui, c'est à notre ordre du jour. À 9 h 30, nous recevons le Protecteur du citoyen; à 10 h 15, MADD Montréal, c'est-à-dire Les mères contre l'alcool au volant; à 11 heures, l'Office des droits des détenu-e-s; à 11 h 45, Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale. Nous devrions ajourner nos travaux vers 12 h 30. À 14 heures, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec; à 14 h 45, l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense; à 15 h 30, le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, couramment appelé CALACS. Et après, bon, on terminera avec les remarques finales et des parlementaires ministériels et des parlementaires de l'opposition.

Maintenant, je devrai demander à Mme le Protecteur du citoyen de bien vouloir s'avancer. Mme Champoux, vous êtes une experte dans les témoignages devant les commissions, mais je vais me permettre de vous rappeler ce que vous savez, à savoir qu'il y a 45 minutes pour la présentation globale, allouées à la présentation de votre mémoire, 45 minutes qui se fractionnent de la manière suivante: 15 minutes pour votre présentation plus formelle, 15 minutes pour les questions provenant des députés ministériels et 15 minutes pour les questions provenant des députés de l'opposition. Alors, Mme Champoux, vous avez la parole.

Auditions (suite)

Protecteur du citoyen

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Alors, merci, M. le Président. Si vous me permettez, d'entrée de jeu je souhaiterais présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors, à mon extrême gauche, Me Micheline McNicoll, qui est commissaire à la qualité des services; Me Johanne Renaud, qui oeuvre dans le secteur des services correctionnels et qui a largement contribué à la préparation de ce mémoire; et Me Jean-Claude Paquet qui est mon conseiller juridique, à ma droite.

Alors, M. le Président, je suis très heureuse de l'occasion qui m'est offerte de réagir à cet avant-projet de loi sur les services correctionnels. Comme vous le savez sans doute, c'est un secteur où le Protecteur du citoyen est le plus sollicité. Nous avons, au fil des ans, développé une certaine connaissance de la réalité vécue dans les établissements de détention et des difficultés rencontrées au quotidien tant par les détenus que par le personnel de ces centres.

n (9 h 50) n

Déjà, en 1999, le Protecteur du citoyen avait déposé un rapport sur les services correctionnels dont bon nombre de recommandations ont été reprises au sein du rapport Corbo. Je vais donc, dans un premier temps, faire état des aspects du projet de loi que je considère comme des améliorations sensibles et je me limiterai ensuite à présenter mes propositions principales, les autres étant complémentaires à celles-ci. Elles visent globalement à ne pas restreindre les formes de recours et à assurer la transparence et le droit à l'information.

En raison des plaintes qui nous sont acheminées, nous avons une meilleure connaissance de la situation des détenus que de celle des victimes. Mais je tiens à dire que j'ai trouvé particulièrement opportuns les articles donnant les droits aux victimes de faire de représentations.

D'abord, les aspects positifs du projet de loi. La réforme proposée par l'avant-projet de loi instaure plus de rigueur, de transparence et de cohérence dans l'organisation du système correctionnel, notamment par l'intégration des deux lois qui régissent actuellement ce système. En outre, je ne peux qu'appuyer les trois objectifs complémentaires visés par l'avant-projet de loi: de favoriser la réinsertion sociale des personnes prévenues et contrevenantes, d'assurer la protection de la société et le respect des décisions des tribunaux.

Dans l'avant-projet de loi, les responsabilités des services correctionnels sont aussi clairement énoncées, notamment l'obligation d'évaluer les personnes incarcérées. L'évaluation étant considérée ou déterminée en termes d'obligation, la personne incarcérée y aura droit. Le défi consiste à déployer les efforts nécessaires pour y répondre de façon adéquate et dans des délais qui soient acceptables. Il en est de même, bien sûr, de l'implantation des programmes d'activités et des services favorisant la réinsertion sociale.

Je me réjouis que l'avant-projet de loi propose que les programmes et les services offerts prennent en compte les besoins propres aux femmes ainsi qu'aux autochtones. J'appuie fortement le fait que les motifs, les conditions et la procédure d'octroi des permis de sortir ? nouvelle appellation pour absence temporaire ? soient prévus dans la loi plutôt que dans une simple directive administrative. J'approuve entièrement aussi le choix de confier à la Commission québécoise des libérations conditionnelles l'exclusivité des décisions en matière de libération des personnes condamnées à des peines ou des sanctions de plus de six mois. Enfin, je trouve intéressante la création d'organismes de concertation comme outil de collaboration de tous les intervenants.

L'avant-projet de loi établit les principes généraux qui devront guider les Services correctionnels ainsi que les autres intervenants dans l'exercice de leur mandat respectif. L'un de ces principes est de contribuer à la protection de la société en aidant ces personnes à devenir des citoyens respectueux des lois tout en exerçant sur elles un contrôle raisonnable, sécuritaire et humain.

L'avant-projet de loi énonce aussi clairement les responsabilités des personnes incarcérées. Toutefois, si elles ont les responsabilités, il importe de rappeler qu'elles ont aussi des droits. Tout comme la Loi sur la justice administrative fait référence au respect des droits fondamentaux dès son article premier, je suis d'avis qu'il est essentiel d'établir clairement dans les principes mêmes de la loi que le contrôle exercé sur les personnes incarcérées doit se faire en respectant leurs droits fondamentaux. C'est pourquoi je propose que l'article 1 de l'avant-projet de loi soit modifié en conséquence par l'ajout, après le «contrôle raisonnable, sécuritaire et humain», «dans le respect de leurs droits fondamentaux».

Un des volets importants de la réforme proposée concerne le processus d'octroi de réduction de peine. À l'heure actuelle, la personne contrevenante a droit à la réduction de peine jusqu'à concurrence du tiers de sa peine d'emprisonnement si elle respecte le règlement et les directives dans l'établissement et, le cas échéant, les conditions de sa libération conditionnelle. L'avant-projet de loi propose une approche différente: l'étude systématique de tous les dossiers par l'octroi au mérite de la réduction de peine. Avec cette nouvelle approche, la personne contrevenante devra démontrer qu'elle a fait preuve d'une bonne conduite active.

Je considère qu'il est essentiel de connaître les modalités d'application du nouveau processus d'octroi de la réduction de peine avant d'aller de l'avant avec cette proposition. Toutefois, d'ores et déjà, deux commentaires s'imposent: les critères d'évaluation et de décision, absents des dispositions projetées, devraient être fixés à l'avance et, de plus, le mandat d'étudier le mérite de la réduction de peine ne devrait pas, à notre avis, être confié au comité de discipline.

L'avant-projet de loi énonce les conditions auxquelles devront se conformer les personnes contrevenantes afin de se voir accorder le mérite de la réduction de peine. Or, avec quels critères évaluera-t-on si la personne contrevenante a rempli ces conditions? Force est de constater qu'il n'y a aucun critère qui est mentionné dans la loi. Alors que l'avant-projet de loi énonce en détail les critères pour accorder une permission de sortir et une libération conditionnelle, on constate qu'aucun critère n'est indiqué pour statuer sur le mérite de réduction de peine. En l'absence de critères, le terme «respect», par exemple, apparaît fort vague et imprécis. Je recommande donc, je propose que le législateur précise dans la loi les critères qui seront utilisés pour apprécier la notion de «respect» à l'égard du personnel et des autres personnes incarcérées ainsi que les critères dont l'instance décisionnelle devra tenir compte avant de statuer sur le mérite de la réduction de peine. On pourrait s'inspirer, par exemple, des articles 35 et 43 du Règlement sur les établissements de détention qui existe actuellement.

Maintenant, pour ce qui concerne la participation aux programmes et aux activités de réinsertion sociale. La deuxième condition à laquelle devra se conformer une personne contrevenante est l'obligation de participer aux programmes et aux activités favorisant sa réinsertion sociale. Je considère que ces programmes et activités sont essentiels. Toutefois, on le sait, les programmes et activités sont insuffisants dans bon nombre d'établissements de détention, et là c'est fort inégal d'un établissement à l'autre. Si les programmes ou activités qui correspondent aux besoins d'une personne contrevenante ne sont pas offerts dans son établissement, comment le comité de discipline évaluera-t-il si elle a rempli son obligation? Afin d'éviter que cette disposition soit interprétée comme une obligation de participer à n'importe quel programme ou activité, même en l'absence de ce qui convient à son projet de réinsertion sociale, il faudrait préciser dans la loi que les programmes et activités auxquels doit participer une personne contrevenante sont ceux prévus à son projet de réinsertion sociale. Je propose donc que soit ajouté, à l'article 63: «et tel que prévu à son projet de réinsertion sociale».

Si on crée une obligation de participer à des programmes et activités, il faut s'assurer que ceux-ci correspondent à des critères sinon d'excellence, du moins qu'ils soient reconnus comme adéquats, et ceci, après évaluation. Alors, je propose aussi que soient prévus les critères auxquels devront se conformer les programmes et activités de réinsertion sociale et l'obligation d'évaluer périodiquement ces programmes et activités.

Actuellement, un comité de discipline a pour mandat d'étudier la situation des personnes incarcérées qui ont fait l'objet d'un rapport de manquement, de rendre une décision et, s'il y a lieu, de statuer sur la sanction à imposer. L'avant-projet de loi confie au comité de discipline le mandat de statuer sur le mérite de la réduction de peine. Ce nouveau rôle qui lui serait dévolu n'a pas le même objet ni les mêmes fins que la discipline ou du moins ne devrait pas l'avoir. Confier au comité de discipline un tel mandat risque de donner une connotation uniquement disciplinaire à l'étude du mérite de la réduction de peine. Or, cette étude devrait se faire en considérant l'ensemble des critères énoncés à l'article 63 de l'avant-projet de loi, et je considère que les membres du comité de discipline pourraient confondre leur rôle en discipline et leurs fonctions en ce qui concerne la réduction de peine. Je propose donc que le mandat de statuer sur le mérite de la réduction de peine soit confié à un comité d'étude de la réduction de peine plutôt qu'à un comité de discipline. Et le rôle de ce nouveau comité devrait s'inspirer des règles et des principes inscrits dans la Loi sur la justice administrative.

Je propose que soit prévue dans la loi la procédure d'étude de la réduction de peine qui pourrait être la suivante: étude du dossier par un agent de probation; en cas de refus, envisager référer au deuxième palier; auditions devant le comité d'étude de la réduction de peine, composé de trois membres dont au moins un agent de probation ou un conseiller spécialisé en milieu carcéral, selon une procédure qui pourrait s'inspirer des articles 41 et suivants du Règlement sur les établissements de détention et des articles 6, 7 et 8 de la Loi sur la justice administrative; et enfin pouvoir de révision par le ministre ou par une personne qu'il désigne sans limiter les motifs de révision.

En ce qui concerne le comité de discipline, je propose que le droit à l'audition, aussi, devant un comité de discipline soit également prévu aux articles 66 et 179.

Enfin, un dernier commentaire s'impose concernant cette section de l'avant-projet de loi. L'article 64 prévoit que le comité de discipline doit obtenir l'approbation préalable du directeur avant d'annuler une réduction de peine excédant 15 jours. L'article 18 de la loi actuelle prévoit que c'est le directeur général qui doit approuver cette annulation. Or, lorsque la personne incarcérée demande, par la suite, la révision de la décision du comité de discipline, c'est l'administrateur, nommé directeur dans l'avant-projet de loi, qui rend la décision. Si le pouvoir d'approuver au préalable était conféré au directeur, celui-ci se trouverait, par conséquent, à réviser sa propre décision lorsque la personne incarcérée demande la révision de la décision du comité de discipline. Je propose donc que ce soit le ministre ou la personne qu'il désigne qui approuve au préalable l'annulation de la réduction de peine excédant 15 jours.

n (10 heures) n

Maintenant, au regard des motifs de révision en matière de permission de sortir. L'avant-projet de loi propose que la révision des décisions en matière de permission de sortir à des fins de réinsertion sociale doit s'appuyer sur l'un ou l'autre des motifs suivants: les prescriptions imposées par la loi n'ont pas été respectées, la décision rendue devrait être changée parce qu'elle s'appuie sur des renseignements incomplets ou erronés. Or, la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus prévoit un droit d'appel à la Commission québécoise des libérations conditionnelles en matière d'absence temporaire pour réinsertion sociale sans aucunement limiter les motifs de révision.

De plus, comme les motifs proposés dans l'avant-projet de loi sont restrictifs, la limitation des motifs enlèverait aux réviseurs, à notre avis, toute discrétion. La limitation risquerait, en outre, d'avoir pour conséquence imprévue de judiciariser indûment le processus en mettant l'accent sur le formalisme, c'est-à-dire les prescriptions de la loi, ou la qualification des faits, renseignements, incomplets ou erronés.

Par ailleurs, l'avant-projet de loi propose que la révision soit faite par la personne désignée par le ministre plutôt que par la Commission québécoise des libérations conditionnelles. De plus, le délai pour faire la demande de révision est réduit à sept jours, alors qu'il est de 14 jours dans la loi actuelle. Le rapport Corbo recommandait, pour sa part, que le droit d'appel soit maintenu tel quel. Je suis du même avis. Je propose donc que le droit d'appel en matière d'absence temporaire prévu actuellement à la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus soit maintenu tel quel pour les permissions de sortir à des fins de réinsertion sociale, sans en limiter les motifs.

En matière de libération conditionnelle, je propose que le droit à la révision prévu à la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus soit maintenu tel quel, sans en limiter les motifs.

En conclusion, je considère que tous les problèmes qui avaient été soulevés en 1999 dans le rapport du Protecteur du citoyen ne seront pas réglés bien sûr par cette réforme législative; bon nombre de correctifs devront être apportés par d'autres moyens. Je désire aussi rappeler, comme plusieurs intervenants l'ont fait, je crois, hier, l'importance de consentir les ressources adéquates aux services correctionnels, comme le recommandait le rapport Corbo et comme c'était aussi la recommandation du Protecteur, avant lui. De nombreux problèmes, notamment la rareté des programmes et activités de réinsertion sociale, les délais indus pour procéder à l'évaluation des personnes incarcérées, le manque de personnel dans les établissements de détention et leur formation ne se régleront pas simplement par l'adoption de cette loi.

Je tiens cependant à réitérer l'importance que j'accorde à la réforme qui est proposée, sa pertinence, son bien-fondé. Je réitère mon appui aux grands principes qui sont à la base de cette réforme législative. Mes commentaires ont pour but de bonifier cet avant-projet de loi, et j'espère que mes propositions contribueront à l'atteinte des objectifs énoncés par les législateurs, dans le respect des droits fondamentaux des personnes incarcérées. Je vous remercie.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme le Protecteur, et, pour la période d'échange, je donne la parole à M. le ministre.

M. Jutras: Alors, Mme Champoux-Lesage, bienvenue à cette commission. Bienvenue aussi à vos collaborateurs et collaboratrices. Vous nous avez fait des suggestions, effectivement, qui sont très intéressantes, dans votre mémoire, là, pour nous permettre effectivement, peut-être, de mieux encadrer les droits à être exercés par les détenus dans certaines situations, comme, entre autres, la division d'un comité de réduction de peine puis la division du comité de discipline. Effectivement, je m'étais posé ces questions-là et je retrouvais ça dans votre mémoire.

Ma première question, parce que je suis convaincu que mes collègues vont en avoir également, des questions. Quand vous nous dites ? je commence par votre conclusion ? que, par rapport à votre rapport de 1999, tous les problèmes ne seront pas réglés, c'est une affirmation qui est lourde, et je voudrais que vous nous disiez, par rapport à ces problèmes qui ne seront pas réglés, est-ce qu'il y en a particulièrement sur lesquels vous voulez attirer notre attention et sur lesquels il faudrait porter vigilance?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui, merci. M. le ministre, c'est que je les évoquais tout à l'heure en disant l'importance de consentir les ressources. Alors, je pense que, malgré toutes les bonnes intentions, malgré les améliorations importantes qu'apporte ce projet de loi, si les ressources ne suivent pas, ce sera extrêmement difficile. Si nous avions une insistance à apporter, ce serait bien sûr au regard des activités de réinsertion: s'assurer que les programmes et les activités de réinsertion soient réellement disponibles et que, bien sûr, on puisse améliorer aussi les délais; que toutes les propositions que nous avons faites pour améliorer les recours, assurer les droits de recours adéquats soient maintenues, mais, en majeur, de mettre l'accent sur les moyens de réinsertion sociale.

M. Jutras: Alors, je comprends, quand vous nous dites ça dans votre conclusion, que tous les problèmes ne seront pas réglés; finalement, on a l'explication dans le paragraphe qui suit. Vous mentionnez trois points entre autres: les délais, l'évaluation des programmes, etc. D'accord.

Maintenant, je veux revenir au tout début de votre rapport où vous nous parlez d'inclure, dans l'article 1, le respect des droits fondamentaux. Je trouve qu'effectivement c'est une proposition intéressante. On pourrait dire: Ce n'est pas nécessaire de le dire, ça va de soi. Comme disait un de mes professeurs d'université: Il va sans dire, mais il va mieux en le disant. Alors, je pense que ce serait préférable, oui, de le dire, et ça m'amène un peu plus loin parce que certains intervenants devant la présente commission nous ont dit: On parle des droits des détenus, on parle des obligations des détenus, mais, par rapport au personnel... Et ça, vous rejoignez un peu cette question-là avec la question des droits fondamentaux, le respect des droits fondamentaux. Qu'est-ce que vous dites par rapport à ça concernant le personnel, les agents des services correctionnels, les agents qui travaillent auprès des détenus? Est-ce qu'on devrait aller plus loin à cet égard?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je voudrais bien saisir le sens de votre question.

Le Président (M. Gautrin): Mme McNicoll. Vous voulez répondre, madame?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non, je voudrais bien saisir le sens de votre question.

Le Président (M. Gautrin): Ah! Excusez, je pensais que madame...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Est-ce que c'est au regard du respect des droits fondamentaux du personnel?

M. Jutras: Bien, c'est-à-dire que, oui, le respect des droits fondamentaux, mais, moi, je vais plus loin dans ma question parce qu'il y en a qui nous disent: Vous dites que les détenus ont des devoirs et des obligations, oui, mais le personnel aussi. Il faudrait parler des devoirs et des obligations du personnel. Et je vous donne un exemple: On parle du respect que les détenus doivent avoir envers le personnel, mais on devrait aussi inclure dans la loi le respect que le personnel doit avoir envers les détenus.

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je pense qu'effectivement ce serait une proposition intéressante dans la mesure où le respect... Quand on donne un droit à une personne, il faut que les gens qui sont face à ces personnes-là puissent l'exercer. On sait que c'est en milieu qui n'est pas nécessairement toujours facile. Alors, je pense que ça pourrait être une proposition, oui, effectivement intéressante, de préciser que le personnel doit agir avec respect de la dignité des personnes qui sont en... Parce que souvent on confond perte de liberté avec perte des droits. Alors, c'est très important d'assurer un traitement de ces personnes-là comme étant des gens qui ont des droits à la dignité, à être traités avec dignité.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Jutras: Maintenant, je pense que vous n'en traitez pas dans votre mémoire, là ? je l'ai lu, mais je crois que vous n'en traitez pas ? mais on en a beaucoup parlé dans le cadre de la présente commission, des droits des victimes. C'est revenu très, très souvent là et, même encore aujourd'hui, on va continuer d'en parler. Certains nous disent ? entre autres, les articles 101 et 102 ? que, bon, c'est bon, et allez-y tel quel. Par contre, d'autres nous disent: Vous n'allez pas suffisamment loin, nous disent que, même dans l'article 1, il faudrait rajouter cette notion des «droits des victimes», du «respect des victimes». D'autres nous disent qu'il faudrait même avoir un chapitre beaucoup plus élaboré sur cette question-là. Est-ce que vous avez étudié un peu ce point-là?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Comme je l'évoquais au départ, notre intervention est davantage orientée détenus, compte tenu que la nature des plaintes qui nous sont acheminées et le travail, la connaissance qu'on a du milieu est davantage de ce côté-là. Mais comme je l'évoquais aussi, j'ai trouvé très opportun qu'on se préoccupe et, de façon explicite dans la loi, on donne un droit d'intervention des victimes. Je sais, je pense qu'hier on évoquait la possibilité qu'on informe plus avant, plus tôt les victimes pour qu'elles puissent intervenir. Je pense qu'on doit avoir un équilibre effectivement et se préoccuper davantage des victimes. Est-ce que quelqu'un veut ajouter?

Le Président (M. Gautrin): Mme McNicoll.

n (10 h 10) n

Mme McNicoll (Micheline): Oui. On a eu l'avantage d'écouter hier, aussi, les représentations de l'organisme Plaidoyer-victimes. Il me semble que cet organisme insistait beaucoup sur la praticabilité, les aspects très concrets de l'exercice du droit des victimes. Et, à ce point-là, c'est sûr que le projet de loi n'est pas très, très, très explicite, mais, nous, on pense que, dans les objectifs généraux de la loi, la protection du public, la réinsertion sociale et tout ça, c'est sûr que c'est une valeur importante si on veut dialoguer avec l'ensemble de la population et faire comprendre aussi que la réinsertion sociale va dans le sens de la protection du public, elle aussi.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, vous avez d'autres questions?

M. Jutras: Merci. Oui, j'en aurais d'autres, mais peut-être que...

Le Président (M. Gautrin): Non, non, mais allez-y, M. le ministre. Il y a deux de vos collègues qui veulent intervenir aussi, mais allez-y, il reste encore du temps.

M. Jutras: Non, non, mais allez-y, là, s'il y a des collègues qui veulent poser des questions.

Le Président (M. Gautrin): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je voudrais avoir un peu plus d'éclaircissement, madame, sur la question des révisions des décisions du directeur dans les cas de permission de sortie. Je regarde ici, dans les articles de la loi qui touchent cette question-là ? il y en a pas mal, c'est toute la section V, Permissions de sortir, de 34 jusqu'à 62 ? et je vois que les cas dans lesquels on peut avoir une permission de sortir sont nombreux, hein. Et, le dernier, c'est celui dans le but de... sortie à des fins de réinsertion sociale. C'est un peu celui qui résume les autres. Les autres sont des cas particuliers tandis que lui est un peu un cas global, je pense, qui s'applique plus ou moins généralement à l'ensemble des personnes qui ont été condamnées, d'une façon ou de l'autre.

Alors, ce que je comprends de ce que je lis dans la loi, si je comprends bien, c'est qu'une personne qui est détenue peut demander, au bout du sixième de sa peine, une permission de sortie plus ou moins prolongée à des fins de réinsertion sociale. S'il est refusé, je ne vois rien dans la loi qui lui défend, un mois plus tard, de le redemander. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Monsieur va répondre.

Le Président (M. Gautrin): M. Paquet. M. Paquet, c'est vous qui êtes...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Le temps qu'on trouve la réponse, si vous permettez, peut-être. Notre intervention, au regard des... en matière de permission de sortir, c'était davantage sur le droit d'appel, autrement dit de maintenir le droit d'appel actuel parce que le droit d'appel est plus ouvert. C'est le cas qui... Et il y avait, à notre point de vue, une restriction qui était apportée par l'avant-projet de loi. Alors, c'est l'intervention que nous faisions. C'est que, actuellement, le droit d'appel est plus ouvert, les motifs de révision en matière de permission de sortir sont plus étroitement circonscrits dans l'actuel projet de loi. Et ce que nous recommandions, c'est de maintenir le droit d'appel plus ouvert pour éviter de judiciariser. C'est au regard du processus d'appel.

M. Dion: En théorie, je ne peux pas...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Excusez. En théorie, évidemment, ça va, mais, en pratique, s'il est vrai, comme je crois que c'est le cas, qu'une personne peut toujours demander une sortie, à quoi ça rime, ajouter un droit de révision ou droit d'appel, alors que la personne peut très bien revenir un mois ou un mois et demi plus tard et demander de nouveau? S'il n'a été... S'il croit qu'il n'a pas été entendu suffisamment, je ne vois pas pourquoi, la deuxième fois, il ne sera pas entendu suffisamment. Pourquoi est-ce qu'il faut ajouter à des procédures déjà complexes? Et quand on sait que le projet de loi prévoit que maintenant ce sera trois personnes qui seront sur le banc, qui décideront de la demande... C'est vrai que dans le cas de... C'est vrai que le directeur peut changer la décision, mais je ne vois pas le pourquoi d'insister sur le droit d'appel, si ce n'est en vertu du principe que quelqu'un a toujours le droit d'appeler d'une décision, mais quand le principe ne donne rien en pratique?

Le Président (M. Gautrin): Madame...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Est-ce que vous pouvez m'aider à répondre?

Le Président (M. Gautrin): Qui veut répondre?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Mme Renaud.

Le Président (M. Gautrin): Mme Renaud?

Mme Renaud (Johanne): Compte tenu de la...

Le Président (M. Gautrin): Mme Renaud.

Mme Renaud (Johanne): ...brièveté des peines, 30 jours... compte tenu de la brièveté des peines qui est entre un mois et deux mois, là ? corrigez-moi si je me trompe ? attendre 30 jours, ça peut être très long avant de présenter une nouvelle demande. L'article... Il y a un article de la loi qui dit qu'on doit attendre 30 jours avant de présenter une nouvelle demande dans les cas de permission de sortir à des fins de libération... de réinsertion sociale, d'une part. D'autre part, c'est la situation actuelle, hein: il y a un droit d'appel à la Commission québécoise, la CQLC, lorsque... pour les absences temporaires en matière de réinsertion sociale. Ce qu'on propose, c'est de maintenir la situation actuelle.

M. Dion: Juste une petite observation.

Le Président (M. Gautrin): Brièvement parce que votre collègue de Roberval a une question.

M. Dion: Alors, juste deux mots. J'admets que 30 jours, ça peut être long, mais ces gens-là ont été condamnés pour quelque chose.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Je remarque dans votre mémoire que vous attachez beaucoup d'importance, comme il se doit, je pense, aux droits des détenus. Aux droits des détenus. C'est sûr, selon la Charte des droits et libertés, tout le monde est conscient de ça. Mais pour M. Tout-le-monde, pour le public, lorsqu'on voit quelqu'un qui est libéré, par exemple, au sixième de sa peine, qui a été arrêté pour vente de drogue, bien souvent à des jeunes dans les cours d'école, et qui, parce qu'il a eu une bonne conduite à l'intérieur, qu'il a bien entretenu sa cellule, qu'il s'est bien conduit avec ses collègues, on lui soustrait un cinquième de sa peine, on le fait sortir à un sixième de sa peine, je peux vous dire, moi, que, dans la population, les gens s'interrogent beaucoup sur cette façon de faire.

Est-ce qu'on a donné à la personne les ressources, l'encadrement nécessaires pour sortir? Est-ce qu'on lui a permis également la possibilité de se réhabiliter, de prendre conscience de l'importance de sa faute? Est-ce que c'est seulement le fait de bien se conduire dans sa cellule et avec ses collègues qui fait qu'on le fait sortir à un sixième de sa peine? C'est un questionnement qu'on a beaucoup parmi les gens.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Mais je comprends ce questionnement, il est légitime.

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Et je considère que c'est un des mérites de l'avant-projet de loi de vouloir justement mieux encadrer, donc que ce soit non pas un droit automatique, mais que ce soit en fonction du mérite, autrement dit que la personne ait fait la démonstration qu'elle s'est engagée activement dans un processus. C'est du moins la lecture que je fais de l'esprit de l'avant-projet de loi et c'est ce que nous approuvons. Je pense que l'équilibre de l'actuel avant-projet de loi, c'est de s'assurer que les gens soient engagés activement dans un processus de réadaptation. Parce qu'il faut bien se le dire, là, un jour ou l'autre, ces gens-là devront réintégrer la société. Alors, c'est très important de leur donner les services voulus, de les inscrire dans des programmes de réadaptation et de les préparer parce que, un jour ou l'autre, ils seront parmi nous. Donc, c'est aussi par voie de protection pour la société.

M. Laprise: Une petite question.

Le Président (M. Gautrin): Oui. Il reste encore très peu de temps, mais allez-y. M. le député de Roberval.

M. Laprise: Très courte. Jusqu'où va le droit... À quel endroit peuvent se rencontrer le droit du détenu et le droit à la protection du citoyen?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): C'est une question d'équilibre. Je pense que les droits sont assortis de responsabilités. L'élément que, moi, je trouve intéressant, c'est que précisément on veut que les détenus soient inscrits dans une démarche active et aient fait montre de bonne volonté et qu'on puisse témoigner des efforts qu'ils font pour réintégrer la société.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Le temps des ministériels étant écoulé, je passerai la parole à M. le député de Saint-Laurent, porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Mme Champoux-Lesage, Mme McNicoll, Mme Renaud, Me Paquet, bienvenue. Mme Champoux-Lesage, votre prédécesseur avait publié en 1999 ? oui, 1999 ? un rapport que j'ai en ma possession, qui était extrêmement important et qui était, je dirais, assez critique de la façon dont les services correctionnels fonctionnaient pendant le temps où, évidemment, il avait fait son enquête qui avait conduit au dépôt de ce rapport-là. Il notait, à l'annexe D, tableau 1 de son rapport, que le nombre de plaintes qui avaient été acheminées au bureau du Protecteur du citoyen au cours des années 1994-1995, 1995-1996, 1996-1997 et 1997-1998 avait augmenté considérablement d'année en année, pour aboutir à une proportion d'augmentation de 93 %. Et là, pour être juste à son égard et à votre égard, je dirais qu'en 1994-1995 le nombre de dossiers ouverts au Protecteur du citoyen était de 1 328; en 1995-1996, de 1 565; en 1996-1997, 1 991; et, en 1997-1998, 2 567. Ça fait beaucoup de dossiers.

J'aimerais ça savoir, depuis, si vous avez sous la main des statistiques du nombre de dossiers ouverts en provenance des services correctionnels, soit que ce soient des plaintes qui aient été faites auprès de vous par des détenus ou autres personnes. Est-ce que vous avez un compte rendu du nombre de plaintes, du nombre de dossiers qui ont été ouverts chez vous depuis... au cours des ans?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ce que je peux...

Le Président (M. Gautrin): Madame.

M. Dupuis: Oui.

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): On n'a pas le détail des années, mais je peux vous dire que cette année, d'abord, malheureusement, c'est en croissance, mais ce sont ce que je pourrais dire des demandes d'intervention. Nous sommes à l'ordre de 3 500 demandes d'intervention au cours de la dernière année, et il y a eu une augmentation de près de 25 % depuis avril dernier. Alors donc...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

n (10 h 20) n

M. Dupuis: Alors, moi, j'en tire la conclusion, mais, comme je veux être juste à votre endroit, je vais vous permettre d'épiloguer sur la conclusion que j'en tire. La conclusion que, moi, j'en tire, c'est que malgré un rapport exhaustif, important, sérieux, discuté en 1999 par votre prédécesseur ? puis là il n'y a rien de personnel à vous, Mme Champoux-Lesage, je sais que vous commencez votre mandat ? mais depuis un rapport qui a été publié en 1999, deux ans plus tard, plutôt que d'avoir enrayé... plutôt que d'avoir réussi, par ce qu'il a dénoncé dans son rapport, à enrayer un nombre de plaintes croissant, la croissance s'est continuée et vous êtes rendue à 3 500 dossiers ouverts cette année. C'est ça?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): C'est 3 500 demandes d'intervention.

M. Dupuis: Oui, d'accord.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Parce qu'il faut quand même distinguer à l'intérieur de ça le nombre de plaintes qui sont réelles. Souvent, il peut y avoir des demandes de précision, d'information, etc. Eh oui, nous sommes davantage sollicités.

Le Président (M. Gautrin): M. le député.

M. Dupuis: Mais c'est rare que vous ouvrez un dossier quand quelqu'un vous écrit pour vous dire qu'il est satisfait.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non, non. Non, non, bien sûr.

M. Dupuis: On s'entend là-dessus.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non, non.

M. Dupuis: O.K. Alors donc, vous avez 3 500 dossiers ouverts cette année par rapport à 2 500 dossiers dans la dernière année d'observation du Protecteur, qui était 1997-1998. Donc, on va s'entendre entre vous et moi: il y a encore beaucoup de travail à faire aux services correctionnels.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui. Il y a beaucoup de travail à faire.

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui, effectivement, il y a beaucoup de travail à faire. Et nous travaillons aussi en collaboration. Quand c'est possible de le faire, on a fait un travail conjoint. J'ai rencontré M. Dionne, aussi, personnellement pour tenter de trouver des solutions aux problèmes qui nous sont posés, mais on est conscient, aussi, qu'il y a des changements dans les caractéristiques aussi de la population qui est incarcérée, alors...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Qu'est-ce que vous voulez dire?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, en fait, il y a des nouveaux groupes qui sont présents et qui peuvent, à l'intérieur des établissements de détention ? pensons aux groupes criminalisés entre autres choses ? donc qui peuvent arriver à changer la dynamique. Les demandes de protection, par exemple, qui peuvent nous être adressées par des détenus.

M. Dupuis: Oui.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je ne sais pas si Mme Renaud veut ajouter. Comme elle est en contact quotidien avec les détenus, peut-être qu'elle peut ajouter des informations.

Le Président (M. Gautrin): Mme Renaud.

Mme Renaud (Johanne): Je pourrais rajouter, oui. Dans cette optique-là, le ministère des Services correctionnels a fait un plan d'action suite au rapport. On se rencontre régulièrement pour voir au suivi de ce plan d'action. Effectivement, il reste du travail à faire. Il y a d'autres problèmes qui n'étaient pas là en 1999 et qui apparaissent. On pense, par exemple, aux évaluations. Il y a une nouvelle phase d'implantation et on reçoit bon nombre de plaintes à ce niveau-là parce qu'il y a des délais. Les gens subissent des délais à être évalués. Et il faut que ces évaluations-là soient faites pour demander des demandes d'absence temporaire ou même se présenter à la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Alors...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Comprenez-moi bien, Mme Renaud, Mme Champoux-Lesage, Mme McNicoll, Me Paquet, moi là, ce que je dis aujourd'hui, ce n'est pas dirigé contre vous. D'ailleurs, ce n'est pas mon rôle de diriger quoi que ce soit contre vous. Mon rôle, c'est plutôt de faire en sorte que ça fonctionne mieux. Et je regarde évidemment comment ça fonctionne avec un oeil critique, parce que c'est ma responsabilité de le regarder avec un oeil critique à l'endroit des gens qui nous font face, du ministre de la Sécurité publique. Il n'y a rien de personnel dans mes interventions. D'ailleurs, il arrive. Son sous-ministre arrive aussi, là. Alors, je ne peux pas leur reprocher des actions qui ont été posées il y a deux ans, il y a trois ans, il y a quatre ans, il y a cinq ans, il y a six ans, sauf que je constate que c'est leur administration qui est là depuis ce temps-là.

Et là, Mme Renaud, je comprends qu'il y a un plan d'intervention. Moi aussi, j'ai été conscient qu'il y a eu un plan d'intervention qui s'est installé. Après que Me Jacoby ait publié son rapport, la réponse du gouvernement, ça a été d'instruire un plan de redressement. Il appelle ça des plans de redressement ou des plans de je ne sais pas quoi, là, mais je constate que le plan, il n'a pas fonctionné beaucoup parce qu'il y a 1 000 plaintes de plus qu'il y en avait dans la dernière année d'observation. C'est tout ce que je dis, mais ce n'est pas dirigé contre vous, je vous le promets.

Et d'ailleurs, je vais vous aider. Je vais vous aider, je vais vous en donner une, piste d'intervention, sur laquelle vous pourriez interroger le ministère de la Sécurité publique et les Services correctionnels. M. Jacoby, en 1999, dans son rapport ? en 1999 ? écrivait la chose suivante: «Classement non sécuritaire. D'autres ? il parle de détenus ? qui, arrivant à l'établissement et donc sujettes à une période d'observation, se retrouvent en secteur très sécuritaire, parfois même dans l'aile de réclusion. Ce problème est particulièrement aigu à l'établissement de détention de Québec, où la surpopulation chronique du secteur de protection a fait éclater le secteur autrefois réservé à la prévention, si bien que des personnes aux antécédents tout à fait divers peuvent se retrouver dans le même secteur d'incarcération: par exemple, dans une aile de 12 cellules, l'aile F1-5, on retrouve des prévenus (généralement détenus au Service correctionnel du Canada, mais en attente d'un procès), des détenus purgeant une sanction administrative de réclusion, des cas de protection (en cellules 23 heures sur 24) et des cas réguliers, en transition vers un autre secteur en attendant qu'une place se libère.»

Ce qu'il dénonçait à ce moment-là, c'est le fait qu'on mêle des clientèles aux dangerosités différentes, aux intérêts différents, les uns aux autres, et il trouvait que ça, c'était malheureux. Il l'écrivait en 1999. Hier... Hier, en commission parlementaire, le Syndicat des agents de la paix est venu nous dire: Aujourd'hui encore, on trouve dans nos prisons des prévenus ? des prévenus qui ne purgent pas, eux ? qui sont en attente de procès ou en attente de passer à la cour, qui sont détenus avec des détenus, c'est-à-dire des gens qui purgent. Il n'y a pas de classement qui se fait. Ça se fait dans toutes les prisons, dans toutes les régions; ça a été clair hier, en commission parlementaire.

Et ça, là, si le Protecteur du citoyen dénonçait une situation semblable en 1999, je pense que vous allez être d'accord avec moi pour dire que cette situation-là n'est pas plus acceptable aujourd'hui qu'elle l'était en 1999, on s'entend là-dessus?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui, je pense que... Mais on n'a pas énormément de plaintes ? on me corrigera ? de la part de prévenus qui s'adressent à nous pour dénoncer une situation. Je pense que la situation, effectivement, quand on met ensemble des... Mais hier, si ma mémoire est bonne, on évoquait le fait... Je pense que c'étaient les représentants des agents de pastorale qui disaient que tout le monde était ensemble et que ça ne créait pas de problème majeur, sauf dans des cas comme ceux que vous pouvez évoquer, où il y a des éléments de dangerosité qui peuvent mettre en sécurité des personnes prévenues.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Dans le fond, Mme Champoux-Lesage, sur ce sujet-là ? parce que je veux vous interroger sur un autre aspect de l'avant-projet de loi aussi avant de terminer, puis on n'a pas beaucoup de temps ? c'est simplement pour, peut-être, éveiller chez vous un intérêt particulier à l'égard de comment fonctionne les services correctionnels, parce que j'ai l'impression que vous pourriez, à l'aube de votre mandat... Et nous avons très confiance en vous. La preuve, c'est que nous l'avons prouvé par un vote à l'Assemblée nationale. Nous pensons que vous pourriez déjà, là, vous reposer sur ce rapport-là puis peut-être partir de ça pour voir quel travail se fait.

Moi, je suis obligé de constater que, malgré les bonnes intentions... Je ne dis pas qu'il n'y a pas de bonnes intentions au ministère, là. Loin de moi l'idée de vouloir prétendre qu'il n'y a pas de bonnes intentions, mais peut-être qu'on n'a pas pris les bons moyens, parce que, malheureusement, on est obligé de constater que les résultats se font attendre.

Bon. Un autre sujet. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Gautrin): Quatre minutes.

M. Dupuis: O.K. Un autre sujet qui me préoccupe, sur lequel je veux simplement attirer votre attention, puis ensuite je vais arriver à un troisième ? il me reste quatre minutes, ce ne sera pas long. Le Protecteur du citoyen dénonçait vertement dans son rapport et demandait un bilan, qu'il n'a jamais obtenu, des actions qui ont été posées pour faire la lutte au commerce de la drogue à l'intérieur des prisons. J'ai dit hier, je redis ce matin ? c'est une boutade, mais c'est une image: Le plus gros «bunker» des Hell's Angels au Québec, c'est la prison de Bordeaux. Alors, je vous encourage aussi à suivre votre prédécesseur dans cette voie-là, qui demandait aux services correctionnels de lui faire un bilan des actions qui sont posées pour faire la lutte au commerce de la drogue. Mais, entre autres, ça serait peut-être une bonne idée que les fouilles recommencent quand les visiteurs se présentent à Bordeaux.

n(10 h 30)n

Dernier sujet, Mme Champoux-Lesage. Comme vous avez comme mandat la protection des citoyens et qu'évidemment vous insistez beaucoup sur les droits fondamentaux des détenus ? je pense qu'il faut respecter les droits fondamentaux de ces gens-là, j'en suis ? normalement, n'est-il pas exact que vous avez intérêt à ce que la Commission québécoise des libérations conditionnelles, qui est celle qui juge de l'octroi ou non d'une libération conditionnelle, soit un tribunal qui soit indépendant et impartial? Vous êtes d'accord avec ce principe-là? O.K.

À ce titre-là, est-ce que ça ne vous inquiète pas, dans l'avant-projet de loi, l'article 164 et l'article... 163, 164, 165 qui créent le Comité de concertation des Services correctionnels et de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, un comité sur lequel Mme Champoux-Lesage va siéger, le sous-ministre de la Sécurité publique, le sous-ministre aux Services correctionnels et le président ou la présidente de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, comité qui aura pour mandat, entre autres, je ne dis pas que c'est la seule chose, là, mais, entre autres, de faciliter la concertation pour les pratiques professionnelles des politiques et des orientations gouvernementales. J'ai dit, hier, en commission, que c'est comme si on assoyait la couronne avec la magistrature puis qu'on discutait ensemble, couronne et magistrature, des principes de «sentencing» des juges. Ça m'apparaît comme étant totalement au contraire de ce qu'on souhaite que la Commission soit, c'est-à-dire un tribunal indépendant et impartial. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là?

Le Président (M. Gautrin): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Cette proposition, en fait ce qui est retenu, c'est cohérent avec ce qui avait été demandé par le rapport Corbo. Je pense que c'est une solution qui est recherchée à l'absence de collaboration et de concertation qu'il y avait au sein des différentes instances. Ça me semble... Ce n'est pas parce que des gens auront à collaborer que ça remet en cause l'indépendance. Peut-être faudrait-il voir un autre moyen ou peut-être de préciser les modalités de concertation qui devraient être faites, mais le rapport Corbo visait à s'assurer que des visions, finalement, la vision du législateur ou... qu'on n'aille pas dans des sens différents quand on a à prendre des décisions, qu'on soit inspiré par les mêmes valeurs, notamment les valeurs de réadaptation. Et je pense que c'est l'objectif de ces concertations voulues. Je comprends la difficulté, mais ce n'est pas le même rôle qu'ils ont à jouer quand ils rendent des jugements que lorsqu'ils ont à échanger sur des orientations. Je ne sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose.

Le Président (M. Gautrin): Dernière question, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Me Paquet veut ajouter.

Le Président (M. Gautrin): Me Paquet.

M. Paquet (Jean-Claude) Tout simplement, c'est que, évidemment, la Charte des droits, qui prévoit l'impartialité et l'indépendance des membres de tribunaux administratifs, dont la Commission québécoise, demeure. Et c'est à un autre niveau, le Comité de concertation, où le président est là quant aux orientations générales. Mais n'empêche que, dans les cas particuliers, individuels, les commissaires doivent conserver indépendance et impartialité.

M. Dupuis: Me Paquet, moi, ce qui m'étonne, c'est qu'on n'ait pas devant nous et qu'il n'y ait pas une demande d'audition de la part de la Commission québécoise des libérations conditionnelles qui vienne dire: On est un tribunal indépendant et impartial, on ne peut pas embarquer là-dedans parce qu'on veut rester un tribunal indépendant et impartial. Et je suis absolument ? absolument ? choqué du fait qu'on n'ait pas la Commission québécoise qui demande à se faire entendre là-dessus. Aie! Ils vont s'asseoir sur un comité avec le sous-ministre des Services correctionnels pour discuter de politiques gouvernementales alors qu'il a été rendu public, dans les derniers mois, qu'il y avait des politiques gouvernementales pour remettre des gens en liberté, hein, pour des raisons de compressions budgétaires. Alors, s'ils ne sont pas conscients de ça, là, il y a un problème.

Je comprends ce que vous dites: On ne peut pas présumer de la bonne foi des gens... de la mauvaise foi des gens. C'est ça que vous dites, vous. Mais, moi, je dis: Quand on est du public puis qu'on regarde un projet de loi dans lequel on s'aperçoit qu'un tribunal indépendant et impartial va aller discuter avec un sous-ministre, ou un ministère, de politiques gouvernementales, quand on sait ce qui est sorti dans les derniers mois au sujet des absences temporaires et des raisons pour lesquelles on remettait en absence temporaire, il y a de quoi s'inquiéter. C'était simplement ça que je voulais dire. O.K.? Merci.

Le Président (M. Gautrin): Voulez-vous faire un commentaire, madame? Ce sera le dernier.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, en fait, je voudrais rappeler la préoccupation qui est dans la foulée des recommandations du Protecteur du citoyen sur les services correctionnels, qu'il y a des conditions pour atteindre les objectifs auxquels je souscris, c'est que les ressources soient mises en place. Et je pense que, si on n'a pas pu donner suite à plusieurs recommandations, c'est qu'on ne disposait pas des ressources requises. Alors, je réitère ma recommandation.

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme Champoux...

M. Dupuis: ...encore une fois, il n'y a rien de ça qui était dirigé contre vous.

Le Président (M. Gautrin): Merci, Mme Champoux-Lesage, merci, M. le député de Saint-Laurent, Me Paquet, Mme Renaud, Mme McNicoll, je tiens à vous remercier au nom de la commission.

Et je demanderai maintenant à Mme Kramer, qui représente l'association MADD, l'association des mères contre l'alcool au volant, de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît, si elle est présente dans la salle. Bonjour, madame. Alors, il y a un petit peu... il faut attendre que les uns partent et les autres arrivent.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme Kramer, prenez le temps de vous installer.

Alors, Mme Kramer, je vous souhaite la bienvenue. Vous connaissez un peu les règles de fonctionnement des commissions parlementaires: il y a 45 minutes qui est alloué pour la présentation de votre organisme, 45 minutes qui se répartissent de la façon suivante: 15 minutes qui vous est alloué, à proprement... pour la présentation de votre mémoire, 15 minutes pour les questions provenant des députés ministériels et 15 minutes pour les questions provenant des députés de l'opposition. Alors, Mme Kramer, vous avez la parole.

MADD Montréal
(Les mères contre l'alcool au volant)

Mme Kramer (Theresa-Anne): Bonjour. Merci de me recevoir. La mission de MADD est de mettre fin à la conduite avec facultés affaiblies et de venir en aide aux victimes de ce crime de violence. Le mot violence est très important pour nous, dans notre mission. Le 27 novembre, nous avons présenté au gouvernement fédéral des propositions de baisser la limite fédérale à 0,05 au lieu de 0,08 parce que nous trouvons que c'est très important que le monde se rende compte que l'alcool au volant, c'est criminel. Nous avons fait 19 autres recommandations, parmi lesquelles on demande pour une grille dans laquelle il serait indiqué des peines minimales, et on ajouterait des peines additionnelles pour les taux d'alcoolémie supérieurs et aussi pour le nombre d'infractions.

Ce que nous voulons, à MADD, c'est que les sentences soient vraies. Donc, quand on voit, ici, au Québec, que, en 1997, il y a eu environ 300 décès de l'alcool au volant ? le coroner Paul Dionne met ces décès à la pointe de l'iceberg ? pour 300 décès, il y a eu 18... 27 accusations, 18 trouvés coupables. Et, parmi ces 18 trouvés coupables, deux tiers ont eu des sentences à deux ans moins un jour, souvent à servir dans la collectivité. Ça, c'est le... reste à peu près sept ou huit personnes pour 300 décès, qui ont eu des sentences allant... maximum trois, quatre ans. Mais ce n'est pas trois ou quatre ans; trois ans, ça veut dire, vraiment, six mois. Donc, vous comprenez que, lorsque, moi, comme aide aux victimes, je dois expliquer à quelqu'un qui vient de perdre un être cher que même la sentence de 36 mois, c'est vraiment six mois, c'est vraiment un devoir très ardu et très difficile. Et nous trouvons que ces sentences, quand il y a sentences minimes et il y a des sentences conditionnelles ajoutées à ces sentences-là, que cela banalise le crime de l'alcool au volant.

Je fais beaucoup de présentations aux jeunes dans les écoles, et les jeunes sont très au courant des sentences qui sont rendues. Ils savent qu'est-ce qui se passe. Donc, quand on voit des sentences à servir dans la collectivité et des sentences de six mois, les jeunes... Ce n'est pas très convaincant, ce n'est pas un aspect dissuasif quand je m'en vais dans des écoles pour expliquer aux jeunes: C'est dangereux, c'est criminel, l'alcool au volant. C'est sûr qu'ici on sait tous qu'un jeune de 17 ans, même une sentence de 25 ans, ce n'est pas ça qui va convaincre le jeune à ne pas prendre le volant, parce que le jeune ne pense pas à ça, ne pense pas à la sentence de 25 ans comme chose... comme matière de dissuasion. Mais ce que je voudrais pouvoir apporter à nos jeunes, c'est que le concept soit changé.

Quand on a des sentences banales, les jeunes ne pensent pas que l'alcool au volant, c'est criminel. Pour eux autres, c'est un accident. Bon, si j'ai un accident au volant, bien, peut-être... puis, si je tue quelqu'un, bien, je vais avoir une sentence de six mois, je vais avoir à faire une sentence dans la collectivité et peut-être un petit peu de travail, aller voir... parler aux victimes, ou quoi. Ce n'est pas un concept qui m'aide à exprimer aux jeunes c'est quoi, le crime d'alcool au volant. Donc, nous avons besoin d'irradiquer ce concept-là, que l'alcool au volant, c'est banal, en donnant des sentences vraies et en donnant des sentences qui ont leur durée normale.

n(10 h 40)n

Il y a une double sentence pour les victimes avec les sentences conditionnelles. Les victimes doivent toujours penser, quand il va avoir une sortie, une libération conditionnelle ou une libération aux deux tiers de la sentence, qu'ils doivent se préparer pour faire des témoignages. Beaucoup de nos victimes tiennent à coeur que la sentence soit rendue au complet, mais c'est vraiment inacceptable pour une famille comme les Roy, Jeannot Roy et Martine Thivierge, qui ont perdu leurs enfants Mathieu et Marie-Pier, d'être obligés de penser à faire une autre présentation de victimes pour essayer que le détenu soit... reste en détention. Et, encore, ça, c'est au début de la sentence, mais, aux deux tiers de la sentence, représenter, ces gens-là ne peuvent pas avancer dans leur vie jusqu'à tant que la sentence ne soit pas complétée. Donc, nous demandons qu'il y ait vérité dans les sentences.

Maintenant, un autre aspect de la libération conditionnelle qui est très, très difficile pour les victimes, c'est le fait de ne pas être préparé, souvent, à rencontrer la victime. Beaucoup de crimes d'alcool au volant se produisent dans le même quartier. Donc, c'est... on sait que les victimes peuvent faire des demandes pour qu'elles soient averties de la sortie, mais, souvent, premièrement, la victime est dans un état émotif qui la rend incapable de faire cette demande-là. Il y a beaucoup de gens illettrés qui ne sont pas capables de lire. Il y a beaucoup, beaucoup de raisons. Il y a peut-être des victimes qui ont des lésions au cerveau; ils ne peuvent pas faire ces demandes-là. Et même parfois quand la demande est faite, l'avis obligatoire n'est pas fait à la victime. Donc, on se trouve dans des situations telles que Jean-François Brière, dont sa jeune femme, Claudine-Anne Zamprelli est morte calcinée dans l'auto, puis, lui, il rentre dans un restaurant et il voit devant lui Patrick Simoneau en train de manger. Et il ne savait pas que M. Simoneau avait été libéré. Donc, il faut... on demande au gouvernement du Québec de prendre la responsabilité d'éviter à nos victimes des situations impensables en assumant un avis obligatoire à nos victimes.

Il y a un autre sujet dont nous aimerons parler, et ceci dépend... une relation entre la victime et le détenu. Ceci est quelque chose que nous aimerions que le gouvernement intègre dans les traitements obligatoires, ce sont les ateliers sur les répercussions de la victime. Qu'est-ce que nous voulons comme société? Nous voulons le bien-être de la victime, mais nous voulons aussi que le changement du détenu change... que son comportement change. Ce n'est plus assez, maintenant, dans notre société, de dire: Bien, on va l'incarcérer, on le laisse ça. On veut qu'il y ait un changement, une progression dans la pensée du détenu.

Donc, avec la loi n° 38 qui a passé au mois de juin passé, il y a beaucoup de prévisions pour les traitements obligatoires pour les criminels au volant qui ont des problèmes de toxicomanie au niveau de l'alcool et des drogues. MADD a trouvé que... une méthode efficace pour réduire le récidivisme chez ces détenus-là, et ce sont les ateliers pour les répercussions sur les victimes. Une de nos présidentes, Geraldine Dedrick, en Nouvelle-Écosse, participe à des ateliers comme ça. C'est très difficile pour la victime, mais c'est un besoin aussi pour la victime de faire connaître comment elle vit. Donc, dans des situations très contrôlées, la victime rentre en prison avec le détenu, les détenus, et elle parle de qu'est-ce qu'elle vit. Ce n'est pas agressif, ce n'est pas accusatoire, c'est juste expliquer comment, moi, je vis ce qui m'est arrivé.

Et Geraldine m'a dit que... Nous savons, par les statistiques, que cela réduit le récidivisme, mais Geraldine est venue à moi puis elle me dit: C'est incroyable, ces gens-là, après que je leur ai parlé, viennent me voir puis ils disent: Je ne savais pas que c'était comme ça qu'est-ce que je faisais. Parce que, dans ces situations-là, la victime ne parle pas au criminel qui l'a offensée, elle parle à des détenus qui ont le problème d'alcool au volant, de conduite en état d'ébriété, mais qui ne sont pas responsables pour le crime à cette personne-là. Et elle dit que c'est incroyable. Chaque semaine qu'elle y va, il y a du monde qui viennent lui dire: Vous m'avez fait voir qu'est-ce que je faisais.

Donc, il y a certainement... Sûrement, on le sait, il y a des gens qui sont irréductibles. On ne les atteindra jamais. Mais il y a une grande partie, une bonne partie que, oui, ils veulent changer, puis, quand on leur donne des moyens de changer, ils peuvent faire ce chemin-là. Et les ateliers sont une façon très bonne pour ça, et nous aimerions que le gouvernement les incorpore obligatoirement dans leur système de traitement mandatoire.

C'est la même chose pour la justice réparatoire. Ça, c'est assez nouveau pour nous, à MADD. Mais il y a beaucoup de victimes qui viennent nous voir maintenant et nous disent: Oui, j'aimerais parler au détenu. J'aimerais ça dialoguer avec le détenu. Donc, nous voulons que ces dialogues soient possibles. Parce qu'on a tous le même but: le but, c'est de mettre fin au fléau qu'est l'alcool au volant. Et, en donnant aux victimes une voix, une place et le respect qui leur est dû dans le système judiciaire et qui ne leur est pas donné présentement dans le système judiciaire, on donne aussi de l'aide aux détenus. On les aide à se connaître. On les aide à apprendre. Donc, quand ils sortent, ces gens-là, leur comportement, peut-être, va avoir changé. Et c'est ça qu'on veut, parce qu'on ne veut pas qu'ils continuent, quand ils sortent, la conduite qui les a amenés en prison. Et ça, ça ne réduit pas le taux des décès et ça ne réduit pas le nombre de détenus dans nos prisons.

Ce que nous voulons, c'est que la société évolue, que nos enfants aient le droit de vivre leurs rêves, qu'ils ne soient pas brisés, leurs rêves, par l'alcool au volant. Et, si on prend ce chemin-là, que je vous ai décrit, sur lequel MADD travaille, je crois qu'on peut voir la fin de la conduite en état d'ébriété et que tout le monde pourra vivre les rêves que nous avons. Et je dédie ma présentation aux victimes d'alcool au volant. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme Kramer. Et on va commencer la période d'échange, et M. le ministre va commencer.

M. Jutras: Deux questions, madame. D'abord, je voudrais en savoir un peu plus quant à votre organisme MADD, combien de membres. Je pense que c'est américain, ça, MADD, hein?

Mme Kramer (Theresa-Anne): MADD a débuté aux États-Unis il y a 20 ans. C'est une mère, Candy Lightner, qui a commencé cette organisation. Et notre organisation s'appelle MADD Canada. Nous avons, à travers le Canada, 52 sections. Et, malheureusement pour le Québec, nous sommes la seule section qui desservons présentement le Québec en entier.

M. Jutras: Mais est-ce qu'il y a des sections dans les autres provinces?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui. Il y a 52 sections à travers le Canada, oui.

M. Jutras: O.K. D'accord. Et c'est combien de membres vous nous dites?

Mme Kramer (Theresa-Anne): Environ 2 000 membres.

M. Jutras: 2 000 membres. 2 000 membres à travers le Canada ou à travers le Québec?

Mme Kramer (Theresa-Anne): À travers le Canada.

M. Jutras: À travers le Canada, O.K. Je vous fais une remarque rapidement. Quand vous argumentez sur la question des sentences et que vous dites que les sentences ne sont pas suffisamment lourdes, à votre avis, concernant les cas d'alcool au volant, peut-être vous avez raison, mais, je vous le dis en tout respect, vous n'êtes pas devant le bon forum, hein? Je suis content de vous entendre, mais, nous, on gère l'après. Ici, là, avec cet avant-projet de loi, la sentence est rendue, et on gère la sentence. Alors... Mais, quand même, j'étais content d'entendre vos propos.

Puis je vais avoir une autre question. C'est, quand vous nous parlez de cette justice réparatrice et de ces rencontres entre victimes et détenus ou, en tout cas, l'auteur du crime, et vous nous faisiez part d'une expérience, et ça, ça s'est vécu à quel endroit? Et de un.

n(10 h 50)n

Mme Kramer (Theresa-Anne): ...

M. Jutras: Je vais tout de suite poser ma sous-question.

Le Président (M. Gautrin): Allez-y, allez-y, oui, bien sûr, bien sûr.

M. Jutras: Alors, ça s'est vécu à quel endroit, et de deux: il me semble que ça doit demander quand même toute une préparation, que ces rencontres entre victimes et agresseurs et victimes et auteurs du crime, là. Il me semble que c'est...

Le Président (M. Gautrin): Mme Kramer.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Oui. Ça se fait avec énormément de préparation. Ça s'appelle «Victim Impact Statement» et la traduction: atelier sur les répercussions sur les victimes. Ça demande énormément d'efforts de la part de la victime. Ça demande une victime qui est très préparée, et c'est la fonction de notre organisation, MADD, d'être certaine que la victime qui va rentrer, qui va assumer la responsabilité d'un tel atelier est complètement préparée à ce fait.

Cela se fait dans une situation neutre. Il y a toujours présents un conseiller pour la victime et des conseillers pour les détenus. Donc, comme je vous ai dit, la victime va tout simplement dire comment elle vit le crime qui lui a été commis. Si c'est une mère qui a perdu son enfant, elle veut peut-être parler que c'est la fête de l'enfant qui s'en vient bientôt, et elle va décrire c'est quoi, ne pas pouvoir acheter de cadeaux de Noël pour l'enfant, ou ne pas acheter le cadeau de fête, ou que la saison de baseball va commencer, puis qu'est-ce qu'elle fait avec son bâton de baseball puis son petit costume, son uniforme.

Donc, la victime ne parle pas agressivement, elle parle tout simplement de son vécu de tous les jours. Et les détenus, parce que ce n'est pas d'une façon agressive et qu'ils peuvent approcher cette personne-là, sont souvent affectés. Ils vont dire des choses comme: Moi, je ne me voyais pas comme un criminel, je ne me voyais pas comme un meurtrier, mais je reconnais que j'aurais pu tuer votre enfant, que je conduisais toujours en état d'ébriété, que c'est moi qui aurait pu tuer votre enfant quand il allait à sa pratique de baseball. Puis je n'aime pas ça cette idée-là que, moi, je suis un meurtrier d'un enfant. C'est des choses comme ça, les genres de réponses que les détenus viennent et parlent avec la personne responsable de donner l'atelier. Mais c'est fait avec beaucoup de préparation et de contrôle.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Hyacinthe, brièvement.

M. Dion: Juste un mot, M. le Président, d'abord pour remercier Mme Kramer pour sa présentation, qui était très intéressante, même impressionnante, en ce qui me concerne. Et je dois souligner en particulier tout l'aspect que vous avez développé concernant la rencontre entre les victimes et les contrevenants; je pense que c'est un aspect qui peut nous faire réfléchir parce qu'elle contribue à la fois au mieux-être de la victime et à la réhabilitation de celui qui a contrevenu. Et d'ailleurs je suis particulièrement sensible à cette question-là parce que je sais qu'il existe des systèmes de justice dans le monde où la comparution et la confrontation de la victime et du contrevenant est préalable à l'établissement de la sentence, de la sanction, donc du jugement à être rendu et qui donne des résultats, il semblerait, très positifs. Alors, je veux vous féliciter pour votre contribution. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Mme Kramer, je vais passer la parole maintenant à M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Bonjour, Mme Kramer. je n'ai pas le plaisir de vous connaître personnellement, mais je vous connais par personne interposée parce que Marc Bellemare m'a parlé de votre organisation et m'a parlé de vous, et il me prie de vous saluer.

Dites-moi, Mme Kramer, M. le ministre, assez justement d'ailleurs, et vous l'avez reconnu vous-même, vous a fait remarquer en début de son intervention que beaucoup de vos représentations s'adressent à un forum qui est différent du nôtre. Mais, moi, j'aimerais ça savoir, puisque vous dites et que vous constatez que, selon votre opinion, les sentences ne sont pas assez sévères dans ces matières sur lesquelles vous vous intéressez plus particulièrement, et je comprends que vous-même avez perdu un être cher...

Mme Kramer (Theresa-Anne): ...

M. Dupuis: Pas vous, personnellement. O.K. Dites-moi, est-ce que vous avez fait des représentations au ministre de la Justice sur l'attitude que devraient prendre les procureurs de la couronne devant les tribunaux lorsqu'ils poursuivent des gens qui sont accusés de facultés affaiblies ayant causé la mort ou d'une quelconque infraction au volant d'un véhicule automobile, la conduite imprudente, la conduite dangereuse? Avez-vous rencontré le ministre de la Justice pour faire ces représentations?

Le Président (M. Gautrin): Mme Kramer.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Non, pas encore. En Ontario, nos membres, nos sections ont vu le chef des procureurs de la couronne, et on a demandé qu'il n'y ait pas de sentences conditionnelles pour les personnes qui ont tué ou causé des lésions graves avec l'alcool au volant.

J'ai fait cette introduction au niveau fédéral pour vous faire comprendre qu'on se bat à tous les niveaux. Au niveau provincial, on demande qu'il n'y ait pas de réduction de sentence, que je n'aie pas besoin de dire à une victime que la personne va sortir à un sixième de la sentence, une sentence de 36 mois où, maintenant, il y a des traitements mandatoires, mais la personne sort dans six mois...

Il n'y a pas eu, premièrement, rendement de justice au niveau des victimes. Il n'y a pas eu même le temps à ce détenu-là d'apprécier la gravité du crime. Comme je vous disais, quand je parle aux jeunes, comment je leur fais comprendre que c'est un crime grave, que c'est un crime, pas un accident, pas juste quelque chose qui est arrivé? Et que... la personne qui était en détention, en traitement mandatoire, comment la famille de cette personne-là qui sort dans six mois peut-elle s'ajuster, travailler, elle aussi, à faire des changements? Et le détenu, quand il sort à six mois, nous ne trouvons pas ça acceptable. Quand il y a décès et blessés graves, nous ne voulons pas voir des sorties à un sixième de la sentence.

Le Président (M. Gautrin): M. le député... Excusez-moi, je pensais...

M. Dupuis: Avec votre permission. Simplement vous dire, en relation avec la question que je vous avais posée, qu'au Québec le chef des procureurs de la couronne, c'est le Procureur général, c'est le ministre de la Justice. Il y a des directives qui peuvent être données aux procureurs de la couronne par le Procureur général. Et, moi, je vous encourage à solliciter auprès du ministre de la Justice un rendez-vous pour venir expliquer votre point de vue et voir s'il n'y aurait pas moyen que le ministre de la Justice, le Procureur général, reconnaisse le sérieux de vos représentations et que, par le biais de directives, il instruise ses procureurs de la couronne de traiter ces dossiers-là en priorité et selon les représentations que vous faites. Ce sera à lui de juger, bien sûr, mais je pense que vous avez le droit de faire cette représentation-là, et je vous encourage à le faire.

Mme Kramer (Theresa-Anne): Merci beaucoup pour...

M. Dupuis: O.K.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Mme Kramer, peut-être que vous pouvez élaborer un tout petit peu sur toute la notion de justice réparatrice. Comment vous voyez ça? J'imagine que ça prend un processus... instaurer un processus, peut-être, plus systématique. Est-ce que ça prend ça ou le consentement des deux parties? Et comment ça marche ailleurs?

Le Président (M. Gautrin): Mme Kramer.

Mme Kramer (Theresa-Anne): C'est quelque chose, pour nous, MADD, qui est relativement neuf. D'ailleurs, c'est un concept qui est neuf à notre société aussi, et, encore, ça demande énormément de préparation. Il y a des victimes qui ne voudraient jamais rencontrer la personne responsable du décès de l'être cher. Mais il y a beaucoup de victimes qui désirent rencontrer cette personne-là, souvent, pour l'entendre juste dire: Je vous demande pardon. Naturellement, il y a une grande préparation à faire parce que souvent le détenu ne le dira pas: Je vous demande pardon. Donc, il faut préparer cette victime à cet événement-là.

C'est sûr que, si le détenu ne désire pas rencontrer la victime, il ne pourrait pas avoir d'acheminement. Donc, ça prend vraiment une volonté de la part de la victime et du détenu de se voir, de se parler, de trouver des façons pour qu'il y ait réparation. Et je crois que, lorsque la victime reçoit réparation, elle peut évoluer, elle peut continuer dans la vie.

Et, pour le détenu aussi, c'est un cheminement très, très important pour l'aider à changer son comportement. Donc, quelqu'un qui admet qu'il y a faute, qui admet que son comportement était responsable pour le décès ou la blessure grave de quelqu'un et qui veut prendre les moyens pour faire une réparation, ça, c'est très important dans le cheminement de cette personne-là. Et cette personne-là, quand elle va sortir, les chances de récidivisme sont moindres que celle qui n'accepte pas, même si elle a commis un crime.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé? Mme Kramer, je tiens à vous remercier, la commission tient à vous remercier pour votre témoignage.

Ceci étant dit, je vais suspendre nos travaux pour cinq minutes et demander, pendant cette période, à l'Office des droits des détenu-e-s de bien vouloir se présenter.

(Suspension de la séance à 11 heures)

 

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Gautrin): J'ai à la fois et le critique, et le ministre, et le quorum dans cette commission. Nous reprenons nos travaux, et ça me fait plaisir d'accueillir ici l'Office des droits des détenu-e-s, représenté par M. Jean Claude Bernheim et M. André Tremblay, et j'imagine qu'on va nous présenter formellement madame parce qu'on ne l'a pas sur notre liste.

M. Bernheim (Jean Claude): Oui, je vous présente Mme Julie Charest, qui n'a pas été inscrite.

Le Président (M. Gautrin): Mme Charest.

Alors, vous connaissez ? c'est un expert dans les témoignages devant les commissions parlementaires... 45 minutes pour l'ensemble de votre organisme, fractionnées en trois parties: 15 minutes pour la présentation formelle de votre mémoire, 15 minutes pour les questions provenant des ministériels et 15 minutes pour les questions provenant des députés de l'opposition. Alors, M. Bernheim, vous avez la parole.

Office des droits des détenu-e-s

M. Bernheim (Jean Claude): Bonjour. Alors, je vous remercie de nous recevoir et de nous permettre un peu de faire le bilan de ce qu'ont été les activités du service correctionnel du Québec depuis au moins 15 ans. Nous allons présenter nos arguments en deux parties. D'abord, vous faire un peu l'historique des rapports du Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen est déjà venu présenter son mémoire, mais je pense que d'en faire l'historique va nous permettre de mieux comprendre la situation. Alors, nous allons aborder trois points principaux. Évidemment, il y a d'autres problèmes qui peuvent exister dans les services correctionnels, mais il s'agit de trois points représentatifs, selon nous, de la situation.

Le premier concerne le plan de séjour. Le plan de séjour a pour perspective de responsabiliser le détenu et de lui donner les moyens d'être, entre guillemets, réhabilité au moment de sa sortie. Déjà, en 1985, le Protecteur du citoyen, dans un rapport, notait qu'il y avait trop peu de ressources pour permettre au détenu de pouvoir compléter un plan de séjour convenable et qu'au bout du compte ce plan de séjour ne reflétait que les intérêts du service correctionnel et non pas la perspective de réhabilitation. Et, même dans certaines situations, le non-respect du plan de séjour pouvait donner lieu à des sanctions. En 1999, le Protecteur du citoyen, soit 14 ans plus tard, constatait encore que le plan de séjour n'atteignait pas les objectifs qui lui étaient assignés et que, par conséquent, il devrait y avoir des mesures de prises afin que ces plans de séjour soient d'abord établis, parce qu'ils ne le sont pas tout le temps, et deuxièmement, qu'il y ait une évaluation du plan de séjour et un suivi du plan de séjour. Il faut se reporter que ce plan de séjour fait partie de la politique interne du service correctionnel depuis maintenant 20 ans presque et qu'au bout du compte ça demeure plutôt un voeu pieux qu'une réalité concrète.

Les soins de santé. En théorie, les détenus devraient pouvoir jouir des soins de santé appropriés à leur situation. On constate que, dans la pratique, c'est loin d'être le cas, au contraire, et il y a des problèmes très spécifiques. Alors, en 1985, le Protecteur du citoyen relevait des problèmes au niveau de la distribution des médicaments, un autre problème aussi fondamental sur le fait que le médecin n'allait pas dans les secteurs de détention pour vérifier l'état de santé des détenus, ce qui est tout à fait en contravention avec les normes internationales, et aussi que les prescriptions médicales dont les détenus peuvent être détenteurs au moment de leur incarcération ne sont pas poursuivies après l'incarcération et qu'il doit y avoir un réexamen de la part du médecin de l'institution pour qu'éventuellement une prescription nouvelle soit donnée.

n(11 h 10)n

Il y a aussi la Commission des droits de la personne du Québec qui s'était penchée sur le cas de la situation à la prison Tanguay en 1985. La Commission constatait que, finalement, les soins dont les femmes détenues étaient l'objet ne correspondaient pas nécessairement à leur situation particulière, à leurs besoins fondamentaux en tant que femmes, et qu'il y avait considérablement des lenteurs dans la possibilité d'avoir accès aux soins médicaux et au médecin. En 1999, eh bien, on constate quoi? Eh bien, le non-respect encore des prescriptions médicales et avec les conséquences que ça peut avoir, surtout pour les personnes, par exemple, atteintes ou porteurs du VIH. Les lenteurs sont toujours présentes, et les plaintes des détenues femmes reflètent encore le fait qu'elles ne reçoivent pas les soins qu'elles devraient recevoir en tant que femmes. De plus, le règlement de 1999 s'est vu amputer de l'article qui mentionnait que les détenues ont droit aux soins de santé appropriés à leur situation. Donc, au lieu de voir une progression, une amélioration de la situation, on peut conclure qu'avec les années la situation se détériore.

Au niveau de la discipline, un des éléments essentiels du fonctionnement d'une institution carcérale mais aussi l'élément représentatif de la gestion du droit dans notre société de droit, on peut dire que le processus disciplinaire en prison est un peu l'équivalent du processus de justice au sein de la société. Le Québec et le Canada, que je sache, sont régis par des règles de droit, et on se rend compte que, finalement, le processus disciplinaire tel que décrit par la loi, qui n'est pas nécessairement parfait, loin de là, n'est même pas respecté par les institutions.

En 1985, par exemple, le confinement temporaire ? la durée devant être au maximum de 24 heures ? n'est pas toujours respectée; on se sert de ce moyen comme sanction, ce qui est tout à fait contraire au règlement et à la loi, et que, par l'usage de ce confinement temporaire, on dépassait le nombre de jours permis au confinement, qui est de cinq jours.

Pour ce qui est de la réclusion ? l'usage du trou ? qu'est-ce qu'on constate? C'est que, en plus des décisions prises par le comité de discipline, les autorités correctionnelles rajoutent des sanctions comme priver des gens de lecture, de fumer éventuellement, de téléphoner, de la visite, etc., et encore, il n'y a pas de présence du médecin pour s'assurer que la santé des gens est convenable à l'intérieur du trou, ce qui est une pratique qui va à l'encontre des normes internationales. Et le Québec se targuant d'être un État, on est fort étonné qu'il ne prenne pas les mesures nécessaires pour respecter les obligations internationales qu'un État doit rencontrer.

Par conséquent, en 1985, le Protecteur du citoyen recommandait que tout le processus disciplinaire soit vraiment contrôlé, et en particulier l'usage du pouvoir discrétionnaire qui doit lui être rattaché.

En 1999, la conclusion ou les constatations du Protecteur du citoyen sont encore assez d'envergure. On constate, en 1999, qu'on utilise la réclusion, le trou, sans qu'il y ait de rapport qui ait été émis contre le détenu, ce qui est absolument effarant dans un État de droit, que la réclusion est utilisée comme mesure temporaire, que les règles minima ne sont toujours pas respectées en ce qui concerne le médecin. C'est toujours 14 ans plus tard. On constate aussi que la réglementation a été modifiée en 1999 et que les structures réglementaires face à la discipline sont moins précises qu'elles ne l'étaient. On constate aussi qu'il y a la réintroduction de la double pénalité, c'est-à-dire que les gens peuvent être pénalisés par le tribunal disciplinaire et, éventuellement, par les tribunaux ou par d'autres mesures de sanction à l'intérieur de l'institution, comme privation de visites, des transferts, mise dans les secteurs de sécurité plus élevée, etc., et les normes relatives à l'isolement préventif ne sont pas respectées.

Alors, on peut voir que, en faisant un peu ce bref historique entre les deux rapports du Protecteur du citoyen, la situation ne s'est pas nécessairement améliorée.

Maintenant, si on regarde plus précisément l'avant-projet de loi, il y a certains éléments majeurs qui méritent d'être soulevés. D'abord, il y a toute la question philosophique qui sous-tend l'emprisonnement. Je voudrais faire référence à la politique gouvernementale belge, qui a consenti à admettre qu'effectivement l'usage des courtes peines de prison n'est pas nécessairement quelque chose d'efficace et que, par conséquent, si on veut ne plus avoir à recourir à ce genre de peines, il faut que l'État légifère en conséquence. On est bien conscient que le Québec ne peut pas légiférer au niveau du Code criminel. Par contre, le Québec peut légiférer au niveau des lois provinciales, les mesures pénales qui y sont attachées et particulièrement l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Et, là aussi, on voit que les choses ne s'améliorent pas avec le temps, au contraire.

Ce que le gouvernement belge aussi reconnaît, c'est que le contexte pénal, carcéral est un contexte particulier, et ils font référence à l'étude classique de Goffman qui considère l'institution carcérale comme une institution totalitaire. Il peut y avoir tout un débat sur cette notion-là, mais, à tout le moins, on reconnaît qu'on est dans un contexte passablement différent du milieu libre et que les réactions des gens qui sont incarcérés ne sont pas nécessairement les mêmes que ce qu'on retrouve en milieu libre.

Ce qui ressort aussi de l'avant-projet de loi, c'est que, d'abord et avant tout, la notion de responsabilité versus la notion d'obligation n'est vraiment pas bien définie, particulièrement en ce qui concerne les autorités politiques et correctionnelles. On parle de responsabilités au niveau des détenus, on parle d'obligations et de respect des normes et de sanctions par le biais du tribunal disciplinaire, mais nulle part il n'est fait d'obligations aux autorités politiques, au ministre de la Sécurité publique et aux autorités correctionnelles.

Autre aspect fondamental très surprenant, renversant dans un État de droit, c'est l'abolition de la distinction entre «prévenu» et «détenu». Dans l'avant-projet de loi, déjà on entend prendre des mesures afin de réhabiliter des prévenus. Ceux-ci, selon nous, sont considérés comme innocents. On ne peut pas considérer encore qu'il s'agit de personnes qui nécessitent un processus de réhabilitation. Et, comme il a été fait mention, entre autres, par d'autres, il n'y a plus non plus d'obligation dans la loi, pour le service correctionnel, de maintenir les prévenus séparés des condamnés, comme l'exige la norme internationale. Je voudrais faire référence au Sommet de Québec. J'étais présent à la prison de Québec, il y avait passablement d'espaces libres, et, en dépit de cette possibilité de mettre des personnes prévenues dans des lieux séparés des condamnés, on a trouvé le moyen, dans une prison quasiment vide, d'y mettre au moins un ou deux prévenus dans un secteur où il y avait des condamnés. C'est fort étonnant.

On considère qu'il y a une autre lacune importante dans le contenu du projet de loi, c'est en rapport avec la question du personnel correctionnel et l'absence de code de déontologie. Si on parle de responsabilités, je pense qu'il est important aussi que ces responsabilités et ces obligations incombent à toutes les personnes qui se trouvent à être dans l'institution, et le personnel en fait partie. Et, quand on voit les carences relevées par le Protecteur du citoyen, entre autres, il nous apparaît essentiel que le personnel correctionnel soit régi par un code de déontologie.

On voudrait soulever aussi des problèmes principalement au niveau des articles 29 et 32 par rapport aux personnes qui assurent le suivi des condamnés, à qui on assigne des tâches de relations d'aide et de contrôle. Pour nous, il est assez incompatible pour une même personne d'avoir des responsabilités de contrôle social et de contrôle individuel et, en même temps, de pouvoir susciter la confiance nécessaire pour établir une relation d'aide. Pour nous, il serait impératif que les personnes qui ont des mandats reliés à la question de la relation d'aide relèvent directement du ministère de la Santé et des Services sociaux et n'aient pas de comptes à rendre au ministère de la Sécurité publique ni de la Justice.

À l'article 31, on parle de relations et d'informations avec le réseau des détenus. On s'interroge à savoir dans quelle mesure la famille et les amis vont être pris et happés par le système, jusqu'où ça peut aller. On voit que l'avant-projet de loi cherche à obtenir beaucoup d'informations de la part des personnes qui connaissent la personne condamnée. On est inquiet par rapport à l'ampleur que peut prendre cette recherche et les contraintes qui peuvent être imposées aux personnes qui connaissent le détenu.

À l'article 63, on parle de la notion de respect et on parle aussi, en même temps, de la question des sanctions disciplinaires. Évidemment, les détenus doivent respect au personnel, et vice versa. Mais de sanctionner l'absence de respect sans en donner de définition ouvre la porte à des abus importants. Et, pour nous, cette notion de respect doit faire partie des principes, mais ou on le définit ou on ne fait qu'estimer que c'est la façon dont les personnes doivent se comporter. Et, quant aux questions disciplinaires, il devrait... selon nous, être précisément décrites.

Le Président (M. Gautrin): M. Bernheim, le temps passe, si vous pouviez...

n(11 h 20)n

M. Bernheim (Jean Claude): Il me reste deux...

Le Président (M. Gautrin): Allez-y. Je ne veux pas être trop formel, mais...

M. Bernheim (Jean Claude): Deux petits points. Par rapport au processus disciplinaire, on voudrait que les membres du comité de discipline soient totalement indépendants et de la Sécurité publique et du ministère de la Justice. Et on veut soulever la question du Fonds central du travail des personnes incarcérées, qui se trouve à être la personne morale responsable de l'implantation des programmes en milieu correctionnel, ce qui dégage le ministre de ses responsabilités, selon nous, et ce qui est tout à fait inacceptable. Je vous remercie pour cette période que vous m'avez accordée.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Bernheim. Alors, on va commencer la période d'échange avec M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.

M. Jutras: Alors, messieurs, madame, bienvenue à cette commission. Merci de votre présentation. Je vais avoir deux questions, je vous les pose toutes les deux. Par contre, je vous préviens que mes collègues ont d'autres questions. Alors, si on veut avoir le temps de faire un échange valable, là...

Premièrement, c'est intéressant, dans votre mémoire, à la page 20, quand vous parlez de l'avant-projet de loi, aussi, qui aurait été déposé en Belgique et la philosophie qui est contenue à l'intérieur de cet avant-projet de loi belge, à l'effet que, somme toute, l'emprisonnement, c'est le dernier recours, et il faut utiliser d'autres mesures alternatives. Par contre, vous ne nous dites pas jusqu'où ils sont allés, en Belgique, qu'est-ce qu'ils ont fait. Alors, j'aimerais ça que... Je comprends que la question est vaste, mais, en tout cas, si vous pouviez nous dire ce qu'il en est. Ma première question.

Ma deuxième question. Je pense que vous étiez dans la salle, vous avez entendu probablement la représentante de MADD, juste avant vous, et qui nous parlait de l'expérience de la rencontre de victimes avec des agresseurs ou des auteurs de crimes. Ça vous concerne aussi, parce que vous représentez des détenus, puis, si on parle de ces rencontres-là, bien, évidemment, les détenus devront y participer. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça?

Le Président (M. Gautrin): M. Bernheim.

M. Bernheim (Jean Claude): Pour répondre à votre première question, où en est la situation en Belgique, malheureusement, je dois vous dire que c'est plutôt stagnant. Ce document a été déposé il y a près de deux ans, et les commissions parlementaires belges, semble-t-il, progressent très lentement. Donc, ça n'a pas passé à l'acte, je dirais. Mais ce n'est pas une raison, parce que ça ne fonctionne pas nécessairement en Belgique, que ça ne devrait pas être appliqué ici.

Quant à la question des victimes, effectivement, on pense que les victimes devraient pouvoir, dans la mesure du possible, se réconcilier avec leur agresseur ou, en tout cas, la personne qui est la cause de leur victimisation. Et je pense que ce processus-là devrait être généralisé non pas seulement avec les personnes qui sont condamnées à l'emprisonnement, mais dans toutes les circonstances, quelles qu'elles soient, dans la mesure où c'est praticable et où c'est accepté par les deux parties. Effectivement, je pense que ce genre de mesure là aurait un effet fondamental sur la dédramatisation de l'événement et aussi sur la dédramatisation des événements par rapport à l'ensemble de la société et du public et permettrait de favoriser des rapports sociaux plus égaux, plus équitables et moins controversés.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'il y a d'autres députés ministériels qui ont des questions? Non? Alors, c'est très bien. Je passerai la parole maintenant à M. le député de Saint-Laurent, au nom de l'opposition officielle.

M. Dupuis: M. Bernheim, M. Tremblay, bienvenue. Mme Charest, j'espère que vous réalisez que vous avez un nom prédestiné et que, dans peu de temps, vous allez vous faire demander si vous êtes parente avec le premier ministre du Québec. J'espère que vous réalisez ça. Bonjour, bienvenue.

M. Bernheim, sur les victimes, particulièrement. Les victimes sont venues, se sont dites en partie satisfaites mais déçues de l'avant-projet de loi. Et ce que j'ai compris de l'essentiel de ce qu'elles disent, là ? on ne va pas entrer dans les détails ? mais elles voudraient que le gouvernement aille plus loin. Il y a eu une suggestion qui a été faite, et elles ont concouru à cette suggestion, que, par exemple, elles soient avisées de la date d'audition d'une demande de libération conditionnelle pour qu'elles puissent venir faire des représentations, devant la Commission québécoise des libérations dans ce cas-là, sur l'admission à sortir. Je veux vous dire tout de suite qu'on avait distingué, particulièrement avec Mme Gaudreault, les victimes qui ont un lien direct avec l'accusé ? on parle de violence conjugale, agression sexuelle, c'est ce qu'on avait mentionné ? puis les autres victimes qui n'ont pas de liens directs avec l'accusé autre que celui d'avoir été victime, si vous voulez, d'une infraction commise par cette personne-là. Bon. Alors, il faut faire des distinctions, j'en suis conscient.

Mais comment vous réagissez, vous, de l'Office de la protection des droits des détenu-e-s, au fait qu'on pourrait mettre... le gouvernement pourrait accepter de mettre dans le projet de loi ? je ne veux pas présumer de ce qu'il va faire ? une telle obligation faite à la Commission ou aux Services correctionnels d'aviser la victime de la date d'audition pour qu'elle puisse venir faire des représentations. Comment vous réagissez à ça?

Le Président (M. Gautrin): M. Bernheim.

M. Bernheim (Jean Claude): La présence des victimes, dans le débat de la libération conditionnelle, soulève toute la question, finalement, de l'objectif de l'incarcération. La présence des victimes soulève l'objectif de la réhabilitation versus la protection de la société. Alors, si, effectivement, une personne est considérée par les instances comme étant, entre guillemets, réhabilitée et devant pouvoir sortir, mais que la victime, elle, devant la situation qu'elle a vécue, la victimisation qui lui est propre, estime ne pas pouvoir confronter son agresseur, qu'est-ce qui doit prédominer? C'est évidemment le fondement même du fonctionnement, de l'usage de la prison et de ses contradictions, et je dirais même de l'explication potentielle de ses échecs. Alors, je pense que, comme société, il faut faire un choix. Et, si on veut vraiment, je pense, rendre justice aux victimes, il faut traiter les victimes comme victimes, en fonction des droits dont elles doivent pouvoir jouir, et je pense que c'est en dehors du droit correctionnel. Je pense que l'État devrait prendre les mesures, ce qu'il ne fait pas actuellement de manière suffisante, pour que les victimes soient indemnisées sur le plan pécunier et qu'elles soient aussi habilitées à recevoir les ressources, à avoir accès aux ressources dont elles ont besoin sur le plan psychologique et autres si nécessaire. Et je ne pense pas que la participation directe des victimes au processus éventuel de libération conditionnelle va permettre de mieux saisir la situation de la personne condamnée versus sa réhabilitation. Mais c'est un choix de société à faire.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: O.K. Moi, j'ai tendance à essayer d'être le plus pratique possible. Ce que je comprends de votre intervention, c'est que vous ne seriez pas favorable à cette éventualité qu'on avise la victime formellement de la date d'audition et qu'elle soit entendue au stade de la décision de l'octroi d'une libération conditionnelle ou non, mais que la victime devrait faire ses représentations au cours du processus mais ailleurs que dans le processus correctionnel, par exemple devant le tribunal ou au moment de la sentence. C'est un peu ça que vous dites?

Le Président (M. Gautrin): M. Bernheim.

M. Bernheim (Jean Claude): En effet, parce que... À moins que la victime ait des informations pertinentes à donner relativement à la question de la réhabilitation de la personne et de sa situation personnelle par rapport à une éventuelle libération, sinon je pense que c'est ? comment je pourrais dire? ? user de la victime et abuser de la victime finalement. Ou bien, si la victime, elle, estime que la personne ne doit pas être libérée parce qu'elle-même n'a pas encore... ou estime que la peine n'est pas suffisante ou estime que sa victimisation est encore trop présente, et pour toutes sortes de raisons auxquelles elle a droit... Mais, si le fondement de sa démarche est personnel et non pas en fonction de l'objectif de la sanction qui a été prononcée, si, au bout du compte, la Commission tient compte de l'état de réhabilitation de la personne sans tenir compte de la victime, moi, je pense que c'est malhonnête.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

n(11 h 30)n

M. Dupuis: Merci. J'aurais tendance ? et je ne dis pas que j'ai une opinion qui est fermée là-dessus ? mais j'aurais tendance à être de votre avis pour ce qui concerne les victimes qui n'ont pas de lien direct avec l'accusé mais qui ont eu une rencontre fortuite, ponctuelle, dans le cadre d'une infraction, avec une personne qui a commis une infraction. Mais j'ai plus de doute pour ce qui concerne les victimes qui ont un lien avec l'accusé; j'entends, évidemment, toute la question des crimes faisant suite à de la violence conjugale ou à des agressions sexuelles avec des accusés qui ont des liens avec la victime ou avec les familles, là, en tout cas, je vous le dis comme ça, là, j'ai un petit peu plus de doutes parce que je me dis: Il y a un intérêt clair pour la protection de la victime elle-même à ce qu'elle fasse valoir, devant une libération conditionnelle, ses représentations. Mais il peut s'agir aussi d'un processus qui la protège parce qu'elle vient exprimer à la Commission des libérations conditionnelles des choses positives sur le... elle peut venir exposer aussi des choses positives pour celui qui demande l'octroi.

Alors, je... On n'a pas le temps ici d'épiloguer, là, mais je vais juste vous demander de continuer à réfléchir sur cette question-là, mais en faisant la différence entre les deux aspects, si vous voulez, O.K...

Le Président (M. Gautrin): M. Bernheim.

M. Bernheim (Jean Claude): Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous dans... Mais, de toute façon, si la personne détenue peut demander à d'autres personnes de venir devant la Commission et de faire des représentations en ce qui la concerne, alors ça peut être éventuellement une victime comme une autre personne. Donc, je ne pense pas que le fait qu'il y ait un lien entre l'agresseur et l'agressé empêcherait la victime de venir faire des représentations devant la Commission.

M. Dupuis: O.K. Vous avez parlé...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Une dernière question. Vous avez parlé des soins de santé et vous avez exprimé que le traitement était, bon, insatisfaisant à cet égard-là. Savez-vous quoi? Il y a quelqu'un qui m'a dit hier quelque chose qui m'a étonné, que je vais vous dire, puis vous me direz si c'est la situation et comment vous réagissez par rapport à ça. Un détenu qui a mal aux dents, il voit le dentiste puis le dentiste, apparemment, selon ce qu'on me dit, lui, le dentiste, il arrache des dents, mais il ne fait pas bien, bien, d'autres choses que ça. Si on a besoin d'un traitement de canal, il ne fait pas ça, des traitements de canal. Et, même si le détenu peut payer son traitement de canal, le dentiste, il ne fait pas ça, des traitements de canal; lui, il arrache des dents. Est-ce que... Bon, c'est banal, ce que je vous dis, là.

On me dit aussi: Si un détenu prend un médicament générique, mais que, pour une raison quelconque, il est allergique au médicament générique ou ça ne fait pas et qu'il veut avoir le médicament original, mais qui coûte beaucoup plus cher ? ça, je peux comprendre ? le service ne le donne pas, ce médicament-là. Mais, même s'il peut payer, ils ne le donneront pas. Est-ce que, ce que je vous dis là, c'est quelque chose que vous avez constaté? Et est-ce qu'il y a quelque chose à faire en relation avec ça si jamais vous l'avez constaté?

Le Président (M. Gautrin): M. Bernheim.

M. Bernheim (Jean Claude): Bon, pour ce qui est du dentiste, effectivement, disons qu'il ne s'agit pas d'une rumeur. En ce qui concerne le médicament, là, on n'a jamais ? en tout cas, à ma connaissance ? eu de plainte spécifique sur ce problème en particulier. Mais, effectivement, les gens n'ont pas ? comment dire? ? droit au médecin de leur choix. Comme je vous l'ai dit, les prescriptions médicales dont les détenus sont détenteurs à l'origine ne sont pas systématiquement poursuivies. Il y a des problèmes fondamentaux dans l'attribution des soins médicaux et de l'accès aux soins médicaux. Oui, il y a des problèmes à ce niveau-là qui sont importants et qui relèvent en partie de ce que nous avons parlé tout à l'heure, la question de relation d'aide et relation de confiance.

Pour l'instant, les médecins des institutions sont perçus, à tort ou à raison, mais sont perçus comme étant des émanations du service correctionnel, souvent à tort parce qu'ils relèvent d'un CLSC, mais c'est quand même perçu comme tel. Puis le refus de permettre aux détenus d'avoir accès au médecin de leur choix, à leurs propres frais et de la façon dont ils pourraient le réaliser, je pense, fait en sorte que, effectivement, il y a une barrière qui s'instaure entre le secteur médical et les détenus.

M. Dupuis: Merci.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé, M. le député de Saint-Laurent?

M. Dupuis: Oui, merci.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce? Merci. Alors, M. Bernheim, je tiens à vous remercier, au nom de la commission, et remercier votre organisme, l'Office des droits des détenu-e-s, pour sa présentation. Et je demanderais au Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

Alors, si vous voulez que je suspende, je peux suspendre, ou si vous avez des... On continue, mais il faudrait que le ministre revienne à son poste. Bon, c'est bien.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme Brousseau et Mme Boucher, je vous souhaite la bienvenue. Comme vous êtes là depuis ce matin, vous avez entendu plusieurs fois ce que je dis pour rappeler les règles, mais je vais vous les rappeler aussi à vous. Vous avez une période de 45 minutes qui vous est allouée pour et la présentation formelle de votre mémoire, et les questions des députés ministériels, et les questions des députés de l'opposition, sur la base de 15 minutes pour la présentation, 15 minutes pour les questions venant des députés ministériels et 15 minutes pour les députés de l'opposition. Alors, je ne sais si c'est vous, Mme Brousseau, Mme Boucher, qui faites la présentation.

Mme Brousseau (Liette): Alors, c'est moi.

Le Président (M. Gautrin): Alors, vous avez la parole, Mme Brousseau.

Regroupement provincial des maisons
d'hébergement et de transition pour
femmes victimes de violence conjugale

Mme Brousseau (Liette): C'est moi qui va commencer. Je suis Liette Brousseau, la présidente du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et, avec moi, Mme Fleurette Boucher, qui est une intervenante dans une maison d'hébergement.

Alors, d'entrée de jeu, nous vous remercions de nous fournir l'occasion d'intervenir sur une question qui, vous les comprendrez, nous tient beaucoup à coeur. Qu'est-ce que le Regroupement? C'est un organisme qui existe depuis 1979, qui regroupe 46 maisons d'hébergement dans 16 des 17 régions administratives du Québec. Chaque année, plus ou moins 3 000 femmes et autant d'enfants sont hébergés chez nous. C'est donc 20 ans de travail terrain, d'expertise que nous vous offrons ce matin.

Ce que nous vivons, c'est le quotidien des femmes victimes dans les maisons. Ce que nous entendons, c'est leurs souffrances, leurs peurs, leurs craintes, leurs attentes, à tous les niveaux du système. Évidemment, aujourd'hui, on vous parlera de leurs attentes au niveau du système correctionnel. Toute cette expertise-là nous permet donc d'intervenir comme des spectatrices... pas des spectatrices, mais des actrices privilégiées sur le terrain.

Notre position générale sur l'avant-projet de loi: nous sommes fières, nous encourageons le gouvernement à aller de l'avant. C'est la première fois qu'une loi ou plutôt un avant-projet de loi réfère aux politiques d'intervention en matière de violence conjugale. Vous comprendrez notre satisfaction. Nous disons: Bravo! Félicitations! Il faut continuer.

Nous avons des attentes cependant. Hier, nous avons suivi les débats et nous avons entendu Mme Gaudreault de Plaidoyer-victimes, dont nous sommes membres, et évidemment nous entérinons, nous appuyons les revendications dont Mme Gaudreault vous a fait part. Nous distinguerons cependant, nous, par rapport aux victimes... nos victimes, ce sont les femmes victimes de violence conjugale, alors, notre question est traitée un peu à part.

Concrètement, ce que nous attendons, c'est que la loi assure avant tout la sécurité des victimes, qu'à travers tous les articles de loi, ce fil conducteur là, cette préoccupation-là soit présente. C'est, vous l'avez compris, le fil conducteur du mémoire que nous avons présenté. Des moyens doivent être mis en place pour en arriver à ce respect de la sécurité des femmes. Mme Boucher, dont l'expérience en maison, la formation en droit et sa spécialisation sur les questions juridiques... est la personne idéale, je pense, et la plus qualifiée pour vous présenter les recommandations du Regroupement. Je reviendrai en conclusion.

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher. Me Boucher? Je ne sais pas.

Mme Boucher (Fleurette): Merci. Merci, Liette. Je vais commencer en vous disant que plusieurs raisons motivent notre appui au projet de loi, M. le ministre, MM. les députés. En vrac, je vais débuter en vous disant que l'amélioration de l'évaluation des contrevenants ainsi que du risque de récidive que nous associons, notamment, à la proposition de créer un dossier unique et dûment identifié en matière de violence conjugale, ça nous apparaît comme étant fort intéressant comme initiative.

Permettez-nous aussi de souligner que les demandes de libération qui, dans l'avenir, devront tenir compte de la nature, de la gravité, des conséquences du délit ainsi que du degré de responsabilisation ? et pour nous, c'est très cher, ce terme, «la responsabilisation du contrevenant» ? encore là, ça nous apparaît comme des pas dans la très bonne direction pour s'assurer que la sécurité des victimes de violence conjugale soit prise en considération.

n(11 h 40)n

Dans le même ordre d'idées, M. le ministre, que le projet de loi permette aux victimes de violence conjugale de communiquer toutes les informations jugées pertinentes en lien avec la dangerosité et le risque de récidive d'un conjoint violent, cela aussi nous apparaît comme essentiel pour assurer la sécurité des victimes de violence conjugale. Enfin, que le même projet de loi propose d'informer les victimes des conditions de remise en liberté de l'agresseur, ça nous rassure, et je peux vous assurer que les femmes, elles aussi, sont et seront rassurées.

Toutefois ? il en faut une pour chialer, j'y vais, ha, ha, ha! ? les espoirs et les attentes, c'est grand. En ce sens, pour nous, il est clair que le gouvernement devra faire preuve de cohérence, de cohésion, et ce, jusqu'au bout de la patente. Ha, ha, ha! Pour nous, c'est important que les ressources suivent, les ressources pécuniaires, matérielles et personnelles.

À certains égards, comme Mme Brousseau le mentionnait, les représentations de Plaidoyer-victimes nous parlent et nous rejoignent comme membres et comme représentantes de victimes de violence conjugale. Toutefois, à titre d'exemple, quand on réfère aux ressources nécessaires, si on veut parler d'une réelle évaluation des risques des conjoints violents, il faudra que les professionnels qui auront la charge connaissent la problématique de la violence conjugale. À cet effet-là, la première recommandation faisant partie de notre rapport est claire à ce sujet. Évidemment, on recommande de mettre en place un programme de formation continue pour l'ensemble des intervenants et des intervenantes qui sont susceptibles d'être interpellés dans leur travail.

Je ne rentrerai pas dans le détail de la nomenclature des personnes visées, vous l'avez entre les mains. Mais, pour nous, il nous apparaît essentiel que les gens qui auront à évaluer la dangerosité d'un contrevenant doivent connaître ce qu'est la problématique de la violence conjugale. Et on vous fournit aussi le contenu souhaité qu'on aimerait retrouver à l'intérieur de ces formations-là. Pour nous, c'est important qu'on saisisse quelles sont les causes de la violence conjugale; c'est important que les gens qui auront à évaluer saisissent bien qu'il y a des préjugés envers les victimes de violence conjugale; il faut surtout comprendre quel est l'effet de la victimisation d'une femme qui est victime de violence conjugale. Pourquoi certaines femmes ne dénoncent pas ou dénoncent et, en cours de route, veulent quitter le processus judiciaire? Pourquoi certaines femmes ne dénonceront jamais? Parce que la confiance n'est pas là à l'égard du système judiciaire et encore moins à l'égard des systèmes de libération conditionnelle. Donc, la formation, selon nous, est essentielle pour les intervenants qui auront à évaluer le degré de dangerosité.

Dans le même ordre d'idées, je poursuis en disant que c'est important que les critères qui serviront à évaluer le degré de dangerosité du contrevenant, eux aussi sont à travailler. Sur le terrain, on est conscientes qu'on manque d'outils, qu'il y a certains outils qui ont peut-être été développés au fil des ans. Il faudrait peut-être en faire un inventaire et voir à s'outiller pour évaluer adéquatement les contrevenants. Dans ce sens-là, la recommandation 2 de notre mémoire recommande qu'on mette sur pied un comité de travail qui aurait pour mandat d'améliorer les connaissances, d'outiller et de développer des mécanismes qui nous permettraient d'évaluer adéquatement le degré de dangerosité d'un conjoint violent.

Dans le même ordre d'idées, si vous me permettez, je tiens à porter à votre attention que, en matière d'informations que les victimes pourraient communiquer aux différents intervenants, ce volet nous tient particulièrement à coeur, et on s'attend à ce que le gouvernement soit proactif, et ce, à tous les points de vue, pour, d'une part, et peu importe le moment où cela devra être fait, qu'on informe adéquatement la victime et qu'on l'invite à se faire entendre. On demande au gouvernement d'être non seulement proactif, mais il faudra trouver une mécanique qui favorisera l'implication des victimes si elles choisissent de se prononcer.

À cet effet-là, je dirai, M. le ministre, qu'on ne peut pas se contenter de ce qui est libellé dans le projet de loi et qui fait référence à prendre les moyens raisonnables pour recueillir les informations ou transmettre aux victimes les conditions de remise en liberté de l'agresseur. Pour nous, ça nous tient à coeur et on pense que cela doit être changé, ça laisse trop de place à l'arbitraire. Et, finalement, sur ce sujet, il est clair pour nous toutes qu'on sera inflexibles et que ça devra se traduire sur le terrain en engagement formel pour, d'une part, aviser les victimes de ce qui se passe dans le dossier concernant les contrevenants et, d'autre part, mettre tout en oeuvre pour que ces dernières puissent intervenir si elles le veulent.

Il est aussi essentiel pour nous que la sécurité des victimes de violence conjugale devienne une des balises incontournables pour toutes les décisions qui se rattachent au privilège de remise en liberté du contrevenant, et ce, peu importe l'étape où ce dernier profitera d'une libération conditionnelle ou d'une permission de sortie. C'est dans le même ordre d'idées, M. le ministre, MM. les députés, que nous vous proposons que tout programme de réhabilitation efficace, tant à l'intérieur des murs des prisons que dans la communauté, soit axé sur la sécurité des victimes, notamment.

En terminant, je vous dirai que nous demeurons convaincues que la lutte à la violence conjugale concerne tous et toutes, et, en ce sens, ce sont toutes les institutions de notre société qui doivent y participer. Le même message et une cohésion de tous et à tous les instants sont nécessaires. Il faut dire non à la violence conjugale. Je vais passer la parole à Mme Brousseau pour terminer.

Le Président (M. Gautrin): Mme Brousseau, brièvement, s'il vous plaît.

Mme Boucher (Fleurette): En conclusion, nous trouvons que ce projet de loi tient compte des enjeux pour les victimes face à la libération de leurs agresseurs. Nous souhaitons évidemment que nos positions soient prises en compte pour que cet avant-projet de loi devienne une loi mise en application le plus rapidement possible. Nous réitérons notre disponibilité à travailler à l'application de ce que nous avons proposé ? parce qu'on est bien conscientes qu'on a une expertise et on la met au service du gouvernement pour travailler là-dessus ? afin de répondre au besoin qui est, pour nous, fondamental, essentiel et incontournable, celui de la sécurité des femmes.

Et on rappelle aussi la nécessité d'allouer, au ministère de la Sécurité publique, les ressources nécessaires pour mettre de l'avant ce projet de loi. Et nous encourageons le gouvernement à aller jusqu'au bout dans la cohérence dont il a fait preuve jusqu'à maintenant; c'est la condition de réussite de ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme Brousseau. Et, pour commencer les échanges, je passerai la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.

M. Jutras: Alors, mesdames, bienvenue, premièrement, et merci pour votre présentation. À juste titre, vous nous démontrez dans votre mémoire, là, à quel point le chemin parcouru relativement à la violence conjugale, il est très long quand on se reporte à il y a quelques années et qu'on considérait, somme toute, que ça faisait partie du privé et puis qu'on n'avait pas à s'immiscer là-dedans. Ça, je l'ai vécu dans ma pratique d'avocat, là, où, à un moment donné, on disait: Bien là ça se passe entre deux personnes dans une maison puis on n'intervient pas. C'était la situation puis on... j'arrivais pour dire: On ne parle pas du siècle dernier, oui, c'est le siècle dernier, mais il y a quand même seulement quelque chose comme 20 ans. Alors... Et je pense que c'est, entre autres, beaucoup grâce au travail que des maisons comme les vôtres ont pu faire qu'on est rendu où on est rendu et qu'on en parle même dans un projet de loi comme tel, mais c'est vrai qu'il reste encore des choses à faire.

n(11 h 50)n

Et, dans ce sens-là justement... et quand vous parlez... vous faites référence à l'article 3 de l'avant-projet de loi et que vous dites: La violence conjugale, c'est une problématique particulière parce que, bon, l'agresseur et l'agressé se connaissent, ils sont appelés souvent à avoir encore des contacts, même, souvent, il va y avoir reprise de la vie commune aussi, alors, c'est vraiment une problématique bien particulière. Est-ce que... Et vous nous parlez de programmes de formation, c'est intéressant.

Est-ce que, quand vous faites référence à l'article 3, vous allez même jusqu'à nous suggérer que, dans ces critères-là ou dans ce que les services correctionnels sont appelés à faire, que, même là, on devrait faire référence à la violence conjugale ou ça vous satisfait qu'on fasse référence à la violence conjugale, là, quand on parle, entre autres, à d'autres articles, de la politique du gouvernement relativement à la violence conjugale?

Le Président (M. Gautrin): Qui veut répondre? Me Boucher.

Mme Boucher (Fleurette): Écoutez, M. le ministre, là-dessus, je vous dirai que, nous, le concept de responsabilisation de l'agresseur nous tient à coeur, et c'est dans cet esprit qu'on pousse les choses. On sait qu'au niveau des établissements fédéraux il y a différents programmes qui ont été développés ? je pense, qui sont toujours en oeuvre ? mais, pour nous, il est évident qu'il faut utiliser tout le système et les structures en place pour tenir tous et toutes le même discours: C'est inacceptable, et tellement inacceptable que tu as des poursuites criminelles, tu es reconnu coupable et tu dois regarder comment faire en sorte de ne pas récidiver. Et, en ce sens, toute la notion de responsabilisation, pour nous, c'est essentiel. Donc, oui, il nous apparaît important de fignoler et d'améliorer davantage les façons d'intervenir auprès des conjoints violents en milieu carcéral.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Jutras: Maintenant, vous nous avez parlé de l'expertise que vous avez développée. C'est vrai que vous avez développé une expertise qui est sérieuse, là, au niveau de la violence conjugale, et on nous a parlé, entre autres, beaucoup, devant la présente commission, des droits des victimes. Et, vous, effectivement, vous oeuvrez auprès des victimes. Est-ce que vous avez développé une expertise quant à une solution qui nous est proposée, qui est mise de l'avant, à savoir la rencontre des... organiser des rencontres entre les victimes et les agresseurs? Alors, est-ce que, là-dessus, de façon pointue, vous avez développé une expertise? Est-ce que vous avez tenté des expériences à ce chapitre?

Le Président (M. Gautrin): Mme Brousseau.

Mme Brousseau (Liette): Non, à ce chapitre, on n'a pas d'expérience de tentée. Tout ce qu'on peut vous dire dans ce domaine-là, c'est que la rencontre entre la victime et le contrevenant, ça met la victime encore plus en danger, surtout que les sentences dont on parle sont relativement courtes, là, et que, bon, on n'a pas... il n'y a pas eu le temps de maturation suffisant, je pense, pour que la victime puisse affronter le contrevenant, qui est son agresseur. Les femmes ne souhaitent pas, règle générale, ces rencontres-là non plus.

Dans tous les autres processus judiciaires ? entre autres, on a fait des représentations, dernièrement, là, pour la Loi du divorce, pour la garde des enfants, pour la médiation, et pour tout ça ? les rencontres entre les victimes de violence conjugale et le conjoint, qui est l'agresseur et qui est, dans le cas ici dont on parle, le contrevenant, c'est toujours dangereux, ça met la femme en situation souvent de revictimisation, de ne pas être comprise, et ça la fragilise davantage. Alors, avant de tenter ces pistes de justice réparatrice, il est peut-être préférable de voir à établir des mécanismes où les femmes vont être capables de prendre en compte leur sécurité, vont avoir l'aide nécessaire, et on verra après pour les rencontres avec le contrevenant.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

Mme Boucher (Fleurette): Est-ce que je peux ajouter?

Le Président (M. Gautrin): Alors, c'est terminé?

M. Jutras: Oui.

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher, Me Boucher, oui.

Mme Boucher (Fleurette): Oui, j'aimerais juste compléter.

Le Président (M. Gautrin): Bien sûr.

Mme Boucher (Fleurette): La problématique de la violence conjugale, elle est particulière en ce sens que, on le dit depuis le début, il y a un lien particulier agresseur-agressée. Ça s'inscrit ? quand on connaît bien la problématique ? toujours dans un cycle particulier et il y a une dynamique particulière faisant en sorte que la femme va culpabiliser et va...

Quand Liette fait référence à de la victimisation, il y a tout un processus d'intégration qui n'appartient pas à la femme, mais qu'elle traîne avec elle comme bagage, et c'est pour ça qu'on dit que ça prend plus qu'une semaine pour sortir du processus de la violence conjugale. Et, avant que le conjoint, lui, reconnaisse qu'il est entièrement responsable des gestes qui... Et ça fait partie intégrante du cycle, hein, le conjoint qui agresse sa conjointe lui dira et lui transmettra toujours comme message: Si je l'ai fait, c'est de ta faute, c'est toi qui as mal agi. Là, je le dis bien simplement, là, mais, lui ne se reconnaît pas aucune parcelle de responsabilité dans les agressions commises.

Et, quand tu l'as vécu pendant des années, ça fait en sorte que, toi, en tant que victime, tu as intégré certains réflexes de victimisation qui font en sorte que, effectivement, ce n'est pas... je pense que ce n'est pas le moyen idéal, cette fameuse justice ou cette façon de faire qui mettrait en lien l'agresseur et la victime, à tout le moins à court terme, non. Je pense que la victime doit, elle, se retrouver, refaire des forces et rationaliser l'ensemble de la chose pour, après ça, évaluer l'état de la situation et, là, faire des choix un peu plus éclairés.

Le Président (M. Gautrin): Merci, madame, Me Boucher. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Brousseau, Mme Boucher. Je connais bien votre travail au niveau de l'ensemble des maisons d'hébergement du Québec, mais, vous savez, je connais aussi très bien le travail qui se fait à Saint-Hyacinthe, à La clé sur la porte, et la contribution que vous apportez à cette problématique-là, et en particulier pour aider les femmes, est inestimable.

Votre rapport, votre mémoire que vous avez soumis est extrêmement fouillé, extrêmement intéressant et extrêmement concret aussi. J'ai cependant... Je voudrais vous entendre sur une réaction que j'ai eue, hier. Je parlais avec quelqu'un des travaux ? parce qu'il l'avait vu à la télévision ? qui se font, et tout ça, et il était surpris de la disposition voulant qu'on informe les victimes du moment de la sortie des gens. Il disait: Il me semble que ? la personne me disait ? moi, j'aimerais autant pas le savoir parce que ça rappelle... ça me rappelle à l'esprit... ça va me rappeler à l'esprit tout ce que j'ai souffert. Alors que j'avais peut-être réussi à établir la paix, là, ça fait ressortir tous mes sentiments, toutes mes émotions. Qu'est-ce que vous dites face à une réaction comme celle-là?

Le Président (M. Gautrin): Mme Brousseau.

Mme Brousseau (Liette): Dans le cas de la violence conjugale, cette information-là est... ce n'est pas une information superflue qui ramène des souvenirs, et tout ça, c'est une information indispensable pour que la femme puisse prendre, s'il y a lieu, les mesures nécessaires pour assurer sa propre sécurité et celle de ses enfants, la plupart du temps. Alors, c'est la raison pour laquelle on insiste tellement pour que ce soit une obligation d'informer la femme pour qu'elle puisse se mettre en sécurité. Parce que, à tous les niveaux du processus, les contrevenants sont particulièrement habiles à déjouer et à faire, mine de rien, sans que personne s'en rende compte, des gestes qui sont des menaces graves. Alors, plutôt que de se rendre... d'avoir une rencontre impromptue quand on rentre à l'épicerie, l'ex-conjoint arrive en même temps et refait les gestes de menace, il faut être informé de ça, il faut pouvoir... Il faut savoir où est-ce que ce conjoint-là risque d'aller, qu'est-ce que c'est, son plan de réinsertion sociale. Il faut que la femme soit informée, vraiment, mais c'est purement une question de sécurité.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. Alors, ça me ramène à ce que vous disiez antérieurement à la réponse à la question de M. le ministre, toute la question de la rencontre entre la victime et le contrevenant. Et j'ai l'impression qu'il y a une espèce de contradiction dans ce qu'on dit là, c'est que, d'un côté, la rencontre ramène des comportements de victimisation mais, d'un autre côté, comme la sanction est relativement courte, de toute façon, elle va le rencontrer pareil. Alors, est-ce qu'il ne vaut pas mieux qu'il y ait une rencontre organisée et planifiée et encadrée que... de toute façon, il y aura, de toute façon, sur le coin de la rue, une rencontre quand même. Alors, il me semble qu'il y a une contradiction. J'aimerais que vous expliquiez davantage votre point de vue là-dessus.

Mme Boucher (Fleurette): Oui, oui.

Le Président (M. Gautrin): Me Boucher.

n(12 heures)n

Mme Boucher (Fleurette): Rencontre organisée, je ne dirais pas rencontre organisée, M. le député, mais plutôt structurée parce que, dans beaucoup de cas, il y a des enfants issus de cette union-là et il y a un lien qui va demeurer. Sauf qu'on doit structurer et s'organiser pour outiller la femme, pour que cette dernière soit à même, d'une part, de dire au conjoint violent: Non, c'est fini, je ne veux plus reprendre la vie commune avec toi, et il faut que nos institutions répondent à la commande et, en ce sens, l'informent des conditions qui sont rattachées à la remise en liberté de monsieur. Et, si ce dernier contrevient à... elle, elle sera à même de lui dire: Écoute, tu avais ça à respecter, je ne veux plus rien savoir de...

C'est sûr que ça peut sembler contradictoire, là, le fait de dire que madame ne veuille plus rien savoir, mais, en même temps, d'être appelée ? si vous voulez, on ne s'en sort pas, il y a des enfants ? à dire: Bien, inévitablement, les deux parties, à un moment donné, devront se rencontrer. Oui, mais pas dans n'importe quelles conditions et surtout pas au détriment de madame.

Sur le terrain, je vous dirai qu'on a développé des mécanismes. Notamment, il y a des services. On va donner l'exemple, là: Certaines femmes se servent de la maison de la famille pour déposer les enfants. Et le père qui, lui, purge la fin de sa sentence dans la société, va cueillir les enfants. Ça fait qu'elle évite de rencontrer monsieur, et, en même temps, on pense qu'en partie, lui, doit réaliser le fait que, si madame ne veut pas le voir et si d'autres personnes interviennent là-dedans et donnent raison à madame, c'est que, tu sais, il n'a pas toujours des comportements qui sont utiles et nécessaires ou corrects par rapport à madame. Et, dans ce sens-là, M. Dion, je vous dirai qu'il faut baliser et surtout outiller les femmes pour permettre à ces dernières de faire des choix éclairés.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je reconnais d'ailleurs tout le travail que vous faites auprès des femmes et je vous en félicite. Et ça se fait dans toutes les régions, dans la mienne comme dans la vôtre. Maintenant, lorsque vous recevez une femme qui est en détresse comme ça et puis qu'elle a subi de la violence conjugale, est-ce que, de l'autre côté... On parle d'un cheminement qui est nécessaire à la femme avant d'être capable de reprendre contact ou encore d'avoir une rencontre, comme vous dites, même bien préparée. Maintenant, est-ce que, de l'autre côté, il y a un organisme qui s'occupe aussi des hommes pour leur faire accepter leurs torts et que c'est inacceptable qu'un homme lève la main sur sa femme ou qu'il la blesse ou quelque chose comme ça? Est-ce qu'il y a un organisme qui s'occupe de cette dimension-là, qui serait une dimension de prévention également?

Le Président (M. Gautrin): Mme Brousseau.

Mme Brousseau (Liette): Oui, il y a des organismes qui s'occupent des hommes, des conjoints violents. Maintenant, je sais qu'ils existent, il y en a plusieurs dans la province, et, bon, ils sont... Ils sont là, mais je... Bien, écoutez, ma spécialisation va plus du côté des organismes pour les femmes, c'est le Regroupement des maisons d'hébergement pour les femmes que je représente. Oui, il y a des organismes qui existent, il y a différentes façons d'intervenir, il y en a qui sont plus sérieuses que d'autres. Il y a des organismes pour conjoints violents dans certaines régions où on collabore avec les maisons d'hébergement pour les femmes dans le but de... Évidemment, c'est toujours fait dans le but de la sécurité des femmes. Et il y a des expériences très intéressantes. Entre autres, actuellement, l'expérience la plus intéressante, je pense, c'est en Mauricie où il y a...

Le Président (M. Gautrin): M. le député...

M. Laprise: Oui.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé, monsieur?

M. Laprise: À la page 18 de votre rapport...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval, il vous reste peu de temps.

M. Laprise: ...vous faites mention que la femme devrait être avertie lorsqu'il y a une détention et qu'on donne un sursis, la permission à la personne de sortir de la détention. Mais, par contre, il serait important que... Vous dites également dans votre article qu'il serait important que les gens de la sécurité... Dans la rue Desjardins, par exemple, il y a un monsieur qui va sortir, il va s'en aller là, à telle adresse. C'est sûr que celui qui prend la décision de laisser sortir quelqu'un, bien souvent, il est loin de la personne lorsqu'elle est sortie. Alors, à ce moment-là, il serait important que l'appareil protecteur, la sécurité publique, puisse intervenir au bon moment avant qu'il y ait des choses graves qui arrivent.

Maintenant, actuellement, vous savez que l'officier de police n'a pas le droit d'aller arrêter personne. Par exemple, mettons qu'il se promène devant la maison, sur le trottoir, si la femme avertit, il n'a pas le droit de faire, de poser un geste sans que la personne ait posé un geste grave aussi. Alors, à ce moment-là, est-ce que vous pensez que la justice devrait prévoir de donner au policier ce mandat-là?

Le Président (M. Gautrin): Me Boucher.

Mme Boucher (Fleurette): Je suis contente. Je suis contente que vous posiez cette question-là parce que, dans ma présentation, j'ai omis de vous parler de la recommandation 4 de notre mémoire qui fait état d'un mécanisme. Et, nous, on suggère la mise sur pied d'un service téléphonique 24-7 qui permettra aux victimes de signaler s'il y a violation d'une des conditions de remise en liberté par un contrevenant. Pour nous, il est important... Et c'est un gros trou. Fréquemment, à l'intérieur de nos maisons, on reçoit des coups de téléphone de femmes qui nous disent que le conjoint est sorti, a recommencé à menacer, il fait des pressions, et elles ne savent pas quoi faire: J'ai appelé le policier, ce dernier... Puis là je ne veux pas répéter ce que vous venez de nous rapporter, M. le député, mais elles se retrouvent, elles, Gros-Jean comme devant, et on ne sait pas par quel bout prendre ça. Vous comprendrez que ce n'est pas ce type de situation là qui donne confiance aux victimes. Ce n'est pas ce type de situation là qui fait en sorte que nous, travailleuses des maisons d'hébergement, avons le sentiment d'avoir une prise et les outils nécessaires pour supporter les femmes dans ce contexte-là.

Donc, quand on parle d'information à tous les niveaux pour les victimes et de la possibilité de se faire entendre, il faudrait qu'on prévoie un mécanisme qui ferait en sorte que, dans les cas de remise en liberté, s'il y a contravention à une des conditions qui est rattachée à la remise en liberté, qui ? voyons, je cherche mon mot ? n'est pas respectée, alors on doit s'organiser pour que la victime sache qui contacter, et ce, dans les plus brefs délais, afin de remédier à la situation et d'assurer une protection et un respect des conditions de remise en liberté de cet individu-là.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Je passe maintenant la parole au député de Saint-Laurent, au nom de l'opposition officielle. M. le député.

M. Dupuis: Mme Brousseau, Mme Boucher, bonjour. Si vous avez écouté le témoignage qu'a rendu Mme Gaudreault hier, en commission parlementaire ? et je pense que vous avez dit que vous l'aviez écouté et que vous étiez présente ce matin pendant qu'on discutait avec M. Bernheim, entre autres, de l'Office des droits des détenu-e-s ? vous savez déjà ? et, si vous ne le savez pas, vous pouvez conclure ? que l'opposition officielle a plutôt tendance à être favorable à votre demande à l'effet que vous soyez avisés, que les victimes soient avisées, surtout les victimes qui ont une relation directe avec l'accusé ? je ne reviendrai pas là-dessus, vous avez compris le sens ? qu'elles soient avisées de la date d'audition devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Je dis: Plutôt enclins à la recommander, parce qu'il me reste un doute dans l'esprit dont je voudrais discuter avec vous.

Là, je vous écoute parler et je me dis: Est-ce qu'il n'y a pas un danger d'avoir l'effet inverse de ce qu'on veut avoir comme effet, en permettant... pas en permettant, mais en obligeant la Commission québécoise ou le service correctionnel à aviser la victime de la date d'audition devant les libérations conditionnelles, par exemple, aux fins de l'octroi d'une libération conditionnelle, et en recevant la victime pour témoigner? Il me reste un doute. Est-ce que ça ne peut pas créer un effet inverse et ajouter à la colère ? j'emploie le terme en sachant très bien que ça peut ne pas être le terme exact puis que ce n'est pas un terme qui est juste à l'égard de la victime ? à l'ire, à la colère, à la violence réprimée, parce qu'il est en prison depuis un certain temps, de l'agresseur? De voir la victime venir témoigner devant la Commission québécoise, est-ce qu'il n'y a pas un danger d'avoir un effet inverse à celui qu'on veut avoir?

Le Président (M. Gautrin): Mme Brousseau.

Mme Brousseau (Liette): C'est possible. Mais, moi, ce que j'ai compris de la loi, c'est qu'il y avait une obligation pour la Commission des libérations conditionnelles d'informer la femme, la victime, de la date de la sortie. Mais je pense que la femme, la victime, demeure libre d'intervenir ou pas. Et soyez assurés que les femmes savent évaluer ces situations-là et que, si vraiment elles doutent de se mettre encore plus en danger, elles vont l'exprimer et elles vont refuser de faire une chose...

Le Président (M. Gautrin): Mme Boucher.

Mme Brousseau (Liette): Je pense que Mme Boucher peut compléter.

Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi.Me Boucher, vous voulez faire un complément.

n(12 h 10)n

Mme Boucher (Fleurette): Oui. La possibilité de faire intervenir les victimes, M. le député, s'inscrit dans un processus global. C'est clair pour nous qu'on ne voudrait pas que les victimes se retrouvent avec l'odieux de la chose. Accordons-nous une libération, oui ou non? On écoute la victime et... Non. Ça s'inscrit dans un ensemble de processus. Et, dans ce sens-là, quand on parle de mécanismes pour responsabiliser l'agresseur, il faut qu'il y ait du travail qui se fasse à l'intérieur des murs, il faut qu'il y ait du travail qui se fasse en suivi extérieur, si monsieur n'est pas à l'intérieur des murs.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: C'est pour ça, dans le fond, qu'hier, avec Mme Gaudreault, on se disait tous les deux ? je pense qu'on s'entendait là-dessus puis je pense que vous allez être d'accord avec ça ? que, au fond, la meilleure action qui puisse se faire, c'est celle qui va se faire dans le processus avant d'arriver aux libérations conditionnelles, c'est-à-dire que la victime puisse s'exprimer très bien avec la couronne... D'abord, avec les policiers; qu'elle se sente protégée déjà quand les policiers interviennent; ensuite, qu'elle se sente rassurée dans ses rencontres avec la couronne; que la couronne fasse des représentations qui témoignent de ce que la victime... pour que, lorsque la sentence intervient, à ce moment-là, bien, on commence à faire la réparation du dommage. Puis là peut-être que la victime est moins... Si le travail a été bien fait avant, peut-être que la victime ne sentira pas le besoin effectivement de... Hein? Je pense qu'on s'entend là-dessus. O.K.

Deuxième chose. C'est tout après.

Mme Boucher (Fleurette): J'espère qu'on vous a convaincu.

M. Dupuis: Non, bien, on va continuer à réfléchir. On peut continuer à se parler, mais je pense qu'en toute justice à l'égard de la victime il faut y penser.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Merci. Service téléphonique 24 heures par jour. Je ne sais pas si vous avez entendu le témoignage de M. Prud'Homme, qui était de la Fédération des policiers municipaux du Québec, qui est venu dire à peu près, essentiellement, en commission parlementaire: Regardez, nous autres, là, quand les gens sont admis à libération conditionnelle avec des conditions... On parle des... Parlons des victimes de violence conjugale et des agresseurs. Quand les gens sont admis à libération conditionnelle avec certaines conditions: de ne pas se présenter dans un périmètre donné des lieux où la victime habite, il dit: Nous autres, les policiers, là, si la personne enfreint les conditions de remise en liberté, on n'a pas le pouvoir de les arrêter. À moins évidemment que la personne fasse une menace qui est claire. Ça, c'est la commission d'un acte criminel; là, ils vont l'arrêter. Mais le fait de transgresser les conditions de la remise en liberté, qui lui sont données dans l'octroi d'une libération conditionnelle, ne donne pas les pouvoirs aux policiers de l'arrêter.

Et M. Prud'Homme disait: On devrait avoir ces pouvoirs-là, on devrait être capable de pouvoir effectuer une arrestation quand on sait qu'une personne est en train de transgresser ses conditions de remise en liberté. Et, avec le ministre, on a commencé à parler d'une solution possible à ce problème-là. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que nous travaillions fort à essayer de trouver une solution à ce problème-là? Moi, disant à M. Prud'Homme: C'est vous autres qui êtes les plus susceptibles d'avoir quelqu'un qui est en infraction; puis la victime, c'est vous autres qu'elle est le plus susceptible d'appeler quand ça se produit. Si on ne vous donne pas les pouvoirs, bien, c'est inutile. Alors donc, êtes-vous d'accord pour qu'on travaille fort pour essayer de régler ce problème-là?

Le Président (M. Gautrin): Me Boucher.

Mme Boucher (Fleurette): Ah! tout à fait, M. le député. N'importe quand. Téléphonez-nous, on prend rendez-vous et... Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Si vous en trouvez une, solution à ce problème-là, légal, n'hésitez pas à la faire savoir au ministre bien sûr, et si vous étiez assez gentille de me la laisser savoir à moi aussi. Parce que je veux simplement vous dire: On est en commission parlementaire, on va revenir dans l'étude article par article du projet de loi, et là il peut y avoir des améliorations. Si vous avez une suggestion, dites-nous-la. C'est beau. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé? Attendez, avant que vous partiez et que je suspende les travaux, j'ai une annonce à faire. Le député de Frontenac a le plaisir d'être grand-père depuis quelques heures. Alors, je pense que, formellement, on devrait peut-être, comme commission, féliciter ? c'est sa fille ou son fils? enfin ? féliciter la mère du petit et notre collègue de Frontenac pour le statut de grand-père. Je pense qu'il n'y a pas de contre.

Sur ce, je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 14)

 

(Reprise à 14 h 19)

Le Président (M. Gautrin): Alors, étant donné que j'ai récupéré et le ministre et le critique de l'opposition, nous allons pouvoir reprendre nos travaux. Je vous rappellerai que nous sommes réunis pour poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur le système correctionnel du Québec. Nous recevons cet après-midi, en premier lieu, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. M. Desharnais, c'est vous qui avez la parole, peut-être présenter les personnes qui vous accompagnent.

Vous connaissez bien sûr, puisque vous êtes un expert, nos règles de fonctionnement. Il y a 45 minutes qui vont sont accordées: 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, 15 minutes pour les questions provenant des parlementaires ministériels et 15 minutes pour les questions provenant des parlementaires de l'opposition officielle. Alors, M. Desharnais, vous avez la parole.

Syndicat de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec (SPGQ)

M. Desharnais (Renald): Oui. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, le SPGQ est très content de venir vous présenter ses recommandations ou ses suggestions suite à l'analyse de l'avant-projet de loi que nous étudions aujourd'hui.

n(14 h 20)n

Au départ, je vais présenter les personnes qui composent ma délégation. Je vais commencer par Réjean Drainville. Réjean est, dans le jargon, un CSMC, un conseiller spécialisé en milieu carcéral, qui travaille à l'Établissement de détention de Montréal depuis une vingtaine d'années; Carole Laurier, qui est à sa gauche, est agente de probation dans la région de Montréal, aussi depuis une quinzaine d'années; Michael Isaacs, qui est à ma droite immédiate, est le porte-parole du comité ministériel des relations professionnelles au ministère de la Sécurité publique ? donc, Michael est le représentant du SPGQ pour discuter avec les autorités du ministère de la Sécurité publique; Carole Roberge, première vice-présidente et responsable de tout ce volet-là au Syndicat, tout le volet, là, du support à nos intervenants dans les différents ministères et organismes; et finalement, Pierre Riopel, conseiller syndical, en l'occurrence conseiller juridique pour le SPGQ sur ce dossier.

Donc, le SPGQ est un syndicat qui représente quelque 16 000 professionnels oeuvrant dans le secteur public, mais aussi nous sommes présents dans les réseaux de l'enseignement et de la santé. De manière plus précise, le SPGQ compte 300 professionnels qui travaillent à la Direction des services correctionnels au ministère de la Sécurité publique, soit à titre de conseillers spécialisés en milieu carcéral, donc des personnes qui travaillent à l'intérieur des établissements de détention; et aussi nous comptons dans nos rangs les agents de probation et agentes de probation, fonction qui a été développée depuis le début des années soixante-dix et dont le rôle est formellement reconnu à l'article 13 de la Loi sur les services correctionnels.

Le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui est le produit de débats que nous avons menés avec nos membres au cours des deux dernières années, et pas seulement le produit de débats à l'interne mais aussi de discussions que nous avons eues avec les autorités du ministère de la Sécurité publique. C'est ainsi que nous avons présenté un mémoire à M. Corbo. Nous avons présenté aussi des commentaires que nous avons adressés au ministre de la Sécurité publique de l'époque suite au rapport que M. Corbo lui avait soumis. Nous avons aussi participé à un comité de haut niveau. D'ailleurs, je salue M. Dionne, le sous-ministre associé qui participait à... qui discutait avec nous dans le cadre de ce comité de haut niveau où nous avons traité de manière bien, bien concrète de la problématique que nous allons creuser ensemble avec vous dans les minutes qui suivent.

Donc, je rentre dans le vif du sujet. L'article 2 de l'avant-projet de loi campe très bien le débat qui est porté à l'attention de cette commission parlementaire. À l'article 2, on peut lire que: «La protection de la société et le respect des décisions des tribunaux sont les critères prépondérants dans la poursuite de la réinsertion sociale des personnes prévenues et contrevenantes.» Fin de la citation. Le SPGQ partage tout à fait cette prémisse. L'essentiel, c'est l'administration du processus de la justice. Les activités d'encadrement et de réinsertion ? et nous les connaissons très bien, puisque nos 300 professionnels interviennent quotidiennement, justement, sur ces activités-là ? sont des outils majeurs mais au service de la protection du public. Nous sommes donc ? le sujet dont on traite aujourd'hui ? au coeur d'une des missions fondamentales de l'État: l'administration de la justice.

Nous considérons que l'atteinte des objectifs de l'avant-projet de loi... seront atteints seulement et seulement si les institutions publiques assument l'entière responsabilité de la gestion du régime correctionnel. Pour le SPGQ, il ne peut pas y avoir un partage de responsabilités avec les organismes communautaires lorsqu'il est question de la sécurité du public. Pour nous, l'avant-projet de loi entretient une confusion sur le partage des responsabilités, une confusion qui origine du fait qu'on met sur un même pied les Services correctionnels du ministère, la Commission québécoise des libérations conditionnelles et ceux qu'on désigne dans le projet de loi comme partenaires, les ressources communautaires.

Pour le SPGQ ? et c'est l'objet d'une de nos principales recommandations, la recommandation 4, si vous voulez vous référer à notre mémoire ? en aucune circonstance des responsabilités légales ou cliniques reliées aux activités de surveillance ou de suivi ne peuvent être confiées à des ressources communautaires. Les ressources communautaires doivent être désignées pour ce qu'elles sont lorsqu'on traite de la gestion du régime correctionnel du Québec. Que sont-ils? Ils sont des fournisseurs de services, pas des partenaires qui seraient placés sur un même pied que les agents de services correctionnels, les agents de la paix, les conseillers spécialisés en milieu carcéral, les commissaires de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, les agents de probation.

Le ministère de la Sécurité publique peut et doit se donner des mécanismes. Ceci étant dit, le ministère peut et doit se donner des mécanismes pour accréditer les fournisseurs externes que sont les ressources communautaires, mais il ne peut leur reconnaître un rôle de partenaires comme le prévoit l'avant-projet de loi à l'article 103.

Ainsi, pour aller dans le même sens, de manière plus précise, sur la question de la confidentialité des renseignements, nous considérons que l'article 107 de l'avant-projet de loi est trop libéral et nous croyons que le ministre doit revoir ça, et c'est lui ? sous l'autorité du ministre ? qui doit limiter l'utilisation des renseignements de nature confidentielle. Mais, dans son libellé actuel, nous croyons que la formulation est trop libérale.

Ceci étant dit, je pense que je poursuivrais en disant que je devine une question qui peut vous habiter. Oui, mais, pour le SPGQ, quel est le rôle des ressources communautaires? Pour le SPGQ, on peut ramasser ça en deux mots: complémentarité et non pas substitution ou duplication. De façon plus précise, dans le fonctionnement quotidien des activités d'accompagnement et de soutien offertes par le personnel des services correctionnels, nous estimons que les organismes communautaires peuvent offrir des services complémentaires tels que ? je fais une courte énumération: l'organisation d'ateliers de formation sur les habiletés sociales de base, des services concernant l'habitation, des services de résidence, des services concernant l'assistance dans la constitution d'un réseau social ainsi que le fait de fournir une présence quotidienne dans le milieu de vie des personnes contrevenantes.

Nous estimons donc que le texte de l'article 104 de l'avant-projet de loi devrait être revu de manière à restreindre et à préciser davantage la notion de «complémentarité» tout en faisant bien ressortir que le rôle des organismes communautaires n'est pas d'assurer le suivi des personnes contrevenantes, mais plutôt d'y participer, le suivi étant une responsabilité étatique qui serait assumée par du personnel qui relève directement du ministre de la Sécurité publique.

J'illustre un peu notre propos avec l'article 32 de l'avant-projet de loi qui vise... qui est à l'effet d'officialiser la possibilité pour le ministre de nommer des personnes extérieures aux services correctionnels pour agir à titre d'agent de surveillance dans le cadre de l'application d'ordonnances de sursis. Ce type de peine, nous tenons à le rappeler, a été développé comme une alternative à l'emprisonnement en institution, et, ce qu'on veut souligner, c'est que, par sa nature, ce type de peine est une mesure plus sévère que l'ordonnance de probation. Donc, considérant le type de personnes contrevenantes à qui s'adressent ces ordonnances de sursis, nous estimons que l'exercice de la fonction d'agent de surveillance ne saurait, d'aucune façon, être considéré comme étant une activité complémentaire qui pourrait être assumée par un membre du personnel d'un organisme communautaire. Il s'agit d'activités qui répondent à la mission même des services correctionnels et qui doivent relever directement du personnel de ces services.

n(14 h 30)n

Confier de tels mandats à des ressources communautaires, c'est paver la voie à des dérapages qui interpelleront le ministre à un moment donné au niveau de la gestion des personnes contrevenantes visées par ces dites ordonnances de sursis. C'est pourquoi nous profitons de l'occasion pour recommander que l'exercice de la fonction d'agent de surveillance soit une activité relevant uniquement du personnel relevant du ministre de la Sécurité publique.

Maintenant, nous avons beaucoup traité des mandats qui pourraient être confiés aux ressources complémentaires que sont les services communautaires. On veut attirer votre attention aussi sur les rôles tel que l'avant-projet de loi les définit pour les agents de probation. On considère que l'article 14 de l'avant-projet de loi est trop flou. On dit, à l'article 14, que les agents de probation «exercent diverses activités d'évaluation et d'intervention». C'est trop flou. À un moment donné, où ça s'arrête, où ça commence? Le SPGQ recommande que les agents de probation soient responsables... d'être clair... soient responsables de l'évaluation et de l'élaboration du plan d'intervention correctionnel des personnes contrevenantes ainsi que des interventions auprès de celles-ci. Cette façon de définir le rôle de l'agent de probation, sa responsabilité, serait, nous semble-t-il, nettement plus compatible avec les notions de gestion par résultats et d'imputabilité, notions de gestion par résultats qui sont au coeur de la réforme de la fonction publique.

Maintenant, parlons du rôle d'un autre intervenant, le rôle des conseillers spécialisés en milieu carcéral. À l'article 15 de l'avant-projet de loi, on dit que ceux-ci, je cite, «assurent notamment le développement et l'implantation de programmes et de services de soutien à la réinsertion sociale, encouragent les personnes incarcérées à prendre conscience de leur comportement et à amorcer un cheminement visant leur responsabilisation et agissent à titre de personnes ressources auprès d'elles». Nous sommes d'accord avec ce libellé-là, mais nous jugeons qu'il y a lieu de remettre en place, à l'intérieur des établissements de détention, de tels programmes et services, que cette catégorie de personnel assumait il y a quelques années. Et nous voulons insister sur le fait que ces personnes, les conseillers spécialisés en milieu carcéral, doivent non seulement assurer le développement et l'implantation de ces programmes, mais aussi les offrir eux-mêmes aux personnes incarcérées parce qu'ils connaissent très bien les personnes, et là-dessus, ils ont fait leurs preuves. Le texte actuel de l'avant-projet de loi ne semble pas garantir que cette responsabilité leur revient.

Finalement, concernant la constitution d'un Conseil des pratiques correctionnelles, nous appuyons ce projet. Toutefois, dans le but d'éviter les conflits d'intérêts de la part de certaines personnes qui pourraient siéger à cet organisme, nous croyons que ce conseil doit se doter d'un code d'éthique pour éviter les problèmes de conflits d'intérêts. Finalement, nous suggérons aussi... Le ministre peut nommer une douzaine de personnes provenant du milieu. Nous suggérons, au niveau de la composition de ce comité, que ce comité devrait inclure des personnes intervenant à différents niveaux du système judiciaire. Nous pensons notamment à la magistrature, aux corps policiers, à l'Association des procureurs de la couronne, à l'Association des procureurs de la défense. On pense aussi à la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est une suggestion qu'on voulait porter à votre attention.

Donc, je termine en vous disant qu'on est bien content d'avoir l'occasion de vous soumettre nos suggestions. On sait qu'on est à l'étape d'un avant-projet de loi. C'est encore plus intéressant d'intervenir à ce stade-ci parce qu'on est au début d'un processus, et nous entendons... nous y participons, à ce processus-là, depuis plusieurs années et nous nous attendons de poursuivre notre participation active. Je vous remercie.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Desharnais. Et je commencerai la période d'échange en passant la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.

M. Jutras: Alors, mesdames, messieurs, bonjour. Bienvenue à cette commission. Merci de votre présentation. J'enchaînerai tout de suite avec un élément que vous avez soulevé, M. Desharnais, concernant les conseillers spécialisés en milieu carcéral. Alors, on nous a dit, à date, je ne suis pas certain, je pense que c'est le Barreau... le Barreau qui nous a dit, concernant ces personnes-là que, somme toute, c'étaient des accompagnateurs, c'étaient des thérapeutes même, et que les dispositions que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi concernant ces personnes-là, à savoir qu'elles auraient les pouvoirs d'un agent de la paix, mais se retrouveraient aussi dans la position de décideurs dans certains cas, comme, par exemple, au niveau du comité d'étude des demandes de sortie, qu'elles ne devraient pas avoir ces deux chapeaux-là et qu'elles devraient vraiment agir seulement comme accompagnateurs et comme thérapeutes, en quelque sorte. Quelle est votre position là-dessus?

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais.

M. Desharnais (Renald): Oui. Sous réserve ? je vais demander aux personnes qui travaillent dans le milieu, mais ? sous réserve des précisions qui vous seront apportées, l'avant-projet de loi qui est déposé prévoit que, pour les sentences de plus de six mois, l'évaluation serait faite par la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Donc, il y aurait véritablement, là, une division claire des rôles. Cette décision-là ne serait plus prise par des personnes qui sont à l'intérieur de l'établissement et finalement avalisée en dernière analyse par le gestionnaire qui gère aussi le budget. Donc, dans ce sens-là, ça, on appuie tout à fait le fait que ce volet-là soit transféré à la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

Pour y aller de manière plus pointue, pour répondre de manière plus pointue à votre question, moi, j'inviterais Réjean à compléter, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gautrin): M. Rainville.

M. Drainville (Réjean): Oui. Alors, si je comprends bien le questionnement que le Barreau vous a présenté...

M. Jutras: Je peux vous citer l'extrait, ce n'est pas long.

M. Drainville (Réjean): D'accord.

M. Jutras: Il n'y a rien de mieux que de citer la personne au texte, n'est-ce pas?

M. Dupuis: C'est vrai.

Le Président (M. Gautrin): Drainville.

M. Jutras: Bon. Alors, on parle justement... «Il y a lieu de définir le terme "conseillers spécialisés en milieu carcéral". Dans la mesure où il s'agit de thérapeutes, il est important d'être vigilant afin de ne pas leur accorder trop de pouvoirs en tant qu'agents de probation. Avoir un statut d'agent de la paix va à l'encontre de la relation de confiance qui doit s'installer entre l'intervenant et la personne contrevenante. Par surcroît, la notion de "pouvoir d'agent de la paix" est très large et englobante.» Puis aussi: «Le Barreau n'est pas favorable à ce que les "conseillers spéciaux" fassent partie de ce comité», et là on parle du comité d'étude de sorties dont je vous faisais état à l'article 46.

Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Drainville.

M. Drainville (Réjean): Bien là je rappellerai aux membres de la commission que les professionnels, les CSMC, les conseillers spécialisés en milieu correctionnel peuvent avoir dans leur tâche des fonctions qui peuvent apparaître rébarbatives une par rapport à l'autre, mais qui, véritablement, ne le sont pas. L'exemple que je donnerais pour illustrer ça: vous avez des gens qui supervisaient directement et qui donnaient des activités qu'on pourrait qualifier d'amorces thérapeutiques et qui, dans leur tâche, aussi, pouvaient siéger sur des comités disciplinaires ? qui se trouvent à être presque un tribunal ? pour juger du comportement pas acceptable d'une personne incarcérée et attribuer des sanctions disciplinaires.

Alors, l'aspect incompréhensible, là, qu'on ne puisse pas jouer les deux rôles et que la personne incarcérée pourrait mal percevoir ce double rôle, bien, je vous dis que, durant les 20, 25 dernières années, ces choses-là se sont faites de façon courante, et ont été coulantes à l'intérieur des centres de détention, et bien acceptées par les personnes incarcérées.

L'aspect nouveau de l'avant-projet de loi, à savoir nous accorder le statut d'agent de la paix, ce n'est pas une question que nous avons traitée énormément de notre côté, mais ça n'apparaît pas, de prime abord, comme nous poser problème, à nous. Dans le terme... D'un côté, nos tâches professionnelles thérapeutiques, le terme est peut-être un peu fort, mais superviser des activités où on amorce une réflexion, on permet à l'incarcéré d'amorcer une réflexion sur ses problèmes et, simultanément, tenir des tâches qui seraient plus de contrôle ou collaborer au fonctionnement d'un centre de détention, ça n'apparaît pas problématique, mais du tout. Alors, je ne vois pas bien quel est l'élément que voulait suggérer le Barreau en termes de difficulté ici.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'il y a quelqu'un... M. Isaacs, vous semblez vouloir répondre un moment, je ne sais pas.

M. Jutras: Vous n'êtes pas obligé, là. Ha, ha, ha!

Une voix: Non, c'est beau.

Le Président (M. Gautrin): Vous n'êtes pas obligé, non, non. C'est comme vous voulez.

M. Jutras: Ça va. O.K.

Le Président (M. Gautrin): Ça va. M. le ministre.

n(14 h 40)n

M. Jutras: Maintenant, je vais avoir une autre question, puis après je laisserai la parole à mes collègues. Concernant vos relations, bien, c'est-à-dire, vos relations... Ce que vous dites par rapport aux groupes communautaires, les demandes d'ajustement que vous nous demandez de faire dans la loi, présentement, comment ça se vit avec les groupes communautaires? La situation actuelle vous satisfait-elle? Ou même, par rapport à la situation actuelle, il faudrait faire des ajustements. Ça, c'est le premier volet.

Le deuxième volet, bien, je voulais peut-être savoir, un peu concrètement, ce qui vous conviendrait ressemblerait à quoi sur le terrain, là, pratiquement parlant, comme on dit, sur le plancher des vaches?

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais.

M. Desharnais (Renald): Oui. Bien, très clairement, ce qu'on présente dans notre mémoire, c'est qu'on veut que toutes les activités de suivi et d'encadrement, bref la maîtrise d'oeuvre, soient confiées à du personnel qui relève de la responsabilité du ministre. Et les ressources communautaires... Moi, je participe aux discussions avec les gens du ministère depuis deux ans, on fait affaire avec eux, on collabore avec eux depuis des années et des années.

Ce qu'on veut éviter, c'est qu'à un moment donné il y ait une confusion des rôles et qu'à un moment donné une partie du suivi, ou bien, pour certaines clientèles, que tout le suivi ou l'encadrement soit confié à des ressources communautaires. À un moment donné, on croit que, là, on est au niveau de l'administration de la justice, et, lorsqu'il s'agit de la fonction contrôle, ça doit relever d'une personne qui relève directement de votre autorité.

Donc, les ressources communautaires, bon, ils ont développé certaines expertises. Les gens dans le milieu font affaire avec eux. Bon, j'en faisais une énumération. Oui, ils ont développé des produits au niveau d'ateliers spécialisés pour développer les habilités sociales de base au niveau de l'hébergement, au niveau d'aider les personnes à constituer un réseau social, à fournir une présence quotidienne dans le milieu de vie de ces personnes contrevenantes, mais notre position là-dessus, c'est que la responsabilité relève d'une personne qui appartient au ministère de la Sécurité publique, et les ressources communautaires sont là comme fournisseurs, pour répondre à un besoin qui a été identifié par nous et où on décide, à un moment donné, de faire appel à une ressource spécialisée. Je ne sais pas si un de mes collègues voulait compléter.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que quelqu'un veut faire un complément de réponse? Mme Laurier.

Mme Laurier (Carole): Oui. Traditionnellement, je dirais qu'il y a comme deux types de ressources communautaires. Il y a des ressources spécialisées avec lesquelles on a toujours fait affaire, par exemple, quelqu'un qui a besoin d'une cure de désintoxication, on va l'envoyer six mois suivre une cure, sauf que la responsabilité du suivi demeure à l'agent de probation. Après six mois, il revient, et on continue. Et la sentence correctionnelle, des fois, ça peut durer cinq ans, dépendant... au maximum, là, ça peut aller jusqu'à cinq ans, alors... Puis il y avait les ressources à contrat qui offraient de l'hébergement.

Alors, ce qui est de nouveau maintenant, c'est qu'on veut que, en plus de l'hébergement, ils offrent un suivi, le suivi quotidien des sentences correctionnelles, que les agents de probation ont toujours fait. Alors, depuis un an ou deux, on leur confie les sentences de sursis, puisque, selon la loi, ils ne pouvaient pas prendre les sentences de probation. Donc, on leur confie les sursis. Alors, c'est pour ça qu'on a fait la recommandation où on croit que, même pour les sursis, qui est une sentence plus encadrante encore, pour une clientèle en principe plus à risque, ils devraient rester sous la responsabilité des services correctionnels. Et les ressources communautaires pourraient offrir... répondre aux besoins de la clientèle que, nous, on ne peut pas répondre...

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

Mme Laurier (Carole): ...comme, par exemple, sous forme d'ateliers.

Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi. M. le ministre.

M. Jutras: Mes collègues ont des questions.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Maintenant, est-ce que, vous autres, vous faites partie de ce service correctionnel là, vous dites que vous êtes des professionnels, est-ce que vous intervenez sur le terrain au niveau des détenus? Est-ce que votre fonction fait partie de cette démarche-là?

Mme Laurier (Carole): Oui.

M. Laprise: O.K. Alors, à ce moment-là, vous intervenez avec les agents de la paix, avec les gens qui sont sur le terrain, auprès des détenus? C'est ça que vous voulez conserver comme droit de regard sur tout ce qui se fait auprès des détenus.

Maintenant, les organismes communautaires, qui organisent sans doute certaines activités auprès des détenus, à ce moment-là, est-ce qu'ils ont le droit également d'avoir une certaine autorité sur les détenus, ou, en tout cas, d'enclencher certaines démarches de réadaptation au niveau des détenus, puisqu'ils travaillent auprès des détenus? J'en connais, moi, des gens qui travaillent auprès des détenus dans des activités bien précises. À ce moment-là, s'ils n'ont pas cette responsabilité-là, de protéger le détenu et de l'orienter vers sa réhabilitation, est-ce que leur travail doit être supervisé automatiquement par un professionnel continuellement?

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais.

M. Desharnais (Renald): Oui. Je vais y aller. Dans un premier temps, tout à fait, les 300 professionnels que nous comptons au ministère de la Sécurité publique, dans cette direction-là, travaillent au quotidien avec les détenus, ça fait que vraiment... que ce soit à l'intérieur des établissements de détention ou dans les différents bureaux du service de probation qu'on retrouve dans toutes les régions du Québec.

Ce dont il est question ici, c'est qu'à un moment donné une personne a été jugée, elle a été jugée coupable. Elle a une sentence, et là on parle de l'exécution de cette sentence-là, mais pas juste le côté répressif, c'est le côté... L'objectif, la finalité, c'est la réinsertion sociale. Donc, il y a un programme d'intervention qui est développé qui, présentement, relève des personnes qui sont nommées par... qui sont des employés du ministère de la Sécurité publique. Mais là, dans l'avant-projet de loi, on prévoit que, pour certaines catégories de sentences, celles qu'on appelle les sentences avec sursis, que là, l'agent surveillant ? bien là il s'agit d'une sentence qui remplace une peine d'emprisonnement, mais ? pourrait être quelqu'un qui ne relève pas du ministère de la Sécurité publique. Là, on dit: Ça ne va pas. Ça ne va pas.

Au niveau de l'application d'une décision judiciaire, on est au coeur d'une fonction étatique, et cette fonction-là doit être assumée par du personnel qui relève du ministre. Ceci étant, pour réaliser le programme d'insertion dans la société, le réaliser avec succès, nous, on est d'accord pour travailler avec des ressources externes pour combler des besoins précis, et c'est là qu'on dit que les ressources communautaires ont un rôle complémentaire à jouer. Nous les connaissons, nos professionnels, nos membres travaillent quotidiennement avec eux.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'il y a des compléments de réponse? Non. M. le député de Roberval, ça vous satisfait?

M. Laprise: Correct.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'il y a d'autres questions des ministériels, il vous reste une minute?

Une voix: Une minute?

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Jutras: Je vais revenir à ce que madame disait parce que j'aimerais voir l'application concrète à quoi ça ressemblerait quand vous parlez de vos relations avec les organismes communautaires, une ressource communautaire qui s'occupe de l'hébergement. Parce que vous donniez le cas de... vous référez quelqu'un pour une thérapie. Je pense à chez nous, à Halte-Drummond, les hommes violents qui s'occupent des hommes violents. C'est un organisme communautaire qui s'occupe de ces hommes-là. Ça dure quelques dizaines d'heures. Bon. Ça, je comprends bien ça. Mais, dans le cas d'une ressource d'hébergement, là, ça se ferait comment? La ressource communautaire s'occupe de l'hébergement, mais il y a de l'accompagnement à faire dans l'hébergement, hein? Ce n'est pas juste de fournir les repas et de voir que la personne rentre à 20 heures le soir. Alors, concrètement, ça se divise comment, là?

Mme Laurier (Carole): Mais ça s'est toujours fait...

Le Président (M. Gautrin): Mme Laurier.

Mme Laurier (Carole): Oui, excusez.

Le Président (M. Gautrin): O.K. Allez-y.

Mme Laurier (Carole): L'accompagnement par les ressources communautaires s'est toujours fait. En tout cas, traditionnellement, si, par exemple, j'ai un contrevenant qui a eu une sentence de probation de deux ans, mais, pendant six mois, il est hébergé à telle ressource le temps de se reprendre en main, alors le temps qu'il est à la ressource, c'est sûr que mon suivi va être beaucoup plus léger, mais, la personne contrevenante, je continue toujours à être l'agente de probation responsable de sa sentence correctionnelle, puis, s'il y a un problème avec la maison d'hébergement ? ça peut arriver ? qu'il puisse toujours se référer à moi. Comme la maison d'hébergement, si elle a un problème avec la personne contrevenante, peut se référer à moi. Alors, c'est un peu comme ça, ça me fait une espèce de supervision sur toute la durée de la sentence correctionnelle.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Donc, l'opposition officielle, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: M. Desharnais, mesdames et messieurs, bonjour. M. Desharnais, vous m'avez étonné tantôt quand vous avez dit, et que vous aviez l'air de vous en plaindre, que le projet de loi était trop libéral. Je me suis dit: Ça ne se peut pas que le président du Syndicat de professionnels fasse de la politique. Alors, j'ai compris que ce n'était pas ça que vous faisiez, de la politique?

M. Desharnais (Renald): Non, non, non.

n(14 h 50)n

M. Dupuis: Ha, ha, ha! Vous avez parlé de l'article 32 du projet de loi. Là on parle des... On va le lire ensemble, si vous voulez: «Les agents de probation, les agents des services correctionnels et les agents de surveillance désignés par le ministre ? parce que je pense qu'il faut lire les agents de surveillance désignés par le ministre, pour comprendre le sens de l'article ? sont responsables du suivi des personnes dans la communauté conformément à la loi et aux besoins d'encadrement et d'accompagnement des personnes.»

Je ne vous blâme pas de penser que l'expression «agents de surveillance désignés par le ministre» pourrait désigner une ressource communautaire. Moi, quand je l'avais lu, à l'origine, je me disais: Les policiers aussi pourraient être des agents de surveillance désignés par le ministre. D'ailleurs, le précédent ministre de la Sécurité publique avait indiqué, suite à une suggestion que nous lui avions faite ? je parle de M. Ménard ? que les policiers pourraient recevoir le mandat et accepter le mandat de faire, d'effectuer certaines vérifications auprès des gens qui sont sous le coup d'un emprisonnement avec sursis.

Je veux simplement bien, bien... que vous exprimiez bien votre position. Parce que je ne vous cacherai pas qu'hier, aux groupes communautaires, j'ai signalé votre opinion et celle aussi du Syndicat des agents de la paix sur quel devrait être leur rôle dans tout le système, et je leur ai permis d'exprimer leur réponse, si vous voulez, à l'avance, parce que nous savions ce que vous alliez venir dire à leur sujet. Mais je veux vous permettre aussi de bien exprimer votre opinion. Ce que vous dites, vous, c'est: Ils ne devraient avoir, pour les ressources communautaires, aucun rôle de nature coercitive, évidemment s'ensuivant, légale. C'est ça, hein?

M. Desharnais (Renald): Oui. C'est la...

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais.

M. Desharnais (Renald): Ah! excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Allez-y, allez-y.

M. Desharnais (Renald): Je devrais le savoir en tant que président.

M. Dupuis: Il a une grosse voix. Il a grosse une voix, mais...

Le Président (M. Gautrin): Non, non, M. Desharnais.

M. Desharnais (Renald): Oui. Exactement. C'est parce qu'on est... Ce dont il est question, c'est l'administration du processus de la justice, et on croit qu'on ne peut pas sous-traiter aucune partie, élément du processus de gestion de la justice. Je pense que Carole, Mme Laurier, a été claire. Elle a dit: Oui, moi, à un moment donné, je peux avoir un de mes clients, je le réfère à une ressource en hébergement. Il y a des ressources à l'intérieur de cette maison-là. Mais la responsabilité juridique, elle ne se déplace pas. Elle ne suit pas ? comment dire? ? le contrevenant qui est référé à la ressource. La responsabilité juridique du suivi du plan de réinsertion relève toujours, bon, d'un agent du ministère.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Si on parle de la sentence, de l'emprisonnement avec sursis particulièrement, je pense bien que vous vivez dans le même monde que moi ? mais je m'adresse plus, peut-être, à Mme Laurier pour cette partie de la question, là ? vous avez noté, il y a quelques mois, que certains juges ont commencé à déclarer publiquement qu'ils n'entendaient pas donner des sentences d'emprisonnement avec sursis parce qu'ils étaient convaincus que la surveillance ne s'effectuait pas. Alors, évidemment, on cherche des moyens pour faire en sorte que cette surveillance puisse s'effectuer. Dans le fond, l'emprisonnement avec sursis, c'est une liberté surveillée, c'est être en prison chez soi, c'est... Hein? Ça tient de ça, l'emprisonnement avec sursis. Et il apparaissait aux juges, il apparaissait aux autorités publiques, il va sans dire, que les surveillances devaient s'effectuer.

Or, Mme Laurier, les agents de probation, il y a toute une grande partie de la journée pendant laquelle on ne peut pas faire de surveillance, c'est-à-dire en dehors des heures de travail, si on se fie seulement aux agents de probation. On ne peut pas demander aux agents de probation de se lever la nuit puis d'appeler chez quelqu'un pour faire faire la surveillance ou de faire des visites pour vérifier. C'est pour ça qu'à partir de ce moment-là les autorités ont cherché à trouver des ressources qui pourraient faire cette surveillance-là. L'une de ces ressources-là, on en a parlé hier, si vous avez écouté la commission parlementaire, on en a parlé en long, en large et en couleurs avec M. Prud'Homme de la Fédération des policiers municipaux du Québec, l'une de ces ressources-là dont on pourrait se servir, c'est les policiers. Eux autres sont en devoir 24 heures par jour.

Mais comment, Mme Laurier, si on devait acquiescer à vos représentations sur l'emprisonnement avec sursis, là... Parce qu'il y a une tendance naturelle à s'en aller peut-être vers la ressource communautaire pour faire la surveillance. Puis, dans le fond, quand on y pense, on se dit: Aller vers la ressource communautaire pour employer des moyens coercitifs vis-à-vis des gens que, d'autre part, ils ont le mandat d'aider, je ne suis pas sûr que c'est une bonne idée. Mais comment on pourrait faire, au service de probation, pour s'assurer qu'il y a une surveillance, qu'elle se fait, la surveillance, et qu'elle se fait de façon satisfaisante? Là, vous allez me dire que ça prend plus de monde. J'ai l'impression que c'est ça que vous allez me dire.

Le Président (M. Gautrin): Mme Laurier.

Mme Laurier (Carole): Il y a des efforts qui ont été faits au ministère de la Sécurité publique, où on a engagé des ASC, là, des agents des services correctionnels, pour assumer justement les activités de surveillance. Donc, quelqu'un qui est suivi par un agent de probation, en plus il a un agent des services correctionnels qui fait la surveillance, des vérifications à domicile. Mais je n'ai rien ? en tout cas, a priori, là, sans en avoir discuté ? je n'ai rien contre le fait que les policiers soient mis à contribution. Je ne pense pas que c'est une mauvaise idée, là. Mais de confier...

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais.

M. Dupuis: Non, mais elle n'a pas fini.

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais voulait faire...

M. Dupuis: Elle n'a pas fini.

Le Président (M. Gautrin): Vous n'avez pas terminé?

M. Dupuis: Elle n'a pas fini.

Le Président (M. Gautrin): Attendez un instant.

M. Dupuis: Allez-y.

Mme Laurier (Carole): J'allais juste dire: De confier la surveillance aux ressources communautaires, je ne pense pas que c'est quelque chose... De toute façon, ils font des sursis depuis un an ou deux, puis, à ma connaissance, ils ne font pas plus de vérifications le soir ni les fins de semaine, là.

M. Dupuis: Bien, écoutez, madame...

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais voulait compléter.

M. Dupuis: O.K.

M. Desharnais (Renald): Oui, bien, très brièvement, parce qu'il y a un aspect de votre question où vous voulez vérifier, bon, notre opinion concernant notre ouverture à impliquer, à un moment donné, au niveau de la surveillance, les policiers. Bien, les policiers... Je veux opiner dans le même sens que Carole Laurier. Les policiers, ce sont des agents de la paix au sens de la loi, et je pense qu'ils seraient tout à fait ? comment dire? ? habilités à agir à titre de ressources dans le contrôle, le suivi des conditions dans lesquelles les personnes qui sont visées par une ordonnance... un emprisonnement... une ordonnance de sursis... sont visées, là, les conditions qui les contraignent.

M. Dupuis: O.K. Vous avez...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Merci. Vous avez... Vous voulez ajouter quelque chose, monsieur?

M. Riopel (Pierre): Oui, s'il vous plaît, M. le Président.

M. Dupuis: Oui, oui.

M. Riopel (Pierre): M. Riopel.

Le Président (M. Gautrin): M. Riopel.

M. Riopel (Pierre): Mesdames, messieurs, je pense qu'il faut camper ici, pour bien comprendre notre position, il faut camper le rôle et dans quelles circonstances un agent de surveillance intervient dans un dossier. La personne contrevenante qui se voit infliger, comme peine, une ordonnance de sursis en vertu du Code criminel, le Procureur général de la province, pouvoir qui est exercé au Québec par le ministre de la Sécurité publique, nomme un agent de surveillance, bon, lequel doit, notamment lorsque la personne prévenue ou contrevenante se met en rupture de ses obligations, l'agent de surveillance a pour mission, pour mandat de poser certains faits et gestes et d'attirer l'attention de la cour pour que les décisions appropriées puissent être prises.

Alors, notre prétention, ce n'est pas de dire qu'on doit exercer la surveillance 24 heures par jour, mais, pour exercer la fonction, pour assumer les responsabilités légales de la fonction d'agent de surveillance, c'est là que nous vous soumettons qu'il est très important que cette responsabilité-là soit assumée par quelqu'un... par un employé des services correctionnels.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Vous avez lu le projet de loi, et je pense que vous allez tous être d'accord, tous autant que vous êtes à la table, pour... être d'accord avec plusieurs des intervenants qui sont venus devant la commission dire: C'est un bon avant-projet de loi, mais il va rester théorique si on ne met pas des ressources additionnelles. Les gens questionnés ont répondu: On entend par «ressources additionnelles» des ressources humaines et des ressources financières.

n(15 heures)n

Nous sommes tous conscients, cependant, que les moyens sont limités, vous plus que n'importe qui, parce que vous avez dû les subir depuis quelques années, les coupures. Si vous aviez à ? et c'est une question qui a été posée aux autres, là ? si vous aviez à privilégier un endroit dans le processus correctionnel où on devrait ajouter des ressources et intervenir de façon plus massive, ce serait où? Et là, là, je ne veux pas... je ne vous tends pas de piège puis je veux être juste à votre égard, là. La question a été posée, à ma connaissance, deux, trois fois, et certains ont répondu dans le stade de l'évaluation, l'évaluation de la personne, poser le bon diagnostic, ça, il faut mettre des ressources là, c'est essentiel. Et il y en a d'autres qui ont répondu: programmes de réinsertion sociale à l'intérieur des murs pour les gens qui sont en dedans. Alors, je vous donne, là, des ébauches de réponse qui ont été données mais pour vous... simplement pour vous le signaler.

Le Président (M. Gautrin): M. Desharnais.

M. Desharnais (Renald): Bien, je vais inviter Michael à...

Le Président (M. Gautrin): M. Isaacs.

M. Isaacs (Michael): Merci. Une des choses que nous constatons, qui est une chose importante effectivement que les services correctionnels ont commencé à faire, c'est de mettre beaucoup d'emphase sur l'évaluation et l'expansion de l'évaluation de façon très rigoureuse. Ça, c'est un ajout de quelque chose qui devrait rapporter des choses importantes pour la protection de la société, la réinsertion sociale aussi. Et tout ce qui est, évidemment, la réinsertion sociale, c'est quelque chose qui est un gage de protection par la suite.

Alors, pour ce que... ce que nous avons comme idée, ce qui est nécessaire, c'est un ajout au niveau de l'évaluation parce qu'il ne faudrait pas que l'expertise des professionnels, avec la quantité actuelle des ressources humaines en termes de professionnels, agents de probation, soit juste transférée à l'évaluation. Leur présence, en termes de tout ce qu'ils font, en termes de suivi, doit être maintenue, mais il faut avoir un ajout qui permet de bien entamer la partie, qui est l'évaluation, qui va contribuer au succès de toute l'opération.

M. Dupuis: Alors, rassurez-vous...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: ...vous n'êtes pas seul dans cette opinion-là. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé, M. le député de Saint-Laurent?

M. Dupuis: Merci, oui.

Le Président (M. Gautrin): Alors, je tiens à vous remercier, M. Desharnais et l'ensemble des représentants du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement.

Et je demanderais maintenant à l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, s'ils sont présents dans la salle, de bien vouloir s'avancer. Il s'agit de Me Yves Tétreault. Est-ce que vous êtes seul ou quelqu'un...

M. Tétreault (Yves): ...

Le Président (M. Gautrin): Alors, vous êtes seul. Merci. Merci, M. Desharnais.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Gautrin): Bonjour, M. Tétreault, Me Tétreault. Alors, Me Tétreault, je vais vous répéter encore: il y a 45 minutes pour la présentation de votre mémoire, 15 minutes qui vous est accordé pour faire votre présentation, 15 minutes pour les questions provenant des députés ministériels et 15 minutes pour les questions provenant des députés de l'opposition officielle. Me Tétreault, vous avez la parole.

Association québécoise des avocats
et avocates de la défense (AQAAD)

M. Tétreault (Yves): Bon, tout d'abord, M. le Président, M. le ministre et Mmes, MM. membres de la commission, on tient à vous remercier de l'occasion privilégiée que vous nous donnez de nous exprimer cet après-midi dans cette enceinte. On va vous présenter aujourd'hui le mémoire qu'on a déposé au nom de l'Association québécoise des avocates et avocats de la défense, qui représente le fruit de nos efforts, notre cogitation intellectuelle, si on veut. Et, sans plus tarder, étant donné justement le temps limité qu'on a pour la présentation, on va débuter.

Tout d'abord, quand on a pris connaissance, nous, au niveau des avocats et avocates de la défense du Québec, de l'avant-projet de loi sur le système correctionnel, déjà au niveau des principes généraux, selon nous, il y a quelque chose qui accroche et qui nous a sauté aux yeux. On est complètement en désaccord avec le paragraphe 1° et le paragraphe 3° et, par voie de rebound également, si vous me passez l'expression, du paragraphe 2°, parce qu'on vise la réinsertion sociale... on met sur un même pied les prévenus et les détenus. Selon nous, c'est inacceptable de poser des jalons de réinsertion sociale pour des prévenus qui, bien souvent, sont des «first offenders», sont des gens qui sont en attente de procès, sont des gens qui n'ont pas été condamnés, qui n'ont pas plaidé coupable. Donc, avant même de savoir si ces gens-là ne vont pas être acquittés par la suite, on leur impose des programmes de réinsertion sociale. Selon nous, la réinsertion sociale, tout de suite en partant, doit s'adresser uniquement aux contrevenants qui ont été reconnus coupables par une cour ou qui ont plaidé coupable devant une cour et non pas à des gens qui bénéficient de la présomption d'innocence.

Quand on lit la section II de l'avant-projet de loi, qui touche les établissements de détention et les centres correctionnels communautaires, on n'a pas grand-chose à dire sur ces articles-là, sinon qu'il y a une lacune dans le sens qu'il y a un manque. Actuellement, dans la Loi sur les services correctionnels, l'article 17 prévoit la séparation des prévenus et des détenus à l'intérieur des prisons. Dans l'avant-projet de loi, à moins que j'en aie mal pris connaissance, on ne retrouve pas l'équivalent de cet article qui, selon nous, doit y être. Parce que, il ne faut pas se tromper, justement, on vous parlait de réinsertion sociale tantôt, nous, on considère que la réinsertion sociale n'appartenant pas aux prévenus, on ne doit pas l'exercer à l'égard de prévenus. À ce moment-là, selon nous, ce serait bien de diviser, à l'intérieur de la détention, comme ça se fait actuellement, comme c'est dans la loi actuelle, les prévenus et les détenus et non pas... de ne pas en parler comme on l'a mis ici.

Au niveau des agents des services correctionnels, soit le paragraphe 12°, on a noté quelques lacunes, au niveau de l'article 12, quand on dit: «Les agents des services correctionnels assurent la garde des personnes incarcérées et leur suivi dans la communauté, contribuent à leur évaluation et favorisent leur réinsertion sociale.» Quand on parle de «personnes incarcérées», on comprend qu'on parle à la fois de prévenus et de détenus. Quand on parle simplement de «détenus», on parle de contrevenants. Quand on parle de prévenus, on parle de «prévenus». C'est dans le libellé, au départ, de l'avant-projet de loi. Donc, quand on parle des «personnes incarcérées», à l'article 12, on parle évidemment des prévenus et des détenus.

Encore une fois, la réinsertion sociale, selon nous, ne doit pas s'adresser à des personnes qui n'ont pas été reconnues coupables, qui n'ont pas plaidé coupable et qui bénéficient, évidemment, de la présomption d'innocence. Selon nous, l'article devrait plutôt se lire: «Les agents des services correctionnels assurent la garde des personnes incarcérées et leur suivi dans la communauté, dans le cas des personnes contrevenantes.» Parce qu'il faut bien s'imaginer que, des suivis dans la communauté, dans le cas des personnes prévenues, il n'y en a pas, de suivis dans la communauté; ces gens-là sont en attente de procès, ne sont pas sentencés. Donc, le mot «incarcérées», «personnes incarcérées», à l'article 12, qui réfère à la fois aux prévenus et aux détenus, devrait être plutôt remplacé par le mot «personnes contrevenantes». Les prévenus ne reçoivent pas de suivi dans la communauté.

Également, on dit que les agents des services correctionnels favorisent leur réinsertion sociale. Et ça, je vais en venir un petit peu plus tard aux articles suivants concernant les agents de probation, les conseillers spécialisés. Nous, à l'AQAAD, on croit fermement que la réinsertion sociale ne doit pas passer par les agents correctionnels. Les agents de probation et les conseillers spécialisés devraient évidemment, eux, assurer un certain suivi et justement favoriser la réinsertion sociale des gens, sauf que le rôle des agents correctionnels, étant donné qu'ils sont agents de la paix, selon nous, est plutôt d'assurer la sécurité du personnel, assurer la sécurité des contrevenants et assurer la sécurité de l'établissement. Nous, on ne voit pas de rôle social aux agents correctionnels. Le rôle social et le rôle, disons, plus d'accompagnement et d'aide à la réinsertion sociale se ferait plutôt vers les agents de probation et les conseillers spécialisés en milieu carcéral.

Ce qui m'amène évidemment à l'article 16 où on nous dit que «les agents de probation et les conseillers spécialisés en milieu carcéral ont le statut d'agent de la paix dans l'exercice de leurs fonctions». En ce qui concerne cet article, nous, on est carrément contre le fait de donner le statut d'agent de la paix, justement, aux agents de probation ou aux conseillers spécialisés pour la simple et bonne raison que, justement, leur travail consiste à aider, à appuyer et à essayer de faire un suivi et la réinsertion sociale.

Selon nous, un statut d'agent de la paix va simplement, au niveau des contrevenants, va simplement, comme... les contrevenants vont voir une sorte de police, finalement, au niveau des agents de probation et au niveau des conseillers spécialisés. Selon nous, il va y avoir une certaine méfiance qui va justement venir à l'encontre du rôle premier des agents de probation et des conseillers spécialisés, qui est d'accompagner et d'aider à la réinsertion sociale. Le statut d'agent de la paix ne va pas avec ce rôle-là, parce que les détenus... Connaissant quand même assez bien les contrevenants, je peux vous dire que les gens qui ont le statut d'agent de la paix, pour eux autres, c'est simplement des polices, et ils s'en méfient. C'est aussi simple que ça.

Ensuite, nous allons à l'article 23, paragraphe 2°. Vous comprendrez, M. le Président, que les articles que je saute, c'est parce qu'on n'a pas de commentaires particuliers à faire, à ce moment-là. Concernant l'article 23, paragraphe 2°, qui réfère également à l'article 21, ça, on a, côté dossier et information, une petite crainte de ce côté-là. On dit, à l'article 21: «Un dossier informatisé unique et continu est constitué par les services correctionnels sur chaque personne qui leur est confiée.»«Chaque personne qui leur est confiée», c'est à la fois prévenu et détenu, et ça vise également tous les contrevenants et tous les prévenus qui sont à la détention, peu importe le crime pour lequel ils sont là.

n(15 h 10)n

Nous, on se dit que ce n'est pas nécessaire d'avoir un dossier si étoffé pour des gens qui sont là, exemple, pour une première peine de vol, pour des gens qui sont là comme prévenus, des gens comme ça. Nous, on est d'accord avec le fait qu'on fasse un dossier étoffé sur les personnes, mais ça devrait être les personnes mentionnées à l'article 22, les quatre catégories de personnes mentionnées à l'article 22: agression sexuelle, pédophile, criminalité organisée et violence conjugale. Dans ces cas-là, on est d'accord pour qu'on étoffe des dossiers sur chaque personne, mais pas pour chaque prisonnier, prévenu et détenu, et pour des crimes moindres comme quelqu'un qui va voler, simplement un vol, on n'est pas d'accord avec ça.

L'article 23, paragraphe 2°: «Les organismes ou les personnes qui détiennent ces renseignements sont tenus de les communiquer aux services correctionnels, à leur demande.» Concernant cet article-là, nous, on est contre le fait que ça s'applique, évidemment, aux avocats. Ça fait des années que les avocats se battent justement pour qu'il n'y ait pas d'obligation, justement parce qu'on est lié au secret professionnel, qu'il n'y ait pas d'obligation pour nous de divulguer, hormis autorisation judiciaire. Parce qu'il faut bien comprendre que le secret professionnel appartient au client. Si le client ne nous donne pas la permission, à ce moment-là, une autorisation judiciaire peut nous permettre de divulguer, mais, en aucun temps, on veut que, dans une loi, ça puisse viser des groupes concernant le secret professionnel, notamment les avocats.

Ensuite, l'article 32: «Les agents de probation, les agents des services correctionnels et les agents de surveillance désignés par le ministre sont responsables du suivi des personnes dans la communauté conformément à la loi et aux besoins d'encadrement [...] de ces personnes.» Évidemment, encore là, nous, les agents de probation et les agents de surveillance, on voudrait qu'ils soient sans statut d'agent de la paix. Comme je vous l'ai dit tantôt, selon nous, ça vient en contradiction avec l'essence même de leur travail.

Concernant l'article 40. Concernant l'article 40, ce qu'on peut voir à l'article 40, c'est que, pour une personne contrevenante, il y a cinq types de permission qu'un directeur peut accorder: naissance, maladie, obligation de prodiguer des soins à un conjoint, et tout. Et, à l'article 42, on remarque qu'il y a simplement deux cas pour une personne prévenue: le décès ou la visite d'une personne malade. Nous, il nous semble qu'on devrait attribuer au moins les mêmes droits à une personne prévenue qu'à une personne détenue. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'une personne prévenue est une personne, encore une fois, qui bénéficie d'une présomption d'innocence, qui n'a pas été reconnue coupable, qui n'a pas plaidé coupable, et on lui attribue moins de droits à l'article 42 que la personne détenue en a à l'article 40. Donc, selon nous, ce serait probablement quelque chose à revoir, à ce moment-là.

Ensuite, on regarde le libellé de l'article 48, paragraphe 1°. Au niveau de l'article 48, paragraphe 1°: «Toute permission de sortir, à l'exception de celle à des fins médicales et de celle préparatoire à la libération conditionnelle, doit être précédée d'une recommandation du comité d'étude des demandes de sortie.» Nous, ce qu'on vous dit, c'est que le libellé de l'article 48, paragraphe 1°, semble superflu en ce sens qu'il ajoute une étape supplémentaire aux articles 37, 40, paragraphe 1° et 43, paragraphe 2°, qui prévoient que le directeur peut octroyer ces permissions. Donc, à l'article 37, 40, paragraphe 1° et 43, paragraphe 2°, on nous dit: Le directeur peut octroyer certaines permissions, et on revient par la suite à l'article 48 pour nous dire: Oui, il peut, mais seulement sur recommandation du comité d'étude des demandes de sortie.

Selon nous, c'est ajouter une étape supplémentaire qui peut être dangereuse dans certains cas ? et là je m'explique ? surtout dans le cas des sorties humanitaires. On sait que les sorties à des fins humanitaires sont des événements ponctuels et des événements de courte durée. Donc, à ce moment-là, si ça prend toujours une recommandation du comité d'étude au directeur pour que la permission soit accordée, bien, étant donné que les événements sont ponctuels ? exemple, mariage, décès, des choses comme ça ? bien, le temps que le détenu ait la permission, l'événement peut être terminé. Ça peut être déjà passé.

Et je peux vous dire que ça m'est déjà arrivé une fois d'avoir un détenu à qui c'est arrivé. Quand on lui a octroyé la permission et qu'on a dit: Oui, il y a des gardiens qui peuvent t'accompagner au salon funéraire, sa mère était enterrée. Et je trouve ça encore pire dans le cas de prévenus. Comment expliquer à un prévenu qui va être acquitté, par la suite, au procès: Tu n'as pas pu y aller parce que, justement, il a fallu demander des permissions puis que l'événement s'est terminé avant qu'on puisse octroyer des permissions puis trouver des gens pour t'accompagner? C'est encore plus... C'est encore pire, si on veut.

Le Président (M. Gautrin): Me Tétreault, je suis un peu le gardien du temps. Je voudrais vous signaler que, d'après votre documentation, vous avez fait seulement présenter le tiers du document et vous avez pris les deux tiers de votre temps. C'est tout ce que je voulais vous dire.

M. Tétreault (Yves): O.K. On va aller plus rapidement, M. le Président. Je vous en remercie.

Au paragraphe 2° de l'article 49, on donne le droit à la victime de faire des représentations auprès du comité avant que celui-ci fasse sa recommandation au directeur. Ça, l'AQAAD n'est absolument pas contre le fait que les victimes prennent part au processus; la seule chose qu'on vous dit, c'est que, si les victimes, un petit peu partout dans la loi... On voit également, au niveau de la Commission, que la victime peut faire une recommandation à la Commission. On n'est pas contre le fait que les victimes soient impliquées, mais ce qu'on vous dit, c'est que, s'il y a un rapport écrit de la victime qui aide la Commission à prendre une décision, ce qu'on voudrait, c'est qu'au préalable copie de cette déclaration-là soit remise également au prévenu ou à la personne devant passer devant la Commission afin qu'elle sache justement sur quoi se baser pour réfuter ces faits-là, si nécessaire, en audition devant la Commission.

Concernant le comité de discipline, à l'article 65, si je ne m'abuse ? non, je ne m'abuse pas ? nous, il nous semble opportun que des agents de probation et des conseillers spécialisés soient désignés pour siéger sur le comité de discipline, mais à l'unique condition que, durant cette période où ils siègent, ils ne fassent que cela, c'est-à-dire qu'ils n'accompagnent pas les détenus et à la fois siéger sur le comité de discipline, parce que, à ce moment-là, on pourrait trouver que c'est un processus un petit peu vicieux: les agents de probation, les conseillers spécialisés vont suivre les contrevenants, vont essayer de les accompagner, essayer de les aider dans leur réinsertion sociale, et, du moment où il arriverait, exemple, un petit quelque chose, un événement qui traduit le contrevenant devant le comité de discipline, à ce moment-là, c'est la même personne qui l'accompagne, et tout ça, qui, dans le fond, va le juger devant le comité de discipline. Donc, on n'est pas contre le fait que les agents de probation ou les conseillers spécialisés soient, siègent sur le comité de discipline, mais on est contre, s'ils siègent sur le comité de discipline, qu'ils accompagnent les détenus; ils devraient ne faire que ça.

Rapidement, à l'article 101, quant aux représentations qu'une victime peut faire au ministre, nous, ce qu'on se dit, c'est que c'est déjà une permission qui est accordée dans bien des cas, déjà, aux victimes au fil du rapport. C'est déjà communiqué. Elle peut le faire avant la recommandation au comité de décision, elle peut le faire également auprès de la Commission des libérations conditionnelles. On se demande c'est quoi, la pertinence de le faire auprès du ministre. Et, de toute façon, on se demande la pertinence... quelle est la pertinence de le codifier, étant donné que, selon nous, une personne, un citoyen, une victime peut de toute façon toujours écrire à son ministre. Ça ne change rien de ce côté-là.

Le Président (M. Gautrin): M. Tétreault, votre temps est en train de s'achever. Rapidement.

M. Tétreault (Yves): Oui.

Le Président (M. Gautrin): Si vous pouviez présenter les dernières conclusions, ce serait...

M. Tétreault (Yves): Oui, je vais vous présenter les dernières conclusions.

Je crois que ça... Ah! peut-être, en terminant, l'article 181, dans les dispositions pénales, l'article 181, justement, qui prévoit finalement la même chose que l'article 130 du Code criminel canadien. Puis je vois même une petite injustice de ce côté-là, parce que l'article 181 prévoit qu'il va y avoir une peine minimale, une peine minimale via une amende à ce moment-là, tandis que le Code criminel, lui, ne prévoit pas de peine minimale, c'est une infraction par procédure sommaire, à ce moment-ci. Donc, on se dit: Si quelqu'un est accusé, en vertu de l'article 181, de s'être déguisé en gardien de prison, il va avoir une amende minimale de 500 $, alors que le même personnage qui se déguise en policier, selon le Code criminel, n'a pas de peine minimale. Donc, on se dit: De toute façon, c'est repris à l'article 130 du Code criminel et on n'a pas à en tenir compte vraiment.

Le Président (M. Gautrin): Bien, je vous remercie, Me Tétreault. On va commencer la période d'échange. Et je passerai la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.

M. Jutras: Alors, Me Tétreault, bienvenue à cette commission puis merci de votre présentation. Alors, je comprends que, devant le tribunal, vous avez plus de latitude quant au temps, mais notre président nous impose certaines règles, et, de toute façon, c'est des règles qui sont convenues d'un commun accord, c'est une question d'organisation.

Ce qui me frappe le plus, là... Vous avez fait bien des suggestions intéressantes. Concernant l'article 23, je vous rassure tout de suite, là, quand on dit que les organismes ou les personnes qui détiennent des renseignements sont tenus de les communiquer aux services correctionnels à leur demande, l'idée, là, n'est pas du tout d'obliger les avocats, par exemple, à dire: Bon, bien, on veut savoir ce qu'il y a dans votre dossier, là. Le secret professionnel... protégé par la Charte et puis protégé par d'autres lois également, on respecte ça. Alors, je veux vous rassurer là-dessus. On pourra peut-être regarder la formulation à ce moment-là pour que vous soyez davantage rassuré, mais, en tout cas, ce que je vous dis quant à notre intention, là, c'est de ne... on ne veut absolument pas aller à l'encontre du secret professionnel.

n(15 h 20)n

Par contre, quand vous parlez, là, de ces articles-là ? et surtout l'article 22 ? et que vous dites que des dossiers, finalement, devraient être constitués, somme toute ? si je vous ai bien compris, c'est ça que vous avez dit ? seulement dans les cas de violence conjugale, d'agressions sexuelles, comportements de pédophilie ou de criminalité organisée, ça, je vais vous dire, Me Tétreault, ça m'étonne un peu, ce que vous dites là, parce que, généralement, ça, c'est une recommandation qui est très, très bien accueillie. De tous les groupes, je pense, là, que vous êtes le premier groupe à date. Mais ce n'est pas parce que vous êtes le premier groupe a émettre des réserves que vos réserves ne se défendent pas, là.

Mais je veux vous entendre davantage là-dessus, parce que la plupart des groupes accueillent très bien ça et disent que, oui, c'est important d'avoir des dossiers bien constitués, oui, c'est important d'avoir un dossier sur chaque détenu et des dossiers bien étoffés puis que l'on procède à des évaluations qui sont sérieuses, parce que, tu sais, c'est l'instrument de base, là, avec lequel on va travailler puis avec lequel les agents vont travailler. Alors, c'est pour ça que, si on devait limiter ça dans les cas que vous mentionnez, là... Parce que c'est quand même juste quatre cas, là, ça. Entre autres, un individu violent, si on suit votre raisonnement, qui se serait rendu coupable de voie de fait grave, bien, il n'aurait même pas de dossier, là, qui serait constitué. Est-ce que c'est ça que vous nous dites?

Le Président (M. Gautrin): Me Tétreault.

M. Tétreault (Yves): Non, ce n'est pas exactement ce que je veux vous dire. Ce que je veux vous dire par là, c'est des dossiers constitués selon ce qu'il y a à l'article 24, selon tout ce qu'il y a à l'article 24. Je ne veux pas vous dire que, dans certains cas, il ne faut pas constituer de dossier, parce que ça, M. le ministre, je suis d'accord avec vous, le dossier est le point de départ et l'assise, justement, pour connaître l'individu et trancher les bonnes décisions; ça, je suis complètement d'accord avec vous. Sauf que je vous dis que ce n'est peut-être pas dans tous les cas où c'est nécessaire d'avoir le contenu des 11 paragraphes de l'article 24, comprenez-vous? Dans les cas de violence, d'agression sexuelle, de pédophilie et dans le dernier cas qui m'échappe... ah! criminalité organisée, effectivement, on a affaire à des classes assez spéciales d'individus où je pense que, oui, les rapports psychiatriques, des rapports psychologiques, s'il y en a, c'est important.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Jutras: Vous savez, Me Tétreault... Vous êtes un criminaliste.

M. Tétreault (Yves): Oui.

M. Jutras: Et, bon, j'en ai fait aussi, du droit criminel. Vous savez comment ça commence, hein, le comportement criminel. L'accusé, au début, bon, c'est un petit larcin. Ça commence, des fois, par un vol à l'étage puis, après ça, oups, c'est un vol un peu plus significatif, puis il se rajoute de la violence à ça, puis il se rajoute des méfaits, à un moment donné. Tu sais, ça s'accumule, là. Et, d'ailleurs, les statistiques qui sont dans les rapports Corbo sont éloquentes, hein: les gens qui reviennent deux fois, cinq fois, 10 fois même. C'est une porte tournante, comme on dit, ils ressortent puis ils rentrent. Et c'est dans cet esprit-là, moi, je pense que, si on veut intervenir de façon adéquate et rapidement auprès de ces gens-là, l'importance des dossiers... Puis, même si ça commence par un petit larcin, bien, souvent là, oups, ça vient de commencer, là, puis il y a un processus qui vient de s'engager. Je pense que c'est de tenter de voir comment, ce processus-là, on peut l'enrayer le plus rapidement possible puis de dire: Non, vous ne serez pas dans la porte tournante, vous, là, on va essayer que vous y venez une fois, mais vous n'y revenez plus. Alors, qu'est-ce que vous dites de cela?

Le Président (M. Gautrin): Me Tétreault.

M. Tétreault (Yves): Bien, évidemment, je suis d'accord avec vous pour dire que, souvent, ça commence petit pour se terminer parfois plus gros. Sauf que ce que j'en pense, puis ce qu'on en pense à l'AQAAD, c'est la raison pourquoi qu'on vous dit que, pour... Exemple, une première offense, un petit vol. L'individu est emprisonné. C'est que, si on se met à constituer des dossiers de cette ampleur-là pour des crimes aussi ? je n'ose pas dire «banals» ? mais pour des crimes aussi... disons, de moindre importance, bien, à ce moment-là, je crois qu'on va se noyer inutilement dans la paperasse ou on va s'embourber. On va s'embourber, dans le fond, pour un cas qui, actuellement, en ayant... Dans les dossiers actuels, à l'heure où est-ce qu'on se parle, on a moins d'informations que ça, et je pense que les bonnes décisions sont prises à l'égard de ces petits contrevenants là.

Évidemment, si on parle des gens d'une des quatre catégories, là je suis d'accord. Mais c'est juste afin de ne pas s'embourber inutilement. Parce que je pense qu'actuellement, pour les petits criminels ou, disons, les criminels en début... Et, de toute façon, vous serez sûrement d'accord avec moi, M. le ministre, que ce n'est pas le fait d'étoffer un dossier dès un premier vol simple qui va faire que l'individu va continuer ou arrêter.

M. Jutras: Oui, mais, par contre...

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Jutras: ...ici, il faut faire attention, quand l'individu est rendu en détention, quand il a été condamné à une peine d'emprisonnement, vous savez aussi que c'est rarement sa première accusation, tout dépendant évidemment de l'importance, là. Mais, souvent, là, à date, l'individu, ça fait deux ou trois fois, là, qu'il comparaît devant le tribunal puis il a eu des chances qui lui ont été données par le tribunal, puis ça a peut-être commencé par une amende, puis après, une ordonnance de probation. Mais là, quand le juge en est rendu à condamner à l'emprisonnement, ne serait-ce que 30 ou 60 ou 90 jours, c'est parce que, en tout cas, il y a déjà certaines choses dans le dossier, de façon générale, là. En tout cas, moi, je pense qu'il faut avoir ça en tête, là.

Le Président (M. Gautrin): Me Tétreault.

M. Jutras: Peut-être, Me Tétreault, que vous avez quelque chose à dire parce que j'ai des collègues qui ont des questions aussi.

M. Tétreault (Yves): Non. Sur ce point-là, comme je vous dis, M. le ministre, c'est juste que nous, on pense que, pour les gens qui sont pas criminalisés, qui font pas partie des quatre catégories, que c'est pas, peut-être pas... C'est bien géré actuellement. C'est peut-être pas nécessaire d'étoffer tous les dossiers, parce que, là, à ce moment-là, c'est clair qu'on va embourber en quelque part et puis qu'on ne se comprendra plus. Surtout si c'est des gens qui n'ont pas affaire à passer postérieurement à la Commission québécoise des libérations conditionnelles, hein. Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a des gens qui ne passeront pas là, à la Commission.

M. Jutras: Oui, oui.

M. Tétreault (Yves): Donc, pour ces gens-là, des dossiers étoffés, c'est peut-être moins important.

M. Jutras: Merci.

Le Président (M. Gautrin): Bien, je vous remercie, M. le ministre, Je ne pense pas que les ministériels ont des questions à poser. Alors, dans ces conditions-là, je m'adresserai au député de Saint-Laurent, porte-parole de l'opposition officielle. M. le député.

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Me Tétreault, j'ai compris que vous étiez l'associé de Me Alain Dubois?

M. Tétreault (Yves): Oui, vous avez bien compris.

M. Dupuis: Vous le saluerez de ma part, O.K.?

M. Tétreault (Yves): Ça va me faire plaisir de le faire.

M. Dupuis: Évidemment, il faut choisir, parmi les... Dans les mémoires qui nous sont soumis, il faut choisir un certain nombre de sujets parce qu'on est limité par le temps. Moi, là, il y en a un qui m'a étonné dans vos représentations, puis ça concerne d'ailleurs une disposition qui m'étonne aussi dans le projet de loi: l'article 42 dont vous avez parlé. C'est peut-être parce que ça fait longtemps que je n'ai pas pratiqué le droit criminel, là, mais j'ai pratiqué en défense et j'ai pratiqué en poursuite. Puis, dans le temps que je pratiquais, quand quelqu'un était détenu comme prévenu parce que le juge avait refusé de le remettre en liberté, la prison ne pouvait pas lui donner des congés. Il fallait qu'il retourne devant le juge pour demander la permission de sortir pour quelque raison que ce soit. On s'entend-u là-dessus?

M. Tétreault (Yves): On s'entend qu'à l'heure actuelle...

M. Dupuis: Donc, ça ne fait pas si longtemps que ça que je pratiquais, je n'ai pas oublié tant que ça. O.K. Ça veut dire que, dans mon esprit à moi, le directeur de la prison ne pourrait pas consentir à un prévenu une sortie pour les raisons, que ce soient celles que vous mentionnez à l'article 42 ou que ce soient les raisons qui sont mentionnées à l'article 40. Dans ma tête, là, c'est une impossibilité légale et, entre vous et moi, si le directeur de prison décidait de permettre une sortie à quelqu'un qui est sous le coup d'un refus de cautionnement, il pourrait être cité pour outrage au tribunal. On s'entend-u?

M. Tétreault (Yves): Je suis d'accord avec vous.

M. Dupuis: O.K. Alors donc, dans le fond, entre vous et moi, l'article 42, il devrait ne pas exister et, ceci dit, en tout respect à votre égard, votre représentation pour que soient élargies les raisons pour lesquelles on mettrait en liberté un prévenu doit malheureusement s'éteindre au moment où on s'en parle parce que ça ne se peut pas. On s'entend-u là-dessus?

Le Président (M. Gautrin): Me Tétreault.

M. Tétreault (Yves): Oui.

M. Dupuis: O.K. Alors, ça, ça vient d'être réglé.

M. Tétreault (Yves): On s'entend...

M. Dupuis: Ça vient d'être réglé puis, en plus, bien, ça annonce qu'on aura des travaux supplémentaires à faire en commission parlementaire à l'étude article par article: l'article 42, là, il ne peut pas exister. On s'entend-u?

M. Tétreault (Yves): On s'entend, on s'entend. Évidemment qu'on s'entend. À l'heure actuelle, ça ne peut pas exister, sauf que, nous, on part toujours, dans la tête... Quand on a fait la réflexion là-dessus, on est toujours parti avec le fait que le gouvernement, évidemment, peut peut-être changer les règles du jeu.

M. Dupuis: En fait, le gouvernement ne peut pas... Le gouvernement, là, tout aussi ? je vais me restreindre sur le qualificatif que je voudrais donner ? mais le gouvernement, il ne peut pas contourner la loi. Le gouvernement ne peut pas décider lui-même que, dorénavant, quand un juge va décider que quelqu'un ne doit pas être mis en liberté et qu'il lui refuse un cautionnement... le gouvernement ne pourra jamais décider que le gouvernement peut remettre en liberté. On s'entend-u?

M. Tétreault (Yves): Oui, on s'entend.

M. Dupuis: Il faudrait que le droit criminel soit modifié. Il faudrait que le législateur fédéral modifie le Code criminel.

M. Tétreault (Yves): Ça...

Le Président (M. Gautrin): Me Tétreault.

M. Tétreault (Yves): Ça, là-dessus, on s'entend. Ça, là-dessus, on s'entend, mais nous, actuellement...

M. Dupuis: Je ne suis pas choqué contre vous, là.

Le Président (M. Gautrin): Un instant, là, laissez Me Tétreault répondre.

M. Tétreault (Yves): Non, mais je veux juste que ce soit clair que, nous, on le fait dans l'optique de ce qu'on a eu ici.

M. Dupuis: O.K.

n(15 h 30)n

M. Tétreault (Yves): Quant à ce que vous me parlez, évidemment, actuellement, on est en accord avec vous; on est d'accord qu'il ne faut pas remettre un prévenu en liberté, c'est un juge qui peut le faire. Si un juge a refusé un cautionnement, il faut que la personne retourne devant un juge, et demande évidemment, bon, certaines choses. Donc, selon nous, oui. Mais nous, on travaille dans l'éventualité où ce projet de loi là... Parce qu'on ne connaît quand même pas, nous, comment que... quels sont les types de relations qu'ils peuvent avoir... le niveau fédéral puis qu'est-ce qui peut être modifié dans le Code criminel suite à ça. Puis, bon, il y a-tu des choses qui peuvent l'être? Il y a-tu des choses qui ne peuvent pas l'être? Ça, c'est le secret du...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Bien, il y a une chose qu'on sait, c'est que leurs relations avec le fédéral ne sont pas très bonnes.

M. Tétreault (Yves): Bon. Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Ça fait que ça m'étonnerait... En tout cas, disons qu'on s'entend, là.

M. Tétreault (Yves): On s'entend, oui.

M. Dupuis: On s'entend, l'article 42, il ne devrait pas être là.

M. Tétreault (Yves): Normalement, il ne devrait pas être là. Effectivement.

M. Dupuis: O.K. Puis votre représentation sur élargir ces congés-là à tous les motifs qui sont mentionnés à l'article 40, vous reviendrez, vous reviendrez un jour, quand la loi aura changé.

M. Tétreault (Yves): ...fédérale aura été changée.

M. Dupuis: Quand le Code criminel aura changé. O.K.

M. Tétreault (Yves): Exactement.

M. Dupuis: Deuxième chose qui m'a surpris ? merci ? deuxième chose qui m'a étonné dans votre mémoire, c'est que vous n'ayez aucune représentation à faire sur l'article 165 qui est la création d'un Comité de concertation entre les Services correctionnels et la Commission québécoise des libérations conditionnelles. J'attire votre attention sur la page 11 de votre mémoire, en bas de page. O.K.? Je vais vous expliquer pourquoi, par exemple, parce que je vais essayer d'être juste à votre endroit. Si vous voulez, Me Tétreault, je vais simplement juste attirer votre attention sur le fait qu'on crée, à l'article 163, le Comité de concertation des Services correctionnels et de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, O.K., et on dit que ce Comité va siéger: sous-ministre de la Sécurité publique, sous-ministre aux Services correctionnels et président de la Commission québécoise ? président ou présidente, là ? des libérations conditionnelles. Bon.

Moi, j'ai compris ? et j'aimerais ça si vous aviez compris la même affaire que moi, mais vous avez dit... vous avez la possibilité de dire que vous n'avez pas compris la même chose que moi ? que la Commission québécoise des libérations conditionnelles, c'est un tribunal indépendant et impartial qui décide de l'octroi ou non des libérations conditionnelles. Là-dessus, on s'entend-u?

M. Tétreault (Yves): On s'entend.

M. Dupuis: O.K. Moi, quand je lis l'article 164, qui est le mandat du Comité... L'avez-vous devant vous?

M. Tétreault (Yves): Oui, je l'ai devant moi.

M. Dupuis: O.K. Lisez l'article 164 et particulièrement le quatrième paragraphe: «Le Comité a pour mandat:

«4° de faciliter la concertation pour la mise en application de changements rendus nécessaires aux Services correctionnels et à la Commission par suite de l'évolution des lois, des tendances sociales, des technologies de l'information et des communications, des pratiques professionnelles, des politiques et des orientations gouvernementales ? et là, là, j'insiste là-dessus, Me Tétreault, des politiques et des orientations gouvernementales ? et d'autres transformations de l'environnement susceptibles d'affecter les pratiques.»

Moi, là, quand j'ai lu ça, ce que ça a éveillé chez moi, c'est: Ça, là, ça vient jouer dans le statut de tribunal indépendant et impartial que doit conserver la Commission québécoise. Pourquoi? Il y a eu des critiques importantes qui ont été formulées à l'endroit des Services correctionnels lorsqu'ils se servaient des absences temporaires pour raisons humanitaires pour mettre du monde dehors alors que la vraie raison pour laquelle ils mettaient les gens dehors, c'est qu'ils voulaient faire des économies. C'est ces gens-là, là. Ils voulaient faire des économies, puis ils étaient en déficit zéro. Ils mettaient des gens dehors parce qu'ils voulaient faire des économies plutôt que parce que les gens méritaient de retourner... Il y avait une politique... des politiques gouvernementales. Ça a été rendu public. Il y avait même un quota de gens qu'on pouvait remettre en liberté par mois. Ça a été dénoncé, ça a été public.

Là, je me dis: S'il faut qu'on assoie à la même table le sous-ministre de la Sécurité publique, pour qui j'ai du respect, par ailleurs, le sous-ministre des Services correctionnels, pour qui j'ai du respect par ailleurs, mais qui ont un patron, le gouvernement, l'Exécutif, le ministre, avec la Commission québécoise des libérations conditionnelles, qui, elle, n'a pas de patron, sinon l'intérêt des gens qui sont devant elle et l'intérêt public, il y a un problème. On s'entend-u qu'il y a un problème?

M. Tétreault (Yves): On s'entend qu'il risque d'y avoir un problème, effectivement.

M. Dupuis: Merci, monsieur.

Le Président (M. Gautrin): M. Tétreault.

M. Tétreault (Yves): Il risque d'y avoir un problème.

M. Dupuis: Merci, monsieur.

Le Président (M. Gautrin): Bon. Alors, vous vous êtes bien entendus, si je comprends bien. Alors, vous n'avez pas d'autres questions? Je tiens à vous remercier, Me Tétreault, de votre présentation. Et je demanderais au groupe suivant, à savoir le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, communément appelé les CALACS, de bien vouloir se présenter. Mme Tremblay, Mme Roy. Alors, prenez le temps de vous installer tranquillement. Alors, on peut bien suspendre deux minutes. Est-ce que vous voulez suspendre deux minutes? Alors, Mme Roy, on va suspendre pendant deux minutes. Suspendu.

(Suspension de la séance à 15 h 35)

 

(Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Gautrin): Alors, ayant récupéré et le critique, et le ministre, et le quorum...

Une voix: Et le président.

Le Président (M. Gautrin): ...et le président, nous sommes prêts à reprendre nos travaux. Alors, il me fait plaisir de vous accueillir, mesdames. Je me permets de vous résumer brièvement que vous avez 45 minutes: 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, 15 minutes pour les questions provenant des parlementaires ministériels, 15 minutes pour les questions provenant des parlementaires de l'opposition. Alors, je ne sais qui va être le porte-parole. Vous êtes toutes les deux porte-parole. Mme Tremblay ou Mme Roy? Je ne sais pas qui va commencer. Vous êtes toutes les deux porte-parole, alors je ne sais pas qui commence.

Mme Roy (Michèle): C'est moi, Mme Roy.

Le Président (M. Gautrin): Mme Roy. Alors, vous avez la parole, Mme Roy.

Regroupement québécois des centres d'aide et
de lutte contre les agressions à caractère sexuel
(Regroupement québécois des CALACS)

Mme Roy (Michèle): Merci. Bonjour, mesdames. Bonjour, messieurs. Merci d'abord de nous recevoir aujourd'hui. Comme on est moins connu que l'Association des avocats de la défense ou autres, je vais prendre deux secondes pour nous présenter. On a dit qu'on était le Regroupement des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. On représente donc 20 centres d'aide qui travaillent dans l'ensemble des régions du Québec ? en général un centre par région ? qui accompagnent les femmes et les adolescentes qui sont victimes d'agression sexuelle, qui les accompagnent notamment à travers l'ensemble du processus judiciaire, qui fournissent de l'information aux proches, à la famille, sur le processus, sur les différentes démarches, qu'est-ce qui va arriver si elles vont jusqu'à un procès. Et, aussi, on accompagne et on travaille et on soutient aussi la large portion des femmes qui ne portent pas encore plainte parce qu'elles sont justement peu satisfaites de ce qui se passe dans le système de justice et qu'elles craignent ce qu'elles auraient à affronter en allant déposer une plainte. C'est donc au nom de ce travail-là que nous sommes ici aujourd'hui.

Nous avons présenté un mémoire qu'on ne va pas relire, bien sûr, on va vous faire une courte présentation, ma collègue et moi, sur les points les plus importants par rapport à ça. Et on répondra à vos questions.

n(15 h 50)n

Je pense que, dans notre mémoire, on a voulu mettre en place des éléments et des mécanismes pour améliorer l'avant-projet de loi qui est déposé. On va faire une présentation, donc, du contenu, en plus de fournir des arguments pour appuyer des mémoires que vous avez déjà entendus, notamment celui-là, du Regroupement des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale et le mémoire qui a été présenté par Plaidoyer-victimes, dans lequel on a retrouvé un certain nombre d'éléments qu'on trouve important de reprendre.

Une précision importante d'abord. Je pense qu'on veut bien sûr indiquer que, quand on utilise, dans notre mémoire, les termes «détenus» ou «contrevenants», on fait référence aux personnes qui ont été reconnues coupables d'agression sexuelle. On ne prétend pas connaître la réalité puis les mesures à prendre pour l'ensemble des personnes qui sont emprisonnées sous juridiction provinciale. Ça, c'est important, je pense, de le préciser. On parle des personnes... Notre expertise, c'est autour de la question des agressions sexuelles et des agresseurs sexuels.

Le gouvernement québécois a déjà mis de l'avant des orientations gouvernementales en matière d'agressions sexuelles, dans lesquelles il dénonce un certain nombre de principes qu'on trouve important de reprendre dans notre mémoire pour indiquer que le gouvernement, en déposant ces principes directeurs là, disait qu'ils devaient guider les actions de toutes les personnes qui sont impliquées dans la lutte contre les différentes formes de violence faite aux femmes. On parle notamment, dans ces principes directeurs là, du fait que toute personne a droit au respect de son intégrité physique et psychologique; que la protection à la sécurité des personnes devrait être assurée dans tous les lieux; que l'agression sexuelle est un problème social inacceptable, que la société doit dénoncer et réprouver, un crime grave contre la personne, qui doit être sanctionné; que les personnes qui sont victimes d'agression sexuelle doivent être soutenues afin d'être en mesure de reprendre le contrôle de leur vie; et que les interventions auprès des agresseurs sexuels doivent viser à leur faire reconnaître et assumer la responsabilité criminelle des agressions qu'ils ont commises et à éviter qu'ils ne récidivent.

Ces principes-là, sur lesquels on a beaucoup discuté et beaucoup négocié lors de la mise en place des orientations, nous semblent importants à retrouver en termes de valeurs sur lesquelles s'aligne aussi le projet de loi qui est présenté aujourd'hui de même que les droits fondamentaux qui sont inscrits dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Charte québécoise au niveau du respect du droit à la liberté et à la sécurité pour les femmes, pour l'ensemble des personnes dans la société.

Dans le projet de loi, on souhaite aussi voir inscrit de façon plus claire le droit des victimes d'être entendues et d'être informées. Ma collègue, Mme Tremblay, tout à l'heure reprendra plus en détail cette question-là, mais on pense qu'il y a des choses à vraiment ficeler davantage pour réellement inscrire le droit pour les victimes d'être entendues et d'être informées; entendues sur ce qu'elles ont vécu, sur les impacts de leur agression sexuelle, les impacts de contacts possibles avec cette personne-là aussi et tout.

Un autre principe important, il nous semble, c'est la question de la transparence du processus décisionnel dans toute la question de la mise en liberté temporaire ou définitive. Quels sont les motifs, quelles sont les raisons, quels sont les mécanismes qui s'appliquent? Que ce processus-là soit transparent.

Et finalement, que la mise en application de cette loi-là doit reposer aussi sur les principes de justice généralement reconnus, qu'il s'agisse de l'admissibilité de toute preuve pertinente ou de la divulgation de la preuve, des éléments qui sont déjà inscrits mais qui doivent être plus visibles dans la loi.

Comme Regroupement des centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, on est un peu préoccupés par le fait que la présente révision des conditions de remise en liberté des contrevenants en matière d'agressions sexuelles se fasse dans un contexte de surpopulation des prisons et de rareté ou de coupure dans les services d'encadrement, de contrôle et de réhabilitation. C'est sûr que, quand on entend ? et je pense que quelques-uns parmi vous ont fait référence au fait que les budgets sont restreints ? que les moyens sont restreints, que les mécanismes ne sont pas étanches, on est préoccupés comme l'ensemble de la population, je pense.

On ne doute pas du fait que, actuellement, c'est vrai que les prisons soient surpeuplées. On sait aussi ? puis on l'a beaucoup entendu, puis on l'admet ? qu'il y a des gens qui se retrouvent en prison pour des raisons qui ne sont pas forcément toujours légitimes. On parle, par exemple, des personnes qui ont dit qu'elles n'ont pas payé leurs contraventions, mais on sait aussi que, en prison, très souvent, il y a des gens pauvres, des gens peu instruits, des gens qui ont des problèmes de santé mentale, des gens sans abri, des gens de couleur, des autochtones. Il y a aussi des femmes qui ont commis des crimes de violence, souvent en réaction à de la violence qu'elles-mêmes avaient subie. On pense que le système judiciaire et pénitentiaire fait encore souvent preuve de discrimination, de sexisme et de racisme, et que ces difficultés-là ne sont pas forcément prises en compte toujours adéquatement, notamment dans cet avant-projet de loi.

Par contre, on n'est pas non plus davantage favorables aux courants actuels, particulièrement aux États-Unis et au Canada anglais dans certains cas, en faveur de mesures répressives plus strictes. On ne pense pas forcément que ces mesures-là, que l'augmentation de mesures de répression va contribuer à réellement diminuer la situation de violence dans laquelle beaucoup de femmes vivent, par exemple. On sait que c'est souvent le courant qui semble le plus attrayant; on n'est pas sûr que c'est dans ce sens-là qu'il faut aller.

On pense qu'effectivement il y a des mesures à mettre en place en termes de surveillance, de contrôle, mais aussi des mesures de réhabilitation sociale et de rééducation qui soient plus claires, plus organisées, de façon à permettre une réinsertion sociale réussie. Dans ce sens-là, on se dit que la réforme du système correctionnel ne doit pas se faire à la va-vite pour désengorger les prisons, ce qui risquerait de hausser le sentiment de méfiance qui existe déjà au sein de la population envers le système de justice.

L'article 2 du projet de loi qui est présenté affirme la prépondérance de la protection de la société et du respect des décisions des tribunaux dans la poursuite de la réinsertion sociale des personnes prévenues et contrevenantes. On trouve que ça donne une indication claire sur qu'est-ce qui doit effectivement peser davantage dans l'évaluation, et ça poursuit, d'une certaine façon, un objectif qu'on trouve louable, c'est-à-dire de redonner, tenter de redonner confiance aux femmes puis à la société dans la capacité du système judiciaire de contribuer et à la sécurité et à la justice.

Mais notre préoccupation est quand même l'équilibre entre la sécurité des victimes, la sécurité de la société et la réhabilitation des agresseurs. On sait que ces trois objectifs-là, sans être totalement contradictoires, sont difficiles à équilibrer, sinon par la concertation des efforts de l'ensemble du système judiciaire et correctionnel, notamment dans la lutte contre la violence qui est faite aux femmes et aux enfants et en faveur du respect des droits fondamentaux de toutes et tous, y compris ceux des victimes et des agresseurs. Toutefois, si le gouvernement québécois veut rencontrer les objectifs visés dans la réforme, on pense qu'il lui faudra proposer des solutions cohérentes et crédibles qui rassurent la population sans tomber dans la répression.

Nous n'allons pas faire une analyse détaillée article par article du projet de loi, mais plus des commentaires généraux. Et, d'abord, une première information: on a l'impression, souvent confirmée par toutes sortes d'analyses, de sondages et tout, que la problématique des agressions à caractère sexuel est très mal connue encore. Puis, à titre d'exemple, on pourrait prendre le fait qu'on voit beaucoup, dans les médias, quand on parle de pédophilie, par exemple, on parle de pédophilie systématiquement, à toutes les fois qu'il s'agit d'une agression contre un enfant, alors que, dans les faits, la pédophilie, ça vise quelque chose de beaucoup plus spécifique que ça. Et les abus contre des enfants ne réfèrent pas tous à une maladie qu'on peut qualifier de pédophilie, par exemple.

Souvent aussi, on a l'impression que les gens assimilent l'agression sexuelle à: les agresseurs sont des gens qui attaquent la nuit, dans une ruelle, des inconnus, alors que dans les faits, 85 % des agresseurs sont des personnes connues par leur victime. Ce sont des personnes de leur entourage, de leur milieu, de la famille, des amis, des connaissances, des partenaires de travail, de sport, de loisir et tout. Et c'est important de le savoir parce que ça va jouer dans toute la question de l'évaluation du danger et du risque. Quand, par exemple, une personne est reconnue coupable d'agression sexuelle, très souvent elle connaît donc sa victime. C'est une personne qui la connaît, qui connaît son réseau, sa famille, son adresse et tout, puis les victimes se sentent particulièrement vulnérables à cause de ça.

Puis il y a un autre mythe bien connu, qui est aussi toute la question du fait qu'on dit qu'il y a beaucoup de fausses accusations, beaucoup de femmes qui portent des accusations pour se venger et tout, ce qui fait qu'on a tendance à sous-estimer la gravité des agressions sexuelles et la gravité de leur impact sur les victimes. Et on a aussi l'impression que le personnel impliqué dans les services correctionnels partage un certain nombre de ces mythes ou de ces préjugés-là. C'est pour ça que la première chose qu'on réclame, c'est que l'ensemble du personnel impliqué, agent de probation, agent de... l'ensemble du personnel des services correctionnels comme des milieux policiers et du milieu de la justice doivent avoir une formation adéquate sur la question de la problématique des agressions sexuelles, pour pouvoir mieux repérer de quoi il est question, pour pouvoir mieux évaluer les risques de récidive et la criminalité particulière que ça représente.

Parce qu'un agresseur sexuel n'est pas forcément quelqu'un qui est dans le milieu criminel, n'est pas forcément... il peut être considéré comme... Ça peut être votre voisin, votre père, votre ami, qui par ailleurs n'a jamais commis d'autre acte, ne fait pas du vol à l'étalage, ne fera pas d'autres types d'agression. Parce que là on ne parle pas d'agresseurs sexuels à répétition ou de prédateurs, on parle de personnes qui commettent des agressions dans un contexte de relations courantes. Et ces personnes-là ne sont pas forcément considérées comme représentant des dangers pour l'ensemble de la société. Ça fait que notre première recommandation, elle va surtout dans le sens de dire: Le personnel impliqué dans l'évaluation des contrevenants à l'intérieur, dans le cas d'agressions sexuelles, doit être formé sur cette problématique-là de façon beaucoup plus adéquate pour être à même de repérer les risques, les potentialités aussi de réhabilitation. Je passe le micro à ma collègue.

Le Président (M. Gautrin): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Carole): Oui. Je vais me faire concise.

Le Président (M. Gautrin): Non, ne vous inquiétez pas, tout fonctionne automatiquement.

n(16 heures)n

Mme Tremblay (Carole): O.K., merci. Michèle Roy vous a fait part des principes généraux qui font un peu défaut. Je vais insister un petit peu plus sur ce qu'on considère être les outils qui manquent, finalement, pour mettre en oeuvre la loi.

On vous l'a probablement déjà dit, d'autres avant moi, on apprécierait voir arriver une définition du mot «victime» dans la loi, parce que ça peut couvrir un ensemble de personnes qu'on ne retrouve pas ici. Notamment, nous, ce qu'on privilégierait, par exemple, c'est que ce ne soit pas juste la personne qui a subi l'agression, mais que ça puisse couvrir également le conjoint, les proches, les membres de la famille et les représentants légaux.

Il faudrait également que la loi inclue ? Michèle l'a un peu introduit ? l'obligation d'informer les victimes. Alors, l'obligation d'informer les victimes des dates de sortie et des conditions de libération doit reposer sur une base plus solide que celle d'utiliser toutes les mesures raisonnables pour les rejoindre que l'on retrouve aux articles 102 et 162. Cette obligation, donc, doit être augmentée. Elle doit également reposer sur l'engagement d'outiller les victimes qui changent d'adresse afin qu'elles sachent quelle démarche entreprendre pour être entendues et pour être informées par les services correctionnels. Selon nous, cet outil devra être élaboré en impliquant les organismes qui offrent aide et soutien aux victimes et il devra être disponible facilement.

Introduire l'obligation d'informer les victimes est un prérequis pour permettre à celles-ci de se faire entendre dans le cadre de la procédure gérée par le système correctionnel. Cependant, même ce droit d'être entendu n'est pas entièrement reconnu dans l'avant-projet de loi. Pourtant, en matière d'agression sexuelle, cette nécessité d'entendre la victime s'impose d'autant plus ? comme Michèle vous l'a un peu dit tantôt ? que les chefs d'accusation portés sont souvent réduits, ce qui a un impact sur la sentence et, en bout de ligne, sur l'évaluation de la dangerosité de l'individu qui est reconnu coupable sur des faits moins graves que ceux qui se sont réellement produits. Donc, pour nous, cette situation-là met de l'avant qu'il faut absolument que les victimes soient entendues lorsqu'elles le désirent.

Nous soutenons que le droit d'être entendu n'est pas entièrement reconnu par les articles 102 et 162 qui permettent au décideur, le directeur de l'établissement ou la Commission, là, de fournir uniquement des renseignements qui concernent des décisions qui sont déjà prises et sur lesquelles la victime ne pourra plus se faire entendre. Par conséquent, les articles 102 et 162, de la façon dont on les lit, ont pour effet de rendre inopérante l'obligation d'entendre la victime, que l'avant-projet de loi tente d'introduire aux articles 101 et 161, ce qui demande une réécriture pour clarifier cette situation-là.

C'est la même chose pour ce qui concerne l'article 49, lequel ne fournit pas à la victime la garantie que son point de vue, même écrit, sera pris en compte par le directeur de l'établissement de détention.

Toujours dans la catégorie des outils manquants, la nouvelle loi devrait reconnaître que la victime a également le droit de recevoir des informations au sujet notamment... les raisons et les critères sur lesquels le décideur s'appuie pour autoriser une sortie ou une libération. On parle ici d'un accès aux décisions écrites du directeur de l'établissement ou de la Commission. On parle aussi qu'elle devrait avoir accès, être informée des manquements aux conditions de libération ou de sortie, du lieu de résidence que choisit la personne qui demande à être libérée.

Également, afin de ne pas induire de fausses attentes par rapport aux éléments sur lesquels la victime peut être entendue, la loi devrait expressément prévoir et nommer ce sur quoi la victime peut fournir des renseignements. À cet effet, par exemple, la victime devrait pouvoir s'exprimer sur l'impact du crime, ses craintes par rapport à la libération ou à la permission de sortir, les conditions qui devraient être attachées à l'autorisation de sortir ou à la libération ainsi que les faits nouveaux qui pourraient interférer sur une demande de permission, c'est-à-dire quand la femme, par exemple, a subi une forme d'intimidation ou autre forme... que ce soit par personne interposée... de l'accusé qui est en prison, ou autre.

La loi pourrait aussi prévoir des mécanismes de nature à rehausser la confiance des victimes dans la procédure correctionnelle. Pour y arriver, toutefois, le gouvernement et ses ministères doivent faire montre d'innovation et de plus de conviction financière. Voici quelques éléments d'ajouts qui nous apparaissent réalisables.

Un, pour permettre aux victimes de participer réellement à l'évaluation de la personne incarcérée avant sa libération, la loi devrait être bonifiée... pourrait être modifiée par quatre éléments.

Un, comme au fédéral, il devrait être possible aux victimes de présenter une déclaration verbale à l'audience. Cela favoriserait notamment l'inclusion des personnes analphabètes qui s'expriment difficilement par écrit et les néo-Québécoises.

La loi devrait prévoir un mécanisme pour que soit automatiquement acheminée la déclaration de la victime du dossier de la Cour à celui des services correctionnels. Lorsque la victime n'a pas complété cette déclaration, on pourrait lui fournir l'opportunité de le faire si elle le souhaite. Si elle a fait une déclaration verbale au tribunal, celui qui est à l'origine de la sentence, la déclaration verbale devrait être retranscrite et transmise au dossier des services correctionnels.

Troisièmement, la création d'un outil expliquant aux victimes la marche à suivre pour obtenir les renseignements, se faire entendre ou pour simplement se démêler dans les dédales du système judiciaire nous apparaît un incontournable, comme on l'a défini tout à l'heure.

Il faudrait également ? c'est un élément sur lequel on tient beaucoup ? prévoir un délai de transmission formel et suffisant pour que la victime puisse réellement faire entendre ses préoccupations. Selon nous, si les articles 101 et 161 sont adoptés tels quels, avec les mots «en tout temps», ils risquent d'occasionner des problèmes d'admissibilité et de recevabilité de la déclaration de la victime.

J'en ai pour à peu près deux petites minutes encore.

Le Président (M. Gautrin): Allez-y, madame, mais soyez consciente que le temps s'est écoulé. Mais, enfin, si vous voulez... Non, non, mais, si vous pouviez synthétiser votre pensée... Je ne voudrais pas non plus vous...

Mme Tremblay (Carole): Oui, certainement. Alors, ce qu'on privilégie à l'article 101 et 161, finalement, c'est de s'assurer que la preuve que la victime voudra faire entendre sera admissible, parce qu'on connaît la nécessité de divulguer la preuve aux accusés avant l'audience.

On demande aussi, au niveau financier, que ? et je pense que vous avez dû l'entendre beaucoup ? qu'il y ait plus d'effectifs et de ressources pour assurer le suivi et l'encadrement des personnes libérées ainsi qu'une procédure claire en cas de manquement. Actuellement, il est prévu que les divers agents des services correctionnels sont considérés comme des agents de la paix et peuvent intervenir en cas de manquement. Est-ce auprès d'eux ou auprès des policiers que la femme en danger, suite à un bris de conditions, peut s'adresser en cas de problème pour sa sécurité? La loi n'est pas claire, et les femmes ne savent toujours pas où s'adresser. Est-ce qu'on doit déduire de la loi, notamment de l'article 53 et 146, que, le policier étant informé par les services correctionnels en tout temps, maintenant elle peut s'en remettre au policier? Là non plus, la loi n'est pas claire, et ce n'est pas aidant pour les victimes qui essaient de s'en remettre à cette procédure-là.

Alors, je l'ai un peu dit tout à l'heure, un investissement dans les programmes de réhabilitation et quelque chose de spécifique lorsque le crime est de nature... à caractère sexuel. Le contenu des programmes spécifiques pour eux devrait être élaboré en impliquant les ressources d'aide qui viennent en aide aux victimes. On voudrait aussi...

Le Président (M. Gautrin): Je pense que votre temps est vraiment plus qu'écoulé.

Mme Tremblay (Carole): Oui. Alors, je termine simplement en demandant que le principe de protection de la société, qu'on essaie d'introduire un peu comme le principe prédominant... pourtant n'est pas nommé à tous les articles de loi, à 169 ni à 178 qui pourtant nomment les mandats et les responsabilités du Conseil des pratiques correctionnelles et les responsabilités du ministre. Alors, on rappelle qu'en vertu de ces mandats-là c'est eux qui sensibilisent la population et qui l'informent.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, Mme Tremblay. Pour commencer la période d'échange, je passerai la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.

M. Jutras: Oui. Bonjour, mesdames. Merci de votre présentation. En premier lieu, je veux revenir sur une affirmation qui est contenue à la page 9 de votre mémoire quand vous parlez de la clientèle, là, dans les prisons, mais quand, à la fin de ce paragraphe-là, vous dites: «Nous croyons que le système judiciaire et pénitentiaire fait encore souvent preuve de discrimination, de sexisme et de racisme. Ce que nous désapprouvons totalement.» Je pense que, oui, ça, tout le monde désapprouve ça. Mais sur quoi vous vous basez pour dire ça? Parce que je trouve que l'affirmation, elle est lourde.

Mme Roy (Michèle): Je pense qu'il y a déjà, notamment, des gens...

Le Président (M. Gautrin): Madame?

Mme Roy (Michèle): Pardon. Roy.

Le Président (M. Gautrin): Mme Roy.

Mme Roy (Michèle): Oui. Je pense qu'il y a déjà, notamment, des analyses qui ont été faites par... notamment, je dirais, par des juges, même de la Cour suprême, qui ont avancé des affirmations en ce genre-là, par rapport, par exemple, à la place vraiment très importante qu'occupent les autochtones dans les milieux policiers, par rapport à la forme de discrimination qui s'exerce contre les femmes, contre certains types de criminalité qui touchent les femmes, et tout. Ce n'est pas une affirmation... C'est vrai que c'est une affirmation qui est lourde, qui est lourde de sens et lourde de conséquences aussi pour beaucoup de gens, mais je pense qu'elle est appuyée par un certain nombre de recherches et de déclarations. La juge L'Heureux-Dubé a déjà fait des déclarations dans ce sens-là, et Mme Wilson aussi, si j'ai bon souvenir, après analyse du système judiciaire et carcéral, par exemple à la prison de Kingston, et tout ça. Je pense que ce n'est pas... Si vous voulez qu'on détaille ça plus long, on pourrait vous faire parvenir les sources plus en détail.

M. Jutras: Bien oui, j'aimerais ça.

n(16 h 10)n

Mme Roy (Michèle): Puis on peut se rasseoir et en parler plus en longueur.

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme Roy, si vous voulez faire parvenir à la commission...

M. Jutras: J'aimerais ça, parce que...

Le Président (M. Gautrin): ...les informations pertinentes, le secrétaire de la commission se fera un plaisir de les redistribuer aux membres de la commission.

Mme Roy (Michèle): O.K.

M. Jutras: C'était un premier point.

Deuxième point. Quand vous parliez des droits de la victime, et il en a été beaucoup question devant la présente commission dans le cours de nos travaux, vous parliez, entre autres, de certaines conditions, de quatre conditions qui devraient être respectées, entre autres la déclaration verbale. Bon, ça, je pense qu'il y aura possibilité de donner suite à ça, je ne pense pas que ce soit un problème. Mais, cependant, je voulais porter à votre attention qu'il y a une de vos craintes, là ? déjà, vous pouvez la dissiper ? quand vous dites: Il y aurait lieu que la déclaration de la victime soit acheminée aux ASC, aux agents de services correctionnels. Alors, ça, le problème, il n'existe pas parce qu'à l'article 24, l'alinéa 5, on prévoit déjà que feront partie du «contenu du dossier dont disposent les Services correctionnels les renseignements et les documents contenus au dossier de la Cour, la déclaration de la victime, le précis des faits et le sommaire de police». Alors, ça fait déjà donc partie du dossier qui sera constitué.

Bon. Maintenant, mais toujours sur cette lancée-là, parce que je suis sensible à cette question-là, des droits de la victime, vous nous avez parlé aussi de programmes d'information, et vous n'êtes pas les premières d'ailleurs à nous parler de ça, le Regroupement des maisons d'hébergement aussi nous a parlé de la question de la violence conjugale, à quel point c'est particulier, qu'il y a une dynamique différente qui se développe là. Mais, en référant aux articles 101 et 102, est-ce que vous allez au-delà de ça relativement aux droits des victimes? Et, entre autres, là, ce que vous représentez essentiellement, ce sont des femmes qui sont victimes d'agressions sexuelles. Est-ce qu'il y a d'autres recommandations que vous voulez nous faire par rapport à ça? Et de un.

Et de deux. Je ne sais pas si vous avez entendu ce que le groupe MADD est venu nous représenter, vous savez, les Mothers Against Drunk Driving, Les mères contre l'alcool au volant, qui nous parlait d'expériences faites de rencontres de victimes avec leur agresseur. Alors, je ne sais pas si, en ce domaine, vous avez eu l'occasion de développer une certaine expertise, à ce chapitre, si vous avez tenté des expériences dans ce domaine-là, et qu'est-ce que vous en dites?

Le Président (M. Gautrin): Qui répond? Mme Tremblay? Mme Roy.

Mme Tremblay (Carole): Je vais répondre en partie.

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Carole): Oui, merci. Quand vous faites référence à la transmission qui est prévue de la déclaration de la victime, je pense que, quand on mentionne, par exemple, à l'article 49, que le... il y aura transmission, s'il y a lieu, des représentations de la victime auprès du directeur de l'établissement, pour nous, ça ne couvre pas l'automatisme auquel vous faites référence, qu'il y aura transmission.

Le deuxième article sur lequel je voulais intervenir, vous nous demandez si on a des particularités à faire valoir plus pour les articles 101 et 102. Je pense que, minimalement, au début de l'article 102, lorsqu'on dit qu'«il doit prendre toutes les mesures raisonnables», ça devrait peut-être... peut-être qu'on pourrait remplacer le mot «raisonnables» par «les mesures nécessaires». Au fond, on aurait l'impression au moins qu'il y aurait une tentative de renforcer, une volonté de renforcer.

Le troisième aspect...

Le Président (M. Gautrin): La question sur la rencontre avec victime et agresseur. Mme Roy.

Mme Roy (Michèle): Je pense qu'il y a quelque chose. On souhaite qu'effectivement les victimes puissent être entendues, mais, en même temps, on est très conscientes que beaucoup de femmes ne souhaitent pas se retrouver de nouveau face à leur agresseur et que c'est pas, non plus, uniquement une situation individuelle. Très souvent, une personne qui a agressé a agressé plusieurs femmes. Elle va peut-être être incarcérée pour une agression, mais c'est rare que c'est une seule situation qui s'est passée, et qu'il y a une seule victime qui est impliquée. Mais elles ne vont pas toutes porter plainte. On dit que les victimes d'agression sexuelle portent plainte dans à peu près 6 % des cas.

Par ailleurs, on ne veut pas non plus faire porter le poids de la rééducation sur les victimes. Oui, c'est vrai que, dans certains cas, des personnes qui ont été informées directement par leurs victimes des conséquences, de l'impact dans leur vie, de ce que ça a transformé, de la crainte qui s'installe, de toutes sortes d'autres impacts au niveau de leur capacité de retourner au travail, des relations avec leurs enfants, etc., il y a beaucoup de choses qui, souvent, se dégradent dans la vie des femmes suite à une agression sexuelle. Quand les hommes qui ont commis ces agressions-là y sont sensibilisés, c'est vrai que, dans certains cas, ça provoque des remises en question. Mais je ne pense pas qu'il faut penser ça uniquement en termes de processus individuel d'un agresseur à une victime, parce que beaucoup de femmes refuseraient ça, et je les comprends beaucoup, parce qu'elles ont déjà été tellement affectées par ce qui leur est arrivé qu'on ne doit pas, en plus, leur demander de faire l'étape de rééducation et de sensibilisation. Celles qui veulent le faire, qui sont prêtes à le faire, d'accord, mais je pense qu'il faut penser d'autres mécanismes de rééducation beaucoup plus larges puis dans lesquels... Puis ça, il y a des contenus, il y a des formations possibles, il y a de la recherche aussi à établir par rapport à ça, bien sûr, mais je ne mettrais pas systématiquement ça comme une mesure... et surtout pas le poids sur les victimes de se dire: Si tu as refusé de le faire, si le gars, il ne change pas, c'est parce que, toi, tu n'as pas voulu le rencontrer pour lui faire comprendre ton problème. Ça, c'est vraiment trop lui demander, je pense.

Le Président (M. Gautrin): M. le ministre.

M. Jutras: Ça va.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'il y a des parlementaires ministériels qui ont des questions? Dans ces conditions-là, je passerais la parole à M. le député de Saint-Laurent, au nom de l'opposition officielle.

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Mme Roy, Mme Tremblay, bonjour. Bien des affaires que je veux discuter avec vous, mais j'ai besoin que vous m'établissiez des petites choses avant.

Dites-moi une chose. Lorsqu'une personne est victime d'agression sexuelle, tant que... D'abord, il y a une chose qui m'a frappé, vous dites: 85 % des victimes connaissent leur agresseur ou ont un lien avec leur agresseur, hein. Bon, O.K. Là, je le prends pour acquis. Je ne le discute pas, je le prends pour acquis. Est-ce que vous savez... Avez-vous des statistiques sur le taux de récidive... une fois que l'agresseur a été arrêté, condamné à purger une sentence, quelle qu'elle soit, le taux de récidive à l'égard de la même victime? Est-ce que c'est rare qu'il récidive dans ces cas-là? Là, je sais bien qu'il y a des agressions sexuelles répétées, là, il y a des agressions sexuelles qui peuvent durer pendant des années. Mais, une fois qu'on a arrêté la personne et qu'on l'a fait condamner, est-ce qu'il y a un gros taux de récidive ou peu de récidive?

Le Président (M. Gautrin): Mme Roy.

Mme Roy (Michèle): Si vous me posez la question par rapport au taux de récidive avec la même personne...

M. Dupuis: Oui, c'est ça que je veux dire.

Mme Roy (Michèle): ...je ne pense pas que ce soit très élevé.

M. Dupuis: Bon, O.K.

Mme Roy (Michèle): Mais, face à d'autres victimes, oui.

M. Dupuis: Bon. Moi, j'ai la même impression, mais, évidemment, dans mon cas, c'est une... Excusez-moi. Moi, j'ai la même impression que vous, mais, moi, dans mon cas, c'est une impression, alors que vous, puisque c'est un sujet qui vous préoccupe quotidiennement, je prends pour acquis votre réponse et je confirme l'impression que j'avais. Et là je me dis... Oui, allez-y.

Mme Roy (Michèle): Je veux juste vous faire une précision. Quand je parle de récidive...

Le Président (M. Gautrin): Madame.

Mme Roy (Michèle): ..je ne parlerai pas de la possibilité qu'il y ait de nouveau du harcèlement, des menaces, de l'intimidation. Ça, par exemple, c'est assez fréquent.

M. Dupuis: O.K.

Mme Roy (Michèle): Mais qui passe à un acte d'agression sexuelle de nouveau, ce n'est pas...

M. Dupuis: O.K. Et puis tout est relatif, puis il n'y a pas de règle d'or, puis... Bon. On n'est pas dans une boîte où il y a des règles rigides dans notre discussion. Mais, et là je reviens à une affirmation que vous avez faite en début, et ça me rend triste un peu quand vous dites: Vous savez, il y a beaucoup, beaucoup de gens, beaucoup de femmes ? vous avez dit «des femmes» ? qui sont victimes d'agressions sexuelles qui ne les dénoncent pas parce qu'elles n'ont pas confiance dans le système judiciaire ou dans le système correctionnel. Attendez un petit peu, Mme Tremblay, vous allez pouvoir parler, vous allez voir. Vous n'êtes pas les seules à avoir dit ça. Le Regroupement des victimes de violence conjugale a dit exactement la même chose que vous, mais, moi, je ne l'ai pas relevé, parce qu'on n'a pas eu le temps, là, mais ça m'a frappé quand elles l'ont dit.

Ça veut dire, ça, que le système judiciaire, d'une part, et le système correctionnel, mais en secondaire ? le système correctionnel ? a des manques importants qui font en sorte qu'il ne réussit pas à créer chez les victimes potentielles, ou les victimes, un sentiment de confiance, première chose. Deuxième ? puis, après ça, je vais vous laisser parler, inquiétez-vous pas, là ? quand vous dites: Nous autres, on voudrait que, dans l'avant-projet de loi sur le système correctionnel, il y ait une obligation qui soit faite pour aviser les victimes de la date d'audition, par exemple, ou d'un octroi d'une libération conditionnelle pour qu'on puisse venir faire des représentations, moi, là, j'ai eu l'occasion de le dire hier, ça sonne encore dans mon esprit comme: le système judiciaire a manqué son coup. Parce que, si la victime éprouve encore le besoin de venir faire des représentations au moment de la remise en liberté, c'est qu'il y a quelque chose qu'elle n'a pas dit en quelque part, avant dans le processus ? avant ? qu'elle veut venir dire.

Avec Mme Gaudreault, on a eu une discussion hier, et je disais: Pourquoi elles veulent se faire entendre aux libérations conditionnelles? Sauf toutes les raisons de sécurité de votre personne, pourquoi veulent-elles se faire entendre devant les libérations conditionnelles? Puis la réponse de Mme Gaudreault, je résume, tu sais, ce n'est pas exact, mais ça a été: Bien, elles veulent venir exprimer leur frustration, elles veulent venir exprimer leur colère, elles veulent venir exprimer un certain nombre d'émotions qu'elles ont, qu'elles n'ont pas pu être capables d'exprimer dans le processus en amont qui est celui du système judiciaire. Alors, moi, je veux savoir de vous autres: Qu'est-ce que le système judiciaire pourrait faire de mieux qu'il ne fait pas actuellement qui ferait en sorte que, en arrivant au stade du correctionnel, vous ne sentiez pas cette obligation de venir encore vous faire entendre? Là, je me tais.

n(16 h 20)n

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme Tremblay ou Mme Roy.

M. Dupuis: Et de s'assurer que vous avez votre mesure de justice, à ce moment-là, sans encore sentir le besoin de venir témoigner. Puis je ne vous le reproche pas là, mais...

Le Président (M. Gautrin): Mme Tremblay ou Mme Roy?

Mme Tremblay (Carole): Bien, je peux répondre en partie.

Le Président (M. Gautrin): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Carole): Oui, merci. Quand vous posez la question ? et vous dites en avoir débattu avec d'autres personnes avant nous: Pourquoi les femmes ressentent le besoin de venir discuter avec le système correctionnel? c'est pour s'assurer que cette personne-là ne recommencera pas. Il faut, je pense, perdre de vue un préjugé généralement reconnu que les victimes font tout ça pour se venger ou pour qu'il reste en dedans et qu'il soit réprimé le plus possible. Je pense que c'est de s'assurer pour sa propre sécurité et celle... En général, c'est ce qu'on entend beaucoup quand on intervient auprès des victimes: Je ne veux pas qu'il recommence, c'est pour ça que j'ai porté plainte. Et la minorité ? on sait que c'est moins de 10 % ? porte plainte beaucoup pour ce motif-là: Je ne veux pas qu'il recommence, qu'il fasse ça à quelqu'un d'autre. Ça fait que, moi, je pense que, s'il y a un élément que je retiendrais principalement...

Ce qu'on souhaiterait que les victimes... On a tendance à dire dans les CALACS que, tant qu'il n'y aura pas des changements structurels importants au niveau du fonctionnement du système judiciaire, on ne pourra pas faire la promotion d'un dépôt de plainte à tout prix, on ne pourra pas faire... Je vais vous donner simplement un exemple qui touche moins peut-être le système correctionnel, mais, par exemple: Comment voulez-vous qu'on amorce une démarche avec une victime pour l'amener à porter plainte quand on sait que, par ailleurs, plusieurs d'entre elles pourraient se retrouver dans la boîte à témoins en train de se faire contre-interroger directement par l'agresseur? On sait qu'il y a des exceptions au Code criminel qui interdisent cette situation-là, mais ce n'est pas toujours le cas, et les femmes peuvent encore se retrouver dans des situations comme ça et, pour nous, c'est inacceptable, et c'est des changements structurels de cette nature-là qui font que... Et, bon, dans l'ensemble, ce qu'on souhaite quant à ce que les femmes pourraient dire, et je pense qu'elles l'expriment... elles peuvent l'exprimer généralement sur sentence. Maintenant, les juges ont l'obligation d'offrir à la personne de se faire entendre. Je pense que dans la mécanique... est-ce que ça, ça va nécessairement se retrouver dans le système correctionnel? Je pense qu'il n'y a pas là quelque chose d'évident au niveau de la mécanique et que ça demande un investissement financier relativement important aussi, là.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Est-ce que vous seriez satisfaites du fait que la loi obligerait ? parce que vous l'avez mentionné dans votre témoignage, après midi ? par exemple, la Commission québécoise des libérations conditionnelles à recevoir et à prendre connaissance de la déclaration de la victime qui a été faite au moment... ou même du témoignage de la victime qui a été rendu sur sentence?

Je vais vous expliquer pourquoi je le dis, puis je peux me tromper, là, je ne possède pas la vérité, mais, moi, il me semble que l'éloignement avec l'agresseur bénéficie à la victime. C'est-à-dire que, si elle a eu l'occasion de dire tout ce qu'elle avait à dire sur sentence, là, il s'est écoulé du temps, et on présume que l'accusé a été incarcéré parce qu'on parle du système correctionnel là et d'un témoignage devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Il me semble que l'éloignement, si la victime est rassurée, bien sûr, que l'éloignement, c'est bénéfique à la victime. Donc, si vous avez l'occasion de tout dire au moment de la sentence et que la Commission en prendrait connaissance et que vous soyez assurées que la Commission en prend connaissance au moment de la décision de remettre en liberté ou non, il me semble que ce serait un gage.

Parce qu'il ne faut pas oublier une chose: si vous êtes entendues devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles, j'imagine qu'il y a quelqu'un de l'autre côté qui va dire: Moi, je veux le savoir, ce qui... L'accusé, là... le détenu, excusez-moi, il va vouloir savoir ce que la victime est venue dire devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles, et, entre vous et moi, il a le droit de le savoir, parce qu'il a le droit de répondre à ça. Et là, moi, ma crainte, c'est qu'on perpétue une situation qui est potentiellement dangereuse pour la victime. Il ne sera peut-être pas bien, bien content.

Le Président (M. Gautrin): Mme Roy.

Mme Roy (Michèle): Moi, je pense qu'on veut offrir aux femmes qui le souhaitent de pouvoir être entendues à ce moment-là, parce qu'un certain nombre de femmes, effectivement, quand elles sortent du procès, n'ont pas forcément été capables de dire adéquatement, au moment de la représentation sur sentence, comment elles ont vécu les choses, qu'est-ce qui s'est passé, les impacts, et tout ça. Elles sont souvent encore en état de crise, en état de choc, de toutes sortes de choses. Et, dans certains cas, c'est avec le temps et la distance et une certaine... qu'elles sont plus capables de ramasser tous leurs morceaux puis dire: Voilà ce que j'aurais envie de dire maintenant sur ce qui s'est passé, sur les impacts et sur les craintes que j'ai maintenant par rapport à ma sécurité ou celle de ma famille, et tout.

Mais on ne veut pas dire que c'est la seule solution. On a un principe à coeur, effectivement, c'est que les femmes puissent être entendues et être informées aussi, qu'on leur transmette toutes les informations pertinentes. Mais, en même temps, il nous apparaît tout aussi important que le processus d'évaluation, de façon systématique, indépendamment de la présence ou non de la victime et de sa déclaration, soit resserré de façon à comprendre qu'est-ce qui se passe quand un... pourquoi il y a des agressions sexuelles, qu'est-ce qui se passe, comment repérer les choses, comment repérer les faux discours, les excuses, les parades qu'ils peuvent utiliser pour amoindrir leurs gestes, pour dire que ça ne se passera plus, et tout ça.

C'est sûr que je n'ai pas l'impression que c'est l'observation de ce qui se passe en prison qui permet d'évaluer réellement comment un agresseur sexuel agit dans la société, parce que ce n'est pas le même type de mise en contexte, par exemple, et tout ça. L'évaluation et tous les mécanismes de ce que, nous, on appelle rééducation, dans le sens qu'il doit y avoir des programmes, vraiment, qui remettent en question les attitudes, les valeurs, les comportements des personnes qui commettent des agressions sexuelles pour que des choses changent là-dedans aussi, en termes de... Si on agresse une femme, c'est un acte de pouvoir, un acte de contrôle, puis c'est ça qu'ils doivent apprendre, c'est sur... là-dessus qu'ils doivent être responsabilisés, et c'est ça qu'ils doivent changer. Ce n'est pas uniquement la question du témoignage d'une victime qui va faire changer ça. Et on ne veut pas non plus que ça lui mette tout le poids sur ses épaules, je le répète.

Le Président (M. Gautrin): Mme Tremblay, vous voulez rajouter quelque chose?

Mme Tremblay (Carole): Pardon?

Le Président (M. Gautrin): Mme Tremblay, vous voulez faire un commentaire?

Mme Tremblay (Carole): Je déduis de votre intervention, monsieur, que, finalement, quand vous dites que l'éloignement bénéficie à la victime, c'est que vous n'êtes pas en faveur qu'elle fasse des représentations verbales à la Commission comme telle en présence de l'accusé. Est-ce que je déduis bien de votre intervention?

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: J'ai eu l'occasion de dire, et je redis que, à première vue, j'aurais tendance à être favorable à ce que la victime soit avisée de la date d'audition devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles pour qu'elle vienne se faire entendre. Mais j'ai aussi dit aux victimes... au Regroupement des victimes de violence conjugale qu'il restait dans mon esprit un doute, qui était le suivant: Est-ce qu'on ne va pas avoir un effet pervers? Est-ce qu'il ne risque pas d'y avoir un effet pervers? Et donc, c'est ce doute-là que j'essaie de creuser dans mon esprit. Puis, dans le fond, vous êtes les mieux placées pour essayer de me rassurer sur ce doute ou de le grossir, ce doute-là. Je vais continuer à réfléchir sur cette question-là. Mais on va faire des représentations auprès du gouvernement pour des amendements possibles au projet de loi. Puis je veux juste m'assurer que ce qu'on va suggérer, ça rencontre les voeux que vous recherchez, mais qu'il n'y ait pas d'effet pervers.

Le Président (M. Gautrin): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Carole): Merci. On ne privilégiait pas la présence systématique de la victime mais bien selon son choix.

M. Dupuis: À sa discrétion.

Mme Tremblay (Carole): Oui, à sa discrétion. Et qu'on lui ouvre la porte, au fond, et qu'on lui dise que c'est possible et que ce n'est pas si... Parce qu'il ne faut pas non plus omettre que les victimes, des fois, dans le processus de reprise de conscience en soi et de pouvoir sur sa vie après qu'elles aient subi un acte criminel... ça peut faire partie d'une démarche de reprise de possession de soi, de participer à l'ensemble. Et ce n'est pas toutes les victimes qui vont refuser et qui vont être doublement victimisées, si vous me permettez l'expression.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Oui. Je termine en disant: Donc, ce que vous dites, c'est: Il devrait y avoir une obligation pour la Commission d'aviser de la date d'audition et une discrétion pour la victime de se faire entendre. C'est ça? O.K.

Une voix: ...

M. Dupuis: Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gautrin): Alors, il resterait un peu de temps aux ministériels, et j'ai le député de Roberval qui m'a demandé de pouvoir poser une question.

n(16 h 30)n

M. Laprise: À la réponse aux questions qui vous ont été posées, vous laissiez entendre que la déclaration de la victime serait importante, elle pourrait même jouer un rôle important au niveau de la réhabilitation de la personne, de l'agresseur. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre réponse que vous avez donnée, en termes... Mettons que le Service correctionnel est obligé de recevoir la déclaration de la victime, ça pourrait, en termes d'évaluation, servir, peut-être, à la rééducation de l'agresseur, indirectement, si vous voulez.

Le Président (M. Gautrin): Mme Roy.

Mme Roy (Michèle): Je pense que ce n'est pas impossible effectivement que des agresseurs mis au courant de l'ensemble des impacts et de la gravité de ces impacts-là puissent faire une prise de conscience et que ça puisse être utilisé comme un des outils de rééducation et de sensibilisation sur la gravité de leur acte puis leur responsabilisation. Ce n'est pas impossible. On ne veut pas que ce soit le seul outil et on ne veut pas que les femmes soient obligées de le faire pour ça. Ça, c'est important aussi. Puis elles doivent bien sûr être informées que ce qu'elles communiquent est toujours remis à l'agresseur ou à son avocat ou à la personne qui le représente. Puis c'est vrai qu'il peut y avoir, dans certains cas, un effet pervers en termes d'augmentation des menaces ou de la violence vers elles. Mais ça, c'est de l'information qu'elles doivent savoir, puis on continue de respecter le principe que l'accusé ou le contrevenant a le droit d'avoir accès à cette information-là aussi.

Le Président (M. Gautrin): Mme Tremblay, vous voulez faire un complément?

Mme Tremblay (Carole): Non, merci.

Le Président (M. Gautrin): Non? Ah! J'avais cru comprendre, à votre langage corporel. Alors, est-ce que vous avez terminé dans vos questions? Ceci étant dit donc, je me permets de vous remercier pour votre présentation. Et nous allons passer... Bon, je dois remercier nos témoins.

Remarques finales

Nous sommes arrivés à la partie de notre ordre du jour qui touchait les remarques finales. Alors, on commencera par les remarques finales du groupe parlementaire formant l'opposition. M. le député de Saint-Laurent.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Alors, «finales» au stade de la consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les services correctionnels est un terme relatif, étant donné que nous aurons l'occasion de nous revoir dans les semaines qui viennent, après l'adoption du principe à l'Assemblée nationale, pour discuter chacun des articles ? s'il n'y a pas d'élection, comme le dit le président ? pour discuter l'article par article du projet de loi. Mais, même s'il y avait élection, j'imagine que le nouveau gouvernement voudrait approfondir la question des services correctionnels, l'ancien ayant tellement mêlé les choses dans ce domaine-là qu'il faudrait revenir et en discuter.

Mais, trêve de plaisanterie, nous allons revenir à l'étude article par article du projet de loi. Moi, je suis assez satisfait du fait qu'il m'apparaît que les groupes qui sont venus en consultation ont eu l'occasion de s'exprimer. En ce qui concerne l'opposition, nous avons tenté de faire en sorte que les messages les plus importants, les messages prioritaires que ces gens-là souhaitaient passer au gouvernement le soient, et nous avons essayé, bien sûr, de permettre aux groupes d'approfondir leur pensée sur un certain nombre de sujets, donc nous en sommes satisfaits.

Bien sûr, nous allons réfléchir à un certain nombre de représentations qui ont été faites, qui nous apparaissent comme étant extrêmement pertinentes. On a réglé un certain nombre de problèmes, là; après-midi, l'article 42, je pense que ça a été réglé assez rapidement. Je souhaite que le gouvernement prenne acte d'un certain nombre de choses qui ont été dites pendant la commission. Quant à nous, nous allons continuer de collaborer avec les gens qui ont fait des représentations et nous allons tenter, bien sûr, de faire en sorte que cette loi qui est importante et que la population regarde avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'intérêt, puisqu'elle concerne des sujets qui sont souvent dans l'actualité, soit la meilleure possible.

Je termine en disant: Il y a un grand absent dans cette consultation générale et c'est la Commission québécoise des libérations conditionnelles qui, si je comprends bien, n'a pas cru bon de venir se faire entendre pour donner son opinion sur l'avant-projet de loi. Pourtant, il y a des dispositions importantes du projet de loi qui la concernent, qui vont gouverner son action dans les années qui viennent, une fois que le projet de loi sera adopté. J'ai eu l'occasion de dire, et je ne m'en suis pas caché, qu'il y avait un certain nombre de dispositions qui m'irritaient considérablement, notamment l'article 165 dont on a parlé, qui, à mon avis, vient restreindre le caractère indépendant et impartial que doit revêtir la Commission québécoise des libérations conditionnelles, et je suis étonné, déçu que les actuelles autorités de la Commission québécoise des libérations conditionnelles n'aient pas cru bon de se faire entendre en commission. Il m'apparaît, à moi, que la Commission québécoise des libérations conditionnelles devrait, au premier chef, devrait s'être posée de sérieuses questions sur ce que le gouvernement voudrait que la Commission québécoise soit à l'avenir. Et je n'en reviens pas que les actuelles autorités de la Commission québécoise n'aient pas cru bon de se faire entendre. Je n'ose pas penser qu'elles n'ont pas voulu se faire entendre pour ne pas répondre à des questions; je n'ose pas penser ça. Et j'aimerais bien, moi, connaître leur opinion sur l'avant-projet de loi. J'aimerais bien connaître leur opinion sur l'article 165 du projet de loi, particulièrement.

Et je répète et je redis, avant de terminer, que l'article 165 du projet de loi fait en sorte qu'il y aura dorénavant un Comité de concertation des Services correctionnels avec la Commission québécoise des libérations conditionnelles, que ce Comité qui siégera sera composé du sous-ministre de la Sécurité publique, le sous-ministre des Services correctionnels et le ou la présidente de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, et que le mandat de ce Comité, entre autres ? entre autres ? c'est de regarder les politiques gouvernementales. Et, moi, il m'apparaît que la Commission québécoise des libérations conditionnelles n'a pas à discuter avec ni le sous-ministre de la Sécurité publique, ni le sous-ministre des Services correctionnels, ni le ministre de la Sécurité publique, des politiques gouvernementales. Je redis qu'il m'apparaît, à moi, que c'est comme si on demandait au procureur de la couronne d'aller s'asseoir avec les juges pour discuter des principes de «sentencing» que les juges imposeront dorénavant. Et, à mon avis, ça, c'est une infraction grave ? à défaut d'employer un meilleur mot ? aux principes d'indépendance et d'impartialité. Et je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres députés de l'opposition qui voudraient faire des remarques finales? Non? Alors, dans ces conditions-là, je passerai la parole à M. le ministre pour les remarques finales au nom... Pardon?

M. Laprise: Est-ce que les députés peuvent parler avant le ministre ou après?

Le Président (M. Gautrin): Écoutez, là, réglez ça entre vous. Qui est-ce qui voudrait faire les remarques finales?

M. Laprise: Je voudrais faire une remarque finale avant ou après.

Le Président (M. Gautrin): Oui, j'ai bien compris, je vais vous donner la parole, mais je pensais que... Vous voulez laisser votre collègue de Roberval avant?

M. Jutras: Il me dit que, avant ou après, ça lui est égal, alors...

Le Président (M. Gautrin): Qu'est-ce que vous choisissez?

M. Laprise: Moi, c'est la première fois que j'assiste à cette commission...

M. Jutras: Moi aussi, ça m'est égal.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Bon. Alors, je vais prendre la décision. C'est moi qui décide. Alors, M. le député de Roberval.

M. Benoît Laprise

M. Laprise: Normalement, le ministre tire les conclusions. C'est pour ça que je voulais m'exprimer avant. Je suis très heureux d'avoir assisté à cette commission-là parce que je pense que c'est un dossier très important. C'est un dossier qui préoccupe beaucoup la population au niveau de... que les gens sont en prison, ils sortent assez régulièrement, il y a des permissions qui sont données. Je pense que ça préoccupe la population et je crois que le projet de loi va nous permettre justement de clarifier certaines situations et de corriger certaines lacunes afin de sécuriser la population face aux sorties qui se font assez régulièrement.

Je tiens quand même à remercier M. le ministre ? c'est la première fois que j'ai à siéger avec lui depuis sa nomination ? à le féliciter. Ça s'est bien présenté, le climat était bon, et j'espère que l'étude du projet de loi va se faire dans la même option, afin de donner à ce projet de loi là le maximum de rendement possible afin de sécuriser davantage la population. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le député de Roberval. Je passerais la parole maintenant à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, M. le Président, Mmes, MM. mes collègues, mesdames, messieurs, bien, d'abord, dans la foulée de ce que vient de dire mon collègue le député de Roberval, quand le climat est bon et que chacun y met du sien, alors, je pense que tous et chacun, nous sommes méritoires à ce chapitre.

Moi, je dois vous dire que je suis satisfait des travaux de la commission concernant l'avant-projet de loi sur le système correctionnel. Je veux évidemment remercier ceux qui nous ont présenté des mémoires, qui se sont donné la peine d'étudier l'avant-projet de loi et de préparer un mémoire et de venir nous faire des représentations en ce sens. Et, à cet égard, je dois rappeler ? comme je l'ai fait d'ailleurs au début de la présente commission ? la qualité des mémoires qui nous ont été soumis.

n(16 h 40)n

Qu'est-ce qu'on doit dégager de ces deux jours de travaux en commission parlementaire? Il s'est dit beaucoup de choses. Évidemment, ça veut dire que ma réflexion et la réflexion des collègues aussi devra se continuer parce qu'il y a beaucoup de suggestions qui nous ont été faites. Mais je commencerai en citant les représentantes des centres d'aide contre les agressions à caractère sexuel qui nous disaient que, finalement, il nous fallait trouver un juste équilibre entre effectivement ce qu'on appelle ? ce dont on a beaucoup parlé ? la réinsertion sociale, un juste équilibre aussi avec la protection de la société, le respect des droits des victimes, puis j'ajouterai aussi ? parce que, les deux dames, c'est ce qu'elles nous disaient ? le respect des jugements qui sont rendus par nos tribunaux.

Il est clair que la grande majorité des intervenants adhèrent aux principes de l'avant-projet de loi, ceux entre autres que je viens de mentionner: la réinsertion sociale, la protection de la société, le respect des décisions des tribunaux. D'abord, l'inquiétude que ce critère ? parce qu'on en a beaucoup parlé... Est-ce que l'un doit prévaloir sur l'autre, le critère de la protection de la société et, par ailleurs, concernant ce qu'on a appelé la réinsertion sociale? Ce qu'on a entendu, c'est que ce critère de protection de la société, sa prépondérance pourrait empêcher une partie de la clientèle contrevenante de bénéficier de mesures de réinsertion progressive sous la supervision des services correctionnels. Là-dessus, ce que je veux dire, c'est que je crois que la recherche d'une protection accrue de la société ne saurait occulter la principale valeur qui nous guide depuis des décennies, et ce, tant au sein de notre système de justice adulte qu'au sein du système juvénile, soit celle à l'effet qu'une protection durable de la société passe par un soutien actif à la réinsertion sociale progressive des personnes qui sont confiées au système correctionnel. Il faut toujours garder cette valeur en tête pour éviter une approche qui serait exagérément punitive, qui serait basée uniquement sur le contrôle et, par conséquent, sur la protection de la société à court terme.

Des mesures visant la sécurité de la population se doivent d'être les moins restrictives possible pour permettre aux personnes contrevenantes une réinsertion progressive et, par conséquent, une protection accrue de la société. Autrement dit, la modération s'impose en cette matière comme en d'autres quand il est question de justice pénale. Je vais réfléchir, par ailleurs, à la possibilité de tenir compte de cette préoccupation dans l'énoncé du principe de la protection de la société.

Par ailleurs, je ne serai pas exhaustif en regard des principes de l'avant-projet de loi. Je pense que nous devrons également questionner la possibilité d'inclure un énoncé sur les victimes dans l'avant-projet de loi. Présentement, on y retrouve quatre articles, mais il faudra, je pense bien, aller davantage dans le détail.

Une autre des préoccupations véhiculées au cours de nos travaux concerne le respect des droits fondamentaux des personnes contrevenantes. Vous vous rappellerez que c'est une suggestion qui nous venait, entre autres, de la protectrice du citoyen. Je pense que la prépondérance de la protection de la société ne nous soustrait pas, effectivement, à l'importance de rechercher un équilibre entre le besoin de sécurité de la population et le respect des droits fondamentaux des personnes contrevenantes. Il serait peut-être pertinent d'introduire effectivement, aussi, dans les principes, cette question du respect des droits fondamentaux, de l'inclure effectivement dans l'article 1.

Il se dégage également un consensus à l'effet que les objectifs de rigueur, de transparence et de cohérence qui sont recherchés par l'avant-projet de loi sont bien traduits. L'introduction dans la loi des motifs, des critères d'octroi, des procédures ainsi que des pouvoirs et devoirs des directeurs d'établissements de détention est perçue comme un élément majeur de la réforme proposée. C'est également le cas du transfert de responsabilités à la Commission québécoise des libérations conditionnelles pour les personnes sentencées à une peine de six mois et plus. Ce transfert est accueilli positivement par plusieurs, qui y voient un élément susceptible de favoriser la crédibilité et la cohérence du système correctionnel. Alors, le fait que nous nous retrouvions avec les deux instances: les Services correctionnels qui auront à gérer les sentences de moins de six mois et la Commission québécoise des libérations conditionnelles qui aura, elle, à gérer les sentences de six mois et plus...

Le maintien des mesures d'élargissement avant le terme de la peine est également reçu positivement. Les intervenants comprennent bien l'importance du maintien de ce privilège pour assurer une réinsertion sociale progressive. Certains souhaitent même un recours accru à ce privilège pour les plus courtes peines.

Je suis sensible aussi aux commentaires à l'effet qu'il n'existe aucune mesure intermédiaire entre la permission de sortir à des fins de réinsertion sociale et la libération conditionnelle. Cela, effectivement, peut risquer de priver une partie de la clientèle des sorties progressives supervisées par les Services correctionnels du Québec. Nous allons donc analyser attentivement les nombreuses suggestions visant à bonifier le nouveau régime de libérations.

Les représentants des aumôniers en détention, des animateurs de pastorale ont prêché, sagement d'ailleurs, l'introduction d'autres permissions de sortie pour les personnes contrevenantes. Je vais réfléchir aussi à ces suggestions qui nous ont été faites. Plusieurs intervenants ont fait ressortir l'importance d'introduire, dans le mandat des Services correctionnels du Québec, l'obligation d'évaluer les personnes qui leur sont confiées. Une bonne évaluation est essentielle pour prendre de meilleures décisions dans l'administration de la peine. On nous a dit d'ailleurs, en réponse à une question du député de Saint-Laurent, que si on devait accorder une priorité quant aux nouvelles ressources, où devrait-on les mettre, et on s'est fait répondre plus d'une fois que c'était effectivement au niveau des évaluations.

L'octroi d'une permission de sortir ou d'une libération conditionnelle. Tous sont conscients que la qualité de l'évaluation dépend en grande partie de l'accessibilité aux renseignements concernant la personne contrevenante. Encore là, un autre enjeu important se présente à nous, soit la recherche d'un équilibre délicat entre le respect de la vie privée et la protection de la société. À ce sujet, je tiens à vous faire part de l'appréciation de la position favorable de la Commission d'accès à l'information du Québec, qui, dans le cadre des rencontres intervenues sur le sujet avant la présente commission, a émis l'avis que l'avant-projet rencontre cette exigence d'équilibre entre ces deux principes, soit le respect de la vie privée et la protection de la société.

Je suis aussi très sensible aux préoccupations véhiculées dans le cadre des travaux de la commission au regard de la nécessité de prendre en compte, dans l'évaluation, non seulement le risque de récidive, mais également le potentiel de réinsertion sociale. En fait, c'est une question de cohérence avec nos valeurs axées sur la réinsertion sociale et la protection durable de la société.

La constitution d'un dossier unique et continu ainsi qu'une meilleure circulation de l'information entre les acteurs du système correctionnel sont également bien accueillies. Il s'agit là aussi, à mon avis, pour l'avenir, d'un outil essentiel.

Concernant les victimes et les personnes contrevenantes, nous allons étudier les suggestions relatives à l'information à leur transmettre, avec cette préoccupation de maintenir l'équilibre entre le respect de la vie privée et la protection de la société. Concernant les victimes, je crois qu'il est pertinent de réfléchir à la possibilité d'élargir les informations à leur transmettre. Par ailleurs, je crois percevoir un consensus à l'effet que l'avant-projet devrait cibler les victimes en fonction d'un certain nombre de délits contre la personne, tels ceux reliés à la violence familiale et à l'agression sexuelle.

La section de l'avant-projet de loi énonçant les responsabilités de la personne incarcérée a été bien accueillie. Toutefois, plusieurs intervenants ont formulé des suggestions relatives à la réduction de peine, entre autres concernant son mécanisme d'application. Soyez assurés que ces suggestions seront analysées attentivement.

Le milieu communautaire reconnaît l'avancée réalisée par l'introduction d'un chapitre complet sur les organismes communautaires. Il s'agit d'un pas important dans la concrétisation des engagements du ministère de la Sécurité publique dans le cadre du chantier de l'économie sociale et de l'entente-cadre signée en 1997, laquelle entente-cadre faisait référence, d'ailleurs, au milieu du service correctionnel. L'avant-projet va contribuer à l'atteinte du but visé qui est d'assurer la consolidation, tout en supportant le développement des organismes communautaires. Par ailleurs, j'entends les craintes exprimées au regard de la contribution des organismes communautaires dans la prestation des services correctionnels. Nous allons analyser aussi attentivement les suggestions qui ont été formulées par rapport à ces inquiétudes. Je crois cependant que l'avant-projet constitue un progrès considérable.

n(16 h 50)n

La diversité des besoins des personnes contrevenantes et la nécessité d'apporter des réponses adaptées constituent la meilleure garantie de la contribution des organismes communautaires. Par ailleurs, vous comprendrez qu'il nous faut également prendre en considération les préoccupations des organisations syndicales qui ont également une vision de leur rôle et de l'évolution de la prestation de services correctionnels. À cet effet, je suis satisfait de constater que personne ne remet en question le fait que les Services correctionnels du Québec doivent assumer la responsabilité légale des personnes qui leur sont confiées. Sur cette base, il est possible de trouver ensemble une solution d'équilibre pour assurer une contribution optimale de chacun. Cette contribution est d'autant plus importante que la tâche d'oeuvrer à la réinsertion sociale des personnes contrevenantes ne peut être confiée en exclusivité aux seules institutions du système correctionnel, comme le soulignait M. Claude Corbo dans son rapport.

Les travaux de la commission permettent de constater que les divers intervenants se sentent concernés par les enjeux et les défis qui se posent au système correctionnel. Je prends donc bonne note des volontés de collaboration qui ont été exprimées par plusieurs groupes. Je pense en particulier à la volonté des policiers municipaux, appuyés par certains intervenants, de pouvoir intervenir dans le cadre de bris de conditions. Il est important que nous poursuivions nos réflexions pour chercher une solution permettant de concrétiser la collaboration entre les Services correctionnels du Québec et les corps policiers, entre autres, notamment, ce qui nous a été mentionné concernant le fait de détenus qui se retrouvent en liberté et qui ne respecteraient pas les conditions de leur remise en liberté.

Dans cette perspective, il n'est pas étonnant de constater l'accord des intervenants à la mise en place d'un Conseil des pratiques correctionnelles du Québec. Pour ce qui est de la mise en place du Comité de concertation des services correctionnels et de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, des inquiétudes ont été soulevées en regard de l'indépendance de la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Je crois qu'il est essentiel de prendre toutes les précautions pour assurer l'indépendance des membres de la Commission. Cela ne doit pas nous empêcher de mettre en place ce mécanisme de concertation en vue, principalement, de favoriser la communication et les échanges permettant d'établir la nécessaire collaboration dans la mise en oeuvre de nos mandats respectifs. Je rappelle qu'il s'agit là d'une des recommandations majeures de M. Corbo qui a identifié dans son rapport un certain nombre de problèmes dans les relations entre les deux organisations. Je crois que le système correctionnel, les personnes contrevenantes et, par conséquent, la population en sortiront gagnants.

Enfin, vous comprendrez que je fasse ressortir une préoccupation qui a été véhiculée par plusieurs intervenants et intervenantes, soit la disponibilité des ressources pour concrétiser les mesures contenues dans cet avant-projet de loi. Il s'agit là d'une préoccupation effectivement très pertinente pour la mise en oeuvre des changements à la base de la réforme du système correctionnel.

En terminant, je tiens à remercier à nouveau toutes les personnes et les organismes qui ont participé à cette commission parlementaire. Je remercie également mes collègues les députés du groupe ministériel, les députés de l'opposition ainsi qu'évidemment vous-même, M. le Président, pour l'excellent travail que vous avez fait au cours des deux derniers jours.

Nous venons de franchir une étape importante dans l'entreprise conduisant à la réforme en profondeur du système correctionnel. Les résultats de cette étape me permettront de soumettre un mémoire au Conseil des ministres au cours des prochaines semaines. D'ici là, je vous invite, l'un et l'autre d'entre vous, si vous avez des suggestions, des remarques, des ajouts par rapport à l'avant-projet de loi, je vous invite à ne pas hésiter à m'en faire part. Alors, les résultats, donc, mèneront à un mémoire au Conseil des ministres au cours des prochaines semaines de manière à ce que l'Assemblée nationale soit éventuellement saisie d'un projet de loi pour adoption dès la session du printemps. Alors, merci.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. le ministre.

Alors, la commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 54)


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