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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 28 août 2002 - Vol. 37 N° 88

Consultation générale sur le document intitulé Mesures visant à instituer un nouveau Code de procédure civile et comportant une proposition quant aux deux premiers livres de ce code


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes ici présentes après ce congé, ces vacances estivales qui, je l'espère, ont été très bénéfiques pour tout le monde parce qu'il s'annonce que la commission des institutions aura encore beaucoup de pain sur la planche au cours des prochaines semaines.

Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le document intitulé Mesures visant à instituer un nouveau Code de procédure civile et comportant une proposition quant aux deux premiers livres de ce code. Et je sollicite la collaboration de tout le monde en cette salle pour la fermeture des appareils avec des sonneries plus ou moins bizarres.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacements annoncés.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, cet après-midi, après les remarques préliminaires des deux groupes parlementaires, nous aurons d'abord le Barreau du Québec, par la suite l'Association du Jeune Barreau de Montréal et, pour terminer notre séance, par des représentants de la Chambre des huissiers de justice du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, j'invite immédiatement le ministre de la Justice à nous faire part des remarques préliminaires que vous avez, j'imagine, avec un maximum de 15 minutes.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Ce sera moins long que 15 minutes. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les membres de la commission, particulièrement à Mme la députée de Bourassa, qui est la vis-à-vis, critique en matière de justice.

Je voudrais également profiter de l'occasion pour vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Brigitte Parent et, à ma droite, Mme Marie-Josée Longtin, de même que, derrière, Me Aldé Frenette que tous les membres de la commission connaissent bien pour l'avoir rencontré assidûment au cours du printemps, une jeune recrue, Me Laurianne Rochefort pour qui c'est la première commission parlementaire ? on va la faire rougir ? et Me Pierre Reid, qui est au cabinet du sous-ministre et qui remplace M. Yves Pleau que plusieurs connaissent depuis longtemps et qui est maintenant devenu le secrétaire général du gouvernement. Alors, son successeur est Me Pierre Reid, ici présent.

n (14 h 40) n

Alors, merci, M. le Président. Nous entreprenons aujourd'hui la phase II de l'important exercice qu'est la réforme du Code de procédure civile. Sans en refaire ici toute l'historique, laissez-moi vous rappeler qu'une révision majeure était nécessaire à ce moment-ci en raison de la diminution progressive et constante des demandes en justice au cours de la dernière décennie. Au mois de juin dernier, j'ai déposé un document intitulé Mesures visant à instituer un nouveau Code de procédure civile et comportant une proposition quant aux deux premiers livres de ce code.

Comme l'essence de la réforme, l'objectif fondamental de ce document, qui est soumis à la consultation publique, est d'établir une justice civile plus rapide, plus efficace et moins coûteuse, susceptible d'améliorer l'accès à la justice et d'accroître la confiance des citoyens et citoyennes dans le système de justice. Bien que le Code de procédure civile soit un outil plus souvent réservé aux praticiens du droit, aux initiés, il est essentiel que la population demeure au coeur de nos préoccupations. Cette commission parlementaire est donc une occasion pour les parlementaires d'entendre vos commentaires sur les principes, les orientations et les enjeux de la phase II de la réforme.

Je vous rappelle que l'élément principal de la première partie de la réforme, le projet de loi n° 54 adopté en juin dernier, réside dans l'établissement d'une procédure introductive d'instance unifiée s'appliquant à la quasi totalité des demandes en justice. Ce modèle procédural unique, recommandé par le Comité de la procédure civile, s'inscrit dans la continuité des modifications majeures adoptées au cours des dernières années. Je me permets de vous rappeler que les trois lignes directrices à la base du nouveau système sont les suivantes: d'abord, la célérité du déroulement de l'instance, en second lieu, la responsabilité des parties et, enfin, une intervention accrue du juge pour assurer le bon déroulement de l'instance. La loi contient également l'essentiel de la réforme en trois autres domaines: l'appel, le recouvrement des petites créances et le recours collectif.

La seconde partie de la réforme qui vous est présentée aujourd'hui introduit un nouveau Code de procédure civile, donc une nouvelle écriture et une nouvelle structure autonome relativement différente et plus cohérente que celle du Code actuel. Le document sécessionnel contient les deux premiers livres de ce nouveau Code et a pour objet de compléter et de regrouper les principes directeurs de la procédure civile, de réviser les dispositions générales du Code portant à la fois sur la compétence et les pouvoirs des tribunaux et des greffes ainsi que sur les règles générales applicables à toute demande en justice. Il a également pour objet de réviser un certain nombre de règles dont notamment celles relatives à la notification et la signification des actes de procédure et aux dépens selon un ordre logique reflétant l'approche nouvelle retenue.

Ce projet intègre par ailleurs dans la structure du nouveau Code projeté les principes et règles adoptés en juin dernier, parfois dans leur essence mais, la plupart du temps, intégralement. Entre autres et de façon générale, il reprend les principes de la proportionnalité des causes de procédure... des actes de procédure utilisés, de la responsabilisation des parties dans tout le processus et de la conduite de l'instance par le juge. Il reprend par ailleurs toutes les règles de la nouvelle procédure introductive d'instance et les adaptations apportées aux divers incidents et aux règles d'administration de la preuve. Enfin, il contient les modifications apportées aux dispositions relatives à la compétence des tribunaux, particulièrement en matière d'appel.

Mentionnons brièvement que, de façon plus spécifique, cette deuxième étape de la réforme peut se diviser en quatre parties: les principes directeurs et les règles générales de la procédure civile, la compétence et les pouvoirs des tribunaux, des juges et des greffiers, les règles de procédure applicables à toutes les demandes et enfin les modifications apportées au déroulement de l'instance, au jugement et au débat.

Outre les principes et règles que je viens de mentionner, le présent projet constitue une réécriture de la première moitié du Code et représente une nouvelle structure plus cohérente et une terminologie modernisée et améliorée.

Voilà, M. le Président, en résumé, l'essentiel du contenu de la seconde étape de la révision de la procédure civile de même que ses liens avec la première étape adoptée en juin dernier.

En terminant, je souhaite que les travaux de la réforme continuent de s'effectuer à la lumière des consultations entreprises auprès des principaux intervenants de la communauté juridique. Je tiens d'ailleurs à remercier toutes les personnes qui ont travaillé à la production des mémoires déposés à l'occasion de cette commission parlementaire.

Nous sommes ici, dans le cadre d'une première consultation, pour recevoir les commentaires sur les principes, les orientations et les grands enjeux de la phase II de la réforme. Je vous remercie donc de votre présence et de votre intérêt. Je tiens à souligner que j'accueillerai avec ouverture les commentaires et suggestions qui me seront faits dans le cadre de cette consultation. Cet exercice me permettra donc de déterminer les orientations en vue d'une deuxième consultation en commission parlementaire, cette fois sur le projet de loi, au cours de la session parlementaire de l'automne. Nous convenons tous que la procédure civile est une matière souvent très technique mais primordiale pour l'ensemble des citoyennes et citoyens du Québec. C'est pourquoi je souhaite que la collaboration des intervenants et des membres de l'opposition continue de se manifester de la même façon qu'elle s'est manifestée lors de nos travaux sur la première partie de la réforme au printemps dernier. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Je vous remercie, M. le ministre. J'invite maintenant la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle pour ses remarques préliminaires. Mme la députée.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous transmettre de nouveau nos salutations de même qu'à M. le secrétaire, M. le ministre également de même que toutes les personnes qui vous accompagnent et nos collègues.

Si vous me permettez, j'aimerais en ouverture porter à l'attention du ministre qu'il aurait été utile ? j'imagine que vous avez l'intention de le faire ? de déposer une table de concordance pour faciliter nos travaux. Ma collègue de Viger s'est risquée à cet exercice assez laborieux, compte tenu des ressources dont on peut disposer. Et, si vous pouviez en mettre une à notre disposition, on l'apprécierait beaucoup, ça nous faciliterait de beaucoup la tâche. Alors...

M. Bégin: Est-ce que vous voulez que je réponde tout de suite? Ce serait peut-être une question réglée.

Mme Lamquin-Éthier: Il commence déjà à être indiscipliné.

M. Bégin: Bien non, mais je vous ne le donnerai pas d'abord. Ha, ha, ha!

Mme Lamquin-Éthier: Dites-nous oui.

M. Bégin: Ah! bien, j'ai un outil de travail qui a été construit par les gens. Il y a peut-être des annotations qu'on pourrait enlever, mais, rapidement, on pourrait vous la fournir. De toute façon, il est évident qu'on aura besoin d'une telle table de concordance pendant un certain temps, puisque nous aurons de toute façon les modifications qu'on a apportées avec le projet de loi n° 54, celles qui pourraient été adoptées, dépendamment de la date d'entrée en vigueur, et ce qui n'aura pas été du tout affecté. Donc, il va falloir qu'il y ait, à un moment ou l'autre, une table de concordance. D'ailleurs, ça existait quand le Code de procédure civile nouveau, qui est celui qui est maintenant en vigueur, a été adopté, on pouvait faire la référence entre les anciens puis les nouveaux articles s'ils existent, bien sûr.

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Bien, c'est parfait.

M. Bégin: Alors, dans les prochains jours, on vous la fera parvenir de manière à pouvoir travailler avec cet instrument-là.

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Bien, merci beaucoup parce que c'est important, on ne l'avait pas.

On a donc quatre mémoires. Et aujourd'hui on va entendre trois premiers groupes, soit le Barreau du Québec, l'Association du Jeune Barreau de Montréal, la Chambre des huissiers de justice du Québec. Et je crois que nous nous retrouverons la semaine prochaine pour entendre la Chambre des notaires. Alors, nous remercions d'emblée tous les groupes qui ont pris le temps et la peine de rédiger des mémoires qui sont extrêmement bien faits et qui sont très utiles parce qu'ils contiennent beaucoup de matière. Le contenu de chacun des mémoires soulève de nombreux points qui sont importants.

J'aimerais pour commencer évoquer rapidement quelques points qui ont été soulevés par le Barreau du Québec qui évoque en ouverture la fragmentation de la réforme. Et je crois que, oui, on peut parler de fragmentation, parce qu'il s'agit d'un document sessionnel qui comporte une proposition quant à deux livres du Code de procédure civile. Et, selon les dispositions finales, il est permis de penser ? et on pourra le vérifier avec le ministre de la Justice ? que le nouveau Code de procédure civile ou ce que l'on devra appeler le nouveau Code de procédure civile, l'application en serait immédiate. Donc, vous comprenez bien que ça soulève un premier point important qu'on reprendra de toute façon plus loin lors de l'étude article par article.

Le mémoire du Barreau soulève également d'autres problèmes ? et je pense qu'il le fait avec raison ? des problèmes de définitions, des problèmes de nouveaux concepts qui seront introduits et aussi des problèmes au niveau du langage. Alors, au niveau des concepts, vous vous rappellerez, pour l'avoir lu, que le Barreau soulève des importations de notion du droit français ? je vois que Me Frenette oscille de la tête; on pourra en discuter plus largement.

Par ailleurs, quand on fait la lecture du document, on ne peut pas nier que ça semble évidemment venir d'ailleurs. Ce qu'on ne sait pas, si c'est... ça fait partie de la culture québécoise du droit, est-ce que la communauté juridique est familière avec ces notions-là et est-ce qu'on connaît bien les impacts qu'elles peuvent entraîner, les problèmes d'interprétation que ça peut soulever?

n (14 h 50) n

Et, évidemment, quand nous intervenons, quand l'opposition intervient, c'est principalement dans le meilleur intérêt du justiciable. On sait que la procédure, elle est servante du droit. On sait que la procédure civile, comme l'a rappelé le rapport Ferland, c'est le véhicule privilégié par lequel un justiciable peut faire valoir le droit substantiel dont il dispose devant les tribunaux. C'est donc important pour ce justiciable-là, ça l'est tout autant pour les intervenants judiciaires de pouvoir se retrouver d'où la nécessité de s'en tenir à une réalité qui est la nôtre, avec laquelle nous sommes familiers et qui est très significative. Et j'attire, à cet égard, l'attention sur une disposition préliminaire où on dit bien que «le Code de procédure civile établit, dans le respect de la tradition du droit civil...» Donc, c'est le respect de la tradition de notre droit civil.

Importer des notions quand on n'en connaît pas exactement le sens, quand on ne sait pas exactement quel questionnement ça va apporter, quels impacts ça va apporter, je pense que c'est... il va falloir qu'on s'arrête pour regarder ça de façon plus particulière. Évidemment, il y a des changements de langage, plus particulièrement au niveau du singulier et du pluriel. Je n'ai pas besoin de revenir là-dessus, je pense que c'est très clair, quand on lit le texte, on observe qu'à l'intérieur d'une même disposition on a deux niveaux de langage. On va aussi faire référence à des réalités qui sont les mêmes, mais on n'emploiera pas toujours des termes qui sont les mêmes ou on va employer des termes qui n'ont pas la même signification. Je pense que le Barreau a été très explicite à ces égards-là.

Évidemment, la Chambre des notaires a également déposé un mémoire fort intéressant. La Chambre des notaires soulève également des problèmes qui sont dus à des incohérences ou à des précisions. Ils abordent de façon plus particulière certaines problématiques qui sont liées notamment à l'accès au dossier, à l'article 41, à l'article 104, à l'article 105, à l'article 159.

Donc, il va être nécessaire de revenir sur les points qui sont soulevés par ces groupes-là qui nous donnent des avis qui sont extrêmement importants et qui ont comme seule préoccupation de bonifier le document qui est devant nous parce que ce n'est pas un avant-projet de loi, et vous avez même dit que vous étiez pour déposer un projet de loi à l'automne. Donc, je pense que ça va être important de prendre connaissance des problématiques soulevées.

La Chambre des notaires, de son côté, aborde avec raison la question de la notification et de la signification. On en avait beaucoup parlé lors de la phase I. Je pense que ça va être important de revenir là-dedans, c'est-à-dire revenir sur ces notions-là. On était très sécurisés anciennement quand on parlait de «signification», parce que, effectivement, automatiquement, on pensait à un acte qui était fait, un acte d'un professionnel, à savoir un huissier. Là, dans le texte, à beaucoup d'endroits, on trouve le mot «notification». Automatiquement, on est en droit de se demander: Est-ce que c'est un usage qui est correct? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt parler de «signification»? Alors, je pense qu'il y a beaucoup d'ambiguïtés quant à ce chapitre-là, et on va aborder la question avec la Chambre des huissiers, mais on va revenir avec vous, M. le ministre, là-dessus, parce qu'il y a beaucoup de problématiques qu'on peut évidemment anticiper et encore une fois il ne faudrait pas que ça se fasse aux frais des justiciables ou encore que ça soulève des problèmes pour la communauté juridique au sens large. La Chambre des huissiers a également parlé d'un avis de passage et elle a parlé du constat du huissier. Je ne fais que mentionner très rapidement certains éléments. Le mémoire est extrêmement dense, bien fait; il contient aussi beaucoup d'informations très utiles.

Le Jeune Barreau également a abordé des points extrêmement importants. On va revenir avec eux là-dessus. J'aimerais parler, entre autres, de la fragmentation de la réforme sur laquelle ils sont revenus. Ils sont également préoccupés par l'entrée en vigueur qui serait immédiate. Ils ont soulevé, je pense, avec raison, des problématiques quant à l'article 2 où on parle du principe d'économie. Évidemment, l'introduction de ce principe-là avait été largement discutée par le comité Ferland et, malgré les avis qui avaient été donnés, on le trouve inscrit à l'article 2. Et, évidemment, il faut le lire, j'imagine, en gardant présente à l'esprit la disposition 14 où on parle de la règle de la proportionnalité. En ce qui a trait à la proportionnalité, on va retrouver à cet article-là de même qu'à d'autres articles tout au long du texte la référence à la proportionnalité. Évidemment, pour les autres articles, on va devoir se demander: Est-ce que ça a le même sens que l'article 14? L'article 14, la règle de la proportionnalité, on doit la regarder avec le principe qui est mentionné à l'article 2. Encore une fois, ça soulève des questions qui sont extrêmement importantes. Il y a évidemment toutes les problématiques ou toutes les interrogations, tous les points qui sont soulevés en regard des articles 48 et 49 et qui sont nouveaux où il sera possible pour le tribunal de condamner une partie ou, si l'abus lui est directement attribuable, son procureur, à payer des dommages-intérêts. Le rapport Ferland avait étudié cette question-là, n'avait pas jugé opportun d'en faire une disposition expresse. On la retrouve à l'article 49. Alors, c'est évident qu'on va aborder la question avec l'Association du Jeune Barreau, mais on va revenir là-dessus également à l'occasion des débats article par article. Le Jeune Barreau soulève la question des honoraires additionnels, plus spécifiquement l'augmentation du plateau à l'article 330. C'est un point qui est important, qu'on aimerait voir avec eux. Évidemment, toujours la notification et la signification.

Je ne veux pas reprendre les mémoires. Ils sont extrêmement denses. Je veux tout simplement dire à quel point c'est utile pour l'opposition officielle, de même que pour tous les parlementaires et pour vous, M. le ministre. Et je suis contente de voir que vous allez recevoir les commentaires avec ouverture. Je pense que c'est dans le meilleur intérêt du justiciable. Au-delà de ces observations qui sont faites, il y a des contradictions manifestes entre la loi n° 54 et le document qui comporte une proposition quant aux deux premiers livres, et ça, c'est étonnant parce que le projet de loi... c'est-à-dire la loi n° 54 a été adoptée en juin. On en a largement discuté, alors je ne vois pas pourquoi, comme le soulève d'ailleurs le Barreau, l'Association du Jeune Barreau, pourquoi des concepts, des règles qui étaient claires, qui ont été acceptées en juin, seraient différentes aujourd'hui. Pourquoi est-ce qu'on apporterait une autre définition? Je ne comprends pas. Il y a aussi... Le rapport Ferland avait fait des recommandations. À certains égards dans le texte, soit qu'on va tantôt ne pas suivre clairement la recommandation du rapport, à d'autres endroits, on va s'en éloigner passablement et, quant à certains articles, on va s'en éloigner carrément.

Alors, c'est sûr que, quand on aborde la procédure civile, le droit est important, la procédure l'est tout autant. Pour l'usager, la procédure, encore une fois, c'est le véhicule privilégié dont il dispose pour faire valoir un droit substantiel devant les tribunaux. Je pense qu'on doit avoir une démarche responsable, qu'on doit assurer la continuité, la cohérence, la cohésion. Alors, il va falloir qu'on regarde très attentivement certaines des orientations qui semblent avoir été retenues dans le document et également certains des irritants. M. le ministre, vous êtes assuré comme d'habitude de l'entière collaboration de l'opposition officielle, et ce, dans le meilleur intérêt des justiciables.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée de Bourassa pour vos remarques préliminaires.

Auditions

Alors, sans plus tarder, j'invite les représentants du Barreau du Québec à qui je souhaite la bienvenue à cette commission de relever le défi de nous faire part de leurs commentaires dans une période de 20 minutes; un défi parce que j'ai vu que votre mémoire comportait 27 pages, alors certainement que vous serez capables de nous résumer les principales interventions que vous voulez faire ou les commentaires. Alors, Me Claude Leduc, bâtonnier, je vous demande de bien vouloir nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Barreau du Québec

M. Leduc (Claude G.): Tout à fait. Alors, merci, M. le Président, M. le ministre, Mme la représentante de l'opposition. Bon retour au travail à tous ceux qui sont revenus cette semaine après les dernières semaines où on a eu un soleil radieux. Je veux effectivement vous présenter les personnes qui m'accompagnent même si je pense qu'elles n'ont pas vraiment besoin de présentation, mais au cas où. À ma gauche, Me Suzanne Vadboncoeur, qui est la directrice de notre Service de recherche et de législation et, à ma droite, Me François Bousquet. Je vais me permettre un peu de spiritualité en commençant. J'ai toujours présenté Me Bousquet en disant que, si Dieu devait réviser ses dix commandements, il consulterait Me Bousquet. Je doit rajouter une personne à cette liste-là, notre ministre de la Justice. Dieu serait sûrement content d'apprendre comment un seul homme peut, dans une session, faire en sorte de passer autant de lois.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

n (15 heures) n

M. Leduc (Claude G.): Alors, c'est avec plaisir qu'on accepte l'invitation pressante du ministre de préparer et de déposer, et de vous présenter notre mémoire aujourd'hui. On le mentionne dans le mémoire, nous sommes d'avis que le temps qui nous a été alloué pour étudier une refonte de la procédure qui nous apparaît majeure pour les contribuables... Le ministre nous a fait état qu'il s'agissait d'un document sessionnel et puis qu'on était ici une première fois pour faire état de nos positions quant aux orientations majeures et c'est de cette façon-là que nous l'avons étudié et préparé, et donc nos commentaires sont relativement d'ordre général.

Je réitère qu'effectivement et pas plus tard que le 8 juin 2002 le projet de loi n° 54 a été sanctionné, qu'il va rentrer en vigueur le 1er janvier 2003, et ça, parce que le ministre a bien compris qu'il fallait préparer les cours. Il faut que les avocats et avocates du Québec assimilent bien cette première réforme qu'on appelle maintenant la phase I, et les cours vont commencer dans quelques jours.

On est quelque peu étonnés ? et les personnes qui m'accompagnent vous en parleront un peu plus davantage ? que, déjà, dans un document, dans une loi, on remette en question, dans le document sessionnel, ce qui avait fait l'objet d'un consensus. Et le Barreau avait beaucoup apprécié que le ministre, à l'époque, convienne finalement qu'avoir un petit peu plus de temps favorisait ce consensus-là.

Je vais, quant à moi, aborder un des points dans le mémoire et il n'est de l'intention, de la mienne et des gens qui m'accompagnent, de lire devant vous le mémoire. Vous l'avez tous lu. Vos commentaires sont éloquents à cet effet-là, que vous avez pris connaissance des commentaires formulés par le Barreau du Québec. Mais le premier point qui apparaît à notre mémoire, qui est la fragmentation, nous apparaît primordial. Le rapport Ferland avait mentionné qu'il était fort dangereux dans la réforme de la procédure civile au Québec d'y aller par étapes. Et on est d'avis que la façon que le ministre entend procéder peut causer des difficultés majeures pas pour les avocats et les avocates qui vont se plier à ça mais pour les contribuables. Je vous donne un exemple d'entrée de jeu. Les litiges qui ont actuellement cours devant les tribunaux et ceux qui auront cours dans les prochaines semaines feront face à trois codes de procédure différents: l'ancien-l'ancien, la phase I, la phase II et la phase III, amenant des problèmes d'interprétation différents d'un code à l'autre et amenant, je pense, pour les contribuables, une complexité de comprendre comment la procédure fonctionne au Québec. Et on le sait, la procédure, c'est un moyen de présenter les droits qu'on veut faire valoir devant les tribunaux. Il ne faudrait pas que la procédure devienne plus complexe que le droit lui-même que nous avons ou que les contribuables ont à faire valoir.

Je vous donne un des exemples également mentionnés dans notre mémoire. L'article 64 prévoit la possibilité pour le greffier ? puis on a d'autres représentations à cet effet-là ? d'autoriser une saisie. On sait que c'est dans la phase III, que les modalités d'exercice de ce recours-là... on va apprendre quelles sont les modalités d'exercice de ces recours-là. Donc, c'est dans une phase subséquente que les contribuables sauront comment le greffier ou dans quelles circonstances le greffier pourra faire droit à cette saisie avant jugement si je donne comme exemple la saisie avant jugement. Je vois difficilement comment ? et ça a été un de nos problèmes, on l'avait souligné ? on peut difficilement faire des commentaires en toute connaissance de cause quant à la réforme de la procédure civile si la décision est d'y aller par étapes. Et la phase III ? parce que je suis persuadé qu'il y aura une phase III, nécessairement, il devra y avoir une phase III ? je me demande s'il n'est pas beaucoup plus sage d'aborder immédiatement la phase III et de voir l'intégration de la phase III et de la phase II pour que les contribuables, au Québec, puissent savoir de façon claire, précise quelle est cette réforme.

Alors, il nous apparaissait essentiel de soulever ça dans notre rapport. Les justiciables n'ont pas à faire les frais de quelque façon que ce soit ? et je suis convaincu que c'est le but qui est visé également par le ministre ? les contribuables n'ont pas à faire les frais d'un débat judiciaire quelconque parce que la réforme est présentée par étapes ou parce que, comme il a été souligné tantôt, le vocabulaire utilisé est un nouveau vocabulaire qui permettra aux justiciables, aux avocats, aux avocates de débuter un nouveau débat. On a eu un exemple dernièrement; je vais laisser les gens qui m'accompagnent vous le présenter.

Alors, ne serait-ce qu'au niveau de la fragmentation qui nous est présentée, ne serait-ce que ce point-là, il m'apparaît plus sage de prendre le temps ? c'est une réforme majeure ? de prendre le temps de nous présenter... que le ministre nous présente la phase III de la réforme du Code de procédure civile ou de la procédure civile au Québec et qu'on puisse savoir en toute connaissance de cause quelle est cette réforme. Alors, c'était le point que je voulais faire. On ne voudrait pas se retrouver avec, dans le moment, un tiers de Code, et on ne sait pas trop quand le deuxième tiers qui rentrerait en vigueur. C'est la procédure qui est le moyen d'accéder aux tribunaux, de faire valoir nos droits. Nous vous soumettons qu'il est sage de le faire dans un seul bloc. Sur ça, je cède la parole à Me Bousquet.

Le Président (M. Lachance): Me Bousquet.

M. Bousquet (François): Alors, je vous remercie bien sûr tous de votre invitation. Moi, je vous parlerai, pendant environ 90 secondes chacun, de quatre sujets qui sont des matières sur lesquelles il y a, me semble-t-il, pour l'ensemble de la communauté juridique, pour le système judiciaire puis évidemment pour le citoyen qui doit être au centre de la réforme... quatre sujets donc pour lesquels il y a un danger ou quatre sujets pour lesquels il y a irritants majeurs. Ces sujets-là se retrouvent à compter de la page 19, dans le mémoire du Barreau du Québec.

Mais, essentiellement, il s'agit, dans un premier temps, de la possibilité de condamnation d'un avocat à des dommages et intérêts, y compris des dommages et intérêts punitifs. Le deuxième sujet, dont je vous parlerai pendant 90 secondes aussi, sera la réduction du droit d'appel. Ma troisième période de 90 secondes parlera du problème pouvant résulter de l'absence de révision des décisions du greffier spécial. Et, finalement, je vous parlerai, durant mon dernier bloc de 90 secondes, des motifs de rétractation de jugement.

Alors, parlons donc d'abord tout de suite des articles 48 et 49 du document sessionnel qui prévoient qu'un avocat, lorsque l'abus lui est directement attribuable, pourrait être condamné à payer des dommages et intérêts à la fois punitifs et compensatoires. Quand on lit attentivement la disposition de l'article 48, on s'aperçoit que l'abus pourrait être beaucoup plus que ce que vous et moi ou la personne de la rue peut croire être un abus. L'abus pourrait être, quand on lit l'article 48, un manquement injustifié à un calendrier. Et je vous soumets que, bien entendu, il y a toutes sortes de raisons, y compris parfois des raisons qui sont imputables à notre client mais que l'avocat, sous le sceau du secret professionnel, ne peut évidemment pas trahir devant le tribunal.

Alors, comment dire, par exemple, à un juge qui s'apprête personnellement à me condamner à des dommages et intérêts, qui vont me faire perdre ma résidence, mon chalet, mon fonds de pension ou peu importe, comment dire à un juge que la raison pour laquelle je suis en retard, c'est que mon client ne m'a pas fourni les documents qu'il s'était engagé à me fournir? Parce que je vais trahir le secret professionnel. Il y a peut-être des bonnes raisons pour ne pas me les avoir fournis. Alors, cette espèce de devoir déontologique de secret professionnel face à une obligation d'être obligé de se défendre sur l'éminence d'une condamnation va placer évidemment les procureurs dans des situations impossibles.

Le résultat de ça, c'est qu'un droit prévu par la Charte va être en péril. Et ce droit-là qui est prévu par la Charte, c'est le droit que tout citoyen, que toute citoyenne a de pouvoir se choisir un avocat, d'avoir un avocat qui va se mettre corps et âme à la défense de ses intérêts sans craindre des représailles personnelles sur son patrimoine personnel. Beaucoup d'avocats seront obligés de refuser de défendre des causes impopulaires parce qu'ils craindront de passer pour des avocats qui ont commis des abus et d'être dans une situation où ils ne pourront pas établir que l'abus ne leur est pas directement attribuable sans craindre de violer le secret professionnel qui est une infraction déontologique majeure.

Alors, il y a donc un sérieux problème au niveau du choix de l'avocat. Plusieurs avocats sérieux, qui acceptent aujourd'hui de défendre des causes qui ? il faut le reconnaître ? sont parfois très difficiles, pourront hésiter grandement à accepter ces mandats. Les exemples ne sont pas très bons parce qu'ils viennent du droit criminel. Mais rappelez-vous, il y a 20 ans, quand les gens faisaient des procès d'avortement, ça a pris des gens assez courageux pour se rendre jusqu'en Cour suprême et défendre des causes impopulaires. Aurait-on pu prétendre, dans les premières instances, parce que ces gens-là voulaient faire avancer le droit et plaider des principes qui étaient cristallisés comme du béton dans notre droit depuis des années, qu'ils commettaient un abus? Ma foi, il faut savoir que notre société évolue souvent parce que des jugements ont été rendus.

n (15 h 10) n

C'est le premier point sur lequel je voulais vous parler, en insistant également et en terminant sur ce point-là, sur le fait que la Cour suprême a rendu des décisions là-dessus dont une qui est citée à la page 20 évidemment où la Cour suprême a invité tout le monde, y compris les tribunaux, à faire preuve d'une extrême prudence dans ce domaine-là. Pas plus tard qu'il y a quatre jours ? j'ai le jugement ici si les gens de la commission parlementaire souhaitent l'avoir ? pas plus tard que le 14 août, la Cour d'appel, et ça, sur le banc, après un délibéré de trois minutes, la Cour d'appel a infirmé un jugement de la Cour supérieure qui avait condamné personnellement deux avocates dans une affaire de divorce à payer des dépens. Et donc, c'est pour vous dire l'importance. Et la Cour d'appel, dans ce jugement-là dont je vous remettrai copie, là, si vous le souhaitez, invite les tribunaux de première instance à la plus grande des prudences. Alors, le comité Ferland ? vous l'avez mentionné, Mme la représentante de l'opposition ? avait, dans son mémoire, conclu que les tribunaux possèdent déjà le pouvoir inhérent de réprimer les abus et qu'il est préférable de laisser le statu quo dans cette matière.

Le deuxième sujet dont je voudrais vous parler pendant 90 secondes, qui préoccupe également énormément au niveau des justiciables, c'est la réduction du droit d'appel. Alors, il y a deux réductions majeures du droit d'appel qui apparaissent dans le document sessionnel. La première est extrêmement embêtante, parce que là je fais le relais avec les propos de M. le bâtonnier. La première fait état que tous les jugements en matière d'exercice du pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure seraient appelables de plein droit. Évidemment, ici, on rentre dans un point très technique, mais je suis obligé de vous dire que, tant qu'on n'aura pas la phase III, on ne sait pas exactement ce que sera l'exercice, là, par la Cour supérieure de son pouvoir de contrôle et de surveillance. On peut par ailleurs présumer ? je vous dis bien «présumer» parce que je pense que ça découlait du rapport Ferland ? on peut présumer qu'il s'agirait d'unifier toute une série de recours, y compris non seulement les révisions judiciaires. Vous savez qu'une révision judiciaire soit appelable sur permission, quant à moi, M. le ministre, je n'ai pas de problème. Celui qui a perdu une fois devant le Tribunal administratif, il a perdu en Cour supérieure, qui demande la permission pour aller en appel, je trouve ça tout à fait logique et normal. Mais, par ailleurs, celui qui aura demandé à faire déclarer inconstitutionnel ou ultra vires un règlement d'une municipalité ou une résolution d'un commission scolaire, dans ces cas-là, l'appel serait sur permission, alors que, dès qu'on a un montant de 50 000 $ et plus dans une cause civile, l'appel devient un appel de plein droit. Et il me semble inapproprié que les décisions rendues en vertu du pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure soient appelables sur permission seulement, compte tenu qu'il s'agit, je pense, du dernier bastion derrière lequel les citoyens, les organisations peuvent se réfugier quand il y a des abus, et ça s'appelle le pouvoir de contrôle et de surveillance. La Cour supérieure peut réprimer les abus, notamment ceux qui peuvent être commis par des corps publics contre des individus.

L'autre restriction du droit d'appel qui est extrêmement importante, quant à moi, c'est le fait que les jugements interlocutoires à toutes fins pratiques ne sont pour ainsi dire plus appelables. Ça cause une difficulté majeure qui est la suivante... Je fais confiance, pour ma part ? et j'ai pratiqué et je pratique encore depuis bientôt 30 ans ? je fais confiance, pour ma part, au juge de la Cour d'appel quand je me présente devant lui pour lui demander la permission d'en appeler d'un jugement interlocutoire. Les appels des jugements interlocutoires présentement sont sur permission et, croyez-moi, avec le volume de dossiers qu'ils ont, personne ne s'amuse à accorder la permission pour rien. Les permissions sont accordées dans des cas où c'est sérieux et dans des cas où c'est important. L'ennui, c'est qu'on ne pourrait même plus aller demander la permission. Alors, il y a déjà un filtre, mais on boucherait le filtre, les appels de jugements interlocutoires ne seraient plus permis. L'ennui, c'est que, si on en appelle du jugement interlocutoire comme le prévoit le document sessionnel uniquement en même temps que le jugement final, la conclusion, c'est que le mal est déjà fait. Alors, je vous donne un exemple. Je refuse, M. le juge, de répondre à telle question parce que je vais être obligé de donner un secret professionnel ou un secret commercial, pas un secret professionnel mais un secret commercial, un secret d'entreprise. Je ne veux pas révéler mon bilan. Le juge me dit: Vous êtes obligé de le révéler. Quand même que j'aurais le droit de porter cette décision-là en appel en même temps que le jugement final, le mal est fait, il a été rendu. Pensez maintenant à des familles. Pour toutes sortes de raisons, un juge, dans des circonstances qu'on peut ignorer, peut-être parfois parce qu'un citoyen se représentera seul ou aura été mal conseillé, je l'ignore, ne sera pas à armes égales, je l'ignore, aura un jugement qui dit: Monsieur, vous ne pouvez pas voir vos enfants. Bon, ça, c'est les mesures provisoires. Il ne verra pas ses enfants puis il ne pourra même pas, sur permission, tenter d'aller en appel de ce jugement-là, il va falloir qu'il attende d'aller en appel en même temps que le jugement final qui peut survenir quand même beaucoup plus loin parce que, écoutez, ça pourrait prendre un an, ça pourrait prendre 18 mois. Une ordonnance d'injonction interlocutoire qui va m'interdire d'opérer un commerce, quand même que je pourrais la porter en appel en même temps que le jugement final, il sera trop tard, je vais être en faillite.

Et je soumets, je soumets avec respect que le mal sera fait dans tous ces cas-là et que, bien entendu, le filtre que nous avons depuis des années, qui est le filtre de la permission donnée par un juge de la Cour d'appel, est un filtre extrêmement efficace. Les juges de la Cour d'appel ne donnent pas des permissions d'en appeler d'un jugement interlocutoire par complaisance. Et, au surplus, vous le savez mieux que moi, le Code de procédure civile prévoit que, même si un juge permet l'appel d'un jugement interlocutoire, il peut aussi ordonner la continuation des procédures en première instance sous réserve de cet aspect-là qui sera décidé plus tard de sorte que personne n'en subit de préjudice, et vous avez cette protection qui est accordée au citoyen.

Troisième irritant dont je parlerai pendant cette fois-ci 15 secondes parce que je vois que le temps file, troisième irritant donc, c'est le fait que les décisions du greffier spécial ne puissent plus être révisables. Le greffier spécial, c'est une institution extraordinaire qui fait en sorte que les juges peuvent être déchargés de certaines matières routinières au profit d'un tiers et, quand la décision rendue par ce haut fonctionnaire ou enfin ce haut officier de justice, quand la décision prise ne fait pas l'affaire, bien, on peut aller en révision devant un juge. En enlevant ce pouvoir de révision, on va faire en sorte que celui qui était destiné à aider le juge va maintenant le remplacer. Un greffier spécial, ce n'est pas fait, avec respect, pour remplacer un juge et c'est une érosion, quant à moi, une érosion grave et dangereuse du pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire dans notre société, quand on a fait nos études en droit ou en politique, on apprend qu'il y a l'exécutif, le législatif et le judiciaire, et ce sont trois pouvoirs qui doivent toujours être gardés en harmonie. Le pouvoir judiciaire par un juge qui jouit de l'indépendance judiciaire et qui rend une décision ne m'inquiète pas. On a un beau système judiciaire; on le vante partout à travers le monde. Mais, par ailleurs, quand un employé de l'État rendra une décision qui sera un jugement interlocutoire et qui ne sera ni révisable ni appelable ? parce que là je fais le pont avec évidemment le jugement précédent: le greffier spécial rend uniquement ou à peu près jugement en matière interlocutoire dans les causes contestées ? ça signifie qu'il sera la Cour suprême. Son jugement ne sera ni révisable ni appelable, ce qui me semble être d'un extrême danger pour notre système judiciaire. Et rappelez-vous toujours que, sans mettre en cause leur impartialité, ces gens-là ont des carrières à faire. Ils sont à toutes fins pratiques des employés du ministère de la Justice et, dans beaucoup de causes, ils pourront se demander où est leur intérêt lorsqu'ils auront des décisions à rendre. C'est pour ça que l'indépendance judiciaire a toujours été défendue jalousement par tous les gouvernements.

Et, finalement, les motifs de rétractation de jugement. Oh! excusez-moi, je m'étais mis une note aussi quant à la révision des décisions des greffiers spéciaux. Je pense que c'est important de le souligner. J'ai fait partie du comité Ferland de même que plusieurs personnes qui sont ici. À ma connaissance, personne ? et on me contredira si je suis dans l'erreur ? personne n'a jamais réclamé qu'on abolisse le pouvoir de révision des décisions du greffier spécial, personne n'a jamais, dans les audiences que nous avions tenues, personne n'a jamais même évoqué que ça pourrait être quelque chose auquel on pourrait réfléchir, et je vous soumets que c'est un changement que personne n'a réclamé.

Finalement, les motifs de rétractation de jugement. Bien, je ne vous ferai pas un long débat pour vous dire... un autre exposé, pardon, pour vous dire que la rétractation de jugement, c'est la stabilité des jugements. Dans une société qui a un système judiciaire qu'on veut respecté et respectable il faut s'assurer que les jugements vont être définitifs, et la stabilité des jugements fait en sorte aussi que les citoyens vont revenir ou vont s'éloigner du système judiciaire. Le citoyen qui aura payé 6 ou 7 000 $ pour avoir un jugement et qui se fera dire ensuite que ce jugement-là, bien, on peut peut-être recommencer parce que les motifs de rétractation de jugement sont plus souples qu'avant il va se décourager puis il va finir par s'éloigner du système judiciaire puis il va rester chez lui et il perdra confiance dans le système judiciaire. Ce danger de devoir recommencer ad nauseam, si je peux employer l'expression, résulte du fait que les motifs de rétraction de jugement dans le document sessionnel sont chapeautés de la l'adverbe «notamment» et qu'en plus on prévoit, comme motif additionnel, le fait que le jugement pourrait être rétracté s'il y a un motif susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Ce mot-là «déconsidérer l'administration de la justice» se retrouve à l'article 2858 du Code civil du Québec depuis bientôt 10 ans. C'est le chapitre sur la preuve. Le juge doit refuser une preuve d'office, là, une preuve qui est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. La jurisprudence va de tous les bords et de tous les côtés. Avec ça on essaie de savoir ce que ça veut dire puis c'est les justiciables qui en font les frais. Notamment, rappelez-vous, quand, par exemple, des organismes comme la CSST vont filmer des gens dans leur cour qui reçoivent des prestations mais qui, en même temps, sont en train de déglacer leur toiture ou etc., c'est toujours 2858 qu'on discute devant les tribunaux et qui nous amène à des décisions parfois dans le même sens ou parfois dans des sens différents avec les nuances, mais c'est les justiciables qui font les frais de ces critères qui sont un peu mous. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Bousquet, M. Leduc, Mme Vadboncoeur. Alors, nous allons... Oui... Malheureusement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Leduc (Claude G.): Est-ce qu'on a déjà atteint notre 20 minutes, maintenant?

Le Président (M. Boulianne): Oui. S'il y a consentement pour une minute.

Une voix: ...

M. Leduc (Claude G.): Ou quelques petites minutes...

Le Président (M. Boulianne): Mme Vadboncoeur, allez-y.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Alors, je sens que j'ai beaucoup de pression. Je vais essayer d'aller assez vite. Simplement un troisième... D'abord, bonjour à tous. M. le ministre, Mme Lamquin-Éthier. M. le président et tout le monde, rebonjour.

n (15 h 20) n

Je voulais aller rapidement sur l'introduction de nouveaux concepts et du changement de terminologie dans le nouveau Code. Il y a eu une décision dans ce document-là qui a eu pour effet d'éliminer l'article 4 du Code actuel, c'est-à-dire les définitions. Bon. C'est une orientation qu'on peut respecter en autant qu'on continue d'employer la même terminologie à laquelle tout le monde est habitué, comme Mme le représentant de l'opposition l'a mentionné tantôt. Or, on peut citer comme exemple ? dans le Code civil, on a tenté une petite modification: À l'article 2762 du nouveau Code civil, on a remplacé le mot «frais» par le mot «frais engagés» avec, dans les commentaires du ministre, une manifestation de ne rien changer à l'ancien droit. Or, le projet de loi n° 50 que vous avez étudié ici en commission parlementaire et qui a été adopté à la dernière session parlementaire vient préciser le sens qu'on a voulu donner, parce que ça faisait 10 ans qu'on vivait des batailles jurisprudentielles. Alors, vous pouvez vous imaginer, là, pour l'ajout d'un petit mot, alors qu'on n'a rien voulu changer.

Donc, ça risque évidemment d'être encore pire et de faire l'objet de longs débats judiciaires que d'introduire dans le nouveau Code des termes comme, par exemple, «jugement constitutif de droit». Dans la cause Viel contre Entreprise immobilière du terroir ltée, qui est une cause du 8 mai 2002 ? donc, c'est très récent ? une cause à la Cour d'appel, le juge André Rochon, au nom de la Cour, fait état justement de toute cette controverse épouvantable qui existe en France sur cette notion de «jugement constitutif de droit». Or, nous, on l'introduit dans notre droit. Alors, évidemment, la controverse va se déménager également au Québec. Je pense que ce n'est pas souhaitable pour les justiciables qui vont faire les frais de cette importation-là. La même chose, l'importation de notions françaises de la procédure civile qui normalement est plus d'inspiration britannique que d'inspiration française, alors, on a des mots comme «mesure d'administration judiciaire», «la caducité de l'instance», «l'action collective», «des demandes additionnelles», ce sont toutes des expressions auxquelles la communauté juridique et évidemment les justiciables ne sont pas habitués, et les mots que l'on emploie ont fait l'objet de doctrine de jurisprudence et maintenant leur sens est bien établi. Pourquoi ne pas assurer à tout le monde une certaine continuité procédurale avec et malgré la réforme?

Deuxième point rapide. C'est surprenant et décevant de voir que les positions que l'on a acquises avec la loi n° 54 ? je l'appelle la «loi n° 54»; vous comprendrez ce que je veux dire, la phase I ? après beaucoup de discussions, d'études, de compromis, bon, plusieurs acquis de cette loi-là sont malheureusement mis de côté par la phase II. On peut se demander pourquoi ce qui était bon il y a deux mois à peine n'est plus bon maintenant, et je vous donnerai juste quelques exemples. Le principe d'économie que non seulement le rapport Ferland avait recommandé de ne pas inclure dans le Code non pas à cause de la philosophie qu'il y a derrière mais à cause des débats épouvantables que ça risquerait d'entraîner devant les tribunaux, la justice ne devant pas être prononcée en fonction de la situation patrimoniale des parties mais bien en fonction des règles de droit et de la preuve présentée devant eux, le document sessionnel va à l'encontre de ça et décide d'inclure le principe d'économie.

Il y a également le fait que l'article 75.0.1 de la loi n° 54, donc du Code actuel, qui mentionne qu'on peut changer de district judiciaire pour la tenue du procès, mais on emploie deux critères: «exceptionnellement», donc un critère d'exception, et «dans l'intérêt des parties». Or, on ne sait pas pourquoi, dans le document sessionnel, ces deux critères n'apparaissent plus. Est-ce qu'on a voulu changer la règle? Est-ce qu'on a voulu l'élargir? Si oui, pourquoi? Ce qui était bon il y a deux mois, pourquoi ce n'est plus bon maintenant?

Un autre exemple, l'article 454 du Code en matière de jugement déclaratoire maintenant fera l'objet du modèle procédural unique, c'est-à-dire la requête introductive d'instance avec comparution, le calendrier d'instance, etc. Donc, le projet de loi n° 54... la loi n° 54 a retiré de cet article 454 du Code actuel la nécessité de prouver l'intérêt pour le requérant d'établir... la nécessité d'établir son intérêt à obtenir une décision immédiate, parce que là il n'y a plus de question d'immédiat, là, en cause, c'est la procédure originale et la plus longue procédure, si vous voulez, qui s'applique. Or, dans le document sessionnel, ce critère de la nécessité d'établir l'intérêt du requérant à obtenir une décision immédiate revient. On ne sait absolument pas pourquoi et d'où ça sort.

Finalement ? et deux petites minutes peut-être ? c'est aussi dommage de voir qu'à plusieurs égards ? et j'en ai mentionnés quelques-uns sur le plan de la terminologie ? le document sessionnel s'éloigne du consensus qui avait été établi dans le rapport Ferland et que le ministre a vanté lui-même à plusieurs reprises et à propos duquel il a dit qu'il en ferait... qu'il le mettrait en oeuvre dans la majorité de ses recommandations, et malheureusement ? et vous pouvez le lire autant que moi dans le rapport ? il y a plusieurs, plusieurs dispositions du document sessionnel qui s'en éloignent et encore là, malheureusement, c'est au détriment du justiciable qui, de l'avis de tous, doit quand même être au centre de la réforme. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Vadboncoeur. Alors donc, étant donné qu'on avait eu le consentement, alors, il nous reste environ 17 minutes de chaque côté. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, je remercie le Barreau pour ses remarques. Comme le bâtonnier l'a mentionné, c'est un exercice qui est plus général que particulier en ce sens qu'on fait un grand survol des choses plutôt que d'aller dans le détail, ce qui sera fait au moment où on aura devant les yeux un projet de loi et qu'on étudiera article par article et où évidemment, là, chaque nuance sera pesée, soupesée, analysée et finalement tranchée. Donc, c'est dans ce sens-là que je comprends les remarques qui ont été faites.

C'est pour ça que je vais aborder d'entrée de jeu ce qui vient de se dire pour bien montrer là que l'intention n'est pas de changer beaucoup de choses par rapport à ce que nous avons déjà fait. Il est exact, quand on prend le mot à mot, je crois ? et vous avez raison de souligner ? qu'il y a eu des écarts par rapport au projet de loi n° 54. À moins qu'il y ait des circonstances particulières ? et je crois qu'il peut être nées, dans quelques cas très rares, de telles circonstances ? normalement, on devrait retrouver dans ce texte-là exactement la même chose qu'il y avait avant. Et, d'avance, je vous dis que ce sera corrigé. Je pense, entre autres, à l'appel, ce que vous avez fait, Me Bousquet, sur le cinquième élément de 26. Je ne vous reprendrai pas parce que vous avez raison. Alors, ce sera corrigé pour tenir compte de ce qui avait été convenu ? et je m'en rappelle ? avait été convenu avec le juge Michaud alors juge en chef de la Cour d'appel. Alors, évidemment, j'avais raison techniquement, mais ce n'est pas une volonté de passer à côté. Je crois que nous avons fait un exercice, au printemps, exemplaire et nous avons vraiment pris des décisions, et je n'ai pas de raison de vouloir y déroger. Si ça pouvait arriver que techniquement on puisse expliquer pourquoi on n'a pas suivi, parce qu'on apporte un élément nouveau, différent, il faut l'équilibrer avec ce qu'on a déjà fait, mais, en dehors de ça, il n'y a pas de raison d'y arriver.

Deuxièmement, je reprendrais la dernière remarque concernant le rapport Ferland sur les consensus. C'est vrai que j'ai dit que c'était un excellent rapport, c'est vrai que c'était le fruit d'un bon travail et je n'ai jamais dit que je prendrais le mot à mot du rapport Ferland, et ça, je l'ai dit à plusieurs reprises. Le rapport Ferland, c'est un rapport qui fait des recommandations, c'est un excellent travail, mais le rôle d'un ministre de la Justice comme de n'importe quel ministre, c'est de prendre certaines décisions et il peut arriver que les personnes qui étaient membres du rapport aient trouvé que le compromis xyz était le bon, mais, en tant que législateur, je peux penser que ce n'est pas ce qui doit être fait, et c'est notre rôle comme parlementaires de trancher ces questions-là. Je comprends qu'on me fasse la remarque en me disant: Ça, c'est différent de ce que le rapport Ferland disait. C'est vrai, mais il est normal que nous puissions faire ça. D'ailleurs, il est arrivé que le Barreau n'ait pas été d'accord avec ce qui était dans le rapport Ferland que j'avais repris en disant: Nous aimerions mieux telle autre chose. C'est de bonne guerre, c'est correct, sauf que ce n'est pas vrai que nous allons nous astreindre à copier ce qui est dans le rapport pour une simple raison technique. D'abord, c'est que ce n'est pas des textes législatifs que nous avons, alors que, nous, nous devons les écrire. Deuxièmement, c'est qu'on a des choix comme législateurs que nous pouvons faire différents du comité qui a travaillé sur ces choses-là.

Il y a également... Donc, pour le premier point, c'était ce que Me Bousquet avait dit. Si vous me permettez, juste un petit commentaire parce que c'est sur la question de la possibilité des avocats qui soient condamnés. J'ai entendu l'argument à l'effet qu'il pouvait arriver que, si on avait une telle mesure, un avocat se sentirait, à l'occasion, brimé, puisqu'il craindrait, en étant audacieux, si vous me permettez une expression comme celle-là, en prenant une procédure qui n'est pas évidente pour la moyenne de tout le monde, que, en ce faisant, il commette un acte qui serait jugé incorrect et finalement entraînerait une condamnation. J'avoue que ça, je le comprends assez bien.

n (15 h 30) n

Par contre, à moins que j'aie mal compris l'autre exemple que vous avez donné, là j'avoue honnêtement que je ne le vois pas bien. Et vous me corrigerez si je me trompe parce que c'est fondamental. Vous avez dit: Si mon client ne me remet pas des documents nécessaires pour la poursuite des choses et de respect du calendrier, je pourrais trahir le secret professionnel. Je vous avoue que, personnellement, je ne comprends pas le secret professionnel comme cela, et, si vous avez raison, ça voudrait dire qu'à toutes fins pratiques quelles que soient les règles qu'on pourrait faire, indirectement, par le biais soit d'une manoeuvre... vraiment au sens d'une manoeuvre, on pourrait retarder le procès en disant: Ah! secret professionnel, je ne peux pas dévoiler que mon client m'a demandé de tout faire ce qui était possible et inimaginable pour que le procès n'ait pas lieu selon les règles qui ont été convenues. Si c'est ça, j'avoue honnêtement qu'on a un très sérieux problème et je ne sais pas comment on le résoudra, mais il me semble qu'on devra trouver une réponse, parce qu'on serait en présence de situations où les parties... ou une partie, avec son procureur, en utilisant le secret professionnel, s'organiserait pour ne pas respecter le cheminement que le législateur a prévu et que le juge aurait convenu avec les parties. Alors, si c'est le cas, là, je vous avoue que j'ai un très sérieux problème, et je vais demander qu'on y réfléchisse attentivement. Donc, autant je comprends bien la première partie qui peut expliquer la chose, autant la deuxième ne me réjouit pas du tout, du tout, m'inquiète énormément.

Alors, juste pour terminer, puis, après ça, peut-être pour vous permettre de faire, parce que j'aimerais réagir à l'ensemble de ce que vous avez fait et vous laisser le temps quand même d'en reparler par la suite. Je vais passer par-dessus la question du greffier spécial pour aller peut-être sur la réduction de l'appel.

Enlevant le premier commentaire, puisque vous avez raison, il reste les autres. Nous avons eu un débat qui avait été suscité par le député de Chapleau relativement à des procédures abusives qui étaient faites par certains procureurs dans certains dossiers, particulièrement, entre autres, dans deux que je vais donner, comme des commissions d'enquête et/ou encore en matière disciplinaire où très souvent les avocats utilisent l'évocation, l'argument de révision judiciaire, pour monter dans un processus qui les amène jusqu'à la Cour suprême, reviennent devant la commission, recommencent le même principe, de sorte qu'on piétine totalement, ce qui rend la justice complètement risible dans plusieurs circonstances. On a des cas où le procès, après huit ans, n'a pas encore commencé, puis on n'a pas fait un pouce d'une enquête qu'on avait ordonnée, et ça, c'est par l'utilisation de certaines procédures. L'idée de Me Chapleau, à l'époque... pas Me Chapleau, Me Pelletier, député de Chapleau, était de faire en sorte qu'on mette un terme à ces choses-là, et je vous avoue honnêtement que je suis d'accord avec ça, et on veut fermer des portes à ces possibilités-là.

Par contre, vous avez soulevé un aspect que, dans certains cas, il pourrait arriver que le fait... l'effet d'interdire un appel, ça pourrait avoir un effet néfaste, tragique même, si j'ai bien compris. Nous avons un certain nombre de cas énoncés dans les articles. Est-ce que vous suggérez qu'on en ajoute, ou bien si vous endossez ce que je dis, ou bien si vous êtes en total désaccord avec ce que je dis? Alors, voilà ce que je voulais dire sur les sujets qui ont été abordés.

Alors, des commentaires peut-être sur la première... la question de la responsabilité de l'avocat, là?

M. Bousquet (François): Alors, M. le ministre, quant à la responsabilité de l'avocat, vous avez bien compris que l'exemple... ou l'exemple, si vous me permettez, je vais le reformuler. Vous avez, par hypothèse, un procureur qui est en retard devant la cour; il n'a pas produit d'expertise. La raison pour laquelle il n'a pas produit d'expertise, c'est que son client lui a interdit de produire la première expertise, lui disant qu'elle n'était pas à son goût puis qu'il verrait à en obtenir une deuxième.

L'avocat qui dirait tout ça au juge trahirait le secret professionnel. Par ailleurs, que le juge condamne la partie en défaut parce qu'il estime que la partie en défaut a abusé du système judiciaire et qu'elle a été malicieuse, et qu'elle a été de mauvaise foi, j'en suis, mais, si cette partie-là, par la suite, parce qu'elle a été condamnée ? parce que vous comprenez bien que c'est la condamnation de l'avocat qui nous embête à 48 et 49, pas la condamnation de la partie ? si la partie, par la suite, estime qu'elle a été lésée par son avocat, que c'est lui qui est imputable, elle a un système judiciaire qui lui permettra de s'adresser à l'avocat en dommages et intérêts. Et là les règles relatives à la déontologie font en sorte que, quand je suis poursuivi par un ancien client qui prétend que j'ai mal agi, je serai en mesure de dire: J'ai mal agi parce que c'est toi qui m'avais donné des mauvaises instructions, parce que là la poursuite contre l'avocat serait une renonciation au secret professionnel.

Or, je ne souhaite pas, M. le ministre, que la partie puisse s'échapper comme une anguille gluante aux griffes de la justice. Ce que je veux, par ailleurs, c'est que, si un litige devait être intenté contre l'avocat, ce soit dans un dossier où il sera partie et donc où il y aura de l'audi alteram partem, et il pourra se défendre de façon pleine et entière.

M. Bégin: Si je comprends bien, là ? j'avoue honnêtement que je n'avais pas vu cette dimension ? que vous voudriez non pas que le juge, au procès, placé devant la situation concrète, puisse sanctionner le geste, mais que ça fasse l'objet d'une instance différente.

M. Bousquet (François): C'est-à-dire que je crois que le juge...

M. Bégin: Mais comment pourrait-elle naître, cette instance-là quand a priori en tout cas, c'est le juge qui constate une situation: vous n'avez pas respecté, maître, le calendrier d'instance? Et vous dites: Je suis incapable de parler parce que j'ai le secret professionnel. Et là on va intenter une nouvelle instance. Qui la ferait? Cette instance nouvelle là serait gouvernée par quelles règles? Parce que là on est dans une situation qui hypothétiquement permettrait, dans le procès où ça se passe, qu'on ait suspension des procédures au détriment de l'autre partie, par hypothèse. Et l'autre partie serait démunie. Il n'y aurait pas de recours; il n'y aurait rien. Je ne comprends pas, là.

M. Bousquet (François): Alors, si vous le permettez, M. le ministre, très rapidement. Ce que je conçois dans une situation où un juge constate qu'il y a eu véritablement abus, malice, mauvaise foi de la part, par exemple, de la partie défenderesse, c'est que le juge peut condamner la partie défenderesse tel que prévoit le document sessionnel. À ce moment-là, le demandeur n'en subit aucun préjudice. Le procès est fini. Le défendeur qui, lui, a été condamné puis qui dit: Ce n'est pas de ma faute, c'est la faute de mon avocat, il intentera un procès à son avocat dans un autre forum, mais qui commencera suivant le modèle procédural de l'article 110 ou encore, s'il considère que c'est plutôt une faute déontologique qu'une faute civile, bien, il portera plainte devant les autorités disciplinaires de la justice en matière professionnelle. Mais, essentiellement, le débat entre le demandeur et le défendeur sera fini. Le défendeur qui a abusé de la procédure aura été condamné. Et, si le défendeur qui a abusé de la procédure pense que c'est de la faute de son avocat et non pas de la sienne, bien, il poursuivra son avocat.

Juste un mot maintenant quant à la deuxième chose en matière de droit d'appel de jugement interlocutoire. Je crois, M. le ministre, qu'il serait inapproprié ? mais je le dis avec respect ? d'allonger la liste des exceptions. Je pense plutôt que, là-dessus, on doit faire confiance au filtre qui existe depuis des années. Croyez-moi, les juges de la Cour d'appel n'autorisent pas l'appel sur permission facilement. Quand on va s'asseoir dans une salle où on présente les requêtes pour permission d'appeler, je vous assure que ces requêtes-là sont filtrées et qu'elles sont accueillies au compte-gouttes. Et, dans ce sens-là, je crois, M. le juge... M. le ministre, excusez-moi, que nous avons ? c'est le métier, vous savez...

M. Bégin: Je n'ai pas de prétention.

M. Bousquet (François): Non, ce n'est pas une insulte, hein?

M. Bégin: Ah! puis je ne le vois pas non plus comme ça.

M. Bousquet (François): Je suis d'avis, M. le ministre, qu'on devrait faire confiance aux juges de la Cour d'appel. Les juges de la Cour d'appel sont capables de décider si l'intérêt de la justice requiert ou pas l'appel d'un jugement interlocutoire.

M. Bégin: Ça n'a pas empêché le juge Michaud de faire des recommandations pour changer complètement la structure des appels, et nous l'avons fait.

M. Bousquet (François): Évidemment. Je vous remercie. D'ailleurs, incidemment, la nouvelle procédure qui est dans le projet de loi n° 54 va faire en sorte qu'un appel d'un jugement interlocutoire va être extrêmement simple. Les longs débats dont vous parlez vont être extrêmement raccourcis. Il n'y a plus de mémoire d'un appel d'un jugement interlocutoire, hein, maintenant qu'on a le projet de loi n° 54.

M. Bégin: Prenez l'hypothèse, là, que vous avez une commission d'enquête et la personne qui est chargée de faire l'enquête rend une décision quelconque. M. le président, je m'excuse, je veux aller en appel de votre... aller en évocation de votre décision et je vous demanderais de suspendre les travaux. Alors, le temps xy pour préparer la procédure, présentation devant un juge en Cour supérieure, audition. D'abord, il faut être au rôle, audition, jugement.

M. Bousquet (François): Jugement final, Votre Seigneurie. C'est un mauvais pli.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ha, ha, ha! Je vais finir par croire que j'ai été nommé quelque part.

M. Bousquet (François): Je vous félicite! Alors donc, M. le ministre, le jugement de la Cour supérieure, dans l'exemple que vous donnez, c'est un jugement final. Il est appelable sur permission, suivant 846, puis on est d'accord. Ce n'est pas un jugement interlocutoire de la Cour supérieure, vous comprenez bien, c'est un jugement final.

M. Bégin: Non, non, je comprends. Et là...

M. Bousquet (François): Il est appelable sur permission, suivant 846, et la commission d'enquête n'est pas plus avancée.

M. Bégin: C'est ça, ce que vous avez, c'est qu'il n'y a plus d'interlocutoire possible ou de jugement devant la Cour supérieure à ce moment-là, pendant l'instance. C'est ça qu'il faut arrêter, c'est qu'on puisse monter dans l'échelle des tribunaux pendant qu'une instance a cours. Comprenez-vous? Alors, il y a différentes situations au Québec, présentement, je le dis là, six ans puis huit ans. Vous admettrez que... Puis il y a des cas qui sont publics, là ? je ne les mentionne pas volontairement ? y a des cas qui sont publics et, moi, je pense que ceci a pour effet de déconsidérer la justice de manière significative, parce qu'on voit ce que les gens appellent des avocasseries qui empêchent le processus de la justice de suivre son cours, et ça, c'est, à mon point de vue, dévastateur dans l'esprit des gens.

n (15 h 40) n

Et autant il faut convenir de donner les outils nécessaires aux procureurs pour être en mesure de faire ressortir le droit et de toutes les manières possibles, autant il faut convenir de ça, autant il ne faut pas que cette procédure-là devienne une technique pour abuser du système. Et je crois que, depuis plusieurs années, on a introduit différentes mesures pour l'appel... voyons, la procédure abusive dilatoire, etc., toujours un petit peu dans cette idée-là de faire en sorte que la procédure ne soit pas un instrument de prolongation des délais, de coûts, en fait d'injustice pour au moins une des parties.

M. Bousquet (François): Mais il reste que les permissions d'appeler des jugements interlocutoires dans des cas comme ça ne sont pas accordées généralement. Les juges de la Cour d'appel n'accordent pas des permissions d'appeler aussi facilement, tel que je vous le disais et, d'autre part, je préfère, quant à moi, avoir un Code qui permet d'aller en appel avant que le mal soit fait d'autant plus que ce Code-là a quand même... Et vous avez une belle procédure de gestion d'instance en appel qui entrera en vigueur le 1er janvier qui va permettre de raccourcir les délais, d'abréger les délais puis enfin de faire en sorte que ça avance. Je pense qu'on pourrait se débarrasser des avocasseries sans fin sans priver le citoyen d'un droit de faire rectifier une décision manifestement informe.

M. Bégin: Sur le même niveau de langage, si ça fait quatre fois qu'on s'en va devant la Cour supérieure pour régler un problème qui est devant une autre instance, vous ne trouvez pas ça abusif?

M. Bousquet (François): La question n'est pas là.

M. Bégin: Ah bon!

M. Bousquet (François): Bien, la question n'est pas là, il faut s'entendre. L'article dont on parle ne vise pas ça, l'article dont on parle... À ma connaissance, M. le ministre, évidemment, il n'est pas écrit, le pouvoir de surveillance, là. Je n'ai pas vu vos articles de la phase III, mais si, dans la phase III, le pouvoir de surveillance et de contrôle limite l'accès aux tribunaux à plusieurs reprises, là, ce sera autre chose. Mais, présentement, ce que je comprends, c'est qu'on discute plutôt du droit d'appel d'un jugement interlocutoire d'un tribunal de première instance.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Bégin: Non, ça va. Je pense que le débat peut durer longtemps puis je pense que...

M. Bousquet (François): Je voudrais vous remercier de vos remarques, M. le ministre.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, Mme la députée. Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour Me Leduc, Me Bousquet, Me Vadboncoeur. Merci pour votre mémoire. Une première question quant à l'entrée en vigueur. Bon, là on est avec un document qu'on peut utiliser. Je pense que je vais reprendre l'expression que vous avez vous-même utilisée dans votre mémoire. Vous dites: un document sessionnel. Je pense que oui, c'est un document sessionnel parce qu'il a été déposé par le ministre de la Justice le 13 juin 2002, à l'Assemblée nationale. Quand on le regarde, par ailleurs, on a tout lieu de penser que ça peut être un avant-projet de loi parce qu'à tout le moins, minimalement, il en a l'apparence.

Lorsqu'on regarde... Mais là le ministre nous a dit... Raison de plus de le penser, parce que le ministre nous a dit qu'il déposerait un projet de loi à l'automne. Donc, raison de plus de penser que ce qu'on a entre les mains en quelque sorte a le même effet ou devrait avoir le même effet qu'un avant-projet de loi. Le ministre... c'est-à-dire le document pose au départ des principes directeurs et des principes d'interprétation du Code. Ce qui m'étonne, c'est qu'à l'article 2, on peut lire, à la première ligne: «Le Code s'interprète et s'applique comme un ensemble.» Alors, est-ce que... Puisqu'il est prévu dans les dispositions finales qu'il va être le nouveau Code, donc j'imagine que les deux premiers livres de ce Code, donc le document sessionnel, vont être d'application immédiate, donc qu'ils vont entrer en vigueur à la date ou aux dates prévues par le décret du gouvernement. J'avais cru comprendre que l'essentiel de la réforme en matière de procédure civile avait été accompli avec le projet de loi n° 54 qui doit entrer en vigueur en janvier 2003. Là on va aborder de façon incomplète deux autres livres du Code qui, eux, seraient d'application immédiate.

Me Leduc, lorsque vous avez fait des observations, vous avez vous-même parlé de l'ancien Code, de l'ancien ancien Code. Comment le justiciable va-t-il pouvoir s'y retrouver? Est-ce qu'on peut penser que, de prévoir l'entrée en vigueur et dans le meilleur intérêt de la justice... est-ce que ça va permettre d'avoir une justice qui est cohérente, qui se tient et est-ce que le meilleur intérêt du justiciable va être préservé par cette façon-là?

M. Leduc (Claude G.): Bien, je ne le pense pas. Je peux vous réitérer un peu ce que j'ai dit tantôt. Déjà, là on va... on s'apprête à bien assimiler la phase I. On comprend très bien qu'il faut absolument... il nous apparaît qu'il faut absolument avoir connaissance des orientations que le ministre a en regard de la phase III pour que pas nécessairement les avocats, les avocats mais que les contribuables, c'est eux qui ont accès. Puis on parle beaucoup, dans les derniers mois, d'accessibilité à la justice. On a de plus en plus, pour toutes sortes de raisons, de personnes qui se représentent seules devant les tribunaux. Je suis persuadé qu'ils ne sauront pas se retrouver si on adopte la phase II sans que la phase III soit également adoptée en même temps. Il m'apparaît, dans la réforme de la procédure civile qui est quand même un outil important pour les justiciables pour accéder aux tribunaux... je vois difficilement comment on peut y aller de cette façon-là, par étapes. Est-ce qu'on va avoir trois codes? Et, dans les faits, l'exemple que j'ai donné, dans les faits, ça va faire en sorte que nos tribunaux auront à se pencher sur l'ancien-l'ancien Code pour les recours qui auront débuté, ceux qui vont débuter à partir de janvier 2003, ceux qui vont débuter lorsque la phase II va être en vigueur et éventuellement, j'imagine, lorsque la phase III sera en vigueur. On va se retrouver avec quatre codes différents: l'ancien-l'ancien ? je l'appelle comme ça ? puis les trois phases de la réforme de la procédure civile.

Mme Lamquin-Éthier: Ça fait qu'on n'assure pas...

M. Leduc (Claude G.): Je ne sais pas comment le dire autrement, qu'il m'apparaît que ce n'est pas quelque chose de raisonnable à présenter aux contribuables.

Mme Lamquin-Éthier: Ce n'est pas dans l'intérêt du justiciable puis, en plus, ça n'assure pas évidemment une justice qui soit...

M. Leduc (Claude G.): Cohérente.

Mme Lamquin-Éthier: ...cohérente, c'est ça. C'est extrêmement important aussi. D'ailleurs, la Chambre des notaires partage votre point de vue à cet égard-là et, d'ailleurs, ils émettent également le souhait qu'à l'instar de l'adoption et de l'entrée en vigueur de l'ensemble du nouveau Code civil, qui s'est faite le 1er janvier 1994, tous les livres du nouveau Code de procédure civile entrent en vigueur à la même date afin d'en faciliter la transition. Je pense que ça n'a pas posé problème non plus.

À l'article 2, j'ai évoqué, sûrement fort maladroitement, dans mes notes préliminaires, que le rapport Ferland ? évidemment, ça a été trois années de consultation, tous les experts, les spécialistes, c'est... la liste d'ailleurs des gens qui ont été appelés à contribuer aux travaux est fort impressionnante ? a donc examiné la question d'introduire de nouveaux principes et notamment le principe d'économie qui était déjà énoncé par le Comité dans son document de consultation. Alors, le Comité a fait valoir qu'une telle inclusion ? parce que là on le retrouve inclus, contrairement à la recommandation formulée par le rapport Ferland, à l'article 2 ? ils disent qu'«une telle inclusion est susceptible d'entraîner de longs et multiples débats judiciaires». Qu'en pensez-vous?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Voici. J'ai effleuré la question un petit peu tantôt. C'est que le principe d'économie, si, par exemple, vous avez un litige qui met comme demandeur ou défendeur, peu importe, un citoyen puis l'autre partie est une personne morale, bon, bien nantie, bon, qui n'a pas de problème, ou ça peut être même deux individus, mais un qui est beaucoup mieux nanti que l'autre, est-ce que, par exemple, parce que la personne qui est moins bien nantie et qui n'a les moyens de se payer qu'une seule expertise va dire au tribunal: Écoutez, M. le juge, moi, je n'ai pas les moyens de m'en payer deux expertises ou trois expertises. Le procès ne sera pas juste et équitable parce que, bon, on n'est pas égaux, on n'est pas égaux devant la loi? Alors, il va y avoir des débats épouvantables. Le juge va devoir évidemment teinter ses décisions avec les principes directeurs qui sont... et inscrits au Code.

Il nous semble, nous, que le principe de la proportionnalité, qui, lui, est introduit au Code et qui était introduit d'ailleurs dans la loi n° 54, inclut, dans une certaine mesure, le principe d'économie et a également l'avantage d'éviter les débats dont je vous parlais. On est tout à fait favorables à ce que, dans les débats, on dise: Bon, bien, là, là, dans une cause qui ? je ne sais pas, moi ? dont le montant en litige est de 50 000 $ ou de 40 000 $, ça n'a pas de sens qu'on fasse une semaine d'interrogatoires préalables ? c'est beaucoup. trop cher, ça n'a pas de bon sens ? ou qu'on fasse 10 expertises. Bon. Le principe de la proportionnalité va faire en sorte que le juge, dans la gestion de l'instance... Parce qu'il ne faut pas l'oublier, cette réforme-là qui va rentrer en vigueur le 1er janvier, là. Cette réforme-là va donner un tas d'outils au tribunal pour restreindre un peu le nombre, par exemple, d'interrogatoires, va restreindre un peu la longueur des débats, va restreindre... Bon. Ce n'est pas pour rien qu'une des trois composantes dont parlait le ministre, c'était la gestion de l'instance par le tribunal. Alors, c'est sûr que le tribunal va pouvoir prendre certaines décisions dans sa gestion qui va assurer que le choix des procédures et le choix des différentes étapes du déroulement de l'instance est en proportion avec le type de recours, la finalité du recours et le but poursuivi. Alors, ça nous paraît intéressant comme principes directeurs à intégrer au Code et ça évite tous les débats que pourrait entraîner l'introduction de principes d'équité, d'économie... La Charte est là, hein, tout le monde est égal devant la loi; ça, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais, si en plus dans la procédure civile, on introduit ces principes-là, là, des débats judiciaires à n'en plus finir puis des appels qui ne devraient pas avoir lieu vont avoir lieu. Alors, ça nous paraît plus dangereux qu'autre chose.

n (15 h 50) n

M. Leduc (Claude G.): Et, si je peux me permettre de rajouter parce que, l'idée avancée par le ministre, je suis d'accord. Le rapport Ferland tripartite, beaucoup de gens ont travaillé sur le rapport puis sont arrivés à un consensus. Il n'est pas dit que le législateur est obligé de suivre à chacun des points soulevés. Mais, pour les points de principe, et ça, il me semble que c'en est un, pourquoi s'éloigner de ce consensus-là sur ce point-là en particulier? Sur d'autres points, je peux le comprendre parce que vous êtes le législateur et c'est avec beaucoup de respect, là, qu'on accepte ça naturellement. Mais sur un point de principe comme celui-là ? et on n'a personne, de boule de cristal ? mais la chance que ça amène des débats judiciaires longs et coûteux pour les contribuables est réelle; il est réel sur ce point-là. Je suis persuadé que ce n'est pas ça que le ministre veut. Il veut au contraire faciliter l'accès à la justice aux moindres coûts possible.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Et un dernier détail, si vous me permettez, c'est que la loi n° 54 n'avait pas introduit le principe d'économie, il s'est contenté... le législateur s'est contenté d'introduire le principe de la proportionnalité avec lequel on est tout à fait d'accord.

Mme Lamquin-Éthier: Vous parlez de la loi n° 54, c'est un autre exemple que vous donnez. On a parlé tout à l'heure du cinquième alinéa de l'article 26 qui s'écartait de la loi n° 54. Quand vous avez fait lecture de l'article 4, du deuxième alinéa... Je vous en fais lecture. Alors, évidemment, on est dans le chapitre II, La mission des tribunaux. Alors, le deuxième alinéa de l'article 2 dit: «Il entre aussi dans la mission ? évidemment des tribunaux ? tant en première instance qu'en appel, de concilier les parties soit que celles-ci y consentent, soit que la loi leur en fait devoir ou que la matière ou les circonstances s'y prêtent.»

Alors, évidemment, quand on garde en tête le projet de loi n° 54, plus particulièrement l'article 4.3, ai-je raison de penser qu'il y aurait ici une nouvelle formulation et ai-je raison de penser que cette nouvelle formulation là viendrait en quelque sorte modifier ce qui avait été inscrit au projet de loi, à la loi n° 54 qui est entrée en vigueur en juin 2001?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Effectivement, vous avez raison, Mme Lamquin-Éthier, Mme la députée. Vous avez raison, et c'est d'ailleurs la crainte que l'on formule à la page 12 du mémoire. Encore là il s'agissait d'un nouvel article, hein, l'article 4.3 de la loi n° 54. Donc, ce n'est pas un article du Code de procédure qu'on a modifié, là, c'est un tout nouvel article qu'on a intégré au Code, et là on décide d'en changer la formulation. Et ce qui nous fait peur un peu, alors que tout le monde a toujours été d'accord à ce que la conciliation ou la médiation soit sur une base toujours consensuelle, là, le fait qu'on ait les mots au deuxième alinéa «ou que la matière ou les circonstances s'y prêtent», c'est tellement large, c'est tellement large qu'un juge pourrait dire: Bon, écoutez, moi, d'après moi, les circonstances se prêtent là à une médiation, alors allez-y donc, puis qu'il rende une ordonnance de médiation. Je pense, encore une fois, ce n'est pas dans l'intérêt du justiciable qu'on force les parties à vouloir s'entendre. Ce n'est pas vrai. Il y a certains litiges où les parties ne pourront jamais s'entendre. C'est la nature humaine qui est comme ça. Alors, ouvrir la porte à une ordonnance possible de médiation ? et là j'exclus le droit familial parce que c'est possible en droit familial ? c'est beaucoup trop dangereux encore une fois pour les justiciables. Et on se demande encore une fois pourquoi avoir modifié la formulation d'un texte tout nouveau qui a à peine deux mois d'existence?

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Me Vadboncoeur. Le Barreau du Québec, dans son mémoire, évidemment fait des commentaires structurels et des commentaires de forme. Il parle évidemment des définitions et il observe que le législateur... Puis je suis sûre que M. le ministre devrait apprécier la définition ou les définitions qui étaient contenues à l'article 4 du Code de procédure civile. Il n'y en n'a plus.

Alors, là on se retrouve avec des articles qui incluent des notions ou des concepts qui semblent originer d'ailleurs. Notamment, quand je regarde l'article 26, le quatrième alinéa, il est question de matière gracieuse. Matière gracieuse, honnêtement, vous l'avez dit dans votre mémoire, c'est fort heureux, parce que je cherchais où en trouver la définition, parce que je ne l'ai pas trouvée dans le même chapitre, là, et effectivement on la retrouvait beaucoup plus loin. Selon vous, l'état de la jurisprudence, l'état du droit ou je ne sais pas quoi, qu'est-ce qui pourrait justifier un tel changement? Et est-ce que, ici, au Québec, c'est une notion avec laquelle le milieu du droit ou la communauté juridique est familière? Et quel risque le justiciable... Vous mentionniez tout à l'heure à quel point il y a un risque sérieux que ce justifiable-là soit perdu, ne s'y retrouve plus d'autant plus si les définitions ou les concepts lui sont totalement étrangers. Est-ce que ça serait le cas ici?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Écoutez, pour vous répondre, je pense que je peux vous répondre assez simplement en disant deux choses. La question que vous m'adressez à moi, vous devriez plutôt l'adresser au ministre parce qu'il n'y a absolument rien ni personne qui a demandé ces changements-là. Il n'y a absolument rien qui justifie ces changements-là, sauf le fait d'importer certaines notions françaises. Je vais vous donner un exemple. On vit avec la procédure allégée depuis quelques années et l'inscription de la cause dans les 180 jours vient de là d'ailleurs et à l'heure actuelle la partie demanderesse, qui n'inscrit pas sa cause dans les 180 jours, est réputée s'être désistée de sa demande. Cette notion-là a été étudiée. Elle est très bien comprise. On vit avec. Là, ce n'est plus ça. Dans le document sessionnel, c'est une notion française qu'on a introduite, et là ce n'est plus une présomption de désistement, c'est la caducité de l'instance. Comment ça va être interprété? Quels effets ça va avoir? Quel débat encore une fois ça va introduire? Qui a demandé ça? Il n'y a personne qui demande ça. Pourquoi ne pas maintenir des notions auxquelles tout le monde est habitué? La jurisprudence est bien établie. Les avocats savent ce que c'est, les juges aussi, les justiciables également. Pourquoi encore une fois introduire des notions qui vont susciter des débats sans fin et très coûteux? J'insiste là-dessus. C'est les justiciables au bout du compte qui paient pour tout ça. Alors, la question devrait être adressée plus au ministre qu'à nous, Mme Lamquin-Éthier.

Mme Lamquin-Éthier: On va pouvoir, M. le ministre, y revenir. Une dernière question, parce que, malheureusement, le temps est très court. Celle-ci a trait à l'article 36, à savoir la compétence exclusive de la Cour supérieure. Je vous fais lecture: «La Cour du Québec a compétence, à l'exclusion de la Cour supérieure, pour entendre les demandes ayant pour objet, en l'absence de consentement de la personne concernée, la garde dans un établissement de santé ou de services sociaux, l'évaluation psychiatrique et les soins nécessaires dans les circonstances.»

Pouvez-vous expliciter ce qui en est à cet égard? Parce que là il est question... Je crois que le rapport Ferland avait parlé d'une compétence concurrente à certains égards mais exclusive aussi. Est-ce que vous pouvez m'éclairer et revenir sur l'article 36?

n(16 heures)n

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui. D'abord, évidemment, je comprends qu'on rentre un petit plus dans le détail, là, mais c'est un exemple qu'on a donné dans le mémoire qui se dissociait du rapport Ferland. C'est qu'à l'heure actuelle... Et la Cour d'appel d'ailleurs... Je cite dans le mémoire, là, un jugement de la Cour d'appel qui reconnaît actuellement la compétence exclusive de la Cour supérieure là-dedans, en ces matières-là, consentement aux soins en cas de refus de la personne, là, évidemment, donc l'application des articles 17, 18, 20, là, du Code civil. Au comité Ferland, on s'est dit: Pour plus de commodités, pour un meilleur accès à la justice des justiciables...

Admettons que, bon, il n'y a pas de juge de la Cour supérieure à ce moment-là puis que c'est urgent puis... Bon. On a recommandé qu'il y ait une compétence concurrente Cour du Québec et Cour supérieure dans ces matières-là d'autant plus qu'on était loin d'être sûrs que l'Assemblée nationale avait le pouvoir constitutionnel d'enlever une compétence exclusive, la Cour supérieure qui est un tribunal de l'article 96, là. Ça, c'est de la Constitution canadienne; c'est un débat assez chinois pour les non-initiés, mais, en tout cas, ça veut dire tout simplement qu'une législature provinciale n'aurait pas le pouvoir constitutionnel d'enlever une compétence d'un tribunal dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral. Donc, on se demande vraiment pourquoi encore une fois c'est exclusivement la Cour du Québec qui aurait dorénavant compétence, alors que la compétence concurrente, tout le monde pouvait vivre avec et ça accordait un meilleur accès aux justiciables. Et, deuxièmement, on s'interroge aussi sur le pouvoir constitutionnel qu'aurait l'Assemblée nationale de faire un tel changement.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, c'est tout le temps, même on a dépassé un peu, et je ne voudrais pas qu'on empiète sur le temps des autres groupes qui vont suivre. M. le ministre, il vous restait une minute, rapidement.

M. Bégin: Oui, juste peut-être sur la question de l'entrée en vigueur. Le projet de loi n° 54 va entrer en vigueur le 1er janvier 2003. Le projet de loi qui est à l'étude, il n'est pas déterminé quand il entrera en vigueur. Même si on prévoit l'application immédiate, ce n'est pas l'entrée en vigueur. L'application immédiate, c'est un autre concept juridique qui dit qu'en procédure, normalement, elle ne sert pas toujours d'application immédiate. Mais là on dit: Ce sera les instances déjà commencées qui se verront assujetties aux principes énoncés dans ce projet de loi là, sauf les exceptions qui sont prévues qui peuvent dire, par exemple: Malgré l'entrée en vigueur de la disposition unetelle, les procès commencés avant continuent d'être régis selon les règles qui étaient en vigueur au moment du début du procès... du procès, oui. Alors, tout ça, ce sont des questions purement techniques.

Le choix qu'on a à faire, c'est de dire: Est-ce que, oui ou non, après avoir modifié très substantiellement le droit, puisque je pense que c'est ça qu'on a fait par le projet de loi n° 54 ? c'est, je dirais, le coeur du Code de procédure civile que nous avons modifié ? est-ce qu'on va attendre que les mesures d'exécution des jugements qui sont dans la dernière partie du Code devraient être connues, ou étudiées, ou adoptées avant de faire entrer en vigueur ce qui constitue la première partie du Code? Je pense que non. Je pense que la première partie du Code qui est là, ce sont des principes qui d'abord... Puis, deuxièmement, ce sont... accessoires par rapport à ce qu'il y aura.. à ce qui a déjà été adopté. Ça formera, quand ce sera adopté, puisque ces textes-là s'ajustent au projet de loi n°

54, ça formera un tout, et là il y aura une cohérence.

C'est vrai qu'il peut se présenter quelques points d'interrogation. Vous avez soulevé la question des moyens de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure. Certains se retrouvent à l'article 33, pour prendre l'ancien vocabulaire, l'ancien chiffre, l'article 33. Il y a l'appel qui est dans 29, ou 26, ou 28. Et il y a finalement pas l'évocation mais tous les moyens extraordinaires qui se trouvent dans 800 mandamus mais surtout révision judiciaire. Peut-être qu'il y a des questions d'ajustement technique, mais, fondamentalement, l'exécution des jugements, c'est les questions qui n'ont pas trait à l'évolution du procès comme tel ni aux principes directeurs. C'est un autre secteur dans lequel je dirais que 98 % des avocats ne mettent jamais le doigt, parce que c'est un secteur... 98, c'est peut-être fort, mettez-en 90, si vous voulez, ça ne me dérange pas, mais c'est exceptionnel. Et ça, il y a des spécialistes de la question, mais, en général, on n'est pas à ce niveau-là. Je crois qu'il est possible de le faire dans la mesure où l'harmonisation...

Une voix: ...

M. Bégin: ... ? oui ? est bien faite, et, à ce moment-là, on n'aura pas trois codes, on aura possiblement deux codes séparés comme on aura de toute façon deux codes séparés avec 54. Qu'on reporte de six mois, ou d'un an, ou de deux, 54 va constituer un code et le reste va constituer un autre code. Alors, moi, je ne vois pas le problème particulier qui découle de ça.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. C'est... Malheureusement, le temps nous est... le temps imparti est terminé. Et je vous remercie, mesdames, messieurs du Barreau du Québec, pour votre participation aux travaux de cette commission.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les représentants de l'Association du Jeune Barreau de Montréal à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Mesdames, messieurs de l'Association du Jeune Barreau de Montréal, bienvenue à cette commission. J'invite la présidente, Me Caroline Champagne, à nous faire part de... à nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Je vois que vous êtes... c'est l'équité des deux sexes qui représente votre Association. C'est très bien. Alors, c'est Me Champagne.

Association du Jeune Barreau
de Montréal (AJBM)

Mme Champagne (Caroline): Bonjour, M. le Président, bonjour, M. le ministre, Mme la députée. Ça me fait plaisir d'être ici pour présenter le mémoire de l'Association du Jeune Barreau. Le Jeune Barreau de Montréal a été impliqué depuis les travaux du comité Ferland à réfléchir sur la réforme qui a été amorcée depuis quelque temps déjà, et c'est notre deuxième document que nous déposons dans ce contexte. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent et qui ont travaillé à la rédaction, cet été, à travers leurs vacances, de notre mémoire: Me Nicolette Kost-De Sèvres, Me Patrick Glaude et Me Mathieu Piché-Messier, qui est le président du comité des affaires publiques et professionnelles de l'Association du Jeune Barreau de Montréal.

Je considère que l'Association du Jeune Barreau de Montréal a un rôle extrêmement important à jouer, je crois, quant à ses commentaires à apporter, puisque ce sont ses membres, ses 5 000 membres, qui représentent environ le tiers de tous les avocats québécois, qui auront à mettre en application et qui auront à travailler avec ce nouveau Code de procédure civile. Alors, les jeunes avocats seront les personnes qui vont probablement travailler le plus longtemps avec ce nouveau Code là, alors on est extrêmement intéressés par ce qui s'y passe. Le mémoire que nous avons déposé, bon, évidemment, c'est fait par des gens qui travaillent bénévolement, c'est fait en dehors des heures de travail qui sont très nombreuses pour les jeunes avocats, alors c'est quelque chose qui sera appelé à être bonifié. Je comprends et j'espère en fait que nous serons invités à participer aux autres commissions qui auront lieu durant les prochaines semaines, à l'automne, j'imagine.

Nous voulons de prime abord vous dire que nous adhérons entièrement à tous et chacun des points qui ont été abordés par le Barreau du Québec. Nous avions pris connaissance de leur mémoire avant aujourd'hui. Nous avons analysé le tout et vraiment nous faisons nôtres tous les arguments qui ont été amenés. Alors, vraiment, la signature du Jeune Barreau, là, qui accompagne celle du Barreau, je considère qu'ils ont fait un travail très, très, très professionnel et extrêmement bon. Alors, vraiment ce sont nos arguments. Vous allez voir aussi et vous avez sûrement vu que, dans notre mémoire, il y a beaucoup de points qui répètent ceux qui se retrouvent dans le mémoire du Barreau du Québec. Nous n'allons pas revenir là-dessus, puisque, comme je vous le dis, là, c'est la même chose, nous avons la même opinion sur ces sujets, notamment la fragmentation de l'entrée en vigueur. Nous considérons que c'est primordial que les différentes phases là entrent en vigueur en même temps quant à cette réforme. C'est quelque chose qui est très important. C'est beaucoup plus simple. La formation du Barreau du Québec commence très, très bientôt pour le nouveau projet de loi, ça commence dans deux semaines environ. Je veux dire, il faut que tout ça soit coordonné, il faut qu'il y ait une cohérence à ce niveau-là. Nous considérons que c'est vraiment important de mettre tout ça ensemble et puis que ce soit clair pour tous les justiciables et aussi pour les avocats qui ont... Ça va être beaucoup plus facile pour eux de travailler avec ce nouvel outil là.

n(16 h 10)n

Ensuite de ça, nous sommes d'accord également avec tous les problèmes de terminologies qui sont utilisées dans le projet de loi qui est présenté ? nous en parlons d'ailleurs dans notre mémoire. Nous avons relevé certaines contradictions, là, ou différences qui se retrouvent là-dedans. Alors, je ne vais pas les énumérer, mais je vais vous y référer tout simplement.

Quant à la réduction du droit d'appel ? nous en discutons également dans notre mémoire ? nous sommes d'accord avec ce que le Barreau du Québec vient de dire, la rétractation de jugement ainsi que l'aspect très, très, très important qui s'y retrouve, c'est-à-dire les dommages-intérêts, les dommages punitifs à l'égard des avocats.

Un autre point avec lequel nous sommes d'accord et dont nous parlons abondamment également, c'est le principe de la proportionnalité. Alors, j'inviterais Mathieu Piché-Messier à faire des commentaires un peu plus particuliers sur cette réforme.

M. Piché-Messier (Mathieu): Alors, bonjour, tout le monde. Je vous remercie beaucoup de nous avoir accueillis ici, aujourd'hui. Bonjour, M. le ministre, M. le Président. Et je remercie ma consoeur, Me Champagne, pour m'avoir donné le droit de parole aujourd'hui. Effectivement, pour l'AJBM, c'est très important, étant une association où on représente les jeunes avocats de 10 et moins années de pratique, comme Caroline a dit, et on est vraiment très assujettis à toutes les questions de procédure.

On a regardé aussi le document sessionnel dans la fonction aussi de l'intérêt du justiciable, qu'est-ce qui serait le plus approprié, tout en gardant la philosophie qui est, dans le fond, l'accessibilité à la justice qui est quelque chose qu'on partage, je crois, et qu'on trouve particulièrement important dans notre société présentement.

Le premier critère qu'on a regardé est le critère du fait que la procédure doit être la servante du droit. Or, «la procédure doit être la servante du droit» implique plusieurs choses. Le désencombrement des tribunaux ne veut pas nécessairement dire qu'on doit essentiellement commencer à faire des... à prendre des mesures qui vont aller à l'encontre de la primauté du droit et du droit du justiciable à avoir justice. Alors, on a regardé certains points plus précis en plus d'être d'accord avec les points du Barreau du Québec.

Premièrement, par rapport à l'article 4 du document sessionnel, lorsqu'on parle de conciliation ? vous le trouvez à la page 8 de notre mémoire ? on est tout à fait d'accord avec le rôle de conciliation que le juge devrait avoir. Par contre, on veut tout simplement s'assurer que le rôle premier des tribunaux est bien évidemment de rendre justice et de se prononcer sur le droit, donc de rendre jugement. On aimerait souligner à la commission le fait d'une possibilité dans une gradation des différents pouvoirs qu'on pourrait accorder, pas nécessairement pouvoirs mais une gradation des différents pouvoirs qu'on pourrait accorder aux tribunaux, aux juges en particulier dans le cadre d'une conciliation ou dans le cadre où ils sont appelés à rendre jugement. La conciliation est bien évidemment, selon nous, quelque chose qui devrait être de consentement entre les parties, donc consensuel. Il ne faudrait pas qu'on mélange les deux cas, je crois.

D'autre part, lorsqu'on parle de critères économiques et de proportionnalité, on adhère aux commentaires du Barreau du Québec à ce sujet-là. Le seul détail additionnel que nous aimerions ajouter est celui du cas où un justiciable aurait une question de principe à faire trancher. Et je vous dirais, je n'ai pas nécessairement des années de pratique extrêmement longues derrière la cravate. Par contre, ça m'est arrivé à plusieurs reprises d'avoir des clients où, pour une question de principe, voulaient effectivement avoir jugement, et, dans certains cas, avoir jugement peut vouloir dire plusieurs dépenses, que ce soit en nombre de jours de procès, en nombre d'expertises et différentes choses qui font en sorte que le critère d'économie et le critère de la proportionnalité économique devraient être appliqués avec beaucoup de retenue et beaucoup, beaucoup de rigueur et de précision pour s'assurer que ça n'empêche pas un justiciable nécessairement d'avoir justice et d'avoir justice sur une question de principe même.

Pour ce qui est des questions... Bon, on va aller plus en précision. Vous avez remarqué que notre mémoire tient compte aussi de certains articles plus précis. Si on va à la page 10 de notre mémoire, à l'article 131, c'est un commentaire par rapport à la possibilité de demander une prolongation, en cas de dossier complexe, au délai de 180 jours. Le document sessionnel prévoit présentement qu'on ne peut demander cette demande avant cinq mois du début du procès. Nous comprenons la philosophie derrière le principe de l'article qui est dans le fond de vouloir s'assurer qu'on a tout fait pour pouvoir être prêt, si j'ai bien compris. Par contre, on considère que, à la fois pour l'avocat et à la fois pour le justiciable, celui-ci se retrouve dans une espèce de situation où il est en otage par le système de justice et qu'il ne peut pas nécessairement... où encore l'avocat ne peut pas nécessairement prendre position à l'effet qu'on sait souvent qu'un dossier va être extrêmement complexe. On devrait laisser une situation comme celle-ci à la discrétion des tribunaux dans la mesure où le tribunal déciderait que le procureur ou encore la partie, dans ce cas précis, doit attendre au cinquième mois, doit attendre plus tard, n'a tout simplement qu'à reporter la requête et dire: Bien, M. l'avocat, ou M. le procureur, ou maître, assurez-vous d'avoir tout essayé pour que ça fonctionne et puis, si vous n'avez pas réussi après le cinquième mois, à ce moment-là, bien, on regardera votre situation. Mais qu'un juge ait l'occasion de se porter sur la complexité d'un dossier avant les cinq mois ou encore avant un mois, avant 30 jours avant l'inscription, je crois que ce serait dans l'intérêt du justiciable et de l'ensemble du processus judiciaire.

Maintenant, nous avons aussi la question de la production du rapport d'experts qui doit être faite 30 jours de rigueur avant l'audition. Nous croyons simplement vouloir rajouter à cet article qu'il serait opportun de mentionner que le tribunal pourrait, bon, sur exception ou sur requête, bien, enfin avoir discrétion pour prolonger une situation où le rapport d'expertise ne pourrait pas être déposé, et ça ferait en sorte de ne pas brimer les droits des parties d'une part et ça ne voudrait pas dire pour autant que l'audition serait reportée. Par contre, dans la mesure où ce serait dans la justice, nous croyons que ça serait une mesure qui serait profitable.

Maintenant, si on se rend à la page 12 de notre mémoire, un point que nous croyons important, le point concernant les dépens et le plateau d'admissibilité à l'honoraire additionnel au montant de 1,5 million non sans dire que nous sommes d'accord avec l'augmentation peut-être du plateau d'admissibilité à l'honoraire additionnel. Par contre, nous croyons que 1,5 million est beaucoup trop élevé et que... On a... enfin, on remarque du document sécessionnel une propension à tenter d'enrayer les procédures abusives. Nous croyons que de monter un plateau à 1,5 million fait en sorte que le caractère coercitif qu'avait le plateau initial de 100 000 $ pour honoraires additionnels est présentement trop élevé, et on se retrouvait avec un... on perdrait le caractère coercitif de ladite disposition telle qu'elle l'est présentement. On adhère aux commentaires de la rétractation de jugements.

En matière de dommages-intérêts de l'article 49, le seul commentaire que j'ajouterais aux commentaires du Barreau du Québec que j'ai trouvé fort éloquents, que nous avons trouvé fort éloquents et précis, est celui de la différenciation entre le plaideur téméraire et les procédures qui comporteraient un droit incertain, soit une zone grise. Vous savez tous que, si les avocats ont du travail la plupart du temps, c'est qu'il y a des zones grises dans le droit et que ce n'est pas clair. Or, le droit d'un justiciable, avoir recours à un avocat qui n'aurait pas nécessairement peur de se faire taper sur les doigts pour avoir pris une procédure où le droit du justiciable serait incertain, à ce moment-là, nous croyons que ça ne devrait pas arriver, que ça ne devrait pas être quelque chose qui puisse être du pouvoir des tribunaux. Par contre, le cas d'un plaideur téméraire, c'est quelque chose de différent.

n(16 h 20)n

Maintenant, si on parle de l'interrogatoire préalable ? et ce sera notre dernier point; on a deux points sur l'interrogatoire préalable ? la première position de l'Association est par rapport à l'article 229 concernant l'abolition de l'interrogatoire préalable pour tout dossier en dessous de 25 000 $. Nous comprenons probablement que l'objectif de cette disposition-là est de désencombrer les moyens préliminaires ou les choses préliminaires qui se font à l'égard d'un dossier. Par contre, c'est un exemple où nous considérons que le désencombrement ne serait pas à l'avantage de la justice et à l'avantage du justiciable. Nous croyons qu'un justiciable, peu importe le montant... ? et c'est un des éléments les plus relativement fondamentaux autant de la défense que de la demande d'avoir la possibilité de faire un interrogatoire préalable. Ceci implique notamment ? puis vous le direz souvent ? avec l'article 75.1, des interrogatoires sur l'affidavit ou encore des interrogatoires préalables qui résultent soit à un règlement du dossier plus rapide, en un rejet de la défense, ou une simplification du dossier. Enfin, nous croyons que la possibilité de continuer des interrogatoires préalables à ce niveau-là ne peut que continuer à améliorer le système plutôt que de l'empêcher, parce qu'une partie qui arrive à procès sans avoir... dans le fond, ce que ça dit, c'est que tous les procès en bas de 25 000 $ s'en vont directement à procès et il peut arriver plusieurs situations où, en soi, l'audience devant le tribunal sera beaucoup plus complexe et portera enfin sur des circonstances qui auraient pu être réglées bien avant, et probablement que même certains dossiers vont arriver devant le tribunal et le tribunal va dire: Bien, maître, vous n'avez pas de cause parce que, de toute façon, votre témoin n'a absolument rien à supporter... enfin, votre client ne peut pas supporter sa demande ou encore sa défense, et ça ferait en sorte qu'on aura enfin perdu le temps du tribunal, le temps de la cour, le temps des procureurs, le temps des justiciables, l'argent des justiciables et puis, bon, enfin tout ce qui va avec ça.

Finalement ? et ce sera notre dernier point par rapport à l'article 227 du document sessionnel ? on permet une... enfin, la rédaction permet le dépôt de l'interrogatoire préalable par les deux parties ou encore... Bon, disons que ce n'est pas nécessairement clair. Or, le principe, présentement ? et je ne vous apprendrai rien ? l'article 398.1 est que la partie qui interroge a le droit de déposer ou non les notes sténographiques. Nous croyons que c'est un droit qui est bien établi dans notre système de justice que, dans le cadre de l'interrogatoire préalable, la partie qui interroge peut décider de déposer ou pas les notes sténographiques, à son choix, et ce n'est pas quelque chose qui devrait nécessairement changer dans la mesure où chaque partie peut interroger et dans la mesure où la preuve qui sera faite devant le tribunal sera la preuve qui sera considérée par le tribunal, dans la mesure où un interrogatoire ne serait pas déposé, bien évidemment.

D'autre part, la commission pourrait aussi prendre l'occasion de se pencher sur la nature confidentielle de l'interrogatoire préalable tel qu'il a été déterminé récemment dans une décision de la Cour d'appel, Lac d'Amiante, qui demande que la confidentialité enfin, du contenu de l'interrogatoire préalable soit préservée afin de conserver, par exemple, des secrets professionnels... pas des secrets professionnels mais des secrets commerciaux.

Enfin, je crois qu'on a fait le tour. Je ne sais pas si mes confrères et consoeurs ont des commentaires additionnels à ajouter. Caroline?

M. Champagne (Caroline): Merci.

M. Piché-Messier (Mathieu): Alors, on vous remercie de votre écoute.

M. Champagne (Caroline): Si vous avez des commentaires...

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, M. le ministre de la Justice, pour vos commentaires... questions.

M. Bégin: Alors, merci beaucoup pour vos commentaires. J'ai envie de vous taquiner un petit peu puis en même temps de taquiner le Barreau parce que vous nous avez dit que vous étiez d'accord avec ce que le Barreau avait dit. Mais ce que le Barreau a dit tout à l'heure, c'est qu'il fallait qu'on respecte le projet de loi n° 54 qu'on avait adopté. Or, vous avez au moins trois sujets, sinon quatre, abordés dans lesquels vous divergez complètement de ce que 54 a adopté. Alors, là je vous avoue que j'ai un petit peu... un peu embêté de dire: Est-ce que je dois respecter ou pas? Je vous le dis en taquinant parce que ça reflète effectivement... c'est quasiment impossible de toujours être en conformité de ce qui a été fait avant. Je ne vous dis pas nécessairement que je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, mais ça me sert un peu, montrer qu'effectivement les demandes, par exemple, quand vous parlez de l'interrogatoire au préalable, c'est quelque chose qui a été décidé avant. La prolongation du délai, c'est-à-dire que la possibilité de demander une prolongation de délai doit se faire au plus tard... au plus tôt un mois avant l'expiration du délai de six mois, donc le cinquième mois, ça a fait l'objet d'un long débat. Et, pendant que vous parliez, je regardais Mme Vadboncoeur qui avait mené la discussion là-dessus, et je peux vous dire que ça a été épluché de long en large et il y a eu, comme on a dit... à un moment donné, la députée de Bourassa a dit: Bon, évidemment, on va arrêter le débat parce que quelqu'un doit trancher à un moment donné, puis là la décision est prise et voilà. Donc, ça a été longuement discuté en commission parlementaire et je ne crois pas que les commentaires que vous avez apportés me permettent de changer d'opinion là-dessus. Un point sur lequel vous avez abordé, par exemple ? et le même point que le Barreau, mais je n'ai pas eu le temps de le commenter tout à l'heure ? c'est celui de la conciliation, à l'article 4. Je crois qu'effectivement le texte, même si, moi-même, je ne le vois pas comme ça, peut prêter à confusion. On peut dire: Ce n'est plus une conciliation volontaire, mais c'est une conciliation forcée. Comme ce n'est pas l'esprit du tout dans lequel on a fait les choses, on va corriger le texte pour qu'il dise plutôt ce qu'on avait à l'esprit, que, même si ce n'est pas prévu, ou pas obligatoire en vertu de la loi, ou que les parties ne le demandent pas, si le juge pense à un moment donné, devant une situation donnée, que ça serait peut-être bon de conseiller aux parties de faire de la conciliation, que le juge se sente autorisé à le dire et non pas qu'il puisse dire... qu'il dit: Écoutez, il y a juste deux cas où je peux le faire puis je ne suis pas dans ces cas-là, donc je ne le peux pas. Alors, c'est l'esprit dans lequel on l'avait mis, mais je vois qu'il prête à confusion. Ça sera corrigé lors de la prochaine... lorsqu'on déposera le projet de loi devant l'Assemblée et qu'on l'étudiera.

Quant à l'expert, là, le report du rapport d'expert, je vous avoue honnêtement que j'ai de la réticence assez forte là-dessus, parce que je crois que l'avantage de ce que nous avons adopté, c'est justement de donner aux parties, lors de la discussion pour l'établissement du calendrier des instances, qu'on donne aux parties tout le temps requis mais pas plus qu'il est nécessaire pour faire leur travail et qu'on respecte cet échéancier-là, et c'est ce qui va permettre effectivement d'aller plus rapidement.

Donc, là-dessus, faute d'avoir plus de commentaires, je vous avoue honnêtement que je ne suis pas convaincu de la chose. Je dois vous dire cependant que, quant aux experts, la magistrature m'a fait état de très nombreux commentaires et est désireux... la magistrature est désireuse, pardon, de regarder de plus près cette question des experts pas simplement pour le dépôt mais pour leur nombre, leur justification, etc. Je fais part de commentaires qui m'ont été faits très récemment par les autorités des cours à cet égard-là. Ça veut dire qu'on devra regarder ça de très près. Je vous indique que le juge Michaud avait fait une conférence qui est disponible, là, il y a une couple d'années là-dessus et les magistrats reviennent à la charge à cet égard-là. Ils considèrent qu'il y aurait des modifications importantes à apporter. Alors, je vous incite peut-être à faire une réflexion même si on n'a aucun texte actuellement à cet égard, parce que ça risque de venir rapidement sur la table et, à ce moment-là, on pourra peut-être regarder cette question de la prolongation du délai.

Le plaideur téméraire, on en a parlé. L'interrogatoire au préalable, bon, vous dites que vous avez plaidé pour cet article-là. Moi, quand j'ai lu le rapport Ferland, ce qui m'a frappé, c'est la multiplicité des inventions technologiques faites par les différentes législatures en Amérique du Nord pour essayer de solutionner le problème: pas plus que tant de mots, pas plus que tant de questions, pas plus que tant de pages, pas du tout d'interrogatoire, pas plus que 25 000 $. Il y en a eu... bref, tout le monde, partout, a essayé de contrer un problème qui est difficile à régler. C'est la distinction entre l'interrogatoire au préalable utile de celui qui a un autre qualificatif. Et le choix qui a été fait, ça a été de recommander 25 000 $. Personnellement, je ne suis pas sûr que ça va être la réponse à tous les espoirs qu'on a mis là-dedans. Mais, si on veut essayer quelque chose, ça en est une qui est plausible et qui, en tout cas, à la lumière de ce qui s'est fait ailleurs, nous apparaît la meilleure. Peut-être que ce n'est pas parfait. Peut-être qu'il y aura des cas où, au contraire, de favoriser, ça nuira, mais les parties ? là je parle du rapport Ferland et de partout ailleurs ? ont voulu régler un véritable problème. Alors, on espère qu'avec cette méthode-là on y arrivera. Mais je suis certain que, d'ici quelques années, peut-être aurons-nous à nous repencher sur cette question-là, parce que ça aurait certains aspects, on aura eu des effets indirects qu'on ne souhaitait pas qui se seront produits, mais peut-être aussi ce sera la bonne façon de contrôler cette question-là parce que c'est un problème. Ça, on en conviendra. Et, moi, pendant toute ma pratique, on a eu deux, trois façons de régler ça comme le fait que vous soulevez, la possibilité de déposer ou ne pas déposer, à quel moment, les parties d'experts. Vous avez un point là-dessus, je pense, là, par rapport au texte actuellement. Je ne suis pas sûr qu'on a bien reflété l'intention qui était voulue. Je n'ai pas la réponse tout de suite, mais vous avez soulevé un bon point, parce que, là, peut-être qu'on n'a pas fait dire ou donné la possibilité aux parties de se comporter comme elles l'entendent et comme c'est souhaitable pour les fins de l'administration de la justice.

n(16 h 30)n

Alors, je ne m'engage pas à vous donner raison, mais je crois... En tout cas, on va certainement revisiter attentivement pour être certain qu'on dit bien ce que c'est qu'on veut dire et pas plus ni moins. Alors, excusez, j'ai fait plutôt des commentaires aux vôtres, mais, si vous voulez réagir à ce que j'ai dit, il n'y a pas de problème.

M. Piché-Messier (Mathieu): Écoutez, je n'aurai pas une grande réaction, à part le fait de vous remercier de vos commentaires, premièrement. En fait, on veut aussi féliciter les efforts qui ont été entrepris dans l'ensemble de la réforme. On est relativement... particulièrement d'accord avec le fait que la réforme soit essentielle.

Par contre, la seule chose qu'on pourrait peut-être dire par rapport aux interrogatoires ? on prend note de vos commentaires et on vous remercie ? c'est que le fait d'abolir complètement l'interrogatoire au préalable ne solutionnerait pas nécessairement les problèmes aux dépens, je dirais, du droit du justiciable à ce dit interrogatoire préalable là. Et je ne crois pas que ce soit... enfin, nous ne croyons pas que ce soit dans l'intérêt des justiciables et de la justice que cet interrogatoire-là soit complètement aboli. Il peut y avoir des méthodes ou des façons différentes de le faire, que ce soit de façon écrite avec des questions écrites, que ce soit avec des questions où l'on doit répondre oui ou non, en cochant oui ou non. C'est des façons plus simples peut-être de procéder à un interrogatoire, moins laborieuses, moins dispendieuses mais qui tout de même permettent une évaluation préalable soit d'une défense soit d'une demande. Alors ou enfin, je ne sais pas si mes confrères ont d'autres commentaires à faire.

M. Bégin: Mais juste là-dessus, là, je vous avoue honnêtement que je n'ai pas une idée bien claire de cette question-là, personnelle, en ce sens que j'étais prêt à aller n'importe où, je n'ai pas un choix personnel. Mais ce que j'ai vu dans le rapport Ferland, c'est que beaucoup de législateurs ont essayé de corriger un problème qui est celui-là. Ils ont essayé, par exemple, en disant: Vous ne pouvez pas poser plus que tant de questions. Vous ne pouvez pas avoir des réponses qui dépassent tant de mots. Ça commence à être compliqué, ça. Vous ne pouvez pas... Bien, là vous nous suggérez une autre méthode qui est peut-être énoncée: cocher oui, cocher non. Bon. Mais là on tombe sur la formulation de la question. Est-ce que la réponse est ambiguë? Parce qu'il faudrait qu'il y ait des «noui» peut-être, là, au lieu des oui, non. Non, non, mais vous voyez? Là-dessus, le rapport Ferland a recommandé d'aller à 25 000. Faute d'être capable de proposer mieux, moi, j'ai pris ce choix-là, prenant pour acquis, par exemple, que tout le monde est d'avis ? je ne vous inclus pas dedans, là ? mais tous ceux qui ont travaillé au niveau du rapport Ferland étaient d'avis qu'il fallait essayer par quelque chose, par une méthode quelconque, de limiter les problèmes qui étaient posés. C'est le choix qui est là. Ce n'est peut-être pas parfait, mais je ne crois pas qu'on ait trouvé d'autres méthodes pour le moment d'arrêter cette question-là... d'arrêter ce problème-là. Excusez-moi, je voulais vous le dire, parce que c'est un échange.

Le Président (M. Lachance): Oui. Est-ce qu'il y a des réactions aux propos du ministre?

M. Bégin: Ou d'autres?

Mme Champagne (Caroline): Seulement qu'une chose, en fait, c'est en rapport avec ce que vous avez dit concernant les rapports d'expertise. C'est peut-être plus une question, là. Vous avez dit que vous étiez pour reconsidérer ça en fonction de ce qui avait été demandé par la magistrature, mais on a vu certains points quand même nouveaux qui ont été amenés dans votre document relativement à l'obligation ou le pouvoir des tribunaux de forcer les experts de se rencontrer, là, pour s'entendre sur certains points. Et le fait que... Moi, j'ai remarqué que les avocats n'étaient pas invités ou ne seraient pas obligatoirement présents lors de cette rencontre-là. À notre avis en tout cas, c'est quelque chose qui est primordial que les avocats soient présents avec les experts dans leurs dossiers quand ils représentent leur partie. Bien sûr, les experts sont là pour aider le tribunal. On comprend ce que ça veut dire. Mais est-ce que ça signifie qu'une telle mesure disparaîtrait ou serait là... ne réapparaîtrait pas dans le projet de loi? Alors... Non?

M. Bégin: Non. Ce qui a été adopté, là, faut comprendre que, dans certains cas, des textes ont été adoptés sous un numéro et se retrouvent à un autre endroit. Mais on l'a ici, 413.1 qui est l'ancien 79 ? je n'ai pas le texte, là ? il restera. «Lorsque les parties ont chacune communiqué un rapport d'expertise, le tribunal peut, en tout état de cause, même d'office, ordonner aux experts qui ont préparé des rapports contradictoires de se réunir en présence des parties ou des procureurs qui souhaitent y participer afin de concilier leurs opinions.» C'est là puis ça ne change pas. Donc...

(Consultation)

M. Bégin: Bon. On me dit que, effectivement, il y aurait un écart entre ce que je viens de lire et ce qui est l'article 284.

(Consultation)

M. Bégin: Bon. Alors, écoutez, techniquement, il semblerait qu'on puisse voir qu'il y a une distinction parce que les deux paragraphes ne sont pas liés l'un à l'autre. Bon, ça, c'est le genre de chose, là, comme j'ai dit tout à l'heure, qu'on n'a pas voulu diverger de 54 et que, dans les faits, pour des raisons qui nous ont amenés à changer un peu un texte, on ait fait un tel écart, donc on va corriger tout ça, parce que ce qu'on a fait comme travail avec 54, c'est un travail consciencieux et je pense qu'il est bon. Mais, si on se rend compte qu'on a commis une erreur avec 54, ce n'est pas parce que ça a été adopté qu'on ne le changera pas, et, dans ce cas-ci, on ne cherchait pas à remédier à un problème qu'on avait découvert depuis, donc on devrait revenir à ça.

Mme Champagne (Caroline): C'est parce que vous aviez dit tout à l'heure: relativement au nombre d'experts.

M. Bégin: Ah! bien, ça, c'est une autre problématique.

Mme Champagne (Caroline): Donc, ce serait quelque chose qui se retrouverait dans une autre des phases de la réforme ou...

M. Bégin: Bien, là je ne sais pas, je ne sais pas exactement parce que... Écoutez, lorsque j'ai rencontré ? j'ai déjà eu l'occasion de dire ça en commission, mais vous n'étiez pas présents ? lorsque j'ai rencontré la magistrature et le Barreau, en mars dernier, avant qu'on commence les travaux en commission parlementaire, tout ça, je les ai rencontrés et, à l'occasion de notre discussion, on ne visait pas le rapport d'experts, mais, tout à coup, c'est arrivé sur la table, et nous avons eu une discussion, je pense, qui a pris une demi-heure, comme il faut, plus qu'à peu près n'importe quel autre sujet, qui étaient quand même nombreux, de la discussion. Et là c'était autant la Cour supérieure que la Cour du Québec pour des raisons différentes qui intervenaient, que ce soit le rapport d'un expert en matière psychosociale pour la garde des enfants, ou encore en matière de jeunesse, etc., ou encore le juge de la Cour d'appel qui parlait des experts en matière de procès en responsabilité où il y a des expertises nombreuses. Tout le monde avait un mot à dire, tout le monde avait quelque chose d'important et le juge Michaud, entre autres, référait à une conférence qu'il a faite et que je vous invite à relire parce qu'elle est extrêmement révélatrice de l'état d'esprit là-dessus.

Depuis ce temps-là, après l'adoption du projet de loi n° 54, j'ai eu l'occasion de rencontrer les juges de manière informelle et on m'a fait état qu'ils voulaient vraiment discuter à nouveau de cette question des experts, comment ça se gère, pas pour remettre nécessairement en question qu'est ce qu'on adopte, là, mais pour d'autres problématiques qui tournent autour de ça. Je le dis parce que je me dis que vous avez peut-être avantage vous-mêmes à ce qu'on... comme on dit, à vous faire une tête sur le sujet plutôt que d'être appelés rapidement à le faire, donc je l'annonce comme ça puis je ne sais pas comment, quelle forme ça pourra revêtir. Est-ce que c'est possible rapidement ou est-ce que ça demande une réflexion beaucoup plus longue? Je ne le sais pas au moment où on se parle. Mais, autant que vous le sachiez tout de suite, mettez-vous à y penser, parce qu'il y aura certainement quelque chose qui va être fait, c'est clair, au moins en tout cas un exercice de réflexion avec les juges et le Barreau parce que, ça, c'est vraiment les deux parties les plus impliquées dedans.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous tous.

M. Bégin: Madame, excusez-moi, je pourrais faire une référence pour faciliter la tâche, là.

Mme Lamquin-Éthier: Aïe! y es-tu tannant; il est toujours rendu dans mon temps.

M. Bégin: La preuve d'experts...

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha! Non, non, il n'est pas dans votre temps, il lui restait quand même deux minutes, Mme la députée.

M. Bégin: Vous voyez? Pourquoi vous rouspétez, madame? Pour rien.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Bégin: Trop intempestive.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, vous avez raison, mais je vais continuer de l'être.

M. Bégin: Ha, ha, ha! La preuve d'experts, Cour supérieure, 4 octobre 2001, par Pierre Michaud, est-ce que je pourrais demander au Secrétariat si c'est possible d'en avoir une photocopie?

Le Président (M. Lachance): Certainement, M. le ministre.

M. Bégin: Et on pourrait vous la remettre parce que c'est l'expression en tout cas de ce que le juge en chef d'alors, le juge en chef du Québec, écrivait sur cette question-là. Mais, comme je vous dis, ça a été repris par d'autres juges depuis ce temps-là.

Mme Champagne (Caroline): Personnellement, j'ai entendu le juge Michaud sur le sujet, mais, pour le bénéfice des membres de mon conseil d'administration, j'aurai le document. Merci.

M. Bégin: Je pourrais vous passer la parole, madame.

Le Président (M. Lachance): Oui. Allez-y, Mme la députée de Bourassa. C'est le président qui fait ça habituellement.

n(16 h 40)n

Mme Lamquin-Éthier: Je veux vous féliciter. La valeur n'attend visiblement pas le nombre des années. Alors, bravo pour votre mémoire qui est extrêmement intéressant. Des salutations particulières à Me Champagne, à Me Nicolette Kost-De Sèvres, Me Mathieu Piché-Messier et Me François Soucy. Si vous me permettez juste un petit moment. M. le ministre, vous allez regarder des écarts entre cet avant-projet de loi ? on va l'appeler comme ça ? et la loi n° 54. Vous en avez mentionné certains. Pouvez-vous regarder également l'article 45 lorsque vous ferez votre examen parce qu'il s'écarte également de la loi n° 54, l'article 133, le deuxième paragraphe, 135, deuxième alinéa, 149, 168 en ce qui a trait à la vente d'entreprises et 296, parce que ce sont des modifications qui vont devoir être faites. Dans votre mémoire, à la page 8... Bon, d'abord, je vais commencer par l'article. Des fois, on se demande si on a choisi le style ou la clarté lorsqu'on est à lire l'avant-projet de loi et on est également fondé de se demander, quant à certaines notions... en tout cas, certaines d'entre elles semblent avoir été introduites ? et ce seraient des notions qui seraient interprétées ? du droit français, donc étrangères. Si vous regardez le deuxième alinéa de l'article 12 ? je vous en fais lecture: «Dans toute instance, les tribunaux doivent respecter le principe de la contradiction.» ? est-ce que les termes «le principe de la contradiction», est-ce que c'est une notion, à votre avis, que la communauté juridique connaît et applique depuis longtemps? Le justiciable va devoir se retrouver à travers tous ces changements-là. Si le justiciable lit «le principe de la contradiction», pour lui, est-ce que c'est nouveau, est-ce que c'est familier ou, pour l'instant, totalement étranger?

M. Piché-Messier (Mathieu): Je vous remercie de votre question, Mme la députée de Bourassa. Effectivement, de ce qui apparaît à la page 8 du mémoire, le problème qu'on retrouve à l'article 12, c'est justement la différence entre la définition qu'on donnerait à «principe de contradiction» et, bien évidemment, ce qu'on entend en droit depuis que je suis à l'école de droit, le «débat contradictoire». Or, la notion de «débat contradictoire» est une notion de justice fondamentale qui est bien évidemment tirée plus ou moins du droit de audi alteram partem, c'est-à-dire que celui qui veut se faire entendre a le droit de se faire entendre et vice versa, autant en demande qu'en défense. Peut-être qu'il y aurait lieu à ce moment-là à ce que la commission se penche sur déterminer si effectivement le terme «principe de contradiction» signifie «débat contradictoire», car je crois que, enfin, dans notre justice québécoise, c'est bien le débat contradictoire qui devrait plus ou moins mener notre justice civile et c'est un petit peu malheureux de voir qu'il y a des différences terminologiques comme ça qu'on retrouve dans le terme... dans l'ensemble du document sessionnel. On se demandait aussi, à ce qui apparaît du mémoire, le pourquoi et l'utilité de changer la terminologie juridique qui est déjà acceptée et qui a été interprétée et définie par nos cours, par les cours de justice et par la doctrine. Donc, il y a certains points qu'on a soulevés dans le mémoire mais qui pourraient faire l'objet d'une étude encore plus approfondie et détaillée, où l'on retrouve des différences dans la terminologie juridique qui proviennent, de ce qu'on comprend, du droit français. Ça ne veut pas dire nécessairement que c'est mauvais, là. Par contre, pour ici, je dirais que ce n'est souvent pas nécessairement la meilleure chose qui devrait être utilisée, effectivement.

Mme Lamquin-Éthier: J'aimerais attirer votre attention sur un commentaire que nous pouvons trouver dans le mémoire de la Chambre des huissiers de justice du Québec, un commentaire extrêmement intéressant et dans une section extrêmement intéressante dont on avait eu l'occasion de parler lors de l'étude article par article de la loi n° 54. Alors, je vous lis l'essence: «La signification a toujours une signification, un sens, une raison d'être, une sécurité pour tous.» Les huissiers disent, la Chambre des huissiers: «Nous avons été estomaqués à la lecture du document de consultation. Nous avons l'impression que le législateur propose de banaliser, d'assimiler, d'intégrer, de nuancer et de supprimer le mode distinctif d'huissier de justice.» Je dois dire que, a priori, je partage ce point de vue là. Pour moi, la signification, c'est toujours un acte qui avait été fait par un professionnel, un huissier, c'était clair.

Quand je regarde le document sessionnel ? parce qu'il a été déposé en cours de session ? quand on regarde la section qui est relative à la signification ou à la notification, pour moi, c'est un mélange absolu. Vous n'avez pas abordé ce point-là, je pense, dans votre mémoire, mais avez-vous eu l'occasion de vous pencher là-dessus? Est-ce que vous pensez que ça va être clair? Est-ce que c'est une banalisation, effectivement?

Mme Champagne (Caroline): Je vais vous répondre en toute honnêteté, là, il y a plusieurs points que nous n'avons pas étudiés par manque de temps et nous comptons bien se pencher sur la question. Alors, c'est quelque chose sur laquelle on va se pencher, et puis on pourra toujours vous exposer notre point de vue sur le sujet plus tard.

Mme Lamquin-Éthier: Je ne veux surtout pas vous prendre par surprise d'autant que vous avez fait ça pendant vos vacances. Alors, encore une fois mes félicitations. J'espère qu'on pourra vous retrouver lors de l'étude article par article.

M. Piché-Messier (Mathieu): Si vous me permettez, moi, j'aurais peut-être un commentaire à faire sur la notification et signification, mais très rapide. Je pense que, ce que probablement le ministre avait l'intention d'indiquer dans cet article-là, c'est effectivement... Je considère qu'il devrait y avoir peut-être une précision à faire sur... enfin, toujours utiliser le terme «signification» qui est très clair dans notre système de justice. Par contre, la signification peut aussi bien être faite par huissier que par télécopieur, dépendamment des cas. Peut-être que ça vaudrait la peine de se pencher et de préciser la notion afin que ce ne soit pas confus. Par contre, je crois que c'est purement une question terminologique dans ce cas-ci, c'est relativement clair de savoir si on parle de signification ou simplement de notification. Par contre, le mot «signification» devrait être utilisé.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Viger.

Mme Mancuso: Donc, merci, M. le Président. Je voulais féliciter l'Association du jeune Barreau de Montréal d'avoir présenté ce mémoire. Étant moi-même membre, je célèbre bientôt mes quatre ans de pratique, donc... Et, contrairement au ministre qui a choisi de vous taquiner pour avoir remis en question l'article 131 sur les requêtes pour le prolongement du délai dans l'instance, moi, je vous félicite. Je suis très contente que vous l'aviez soulevé une autre fois parce que, effectivement, durant nos débats, durant l'étude article par article, il y avait un grand débat sur cette question-là, et je ne crois pas qu'en faisant... si vous avez été... Votre opinion est différente de celle du Barreau parce que, lors de nos études article par article, le Barreau l'a soulevée à maintes reprises, qu'il était contraire à cet article-là, et donc il n'y avait pas de consensus à cet égard. Effectivement, il y a eu certains consensus et celle-là n'était pas un des consensus, donc je comprends que le Barreau veut garder les consensus qui ont été joints lors de cette étude du projet de loi.

Donc, ma question à vous aujourd'hui ce serait ? je vous le demande: C'était quoi, la réaction des autres collègues dans la pratique concernant cette nouveauté? Moi, je sais que j'ai posé la question plusieurs fois à des avocats quand j'ai eu l'occasion cet été: Qu'est-ce qu'ils en pensaient de cette façon de procéder pour améliorer l'accès à la justice? Moi, la réaction que j'ai eue, c'était que ce n'était pas la façon de procéder. Donc, je suis contente que vous l'avez soulevée une autre fois, mais, si vous pouvez nous donner d'autres arguments pour essayer de convaincre le ministre qu'il devrait reconsidérer cet article, j'apprécierais beaucoup.

M. Champagne (Caroline): Votre question porte sur cet article spécifiquement concernant le délai, c'est ça?

Mme Mancuso: Oui.

M. Champagne (Caroline): Et non sur le document en entier?

Mme Mancuso: Non, mais juste sur ce point-là.

M. Champagne (Caroline): O.K. Parce que nous avons quand même procédé à une consultation générale auprès de nos 5 000 membres cet été. On aurait souhaité avoir un peu plus de commentaires de la part de nos... on aurait souhaité avoir...

Mme Mancuso: Je veux juste m'assurer que le ministre vous entend. Donc...

M. Bégin: Je vous écoute.

M. Champagne (Caroline): Donc, dans le cadre de cette consultation générale qu'on a faite auprès de nos 5 000 membres cet été, nous avons reçu un certain nombre de commentaires que nous avons intégrés dans notre mémoire. Par ailleurs, je suis convaincue que, si nous faisions cette demande aujourd'hui ou en septembre pour avoir les commentaires de nos membres, nous en aurions un beaucoup plus grand nombre qu'en plein coeur d'été, c'est évident. Concernant le délai, Mathieu, c'est toi qui a géré les commentaires que nous avons reçus; je ne sais pas s'il y en avait qui portaient spécifiquement sur ce point-là.

M. Piché-Messier (Mathieu): Oui, le délai de réception des commentaires a été relativement court. Malheureusement, on n'a pas eu la chance d'avoir... bien, enfin, peut-être d'atteindre plus... c'est les vacances, on ne sait pas trop. Si on refait une autre question, à ce moment-là... si on refait une autre consultation, on risque d'avoir plus de réponses. Mais, effectivement ? et je vais revenir encore sur la question ? la question du délai est une question qui est soulevée comme étant un des changements majeurs à laquelle nos membres s'opposent. Et c'est...

n(16 h 50)n

Par contre, je vais vous dire que les membres comprennent le principe de la réforme, c'est-à-dire le fait qu'on veut que l'accessibilité soit plus facile, qu'il y ait un certain désencombrement des tribunaux, une certaine rapidité dans les processus, dans l'efficacité. On n'est pas contre nécessairement la réforme. Par contre, cette question-là d'extension, de prolongement du délai, est une question qui justement est très chaude, très difficile à comprendre et très difficile à assimiler dans la mesure où ce délai-là devient un délai de rigueur qui ne peut pas, par discrétion du tribunal, être prorogé ou changé.

Mais ça revient au commentaire qu'on a mentionné précédemment. Je veux dire, en soi, que c'est une question qui préoccupe nos membres à la lecture du document sessionnel et qui préoccupait nos membres aussi à la lecture du projet de loi n° 54 avant qu'il soit adopté, mais, bon...

Mme Mancuso: J'aurais une autre question. À la page 15 de votre mémoire, vous posez la question, en bas de page, concernant les technologies de l'information: Est-ce que le courriel électronique est inclus dans la définition? Est-ce que vous pensez que ça devrait être inclus dans la définition du terme «technologies de l'information»?

Mme Champagne (Caroline): Est-ce que ça devrait être inclus?

Mme Mancuso: Oui.

Mme Champagne (Caroline): En fait, notre question est: Quelles sont ces technologies? Et puis, en fonction de la réponse que nous pourrions obtenir, on pourrait se prononcer. Mais, bon, ça ne nous semblait pas très clair ou ça nécessitait peut-être certaines précisions à ce niveau-là.

Mme Mancuso: Et je suis d'accord avec vous, Me Champagne, et j'espère d'avoir l'opportunité, lors de l'étude article par article, de poser la question. Mais j'aimerais savoir de votre part: Est-ce que vous croyez que, de la façon qu'on pratique aujourd'hui ? on utilise beaucoup le courriel électronique en pratique ? est-ce qu'il y a des risques particuliers qui pourraient arriver, par exemple, dans la notification ou la signification des procédures par courriel électronique? Est-ce qu'on devrait permettre ce genre de processus là?

Mme Champagne (Caroline): À notre avis, oui, effectivement, ce serait quelque chose qui devrait être considéré parce que c'est beaucoup plus efficace, c'est beaucoup plus rapide. Je pense que c'est indéniable, et puis tout le monde s'entend là-dessus. Par ailleurs, il va falloir avoir vraiment un système qui va nous permettre d'avoir une preuve de cette notification qui va être vraiment solide. Et je ne sais pas, je n'ai pas saisi entièrement comment fonctionnerait le principe de la déclaration sous serment qu'on voit apparaître dans les mesures. Peut-être que certaines précisions nécessiteraient d'être apportées, mais, effectivement, c'est beaucoup plus efficace. Mais, quant à la façon dont la preuve serait apportée, que la notification a été faite, par exemple, par courriel... Par télécopieur, on fonctionne déjà avec cette méthode-là avec le bordereau de transmission. Bon. On est habitués à ce système-là. Par ailleurs, avec le courriel, je veux dire: Je ne pense pas que personne soit contre l'idée, mais encore faut-il qu'il y ait un système vraiment efficace et fiable qui nous permettra de prouver que ce document-là a bel et bien été reçu, transmis et reçu.

Mme Mancuso: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Je pense que nous avons abordé, par la question de la notification et de la signification, un problème qui nous concerne, les gens du Barreau, mais également ceux qui sont derrière vous, les huissiers qui sont là. Et, pour les avoir entendus déjà au printemps, ils ont certainement beaucoup de remarques à faire là-dessus. Mais là-dessus on a un problème de vocabulaire, c'est clair et net.

Tout à l'heure, votre représentant mentionnait que la signification, c'était généralement... et je suis assez d'accord avec lui pour dire qu'on la perçoit comme étant faite par les huissiers, sauf que, quand on regarde le Code de procédure civile, ce n'est pas tout à fait le cas. Alors, il y a la signification par huissier; et il y a aussi celle qui est faite par avis public, à l'article 139; il y a la signification qui est faite par la poste, à l'article 140; il y a celle qui est faite par télécopieur, à l'article 142; il y a celle qui est faite par voie diplomatique, à 136; il y a la voie par une personne majeure, à 137; et 144, qui est la preuve de la signification, dit, au deuxième alinéa: «S'il n'est ni shérif ni huissier, son procès-verbal doit être...» Alors, on voit que le mot «signification» n'est pas clair.

Il y aurait possiblement un concept qui est général, c'est de dire celui de la «notification». La notification pourrait comprendre la signification par le huissier, et je crois que, à moins d'erreur de ma part, c'est ce que les huissiers souhaitent, c'est qu'on restreigne la signification à l'acte posé par le huissier. Le reste serait non pas des significations par la poste, mais ce serait des notifications par la poste. Ce qui veut dire à la limite que le huissier, on peut dire qu'il fait une notification mais il signifie une procédure ou un document, etc.

Alors, c'est pour harmoniser le vocabulaire parce que là on ne parle que du Code de procédure civile lui-même qui n'est pas d'une cohérence à toute épreuve et sans tenir compte de l'utilisation de ces mêmes mots un peu partout dans nos lois statutaires. Donc, on a un effort de réflexion à faire et, moi, je n'ai pas de terme sacramentel, mais il semble bien que ce que les huissiers veulent, qu'on réserve le terme «signification» à l'acte posé par le huissier, ne pose pas de problème. Le reste serait sous le vocable plus général de «notification». Alors, si on s'entend là-dessus, je pense qu'on peut régler le problème que nous avons actuellement dans nos différentes lois pour avoir un vocabulaire unique. C'est une partie de la réforme, et peut-être moins importante que d'autres, mais, quand même, qui a son sens quand il s'agit d'interpréter ce qui doit être fait par des procureurs ou des parties dans certaines circonstances. Est-ce que vous partagez ce point de vue de vouloir clarifier les concepts de «notification» par... par... par... puis de «signification» par huissier?

Mme Champagne (Caroline): Oui, tout à fait. C'est exactement... D'ailleurs, on a un certain paragraphe dans notre mémoire qui porte là-dessus. Notre question par ailleurs qui était importante aussi portait sur le courriel ou les technologies de l'information. Qu'est-ce que c'est que les technologies de l'information? Et comment qu'on va arriver à démontrer... à avoir une preuve au dossier, dans notre dossier, comme quoi ça a bel et bien été notifié aussi, peu importe le terme qu'on utilise?

M. Bégin: Oui. Vous avez tout à fait raison. Vous avez tout à fait raison, le Code, en principe, on veut l'adopter et le rendre neutre vis-à-vis des technologies d'information, c'est-à-dire que, quels que soient les développements technologiques, que le Code soit toujours adapté. Et vous parlez de signature électronique, vous parlez de la certitude que vous devez acquérir, comme procureur, que votre document est bien parti, un peu comme le fax aujourd'hui qui dit à la fin: Le fax a été reçu. Vous avez votre preuve à l'effet qu'il a bien été envoyé. Alors, il faut, dans certains cas, peut-être avoir des preuves différentes, et le développement des technologies doit toujours garantir la certitude, parce qu'autrement le système de droit ne fonctionnera pas. Il faut absolument qu'on dise: C'est signifié, c'est signifié. Sinon, on peut perdre des recours, on peut perdre bien des choses.

Mme Champagne (Caroline): Il me semblait que la déclaration, ce dont on parle dans les mesures, la déclaration sous serment qui servirait à prouver que... à démontrer que ça a bel et bien été envoyé ou reçu, c'était assez lourd, là, comme système, comme façon de faire, là. Bien, qu'est-ce que c'est dans le fond? Est-ce que ce serait d'interroger la secrétaire qui a envoyé la procédure à l'autre avocat? Je veux dire... En tout cas, ça semblait un petit peu... ce n'était pas vraiment clair pour nous, dans notre esprit, qu'est-ce que ça signifiait, ça, là.

M. Bégin: On est dans une phase d'intermédiaires, si vous voulez, dans les développements de la technologie. Entre autres, il y a tout le système des clés publiques qui sont en passe d'arriver. On est en train de faire, par exemple, à la Justice, une réforme complète de tout le système informatique qui va relier les palais de justice, le ministère de la Justice, bref, on est en train d'implanter ça. Mais le système de clés, celui qui garantit ce que l'on fait, va être en vigueur très prochainement, c'est-à-dire peut-être un an, peut-être deux ans, mais on est à la veille d'y arriver, et en assurant évidemment une garantie... une certitude aux utilisateurs de ça.

Alors, il faut qu'on soit en mesure de rendre notre Code de procédure neutre vis-à-vis ces nouvelles technologies et qu'on ne soit pas liés, à chaque fois qu'il y a un changement de nom, un changement de technique, d'être obligé de modifier le Code pour qu'il soit toujours... qu'il parle toujours.

Mme Champagne (Caroline): Quand vous parlez de clé, c'est une clé, là, pour?

Le Président (M. Lachance): En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Champagne (Caroline): ...c'est tout simplement une clé au niveau de la fonction publique, au greffe, par exemple.

M. Bégin: Non, non, non, non, mais la clé comprend plus que d'avoir accès, la clé comporte une garantie aussi.

Mme Champagne (Caroline): Ça, je saisis bien, mais, en tout cas, on aura probablement l'occasion d'en reparler.

M. Bégin: O.K. En tout cas, on se comprend qu'il y a un besoin d'avoir des solutions technologiques et qui soient satisfaisantes et qui garantissent aux avocats... qui fournissent autant de garanties aux avocats qu'ils en ont présentement, quand ils font faire un acte par le huissier, par exemple.

M. Piché-Messier (Mathieu): Exactement. C'est purement une question de preuve de réception et pour s'assurer que ce document-là a bel et bien été reçu. Et un huissier est un officier de justice. Une signification, c'est clair.

Le Président (M. Lachance): Merci aux membres de l'Association du Jeune Barreau de Montréal pour votre participation ici, aujourd'hui. Mesdames, messieurs, merci.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 heures)

 

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux avec la Chambre des huissiers de justice du Québec. Alors, bienvenue, messieurs. Et je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.

Chambre des huissiers de justice du Québec

M. Horic (Alan): M. le Président, M. le ministre de la Justice, Mmes et MM. les parlementaires, merci d'accueillir notre délégation. J'ai l'honneur de vous présenter ici l'ancien président Alain Coulombe, à ma droite, qui est de Québec; également, l'administrateur Guy Aidans, de Saint-Jean-sur-le-Richelieu, à ma gauche; immédiatement à ma droite, ici, c'est le directeur général, secrétaire de l'Ordre, qui est M. Ronald Dubé; et, moi-même, quant à moi, mon nom est M. Alan Horic, je suis le président de la Chambre des huissiers de justice du Québec.

Considérant la nature et l'importance des enjeux évidemment ici, ce soir, on a une vingtaine de consoeurs et confrères de tous les coins du Québec qui sont spectateurs ici, à cette audition. Pour la plupart, il s'agit d'une première expérience, et, à l'issue de notre rencontre, ils se feront un plaisir et un honneur de vous saluer. Sans plus tarder, étant donné qu'on ne possède pas énormément de temps d'antenne, je vais passer la parole immédiatement au directeur général, secrétaire, M. Ronald Dubé.

Le Président (M. Lachance): M. Dubé.

n(17 h 10)n

M. Dubé (Ronald): Oui. Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes les représentantes de l'opposition, alors le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui se divise en trois. La première partie sert d'introduction et vous dit comment nous avons conçu, élaboré ce mémoire à l'aide de rencontres que nous avons eues avec des collègues d'un peu partout au Québec. Tout le monde connaît en quoi consiste l'exercice de la profession d'huissier de justice: signifier des actes de procédure, exécuter des décisions de justice, exercer des fonctions qui sont dévolues à l'huissier par la loi ou par le tribunal et constater, effectuer des constatations matérielles.

Comment la profession est-elle contrôlée? Alors, elle est devenue un ordre professionnel le 1er octobre 1995 et le corpus réglementaire est pratiquement en vigueur dans sa totalité. Donc, ce sont les mécanismes qui sont prévus par le Code des professions pour assurer la protection du public, et, nous, nous oeuvrons dans une sphère spécifique qui est justement en prolongement ou en prélude des activités des tribunaux.

Au cours des ans, la Chambre a fait connaître son point de vue de différentes façons sur les sujets qui l'intéressent, et notre dernière comparution devant vous, si vous nous permettez l'expression, était dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 54.

On est conscients de la nécessité d'intégrer des technologies de l'information dans un nouveau Code de procédure civile, mais, par contre, la personne qui accepterait de recevoir des documents technologiques à telle adresse un jour, ça ne veut pas dire qu'elle voudra les recevoir toujours. Alors, même si on introduit des mécanismes de communication électronique, il faut tout de même se rendre compte, pour les 10, 15 et même 20 prochaines années, les personnes ne seront pas susceptibles de recevoir les documents technologiques partout, et il faudra alors toujours des huissiers de justice sur le terrain qui personnaliseront le système de justice. D'ailleurs, c'est la page 5, nous vous soumettons une étude de Statistique Canada concernant l'utilisation des moyens de communication.

Mais la Chambre des huissiers ne néglige rien, en aucune façon, pour que chaque huissier de justice, dans sa région, constitue un relais entre le système de justice et les citoyens. C'est parce qu'on reconnaît une sécurité juridique à la signification; la signification, ça signifie quelque chose dans notre système, et, comme nous aurons l'occasion de vous faire des commentaires sur les propositions qui sont contenues dans le document à l'étude...

Donc, en résumé, la Chambre voit l'huissier de justice comme un partenaire majeur, proactif, essentiel à une justice accessible, efficace, rapide et peu onéreuse sur l'ensemble du territoire. La «vertu cardinale» de l'huissier, si vous me permettez l'expression, c'est l'impartialité, cette impartialité que lui impose l'article 12 de la loi, et c'est de cette manière-là que, dans l'exercice de toutes ses fonctions quelles qu'elles soient, il assure la protection du public.

Au chapitre 2, on va toucher des articles précis du document de consultation. Par exemple, à l'article 64, nous voudrions extensionner les pouvoirs du greffier d'accorder des autorisations parce que, comme éventuellement nous aurons d'autres documents qui porteront sur l'exécution forcée, nous voulons prévoir par avance quelles seraient les autorisations que le greffier pourrait accorder lorsqu'on sera rendus à l'étude du document qui portera éventuellement sur l'exécution forcée.

En ce qui concerne les jours fériés et les délais, on recommande d'énumérer les jours fériés dans le nouveau Code pour qu'il s'interprète lui-même et sans équivoque. Un mot, une expression que nous avons vue «le jour de l'échéance est compté», à l'article 70, on se pose comme question: Ce jour est-il le dernier jour entier du délai ou est-ce le jour même où la chose doit être faite ou accomplie, par exemple, comparaître? Et nous avons illustré par quelques petits tableaux la difficulté qui pourrait résulter du fait d'interpréter en disant: Le dernier jour du délai est compté. Par exemple, on est d'avis que le Code va clarifier ce point technique en prévoyant que le jour qui marque le point de départ et le jour de l'échéance ne soient pas comptés pour neutraliser les nuances dans l'interprétation. Il s'agit d'un élément non négligeable de la sécurité du cheminement de la procédure judiciaire. Le délai, en fin de compte, il faut que les jours qui sont exprimés, ce soient des jours révolus, des jours entiers, et c'est lorsque tous ces jours entiers là sont révolus, terminés, finis que les choses peuvent être faites, c'est-à-dire le jour qui marque le point de départ du délai, la signification d'un acte, par exemple, et le jour de comparution, si le Code dit «10 jours», il faut que ça veuille dire 10 jours entiers, finis, révolus, et de cette façon-là il n'y aura pas de nuances dans l'interprétation et ce sera clair pour tout le monde.

Nous vous suggérons également que, lorsque le délai n'atteint pas cinq jours, que les jours fériés de même que le samedi ne soient pas comptés. L'exemple qu'on vous donne à la page 13: comment l'acte sera-t-il mis au rôle dans l'hypothèse d'une signification ou notification qui aurait lieu vendredi le 30 aoÛt 2002, alors que le samedi, le dimanche et le lundi de la fête du Travail sont... soit la cour est fermée et que l'audition de la demande aurait lieu mardi le 2 septembre? Et le délai que vous proposez est respecté, mais rien de pratique ne peut se faire ces jours-là. Alors, lorsque le délai n'atteint pas cinq jours, on vous suggère de ne pas compter les samedis ni les jours fériés parce que le délai se compte en jours entiers, et c'est ce principe-là qu'il faut maintenir tout le long du Code.

En ce qui concerne la désignation des huissiers de justice dans leurs actes, on prévoit que les avocats indiqueront leur nom et leur adresse sur les actes de procédure, mais les huissiers aussi rédigent des actes de procédure, des documents, hein, qui vont être intégrés dans un dossier et sont produits sur des feuilles séparées. Alors, il faudrait prévoir que non seulement les avocats mais également les huissiers, les auteurs de ces documents-là puissent indiquer leur nom, leur adresse, le numéro de téléphone et comment les rejoindre.

Le mot «signification» versus ou contre la «notification». Nous, nous disons qu'englober la signification dans le terme générique «notification», on dit que ça insulte les huissiers de justice, et que nous sommes polis, parce que ? on nous a cités avant la présentation du mémoire, nous en sommes fort heureux ? parce qu'on a été surpris de constater que le législateur propose de banaliser, assimiler, intégrer, nuancer et supprimer le mode distinctif d'huissier, tout sauf le proclamer, parce que la signification a toujours un sens, une raison d'être, c'est une sécurité pour tous. Et quand le ministre de la Justice, en 1995, nous a constitués, les huissiers, en ordre professionnel, il nous a dit: Votre mission maintenant, c'est d'assurer la protection du public. Alors, on lui retourne la balle en disant: Bien, écoutez, on vous le dit, que c'est notre manière d'assurer la protection du public.

M. Bégin: ...

M. Dubé (Ronald): C'est le Code qui le dit, M. le ministre. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dubé (Ronald): Alors... On aimerait que les bons termes... Alors, nous vous proposons un texte modifié. Mais, par contre, j'aimerais aller immédiatement à la page 24 pour vous parler de signification par référence au nouveau Code de procédure civile. On va le régler... on va vous l'exposer immédiatement. L'actuel article 112 du Code précise que des actes documents dont la loi prescrit la signification, hein, sont faits selon les règles du Code de procédure, parce qu'à maintes reprises dans les lois du Québec, notamment dans le Code civil ? et vous avez un inventaire d'articles dans ce sens-là ? ...prévoient la signification sans dire comment ça se fait. Alors, l'article 119.2, c'était comme une espèce de recette que le huissier devait suivre pour signifier. Alors, on aimerait qu'il y ait un article plus englobant, on souhaite un texte de l'article 105 beaucoup plus englobant, et ensuite on voudrait permettre au citoyen de bénéficier des moyens de preuve qui sont prévus dans le nouveau Code de procédure pour permettre que l'avis qui doit être donné, surtout en matière locative ? les références sont les articles 1882 et 1942 du Code civil ? ça peut être signifié par le huissier lorsqu'un intéressé choisit ce mode.

Alors, à la page 26, là je vous ai fait un petit schéma de ce que serait l'article 105.1. Le premier alinéa puise dans le nouveau Code des règles de transmission de documents dont d'autres lois du Québec prévoient la signification ou la notification sans préciser le mode de transmission de son destinataire; notre deuxième alinéa permet à un client d'opter pour un mode de transmission à valeur ajoutée ? parce que c'est ça, la signification par huissier ? même si le nouveau Code permet un autre mode et dont il supporterait les coûts additionnels; et le troisième alinéa, c'est au même effet que le précédent, sauf qu'il réfère spécifiquement aux avis qui doivent être donnés conformément au Code civil du Québec et, dans ce cas, les honoraires de l'huissier de justice sont à la charge de celui qui requiert son ministère.

n(17 h 20)n

Voyez, de cette façon-là, je pense qu'on vient de regrouper, de simplifier comment les actes seront communiqués par un huissier de justice et qui donne une valeur ajoutée à la procédure judiciaire à cause de la sécurité qu'on lui reconnaît.

Je reviens à la page 19. L'huissier est susceptible de recevoir des documents par des moyens technologiques ? ça peut être un télécopieur; ça peut être un ordinateur ? à des fins de signification, notification, éventuellement d'exécution, de preuve, dépôt au greffe. Alors, on ne retrouve pas dans le document de consultation la disposition actuelle de l'article 82.1. Le syndic de la Chambre reçoit quantité d'appels de citoyens qui veulent se faire confirmer si la personne qui a signifié, c'est bel et bien un huissier. Le destinataire d'un acte de procédure doit être en mesure de connaître, de savoir immédiatement quand commence à courir le délai parce que, si on endosse l'acte de procédure, c'est ce jour-là que la signification a été faite et le délai commence à courir le lendemain. Alors, nous vous proposons de remodeler l'article 100 pour atteindre ces objectifs.

L'article 104 prévoit déjà un inventaire d'actes de procédure qui devront être signifiés par l'huissier de justice, même si c'est marqué «notifié par huissier» dans le texte, là, mais on vous propose d'en ajouter un certain nombre, surtout le bref de saisie-arrêt destiné au tiers-saisi, parce que ces documents sont introductifs à l'égard de tiers qui sont de nouvelles parties qui risquent de perdre un droit ou de subir une sanction s'ils n'agissent pas dans le délai imparti.

En ce qui concerne la compétence territoriale de l'huissier, les articles 120 et 122 du Code actuel sont repris dans le document de consultation. Nous vous proposons que l'huissier, qui connaît parfaitement les coins, recoins et les habitants de son territoire, choisisse la personne majeure qui réside dans un rayon où il n'y a pas d'huissier capable d'agir et assume personnellement la responsabilité professionnelle de la notification au destinataire. En passant, l'obligation d'obtenir un récépissé du destinataire d'un document lorsque la notification est faite par une personne physique qui n'est pas... par une personne qui n'est pas huissier, bien, on trouve ça un peu ? bon, on a utilisé une expression: «candide»? on trouve ça un peu candide parce que, d'après nous, c'est peu probable que ça puisse... que le destinataire d'un document accuse réception au moyen d'une signature sur un document, alors ça me surprendrait que ça puisse arriver. Alors, on remodèle l'article 105 dans ce sens-là. Bon.

Maintenant, allons à la page 27 concernant la rémunération des huissiers. Nous savons que les tarifs des huissiers pour les actes prévus par l'article 8 de la Loi sur les huissiers, c'est-à-dire signifier, exécuter et exercer d'autres fonctions dévolues à l'huissier, c'est un décret du gouvernement qui fixe les tarifs. Mais nous croyons le moment favorable venu de prévoir que l'huissier puisse réclamer séparément ou simultanément des honoraires tarifés ou des honoraires libres. Le Code de déontologie prévoit même que l'huissier ne peut exercer gratuitement ses fonctions, le Code de déontologie qui est entré en vigueur depuis le 6 juin 2002.

Je vais vous faire rapidement la distinction entre les honoraires tarifés et les honoraires libres. Les premiers s'imposent à tous les clients qui requièrent les services de l'huissier et ils ne peuvent pas être négociés pour les actes dont la loi prescrit la signification et sont adoptés par le gouvernement sous l'autorité de l'article 13 de la Loi sur les huissiers. Et le but de ce tarif, c'est d'assurer à l'huissier l'indépendance et sa subsistance, de le protéger contre tout marchandage, d'empêcher les surcharges, en d'autres termes, de protéger le public.

Concernant les honoraires libres, ils doivent être préalablement convenus avec le client qu'il confie un mandat à l'huissier et sont suggérés dans un tarif qui est pris en application du paragraphe 12 de l'article 86.0.1 du Code des professions. Alors, ça concerne les activités périphériques que l'huissier exerce aujourd'hui et qui ne sont pas visées par l'article 8. Alors, on vous propose un texte qui revoit ça.

À l'article 106, à la page 31, on vous parle de rayer le mot «sous peine de sanction» parce que le public est très protégé par l'intervention du syndic de la Chambre lorsque l'huissier agit en dehors du temps légal que l'on vous propose de ramener de sept à 21 heures pour la signification plutôt que de sept à 22 heures.

Quant au procès-verbal, ça donne une valeur ajoutée à la communication d'un document, et la partie doit y retrouver des éléments distinctifs que seul un professionnel de terrain peut apporter, alors, c'est le sens de notre proposition. Mais on voudrait aussi que le huissier puisse, de sa propre initiative, réviser le procès-verbal si une erreur technique s'y est glissée sans que la partie soit obligée de subir les inconvénients de retard et des frais d'une demande de ratification.

Quant aux personnes non liées aux parties, qui demeurent ensemble, la proposition que nous vous faisons, c'est que l'huissier puisse laisser un avis de passage.

Nous avons, à la page 39, découpé l'article 120 pour la signification à personne, et notre interrogation vient... nous aimerions définir c'est quoi, une personne qui travaille au domicile, et, dans ce sens-là, nous serons heureux de répondre si vous nous posez une question dans ce sens-là et on pourra vous expliquer un peu notre position.

En ce qui concerne la signification d'une personne morale, nous vous proposons des pistes de réflexion pour vous suggérer que le dirigeant d'une personne morale puisse être signifié «à personne» où qu'il se trouve, et, dans ce sens-là, à la page 42, on retrouve nos suggestions.

L'avis de passage que vous avez introduit dans le document, c'est une valeur ajoutée, ça va rendre les auxiliaires de justice plus performants, plus efficaces au bénéfice des parties parce que ça va leur permettre d'atteindre, d'appeler le huissier une fois que son passage a été fait, et, dans ce sens-là, ça tient compte de l'évolution de la société d'aujourd'hui.

La déclaration écrite, M. le ministre, mesdames et messieurs, nous avons été surpris de ne pas retrouver ça, de ne pas retrouver le constat du huissier de justice parce que, pour nous, le constat du huissier de justice est distinct d'une déclaration écrite ? et encore là nous serons prêts à nous étendre sur le sujet à votre demande ? et nous suggérons même que le juge puisse ordonner la déclaration écrite.

Alors, je termine avec les dépens, comme on demande, qu'ils puissent être révisés sur demande des huissiers.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs, pour vos commentaires. Alors, j'indique au ministre qu'il peut commencer sa période pour terminer à l'heure prévue. Ce serait un partage du temps équitable des deux côtés, comme d'habitude, 15-15. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, merci. On a abordé tout à l'heure la question de la signification de la notification avec le Jeune Barreau. C'était volontairement que je l'ai fait pour que vous puissiez entendre et voir si on avait en tout cas posé le problème très clairement avec les principaux intervenants dans ce domaine-là, les avocats et les huissiers de justice.

Est-ce que j'ai compris que vous adhériez à cette idée qu'on pourrait avoir un vocabulaire qui serait à peu près le suivant: «notification» serait un terme générique qui couvrirait l'ensemble des manières de faire parvenir quelque chose à quelqu'un avec une preuve et la «signification» serait réservée à l'acte posé par le huissier de justice. Est-ce que c'est ça? On aurait, par exemple, notification, je disais, par la poste, notification par avis public, notification par la nouvelle technologie, mais la signification, ce serait l'acte du huissier. Est-ce que vous adhérez à ça?

M. Horic (Alan): Définitivement. Vous avez très bien compris.

M. Bégin: O.K. Alors, je crois que, de ce côté-là, ça ne nous posera pas de problème et ça nous permettrait d'avoir justement un vocabulaire qui soit uniforme, que tout le monde comprend. Parce qu'actuellement ? je l'ai bien montré tantôt ? vous voyez que c'est loin d'être clair, hein, cette question-là, et j'ai fait grâce de toutes les lois particulières qui utilisent d'autres expressions qui rendent les choses un petit peu plus confuses. Bon.

L'autre affaire ? je vais reprendre par la fin ? ce que vous avez dit sur le constat du huissier et la déclaration écrite, j'avoue que ça nous pose des interrogations, mais je pense que je vais vous poser une question. Si vous l'aviez à 295, lorsqu'on parle des ouvertures à l'expertise, est-ce que ça ne pourrait pas être un petit peu comme à 982 des petites créances, là où on a... ? peut-être pour le bénéfice des membres de la commission qui n'ont pas l'article 982, là ? on dit: «Le juge peut d'office, s'il est d'avis que les fins de la justice peuvent être ainsi mieux servies, visiter les lieux ou ordonner une expertise pour l'appréciation des faits relatifs au litige ou à un constat par une personne qualifiée qu'il désigne. La procédure applicable à l'expertise ou au constat est celle que détermine le juge. Le juge statue sur les dépens relatifs à l'expertise ou au constat et décide s'ils sont à la charge d'une des parties, ou des deux, ou, s'il estime approprié, à la charge du ministre de la Justice», etc. Bon. Quand vous avez comparu au mois de mai ? je ne me rappelle plus de la date, là, au printemps, en tout cas ? vous aviez fait état de certaines circonstances où l'huissier pourrait, en allant sur les lieux, faire des constats, hein ? c'est pour ça que vous avez l'expression «constat» ? et ce serait déposé et il y aurait, entre guillemets, les valeurs équivalentes à ce que c'est qu'on fait quand on dépose le procès-verbal du huissier: il fait foi de son contenu. Alors, est-ce que vous ne seriez pas plus à l'aise qu'on mette justement, au niveau de l'expertise, ce genre d'élément là puis qu'on retrouve déjà dans un vocabulaire qui est plus neutre que parler du huissier? Mais on parle quand même d'une personne... C'est quoi déjà qu'on dit, là?

n(17 h 30)n

Une voix: À 982?

M. Bégin: Non, à 285. Oui, 982.

Mme Lamquin-Éthier:«Une personne qualifiée qu'il désigne».

M. Bégin:«Une personne qualifiée qu'il désigne». Alors là le juge a une certaine discrétion. Mais est-ce que ce ne serait pas plus approprié d'introduire ce concept que vous recherchez à cet endroit-là, ce qui donne un concept d'expertise? C'est déjà quelque chose qui se rapproche un peu de... Vous êtes d'une certaine manière des experts en signification et en autres matières semblables. Est-ce que ce ne serait pas mieux de le placer là plutôt qu'à l'endroit où vous vouliez le mettre? Que je ne me rappelle plus où est-ce que c'était. C'était... Non, je n'ai pas le texte. Je l'avais un autre endroit. Je n'ai pas le... j'ai malheureusement perdu ma référence. Vous vouliez l'introduire à un autre endroit.

M. Dubé (Ronald): Je vais...

M. Bégin: Alors, allez-y.

M. Dubé (Ronald): Il faut distinguer entre l'expertise et le constat d'huissier. À l'article 295 que vous nous proposez, c'est la personne qualifiée que le juge désignera soit pour l'examen, la constatation et l'appréciation des faits au litige. Alors, ça, là, c'est...

M. Bégin: Non. Comprenons-nous bien. Je ne veux pas dire que je dois prendre le texte qui est là pour l'appliquer intégralement pour donner le choix. Je parle de la localisation du concept pour le mettre là et sujet à modification des textes pour couvrir la réalité qu'on veut couvrir.

M. Dubé (Ronald): Bon. Alors, l'autre élément que nous aurions à... Le constat n'est pas demandé nécessairement par le juge, il peut être demandé par une personne. Alors, ce sont des personnes qui veulent faire un témoignage au moyen d'un constat. C'est pour ça que nous l'avons proposé à cet endroit-là, que l'on désigne nommément «constat d'huissier de justice» en plus des déclarations écrites de telle sorte que ce soit l'un des documents qui puisse être admis en preuve.

M. Bégin: Ce pourquoi je vous aborde sous cet angle-là, c'est qu'il y a l'article 285 qu'on a là qui dit: «Le tribunal peut accepter à titre de témoignage une déclaration écrite pourvu que cette déclaration ait été communiquée à la partie adverse.» Or, la déclaration écrite, bien, c'est beaucoup de choses, hein? Rapport médical ? qu'est-ce qu'on a à part ça? ? les rapports d'employeurs, il y a plein, plein, plein, plein d'éléments, là. Bon. Alors, c'est ça que... Écoutez, je n'ai pas acquis une conviction, là, complète que c'est là ou ailleurs, mais j'essaie avec vous d'articuler mieux cette question-là parce que ce n'est pas simple. Je n'ai pas en principe d'objection. Mais on a quand même déjà là, par la déclaration écrite, un premier vecteur. On a 295 que je vous ai donné ? c'est le juge qui désigne une personne compétente ? qui peut se rapprocher. Je vous demande là de réagir à ces questions-là pour dire qu'est-ce que vous pensez de cela. Vous avez une demande précise, alors comment se loge-t-elle par rapport à ce que je viens de dire, là?

M. Dubé (Ronald): Dans l'hypothèse où les constats d'huissier feraient partie de la norme, on pourrait l'englober dans un terme générique comme «déclaration écrite». Mais lorsque les plaideurs vont se poser la question devant le tribunal: C'est quoi, ça? Qu'est-ce que le législateur veut dire par une «déclaration écrite»? Bien là on peut dire: C'est ce qui est actuellement énuméré à tel article du Code de procédure civile, et on ne retrouve pas là-dedans «constat d'huissier de justice». Si on le trouvait actuellement, on ne ferait même pas la proposition parce que ça irait de soi. Alors, ce qu'on veut pour conditionner, pour faire en sorte que ça fasse partie des éléments de preuve possibles qui pourraient être emmenés devant le tribunal, c'est pour ça qu'on voudrait qu'il soit nommément désigné à l'article 285.

M. Bégin: Alors, on ne répondra pas «final» aujourd'hui, là. Mais ce que je comprends bien, vos positionnements, et les légistes qui m'accompagnent vont tenir compte de tout ça. Mais je n'ai pas d'objection de fond à ce que vous énoncez ? comprenez-vous? ? mais je veux trouver la meilleure formule.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, MM. Horic, Dubé, Coulombe et Aidans?

M. Aidans (Guy): Aidans.

Mme Lamquin-Éthier: Excusez-moi. Une première question à M. Coulombe avant qu'elle ne m'échappe. À la page 58 du mémoire, à la note 36, vous évoquez une lettre que vous avez transmise à la ministre, enfin à Mme Goupil alors qu'elle était ministre de la Justice et responsable de l'Application des lois professionnelles. Vous mentionnez que cette lettre faisait partie des annexes du mémoire qui avait été présenté en juin 2001. Je n'ai pas trouvé la lettre. Est-ce qu'il serait possible que j'en reçoive copie, s'il vous plaît?

M. Horic (Alan): Très certainement. M. Dubé va s'en occuper.

M. Dubé (Ronald): C'est noté.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, députée de Bourassa, 2.103. Une première question que j'aimerais vous poser. Quand on lit le rapport Ferland qui est le fruit de trois années de consultations, le rapport Ferland avait établi des recommandations: la première, à la page 46, la R.1-21, de prévoir que la notification est la règle pour la transmission d'actes, documents ou avis; R.1-22, de définir la signification comme étant la transmission d'un acte, document ou avis par huissier de justice; R.1-23 ? et là j'attire votre attention, parce que je vais vous poser une question en lien avec l'article 104 du document sessionnel ? le rapport Ferland disait de prévoir que la signification par huissier de justice est obligatoire pour la transmission des actes de procédure dans les cas où une partie risque de perdre un droit si elle n'en prend pas connaissance, notamment la procédure introductive d'instance, l'inscription en appel, la requête en rétractation de jugement, l'avis de se constituer un nouveau procureur et il en est de même pour la transmission à un témoin d'une assignation à comparaître.

Les distinctions ayant été faites, ma première question. À l'article 104, il est dit et écrit: «La notification par huissier de justice est exigée dans tous les cas où la personne à qui un acte de procédure est destiné risque de perdre un droit.» Alors, est-ce que l'utilisation du terme «notification» est correcte ou si ça ne devrait pas plutôt être «signification»? Et, le paragraphe suivant, on dit bien: «Outre la demande introductive de l'instance, sont notamment notifiés...» Est-ce que ça ne devrait pas être inscrits «signifiés», d'autant plus que vous avez vous-même fait des recommandations pour qu'il soit ajouté à l'énumération certains autres actes, notamment des avis aux tiers, des avis aux parties intéressées, aux tiers en garantie et également le bref de saisie-arrêt? Est-ce que j'ai raison? Et là je pourrais vous poser la même question à l'article 105. C'est «notification». Est-ce que ça devrait être bien «notification» ou est-ce que ça ne devrait pas être «signification»? À l'article 106, c'est marqué «notification». Est-ce que ça ne devrait pas être «signification»?

Jusqu'à preuve du contraire, j'ai toujours pensé ? et c'est peut-être simple de le dire comme ça ? mais, pour moi, ce qui était signifié, il y avait huissier et ça comportait une certaine sécurité. Là ? je suis peut-être la seule au Québec ? je suis mélangée. Je comprends bien ce que le rapport Ferland a dit, mais, quand je lis ce qui est écrit, je ne me reconnais plus, parce qu'il me semble qu'on inverse commodément à la fois «notification» et «signification», et je ne comprends plus. Aidez-moi, s'il vous plaît.

M. Horic (Alan): Effectivement, madame, ça, ça fait partie de nos prétentions et elles sont à peu près toutes énumérées justement à l'intérieur de notre mémoire. Si vous regardez, lorsque l'on fait des suggestions... En fait, c'est peut-être un petit peu plus, là, que des suggestions. Ce que l'on propose, vous allez le retrouver dans tous les tableaux au travers de notre mémoire, dans la section de droite. À titre d'exemple, lorsque vous parliez de l'article 105 ? dans nos propositions, évidemment, vous allez retrouver tout le temps «Proposition de la CHJQ» ? à titre d'exemple: «L'huissier de justice peut faire une...» Vous avez une ratification sur le mot «notification» et vous avez le mot «signification» en caractères gras. En fait, ce principe-là, nous le reprenons un petit peu partout dans le mémoire, et ce sont les raisons pour lesquelles vous y retrouvez des ratures et évidemment à chaque occasion, là, que nous avions de mettre le mot «signification» en valeur, évidemment en caractères gras pour reprendre ce principe-là général un petit peu partout effectivement à l'intérieur du mémoire. Et ce sont nos prétentions à savoir que, lorsqu'on devrait utiliser le mot «signification», évidemment, automatiquement que, dans l'esprit de tous les gens, ce soit évidemment de toute façon un réflexe tout à fait naturel, lorsqu'on parle de «signification», évidemment on parle de l'huissier de justice.

n(17 h 40)n

Mme Lamquin-Éthier: Donc, M. le ministre va devoir, maintenant qu'on se comprend bien, là, quant à l'usage de l'un et de l'autre, apporter des corrections. À l'article 106... Attendez, je crois que c'est la page... Vous parlez, à la page 19 de votre mémoire, de la partie non représentée par procureur et vous faites allusion au deuxième alinéa de l'article 99 qui comporte une prohibition. J'aimerais vous entendre quant à cette prohibition que vous considérez être inutile. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Horic (Alan): Tu peux peut-être y aller là-dessus, Ronald.

M. Dubé (Ronald): Alors, actuellement, les représentants de parties, c'est-à-dire les avocats, ne peuvent pas être signifiés le samedi. Ça, c'est une coutume qui existe dans le Code depuis toujours. Mais ce qu'on vient d'introduire là-dedans, c'est de faire en sorte que non seulement le procureur d'une partie ne soit pas signifié le samedi mais également la partie. Alors, si la partie n'est pas représentée par procureur, il faut l'atteindre et parfois c'est uniquement le samedi qu'on pourra l'atteindre. Elle est beaucoup plus de sécurité, et, dans ce sens-là, on voudrait qu'on maintienne la prohibition pour l'avocat, le signifier le samedi, mais qu'on ne l'impose pas pour une partie.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Parfait. Je pense que ça fait sens, là. Ce sera évidemment au ministre... À la page 45 de votre mémoire, vous proposez de créer un répertoire centralisé accessible à tous où seraient inscrites différentes informations, notamment le nom du destinataire introuvable d'un acte de procédure, le numéro de dossier, etc. Et vous avez, en début de mémoire, parlé ? là je ne le sais pas s'il y a un lien à faire ? que vous avez pris connaissance de certaines études qui avaient été faites ailleurs, donc vos connaissances sont au fait. Est-ce qu'il y a un rapport? Et pourquoi faites-vous cette demande pour créer un répertoire centralisé, accessible, à la page 45?

M. Horic (Alan): Oui. Je peux peut-être essayer de vous résumer évidemment. Lorsqu'on parle de nouvelles technologies, évidemment, on ne peut pas nier le fait, là, qu'on s'y retrouve face à face aujourd'hui. Et puis, bien évident, là, je reconnais peut-être le commentaire de M. le ministre de la Justice. Il a entièrement raison lorsqu'il dit qu'évidemment les technologies vont changer pratiquement de façon quotidienne, hebdomadaire, mensuelle. C'est tout à fait normal. Ce que la Chambre propose d'amener de l'avant évidemment tout le temps dans cette même percée-là technologique, c'est qu'on propose probablement, tout dépendant, pour une année ou deux, le fait d'offrir un répertoire... Je peux y rattacher évidemment plusieurs exemples qui pourraient être publiés. Lorsqu'on parle d'avis publics, évidemment, au moment où on se parle, je vais tout simplement vous donner un exemple très commun: une déclaration. Elle doit être produite parce que justement le destinataire de l'acte est inlocalisable ou introuvable. Évidemment, c'est difficile pour l'individu en quelque part, le destinataire de cet acte-là, de savoir dans quel journal. Que ce soit une revue hebdomadaire, que ce soit un quotidien, peu importe, ce n'est pas tout à fait évident d'en prendre connaissance. Je pense que là-dessus on peut s'entendre. C'est une problématique que l'on vit quand même depuis des années, et puis je pense que vous êtes très bien placés, surtout les avocats, pour savoir qu'effectivement ce n'est pas évident de prendre connaissance d'une procédure lorsqu'on a été publié.

La Chambre des huissiers aimerait être un petit peu avant-gardiste, aller de l'avant. Vous proposez qu'il y ait un répertoire. Évidemment, je veux dire les réflexes naturels d'un destinataire, là, qui doit recevoir sa procédure. C'est tout à fait normal, lorsqu'il se sent recherché, il va appeler l'huissier de justice, il va communiquer avec un des huissiers de sa région, il va faire le tour même de plusieurs études si on parle du Grand Montréal. En publiant dans un répertoire tous ces avis publics là, à titre d'exemple, et même éventuellement lors de la phase III, je crois, qui va être dans la phase d'exécution, on voudrait même inclure également les avis publics lors de la vente en justice. Vous me suivez? Ça fait que ce répertoire-là, si on fait preuve, là, quand même de clairvoyance un petit peu, pourrait suffire, et puis on pourrait l'étendre évidemment à des avis publics, comme je vous dis, des avis de vente ? puis, également, dans notre mémoire, j'en profite pour souligner le fait évidemment qu'on demande des ventes du contrôle de justice ? on pourrait retrouver et regrouper tout ça dans ce répertoire-là. Je pense que c'est tout à fait naturel pour les gens de dire: On pense à l'huissier de justice lorsqu'il y a une signification ou effectivement l'exécution. Je pense que j'ai essayé de... Je pourrais m'étendre sur le sujet, mais...

Mme Lamquin-Éthier: Donc, il y a un avantage. Vous avez parlé de plusieurs questions puis malheureusement... Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Lachance): Bien, écoutez, normalement, on termine nos travaux pour 18 heures. Alors, je sais que le ministre a pris moins de temps. Il reste encore du temps, Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup. Je voulais voir avec vous la page 48 de votre mémoire, la question de l'obligation de joindre la somme nécessaire à la citation de comparaître. Je voudrais que vous nous expliquiez davantage pourquoi vous faites cette observation-là. Et pouvez-vous également, dans un deuxième temps, nous entretenir, m'entretenir, enfin nous entretenir de la signification d'un document qui provient d'un tribunal étranger ou d'une personne résidant à l'extérieur du Québec, la page 56 de votre mémoire?

M. Horic (Alan): Parfait, Ronald, si tu veux. Je pense que tu es un petit peu plus apte, là.

M. Dubé (Ronald): En ce qui concerne... Quand vous parlez de la page 48, là, vous parlez de l'indemnisation du témoin?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, obligation de joindre la somme.

M. Dubé (Ronald): O.K. Alors, nous, on dit que ce serait parfaitement conforme à la déclaration de principe concernant les témoins, qui a été signée par la magistrature, le ministère de la Justice et le Barreau, le 1er juin 1998, d'imposer dans le Code l'obligation pour la partie qui convoque un témoin d'attacher au bref de subpoena ou à la citation à comparaître les sommes d'argent que l'huissier va signifier en même temps que la citation et dont elle fera la preuve dans son procès-verbal, ce qui permettra au juge de rendre immédiatement une sanction si le témoin fait défaut de comparaître. Alors, c'est une question purement pratique et la question c'est de créer une obligation.

Le deuxième volet de votre question... votre deuxième question, c'est-à-dire, concerne la signification dans les zones frontalières, par exemple.

Mme Lamquin-Éthier: ...de votre mémoire, oui..

M. Dubé (Ronald): Par exemple, il y a des citoyens qui habitent en Ontario, il y en a d'autres qui habitent au Québec qui font affaire de part et d'autre de la frontière, et c'est la même chose dans la région du Nouveau-Brunswick, Sainte-Rose-du-Dégelis ou vers la baie des Chaleurs. Et, à ce moment-là, le Code actuel prévoit que la signification dans une autre province du Canada est faite par une personne majeure. On ne retrouve pas ça là-dedans. Mais notre compréhension, de la manière dont on a décodé le document, c'est que ça pourrait faire partie d'un autre livre du Code qui serait soumis à la consultation. Alors, c'est une mesure... disons que c'est une approche prospective que nous avons à cet égard-là, mais on trouve important que... Nous, on pense aussi que tout ça, ça devrait entrer en vigueur en même temps, tous les livres du Code. S'ils entrent en vigueur en même temps, ça ne pose pas problème, mais s'ils entrent en vigueur par section, bien, il faudrait immédiatement prévoir là la région frontalière de l'Ontario-Québec et le Nouveau-Brunswick?Québec.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Viger, vous signalant qu'il reste deux minutes du côté de l'opposition.

Mme Mancuso: Oui. J'avais une question, M. Dubé. Est-ce que vous endossez la position du Barreau et de l'Association du Jeune Barreau de Montréal en ce qui concerne l'entrée en vigueur de la loi... du Code de procédure civile? Le ministre semble dire que, pour lui, il n'y aura pas de problème de mettre en vigueur la loi partie par partie, mais, vous, en pratique, je crois qu'il y aura des conséquences considérables pour vous si on applique une partie du Code, le projet de loi n° 54, ou qu'on applique le vieux ou l'ancien-l'ancien Code. Est-ce que vous pouvez nous exposer des problèmes concrets que ça pourrait vous poser?

M. Dubé (Ronald): Pour des raisons pratiques puis des raisons de cohérence juridique aussi, là, si... Prenez l'exemple du Code, l'ancien Code, avant 1965, celui qui est entré en vigueur le 1er septembre 1966 ou quelque chose semblable et, à ce moment-là, c'est tout le Code qui est entré en vigueur en même temps selon de nouvelles règles. Bien, maintenant, c'est la même chose. Il faut qu'il y ait une cohérence. Alors, tout le nouveau Code devra entrer en vigueur en même temps pour ne pas que personne, quel qu'il soit, qu'il soit législateur, légiste, juriste, huissier, manque de souffle lorsqu'on va arriver à l'exécution forcée parce que personne n'aime en parler, d'exécution forcée, pourtant c'est nécessaire. Alors, il faudrait que le Code qui est le véhicule de procédure civile entre en vigueur en même temps. C'est notre proposition, et nous ne l'avons pas inscrite dans le mémoire, mais merci de nous avons donné l'occasion de le préciser.

n(17 h 50)n

Mme Mancuso: Si j'aurais eu le temps... Est-ce qu'il me reste...

Le Président (M. Lachance): Oui.

Mme Mancuso: La deuxième question que j'aimerais vous demander, c'est à la page 38 quand vous parlez de la signification à une personne physique. Vous nous avez indiqué dans votre présentation que vous avez une position en ce qui concerne les conjoints de fait, par exemple, la signification à ces personnes-là, et vous avez une proposition à faire à cet égard.

M. Dubé (Ronald): À la page 38?

Horic (Alan): Oui, signification à une personne physique. C'est bien la signification à une personne physique, hein?

Mme Mancuso: Oui. Exact.

M. Dubé (Ronald): Une personne physique à son domicile. Ah oui! notre interrogation portait surtout sur la personne qui y travaille, parce que c'est une notion nouvelle, ça, dans les significations «à domicile», et, à ce moment-là, la question qu'on se posait: Est-ce que c'est une personne qui travaille à temps partiel, une personne qui travaille à temps complet, occasionnellement? Qu'est-ce que ça veut dire? Nous autres, on croit que certains employés occasionnels, par exemple, comme un ramoneur de cheminée, un déneigeur, un émondeur, un plombier, un électricien, ne se qualifient pas.

Par contre, dans le contexte d'aujourd'hui on peut facilement dire que l'homme ou la femme de ménage du vendredi, à tous les vendredis, se qualifierait parce qu'elle serait une personne qui y travaille à point nommé, tel jour, toutes les semaines, et de la même façon que la gardienne des enfants entre 3 heures et 5 heures qui garderait les enfants à la maison deux ou trois jours par semaine sur une base régulière pourrait se qualifier, parce que ça fait partie de la société d'aujourd'hui, du contexte d'aujourd'hui. Alors, c'est adapter le Code, le rendre compréhensible en fonction de l'évolution de la société. Et c'est pour ça que cette nuance-là de «personne qui y travaille», peut-être y mettre un adverbe, «qui travaille sur une base régulière» ou quelque chose semblable, «régulièrement». Je ne sais pas quel mot utiliser là, mais il y a de savants juristes qui pourraient facilement trouver le bon terme.

Horic (Alan): Excusez-moi, c'est que le problème au moment où on se parle, de la façon que c'est présenté, c'est que nous sommes convaincus qu'évidemment il y aurait énormément de problèmes, parce que le sens est très large, ce qui veut dire évidemment qu'il y aurait différentes façons d'interpréter par «personne qui y travaille», et puis on s'embarque, là, je veux dire: C'est carrément des débats tout à fait inutiles. Donc, si vous le spécifiez de façon plus exacte, il est clair que notre ouvrage va s'en trouver facilité.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs, pour votre contribution aux travaux de cette commission, merci pour votre participation ici aujourd'hui. Et, là-dessus, j'ajourne les travaux sur ce mandat ? je vous dis bien «sur ce mandat» ? au mardi 3 septembre 2002, à 14 heures.

(Fin de la séance à 17 h 53)


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